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BULLETIN
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTiaUE
ET
D'ARCHÉOLOGIE RELIGIEUSE
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IMT%IME%IE JULES CÉoAS ET FILS
A VALENCE
BULLETIN
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE
ET
D'ARCHÉOLOGIE RELIGIEUSE
DES DIOCÈSES DE VALENCE
GAP, GRENOBLE & VIVIERS
TOiME
-^
ROMANS
AU SECRÉTARL\T DU COMITÉ DE RÉDACTION
1886-7
4-, 155^
/SX
PUBLICATIONS DU COMITÉ DE RÉDACTION
'DÉPÔT cAU SEC-T^ÉTci-RlcAT, c4 ■'ROMcANS
Bulletin d'histoire ecclésiastique et J'aic'iéolo<;ie relig^ieuse. i'" année 10 fr.
TIRAGES A PART DU BULLETIN (in-S")
Albanès (J.-H.), Histoire des évêques de Saint-Paul-Trois-Châteaux au
XIV' siècle, corrections et documents 3 50
Bellet (Charl.), Notes pour servir à la géographie et à l'histoire de l'an-
cien diocèse de Grenoble, i" part 2 50
— Histoire du Cardinal Le Camus 8 »
Blaïn, Louise ou la sainte de Venterol 1 25
— Mémoires de J.-B. Brun, curé d'Aouste, sur les événements de
son temps de ijç)2 au Concordat (1802) 2 »
Blanchard, Un épisode de l'histoire des Camisards dans l'Ardèche ( i jojf) . 1 50
Chaper (Eug.), Mgr. Le Camus, cardinal, évéque de Grenoble de i6'i à
ijoj, notes pour servir à sa biographie écrites par lui-même . « 75
Chevalier (Jules), Notes et documents pour servir à l'histoire des doyens
de l'église de Die au XVI' siècle 2 «
— Passage de la compagnie des Ecossais dans le Diois ( i4<)6). . 1 25
— Procès-verbal de la visite pastorale de Jacques de Tournon,
évéque de Valence et de Die, à Die et à Crest ( i^^i). . . 1 50
Chosson (Luc), La R. M. Damascène Buisson, supérieure générale des
religieuses Trinitaires 1m
Feraud (J.-J.-M.), Fêtes de la canonisation de S. François de Sales et de la
béatification de Jeanne Françoise Frémiot, baronne de Chantai,
à Digne, en t66j et iy^2 4 »
FiLLET (L.), Don^ère religieux, notice historique 2 50
— Echevis religieux, notice historique 1 25
— Monlbrison religieux, notice historique 1 50
— Notice historique sur les paroisses de Colonzelle et Margerie. . 2 »
Guillaume (Paul), Notice historique et documents inédits sur le prieuré de
Saint-André de Gap » 75
— Origine des chevaliers de Malle et Râle des donations de la com-
manderie de Gap (Xl-Xll" siècles) 2 50
— Relations de Louis XI et Charles VIII avec Gap et Embrun. . » 50
Lagier (A), Abbaye de N.-D. de Laval-Bénite de Bressieux 1 75
Mazet (V.), Pierre Fedon et le diocèse de Die pendant la Révolution . . 2 25
Roman (J.), Visites/ailes dans les prieurés de l'ordre de Cluny du Dauphiné
de 1 2fio à i]o) 125
Toi;piN (II. -C), Notice sur le serviteur de Dieu Jean Sérane, profés delà
Compagnie de Jésus ( ly 1 2-1 jS-0 3 »
— Justine de la Tour-Gouvernel, baronne de Poèt-Célard, épisode
des controverses religieuses en Dauphiné durant les vingt
premières années du XVII' siècle 3 50
/
5^^
A/ 67
EGLISES ROMANES
DU VI VA RAIS
BOURG-SAINT-ANDÊOL
.«■siCÏ>^i*sâV£l^^^
LA petite ville de Bourg-St-Andéol, intéressante à plusieurs titres
d'archéologie payenne, ne l'est pas moins au point de vue des
monuments de l'époque Romane. Lorsque éclata la Révolution, elle
avait quatre églises de grande importance. Deux d'entr'elles, édifices
des paroisses primitives qui se constituèrent dès la pacification
Constantinienne, étaient celles de St-Polycarpe et de St-Michel. Au
IX* siècle (850-858) fut érigée l'église Saint-Andéol, devenue la
paroisse du quartier neuf de cette époque. — Enfin sur la paroisse
de St-PoIycarpe et près de l'église de ce nom s'élevait la chapelle
de St-Sauveur. L'église St-Michel, au nord de la ville, fut démo-
lie en 1793. Celle de St-Polycarpe et celle de St-Sauveur furent
vendues à la spéculation privée. Saint-Andéol resta église parois-
siale unique. Ce sont ces trois églises St-Polycarpe, St-Andéol,
St-Sauveur que nous nous proposons d'étudier successivement.
EGLISE SAINT-POLYCARPE.
Lorsqu'on pénètre dans cette ville par la porte du couchant, qui
ouvre directement sur la route de Lyon à Nimes, on rencontre
un sol aplani, une surface de même niveau dans les rues et places
qu'on parcourt jusqu'à la grande église dédiée à Saint Andéol. Mais
O EGLISES ROMAXKS DU VIVARAIS.
si l'on sort de cette éylise par la porte méridionale (appelée de
St-Polycarpe), immédiatement Ton se trouve sur une pente accentuée
qui s'arrête un instant pour former la place St-Polycarpe, et reprend
de nouveau son inclinaison jusqu'au Rhône. L'intérêt de notre
dissertation se concentre sur cette place.
Du haut de la pente, on est tourné vers le levant, et Ton voit
devant soi une façade de vieille église : c'est l'église St-Polycarpe ;
à droite au midi on a les restes de la façade d'une autre église :
c'était l'église St-Sauveur. La place elle-même, dont ces deux égli-
ses constituent deux côtés, est un ancien cimetière. Elle est carrée,
et l'on en sort pour aller au fleuve, soit à gauche au nord par une
rue rectiligne et fortement inclinée, soit à droite au sud en diagonale
par une rue moins abrupte qui mène au pont, et qui sépare les deux
vieilles églises.
Nous ne nous occupons cette fois que de l'église Saint-Polycarpe.
Nous la considérons soit avant, soit après l'année 858. — Voici pour-
quoi :
L'année 858 est l'année de la découverte du tombeau de St-Andéol
par l'évêque de Viviers, Dernoin. Cette date, étant attestée par les
monuments historiques les plus authentiques, livres, inscriptions etc. ,
est un jalon historique de première valeur, auquel on peut aboutir
et dont on peut faire un point de départ (i).
Cette date est aussi celle de l'achèvement de l'église de St-Andéol
elle-même, qui, commencée pour être dédiée à St-Etienne et à St-
Jean, fut inaugurée en l'honneur du sous-diacre martyr, aussitôt que
son tombeau tout à coup découvert y fut immédiatement transporté.
Enfin cette date est celle à partir de laquelle on dut songer à bâtir
l'église de St-Polycarpe, si elle n'est pas rigoureusement celle du
commencement de son érection.
Il est rare de rencontrer dans une même localité restreinte et sur
plusieurs questions une coïncidence des temps aussi précieuse pour
la chronologie simultanée des événements et des monuments. On
(i) Nous renvoyons le lecteur à l'ouvraiçe magistral de M. le chanoine Rouchier,
(Histoire du Vivaraia, 1862^, à celui de M. l'ahbc Miradei, (St-Atidcol et son
culte, 1868^, qui complète le premier; aux Eludes sur saint Déni<riie de Dijon,
par M. l'abbé Bougaud, vicaire-général d'Orléans; au volume du Gallia Christiana
sur l'église Viennoise et Vivaraisc, par M. HAuniUf; aux Acta sauclorum, i" mai ;
à Y Architecture romane dans le Midi, par M. Rkvoii, ; etc., etc. ; à la Bibliothèque
de l'école des Charles (en 1886): Inscripi chréi. du Vivarais.
BOURG-SAINT-ANDEOL. 7
peut sans exagération affirmer et au besoin démontrer par l'histoire
que le Bourg, en tant que ville de quelque importance, ne prit ses
développements et ne devint le séjour habituel des évêques de Viviers
qu'à partir de cette époque.
I. L'EGLISE ST-POLYCARPE AVANT L'AN U^8
Ainsi représentons-nous une place carrée horizontale limitée au
le\-ant, c'est-à-dire du côté où la pente aurait abouti au Rhône, par
une façade d'église. On entre de plain pied dans cette église, et l'on
aboutit, en la traversant dans l'axe de sa longueur, tout droit, à un
balcon à pic sur le quai ou sur le lit du fleuve. 11 y a donc une diffé-
rence de niveau entre la place St-Polycarpe ou l'entrée de l'église
au couchant, et la base de son chevet au levant. Et en effet, l'église
s'est interposée et la place elle-même n'a été obtenue horizontale
que par des terrassements qui ont supprimé vers l'église la déclivité
naturelle du terrain. Cette déclivité naturelle se retrouve à droite et
à gauche, comme nous l'avons dit, dans les rues adjacentes qui
descendent à la rivière.
Mais voici la preuve de ce travail de nivellement tirée du monu-
ment lui-même. Sous cette église, il s'en trouve une autre qui nous
ramène à l'état primitif de la colline. Ainsi primitivement le terrain
allait à partir de la ville supérieure en une seule pente, même rapide,
jusqu'au bord du Rhône.
1° Basilique, Crypte, Etat primitif de l'emplacement.
A quelle époque cette croupe de la colline a-t-elle été dotée d'un
monument ? et en particulier de ce monument souterrain que nous
avons appelé l'église inférieure ? Y a-t-il réellement une église infé-
rieure ? A première vue, on serait tenté de répondre affirmativement.
On trouve en effet au niveau du sol un édifice d'une forme très-par-
ticulière et très-rare. C'est une petite basilique à trois absidioles
concentriques, absolument semblables à celles que M. de Rossi a dé-
couvertes sur la voie Ardéatine au-dessus des tombeaux de St Calixte
et de Ste Cécile, sur la voie Appienne, etc.(i); basilique uniquement
destinée et réservée à surmonter le tombeau d'un martyr; basilique
(i) V. Martigny : Dict. des Antiquités, art. Basiliques.
EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
contemporaine du dernier âge des persécutions et des Catacombes,
ou plutôt de l'établissement de la paix Constantinienne ; mais bien-
tôt on reconnaît que, quant au reste du souterrain, ce n'est pas une
dépendance de la basilique, ce n'est pas non plus une église spéciale,
c'est au contraire la base, la partie inférieure de l'église d'en haut
qu'on a coupée en deux, dans son élévation, par une malencontreuse
voûte à la hauteur de la voûte de la basilique, pour créer un plain
pied avec la place remblayée et aplanie elle-même. En sorte qu'il
n'v a, à proprement parler, qu'une église, celle d'en haut, qui
englobe à son chevet la petite basilique. Le sanctuaire et l'autel de
l'église sont sur la voûte de la basilique.
Le pavé de la nef de l'église est au niveau ou à peu près du sol
de cette basilique. Et l'on va de ce sol au sanctuaire et à l'autel par
deux escaliers à droite et à gauche, pratiqués dans l'épaisseur des
murs latéraux de la nef.
Quant au portail de l'église, s'il est aujourd'hui au niveau de la
place surexhaussée elle-même et aplanie, c'est qu'on l'a remonté.
Mais on retrouve son ancien seuil au niveau du sol de la basilique
en contrebas de la place, et par conséquent au point même où
descendait la pente naturelle de la colline. Tel est le monument,
dit église St-Polycarpe, avec sa crypte en forme de basilique dont
les trois absidioles concentriques sont englobées, absorbées, cir-
conscrites dans l'abside unique de cette église.
Avançons maintenant dans le passé. Dès l'origine, qu'y avait-il
au bas de la colline, sur l'emplacement de cette crypte-basilique ?
Nous savons que ce genre d'cdicule surmontait toujours un tombeau
de martyr. Ici donc il y avait un tombeau. — Toute la tradition,
tous les documents et monuments s'accordent à dire : il y avait le
tombeau de Saint- Andéol.
Or cette crypte-basilique a été construite (comme nous le prou-
verons plus tardj d'un seul jet avec l'église elle-même, au plus
tôt à la fin du IX* siècle. Et déjà à cette époque le tombeau de
Saint Andéol avait été transporté dans une autre église, dans l'église
neuve qui fut dédiée, à cette occas'on même, à Saint-Andéol. On
est donc amené à conclure ou que la crypte-basilique actuelle n'a
pas servi au tombeau, ou qu'elle a remplacé une basilique antérieure
qui avait recouvert le tombeau. Telle est la question à étudier et à
résoudre.
Et d'abord rappelons-nous comment le tombeau du martvr était là.
BOURG-SAI.\T-A\DEOL. 9
Andéol a été mis à mort sur la rive gauche du Rhône le i^' mai (i)
(208). Son corps jeté au fleuve est transporté par les flots sui- la rive
droite, à l'endroit oii les rochers produisent de grandes vagues. « In
hoc loco rapidissimi fiuvii prœgrandia saxa aqiiâ viderentiir devolvi. »
Il y reste quatre jours et quatre nuits. Quinta igitiir jam advenerat
dies. Le 5 mai, une dame Gallo-romaine, TuUie, secrètement conver-
tie, vient nuitamment, avec ses serviteurs les plus éprouvés dans la
Jbi, « cum fidelibus suis et quos probatos infide Christi habebat », en-
lever la dépouille sacrée, et, pour ne laisser aucune trace de son
larcin, elle dépose le trésor dans un tombeau d'enfant (2). Plus tard
(858) on découvre le tombeau à cette même place où s'élève la Crote
de l'église St-Polycarpe (3). Voilà en résumé la substance de tous
les récits, de tous livres et inscriptions.
Quelles sontles conséquences historiques à en déduire? Première-
ment que, s'il y eut sur le tombeau l'érection d'un monument reli-
gieux, ce ne^ fut d'abord pas apparent, puisque TuUie prit toutes
les précautions pour cacher aux persécuteurs son intervention et
l'objet dérobé. Secondement, ce tombeau d'enfant utilisé à la hâte
par Tullie devait être placé librement sous sa main et lui appartenir,
de manière à n'éveiller aucun soupçon. Troisièmement, ce tombeau
désormais si vénérable, si précieux, ne peut être laissé comme tout
autre, à la disposition du public, et exposé à quelque injure qui eut
été une grave profanation. On dut le soustraire au commerce des
payens et en réser\-er la vue ou du moins en divulguer l'existence
au:: seuls chrétiens. Quatrièmement, le tombeau, une fois en place
secrète et abritée, y resta à jamais (4), jusqu'à la translation de Ber-
noin Caprès 858, opérée en toute sécurité et en grande pompe). —
Cinquièmement, cet emplacement primitif du tombeau appartenait
exclusivement et sans partage à Tullie, qui y trouvait toutes les
garanties désirables de préservation indéfinie. — Sixièmement, de
deux choses l'une; cet emplacement de tombeau était ou dans la
maison de Tullie ou dans le prœdium attenant aux maisons romai-
nes.
(i) BoLLANDisTES, actti^ de St-Andéol, i" mai.
(2) V. RoucHiER. p. 198, et éclaircissemenis, p. 515; — Mirabel, p. 94 et p. 200.
(3) V. RoucHiER, p. 524: — Mirabel, p. 104: — Archives communales de Bourg-
St-Andéol, sac. 2. Acta ; « in ipso dignissimè sepelivit ubi se sanctus ipse publi-
cavit. »
C4) Actes de St-Andéol : « ht quo loco (Ubi Tullia scum corpus dignissimè sepeli-
vit) tantam gratiam Dominus usque hodie tribuere dignatur.»(Arch. commun., sac. 2.)
10 EGLISES ROMAMES DU VIVARAIS.
2° Maison et Pra'iiium de TuUic,
Nous arrivons ainsi par des déductions rigoureuses à conclure
que, au moins le bas de la colline, emplacement de tombeau, était
la propriété de TuUie ; et en effet, il est facile de se figurer que
TuUie avait une habitation au bord même du fleuve, et au couchant
un prœdium remontant la colline au moins dans l'espace de la place
St-Polycarpe, (peut être et probablement jusqu'à la route romaine
tracée sur le haut de la colline, là où s'élevèrent au IX'' siècle le
quartier neuf et l'église St-Andéol).
Or, entre la place qu'occupait cette maison et celle où les vagues
du Rhône avaient déposé le corps saint, il n'y a qu'une faible dis-
tance. Le larcin put être opéré de nuit très rapidement et sans qu'un
grand déplacement donnât l'éveil.
Ainsi le premier monument qui renferma le tombeau fut la mai-
son même de Tullie. — De fait, les substructions anciennes sont
apparentes encore. Elles ont été déblayées sous l'église St-Polycarpe
qui fut substituée à la maison ordinaire; mais elles régnent sous les
maisons voisines, particulièrement sous celle du midi, où l'on a dû
creuser, en 1834, les escaliers dans une matière résistante qu'on prit
d'abord pour un rocher dur comme du marbre et qui était simple-
ment la construction des maçonneries très-compactes d'un édifice
disparu.
Cette question de l'e.xistencc d'une maison ou d'un terrain appar-
tenant à Tullie, à l'époque même, au moment même de l'enlèvement
du corps de Saint-Andéol, de sa déposition dans le tombeau payen
et de la place qu'occupait ce tombeau, n"a pu être élucidée que par
les raisonnements que nous venons de faire, mais est-elle corro-
borée, confirmée par quelque document? directement, non, nous
n'avons pas un tc.Kte qui nous dise : lullic avait là une maison ou un
jardin (et elle y lit à la hâte porter le corps du martyr). Pas plus
que nous n'avons un texte qui nous dise : Tullie avait sous la main
et dans sa famille un tombeau d'enfant fct elle v til cacher le
précieux corpsj. — Ov ces deux questions, à savoir que Tullie était
propriétaire du tombeau et aussi propriétaire de l'emplacement du
tombeau, sont connexes cl similaires. — C'est par déduction (i)
(1) V. HouciiiER, éclaircissements, p. 517.
BOURG-SAINT-ANDEOL. II
et non en vertu d'un texte que les historiens ont affirme que TuUie
déposa le corps dans un tombeau de famille, c'est par déduction
que nous ajoutons nous-mème : TuUie plaça le tout (tombeau et
corps) dans un immeuble de famille. — Nous pourrions donc dès à
présent nous en tenir à la conviction de ce fait que TuUie avait là sa
résidence.
Mais nous avons poussé trop loin la rigueur du raisonnement
contre notre propre thèse ; il y a en effet une preuve écrite et une
preuve orale plus directes : on trouve un accord unanime entre les
pièces historiques et la tradition populaire, pour donner à cette par-
tie de l'église St-Polycarpe qui est devenue le souterrain ou la crypte,
à cette partie antique où l'on descendait vénérer d'abord le tombeau,
puis la place qu'il avait occupée, les noms bien caractéristiques de
la sainte Roumclo (la sainte Romaine) ou de la crota de la Bienheu-
reuse TuUie, etc. (i).
Et qu'on ne se hâte pas de trouver étonnante l'épithète de sainte
appliquée à Tullie ; les écrits des temps les plus reculés et ceux des
derniers siècles l'appellent toujours la bienheureuse Tullie, Beata
Tiillia, la sainte Tullie. Dès le principe, ou de son vivant ou après
sa mort, Tullie fut honorée comme sainte au point que sa maison
se confondit avec elle-même. On allait à sa maison, comme de son
vivant on allait à elle-même, à la sainte romaine ; — de son vivant,
on allait à la sainte Romaine, à Tullie, pour recevoir ses conseils,
ses enseignements, ses secours, ses aumônes, pour obtenir la faveur
de prier au tombeau du saint ; après sa mort, on allait à sa maison,
au tombeau du saint, non loin duquel peut-être on avait déposé la
dépouille de Tullie, selon son propre désir, comme il arrivait si sou-
vent dans les premiers siècles.
Ici nous ne devons pas laisser passer une remarque qui fait ressor-
tir le caractère national de ces populations. Si elles eussent été
elles-mêmes romaines, absolument romanisées, elles n'auraient pas
appelé Tullie la Romaine, ni sa maison, la maison de la Romaine, ni
l'édicule sacré, la sainte romaine. — Mais ces convertis, ces pèlerins,
mélangés de payens, se sentaient encore conquis, d'une autre race,
d'une autre langue que Tullie, Tullie essentiellement romaine par le
nom, par les mœurs, le costume, le langage, par la richesse, par la
puissance, par la famille ; elle était probablement femme, mère ou
(l) MlRABEL, p. 104.
12 EGLISES RO.MANES DU VIVARAIS.
sœur d'un fonctionnaire de l'Empire [i). — L.es populations a\aient
le sentiment du contraste qui existait entre elles et Tullie ; elles res-
taient au fond Helviennes, Cavares, Arécomiques, Arverniennes, Vo-
contiennes. — Elles étaient habituées à voir des romains et des
romaines hautains, durs, impitoyables. Et Tullie la romaine leur
apparaissait bienveillante, secourable, pieuse (2), et un jour, dans
le langage devenu chrétien, elle leur apparut sainte, Deata.
Aussi la locution Sainto Roumèlo, sainte Romaine, la Romaine
d'abord, la sainte romaine ensuite, n'aurait pas son explication,
lorsque le monde romain eut disparu. De même que Tépithète
Beata exige que les populations fussent devenues chrétiennes, de
même la qualification Romaine éveille l'idée d'une contrée dont les
habitants se considéraient encore comme Gaulois. Il est possible que,
en parlant d'Andéol, ces peuples le désignassent par ces mots : le
missionnaire Grec, le Grec. Quant à Tullie, sa maison, ce fut à leurs
yeux, la femme romaine, la maison romaine d'abord ; puis avec le
christianisme la sainte romaine, et cette locution est restée jusqu'à
notre siècle, tant qu'ont vécu les personnes qui avaient vu le culte
pratiqué à l'église St-Polycarpe, et que nous avons connues et
interrogées nous-même.
3° Confusions à éviter dans les dénominations de la crypte. —
Crypte actuelle.
Cependant il ne faudrait pas tomber dans une confusion à laquelle
cette dénomination a donné lieu jusqu'ici. De ce qu'on a toujours
appelé sainto Roumèlo l'emplacement du tombeau ou de la maison
de Tullie ou la crypte, quelques personnes ont conclu qu'il fallait
attribuer à Tullie le monument actuel de la crypte basilique, ou
même la basilique antérieure que cette crypte actuelle a remplacée.
C'est là une erreur, un véritable anachronisme.
Sans doute il est probable, il est presque certain que Tullie lit
(1) La richesse du tombeau (tout marbre blanc) et les noms de l'inscription :
Julius, Tiberius, Valeriaiius, Terenlia, l'alerta, prouvent le haut patronage des
familles romaines les plus illustres, màme impériales.
(3) Lisez le dialogue que les actes rapportent entre Tullie et les yens du peuple
qu'elle questionne : Filioli, leur dit-elle. Domina, rcpondcnt-ils. Crcst bien le langage
chrétien entre riches et pauvres qui s'est substitué aux dures expressions des paycns
parlant aux conquis et aux esclaves.
BOL'RG-SAINT-ANDEOL. I^
enfouir le tombeau (i), si déjà il ne l'était, et construire par dessus
une voûte, une arcosolium, une crypte, crota, mais nous ne pensons
pas qu'elle osa ériger une petite basilique destinée à mettre en évi-
dence cet hypogée et ses accessoires. Nous l'avons dit, une œuvre
pareille devenait monumentale et par conséquent téméraire, directe-
ment contraire au but qu'on poursuivait, qui était de soustraire le
corps à la destruction.
En outre, ces basiliques à absidioles concentriques ne furent adop-
tées à Rome même, d'où partait toute idée nouvelle, qu'à la paix
Constantinienne ou peu auparavant. Comment supposer que ce type
d'édifice chrétien eut été vulgarisé dans les Provinces lointaines, en
pleine activité de persécution, au début du 3*^ siècle ? Il faut donc
scinder cette assertion pour y trouver quelque valeur ; il faut admet-
tre que la basilique proprement dite ne remonte pas à Tullie ; mais
que Tullie a pu entourer le tombeau de murs protecteurs, le placer
en un caveau voiité ou crota.
En second lieu, on ne peut nier que la basilique actuelle n'ait été
bâtie par les architectes mêmes de l'église St-Polycarpe, pour lui
servir de crypte. Il est vrai qu'à la crypte les lettres abondent (A, P,
M, S, E, Nj, tandis qu'à l'église ce qui domine, ce sont les tailles de
pierre en fougère, barbe de plume, etc. Mais le reste est identique :
les appareils, les mortiers, le coup de l'angle de la truelle dans les
joints, etc. Il y a unité parfaite dans tout ce monument, unité de plan,
d'élévation; unité de construction, de main d'œuvre.
Néanmoins tout en reconnaissant que la basilique crypte actuelle
est bien d'une construction postérieure à la paix Constantinienne et a
toujours fait corps avec l'église actuelle, nous avons des motifs de
croire qu'elle est la reproduction ou la copie d'une basilique anté-
rieure, bâtie à l'époque de Constantin, sur l'hypogée très-simple,
très-rudimentaire édifié à la hâte par Tullie.
L'ordre chronologique vient ici à notre aide. L'église St-Polycarpe
tut construite après celle de St-Andéol, puisque celle-ci était à peu
près terminée au moment de la découverte, en 858, et reçut immé-
diatement {2) le tombeau du saint. L'édicule qui l'avait contenu, fut
(i) V. MiRABEL, p. 104, loc, cit. a diu per multa tempora latuerat sub crypta in
profundo a beata Tullia conditus. »
(2) V. RoucHiER, p. 605, Actes de l'invention du corps de St-Andéol: « Inven-
tum j:orpus de sepulcro elevaverunt, consilio arrepto ut sci martyris corpus in eccle-
6ia sci Stephani ac sci Joannis in sublime erectam mirificè constructa nobilissimam
domum ipsum sanctum collocare deberent, quod ita fecerunt. »
14 ÉGLISES ROiMANES DU VIVAUAIS.
ainsi dépouillé, mais évidemment il resta l'objet de la plus grande
vénération. Or cet édicule devait se trouver dans un état complet de
ruine : rien à l'extérieur ne l'avait rendu reconnaissable aux yeux de
Bernoin et de ses contemporains. Ce qui en restait confondu avec
l'hypogée primitif de TuUie n'était plus en état convenable pour être
le sous sol d'une église paroissiale quon allait élever en l'honneur
de St-Polycarpe. Les architectes carlovingiens furent réduits à con-
sommer la démolition de ces débris informes ; mais en dédomma-
gement, ils en perpétuèrent le souvenir vénérable par la construction
de la basilique-crvpte actuelle, qui conservait la disposition parfaite
et les exactes dimensions de l'ancienne.
En effet, si Ion se rend bien compte du plan de cette église, on
voit sur le champ qu'à cause de l'étroitesse du terrain, les architectes
ont dû recourir à un procédé tout à fait artificiel pour les escaliers
de service public : ils les ont placés dans l'épaisseur des murs laté-
raux en les réduisant à une largeur d'environ o ™, 50 c. Et tout cet
agencement très-ingénieux, mais encore plus incommode, par quoi^
fut-il nécessité > si ce n'est par les proportions relativement spacieuses
de la basilique primitive qui s'imposaient. Si l'on eut été libre, en
réduisant cette crypte sur ses côtés, on pouvait aisément trouver
l'espace de deux séries de marches latérales partant du sol pour la
nef et aboutissant à air libre au sanctuaire et à l'autel. De même
pour les niveaux du pavé, on aurait établi le même sol pour la nef
et pour la crypte. En un mot, taillant dans le neuf, on aurait pu se
donner la satisfaction de rappeler l'ancien hypogée de TuUie, ou le
monument subséquent, en ménageant pour cette nouvelle crypte et
pour son église enveloppante des proportions respectives qui se se-
raient parfaitement harmonisées avec les facilités des services reli-
gieux.
Point du tout: les carlovingiens se sont astreints à ces difficultés
fqui amèneront plus tard la suppression de ces escaliers et feront jeter
dans la nef une voûte intermédiaire pour mettre de plain pied le sol
extérieur et le dessus de la cryptej, leur génie inventif n'a pas reculé
devant cette combinaison incommode au plus haut point, unique-
ment parce que avant tout, par-dessus tout, il lallait conserver dans
son intégrité apparente, sauver en quelque sorte dans son identité
formelle l'édicule primitif, la basilique vide et dépouillée, mais à
jamais sanctifiée par le séjour du tombeau cl du saint durant plus
de six cents ans.
BOURG-SAIN'T-ANDEOL. I5
Au reste, si les architectes n'avaient pas été amenés à construire
cette basilique en réminiscence respectueuse et pieuse d'une basili-
que antérieure disparue par la force des choses, il faut avouer qu'ils
auraient fait une belle œuvre sans but réel. Les textes historiques
déjà cités nous attestent que, aussitôt découvert, aussitôt le tom-
beau fut porté, avec l'intention irrévocable d'y être laissé, dans la
nouvelle église du quartier haut. Les architectes de St-Polycarpe
furent donc bien avertis que leur nouvelle crypte resterait vide.
Ils pouvaient sans doute en bâtir une, soit comme souvenir, soit
comme élément élégant d'architecture : mais si aucune forme passée
ne s'imposait à leur conception, à quoi bon chercher celle qui était
la plus compliquée, la plus perfectionnée, la plus difficile à exécuter,
la plus vaste de capacité, la plus encombrante en un mot, pour n'y
donner aucun emploi, pour n'en tirer aucune utilité, dans le but
bien certain et bien conscient de la laisser à l'état de hors d'œuvre,
et cependant avec la volonté arrêtée de sacrifier à cet organe délaissé
toute la commodité dd service de l'église, tout l'espace réclamé par
la libre circulation entre la nef et l'autel ?
Une dernière considération favorable à l'existence d'une basilique
primitive constantinienne peut être tirée de la déviation des deux
axes de la crypte et de l'église. Ici ce n'est pas une simple question
de symbolisme. La maison de TuUie bâtie au bord du fleuve avait
sa façade oi^ientale parallèle au fleuve, et c'est encore la façade exis-
tante de ce côté: or l'axe de cette maison, qui était celui de la basili-
que qu'elle renfermait, est aussi l'axe de la crypte actuelle. Au con-
traire la nef prolongée au couchant sur la place St-Polycarpe a sa
façade parallèle au côté de cette place, et son axe en tire sa direction.
Ces deux axes ne coïncident pas, parce que les deux façades extrê-
mes du quai et de la place ne sont pas parallèles. La divergence est
commandée par la disposition topographique des constructions pri-
mitives, antérieures à la reconstruction générale.
Donc la basilique actuelle, œuvre des carlovingiens ou de leurs
successeurs, est en définitive la reproduction d'une basilique primi-
tive érigée (au IV* siècle?), sur l'hypogée de Tullie.
C'est que, en etlet, à l'époque constantinienne, à ce moment de
sécurité officielle, de protection gouvernementale et de foi populaire
très-vive, il dut y avoir une exaltation du tombeau (i); on dut l'ou-
(i) V. RoucHiER, éclaircissements p. 502; — Mirabel, I" part., chap. i à 3, p
103-127.
l6 ÉGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
vrir, on dut cueillir quelques fragments du corps, des vêtements, des
linges imbibés de 'sang. On dut y mettre en contact des objets desti-
nés à être conservés et vénérés. — De là certaines reliques de Saint-
Andéol dont on trouve mention en des localités assez éloignées où
son culte était florissant, et où ces objets existèrent bien avant le
IX' siècle, c'est-à-dire bien avant la découverte du tombeau et du
corps par révêqueBernoin (858) (i). — Mais surtout, au début de cette
ère de pacification et de triomphe religieux, on dut mettre enfin le
tombeau en évidence, l'on dut lui donner une gloire extérieure par
l'érection d'un monument apparent et conforme au goût du temps,
par l'érection d'une basilique.
4" Eglise élevée sur le tombeau.
De plus on dut transformer la maison de Tullie en église (la tra-
dition veut qu'il y ait eu dès lors une église paroissiale), ou la raser
pour construire sur la petite basilique recouvrant la crote du tom-
beau un vaisseau spacieux et mieux accommodé au service religieux
et à l'affluence des pèlerins.
Or cette première église enveloppait-elle, comme plus tard celle qui
subsiste, la basilique entièrement ? ou seulement n'était-elle qu'une
nef construite au couchant et prolongeant la basilique vers la colline,
la basilique restant à l'état d'abside ? nous inclinerions pour cette
dernière solution. En effet, au levant, au chevet de la basilique, nous
retrouvons la base du chevet carlovingien, sans la moindre trace de
maçonnerie antique. Au contraire à partir de l'entrée de la basilique
et vers le couchant, sous la nef carlovingienne, les fondations sem-
blent contenir quelques fragments de constructions archaïques.
Mais en même temps que nous croyons à l'existence d'une église
antérieure à celle qui subsiste, nous avons quelques motifs de pen-
ser que cette église prunitive n'avait pas une nef aussi allongée au
couchant sur la façade que celle d'aujourd'hui. — Si l'on sort de
l'église St-Polycarpe, on remarque qu'au dehors sa façade dépasse
précisément de la largeur d'une travée l'alignement des maisons
adjacentes, qui sont l'antique presbytère contigu construit en appareil
spicatum moyen âge ("aujourd'hui couvert d'un crépissage moderne),
(1) V. HouciiiFR, p. 503-509; MiRAnKi-, p. 123; Giillia CItiist., t. VII, c. 41O;
Annale!; ordinis SU JfeueJicli, par Madii i.on, t. V.
BOURG-SAINT-ANDÉOL. l^
et qu'elle empiète d'autant sur la place. Ne peut-on pas en conclure,
que la nouvelle église (actuelle) a été allongée de toute cette travée
par rapport à l'église ancienne disparue.
Que devint ce premier temple chrétien élevé sur la petite basilique
ou en son prolongement occidental ? La réponse est dans le récit
des invasions et guerres des V% VI^ et VII' siècles : toutes les hordes
barbares se ruèrent dans la vallée du Rhône et la livrèrent aux
plus effroyables dévastations. Des villes entières disparurent, pour
ne plus se relever. La capitale des Hel viens, Alba Augusta (Aps), à
dix-sept milles du tombeau de St-Andéol, fut anéantie (i). — A un
moment donné, la basilique fut recouverte des décombres soit de
l'ancienne maison de Tullie qu'on avait adaptée au service religieux,
soit de l'église supérieure ou juxtaposée, au point de ne plus laisser
de traces apparentes, alors même que, après ou entre ces ravages,
on eut peut-être plusieurs fois remanié et relevé les ruines. L'histoire
en effet mentionne, dans les intervalles pacifiques de ces époques
troublées, une dévotion persévérante envers le martyr ; une affluence
incessante de pèlerins qui venaient sur ces emplacements sanctifiés
par la tradition du passé et par les consolations du présent. On
allait à la sainte Roumèlo, sans plus savoir où était la crypte ni le
tombeau.
Un exemple entre mille et tout récent confirme nos présomptions.
Depuis les vandalismes calvinistes jusqu'à ces dernières années, on
avait totalement perdu la trace de la crypte et du tombeau de St-
Gilles, si célèbre pourtant. On se contentait de venir prier dans les
restes de l'église supérieure. Et cependant la crypte, cette crypte
immense, et le tombeau, étaient restés intacts. — On peut supposer
que les chrétiens eux-mêmes (comme firent les catholiques de St-
Gilles) furent les premiers empressés à dérober aux barbares l'édi-
cule précieux par des terrassements, des remblais et même des
constructions épaisses (2).
Quoiqu'il en soit de ces reconstructions à travers les âges, les
peuples fidèles à la tradition leur appliquèrent toujours les vieilles
appellations latine et romane de crota beatœ Tulliœ, et sainto Romelo.
Et, pour résumer cette question, nous pensons que ces dénomi-
nations ne se rapportent pas exclusivement et restrictivement au
monument tel qu'il nous reste et qui est la crypte basilique (carlovm-
(1) V. ROUCHIER, p. 215 ; MiRADEL, p. II >, ctc.
(2) V. BouGAUD, Découverte du tombeau de St-Bénigne, p. 263.
Bull. VI. 1886, 2
i8 eglis.es ro.manes du VIVARAIS.
gienne ?) mais bien à toutes constructions qui ont pu être élevées sur
l'emplacement du tombeau, sur le tombeau lui-même, emplacement
invariable depuis TuUie ; à toutes ces maçonneries qui, avec la
diversité des temps, se superposèrent au tombeau, pour le protéger
d'abord, pour l'honorer ensuite, soit caveau primitif ou hypogée, soit
basilique à trois absides, soit crypte dernière ; — tout cet ensemble
fut désigné par ces mots crypte ou crota de Tullie.et sainte Roumcle.
Ç Confusions à éviter dans la dénomination
de réglise elle-même.
A cette première confusion introduite dans le langage pratique des
historiens et des archéologues, au sujet de la basilique, crypte de
Tullie et sainte Roumèle, est venue s'en joindre une autre relative-
ment au vocable des diverses églises qui ont pu être élevées sur
cette basilique. On les a toutes appelées église de St-Polycarpe.
Tant que cette appellation n'a d'autre prétention que de désigner
d'une manière générale le monument religieux, le temple situé sur
le tombeau ou sur son emplacement, il n'y a pas à discuter ; mais
si l'on veut entendre par là que le patron, l'unique pati'on de toutes
ces églises successives, ruinées et relevées, fût St-Polycarpe, tou-
jours, et dès le premier édifice, nous n'osons l'affirmer.
Sans doute Andéol dut fonder et répandre la dévotion au saint
Patriarche de Smyrne, qui l'avait formé et ordonné sous-diacre, et
qui avait couronné sa longue existence apostolique par un si beau
martyr ; sans doute encore les fidèles conservèrent précieusement
le souvenir littéral de la prière qu'Andéol, au moment d'expirer,
adressa à son bienheureux père saint Polycarpe.
Sans doute encore dans la suite des siècles, lorqu'on voudra faire
ressortir l'antiquité de la paroisse qui se constitua sur le tombeau
du martyr, les historiens, les jurisconsultes, les hommes d église
réguliers et séculiers, les procédures de juridiction, diront, écriront
que la paroisse de Saint-Polycarpc est la première de toutes celles
de la ville, que c'est celle qui fut formée avec le premier groupe des
chrétiens, etc. Tout en supposant qu'il en soit ainsi, nous ne voyons
nulle part la preuve de cette constante et originaire dédicace à St-
Polyè'arpe. — Au contraire, nous connaissons le motif incontesté de
celte dédicace de l'église et de la paroisse, à partir du miracle de la
découverte du tombeau et du corps de St-Andéol par Bernoin, en
BOURG-SAINT-ANDEOL. ïÇ
858 (i). C'est à St-Polycarpe qu'on attribua cette révélation, c'est
à St-Polycarpe qu'on dédie l'église de l'emplacement du tombeau,
puisque saint Andéol lui-même la quittait pour aller prendre posses-
sion de la nouvelle et grande église déjà commencée par Bernoin sur
le plateau supérieur de la ville.
En un mot, nous pouvons admettre que, autour du tombeau se
forma une ancienne paroisse et sur le tombeau s'éleva une ancienne
église paroissiale. Mais ce n'est qu'au IX^ siècle que nous sommes
en droit historique strict d'appeler cette église et cette paroisse
Eglise et paroisse St-Polycarpe. L'usage, bien entendu, ne comptant
pas avec ces scrupules scientifiques, a permis d'étendre la dénomi-
nation de St-Polycarpe à toute église qui de tous temps fut élevée
sur le tombeau ou sur son emplacement (2).
(La fin au prochain numéro.)
Auguste Paradis.
(i) V. RoucHiER, p. 605, Actes de l'invention du corps de St-.\ndéol : « Beatus
Polycarpus locum ubi scus martyr quiescebat pernotavit... quam mulli etiam viri
simul ac feminœ hanc visionem e.xperti sunt. »
(2) Dans cette dissertation, il nous est arrivé d'employer les mots architectes
carlovingiens, église carlovingienne, crypte carlovingienne, nef carlovingienne ; —
nous n'entendons pas affirmer ain^i que St-Polycarpe, sa nef, sa crypte, etc. soient
réellement l'œuvre d'architectes ayant vécu au IX= et au X* siècle, ni même au XI= ;
nous voulons seulement rattacher ce monument aux procédés des écoles carlovin-
giennes. — Mais comme on le verra dans la suite, les caractères archéologiques de
l'édifice ne peuvent fournir sa date exacte et laissent le champ libre aux conjectu-
res qui la placeraient plutôt au X' et au XI=, peut-être même au début du XI1=, qu'à
la fin duIX=. Il n'en reste pas moins vrai que St-Polycarpe est bâti d'après le type
carlovingien, dont St-Andéol est un exemplaire si authentique.
LA CONGRÉGATION DE LA SAINTE-PÉNITENCE
Maisons hospitalières du Briançonnais en 1228
J"ai communique en 1883 à la Sorbonne, en traitant l'une des
questions du programme de cette réunion savante, quelques recher-
ches sur les maisons hospitalières existant au moyen âge dans le
département actuel des Hautes-Alpes. Dans ce travail, dont les ré-
sultats étaient reportés sur une carte, je démontrais, en me basant
sur l'emplacement par moi retrouvé de 75 hôpitaux, maladreries,
léproseries ou maisons de refuge qui, fort rapprochés l'un de l'autre,
jalonnaient nos routes au moyen âge, cjue ces routes avaient suivi à
peu de chose près le même tracé que les voies antiques qui les
avaient précédées. Il était donc d'une extrême importance, ajoutais-
je, de relever avec soin et ces routes et les hôpitaux qui en préci-
saient l'emplacement, car c'était le plus sûr moyen de retrouver
celui des voies romaines (i). Quant au régime intérieur de ces mai-
sons hospitalières, je n'avais pu en dire que fort peu de chose, les
documents me faisaient en effet défaut pour tenter de traiter cette
question autrement e|uc d'une manière très superficielle. Je me con-
tentai donc d'afiirmer que ces maisons hospitalières, placées la plu-
part sous le vocable de sainte Marie-Madeleine, étaient desservies
par une congrégation de religieux portant le nom de fralrea bcatce
Mariai Maf^dalcnœ et placées sous la direction d'un supérieur qui
avait le titre de preccplor. Un très petit nombre de ces précepteurs
étaient connus et les règles de la congrégation à laquelle ils appar-
d) Je ne voudrais pas être soupçonne du désir de clicrchcr à in'nppropricr celle
théorie. Depuis longtemps M. Guicui;, ;ucliivislc du Uhnne. la développée dans un
excellent ouvrage.
LA CONGREGATION DE LA SAINTE-PENITENCE. 2 1
tenaient étaient absolument ignorées. Chaque maison était-elle in-
dépendante ou bien étaient-elles rattachées l'une à l'autre par un lien
commun ? c'est ce qu'il était impossible de dire.
J'ai trouvé tout dernièrement aux archives de l'Isère, dans le volu-
me coté B, 2Q93 (2" partie, n° 51), un document qui jette un nou-
veau jour sur la vie intérieure de ces communautés, et sur ce côté
si peu connu de notre histoire ecclésiastique. Ce sont les statuts de
Tordre ou plutôt de la congrégation de la Sainte-Pénitence, fondée
en 1228 par le prêtre Bontoux dans le but de desservir les maisons
hospitalières du Briançonnais.
Ce Bontoux, dont le nom est latinisé sous la forme bizarre de Bo-
nustos', nous apprend lui-même dans le courant de ces statuts qu'il
était originaire du Champsaur et qu'il devait recueillir dans cette
vallée quelques propriétés provenant de l'héritage de son père et de
sa mère. 11 existait, en effet, dans le Champsaur une famille noble
du nom de Bontoux, qui possédait des biens autour de Corps, une
partie de la seigneurie de la Salette et s'éteignit seulement au
XVII« siècle.
Quoi qu'il en soit de la famille du prêtre Bontoux, la plus ancien-
ne mention que je connaisse de ce personnage se trouve dans un
acte du 24 août 1220, où il parait comme témoin ; c'est la donation
de la terre de Saint-Laurent-du-Cros par Henri de Montbrand au
chapitre de Saint-Arnoul de Gap (i); Bontoux y porte le titre mo-
deste de clerc. Huit ans plus tard, je le retrouve revêtu de l'ordre de
la prêtrise et fondant au village de Villard-la-Madeleine (2) en Brian-
çonnais, un hôpital, une église sous le vocable de sainte Madeleine,
saint Laurent et saint Maxime, un cimetière, et créant l'ordre ou
plutôt la congrégation de la Sainte-Pénitence pour le soulagement
des malades et des voyageurs. Voici les principales dispositions des
règles de cet ordre.
Bontoux promet de ne jamais quitter le Villard-la-Madeleine, chef
de son ordre ; ses confrères devront y revenir de temps en temps
auprès de lui de leur vivant et leur corps y reposera après leur mort.
L'habit des religieux sera blanc ; ils porteront une tunique, un
scapuiaire, un manteau, des chausses et des sandales. Ils ne pour-
ront enlever la nuit que leurs sandales et leur manteau. Leur lit sera
de paille recouverte de feutre.
(i) Arch. de l'Isère, B. 2,992, n" 262.
(2) Ou Villard-Laté, petit village de la commune de Saini-Chaffrey, canton de
Briançon (Hautes-Alpes).
22 MAISONS HOSPITALIÈRES DU BRIANÇONNAIS EN 1228.
L'ordre tiendra deux chapitres par an, de trois jours chacun ;
l'un au jour de la Nativité de la Vierge où l'on s'instruira mutuelle-
ment, l'autre à l'Ascension où l'on s'accusera des fautes involontaires
que l'on aura pu commettre.
Les frères laïques réciteront à matines et aux heures suivantes un
certain nombre d'oraisons dominicales et d'.4i'e Maria. Le nombre
en est diminué pour ceux qui se livrent à un travail manuel.
Les prêtres feront chaque jour leurs fonctions ecclésiastiques ;
une messe sera dite quotidiennement pour les bienfaiteurs de l'or-
dre, pour le Pape, l'archevêque d'Embrun, les évêques de Grenoble,
Gap et Maurienne, le dauphin, les rois et autres princes.
Dans chaque maison de l'ordre on dira trois messes à Noël et on
donnera à chacune d'elles trois deniers à l'offrande ; à la Purifica-
tion, sept messes ; à l'Annonciation, de même ; à la Nativité de la
Vierge on célébrera sept messes, on donnera un denier et un cierge
à chaque célébrant et un cierge à chaque clerc ; le jour de la fête de
sainte Marie-Madeleine on dira quatre messes ; sept le jour de
l'Assomption, ainsi que le jour de l'Incarnation. Chaque samedi une
messe sera dite en l'honneur de Notre-Dame et de sainte Marie-
Madeleine.
Pendant trente-deux ans et demi l'ordre fera célébrer trente-deux
mille sept cents messes, en l'honneur du nombre d'années que
Jésus-Christ a passé sur la terre ; mille chaque année et sept cents
pendant la dernière demi-année.
Le jour de Noël on nourrira et on habillera treize pauvres ; le
jour de l'Incarnation, de Pâques, de l'Annonciation et de la Purifica-
tion on nourrira treize pauvres ; le jour de la fête de S. Thomas on
nourrira treize pauvres, on leur lavera les pieds et on leur fera un
cadeau ; le jour de la Nativité de la \^iergc on distribuera à la porte
du monastère soixante sétiers de pain, treize de blé et treize de sel,
on nourrira trente-trois pauvres et on donnera un pain à chacun
d'eux ; les jours de la fête de saint Jean-Baptiste, de la Nativité, de
saint Pierre et de saint Paul, de sainte Madeleine, le jour de l'As-
somption et de la Toussaint treize pauvres seront nourris et trente
le jour de la fête de la Nativité de la Vierge.
On donnera, s'il est possible, une garniture de courtines aux fem-
mes en couche.
Les frères ne mangeront jamais de viande, sauf dans le cas de
grave maladie. Ils feront trois carêmes ; le carême ordinaire, un se-
LA CONGREGATION DE LA SAINTE-PENITENCE. 23
cond de Pâques à la Pentecôte, et un troisième de la Saint-Martin
à la Noël. Ils jeûneront au pain et à l'eau les jours suivants : les
veilles de Noël, delà Purification, de l'Annonciation, de l'Ascension,
de la Pentecôte, de saint Jean-Baptiste, de sainte Madeleine, de
saint Laurent, de l'Assomption, de la Nativité de la Vierge, de la
Toussaint, de l'Incarnation, de la fête de chacun des Apôtres, et les
jours de vigile prescrits par l'Eglise. Les frères pourront porter un
cilice.
Le vendredi sera le jour des confessions publiques. Si un frère
manque à la continence, il recevra la discipline trois mois durant ; il
prendra ses repas à genoux au milieu du réfectoire et à la fin cha-
que assistant le frappera de verges au chant du Miserere. S'il ne
s'amende pas, on le fera changer de maison.
L'ordre de la Sainte-Pénitence fut fondé en mémoire du Saint-
Sépulcre, de la terre de Jérusalem et de la croix de Jésus-Christ,
a\ec l'approbation du Pape, de l'archevêque d'Embrun et des
prélats de la sainte Eglise, le 14 octobre 1228, au Villard-Ia-
Madeleine.
Voici les noms de ses premiers adhérents : Bontoux, prêtre, qui
donne tous les biens qui peuvent lui revenir en Champsaui de l'hé-
ritage de ses père et mère, pour les distributions à faire le jour de
la Nativité de la Vierge ; Jean ; Pierre, procureur de l'ordre ; Guil-
laume ; Petron ; Julien ; Jean de Chamandrin (i) ; Othon du Pi-
net (2) ; Pierre Rogier : Reynaud son fils ; Etienne Fabri ; Martin
Rambaud ; Christophe ; Hugues, chapelain de Paris (3) ; Jean Douzan ;
Jean, chapelain des Costes (4) ; Guillaume des Costes, clerc; Martin
de Lauren ; Arnaud de Bardonnèche (5), prêtre ; Vincent ; Reclus,
prêtre d'Embrun ; Ponet Garcin, prêtre ; Guigues Doit et Floris sa
femme, membres participants aux prières.
Quant aux maisons qui dépendaient de l'ordre de la Sainte-
Pénitence en 1228, c'étaient celles du Villard-Ia-Madeleine, chef
d'ordre , l'hôpital de Lautaret (6) ; celui de Lans (7) ; celui de Cer-
(i) Hameau de la commune de Briançon.
(2) Hameau de la commune du Puy-Saint-Pierre.
(3) Hameau de chalets, commune de la Grave.
(^) De nombreux villages portent ce nom dans les Alpes, ]"ignore duquel il s'agit
ici et dans les mots suivants.
(5) Commune aujourd'hui en Italie.
(6) Hospice encore existant, commune du Monêtier-de-Briançon.
(7) Probablement .Mont-de-Lans en Oisans (Lansenum).
24 -MAISONS HOSPITALIÈRES DU BRIANÇONNAIS EN 1228.
cen (i) : et la maison de refuge du col la Croix (2) nommée la mai-
son du nuage de Lucerne (in niibe de Lucerna) (3)
Les règles que je viens d'analyser ne présentent, comme on peut
en juger, aucun caractère bien exceptionnel ; leur originalité la plus
tranchée consiste dans l'affectation de leur rédacteur à faire interve-
nir à tout propos le chiffre treize, sans doute en l'honneur de
Jésus-Christ et de ses douze apôtres.
11 est certain que le prêtre Bontoux ne fut pas le créateur, mais
seulement le réformateur de l'ordre de la Sainte-Pénitence. Cet or-
dre auquel il imposa un nom et une règle existait antérieurement
sous le nom de frères de Sainte- Marie-Madeleine. On peut
lire, en effet, dans le cartulaire d'Oulx une transaction du 5 des
calendes d'août (28 juillet) 1228 entre Guigues . prévôt d'Oulx,
Antelme, desservant de la paroisse de Saint-Chaffrey, et les frères de
sainte Marie-Madeleine, qui avaient édifié une église et établi un
cimetière dans le village du Villard-la-Madeleine (4J. Il y est stipulé
que les droits du curé relativement aux inhumations demeureront
intacts ; que le cinquième des revenus de l'église nouvelle lui appar-
tiendra ; que le recteur du 'Villard-la-Madeleine prêtera hommage
au prévôt d'Oulx ; qu'une association de prières sera établie entre les
deux maisons, dont les supérieurs seront traités sur un pied d'égalité.
Les frères de sainte Marie-Madeleine, qui paraissent dans cette
charte deux mois avant la rédaction des statuts de l'ordre de la
Sainte-Pénitence, sont certainement les mêmes qui, une fois réfor-
més par le prêtre Bontoux, changèrent de nom.
Quelle fut la durée de cette congrégation ? Elle fut sans doute
très courte ; il existe, en effet, dans le même manuscrit B. 2,993 <^^s
archives de l'Isère, qui nous a fourni les statuts que nous venons
d'analyser, une charte du dauphin Guigues, datée du deuxième jour
après la Circoncision 1228 (le mercredi 3 janvier 1229), par laquelle
ce prince concède aux moines de l'abbaye d'Oulx, suivant la règle
de saint Augustin, l'hôpital de Sainte-Madeleine du Lautaret qui
était possédé auparavant par le prêtre Bontoux.
(i) j'ignore ou se trouve cette localité.
{2) Col au fond du Queyras entre la France et llialie ; un refuge v a été cons-
truit depuis peu.
("3) Ce nom vient vraisemhlahlcment de ce que cotte maison était construite dans
les nuages couronnant le» montagnes au pied desquelles est la vallée de Lucerne
dtaliej.
(■t) Ulctetise chartarium, p. 49.
LA CONGRÉGATION DE LA SAINTE-PENITENCE. 25
Pourquoi le Dauphin cessa-t-il d'accorder sa protection à la con-
grégation qui desservait l'hôpital du Lautaret et lui enleva-t-il ainsi
sa plus riche possession ? Je l'ignore, sa charte ne nous l'apprend
pas et je n'ai trouvé aucun document qui put me renseignera cet
égard. Peut-être fut-il peu satisfait des réformes introduites dans
son règlement et ne les juga-t-il pas destinées à produire des résul-
tats utiles. Quoi qu'il en soit, à partir de cette date, je n'ai plus trouvé
aucune mention de l'ordre Briançonnais de la Sainte-Pénitence, ni
des maisons hospitalières du Villard-la-Madeleine et du col la Croix,
et le monastère d'Oulx posséda paisiblement jusqu'au X\^' siècle
l'hospice du Lautaret.
Du reste, la congrégation des frères de Sainte-Marie-Madeleine
n'avait pas unanimement adopté la réforme de 1228; elle subsista
longtemps après cette époque sous son ancien titre et ne disparut
qu'au XVl^ siècle. Au XX"" elle était sous la direction d'un abbé
général ; j'ai retrouvé le nom de deux de ces personnages et ils
étaient d'Embrun.
Je dois dire en terminant et comme simple renseignement, que
plusieurs autres maisons hospitalières du Briançonnais, telles que
l'hospice du Mont-Genève, fondé le 6 mai 1202, étaient sous la
direction des moines du prieuré de Romette près Gap, de l'ordre de
Cluny. D'autres encore, telles que le Saint-Sépulcre de Chorges,
Saint-Pancrace de la Bàtie-Neuve, la Pierre-Sainte de l'Argentière,
appartenaient à l'abbaye de Boscodon, de l'ordre de Chalais. Un plus
grand nombre encore étaient possédées par les ordres de Saint-
Jean-de-Jérusalem, de Saint-Antoine ou la congrégation de Sainte-
Marie-Madeleine (i\
J. Ro.MAN.
(i) A Saint-Jean-de-Jérusalem appartenaient les hôpitaux de l'Argentière, delà
Madeleine de la Luye, de Saint-Jean de Ribiers, de la Madeleine de Tallard et de
la Roche des Arnauds, de Moydans, de la Chapelle de Savines ; à Saint-Antoine
ceux de Saint-Antoine de Bannes, de Saint-Grégoire d'Avançon,de la Madeleine de
Larra, de Saint-Antoine du Vivas ; aux frères de Sainte-Marie-Madeleine ceux
de Chauvet près Gap, de Lardier, de Rourebeau à Upaix, de la Madeleine de
Veynes, d'Aspres, d'Embrun, etc.
HISTOIRE RELIGIEUSE
PONT-EN-ROYANS
(ISÈRE)
ÇSitite)
->5*OoocOi^*-
Le 24 mars 1547, des lettres patentes de ce Chapitre portaient
union du même prieuré à la mense conventuelle, et un décret du
même Chapitre général ordonnait que le chapitre du monastère en
serait mis en possession en la personne de son procureur ; puis, le
30 du même mois, en vertu d'une procuration de la veille, les frères
Jacques Thozel et Etienne Bertholinat prenaient possession du
prieuré du Pont, au nom du chapitre fi).
m. — Prieuré nouveau.
Par sa réunion à la mense conventuelle de l'abbaye de St-Antoine,
le prieuré du Pont perdit forcément de son autonomie. En mai 1550,
ce sont « vénérables personnes Jacques Tousel, grand secrestaing,
et Michel Gottafrey, brasier du prieur de St-Anthoine », qui louent
« le fourt du Pont » à Thomas du Sert pour trois ans au prix de
84 florins en tout, et qui louent à Jacques Terrot deux prairies du
prieuré. En avril 1552, c'est le chapitre de St-Antoine qui oblige
François Terrot à payer la dîme du vin pour une vigne que ce der-
nier avait acquise du seigneur du Pont, et qui en avait été exempte
jusque-là. 'Vers 1561, c'est le chapitre qui reçoit les reconnaissances
et fait les albergements pour le prieuré ; ce sont religieuses per-
sonnes les grand prieur, couvent, religieux et chapitre de la grande
abbaye de St-Antoine qui transigent avec les (Chartreux de Bouvanle
au sujet de biens que ceux-ci ont dans la dimerie du Pont. Au sur-
plus, la cure de ce lieu ayant passé aux Antonins par le don que le
pape Paul III en avait fait à frère Jean Villars, il semblait que le
zèle et la charité dussent s'exercer et se développer désormais avec
(i) Arch. et fonds cit.; — E. Pu, or nr, Tiioufy, ubi sup.. p. 223.
DE PONT-EN-ROYANS. 27
un accord plus facile. Mais un mal secret paralysait la communauté
du Pont et trompait ces espérances.
Ce mal n'était autre que l'affaissement dans lequel étaient alors
les affaires et surtout la régularité de l'ordre entier de Saint-Antoine.
Tous les membres de ce grand corps en éprouvaient les atteintes, et
nous sommes obligé de dire que, au Pont, quand la cure passa
d'un séculier à un régulier, les réguliers s'étaient presque sé-
cularisés. Divers actes, entre autres le bail de 1542 cité plus haut,
nous représentent ceux-ci comme ayant des intérêts pécuniaires
privés.
Cependant, ces mêmes actes prouvent que le sacristain et les sim-
ples religieux occupaient ensemble le prieuré et y avaient table
commune. N'est-ce pas ce qui ressort d'une « promesse » du g juin
155 1, « faicte à la faveur desdicts religieulx par Jacques Terrot,
bouchier du Pont, de leur fornir durant l'espace de iii années de
chair de mouton et de bœufs à raison le mouton la livre viij d. et le
bœufs vj d. ? » (i)
Mais, hélas ! régularité, services canonial et paroissial, jusqu'à
l'existence même des religieux et des prêtres, étaient à la veille de
sombrer complètement au milieu de la plus affreuse tempête.
Depuis plusieurs années, les guerres civiles et religieuses infes-
taient les principales villes de Dauphiné. Heureux de pouvoir couvrir
leur ambition d'un motif ou plutôt d'un prétexte religieux, des chefs
désœuvrés parcouraient les bourgs comme les villes en les rançon-
nant. Les peuples étaient peu soucieux d'une occupation militaire
dont le seul résultat était ordinairement pour eux une dépense, sou-
vent un danger personnel. Soit passion de quelques-uns, soit
crainte du plus grand nombre, les combats et les luttes n'étaient
suspendus un instant que pour recommencer plus fort et sur un
plus vaste théâtre. Le feu, allumé en Allemagne par l'apostat Luther,
jetait des flammes sur presque tous les coins du Dauphiné. Pont-
en-Royans, par sa position entre les montagnes et la plaine de
Romans et de Saint-Marcellin, et par les remparts naturels et autres
dont il était environné, avait bien quelque importance stratégique ;
il ne pouvait manquer d'attirer Tattention des chefs d'armée et de
bande. Des historiens, appuyés sur un mot de Chorier et amplifiant
son récit, affirment que Montbrun avait pris notre petite ville en
1560, au nom du protestantisme, et y avait laissé une garnison en
(i) Arch. et fonds cit. — Dassy, L'Abbaye de Saint-Antoine, pp. 240-52.
28 HISTOIRE RELIGIEUSE
allant soutenir les protestants du Comtat (i). Les archives de Ma-
laucène confirment absolument leur récit en ce qui tient aux ravages
de Montbrun dans le Comtat en 1560 (2). Nous l'avons admis nous-
même ailleurs en ce qui regarde les exploits de ce chef huguenot
dans le Royans, mais sans le contrôler (3), et sur ce point il n'est
pas suffisamment prouvé. Ce qu'il y a seulement de certain, c'est
que le trop fameux François Tempeste, ancien cordelier, qui avait
prêché l'hérésie à Alontélimar en 1560, et Denis d'Hérieu furent
ministres de celle-ci à Pont-en-Roj'^ans, le premier en 1561 et 1562,
le second de 1561 à 1607 (4).
Sans doute les Antonins y conservèrent un pied ; car des actes
authentiques nous apprennent que le 7 mars 1564, « frères Pierre
Aubejon, soubz aulmonier, et Jehan de la Serne, chanoynes claus-
triers du vénérable couvent et monastère de Sainct Anthoine de
Viennois », procureurs » des aultres messieurs les religieux dud.
Sainct Anthoine », avaient « arrenté a frère Mathieu Bergier, reli-
gieux curé du Pont de Royans, et a m" François Rey », curé de
Châtelus, « le priouré dud. Pont, avec tout le revenu et esmoullu-
mentz d'icelluy priouré, pour le terme » de 3 ans, au prix de 120
florins petite monnaie par an. De plus, « lesd. rentiers » avaient
promis « de norrir et entretenir le nombre des prebtres acoustumé,
et, oultre led. nombre, ung homme de bien prebtre, au lieu du
prieur, pour faire le djx'm service de l'esglise Roumeine acostumé
d'ancienneté durand lesd. » 3 ans. Ils avaient encore promis de
satisfaire à d'autres charges incombant au prieuré, et de fournir
caution auxd. religieux créditeurs ; et, pour accomplir cette dernière
promesse, Rey, « droict ayant dud. frère Mathieu Bergier », donna
pour caution « Jacques de Lers, marchand du Pont », par acte du
16 janvier 1565, passé aud. « Pont, au lieu du priouré, en la cham-
bre basse (<;). »
Mais la résidence au Pont des ministres dont nous avons parlé,
ne s'accorde que trop bien avec ce que dit Chorier : que vers 1565
le bailliage de Saint-Marcellin était en proie à des troubles fu-
nestes; que « le païs de Royans étoit une pépinière à la nouvelle
(1) Choriei', Hist géii. Je Daupliiné, II, 5^6. — Long, La Réforme et les
guerres de religion pp. 41 et 76. — Vincent, op. cit., p. 61-3.
(2) Ferd. et Aifr. Saurfx, Hist. de la ville de Malaucène, I, 282-8.
(3) Revue du Dauph, et du Vivarais, \', i 72.
(4) Bullet. cit., V, 1 1 2 ; VIII, 388.
(5) Arch. et fonds cit., orig. pap.
DE PO\T-E.\-ROYA.\S. 29
Religion » ; que « la catholique étoit sans vénération dans la ville
du Pont, qui en est le chef », et que les églises de Saint-Nazaire
et de Sainte-Eulalie, « qui n'en étoient pas fort éloignées, furent
brûlées à la sollicitation des ministres (i). » Du reste, comme ces
sacrilèges n'atteignaient et ne blessaient guère que les intérêts de la
religion, ou les autorités légitimes se croyaient contraintes de les
dissimuler, ou elles reculaient devant la crainte de faire, pour en
châtier les auteurs, un éclat infructueux (2).
Aussi, quelle difficulté les Antonins avaient pour recouvrer leurs
droits prieuraux ! Si la justice n'était pas boiteuse, elle allait du
moins bien lentement. Nous avons vu que, le 16 janvier 1565, Jac-
ques de Lers, marchand du Pont, s'était porté caution de la ferme
des revenus prieuraux de ce lieu. Or, les fermiers ayant mis du
retard à s'acquitter de leurs obligations, une requête fut lancée par
les Antonins, et un procès commença. Alors Bergier fit droit, pour
sa part, aux réclamations. Mais, Rey n'ayant pas fait de même,
Jacques de Lers, amené en cause, fut appelé à suppléer. Ce dernier
ayant élevé des difficultés, l'affaire s"envenima, si bien que le 14
décembre 1565 Mérauld Bourget, « procureur des religieux du mo-
nastère » de Saint-Antoine, « prieur du prieuré du Pont en Royans,
demandeurs en requeste », envoyait à Antoine Pinard, procureur de
Jacques de Lers, défendeur, une copie authentique du cautionne-
ment et d'autres pièces, avec déclaration que payement était de-
mandé à de Lers comme caution pour la moitié de Rey. Pinard
avait donc à « deffendre pour ce regard à lad. requeste. »
Les plaidoiries aboutirent à une sentence de « Nycolas Henry,
segneur de Cremj'^eu, Quirieu et la Balme en Daulphiné, balhi du
Bas Viennoys et Vallentinois au siège de St Marcellin », du ig dé-
cembre 1566. Cette sentence portait contrainte pour « lesd. rentiers
ou bien led. Jacques de Lers, caution », d'observer le contenu de
« l'arrentement » du 7 mars 1564, notamment de continuer une
aumône aux pauvres qui se faisait dans le prieuré deux fois par se-
maine, et de « fournira la nourriture des religieux dud. prieuré. »
Bientôt après, « Monsieur le Maistre Léonard Reynaud, à St
Marcellin », recevait la lettre suivante : « Monsieur le Procureur,
nous avons faict assigner Jaques de Lers, du Pont de Royans, au
premier jour juridic après les Roys à Sainct Marcelin, comme ran-
(1) Hist. de Dauph., II, 603.
(2) Ibid.; — Vincent, op. cit., p. 64 ; — Long, op. cit., p. 77.
30
HISTOIRE RELIGIEUSE
thier ou du moings caution de nostre prieur du Pont de Royans
pour faire l'haulmonne deux foys la sepmainne aud. prieur comme
il est tenu. Nous vous envoyons l'arrentement, le cautionnement et
les lettres, vous priant/ de faire la présentation et de nous mander
ce qu'il y fauldra fayre, car il nous semble que, attendu que il conste
d'obligation et que c'est oeuvre pie, il doibt estre condamné par pro-
vision. Nous avons bailhé au porteur, pour fayre la présentation,
deux soulz. Nous recommandant bien fort a vos bonnes grâces,
nous prions Dieu que. Monsieur le Procureur, il vous donne bonne
et longue vie. A Sainct Anthoine, ce viij janvier 1567. Vos bons
voysins et meilleurs amys, le chapitre de Sainct Antoine. »
Le lendemain, 9 janvier, une procédure ^ pour le sindic du cou-
vent », en « contraincte contre » de Lers, était en etfet présentée (i);
mais nous ignorons le résultat définitif de l'altaire.
Au surplus, antérieurement au mois d'août 1568, l'église, le
prieuré et les autres maisons de prêtres de Pont-en-Royans « estoient
entièrement ruynés » par « ceulx de la Religion prétendue reffor-
mée », devenus maîtres « de ladicte ville. » C'est ce que nous ap-
prend une procédure du 18 octobre suivant, dont voici l'objet et le
rapport textuel.
La paix de Longjumeau, signée le 23 mars 1568, fut suivie d'un
peu de calme dans le Dauphiné, et le parlement de Grenoble porta,
le 12 juillet suivant, un règlement « pour l'entretenement, union et
paix des habitans dud. païs et entretenement du service divin. »
Puis, le 7 septembre de la même année, la chambre des vacations
ayant pris un arrêt sur le même sujet, Antoine de Garagnol, vibailly
du Bas-Viennois et Valentinois au siège de St-Marcellin, et conseil-
ler du roi, fut chargé d'assurer dans les localités de son ressort
l'exécution de ces règlement et arrêt.
De St-Marcellin, où, en conséquence de son mandat, il avait fait
le 16 octobre 1568 une procédure à l'égard des chapelles fondées en
l'église paroissiale, il se rendit à Pont-en-Royans.
Son greffier, parlant au nom du vibailli, va nous dire en détail ce
que fit ce magistrat dans cette dei-nière localité :
« La ville du l^ont de Roians.
" Suyvamment, du liuidy dix-liuicticsmc dud. mois d'octobre,
nous avons faict décente en hi ville du l'ont en Koians, et illecq à
(I) Arch. et fonds cit.
DE PONT-EN-ROYANS. 3I
l'hostel d'habitation de la vefve et heretiers de feu Antiaoine Pignier,
bourgeois quant vivoyt dud. Pont de Roians. Nous avons faict
appeller par Jehan d'Aulteroche, sergent roial dud. St Marcelin :
premièrement Anihoine Armand, conseul de lad. ville du Pont,
honneste Jacques de Lers, bourgeois, M" Mathieu Perrochin, not%
Jehan Glenat, François Terrot, Gaspard Albert, Jehan Cognoz dict
Bergier, Claude Raille et Hugues Macaire, tous dud. heu et mande-
ment du Pont en Roians ; ausquelz comparantz par devant nous,
nous avons faict déclaration des susdictz articles arrestéz pour led.
reiglement, ensemble dud. arrest, lequel nous avons en apprès
faict publyer a haulte voix en l'asle du marché de ladicte ville. Et,
ce faict, nous estant appareu par le rapport des susdictz coume en
ladicte ville du Pont n'y avoyt aulcung lieu pour cellebrer et conti-
nuier le service divin et moings pour habiter par ung prebtre ou
deux pour faire led. service, à l'occasion de ce que tant l'esglize du
prioré dud. lieu que la maison et aultres maisons des prebtres
estoient entièrement ruynés, n'y estant demeurés couvert ne voultes,
lesdictes ruynes ayantz estes faictes par ceulx de la religion pré-
tendue refformée et au tamps qu'ils occupoient ladicte ville, nous
avons enjoinct et commande aux susnommés de bailher et fornyr
lieu pour faire et continuer le service divin, et maison consulaire,
hospital et maison de confrairie, ou, au deffault de l'une d'icelles,
aultres maisons pour habiter par celluy ou ceulx qui feront le ser-
vice de l'esgHze catholicque Romeyne. Sur quoy ils nous ont res-
pondu qu'il y avoit esté pourveu de la maison de Jehan Cognoz î
laquelle par nous visitée n'estant trouvée soiBzante, et joint que
led. Cognoz nous a dict lad. maison estre sa maison d'habitation et
ne se pouvoyr despartyr d'icelle, nous avons enjoinct aud. conseul
d'en pourvoyr d'aultre dans quinzeyne. Et, apprès avoyr ouyt frère
François Rey, rehgieux de la religion et abbeye de St Anthoyne,
de laquelle dépend le prioré dud. lieu, qui, par nous exhorté de
faire continuer led. service divin, s'est offert pour led. chappitre de
St Anthoyne faire continuer led. divin service en luy bailhant et
fornissant maison et lieu, nous avons cependant et jusques à ce qu'il
soit sactisfaict a l'exercisse dud. divin service ou aultrement or-
donné, meist et redhuict soubz la mein du Roy le bien et revenu
temporel dud. prioré; pour le régime duquel et pour cependant re-
tirer et recepvoyr led. revenu, nous avons, du consentement dud.
frère François Rey, commis et depputé séquestre Jehan Glenat,
:\2 histoirl; religieuse
rentier par cy devant dud. prioré, qui a prins et accepté la charge,
promis et juré bien fîdellement y verser soubs la mein du Roy, ren-
dre compte et prester le reliqua à qui appertiendra et sera par nous
ordonné, avecq soubmissions de corps et biens de ce. Présents a ce
Estienne Jullien et led. Jehan d'Aulteroche.
« Ce faict, nous avons enjoinct et commandé aux susdicts conseul
et conseilliers de nous bailher le roolle des abscentz de lad. ville et
mandement qui ont prins les armes contre le Roy, ensemble nous
dire et declairer les noms des juges, chastellains et aultres officiers
pour la justice dud. lieu. Lesquels conseul, conseilliers et notables
cy dessus nommés nous ont dict et declairé que M*^ Pierre Le Mais-
tre, docteur ez droictz et procureur des trois estatz de ce païs de
Daulphiné, estoyt juge dud. lieu, habitant not(oi)rement en la ville
de Grenoble ; M" Guy Chapperon, son lieutenant, habitant ordinai-
rement, à St Marcellin, et Claude de LaMearye, escuyer chastellain,
et lequel de La Mearye despuys ung mois en sça et le renouvelle-
ment des présents troubles s'estoyt absenté avecq certains aultres
de lad. prétendue religion portant les armes contre le Roy, ainsi
comme le bruict et commugne renommée est aud. lieu. Et quant
aux aultres abscentés, ont dict ne les pouvoyr nommer sans qu'il
soit faicte exhibition et lecture du roolle de la taille. Lequel roolle
exhibé et leu par devant nous par M" Claude Terrot, greffier dud.
lieu, lesdicts conseul, conseillyers et notables nous ont dict et rap-
porté des nommés en icellui roolle estre absentz despuys le susdict
tamps : M" Jehan Boutaric notaire, Loys Blaichon drappier, Guil-
laume Bouteille cousturier, Anthoyne Michal laboureur, Claude
Champavier habitant à Aulberipves, Claude Borrel cardeur, Loys
Arod serrurier, Pierre Mucel cordonier, André Mathieu cardeur,
Anthoyne Berthuyn pignier, Anthoyne Froment brochier, Loys
Mounyer teincturier, Disdyer Lambert de St Yllaire, Jacques Pynet
cordonier, ung appelle Symond, beaulfrère du teincturier, tous habi-
tantz au paradvant le dernier renouvellement desdicts derniers trou-
bles en lad. ville du Pont en Roians. Et pour le regard des
abscentz des aultres lieux et mandements dud. lieu et ville du Pont
en Roians, ont dict n'en pouvoyr faire déclaration sans s'en enquérir
plus amplement. De quoy faire, à la réquisition de M'= Lialthezard
Reymond, subs(titutj du procureur du roy, présent aux actes que
dessus et ce requérant, nous leur avons enjoinct et consequement
de porter ou envoyer le roolle qu'ils en feront au greffe dud. bail-
DE PONT-EN-ROYANS. 33
liage et court majeur dans quinzeyne prochein(ne),à peyne de vingt-
cinq livres d'amende et aultre arbitraire.
«
« Anth. GuARAGNOL, vib.
« Et moy greffier escripvant soubz led. sieur vibailly.
« GUYON (i). »
Si les mesures prises par l'autorité n'eurent pas un plein succès,
elles furent du moins suivies à Pont-en-Royans d'assez longs mois
d'un calme relatif. C'est ce que supposent une « recognoissance pour
Messieurs les religieu-x: du Pont, faicte par Eynard, bourgeois », et
« sa mère, de pension qu'ils font aud. prieuré du Pont », et une
transaction par laquelle François Guiboud, fils de Claude, marchand
du Pont, cède au prieuré de ce lieu une vigne de 12 fessorées située
au Pont et confrontant « la roche du chastel » au couchant. En
effet, le premier de ces actes fut reçu le 27 octobre 156g, par Berthon
Lyonne, notaire du Pont; le second le fut le 23 février 1571, par
Devallois (2).
Au surplus, de Gordes, lieutenant général du roi, jugeant que la
paix ne pouvait que gagner au démantèlement d'un certain nombre
de bourgs et de places, communiqua son avis au parlement. Sur
l'approbation de ce dernier, un décret condamnait, entre autres
places, le Pont et Saint-Nazaire-en-Royans à être démantelés (3) ;
mais ce décret ne fut pas partout exécuté. S'il le fut au Pont, il ne
mit pas ce bourg à l'abri des dangers et des angoisses. Dès 1573,
les alarmes avaient recommencé. Montbrun, devenu chef du parti hu-
guenot en Dauphiné, par la retraite du baron des Adrets, apparaît le
20 mars devant Valence, et se dispose à l'emporter d'assaut; mais la
sentinelle de la porte Saunière sonne l'alarme, et l'entreprise échoue.
Montbrun se dirige alors, à la tète de ses troupes, vers le Royans,
campe un instant sur le mont Calvaire Tprès de Saint-Nazaire), puis
va s'emparer du château de Saint-André ; mais un parti de catho-
liques accourt, et lui reprend aussitôt cette place. Le Pont, un mo-
ment effrayé du voisinage de Montbrun, peut de nouveau respirer
presque à l'aise.
Deux mois après, dans le courant de mai, François de Montpen-
sier, dauphin d'Auvergne, arriva dans son gouvernement de Dau-
(i) Biblioth. de M. P.-E. Giraud, reg. orig. de 68 ff.
(2) Arch. et fonds cit.
(3) Chorier, op. cit., II, 624-5.
Bull. VI, 1886. 3
34 HISTOIRE RELIGIEUSE
phiné. Il y fit son entrée solennellement et avec l'intention de réduire
Montbrun et d"écraser à tout jamais le parti huguenot. 11 s'arrêta à
Saint-.Marcellin, pour s'y préparer à quelque entreprise digne de lui,
distribua son avant-garde dans les bourgs et les lieux les plus
commodes des environs, et résolut d'attendre prudemment l'occa-
sion d'agir.
Il avait logé cinq enseignes d'infanterie dans Pont-en-Royans.
La présence de cette garnison calmait la population et lui faisait
comprendre que l'autorité voulait en finir avec les rebelles. Mais, les
chefs et les soldats traitant mal les habitants, dont la plupart fai-
saient profession de la religion prétendue réformée, et ne se tenant
pas bien sur leurs gardes, Montbrun, qui en fut averti, ne négligea
pas cette occasion d'acquérir une nouvelle réputation à ses armes.
Il attaqua la garnison vers la fin du mois de mai, et, ayant forcé le
bourg, qui avait été démantelé, il tailla en pièces ses adversaires, si
bien que 400 hommes y perdirent la vie. Le vainqueur, pour profi-
ter de l'effroi où sa victoire avait jeté les catholiques, confia le Pont
à une garnison, et se dirigea contre Die, où commandait Glandage;
mais, repoussé par ce dernier, il perdit là tout l'honneur qu'il avait
gagné au Pont (i).
Cependant le prince-dauphin, à qui l'échec subi au Pont, dès
l'ouverture de cette guerre, était extrêmement pénible, allait entrer
dans le Royans, pour y effacer par la reprise du Pont, qui en était
la capitale, le déshonneur que ses armes y avait reçu. Mais Mont-
brun, qui s'était aussi emparé de Saint-Nazaire, et y avait laissé
garnison, surveillait les mouvements du prince. Connaissant ses
projets d'attaque contre le Pont, il retira la garnison de Saint-Na-
zaire et la fit entrer au Pont, pour fortifier celle de ce dernier lieu.
Le prince, instruit des préparatifs de son adversaire, y alla pour s'en
assurer. Déjà il rêvait les honneurs du triomphe, lorsqu'il apprit la
mort du roi Charles IX, arrivée le 31 mai 1573. Cet événement le
força à suspendre son entreprise sur le Pont, et laissa Montbrun
libre de tourner de nouveau ses forces vers le Diois (2).
La défaite des troupes royales par Montbrun eut de tristes consé
quences pour les catholiques du Pont. Régis par des soldats aussi
avides de pillage qu'ennemis acharnés de leur culte, ils purent médi-
Ci) CifOPiER, op. cit., II, 657-g ; — Vincent, op. cit., p. 65-8 ; — Long, op. cit.
p. 113, — Taulier, Not. sur de Cordes, p. i 7.
(2) CnoRiEB, op. cit., H, 660.
DE PONT-EN-ROYANS. 35
ter à loisir sur les maux de la guerre civile. Ils furent cependant
débarrassés des soldats de Montbrun, mais pour se voir bientôt har-
celés de nouveau. Vers le 25 mars 1574, déjà las du repos d'une
bien courte trêve, des huguenots descendaient des montagnes du
Royans et séjournaient quelque temps au Pont et à Saint-Jean, au
point que les habitants de la rive droite de l'Isère craignaient qu'ils
ne vinssent à passer cette rivière. Enfin le 10 avril, suivant, ces
huguenots firent semblant de retourner aux montagnes ; mais tout
à coup ils détachèrent un certain capitaine Montbrun, fils d'un bar-
bier de Pont-en-Royans, qui, à la tète d'une troupe de soldats, alla
surprendre le château de Saint-André. Cependant, sur l'ordre de
Monseigneur de Gordes, ce château fut incontinent assiégé par le
sieur d'Allières, de Beauvoir, à la tête de quelques 400 hommes
fournis par les communes du pays. En même temps, de Saint-
Antoine partirent environ 60 hommes, qui eurent ordre d'aller, pen-
dant le siège, occuper la ville du Pont, sous la conduite du capitaine
La Saulne, et empêcher le passage de toutes troupes huguenotes.
Trois jours après arriva en effet un secours de huguenots, au nom-
bre de 300, conduits par le capitaine Bouvier, de Romans. Comme
il y avait garnison au Pont, ils allèrent passer à Saint-Nazaire.
Mais, avant de venir à Saint-André, Bouvier, qui voulait ménager sa
retraite et attendait plus grand secours, « fit promptement barriquer
led. lieu de Saint-Nazaire. » D'Allières, comprenant qu'il n'était pas
assez fort pour prendre Saint-André et tenir tête à tous ces hugue-
nots, fit venir à lui la garnison du Pont, et lui ordonna de gagner
promptement, pour s'en retourner, le port de la Sône, droit par le
bois. En même temps, lui et ses troupes prirent le chemin de Beau-
voir, et chacun se retira. Dès lors, les huguenots furent maîtres de
tout le Royans, surprirent et firent fortifier le château d'izeron, où
Bouvier se retira.
Comme les huguenots paraissaient vouloir passer l'Isère, de Gor-
des fit garder Rochebrune, en face de Saint-Nazaire, par le capi-
taine La Saulne à la tête de 25 soldats, et les autres lieux le long de
la rivière. En la Semaine-Sainte de 1574, de fausses alertes ayant
fait croire aux catholiques de la rive droite que les hugenots avaient
passé l'Isère, plusieurs se sauvèrent, qui à Lyon, qui à Vienne, qui
à Romans, qui à Bressieux ; et les huguenots du Pont, croyant
que les catholiques avaient passé sur la rive gauche, furent de leur
côté saisis de frayeur, et s'enfuirent aux montagnes. Mais bientôt
chacun revint de son erreur et rentra chez soi.
36 .HISTOIRE RELIGIEUSE
Cependant il tardait au prince-dauphin de rentrer à Pont-en-
Royans. Il confia à 22 compagnies le soin de se rendre à la Sône le
22 mai, fête de l'Ascension. Dans le nombre étaient la compagnie du
capitaine Bourchenu dressée à Beaurepaire, et celle du capitaine
Bernard. Ayant passé l'Isère à la Sône, on fit semblant d'aller assié-
ger Saint-Nazaire, avec la compagnie de Monseigneur le Prince ;
mais on marcha droit au Pont, où on arriva au point du jour. On
n'y trouva personne qui opposât de la résistance. Seulement, 5 ou 6
huguenots se jettèrent dans une maison forte nommée La Corbeille.
Incontinent le feu est mis à la porte de ce dernier asile, et les fuyards
sont pris et tués. On pille entièrement la ville ; mais ce pillage atti-
rera sur les vainqueurs de terribles représailles. En effet, on avait
laissé au Pont 5 compagnies de 100 hommes chacune, bien complè-
tes, commandées par le capitaine Collomb. Il y avait la compagnie
de ce dernier, celle du sieur de Bourchenu, et celles de Givray, de
Bernard et du « capitaine La Saulne. » Celle de ce dernier était
composée de la plupart des hommes fournis par Saint-Antoine. -
Cette garnison occupait le Pont, quand, le jour de la Pentecôte, des
huguenots conduits par le fameux chel de leur parti en Dauphiné,
Dupuy-Montbrun en personne, descendent des montagnes, au nom-
bre de 1500 hommes à cheval ou à pied, et fondent sur les hommes
du prince. Ceux-ci avaient trop oublié que la prudence et la vigi-
lance sont mères de la sûreté. Collomb, vieux capitaine commandant
dans le Pont, avait permis à la plupart des soldats d'emporter leur
butin. Tous ceux de sa trop faible troupe qui se trouvèrent à la ren-
contre furent emportés de force et tués, et la plupart des prisonniers
furent égorgés de sang-froid. « Des cinq compagnies ne s'en sauva
que six ou sept vingts, qui en route prirent le quartier du Pont tirant
par la Ville neuve au long de Bourne. » Les capitaines Collomb,
Bourchenu et « La Saulne » furent tués ; Bernard et Givray étaient
allés à Romans, vers Monseigneur le Prince. La plupart des morts
étaient de Dauphiné, une douzaine de Saint-Antoine. Quelques-uns
se sauvèrent tout à fait errants, après avoir été prisonniers, d'autres
payèrent rançon. Ce fait, les huguenots quittèrent le Pont et Saint-
Nazaire, et avec leur butin retournèrent aux montagnes, laissant le
capitaine Bouvier le jeune à Izeron, et Montbrun à Saint-André. Le
gros de leurs troupes alla tenter l'escalade de la ville de Die, mais
inutilement.
Le Pont parait avoir été assez tranquille le reste de l'année 1574.
DE PONT-EN-ROYANS. 37
Il était certainement vide de soldats huguenots vers le milieu de la
suivante; car, le lendemain de la défaite des Suisses par Montbrun,
entre Châtillon et Die, M. d'Ourches, le capitaine Bernard, et cer-
tains autres capitaines, avec leurs arquebusiers, sortirent de Die et
vinrent, par la vallée de Quint, descendi-e tranquillement aud. Pont,
et passer l'Isère à la Sône. Il ne l'était pas moins un mois plus tard,
quand l'armée catholique, après avoir défait et pris Montbrun près
de Die, vint, par la même vallée de Quint, descendre au même Pont.
Mais cela ne nous rassure nullement sur l'état du prieuré et de
l'église de ce lieu. Le culte catholique ne s'y faisait certainement
plus. Du moins nos documents n'en font supposer aucun exercice.
Du reste, sur le commencement de septembre de cette même année
1575, les huguenots avaient le pied à Sainl-Nazaire et au Pont; car
ils voulaient alors surprendre à Rochebrune quelques bateaux qui
descendaient l'Isère chargés de vivres, et ce ne fut que par suite de
l'avis que la garnison de la Sône eut de leur projet, que celle-ci
retint ces bateaux. Quant à ces huguenots, voyant cette entreprise
déjouée, ils en tentèrent une autre. Pendant c^ue leurs gens de pied
restaient embusqués à Rochebrune, les gens de cheval descendirent
jusqu'au péage de Romans, pour tâcher de prendre quelques pri-
sonniers. Mais ceux-ci furent si mal accueillis par l'armée catholi-
que de Romans, qu'ils se retirèrent au Pont le même jour. Enfin,
les huguenots s'étaient retirés du Royans aux montagnes, faisant
courir le bruit qu ils allaient au-devant des forces qui leur venaient
d'Allemagne, quand le roi accorda à leur parti une trêve de six mois.
Au lieu d'observer la trêve, le capitaine huguenot Chavanas, de
Die, qui était au Pont avec sa compagnie, sachant que le château
d'Izeron était mal gardé, alla le surprendre de nuit par escalade,
et le tint jusqu'à la publication de la paix du 14 mai 1576. Du reste,
le Royans abondait alors en huguenots. Vers février 1576, un certain
nombre d'entre eux s'assemblaient à Sassenage avec ceux des autres
lieux, et couraient jusqu'aux portes de Grenoble. Le 10 mars, d'Au-
bonne et de la Robinière, avec 300 hommes du même parti s'empa-
rèrent du château de Morestel, et de Gordes courut les y attaquer.
La Robinière continuait à tenir bon, et, pour faire interrompre le
siège, les huguenots faisaient rage sur la rive gauche de l'Isère,
qu'ils feignaient de vouloir passer. Ceci était surtout le fait de ceux
du Royans. Aussi de Gordes crut-il devoir commettre en garde à
Rochebrune le capitaine Guillermet, de Saint-Antoine.
38 HISTOIRE RELIGIEUSE
Durant ce même siège, les huguenots de Royans en vue de le faire
lever, allèrent jusqu'à Armieu, pensant en surprendre le château. Ils
V étaient avec 5 compagnies.. Mais il furent découverts, et s'en
retournèrent enseignes déployées et tambour battant, tout le long de
l'Isère jusqu'à Beauvoir, en faisant semblant de vouloir franchir la
rivière. Le peuple leur ayant défendu le passage, ils retournèrent à
Pont-en-Royans, mais pour recommencer bientôt leurs courses d'un
autre côté, et surprendre le château de la Jonchère le 3 avril, et celui
d'Hostun deux jours après. Toutefois, de Gordes ayant pris Mores-
tel, et fait courir de Romans le bruit qu'il allait assiéger la Jon-
chère et Hostun, les huguenots se hâtèrent de quitter ces deux
places.
La paix du 14 mai 1576 suspendit un instant les hostilités ; mais,
mécontents des loisirs qu'on leur imposait, un grand nombre de
soldats huguenots étaient de nouveau descendus des montagnes au
Royans vers la fin de la même année. Le 4 janvier 1577, une troupe
d'entre eux, conduite par le jeune Bouvier, surprit le château d'Ar-
mieu, qui était mal gardé ; mais elle ne put surprendre Izeron,
gardé par le capitaine F'rançois (i). Une autre troupe donna jusqu'à
Saint-Nazaire ; mais, furieuse de n'avoir pu en prendre la tour, elle
alla exercer dans la plaine de Valence son ardeur par trop belli-
queuse.
Sur la fin de juillet 1577, de Gordes ayant levé le siège d'Armieu,
fit courir le bruit qu'il allait assiéger Pont-en-Royans; mais il alla
droit à Saint-Nazaire, où il fit l'établissement de ses compagnies
pour les faire rafraîchir. Telle est du moins la version d'Eustache
Piémond ; mais M. Chevalier en donne une un peu différente avec
les détails que voici, sous la date du 22 juillet : « Sur l'ordre de
AL de Moidieux, commissaire général des vivres, la ville de Romans
est requise d'envoyer des boeufs, des moutons, des pains, du vin
aux troupes de M. de Gordes, campées devant le Pont-en-Royans.
Le siège de cette place ayant été soudainement levé, 4,500 pains
portés à Saint-Nazaire aux frais de la ville restèrent sans emploi et
furent vendus à vil prix, n En tout cas, de Gordes avait quitté le
Royans antéi'ieurement au 6 août suivant (2), mourait à Montéli-
mar le 21 février 1578, et était remplacé par Maugiron.
Pendant que celui-ci parlementait avec Lesdiguières, successeur
(i) Mémoires (manus.cr'iis) d'Eustache Piémond.
(2) Mémoires c\\.. ; — Bnllet. cit., .\, 38-.<|o.
DE PONT-EN-ROYANS. 39
de Dupuy-Montbrun dans le commandement des troupes hugueno-
tes du Dauphiné, et faisait publier les déclarations du roi en faveur
de la paix, le Pont était occupé par le capitaine Bouvier. Peu parti-
san de la paix, celui-ci persistait, malgré l'édit royal, à « entretenir
en la Corbeille du Pont en Roïans, » et, de la sorte, « empêchoit le
commerce. » Mais « les habitants du Pont, catoliques et huguenots,
prenant le frein aux dents, comme on dict, se bandèrent contre luy
et le mirent hors du chasteau et de la Corbeille, sans l'offenser, et
le prièrent les laisser vivre en paix'. Sur quoy, il se retira à la Cha-
pelle de Vercors, parce qu'il ne s'osoit retirer à Romans, d'où il
étoit. » Mais, ayant su que Maugiron s'était abouché à Vif avec
Lesdiguières, et qu'on avait convenu de désarmer dans trois mois,
pendant lesquels on ne ferait aucune course. Bouvier craignait d'être
compromis et cherchait à se ménager un refuge en un lieu fortifié.
Le capitaine Laprade, avec lequel il était en intelligence, avait saisi
Châtcaudouble pour sa retraite. Bouvier voulut avoir lui aussi son
refuge. Il a se jetta de grand matin dans le chasteau du Pont, dans
lequel il tua un nommé Patoflard, brave soldat, ainsi qu'il ouvrit la
porte, et deux autres de quatre qu'il avoit avec luy. » Il espérait gar-
der le château, et, s'il était assiégé, recevoir secours de Laprade.
Assiégé, en effet, par ceux du lieu et les communes, il résista pen-
dant deux jours avec une douzaine de soldats qu'il avait. Puis, se
voyant sans vivres, craignant pour sa vie, et ne voyant pas venir
Laprade au jour promis, il « se rendit vie sauve, '> et s'en alla à Die.
A peine eut-il rendu le château, que Laprade arriva avec soixante
argoulets. Ce dernier, voyant le château rendu, « dit a Messieurs du
Pont que il avoit eu avis que les Catholiques les avoient assiégé, »
et qu'il était venu les secourir. Ils l'en remercièrent et il s'en retourna
continuer, de son repaire de Châteaudouble, ses courses et pilleries,
malgré ledit de paix, accepté par le parti protestant lui-même. Du
reste, les capitaines et hommes d'armes n'étaient pas seuls à redou-
ter. Ainsi, vers le même temps, le jour de la foire de Saint-Nazaire,
une quarantaine de huguenots du Pont vinrent en troupe à cette
foire, pour se venger des catholiques qui avaient porté les armes
contre eux, s'ils y en trouvaient. En ayant reconnu une vingtaine,
ils les chargèrent à coups d'épées et de pistolets, et tuèrent GarioUe
dict St-André sur place ; ce qui effraya tellement le monde, que des
marchands et autres gens prirent la fuite et perdirent leur bétail.
Il paraît, du reste, que le Pont était alors sans garnison ; car
40 HISTOIRE RELIGIEUSE
A\augiron écrivant le g janvier 1579 aux consuls de Romans, leur
recommande d'avertir les habitants du Royans que « Laprade se
veult saisir d'une maison forte appelé La Corbelle, qui est au Pont
de Royans, afin de se rendre maître de la ville (i). »
Quant aux huguenots du 'Pont, ils se faisaient décidément redou-
ter. Outre les exemples qu'on vient d'en lire, Eustache Piémond
raconte le suivant. Vers avril 1579, Maugiron assiégeait Château-
double, tenu par Laprade. Il fit sommer celui-ci de se rendre, mais
trouva un refus obstiné. .Alors il fit descendre de l'artillerie par l'Isère
avec quelques soldats de Grenoble. Mais il craignait que les hugue-
nots du Pont, voyant les armes levées, ne surprissent l'artillerie à
Rochebrune. Aussi fit-il garder ce passage par un bon nombre
d'hommes jusqu'à ce qu'on n'eût plus rien à craindre pour les pièces
qui devaient enfin enlever à Laprade le bourg et le château en ques-
tion.
Au commencement de mai de la même année, d'Allières comman-
dait au Pont pour les huguenots, quoiqu'il fut catholique. Les Pon-
tois, se voyant toujours en la sujétion d'une garnison « qui empêchait
le libre commerce de leur ville, prièrent d'Allières de casser sa gar-
nison » et de renvoyer ses soldats. S'il ne le faisait pas, ils le feraient
eux-mêmes. D'Allières, voyant leur résolution énergique et se trou-
vant faible, « fit belles promesses et la douce farine, et secrètement
envoyé à Die au capitaine Bouvier luy amener quarante soldats pour
quelque occasion. » Le secours arrivé, il «' donna une charge sans
mot dire à ceux cjui l'avaient prié. Un capitaine, nommé Qtiatre-
Dents, fut tué, étant marié aud. Pont. Les Glénats et autres se
sauvèrent, et ont été longtemps fugitifs durant le gouvernement
dudit sieur d'Allières. Un nommé Bessé (2) fut blessé, se retira à
Romans pour se faire panser ; mais <i étant reconneu d'avoir tué
Gariolle-St-.André à St-Nazaire, fut mis en prison et condamné à
être pendu, et, le jour qu'on le menait à Saint-Marcellin, il se
laissa mourir par les chemins (3). »
Si encore les Pontois n'eussent-eu à souffrir que les vexations des
capitaines qui prétendaient les protéger ! Mais il fallait encore venir
en aide à des armées de partis opposés qui guerroyaient ailleurs.
Ainsi, le 9 avril 1579, ils étaient atteints par une ordonnance prescri-
(i) Mémoires cit. ; — Lacf(Oi.\, Invcnl. cit., V., 367 i .
(2) Var. Le Besson.
(3) Métnoires cil ,
DE PONT-EN-ROYANS. 4I
vant le prompt payement des aides données à Etoile pour l'entretien
de la campagne du comte de Veynes. Sur leur refus de s'exécuter et
la requête par eux présentée à ce sujet, le lieutenant général porte,
le 15 août suivant, une ordonnance appelant les parties devant lui.
En 1580, est envoyée une provision obtenue pour cela contre le
Pont; le 8 octobre 1582, requête est adressée à Maugiron pour
l'exécution des provisions de Gordes, contre les habitants de Pont-
en-Royans, qui continuent à refuser l'aide due à la compagnie du
comte de Veynes; en 1583, nouvelle requête à Maugiron pour le
payement de l'aide due par Pont-en-Royans Ci). Mais reprenons ce
qui intéresse les événements militaires du Pont même.
« La reine-mère, Catherine de Médicis, pressée par le besoin de
mettre un terme à des hostilités qui avaient fait du Dauphiné comme
un vaste champ de bataille, où s'égorgeaient les enfants de la
commune patrie, se rendit à Grenoble le 21 juillet 1579; mais ses
efforts se brisant devant les prétentions des uns et l'entêtement des
autres, elle ne put établir la bonne harmonie entre les catholiques
et les protestants. Cependant, pour ne point rendre son voyage in-
fructueux, elle chargea l'archevêque d'Embrun d'amener les catholi-
ques à une réconciliation sincère. Le prélat essaya, mais en vain,
de remplir sa mission ; toutefois, soit pour se rendre aux vues paci-
fiques de la reine-mère, soit par lassitude de la guerre et besoin de
repos, quelques hommes honorables, en qui se résumaient les idées,
les sentiments, et les projets des deux partis, parvinrent après le
départ de la princesse, à convoquer une assemblée à Monestier-de-
Clermont. C'était le 4 novembre. Le maréchal de Belle-Garde, Mau-
giron, Bellièvre, premier président du parlement, François Fléard,
premier président de la chambre des comptes, les députés de la
noblesse et Chappuis-Brégaudière, procureur des états de la pro-
vince, représentaient les catholiques ; Lesdiguières, Aspremont,
Morges, Sainte-Marie, Gouvernet, Alleman d'AUières, étaient les
mandataires du parti huguenot. 11 y fut convenu qu'on s'abstien-
drait, de part et d'autre, de tout acte d'hostilité et de tout prélève-
ment d'impôt ; que les réformés évacueraient les places qu'ils occu-
paient, à l'exception de Nyons, de Serres, de Gap, de la Mure, de
Livron, de Die, de Pont-en-Royans, de Pontaix et de Châteauneuf-
de-Mazenc ; que les catholiques et les ecclésiastiques seraient reçus
dans ces villes et réintégrés dans leurs biens ; que, réciproquement,
(i) Lacroi.x, Invent, cit., E, 3867-79.
42 HISTOIRE RELIGIEUSE
les protestants pourraient rentrer dans les villes des catholiques où
ils avaient un domicile et des propriétés ; que les maisons et les
châteaux des gentilshommes des deux cultes leur seraient rendus
sans délai aucun; qu'on retirerait les garnisons de Menthon, de
Fulettc, de Roinac, de Saou et de Grane ; que la première et les
deux dernières de ces places seraient démantelées ; que les hugue-
nots démoliraient, de leur côté, les forts et les châteaux qui étaient
entre leurs mains, à la réserve des châteaux de Chàteauneuf-de-
Mazenc, de Pontaix et de Pont-en-Royans.
« Cette convention volontaire et spontanée semblait devoir assu-
rer la paix en Dauphiné, et sécher les larmes de beaucoup de famil-
les ; mais, parce qu'elle condamnait au repos et à l'inaction des gen-
tilshommes et des capitaines avides de pillage ou habitués aux agi-
tations des camps, ses fruits furent peu durables ; car, en 1580,
partout retentissait le bruit des armées, et jamais année n'avait été
plus féconde en événements (i). »
En effet, les réformés de la contrée, mécontents des conclusions
de l'assemblée de Monestier-de-Clermont, qu'ils disent faite au
profit de leurs adversaires, y refusent leur adhésion, et se soulèvent
d'un commun accord. En mars 1580, ceux de la Sône vont piller le
château de l'Arthaudière. L'armée royale, victorieuse à Moirans, en
part le lundi 28 mars, pour venir à Saint-Marcellin, et aller assiéger
le fort de Beauvoir. Le mercredi, l'artillerie y arrive. Les huguenots
qui occupaient le prieuré de la Sône, sentant venir l'armée, mettent
le feu à ce prieuré, abandonnent St-Alban, emmènent les vivres et
meubles qu'ils trouvent dedans, et se retirent au Fort et à Beauvoir.
Pendant que Maugiron et M. de Tournon vont reconnaître le Fort,
des ligueurs s'y rendent avec leurs chevaux et leurs munitions. Les-
diguiéres, qui, avec des troupes de pied et de cheval s'élevant à
1,500 hommes, tant huguenots qu'autres qui s'étaient retirés avec
eux, était venu au Royans, se détermine à passer l'Isère, à la faveur
du Fort. Le 8 avril, il feint de vouloir assiéger Saint-Marcellin.
Ayant passé l'eau, il se présente devant Saint-Marcellin, va « repaî-
tre » à Chevrières et aux environs, et s'achemine à Tullins, qu'il fait
forcer. Le 18 avril, il repasse l'Isère en face de Saint-Quentin, fait
rompre une douzaine de bateaux qu'il avait, afin que les catholiques
ne s'en servent pas, laisse Bouvier à Saint-Quentin et renvoie
d'AUières au Royans. Izeron et la tour de Saint-Nazaire ont clé ren-
(i) Vincent, op. cit., p. 76-9.
DE PONT-EN-ROYANS. 43
dus aux huguenots. M. de Blacons parti du Royans, le i6 du même
mois, avec 300 hommes de pied ou de cheval, pour aller giter à
Châteaudouble, qui était ruiné, se hâte de le fortifier pour sa re-
traite. Le 26 mai, M. de Beaucroissant, gouverneur de Saint-Mar-
cellin, sort avec 100 hommes, va passer à Romans, y prend 40 sol-
dats de M. de Veaunes, franchit l'Isère, en suit la rive gauche jus-
qu'à la Bourne, passe celle-ci, va jusqu'à Beauvoir, y coupe la nuit
la traille du port, et tourne à Saint-Romans. Là, il prend le capitaine
La Tour, qui avait rendu le prieuré de la Sône aux huguenots ; puis
il lui enlève deux bœufs et tout ce qu'il lui trouve, le tue et emmène
ce qu'il lui a trouvé.
Le 2 juin, jour de la Fête-Dieu, on dit aux gens de Saint-Antoine
que les huguenots et les ligueurs du Royans ont résolu d'aller les
surprendre. Saint-Antoine se tient « un peu coy dans le couvent, »
mais en est quitte cette fois pour cela. Seulement, le 1 5 du même
mois, 80 soldats venus du Royans vont surprendre le château de la
Forteresse près Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs. Monsieur de Mon-
toison, qui dressait son régiment à la Côte-Saint-André, où il avait
déjà demeuré six semaines, envoie à la forteresse 200 arquebusiers
qui trouvent les 80 soldats retirés dans la tour, et y mettent le feu.
Mais celle-ci était déjà murée, et ils sont contraints de se retirer,
après avoir perdu six des leurs. La même nuit, les 80 soldats cou-
rent repasser l'Isère, en emportant tout ce qu'ils avaient trouvé. A
peine sont-ils retirés, qu'une autre troupe, conduite par certains li-
gueurs, va dans la Valloire, en revient par montagne, et descend au
fort par le bois du Pe- ey. Elle comprend bien 200 hommes, et fait
plusieurs prisonniers, gentilshommes et prêtres, qu'elle mène au
Fort. Elle trouve en chemin cinq soldats de la compagnie du capi-
taine La Roche, et les tue sur place. Elle commet une infinité d'au-
tres brigandages.
Le 18 juillet, nos huguenots passent à Beauvoir au nombre d'en-
viron 200 chevaux et 200 hommes de pied, et demeurent tout le jour
autour de Saint-Marcellin, « pour tâcher de tirer raison de la charge
que M. de Beaucressant avoit donnée au capitaine Muguet. » M. de
Beaucressant, sage et avisé, les laisse se promener.
(La suite au prochain numéro).
L. FILLET.
MÉLANGES
Réponse au problème historique
Dans la 38'-' livraison du Bulletin, notre cher et savant secrétaire a
publié, comme problème historique une curieuse lettre française du
XIV" siècle. Cette lettre, qui n'est ni datée, ni signée, était évidem-
ment adressée au roi de France Jean II, dit le Bon, comme le prou-
ve le contexte. Il s'agit d'élucider la double difficulté qu'elle présente
en déterminant sa date précise et le nom de son auteur.
Voici d'abord l'objet delà lettre. Un personnage poursuit en cour
de Rome — ou plutôt d'Avignon — la « dispenssassion d'estre
promeus es sains ordres de prestre «. Il rapporte au roi toutes les
difficultés soulevées à l'encontre de sa demande ; parmi ces difficul-
tés figure la simonie. Les cardinaux lui reprochent, en effet, des
conventions simoniaques, qui auraient été passées entre lui, deman-
deur, le roi de France actuel, Jean le Bon, et son père, Philippe VI de
\^alois. En conséquence, il le supplie de vouloir bien appuyer sa re-
quête auprès du Saint-Siège, ne doutant pas de l'heureux résultat
de sa puissante intervention,
A notre avis, le véritable auteur de la lettre n'est autre que l'an-
cien dauphin de Viennois, Humbert II. Ce prince inconstant et ma-
ladif, gêné par de grands embarras financiers, avait fini par abdi-
quer le pouvoir ; le 30 mars 134g s'accomplissait, à Romans, l'acte
de transfert du Dauphiné à la France (i), et le 17 juillet suivant le
dauphin revêtait l'habit des Frères Prêcheurs (2).
Le 25 octobre et le i" décembre 134g nous le retrouvons au châ-
teau de Beauvoir (3), le 4 janvier 1350 à Montfleury (4) et le i"
février à Grenoble (5). Vers la fin de cette même année 1350, il
« sortit pour la dernière fois de ses Etats, dit Valbonnais. Il alla en
droiture à Avignon pour être promu aux ordres. Il reçut les trois
derniers ordres de la main du Pape, le jour de Nocl, dans l'inter-
valle des trois messes » (6). Ceci posé, il n'est pas invraisemblable
de croire que, dans le courant de l'année 1350, soit du mois de fé-
d) Valbonnms, Ilist. de Dauphiné, II, 594. — (.>) Ibid.,625. — (3) Ibid., 611
et 613. — (,}) Ibid., 615. — (5) Ibid., 616, —(6) Ibid,, I, 352.
MELANGES. 45
vrier au mois de décembre, Humbert n'ait été justement préoccupé
de sa carrière ecclésiastique et de sa promotion au sacerdoce ; de là
sa lettre au roi de France. Philippe VI étant mort le 22 aoiàt i 350 (i)
et son fils Jean lui ayant succédé le même jour (2), de plus, Valbon-
nais nous apprenant qu'Humbert alla à Avignon, pour son ordina-
tion, dans le courant de décembre, il s'en suit que la lettre en ques-
tion a dû être écrite en septembre ou en octobre 1350. Voilà pour
la date.
iMaintenant sur quoi s'appuie l'attribution de cette lettre au dau-
phin ? D'abord, il est incontestable que l'auteur était un personnage
important : le seul fait d'écrire au roi de France le prouverait déjà.
Le texte nous fournit un détail significatif, l'auteur assure que le
pape a déjà accordé de semblables dispenses « en cas plus grief et à
petites gens ». Evidemment l'auteur ne se compte point parmi les
a petites gens ». En outre, il a été en rapport avec deux rois, Phi-
lippe VI et Jean II ; c'est avec eux qu'il serait convenu d'un pacte
simoniaque : « qui dient que mess(ire) li Roys vostre pères, cuy
Diex assolle, et vous et je feimes convencions mauvèses, lesqueles
contenoyent mauvetie et simonie. » Ce détail cadre bien avec tout
ce que nous savons d'Humbert II, depuis son premier dessein de
quitter le monde pour la vie religieuse, où les honneurs ecclésiasti-
ques ne lui devaient pas être refusés. Cette perspective lui avait été
habilement ménagée, car à la cour de France on connaissait bien ce
prince bon, généreux, mais faible, irrésolu et toujours séduit par
l'apparat extérieur. Aussi, les relations diplomatiques auxquelles
avait donné lieu la réunion du Dauphiné à la couronne pouvaient,
jusqu'à un certain point, expliquer les accusations et les plaintes
formulées contre l'ancien dauphin. Un autre motif apparaît encore :
débiteur du Saint-Siège, auquel il avait emprunté d'assez grosses
sommes, Humbert semblait alors négliger le règlement de ses dettes;
une bulle pontificale vint le rappeler à ses engagements (3). Dans
cette bulle le mécontentement du pape était manifeste, et Valbon-
nais, en la publiant, n'a pu s'empêcher de faire la réflexion suivante :
« Il paraît par les termes dont le pape use dans cette bulle qu'après
qu'Humbert eut pris le parti d'abandonner ses Etats pour entrer en
religion, il déchut considérablement auprès de lui » (4). Ce parti, en
effet, ne plaisait pas à Clément VI, qui sollicitait le dauphin de se
(i) Art de vérifier les dates, I, 597 (édil. de Paris, 1783, en 3 vol. in-fol.). —
(2) Ibid. — (3) Valbonnais, II, 609. — (4) Ibid., Il, 610.
46 MÉLANGES.
remarier. Flumbert parut céder un moment à ses conseils, et des
pourparlers furent même entamés, mais sans succès, pour lui obtenir
la main soit de Blanche de Savoie, soit de Jeanne de Bourbon (i).
Philippe VI finit par l'emporter, non sans un certain mécontente-
ment de la cour d'Avignon, d'autant plus que, dès 1342, il avait été
question d'inféoder une partie du Dauphiné à l'Eglise romaine (2).
Voilà donc tout un ensemble de faits qui e.xplique bien et les diffi-
cultés qu'Humbert rencontra auprès du Saint-Siège, et le recours
dont il usa auprès du roi de France à l'effet d'appuyer sa demande.
Si nous continuons à examiner le texte de la lettre, nous y trou-
vons encore d'autres arguments. L'auteur appartient au Dauphiné,
ou tout au moins lui touche de bien près : « m'en vois en Vyenois »,
déclare-t-il. Et pourquoi va-t-il en Viennois ? il nous le dit : « par
entencion d'adrecier et de mètre en point les besognes de mons-
s(egneurj Charles, vostre aisné fil et le mien. » Ce passage nous
semble décisif. L'auteur écrivant au roi de F'rance appelle le nouveau
dauphin « vostre aisné fil et le mien. » C'était à ce jeune prince
qu'Humbert avait cédé ses Etats, il l'avait lui-même initié au gou-
vernement du pays delphinal ; il pouvait bien dès lors le regarder
comme un fils d'adoption. Et qui donc, en Dauphiné comme ailleurs,
aurait pu parler de la sorte ? Qui donc surtout aurait pu prétendre
au dessein de diriger le dauphin de France, de « mètre en point les
besognes de monss(egneur) ? » Un tel langage, impossible pour
tout autre, ne se comprend que dans la bouche d'Humbert, où il n'a
rien que de très naturel.
Charles BELLET.
INVENTAIRE DES SCEAUX DES ARCHIVES NATIONALES
600 JEAN, fils d'Humbert V' (,1294).
Sceau rond, de 33 mill. — Arch. de l'Emp. J 277, n" 5.
Sceau armoriai. Un griffon passant, portant au cou un écu au
dauphin.
>J< S' ■ lOiilS • l'RhMOGENlTI • IIV • DALPH • VIEN
(Sigillum Johannis, primogeniti ilumhcrti, Dalphini Viennensisj.
(1) Ibid., I, 3|S. — (2)1-'- CuKVALiEH, Choix Je documents historiques inédits
sur le Dauphiné, p. 07-73.
MELANGES. 47
Appendu à un traité entre lui, son père le dauphin, et le roi Phi-
lippe le Bel. — Paris, décembre 1294.
601 Le même, Dauphin (1308).
Frag* de sceau rond, d'env. 40 mill. — Arch. de l'Emp. J 277, n° 8.
Sceau armoriai. Dans un trilobé un écu au dauphin accosté de
deux demi-tours et accompagné en pointe d'un dragon ou tarasque.
... I O H I S • D . . . . I • V I E N '
Appendu à des lettres où le dauphin consent à une prolongation
de trêves entre lui et le comte de Savoie. — Romans, le mercredi
avant la Pentecôte 1308 (29 mai).
602 Le même ri3io).
Sceau rond, de 80 mill. — Arch. de l'Emp. J 277, n" 5.
Sceau équestre, aux armes (le dauphinj sur champ treillissé.
S'. lOHIS : DALPHINI : VIENEN : ALBON :
COMITIS : DNI : q3 : DE TVRRE :
(Sigillum Johannis, Dalphini Viennensis, Albonie comitis,
Dominique de Turre).
Contre-Sceau.
Un demi-château.
>J< SECRETVM ■ lOHIS ■ DALPIII •
(Secretum Johannis, Dalphini).
Appendu à un traité de mariage entre l'une des filles du duc de
Bourgogne et le tils du dauphin. — 23 octobre 13 10.
603 HUMBERT IL
Deuxième fils de Jean et frère cadet de Guignes VIII (1343).
Sceau rond, de 100 mill. — Arch. de l'Emp. J 279, n" 8.
Sceau équestre, aux armes (le dauphin) sur champ fretté.
S . HYM^iTI ■ DALPHI • VIEN PNCIPIS :
BRI CES ANE : VIENiNE : COM
Sigillum Humberti, Dalphini Viennensis, ducis Campi Sauri,
(i) Restitution : Sio'illitm Johannis dalphini Viennen'iis.
48 iMELANGES.
principis Brianconesii, marchionls Cesane, Vienne, Albonie, Graisi-
vodani comitis.
Revers.
La représentation d'une ville. En exergue Técu au dauphin et
l'inscription VIENA.
AC : PALATNI : VAPINCESII : EBREDVN : ET :
ÂDRIE : COITIS : DNI : BA MÔTALBAN :
.... MÔTIS L et dans le champ VPELLl
(Ac palatini Vapincesii, Ebredunensis et Andrie comitis, domini
baronniarum Turris, Fucigniacci, xMontis Albanie, MeduUionis,
Montis Lupelli).
Appendu à un acte du 7 août 1342', relatif à la donation du
Dauphinc.
604 Petit sceau (1349)-
Sceau rond, de 40 mill. — Arch. de l'Emp. J 277, n" 18.
Sceau armoriai. Dans un quadrilobe ogival orné de petites figu-
res, l'écu au Dauphin.
S'. PARVVM HVMBER... DALPHIiNI.... NENSIS
(SiglUum parvum Ilumberti, Dalphini Viennensis).
Appendu à une charte du 30 mars 1 349.
605 CHARLES,
Fils de Jean, duc de Normandie (Charles V) ('1349).
Sceau rond, de 53 mill. — Arch. de l'Emp. J 283, n" 14.
Sceau armoriai. Ecartelc, au i et au 4 de l^rance à la bordure,
au 2 et au 3, du dauphin.
>J< S" : KAROLl : PRIMOGENITI : PRIMOGENITI :
REGIS : FRANCOR.. DALPHINI : VIENNENSIS
(Sigillum Karoli, primogeniti primogeniti régis Francorum,
Dalphini \'iennensis).
Appendu à la ratification d'un accord entre le Dauphin llumbert
et Jean de Chàlon. — Lyon, 19 juillet 1349.
(i> Date erronée, lire ij.i3-
ÉGLISES ROMANES
DU VIVARAIS
BOXJRG-SAIKT-ANDÉOL
(Fin) (i)
.^ ■V4^^,j?sivryx^^
II. L'EGLISE SAINT-POLYCARPE
A PARTIR DE L'AN 8^8.
En résumant tout ce qui vient d'être dit dans la première partie
de notre travail, nous pouvons affirmer comme résultat historique
acquis que, le 5 mai 208, Tullie enleva le corps du martyr, le dé-
posa dans le sarcophage en marbre blanc, qu'elle le cacha et l'en-
fouit en une maison ou en un jardin près du Rhône ; qu'à l'époque
de la pacification Constantinienne on éleva sur l'hypogée une basi-
lique à trois absidioles, puis un temple paroissial quelconque; que
cette sépulture du saint devint totalement inconnue au IX^ siècle,
soit que l'on eût perdu la signification de cette basilique ou de ce
temple, soit plutôt que cet édifice eût disparu sous les décombres
accumulés par les dévastations des invasions et des guerres des
siècles précédents, ou qu'avec le temps cet édifice un peu déplacé
eut été séparé du lieu de sépulture. Nous avons présumé avec une
grande probabilité et presque établi avec certitude que cet endroit
(i) La dernière note (2) de la dernière page de la première partie (Bulletin pré-
cédent) doit être ainsi modifiée en sa fin :
Mais, comme'on le verra dans la suite, les caractères archéologiques de cet édifice
lui assignent pour date véritable la fin du IX.' siècle.
Bull. YII, 1886. 4
50 EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
de la sépulture était une maison de Tullie, maison qui, en temps de
persécution, abritait le précieux trésor, et qui, dans les jours de
paix, devenait un temple approprié au service religieux et au culte
du saint, maison peut-être remplacée, avec la suite des temps, par
une église proprement dite.
1° Endroit où fut trouvé le tombeau. — Êgtise primitive
de St-Polycarpe.
En l'an 858, Tévêque de Viviers Bernoin, sur le point d'inaugurer
l'église neuve de St-Etienne et de St-Jean, se préoccupait vivement
de rechercher le corps de saint Andéol. Il ordonna des prières, des
jeûnes publics : saint Polycarpe, le martyr de Smyrne, révéla l'em-
placement du tombeau ; les fouilles exécutées au point marqué jus-
tifièrent cette indication : Bernoin, comme le dit son inscription,
découvrit le corps de saint Andéol, « Invenit corpus beati Andeoli. »
Ici se présente immédiatement une question : A cet endroit même
des fouilles, y avait-il une église ou ruinée ou debout? — Pas un
document ne répond affirmativement. Tous disent que l'on creusa
au lieu indiqué (i), sans autre renseignement de détail. Il semble
même que ce lieu n'était pas plus ou moins prévu, n'avait aucun
caractère qui pût faire soupçonner une telle découverte. Comment,
en effet, supposer que l'on n'ait pas spécifié dans les récits que ce
lieu de la découverte était soit au dedans, soit à côté de l'église alors
existante, ou sous les ruines de l'ancienne église, etc., alors c]ue ces
mêmes passages, ces mêmes phrases, qui continuent et reviennent
à parler de ce lieu, rapportent avec une affectation solennelle la
translation qu'on lit immédiatement dans l'église nouvelle, magni-
fique, bâtie sur la hauteur, etc. {2) ? Ainsi donc, en l'état où étaient
les choses en 858, tout concourt à faire croire que sur l'emplace-
ment du tombeau il n'y avait pas W^cc facilement apparente d'édifice
religieux.
Ce sentiment parait confirmé par l'érection de l'église nouvelle à
(i) r<ouciiiEn, loc. cit., p. 605.
« Locum, ubi Sanctus martyr quiescebat, pcrnotavit. »
« Locum simul ostendcns... » — n Ad luciim jam ostcnsum acccsscrunt. »
(2) V. HoLCiiiER, loc. cit., |). 605 :
(« In Eccicsiam Sci Stcphani cl S ci juanni^ in sublime crectam..., mirificc cons-
Iructam, nobilibbimam domum. »
BOURG-SAINT-ANDEOL. 5I
laquelle Bernoin donnait tous ses soins : il est possible, en effet, que
le pieux évêque, voyant cette région basse de la ville dépourvue
d'église, eût pensé à en bâtir une, de grande dimension, qui servi-
rait à la fois pour le quartier bas et pour le quartier haut (quartier
neuf) ; actuellement, il en est ainsi.
Mais comme d'un autre côté les documents écrits font remonter
aux premiers siècles (i) l'existence d'une église paroissiale au lieu de
la découverte du tombeau qui est l'emplacement même de l'église
St-Polycarpe, nous sommes amené à présumer que, en cet endroit
à cette date 858, il devait y avoir des ruines plus ou moins dissimu-
lées, peut-être envahies par les empiétements des maisons voisines,
ce qui expliquerait l'étroitesse à laquelle fut réduite l'église St-Poly-
carpe ; que ces ruines ou ces empiétements étaient d'autant plus de
nature à égarer les investigations, qu'elles apparaissaient comme les
débris, non pas d'un temple chrétien proprement dit, mais d'une
maison ordinaire, de la maison de Tullie, autrefois appropriée com-
modément au culte, mais jamais suflisamment et ostensiblement trans-
formée. Cela n'empêchait pas la paroisse de subsister, et d'être desser-
vie par un édifice voisin, provisoire, séparé du dit lieu de la sépulture.
Pour nous qui, depuis la Révolution, avons assisté à la disparition
si prompte de tant de monuments, qui avons vu avec quelle facilité
la spéculation ou le besoin pratique les empiétements, défigure le sol,
déracine les édifices les plus considérables, de manière à laisser
ignorer à une génération les travaux que la génération précédente
semblait avoir exécutés pour la postérité la plus reculée, nous pou-
vons aisément concevoir telles combinaisons de circonstances qui,
loin de facihter alors la solution du problème, tendaient plutôt à
égarer les recherches et à les éloigner du véritable point.
2° Eglise carlovingienne de St-Polycarpe. —
Arguments historiques : — Archéologiques [signes lapidaires).
Tout ce que l'on peut affirmer avec pleine certitude, c'est que
l'église actuelle St-Polycarpe n'existait en aucune de ses parties.
(i) MiRABEL, p. 107-108. Extrait du syndicat des paroissiens de l'église parois-
siale St-Polycarpe,
Instruction pour le cure de St-Michel, etc. :
« L'église St-Polycarpe était des plus anciennes du diocèse. »
« La paroisse St-Polycarpe avait été érigée longtemps avant celle de St-Andéol,
avant 858. »
5-^
EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
Cette église en effet, comme nous l'avons dit page 8, est d'un seul
jet, d'un art carlovingien très prononce ; elle apparait toute entière
depuis les premières assises de la base et de la crypte jusqu'à la
crête de la toiture ; l'homogénéité de tous ses éléments saute aux
veux. 11 V a plus : on a creusé le sol de près de 2 mètres, de manière
à laisser à nu toute cette hauteur des fondations heureusement fort
solides, renforcées, il est vrai, par quelques moellons récents ; mais
ainsi que nous l'avons dit plus haut, et comme nous l'expliquerons
plus au long, ces fondations indiquent à peine, en quelques parties,
les restes d'un édifice antérieur. Ce n'est donc pas cette église là
même qui pouvait exister en 858, au moment de la découverte de
Bernoin. C'est donc après cette date que nous avons à chercher
l'âge de cette église.
Consultons les documents historiques, avant d'aborder l'archéo-
logie proprement dite.
Historiquement, par la donation de l'église St-Andéol aux cha-
noines de St-Ruf fi), l'évêque de \'iviers, Léodégaire, céda à l'abbé
de l'Ordre le droit de présentation aux cures de St-Michel et de St-
Polycarpe (2). Ainsi la paroisse de St-Polycarpe était parfaitement
constituée en 1108. Elle fonctionnait avec tous les éléments dont le
principal est évidemment l'église elle-même et, comme entre les deux
juridictions des religieux et de la cure surgiront bientôt de nom-
breux conflits dont nous possédons les documents écrits, sans que
jamais plus il ne soit question d'une construction d'église (ce qui au-
rait aggravé les complications), nous sommes en mesure d'afiirmer
que l'église St-Polycarpe existait en 1108 et même depuis un temps
relativement considérable (3). Cette église était donc construite au
XP siècle vers l'an 1000. Kn tout cas, conservons cette date 1108,
jalon extrême donne par l'acte de Léodégaire.
Passons maintenant aux considérations archéologiques. Si nous
n'examinons que le caractère architeclonique, les signes particuliers
des constructeurs, la manière des \oûtes, des pilastres, etc., nous
retrouverons toutes ces conditions en d'autres églises de la contrée
que nous ne pouvons, sans preuves, rapporter à une date aussi re-
culée 858, ou fin du IX"^ siècle. Les chanoines de St-Ruf établis au
Bourg, et en général les architectes de ce pays, s'emparèrent des
(i) MiriALEi., p. 156. — CoLU.Miii, p. 8,j . I/aclc de ddnation y c^l en entier.
(2) Archives communales, sac 2. — Miraiii:i., p. 15H.
(3) Keporlons-nous à ce qui a cic dit et cité sur l'ancienneté de cette paroisse et
sur sa priorité par rapport à celle de Saint-Andéol.
BOURG-SALXT-ANDEOL. 5 3
types carlovingiens des églises St-Andéol et St-Polycarpe ; ils adop-
tèrent ces modèles primitifs, simples, sans exigence, se suffisant
avec les pauvres etpetits matériaux qu'on avait sous la main en cette
région de calcaire. On modifia les détails, mais on conserva les
lignes principales. Le plus souvent on les simplifia encore et on les
réduisit à l'état de vaisseau unique, sans transept. Mais tout cela
nous reporte au XII* siècle. Ce n'est plus une solution suffisante.
C'est ici qu'il faut considérer les sigles de diverses sortes que pré-
sente en grand nombre le monument de St-Polycarpe.
Nous n'avons aucunement la prétention de nous mêler au débat
qui s'est élevé entre les archéologues architectes et les archéologues
archivistes, au sujet soit de l'époque des premières voûtes en pierre
des églises, soit de la question des signes lapidaires, marques de
tâcherons, lettres alphabétiques, tailles en chevron, fougères, barbes
de plumes, etc.; nous nous bornerons à étudier le problème chrono-
logique dans les limites restreintes de la localité qui nous est con-
nue. Mais nous ne nous dissimulons pas que la conclusion à la-
quelle nous arriverons pour Sl-Polycarpe ne sera pas sans portée
sur la solution des questions générales pendantes.
Commençons par comparer entr'elles les églises St-Andéol et
St-Polycarpe.
L'église St-Andéol est, dans son état général, l'œuvre de Bernoin :
Elle est datée dune manière absolue (851-858); nous l'avons vu.
Sous l'évêque Leodegarius, vers 1 108, et probablement à l'époque et
à l'occasion de l'arrivée des chanoines de St-Ruf comme gardiens et
desservants de cette église, elle fut l'objet de quelques réparations :
d'après le texte de l'inventaire (i ) de Leodegarius lui-même, elles
consistèrent à restaurer les murailles qui menaçaient ruine; quelque
partie du chevet fut démolie et refaite (2). On peut encore aujour-
d'hui se rendre compte de ces travaux. C'est à cette époque qu'il
faut rapporter les gros arcs boutants, lourds et primitifs, qui ont
arrêté l'écartement des grands murs, et les contreforts, aussi massifs,
qui ont contenu sur les trois absides du chevet les poussées longi-
tudinales, — mais il faudrait bien se garder de comprendre parmi ces
mesures de simple consolidation la construction de la tour du clo-
(1) Archives communales de St-Andéol, sac. 2, n° 20 : « Vollens parietes ipsius
qui jam ruinant minabantur in melius reformare.»
(2) Ibidem, et Mirabêl, p. 165. Nous n'adoptons pas toutes les présomptions de
l'auteur sur les réparations faites par Leodegarius. On verra notre opinion dans la
dissertation sur l'église St-Andéol.
54 EGLISES RO.MAXES DU VIVARAIS.
cher. — Outre que dans aucun document on n'a attribué à Leode-
garius ce magnifique morceau d'architecture, nous avons les raisons
les plus plausibles de croire que, sans remonter bien entendu à Ber-
noin ni au IX'= siècle, il existait déjà au XII^ siècle, et nous pensons
même qu'il faut en grande partie rendre son poids responsable des
affaissements et des écrasements subis par le monument tout entier,
ce qui amena la restauration du Xll" siècle (les mêmes causes ont
produit la 2® réparation de 1866). — Nous aurons donc bien soin de
distinguer en l'église St-Andéol trois époques, celle de Bernoin, celle
de la Tour du clocher sur le transept, et celle des réparations de Leo-
degarius.
Dès à présent nous tenons une église romane de 851 à 858, dont
la voûte en pierre n'a pas cessé d'exister.
Quant aux signes lapidaires, cette église St-Andéol en contient-
elle ? La partie primitive remontant à Bernoin n'en a pas trace : ni
lettres, ni surfaces de pierre à tailles façonnées.
La tour du clocher au contraire a plusieurs lettres et plusieurs
tailles à façon. — Les parties restaurées de Leodegarius n'en offrent
pas plus que l'église primitive de Bernoin.
Passons maintenant à St-Polycarpe. Toutes les surfaces de
pierre, dans l'église et dans la crypte, sont taillées en chevron, etc.
Mais pour les lettres, il y a une différence absolue entre les deux
portions de l'église : la crypte en est parsemée : P, A, M, Z, S, I, E ;
l'église n'en a aucune. — Quoi qu'il en soit de cette différence de dé-
tail, St-Polycarpe, considéré dans son ensemble, est un type de l'ar-
chitecture romane caractérisée par les divers accessoires d'ornement
qui nous occupent, et que l'on retrouve dans les édifices de la région
méridionale du Rhône.
L'édifice St-Andéol au contraire dans la partie primitive appar-
tient à une autre famille, est l'œuvre d'une autre école, et en effet, la
physionomie de l'église St-.\ndéol est tout à fait celle des églises des
bords du F^hin (\).
Comme première conséquence, ces deux églises n'ayant pu être
construites en même temps, dans une bourgade, sous le même évê-
que Bernoin, par deux écoles très différentes, l'église St-Polycarpe
est postérieure à St-Andéol.
•Mais nous avons constaté qu'une partie de l'église St-Andcol (le
clocher et son petit escalier à vis) offrait des signes lapidaires de di-
(1) Voir notre prochaine élude sur l'église St-Andcoi.
BOURG-SAINT-AXDEOL.
53
verses espèces, des lettres A, q, des pierres chevronnées et même
pointillées, quoique beaucoup plus rares et beaucoup moins bien
exécutées ; — comme deuxième conséquence, nous dirons que l'école
méridionale ou provençale, qui a bâti St-Polycarpe, a construit la
tour de St-Andéol.
Et parce que ces signes lapidaires sont très imparfaits et assez
rares dans cette tour, et qu'ils établissent une transition dernière
entre l'art supérieur des sigles de St-Polycarpe et la taille vulgaire
et commune des maçons ordinaires qui se contentent de strier unifor-
mément les pierres, comme troisième conséquence nous concluerons
que la tour de l'église St-Andéol représente la basse période de l'é-
cole provençale, la période des traditions affaiblies non pour la
composition et la construction artistiques, mais pour les procédés
des maîtres de taille, dont les signatures, burinées à la façon antique,
et dont les fantaisies chevronnées resplendissent au contraire à St-
Polycarpe dans tout l'éclat primitif d'un génie inventeur.
Enfin, comparant St-Polycarpe avec la portion de St-Andéol res-
taurée par Leodegarius, à partir de 1108, nous ne trouvons plus le
moindre rapport. Ces parties n'ont aucun des signes lapidaires de
St-Polycarpe. Qu'est-ce à dire, si ce n'est, comme quatrième et su-
prême conséquence, que les méthodes de la taille ornementée des
surfaces, pratiquées par l'école provençale, avaient disparu au XII*
siècle.
En définitive, par l'inspection des sigles lapidaires des deux mo-
numents de St-Andéol et de St-Polycarpe, nous arrivons à établir
que St-Polycarpe est postérieur à l'an 858, et fort antérieur à l'an
1 108 ; même assez antérieur à l'érection du clocher de St-Andéol qui
a dû suivre la construction définitive du gros œuvre de Bernoin.
Supposant que ce clocher n'ait été élevé que cinquante ans, cent
ans même après Bernoin, nous aurons environ les années 920,
950 : — St-Polycarpe, étant assez antérieur, aura été bâti vers 900,
fin du IX* siècle, soit, si l'on veut, vers 950.
C'est bien une église pleinement carlovingienne, avec sa voûte en
berceau, et avec sa simplicité intérieure imitée des travées de St-
Andéol, comme aussi bâtie avec de fort menus matériaux. fVoir ci-
après, 4° Description).
Nous tenons à faire observer que les déductions successives par
lesquelles nous avons obtenu l'âge minimum de St-Polycarpe sont
tirées de l'examen des monuments de la localité, et que nous avons
laissé tout à fait en dehors de ce travail les rapprochements que nous
56 ÉGLISES RO.MANES DU VIVARAIS.
aurions pu établir à l'aide des nombreux édifices de l'école proven-
çale disséminés dans les environs de Bourg-Saint-Andéol, et décrits,
mis en évidence et parfois en parallèle, si magistralement, par M.
Révoil (\).
Enfin une remarque encore fort intéressante, dans le cas particu-
lier qui nous occupe, c'est que les diverses époques de construction,
tant de St-Andéol que de St-Polycarpe, reproduisent, reflètent très
fidèlement, en une petite localité, l'histoire générale de cette école
carlovingienne provençale à signatures lapidaires. Elle apparaît au
IX^ siècle, elle se développe et brille magnifiquement aux X'' et XI'
siècles, commence à s'éclipser peu après, et disparait au XII"= siècle,
dans la région même qui avait été son berceau.
3° Eglise carlovingienne de Saint-Polvcarpe [suife). —
Arguments archéologiques [suile) : — Epigraphiqucs ;
— argument de raison.
Continuons l'étude archéologique de ce monument si intéressant,
et voyons si nous pouvons trouver de nouvelles preuves ou puis-
santes présomptions en faveur de son érection au IX" ou au X*
siècle.
II s'en faut que toutes les fouilles, préparatoires à une restaura-
tion complète, soient faites à cette heure, principalement sur la par-
tie de la façade, enfouie, comme on l'a dit, dans les remblais qui ont
nivelé la place extérieure. Si l'on s'en tenait à l'inspection du cintre
extérieur du portail, on pourrait s'égarer et descendre jusqu'au XII""
siècle, tant il y a de pureté dans la sculpture du feuillage qui orne la
moulure de l'arc du tympan. Mais les sondages que nous avons pra-
tiqués ont mis à jour des fragments plus anciens de cette grande
porte, des pierres de taille façonnées avec des entrelacs grossiers et
caractéristiques, tels que ceux de l'inscription de Bernoin. Il est évi-
dent que ces entrelacs exhumés sont plus dans le goût du IX' siècle
que dans celui du XII*-'. Nous pouvons en passant conclure que le
cintre actuel extérieur du portail n'est pas de la première conception
de cette façade : c'est un placage d'un beau style roman, qui par la
finesse de ses sculptures fait contraste avec la sé\crc simplicité de
toutes les lignes de St-Polycarpe. On le voit, les motifs de préjuger
{i) .Archit. romane du midi ; et .\ppcndicc.
BOURG-SAINT-ANDEOL. • 57
en faveur de l'archaïsme carlovingien de cette église se multiplient
sous toutes les formes, en toutes nos recherches.
Une découverte épigraphique nous apporte la preuve la plus im-
portante et la plus concluante dans ce sens. C'est celle du graffite du
petit escalier septentrional, ainsi conçu en trois lignes (i) :
S ce Andeole in
tercede pro no
bis
sur l'angle d'une fenêtre meurtrière, et accompagné d'une lettre A
déjà si répandue dans la crypte elle-même. Nous l'avons publié cette
année (1886) dans la Bibliothèque de l'Ecole de Chartes (t. XLVII,
Inscriptions chrétiennes du Vivarais), où nous disions : « Cette ins-
cription appartient à la capitale carlovingienne non moins que les
inscriptions de Bernoin et d'Aurélien. Elle en a les majuscules, les
insertions et les inégalités de lettres. Elle n'a rien d'oncial, » et pas
une minuscule. Les interlignes sont réglés d'un trait unique, le signe
abréviatif de Sce est un oméga à pattes allongées ; tous ces carac-
tères lapidaires nous ont fait assigner le graffite à la fin du IX^ siè-
cle, ce qui d'un coup daterait l'église St-Polycarpe. Examinons donc
encore très attentivement les trois sortes d'éléments de ce graffite,
lettres, règlure, sigle abréviatif.
Quant aux lettres elles-mêmes, toutes majuscules capitales, elles
sont bien du IX' siècle. La règlure n'offre aucune difficulté. Elle est
d'un usage si fréquent dans les siècles même antérieurs (2).
Il n'en est pas de même du signe abréviatif oméga majuscule à
pattes allongées. Les monuments lapidaires qui le portent, en ces
temps reculés, paraissent avoir été refaits postérieurement. C'est
ainsi que l'inscription de l'autel de l'évêque Deusdedit, siégeant à
Rodez avant 599, a été paléographiquement considérée comme gra-
vée tout au plus durant l'époque carlovingienne : on y voit le sigle
oméga et aussi les C et le G carrés et à volute carrée (3). U faut donc
chercher des exemples authentiques de ce sigle remontant au [moins
aux IX' et X' siècles. Les architectes en proposent plusieurs :
(i) C'est un moulage qui nous a procuré le graffite dans celte netteté parfaite
que nous reproduisons sur la Planche, et que les estampages n'avaient pu nous
donner, lorsque nous avons rédigé .l'article de la Bibl. de l'Ec. des Ch.
(2) Leblant, Inscriptions chrét. antér. au VIII' siècle.
(■5) Leblant, ib. T. 2. Planche n" 574, et note spéciale de l'auteur.
5© EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
1. Un Ecce Agn Dei, de la chapelle St-Victor près de Tarascon
(Bouches du-Rhône), où Ton retrouve identiquement le G carré
à volute carrée, et l'oméga de Rodez. St-Victor est, comme plan et
ordonnance architecturale, semblable à St-Gabriel, et couvert de
tailles en fougères et de sigles alphabétiques (i).
2. L'inscription de la crypte d'Apt où le mot Scam pour SanclJni,
même qualificatif que le Sce de St-Polycarpe, est surmonté d'un
oméga absolument pareil, même à ses extrémités relevées et épa-
tées (2). Les lettres sont capitales, sans mélange.
3. La signature d'un architecte de la façade primitive de St-Tro-
phime d'Arles, D — sur la nef de St-Virgile (avant l'application du
fameux portail du XII' siècle) (3). L'oméga ici est renversé.
Il faut avouer que ces exemples, triés parmi beaucoup d'autres,
seraient difficilement placés, avec toutes les circonstances extrinsè-
ques qui les accompagnent, en une époque postérieure aux temps
carlovingiens.
Toutefois relevons les observations qu'on a faites aux architectes : .
on les a accusés de vouloir, par une pétition de principe, trouver la
date carlovingienne d'un sigle à l'aide de monuments lapidaires dont
l'origine et les caractères carlovingiens sont contestés. Et puis, a-t-
on objecté, en reconnaissant que ce sigle devient universel au XII°
siècle dans le style lapidaire et dans les manuscrits, comment ose-t-
on l'attribuer, dans les inscriptions, au IX'= siècle, alors qu'on ne le
trouve dans les manuscrits qu'au milieu du XI'' siècle, et encore assez
rare? N'est-ce pas forcer la note par un empressement de parti, et
préjuger ce qui est en question ?
C'est précisément aux manuscrits qu'en ce moment nous allons
demander la réponse à ces reproches, et l'authenticité carlovingienne
de ce sigle et par suite de tout le reste.
Les maîtres citent, comme une des premières apparitions du si-
gle, celui du sceau papal de Léon IX (1030) (4). A ce compte, il fau-
drait l'avouer, le sigle ne saurait justifier les dates carlovingiennes
des inscriptions ci-dessus, et ce graffite serait contradictoire dans
SCS éléments, par ses lettres du IX'= siècle, par son sigle du XI" ou
du XII"" siècle Nous avons donc été amené à chercher nous-méme
à quelle première époque le sigle oméga se rencontre dans les docu-
(i) KÉvoiL : Archit. romane : vnir St-Gabricl.
(2) RÉvoiL : — iK. — Api.
( l) Révou, : — ib. — St-Trophimc.
f^) -Mabillon, De re diplomaticà, p. 445.
BOL'RG-SAINT-ANDÉOL. 59
ments écrits. En compulsant les manuscrits, nous l'y trouvons très
abondamment, dans sa forme parfaite, en plein dixième siècle (i). La
collection Wisigothique de Silos est venue corroborer cette consta-
tation, en nous offrant des échantillons de l'oméga ordinaire et de
l'oméga renversé tel que celui d'Arles (2). En sorte que nous avons,
dans ces manuscrits, des exemples de mots identiques à ceux des
inscriptions de St-Polycarpe , de Rodez, d'Apt , de St-Victor et
d'Arles, avec le sigle aussi identique. Il nous a paru que le sigle était
originaire de la Lombardie, et avait passé par l'écriture française
carlovingienne dans les manuscrits Wisigothiques d'Espagne des X'
et XI^ siècles. Il y a du reste une grande affinité entre les ornements
de l'architecture Lombarde et ceux de l'architecture Provençale. De
nouvelles recherches dans les documents écrits de provenance méri-
dionale, surtout Lombarde, reculèrent jusqu'au IX^ siècle l'âge de ce
sigle devenu si importa^it ('7,). Mais tel que nous l'avons en si fréquent
usage dès le X' siècle, il suffit aux besoins de notre thèse ; il fixe pour
St-Polycarpe un âge minimum, qui peut être la fin du IX" siècle ouïe
début du X'. En effet, par là il nous est démontré que le sigle du graf-
fite n'est pas en contradiction avec les lettres et la règlure; que celles-
ci, posant le graffite à la fin du IX" siècle, le sigle peut lui-même s'accom-
moder à cette date, en un mot que le graffite, tel qu'il est, peut très
bien être assigné à cette époque dont on rejetait d'abord la fécondité
et la gloire architectoniques. 11 est certain qu'une inscription de cette
nature, tracée à la hâte et par manière de récréation pieuse, et ce-
pendant toute en majuscules capitales, c'est-à-dire dépourvue de
tout mélange de lettres négligées, de tout emprunt aux alphabets de
décadence (au IX' siècle déjà on insérait souvent des onciales et des
minuscules), une telle inscription est une date. Elle nous autorise à
affirmer, comme nous l'avons présumé dans l'article précité de la
Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, que le petit escalier de St-Poly-
carpe et par conséquent au moins la crypte et la partie inférieure de
l'église étaient construits vers la fin du IX' siècle, peut-être même
vers la fin de l'épiscopat de Bernoin, en 873.
(i) Bibli. nationale, fonds lat., n" 3778, fol. 194, 165, 141, 118, 97, 91, 68,
on y trouve sce, scis, comme dans notre gratïïte. N" 3777, fol. 77, 79 ; n" 4669,
fol. un" 5301, fol. 62, 87, 102, 163, i85,i9o,2i3,233,293;n''46i3,f. 13, 18, 73.
(2) Bibl. nationale, fonds lat. nouv. acquisit. N" 2169, fol. 54, 11 i ; n" 2 171,
fol. 432 ; n" 2 I 78, fol. 66, 150.,. ad finem ; n" 2 i 77, fol. 422, 658.
(3) Westvvood, Paleographia sacra pittoria ; — C'° de Bastard, Peintures des
manuscrits, T. 5-6.
6o ÉGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
Quant à la lettre A, elle est gravée à part, au delà de l'arête de la
pierre d'angle, sur l'autre face, en pendant avec le graffite, comme
pour attester la griffe du maître qui a taille en chevron et signé les
pierres de taille les plus en vue de la crypte.
On s'est étonné de rencontrer le mot Sanctus alors qu'à celte épo-
que on emploie le plus souvent l'épithcte Beatus. Cette observation
serait juste pour les récits du discours ordinaire, ainsi qu'il appert
dans l'inscription de Bernoin, Invenit corpus Beati Andeoli. Mais
dans les invocations, l'usage liturgique des adjectifs Sanctus, Sancta,
Sancti, avait déjà été introduit et rendu invariable par les litanies de
saint Mamert (V' siècle)
Une étude qui compléterait et confirmerait ce travail consisterait à
chercher pour quel motif cet édifice d'une unité si parfaite contient
dans sa crypte les sigles alphabétiques et les tailles de pierres façon-
nées, et dans l'église seulement les tailles à façons (i). Il est possible
que les maîtres de taille se soient contentés de signer l'œuvre de la
crypte, comme la partie la plus artistique et la plus honorable du.
monument, mais la solution de cette question accessoire n'importe
nullement au problème principal désormais résolu.
Nous voici donc parvenus par l'histoire, par l'archéologie et par la
paléographie, à trouver la date de la construction de l'église St-
Polycarpe et à la fixer à la fin du IX^ siècle, tout au moins au com-
mencement du X".
Et maintenant il nous parait impossible de dire que les voûtes en
pierre des églises au IX*" siècle ne sont pas des réalités, — et que
l'école Provençale carlovingienne est une simple hypothèse.
11 nous reste un argument tiré de la raison naturelle et de la force
des circonstances :
Si nous voulons considéicr la nature des choses, il est évident
qu'une fois la basilique, le tombeau et le corps du saint retrouvés,
deux pensées durent envahir l'esprit de l'cvéque Bernoin : d'abord,
l'église neuve (de Sl-I"iiennc et St-jcan) à peu près achevée, puis
l'hypogée ou basihquc, si xénérabic par le séjour six fois séculaire
du corps saint.
Or, sans relard le lombcau fut transporté dans l'église neuve :
Cela prouve que la place où il \cnail d'être découvert nclait pas en
état de le conserver ; que non seulement il n'y a\ail pas là une
église, mais (_iue l'emplacement lui-nicmc n'cluil pas convenable par
fi) KÉvoiL, ib.. Appendice: St-Polycarpc.
BOURG-SAINT-ANDÉOL. 6l
suite du délabrement, des effrondrements, des empiétements, etc.
qui exigeaient de grandes et longues réparations. D'autre part on ne
pouvait abandonner ces vestiges de la maison de Tullie, de la
sainte Roumèle, de la basilique sanctifiée. 11 n'y avait qu'un parti à
prendre : disposer le terrain, relever les ruines d'une manière défi-
nitive, conserver précieusement les substruclions sacrées ou du moins
les plans primitifs (et même les matériaux), en faisant la crypte d'une
église qui les reproduirait dans son chevet et sous son maitre-autel,
qui serait la restauration ou réédification de l'ancienne église parois-
siale, et que l'on dédierait par reconnaissance au saint primat de
l'Asie, à celui qui avait autrefois ordonné et envoyé Andéol et qui
venait de révéler son tombeau.
Quant à l'église haute où l'on porta les reliques et le beau reli-
quaire en marbre blanc, il était visible à tous que Dieu avait pré-
paré son érection à point pour contenir le précieux dépôt, et elle en
reçut et en conserva à jamais le vocable titulaire, celui des SS.
Etienne et Jean ayant été abandonné (i).
Pour le reste, l'emplacement six fois séculaire du tombeau et du
corps, nous n'hésitons pas à croire que l'église St-Polycarpe fut
sans retard décrétée par Bernoin lui-même, et commencée soit de
son vivant, soit peu après sa mort. Il ne faut pas perdre de vue qu'à
ce moment de l'histoire, Boson détachait de la F^rance du nord le
royaume de Provence, qu'il annexait le Vivarais, et que, les desti-
nées de ces pays étant désormais liées ensemble, les relations avec
les bords du Rhin cédaient la place aux communications faciles avec
le midi. Aux architectes Rhénans succédèrent les maîtres de l'école
Provençale qui déjà se signalait brillamment. Ceux-ci furent donc
appelés à construire St-Polycarpe (2).
4° Description de l'église St-Polycarpe dès sa construction.
— Avec les modifications — Depuis la sécularisation.
Nous allons essayer de décrire l'église St-Polycarpe, d'abord telle
qu'elle sortit de la conception et de l'exécution première, puis avec
les déformations successives causées par les agrandissements de
l'espace intérieur.
Rappelons-nous que en 208 le tombeau a été déposé sous terre en
(1) V. MlRABEL, p. 135-137.
(2) RÉvoiL, Arch. romane : Appendice.
02 ÉGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
bas de la colline qui descend jusqu'au fleuve, soit dans la maison
même de Tullie, soit dans le jardin attenant. Dès que les temps meil-
leurs l'ont permis, on a bâti par-dessus la petite basilique à trois
absidioles concentriques, à laquelle sur le devant c'est-à-dire au
couchant et aussi par-dessus on a ajouté peut-être une église, un
édifice, en prolongement pour les fidèles. De ce premier état de cho-
ses, en 858, il ne restait que des débris informes, lorsqu'on en vint
à construire l'église St-Polycarpe. Alors, en manière de crypte, on
reproduisit la basilique telle qu'on en voit des échantillons à Rome
et en Italie.
On alla jusqu'à imiter et importer certains détails accessoires, par
exemple, ces soupiraux qui éclairaient ou aéraient l'édicule funèbre,
que les archéologues ont découvert sur le versant des voûtes des ab-
sidioles de ces basiliques du IV" siècle, et qu'ils ont appelés yè/ies-
iella ou luminare crypla;{\). La conque septentrionale de la crypte de
St-Polycarpe porte une de ces ouvertures quadrangulaires qui se
continue à travers la mac^onnerie en tuyau de pierre de plus en
plus rétréci, jusqu'à une petite baie extérieure, cintrée par le haut.
Nous présumons toutefois que ce travail, sans avoir une date très
postérieure, ne fut pas prévu ni exécuté dans la construction primi-
tive de la crypte.
On conserva la divergence produite par l'axe de la basilique et l'axe
de la nef, soit qu'on se conformât simplement au défaut primitif de
parallélisme des deux édifices, soit qu'on voulût accuser la significa-
tion symbolique de cette déviation.
Toutes les pierres de l'église et de la crypte furent taillées à leur
surface en façon de chevron, de fougère, etc. Et de plus, celles de la
crypte reçurent (pour la plupart) des lettres alphabétiques, très nette-
ment sculptées et terminées en queues d'aronde (P, A, M, Z, S,
L, E. .). Les cintres tant des arcs doubleaux que des formerets
affectèrent à leur sommet une légère pointe, ce qui n'existait pas
dans l'église St-Andéol {2). Toutefois la simplicité de cette église fut
imitée au dehors et au dedans par l'emploi du petit moellon dans
toutes les surfaces intermédiaires, et par l'absence de tout ornement :
(\) Voir ces mots darii le iJiclionnairc de Mariigny.
(2) A St-Andcol, seuls les arceaux formerets qui sont immédiatement sous le dôme
ont celte petite pointe du milieu, c'est précisément la preuve que la tour du clo-
cher est postérieure à réalise, cl qu'elle fut construite à partir de ce remaniement
par d'autres architectes que ceux de l'église (Rhénans), par les architectes cariovin-
giens provençaux qui bâtissaient ou avaient bûli Sl-Polycarpe.
BOURG-SAINT-ANDÉOL. 63
aucun cordon de pierre ne marque la retombée des voûtes sur les
murs qui les soutiennent, de même qu'à St-Andéol. Peut-être fau-
drait-il remarquer une certaine différence entre les moellons et leur
emploi soit au dehors, soit au dedans de l'église St-Polycarpe. Au
dehors, ils paraissent taillés plus régulièrement et posés en assises
plus uniformes qu'au dedans, où les enduits recouvraient les sur-
faces autres que celles des petites pierres de taille chevronnées.
Mais le caractère d'une nouvelle école se révèle dans l'absenee de
tout détail provenant du genre des églises Rhénanes. C'est ainsi
que les gouttières aboutissent sur un simple bandeau de pierre de
taille posé comme couronnement des grands murs latéraux, sans au-
cun de ces petits arceaux dont la suite constituait un si joli feston,
une si gracieuse guirlande à tous les pourtours supérieurs de l'église
St-Andéol. — Dans la restauration de St-Polycarpe, il faudra ap-
porter le plus grand soin à conserver ces différences de styles et de
familles monumentales.
St-Polycarpe est peut-être l'œuvre la plus sobre sortie des mains
de l'école provençale, et l'on ne peut s'empêcher d'en attribuer la
cause à la proximité de l'église St-Andéol, qui s'imposait comme un
modèle économique. Ces rapports de construction similaire sont
une preuve de plus en faveur de l'ancienneté relative de St-Poly-
carpe. Le gros de l'œuvre semble avoir été exécuté par les mêmes
ouvriers subalternes, sous la direction de maîtres différents.
Sur les trois conques ou voûtes concentriques de la crypte on éta-
blit le tombeau et l'autel. Nous avions retrouvé intact le vieil autel,
à table monolithe biseautée.
Le sol de la nef fut porté par quelques marches à environ un mè-
tre plus haut que celui de la crypte, et pour le relier au sanctuaire
on pratiqua, dans l'épaisseur des murs latéraux des travées voisines,
de tous petits escaliers ayant o"", 50 de largeur, et éclairés par une
fissure à évasement intérieur. Un peu en avant de la façade il y
avait dans l'église une dernière volée de quelques degrés pour attein-
dre le seuil du portail, et par devant celui-ci au dehors encore quel-
ques gradins placés entre deux petits murs de soutènement permet-
taient d'arriver jusqu'au niveau delà place; ils sont aujourd'hui enfouis
dans le sol. Le sanctuaire faisait l'effet d'un transept fort peu accusé,
posé sur les deux absidioles du sud et du nord, et se terminait au
fond immédiatement par une abside ayant la largeur de la nef et
englobant à sa base l'absidiole du levant. Ainsi en entrant, on avait
devant soi la nef à trois travées, terminée par le double étage du sol
64 ÉGLISES RO.MA\i:S DU VIVARAIS.
de la crypte et du chceur supérieur qui sarrondissait au fond en
chevet circulaire.
Ce qui ressort le plus vivement de ce plan et de cette construc-
tion, c'est qu'il a fallu compter très rigoureusement avec l'espace
restreint dans le sens des largeurs. L'église est développée propor-
tionnellement en son grand axe, autant qu'elle est resserrée dans
l'autre sens. C'est un couloir dont toutes les parties se commandent,
sauf l'échappée très ingénieuse mais très incommode des deux esca-
liers dérobés.
(Quelles étaient les dispositions de la façade primitive ? c'est ce
qu'il est impossible de savoir, sauf la fenêtre en ocidiis, dont il reste
le contour supérieur très mutilé, et aussi sauf les traces d'un lin-
teau du portail qui indiquent qu'il était à tympan plein cintre. Mais
cette façade à l'état actuel n'est cju'un ensemble de remaniements
réitérés, parsemé de pierres de divers appareils, un placage de frag-
ments, dont quelques-uns à sculptures plates, provenant de temps
antérieurs. Le cintre extérieur formé d'une suite de feuilles très élé-
gamment découpées ne -saurait être attribué à la première époque
de ce monument.
A une certaine époque, sur laquelle nous ne sommes pas encore
bien renseigné par l'histoire, mais- qu'on pourra un jour préciser et
que nous pouvons indiquer à l'aide des données archéologiques,
cette église fut jugée trop petite. Or, la ville avait déjà ou faisait exé-
cuter sur le ileuve la ligne de rempart. Il est probable que la façade
orientale de l'ancienne maison de Tullie dut servir de limite de ce
côté et fut absorbée par l'enceinte fortifiée. Il resta ainsi un vide en-
tre ces murs très épais (qui subsistent encore) et le chevet de l'église
de St-F'olycarpe. Que fit-on? on démolit ce chevet, cette abside de
l'église, et le fond du sanctuaire fut reculé et se confondit avec le
rempart à mur plat : on ajouta ainsi à l'orient un vaste chœur, une
seconde nef, dans l'axe de la première, mais au niveau supérieur de
l'autcI. Il fallait faire disparaître sur le dc\anl l'inégalité d'élévation.
On jeta sur la première nef une voûte de plain pied avec le sanc-
tuaire et l'on n'eut plus qu'un même niveau, en remontant le seuil
du portail, entre la place extérieure et l'extrémité de toute la profon-
deur de l'église. Il est probable que le maitre-autel fut dès lors re-
porté et adossé au rempart.
Dè.'i ce moment, il y eut deux églises superposées. En haut, celle
que nous venons de décrire ; en bas, la crypte, flanquée en avant et
en arrière de deux souterrains. Mais ces deux nefs inférieures étaient
BOURG-SAIXT-ANDÉOL. 65
séparées par la crypte : pour les faire communiquer, on creva l'ab-
sidiole centrale, dont on conserv^a l'arête d'ouverture comme un ar-
ceau de porte arrondie (i). Les petits escaliers dans l'épaisseur des
murs continuèrent à servir seulement quand on voulait par curiosité
ou par piété descendre à la crypte, que l'on continua d'appeler la
Sainto Roumèlo, ou la crypte de la bienheureuse Tullie.
Une fois dans la voie des modifications et des mutilations, l'on ne
s'arrêta plus. La travée voisine de la façade fut coupée à la hauteur
du portail par une voûte en forme de tribune ; on y accédait à l'aide
de petits gradins incrustés dans le mur de la travée du milieu, côté
nord à partir de la petite porte cintrée, et de cette tribune on pou-
vait, gagner au midi les toits de l'église.
En outre les deux travées méridionales qui restaient libres furent
abattues jusqu'à l'arc formeret et converties en chapelles latérales,
ce qui nécessita la suppression d'un des petits escaliers. L'autre pe-
tit escalier fut comble sans motif Et comme il fallait cependant avoir
accès en l'église supérieure, on établit un escalier volant, immédiate-
ment à gauche de la grande entrée de l'église.
Dès lors toutes les proportions de l'édifice furent anéanties.
Remarquons les deux principales époques de remaniement : —
1° Le vaste chœur, qui fut en premier lieu créé entre le sanctuaire et
le rempart, a tout le caractère de la construction romane : voûte en
berceau, arcs et pilastres doubleaux simples et plats, etc. Mais
ce n'est pl'us le roman des carlovingiens avec les lettres, tailles, si-
gnes, etc., si caractéristiques. C'est un roman d'imitation, c'est de
la maçonnerie industrielle sans aucun art. Il ajouta deux larges tra-
vées à la longueur du vaisseau, probablement au commencement du
XI'V'= siècle.
2° Quant à la tribune et aux chapelles latérales, elles furent éta-
(i) Quelques personnes ont cru qu'il y avait entre le rempart sur le Rhône et la
crypte un terre-plein. Elles n'ont pas songé que le plain pied qui existe entre la
crypte et le balcon du i" étage sur le rempart du quai est de création récente,
comme la voûte sur la nef à mi-hauteur. Il faut toujours se rappeler que le premier
niveau du sol de l'église était déjà en contrebas et suivait la déclivité de la colline,
et que le niveau du sol de la crypte était encore plus bas, toujours en raison de
la même déclivité. En un mot, le chevet primitif de l'église St-Polycarpe allait en
quelque sorte tremper dans le Rhône, au point où la façade antique de la maison
de Tullie, plus tard confondue avec le rempart, avait accès sur le fleuve, au der-
nier niveau de la colline confinant au fleuve. Quand on voulut prolonger le dessus
de la crypte jusqu'au rempart, on fit une voûte, qui existe encore, non pas sur un
terre-plein, mais au contraire sur le vide absolu.
Bull. VII, 1886. 5
66 ÉGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
blies postérieurement, mais très grossièrement. Une moulure à peine
et un arc aigu très prononcé sans ornementation suffisent pour indi-
quer le XV' siècle.
Telle était l'église St-Polycarpe et sa crypte, lorsque, à l'époque
de la Révolution, elle fut livrée à la spéculation profane. L'église in-
férieure devint un rez-de-chaussée, et pour l'établir de plain pied on
creusa le sol de la crypte d'environ o™, 60, celui de la nef occidentale
de près de i"',6o, — mettant ainsi à découvert les fondations des
murs latéraux de toute l'église. - Pendant de longs jours, nous ont
dit les témoins oculaires, on déblaya une grande quantité de cailloux
roulés mêlés à des ossements et à de la terre jaunâtre ; les décom-
bres charriés à brouette sur la sortie orientale formèrent le premier
cône de remblais jeté dans le Rhône au pied du rempart. Cet amas,
agrandi par les décharges successives de matériaux, servit à faire le
quai et à refouler le fleuve à la distance où il coule aujourd'hui. —
Jusqu'à ce moment, le fleuve venait battre le rempart et l'on ne pou-
vait, en le longeant, aller à pieds secs de la rue Ramade (i) à la rue
du Bac, deux rues qui se déversent parallèlement de la ville sur le
quai.
L'église supérieure fut traitée comme un premier étage de maison
ordinaire, et convertie en salles, chambres, grenier, etc.
C'est à cette époque qu'il faut attribuer la disparition du petit
campanile bâti sur le pignon occidental ou sur la façade de l'église
St-Polycarpe. Il était à quatre faces et à grandes baies arrondies,
avec un toit à pyramide assez aplatie sous lequel pendait la clo-
che (2). Mais avant la démolition du chevet y avait-il un clocheton
sur le transept du sanctuaire ? nous ne pouvons le dire. En cher-
chant à résoudre cette question, nous avons trouvé à cet endroit dans
la toiture, au dessus et le long de l'arc d'entrée du sanctuaire, une
pierre perforée et usée par les frottements d'une corde ou d'une
chaîne, — mais la démolition de l'abside ayant entraîné celle du toit
du transept qui au levant s'appuyait sur le chevet, nous ne pouvons
savoir si le transept était surmonté d'une tour à pans coupés, d'une
calotte à lanterne et à clocher, ou simplement d'un mur à pignon
percé d'autant d'ouvertures qu'il y avait de petits beffrois à placer,
(i) Ainsi appelée parce que, avant l'existence du quai, cctlc rue aboutissant au
fleuve se prolongeait du côté du nord par un abri en feuillage, en ramce, qui pro-
tégeait l'attache des bateicts groupés à ce point comme en un petit port.
(2) Voir un campanile analogue sur le toit de la chapelle rurale de St-Sulpice
(territoire de St-Marccl d'Ardèche), dont l'abside polygonale est à tailles de fougère.
BOURG-SAINT-ANEÉOL. 67
OU enfin d'un campanile qui aurait précédé celui de la façade (i) ;
celui-ci n'aurait été bâti qu'après la démolition du premier et du
chevet-transept.
En terminant ce travail, nous ne saurions trop déplorer le grand
déblaiement qui eut lieu lorsque ce monument fut vendu, sous la
Révolution. On vida complètement le rez-de-chaussée intérieur de
l'église et de la crypte basilique jusqu'à l'abaisser à ce niveau où rien
n'est plus resté de tout le vieux et long passé. Or, quand on sait que
en réparant la maison voisine, on trouva des tombeaux, on ren-
contra des subslructions résistantes comme du marbre ; que, en
fouillant la nef de la chapelle (voisine aussi) de St-Sauveur, on eut
sous la main, en sépultures, en monnaies, en poterie, toute l'époque
Constantinienne, on est consterné de voir cette brutale ignorance
qui consomma les fouilles du sol de St-Polycarpe. On alla jusqu'à
laisser en l'air les fondations de l'édifice, et pour les consolider, on les
remania en sous œuvre, on boucha à la moderne les évidements et
les solutions de continuité. De là cette grande difficulté que nous
avons sans cesse rencontrée, quand nous avons cherché à savoir quel
monument avait suivi l'hypogée de Tullie et précédé l'église et la
crypte carlovingienne. Enfin on creusa le sol naturel en jetant tout
au fleuve, sans sauver la moindre épave des objets que nous avons
mentionnés plus haut, et que les générations romaines, gallo-ro-
maines, mérovingiennes, wisigothiques, carlovingiennes avaient du
accumuler sur cet emplacement le plus vénéré, le plus recherché, le
plus fréquenté tant des paroissiens primitifs que des pèlerins multi-
pliés du troisième au douzième siècles.
Auguste PARADIS.
(1) Ce qui aurait été absolument semblable à la disposition de ladite chapelle St-
Sulpice.
MISSION DU P. BRIDAINE (1766).
« Le vingt-sept février mil sept cents soixante-six, M. Brydaine, missionnaire
royal, connu par ses grands talents pour les missions, fit l'ouverture de la mission
dans cette ville, accompagné de M"^''^ Roux, sacrestain du chapitre de Grignan: Au-
gier, chanoine de \'illeneuve lez Avignon ; Farende, prestre de la ville du Buix; et
autres, qui vinrent ayder. 11 se fit beaucoup des restitutions certaines et incertaines.
Il renouvella la piété dans cette ville; la croix fut arborée à l'esplanade du Pont, le
six avril, jour de la closture de la mission.
Dieu veuille donner la persévérance, à ceux qui sont revenus à Dieu, dans la sin-
cérité de leur cœur.
« Chastel, curé. »
(Extrait des registres de lEtat-civil de Crest.) J. Brun-Durand.
HISTOIRE RELIGIEUSE
PONT-EN-ROYANS
(ISÈRE)
(Suite)
>KBO>scOaêS<-
Cependant, les huguenots vont être attaqués par des forces impo-
santes. Larmce du duc de Mayenne, commandée par Livarrot,
Montoison, et d'autres, part de Chàteaudouble et arrive à Saint-
Nazaire-en-Royans le lundi 5 septembre 1580. Les huguenots ont
abandonne la ville et se sont retirés au nombre d'une quarantaine
dans la tour de ce lieu, qu'ils rendent le même jour. Ils sont néan-
moins tués, et la ville, à leur occasion, est brûlée. Pendant que
l'armée marche vers Pont-en-Royans, quelques troupes vont recon-
naître Beauvoir et le Fort, et le régiment du sieur du Passage vient
du côté de Grenoble camper à Chatte avec 1200 hommes, et y
demeure trois jours, pour assiéger le Fort, pendant que l'armée va à
Pont-en-Royans.
« Ceux du Pont, voyant venir l'armée, mirent eux-mêmes le feu à
la ville (i), et rompirent le pont, faisant mine de tenir bon ; mais
enfin ils abandonnèrent » et se retirèrent au château, de sorte qu'il
n'y eut qu'un huguenot tué, et un soldat de Livarrot blessé. Puis
l'armée s'achemina à Beauvoir, où elle arriva le même jour. Après
sept jours de siège, d'Allières et le capitame Bouvier se voyant sans
secours, offrirent et obtinrent de capituler. On convint, entre autres
choses, que la ville serait rendue au roi, que Bouvier rendrait Saint-
Quentin, et d'.Mlières le château du Pont, « pour éviter la ville du
feu. »
Le camp demeura encore H jours à Beauvoir, pour voir « si ceux
du Pont rendroient le château, ou non. Mais étant obstinez, la ville
fut toute brûlée, de quoy fut grand dommage. » Le conseil trouva
bon de n'amuser pas l'armée à assiéger le château du l'ont, car il
ne pouvait faire grand mal, la ville étant brûlée ; et toute l'armée
()) l'ai, la Ville neuve.
DE POXT-E\-ROYANS. 69
passa sur la rive droite de l'Isère, pour monter à Grenoble, et de là
à la Mure, dont le siège fut commencé le 30 septembre 1580.
Cependant, « au Pont-de-Royans, les huguenots qui s'étoient
retirez au château firent recouvrir la maison forte de la Corbeille,
ne se contentans pas que la ville eût été brûlée. Toutefois ils n"o-
soient faire aucune course, à cause de la garnison de Beauvoir, »
commandée pour le duc de Mayenne par M. de Beaucroissant.
On en était là depuis près de six semaines, quand le lendemain
delà Saint-Martin, « advint au Pont de Royans une dispute entre
ceux du château contre un nommé le sergent Port qui étoit à Mon-
sieur d'Ailiers, gouverneur du Royans, et ceux qui étoient dans la
Corbeille, bien qu'ils fussent tous d'un party. Pour apaiser la que-
relle, led. sergent Port, qui avoit le commandement du château,
descendit à la Corbeille. A son retour. Pivert (i), qui étoit enfant du
Pont, avec les autres du château, luy fermèrent la porte au nez,
disant qu'il allât pécher d'huîtres ailleurs. Port, bien fâché, se retire
à la Corbeille, et en donne avis à M. d'Ailiers, qui étoit à Die. »
M. de Beaucroissant eut avis, à Beauvoir, de cette division, et eut
hâte d'en profiter. Il envoya promptement au château un tambour
promettant 1000 écus à ceux qui l'occupaient, s'ils lui rendaient la
place. Ils promirent de le faire, et M. de Beaucroissant en informa
le duc et la cour, qui le prièrent d'y tenir la main. D'Allières, averti
que son sergent est hors du château, accourt de Die, avec Bouvier,
le ministre Denis d'Hérieu, et quelques-uns de leur suite. D'Allières.
Bouvier et le ministre vont au château et font toutes sortes de re-
montrances en faveur de Port ; le ministre leur fait un prêche sur le
mal qu'apportent la division et l'absence de chef; enfin, il leur dit
que, si absolument ils ne veulent pas du sergent Port, ils aient à
prendre celui que le prince de Condé leur donnera. Ils répondent
que, si ce prince leur donne un homme agréable, ils obéiront. Sur
ce, on retourne à Die, pour y faire pourvoir. Mais, en attendant,
M. de Beaucroissant, ayant envoyé chercher des hommes à Saint-
Antoine et ailleurs, va au château, où il met son frère pour com-
mander, avec 25 soldats ; ce que voyant, ceux de la Corbeille s'en-
fuient. Pivert (2) et autres demeurent au château, et reçoivent ce
qu'on leur avait promis (3).
(i) Var. Pinet.
(2) Var. Pinet.
(3) Mémoires cit.
70 HISTOIRE RELIGIEUSE
Voilà apparemment la reddition de Pont-en-Royans au roi que
les biographes de Sébastien de Lionne attribuent à l'habileté de ce
gentilhomme. Sébastien, disent-ils, était prisonnier des protestants
en 1580, et détenu à Pont-en-Royans, où commandait Gabriel Odde
de Triors, qu'il gagna au roi. Il lui fit rendre les places qu'il occu-
pait, et fut ensuite avec sa femme son héritier par actes testamen-
taires de 1585 et 1586. En récompense de ses services dans le
Royans. Henri III, par lettres du 10 décembre 1580, lui accorda 500
écus d'or de pension sur l'épargne royale. Il devint le 3 janvier sui-
vant secrétaire de la chambre du roi et de la reine-mère Catherine
de Médicis, et occupa ensuite d'autres emplois importants. Il con-
tribua à maintenir les châteaux et forteresses du Royans sous
l'obéissance du roi ; aussi les ligueurs menacèrent sa vie et sacca-
gèrent sa maison de Grenoble (i).
Toujours est-il que cette reddition « rendit les huguenots bien
tristes et plus fâchez que de la perte de Beauvoir (2). »
Mais, pendant les trois ou quatre ans de paix imposés par le duc
de Mayenne après la prise de la Mure, le Royans parut toujours un
terrain prêt à abriter la réforme, dès que les circonstances devien-
draient plus favorables à celle-ci. Aussi, le 28 mars 11585, sur l'aver-
tissement envoyé de Saint-Nazaire par M. de Claveysoa que ceux
de la réforme s'apprêtent à s'emparer de quelques villes, les Roma-
nais couraient aux armes et mettaient de fortes gardes aux portes de
leur ville. Le surlendemain, Maugiron approuve ce qu'on a fait et
envoie à Saint-Marcellin l'ordre « de prendre les armes sous l'obéis-
sance de Sa Majesté, parce qu'il y avoil ad vis certains d'aucuns
princes qui se vouloient emparer du royaume avant la mort de Sa
Majesté. » Or, bien qu'il recommandât de « faire sagement en con-
servant ceux de la Religion prclcndue suivant les édils de paix, et
qu'il n'y en mesarrivast, cella néanmoins donna frayeur à plusieurs
de lad. Religion qui absentoient se retirans au Royans. » L3ien plus,
le 13 mai suivant, une troupe de réformes du Viennois passait
l'Isère à F2ymeux, et de là allait, deux ou trois joui's après, sous la
conduite de MM. de Triors et de la jonchère, et au nombre de deux
ou trois cents, prendre quartier à Sainl-jean-cn-Royans, sans faire
(i) CiiriKiKH, f>p. cit., Il, 702 ; — Oliuvics de .Mi;r de l^'iomentièrcs, cvcquc
d'Aiic, t. VF, p. I v-2 : — Vincent, op. cit., p. H8 ; — Ciikv ai.ikh, dans liullct.
cit., XI, 64-5; Lettres inéd. de Hu^. ie Lionne (notice prclimin.), p. 16-7.
(2) Mémoires cit.
DE P0NT-EN-R0YA.\S. 7I
de violence, mais en vivant à discrétion aux frais du peuple. Mau-
giron et même Lesdiguières invitèrent tous ces réformés à mettre
bas les armes et à rentrer chez eux. Mais ceux-ci s'excusèrent « à
Toccurence du tems et aux intentions des princes unis avec » le car-
dinal de Bourbon ; toutefois ils voulaient seulement conserver leurs
vies, observer le jeu des deux armées qui se renforçaient dans l'un
et l'autre parti, et rester humbles sujets de Sa Majesté. Seulement,
ils ne s'en tinrent pas longtemps à ce rôle pacifique. Le 6 juin 1585,
sur la nuit, les huguenots du Royans conduits par « le sieur de
Cugy, de Triol, Délaye et Vachères, passent l'Isère au port de Beau-
voir, et allèrent jusqu'à Vertuquières Saint-Sévère et autres lieux, »
où ils firent quelques ravages et prirent du bétail qu'ils vendirent à
leur retour au port. Quelque temps après, des huguenots conduits
par Vachères passaient près de Chabeuil pour revenir au Royans, et
tuaient un soldat de la garnison de Chabeuil, commandée par M. de
Montoison. Celui-ci, sortant sur eux avec des cavaliers, leur tuait
quelques soldats, et le reste de nos huguenots venait prendre le
château d'Hostun et tuer de sang-froid tous les paysans qui s'y
étaient réfugiés avec leurs biens. Quelques sept semaines plus tard,
le 20 juillet 1585, Maugiron envoya à Saint-Nazaire le conseiller
Thomé, pour faire part aux réformés de la paix conclue par le roi
avec les princes, et inviter tout le monde à se retirer chez soi ; mais
les réformés, pleins de défiance, après avoir promis de se retirer,
remontèrent aux montagnes avec leurs troupes. En même temps,
« le régiment de Montlord » alla à Beauvoir en garnison, laissant
30 soldats dans le prieuré de la Sône ; mais bientôt il fut envoyé à
Crest, pour, de là, aller avec d'autres troupes, secourir M. de Veau-
nes en la citadelle de Die.
Le 3 août 1585, est publié à Grenoble l'édit royal prescrivant à
tous la paix, et aux réformés de vivre catholiquement ou de quitter
le royaume. Les huguenots des montagnes s'opiniàlrant et fortifiant
Die, ceux du Royans sont contraints de fournir pour cela des vivres
et des pionniers, et se retirent à Saint-Jean-en-Royans, où Mau-
giron les fait poursuivre par sa compagnie et le régiment de Mon-
sieur de Montlord. Ils fuient aux montagnes, le 16 août, mais pour
redescendre bientôt et aller chercher au-delà de l'Isère des res-
sources et vivres que la stérilité de la saison les empêchait de trou-
ver au Royans.
Cependant, le 25 juin 1586, arrivent au Royans les régiments du
sieur de Ramefort et du baron de la Roche. Ils reviennent de la
72 HISTOIRE RELIGIEUSE
Mure et vont attaquer Pont-en-Royans, que les huguenots aban-
donnent après avoir perdu 40 chevaux et quelques hommes. Après
cela, ils vont passer l'Isère à la Sône, et se retirent au Valentinois,
avec plusieurs autres compagnies à cheval descendues par le Royans
afin d'éviter la contagion qui désolait Saint-Marcellia. Puis les
huguenots, descendant au Royans, vont ravager le 23 novembre la
rive gauche de l'Isère, et prendre un bateau chargé de sel qui mon-
tait à Grenoble. Bien plus, le 23 décembre de la même année, une
cinquantaine de huguenots conduits par le sieur de Frize, qui com-
mandait alors pour leur parti à Pont-en-Royans, entrent subitement
dans l'église de Saint-Antoine, sur la fin de la grande messe, et y
prennent le sous-prieur de ReyveroUes, le commandeur de Charny,
le curé de Roybon, « M' de Rostain avec ses 2 chevaux, le châtelain
Anisson, frère Pierre Aubujoux, Claude Dubois, Pilloton le Bret, de
Vinet, Jean Villon. » Ces pillards s'en vont soudain et mènent leurs
captifs « au Pont-de-Royans, au château. » On laisse cependant
aller " Jean \'illon et le Bret, leur donnant charge de retirer neuf
manteaux qu'ils avoient laissez en la maison dud. sieur de Frize; »
mais on « les arançonna tous, fors M. de Rostain, que M. de Cugi
fit rendre, mais lui coûta son grand cheval. »
Le sieur de Frize était de Saint-Antoine, ce qui explique pourquoi
Piémond, dont nous exploitons ici les mémoires, continue son récit
en s'écriant : « Voilà un bon patriote! » Du reste, pour édifier
pleinement les lecteurs sur la valeur du patriotisme de ce sieur de
Frize, notre chroniqueur ajoute : « 11 a depuis fait faire deçà, par
une formillière de larrons d'où il se servoit, des courses de nuit
pour surprendre et les uns et les autres. Ils prindrent sieur François
Mignon, d'où ils eurent cent écus ; Bouverot, d'où il eut 500 écus :
somme que à guerre ouverte il s'étoit rendu ennemi de la ville » de
Saint-Antoine. Plus tard, « pour punition de ce fort fait, led. sieur
de Frize, après être sorti dud. château du Pont et retiré en sa mai-
son à St-Antoine, par ceux de la mcmc religion il fut épié à Si-
Antoine le propre jour de Pâques, 11 avril 1599, pour être saisi
prisonnier, et se sauva à la fuite. Dieu ne laisse rien impuni. »
Saint-Antoine n'était pas le seul théâtre des déprédations des
huguenots de Pont-en-Royans. Un jour, ceux-ci viennent, au nom-
bre de 35 et conduits par Dibal, .Utaquci- le chaleau de Sainl-Paul
près Romans. Bibat fait jouer le pétard, on entre dedans, (in pille
le château, on prend et on mène au l'ont le châtelain Perret, auquel
on demande 4,000 écus.
DE PONT-EX-ROYANS. 73
Cependant, les catholiques, émus de ces excès, voulurent y mettre
fin. Le i i janvier 1587, à l'aube du jour, M. de la Baume, avec 300
arquebusiers tirés de Valence, de Romans et d'ailleurs, et avec
quelques cavaliers, arrive à Pont-en-Royans, où était la compagnie
du sieur de Cugy pour les huguenots, avec quelques hommes de
cheval et de pied. Des barricades étaient dressées; mais M. de la
Baume les emporte, et la ville est gagnée pour les catholiques, ainsi
que les chevaux et les bagages des huguenots. Le châtelain Pierre
qu'ils tenaient prisonnier est libéré , et Cugy se sauve à pied.
Cependant les huguenots du château « ne voulurent jamais sortir ;
les religieux étaient encore prisonniers et mis à rançon par Frize :
Monsieur de Charny à 120 écus, les autres trois pour 600 escus. le
châtelain et Dubois pour 60 écus. L'on mit le feu encore dans la
ville pour la haine des ravages qu'ils faisoient. »
Quelques jours après, le capitaine Châtain, enfant de Beauvoir-
en-Royans, avec une quarantaine de soldats, entreprit de saisir le
château du Pont, et surprit de nuit un petit fort qui commandait ce
château. Mais ces braves étaient mal fournis et mal pourvus de
vivres. L'entreprise aboutit à la mort de catholiques. Aussi, en avril
1587, les coureurs du Pont infestaient encore les environs de Saint-
Antoine, y prenaient un paysan qu'ils menèrent au Pont, où ils lui
firent payer 40 écus de rançon. En octobre suivant, 50 chevaux de
la compagnie de M. de Cugy allèrent » â Lens, â la maison de
M. de la Saulne, qu'ils pétardèrent et prinrent son fils et saccagèrent
ce qu'ils purent. » Après quoi, Frize tint « led. fils du sieur de la
Saulne en une cave sous sa chambre, au château du Pont, bien
trois mois, et fallut bailler 4,000 francs. Autres certains brigands »
passèrent l'Isère, et prirent des paysans, qu'ils menèrent au Pont.
En décembre 1587, les huguenots du Pont firent une sortie au-
delà de l'Isère, au-dessus de l'Albe. Ils tuèrent 7 soldats au capitaine
Bonnet. Poursuivis à leur tour jusqu'au port de Beauvoir, ils y
eurent 8 hommes noyés et 2 tués dans le bateau ; 18 chevaux à bord
d'eau furent pris et emmenés à Saint-Marcellin. Cela leur rabattit
l'ardeur de courir.
En février 1588, M. de Charpey tuait encore 13 soldats et prenait
40 chevaux à Cugi, qui se sauvait au Pont, ainsi que Frize, Bibat
et Rebut. La même semaine, Soubreroche allant de Die au Pont,
avait 12 hommes tués sur place, plusieurs blessés, et presque toutes
ses armes enlevées par Germont, capitaine catholique, qui occupait
Saint-Jean-en-Royans .
74 HISTOIRE RELIGIEUSE
Le 12 mai suivant, 8 soldats du gouverneur de St-Marcellin.
étant allés à la guerre, sur quelque passage du côté d'Armieu, dé-
couvrirent II soldats du Pont, menant chacun un paysan prisonnier
attaché. Ils les chargèrent et leur firent abandonner leurs prisonniers.
Le 25 juin 1588, le sieur de Ratières, de la garnison de Saint-
iMarcellin et capitaine d'une compagnie d'argoulets à cheval, veut
aller avec une trentaine de soldats à pied jusqu'aux portes de Pont-
en-Royans, où ils font 3 prisonniers. INlais, au retour, ils s'amusent
à boire à Saint-André, et les huguenots ayant découvert combien ils
peuvent être, les suivent, qui à pied, qui à cheval, et les atteignent
au bois de Claix. De Ratières et ses hommes perdent courage et
courent aux bateaux, où, douze, voulant sauter trop vite, sont noyés,
pendant que sept sont tués, et sept faits prisonniers. Le reste se
sauve dans le bois.
Après de nombreuses courses des huguenots du Pont sur les deux
rives de l'Isère, une trêve est conclue le 20 mars entre Alphonse
d'Ornano, lieutenant général en Dauphiné, et Lesdiguières. Mais
Cugi, toujours gouverneur du Royans pour les huguenots, continue
à guerroyer. \'ers la fin de mai suivant, il porte hors du Dauphiné
ses armes impatientes, et va, de concert avec des capitaines catholi-
ques, prendre Andance, au bord du Rhône, pour échouer ensuite
devant Condrieu.
Le 15 septembre suivant, Lesdiguières et d'autres de son parti
descendent au Royans, et ce célèbre chef loge au château de la
Grange. Alphonse d'Ornano s'y étant rendu, on traite de faire la
guerre contre Romans, Bourgoin et Moirans, tenus par le parti des
Guises. -Mais ce n'est pas la fin de la domination des huguenots au
Pont, carie 17 janvier 1590 le reste de la compagnie du sieur de
Verdun, qui y était, avec partie de la compagnie de M de Cugi, son
beau-père, s'assemblent à Dionnay avec les autres, puis se dirigent
vers Bressieux ; et le 17 juillet suivant, de Verdun est encore au
Pont, d'où il fait piller à Saint-.Vntoine des bœufs, des brebis et des
chèvres, qui sont ensuite, sur son ordre, vendus aud. Pont. Celui-ci
doit cire poursuivi ; on obtient contre lui un décret pour le faire
venir à compte ; mais les sergents royaux refusent de faire les noti-
fications, et il faut que le président St-.Vndré donne pour cela un
archer de prévôt, qui \a les faire au r\)nt.
Le 16 août 1590, au lieu de comparaître à Romans pour le fait en
question, Verdun envoie le capitaine Monduisant, son lieutenant,
avec 18 argollets, jusqu'aux portes de Saint-Antoine ; ils y prennent
DE PONT-EN-ROYANS. 75
tout le bétail qu'ils peuvent et l'emmènent au Pont. Sur ce, le pré-
sident St-André lui écrit de ne pas molester ainsi Saint-Antoine ;
mais il ne répond rien. St-Ferréol lui écrit dans le même sens ;
Verdun se contente de mettre au dos de la lettre : « Monsieur,
ceux qui vous ont fait entendre que mes soldats les ont ravagez,
ont menti. S'ils sont de ma qualité, je les ferai mourir pour revenche;
si non, cent coups d'étrivières. Je commande au Royans en l'absence
de M. de Cugi ; je permets bien lever des assignations qui ne sont
pas plus liquides que celle que je demande aux gens de St-Antoine.
Ils se sont bien gardez d'en présenter requeste à M. Desdiguières,
auquel je suis sei-viteur. A M. de Saint-André, à M. le baron de la
Roche, et à vous, s'il vous plait, pour votre particulier (\). «
Du reste, Cugi, par lui ou ses lieutenants, rançonne bien d'autres
pays. Encore en 1 590, on le voit sommer les consuls de Bouvante
de lui fournir en contributions du vin, du blé, des moutons, de
l'avoine et autres provisions à l'usage de sa table et de ses che-
vaux (2).
Enfin, pour compléter un peu le tableau des événements lugubres
dont le Pont et le Royans furent le théâtre en cette année 1590,
nous devons rappeler le trait suivant dont le souvenir fait dresser
les cheveux sur la tête. Le calviniste Duverdet était accouru de Die
à Saint-Antoine avec une soldatesque digne de lui. « Homme fé-
roce, il ne lui suffit pas d'arracher à l'église le peu d'ornements qui
lui restaient, et de s'enrichir des dépouilles sacrées ; il a des chaînes
apportées exprès pour les chanoines. Duverdet en traînait quatre
dans les prisons de la ville de Die : au passage de l'Isère, il leur
montra l'eau d'un geste significatif; mais, arrivé sur le pont d'une
autre rivière, celle de Bourne dans le Royannais, choisissant un
abîme rapproché, il y précipite ses prisonniers au milieu d'impréca-
tions furibondes (3). »
De si odieux excès préludaient à l'agonie de la domination mili-
taire d'une odieuse faction. Le 22 décembre 1590, Lesdiguières
enlevait Grenoble aux ligueurs, et le Dauphiné était désormais entre
les mains de Henri IV. L'occupation du Pont par les hordes hugue-
notes perdait tout prétexte d'existence. Aussi les Mémoires de Pié-
mond disent-ils que. « après la prinse de Grenoble, M. Desdiguières
(1) Mémoires cit.; — Dassy, op. cit.; — Lacroix Invent, cit., E, 1253.
(2) Vincent, op. cit., p. 90-1.
(3) Dassy, op. cit., p. 266-7.
76 HISTOIRE RELIGIEUSE
retrancha la compagnie de M de Frize du château du Pont à 12
hommes. » Bien plus, après une assemblée à la Grange de Royans
« où se trouvèrent les seigneurs Desdiguières, de Boutéon, de la
Baume, du Pouët, de Blascon et autres, » et qui eut lieu le i 1 jan-
vier 1592, on voit, en février suivant, M. de Frize demander « à
Saint-Antoine un pionnier pour feu pour démolir le château du
Pont en Royans, qu'il avait fait bâtir au préjudice du pais (i). »
Dès lors, le Pont retrouva quelque peu de calme, et put panser
les innombrables blessures que lui avaient causées vingt-cinq ans
de luttes et de ravages inouïs. Notre génération se ferait difficilement
une idée du spectacle navrant que présentait alors cette malheu-
reuse petite ville. En voici cependant quelques traits fournis par un
acte du 3 avril 1598. Avant cette époque, « par le moyen des guerres
civiles, pour raison desquelles la ville de Pont-en-Royans » avait
« été brûlée, et par le moyen aussi de la maladie dernière de la con-
tagion, » il était mort « plus de la moitié du peuple. » Aussi, « plu-
sieurs chasaux, terres et autres biens, étaient « demeurés vacants à
lad. ville, « laquelle avait fait choix de trois procureurs chargés de
déférer ces biens à ceux qui auraient moyen d'en payer les tailles.
Ces procureurs, qui étaient Gaspard Chastel, Léonard Macaire et
Isaac Rochas, marchands du lieu, à la date ci-dessus et en vertu de
la charge indiquée, cédèrent à Guillaume Allemand un chasal de
maison située entre la Bourne. le chasal des prieurs du \'al-Ste-
Marie, la rue, et le chasal d'Antoine Terrot. Le prix fut d'un écu, qui
allait être employé « à la faction et parachèvement de l'horloge de
lad. ville (2). »
La rage des sectaires avait particulièrement frappé les édifices
religieux. Quant au personnel du prieuré et aux ecclésiastiques de
la locahlc, ils avaient dû fuir pendant de longues années devant
l'horrible tempête. Le temps considérable pendant lequel n'apparait
aucun document les concernant, en est à lui seul une preuve assez
claire. Nous n'avons rien de positif sur leurs personnes ni sur leurs
droits dans la localité depuis l'acte cité de 1 569 jusqu'à un du 26
décembre 1591. Par ce dernier, Claude Glénat, marchand du Pont,
« de la part de Mess'' les Relig" de St-Antoine de \'iennois, prieur
du prieuré de ce lieu du Pont et curé de la cure de » Ste-Eulalie,
requérait le consul de ce dernier lieu et son conseiller d'avoir à faire
( I ) Mcmotrea cit.
(2) La R'itnauaise, 25 m irs 1864; — Not. histor . sur la famille Terrol, p. 76-7.
DE PONT-EN-ROYANS. 77
réparer leur église. Il leur offrait d'y faire célébrer le service divin
dès qu'il pourrait y avoir lieu. Cet acte prouve que, si les religieux
de St-Antoine n'étaient déjà rentrés en possession du prieuré du
Pont, dont dépendait la cure de Ste-Eulalie, ils songeaient sérieuse-
ment à le faire. Mais il ne suppose pas que le prieuré même fut déjà
réorganisé, occupé et administré par quelqu'un ou quelques-uns
d'entre eux. Toutefois, ce dernier point était obtenu dès 1598, comme
le montre un contrat du 10 juin de cette année. Ce contrat, reçu par
Piémond not% porte que Messieurs du vénérable chapitre et couvent
du monastère de St-Antoine donnent « à vénérable frère Antoine
Collet, » religieux dud. ordre \ administration et le régime du prieuré
de St Pierre de Pont en Royans, uni par autorité apostolique à la
table conventuelle dud. monastère. Collet jouira sa vie durant de
tous les fruits et revenus, droits et prestations annuelles appartenant
à ce prieuré, sous les conditions portées aud. contrat, notamment
sous celle de payer annuellement les charges ordinaires et extraor-
dinaires de ce prieuré.
On a divers contrats passés par Collet au sujet du prieuré, en
l'année 1599 et plus tard. Mais dès le 5 septembre 1603, ce sont
« lesd. seigneurs du Chapitre » qui agissent dans un arrentement du
prieuré pour 3 ans à Pierre Arnaud, marchand du Pont, au prix de
330 livres par an, et reçu encore par Piémond not"; et cet arrente-
ment porte : que ces 3 ans commenceront « pour les terres et censés »
au i"^ novembre 1603, et pour le droit du four au i" janvier 1604 ;
que Arnaud avancera « sur le susd. prix l'entretien du prêtre qui fera
le divin service aud. prieuré, » mais ce seulement suivant les mandats
desd. seigneurs du Chapitre ; qu'il avancera aussi les décimes, les
portant auxd. seigneurs iç jours avant le paiement que ceux-ci de-
vront en faire ; que s'il fait quelque réparation au four avec le sei-
gneur du Pont, ils lui tiendront compte de la moitié due par eux ;
que pour les cas fortuits qui adviendraient, on s'en tiendra au rabais
à fixer par des amis communs. En lôoô, c'était encore le Chapitre de
St-Antoine qui agissait directement et en son nom à propos de dif-
ficultés, pour la dime, avec Ste-Eulalie.
Après quoi, on trouve le Père Claude Aubert, prieur, passant
devant Giroud, not'' au Pont, divers actes au profit du prieuré, entre
autres un arrentement fait en 1609, année où fut passée une « matri-
cule des terriers » de ce prieuré (i). En 161 3, frère Aubert, chargé,
(i) Arch. de la Drôme, fonds de Ste-Croix.
70 HISTOIRE RfLIGIEUSE
comme prieur du Pont, du service de Ste-Eulalie, conduisait en ce
dernier lieu, le vicaire général de Die en visite canonique (i ).
Le 14 décembre 1622, par acte reçu Piémont not" à St- Antoine,
le vicariat du prieuré du Pont était confié au Père Gérard Carrât,
commandeur d'Avignon, sous lequel furent faits plusieurs actes au
nom du Chapitre et au profit dud. prieuré. Celui-ci avait recouvré à
peu près tous ses biens d'autrefois, et la maison priorale, surtout
« la chambre basse, » servait souvent, du moins dès 1625, à passer
les reconnaissances, arrentements, etc. 11 y a un dernier acte que
frère Carrât signe comme « commis » par le chapitre de St- Antoine
« pour servir in divinis en qualité de vicaire, sa vie durant, aud.
prieuré et cures qui en dépendent, assisté d'un prêtre secondaire. »
C'est une déclaration qu'il fait, le 31 octobre 1634, des fonds que le
prieuré « possède de toute antiquité dans le Pont, Ste-Eulalie, St-
Etienne de Belair ou de Chorenches. » Ces fonds sont, 1° au Pont :
un jardin dans l'enclos des vieilles murailles dud. Pont, confrontant
à la rue qui va à Bourne au vent, le cimetière du lieu au levant, des
chasaux où étaient jadis les maisons du prieur et de ses religieux au
couchant, et les murs anciens de la ville (passage entre deux) de
bise ; une pièce de terre dite le champ du prieuré ; 2" à Ste-Eulalie :
I pré, I pièce de vigne avec terre et pré, et 1 terre, le tout appar-
tenant au prieuré même ; et une pièce de pré avec vigne, provenant
de la cure dud. Pont; 3° à St-Etienne, 3 pièces de terre, dont l'une,
près du cimetière, provient de lad. cure du Pont. Au surplus, les
titres de commis et vicaire, sa vie durant, aud. prieuré, que prend
Carrât, expriment les conditions dans lesquelles se trouvèrent ses
successeurs à la tète de la maison du Pont ; car le prieuré continua
à rester annexé au chapitre de Saint-Antoine, bien que les vicaires
de celui-ci au Pont aient souvent pris le titre de prieur ou de supé-
rieur, et aient agi en beaucoup de choses sans recourir au chapitre
ou à l'abbé de l'ordre.
Parmi ces chefs de la maison du Pont, nous trouvons ensuite les
RR. PP. Louis Darliac (1642-55), Jean Symonet (1657-8J, Jean-
Pierre Baborier (1658-68), Louis Caquey (1670-1), Ange de Blosset
(1673-6), Jacques Petichet (1676-9), Erançois Brenier (1679-84J,
Jacques Pilliéron (1685-91), Antoine Dauphin (1692-5), Jean ICynard
(1695), Antoine Truchet (1695-1 705), 11. Mongellaz, (1705 cl 1706-7),
J. l'aujas (1706), Gabriel Vallier de Baleine (1708 et 171 ij, Melchior
(i) Arch. cit., Visites de Die.
DE PONT-EN-ROYANS. 79
Millias (1712), Pierre Gonon (1713-7), Antoine-Joseph Lâchasse
(1717-20), Pierre de Larenie (1720-3), Louis Burignot (1723-7 et
1728-Q), André Carlin (1727-8 et 1729), François de Beaumont
(1729-34), Pierre de Russy (1735-41), .... de Beaumont (1742-6), J.
Durret (1748-52), François de Beaumont (1757-69), et Fraisse (1774-
8) (ij.
Les revenus de la maison consistaient en dîmes, censés et droits
seigneuriaux, récoltes des fonds exploités parles religieux, pensions,
etc., dont voici l'indication détaillée d'après VEstat de la maison pouv
1678, sauf additions ou observations d'après d'autres documents,
s'il y a lieu.
Le four banal du Pont, affermé par moitié avec le marquis du lieu,
rendait au prieuré par an la somme de 130 livres 10 sols, et tous les
15 jours 2 braises retirées par la femme faisant la lessive des reli-
gieux pour avoir des cendres.
La dime de Choranches, affermée 550 livres, et 4 charges de vin
en vendange estimées ensemble 16 livres.
La dîme de Vassieux, affermée 500 livres, outre lesquelles le fer-
mier payait 100 livres de chandelles et loo livres de fromage pour
l'abbaye de St-Antoine, autant de chandelles et de fromage pour la
maison du Pont; il payait encore toutes les charges et le vicaire du
lieu.
La dîme et les rentes du prieuré de \'alchevrières, affermées 33
livres.
La dîme de St-Julien-en-Quint affermée, toutes charges pavées,
80 livres.
La dîme de Laval- St-Mémoire, affermée 63 livres. Cette rectorie
cessa dès 1765 d'être desservie par les Antonins du Pont, qui, par
suite, n'en retirèrent plus rien.
La dîme des grains du Pont et de Sainte-Eulalie, payée en grains
par le fermier, et évaluée à 207 livres 4 sols ; celle des agneaux desd.
paroisses, affermée 6 livres ; et celle du vin de Ste-Eulalie affermée
à II charges, à raison de 3 livres la charge, soit 33 livres. La dîme
du vin du Pont rendait environ 50 charges, qui, estimées 4 livres
l'une, faisaient 200 livres.
Le terrier du Pont, déduction faite de la 9^ part revenant à l'exac-
teur pour sa peine, devait rendre par an : 9 sétiers froment, estimés
18 écus ; 2 sétiers écossial ou seigle, estimes 10 liv.; 9 sétiers avoine
()) Arch. cit., fonds de Ste-Croi.x.
8o HIST. DE PONT-EN-ROYANS.
valant i8 liv.; 3 baraux de vin, valant 4 llv. 10 sols; châtaignes
fraîches et sèches, gelines, poulets, pailles, palets et noyaux, valant
en tout environ 8 liv.; 8 liv. 4 sols 8 deniers d'argent, valant seule-
ment environ 7 livres, à cause des deniers et liards, qui ne s'exigaient
pas.
Les lods, valant environ 20 liv. par an.
Les pensions, valant 50 livres par an.
Les fonds exploites par la maison, rendant par an en moyenne :
6 sétiers froment ou fèves, valant 40 liv.; 3 sétiers froment, valant
20 livres ; 3 sétiers orge, valant 12 liv.; 4 sétiers « bled noir ou
erres; » 12 charges de vin, à 3 liv. 10 sols chacune ; et 20 quintaux
de foin, à 15 sols chacun.
Le terrier de la chapelle de Claix, desservie depuis quelques an-
nées parle Pont, et lui produisant environ 12 liv. pour les grains,
dont le rentier de l'abbaye avait exigé une partie à la Toussaint 1677,
et 10 livres en argent. 2 petits champs en froment ou avoine, dépen-
dants de cette chapelle, produisaient 6 livres. Les offrandes ou hono-
raires de messes qu'on y recevait, valaient, frais déduits, environ
120 livres le 8 septembre, et 10 liv. le reste de l'année.
3 pensions achetées par le R. P. Baborier, valant 18 liv. 10 sols.
La sacristie de l'église du Pont, produisant environ 15 liv. en
offrandes ou honoraires de messes ; le service des fondations ou
chapelles, produisant 38 livres ig sols; la cure dud. lieu, c'est-à-
dire le casuel, qui avait produit les deux dernières années 150 livres,
« à cause de deux annuels, mais ne produisait ordinairement que 60
livres ; et la chapelle des Pénitents, valant en messes 8 livres.
Il y avait en outre la pension de 6 sétiers froment, valant 42 liv.,
et de 4 sétiers avoine, valant 8 livres, que faisait la cure de Châtelus,
mais qui était alors plaidée ; et les pailles de la dîme de Ste-Eulalie,
valant environ 10 livres.
En somme, les revenus annuels du prieuré du Pont étaient en
1678 de 2529 livres et 13 sols.
(La suite au prochain uiinicroj.
L. FILLET.
MYSTÈRE
DES TROIS DOMS
JOUÉ A ROMANS EN lôog.
CETTE composition dramatique n'est point assurément un chef-
d'œuvre- Les lecteurs exclusivement soucieux des beautés litté-
raires, pourront se dispenser de l'ouvrir : leur curiosité ne serait pas
satisfaite. Toutefois, s'il est vrai que l'histoire des littératures « n'est
pas faite seulement pour fournir à l'admiration des hommes un choix
de modèles, mais que ses monuments divers doivent former avant
tout un musée scientifique (i) » ; s'il est incontestable qu'ignorer le
théâtre du moyen âge, c'est ignorer en môme temps une partie con-
sidérable de cette époque (2), on conviendra que cette publication
peut avoir son intérêt et son utilité. Ce qui ajoute à son prix, ce sont
des documents « fort curieux », au dire de M. Petit de JuUeville, qui
retracent l'histoire de notre mystère « avec des détails que nous ne
possédons sur aucun autre (3) » ; c'est encore l'ensemble des textes
relatifs aux représentations théâtrales en Dauphiné que nous éditons
à la suite et qui apportent un contingent considérable à l'étude gé-
nérale de la littérature dramatique.
I
Le mystère des Trois Doms (4), c'est-à-dire des trois saints mar-
tyrs Séverin, Exupère et Félicien, fut représenté à Romans aux fêtes
(i) F. GuESSARD et E. de Certain, Mystère du siège (^Orléans, 1862, p. iij.
(2) L. Petit de Julleville, Histoire du théâtre en France: les Mystères, 1880,
t. I, p. 16.
(3) Ibid., t. II, pp. 95 et 96.
(4) Voir sur cette appellation le Diction, de Littré, v° Dom. On trouve les for-
mes : donipni, p. 637 ; domps, pp. 591, 598, 631, 642 ; dums, p. 632 ; dons, p.
641-2 ; doux, p. 637 ; damps, p. 3 ; dans, pp. 21^,638, 793 et 816.
Bull. VII, 1886. 6
82 MYSTERE DES TROIS DOMS
de Pentecôte, les 27, 28 et 29 mai 1509. Il en est fait mention dans
les temps postérieurs, à des intervalles plus ou moins éloignés.
Le 31 mai 1521, le manuscrit fut prêté à Ponson Baudin fils, de
Romans, pour 1" « aider à composer l'histoire de la vie de saint
Ignace (i) ».
Aymar du Rivail, qui écrivit dans le premier tiers du XVI" siècle
ses neuf livres sur les AUobroges , affirme que les Romanais
représentèrent plusieurs fois la vie et la mort sanglante des trois
saints :
« Per aliquod annorum curriculum, eorum vitam et mortem ac sup-
plicium Romanenses magno sumptu commémorant et ludo reprae-
sentant (2). »
L'annaliste fait évidemment allusion ici au Mystère des Trois
Doms. Né vers 1490, à Saint-Marcellin, dans le voisinage de Ro-'
mans, élevé dès sa plus tendre enfance à 1' » académie » de cette
dernière ville (3), où il a dû sans doute conserver des relations, du
Rivail ne pouvait ignorer, ni l'œuvre du chanoine Pra, ni l'année où
elle fut jouée pour la première fois. Aussi, lorsc;iue dans son histoire
continuée jusqu'en 15 ^5, et même remaniée depuis, il avance que les
Romanais sont en usage de célébrer de temps en temps, à époques
en quelque sorte périodiques, et par des jeux figurés à grands frais
sur un théâtre, la mémoire des saints patrons de la cité, il faut bien
en conclure que notre Mystère ne lui est pas demeuré inconnu et
qu'il l'a en vue dans le passage précité.
Il faut arriver à la fin du XVIII^ siècle pour rencontrer quelques
pages, — peu flatteuses, il est vrai, — relatives à cette composition
dramatique. En 1787, les Affiches du Dauphiné en donnèrent une
courte analyse (4), reproduite la même année dans le Journal de
Paris (5) et empruntée à ce dernier par V Esprit des Journaux (6).
L'auteur de cet article est un romanais, qui s'est caché sous le voile
de l'anonyme :
(i) Voirie dncumcnt Rovniis rMJRB, p. 8i6.
{2) Aymari Rivali.ii Je Allobro^ihvs libri IX, cura .Nclfr. de Terrfbasse ; Vicn-
nac Allobrogvm, 184), in-8", p. 363.
(3) Op. cit., p. ij-iv ; — Gikaud, Aymar du Rivail cl sa famille \ Lyon, i8.:j9,
in-8", p. I 5-7.
(4) N° 12, du 20 juillet, X\\''= année, p. 51.
(5) Année 1787, n" 26.}, p. 1 113.
(0) Décembre 1 787, t. XII, p. 231-3.
JOUE A ROMANS EN I 5O9. 83
« Le 27 mai 1 509, fut représenté à Romans, devant l'église des Cor-
deliers, Iq Jeu ou Mystèj-e des trots Danips ou Doms. On voit, par le
manuscrit qui subsiste de cette pièce renommée, qu'il fallut trois
jours pour donner la représentation de la pièce en entier.
» Il n'est pas possible, dans cette pièce, d'assigner le lieu principal
de la scène, car il varie sans cesse ; et la durée de l'action n'est pas
renfermée entre deux soleils, car des émissaires entreprennent et
terminent de longs voyages pendant le cours de la pièce. La scène,
ensanglantée par le martyr des trois Doms, tantôt est à Rome, tan-
tôt à Vienne, tantôt à Lyon, d'autrefois dans les Alpes ; et cepen-
dant le théâtre représente sans cesse l'enfer et le paradis, l'Europe,
l'Asie et l'Afrique, qui sont cantonnées dans trois tours. On y per-
sonnifie des êtres métaphysiques, par exemple : la daine Silence fait
presque tous les frais du prologue ; Soûlas humain, Grâce divine et
Confort divin donnent du secours aux héros de la pièce et de l'ennui
à ceux qui la lisent. L'enfer vomit des diables, impatientants par leurs
propos orduriers. Ces diables n'ont que des sottises à dire à la
déesse Proserpine, qui, par un mélange singulier de la fable et de la
religion révélée, vient aussi figurer sur le théâtre
» Parmi les quatre-vingt-douze personnages (i) qui paraissent dans
le mystère des trois Doms, on voit la sainte Vierge et Dieu le Père.
Les noms de plusieurs de ces personnages sont d'une singularité
remarquable : il y a un Brisebarre, un Ferragus et un Machebourre,
acteurs épouvantables, qui font parade de bravoure, mais qui prou-
vent qu'ils ne sont que cruels. Il y a aussi un Torchemuseau, une
Poudrejîne. Torchemuseau aide le bourreau en qualité de valet dans
ses exécutions sanguinaires ; et Poudrefine,
» Les reliques des saints martyrs étoient aussi portées sur les théâ-
tres de ces représentations. Il y a même sur leur translation une
pièce, en un acte, qui n'a pas été jouée.
» On sait par qui les rôles du Mystère des Trois Doms étaient rem-
plis, et l'on connaît le nom de l'auteur. L'official de la ville, un ou
deux chanoines, un cordelier parurent comme acteurs. Cette pièce
fut suivie d'une procession générale et terminée par un Te Deum. »
Pauvre chanoine Pra ! Après avoir eu son heure de gloire relative,
son œuvre était tombée dans un oubli deux fois séculaire : et voilà
que le jour où l'on secoue la poussière qui la recouvrait, la voix qui
(i) En réalité il y a quatre-vingt-seize, non 92 personnages-
84 MYSTÈRE DES TROIS DOAIS.
la fait connaître ne trouve pour en parler que ces mots dédaigneux et
à peine exacts, empreints d' « une intention très marquée de ridicu-
liser le drame du moyen-âge » (ij.
Le XIX' siècle devait faire davantage pour sa mémoire.
M. Dochier paraît avoir connu le texte du drame :
« Cette pièce, dit-il, ne contient rien de remarquable sous les rap-
ports de l'art ; la conduite et le style sont aussi bizarres que dans
celles que l'on jouait alors ; une analyse plus dciaillée ne présente-
rait rien d'intéressant (2). »
On se prend néanmoins à douter qu'il ait eu le texte original en-
tre les mains, quand on le voit, dans la même page, évaluer à « trois
mille » seulement le nombre des vers du poème.
En tout cas, on ne tarda guère de perdre la trace du ma-
nuscrit. M. Pilot ignore complètement son existence et, voulant par-
ler de l'œuvre du chanoine Pra, il se contente de copier presque
littéralement les expressions de Dochier (3).
M. de Soleinne, qui avait formé une « bibliothèque dramatique »
presque complète et si précieuse, ne l'a inscrit dans son Catalo-
gue (4), sur la foi de l'article cité du Journal de Paris, qu'au nombre
de ceux qu'il n'a pu se procurer, desiderata.
Mais en 1848 parut un ouvrage qui, en l'absence de l'original du
poème, renseigna sur bon nombre de questions intéressantes aux-
quelles il donnait lieu. C'était la Composition, mise en scène et repré-
sentation du Mystère des Trois Uoms, joué à Romans, les 27, 28 et 29
mai, aux fêles de Pentecôte de l'an i ^o(j, d'après un manuscrit du
temps, public et annoté par M. Giraud, ancien député. L'auteur
donnait au public le texte d'un mémoire ou compte écrit dans le
temps même, et où sont rapportés jour par jour les arrangements
pris, les marchés passés, les sommes payées ou reçues pour la
composition, la mise en scène et la représentation de ce drame.
(La suite au prochain numéro.)
(1) PkTIT f^E JULLEVILLE, Vol. cilC, p. 95-
(2) Mémoires sur la ville de Romans, Valence, ihi j, p. i ^4.
(3) Annuaire de la cour royale de Grenoble pour i^.ji, p. ~(>-~.
(4) Rédigé par le bibliophile Jacob ; Paris, 18^3, l. I, p. 148.
MELANGES
Formule d'oJjlation d'enfant.
Urée des archives de l'ordre de St-Ruf. XIIP siècle.
On désignait au moyen âge sous le nom d'oblats les enfants qui
étaient donnés, offerts (oblati) aux monastères et qui, admis plus
tard à la profession, devaient terminer leurs jours dans la vie reli-
gieuse. Cet usage de vouer ainsi au culte du Seigneur de jeunes en-
fants remonte à la plus haute antiquité et semble avoir été inspiré à
la piété des fidèles par les exemples de Samuel et de la très Sainte
Vierge. L'enfant, que ses parents avaient donné à Dieu, recevait par
le fait même de son entrée dans le monastère une sorte de consécra-
tion ; il ne lui était plus permis de désirer la vie du siècle, et si dans
la suite, peu soucieux des promesses faites en son nom, il osait quit-
ter l'habit monastique, il devenait pour tous un sujet de scandale
et le nom dapostat l'accompagnait partout comme une flétrissure.
C'est dans l'Eglise grecque que nous trouvons mentionnées pour la
première fois ces oblations d'enfants. Saint Grégoire de Nazianze
nous apprend qu'il fut lui-même dès le bas âge donné à Dieu, « qu'il
fut pour ainsi dire du sein maternel jeté entre les bras du Seigneur,
et qu'en demeurant au service des autels, il ne fait que rester fidèle
aux engagements contractés en son nom par sa mère ; » il ajoute
encore que celte sainte femme, « dans l'ardeur de sa foi, avait donné
à Dieu tous ses autres enfants, de telle sorte qu'avant même d'avoir
ouvert les yeux à la lumière du jour, ils avaient été consacrés (i). »
La règle de S. Benoît fît passer en Occident cette pieuse coutume,
et dès le VI^ siècle nous pouvons recueillir dans les écrivains ecclé-
siastiques des témoignages nombreux de ces consécrations ou obla-
tions d'enfants. Qu'il nous suffise de citer ici les beaux vers d'un
illustre archevêque de Vienne, S. Avit :
(i) S. Gregorii Nazianzeni Opéra, dans Migne, Patr. gixca, t. XXXV, col. 483.
86 MÉLANGES.
Et quia principium jam sancti fœderis esses,
Tu si'mul offeris Christo, qui protinus ipsis
Accipit in cunis lactcntia membra dicatis.
Orta quarta quidein, sacro de munere prima,
Dulcis nata jnihi, cœlo quam carne ftdeqiie
Bis genui, Christoque rudem de ventre dicavi (i).
Le cérémonial pour la réception de ces enfants n'était pas absolu-
ment le même dans tous les monastères. Voici ce que nous trouvons
à ce sujet dans les coutumes de Cluny : « Au moment de l'offertoire,
l'enfant prendra entre ses mains le calice, dans lequel a été mis le vin
du sacrifice, la patène avec l'hostie ; le vicaire enveloppera du voile
les mains de l'enfant, et celui-ci portera le tout à l'autel. Ensuite
l'enfant sera revêtu de la coule, et s'il n'a pas atteint sa quinzième
année, la bénédiction solennelle lui sera différée jusqu'à cet âge (2). »
Avec le relâchement des mœurs et l'affaiblissement des croyances,
des abus ne devaient pas manquer de souiller cet antique usage,
qui en soi n'avait rien que de louable et qui, inspiré par la sagesse
de l'Eglise, pouvait avoir d'heureux résultats, pour les familles com-
me pour les individus. Au lieu de voir dans cette donation au Sei-
gneur de ce qu'un père et une mère ont de plus cher au monde uit
moyen de reconnaître les bénédictions divines, des parents égoïstes
et guidés par des motifs purement humains, songèrent, en destinant
leurs enfants au cloître, à se décharger du fardeau d'une famille
nombreuse et à réserver à l'ainé la majeure part de la fortune pater-
nelle. Souvent même faisant un choix, dicté par des considérations
plus basses encore, ils donnaient à Dieu et à l'église ceux d'entre
leurs enfants, à qui de douloureuses ou humiliantes infirmités ne
permettaient plus de se promettre dans le siècle un brillant avenir.
La Providence n'était pas tenue de souscrire à ces misérables calculs
de la prudence humaine, cl de bénir ces entrées par force dans le
cloître. Aussi n'est-il pas rare, aux époques dont nous parlons, de
rencontrer dans ces asiles, qui ne devraient s'ouvrir que devant les
âmes généreuses, des religieux condamnés moralement par leurs
familles aux exigences d'une règle austère et se résignant avec peine
(1) S. AviTi Opéra, clans .Mi(;nf, Pair, lai., l. LIX, col. 369 et 370.
(2) Udalbici's. Anliqutores consttctudines Clu'iiaccit<iis monasLcrii, dans .Mignk,
Talr. lat., t. CXLIX, col. 742.
MÉLANGES. 87
à porter le joug qu'on leur avait imposé. Dans la communauté ou
le chapitre qui les recevait, comment auraient-ils pu tout à coup de-
venir des modèles, des sujets d'édification ? Ce fut là une des causes
de la décadence des ordres religieux et des collèges de chanoines
au moyen âge.
De bonne heure, il est vrai, l'Eglise protesta hautement contre ces
atteintes portées à la liberté humaine, contre ce qu'il y avait d'odieux
dans ces vocations forcées. Mais les familles trouvaient dans ces
pratiques de trop grands avantages pour prêter l'oreille à la voix des
conciles et des docteurs (i) et pour accepter des réformes. Durant de
longues années, les pères de famille, par exemple, purent par tes-
tament disposer de leurs enfants comme du reste de leurs biens.
Nous avons sous les yeux un curieux document, daté du 15 octobre
1271. C'est le testament d'un certain Ponce Bastia, bourgeois de
Montélimar. Ce personnage ayant plusieurs enfants, donne sa fille
Girarde aux religieuses bénédictines de Bonlieu, et fixe le sort d'un
enfant à naître : si c'est un garçon, il veut qu'il soit frère convers
(donatus) dans l'ordre de St-Jean-de-Jérusalem ; si c'est une fille,
elle devra rejoindre sa sœur à Bonlieu.
Parmi les documents, que nous avons mis en œuvre pour écrire
notre Essai historique siii- la ville de Die, se trouvée l'acte d'une do-
nation d'enfant, faite par une mère et ses autres fils aux chanoines
réguliers de St-Ruf, en présence d'Humbert, évêque de Die. Nous
publions ici cette pièce, dont nous avons fait ressortir ailleurs l'im-
portance historique pour la chronologie de nos évêques (2). Elle
porte la date de l'année 1207, et fait partie du fonds de St-Ruf, aux
archives de la Drôme. On pourra la rapprocher des chartes sur le
même objet, publiées dans les Vetera analecta de Mabillon (3).
Universis liée legentibus et audientibus notum sit quod anno domini
M. ce. VII, Er,o lohanna dono Deo et ecclesie Saticti Rufl filiiim
meum P. pro fratre et canonico, et consilio et voluntate Jilioriiin meo-
rum Amedei et Eiidonis, per me et per omnes successores ineos, pro
remissione peccatoriim, dono Deo et ecclesie Saiicti Rufi et eiusdem
ecclesie fratribus in perpetuum omne iiis et dominium et onuiem pro-
(1) Cf. Du Gange, Glossarium, v° Oblati. — Mabillon, Vetera analecta, Parisiis,
i72 3,in-f°, p, 157.
(2) Voir notre Essai historique sur la ville de Die, l. I, p. 262.
(3) Mabillon, Vetera analecta, p. 155-6.
88 MÉLANGES.
prietalem, quant habeo vel habere debeo in manso de Francoel, qui
est apud castrum Seiiza ( i), videlicet homines, cetisiis,, domos, vitteas,
terras ciiltas et incultas, prata, pascua, arbores fructifer as et nonfruc-
tiferas et quidquid prorsns excogitari potest, ad ipstim majisitm vel
aliud ius meum si quod est in loto territorio predicti castri pertinens,
libère et absolute, pro franco allodio, sine omni exactione met et meo-
rum, et absqiie omni censii, servitio et usatico, baiiilatione vel custo-
dia aliciijus, doua predictis fratribiis ad habendum, possidendum et
faciendum quidquid fratres predicti facere voluerittt, sine omni contra-
diclione mei et meoriim, sicut melius et sanius intelligi potest. Et ad
maiorcm Jirmitatem habendani, rogo dominuni V . ,Diensem episcopum,
ut presentem cartam sigilii sui munimine corroboret. IVos Amedeus
et Eiido, filii pr édicté domine lohanne, predictam donationem lauda-
mus et confirmamus et promitlimus quod per nos vel per alium, non
movebimus, et si aliquis illam morcret, nos pro sensu et posse nostro
contra opponcmus, et domum Sancti Ruji manutebimus. Sic Deus nos
adiuvet et hec sancta IIIl<^' livangclia. Quando Amcdcus, filins domine
lohanne predicte, laudavit et conjirmavit predictam donationem (et)
iuravit super Illfo'' Evangelia quod nunquam per se vel per alium mo-
verety présentes erant dominus A. abbas sancti Rufi. Disderius prior de
Crista, Avondics socms ejus, Guigo de Seuza, Paganus, Arnaldus
Wuillelmi, Vmbertus Espallart, Arbertus de Cornilio, Vuillelmus
Silvestre. Quando Eudo, Jilius domine lohanne predicte, laudavit et
conjirmavit prefatam donationem et iuravit super IIIIo' Evangelia
quod nunquam per se vel per alium moveret, présentes erant Stephanus
sacrista, W. de Nemauso, W. de Bonis ]\illibus procurator, W.
Rainoardus, Arnaldus de Tornone, Petrus de Camellis, hospitalarius,
Gotafridus, Petrus Vêtus, Aimericus de Bonis Vallibus, canonici
sancti Rufi, Aimo conversas, W. /'rater Chavais. Ego Vmbertus,
Diensis episcopiis, rogatu domine lohanne et jiliorum ejus Amedei et
Eudonis, ad maiorem firmitatem habendam présentent cartam sigillo
meo corroboro.
Parchemin. iQ lignes. Sceau disparu.
Au dos de la charte : Château l'cras. Armoire 6.
Volume 2. N" 8 bis.
Jules Chevalier.
(i) Suze-la-\'icillc, près de Crcst (DrCimc).
NOTES
LA COHÂNDERIE DES ANT0NIN8
A AUBENAS, EN VIVARAIS.
C'était un sage que maître Antoine Rochette, notaire à Aubenas
au milieu du XV" siècle, du moins si l'on en juge par la maxime
suivante, que nous avons relevée sur la couverture en parchemin
d'un de ses livres de notes :
Cum tempus habemus
Operemus bonum;
qu'il traduit ainsi lui-même, dans le bon vieux François de l'époque :
Si en as temps,
N'atens ;
et par cette autre :
Qui non facit quando quit,
Quando vult facere nequit ;
qu'il traduit aussi fidèlement par cet autre vieux distique françois :
Qui ne faict quand il peuit
Ne faict pas quand il veult.
Profitons du conseil de maître Rochette pour mettre en ordre et
élucider autant que faire se pourra, de peur de ne pouvoir le faire plus
tard, un certain nombre de notes prises au courant de la plume, et
pour ainsi dire à la dérobée de nos occupations quotidiennes, dans
divers registres de notaires du Vivarais.
Nous avons déjà, il y a plus de dix ans (i), appelé l'attention
publique sur ces vénérables monuments de la vie de nos pères et sur
la nécessité de prendre des mesures pour les conserver aux futurs
(i) Annuaire de l'Ardèchedc 1875.
B ULL.YII, 1887. 7
90 NOTES SUR LA COMMANDERIË
amateurs d'études locales. Pendant bien longtemps, l'histoire s'est
trop confondue avec la vie des princes et les récits de batailles ou
d'intrigues de cour, ne laissant que peu ou point de place au tableau
du progrès des idées, des mœurs et des usages. De cette lacune est
résulté pour le public une ignorance complète de l'état véritable de
notre pays il y a quelques siècles, ignorance dangereuse en ce sens
qu'elle a facilité la propagation de récits faux ou exagérés, et a laissé
le champ libre à toutes les déclamations. Les registres de notaires,
témoins graves, impartiaux et authentiques s'il en fût, contiennent
une foule de faits et de détails qui permettent de reconstruire l'état
social des siècles écoulés et éclairent parfois même leur état politi-
que. C'est à ce double titre, sans parler des utiles renseignements
qu'on peut y trouver sur les familles, que nous voudrions voir les
autorités compétentes prendre enfin des mesures sérieuses pour
leur conservation. A notre avis, il faudrait avant tout demander à
chaque notaire l'état détaillé des registres qu'il possède dans ses
archives et le rendre ensuite responsable de la conservation de ces
documents, à moins qu'il ne préfère les déposer aux archives dépar-
tementales. Dans l'Ardèche, le tableau des registres de notaires a
été dressé seulement pour l'arrondissement de Tournon (i). Pour-
quoi ne le ferait-on pas aussi pour les deux autres ? Un certain nom-
hve, de ces registres ont été déjà réunis à Privas aux archives du
département et nous croyons même que, par les soins d'un ancien
archiviste, M. Mamarot, on avait commencé un aperçu des princi-
paux actes qu'ils contenaienl. Nous voudrions mieux que cela,
c'est-à-dire un résumé complet de tous ces registres, résumé qui,
d'ailleurs, pourrait être très-bref, attendu que l'immense majorité de
ces actes ne mérite qu'une indication de deux lignes. Quelle pré-
cieuse source d'informations il y aurait là pour l'histoire locale et
pour les familles !
Le premier registre de notaire que nous ayons parcouru est le
Manuale Nolarum d'Antoine lirion, notaire à Privas en 1427-28 ;
son intérêt était d'autant plus grand que la prise de cette ville en
1629 eut pour résultai la destruction de toutes ses archives publi-
ques et privées. C'est là que iVL Henry d'Audigier avait fait la décou-
verte assez inattendue de l'acte de mariage de iiérenger de Surville.
Le public lettré sait déjà par un livre paru (2) en 1873, qucl3crenger,
(i) Ce lalilcau a étc public, en 1H65, par M. Devillc, notaire à 'l'ournon.
(2) Marguerite Clialis el la légende de Clolilde de Surrille, par A. Mazon ; Paris,
Lcmcrrc, petit in-12.
DES ANTONINS A AUBENAS. QI
né dans le diocèse de Nîmes, épousa à Pri\as, le 4 janvier 1428, non
pas Marguerite-Clotilde-Eléonore de Vailon-Chalys, l'auteur imagi-
naire de poésies notoirement apocryphes, mais Marguerite Chalin,
jeune veuve, fille de feu Pierre Chalin, licencié es lois à Privas. Il
serait facile, au moyen des autres notes recueillies dans ce travail,
de tracer un tableau complet de la ville et de la région de Privas à
cette époque reculée.
Nous avons parcouru plus tard quatre registres de notaires de
Rochemaure, cette petite bourgade vivaroise en face de Montélimar,
dont tous les voyageurs de la rive droite ont pu remarquer les beaux
dikes volcaniques et la physionomie féodale. Une partie des notes et
réflexions provenant de cette lecture a été consignée dans VA^inuai-
re de l'Ardèche de 1875 et les personnes qui aiment ce genre d'étu-
des ont pu avoir ainsi une idée de ce qu'Userait possible défaire, au
point de vue de l'histoire locale, par un dépouillement plus général
et plus soigneux des vieux registres notariaux du Vivarais.
Depuis, nous avons parcouru une cinquantaine d'autres registres
provenant d'Aubenas, d'Antraigues, de Largentière et d'ailleurs. Le
temps nous a manqué pour en compulser beaucoup d'autres qu'il a
fallu laisser relégués au sommet de notre bibliothèque. Un groupe
de ces registres, de la région d'Aubenas, nous a particulièrement
intéressé. Nous avons eu la patience de noter, résumer et trans-
crire textuellement quelquefois la plupart des actes, le tout sur des
cahiers de même format, qui ensuite reliés et accrus d'une table
détaillée, forment un volume de plus de 500 feuillets. Nous disons
cela ici, non par un sentiment de vanité puérile, mais pour prê-
cher d'exemple et de bonne méthode à ceux qui auraient le désir et
le courage de nous imiter.
Aubenas possédait, entr'autres établissements religieux, une corn-
manderie de St-Antoine, qui a laissé son nom à un quartier de
la ville, mais qui a disparu depuis si longtemps que la plupart des
habitants ignorent même l'endroit où elle était située.
Le couvent se trouvait cxtra-miiros, au delà de la porte de la
ville .qui a gardé le nom de St-Antoine. Les bâtiments et jardins
occupaient tout l'espace qui s'étend entre le nouveau cimetière et le
grand mur qui borde au nord le clos Chabannes et les propriétés
g2 NOTES SUR LA COAlftlANDERIE
voisines. La chapelle, dont les murs fondamentaux sont encore
visibles, était dans ce clos ; elle n'a été détruite qu'au commence-
ment de ce siècle, et quelques personnes se souviennent encore
d'avoir assisté aux pèlerinages dont elle était le but. Le cimetière
du couvent devait être contigu à la chapelle, c'est-à-dire sur la route
même qui sépare aujourd'hui le cimetière communal du clos Cha-
bannes, car on a trouvé, en travaillant à cette route, une grande
quantité d'ossements humains.
On sait que l'ordre hospitalier des Frères de St-Antoine ou des
Antonins fut fondé au moyen âge pour soigner les individus at-
teints du feu sacré ou mal des ardents^ dit encore feu St-Antoinc.
Des savants prétendent que cette horrible maladie est celle que
les Grecs ont désignée sous le nom d'Erpès eslhiomenos ; V^irgile et
Lucrèce, sous le nom de Sacer ignis (ij ; mais, sans contester cette
manière de voir, il est permis de la laisser reléguée parmi les hypo-
thèses plus ou moins vraisemblables. Dans l'Europe moderne, le
fléau est signalé la première fois par la chronique de Flodoard ,
comme ayant sévi dans l'Ile-de-France en 945. Les membres bril-
laient, dit le chroniqueur, et devenaient noirs, puis tombaient par
l'effet de la gangrène.
Si l'observation des maladies qui affligent l'espèce humaine s'était
faite, il y a huit ou neuf siècles, comme aujourd'hui, c'est-à-dire
avec un exposé minutieux des symptômes et des phases du mal,
nous saurions probablement d'une façon certaine à quel genre
appartenaient les diverses épidémies du moyen âge, quelles en
étaient la cause et l'origine. Faute de ces éléments nécessaires, nous
en sommes réduits aux conjectures. Il y a cependant de bonnes
raisons de croire que le feu sacré, qui fit périr tant de monde à Paris
et aux environs en 945 ; dans la haute et basse Lorraine, en 1090;
dans le Dauphiné et ailleurs, de 1090 à 1096, n'était autre que l'er-
gotisme gangreneux, ainsi que les épidémies analogues des années
1099, 1109 et 1128. Les expressions de ojnçrc'Ht', de nioiibres ^jui se
séparent sponianémenl du corps,ç\m reviennent à chaque page dans les
récits du temps, sufli raient seules à autoriser cette supposition
(i) On lit vers la lin du livre III des (lcoi\i;i.]iics :
nec longo dcindé moranli
Tcmpore contactos anus sacer ignis edehat.
Lucrèce dit, de son coté, au livre VI' de son De luitinà rcntiii :
Sacer ignis et urit corpora scrpens
Qunmoumque arripuit partem rcpitque pcr artus.
DES ANTOXINS A AUBENAS. Q^
depuis que l'on connait les effets du seigle ergoté. On pense, d'au-
tre part, que les épidémies observées en France en 994, 996, 11 30,
1140, 1334 et 1375, bien que décrites sous les dénominations de
feu sacré, mal des ardents ci/eu St-Antoine, furent des effets de la
peste d'Orient.
Pendant bien longtemps, on avait examiné les épidémies de gan-
grène sèche sans en connaître la cause. C'est la Faculté de médecine
de Marbourg en Allemagne qui, la première, en 1596, les attribua
au seigle ergoté, à la suite d'une épidémie qui avait ravagé la Hesse
et les contrées voisines. Le docteur Thuillier fut le premier en
France à donner des notions précises sur le mal en 1630 et ses in-
ductions ont été confirmées par les observations recueillies, depuis,
sur les épidémies de Montargis (1674), ^^ l'Orléanais et du Blésois
(1709), de Suisse (1715), de Silésie (1722), de Wurtemberg (1736),
de Sologne (1747), d'Arras et Douai (1764), etc.
La médecine étant impuissante à guérir le terrible maison s a-
dressa naturellement à Dieu et aux saints.
Vers 1080, Jaucelin, seigneur de Châteauneuf-d'Albenc en Dau-
phiné, qui avait fait le pèlerinage de la Terre-Sainte et avait rendu
des services militaires à l'Empereur Romain-Diogène luttant contre
les Turcs, en obtint, comme récompense, le corps de saint Antoine
qu'il apporta dans une. de ses terres, appelée la Motte-Saint-
Didier, aujourd'hui St-Antoine de Viennois. Bientôt le bruit des
miracles opérés par l'intercession de saint Antoine se répandit au
loin et la Motte-St-Didier devint un pèlerinage des plus fréquentés.
Le feu sacré, dont il est question pour la première fois en 1090
dans les Annales du Dauphiné, accrut dans des proportions énor-
mes le nombre des pé'.erins. Guigues Didier, le successeur de Jau-
celin, recevait de son mieux les infirmes et ses domestiques rem-
plirent jusqu'en 1095 ^^s fonctions de Frères Hospitaliers, mais
bientôt ils furent insuffisants.
Deux nobles pèlerins, Gaston, seigneur de la Valoire, près de la
Côte-St-André, et son fils Guèrin, vinrent sur ces entrefaites à St-
Antoine. Emus du triste spectacle dont ils furent témoins, et, dit la
légende, à la suite d'une vision de St Antoine, ils résolurent de se
consacrer au service des pauvres malades. Bientôt huit autres gen-
94 NOTES SUR LA COMMANDERIE
tilshommes se joignirent à eux. D'où les deux vers léonins qu'on
fait remonter au premier temps de l'Institut :
Gastonis veto, socialis fratribus octo,
Orclo est hic cœptus ad pietatis opus.
Gaston fonda, à côté de l'église de la Motte, un monastère pour
sa communauté naissante et pour les infirmes un hôpital, qui fut
appelé Maison de l'Aumône. Le pape Calixte II, en quittant le siège
archiépiscopal de Vienne, pour aller ceindre la tiare à Rome, consa-
cra l'église en II 19 et c'est probablement à la même année et au
même Pape qu'il faut attribuer la consécration de la cathédrale de
Viviers.
Le pape Calixte II vérifia, à son passage, les reliques de St-Antoine
et formula un peu plus tard, dans une bulle que reproduit l'abbé
Dassy, l'intérêt tout particulier qu'il portait aux frères hospitaliers
de la Maison de l'Aumône (i).
Le costume des Antonins était fort simple : une tunique noire,
ample, surmontée d'un gros capuchon, un long manteau plissé sur
le col et s'attachant par une agraffe devant la poitrine, sans manches
ni collet renversé, avec un bonnet noir à quatre coi'nes ; sur le man-
teau, du côté gauche, le tau sacré en camelot d'azur.
Le tau, signe caractéristique des Antonins, n'était autre que le T des
Grecs, en forme de potence ou de béquille, et de là sans doute son
adoption pour un ordre affecté au service des malades qui avaient le
plus besoin de béquilles. D'autres ont voulu y voir le Lin d'Kzéchiel (2)
ou bien un emblème de la Sainte-Trinité. Du Gange dit qu'au
moyen-âge on appelait bâton Je St-Antoine tout bois de cette forme
sur lequel on s'appuyait. Quoi qu'il en soit de la véritable origine de
ce signe, le fait est qu'il est le cachet du costume des Antonins.
Les Antrjnins recevaient tous les malades qui se présentaient. Dès
qu'un nouveau venu était signalé, les I-^-èi"cs le conduisaient ou le
portaient d'abord à l'église devant la châsse de St-/\nli)inc cl on
récitait la prière suivante :
« Antoine, vénérable pasteur, qui rende/, la santé à ceux qui sont
(1) I." abbaye de Sl-Anloinc-en-l)aupltiitc. lassai liistoiique et descriptif. Grcncihlc,
Baralicr, 18,4 1, in-S".
(2) Omncs autem super ijucm videritis tau ne occidalis. Ezéciiikl, c. I.\, v. 6.
DES ANTONINS A AUBENAS. 95
en proie à d'horribles tourments, qui guérissez des plus graves ma-
ladies, qui éteignez le feu infernal, ô Père miséricordieux, priez le
Seigneur pour nous. Et vous, Seigneur, qui accordez à la prière du
bienheureux Antoine, votre sen^iteur, la guérison des malades du
feu sacré et la résurrection de leurs membres, nous vous conju-
rons en même temps de nous préser\^er des peines de l'Enfer :
puissions-nous, sains d'esprit et de corps, vous être un jour présentés
au ciel. Amen. »
Un Frère puisait alors dans un vase destiné à cet unique objet
quelques gouttes d'une liqueur privilégiée qui avait coulé sur les
ossements de St-.\ntoine et qu'on appelait le saint-vinage et le pré-
sentait à boire au malade. On continuait les oraisons pendant plu-
sieurs jours en attendant avec foi le miracle. Quelquefois cepen-
dant il fallait faire l'opération et extirper le membre malade. Les dé-
membrés pauvres avaient droit, selon le règlement de l'hôpital, d'y
rester toute leur vie pour y être vêtus et nourris avec le produit
des aumônes envoyées à St-Antoine ou retirées plus tard de ses
commanderies.
Les Antonins avaient le droit de quêter avec une sonnette et se
faisaient suivre par un porc. Les offrandes qu'ils recevaient consis-
taient particulièrement en pieds de porcs. Leurs porcs pouvaient
paitre en quelque prairie qu'on les conduisit : c'étaient les troupeaux
de Monseigneur St-Antoine. Ils portaient la sonnette et l'enseigne
du saint, c'est-à-dire le tau au cou. Beaucoup de chartes royales,
jusqu'à François i", sont relatives aux quêtes et aux troupeaux de
St-Antoine, qui circulaient librement même dans les rues de l'ancien
Paris.
Une bulle du pape Honorius 111, vers 1215, plaça les Hospitaliers
de St-Antoine, en récompense des services rendus par eux à l'hu-
manité souffrante, sous sa protection intime et sous le patronage
immédiat du Siège Apostolique. C'est pour cela qu'on verra dans la
plupart des actes que nous reproduirons plus loin, le nom des abbés
ou des chefs de commanderies, accompagné chaque fois de ces ex-
pressions : ordinis beati Antonii ad romanam ecclesiam niillo medio
pertinentis. Tous les papes furent prodigues d'immunités à l'égard
des Antonins. Les évêques ne pouvaient pas, sans une autorisa-
tion expresse de Rome, les excommunier ou interdire leurs églises.
Chaque chef ecclésiastique était tenu de protéger leurs messagers,
leurs personnes et les choses de leur ordre. Leurs chapelles étaient
exemptes des visites de l'ordinaire. Leurs mandataires étaient reçus
q6 .mystère des trois uoms
dans les églises pour faire des collectes ou annoncer la parole de
Dieu, et l'office divin ne pouvait commencer qu'après leur prédica-
tion.
Enfin il n'était pas permis de laisser prêcher d'autres religieux ou
quêteurs le jour de l'arrivée de ceux de St-Antoine.
Nous n'entrerons pas dans l'histoire de l'ordre de St-Antoine qui a
eu, comme tant d'autres, sa grandeur et ses petitesses, et dont l'âge
héroïque a fait place à des périodes de relâchement et de décadence.
Ses démêlés avec les Bénédictins de Montmajour, qui ont eu
pendant deux siècles le prieuré de St-Antoine, sont restés célèbres
dans les annales des conflits religieux d'autrefois. Nous renvoyons
les personnes qui désireraient approfondir ce sujet à l'intéressant
ouvrage de l'abbé Dassy, où nous avons puisé bon nombre des
détails qui précèdent. Notons, en passant, que l'auteur avant d'être
appelé à la direction du noviciat des Oblats à Notre-Dame de l'Osier,
avait été supérieur des Oblats à Notre-Dame de Bon-Secours, à la
Blachère (Ardèchcj.
(La suite au prochain numcro).
D-- FRANCUS.
MYSTÈRE
DES TROIS DOMS
JOUÉ A ROMANS EN 1509.
(Suite)
On y trouve son auteur (ou plutôt ses auteurs), le peintre décorateur,
le machiniste, les salaires qui leur sont alloués, le pi'ix et le produit
des places pendant les ti'ois j(juriiccs, ce qui |:)cnncl d'en déduire
exactement le nombre des spectateurs; en un mol, la dépense et la
recette y s(jiu si minutieusement rappelées, qu'on peut calculer, on
aurait dit alors à une maille et aujourd'hui à un centime près, tous
les frais d'une semblable entreprise. Ix mémoire prend l'ccuvrc.
JOUÉ A ROMANS EN I509. 97
SOUS le rapport pécuniaire et matériel, à sa naissance, la suit dans
tous ses détails et la conduit à son dénouement. C'est à la fois le
budget et le compte de la pièce des Trois Doms. A ce titre, il offre
plus qu'un simple intérêt de localité ; il peut être considéré comme
un document précieux pour l'histoire de l'art. Cette publication était
précédée d'une introduction qui mettait en lumière les données du
mémoire et suivie de notes qui servaient d'éclaircissements (i).
En 1854, M. le comte de Douhet consacra quelques lignes aux
Trois Doms, dans son Dictionnaire des Mystères (2).
On lit encore dans le Bulletin de la Société d'Archéolooie de la
Drame, sous la signature de M. A. Lacroix, une page relative à la
représentation de notre pièce (3).
A son tour, M. Petit de Julleville en parle à plusieurs reprises
dans la r" partie de son excellente Histoire du théâtre en France :
les Mystères (4) ; il y fait surtout ressortir ce qu'il y a de neuf et de
précieux dans le mémoire publié en 1848.
Enfin, après avoir été l'objet de nombreuses recherches, après
avoir donné lieu aux publications, aux analyses et aux jugements
que nous venons de rappeler, le manuscrit du Mystère des Trois
Doms a été découvert à Romans, dans le grenier de M™'' Sablières
des Hayes, au milieu d'autres registres poudreux, en décembre 1881.
Acquis par M. Giraud, il fait actuellement partie de la belle biblio-
thèque qu'a héritée de son oncle M. Paul Giraud, conseiller à la
cour d'appel de Lyon.
Le volume, de format in-folio, mesure 355 millim. sur 260 ; il se
compose de onze cahiers de papier (sans filigrane), de force inégale ;
d'après un numérotage récent, qui embrasse quelques pages addi-
tionnelles de moindre format, les feuillets sont au nombre de 241.
En dépit de la suppression de plusieurs pages, dont il ne reste que
le talon, le volume est absolument complet : il s'ouvre par une préface
en latin et se termine par un épilogue en français et la liste des per-
sonnages qui ont rempli les rôles, le tout de la plume du juge royal,
(1} On trouvera dans un volume qui a vu le jour en 1872 [La Correspondance
de M. P.-E. Giraud, Lyon, in-'->", p. \-2) Tapprécialion du docte Le Prévost,
l'éditeur d'Ordéric Vital, sur ce mémoire (cf. p. 2'')).
(2) 5" Encyclopédie t/iéoloffhjue de MiL;nc, Paris, in-4'', col. 972.
(^) Valence, 1877, t. XI, p. ^50-1.
(4) Paris, 1880, 2 vol. in-S", t. I, pp. 529-^1, 353, 365-4, 399 et 403-4 ; t. H,
p. 95-8.
98 MYSTÈRE DES TROIS DOMS
Louis Perrier (i)- Le dernier feuillet seul a souffert notablement de
l'humidité, par suite de l'arrachement — déjà ancien — des ais qui
constituaient une solide reliure à nerfs saillants.
L'original du compte de la représentation faisait partie des papiers
de AL Louis Saint-Prix Enfantin, chanoine de St-Barnard ; son
héritière, M"'' Eugénie Nugues, le donna à AL Giraud le ^ nov.
1841 et celui-ci en a fait don le 14 sept. 1881 à la bibliothèque natio-
nale de Paris, où il est inscrit sous n° 1261 des nouv. acquis, du
fonds français (2). Il forme un cahier de papier (marqué d'un B
comme filigrane) in-4'', dans une couverture en parchemin, et mesure
290 millim. sur 205. Des 59 feuillets qui le composent d'après le
numérotage actuel, 40 seulement sont écrits. Le compte est tout
entier de la main du consul Jean Chonet (3), sauf les feuillets inter-
calaires [4, 21, 24-5 et 28, qui en sont les pièces justificatives et que
nous avons reproduits à part en appendice, et les ff. 33 à 40.
II
Dans quelles circonstances fut décidée et menée à bonne fin la
représentation d'un mystère à Romans ? Quelles furent les causes
déterminantes de la résolution prise à cet égard par le clergé et le
peuple (4) de la ville? La raison en est sans contredit dans l'entraî-
nement passionné avec lequel on suivait les péripéties de ces dra-
meS; où la \ie d'un saint, un miracle de Notre-Dame, la passion du
(i) L'écriture en est identique à celle d'une « Parcelle des vaccations et dictes
faictz de par mess" Loys Perier », jointe au f" 17 des Precepla de 1506 (aux archi-
ves commun, de Romans, ainsi que tous les documents dont la provenance ne sera
pas spécifiée), et à une quittance signée, du 17 juin 15 10 (Prec. de celte année,
(" 20). — Son père, Pierre Perrier (Pererii), avait été juge de Romans en 1402
(Precepta de cet. an., f" -jo, avec quittance et signature autographes). Lui-même
fut chargé de l'office de « judcx ordinarius curie communis secularis de Romanis »,
de 1499 à 1512 : il remplit clans le Mystère le rôle du gouverneur devienne
(P- 595)-
(j) Voir le rapport de M. Léop. Dki.isi.e, Doiiatioit faite â la lUhliolhc\]uc ualio-
iiale par M. 'Paul-Emile Giraud, dans le Journal ofjiciel du 13 sept. 18K1 ; et son
développement dans la Bibliothèque de l'école des Charles, 1881, t. .\L!L p- 5^0
(tiré à part, Paris, nov. 1881, in-8'', p. 1^). Le Journ. o[f. ne mentionne que le
don de 39 imprimés, en date du 9 août.
(3) Voir son écriture autographe, fort rcconnaissable, dans le Liber prc^epturum
de 1508, f°' 19 et 20; dans celui de 1509, f°' 1, 16, 18 v"; etc,
{,\) « Prehabita matura dclibcracionc inter cicrum et populum » (p. i ).
JOUE A ROMANS EN I5OQ. 99
Christ étaient retracés et dont l'audition constituait un des bonheurs
le plus généralemeut goûtes et le plus profondément sentis. Ceci
semble plus spécialement vrai de notre région méridionale que des
autres portions de la France, comme il résulte du beau travail de
M. Petit de JuUeville, ainsi résumé à ce point de vue par M. Antoine
Thomas (i) :
« Les mentions de représentations de mystères réunies par M. P. de
J. se rapportent en majorité aux pays de langue d'oïl. Dans les pays
de langue d'oc, les mentions les plus fréquentes concernent la région
située sur la rive gauche du Rhône : la Provence, le Dauphiné et la
Savoie ne nous offrent pas moins de trente-deux représentations assu-
rées à Aix, Auriol fBouches-du-Rhône), Chambéry, Die, Dragui-
gnan, Forcalquier, Grasse, Grenoble, Marseille, Modane, Montéli-
mar. Romans, Saint-Jean-de-Maurienne, Salterbrand (vallée d'Oulx),
Seyssel, Toulon, Valence et \Menne. Au contraire, la région bien
plus vaste qui s'étend du Rhône à l'Océan, et du plateau central aux
Pyrénées, ne nous en donne que seize. Ces seize mentions se rap-
portent à un très petit nombre de localités : Caylux (Tarn-et-
Garonne), Clermont-Ferrand, Limoges, Mende, Montauban et Ro-
dez ; en outre, elles sont loin de présenter toutes le même degré de
certitude et de précision. »
Mais à cette cause générale, — dont la justesse ressort mieux
encore des textes que nous avons exhumés des archives du Dau-
phiné, — se joignirent au commencement du X\l* siècle des motifs
particuliers que nous font connaître les documents du temps.
En l'an 1504, le printemps fut d'une sécheresse désolante (2).
Pour apaiser le Ciel, les Romanais firent une procession générale,
immédiatement suivde, le 15 juin, d'une pluie bienfaisante: inconti-
nent on proclama « le beau miracle 0, et il fut décidé de représenter
dans cinq ans la vie des martyrs auxquels on en était redevable.
L'année suivante, la ville de Romans fut envahie par une peste, qui
s'annonçait avec les signes les plus alarmants. Déjà, pendant le cours
du siècle précédent, elle s'était vue exposée à plusieurs reprises f^J,
(1) Roviania, 1884, t. XIH, p. 411.
(2) « L'année de la grant sécheresse » (p. ^oO-
(:;) Malgré les pertes qu'elles ont subie?, nos archives capitulaires et communales
ne renferment que trop de preuves de la fréquence et de l'intensité de la peste à
Romans (Computum de 1441, f° 40 v° ; Livre capit. de m" Fateti, f"' 38 v" et 39;
'Precepta de 1474, f"' 8 v% 25 v° et 28 v° ; 'Prec. de 1479, f" 9 V ; Trec. de 1482,
foa _ yo^ ^ £j g yo . ^pi-g^ jj. m'^Si '" 7 '''°; 'Prec. de 1489, f°' 9, :i V, 14 v° et
22 \'°).
100 MYSTERE DES TH0Î3 DOMS
et surtout en 1494 (i), aux ravages de ce redoutable fléau. Quoi-
qu'on ne doive pas prendre à la lettre cette assertion de Cho-
ricr, dont il n'apporte aucune preuve, que les draps de Romans
tenaient « lieu de monnoye » par voie d'échange « dans les estats du
Sophi et du Grand Seigneur» (2), les relations commerciales de
cette ville avec Marseille et le Levant (3), où s'écoulaient en partie
les produits de sa fabrication, n'en sont pas moins certaines, et on
peut y trouver une explication plausible du retour fréquent de la
peste. Une fois introduite dans la cité, la circulation de l'air gênée
par des rues étroites et tortueuses et par des remparts élevés, l'igno-
rance des moyens d'hygiène et l'absence de médecins résidants, qui
auraient pu du moins diminuer l'intensité du mal, toutes ces causes
réunies l'y maintenaient longtemps et rendaient son action plus
meurtrière.
Dès la fin de 1504, les alentours de Romans étaient atteints (4).
Le 15 juin 1505, le bourg d'Alixan passait pour infecté et on dut
s'opposer à l'entrée des pauvres, qui se présentaient en grand nom-
bre aux portes de la ville (5). En octobre on engagea, à trois florins
par mois, Claude Martin pour enterrer les pestiférés et servir les
malades (6j. Les consuls prirent, dans le même mois, diverses mesu-
res de police sanitaire Ty), qui semblent avec la saison des frimas
avoir arrêté l'épidémie.
Elle reparut l'année suivante et, dès le i" mai, le Chapitre crut
devoir permettre aux gens d'Eglise de fun- pour un temps le foyer
de la contagion (S). Le même jour, la ville prit, aux gages de six
(i) Nous n'aurions malheureusement que l'embarras du choix des textes sur celle
épidémie, qui avait sévi dès l'année précédente (-l'recepta de 1^93, f°' 7 r° et v°,9 \°,
10, II, 19, 3 1, 22 v et 48 v ; Delihér. capiiul. de 1 483-1 501 , f"" 227, v''-22 5,
aas v", 226 r" et V, 22H, 2 ^o et 331 ; Trecepta de 1494, f"' i V et 7).
(2) Chorifr, Histoire de Dauphitié, t. I, p. 66 (nouv. édit., p. 53).
(3) Au milieu du XIII* siècle les Sarrasins fréquentaient les foires de Romans :
voir le « tarif du droit de icydc » publié par nous dans la Revue Jes Sociiiés savan-
tes, 1873, 5* scr., l. m, p. 69. La réputation de> draps de Romans est encore
aitcstée, — qui aurait pu s'y attendre ? — par les Nocls Bressans du X\'U' siècle,
réédités dans le nôtre à IBourg par F'hilibert Le Duc : Nocl s'en alla chez la Taille
pour se faire un balandran de joli drap de [(omans ( Xouvclli'ite de Lyon, du 26
déc. 1886, c. H).
(4) l.iber aclorum capitularium Scofficr, i" ix.
(5) f'apier de raison de Romans, f° 3.
(6) Papier de raison de R., f" s ; fih. actmum cité, f xliiij.
(7) Liber actorum cité, f' xlrj v".
(f<) Liber actorum cité, f"' Ixxxij cl Ixxxiij v".
JOUE A ROMANS EN I5O9. lOI
llorins par mois, un chirurgien-barbier, Jean Meyssonnier, pour soi-
gner les pestiférés : il tomba lui-même malade au bout de quatre
mois (i).
Cette fois la peste continua sans interruption ses ravages (2). En
janvier 1507, on songea à isoler des gens sains les malades, en
réunissant ceux-ci dans l'hôpital du Colombier: les consuls venaient
de l'agrandir d'un verger acquis de Gaspard Milliard et se propo-
saient d'y faire toutes les réparations nécessaires (3). Sur l'opposi-
tion du maître d'école, Pierre de Peyrusse (4), et des paroissiens de
St-Nicolas, qui faisaient valoir des raisons d'hygiène, on accepta
une transaction réglée par deux membres du Parlement (5). Vers la
fin de mars passa un médecin Polonais, qui se disait inventeur d'une
poudre infaillible contre la peste : on acheta neuf florins son secret,
qui fut couché sur les Mémoriaux de la cité (6). Il n'eut pas l'eflica-
cité qu'on s'en promettait, car on dut recourir à d'autres moyens.
Le Chapitre résidait toujours hors de la ville (7). Le 3 juillet, on le
décida de contribuer à la construction d'un hôpital provisoire au
Sablon, près du vivier entre les tours de St-Xicolas et de la Bistour,
et d'implorer la miséricorde divine par une série d'exercices de piété,
(i) Trecêpta de 1506, i"' 4 et 7 v"; Lib act., f" Ixxxviij ; T'rec. cit., f" 10. —
a Je, mestre Jehan Meyssonier, silleurgent et habitant de la ville de Romans, confesse
avoier receu de messeigneurs les conssez de la ville de R., parles mayns de s" Jehan
Milliart, resseveur... .trente florins petite monnoyc, compté douze s. tourn. pour flo-
rin, et ce tant pour quatre moez que j'ay servy ladicte ville du tamps de la peste
que je serves lesdis inffés, commansans... le premier jourt de may et fyni le derrier
jourt d'oust mil V« et six, a reyson de six flor. pour ung chescun moes pet. mon.,
houltra la despencc que la dicte ville a poyé pour moy, et pour deulx moez en suy-
vant, commanssans le premier jourt de septembre et revollu... le derrier jour d'octo-
bre dudit an, a reyson de trois flor. pour ung chescun moes, sans aulcungs despens,
pour ce que j'estoie rellaxé et n'estoye en point de besoingnvé de ladicte peste. De
laquielle somme... je quicte. ., et pour plus de surté j'ey fayctz escripre la présent
d'autruy mayn et signé de mon seygn manuel yssy mys, ce xij" d'octobre mil sinq
cens et six. H r R ? m (Ib.). — Ib., f°" 1 5 v° et 16 v°.
(2) 'Precepta de 1506, f°' 18 v°, 35 v" et 21.
(3) 'Precepta cités, f° 23.
(4) « Magister Petrus de Petrussia, rector scolarum gramaticalium opidi de Ro-
manis, in Viennensi diocesi. «
(5) Minutes du notaire Etienne Escoffier (étude de M" Ferrier, nol. à Romans),
f" cxxvij-xxxij ; 'Precepta cités, f"* 28 v°, 29 et 30 v".
(6) « Item solvit die xxvij marcii, de mandato scindicorum, medico Polhonie,
qui ostensit secretum pulvis contra pestem Ludovico de Fabrica, et que recepta fuit
registrata in libro ville Memorialium, vid. ix ff. » (ibid., f" 31).
(7) Liber actorum cité, f"' cxiij v''-cxviij : Precepta cités, f" 39-
102 MYSTERE DES TROIS DOMS
dont le programme ne nous a pas été transmis (i). Nous savons
cependant qu'une confrérie fut instituée en l'honneur de saint Bar-
nard et des trois martyrs, patrons de la cité, et que, « faict requeste
à yceulx, cessast incontinant la dicte peste, estant au moys d'oust
fort afoguée » (violente) {2).
Bien qu'on ne doive pas lui attribuer le chiffre de 4275 décès, indi-
qué par Dochier (3J, elle laissa dans Romans des traces profondes
de son passage. L'année suivante, à l'entrée de la saison des cha-
leurs, époque où le fléau se ranime ordinairement, les craintes n'é-
taient point complètement dissipées ; l'apparition de quelques cas iso-
lés dans les bourgades environnantes engageait à ne pas négliger les
précautions de la prudence, et nous voyons, le 4 mai 1508, le conseil
de ville interdire pendant plusieurs jours toute communication avec
Valence (4).
La sécurité revint enfin, et les Romanais, heureux d'avoir échappé
à un danger aussi imminent, songèrent à témoigner leur reconnais-
sance à Dieu et aux martyrs Séverin, Exupère et Félicien, dont ils
avaient deux fois invoqué la puissante intercession. Les reliques de
ces généreux confesseurs de la foi, que saint Barnard avaient trans-
férées de Vienne à l'église de Romans dès sa fondation, y reposaient
enlermécs dans une châsse consacrée par la vénération des fidèles ;
c'était donc une pensée populaire et pieuse que celle de célébrer leur
martyre, et de reproduire aux yeux de tous les actes de leur vie et le
tableau de leurs tïlorieux tourments.
III
La résolution prise, on dut s'occuper des moyens d'exécution
pour une œuvre qui demandait beaucoup de temps, de soins et d'ar-
gent. On était en juillet 1508. On voulait que la pièce pût être jouée
aux fêtes de Pentecôte de l'an 1509, c'est-à-dire à la fin de mai
suivant. Dix mois pour composer le livre du Mystère, pour distribuer
et apprendre les rôles, pour construire le théâtre et le garnir des
(1) Liber aclorum cite, f" cxviij et cxix v".
(2) \>. 591.
(3) Mcm. sur Rijiiu7ns, p. 133. — Ce chidrc se rappoiic ù répidémie de 15H3.
comme Ta prouve M. le D"' Ciievaliek, Rccherclics sur les pestes Je Romans du
XIV" au XVII' siècle, dans liull. de la soc. d'archèul. de la Drdme, 1879, l. XIII,
p. 259 (tir. à pan, p. j).
(4) Livre déraison, f" 23 v" ; Liber aclorum cilé, f" cl v".
JOUE A ROMANS EN 150g. 10^
décorations nécessaires, ce n'était pas trop ; mais le zèle de toutes
les classes de la population, excité par le motif religieux, suffît à cette
tâche ; le Mystère fut représenté à l'époque que l'on s'était pres-
crite.
Voici l'exposé des événements qui s'écoulèrent durant ces dix
mois et des incidents divers auxquels le Mystère des Trois Doms
donna lieu.
Le 4 juillet 1508, les membres du Chapitre de Saint-Barnard, les
consuls et plusieurs habitants notables de Romans, réunis en assem-
blée générale, arrêtent unanimement de faire représenter aux pro-
chaines fêtes de Pentecôte le Jeu des Trois Martyrs Séverin, Exupère
et Félicien, patrons de l'église et de la cité. Le Chapitre prend à sa
charge une moitié de la dépense et la ville l'autre. Les religieux de
Saint-François, les PP. Cordeliers, jaloux de témoigner leur empres-
sement et de s'associer à cette œuvre pieuse, offrent la cour de leur
couvent, local très favorable pour y construire le théâtre. Ils contri-
buèrent également de leurs deniers, en avançant aux consuls une
somme de 200 florins (ij, qui vint fort à propos en aide aux finances
de la communauté, très obérées par les sacrifices que lui avaient
imposés les ravages de la peste et les calamités de toute espèce que
ce fléau traîne à sa suite. Le conseil de ville avait déjà fait un appel
aux diverses Confréries : celles de St-Sébastien, de Notre-Dame de
Grâce, de St-Barnard et des Marchands (qu'on appelait l'abbaye,
abbatia Mercatorum) {2) apportèrent leur contribution (3) ; celles de
St-Jacques et de St-Crépin, déjà créancières de la ville, ne purent
suivre cet exemple (4).
Pour surveiller l'ensemble et les détails de cette œuvre importante,
neuf commissaires sont désignés, trois par le chapitre, deux par la
(i) P. 640. Cet argent fut prêté en écus au soleil et à la couronne : 61 écus sol
à raison de 3 fl. i s. pièce i-= 188 fl. i s. ; et 4 écus à la couronne à raison de
3 fl. = 12 fl. ; total qui fut remboursé, 200 fl. i s. Cf. p. 628, n. 3.
(2) D' Chevalier, Essais histor. sur les hôpitaux de Romans, Valence, 1865,
p. 245-6.
(3) P. 638-9. Ces prêts étaient gratuits et sans aucun intérêt; aussi les considé-
rait-on comme un sacrifice, et à ce titre s'adressait-on de préférence à ceux qui ne
s'en étaient point encore imposé pour concourir à l'œuvre commune; ainsi le Conseil
est d'avis d'emprunter non-seulement des Confréries, mais encore des habitants qui
ne joueront pas, ab illis qui non ludebunt. Quant aux acteurs, le temps donné à
l'étude de leur rôle et surtout les frais de leur costume, pouvaient les dispenser de
toute autre contribution.
(4) P- 639, n. I.
104 .MYSTERE DES TROIS DOMS
chapelle Saint-Maurice et quatre par la ville : les premiers sont
messire Jean Gillier, maître de chœur, messires Benoît Chastillon et
Jean Varse, chanoines ; les seconds, Claude Conton, habitué, et
Antoine de St-Pierre, sous-clavier ; les derniers, Louis Perrier,
licencié en droit et juge, Jean Alexe, Claude de Dril et Girard Chas-
taing (i). L'assemblée, avant de se séparer, donne mission au cha-
noine Pra, de Grenoble, de faire le livre du jeu des Trois Mar-
tyrs (2) ; elle lui assigne à titre d'honoraires une somme de 150 flo-
rins par mois pour sa dépense personnelle à Romans, et pour celle
de son clerc ou secrétaire (3).
Le nom du chanoine Pra (on devrait plutôt l'appeler du Pré, en
latin de Prato) (4) n'est pas de ceux qui ont traversé les siècles avec
une auréole de glorieuse notoriété (5). C'était toutefois un des per-
sonnages considérables de la ville de Grenoble. Les registres du
chapitre de Notre-Dame mentionnent, dans l'année 1494, Siboud
Pra, Siboudiis de Prato, parmi les chanoines signataires d'une déli-
bération rédigée en latin ; et cest avec le titre de chanoine de cette
collégiale qu'il est désigné comme témoin dans un contrat de 1508
publié par nous (6). Si nous consultons les délibérations consulaires
de Grenoble, nous voyons Siboud Pra faire partie, le 26 nov. 1497,
du comité chargé d'organiser la réception du gouverneur Jean de
Foix (7). Six ans après son séjour à Romans, nous le retrouvons à
Grenoble, en 15 15, comme ordonnateur des préparatifs pour les
entrées du duc et de la duchesse de Longueville, de François F' et
du duc de Bourbon (><) ; l'année suivante, il préside à la brillante
réception faite à la reine Claude (9). Bien que les registres consulai-
res ne le disent pas positivement, il y a tout lieu de croire que le
chanoine Pra fut l'auteur des « histoires » dont on agrémenta ces
■ (i) Pp. •/().] et 796. On leur donna des substiluls, qui furent eux-mêmes sou-
vent remplacés par d'autres : cf. pp. 604, 608, 6j,', (ui;, 631 et 797.
(2) DociiiKR attribue (p. 133) faussement le .Mystcre au jutic Louis Perrier; cf.
plus haut p. 98, n. i .
(3) '""P- 594-4"oct 793-6.
(/|) Dans le compte il est invariablement nommé 'Pra (p. 599-632, passim), mais
le juge Perrier, dans son épilogue (p. 591)» rapi^ellc Pic: nous devons être en
présence des formes paloisc cl frani^aisc du même mot.
(5) Cf. Petit de Jui.I-kvii.i.k, ouvr. cité, t. I, |3. 329-31.
(6) P. 800-1.
(7) ^- f'5V
(8) P. 659-62.
(9) P. 662-6.
JOUE A ROMANS EN I 5OQ. IO5
fêtes publiques (i) ; en revanche ils nous apprennent combien ses
services furent précieux et intelligents, qui se bene habuit in introgiis.
En 15 18, le conseil lui accorda la faculté de prendre, dans les îles du
Drac, 400 arcosse. gratis etpro uno semel (2). Enfin le chanoine-poète
était un calligraphe distingué : on lui doit la copie d'un certain nom-
bre de terriers de l'église Notre-Dame de Grenoble, comme le prouve
la mention suivante inscrite sur l'un d'eux : fuit satisfaclum domino
de Prato, de Libo. e suo in faciendo hune librum (3).
Le chanoine Pra se met aussitôt à l'ouvrage ; il divise son sujet
en trois journées. Moins de six semaines après, le 14 août, il arrive
à Romans, apportant « ce qu'il avait fait au livre du premier jour ».
Les commissaires se réunissent, le lendemain, à la maison de ville
pour en entendre la lecture. Il parait qu'ils n'en furent pas satisfaits,
car le même jour, 1 ^ août, ils dépêchent un exprès à maître Chevalet,
fatiste ou poète de Vienne, pour l'eng-ager à se rendre à Romans et
à travailler comme « coadjuteur » avec le chanoine Pra au livre des
Trois Martyrs (4).
Il ne s'agit plus ici, comme tout-à-l'heure, d'un personnag-e
obscur; Chevalet eut, de son vivant, une certaine célébrité. A vrai
dire, Du Verdier, qui écrivait à la fin du siècle dont le commencement
avait vu fleurir Chevalet, le connaît à peine, et dit que « son nom
propre lui est incertain » (5). Toutefois, il ne faudrait pas en tirer
(1) « Fiant hystorie et alia ad dictum dom' canonici de Prato » (p. 664). D'ailleurs
l'épilogue de notre Mystère le qualifie déjà de « fatiste » (p. 591).
(2) P. 668. A partir de 1527 le médecin Pierre Aréod paraît être l'organisateur
des fêtes à Grenoble (p. 672 ; cf. Rochas, Biog. du Daup/i., I, 34'').
(3) Communication de M. Prudhomme, archiviste de l'Isère.
(4) P. 601-2.
(5) Bibliothèque françoise, Lyon, 1585, in-fol.,p. 161. — Le nom de ce poète
est bien Chevalet et non point Chivalet, comme l'écrivent Ciiorier C//îs^. de Dauph.,
1672, t. II, p. 536 de la n. é.) et Guy Allard (Biblioth. du Dauph., 1680, p.71)'
et après eux MM. Weiss (dans la Biogr. univers, de xMichaud, 1813,1. VIII, p. 413)
et Gust. Brunet (dans la Nouv. biog. génér., 1856, t. X, c. 336). Il suffisait, pour
éviter cette erreur, de lire le titre même du Mystère imprimé en 1530, que nous
citerons plus loin. Du Verdier et son annotateur La Monnoye (nouv. édit. de la
Biblioth. franc., 1772, t. III, p. 314-5) ne s'y sont pas trompés, non plus que
M. Petit de Julleville (ouvr. cité, t. I, p. 331). — Le Compte de la représentation
laisserait cependant quelque doute; il y est question de Chevalet en deux endroits :
à la date du 25 août 1508, à l'occasion de son voyage à Romans, le receveur Jean
Chonet, l'appelle « mestre Chivallet » (p. 601-2); et le 14 mai suiv., noble Etienne
Combez des Coppes, qui lui fut spécialement député à Vienne et qui y passa trois
jours auprès de lui, le désigne deux fois sous le nom de Chevallet « (p. 635). C'est
à cette dernière autorité que nous nous rangeons, et voici comment on peut, ce
Bull. VII, 1887. 8
I06 MYSTÈRE DES TROIS DOMS
une conséquence trop rigoureuse contre le talent personnel du poète;
deux causes, indépendantes jusqu'à un certain point du mérite de
ses œuvies, avaient agi pendant cet intervalle et contribue puissam-
ment à ce résultat : la réforme dans les idées religieuses, qui avait
décrédité particulièrement ce genre de composition, et le goût du
public, qui lavait banni de la scène.
En 1508, Claude (i) Chevalet était en possession d'une réputation
qu'il devait à plus d'une heureuse tentative, et qui lui valut l'hono-
rable message des habitants de Romans. Par une conjecture, qui
semble sérieusement fondée — la ville qui a été le berceau du fatiste
a dû être également le théâtre de ses essais, — nous lui avons attri-
bué la paternité des « histoires » représentées à Vienne le i" dé-
cembre 14QO, jour où le roi Charles VIII arrivait dans cette ville (2).
Chevalet fut chargé de la « poetrie et versification » du mystère joué
à Lyon, lors de l'entrée du même prince, le 6 mars 1494 (3).
semble, expliquer la diflercnce : le receveur écrivait le mol comme il Tentendait gé-
néralement prononcer, à une époque où presque tout le monde à Romans s'expri-
mait en patois. Dans ce langage, au lieu d'un cheval on disait par corruption un
chival : le peuple Romanais, en parlant de maître Chevalet, l'aura probablement
appelé « mcstre Chivalet » et le marchand Chonet, écho fidèle du public, aura repro-
duit dans son compte cette locution vicieuse ; mais le sieur des Coppes, noble per-
sonnage, en rapports fréquents avec Chevalet, n'a pu se méprendre ainsi, et il a dû
conserver au nom sa véritable orthographe. — Les délibérations consulaires de
Valence, rédigées en un laiin qui n'est souvent que la traduction littérale du lan-
gao"e vulgaire, le désignent sous les trois formes de « Cliivaleti, Chavalcti » et
« Chivalet » (pp. 857 et 839).
(i) Guy Allard, qui fait de Chevalet un gentilhomme du Viennois dont la famille
porte de gueules au cheval échappé d'argent (Diction, du Dauph., 186.}, t. I,c. 28^),
lui donne, ainsi que les frères Parf.mct (Hist. du théâtre franc., 1745, t. H, p. .259;
éd. d'Amsterdam, p. 23i-2)et.M. Rochas (Biogr. du Dauph., 1856, t. 1, p. 234^),
le prénom d'Antoine; Chalvet, dans sa nouv. édit. de G Allard (Bibl. du Dauph.,
1797, p. 113), celui de Claude. Les registres de la ville de Valence rappellent à
trois reprises « Glaudius, Glaudus (pp. 856, 858 et 859). C'est donc à ce dernier
prénom qu'il faut s'arrêter, bien que ni notre Compte, ni le Mystère de St-Chris-
tophe, ni Du Verdict n'en fassent mcnlion : seulement le nom y est toujours précédé
de la qualité fort peu aristocratique de « mestre ». Quant à sa noblesse et ù ses
armes, rien n'est moins certain ; nous n'avons à ce sujet que le témoignage de Guy
Allard (reproduit sans autre preuve par M. de la Bâtie dans son Armoriai de Dauph.,
1867, p. 151'') et cet auteur, en général peu exact et peu scrupuleux, est ici
d'autant plus suspect que Chouieu, qui entre au sujet de la famille n (^hivallct »
dans des développements assez étendus (Estai polit., 1671, t. III, p. 186-7), ne
parle nullement de l'iiuteur de Sl-Christophc, dont il était cependant le compatriote.
(2) Revue du Dauphinà, i88i-, t. V, p. 26 (tir. à part, p. 6). Cf. p. 883-.}, n. 4.
(3) Ant, Péricaud, Hihliographie Lyonnaise du AT' siècle, 1851, p. 9.
JOUE A ROMANS EN I5O9. IO7
Il est plusieurs fois question de lui dans les délibérations consu-
laires de Valence. En 1500, il composa pour les Valentinois un
Mystère des trois martyrs Félix, Fortunat et Achillée, protecteurs de
leur cité, Ghiuiio Chivaleti^ fatiste misterii triiim martirum (i). En
janvier 1506, on envoie de cette même ville des messagers à Vienne
pour prier Claude Chevalet ou, à son défaut, un autre poète compé-
tent, àliquis qui inlelligat materiam, de venir préparer des farces
( far sicida , farcie , faccsiaj en l'honneur de l'évêque Gaspard de Tour-
non, qui devait faire prochainement son entrée à Valence : Chevalet
accepta, mais il ne voulut pas finir son travail avant d'avoir réglé
avec les consuls la rétribution qu'on lui payerait {2).
Il nous sera encore permis, sans trop de témérité, d'attribuer,
avec M. Delorme (3), à Chevalet le Mystère de la vie et du martyre
des saints Zacharie et Phocas, qui fut joué à Vienne la même année
1506. Il l'aurait fait pour les moines de l'abbaye de St-Pierre, qui
proposèrent eux-mêmes aux consuls de la ville la représentation de
ce jeu dont ils avaient, disaient-ils, le livre achevé dans toutes ses
parties, quorum haberent librum completum . Il est peut-être aussi
l'auteur d'une Passion en huit journées, donnée quatre ans plus
tard, en 15 10, dans le jardin de la même abbaye de St-Pierre, avec
une magnificence et un succès que les registres consulaires de \'ienne
ne nous ont pas laissé ignorer r4).
Enfin, postérieurement à la date de notre mystère et du mystère
de la Passion, Chevalet fit représenter à Grenoble, en 1527, le fa-
meux Mystère de saint Christophe (5). Trois ans plus tard, cette œuvre
obtenait les honneurs de l'impression ; elle parut à Grenoble, sous
ce titre :
« Sensuyt la nie de sainct Christofle elegaviment \ coposee en rime
francoisc et par personages \ par maistre Chevalet iadis sauverai
maistre en \ telle comp^siture nouuellement imprimée. f\ la finj Icy
finist le Mystère du glorieux sainct Chri | stojle compose par per-
sonaiges et imprime | a Grenoble le vingthuit de ianuicr lan coptat a
{i) P. 856-7.
(2) P. 858-9.
(3) P. 890-1.
(4) P. 891-2.
(5) On trouvera une analyse plus ou moins développée de ccUe pièce dans:
DE Beauchamps, Recherches sur les théâtres de France, 1735, t. I, p. 311; Fr. et
Cl. Parfaict, ouvr. cité, 1745, t. 111, p. 1-26 ; Biblioth. du théâtre français, 1768,
t. I, p. 93-6; DouHET, Dict. des Mystères, 1854, c. 232 ; Petit de Jullkville,
ouvr. cité, t. I, pp. 269-71, 294, et t. II, pp. 114, 599-605.
io8
INSCRIPTIONS CHRETIENNES
la Natiuite de nostre Seigneur mil ciq \ cens trente aux despens de
maislrc Anemond Amalberti citoyen de Grenoble (\). «
Ce Mystère dut être son dernier ouvrage, et déjà à l'époque de
l'impression Chevalet n'existait plus. La qualification qui lui est
donnée dans le litre de cette pièce : jadis souverain maître en telle
composilurc, prouve à la fois sa mort et la célébrité dont il jouissait
de son vivant.
(i) In-4'*, en lettres rondes, avec signatures A-CCC. Ce volume est un des plus
rares de la classe des Mystères et des productions de la typographie Dauphinoise.
De Burh (Bibliogr. instriict., 1763, t. I, p. 565-70, n° 3226), Colomb de B.\tines
(Mélanges biog. et bibliog. relat. à l'Inst. littér. du Datiph., 1837, t. I, p. 45^-8),
Brunet (Manuel du libraire, 4° éd., 184-', l- I, p. 648'»; 5° éd., 1860, t. I,
c. 1836-7; Supplément, 1878, t. I, c. 255-6), Gkaesse (Trésoj- des livres rares,
i86i,t. 11, p, 131'') et M. .Maignien ( L'imprim. à Grenoble, 1884, p. lo-i) en
donnent la description. Un des quatre exemplaires connus est à la bibliothèque de
Grenoble ; celui du duc de La \'allière a été acquis, pour 1600 fr. à la vente Solar,
par le duc d'Aumale.
(La suite au prochain numéro).
RECUEIL DES INSCRIPTIONS CHRÉTIEiES
DU
D I OCESE
D E
V A L_EN CE
I. — Canton de Wtlencc (Suite).
2. — PAROISSES DE LA BANLIEUE.
BOURG-LÈS-VALENCE.
L'ancienne église de ce lieu, dédiée sous le vocable de S. Pierre,
fut l'une des premières construites par les habitants de Valence, c]ui
la tinrent toujours en grande vénération. Il y eut tout d'abord un
monastère de l'ordre de Lérins, réputé pour le nombre et pour la
régularité de ses religieux (i). (-e fut sans doute à la ferveur des
(i) \'inccnl liAKftAi.i, Chrouic. ins. I.irin., p. 37H.
DU DIOCESE DE VALENCE. IO9
prières qui se faisaient en ce lieu que Ton doit attribuer la dévotion
dont il était l'objet de la part de la population valentinoise. S. Apol-
linaire y fut enseveli (520) ; Ste Galle aimait à venir y prier, et c'est
là, nous dit l'historien de sa vie, qu'elle obtint de Dieu, par l'inter-
cession du Prince des Apôtres, la délivrance miraculeuse de la ville
assiégée par les Barbares. On croit que Charlemagne la fit recons-
truire. Quoiqu'il en soit, elle était fort belle, et, d'après un ancien
titre conservé aux archives de la Drôme, elle était bâtie en marbre,
pavée en mosaïque et soutenue par un nombre considérable de co-
lonnes de marbre et de porphyre. Elle fut saccagée et renversée de
fond en comble par les protestants, en 1567, et ses ruines restèrent
longtemps amoncelées sur le sol. L'église actuelle, de construction
récente, a été érigée sur l'emplacement de l'ancienne, mais dans des
proportions bien plus restreintes. Elle n'offre absolument rien de
remarquable au point de vue archéologique et architectural (i).
Il y avait au Bourg-lès-Valence un chapitre très-important, qui a
subsisté jusqu'à la Révolution. Le premier dignitaire portait le titre
d'abbé et prieur. M. l'abbé Ulysse Chevalier en a publié le cartulaire,
dont la première charte remonte à 1065 (2).
Il y avait certainement sur les murs de l'ancienne église du Bourg
bon nombre d'inscriptions, qui ont disparu dans sa ruine. Il ne nous
en reste que les fragments suivants :
I. — Epitaphe de l'époque consulaire.
LVS._QVIVI
XITANS LX • • • ^"^' ?"^ vixit annos LX. Obiit in pace VIII
oBIIT IN PACE f^alendas augustas, Maxiino, viro clarissimo, con-
VIII. KLD. --O suie.
AGVSTAS (Hauteur, 0.31 centim.; largeur, 0.20.)
M.-\XIMq_
V C CONS
Cette inscription sur pierre blanche d'un grain assez fin, a été
recueillie par M. Rebatet, rentier, sur le quai. Elle offre un intérêt
réel pour l'épigraphie, à cause de la date précise qu'elle porte, indi-
quée par le consulat. Les inscriptions de cette époque sont rares,
(1) \.\DAL, Histoire hagiologique du dioc. de Valence, p. 98, note.
(2) Chartularium Ecdesix Sancti 'Pétri de Burgo Valentioj, ordiiiis Sancti
Augustini. — Paris, Honoré Champion, M.DCCCLXXV. (i vol. in-8» de 200 pp.)
IX SCRUTIONS CHRETIENNES
surtout dans nos contrées. Il est bien regrettable que celle-ci soit
incomplète. En voici la description matérielle : Les lettres, assez ré-
gulières, sont un peu allongées, et mesurent en moyenne ^ centim.
de hauteur. Elles sont conformes au caractère romain, sauf le Q, le
K et le (j, qui en diffèrent sensiblement, ainsi que le L du chiffre
LX, dont la branche inférieure est inclinée à angle ouvert. Les S et
les C offrent aussi, dans leurs contours et à leurs extrémités, une
forme moins correcte et légèrement tourmentée. Les X ont leur tra-
verse droite contournée; enfin, les O sont parfaitement ronds, et un
peu plus petits que les autres lettres. Il n'y a aucune séparation
entre les mots, qui se tiennent tous, sauf en quatre endroits, où ils
sont séparés par un point. Les abréviations sont marquées par des
traits horizontaux qui s'étendent sur toutes les lettres représentant
le mot condensé ; il n'y en a du reste que deux, en dehors des ini-
tiales consacrées pour marquer le consulat, à la dernière ligne. La
quatrième, qui renferme le quantième, ne s'étend pas jusqu'à l'arête
de la pierre ; elle est complétée par un trait en doucine. On remar-
cjuera l'orthographe bizarre du mot AgusLis, mis pour aiigustas,
adjectif tenant lieu d'un substantif.
Plusieurs consuls du nom de Maximus se rencontrent dans les
fastes consulaires pendant le cours du Y" et du VL siècle ; mais le
seul qui n'ait pas eu de collègue est Flavius Maximus, qui occupa le
consulat en 523. 11 ne fut pas promulgué en Gaule avant les pre-
miers jours de mars ; de telle sorte que les actes publics y furent
datés, jusque vers le milieu de ce mois, du post-consulat de Sym-
maque et Boèce, qui étaient consuls en 522.
Cette inscription a été publiée par M. All.mkr, dans la Renie épi-
graphique du Midi de la France, livraison de juin-juillet 1881, p. 224,
no 255, et reproduite par M. Lacroix, dans le Bulletin de la Société
archéologique de la Drame, yf livraison (tome XV, p. .115). Al- Flo-
rian Valli;nti.n en fait aussi mention dans son Bulletin épigra-
phique de la Gaule, t. L', p. 280-281.
2. — Fragment d'épitaphe.
1 lie \i{equi)
ESC{it)
NE. . . .
l'clit fragment recueilli par le même. Il (tflVc les mêmes caractères
d'antiquité que le précédent ; les lettres sont plus grossièrement
DU DIOCÈSE DE VALENCE. III
formées et gravées avec moins de soin. Elles sont aussi un peu
moins grandes, peu serrées et irrégulièrement espacées entre elles.
Point de séparation entre les mots. La largeur de la pierre parait
avoir été à peu près la même que celle de la précédente, à en juger
par l'étendue de la première ligne, qu'il est facile de rétablir dans
son entier.
3. — Obit mentionnant une fondation.
Dans le courant de septembre 1882, en ouvrant une rosace au-
dessus de la porte principale de l'église du Bourg, on enleva, pour
creuser le mur, quelques pierres de taille qui servaient de revête-
ment à la façade, l'une desquelles, taillée à la dimension des autres,
présentait une inscription gravée. Elle était recouverte d'une épaisse
couche de mortier, qui ne permettait pas d'en soupçonner l'exis-
tence. Quand elle eut été nettoyée et lavée, on put y lire ce qui suit :
'' ....MARCII, MEMORIA
BO(;z^/emm^ ?J RICHARD.E UXORIS
..TUAVLE, FILLE EORUMDEM, QU^E
idedi)T HUIC ECCLEf siœ)... SO(lidos) CENSUAL(es)
(6e/0EFICIA... CLERICIS.... AU..
rcom)MENDANTUR.
Cette pierre mesure 38 centimètres en carré. C'est une molasse à
grain fin, mais facilement friable ; aussi l'inscription qu'elle porte
est-elle très fruste en certains endroits. Elle est complète par le
haut et par le bas ; mais elle a été taillée sur ses deux flancs. Il en
manque peu à gauche, l'espace de deux ou trois lettres seulement,
comme le prouve la première ligne, où il ne pouvait y avoir que le
quantième du mois avant le mot mardi; mais elle est très défec-
tueuse à droite, où des mots entiers ont été enlevés. Pour achever
d'en obscurcir le sens, un crampon en fer a été planté verticalement
sur le même côté, et embrasse trois lignes dans sa malencontreuse
accolade, interceptant trois mots qu'il est impossible de rétablir. On
peut voir par ce spécimen que les matériaux de l'ancienne église ont
servi à construire la nouvelle.
Cette inscription présente les caractères du XIL au XIII'' siècle ;
c'est l'écriture onciale encore anguleuse et peu ornée de cette épo-
que. Les lettres sont très régulières et mesurent 3 cent.; leur lar-
112 INSCRIl'TIONS CHRETIENNES
gcur est d'un tiers environ de la hauteur. Les A, les E et les V ou U
sont tantôt arrondis, tantôt anguleux ; les M et les N ont tous la
forme arrondie, ainsi que les C et les T. Les D et les Q ressemblent
à un O, avec l'adjonction d'une petite queue en forme d'accent ou
de virgule en haut ou en bas. Il y a peu d'abréviations; dans l'état,
on n'en remarque que trois, aux mots ecc/(esi)e, c/(er)z'cz's et eor
Tum) ; le L des deux premiers est barré par le trait abréviatif, et le
dernier est complété par le trait d'usage en lorme de point d'interro-
gation, partant du centre du R.
On ne trouve aucune mention, dans le cartulaire du Bourg-lès-
\'alence, de la donation faite aux clercs de cette église par Richarde
et par sa fille Avici ou Varia. On y voit figurer il est vrai, dans une
charte du 8 mars 1207 (i), une certaine Richarde, épouse de Sal-
vaignet ; mais rien ne nous prouve que ce soit la même que celle
dont notre inscription relate le bienfait. Faudrait-il voir dans Sazia,
femme de Bernard de Beauregard, qui figure dans la même charte
comme parente de Ricarde, mais sans qu'on indique à quel degré,
la fille de notre donatrice ? Il y a trop d'écart entre l'orthographe
des deux noms pour qu'on puisse l'affirmer sans restriction ; mais
cette hypothèse ne laisse pas d'être plausible. Quoiqu'il en soit,
Sazia fut une insigne bienfaitrice de l'église du Bourg (2); les trois
anniversaires qu'elle avait fondés se célébraient encore à l'époque de
la Révolution (3). Bernard de Beauregard, de son côté, se signala
par ses généreuses donations à la collégiale de S. Pierre (4).
La découverte de cette inscription a été signalée par M. Lacroix
dans le Bulletin de la Société ajxhéolooi.jue de la Drame, livraison
d'octobre 1882, t. X'VI, p. 456.
ÉTOILE.
Ce bourg était autrefois l'une des places les plus importantes des
I*oitiers, qui y ont laissé des traces écrites de leur séjour. Leur chà-
(1) ('Jiarlulariu)n Sa)icli 'l'ctri de Hur^-o, cli. .W, p. 32.
(2) Ibidem, cli. \.\, p. |.|.
(3) Mémoire au sujet du vè'^lemcnL amiable proposé par M. de V^eynes, abbé et
prieur du Bourg, en mars 7779 (Ms. aux archives de la Drûme).
(/|) Chai tulaiium, l(jc. cit., et p. ji, note i, p. .^8, etc.
DU DIOCÈSE DE VALENXE. II3
teau fort s'élevait sur le point culminant et dominait la vallée du
Rhône; il devait être, par son étendue et sa magnificence, en rap-
port avec la grandeur de ses hôtes. Mais, comme de bien d'autres
grandeurs, il n'en reste plus que des ruines : quelques pans de mur,
à peine visibles, du bourg qu'ils dominaient autrefois. Cependant
l'archéologue est attiré vers ces ruines, non-seulement par l'attrait
des souvenirs et par les vestiges d'une splendeur qui n'est plus ;
mais aussi par un remarquable monument lapidaire, apporte en ce
lieu par M. de la Boisse, son dernier propriétaire. C'est une belle
inscription du X' siècle, qui n'a que le défaut d'être étrangère au
pays, et d'intéresser des contrées bien éloignées des nôtres.
I. — Consécration d'une église par Aimeric, archevêque de Narbonne.
^ Haec aula qui e fudata
in vila Montifelnens e cosecra
ta in honore Sci Michahelis invcta
p manu Aimerici archipsulis Narbo
ne couocauitq Rodbertu pbr obanim"
sua seu genitori i> vl génitrice vl parent
suor adivtoriû cndiderunt
cosecrata e mense e (?) VII k november
die VII fra anno dominice trabea
cionis DCCCCLXXIl. + indicio
ne I -f" Girallus pbr scripsit +
Fran conrtr.
-}- Haec aula qui est fundata in vila Montifelnensi, est consecrata
in honore sancti Michahelis, inimcta per manum Aimerici^ archiprœsulis
Narbone. Convocavit que (i) Rodbertus presbyter, ob animant suam,
seu genitoris, vel génitrice, vel parentum suorum adjutorium
con(?)diderimt. Consecrata est mense e f?), VII kalendas november,
die VII ferià, anno dominice trabeationis DCCCCLXXIl, + indicio-
ne I. -f" Girallus presbyter scripsit. Fran'coJ construxit.
Cette inscription a été e.Ktraite de l'église qu'elle concerne et
apportée à Etoile, par les soins de .M. Parisot de la Boisse, vers 1883.
*Elle est gravée sur un bloc de grès blanc, mesurant 0,58 cent, de
(i) iM. l'abbé Douais estime qu'on doit plutôt lire quem, se rapportant au prélat
consécrateur, malgré l'irrégularité de la construction.
114 INSCRIPTIONS CHRETIENNES
hauteur sur 0,70 de largeur. En tête est une croix formée de quatre
lobes allongés et terminés en pointe, inscrits dans un cercle à triple
trait, d"où part une torsade servant de bordure sur la partie supé-
rieure ; mais elle ne s'étend pas aux autres côtés de la pierre, qui
sont sans encadrement. Quant à l'exécution matérielle, elle est assez
correcte, quoique les lettres soient irrégulières dans leur forme ; elles
mesurent quatre centimètres de hauteur sur une largeur très va-
riable, mais en général fort développée, de telle sorte que plusieurs
sont carrées. C'est la transition du caractère romain à l'écriture
onciale du moyen-àge. Les formes arrondies se retrouvent dans la
plupart des E, des V et des M ; plusieurs cependant sont anguleux;
toutes les autres lettres ont conservé la forme romaine, sauf certai-
nes modifications pour quelciues-unes. Les N ressemblent exacte-
ment àl'H majuscule ; un certain nombre cependant ont conservé la
forme ordinaire ; la lettre H ressemble à la minuscule d'imprimerie.
On remarque aussi une forme toute particutière de l'A à la fin de la
deuxième et de la cinquième lignes, où cette lettre est placée en
caractère plus fin au-dessus du mot, et dans deux passages de la
neuvième : c'est le delta grec avec une queue au sommet. Dans deux
mots terminés en us et en is, l'S final est mis en tout petit module
au-dessus de la ligne, se tenant avec la lettre précédente. Il y a peu
d'abréviations, et, sauf quelques exceptions, elles sont indiquées par
le trait horizontal d'usage, ou par l'oméga à pattes allongées super-
posé. La diphthongue M est remplacée par la lettre E, sauf au pre-
mier mot hacc ; on remarque aussi la présence de cet E tenant lieu
de la diphthongue dans le mot Génitrice, mis pour Genilricis. Les
lettres sont, en général, largement espacées. Il n'y pas de sépara-
tion entre les mots, ni de traits entre les lignes.
On trouve dans cette inscription un certain nombre d'expressions
archaïques comme Aida dans le sens d'église, i-c/ et scu mis pour la
conjonction et, trabealionis pour incarnatioiiis (i). On y remarque
aussi quelques incorrections grammaticales: ce qui n'est pas rare dans
les textes lapidaires de cette époque. Non moins intéressante pour
son (jbjct que l'emarquablc pour sa forme, elle relate l'origine précise
d'une église qui a eu plus tard son degré d'importance : fondée par
le prêtre Rodberl, pour le salut de son âme et pour le soulagement
de celle de ses parents, elle fut consacrée par Aimcric. archevêque
de Narbonnc, un samedi (VII fer ià), septième jour avant les calendes
(1) Dl'cangi;, Glosaarium medLv eL infima; lalinilatis, v Aula, trabcatio, clc.
DU DIOCÈSE DE VALENCE. 11$
de novembre (26 octobre) 972, indiction première. — Ces indications
chronologiques concordent parfaitement entre elles; le 26 octobre 972
était bien en effet un samedi. Il est à observer toutefois que le cycle
de l'indiction se terminait au mois de septembre de cette année-là,
de sorte qu'elle appartient pour la majeure partie à l'indiction quin-
zième ; mais le mois d'octobre était bien dans l'indiction première.
Les noms de l'architecte et du constructeur sont mentionnés au bas de
l'inscription : le prêtre Girallus traça les plans de l'édifice (scripsit), et
Francon les exécuta fconstnixitj.Nous trouvons dans une inscription
de l'ancienne église abbatiale de S. Julien de Brioude, qui, comme
l'on sait, fut fondée vers la même époque, les noms de l'architecte
et de l'entrepreneur indiqués sous la même formule.
L'église de S. Michel, dont ce précieux monument précise l'ori-
gine et relate la consécration, subsiste encore dans son entier ; les
autels seuls ont été enlevés. Elle s'élève sur un monticule au X. E.
et à deux kilomètres environ de Siran, canton d'Olonzac (Héraultj,
sur les confins des diocèses de Montpellier et de Carcassonne. C'est
un remarquable monument d'architecture romane, mais où déjà la
pointe ogivale commence à se dessiner. A côté sont des ruines con-
sidérables ; on y remarque un grand puits, près duquel sont d'énor-
mes chênes verts. Ce lieu est appelé par le vulgaire /a 3/o»/a;'"c'
des Fées flou Mount de las Fadas) ; près de là s'élève un beau dol-
men, qui explique cette dénomination, à moins qu'on ne préfère y
voir une corruption de l'ancien nom Montifelnensis. Tout ce quar-
tier, ainsi que le ruisseau qui coule au pied du coteau, a conservé le
nom de S. Michel. Il y avait là un prieuré considérable, duquel dé-
pendaient Siran, Cesseras et f^épieux ; ces trois villages sont com-
pris dans les limites de l'ancien Miner\'ois, contrée intéressante au
point de vue archéologique ; le dernier appartient au diocèse actuel
de Carcassonne. Ce prie-iré passa des Bénédictins aux Chartreux
de Castres vers le XII'= siècle, et leur appartint jusqu'à la destruction
de leur couvent au XVI* siècle, époque où il fut probablement rui-
né aussi (\).
Siran dépendait autrefois du diocèse de St-Pons ; mais avant l'é-
rection de cette église en évêché par le pape Jean XXII, en 1 317, il
appartenait au diocèse de Narbonne : ce qui explique la consécration
de l'église de S. Michel par Aimeric, archevêque de cette ville. Ce
(i) Renseignements dus à l'obligeante érudition de .M. l'abbé Douais, professeur
d'histoire aux facultés catholiques de Toulouse.
Il6 INSCRIPTIONS CHRÉTIENNES
prélat, qui siéga de 933 à 977, est l'un des plus connus du X*" siècle ;
il a laissé de nombreux et importants souvenirs de son long ponti-
ficat (ij. L'acte relaté dans notre inscription est à ajouter à la série
de ses faits et gestes, énumérés par les différents historiens de
l'église de Narbonne.
Cette inscription n'a été connue ni des savants auteurs du Gallia
Christiauii, ni de dom Vaissette, ni des nouveaux éditeurs de Vllis-
toire générale du Languedoc ; Besse, antérieur aux Bénédictins,
n'en fait pas mention non plus dans son Histoire de Narbonne. Nous
la croyons donc complètement inédite.
2. — Fragment d'épitaphe.
+ IIII; id; ... ob. Ar.... IIII idiis.... obiit Ar... (prœ)
mii ; adm j meruit- for mii admitti meruitfor
in mundi castis virtutvj m in mundi castis virtutum m...
Huc; majusl nob ; dû; qrto hue majus nobis dum quarto
abstulit I ut; vob : do... Abstulit ut vobis do....
Fragment en pierre blanche d'un grain assez fin, mesurant 23 cen-
tim. de longueur sur 17 de hauteur. 11 a été trouvé dans les démoli-
tions d'un vieux mur, près des anciens remparts, et est actuellement
conservé dans une maison particulière. C'est une épitaphe en vers la-
tins, malheureusement incomplète ; il n'y a que les quatre premiers
pieds de chaque hexamètre, ce qui permet de supposer qu'il manque
un tiers environ de l'inscription dans sa longueur. Elle est complète
dans sa hauteur, et n"a jamais eu plus de cinq lignes. Toutefois la
première, qui contient la date et le nom du défunt, ne paraît pas
être en mesure, elle est du reste très fruste et à peu près illisible ; la
seconde ligne commence par la fin d'un mot ; de sorte qu'il n'y au-
rait au plus que quatre hexamètres. — La versification de cette épi-
taphe apparaît non-seulement dans la quantité des mots, qui sont
mesures selon les règles de la poésie latine ; mais aussi par le style
dans lequel elle est conçue, qui ne ressemble en rien à de la prose.
On y trouve des expressions relevées et choisies et une certaine re-
cherche dans la phrase, causée sans doute par les exigences de la
prosodie. Quant à la date de ce petit monument cpigi'aphique, nous
croyons pouvoir la rapporter au XIL siècle, à en juger par sa facture
(0 Gallia Clirisliana, t. VI, col. 27 a 30.
DU DIOCESE DE VALENCE. II7
matérielle. Les caractères sont d'une bonne exécution et légèrement
allongés (0,028") ; c'est l'écriture onciale, avec de nombreuses rémi-
niscences du caractère romain ; les M, les N, les T, les V, les E et
les C présentent la forme tantôt anguleuse, tantôt arrondie ; il y a
aussi deux formes de B et trois de M, dont une conforme au modèle
latin, sauf que le jambage droit ne descend pas au niveau de l'autre.
Il y a peu d'abréviations proprement dites, mais beaucoup de lettres
enchevêtrées ou enclavées ; celles-ci sont très fines et presque im-
perceptibles ; tous les I qui se trouvent dans le corps des mots, sauf
celui du mot virtiiticm, sont ainsi simplifiés et réduits, cette lettre
étant très facile à dissimuler dans les contours d'une autre. Dans le
mot castis, il se trouve au-dessus du T, qui déjà porte dans son jam-
bage le S entrelacé ; l'A de ce même mot, pareillement réduit à des
proportions miscrocopiques, est caché dans les replis du C. Les si-
gnes abréviatifs, consistant en un trait horizontal, sont placés en
travers de la dernière lettre exprimée, et jamais au-dessus. Trois
points à peine apparents séparent chaque mot ; il n'y a pas de traits
entre les lignes.
Une épitaphe en vers latins suppose un personnage important. Il
est bien regrettable que son nom et ses titres aient disparu du frag-
ment qui nous en reste ; ils eussent donné à ce petit monument un
véritable intérêt.
(La suite an prochain numéro).
Cyprien PERROSSIER.
HISTOIRE RELIGIEUSE
PONT-EN-ROYANS
(ISÈRE)
(Suite)
Les charges annuelles du prieuré ctaienl, d'après le même Estât
de 1678 : 200 liv. au curé de Choranches pour le service divin de ce
lieu; 200 liv. au curé de Ste-Eulalie pour le service divin de ce lieu, et
12 livres pour le service qu'il faisait à Laval-St-Mémoire ; pour les dé-
cimes des prieuré, sacristie et cures du Pont et de Choranches, et du
prieuré de Valchevrières, et pour celles de la paroisse de Ste-Eula-
lie, 144 liv. i^ sols 8 deniers; pour la 24" des pauvres des 3 pa-
roisses, 27 livres ; pour intérêts de sommes empruntées, g livres
12 sols ; pour gages de M. Morin, qui « fait le poil, pour 30 sols par
religieux, » (à 6 religieux) 9 livres ; pour gages de la femme de Jour-
dan, lessiveuse, 20 livres ; pour gages de Barthélémy Brissot, qui
« sert de valet pour 12 écus par an, « 36 livres.
Ces charges, montant à 6.58 liv. 5 s. 2 den., étant déduites des
revenus, il restait 1871 liv. 7 sols et 10 den. pour les dépenses com-
munes de la maison, c'est-à-dire pour la nourriture de 6 religieux,
d'un domestique (i) et des ouvriers, pour le vestiaire, les voyages,
etc.
De ces 6 religieux, 5 étaient prêtres et faisaient outre leur service
particulier, celui de la paroisse et quelques fonctions au dehors. Le
religieux convers s'appliquait aux affaires intérieures de la maison.
Tout nous révèle dans cette petite communauté beaucoup d'ordre,
d'entente et de piété. La bibliothèque de la maison, composée dès
1695 de 229 volumes dont nous avons l'inventaire détaillé, fait cer-
tainement, par son caractère sérieux et savant, honneur à ceux qui
(i) l.cs inventaires de 17.12, 1716 et 1762 accusent 5 religieux et 3 domestiques.
De ces derniers, l'un était cuisinier, à .^2 liv. de gages; le deuxième, valet d'écu-
rie, ù 4S liv.; le troisième, marmiton, à 12 livres. En 1765, on ne trouve plus que
4 chanoines ou religieux, et les 3 domestiques. Evidemment, la diminution des vo-
cations qui alTectait alors l'ordre de Saint-Antoine, se faisait sentir au Pont.
DE PONT-EN-ROYANS. IIQ
l'avaient acquise et à ceux qui s'en servaient. Nous y trouvons
I Saint-Augustin en 7 vol. in-folio, i Saint-Ambroise en 2 vol. in-
folio, les œuvres de Saint-Grcgoire-le-Grand en 3 vol. in-folio,
celles de Saint-Basile, de Saint-Cyprien, de Saint-Cyrille, de Saint-
Thomas d'Aquin, de Saint-Grég-oire de Nazianze, de Saint-Bona-
venture, de Thomassin, de Bellarmin, etc., etc.
Les procès pour la défense de leurs droits ont eu place dans la
sollicitude des Antonins et de leur communauté du Pont. On trouve
des débats avec les habitants de Ste-Eulalie, pour la dîme, en 1606
et de 1642 à 1649 ; avec les habitants de Laval-St-Mémoire, au
sujet du service religieux de ce lieu, de 1642 à 1644, en 1654, en
1712, en 1749, et de 1761 à 1765 ; avec le curé de Châtelus ou le
prieur de la Sône, au sujet de la pension des Antonins sur Châtelus,
de 1644 à 1645, de 1665 à 1667, en 1677, 1679, 1680, 1681, 1688,
et de 1695 à 1699; avec les consuls du Pont, sur la dime, en 1648 i
avec les curés de St-Just-de-CIaix, à propos de la chapelle de Claix,
en 1675, 1679, 1696 et 1700; et avec l'évêque de Die, au sujet des
bois de Valchevrières, en 1736. Mais les détails relatifs à la plupart
de ces débats ont leur place naturelle dans les travaux historiques
sur les paroisses où étaient les droits ou objets en litige ; et nous
n'en donnerons ici que pour ce qui regarde un différend avec le mar-
quis du Pont.
Plusieurs fois des difficultés avaient surgi entre les Antonins et
les seigneurs de Pont-en-Royans relativement à leurs droits déjà
réglés en 1259 et en 1276. Chaque fois elles avaient été tranchées
par des sentences judiciaires ou par des arbitrages.
Dès 1686, il s'en était de nouveau élevé, et sur plusieurs chefs.
Elles furent réglées par une longue transaction du 5 mai 1690,
passée devant Louis Bechard, notaire de Vourey, et Antoine Burlet,
notaire de la Buissière et Bellecombe, entre George-Paul de Maule-
vrier de Langeron, abbé de Saint-Antoine, ainsi que frère Jacques
Pilliéron, supérieur de la maison du Pont, et Joseph-Louis-Alphonse
de Sassenage, marquis dud. Pont. Il fut convenu que les religieux,
clercs, prêtres, convers et domestiques du prieuré demeureraient
exempts de la juridiction du seigneur en toutes causes et actions
réelles et personnelles, ainsi que de tous droits de leyde et de
toutes sortes de bannalité, notamment de celle des moulins et du
pressoir bannaldud. seigneur; qu'ils auraient la liberté de faire
moudre leurs grains où ils voudraient et de faire construire dans
les bâtiments du prieuré un pressoir pour la vendange de leurs
I20 HISTOIRE RELIGIEUSE
vignes et de leurs dîmes ; que le marquis seul aurait le droit de
pêche dans la Bourne, depuis le pont de Chorenches jusqu'à la
Forneira, et la propriété de ses moulins et pressoir bannaux ; que le
four bannal demeurerait commun entre le marquis et le prieuré,
lesquels seraient exempts du fournage. avec faculté « aud. seigneur,
n'habitant pas dans led. lieu du Pont, de céder » son exemption à
telle famille dud. lieu que bon lui semblerait ; que le bois de Barret
demeurerait en commun pour l'usage du four seulement, et resterait
au prieuré pour la propriété.
Au surplus, nos religieux continuaient leur œuvre au Pont, quand
la décadence morale de leur ordre, ou du moins la diminution de
son personnel, faute de nouvelles vocations, fut pour d'hypocrites
ministres l'occasion de l'unir à l'ordre de Malte. Cette union, qui
équivalait pour Saint-Antoine à une sorte de suppression, fut con-
sommée en 1777 et modifia d'abord assez peu le personnel et la vie
intérieure de notre prieuré. Seulement, au lieu de relever de la mai-
son de Saint-Antoine, il releva comme Sainte-Croix près Die, du
grand prieuré de Saint-Gilles. C'est pourquoi, le 10 décembre 1777,
frère Dominique-Gaspard-Balthazard Bailly de Gaillard, chevalier
de l'ordre de Malte, administrateur des biens du grand prieuré de
Saint-Gilles, envoie de Marseille à M"" Jean-François Mésangère,
avocat en la Cour et notaire à Valence, procuration notariée pour
administrer les biens dépendants de ce grand prieuré et appartenant
à la maison de Pont-en-Royans. Depuis lors jusqu'à la Révolution,
nous ne connaissons guère de l'histoire de cette maison d'autres
faits particuliers qu'un procès soutenu devant le parlement, par le
sindic des ordres réunis, contre les consuls, communauté et curé
du Pont.
Les bâtiments avaient été l'objet d'une reconstruction presque
complète. Le 21 janvier 1655, nos religieux recevaient en alberge-
ment du marquis du Pont, sous la censé annuelle et perpétuelle de
18 deniers, la faculté de faire construire, dans le clos de leur
prieuré du Pont, un pigeonnier de la hauteur et de la largeur
que bon leur semblerait. Le 27 août 1666, le R. P. Louis de
Charency avait bénit la première pierre du bâtiment neuf du
prieuré , et M' Chaléon , faisant pour M"" le marquis de Sasse-
nage, l'avait posée. Le 26 juillet 1676, les religieux avaient chargé
Jean Ferrand, maître maçon de St-André, et Guigues Bouvaret,
maître maçon de St-Romans, « de descouvrir le toict du quartier de
DE PONT-F.N-ROYANS.
bastiment qui » n'était pas « achevé, et de mettre les tuiles où le
charpentier » le verrait « à propos ; >> d'y faire un « faux toict d'ais,
pour pouvoir résister aux injures du temps et servir aud. quartier, >>
et de le maintenir jusqu'à prix fait achevé ; d'élever les murailles de
tous les côtés dud. quartier de bâtiment, et d'y faire « les fenes-
trages nécessaires de la mesme autheur et de mesme que au basti-
ment » qui était « achevé. » Les religieux devaient fournir pierres,
chaux et sable « au bas dud. bastiment, » et même les pierres de
taille qui manqueraient. L'ouvrage devait commencer le surlen-
demain et être achevé dans deux mois ; il consistait en somme à
« parachever cinq chambres du second dortoir, depuis les accoudoirs
du fenestrage » jusqu'au toit, et cela au prix de 150 livres et une
charge de vin.
Le 1 1 octobre, Ferrand était chargé de « faire et élever la mu-
raille déjà commencée sur la rivière de Bourne, depuis le couvert
jusques à la maison vieille, de l'auteur nécessaire pour y mettre un
tablement; de faire et élever les murailles de chaque côté des degrés
jusques aux poutres ou sommières du grenier, et de continuer les
arestes desd. murailles de pierres de taille jusques aux poutres. »
Le 4 février 1678, F'errand était chargé de « faire le parapin du
puix du jardin et y mettre un couronnement de pierre de chuin, »
au prix de 9 livres ; de « faire la muraille du jardin contre la porte et
la rendre à la hauteur de celle du long de l'église, et y mettre deux
larmies de pierre de chuin de 2 pieds d'hauteur et i et demy de lar-
geur, » au prix de 18 livres ; de « rehausser la porte de l'entrée du
prieuré, la mettre au niveau de celle de l'église, y adjouster les deux
pierres du soubsbassement, et y mettre le marchepied de pierre de
tallie, » pour le prix de 6 livres, 10 sols. Sur la totalité, le prieur
ajoutait un baral de vin.
Le 25 avril 1684, M'= Jern Bellier, avocat, vendait, pour 1375 livres
« une maison, jardin et plassage » situés sur la rivière de Bourne et
joignant le jardin du prieuré.
Le 20 août 1685, le syndic du prieuré chargeait Jacques Lambert,
maçon, de « parachever les cinq chambres qui restoient à faire au
second dortoir. »
Depuis lors, nous ne trouvons plus que des améliorations acces-
soires et des travaux et dépenses d'entretien pour les bâtiments
prieuraux, qui vers 1778, formaient avec le jardin attenant une assez
grande et belle résidence, comme on le voit par cette description
Bull. Vif, 1887. 9
122 lUSTOIRC RELIGIEUSE
qu'en firent alors deux experts nommés par M. Mésangère, procureur
du chevalier Bailly de Gaillard.
« Le tout contient 458 toises, sçavoir la maison go toises, le jardin
326 toises, et les écuries 42 toises. La maison où logent lesd. reli-
gieux est située dans le bourg du Pont-en-Royans; elle forme un
quarré long, elle est composée au rés-de-chaussé, d'une cuisine,
reffectoire et tincruet, au-dessous desquels appartemens sont deux
caves voûtées, l'une sert de canardicre ; le p'' second étage sont le
chacun composé de 8 chambre, la chacune desquelle est éclairée par
une grande fenestre vitrée ; le galletas forme plusieurs petits appar-
temens où sont les greniers ; le reffecloir et la cuisine sont éclairés
par 5 grandes fenestres et communique par deux portes. Confine
lad. maison au levant une rue publique, du couchant le jardin, du
midi le torrent de fJourne, et de bize l'église paroissiale.
« Le jardin, dans lequel est compris une terrasse et les allées,
confronte au levant la principale façade de lad. maison, du couchant
la place du Breuil, l'apartement qui sert d'écurie et une petite ruete,
du nord lad. église, la terrasse entre deux, et du midi le torrent de
Bourne.
« Les batimens qui servent d'écurie et grenier à foin confinent du
couchant la place du Breuil, et des autres parts le jardin. <>
Les divers immeubles du prieuré situés sur les communes de
Ponl-en-Royans et de Choranche qui appartenaient aux religieux
réunis de Malte et de St-Antoine, furent vendus le 17 juin 1793,
pour le prix de 1 10,200 livres. Ceux d'ailleurs, d'une importance bien
moindre, le furent également (\).
Transformée en fabrique à ouvrir la soie, la maison prieuriale rap-
pelle encore aujourd'hui, malgré de nombreuses modifications, son
caractère et sa destination d'autrefois.
IV. — Egi.isi: paroissiale.
Quand les chanoines de Sainte-Croix, sinon d'autres avant eux,
fondèrent la maison religieuse du Pont, ils n'avaient certes pas uni-
quement pour but d'y vivre dans le recueillement, la prière et le
chant des .hymnes sacrés ; fort peu de localités étaient aussi défavo-
rables pour cela. Ils n'y furent certainement pas attirés par les avan-
(i) Arch, et fonds cit. paasim : — Dassy, op. cit., pp. 339-5 J ; — Vingknt, op.
cit., pp. 106 et I 16; — Lachoix, Invciil. cit., li, 893 ; liullct. cit., VII, 269 ; —
PiLOT DE THOREY, ubi SUp., pp. 223-8.
DE PONT-EN-ROYANS. 123
tages d'un sol favorable à la culture ; peu de terrains sont entourés
d'autant d'abimes, aussi étroits et aussi rampants que celui du Pont,
surtout dans la partie occupée par son antique prieuré. Le but pre-
mier de l'établissement religieux fut donc de travailler au salut d'ha-
bitants qui étaient déjà fixés sur les bords de la Bourne et dont le
nombre devait grandir.
D'après cela, il est probable que le service paroissial du Pont fut
d'abord fait par les religieux ou chanoines eux-mêmes. Voilà, du
reste, toute trouvée la raison pour laquelle l'église prieurale apparaît
toujours servant d'église paroissiale, aussi haut que les documents
que nous avons nous permettent de remonter.
Mais, plus tard, le service paroissial fut confié à un prêtre séculier
appelé tantôt chapelain (capellanus), tantôt curé. Dès lors, les régu-
liers se contentèrent de faire leur service canonial. On régla les
offices de manière à ce que ceux de la paroisse et ceux des réguliers
ne se gênassent pas mutuellement.
Cette innovation parait antérieure à 1259, année où, nous l'avons
déjà vu, Lantelme, chapelain de l'église du Pont, était chargé de
connaître de la restitution que Reynaud Bérenger pourrait avoir à
faire au prieur du lieu. Ensuite, un acte fait vers 1284 nous apprend
que le chapelain du prieuré pouvait, selon une ancienne coutume,
aller dîner ou souper une fois l'an en chaque maison de la paroisse ;
et cette coutume convenait mieux à un séculier qu'à un régulier.
Cependant, en 1285, Didier de Sassenage, prieur du Pont, s'obli-
geait, envers le prieur de Sainte-Croix, à faire servit- l' église diidil
Pont et les autres églises appartenant au prieuré du Pont, avec les
chanoines et serviteurs qui y demeuraient, et de fournir à ces chanoines
et à leurs successeurs la nourriture, le vêtement et les autres choses,
de la manière accoutumée dans l'ordre de Ste-Croix et dans ledit
prieuré.
En tout cas, la cure du Pont était certainement tenue par un sécu-
lier en 1356, année où le bénéfice du curé a des biens absolument
distincts de ceux du prieuré. Ainsi, lad. année eut lieu, par acte
reçu Pierre Francon not", l'investiture d'un pré situé à la Boutarière,
paroisse de Sainte-Eulalie, et dépendant de la cure du Pont. Toute-
fois, les biens étaient de peu d'importance, puisque le curé ne figure
pas dans le rôle des décimes papales rédigé vers 1375 (1).
(i) Arch. et fonds cit., notes du 16' s. ; — Chevalier, Tulypt. G ratianop. ; —
Marion, op. cit., p. 278-9.
124 • lUSIOIKi: KKLIGIEUSE
Le testament de noble Isabelle du I^uy {de Piiteo), veuve de
Ciuillaume Géraud, de Pont-en-Royans, fait le lo janvier 1 387,
devant le notaire Jean Rochefort, nous apprend que le curé d'alors
était un séculier nommé Jean Brunel (doDu'nus Joh. Brunelli) ; que
la testatrice habitait la rue au-delà du pont (ultra poniem), probable-
ment celle du Merle ; qu'elle voulait être enterrée dans le cimetière
de l'église St-Pierre-du-Pont, qu'elle fonda dans cette église un
anniversaire à faire chaque année à perpétuité, tel jour qu'elle décé-
derait, ou, si ce jour était férié, le premier jour suivant non férié, et
auquel assisteraient sept prêtres célébrant la messe et les autres
divins offices pour les âmes d'elle et des siens, prêtres à chacun des
quels on donnerait 2 gros ; enfin, qu'elle nomma pour ses exécu-
teurs testamentaires le curé et le sacristain du lieu (i).
Le procès-verbal des visites d'Aimon de Chissé, évêque de Gre-
noble, nous donne à son tour quelques détails sur la paroisse. Ce
prélat y arriva le dimanche 22 juin 1399, et le curé lui alla au-devant
et le reçut ; le lendemain on \isita le prieuré et l'église, où tout se
trouva bien, et le prélat confirma environ 100 personnes, et fit 8
tonsurés. La paroisse avait alors 80 feux {2).
Nous avons vu plus haut, en parlant du prieuré, quel était en
1406 le mobilier de l'église du Pont, quelles en étaient les chapelles
intérieures, à propos de quoi intervint le curé de ce lieu, Martin
Nervon, dans une formalité de lad. année, ciuelle part des offrandes
paroissiales il laissait au sacristain, et ce que fournissait celui-ci.
Nous avons vu comment le curé Etienne Bernard s'accorda avec le
prieur, en 1428, au sujet de la maison curiale, dépendant du prieuré,
et ce qu'il paya, en 143 j, de droits de directe, à raison de cette dé-
pendance, au nouveau prieur Pierre Bayle.
La cure fut au XIV" siècle l'objet de diverses générosités et lit des
acquisitions. Ainsi, en 1437, par testament reçu maître Jean Bayle,
Jeanne Chaléon, fille de Jean Clialéon, autrement dit Beget, donna
à la cure ou au curé du I*(Hit une eymine de vin pur. Peut-être est-
ce à un don que celle cure clail redevable de la directe, avec censé
d'une éminée froment et d'une quarte noyaux, mesure du Pont,
sur un tènement de maison, terre, vigne et blache, situé en la
paroisse de Ste-i'^ulalie, droits reconnus le 30 novembre 1463 par
Guillaume et Jean T'aysan autrement Vallete, en faveur du curé
(1) Arch. et fonds cit., cop. du 1 H" s.
(2) CiiKVALiEU, Visites de Grenoble, pp. 8S cl 1.15.
DE PONT-EN-ROYANS. I25
d'alors, Claude Ynibaud. Sous celui-ci, la cure acquit de Jean
Paysan, par acte reçu Pierre Boutarin, une pension de i8 sous,
reconnue ensuite devant le même notaire, rachetée en 1552 pour la
moitié, mais encore due, et reconnue devant Jacques Guichard, en
1552 même, pour l'autre moitié. En 1463, par testament reçu Guil-
laume Meyrie, de St-Laurent, noble Berthon Bayle, not"^ de Pont-
en-Royans, donna une vigne avec un petit pré à cette cure, à laquelle
était fait reconnaissance en 1466 par acte reçu Pierre Boutarin, pour
une vigne située à la Boutarière, et le 20 septembre 1482, par acte
reçu Pierre Perrochin, pour un bois châtaigneraie situé en Cortevo
sous censé d'une demi-quarte de châtaignes. Ces derniers bois et
censé furent encore reconnus en 1553 par Guillaume Chaléon.
Mais, d'autre part, en 1484, les Chartreux de Bouvante achetèrent
un baral de vin de pension annuelle du même Claude Ymbaud,
« curé du Pont, moitié de deux pensionnels que luy faisoint Jean
Reinaud et Antoine Tardive mariés, » pour le prix de 8 florins.
Ymbaud tenait encore la cure en 1489 (1).
En 1497, le revenu total de celle-ci était de 30 florins. Le curé
était seul sujet à la visite et à la procuration, et la cure était à la
présentation du prieur. La paroisse avait une centaine de feux. Nous
avons indiqué plus haut quelles étaient alors les chapelles, et dit
que le curé avait une part dans les droits et le service attachés à
plusieurs d'entre elles (2).
Après un acte d'investiture suivie de reconnaissance du 13 février
1498, par Louis Bourne de Choranche, envers la cure du Pont,
viennent la fondation d'Eynard Poudre! dont nous avons parlé et à
laquelle le curé, Pierre de Turron, souscrivit le 4 avril 1500, comme
le prieur et les religieux, et les reconnaissances faites à la cure par
Guy et Guillaume Guiboud, de Prêles, le 13 décembre 1505, de 3
quartes de froment, par Claude Guilphayn, du Pont, le 13 février
1520, et par Claudia bachasson et Jourdan Guilphayn, le 11
novembre 1552, de 3 quartes 1/2 de froment (3).
Après Jacques Sibeud pourvu de la cure en 1521, par l'évêque de
Grenoble, sur la présentation du prieur, on voit le cure Pierre de
Turron se joindre à un autre séculier et aux religieux du prieuré, le
5 novembre 1537, pour charger Jean Macaire-Bimat de l'exaction
(i) Arch. et fonds cit., passvn,
(2) Marion, op. cit., p. 360.
' (3) Arch. et fonds cit., notes de 1556.
120 HISTOIRE RELIGIEUSr:
des revenus de tous. De plus, une procuration pour exiger ceux-ci,
fut passée au même, le 2 décembre 1542, par les 3 religieux, le curé
de Turron et deux autres séculiers du lieu ; et d'après cet acte le
procureur doit livrer 33 florins au sacristain, et 26 flor. à chacun des
5 autres religieux et prêtres. Du reste, la cure donnée par l'évéque
de Grenoble à Jean de la Grange, le 24 mars 1546, sur la présenta-
tion du prieur, ne tarda pas à passer aux réguliers. Le 10 juin de la
même année, un bref du pape la donnait à frère Jean Villars, cha-
noine de St-Antoine ; et en 1549 le notaire Claude Pibères rédigeait
un livre de 16 feuillets contenant des reconnaissances en faveur de
cette cure, et commençant par ces mots ; Rccog'"'^ pour vénérable
homme frère Jehan Villaris, prebtre, curé moderne de la cure de
Pont de Roy an s. »
Jean Villard était agent des Antonins au Pont pour des affaires
du prieuré. En 1556, il était encore curé, et confiait, au nom des
religieux de St-Antoine, une pièce importante à M^ Derthon Chaix,
du Pont. En 1556, il faisait une désignation, que nous avons, des
actes ou reconnaissances intéressant sa cure. En 1561, le 24 février,
il albergeait une vigne et un petit pré situés à la Doutarière, sous
censé de 4 florins petite monnaie, à Jeanne Malsang et Isabelle (jui-
boud. Le 28 mai de la même année, il recevait, au nom du couvent
de St-Antoine, la reconnaissance, faite par le curé de (^hâtelus, de
la pension due par la cure de celui-ci au prieuré du Pont.
Mais un acte du 26 septembre de la même année nous apprend
qu'il avait offert de résigner sa cure, en se réservant sur les revenus
de celle-ci une pension de 6 liv. tournois par an jusqu'à la fin de sa
vie. Ledit jour, frère Mathieu lîergier, prêtre, chanoine régulier de
St-Antoine, voulant demander à Rome lad. cure aux conditions
posées par Jean Villars, passait procuration pour ce à ceux qui
devaient gérer l'affaire. L'acte porte que le bénéfice était cure soil
vicairie perpétuelle et tiuc le f^ont élail ville murée (cura seu vicaria
perpétua ecclesie parrochialis Sli Pclt i ville murale Pontis in h'oyanis).
Le tout fut accepté par Rome, cl le 19 janvier 1 5()2 frère Mathieu
Bergier, curé du Pont, reconnaissait tenir du fiel cl de la diiecte
seigneuriale du couvent de St-.Antoiiie, à raison du prieuré dud.
Pont, uni à la mense conventuelle, la maison curiale dont nous
avons parlé, sous la censé de 3 den. avec le plail accoulimié.
Ce religieux curé parait encore dans un acte du 7 mars 1564, par
lequel, de concert avec l-'rançois Rey, curé de Châtclus, il arrenta,
t)E PONT-EN-nOYANS. I27
des religieux de St-Antoine, les revenus du prieuré du Pont pour
l'espace de 3 ans (i).
Tous ces actes font suffisamment voir que la règle était en souf-
france dans l'ordre de St-Antoine, au Pont du moins, vers le milieu
du XVI^ siètle. Surtout pour ce qui regarde la propriété, on ne dis-
tinguait presque plus les religieux des séculiers.
Mais bientôt ces religieux, d'ailleurs fort convenables, sont obli-
gés de fuir devant la tempête dont nous avons parlé, et la population,
privée de ses pasteurs légitimes, se jette en partie dans le protestan-
tisme. Du reste, la présence du pasteur Denis d'Hérieu et l'exemple
de quelques familles importantes du lieu qui embrassèrent l'hérésie
de bonne heure (2), se joignent à la longue domination des chefs
huguenots dans le bourg, pour nous expliquer la lamentable défec-
tion de cette population. ,' ;oh
En cet état de choses, quand l'édit de Nantes vint en 1598 accor-
der aux protestants le libre exercice de leur culte et l'admission aux
fonctions publiques, ceux-ci sortirent joyeux de leurs cachettes demi-
obscures et se hâtèrent d'élever un temple. 11 fut construit dans le
quartier du Bourg. Sur le portail du nouvel édifice on lisait cette
inscription : Venez, montez en la maiso)l de Jacob, il vous enseignera
ses voies. F. l'an MDCI. L'édification de ce temple et la création
d'un consistoire font présumer que les huguenots étaient nombreux
à Pont-en-Royans. Leurs ministres y siégeaient depuis plus de trente
ans, et en avaient fait un centre de propagande calviniste.
A Denis d'Hérieu, encore au poste en 1607, avait succédé dès
1608 un ministre de sa famille, Isaac d'flérieu, qui remplissait en-
core ses fonctions au Pont en 1637, et sous lequel le protestantisme
continua à y dominer (3J. Une preuve certaine de ceci est dans un
synode qui choisit précisément le Pont pour se réunir, et qui dut
être considérable, puisqu'il y eut des pasteurs et des anciens de loca-
lités éloignées, P. Guyon et Bouveyron, de Dieulefit ; Mogius et
Jayet, de V^insobres, par exemple. Ce synode, qui eut lieu en
1614, fut d'ailleurs bientôt suivi d'une réunion célèbre.
En 1622, plus de 80 ministres appartenante diverses églises réfor-
(i) Arch. et fonds cit., passim ,
(2) Notice hist. sur la fam. Terrot, pp. 10-3 et 89-94 ' ~~ AccarIas, Not. sur lei
Chalvet, pp. 4 et 55.
(3) Arch. et fonds cit. ; — Florimond de Roemond, Hist. de l'hérésie, t. II, p.
334-31 ; — Vincent, op. cit., p. 95 ; — Biillel. cit., III, 402 ; V, 112; VIII, 388 ;
— Notice... Terrot, p. 23-4.
128 HISTOIRE RI LIGIEUSP.
mées du Dauphinc, entre autres François Murât, pasteur de Greno-
ble, se réunissent à Pont-en-Royans pour délibérer sur quelques
points de leur doctrine, et travailler au triomphe de leur parti : les
concessions de Henri IV leur paraissaient insuilîsantes, et, dans le
but de les agrandir, ils avaient pris les armes en plusieurs lieux de
Dauphiné. Le procès-verbal de ce consistoire est conservé à la biblio-
thèque de Grenoble ; il renferme des conclusions dignes de remar-
que ; quelques-unes tendaient à proscrire sévèrement tout ce qui
aurait pu amener un rapprochement ou une fusion avec les catholi-
ques. C'est ainsi qu'on flétrissait d'une censure publique les parents
qui confieraient l'éducation de leurs enfants à des instituteurs catho-
liques, ou les marieraient à des catholiques.
Ce rendez-vous des apôtres de la réforme, les questions qu'on y
traita, prouvent l'effervescence qui régnait encore dans les esprits, et
ne pouvaient que faire craindre de nouvelles discordes et des luttes
sanglantes. Ce fut apparemment ce qui porta Jacques Terrot, con-
sul du Pont, à charger, en 1622, Biaise Derbier, charpentier à Ise-
ron, et Mathieu Charbonnier-Billard, charpentier aud. Pont, « de
faire et parfaire quatre couverts aux quatre portes dud. Pont, savoir
deux assises au Breuil, une sur le pont et l'autre au bourg supérieur,
ensemble faire le portail d'aix du pignon de lad. porte du bourg, »
besogne qui devait être finie dans les trois mois, au prix de 150
livres. Et quoi de plus significatif que l'état des feux assignés, vers
la même époque, par le maréchal de Créquy, duc de Lesdiguères, à
l'entretien des 20 hommes de garde placés dans le château de Pont-
en-Royans : Saint-Nazaire 3 feux; Oriol, 2; Iloslun, 8; etc. (i)?
(i) \'iNCENT, op. cit., p. 95-6; — Rochas, Biof^r. du Daiiph., II, 187; — Nolicc...
Terrot, pp. 21, 77-g et 101-2 ; — Lacroix, bivcnl. cit., C, 79 5 ; D, 53 et 70 ; E,
4985; L'arrundiss. de Monlcl., III, 15.].
(La suile au prochain numéro).
L. FILLKT.
MYSTÈRE
REPRÉSENTÉ A ROMANS
A LA CLOTURE DE LA MISSION
de i6g8-g.
Ignorée jiisquici^ cette pieuse relation nous fut signalée
dans les archives des Clarisses de îiotre pille par une 7^eli-
gieuse de la Visitation Saiyite-Marie^ leur poisifte et notre
tante. Le dociwient nous a été communiqué apec la plus par-
faite obligeaiice ; nul doute que nos lecteurs nen poursuipent
la lecture apec autant d'intétx't que d'édification. Il «y apait
pas lieu de reproduire Vorthographe du manuscrit^ qui à
propreîîîent parler 7ien suit aucune ; nous Vapons rajnenée
aux règles actuelles., sans rien changer d'ailleurs aux expres-
sions. Quelques obserpatioJis complémentaires trouperont
mieux leur place à la fin.
Vive Lieu I
Ordre qu'a gardé la procession qu'ont fait faire huit Pères
Dominicains, choisis pour faire la première mission qu'avait
fondée Demoiselle Christine de Garagnol, femme |i feu Mon-
sieur Laute, et qui doit se continuer de sept en sept ans et
durant sept semaines. Pour laquelle dite mission son héritier,
qui est Monsieur Joseph Paquet, bourgeois de Romans, doit
donner cent quarante écus, faisant 420 livres. Elle a commencé
le dimanche. 16 novembre 1698.
Bull. TII, 1887.
10
130 mystere represente a romans
Noms des Révérends Pères qui ont fait la mission de Romans
Le R. P. Vicaire Général ;
Le R. P. André ;
Le R. P. Modeste ;
Le R. P. Archange ;
Le R. P. Bernard ;
Le R. P. Anselme ;
Le R. P. Joseph ;
Et le frère Basile.
Le temps de la mission, que sept Dominicains de la réforme du
R. P. Antoine (i) ont faite en cette ville avec beaucoup de zèle et de
fruits, devant expirer le dimanche 4" janvier 1699, tous les ordres re-
ligieux, que nous avons en cette ville furent avertis, le 3% de se ren-
dre, le lendemain après midi, dans l'église collégiale de St-Barnard
pour assister à la procession générale du Saint-Sacrement, qui fut
faite avec les cérémonies ordinaires en semblables occasions. Les rues
furent tapissées dans tous les endroits où elle passa, autant propre-
ment que le permettaient la situation des lieux et la commodité des
habitants. Les neuf compagnies de quartiers, commandées par leurs
oiliciers, se mirent sous les armes et, s'étant rangées en haie sur la
place, elles firent différentes décharges lorsque la procession passa.
Tout le reste du peuple marchait deux à deux, en bon ordre, sous
les bannières de leur confrérie, un chacun un cierge à la main.
Un des Pères missionnaires fit amende honorable à Jésus-Christ
devant le Trcs-Saint-Sacrement ; et, après avoir exhorté le peu-
ple, dans un discours qu'il fit après la procession, d'assister avec
( I ) Il s'agit du dominicaifi Antoine Le Quieu, né à Paris en 1601, mort à Ca-
denet ( Vaucluse) le 7 oct. i6y6, qui introduisit une sévère discipline dans plusieurs
couvents de Provence et fonda la congrégation du Saint-Sacrement. Il termina ses
jours en odeur de sainteté et le pape Innocent XII fit commencer une enquête sur
ses vertus en /69J. Dès l'année qui suivit sa mort sa biographie fut écrite (en fran-
çais) par François cI'Escudiek, prieur de Chabestan (Lyon, i6-]y, in-12) ; une au-
tre, par Archange Gabriel de l'y^NNONciATioN, vicaire général de l'ordre du Sainl-
Sacrcmeut, parut en 1Ù82 (Avignon, 2 vol. in-8°) ; une troisième (en latin) a
pour auteur Brunon Faraudy, du même ordre (Avenione, 17^6, in-4°). Son éloge
se trouve dans Eciiakd, Script, ord. Pracdic. (ty2i, t. II, p. bô')-^} ; à la fin de
/'Hist. de l'cgl. cathcd. de Vaison, par Ho^ev. de Sainte-Marthe C/7_j/^ ; et dans
TouRON, Hommes illustres de l'ordre de St-Domin. (174], l. V, p. 513-38)'
A LA CLÔTURE DE LA MISSION DE 1699. I3I
modestie et piété à celle qu'on devait faire pour le plantement de
la croix, on finit la mission par la bénédiction du Très-Saint-Sacre-
ment.
Le jour des Rois étant arrivé, ceux qu'on avait choisis pour être
les acteurs du pieux spectacle, qui devait précéder le plantement de
la croix, se rendirent dans l'église de Saint-Barnard, vêtus confor-
mément au personnage qu'ils devaient représenter, et ils sortirent
de ce lieu dans l'ordre ci-après :
La bannière de la confrérie du Saint-Rosaire faisait l'ouverture
de la procession, suivie d'environ six vingts filles, vêtues de blanc,
tenant à la main un chapelet, marchant deux à deux avec beaucoup
de modestie.
Immédiatement après, il en venait une autre, aussi de jeunes
filles, vêtues diversement en religieuses, et elles marchaient toutes
sous un crucifix ; à voir leur air mortifié, leur démarche grave, vous
auriez dit que c'étaient des novices de Sainte-Claire, ou plutôt de
véritables professes de la religion la plus austère.
Comme on avait dessein de représenter les principaux Saints de
l'Ancien Testament depuis Abel jusqu'à Jésus-Christ, le premier
juste parut à la tête du premier chœur.
Abel, représenté par le fils de M. Dochier, vêtu de blanc, en ber-
ger chantant.
Un Ange, portant un guidon avec cette devise : Nova et Vetera.
Douze petits enfants, vêtus de blanc comme Abel.
Abraham, armé d'un coutelas, représenté par le sieur Chandelier.
IsAAC, portant un fagot de bois avec du feu, récitant ces vers, re-
présenté par le fils de M. Belland.
IsAAC.
Nous touchons à l'autel, nous savons le décret ;
Voilà le feu brûlant ; voici le bois tout prêt.
Mon père, dites-moi qui sera la victime ?
Abraham.
N'en soyez point en peine, objet de mon estime.
Avançons, Isaac, faisons notre devoir ;
Le Seigneur, notre Maître, aura soin d'y pourvoir.
132 MYSTÈRE REPRÉSENTÉ A ROMANS
Abraham, après quelques pas :
Arrêtez-vous, mon fils unique et légitime.
Le Ciel vous a choisi pour être la victime ;
Souffrez donc, Isaac, que ce bras chancelant
Se lève contre vous pour verser votre sang.
Isaac met son fagot à terre et son feu, et Abraham le lie ; cepen-
dant il dit :
Mon père, j'y consens, qu'on attache et qu'on lie
Et ces pieds et ces mains pour me ravir la vie.
L'Ange, représenté par le fils de M. Garnier.
Arrêtez, Abraham, suspendez votre bras :
Le Ciel, qui demandait un si rude trépas.
Se trouve satisfait de votre obéissance
Et veut d'un si cher fils épargner l'innocence.
Dans ce rang douze Patriarches devaient suivre sous un auti^e
guidon porté par un Ange, avec cette inscription : ^Patriarcharnm
laudabilis 7iumeriis. Ceux qui devaient les représenter, étaient tous
jeunes mariés de bonne maison ; ils furent détournés par quelques
personnes qui n'auguraient pas favorablement de cette procession,
de sorte que dans cet endroit l'ordre du dessein qu'on avait formé
fut interrompu. Ils devaient chanter le psaume CXIII : /n exitu
Israël.
Dans ce sixième étaient douze Shîylles, sous un guidon porté par
un Ange, avec ces paroles : Sibyllariim prophetissariim caterva trium-
phans. Elles prédisaient dans les vers qu'elles déclamèrent la nais-
sance éten^elle de Jésus-Christ. Elles étaient vêtues et coiffées la
chacune de la manière que les peintres les dépeignent (i).
( i) Les Sibylles ont donné lieu à toute une littérature qti'on trouvera énumérée
dans le t. II de notre Rcpcrt. des sources histor. du moyen-Age. // sujjira ici de ren-
voyer les curieux aux chap. ]o-)y du 1" lir. de la Hibliolhcca grccca de J.-A. F\-
URiciiJS (édit. Harles, Hambourg-, /jfjo, l. I. f. jj8-go); à l'art, de /'Encyclo-
pédie catholique (18,48, t. XVII, p. Jf)]-./) : et spécialement pour l'iconographie
au Grand diction, univ. du XI-X« siècle ( 187S, t. XIV, p. ôjj-s).
A LA CLÔTURE DE LA MISSION DE lÔÇQ. I33
1. La Sibylle Persique, habillée d'une robe de drap d'or, coiffée à
la persique, représentée par M""
L'ainé du Tout-Puissant et de la Vierge Mère
Dans sa ville entrera sur un petit ânon,
D'un doux prince portant et l'effet et le nom,
Afin de ramener le prodigue à son père.
2. (La) Sibylle Lybienne, avec un habit couleur de rose, parsemé
de fleurs or et argent, portant une couronne sur sa tète, représentée
par M"'=
Celui qui seul vivait devant tous temps en soi,
Contemplant à plaisir son essence féconde.
Repose dans le sein de la Reine du monde,
Adore, Ange, ton Dieu ; honore, homme, ton roi.
3. La Delphique, habillée avec un habit bleu à fleurs d'or, coiffée
avec quantité de perles et diamants, représentée par M"*"
Dieu raidira son bras, il étendra sa main,
Voulant faire un effort aux lois de la nature.
Une Vierge enfantant sans rompre sa clôture.
Comme elle avait conçu sans sentiment humain.
4. La C1MMÉRIENNE, habillée avec
Le prince souverain du bienheureux empire.
Reposant au giron de la Vierge sans pair,
Un astre rayonnant fait paraître dans l'air,
Qui du soleil levant les rois Mages attire.
5. La Samienne (i).
L'on verra dans le ciel uïi astre étincelant ;
Ce sera le flambeau qui fera voir aux hommes
Celui qui étant Dieu s'est fait ce que nous sommes.
Et fera qu'on adore et la mère et l'enfant.
6. La CuMÉE.
Dieu, pour se revêtir de l'habit des humains,
. Logera dans le sein d'une vierge pucelle ;
C'est des belles la chaste et des chastes la belle.
Car c'est le raccourci de l'œuvre de ses mains.
(i) Le nis. porte Simienne.
134 .mystere represente a romans
7. L'Hellespontique.
Ce que j'ai vu n'a rien qui lui soit comparable :
Une Vierge plus pure après l'enfantement
Et celui, qui de Dieu naît éternellement,
Naissant petit enfant dans une pauvre étable.
8. La Phrygienne.
Au milieu des saisons et au cœur des années,
Dieu voulut que son Fils au monde descendit,
Et que naissant ainsi que l'ange avait prédit,
Il lavât des mortels les tâches surannées.
9. L'Européenne.
Le Saint Verbe de Dieu, de l'Eternel l'image,
S'en viendra, bondissant sur les sacrés copeaux,
Comme on voit au printemps égayer les chevreaux,
Pour remettre la main à son premier ouvrage.
10. La TiBURTINE.
Dieu, qui ne peut mentir, me met ces vers en bouche
Et me fait annoncer d'une vierge la couche ;
Laquelle en Nazareth Dieu même concevant.
Non loin de Bethléem vierge et mère s'accouche.
Heureuse, mille fois, la pucelle qui touche,
Qui baise et qui nourrit un si divin enfant !
II. L'Agrippine.
Apprenez, fils d'Adam, des siècles la merveille :
Vous verrez en vos jours s.ous un habit mortel,
Le bien-aimé de Dieu, le prince éternel.
D'une vierge naissant qui n'a point sa pareille.
12. La Babylonienne (i).
D'un divin mouvement j'ai mon âme saisie.
Voyant l'air s'adoucir et, du plus haut des cieux,
Du Père souverain le Verbe glorieux
Descendre dans le sein de la Vierge choisie.
Dans ce septième devaient paraître les douze petits PROPinVrr.s et
les quatre grands, suivis du roi David jouant de la harpe et chan-
f i) Ctllc sibylle Babylonienne csl ordinaiioncnt rcmplaccc par l'EKYTiiKiiiiNNK.
A LA CLÔTURE DE LA MISSION DE 1699. 1^5
tant le Miserere ; mais ceux qui devaient composer ce chœur man-
quèrent aussi pour les raisons que j'ai déjà alléguées.
On vit donc, immédiatement après les Sibylles, Saint Jean-Bap-
TisTE, tenant d'une main un petit agneau et de l'autre une croix, avec
une banderole où étaient ces trois mots : Ecce agnus Dei. Celui qui
le représentait était le fils du sieur Carlin ; il était vêtu d'une her-
mine et il récita les vers suivants :
S' Jean-Baptiste.
Voici l'Agneau de Dieu qui les péchés efface ;
Il est homme, il est Dieu, quoiqu'il soit un enfant ;
11 demande de vous un esprit pénitent
Pour vous faire sentir les effets de sa grâce.
Préparez donc la voie à ce divin Sauveur,
Faites dans votre vie éclater l'innocence,
Abaissez vos esprits, brisez vous de douleur
Et faites tous des fruits dignes de pénitence.
Après que les Saints qui ont annoncé Jésus-Christ ou qui ont
été ses figures dans l'Ancien Testament eurent passé, on vit dans
le neuvième chœur les mystères qui ont été accomplis dans la loi de
grâce, l'Ange Gabriel annonçant le mystère de l'Incarnation à la
Vierge, en lui adressant les paroles de la salutation en vers. Cette
vierge était superbement vêtue et une jeune fille parfaitement bien
faite. Elle était accompagnée de quatre autres vêtues de sa couleur
et de quinze en habit blanc.
L'Ange Gabriel, représenté par le fils de M. Jamaron :
A vous, Marie, je suis député
Par ordre exprès du grand Dieu, notre père.
Pour vous apprendre qu'il a décrété
Que de son fils vous deviendrez la mère.
La Vierge, représentée par M"^ Paquier, la fille, répond :
Vous m'étonnez, céleste ambassadeur.
En me disant que je serai féconde ;
Car j'ai promis à Dieu le Créateur
Ma pureté en venant dans le monde.
i ^6 mystère représenté a romans
L'Ange.
Ne craignez rien pour votre pureté,
Assurément vous l'aurez tout entière ;
Car le Seigneur, auteur de sainteté,
Vous laissant vierge, il vous doit rendre mère.
La Vierge.
J'y consens donc, céleste messager.
Qu'il me soit fait selon votre parole,
Ma pureté n'étant point en danger,
Aux lois du Ciel volontiers je m'immole.
On devait dans ce lieu représenter le mystère de la Visitation, et
on aurait vu la Vierge avec saint Joseph, sainte Elisabeth et saint
Zacharie ; mais on vit d'abord paraître une jeune Demoiselle, fort
bien faite et richement parée, représentant la Vierge de la Nativité,
laquelle était précédée d'un Ange portant un guidon, dont j'ai oublié
la devise ; c'était la fille de M. Hours, laquelle portait un petit enfant
de cire dans une petite crèche parsemée de fleurs naturelles. Saint
Joseph, représenté par le sieur Ardin, était auprès d'elle, tenant un
lys fait au naturel, symbole de sa pureté et de celle de son épouse.
Jamais on (n'a) mieux imité le portrait de ce saint patriarche, si l'on
doit en croire aux tableaux que nous en font les peintres. On voyait
à leur suite une troupe de Bergers et Bergères ; les uns jouaient de
la flûte et les autres chantaient des cantiques à Jésus naissant ; et
ce chœur était fermé par quinze filles habillées de brocard ou taffe-
tas couleur de rose.
Un ange portant une banderole ouvrait le chœur suivant. On y
voyait la Vierge présentant son fils au temple et une jeune fille por-
tant dans une cage deux tourterelles, le bon vieillard Siméon, vêtu
pontificalement, avec deux jeunes lévites en soutane rouge avec le
surplis ; et Anne la Prophétesse et une troupe de jeunes filles, tou-
tes habillées de brocard ou taffetas bleu.
La Vierge et saint Siméon récitèrent les vers suivants.
La sainte Vierge, présentant son fils à saint Siméon, représentée
par la fille de M. Chonet :
A LA CLÔTURE DE LA MISSION DE lÔQQ. I 37
Voici, grand Siméon, le fruit de mes entrailles;
Tout soumis qu'il parait à cette rude loi,
Il est pourtant du Ciel et le maître et le roi,
L'unique du Très-Haut et le Dieu des batailles.
Saint SiMÉON, levant les yeux au ciel, représenté par le sieur
Chambéry :
Je mourrai donc, mon Dieu, dans une paix profonde,
Puisqu'à ce jour j'ai vu mon aimable Sauveur,
Qui, pénétrant le sein d'une Vierge féconde,
Vient porter au mortel un éternel bonheur.
Regardant la Vierge :
Sainte fîUe, il est vrai qu'il vient sauver le monde.
Mais il sera pour vous un sujet de douleur.
C'était ici où l'on devait représenter la fuite de Jésus, de la sainte
Vierge et de saint Joseph en Egypte, comme aussi Jésus parmi les
docteurs. Mais l'on fut obligé d'omettre encore la représentation de
ces deux circonstances de la vie du Sauveur. Voici les vers que
Jésus parmi les docteurs devait réciter.
La Vierge Marie à son fils :
Vous voici, mon cher fils, après trois jours d'alarmes
Nous vous avons trouvé ! nos cœurs pâment de joie.
Que nous avions-vous fait, votre bon père et moi ?
Votre perte à tous deux a bien coûté de larmes.
Jésus à Marie :
Pourquoi me cherchiez-vous ? Une importante affaire
Me demandait ici parmi tant de docteurs.
Quoi ! ne saviez-vous pas que l'intérêt d'un père
Me doit être plus cher que vos cris et vos pleurs ?
L'on vit paraître, immédiatement après la Présentation, un Ange
portant un guidon où l'on lisait : Gloriosus Apostolorum chorus. 11
était suivi de douze Apôtres, vêtus comme on a coutume de nous
138 .'MYSTÈRE REPRÉSENTÉ A ROiMANS
les représenter. C'était douze jeunes garçons de l'âge de 20 à 25
ans, de riche taille et de bonne mine, des plus honnêtes familles de
la ville ; la modestie et la dévotion qu'ils firent paraître dans cette
occasion, édifia autant tout le peuple qu'ils auraient pu le scanda-
liser, s'il avait réussi comme bien des personnes s'attendaient et qui
même le souhaitaient : quoique ce fut des personnes d'un caractère
bouffi de la gloire de Dieu et de la qualité de conseigneur avec le
Roi ; mais enfin le tout réussit à la gloire de Jésus-Christ, et non
point en mascarade comme ils le publiaient.
Ils chantèrent avec une dévotion sans exemple à des personnes de
leur âge le Symbole suivant :
Je crois en Dieu Tout-Puissant,
Roi du Ciel et de la terre,
Et en Jésus Christ vivant,
Le fils unique du Père.
Conçu par le Saint-Esprit
Et né d'une Vierge mère,
Qui sous Pilate souffrit
L'arrêt d'une mort amère.
Il mourut sur un poteau ;
Son âme aux limbes visite ;
Son corps fut mis au tombeau ;
Le tiers jour il ressuscite.
Au plus haut des cieux montant,
A la dextre de son père ;
De là les morts et vivants
Viendra juger sur la terre.
Je crois au divin Esprit,
A l'Eglise catholique.
Epouse de Jésus Christ,
Sainte et apostolique.
Je crois la Communion,
Le pardon de nos offenses
l'"l hi résurrection,
Léterncllc récompense.
A LA CLÔTURE DE LA MISSION DE 1699.
Noms des douze Apôtres :
139
M. Joseph-Marie . .
M. Laurent Falque .
M. François Escoffier
M. Jacques Manon .
M. Pierre Argoud. .
M. Joachim Jomaron
M. Jacques Bochage
M. Jean Sûel ....
M. Barthélémy Miche
M. Charles Quintin.
M. Antoine Lambert
M. François Portier.
S' Pierre, portant les clés ;
S' Paul, portant une épée ;
S' André, portant une croix ;
S' Jacques, pèlerin ;
S' Jean, portant un calice ;
S' Thomas, portant une lance ;
S' Jacques, portant une massue ;
S' Philippe, portant une croix ;
S' Barthéleaîy, portant un couteau :
S' Thaddée, portant une équerre ;
S^ Matthias, portant un hachereau (i);
S' Si.MON, portant une scie.
Tout ce qu'on avait vu jusqu'alors de cette pieuse pompe, quoique
tout édifiant, n'avait pourtant rien que de réjouissant et tout le
monde attachait avec plaisir ses yeux à la vue de tant de différents
objets agréables, lorsque, la scène étant changée, il se vit contraint
de répandre des larmes. Et qui est-ce qui aurait pu s'empêcher de
pleurer à la vue d'un spectacle aussi triste et aussi lugubre que celui
qu'on vit paraître ?
Quatre Anges, tenant une toilette, formaient le premier rang.
La Madeleine mondaine, représentée par la fille du sieur Bouyou,
les suivait ; les larmes véritables qui découlaient de ses yeux en
abondance, par l'effet d'une sincère douleur que lui causait le sou-
venir de la passion du Sauveur, lui attirèrent l'admiration de tous
les spectateurs.
Et après qu'une troupe de petits Anges, portant les instruments de
la passion, marchant deux ù deux, eurent passé, on aperçut un
jeune homme représentant Jésus flagellé ; c'était le fils du sieur
Reboulet.
On aurait cru, à le voir, qu'il ne faisait que de sortir du prétoire
de Pilate. Les épines de sa couronne semblaient enfoncées dans sa
tète et faire couler par mille ouvertures autant de petits ruisseaux de
sang. Sa face paraissait toute défigurée et salie de crachats ; ses
(i) Le nis. porte acheron'.
140 .MYSTÈRE REPRESENTF: A ROMANS
yeux, noyés de larmes ; son corps, déchiré de coups de fouets ; et ses
mains, toutes noires par la violence qu'avaient faite les bourreaux
en le liant avec des cordes. Il portait (i) sur ses épaules un vieux
manteau écarlate ; à la main, un roseau. Et il avait à ses côtés
six soldats, d'un regard affreux, qui composaient sa garde.
Quatre jeunes garçons de taille égale, vêtus avec des aubes et des
dalmatiques, portant sur l'épaule droite les armes des quatre Evan-
GÉLisTES, le suivaient en chantant Vexilla régis.
Noms des quatre Evangélistes :
M. Belland Saint Matthieu ;
M. Duportroux . . Saint Marc ;
M. Delacour .... Saint Luc ;
M. Guilliot Saint Jean.
On vit paraître d'abord après, à la tête d'une troupe de soldats
bizarrement vêtus, un jeune officier à cheval, invitant par le son
triste et redoublé d'une trompette le peuple à assister au supplice du
Sauveur. Il n'y eut point de cœur si dur et si insensible qui ne se
ramollit et qui ne fut brisé de douleur, lorsqu'on vit celui qui repré-
sentait le Sauveur, chargé de sa croix et traîné au supplice par des
impitoyables bourreaux qui vomissaient contre lui mille injures, et
l'accablaient de coups de pied et de bâtons. C'était un jeune avocat
nommé M. Desmarais. On ne pouvait pas faire un meilleur choix ;
la grande douceur qui parait sur son visage et dont il accompagne
toutes ses actions, le rendait très propre à représenter cet Homme-
Dieu, le plus doux de tous les hommes. Il était vêtu d'une robe blan-
che, tout pieds nus, lié avec de grosses cordes ; la douleur parais-
sait si bien dépeinte dans toute sa personne qu'on aurait dit qu'on
le conduisait véritablement au supplice.
Le S' Brichet, représentant Slmon le Cyrénccn, lui aidait à porter
sa croix. Il fit cet office avec une piété tout à fait exemplaire, et,
quoiqu'il soit d'une très grande taille, il marchait courbé et sans ja-
mais changer de posture plus de trois heures, en arrosant la croix
de ses larmes.
La fille de la veuve F'astel, qui représentait la Véronique, mar-
(1) Dans le dis. il y a par erreur paroissoit.
A LA CLÔTURE DE LA MISSION DE 1699. I4I
chait devant le Christ, tenant un suaire à la main, soutenu par deux
Anges, avec lequel elle essuyait de temps en temps sa face.
La Vierge, accompagnée des trois Marie, marchait après.
La fille de M. Escoffier représentant la Mère de Dieu.
M""' Belland, la cadette. . 1
M"* Pangon [ (les) trois Marie.
M"" Coréard, la cadette . )
Voici les vers que la Vierge et le Christ récitaient :
La Vierge à son fils :
Est-ce vous, mon cher fils, qu'on conduit au supplice ?
Arrêtez, arrêtez, bourreaux trop inhumains !
Dieu ! quelle cruauté ! le plus beau des humains
Est tout défiguré. Hélas ! quelle injustice !
Où sont ces cheveux blonds, ces yeux, ce teint si doux ?
Ce corps si délicat est déchiré de coups,
Le sang de toutes parts distille goutte à goutte.
Mes yeux, fondez en pleurs ! mon fils est aux abois.
11 trébuche à tous pas, sous sa pesante croix ;
Je ne le verrai plus que ce moment sans doute.
Réponse de Jésus à sa mère :
Ma mère, c'est assez ; ne pleurez pas mon sort.
Je ne suis né de vous que pour souffrir la mort,
Il faut sur cette croix que mon amour éclate.
Et vous, qui me suivez, ne pleurez plus sur moi ;
Pleurez sur vos enfants qui n'ont ni foi, ni loi.
Pleurez et soupirez sur votre ville ingrate.
Ceux qui avaient le plus blâmé l'ordre de cette procession et que
plusieurs avaient cru ne devoir avoir d'autre succès que celui d'une
mascarade, furent les premiers à en être touchés. Ils en poussèrent
des soupirs et ils sévirent forcés de fondre en pleurs en présence de
tout le peuple, lorsqu'ils entendirent les tristes paroles du Sauveur
et de sa mère ; car, quoique le reste eût fait quelque impression sur
eux, ils convinrent pourtant que cet endroit-ci les avait particuliè-
rement touchés.
Ce fut dans cet ordre qu'on alla jusqu'au lieu où l'on planta la
grande croix. Jamais on ne vit une telle affluence de peuple ; tous
142 iMYSTERE REPRESENTE A ROMANS
les lieux circonvoisins s'y étaient rendus et il n'y eût personne qui
n'avouât n'avoir jamais rien vu de si beau et de si touchant, et qui
n'eût souhaité que le jour ne fut plus long pour avoir le plaisir de
voir plus longtemps un spectacle que la nuit obligea à finir à regret.
Il faut en finissant rendre cette justice à Monsieur Delacour, le
curé, que ce fut principalement par ses soins que le tout se lit avec
un très bon ordre.
M" les Apôtres ont lieu de lui rendre en particulier cette justice
et même par reconnaissance, puisque, quelques jours après, il les
régala splendidement en leur faisant chanter le Credo solennelle-
ment.
Fini au commencement de 1699.
On l'a vii^ plusieurs tableaux furent fnaftqués^ parce que
ceux qui devaient les représenter en furent détournes par quel-
ques personnes qui n'auguraient pas favorablement de cette pro-
cession. Les chanoines de Saint- Barnard — car c'est eux qu'on
désigne en parlant de gens d'un caractère bouffi de la gloire de
Dieu et de la qualité de coseigncur avec le Roi — craignaient
que cette représentation ne tournât en mascarade : aussi en
apons-nous cherché vainement la trace dans leurs Délibérations
capitulaires. De tout temps les prédicateurs religieux se sont
efforcés de frapper vivement les multitudes par des exhibitions
de ce genre. Les consuls de la ville se prêtèrent de meilleure
grâce aux désirs des Dominicains^ et j'oici ce que nous trou-
vons dans le Registre de leurs Assamblées, à la date du 14 dé-
cembre 1 6g8 .
Va sur ce qui a esté represanté que les Pères Recolets demande
qu'on mette deux planches sur le ruisseau de la Presle en attandant
que le pont qu'il eschoit d'y faire soit construit, et que les Pères
Jabobins qui sont en mission en cette ville demandent aussy que
l'on plante une croix dans l'andnjit que l'assamblée trouvera conve-
nable, ainsy qu'il se pratique dans toutes les communautés où ils
ont fait ladite mission, il a esté délibéré qu'on fera mettie lesdites
deux planches sur ledit ruisseau de la Prcslc et que l'on fera planter
ladite croix au coing de la muraille du s' Paul Gondoin joingnant les
faussé où il y en avoit une autre fois.
A LA CLÔTURE DE LA MISSION DE 1699. I43
L'auteur de notre relation a gardé VanoJiyme. Le manus-
crit^ dhine écriture de femme, paraît bien contemporain des
évhiements qu'il relate. Sa présence constante dafis le coupent
des Clarisses de Romans {fondé en 1S20) et certains détails
sur les jeunes Jîlles qu'on aurait pris pour des novices de Sainte-
Claire, 710US porteraie7it à en attribuer la rédaction à une re-
ligieuse de cet ordre. En tout cas^ il émane d'un témoin ocu-
laire^ qui a oublié la devise de tel guidon.^ mais qui relate des
vers qui ne furent pas récités.
Ulysse CHEVALIER.
NOTES
LA COIIÂNDERIE DES ÂNTONINS
A AUBENAS, EN VIVARAIS.
(Suite)
Les ravages du feu sacré et des autres épidémies du moyen âge
contribuèrent naturellement à propager les colonies des Antonins.
De toutes parts, on faisait appel à leur dévouement comme à leur
intercession religieuse. Des commanderies (prœceptori.v) furent éta-
blies dès 113 1 en Dauphiné. A la fin du XII' siècle, il y en avait
dans toute l'Europe. En 1202, le pape Innocent III donna des cons-
titutions définitives à l'ordre, qui fut approuvé par le concile de
Clermont. En 1297, le pape Boniface VIII érigea en abbaye la
144 NOTES SUR LA COMMANDERIE
Maison de l'Aumône et fit les Antonins chanoines hospitaliers,
en leur donnant la règle de St-Augustin. A cette époque, l'institut
comptait les commanderies générales suivantes (les chiffres indi-
quent l'époque approximative de leur fondation) :
Le chef-lieu de l'ordre à St-Antoine ;
Ranvers au diocèse de Turin (1156), Bailleul en Flandre (i 160),
Marseille (i 169), Florence (i 174), Chambéry (1180), Castroxeris en
Espagne (1187), Rostorf (1190J, Pont-à-Mousson au diocèse de
Toul (1200), Olit en Navarre (1200), Châlons(i20o), Aumonières au
diocèse de Langres (1201), Gap (1209), Londres (1257), l'Achaie
(1256), Pristino en Saxe (1271), Nemingen en Souabe (1296).
La Pouille, Troyes, Aubenas, Aubeterre, Chypre, Bouthiers au
diocèse de Poitiers, Mâcon, la Hongrie, Golony en Gascogne, Fru-
gère en Auvergne existaient alors ; mais on ignore l'époque où ces
commanderies générales furent fondées.
Chacune de ces commanderies avait déjà sous sa dépendance un
grand nombre de commanderies particulières ou de prieurés :
Ranvers à elle seule en avait vingt-cinq.
Il y avait d'autres commanderies qui portaient, au même temps,
le titre de générales, sans avoir d'autres commanderies sous leur
dépendance; ce sont : le prieuré de Rome (1191), Lyon (1275),
Vienne (1271), Mohtbrison (1278), Avignon, Grenoble, Bourg-en-
Bresse, la Tour-du-Pin, Annonay, dont la date de fondation est
incertaine.
Peu de temps après cette époque, s'élevèrent les grandes com-
manderies de Ste-Croix (1298) et de St-Médard au diocèse de Die,
d'Isenhein en Alsace (i 3 14) (i).
La commandcrie d'Aubenas remonte donc au moins au XIII''
siècle, mais nous n'avons pu en trouver la date précise. On peut
supposer qu'elle coïncida avec quelqu'une des nombreuses épidémies
du feu sacré ou de la peste qui désolèrent la l'rance au XII' et au
XIII" siècles. Le mal des ardents est encore signalé au XIV' siècle,
en 1342 et 1375. Au XV'' siècle, les épidémies paraissent plutôt se
rattacher à la peste ou au choléra, mais le feu sacré continue de se
manifester, au moins par des cas isolés, jusqu'au XVII" siècle,
puisque les deux Bénédictins dom Durand et dom Martene trou-
vèrent encore des démembres à leur visite à l'hôpital de St-Antoine.
Il est fâcheux que nous manquions de documents sur les effets de
(i) Dassy, p. /^99.
DES ANtONINS A AUBENAS. I45
ces épidémies en Vivarais, mais on peut les présumer par le grand
nombre de testaments que contiennent les registres de notaires
pendant la saison chaude, surtout aux mois d'août et de septembre,
testaments où revient souvent l'expression : actentà pestiferà morta-
litate, comme motif de ces précautions testamentaires.
La commanderie d'Aubenas avait sous sa dépendance les prieurés
ou commanderies de Tournon, de Gévaudan, de Pailharès et de la
Villatte, ainsi qu'on le verra par les actes que nous résumons plus
loin. L'absence de toute indication relative à la commanderie d'An-
nonay confirme l'indépendance de cet établissement vis-à-vis de
celui d'Aubenas.
Le plus ancien des registres de notaires d'Aubenas, que nous
avons parcourus, celui d'Etienne Monestier (1400 à 1410) contient
un acte du 12 août 1410, par lequel noble et religieux homme, F.
Pierre Vernet, commandeur de la maison et commanderie de St-
Antoine d'Aubenas, reconnaît tenir en emphythéose de noble Guil-
laume de Montgros, comme ayant-droit des héritiers de Pierre
Gras, un jardin ou pièce de jardin qui fut de François des Astas.
Cette pièce de jardin est bornée de deux côtés par des voies publi-
ques et confronte, d'autre part, avec la maison de l'hôpital des
Infirmes, avec une citerne et avec un autre jardin de ladite maison.
Ce jardin fut reconnu autrefois par noble et religieux homme, F.
Jourdan, prédécesseur de Vernet dans ladite commanderie d'Aube-
nas, sous le cens annuel de trois deniers à payer chaque année, le
jour de la Toussaint, audit noble Guillaume ou aux siens, et le
commandeur Vernet promet de faire une semblable reconnaissance,
s'il en est requis.
L'acte est passé dans la ma-'^-on de St-Antoine à Aubenas et les
témoins sont noble F. Etienne de Trabe, de l'ordre de St-Antoine,
F. Pierre Lombard, du même ordre, et Jean Sabatier dit Bachelier,
d'Aubenas.
La maison de St-Antoine d'Aubenas figure comme légataire dans
bon nombre de testaments passés dans cette ville en l'année 14 10.
Ainsi Jacques Audebert (20 septembre) qui désire 200 messes
pour le repos de son âme, spécifie qu'il en sera célébré 25 dans
l'église de St-Antoine. Les autres sont ainsi réparties, savoir, 100 à
Bull. VII, 1887. 11
146 NOTES SUR LA COMMANDERIË
l'église des Dominicains, 50 à l'église paroissiale de St-Laurent et
25 à l'église des Cordeliers, ce qui peut donner une idée de l'impor-
tance respective de chacune de ces églises.
Le testament de Pierre Delorme, du 23 septembre, ordonne aussi
200 messes réparties de la même façon.
Le testament de Jean Sabatier (24 septembre) porte qu'il veut être
enterré dans le cimetière de St-Antoine. 11 lègue 15 sols aux Frères
de St-Antoine pour des messes, tandis qu'il n'en lègue que 10 aux
Dominicains et autant aux Cordeliers. 11 lègue de plus 15 sols à
l'hôpital de St-Antoine, 15 deniers à l'hôpital de Ste-Anne et autant
à l'hôpital de St-Georges. Il lègue 2 sols au luminaire de St-An-
toine. Sur les 100 messes qui doivent être dites après son décès, et
pour lesquelles il sera donné 8 deniers à chaque officiant, 25 sont
assignées à l'église St-Antoine, et les autres par égales parts aux
Dominicains, aux Cordeliers et à l'église paroissiale. De plus, 5
messes devront être dites spécialement pour lui par le F. Vilar, de
l'ordre de St-Antoine. Plus loin, il lègue encore à l'hôpital de Ste-
Anne 2 sols et 2 draps.
Noble Guigon Rostaing (5 octobre) fait aussi de nombreux legs
pies où figurent les trois hôpitaux de St-Antoine, Ste-Anne et St-
Georges, chacun pour 5 sols.
Notons, en passant, dans ce même registre, bon nombre d'autres
testaments passés pendant ce même automne, ce qui fait supposer
qu'une épidémie sévissait à ce moment à Aubenas.
On voit qu'il y avait alors trois hôpitaux à Aubenas : St-Antoine,
Ste-Anne et St-Georges, et l'on verra plus loin que tous trois étaient
sous la direction du commandeur de St-Antoine.
L'hôpital de St-Antoinc se trouvait probablement compris dans
le clos des Antonins situé extra viuros.
L'hôpital Ste-Anne n'était autre que l'hôpital actuel, où l'on ap-
porte encore, à titre d'offrande, beaucoup de pieds de porc, surtout
lors de la fête de S. Antoine.
Enfin l'hôpital St-Georges se trouvait dans les bâtiments qui
portent aujourd'hui le nom d'hôpital vieux. Ces bâtiments ont été di-
visés entre divers propriétaires. L'église est encore reconnaissable,
bien qu'on ait jeté une voûte intermédiaire entre le pavé et l'an-
cienne voûte romane.
DES ANTOMNS A AUBENAS. ï 4]
Le registre de Pierre Rochette, pour i"année 1429, contient, à la
date du 14 mars, un acte par lequel vénérable et religieux homme,
messire Jean Gibbertès, commandeur d'Aubenas, « sachant qu'il n'a
pas de quoi acquitter la pension qu'il doit aux pauvres de l'hôpital
de St-Antoine et la dime qu'il n'a pas encore payée au seigneur
abbé de St-Antoine, à moins de vendre le vin qu'il a pour la provi-
sion de sa maison, » vend au seigneur de Bane (i) présent huit
muids de vin piir, qui sont dans deux tonneaux existant dans la
cave (crota) de l'hôpital de Ste-Anne, au prix de sept florins le muid.
Le commandeur reconnaît avoir reçu dudit seigneur le prix de la
vente et lui en donne quittance. L'acte est passé dans la maison du
seigneur de Bane, et les témoins sont nobles Tonet de Marete et
Amblard de Noirétain {de Nigro StangJto), FF. Pierre Salliencoyta,
Tonet de Massillargues et André de Missolz.
Pour qu'on puisse juger les termes de cette transaction, nous no-
terons les faits suivants relevés dans les mêmes registres :
En 1490, l'achat d'une rente annuelle de huit setiers de vin est
fait au prix de 8 florins (2).
En 1493, la confrérie de St-Christophore à St-Etienne de Font-
bellon paye un peu plus cher, c'est-à-dire à raison de i Hvre par se-
tier, une pension annuelle de 3 setiers de vin.
Par contre, la même année, noble Itier, seigneur de Géorand, ne
paye que 13 livres et 10 sols une pension annuelle d'un muid de vin
noir, pur, bon et franc, mesure d'Aubenas, c'est-à-dire 28 setiers
pour le muid. C'est un habitant de Vinezac qui conclut ce mauvais
marché ; il est vrai qu'il en stipule l'annulation pour le cas où il res-
tituerait avant dix ans l'argent reçu.
En 1500, nous voyons neuf setiers de vin vendus 19 sols et l'an-
née suivante quatorze setiers vendus 18 sols. La même année, deux
charges de vin sont vendues 17 sols et 6 deniers. A la même épo-
(i) Hameau situé entre St-Cernin et Vogué.
(2) Le florin était une petite monnaie d'or ayant à peu près le poids de notre
pièce de 10 fr., mais Tor ayant alors trois ou quatre fois plus de valeur qu'au-
jourd'hui, le florin représentait 30 ou 40 fr. de notre monnaie actuelle. Le florin
valait 15 sols de l'époque, tandis que la livre, monnaie de compte en représen-
tait 20.
148 NOTES SUR LA COMMANDERIE
que. nous trouvons la charge de vin, mesure de Chassiers, indiquée
comme valant six setiers et un quarteron.
Dans un autre acte, une vigne de quatre fessoirées est indiquée
comme produisant neuf setiers de vin.
Ajoutons que la valeur traditionnelle du setier dans le Bas-\'iva-
rais est de 21 litres et qu'il faut huit setiers pour faire une charge.
Il résulte de ces données que le commandeur de St-Antoine d'Au-
benas (en admettant 40 fr. de notre monnaie pour la valeur du florin
d'alors) vendait son vin à raison de 280 fr. le muid de 588 litres, ce
qui revient à 46 fr. environ l'hectolitre.
Ce même registre de Pierre Rochette contient, à la date du 5 oc-
tobre, l'inventaire suivant du mobilier de la maison de St-Antoine
d'Aubenas, dressé par F. Henri Melion, en présence des FF. An-
toine de Serre, Pierre Salhenco}-ta et Pierre Fournier. En voici la
traduction textuelle :
Et d'abord neuf nappes, dont trois sont percées et les autres sont
bonnes, cependant il y a dans l'une d'elles un petit trou ; — Des
nappes pour préparer les buffets (i) au nombre de neuf ; — Dix-huit
longiéres (2) dont deux sont entièrement déchirées et trois autres
percées ; — Quatre longiéres médiocres, dont trois de coton perse
et une est trouée ; — Neuf serviettes dont trois petites de coton et
les autres grandes ; — Trois petites serviettes de valeur convenable
{competentis valoris).
Draps {Imtheamina) : — Un drap bon de quatre lés (quatuor tela-
riim) Ç-^) ; — Un drap de trois lés, percé ; — Six draps de deux lés,
bons ; — Douze draps de deux lés, tant grands que petits, percés et
quelques-uns décousus ; — quatre draps de deux lés, percés ; —
Six draps de deux lés et demi, dont un percé ; — Dix draps d'un lé
et demi, petits, de valeur convenable ; — Vingt-sept draps, d'un lé et
demi, déchirés et de peu de valeur ; — Quatre draps, d'un lé et demi,
bons ; — Deux aureliers avec leurs chemisières.
Dans la ciiAiMDRE de messire le cOiM.MANOEUR : — Un matelas de
burel (4j, bon ; — Un coussin de burel, bon ; — Une contre-pointe
(i) iSuJfelus, bureau, chambre, olim bufTet. (Ducange).
(2) Nappes longues pour les autels.
(3) Tela désignait autrefois une mesure de largeur, aujourd'hui un le.
(.4) Bureau ou butel, ancienne étofTc de laine grossière.
DES ANTOMNS A AUBENAS. I49
blanche, bonne ; — Deux couvertures de diverses couleurs, grande
forme ; — Une couverture à jours (traylissiion), vieille, partie couleur
fauve et partie couleur rouge ; — Une couverture blanche, petite,
rayée de noir ; — Une tente de lit avec ses gardiens ; — Une contre-
pointe, vieille ; — Une courtine verte ; — Un bancale istoriatum de
canibus (i) ; — Un autre bancale rouge ; — Un rouge avec des raies
vertes ; — Un de diverses couleurs ; — Des pièces de quelque au-
tre, de peu de valeur ; — Deux pièces rouges ; — Quarante éche-
veaux de fil ; — Une corde pour faire crosellos ; — Environ 8 ou 9
livres de chanvre dans un drap ; — Une table petite ; — Une caisse
grande où sont deux quartes d'amandes ; — Trois baseie (bassi-
nes >j une grande et deux petites ; — Quatre plats d'étain, grande
forme ; — Douze écuelles d'étain, grande forme ; — Huit plats
d'étain, petite forme, dont deux fêlés ; — Seize écuelles d'étain, pe-
tite forme, dont une fêlée ; — Deux couverts d'étain ; — Un broc
(pitalphus) (2) grand, contenant cinq chopines ; — Deux brocs ronds,
dont un fêlé ; — Un pot cayratum d'étain ; — Deux pintes d'étain ;
— Deux chopines façon argent ; — Cinq aiguières d'étain, dont trois
fêlées ; — Cinq saleyrons (3), dont deux sont sans couvert ; — Cinq
chandeliers, dont deux en laiton ; — Une grande serge pour couvrir
le lit, de couleur perse ; — Une petite caisse sans serrure ; — Une
corde pro crossando ; — Des balais ; — Une table ronde ; — Un
archibanc (4) ; — Deux chaises, dont une est ronde ; — Sept plan-
ches de sapin.
Dans la salle (aula) (5) : — Une couche {cougia), petite, où est
un matelas déchiré, où il y a peu de plumes.
Dans la cour {ciirte) : — Un matelas de burel dans une grande
couche ; — Deux couvertures, une blanche avec des raies rouges et
noires ; — Un coussin de burel grande forme, qu'on dit être un don
de Garin de Serre ; — Un coffre à deux compartiments avec serru-
res et clés ; — Une grande table avec ses tauliers (6) {tabulariis).
(1) Bancale est un banc recouvert d'étoffe ; peut-être cette étoffe représentait-
elle des figures de chiens.
(2) T'italphus. — Dans un autre acte on lit potus vel pitalphus .
(3) Mortier où Ton pile le sel ; ce mot est encore usité dans le patois de TArdèche-
(4) On entend ordinairement par ce mot un banc à dossier.
(5) Aula est la salle où Ton se réunit.
(6) On appelle tauliers dans le patois local les tables superposées fixées à des
montants en bois, qu'on emploie, soit pour l'éducation des vers à soie, soit pour
faire sécher les fruits. Peut-être aussi cela veut-il dire ici tiroirs.
150 NOTES SUR LA COMMANDERIE
Dans lHopital de Ste-Anne : — Deux vases vinaires d'une con-
tenance de neuf muids, pleins devin, moins trois setiers ou environ.
Dans la maison de Bonnefoi : — Un tonneau plein de vin, con-
tenant environ sept muids.
Dans la maison de St-Antoine : {in crota) (i) : — Dans un ton-
neau, un muid de vin et un quart de muey(2) ; Douze bouteilles
(fistiilos), tant bonnes que mauvaises ; — Deux jarres (doyres)
d'huile, pleines d'huile, c'est-à-dire deux petites (3).
rL'inventaire ne devait pas se terminer ici, car il reste une demi-
page en blanc).
Le 7 novembre 142g, Jacques Simondet d'Aubenas, se présente à
vénérable et religieux homme F. Jean Las Ribas, lequel est muni de
la procuration de vénérable homme Giraud Spinadelli, commandeur
de la Yillatte, et expose qu'il a une vigne, au territoire de Chada- .
rons, sur le chemin d'Aubenas à St-Etienne, laquelle relève dudit
commandeur. Cette vigne n'a que quatre fessoirées et produit neuf
setiers de vin. Comme sa femme est morte et qu'il n'a pas d'enfants
il ne peut continuer à tenir cette vigne que si le cens qu'il a à payer
n'est réduit à un chiffre supportable. On lui réduit alors ce cens à
cinq setiers de vin (4).
Le 17 décembre 1429, vénérable et religieux homme, F. Jean
Gibbertés, commandeur d'Aubenas, afferme pour trois ans commen-
çant à la fête de St-.\ndré et pour trois récoltes, à messire Jean
Archifer, prieur de St-André de Orsilio, les voyages de quêtes ci-
indiqués : — Le voyage de Valgorge, au prix de 8 florins 10 sols,
200 pieds de porc ; — Le voyage de Chabreriol en Belmont (5),
(i) En patois toutes les voûtes ont ij;ardé le nom de crotos.
(2) Sans doute un quart de muid (en patois nmcv).
( j) Les jarres portent encore, dans le patois local, le nom de douoïrc.
(.4) Nous trouvons, d'autre part, dans nos notes, la mention d'une transaciinn de
1315 entre Pons de Trabc, abbé des Chambons, et Aymon de Montiaur, comman-
deur de la Villatte, de l'ordre de St-Jcan de Jérusalem, au sujet de questions de
bois et pascagc dans les forêts du mandement de Mayrcs.
(5) Bcaumont dans le canton de Valgorge.
DES ANTONINS A AUBENAS. I5I
7 florins 4 sols, 160 pieds de porc ; — Le voyage de Jaujac, 7 flo-
rins 4 sols, 80 pieds de porc ; — Le voyage de Joannas, 5 florins
4 sols, 100 pieds de porc : — lesquelles sommes et autres ci-dessous
mentionnées doivent être payées chaque année par ledit prieur au
commandeur à Aubenas le jour de la fête de St-Antoine ou de
l'octave — savoir, par florin, à raison de seize sols tournois de
monnaie papale ou royale ayant cours dans chacune de ces années,
pourvu cependant que la monnaie courante soit de la même valeur
que celle d'aujourd'hui et, si elle était de moindre valeur, le prieur
devrait parfaire la différence.
Item le voyage de Joyeuse, au prix de 5 florins 4 sols, 30 pieds
de porc, à payer dans le terme et avec la monnaie susdits ; — Le
voyage de la rivière d'Ardèche, 2 florins 10 sols, 80 pieds de porc,
trois quarterons de batalhe (i) ; une émine et un quarteron et demi
de pois chiches, trois draps, à payer le tout chaque année au milieu
du carême ; — Le voyage de Villeneuve de Berg, 16 sols, 56 pieds
de porc, une émine de balalhe, un quarteron de pois chiches, livra-
bles au milieu du carême ; — Le voyage du Coiron, un florin et
1 3 livres de fromage, livrables chaque année à la fête de Ste-Marie
Madeleine ; — Le voyage de Largentière, 2 florins 4 sols, 30 pieds
de porc, livrables chaque année aux Rogations ; — Le voyage de
Privas, 6 florins 10 sols, 50 pieds de porc, 4 draps, payables chaque
année au milieu du carême ; — Le voyage de St-Laurenl-lès-Bains,
6 florins 8 sols, 90 pieds de porc, payables chaque année le jour de
Pâques ou à l'octave : — Lesquelles sommes réunies font 5 3 florins
8 sols tournois.
Le prieur s'engage à ce que ces voyages seront faits bien et ho-
norifiquement, dans l'intérêt de la maison, soit par lui-même, soit
par des personnes capables.
Le commandeur promet de faire jouir le prieur des avantages
accoutumés. Il pose cependant la condition, acceptée par le prieur,
que, dans le cas où ce derniei ne ferait pas ou ne ferait pas faire
pendant ledit temps les voyages dûs, le commandeur pourrait en
donner la commission à d'autres. — Le commandeur spécifie que le
prieur lui donnera une caution suffisante, et le prieur le promet. —
Les deux parties, comme garantie de leurs engagements, se pla-
cent elles et leurs biens sous l'action des sceaux de la curie d'Aube-
Ci) Ce mot parait désigner l'amande de la noix débarrassée de la coquille et
prête à être envoyée au moulin pour faire de l'huile.
152
NOTES SUR LA COMMAND. D AUBENAS.
nas, de la cour royale de Villeneuve de Berg et de la curie de l'abbé
de St-Antoine. — L'acte est passé à Aubenas dans la chambre du
commandeur.
Cet affermage des quêtes nous choque aujourd'hui ; il est certain
qu'il n'est plus dans nos mœurs ; mais, en ce temps-là, n'était-il pas
naturel et même nécessaire ? Faute d'argent ou de valeurs mobilières,
il fallait bien recourir aux dons en nature, et, dans l'impossibilité où
étaient les religieux, réduits à un petit nombre, de faire les quêtes
eux-mêmes, ne fallait-il pas s'en remettre aux soins d'un tiers ?
N'oublions pas que toutes les grandes institutions hospitalières d'au-
trefois ne recevaient aucun secours de l'Etat et vivaient ordinaire-
ment de la charité publique. Les établissements de St-Antoine
avaient tout un personnel de démembrés ou d'autres infirmes à entre-
tenir, et de plus leur porte était assiégée tous les jours par une foule
de pauvres auxquels ils distribuaient du pain ou du blé, dans la
mesure de leurs ressources. La maison mère de St-Antoine de
Viennois faisait moudre chaque année six cents setiers de blé pour
distribuer aux indigents. Tous les jours le cellerier du couvent dis-
tribuait aux pauvres qui se présentaient du pain et de la soupe.
(La suite au prochain numéro).
D^ FRANCUS.
HISTOIRE RELIGIEUSE
DE
PONT-EN-ROYANS
(ISERE)
(Suite)
sseoctos^*"
Du reste, « soit à raison de son importance, soit pour des raisons
politiques que la présence des protestants rendait assez plausibles,
Pont-en-Royans, depuis la fin du XVI' siècle jusqu'au règne de
Louis XVI, ser\-it de résidence à un escadron de cavalerie ou à
plusieurs compagnies d'infanterie. En 1664, les cavaliers de la com-
pagnie du duc d'Orléans s'y trouvaient en permanence ; plus tard,
c'était le régiment du comte de Tallard. Outre les gens de guerre,
casernes probablement chez les habitants, le passage des troupes
qu'on dirigeait sur Die, par le Pont et le Vercors, venait souvent
accroître les charges de la communauté, et lui occasionner des
dépenses qu'elle ne pouvait supporter sans avoir recours à des expé-
dients ruineux ; aussi faisait-elle de fréquentes démarches auprès de
l'autorité pour éloigner d'elle cavaliers et fantassins. En 1747, bien
que les raisons d'état eussent perdu de leur force et de leur valeur
par l'affaiblissement du parti protestant, il y avait encore à Pont-en-
Royans deux compagnies de dragons du régiment du roi et So
chevaux à la charge des habitants. La municipalité, désireuse de
mettre un terme aux sacrifices qu'elle s'imposait, députe M. Tézier,
châtelain du marquisat, pour obtenir leur déplacement. Son voyage
à Grenoble eut pour résultat le départ d'une compagnie et celui de
tous les chevaux (i).
Pour revenir aux protestants du Pont et à son synode, leur impor-
tance nous est indiquée par le registre des délibérations de l'acadé-
mie protestante de Die de 1626 à 1668. On y voit que le Pont paye
18 livres pour les professeurs, quand Romans en paye autant, Châ-
teaudouble 6, l'Albenc et St-Marcellin 12 chacun, Beaurepaire 15,
etc. ; on y trouve les remontrances de Théodore de la Faye, minis-
(i) Vincent, op. cit., 98-9.
154 HISTOIRE RELIGIEUSE
tre de Loriol, et de Pierre Saurin, pasteur de Nyons, au nom du
synode de Pont-en-Roy ans, au sujet de quelques réformes à introdui-
re dans l'académie (i).
Tout cela pouvait faire craindre un amoindrissement progressif
des catholiques et de leur culte. Cependant ce malheur ne s'est pas
réalisé. Au contraire, ce culte, d'abord opprimé par les protestants,
put s'exercer dès 1598, sans pompe, sans l'éclat désirable, mais avec
liberté. Puis, peu à peu, la grâce fécondant les efforts et le zèle
prudent des RR. PP. Collet, Aubert, Carrât, Louis Darliac, et de
leurs secondaires, la vérité et le véritable culte reconquirent une
partie du terrain perdu et une prépondérance plus que légitime.
M. l'abbé Vincent, sans fixer de date, affirme que « l'église, brûlée
et détruite, fut remplacée par le modeste bâtiment que nous voyons
aujourd'hui. » Incapables de fixer nous-méme cette date, comme de
contrôler le fait du remplacement de cette église, qui n'eut peut-être
pas besoin d'être refaite en entier, nous serions étonnes que son
relèvement eût été postérieur à l'administration pastorale du P.Louis
Darliac, qui géra le prieuré de 1642 à 1655, et en qui de nombreux
documents nous montrent un prêtre aussi intelligent que zélé pour
le bien de la religion. En tous cas, les actes relatifs à la restauration
du prieuré, laquelle était commencée en 1676, nous montrent l'église
entièrement restaurée depuis déjà assez longtemps. Mais revenons
aux oeuvres spirituelles et à la lutte de la vérité contre l'hérésie.
Après le R. P. Darliac, l'œuvre avait été confiée au R. P. Symo-
net, et après celui-ci au R P. Baborier. Or, sous celui-ci, dans le
courant de l'année 1665, Pont-en-Royans présenta un aspect d'ani-
mation inaccoutumé. Les huguenots du Dauphiné, peut satisfaits d'un
culte qui ne disait rien à leur esprit ni à leur cœur, revenaient cha-
que jour au giron de l'église. Les ministres, alarmés de ce mouve-
ment, et voulant arrêter les désertions, proposèrent aux catholiques
d'ouvrir à Pont-en-Royans des Conférences où l'on traiterait des
points controversés. Monseigneur Scarron, évêque de Grenoble,
accepta le défit. A sa demande, Jean de Rasse, abbé de St-Antoine,
envoya trois professeurs en théologie et cinq prédicateurs. Or, dans
cette lutte célèbre, les religieux de St-Anloine soutinrent les vérités
orthodoxes contre quatre-vingts ministres avec un tel succès, qu'un
des prédicants, qui était fixé à St-Marcellin, et une multitude de
huguenots abjurèrent leurs anciennes erreurs.
(i; Lacroix, Invent, cit., D, 53.
DE PONT-EN-ROYANS. 155
Le flambeau de la vérité n'avait pas lui en vain aux yeux des
protestants du Pont ; on eut beau entretenir dans ce lieu un docteur
en théologie protestante, Jean-François Faisan, qui y fut ministre
de 1657 à 1667, le mouvement de retour au catholicisme continua à
progresser. Charles Chion, successeur de Faisan, fut au Pont de
1668 à 1681 ; mais en 1672 et 1675 le poste était apparemment
vacant, puisqu'on voit des protestants du lieu faire baptiser leurs
enfants « par M. Chion, ministre de Saint-Marcellin. » Cependant
on trouve ministres au Pont en 1677 André Chion, et en 1680 et 82
Cyrus Chion (i).
Nous ne savons auquel de ces Chion arriva la mésaventure ainsi
racontée par M. Vincent : « Menacé de se voir sans troupeau, sans
disciples, M. Chion, pasteur de Pont-en-Royans, crut devoir se
livrer aux injures et aux calomnies, comme si tout cela était propre
à servir sa cause. Les esprits sensés ne se méprirent pas sur les
motifs de ces violentes récriminations ; c'étaient les derniers
efforts, c'étaient les dernières convulsions d'un corps qui se mourait.
La religion catholique, ses dogmes, ses fêtes, sa discipline, étaient
sans cesse l'objet de ses attaques passionnées, de ses sorties hai-
neuses, et servaient de texte à ses discours et à ses conversations.
La patience et la longanimité de ceux qu'il offensait lui étaient con-
nues, et il s'en donnait à cœur joie. Mais un jour sa bile l'inspira
mal ; il s'avisa dans son prêche de mêler aux paroles saintes des
paroles outrageantes pour Louis XIV, ce roi si chatouilleux à l'en-
droit de l'honneur et de la gloire. Dénoncé pour ce fait, dont il com-
prenait toute la gravité, il fit imprimer un mémoire dans lequel, à
grand renfort de mots creux et vides de sens, il chercha à se justi-
fier de l'accusation qui pesait sur lui, en donnant à ses paroles une
signification moins offensante et plus évangélique. A Tentendre, le
redouté monarque n'avait pas de serviteurs plus dévoués, plus sou-
mis que lui et les siens (2). »
Ce drame, dont nous ignorowo l'issue, n'est pas le seul où aient
été impliqués les ministres du Pont. En avril 1677, André Chion
dépassait, paraît-il, les bornes laissées à son zèle par les décrets
royaux. Mais il y avait alors à la tête du prieuré un homme énergi-
(1) Arch. de la Drôme, fonds cit. ; — Dassy, op. cit., p. 307-8 ; — Vincent, op.
cit. p. 99-190 ; — Notice... Tenot, p. j2-6 et i i 5 ; ~ Bullet. cit., VIII, 388 ; —
Lacroix, Invent, cit., C, 292.
(2) Vincent, op. cit., p. lOo.
156 HISTOIRE RELIGIEUSE
que et fermement résolu à user de tout moyen légitime pour empê-
cher la propagande de l'hérésie. C'était le R. P. Jacques Petichet.
Le jeudi-Saint, 15 du mois susd., Chion faisait le catéchisme de sa
façon à un certain nombre de ses partisans dans la maison d'un de
ceux-ci, quand le P. Petichet y entre, accompagné d'un autre reli-
gieux, spécialement chargé des fonctions curiales, et du vichàtelain.
Des remontrances sont faites aux hérétiques réunis, surtout au
prédicant. Mais ceux-ci se gardèrent bien d'en tenir compte autre-
ment que pour s'en plaindre et réclamer. Parmi les protestants du
Pont en était un auquel la position de sa famille et la sienne propre
donnaient une certaine considération. C'était Alexandre Chalvet,
sieur de la Jarjatte, petit-fîls par sa mère et frère de conseillers à la
Chambre de l'Edit du Parlement, et frère de deux ministres protes-
tants alors décédés. 11 s'était établi au Pont vers 1656, par suite de
son mariage avec Alix Pourroy, de l'une des principales familles
calvinistes du lieu. Dans cette condition, Alexandre Chalvet avait
bien des titres aux caresses des ministres du Pont et au syndicat des
protestants du lieu. Il reçut de bonne heure ces caresses et ce syn-
dicat. Aussi, trois jours après l'inattendue et désagréable visite du
P. Petichet aux protestants réunis, le sieur de la Jarjatte, syndic des
réformés du Pont, adresse à « Nosseigneurs du Parlement en
l'Edict, » une requête tendant à ce que défense fût faite aux prieur,
curé et tous autres, de troubler désormais le ministre dans ses
fonctions, sous peine de $00 livres d'amende, et des dépens, dom-
mages et intérêts.
Le 20 avril, de Nicourt ordonne que la requête sera montrée au
P. Petichet, pour en avoir réponse, et être ensuite conclu selon justice.
Le 36 avril, ce Père répond par un long mémoire dans lequel il fait
observer ce qui suit.
Les protestants du Pont s'assemblent trop souvent, trop nom-
breux et en trop de maisons. « Le verbal que le lieutenant de chas-
tellenie » dressa « après les avoir surpris au nombre de plus de
quatre-vingt dans la maison de Daniel Macaire, le 15 apvril, »
prouve qu'ils s'assemblent trop nombreux ; ensuite, « ils sont con-
vaincus de s'estre assemblés plusieurs fois de jour et de nuict,
dcdant et dehors du Pont, par les dispositions de plus de 26 témoins
cités et escoutés par le commissaire député par la Cour. »
C'est de nuit qu'ils se sont réunis le plus souvent et en plus grand
nombre. Ils ont souvent été jusqu'à 30 et le plus souvent jusqu'à 60
DE PONT-EN-ROYANS. I57
et 80. Chaque fois qu'ils se sont assemblés de nuit le dernier carême,
ils ont choisi l'heure où tous les catholiques étaient à « l'église pour
la bénédiction du s' jubilé. » Ils mettaient dans leurs réunions un
secret et une dissimulation indiquant que leur but n'était pas la
préparation à la cène. Ils ont fait jusqu'ici un exercice de leur reli-
gion aussi public qu'en aucun lieu de France. Ils ont un temple
spacieux pour la petitesse du lieu, et l'ont fait subsister jusqu'à
présent, quoiqu'il soit bâti depuis l'édit de Nantes, comme prouve le
chiffre 1601 qu'il porte au frontispice, et qu'il ne soit pas éloigné de
13 toises de l'église paroissiale, distance requise par les règlements.
Cette proximité trouble les catholiques. Les réformés ont de leur
autorité élevé « leur cloche dessus du temple, » et la sonnent aux
heures et manière de celle de la paroisse, ce qui cause des mé-
prises.
Ils enterrent leurs morts dans un champ enlevé par eux à la
chapelle St-Claude quand ils étaient les maîtres.
Au civil, pas plus de modération. Le gouvernement de notre ville
est mi-parti. Mais, étant les plus aisés, ils ont outrepassé les limites
prescrites par les ordonnances, se sont rendus maîtres du conseil, et
ont pris pendant un temps des délibérations sans participation ou
consentement des catholiques. Us ont chargé démesurément les
catholiques « dans les costes d'escart. » Leur « conduite insolente »
a fait donner au Pont « le nom de petite Genève. » Ils se sont em-
parés des papiers de la commune, ont acquis les protocoles des
notaires, font tout plein de quêtes, ramassent de l'argent pour quel-
que fin ténébreuse, etc.
Vu ces abus, le P. Petichet conclut à ce qu'on leur ôte leur temple,
qu'on refrène leurs menées, et qu'on les condamne à rendre le
champ de la chapelle St-Claude et à rebâtir celle-ci telle qu'ils l'a-
vaient trouvée. Quant au reproche d'avoir troublé les réformés le 1 5
avril, il n'est pas mérité. On n'a fait à ceux-ci ni « escandale » ni
injure ; on a seulement fait ce à quoi obligeaient leurs scandales,
d'eux ; on devait les « remonstrer » charitablement sur leurs contra-
ventions aux ordonnances de Sa Majesté.
Le 18 septembre 1677, la cour condamnait André Chion aux
dépens à rembourser au P. Petichet. Ajoutons incidemment que le
ministre paraît avoir été assez bien en finances ; car le 14 du même
mois il recevait des réformés du Pont, par les mains du syndic
Alexandre Chalvet, 800 livres « en pistolles d'Espagne escus blancs.»
158 HISTOIRE RELIGIEUSE
Dans cette somme figuraient 358 livres 11 sols que « lad. eglize «
réformée lui devait pour prêt « faict à icelle pour les bastimens de la
maison d'ycelle eglize, » et 315 liv. que lad. église lui devait par
compte arrêté. Le surplus était à déduire sur ce que cette église
lui pouvait devoir sur « son estât. »
En 1680, nouveaux débats contre le clergé du Pont et les protes-
tants. Le Père François Brenier, curé du lieu, avait adressé une
requête au baillage de St-Marcellin, et sur ce obtenu le 21 août de
lad. année, de « Mons. Dorsal, assesseur aud. baillage, un décret à
rencontre de Mons'' M'' Cyrus Chion, alors ministre, de Mons""
M' Jean Pourroy, s"" de Brenières, advocat en la cour, des sieurs
Léonard Macaire, Michel Rolland, et d'autres. Mais, les assignations
ayant été données, Alexandre Chalvet, syndic, fit déclarer au P.
Brenier qu'au nom de tous les susnommés et consorts, il appelle de
ce décret pardevant la cour de Dauphiné, si le P. Brenier persiste
dans ses poursuites. Cette déclaration fut signifiée au Père en la
personne « d'un sien vallet nommé Anthoine, » le 3 septembre
1680 (i).
Ce décret, dont nous ignorons l'objet, allait en tout cas être suivi
de près par un autre acte du pouvoir bien autrement grave. En 1681,
un arrêt du Conseil interdit l'exercice du culte réformé au Pont, et
prescrivit la démolition du temple. Suivant un récit du temps, il fut
fermé le 10 octobre, par le P. Brenier, supérieur des Antonins et
toujours curé de la ville de Pont-en-Royans, et deux jours après eut
lieu une procession générale, à laquelle « officiait messire de la
Jasse, abbé et supérieur général de l'ordre de Saint- Antoine, accom-
pagné du grand prieur, des définiteurs et des religieux de son ab-
baye. » Le marquis de Sassenage, seigneur du Pont, y assistait
avec plusieurs autres gentilhommes et une foule de peuple « incroya-
ble. "
Les religionnaires s'émurent et tentèrent toutes les démarches
possibles pour obtenir le retrait d'une mesure qui les frappait au
vif. Alexandre Chalvet, que sa qualité de syndic désignait tout natu-
rellement, fut choisi avec trois autres notables: Jacques Tcrrot, Jean
Bellier, avocat au parlement, et Laurent Champel, ancien notaire,
pour s'occuper de cette affaire. Bellier et Chion, ministre du Pont,
firent à ce sujet le voyage de Paris ; mais toutes les démarches
restèrent sans résultat, et l'arrêt fut maintenu. Dès lors, la situa
(1) Arch. et fonds cit. ; — Accahias, op. cit., passim.
DE PONT-EN-ROYANS. I59
tion des protestants du Pont fut des plus critiques, et Cyrus Chion,
que nous ne voyons plus au Pont après 1682, ne crut avoir rien de
mieux à faire pour exercer son humeur impétueuse, que d'aller en
1680 commander les Vaudois du Piémont, sous les ordres du fameux
Henri Arnaud (i).
Cependant un coup encore plus terrible allait frapper les protes-
tants. L'esprit de mutinerie inhérent à ces sectaires, tenait les provin-
ces méridionales de la France dans une irritation continuelle ; des
conspirations s'organisaient ; les habitants des Cévennes, du Vivarais
et du Dauphiné s'armaient, se fortifiaient dans des châteaux et détrui-
saient les églises. Louis XIV, qui ne voyait pas seulement en eux des
dissidents en religion, mais encore des rebelles, de mauvais citoyens,
voulut en finir avec les huguenots et signa la révocation de l'édit de
Nantes. L'ordonnance révocatrice, datée du 18 octobre 1685, enjoi-
gnait aux ministres de la Réforme qui refuseraient de se convertir,
de sortir du royaume dans les 15 jours de sa publication. Tous les
temples devaient être rasés, et il était défendu aux religionnaires «de
s'assembler, pour faire l'exercice de leur religion, en aucun lieu ou
maison particulière, sous quelque prétexte que ce pût être. » A cette
condition seulement ils pouvaient continuer leur commerce et jouir
de leurs biens sans être troublés ni empêchés.
A cet orage, beaucoup de réformés renoncèrent sans difficulté à
un culte inconnu de leurs aïeux. Pont-en-Royans fut témoin, dans
la seule année 1685, de 223 actes d'abjuration. Quelques religion-
naires, alarmés des entraves qu'on mettait à la liberté de leur cons-
cience, allèrent à Genève, à Lausanne ou ailleurs. D'autres, mais en
petit nombre, restèrent au Pont, gardant leur croyance, la prati-
quant paisiblement à l'ombre du foyer. Quant au temple, sa démo-
lition, ajournée quelque temps, fut faite en 1688 par des ouvriers de
St-Marcellin, ceux du Pont n'ayant pas voulu s'en charger (2). Il
n'en reste plus rien aujourd'hui ; mais le nom porté par le lieu qu'il
occupait, est là pour attester qu^ jadis il y eut au Pont l'autel des
révoltés, à quelque pas seulement du véritable autel de Jésus-Christ.
Les protestants s'étaient créé au Pont, comme ailleurs, une posi-
tion exceptionnelle ; leurs ministres tenaient des actes de naissance
(i) Rochas, Biogr. du Dauph. I, 39-40 ; — Notice... Terrot, p. 38 ; — Accarias,
op. cit., p, 56.
(2) Vincent, op. cit., loo-i ; — Not... Terrot, p. 40; — Accarias, op. cit.,
p. 56-7.
l6o HISTOIRE RELIGIEUSE
et de décès; ils avaient un cimetière particulier, ainsi qu'un bureau
de charité. Par la révocation de ledit de Nantes, leur existence
ottîcielle fut brisée ; puis, peu à peu toute dissidence disparut, pour
faire place à l'unité civile et religieuse et à la fusion des cœurs.
Après ces mesures, inspirées d'ailleurs au grand roi par des motifs
plus politiques que religieux, la population du Pont, évaluée à 270
ménages dans un document officiel rédigé vers 1687 (i), offrait au
zèle du curé et des autres religieux antonins du Pont, un champ
intéressant mais difficile. Les échos qui nous sont parvenus de leurs
efforts pour amener à la foi catholique les âmes encore infectées du
venin de l'hérésie, nous disent assez qu'ils furent admirables de piété
et de zèle.
Dès 1697 la paroisse était régie par le prieur même, Antoine Tru-
chet. Ce vénérable religieux avait une église en assez bon état et
munie d'ornements. Nous avons surtout remarqué dans un inventaire
de 1697 : « un grand soleil d'argent cizelé ; un ciboire d'argent doré
et cizelé, » et 2 autres calices d'argent avec leurs patènes ; des boîtes
d'argent pour l'huile des infirmes, pour celle des catéchumènes et
pour le saint Chrême ; une cuiller d'argent pour baptiser ; 2 chasses
en bois doré où il y avait « plusieurs S'" Reliques » ; i « reliquaire
d'arquemie » contenant des Reliques ; i bannière ayant d'un
côté la Ste-Vierge et de l'autre St-Pierre ; ^ pierres sacrées ; i taber-
nacle au maître autel ; 1 « grand tableau de 18 pieds » de haut et re-
présentant un « crucifix et Notre-Dame des Douleurs, St-Pierrc, St-
Jean et St-Antoine, qui » était « au maître autrcl ; » 2 « tableaux du
Sauveur et de la Ste-Vierge à cadres dorés; deux autres tableaux de
la mesme grandeur et qualité à cadres noirs ; un tableau de St-
Joseph de six pieds ; » i autre tableau de 6 pieds représentant la
descente de la croix.
Antoine Truchet s'occupait avec soin de distribuer aux pauvres les
secours légués par des particuliers ou prélevés sur le bénéfice du
lieu en leur faveur, comme on le voit par des actes de 1699 et des
années suivantes.
Après Truchet, qui disparait du Pont en 1705, on voit un de ses
successeurs, parmi lesquels était en 1726 et en 1728 le R. P. Gratas,
faire donner au Pont, par le célèbre P. 'Vigne, une mission impor-
tante. Le 16 juin 1731, révcquc de Grenoble accordait à ce grand
missionnaire, converti du protestantisme, des pouvoirs <■ pour faire
(i) Vincent, op. cil., p. loi ; — Lacroix, Invent, cit., C 925.
DE PO\T-EN'-ROYANS. l6l
la mission de Pont-en-Royans pendant trois mois, et pour recevoir
les abjurations des nouveaux convertis. »
Malgré le bien que fit cette mission, le curé du Pont eut le regret
de voir rester loin du bercail quelques endurcis, bien rares il est vrai.
Parmi ces victimes de l'hérésie calviniste était une dame, d'ailleurs
d'un grand mérite, à laquelle le zèle sacerdotal procura les meilleures
exhortations et plus salutaires avis, et qui cependant mourut protes-
tante le 30 mai 1747, et fut enterrée dans son jardin, près de la rue
de Portagnès ( 1 ).
Au clocher étaient alors plusieurs cloches, car le budget commu-
nal de 1740, à côté de 6 livres pour le cierge pascal, porte 12 livres
pour deux sonneurs de cloche.
Nous ne connaissons aucun événement extraordinaire pour le
temps de Jean-Xicolas Baverel, curé du Pont en 1749 et 1750 (2J, à
moins qu'il ne fût encore au poste en 1761, époque vers laquelle
l'administration locale publia un arrêt qu'il y a lieu de signaler.
Jadis, on le sait, beaucoup de personnes étaient ensevelies à l'om-
bre des autels, dans Tégiise même où elles avaient prié et adoré.
Les plus précieux avantages résultaient de cet usage, où il n'y avait
rien que d'édifiant et de religieux. .Mais parfois le nombre des per-
sonnes qui voulaient être ensevelies dans l'église n'était pas en rap-
port avec l'étendue et les proportions étroites du lieu saint. La mu-
nicipalité du Pont, s'inspirant des exigences de la salubrité publique
et peut-éti"e aussi des doctrines d'une philosophie anti-chrétienne,
défendit toute inhumation dans l'église du lieu. Cependant, pour ne
pas froisser trop vivement les habitants, qui s'obstinaient, malgré les
ordonnances, à vouloir prier sur la tombe des morts, elle autorisa
encore de nouvelles sépultures, moyennant toutefois un impôt de 48
francs ; « elle acquit aussi hors de la ville un emplacement pour en
faire un cimetière (1761). Mais l'ancien, qui s'étendait devant l'église,
trouva de chaleureux défenseurs, lorsqu'on agita la question de son
abandon: des souvenirs de famille^ la crainte de voir foulés aux pieds
les restes de ceux qu'on avait aimés, des affections qui prenaient
leurs racines dans le cœur, il fallait combattre ces sentiments, il
fallait les effacer; ce n'était pas chose facile.
(i) Arch. et fonds cit. ; — Xotice... Tcrrot. pp. 46-9, 59-60 et 125 ; — Veyrenc,
Vie du 'P. Vigne, pp. 43, i 19 et 397.
(2) Minutes de M" Combe, reg. div. ; Vincent, op. cit., p. 106-7.
(La suite au prochain numéro).
L. FILLET.
MÉLANGES
Testament de noble et puissant seigneur Gabriel de Rossillon,
CHEVALIER, SEIGNEUR DU BoUCHAGE, DE BraNGUES, d'OrNACIEU,
et coseigneur de Commelle.
(Traduction abrégée).
« Au nom de Celui qui de rien a créé toutes choses...., l'an de la
bienheureuse incarnation 1461, et le 25 décembre, pardevant nous
Jean Fevret de Revel, et ilumbert Barrin de Beaurepaire, notaires
delphinaux et les témoins ci-dessous nommés, s'est établi person-
nellement noble et puissant personnage, le seigneur Gabriel de
Rossillon, chevalier, seigneur du Bouchage, de Brangues, d'Or-
nacieu, et coseigneur de Commelle, lequel par la grâce de Dieu,
jouissant de toute son intelligence, mémoire et entendement, quoi-
que gravement malade , ayant formé le signe de la croix en di-
sant : Au nom du Père, du Fils, et du St-Esprit, Amen, a fait son
testament nuncupatif, comme il suit : Le testateur a choisi sa
sépulture dans le couvent des Frères Augustins de Morestel, dans
l'endroit qu'il a indiqué au sieur Prieur du dit couvent ; son héritier
universel y fera faire une tombe de forme carrée, en pierres, de la
profondeur de deux, pieds environ, dans laquelle il veut cire enseveli.
Sur cette tombe ou sur son couvercle de pierre, il veut cju'on grave
ces mots : Ci-git le seigneur (Gabriel de RossiUon, chevalier, sei-
gneur du Bouchage, fils de noble cl puissant personnage Guillaume
de Rossillon, qui fut le fondateur de ce couvent et de son église. Ce
tombeau s'élèvera audessus du sol de la hauteur de quatre doigts.
Devant ce tombeau il sera fait une custodie (i), en pierres blanches,
bien taillées et ornées, pour y déposer le corps du Christ, dans la
forme de celle qui est dans l'église des Jacobins de Lyon, et selon
toutes les dispositions qu'il aprises avec le dit ]-*rieur. Cette custodie
sera offerte par son héritier universel à l'église et au couvent des
Augustins de Morestel, au premier chapitre qui s'y tiendra, pendant
la grand'messe, avec dcju/e louis d'or pour son entretien.
(1) Un cihoriitiii, un labcrnaclc mural, une niclic ou cavitc rcrmcc.
MÉLANGES. 163
Le testateur donne et lègue pour la construction du chœur de
l'église du dit couvent de Morestel, tant pour les verrières que pour
les autres choses nécessaires, deux cents écus d'or neufs, une fois
donnés.
Item, il donne et lègue une maison qu'il a commencé à construire
pour le dit couvent.
Item, il donne et lègue au dit couvent deux cents écus d'or neufs
pour achever la dite maison.
Item, il donne et lègue au dit couvent son pré du Bruni, au man-
dement de Septème, avec toutes les appartenances et dépendances
du dit pré, à la condition qu'à l'avenir quatre frères du dit couvent
réciteront le psautier dans le chœur de leur église tous les vendredis
des Quatre-Temps, et le \' endredi-Saint, et que le lendemain des dits
jours, le Prieur comptera à chacun des dits frères quatre gros, avec
les messes prescrites par le testateur
Item, il veut que son héritier universel offre au dit couvent, à la
grand'messe, le second jour du dit chapitre, un reliquaire {tabulle-
rium de reliquiis : une tablette de reliquesj.
Item, il veut que le troisième jour du dit chapitre, son héritier
universel offre au dit couvent, à la grand'messe, un vase d'argent
couvert et doré {scyphum, un ciboire) portant sur le pied et sur le
couvercle les armes de l'Empire (i).
Item, il veut que pour la sûreté de la dite tablette des reliques et
du vase d'argent, le Prieur fasse fermer avec de gros fers ronds la
dite custodie où l'on déposera la dite tablette et le vase sacré.
Item, que le q*" jour du chapitre, à la grand'messe, son héritier
universel offre deux psautiers neufs, et tous les autres livres d'église
que le testateur a achetés lui-même dans la ville d'Aguion
Item, il donne et lègue au dit couvent des Augustins de Morestel,
pour les dépenses du dit chapitre, 50 écus d'or neufs, une fois donnés.
Item, il veut que le premier lundi dud. chapitre qui doit être celui
de la Pentecôte, les religieux présents au dit chapitre célèbrent leurs
messes et autres offices divins, et que ses exécuteurs testamentaires
leur donnent un diner selon les convenances du jour.
Item, le dit seigneur testateur affirme que le sieur Pierre Tho-
massin de Lyon lui doit mille écus d'or anciens qu'il lui a prêtés ; il
veut qu'au moyen de cet argent, ses exécuteurs testamentaires fas-
sent célébrer 400 messes et réciter 407 psaumes dans l'église de la
(i) Persécuté par Louis XI, il parait renier sa patrie.
104 MÉLANGES.
Grande-Chartreuse, et distribuent le surplus des fonds aux pauvres
deJ.-C.
Item, il donne et lègue à noble dame Françoise de Rossillon sa
très chère nièce, fille de noble Gu}"- de Rossillon, femme de noble et
puissant seigneur Jean de Compeys, seigneur de Torens, 500 francs
de monnaie royale, une fois payés, en outre de la dot qui lui a été
assignée —
Item, il donne et lègue à noble et puissant seigneur Jean de Tho-
lonjon, chevalier, son très cher neveu, 500 francs de monnaie
royale, une fois payés, pour tous ses droits dans l'héritage du tes-
tateur
Item, il donne et lègue à noble Jean de Montchcnu. seigneur de
Ratières, son très cher neveu, mille écus d"or, pour tous ses droits
dans l'héritage du testateur
Item, il donne et lègue à noble Pierre de Toveria (Thouvières),
60 écus d'or, une fois payés, pour tous ses droits dans l'héritage du
testateur
Item, à noble Anselme de S. Genis, 60 écus d"or, une lois payés
pour tous ses droits
Item, à Jean Coppier, 60 écus d'or, une fois payés
Item, à noble François du Bourg, son serviteur, 60 écus d'or, une
fois payés, avec tous les arrérages qui peuvent être dûs à son frère
Armand du Bourg....; plus au dit b^-ançois du Bourg, en récom-
pense de ses bons services, une vigne située à S. Georges (d'Espé-
vanche?), ainsi que son buchcrage dans les forets de Chano et de
la Blache ; plus au dit b'rançois du Bourg, sa vie durant, l'ofiice et
l'exercice de ses chatellenies du Bouchage et de Brangues, avec les
émoluments qui y sont attachés
Item, à noble b'rançois Gérenton, pour reconnaître ses bons ser-
vices, 60 écus d'or, à condition qu'il rendra compte à son héritier
universel de l'argent qu'il avait reçu du testateur pour les dépenses
faites par le testateur en son voyage à S. Jacques.
Item, il donne et lègue à noble .-Vutonic, (ille du seigneur de Gha-
zclles, pour son mariage, cent écus d'or; voulant au surplus que son
héritier universel et Béatrix, femme du testateur, nourrissent la dite
Antonie, jusqu'à ce qu'elle soit mariée.
Ilcm, à l'enteli'ine, (ille de noble Jean bâtard de Rossillon, seigneur
des Sablons, et qui demeure avec noble et puissante dame du Bou-
chage, femme du seigneur testateur, 100 écus d'or, en récompense
des services qu'elle a rendus au seigneur et à la dame du Bouchage.
MÉLANGES. 165
Item, à noble Jean Faurot, en récompense de ses services, 40 écus
d'or, en outre de tout ce que le dit Jean peut devoir au dit seigneur,
à titre de prêt, ou autrement ; de plus, il lui donne, en récompense
de ses services, sa vie durant, l'oflice et l'exercice de la chatellenie
d'Ornacieu, avec tous ses émoluments, à la condition que le dit Jean
Faurot, avant de prendre possession de cette chatellenie, payera à
Jean Maître, qui l'exerce actuellement, quinze écus d'or
Item, le même seigneur testateur donne et lègue à noble et puis-
sante Béatrix de Poitiers, sa très chère épouse, le château du dit
seigneur testateur, appelé le château de Brangues, avec toute, la juri-
diction du dit château et du mandement du dit lieu, avec tous ses
revenus, tous ses droits, toutes ses dépendances, à la condition
qu'elle en jouira sa vie durant et qu'elle y fera sa résidence. De plus,
il lui donne, jusqu'à la fin de sa vie, la moitié des vignes dites de
Chulin, que le dit testateur possède au mandement de St Thendcre
(St. -Chef) ; plus, sa vie durant, toute la vigne que le dit seigneur du
Bouchage possède à Sermérieu, au mandement de Morestel. De
plus, le dit testateur donne et lègue à la dite Béatrix de Poitiers, sa
très chère épouse, la moitié de tous les biens meubles existant dans
le château de Brangues et dans le mandement du dit lieu, pour en
faire tout ce qu'elle voudra.
Item, il donne et lègue à l'hôpital de Morestel qu'il a récemment
construit lui-même, pour l'amour de J.-C, et pour secourir les pau-
vres de J.-C. qui viendront à l'avenir au dit hôpital, une vigne que
possède le dit testateur au vignoble de Planèze, situé au mande-
ment de St-Chef, pour l'avoir acquise par voie d'échange contre la
vigne de Chassignière, sise au même mandement, à la condition que
le vin qui en proviendra sera donné et distribué aux pauvres de J.-C,
dans le dit hôpital, par le ou les recteurs du dit hôpital. — Et pour
que le dit hôpital, par lui construit, soit convenablement et utilement
administré, le dit seigneur du Bouchage, nomme pour recteur et
administrateur de la dite maison hospitalière et de tous ses biens
meubles et immeubles, savoir : son héritier universel ci-dessous
nommé, et le prieur du dit couvent des Augustins de Morestel, avec
pleins pouvoirs d'administrer, au profit des pauvres, excepté le droit
d'aliéner les biens. — De plus, pour l'entretien du toit et pour les
réparations du dit hôpital, le dit seigneur testateur donne et lègue
au dit hôpital, un pré appelé de Marsange, situé sous la ville de
Morestel. — De plus, il lègue à l'employé ou régisseur qui aura
l66 MÉLANGES.
personnellement soin des pauvres, et qui pourvoira à leurs besoins,
trois sctiers de froment de rente (i) —
Item, il donne et lègue à la maladerie d'Ornacieu, construite et
fondée par le dit testateur, tant pour les besoins des pauvres lazares
du Christ, que pour les autres choses qui y seront nécessaires,
d'après la décision de ses exécuteurs testamentaires, cent florins
de monnaie courante ; lesquels loo florins seront déposés dans une
caisse dont le curé de Pénol aura une clef, et une seconde clef sera
entre les mains du possesseur du dit château d'Ornacieu. jusqu'à
l'emploi complet et final de la dite somme.
lion, il abandonne pour l'amour du Christ, à Pierre Alonni du
Bouchage, tout ce que celui-ci pourrait rester devoir au dit testateur
et à son père
Item, au nommé Charneron, du dit lieu du Bouchage, tout ce qu'il
peut lui rester devoir ainsi qu'à son père.
Item, au nommé Gourju, tous les arrérages dûs au testateur et à
son père, à cause de ses comptes.
Même legs à François Bolliat du Bouchage. Ses exécuteurs testa-
mentaires trancheront la question relative à André Garagnon et
Antoine des Roches.
Item, il remet à son cuisinier François Falconnet tous les arréra-
ges que lui et son frère défunt devaient à leur seigneur; de plus, il
lui donne trente écus d'or, en récompense de ses bons services.
Item, 30 écus d'or à Antoine Fournier, dit Mijot, son cuisinier, en
récompense de ses bons services.
Item, 60 écus d'or à son serviteur Guillaume de Loques, en ré-
compense de ses bons services ; moyennant quoi il jeûnera cinq
jours de vendredi et un samedi, au pain et à l'eau, à l'intention
du testateur; et si «on héritier universel est en retard de lui payer
ces 60 écus d'or, il ajoutera un écu et demi par mois de retard, pour
les intérêts ; car le testateur veut ainsi compléter la récompense
des services de Guillaume de Loques ; — de plus, il donne au dit
G. de Loques un de ses habits de drap gris, de drap noir, lourré, et
un de ses manteaux ; de plus, son héritier universel remettra au
même Guillaume de Loques six écus d'or, une fois payes, pour en
faire l'emploi qu'il lui a secrètement indiqué ; de quoi il charge sa
conscience.
(1) Il existe à la bihlioUièciuc de GreiKjhlc un he;ui Milume in^iiuisciit latin et
frangilis de i'époquc, sur parcliemin, conlenaiU un ic^leinenl de riiûpilal de .Moiestej
et de celui d'Ornacieu, de l'an 1450.
MÉLANGES. 167
Item, il donne et lègue aux frères religieux de Beaurepaire qui
sont à son service, à Beaurepaire, dix écus d'or ; de plus, au Prieur
des dits frères de Beaurepaire, quatre écus d'or, avec i6 écus d'or
pour la réparation de leur église : ce qui fait trente écus d'or qu'il
leur lègue, afin qu'ils recommandent son àme à Dieu dans leurs
prières.
Item, il donne et lègue à noble Jeanne de Rossillon, dite Bonnarde,
fille du seigneur de Beauretour, cent florins d'or, une fois payés
Item, il donne et lègue à Laurence, fille de noble François Bernard,
qui demeure avec la dite noble et puissante dame Béatrix, très chère
épouse du testateur, loo florins d'or, une fois payés.
Item, 10 écus d'or à noble Jean Maitre, en récompense de ses
services.
Item, à noble Antoine de Claveyzon, en récompense de ses ser-
vices, 20 écus d'or, une fois payés.
Item, à noble Arthaud de Bocsozel, 4 écus d'or, une fois payés.
Item, à Jean Berchet, dit Jean Petit, trois écus d'or, une fois payés.
Item, à Jean Berchet Escoffier, trois écus d'or.
Item, au frère Jean de Beaujeu, un écu d'or.
Item, aux l'eligieux de Chavrères de Châteauneuf-de-Galaure,
20 écus d'or, pour l'amour de Dieu, afin qu'ils viennent en aide à
son âme.
Item, à M^ Antoine de Fabreca, de l'ordre des Augustins, à Beau-
repaire, 4 écUS d'or, une fois payés, en retour de ses services.
Item, le dit testateur veut et ordonne que les vêtements de deuil
de la noble et puissante dame son épouse, et les vêtements de toutes
les personnes de sa maison soient livrés sans retard par son héritier
universel.
Enfin, quant à tous les autres biens meubles, droits, actions,
créances appartenant au dit seigneur du Bouchage, le dit seigneur
nomme pour son héritier universel, le noble et puissant personnage
et seigneur Falque de Montchenu, seigneur de Chateauneuf-de-
Galaure. Il le charge de payer tous ses legs et aumônes, d'éteindre
toutes ses dettes, sans forme de procès, en donnant simplement
connaissance du fait à la sainte mère l'Eglise....,
Pour exécuteurs de ses dernières volontés, le dit seigneur nomme
M' frère Claude Poleti, provincial des Augustins, frère Pierre Poil-
Blanc, prieur des Augustins du dit couvent de Morestel, et noble
Ilumbert Damesii, Jean Donat de Rossillon, seigneur de Sablon,
François du Bourg, François Gerenton, et noble frère Antoine de
MELANGES.
\''ineu, prieur du prieuré de Chavano, et Chantre de St. -Chef
à chacun desquels le testateur lègue 20 écus d'or.
Révoquant tout autre testament, codicille et donation pour cause
de mort
Fait, lu et récité dans le château de Beaurepaire, dans la salle su-
périeure, en présence d'honnêtes \'incent Barbier, châtelain du dit
lieu, P'rançois de Grasse, Arthaud Prévôt, Jean Grimaud, Pierre
Josserand, lean de Montromain, Philibert Lionne, Pierre Gros,
Guillaume de La Pouille, et plusieurs autres témoins. »
Extrait de l'original trouvé dans un protocolle relié en parchemin
de feu M' Lambert Barrin, de son vi\-ant notaire delphinal de Beau-
repaire. Signé Barrin, et Chatellan, notaire-commissaire. (Papiers
des Augustins de Morestel, aux archives de l'Isère).
« La maison du Bouchage était alors en la possession de
Messire Gabriel de Rossillon, lequel fut emprisonné au château de
Beaurepaire ; ses biens saisis et annotés sous la main du roy ;
commissaires députés au régime d'iceux, et après longue détention
ledit Rossillon mourut dans ladite prison, après avoir fait son testa-
ment de l'an 14^)1, et le 23 décembre, et par iccluy institué héritier
messire balque de Montchcnu, seigneur de Châteauneuf ; lequel
seigneur de (Jlhâteauneuf, par le testament de Messire Claude
(Guillaume) de Rossillon, père du dit messire (jabriel, était substitué
au dit messire Gabriel mourant sans enfants mâles légitimes, en la
terre du dit Bouchage ; au moyen de quoy, par le décès du dit
Gabriel sans enfants mâles ni autre, le dit seigneur de Montchcnu
aurait dû. tant par substitution que par institution, succéder en tous
les biens du dit de Rossillon. lu par ce que les dits biens étaient
tous saisis sous la main du I^oy, le dit seigneur de Châtcauneui s'en
alla à la cour, pour en avoir la main levée de Sa Majesté, "i étant
trouvé messire llumberl de Baternay, écuyer des écuries de Sa
Majesté, le seigneur de Châteauneuf s'adressa à lui comme étant le
plus en faveur auprès du Roy, pour obtenir cette main-le\ée ; mais
au lieu de ce faire, Ilumbert de Baternay supplia le Roy, de sa
puissance absolue, de commander au dit seigneur de Montchcnu de
lui donner sa fille aince, nommée Georgette, en mariage, et avec
icelle les droits qu'il prétendait à la dite succession du Bouchage »
Ms. de Guy .Ai.i.aki). U.80, n" 8, conservé à la bibliothèque de (i renoble.
Chorier raconte tous les malheurs arrivés à l'alque de Montchcnu
pour ne s'être pas prêté de bonne grâce à cette combinaison.
AUVERGNE.
NOTES
LA COIIANDERIE DES ANTONINS
A AUBENAS, EN VIVARAIS.
(Suite)
Les commanderies, outre les aumônes particulières qui leur in-
combaient, avaient à payer, comme on l'a vu ci-dessus, un tribut à
la maison-mère pour lui permettre de faire face à ses charges plus
lourdes que celles des succursales. Les commandeurs étaient priés
de ne pas faire attendre leurs denrées et leurs tributs pécuniaires de
chaque année pour les hôpitaux, sous peine d'avoir à les solder en
double, quand ils auraient passé un mois entier, et, s'ils dépassaient
ce second mois, ils étaient à la fin excommuniés ipso facto. Plus
d'une fois, quand les commandeurs firent trop attendre leurs subsi-
des, on vit les démembrés de l'abbaye se prosterner devant les reli-
ques de St-Antoine, et là, voce hmentabili, réclamer leurs droits
violés (i).
Une série d'actes relatifs à St-Antoine d'Aubenas, passés le 30
décembre de cette même année 142g, semble indiquer que bien des
règlements de compte se faisaient à cette époque de l'année, bien que
l'année légale commençât alors à Pâques.
(i) Rouillé de l'abbaye, cité par l'abbé Dassy.
Bull. VII, 1887. 13
lyo NOTES SUR LA COAIMANDERIE
Dans le premier, qui est passé à rentrée du portail des Frères Prê-
cheurs (Dominicains), nous voyons un nommé Pons Bundet se porter
caution des engagements pris par le prieur Archifer vis-à-vis du
commandeur Gibbertès.
Dans un autre, le F. François Fournier expose au commandeur
qu'il est obligé de plaider avec quelques personnes pour faire valoir
ses droits, mais il ne peut donner aucune procuration sans l'autori-
sation du commandeur. Celui-ci accorde l'autorisation demandée.
Fait à Aubenas dans la chambre du commandeur. Les témoins sont
F. Melion et F. Antoine de Serre.
Le même jour, le commandeur constitue le frère Ami Melion et
noble Guillaume de Montgros pour ses procureurs, à l'effet de vendre
une maison qu'il possède à Aubenas dans la rue du Barri et d'en
employer le prix à l'œuvre de la fabrique de Sainte-Anne.
Un autre acte est consacré au règlement des comptes existants
entre Jean de Gibbertès, commandeur d'Aubenas, et Ami Melion,
commandeur de Gevaudan. Celui-ci a été l'administrateur de lacom-
manderie d'Aubenas et il a touché aussi des recettes de la comman-*
derie de Tournon. Il en résulte qu'il reste devoir au commandeur
d'Aubenas huit vingts florins qu'il s'engage à payer en plusieurs ter-
mes. L'acte est passé à Aubenas dans la chambre du commandeur.
Dans l'acte suivant, le commandeur d'Aubenas reconnaît avoir
reçu de Melion seize florins d'or ou leur valeur en vingt moutons
d'or.
Suit une quittance du commandeur qui reconnaît avoir reçu de
Jean Colombier, quêteur d'Aubenas, tout ce que celui-ci pouvait
devoir pour l'affermage de la commanderie d'Aubenas. L'acte est
encore passé dans la chambre du commandeur et les témoins sont :
F. Ami Melion, Guillaume Boissier et l'\ l^ierre Salhencoyta.
La 27 août 1434, vénérable et religieux homme, messire Jean de
Gibbertès, commandeur de la commanderie d'Aubenas, et, avec son
autorisation, religieux homme, F. Pierre Salhencoyta, de l'ordre de
Sl-Anloine, commandeur du Gevaudan, commissaire délégué par
l'abbé de S. Antoine, entendent une requête de Belia Evechia, veuve
de Pons Boiron, laquelle expose qu'elle tient de la maison de St-An-
toine une portion de bois située sur le territoire de Chassaconilhe,
dans le mandement d'Aubenas, pour le cens annuel de cinq sctiers
DES ANTONINS A AUBENAS, I7I
de vin pur. — Elle déclare qu'elle ne peut supporter cette charge et
qu'elle ne pourra garder le bois si le cens n'est pas réduit. — Les
deux religieux font droit à sa requête et réduisent le cens annuel à
trois setiers. — La veuve Boiron reconnaît alors tenir le bois en
question de la maison de St-Antoine et promet de payer les trois
setiers chaque année. L'acte est passé dans le tinel{\) de la maison
de St-Antoine.
Le pénultième jour du mois de juillet 1434, vénérable et religieux
homme, messire Jean de Gibbertès, chanoine du monastère de St-An-
toine, appartenant à l'Eglise romaine sans aucun intermédiaire, de
l'ordre de S. Augustin, diocèse de Vienne, commandeur de la mai-
son et commanderie de St-Antoine, d'Aubenas, afferme à vénérable
et religieux homme F. Antoine de Bethoa, de l'ordre de S. Augustin,
commandeur de la commanderie de Tournon, savoir, ladite com-
manderie de St-Antoine d'Aubenas avec ses maisons,prairies, vignes,
terres, cens, revenus, quêtes, droits, appartenances et dépendances,
honneurs et charges, pour trois années et trois récoltes, en commen-
çant le jour de la fête de sainte Marie-Magdeleine et finissant le
même jour de la troisième année, au prix de 80 florins de monnaie
courante pour chacune des deux premières années ; et il est bien en-
tendu que, dans le cas où la monnaie actuellement courante serait
dépréciée ou qu'une monnaie de moindre valeur courrait pendant les
deux années susdites, le fermier pourrait payer la somme susdite
avec cette même monnaie, laquelle devrait être acceptée comme la
monnaie actuellement courante. — Et si une autre monnaie plus
forte et de plus haute valeur que la monnaie actuelle était alors en
circulation, le fermier devrait payer de cette monnaie courante. —
Quant à la troisième et dernière année, le payement devra se faire
en 80 florins d'or.
Cet acte est précédé de deux autres, passés le même jour, par les-
quels le commandeur Gibbertès règle tous ses comptes avec le F.
Salhencoyta, qui a administré la commanderie d'Aubenas pendant
les trois années précédentes, et avec le F. Antoine de Bethoa.— Ce-
lui-ci reconnaît lui devoir 30 florins.
Les trois actes suivants, concernant les Antonins d'Aubenas, sont
extraits d'un registre de Louis Gras, notaire d'Aubenas :
Le 19 février 1436, Antoine de Bethoa, commandeur de Tournon,
(i) Tinelliis est employé tantôt comme titu, cuve, et tantôt pour clésio-ner une
pièce de la maison, laquelle est peut-être le réfectoire.
172 NOTES SUR LA COMMANDERIE
près Tcnh (Tain), diocèse de Valence, donne sa procuration g'cncrale
à Pierre Fournier.
Le 28 avril 1440, providns vir Jean Bergayron, clerc de St- An-
toine, habitant à Aubenas, dans la maison de St-Antoine. se fait
faire une obligation par Jean Farandon, de Montpezat, qui lui a
acheté un cheval avec -son bat clitclla et sa lora ou barda (i), le tout
au prix de six moutons d'or. L'acte est passé dans la maison de Jean
Maurel dite de St-\'ital, où se tient la curie spirituelle d'Aubenas, ce
qui semble indiquer que l'affaire s'est réglée après comparution en
justice.
Le 16 mai 1444 , vénérable homme F. Raymond Rochette ,
prêtre, de l'ordre de St-Antoine, donne sa procuration générale à
un certain nombre de personnes d'Aubenas, Viviers ou Nimes, parmi
lesquelles nous devons citer vénérables et religieux hommes Jean de
Gibbertès, commandeur de Tournon, Bernardin Tailhet, comman-
deur de St-Victor, F. Quintin, recteur de la Madeleine, F. Antoine
Plagnol, de l'ordre de St-Antoine, etc., etc.
Revenons aux registres de Pierre Rochette :
Le 19 novembre 1448, F. Antoine de Serre, commandeur de la
maison de St-Antoine, d'Aubenas, donne une terre herme, en nou-
vel accapt et emphytéosc perpétuelle, aux frères Guillaume et Fran-
çois Lafont, des mas d'Aubenas, pour le cens annuel d'un quarteron
et demi d'avoine. Celte terre est située au territoire de Crosette et
touche au \)vc que la maison de St-Antoine a de ce cùté.
Le 2i, juillet 1452 a lieu la réception d'un nouveau Frère de St-
Antoine à Aubenas.
(^e jour-là, dans l'église de St-Antoine, en présence de vénérable
et religieux homme F. Antoine de Serre, commandeur de la véné-
rable commanderie de Sl-Anloinc d'.Xubcnas, se présente en per-
sonne lùienne de Missol/, clerc des mas d'Aubenas, paroisse de
St-lùicnne de l''ontbellon, lequel notifie et expose humblement, de
d; Loium, en l;ilin courroie, réncs. l'niiilc se dit encore en paloi> pour désigner
le coussin rembourré de pnillc qui sert de selle pour les ânes et les mulets.
DES ANTOMNS A AUBENAS. I73
vive voix, audit commandeur, qu'il a de tout temps, par la permis-
sion de Dieu, et de tout son cœur, eu le désir dentrer dans la reli-
gion de St-Antoine pour y servir Dieu et y remplir un emploi utile
(servire Deo et famiihri), s'il peut y être reçu, et c'est dans ce but
qu'il a servi pendant un certain temps les Frères religieux de la mai-
son de St-Antoine. Et. comme il a appris, dit-il, que ledit comman-
deur d'Aubenas a la commission du Révérend Père en Christ, l'abbé
de St-Antoine, de recevoir un clerc comme chanoine et Frère de la-
dite religion, il supplie humblement et à genoux ledit commandeur
qui l'écoute et le comprend, de vouloir bien le recevoir comme Frère
de St-Antoine, attendu qu'il est bien résolu à remplir, autant qu'il
est en lui, toutes les obligations auxquelles sont tenus les Frères
reçus dans ladite religion.
Et le F. Antoine de Serre, commandeur de la commanderie de
St-Antoine d'Aubenas, cette requête entendue :
Vu qu'il a l'entière certitude des bonnes mœurs, de l'honnêteté,
de la vertu, de la capacité et des aptitudes dudit Etienne de Missolz,
lequel sait suffisamment chanter et lire, n'a rien de difforme et de
honteux dans sa personne, est né notoirement d'un légitime ma-
riage ;
Vu qu'on n'aperçoit pas d'empêchement canonique et que ni le
commandeur ni les autres religieux n'en ont aperçu pendant tout le
temps que ledit Etienne les a servis dans la maison de St-Antoine
d'Aubenas ;
Par la vertu, le pouvoir et la licence des Lettres du R. Père en
Christ, l'abbé de St-Antoine, que le commandeur remet au notaire
et dont il lui demande lecture et dont voici la teneur :
HuMBERT, par la permission divine, humble abhé du monastère de St-Antoine,
appartenant à l'Eglise romaine sans aucun iptermédiaire, de l'ordre de St-Augustin,
diocèse de Vienne :
A notre cher compagnon F. Antoine de Serre, commandeur de notre maison de
St-Antoine d'Aubenas,
Salut éternel dans le Seigneur.
Comme le culte divin dans toutes les églises reçoit un lustre spécial des hommes
que distinguent l'éclat des vertus et l'attrait de mœurs louables.
Désirant propager notre religion par des personnes de ce genre,
Nous t'accordons à toi, dont la foi, l'habileté et la légalité nous inspirent pleine
confiance dans le Seigneur, par la teneur des présentes lettres, dans le cas où il se
présenterait un clerc de bonnes mœurs, d'honnêtes vertus, capable, sachant suffi-
samment lire, chanter et écrire {conscrivere), n'ayant rien de difforme ou de honteux
174 NOTES SUR LA COMMANDERIE
dans sa personne, né d'un légitime mariage, et s'il n'y a pas d'autre empêchement
canonique, toutes choses néanmoins que nous laissons au jugement de ta conscience,
l'autorisation de le recevoir chanoine et frère de notre monastère et ordre de St-
Antoine dans notre maison de St-Antoine d'Aubenas, de le revêtir de notre habit,
de lui accorder le bénéfice spirituel de notre monastère et ordre, avec toutes les so-
lennités d'usage en telles circonstances, après néanmoins qu'il aura prêté serment,
d'être obéissant et fidèle à nous et à nos successeurs canoniquement institués, et
d'observer de toutes ses forces les statuts de notre monastère et ordre et de remplir
toutes les autres obligations. En foi de quoi nous avons fait faire Icsdites Lettres et
munir de notre sceau. Donné dans notre maison abbatiale l'année MCCCCXLIX le
dernier jour de mai, sur l'ordre dudit abbé, — Jean Probi.
Lesdites Lettres lues par moi, notaire soussigné, mot à mot;
Voulant procéder à la commission donnée par le R. P. en Christ,
l'abbé de St-Antoine ;
Pleinement informé, pour l'avoir eu continuellement sous les yeux,
de l'aptitude, de la probité de mœurs et de l'honnêteté dudit Etienne
de Missolz et sachant qu'il remplit toutes les conditions indiquées
dans les Lettres susdites ;
Après avoir fait audit clerc quelques questions auxquelles il a suffi-
samment répondu ;
Après lui avoir lu les statuts de la maison qu'il a déclaré bien
comprendre, et après qu'il a eu prêté le serment corporel d'être fidèle
et obéissant au seigneur abbé de St-Antoine et à ses successeurs
canoniques ;
Enfin, après toutes les solennités usitées pour la réception des
Frères,
Le commandeur, ayant devant lui ledit Etienne de Missolz se te-
nant humblement à genoux, le revêtit de l'habit, de la puissance et
des insignes de la religion de St-Antoine.
Cela fait, il le conduisit devant le grand autel de l'église, en face
de l'image de saint Antoine, récitant et chantant à haute et intelli-
gible voix le psaume Te Dcum laiidamus, et toutes les autres forma-
lités furent remplies suivant les Lettres de l'abbé de St-Antoine.
Et le Frère Etienne de Missolz demanda qu'il en fût dressé acte
par moi notaire.
Les témoins sont : Religieux FF. Antoine de Bethoa, comman-
deur de Tournon ; Antoine de Plagnol, archiprêtre de Pradelles ;
Pierre Salhencoyta, Claude Gaud, Jean Barlet, Vital de Missolz et
moi Rochette.
DES ANTONINS A AUBENAS. I 7 Ç
L'abbé de St-Antoine, dont il est ici question, est Humbert de
Brion, un des chefs les plus méritants de l'ordre, qui le gouverna de
1438 à 1459. Il mourut, frappé d'une attaque d'apoplexie, après un
discours pathétique qu'il venait de prononcer au chapitre général.
Une énorme dalle historiée, de pierre dure, qu'on peut voir encore
dans une des chapelles de la basilique St-Antoine du Viennois, a
transmis à la postérité son portrait, ses insignes abbatiaux et le
témoignage en vers latins de ses vertus et de ses services (i).
Le 28 février 1456, F. Salhencoyta, commandeur de Gévaudan,
afferme à Danisi Durand les voyages de quêtes de sa commanderie
de Gévaudan, au prix annuel de cent écus d'or du Roi ou de mon-
naie royale valant deux écus et demi, d'un quintal de fromage,
payables savoir: 25 écus à la St-Martin, 25 à la St-Antoine, 25 à
l'octave de Pâques, et les 25 derniers ainsi que les fromages, à la
Madeleine.
Salhencoyta afferme en même temps les voyages de quêtes de la
commanderie d'Aubenas au même Danisi Durand, au prix de 50 li-
vres 5 sols, 45 quartes de froment, autant de seigle et autant d'a-
voine, un quintal de fromage, un quintal de laine, deux quintaux de
chanvre, trois quartes de châtaignes blanches, trois pots d'huile et
mille pieds de porcs. Un nommé Olivier se porte caution pour
Durand.
Le 6 mars 1456, F. Antoine de Bethoa, commandeur de Tournon,
afferme pour trois ans les voyages'. ît quêtes de sa commanderie de
Tournon au F. Jacques Quintin, religieux de St-Antoine, et au
nommé Jean Antoine, pour le prix annuel de 50 moutons ou florins
de bonne monnaie i-oyale. Bethoa promet de remettre aux deux fer-
miers les livres de quêtes pour qu'ils puissent effectuer les voyages.
(La suite au prochain numéro).
D^ FRANCUS.
(i) Voir le texte de cette épilaphe dans l'ouvrage de l'abbé Dassy, p. 171.
MANUSCRITS & INCUNABLES
LITURGIQUES
DU DAUPHÎNE
— — J*-«<»»=S«-
Les livres liturgiques en usage dans l'Église jusqu'à Charlemagne
sont au nombre de six principaux (i) ; — i° le Sacramentaire (sacra-
mentarium, liber sacramentorum) (2), renfermant les prières de la
liturgie proprement dite et de l'administration des sacrements : tout à
la/bis pontifical, missel et rituel, il répond à /'Euchologion des Grecs ;
— 2° le Missel (missale) (3), où est contenu l'ojfice des messes, à
l'usage des évoques et des prêtres : le missel plénier fmissale plena-
rium, [oic simplement plenarium) (4) s'est formé au IX^ siècle de la
réunion des n"^ i , y, ^ et 6 (^) ; — 3" /'Evangéi-iaire (evangeliarium
ou evangelistarium) (6), formé des textes de l'évangile à lire ou à
chanter par le diacre ; — 4" le Lectionnaire (leclionanum) (7),
offrant au sous-diacre les leçons et les épttres (d'où le nom d'episto-
larium (H), en vieux français cpistolier) à réciter : la majeure partie
(i) Mautigny, Diction, des antiquités chrétiennes, fS6'j, p- 37-4-7-
(2) DucANGE, Giossarium médian cl infimcc latinilatis, éd. Didot, l. VI. p. /j.
(3) DuCANGE, t. IV, p. 4^10.
(4) Idem, t. IV, p. 4.11.
(5) Lcop. Delisle, Mémoires sur d'anciens Sacramcntaircs, 1886, p. $7-
(6) DicANGK, l. III, p. 112.
(7) Idem, l. IV, p. 57.
(B) Idem, /. III, p. 6].
MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES. I77
de celles-ci étant de saint Paul, on l'a encore appelé apostolus (i) ; —
5*' le Bénédictionnaire (benedictionalis liber) (2}, renfermant les
bénédictions spéciales aux évêqucs et aux prêtres ; — 6° /'Antipho-
NAiRE (antiphonarium) (3), comprenant les parties de la messe qui
sont chantées par le chœur : on l'a appelé aussi cantatorium (4) et en
France graduale (^), parce quil se plaçait sur un pupitre (gradus).
La liturgie de l'Eglise Romaine est actuellement contenue dans six
livres authentiques : le Missel, le Bréviaire, le Rituel, le Pontifical,
le Cérémonial des évêques et le Martyrologe.
Depuis quelque tejnps les anciennes éditions liturgiques sont deve-
nues l'objet de la poursuite passionnée des amateurs, qui consacrent
souvent à leur acquisition des prix fabuleux. Dès 1S62 Brunet disait
déjà : Les vieux livres de liturgie sont fort recherchés et se payent
même assez cher (6). Que dirait-il aujourd'hui oii le Missel de
Paris de 148g, vendu jadis 20 liv. (7), est mis en vente à ^00 liv.
(10,000 Jr.) ? (8) Il ne paraîtra pas inutile, à un autre point de vue,
d'étudier les antiquités liturgiques de notre province. Ces notes assez
brèves ne préjudicieront pas à des notices plus détaillées : elles auront
l'avantage de/aire connaître des monuments pour la plupart uniques,
exposés par là même à bien des chances de destruction et de dispersion.
VALENCE
1° Coutumier de 1355 environ.
Ce précieux manuscrit est offert en vente par la librairie ancienne
Rosenthal, de Munich, au prix un peu exorbitant de ^000 fr. Il m'a
été donné de ï examiner à loisir, tout récemment, à Grenoble dans le
cabinet du prince des bibliophiles Dauphinois, M. Eug. Chaper.
Le volume primitif (je parlerai en dernier lieu de la reliure actuelle)
mesure en hauteur 26g millim. et en largeur 20<).
Les 6 premiers feuillets, en parchemin réglé à la pointe, renferment
le Calendrier ; il fait mention des saints Dauphinois ou Français qui
(1) DUCANGE, t. I, p. ^24
(2) Idem, t. I, p. 6^9.
(3) Idem, t. I, p. yo^.
(4) Idem, t. H, p. 1 10.
(5) Idem, l. III, p. ^4^.
(6) Manuel du libraire, t. Ill, c. 1774, à lapin de Vart. Missale.
(7) Brunet, t. III, c. 1764.
(8) Bern. Quaritch, Monuments of the early printers, 70 mars 1887. p. 3764.
lyS MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
suivent : — Januarius. 17, Marcelli efpiscop)i conf(essons). 23,
Barnardi episc. conf. 26, Sulpicii episc. 31, Translacio m(arty)rum
Felicis, Fortunati et Achiley, duplex. — Februarius. 5, Aviti episc.
conf., renvoyé au 6. — Aprilis. i, Hugonis episc. conf. 20, Mar-
celini conf. 23, Felicis, Fortunati et Achiley mart. — Maius. ii,
Mamerti atque Majori episcoporum et conf. — Junius. 8, Medardi
episc. conf. 17, Translacio sancti AppoUinaris conf. 28, Yrenei et
sociorum episc. mart. — Augustus. 5, Dedicacionis ecclesie. 12,
Inventionis reliquiarum Valencie. — September. 22, Mauricii et
sociorum ejus mart. 23, Unio ecclesiarum Valentinensis et Diensis.
— October. 5, ApoUinaris episc. conf. — November. 7, Restituti
episc. conf. 14, Ruphi episc. conf. 16, Galle virginis. 18, Romani et
Theofredi martyrum. re7ivoyés au 20. 19, Severini, Exuperii et Feli-
ciani mart. — December. 17, Lazari episc. mart. 2g, Trophimi episc.
conf., renvoyé aie yo.
A^otons encore, aw 25 mars : Mie mutantur equinoctium, anni ab
incarnacione Domini et passione Domini. — Une main postérieure a
ajouté au bas de février les vers suivants :
Tune bisextus erit, per partes iii)'"' equas
Annos partiri cum poteris annos Domini ;
et en mai ceux-ci : Ver fugat Urbanus (25 7naiJ,
Estatem Simphorianus C22 août),
Post venit autumpnus hyempsque,
Et sic totus clauditur annus.
Les feuillets numérotés j à clxxij sont en papier, qui a pour filigrane
deux boules réunies et traversées par une barre terminée en croix ^
chaque quaternion est renforcé par deux onglets en parchemin, lun en
dehors, l'autre en dedans du cahier ; l'écriture ronde, en rouge et noir^
est à deux colomies.
Le titre de l'ouvrage est inscrit en rouge au recto du f° j : ^ In
nomine Domini, amen. Incipiunt consuetudines seu constitutiones,
régule et ordinaciones ecclesie Valentmensîs, secundum usum et
modum ibidem ab olim servatum et consuetum, circa divina officia
exercenda et ordinanda. Et primo in octabis Natalis Domini seu in
festo Circumcisionis ejusdem, et in aliis festis et diebus per anni
circulum ut sequitur. Kalendis januarii, scilicet in octabis Natalis
Domini, sonantur signa duppliciter ut in festo ejusdem — Un
bénédictin, dom E. Bourigaud, a fait sur ce ms. des remarques
qui en indiquent bien l'objet et l'importance : Ce Coutumier de l'église
DU DAUPHINE : VALENCE. 179
de Valence renferme, non-seulement YOrdo ou partie liturgique pro-
prement dite, mais encore les Conslitutiones, les règles de cette
église. Toutes ses différentes parties, réunies sous le nom générique
d'usages possédant déjà un certain degré d'ancienneté, ab olim ser-
vait, ne sont pas extraites d'une règle générale. Spéciales à l'église
de Valence, elles se groupent autour de l'office canonial, célébré avec
un grand éclat et un grand lu.xe d'ornements sacrés. L'esprit de foi
qui régnait alors explique l'abondance de détails liturgiques qui, de
nos jours, seraient retranchés comme une superfétation. Ce principe
surnaturel resplendit à chaque page du volumineux ms. et entre-
tient dans le personnel nombreux de la cathédrale, depuis l'évêque
et l'abbé jusqu'au dernier clericulus, un élan qui subsistera jusqu'à
la fin du XV" siècle.... Ce codex est donc plus qu'un simple cérémo-
nial. Quelques extraits des rubriques en relèveront le prix plus qu'ils
ne le défloreront, bien qu'il ne soit pas à croire qu'on entreprenne
jamais sa publication ititégrale.
F" xviij v° : Si vero fiât festum baculi.... — F" xix : Et notandum
quod, quando episcopus célébrât missam, nullus minister altaris
mitram portare débet nisi solus episcopus. — F"^ xlviij : Ordo ad
cineres. — F° lix v" : Dominica Ramispalmarum ; /" Ix : Pulsata
tercia cum majori campana, conveniunt omnium ecclesiarum con-
ventus cum crucibus suis, et très cruces discooperte feruntur de
dompno et vexilla non portantur ; v° : Floribus benedictis, feruntur
per chorum, offerendo can(onicis) et aliis de choro qui accipere vo-
luerint.... — F° Ixvij, dans /a Letania on mvo.^'we .• sancte Corneli,
s. Cypriane, s. Félix, s. Fortunate, s. Achillee, s. Appollinaris, s.
Avite, sancta Galla. — F" Ixxix, à la fête des saints Félix, Fortunat
et Achillee : finita tercia, fit processio sollempniter... et portatur
archa martyrum.
F° Ixxxij v° .• § Et est sciendum quod diebus martis et mercurii
ante Rogationes, et etiam diebu's martis et mercurii post festum
beati Luce euvangeliste, sancta synodus in ista ecclesia celebratur ;
/"" Ixxxiij : § Et notandum quod in hac synodo maii, primo dicitur
a capellanis synodi missa mortuorum sollempniter, cum processione
consueta. Et fiunt prime exequie supra tumbam dom' Cv"; Lan-
thelmi quondam episcopi Valentinensis (i), que est juxta capellam
Sancti Appollinaris... Et notandum quod, absente episcopo, abbas
(i) Auparavant abbé de la Chaise-Dieu; voir le Nécrologe de St-Robert de Cor-
nillon (Docum. inéd. relat. au Dauphiné, t. H, ^' Hvr.), p. 2,S' et 70.
l80 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
Saonis fde Saou) tenet synodum pro ipso vel vicarius generaiis in
spiritualibus episcopi supradicti.
F° Ixxxiv v°, aicx Rogations : § Pulsata tercia, conveniunt omnium
ecclesiarum consueti venire conventus, videlicet ecclesiarum Sancti
Pétri de Burgo, Sancti Felicis, Sancti Johannis, Sancti Martini,
Sancti Jacobi et Sancti Victoris, cum vexillis seu baneriis et cruci-
bus, ad majorem ecclesiam
F" cxij v" : § Nonas augusti, in dedicatione majoris ecclesie Va-
lentinensis (i), sonantur signa duppliciter cum trignoleto. De même,
f°cxxij: IX kal. octob., in festo unionis ecclesiarum Valentinensis
et Diensis (2). — Touchant la sonnerie des cloches, on trouve ail-
leurs : Sonatur Bauda (f" Ixxxiv v°) ; Sonatur Félix ff° Ixxxix v°j ;
Sonatur classicum ff cv v^j ; voir aussi plus loin.
F° cxlj : Et notandum quod in isto festo (de l'apôtre saint Thomas,
le 21 déc.) quidam clericulus Valentinorum legit alta voce, accen-
tando ut est moris, rythmum electionis episcopi... Pendajit le Te
Deum, assumitur episcopus et ponitur super tumbam marmoream
que est in medio capituli ; puis a lieu l'élection d'un abbé des clercs.
— F^ cxlvj : In festo Sanctorum Innocentum ; y" cxlviij : Post mis-
sam incontinenti fiunt exequie in cyminterio, supra tumbam illius
episcopi qui hoc festo migravit...; J'° cl : Si fiât festurn baculi seu
bordoni..., bordonerius cum capa sua nova in stallo prepositi
Suit un curieux tropc du Deus in adjutorium : « De supernis affero
nuncium », en .^ strophes de ^ vers.
F° cl v" : Recurrendum est exnunc ad principium hujus libri, in
quo libro omnia sunt notala ad plénum, juxta usum ecclesie Valen-
tine, cum regulis generalibus que sequntur. — F^ clj : Sequitur
régula de officiis sanctorum qui remanserunt a die Ascentionis Do-
mini. — F" clij v" : Régula quomodo fit, dicitur et ordinatur officium
iMortuorum per annum in ecclesia Valentina. — F" cliij v" . Rubrica
de officio béate Marie Virginis, quomodo ordinatur per totum an-
num, quando hore dicuntur de ipsa in choro. — F° clvj : Régula de
missis sollempnibus de Cruce, tempore paschali, in diebus venerinis.
— Etc., etc.
P" clvij : In festis pro quibus classicum propulsatur, est preccntor
(1) Par le pape Urbain //, le y août /095 (Jaffé, Keg. pont. Rom., éd. 2» , t. I,
p. 680 ; Bull, d'hist. et d'archcol. du dioc. de Valence, l. If, p. /07-6).
(2) Par le pape Grégoire X, le 2$ sept. i2j^ (Potthast, Hcg. pont. Rum.,
n° 2107S).
DU DAUPHINE : VALENCE. ICI
in choro cum capa serica... De festis pro quibus Bauda tantum-
modo pulsatur ; v° : De pulsatione ca(m)panarum ad horas consuetas
et de modo pulsandi. — b^ dviij : De lecturis ordinandis per annum;
y" dix : Régula de lectionibus ystorie terminandis per magistrum
chori.
F" clxv° : Quomodo dicitur missa pro electione episcopi facienda....
Finita missa, intrant capilulum ad electionem faciendam...; v° : Hiis
peractis, pergunt Vyennam ad faciendam confirmationem. — P"
clxij : Sequitur forma juramenti per electum vel episcopum de novo
receptum ab hactenus consuetum : « Audite, vos clerici Valentine
ecclesie... Ego Gonlardus, mutato nomine... » Ce serment, qui se
poursuit en langue romane, remonte certainement au XF siècle, car
on ne connaît qu'un évêque de Valence du nom de Gontard, dont fat
fixé l'avènement à loôy (i). — Cum autem electus fuerit conse-
cratus et redierit de Vyenna, ipso appropinquante civitatem Va-
lentie — 1° : Régula qualiter recipitur summus pontifex in
adventu suo ad civitatem Valentie... Et simili modo recipitur legatus
de latere missus vel alias apostolice sedis nuncius.
F° clxiij : Régula pro missa nova, quando cantatur. — Régula
qualiter fit quando sanctimoniales consecrantur in ecclesia Valen-
tina...; v" : Et notandum quoai in istis consecrationibus fit sermo
per episcopum vel alium ante euvangelium lingua materna. — Se-
quitur forma juramenti prestandi per abbatem Saonis et priorem
Sancti Felicis, in eorum primo adventu... : sic juravit R. de Bor-
dellis, abbas Saonis (2). — F" clxiiij : Régula de sepultura épis-
copi mortui, canonicorum, clericorum et laycorum....
F° clxix : Sequntur quedam statuta antiqua in generalibus capi-
tulis preteritis édita, que hic ponuntur ut servitores ecclesie sepe
videndo firmiter observent, si perjurium cupiunt evitare. Primo
super servicio altariorum — , F" clxxj v" : Et iste sunt régule,
consuetudines, ordinationes et statuta inter cetera venerabilis eccle-
sie Valentine, correcta et emendata mandato capituli ipsius ecclesie,
(.1) Cartul. de St-Pierrc du Bourg,/». 7. Voir un document en langue vulgaire,
qui rappelle les droits de ceprélat, dans la Rev. des Sociétés savantes, i86y, 4' s.,
t. VI, p. 42]-]2.
(2) Cet abbé de Sainl-Thiers de Saou doit être Raymond qui, institué par le
pape Innocent VI, le 9 janvier i]S3' *^ démit de ses fonctions en i]S'^ (GaUia
Christ, nova, t. XVI, c. y 49). Le Coutumier de Valence nous révèle qu'il était de
Bourdeaux (à 9 kilomètres j / 2 de Saou).
l82 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
anno Domini M° CGC" L" primo (i). Et mandantur per ipsum
capilulum plenius observari ; et si aliqui ipsius ecclesie subjecti
super premissis, quod absit ! in servando négligentes fuerint vel
rebelles, noverint se per ipsum venerabile capitulum graviter pu-
niendos, ad finem quod cedat ceteris in exemplum.
Les parties chantées de l'office sont notées en plain-chant. Le béné-
dictiti cité plus haut fait à cet égard les remarques suivantes : Défi-
gurées par le déchant et les autres manières de chanter alors en
usage, ces mélodies (Grégoriennes) étaient subordonnées aux fan-
taisies plus ou moins artistiques des officiers du chœur, leur vo-
lonté était la suprême règle, notamment lorsque la fête était dite :
fête du bâton. L'office devenait alors une véritable représentation
théâtrale ; les pièces liturgiques, farcies pour la plupart, compor-
taient un rythme emphatique et quelque peu dansant, au grand
détriment du vrai rythme Grégorien, si simple, si naturel et surtout
si suave.... Les éléments farcis de la mélodie sont, à la messe, ré-
ser\'és pour la communion, mais les autres parties chantées, même
les longues vocalises répétées aux versets des alléluias, restent tra-
ditionnelles.
Les ff'. lyy v" et lySr" sont couverts de diverses notes dues aux pro-
priétaires successifs du manuscrit ; en voici quelques-unes, distribuées
aussi chronologiquement que possible : - Sunt folio Vlll^^^. — Iste
Gonstitutiones sunt mei, Ferralhonis. — Libri per Bibliam ordi-
nati :.... Sic est, Ferralhonis.
Si longue sapiens,
Si parvus umilis, ^ J y^^.^^^^ ^^ ^^^^^^ ^^,.^ ,
Si ruphus corde fidelis ,
Hec sunt miracuUa seli.
llcc sunt xiijcim rnisse votive ad peucndum (lire pctcndum) gra-
ciam domini nostri Jhesu Xpisti :.... — Iste Goustumc sunt dom' J.
Fabri (effacé). — Iste liber est dom' johannis Fabri, presbyteri V^a-
lentie, quem legavit dom' Petrus Rebolli, canonicus Valcntic, cujus
anima requiescat in pace, amen.
Anno Domini M" GGG" LXXXIII J'" et die xx;» mensis augusti,
fuit factus clericus ecclesie Valentine Johannes l'abri, filius Poncii
Fabri, de Aur(iisj, nepos Johannis l-'abri, presbyteri Valentie, filius
(i) Celle dalc de i y; i n'est point, comme on Va cru, celle de la rédaction de ce
ms.: il est certainement postérieur à /,'5^ et probablement antérieur à ij^8
(voir la note précéd.).
DU DAUPHINÉ : VALENCE. 183
Guigonis Fabri ; et fuit factus idem Johannes per dom. Durandum
Champelli, presentorem dicte ecclesie Valentine (i).
Ita est per me Johannem Fabri, presbyterum Valentie.
Anno Domini M" CCC° LXXXIX", fuit factus episcopus clerico-
rum Vaientie Johannes Fabri, nepos meus, filius Poncii Fabri, de
Auriis. — Ita est, Johannes Fabri, presbyter Valentie. — Decostitit
michi, omnibus computatis, très flor.
Hec sunt misse de brevi que dicuntur in ecclesia Valentina, de
tempore presenti (13J LXXXX primo : et primo missa D. de Cassa-
natico ; missa H. de Turnone et Johannis de Sancto Anthonio ;
missa R. de Chausenco....
Autre note du 4 décembre 1400, signée : Ita est, Johannes Fabri,
presbyter.
La reliure actuelle du ms. doit remonter à la fin du XVI" siècle :
elle est en simple parchemin et mesure 2(9j millim. de haut et 220 de
large. Sut le plat : Valence. 68 ; au-dessous : 1351, e/ dans une ban-
der olle : COVSTVMIE. Au milieu, deux écus superposés, portant de
gueules à la croix d'argent : ce sont les amies de Valence. On a ajouté
y ff. de papier en tête et i^ à la fin. La note suivante est la dernière
qui nous renseigne sur les péripéties du volume : Mons' Meyssonier,
doyen de l'université de ceste ville de Valence (2), a randu ce livre
a m'" du chapitre de l'esglise cathedralle dudit Valence ; lequel il
avoit trouvé parmy les papiers de m"" le curé Canton d'Armeys, qui
avoit esté maistre de cueur en ladite esglise. Ce 23*= avril 1594, ledit
livre a esté rendu. Pieuse a Dieu que toutz ceulx qui ont des livres,
papiers et documentz ravagés et pilhés au chapitre de ladite esglise
en l'année 1567, que l'esglise cathedralle fust ruynée et démolie par
les hérétiques, eusset faict comme ledit s' Meyssonier ! Nous prierons
Dieu tosjours pour ledit s*" Meyssonier , qui le conserve en ce
monde et en 'aultre paradis.
2° Missel de 1450 environ.
Ce manuscrit fait partie de la belle bibliothèque que M. Paul Giraud,
conseiller à la Cour d'appel de Lyon, a héritée de son oncle, M. Paul-
Emile Giraud, ancien député ; le docte auteur de /'Essai historique
(i) Ce personnage figure, le 2y juin f recèdent, comme prieur séculier de l'église
Saint-Pierre du Dourg-lès-Valence (Cartul. cité, p. y i ).
(2) Sans doute Aymar Meyssonnier, doyen de la faculté de droit (Nadal, Histoire
de l'université de Valence, 1861, p. 122, 12^, 1 2() et jg8)-
184 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
sur l'abbaye de S. Barnard l'avait acheté à Vietme, chez le libraire
Girard, et le fit restaurer et relier par Tripier, successeur de Bradel.
Le volume, tout en vélin, se compose de 6 feuillets non numérotés et
cxlij chiffrés en haut du verso : le ciseau du relieur a souvent entamé
ces cotes, mais elles ont été restituées pour la plupart en chiffres ro-
tnains au XVI'' siècle et en arabes au XVH". Il n'y a aucun signe de
rappel pour les quaternions. Les pages mesurent 208 millim. en hau-
teur et i<)2 en largeur ; les lignes sont légèrement tracées à la pointe.
Les ff. 1-6 renferment le Calendrier ; il contient bon nombre d'ad-
ditions à celui t/u Coutumier : — Jan. i, Clari abbatis {addition
poster.). 23, Benardi {sic)...\ 26, S. episc. et c. 31, T... Achillei. —
Febr. 6, A. e. et c. — Apr. 20, Marcelli episc. et c. 23, F...
Achillei. — Mayus. i, Andeoli mart. 11, M. et Mayoli conf. 23,
Desiderii atque Desiderii mart. — Jun. 6, Claudii episc. et conf.
{add. post.). 7, Sirie virginis {a. p.). 8, M... et c. 16, Ferreoli et
Ferrucionis mart. 28, Hyr. et s. ejus m. 30, Marcialis episc. et conf.
— JuLL. 16, Donnini mart. 21, Victoris mart. — AuG. 5, D-acio e.,
Venancii episc. 8, Severii conf. 12, Invencio r. Valent, ecclesie. 18,
Donati conf. 19, Ludovici conf. 20, Philiberti abbatis et conf. 21,
Privati episc. et mart. 27, Cesarii episc. et conf. 28, Juliani mart.
31, Paulini episc. et conf. — Sept. 19, Ferreoli mart. 23, M. et s. e.
24, U. e. — OcT. I, Germani et Remigii, episc. et conf. 2, Leode-
garii mart. 5, A. e. et c. 6, Fidis v. 12, Octava sancti Appollinaris.
13, Geraldi conf. 17, Florencii episc. et conf. 25, Frontonis episc.
et conf. 26, Vedasti et Amaudi (/. Amandi), episc. et conf. 29, Theu-
derii abbatis. — Nov. 7, R. e. et c. 10, Georgii episc. et conf. 14,
R. e. et c. 16, Galle v. et mart., Eucherii episc. et conf. 17, Aniani
episc. et conf. 18, R. et T. m. 19, S., E. et F. m. 27, Maximi episc.
et conf. 29, Saturnini et S-i mart. — Dec. 17, L. e. et m. 29, T. e. et c.
Auf° j r" commence le propre du temps : Dominica prima adventus
Domini sequitur officium. Ad.... L'initiale de ce dernier mot forme
une délicate peinture lie 55 mill. carrés. Elle est divisée en deux com-
partiments : en haut, le Christ à mi-corps, tenant de la droite sa croix
et de la gauche un livre; en bas, les armes du donateur du livre,
Guillaume bâtard de Poitiers : d'azur, à six besants d'argent, posés y,
2 et I , avec deux bâtons de gueules en brisure, au chef d'or {on les
trouve encore aux ff. ^i v" et 79 r"). Le texte est écrit en lettres rondes
à longues lignes, au nombre de 28 par page, sur une juslijicalion de
755 mill. sur i décim. Les rubriques sont en vermillon. Les initiales
DU DAUPHINÉ : VALENCE. 185
des introïts, oraisons, épîtres, évangiles, secrètes et postcommumons
(compléta) occupent la hauteur de deux lignes et sont alternativement
rouges sur fond bleu et vice versa. Les graduels, offertoires et commu-
nions sont en moindres caractères que le reste. De grandes initiales,
diversement ornementées, toujours entourées de fleurs, se trouvent aux
ff. g V" (Noël), 16 r° (Epiphanie), jy r" (Pâques), 41 v" (Ascension),
4j r" (Pentecôte), 79 r° (canon), 84 r° (sanctoral), 97 r'' (Purifica-
tion), 124 r° (commun des saints) et lyy r" (défunts). Ces offices ne
renferment aucune prose.
F" Ixx r" : § Per adventum dicitur officium béate Marie ut sequi-
tur. — F° Ixxiij r° : ^' Régula de missis solennibus sancte Crucis
tempore Paschali, diebus veneris, officium. — F" Ixxiiij r" : Gloria...
Credo...; v" : ^ Officium béate Marie feria ija XL' (quadragesime).
— F" Ixxvj, préfaces de Cruce, apostolorum, béate Marie, commuais
(d'autres propres sont insérées dans l'office même).
Auf° Ixxviiij r° est une grande miniature représentant le crucifie-
ment, suivant la forme traditionnelle pour le canon de la messe ; on
pourrait signaler dans celui-ci plusieurs différences avec le romaifi.
Après la 2" des oraisons qui précèdent la communion : Item duas
sequentes, si velit : Salve, sancta caro Dei ; et : Mià (=: Anima)
Xpisti, sanctifica me, etc., prière bien induement attribuée à saint
Ignace de Loyola (i). — F" Ixxxiij r" : § Explicit ordinacio misse.
F° Ixxxiiij r" : Incipit proprium sanctorale. Nicholay episcopi et
confessons, officium. — A la Purification on lit cette rubrique (f" c)0
v°) : Hic aspergantur cerei aqua benedicta et thure adoleantur, et
post illuminentur de igné noviter excusso de lapide, et dum illumi-
nantur dicatur antiphona....
F° cxxiij V" : Incipit commune sanctorum non habencium officia
propria. In vigilia unius apostoli.... — F° cxxxj r° : Missa beati
Augustini in honore béate Marie et omnium sanctorum et autres
diverses. — F" cxxxiij r" .• § Incipiunt misse pro deffunctis fidelibus,
qui finissent auf° cxxxvj v°; au r° du suiv. on en a ajouté (XV"" s.)
deux autres pro episcopo vel sacerdote et pro infirmis.
F° cxlj v" (en gothique) : Cest missel a donné Guillaume Bastart
de Poictiers, seigneur de Barri et de Soyans (2), a la chappelle de
(i) Cf. V. Baesten, Une inscription latine à Séville [antérieure à ij6ç] et la
prière « Anima Christi » dans les livres d'heures du moyen âge, dans les Précis
historiques cfe Bruxelles, 1883, 2= sér.,t. XII. p. ô-^o-^y, grav.
(2) Charles de Poitiers, seigneur de Saint- Vallier, avait eu cet enfant naturel sur
Bull. Vif, 1887. 14
l86 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
Seint Andrieu en chappitre a l'esglise de Seint Apolenar de Valence,
pour dire la messe qu'il a fundée en la dicte chappelle a tousjours
mais. La quielle messe se doit dire tous les jours incontinent apprés
que la messe de l'aulbe est dicte. Et tous les lundis de la semmaine
le recteur de la dicte chappelle ou le chappellein qui chantera, apprés
qu'il aura dit la messe, il doit aller faire unne visitacion ou remen-
brance sur la tumbe de très rev(erjend père en Dieu messire Jehan
de Poictiers, jadix evesque de Valence et a présent arcevesque de
Vienne (i), davant le grant autel de la dicte esglise de Seint Appo-
lenar. Et le jour du Corps de Dieu ou la octave apprés, le dit
recteur est tenu de dire unne messe a nocte pour tous les confrères
de la confrérie du dit Corps de Dieu de Valence, qui en sont et qui
en ont esté et qui jamais en seront ; et ycellui jour doit mectre ung
povre en la dicte confrérie au lieu du dit fundateur, affin que le dit
povre prie Dieu pour lui et pour les confrères, et de ce est tenu le
dit recteur de payer einssi qu'ilz font de coustume tous les ans. Item
plus, le maniglier de la dicte esglise, qui que soit, est atenu de
sonner la cloche que le dit fundateur a donnée pour sonner la dicte
messe, la quielle cloche est assise dessus le clostre de la dicte église;
et la doit conmenser de sonner le dit maniglier des le Pater noslcr
de la messe de l'aube jusques ycelle messe soit dicte : et pour ce
faire le dit maniglier a tous les ans ung florin de pension. Et tantost
apprés que la messe de l'aulbe est dicte, le chappellein qui doit dire
la dicte messe fondée en la chappelle de Seint Andrieu se doit re-
vestir et aconmenser sa messe : et ce tous les jours perpétuellement.
Car pour ces charges faire le dit fundateur a donné rentes et pen-
sions, comme il appart par les instrumens sur ce faitz, receux par
la mein de maistre Dumenche Syrot, notaire de Valence, le
l'an mil quatre cens sinquante.
Au-dessous {écriture du temps) : f Iste liber pertinet a me Fran.
Collombier, canonicum et precentorem ecclesie Sancti Apolinaris
Valentie, ce viij" novembre 1609. F. Collombier.
ses vieux jours d'une domestique, à Romans. Guillaume moin ut, très âgé, entre le
2 nov. /•/90 et le 26 juin sniv. (ANSia.Mi:, Ilist. gcncal. de la maison de France,
lyjO, L. Il, p. nj<j-20()).
(1) Jean de Poitiers avait clù liansféic du siège de Valence â celui de Vienne en
/,;^/7 (Mystère des Trois Doms, p. 76,/, n. 2); il niouiul le S nov. 1 IS' cl fut
enterré dans la cathédrale de \'alence (Anski.mi-, o/^. t-/7., p. i<)'))- San père, par son
testament du 18 mars /.//", /;/; avait recommande (hulhunuc. lui cnjdii^nanl de
DU DAUPHINE : VALENCE. I«7
At( v° (/" cxlij) : Ex bibliotheca domini Joannis Challeraci, sacras
theologias doctoris et decani in universitate Valentise, necnon eccle-
sice collegiatae Divi Pétri Burgi canonici , xij kalendas martii
M. DCLXVI.
La même main a inscrit sur le f. de garde {en parchemin) : Missale
PERANTiQUM SECUNDUM usuM ECCLESLE Valenti.'E, titre reproduit au
dos de la reliure inodernc (janséniste, en maroquin noir): le relieur a
ajouté an-dessous : Codex mss. XV""" sœculi.
3° Missel de 1504.
C'est ejicore dans le cabinet de M. Eug. Chaper que se trouve ce
rarissime incunable, dont on ne connaît que deux autres exemplaires :
celui de M. de Terrebasse (i) et celui du Musée Britannique, à Lon-
dres (2). Le xecfiiiXtov de M. Chaper a l'incomparable mérite d'être
imprimé sur vélin ; l'heureux possesseur actuel l'a fait recouvrir d'une
belle reliure en maroquin noir gaufré, à deux fermoirs.
Les pages mesurent 266 millim. en hauteur sur 18^ de large; l'im-
pression, en rouge et noir, à 2 colonnes (leur justification a 2/5 mill.
de haut), est en lettres rondes, de deux corps différents. Le plain-chant
est Tioté à l'ordinaire.
A la suite de deux feuillets blancs : § Missale ad usunz ecclesie Valen-
tinenszs. | peroptime ordinatu;n compleiujn ac diligen|ti cura emen-
datu»i. Cum additione plu-jriu;;? missaru??? scilicet. Uisitationis
béate ma|rie. Transfigurationis domini nostri | iesu xpist'i. De quin-
que plagis. De nomine | iesu. Mortalitatz's vitande. De peccatis | Ac
sancioriwi Anthonii. Claudii. Lazari. | et Rochi. Cum pluribus alijs
in locis 1 propriis, Ac ectiam cum henedlctionibus Kamorum | domi-
nica in palmis. Cerei. Fontiu;??. Sab-lbato sancto et in vigilia pen-
thecostes | Candelaru;». Jn die purificatzonis béate | marie faciendîs.
Cum cantu et notulis | in locis suis necessariis. — Au v" : Régula...
Rubrica... Versus :
le faire étudier jusques à l'âge de douze ans, et de l'envoyer ensuite en Allemagne,
avec un valet et deux chevaux, pour y apprendre la langue Teutonique (p. 200).
(i) Décrit par Brunet, Manuel cite, t. III, c. i//].
(2) Cf. W. H. lac. Weale, Bibliographia liturgica : Catalogus Missalium ritus
latini ab anno M.CCCC.LXXV, impressorum, Londini, 1886, pet. in-^", p. 212.
L'auteur mentionne en outre un Missale Valentinense daté de i^go, qu'il na pas vu
personnellement : peut-être concerne-t-il, comme celui de 1^28 qu'il décrit après le
nôtre de 1^04, l'église de Valence en Espagne.
l88 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
Per dominum dicas, Patrem dum presbyter oras (6 vers).
Notabilia carmina dilig-enter cogitanda :
Tu quicumquc velis missam cantare sacerdos (/o vers).
Les si.x [f. suivants sont occupés par le Calendrier, qui offre sur les
précédents cette addition : Jan. io, Petroni episc. et conf. — Au bas
de février : Bisextum sexte martis tenuere kalende,
Posteriori die celebrabis festa Matthie ;
Tune (com}ne p, lyS)... mi. e. A.p.c.p. D.
Au /"" suivant : Exorcismus salis et aque.
F° i : ^]n notnine sanctissime trinitatis pa/ris j et fîlii et spiritns (i)
sancti amen. Jncipit ordo j missalis secundum ecclesie Valentinensis
vsum I Et primo missarum officia tam dominicalium quam ferialium
per totum anni circulum. Dominica prima adventus Domini, offi-
cium. — La Letania (/" c.lxxij, par erreur pour c.lviij) offre les mêmes
noms que le Coutumier, sauf l'omission de saint Avit. — F" c : § Ex-
pliciunt do?7n"nicalia officia | ac ferialia totius anni.
§ Jncipit ordo sacerdotalis qua-jUter sacerdos se débet habere ad
mis-|sam celebranda;??. iVimomundet conscientiam suam per veram
confessionem, juxta illud Esaye. i. Entre les (]'. c.iiij et cv. se trouvent
deux feuillets non paginés ; au revers du second est gravée la scène
du crucifiement comme dans le Missel précédent. — Le v" du f° c.viij
est blanc.
F° c.ix : § Jncipit sanctorale siue proprium | sanctorum. § Et primo
in festo sancti Stephani prothomartiris, olficium. — Chaque ojjîce a
pour initiale une lettre de la hauteur de 4 lignes, en blanc sur fond
noir. — F" c.lviij v° : § Finit sanctorale.
§ Jncipit commune sanctovum noti habentium offic(za) p?olpria. —
Viennent enfin dijjérentes messes, entre autres : ( /'" c.lxviij v") Missa
qainque vulnerum Christi devotissima, quam ut fertur habuit per
revelationem beatus Gregorius, etc.; (/" c.lxx) Missa de dulcissimo
nomine Jesu, unde papa Bonifacius dédit tam dicentibus quam au-
dientibus tria milia annorum indulgentie, etc.
I-"" c.lxxij h : Missale ad vsum valentinenszs | ecclesie peroptime
ordinatu?n ac | completuni. Explicit Jmpressu/n | valcn//c. per Johan-
ne;;? bclon im-lpressorc;?7. Anno natiuitatis domim \ millesimo quin-
(i) L'imprimeur Jean llelon, mauijuanl de Tu sni monte d'un trail d\ihrèviation,
l'a invariablemeitl remplacé par /'n avec le même signe.
DU DAUPHINÉ : VALENCE. 1 89
gentesimo quar|to. ix. kalendas ianuarii (2^ déc. i^o^). Deo Gratias.
— Au-dessous devait se trouver la marque bien connue de Jean
Belon (i) ; une déchirure à cet endroit de l'exemplaire de M. Chaper
ne permet pas cependant de lajjïrmer avec certitude. — Suivent deux
feuillets blancs.
(i) Brunet, op. cit., t. V, c. 606.
(La suite au prochain numéro).
Ulysse Chevalier.
HISTOIRE RELIGIEUSE
PONT-EN-ROYANS
(ISÈRE)
(Suite)
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Le temps, ce puissant auxiliaire des révolutions, des change-
ments, n'exerça ici qu'une action bien faible et bien lente ; car au
commencement de la Révolution, les propriétaires, les habitants de
la campagne refusaient d'amener leurs bestiaux aux marchés du
Breuil: cette place publique avait servi de cimetière en tout ou en
partie, et était pour eux une terre bénite, qu'ils ne voulaient pas
profaner (i).
Encore régie par les religieux antonins en 1774, date où le R. P.
Fraisse était prieur et curé du Pont, la cure subit une modification
importante à l'occasion de l'union de l'ordre de St-Antoine à celui
(i) Vincent, op. cit., p. 114-6. — Le nouveau cimetière, situé en dehors et au
couchant de la ville, a été abandonné à son tour, vers 1860, pour faire place à
l'actuel, situé au pied de VEsserenne, vers la limite du territoire de Saint-André.
190 HISTOIRE RELIGIEUSE
de iMalte, consommée en 1775. L'acte de cette union portait que le
patronage des bénéfices antoniens appartiendrait aux évêques de
leurs bénéfices respectifs. Aussi, après frère Philibert Fraisse, en-
core curé du Pont en 1778, la cure passa à Etienne Chalvet, prêtre
séculier, à qui, ainsi qu'à son vicaire, les religieux décimateurs assu-
raient un traitement convenable, sans s'immiscer dans l'administra-
tion ni dans la juridiction spirituelle de la paroisse.
Comme l'ordre de Malte refusait de fournir pour logement à M.
Chalvet les vastes bâtiments du prieuré dont on pouvait tirer un
revenu sérieux en l'affermant, le curé obtint du Parlement en 1782
une ordonnance lui donnant recours sur la commune. Celle-ci récla-
ma contre Malte, et de là un procès qui aboutit à la cession par
cet ordre d'une vieille maison dépendante de son enclos et pour la
restauration de laquelle la commune donna 2,000 livres. En septem-
bre 1790, les parties se renvoyaient encore l'honneur de payer les
frais de procédures.
Il paraît que M. Chalvet traversa bravement les orages de la Ré-
volution. Lui ou un autre prêtre du même nom était curé du Pont
en 1797 (ij. Mais indiquons, surtout d'après M. Vincent, quelques
faits de cette période malheureuse.
Aux cris de pat? te et d'indépendance jetés de toute part en 1789, la
population de Pont-en-Royans répondit en créant une garde natio-
nale composée de quatre compagnies et dirigée par des hommes
importants. « Parmi les officiers supérieurs de la nouvelle milice, on
remarquait M. Bellier, trésorier de France, seigneur de Prêles et de
Champeverse, colonel ; M. Pierre-Joseph Thézier, lieutenant-
colonel, et M. Jean-Jacques Terrot de la Valette, ancien lieutenant-
général d'artillerie, major. Un corps de garde fut établi près de cha-
que porte » de la ville.
« lin 1790, les gardes nationaux envovèrent à Saint-A'larcelin une
députation nombreuse, qui assista, le 2 février, à la fête de la fédé-
ration, et jura en leur nom qu'ils sauraient mourir pour le roi et la
Constitution.
" Le 7 septembre de la même année eut lieu dans l'église parois-
siale une cérémonie où les l^onlois manifestèrent ce qu'il y avait
d'ardent, de généreux et de sympathique dans leurs sentiments. »
Ayant appris la mort d'un corps considérable de gardes nationaux
sous les murs de Nancy, ils firent célébrer un service solennel pour
(i) Arch. diverses; — Vincent, op. cit., p. 116.
DE PONT-EN-ROYANS. ICI
le repos de leurs âmes. M. Lagier de Vaugelas, vicaire-général de
Die, fui chargé de l'oraison funèbre, et s'en acquitta avec un talent
remarquable ; « ses paroles, religieusement écoutées, émurent tous
les cœurs et réveillèrent l'amour sacré de la patrie. La municipalité
reconnaissante vota des remercîments à l'orateur, et le pria de lui
remettre une copie de son discours, pour qu'il fût conservé dans les
archives de la ville. »
Jusque-là tout était bien ; mais, hélas ! des scènes d'un autre
genre devaient écœurer tous ceux que n'enivrait pas cet amour de
la nouveauté que César avait surtout remarqué dans notre chère
patrie. Sans trop nous arrêter à ces assemblées primaires, et à ces
élections qui, malgré leur caractère essentiellement profane, avaient
lieu tantôt dans l'église paroissiale, tantôt dans la chapelle des Pé-
nitents, passons à ce décret inique de l'Assemblée nationale qui con-
damnait au feu nos monuments écrits. A Pont-en-Royans, les fer-
vents/)a^rîo/es se chargèrent de son exécution. Tous les papiers des
archives ayant trait à la féodalité et aux ordres de St-Antoine et de
Malte, furent amoncelés sur un bûcher dressé sur la place du Bas-
Breuil, dite alors la Place d'armes, et brûlés en présence des officiers
municipaux. Cet acte de vandalisme n'était d'ailleurs que le prélude
d'autres actes plus stupides et non moins déplorables.
Après avoir poursuivi et immolé les ministres de la religion, les
démagogues français décidèrent l'anéantissement du christianisme
même. Le lo novembre 1793, un décret annonçait que la religion ca-
tholique était abolie et remplacée par le culte de la Raison. Une des
premières conséquences de cette abolition était le dépouillement des
églises, qui, devenues temples décadaires, ne devaient offrir aux re-
gards rien de ce qui peut frapper les sens. Au Pont, le beffroi conte-
nait 4 cloches. La plus pesante était de 282 livres ; la seconde, de
198 ; la troisième, de 169. On enleva ces trois, sous prétexte d'en
faire hommage à la patrie; on ne laissa que la plus petite.
Le 9 nivôse de l'an 2 (29 décembre 1793J, PfJ'J'" célébrer la prise-
de Toulon sur les Anglais, les Pontois assistent à un banquet dit
fraternel, mettent le feu à quelques méchants fagots, puis entonnent
la. Marseillaise et quelques hymnes patriotiques. Une illumination
obligée termina la soirée.
Une réunion d'ardents patriotes, connue sous le nom de Sociale
populaire, tenait ses séances dans l'église du Pont, transformée en
temple de la Raison, le 21 ventôse de l'an 2(11 mars 1794). Inutile
192 HISTOIRE RELIGIEUSE
d'ajouter que là se voyaient pour tous ornements une tribune d'où
tombaient des harangues passionnées, et un autel où montait, aux
fêtes sans-culotides, une femme vêtue du bonnet phrygien. D'ail-
leurs, pour tout changer, même les noms les moins religieux et les
moins féodaux, Pont-en-Royans devint et resta plusieurs mois
Pont-sur-Bourne.
Cependant, tout sentiment noble et généreux n'était pas éteint
dans l'âme de ses habitants. En 1794, le département de l'Isère
ayant offert à la république un vaisseau tout équipé, ils y contri-
buèrent pour la somme de 862 francs ; c'était beaucoup. Là ne s'ar-
rêta pas leur zèle : comme les soldats de l'Etat manquaient de
chaussures, ils en firent confectionner un très grand nombre ; on les
fabriquait avec une activité qui témoignait de l'empressement des
ouvriers, et on les apportait à la commune au retour de chaque dé-
cade. Jusque-là tout était bien. Mais le mieux devint l'ennemi du
bien. La tendance de quelques Pontois à une perfectibilité outrée
amena un curieux combat. Pendant que leurs frères se battaient
en héros dans les plaines de l'Italie, eux se prirent à disputer sur la
forme que devaient avoir les souliers destinés aux soldats républi-
cains ; les uns les voulaient ronds, les autres les voulaient carrés.
Cette querelle eut pourtant une solution pacifique, grâce aux con-
quêtes des armées françaises. Nos braves trouvant dans les capitales
de l'Europe assez de bottiers pour les chausser, la générosité et la
discussion de ceux de Pont-sur-Bourne perdirent leur raison
d'être (i ).
Pendant ce temps, où était le clergé du Pont ? Nous en savons
seulement ceci. Au commencement de 1793, ^'^ culte public était
aboli au F^ont ; mais un prêtre courageux et zélé, l'abbé Célestin, y
fit bientôt quekjues fonctions saintes en secret. Ainsi il y était, caché
chez les sœurs b'ontaine, quand l'auteur de la Notice sur la famille
Terrol, né le 20 mars 1795, fut baptisé P'^^'' ''^'' ^^ 4 juillet suivant (j).
Ii!n 1797 la tempête eut des moments de calme; en lévrier de cette
année « Monsieur le curé Chalvet, du PoiU-cn-Royans », fit audit
lieu les publications d'un mariage que M. Darène bénit en règle à
Echevis, le 27 dudit mois (3).
Au retour définitif de l'ordre, le Pont, ciuoique amoindri, conser-
(i) Vincent, op. cit., p. i 18-2.4.
(2) Notice cit., p. 66.
{-]) Arch. de l'éf^libc d'Echcvis, reg. de calholicilc.
DE PONT-EN-ROYANS.
193
vait cependant quelque chose de sa supériorité sur les communes
voisines. Il était chef-lieu d'un canton composé des communes de
Choranche, de Prêles, de Rencurel, de Châtelus, d'Auberives, de
Saint-Just-de-Claix, de Saint-André, de Saint-Roman, de Beauvoir,
d'Iseron et de Saint-Pierre-de-Cherènes. Au point de vue ecclésias-
tique, il était desservi par un curé de seconde classe, auquel ont été
ordinairement confiées depuis la dignité et les fonctions d'archiprêtre
de tout le canton.
Parmi les ecclésiastiques qui ont occupé le poste, nous connais-
sons MM. Gélinot, Juvenet, Boyoud (devenu en 1859 curé-archi-
prétre de Morestelj, Garcin et (depuis 1864) Seymat, curé actuel.
Grâce à l'intelligence et au zèle pieux de ce dernier, l'église du
Pont, sans avoir les proportions ni la beauté d'un monument archi-
tectural, est du moins propre, bien tenue et pourvue d'ornements et
de vases sacrés fort convenables. Elle se compose d'une nef princi-
pale, terminée au levant par un chœur ou sanctuaire rectangulaire,
et d'une petite nef ou suite de chapelles communiquant les unes
avec les autres dans toute la longueur et au nord de la nef princi-
pale. Le tout reçoit le jour par une série de fenêtres percées dans le
mur méridional.
La population qui n'a guère varié depuis le XVIII'' siècle, se com-
pose seulement de iioo âmes ; mais tous y sont catholiques ; une
seule famille y pratiquait naguère le culte protestant, elle s'est éteinte
depuis une vingtaine d'années.
V. — Chapiclles extérieures.
Outre les chapelles établies dans l'intérieur de l'église et dont
nous avons parlé, on trouvait encore au Pont celles de Sainte-Anne,
de la Ste-Vierge, de Notre-Dame de Grâce, de Saint-Claude et
des Pénitents, Voici nos renseignements sur chacune d'elles.
Sainte-Amie. — Dotée par Guignes Cogne, curé de Saint-André,
elle avait en 1484 Jean Cogne pour chapelain. Le 7 mai de cette
année, Jeanne Chaléon y fondait un anniversaire avec pension an-
nuelle d'un florin, au cas où Guillaume Chaléon, son frère, ne fon-
derait pas la chapelle par lui projetée. Puis, en 1497 nous trouvons
Sainte-Anne à la présentation des héritiers de Guignes Cogne son
fondateur.
Les biens dont elle fut dotée lui restaient encore après les guerres du
XVP siècle, du moins en partie ; car en 1625 le « terrier de Chaléon »
194 HISTOIRE RELIGIEUSE
portait « la maison de la chapelle Sainte-Anne, » alors possédée par
Claude et Jean Cogne. Dès 1678 elle était desservie, S'multané-
ment avec celle de Saint-Claude, par les Antonins, qui retiraient à ce
titre, de toutes ensemble, la somme annuelle de 38 livres 19 sous,
somme portée à 39 livres Tannée suivante. Mais on lit dans un Etat
de la maison de St-Antoine du Pont, de mai 17 17 : « Il y a dans les
états précédents 32 livres énoncées pour messes de fondations des
chapelles de Ste-Anne et St-Claude, auxquelles nous ne satisfaisons
plus, parce que M. Chaléon, qui en est recteur, n"a pas voulu enten-
dre à faire faire les réparations nécessaires dans la chapelle de Ste-
Anne, où il manque une vitre et l'autel n'est pas décent pour y pou-
voir célébrer. Mg-r l'Evêque de Grenoble, faisant sa visite en avril
171 5, aïant delfendu de célébrer la Ste-Messe dans la susdite chapel-
le de Ste-Anne, si M. Chaléon n'y faisoit faire les réparations néces-
saires ; » M. Chaléon en a été averti, mais « il a répondu qu'il satis-
feroit luy-mème auxdites messes. » Du reste, M. Chaléon « ne
payoit que 6 sols de rétribution par messe, et souvent nous tirons »
6 sols 6 den. et même 7 sols pour d'autres messes (i).
La Sainte-V^iergc. — Il y avait dans le château du Pont {in/'ra
caslrum dicti loci) une chapelle dédiée à la Sainte-Vierge (bcata;
Maria;}. Elle existait en 1497, comme le constate le grand pouillé du
diocèse de Grenoble, mais était alors dépourvue de dotation et de
recteur (2). Elle dut périr pendant les guerres du XVl'' siècle.
Notre-Dame de Grâce. — Apparemment distincte de la précéden-
te, cette chapelle, élevée au quartier de Villeneuve (Ville nove Pon-
tis), avait déjà été l'objet d'une fondation faite par Antoine Cybert et
était desservie par lui, en 1506. On y célébrait alors journellement la
sainte messe et d'autres divins offices. E^tienne Déliquat dit lîronde,
habitant de Villeneuve, y fonda, le i" décembre de ladite année,
pour le repos de son âme et de celles de ses parents et bienfaiteurs,
13 messes par an à perpétuité. Il constitua pour cela une pension
annuelle de 15 gros, hypothéquée sur sa maison de N'illeneuve joi-
gnant le rocher de Barret au levant, et rachetable au capital de 25
florins petite monnaie.
Saint-Claude. — Cette chapelle, sous le vocable d'un saint invo-
qué contre la peste, doit peut-être son origine au fléau terrible qui
commençait en mai 1484 à sévir horriblement au Pont. l'^n tout cas,
(1) Arch. delà Dr., fonds de Stc-Croix ; — .Marion, op. cit., p. 360.
(2) .Marion, loc. cit
DE PONT-EN-ROYANS. 195
la chapellenie de Saint-Claude figure dans un acte de 1503 comme
donataire éventuelle d'une pension de 2 florins par an fondée par
Mathieu Chaléou, sacristain du Pont. Plus tard, en 1551, Mathieu
Chaléon, religieux de St-Antoine, prieur de Vassieux, habitant au
Pont, étant vieux et infirme, faisait son testament. 11 y ordonnait
que, sitôt après son décès, on habillât son corps « selon Testât et
qualité de la personne et l'ordre de ladite religîX)n ; item plus, que,
avant que porter sondict corps à l'églize, » fût « dict le psautier par
les religieux du prieuré dud. Pont de Royans, ainsy » qu'il était de
« coustume, » et qu'ensuite on donnât à chacun desd. religieux,
avant le départ de la maison, 3 « sols tournois tous comptant. »
Quant à sa sépulture, le testateur veut qu'elle se fasse « en la cha-
pelle de St-Claude, par luy fondée vers la croix des Rameaux dud.
Pont de Royans, audevant de l'autel, en la chambre qu'il a faict nou-
vellement fere. »
Cette chapelle et ses biens eurent beaucoup à souffrir de la part
des huguenots, car en 1677 le prieur du Pont reprochait à ces der-
niers de s'être «emparés d'un champ qui appartenait à la chapelle de
St-Claude, dont on voyait encore alors « les vestiges. » Le lieu en
conservait encore le nom ; mais les huguenots s'en servaient « pour
enterrer leurs morts, » en suite d'une permutation qu'ils en avaient
faite, quand ils étaient maîtres au Pont, aveq une partie du cimetière
de la paroisse où ils se enterroient. » Aussi le prieur demandait-il
qu'on les obligeât à rendre le petit champ de St-Claude et à en re-
bâtir la chapelle telle qu'ils l'avaient trouvée.
Rien ne nous prouve que ce prieur ait obtenu ce qu'il demandait.
Seulement, nous avons vu que de 1678 à 1715 M. Chaléon, patron
de St-Claude comme de Ste-Anne, en faisait acquitter le service par
les Antonins ; mais que depuis, ce M. Chaléon dit qu'il satisferait
autrement aux messes dont se composait le service (i).
Chapelle des Pénitents. — Il y eut au Pont à partir de 1642 une
confrérie de « Pénitents de l'ordix du St-Sacrement. » Antérieure-
ment à 1675, cette confrérie eut sa chapelle particulière, ou se célé-
braient ses offices particuliers en 1676, 1679, ^^ sans doute plus tard.
Elle était située au-dessus de la place du Breuil, vers la salle de la
justice de paix, c'est-à-dire à l'emplacement depuis longtemps occupé
par la maison d'école (2).
(i) Arch. et fonds cit.
(2) Ibid. ; ViNCKNT, op. cit., p. 96-7 ; — Notice... Terrot, p. 15.
196 HISTOIRE RELIGIEUSE
VI. — Confréries.
De toutes les confréries qui ont pu exister au Pont, nous ne
connaissons que les suivantes :
Confrérie des Pénitents du Très-Saint-Sacrement . — « La confré-
rie des Pénitents, établie à Pont-en-Royans, depuis un temps immé-
morial, parvint, » dit M. l'abbé Vincent, « à se reconstituer en 1642 ;
elle avait sa chapelle particulière, ses offices, ses revenus et son
chapelain. La foi des Pontois qui n'avaient point embrassé l'hérésie
se conservait vive et pure, et presque tous, aux jours de fête et de
solennité, se revêtaient de l'habit du gonfalon. » Voici quelques dé-
tails sur cette confrérie, sur ses membres et sur son service.
Le 7 juin 1676, le Révérend Père Jacques Petichet, religieux de
l'ordre de St-Antoine et prieur du prieuré du Pont, et le Rév. Père
Guillaume Autin, aussi religieux dud. ordre « procureur et curé
au couvent dud.prioré », firent la convention suivante avec « les sieurs
Bonnet, recteur, et Gaspard Allemand, vice-recteur de la confrairie
des confrères pœnitents de l'ordre du St Sacrement du Pont en
Royans, » assistés des sieurs Léonard Bodoin, François Didier,
Antoine Lamberton, Claude Buisson, Pierre Giroud, Jean Joannes,
Jean Faure, Just Terrot, Pierre Albert, Pierre Jordan, Claude Gar-
nier, Nicolas Michas, Pierre Michol, Claude Mathieu, Pierre Flater,
Jean Jourdan, Pierre Terrot, Just Buisson, François Faure et plu-
sieurs autres confrères. Lesd. prieur et procureur s'engagèrent à
dire ou faire dire une messe tous les troisièmes dimanches de cha-
que mois, le Jeudi-Saint, et les jours de la Pentecôte et de la Fête-
Dieu, dans la chapelle desd. Pénitents, et ce pendant trois ans
ayant pris leur commencement aux Pâques dernières, moyennant la
somme de 9 livres par an que payeraient Icsd. confrères. L'acte fut
fait dans la chapelle même de la confrérie.
Par suite, les états du prieuré de 167S et 1679 portent parmi les
revenus de la maison la somme annuelle de 8 livres (et non de 9;,
provenant des messes, c'est-à-dire du « service de la chapelle des
Pénitents. » Mais ce service était sans doute modifié au XV'llF siècle,
puisque les états de 17 17 et années suivantes ne spécifient rien à son
sujet.
llélas ! s'écrie avec raison M. Vincent, pourquoi le spectacle
consolant, et édifiant de cette société « ne nous est-il plus donné
aujourd'hui > l^a confrérie n'existe plus ; cette institution si populaire
DE PONT-EN-ROYANS. 197
et en si grand renom est tombée, comme tant d'autres, sous les
coups de la révolution de 89, et rien n'est resté pour en perpétuer
le souvenir » (i).
Confrérie du Saint-Rosaire. — Depuis déjà longtemps une confré-
rie a été organisée au Pont sous le vocable du Saint-Rosaire, en fa-
veur des dames mariées ou veuves de la paroisse. Elle prospère et
fait le bien aujourd'hui, grâce au zèle éclairé du curé actuel.
Confrérie de l Immaculée-Conception . — Cette confrérie, fondée par-
ticulièrement pour les demoiselles de la paroisse, continue de son côté
à étendre le règne bienfaisant de la dévotion à Marie dans les âmes,
à sanctifier ses propres membres et à édifier le public.
Vil. — Institutions charitables.
Outre les aumônes privées et transitoires faites aux pauvres et
indigents par le clergé et les habitants du Pont, il y a eu dans cette
localité plusieurs institutions de bienfaisance au.xquelles leur carac-
tère de généralité ou de permanence donne un intérêt particulier.
Nous connaissons les suivantes :
Maladrcrie. — Les lépreux furent si nombreux en Dauphiné aux
XIII% XIV" et XV" siècles, que la plupart des villes ou bourgs durent
avoir à quelque distance un terrain destiné à leurs logements. Un
inventaire des biens du prieuré nous apprend qu'en 1406 les Anto-
nins avaient, entre autres fonds, une vigne d'environ 80 fessorées
située en la maladerie et qu'ils possédaient en pur et franc alleu (2).
C'est là une preuve que le Pont a eu sa maladrerie, et il est proba-
ble que les religieux contribuèrent principalement à la fourniture de
l'emplacement.
Hôpital. — M. l'abbé Vincent donne ainsi l'origine de cet établis-
sement : « La peste de 1485, en semant l'épouvante dans nos con-
trées, révéla tout ce qu'il y avait de noble, d'héroïque dans les
sentiments d'amour et de fraternité qu'inspirait la religion en faveur
de ceux que le mal avait frappés. Beaucoup de personnes, dont la
charité se ravivait au souvenir de tant de douleurs non soulagées,
au spectacle de tant de souffrances méconnues, léguèrent en cette
année des sommes suffisantes pour acheter des maisons où l'on
(i) Vincent, op. cit., p. 96-7 ; — Arch. et fonds cit.
(2) Arch. et fonds cit.
198 HISTOIRE RELIGIEUSE
recevrait les malades et les nécessiteux. De là l'origine de plu-
sieurs hôpitaux. La fondation de celui de Pont-en-Royans se rat-
tache à cette époque. Il doit, lui aussi, son existence à une libé-
ralité provoquée par la présence de la peste. Le nom de ses pre-
miers bienfaiteurs n'est point parvenu jusqu'à nous (i). » Bien
que l'honorable historien cite les archives du Pont comme sour-
ce du récit qu'on vient de lire, nous doutons que pour un mal
contagieux et transitoire comme la peste, ont ait établit dans l'in-
térieur du Pont un asile général devenu permanent. Quant à la date
de l'érection, même incertitude. Voici tout ce que des renseignements
positifs nous permettent d'affirmer.
Par suite de la révocation de l'édit de Nantes en 1685, « les reve-
nus de l'hôpital ou bureau de charité des protestants » du Pont « et
les biens du consistoire devaient être frappés par la proscription; on
les confisqua au profit de l'hôpital des catholiques, mais avec la
charge de pourvoir aux besoins des pauvres et des nécessiteux cal-
vinistes » (2).
Cette réunion, des legs et dons nombreux et une antiquité déjà
considérable de l'établissement nous expliquent parfaitement com-
ment ce dernier avait atteint dès 1692 le revenu annuel de 300 livres,
que lui attribue un « dénombrement des hospitaux, maladeries,.. de
Dauphiné » rédigé lad. année (3). Ce chiffre, du reste, est bien petit
à côté de celui de 4,000 livres auquel s'élevaient en 1734 les revenus
du même établissement. Bien plus, ceux-ci furent constamment
augmentés par des legs et des donations. Il est vrai que les charges
croissaient aussi.
Ces revenus « étaient régis soit par un syndic nommé conjointe-
ment par la municipalité et par le curé, soit encore par une adminis-
tration dont le curé était membre-né (4). »
Quant à l'administration intérieure, on songeait vers janvier 1732
à la confier aux sœurs Valenconi, Laprat et Paule, qui habitaient
alors le Potit-en-Royans. Mademoiselle Garant fit son testament en
faveur de ces religieuses en qui nous sonimcs tentés de voir des
religieuses du Très-Saint-Sacremcnt de Boucieu-le-Roi. En tout
(i) VrNCENT, np. cit., p. lo^-j.
(2) Ibid. , p. I oj .
(3) r.iWiolh. de r.rcnolilc, msx. de (hiy AII:nJ. l. VI, p. -13')-)') ; — Arcli. et
fonds cil.
(4) Vincent, op. cit., p. 10,4-5 ^ — Notice... Tcrrol, p. <)S-g.
DE PONT-EN-ROYANS. 199
cas, on trouve aux archives de la Drôme un « Mémoire » rédige vers
1779 R pour Françoise Bourne, femme Lagarde, contre le syndic de
l'hôpital du Pont-en-Royans en revendication des biens de Marie et
Catherine Baty, religieuses dudit hôpital, et en annulation du testa-
ment de Catherine, l'une d'elle (i). »
De cet établissement, emporté par l'orage révolutionnaire, la mai-
son seule est restée debout, avec son titre aujourd'hui mensonger
d'hôpital. Elle avoisine la place du Breuil (2).
Aumône et 2^" de la dîme. — De tout temps l'Eglise a consacré
une partie de ses revenus à secourir les pauvres. Chaque bénéficier
avait à accomplir à ce sujet un devoir sacré. Quelques ordres cepen-
dant avaient été dispensés par Rome de ce devoir envers les pauvres
des localités mêmes où étaient leurs bénéfices, afin de pouvoir mieux
remplir les fonctions essentiellement hospitalières dont ils étaient
chargés. De ce nombre était l'ordre de Saint-Antoine de Viennois.
Néanmoins, les Antonins du Pont ne se dispensaient pas au XVI"*
siècle de faire l'aumône régulière sur leurs revenus aux pauvres du
lieu. Dans un arrentement des revenus prieuraux de ce même lieu,
passé le 7 mars 1564, il est convenu, entre autres choses, que les
« rent-ers » satisferaient, à la décharge des « credicteurs, » aux char-
ges ordinaires du prieuré. Or, parmi « les charges ordinaires accous-
tumées dudict prieuré du Pont, » avait été « de toute ancieneté » et
était encore celle « de fere et donner une aulmonne de pain aulx
pouvres dans ledict prieuré deuls foys chescune sepmaine de l'an,
assavoir le dimanche et le jeudy. » Aussi les Antonins, ayant
remarqué qu'on avait « obmis de fere ladicte aulmonne à la forme
susdicte despuys quinze jours passés ou environ, se plaignirent, et
le 19 décembre 1566, le bailli de Saint-Marcellin prescrivait que les
« rentiers « ou leur caution eussent à continuer ladite aumône.
Le compte du prieuré pour 1673 mentionne 10 sétiers d'ecossm/
donnés pour « l'aumosne chaque dimanche, à la porte, depuis la
Toussaint jusque à Pasque. »
(La fin au prochain numéro).
L. FILLET.
(1) Arch. du monast. du Très-Saint-Sacremenl de Romans, mémoires du P.
Vigne. — Arch. de la Drôme, E, 22 |.
(2) Vincent, op. cit., p. 105 ; — Notice.. .Terrot, p. 15.
RECUEIL DES INSCRIPTIONS CHRÉTIEIES
DU
DIOCÈSE DE VALENCE
(Suite)
y. — Franchises féodales d'Etoile.
NoveriNT \ UNiversi : LiTTerAS \ has \ insPECTz/?-i \ Quod \
ANNO : DomiNi ; M° ': ce" : xl° • un" | ix° | Kahendas \ march j
NOS : Ademaru-s ; FiLiz/s ; com///.s ; V Ahcntinensis : Non \ cir-
CUmVENTI \ NOJl ': SEDUCTI ; ALIQHA | FRAUDE : VCL ] DOLO •
sed \ MKRA I T{et) [ spo/îtanea i volz<7ztate ] pure | simpi.îCî/t'R j
Il 7(e/) : IRREVOCABILî'/eR : INTC?" ; UIVOS : D0NAA1»5 ; LAVDAMZ/.S :
yfe/) : g(cojt)CEmM.us ; pcr : nos \ i{el) \ hcz-edes \ vcl \ succes-
SORES : nos/ros : usqîïc i i7z \ uiFimrum \ omnmus \ uomini-
uiis ': CAST?-/ : de j Stella ■ ^{cl) \ vaus \ MANDAMeuTi \ oui \
NUnC : I771MEDIATE ; NOS/RO ; DOmîNlO \ SVCJACEnT • ^(et) : IH j
P0STERU7n • SVBJACEB?<«T ; OUJUSCUmOlie ; | | SExffS : SinT ; VCL ;
Fue/TNT : nabiTAUTES [ vi j CASxro : Stelle ; 7(c/) : kjus \
MAttDAMcnTO ; ^(ct) ] Qui ; Ha/'rrABU7rr ] m ] futur»;?? \ -/(et) \
EORum ': 1IC?-EDIB?/S : SIUE ; SVCCESSORIBZ/S ■ Ha/nTA7?TIl',?/S [ 17? •
D?C/0 : CAST7-0 ': ']{cl) \ EJ»S \ MA77DAMC77TO ; PLENISSIMA77? ; LlBCr-
TATE/n : Vfc/) : I77?MVNITATE77? i AH \ 077?7?I \ EXACTI077E ; TOVTE ;
7(e<) \ TALiiE \ 7(c/) \ Quis- \\ tk ; qvas ; nos i 7(e;) ; iicrEDES \
VCL : SUCCESSORES \ nos/ri ; r'OSSVMUS i VeL ■; POSSEMZi.S \ AC-
Cipe7-E : 7(e/) ; ExiGcrE \ a : dictis \ womviinus \ 7(e/) -. hctedi-
Bîfs : siVE : svccESS0Rnî7?s \ Kouutn ] iuste • vcl \ hhuste
USV ; UCL \ ABVSU ; 9rC07î)sUETUl)INE ; SMJE J JURE \ JTE77?
Il DONAMzts : lavdamî/s : ^{cl) ': (){cnn)cA:DiMus \ ver [ nos [ "jÇel)
He7EDES : SEU ': svcESSORES I no.s'/ros \ 077?77ii!??s \ uoiuimiius
cast?-?' \ DE ; Stella \ q{el) \ vaus \ mandamc77TI \ ikm \ n.x.is
nui : sunc \ J77?mediatI': ] ad ; nos : perTiNE7iT j ^(et) .- pcjtini
I',?<7?T j OVA777 \ ALIJS '; Qui ] SUUl \ VCL ; KHUHt \ IIO= 1 1 MINICS
VCL : svrijLCTi j milji??;;? \ q{cl) \ CA.cric.onum \ domicellor?^???
7fc/) : M0NASTC7i,i ; sancli ] Marci.li.ini ] vcl '■_ macujus '-, ri:li-
t)U DIOCESE DE VALENCE.
201
Gionis : SEU : ALjORum : viRORzim
IN : CASTro : Stelle : 7(e/) j eius
ihLorum ': sciLjce/ : Q_in ;
MAnDAMenTO • Nunc • uabi-
7(e/) ■• IN : posTERvm j || nabnABwiT | et • He?'EDiBî<s
SIVE j SUCCESSORIBUS • EORUmDEm ; PLENISSIMAm • LJBCrTATEM
7(e/j : n?mvNiTATEm • ab | omni \ ACCEPXionE • REQin'siTionE
7(e/) i EXACTjonE ; feni : ^{ct) ; palee j quod • vcl [ qvaj/z
NOS : ueL :' HerEDES | siue i svcces; |
tudine : siue '• vsu \ accjpc/e j 7re/j
veL : possemus
Per I ARMIGEROS
PALEAm : VCL j
ALJ= Il QVATEN2<5
P7'OMITTE;rrES ; QZtOD
: DOMICELLOS "; V6'L I
FENV?;i : Homuivm \
: Nec • ÇlueRE^\lls •
ores jiuRE : 9(con)suE-
REQî(IRe7E I POSSVMZ/S |
NEQîfC I NOS ': NEQ«e '•
per I ALjos : nominES ;
DZC/ORV?n : ACCJPIEMZiS j
ABSOLVEnTES • HOmiUES •
Nos/ROS : AB : omtii \ ACCEPTionE [ exactjo«e : tovte • tallje •
7(e/) : QMî'sTE j FENI : liet) ] palee [ ']{et) ; HO;uniES \ ALjORu;n ;
soLumMoc/o : ab [ omtii ] exactio/ie : feni \ li^O • palef. j pe-
NITUS : LIBerANTES ; PJ'OMITTEnTES ; Per • NOS ; 7(e/) • He;EDES ;
SIUE \ SVCCES= Il SORES .' NOStROS ; Ttbi '■_ PeTJO ; BonTOS [
BAiULO : Stelle ; stipula;îti | 7{ct) • recipie/îti | NominE ; UNi-
uersiTATis : Hominum j stelle \ 7(e/) '. ei«s j MAnoAMenri ; ad \
HOC [ SPeClALner • 9(con)STITUTO ; quod ; m \ FUTURUm ; DE ':
NOVO I TOVTAS ; TALJAS '■_ QWISTAS ; FENV»Î ; UCL ; PALEA»i j
Non : FACiEMus l Nec ': ||exjgemws ; Nec j aliquo j TemPORe j re-
QUlREmilS ': prOMITTEnTES : DîC/aS | DOnATiOnES ; 9(C0?l)CESSI0«ES •
7(e/) : ABSOLUTionES j TENcrE : ']{et) • 9(co?z)ti<a ; Non • uenire ;
invjOLABiLiTer ] obseruare \ RENtmciAnTES : supeR j his : omni-
Bus : "jÇet) ": specjALiTer | 7('-'0 : EXPressiM ; BeNericzo ; minoris |
ETATjs : 7(e/) I IN : || inTEGRv;n ■ RESTiTUTîonis | ^{et) \ nove j
9jcon)sTiTUTionis : ^{et) \ EXCEPTîoni j doli ; 7(e/) '. in j ractuM ]
ERRORi : 7(e/) : speczALiTer \ legi j Que \ Dicit -, DOnATionEM ;
Fac/AM : sine ï insiNVATzonE | ULTra J d(5 oo) : soLtdos j Non j
VALerE : ut | ita | ualeat | ac | si • esxet j insiNUATA j 7(e/j -,
legi : Que \ uicit | ceNerALEm j RENvnr j| ciATîOnEM "; Non ]
VALerE : 7(e/) | o;nni J lURi ; CAnoNico j 7(e/) • ciuili \ Qiio •
POSSEMws : ALiQuo ] TemPORe ': nos j tueri '• uzsuper | nos j
Ademarus ■ FiLius ': comtis ] VALentiNensis •' tactis ; saiictjs [
Eua7iGeLjis : iuram»s ; 7(e/) • proMiTTiMîts : omniA ; svpraDîC-
/a I l{st) ': QUE LiBCT ■; preDîC^ORUm j rata ; 7(e/) : firma |
perPETUO : HABerE j 7re/) \ TENerE [ Nec 1 RationE \ veL | oc-
casîOnE : aliciijus ] 9(co7î)svetudinis : vsus \ statutj • lURis •
Bull. VH, 1887. 15
202 INSCRIPTIONS CHRETIENNES
CA720?HCJ ; VCL '■_ CJUILIS j IVOMULGATJ | VGL \ P;0A1LILGA»2DI j
g{co}i)rra j P7\rD2C/A' ; aliqz^o \ reniPORe l ueniemz^s \ sed ] m-
UIOLABILiVcR : OBSERUABIMZtS | 0???7MA .• PrCDl'ctX : '/{et) : SIUGWLA |
preDîC/ORv;» j Acta | sunt ] uec \ || auno • mensK \ die \ Qui-
Biis \ svp7\.7 ': APiid \ Stella;;/ ; i;; • platea [ aiali j 9(co?î)silii •
prcsE;iTin;^s ] ~{t-'l) • ad \ une '■_ vocatis ; testjb;<s [ GiRBerNO ;
pr/oRE \ s.7nc/j : Marcellini | Gi{raiuio) | Bastet j Amarico I
DE : Rupe : fortj | Ugo;ze [ de ; Pet;^ \ Gorda • \l\i(miin-
do) \ DE \ T0RN0;2C ; MILITJBÎ2S \ GuiLLc/;;;0 : BfJ-TRANT '; || Bc-
rENGARIO \ DE \ BaLASTA \ rARE;ïT0;îE \ DE \ RlUO : SICCO \
Boua \ FiDE : Salie72Tis : Pe/?-o \ de \ Bais ; 7(e/) ; plî«-ib;;s \
ALiis : insiipeR [ nos •' AÇdemarus) [ filius ; coMÏtis ; Y Ahentinen-
sis :' P7-esE;zs | scrïPTinn \ uolvimz/s i fieri j ad • perPETUA;?? \
REi \ memoria;;? • T(ct) • F/rMiTATE;;z \ habenda;;? \
« Sachent tous ceux qui verront ces lettres, que Tan du Seigneur
1244, et le neuvième jour avant les calendes de mars (21 février),
nous, Aimar, fils du comte de Valentinois, sans avoir été circonvenu
ni séduit par aucune fraude ou tromperie, mais de notre volonté
franche et spontanée, donnons, approuvons (laudamus) et concédons,
purement, simplement et irrévocablement par acte entre vifs, pour
nous et nos héritiers ou successeurs indéfiniment, à tous les habi-
tants du lieu fortifié (castri) d'Etoile et de son mandement qui sont
directement soumis à notre juridiction ou qui en dépendront à l'a-
venir, quel que soit ou doive être leur sexe, habitant dans le lieu
d'Ktoile ou son mandement, ou qui y habiteront à l'avenir, à leurs
héritiers ou successeurs habitant au dit lieu et son mandement, li-
berté et franchise la plus entière de toute exaction, impôt, taille ou
corvée que nous et nos héritiers ou successeurs pouvons ou pour-
rions percevoir et exiger des dits habitants et de leurs héritiers ou
successeurs, justement ou injustement, en vertu d'un usage ou d'un
abus, d'une coutume ou d'un droit. De même nous donnons, accor-
dons et concédons, pour nous et nos héritiers ou successeurs, à
tous les habitants du lieu d"i"]toilc et de son mandement, tant à ceux
qui dépendent actuellement de notre juridiction immédiate ou en
relèveront plus tard, qu'à ceux qui sont ou seront vassaux ou sujets
des chevaliers, des clercs ou des damoiseaux, et du monastère de
Sl-Marcellin, ou de c]uclquc autre ordre religieux ou d'autres per
sonnages, pourvu qu'ils habitent ou soient devant habiter à l'avenir
DU DIOCESE DE VALENCE. 2O3
dans le lieu d'Etoile ou son mandement, ou à leurs héritiers et suc-
cesseurs, liberté et immunité pleine et entière de toute redevance,
réquisition ou exaction de foin et de paille, lequel ou laquelle nous
et nos héritiers ou successeurs pouvons ou pourrions percevoir ou
requérir en vertu d'un droit ou d'une coutume ; promettant que nous
ne percevrons ni ne réclamerons jamais, ni par nous-même, ni par
nos hommes d'armes, damoiseaux ou autres personnes, la paille et
le foin des dits habitants, exonérant et affranchissant entièrement
nos vassaux de toute perception ou exaction d'impôt, de taille et de
la réquisition du foin ou de la paille ; et ceux qui dépendent d'une
autre juridiction (homines aliorum), seulement de la réquisition du
foin et de la paille ; promettant pour nous et nos héritiers ou suc-
cesseurs à vous, Pierre Bontos, bailli d'Etoile, stipulant et recevant
au nom de la communauté des habitants d'Etoile et de son mande-
ment, spécialement constitué à cet effet, que nous n'établirons ni
n'exigerons à l'avenir aucun nouvel impôt, taille, réquisition, foin
ou paille, et que nous n'en réclamerons jamais en aucun temps ;
promettant de maintenir et d'observer inviolablement les dites do-
nations, concessions et franchises, et de ne jamais y contrevenir;
renonçant pour toutes ces choses spécialement et expressément au
bénéfice de l'âge mineur, de la restitution dans son entier, et d'une
nouvelle constitution, et à toute exception de tromperie ou d'erreur
dans le fait, et spécialement encore à la disposition de la loi d'après
laquelle une donation faite sans insinuation demeure sans effet lors-
qu'elle dépasse 500 sols, de telle sorte qu'elle ait autant de valeur
que si elle avait été insinuée ; et à la loi qui frappe de nullité une re-
nonciation générale, et à tout droit canonique ou civil dont nous pour-
rions nous couvrir, en quelque temps que ce soit. De plus, nous,
Adhémar, fils du comte de V'alentinois, nous jurons et promettons,
la main sur les saints Evangiles, de garder toujours toutes les fran-
chises ci-dessus, dans leur ensemble et dans leurs détails, de les con-
sidérer comme perpétuelles et irrévocables, et de ne jamais y contre-
venir sous prétexte ou à l'occasion d'aucune coutume, usage, droit
canon ou civil, promulgué ou à promulguer: mais d'observer invio-
lablement toutes les clauses convenues ci-dessus et chacune d'entre
elles. — Fait à Etoile, sur la place du Mauvais-Conseil, l'an, mois et
jour que dessus, en présence des témoins spécialement convoqués à
cet effet : Girberne, prieur de St-Marcellin, Giraud Bastet, Amaury de
Rochefort, Hugues de Pierregourde, Raimond de Tournon, cheva-
204 INSCRIPTIONS CHRETIENNES
liers ; Guillaume Bertrand, Bérenger de la Balaste, Jarenton de
Rieussec, Bonnefoi de Saillans, Pierre de Bais et plusieurs autres.
Déplus, nous, Adhémar, fils du comte de Valentinois, avons voulu
que le présent acte fut dressé, pour en perpétuer le souvenir et en
assurer la stabilité. »
Cette magnifique inscription est gravée sur une table de marbre
gris, presque noir, imitant celui de Chomérac. Elle est encastrée au-
dessus de la belle porte latérale de l'église d'Etoile, et mesure i m.
63 cent, de longueur sur 0,57 de hauteur. Elle a dij être placée là
au moment où on construisait la dite porte, dont elle complète la
décoration en comblant le vide du tympan. On voit encore aux
quatre coins des gonds ou crampons en fer destinés à maintenir un
grillage, qui la recouvrait autrefois et qui protégeait ce précieux
monument contre les dégradations malveillantes ou intéressées. Les
seize lignes dont l'inscription se compose sont peintes alternative-
ment en rouge et en bleu ; mais la couleur, qui ornait les lettres -
sans en remplir les creux, est presque effacée. Les caractères affec-
tent la forme la plus élégante de la belle écriture onciale du XII^
siècle; ils mesurent 0,032 millim. de hauteur; leurs proportions
sont très régulières, et ils sont alignés avec un art parfait : pas la
plus petite incorrection orthographique ou grammaticale dans le
texte; pas la moindre erreur dans la disposition des lettres ou dans
leur gravure. La contexture des abréviations dénote une main sa-
vante et une connaissance approfondie de la science épigraphique.
On a dû requérir pour cette oeuvre le sculpteur le plus habile, ayant
dans le ciseau autant de goût que de finesse, aussi lettré qu'exercé
dans son art, versé dans les formules scripturales des tabellions,
dont il a su reproduire sur le marbre les plus savantes et les plus
ingénieuses dispositions. C'est, en un mot, un travail achevé. On
voit que rien n'a été négligé pour en faire un vrai monument, le
livre d'or des habitants d'Etoile, consacrant d'une manière éclatante
et faisant briller à tous les yeux les titres authentiques de leurs pri-
vilèges et de leurs libertés, l-'iers et jaloux de leurs franchises, ils les
inscrivirent sur le frontispice du monument public dans lequel, à
cette époque, s'identifiait la communauté et en qui se résumaient ses
intérêts les plus sacrés. 11 n'y avait pas alors d'autre maison de ville
c|ue l'église ; elle était comme le C(eur de la cité, le centre et le foyer
de sa vie et de son activité intellectuelle et morale. Tous les actes
DU DIOCÈSE DE VALENCE. 2O5
importants non-seulement de la vie religieuse, mais aussi de l'ordre
civil, étaient placés sous la sauvegarde de la religion, et bien souvent
accomplis dans l'enceinte du sanctuaire et au pied des autels, afin
d'acquérir par là aux yeux des populations un caractère plus sacré
et plus inviolable (i). Ce fut à ce sentiment qu'obéirent les habitants
d'Étoile, en identifiant pour ainsi dire leurs libertés civiles au remar-
quable monument de leur foi religieuse. « Il y avait là, ce me semble,
dit l'abbé Vincent, une bonne inspiration ; c'était mettre sous la pro-
tection de la religion, elle qui ne passe pas, des droits qu'on crai-
gnait pouvoir être enlevés. Le manant qui allait prier apercevait ce
témoignage de la générosité de son seigneur, et puis entré dans le
saint édifice, il demandait au ciel ses faveurs et ses bénédictions
pour ceux qui lui rendaient, à lui, pauvre homme de peine, la vie
moins rude et moins laborieuse » (2).
Pour achever la description matérielle de notre inscription, les
lignes dont elle se compose sont tracées entre deux traits parallèles
à peine visibles et destinés à guider la main de l'artiste pour la hau-
teur des lettres. Leur distance entre deux lignes est d'un centimètre
environ ; c'est dans cet intervalle que sont gravés les traits abré-
viatifs et les lettres minuscules. Les mots sont séparés entre eux par
trois points. Les abréviations abondent, et sont parfois considé-
rables ; elles portent surtout sur la syllabe er, sur les lettres M et N
entre deux voyelles, et sur une foule de finales. Outre les abrévia-
tions consacrées pour us, per et pro, on trouve aussi la figure 9 pour
con, qui ne se rencontre guère que dans les parchemins. Les doubles
SS ont également la forme allongée qui les fait ressembler à des ff,
comme dans les manuscrits. On remarque du reste une grande ana-
logie entre les abréviations de notre texte et celles des chartes.
D'ailleurs, comme on le voit, cette longue inscription n'est que la
reproduction d'une charte, qui était sans doute déjà écrite sur par-
chemin, et qui devait être sous les yeux du marbrier pendant qu'il
la gravait.
On sait comment, au Xll" et au XllL siècles, les populations cher-
chèrent à s'affranchir des charges et des servitudes féodales qui
pesaient sur elles, et comment la plupart des villes obtinrent de leurs
(i) C'est ainsi que l'acte de cession du Dauphiné à la France a été signé par le
dauphin Humbert II dans l'église de S.-Barnard de Romans.
(2) Notice historique sur Étoile (Valence, Marc-Aurel, 1852, in-i8), p. 17.
206 INSCRIPTIONS CHRÉTIENNES
seigneurs, ou plutôt leur arrachèrent des chartes de franchises, en
vertu desquelles elles s'organisaient en communautés indépendantes
et s'administraient elles-mêmes. Nous ne nous arrêterons pas à dé-
crire ici ce grand mouvement social connu sous le nom d'affranchis-
sement des communes, et qui a laissé tant de traces dans l'histoire.
Nous rappellerons seulement que l'exemple donné par les grandes
villes fut imité par les plus modestes bourgades, qui voulurent elles
aussi avoir leurs franchises et s'organiser en communes, c'est-à-dire
en corps de municipalités indépendantes, ayant le pouvoir de s'admi-
nistrer par elles-mêmes ; et d'ordinaire, celles-ci étaient d'autant
plus jalouses de leurs privilèges et de leurs franchises et les procla-
maient d'autant plus haut qu'elles étaient plus insignifiantes comme
importance, et qu'elles paraissaient avoir eu moins de titres à les
obtenir. Nous voyons de plus que les franchises plus récentes repro-
duisent en les amplifiant celles accordées précédemment, principa-
lement aux. villes et communautés voisines. C'est ce que l'on peut
observer dans la charte communale d'Etoile ; elle est plus étendue
qu'aucune de celles qui l'ont précédée, du moins dans la région. Les
franchises féodales de Crest, concédées en 1188 par Aimar de Poi-
tiers, comte de Valentinois, se l'ésument en quelques lignes ; celles
accordées, dix ans après (i 198), par Géraud et Lambert Adhémar,
seigneurs de Montélimar, aux habitants de cette ville, sont un peu
plus étendues et énumèrent un plus grand nombre d'immunités.
Jalouse de ces deux cités voisines. Etoile voulut aussi avoir sa charte
communale, et l'obtint un demi-siècle plus tard, mais plus large et
plus explicite encore. C'est l'une des plus intéressantes que nous
connaissions.
Aimar III de Poitiers, qui octroya celte charte, était le pctil-(ils
dAimar II, l'auteur des franchises de Crest. Guillaume 111 de Poi-
tiers, comte de Valentinois, son père, était mort dès 122O, le laissant
en bas âge et peut-être au berceau, puiscjne, à la date de notre ins-
cription (12.42J, Aimar était encore tout jeune, comme il le déclare
lui-même, en renonçant au bénéfice de la minorité (bciiclicio )ui)i07is
.vlalis), qui lui eût permis de revendiquer plus tard la nullité de sa
donation. Il stipule solennellement toutes les clauses de sa conces-
sion en présence de nombreux témoins, réunis sur la place du
Mauvais-Conseil, entre les mains de Pierre Bontos, bailli d'Iùoile :
ce qui dénote que déjà la communauté était organisée et avait ses
administrateurs et ses magistrats. Ce fut donc plutôt la reconnais-
DU DIOCÈSE DE VALENCE. 20?
sance d'un état de choses déjà établi qu'une vraie concession que
consentit le jeune seigneur en faveur de ses vassaux d'Etoile, ou s'il
leur accorda des immunités nouvelles, ce ne furent plus que des
privilèg-es accessoires destinés à compléter l'autonomie communale
et à faciliter l'exercice et le fonctionnement régulier des libertés pré-
cédemment acquises. C'est ainsi du reste que les choses se passèrent
à peu près partout : les seigneurs durent obtempérer à des revendi-
cations qui s'imposaient à eux d'une manière impérieuse et dans des
conditions inéluctables, et ils ne firent que céder de bonne grâce ce
qu'ils ne pouvaient refuser (i).
Le monastère de St-Marcellin, dont les religieux et les serviteurs
sont déclarés exempts de tailles et de corvées, comme les autres ha-
bitants d'Étoile, et dont le prieur Girberne figure en tète des témoins
de la charte des franchises, était un ancien prieuré dépendant de
l'abbaye de St-Chaffre, dans le Velay. On en voit encore, à un kilo-
mètre environ au midi du bourg, les bâtiments claustraux en partie
conser\'és. Les religieux étaient chargés du service de la paroisse,
et plus tard, nous voyons le curé d'Etoile nommé sur la présentation
du prieur commendataire de St-Marcellin. Celui-ci conserva tou-
jours la préséance, et le prêtre désigné par lui pour remplir à sa
place les fonctions curiales prenait tout modestement le titre de vi-
caire perpétuel, se reconnaissant ainsi comme le délégué du prieur,
curé primitif de la paroisse. Dans le principe, non-seulement il en
avait les prérogatives, mais il en exerçait les fonctions. Aussi ne
voyons-nous figurer aucun autre prêtre parmi les témoins mention-
nés dans l'acte d'affranchissement, où, assurément on n'eût pas
manqué de faire intervenir celui de la paroisse, s'il y avait eu alors
à Etoile un curé dans l'acception actuelle du mot.
Le texte de notre charte renferme certaines expressions emprun-
tées au droit féodal, commue qiiista, touta, tallia, etc. Ce dernier mot
est resté dans notre langue ; quant au mot touta ou tolta (que nous
retrouverons sous cette dernière orthographe dans la charte de
Montélimar), il tire son origine et sa signification du verbe tollere,
et désigne en général toute redevance, exaction ou impôt qui était
perçu en vertu des usages ou des abus féodaux ; on pourrait le tra-
duire exactement par le mot levée. Quant aux renonciations qui ter-
Ci) Voir sur les franchises communales Augustin THiERr<Y, Lettres sur Vhistoire
de France, pp. 204 à 410 ; — Dix ans d'études historiques, pp. 252 et 320 ; —
Essai sur Vhistoire du Tiers-Etat, pp. 408 à 490.
208 INSCRIPTIONS CHRETIENNES.
minent la charte, on les retrouve formulées à peu près dans les
mêmes termes pendant tout le moyen-âge dans la plupart des actes
relatifs à des contrats.
M. Delacroix a donné, dans la seconde édition de sa Statistique de la
Drôme, une traduction absolument inexacte de la charte des franchi-
ses d'Etoile. Elle a été reproduite telle quelle par l'abbé Vincent ( i)- Ni
l'un ni l'autre de ces auteurs ne paraît en avoir lu l'original, qui est,
du reste, difficile à distinguer à l'œil nu, à cause de l'élévation consi-
dérable où il se trouve, à quatre mètres environ au-dessus du sol.
Le premier cependant paraît avoir eu sous les yeux une copie de ce
document, à en juger par certains mots du texte latin qu'il cite entre
parenthèses à l'appui de sa traduction ; mais ils ne sont pas con-
formes à celui de l'inscription, comme quœsitx, au lieu de quistce, ou
ne s'y trouvent pas du tout, comme conductce ; sans parler de ceux
qui y sont omis, ou qu'il a traduits de travers ; c'est ainsi qu'il croit
voir des gendarmes dans domiccUos, tandis que le mot armii^eros^
qui a ce sens, est omis à pieds joints. Mais ce qu'il y a de plus plai-
sant, c'est le curieux quiproquo auquel il se livre en prenant les
mots toute et tallie pour du français, dont il fait le barbarisme
toutes tasc/ies. Au moins aurait-il dû laisser à ces mots leur véritable
orthographe, qui se rapprochait encore plus de la forme française
et du sens qu'il veut leur donner (2).
Les mêmes auteurs citent aussi l'acte de confirmation des fran-
chises d'Etoile, qui fut donné à Lyon par l'empereur Sigismond, le
3 février 14 16.
On voit au musée de Valence un moulage en plâtre de l'inscrip-
tion des franchises d'Etoile ; mais ce n'est qu'une reproduction par-
tielle, qui comprend seulement les quatre premières lignes jusqu'à
un tiers environ de leur longueur. La première s'arrête à la fin de la
date, et comprend encore l'abréviation kl ; les trois autres s'étendent
jusqu'aux mots correspondants : peu nos et iieredes.... qui habi-
TABUNT et possuMus VEL. Cette reproduction, d'une exécution
parfaite, mesure 0,55 centim. de longueur sur 0,15 de hauteur.
Quoique bien connue, l'inscription d'iùoile était encore inédile.
Il n'en existait que des traductions.
• (1) Notice historique sur lùoile. p. i \.
(2) Loco cit.. p. 505 .
(La suite au prochain nuiucro.j
CviRiEN PERROSSIER.
MYSTÈRE
DES TROIS DOMS
JOUÉ A ROMANS EN 1509
(Suite).
On comprend l'impatience avec laquelle un personnage aussi re-
nommé était attendu à Romans, et tout le fruit qu'on s'y promettait
de sa coopération. 11 y vint, y passa quelques jours, et n'y fit rien.
Sans doute son esprit indépendant ne put se plier au joug d'un tra-
vail commun. Chevalet, avec tous les défauts de son temps, qu'il
outre encore, trivial, grossier, obscène, montre cependant, dans le
seul ouvrage qui nous reste de lui, une versification facile, de l'ima-
gination, de la verve et un penchant décidé pour la satire, toutes
qualités qui expliquent fort bien son éloignement pour composer en
société et pour se faire, comme on le désirait, le « coadjuteur » d'au-
trui. Aussi, après un séjour d'une semaine environ, reprit-il le che-
min de \'ienne, « pour ce qu'il ne volit pas », dit naïvement le
manuscrit, « besoigner avec le chanoine Pra », et une indemnité de
10 florins 8 sols, non compris sa dépense, lui fut comptée pour son
voyage. Nous verrons bientôt que, malgré ce refus, on eut encore
recours à lui.
Voilà donc le chanoine Pra réduit à ses propres inspirations,
dont il n'était pas même tout-à-fait le maître, et qu'il devait sou-
Bull. VII, 1887. 16
MYSTERK DES TROIS DOMS
mettre de temps en temps aux lumières et au contrôle des commis-
saires romanais : singulière manière de travailler pour un écrivain,
surtout pour un poète, et qui est probablement entrée pour beau-
coup dans la détermination prise par Chevalet ; mais le bon chanoine
s'y conformait avec une entière docilité. A mesure qu'un livre était
achevé, les commissaires s'assemblaient à la maison de ville, et là
le chanoine Pra leur en donnait connaissance. C'était ce qu'on appe-
lait « visiter le livre ». Ces « visites » furent assez répétées et accom-
pagnées sans doute de nombreuses observations critiques, car
nous voyons un article de dépense, le 28 janvier, pour relever plu-
sieurs V. fautes au livre du second jour » et, vers la fin de février, des
séances où l'on a vaqué « jours et nuits » pour « adresser » les
livres du jeu (1), c'est-à-dire pour y opérer les changements et les
rectifications nécessaires. Le pauvre auteur devait faire là une triste
figure, et son manuscrit devait sortir tout mutilé d'une si rude
épreuve. Les corrections qu'on lui fit subir furent telles, qu'il fallut
le recopier en entier et refaire les rôles des trois jours ; et il fut alloué
à Pra, indépendamment de ses honoraires, une somme de neuf flo-
rins, juste rémunération de ce surcroit de travail (2).
Enfin, vers les premiers jours de mars, la pièce était complète ;
les trois livres purent être transcrits sur la minute de l'auteur par
trois notaires, qui reçurent pour cette tâche un égal salaire de 28
sols chacun (3J. C'est à ce moment que les rôles durent être dis-
tribués.
On sait, et les exemples abondent à l'appui, que l'empressement
était grand à figurer dans ces représentations solennelles : ecclésias-
tiques et séculiers, nobles et bourgeois, artisans eux-mêmes, tous y
apportaient leur concours. C'est ce qui a fait « dire que la moitié
d'une ville était chargée d'amuser l'autre » (4). Le nombre considé-
rable de personnages, dont se composaient ordinairement ces dra-
mes, permettait de satisfaire à beaucoup de demandes et laissait
une grande latitude dans la répartition des rôles ; on en comptait 98
pour le Mystère de la vie des Trois Martyrs, et 3Ô dans la Transla-
tion qui suivait.
Grâce au manuscrit original du Mystère nous connaissons « les
(i) Pp. 602 et 604.
(2) V. 604.
(3) P. 612.
(4) Onés. Le Roy, Etudes sur les Mystères, Paris, 1837, in-S", p. 115.
JOUE A ROMANS EN I 5O9. 211
noms et surnoms » detous ceux qui y remplirent les rôles (i). Les
acteurs appartiennent aux premières maisons de la ville. C'est le
maître de la monnaie, Girard Chastaing ; le juge de la ville, mes-
sire Louis Perrier; quatre nobles: Etienne Combes, Humbert Odoard,
Guillaume Tardivon et Claude Gateblet ; le curé de St-Barnard,
messire Antoine de St-Pierre; un cordelier, frère Gago; « monsieur »
le chanoine Chastillon ; enfin lofficial lui-même, Charles Veilheu,
c'est-à-dire lecclésiastique chargé des pouvoirs de l'archevêque de
'Vienne à Romans, et l'un des plus importants personnages de la
cité, non seulement avait accepté un rôle, mais encore avait mis sa
salle d'audience à la disposition des commissaires pour les répéti-
tions. C'est qu'en effet jouer un Mystère était aux yeux du peuple un
acte pieux, et ceux qui pouvaient y tenir utilement leur place se lai-
saient un devoir et un point d'honneur religieux d'y paraître.
IV
Nous allons maintenant laisser un peu nos acteurs étudier leurs
rôles et se préparer pour le jour solennel de la représentation, et
nous nous occuperons du théâtre même sur lequel ils devaient
s'essayer, et de la partie pour ainsi dire matérielle du jeu.
Elle n'avait point été négligée par les commissaires. Dès le 30 dé-
cembre 1508, un marché avait été passé avec trois chappuis (char-
pentiers; de Romans : Jean Lambert, dit Caffiot, Jean Roux et
Pierre Pérai, qui s'obligeaient à construire les échafauds et la plate-
forme pour le Mystère des Trois Martyrs, ainsi que les châteaux,
villes, tours, tournelles, paradis, enfer ; à fournir les grosses pièces
pour les piliers des tentes et généralement tous les ouvrages en bois
concernant \ts feintes ou décorations, moyennant le prix de 412 flo-
rins {2).
Ces travaux devaient être établis dans la cour du couvent des
Cordeliers, emplacement offert, comme nous l'avons déjà vu, par les
religieux et accepté par la ville. Ce local a peu changé depuis trois
siècles ; son nom a même survécu dans le langage ordinaire à la
destruction du monastère, mais ses alentours et sa destination se
sont singulièrement modifiés. Aujourd'hui c'est une promenade
(i) P. 593-7.
(2) Pp. 600, 637 et 796-801.
212 MYSTERE DES TROIS DOMS
fréquentée, qui se lie par des sentiers habilement ménagés à la pro-
menade supérieure, et sur laquelle s'ouvrent nos établissements
publics les plus importants : la justice de paix, les postes et télégra-
phes, le tribunal de commerce, la mairie, le collège communal d'un
côté, et de l'autre, la salle de spectacle ; c'est aussi, à certaines
époques, le champ de bataille électoral de larrondissement : en un
mot, c'est le centre du mouvement administratif de notre cité.
Il n'en était pas de même au commencement du XVI" siècle. La
cour des Cordeliers, silencieuse alors et isolée du tumulte, était fer-
mée au couchant, par une haute muraille; au midi, par un vivier ; au
nord, par une muraille aussi, à la place de l'Ilôtel-de-VilIe actuel;
et derrière, sur le coteau, une vigne, embrassant notre Champ-de-
Mars et appartenant aux Pères, s'étendait jusqu'au pied des rem-
parts. Le fond, dans la partie orientale, en avant du lieu où est à
présent le théâtre, était occupé par le couvent et par l'église de
Saint-François, grand et bel édifice dont la construction remontait à
la dernière moitié du XIIP siècle. Des ormes, plantés de distance en
distance, abritaient contre la chaleur les religieux c]ui venaient se
reposer sous leur ombrage, et peut-être y méditer la parole de Dieu,
dont plusieurs étaient, en ce temps-là, de zélés interprètes (i). Le
choix de ce local, pour y jouer le Mystère des Trois Martyrs, vint
faire une diversion momentanée au calme habituel qui y régnait, et
pendant quelques mois la cour présenta l'aspect d'un vaste chantier
où des ouvriers nombreux, et de professions diverses, concouraient
à l'envi par leurs travaux variés au but commun, à l'érection et à
l'ornementation du théâtre.
Quelle était la forme de ce théâtre ? L'art du machiniste était alors
trop rudimentaire pour répondre aux exigences de la perpétuelle
mobilité de l'action, et produire des changements à vue presque
sans discontinuité. 11 fallait donc, en dépit de toute vraisemblance,
que le théâtre offrit simultanément tous les lieux où les péripéties
de l'action pouvaient conduire les personnages : paradis, enfer,
temples, palais, chaumières, places publiques, villes, campagnes et
déserts. Le moyen le plus simple de réaliser ce cadastre dramatique,
c'était de disposer toutes ces décorations sur une ligne, comme les
tableaux divers composant une galerie. Dans ces conditions, on
(I) Voir Notice historùjuc sur le couvent des Curddiers de Romans, par le
D' Ulysse CiiKVAijER, dans Bulletin de la soc. d'archàol. de la Ihôme, 1868, t. III,
pp. 42-55 et 144-52; tir. à part, Valence, 1868, in-S" de 44 p.
JOUÉ A ROMANS EN I 5O9. 21 3
comprend que le théâtre devait parfois atteindre en largeur des di-
mensions excessives. Aussi les historiens de nos antiquités drama-
tiques ont-ils généralement cru à l'existence d'étages superposés.
Les frères Parfaict, Emile Morice lui-même, que nous venons de
citer presque textuellement d >, se figuraient le théâtre des Mystères
comme « une maison haute de cinq ou six étages, subdivisée en un
grand nombre de pièces, et dont la façade totalement enlevée laisse
voir du haut en bas tout l'intérieur diversement décoré ». Cette hy-
pothèse, absolument dénuée de toute preuve tirée des documents,
a été attaquée en 1855 par M. Paulin Paris (2) et définitivement
écartée par M. Petit de Julleville (3).
Inutile donc de supposer un instant que ce mode de construction
ait été employé à Romans. Au surplus, le Mystère des Trois Doms
ne saurait se comparer par son étendue et par son importance à ces
œuvres colossales de la Passion, du Vieil Testament, des Actes des
Apôtres, dans lesquelles le nombre des lieux distincts à reproduire
ne s'élève pas à moins d'une centaine, et dont la représentation se
prolongeait quelquefois près d'un mois. Ses proportions plus mo-
destes permettaient parfaitement de se contenter d'une scène de
plein-pied, sur laquelle venaient se ranger, se juxtaposer en quelque
sorte les différents tableaux du jeu (4). Nulle part dans notre ma-
nuscrit il n'est question d'étages, et ce mot existait cependant alors
avec sa signification actuelle, comme on peut le voir par un docu-
ment de 15 10 publié par nous (5). Le marché conclu avec les char-
pentiers les oblige seulement à construire une plate-forme (c'est la
scène qui est toujours désignée ainsi), avec les tours, tournelles,
châteaux, villes et autres lieux qui doivent y figurer, à côté et non
au-dessus les uns des autres ; et les cchafauds, c'est-à-dire les gradins
destinés au public : c'est le sens évident de ce mot « échafaud »,
remplacé en quelques endroits du mémoire, comme un équivalent,
par celui de pentes.
D'après les diverses données des documents, nous pouvons nous
(i) La mise en scène depuis les M\stères jusqiCau Cid, dans Revue de Paris, 1835,
2' sér., t. XXII, p. 5-40, et t. XXIII, p. 73-107; Paris, 1835, in-8°.
(2) Mise en scène des Mystères; Paris, 1855, in-8°.
(3) Ouv. cité, t. I, p. 385-441.
(4) On se réserva d'ailleurs de les « muer de jour en jour selon que le mystère
le requerra » (p. 798) ; et en fait « tous les jours changea la station selon le mys-
tère » (p. 592).
(5) P- 89<-
2 14 MYSTERE DES TROIS DOMS
faire une idée assez exacte de l'ensemble de ce spectacle : il doit
avoir été disposé dans le sens de la longueur et non pas de la lar-
geur de la cour, afin de ménager plus de développement à la scène
et d'en moins éloigner les spectateurs. La plate-forme fut construite
au milieu du « plassage », vers le côté méridional (i). Elle était éle-
vée sur piliers, mesurait 36 pas ou 18 toises (2) de long et la moitié
de ces dimensions de large (^) ; une clôture en liteaux treillissés
servait de barrière. Séparés de la plate-forme par un espace de 2 à 3
pieds, les échafauds s'élevèrent circulairement par degrés vers le
nord et tout à l'entour, sur une profondeur de 6 toises. Au-dessus
des « pentes » et comme couronnement de l'amphithéâtre, régnèrent
quatre-vingt-quatre chambres ou loges, fermant à clef, avec une
barrière « sur le regard du jeu pour garder de tumber et une post
à travers à cause des petits enfans » ; on y parvenait par un escalier
donnant sur une galerie, aux deux bouts de laquelle était un « retrait » .
La plate-forme était cantonnée de quatre " belles » tours, dont trois
figuraient les parties 'du monde : l'Europe, l'Asie et l'Afrique (4;, et la
quatrième une prison ; au milieu, les trois villes de Rome, de Lyon
et de Vienne, où se passaient les principaux événements du drame.
Au levant, mais à un niveau plus élevé, était placé le Paradis, pour
lequel on réservait ordinairement tout le luxe des décorations ; et au
couchant l'Enfer, avec sa gorge profonde qui s'ouvrait de temps en
temps pour laisser passage aux démons. Une immense tente en toile,
fixée de trois côtés par des cordages à d'énormes piliers en bois, et
du quatrième arrêtée par des crochets en fer au mur de l'église des
Cordeliers, recouvrait tout cet espace et garantissait l'assemblée et
la scène de l'ardeur du soleil et des atteintes de la pluie.
Aux travaux des charpentiers se joignirent ceux du peintre déco-
rateur. On l'avait fait venir d'Annonay au commencement de 1509 ;
il se nommait François Thévenot ('5), mais dans le mémoire il est
presque toujours appelé « mestre Francès lo peyntre ». On lui alloua
(i) On se contenta d'abord de couper les branches basses des arbres (p. 603-4);
mais on reconnut ensuite la nécessité d'arracher « le gros orme dez Courdelliers »
(p. 609).
(3) La toise équivalait à Romans, en 1789, à i met. 949 mil.
(3) Le contrat passé avec les charpcnlicrs ne portait que 30 pas en longueur et
1 5 en larpeur (p. 797).
(4j L'Amérique, récemment découverte, ne comptait pas encore comme quatrième
partie du monde.
(5) On trouve les formes Tevcnol, Thcvcnoct, Tiievcnon et Thcvenm.
JOUÉ A ROMANS EN I 5O9. 21 5
comme salaire la somme de loo florins, outre sa dépense person-
nelle (ij. Il était chargé de peindre toutes les feintes ou décors ; on
lui fournissait les couleurs et les ingrédients nécessaires, dont il se
pourv'ut en grande partie à Lyon. Près de quatre mois furent em-
ployés à cet ouvrage, qui était achevé dans les premiers jours de
mai, à l'époque où se fit la montre du jeu. Quelque temps aupara-
vant, vers le 4 avril, la besogne n'avançant pas au gré de l'impatience
des Romanais, les commissaires, dans la crainte qu'elle ne pût être
terminée à temps, avaient appelé de Vienne — c'est toujours à cette
ville qu'on avait recours — un autre peintre, dont on ne donne pas
le nom, pour seconder maître François ; mais il paraît que celui-ci
redoubla de zèle et d'activité et promit de suffire seul à sa tâche,
car le nouveau venu fut remercié et la ville en fut pour les frais du
voyage {2).
Au reste, ce n'était pas un médiocre artiste que François Théve-
not. Il figure plusieurs fois encore dans les annales romanaises.
A l'époque du Mystère, les consuls avaient déjà expérimenté ses
talents : une peinture destinée à être mise devant la maison de ville
lui fut payée 28 florins le 16 sept. 1508 (3). Louis Xll étant venu en
15 II « dans le pays des Trois Doms (4) », Thévenot déploya les
secrets de son art pour flatter les yeux du royal visiteur (5). L'année
suivante, il peignit les armoiries du seigneur de Saint-Vallier, à
l'occasion de sa venue (6). En 15 14, il entreprit pour la maladrerie
de Voley un retable, avec un tableau représentant le mauvais riche ;
il reçut pour cette œuvre la somme, alors considérable, de 60 florins,
laquelle ne lui fut complétée que le 20 oct. 15 18 (7). Le pieux Ro-
(i) P. 627. On lui écrivit pour le taire venir le 2 janv. (p. 603) ; dès le 13 il était
à Lyon pour ses empiètes (p. 605). Sa pension prit date du 26, à 4 flor. par mois
(p. 640) ; il séjourna à Romans quatre mois (p. 626). Son serviteur, le « peyntre »
Jean Brada, travailla avec lui pendant trois mois (ib.), à 6 flor. par mois (p. 625),
plus son entretien.
(2) P. 611.
(3) P. 640, n. 2.
(4) Expression de M. Le Prévost (Correspond, de M. P.-E. Giratid, p. 14^.
(5) P- 809-
(6) P. 815.
(7) Cf. D' Ulysse Chevalier, Notice hist. sur la maladrerie de Volev, Romans,
1870, in-S", pp. 51 et 121. Les textes relatifs à ce travail ne sont malheureusement
pas aussi explicites qu'on le désirerait (Liber inventarii instrumentorum pauperum
infirmorum maladerie de Vouley, aux arch. de l'Hôtel-Dieu de Romans, f" 9 et xx ;
Mandemans de 1513, arch. commun., f° 35. Un autographe de cet artiste se trouve
au i" 28 du Compte de la représentation (p. 636, doc. G).
2l6 MYSTÈRE DES TROIS DOMS
manet BofiSn poursuivait alors avec ardeur l'érection d'un Calvaire à
Romans : M. le d'' Chevalier attribue à notre peintre (i) les « ystoy-
res » qui furent mises à la porte de la tour du pont, — station corres-
pondant à la porte dorée de Jérusalem, — par autorisation du 25
fév. 1517(2). En 1526, Huet, consul de Valence, vint à Romans
s'entendre avec Thév^enot pour se procurer du bois, destiné à être
employé pour la représentation du Mystère des saints Félix, Fortunat
et Achillée (3). Les Romanais lui confièrent, en 1533, le soin de
graver les coins de quatre médailles différentes, frappées en l'hon-
neur de François l*^ de la reine, du dauphin et du comte de Saint-
Pol (4). Enfin, maître François fit, en 1536, à la requête du gouver-
neur de la province, le 0 portrait » fplan) de la ville de Romans,
lequel fut porté à Grenoble (5J. On le voit, le peintre d'Annonay,
sans être un rival de Raphaël, son contemporain, eut son heure de
notoriété, et il est grand le nombre des imagiers, peintres et autres
artistes d'alors qui nous sont moins connus. iLfigure encore dans
les registres consulaires en 1540 (6) et dans ceux des tailles en 1543
et 1546.
Voilà pour la partie décorative ! Quant aux pièces en fer, néces-
saires au mouvement des machines compliquées du genre de specta-
cle qui nous occupe, le mémoire nous apprend que le plus grand
nombre sortit des ateliers d'un mécanicien de Romans, maître Amieu
Grégoire (7), mais celles d'une exécution plus difficile furent l'œuvre
de Jean Rosier, horloger d'Annonay, que son compatriote, le pein-
tre François, désigna sans doute au choix des commissaires et qui
fît, est-il dit, les feintes de fer. C'était le véritable machiniste; il
reçut 33 florins pour son salaire (8).
(i) Notice histoi . sur le Mont-Calvaire de Romans, clans Bull, d'hist. cl d'ar-
chéol. du dioc. de Valence, 1883, t. III, p. 222 ; tir. à part, 1883, p. 17.
(2) Papier des assamblées et conclusions de la ville de Romans, f° 104 v°.
(f, P. 870.
(4; P. 82 5-4.
(5) Rei^. des assemblées de 1522-39, f"' 366 v" et 372 v". Cet nrclrc a dû s'éten-
dre aux principales villes du Dauphinc, car, dès le 28 juil. de la même année, les
consuls de Grenoble avaient voté « 4 ou 5 livres à Jean Lefehvre, pcinlic, pour
avoir fait le plan de la ville, portraclus hiijus civilalis cl rcparalionum in ca iic-
cessariarum a (Arch. de la ville, BB. in; !nvcnl.-somm. i.\c M. Pkudhomme, p.20'')-
(G) P. 840.
(■j) Pp. 607, 609-10, '^)i2-7 et 619-21.
(8) Pp. 612, 614, 621 et 625.
JOUE A ROMANS EN I 509. 217
V
Pendant qu'artistes et ouvriers, sous la direction de Sanche Di-
jon (ij, consacraient tout leur temps à rétablissement et à la décora-
tion du théâtre, les acteurs s'appliquaient à l'étude de leurs rôles et
exerçaient leur mémoire par des répétitions fréquentes. Du 23 dé-
cembre 1508 au 29 avril 1509, on en compte onze, toutes suivies de
la collation d'usage : c'étaient des « foyasses » (galettes), du vin, des
fruits (2). Nous savons en etïet que la moindre réunion pour le moin-
dre sujet, soit à la maison de ville, soit ailleurs, était alors accompa-
gnée de ces rafraîchissements obligés (3). Ces répétitions ou recors
avaient lieu, comme nous l'avons dit, à l'officialité ; le magistrat qui
présidait à ce tribunal et y rendait la justice au nom de l'archevê-
que, acteur lui-même dans la pièce, se prêtait avec empressement à
en faciliter la réprésentation.
Le costume était aussi l'objet de la sollicitude particulière des
acteurs. Il devait être à leur charge ; car cette dépense, évidemment
fort considérable pour les 98 personnages du Mystère, ne se voit
nulle part dans le compte général. On y trouve bien quelques four-
nitures payées des fonds de la masse et remises, est-il dit, à tel ou
tel pour sa feinte (4) ; mais on remarquera que la plupart de ceux
qui les reçoivent sont des plus importants de la cité, et il n'est pas
probable qu'ils les aient employées à leur usage personnel. Indé-
(i) Dans tous les Mystères, il y avait un personnage dont les fonctions corres-
pondaient à celles de régisseur de nos théâtres modernes, et qu'on appelait me-
neur ou maître du jeu. Cet emploi a été, croyons-nous, rempli à Romans par
Sanche Dijon, citoyen notable qui avait été deux fois consul (1504-5), et que
le Mémoire nous repré-ente comme une espèce de directeur des travaux. Il pré-
side aux fouilles sous la scène pour remplacement de l'enfer ; il fait garnir le tem-
ple de luminaire; il surveille les habillements, les décorations, et il reçoit un salaire
de 18 florins pour quatre mois, à raison de 4 flor. 1/2 par mois (pp. 616-7, 622 et
625-6).
(2) Pp. 603-4, bog, 612-3 et 615-6.
(3) On constate chaque année dans les recçistres consulaires que, d'après une
coutume immémoriale, le compte annuel du receveur était suivi d'un dîner. En i 5 i 3,
la guerre étant imminente et les circonstances très critiques, il fut décidé que le
repas d'usage n'aurait pas lieu : mais, afin que cette dérogation accidentelle ne tirât
pas à conséquence pour l'avenir, on eut soin d'en consigner les motifs dans la
délibération du 8 juil. (Papier Je raison cité, f° 94 V).
(4) Pp. 618, 622, 627 et 633.
2l8 AIYSTÈRE DES TROIS DOMS
pendamment des rôles réels de la pièce, le théâtre présentait des
personnag-es muets figurés par des mannequins ; ces « corps feints »,
fabriqués à grands frais Ci), étaient comme un dédoublement des
martys de Rome et de Vienne pour le moment de leur exécution.
C'est exclusivement pour cette destination que les chaussures et
étoffes en question avaient été achetées, et elles sont mises dans le
compte sous le nom de l'acteur principal de la scène à laquelle appar-
tenaient ces rôles. Hors ces rares exceptions, on peut affirmer que
tous ceux qui ont joué dans la pièce se sont habillés et « accoutrés »,
comme on disait alors, à leurs frais.
Au commencement de mai, grâce à l'activité déployée jusque-là,
tout était disposé pour faire la montre du jeu Bien différente du ay
ou proclamation qui se faisait au début avant l'étude du Mystère, et
qui avait pour objet principal d'en donner connaissance au public et
de trouver des acteurs capables et de bonne volonté, la montre suppo-
sait les préparatifs de la mise en scène presque achevés, les rôles
distribués et appris, la pièce sur le point d'être jouée. C'était, en
quelque sorte, un échantillon offert aux yeux du peuple de toutes les
magnificences que l'on devait prochainement étaler à la représenta-
tion véritable du Mystère. A un jour fixe — à Romans ce fut le 6 mai
— tous les acteurs, à cheval et revêtus de leurs costumes, se réunis-
saient au son de la trompette et au branle de toutes les cloches ;
cette brillante cavalcade parcourait ainsi la ville, s'arrêtant de temps
en temps sur les principales places, et annonçant ofticiellement à la
foule ce que celle-ci savait déjà depuis longtemps : le sujet du drame,
l'époque du jeu, et sans doute aussi le prix des places et toutes les
mesures de police arrêtées pour les trois journées. Notre mémoire
ne parle des « montres du geu » qu'accidentellement, à l'occasion
d'une collation qu'on n'aurait eu garde d'oublier ce joui-là, et qui
s'y trouve portée comme article de dépense (2) ; mais on peut sup-
pléer à son silence par l'épilogue du Mystère. Au dire du juge
Perrier, tout fut d'une richesse inouïe : les personnages émerveillè-
rent tous la ville par leurs « acostremans » en draps d'or, d'argent, de
satin, de velours et de soie « buffés » d'argent ; le public estima à
cent mille escus et plus (3) » leurs bagues et pierreries (4).
(i) Pp. 606-7, '^'' ' • ^J' 3-5' '"^ et 627.
(2) P. 617 ; cf. pp. 618 cl 622.
(3) Celte somme, quelque peu lahuleusc, LCjuivaudiait aujourd'hui à près de qua-
tre millions de francs.
(4) P- 592
JOUÉ A ROMANS EN I 509. 219
Le lendemain de la montre, le 7 mai, eut lieu le dernier recort, la
répétition générale, (i) Là, un scrupule un peu tardif s'empara des
commissaires. L'œuvre du chanoine Pra, même après avoir été si
souvent retouchée, leur parut demander, dans certaines parties du
moins, un nouveau remaniement : à leur avis, les rôles des quatre
« tyrans » laissaient encore à désirer. On résolut de les faire « radou-
ber ». c'est-à-dire de les renforcer ; et, malgré le refus récent de
Chevalet de coopérer au Mystère des Trois Doms, ce fut encore à
lui qu'on eut recours en cette circonstance, tant était grande, il faut
le reconnaître, la réputation dont il jouissait à cette époque. Etienne
Combez des Coppes, noble romanais, lui fut donc député à Vienne ;
il y passa quatre jours, et cette fois le poète se prêta certainement
au travail qu'on lui demandait, puisque le compte porte sept florins
« baylhés à mestre Chevallet », indépendamment de quelques repas
pris par lui et payés à part (2).
Sur quels points portaient ces changements ? Il est facile de
nous en rendre compte, car le fatiste viennois transcrivit fou fit
transcrire) ses corrections à la marge du texte ou sur des feuillets
intercalés dans le manuscrit et de plus petit format que les pages
de l'œuvre du chanoine Pra. 11 ne retoucha pas seulement le rôle
des « tyrans », comme on pourrait le conclure du texte visé plus
haut. Toutefois ces rôles, ou d'autres identiques par le fond de comi-
que et d'expressions saupoudrées d'un gros sel, furent de sa part
l'objet d'un soin spécial. Enfin nous apprenons, par un article de
la dépense de Combez, qu'au retour d'une excursion à Lyon il fit
corriger par Chevalet son rôle particulier en « aulcuns passages » ;
ce « rhabillage », comme il l'appelle lui-même, dans la note écrite et
signée de sa main et annexée au compte général, lui coûta un teston.
Etienne Combez figurait Brisebarre, le premier <> tyran ».
Chevalet aurait-il également rédigé les rubriques du Mystère, ou
notes marginales indicatives des jeux d'instruments, entrées en
scène de nouveaux personnages, départs de messagers, etc. > On ne
sera guère porté à le croire, bien que la même plume qui a fixé sur le
papier ses modifications et retouches semble avoir écrit ces rubri-
ques, — généralement en français, parfois en latin. La Translation,
qui fait suite au Mystère et qu'on décida, au dernier moment, de
(I) P. 617.
{2) Pp. 620 et 6^4-5.
220 MYSTERE DES TROIS DOMS
ne pas représenter, n'offre pas ces indications théâtrales : c'est donc
après coup qu'elles ont été rédigées.
Ce qui est hors de doute, ce sont les noms des scribes du cha-
noine Pra. Les vers de la première journée ont été copiés par maî-
tre Perdichon, ceux de la seconde par maître Jacques Beille, enfin
ceux de la troisième, qui comprenait primitivement la Translation,
par Guiart Rostaing. notaire de Romans, comme les deux pre-
miers (i).
Les derniers jours qui précédèrent les fêtes de Pentecôte furent
emploj'és à terminer les préparatifs pour le jeu du Mystère. Le 15
mai, les commissaires, en personnes prudentes et avisées, font
visiter par deux maîtres charpentiers pris hors de la localité, l'un
à St-Marcelin, l'autre à St-Antoine, les échafauds et le théâtre, afin
de s'assurer de la parfaite solidité de l'ouvrage, auquel cette épreuve
fut favorable (2). Une sentinelle est établie à la porte principale de
l'enceinte, avec mission d'en écarter les simples curieux et d'en per-
mettre l'accès aux seuls ouvriers que la foule trop empressée aurait
gênés dans leurs travaux (3). Enfin arrive le grand jour de la repré-
sentation.
Pendant que le souffleur — dont l'importance est manifeste si l'on
tient compte du peu de temps qu'on eut pour apprendre et étudier
les rôles — aide puissamment les nombreux acteurs, suivons, nous
aussi, scène par scène les péripéties de notre drame. La représenta-
tion doit durer trois jours : il a fallu combiner la pièce de façon à
donner un tout complet durant ce laps de temps. Aussi a-t-on exac-
tement délimité la part qu'on doit jouer chaque matin et celle qui
est réservée pour les après-dinées. A la dernière heure on a reconnu
que le Mystère est trop long. Que faire ? On se hâte de syncoper la
trilogie — pourtant si amusante — de Baudet, Malenpoint et Blon-
dette (vers 5416-618), et l'on retranche la Translation qui devait
remplir la troisième soirée. De plus, on échancre une partie de la
seconde journée qui, jointe à la portion fixée pour la matinée de la
troisième, occupera le dernier jour tout entier. L'orchestre, qui a
donné des aubades le jour de la inonlrc (4), est des plus simples. A
s'en tenir au mémoire, quatre trompettes amenés à grands Irais d'un
(1) P. 612.
(2) P. O20.
(3) P. 626.
(4) P. 618.
JOUE A ROMANS EN I 5O9. 22 1
pays étranger, de Valréas (Vauclusej fi), et quatre tambourins pris
dans la ville {2), aurait composé toute la musique du jeu (3). Cepen-
dant il est probable que d'autres instruments en faisaient partie.
L'orgue, qui figurait dordinaire dans le Paradis comme accompa-
gnement indispensable des chants célestes, n'a pas manqué à la
représentation de ce Mystère (4) ; seulement le Chapitre l'aura peut-
être offert sans en réclamer le loyer, et le compte, qui se borne à
rapporter les sommes payées ou reçues, n'en a pas fait mention.
(i) Pp. 614-5, 618, 620 et 6^5.
(2) Pp. 623, 625 et 627.
(3) A Vienne, à la Passion jouée en 1510, il y avait neuf trompettes, plusieurs
autres instruments, des orgues et des chants (p. 892).
(4) Pp. 202, 474,498, 500-2, 500 et 528 « Silete d'orgues. »
{La suite au prochain numéro.)
HISTOIRE RELIGIEUSE
DE
PONT-EN-ROYANS
(ISÈRE)
(Fin)
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En 1678 et 1679, le prieuré payait aux pauvres du Pont la 24' de
la dîme du lieu. Cette part, évaluée seulement à 9 livres en 1679, fut
largement distribuée par le prieur lui-même le 24 décembre 1698,
aux pauvres du Pont, en présence du châtelain Lagachetière et du
consul Lamberton. En 17 17 et 1728, elle était payée en grains et
évaluée à 12 livres. Le 10 mars 1747, le « bureau, assemblé à l'ex-
traordinaire, » procédait avec le syndic du prieuré au compte de la
24' due aux pauvres depuis 1740 inclusivement jusqu'à 1747 exclusi-
vement ; et le syndic, débiteur de 100 livres, livrait immédiatement
cette somme à Juste Faure, syndic des pauvres. En 1 762, les Antonins
222 HISTOIRE RELIGIEUSE
du Pont, arguant de leurs privilèges et de leurs charges, refusaient
la 24* ; mais le syndic des pauvres faisait assigner celui du prieuré à
se présenter chez le commissaire député du parlement. Il y a une
lettre de Galland, abbé général de Saint Antoine, du 3 juillet 1762,
écrite à un procureur pour que celui-ci avisât à la chose. Mais en
1765 la question n'était pas encore définitivement tranchée. Les
Antonins avaient continué à payer, mais sous réserve de se faire
rembourser si leurs privilèges étaient rétablis (ij. La Révolution
devait quelques années plus tard abolir d'un seul coup et la 24^ et la
dime elle-même.
Secours administratij's. — A des besoins extraordinaires, les châ-
telains et consuls du lieu répondaient par des mesures et des secours
insolites. En 1650, une épidémie, éclatant au sein même de Pont-
en-Royans, y semait l'effroi et décimait la population. Beaucoup
d'habitants cherchant leur salut dans la fuite, Just Bertrand, châte-
lain du lieu, déploya tout le courage et le zèle que peuvent inspirer
l'amour de la patrie et un dévouement intelligent. « Par ses ordres,
la police s'organise, on nomme un capitaine de santé, dont la mis-
sion était de combattre le mal et de rassurer par de sages mesures
un public justement alarme ; une garde permanente veille nuit et
jour aux portes de la ville, pour empêcher toute communication avec
le dehors ; la porte du Bourg, que l'exiguïté des ressources avait
laissée dans le délabrement et l'abandon, devint alors l'objet de la
sollicitude du châtelain, et fut réparée en toute hâte. » Bien que ces
barrières fussent impuissantes à arrêter la peste dans son cours, il
y a lieu de louer ceux qui prirent contre celle-ci toutes les mesures
en leur pouvoir.
« L'année 1724 fut marquée par un événement qui, couvrant de
ruines tout le quartier du Bourg, jeta l'épouvante et la consternation
dans les autres parties de la ville. Quinze ou seize maisons s'écrou-
lèrent sous la pression du terrain qui les dominait au levant. Les
archives, en constatant cet affreux accident, ne nous disent pas le
nombre des personnes qui périrent ensevelies toutes vivantes dans
leurs propres demeures. Les conséquences d'un aussi effroyable
sinistre furent terribles; plusieurs familles, privées d'asile et réduites
à une prof(jnde misère, allaient errantes, demandant des secours et
un abri hospitalier. La charité des l-*ontois répondit à l'appel du
malheur et aux cris de la souffrance. »
(i ) Arch. ei foncJb cil.
DE PONT-EN-KOYANS. 223
La même cause produisit en 1748 un effet analogue. Toutefois on
n'eut à déplorer que la perte de trois maisons.
L'année suivante, calamité d'un nouveau genre, u. Les campa-
gnes, inondées par des pluies abondantes, n'offraient aux yeux des
laboureurs qu'un sol stérile et dépouillé. Une extrême disette se fît
sentir à Saint-Marcellin, à Valence et aux environs. Pont-en-Royans
eut beaucoup à souffrir, car il ne recueillait qu'un vingtième de sa
consommation ordinaire. Les paroisses voisines, loin de pouvoir lui
venir en aide, avaient à peine récolté l'équivalent des semences
confiées à la terre. Sans attendre que le mal empirât, la municipa-
lité décréta la fondation d'un magasin où, par les soins des deux
consuls, furent déposés 1,200 quintaux de blé destiné à satisfaire
les premiers besoins des habitants. » L'intendant de la province,
non content d'autoriser une mesure si sage, l'encouragea en four-
nissant lui-même 50 sétiers de blé au nouveau grenier (i).
Bureau de bien/aisance. — Il est constitué depuis déjà longtemps.
Ses recettes ordinaires étaient en 1871 de 1,209 f''-i son revenu
annuel est actuellement de 1,650.
Société de bienfaisance rnutuelle. — Sous la mairie de M. Mar-
chand, en 1846, les ouvriers de Pont-en-Royans fondèrent une
société de bienfaisance qui avait pour but de secourir ceux de ses
membres qui seraient malades ou dans le besoin. La caisse était
alimentée paf les versements faits en entrant, par des versements
mensuels et par les amendes dont étaient punis certains manque-
ments au règlement. Ce règlement, distribué en 52 articles, fut
adopté en assemblée générale le 6 septembre 1846, et approuvé par
Je Préfet de l'Isère le 28 du même mois. On le fît ensuite imprimer
chez C. Bossan, imprimeur à Saint-Marcellin. 11 forme une brochure
de 12 pages in-12.
VIII. — Institutions scolaires.
Les premières traces d'une école au Pont remontent au XV* siècle;
elles nous sont fournies par un acte du i" octobre 1428, intervenu
entre le prieur et le curé du Pont et ayant pour objet les droits de
l'un et de l'autre sur une maison située dans l'intérieur de la ville.
Cette maison, dit l'acte, était attenante à la maison de maître Ismi-
don de Memor, maître d'école des frères, c'est-à-dire des religieux
(i) Vincent, op. cit., pp. 97 et 11 2-3.
224 HISTOIKt RELIGIEUSE
du lieu 'juxta dominn ma;^i$lri MiJdoni de Memore, magistri schole
fiwlrunt dicti loci), et le maitre d'école figure lui-même comme té-
moin dans cet acte (ij.
Au XVl" siècle, il y avait certainement au Pont une école de gar-
çons. Quant aux protestants, voici des détails qui nous permettent
d'entrevoir comment ils pourvoyaient à l'instruction de leurs en-
fants. Jacques Terrot, protestant influent du Pont, avait épousé le
i'" février 1619 Marguerite Arnaud-Balmas, de Saint-Paul, et en
avait eu 2 garçons et 3 filles, quand il mourut le 1 1 novembre 1628.
Sa veuve mourut elle-même le 15 juin 1630. Une assemblée de pa-
rents décida d'adjoindre à Just Terrot, frère du défunt et désigné
pour tuteur dans le testament de celui-ci, les sieurs Pierre Terrot et
Arnaud-Balmas, pour surveiller sa gestion. Le jeune Etienne, aîné
des garçons, âgé de 10 ans, fut confié à M. d'Hérieu, ministre pro-
testant au Pont; les trois filles furent confiées à M™'' d'Hérieu, pour
les élever dafis la vertu, dit l'assemblée de parents ; le petit Jacques,
qui n'avait que 2 ans à la mort de sa mère, fut emmené à Saint-
Paul par son oncle Arnaud Balmas, qui le mit à l'école à Romans à
7 sous par mois (2).
En 1734, Catherine Baty, sans doute déjà religieuse de l'hôpital du
Pont, annexa à celui-ci une école de filles. En 1776, voulant assurer
à un plus grand nombre d'enfants les avantages de l'instruction,
cette généreuse fille abandonna au même établissement la somme
de 3,000 écus ; c'étaient les débris d'une fortune toute consacrée aux
bonnes œuvres. D'après les clauses de son testament daté du 12
novembre, six garçons devaient être élevés gratuitement. Leur ins-
tituteur, nommé par le curé, était soumis à l'approbation de l'ordi-
naire. Ces détails que nous donne M. l'abbé Vincent d'après les ar-
chives du Pont, sont les seuls que nous ayons sur les écoles du lieu
au XVIII" siècle; ou plutôt, le même auteur nous apprend, un peu
plus loin, que le budget des dépenses communales de 1740 portait
100 livres de gages pour l'instituteur (3).
Aujourd'hui, et depuis déjà de longues années, l'école de garçons
du Pont est confiée à un instituteur laïque aidé d'un adjoint. Celle
des filles est dirigée par 3 religieuses de la congrégation de Sainte-
Marthe de Romans, congrégation si hautement appréciée pour son
intelligence et son dévouement dans l'éducation de la jeunesse.
(i) Arch. et fonds cit.
(2) Notice . . . Terrot, p. 21-3.
(3; Lettres sur le Royans, p. 105-7
DE PONT-EN-ROYANS. 225
IX. — Illustration ecclésiastique.
Du mariage de Jean Terrot, bourgeois du Pont, avec Madeleine
de Gumin de Trufel de la xMurette, mariage contracté en 17 12, na-
quirent 5 enfants, 4 garçons et i fille, savoir : Jacques-Joseph,
Charles, Etienne, André et Madeleine. Charles, qui selon l'usage de
l'époque s'appelait Sillac, nom d'un domaine de la famille situé à
Ste-Eulalie, entra en qualité de cadet dans un régiment sarde, qui
était en garnison à Tortone en Piémont. Mais, au lieu de s'occuper
de son instruction militaire et de fréquenter les officiers, il était sans
cesse dans les églises, ce qui annonçait peu de vocation pour l'état
militaire. En effet, ayant un jour quitté sa garnison, il revint au
Pont, près de sa mère, a De là il partit pour Paris, où il fit de fort
bonnes classes à Saint- Sulpicc ; puis devint prêtre de l'ordre du
Saint-Sacrement, fut supérieur du séminaire de son ordre, à Va-
lence, puis à Chabeuil, a Marseille et enfin à X'alréas, d'où la révo-
lution le chassa. 11 vint finir ses jours au Pont, à Château-Gaillard,
où il mourut sur la fin de 1795. "
A ces traits généraux, fournis par la Aotice sur la famille Terrot,
écrite par le petit-neveu de notre personnage, joignons quelques
détails puisés à la même source.
En 1747, étant supérieur au collège de Valence, il apprend que
jy^me Xerrot, sa mère, est à toute extrémité, et qu'il faut partir de
suite, s'il veut la voir. Il monte à cheval, et, arrivé sous les murs de
Château-Gaillard, il s'informe de l'état de sa mère. On lui dit qu'elle
est morte et morte protestante. 11 fait tourner bride à son cheval et
revient à Valence.
« Ma mère, qui était de Chabeuil, dit l'auteur de la Notice et qui
l'avait beaucoup connu, lorsqu'il était supérieur du collège de cette
ville, m'a dit qu'il avait une grande réputation de sainteté, et un
talent remarquable pour la chaire. Il attirait à Chabeuil la haute
société de Valence qui venait entendre ses sermons. Il nous a laissé
une malle pleine de sermons écrits de sa main. C'est lui qui con-
tribua au mariage de mon père, qui était son neveu et qu'il avait
élevé, avec Marthe Lacroix-Saint-Pierre, fille du juge mage de Cha-
beuil. »
M. Mouralis, curé-archiprétre de Saint-Jean-en-Royans, chevalier
de la Légion d'honneur, qui était du Midi, avait commencé ses
Bull. VII, 1887. 17
2 26 NOTES SUR LA COAIMANDERIE
classes sous Charles Terrot, à Valréas, avec l'abbé Maury, devenu
ensuite cardinal.
Enfin , le digne prêtre du Saint-Sacrement eut en son frère
Etienne, plus jeune, né au Pont le 5 avril 1721, le général d'artillerie
Terrot de Lavalette, décédé au même lieu le 30 juillet 1793 (i).
(i) Notice, p. ^7-62.
FIN.
L. FILLET.
NOTES
SUR
LA COilANDFRIE DES ANTONINS
A AUBENAS, EN VIVARAIS.
(Suite)
Voici l'inventaire de St-Antoine d'Aubenas en 1456 :
L'an du seigneur 1450 et le 12 juillet fut fait l'inventaire du trésor
de St-Anloine rendu par le F. Vital Icxtor, sacristc, au seigneur
commandeur d'Aubenas, ¥. Antoine de Serre — et furent remis
tous les objets suivants :
Premièrement, le bras de St-Marc (brachium Sti Marchi) en argent,
ayant son poignet doré par dessus et orne de feuillages ;
Item dans le milieu où est le verre, les montres du même dorées
par dessus avec branches et feuillages ;
Item une grande croix d'argent avec deux poignets d'argent et
DES ANTONINS A AUBENAS. 227
leur chaîne d'argent, avec dix émaux et quatre figures d'Evangelistes;
— dans laquelle sont fixés par derrière et par devant 25 bosses et
pierres qui étaient autrefois faites et posées dans la même croix ; et
par derrière est un agneau d'argent au milieu de la dite croix, doré
par dessus, et avec sept émaux par derrière garnis de nombreuses
images ;
Item un calice d'argent avec sa patène, jadis doré par dessus,
évasé par le haut et au milieu du pied, avec six boutons d'émail,
pesant un marc sept onces et treize deniers avec obole ;
Item un calice d'argent avec sa patène, doré en dessus avec un
boutori au pied, rond, avec quatre baguettes entourant le dit pied,
du poids d'un marc, six onces et vingt deniers tournois.
Item un autre petit calice d'argent avec sa patène, pesant six onces
six deniers , donné par Roberte Cognasse comme c'est écrit par
dessous ;
Item une petite croix d'argent dorée au dessus, dans laquelle est
une ouverture au dessous de la sainte croix de N.-S. J.-C. au milieu ;
et au dessous de la cavité faite dans la même croix, au milieu de la
croix et dans le sens de la longueur de cette cavité, est un morceau
de la vraie croix, quoique petit et ne remplissant pas la cavité,
le tout pesant trois onces moins sept deniers, et la figure du Crucifié
est sur pied, et la croix a, à ses quatre extrémités, à chacune d'elles,
une petite boîte (bosedamj pour y tenir de saintes reliques ;
Item un ostensoir d'argent muni de quatre chaînes, beau avec ses
accessoires, in quo siini Dei, en argent, pesant deux marcs deux onces
quinze deniers , donné par Jacques Coqui comme c'est écrit au
dessous ;
Item deux paix (pacesj(i) de laiton et à l'une d'elles il manque
l'image de St-Jean ; à part cela elles sont complètes ;
Item un reliquaire qu'on porte dans les quêtes, avec sa croix de
dessus en argent, et un bouton où est fixée la dite croix, lequel bou-
ton est en argent. Le reliquaire est placé entre trois preces per vicem
et il renferme un long compartiment en cristal où sont placées les
reliques, et au pied sont six boutons émaillés, et d'autre part le pied
est orné de fleurs de roses, et il est entièrement bien fait et tra-
vaillé ;
(1) Pax, instrumentum quod inter missarum solemnia populo osculandum prœ-
betuT (Ducange). Dans les églises où cet objet n'existe pas, on se sert (à tort) aux
offrandes de la patène.
228 NOTES SUR LA COMMANDERIE
Item un grand coffret travaillé par dessus et très-beau, environné
tout autour d'images blanclies de saints en ivoire, et au dessous est
un autre petit coffret où sont plusieurs reliques au nombre de 52
saints, comme il est écrit sur une petite tablette, et le coffret a sa
serrure et sa clé et, tant dans ce coffret que dans un autre que
remit également le dit sacriste, en l'ouvrant, on voit retracés,
par-dessus et tout autour, des traits de la vie de St-Antoine, et
dans ce coffret sont les dites reliques et celles de plusieurs saints,
comme il est établi ci-dessous ; — Item deux missels, l'un à
l'usage des religieux, qui commence par les mots : Xostriiin Jesum
Christum, en tête du premier feuillet, et les feuillets sont au nombre
de 349 ;
L'autre missel est à l'usage du clergé de Toulouse et commence
par les mots : In nomine Uomini nostri et finit au dernier feuillet par
les mots : Solcmpma prevtnieinus ; — item deux légendaires, bons,
à l'usage de la religion de St-Antoine ; — item un autre légendaire
à l'usage des moines noirs (Bénédictins), lequel est un missel qui
n'est pas pour le pays de France et le commandeur veut qu'il soit
vendu et que le prix soit converti en d'autres livres d'usage et de
religion de St-Antoine; — item trois répons à 1 usage de la dite
religion, un neuf et deux presque usés ; — item deux psautiers et
dans l'un il y a à faire des noms, ce qui est une petite réparation ;
il y a aussi à refaire les calendriers et on a commandé de faire ces
réparations ; — item un livre dit ojjicies, c'est-à-dire Graduel, en
bon état ; - item un pistolari (Epistolier) ; — item deux Prosiers ;
— item un livre dit Vordenari ; - item trois livres dits Prosiers; —
item quatre Passions notées ; — invention du corps de St-Antoine ;
— révélation du même ; — item un petit missel au complet ; —
item deux livres dits Capituliers ; — item un cahier (caterniimj de la
Conception de la Ste-Vierge ; — item un cahier de l'oflice de St-
Antoine qui commence SiloLe et c'est l'office noté de la messe ; —
item un autre li\ re de la règle de St-Antoine et des statuts de la dite
religion, où sont plusieurs antiphonaires de la Ste-Vierge, livre que
le seigneur commandeur apporta dans la dite église et qu'il donna ;
— item un autre livre, petit, de sermons, donné par le I'. Antoine
Bethoa, commandeur de Tournon ; — item un panneau sur toile
(incdiciasj de Y \xr\di\^c àt St-yXnloine sur l'autel avec son cadre orné
de plusieurs images ; — quatorze nappes bonnes ; — quatre nappes
moyennes, bonnes, de modique valeur; - deux nappes; ■- une
DES ANTONINS A AUBENAS. 229
couverture de grand autel en peau de mouton ; — sept aubes
bonnes ; — cinq de modique valeur; - quatre amicts, tant bons
que de modique valeur ; — quatre burettes ; — une longière de
curtil blanc ; — des vêtements sacerdotaux de couleur perse, brodés
de soie, parmi lesquels est une chasuble et des habits de diacre et
sous-diacre et une chape, le tout est de valeur convenable; — des
vêtements sacerdotaux de bocassin (bocaci) fi), ornés à la façon des
autres ; — une chasuble de soie blanche avec son étole et son mani-
pule ; — des vêtements sacerdotaux de diacre et de sous-diacre
batut danc ; — une chape ornée d'une face humaine ; — une ban-
nière de couleur rouge, de valeur modique ; — une chasuble de soie,
ancienne, ornée de feuillages, avec étole et manipule ; — une autre
chasuble de couleur verte, de peu de valeur, avec son étole ; — une
autre chasuble de coton, de peu de valeur; — une autre chasuble
de toile, de peu de valeur ; — deux pelisses (peliseus) grandes et
deux petites, de peu de valeur; — quatre chandeliers de fer, dont
trois ayant troi^ pieds ; — quatre petits chandeliers, dont deux de
peu de valeur ; — un bassin à quête pour les âmes du purgatoire ;
— deux petits tariels et deux autres petits pleins de jail pour tenir
des livres ; un beneytier ; — trois paires (duelhas) de petites clo-
chettes devant l'autel et sept autres petites clochettes sonnant quand
on élève le corps du Christ ; — au bas de l'église : un archibanc
avec serrure et clé ; un autre dans la pièce de la sacristie avec
serrure et clé ; — un autre derrière l'autel de peu de valeur ; —
l'ornement d'une lampe de fer et d'étain dans le fond où l'on tient
les lampes ; — dans le clocher : deux cloches. — Et le présent in-
ventaire fut fait par vénérable homme F. Antoine de Serre, com-
mandeur de la présente commanderie, en présence des FF. Antoine
Plagnol , Pierre Coyta et moi Rochette, notaire. — Et tous les
objets susdits furent remis au dit sacriste qui promit de les bien et
fidèlement garder et conserver et, quand il le faudra, de les rendre
au seigneur commandeur ou à ses successeurs à réquisition et en
témoignage de ses promesses. Ont signé : Antoine de Scrre, com-
mandeur. - Ita est, sacriste de St-Antoine. — Ita est, Plagnol.
Inventaire des objets existant dans l'hôpital de Ste-Anne. — En l'an
susdit et le 12 du mois susdit, furent trouvés les objets suivants par
le dit messire commandeur : — et d'abord dans le premier lit près
de la porte : un matelas (ahnatracium), trois couvertures, un coussin
(i) Bocassiniis, étoffe de lin ou de coton (Ducange).
230 NOTES SUR LA COMMANDERIE
de plume, deux draps ; — dans un autre lit contigu au précédent :
un matelas (alm.itraciumj et deux couvertures seulement; — dans
un autre lit près de la porte du verger : un matelas (cidcitra) de
plume (i) et un autre coussin également de plume, deux couver-
tures grossières (lodices), deux draps ; — dans un autre lit voisin :
un matelas avec son coussin de plume, deux couvertures grossières
et un drap ; — seize draps, trois nappes.
Dans la cuisine, un ig^iipendhim (2), un trépied et quelques au-
dessas (3), une poêle à frire.
Dans l'hôpital : une armoire farca) avec clé et serrure, où l'on
tient les draps et nappes.
Étaient présents : le commandeur de Tournon, noble Christophore
de Serre, F. Etienne de Missolz.
Item une caisse avec clé et serrure entre deux posatas —
(Ici deux pages en blanc).
Arrentemefit de la commanderie de St-Antoine d'Aubenas. — Le
13 juillet 1456, vénérable et religieux homme, Antoine de Serre,
commandeur de la commanderie de St-Antoine d'Aubenas, afferme
pour six ans et six récoltes, commençant à la Madeleine prochaine,
sa commanderie d'Aubenas, au F. Pierre Salhencoyta, commandeur
de Gévaudan, au prix de soixante écus d'or par an. Salhencoyta
aura à donner, en outre, chaque année, un quintal de chanvre et un
quintal de laine, 100 pieds de porc, 24 draps, un muid de piquette
(vini lyinphati). — Il livrera la laine à la Madeleine, le chanvre à St-
Michel, les pieds de porc et les draps le jour de St-Antoine, le muid
de piquette à l'époque des vendanges, et ce vin doit être bon et du
meilleur. ~^
d) Nous avons traduit également par matelas les mots almatracium et culcilia,
bien qu'à notre avis culcitia, qui revient constamment dans ces inventaires, doive
plutôt correspondre à ce que nous appelons paillasse qu'à un vrai matelas.
(2) Nous supposons que \'i<^)tipendium était la crémaillère, non pas celle à crochet
ou l'on suspend la marmite, mais celle qui se termine par un appendice destiné à
porter une poêle à frire.
(3) Probablement les petits trépieds bas qui servent à maintenir les casscrolles
placées sur les trous des potagers.
DES ANTONINS A AUBENAS. 23 I
Il est convenu de plus que, pendant cette période de six années,
le dit F. Pierre fera le service divin dans l'église St-Antoine et le
fera faire par les Frères de la dite maison et qu'il pourvoira bien et
honnêtement, de la manière accoutumée, aux Frères de la Religion,
c'est-à-dire au commandeur de Tournon, au sacriste, à l'archiprêtre
et aux deux claustriers, s'ils y sont, et qu'il donnera à qui de droit,
tant qu'il sera là, l'hospitalité honnête qui est d'usage. Il recevra les
biens meubles et immeubles du commandeur, en fera un bon
emploi et les rendra au bout des six ans. Il pourvoira aux hospita-
liers de la manière accoutumée. 11 tiendra en bon état les maisons
de la dite commanderie et veillera à ce que les charpentes ne soient
pas endommagées. Il fera face à toutes les charges ordinaires et
extraordinaires de la maison et en tiendra quitte le commandeur
vis-à-vis de tous les ayant-droit. Il fera faire à ses frais trente jour-
nées pour provigner les vignes de la commanderie. Il emploiera
chaque année 200 échalas (fruchas) pour la réparation de ces vi-
gnes (i). Il pourvoira chaque année la dite maison de 200 treules (2),
de deux douzaines de planches, d'une douzaine de chevrons, et d'un
muid de chaux avec le sable nécessaire pour la réparation des bâ-
timents. — Mais le commandeur se réserve de percevoir les lods et
droits d'investiture, de garder la défroque de ceux des Frères qui
viendraient à mourir, de toucher ce qui revient à ses hôpitaux. —
Il est de plus convenu que le F. Pierre fournira pendant un mois,
dans la dite maison, deux chevaux au seigneur commandeur ou à
celui qui viendra à sa place, mais s'il ne vient personne, le com-
mandeur n'aura rien à réclamer de ce chef. — L'acte est passé dans
la maison de St-Antoine. Les témoins sont : F. Antoine Plagnol,
noble Christophore de Serre, Pierre Gleize, Vital Colomb, Jacques-
Jean Des Combes, Pierre Chafenor, Raynaud Valeton.
Le 17 juillet, le commandeur Antoine de Serre donne en nouvel
accapt à Gonet Laurent, de St-Pierre-le-Vieux, une terre située
dans ce quartier, pour le cens annuel d'une émine de froment.
(i) Ce mot ûe fruchas pour échalas est encore employé du côté de Joyeuse,
(2) Les tuiles sont encore appelées triéoûlé dans le patois local.
232 NOTES SUR LA CO.M.MANDERIE
Le 26 juillet, à la suite de l'arrentement ci-dessus, a lieu l'inven-
taire des biens de St-Antoine pour être remis au fermier, le F.
Pierre Salhencoyta. En voici le détail :
Dans la cour : — deux tables bonnes, avec quatre tauliers; — devant
le four, un banc ; — une autre table ancienne, avec ses tauliers ; —
un dressoir (dreyssador) neuf avec deux serrures et clés ; — deux
chandeliers de fer et un de laiton; — un archibanc de peu de valeur;
— trois salières d'étain ; — un cachet pour marquer les effets et la
vaisselle.
Dans la bouteilleiie de la dite maison : — D'abord trois cruches
(cruchias) pour tenir de l'huile ; vingt-un pains pour la dépense
de la maison ; — une caisse de peu de valeur, sans serrure ni clé ;
— une cruche pour tenir de l'huile ; — trois barraux (\) tenant cha-
cun trois pots; — une coriie/^a (corbeille); — un petit vase pour
tenir le pynès ; — quatre brocs (pitalphos) d'étain contenant chacun
an pot de vin ; — un broc contenant trois chopines ; — quatre ai-
guières d'étain ; — deux armoires (armatria) avec serrures et clés; —
un pet.it hachoir (chaplador) {2)\ — un autre pour rompre et fendre
le pain.
Item, dans la cuisine : — Trois seaux (si'tiiLtsJ pour tenir de l'eau ; —
une st.Diienha f^) de peu de valeur : — un mortier en pierre avec son
pilon.
Item, dans la pastaudière (pastauderia, salle où l'on pétrit) : —
un dolh (4) ; — un seau pour les porcs ; — un asie (5) en fer ; —
deux chaufoti,ner (6) ; — deux crumalheyra (yj grandes et grosses ;
— une table de peu de valeur avec ses pecollis{8) ; — une cella pour
(1) Le barrai avait la forme d'une cornue ou benne, à deux anses, mais avec
un couvercle.
(2) Dans le patois local, chopouLt veut dire hacher, couper par morceaux.
(3) Sans doute silula slameuha, seau étamé. D'autre part, Ducange donne le mot
stamenha comme signifiant une chemise grossière que portaient les moines en guise
de cilice.
{^) Doulli, en provcnc^al, grand vase en terre pour tenir de l'huile.
(5) Broche, de hasta, se dit encore en patois.
(6) Probablement réchaud.
(7) Il s'agit probablement ici de la crémaillère à crochet à laquelle on suspendait
la marmite.
(8) Pecouls, en provençal, pieds de banc ou de lit.
DES ANTONINS A AUBENAS. 2^3
s'asseoir (i); une marmite (olla) de cuivre contenant une seillée
et demie, bonne ; — une bassine de laiton ; — deux topis (2) pour
laver la vaisselle; — huit olhs de terre (3) tant grandes que petites;
une cobercella (4) de fer ; — quelques crémaillères ; — une râpe
(gratusa) en fer ; — une grasilha ('5) ; deux patellas (6), une bonne
et l'autre de peu de valeur; — deux cuillères en fer ; — une vira-
doyra (7) en fer; — sept patellas d'étain aurelladas (8) ; — huit plasts
d'étain tant grands que petits ; — un coclear (g) en bois ; — deux
dreyssadors de bois pour tenir picalhos sur table (loj; — un arinci-
trium avec la clé nécessaire.
Item, dans la pastaudière rarofogrina : — Un pLists d'étain et une
écuelle d'étain: — un cacabum (11) tenant quatre seillées ; — une
paxrolam (12) de peu de valeur tenant une seillée ; — une maïe pour
pétrir avec son couvert neuf; — une caisse pour tenir la farine; —
quinze palhas pour porter la pâte ; — un autre palhas (13).
Item, dans la chambre de la mère : — Deux couvertures : — un
coysst (14) ; — sept draps de peu de valeur.
Item, dans la cour : — Diias eschalhas novas ri5) ; — une autre en
(i) Cella est un siège de bois mas^if.
(2) Toupis, dans le patois local, indique tous les pots en terre qui vont au feu.
(3) Ces marmites de terre sont évidemment ce que nous appelons aujourd'hui
des casseroles.
(4) Un couvert se dit encore en patois etio cubercélo.
(5) DucANGK donne à ce mot la signification de jatte ou plat, espèce de plateau.
C'est une erreur, au moins pour nos contrées. 11 signifie gril et est encore employé
dans ce sens du côté du Bourg-St-.-\ndéol.
(6) OucANGE dit que patella signifie bassin de terre ou de métal pour faire cuire
ou servir les aliments ; nous supposons qu'il désigne surtout des plats pour servir
à table, tandis (\aç. plats désigne peut-être les assiettes.
(7) Doit signifier un tourne-broche ou un dévidoir.
(8) Plats à oreilles.
(9) Grande cuiller en bois pour servir à table.
(10) Huilier? ou bien assiettes en bois ou l'on mettait le dessert fpicalhos) (? )
(11) Marmite.
(12) Peyrôlo et peyroulié signifie en patois chaudron et chaudronnier.
(13) Corbeille de paille tressée pour porter la pâte au four. — Portent encore le
même nom.
(14) Coussin. Le notaire qui emploie jusqu'ici le mot latin p ulvi n ar emp\oxe cette
fois le mot patois.
(15) On appelle en patois échalas les échelles à un seul montant formées d'un
tronc de sapin, de peuplier ou autres arbres à tronc droit et élancé, qu'on perce à
intervalles égaux pour y placer le» degrés qui sortent également des deux côtés du
tronc. Est-ce bien ces échalas ou bien de véritables échelles qu'on a voulu désigner
ici ?
2 34 NOTES SUR LA COMMANDERIE
t
galniero (i), petite, de peu de valeur; — un cop vinatgier (2); —
une gerla folhatoria, contenant presque dix setiers de vin (3) ; —
vingt-cinq saumées de bois (4).
Item, dans le tinal : — Deux cuves grandes, tenant à elles deux vingt
muids de vin ; — deux vases vinaires tenant un muid ; — un autre,
d'un demi-muid ; — un cop vinatgier.
Item, dans l'étable : — Les barres d'un lit ; — le râtelier et la man-
geoire ; — un bat ; - deux mulets avec leurs bâts, garnis et ferrés à
neuf, avec sacs et cordes, jusqu'à la somme de 30 florins.
Item, dans la cave [crota) : — Primo, un grand vase de 5 muids et
demi, auquel il manque un cercle, vide ; à côté, un vase de 4 muids,
plein de vin : — un autre, vide, de 3 muids et demi ; — un autre,
également vide, de 2 muids et demi ; — un autre, plein, d'une con-
tenance de 3 muids moins 6 setiers ; — un autre, vide, de 36 setiers;
— un autre, vide, de 10 setiers; — un autre plein, contenant 36
setiers, lequel vin est retenu par le commandeur pour son usage : —
un autre, vide, de 36 setiers: — un autre, de 40 setiers ou environ;
où il y a 10 setiers de vin ; — un autre, vide, de même contenance ;
— deux botellias de vin blanc, une, petite et presque pleine, et
l'autre vide ; — un barrai, de la contenance de 2 setiers : un petit
barrai, de 3 pintes ; — deux biros (5) ; — deux einbossjyres (6), l'un
pour les vases vinaires. et l'autre pour les tonneaux (vegetibus) ; —
une cossa (7) ; - une autre cossa : — un autre barrai de vin, conte-
nant un setier ; — un embossayre pro cogordis (8j ; — un petit vase
pour les istatgiis Cg) ; — deux pals de fer (10), un grand et un petit ;
(i; Doit être une espèce de bois.
{2) Copa, cuve, dans Ducange. Nous supposons que cop vinatoier désigne une
de ces cornues ou bennes où l'on met les raisins pour la vendange.
(3) On appelle encore gerlo, dans la région du Bourg-St-Andéol, les baquets
larges et peu profonds où l'on fait couler la lessive et qui servent aussi à fouler la
vendange. — Gerla folhatoria signifie donc problablement : baquet à fouler.
(4) Une saumée veut dire généralement la charge d'une bctc de somme. Son
poids exact varie selon les localités.
(5) Vrilles. On dit encore en patois hirous.
(6) Entonnoirs. Se dit encore en patois.
(7) Etait une mesure vinaire. Ducange dit qu'il en fallait 3.; pour faire une
émine. On appelle encore dans le patois local Caoûsso une sorte de gobelet ou bas-
sine servant à puiser un liquide.
(8) Il y avait, parait-il, une troisième sorte d'entonnoir pour remplir les gourdes.
(9) Istatga signifie encore en provençal une salle à manger.
(10) Un levier en fer. Le langage local a fait un seul mot des deux et appelle un
levier en paoujéré.
DES ANTONINS A AUBENAS. 2^5
— une/essayria (i) pour les prés ; — deux palas de fer (2) ; — deux
ligones (3) de fer ; — une serpe {goyà) ; - deux ayssadors (4).
Item, dans la chambre près l'étable : — Une couche (cougia) du
frère Antoine Bethoa ; deux couvertures grossières, deux draps, un
matelas de plume et un coussin de plume dudit frère ; — une table
de peu de valeur, u?ia escala (ou estala) sua (5) ; — une autre couche
pour les clercs, où il y a deux couvertures de peu de valeur, un
matelas de plume de peu de valeur, deux draps avec un coussin ; —
quelques ceps (?) pour trois personnes ; — deux armoires avec clés
et serrures.
Item, à la porte du tinal, clé et serrure ; — item, dans la chambre
qui est au delà du tinal, une armoire avec clé ; - item des bron-
des (6) dans le casai des porcs, bois ou brondes pouvant valoir 10
sols ; — une grosse pièce de sapin d'une canne de longueur.
Item, dans le charnier : — Une caisse sans couvert pour tenir le
sel ; — une échelle ; — une cledo (7) pour tenir les pieds de porcs ;
— un sobresol (8) pour tenir la viande de porc.
Item, dans le grenier : — Une caisse avec clé et serrure pour tenir
les fèves et les pois-chiches ; — une mesure d'une émine ; — un
boisseau (boycef) pour mesurer ; — un grive! (g) ; — une rasi-
tnayt (10) dans la. pastauderia : — deux cédas pour passer la farine (i i) ;
— treize grands porcs et neuf petits estimés tous ensemble 18
florins.
(i) La pioche dans le Bas-Vivarais s'appelle le fessou, bien que le Dictionnaire
de LiTTRÉ ait spécialisé ce mot pour la pioche des viticulteurs du Périgord. — Le
fessou est la pioche en forme de cœur allongé, à une seule pointe ; la pioche à
deux pointes s'appelle le bichet ; la pioche à extrémité large, en forme de pelle re-
courbée, s'appelle eyssado et l'on s'en sert pour défricher (eyssarta).
(2) Pala, bêche.
(3) Ligo, bêche, houe.
(4) Probablement pour eyssado, pioche à défricher.
(5) Sa stalle, fauteuil en bois (?)
(6) Ce mot est encore usité dans le patois local pour dire petit bois, broussaille,
du latin brans, dis.
(7) Le mot de claîdo signifie dans !e Bas-Vivarais une pierre creusée où l'on
tient le petit salé. Une clédo est, au contraire, une sorte de grenier où aboutit la
fumée de la cheminée'et où l'on fait sécher les châtaignes. Cledo est ici pour cla'ido-
(8) Devait être une sorte d'étagère placée au dessus du sol.
(9) Tamis grossier, en fil de fer, qui sert notamment à passer les cendres des
poêles pour séparer les cendres du charbon.
(10) Le racloir de la maïe.
(11) Tamis en soie.
236 NOTES SUR LA COiMMANDERIE
Item, dans la fenière de la maison : — Tout le foin de cette année,
et tout ce foin devra être rendu, et le commandeur se réserve pour
l'usage des bœufs et des animaux qui apporteront les provisions de
l'édifice de l'année présente douze crocias (ij tant d'ancien que de
nouveau fourrage, jusqu'à 26 quintaux de foin.
Item, le jardin cultivé en jardinage et safran {croco) comme pré-
sentement; — item un barrai plein de vinaigre.
Item, dans la grande cave : — Deux petites outres (bottas) (2),
bonnes ; — une autre outre de peu de valeur ; — une table ronde ;
— un dreyssador (3J de peu de valeur; — une status (?) pour le
charnier ; — un banc pourfendre la viande ; — une chaise (chaderia)
ronde, bonne ; — deux taulas (4J longues pour saler la viande ; —
un archibanc de peu de valeur ; - un dolh ; — une grande cage
pour tenir les poulets ; — dix-sept cercles de cuve et cornedo Tcor-
nue ?) et un vase des douves qui sont dans la grande cuve.
Item, dans la grande cuve : — Des douves d'une cuve avec son
buey{^)\ — des douves d'un tonneau de 33 douves avec la moitié
de son buey ; — deux bancs pour fendre et tailler des fagots [fasces)
dessus ; — un autre banc ad illud met (6) ; — un banc long ; — - un
entreclan {-j) de bois pour le chœur des Frères ; — une pierre dite
meule avec son ais de fer et son hachas (8) ; — un autre hachas pour
ledit ouvrage : — deux paires de hanchats (9J pour chapuser dessus ;
— quatre destreiss (loj ; — un virel (i i ) ; — huit planches de saule
pour faire des escabeaux ; — quatre planches de noyer pour faire
des étagères (s/a/^i^î'es) ; - deux demi-planches de noyer pour faire
(1) Probablement des balles de toin, ainsi nommées de ce qu'elles sont liées avec
des joncs croisés.
(2) Se dit encore en patois : bouto.
(3) Un dressoir ou l'on dresse la vaisselle, en patois dreyssodon.
(4/ Taulas se dit encore en patois d'une table grossière, ou bien de la table
grossièrement établie sur deux bancs, et en pente, pour saler le lard.
(5) Le buel ou buey est un vase ordinairement en bois ou l'on reçoit le vin
qu'on tire de la cuve.
(6) Signifie sans doute pour cela même.
(7) Une séparation, une sorte de grille en bois.
(8) Petit réservoir pour tenir la meule humide.
(9) On appelle encore banchats de grosses pièces de bois sur lesquelles on coupe
les pièces moindres pour ne pas ébrécher les instruments. Chapusa signifie en pa-
tois cf)uper par petits morceaux,
(10) Le pressoir.
(il) Sans doute la barre avec laquelle un tourne lu vis du pressoir.
DES ANTONINS A AUBENAS. 2^7
des bancs de salle (scantu aide] ; — deux pièces de bois de noyer
pour faire des bancs de salle et plusieurs autres pièces de bois ; —
quatre ressas (scies); — un autre ressa adayguest ; — deux serrures ;
— un marteau à tête de fer; — deux tiblicis (truelle) (i); — un jor-
net (2) ; — un folharet (^) \ ■- deux berbegrins avec trois bogets et
sept poinçons (4) ; — une eschalpe 'grosse hache non effilée, pour
équarrir); — quatre taravelles (taraud, espèce de tarière) ; — deux
biros (vrillesj ; — un/brmadoii (5J ; — deux ciseaux ; — un compas ;
— trois goyas (serpes) ; — un bedan (6) ; — un marteau-tenaille (yj ;
— un cotel de talha ; — un assier (8) ; — une rappa (çj ; — un sial ;
— une varloca (varlope) ; - deux rabosts frabotSy ; un bouvet ; —
un rabot de bordet (io)\ — des bordonadors ; — deux chanos ; — des
chavalas (chevalets); — un persiah : — un escayre (équerrej ; —
quatre triangles ; — une crosetta ; — des rollests ; — une règle : —
une masse ; des crochets ; un grand banc ; — une ayssetla a
doas mas (hachette à deux tranchants).
Tous ces objets du grand tinel furent remis à Antoine Plagniol
pour servir à son travail.
Certifié par le F. Antoine d^ Serre, commandeur. - Pierre
Salhencoyta, commandeur de Gévaudan. — Rochette, notaire.
Le 29 juillet, on joignit à l'inventaire les objets suivants : — Et
d'abord vingt caisses d'huile de noix.
Item, dans l'hôpital Ste-Anne sous la crote . — cinq vases vinaires
fêlés et l'un est plein de vin bon, d'une contenance de cinq muids,
(i) La truelle du maçon est encore appelée tible dans le patois local.
(2 et 3) Outils de menuisier.
(4) Villebrequin avec trois mèches. On dit encore berbegrin en patois. Dans
l'idiome picard, c'est biberkin.
(5) N'est-ce pas ce qu'on appelle le varlet chez les menuisiers?
(6) En patois bedaîné est le ciseau en fer qui sert à faire les mortaises.
(7) Marteau grossièrement effilé et fendu d'un côté pour servir à arracher les
clous.
(8) La lame d'acier qu'on met dans le rabot.
(9) Doit être une lime à bois.
(10) Ne serait-ce pas le rabot spécial destiné à travailler les surfaces concaves, les
tonneaux par exemple ?
238 NOTES SUR LA COMMANDERIE
lequel vin devra être rendu au commandeur par le frère Pierre à la
fin de sa ferme; — un entonnoir, un cop vinatgia et un entonnoir et
une cossa de bois ; — 200 pieds de porc et deux quartes de seigle ;
— 23 grandes poules, i coq, 3 chapons, 6 poulardes (polas) ; — des
chandelles de ceperi (torches en bois de cyprèsj, 20 livres ; — du
fromage, 3 quintaux ; - les deux paires d'outrés ci-dessus inven-
toriées pour 6 florins; — les douves d'une cuve tenant 6 muids.
Dans la chambre du commandeur. — Une caisse longue avec clé et
serrure renfermant deux caissons ayant clés et serrures, où sont
divers papiers ; — une table de noyer avec ses tabulariis et archi-
banc tournés (tous ces meubles sont neufs) ; — une petite table dite
concadorium avec ses pecollis dupla cum palastragiis ; — le tout
neuf: — une petite caisse avec deux serrures et clés pleines d'actes,
reconnaissances et autres documents de St- Antoine ; — un esca-
beau neuf; — une autre caisse pour tenir les chandelles; — une
garde-robe avec clé et serrure ; — la forme d'un lit dit charnol, avec
deux matelas pleins, l'un de gari (1), l'autre de plumes communes ; —
deux coussins avec gart l'un, et l'autre de plumes communes ; —
deux aureliers bons, pleins de plumes de gart, couverts en toile ; —
une couverture blanche de peu de valeur ; — un chandelier de lai-
ton ; - deux carreaux [carrels) de diverses couleurs pour s'asseoir ;
— un bancal dt p&\x de valeur; — une chaise (cAjiejyra) de peu de
valeur; — deux ra^mayst, deux petites barres de fer; — unt palas-
tragiam {2) neuve étamée ; — deux autres barres ; — un saleyro
(mortier à piler le sel); — une jaraille dit luguet avec son clavier;
— une colha d'embossayre (])\ — 4 barres de fer pour les portes;
— un couvert de bichet d'étain; — un saleyron d'étain ; — une écri-
toire {scriptorium) en bois avec quelques talhans, petit, avec 64 giest;
— un trabuchet (balance) avec ses poids d'or ; — quatre quartes de
froment pour porter au moulin.
Sur la chambre. — Trois couvertures blanches rayées de lil noir;
— une vana (couvre-pied) de grande forme, de peu de valeur; —
une couverture à jours (traylis) de couleur rouge avec des barres
blanches; — un bancal rouge de peu de valeur avec des raies vertes;
— deux couvertures de lit avec des raies vertes, ornées de feuillages;
— un bancal noir, neuf, avec des raies rouges ; — une cortina
(i) Gart, duvcl d"oie, en provençal.
(2) Grillage.
(^) Cuillère d'entonnoir scrvani probablement à puiser l'huile.
DES ANTONINS A AUBENAS. 2^9
rouge, de peu de valeur, de grande forme ; — une couverture de
couleur perse avec des raies rouges, blanches et vertes, de grande
forme; — un bancal de diverses couleurs de peu de valeur; —
8 draps neufs de 2 lés et demi ; — 30 draps de valeur convenable ;
— autres 10 toiles de matelas (lintheamina constarum) {t) de peu de
valeur; — un autre drap dun lé et demi où sont renfermés 8 draps
neufs, — trois draps de deux lés, bons ; — six grands draps de
2 lés et 1/2, dont 5 neufs et un de 3 lés, neuf; — sept nappes bonnes
et neuves ; — cinq nappes de valeur convenable ; — une autre
nappe de peu de valeur ; — neuf bufets dont 2 neufs et les autres
de valeur convenable ; — trois longières neuves ; — huit longières
de valeur convenable : — une caisse de noyer, avec clé et serrure,
où il y a presqu'une émine d'amandes ; — deux bassins de laiton
alamanhe (2) pour se laver les mains ; — quatre chandeliers de lai-
ton, neufs et beaux, une demi torchia de cire; — une autre caisse
longue pour tenir les nappes d'une part, avec clé et serrure, et
d'autre part pour tenir les draps, avec clé et serrure ; — une nappe
avec sa longière, fine, faite de coton perse avec feuillages et traits
d'animaux, ouvrage de Lombardie ; — vingt serviettes, bonnes et
fines ; — deux demi-longières, bonnes et fines ; — une autre de
valeur convenable; — une pièce de toile longue de 21 palmes de
bonne toile neuve ; — =• deux draps pour faire des cortines, une de
quatre lés et une autre de trois lés ; — une pièce de toile desdits
draps ; — quelques franges de fil neuf pour remettre auxdites cor-
tines, le tout dans un sac de toile ; — trois boscie (3) pro tenendo
species sacci al torn ; — un missel neuf de petite forme, avec deux
fermoirs de laiton, couvert de toile, qui finit à la dernière ligne de
la première page : tua pietate, et finit au bas de la dernière page :
Qui vivis ; — Dix verres de forme commune.
C'est ainsi {ita est) : Frère Antoine de Serre, commandeur ; —
Pierre Salhencoyta, commandeur de Gévaudan ; — Rochette,
notaire.
(La suite au prochain numéro.)
D^ FRANCUS.
(i) Couste et coîte, matelas, lit de plumes (Ducange).
(2) Probablement du laiton d'Allemagne.
(3) Boge, en provençal, grand sac. On appelle buogeo dans le Bas-Vivarais le
sac en forme de besace, dont l'ouverture est au milieu, et dont les deux extrémités
chargées pendent une de chaque côté de la bête.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
cfaprès des documents officiels et inédds.
Parmi les prêtres desservant les paroisses du Trièves flsère), à
l'époque de la grande Révolution, plusieurs furent emprisonnés, deux
subirent la déportation, douze s'exilèrent, un mourut sur l'échafaud,
tous souffrirent cruellement, de simples fidèles en grand nombre
partagèrent leurs épreuves. C'est à ces victimes du devoir que nous
dédions notre modeste travail, en les suppliant de demander au
Seigneur, pour les pasteurs et les fidèles, le courage et le zèle
dont leur cœur fut rempli pour la défense de la vérité.
Les archives municipales des communes du Trièves, les délibé-
rations du Directoire de district de Grenoble nous ont fourni les faits
que nous livrons à la publicité. Ce que nous racontons est entiè-
rement inédit et de la plus grande exactitude. Toutes les fois que
cela a été possible, nous avons laissé parler les Registres des déli-
bérations ou des lettres écrites parles représentants de l'autoi'ité à
cette époque, et nous les avons transcrits littéralement. Le lecteur,
par ce moyen, pourra mieux apprécier les faits eux-mêmes et l'esprit
qui en a dirigé les auteurs.
C'est avec joie que nous exprimons publiquement notre recon-
naissance à tous ceux dont le bienveillant concours nous a si puis-
samment aidé. Nous remercions surtout le consciencieux et pieux
auteur de Pie VI dans les prisons du Daiipliiné et de Deux mai tyrs
en /790.
Nous souhaitons que la lecture des faits, relatés dans ces quel-
ques pages, apprenne à tous à se défier de ceux, qui, sous divei-s
prétextes propres à dissimuler leurs funestes desseins, cherchent à
opprimer les consciences et à détruire la foi. Puissions- nous com-
prendre les grands et utiles enseignements de l'histoire !
Blandin, 7 juillet i8Sy.
LE TRIEVES PENDANT LA REVOLUTION. 24 î
CHAPITRE PREMIER
Révolution, de 1789 a octobre 1791
Les esprits, dans le Trièves, étaient prêts depuis longtemps pour
une révolution, lorsque celle de 1789 éclata. Les impôts étaient lourds
à porter, plus lourde encore était la domination de quelques familles
nobles, dures et tracassières pour les habitants de leurs terres. On
ne supportait les unes et les autres qu'avec peine et en éprouvant
pour eux des sentiments de haine profonde. Cette haine trouvait
encore un aliment puissant dans l'esprit d'indépendance, qui, de
tout temps, a régné chez le Triévire et lui a toujours fait regarder un
supérieur comme un ennemi à renverser. Aussi les communautés de
ces cantons avaient-elles lutté contre les seigneurs et attendaient-
elles impatiemment un changement, dans le gouvernement de la
France, qui leur permettrait de les chasser. De plus les familles
nobles étaient riches pour la plupart, possédaient de vastes proprié-
tés, objet de convoitise pour leurs vassaux. Quelle ne fut pas la
joie de ces derniers lorsqu'ils se crurent arrivés au but tant désiré !
Couper librement du bois là où ils n'avaient jusqu'à ce jour pu que
ramasser quelques branches mortes, mener paître leurs troupeaux
dans de grasses prairies qu'il leur avait été interdit même de traver-
ser, c'était pour eux une fortune, croyaient-ils, et nous les verrons
trop souvent jouir de ces biens usurpés avec un empressement qui
tiendra du délire. Pour essayer de s'en assurer la perpétuelle posses-
sion, ils brûleront tous les titres et terriers renfermés dans les archi-
ves des châteaux avec un soin et un empressement rares ailleurs.
Ces aspirations vers des temps nouveaux avaient encore un autre
but chez les protestants. Jusqu'en 1685 ils avaient été les plus forts
et n'avaient vu ensuite qu'avec peine la révocation de l'édit de Nantes
leur enlever la prépondérance et diminuer le nombre de leurs parti-
sans. Ils attendaient impatiemment des temps de troubles pour
reconquérir sur les catholiques tout ce qu'ils avaient perdu. Mais
plus habiles que ces derniers, ils ne laissaient paraître qu'un grand
amour pour la liberté, dissimulaient avec soin leurs tendances, sa-
vaient amener leurs voisins à les aider gaiment, en attendant qu'ar-
BuLL. VII, 1887. 18
242 LE TRIEVES PENDANT
rivât le moment de les dépouiller de leurs églises et des revenus des-
tinés aux frais du culte. Ils n'avaient pas en outre oublié, au point
de vue de la fortune, que les guerres de religion leur avaient été
fructueuses, et nous verrons par la suite que ce ne fut point leur
faute si les jours de la grande révolution ne le furent pas aussi pour
eux tous. Ces appréciations pourront surprendre quelques-uns ;
mais pour nous, elles sont motivées par bien des aveux recueillis de
la bouche même des enfants des hommes de 8g, comme on les ap-
pelle encore dans le pays, et par sept années d'observation des
mœurs locales.
Presque aucun catholique n'embrassa les idées révolutionnaires
par haine de sa religion et du clergé. Ceux qui s'étaient laissé
tromper renièrent leurs erreurs lorsqu'ils virent les églises fermées,
les prêtres chassés, les pratiques religieuses proscrites comme des
crimes abominables. Trop tard, ils s'apergurent qu'en cherchant à
conquérir la liberté, on n'avait point su s'arrêter dans de justes
limites et, qu'après l'avoir obtenue en partie, ils avaient trouvé des
fers et des maîtres impitoyables.
Le 17 juillet 1789, la population de Mens se réunissait avec
empressement, sur l'invitation de ses consuls, pour applaudir avec
frénésie à la lecture d'une délibération des habitants de Grenoble.
Ceux-ci s'étaient assemblés dans l'église de St-Louis de cette ville
pour protester contre le lit de justice du 20 juin précédent, le renvoi
du ministre Necker et la concentration des troupes à Versailles, en
un mot contre tout ce qui pouvait enrayer la marche de la révolu-
tion. Nos Mensois furent heureux de pouvoir s'associer à cet acte
de patriotisme illégal fi). Ils furent surtout fiers de montrer qu'ils
existaient et étaient pour le progrès.
Bientôt il faudra quelque chose de plus qu'une simple adhésion.
Les événements s'étaient succédé rapidement après le 17 juillet.
L'assemblée nationale avait aboli les titres et droits féodaux, procla-
mé la déclaration des droits de l'homme et une constitution fran-
çaise, divisé la France en départements, établi l'égalité des Français
devant les lois de l'impôt, voté la suppression des vœux monastiques
et des ordres religieux, la constitution civile du clergé. La munici-
palité de Mens avait tressailli de joie en apprenant ces travaux, où
des réformes utiles étaient mêlées à des actes de tyrannie inique
(i) Mens, ^Registre des délibérations, au 17 juillet 1789.
LA GRANDE REVOLUTION. 243
Elle crul que pour elle le jour de gloire était arrivé et saisit l'occasion
de ces faits pour témoigner de ses sentiments.
Le dimanche, 21 novembre 1790, son maire Bermond lui propose
d'envoyer à l'assemblée une adresse dont nous extrayons ce qui
suit, lignes bien propres à faire connaître les tendances du pays :
« Noseigneurs. La constitution française est un temple que votre
sagesse élève à la liberté et dont elle a posé les fondements par
l'organisation de toutes les municipalités du Royaume. La commune
de Mens, chef-lieu de trente-deux communautés, jouit déjà de ce
premier bienfait et les administrateurs quelle a nommés vous sup-
plient d agréer l'expression de leur reconnaissance.
» Us ne vous fatigueront pas par ces demandes irréfléchies que
dictent chaque jour les intérêts opposés de plusieurs communautés
du Royaume. Us sont convaincus que de pareilles demandes, si elles
pouvaient éti'e accueillies, rétabliraient parmi nous les distinctions,
les privilèges, les jalousies et la servitude. La commune de Mens
porte setj regards au delà de son enceinte, et quelle que puisse être
la position des établissements publics dans le département qui la ren-
ferme, elle se soumet avec confiance à ce que l«s pères de la patrie
vont ordonner pour son bonheur. Le même sentiment qui fait se-
couer à des hommes libres le joug odieux du pouvoir arbitraire,
leur fait baisser un front docile sous le joug des lois... Nous nous
montrerons dignes des éloges qu'ont reçus les habitants des Alpes à
la tribune de l'assemblée nationale parla promptitude de notre obéis-
sance à ses décrets. Nous prouverons au meilleur des rois qu on ne
lui dissimule pas les véritables sentiments de son peuple en lui
disant qu'il est adoré. Et nous nous rendrons dignes de cette liberté,
dont il s'est déclaré l'ami et le protecteur, en sacrifiant, s'il le
faut, nos fortunes et nos vies pour maintenir l'heureuse constitution
qui nous arrache à l'état de dégradation et d'esclavage, dans lequel
les Français ont gémi si longtemps (ij... »
Nous ne savons si le roi et l'assemblée nationale lurent cette
adresse ; mais Mens ne devint point sous-préfecture, ni chef-lieu
d'un canton formé par le Trièves entier, ce qui était le rêve des
nouveaux édiles.
Un décret du 26 novembre, revêtu, le 26 décembre suivant, de la
sanction royale, rendit obligatoire pour les prêtres français l'article
( I ) Mens, Reg. des délib.
244 ^^ TRIEVES PENDANT
38 de la constitution civile du clergé, qui lui imposait, dans un temps
fixé, de prêter serment de fidélité à cette même constitution, votée
en haine du christianisme. On voulait avoir des mercenaires pour
pasteurs des âmes, afin que le loup de l'impiété pût ravager plus
facilement le troupeau de Jésus-Christ.
Les journaux alors n'existaient pas pour les campagnes reculées,
et les prêtres du Triêvcs ne connurent point les paroles énergiques
prononcées, à l'assemblée nationale, contre cette constitution, ni la
portée du serment exigé. Trompés par les assurances pleines de
ruses qu'on leur adressait, par de séduisantes promesses et le repro-
che de craindre de se montrer français, il se décidèrent à la fin de
prêter serment. Ils le firent avec des restrictions propres, croyaient-
ils, à tranquilliser leur conscience et les empêcher de rompre avec
l'Eglise catholique. Quatre seulement n'y mirent aucune condition :
Pupin, curé du Monêtier-du-F^ercy, Roycomte, de St-Genis, Gay-
mard, des Petits-Moulins, et Jannais, vicaire de Mens ; les deux
premiers, vieillards octogénaires chez qui l'âge avait affaibli les
forces du corps et plus encore celles de l'esprit ; les deux seconds,
prêtres ambitieux, sans piété et légers, comme leur conduite le prou-
vera par la suite.
Pour se conformer à l'article 39 du décret du 26 novembre,
M. Bac, curé de Mens, alla déclarer, le 18 janvier 1791, devant la
municipalité que le dimanche sui\ ant il prêterait le serment deman-
dé. Il écrivit lui-même et signa d'une main tremblante sa déclara-
tion (i).
Le lendemain, son vicaire fit la même démarche ; mais au jour
fixé il fut seul à tenir sa promesse, sans hésitation et sans restric-
tion, à la fin de la messe de paroisse et devant les conseillers muni-
cipaux et les fidèles de Mens assemblés. M. Bac, indisposé, ce jour là,
ne parut point {2). Les inquiétudes que sa démarche causait à ce
bon prêtre ne furent probablement pas étrangères à son indisposi-
tion. Le 23 du même mois, il put faire l'acte, cause de tant de larmes
dans la suite. Le registre des délibérations est ici à transcrire en
entier :
» Du dimanche 23 janvier 1791, à l'issue de la messe de paroisse,
dans l'église de Mens, en présence du conseil général de la commu-
(i) .Mens, Reg. des dèlib.
(aj Ibidem, à la date du lO février.
LA GRANDE REVOLUTION. 245
ne et des fidèles de cette ville, M. Jacques-Jean-André Bac a dit
qu'il était prêt à prêter son serment civique et aux termes prescrits
par l'assemblée nationale. Les préalables portés dans le décret du
27 novembre dernier ayant été remplis, a-t-il dit, je me félicite en ce
que les nombreuses anxiétés que j'ai éprouvées, uniquement à cause
de mon attachement à la religion, se soient dissipées. Volontiers je
me suis rappelé que je pourrais vous dire à vous-mêmes ce que
disait un digne curé à l'assemblée nationale, à l'époque de la presta-
tion de son serment, serment qui fut entendu avec applaudisse-
ments : à la face de la France, de l'univers, l'assemblée nationale a
manifesté solennellement son profond respect pour la religion catho-
lique, apostolique et romaine. Jamais elle n'a voulu priver les fidèles
d'aucun moyen de salut ; jamais elle n'a entendu porter atteinte au
dogme, à la hiérarchie et à l'autorité spirituelle du chef de l'Eglise;
elle reconnaît que ces objets sont hors de son domaine.
» Ainsi me voilà au pied de l'autel, revêtu de toutes les marques
de la dignité sacerdotale, à l'issue de la fonction la plus auguste et
la plus sainte de la religion, pour, en votre présence. Messieurs, et
celle des fidèles, prêter ce serment, ou, comme on l'exige de nous,
jurer de veiller avec soin sur les fidèles qui nous sont confiés. Je le
jure d'autant plus volontiers de cœur et d'âme que c'est mon devoir
d'agir ainsi. Cet article m'est tellement à cœur que, si pour le salut
de vos âmes, mon sang était nécessaire, quoique ma vie soit peu
digne de la gloire des souffrances, j'espère de la clémence du Sei-
gneur qu'il me fera la gloire de le répandre. Ce ne sont pas ici des
compliments que j'entends vous adresser, mais je suis bien déterminé
à agir ainsi, si la Providence me met dans le cas de le faire. Venez
donc avec confiance, vous tous qui êtes mes ouailles et vous tous de
qui il dépend de nous causer des peines ; soyez persuadés que nous
les recevrons toujours avec joie, quand il s'agira de votre bien
spirituel.
» Nous sommes faits pour vous, et puisque notre état nous donne
le droit de vous parler, nous ne cesserons de vous inviter, comme
nous le faisons dans ce moment, à être toujours bons chrétiens et
bons citoyens. Être bons chrétiens, c'est la première chose ; être
fidèles à Dieu et à sa loi, l'aimer sincèrement, avoir une sainte hor-
reur du péché, croire toutes les vérités qu'il nous a révélées et qu'il
nous ordonne par son Eglise, son interprète infaillible, croire, sceller
ces mêmes vérités de son sang, si cela était nécessaire, voilà ce que
doivent être et faire de bons chrétiens.
246 LE TRIÈVES PENDANT
n Enfin soyez bons citoyens, bons patriotes, pour me servir de
vos expressions, et ceci dépend de votre fidélité à Dieu ; car vous ne
pouvez manquer à ce que vous devez à l'autorité légitime sans en
même temps manquer à ce que vous devez à Dieu, qui vous or-
donne d'obéir aux puissances et d'aimer vos frères. Demeurez fidèles
à Dieu et le reste vous coûtera peu.
» Quant à votre curé, il continuera, pour ces deux choses, à vous
prêcher par l'exemple ; il sera fidèle à Dieu, fidèle à son devoir. Il
aimerait plutôt mourir mille fois que de s'écarter de cette voie. Je
serais bien à plaindre, ô mon Dieu, si jamais la crainte des tour-
ments ou de perdre mes biens pouvait me faire manquer à l'obéis-
sance que je vous dois. Vous pouvez être persuadés d'avance, M. F.,
que nulle soumission ne l'emportera sur la nôtre, que nous ne ces-
serons de nous montrer fidèles à la loi, prêts, dans toute occasion,
à employer notre influence à procurer et à affermir la paix, l'ordre
et la tranquillité. C'est cette même religion de Jésus-Christ, que je
dois prêcher, qui me l'ordonne, religion à laquelle j'ai voué et je
voue ici, en votre présence, la soumission la plus absolue jusqu'à la
mort. Et, cette promesse toujours présente à mon cœur et à ma
pensée, je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui
m'est confiée, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de main-
tenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée et
acceptée par le roi.
» Et puisque je fais ce serment d'une manière si solennelle, je de-
manderai de nouveau à Dieu d'y être fidèle. Agréez aussi que je vous
invite tous à la même fidélité envers les lois divines et humaines ;
car ce n'est que par cette même fidélité aux unes et aux autres que
nous pouvons espérer de passer des jours plus heureux ici-bas et
ensuite partager le bonheur des saints que je vous souhaite.
» Et a, le dit M. Bac, signé avec les membres de la municipalité. »
.M. Bac n'avait cru pouvoir trop prendre de précautions, afin de
ne point se séparer de l'Eglise ; cependant il pleurera amèrement sa
faiblesse, la réparera par une rétractation énergique et l'expiera en
versant son sang sur l'échafaud.
Parmi les autres prêtres du Trièves, presque tous prêtèrent le
serment. C'étaient alors MM. Tcstou, curé de Cordéac ; Beau, de la
Croix-de-la-Pigne; Dupra, de la Posterle; Blanc, de St-Sébastien ;
Plassy, de Lavars ; Joseph-Alex. Galfard, de St-Baudille-et-Pipet,
et Vctte, son vicaire; Clément Bourillon, du Périer; Aubert, de
LA GRANDE REVOLUTION. 247
Prébois ; OUagnier, d'Oriol ; Brudon, de Tréminis ; Bourillon oncle,
de St-Maurice; Audemard, de Lalley ; Pupin, du iMonêtier-du-
Percy ; Antoine Galfard, de Clelles, et Liotard, son vicaire; Ville,
de St-Martin-de-Clelles ; Audiffret, de St-Michel-les-Portes ; Bar-
naz, de Torannes ; Roycomte, de St-Genis ; Péralda, de St-Jean-
d'Hérans ; Chauvet, de Chichilianne. La formule, pour ainsi dire
uniforme, du serment prêté est celle prononcée par M. Brudon (i) :
« Le 13 janvier 1791, dans l'église paroissiale de Tréminis, en pré-
sence des fidèles et du conseil municipal convoqués par M. Brudon,
curé, aussitôt après la messe, celui-ci a prêté serment à la constitu-
tion en ces termes : Convaincu par l'exposition, qui nous a été
envoyée, que les sentiments de l'assemblée nationale ne sont pas de
porter atteinte à la religion catholique , apostolique et romaine,
c'est sous cette condition que je jure de veiller sur les fidèles qui me
sont confiés, d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roy, et de main-
tenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée
nationale et acceptée par le Roy (2j. »
Des témoignages contradictoires sur MAL Testou et Audiffret
nous empêchent d'affirmer qu'ils refusèrent le serment de fidéUté à
la constitution, quoique nous penchions pour la négative (^).
Le pape Pie VI condamna de nouveau la constitution civile du
clergé et ordonna, dans une bulle du 13 avril 1791, à tous les prê-
tres assermentés de se rétracter, dans les quarante jours, sous peine
d'être suspens de l'exercice de tous ordres et soumis à l'irrégularité,
s'ils en faisaient les fonctions. Aussitôt que cet ordre du Vicaire de
Jésus-Christ fut connu, tous ceux qui avaient prêté le serment avec
restriction s'empressèrent d'obéir humblement. M. Brudon le fit au
mois de juin suivant (4). M. Galfard, curé de Clelles, le 5 mai, par
une lettre qu'il écrivit au comité d'administration de l'Isère et que
nous citons textuellement . « Messieurs, j'ay aperçu, depuis quel-
ques jours, à la porte de mon église un décret du 4 janvier, par le-
quel l'assemblée nationale ordonne que le serment prescrit par le
décret du 27 novembre dernier sera prêté purement et simplement
(i) Nous la trouvons dans les Registres des délibérations de la commune de
Tréminis.
(2) Tréminis, et archives des diverses communes du Trièves de 1791 à 1792 ;
pièces communiquées par M. Grise de la Posterle.
(3) Répojise aux questions de l'Ordo de iS^-j, à l'Évèché de Grenoble.
(4) Tréminis, Reg . des délib.
248 LE TRIÈVES PENDANT
dans les termes mêmes du décret, sans qu'aucun ecclésiastique puisse
se permettre des préambules, des explications et restrictions. Je vous
avoue sincèrement que ma religion, la confiance et la soumission
que je dois à mes supérieurs ecclésiastiques ne m'ont pas permis de
le prêter ainsi. Si j'avais eu plus tôt connaissance de ce décret,
j'aurais pris la liberté de vous faire connaître mes sentiments à cet
égard, desquels je ne crois pas devoir ni pouvoir m'écartcr sans
perdre de vue et sans blesser ma religion et ma conscience. Pour
mieux vous convaincre que je n'ai pas varié, je joins ici une copie de
l'extrait du procès-verbal de mon serment, tiré mot-à-mot des re-
gistres de la municipalité. Je croirais, Messieurs, me rendre trop
coupable à vos veux, si vous étiez instruits par un autre que par moi
de mes véritables sentiments au sujet du serment que j'ay prêté tel
que ma conscience a pu me le permettre. En le prêtant ainsi, j'ay
voulu donner à mes paroissiens un exemple de la soumission duc
aux lois; mais je n'ay point voulu, je vous prie d'en être bien con-
vaincus, surprendre votre religion en vous faisant demander mon
traitement pour le quartier passé. Si mon serment et la déclaration
que j'ay l'honneur de vous faire me rendent réfractaire, je me sou-
mets très volontiers à la peine qu'éprouvent déjà un grand nombre
de mes confrères, lesquels ont eu sans doute beaucoup plus de lu-
mières et de fermeté que moi. Et si, dans le sens qui a pu être pris,
on croit pouvoir m'obliger à des choses contraires aux restrictions
que j'ay mises à mon serment, dès lors je le retire, et pour qu'il en
conste, en cas de besoin, je garde une copie de la présente et en
remets une autre à la municipalité.
» J'ai l'honneur d'être très-respectueusement. Messieurs, votre
très-humble et très-respectueux serviteur. Galfard, curé(ij. »
M. Liotard, son vicaire, alla le lendemain faire une déclaration
semblable devant la municipalité (2). M. Allemand suivit cet exemple
et se rétracta publiquement à l'église, en suppliant ses paroissiens
de lui pardonner le scandale qu'il leur avait donné (7 maij (3). MM.
Berthon et Doux le firent, le premier, le 23, et le second, le 13
juin (4). Tous les autres les imitèrent ou même les devancèrent.
Nul plus que M. Bac ne mit du zèle à réparer son erreur. Le 8
(i) Clelles, Reg. des délit.
(2) Ibidem.
(3) Délibération du directoire de Grenoble, dans le Reg. des délit, de Clelles.
(4J Ibidcnn.
LA GRANDE REVOLUTION. 249
juin, il refusa énergiquement à la municipalité de lire la lettre pasto-
rale de l'évêque constitutionnel de l'Isère. Quatre jours après, au
moment où le maire de Mens, Sibey, allait monter dans la chaire
sacrée pour faire cette lecture à sa place, il prononça d'une voix
vibrante la protestation suivante : « Je me dois à moi-même et à
vous des explications sur le serment civique que j'ai prêté en votre
présence, le 23 janvier dernier. Il m'en coûte d'avoir à en parler ;
mais, pressé par les circonstances et afin que vous puissiez juger de
mon patriotisme, je vais vous les donner.
» Quand j'ai prêté ce serment à la puissance temporelle, je me
suis assujetti envers elle en tout ce qui est civil et politique et en
tout ce qu'elle est en droit de m'imposer. Et en ceci, sans examiner
le<, peines et les difficultés, je vous donnerai toujours l'exemple de la
soumission, même au péril de ma vie, si c'était nécessaire. Mais je
n'ai pas entendu, ni n'ai pu m'obliger en ce qui concerne la Reli-
gion, encore moins à cesser de lui être fidèle ; au contraire, je lui ai
fait, devant vous, promesse de fidélité la plus absolue, et ce n'est
qu'avec cette même fidélité, présente à mon cœur, que j'ai prêté le
serment civique, ce qu'il appert du procès-verbal qui en fut dressé.
» Quand je dis la Religion, et je n'en connais pas deux, c'est
comme si je disais la Religion catholique, apostolique et romaine.
En cette partie, ainsi qu'en tout ce qui lui est uni ou lié, des lois ne
peuvent émaner que de l'Eglise exclusivement et non dailleurs. C'est
à elle seule que Jésus-Christ a confié le pouvoir de régir et instruire
ses enfants, principe sûr et indubitable, reconnu comme tel par nos
représentants, nous assurant, il y a peu de temps, qu'ils n'avaient
pu ni dû y toucher. Aussi c'est d'elle seule et non de schimatiques
que je recevrai des enseignements pour vous les communiquer.
(La suite au prochain numéro).
A. LAGIER.
(i) Mens, Reg. des délib.
MANUSCRITS & INfCUNABLES
LITURGIQUES
DU DAUPHINÉ
GENEVE.
Du IV^ siècle à la Révolution le diocèse de Genève a fait partie de
la province ecclésiastique de Vienne : on ne saurait donc s'étonner de
trouver dans ce Bulletin la description de quelques-uns de ses livres
liturgiques. Ce n'est d'ailleurs que par exception et pour faire profiter
nos lecteurs de l'obligeance qu'a mise à m'en communiquer deux spé-
cimens, M. le chanoine Chevalier, professeur au grand séminaire
d'Annecy.
1° Bréviaire de 1398.
Ce gros manuscrit se compose encore de j6j feuillets de parchemin,
non numérotés (mais avec réclames), et mesure ijj millim. sur i.fo. Il
est dans sa reliure primitive, en cuir gaufré semé de fleur s- de -lis, de
quatre-feuilles et d'agneaux de S. fean-Baptiste, avec double fermoir ,
dont il ne reste que les clous en cuivre ; le dos a été consolidé au XVII^
siècle par une double feuille de parchemin, sur laquelle on a collé un
titre en papier reproduisant le colophon. L'écriture, en rouge et noir,
est à 2 colonnes, de 72 lignes. Comme feuillet de garde, fragment
d'acte de vente iXIV" s.) d'une terre de la mouvance du prieur de
Talloires ("de Tallueriis). Du calendrier il manque les quatre premiers
mois depuis assez longtemps, car on a écrit sur la page de mai : A
l'usage des (al. Pour les) Capucins de St Jullicn.
Voici, en combinant le calendrier avec le sanctoral de ce Bréviaire et
le corps du Missel suivant, les saints particuliers dont l'inscription est
à noter (i) : — Januarius. l'^ugendi abbatis, Clari abb., Gcnovefe
virginis, Sulpicii (al. Susplicii) episcopi et confessoris, Juliani episc.
et conf. — Fi:rmt:ARius. Brigide virg., Viti episc. et conf., Desiderii
episc. et martyris, juliane virg. et mart., Vuabuge virg. — Martius.
Albini episc. et conf., Adriani mart., Eugemic virg. — Aprilis.
(i) Une étoile indi.jue les additions au calendrier du Bréviaire.
MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES. 25 1
Oportune virg. — Mayus. i, Sigimundi (al. Syg-i, Sigismodi) ré-
gis mart. cum sociis suis ad unum. 8, S. Pétri Tharantasiensis. 9,
Translatio S. Nycholai. 11, Vienne, Mammerti episc. et conf. 13,
Marie ad martyres. 2^, Vienne, Desiderii episc. et mart. 28, Pari-
sius, Germani episc. et conf. — Junius. i, Nychodemi (al. Nicho-
medis) mart. 6, Claudii archiepisc. et conf. 16, Cirici et Julitc, Fer-
reoli et Ferrucii martt. 20, *Florencie virg. 22, Albani mart., *Con-
sorcie virg. et decem milium martt. — Julius. 4, Translatio s. Mar-
tini. 7, Claudii et soc. s. martt. 11, Translatio s. Benedicti abb.
13, Sylee apostoli,* Cleti pape. 14, *Albani mart. 15, *Jacobi episc.
et mart., Divisio xii''''" apostolorum, Dedicatio dominici sepulcri,
Dedicatio Boneville. 16, b. Apollonie. 17, *Arnulphii episc et conf.
27, *Septem dormientium. 31, Germani episc. et conf. — Augustus.
2, Eusebii episc, et conf. 5, Affre virg. 6, Benedictio uvarum
(M., f° i8^a). 16, Theodori {al. T-oli) episc. et conf. 25, Genesii
mart. 26, *Juliani m , Dedicatio Clus(arum). 27, Ruphi (al. Ruffi)
mart. 31, Paulini episc. et conf. — September. 2, Justi episc. et
conf. 4, Bonifacii episc. et conf. 7, Grati episc. et conf. 17, Lam-
berti episc. et mart. 18, Vienne, Ferreoli episc. (al. mart.). 2g, Oc-
tabe s. Mauricii. 30. Victoris et Ursi mm. — October. 2, Leode-
garii episc. et mart. 5, .Appollinaris mart. 6, Fidis virg. et mart.
7, *Dedicatioecclesie Sancti Syonziaci (Scionzier). 8, Dedicatio eccle-
sie Sancti Pétri Gebennis, cum octava. 10, Gereonis sociorumque
ejus martt. 11, *Nicasii mart. 12, *Eustachii presbiteri. i3,*Geraldi
conf. t6, Galli conf. 17. *FIorentini. ig, *Aquilini episc. et conf. 20,
*Guersenti mart. 22, *Terierii episc. et conf. 23, Severini presb.
(al. episc.) et conf. 24,. *Terodoici mart. 25, Crispini et Crispiniani.
26, Revclatio s. Mauricii sociorumque ejus. 2g, *Vedasti et Amandi
conf. 31, Quintini mart. — Nove.mber. i, Cesarii mart. 3, Marcelli
episc. et conf., *Eustachius cum so. 4, Clari mart. 12, Hymerii mart.
13, Bricii episc. et conf. 19, Maximi presb. 21, Columbani abb. —
December. i, Eligii episc. et conf. 4, Apri presb. et conf.
Le feuillet suivant (relié à retour) renferme une table des fêtes mo-
biles et ces pronostics :
Clara dies Pauli larga fruges notât anni.
Si fuerint venti, parantur prelia genti.
Si fuerint nubila, pereunt animalia multa.
Si nix vel pluvia, désignât tempora cara.
Le commun du temps cotnmence par le mot Vitatorium ; l'initiale
ornée est celle de Primo (hymne), avec encadrements d'arabesques. Ces
252 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
enluminures se renouvellent pour chaque férié et à toutes les principales
fêtes. Après le Te Deum vient la Letania major, qui ajoute â celles de
Rome les saints Uriel, Line, Clete, Clemens, Syste, Corneli, Cipria-
ne, Georgi, Alauricii cum sociis tuis, Dyonisic. s. t., Eustachi c. s. t.,
Sygimunde c. s. t., Leodegari, Blasi, Xpistoforc, Marcelle, Léo.
Hylari, Eusebi, Théodore, Germane, Golumbane, Galle, Pauline ;
et les saintes Félicitas, Perpétua, Prisca, Margareta, Fides, Juliana,
Susanna. Le v° du dernier f" de cette partie est blanc.
T7e?2/ ensuite le propre du temps : In nomine Patris et Filii et
Spiritus sancti, amen. Incipit Breviarium secundum consuetudinem
et ordinarium ecclesie Beati Pétri Geben(nensis). Sciendum est quod
in sabbato ante dominicam de Adventu Dormini)... Les hymnes sont
celles du rite romain dans leur forme primitive. — Notons seulement
quelques particularités Après les vêpres de Pâques, fiât processio ad
fontes et debent incipere cantores eundo..., in reditu... fit stacio
ante crucem, quo finito débet processio intrare chorum sic dicendo :
Nolite...; cette procession se renouvelait chaque jour de cette semaine.
Ordo servicii post octavam Trinitatis, in diebus sabbati... Hore
béate Marie debent dici amodo in choro et in qualibet die, ut in fine
Breviarii sunt notate die sabbati post Nativitatem. In sollempnitate
Eukaristie Domini : c'est l'office composé par S. Thomas d'Aquin.
Ordo officii post octavam Trinitatis diebus dominicis...; processio
débet fieri diebus sabbatis ante crucem.
Incipit proprium ofîficium commune sanctorum et sanctarum par
anni circulum. In natale beati Silvestri, orationem et legendam inve-
nies hic : vitatorium, a(nliphonas), p(salmos), vfersus) et totum quod
hic non invenies, require in commune officio confessoris pontificis. —
Nota quod octava béate .\gnetis débet fieri... ut in die {esû... Après
s. Julien : Agnetis secundo. Nota magnam ignoranciam, quia propter
hoc quod fit festum Agnetis secundo octavo die, propter hoc fuerit oc-
tava et ignorantur. — In dedicatione basilice Béate Pétri Geben...,
sermo b' Augustini...
Incipit parvum commune sanctorum. Et primo de euvangelistis.
— Incipit officium béate Marie Virginis in tempore communi..., in
Adventu, etc. — In festo omnium defunctorum, sequitur ordinacio
festi... — Secuntur preces que dicuntur diebus ferialibus in Adventu
et in XL' CQuadragesima).. — Secuntur benedictiones per annum
circuli (pour anni circulum)... — Laus Deo, pax vivis et requies de-
functis, amen.
Explicit Breviarium scriptum manu Guillermi de Fovea, quem
DU DAUPHIN'E : GENEVE. 253
fecit fieri dognus Amedeusde Gorgeta, de Extra.m.hcrns{Etrainbieres),
curatus Magni Bornandi {Grand-Bornant), anno Domini M° CCC°
nonagesimo VIIJ°, die xxvi^ mensis februarii. — Qui scripsit iste
liber {sic), sit ab omni crimine liber.
Scribere qui nescit, nullum putat esse laborem ;
Très digiti scribunt, cetera membra dolent.
Qui scripsit, scribat.
Semper cum Domino vivat.
Au bas : Honorabilis Claudius Mignionis, burgensis Annessiaci,
me donavit ecclesie parrochiali Sancti Martini {St-Martm^ Haute-
Savoie), 1565.
Aie verso commencent diverses additions du A \ " siècle : Otlicium
completorii Eucharistie Xpisti. In iestivitate beaie Anne. In festo
sancti Xpistofori. In crastinum omnium animarum tit de beato
Heustachio. — Sur le feuillet de garde : Currente anno Domini miUe-
simo (CCCC) nonagesimo sexto disextus vertit, ideo memor(ijam
habeto. — Istud Breviarium est michi venerabili vu'O dompno Pe-
tro Vianesy, parrochie Setheneacy {Settenexj.
2° Missel de 1491.
M. Weale n indique que deux exemplaires de ce rarissime incu-
nable, l'un a la bibliothèque nationale de Pans, l'autre a celle de la
ville de Genève (ij ; ce sont les seuls qui aient été signalés par divers
bibliographes {2). Celui du séminaire d'Ajinccy a beaucoup soujjert de
l' humidité ; les ("i feuillets liminaires [comprenant le calenaiier, etc.j
ont disparu depuis longtemps, car les mots : Ad usum sacristiae Ma-
chabaeorum Genevensi.., qu'on lit avec peine dans la marge supérieure
du Foliuni i, sont du A l II" siècle. L'impression, en rouge et noir, a
^5 lignes sur deux colonnes, mesure 240 millim. sur lyi, non compris
le titre courant et la signature. Les iniiiales de la hauteur de 3 lignes
ont été peintes, les plus grandes richement enluminées.
^ Jn nomine sancte et indiui-jdue tnnitatis pa/ris et iilu et spiri |
tussancti Jncipit ordo missalis j secundum vsuni cathedralis ecclesie
I dyocesis gebennensis. Dominica prima in Adventu, ad missam,
introitus. — F" lxiii, Dominica in Ramis Palmarum, les barres seules
(i) Bibliographia liturgica : Catalogus Missalium ritus latini, 1886, p. 7/.
(2) Biblioth. Germanique, i/]i, t. XXI, p. 100; Calai, d. livres impr. de la
bibl. du Roy, lyjç, Théol. t. I, p. 41 S^ 706"; Favre, Livres impr. à Genève d.
le XV^ s., 2' éd., 18$), p. 3) ; Gaullieur, Etud. s. la lypogr. Genev., 1855, P- 41 >
Brunet, Man. du libr., 18Ô2, t. III, c. lyj]; Graesse, Très. d. liv. rares, 186 j,
t. IV, p. $46 ; Fleury, dans les Mém. de l'acad. Salés., 188J, t. VI, p. 23^.
254 ^iSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
du chant de la préface ont été imprimées (i). — Le Jeudi Saint
{f° Lxxix), dum fit reservatio, dicat chorus septem psalmos penitcn-
ciales : in reditu vero reservationis sacerdos veniat ad altare et lector
ad lectrinum... — Au Vendredi Saint (/° Lxxxiii'^j, Sequitur propria
oratio sacerdotis ad adorandum crucem. Adoro te, domine Jliesu
Xpiste, in cruce ascendentem : deprecor te, ut ipsa crux liberet me
de angelo percutiente. Adoro te in cruce vulneratum : telle et aceto
potatum. Deprecor te, ut tua vulnera remedium sint anime mee.
Adoro te mortuum et sepultum. Deprecor te ut tua mors sit vita
mea. Adoro te descendentem ad inleros : et indeliberantemcaptivos :
precor te ut non me dimittas ibidem introire. Adoro te resurgentem
a mortuis : ascendentem ad dexteram Patris : precor te, miserere
mei. Adoro te salvatorem venturum et judicaturum ; deprecor te ut
in tuo sancto adventu non intres in judicium cum me peccatore : sed
ante dimittas quam judices. Amen. La y" strophe du l-*ange lingua
offre les variantes suivantes : Hic acetum, fel, arundo, sputa, clavis,
lancea mite corpus perforatur : sanguis, unda protluit : terra... La
dernière est toute différente : Sit Patri Natoque summo gratia cum
Spiritu, sempiterne frinitati laus semper et gloria, que cre[avit] que
redemit queque nos illuminet. La Letania sancta (_/"" lxxxxii) ajoute
à celle du Bréviaire : ss. Ypolite, Victor, Urse, Ysidore, Arseni, iiri-
gida, Scolastica. — F" lxxxxvii^ : Benedictio panis, salis et aque.
Entre les f'^'' lxxxxviii et xcix s en trouvent intercalés dix non nu-
mérotés : Incipit quando sacerdos vult se induere ad celebrandum
missam. Puis : Post olïertorium, quando offert calicem... Sequuntur
proprie prefationes pro festis annualibus. — Le canon occupe cinq
de cesjeuillets ; il est imprimé en gros caractères, à longues lignes de
2j et 22 à la page. — /"'" xcix : in die Resurrcctionis Domini, ad
missam. — F" cxxi : In lesto Eucaristie Domini.
/•'" clvii : Incipit propriuni olliciuni sanctorum. Kt primo in natali
sancti Silvestri pape et confessoris. — /''" ccxiii : Incipit commune
sanctorum. In vigilia unius apostoli. — /''" ccxxviiia : Kxplicit com-
mune sanctorum. Viennent ensuite Missa pro pace, ad postulandam
pluviam, etc.; Missa communis de sancto l'ctro, patrono ecclesie
Geben.; Missa contra morlalitatem seu pestilentiam, quam Clemens
papa sextus fecit et consliluil in collegio cum omnibus cardinalibus,
(i) lien est Je même four toutes les autres parties en plain-chant ; des notes
nom été ajoutées à la main qu'au J° LXXXXVll v° et dans le cahier intercalaire
signalé plus loin.
DU DAUPHINÉ : GENÈVE. 255
et concessit dicentibus et omnibus audientibus CC. lx. dies indul-
gencie, et omnes audientes ipsam missam debent portare in manu
sua unam candelam : et sic débet fieri per quinque dies continue ;
Missa pro sponso et sponsa, avec commemoratio de Trinitate. — F°
ccxxxviic : Sequuntur collecte communes. — P* ccxLiia : In agenda
mortuorum, ad missam. — F° ccxlvc : Missa devotissima quinque
plagarum domini nostri Jhesu Xpisti, avec la prose Cenam cum dis-
cipulis (i). — F° ccxLviia : Missa Transfigurationis d. n. J. X. —
F° ccxLvii (bisj^ : Dominica prima in adventu, prosa ; ce missel ren-
ferme en tout 61 proses, dofit dix ne figurent pas dans les recueils de
séquences.
F° ccLxit» : Missale ad vsum gebenne/îs/s. dyo | cesis per magis-
tru??.- Joha?2nem | fabri impressu??z et accuratissime | emejidalum ad
opus honorabih's | viri Joha?2nis de stalle burgens/s | gthtnnensis .
Explicit féliciter Anno \ dommi millesimo quadringentesi- | mo no-
nagesimo primo, die vero | vltima mensis Maii. Au-dessous la mar-
que de Jean Fabri, de Langres, le même qui avait imprimé à Turin,
dès 14J4, un Breviarium Romanum (2). — Le v° de ce f°, qui était
blanc, ainsi que le r° du suivant, ont reçu diverses additions. Au v" du
dernier : Jacobus Baure. A Jehan Paioct, prebstre de Belley, aper-
tient ce présent messel et a esté échangé a M= Jaques Baure, dudit
Belley, prebstre Anissy, le 25' de juin 1555, a un aultre messel de
Roume, Paioct.
On a relié à la suite un cahier de 8 feuillets de moindre format, sur
lesquels on a transcrit au Al * siècle les pièces suivantes : Missa de
corona domini nostri Jhesu Xpisti ; Missa de facie Domini, quam
fecit papa Innocencius ; Prosa de Visitacione b" Marie V.; In lestis
duplicibus dicuntur sequen. {tropes Contipotens et Fons bonitatis du
KyrieJ ; trois proses ; In solempnitate yconie (sic) domini Salvatoris ;
Missa archangeli Raphaelis ; Missa de lancea d. n.; Missa de beatis
sororibus Marie, Jacobi et Salome ; etc.
Ulysse CHEVALIER.
(i) Elle se trouve dans les Missels de Grenoble (1497), Valence (1^04), Vienne
(i^ig), Viviers (i$2-j), Grenoble (i^^2) et Toulouse ( i $ ^^),pour ne parler que
des recueils dont les variantes 07it échappé à Neale (Sequentiœ, 1852, p. 1 16), à
Daniel (Thés, hymnol., 1844, t. II, p. 2yo-i; t. V,p. 1^9) et à Kehrein (Latein.
Sequenzen, 187J, p- 67-5).
(2) Voir la monographie que Giac. Manzoni lui a consacrée dans les Miscellanea
di storia Italiana (166]), t. IV, pp. 241-78 et 349-$4-
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME SEPTIÈME
(1886-J).
Auvergne (chanoine), Testament de Gabriel de Roussillon, chevalier,
seigneur du Bouchage, de Brangues, d'Ornacieu et co-seigneur de
Commelle, p. 162-8.
Bellet (abbé Charles), Réponse au problème historique, p. 44-6.
Brun-Durand {].), Mission du P. Bridaine (1766), p. 67,
Chevalier (abbé JulesJ, Formule d'oblation d'enfant, p. 85-8.
Chevalier (chan. Ulysse), Compte de Raoul de Louppy, gouverneur
du Dauphiné de lyôi à lyOcj, pp. V"^'') ^^ '-74-
— Itinéraire des Dauphins de la troisième race {Anne et Humbert I" ,
Jean H, Guigues 17/ et Humbert II), pp. **i-25 et 1-19.
— Manuscrits et incunables liturgiques du Dauphiné : latence,
p. 176-89; Genève, p. 250-5.
— Mystère des Trois Doms : voy. Giraud (P.-E.).
— Mystère représenté à Romans à la clôture de la mission de jùg8-g,
p. 129-43.
Comité de Rédaction, Chronique du diocèse de Valence, p. j-xxiv.
Fillet (abbé L.), Histoire religieuse de Pont-en-Royans, pp. 26-43,
68-80, 118-28, 153-61, 189-99, 221-6.
Francus (D""), Notes sur la commander ie des Antonins à Aubenas, en
Vivarais, pp. 89-96, 143-52, 169-75, 226-39.
Giraud (Paul-Emile), Mystère des Trois Doms, joué â Romans en
'509, pp. 81-4, 96-108, 209 21.
Inventaire des sceaux des archives nationales, p. 46-8.
Lagier (abbé A.j, Le Trieves pendant la grande Révolution, d'après
des documents ojjïciels et inédits, p. 240-9.
Maignien (Edmond), Compte de Raoul de Louppy : voir Chevalier
Paradis (abbé Auguste), Lglises romanes du Vivarais : Bourg-Saint-
Andéol, pp. 5-19, 49-67, avec plan.
Perrossier (abbé CyprienJ, Recueil des inscriptions chrétiennes du
diocèse de Valence : Bourg-lès-Valence, Etoile, pp. 108-17, 200-8.
Roman (J.), La congrégation de la Sainte-Pénitence et les maisons
hospitalières du Briançonnais en I2j8, p. 20-5.
Valence, iinprimeiie Jules Céas et fils.
COMPTE
DE
RAOUL DE LOUPPY
(^OUYBI^NEUî^ DU DaUPHINB
De la coniplahilUc fouruic à la Chaiiihrc des coniplcs de Paris par les
gouverneurs du Dauphiné, au sortir de leur charge, celle de Raotil de
Louppy semble avoir été seule conservée : les autres ont dû être la proie
des Jlammes en ijyj ou périr dans la destruction de ijQi '■ Bien pliis^
les deux copies en parchemin qui en furent prises - et collalionnées à
Paris le lo janvier 1^82/ j 3 subsistent encore : l'une, sans lacune au
commencement, mais incomplète de la dernière partie, se trouve aux
archives du Vatican; l'autre, long rouleau de 25 peaux cousues bout à
bout, fait partie des archives de la préfecture de V Isère, où elle forme le.
n° B. y 17 y. On a^ inscrit au dos ce titre, dont tous les mots ne sont pas
également lisibles : Computum domini Radulphi de Louppy. quondam
gubernatoris Dalphinatus, tam de rcceptis et misiis per ipsum factis,
quam de viagiis per ipsum factis pro manutencione et deffensione patrie.
Cette pièce a été naguère découverte au palais de justice par M. Edmond
Maignien, qui a très obligeamment mis à notre disposition la copie inté-
grale qu'il en fit ; elle a été soigneusement collationnée en épreuves sur
l'original. Nous avons reproduit en chiffres arabes les nombres en chiffres
romains dans le ms., oit les millésimes sont ordinairement abrégés (p. ex.
LXVI pour 1-^66), et numéroté les articles de i à i y8. 4
Ce compte comprend deux parties indépendantes : il ne se borne pas à
l'administration de Raoul de Louppy comme gouverneur du Dauphiné, dic
7 oct. i-^6[ qu'il fut nommé par le régent Charles, fils du roifean II, au
10 déc. Z369 qii'il reçut pour successeur Jacques de Vienne; il embrasse
aussi celle des chàtellenies de Clermont-en-Argonne, Vienne-le-Chàteau
et Giiemenières, du 8 oct. lyjy au ji mars ly^ylô. 5
Il n'entre pas dans notre plan d'examiner ici cet intéressant document
sous le double côté historique et financier : le premier a été suffisamment
mis en lumière par M. Maignien, qui a fait de cette pièce le sujet de son
discours de réception à l'académie delphinale ^; le second demanderait
trop de développements et ne pourrait d'ailleurs donner lieu à d'utiles
u
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
obscrvatiou qu'en comparanl celle pièce aii.v comptes de chàlelleuie con-
temporains.
On nous saura gré de donner ici /'Itinéraire du gouverneur Raouk
DE Louppv, dressé à l'aide de sources assez diverses, indiquées pour chaque
séjour par des sigles dont 0)i trouvera la clef ci-dessous. 7
1. Inventaire sommaire et tableau méthodi-
que des fonds conserves aux archives nationales,
Impartie, iSji.p. J2y.
2. l'oir II" 1 24, fin.
}■ V. Il" ij8, fin.
4. Le n" 75 est doubli.:
3. N°^ I2J à \y8.
G. Raoul de Vienne, gouverneur du Dauphi-
nc (oct. 1361 — sept, nùyl, dans Bull, de l'acad.
Delphin. ( i88olt), j' sér., t. XVI. p. js-62;
lire a p.irt.jvcc la Réponse de M. Faii.lon fibid.,
p. 6]-8J, Grenoble, 18S1, iii-S" de 40 p.
7. .\llul— l'ouvr. cité p. i.f, n. 2.
B= .\rchives de l'Isère, série B : le i" nombre
indique le n" d: la série, le 2' le feidllel du reg. ,
une apostrophe a droite de cetui-:i le verso.
C— Compte ae Raoul de Louppy.
Charp. = Document inédit relatif à la guerre
qui eut lieu en 1368 entre les Dauphinois et
les Provençaux, publié par t.- comte ut Cii ah-
pin-Feugerolles; L_yon, 75(5/, in-f de xv- /; />.
d — Départ.
D — Archives de la Drôme.
Doc. = le t. VU de notre Collection de carlu-
laires Dauphinois, t8j4.
E — Archives commun. d'Embrun.
Fauc. — Recueil des titres concernant le Fauci-
gny... /'inventaire ms.J.
Gail. — Ephéméridcs p"' servir à l'histoire des
Hautes-Alpes, par M. Gaillald, 18J4.
Gir. — Essai historique sur l'abbaye de St-
Barnard..., par M. Giraud. 1866.
Inv. — l'ouv. cité p. 21, n. 1.
M. -P. = .MoRiN-PoNS, ouvr. cité p. 7, n. 2.
Myst. — notre vol. fsous pressej intitulé : Mys-
tère des trois Doms.
Nob. — Nobiliaire dcDauphiné,/)a;-Guy Allaud,
1671.
Ord. = la 6^ livr. de nos Documents histor.
inédits sur le Dauphiné, 1871.
Ordonn. — Ordonnances des rois de France de
la troisième race; Paris, ijjà.
r — Retour.
Rc — Comptes inss. de Romans pour Ij57-(j9
farch. commun. J.
Rp ~ Papirus regiminis et adniinistracionis...
ville Romanis / ibid. J
St-R. = Cartulaire de Sainl-Robert, édité par
M. l'abbé AivERGNE, 1S65.
ITINÉRAIRE
1361 (,1'àqucs mars 28)
Oct. 7, Paris : B. 3219; C, i,
126: Ord., i7,\
nov. , » : C, 108.
dcc. 8, jMàcon : B.
n 11, (Grenoble): B. 2622,40.
» 18, )' : », 42.
.. 22, .) : .. ,5;;.
5I'-
» 23, .. : B.
1362
'7)
Janv. '.), I^)mans : .Mvst., 710.
.. U, .. : b;
» 15, » : B. 2622, 60.
.. 24, .. : B.
.. 26, » : .. ,6.4-72.
févr. S, .. : B.
4, .. : » , 71.
.. 12, .. : » ,76'.
levr. 21. .. :Rc, 27j>;B.
'. 23. .. .V.C, 61.
» , Avii^'non : C, 61.
mars . » : C. 61.
» 8, Romans r .• (>, 61 .
» 14, .) : Myst., 710.
.. 15, .. : B ;
» 18, ') d : C, 2, 62.
» 22, Vienne : C, 62, 90.
avril 6, : (>, j.
.> 11, St-Marcellin : V>.
). 13, : B.
» 14, St-(ieorg-es-d'I']spéran-
che : B. 33.4^; C, 8.
.. 23. château de la Côte-St-
.\ndrc : B). 2624, 1.
» 24, (Romans) r .• C, 11, 62.
» 28, » : B. 2622, 77'.
I. 67". (iiKAi'i), ICssai tusiof
• ( ) 1 .
GOUVERNEUR DU DAUPHIXE
VU
1367 (P. a. .8)
Janv. 6
). 23
). 29
févr. 6
»
.. 13
mars 22
avril 3
.. 5
.. 12
mai 1
.. 28
juin 22
juil.
6
» 13
.. 22
août 10
» 16
» 20
.. 25
« 26
.) 29
sept. 27
.. 30
oct. 27
« 29
)> 30
nov. 7
" 16
.. 20
>> 21
déc. 7
» 13
Romans d
Languedoc
C, 84.
: C, 84.
;■ .- C, 84.
Grenoble : B. 3039.
Romans d : C, 85.
Languedoc : C, 85.
Beaucaire : M. -P., 140.
Dauphiné r ; C, 8$.
: C, 39.
Moirans : B. 2624, 129 .
Grenoble : Rp, ir.
: B.
Beauvoir : Rp, 13'.
Romans: Gir. II, i, 277-9.
). : B. 2624, 130.
Grenoble : B. 2622, 281 .
: C, 42.
palais de Beauvoir-en-
Royans : B. 2624, 133.
Grenoble : B. 2622, 286.
Romans : Rp, 3'.
Serres : B. 2624, 133'.
Embrun : » , 134- '
Briançon : Rp, 11'.
Oulx : B. 2624, 135.
Embrun : B. 2624, 135'.
Chorges : » , 130 .
Corps : » ) 139'-
Grenoble : » , 140.
» : » ,141'-
(>.) : Ordonn., V,
84-9.
» : B. 2624, 142.
» : E, orig.
Romans d : C, 86.
Avignon : C, 86.
(Romans) r .■ C, 86.
Grenoble : B. 2624, 143,
144', 151.
: Rp, 7-
St-Marcellin : Rp, 7'.
Grenoble : M. -P., 141.
1 C/'.GAiLLAuu,Oi^vr.c//e,p. 362-3 .
Janv. 1,
» 7,
»
» 24.
» 30,
févr. 4,
» 13,
» 17.
» "•
»
» 27,
mars 7,
» IL
.. 13;
» 15.
» 21,
» ;
avril
mai
juin 6,
» 14.
» 21.
)) 26,
juil. 4.
)) 5.
» 8,
»
» 12,
» 13,
» 14,
)) »,
)) »,
» 25,
» »,
» 30.
1368 (P. a. 9)
Romans d : C, 124.
Valence : C, 57, 124.
: B. 3348.
Etoile : C, 57, 124.
Romans : B, 3233, i.
Grenoble : » ,1'.
» :B. 2624, 147,
palais de la Côte-St-
André : B. 3233, r, ;;'.
» »
: B: 3233,9.
château de la Côte-St-
André : B. 2622, 288.
Surieu : C, 124.
Valence 7- .• C, 124.
Vienne, hosp. de St-An-
dré-le-Bas: B. 2624, 147"
Grenoble : B. 3233, 11
» :B. 2624, 150
B. 3233, 9'
La Côte : » , 10
Romans d : C, 87.
France : C. 87.
(Paris) : C, 87.
Loupp}^ et
Boursault : C, 87.
y : C, 87.
Grenoble : B. 2624, 151
Romans: » ,152'
: », 154
Grenoble : B. 3233, 12
« :B. 2624, 155
La Mure : Charp.,9-12
Corps : Charp., 10.
Serres : B. 2624, 156
B. 3233, 14
» : », 13'
» : B. 2624, 158
B. 3233, 13
Nyons : B. 2624, 159.
Serres : » ,1 59'.
» : Charp., 12.
La Côte : B. 2624, 160'
Grenoble : » , 161.
IV
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
janv. 8. » d : C, 6q.
, Avignon : C, 69, 93, 99.
» 17. Dauphinc r : C, 69.
» "29. -Moirans : B : 2622, 130'.
Ievr.l6. La Tour-du-Pin [Tur-
ris Pini] : B. 2624, 28.
)) , Romans : Mvst. . 711.
,. 25, » : b:
mars 2. Crèmieu : B. 2624, 29;
B. 3040, 36.
» 5, » : B. 2624, 30.
» 7. St-Georgesd'Espéran-
che \S. G . Sperenchie] :
B. 2624, 30'.
'. 15, M o i r a n s [ Ma 1 a ii 2 , .1 loy -
rencuin] : B. 2622, 219,
221 ; B. 2624, 31 ; C.70;
B. 3040, 34.
» 17, Grenoble: B. 2622, 1 31,
304; B, 2624, 31'.
" 22, » : B. 2622, 154.
» 28. palais de la Côte-St-
André : B. 2624, 33.
avril 7. Romans: « ,34-5.
» 9, Grenoble : B. 2622, 157,
191.
« 12, La Côte-St-Andre : B.
2624. 37.
.. 16, » : » , 37'.
» 24, Grenoble : B. 2622. 182;
B. 2624, 38'.
» 25, » : B. 2622, 193.
mai 3, Fùribrun : P). 2624, 40.
» 5, )' : », 41.
» 6, » : B. 2622, 221;
B. 2624, 67, 69.
«• 10. St-Bonnet en Ghamp-
saur [S. B. in Campo
Sauro\ : B. 2622, 194.
» , Pont-de-Beauvoisin :
C, 24.
» 15, La (>ôte : 15. 2^)24. 46.
» 26, Lyon : » ,41'-
juin 7, Romans r : I>.
juil. 3, Girenoble : lî: r.ii-.. 11. 1.
262.
juil. 4. : C. 17.
)' 8, La Côte-St-André : B.
2624, 47'.
» 14, Crémieu : » , 48.
» 16, : B. 3040, 76.
» 25, St-Martin-de-Miséré :
B. 2622, 197.
août 17, St-Marcellin : B. 2624,
48^.
» 22, Beauvoir? : C. 18.
)' 24, (Grenoble ?) : C, 94.
» 31, Embrun : B. 2624, 49.
sept. 3, Queyras[Qî<LÏi,Y/-acm;n];
B. 2624, 50; C, 94.
» 4, Queyras : B. 2622, 228,
230: B. 2624, 5 I.
>' ,. Château-Dauphin ? :
C, 94.
» 13, : C, 94.
oct. 3, Grenoble : B.
» 7, palais de la Gôte-St-
André : B. 2624, 52'.
» 13, St-Marcellin : B. 2624.
Sf
» 25, Grenoble : B. 2624. 54 .
» 26. (») : C, 20.
nov. 3, La Côte-St-André d :
C, 112.
» 5, Alontélimar : C. T12.
.. 7, .. :B. 2624, 5S.
» 8, Romans r : C, 112.
.. 18, .. i:C,ii3.
.. 20. Orang-e : B, 2624. 57'.
» », Avignon : C, 113.
» 30, » : Allut, 171 ;
C, 21.
déc. 3, Romans ; : C, 113.
» 10. Grenoble : B. 2624, 59.
1364(1". m. J4)
[anv. 5, (Grenoble):!'). 5040, 51.
C», » : B.2()24, 59'.
» 7, » : » ,60.
.. 11, : C, 58.
» 15, Romans d : C, 1 14.
» 19, Avignon : C, 1 1 ]-\.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE
ianv. 25
))
29,
févr.
11,
mars
' ?
»
16,
»
17,
»
19.
avril 2
))
21,
mai
1,
»
8,
..
11,
))
»
19^
„
30,
juin
4,
))
5,
»
15,
juil.
16,
»
31,
août 4,
»
5,
8
sept,
oct. 24
nov. 7
»
.. 19
déc. 1
.. 9
>) :C. 58.
Valence : C, 114
: C, 58.
Romans : C, 118.
palais de la Côte-St-
André : B. 2624, 63'
(») : C, 22
» : B. 2624, 64
: Rc, 93'
)> : B;B. 3040,75
Grenoble : B. 2624, 64'
La Côte : » ,70
Romans ci : C, 71.
Avignon : C, 71.
r : C, 71.
Grenoble : B. 2624,70'.
: » ,71-
(») : B. 3040.
Romans : B. 2624, 72.
Grenoble : » , 73'.
La Côte-St-André : C,
26, 2g.
» : B. 2624, 74.
Crémieu : » , 74'.
» d : C. 72.
St-Triviér-de-C.: C,72.
Châlons-sur-Saône :
Doc., 158; C, 72.
Paris : C, 72,
Louppy : C, 72.
Crémieu r : C, 72.
Romans ci : C, 73.
Avignon : C. 73.
;-; C. 73.
Grenoble : B.
St-Georges-d'Espéran-
che [S. G, Sperenchie] :
B. 2624, 75.
» 13, Romans ii ; C, 75.
» , Avignon : C, 25, 75.
1365 (P. a. 13)
Janv. 1 r : C, 75.
') 16, Grenoble :/B. 2622, 242.
>> 24, Romans : B. 3287.
.. 25, ). : B. 2624. 77'.
» : B. 2624, 78.
» : Rc, 109.
» d : C. 'j'yCi.
Montdragon : B. 262A,
78.
Avignon : C, 75a.
» : B. 2624, 80'.
r : C, 75a.
Moirans : B. 2624, 81'.
Grenoble: B. 2622, 249.
» : » , 256.
.) :B;Rc, 116.
Romans li ; C, 76.
Avignon : C, 76.
r : C, 76.
V^alence : Rc, 117.
St-Marcellin : Rc. 113'.
» -.6.2624,83.
Grenoble : » ,84.
» :B. 2622, 257';
B.3i73;Myst'.,682.
: B. 3173 -,
Myst., 682.
St-Marcellin : Rc, 1 17.
La Buissière d : C, 77.
Savoie : C, 34, 77.
Chambéry : C, 77.
La Buissière : Myst.,
683-5.
La Terrasse: Nob., 219.
Montbonnot : B.
Grenoble : Myst. ,'684-8.
St-Marcellin: Myst.,
681.
, Romans : Myst,. 714.
)) : B, 2624, 84'.
Avignon : C, 34, 77. '
Arles : C, 34, 77. -
r : C, 77.
Romans : B. 2624, 85 .
:C,35.
» d : C 78.
1 . Cf. HuBER, Regest. d. Kaiser-
reichts u. K. Karl IV, 1875,9.33 8-9.
2. Cf. ibid., p. 339.
févr. 6,
» 7,
>. 20,
>. 22,
.. 27,
marslO,
» 12,
.. 18,
.. 19,
« 25.
.. 31;
avril ,
». 10,
» 12.
» 26,'
mai 2,
.. 6.
>. 7.
•' 9.
>. 10,
.. 12.
»
16-7,
))
18,
»
23,
juin
i 4,
»
11,
»
30,
juil
6,
»
9,
vj
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPV
juil.
»
20,"
))
30,
août 6.
))
»
8.
»
y>
9.
»
10.
»
18,
sept
• 1,
»
j
»
))
e;
»
8,
»
25,
oct.
3.
»
13.
))
28:
))
nov
))
6."
»
21.
déc.
1.
» 18.
Janv
. 8.
»
10,
„
21,
fùvr.
16,
»
24,
»
25,
•>
mars 2,
„
4,
„
6,
.,
12,
„
13,
"
24,
))
31 !
avri
1 1.
.Avi^rnon : C. 78.
y : C, 78.
Grenoble : B. 2624. 86.
Romans d : C. jq, 121.
Menne : C. 121.
: C, 36.
Lyon : C. 79, 121.
\'alence r ; C, 121.
r : C, 79.
Romans : B. 2624, 87'.
Dauphiné d : C, 122.
Lyon : C, 122.
Anse : C, 122.
Lyon : B. 2624. 88'.
r ; C, 122.
Grenoble : B. 2624, 89.
Romans : » , 93.
Grenoble : x , 94'.
Romans d : C, 80.
Avignon : C, 80.
: C, 80.
;■ ; C, 80.
Grenoble : B 2624.100.
palais de la Côte-St-
Andrc : B. 2624. 97.
St-.MarcelIin : B. 2624.
98\
Grenoble: B. 2624, 100.
1366(1'. a. 5)
Anjou : B. 3039.
-Moirans : B. 2624, loi.
)) : » ,102-4'.
Romans : Rc, 128.
» : B. 2624, 103.
(») d : C, 120.
Lyon : C, 54, 120.
r : C, 120.
Grenoble : B. 33 |6.
Romans d : G, 81, 105.
Avignon : G, 38, 81.
: G, 37.
(Valence) r : G. 81.
avril 7, » : G, 59.
» 26, Grémieu : Ord., 175-
» 27, .. d : G, 82.
» , Bourgogne : G, 82.
mai . France : G, 82.
. (Paris) : G, 82.
juin . Louppy et
Boursault : G, 82.
juil. 6, r: G, 82.
» 10, Romans : B. 3233, 16;
Ordonn., V, 224-31. ■
», » : Myst., 710.
» 15, Grenoble: B. 2624, 105'.
» , Ghamberv : G, 48.
.. 23. » ^B. 2624,104
.. 24, .. : .. ,107^
août 13, Grenoble : St-R., 61.
.. 14, ). :B. 2624, 108'
.. 17, (..) rf.-G, 57, 123
» , Les Echelles: G, 57, »
« 21, La Tour-du-Pin r : G
57. 123
» 22, Bourgoin : B. 2624, n2
'. 24/5, Grémieu : Rp, 10'.
sept. 20. Grenoble : B. 2624, t 12'
118
.. 24, St-.MarccUin : B. 2624
119
» 2S, Grenoble : B. 2624, 1 19'
B. 3346
oct. 10, (Romans) d : G, 83.
X'alence : Rp, 13'.
-\vignon : (>. 83.
.. 18, r : G, 83.
" 10, Le Buis : 2624, 121.
') 26, Embrun : Gail., 362.
» 27, » :13.2624, 122-3
., 28, .. : E, orig.
.) », Saint-P)onnet : B. 3007
nov. 2, Grenoble : B. 2624, 126
» 6. " : » ,126'
c\cc. 7, » : 13.2622,237
.. 8, .. : P.. 26 24, 127-8'
1. Cf. ("iiHM 11. l'.si^ai hlslur.. il. i,
.•76-7.
l „(afe„ l „(afe)„ l „^fe)„ l -^Sa.^jr^^P'y-i I t-v^P)/-
OMPTE de Raoul , feigneur de] Louppi ,
chevalier, jadiz gouverneur du Dalphiné de
I Viennois, par lui faicles tant pour
caufe de plufieurs divers voyages à
armes & autrement, tant par le pais du dit [Dalphiné. . . ,
. . . pour ] necceffité, reconfort, vifitacion, deffenfe & feurté
d'icellui en Savoye, Arle, Languedoc, en France
& en plufieurs autres [ ], de commandement de
bouche à lui fait par le Roy noftre feigneur, partie du temps
compris en compte, duc de Normandie & dalphin de \'iennois,
comme par vertu de fes lettres ouvertes & clofes & autrement,
pour plufieurs & diverfes befongnes, fecrettes & autres,
touchans l'onneur & proffit du dit feigneur, & necceffaires
& cogentes pour le gouvernement & confervacion du dit pais
du Dalphiné & de tout le patrimoine & demaine dïcelui, fi
comme ci après en la defpenfe de ce compte fur les parties
defdiz voyages & chevauchées en eft à plain fait déclaration
& efclairciffement ; comme de plufieurs deniers par lui paiez
à plufieurs perfonnes pour occafion des chofes deffus dites,
pris en defpence en autres chapitres après : c'eft affavoir
depuis le vij' jour du moys d'octobre Tan MCCCLXI, que le
dit fire de Louppi vint au gouvernement du dit pais, & que ce
jour il y fu commis & inftitué par le dit feigneur & par fes
lettres données ce jour, la teneur au dos de ce compte ■, jufques
au x^ jour de décembre l'an MCCCLXIX, que il laiffa le dit
gouvernement, & que en lieu de lui meflire Jaques de Vienne ^
y fu commis & ordonné.
1 . En marge : LIclere commiffionis non funt fcripte tcrgo compoti
originalis. quare etc.
2. Cf. Mystère des Trois Doms. p. 720, note 2. Parw/ /es Mandements
et actes divers de Charles V savajnm<.nt publiés ou analysés par M. Léop.
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
RECEPTE.
2. De Philippe Giler, treforier du Dalphiné ', quant il volt aler
au mandement de Vienne, par lettres données xviij= jour de
mars CCCLXI, IIIc flor. petiz. ^
3. De lui lamblablement par les mains de Guillaume Char-
pentier & Guillaume de la Parrete, 6° d'avril 1362, 700 fl. petiz.
4. De Pierre Laurens, chaftellain de Beauvoir du Marc, en
6 sextiers avene à la mefure de Vienne, au feur de 19 gros
chacun fextier, & pour 33 gelines 23 gros i tiers, receuz de lui
en mars 1 361 & avril 1362 ; pour tout ^ . .
II flor. 5 gros j tiers petiz.
5. De l'univerfité de Ebrun, pour reste de la fomme de
400 florins petiz qu'il dévoient pour une compofition faite avec
eulx par le dit gouverneur & le confeil du Dalphiné, pour ce
Delisle (1874) s'en trouve un pour « Johanncs de Vicnna, miles, infti-
tutus gubernator Delphinatus, loco domini de Luppeio » [p. vj) ; il faut
sans doute lire « Jacobus », car Jean de Vienne, qui remplaça comme
amiral de France le vicomte de Narbonne, le 27 déc. 1373 {ibid. ,
p. viij). n'a qu'une parenté éloignée avec le gouverneur du Dauphiné
(Anselme, Maison de France, /. VIII, p. 793-4, 808).
1. Philippe Ciillier, de Ltissac-les-Chàteaux (Vienne), fut nomme
trésorier du Dauphiné par lettres du dauphin Charles, du i<) déc. IJ^S ;
il avait pour lieutenant en /j'5'9 son Jils Denys (voir p. 6, ti. 2) et en
mars ijô^Jean Perrin. Il fut suspendu de ses fonctions le 27 avril i ^64
et le gouverneur reçut ordre du roi, le 24 juin suivant, de l'amener à
Paris (Compte, n" '] 2). Il fut destitué et remplacé par Jean du Pont. Par
une ordonnance de janv. i jô6 (^1367 n. st.) Charles V^ annula, sous
conditions, les poursuites commencées contre lui à l'occasion des charges
qu'il avait remplies : c'eft affavoir en la receptc de Poitou. LymoHn &
Bellevillc, maiitre des garniions du dux de Normandie, treforier
de Malcon, maillre des pors & des paffaiges de nortre royaume, & en
plufeurs autres eflaz, entre lefquelx il fu treforier de noftre Dalphiné
& depuis trcfourier de France, chailellain & garde. ... de Meleun, &
commis & députez à faire les ouvraiges, reparacions (S: édifices en
iceluy, & auffi à faire la baflide afliie devant Marrolles iSc. . . . noftre
tour du bois de Vincennes & auffi noftre hoftel de Saint Pol
(Mandements cit., p. i 79-80, n" 371 ,• cf. p. 165, n° 334J. Ses comptes
de i ]'!'; cl iS>9 so«< conservés aux archives de l'Isère. Cff. Comptes
de Romans de i35T-(>f), f Illh"^ xij ; Giraud, Essai sur St-Barnard,
:;' part., t. I, p. 262-^, 345; D' Ul. Chevalier, dans Bull, de la soc.
d'archéol. de la Drôme, 1885, /. A7.Y. />. 140-1.
2. En m.: Capiuntur pcr mj"^ comp(ulum), ibi corrigitur.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE
nj
avril 29, » ti ; C, 63.
» », Montrigaud : C, 63.
» 30, St-Etienne (-de-Saint-
Geoirs) : C, 64.
mai 1, r .• C, 63.
» 6, Romans : B. 2624, i'.
» 10, » ci : C, 64.
» 13, St-Genix : C, 64.
» , Crémieu : C, 64.
» , Hautepierre : C, 64.
» , Menne : C, 64.
» 19, Dauphiné r : C, 64.
» 21, Romans : B. 2624, 2.
juin 3, : C, 14. [8$.
» 10, Grenoble : B. 2622,78'-
)> 13, St-Marcellin: B. 2624, 3.
» 15, Romans : B. 2624, 6.
>) 20, » : », 6'.
» 21, » » 5 9-
» 22. » : » ,9', 10.
» 23, » : B. 2622, 108'.
» 24, » : B. 2624, 10',
» 25, » : B.
» 28, » : » . II'.
.. 29, (») :cif;C, 65.
» », Moirans : C, 108.
» 30, Chambéry : C, 65, 108.
juil. 1, r : C, 65.
» 4, La Côte-St-André : B.
2624, 12, 12'.
» 5, » : B. » ,13', 14.
» 13,Rom.ans:B.2624,i4', 15.
» 18, St-Marcellin: B. 2624. 17.
» 19. Beauvoir- en -Ro vans :
B. 2624, 16'.
» 26, Romans : » , 17'.
» 28, » : » , 18 ;
C, 104.
août 3, » d : C, 66.
» , Pierrelatte : C, 66.
» 18, Le Buis : B. 2622, 89.
» 22, )) : », 91.
» , Avignon : C, 66.
» 25, Lers : C, 66.
» 30, entre Montbrun et
Reilhanette : C, 66, 92.
août 31, Mévouillon : B. 2622,
94-
» , Dauphmé r ; C, 66.
sept. 3, Gap : B. 2624, 19-21.
» 4, Chorges : B. 2622, 95.
» 6, Embrun : » , 96.
» 8, Briançon : B. 2624, 21'.
» 10, » : B. 2622, 97.
» 11, » :B. 2622, 98', 99'.
» 13, Bourg-d'Oisans [Bur-
gus S. Laurentii de
hacu]:'Q. 2622, 103.
» 15, Grenoble: » ,105';
Inv., 108, 490; C, 104.
» 20, Pisançon : B.
» 24, : B; G, 19.
» 28, Romans : B. 2622, 106.
oct. 14, Grenoble: » ,109'.
» 21, Romansi: » ,111';
C,67.
» , Dauphiné': C, 67.
» 28, :C, 91.
nov, 1-4, Lyon : C, 67.
» 5, Dauphiné ;' : C, 67.
» 15, chat, de Beauvoir-en-
Royans : B. 2622, 113,
II 5-6.
» 20-2, Grenoble : C, 96.
» 28, St-Marcellin : B. 262J,
22 .
» 29, Beauvoir- en -Royans :
B. 2624, 23'.
déc. 1, Romans d : C, 68.
» , Avignon : C, 68, 98.
» 8, \'illeneuve-lès- Avi -
gnon : C, 68.
» 9, Avignon : B. 2624, 24'.
» 13, » : », 25.
» 15, (Romans) r : C, 68.
» 19, Beauvv,'* : B. 2624, 26.
» 28, Moirans : », 27.
1363 (P. a. 2)
Janv. 2, Grenoble: B. 2622, 126.
» 5, Claix : » , 128'.
» , Romans : C, 99.
4 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
11. De François de Saint Germain, chaftellain de la Cofte
Saint Andrieu, fur les revenues, profils & emolumens de la dite
chaftellerie, pour paier a meflire Guillaume de Boczefel, de
l'ordre de Saint Anthoine, prieur de Romme & commandeur de
Chambrieu, qui les avoit preltez au dit gouverneur pour faire
certaines befongnes touchant monfire le Dalphin, le 24' jour
d'avril 1362 200 flor. petiz. •
12. De Loys Bonnet, par la main de Pontzon de Chevrières,
pour Temolument du feel d'une fentence obtenue contre
Boniface Bonnet, ou temps de mefiire Guillaume de Vergy,
predeceffeur gouverneur du Dalphiné -, pour ce receu en
may 1362 50 flor. petiz.
13. De Michelon du Cuignet, pour compoficion faite avec
le dit gouverneur, treforier & confeil, pour les biens qui furent
Jehan du Cuignet pour certain meffait qu'il paia en may 1362,
pour toute la dite compoficion 100 flor. petiz.
• 14.; De Guillaume Jaffeline notaire, pour lui & plufieurs
autres de Brianconnoiz, pour une compoficion faite prefent le
gduKtefïiebr &; avec le treforier & confeil, pour ce receu 3'' de
juing 1362, 500 flor. bon poiz, valent . 520 flor. 10 gros petiz.
15. De Pierre Buier, afias Maifel, chaftellain de Vifille, pour
200 fextiers d'avene ;pris de lui, au feur de 3 gros le fcxtier, le
pris & feuj* fait en la ; chambre des comptes du Dalphiné en
décembre 1362 ; pour ; ce -L;;. . 50 flor. petiz.
16k De Piùrre' Chaponnois, maiftral de Montrigault, en
70 fextiers 3 quartals d'avene, au pris de 7 gros chacun fextier,
&'en' 67 gelines, chafcùnè 12 dçn., & en* 2(3 iperdriz, chafcune
une parpcillollc, reccues de lui en )uing 1363, pour ce, le pris
fait en, la chambre des .coiliptes, .comme dit eft, . . . . . .
. ■ y'''\ ^''Ç ' ; ■ ■';','^": ^ V '^ ^''v'" '^ ^! ,'^^'flor-J 5 gros; demi jpetit' j^ois..^ ?
,. itr Ôe Regmer Cpppoj malSre 4es j^onnoy (4i4''Da,Iphifïj^,f ^
..-•,> ■ ■■■■ , ■ ■ . , . . .-, y. A ,.::-:! ' ., :i ,.";, \.>; ^ .\\- >. >V 'A
"TvïïTvT" — ~; — ; - ■■ - , ■::.■ À :■• ^ n -^> ,/•• -,■ ■ , •. ) :.■ /-i v'Av, \ .^:.
. li.' Capiuntur per compiitum '41611 'Fmnoifci c&fteliani Goftô^^fimt;um
ad fanclum Johanndm AICCCLXIII, & ibi corrigitur. '^''-' ."JoJr.irl .ûiiios .h
2J Cf. Mystère des Trois Doms, p. jnS, }wtô 6.'"; 'i;' (luji-^.i-iV.'o;) .■.;
3. Capiu'ntur per compuUiiti dltli l'etri in- li^fliu^' pâjftifctiB -liniturfviafd
fanclum jo(hannem) i ^(>-^''^ <Sc ihiicorrif^itur. " 'i "il W'irjy ,,1 y; p. i!;fri
yM4. Rtynie'r Copfu:. dont icvfdniilk^ piit. plv>f larê le nôln de PcfrMtl [fui
receveur de la ville de Nnvia>i'< en / }^'j (Comptes de i ^ '^ 'f_^(if)l'f'*'T^j');''tû
compte de ijOj/uI rendu in domo Kayrieri-t et 'SywôWtki' 'Copfyii m qua
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 5
fur aucune recepte par lui faite pour le fait de Lers ', le 4' jour
de juillet 1363, 319 flor. i gros demi bon pois d'une part, &
d'autre part 17 flor. petit pois, pour tout, avalués les florins
de bon pois à florins de petit pois, c'eft affavoir 24 bons pour
25 petis, 349 flor. 5 gros petis.
18, De Pierre Petignot, chaftellain de Beauvoir en Royaux &
de Yferon, en plufieurs garnifons de blez, froment, feigle &
avene pour l'oftel de Belvoir quant le dit gouverneur y
demouroit, par lettre à lui donnée du dit gouverneur, 22 jours
d'aoufl: 1363 77 flor. 11 gros demi petis. ^
Summa 2,787 florins 10 gros i tiers.
19. De Jehan Mairin, chaftellain de Saint S3'phorian, en
certaines provifions qu'il fit pour le dit gouverneur à Lyon
quant il fu devers le roy Jehan, que Dieux abfoille, environ la
Touffains 1362; par lettre du dit gouverneur, donnée audit
confulatus ville Romanis tcnctur (ibid.,f Ixij v" ). Maître des monnaies
du Daiiphiné, il faisait, cette année même, fonction de payeur des ^cns
d'armes en l'absence dit trésorier Phil. Gillier (n" 66 J; le 12 juin i 767,
il acheta du comte de Valentinois le péage de Pisançon et Chartnaonieu
( D'^ Ul. Chevalier, Géncal. Roman, mss.); il fut recevettr du subside
de 1364 (n° ^2) ; il prit part, le 10 juil. 1 yôô, au traité des Romanais
avec le gouverneur (Girald. Essai cité. p. 2/6), -ils le nojnmèrent i" consul
les g juil. 1 36J et i y'J4 (Arch. commun., om son nom offre les variantes :
Copi, Coppe, Coppi. Coppo, Couppc. Couppi): il figure encore dans notre
compte, le i" juin i yô8 (n" i 23}.
1. Lers (Germer-Durand. Dict. topogr. du Gard. 1868. p. 114) ou
L'Hers (Carte de l'état-major, f. 222) est un château ruiné, dans une île
du Rhône, sur la commune de Roquemaure (Gard). Le roi ordonna, le
26 oct. IJ64, de payer ^00 francs d'or à Pierre de Puihaut, qui lui avait
baillé & mis en main le chaftel de Lers, avecques toutes les appartenances;
il lui était dû, comme recompenfacion, certaine rente depuis deux années
ou environ (L. Delisle, Mandem. de Charles V, p. 55-6, n" i \o). Le
prince d'Orange chercha à s'en emparer, aidé des grandes compagnies :
Raoul de Louppy le contraignit d'en lever le siège, le 25 août 1^62
(n" 66J,- Guy de Marges en fut immédiatement établi châtelain et
capitaine (n° gi) et reçut plus tard de Charles V une gratification de
200 fior. d'or à prendre sur le péage de Lers (12 juin ifôô). Notre
compte mentionne l'achat de soie (sendal) azurée et jaune pour une
bannière aux armes delphinales qui fut hissée sur le chaftel ()i° 98^.
Passant à Orange, en juin ijôy, l'empereur Charles IV autorisa
Raymond V de Baux à établir un droit de péage tel qu'il était exigé à
Lers (Barthélémy, Invent. d. chartes de la mais, de Baux, 1882, p. 410,
n" 1428; ç/! 71"" 629, 1727 et 1807 j.
2. Capiuntur per computum di6li finitum ad s"^ Jo. 1363.
6 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
chaftellain, 24^ de feptembre 1363 . 76 flor. 5 gros petit pois. •
20. De Pierre Rochefort, chaftellain du ^'al et d'Albon,
ne 140 fextiers d'avene , chacun lextier 7 g-ros pi ile par la
chambre delïus dicte, 26® jour d'octobre 1363. valent 81
ilor. 8 gros. & en argent comptant
4 ( =: 80) flor. 9 gros & demi.
21. De Philippe Gillier, de & fur les defpens du dit gouverneur
& de plufieurs autres avec lui en alant, demeurant & retournant
à Avignon par devers noftre faint père le Pape & les cardinaulx,
pour certaines caufes touchant monfeigneur le Dalphin, par
lettre de recognoilïance du dit gouverneur, donnée le derrenier
jour de novembre 1363, 160 flor. bon pois, valent
166 flor. 8 gros petis.
De lui , par la main de Denis Gillier, fon fils -, quant on
volt aller devant Lers 250 flor. petiz. ?
22. De François de Saint Germain, chaftellain de la Cofle
Saint Andrieu deffus.dit, fur ce qu'il devoit à caufe de la dite
chaltellerie, Q7 florins 7 gros demi petiz 1 & en 2Q fextiers
froment, au feur de 11 gros le fextier, 26 florins 7 gros petis,
& en 79 fextiers i quarteron d'avene, le fextier 8 gros, 52 florins
10 gros, & 23 fbmmes cK: demie de vin, au feur de i florin la
fomme, 23 florins & demi: tout prillé par la dicte chambre ;
pour tout par lettre donnée par le dit gouverneur 17 jours de
mars 1363 200 flor. 6 gros demi petiz.
23. De Jehan du Pont, commis à l'oflice de la treforerie du
Dalphiné. après ce que Philippe Gillier fu fufpendu du dit
1. Capiunlur pcr cnmputum dicli jo.: funt cum aliis ordinariis In lihrd
Vicnncnli de anno i 3O4" et ibi corrigitur.
2. iJeijys Oillier, jurisconsulte et conseiller dclpliinal. clait lieutenant
de son fère dès / ?>o." Jtne quittance de lui, en date du 12 juin ijOi,
figure dans /'Invent. d. arch. Dauphin, de M. Morin-Pons (1878. A 174,
n" ()C)iJ. La légende de son sceau plaqué porte : S' D/ENI/S CjI/LIF-R.
Son J'rère cadet, (hiyot. fut char<ré de porter à Paris au dauphin Charles
les joyaux de liéatri.x de Jloi^rie. en mai /?TT (Valhonnais, Ilisl. de
Dauph.. /. //. p. 170).
3. Capiuntur per v compuUim dicVi Philippi finilum 2(1 fehruarii r ?6^,
& ibi corrijLfitur.
4. Dicli ()■] ilorini 7 gros. dy. capiuntur pcr computum dicli l'rancifci,
finitum ad s'" Jo. 1302, 6i. refiduum capitur pcr Icqucnlcm cumpuluni
& ibi corrigitur.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 7
office ', pour deniers baillez à Jehan de Sommericourt, clerc
du dit gouverneur, pour faire fes defpens & de fa compaignie
en alant à Avignon par devers noftre faint Père et plufieurs
cardinaulx, pour certaines caufes à lui mandées & inflruictes
de par le Roy par maifti^e Gontier de Baigneux, fon fecretaire -,
en may 1364, 120 florins bon pois, valent .... i25flor. ?
24. Du dit Jehan du Pont, pour autres deniers de lui receuz
par le dit gouverneur, pour autres defpens fais par lui quant il
ala au Pont de Belvoifin journoyeravec le conte de Savoye 4 fur
l'expedicion des chafteaux qu'il tenoit, defquelz defpens le dit
gouverneur ne prent ne ne compte en defpenfe, quar il en
compte d'autre part au conte de Valentinoys, par l'ordenance
du Roy, & rent cy la recepte que faite en avoit, qui fu faite en
may 1363, pour ce 29 flor. petis.
25. Du dit Jehan du Pont, pour autres deniers receus de lui
par le dit gouverneur, pour autres defpens fais par lui en alant
à Avignon par devers noftre faint Père, par commandement
efpecial & ordonance du roy Jehan, noftre lire, pour lui expofer
certaines & protîitables befongnes du dit feigneur, & par lettre
du dit gouverneur, donnée en décembre 1364
182 flor. 9 gros petis.
1 . Jean du Pont, citoyen de Grenoble, fut nommé trésorier du Dauphiné,
en remplacement de Phil. Gillier, par R. de Louppv le 10 avril ij6^;
dès le ig juin siiiv. il prit pour lieutenants et commissaires dans ledit
office son frère Francon du Pont et François Bermond. Charles V lui
manda, le 8 sept, suiv., de payer diverses sommes au gouverneur
(Mandem. cit., p. 3g, n° 78; cf. n"^ 1463 et 1558). Il eut pour successeur
Adajn Chanteprime.
2. Gontier de Bai gneu.x figure comme secrétaire du roi. du 20 avril: jôj
au2Juil. /^67(iMandem. de Charles V, ;z"' indiqués p. Q88b;ç/: «"'53,
68 ei 71 du Compte); il fut )iommé par Urbain V, le 2$ oct. ij6j, à
l'évêché du Mans. Le 7 mai 13'jo, Louis, duc d'A^ijou., l'emmena en
Dauphiné (Gallia Christ., t. XIV, c. 408-9) ; il était à Romans les 12 juil.
(MoRiN-PoNS, Numism. féod. du Dauph., 1854, P- '^'\4~S)i 27 août et
16 sept. (Myst. d. Trois Doms, p. 720-1, n. 4); // passa à larchevéché
de Sens en 1 3S3' et mourut la même a»., le i q juil. (Gallia Christ., t. XII.
c- 79)-
^. Capiuntur per computum dicli Jo. de thef(aurar.) Dalphinatus a
10' "orilis 1364 ufque ad 18^ no(vembris) poft. & ibi corrigitur.
4. . .nédée VI, le comte \\^?-lÏ (Répertoire, c. 100 et 2403); cf. «"'48,
56 ei O3 du Compte.
8 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
26. De meffire Frepet de Bouczefel, chevalier ■ pour une
compofition qu'il avoit faite avec François de Saint Germain,
chaftellain de la Cofte, à ce commis par le dit gouverneur, pour
aucuns de fes hommes, pour ce receu de lui en juillet 1364 . .
20 flor. petiz. ^
27. Des biens meffire Robert d'Autun, par la main de
Humbert de Laies, qui furent portez au lieu de Beavoir ou
demouroit le dit gouverneur, pour 65 fommes de vin, au feur
de 6 gros la fomme prifié par la dite chambre, pour ce . . .
32 flor. demi petis.
28. De meffire Guy de Torchefelon, chevalier, chaftellain de
Quirieu, fur fa dic\Q chaftellerie qu'il avoit baillié en plufieurs
parties, pour preft fait au dit gouverneur, pour ce par lettre
donnée en juillet 1364 200 flor. petiz. 3
29. De meflire Guy Coupler, chevalier et chaftellain de la
Tour du Pin 4, en 35 fextiers froment & 40 fextiers d'avene,
baillez & délivrez par Didier Barat, lieutenant du dit médire
Guy, pour la pourveance de Toftel du dit gouverneur à la Cofte
Saint Andrieu, au feur d'un florin petit pour le fextier froment
& 8 gros pour le fextier avene, prifié par la diéle chambre,
par lettre du dit gouverneur donné en juillet 1364 ....
61 flor. 8 gros petis.
30. Michel Aillouft & Jehan Huguct de Voiron, par la main
du commandeur des Efchielles 5, pour une compofition parculx
i . Jacques, dit Frepet. fîls d'IIumhcrt de Bocsozcl, scioncur d'Eclose.
épousa Ùéatrix de MoiJJous.
2. Capiuntur pcr fuum compuUim finitum ad s"'' Jo. m6^.
3. Capiuntur pcr fuum compulum linitum ad s" Jo. 1-365 & ibicorrigitur.
4. Partant pour la France, Raoul de Louppy nomma son vice-gérant
pour le fait de la guerre, par lettres données à Crémieu le 26 avril i 366,
Guy Copier (Coppier, Coupler, Coupy), seigneur d'Hier es, bailli du
Viennois et du Valcntinois ; il était encore châtelain de la Tour-du-Pin
en 1765. C'est peut-être le même qui figure comme capitaine de Romans
en i }0f: hem, dom" Guidoni Copcrii, militl, capitanco ville, pro falario
fuo racionc dicli officii capitancalus, pro mcnic marcii prclcntu, pcr
mandatum comiffariorum ville dalum die xxx" dicli meniis marcii LXIJ'^",
rcdditum una cum quiclancia dicli dom' Guidonis, xx llor. in auro
((Comptes de 1357-69, /" Ivj). Le courrier de Romans était en \ ^06
nobilis Guide Copcrii (mêm. arch.); cf. Giraud, Essai, 2°/'., /. /. p. 279.
<y. Jean de Fayn était commandeur des Echelles en I7f? (Trepier,
Dccanat de St-André, i87(), /. /, />. 746)^/ en i 375 (Pilot de Tuokev,
l'rieurés du dioc. do Grenoble, 18^4, p. 388).
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 9
faite avec le treforier & confeil, 30 florins bon pois, valent . .
, 31 flor. 3 gros petis,
31. De Vitre Vaignon & les compaignies des Lombars ' de
Moraint, appelles les Graiffelliers, pour une comporition faite
avec eulx par le dit treforier & confeil, pour certain cas qu'il
avoient meffait pendant la caufe qu'ilz avoient contre Dominique
de Calea lombart, pour ce 200 flor. petiz.
32. De meffire Amé des Baux ^, pour le fait des juifs paiant
pour feu meffire Bertran de Bedons, chevaliers, 100 flor. petis.
33. De Jehan Pej'la, marinier de Montbonoft, pour compofition
faite par le dit confeil avec lui, pour ce qu'il f'eftoit départis &
avoit brifié la prifon de Moreint 6 flor, petis.
34. De fire Adam Chanteprime, treforier du Dalphiné >, pour
deniers par lui baillez au dit gouverneur pour les defpens de
lui & de fes gens en alant par le comandement du Roy en la
compaignie de l'Empereur 4 à Avignon, à Arle et ou conté de
Savoye, en may 1365, 370 florins bon pois , capiuntur ut
immédiate, valent 385 flor. 5 gros petis.
35. Du dit fire Adam Chanteprime, pour deniers de lui receuz
pour faire un autre voj^age en Avignon, ou il fu mandé par
monfire l'arcevefque de Sens 5, l'evefque de Nevers ^ et meffire
Guillaume de Dormans 7, pour le fait & traiclié du chaftel
1. Cotnmerçauts italiens qui faisaient le Jiégoce et surtout frétaient
sur gages à grosse usure (cff. Ducange, Glossarium, t;'^ LangobardI ;
Chéruel, DIct. hist. d. instit., p. 690-1).
2. Amiel de Baux, fils de Raymond, co-prince d'Orange, fut seigneur
de Suze, Solérieux, etc. (Barthélémy, p. 575 et ^' tabl.)
^.Adam Chanteprime fut nommé trésorier du Dauphiné le i i oct. i 36^.
Le mandement de Charles V du 14 nov. i 36^ (p. 6 i , n° i 24) dut être
à son adresse; on le trouve encore en fonctions les 7 et 10 avril 1366
(n° 59 du Compte; Comptes de Romans pour 1357-69,/° Vh^xij). En
juil. ijjo il était trésorier de France (Alandem. cit., p. 353, n° 702);
le même ouvrage fait mention de François et Pierre Chanteprime.
4. Charles IV : voir la fin de l'introd. au Mystère des Trois Doms.
5. Gî/z7/az<me ie A/e/ej/« ( I 345-7 5) ;c/. Mandem. de Charles V,p. 990,
6. Pierre Aycelin de Montaigut (i 361-71); cf. Répert., c. 204 et
suppl.: .Mandem. de Charles V, p. 10 18.
7. Guillaume de Dormans, frère de l'évêque de Beauvais, fut successi-
vement chancelier de Normandie (i" oct. i 361), de Dauphiné (i 364) et
de France (2 i févr. 1372). // vint à Romans, en mai i 367, en compagnie
du comte d'Etampes (Giraud, Essai cité, 2° p., t. I, p. 277-8). // mourut
le II juil. 1373 (Anselme, Mais, de France, t. VI, p. 336; Delisle,
10 COMPTE DE R.\OUL DE LOUPPY
de Lers, par lettre du dit gouverneur donnée 6' jour de
juillet 1365, 152 flor. 6 gros petis. '
36. De lui, pour faire un autre voyage à Lyon, ou le dit
gouverneur lu mandé par mefdiz feigneurs, pour prendre &
recevoir les hoftages que devoit bailler le capitaine d'Anfe,
pour le traictié fait avec le Pape & les diz feigneurs, que il
receut de Pierre Arnoul. dit Gaiet, fi que le dit Pierre
devoit pour une composition qu'il avoit faite avec le dit
gouverneur, treforier & confeil, pour ce par lettre donnée
8 jours d'aouft 1365 50 flor. petis.
De lui, par la main Jehan Nicolet, en décembre 1365, pour ce
38 flor. 10 gros I tiers petiz.
37. De lui , pour les defpens fais par le dit gouverneur en un
voyage fait par lui en Avignon par devers nortre faint père le
Pape & monfire le duc d'Anjou -, tant pour le fait de Lers
comme pour autres befongnes touchans le Dalphiné, par
lettres du dit gouverneur données le derrenier jour de
mars 1365, 200 flor. petis.
Summa 2,595 florins i tiers i"^ grofli.
38. Du dit treforier, pour les defpens du dit gouverneur,
du dit treforier & meffire Raynaut Reymont, procureur cSc
advocat flfcal du Dalphiné 3, de meffire Amé de la Mote & de
plufieurs autres confeillers, fais en Avignon ou ilz eltoicnt alez
pour avoir confeil & dcliberacion avec les fages & confeillers
de court de Romme, fur le droit que difoit le dit procureur
flfcal que monfire le Dalphin avoit en la terre & héritage de
feu le feigneur de Vaubonnoiz, en avril 1366, compris ens
20 florins bon pois qui furent baillez à maiftre Pons Raynaut,
principal confeiller, pour fa paine c^ travail, c"^ pour ce . .
220 flor. 10 gros petis.
39. I)c lui, pour les defpens du dit gouverneur c*^; de fes gens
fais en alant à Avignon, ou il lu envoie de par le Roy aux
Mandem. de Charles V, h"s t -5^ ^ y, 5 j , 81, i 5 :î, i 60, i 64, 281, 861
et p. IV; Répert.. suppl. )
1. Capiunlur pcr primum compulum dicli Adc liniuim in nprili 1 ^{)7
& ibl corrigitur.
2. Cf. Myslcrc des Trois Doms. pp. 7 1 2--? cl 720-2.
3. Raynaud lieymond,ji4gc~ma<j;c du Ciiaisivciudav, conseiller dclphiiicil
en 1 'iï 1-2, chevalier, procureur et avocat fiscal du Daup/iinc en i 56. /-O.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE ÎI
ambafieurs du Roy anglois, pour ce par fa lettre donnée
3 jours en avril 1367, en 160 frans .... 20oflor. petis. '
40. De meflire Guigo de Morges, feigneur de la Mote, & de
Guigo de Morges, Ion fils, sur la fomme de 800 florins qu'ilz
dévoient au feigneur pour la nouvelle infeodation & retenue
du chaftel de la Mote en Matefine & de toute la terre qui jadiz
lu feu Gilecte Enarde, famé du dit chevalier el^ mère du dit
Guigo, faicte en novembre 1366 que le dit gouverneur print
en déduction de certaine fomme à lui deue par monfire le
Dalphin 502 flor. petis. ^
41. De meffire Aymar Alemand, chaftellain de Vefille, fur ce
qu'il doit de la dicte chaftellerie , pour ce receu de lui en
mars 1366 13 flor. i gros demi petis.
42. De l'univerfité d'Oifenx , par la main de Guionnet
Richart, autrement dit Nourri, chaftellain du dit Heu, pour
certaine compofition qu'il avoient faite avec le juge de
Graifivodan prins , c'eft affavoir fur les defpens que le dit
gouverneur avoit fais en Languedoc, en la compaignie de
meffire Robert de Lorris, pour meétre fus l'impofition de
12 deniers pour livre ilec, par lectre du dit gouverneur donnée
en juillet 1367 300 flor. petis.
43. Des fmdicz de Britanzonnois, fur ce qu'ilz dévoient pour
une compofition faite avec le dit gouverneur, le treforier &
confeil, par la main de François Chais, en deduétion de la diète
compofition, en février 1368, 500 florins, valent . 520 flor. petis.
44. De meffiire Togenaz, chaftellain de Belveoir en Royaux &
deYferon, enprovifions deblez & autres chofes . 10 flor. petis.
45. De meflire Guillaume de Vergi, chevalier, jadiz gouverneur
du Dalphiné, pour certains deniers receuz par le dit fire de
Louppi des biens du dit feu meffire Guillaume, c'eft affavoir la
fomme de 2,000 florins petis, en quoy il eftoit tenuz à monfieur
le Dalphin, fi comme les auditeurs des comptes du Dalphiné
difoient ; la quelle fomme fu prife pour parfaire certaine groffe
finance que l'en devoit envoyer à monfieur le Dalphin &
1 . Capiuntur ut fupra.
2. Habcatur refiduum.
12 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
la quelle fomme eft prife en la defpenfe de ce compte en plus
grant fomme; pour ce 2,000 flor. petis. '
Summa 3,765 florini 11 grossi cumdimidio.
Summa relidte ha6lenus . 9,148 flor. 10 gros. 1/2 & i tert.
AUTRE RECEPTE
46. De plufieurs charges dont le fire de Louppi eftoit
chargez en la chambre des comptes du Dalphiné, oultre &
pardeffus les parties deffus di(5les, fi comme par certain rolle
envoyé foubz les feaulx des auditeurs des comptes du dit
Dalphiné peut apparoir.
Pour deniers pris fur mons. le Dalphin par le compte de
Guelis de Cizerin, de la chaftellerie de Montbonet, de l'an 1364,
pour caufe de 20 fommades d'avene que le dit fire de Louppy
ot de lui, les quelles tiennent lieu au dit Guelis à la charge du
dit gouverneur, pour ce 14 florins; & pour famblable, pour
deniers paiez à Jaquemot Florenfac, par mandement du fire
de Louppi, pour la vifitacion d'un courcier qui eftoit au dit
fire de Louppy, 7 florins; & pour famblable, par le compte
de la dicte chaftellerie de l'an 1365, pour caufe d'un roncin
donné à Jehan de Beaune, & auflî pour la façon des vignes de
meffire Jacques de Dya, dont le dit fire de Louppy volt eftre
chargez par fes lettres, 31 florins 11 gros; pour tout . .
52 flor. II gros. -
47. Item, pour famblable , pour deniers pris par le 4^ compte
Philippe Gillicr, jadiz treforier du Dalphiné, pour don fait au
1. Dcclaret ut fupra.
2. Quamvis ifta pars cadit in jac:\u, tamcn dicUis dominus pcciit vidore
li6lcras fuas virtutc quarum oneratur in camcraDalphinalium compulorum,
quia affcrit quod de iaL;lionc & cullura vincarum dcquihus lit mcncio in
Icxtu, que alccndit ad 21 lier, i i gros, vcl circa, non débet onerari quia
nondum habuil lruî;l.us earum, ymo dnus Dalphinus; (Se ideo ordinatum
quod pro prelenti parte & aliquibus partium lequentium mandabitur
auditonbus computorum Dalphinalium quod mittal copias Iielerarum ditli
domini lub fif^ilio vel iif^no auèlentico, quibus vifis fiet eidem domino
in line idius eomputi quod debebit. — Non onerabitur de ordinacionc
dfjininorum, quia iflo tempore nulia capiebat vadia, ymo fe excuiavit
apud dnum regem de non acceptando diclum oHlcium, prout afferuil in
caméra & ad dictam accuialionem non potuit admitti.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE I3
fire de Louppi en recompenfacion des defpens par lui fais deux
fois en venant de fon pais en France, 300 florins de pois,
valent 317 flor. cum dimidio.
48. Item, pour deniers pris famblablement par le compte de
l'émolument du feel de la grant court de Grailivodan rendi
Tan 1366, pour les defpens du dit fire de Louppy fais à
Chamberieu en fejournant avec le conte de Savoie pour le fait
des chafteaux que il detenoit , defquelz defpens fais pour la
di(5te caufe le dit fire de Louppy fu paiez par le conte de
Valentinoys & pour ce doivent eftre recouvrez fur lui, pour ce
par vertu de fes lettres 65 flor.
49. Item, pour deniers pris femblablement par le compte
Humbert Granet, commiffaire député à paier les finances pour
le fait de la guerre de Provence par vertu des lettres du dit
gouverneur, pour les defpens du dit gouverneur par lui fais en
un voyage fait à Avignon ou moys d'avril 1369, avec plufieurs
notables perfonnes tant de confeil comme gens d'armes, pour
traiéter de pais avec le fcnechal de Provence ' : pour ce . .
331 flor. 3 gros.
50. Item, pour deniers pris famblablement par le compte de
melfire Aymon de Lay, chaftellain des Exils, rendu l'an 1360,
pour un roncin pris de lui ou pris de 40 frans & dont le dit
gouverneur volt par fes lettres eftre chargez; pour ce 40 frans,
valent 50 flor. petis.
51. Item, pour famblable par le compte de Pierre Galbert de
la chaftellerie d'Oisenx , de certaine compofition faite par le dit
gouverneur fur l'uni verfité d'Oifenx pour le fait des chevauchées
non enfuies, compté par Aymon Richard le fécond jour
d'aouft 1370 200 flor. petis.
52. Item, pour famblable paR le compte de Renier Couppe,
receveur du fubfide de 6 gros pour feu octroie l'an 1364 pour
la deffenfe du pais Dalphinal, pour achater un courcier que
le dit gouverneur fe difoit avoir perdu en la garde du dit pais ;
pour ce 300 flor.
'ït'^>v.5©^a,r/es V ratifia à Paris, en sept. 1 369, [le traité conclu entre
Raoul de Louppy et le sénéchal pour rétablir la paix entre les habitants
du Dauphiné et ceux. ig, la Provence (Mandem., p. 391, «° 589),-
Î4 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
53. Item, pour famblable par le dit compte que le dit
gouverneur aflermoit avoir envoiez à maiÛre Gontier de
Baigneux. à qui ilz avoient elle donnez, du quel don ne du
paiement que le dit gouverneur en tilt il n'apparoit point ; pour
ce 200 flor. '
Reddit per compotos fuos ut fuperius.
54. Item, pour famblable de Barthélémy Tornier, député en
la jugerie de Vienne & de la terre de la Tcur pour faire la
defpenfe du dit gouverneur 0^ des gens de fa compaignie à
Lyon, ou le dit gouverneur demoura par le confeil des barons
du Dalphiné en armes, pour efchever l'efcandre qui povoit
venir pour la difcencion qui eftoit entre le peuple & le clergié
de la dié^e ville - 218 tlor. 9 gros. 3
55. Et pour famblable defpenfe faicle par lui à une autre
fois en la dicte ville, pour traictier avec meflire Guy de Badefol 4
qu'il fe dcpartilt, 161 flor. 5 gros & demi, & en n autres
parties 200 florins ; & pour defpens par lui fais en alant,
demeurant & retournant vers Bellaiz & vers Vienne, où il fu
à certain nombre de gens d'armes, 80 flor. ; pour tout . . .
660 flor. 6 gros.
56. Item, pour deniers que ledit gouverneur manda par les
lettres à etlre baillez à Jehan Somericourt , clerc du dit
gouverneur, par Francoys Chaify, receveur du dit fubllde en
la jugerie de Brianconnois , pour ce 500 florins bon pois,
valent 520 flor. 5
1. l'clit vidcrc llucras fuas vcl IranscripUim, diccndo quod ad iflam
uimmam non tcnctur. & ideo mandabiuir ut iupra. Lune j-f''' novcmbris
iiyf) magillcr Cjonlcrius cpifcopus (^cnnmancniis, prcfcns in camcra
computorum , conlcrfus fuit rcccpilTc diclam fummam de _'oo llor.
in cleduelionem 500 llor. (ibi dalorum per dnum Dalpbinum, caulîs
in littera contenlis & quod adhuc iibi debebatur reliduum. (*v: quod liltere
dieli doni remanlerunt in diclo Dalphinatu vS: ibi dimiffe fuerunt per
alterurn clericorum fuorum qui decellit.
2. <^ctte dissension (cf. no 1 2(^) proi'cnait sans dniilc Je la non
exécution des convenus entte le chapitre ci le consulat de Lyon, dont
M. P. Ai.i.i'T a résumé les pièces originales {Lca Routiers au XlV siècle,
les Tard-Venus et la bataille de Brignais . i 8^0. P- i 5 =;-7o).
3. Corrigilur in debitis fub anno i ^dn.
4. .S'a;?.'; doute par erreur (ou par contraction ) pour Seguin de Ikidcjol
(voir plus loin, ;/o 79).
5. Parum reddit de 2 i flor. 8 g. parvis in debitis.
GOUVERNEUR DU DAUPHIXÉ 1$
57. Item, pour famblable de Jehan du Pont, receveur dudit
fubfide en Graifivodan, par les mains de Jehan Somericourt,
clerc du dit gouverneur, pour la defpenfe d'icellui gouverneur
faite en alant plufieurs fois en Avignon & ailleurs, a traiClier les
confédérations & aliences lors faites entre le Pape & le Roy, les
comtes de Savoye & de Valentinoys & le fenechal de Provence
d'une part, & les compaignes Anglefches qui lors eftoient fur
le pais d'autre, & pour l'impetracion de plufieurs hurles pour
ce empêtrées, les florins de bon pois ramenez à florin de non
pois, 303 florins i gros demi petis ; et pour les labours, paines
et defpens fouflienuz par le dit gouverneur en la pourfuite des
chofes deffus diclies par mandement du Roy, i,ooo florins;
& pour famblable, pour les defpens du dit gouverneur par lui
fais en alant vers Valence et l'Eftelle à deux fois, pour certain
defcort lors meu pardevant monfeigneur d'Anjou entre les fires
de Vinay et de Anjo, & pour autres defpens de lui & de
plufieurs confeillers du Dalphin que il mena avec lui en une
vifitacion faite fur les termes et fins du Dalphiné & de la conté
de Savoye, où il vaqua du ij" jour d'aouft 1366 jufques au 21®
jour d'icellui mois inclus, c'ell affavoir pour les voyages de
l'Eftelle 132 florins =; gros i quart et pour la vifitacion des dictes
limitacions 118 florins 7 gros et demi ; pour tout
1554 flor. I gros 3 quars petis. '
58. De Philippe Gillier, treforier du Dalphiné, pour deniers
receuz de lui par le dit fire de Louppi, pour yceulx bailler à
Symonnet Coppe - pour faire change en Avignon & envoyer les
deniers à monfeigneur le Dalphin, c'eft affavoir : le 11"= jour de
janvier, iioo florins bon pois; le 2Ç jour du dit mois, 300
florins bon pois; & le 11= jour de février enfuivant, 400 florins
petis ; pour tout 1858 flor. 4 gros petis.
1 . Corrigitur in debitis.
2. Simonnet Coppe (Cope, Copi. Coponis, Coppi), ^nonnayer de Romans,
figure aux parlements généraux tenus dans cette ville les ^ mai 1 568 et
0 niai 1370; cette même année, il obtint par voie d'enchère la tnaitrise
de l'atelier, qui lui fut confirmée, le i 2 juil., par Gontier de Baigneux et
Bernard de l'Aire, lieutenants du dauphin (Morin, Numism. féod., p. 145;
GiRAUD, Essai, 2' p., t. I, p. 368-q),- on le retrouve aux parlements de
1374 ei 1377 à Valence, de 1384 à Romans et de 1386 à Valence
(GiRAUD, o/>. cit., t. II, p. 358-60).
l6 COMPTE DE rL\OUL DE LOUPPY
59, De Adam Chanteprime, treforier du dit Dalphiné, pour
les defpens du dit gouverneur, du dit treforier , de meflire
Regnaut Ra3-mon , de meffire Amé de la Mote & autres
confeillers du Dalphiné, fais à Valence l'an 1366, le 7' jour
d'avril 15 flor. petis.
Summa ab alla 5807 flor. i gros 3 quars.
Summa recepte hujus computi totalis
14)95^ floi"' ponderis Dalphinatus.
E S P E N S E et mifes faictes par le temps
deffus dit :
Et premièrement pour les voyages & che-
vauchées faiz par le dit gouverneur pour les
caufes deffus dicles, les defpens fais pour caufe de ce paiez
des deniers ci devant rendus en recepte ; defquels defpens
les parties & les journées font efcriptes en un papier par
les gens dïcellui gouverneur qui les ont fais , le dit papier
rendu à court en la réception & audicion de ce compte, & aufli
les caufes & matières defdiz voyages en un autre papier par
devers le dit gouverneur. C'eft affavoir :
61. Pour les defpens du dit gouverneur, en fa compaignie
le fire de Conflans fon nepveu, maiftre Nicole de Tours fur
Marne' & les autres gens de fon hoflel,au nombre de 29 chevaux,
fais es mois de février & de mars 1361, pour aler en Avignon
du commandement à lui fait de bouche par le Roy Charles
noftre feigneur, adonc duc de Normandie c^ dalphin de Vienne,
pour certaines befongnes cogcntes & fecrettes qui par le dit
feigneur, au partir de lui de Paris pour venir ou Dalphiné pour
le gouvernement du pais d'icellui au quel il avoit lors de
nouvel efté ordenné lui avoient elté cnchargées c^ enjointes,
au dit lieu d'Avignon par devers le faint Père & autres touchant
ycellui feigneur & fon dit pais du Dalphiné ; & depuis le dit
commandement de bouche fait au dit gouverneur les diéles
I. Nicolas de Tours-siir-Maruc, chevalier , conseiller du dauphin,
louchait 200 flor. par an (««> 03); il était président du conseil delphinal
en 13O2 (FiLOT, Invciit.-som,, //, 6» ),
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ I7
befongnes à lui mandées par le dit feigneur & par fes lettres
clofes efcriptes de fa main faire & acomplir par la manière que
enchargées le lui avoit. Pour lequel voyage faire ycellui
gouverneur parti de Romans ou Dalphiné le mercredi à matin,
23® .jour de février 1361, & en alant au dit lieu d'Avignon,
fejournant & befongnant là pour ce qui commis lui eftoit,
comme en retournant ou dit Dalphiné , le dit gouverneur
vaqua & demoura jufques au mardi 8* jour de mars enfuivant,
que fon retour fu à Romans , par 14 jours compris en ce
tem.ps, premier & derrenier comptez, fi comme il appert par
les parties des defpens pour ce fais, efcriptes en un papier par
la main des gens du dit gouverneur qui les diz defpens
faisoient, rendu à court comme dit eft deffus, montent les
diéles parties 291 florins de bon pois, qui valent 303 florins
I gros & demi dalphinalz, dont font à rabatre les gaiges du dit
gouverneur par les 14 jour deffus diz, 115 florins ; pour
le demourant 188 florins i gros & demi dalphinal. '
62. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur, au quel,
lui eftant en Avignon ou voyage devant efcript, furent apportées
nouvelles que les ennemis gens de compaigne eftoient venuz &
arrivez ou pais de Lyonnois & avoient pris les fortereffes de
Brignay & de Rive de Gier, & que ilz fe efforcoient de paffer la
rivière de Rofne pour paffer ou Dalphiné ; pour occafion
defquelles nouvelles convint le dit gouverneur plus foy hafter
de faire en Avignon ce qui commis lui eftoit, pour foy retraire
ou dit Dalphiné. Lequel ilec retourné, fift affambler tout le
confeil de monfeigneur le Dalphin, pour avoir avis de obviera
l'entreprife defdictes gens de compaigne , à ce qu'ilz ne
peuffent entrer ou dit pais ; par la délibération duquel confeil
fu lors ordonné faire un mandement de gens d'armes & de pié
à Vienne au mardi 22° jour de mars; pour aler au quel
mandement ycellui gouverneur fe parti de Romans, le 18* jour
du dit mois l'an 1361, au nombre de 40 chevaux de fon hoflel,
& pendant & durant le temps de ce veage vindrent au dit
I . Loquatur quia fine mandato & debent fibi deduci vadia fua, que
funt de 8 flor. 2 g. cum 1/2 & i o^ parte unius groffi par diem, ad
eftimationem de 3000 flor. per annum, valent per diftos 14 dies i i 5 flor.
dalphinales 8 den., de vinginti den. pro groffo.
2
l8 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
mandement plufieurs chevaliers & efcuiers , en fejournantfur
le chemin en les attendant un jour en un lieu & autre en autres,
& auffi mefTire Jaques de Bourbon, conte de la Marche i,
& plufieurs chevaliers du Roy vindrent par devers le dit
gouverneur, pour parlementer & traiélier avec lui & avec les
bannerés & hauls hommes du pais, affin de ordonner envoyer
certain nombre de genz d'armes au fiège devant Brignay ; &
par certaines intervalles du dit temps fu le dit mandement par
le grant confeil de mon dit feigneur le Dalphin une heure
cafiez félon ce qu'il fembloit bon , & autrefoiz remis fus &
renouvelle félon ce que befoing croiffoit ou appetiffoit, & le dit
renouvellement fait pour occafion de la defconfiture qui fu
devant Brignay durant ce temps -, laquelle fu moult doubtable &
efpouvantable au pais du Dalphiné, & pour ce les gens d'icellui
mis en grant effroy, par quoy chacun trajoit à venir vers le dit
gouverneur, pour touf jours avifer à la garde & feurté du dit
pais. Le quel, par bonne ordenance & par plufieurs remèdes
qui en ce furent mis, fu tellement gardé & obvié à l'entreprife
des dites gens de compaigne parle dit gouverneur, comme pour
caufe du dit mandement & des pors & paffages du Rofne & des
autres rivières, qui très bien & fongneufement furent vifitez &
gardez durant ce temps, que aucun inconvénient ne domage
n'en avint ou dit pais : fi comme de toutes ces chofes & de
plufieurs autres defpendant de ce elt fait plus à plain mencion
ou papier du dit gouverneur, ou quel font efcrips & fpecifiez
tous les veages & chevauchées par lui fais durant le temps qu'il
a eu le gouvernement du pais du dit Dalphiné, les caufes & les
matières pour quoy, les circonftances&deppendences d'icelles,
du quel papier il apperra fe meltier eft. Et pour le quel voyage
t'>< ce qui en depent ainfi faire & affouvir jufques à bonne
conclufion tSc mectrc tout le fait dcffus dit à feurté, icellui
gouverneur vaqua dès le jour deffus dit qu'il parti de Romans
1 . Jacques I de Bourbon, comte de la Marche cl de Po;7////c?/ (Ansklavk,
Mais, de France, /. /, f. ji8-o; Art de vcrif. les dates, t. X. f. j^ô-jJ.
2. La halaille de lirianais, où périrent le comte de La Marche, son
fils aine Pierre cl Louis comte de Forez, se donna le (> avril i ?6j
(A. F^fiiRicAUD], Notes et docum. pour Thist. de Lyon, />. 0-/0; Allut,
op. cit., p. l8<j-2'J0).
GOUVERNEUR DU DAUPHINE I9
pour ycellui faire jufques au 24= jour d'avril enfuivant, ou quel
temps font 37 jours, le derrenier non compté, fi comme il peu
apparoir par les parties & journées des defpens pour ce fais
efcrips ou papier de fes gens qui yceulx defpens faifoient rendu
à court ; monte pour tout 631 flor. & demi. ^
63. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur es mois
d'avril & de may l'an 1362, pour caufe de ce que lors vint à sa
cognoiffance que le conte de Savoye venoit en pèlerinage à
Saint Anthoine de Viennois -, le quel n'avoit onques efté ou dit
pais, mais que en temps de guerre, fi ot ycellui gouverneur
avis & deliberacion par les gens du grant confeil monfeigneur
le Dalphin, que il yroit au devant de lui pour le honorer & le
héberger en un des chafteaux du dit feigneur pour caufe des
gens de compaigne qui eftoient à Brignay, en Piémont & en
Provence en plufieurs lieux & mefmement pour parler à lui,
avoir fon confeil, & faire avec lui alliences fur le fait de la garde
& deffenfe du dit (pais) du Dalphiné qui eftoit en très grant
doubte. Et pour aler au devant du dit conte, pour les dictes
caufes, fe parti le dit gouverneur de Romans le venredi 2çf jour
d'avril 1362 après difner, en fa compaignie meiïire Oddebert
feigneur de Chaftelneuf 5, meiïire Aymart fon fils, mefiire
Amblart de Belmon 4, mefiire Didier de Chaffenage 5, Vv-..:>i>».^-'^ur
1 . Nichil pro omnibus iftis militibus & fcutiferis, quia vadia eorum
capiuntur per computum Philippi Gilerii, thefaurarii dalphinalis de ifto
tcmpore.
2. Les historiens de l'ordre des Antonins (Aymar Falcoz et l'abbé Dassy)
n'ont pas connu ce pèlerinage d'Amédée VI à St-Antoine ; cf. Allut, op.
cit., p. 112-j.
3. Odobert, fils d'Aynard III, seigneur de Châteaiineuf de l'Albenc, se
trouva aux batailles de Varey en 1^26 et de Crécy en 1 746 ; il avait
épousé Béatrix, fille de Jean de Saint-Quentin et de Catherine de la
Chambre, dont il eut Aymar.
4. Amblard, seigneur de Beaumont, l'ancien protonotaire du dauphin
Humbert II (Brisard, Hist. généal. de la mais, de Beaumont, /77Q, t. I,
p. , et t. II, p. 2j'/-jo[; Rochas, Biog. du Dauph., t. I, p. 05-6),
présida le conseil delphinal en 13S2 et 1 3S4. Les Comptes de la ville de
Romans pour lysj-èg renferment à son sujet la mention suiv. (f° iij):
Item, dom° Amblardo de Bcllo Monte, die xxv» marcii LXJ" ( i yèi ), pro
confilio per eum dato ville, per mandatum cum quielancia redditum,
X flor. in auro.
5. Didier, co-seigneiir de Sassenage, puis seigneur de Montrigaud
(Chorier, Hist. généal. de la mais, de Sassenage, i6y2, p. 34-5), fut
20 COMPTE DE R.\OUL DE LOUPPY
de Maulbec ', meffire Guy Coupier, meffire Jaques Artaut = &
plufieurs autres, touz faifans le nombre de 60 chevaux. Et vint
ce jour au foir à Montrigaut, où il trouva ycellui conte & en fa
compaignie l'evefque de Valence 5, lefquels, pour les caufes
deffus exprimées par le confeil du Dalphiné & des nobles qui
en fa compaignie eftoient, il pria de difner avec lui au jour
enfuivant ou nom de mons. le Dalphin ; lefquelz conte &
evefque le lui octroièrent & fu fait le dit difner, fi comme de ces
chofes eft plus à plain fait mencion ou papier du dit
gouverneur. Pour lefquelles ainfi faire il vaqua, alant,
demourant & retournant par 3 jours feniffans le dimanche
premier jour de may 1362 enfuivant, fi comme il appert par les
parties des defpens pour ce fais efcrips pardevers les gens, ou
papier dont autrefoiz eft: ci deffus faite mencion rendu à court,
montent les dictes parties des defpens pour ce 108 ilor. &
demi de petit pois, dont il chet pour fes gaiges ordinaires par
les 3 jours deffus diz 24 flor. 9 gros, i tiers, demeure . . •
83 flor. 8 gros 2 tiers. 4
64. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur, ou dit
mois de may, tantoft après le veage précèdent, fait pour
occafion de ce que au départir que le dit conte de Savoye tift de
en I j6i lieutenant du gouverneur Guillaume de Vcrgy, comme le prouve
/'Inventaire des arch. cotnmun. de Romans en iy<j2, n" VJ^^j : hem,
quedam liclera auclentica, fubfcripta per Humbertum Pilati, emanata a
dom" Diidcrio de Cafanatico, locumtenentc dom' pro tune gubcrnatoris
Dalphinatus, fub anno Domini M"CCC"LX & die xvij marcii, & continct
certam poteftatem conccffam certis incolis de Romanis faciendi & Icvandi
tallias pro fortifiicacione di6lc ville (/" 8j). Il fut encore du conseil de
lieulenance générale créé far Raoul de Loufpy, le ig août [ yôo. L'ohit
de sa 2"" femme, Marguerite de Chaste, a été inscrit dans le Nécrologe du
prieure de Saint-Robert au 25 nov. (f. 5.4) et celui de son frère Jordan
au r y fév. (p. 8).
1. François était seigneur de Mauhec le 22 mars i jô y (Rivoire de i.a
Bâtie, Armoriai de Dauphiné, pp. 8j^ ci lOS^ ).
2. Jacques Artaul, chevalier, fut chargé par le gouverneur de vérifier
l'exécution des préparatifs pour la réception de l'empereur (Jharles JV ;
il écrivit pour ce fait, de la Buissièrc le i o mai i 3 6 5 , à Henri de Mailles,
châtelain d' A llcuard (^\ys\.irc d. Trois Doms, p. OS 3).
3. Louis de Villars : cf. Mystère d. Trois Doms, p. 71O1 »• '1 t'/
plus loin, 71^» Bo et 112.
4. Dcducantur ut fupra pro vadiis fuis _'4 lier. 9 g. i tert., quia
infra Dalphinalum deducunlur ut fupra.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 21
Saint Eftienne ou Dalphiné, ou le difner deffus dit avoit elle fait
& que il y ot parlé des chofes deffus di(5les & de certaines autres
qui eftoient à faire & dont contens eftoient entre les deux paiz
du Dalphiné & de Savoye, & mefmement du fait des diètes
compaignes qui encore eftoient es lieux des diz lieux voifms &
prochains d'iceulx pais, pour raifon des quelles chofes & du
parler fait entre eulx, pour ce fu pris une journée à Saint Geneis
en Savoye au 13^ jour du dit mois de may, aux quelz lieux &
jours le dit gouverneur & tout le confeil de mondit feigneur le
Dalphin, & le dit conte de Savoye & fon confeil dévoient eftre
& furent pour avifer & regarder sur les dictes chofes & y
pourveoir, pour laquelle caufe, pour aler à la diéle journée
ycellui gouverneur fe parti de Romans le 10* jour du dit mois
de may après difner, en fa compaignie mefTire Oddebert de
Chaftel Neuf, meffire Aymart fon fils, meffire Amblart de
Belmont, meffire Didier de Chaflenage, meffire Guy Couper,
meffire Jaques Arthaut, meffin^e Humbert Pilart ', Jehan
Mathieu, Jehan du Sauge -, auditeurs des comptes du Dalphiné,
touz au nombre de chevaux ; à laquelle journée furent faicles
certaines aliances pour obvier & refifter à l'entreprife des dictes
compaignes, & ce fait & parlé entre eulx des chofes dont
eulx avoient à faire enfamble touchant les pais deffufù'
dit gouverneur print congié du dit conte pour aler en l'ifte de
Cremeu, pour pourveoir à certaines roberies & pilleries qui
avoient efté faiétes en la marche d'ilec, lefquelles eftoient
recetées en une maifon fort qui eftoit du Camus de Chenay,
appellée Aute Pierre, & pour punir les malfaiéteurs ; au quel
lieu pour la diète caufe il mena en fa compaignie meffire
1. Humbert Pilât (cff. Répert., c. 1842; Invent. d. arch. d. Dauphins
en 1346, f. 366a) devint prévôt de St-André en 1363 et mourut le
I 2 janv. 1373. Deux articles des Comptes cités de Romans se rapportent
à lui : Item, dom" Humberto Pilati, notario dalphinali, pro labore
& groffa inftrumenti pronunciationis fafte per dom. locumtenentem
Dalphinatus fuper facto ville & ecclefie Beati Bernardi per cedulam datam
xvja aprilis LIX°, iij flor. in auro (f'^xxxix); item, dom° Humberto
Pilati, pro portulis & labore cujusdam comiffionis libi date a dominis
ville pro videndo computum taille expenfarum murorum ville, x flor. auri
(7"o xlij v° ).
2. Plus loin Sause (no8i) et Sauze ()î° 123); cf. Invent. -somm.,
//, 8ia, loob.
22 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
Hugues de Genève & fon fils ', & trois chevaliers & plufieurs
efcuiers de leur route à armes, qui à la journée deffus di6le
eftoient feurvenuz, meffire Didier de Chaffenage, meffire
Guy Couper & meffire Jaques Artaut & touz les autres le
départirent de fa diète compaignie, & tant pour la difte journée
tenir comme pour la dicte fort maifon fubjuguer & prendre, &
qui de fait par force fu prife en ce veage, comme depuis venir
vers Vienne vifiter & fortifier la garde des pors & paffages du
Rofne 2, pour caufe des compaignes qui eftoient efforcées à
Brignay, fi comme de toutes ces chofes eft plus à plain fait
efclairciffement par le papier du dit gouverneur, ycellui vaqua,
alant, demourant & retournant par dix jours feniffans le
19*^ jour du dit moys de may 1362, que fon retour fu ou
Dalphiné, fi comme il appert par les parties des defpens pour
ce fais efcriptes ou papier de fes diôles gens , lefquelles
montent pour tout 205 flor. petit pois, dont le dit gouverneur
ne doit avoir defpens poar lui & les gens de fon hoftel que
pour 2 jours qui valent 36 flor. : demeure 170 florins ; fur quoy
font à rabatre 8 jours de fes gaiges, qui valent 65 flor. 8 gros,
demeure 103 flor. 4 gros. 3
65, Pour autres defpens fais par le dit gouverneur, ou moys
de juing enfuivant, pour raifon de ce que à la journée dont en
la partie précèdent eft faiéte mencion, ne pot eftre le traiétié
qui fe devoit faire entre le dit conte de Savoye & le dit
gouverneur pour le contens qui eftoit entre les deux jDais eftre
parfait ne les chofes parlées pour la dicte caufe eftre affouvies,
pour ce que la dicte journée eftoit trop loing du pais du dit
conte & que lors il ne povoit tant arrcfter, pour la quelle caufe
1. Hic vues, '}'' Jils d'Amcdée II, comte de Genève, devint seigneur
d'Ant/ion par son mariage avec Isabelle, dame de ce lien (1323); ils
accompagnèrent le dauphin îlumhert II à la croisade de / 7^9-7. Hugues
de Genève fut lieutenant du gouverneur Guillaume de Vergy, dont son
fils Aymon avait épousé la fille Jeanne, et figure nommément en cette
qualité les 31 cet. 1358 e/ 26 juil. 1359 dans les Comptes cit. de
Romans {/^^ 23 v° et 14; cf. 1 o xi", i 4 ti", 231;", 24, 30 7^°, ?/, v", 33);
■il 77iourut le 20 nov. 1365. Cff. Valbonnais, Mist. de Dauph., /. //,
pp. 379-80, 580-1; Anselme, Mais, de France, t. II, p. 160-1;
Chevalier, Coll. de cart. Dauph., t. VII, p. 99-100.
2. Voir le doc. i.vin de la Coll. de cart. Dauph. cit., p. j6o-i.
3. Sciatur numerus cquorum hofpicii diéli f,aibernatoris vcrdeducantur
vadia cjus.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 2^
à fa prière & requefte fu prife une autre journée fur marche
entre Grenoble & Chambrieu, au jeudi 31 jour de juing. Et
pour ce envoya devant à la di6le journée ledit gouverneur pour
fentir des chofes pour lefquelles elle fe devoit tenir meffire
Amblart de Belmont & meflire Hubert Pilât, & le 2cf jour
dudit mois fe parti le gouverneur pour aler à ycelle audit lieu
de Chambrieu, & à laquelle fu parlé & trai6tié des chofes plus
à plain exprimées & efclarcies en la partie subfequant : en la
vaquacion duquel voyage ycellui gouverneur vaqua par trois
jours feniffant le i" jour de juillet inclus, fi comme il appert par
les parties efcriptes ou papier des gens dudit gouverneur qui
les defpens faifoient , montent pour tout 58 tlor. 8 gros de
petit pois, dont font à rabatre fes gaiges qui montent 24 flor.
7 gros & demi, demeure 34 flor. demi gros. '
66. Pour autres defpens fais par ledit gouverneur ou mois
d'aouft 1362 enfuivant, pour ce que à la journée dont mencion
eft faiéte en la partie précèdent, en parlant des chofes fur icelle
contenues fu traiétié à un appelle Pierre de Pont Jault 2, que le
chaftel & terre de Lers fuft & demouraft à mons. le Dalphin,
lequel traiétié fu occupé par ce que il fu lors trouvé que le
prince d'Orenges 3 avoit affegé le dit chaftel fans caufe ne droit
aucun que il y euft, mais pour le acquérir à foy induement,
& pour ce ledit gouverneur voulant à ce pourveoir pour
la confervation du droit de mondit feigneur le Dalphin,
fift mandement en Viennois & baronnies d'Ebrunoiz & de
Brianconnoiz gens d'armes, pour avec lui aler de fait devant
le dit chaftel ; & pour ce que audit mandement faifant, vint à
fa cognoiffance que la court de Romme eftoit contraire à fon
propos & à ce que il contendoit, il ot deliberacion par confeil
que il convenoit que pour ce il fe trafift en Avignon, pour
parler & traiclier avec le Pape & les cardinaulx, & eulx
1. Loquatur, quia iftu(d) viagium non eft In papiru ; infra Dalphinatum
ut fupra. — Tranfeunt tiic, quia afferuit quod fecit diclum viagium &
quod expendidit tantum extra Dalptiinatum.
2. Nommé c^ierre de Piiihaut dans un mandement de Charles V {voir
plus haut, p. 5, n. /).
3. Raymond V de Baux avait succédé comme prince d'Orange à son
père Raymond IV en 1340 (BarthéleiMy, Invent, cité de Baux, p. 587).
24 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
monftrer & mouvoir par plufieurs raifons à ce que ilz ne
feuffent contraires à fon fait. Et pour ce, tant pour aler à Lers
pour lever ledit fiege qui devant eftoit, comme pour aler audit
lieu d'Avignon pour la di61:e caufe, fe parti ledit gouverneur
de Romans le mercredi 3® jour dudit mois d'aoufl, à tout grant
quantité de gens d'armes du pais du Dalphiné, & eftoient en
fa compaignie & de fon hoftel meffire Jehan de Conflans fon
nepveu, meffire Guy Couper, meffire Jaques Artaut, meffire
Jehan de Donnent, Renier Coppe, maiftre des monnoies dudit
Dalphiné, qui en l'abfence du treforier failbit les paiemens des
gens d'armes, touz lefquelz faifoient le nombre de 42 chevaux
aux defpens d'icelli gouverneur, fans ceulx qui eftoient à
gaiges. Et pendant le temps compris en ce veagc convint ledit
gouverneur foy traire en Avignon, comme dit eft, pour la caufe
deflus dite, auquel Heu il ala & ne mena en fa compaignie que
7 chevaulx tant feulement, & les chevaliers & efcuiers dont il
fe povoit mieulx aidier fur ce fait, & le demourant de fes gens
& chevaux il laiffa à Pierrelate, pour certaines caufes efclarcics
en fon papier. Et pendant ledit veage d'Avignon faifant, vint à
fa cognoiffance que ledit prince d'Orenges, Dertran & Guiot
des Daux ' avoient traiétié avec les compaignes & en avoient
fait paffer jufques au nombre de 800 glaives ; & pour ce convint
que il laiffaft le traiélié qu'il faifoit audit lieu d'Avignon au
cardinal de Peregort ^, pour le fait pour lequel le prince
d'Orenges eftoit devant ledit chaftel, & qu'il fe retraifift vers
fes gens pour renforcier fon mandement pour traiftier avec
ledit prince à ce qu'il levaft ledit fiege, pour lequel fait furent
prifes & tenues plufieurs journées en traiétant, qui pour ce
n'eurent aucun effet & depuis ledit traiétié remis fus par deux
chevaliers, que ledit prince envoya pardevers ledit gouverneur,
par lequel traidié, le 25^ jour dudit moys d'aouft, fu ycellui
prince à accort avec ledit gouverneur, & ledit fiège levé, eulx
dculx prefens ; & oudit chaftel laiffa ycellui gouverneur partie
1. Fils de Raymond IV et frères de Raymond Y de Baux.
2. Elie Talleyrand de Pàri<rord, évéque d'Albano (Rcpert. c. 2 146 et
suppL). Les chartreux célébraient dan-i le mois de jamrier le tricenarium
dom' Talayrandi cardinalis PcU-agoriccnfis (Nccrolog. ord. Carlulicn.
VIS.),
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 25
de fes gens, & le demourant il fift départir d'avec lui & caffer.
Et fe fait, prift & emmena avec lui meffire Didier de Chaffenage
& meffire Regnault Falavel a 8 chevaux fans gaiges, parmi les
deffraiant de leurs defpens a une journée par lui autrefoiz
entreprife entre Montbrun & Reglannes, marche des deux
pais du Dalphiné & de Provence, fur le fait du traiétié pieca
entrepris pour mondit feigneur le Dalphin contre le fenechal
de Provence, lequel trai6lié eftoit feellé des feaulx de feu meffire
Guillaume de Vergy, jadiz gouverneur dudit Dalphiné & dudit
fenechal ; & pour ce que par le confeil de mondit feigneur le
Dalphin fu trouvé que bon eftoit & proffitable de procéder
avant audit traidié, pour ycellui parfaire, ledit gouverneur
y entendi & procéda tellement que ledit traidié fu corrigié
& amendé fur certains poins, & la copie envoyée à mondit
feigneur, qui depuis efcript & manda audit gouverneur ycellui
traiélié eftre parfait & conclut en le ratiffiant, fi comme toutes
les chofes deffus efcriptes pour lefquelles ce veage a eflé fait, &
ce qui en defpent, & mefmement par vertu de plufieurs leftres
clofes & ouvertes envoyées par ledit feigneur audit gouverneur,
tant fur ledit fait de Lers comme autrement, rendu à court fur
ce compte font plus à plain contenues & exprimées en fon papier,
& comme des defpens pour ce fais il peut apparoir par les
parties efcriptes ou papier de fes di6les gens, & ou quel veage
il vaqua depuis ledit 3^ jour d'aouft 1362 jufques au derrenier
jour d'icellui mois que fon retour fu ou Dalphinié, par 28 jours
m.ontent lefdiz defpens pour tout 887 florins 2 gros 3 quars
& demi petis, dont il chet pour les gaiges ordinaires dudit
gouverneur par 28 jours au pris deffus dit 230 florins 10 gros,
pour le demourant ci . . 656 flor. 4 gros 3 quars & demi.
67. Pour autres defpens fais par ledit gouverneur, ou mois
d'octobre l'an 1362, auquel lettres avoient efté apportées par
le feigneur de Vinay ^ de par mons. le Dalphin contenant
créance, qui telle eftoit commant ledit feigneur mandoit audit
gouverneur qu'il alafl audevant du roy Jehan fon père ou pais
I . Aynard de la Tour succéda comme sire de Vinay à son père Hugues
en i-^-^^ et mourut en i-^^i (Tableaux généal. de la mais, de la Tour-
du-Pin, 1870, tabl. 11).
20 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
de Lionnois, bien acompaignez & grandement de prelas &
bannerés, li comme par les dicles lectres de créance &
inftrument publique des commandemens à lui fur ce fais par
ledit fire de Vinay. Pour la quelle caufe ycellui gouverneur
parti de Romans le venredi 21^ jour dudit mois d'o(5lobre ;
depuis lequel jour il demoura, tant en aâfendant le Roy qui
pas 11 toft ne vint à Lyon, comme en demourant de fon
commandement audit lieu pour parler à lui de plufieurs
chofes, en fa compaignie le fire de Vinay, un autre chevalier
avec lui, meffire Guy Couper & les gens de fon hoftel, &
plufieurs autres qui pendant le temps de fa demeure furvindrent
en fa dicte compaignie, jufques au 5*^ jour de novembre
enfuivant, que fon retour fu ou dit Dalphiné, par 14 jours: fi
comme toutes ces chofes font contenues ou papier dudit
gouverneur & par les parties des defpens pour ce fais efcriptes
ou papier de fes dictes gens, montent pour tout ce temps qu'il
fu, partie d'icellui au nombre de 39 chevaux & autre partie à
50 & à 55, 248 florins et 3 gros de petit pois, dont les dix jours
il ne doit avoir nuls defpens, car il fu ou Dalphiné. C'eft
affavoir pour lui & les gens de fon hoftel qui font 20 chevaux ;
& pour les quatre jours que il demoura à Lyon, montent les
quatre jours pour lui & les 39 chevaux deffufdiz iio florins
II grospetiz, dont font à rabatre les gaiges du dit gouverneur
qui montent 34 florins 8 gros, refte ci 102 florins 8 gros, & pour
la defpense de 19 perfonnes & 19 chevaux par dix jours ou
Dalpniné 51 florins 4 gros; pour tout ceft voyage 1 54 flor. petis.
68. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur ou mois
de décembre 1362, pour aler à Villeneuve lez Avignon, du
commandement du Roy noftre feigneur à lui fait de bouche à
Lyon ou voyage précèdent ; ou quel le dit feigneur eftant
au dit lieu, lui fu requis par le dit gouverneur qui lui plcull
faire & pourveoir commant le chaftel & terre d'Annonay, qui
eft fief monseigneur le Dalphin, lui fuft renduz, & plufieurs
autres griefs à lui fais pour cause de ce & autrement reparez
& mis à eftat deu, avec plufieurs autres chofes fecrettcs par lui
efclarcies au Roy ; & en ce moment le conte de Genève ' requiil
1 . AinédéeJlI, comte de 1^20 à 1 3 67 (Anseumi:, op. cit., t. II, p. i 61-2)
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 27
au dit feigneur qui lui feift raifon de plufieurs chofes contenues
en unes lettres feellées du leel d'icellui feigneur & mondit
feigneur le Dalphin fon fils ; & fambl(able) lors meffire Hugues
de Chalon ' pourfuivoit le Roy noftre dit feigneur, pour raifon
de deux chafteaux qui font en la terre de Focigny, l'un appelle
Chafteillon & l'autre Salenche, qui japieca furent baillez au
conte de Savo3-e par certains efchanges : fur toutes lefquelles
chofes &requeftes deffus dictes, ainfi oyes par le dit feigneur,
fu par lui adonc commandé & baillé journée au dit gouverneur
pour eftre au dit lieu de Villeneuve au jour de la Concepcion
Noftre Dame après, afin que de tout ce que deffus eft dit fu
parlé, & lui fu commandé qu'il venift tout advifez de refpondre
fur tout & fouftenir ce qui necceffaire feroit pour le droit de
mon dit feigneur le Dalphin. Pour aler à la quelle journée le dit
gouverneur parti de Romans le premier jour du dit mois de
décembre, en fa compaignie melïire Nicole de Tours fus Marne,
meffire Guy Coper , meffire Jaques Artaut & les gens de
l'oftel d'icellui gouverneur , tout faifant le nombre de
31 chevaux ; & dès ce jour, tant en alant, demourant fur le
chemin à Avignon & à la diète Villeneuve & befongnant par
occalîon des chofes deffus dictes, comme en retournant vaqua
& demoura jufques au jeudi 15^ jour du dit moys par quatorze
jours & demi : û comme de toutes ces chofes eft fait plus à
plain mencion en fon papier & comme il peut apparoir par les
parties des defpens, pour ce fais efcrips ou papier de fes dictes
gens ; montent les diz defpens 395 florins 9 gros & de bon pois,
valent 412 florins 3 gros i quart petis, dont font à rabatre les
gaiges ordinaires du dit gouverneur par quatorze jours &
demi, valent 119 florins i quart de gros, demeure ....
293 flor. 3 gros petis.
69. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur, ou
moys de janvier 1362 enfuivant, pour aler en Avignon par
mandement de mon dit feigneur le Dalphin en leètres clofes
fîgnées de fa main, pour porter certain rolle à lui envoyé avec
les fupplications que mon dit feigneur faifoit à noftre faint père
le Pape pour la provifion & avancement de fes clers & officiers.
I. Sire d'Arlay,fils de Jean de Châlons (Anselme, /. VIII, f. 421 -2).
28 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
& auffî plufieurs autres lettres à noftre dit faint père & à
plufieurs cardinaulx, touchans ce fait & plufieurs autres greffes
befongnes à lui mandées & enchargées par mon dit feigneur
faire & pourchacier au dit lieu d'Avignon. Et pour ce que fi
toft le dit gouverneur ne povoit avoir expedicion du dit rolle
ne des autres chofes, le convint laiffier au dit lieu d'Avignon
maiftre Nicole de Tours fur Marne &maiftre Gontier de Baignols,
en efperance de avoir & attendre lettres du Roy, qui la eftoit,
fur certaine refponfe faicle par le Roy fur les chofes deffus
diètes, & une commifTion fur certaine forme fur le débat qui
eftoit entre le Roy & mon dit feigneur le Dalphin pour la terre
de oultre le Rofne, du fait d'Annonay & de la rivière du Rofne
devers l'Empire, pour ce que les commiffaires qui avoient efté
donnez à l'autre veage pour ce fait ne povoient en ce vaquer.
Ou quel veage faifant pour les di6tes caufes le dit gouverneur
vaqua depuis le 8' jour du dit moys de janvier, que il parti de
Romans pour ycellui faire, jufques au 17* jour d'icellui mois
enfuivant que fon retour fu ou Dalphiné, par dix jours premier
derrenier comptez, fi comme il peut apparoir par les parties
des defpens pour ce fais efcrips ou papier des gens du dit
gouverneur, montent pour tout 199 florins 8 gros de bon pois,
valent 208 florins petis, dont font à rabatre fes gaiges ordinaires
comme deffus, valent 82 flor. i gros, demeure i25flor. 11 gros. ^
70. Pour defpens fais par le dit gouverneur pour aler tenir
une journée entreprife à Marain, le 15' jour de mars 1362,
contre les gens de marquis de Saluce -, pour ilcc traièter &
accorder de certain débat qui eftoit meu entre mondit feigneur
1. Loquatur, quia non confiât per aliquas lifteras claufas nec apcrtas
quod fuerit iibi mandatum quod adirct Avinionem in propria, ymo
fufficiebat quod magiflcr Gontcrius de Balneolis, qui propter hoc habuit
certum donum de 500 llor., prout cft fuperius in reccpta, facerct di6lum
viagium & profequcrctur negocium, & ideo radiatur. L'article a été en
effet cancellé.
2. Frédéric II succéda co^nme marquis de Saluées à sou fére Thomas II,
qui testa le 5 août 1357 (Mokiondus, Monum. Aquensia, 1700, /. //,
c. 468-70), et fit lui-même son testament le 17 mai 1392 {id., ibid.,
c. 497-8, cf. -p. 23); il mourut vers 1304- Cjf. Vai.uonnais, /, 330;
Anselme, //, 161:, et surtout la Cronaca di Saluzzo de Gioffredo dclla
CiiiESA, publiée par M. Carlo Muletti, dans les Monum. hislur. paU'iae,
Ï848, Script, t. III, c. 1000-33.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 29
le Dalphin & le dit marquis pour certaine caufe; pour laquelle
& pour la necceffité des chofes qui en dependoient & defiroient
eftre faiéles feurement le dit gouverneur mena en faxompaignie
à la dicte journée meffire Hugues de Genève, meffire Charles
de Poitiers ', le fîre de Vinay, le fire de Chaftelneuf, meffire
Aymartde Chaftelneuf, meffire Artaut de Belfamblant -^ meffire
Guy Coupy, meffire Humbert de Loraz, meffire Humbert Pilas,
Jehan Mathu & plufieurs autres; pour toute laquelle journée
montèrent les defpens pour ce fais, fi comme contenu eft es
papiers d'icellui gouverneur & de fes dictes gens, 23 florins &
demi, dont font à rabatre fes gaiges ordinaires qui font 8 florins
2 gros & demi, demeure 15 flor. 3 gros & demi,
71. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur, ou mois
de may l'an 1364, pour aler en Avignon par mandement &
leétres clofes du Roy noftre feigneur & Dalphin de Vienne,
pour porter à noftre faint père le Pape & à plufieurs cardinaulx
de fa court plufieurs lettres à eulx adrecans , envoyées au dit
gouverneur, & pour parler au dit faint Père & cardinaulx de
plufieurs certaines & greffes befongnes fecrettes touchant
le dit feigneur. Pour lequel veage faire icellui gouverneur fe
parti de Romans le 11® jour du dit mois de may, en fa
compaignie les gens de fon hoftel & maiftre Gontier de
Baigneux , fecretaire du dit feigneur , touz au nombre de
23 chevaux, & vaqua en ce tant alant, demeurant comme
retournant jufques au 19^ jour du dit mois par neuf jours,
premier & derrenier comptés : fi comme par les parties des
defpens pour ce fais efcrips ou papier de fes gens peut
apparoir, montent les diz defpens 154 florins i gros de bon
1. Cf. Mystère des Trois Doms, p. 72g, n. 2. Le roi Charles V fit
don à Paris, le 21 déc. 7364, de 1000 francs d'or à noftre amé & féal
chevalier & chambellan Charles de Poitiers, prifonier de noz annemis,
pour li aidier à paier fa raençon de fa diiSle prife (Mandem. de Charles V,
p. 75, «o 153); il lui donne les mêmes titres en l'envoyant de Sentis, le
2 5 oct. i^'j<^,à Louis de Maie, comte de Flandre {ibid. ,p.6iï,n°ii'j4^).
2. Artaud, seigneur de Beausemblant {cf. Armor. de Dauph., p. 58^),
était maître d'hôtel du duc d'Anjoic en 1367/8 (Compte, m° 124),- de
concert avec deux conseillers de ce prince il délivra à Nîmes, le
17 août ij68, un sauf-conduit à Franchequin Vent & 80 autres
compaignons Jennovois (Génois), qui venaient de servir le duc en in
guerre de Provence (Arch. de Tlsère, B. 3233).
30 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
pois. Valent i6o florins ii gros petiz ; dont font a rabatre fes
gaiges ordinaires, qui valent 73 florins 10 gros & demi,
demeure 87 flor. demi gros.
72. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur pour aler
du Dalphiné en France pardevers le Roy es mois d'aoult,
feptembre & octobre 1364, & par vertu de fes lettres clofes à
lui fur ce envoyées, données le 24* jour de juing précèdent,
pour mener pardevers le dit feigneur fi comme mandé l'avoit
Philippe Gillier , pour lors treforier du Dalphiné. Pour
lequel veage faire il convint ycellui gouverneur la plus grant
partie du chemin aler à armes, pour caufe des compaignes
qui eftoient adonc en Bourgoigne. Et pour ce le lundi
5^ jour du dit mois d'aouft, pour ce faire parti le dit
gouverneur de Cremeu, en fa compaignie meffire Alegres
de Boeinc, meffire Jaques Artaut, Henry des Blez, Guichart
de Saint Germain, Perreneau de Felinges, le baftart de
Margenfay, Miles de Près, Jehan de Saint Anthoine, Vivien
de Roncourt , Robert de Souillers & plufieurs autres , au
nombre de 42 chevaux; & le jeudi 8'' jour du dit mois, lui
cftant fur le chemin, furvindrent fur lui à Saint Trivier en
Breffe meffire Amenyon & Jehan de Pommiers frerès, qui
avec le dit gouverneur difnerent & depuis pour plus grant
feurté lui & fes gens conduirent au nombre de 30 lances
jufques à Chalon. Lequel veage faifant & y vaquant, tant
alant , demourant comme retournant, comme pour partie
du temps de fa demeure aler en fa terre de Louppy & de
Bourfaut, il demoura jufques à lundi 24= jour d'octobre
enfuivant, que fon retour fu à Crcbeu ou Dalphiné : ou quel
temps font 81 jours & demi, dont il chet 29 jours pour lefquels
il ne prent nulz defpens fur le Roy, pour ce qu'il fut en fa
terre de Louppy pour fes befongnes ; pour le demourant 52 jours
& demi, fi comme il appert par les parties des defpens pour
ce fais efcrips ou papier des gens du dit gouverneur, qui
montent pour tout 1,092 florins & demi, à compter 5 frans
pour 6 florins dalphinaulx valent 1,311 florins dalphinaulx, dont
font à rabatre les gaiges ordinaires du dit gouverneur, qui
valent 430 florins logros i quart dalphinal. Demeure 880 florins
1 gros 3 quars d'un gros dalphinal, fur quoy font encore à
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 3I
rabatre pour la caufe contenue en la marge 222 florins 10 gros
3 quars. Demeure 657 flor. 3 gros petis. ^
73. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur, au mois
de novembre 1364 enfuivant, auquel le Roy noftre feigneur
au prenre congé de lui au veage devant efcript commanda
de bouche expreffement, que tantoft lui retourné au pais du
Dalphiné, qu'il alaft tantoft en Avignon pour parler au Pape
& à plufieurs autres de plufieurs chofes fecrettes à lui par
le dit feigneur enchargées, & auffi de certains debas tou-
chans les regales du royaume & un gros fait touchant le
prieur d'Argentueil. Pour lequel veage faire j^cellui gouverneur
parti de Romans le famedi 7^ jour du dit mois de novembre,
en fa compaignie Jehan du Pont, adonc treforier du Dalphiné,
& les gens de fon hoftel, touz au nombre de 26 chevaux ; &
ou quel voyage il vaqua & demoura par 13 jours feniffant le
19® jour du dit mois : fi comme il appert par les parties des
defpens pour ce faiz efcriptes ou papier de fes gens, montent
les diz defpens pour tout 204 florins 3 gros demi bon pois,
valent 212 florins g gros 3 quars, dont il chet pour les gaiges
ordinaires du dit gouverneur 106 florins 8 gros & demi, &
pour les gaiges du dit Jehan du Pont qui font de 500 florins par
an, qui valent par jour 28 s. 4 d. 3 pict. t., de 20 sols le florin,
valent 18 florins 4 quins; fomme du déchet 126 florins 6 gros;
demeure ci 86 flor. 3 gros 3 quars.
74. Et pour defpens fais au dit lieu d'Avignon en ce veage
par le dit Jehan du Pont & meffire Thierry de Louppy,
chappellain du dit gouverneur -, lefquels il laiffa& fiit demourer
1. En m. : Loquitur quod tcmpore iftius viagii capit per computum
Johannisde Ponte, thefaurarii dalphinalis.pro dono fibi faclo 2000 tlor.,&
vidcantur liclere doni quia non funt expedite per cameram. — Tranfcunt
hic, prefente dno cancellario; led vifis licleris doni de quibus fit mencio
fuperius . deducentur ejus expenic pro regreffu fuo de Parifiis in Dalphinatu,
185 franci 9 gros., valent, computando 5 fr. pro 6flor..222 flor. 1 o gros.
3 quart.
2. Les Comptes de Romans four 1557-69 meniionncnt à plusieurs
reprises ce compatriote de R. de Louppy. Thierry Richier, chanoine de
Verdiin: Item, venerabili viro dom"Thcrrico Richerii, canonico Verdunenfi,
cappellano domi gubernatoris Dalphinatus.die 3'' junii 1367°, in iolutum
debitorum anno quolibet ufque ad certum tempus domino noftro dalphino
ex caufa conceffioniscomunis ville Romanis, per mandatum & quiôlanciam
32 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
au dit lieu après qu'il en fu parti, pour attendre refponfe &
conclulîon des chofes pour lefquelles le dit gouverneur y elloit
alez, par 3 jours après le dit veage feni : pour ce 5 florins bon
pois, valent <, florins 3 gros & demi, dont il chet pour les
gaiges du dit treforier comme deffus 4 florins i gros, demeure
I flor. 2 gros &demi.
75. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur es moys
de décembre & de janvier 1364, au quel il fu lors mande par le
Roy noflre feigneur parfes lettres clofes fignées de fa main que,
fi toft que monfieur le duc d'Anjou, fon frère & fon lieutenant
en Languedoc, aprocheroit de fon pais du Dalphinè, qui lors y
devoit venir & vint, il alaft audevant de lui en bon & honnefte
arroy, & le acompaignaft par tout fon dit pais, tant comme il
feroit à court de Rome, avec plufieurs autres chofes contenues
es diéles lettres. Pour la quelle caufe le dit gouverneur parti
de Romans le venredi 13'' jour du dit mois de décembre, en fa
dicli dom. gubernatoris, in cxpcnfis dom' comitis Stamparum et fuc
comiclive convertendos, 100 flor. in auro; item, eidem dom. Terrico
fimili modo & caufa, in diminucionem 1000 flor. in quibus villa eidcni
dom. dalphino tcnctur , certis terminis folvendis ex conccffionc &
confirmacionc certorum privilcgiorum eidem ville per dnos imperatorem
ac regem & dalphlnum laclorum, concefforum & indultorum, per limiles
liclerasab codem dom. gubernatore die prediila conceffas, 200 flor. auri.
Pro hoc, per mandata confulum & comiffariorum de tradendo ditlas
fummas eidem dom. gubernatori, data vid.unumdic 8" mail 1367" & aliud
die 30" dièli menfîs, 300 flor. in auro (/" VII^'>^ xvij). Item,
dom'-" Thierrico, cappellano dom' gubernatoris Dalphinatus, reclpienti
nomine ipfius dom. gubernatoris, die i 5"" otlobrisi 367", pro certis labori bus
&. expcnfis factis & habitis per dièlum dom. gubernatorem pro ditla
univerfitatc & factis & ncgociis dièle ville, 7 00 flor. in auri folutos in
80 franches, quos francos receptor émit et dédit pro quolibet
franco auri i 7 gros, de moneta currentc , valent i i 3 flor. 4 g. in
mon. {/" VIIJ^^ xiiij v" ). Item, dom" Thierrico Richerii cappellano &
Warino cambellano dom' gubernatoris Dalphinatus, vid. ditlo dom.
Thierrico 20 flor. & diiSlo camcrario 5 flor. auri, pro laborihus fuis &
gratuitis ferviciis habitis & fatlis per eofdcm in aliquibus negociis utilibus
& nccccffariis pro fa6lo ville, per mandatum cum quidancia datum die
23' januarii 1367/8". . ., 25 flor. in auro (/" VIIJ^'^ -v^y). Item, die
28" menfis junii (1 368). i 7 franch. i quart, quos folverat dom" Thierrico
Richerii, canonico Verdunenfi, folutos per diclum df)m. Thierricum pro
dicta univerfitatc Parifius pro Icriptura, ligno t'^ fîgillo cujuldam Iii;lerc
impetralc & obtenle a dom" dalphino, continentis quod habilalores &
jncolc Romanis uti poflint privilegiis & franchefiis ut ceteri Ualphinales
(/o VIIJ^ xvij). Cf. GiRAUD, Essai, 2= />., /. /, p. 272-3.
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 33
compaignie meffîre Guy de Morges chevalier ' & deux autres
hommes d'armes, avec lui meffire Jaques Artaut, Henry de
Barbays, Guichart de Saint Germain, Emonnet Richarf,
Henry de Mailles 2, Robert de Souillers & plufieurs autres
jufques au nombre de 40 chevaux ; ou quel veage faifant, tant
en alant vers mon dit feigneur le duc & en Avignon, la ou il
l'envoia & le acompaignant, fi comme mandé lui avoit efté, il
vaqua & demoura jufques au mercredi premier jour de janvier
enfuivant par 19 jours & demi, fi comme il peut apparoir par
les parties des defpens pour ce fais efcripts ou papier de fes
gens, qui montent pour tout 461 florins 5 gros de bon pois,
valent 480 florins 7 gros & demi, dont font à rabatre fes gaiges
qui valent pour le temps deffus dit 160 florins 3 quars de gros,
l'efte 32oflor. 6gros3 quars.
75a. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur ou mois
de février 1364 & en celui de mars enfuivant, par vertu des
lectres clofes du Roy noftre feigneur à lui fur ce envoyées,
données 4' jour du dit mois de. février, pour parler au Pape &
à l'evefque d'Avignon ? de plufieurs^chofes touchant le fait du
chaftel de Lers dont mencon efl faicte es diftes ledres, lequel
chaftel monfeigneur le duc d'Anjou vouloit rendre au Pape, le
Roy voulant le contraire. Pour lequel voyage faire & pour
parler & traictier de celle matière, fr, comme mandé lui avoit
efté, le dit gouverneur parti de Romans le jeudi 20^ jour du dit
moys de feuvrier après difner, au nombre de 24 chevaulx, en la
vaquacion du quel il demoura par 19 jours feniffans le 10"= jour
de mars enfuivant, fi comme il appert par les parties des
defpens pour ce fais efcripts ou papier de fes diètes gens,
montans les diz defpens pour tout 261 flor. demi de bon pois,
En m. du n° jj : Deducantur vadia dièli thefaurarii.
1. Voir plus haut, p. 5, n" i, et Armor. de Dauph., p. 440a. Charles V
envoya Guy de Marges pour aucunes greffes befoingnes par devers... Bar-
nabe et Galeache, feigneurs de Milan, et lui assigna s francs par jour le
ij sept. 7J72 (Mandera, cit., p. 4-]$, n" Q17).
2. Noble Henri de Mailles était châtelain d'Allevard en lyôs (Myst
d^. Trois Doras, pp. 68 j et 68 s) et de Montbonnot Vannée suivante, avec
(juelis de Cizerin pour lieutenant.
3. Anglic de Grimoard, depuis le 12 déc. jj6j (Répert., c. Qssj-
34
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
valent 272 flor. 4 gr. 3 quars petiz, dont il chet pour fes gaiges
comme deflus 155 flor. 11 gr. & demi, demeure . . . . •
. 116 flor. 5 gr. j quart.
76. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur ou dit mois
de mars 1364 & en cellui d'avril enfuivant, par vertu des lectres
clofes du Roy noftre dit feigneur efcriptes le 19' jour du
dit mois de mars pour aler en Avignon de rechef, pour
parler au Pape de plufieurs chofes contenues es lettres que fur
ce noftre dit feigneur lui efcrifoit, dont la teneur eft encorporée
es lettres par lui envoyées au dit gouverneur touchans le fait
des ennemis, gens de compaigne, qui lors eftoient ou royaume,
aftin de yceulx faire vvidier & chaffer d'icellui par fentences
d'efcommeniement, plainnes indulgences ou autrement, fi
comme ce & plufieurs autres chofes touchant celle matière font
plus à plain contenues es dides lectres. Pour le quel veage faire
ycellui gouverneur fe parti de Romans le lundi derrenier jour
du dit mois de mars après difner, & en ce vaqua jufques au
10^ jour d'avril enfuivant, ou quel temps font compris 9 jours,
fi comme il appert par les parties des defpens pour ce fais
efcriptesou dit papier, qui montent pour tout 136 florins 1 1 gros
de bon pois, valent 142 florins 7 gros & demi, dont il chet pour
fes gaiges comme deffus 73 florins 10 gros & demi, demeure
68 flor. II gros. '
77. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur es mois de
may & de juing l'an 1365, par vertu des lectres clofes du Roy
noftre dit feigneur, efcriptes 29^ jour du dit moys de may &
autres precedens, pour aler au devant de TEmpereur fon oncle -
hors du Dalphiné & ycellui acompaigner bien c^ honorablement
ou conté de Savoye, en Avignon & en Arle & parler à lui de
certaines chofes fecrettes. Pour les quelles acomplir & faire le
dit veage, le dit gouverneur parti de la Boifliere pour aler
au devant du dit Empereur qui cftoit à Chambrieu, & mena
avec lui pour le acompaigner pour l'onncur d'icellui Empereur
1. Loquatur, quia fine mandate; affcrat pcr juramcntum quod fccit
diclum viayium & tranfibit. Affcruit.
2. Charles IV; sur son voyage en Dauphiné et en Provence, voir le
Mystère des Trois Doms, />/>• 681-8 cl 713-8.
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 35
le fire de Vinay, le feigneur de Chaffenage, mefïîre Francoys de
Belmont, meffire Aynart de Belmont, meffire Guy de Morges,
meffire Alegres de Boenc Merriz, Henry de Mailles & Francoys
d'Arces, touz au nombre de 73 chevaux ; ou quel veage faifant,
en acompaignant & pourfuivant le dit Empereur, le dit
gouverneur vaqua & demoura du lundi 13® jour du dit mois
de may jufques au mecredi 11® jour du mois de juing ensuivant
par 25 jours, Ci comme il appert par le compte de Adam
Chanteprime fini au 27^ jour d'avril 1367 & dont le dit
gouverneur fait recepte ci deflus, 385 flor. 6 gros petis, dont il
chet pour fes gaiges ordinaires comme deffus 209 florins 4 gros
& demi, demeure 176 flor. gros & demi. '
78. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur ou moys
de juillet 1365, pour aler de rechief en Avignon ou il fu
mandé par meffeigneurs Tarcevesque de Sens, de Nevers &
monseigneur de Dormans, chancelier du DaljDhiné, & par leurs
le6lres clofes efcriptes 15^ jour de juing précèdent, pour le fait
du chaftel de Lers, dont autrefois eft ci devant faicte mencion &
mefmement par vertu des lectres clofes du Roy noftre feigneur
efcriptes le 7^ jour de may précèdent. Pour acomplir le contenu
desquelles leclres & faire le dit veage, le dit gouverneur parti
de Romans le mercredi 9^ jour du dit moys de juillet après
difner, & en ycellui vaqua par 11 jours feniffans le dimenche
20^ jour du dit mois, au nombre de 26 chevaux, fi comme il
appert par les parties de defpens pour ce faiz efcrips ou dit
pappier, montent pour tout 207 florins demi de bon poiz,
valent 216 florins i gros & demi, dont il chiet pour les gaiges
du dit gouverneur par le dit temps 90 florins 3 gros & demi,
& pour les gaiges de Jehan du Pont treforier comme deffus au
priz de 27 s. 4d. 3 p. t., valent 15 florins demi groz; pour tout le
dechiet : 105 florins 4 gros, demeure iio flor. 9 groz & demi.
79. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur ou moys
d'aoufl: enfuivant, pour aler à Lyon ou il fu mandé par les diz
feigneurs de Sens, de Nevers & de Dormans, pour illec
I . Loquatur &: vidcantur liÊlere, quia iftud viagium incepit i 3^ maii
& liclere de quibus lit mencio in ferie fuerunt date 29^ maii, & fie prefu-
ponunt alias liôleras quas non oftendit, et ideo radiatur.
^6 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
prandre certains hoftaiges que mefïire Seguin de Badefol
devoit baillier au Pappe, pour le traiclié fait avecques lui par les
diz feigneurs, pour le fait de la délivrance de la ville d'Anfe ',
laquelle il avoit par avant prinfc &: occuppée, & pour yceulx
hoftaiges mener en A^àgnon pardevers le Pappe, û comme ces
chofes & plufieurs autres touchant ce fait font plus à plain
contenues es diètes leôtres efcriptes au dit lieu de Lj^on le
29* jour de juillet précédant. Pour le quel voyage faire le dit
gouverneur parti de Romans le mercredi 6^ jour du dit moiz
d'aouft, & en ycellui faifant vaqua par 4 jours feniffans le
10' jour d'icellui moys, fi comme il appert par les parties de
defpens pour ce faiz efcrips ou pappier de fes di6tes gens,
montans pour tout ....... 57 flor. de petit poiz. -
80. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur en octobre
& en novembre enfuivant 1365 3, pour aler en Avignon pardevers
le Pappe, pour parler à lui du procès qui fe faifoit en court de
Romme contre le Dalphiné, pour caufe de la prife du chaitel
de Mantale que meflirc Jaques de Roucillon, filz du feigneùr
de Toulnys -', avoit prins fur l'evesque de Valence, administreur
de l'arcevefqué de Vienne. Ou quel voiage faifant le dit
gouverneur vacqua depuis le 28"^ jour du dit moys de octobre,
qu'il parti de Romans aprez difner, en fa compaignie meffire
Guy de Morges & les gens de fon hoftel, touz au nombre de
25 chevaux, jufques au mercredi 6' jour de novembre enfuivant,
par 8 jours, premier & darrenier comptez, Ci comme il appert
par les parties de defpens pour ce faiz efcrips ou dit pappier,
qui montent pour tout 121 florins 4 gros de bon poiz, valent
126 florins 4 gros & demi petiz, dont font à rabatre fes gaiges
1. Seouin(cf. p. 14, "• 4) de Badefol, seigneur de Caslchmu de Der-
hivtiièr^s, était un gentilhomme gascon de la maison de (jO«/a/// (Anselme,
Mais, de France, /. VII, f. yi8-</). Sur lui et la prise f Anse ( i" nov. i J64),
voir l'ouvr. cité de \'. Ai. lut, Les Routiers au XIV' siècle, />/>.// ?-^,
jyj-^j^ 1^^-61, lùù-j ; et la nouv. édit. du CarUiI. de Saint-Chaffre,
f. xxix-xxx.
2. I^adiatur, quia infra I)alphinalum ncc hahuil crcfccnciam geiicium.
3. A/.S. CCCl.V.
4. Sans doute Jacques^ fils d'Aynard de Roussi lion et de Françoise de
Tullins (Armor. de Dauph., p. 65'-"'/
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 37
comme deffus, qui valent 65 florins 8 gros; demeure . . .
60 flor. 8 gros & demi. '
81. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur ou moiz
de mars 1365, pour aler de rechief en Avignon, pour avoir
confeil aux prudens & fages confeilliers de court de Romme fur
le fait du droit que maiftre Raynaut Raymon, procureur
& advocat fiscal du Dalphiné, maintenoit & difoit que
monfeigneur le Dalphin avoit en la terre et héritage de feu le
feigneur de Valbonnoiz. Pour la quelle caufe le dit gouverneur
parti de Romans pour faire le dit voyage le mardi 24^ du dit
mois de mars aprez difner & vacqua en ycellui faifant jufques
au premier jour d'avril enfuivant, par 9 jours premier &
darrenier comptez, fi comme il appert par les parties des
defpens pour ce faiz efcrips & contenus ou dit pappier, qui
montent 108 florins demi de bon poiz, valent 175 florins 6 gros
I quart petiz, dont il chiet pour fes gaiges comme deffus
73 florins 10 gros & demi; demeure loi flor. 7 gros 3 quars. -
82. Pour autres defpens faiz par ycellui gouverneur es moiz
d'avril & de may 1366, pour aler en France pardevers le Roy
noftre feigneur dalphin de Viennoiz, pour parler à lui de
plufieurs groffes befoignes neceffaires touchans fon paiz du
Dalphiné & par efpecial celles touchans le fait du conte de
, Savoie fur la detencion de plufieurs chafteaux ; pour les quelles
caufes mieulx efclarcir & avérer, & en parler & refpondre des
matières touchans ce fait, le dit gouverneur fift porter avecques
lui plufieurs choies ad ce neceffaires, c'eft affavoir l'inftrument
de la paix &: accort faiz avecques le dit conte, les leclres de
commiffion de l'execucion de la dicte paix, certains traicliez
euz en Mafconnoiz fur la manière de exécuter ycelle, la copie
de l'inftrument de la adepcion de la poffeflion des chafteaux de
la terre de Fucigny & les raifons de la limitacion d'iceulx, &
plufieurs autres chofes au fait pour lequel il fift le dit voiage
neceffaires pour plus feurement parler de tout le dit fait,
1. Sine mandate ncc erat necceffe illuc ire, & ideo loquatur; eciam
tangit partes privatas ; afferat per juramentum & c''. Afferuit ut fupra.
2. Sine mandate, ut fupra, nec erat necceffe illuc ire in propria per-
fona, ymo fufeciffet mififfe ibi dom. procui'atorem & aliquos juriflas Dal-
phinatus. & ideo radiatur.
38 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
lefquelles font contenues en une cedule extraite de la chambre
des comptes du Dalphiné rendue à court en l'audicion de ce
compte. Pour lequel volage faire le dit gouverneur parti de
Cremieu ou Dalphiné le lundi 27^ jour du dit moys d'avril au
matin, & en ycellui vaqua & continua jufques au 6^ jour de
juillet enfuivant, ou quel temps font compris 71 jours, dont il
echiet 24 jours dont il ne prant nulz defpens fur le Roy,
durans lefquelx il fu pour fes befoignes en fa terre de Louppy
& de Boufaut, pour le demourant 47 jours ; & au partir &
congié pranre du Roy lui fu par lui commandé & enchargié
que tantoft & briefment aprez il s'en alaft en Avignon devers le
Pappe aprez meflire Jehan de Chandoz ' & autres ambaiffeurs
du Roy d'Angleterre, pour les caufes efclarcies en la partie
fubfequent. Et en faifant le dit volage mena en fa compaignie
meflire Guy de Morges, meflire Alegret de Bohenc, meffire
Amé delà Mote & meffire Jaques Artaut, chevaliers, Emonnet
Richart, Jehan du Saufe, clerc des comptes du Dalphiné,
Heniy de Barbes, Guichart de Saint Germain & plufieurs
autres, touz à armes, faifans le nombre de 44 chevaux, pour
caufe des compaignes qui eftoient en Bourgoigne : fi comme
de toutes ces chofes eft plus à plain faite mencion ou pappier
du dit gouverneur, & comme il puet apparoir par les parties
des defpens pour ce faiz efcrips ou pappier de fes di6tes gens,
qui montent pour tout 886 florins 10 gros de petit pois, & en
une autre partie 156 florins 8 gros de bon pois, valent 163 llor.
2 groz & demi pctiz, pour tout 1050 florins demi groz petiz,
dont il chiet pour les gaiges ordinaires par le temps deffus dit,
valent 385 flor. 9 gros & demi; demeure . 664 florins 3 gros.
83. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur ou mois
d'octobre enfuivant, pour aler de rechief en Avignon tant pour
caufe du commandement du Roy noftrc feigneur à lui fait au
volage précèdent, pour aler aprez meflire Jehan de Chandoz &
autres ambaiffeurs du Roy d'Angleterre, qui lors y eftoit alez
ou dévoient eltre briefment, afm de empefchier leur meffagier,
comme par lectrcs du dit feigneur a lui depuis envolées,
t. Sur le capiiciinc anf^lais John Chandos, voir Rcpcrt., c. ^124. et
suppl.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 39
efcriptes le 13= jour du dit moiz d'octobre, pour aler au dit
lieu d'Avignon, tant pour caufe de ce fait comme pour autres
befoignes que ycellui feigneur lui avoit fecretement enchargiées
au départir de lui du dit voiage précèdent. Pour les quelles
caufes il vaqua en ce voiage prefent du 10^ jour du dit moiz
juques au 18= jour d'icellui moys, par 8 jours & demi, au
nombre de 29 chevaux, tant alant, demourant & befoignant
pardevers le Pape & les cardinaulx, comme en retournant : lî
comme il appert par les parties des defpens pour ce faiz
efcrips ou dit pappier, montent pour tout 128 florins 10 groz
de bon poiz, valent 134 florins 2 groz & demi, dont il chiet
pour fes gaiges 69 florins 9 groz i quart ; demeure ....
64 flor. 5 gros I quai t. •
84, Pour autres defpens faiz par ycellui gouverneur ou moiz
de janvier 1366, pour aler es parties de la Languedoc, avec &
en la compaignie mefllre RDbert de Lorriz, chevalier, fire
d'Ermenonville, confeillier du Roy noftre fire, pour aidier à
meélre fus & faire courir es lieux & pais deffus diz les aides
ordonnées pour le fait de la délivrance de feu le Roy Jehan,
qui Diex abfoille, félon certaines commifTions à eulx fur ce
envolées : li comme ces chofes font plus à plain contenues
es lectres clofes du dit feigneur pour ce envolées au dit
gouverneur, données le -f jour de décembre 1366. Pour lequel
voiage il parti de Romans le 6* jour du dit mois de janvier
aprez difner, au nombre de 22 chevaux, jucques au 23^ jour
du dit moys, par 17 jours premier & darenier comptez, ja fort
ce que le dit fait ne peuft pas lors eftre tout parfait, pour
l'empefchement que monfeigneur le duc d'Anjou & les gens du
pays y meétoient; & du dit voiage peut apparoir par les parties
des defpens pour ce faiz efcrips & contenuz ou pappier des
gens du dit gouverneur, montent pour tout 219 florins 2 gros
bon pois, valent 228 florins 3 gros & demi petiz ; dont il chiet
pour fes gaiges 139 florins 6 groz & demi ; demeure ....
• 88 flor. 9 gros.
1 . Nichil débet capere pro ifto viagio, quia includitur in viagio prece-
denti, prout conftat per partes papirus & fecit difilum viagium antcquam
reverteretur in Dalphinatu, & ideo radiatur de ejus confenlu.
40 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
85. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur es mois
de février & de mars 1366, pour aler de rechief es pais deffus
diz, en la compaignie du dit.meffire Robert de Lorriz, pour
parfaire & affouvir les chofes couchées en la partie précédente
& par vertu d'autres leélres clofes à lui envolées. Pour lequel
volage faire il parti de Romans le famedi 6* jour du dit moys
de février & en ce vaqua jucques au lundi 22^ jour de mars
enfuivant, que fon retour fu ou Dalphiné, par 45 jours, au
nombre de chevaux devant dit : û comme il appert par les
parties des defpens pour ce faiz efcrips ou dit pappier, qui
montent pour tout 477 livres 17 s. 9 den., 24 fols pour florin
bon pois, valent 398 florins 3 gros bon pois, valent 414 florins
10 gros, dont il chiet pour fes gaiges ordinaires 369 florins
4 gros & demi; demeure .... 45 flor. 5 gros & demi.
86. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur ou mois
de novembre 1367, pour aler en Avignon pardevers monfire le
duc d'Anjou, frère du R03' noftre fire, qui mandé l'avoit pour
certaine prife de monnoie que ycellui gouverneur avoit fait
faire, laquelle monnoie mon dit feigneur le duc faifoit faire à
Roche Aiguë ou Dalphiné & qui eftoit moult préjudiciable à
icellui ', & pour lui monftrer les caufes de la dicte prife & le
deffaut qui citoit en la dicte monnoie, & mcfmemcnt que pour la
dicte prife mon dit feigneur le duc tenoit en indignacion ycellui
gouverneur. Lequel pour faire le dit volage parti de Romans
le dimenche 7^ jour du dit moys de novembre aprez difner, au
nombre de 21 chevaux & demoura en vaquant pour celle caufe
jufques au mardi lô'^ jour du dit mois, par 9 jours : fi comme
il appert par les parties des defpens pour ce faiz efcrips ou dit
l^appier; montent pour tout 117 1. 12 s., florin de bon pois pour
24 s., valent 98 florins bon pois ; valent 102 florins i gros, dont
il chiet pour fes gaiges ordinaires 73 florins 10 gros c^ demi ;
demeure 28 florins 2 gros & demi.
87. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur ou
mois de mars 1367, joour aler du Dalphiné en France mener
I. Voir l'analyse d'une ^érie de ficccs relali'i'ex au montiayafie de
Rochcfriide (i^G6-(j) dans la Numibin. fiiod. du l)auph. de M. Murin-
PoNS, p. iyfj-4^-
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 4I
pardevers le Roy le conte de Savoye, pour certaines chofes
fecretes. Pour les quelles & le dit voiage faire le dit gouverneur
parti de Romans le mardi 21^ jour du dit moys, au nombre de
24 chevaux ; & demoura, tant alant, demourant comme
retournant, jufques au 6^ jour de juing 1368 enfuivant, par
78 jours, dont il chiet 12 jours qu'il fu pour fes befoignes
en fa terre de Louppy & de Bourfaut, pour lefquelx il ne
prant nulz defpens, pour le demourant 66 jours : fî comme
il puet apparoir par les parties des defpens pour ce faiz efcrips
ou pappier de fes diètes gens : montent pour tout en deux
parties & deux fommes 991 frans 20 deniers tournois ; à
compter 5 frans pour 6 florins, valent 1189 florins i quart petiz,
dont il chiet pour fes gaiges ordinaires comme deffus 541 florins
9 gros; demeure 647 florins & demi,
88. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur es mois
de décembre, janvier & février 1368, pour aler de rechief en
France pardevers le Roy noftre dit feigneur, tant pour caufe
de ce qu'il l'avoit mandé par fes leClres clofes efcriptes le
18= jour de feptembre précèdent, comme pour lui nottifïier &
faire relacion de la guerre de Prouvence & de certain traictié
que le dit gouverneur avoit faiz avec le conte de Melet pour
certaine caufe. Pour lequel volage faire il parti du Dalphiné le
11^ jour du dit mois de décembre, & tant alant, demourant
comme retournant vaqua tant pour ce fait comme pour autres
caufes, au nombre de 22 chevaux par 74 jours feniffans le
23® jour du moys de février enfuivant, que fon retour fu à
Grenoble ou dit Dalphiné, dont il chiet 18 jours, durans
les quelx il fu pour fes befoignes en fa terre comme dit eit
deffus, pour le demourant 56 jours : û comme il appert par les
parties des defpens pour ce faiz efcrips ou dit pappier, qui
montent pour tout 533 frans 3 quars, valent 640 florin & demi
petiz, dont il chiet pour fes gaiges ordinaires 459 florins 8 gros;
demeure 180 florins 10 gros.
89. Pour autres defpens faiz par le dit gouverneur, es
mois de feptembre, o6tobre, novembre & décembre 1369,
pour aler derechief en France par devers le Roy noftre dit
feigneur, pour lui dire de necceflîté plufleurs chofes tou-
chans l'eftat du Dalphiné, & autres touchans le feigneur de
42 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
Milan' & ledefpenfîerd'Engleterre, du fait duquel ledit gouver-
neur avoit par plufieurs foiz efcript audit feigneur fur certaines
entreprifes, & aufli ycellui feigneur avoit pour ce refcript audit
gouverneur : & avecques ce d'un trai6tié fait au feigneur de la
Tour & aufli des traiéliez de Prouvence. Pour lequel voiage faire
ycellui gouverneur parti de Romans le 2^ jour dudit moys de
feptembre 1369, & en ycellui vaqua tant en alant comme en
demourant en France, pourfuyvant le Roy en Normendie, &
pour aler de fon commandement pendent ce temps & par
vertu de fes letrtres données le 2^ jour d'octobre pardevers
Pierre de Bar, Jehan de Bourgoigne, meffire Aubert de Saincte
Livière & plufieurs autres gens d'armes, qui adonc eftoient
en la terre ma dame la Royne Jehanne, pour leur faire
commandement & injunclion de par le dit feigneur que d'icelle
terre & du pays ie partififfent, comme de la retournant à Paris,
jucques au 10^ jour de décembre enfuivant, que lors & illec il
fe defcharga du gouvernement dudit Dalphiné, & que le Roy
par fon confeil y ordena meffire Jaques de Vienne; ou quel
efpace de temps font 100 jours, dont il chiet 24 jours durans
Icfquelz il fu pour fes befoignes en fa terre, comme dit eft
deffus, pour lefquelx il ne prant nulz defpens, pour le
demourant 76 jours : fi comme tout ce puet apparoir par les
parties des defpens pour ce faiz efcrips ou pappier deffus dit,
qui montent pour tout 933 frans 3 quars & demi, valent
1,120 florins 7 groz 3 quars petiz, dont il chiet pour les gaiges
ordinaires dudit gouverneur 623 florins 10 groz. Demeure :
496 flor. 9 gros 3 quars.
Summa : SjiSg florinz i groz Dalph.
90. AUTRE DESPENSE pour deniers bailliez par le dit
gouverneur durant le temps comprins en ce compte pour
plufieurs & diverfes caufes, tant deppendans de volages par
lui faiz cy devant efcrips comme concernans pour les caufes
ci après fpcciffiées & efclarcies, c'elt affavoir :
A meffire Guy Coupler, chevalier, qui avoit eftè en la
1 . Galéas II Visconti avait svccédé comme setf^neur de Milan, de
concert avec son frère Bernabo, à son oncle Jean ( lys.fj-
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 43
compaignie dudit gouverneur l'an 1361, ou fervice mon
feigneur le Dalphin & 4 hommes d'armes en fa compaignie, au
mandement que ycellui gouverneur fift lors à Vienne au
22^ jour de mars ou dit an, pour le fait des compaignes & à
Rive de Gier : les caufes duquel mandement fait font plus à
plain efclarcies en la féconde partie de la defpenfe de ce
compte cy deffus; & durant lequel mandement le dit meffire
Guy fervi au dit nombre 15 jours, au feur de 15 s. par jour
pour fa perfonne & 7 s. pour 15 efcuier, dont de ce ne lui fu
aucune chofes paie par le dit gouverneur, mais depuis ycellui
mandement quaffé fu ordené que le dit chevalier & 2 hommes
d'armes en fa compaignie ferviroit oncores; ou quel fervice il
demoura depuis au dit nombre 28 jours, pour les quelx le dit
gouverneur lui paia les diz gaiges au feur deffus dit par jour :
û comme de tout ce eft fait mencion ou pappier d'icellui
gouverneur tantoft aprez la féconde partie des diz volages, &
par quittance dudit chevalier; montent les diz gaiges 40 1.
12 s. tournois, florin de petit poiz 20 s. tournois pièce, valent
40 flor. 7 grcz de petit poiz. ■
91. A meffire Guy de Morges, chevalier, le quel fu par le dit
gouverneur & le confeil du Dalphiné, ou mois d'aoull l'an 1362,
eftabli chaftellain & cappitaine du chaftel de Lers, après ce que
le ûège ot efté levé de devant le dit chaftel par le prince
d'Orenges qui le occuppoit & rendu au dit gouverneur : lî
comme de ce eft fait mencion en fon pappier & en la defpenfe
pour ce faite, contenue ci deffus en la 5^ ou 6^ partie des
volages; pour deniers à lui bailliez, tant pour fes gaiges de
excercer le dit office comme pour convertir es provifions du
dit chaftel : fi comme il appert par fa lectre de recognoiffance
faite & approuvée par la chambre des comptes du dit Dalphiné,
donnée le 26^ jour de may 1369, contenant les diz deniers avoir
receuz le 28' jour d'octobre 1362, & que des receptes & mifes
I . Loquatur, quia pro ifto milite & gentibus de e)us comitiva capiun-
tur per 4 computum Phil. Gilerii 19 1. 4 s. pro vadiis fuis defervitis in
ifto tempore, & eft fupponcndum quod fi plus serviviffet computata fibi
fuiffent vadia fua per dict. computum ; & ideo radiatur. — Loquatur, quia
fine li6lera.
44 COMPTE DE RAOUL DE L0UPP7
par lui faites à caufe du dit office il compte en la dicle chambre
le 26*" jour de may 1362 enfuivant ; pour ce 60 flor. de pet. pois. '
92. A meffire Regnaut Raymont, le quel fu mandé par le dit
gouverneur pour confeillier certaines chofes touchans le traiétié
qui eftoit à parfaire entre monfeigneur le Dalphin & le
fenefchal de Prouvence, pieca mis fus par meffire Guillaume
de Vergy, jadiz gouverneur du dit Dalphiné, & qui feellés eftoit
des feaulx de lui & du dit fenefchal, pour la perfe^lion du quel
traiétié journée avoit efté prife entre Montbrun & Reglannes,
marche des deux pays du Dalphiné & de Prouvence, au mardi
30® jour d'aouft deffus dit : fi comme de ce eft faite mencion en
la fin du voiage fait pour caufe du dit chaftel de Lers, pour
deniers à lui bailliez pour les gaiges de lui & de deux efcuiers
en fa compaignie, qui pour la dicle caufe vint en armes & y fu
par l'efpace de 42 jours, au feur de i florin par jour; des quelx
gaiges il ne fu pas paiez par le treforier, mais en fu paie par le
dit gouverneur, fi comme il appert par fa quittance, pour ce
42 florins de bon pois, valent 43 florins 9 gros. -
93. A maiftre Nicole de Tours fur Marne, clerc & confeillier
de monfeigneur le Dalphin, le quel fu ou mois de janvier
l'an 1362 en Avignon en la compaignie du dit gouverneur, que
lors il y ala par mandement du Roy pardevers le Pappe & les
cardinaulx pour eulx prefenter le roole & les fuppli cations que
le Roy leur envoioit pour l'avancement de fes clers & officiers,
& le quel maiftre Nicole le dit gouverneur laiffa au dit lieu
d'Avignon pour attendre l'expedicion & refponfe des chofes
deffus diètes, pour ce que le dit gouverneur s'en parti pour
efchever plus grans defpens ; pour deniers à lui bailliez pour
les defpens qu'il y fift par 8 jours aprez le partement du dit
gouverneur, 2 florins par jour, dont il n'eft riens pris en la
partie de defpens faiz pour caufe du dit voiage contenuz cy
deffus, mais les paia ycellui gouverneur au dit maiftre Nicole
au retourner du dit lieu d'Avignon, pour ce 16 florins de petit
pois, dont il chiet pour fes gaiges ordinaires, qui font de
1. l-'cr liclcras tcflificationis auditoi-um computorum Dalphinatus.
2. Dct li6lcras, alias radiabiuir.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE
45
200 florins par an, 4 florins 4 gros & demi ; demeure . . .
II flor. 7 groz & demi. '
94. Pour deniers bailliez par le dit gouverneur ou mois
d'aoufl; l'an 1363, pour les gaiges de 3 chevaliers & 11 efcuiers
defervis en la compaignie d'icellui gouverneur, qui avec lui
les mena à Cayrars, à une journée à laquelle il avoit mandé
eftre à lui le marquis de Saluce, pour traiétier avecques lui de
l'omage de fon marquifé qui devoit efl:re & appartenir, efl; &.
appartient à mon feigneur le Dalphin, & auffi pour pranre la
pofl'effion de certaine terre que le dit gouverneur avoit conquife
fur le dit marquis & Galeas fon frère -, en la terre de Pons de
Sain6te Exebe, de Laval de Vélins & de partie de la chaftellenie
de Chaftel le Dalphin ; & mefmement pour ce qu'il eftoit venu à
la cognoiffance que lors le conte de Savoye eftoit en Piémont,
qui traiétoit au dit marquis du dit hommage pour l'aquerir à
foy, & pour ce que ces chofes eftoient moult defplaifans, par
efpecial au dit Galeas qui eft homs de grant entreprife & qui
volentiers y euft obvié s'il euft peu, & que ycellui gouverneur
fceut que le dit Galeas pourchaffoit gens d'armes pour paffer ou
pays pour fouftenir fa mauvaife oppinion, pour obvier à ce
convint aler au dit lieu affez fort. Pour la quelle cause le dit
gouverneur mena les diéles gens d'armes, des quelx fu faite
monftre le 24* jour du dit moys d'aouft par devant meffire
Pierre de Saint Joire, marefchal du Dalphiné 3, & fu ordené à
chevalier 10 s. tournoi par jour & à efcuier 7 s. tournois, qui
font par jour pour le nombre des gens d'armes deffus dit
107 s. tournois, florin de petit pois pour 20s. t., pour ce pour
1 . Radiatur, quia non habet lifteras recognitionis ex caufa contenta
fuperius in parte viagii faèli propter hoc per dict. gubernatorem, nec
debebat facere officium thefaurarii nifi in cafu urgentis necccffitatis, &
poft faftum poterat recuperare a thelaurario quidquid folverat & tradere
mandatum thefaurario fuper hoc.
2. Galeas de Saluées était frère cadet du marquis Frédéric II (p. 28,
n. 2) ; "voir sur lui la Cronaca di Saluzzo de Giof. délia Chiesa dans les
Monum. CîVés, ce. 0<j8^ioo6, 1016 et surtout loyy-^, où sont racontées ses
entreprises contre le Dauphiné.
3. Pierre de Saint-Gcoirs , chevalier, était maréchal de Dauphiné
dès 1^62; il acquit du marquis de Saluces, en ijôy, la terre de Beau-
croissant (Arm. de Dauph.). ■
46 ' COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
20 jours que 3'ceulx gens d'armes furent en 3"celle chevauchée
feniflant le 13'^iour de feptembre 1363 enfuivant, valent . . .
107 florins de petit pois. •
95. A Thomaffin le Fauconnier, famillier du dit gouverneur,
envoie par lui en France ou mois d'octobre 1362, en la
compaignie de meffire Jehan, feigneur de la Rivière ^, qui lors
eftoit venu ou Dalphiné, pour rapporter refponfe de certaines
chofes necceffaires & haftives au dit meffire Jehan, enchargié
dire & figniffier à monfeigneur le Dalphin, pour deniers à lui
bailliez pour faire fes defpens ou dit voiage faifant, pour ce .
8 florins de petit pois. 5
96. Au fire de Vinay, le quel fu mandé avecques tout le
confeil de mon dit feigneur le Dalphin à Grenoble, le 20" jour
de novembre 1362, pour avoir confultacion & avis que on feroit
fur les marches de Brianconnoiz ou Galeas, frère du marquis
de Saluce, eltoit entrez à force de gens d'armes ; à la quelle
journée fu confeillié me6tre deffenfe fur le pays, pour deniers à,
lui bailliez pour les defpens qu'il fift par 2 jours qu'il fu à la
dicfe confultacion pour ce qu'il ne fe voult tenir à paiez des
gaiges acoultumez, pour ce .... 8 flor. de petit poiz. 4
97. A Berton de la Chambre, le quel fu mandé à la diète
journée, en efperance de l'envoier en France porter l'ordenancc
qui devoit eftre faite à ycelle fur le fait deffus dit, pour les
defpens qu'il filt lors par 3 jour . . 2 florins de petit poiz. 5
98. Pour 4 onces de fendal azuré & 4 onces & demie de fendal
jaune, que le dit gouverneur tilt acheter à Avignon, ou mois
I. Loquatur, quia non docct de nominibus de monflra ncc de liolcra
recognitionis, & idco radiatur.
Z.Jean de la Rivière, c/iei'alier et fircmier cliainhellaii du roi. capi-
taine & chailcllain du chaflcl de Vernon fur Saine (jttil. i^O/J- deviiil
sire de Preau.x par son mariage avec Marguerite, jille el héritière de
Pierre, seigneur de ce lieu (octob. stiiv.); il mourut avant le jo sept, i j6j
(Mandcm. de Charles V, m"' ji, 57, 59, 72, Sq, loi, 104-6, ri2-y, 140,
ijy, i8(j, 19?, 246, 286, 295, 412). Sa veuve se remaria à Jacques
de Bourbon. Jils du comte de la Marche (Anselmk, /. /, p. ^64).
3. Sine liclcra. Det Héleras. Quando apportabit lièleras recoi^nilionis,
fiet ci quod debebil.
4. Radiatur, quia & cum docuerit pcr liclcras de foluto, et fiet ci quod
dcbebit.
5. Det lifteras ut fupra.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE
47
de décembre l'an 1362, que lors il y fu devers le Roy, pour faire
une banière des armes monfeigneur le Dalphin, pour mectre
fur le chaftel de Lers quant il lui fu rendu, & pour franges &
façon de la di6le banière ; pour tout . 14 flor. de petit poiz. '
99. A meffire Guy Coupler & à meffire Jaques Artaut, envolez
par le dit gouverneur de Romans à Grenoble, ou mois de
janvier 1362, quérir certaines Chartres qui eftoient necceffaires
pour porter par le dit gouverneur lors en Avignon pour
certaines chofes touchans monfeigneur le Dalphin, pour leurs
defpens faiz par eulx en ce faifant par4 jours qu'il y vaquèrent,
pour ce 12 florins de petit pois. -
100. A maiftre Nicole de Tours fur Marne, le quel ou mois de
février 1362 fu par ledit gouverneur envoie en Avignon, pour
le excufer pardevers le Roy noftre feigneur d'un voiage que
ycellui feigneur avoit au dit gouverneur enjoinél & enchargé
au partir de lui en un autre voiage précèdent faire en France
& en Barrois pardevers le duc de Bar 3, pour certain débat qui
eftoit du duchié de Bourgoigne à caufe du duc adonc trefpaffé -t ;
le quel voiage le dit gouverneur ne povoit lors faire, pour ce
que à fon retour du dit lieu d'Avignon ou Dalphiné lui vindrent
nouvelles que Galeas de Saluce avoit rompu les trêves que
on avoit prifes avecques lui, & avoit couru en la terre de
Brianconnoiz; pour deniers à lui bailliez pour fes defpens faire
ou dit voiage faifant, & y vaqua par g jours à 4 chevaux, pour
ce 25 florins de petit pois, dont il chiet pour fes gaiges comme
deflus 4 florins 1 1 gros ; demeure . . . . 20 florins i gros.
101. A meffire Dimenche, chappellain du dit gouverneur, par
lui envolé ou dit mois de février, tantoft aprez le retour du dit
maiftre Nicole, vers le duc de Bar en Barrois lui porter le6tres
par le Roy que ycellui maiftre Nicole avoit apportées touchans
le traiclié & accort du dit duchié de Bourgoigne; pour deniers
1 . Afferat ut fupra. Afferuit.
2. Det lifteras. Radiatur & fiet ut fupra.
3. Robert avait obtenu l'érection de son comté en duché par le roi
Jean, dont il épousa la fille Marie, le jo nov. 1^64 (Anselme, t. V,
p. )ï2-4; Mandem. de Charles V, n°^ lyo-i).
4. Philippe I" de Rouvres, mort après le 21 nov. 1361 (Répert.,
c. 1776;.
48 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
à lui bailliez pour faire fes defpens ou dit voiage, faiiant pour
ce 25 flor. de petit poiz.
102. A un meflagier envoie par le dit gouverneur, ou mois
d'avril 1362 en Avignon, porter lectres au faint Père & à
plufieurs cardinaulx touchant certaines grolles befoignes pour
monleigneur le Dalphin ; pour fes defpens faire en faiiant le dit
voiage 3 flor. de petit pois. ■
103. A mefllre Didier de Chaffenage, envoie ou mois de may
l'an 1363 par le dit gouverneur & par confeil quïl ot fur ce,
pour inconveniens efchever qui pour ce peuffent eftre advenuz
ou pa^'s du Dalphiné. par devers mcflire Jehan de Grolée &
meffire Amè de Roucillon, chevaliers, pour pranre trieves entre
eulx de certain defcort qu'il avoient enfemble, en efperance que
pendant vcelles trieves on les peull mectre à accort; pour deniers
à lui bailliez pour faire le dit voiage . 5 florins de petit pois. -
104. Pour deniers bailliez à un efcuier appelle Canduns, au
quel fu ordené par le confeil du Dalphinè, ou cas que le traidié
qui fu fait du chaftel de Lers rendre, au quel traidié il eftoit
necceffaire, pouroit pranre bon eiïet, lui paier touz fes defpens
durant le temps dïcellui ; pour ce pour fes defpens faire pour
venir à Romans ou mois de juillet 1362 à 2 chevaux . . . .
9 gros petiz.
Et pour femblable,pour 13 jours qu'il fu en la compaignie du
dit gouverneur pour le dit traidié ou dit mois à 3 chevaux,
pour fes diz defpens 13 flor. de petit pois.
Et pour femblable, pour autres 14 jours qui fu tantoll apfez
avecques le dit gouverneur à Romans & à Grenoble pour la
di6le caufe à deux chevaux 10 florins petiz.
105. A maiftre Ponce Renart, confeillier en court de Romme,
pour deniers à lui bailliez pour fa paine & fallaire, defferviz pour
eftre principal confeillier de monleigneur le Dalphin en une
caufe qu'il avoit en la dicte court de Romme, en un voiage que le
dit gouverneur y fift, commencé le 2,f jour de mars l'an 1366,
pour avoir confeil fur le droit que le procureur de mon dit
feigneur difoit ycellui avoir en la terre c*^ héritage de feu le
1 . Dcclarcl ri'imcn.
2. Sine li£lcra.
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 63
127. Compte de Raoul, feigneur de Louppy, chevalier, commis
par le Roy noftre feigneur & par fes lectres à prendre & recevoir
pour & ou nom du dit feigneur la pofleffion & faifme des
chafteaulx & chaftellenies de Clermont en Argonne, de Vienne,
de Quemenières, enfemble les appartenences & appendences
que tient en douaire & autrement ma dame la conteffe de
Bar ', pour yceulx chafteaulx & chaftellenies garder & faire
garder & gouverner en la main du Roy noftre dit feigneur,
de la recepte faicte par le dit chevalier pour & à caufe de fes
gaiges de 12 frans d'or à lui ordonnez & taxez par le dit
feigneur pour chafcun jour qu'il chevauchera pour le fait &
gouvernement du fait deffus dit, û qu'il appert par autres
leétres du Roy noftre dit feigneur données le 10' jour d'octobre
l'an 1373, la copie d'icelles efcripte au commencement de ce
compte -.
128. Recepte faicte par le dit chevalier des deniers venus &.
yffus des revenues des diètes chaftelleries pour la caufe deffus
dicte, c'eft affavoir :
De Thomas Fourant, receveur en la chaftellerie de Clermont
en Argonne, en plufieurs parties accordées, c'eft affavoir fur
les revenues de la diète chaftellerie pour les années 1373, 1374
& 1375 363 1. I s. II d. t.
De Jehan Godart, clerc juré de Clermont, tant par lui
comme par le prevoft de Revigny, pour les années 1373 & 1374,
du maieur de Lehercourt c^ du mayeur du Petit Louppy . .
119 1. II s. II d. t.
Du dit prevoft de Revigny, oultrc ce que deffus eft dit , .
22 1. 10 s. t.
1. Yolande, fille de Robert de Flandre, seigiieur de Casscl, épousa le
comte de Bar, Henri IV, qui mourut en 1 1-^4; elle se remaria en lyij à
Philippe de Navarre, comte de Longueville. Enfermée dans la tour du
Temple à Paris, pour avoir fait saisir Henri de Bar. seigneur de Pier-
repont, elle en sortit le 26 oct. 1 3T 3 (Anselme, Mais, de France, /. //.
p. 736, et t. V, p. ^12; Mandem. de Charles V, n°' 426. 697, 7/9, 823.
989, 99/, 1080, 146-J et is8i ).
2. Quamvis prefens compotus examinatus & auditus fuerit in caméra
compotorum, hoc folum iacium eft pro lecuritate dlcli domini de Foup-
peyo, quia non tangit in aliquo Regem nec refta iflius compoti fcripta in
fine eft folvcnda per Regem, ymo débet folvi per diclam comitiffam de
Barro.
64 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
Du dit maieur de Lehcrcourt 85 1. 3 s. 5 d. t.
Du dit prevoft: de Revigny, de certains deniers qu'il avoit
levez par deftaut de home des biens demorez de la fucceflion
de feu meffire Jehan Colart de Revigny 70 1. t. '
Summa recepte hujus compoti .... 660 1. 7 s. 3 d. t.
129. Defpenfe : .
Pour les gaiges du dit lire de Louppy defervis pour le fait &
gouvernement deffus dit, c'eft affavoir du 8* jour d'odobre
Tan 1373, qu'il parti de Paris pour aler &. fo}'' tranfporter es
chafteaulx & chaftelleries deffus dictes, pour ycelles prendre &
faifir en la main du Roy noftre feigneur, & vacqua & demora
en ce faifant jufques au fécond jour de novembre enfuivant
inclux, que fon retour fu à Paris, par 26 jours; pour ce au feur
de 12 frans par jour à lui ordennés & taxez par le R05' noilre
dit feigneur & par fes diéles lettres, comme dit elt 312 frans. -
130. Pour femblables gaiges du dit fire de Louppy, pour
un autre voiage fait par lui de Paris es chafteaulx, terres c^-
chaltellenies deffus dictes, es mo3^s de may & de juing Tan i ^7^.
du commandement & ordenance du Roy noftre fire, fait en la
prefcnce de monfeigneur le duc de Bar & de monfeigneur le
conte de Sallebruce 3, pour ce que Ton avoit donné à entendre
au dit feigneur que la garde & gouvernement des diz lieux eltoit
très mal c"t très negligeument fait par les gens, gardes &
officiers qui lors y eftoient, & pour y eltablir cappitaines,
gouverneurs, gens d'armes, arbalalelliers, portiers, gaicles &
autres officiers, pour la garde c^ feurtè des diz lieux ou nom c^-
pour le Roy noftre dit feigneur : le dit lire de Louppy parti de
Paris le 21"^ jour du dit mois de may ^^ vacqua tant en alant.
befoingnant (Se retournant pour ce que dit elt jufques au ()" jour
1 . lili rcccptorcs fiicrunt ordinall nominc rc,i;ii) ad rccipicndum cmo-
lumcnta diclarum tcrrarum pcr dominuni de l.ouppcNo. .MandcnUir ad
compulandum.
j. Diclus dominas de I.ctuppcyo, prcicns in camcra compulnriim,
aricruit. pcr juramcnUim quod vacavit in prcicnli cominionc pcr tcmpus
dcliynaUim in fcric cujuslihct. particule prefentis compoti.
3. Jean II, comte de Sarrehntck, bouieillicr de France (Ansei.mk, .Mais,
de Prance, /. Vlil. pp. f-'o-po et ^??): par son mariaoe avec (hlle. fille
de Pierre de liar (id,, I. \.p- ^ r i ). il élail heaii-frère de Pierre de llar.
seifyneur de Pierrcponl.
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 65
de juing enfuivant exclus, par i8 jour, 12 frans d'or par jour à
lui ordennez, comme dit eft, valent 216 frans. '
131. Pour femblables gaiges du dit lire de Louppy, pour un
autre voiage fait par lui de Paris es chafteaulx & chalfelleries
deffus dictes, pour ce qu'il avoit entendu que la caufe du
département des capitaines e^ gens d'armes qui s'eftoient
partis, ce faut pour ce qu'il ne pouaient eftre paiez de leurs
gaiges & que les rentes de la dicte terre ne pouaient fuffire aus
dictes charges, & pour ce fut accordé & ordenné tant par la
diôle conteffe comme par fes gens & officiers, que l'en medroit
'fus un fubfide de 500 frans, qui feroit levés es dicl;es terres &
chalfellenies pour le paiement des dictes gens d'armes &
officiers; pour le quel fait le dit lire de Louppy parti de Louppy,
& vaqua en alant, befoingnant & retournant pour ce que deffus
eft dit par 7 jours du dit mois de juing, pour ce au fuer de
12 frans d'or par jour comme deffus 84 frans. '
132. Pour femblables gaiges du dit lire de Louppy, defervis
pour un autre voyage fait de Paris au dit lieu de Clermont &
es autres chaftelleries, du commandement du Roy noftre
feigneur fait de bouche au dit fire de Louppy, en la prefence
de monfeigneur le conte de Sallebruce, de monfeigneur
Guillaume de Craon - & de plufieurs autres chevaliers, pour
caufe de ce que la dicte conteffe fu quicte de revenir en prifon,
le Roy noftre dit feigneur voult & ordenna que les dicles
chaftelleries & terres feuffent encores gouvernées en fa main, &
que les capitaines, gens d'armes & officiers feuffent retenuz
aus gaiges jufques à un an ; pour la quelle chofe faire &
acomplir, le dit lire de Louppy parti de Paris le 15'' jour de
décembre l'an 1374 & vacqua en alant, befoingnant & retourner
pour ce que dit eft fere jufques au fécond jour de janvier
enfuivant excloz, par 18 jours, au fuer de 12 frans d'or par jour
comme deffus, valent 216 frans. '
1. Afferuit ut fupra.
2. Fils d'Amaury III de (Jraon, Guillaume le (jiand, seigneur de
Sainte-Maure, fut la //;>f des -ricomles de Chateauduii (Anselme, t. VIII,
p. 569-7/;.
00 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
133. Pour l'emblables gaigcs du dit lire de Louppy dclïervis
pour un autre voyage fait par lui aus diz lieus, pour meclre fus
& faire lever un fubfide montant à la Ibmme de 700 frans ou
environ, qui fu ordennez eitre levez es dictes terres & chalfellenies
pour le paiement des gaiges des gens & officiers qui derrenie-
rement avoient efté retenus par l'ordenance du Roy nollre dit
feigneur. pour ce que les revenues des dictes terres ne povoient
luffu^e aux gaiges d'iceulx officiers; pour le quel fait le dit fire de
Louppy vacqua, tant en alant de Louppy aus diz lieux comme
demorant & retournant par 8 jours du moy de février l'an 1374
delïus dit, c'eft affavoir du 20' jour jufques au 28^ jour d'icelui
mois excluz, pour ce au fuer de 12 frans par jour comme
deffus, valent 96 frans. '
134. Pour lemblables gaiges du dit lire de Louppy, defervis
pour un autre voyage fait au dit lieu de Clermont pour
journoier & parlementer avecques les gens & officiers du duc
de Lucembourc ^, pour caufe de certain defcort qui eltoit entre
les gens & officiers de la dicte conteffe & du dit duc de
Lucembourc, la quelle journée avoit efté prinfe au 15'' jour de
may l'an 1375, & pour ce que accort ne fe print lors entre les
dictes parties une autre journée fu prife au 15'-' jour de juillet
cnfuivant: pour le quel fait le dit lire de Louppy vacqua en
alant, befoingnant & retournant par 5 jours. 12 frans d'or par
jour, valent . 60 frans. '
135. Pour femblables gaiges du dit lire de Louppy, defervis
pour un autre voiage fait par lui au dit lieu de Clermont en
Argonne au 15^ jour de juillet deffus dit. pour la journée prife
avec les gens & officiers du dit duc de Lucembourc, e^ aufll
contre les habitans de la ville de \'erdun. à la quelle journée
acort fe print entre les dictes parties : ou quel voiage le dit fire
de Louppy vacqua en alant, befoingnant ^^ relournanl du
lo*" jour du dit mois de juillet jufques au 17'' jour du dit mo\s
I . Affcruit ut lupra.
J. Woiccslas I" avait nhU-iui de /cnif^crciir (Jiarlcs I\'. son J'rcrc.
l érection de son comte de Liixenihoiir^r en ditclic. le i ,' mars 1 ;^ / (AH.
HtnKK, Kcgcslcn cl. Kaiscrrcich.s unlcr Kaiser Karl I\'. Innshnicl,. '•'^J /.
t '/?-/)■
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 67
inclux, par 8 jours, 12 frans d'or par jour comme delïus,
valent gôfrans. '
136. Pour femblables gaiges au dit fire de Louppv, dclTcrvis
pour un autre voiage fait par lui au dit lieu de Clermont, on
mois d'aouft l'an 1375, pour veoir c*^ viliter la garnifon du dit
lieu & des autres fortereffes de la dicte terre, &pour pourveoir
en la fortiffication, emparement & garde des diz chafteaulx,
pour doubte des gens de compaigne & des rentes eftans en la
compaignie du fire de Coucy -, qui fe tra3^oient en Barrois, pour
paffer en Aliemaigne ; pour le quel fait le dit fire de Louppy
vacqua en alant, befoingnant & retournant par 3 jours du dit
moys, valent, au pris de 12 frans par jour comme deffus, . .
36 frans. '
137. Pour femblables gaiges du dit lire de Louppy, pour un
autre voiage fait par lui au dit lieu de Clermont ou mois
d'octobre l'an 1375, pour quaffer certaine quantité de gens
d'armes que il avoit mis es dictes fortereffes, pour renforcier
contre les dicles compaignes ; pour le quel fait il vacqua en
alant, befoingnant & retournant par 3 jours du dit mois,
valent, au pris de 12 frans par jour, 36 frans. '
138. Pour femblables gaiges du dit fire de Louppy, defervis
pour un autre voiage fait par lui de Paris au dit lieu de
Clermont & es autres fortereffes de la dicle dame ou mois de
février l'an 1375, du commandement du Roy noftre feigneur à
lui fait par bouche, pour pourveoir à la garde & defenfes des
dictes fortereffes & pour refifter à l'encontre des dictes gens de
compaingne qui revenoient d'AUemaigne avec le dit fire de
Coucy, & avec ce lui fu commandé par le dit feigneur que il
alaft par devers Tevefque de Mes 5, le duc de Lorraine t cK:
par devers monfeigneur de Bar, afifin qu'il feuffent préss de
combatre & refifter contre les dictes compaignes. Pour les
quelles chofes faire &- acomplir le dit fire de Louppy vacqua en
alant, befoingnant & retournant, c'eft affavoir du 21" jour de
1 . Afferuit ut fupra.
2. Enguerrand VU. sire de (loucy {cf. Répert. , t. 664 el suf^pl.).
3. Thierry Bayer de Boppard, évêque de Metz de i ^(>$ à i ^84.
j\. Jean l" fut duc de Lorraine de r 746 à sa mort, en r^oo.
68
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
février qu'il parti de Paris jufques au derrenier jour de mars
enluivant. uu quel temps font comprins 39 jours, dont il chiet
8 jours qui fu à Louppy pourfes befoingnes, demeure 31 jours,
valent au pris de i 2 frans par jour comme deffus 372 frans. '
Summa expenfarum hujus compoti .... 1,524 frans.
• Sic debentur dicto domino de Louppeyo
863 fr. 12 s. 9 den. tour. ^
Auditus die _'8' aprilis anno 1376.
Collatio prefcncium compotorum cum compotis originalibus retentis in
eamera compotorum Parifius faiSla fuit in diiSla caméra die x'' januarii
M (>CC Illh^ Ijcl" pcr me Hu(gonem)de O)lumbeyo & me Robertu m Coiffe.
ADDITIONS ET CORRECTIONS
P. 2J.
P. 25.
P. 30,
P. 31,
p. (). l. 1 : Bici: l]uc le ms. porte CCCLXIII, il faul lire 1362.
P. i). n. _' : Aymé des Baux était en 737/ sénéchal de B e au c ai r e (Man-
dem. de Charles V. n° 812. f>. .fij).
„ . n. 3 : Le compte d'Adam Chaniepri))2e pi il fin le J7 ai'iil i '}Gj
(»"•" T-] et 12'^,, n. f).
au lieu de chevalier, lire clerc et... (cf. n" 9^).
Malgré la leçon du ms. (xxxj), il faul èvideminenl
lire 30.
(.'/• Mandem. de (^Iharles V. »'" .-f^S et 46 s' >i.
Le ms.porle par erreur lundi au lieu de jeudi.
)) )) samedi » jeudi.
Lire Loquatur. quia... cancellario : set visis...
Le rei;. B. y2j; des arcli. de l Isère renferme un acte du
II) juil. I ^66 relatif dno Therrico Richerii. canonico Vir-
dunensi (f' ly 7/'). ^L Léon Ciormain', dans une notice
intitulée : La lamille des Richier, d'après les travaux les
plus récents (Mém. et doc. de la soc. d. lettres, sciences
et arts de Har-le-Duc, /<S'<S'>). a décrit les médaillons
<rravés , par Jean Richier pour des membres de sa famille
et pour Marie Vi<^non, qui fut lajémme de Lesdi<>uières.
l. () : Malgré le ms. qui porle xn.i, lire 12.
S : )) )) XXV, )) 31.
/. j'j : L'année élanl toujours prise ici à Pâques, il faut 13O5,
bien que le ms. ait LX\T,
P
^-J-
n. 1
/. 2
n. 1
L27
l. 12
n. i
n.
l- 35'
»
P. 48,
1. Aiïeruit ut fupra.
2. l)e ilUi relia habuit cedulam curie teflimonialem, tamen non cil
folvenda per Refjem, ymo per di^lam comitilfam de Ikirro. de cmolumentis,
dicl. cadrorum : dicla (icdula laela luit die auditionis ijrelentis compoti.
TABLE ALPHABÉTIQUE
Les chiffres renvoient aux miméros du Compte {texte ou note)
et )7on aux pages : la lettre n qui suit un chiff're indique la
présence dhine note.
AiLLOuST (Michel), 30.
Albon (chastellain d'). 20. — Albon
( Drôme).
Alegret (messire), 124.
Alemand (Aymar), 41, 120.
Allemaigne, i 36, 138. — Allemagne.
Ance :ii Anse.
Anglesches (compaignes). 57, i i i.
Angleterre (despensier d'), 89 ; —
(roy d'), 82, 83.
Anglois (ambassadeurs du roy), 39;
— (compaignes des), 112.
Anjo (sire d), 57, 120. — Anjou
(Isère).
Anjou (duc, monseigneur d'), 3 jn.
57, 75. 75'^^ 84, 86, 124.
Annonay (chastel et terre d'), 68 ; —
(fait d'), 69. — Ajino7tay(Ardèche).
Anse (capitaine d'). 36; — (forteresse
d'), 120; — (ville d'), 79, 121,
12 2. — A^ise (Rhône).
Antissiodorensis (dominus), i 26?^.
— Auxerre (Yonne).
Aranies (de), 8.
Arces (Artaut d'), 123; — (Fran-
coys d"), 77 ; — (Morart d'), 123.
— Arces. c"« de St-Isniier( Isère ).
Argentueil (prieur d'), 73. — Argen-
leuil (Sei7ie-et-0ise).
Argonne : voy. Clermont.
Arle, I, 34, 77. — Arles (B.-du-R.)
Arnoui. (Pierre), 36.
Artaut (Guillaume), 112; — (Ja-
ques), 63», 64, 66, 68, 72, 75.
82, 99, 116, 117. 123, 124.
Arthaut "ZZ Artaut.
Aute Pierre, maison forte. 64.
Autun (Robert d'). -27. — Hostun
(Drôme).
Avignon, 21, 23, 25, 34, 35, 37,
38, 39, 49, 57, 58, 61, 62, 66,
68, 69, 71,73, 74, 75, 75«, 77-
78, 79, 80,81, 82,83,86,93,
98, 99, 100, 102, iio, 113.
I 1 4, I I 5, I I 6 ; — (evesque d'),
75a «. — Avignon (Vaucluse).
Ay (Goret et Guichart d'), i 24.
Badefol (Guy de), 5 5n; —(Seguin,
Segun de), 79», 120, 121, 122.
— Badefols (Dordogne).
Baigneux (Gonticr de), 2377. 53, 6g,
71,1 26.
Baignols. Balneolisir Baigneux.
Bar (contesse de), i 277? ; — (duc de).
1007?, ICI, 130-, — (Pierre de),
89. — Bar-le-Duc (Meuse).
Barat (Didier), lieutenant. 29.
Barbays (Henry de), 75, 82.
Barbés := Barbays.
Baronies (juge des), 118. 119. —
Baronnies de Mèvouïtlon et Mon-
tauhan (Drôme).
Barrois, 100, loi, 136.
Bâtie (la) de lez Chaourges, 118.--
La Bâiie-Neiive (Hautes-Alpes).
Baux (Amé des), 3 2m-, — (Bertran et
Guiot des), 66». — ( Bo.-du-Rh. j.
Baxi (sire de), i 20.
Beaune (Jehan de), 46.
Beauvoir du Marc (chastellain de),
4. — Beaiivoir-de-Marc (Isère).
Beauvoir en Royanx (chastellain de).
T
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
1 8, 44 ; — (lieu de), 2 7 : — (ostel
de), 18. — B.-cn-Royans (Isère).
Beavoir ::r Beauvoir en Royanx.
Bedons (Bertran de). 32.
Belesemblant rr Belsamblant.
Bellalz. 55. — Belley {Ain).
Belmon in Bclmont.
Belmont (Amblart de), 63», 64, 65,
1 2 3 ; — (Aynart de), 7 7 ;— (Fran-
coys de), 77, 120. — Beaumoni,
ciiij. Saint-Michel, c'"-' du Toiivel
[Isère).
Belsamblant (Artaut de), 70», 124.
— Bcausemblant {Drame).
Belveolr r= Beauvoir en Royanx.
Belvoirrr: Beauvoir en Royanx.
Blez (Henry des), 72.
Boczcsel (Guillaume de), i i . — Boc-
zosel, c'^e du Moi lier {Isère).
Boeinc zr Boenc.
Bocnc (Alegrcs. Aiegret de). 72. 77,
82, 120.
Bohent rz Boenc.
Bonnent (Jean de), 66.
Bonnet (Boniface), 12 ;— (Loys), 12.
Bouczesel (Frepct de), 26». zr Boc-
zesel.
Bourbon (Jaque de), 62».
Bourgoigne, 72, 82, /oo: — (duchic
de), Kjo. 101, if2-. — (Jehan de),
8q. — Boiir'jogne
Boursaut (terre de), 8
saull {Marne).
Bousaut rr Boursaut.
Bouseuzel (loques de).
zesel.
Brayseul (Falque de). /
sicux (Ast-rc).
Bretons (compaignes des), f 12.
Brianconnois =: Brianconnoiz.
IVianconnoiz. 14, ^6 ; — (baronnie
de), 66;— (jugeriede), 56;— (terre
de), 100. ~ Briançonnais.
lirignay, 02«, 63, 64;— (forteresse
de), 62. — Brignais {Rhône).
Britanzonnois (sindicz de), 43. =
Brianconnoiz.
Biîi,F,H (l'ierre), i 5 .
Calea (Dominique de), lombart, 3 i .
Calvimontis(baillivia), i 26. —Chan-
monl {Haute-Marne).
Canduns, escuier, 104.
2. 87.— Bon r-
1 2o. :zr Boc-
20. — Bies-
Cane (Gerart de la), 8.
Cassans (Jehan), escuier, io().
Castro (Petrus de), 126.
Cayrars. 04. — Chàteati-i^^ieyras
{Hautes-Alpes).
Cenomanepsis episcopus. 5^. — Le
Mans{Sarthe).
Chais (François), 43.
Chaisy (Francoys), 56.
Chalon, 72 ; — (Hugues de), mes-
sire. 68«. — Châlons-sur-Saône
{Saône-et-Loire).
Chamberieu, 48. — Chamhèry {Sa-
voie).
Chambre (Berton de la), 97.
Chambrieu, 65, 77, 108; — (com-
mandeur de), II. = Chamberieu.
C11ANDOZ (Jehan de), S2n, 83.
Chanteprime (Adam), 34". 3=5, 5'»,
77. 1-5- ^.
Chaponnois (Pierre), 16.
Charles [V], roy. 61.
Charpentier (Guillaume), 3.
Chassenage (Didier de), 63», 64, 66,
10 ?, I 20 ; — (seigneur de), 77. —
Sassenage {Isère).
Chassenaige ziz Chassenage.
Chasteauvillain (Jehan le bastart,
seigneur de), 106. — Châteauvi-
lain {Isère).
Chasleillon (chasteau de), 08. — Chà-
tillon-sur-(Jluses {Haute-Savoie).
Chastel le Dalphin (chastellenie de).
94. — Casleldeljhio {Salnces).
Chastelneuf (Aymart de), 63, 64,
70; — (Oddcbert, Oudebert, sei-
gneur de), 6?«, 64, 120; — (sire
de), 70. — Chàteaiineuf. c'"-' de
l'Alhenc {Isère).
(vhastelnuei 1= Chastelneuf.
Chcnay (le Camus de), U4.
Chevrières(T'ontzonde). 12. — {Isère).
(^izerin (Guclis de). 46. — Cizerin.
c""-' de Corenc {Isère).
Clauso (B. de), 1 26.
C^lermont, C. en Argonne, 127, 128,
/?2, /?^, /?5, lyô, lyj, 1^8.—
(Jlermo)il-en-Argonne {Meuse).
(>oiFi-E (Kobertus), i ?8.
Columbeyo (Hugo de), 1 ?8.
(^ombe (Jehan de la), escuier. 1 10,
112.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE
71
Conflans (Jehan de), 66 ; -• (sire de),
61. — Conflans {Marne).
CoPER "= Coupler (Guy).
CoppE (Régnier, Renerus, Renier),
I 7«, 5 2, 66, 124, I 26.
CoppE (Symonnet), 58», 110.
CoppiER^r Coupler (Guy).
Coppo =1 Coppe (Régnier).
Coste Saint Àndrleu (la), 112: —
(chastellaln de la), 11, 22, 26,
106; — (ostel du gouverneur à
la), 29. — La Côte-Saini-Andrc
(Isère).
Coucy(sirede), I 36»,! 38. — (Aisne).
Coulombo (Reginaldus de), 126.
Couper =: Coupier (Guy).
CoupiER (Guy), chevalier, 29", 90,
63, 64, 66, 67, 68, 70, 90,
99, I 07, I 20, I 24.
CouppE m Coppe (Renier).
CouPY zzz Coupier (Guy).
Couste Saint Andrieu=:Coste S. A.
Craon (Guilleume de), i 32;?.
Crebeu, 72. :r= Cremeu.
Cremeu, Cremieu, 72, 82: — (isle
de), 64. — Crémicu (Isère).
Cuignet (Jehan et Michelon du), i 3 .
Dalpiiin (monseigneur le), 11, 21,
38, 40, 45, 46, 53, 57, 58, 62,
63, 64, 66, 67, 68, 69, 70, 74,
81, 90, 92, 93, 94, 95, 96, 98,
99, 102, 105. 112. zn Charles.
Dalphinatus :rr Dalphiné.
Dalphiné, 37, 53, 57, 61, O2-O5,
07, 69, 72, 73, 77, 79-83, 85,
80, 87, 88, 89, 92, 95, 100,
103, 112, 122, 124; — (audi-
teurs des comptes du), 45, 91: —
(barons du), 54;^ — • (chambre des
comptes du), 15, 46, 82, 91,
iii; — (chancelier du), 78; —
(clerc, des comptes du), 82 ; — (con-
seil du), 5, 63, 91,1 04, 122 ; —
(conseillers du), 59 ; — (gouver-
neur du); I, 5, 12,45,66, 74, 92,
/2/, 72?, T24, 725,. 726;— (mais-
tre des monnoyes du), ij, 66 \ —
(mareschal du), 94; — (monnoie
du), 720, 121 \ — (pais du), /,
52, 62, 63, 64, 66, 75, 708,
77.^, 7 30, 7 2^; — (procureur et
advocat fiscal du), 38, 81; —
(trésorerie du), 2 3 ; — (trésorier
du), 2 , 34, 47, 58, 59,.72, 73,
107. I 10, 113, 124 (lieutenant
du). 125,1 26. — Dauphinè.
Dalphinic n: Dalphiné.
Di.MEN-CHE(m''''),chappellain, i 01, 1 09.
Di.MENCHE Bon Jehan, i 07.
Dormans (Guillaume de), 35»; ■ —
(monsgr de), 7S, 79. — (Marne).
Dya (Jacques de), 46.
Dye(évesquede), i i 2. — Die(Drôme).
Dyois (conte de), 112. — Diois.
Ebrun, 118; — (arcevesque de), 5;?,
I I 8 ; — (université de), 5 . — Em-
brun (Hautes-Alpes).
Ebrunoiz (baronnie d"), 66. — Em-
brunais.
Empereur (!'), 34??, 74, '/'jn.
Enarde (Gilecte), 40.
Engleterre zn Angleterre.
Ermenonville (sire d'), 84. — (Oise).
Esbrun zzz Ebrun.
Eschielles (les), 1 2 3 : "~~ (comman-
deur des), 30». — Les Echelles
(Savoie).
Estelle (1"), 57. — Etoile (Drame).
Estoille, 124. ■ — Cf. Estelle.
Exils (chastellain des). 50. — Exil-
les (Turin).
Falavel (Regnault), 6().
Felinges (Perreneau de), 72. — Eil-
linges (Haute-Savoie J't
Florensac (Jaquemot), 46.
Flory sur Osche, i oQ. — Fleury...
Focigny (terre de), 68. — Faucigny.
FouRANT (Thomas), 128.
France, 1 , 47, 72, 82, 87, 88, 89.
9 5i 97, 100, 106, io7i 126.
Fucigny (chasteaux de la terre de),
82. — Cf. Focigny.
Gaiet (Arnoul. dit), 36.
Galbert (Pierre), 5 1 .
Gaee (Pierre), messire, 123.
Galéas, 94«, 96; — de Salucc. inn.
Gap (evesque de), 118», 11 (>. —
(Hautes- Alpes )^
Gapensoix, 118; — (juge de), 1 , 8.
■ — Gapençais.
Gascoings (compaignes des), 1 12 . —
Gascons.
Gaspensoix zz Gapensoix.
Gay (Goret), 123.
72
COMPTE DE RAOUL DU' LOUPPY
Genève (Ame de), 120»; — (conte
de). 68» ; — (Hugues de). 64», 70.
— Genève (Suisse).
Germain (Pierre), 6.
GiLER, Gillerii ~r Gillier.
GiLLiER (Denis), 2111.
Gillier (Philippe), 2», 6, 21. 23,
47, 58, 62, 72, 90, I 10, I 12,
113, 125.
GoDART (Jehan), clerc, i 28.
GoNTERrus (magister), episcopus Ce-
nomanensis n: Baigneux (G. de).
Graisivodan, 5 7 ; — (grant court de),
48; — (juge de), 8, 9, 42: — (re-
ceveur en). III. — Graisi'i'audaii.
Graisselliers (les), 3 i .
Granet (Humbert), 49.
Grant (Thomas le). 117.
Grenoble, 65, 88, 96, 99, 1 04, i i 8.
Grolée (Jehan de), 103. — (Ain).
Hametel (G.), 126.
Haquin (Huguet), 10.
Hay.min (Jaquemin, J-mon), 9.
Huguet (Jehan), 30.
Jasselink (Guillaume), 14.
Jehan [Jean II]. roi, 19,25,67,84.
Jeiianne [de Bourbon], royne, 89.
Laies (Humbert de), 27.
Languedoc, i. 42, 84; — (lieutenant
en), 75.
Laukens (Pierre), 4.
Laval de Vélins, 94.
Lay (Aymon de), 5 o .
Lchercourt (maieur de), 128.
Lcrs, 17», 37 ; — (chastel de), 35,
66, 75a, 78, 92, 98, 104; —
(chastellain et cappitaine de), 9 i .
l,ionnois ^= Lyonnois.
Lombars. 31».
Loraz (Humbert de), 70.
Lorcnt (Alegrel de), 123.1= Boenc >
Lorraine (duc de), 138».
Lorris (Robert de), 42, 84, 85.
Lorriz =: Lorris (Robert de).
Louppeyo (de) ir: Louppy.
Louppi rr Louppy.
Louppy, 131, 1 33 ; — (Raoul, sei-
gneur de), I, 125, 126, 127; —
(sire de), 1,45,46,48,58, i i 1 ,
112-114, 120, 121, 122, 123,
124, 126, 128, 129, 1 3f>, 131,
' 3-^ '3 3. '34» nSi ' 3^>, ' 3 7i
I 38:— (terre de), 72, 82,87, 138;
— (Thierry de), 74. — Louppy-le-
Cliàteaii (Meuse).
Louppy (maieur du Petit), i 28. —
Loufpy-le-Pelit (Meuse).
Lucembourc (officiers du duc de),
i 3 4», 135. — Luxembourg.
Lyon, 19, 36, 54«, 67, 68, 79,
120, 121, 122. — Lyon.
Lyonnois (pais de), 62, 67. — Lyon-
nais.
Mailles (Henry de), 75", 77.
.Maiiun (Jehan), 19.
Maisel (P. Buler, alias), i 5.
Mantalc (chastel de), 80.— Mantaille,
c"<-' d'Anneyron (Drame).
Marain, 70. ru Moraint.
Marche (conte de la), 62.
Margensay (bastart de), 72.
Masconnoiz (en), 82. — Maçonnais.
Matiiif-i (Jehan), 64, 70, 123.
M.\Tiiu =: Mathieu (Jehan).
Maulbec (seigneur de), 63». — ^L1u-
hec (Isère).
Melet (conte de), 88.
Merriz (Alegrcs de Boenc). 77.
Mes (evesque de), 138». — Metz.
Milan (seigneur de), 89;?. — Milan.
Moiranc. 108. — Moirans (Isère).
Monlbonct r^ Monlbonosl.
.Monlbonost (chastclleric de). 4() ;
— (marinier de), 33. — Moiilhon-
nol (Isère).
-Montbrun, 66, 92. — (Drame).
Montelemart, 112, 113. — Montè-
limar ( Drame).
Montpellier (gouverneur de), 121,
122. — Montpellier (Hérault).
Montrigault :=r .Montrigaut.
Montrigaut, 6?; — (maistral de), i().
— Montrioaud ( Drôme).
Moraint (compaignies des Lombars
de), 3/. — Moirans (Isère).
Moreint(prison de), 3 3 .— C/ Moraint.
.Morges (Guigo de). 40 ; — (Guy de),
7 5", 77,80, 82, 9/, 120, /2 3. —
Morges . c""-" de Cordéac (Isère).
Mote (.Xmé de la), 38, 50, 82, 723.
.Mote en Malesine (chastel de la), 40.
— La Mote-Sl-Marlin (Isère).
Nevcrs (evesque de), 3 5". 7'^'- 7<).
NicoLET (Jehan), 36, /23.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE
Normandie (duc de), i, 6i.
Normendie, 19. — Cf. précéd.
Nourri (G. Richart, dit), 42.
Ogerii (Philippus), i26n.
Oisenx (chastellerie d'), 51 ; — (uni-
versité d')42. 51. — UOisans, arr'
de Grenoble (Isère).
Orenges (prince d'), 66«, 9 i. — Oran-
ge (Vaiicliise).
Oubz (prevost d'), 118. — Oulx
(Turin).
Pappe, 2 1,2-^, 25, 36-7, 57, 66, 6y,
71. 73, 75», 76, 79, 80,82,^3,
102, ///, 1 12,113, 114, 115, 12 1.
Paris, Parisius, 61, 72, 74, Sp, loS,
iio, 124, 120, i^i, 172, 178.
Parrete (Guillaume de la). 3.
Peregort (cardinal de). 66».
Petignot (Pierre), 18.
Peyla (Jehan), marinier. 33.
Piémont, 63, 94. — (Italie).
Pierrelate, 66. — P-lte (Drôtnc).
Pila, Pilart, Pilas = Pilât.
PiLAT (Humbcrt), 64;?, 65, 70, i r 2,
123.
Pin (au), 123. =1 Tour du F^in.
Poitiers (Charles de), jon.
Pommiers (Amenyon et Jehan de),
72.
Pont (Jehan du), 237?, 24, 25, 57,
72, 73. 74,. 78, /i I, 125.
Pont de Belvoisin, 24. — Pont-de-
Beaiti'oisin (Isère).
Pont Jault (Pierre de), 66n.
Prés (Miles de) 72.
Provence, 63, 92; — (guerre de), 49,
88; — (senechal de), 49, 57, 66,
92, III, 112, Il 1 j; — (traictiez
de), 89. — Provence.
Prouvencez^ Provence.
Pruniers (Guy de), 121.
Puy (Jehan du), 123.
Puy (ostel de Jehan), 108.
Quemenières, 127.
Quirieu (chastellain de), 28. — (Isère).
Raymondeti (A.), 126.
Ray.-nion, R-nd (Regnaut)i=Raymont.
Ray-mont (Raynaut), 38», 59, 81,
92, I 18, I 23.
Raynaut (Pons), 38.
Reglannes, 66, 92. — Reilhanclle
(Drônie).
Renart (Ponce), 105.
Revigny (Jehan Colart de), 1 28 ; —
(prevost de), 728. — (Meuse).
Rev.mont 13 Raymont (Raynaut).
Richard (Aymon), 5 i .
Richart (Emonnet), 75, 82; —
(Guionnet), 42.
Riciierii (Terriens, Therricus, Thier-
ricus), 74M.
Rive de Gier, 90 : — (forteresse de),
62. — Rive-de-Gier (Loire).
Rivière (Jehan seigneur de la). 95».
Rocha (H. de), 126.
Roche Aiguë, 86». — Rochegude
(Drame).
R0CHEF0KT (Pierre), 20.
Romans, 61, 62, 63, 64, 66, 67,
68, 69, 71, 73, 74, 7ç, 75a, 78,
79, 80, 81, 84, 85,86, 87, 89,
99, 104, 108, 112, 1/3, 114,
//8, 121. — Romans (Drôme).
Rome, Romme (court de), ,?8. 66.
75, 80, 81, 105.
Romme (prieur de), n.
Roncourt (Vivien de), 72.
Rosne (pors et passages du), 64n\ — •
(rivière de), 62, 69; — (terre de
oultre le), 69. —Rhône.
Roucillon (Amé de), 103 : — (Jaques
de), 80. — Roussîllon (Isère).
Roy. I, 23, 34, 39, 57, 67, 68, 09,
71, 72, 7^, 75, 75*^, 77, 78, 82,
8^, 87, 88, 89, 93, 98, /oo, lOi,
106, iio, III, 121, 124, 126, 127,
129, 130, 132,133, 1^8; — (che-
valiers du), 22; — (conseiller du).
84; — (frère du), 86.
Saincte Excbe (Pons de), 94. — St-
Eusèbe (Hautes- Alpes).
Saincte Livière (Aubert de), 89. —
Ste-Livière (Marne).
Saint Anthoine (Jehan de), 72, 115.
Saint Anthoine (ordre de), n ; — de
Viennois (pèlerinage à), 6yn. —
Si-Antoine (Isère).
Saint-Bonnet (prieur de). 107.
Saint Etienne ou Dalphiné, 64. —
St-Eticnne-de-St-Geoirs (Isère).
Saint Gencis en Savoye, 64. — St-
Genix (Savoie).
Saint Germain (François de), 11, 22.
2 5 : — Guichart de), 72, 7 5 , S 2 .
74
COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
Saint Jciirc (Pierre de). '>4«. — Si-
Geoi)s {Isère}.
Saint Pierre d'Alavart (de), o. —
St-Pierre-d'A llcvard {Isère).
Saint Svphorian(ehastellain de), ig.
— St-Svmphorien-d'Ozon {Isère).
Saint Trivier en Bresse, 72. — St-
Trivier-de-Courtcs [A iti).
Salenche (chastcau de), 6<S. — Sal-
lanches {Hte-Savoie).
Sallebruee (conte de), i 30», 132. —
Sarrehriick {Prusse).
Saluée (de), 100: — (marquis de),
70», 94, 96. — Saluces {Pié-
mont).
Sandhet. neveu, 124.
Santerougy (Pierre de), 6.
Sauge, Sause, Sauze (Jehan du),
64«, 82, I 23.
Savoie, Savoye, i; — (conte de), 24»,
48, 5 7. 63, 64, 65, 68, 82,87.,
Q4, 108, I I I, 112, 117; — (conté
dej, 34. 77:— (pays de), (J4. 127.
Sens (arcevesque de), 35», 78. 79.
Serisy (Jehan de). 107, 125.
Soi.iM-.s (Jehan), 8.
Sommericourt (Jehan de), 23, 5O, 57,
in. — Sommerècouri {Hte-Manw).
Souillers (Robert de), 72. 7 s.
Stamparum cornes, 74. — I^tam-
pes .
Suireu (chastel de), 124". — Surieu,
c"»-" de St-Uo!7iain-de-S. [Isère).
TiiOMAssix le fauconnier, ^5.
ToGF.NAz, chastellain, 44.
Torchefelon (Guy de). 28. — {Isère).
ToKNATOius (Thomas), t 2 0».
ToR.MKK (Barthélémy), 54.
Toulnys '^seigneur de), 80». -- fiil-
lius {Isère) ?
Tour (seigneur de la), 89 ; — (terre
de la). ^4. rr suiT.
Tour du Pin (chastellain de la), 29.
La l'uur-du-Pin {Isère).
Tours sur .Marne (Nicole de), 6'»,
^0.03 100, loi. — {Marne).
Tuillans (sîre de), 120. — Tullins
{Isère).
\'aigxon (Vitre), 3 i ,
\'al (chastellain du), 20. — Vais, c""
de Sl-Uze [Drôme).
\'albonnois, \'-iz (seigneur de) , ^8,
81. 105. — Valbonnais {Isère).
Valence, 57, 59,114, 121; — (évesque
de), ôj"», 80, I 12, 124. — {Drôme).
Valentinois, V-oys (conte de), 24,
48, 57, III, 112.
\'aubonnoiz =r Valbonnoiz.
Vauldole (chastellain de la), 7.
Veneissein, \'-sin (conté de), i 12; —
(rector de), i i 2». — Comtat-Ye-
naissin.
\'erdun (ville de), 135. — {Meuse).
\'erdunensis (canonicus), 74. — Ibïd.
\'ergy (Guillaume de), 12, 45, 66,,
92, I I o .
\"esille (chastellain de). 4 1 . — V'/c///t'
[Isère).
\'ienne, 55. 02, 64. 90, 121; —
(administreur de l'arcevesqué de),
80 : — (jugerie de), 54,- — (man-
dement de), 2. — Vienne {Isère).
\ienne (chastellenie de), 127. —
] "ienne-le-Châlcau (Marne).
\'ienne (Jacques de), i», 89, i 26.
\'iennois (dalphin de), i, 61, 71.
82,1x0. 124: — (mandement en),
66. — l'/t'««o/.s-.
Villeneuve lez Avignon,, 68. —
\ illeneu ve-lès-A vignon {Gard).
\'inay (.\nthoine de), 1 i 2, i 20; —
(seigneur, sire de), 57, 67«, 70,
77, (/), 112,113, I 24. — {Isère).
Viromandensis (baillivia), 1 26. —
W'rmandois.
\'ilriaci (baillivia), i 26. — \'iliy-le-
François {Marne).
Voiron (de), 30. — l^oiron {Isère).
Warinls, cambellanus, 74.
Ysaire, 108. — L'Isère, riv.
"^'seron (chastellain de). 18, 44. —
Izeron (Isère).
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 4g
feigneur de Valbonnois, pour ce 20 florins de bon pois, valent
20 florins 10 gros.
106. A meflire Jehan le baftart, feigneur de Chafteauvillain,
chevalier, & à Jehan Caflan, efcuier, chafl:ellain de la Cote Saint
Andrieu, lefquelx avoient efté mandez par le Ro}^ pour venir à
fon mandement qu'il fift ou mois de feptembre Tan 1369, fi
s'acompaignerent à venir en la compaignie du dit gouverneur
ou voiage darenier qu'il fift lors en France, pour deniers par lui
à euix preftez pour fupporter leurs fl'ais en venant au dit
mandement : fi comme il appert par leur cedule donnée le
premier jour de novembre 1369, à chafcun 10 fi'ans, pour ce
20 frans, valent 24 florins. '
107. A meffire Dimenche Bon Jehan, prieur de Saint Bonnet,
lequel le dit gouverneur prifl; & amena en fa compaignie en
France ou darenier voiage qu'il y filt contenu en la partie
précédente, pour lui acompaignier durant ycellui voiage pour
doubte des chemins qui lors efloient fort doubteux, pour
deniers à lui bailliez pour le defpens de lui & de 12 hommes
d'armes qu'il prift en fa compaignie pour la dicte caufe durant
le dit voiage faifant, des quelles gens d'armes il fift monftre
pardevant meflire Guy Coupler, chevalier : fi comme il appert
par ycelle & leàtre de recognoiffance du dit prieur donnée le
24^ jour de feptembre 1369 ensuivant : pour ce 65 florins petiz. -
Summa : 141 flor. 9 gros Dalph.
108. Autre defpenfe pour reltitucion de chevaux perduz
durans les volages fais par icellui gouverneur, dont deffus eft
faite mencion, c'eft affavoir :
Pour un fomm.ier que le dit gouverneur avoit acheté
à Paris l'an 1361, quant il parti d'illec pour venir ou paiz
du Dalphiné pour le gouvernement d'icellui, le pris de 50
tlorins ; lequel fu afolé en chemin, en un voiage que ycellui
gouverneur fift à Chambrieu, ou mois de juing 1362, pardevers
le conte de Savoye . le quel fommier demoura malades
1. Fer licleras de 20 Irancis.
2. Videatur computus Johannis de Scrify, thefaurarii Dalphinalus.
quia ibi capiuntur vadia iflorum pro fc & i j hominibus armorum.
.•40 flor. pro toto menfe feptembris 13O9, & ideo radiatur.
50 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
à Moiranc en Toftel Jehan Pu}', le quel le ramena depuis à
Romans pour ce qu'il ne povoit guarir : & pour ce lu vendu à
un marefchal du dit lieu de Romans le pris de 20 florins, le
quel marefchal tantoft apiez fe na3ra lui & le dit ibmmier en
Yfaire. Des quelx 20 florins on ne pot onques riens recouvrer ne
fur le dit marefchal trouver aucuns biens, pour ce pour la perte
du dit fommier 50 florins de petit poiz. '
109. A mefïïre Dimenche, chappellain du dit gouverneur,
pour deniers à lui bailliez pour la reftitucion d'un fîen roncin
qui lui fu tolu & robe à Flory fur Ofche en Bourgoigne, en un
voiage ou le dit gouverneur le envoia pardevers le duc de Bar
en Barrois en février l'an 1362, pour lui porter lettres de par le
Roy pour le fait de la duchié de Bourgt)igne, dont ci devant ou
chapitre précèdent en une partie eft fait mencion, pour ce. .
30 florins de petit pois. 2
110. Autre defpenfe pour deniers qui deuz eftoient au dit
gouverneur pour emprunt par lui fait en fon propre c'^ privé
nom en Avignon Tan 1363, de la fomme de 3,783 florins 9 gros
de bon pois, pour faire finance au Roy noftre feigneur, adonc
dalphin de Viennois, a fon très grant befoing; et la quelle
fomme du dit emprunt le dit gouverneur changa au dit lieu à
la fomme de 3,000 frans d'or pour la rendre à Paris au dit
feigneur, qui ycelle ot & receut par la main de Jehan de la
Combe, efcuier : fî comme il puet apparoir par Icctre de
recognoiffance d'icellui feigneur, donnée le 25'^ jour de
février 1363, contenant la dicte fomme avoir effé receue par
Philippe Gillier, lors treforier du Dalphiné; au quel gouverneur
il fu pour ce mandé par le dit feigneur & par fes leclres patentes
données le dit 25"= jour de février, que la diéle fomme il
lecouvraft du dit treforier pour paier foy & defchargier du dit
emprunt. Et du quel Ph. Gillier ycellui gouverneur & par fon
mandement reçut par la main de Simonnct Coppe 1,784 florins
de bon pois, (S: aufli lui fu oncores deu du dit emprunt
1,999 fl''Jiiris 9 gros de bon pois, dont depuis ne reçut aucune
1 . Loquatur, quia atlcnlis vadiis cSc donis rcx non IcncUir, & idco
radialur.
2. Loquatur, rcx non tcncUir.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 5I
chofe, pour cause de la mutacion et deftitucion du dit Philippe
de Toffice de la dicte treforerie; pour la quelle caufe & pour
le dit emprunt rendre & parpaier le dit gouverneur reçut &
prift depuis des biens demourans du décès de feu meffire
Guillaume de Vergy, jadiz fon predeceffeur ou dit otîice, la
lomme de 2,000 florins de petit pois, dont il fait recepte ci
devant : les quelles parties ainfi receues font rendues ci devant
en la recepte de ce compte & pour ce font reprinfes ci par vertu
des dictes leclres & mandemens tout rendu à court pour
3,783 flors9 gros bon pois, valent . . . >
3?935 florins i gros 3 quars & demi. '
Summa : . . . . 3,Q35 flor. i gros 3 quars cum dim°.
111. Autre defpenfe faite par le dit lire de Louppy fur certaines
charges dont il a efté chargez, & les quelles ont efté envolées
par deçà par les gens des comptes du Dalphiné en un roole
foLibz les feaulx des auditeurs des comptes, des quelles charges
& aufll des parties j^rinfes en defpenfe cy après le dit fire de
Louppy avoit rendu compte par devers les diz auditeurs &
bailliez les lectres appartenant ad ce.
Pour deniers receuz par le dit fire de Louppy de Jehan du
Pont, receveur en Graifivodan, par les mains de Jehan de
Somericourt, clerc du dit gouverneur, pour & à caufe de la
fomme de mil florins à lui donnée par le Roy noftre fire , pour
confideracion des labours & paines par lui fouftenus en la
pourfuite des confederacions & aliances faites entre le Pappe,
le Roy, le conte de^^Savoye, le conte de Valentinois & le
fenefchal de Prouvence d"une part, & les compaignes Anglefches
qui lors eftoient fur le pays d'autre, & pour lïmpetracion de
plufieurs bulles pour ce empêtrées ; des quelx deniers ainfi par
lui receuz & pour la dicte caufe le dit fire de Louppy bailla
lors les lectres du dit don au dit Jehan du Pont & doivent eftre
rendues en la chambre des comptes du dit Dalphiné par les
comptes du dit du Pont, & laquelle fomme de mil florins eft
rendire ci devant entre les diètes charges venues des auditeurs
des comptes du dit Dalphiné en la fomme de 1,554 florins
I . Corrigitur.
I
52 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
I gros & 3 quars petiz, laquelle fomme eft reprifc c}' par vertu
du dit don, pour ce i ,000 florins petiz. '
112. Pour les defpens du dit lire de Louppy, en fa compaignie
meflire Raynaut Ra3-mont, chevalier, monlire Humbert Pila,
Jehan de la Combe, le leigneur de Vinay, meflire Anthoine fon
filz à 15 chevaux, le treforier & meflire Guillaume Artaut a
10 chevaux, &. les gens de fon hoftel à 20 chevaux, faiz ou mois
de novembre 1363 en pourfuient les aliances faites entre noftre
faint père le Pappe & le reélor de Veneiflien - pour le conté de
Veneiflin & le dit fire de Louppy pour monfeigneur le Dalj)hin,
le fenechal de Provence, le conte de Savoie, les evefques de
Valence & de Dye & le conte de Valentinois & de Dyois, pour la
feurté & deffenfe des pays & terres des feigneurs deffufdiz contre
les compaignes perverfes des Anglois, Gafcoings, Bretons &
autres gens de compaigne eflans ou royaume & en la duchié de
Bourgoigne, qui s'efforcoient d'entrer cSc faire guerres es terres
& pays des feigneurs deffufdiz ; & pour ce fut prife une
journée entre les diz feigneurs à Montelemart, au 5"= jour du dit
moys de novembre. Pour lequel voiage faire le dit lire de
Louppy partift de la Courte Saint Andrieu le 3"= jour du dit moys
de novembre 1363, & en alant au dit lieu de Montelemart,
fejournant & befoignant pour ce que dit eft, & en retournant
ou dit Dalphiné, le dit lire de Louppy vaqua c*^ demoura du
3' jour du dit mois de novembre jucques au 8"= jour d'icellui
mois inclus que fon retour fut à Romans, par 6 jours, premiers
& darenier comptez : fi comme il appert par les parties des
defpens pour ce fais efcriptes en un pappier par les gens du dit
fire de Louppy qui les diz defpens faifoient, rendu à court fur
ce compte; montent les dictes parties pour tout 182 florins
II gros, 95 florins 5 gros, dont il chiet pour deniers pris par le
5' compte de Ph'e Gillier pour les defpens des chevaliers en
quatre parties 74 florins, item il chiet pour les gaiges du dit
I . Loqualur, quia hahiiil alia dona cluranlc tcmporc locumlcncncic lue,
afccndcncia ad , cciam habcnlur liclcrc vcl IranlcripUim dicli
doni & . Tranfcunt pro dono & cxpcniis indc Ia6lis.
j. Le rcclcur du (Jomtat-Vciiaissïn était alors Philippe de (\ihassole
(cf. Répcrt., c. j-jo clsuppl.J. depuis le 17 novemb. 1 ?6_'.
GOUVERNEUR DU DAUPHhNE 53
gouverneur par le dit temps 49 florins 3 gros ; fomme du dechiet :
83 flor. 3 gros; demeure 52 florins 2 gros. '
113. Pour les defpens du dit gouverneur, en fa compaignie le
treforier du Dalphiné à 6 chevaux & le fire de Vinay à
10 chevaux, avec les gens de fon hoftel à 20 chevaux, faiz pour
aler en Avignon par devers noftre faint père le Pappe, à la
journée prinfe par les diz feigneurs à Montelemart au 20^ jour de
novembre deffus dit, pour pourfuivre les diètes aliances. Pour
le quel voiage faire le dit fire de Louppy parti de Romans le
18® jour du dit mois de no(vembre) & vaqua en 3x^^11 alant,
demourant & retournant au dit lieu de Romans pour la diàle
journée, à la quelle pour les debas & empefchemens qui mis y
furent par le conte de Savoye & le fenefchal de Provence, les
diz feigneurs ne porent eftre d'accort, & pour ce fut prinfe une
autre journée en Avignon au 19^ jour de janvier enfuivant :
c'eft affavoir du iS'^ jour de no(vembre) deffus dit jucques
au 3^ jour de décembre enfuivant que fon retour fut au dit
lieu de Romans, pour ce par 17 jours pour tout : fi comme
il appert par les parties des defpens pour ce faiz efcrips
en un pappier par les mains des gens du dit fire de
Louppy qui faifoient les diz defpens rendu à court, montent
pour tout 349 florins & demi, dont il chiet pour deniers pris
par le 5^ compte de Philippe Gillier, treforier du Dalphiné ou
nom du fire de Vinay en 3 parties 120 florins, & pour les
gaiges du dit gouverneur par le dit temps 129 florins 6 groz,
& pour les gaiges du dit treforier qui font de 27 s. 4 d.
3 poit' tournois 23 florins 3 groz i tiers ; fomme du deché :
282 florins 10 groz i tiers; demeure . . 66 florins 7 groz 2 tiers.
114. Pour les defpens du dit gouverneur faiz, lui 20® à
cheval, pour aler en Avignon par devers noftre saint père le
Pappe, à la journée prinfe par les diz feigneurs en Avignon au
19"= jour du dit mois de janvier deffus dit pour les di6les aliances.
Pour le quel voiage faire le dit lire de Louppy parti de Romans
le 15' jour de janvier 1363, & en alant au dit lieu de Avignon,
I . Loquatur, quia vidctur quod deberet contentari de dono capto in
parte immédiate precedenti, ncc débet pro una & eadem caufa capcre
expenfas & donum. & ideo radiatur.
54 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
fejournant au dit lieu & retournant ou pays du Dalphiné. pour
ce que dit ell & pour les dicles aliances, le dit fire de Louppy
vaqua & demoura du dit 15* jour jucques au 2C)^ jour dïcellui
mois que Ion retour fut à Valence, par 15 jours pour tout : 11
comme il appert par les parties des defpens pour ce fais
efcriptes ou dit pappier par les mains des gens du dit
gouverneur rendu à court : montent pour tout 226 llorins, dont
il chiet pour les gaiges du dit gouverneur 123 florins i gros cSc
demi : demeure : 102 florins 10 gros & demi.
Summa : 1,169 florins 6 gros i 6 grofli.
115. Autre defpenfe faite par le dit gouverneur pour deniers
par lui paiez à plufieurs perfonnes pour leurs defpens faiz
en pourfuiant les bulles des aliances deffus dictes & les
indulgences o6lroiées par noftre faint père le Pappe.
Pour deniers paiez par le dit gouverneur à Jehan de Saint
Anthoine, pour les defpens par lui faiz en troiz voiages qu'il a
efté à Avignon, de l'ordenance & du commandement du dit
gouverneur, pour pourfuivre e^' pourchacier les bulles pour
les aliances deffus dictes, pour ce 21 florins. '
116. Pour autres deniers paiez à meflire Jaques Arthaut pour
les defpens de lui, fon clerc, un varlct & trois chevaux, faiz en
Avignon par 4 jours aprez ce que le dit gouverneur s'en fut
partiz pour aétendre les dicles bulles, pour ce . . 15 florins.
117. Pour autres deniers paiez par le dit gouverneur à meffire
Jaques Artaut, pour paier les frais, mifes & coullemens des
diètes bulles, tant à certains procureurs comme pour autres
mifes contenues en un rôle efcript de la main mailtre Thomas
le Grant, compte ens 10 florins que les diz procureurs
demandoient oncores pour leurs paines & fallaires des diètes
bulles, pour tout 86 florins.
118. Pour autres deniers paiez par le dit gouverneur, c'eft
affavoir à mefHre Raynaud Raymond, advocat fifcal et juge des
appeaux, pourfes defpens faiz pour eftre venu du commande-
ment & ordenancc du dit gouverneur à Romans pour le fait
I . Non docet de temporc ncquc de liiSleris rccognicionis. & ideo radia-
tur : & quando docebit, fict ei quod dcbebil.
GOUVERNEUR DU DAUPHINE 55
de Texecucion des dictes bulles & procès faiz pour les dictes
aliances, & pour avoir efté du commandement & ordonance
du dit gouverneur en Gafpenfoix prefenter les di6tes bulles au
juge de Gapenfoix & des Baronies, & dïllecques devers l'evefque
de Gap ' qui eltoit à la Bâtie de lez Chaourges prefenter les dictes
bulles, le quel en retint copie par devers lui, & pour avoir
femblablement efté à Efbrun pour prefenter les diètes bulles au
vicaire de l'arcevefque d'Efbrun & au prevoft d'Oubz, les quelx
eftoient foubexecuteurs des dicles bulles. Ou quel voiage faifant
le dit meffire Ra3-naud Raymond vaqua, tant en venant devers
le dit gouverneur comme alant aux diz lieux par devers les diz
juges, evefque & arcevefques deffus diz pour le fait deifus dit,
& retournant par devers ycellui gouverneur pour lui dire &
figniffier ce qu'il avoit fait aux diz lieux, c'eft affavoir du
2^ jour de mars 1363 jucques au 16' jour de mars deffus dit
inclus que fon retour fut à Grenoble, pour chafcun jour 2 florins
par le6tre de taxacion du dit gouverneur, valent . 28 florins. -
119. Pour autres deniers paiez par le dit gouverneur à deux
meffagiers par lui envolez, c'eft affavoir l'un d'iceulx au juge
des Baronies & l'autre à l'evefque de Gap, porter lectres de par
lui pour les chofes deffus dictes avant que le dit meffire
Raynaud partefilt pour aler aux diz lieux, pour ce ... .
I florin 7 gros. ?
Summa per fe.
120. Autre defpenfe faite par le dit gouverneur pour certains
volages par lui faiz, tant pour le fait de la ville & fortereffe
d'Anfe, comme pour la feurté, tuicion & deffenfe du pays du
Dalphiné.
1 . Guillaume Fournier { 1^62-6) : cf. Répert., c. 762 et sufpl. Il prend
le titre de vices gercns viri magniffici dni Radulphi domini de Louppeyo,
gubernatoris Dalphinatus. dans une pièce du 28 août 1364 (Arch. de
l'Isère).
2. Loquatur, quia taxaclo eft exceffiva, aclentis vadiis dicti advocati que
funt de 300 florenis per annum nec oftendit lifteras recognitionis, & ideo
radiatur: eciam non docet de contentis in ferie.
3. Doceat de nominibus & afferat.
$6 CO.AIPTE DE RAOUL DE LOUPPY
Pour les defpens du dit gouverneur, en la compaignie
meOire Amé de Genève ' à lo chevaux, meffirc Oudebert de
Chaftelnuef à 8 chevaux, le lire de Tuillans à 8 chevaux, le fire
d'Anjo à 6 chevaux, le lire de Chaffenage à lo chevaux,
meflire Anthoine de Vinay à 5 chevaux, le lire de Baxi à
8 chevaux, meflire Didier de Chaflenaige à 4 chevaux, meiïire
de Guy de Morges à 4 chevaux, meflire François de Belmont à
4 chevaux, meflire Guy Coppier à 4 chevaux, meflire Falque de
Brayseul à 3 chevaux, nieflire Foques de Boufeuzel à 3 chevaux,
meflire Alegret de Boenc à trois chevaux & meflire Aymars
Alemans à 4 chevaux, pour un^ volage fait par le dit gouverneur
& les defllis diz à Lyon, pour meàlre à accort le peuple, le
clergié & citoiens de la dicte ville de Lyon, pour le fait nieflire
Seguin de Badefol, qui eftoit & avoit occuppé la fortereffe
d'Anfe, qui par chafcun jour lui & fes gens s'efforcoient de
grever & dommagier les habitans de la diàte ville de Lyon &
faire guerre, pour la quelle tout le pays eftoit en grant péril.
Ou quel volage le dit flre de Louppy vaqua du 25^ jour de
février 1365, alant, demourant & retournant, jucques au 2" jour
de mars enfuivant, premier & darenier comptez, par 8 jours
pour tout : fi comme il appert par les parties des defpens faiz
contenus ou dit pappier efcriptes de la main des gens du dit
gouverneur, montant pour tout monnaie du Dalphiné, 24 s.
tournois pour florin, 400 1. 12 d. tournois, valent 332 florins
II gros & demi, dont il chiet pour les gaiges du dit gouverneur
57 florins 5 gros & demi; demeure. . . 275 florins 5 groz.
121. Pour autres defpens fais par le dit gouverneur, en
fa compaignie meflTire Guy de Pruniers, gouverneur de
Montpellier, comis & ordcné par noftre faint père le Pappe
pour traiôlier & accorder avecques meflire Seguin de Badefol
& le dit gouverneur du Dalphiné, commis à ce faire par le Roy
noftre feigneur pour le fait & délivrance de la ville d'Ance, que
le dit Segun & fes compaignons tenoient & occuppoient lors.
Pour lequel volage faire le dit gouverneur parti de Romans
I . Amcdcc. fils du comlc de Genève Amcdée III. qui fut lui-même comte
après son frère Aimon III (Rcpcrl., l". 99 et 240 }).
J
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 57
pour aler a Vienne pardevers le dit gouverneur de Montpellier,
à 43 chevaux à armes defcouvertes, pour aler à Lyon & à Ance
pardevers le dit Segun de Badefol pour acomplir &; parfaire le
dit traiclié; & vacqua le dit gouverneur du Dalphiné avecques
le dit gouverneur de Montpellier, pour prandre journée &
accepter les hoftages que le dit Segun devoit baillier pour la
délivrance deffus di(5le, tant alant, fejournant, befoignant &
retournant, du 6® jour d'aouft 1365 jucques au (f jour d'aouft
deffus dit que fon retour fut à Valence, par 3 jours pour tout : fi
comme il appert par les parties des defpens faiz ou dit voiage
efcrips ou dit pappier par les mains des gens du dit fire de
Louppy rendu à court ; montant pour tout monnoie du
Dalphiné, à 24 fols pour florin, 172 1. 4 s. 3 deniers; valent
127 florins i gros, dont font à rabatre pour fes gaiges 25 florins
5 gros & demi ; demeure . . . . loi florins 7 gros & demi.
122. Pour autres defpens fais par le dit fîre de Louppy avec
6 en la compaignie du dit gouverneur de Montpellier, pour le
fait de la délivrance de la vifle d'Ance, pour traié1:ier & acorder
avecques le dit Segun de Badefol & fes compaignons, qui la
dicte ville tenoient & occuppoient. Pour le quel voiage faire à
Lyon & à Ance le dit gouverneur parti des parties du Dalphiné,
à 40 chevaux tant des gens de fon hoftel comme de nobles &
confeilz du Dalphiné, qu'il avoit mandez pour aler à la dicte
journée pour la caufe deffus diète, & vaqua ou dit voiage
avecques le dit gouverneur de Montpellier du premier jour de
feptembre 1365 jucques au 8® jour d'icellui mois inclus, par
8 jours, alant, demourant, fejournant, befoignant & retournant,
pour tout: fi comme il appert par les parties contenues ou dit
pappier efcriptes de la main des gens du dit fire de Louppy
qui les diz defpens faifoient; montent les diètes parties monnoie
du Dalphiné, 24 fols pour florin comme dit eft, 196 1. 2 s.
II deniers tournois ; valent 163 florin 7 gros, dont il chiet pour
fes gaiges 49 florins 2 gros; demeure . . 114 florins 5 gros.
123. Pour autres defpens fais par le dit fire de Louppy,
gouverneur du Dalphiné, en fa compaignie les gens de fon
hoftel à 22 chevaux, meffire Amé de la Mote à 2 chevaux,
mefllre Guy de Morges à 5 chevaux, meffire Alegret de Lorent
à 2 chevaux, meffire Jaques Artaut à 3 chevaux, meffire Raynaud
58 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
Reymond à 3 chevaux, meflire Amblart de Belmont à 4 chevaux,
meffire iMorart d'Arces & Artaud fon fil à 5 chevaux, meffire
Humbert Pilart, Jehan Mathieu & Jehan du Sauze à 6 chevaux,
Jehan Nicolet à 2 chevaux, meflîre Pierre Gale à 2 chevaux,
Goret Gay à 2 chevaux. Jehan du Puy à 2 chevaux, qui font en
fomme fanz les chevaux du dit gouverneur 38 chevaux, pour
aler aux Efchielles fur les limitacions des deux pays du Dalphiné
& de Savoie. Pour le quel voiage faire le dit gouverneur parti
avecques les deffus diz le i-]" jour d'aouft 1366, pour vifiter les
diètes limitacions d'entre les diz pays, & vaqua en ycellui voiage
du dit 17® jour d'aouft jucques au 21^ jour du dit mois que fon
retour fut au Pin par 4 jours, premier & darenier comptez, pour
tout par les parties des defpens efcriptes ou dit pappier faiz à
caufe de ce par les mains des gens du dit fire de Louppy,
montant 117 florins & demi, dont il chiet pour les gaiges du
dit gouverneur 24 florins 7 gros & demi ; demeure ....
82 florins 10 groz & demi.
124. Pour autres defpens faiz par le dit fire de Louppy,
gouverneur du Dalphiné, en fa compaignie meffire Alegret,
meffire Guy Coppier, Guichart & Goret d'Ay, meffire Jaques
Artaut & Sandret neveu, Régnier Coppe, pour aler, par
l'ordenance & mandement de monfeigneur le duc d'Anjou qui
lors venoit ou dit Dalphiné, à Valence & à Eftoille pour la j ournéc
des feigneurs de Vinay & d'Anjou, à laquelle le dit monfeigneur
le duc venoit, par ordenance du Ro}- noftre feigneur, pour en
ordonner. Pour lequel voiage faire le dit gouverneur parti,
lui 32"= à cheval, pour aler à la dicte journée & vaqua en
ycellui, tant pour faire & ordonner les pourveances pour le dit
monfeigneur d'Anjou à Valence & à Eftoille, avecques meflire
Arthaud de Belefemblant, maiftre d'oftel du dit monfeigneur
d'yVnjou, & le lieutenant du treforier du Dalphiné, comme
alant, demourant tSc fejournant & retournant, du premier jour
de janvier 1367; & pour aler au chaftcl de Suireu ', duquel le
I. Aimar de Honssillon, sciffiteur d Anjou, avait /ail remise du châ-
teau de Surieu au i^ouvcrneur Raoul de Luupfy. le (:! janiK i jôO (Arch.
de l'iscre, H. yojr^).
GOUVERNEUR DU DAUPHINÉ 59
débat mouvoit entre les diz feigneurs, du commandement &
ordenance du dit monfeigneur le duc, ycellui mettre en la
main du Roy noftre feigneur & dalphin de Vienne, jucques au
27^ jour de février 1367 enfuivant que fon retour fut à Valence,
pour tout par 58 jours : fi comme il appert par les parties
contenues ou pappier des diz defpens en ycellui efcrips par
les mains des gens du dit gouverneur rendu à court; montent
pour tout 165 florins & demi. •
Pour ce prefent compte ordenner efcrire & doubler deux
foiz en parchemin, & pour pappier & parchemin à ce faire, pour
tout 10 florins.
Summa 584 florins 4 groz.
Summa totalis expenfe hujus computi
11,021 flor. 5 grofs. Dalph.
Reftat quod débet 3,934 flor. 7 gros. Dalph. 2
Auditus Par(ifius) die xij" aprilis CCCLXXIIIJ ante Paf(cha).
125. COMPTE de Raoul, fire de Louppy & gouverneur du
Dalphiné, à caufe de fes gaiges ordonnez à lui pour caufe du
dit gouvernement, c'eft affavoir de 2,000 florins petiz par an, &
de 1,000 florins du dit pois pour caufe d'augmentacion des diz
gaiges de tout le temps qu'il en a efté gouverneur.
Recepte :
De Philippe Gillier, treforier du Dalphiné, en plufieurs parties
acordées avecques lui, fi comme il appert par le 4*= compte du
dit Philippe feni à la faint Jehan 1363
4^772 florins i gros petiz. 5
De lui en parties acordées par fon 5® compte en février 1363
fur fes gaiges 2,250 florins petiz. 4
1 . Radiatur, quia vadia fua, que debent deduci de Ifta parte, afcenduntad
majorem fummam quam faciunt ifte .expenfe, & ideo fufficiant eidem vadia.
2. Ponuntur inferius in computo vadiorum fuorum & fie nichil hic.
3. Capiuntur per 4'um computum dieli Philippi fmitum ad fanSlum
Johannem 1363 & ibi corrigitur.
4. Capiuntur per $^^"^ computum diéli Philippi finitum ad 26^
februarii 1363 & ibi corrigitur.
6o COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
De lui en parties acordées par fon 6' compte feni au
14' d'avril 1363 523 florins petiz. •
Summa : 7? 545 Aor. i grofs. parvi ponderis.
Autre recepte :
De Jehan du Pont, treforier du Dalphiné aprez le dit Ph'e
Gillier, par troiz leôtres données en juing, juillet, oétobre 1364
15542 flor. petiz. -
Summa per fe.
Autre recepte :
De Adam Chanteprime, treforier aprez le dit Jehan du Pont,
acordées par fon prefent compte . . 7,536 flor. 8 petiz groz. 3
De lui en plufieurs parties acordées par fon darrenier compte
feni en novembre 1368 4,500 flor. petiz. 4
Summa : 12,036 flor. 8 grofs.
Autre recepte :
De Jehan de Serify, treforier aprez le dit Adam, par plufieurs
parties acordées & c* . . . . 2,954 Ao^. 5 gros 3 quars. '>
Summa per fe.
Summa totalis recepte hujus computi :
24,078 flor. 2 gros 3 quars parvi ponderis.
126. Defpenfe :
11 eft deu au dit lire de Louppy, gouverneur du Dalphiné,
pour fes gaiges de 2,000 florins par an & mil florins
d'augmentacion à lui ordennez par le Roy noftre feigneur à
caufe du gouvernement du dit Dalphiné, c'eft affavoir du
j^ jour d'octobre l'an 1361 qu'il commença à cxcercer le dit
office jucques au 2^ jour de feptembre 136g qu'il le parti du dit
Dalphiné pour venir en France pour cftre defchargié du dit
gouvernement, & du dit fécond jour de feptembre 1369 jucques
au ro^ jour de décembre enfuivant ex.clus, que monfire
1 . Capiuntur per 6'""^ computum & ibi corrigitur.
2. (vapiunlur per computum di6\i Jo(hannis) finitum in deccmbri
1364 & ibi corrigitur.
3. Capiuntur per primum computum di6li Ade finitum ad _'7" apri-
lis i3<^>7 & ibi corrigitur.
4. Capiuntur per di6lum computum & ibi corrigitur.
5. Capiuntur per computum diôli Jo(hannis) finitum in decembri 13O0
& ibi corrigitur.
GOUVERNEUR DU DAUPHIXÉ 6l
Jaques de Vienne, chevalier, fut ordenné & commis ou dit
gouvernement en lieu du dit fîre de Louppy, ou quel temps
font 8 ans & 63 jours, valent à l'extimacion de 2,000 flor. Dalph.
de gaiges par an & mil florins d'augmentacion
24,587 florins 3 grofs. parv'i ponderis.
Summa expenfarum per fe.
Auditus xix'' januarii CCCLXXV.
Sic debentur dicto domino de Louppeyo
509 flor. cum quarto unius grofll.
Et débet pro flne computi fui, de pluribus viagiis per eum
faclis temporc quo fuit gubernator, ibi fupcrius immédiate
futi 3,934 flor. 7 grofs. Dalph.
Reftat quod débet 3,425 flor. 6 grofs. cum 3 quart.
Et debentur dicto dno Radulpho inter débita thefauri
de termino Nativitatis Domini 1375 pro fine compoti fui ordinarii
vadiorum fuorum ufque ad 15" novembris 1375, prout conftat
per cedulam dicti thefaurarii datam 28* die januarii 1375, 1218 1.
12 s. 3 d. p., valent 1,523 1. 5 s. 3 p. t. '
Solvitper cedulam thefauri, datam die 29" januarii 1375, pro
partibus tornatis 1.218 1. 12 s. 3 d. p.; valent 1,523 1. 5 s. 3 den.
3 p. tourn., franco pro 20 s. t.; faciunt computando 5 francos
pro 6 flor. dalphinalibus . . . 1,827 flor. 11 grofs. Dalph.
Summa per fe.
Reftat quod débet 1,597 ^o^"- 7 ë^^^ > quars parvi ponderis.
Super qua refta diclus dominus de Louppeyo petebat- flbi
deduci fumma 1,000 mutonum auri, eidem data per dnum
Regem pro tempore quo erat regnum regens, per ejus licteras
datas 2V februarii 1357, capienda fuper rachatis, quintis
denariis, forefacturis & manibus mortuis bailliviarum Viro-
mandenfl, Vitriaci & Calvimontis : de qua nuUam habuit
fatiffacionem. Item dicebat quod fibi debebantur 3,000 flor.
dalphinalium pro dono fibi facto pro tribus annis, videl. pro
quolibet anno 1,000 flor., ultra vadia de 2,000 flor. & augmen-
tacionem de 1,000 flor. dalphinalium : de quibus 3,000 flor.
nundum fuerat fibi fatiflaclum, prout conftabat per ficleras
I. Radiatur & liet per thefaurarium.
02 COMPTE DE RAOUL DE LOUPPY
di(5li doni datas 13" die junii 1366, continentes 1,000 tlor., & per
alias licleras datas 26^ aprilis 1368, pro 2*^"^ annis 2,000 flor.
Dominis compotorum econtra dicentibus quod licl:ere donorum
predictorum nunquam fuerant expedite per cameram, eciam
nimis tardaverat ad requirendum expedicionem earumdem.
Tandem concordatum fuit cum diclo domino de Louppeyo, die
audicionis liujus computi, per dominos predictos, aftantibus ad
bm'ellum dnis Antiffîodorenfi ', H. de Rocha, B. de Claufo,
Thoma Tornatoris - , Reginaldo de Coulombo , Petro de
Caftro, A. Raymondeti, Philippe Ogerii 5 et G. Hametel, quod
pro omnibus donis predictis, de quibus liclere retente fuerunt
in dicta caméra & ponuntur cum licteris primi compoti
luperius futi, dictus dominus de Louppeyo remaneret quitus
de predicta refta de 1800 & c% & Rex erga eum de dictis donis
& fie quictus.
Quia vero dictus dominus de Louppeyo indebite oneratus
fuit fuperius in recepta hujus compoti de 200 francis quos
pridem receperat a Renero Coppe, exactore generali fublidii
Dalphinatus pro dno Gontero de Balneolis, fuper quodam
dono de 500 francis tune facto per dnum Regem eidem dno
Gontero, capiendo fuper dictum exactorem ; de quibus 200 franc.
dédit eidem Renero liéteram fuam & quos dictus dnus Gonterus
recepit a dicto domino de Louppy, prout conftitit per licteram
fuam recognitionis, quam idem dominus de Louppy reddidit
dicto Renero nec fuam recuperavit ab eodem. Et quia virtute
dicte lictere recognicionis ejufdem dni Gonteri dicti 200 franci
tenent locum eidem Renero in computo fuo dicti fubfidii, prout
conftitit camere per refcripcionem auditorum compiitorum
dalphinalium de ordinacione dominorum facta ad burellum
6" no(vembris) 1378, dicta fumma de 200 francis redditur hic
eidem domino de Louppy pro eodem 200 franc, llabuit
ccdulam teftimonialem de dicta fumma & alîignacionem fuper
thefaurario Dalphinatus 9" novembris 137B. 1
1. Nicolas d'Arcis, cvûque d'Auxerre de i ^y 2 à i ]j6.
2. Thomas le Tourneur, archidiacre de Tournay et secrélairc Jii roi
(Mandcm. de Charles V, p. 1030'^).
3. Philippe Ovier. secrétaire du roifibid.. p. loib'-').
4. Poncndub cum non futis ab Afcen(cione) Domini 1373 citra.
'-■r -v* "^^ ^r -^^ •«;;» -^-^ fr- ■t^
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ÏTÏNERALRE
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ANNE ET HUMBERT I".
Par son dernier testament (1267) Guignes VI avait formel-
lement substitué, comme héritière du Daupliiné, sa fille
ainéeàson fils, au cas où celui-ci décéderait sans postérité :
de ce chef, audauijhin Jean l'-"" succéda sa sœur Ann^ mariée
depuis le 31 août 1273 à Humbert de la Tour. Quatrième fils
d'Albert III, seigneur de la Tour, et de Béatrix de Coligny,
Humbert fut d'abord chanoine de Paris, chantre de Lyon
(conf. 5 mars 12ô3) et doyen de Vienne (1268-70). A la mort
de son frère Albert IV, fl devint seigneur de la Tour et de
Coligny, par la cession des droits partiels de ses deux autres
frères, Guy, évèque de Clermont, et Hugues, sénéchal de
Lyon, et de sa belle-sœur Alix (mai 1273); il héritait en
même temps de la dignité de sénéchal fojficium senesealciœ)
du roj'aume d'Arles (et de Bourgogne), qui lui fut confirmée
par les rois des Romains Rodolphe (1 juin 1278, 4 mai 1291)
et Albert (2'.» mai 1305).
Son premier acte en Dauphiné fat de jurer, nomnie Annœ,
comitissœ eomitatuam Viennœ et Albonis, et dominœ de
Turre et de Color/niaco, le maintien des libertés de la ville
de Grenoble (3 o6t. 1282)'. Tous les soins du prince consort
tendirent à conserver intacts les droits de la dauphiné et à
agrandir ses possessions. Dès le 4 févr. 1281, le duc de
Bourgogne, Robert II, avait obtenu du roi Rodolphe I"
l'inféodation de tout ce qui pouvait leur revenir sur le Dau-
phiné par Siiite de la mort du dauphin Jean, sauf les droits
de Béatrix de Savoie; Humbert sollicita immédiatement et
obtint (17 mars) un sauf-conduit pour se rendre auprès du
roi des Romains, alors à Baden. Les deux contendants s'en
remirent ensuite à l'arbitrage du roi de France, qui enjoi-
gnit au dauphin de payer au duc 20.000 liv. tourn. à Lyon
(15 sept. 1285); l'accord ne fui définitif qu'à la suite d'une
nouvelle convention entre les parties et d'une sentence de
Pliilippe le Bel, qui venait de succéder à son père (25 janv.
12^(Jj.
Poussée sans doute par son nouveau mari, Gaston de
Béarn, la mère d'Anne, Béatrix, fit de son côté valoir sur
les comtés de Vienne et d'Albon des prétentions qui furent
réglées par une transaction solennelle du 15 déc. 1284,
suTvie d'un échange de châteaux (30 juil. 1286); elle donna
ensuite à Hunibert son fief de Gex et lui fit remise de sa dot
(10 nov. 1287). Après la mort île Gaston, pour dégager son
gendre de l'hommage que réclamait de lui le comte de Savoie
à raison des baroniiies de la Tour-du-Pin et de Coligny, elle
consentit à tenir en fief d'Amédée V le Faucigny (27 mai
120.3); cédant plus tard à une invitation affectueuse du roi
de France, elle donna en propriété cette même baronnie au
dauphin pour un de ses enfants (15 sept. 1295). Elle finit
mètne par lui faire une donation générale de tous ses biens
paternels et maternels (11 août 130.3).
Comme compensation aux terres cédées au duc de Bour-
gogne et aux frais de guerre subis par Humbert, Anne lui
assigna un revenu de 5.030 liv. et les meilleurs domaines
de ses états; en cas de survie elle devait rentrer en posses-
sion de son héritage, auquel son mari ajoutait la baroniiie
de la Tour (8 déc. 1285 et 13 janv. 1287). Ils assurèrent de
bonne heure à leur fils aine leur succession, par une série
d'actes qui seront indiqués dans la notice de Jean II.
En récompense de sa fidélité à l'Empire, Humbert reçut
en f\Ciï(feo(lum) du roi liodolplie I""" le château de Montélimar
(12 mai 1280); celui d'Orange (Aurayeaj lui fut pareillement
concédé par Albert I", mais avec cette clause : si. ab eo qui
Ipsum nitne possidel bono eijusto modo conquœrere potsris
(29 mai 1305). Dans rintervalle le dauphin acquit successi-
vement : l'hommage d'Aimon de Boczosel (19 fév. 1201) ; C(dui
de Raymond de Mévouillon pour sa baronnie (10 juil. 1203),
qu'il dut néannioins recoiinxitre en fief de l'évèriue de Va-
lence et Die (0 août 12 ))); et cel li d'H ig l'^s A Ihéai ir pour
la l):ironnie de Vloataubui (3 m irs IdJ)), d >nt il acIiMa plus
tard la propriété ( îl août \i)i), sans en avoir encore pu
obtenir délivrance Ie8 nov. 13)1; le château 'le Valré.is, que
lui vendit Roncelin de Montauban (15 juil. 1291); la terre de
Visan, que lui do ma Béatrix de Mévouillon (7 août 1291) et
pour laquelle Humbert paya 4.090 liv. (28 suiv.l et donna le
château de Pisançon et le péage de Saint-Paul pour 4.000
autres (29 juin 1296) à Raymond de Mévouillon; et le château
de Cornillbn (en vallée d'Oulle), que lui vendit ce dernier le
30 nov. 1-392. Des le com* de février 1295 le dauphin négo-
ciait l'achat de Mirabel, Nyons et Vinsobres; le 17 fév. 1303,
il donna en fief Vinsobres à Guillaume de Plaisians et, le
:U) sept. 13,01, il en appela à l'empereur ou au pape de l'in-
jonction que lui faisait l'archevètpie d'Arles de remettre ces
cljâteaux à l'abbesse de Saint-Césaire.
Dans un voyage à Paris, à la Un de 1294, Humbert fit avec
Philippe le Bel un traité d'alliance contre le roi d'Angleterre
et le Cf)mte rie Savoie (4 oct.); peu a|)rès, lui et son (ils ainô
remlin^nt hommage lige au roi do France, qui leur donna
10.000 liv. de gratification et 500 de rente annuelle (déc.)
I
— 3 —
Incapaljle de prendre personnellement part aux guerres de
Flandre de 1302 et 1304, pour lesquelles il lut mandé, il se
fit représenter par ses fils Jean et Guy.
L'accroissement du domaine delphinal ne s'était pas pro-
duit sans malversations et méfaits. Sans parler de son état
fréquent d'hostilité avec la maison de Savoie, Humbert fut
excommunié par le pape pour avoir pressuré ses sujets en
établissant de nouveaux péages et la gabelle (8 mai 1280); il
le fut ensuite par l'évèque de Genève, comme coupal)le
d'avoir attaqué sa ville épiscopale, incendié ses faubourgs
et pris le château de Thiez (26 sept, et 21 oct. 1291); peut-
être encore par l'archevêque d'Arles (30 nov. 1300).
D'après l'opinion la plus modérée (Vai.b., t. 1, p. 262), le
dauphin s'était retiré à la chartreuse du Val-Sainte-Marie
dès la fin de 1306 : l'itinéraire qui suit fera justice de cette
légende; car, en admettant avec le même auteur qu'il y est
mort vers le 12 avril 1307, il n'y aurait résidé que deux jours
depuis son codicille (inédit) du 10. Le Nécrologe de Saint-
Robert mentionne son obit au 18 de ce mois (XIIII kal. niaii,
Humberius dalphinus, qui obiit W^ Z)' M" CCC° Vil") ; ce doit
être la date de son enterrement, d'après les actes d'hom-
mage rendus ce même jour à son successeur, illustri viro
d. Humberto.... inelitœ recordationis ciam xinicersœ carnr's
ingresso et ejus corpore tradito ecclesiasticœ sepulinrœ. En
tout cas, la tlate de rinscri[)tion de Salettes (XIII kl. mail =
19 avril) est certainement inexacte.
De son épouse Anne, dont on ignore la mort (le dernier
acte où elle figureest du l'='"aoùt 1300), le dauphin eut (quatre
fils et cinq filles : Jean, qui lui succéda; Hugues, fiancé à
Agnès de Savoie (l" janv. 1296), émancipé par son père et
avantagé du château de Montbonnot et de la maison-forte
de Montfort le 3 fév. 1298, mis en possession de la baronnie
de Faucigny par ordre de son aïeule Béatrix, à Bonneville
le 2 janv. 1304, épousa Marie, fille du comte de Savoie
Amédée V et de Marie de Brabant, le 9 sept. 1309, fit dona-
tion de tous ses biens à son frère Jean le 29 nov. 131."), la
renouvela à ses neveux Guignes et Humbert le 21 fév. 1322,
et mourut le 3 juil. 1329; Guy, compagnon de son frère dans la
guerre de Flandre (1302), gardier deLyon (août 1307), baron
de Montauban, capitaine général en Lombardie (22 fév. 131 1),
nommé roi de Salonique à Thèbes le 26 mars suiv., avait
épousé Béatrix, fille de Bertrand de Baux d'Avellin, dite
Pontessona : il te,sta à Causans le 23 janv. 1318 et décéda le
25 s.; Henri, dont il sera question dans la notice de Gui-
gnes VII; Alix fAIasia, Alai/sia, Al.isiaj, fiancée au comte de
Savoie Amédée V (1'^'' janv. 1296), fut mariée à Jean I", comte
de Forez, à Vienne le 28 mars suiv. et mourut vers 1311;
Marie épousa Aimarei, petit-fils d'Aimar III, comte de Valen-
tinois (13 juil. 1297), devint après la mort de son mari prieure
de Salettes (1331) et vivait encore en 1355; ^Marguerite fut
mariée à Frédéric, fils aine de Mainfroi IV, marquis de Salu-
ées, par procuration du 14 août 1302 ; Béatrix épousa Hugues,
fils aine de Jean, sire d'Arlay, le 13 fév. 1303, présida le co'nseil
delphinal avant le retour d'Humbert II (4 aoùt-11 oct. 1333)
et mourut à Cuiseaux le 10 juin 1347; Catherine, mariée
par son frère Jean à Philippe de Savoie, prince d'Achaïe
(3 mai 1312), était veuve en 1333.
— 4 —
Jusqu'au G déc. 128.") la suscription des chartes du dauphin
porta : Humbertits dalphinus Viennensis et Albon/s cornes
dominusque de Turre et de Cologniaeo ; dès le 30 juil. 1286,
il abandonna définitivement le titre de baron de Coligny.
Humbert se qualifiait-il « dauphin, comte devienne et d'Al-
bon, » ou « dauphin de Viennois et comte d'Albon » 2^ Voici
des textes formels en faveur de la 1'"'' interprétation : Hiim-
bertiis Dalphini, cornes Vienn. et Al boni s ; H. D-i, V. et A.
c; H. dalphinus, A. et V. c; H. d., e. V.et A.; H. d., (V. et
A.) comitatiuun c: Hiunbers darpJiins et coins d'Arbons et
de Viennois (et même H. daujins, de V. et d'Albnni cuens);
H. donne à son fils Dalphinatum et coniitatus Vien. et Ai-
bonis; il a un juge coniitatus V. et A.; Anne omet parfois
son titre de dalphina et se dit simplement Vien. et Albon.
comitissa. En voici néanmoins d'autres qui justifieraient la
2*^, mais aucun n'émane du dauphin lui-même : Humbertus,
dalphinus Viennensis ; //., eonies A/bonis ac d. V.; H-t dau-
phin de Viennois; dalphinatus Vienncn. et comitatus A. 11
n'est pas sans intérêt de remarquer que dans quelques piè-
ces originales son nom est écrit Hijnibertus et Inibertus.
La chancellerie d'Humbert a continué de prendre le com-
mencement de Tannée à Tlncarnation, quelque soit 1 expres-
sion employée : anno Domini, Inearnationis Dominicœ ou
Incarnati Verbi. La clef du système suivi à cette époque me
semble donnée par un actedu29oct. 1300, scellé de la bulle
en ])lomb de Raymond de Mévouillon : surnpto millesimo
cjuoad indictionèni et Inearnationeni siniul in Annunciatione
Doniinica; et confirmée par nn français instrumentant à
Vienne (20 mars 1303) : est seiendum quod data incipit in
Annunciatione Doniinica, seeunduni eonsuetudineni ecclesiœ
Viennensis. Le style de la Nativité est employé des le
13 aoiit 1292, dans un acte de Sibylle d'Aix, dame de Saintc-
Jalle.
1264
Août, Saint-Etienne
Treffort.
1207
Septembre 13.
1268
Juin 25, Vienne.
Novembre 2, Vienne.
1270
Février.
Décembre 29.
sous
Mars 0.
Juillet 29.
1271
1272
1273
Mai.
Août 31, Màcon [Mastico).
Septembre.
1274
Janvier.
Octobre 25.
1276
Juillet 31.
Septembre 21 ; 22.
Octobre 7.
1277
Janvier 18,
Septembre 22.
Décembre 4; 18, Moidi(;u
(Moi/dies); 28; 29, Vienne (in
donio de Muriana Juxta claus-
truni S. Mauricii).
1278
Mars 30, Vienne {in capit.
FF. Minorum); 31.
Novembre 11,
1279
Février 28.
Mars 29.
Octobre 3, Saint-Sorlin f^S".
Saturninus de Cucheto, Ain);
12, Bourgoin (Buvfjand.iuhi).
Décembre 10.
1280
Mars 7.
Septembre.
1281
1282
. Juillet G, Saint-Lattier (S.
EIeuteriiis);2S)1
Septembre 21, Boiineville?
Octobre 3, Gretiolde (cloitre
de St-André); 20, Romette.
Novemljrc (i, Oulx ; 21,
Grenoljle.
Décembre 22, (Greiioldc?i
1283
Février 1; 11, (Le Puy).
.luin iS, (Vienne).
Juillet 2; 7; 11, Romans.
AoùtO, Vienne; 7; 12, Vienne.
Septembre, Saint-Sorlin iS.
Saturninus de Cucheto i; 11 ;
26, 27, (Vienne).
Décembre 21; 30, Clia1)euil.
1284
Janvier 20, Saint-Sorlin.
Août 10, Vizdle.
Novembre 7, (Grenoble?)
Décembre 15, prés Pont-
charra sous Av'alon; 17, Vi-
zille; 29, Saint- Vallier.
1285
Janvier 21, Saint- Vallier.
Mars 28 ou 31.
Juin 3.
Août 10/7.
Septembre; 28, La Balme
en Viennois.
Novembre 9.
Décembre 0; 8, (Lvoni')
1286
Janvier 2h, (Paris).
Février, (Paris i*)
Mars 27.
Avril 0.
Juin .3.
Juillet 30.
Août 0; 18.
Octobre 11.
1287
Janvier 7; 1.3, Vienne {in
domo S. Gervasii).
Février 1, ^'ienne; 10; 2"),
Vienne.
Mars.
Avril 8, Saint-Vallier (in
efanstro) : 12, Vienne (in domo
S. Gcrcasii); 22, Saint-Serlin
(S. Saturninus de Cucheto).
Mai 10, Saint-Vallier.
Juin 11.
Juillet 1, Lyon; 8, Cri.sin-
ciacum; 12, Ll.
Novembre 13; IS, 20, 22,
x\nnemasse (Haute- Savoi(M;
21, 27.
Septembre 25, Brianeon ;
27, Embrun.
Octobre 9, Grenolde; 20.
Décembre r? ; 29, Montmiral
(ap. Montent Miratum, inj'ra
fortalie.); 30.
1288
Janvier 3; 21, 25, Lyon.
Mars.
Mai ; 13, Vienne (in domo S.
Gervasii).
Juin 19.
Juillet 5, Saint-Lattier (S.
Eleuierius).
Décembre 16.
1289
Mars G.
Mai 10; 25, Grenoble.
Juin 20, Contamine; 27.
Juillet 4.
Septembre 23.
Octobre 10, 17, Vienne; 30.
Déceml)re 9, Vienne (in
domo S. Gervasii).
— n —
1290
Janvier D , La Balme en
Viennois; 13, Bonnevilleprès
Faucigny; 24.
Février 1, Crest (Crista).
Mars 7, Saint-Sorlin (S.
Saturninus de Cucheto).
Mai 18, (La Tour-du-Pin).
Juin 25, Lvon,
Juillet 1, Vienne; 22, 23.
Août 2; 6.
Septembre 1, « Bornete ».
1291
Février \[), Pont-de-Cliéruy
{supra pontem C/tarujjsii dic-
tiim d Amer) ; 27.
Mars 22; 31, Grenoble.
Avril 1, Grenoble; 3, Cor-
nillon (Currdllio in Greysi-
raudano);!; 10, 12, Grenoble;
15; 21, La Balme l'Vn Vienneij-
sio);2C>, Sallanches.
Mai 4, Morat (Muratum).
JulnO; 30, L}*on [in domo
dalphinl voc. Coloniez).
Juillet 23; 20, Grenoble (/n
domo d al phi ni).
Août 18, 10, attaque Genève;
en Faucigny, prend chat, de
Tliyez {Tetjz, Tez) sur territ.
de Sallaz.
Octobre 3, Vienne.
Novemljre 2r3, 28.
Décembre 4.
1292
Janvier 1, Romans.
Mars.
Juin 12 , « ap. Burinam
Vien. » (La Balme?)
Juillet 13, Vienne (m domo
S. Gcrcasii); 14; 23, 20, Vienne.
Août 20.
Septembre 30.
Octobre.
Novembre 18; 23, 21, Gre-
noble.
1293
Janvier 22, Cliabeuil {Ca-
Ijiolam).
Mars 7, La Buissière [Bu-
xoriai.
Avril 2.") .''; 27, Embrun ? ; 28.
Mai 2u, 27, Saint-Jean-de-
Moirans (hospit. S. Johannis
inter Voj/ronem et Moijren-
cuni).
Juin 20, (Clermont'i'i; 2G.
J uil. 10, Chabeuilf Ca6eo/am)
Aoùtl, Mévouillon.
Septembre, Grenoble.
Octobre 7, (Saint-Antoine?)
Novembre 21.
Décembre 13; .'.1.
1294
Février.
— , Beauvoir en Rovans.
Avril 14; 20.
Mai 20, Grenoble (in domo
nova dalp/iitii).
Juin 8, 24, Beauvoir (Belli-
visas, Belliunvidere in Roay-
niis).
Juillet 1, Romans; 7; 15.
Août 7?; 23; 28;?
Septembre 19, Embrun ?; 30.
Octobre 2; 4, Paris.
Novembre 8, La Balme en
Viennois.
Décembre, Paris.
1295
Février; 5; 21, Grenoble.
Mars 2.
Avril 8, Vienne; 27; 28,
Grenoble (domas palacii dal-
phin.);2\).
Mai.
Juin 23, Saint-Hilaire(-du-
Rosier, S. Ylarius).
Juillet 12, 13, 21, 23.
Août 1; 9, Romans (aida
arr.hicpiseop.)
Septembre 21.
Octobre 3.
Novembre 12.
1296
Mars 25; 28, 29, Sainte-
Colombe (an. Viennam, in
domo FF. Mitior. dira Roda-
nu m in rerjnoj.
Avril 23'.
Mai 9, (Grenoble?); 22, Vais
(c"« de St-Uze, apiid VaUem):
31, Vienne.
Juin 2, 3 ; 29, La Baume
(-d'Hostun, Balma) en Ro-
yans.
Septembre 1; 15, (Saint-
Robert sous Cornillon en
Graisivaudan).
Novembre 21, Valréas (Val-
riaci, in domo forestarie FF.
Minor.)
Décembre 4; 5, Valréas
dbid.); 2G.
1297
Janvier 9, Chabeuil (Caheo-
lum).
Févr. 8, La Balme en Vien-
nois; 15.
Avril 3, La Balme tle Tile
de Crémieu.
Juin 30?, Cornillon ( Gar-
ni II io).
Juillet 5; 13, Grenoble.
Août 1, Beauvoir (Bellum-
nisum); 19.
Octob, Beauvoir; 23, Ni mes
(Nemausiam).
Novembre 1, Valréas; 10,
Vali; 14; 18, Monibonnot; 25,
27, Valréas (Valriacum).
1298
Janvier 8, Upaix {Upasii,
ante palaeium).
Février 3, Montbonnot {ap
Montent Bonoadiun , infra
fortalie.)\ 10, 17, 20, Grenoble.
Mars 14, Beauvoir {Bellam
Videre).
Juin 17, Lyon (Lngduniy, 25.
Août 8, (Bourgoin?)
Septembre 3, "Die (Dia); 7;
28,Monthonnoi(Montbonouty,
30, La Balme en Viennois.
Octobre 20, La Balme; 29,
Vienne , abb. de St-Pierre
hors la porte.
Décembre 7.
1299
Février 23,
Mars 4.
Mai 4, La Tourf-du-Pin,
Turris).
Octobre, (Salettes?)
Novembre 7, Quirieu ; 1 !, 10.
Décembre.
1300
Février 1, Saint- Vallier (in
domo prior.); 3.
Mars 2, Le Puy?); 21.
Mai; 4, St-Laurent ; 5, Gre-
noble {prior. S. Laurentii)\
11, 15.
Juin 21.
Juillet 4, G, 9, 20?, au siège
de Mérindol ; 21 , Moirans
{prior.) ; 28, Grenoble ; 30.
Août 1, (Saint-Robert?)
Septembre 5, bastide del
dure, territ. de Sisteron près
de la Durance; 12.
Novembre 25, Romans [in
domo FF. Minor.)
1301
Juillet 3, Planaise (Plarjnia,
Plaiijnia) sur l'Isère, près du
pont de Montmélian ; 12.
Août 24, La Balme.
Septembre 12.
Octobre 5, 21, La Balme.
Noventbre 28, La Balme (m
insida Charusii).
Décembre 3; 22, Lyon; 20.
1302
Janvier 4, ile de Chéruy.
Mars 5.
Juin 8; 18; 25, Vienne (in
gen. ca/)itulo);2{), 21, 2'3.
Août 13; 14, La Balme dans
nie de Crémieu ; 31.
Novembre .30.
1303
Janvier (22, Tournus, Tor-
nutumf)
Février 13; 17, Aubenas,
hôpital de Saint-Antoine; 23.
Mars 4 ; 20, Vienne.
Avril 17; 18, Pisançon; 19.
Mai 7.
Juin 13, (Serves?)
Juillet Kl, 18, 20.
Août 5, 14.
_ 8 —
Septembre 0, Briançon.
Octobre 12, Chorges [Catu-
ricœ).
Novemlire li.
1304
Février 14, Valréas?
Mai 5; 15, 16, Baix (c"« St-
Baudille, in insala de Cha-
roijs, loco vulgaliter appell.
Boi/s);3\.
Juin 11, 12, 21.
Septembre 11, Briançon ; 30,
Valréas {donius prior.)
Octobre 21.
1305
Avril 23.
Juillet 21, Lyon.
Septembre i(5, Grenoble.
Octobre 13 , Saint-Vallier
(prior.); 10, Saint-Albani-du-
Rhône), mandeni' d'Auberive
{Albarippa).
Décembre.
1306
Février 23, Anneyron (mais,
de St-Antoinc).
Mars ti, 31, Anneyron (Ga-
nero, Eynaro), rloin. helemo-
sim S. An t h on a ; IT, Serves
(Cercya); 23, Saint-Donat; 21,
Serves.
Avril
17, Cornillon en
Graisivaudan; 21, 25,27, Gre-
noble (virid. FF. Prédicat.);
28, 29, Moirans {dora. FF.
Minor.)
Mai; 2, Grenoble?; 11, Ser-
ves?; 15.
Juillet 11, 13, 31, Vais {ap.
Vallem).
Août 1(), Moirans {doni. FF.
Minor.); 31, La Balme {in
insida Crimijaei).
Septembre 8, 15, 16, La
Balme; 30, Saint-Romain(-de-
Jalionas)?
Octobre 4, Lyon {dom. de
Roijné)1\ 0, 1(1, 13, Serves
{Cervua).
Novembre 25, Saint-Lattier
[S. Heleaterius) ; 26, Romans?;
20, 30, Cornillon iCurnill.)
Décembre; 5, Cornillon; 10,
Moirans?; 14, Vienne (.dom.
da/phini ap. S. Gervasium).
1307
Janvier 5, 6, Saint-Donat ;
13, Moirans fMoi/r., refect.
FF. Minor.); 22, Saint-Ram-
bert(5. Rai/mberias); 27, Vais ?
Février 1, Chabeuil {Cabeo-
lum); 11, grange du Cosnier
{de/ Coijfjne) ; 11, Chabeuil ; 15.
Mars 12, Serves [Cercia);
13, Chabeuil.
Avril 10, chartr. du
Sainte-Marie.
lu Val-
M^iè^
&:
-}4>:--î^--}^--K*î{--:^î>:--:=^>!->^--K♦>-K9>:-•^.;:-■KiV!--«f,^-ki^..^^
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ÏTÏNÉRAÏRE
JEAN II.
Le jour même de la mort du dauphin Jean I" (21 sept. 1282),
sa mère Béatrix fit don de tout ce qui lui venait de l'héritage
de son père Pierre de Savoie et de sa mère Agnès de Fau-
cigny au fils aine d'Humbert et d'Anne, Jean de la Tour,
« in gremio » du bailli impérial de Bourgogne, Hartmann
de Baldeck. Le jeune prince avait moins de dix ans et
demi (1) lorsque son père en l'émancipant lui céda labaron-
nie de la Tour « citra Rodanum » ; sa mère lui transféra
pareillement le Dauphiné et les comtés de Vienne et d'Albon
(9déc. 1289i. Cette donation fut solennellement renouvelée à
Vienne, avec réserve d'usufruit et substitution éventuelle
à^Hugonet et Guiot, en présence du roi de Sicile, de cinq
prélats et de la noblesse dauphinoise (13 juil. 1292;; Charles II
l'approuva par un acte spécial le 31 déc. suiv. (1293 v. st.)
Dès 1294, Jean avait un sceau personnel. Anne lui transmit
encore, de la volonté de son mari (cariss. consortis nostri),
le comté de Gap (lofév. 1297); l'un et l'autre le constituèrent
enfin, le 2ô nov. suiv., en pleine jouissance des comtés de
Gap et d'Embrun, dont il prit désormais les titres. Le comte
de Provence et Forcalquier lui enjoignit de prêter hommage
à l'archevêque d'Embrun, avant de le recevoir de ses vas-
saux (28 mars 1298).
(1) Valboxnais dit que « Jean n'avoit environ que neuf à dix ans »
(t. I, p. 239). Mon calcul est basé sur les données suivantes : le
24 juin 1294 il avait plus de 14 ans, le 9 août 129.") plus de 16, le
5 sept. 1300 plus de 18 et moins de 25 : il était donc né entre le 24 juin
et le 9 août 1279.
— 10 —
Par contrat du 25 mai 129(1, Jean l'ut fiancé à Béatrix
(septennio minor), fîlle ainée Je Charles Martel, roi de Hon-
grie (y 1205), qui était sous la tutelle deson aïeul, Charles II,
roi de Sicile; la dot était fixée à 20.000 liv., dont Humbert
donna quittance le 20 févr. 1298. Charles II y ajouta le châ-
teau de Serres, etc. en fieC (3 juin suiv.); de son côté, l'em-
pereur All)ert, par considération pour sa nièce (fille de sa
sœur Clémence de Habsbourg), étendit à la baronnie de la
Tour les privilèges du Dauphiné (31 mai 1305).
Jean, comte de Gapençais, prit part au siège de Mérindol
en juil. 1300, puis, de concert avec son frère Guiot, à la 2*^
campagne de Flandre de 1302 (aoùt-oct.) : il dut être armé
chevalier à cette occasion, car je ne le rencontre pas qualifié
de miles avant le 13 févr. 1303". Il retourna en Flandre l'an
1301 et se trouvait devant Lille le 23 septembre. L"année
suivante, il fit campagne contre la Savoie avec son cousin
germain le comte de Genève Ainédée II; ils s'emparèrent
des maisons-fortes de Villette près Genève (10 juin 1305) et
de Brouz (18 s.) Le futur dauphin fut moins heureux en 1300 :
le comte de Savoie Amôdée V lui reprit le château d'Entre-
mont et fit éprouver de grandes pertes à ses troupes dans
les défilés de la Chartreuse (octob.)
Aussitôt après les funérailles de son père (18 avril 1307), la
noblesse dauphinoise s'empressa de lui prêter hommage;
dans celui qu'il rendit lui-même à l'évèque de Grenolde (le
21), il est traité de magnijicus et potens vir aJtœ sereniiatis.
Henri VII, roi des Romains, confirma à Jean II les privi-
lèges accordés par l'Empire à ses prédécesseurs (30 mai 1309),
piTis le nomma un des six ambassadeurs chargés d'obtenir
du pape Clément V la reconnaissance de son titre et son
couronnement (2 juin) ; le dauphin prêta serment pour lui à
Avignon le 20 juiï. suiv. Sur la promesse qu'il fit au roi de
le rejoindre à sa descente en Italie et de servir sa cause
avec 100 hommes d'armes pendant six mois, il ol^tint l'auto-
risation d'établir un péage à Aul)erive comme à Serves
(1" sept. 1310). Ses frères Hugues et Guy prirent seuls part
à l'expédition; le baron de Montauban conclut à Milan, au
nom du dauphin et au sien, une ligue avec Philippe de
Savoie, prince d'Achaïe (10 févr. 1311). Couronné empereur
à Rome, Henri dispensa le dauphin de toute fidélité envers
Rol)ert, roi de Naples (17 juil. 1313), qui venait d'être mis au
ban de l'Empire par la diète de Pise : loin de se déclarer
contre son oncle, Jean fit avec lui pour six ans un traité
d'alliance contre le comte de Savoie (13 févr. 1311). A la suite
de trêves signifiées à celui-ci et au dauphin par l'archevêque
de 'Vienne a'u nom du Pape (30 oct. 1312), les deux princes
transigèrent sur leurs prétentions réciproques (10 juin 1314)
et s'unirent peu après pour la conservation du royaume
d'Arles (17 oct. suiv.)
Aux concessions de son père en faveur des dauphins
Philippe le Long ajouta une rente de 2.000 liv., qui fut assise
sur (les terres en Auvergne (10 août et 27 oct. 1310, 10 juil.
et 15 nov. 1317). Jean II fut mandé par le roi ])Our se rendre
à Màcon à la mi-aoùt 1317 avec " 300 armures de fer "; il
fut de nouveau convoqué à Toulouse le 2.5 déc. 1318. Son
beau-frère Charobert, roi de Hongrie, lui donna procuration,
le 22 févr. 1317, pour retirer des mains de leur oncle Robert
— 11 —
la principauté de Salerne et le fief {honorem) de JMontsan-
tangelo; la même année il le pressa de lui envoyer un de
ses fils, ut ipsum in regno suo provideret.
Jean continua pacifiquement l'agrandissement de ses do-
maines : Humbert V, sire de Thoire-Villars, reconnut de lui
en fief les châteaux de Villars et de Poncin (19 oct. 1308);
Guillaume III, comte de Genève, pour se mieux défendre des
comtes de Savoie, lui fit hommage de toutes ses posses-
sions, moyennant 15.000 liv. (IG juin 1316); Geoffroy de
Clermont en fit de même pour ses terres (20 avril 1317); enfin
Raymond de Mévouillon, sur le point de faire le \oyage
d'outre-mer {intendit., transfretarc), lui céda en toute pro-
priété sa baronnie (2 sept. 1317).
Il n'est jamais question de la dauphine Béatrix de Hongrie
dans les actes de son mari. Elle lui donna deux fils : Guignes
et Humbert, qui succédèrent l'un après l'autre à leur père ;
une fille, Catherine, naquit entre le testament du dauphin
(20 août 1318) et son ]" codicille (10 fév. 1319). Jean II décéda
au Pont-de-SorgU'3s le 4 mars suiv. (Xécrol. de Saint-André
et du Parlement de Grenoble), âgé d'un peu moins de qua-
rante ans. A la nouvelle de sa mort, le 9, sa veuve, qui était
à La Balme, se dépouilla de tous ses biens en faveur de ses
fils et se retira immédiatement à l'abbaye de Laval-Bressieu,
ordre de Citeaux: elle y fit don, le 29^ de ses joyaux pour
une valeur de 3.000 liv. "aux dominicains de Grenoble. Elue
plus tard abbesse, elle résigna cette charge le 15 févr. 1310
et choisit pour nouvelle retraite l'abbaye'des Ayes (19 avr.
suiv.) Elle en sortit dans la suite et Humljert'll, partant
pour la croisade, lui assigna pour demeure le château de
Beauvoir (2 sept. 1315); il fonda encore pour elle un monas-
tère cistercien à Saint-Just-en-Royans (25 oct. 1319) : c'est
là qu'elle mourut en 1351.
La suscription des chartes du dauphin Jean II est conforme
à celle de son père : Johanne.s dalphinus Viennensis et Albo-
nis cornes dominusqiœ de Turre; on trouve cependant J-s
d., c. V. et A. et J. d., c. V. Sa chancellerie resta fidèle au
style de l'Incarnation, bien que l'usage de celui de la Nati-
vité devienne plus fréquent, surtout à Grenoble.
4282
Septembre 21, Bonnevillc.
1289
Décembre 9, Vienne.
1292
Juillet 13, Vienne.
Octobre 28, Anneyron(T7en-
nen. dijoe.j
1294
Juin 24 , Beauvoir (Belli-
visus).
Déceml)re, Paris.
1295
Mars 19 , La Balme en
Viennois.
Août 9, Romans.
1296
Décembre 4; 5, VaIréas.
1297
Février 8 , La Balme en
Viennois; 15.
Avril 3, La Balme de l'ile
de Crémieu.
Juin 25, Saint-Bonnet (S.
Boni tus).
Juillet 30.
12 —
Août 11).
Novembre 18, Montboiinot ;
25^ Valréas.
1298
Février 16, 17, Grenoble.
Mars 9, 10 (pré du Serre),
Gapençais; 14, 15, Chorges
(r. de Caturieis) ; 15, Embrun
(Ebrcdunum); 18, Upaix.
1299
Mars 4; 24.
Juillet 18.
Août 15; 22, Grenoble {in
domo prœpos/t.)
Octobre, (Salettes?)
Décembre.
1300
Février \, Saint- Yallier.
Juillet 4, (i, 1), 20?', au siège
de Mérindol; 28, Grenoble; Si).
Août 1.
Septembre 5, bastide del
Giure sur Sisteron (Saint-
Jérôme).
1302
Janvier 11).
Juin 25, Vienne (eapit.)
Juillet, Lyon.
Août; en Flandre (v. 15,
Arras).
Septembre 3, 28, Arras (aux
tentes).
Octobre 1, Arras; 1(>, Paris.
1303
Février 13 ; 27, Goncelin.
Mars 5, Gap.
Avril 18, Pisaneoii.
Août M.
Novembre 18, Montileury.
1304
Mars 1.}.
Juillet 28, Grenoble?
Août, Lyon; 11, Paris (in
Temjilo).
Septeml)rc 1», 11, en Flan-
dre; 23, antc Jnsulam (Lille)
in Flandr.
1305
Avril 23.
Juin 1(), prend Yillette près
Genève; 18, prend mais.-lbrte
de Broxiz.
Juillet 12.
Septenibrc 1, Grenoble.
1306
Février 1: 21, Saint-Cvrf-au-
Mont-d'Or) près Lyon ;22, 28,
Lyon, in domo rubea sous
Pierre-Scise.
Mars 1, Pierre-Scise (for-
talicium); 9, Anneyron.
Avril 4, Aix (Aquis, dom.
Forojulien. episc.)
Juin 21», Vais {ap. VaUem,
dom. dalphini).
Juillet 11, 17, Vais; 18, Ser-
ves; 23, 31, Vais.
Septeml)re 8, La Balme f//i
insida Crimiaci).
Octobre 2, 5, chat. d'Entre-
mont (c. de Intermontibus,
c"" St-Pierre d'E.)
Noveml)re !), déi'ait au pass.
de la Chartreuse {passas de
Catressa ou C/tarcessa).
Décemlire.
1307
Janvier 13, Moirans.
Février 14, Chabeuil; 22,
Valréas.
Avril 1 1, Soint-Na/.aire; 15,
Soint-Marcellin; IS, chartr.
du Val-Sainte-Marie, Saint-
Nazaire(-en-Royansi, Saint-
Marcelliu; li), "Moirans; 21,
22, Grenoble ; 22, La Buissière,
Belk'comlje ; 2.) , Allevard ;
Morètel; 25, Grenoble; 2(),
Cornillcjn (0'"= Fontanil); 2!).
Mai (3, Moiiriouz; 8, La Bal-
me dans l'ile de Crémieu ;) 13 ;
14-20, Vienne ; 1!), Lyon (Do-
mi nie); (21, Serves?)
Juin 3; 14, Grenoble.
Juillet 8, i), (10, t Grenoble ;
11, Saint-Martin-le-Vinoux,
Cornillon ; 24, Vais (c"« St-
Uze).
Août is.
Septembi'e (1, Serves.''; 4,
Le Vuaclie?)
13 —
Octobre G, (7,) Grenolile;
12, Alboa (Temple; il, Mo-
ras).
Novembre 9; 11, Saint-
Marcelliii.
Décembre 17, Grenoble; (31,
Moirans, Francise.'?)
1308
Février 2, 3, 14; {2d, Ginya-
eumf)
Mars 3, Saint-Romainf-cle-
Jalionas), près Crémieu (in
insula); 7; (21, Beauvoir?)
Avril IG; 18, 20, Grenoble;
21, 23; 25, Saint-Donat; 2Î).
Mai 21 , Saint-Martin-le-
Vinoux sous Grenoble; 20,
Romans.
Juin (5, Serves?)
Juillet 18 , Beauvoir (ap.
£e//'m;; 28, Vienne; 2Î).
Août 10; 18, Grenoble.
Octobre 2; 10, 20, Aulterive
(Alba Ripa subtus Viennamj:
29, Villeneuve de Roybon.
Novembre 15.
Décembre 17.
1309
Janvier 17, Romans.
Avril 24, Grenoble; 29, Saint-
Marcellin , Villeneuve Je
Roybon.
Alai 27, La Bulme en l'ile de
Crémieu.
Juin 20, 'Z2.
Juillet 3; KJ, 20, Avignon.
Août; 7, Avignon ; 28^Serres
(Cerriim).
Septeml)re 25, 30, Romette.
Octoljre 12.
Novembre 25, Vizille; 20;
29, Grenoble.
Décembre 9, Romans (Fran-I
cisc); 15, Albon (Temple); 30, |
Saint-Robert, Moirans (Fran-'
cisc.) !
1310 i
I
Janvier 10; 12, Saint-Roljert;'
20, Bais ic« St-Baudille, ^a/ys!
in insula \Crimiaci\).
Février 7, Grenoble; 22, 25,1
Vizille ( Vezilia). j
Mars 5, Moirans (i\/o///e/i-l
eum, Francise); 7=1'
gnon idom. episcop.)
Avi-
Avril 11, Grenoble (prieuré
de St-Laurent); 12, Saint-
Robert sous Cornillon {in
penu seu loi/via claustri),
Cornillon (c"*^ Fontanil); 24.
Mai 2, Grenoble (prieuré de
St-Laurent), La Mure (Mura).
Juillet 3, 23.
Septembre 1, Césane {Seza-
na, in aula dons Auru;) ; 5 ;
12, Briançon; 13; 10, Queyras
(Cadraciamj; 18, Embrun ; 21,
Saint-Bonnet en Champsaur ;
24; 25, Mens (Mencium); 20;
27, Cornillon (en Trièves'.
Octobre 0; 15, Grenol)le ; 23,
Décembre 10 , Anneyron
{Ennero, prieuré); 17; i21 ,
Saint-Donat f) ; 27.
1311
Janvier (3,)0, 13, Bais (Bai/s
in ins. Crimijaci); 22, 23, La
Balme {in i. C); 31, Saint-
Romain ( - de - Jalionas ) prés
Crémieu.
Février 9, 11, Beauvoir; 12,
14, Chabeuil i Cabco/umi; 22,
Saint-Alban-du-Rlîone (man-
dem* d'Auberive); 24, Lyon;
25, Villeneuve de Roybon; 28.
Mars, Vienne, Chonas, 21.
Avril 1,3, Grenoble; G, Moi-
rans (Francise); 25; 2^, Cor-
nillon sur Saint-Roljert; 30.
Mai 4, La Part-Dieu i)rés
Romans; 18, mand' de Miri-
bel de Val-Clérieux, Saint-
Gcoirs (S. Jueurz).
Juin 4, Beauvoir; 7; 20, 21,
Saint- Romain(-de - Jalionas)
près Crémieu dri ins. Cri-
miaci).
Juillet (9, Lyon; 18, 19, 24,)
2(), Beauvoir.'
Août 10 , Saint - Martin
d'Eybens; 12, Beauvoir; 19,
Cornillon en Graisivaudan ;
22, Le Bourg-d"Oisans (.S".
Lanrentins de Lacu).
Septembre 7, 8, 13, Briançon
(Bri/enc:., Briansoniumj; 11,
Valrôas (Antonins).
- It
Octobre, Beauvoir'/
Novem. 23, Serves (Servia).
Déceinb. l; 7, 13 Grenoble ;
11, 15, 2[S, Vizille.
1312
Janvier 2, Albon (Temple) ;
19, Saint-HilaireiJ.S'. //v/a|r"<s
m mand. S' Heleuterii [St-
Lattier]); (24, Moras?')
Février 21, Vienne.
Mars 1; (1), Serves;) 23, av.
2G, Vienne.
Avril (1!), Romans?)
Mai 3, Vizilie; (3, Cornillon
en Graisivaudan: 7, Vizille;
28, Saint-Nazairei*
Juin 2, Grenoble; G. Serves
(Cerctja)- 8, Saint-Donat ; 8,
U, Romans (Aumône, Fran-
ciser, 1 1, Beauvoir.
Juillet 12 , 11 , Moirans
fMoi/amiuin , Moyrencuni) ;
30, Embrun.
Aoiit 1.
Septembre 1, Vienne; 23,
La Balrae.
Octobre 13, 14, 15, 21, 25,
La Balme; 3(1, Beauvoir en
Royans fin domo dicta rae-
nueteria).
Novembre; 2, Saint-Bonnet
(en Champsaur); 5, (j, An-
celle;6, Eml>run; 30, Moirans
{Mo iris).
Décembre 4, Serves (Csr-
r//a) ; 7, Moras; 18, La Tour-
ci u-Pin (Turris).
1313
Janvier 1; .3, Cliabeuil; 10,
Grenoljle; 17.
Février 10 ; 1-3 , Voreppe
(Vorapium).
Mars 13, Moirans (Morcii-
cum).
Mai 24 (d. Jov. fesi. s. Vin-
centii), Beauvoir.
Juin 3, Paris.
Juillet KJ, Grenoble; 22.
Août 13, St-Paulf-d'Izeaux,
monast. Bonœciunbœ) ; 17,
Cli;il)euii, Grenoble; 23; 31,
La Balme.
Septembre 3 (, Moirans?); 9.
Octobre 3; 0; 20, 21, Gre-
noble.
Novembre Ki, Echirolles;
20; 29, Grenol)lc.
Décembre (1, Grenoble;) G,
8, Saint-Marcellin; 2G, Beau-
voir.
1314
Janvier 10, Avignon; 22 ou
25=1313 mai 21).
Février 2 (, prieuré de St-
Laurcnt); 3, Grenoble; 13,
Voreppe (Vorap.); IG; 17,
Beauvoir; 20, Grenoble; 24,
Beauvoir tpons fortaUc.)
Mars 3, Beauvoir; 8 ((Gre-
noble'i'); 17.
Avril 22, Bais (Batjs in ins.
Crimiaci} ; 25, 27, La Balme
{i. i. C.)
Mai 20, Saint -Jean - en -
Royans (prieuré).
Juin 1?; 4, Avalon, Vourey
près Tullins [Toi/I/inum) ; 10,
Villard-Benoit (Vilarium Bé-
nédiction); 15; 17, Montbon-
nol; 23.
Juillet 12, 13, Saint-Martin-
le-Vinoux; 15; 23, Cornillon
{subi us /oi/riain).
Août 1, Grenoble.
Septembre 1, Vil" (prior. de
Vioo)] 10; IS, Beauvoir en
Royans ; 25 , Romans ; 29 ,
Beauvoir en R.
Octobre 4, Grenoble; 9,
Cornillon; 17, sous Faverges
(in prato jaxta nemus); 22,
Bourii'oin.
Novembre G; 18; 19, Saint-
Martin-le-Viuoux ; 23, Gre-
noljle.
Décembre. 1, 5, Serves (Cer-
via); 5, Crémicu : 28, Moirans.
1315
Janvier 21.
Février, Antlion; 8; 12, La
Balme; 15, IG, Beauvoir en
Royans.
Mars 9 (fl^.20), 15, Grenoble.
Avril 29.
Mai IG, Armieu (c"" Saint-
Gcrvais, Is.)
15
Juillet ô, Marseille [Massi-
lia); 20, Vienne.
Septembre 20.
Octobre 10; 17; .31.
Novembre ô, i>, 11, Greno-
ble; 22, Saint-Marcellin; 24,
La Sône (cap. B. M. de ponte
Sonne); 29, Grenoble (dom.
dalphin.)
Décembre 4 , Ambérieux
{Ambayriacurn); 27, Bourgoin
(Burgond.) ; ;!1, Grenoble.
1316
Janvier 1, 2, 2ô, 20, 28,
Grenoble.
Février 2, Cuiseaux (C^se^Z/,
S.-et-L.)
Mars 0, grange du Cosnier
(del Coi/nie r) ■,^2-1, Moirans
{Moijrencum, Francise.)
Mai 5, Chorges {Caturieœ);
17; 21, Savines.
Juin6^16(Trinit.), 18 (Do-
min.), 20, Lyon; 24, Bourgoin
(Burgondium).
Août ap. 9, 30, Lyon (Trinit.)
Septembre 12; 17; 2G, 27;
28, Upaix.
Octobre 1, Upaix; 17, Saint-
Marcellin; 27, 20, 31 , Grenoble.
Novembre 1, 2, (3,) 8, (10,)
27, Grenoble.
Décembre 1, 2, Grenoble;
6, Saint-Marcellin; 7, Ville-
neuve de Roybon; 14.
1317
Janvier; 1, Grenoble; 31.
Mars 30, Moirans (Fran-
cise.)
Avril 7 (8?), La Balme en
Conseil Delphinal.
1316
Mars 26, Grenoble.
Viennois; 17; 10, Moirans
(Francise); 20, {Rovei-iamj.
Mai 7; 10, Saint-Marcellin;
27.
Juin 11, Beauvoir; 15, 10,
Grenoble; 20, mais, de Tilede
TuUins ; 22, Cornillon ; 24,
Grenoble.
Août 3; 13, Upaix (/brZa/.
cnr.)\ 15, Orpierre {Aun'petray,
10, 17, 18, 10, Visan.
Septembre 2, Orange (Au-
vagca, in donxo de Area)\ 0,
14,' 1(), 18, Briançon [Brianc-
zonuni)\ 24, Le Buis(-les-
Baronnies, Domin., in orto
prope); 25, Mirabel (-aux-
Baron., fortal . castri).
Octobre 0, 10, Grenoble.
Novembre 2, Grenoble.
Décembre 17 ; 27, Bourgoin.
1318
Janvier 17, Grenoble; 21,
Moras; 26, 31, Viisan {Acisa-
num).
Février 2 , Mirabel(-aux-
Baronnies, égl. de St-Julien);
4, Visan; 11, 18, 10, Grenoble.
Mars 2, La Sone (Lauczonis,
Lauzania); 27, La Balme.
Avril 23, La Balme ; 24.
Juin 10, 22, 23, 24, Greno-
ble ; 27, Saint-Marcellin.
Juillet 1, Saint-Marcellin.
Août 8; 10, Visan (Avisa-
num); 26, Beauvoir (dioc. de
Grenoble).
Septembre 23, Beauvoir.
Octobre 16, 26, Grenoble;
28, 20, 31.
Novemb. 5, 8, 10, Grenoble.
Décemb. 9, 10, Grenoble; 15.
1319
Janvier 17.
Février 10; 16, 24, 25, 26,
Pont-de-Sorgues.
Mars4,-l-(Pont-de-Sorgues).
*i A iji ^j 1^1
ÏTïNÉRAmJS
3)^© jD^w^msîf © mm ^m, ©' n^^ii
GUIGUES VII.
Pour la cinquième fois depuis Guigues V, le gouverne-
ment du Dauphiné tombait entre les mains d'un enfant. Né
après le commencement de 1309, Guigues VII achevait seu-
lement sa dixième année à la mort de son père (1). En
l'émancipant devant lofficial de Grenoble, le 8 mars 1314,
Jean II lui avait assigné plusieurs fiefs en apanage. Par son
testament du 26 août 1318 il le fit son héritier universel : le
jeune dauphin devait rester sous la tutelle de son oncle
Henri jusqu'à l'âge de 20 ans; par un 3^ codicille (du 26 fév.
1319) ce terme fut abrégé de deux ans.
La régence, heureusement, tombait en des mains aussi
actives qu'habiles. Henri était le plus jeune des fils d'Hum-
bert I*"" (2). En ne lui laissant comme part d'héritage que
500 livres de revenu, sa mère, comme ait Valbonnais, sem-
blait r « engager par là à embrasser l'état ecclésiastique ».
Bien que le Gallia Christ, fasse remonter à 1318 sa nomina-
tion à l'évèché de Metz par le pape Jean XXII, « Henricus
Dalphini, regens Dalphinatum », ne parait avec le titre de
« Metensis electus » que le 12 juil. 1319; dans une lettre du
14 oct. suiv., il prend les titres de « clericus, confirmatus
Metensis « : il n'entra jamais dans les ordres sacrés.
Dès le 23 oct. 1310 un traité avait été conclu pour le maria-
(1) 11 est dit, en effet, âgé de plus de 14 ans les 17 mai et 23 nov.
1323 et le 24 mars 1324.
(2) Sa naissance est probablement postérieure à l'acte du 13 juil. 1292.
ge du lils aillé ilu dauphin Jean II avec Isabelle, 2"= fille
de Philippe comte de Bourgogne, fils cadet lui-même de
Philippe-le-Bel. Cet accord fut renouvelé à l'avènement de
Philippe-le-Long, le 18 juin lolG, à Lyon, pendant le con-
clave qui donna un successeur à Clément V. Au commen-
cement de 1320, Guigues accompagna son oncle à la cour
de France; bien que le terme de son administration ne fut
point expiré, Henri, sur le désir du roi, autorisa de Corbeil,
le 25 jauv., son neveu à se rendre en Dauphiné pour y rece-
voir « les feautez et hommages de tous ses subgiez »; de
son côté, son beau-père, du consentement de la reme Jeanne,
invita le comte de Genève à prêter hommage au dauphin
pour toutes les terres qui avaient jusque là dépendu du
comte de Bourgogne (17 fév.). Peu après (7 juin), il le manda
de se trouver en armes à Arras le 12 août. Les fiançailles
entre Guigues et Isabelle furent solennellement confirmées
à Gray par la reine Jeanne, le (> avril 1322. Le contrat
matrm'ionial eut lieu à Dole, le 17 mai 1323, « horà matuti-
nali », et la bénédiction religieuse « ipsà die ». Philippe-de-
Valois régla à Rouen (mai 1331) les prétentions des jeunes
époux à la succession de la reine Jeanne.
En 132 1, Guigues VII se rendit à Aix et y fit hommage au
roi de Sicile, comme comte de Provence et de Forcalquier,
du château de Serres et de tout ce qu'il tenait en Gapençais
et dans la vallée de Rogues (21 mars). L'année suivante, le
7 août, aidé d'Hugues de Genève, seigneur d'Anthon, il
gagna sur Edouard, comte de Savoie, la célèbre bataille île
Varey, livrée au pied de ce château, dans la plaine de St-
Jean-de-Vieu (Bugey); cette victoire fit tomber entre ses
mains un grand nombre de prisonniers de marque, entre
autres Robert de Bourgogne, comte de Tonnerre, Jean de
Chàlons, comte d'Auxerre, et Guichard, sire de Beaujeu,
auxquels il fit chèrement payer leur rançon.
Son oncle Henri renonça vers ce temps à son évèché de
Metz (la dernière mention est du 15 juil. 1325) et prit le titre
de seigneur des baronnies de Montauban et de Mévouillon,
que lui avait léguées (avec d'autres fiefs) son frère le
dauphin Jean II ; en exécution des volontés de son père,
Guigues lui en fit remise le 21 oct. suiv. Jean, seigneur de
Montluel, donna peu après (2'J déc.) à Henri le château de
Vaux et la Bastide de Montluel; il reçut plus tard Saint-
Donat et Bellegarde en échange du château de Miribel
(7 mai 1331).
Guigues VII répondit en 1328 à l'appel du nouveau roi de
France contre les Flamands; il eut le commandement du
7" corps d'armée à la bataille du Mont-Cassel (24 août) et
s'v comporta vaillamment (1) : en récompense de ses services
Plîilippe-de-Valois lui donna à Paris la maison aux Piliers
en place de Grève (oct.) Fatigué sans doute par cette expé-
dition, où il avait accompagné son neveu, Henri l'institua
par testament son héritier universel le 17 mars suiv. et
mourut peu après.
Rien de saillant à signaler dans les années suivantes
(1) Voir sur cette expûdition les documents publiés dans le t. VII
de ma Collecl. de cartul. Dauph. (1874), p. 13-35.
— 23 -
qu'une conftklération entre Jean III, dno de Bretagne, et le
dauphin (janv. l:{;!0) et le renouvelletnent de ralliance entre
Philippe de Savoie, prince d'Achaïe, et ses neveux Guignes
et Humbert (21 mars VSSl). Sur la fin de Tété le comte de
Savoie Aimon, successeur d'Edouard, reprit la guerre con-
tre le Dauphiné. Son adversaire s'étant emparé du château
de la Perrière (li, le dauphin réunit ses milices et en fit le
siège; dans une téméraire reconnaissance de la place, il fut
blessé d'un coup d"arl)alète et n'eut que le temps de faire
son testament (28 juil. 1333). Pas un mot de sa succession,
déjà réglée par le 1" codicille de son père; le jeune prince,
qui mourait dans une grange à 24 ans (2), songea surtout à
sa conscience et à révoquer les péages, tailles et autres
exactions imposées par son père et son oncle. Il laissa
d'ailleurs parmi les contemporains une réputation d'incon-
tinence, exagérée peut-être par la tradition (3), mais dont la
tragique histoire de François de Bardonnèche a déposé
dans nos annales un trop authentique souvenir.
La dauphiné Isabelle figure aussi rarement dans les char-
tes que sa belle-mère Béatrix; à son lit de mort, son mari
lui laissa 3.tJU<) liv. de revenu, en sus de son douaire; elle
fit partie du conseil delphinal avec sa tante Béatrix de
Arlay (à Beauvoir, 23-6 août 1333). Par la suite elle se
remaria avec Jean, sire de Faucogney, en Franche-Comté
(av. 1336) ; Humbert II régla avec eux les droits dotaux de
sa belle-sœur (17 juin 1344). Elle testa à Montmorot (Jura),
le 9 juin 1345, en faveur du duc et de la duchesse de
Bourgogne.
La suscription des chartes de Guignes VII offre des va-
riantes sans importance; la formule la plus développée est :
(1) Près Voiron, sur la commune actuelle de St-Julien-de-Raz. Par
une note insérée dans la Revue du Dauphiné de 1878 (t. II, p. 372-5),
M. le baron de Rostaing s'est séparé de l'opinion commune, convaincu
qu'il s'agit d'un château de même nom sur la commune de Viry (Ilte-
Savoie). A rencontre de cette nouveauté, M. Pilot de Thorey a bien
voulu constater que, chef-lieu d'un mandement et d'une chàtellenie
importante en lo27-8-lt, La Perrière du Graisivaudan n'existait plus en
1335 : malgré d'importants préparatifs (dont les comptes subsistent
aux archives de l'Isère) pour soutenir un siège, le cliàteau avait été
pris en lïi:29/.'JU par le comte de Savoie, puis rasé après sa reprise par
l'armée dauphinoise. D'ailleurs le texte du chroniqueur Jean Villani
porte, non point << castello di Savoia » (Viry est en Genevois), mais
» castello del Conte di Savoja » (MuRATOm, Rerum Italie, script.. 1728,
t. XIII, c. 7.-j6j.
(2) Je n'ai pas compté moins de neuf opinions différentes sur le
jour de sa mort. Valbonnais incline (t. II, p. 245) pour le 28 juil., qui
est celui du testament; Chorier (t. I, p. 81lj), pour le 20, d'après le
Nécrol. de St-Robert (noi'lOljdont l'autorité se doublerait de vraisem-
blance, si l'obit inscrit à cette date ne se référait par l'écriture à un
dauphin antérieur. Dans une lettre du 4 sept. (l.'J.j7?i à la Chambre des
comptes de Paris i cabinet de M. P.-E. Giraud, orig. pap.~i, le gouver-
neur du Dauphiné Raoul de Louppy parle d'un hommage différé » ab
obitu dni Guigonis dalphini, qui obiit mill'io CGC™» XXXIIJ», mense
augusti » : on verra par l'itinéraire d'Humbert II que le conseil delphi-
nal était en fonctions dés le 4 de ce mois.
i:i) Voir les historiens cités par Rayxaldus, Annal, ecclesiast., an.
1333, n" 22.
— 24 —
Giiigo dalphinus, cornes Albonis et Viennœ palatinns doini-
nusqiie de Tarre. Sa chancellerie adopta définitivement le
style delà Nativité, sans qu'il soit toutefois possible de pré-
ciser la date de ce changement; mais Henri, dont j'ai cru
devoir dresser l'itinéraire concuremment à celui de son
neveu, resta fidèle à l'ancien usage jusqu'à son testament.
1314
Mars 8.
1316
Juin 18, Lj-on.
1318
Août 26.
1319
Février 24, 25.
Mars 9.
1320
Janvier 25 {, Corbeil).
Février 17 (, Paris?)
Mars 12.
Juillet 19.
Octobre 2, Grenoble.
1321
Janvier 11, 12, 20, Grenoble.
Avril 4; 9, Avignon (= juil-
let 9?)
Mai 12; 29.
Juin 16, Grenoble.
Juillet 6, 9, Avignon.
Août 1.
Octobre 10, 15, Briançon ;
23, Moras.
1322
Janvier 8, Grenoble (; 9 =
1321 juil. 9).
Avril h, Briançon ; 6.
Juillet 21, Grenoble.
Octobre 19, Cornillon.
Décembre 3, 4.
1323
Janvier 20.
Février 17, Mirabel (Mira-
bellum).
Avril 8, Vais (ValUs).
Mai 17, DôIe (mafjna turris
lapidea).
Juillet 29, 30, Beauvoir en
Royans (cam. dicta la menu-
aiei/ri, menuetariœ).
Novembre 23, Romans.
Décembre 5, Grenoble; 8;
11, Crémieu ; 14.
1324
Janvier 7, Pagny (Paignia-
cum, Largiuatum); 16, La
Balme.
Février 20 , Beauvoir en
Royans.
Mars 24, Aix (Aquis, in do-
mo régi a).
Avril 10.
Mai 27, Saint-Pierre (d'Al-
levard).
Juillet, battu près des Allin-
ges ; 26.
Août 4, Grenoble; 8, La
Buissière.
Novembre 25, Grenoble.
Décembre 12.
1325
Janvier 24, 25.
Février 21, 25, Beauvoir.
Avril 7, 8, (9,) 10, 11, Le
Buis(-les-Baronnies, hospic.
cariœ, in aida viridi, sala
nova).
Mai 31.
Juin ap. 13, Grenoble?; 23,
Saint-E(icnue-de-Saint-Gcoirs
(S. Steph. de S" Ivcrs); 21, La
Tour-du-Pin, Crémieu; 25,
Lagnieu; 27, Saint-Sorlin f.V.
Saturninus).
Juillet 6, 7, 8, 9, St-All)an ;
9, 10, 11, 12, 13, Neyrieu; 14,
15, Lagnieu ; 17, 18, Crémieu;
19, La Tour(-du-Pin\ I/.eaux
{Yseiiz); 21, Moras, Beaulieu
(prieuré).
Août 2, La Perrière?; 7,
victoire sous Varey; 12, 13,
14, Crémieu.
Septembre 8, Beauvoir; 21;
27, Grenoble, La Buissière
{Buxeriaj.
Octobre 2, Grenoble ; N, 13,
Beauvoir; 20, Grenoble.
Novemljre 2i, Vienne.
Décembre 9; 16, Crémieu;
24.
1326
Janvier 11 ; 18, Saint-Vallier
(prieuré;; 31, Vienne fretf'ect.
FF. Minor.)
Février 2, Moras ; 7, Beau-
voir; 9, Dolomieu?
Mars 1, Villeneuve-de-Vals
(Vn. de Bercieuz): 9, Beau-
voir; 11, Vais (Vallis, cliàt.);
15, Saint-Vallier; Kî, Vais;
28, Beauvoir.
Avril 1, Grenoble; 2; (i, 18,
Beauvoir (cam. voc. minute-
r/a, manusteria! I
Juin 7, Crémieu; 20, 21,
Grenoble.
Juillet 12, Grenoble.
Août ô; 10, Cornillon; 12,
1."), Romans ; 18, Montfort (c""
Crolles); 2.3, Demptézieu (c"«
St-Savin, Denthet/siacum).
Septembre; 2, Grenoble; 5,
Bourg-d'Oisans (S. Laurent,
de Laça) ; 8, Briançon (castr.
Brianczonii ); 21.
Octobre 1, 4, 7, St-Martin-
le-Vinoux ; 18, 20, Grenoble;
26, Saint-Marcellin.
Novembre 7, Chainagnieu
(Chamagniacum).
Décembre 2, Saint-Vallier;
31, Saint-Jean-d'Octavéon (c
Châtillon-s.-J., S. J. de Alte-
veone).
1327
Février 4, 5, 6, St-Marcellin
près Chatte (dora. Lumbard.) ;
7, Grenoble; 11, « Levata »
(Temple d'Echirolles); 14, 16,
Vizille ; 17, 19, « Levata » (doia.
prœcept.); 19, Upaix (capit.
curiœ); 21; 26, St-Paul(-lès-
Romans , cap. hospit.)\ 27,
Villeneuve-de-Vals (V. N. de
Bercieui; 28.
Mai ."), Grenoble {maj. curia
dalphin.)
Juin 11: 22, Beauvoir; 26,
Crémieu idom. de Mart/nas);
27, 28, Gourdans (c""= St-Jean-
de-Niost, b. de Gordanis).
Juillet ô, Neyrieu; 10; 31.
Août 1,2, 27,) 31, Beauvoir.
Septembre ô, 7, (13,) Beau-
voir; (13, Tullins; 16, Loyet-
tes;) 17, 20, Vienne ',dom. de
Canal i bus) ;2^, Beauvoir (cam.
de niinuteria).
Octobre 1, Grenoble; 23,
Morestel en bar. de la Tour;
29, Crémieu (donx. de Mar-
tinas).
Novembre 9, Crémieu ; 16,
17, (18, 19,) Grenoble; 22, 24,
2Ô, Saint-Vallier; 26; 28, 30,
Grenoble.
Décembre 2, 3, 6, Grenoble
(curt. dalphin.); 11; 18; 20,
22; 23 (Francise), 24,Vienne;
(26, Roussillon).
1328
Janvier 3, 6, Montfleury ; 8
(St-Laurent), 9, Grenoble; 10,
13; 14, 15, La Buissière; 16;
19, Saint-Marcellin ; 20, Saint-
Nazaire-en-Royans ; 21, 22;
24, Chabeuil; 29, Montfleury,
(Grenoble).
Février 4, Pérouges (Pero-
giœ); 10, Tullins; 13, 15 (14 !),
Grenoble; Demptézieu (Den-
thai/siacum), Moras ; 17 ; 18,
Saint-Quentin; 19, (20,) 22,
23, 28, 29, Montfleury.
Mars 2, 3, Montfleury ; 4,
Grenoble; 5, 6, 7, La Buis-
sière; 10, Montfleury; 11, 12,
13, 14, Grenoble; lo, Saint-
Marcellin; 17, 18, Valence ;
22, Grenoble.
Avril 8, Romans; 8, 9, Pi-
sançon; 10, Saint-Marcellin;
14; 15, 17, Grenoble; 18, Vo-
reppe; 19, La Tour(-du-Pin,
Tunis), Saint-Chef (S. Theo-
dorus); 20, Crémieu; 22, 25,
26, 27, La Balme en terre de
la Tour; 27, 28, Crémieu; 28,
29, 30, La Balme; 30, Crémieu.
Mai 2, La Balme; 3, Cré-
mieu; 3, 4, 5, La Balme; 6,
Crémieu; 6, 7, 10, 11, La
Balme; 20, Saint- Quentin ;
2G —
Beauvoir; 23, (24,) Grenoble;
24, 20, Montfleury.
Juin 3, Remette; 7, Theys
(vadum de Thesci); i^), Saini-
Marcellin; H), La Sône {Lau-
sania): 12, Cl]àtilIon(-St-Jean,
Castillio doni' Virivillœ); 12,
13, St-Uonat; 13, Yilleneuve-
de-Vals i V. N. de Berchea) ;
11, 18, Serves (Cervia); 2U ;
23, 24, Chabeuil; 3U, Romans,
Saint-Paul(-lès-R.)
Juillet 4, 5, {{),) Grenoble;
12, Montfleury; (13,) 2U, Gre-
noble; 22, 24, 20, Vienne; 27,
Montbrison en Forez; Tliiers
(Tiart , Thiarnum) , Saint-
Pourçain (S. Porzanus), Mou-
lins (Molins) en Auvergne.
Août, Nevers [Nivernis),
Cosne {Cône), Montargis, Ne-
mours (Nemos); 5, (>, Corbeil
{Corbolinm); Paris; Aire(-sur-
la-Lys, Haire, Hai/re) ; 24,
bat. du Mont-Cassel.
Septembre 2, 3, 4; 5, Ypres
(acies ante Ynram); (i-lô, Lille
{Insula); 10, lieras de Lilh;; 17,
Arras {Atrebatum, Arraz); 2(),
Paris.
Octobre 5, 11 ; St-Germain-
en-Laye; passe et rep. la
Seine (Seyna) ; 17, (19,) 28,
Paris (dom. dalphin. apud
Grèves).
Novembre 3; Nevers, Saint-
Pourçain , Aigueperse ; 20 ,
Montfleury; 2(1, Moirans.
Déccniljre, joutes à TuUins ;
2, Moirans, iSaint-Robert ; 3,
Grenoble; 4, Montileury; 5,
Grenoble; 11, Montileury; 17,
Chabeuil, Romans; 20, Mo-
ras; (25,) 29, 30, Grenoble.
1329
Janvier 1, Grenoble; 1, 3, 4,
Avalon; 8, Montfleury?; 9,
Sl-Marcellin; 13, Chabeuil;
15, Chatte {Chasta); 19, 20,
Grenoble; 21.
Février 20; 21 , 22, Gap
(cloître de St-André); 23, Ro-
mette (prieuré); 24, Beauvoir.
Mars 1, Vienne (dom. de
Canal/bus); 7; 10, La Tour
(-du-Pin, Turris); 11, Bour-
goin (prieuré de Jallieu, Jal-
lijuj); 14, 10, Crémieu; 17,
» Montiache » [itom. Hospit.);
18, 19, 20, 21, 22, Montîuel;
(30, Crémieu fi
Avril (3,) 4, G, Montîuel; (24,
St-Marcellin;) 28, Grenoble.
Mai ; 7 , Grenoble {eurt.
hosp. dalph.]\ 15, Moirans;
29, La Bal me.
Juin 10, Crémieu (Augus-
tins); 11, La Balme; 23, Le
Buis (-les-Bar.); 29, (30,) Gre-
noble.
Juillet (5; 7, St-Marcellin;
10, Beauvoir; 10, 12, 13, Saint-
Marcellin; 20, 21, Grenoble.
Août 1, Saint-Donat; 22,
Grenoble; 30, Saint-Pierre
de Champagne.
Septembre (, Clairvauxf);
21, 28.
Octobre 1, Grenoble; 15.
Novembre 26, Grenoble; 27,
Tullins {ColUni).
Décembre 2, St-Marcellin.
1330
Janvier, Bois de Vincennes
{Vieenes); (13, Rozoy-en-Brie,
Rosai/ in Bria: 22, Villaines).
Mars 3; (18,) 19, Serves
(Cervia); 21, Anneyron ; 23,
(24,) Beauvoir ; 29, V'isan (Avi-
san.)\ 30, 31, Mirabel(-aux-
Bar., MiribeUam).
Avril 1, Mirabel (Mirib.) ; 3,
(4,) Avignon ; 14, Grenoble ;
17; 23, 24, (25,) 27, St-Marcellin.
Mai (1.) 5, 7, Grenoble; 12;
14, La Tour (-du-Pin, cap.
Hospit.); IG, Montîuel; 19,
Chazey(-sur-Ain, Chasetum);
22, Crémieu (dom. Lumbard.);
24, Saint- Etienne(-de-Saint-
Geoirs).
Juin2,3,Moras; 23, Tullins.
Juillet 3, Tullins; (5,) 9, 10,
Jonage (acies cor. Castro de
J-s, exeere. de Ge7i7ia;/es Joa-
nagiis), bourg de la bastide
de' Montîuel.
Août (2, Vienne; 3^ Moras;)
8, Moirans (Francise); 10,
St-Paul(-lès-Romans , dom.
IIospii.)\ 14, BiMiuvoir en Ro-
yans; 23, Grenoble.
— 27 —
Septembre 11,21, Beauvoir;
25, 30, Grenoble.
Octobre 1 ; 2, Cornillon ; 3 ;
(8,) 9, (10,) 11, 12, Grenoble;
13, 16; 24, Grenoble.
Novemb. 3, Romans (Fran-
cise); 13, Rosans (Roysans).
Décembre 22, Paris [dom.
dalph.)
1331
Janvier 1, 15, Paris.
Février 8 ; (13, Montélimar ;)
16, Valence.
Mars 10 , Grenoble , La
Mure ; 22 , bois des Ayes
(castr. nemoris Ayarum).
Avril 1, Beauvoir; 3, Ro-
mans; 8, Tullins; 20, 24, Avi-
gnon; (27, Beauvoir).
Mai 4, Grenoble; 7; 16.
Juin 26, Moirans [in claus-
trello s. parlât. FF. Minor.);
28, 29, 30, Grenoble.
Juillet 1 ; 3, Grenoble; 8, 12,
19, Beauvoir; 22, 26, 27, Gre-
noble (Francise.)
Août 1, 3, Saint-Marcellin;
27, 28, Grenoble (Francise.)
Septembre 9, Moras; 12, i(),
26, 27, 28, Beauvoir.
Octobre 15, Paris; 26, Bou-
zonville {Bosonville in Gas-
tinois).
Novembre 22, Montargis.
Décembre 12.
1332
Janvier .30, Grenoble (Fran-
cise.)
Février 5 , Beauvoir en
Royans ; 13 , Montluel ; 14 ,
Beauvoir; 29, Grémieu {dom.
Lumbard.)
Mars 6, 7, Becenno; 8, Qui-
rieu ; 9, Lueys; 10, Lagnieu
(Langniacum); 2.5, 28, Visan
{Acisan.y, 29, Pont-de-Sorgues.
Avril 2, Visan ; 7, Beauvoir;
11 , Auberives(-en-Royans) ;
13, Beauvoir; 17, St-Antoine;
22, Beauvoir.
Mai 5; 12, (13,) 15, 17, Gre-
noble.
Juin 1, Grenoble: 10, Beau-
voir; 20, Bourg-d'Oisans {S.
Laurencius deLacii in Oysen-
cio); 25, 27, 28, 30, Briançon.
Juillet 1, Briançon; 2, Bar-
donnèche ; 3, 4, Briançon ; .5, 6,
Vallouise (Vallis Puta); 6,
Saint-Martin-de-Quevrières ;
7,8,9, 11, 12, 18, 20,21,22,31,
Briançon.
Août 7; 8, Grenoble; 18, 19,
Crémieu (August.); 24, Tullins
iprior.), Moirans (Francise.) ;
27, 30, Beauvoir.
Septembre 19 , Pisançon
(Pisancianum).
Octobre 19-23, St-Antoine?;
28, Montbonnot; 29, Mont-
fleury.
Novembre 5, Vienne (dom.
de Canalibus); 18, Montbonnot
[Mons Bonoudus); 22,Voreppe
{Vorapium); 29, 30, Romans.
Décemijre 5, Romans (dom.
archiepisc.) ; 10, 20, Vienne
id. de C.)
1333
Janvier 1, Loriol, Montéli-
mar; 5, Avignon ; 11, Valence,
Saint-Marcellin; 15, Gre-
noble; 16 (6!) Montbonnot;
29 , Lyon (Dominic.) ; 31 ,
Vienne (cliap.)
Février (8, Grenoble;) 12,
Montbonnot; 18, Grenoljle;
19 ; 20, Loriol ; (23=) 26, Avi-
gnon , Orange , Pierrelatte
(Petra Lata) ; 28, Romans.
Mars 1, Saint-Marcellin; 5,
6, Grenoble; (21, Beauvoir?);
30.
Avril (14, Grenoble;) 15,
Cornillon ; 16, Saint-Egrève
(S. Ayripinus); 26, Arpavon.
Juin 21, Cornillon ; 22, Gre-
noljle (Francise.)
Juillet 2, Pisançon (Pisan-
cianum, castr. dalph.) \ 0; 7,
Grenol)le (Francise); 11, Tul-
lins (TofjUinum); 12, 16, (17,)
21, 22, Beauvoir ; 28, La Per-
rière (c"^ St-Julien-de-Raz,
ante Pereriam, in grangia).
— 28 -
Henri Dauphin
1319
Mars 31, Moras.
Avril 1, 2; 14, Moirans.
Mais, Grenoble; 12; 17, 19,
Annecy {Annei/ssiacum); 19,
Rumilly en Albanais ; 21 , Cler-
mont en Genevois ; 22, La Ro-
che en G.
Juin 23, Avignon.
Juillet 12; 17, 21,24, Greno-
ble ; 24, Annevron (Antonins).
Août 1; 6,^ Grenoble; 27,
Crémieu.
Septembre 10; IG, Saint-
Marcellin; 25, Grenoble; 28.
Octobre 14, Valence; 28.
Novembre 17, Grenoble.
Décembre 9, La Balme; 29,
Beauvoir.
1320
Janvier 5, Bourgoin {Ber-
qondum); 25, Corbeil.
Avril 8.
Juin 23.
1321
Janvier 8, 9 (m curia nova),
12 (J. plateam S' Andreœ),
Grenoble; 28; 31, Saint-Mar-
cellin; 31, Beauvoir en Ro-
yans.
Février 1, Saint-Marcellin
en Viennois; 22; 24, Bonne
ville.
Mars 2, (Bonneville?)
Avril 9 (= juillet 9?); 21, 2G,
Grenoljle.
Mai 4; 12, Grenoble; 30, en
Faucignv.
Juin (), lô, K), Grenoble; 1.,
Beauvoir.
Juillet»), 7, 9, 10, .30, Avignon.
Août G, Grenoble; 31, La
Balme.
Septembre 4; 8; 14, La
Tour-du-Pin, Turris); 2G, 27,
30, Grenoble.
Octobre 1, Grenoble; G; 8,
bois des Ayes {nemus A;/a-
rnm); 1."), Grenoble; 19 (r/om.
Cnnaiillium), 21, Vienne; 22;
21, Grenoble; 2G.
Novembre; 7, Grenoble; 19,
Goncelin.
1322
Janvier 8, 9, Grenoble; 28,
29, Romans {dom. Helem.)
Mars IG.
Avril 15, Briançon.
Juillet 15, IG, 18, 23, Greno-
ble; 24, Crémieu; 26, Gap
(Francise, Vapin.).
Août 3, Nvons (N(choniis)\
13, Peyrins (Pai/r.) ; 24 ; 27, La
Balme; 30, 31, Crémieu.
Septembre 30, Prébois {Pra-
tum Bu xi).
Octobre 12, Grenoble; 19,
Cornillon.
Novembre 12, IG, (22,) 23, 25,
27, Grenoble.
Décembre 3; 7, Charmes
(Charment); 15, Serves (Cer-
cia) ; 30.
1323
Janvier 20, Goncelin {versus
Pereriam).
Février 17, 26, Mirabel.
Avril 8, Vais; 9; 11, Visan
{Avisan.y, 15, Le Puy (An?s-
chim). ^
Mai 4, Beauvoir ; 8, La Tour
(-du-Pin, Turris), Lagnieu
[Lai/niacuni); 17, Dole.
Juin 21.
Juillet9, 10, 15, 16, 21, Gre-
noble; 30, Beauvoir.
Août 20, 2(i, Crémieu.
Octobre 22, Chabeuil; 2-),
TuUins.
Noveml)rc 1, Moras ; 8, Gre-
noble; 10; IC), Beauvoir; 23,
Romans.
Décemb. 2,5,7,8, Grenoble;
22; 26, Beauvoir.
1324
Janvier 5; 7, Pagny (Pai-
nniacuni): 1 1, La Balme.
' Février 21 , B(?auvoir en Ro-
yans.
Mars 21.
Avril 23, (irenoble.
Juin 10, Montbrison.
Juillet 25, Saint- Antome;
■y\, Grenoble.
- 29
Août 4, Grenoble; H, La
Buissière; 10, 10, Saint-Mar-
cellin ; 18, 28, 29, Crémieu ; 31 ,
La Balme.
Septembre 5; 0, Bourg -
d'Oisans (Burgus S. Lauren-
tii); 11, Bois des Ayes (bosciim
Ayarum); 18, Briançon; 21,
Embrun.
Octobre 6, Visan (Avisa -
numy, 19; 24; 28.
Novembre *J, Grenoble; 15;
19, Briançon; 20, St-Bonnet
en Champsaur; 25, Grenoble.
Décemure 7, Romette {cam.
dom. Elemoyssine).
1325
Févriers, Grenoble; 20; 21,
Beauvoir en Royans.
Avril 1.
Juin 25/6, Lagnieu; 27, Saint-
Sorlin.
Juillet 9, Beauvoir; 15, Va-
lence.
Août, en Faucigny; 20; 26,
Avignon.
Septembre 1, quitte terre de
la Tour; 2, Le Buis f-les-
Baronnies, cam. S. Thomce
maj. hosp., Domin.) ; 8, Beau-
voir; 9; 21.
Octobre 15, Beauvoir; 25,
Grenoble.
Décembre 9; 16, 29, Cré-
mieu.
1326
Janvier 18, Saint-Vallier.
Avril 18, Beauvoir; 22, 24,
Grenoble.
Mai 17, La Balme; 21.
Juin 20, Grenoble; 21, Ro-
mans (Francise).
Août 23, Tullins; 26.
Octobre 10, Saint-Martin-
le-Vinoux; 21, St-Marcellin.
1327
Janvier 12, Visan (Avisa-
num, cam. fornelU).
Février 4, 6, Saint-Marcel-
lin; (7, Grenoble;) 13, « Leva-
ta »; 14, 16, Vizille; 26, Saint-
Paul(-lès-Romans).
Mars 13, La Balme; 26,
Montluel.
Avril 22.
Juillet 10.
Septembre 13; 17, Poncin
(Ain); 24, Saint-Donat.
Octobre 4, « M'ean' ».
Novembre 22, Saint-Vallier;
24, Grenoble; 26.
Décembre 5, Grenoble; 2(5,
Roussillon.
1328
Janvier 3, Montfleury; 4,
Vizille; 6, Montfleury; 16.
Février 10, 13, Avignon;
22; 27, Grenoble; 28, Mont-
fleury.
Mars 14, Grenoble; 18, Va-
lence.
Avril 1, Visan (fortaUc.)
Mai 13; 16, Pérouges; 26,
xMontluel; 29.
Juin (23,) 24, Avignon; 30.
Juillet 27, Montbrison.
Août 6, Corbeil.
Septembre 17, Arras.
Novembre, en Auvergne;
20, Beauvoir.
Décembre 11, Montluel; 17.
1329
Mars 17, Beauvoir, « Mon-
tiache » {dom. Hospit.).
En terminant la publication de l'itinéraire des Dauphins
de la 'i^^ race, je suis heureux d'offrir le témoignage de ma
gratitude à MM. P. Guillaume, E. Pilot de Thorey et J.
Roman, pour les indications dont ils ont bien voulu enrichir
mon travail.
Romans, 31 octobre 1886.
Voiron. — Imprimerie Baratier & Mollaret.
ITINKRAIRE
DAUPHIN HUMBERT II
Le règne du dernier souverain indépendant du Dau-
phiné a une importance exceptionnelle dans les annales de
notre province : il serait superflu d'insister auprès des
érudits sur Futilité qu'il y avait à dresser l'itinéraire suivi
dans ses voyages par Humbert II. La masse considérable
de documents mis en œuvre pour l'établir, d'une manière
à peu près complète, donnera peut-être l'idée d'une étude
plus approfondie du gouvernement de ce prince, sur
lequel les historiens les plus récents ont trop négligé une
source incomparablement précieuse d'informations : les
registres de sa chancellerie, en très grande partie con-
servés aux archives de la préfecture de l'Isère.
Fils du dauphin Jean II et de la dauphine Béatrix de
Hongrie, Humbert naquit à la fin de 1 3 1 2 ; il devint baron
de Faucigny à la mort de son oncle Hugues, en i328, et
succéda comme dauphin de Viennois à son frère Guigues
VIII (VII), le 29 juillet i333. Il résidait alors à la cour de
Naples : son pèlerinage aux églises de Rome et son retour
en Dauphine sont assurément la partie la plus curieuse
de ce travail. Pour la période correspondant à la croisade
de 1345-7, il m'a semblé utile de donner, au-dessous de
3 ITINÉRAIRE
l'itinéraire — forcément incomplet — d'Humbert II,
celui du régent du Dauphiné en son absence, Tarche-
vêque de Lyon Henri de Villars.
Deux sortes de documents ont servi à la rédaction de
cet essai : les chartes du dauphin, les comptes des tréso-
riers et des châtelains. Ceux-ci, souvent féconds en
renseignements, ne sont pas toujours suffisamment précis
pour les dates et rendent la chronologie incertaine. Il en
est tout' autrement des lettres patentes d'Humbert : sa
chancellerie n'a jamais cessé de prendre le commencement
de Tannée à Noël (a Nativitaté), comput d'après lequel
le millésime des sept derniers jours de chaque année est
en avance d'une unité ; les pièces renferment, presque
toutes, l'indication du lieu où elles ont été données, ordi-
nairement aussi celle du palais, château, église, couvent,
maison, chambre, etc. que j'omets pour abréger \ les lettres
closes sont excessivement rares.
Ce n'est pas que je n'aie été plus d'une fois embarrassé:
certaines juxtapositions de lieux éloignés à des dates trop
rapprochées mettront le doute dans l'esprit du lecteur ; il
ne m'a pas toujours été loisible de remonter à la source
même de ces contradictions et de préciser les causes
d'erreur. Elles doivent, pour la plupart, provenir de fautes
de transcription. Je n'en citerai qu'un exemple, qui sera
la meilleure justification de cette aride monographie :
Valbonnais a publié [Hist. de Dauph.^ t. II, p. Sôg-
62), un traité d'alliance entre le dauphin et le comte de
Savoie, qui aurait été passé à Charentonnay, le 7 décembre
1337, époque où Humbert ne semble pas avoir quitté
Grenoble : vérification faite dans le registre du notaire
Humbert Pilât (arch. de Tlsèrc, B. 26 11, f" 220), d'où
l'éditeur Ta extrait, j'ai constaté que cet acte y porte la
date du 7 septembt^e^ qui concorde avec le reste de l'itiné-
d'humbert II. 3
raire; cette même date est encore donnée par le t. II de
l'inventaire Generalia.
Quand le nom de lieu manque à Toriginal d'une pièce
ou à rinventaire qui en fournit l'analyse, le jour du mois
est inscrit entre deux points-virgules ; si ce nom peut être
légitimement conjecturé, le chiffre du jour est placé entre
parenthèses.
J'adresse, en terminant, à mes confrères en érudition
le souhait de recevoir des compléments à cet essai ; ils
seront fructueusement utilisés dans le Régeste dauphinois^
dont l'itinéraire de nos dauphins n'est que le préambufe.
*e3^
1321
Juillet 9 (, Avignon ?j.
1326
Mars 26.
Octobre 4, Saint-Martin-le-Vinoux.
1328
Juin 24, en Faucigny.
Décembre 2, Saint-Robert; 3, Grenoble?; 17, Romans.
1329
Juin 10, Crémieu (Augustins); 29, Grenoble ?.
1330
Mars 19, Crémieu (Crimiacum).
Août 8, Moirans; 10, Saint-Paul(-lès-Romans); 14, Beauvoir
en Royans ; 21, Grenoble.
4 ITINERAIRE
Fin, part pour la Hongrie (*î.
1332
Juillet 26, Casasana, près Castellamare (castniin Maris de
5 tabla).
Septembre 22, Naples (tournoi).
Octobre 9, Naples (noces).
Novembre 2, Naples.
Décembre 18, Naples.
1333
Janvier 15, Naples.
Février 2, Naples.
Mars, Naples ; Aversa, Pons ad Silicem, Capoue ; Teano {Tya-
mnn), Mignano {Minianum), 3Iont-Cassin (égl. de St-Benoît) ;
Alangia. — Rome : Saint-Pierre (du Vatican) ; St- Jacques (au
Borgo) ; St-Sébastien, Domine quo vadis, St-Paul-hors-les-
Murs, ubi aures s' Pauli (St-Paul-aux-Trois-Fontaines ?), St-
Barthélemy, St- Sauveur (in Onda), Arméniens (Ste-Marie-
l'Egyptienne ?); Ste-Croix (de Jérusalem); St-Paul, St-Laurent
(in Paneperna) ; Ste-Praxède ; Ste-Marie-de-la-Rotonde (Pan-
théon) ; Ste-Marie-Majeure ; (St-Pierre du Vatican). St-Pierre
(-aux-Liens); Ste-Agnès (moniales); Ste-Suzanne; prés du Tibre.
St-Sébastien ; St-Oeorges (in Velabro), St-Alexis, S" Sacco,
Stc- Marie de Manu; Ste-Marie-de-la-Minerve, Ste- Sabine,
St-Cyriaque, St-Jean-tle-Latran. St-Pierre (s' Suaire), Ste-
Euphémie, Ste-Marie-la-Neuve (Ste-Françoise Romaine), St-
Jean devant la Porte-Latine, St-Sixte, St-Sauveur. St-Pierre
(confession). — Sermoneta (Sulinonela), Fossanuova (Fossa
(1) Il n'y a pas lieu de tenir compte d'une pièce du 10 octobre
1330, donnée à Naples par lïumbert comme dauphin fReg. instrnm.
baron. MeduU. et Montts Alhani. f° Illl "J; elle rac paraît suspecte,
même eu admettant une erreur de millésime (1333 au lieu de 1330.)
D HUMBERT II. 5
Nova), Scaulum, Mola prés Gaête [Moleta Gaijetœ), Sessa
(Suessa) .
Avril 1 (jeudi s'), 2 (vend, s', égl. de Piedigrotta, S. Maria
de Pedegrocé), 4 (Pâques), Naples.
Mai, (Naples).
Juin, (Naples); 26.
Juillet 19, va en Pouille {ApuUa) ; 28, Barletta {Barolum);
29, Bisceglia [VigUia, Ste-Trinité) ; Bari (St-Nicolas) .
Août 5, Barletta ; Andria ; 15, Melfi (Melphla) ; 19, S" Maria
de Uliolo ; Naples ; 24, 25, 30.
Septembre 5; égl. de Piedigrotta [S. Maria de Padigrotte); 7,
8, 10, 11, Naples (naiss. et bapt. d'André).
Octobre 15, Naples; 17; Pouzzoles (Puteolum), Ischia (Iscla,
Yscla); Gâëie (Gage ta), Sia-Resti.tuta; 23; Porto-Venere (Portus
Veneris); 28, Portofino [Portus Dalphini); 28, 29, 30, 31,
Gênes (Janua).
Novembre 1, 2, Gênes ; 4 ; 5, Villefranche {portus OUbani) ;
5, 6, 7, 8, 9, Nice (.\icia, Niczia) ; 10, passe le Var (fîumen
JSiczix); M, Villeneuve-Loubet (Villa Nova), passe le Loup
(flmnen V. N.), Valbonne (collis de Verbon.); 12, Grasse (Gras-
sia); 13; 14, Garonne (pons Garo, de Garrono), Draguignan
(Drachinianum, Dragui-m); 15, Brignoles (Bonica, Briniola);
16; 17,18, 19, Saint-3Iaximin (S. Massi'ininus),\s. Sainte-Baume
(Balma) ; W, Saint-Zacliarie (6'. Zaccarias); 20, 21, Aubagne
(Balneum, Albanea); 21, 22,23,24, M^'seiWe (Mars i lia, St-
Louis, St- Victor) ; 24, Les Pennes (Pennxj, Berre (Berra); 25,
SdXon (Sallonum) ; 26, Orgon (Urgo), Noves (Novœ) ; 27, 28, 29,
30, Avignon.
Août 4, 5, La Perrière (in acie ante castrum Pererie^; 7,
Graisivaudan; 14; 16, Montlleury; 23, 26, Beauvoir.
Septembre 5, Graisivaudan.
Octobre 5, 1 1 , Beauvoir.
0 ITINERAIRE
Décembre i, 2, 3, 4, o, 6, Avignon (Ste-Claire d'Arles);
Valence; 14, 16, 18, 22, 24, 31, Beauvoir.
1334
Janvier!, Beauvoir; 2, 3, Saint -Marcellin; 4; 5, (6,) 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,(20,22,) 23, 24, 25, Grenoble.
Février 1, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, Grenoble ; Beauvoir; 15, 16,
17, 18, Monthiel; 20, Meximieux ; 21, 22, Montluel; 23, (24,)
25, La Balme ; 27, 28, Crémieu.
Mars 1, Jallieu près Bourgoin; 3, Bourgoin ; 4, Morestel ; 6,
Neyrieu ; 8, Saint-André de Briord ; 9, Saint-Sorlin {S. Satur-
ninus); 10, Lagnieu ; 12, 14, 15, 16, 21, 22, (23, 27,) 30, 31,
La Balme.
Avril I, 4, ^10,) 11, 12, (13,) 15, La Balme; 16, Salettes; 17, 18,
La Balme ; 22, Crémieu ; 26, La Balme ; 27, Saînt-Chef (S.
Theodorus).
Mai 2, Vienne; 3 (13 !), Moras; 5, Grenoble; 6; 7, près du pont
du Giandon entre Chapareillan et Montmélian ; 8, La Frelte (c"'
du Touvet, Fraya/aj ; 14, Briançon (en Maurienne?); 16; 18,
La Grave; 19, Briançon; 19, 20, Césane; 21, 23, 24, Oulx; 29
(19!),Exilles.
Juin, Suse ; Pragelas,Valcluson ; Pignerol (Pineyrol); 11, bois
des Ayes {nemus Aijarum); 13, 14, Césane; 10, Château-Queyras;
20, 21, Le Pont en Briançonnais; 27, Château-Queyras.
Juillet 2, 5 ; 9, 12, Upaix ; 13 ; 18, (21,) 23, Mévouillon; 24,
25, 27, 28, 29, 30, Le Buis (-les-Baronnies).
Août 1, 2, Mérindol; 3, Mirabel (-aux-Bar.); 4, Châteauneuf-
de-Bordette; 7, 12, Visan [Avisanum); 16, 20, 24, 26, (27,) 29,
31, Avignon.
Septembre 1, 3, 7, 10, 15, (17,) 26, 29, Avignon.
Octobre i2, Avignon; 6,7, 9, 12, 14, Visan; 17, 19, Nyons; 20,
21 , 22, Briançon; 23, La Bessée {Becerja), Embrun; 24, 25, Mens?
Novembre 3, 4, 5, 7, (8, 17,) 18, 22, (24,) 29, La Balme.
Décembre r4,; 5, 6, La Balme; 7; 9, Salettes; 12, Vienne; 14,
Valence; 20, 25, 27, Avignon.
îi HUMBERT II.
1335
Janviers, 14, 15, 17, 18, Avignon; Marseille?; 25.
Février 13; 14, Ballons {BaVon) ?; 15, La Balme; 19, 24.
Mars 2, 4,5,6, (8,10,) 11, 17, 18, Crémieu; Morestel; 22,
24, 31,Quirieu.
Avril 9; 11, 16, La Balme; 17.
Mai c'. Vienne; 3, 4, 5, M, 12, 13, 14, Avignon; 19, 20,
Langeac; 20, Brioude; 22, Pont-du-Château; 23, Aigueperse.
Juin 1, Grenoble?; 4, Beauvoir?; 18, Le Plessis en Norman-
die; 19, Mainneville.
Juillet 12, 30, Paris.
Août, bois de Vincennes ?; 3; 8, 10, 17, Paris; 19, Saint-
Germain-des-Prés près Paris; 20, Paris.
Septembre 3; retour de France; 7, 8; 11, 13, 16, 17, Grenoble;
22, Cornillon en Graisivaudan; 22, (23,) 26,27, (30,) Grenoble.
Octobre 1, Grenoble; 8, 10, 12, Beauvoir; 16; 29, Roche-de-
Glun; 29, 30, Beauvoir.
Novembre 3, 4, 5, 6, Moirans; 7, chartreuse de la Silve
(-Bénite;; 7, 8, 9, 10, Moirans; 13, 1^4, 15, 16, Saint-Sorlin
(Ainj; 19, 20, Quirieu; 21, 22, 23, 24, 25, 26,27, 28, La Balme;
29, Crémieu.
Décembre 1, 2, Colombier (-et-Saugnieu;; 3, 4, Saint-Laurent
(-de-Mure) en Viennois ; Meximieux ; Pont-d'Ain (Ponzinum) ;
14, Nantua ; 19, en Faucigny; 21, Bonneville.
1336
Janvier 7, 9, 16, (22,) 24, 28, Cluses (dioc. de Genève).
Février 6, Châtillon en Faucigny; Bonneville; 12, Bonne;
13, Allinge Vieux ; 15, 16, Hermance ; 16, 17, Coppet ; 17, La
Balme de Sillingy {Cousengle) ; 20, Salettes ; 22; 24, La Bal-
me ; 25; 29, Crémieu.
Mars 1, 2, 3, 4, Crémieu; 6, Roche-de-Glun ; 7, Valence;
10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, Avignon; Marseille (St-Louis) ; 22,
Avignon ; Orange ?; 25, Roche-de-Glun (Ruppis); 29, Le Buis.
ITINÉRAIRE
Avril 8; 12, La Balme de Viennois; 20, 26; 29, Crémieu.
Mai 4, Crémieu; \0(/iemus Lovarescie), M, 12, La Balme;
19, Beauvoir ; 23, 25, Saint-Marcellin ; 26, Beauvoir.
Juin 1, Beauvoir; Chambe'ry ; 10, Avalon ; il, Bellecombe ;
12, Barraux; Grenoble; 17, 18, La Sône (Clauczonia, Sonna) ;
19; 20, (23,) 2i, 26, Beauvoir.
Juillet 5, La Sàne {Loso7ia) ; 16, Moutliier-en-Bresse près la
Brenne) ; Châlon.
Août 2, 3, Pagny-le-Château en Bûurgogne;4, Chaussin.
Septembre 3, 8, 9, La Balme; (18, Lagnieu;) 21; 26, Grenoble.
Octobre 1,2, 4, La Balme; 8; 18, Ordonnas [Ordenacum); 19^
Portes; 20, 23, Ordonnas ; 29, La Balme, 31 .
Novembre 2, Lompnas {Lonnas) ; 3, 4, Ordonnas ; 5 ; 9,
Lompnas; 12, Ordonnas; 13/4, Lompnas; 15, 16, 17, Ordonnas;
17, Lompnas; 18, La Balme; 22, Salettes; 23, 24, 26, La Balme.
Décembre 13, Crémieu ; 19, 21, La Balme; 26, Crémieu ; 31,
La Balme.
1337
Janvier 2, La Balme; 20; 22, Lyon; 24, Vaulx-en-Yelin
[castrum de ValUbus prope Lugdunum); 25, Colombier (-et-
Saugnieu); 27, Saint-Laurent (-de-3Iui'e) en Viennois, Chandieu;
30; 31, La Tour-du-Pin.
Février 2, 4, La Balme ; 7, 8, Crémieu ; 9, 10, La Balme ; 16,
Beauvoir; 21, Pinet ; 22, Saint-Marcellin.
Mars 2 ; 5, 8, 15, Avignon; 20, Saint-Ruf près Avignon; 24,
26, territ. de Visan ; 31, Le Buis.
Avril (3,) 6, 7, 10, 24, Le Buis ; 26, Le PiUion {Arpihon.).
Mai 5, 13, 14, Avignon; 22, Le Buis.
Juin 2, 4, 6, 7, 16, 17, 20, 28, Le Buis (baronnie de
Mévouillon).
Juillet 2, Le Buis; o, Mévouillon; 7, Roclie (-sur-le-Buis,
Ruppis); 8, Le Buis; 15, Vienne; 15, 17, Beauvoir; 21, Saint-
Donat; 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, (31,) Vienne.
Août 2, 7, 14, 15, Vienne; 20, Beaurepaire; (21, 23, Vienne;)
28, 29.
d'hUMBERT II. Q
Septembre 7, camp, près Charentonnay, C-y; 10, 11,14, 15,
n, 18, 19, Vienne; 20; 2i, Moirans; 24, 25, Grenoble; 25,
Barraux; 29, (la grande) Gliarlreuse.
Octobre 4, Grenoble ; 18; 23, Vienne ; 27, Crémieu.
Novembre 4, La Balme ; 8, 9, Grémieu ; 10; 18, 22, 25, 27,
28, Grenoble.
Décembre 2, 4, Grenoble ; 5, Montbonnol ; 6, Grenoble ; 13;
U, Allevard ; 16, 17, 18, Grenoble; 20, 26, 30, Beauvoir.
1338
Janvier 2, La Sône (Sonna) ; 5, 30, 31, Beauvoir.
Février 4, 7, 8, 10, 14, 16, Beauvoir; 21, La Tour-du-Pin
[Turris] ; 26, 27, (28,) Crémieu.
Mars 1, 2, 3, 7, 8, Crémieu; 9, 11, Montluel en Valbonne;
13, Quirieu; 14, Lagnieu; 18, Salettes ; 24, Crémieu ; 26, La
Balme ; 30, Montluel ; 31, Lyon.
Avril 1, 2, Lyon; 9, Grenoble ; 9, 13, 16, Beauvoir ; 19, 21,
23, 25, Chabeuil ; 26, 27, Pisançon ; 29, Romans (St-Barnardj.
Mai 3, 5, 6, 7, 10, 11,14, 15, 19, 24, Beauvoir.
Juin 12, 15, Beauvoir; 16, 17; 19, 20, 24,25, (27,) 30, Moirans.
Juillet 2, 3,Moirans;4, 7, 9, 10, 1 l,i{ives; 11, 12, 13, 14, (1 G,)
18, 20, 21, Beauvoir ; 29; 31, Beauvoir.
Août 6, Saint-Alban (-du-Bhône); abbaye de Saint-Pierre hors
Vienne; Saint-Just; -12, chat, de Pipet ; 18; 19, Vienne; 20,
Pipet; 22, 23, 27, 29, Vienne.
Septembre 10, (13,) 24, 25, Avignon; la Sainte-Baume ?
Octobre 12, 16, (19,) 27, 30, 31, Avignon.
Novembre 1, 2, 3, 4, 7, Avignon; 10, 12, 13, 14, 16, 17, 19,
21, 23, 24, Pont-de-Sorgues; 30, Avignon.
Décembre 2, 4, 8, 11, 14, Avignon; 20, 22, (29,) Pont- de-
Sorgues.
1339
Su
Janvier 1, 2, 4, 6, 10, 12, 14, 16, (17, 23,) 27, 28, Pont-de-
rgues.
lO ITINÉRAIRE
Février \, Avignon; a, 8, 12, 13,15, 19, 20, 22, Pont-de-
Sorgnes.
Mars 1 , rPont-de-Sorguesj mon. de Romelte ; 3, Grenoble,
Sainte-Colombe près Vienne ; 4, Avignon ; 8, (9j 10, (11,) 16,
17, 18, (19, 20,) 22, 27, Pont-de-Sorgues.
Avril G, 9, Avignon; 12, 13, Pont-de-Sorgues; 16, 17, 18, 19,
22, 27, Avignon; 30, Pont-de-Sorgnes.
Mai (1,3,) 4, (11.,) 12, Avignon; 22; 30, Pont-de-Sorgues.
Juin 7,8, 12, 16, 17, 18, 19, 22, 23, 28, 29, Pont-de-Sorgues.
Juillet 1, 2, Poiit-de-Sorgues; M, Roclie-dc-Glun (liuppis) ;
17 ?, (19,) 23,24, Beauvoir; 25, Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs; 26,
Saint-Marcellin; 27, Saint-Etienne; 28; 31, camp. prèsL'Albenc.
Août 1, Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs; 2, Beauvoir; 7, (22,
26,) 31, Pont-de-Sorgnes.
Septembre 1 , Pont-de-Sorgues ; 7 ; 15, 24, 25, Avignon ; 29,
30, Villeneuve près Avignon.
Octobre 9, Le Puy (égl. Notre-Dame).
Novembre 4, (5,) 6, (9,) 11, 12, 19, Paris.
Décembre 10, 11, 20, Paris.
1340
Janvier 7, Paris.
Février 2, 4, 5, (15,) 24, Beauvoir (10, 12, 14, 16, 27, Saint-
Marcellin?).
Mars 1, Beauvoir; 4, Saint-Marcellin; 6, 8, Beauvoir; 10, La
Sône ; 12, Grenoble; 12, 13, Beauvoir; 16, Samt -Vallier ; 17,
Beauvoir, Grenoble.
Avril (3,) 6, 9, 10, 11, 12, Grenoble; 12, « ap. Sanctum Love-
tum »; 16, 22; 29, Beauvoir.
Mai 3, Beauvoir; 4, La Sône en \ iennois; 5, Pisançon; 8, 9,
10, La Sône; 13, Beauvoir; 14, 15, 16, Sainl-Alban(-(lu-Kbône);
18, 19, Bocbc-de-Glun; 19, Clérieu, Pisançon; 22 ; 24, 26, 27,
Beauvoir.
Juin 3, 13, 16, 20, 21, (23,) 24, (26,) 29, Beauvoir; 29, Gre-
noble.
D HUMBERT II. II
Juillet f\,) 2, (3, 4, 5,) Saint-Etieiiiie-de-Saint-Geoirs; 8,
Rives; I 4, 19, 24, Grenoble; 30, La Baline.
Aoiit 1, 3, 4, Grenoble; 12, MontUiel; 18; 24, La Balme; 29.
Septembres, 4, La Balme; 17, Visan; 19, Saint-Bonnet; 23,
Le Buis (-les-Baronniesj.
Octobre 2, 9, 11, (1t,; 24, 28, Avignon.
Novembre 1, 2, (3,) 4, Nyons; 4,Curnier, Sahune (Asseduna);
5, La Charce (ca5i!. Carçeris)\ G, Montmorin-; 9; 11, Montmaiir;
13, Gap; 1 4, Ghorges (ap. Caliirlcasy, 15, 17, Em])run; 18, Saint-
Bonnet en Champsaur; 28, Grenoble.
Décembre 3, Grenoble; 4; o, 8, (25,) 29, 31, Beauvoir en
Royans.
1341
Janvier 3, Beauvoir; 9; 10, Saint-Marcellin; 16, Beauvoir; 29,
Février 12, 18, 20, 24, 26, Grenoble.
Mars 5, 6, (8,) 9, 10, 12, 13, 14, 17,26,(29,) 30, 31, Grenoble.
Avril 4, 10, (16,) 17, 23, Grenoble; 27.
Mai 1, (3,) 4, Beauvoir; 11, Grenoble; 12,Sainl-Lattier («p. 5""
Laterium); 16, 25, (28,) Peyrins.
Juin 6, 7, Peyrins; 9, Saint-Donal; 10. 15, Beauvoir; 23, Gre-
noble; 30, Montneury.
Juillet 3, 5, 7, (9,) 10, MontHeury; 17, 19,Vizillc; 19,20, Vif ;
21, rive du Drac près du port de Glaix; 29, 30, La Balme.
Août 5, Antbon; 7, 8, (9,) Loyettcs; 11, Grémieu; 12, 13,
(15,) 16, Loyettes; 21, 22, 23, 24, 26, La Balme; 28, Lyon.
Septembre 1, 6, (7,) 10, 11, (13, 19,) 20, 22, 25, 29,
Beauvoir en Royans.
Octobre (3,) 4, (7,) 8, Beauvoir; 31, Saint Lattier (S. Eule-
t/'ierius, S. Heleuterius, S. Heubclius, S. Heulckrius).
Novembre 6? Grenoble; 7, 8, Beauvoir; 8, 10, Seyssins; 13,
Saint-Alban (-du Rhône); 17, Peyrins; 24, 26, La Balme en
Viennois.
Décembre 8; 10, Pinet; 11, Beaurepaire; 14, Beauvoir; 20,
21, 25, 28; 30, 31, Beauvoir.
12 ITINERAIRE
1342
Janvier 2, Grenoble; 4, (5,) 6, 7, 11,13, 14, Beauvoir; 16,
Saint-Marcellin ; 21, 22, 23, 25, 27, Beauvoir.
Févriers, in obsedio ante Romans ; (') 13, Peyrins; 14, 19,
in acie ante Romans; 19, bastide de Beau-Secours près R.; 23,
23, 24, 26, 27, Romans.
Mars 2, 4, Pisançon ; 4, Romans ; 7, 12, 14, 17, liS, Pisançon;
19, bastide de Reau-Secours près du pont de Romans; 19, 20,
Pisançon ; 26 , Saint-Saturnin du (Pont-j Saint-Esprit sur
Rhône ; 28, Avignon.
Avril 4, 10, 16; 18, 20, 21, Villeneuve -Saint -André près
Avignon.
Mai 3, Gentilly (près du Pont-de-Sorgues) ; 5, palais d'Orange;
8, Yisan; 10, 14, 19, 20, 22, (2o,) Avignon.
Juin 9, Gentilly; 15, Beauvoir; 21, Romans; 28, Avignon.
Juillet 15, 16, Visan {Avisamim).
Août 2, Grenoble ; 9, Saint-Étienne-de-Saint-Gcoirs; 16; 18,
Grenoble, Tullins ; 19, 20, Beauvoir; 25, Haute-Pierre (Alla
Petra) près Crémieu ; 27, La Balme.
Septembre 1, Saint-Denis fAin); 15, 16. 17, Salctles ; 19, 20,
Jarcieu.
Octobre 7, 8, Vienne; 20,27, Beauvoir; 29, Iseron; Peyrins.
Novembre 3, Iseron ; 7; 16, 18, r21,) 22,- 2i, 26, 27, 29,
Grenoble.
Décembre 1, 4, 8, 11, 12, 13, 14, !6, 17, 18, 20, Grenoble;
23, Montlleury; 24, (2o, 29,) 30, 31, Grenoble.
1343
Jan\i<!r 4, i;renoble ; 7, Le Bui.> ; 8^ 10, Valence; 17, 18,
(1) Une note du reg. Refformaciones curie majoris Viennesii et Va-
lentm. (cabinet de M. P.-E. Giraud) fixe au 10 févr. 1311 (v. st..) la
prise de Romans par le daupiiin (f" 58) ; il est certain, d'après la
capitulation du li, que la ville ne dût ouvrir ses portes que le 20.
D HUMBERT II. I^
Roquemaure (Ruppes Maura, Avinion. dioc); 21; 30, Ville-
neiive-Saint-André.
Février 6, 14, 23,24,20, Villeneuve-Saint-André près Avi-
gnon.
Mars 3, Villeneuve près Avignon ; 14; 20, Nîmes [iSemausum];
25, 29, Villeneuve-Saint-André près Avignon.
Avril 3, Nîmes; 9; 16, Nîmes; 17; 23, bois de Vincennes; 25, 28.
Mai 11, Nîmes ; 15, 18, 25 ; 28, 29, 31, Beauvoir en Royans.
Juin 3, (12,j 15, 19, 20, 21, 22, 27, 29, Beauvoir en Royans.
Juillet 1, Beauvoir; 4, 10, 11, 14, Saint-Marcellin ; 16, Beau-
voir; 17, Saint-Marcellin; 18, Saint-Antoine; 23, Vienne ; 24,
26, 27, Saint-Marcellin ; ;28, Vienne; 29, Sainte-Colombe près
Vienne; 30 ; 31, abb.de Saint-Pierre hors la porte de Vienne.
Août 1, 2, abb. de Saint-Pierre hors la porte de Vienne ; 3,
Vienne ; 4, abb. de Saint-Pierre ; 5, Vienne ; 7, 8, 9, Sainte-
Colombe près Vienne ; 9, 10, 11, abb. de Saint-Pierre; 11,12,
Vienne; 12, 13, abb. de St-Pierre ; 13, Sainte-Colombe; 15, 17,
18, abb. de Saint-Pierre; 18, 19, Vienne; 20, Sainte-Colombe
de Vienne ; 20, 21, abb. de Saint-Pierre ;w2l, 23, Vienne ; 24,
abb. de Saint-Pierre; 24, 25, Sainte-Colombe p. V.; 27, Roche-
de-Glun.
Septembre 2, Roche-de-Glun ; 7, Saint-André de Vienne; 8,
9, 11, 12, (16,) 17, 18, 20, 21, 22, Avignon; 25, Villeneuve
près A.; 27, Avignon.
Octobre 4 ; 10, Avignon ; 12 ; 19, 20, 21, 24, 26, ïl, 28, 31,
Villeneuve-Saint-André.
Novembre 5, (10,) 12, 13, Villeneuve-Saint-André ; 17, 20,
Grenoble ?; 23, 24, Montpellier (Anton., Hospit)
Décembre 1, 4, 8, 10,11, Montpellier ; 15, Bourgoin ?; 16,
17,(19,) 28, Avignon.
1344
Janvier 2, (3,) 11, (12,) 14, 16, 17, (27,) 31, Avignon.
Février 7, 9, 13, 17, 20, 25, 26, 27, Avignon.
Mars 2, 3, 4, 10, (11,) 12, 15, 20, 22, 23, 25, Avignon.
Avril 7, 10, 12, 14, 15, 29, Avignon.
14 ITINÉRAIRE
Mai 2, 4, 5,(14,) 16, (18, 19,) 20, 23, Avignon.
Juin 3, 7, 8, 11, 13, 17, Avignon ; 18, Villeneuve près A.; 19,
27, Avignon.
Juillet 6, Carpentras; 10, 14, 17, 19, 23, Avignon ; Apt ; 27;
30, Avignon; 31, Villeneuve fdioc. d'Avignonj.
Août 2, (3.) 6,7, Avignon; 18, Romans ; 22, 23, (26,) 31,
Beauvoir.
Septembre 3, 6, Beauvoir; 7, Grenoble; 9, 10, 11, Saint-
Marcellin; 18, 22, 23, Grenoble.
Octobre 2, MontHeury; 6, 8, 9, (10,) 13, lo, 18, 20, 22, 27, 28,
29, 30, Grenoble.
Novembre 3, 4, f9,) 12, 13, 16, 21, (24,) 23, -26, Grenoble.
Décembre 7, 8, 9, (10,) 12, 13,^/16, 21, (22,) 26, (27,) 28,
Grenoble.
1345
Janvier 3, (10,) 11, 12, 14, 13, 22, 23, 24, 23, 29, 30, 31,
Grenoble.
Février 3, 3, 6, 8, 9, 11, 12, 16, 17, 18, 20, 21, 23,24, 23,
26, (27,) 28, Grenoble.
Mars I, ^3, 4, 7, Grenoble ; 13, Vizille ; 14, 13, 16, 17, 18,
19, 21, 22, 23, 24, Grenoble ; 27, Beauvoir; 27, 28, 30, Grenoble.
Avril 6,8, 10, 11,12, 13, 14, 13, 16, 24, Romans ; 28, Avignon.
Mai 4,3, 11,12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,20. 21, 22, 23,24, 23,
26, 27, 28, 29, Avignon ; 31, Pont-ile-Sorgues, Avignon.
Juin 1, 2, 3, 6, 11, 12, 13, 14, 13, 18, 20, 22-, 23, 24, 23, 28,
29, 30, Avignon.
Juillet 1, 6, 9, 10, 12, 13, Avignon ; 13, 14, 13, 16, 17, mon.
de Bon-Repos hors-prés Avignon ; 20, 21 , 22, 23, 24, 23, 26,
27, 29, Avignon ; 30, abb. de Bon-Repos; 31, Avignon.
1345
Juillet 13, 14, mon. de Bon-Repos près Avignon.
D HUMBERT II. I5
Août 1, Marseille; 2, 3, Avignon; i, Laiiczo7ium; 8, 10, U,
l'i, 16, 17, 18, 19, 22, 24, 26, 27, 28, 29, 30, Marseille; 30, port
de mer de Marseille, in galea S. Crucis ; 31, Marseille.
Septembre 1, Marseille ; 1, 2, près du port de M.; 2, in galea
S. Crucis, in g. supra mare près de M., in insula maris à
l'orient du port de M. (If); 3, Marseille; 14, 15, Gênes; Li-
vourne ; Florence ; Venise ; Tréyise ?
Octobre, Céphalonie (Same)'^; Négrepont.
Novembre, Mitylène (Lesbos); 24, Rhodes,
1346
Février 13, Smyrne.
Juin 8, Négrepont ; 24, combat près Smyrne.
Juillet, autre dans l'île d'Imbro ?
Août 2, Avignon ; 30, Marseille.
Septembre 1, Marseille; 2, à l'orient de M.; 5; 7, 8, Avignon;
15, 19, 20, 22, 23, 24, (28,) 29, 30, Romans. "
Octobre 1; 3, « cast. de Hermiis » (Eymeux).
Novembre 17, 19, 20, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 30, Romans.
Décembre 1, 4,8, 9, 10, 11,12,13, 14, 16, 17, 18,' 23, 24, 28,
29, Romans.
1346
Janvier 2, 10, 15, 16, 17, 19, 21, 22, 23, 24, 25, (28,) 30,
Avignon.
Février 1, 4, 6, 7, 9, 11, 13, Avignon; 14, Orange; 18, Avi-
gnon ; 21 , Saint-Lattier (S. Heuleterius) ; 28.
Mars 2, 3, 11, 12, 15, 18, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27,
Grenoble ; 31, La Tour-du-Pin.
Avril 3, La Tour-da-Pin.
Mai 1; Corbelin.
Juin 5, Pierre-Scise (prés Lyon) ; 21 ; 26, Grenoble ; 28, 30,
Romans.
Juillet 1, 2, 7, 9, Romans ; 16, 20, 22, 24, Moirans ; 27.
l6 ITINÉRAIRE
Août V, 27, pillé en mer par les Génois.
Octobre 12, Rhodes (in villa nova de insula R).
Novembre, Rhodes,
1347
Janvier 6, 29, Rhodes.
Février 10.
Mars 2, Rhodes.
Mai 27, Venise (SS. Jean et Paul).
Août 16, Milan {Medulani, palaisj ; Mortara.
Septembre 1 , Saluées ; 4, Rriançon ; Vizille ; Grenoble, 8 ; 11 ,
Bourg-d'Oisans {cast. Oysen.); 17, 25, Grenoble.
Août 15, Poncin ; 19; 29, Lagnieu.
Septembre 2, 4, G, 7, 12, 14, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26,
27, Grenoble ; 28, Moirans.
Octobre, Moras, Revel, Auberive ; 5, 6, 7, Vienne ; 7, mon. de
St-Pierre hors V.; 14, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 24, 25, (26,) 27,
28, Romans.
No\embre 5, Grenoble ; 7, Auberive (-cn-Royans) ; 7, 17, 18,
19, 20, 23, 24, 25, 28, Romans.
Décembre 2, 4, 5, 8, 9, 10, 12, 13, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 23,
24, 25, 27, 29, 30, Romans.
1347
Janvier 2, 3, 4, 5, Romans; Lyonnais.
Février 6, Romans?; Valence, Ghabeuil.
Mars (2,) 3, 5, 6, 8, 10, 15, 16, 22, 28, Romans.
Avril, Grenoble ; 7, Romans ; Peyrins ; 22, Montllenry ; 24,
28, 29, Grenoble.
Mai 3, entre Bellerombe et les Marches ; 5 ; 14.
Juin 4, 13, Grenoble ; 19, La Tour-du-Pin ; 22, Grenoble ; 24,
Vizille.
Jnillct 3 ; M, Moirans; 17, Valence.
Août 2, Embrnn , 4; 16, Bardonnéche.
D HUMBERT II. IJ
Octobre 6 ; 12, 14, Beauvoir ; 22, 23, 24, Romans.
Novembre 6, Saint-Marcellin ; (10,) \\, 16, 19, 20, 25,
Avignon.
Décembre 2, 5, 6, 7, 8, 10, 14, 15, 16, 17, 18, Avignon ; 19,
20, 24, Villeneuve-Saint-André près Avignon ; 26, 27, Avignon;
28, 29, 31 , Villeneuve près A.
1348
Janvier 2, 5, 7, 8, 10, 12, 13, 14, 16, 20, 21, 23, 25, 28,
Villeneuve-Saint-André près Avignon.
Février 3, 4, 6, 7, Villeneuve ; 8, Bez (Bercium) ; 11, 12, 13,
Pont-Saint-Esprit {S. Saturninus de Ponte, S. Splritus) ; 20, 24,
25, 28, Beauvoir en Royans.
Mars 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22,
Beauvoir ; 27.
Avril 4, 12, Beauvoir W; 26, 27, 28, 29, 30, Lyon, chat, de
Pierre-Scise.
Mai 1, LaBalme; 12, 13, Crémieu ; 16, Anthon, port d'A.;
17, 18, 19, Montluel ; 23, Miribel ; 27, Montluel ; 28, abb. N.-D.
de Salettes ; 30.
Juin 2, Crémieu ; 2, 3, 5, La Balme; 11, Saint-Georges-d'Espé-
ranche ; 23, 25, 26, Quirieu ; 27, Crémieu, Lyon ; 30, Crémieu.
Juillet 1, Crémieu; 4, 8, 16, Beauvoir; 20, LaBalme; 23,
Quirieu ; 27, Crémieu ; 29, Tnllins; 30.
Août 5, 6, 8, 9, La Balme ; 11, Quirieu ; 17, La Balme ; 28,
30, Salettes.
(1) Cette date a donné Jieu, au siècle dernier, à une intermina-
ble discussion entre le chapitre et les consuls de Romans, dans
laquelle l'érudition de ces derniers ne brilla pas par la loyauté.
L'armée du Dauphin se réunit à Montluel le 6 avril, vint le même
jour devant Miribel et prit le bourg ; le château se rendit le 22. La
lettre d'Humbert II, datée du 12, in burgo Mirihelîi, in exercitu nos-
tro, émanait de ses officiers : de gênerait mandato domini (au lieu de
per dominum orethenus) .
l8 ITINERAIRE
Septembre 3, Salettes ; 5, Grenoble; 10, La Balme; H.
Octobre 8, Grenoble ; 14, 28, Beauvoir.
Novembre 1; 3, Beauvoir ; 6, Grenoble ; 9, Beauvoir ; 9, 10,
Grenoble; 15, 17, 18, 19, 22, Beauvoir; 24, Grenoble ; 25,
Grémieu ; 29, 30, Romans.
Décembre 1, 3, 4, 5, 6, 9, 10, Romans ; Avignon ; 17, 18, 22,
29, (30,) 31, Romans.
1349
Janvier 4, 6, 7, Chabeuil ; 9, 10, 12, Romans ; 18, 19, 20, 22,
24, 28, Beauvoir ; 29, Chabeuil ; 29, (30,) 31, Beauvoir.
Février 1, 3, Beauvoir ; 14, 17, Tain ; 20, 28, Romans.
Mars 3,4, 6, 7, 10, 11, 13, 14, 17, 18, Romans; 19, Beauvoir;
20, 21, 22, 23, 26, (29,) 30, (31,) Romans.
Avril (1 ,) 3, 4, 6, 7, 22, Romans ; 23, Grenoble.
Mai 3, Beauvoir; 4, Montpellier?; 28, Lyon?
Juin 1, Lyon; 8 ; 11, Lyon ; 12, Pierre-Scise.
Juillet 1 ; 2, Pierre-Scise ; 6, 10, 11, 12, 13, 16, 17, (18, 19,
21,) 27, 28, Lyon.
Août 21 , 26, Romans ; 28, Beauvoir.
Septembre 5, 10, 16, ( 17,) 25, Beauvoir.
Octobre 8, 17, (21,) 25, Beauvoir en Royans.
Novembre 16, 23, Beauvoir.
Décembre 1 , Beauvoir; 6, 20 ; 22, Grenoble.
1350
Janvier 4, Montfleury; 28, (30,) Grenoble.
Février 1, 3, 4, 5, (6,) Grenoble.
Mars 13, Villeneuve (dioc. d'Avignon).
Juin 2, Villeneuve-Saint-André ; 14 ; 22.
Décembre 25, Avignon (ordonné).
1351
Janvier 2 fsacré), 22, Avignon ; 31, Villeneuve près A.
D HUMBERT II. I9
Février 4, 8, 23, Grenoble.
Avril 15.
Septembre \, Beauvoir; 8, 10^ Grenoble ; 16, Beauvoir.
Octobre 19, monast. de Salettes.
Novembre 1 .
Décembre 6, mon. de Salettes.
1352
Février.
Mars 10, Porte de Mars à Reims.
Juillet 21, 24, Paris.
Août 12, Paris.
Novembre 7, Paris.
Décembre?, Paris ; 14.
1353
Avril 24.
Mai 7.
Août 3, Chartreuse prés Paris.
1354
Mars 26, Porte de Mars à Reims.
Juillet 11, Paris (couv. des Dominicains).
Septembre 18, Paris (Dominicains).
Novembre 3.
1355
Janvier 25.
Février 22, Paris (Dominic.)
Mai 16 ; 24, 22, Clermont (-Ferrand).
Romans, 2 mai 1886.
BULLETIN
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE
ET
D'ARCHÉOLOGIE RELIGIEUSE
IMPRIMERIE JULES CÉAS ET FILS
c4 VALENCE
BULLETIN
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE
ET
D'ARCHÉOLOGIE RELIGIEUSE
DES DIOCÈSES DE VALENCE
GAP, GRENOBLE & VIVIERS
TOME HUITIÈME
ROMANS
AU SECRÉTARIAT DU COMITÉ DE RÉDACTION
1887-8
PUBLICATIONS DU COMITÉ DE RÉDACTION
'DÉPÔT <iAU SECRÉTARIAT, cA "ROMANS
'Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse, i''", 2' et 3" années, à 10 fr.
— — — — — 4^1 5°, 6' et 7=, à 5 —
TIRAGES A PART DU BULLETIN (in-8°)
Albanès (J.-H.), Histoire des évéques de Saint-Paul-lrois-Châteaux au
XI V^' siècle, corrections et documents 3 50
Bellet (Chiirl.), Usâtes pour servir à la géographie et à l'histoire de V an-
cien diocèse de Grenoble, i" part 2 50
— Histoire du Cardinal Le Camus 8 »
Blaïn, Louise ou la sainte de Venterol 1 25
— [Mémoires de J.-B. "Brun, curé d'cAouste, sur les événements de
son temps, de I/92 au Concordat (1802) 2 »
Blanchard, Un épisode de l'histoire des Ca^nisards dans l'cArdéche ( ijo^) 1 50
Chaper (Eug.), (Mgr. Le Camus, cardinal, évêque de Grenoble de lô'ji à
i"oy, notes pour servir à sa biographie, écrites par lui-même. » 75
Chevalier (Jules), V\^otes et documents pour servir à l'histoire des doyens
de l'église de T)te au XVP siècle 2 »
— 'Passage de la compagnie des Ecossais dans le 'Diois ( i^gô) . 1 25
— 'Procès-verbal de la visite pastorale de Jacques de Tournon,
évêque de Valence et de 'Die, à 'Die et à Crest (i^^ i ) . . . 1 50
Chevalier (Ulysse), Compte de 'Raoul de Louppy, gouverneur du 'Dauphiné
de I ]ôi à i]6ç 3 »
— Itinéraire des 'Dauphins delà troisième race (cAnne, HumbertP',
Jean II, Guigues VU et Humbert II) 2 »
Ckosson (Luc). ^^ 'K- (M- 'Damascène "Buisson, supérieure générale des
religieuses Trinitaires 1 »
Feraud (J.-J.-.M.), Fêtes de la canonisation de S. François de Sales et de la
béatijication de Jeanne-Françoise Frémiot, baronne de Chantai,
à Digne, en i66y et ij^2 4 »
FiLLET (L.). Donzère religieux, notice historique 2 50
— Echevis religieux, notice historique 1 25
— (Montbrison religieux, notice historique 1 50
— USCotice historique sur les paroisses de Colonzelle et (Margerie. . 2 »
Guillaume (Paul), CSCotice historique et documents inédits sur le prieuré de
Sainl-^ndré de Gap » 75
— Origine des Chevaliers de (Malte et "Rôle des donations de la com-
manderie de Gap (XI-XII' siècles) 2 50
— "Relations de Louis XI et Charles VHI avec Gap et Embrun . . » 50
Lagier (A.), cAbbaye de N.-D. de Laval-Bénite de "Bressieux 1 75
Mazet (V.), I^ierre Fedon et le diocèse de Die pendant la 'Révolution . . 2 25
Roman (J.). Visites faites dans les prieurés de Tordre de Cluny du Dauphiné
de 1280 à i]0] 125
ToLi'iN (H.-C), Notice sur le serviteur de Dieu Jean Sérane, profès de la
Compagnie de Jésus ( i y i 2-1 ^8.4) 3 »
— Justine de La Tour-Gouvernet, baronne de 1'oël-Cciard, épisode
des controverses religieuses en Dauphiné durant les vingt
premières années du XV II' siècle 3 50
NOTICE
LES RELIQUES
possédées
PAR L'ÉGLISE DE GRIGNAN
L'église paroissiale de Grignan possède des reliques fort précieu-
ses, que nous avons déjà signalées dans un travail précédent (i).
Le cadre de celui-ci nous ayant réduit à une indication absolument
sommaire, il y a lieu de revenir sur le sujet, et de donner sur ces
reliques les renseignements fournis par divers actes authentiques
dont elles ont été l'objet.
Relique de la vraie Croix. — Elle est enfermée dans un petit reli-
quaire d'argent fixé au centre d'une croix en cuivre d'environ o™, 45
de haut et portant sculptés les insignes de la passion du Sauveur.
Relique et reliquaire furent donnés en 1835 par Mgr de Quélen,
archevêque de Paris; et, le 2 février 1836, Mgr La Rivoire de la
Tourette, évêque de Valence', accorda l'autorisation « d'exposer la
« dite relique de la vraie Croix à la vénération des fidèles » dans
l'église paroissiale de Grignan (2).
Relique des saintes Maries Jacobé et Salomé. — Sans faire ici l'his-
toire de la vie et du culte de ces deux saintes, histoire donnée en
partie par le saint Evangile et traitée depuis par un assez grand
(i) Bulletin de la Société d'archéol. et de statist. de la Drôme, XII, .^o-i.
(2) Arch. de Tégl. de Grignan, orig. pap.
6 NOTICE SUR LES RELIQUES
nombre d'auteurs (i), nous en dirons du moins ce qu'en rappellent
nos documents particuliers.
Les restes vénérables de ces deux saintes, illustres dans l'Evangile
à cause de leurs rapports immédiats avec Jésus-Christ, reposaient
depuis longtemps dans une chapelle souterraine de la paroisse de
Notre-Dame de la Mer, près d'Arles. Le 3 décembre 1448, ils furent,
en vertu des permissions accordées par le Souverain Pontife, et à la
prière du roi René, comte de Provence, transférés dans l'église de
Notre-Dame de la Mer, par le cardinal de Foix, en présence d'un
grand nombre d'évêques et d'autres personnes distinguées.
Le 19 avril 1686, Jean-Baptiste Adhémar de Monteil de Grignan,
archevêque de Claudiopolis et coadjuteur de François Adhémar de
Monteil de Grignan, archevêque d'Arles, fit ouvrir, en présence des
personnes de sa suite, la châsse qui contenait ces reliques. Il vérifia
les divers titres qui y étaient renfermés et qui en prouvaient l'authen-
ticité. Mais voulant doter la collégiale de Grignan d'une légère partie
de ces reliques, le prélat prit une vertèbre de sainte Marie Jacobé et
une partie d'une clavicule de sainte Marie Salomé, et en fit don aux
doyen et chanoines de Grignan. Les lettres signées de son sceau
sont du 19 août 1686 (2).
Le 28 novembre 1693, Armand de Montmorin, évêque de Die,
faisant sa visite canonique à Grignan, les chanoines de ce lieu lui
présentèrent « une boîte de reliques fermée et cachetée, envelopée
« d'un petit ruban blanc et cachettée aux armes de Mgr l'Archeves-
« que d'Arles. » La boîte fut « ouverte avec les solennités en tel
« cas requises, » et le prélat y trouva une vertèbre de « Ste Marie
« Jacobé et une partie de la clavicule de sainte Marie Salomé, avec
« un extrait d'un procès-verbal de visite fait par iMgr l'Archevesque
« d'Arles sur lesd. Reliques, et les lettres patentes de Mgr l'Arche-
« vesque d'Arles, pour lors coadjuteur, sur le don des susdites reli-
« ques à M" du chapitre de Grignan. »
Ces reliques, et celles des saints Primitif, Sévéricn et Vincent,
dont nous allons parler, étaient gardées sous deux clefs, dont l'une
au pouvoir de M"" Serratoris, officiai de Die, et l'autre au pouvoir de
M' le Sacristain (3).
(i) Voir Répertoire des sources kistor., par Ulysse Chevalier, mots Marie (s""),
épouse de Cléophas, et Salomé (s').
(2) Arch. de l'égl. de Grignan, orig.
(3) Arch. de la Drômc, Visites de Die.
POSSEDEES PAR L EGLISE DE GRIGNAN. 7
Le 2 décembre de la même année, l'évêque de Die permit d'expo-
ser celles des saintes Maries à la vénération des fidèles, dès qu'elles
seraient enfermées dans une châsse convenable (i). Au procès-verbal
de la visite ci-dessus est jointe une ordonnance publiée à Grignan
le 9 dudit mois et contenant cette permission, mais sans parler de la
condition relative à la châsse (2), condition toutefois qui a été rem-
plie ; car la relique de sainte Marie Jacobé a été enfermée, avec son
étiquette propre, dans une châsse en bois peint, munie sur le devant
d'une vitre de forme ovale, et surmontée d'un petit buste de la sainte.
Celle de sainte Marie Salomé a été mise dans une autre châsse abso-
lument analogue. L'une et l'autre, ainsi que toutes les reliques dont
il va être question, sont exposées dans Téglise de Grignan, chaque
année, le 30 novembre, jour de la fête des Saintes Reliques.
Relique de saint Primitif, martyr. — Le corps de saint Primitif,
martyr, extrait des cimetières de Rome, sous le pontificat d'Alexan-
dre VII, fut donné par le cardinal Chigy, légat a latere de Sa Sain-
teté auprès du roi de France Louis XIV, à la marquise de Montau-
sier, le 24 juillet 1664 (3), et peu après donné intégralement par
celle-ci à la duchesse d'Uzès.
Le 4 août 1664, Jacques Adhémar de Monteil de Grignan, évêque
d'Uzès, ayant reconnu l'authenticité du saint corps, en fit distinguer
les diverses parties, qui consistaient dans c le crâne entier, deux
« fémurs, deux radius, deux cubitus, partie des vertèbres, partie de
« la clavicule, l'omoplate et quelques extrémités des costes. » Quatre
de ces ossements furent laissés en la possession de la marquise de
Rambouillet, en la chapelle de l'hôtel de qui s'était faite la vérifica-
tion. On donna « l'os d'un bras à Madame la Marquise de Grignan,
« l'omoplate à Monsieur le Duc de Montausier, et quatre ou cinq
« petits morceaux pour satisfaire à la dévotion de quelques parti-
« culiers. » Le surplus des reliques fut remis dans la caisse qu'on
scella du sceau de l'évêque d'Uzès, et donné à l'église de St-Sul-
pice-lès-Paris, dans les archives de laquelle fut déposé l'original en
parchemin de la vérification dont nous venons de parler.
Madame la Marquise de Grignan porta à Grignan la relique dont
on lui avait fait don, et la déposa dans l'église collégiale de St-Sau-
veur. Puis, sur une requête adressée par les doyen et chanoines de
(i) Arch. de l'église de Grignan, note.
(2) Id. de la Drôme, Visites cit.
(3) Id, de régi, de Gr., lettres patentes du card. Chigy, orig.
8 NOTICE SUR LES RELIQUES .
la collégiale, l'évêque de Valence et de Die permit, le 29 juin 1666,
d'exposer cette relique à la vénération des fidèles (1).
Le 28 novembre 1693, les chanoines présentèrent à l'évêque en
visite « la chasse de la relique du Bras de saint Primitif, martir, »
que le prélat trouva « bien et duement authentiqué, ayant vu les
« lettres patentes de Mgr l'Eminentissime cardinal Chisi, légat a
« latere en France, données à \'incennes le 24*^ juillet de l'an 1664,
« par lesquelles il fait don du corps de saint Primitif, martir, a Ma-
« dame de Montausier. » Le même prélat vit aussi une copie colla-
tionnée du procès-verbal de l'évêque d'Uzès sur la vérification du
4 août 1664; un certificat du même évêque du 17 juin 1666, consta-
tant l'identité du bras de saint Primitif avec celui qui fut donné à
Madame de Montausier et par celle-ci à la marquise de Grignan ;
la requête du Chapitre de Grignan à l'évêque de Valence, pour avoir
la permission d'exposer la relique à la vénération des fidèles, et le
décret de cet évêque du 29 juin 1666, donnant cette permission.
L'ordonnance du prélat, publiée à Grignan le 9 décembre 1693,
renouvelle cette permission (2).
La relique se voit aujourd'hui, reposant sur un coussinet en soie
de couleur rouge, dans une châsse en verre à base rectangulaire et
à surface proéminente et prismatique au centre. Montée sur des ban-
des de cuivre reliant aux angles les faces en verre, cette châsse
est fixée par en bas à une châsse en bois, qu'elle surmonte et qui
contient la relique suivante :
Reliques des saints Sévérien et Vincent, martyrs. — Par lettres pa-
tentes du 25 août 1685, le cardinal de Carpinéo, vicaire général de
N. S. P. le Pape, donna à François Nicolini, archevêque de Rhodes,
auparavant vice-légat et gouverneur général en la cité et légation
d'Avignon, et en ce moment là nonce pour N. S. P. le Pape Inno-
cent XI au royaume de Portugal, les reliques prises des corps des
saints martyrs Félicien, Eusèbe, Sévérien et Vincent, tirées, par
ordre de N. S. P. le Pape, des cimetières de Calixte et de Pontien.
Ces reliques étaient enfermées dans une châsse en bois, couverte
d'un papier peint de différentes couleurs, bien fermée et attachée
avec un cordon de soie rouge et munie du sceau du donateur. Elles
comprenaient l'homoplate de l'épaule de saint Sévérien, martyr; le
rayon du bras de saint Vincent martyr ; l'os peronné de la jambe de
(i) Arch. cit., orig. el cop. authcnt.
(2) Arch. de la Drôme, Visites cit.
POSSEDEES PAR L EGLISE DE GRIGNAN. 9
saint Eusèbe, martyr, et le vertèbre de saint Félicien, aussi martyr.
Mgr Nicolini, par sa lettre du i6 décembre 1685, écrite d'Avignon
et adressée à M. de Ripert d'Alausier, offrit et, par acte du lende-
main, donna « à noble et R^e personne Messire Joseph de Ripert
« d'Alausier, doyen de l'église paroissiale et collégialle St-Sauveur
« de Grignan, et au Chapitre de la dite église », l'os de l'homoplate
de l'épaule de saint Sévérien, martyr, et le rayon du bras de saint
Vincent, martyr, pour être exposés à la vénération des fidèles chré-
tiens dans l'église de Grignan ; aux « dames Supérieure, Religieuses
« et monastère de BoUène », l'os peronné de la jambe de saint
Eusèbe, martyr, pour être exposé dans l'église de ce monastère ; à
noble François de Payan de l'Hôtel, conseigneur de la Garde, du dit
Bollène, le vertèbre de saint Félicien, martyr, pour être exposé à la
vénération des fidèles dans la chapelle de Ste-Anne du dit consei-
gneur à Ste-Cécile, ou dans telle autre église, chapelle ou oratoire,
que bon pourrait sembler à ce dernier, dans le dit lieu de Ste-Cécile
ou en dehors. L'envoi de celles de ces reliques qui étaient destinées
à Grignan, fut accompagné de lettres d'authenticité datées du
10 décembre 1685 (i).
Le 28 novembre 1693, les chanoines de Grignan montrèrent à
Mgr de xMontmorin, évêque de Die. « une bouëte ouverte, dans la-
« quelle estoit l'omoplatte de l'espaule de St-Severian martir, et le
« rayon du bras de St Vincent martir », comme on voyait « par
« l'autentique des reliques données à Mgr Nicolini, archevesque de
« Rodes, et pour lors vice légat d'Avignon, par Mgr le Cardinal
« Carpegnadu 25" aoust 1685, avec pouvoir de les donner à d'au-
X très. » Le prélat vit aussi l'attestation de Mgr Nicolini sur l'ouver-
ture des dites reliques, et l'acte de donation de celles des saints
Sévérien et Vincent, martyrs, aux dits chanoines, du 17 décembre
1685. Aussi permit-il, par son ordonnance publiée à Grignan le 9
décembre 1693, d'exposer ces dernières à la vénération des fidè-
les (2), dès qu'elles seraient enfermées dans une châsse conve-
nable (3J.
La relique de saint Sévérien se voit dans une châsse rectangu-
laire en bois, munie d'une vitre de forme ovale oblongue sur la face.
Cette châsse est surmontée de celle de la relique de saint Primitif.
(i) Arch. de Fégl. de Grignan, orig.
(2) Arch. de la Dr., Visites cit.
(3) Id. de l'égl. de Grignan.
10 NOTICE SUR LES RELIQUES
La relique de saint Vincent est jointe à celle de saint Victor,
dont nous allons parler.
Reliques des saints Victor et Christine, martyrs. — Par lettres du
20 décembre 169 1, F. Joseph Eusaniiis Patritiiis Aquilanus, de
Tordre des Ermites de St-Augustin, évêque de Porphyre, préfet de
la Chapelle Apostolique fapostolici sacrarii prœfectus), donna au
T. -Révérend Père Nicolas Seranus, secrétaire général de l'ordre des
Ermites de St-Augustin, des reliques insignes tirées du cimetière
de Calipodius, Celles-ci étaient enfermées dans une châsse de bois
couverte de papier marbré et attachée avec un cordon de soie rouge.
Elles comprenaient Tos antérieur tout entier de la jambe de saint
\^ictor, martyr (os tibix S. Victoris in integrutn), avec l'inscription,
et la jambe de sainte Christine, martyre {crus Sanctœ Christinœ).
Ces reliques furent données telles quelles, le 21 décembre 169 1, par
le P. Seranus à M. Marel, natif de Grignan, qui à son tour, le 5
janvier 1692, les céda, également telles quelles, aux doyen et cha-
noines de Grignan.
Enfin, le 29 novembre 1696, Mgr de Pajot Duplouy, évêque de
Die, en permit l'exposition, à condition quelles seraient enchâssées
d'une manière convenable (i).
La relique de saint Victor, et celle de saint Vincent dont nous
avons précédemment parlé, se voient, munies chacune de leur éti-
quette, dans une châsse identique à celle de la relique de saint
Sévérien, et fixée, elle aussi, à une chasse en verre la surmontant.
Cette dernière, identique à celle de la relique de saint Primitif, con-
tient, sur un coussinet en soie, la jambe de sainte Christine dont
il a été parlé.
Relique d'un autre saint Vincent, martyr. — La chapelle de St-
Vincent qu'on voit aujourd'hui bien restaurée dans le cimetière de
Grignan, existait avant 1 105 et a sen-i d'église paroissiale dans ce
lieu depuis le XIII^ siècle jusqu'à la fin du XV'' (2). En 1664, elle était
entretenue par les Pénitents de la paroisse, qui y récitaient leur
oITice. Or, Mgr de Cosnac, évêque de Valence et de Die, en visite
canonique à Grignan, le i"" octobre de la dite année, ordonna « aux
« confrères de la confrérie des Penitans de faire changer l'armoire
« ou est fermée la relique de St Vincent, q(u'ijls fairont enchâsser
« les fragments de lad. relique aveq le reste d'icelle. «
(i) Ibid., origin.
(2) Dullet. cit., t. XI, p. 323-31.
POSSEDEES PAR L EGLISE DE GRIGNAN. II
L'éloignement de la chapelle St-\'incent porte les Pénitents à
chercher un autre lieu de réunion, et ils obtiennent du comte de
Grignan en 1666 le dessus de V audience, dont ils font une chapelle
dédiée à saint Louis, patron de ce comte. Or, le 28 novembre 1693,
l'évêque de Die, en visite, à Grignan, se transporte à la chapelle St-
Louis, où les Pénitents font leur office, et il y voit « une relique qui
« est l'os du bras de St Vincent martir, bien et dûment authen-
« tiquée. » Nul doute que cette relique ne soit comprise dans la per-
mission générale que ce prélat donne, à la fin de son ordonnance
publiée à Grignan le 9 décembre 1693, d'exposer à la vénération des
fidèles toutes les reliques par lui vues et examinées le 28 du mois pré-
cédent (i).
Aujourd'hui cette même relique est enfermée dans un reliquaire
en bois d'une seule pièce, sculpté en forme d'un avant-bras, doré,
reposant sur le coude et élevant la main verticalement. Ce reliquaire
a deux cavités, l'une au-dessus de lautre, munies chacune de sa
vitre. La plus haute contient un os considérable, celui du bras de
saint Vincent. La plus basse n'a qu'une espèce de poussière, peut-
être la cendre de ces fragments de l'os du bras qui, d'après l'ordon-
nance épiscopale de 1664, devaient être enchâssés avec le reste.
Vénérée à Grignan de temps immémorial, principalement le 22
janvier, fête patronale des Pénitents du lieu, cette relique nous est
désignée comme étant du saint diacre Vincent, martyrisé à Valence
en Espagne, le 22 janvier 304. Ce saint est, du reste, encore aujour-
d'hui le patron de Taulignan, paroisse limitrophe, dont l'église lui
est dédiée de temps immémorial, comme la chapelle du cimetière de
Grignan.
L. FILLET.
(i) Arch. de la Drôme, Visites cit.
NOTES
LA COHÂNOEBIE DES ÂNTONINS
A AUBENAS, EN VIVARAIS.
(Fin)
Le 4 août 1456, Antoine de Serre donne en nouvel accapt à Ili-
laire la Chaze un jardin contigu à celui des Frères de St-Antoine,
d'Aubenas, sous le cens annuel d'une émine de bon vin pur.
Le 6 août, le commandeur donne sa procuration au F. Antoine
Planiol pour toucher les revenus qu'il s'est réservés dans Taffcrmage
de la commanderie fait au F. Pierre Salhencoyta.
Le même jour, à Aubenas, devant la maison d'Aymar Sabalier,
en présence de noble Raymond de Serre, coseigneur de Vais, re-
présentant noble homme Claude de Châteauneuf, seigneur d'Arcons,
bailli royal du Vivarais, se présente noble Antoine de Rochemure
(de Riipemoriaj, fils de feu noble Hugon, âgé de 16 ans, qui, par
l'organe de Jean Pastel, bachelier es lois, déclare qu'il a toujours
eu l'intention d'entrer dans l'ordre de St-Antoine en ajoutant qu'il
sait que telle était aussi la pensée de son père. Or, comme pour
entrer dans cet ordre ou dans d'autres, il ne peut faire d'actes vala-
bles sans la délibération d'un conseil qui lui fait défaut à cause de sa
jeunesse, afin de pouvoir procéder sagement et valablement, tant
pour la sauvegarde de ses droits que de ceux de son frère, noble
Jacques de Rochemure, héritier uni\crsel de son père, il demande
au dit lieutenant du bailli de le pourvoir d'un tuteur et curateur.
Raymond de Serre lui demande qui il désire pour cet oflice. Roche-
COMMANDERIE DES ANTONINS I^
mure désigne Jean Stevenin dit Dusault, notaire d'Aubenas. De
Serre demande à Stevenin s'il accepte cette mission, à quoi celui-ci
répond affirmativement. De Serre demande encore à plusieurs per-
sonnes présentes et nominalement désignées si Stevenin est capa-
ble de remplir ce mandat. Chacun d'eux, l'un après l'autre, répond
affirmativement. Le lieutenant du bailli le donne alors pour tuteur à
Rochemure et Stevenin promet de bien remplir la mission dont il
est chargé.
Par un acte, daté du même jour, noble, Antoine de Rochemure,
mineur, âgé de i6 ans, renonçant au bénéfice de l'âge, avec le con-
sentement de son tuteur Stevenin, fait donation de tous ses biens à
son frère Jacques.
L'acte suivant, passé le 8 août, rend compte de la réception de
noble Antoine de Rochemure, du diocèse de St-Flour, dans l'ordre
de St-Antoine. Ce jour-là, Rochemure s'est présenté dans l'église
de St-Antoine, devant le commandeur Antoine du Serre, le priant
de le recevoir Frère et chanoine de St-Antoine, en vertu des pou-
voirs que le commandeur tient du Révérend Père l'abbé de St-
Antoine. Les formalités sont les mêmes que pour la réception du
Frère Missolz. La cérémonie terminée, on est venu dresser l'acte
notarial qui porte les signatures des Frères Antoine de Bethoa,
Pierre Salhencoyta et Vital Textor, de nobles hommes Raymond de
Serre, François de Montgros et Thibaud Sanglier, de maître Jean
Stevenin dit Dusault, tuteur du dit frère Antoine, de Jean Tourre,
autre notaire d'Aubenas, de Vital Giry, de Pierre Fabri, et enfin du
notaire instrumentant Pierre Rochette.
Le lo août 1456, Antoine de Serre, commandeur de St-Antoine,
donne à Louis Osial, en nouvel accapt et emphythéose perpétuelle,
pour le cens annuel de quinze deniers, une terre située près de la
Croix de St-Romain, confrontant avec la maison de Godet et une
terre du notaire Rochette. Louis Osial reconnaît tenir cette terre du
commandeur de St-Antoine.
Le 24 août, le F. Salhencoyta, fermier et gouverneur de la maison
de St-Antoine d'Aubenas, et le F. Antoine de Bethoa, procureur du
commandeur, instituent et installent Hilaire la Chaze comme hospi-
talier de l'hôpital de Ste-Anne, dépendant du dit commandeur,
14 NOTES SUR LA CO.MMANDERIE
pour y rester le temps qui conviendra au dit commandeur, y exercer
les fonctions et recevoir les émoluments d'usage dans l'hôpital.
Hilaire promet de vivre et de se conduire honnêtement dans le dit
hôpital, de recueillir les pauvres qui se présenteront et de servir les
infirmes qui y viendront. Il devra aussi, quand besoin sera, aller
solliciter des aumônes pour leur entretien dans les maisons des per-
sonnes notables et remplir tous les devoirs qui incombent aux hos-
pitaliers. Il recevra moyennant inventaire les biens du dit hôpital,
les gardera fidèlement, en rendra bon compte quand il en sera
requis, portera sur l'inventaire les dons et recettes survenant pen-
dant la durée de son administration, tiendra ses enfants nés ou à
naître dans sa propre maison, les couchera dans ses draps et non
dans les draps du dit hôpital, fera aux bâtiments les réparations
nécessaires, etc.
La maison d'Hilaire était évidemment voisine de l'hôpital de Ste-
Anne, car il est autorisé à ouvrir une porte fermant à clé pour péné-
trer de chez lui dans l'hôpital, mais il est stipulé que cette porte
pourra être fermée par les représentants du commandeur et par
l'hospitalier.
Le lendemain, 25 août, a lieu la réception d'un nouveau Frère,
nommé Pierre Maze, clerc, de la paroisse de Prades. La cérémonie
est présidée par Antoine de Bethoa, commandeur de Tournon. La
lettre de l'abbé de St-Antoinc qui autorise la réception de Maze est
conçue à peu près dans les mêmes termes que les deux précédentes
relatives aux réceptions de Missolz et d'Antoine de Rochemure. Les
témoins de l'acte sont : noble Raymond de Serre, religieux hommes
Frères Pierre Coyta, commandeur du Gévaudan, Antoine Planiol,
archiprêtre de Pradelles , Vital Textor , sacristain de l'église St-
Antoine.
Dans l'acte suivant, Hilaire Maze constitue en dot à son frère,
Pierre Maze, pour ses droits paternels et maternels, 8 livres tour-
nois, payables en 8 ans, à raison de 20 sols par an, ce qui prouve
que la somme exigée, s'il y en avait une, pour entrer dans l'ordre
de St-Antoine, était, dans tous les cas, bien modeste. Pierre Maze
donne quittance à son frère.
Le 12 août 1457, le F. Antoine Planiol, ckiustrier de St-Antoine
DES ANTONINS A AUBENAS. I5
et archiprêtre de Pradelles, muni des pouvoirs du commandeur
Antoine de Serre, donne sa procuration, pour affaires pendantes
devant la cour royale de Boucieu, à Joseph Chamaleon et à Eus-
tache Barias, notaire.
De 1457 à 1482, nous ne trouvons rien sur les Antonins d'Au-
benas dans les registres de notaires que nous avons en main.
En 1482, le 16 septembre, le F. Pierre Maze, religieux de St-
Antoine, d'Aubenas , afferme à Pierre Dupuy, de Mercuer, et à
Guillaume Aubert, de Vesseaux, clercs, tout l'archiprêtré de Pra-
delles avec les paroisses qu'il renferme, et les quêtes à y faire, au
nom de St-Antoine, au prix de 22 florins six gros valant i6 livres
8 sols et 6 deniers.
En 1490, Pierre Maze renouvelle son contrat avec les mêmes fer-
miers au même prix de 22 florins 6 gros.
Le 8 avril 1494, religieux homme, F. Vital Laurent, prêtre, de
l'ordre de St-Jean de Jérusalem, recteur de l'église de St-Jean de
Villatte, muni de la procuration générale de noble homme Frère
Jean de Grozons, chevalier, commandeur des commanderies de
Pailharès et de Ruolis et de St-Jean de Villatte, ratifie la vente d'un
bois situé dans le mandement d'Aubenas au territoire de Gleizal,
sur le chemin d'Aubenas au Croset, vente faite par Guillaume de
Chapus, de la paroisse de Freyssenet en Coiron, à Jean Combe,
marchand d'Aubenas, au prix de trois livres cinq sols. Vital Laurent
donne l'investiture de ce bois sous le cens annuel d'un denier.
Pour l'année 1494, nous trouvons plusieurs actes où figure comme
commandeur d'Aubenas et de Pont-à-Mousson en Lorraine Théo-
dore de St-Chamond, de la maison de St-Priest, qui fut plus tard
élu abbé de St-Antoine. En 1521, le pape Léon X ayant nommé ce
personnage commissaire apostolique à Metz pour surveiller le mou-
vement luthérien, Antoine, duc de Lorraine, le retint à sa cour et
la maison-mère des Antonins se ressentit fâcheusement de la longue
absence de son chef. Théodore mourut à Nancy en 1527 et fut en-
terré à Pont-à-Mousson.
l6 NOTES SUR LA CO.M.MANDERIE
\'^oici les actes qui le concernent :
Le i'' juin 1494, vénérable, religieux et savant homme Théodoric
de St-Priest (de Sancto Prejeto), commandeur des vénérables com-
manderies de Pont-à-Mousson et de St- Antoine d'Aubenas, afferme
pour trois ans et trois récoltes, son bénéfice de la sacristie de la
coramanderie de St-Antoine d'Aubenas, à religieux homme F. Jean
Arnaud, dit de la Place, de l'ordre de St-Antoine, au prix de 22
livres 10 sols par an, soit 67 livres 10 sols pour les trois ans, le
commandeur tenant compte pour cette fois à l'égard d'Arnaud des
réparations et décorations effectuées par Arnaud à l'église de St-
Antoine. Arnaud a, d'ailleurs, fait tout cela par pure libéralité et
pour la rédemption de son âme. Il promet de payer les 22 livres 10
sols chaque année le jour de la fête de St-Antoine. L'acte est passé
dans la maison de St-Antoine d'Aubenas, dans la chambre rouge.
Les témoins sont messire Claude Chambon, juge d'Aubenas, Vital
Sabatier, notaire , religieux hommes F. Jean Aucher, commandeur
de Gévaudan, Pierre de Prades, du même ordre. — Et Jean Pochette,
notaire.
Le même jour et au même endroit, le commandeur de St-Antoine
afferme pour trois ans, commençant à la prochaine fête de la Con-
ception de la S. Vierge, à religieux Frères Jean Aucher, comman-
deur de Gévaudan, et Pierre de Prades, de l'ordre de St-Antoine
d'Aubenas, sa commanderie d'Aubenas avec tous les fruits et ré-
coltes des prés, vignes et autres propriétés, avec les pensions,
quêtes, revenus, émoluments, droits et appartenances de la dite
commanderie, au prix annuel de 177 livres, chaque livre de la valeur
de 20 sols. Ces 177 livres comprennent les 22 fr. 10 sols portés à
l'acte précédent pour l'affermage de la sacristie. Les payements se
feront, savoir 100 livres à la St-Antoine, et 77 à la Toussaint. Il est
convenu que le commandeur ratifiera les fermages de la comman-
derie faits aux mêmes fermiers par ses prédécesseurs, et qu'il sera
défrayé chaque année pendant un mois, avec ses serviteurs et ses
bêtes, dans la maison de St-Antoine d'Aubenas, s'il y vient, et dans
le cas contraire, il n'aura rien à réclamer de ce chef. Les fermiers
pourvoiront aux dépenses du culte et de l'office divin dans l'église de
St-Antoine et le feront faire par les religieux de la maison. Ils s'oc-
cuperont des affaires de la maison et fourniront les religieux des
vivres et autres objets nécessaires, bien et honnêtement selon l'usage.
Ils recevront les meubles et objets de la maison avec inventaire et en
DES ANTONINS A AUBENAS. 17
prendront soin. Ils pourvoiront aux hospitaliers selon l'usage. Le
payement des pensions aux Frères, à l'abbé et à l'hôpital de St-
Antoine de Viennois, reste à la charge du commandeur qui devra en
tenir quittes les dits fermiers. Les lettres qu'il est d'usage d'obtenir
de l'évêque de Viviers sont aussi à sa charge. Les fermiers s'enga-
gent à tenir en bon état tous les bâtiments et à bien entretenir les
plantations de vignes et des autres propriétés de la maison.
Les témoins de l'acte sont Claude Chambon, juge d'Aubenas ;
Vital Sabatier, notaire; messire Antoine AIrescha, prêtre d'Aubenas ;
religieux FF. François Sanglier, Jean Arnaud dit de la Place, de
l'ordre de St-Antoine d'Aubenas. Et le notaire Jean Rochette.
Le même jour et au même lieu, F. Pierre Maze demande au com-
mandeur l'autorisation de vendre une terre de peu de valeur qu'il
possède à la côte de Notre-Dame-des-Plans. Cette autorisation lui
est accordée.
Le même jour, au même lieu et avec les mêmes témoins, le com-
mandeur « moderne » d'Aubenas donne quittance à F. Jean Arnaud
dit de la Place, de 30 florins d'or (chaque florin compté pour 15 sols)
que le dit Arnaud lui devait pour le produit de la sacristie de
l'année présente.
Dans l'acte suivant, il donne aussi quittance à Jean Aucher, com-
mandeur de Gévaudan, de 30 florins que celui-ci lui a comptés en or
ou en argent, pour la pension de sa commanderie, pour un an finis-
sant le jour de la fête de la Conception de la S. V. Les témoins sont
religieux Frères François -Sanglier et Jacques Lourdin, de l'ordre de
St-Antoine, d'Aubenas.
Le même jour, vénérable, religieux et savant homme Théodoric
de St-Priest, commandeur des vénérables commanderies de Pont-à-
Mousson et de St-Antoine d'Aubenas, donne en nouvel accapt et
emphythéose perpétuelle à Antoine AIrescha, prêtre d'Aubenas, une
terre herme, confrontant avec la fenière et le verger de St-Antoine,
sous le cens annuel de quatre deniers payables chaque année le jour
de Noël.
Le même jour, le commandeur sachant qu'il a au lieu de Font-
bonne, près de la maison du Cheylard de l'abbé de Mazan, une terre
relevant de sa commanderie et qui ne rapporte rien, la donne en
nouvel accapt à honnête homme Pierre de Monopert dit Moulin,
marchand d'Aubenas, sous le cens annuel de quatre pots ou pital-
phes de vin pur, bon et franc, à la mesure d'Aubenas, sans qu'il y
Bull. VIII, 1887. 2
ib NOTES SUR LA COMMANDERIE
ait à payer de droit d'entrées ou autres charges à cause du peu de
valeur de cette terre.
Théodoric de St-Priest dut résilier peu après sa commanderie
d'Aubenas, car, dès le mois de septembre suivant , c'est noble
Aj'mon de Rochemure qui est installé commandeur de la maison
d'Aubenas.
Le 5 septembre, religieux homme F. Jean Aucher, commandeur
de la commanderie de Gévaudan, met en possession réelle et immé-
diate de la commanderie d'Aubenas, noble Louis de Rochemure,
muni de la procuration de son frère Aymon de Rochemure, nommé
commandeur. Aucher agit en vertu des lettres de l'abbé de St-
Antoine, Pierre de l'Aire (dont le texte n'est pas cité). L'acte est
passé dans l'église de St-Antoine d'Aubenas. Les témoins sont :
religieux FF. Jean de la Place, Pierre Maze et Pierre Soulier, de
l'ordre de St-Antoine d'Aubenas ; religieux homme F. Louis Brun,
de l'ordre des Frères -Mineurs d'Aubenas ; Jean Dumas ; messire
Antoine Alrescha, prêtre; Pierre Moulin, Jean Chabasse; Roland
Vannast , sergent ordinaire d'Aubenas ; Pierre Labelet , Pierre
Brugère et le notaire Jean Rochette.
Le 9 septembre, noble Louis de Rochemure, seigneur de Cha-del-
Mont, écuyer, frère germain et représentant de vénérable et religieux
homme, F. Aymon de Rochemure, commandeur de la comman-
derie d'Aubenas, donne au F. Jean Arnaud, pour en jouir sa vie
durant, la chambre qu'occupait de son vivant dans la maison de
St-Antoine le feu F. Jean Englès.
Le 15 septembre, vénérable et religieux homme. Frère Aymonet
de Rochemure, commandeur vénérable de la commanderie d'Au-
benas, afferme à Pierre Maze tous les voyages et quêtes de sa com-
manderie, pour trois ans et trois récoltes, au prix annuel de 45
quartes de froment, 45 quartes de seigle, 60 quartes de spente ou
ayinone (denrées pour aumônes). Le F. Maze promet de donner en
outre chaque année au commandeur, pendant toute la durée de son
fermage, onze cents pieds de porc, un quintal de fromage, un ^quin-
tal de laine, un quintal de chanvre, quatre quartes de châtaignes
blanches, 24 draps et un seticr d'huile d'olive. Et de plus, en
argent, cent florins de monnaie royale courante, chaque llorin
comptant pour 15 sols. Le fermier devra payer 72 florins à la St-
Antoine, 10 à Pâques, 5 à la Madeleine et 13 a la Toussaint. Le
fermier devra rendre les livres et autres objets avec inventaire. Les
lettres qu'il faut demander pour les quêtes à l'évêque de Viviers sont
DES ANTONINS A AUBENAS. IQ
à la charge du commandeur. L'acte est passé dans la chambre rouge
de la commanderie de St-Antoine d'Aubenas. Les témoins sont Jean
Monteil, curé de Vogué; Antoine Alrescha, prêtre; Roland Van-
nast, sergent d'Aubenas, et le notaire Rochette.
Le même jour, au même lieu, le commandeur reconnaît avoir reçu
du F. Maze 73 florins.
Le 16 septembre, a lieu l'installation du nouveau commandeur
Rochemure en personne. La cérémonie est présidée par Jean Au-
cher en vertu des lettres de l'abbé de St-Antoine. Aucher fait ouvrir
les portes de l'église au nouveau commandeur avec les formes
d'usage. Les témoins sont FF. Pierre Maze, Clément Soulier, de
l'ordre de St-Antoine ; Guillaume Godet, serviteur du seigneur de
Rochemure ; messire Claude Chambon, juge d'Aubenas.
Un acte de 1407 concerne la commanderie de la Villatte. Le 4
octobre 1497, vénérable homme, F. Vital Laurent, recteur de St-
Jean de la Villatte, et discret homme, Jean Croset, de iMontlaur,
fermiers de la commanderie de messire le commandeur de la Vil-
latte, sous-afferment à Jean Vauclair, fabricant de bâts (basterius)
à Aubenas, tous les cens et servitudes de vin, de blé, d'argent et
autres que le dit commandeur lève dans les mandements d'Aubenas,
Ucel et Aps, pour l'année présente seulement, au prix de 24 setiers
de vin pur, noir, bon et recevable, à la mesure de Pradelles.
Sébastien de Hautvillard, fils de Claude et de Lyonnette de la
Marette, fille à Alexandre, sieur de Pierregourde, était commandeur
de St-Antoine à Aubenas. Il mourut en 1532, laissant un fils naturel
appelé Antoine.
Amédée, frère de Sébastien, est dit aussi religieux de St-Antoine
en 15 16, mais on ne dit pas qu'il fut à la commanderie d'Aubenas.
Ils avaient une sœur, Isabeau, mariée en 1522, à noble Antoine
de Gueyffier, sieur des Bessettes.
Le 15 avril 1547, un Etienne Martin était mis en possession de
la commanderie de St-Antoine d'Aubenas.
La maison de St-Antoine d'Aubenas fut détruite au début des
guerres religieuses, et c'est le régent d'Aubenas, Benoit Jacques,
apothicaire, qui dirigea les travaux de démolition.
Il résulte d'une délibération de la communauté d'Aubenas, en date
20 NOTES SUR LA COMMANDERIE
du 26 août 1562, que les protestants de cette ville, avisés que M. de
Balazuc préparait au Puy en Auvergne une expédition contre eux,
provoquèrent une assemblée générale des habitants où il fut décidé :
1° De nommer une commission chargée de voir ce qu'il y avait à
faire des couvents situés extra-miiros, c'est-à-dire les Jacobins, les
Cordeliers, St-Antoine et les Nonnains, d'examiner s'il convenait de
les démolir ou de les fortifier ;
2° De vendre les joyaux et ornements de l'Église romaine ;
3° De faire tout le nécessaire pour l'administration et la défense
de la ville ;
4" De faire une montre (revue) générale des habitants, et de prier
les populations voisines d'Ucel, Saint-Privat , St-Julien-du-Serre
d'assister au besoin Aubenas, de faire des provisions de grains, etc.
En 161 3, Michel de Fère, commandeur de St-Antoine, d'Aubenas,
s'occupa de faire reconstruire l'église de la commanderie. Il établit
pour son procureur-fondé Louis Roudeyron, ancien régent d'Au-
benas, rentier de ses dîmes, lequel passa divers actes devant Lenoir,
notaire, avec des entrepreneurs, qui furent Jean Bonnet et Antoine
Reynet, maîtres-maçons, constructeurs de l'édifice ; Jean Cayres et
Laurent Courtial, chargés du recreusement des fondations, et Jac-
ques Champestève, chargé des boiseries de la chapelle (i).
En 1624, F. Louis du Pont était commandeur de St-Antoine à
Aubenas. Il reçut dans cette ville, ainsi que Marie de Montlaur,
d'Ornano, le R. P. Etienne Gérald, prieur de St-Laurent du Puy,
qui allait à Viviers traiter avec l'évêque Louis de S use et les consuls
de cette ville la question de l'établissement d'un couvent de Domi-
nicaines à Viviers. On sait que cette communauté fut fondée en no-
vembre de cette année (2).
La commanderie de St-Antoine d'Aubenas fut enfin vendue aux
Pères Jésuites en 1653. Voici les pièces relatives à cette vente, qui
se trouvent aux archives départementales de l'Ardèche :
Lettre missive du P. Anthome Camus, relioieux de St-Anthoine,
touchant h vente de la commanderie de St - Anthoinc d'Albenas
(adressée au syndic des Jésuites d'Aubenas).
Mon R. Père. - Pour responce a la vostre très honorée du XXillb
du prcsant, je vous diray, comme je l'ay communique a nostre Re-
verendissime abbé quil m'a tesmoigné quil sera très contant de
(i) Extrait des manuscrits de feu M. Dcydier, d'Aubenas.
(2) Voir notre Voyage ait pays helvien, au chapitre Viviers.
DES ANTONINS A AUBENAS. 2 1
donner satisfaction a Vostre Révérence de ce quelle nous propose.
Mais auparavant quelle prenne de la payne de venir par de deçà, il
desireroit scavoir ce que Vostre Révérence prethend donner pour
saquerir non seullement la terre sur laquelle elle croit avoir rente,
mais aussy de tous les revenus qui dépendent de nostre comman-
derie d'Aubenas. Je la suplie donques de sinformer exactement
sur les lieux de tous nos biens et de mescrire ce quelle désire nous
en donner, afin quapres avoir comuniqué sa volonté a N"" Révé-
rend"" abbé et a notre Chappitre, je la puisse entièrement résoudre,
ce qu}^ ne se pourra faire plustot que dicy a six sepmaines ou deux
moys, a cause que Notre Révérend"'" abbé sen va aux bains d'Aix
en Savoye. Au premier jour cependant vostre Révérence pourra
mescrire ses volontés et adresser ses lettres a nos religieux de Lyon
en rue Mercyére et me donner l'adresse pour luy escripre.
De St-Anthoine, ce 28 juin 1652.
Autre lettre du même au même.
. . . Ay faict résoudre dans nostre Chappitre que l'on passeroit
vente a vostre Collège de tous les biens que nous avons a Aubenas
et mesme dans le voisinage, si vous nous faites des conditions
avantageuses.
St-Antoine. Camus, de St-Antoine.
9 janvier 1653.
Procuration du P. Deydier, recteur du Collège d'Aubenas, au P.
Hiigonon, syndic du dit Collège. — 10 mai 1653. — Brousse notaire.
Acte Capitulaire. — 17 mai 1653. Il y est décidé « qu'on vendra
les biens quavons a Aubenas aux R. Pères Jésuites, moyennant le
prix et somme de trois mil trois cent livres. » — Signé Jean Rasse,
abbé général du monastère de St-Antoine.
Vente de la commanderie St-Anthoine d'Albenas en faveur du
Collège des P. Jésuites du dit.
Comme ainsin soit que les Seign"" Abbé et Religieux du Chappitre
du monastère St-Antoine de Viennois ayant proposé et délibéré que
seroit leur bien et advantage de vendre a prix juste et raisonnable
tous les biens et droits de leur commanderie d'Aubenas en Viverès.
— Attendu le peu de revenu des dits biens, charges d'iceux, les
incommodités qu'il y a de les faire valoir et les frais considérables
de plusieurs voyages qu'il convient faire annuellement au dit lieu
d'Aubenas, esloigné de plus de vingt lieues du dit St-Antoine, les-
quels voyages absorbent une bonne partie des dits revenus — ...
22 NOTES SUR LA COMAIANDERIE
les terres estant en friche pour n'avoir esté bien cultivées — ...
les rentes peu considérables pour estre en petites particules et pres-
que litigieuses pour n'avoir esté reconnues depuis longtemps ; et
pour le regard de la juridiction haute, moyenne et basse sur le mas
apellé de La Combe consiste en droits plutôt honorables que utiles
.... le tout des dits biens n'arrivant seulement que environ en
principal a la somme de 2500 livres, et le revenu annuel toutes
charges payées, ne portant qu'environ la somme de cent livres. . . .
Pour ce est-il que ce jour dhui 24^" jour du mois de may 1653,
establis R. P. en Dieu M''*' Jean Rasse, abbé et supérieur gênerai
de l'ordre du dict St-Antoine, R. Pères Estienne Boyl, Antoine
Camus et Bernard de Lescluse, définiteurs généraux du dict ordre ;
Pierre Duboys, Michel Manson et Jean-Louis de Buscher, tous reli-
gieu.x et chanoines cloistriers d'iceluy ordre, ont vendu .... aux
R. P. Jésuites, à scavoir : pièce de terre au terroir de St-Pierre-le-
Vieux (Aubenas), confrontant les vieilles masures du moulin de
Ste-Croix ....;— autre au terroir de la Suel. ... ; — autre
à Fontbonne. ... ; — plus la juridiction haute, moyenne et basse,
mère, mixte, impere, avec les cens, services, rentes et tous autres
debvoirs et droits seigneuriaux dépendant de la commanderie au
mas appelle de La Combe situé dans le mandement de St-Montan
au dit Viverès, . . .
Toutes rentes, pensions, etc. dues tant au susdit terroir de La
Combe qu'au mandement du dit Aubenas. Mercuer, St-Privat, St-
Didier et autres lieux et fonds et droits quelconques. . . . que les
dits seigneurs vendeurs ont dit ignorer.
Bien entendu toutesfois que dans la vente n'est comprins la com-
manderie et grange appartenant aux dits seigneurs Abbé et Reli-
gieux, appellée de Sarracier, proche de Vernoux.
Le prix est de 3,300 livres payable et portable aux dits seigneurs
Abbé et Religieux au lieu de St-Antoine en leur monastère dans trois
années prochaines avec les légitimes fruicts.
Remise des titres. Savoir entre autres choses :
Un parchemin vieux latin de l'an 1293 et du lo'""" kalendes de
may, reçu par M'^ Pierre du Fayet, notaire, portant réalbergement
de la Condamine de St-Pierre-le-Vieux à Frère Jordan lors com-
mandeur :
Autre parchemin en latin tout gaslé du commencement de l'an
1533, M'' Antoine Rochctle notaire, portant échange d'un pré des
DES ANTONINS A AUBENAS. 23
R. Pères de St- Antoine situé en Auzon avec le pré de Georges
Blachon situé au terroir de St-Pierre-le-Vieux ;
Jugement contre Louis Boyron portant délaissement d'une pièce
de terre située au terroir de la Suel et d'un jardin au terroir de
Fontbonne, i8 avril 1633 ;
Arrentement perpétuel passé aux habitants de la Combe de la sei-
gneurie du dit lieu en 161 1 et le 29^ novembre, et une sentence ren-
due au senechal de Nismes par laquelle les dits habitants sont
condamnés à reconnaître les dits seigneurs Abbé et Religieux, comme
ayant succédé en la dite commanderie d'Aubenas, seigneurie et ju-
ridiction de la Combe, pour seigneurs susdits, et en conséquence a
leur prêter l'hommage et payer les droits seigneuriaux. 25 mai 1633.
Ratification. 3 juillet 1633. Chalié notaire à St-Montan.
Un albergement en parchemin un peu gasté, passé par F. Pierre
de Rupe More, lors commandeur du dict Aubenas, à Gonnet Mou-
ton. Jean Rochette, notaire à Aubenas, 10 mars 1480.
Comme aussi la quantité de huictante quatre rolleaux de parche-
mins. . . . ensemble 17 autres rolleaux de parchemins en liasse
sur laquelle il y a un billet lequel faict mention que les 17 rolleaux
sont donations incertaines faictes à la commanderie du dict St-
Antoine d'Aubenas.
Et autres papiers que les dits seigneurs vendeurs donnent pou-
voir a icelluy Collège de retirer, qu'ils ont hors leur présent mo-
nastère, soit à Tolose, des mains de M^ Palanque leur dit procureur)
qu'au dict lieu d'Aubenas, des mains du R. P. Pacifique.
Et, bien que les dits seigneurs vendeurs ne soient obligés à
aucun service divin ou autre œuvre pie pour raison des dicts biens
dans les vieilles masures de la dicte commanderie ny ailleurs, il a esté
convenu pour plus de précautions que, si les Pères du Collège
estoient à l'avenir poursuivis d'en faire aucun, les vendeurs les
feront décharger et prendront le faict et cause pour le dit Collège,
auquel en outre ils donnent le mesme pouvoir qu'ils ont de se servir
des dictes vieilles masures et des matériaux qui leur seront propres
ainsi qu'ils verront, a condition que les vendeurs ne seront tenus
d'aucune garantie en cas d'empêchement a la prise et enlèvement
des dits matériaux.
Les vendeurs demeurent acquittés de la quantité de 2g cestiers
avoine pour arrérages d'une rente que le dict Collège prétend luy
estre due sur une des pièces de terre susmentionnées à cause du
prieuré de Ste-Croix uni au dict Collège.
24 NOTES SUR LA COMMANDERIE
Serment en la forme des religieux, la main sur la poitrine
Fait et stipulé dans l'abbaye et monastère de St-Antoine, en pré-
sence de honneste Claude Brun, marchand du dit St-Antoine, et
honneste Barthélémy Farioz du mesme lieu.
Buisson notaire. — 24 mai 1653.
L'homologation du Parlement de Toulouse est du 13 février 1655,
L'autre commanderie des Antonins en Vivarais, celle d'Annonay,
était, comme nous l'avons déjà dit, complètement indépendante de
celle d'Aubenas. Son siège à Annonay était au bas de la ville, au-
dessous de l'église de Trachin, sur la rue qui mène à la porte de
Cance. Elle avait été fondée en 1230 par Louis de Langeac, religieux
de St-Antoine, en faveur des pèlerins atteints du feu sacré.
Dans les statuts que l'abbé Aymon de Montagni fit au chapitre
général de Tannée 1313, il fut ordonné qu'il y aurait deux religieux
dans la commanderie d'Annonay, pour faire les quêtes et recevoir
les offrandes. Il parait que cet établissement était déjà bien tombé
en 1334, époque de la fondation de l'hôpital de Notre-Dame-la-Belle
par le cardinal Bertrand, puisque c'est un des motifs qui détermi-
nèrent l'illustre cardinal à cette fondation
Un mémoire, tiré des archives départementales des Bouches-du-
Rhône, et dont l'abbé Filhol donne le résumé (1), indique les noms
suivants des commandeurs à partir de 1330 :
1330. — Nicolas de la Baulme.
1362. — Pierre de Vallins.
1386. — Ponce de Senol.
1399. — Pierre Chanon ou de Provins.
1401. — Pierre Chabanes.
142 1. — Jean Terniaco. Ce commandeur passa avec le chapitre
d'Annonay une transaction datée du 12 juillet 1423, par laquelle il
était autorisé à bâtir une église ou chapelle avec clocher, mais où il
ne pouvait être célébré qu'une seule messe, chaque jour, au so)i Je
la cloche, hormis la fête de St-Antoine. Ce jour-là, les cures et les
sous-choristes devaient y venir en procession, et le commandeur
était tenu de donner au prieur douze jambons, six à chacun des
(1) Histoire d'Annonay, t. II, Pièces justificatives.
DES ANTONINS A AUBENAS. 25
deux curés, autant au sacristain et au maître de chœur, deux à
Vévêque des Innocents, et quelques-uns encore à d'autres membres
du clergé.
De 1421 à 1430, Barthélémy Assergo, notaire de St-Vallier, fit le
terrier de la commanderie d'Annonay.
En 1436, le commandeur est Pierre Ronglon.
Noble Albert de Boulieu, réglant dans son testament en 1440
l'aveiiir de ses enfants, ordonne qu'Antoine, l'un d'eux, soit d'église
et qilil entre dans l'ordre de St-Antoine ou de St-Benoît à son
choix.
Suite des commandeurs d'Annonay :
1473. — Jean de Poisieux.
1478. — Jean MoUie.
1487. — Louis de Roussillon, qui devint vicaire général de l'abbé
Théodore.
1496. — Jean Félisat.
151 1. — Jean Schram.
1515. — Jacques de Joyeuse.
1526. — François Senglar.
1526. — Claude Apostolat.
1529. — François Bergerie.
1531. — Théodore Laurens.
1533. — Jean Arench.
1536. — Armand de Fay (i).
1566. — Jean Barbier ou de Champlong.
1592. — Antoine Grilhet. Le 14 mai 1592, Grilhet albergea aux
consuls une partie considérable des bâtiments de la commanderie
pour faire un hôtel de ville, sous la pension annuelle de iS francs,
qui devait doubler tous les 50 ans, par acte reçu Guérin.
1606. — Claude Aubert.
1615. — François des Fontaines.
1622. — PVançois Goujon.
1624. — Louis de la Roche. Celui-ci se démit volontairement en
1626 et les biens de la commanderie d'Annonay furent alors réunis
à la communauté de St-Antoine qui les aliéna successivement.
En 1634, l'ordre vendit à Claude de Villars, baron de Maclas,
(i) Les Mémoires sur le Vivarais de Poncer (t. 4, p. 307) mentionnent une re-
connaissance faite, le 27 janvier 1536, à Annonay, en faveur de noble Armand de
Fay, prêtre, commandeur de la commanderie de St-Antoine à Annonay.
20 NOTES SUR LA COMMANDERIE
toutes les rentes que possédait la commanderie sur les paroisses de
Malleval, Maclas, St-Apollinard, Véranne et Roizé en Forez, et St-
Jacques d'Atticieux en Vivarais, le tout pour le prix de 516 livres.
Enfin le 17 août 1680, les procureurs fondés de Tabbaye de St-
Antoine vendirent au chapitre d'Annonay tous les biens que possé-
dait encore la commanderie d'Annonay au prix de 1,260 livres (ï).
Au siècle suivant, la chapelle de St-Antoine à Annonay, qui était
restée ouverte au culte, fut cédée à la ville, ainsi que la maison
continue, pour loger plus commodément les sœurs de l'Instruction,
c'est-à-dire trois religieuses de la Congrégation de Saint-Maur, qui
tenaient à Annonay une école gratuite pour les filles.
* *
Bien avant la vente de ses immeubles en Vivarais, l'ordre de St-
Antoine était bien déchu de son ancienne importance. La dispari-
tion du feu sacré et des autres grandes épidémies du moyen-âge
avait enlevé à son activité chrétienne un stimulant peut-être indis-
pensable. Au siècle suivant (le XVIII"), ses rangs se recrutaient diffi-
cilement. Son avant-dernier abbé, Etienne Galland, chercha vaine-
ment de le sauver en lui imprimant une direction plus particulière-
ment scientifique, sans renoncer toutefcàs à ses traditions hospita-
lières. Enfin, l'ordre fut frappé à mort par l'édit de 1771 qui ordon-
nait la suppression de toutes les communautés des villes, qui ne
comptaient pas au moins vingt religieux réunis. En 1774, il se fon-
dit avec l'ordre de Malte. Les Antonins possédaient encore à cette
époque quarante-deux maisons.
Nous avons réuni dans ce petit travail tous les résultats de nos
recherches sur les Antonins du Vivarais. Mieux que personne, nous
sentons combien il est incomplet et surtout combien il serait désira-
ble de trouver sur cet ordre célèbre d'autres documents que ceux qui
se rapportent à sa période de décadence. Les Antonins se sont si-
gnalés jadis à l'admiration du monde entier par un zèle et un dé-
vouement comme la religion seule peut les inspirer. Il est vrai
qu'alors on écrivait peu et la rareté des papiers ou parchemins de
cette époque n'a rien d'étonnant. Mais le rapide développement de
ces vaillants hospitaliers et l'estime universelle dont ils furent cn-
(1) FiLIIOL, t. Il, p. 168.
DES ANTONINS A AUBENAS. 27
tourés dès le début, ne sont-ils pas des témoignages suffisants des
services qu'ils ont rendus ?
En publiant ces notes, nous avons voulu simplement ouvrir la
voie à de nouvelles recherches et nous espérons bien que notre
initiative portera tôt ou tard quelques fruits.
P. -S. — Cette petite étude était en cours de publication, quand nous
avons reçu communication d'un registre notarial d'Aubenas, plus
vieux que tous les autres, provenant d'Etienne Monastier. Nous
résumons brièvement les faits nouveaux qu'il contient sur la com-
manderie de St-Antoine d'Aubenas :
Le 29 mai 1367, F. Jean de Paseriis, de l'ordre de St-Antoine
d'Aubenas, donne une quittance de 14 florins d'or à Jean Soleyrol.
Le 4 octobre 1367, noble et religieux homme Antoine Bayle
(BanïliJ, commandeur de St-Antoine d'Aubenas, vend à Guillaume
Martin les aumônes de vin (helemosinas vinij de cette année, dans
les paroisses de Vesseaux, Mercuer, Ucel, St-Privat et les mas
d'Aubenas, au prix de 34 setiers de vin, livrables dans la quinzaine
de la fête de St-Maurice. Un autre Frère de St-Antoine, Jean Pa-
terne, figure parmi les témoins.
Le 8 août 1368, Jean Dufour, cordonnier, reconnaît devoir à Sœur
Jeanne Duplan, de l'ordre de St-Antoine d'Aubenas, dix florins pour
cause de prêt réel et légal.
Le 18 septembre 1368, Pierre Lezin, d'Aubenas, et Bertrande, sa
femme, voulant reconnaître les services et l'attachement de Sœur
Jeanne Duplan, de l'ordre de St-Antoine de Viennois, lui font do-
nation de trois muids de bon vin nouveau, pur et franc.
Le 6 septembre 1368, F. Raymond Arbosset, de l'ordre de St-
Antoine, au nom du commandeur Antoine Bayle, accense (assensavit)
à Bernard Fores, les paroisses ci-dessous, comme il est d'usage :
Montpezat, le Roux, Mayras, Thueytz, Mayres, Gourdon, Nieigles,
St-Julien, Asperjoc, au prix de 22 quartes et une émine de blé, c'est-
à-dire du blé qu'il amassera dans les dites paroisses, payables d'ici
à la Noël ; plus, trois florins d'or et demi, 70 pieds de porc et un
quarteron de fromages.
Le même jour, F. Raymond accense à Fores le voyage de Val-
gorge, comme il est d'usage, au prix de onze florins, (chiffre illisible)
pieds de porc et un quintal de chairs de porc salées, payables d'ici à
l'octave de St-Antoine.
28 NOTES SUR LA COMMANDERIE
Le 5 mars 1368, F. Raymond Arbosset, représentant le comman-
deur Bayle, F. Jean Gentilet, sacristain, et FF. Aymar Corbays,
Amédée Planiol et Pierre Monteillet, de Tordre de St-Antoine, re-
connaissent avoir reçu un florin d"or, des exécuteurs testamentaires
de la succession de feu Aloret. Ils ont de plus reçu, pour les aumô-
nes (pro caritate), 10 sols et, pour chacun d'eux personnellement,
12 deniers.
Item. Sœur Jeanne Duplan, hospitalière de St-Antoine, et les
infirmes Mondone Magnane, Lucie Vaseilles et Mondon Lafarugue
(de Thueytz), du dit hôpital, ont reçu chacun sept sols, soit en tout
un florin. (Il résulte, en effet, de divers actes du même registre, que
le florin était alors compté pour 26 ou 28 sols tournois.)
Cette même somme d'un florin d'or a été aussi distribuée, de la
même provenance, aux infnmis de l'hôpital St-Georges.
Le 6 septembre 1368, F. Arbosset accense à Guillaume Martin les
paroisses suivantes : Burzet, Colombier, Antraigues, Juvinas, St-
Andéol (de Bourlenc), Vesseaux, Ageonis (Ajoux ?), le Gua, Genes-
telle, au prix de 22 quintaux et demi de blé, 70 pieds de porc, le
quart d'un quintal de fromage et trois florins d'or et demi.
Le même registre contient plusieurs affermages de quêtes en Viva-
rais, faits à Aubenas pour l'hôpital de Notre-Dame du Puy.
Nous avons à rectifier l'explication àd certains mots qui figurent
dans l'inventaire des meubles et objets de St-Antoine.
La viradoyra (p. 233) n'est ni un tournebroche ni un dévidoir, mais une petite
cuillère plate, percée de trous, en forme d'ccumoire, pour retourner des objets
dans la poêle, notamment pour y prendre les œufs quand ils sont frits.
Clédo (p. 235), signifie non-seulement une sorte de grenier où l'on fait sécher
les châtaignes, mais aussi une claie. Elle doit indiquer ici un treillage en bois ou
en osier sur lequel on faisait sécher les pieds de porc salés.
Cossa (p. 234), en patois couôsso. C'est une courge à long coi, dont on a coupé
un tiers, ou même la moitié sur un côté, de façon î confectionner une sorte de
bassine, qui avait partout dans le Bas-Vivarais la même contenance, celle d'un
pot de vin (un litre environ). La courge était alors en grand honneur dans le
pays, comme donnant un récipient plus sain et moins coûteux que le cuivre ou
tout autre métal ; aussi était-elle cultivée dans tous les jardins. Quand la courge
servait de bouteille, on l'appelait la coucourde: d'où l'entonnoir spécial pro cogor-
dis. On trouve encore des couôsso dans beaucoup de caves du Vivarais, et surtout
aux fontaines publiques des villages pour puiser l'eau, moins qu'autrefois cepen-
dant, à cause de la concurrence des ferblantiers.
Deslreiss (p. 236). On appelle ainsi le long du Rhône les petites haches qu'on
tient d'une seule main, la main droite (dextera), d'où peut-être ce nom.
Goia (p. 237), instrument qui forme une hache dun côté et une serpe de
l'autre.
D-- FRANCUS.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
d'après des documents officiels et inédits.
(Suite)
» Voilà ce que j'ai cru pouvoir faire et je suis prêt à le réitérer.
S'il était possible que quelqu'un m'eût entendu différemment ou que
je me fusse mal expliqué, je dirai et je vous le déclare à tous : Voilà
en quoi consiste mon serment, voilà mon devoir. Tel est aussi le
vôtre. Nous sommes tous tenus à l'obéissance la plus absolue envers
l'Eglise, en ce qui concerne la Religion ; nous devons aussi l'obéis-
sance aux puissances temporelles en tout ce qui leur est propre.
N'oublions pas que le meilleur patriotisme a pour base la Religion
et lui est toujours subordonné ; et ne vous flattez pas, qui que vous
soyez, d'en trouver de plus épuré que parmi ceux qui ont le bonheur
de la professer. Vous les verrez souvent disposés à tout sacrifier, à
tout souffrir plutôt que de trahir leurs devoirs ; et si la Providence
permet que nous soyons nous-mêmes dans ce cas, notre exemple,
avec le secours du Ciel, vous montrera ce que vous devez faire, quand
il s'agit de la gloire de Dieu et de son salut.
» Et afin que les présentes aient la notoriété nécessaire, si Mes-
sieurs de la municipalité veulent les coucher sur leurs registres, j'y
souscris volontiers, ou bien je m'engage à leur en remettre un dou-
ble et un autre à Messieurs du Directoire du district de Grenoble, le
tout signé de ma main.
» En finissant, comme pasteur, je vous conjure de conserver tou-
jours la même fidélité à Dieu et à son Eglise, ensuite aux puissances
de la terre, nous rappelant que l'anarchie est le plus grand des
maux. 11 faut nécessairement que la liberté soit soumise aux lois ;
nous devons tous aimer l'ordre et la paix, et fasse le Ciel que nos
cœurs soient toujours occupés à former des vœux pour le bonheur
public ! Enfin n'oublions pas que nous mourrons, et à cet effet soyons
30 LE TRIEVES PENDANT
dès à présent ce que nous voulons être plus tard. Je suis moi-même
intéressé en ceci, puisque mon bonheur consiste dans le vôtre (i). »
Ces paroles furent pieusement écoutées, racontait, en 1856, un
témoin, catholique fervent. Monsieur Bac lui-même était profon-
dément ému ; mais ses larmes coulèrent abondamment quand il vit
le maire prendre à l'église la place du prêtre, et monter dans la
chaire de vérité pour lire l'écrit d'un évêque schismatique. Les
catholiques comprirent la douleur de leur pasteur bien aimé et s'y
associèrent en sortant en foule du temple saint, où il ne resta que
des protestants exaltes par les idées du jour. A la vue de cette dé-
monstration, Sibey, pâle de honte, put à peine bégayer trois phrases
et dut confier la lecture du mandement à un membre de la muni-
cipalité.
Ainsi ce serment, par lequel l'assemblée nationale avait prétendu
lier les ecclésiastiques à sa nouvelle constitution, fut réprouvé et
rétracté par ceux qui l'avaient prêté, dès qu'ils reconnurent son im-
piété. Et non-seulement ce serment était impie ; mais il était en
même temps injuste et dangereux ; il froissait les consciences des
citoyens qu'il plaçait entre le devoir et l'intérêt, et réduisait à l'alter-
native d'être apostats ou martyrs. C'était là une odieuse tyrannie,
un criminel attentat. Cependant on en recueillit un fruit précieux,
résultat de toutes les persécutions : pendant que quelques prêtres
tarés s'éloignaient du droit chemin, le parti qu'on voulait abattre
fut fortifié, les âmes qu'on cherchait à asservir, électrisées ; les hom-
mes mêmes les plus faibles et les plus timides, tranformés en héros.
En exigeant ce serment des ecclésiastiques, la plus grande partie
des députés, disciples avoués des philosophes du XVIII" siècle et
ennemis acharnés de l'Eglise, s'étaient préparé une occasion de
satisfaire leur penchant pour la persécution. On s'aperçut bientôt, en
effet, que la constitution civile du clergé n'avait été qu'une espèce
de transition pour arriver à la guerre ouverte, dont le but était
l'anéantissement total du culte catholique et l'extermination de ses
ministres.
Les habitants du Trièves avaient le sentiment religieux, aussi les
meneurs révolutionnaires, comme d'ailleurs presque partout en
France, évitaient de froisser leur susceptibilité. Ce n'était que petit
à petit qu'ils voulaient les amener à ne point se plaindre de l'inter-
diction de tout culte. Le 14 juillet 1791, la population de Mens, la
(1) .Mens, Reg. des délit.
LA GRANDE REVOLUTION. 3I
garde nationale, quelques citoyens et des détachements des gardes
nationales de St-Baudille-et-Pipet, St-Jean-d'Hérans, St-Genis,
Cornillon, Morges et Tréminis assistaient à une messe solennelle
célébrée par Monsieur Bac, sur un autel dressé en plein air, au-
dessous de la place des Aires, sur le Champ-de-Mars. Ils juraient
ensuite, « en présence de l'Etre suprême, les drapeaux de la garde
nationale déployés, de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi, au
roi, de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par
l'assemblée nationale et acceptée par le roi. »
Ils jurèrent encore « de protéger de toutes leurs forces et conformé-
ment aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circu-
lation des grains, la perception de l'impôt, sous quelque dénomina-
tion et forme qu'il se perçût, et de demeurer unis à tous les Français
par les liens indissolubles de la fraternité ; déclarèrent traîtres à la
patrie tous ceux qui avaient protesté ou protestaient contre les
décrets de l'assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le
roi. » Plus de trois cents personnes apposèrent leur signature à ce
serment (i).
Pendant ce temps, les événements marchaient avec rapidité, et la
persécution était ouvertement déclarée contre les prêtres qui avaient
refusé ou rétracté le serment civique et qu'on désignait dès lors sous
le nom de réfractaires.
Le 26 août, la municipalité de Mens s'assembla et entendit lecture
de la lettre suivante du district de Grenoble, en date du 24 du même
mois: « Nous vous prions. Messieurs, de mander venir devant la
municipalité assemblée le sieur Bac, curé de Mens, attendu que le
serment qu'il a prêté contient des restrictions, de le requérir de
prêter de nouveau, dimanche prochain, purement, simplement, sans
préambules , Explications ni restrictions le serment ordonné par
l'assemblée nationle aux curés et fonctionnaires publics, conformé-
ment au décret de 8 janvier dernier. Vous voudrez bien le prévenir,
Messieurs, qu'à défaut de vous répondre ou de prêter dans le délai
prescrit le serment requis par l'administration, son silence ou son
refus de déférer à votre réquisition sera regardé comme une déné-
gation formelle du serment et qu'il sera remplacé. Nous vous prions
donc, Messieurs, de dresser procès-verbal de la comparution du
sieur curé, de votre réquisition, de ses réponses, de la manière dont
il aura prêté le serment ou de son refus, et de nous envoyer tout de
(i) Mens, Délib. du i^ juillet.
32 LE TRIEVES PENDANT
suite extrait de votre procès-verbal pour y être délibéré ce qu'il
appartiendra.
» Les administrateurs composant le directoire du district de Gre-
noble : A.MAR, vice-président, Bellicard, F. Royer, Real, Hi-
LAIRE (l). ')
M. Bac, invité au même instant à comparaître devant la munici-
palité, s'y rendit et s'y comporta comme va nous l'apprendre le
procès-verval de sa comparution :
« Le sieur Bac a répondu qu'il était vrai que le serment prêté par
lui était véritablement avec conditions, au vu et seû de toute sa
paroisse; qu'il était malheureux pour lui de n'avoir pu le prêter diffé-
remment, par la raison unique de n'être pas infidèle à Dieu et à son
Eglise . Qu'il priait d'avance le Seigneur de vouloir bien accepter les
sacrifices qu'il exigerait de lui ; que d'ailleurs il osait demander la
tranquillité et la sûreté pour sa personne et se mettre sous notre
protection. En outre a requis qu'il lui fût délivré une expédition de
la présente et a signé : Bac (2). »
La fin de cette déclaration nous porte à croire que des menaces
avaient été proférées contre ce digne prêtre, coupable de rester
fidèle à la voix de sa conscience. La vue d'hommes semblables est
importune aux méchants, elle leur rappelle le sentier abandonné du
devoir.
M. Bac resta encore un mois en possession de son église et, le 26
septembre, il signa l'inventaire des meubles et ornements, en pré-
sence de Jannais, son vicaire et dès ce jour son remplaçant par
nomination d'un évêc^ue schismatique. Etaient aussi présents le
maire, Sibey, et plusieurs autres officiers municipaux, qui furent
témoins de l'énergique protestation du pasteur légitime contre le
titre de ci-devant curé, qu'on lui donnait, et celui de curé, accordé à
Jannais (3). La protestation du bon prêtre irrita celui-ci, mais elle
demeura gravée dans son cœur et finit par y amener de salutaires
réflexions.
M. Bac fut ensuite pendant quelque temps gardé à Mens avec bon-
heur par ses paroissiens, dont plusieurs lui offraient l'hospitalité à
tour de rôle. 11 célébrait les saints mystères dans des maisons par-
ticulières et voyait de nombreux assistants se grouper autour de son
(i) Ibidem.
(2; Ibidem.
( j) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. 33
pauvre autel, pendant que l'église restait déserte. Les autorités lo-
cales essayèrent plusieurs fois de le tracasser, pour l'obliger à quitter
Mens ; mais les catholiques prirent ouvertement sa défense et me-
nacèrent même ses persécuteurs de les punir de leurs mauvais pro-
cédés. Pendant la nuit, plusieurs d'entre eux allèrent enlever les
vases et ornements sacrés, pour qu'ils ne servissent plus à Jannais
« le jiireur », ainsi qu'ils nommaient l'intrus, mais bien au « bon
curé. » Cette conduite consolait le cœur du pasteur fidèle, au milieu
de ses tribulations, et était une récompense de sa fermeté. La muni-
cipalité ne pouvait la laisser durer longtemps et la signala au dis-
trict de Grenoble. Celui-ci prit une délibération contre M. Bac, pour
le dénoncer à l'accusateur public près le tribunal criminel du même
lieu, et qu'en attendant on prit les moyens nécessaires afin de
l'obliger à s'éloigner. L'envoi de cette délibération fut accompagné
de la lettre suivante (7 octobre 1791) : « J'ai l'honneur devons
adresser, Messieurs, la délibération prise par le directoire du dépar-
tement ce jourd'hui, 7 octobre, concernant le s'' Bac, curé réfrac-
taire, et la spoliation des ornements de votre église ; vous voudrez
bien engager le s'' Bac à se retirer de lui-même, s'il est possible ; et
surtout mettre de la prudence et de la fermeté dans l'exécution dont
vous êtes chargés. Vous sentez bien que les troubles et les insurrec-
tions populaires peuvent avoir les suites les plus dangereuses et que
vous êtes responsables des événements, lorsque vous ne faites pas
tous vos efforts pour les prévenir. Royer, vice-procureur général
syndic (i). »
Devant la tempête déchaînée contre lui, M. Bac crut prudent de
quitter (pour quelques mois, pensait-il) ses chers paroissiens. On
nous saura gré de faire connaître ce qu'il devint, quoique nous lais-
sions le Trièves pour un peu de temps et nous nous transportions
dans l'Ardèche. 11 se retira à St-Julien-Labrousse (2), son pays na-
tal, et demanda asile au toit paternel. Il fut arrêté en mai 1794,
pour n'avoir pas obéi à la loi de la déportation et avoir encore mis
des restrictions au serment de liberté, égalité qu'il prêta devant la
municipalité, afin d'obtenir un peu de tranquillité. On l'envoya pri-
sonnier à Privas, siège du tribunal révolutionnaire de l'Ardèche.
Dans les divers interrogatoires qu'il subit, il fit toujours ressortir
les restrictions apportées dans ses prestations de serment. « J'ob-
(i) Délibération du district de Grenoble, Archives de l'Isère.
(2) Nommé Brousseval, au temps de la révolution.
Bull. VIII, 1887. 3
34 LE TRIEVES PENDANT
serve, dit-il, que je fus dépossédé de ma cure et remplacé, parce
que j'avais fait précéder mon serment d'un discours dans lequel je
disais que je voulais être obéissant à Dieu et que je ne jurais qu'au-
tant que je ne cesserais pas d'être fidèle à la Religion. »
On lui demanda s'il connaissait la loi des 29 et 30 vendémiaire
dernier, qui ordonnait aux prêtres rêfractaires de se présenter devant
l'administration pour y faire la déclaration relative à leur dépor-
tation, et s'il savait que cette loi eût été enregistrée dans la com-
mune de Brousseval ; il répondit n'en avoir eu aucune connaissance
et par conséquent ignorer sa publication et son enregistrement dans
cette commune.
Aux yeux des juges son tort était d'être fidèle à son Dieu et à sa
religion : aussi voici la sentence qu'ils rendirent contre lui : « Vu
l'extrait du procès-verbal des séances du district de iMezène des 24
floréal et 17 prairial courant, ce dernier portant que Jean -André
Bac, prêtre, ci-devant curé de Mens, département de l'Isère, habi-
tant actuellement à St-Julien-Labrousse, sera traduit au tribunal ;
le certificat de la municipalité de Brousseval, ci-devant St-Julien-
Labrousse, du 25 courant, portant que la loi des 2g et 30 vende
miaire y a été publiée et affichée, le 16 nivôse dernier. Oui le dit
Bac, lequel a déclaré avoir prêté serment au mois de janvier 1791
et avoir été déplacé de sa cure au mois de septembre suivant, à
cause des restrictions apposées à son dit serment, et qu'il fit les
mêmes réserves à celui prescrit par la loi du 14 août 1792.
» Considérant que la loi du 9 janvier 1791 ordonne que le serment
sera prêté purement et simplement, sans que les ecclésiastiques
puissent se permettre aucun préambule, explication ni restriction.
Que celle du 26 aoiît 1792 prononce la déportation contre ceux qui,
ne l'ayant pas prêté, ne seraient pas dans quinzaine sortis du terri-
toire de la république ; que l'article V de la loi des 29 et 30 vendé-
miaire déclare sujets à la déportation les évêques, ci-devant arche-
vêques, les curés conservés aux fonctions et ceux qui ont prêche
dans quelque église que ce soit depuis la loi du 5 février 1791, qui
n'auraient pas prêté le serment prescrit ; que l'article VI de la même
loi leur enjoint de se rendre, dans la décade de la publication, au-
près de l'administration de leur département, qui prendra des mesu-
res pour leur arrestation, embarquement et déportation ; que le dit
Bac n'a point profité de ce délai.
» Le tribunal déclare que le dit Bac était sujet à la déportation et,
LA GRANDE REVOLUTION. 35
faute par lui de s'être présenté dans le délai prescrit à l'adminis-
tration du département, ordonne que le dit Bac sera livré à l'admi-
nistration des jugements criminels pour être mis à mort sur la petite
place de cette commune de Privas, dans le délai de vingt-quatre
heures; déclare ses biens confisqués au profit de la république,
conformément aux articles cités et à l'article XVI ; ordonne que
le présent jugement sera exécuté à la diligence de l'accusateur
public. »
L'exécution n'eut cependant lieu qu'un mois et demi plus tard,
soit que quelques-uns de ses juges espérassent faire évader leur
victime, soit qu'on voulût associer au sort de M. Bac plusieurs
religieuses et des prêtres enfermés avec lui dans la même prison.
C'étaient : D. Allemand, curé de St-Julien-de-Vaucancel, au diocèse
de Vienne ; Gardés, curé de Caylard, au diocèse de Nîmes ; Mont-
blanc, prêtre du diocèse de Beziers ; Bouville, jésuite, né en Pro-
vence, à Aix ; Antoinette X'incent, sœur de St-Joseph de Vernose ,
près d'Annonay ; Marie-Anne Senovert, religieuse du même ordre ;
Madeleine Dumoulin. Ils furent tous condamnés à mort.
Quelques jours avant leur exécution, des personnes dévouées es-
sayèrent de les faire évader ; mais la femme du geôlier découvrit le
complot et vint accabler les victimes d'outrages. Celles-ci tâchèrent
de l'adoucir et la supplièrent surtout de ne pas continuer ses blas-
phèmes contre Dieu.
A partir de ce moment, leur unique préoccupation fut de se pré-
parer à la mort par la confession et devant un crucifix qu'on était
parvenu à leur faire passer. Ces martyrs s'encourageaient les uns
les autres et, avec une sainte joie, se félicitaient de leur sort. Ils
passèrent la nuit qui précéda leur supplice à prier, à chanter l'office
et la messe des morts. Le matin, ils se firent rafraîchir la tonsure et
couper les cheveux à la manière dont les ecclésiastiques les portaient
alors. Lorsqu'ils sortirent de prison, ils entonnèrent d'une voix forte,
le Miserere mei et le Parce Domine, et chantèrent ainsi jusqu'au
pied de l'échafaud. Une joie céleste rayonnait sur leur visage et leur
démarche ne cessa d'être aisée, quoique pleine de modestie. Des
personnes, en grand nombre, attirées par leurs chants et surtout
par la pitié qu'excitait en elles le sort de ces martyrs, se mirent à leur
suite et vinrent assister au lamentable, mais édifiant spectacle de
leur sainte mort.
Les trois religieux montèrent d'abord l'un après l'autre les degrés
36 LE TRIÈVES PENDANT
de l'échafaud. Pendant que leur tête tombait sous la hache, que leur
âme s'envolait au ciel, la foule silencieuse priait. Vint ensuite le
tour des prêtres. Le premier qui mourut voulut déclarer, en son nom
et en celui de ses confrères, que « tous étaient mis à mort à cause
de leur religion ; » mais le bourreau avait hâte de terminer son
horrible besogne et l'empêcha de prononcer d'autres paroles. Un
autre embrassa ce même bourreau, comme pour le remercier de sa
mort, puis la guillotine (8 thermidor an II, 26 juillet 1794.)
Les corps des victimes furent déposés dans une même fosse, que
la piété des fidèles empêcha d'être confondue avec les autres.
Lorsque peu après des jours plus calmes se furent levés, les catho-
liques s'y rendirent en foule. En 1795 ^^ '796, on y vit jusqu'à deux
et même trois cents personnes y priant. .A.près le 18 fructidor an V
(4 septembre 1797), ils y venaient encore malgré la gendarmerie
envoyée par les administrateurs pour les disperser. Tant que les
églises furent fermées, ceux de Privas s'y assemblèrent nombreux,
les jours de Dimanche et de fête afin d'y prier, ainsi que le faisaient
les fidèles des premiers siècles sur le tombeau des martyrs.
Deux des juges qui avaient voté la mort de ces victimes voulurent
plus tard réparer leur faute et chasser les remords dont ils étaient
poursuivis nuit et jour. Ils firent publiquement amende honora-
ble devant les autels (i).
La paroisse de Mens peut être fière : l'un de ses anciens curés est
mort victime de son attachement à la foi catholique. Son sang a
coulé sur l'échafaud comme lui-même semblait le pressentir dans
les divers discours que nous lui avons vu prononcer. Les petits en-
fants de ceux qui l'ont connu et aimé ont gardé pieusement le sou-
venir des récits qu'on leur a faits sur ce saint prêtre.
CHAPITRE II
Du MOIS d'octobre I79I, AU MOIS DE JUILLET I792.
Un mois et demi avant la lettre du district de Grenoble à la muni-
cipalité de Mens au sujet de M. Bac, le directoire de la même ville
(i) E.xlrait de la notice d'Aimé Guilion (imprimcc en 1812).
LA GRANDE REVOLUTION. 37
s'assemblait et prenait la délibération suivante contre quatre prê-
tres :
a Du lundi, II juillet 1791, après-midi, dans une des salles de la
maison commune de la ville de Grenoble, où le Directoire du dépar-
tement de l'Isère tient ses séances et où étaient présents MM. Aubert
du Bayet, président, Pins, vice-président, Royer, Amar, Roux,
Bergeron, Vaillier, Boissieu, Rognât, Bravet, le procureur général
syndic et le secrétaire général.
« Un membre a dit qu'il avait été dénoncé à l'administration qua-
tre curés réfractaires qui prêchaient le trouble et la désobéissance
au.x; lois dans les paroisses qu'ils desservaient ; que ces curés réfrac-
taires étaient le s'' Joseph Allemand, curé de Gresse, le s"" Berthon,
curé d'Avignon (i), et le s"" Galfard, curé de Clelles, et le s"" Doux,
curé de St-Paul.
« Que le sieur Allemand, curé de Gresse, avait prévenu, le 7 mai
dernier, la Municipalité qu'il voulait rétracter son serment, le lende-
main dimanche, en disant la messe paroissiale, et qu'il avait effecti-
vement fait cette rétractation, immédiatement après l'évangile, pour
donner plus de solennité et une influence plus dangereuse à cette
criminelle défection.
« Que le sieur Berthon, curé d'Avignonet, avait d'abord refusé de
lire la lettre de M, l'Evêque du département et même déclaré aux
officiers municipaux que sa conscience ne lui permettait pas de re-
connaître ce supérieur, et qu'il se proposait de rétracter son ser-
ment ; que le 23 may 1791, il avait effectivement remis à la munici-
palité une déclaration écrite portant que lorsqu'il promit, le 20 janvier
dernier, de soutenir de tout son pouvoir la Constitution civile du
clergé, ce n'avait été qu'à condition qu'on ne toucherait pas à la
hiérarchie ecclésiastique, ni à son gouvernement universel; que
depuis cette époque, s'étant aperçu qu'on avait suivi une marche
absolument contraire aux réserves qu'il avait entendu faire, et
qu'ayant mûrement et profondément réfléchi, d'après les décisions
des conciles et la bulle du Souverain-Pontife, il a cru devoir au salut
de sa paroisse, se devoir à lui-même, à sa tranquillité spirituelle, au
repos de sa conscience et de celles qui lui sont confiées de rétracter
(i) Nous parlons ici de M. Berthon parce que après avoir été obligé de quitter
sa paroisse il vint se réfugier au Monétier-du-Percy, son pays natal, et ne cessa,
aux plus mauvais jours de la Terreur, de parcourir le Trièves pour y administrer
les sacrements.
38 LE TRIÈVES PENDANT
le serment qu'il avait prêté de maintenir une constitution destructive
des principes de la discipline ecclésiastique, des droits sacrés de
l'Episcopat et du Saint-Siège, et des pouvoirs que l'Eglise tient de
Dieu et qu'elle a toujours conservés indépendants de l'autorité des
hommes.
« Que le sieur Galfard, curé de Clelles, avait écrit, le 5 du même
mois de may, au Directoire du district de Grenoble, qu'ayant vu
atlkhé, à la porte de son église, un décret de l'assemblée nationale
portant que le serment, prescrit par le décret du 27 novembre der-
nier, serait prêté purement et simplement, sans qu'on pût se permet-
tre aucun préambule, explication et restriction, il avait réfléchi que
ni sa religion, ni sa conscience, ni l'obéissance qu'il devait à ses
supérieurs légitimes ne luy avaient permis de le prêter autre-
ment ; que si ce décret luy avait été connu plus tôt, il aurait déjà fait
connaître ses sentiments à son égard, et, qu'en protestant de son
amour pour le bien public, de son respect pour la religion, de
l'exemple de la soumission aux lois qu'il doit et donne à ses parois-
siens, il rétractait néanmoins son serment. — Qu'à cette lettre il
avait joint une copie exacte du serment qu'il avait prêté, tel qu'il est
écrit sur les registres de la municipalité, lequel serment est conçu
dans les termes suivants : « Je jure de veiller avec soin sur tous les
« fidèles de ma paroisse, qui me sont confiés, d'être fidèft à la na-
« tion, à la loi et au Roy et de maintenir de tout mon pouvoir la
« Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le
« Roy, sauf au spirituel et sans préjudice de l'union de foi et commu-
er nion avec le chef de l'Eglise, suivant l'article 4 du titre i" de la
a Constitution civile du Clergé. » Signé : Galfard.
« Que le sieur Doux, curé de la paroisse de St-Paul, avait refusé,
le dimanche 22 mars dernier, de lire, sur la réquisition de la Muni-
cipalité, la lettre pastorale de M. Pouchot, évêque du département ;
qu'il avait ajouté que M. Pouchot était un intrus et que le schisme
était en France ; qu'enfin le 12 juin suivant, le s' Doux avait déclaré
qu'après de mûres réflexions il rétractait son serment qu'il avait
prêté, le 16 janvier dernier; de laquelle rétraction la Municipalité
avait dressé procès-verbal, le 13 du même mois de juin.
« Sur quoi le rapporteur a observé que tous les faits qu'il venait
de développer étaient établis par des lettres ou des procès-verbaux
qu'il mettait sur le bureau ; qu'ainsi ces quatre curés devaient être
dénoncés à l'accusateur public auprès du tribunal de district de Gre-
LA GRANDE REVOLUTION, 39
noble, comme rebelles aux lois et perturbateurs du repos public, en
conformité des articles 6, 7, 8 du 26 décembre dernier ; mais encore
que la tranquilité "publique exigeait qu'ils fussent provisoirement rem-
placés sans attendre le jugement du tribunal, pour arrêter dans les
principes les progrès de troubles que ces réfractaires semaient dans
leurs paroisses.
« La matière mise en délibération : Vu
« Oui le procureur général syndic ;
« Le directoire a arrêté : 1° que le s"" Joseph Allemand, curé de
Gresse, le s'' Jean-Victor Oddoz-Berthon , curé d'Avignonet,
le s"" Galfard, curé de Clelles, et^le s' Doux, curé de St-Paul,
seraient incessamment dénoncés à l'accusateur public auprès du
tribunal du district de Grenoble, pour être poursuivis en confor-
mité de la loy du 6 décembre dernier, et que, à cet effet, toutes les
pièces ci-dessus visées lui seraient adressées avec un extrait de la
présente délibération ;
« 2° Que les quatre curés susnommés seraient dès à présent rem-
placés par quatre desservants provisoires qui seraient chacun
installés par les officiers municipaux de la paroisse du service de
laquelle chaque desservant serait chargé ;
« 3" Que M. l'Evêque du département serait prié de choisir inces-
samment les quatre desservants provisoires, dont il s'agit, parmi
les prêtres renommés par leur patriotisme et leur soumission aux
nouvelles lois, et de les revêtir des pouvoirs nécessaires pour faire
chacun le service de la cure dont il sera chargé, et qu'à cet effet
il sera pareillement adressé à M. l'Evêque un extrait de la présente
délibération signée Aubert du Bayet, président. Pins, vice-prési-
dent, Royer, Amar, Roux, Bergeron, Vallier, Boissieu, Rognât,
Bravet, Gauthier, procureur général syndic, Dufort , secrétaire
général fi). »
Ce n'était plus l'évêque qui gouvernait son diocèse, il n'était que
l'humble serviteur des membres des districts départementaux, quoi-
qu'on lui laissât encore la nomination, son choix n'était plus libre.
Il devait prendre les curés et desservants, non parmi les prêtres
instruits et vertueux, mais parmi ceux qui se distinguaient par leur
honteuse soumission aux lois votées par une assemblée civile dans
le délire de sa haine contre le catholicisme, parmi ceux qui avaient
violé leurs serments et trop souvent rompu avec les lois de l'honneur.
(i) Clelles, Reg. des délib.
40 LE TRIEVES PENDANT
Le schisme était en France, disait M. Doux, et on lui en faisait un
crime ; il y était bien avili et dégradé, premier châtiment de ceux
qui n'avaient point le courage d'être fidèles à leur devoir et vendaient
leurs services aux tyrans impitoyables du moment pour satisfaire
leurs passions ou se procurer un morceau de pain. Le peuple les
méprisait et avec raison, tandis que son estime et son affection se
reportaient sur les prêtres traités de réfractaires et persécutés parce
qu'ils ne voulaient point trahir leurs devoirs.
Le procureur général mandait, le 5 août suivant, à la municipalité
de Clelles d'avoir à installer le desservant que l'évêque du départe-
ment venait de nommer pour leur paroisse. « Vous voudrez bien pré-
venir sur le champ, ajoutait-il, le curé qu'il ait à évacuer la cure et
à quitter la paroisse; s'il fait la moindre résistance, vous employerez
la force publique pour l'y contraindre. Le Directoire vous enjoint
d'exécuter ponctuellement ce qui est prescrit par son arrêté et vous
voudrez bien. Messieurs, m'assurer par votre réponse que vous
vous y êtes conformés (i). »
Sept jours plus tard, la municipalité se rendait à la cure, signifiait
l'ordonnance du 1 1 juillet et la lettre du procureur général à AL Gai-
fard. Celui-ci répondit : « Aucun sacrifice ne nous coûtera jamais
quand il s'agira de prouver notre parfaite soumission aux lois, pourvu
que notre conscience ne s'y oppose pas ; ainsi quoyque l'ordonnance
de M""^ les administrateurs du district du département de l'Isère ne
parle point que nous devions évacuer sur le champ la cure et quitter
la paroisse, et que cet ordre ne soit donné que dans une lettre ci-
dessus énoncée, nous déclarons nous y soumettre, vouloir évacuer
la cure dans la journée et sortir de la paroisse dès que nous serons
remplacé (2). »
M. Galfard se fit donner copie des arrêtés d'expulsion et de sa
réponse à la sommation qui venait de lui être faite.
La municipalité lui délivra en même temps une attestation propre
à lui causer une douce joie au milieu de ses épreuves : « Nous,
Maire et Officiers municipaux de la communauté de Clelles, district
de Grenoble, département de Tlscre, cy-devant diocèse de Die, certi-
fions que M. Jean-Magloirc Galfard, originaire de Colmars (Basses-
Alpesj, curé de la dite paroisse de Clelles, a desservi la dite cure
pendant dix années consécutives avec toute l'édification et satisfaction
(i) Pièces à la cure de Clelles et Reg. des dclib.
(2) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. 4I
générales qu'exige le ministère d'un digne prêtre, sans que nous
ayons aucun reproche à lui faire. Etant obligé de quitter sa paroisse,
il a déclaré vouloir se rendre à Colmars, lieu de son origine, et en
d'autres lieux. En conséquence prions, en tant que besoin requérons
tous ceux qui seront priés de ce lui donner toute a^'de et assistance
nécessaire en cas de nécessité, offrant de faire nous-mêmes sembla-
ble chose en pareil cas. Ainsi nous lui avons délivré le présent certi-
ficat pour servir et valoir à ce que besoin sera.
« AClelles,ce 12 août 1791. Signé : Vette, maire. » Suivent encore
les signatures de douze autres officiers municipaux ou notables (i).
Mais qu'avait fait l'évêque constitutionnel de l'Isère en réponse à
l'ordre du Directoire de Grenoble ? Le 6 août, il écrivait : « Joseph
Pouchot, par la divine Providence, par l'élection du peuple et en
vertu d'une commission du Saint Siège apostolique évêque du dépar-
tement de l'Isère.
« Vu la délibération du directoire du département de l'Isère, por-
tant que M. Galfard, curé de Clelles-en-Trièves, ayant rétracté son
serment, il serait pourvu à son remplacement, et d'après la prière
qui m'a été faite de commettre à cet effet un prêtre constitutionnel,
Nous, instruit des bonne vie, mœurs, capacité et civisme de M. J. Ger-
vais Duboille, ci-devant procureur des dominicains de Grenoble,
l'avons commis et commettons pour remplir les fonctions curiales de
la dite paroisse de Clelles, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu de lui
donner en conséquence tous les pouvoirs nécessaires.
« Délivré à Grenoble, sous notre signature, le contre-seing de
notre secrétaire et le sceau de l'évêché, le 6 août 1791, f Joseph, évê-
que de l'Isère. Par mandement, Jouguet, homme de loi (2). »
Le 14 août la municipalité se réunissait de nouveau, et c'était
pour entendre lecture de la lettre ci-dessus présentée par Duboille.
Elle se rendit ensuite à l'église pour assister à l'installation de l'in-
trus. Celui-ci reçut toutes les clefs du maire, revêtit les ornements
sacrés, entonna le Veni Creator, pendant le chant duquel il visita
l'église. De retour à l'autel, « il chanta les trois versets en l'honneur
de la république «, puis exhorta ses paroissiens à entretenir la paix
et l'union qui lui avait paru régner parmi eux, et enfin célébra la
sainte messe, « sans qu'aucun trouble eût troublé la cérémonie (3). »
(i) Pièces à la cure de Clelles.
(2) Reg. des délib. de Clelles.
(3) Ibidem.
42 LE TRIEVES PENDANT
Ce dernier membre de phrase contient toute une révélation sur
l'accueil fait à Duboille. Si on ne le chassa pas honteusement, lacon-
taient les vieillards, il n'y a pas longtemps, c'est que la crainte des
gendarmes et de la prison contenait les esprits et empêchait toute
démonstration ouverte. On le fuyait quand il paraissait en public,
presque personne n'assistait à sa messe (i). C'était d'ailleurs un
homme sans religion. Il alla un jour célébrer les saints mystères à la
chapelle d'Esparron, après avoir déjeûné, au Percy, avec des patrio-
tes de bonne foi que cette conduite fit revenir à de meilleurs senti-
ments (2).
M. Galfard ne quitta pas immédiatement Clelles, après son expul-
sion de la cure ; les fidèles veillaient sur lui avec un soin jaloux,
lui procuraient tout ce qui lui était nécessaire, assistaient aussi nom-
breux à la messe qu'il célébrait en secret et venaient avec une
pieuse avidité recueillir les avis par lesquels il les aidait à se main-
tenir dans la bonne voie (3).
Un semblable voisinage ne pouvait être agréable à Duboille, auquel
d'ailleurs sa mauvaise conduite attirait le mépris public (4).
Le 21 novembre, il alla se plaindre à la municipalité des menaces
qu'on avait proférées contre lui et des agissements de plusieurs
curés réfractaires, entre autres de M. Galfard, qui s'efforçait, disait-il,
de le rendre l'objet de la malveillance de tous. Il racontait que des
femmes avaient tenu un conciliabule, afin de s'entendre sur le moyen
à prendre pour le chasser de la cure, et lui reprochaient de s'occuper
plus des affaires de la commune que de ce qui concernait son minis-
tère. Craignant de se compromettre, si elle gardait le silence, ou sim-
plement disait la vérité, la municipalité prit, six jours plus tard, une
délibération en sa faveur. Elle y déclara que les accusations portées
contre Duboille étaient fausses ; que les fanatiques seuls deman-
daient son départ, « parce qu'il avait les yeux ouverts sur leurs
« menées et complots inconstitutionnels ; » que cet éloge serait envoyé
au directoire de Grenoble afin qu'il n'écoutât pas les plaintes por-
tées contre un prêtre bon patriote (5).
(i) Tradition conservée dans Cleilcs
(2) Mémoire de Magloire Brochier, ancien instituteur de Menée et mort à Clelles,
où il fut longtemps grcfiîcr de la mairie. Ce mémoire est entre les mains de M. Mar-
tin, cure de Clelles.
(3) Tradition et Mémoire Brociiikr.
(4) Ibidem.
(5) Ref,'. des délib.
LA GRANDE REVOLUTION. 43
Duboille ne put cependant rester à Clelles, qu'il quitta même
avant M. Galfard. Malgré le certificat de la municipalité, il était, le
mois suivant, remplacé par un vicaire provisoire, Monthalel, et se
retirait à Grenoble, où il fut tour à tour charretier et avocat. Son
inconduite lui attira de mauvais traitements de la part d'un sergent
de canonniers, qui le traîna par les cheveux jusque dans la rue, en lui
faisant franchir un escalier de dix-huit marches. Il mourut quelques
jours après à la suite des coups qu'il avait reçus (i).
Nous avons nommé les prêtres demeurés fidèles, malgré les me-
naces des révolutionnaires, ou assez courageux pour réparer, par
une rétractation publique, leur faiblesse d'un moment ; il est juste
aussi, quoique triste, de faire connaître les intrus. Ces derniers
furent, Molin à St-Paul, Fauchet à St-Maurice, Peyronnet à Cor-
déac, Chagnard à Prébois, Darier puis Caron à St-Jean-d'Hérans,
Voulet à Chichiliane, Girard à St-Martin, Vigne à St-Michel, Lucas
à Tréminis, Arnaud à St-Baudille avec Dumoulin et ensuite Faure
pour vicaire.
Nous nommerons de même ceux qui, pendant ce temps de persé-
cution surent rester fidèles à leur religion ; mais nous ne tairons pas
non plus ceux qui furent les instruments de la haine contre le catho-
licisme et ses ministres ; l'histoire ne peut avoir deux poids et deux
mesures, elle doit faire connaître victimes et bourreaux, plaindre les
premiers, flétrir les seconds.
Dailleurs, il est bon que la postérité connaisse les hommes de bien
pour les louer et les imiter, et que la crainte de voir sa mémoire mé-
prisée par les générations futures retienne ceux qui seraient tentés
de prendre une mauvaise voie et les empêche de s'y engager.
La communauté de St-Baudille avait jusque là montré une mau-
vaise volonté insigne à réparer son église. Le 12 août 1791, sa mu-
nicipalité recevait du directoire de Grenoble une lettre où il était dit :
« Il existe une chapelle, sous le vocable de sainte Catherine, atte-
nante à votre église, dont on pourrait se servir pour assembler le
corps municipal et le conseil général de la commune, en y faisant
quelques réparations. Faites délibérer, Messieurs, le conseil géné-
ral de la commune, si vous désirez profiter de cette chapelle »
Sur cette invitation, la municipalité décide la réfection du toit de
cette chapelle et la fermeture de la baie qui la faisait communiquer
avec l'église. Elle la transformait ainsi en maison commune, malgré
(i) Mémoire Brochier.
44 L-E TRIEVES PENDANT
la douleur causée aux catholiques fidèles attristés de cette injure à
sainte Catherine, patrone secondaire de la paroisse, malgré les pro-
testations de leur courageux curé, M. Joseph-Alexandre Galfard,
malgré les larmes de leur ancien pasteur M. Antoine Galfard, rési-
dant chez son neveu et successeur (i).
La même municipalité prenait et envoyait, six jours après, au
district de Grenoble la délibération suivante: « Du 27 août 1791,
à SIX Heures du matin, au lieu de Saint Pancrace et dans la maison
du sieur André Fluchaire où s'est assemblé le corps municipal de
Saint-Baudille-et-Pipet, ont comparu : Jean-Alexandre Galfard, curé,
Jean Vette, vicaire, et Clément Bourillon, desservant de la succur-
sale du Perrier. Ils ont l'un après l'autre déclaré, en suite de la lettre
que vous nous avez envoyée, le 24 du présent mois, 1° Galfard curé,
d'un air arrogant, qu'il est surpris que MM. du Directoire aient
envoyé la présente lettre et qu'il n'a point de serment à prêter ; que
ce qui est fait est fait, qu'il ne veut point se séparer de l'Eglise ; que
telle est sa volonté de ne pas se soumettre ; 2° tout de suite Vette et
Bourrillon se sont déclarés de même. De suite le corps municipal les
a requis de mettre leur signature sur le registre et ils n'ont pas voulu
le faire ni les uns ni les autres, et nous le certifions, Giraud maire,
P. Collombet, Louis Allouard, Jean Baup, y\ntoine Gaymard, Pierre
Doriol, J. Besson, Pierre Blanc, procureur de la commune (2). »
Ces citoyens se plaignaient en même temps de la protestation de
M. Galfard au sujet de l'envahissement delà Chapelle de Ste-Cathe-
rine. Ils voulaient son départ ; ils furent bientôt satisfaits ; car, le
25 septembre suivant, ils procédaient à l'installation du curé asser-
menté, Charles Arnaud, né en 1763 à Marcieux ; ce dernier fut en
même temps leur secrétaire jusqu'au moment de la fermeture de
l'église et de l'interdiction du culte (3). En cette qualité, il rédigea
toutes les dénonciations que nous verrons plus loin lancées contre
les prêtres fidèles résidant dans le pays.
Ils avaient à répondre, le lendemain, aux renseignements que leur
demandait le directoire du district de Grenoble sur le vénérable
M. Antoine Galfard. Ce prêtre après avoir desservi avec zèle et à
l'édification de tous, la paroisse de St-Baudille pendant de longues
(1) Lettre du Directoire, chez M""= Dclaurcnzy, à Mens; et ddib. du 21 août,
St-Baudillc.
(2). Ibidem.
{ }) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. 45
années, fut obligé de résigner sa cure, au commencement de 1790,
à cause de son grand âge et de ses infirmités. Ses économies avaient
été employées à soulager les pauvres ; pour n'avoir pas à souffrir de
la faim et de la misère pendant ses derniers jours, il avait espéré
demeurer auprès de son neveu et ainsi vivre encore au milieu de
ceux auxquels il avait donné son bien et son cœur.
Privé de cette dernière ressource par les événements que nous
voyons tristement se dérouler à nos yeux, il s'adressa au directoire
de Grenoble, afin d'obtenir une pension. C'est sur cette demande
que les lignes suivantes furent écrites à la honte de leurs inspirateurs
ou approbateurs : o Le vingt-six septembre mil sept cent quatre-
vingt-onze, la municipalité, ouï le procui^eur de la commune, qui a
fait lecture d'une requête présentée à l'administration de la part de
M. Antoine-Magloire Galfard, ancien curé, et envoyée à la municipa-
lité de Saint Baudille-et-Pipet, en date du 21 du présent mois, pour
certifier les faits de l'exposant, s'ils sont vrais ou non.
« Nous, après avoir ouï le procureur de la commune, nous certi-
fions que M. Galfard a près de quatre-vingts ans et qu'il est un peu
dur d'oreilles ; mais tous les faits ci-dessus ne lui ont pas empêché
jusqu'ici de dire la messe, les jours de fête, dimanche et de se-
maine. D'ailleurs le sieur Charles Arnaud, curé, lui a fait offre de
le nourrir, entretenir pendant sa vie. Il a refusé ; ce qui prouve qu'il
n'est pas dans le cas d'en avoir besoin. En outre, les revenus de
notre paroisse ont été considérables, pour l'entretien d'un seul
homme, s'il n'a pas d'épargnes, il doit savoir où elles sont passées.
Tel est notre avis couché sur notre registre, ce 26 septembre 1791,
et nous avons signé. Giraud, maire, Louis Allouard, Ant. Gaymard,
P. Doriol. P. Collombet, André Gauthier, P. Terrier, Jean Besson,
François Rolland, P. Morel, Blanc, procureur de la commune (i). »
M. Galfard devait être heureux, il avait semé les bienfaits autour
de lui, il récoltait l'ingratitude et la persécution ; aussi sa récom-
pense devait être grande, car elle viendrait tout entière du Seigneur,
Nous pouvons en outre le féliciter de son courage, puisque, infirme
et sans ressources, il refusa énergiquement de recevoir l'aumône
d'un schismatique.
Ce dernier aurait été heureux de se prévaloir, pour séduire les
âmes, de l'acquiescement du vénérable vieillard, mais il ne put l'a-
mener à consentir, et il le persécutait; car ce fut lui qui inspira une
(i) Ibidem.
40 LE TRIÈVES r-EXDANT LA RÉVOLUTION.
semblable réponse, et qui l'écrivit. Deux autres prêtres non asser-
mentés étaient dans la paroisse, disaient la messe à la chapelle du
Perrier ou dans des maisons particulières, administraient les sacre-
ments aux nombreux fidèles qui, délaissant le curé schismatique et
son vicaire, Desmoulins, s'adressaient à eux La municipalité ne
toléra pas longtemps un pareil état de choses. Au commencement
d'octobre, elle les dénonça dans une lettre très violente adressée aux
administrateurs du département, en leur demandant de les faire
chasser de la commune ou arrêter par la force armée. Le directoire
eut de la peine à croire le contenu de cette lettre et la renvoya à ses
auteurs pour qu'elle fut approuvée dans une assemblée générale de
la commune. 11 y fut répondu : « i" Que les faits énoncés dans la
requête ou placer, dont il s'agit, sont tous des plus exacts et même
des plus honnêtes dont on puisse se servir envers les sieurs Bour-
rillon et Vette ; 2° Que le conseil persiste aux conclusions prises
dans la dite requête ; 3° Qu'un extrait du présent arrêté sera
adressé à l'administration pour y être statué ce qu'il appartiendra,
avec prière de rendre au citoyen de la communauté la plus prompte
justice fi) '>
Cette réponse fut encore inspirée par le curé intrus qui voyait
avec une peine extrême le village du Perrier, admirable dans sa
courageuse fidélité et sa générosité, garder avec un soin jaloux le
prêtre qui était à sa tête et offrir un abri à deux autres, M'"^ Antoine
Galfard et Vette. Le malheureux n'osait attaquer ouvertement
M. Galfard, à cause de son grand âge ; mais il poursuivait sans au-
cun relâche ses deux compagnons et il avait habilement amené la mu-
nicipalité à le seconder par les mesures que nous lui avons vu prendre.
(La suite au prochain numéro).
A. LAGIER.
[i) Ibidem.
MÉLAHGES
Au moment où l'application du Concordat est journellement dis-
cutée, il m'a paru intéressant de montrer par un document authen-
tique de quelle façon cette application était entendue par son auteur
et quelles instructions les préfets de Napoléon I"'' donnaient à cet
égard à leurs subordonnés.
Les deux pièces suivantes n'ont besoin, suivant moi, que d'un
commentaire très bref. Fourier, alors préfet de l'Isère, n'était pas le
premier venu ; sa Théorie de la chaleur, et son Introduction au grand
ouvrage de l'Expédition d'Egypte le firent nommer membre de l'Ins-
titut et son nom est resté célèbre à la fois parmi les physiciens et
parmi les archéologues. — 11 ne pouvait d'autre part, passer pour
un clérical ardent, comme on dirait dans notre patois actuel ; il se
faisait recevoir franc-maçon, l'année suivante, à Grenoble. — Ses
instructions n'en ont que plus de valeur, pour avoir été dictées par
un savant déjà illustre et par un philosophe éprouvé.
Un Vieux Bibliophile Dauphinois.
PRÉFECTURE Grenoble, le 21 may 1806.
DE
L'ISÈRE
Le Préfet du Département de l'Isère, à Monsieur le M.xire de la
Commune de la Mure (i).
Monsieur le Maire, S. Ex. le Ministre des Cultes me prévient par
sa lettre du jo avril 1806, que Sa Majesté, par son décret Impérial du
^ du même mois, a nommé, à la Cure de la Mure, M. Joseph Secojid ;
je vous prie en conséquence de recevoir cet ecclésiastique avec toute la
distinction et les honneurs dûs à son caractère et de procéder à son
installation conformément à l'instruction ci-jointe.
Vous dresserez procès-verbal de cette cérémonie conjïée au ^èle qui
vous anime pour vos administrés, et daits les vingt-quatre heures de
sa clôture, vous voudrez bien m'en transmettre une ampliation.
J'ai l'honneur de vous saluer.
FOURIER.
(i) Le maire de la Mure était alors Genevois, frère d'un Conventionnel régicide
de l'Isère.
4o MELANGES.
Instruction du Préfet du département de l'Isère relative
A l'installation des Curés et Desservans du Diocèse de
Grenoble.
L'installation de M. Joseph Second en qualité de Curé à Ici Mure
se fera le 25 niay 1S06 dans l'Eglise paroissiale de ladite Commune.
Le Maire se concertera avec le Desservant pour l'heure et les
détails de la Cérémonie.
Un ecclésiastique, désigné par M. l'Evèque, remplira les formalités
d'usage. Le Maire, les Adjoints et le Conseil-Municipal assisteront
à l'Installation ; le Maire y invitera aussi, et individuellement, tous
les autres Fonctionnaires publics résidans dans la Commune.
Il sera fait, d'après les ordres du Maire, les dispositions nécessai-
res dans l'Eglise, pour que les Fonctionnaires publics aient une
place séparée et distincte.
Le Maire sera présent à la prise de Possession par le Desservant,
de l'Eglise, du Presbytère, de tous les objets que ces bâtimens ren-
ferment, et de leurs dépendances.
11 sera dressé procès-verbal de la dite Installation, dans les regis-
tres de la Commune et il y sera annexé un état des objets sus-men-
tionnés.
Le Maire prendra toutes les précautions et mesures nécessaires
pour que la cérémonie ait lieu dans le plus grand ordre, et il ne né-
gligera aucune Circonstance pour inspirer aux Citoyens le respect
dû à la Religion et à ses Ministres.
Fait et arrêté, en l'hôtel de la Préfecture, le 2/ inay 1806.
Le Préfet,
FOUR 1ER.
N.-B. — Tout ce que prescrivait ici le Préfet pour l'installation
d'un Curé de canton devait être exécuté également pour un Desser-
vant ou curé de Paroisse ordinaire, le texte de la Circulaire est for-
mel à cet égard. Les mots : Desservant de la Succursale de ont été
barrés à la main dans la 2" ligne et remplacés par Curé de, parce
qu'il s'agissait d'un chef-lieu de canton. Le mot : Desservant a été
conservé partout ailleurs. — Cette remarque répond à l'objection
que l'on fait souvent en ce temps-ci et d'après laquelle le Concordat
ne reconnaissait l'existence officielle qu'aux seuls Curés de Canton.
HISTOIRE RELIGIEUSE
DU
CANTON DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS
(DROME).
Dans un ouvrage récemment publié, nous avons tâché de réunir
ce que les archives, les bibliothèques et la tradition conservent de
renseignements historiques sur le Vercors.
Naturellement, nous y avons parlé de l'histoire religieuse et des
institutions charitables et scolaires de la localité. Mais nous ne l'a-
vons fait que dune manière fort sommaire. La généralité du sujet
nous obligeait à laisser de côté bien des détails.
Ceux-ci cependant ont parfois leur intérêt, surtout pour les habi-
tants de la contrée étudiée.
Aussi avons-nous voulu recueillir en un travail spécial, avec les traits
et faits religieux généraux déjà publiés, tous les détails et faits plus
particuliers qui paraissent devoir intéresser les habitants du Vercors
et du voisinage.
Voici cette nouvelle monographie.
Après un chapitre sur les origines religieuses de l'ensemble de la
localité viendront autant d'autres chapitres qu'elle contient actuelle-
ment de paroisses, sauf à diviser ceux-ci en autant de sections qu'il
y aura lieu.
Bull. VIII, 1887.
50 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
CHAPITRE PREMIER.
ORIGINES RELIGIEUSES DU VERCORS.
Le Vcrcors ne fut pas de ces pays que les Romains tinrent à ha-
biter. Sa forte altitude, son accès difficile, son froid climat étaient
peu conformes à leur amour du bien-être ; sa position et sa faible
population ne lui donnaient pas limportance stratégique ou d'occu-
pation ; une liberté relative restait à ses habitants, comme aux aul?i-es
Voconces. Avec cela, comment les Romains y auraient-ils fixé leur
demeure ? Comment s'y seraient-ils mêlés aux indigènes ? Aussi
n'a-t-on d'autre trace de rapports des uns avec les autres, que les
tombeaux dont nous parlerons plus loin, et quelques débris de latin
conservés dans le patois local. Le sol du Vercors ne paraît receler
ni médaille des Césars ni autre monument romain. 11 serait, du
reste, plus qu'inutile de chercher dans la tradition des souvenirs re-
montant à 15 ou 16 siècles. Une chose peut toutefois être assurée,
c'est qu'à l'époque romaine, comme avant, le pays n'eut pas de villes.
Sa capitale ne fut qu'une pauvre bourgade et nous sommes étonné
de voir h\. Joanne dire que << le bourg de la Chapelle-en-Vercors
« était au temps des Romains, une des villes des Vertacomicores,
« fraction des Voconces (i). »
Peu jalousés des Romains, nos pauvres Vercorciens ne furent
apparemment guère plus inquiétés par les hordes barbares qui, dès
le V'' siècle, fondirent sur la Gaule. Les Maures et d'autres peuples
païens, qui envahirent le Dauphiné aux Vlll% IX" et X" siècles, et
restèrent quelque temps dans les environs de Grenoble (2), n'ont
laissé aucun souvenir dans le Vercors, qui vit passer sans trop d'é-
motion les i"'" et 2" royaumes de Bourgogne. Un seul conquérant
étendit bien réellement son empire sur ce pays. Ce conquérant,
(i> \i>. Joanne, fti7i. gin. de la France^ de Paris à la Mcdil., 2" partie, p. 201.
(2) Carlul. JeS. Ihignes, A, 22 ; B, lO; — Ciiorier, Hist. du Daiiph., t. I, pp. 625,
628 et 7,^0 ; — Revue du Dauphiné, I, 225-5-j ' "» ' j7"^-' '■> '"> 101-13 '■< — l>nll.
de l'Acad. delph., 2' sér., 1, 551 cl suiv.
DE LA CHAPELI.E-EN-VERCORS. CI
c'est Jésus-Christ, et le règne de paix et de salut qu'il a établi au
Vercors sur les ruines du paganisme, y est aussi terme que jamais ;
ses monuments matériels, les édifices chrétiens n'ont jamais été
aussi nombreux qu'aujourd'hui, comme nous allons le voir.
Mais d'abord, à quelle époque remonte la prédication de la foi
chrétienne au Vercors ? Depuis quand ce pays connait-il et adore-t-il
le vrai Dieu ?
La proximité de la ville de Die, évêché et centre d'apostolat chré-
tien dès le IV'-' siècle, suggère une date fort reculée à cet heureux
événement; mais elle ne la précise pas. D'autre part, les documents
écrits d'une haute antiquité nous font totalement défaut sur ce point.
Heureusement, nous avons des monuments qui y suppléent dans une
certaine mesure.
En effet, le Vercors a été le théâtre de beaucoup de sépultures
gallo-romaines. On a trouvé des tombeaux ou sarcophages à auge en
pierre au Collet, territoire de la Chapelle-en-Vercors, et au-dessus
de Picaud, au couchant de ce quartier, non loin du village de
St-Julien-en-Vercors. On en a trouvé également, et en grand nom-
bre, dans le vieux cimetière de cette dernière paroisse, autour de
l'église; et ceux-ci contenaient des urnes en terre grossière, de
forme presque sphéroïdale et munies d'une anse. Or, quoique au-
cune inscription, du moins que nous sachions, n'ait été trouvée sur
ces monuments antiques, l'existence même de ceux-ci est déjà à elle
seule fort significative. En effet, chez les Gallo-Romains, les païens,
au moins dans les campagnes, n'avaient guère de cimetières com-
muns. Le plus souvent leurs tombes étaient placées dans des pro-
priétés privées, et près des chemins. Les chrétiens au contraire,
sui-tout depuis le IX^ siècle, aussitôt des paroisses formées et des
églises construites dans leurs localités, étaient enterrés dans des
cimetières communs, autour de ces églises, quelquefois même à l'in-
térieur de celles-ci. On sait, d'autre part, que les tombeaux à auge,
usités chez les Romains, ont été employés chez nous jusqu'au
X* siècle, et même, quoique rarement et par exception, jusqu'au XIV"".
D'après cela, les tombeaux à auge trouvés au couchant de Picaud
et au Collet, probablement païens, remonteraient au moins au VIIL
siècle; mais ceux qu'on a découverts autour de l'église de Saint-
Julien, et les urnes qu'ils contenaient, sont certainement chrétiens et
probablement plus récents.
Voilà tout ce qu'on peut dire sur l'histoire religieuse du Vercors
52 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
dans ces temps vraiment reculés ; car la légende du pays relative au
grand saint Martin, évêque de Tours, est une invention imaginaire
ou le résultat dune pure équivoque (i).
En tout cas, dès la fin du XI"-" siècle, le Vercors était non seule-
ment chrétien, mais organisé en paroisses. Il appartenait tout entier
au diocèse de Die, ainsi qu'Echevis, Châtelus et Valchevrières, tan-
dis que Choranches, Rancurel et le Villard-de-Lans étaient comme
aujourd'hui du diocèse de Grenoble. 11 était possédé et desservi, du
moins en partie, parles chanoines réguliers de Sainte-Croix de Quint,
tandis que Rencurel, Valchevrières et le Villard Tétaient par des reli-
gieux de Montmajour près Arles.
Les chanoines de Sainte-Croix, qui plus tard se disaient fondés
et dotés par les ancêtres d'Aimar de Poitiers, comte de Valentinois,
eurent de bonne heure des possessions assez importantes. En effet,
dès 1 104, on voit deux frères, Guigues et Raynaud de Lans, ainsi
que d'autres gentilshommes, donner à Dieu, à la Sainte-Vierge, et à
l'église de Sainte-Croix de Quint, ainsi qu'à Saint-Pierre de Pont-en-
Royans, et aux clercs présents et futurs qui y servaient Dieu, des
métairies situées aux Ecouges (2), la dime, les prémices, les oifran-
des et les droits funéraires de ce lieu.
Toutefois, vers i 1 16, Guillaume, prieur de Quint, et tous les /ils de
son église, ne pouvant probablement pas établir aux Ecouges une
colonie religieuse, cédèrent ces immeubles et ces droits à l'évèque
de Grenoble, saint Hugues, qui en fît bénéficier les disciples de saint
Bruno. La cession eut pour témoins Guillaume GjIo, religieux de
Saint-Chaffre, mandataire de l'évèque pour cela, frère Pierre Cor-
nut, Jarenton de Quint, Ponce de Thoranne, Humbert archiprctre,
(1) La dcnominalion de fia de San Marli est attachée à un pas difficile par
lequel on arrive de la montagne d'Herbouly dans la vallée de Saint-Martin. On
voit là dans le roc comme rempreinlc d'un pied d'homme. On veut que le saint
évêque de Tours l'ait laissée lui-même de son propre pied. On ajoute que le même
saint jeta de là un marteau qui marqua, par sa chute, le point où devait être et fut
en effet construite l'église de Saint-Martiti. Il n'y a pas besoin de démontrer la
fausseté de cette légende.
Mais que vaut celle d'après laquelle certaines pierres taillées, qu'on remarque
dans la montagne de Kousset, seraient les restes de pierres emportées par les fées
pf)ur la construction de l'église Notre-Dame de Die ?• A part l'intervention des
fées, il n'y a là rien d'impossible, et la comparaison des pierres de cette église avec
celles de notre montagne fournirait des éléments d'appréciation.
(j Ouartier montagneux, aujourd'hui de la commune de St-(k'rvais (Isère).
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 5 3
Guillaume d'Aouste, Albert de Chatte, Silvius de Rousset, et Lan-
telme Palosa. Elle fut approuvée par Pierre II, évèque de Die (i).
Pareille intervention de l'évéque de Die est justifiée par la situation
de Sainte-Croix de Quint dans son diocèse et par le titre dabbé de
Sainte-Croix, que donnent au prélat une bulle du pape Alexandre 111
de 1165 et une transaction de 1259 (2). Quant aux /ils de l'église de
Sainte-Croix, ce sont ses chanoines, notamment les chefs, plus tard
prieurs, des maisons secondaires, parmi lesquelles on trouve expres-
sément, au Xl^ siècle, celle de Pont-en-Royans, et, au XIIP, les prieu-
rés de Saint-Martin-en-Vercors, de Vassieux, de Saint-Julien-en-
Quint, de Marignac, de Véronne et de Saint-Marcel du Château.
Ces chefs avaient avec eux le nombre de chanoines et de serviteurs
nécessaires pour le service divin de l'église prieurale et des églises
voisines qui en dépendaient. Ils pourvoyaient à leur nourriture, à
leur vêtement et à leurs autres besoins. Tandis que la maison de
Pont-en-Royans desservait avec l'église de ce lieu, les églises de
Saint-Michel d'Echevis, de Saint-Martin de Châtelus, de Saint-
Etienne et de Notre-Dame de Choranches, la maison de Saint-Mar-
tin-en-Vercors desservait l'église de Saint-Julien-en-Vercors.
Des prieurs du Vercors, les plus anciens que nous connaissions
sont Géraud Rostaing, prieur de Saint-Martin en 1259, Hugues
et Pierre prieurs, celui-là de Saint-Martin et celui-ci de Vassieux
en 1276 (3j. Mais nul doute que ces prieurés n'existassent au moins
dès la fin du XII" siècle.
Vers cette dernière époque le Vercors parait dans un état religieux
fort prospère. Par une conséquence toute naturelle, ce fut l'ère d'un
progrès matériel sérieux pour les édifices religieux. Les caractères
architecturaux des parties anciennes de plusieurs églises de ce pays
accusent bien la fin du XII'' siècle ou tout au moins les premières
années du XIII''. Les pierres tailiées de moyen appareil unies par du
mortier qui formaient avant 1839 les parements intérieurs et exté-
rieurs de l'église de Vassieux, et en forment encore aujourd'hui le
chœur en coquille ; le cachet d'ensemble de ce dernier ; les pierres
(i) Arch. de la DrAme, fonds de Ste-Croix ; — Arch. des Bouches-du-Rh.,
Hist. de Montmajour, I, 578-787 ; — Auvergne, Cart. des Ecoug-es, p. 83-8; —
Marion, Cart. de S. Hugues. C, i .
(2) U. Chevalier, Cartul. de Die, p. 20-2 ; — Arch. de la Dr., fundt, de Ste-
Croix.
( j) Arch. de la Dr., fonds de Ste-Croix.
54 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
de même appareil qui forment la partie inférieure du chœur en co-
quille de l'église de Saint-Martin : la voûte en berceau à plein cin-
tre pressentant l'ogive qui couvre celle de Saint-Julien-en-Vercors :
tout cela nous parait de cette époque. Epoque heureuse, qui vit de
grandes familles du pays donnant leurs biens, leur protection et
leurs enfants aux monastères du voisinage (i), et admira sur le siège
épiscopal de Die un évêque dont la haute sainteté a éclaté par de
grands et nombreux miracles.
Nous nous plaisons d'autant mieux à rappeler la sainteté et les
miracles de cet évêque, saint Etienne, que peu après sa bienheureuse
mort, arrivée le 7 septembre 1208, Vassieux et le Vercors furent le
théâtre de plusieurs de ces miracles. Voici ceux que nous connais-
sons comme dus par ce pays à l'intercession du glorieux saint.
Une femme de Vassieux, nommée Rousse, avait depuis trois ans,
trois mois et quinze jours, cessé de pouvoir marcher. Ayant appris
les miracles que la bonté divine opérait en l'honneur du saint évêque
Etienne, elle implora le secours de celui-ci avec un cœur tout plein
de dévotion. Aussitôt son corps entier retrouva la santé, et Rousse
alla de ses propres pieds visiter le tombeau de son bienfaiteur.
Un certain jour, un homme du Vercors, nommé Gueson, alla
avec sa femme assister à l'enterrement de son père. Ils laissèrent
leur enfant chez eux. couché dans son berceau et en parfaite santé ;
mais, étant revenus chez eux avec un bon nombre de leurs pro-
ches, ils trouvèrent l'enfant comme mort et ne donnant plus signe
de vie. La mère est accablée de douleur et inconsolable de la mort
de son fils. Cependant elle met aussitôt sa confiance en saint Etienne
et lui adresse ces paroles, entrecoupées de gémissements et de san-
glots : « Bienheureux Etienne, au nom duquel tant de miracles écla-
« tants se sont naguères opérés, j'ai recours a votre sainte et puissan-
« te bonté ; je vous conjure, par la gloire dont vous jouissez dans le
« Ciel, de me secourir dans mon malheur ; obtenez de Notre-
(1) En 123^, Ferrand de Vassieux, lit à la (^harlicusc de linuvanlc remise de
tout le droit qu'il pouvait avoir sur la montaiinc de Diirhonose, soit dans l'alx du
Koyans, depuis la Seya de Vassieux, suivant la chute des eaux vers le has Royans,
et promit d'être le défenseur du monastère.
La même famille donna des religieux à Lconcel. Pierre de Vassieux était convers
dans ce monastère de 1214 à 1255; (îiiaud de \'assicux y était sous-pricur en
1258 et 1356, prêtre et religieux en ijji, cl ahhé dcpui^ 1271) jusqu'à I2'j5.
(IJI. Chevalier, yoMr«ij/ i/e Die, 13 sept. 1860; Carlul. de Lconcel, pp. 133-7,
i.p-S, i76-2«9).
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS.
5?
« Seigneur Jésus-Christ qu'il ajoute un nouveau miracle à ceux qui
« vous sont déjà dus, qu'il rende la vie à mon fils qui est mort. » A
peine a-t-elle fini de parler, que l'enfant revient à la vie (i).
Du reste, ce miracle n'est pas le seul par lequel saint Etienne ait
répondu aux confiantes prières des habitants de la région. En 1478,
Antoine Martin, de la Roche, paroisse de Vassieiix, aux montagnes
du Vercors, et Catherine sa femme, avaient une fille nommée Béa-
trix, qui depuis 4 ans était infirme des jambes et des pieds au point
de ne marcher qu'avec une grande peine. En la fête de la Concep-
tion de la Sainte-Vierge de lad. année, ils firent un vœu à Saint-
Etienne pour obtenir de Dieu par son intercession la guérison de
Béatrix. Celle-ci recouvra en effet le parfait usage de ses jambes : et
le 26 mai 1478, lundi de la Pentecôte, son père et sa mère, l'avant
présentée, dans leur pèlerinage à Die, pour accomplir leur vœu,
attestèrent tout ce que dessus avec serment sur les Evangiles. De
son côté, noble Jacques Penchinat, jadis habitant de Vassieux, attes-
ta, pareillement avec serment l'infirmité dont avait été atteinte
Béatrix. Ces déclarations furent faites au milieu d'une foule de
peuple réunie dans la nef de l'église de Die, et après des louanges et
actions de grâces rendues à Dieu,, à Marie et à saint Etienne, par
des chanoines et prêtres de cette église, réunis pour cela en proces-
sion. Acte de tout cela fut dressé à la requête de Rostaing Roux,
trésorier de la même église, en présence de Barthélémy Fauchet et
Lantelme Faure de Vercors, chanoines, de Jacques Volo, notaire, et
Jean Volet, habitants de Die, et de beaucoup d'autres (2). Mais re-
venons au XIIF siècle.
Les chanoines de Ste-Croix luttaient de leur mieux pour la con-
servation de leurs biens. L'on vit en 1276 Hugues, prieur de St-
Martin-en- Vercors, Pierre, prieur de Vassieux, Robert, prieur de
St-Julien, et d'autres, se joindre au prieur de Pont-en-Roj^ans. pour
défendre les droits de ce dernier. Ce fut sans doute pour se conci-
lier la faveur d'Aimar, comte de Valentinois, que, le 25 novembre
1278, tous les chanoines du prieuré de Ste-Croix, réunis en chapitre
avec les prieurs de leurs différentes maisons, promirent à ce comte
de ne point se soumettre, sans son consentement exprès, à une
autre règle que celle des religieux bénédictins du monastère de
Saint-Géraud d'.Aurillac. Du reste, ces chanoines relevaient alors de
(i) GoLUMBi, OpuscuL, p. 344-6 ; — Hauréau, Gallia chnsliaua, X\'l, col. 204-b.
(2) Arch. de .M"'^ de Lamorte-Félines.
56 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTOX
ce dernier monastère, et Ton aurait sans doute une idée assez juste
de leur vie de chaque jour en lisant le règlement donné en 1303 par
l'abbé de St-Géraud d'Aurillac aux prieur et religieux de Saillans
(Drôme), de sa dépendance (\).
Cependant le monastère de Ste-Croix et tous ses prieurés tom-
baient en ruines, et Jean de Genève, évéque de Die, trouva que le
moyen le plus convenable de les relever était de les incorporer à
un ordre religieux. Usant de toute l'étendue de son pouvoir d'évëque
et d'abbé, il céda Sainte-Croix avec toutes ses dépendances aux
Hospitaliers de Saint-Antoine en Viennois. L'acte de cette union
fut donné dans le château de Montvendre, le 4 des calendes de
novembre (29 octobre) 128g, et ratifié parle chapitre de Die. 11 porte
que cette union est faite à perpétuité, au spirituel et au temporel,
pour l'honneur et louange de Dieu, pour ceux de la très glorieuse
Vierge, sa Mère, et du très glorieux confesseur saint Antoine, et
pour l'exaltation de la très victorieuse Sainte Croix. Il ajoute que,
sans préjudice de son droit et de celui de son église, le prélat entend
que le maitre de l'Hôpital de St-Antoine soit prieur du prieuré de
Sainte-Croix et des membres ou prieurés en dépendant, et que, dans
les deux mois qui suivront sa confirmation en cette double charge,
il ait à prêter serment à l'évêque de Die. Il ajoute encore, du con-
sentement des maître et frères dudit Hôpital, qu'après le décès dudit
évéque et de ses successeurs, il sera fait pour eux par tout l'ordre
du même Hôpital les mêmes offices et suffrages qu'on a coutume de
faire pour led. maitre quand il vient à mourir.
Les Hospitaliers de Saint-Antoine entrèrent immédiatement en
possession des bénéfices de Sainte-Croix, de Vassieux, de Pont-en-
Royans, etc. ; et, le 19 décembre de la même année, leur maître
Aimon de Montagny. par reconnaissance passée à Etoile, déclara
que les prieurés de Sainte-Croix et de Saint-julien-en-Quint, de
Vassieux, d'Ansage, et de Barsac, avaient clé fondés et dotés par
les ancêtres du comte, et que leurs biens temporels relevaient du
fief et de la juridiction de ce seigneur.
Mais les bénédictins de Montmajour, charges depuis deux siècles
du service religieux de Saint-Antoine, ayant quitte ce lieu, les Anto-
nins, jusque-là simples hospitaliers, furent transformés. Roniface
VIII, par une bulle du 10 juin 1297, donna à leur maison chcf-d'or-
(1) Pii.OT i>K TiiunEY, Les prieures de Vancien diocèse de (Jrenohle, p. 222 ; —
Uulkl. de la Soc. d'Eludés des Ilaules-Alpcs, IV, 382-94.
DE LA CHAPELLE-Ei\-VERCORS. 57
dre le titre dabbaye, à leur maitre celui d'abbé, et aux frères celui de
chanoines réguliers. La règle prescrite fut celle de saint Augustin.
Des statuts élaborés en 1298 par le premier abbé, Aimon de Mon-
tagny, érigèrent la maison de Sainte-Croix en commanderie et lui
attribuèrent 12 religieux, y compris le chef ou commandeur, qui
continua longtemps encore à prendre le titre de prieur, à raison de
l'antique prieuré du lieu. Dès lors, ce fut aussi du prieuré que conti-
nuèrent à relever immédiatement les bénéfices et églises de Pont-en-
Royans, Saint-Alartin et Saint-Julien-en-Vercors, Vassieux, Saint-
JuIien-en-Quint, Véronne, etc. (ij.
Cependant, par une bulle du 15 avril 1304, le pape Benoit XI
faisait encore entrer dans l'ordre de Saint-Antoine le monastère de
Saint-Médard de Piégros aVec les prieurés, en dépendant, de Saint-
Antoine de Brisans, etc. Aussitôt Guillaume de Roussillon, évêque
de Die et de Valence, protestait contre cet acte de Benoît XI, dont
les Antonins, disait-il, avaient séduit la bonne foi en lui cachant le vrai
et alléguant le faux. II proclamait ses droits d'abbé de Saint-Médard
et autres sur cette abbaye et ses dépendances, notamment son droit
de patronage sur le prieuré de Brisans, fondé et doté par Silvion de
Crest, jadis prévôt de Valence, seigneur pour partie de Crest, et par
ses prédécesseurs. Bien plus, il réclamait contre l'annexion du monas-
tère de Sainte-Croix à Saint-Antoine, faite par l'évéque Jean de
Genève. Enfin, une transaction fut conclue la même année entre
Guillaume et l'abbé de Montagny assisté des curateurs de l'abbaye :
Geofroy, commandeur de Gap, Guillaume Arunnie, Girard de Mar-
nans, et Pierre, commandeur de Grenoble. Elle portait réserve à
l'évéque de ses droits propres sur Saint-Médard et ses dépendances,
avec cession aux Antonins 'de ses revenus sur l'abbaye, lesquels
arrivaient à 100 livres, et de l'abbaye elle-même; mais, en retour,
les Antonins cédaient à l'évéque leur revenu de Saint-Martin et de
Saint- Julien-en-Vercors .
Un instant, cet arrangement faillit échouer. Les Antonins avaient
bien remis au prélat leurs revenus du Vercors ; mais ils s'obstinaient
à garder l'église et la maison de St-Martin (Sanmartimanam œdem).
Il ne fallut rien moins que la fermeté de Guillaume et le concours
conciliant de Geofroy, commandeur de Gap, et de Pierre, comman-
(0 Arch. de la Drôme, fonds cit., ; — Aym. Falco, Anton, histor. compend.,
Lugduni, 1534, ff. Ixxi-ix ; — Dassy, L'abbaye de Saint-Antoine, pp. 109-19, 126,
494-500 ; — PiLOT DE Thorey, loco cit.
58 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
deur de Grenoble, pour arranger dériniti\ement laffaire. Encore
l'abbé de St-Antoine trouva-t-il dans cet arrangement je moj-en
d'obtenir ce qui lui manquait de Pontaix ; car un acte du i^ février
1305 Ci 2 des cal. de mars de l'an de l'Incarnat. 1304J portait renon-
ciation absolue de la part des Antonins à tous leurs droits en et sur
l'église de St-Martin-en-Vercors en faveur de l'évêque ; mais celui-ci
cédait à Ste-Croix un tiers qu'il avait des dîmes de Pontaix. Un tiers
de celles-ci appartenait déjà à Ste-Croix, et l'autrç tiers au curé
séculier du lieu. Le curé mort ou se démettant, l'évêque donnerait
l'institution de la cure à celui que présenterait le commandeur de
Ste-Croix, c'est-à-dire à un religieux de cette maison, laquelle aurait
dès lors tout le bénéfice. Sérieux avantage pour les Antonins, qui,
en place de la cure de St-Martin-en-Vercors, d'un revenu trop modi-
que pour l'entretien des réguliers et pour fournir aux droits épisco-
copaux de ladite église, obtenaient en Saint-Martin de Pontaix une
église facile à desservir pour les religieux, à cause de sa proximité.
Seulement, cet avantage, y joint que les droits de Sainte-Croix à la
cure abandonnée était fortement contestés par l'évêque, demandaient
une sérieuse compensation. Aussi l'abbé de Saint-Antoine s'en-
gagea-t-il, à titre de plus-value, à payer annuellement et perpétuelle-
ment à l'évêque, en son hôtel de Die, une pension de 30 sétiers de
froment (frumenti) et 30 sétiers de gros blé {bladi), hypothéquée sur
les biens de l'ordre. L'acte, reçu par Marcel Pigne, notaire de Die,
fut scellé du sceau de l'évêque et de celui de l'abbé, ratifié par les
chapitres de Die et de Saint- Antoine, et souscrit par Isoard d'Aix,
prévôt, et Pierre Chipre (Chipri), sacristain de Die (ij. Dès lors, les
religieux quittèrent définitivement Saint-Martin dont l'évêque eut
jusqu'à 1790, avec la collation de la cure, tous les revenus prieuraux.
Quant aux paroisses de la Bâtie Tou plutôt de la Chapelle), de
Saint-Agnan et de Rousset-en-Vercors, elles ne sont guère connues
pour ces époques reculées. Mais il parait qu'elles n'ont jamais
appartenu à des religieux. Nous n'y avons trouvé aucune trace
d'abbaye, de couvent, de prieuré proprement dit, ni d'aucune autre
maison religieuse {2). Si plus tard leurs curés ont été qualifiés
(1) Arch. cit., londs de Sic-Croix cl de Sainl-Murlin-cn-Vercors; — Aym. 1'".\L(;i>,
op. cil., 1. Ixxix r' ; — (><>i.uMiii, Opiisc. var., p. },\>-].
(2) l-c prieure de S.iinl-Jcan-en-Knvans, dépendance tic Tabbaye de Mdntma-
jour, avail la dime des blés et légumes sur quek]ucs fonds de la Chapelle cl de
Sainl-Agnan, nolammenl sur des fonds avoisinant le chemin (.|ui reliait ces deux
dernières localités. Nous avons sous les yeux un parchemin de 1 ^99 contenant les
DE LA CHAPELLE-EN-VERCOKS. 59
prieurs, c'est qu'on en était venu à donner ce titre, par extension, à
tout prêtre retirant une part quelconque de la dime. N'appelle-t-on
aujourd'hui abbés que les prêtres ou autres clercs ayant des abbayes?
Ces ti"ois dernières paroisses ont donc sans doute été constam-
ment entre les mains du clergé séculier. L'acquisition des bénéfices
de St-Martin et de St-Julien-en-Vercors par l'évèque, au commen-
cement du XIV^ siècle, n'aura fait qu'augmenter et consolider les
droits et revenus religieux que le prélat avait déjà au Vercors. Du
reconnaissances que firent à ce sujet les i 7 et 18 avril et les 14 et 19 juin de la
dite année, à François Bologne, prieur dudit St-Jean, 25 particuliers de la Chapelle
et de St-Agnan. L'acte dit que ces droits existaient déjà de temps immémorial.
Les fonds de la Chapelle, où le prieuré de St-Jean prend la dîme, sont au nom-
bre de 6, et situés als bosc de la Meyaria, à la Font-Couverte, près des chemins du
Bruc à la Meyerie et de la Bâtie à Combenoire, au clos de l'Alemandière, et à la
Meyerie. Guillaume Francon, de la Chapelle, reconnaît devoir audit prieuré, non une
dime, comme les autres, mais une censé de 2 sous et 6 deniers, payable à chaque
fête de St-Jean-Baptiste, pour la dime qu'il prend lui-même sur divers fonds et
qu'il tient de la directe du même prieuré ; aussi, s'il manquait de payer la dite
censé, la dime ainsi accensée ferait totalement retour au prieuré.
Les fonds de St-Agnan sujets à la dime envers ce dernier, sont au nombre de 18
et situés al Fayn, al Sireyzier, aux "Versanes, al Collet, au collet de la Tronetière,
à la Pouletière, aux Savels, à la Rochette et aux Combes. (Arch. de la Dr., fonds
de St-Jean-en-Royans, parch. orig. coté E, 5 {Invent, de 1668).)
Plus tard, le prieuré de St-Jean est donné aux Minimes, et, le 25 octobre 1634,
on alloue 2 sous « pour despense faicte par fr. François allant à Vercorts pour
vériffier certains fonds contantieux pour raison du disme que, » disent lesd. Mini-
mes, « prenons en lad. paroisse. » Puis, le 13 juillet 1662, ces derniers recevaient
30 livres « de Philippe Boudin, leur rantier de leur disme de St-Agnant, » pour
lad. année. (Arch. et fonds cit., reg. orig. de 1655 à 1664).
Le 18 juillet 1755, « Jean François, fermier des Révérends Pères Minimes de
Romans du prieuré de St-Jean-en-R. et dépendances,., a sous-affermé à Jean Fauchet,
laboureur, habitant au hameau de Gagnaire, paroisse delà Chapelle aud. Vercors,...
la dime de tous grains que les dits Révérends Pères Minimes ont droit de perce-
voir dans l'étendue du terroir dud. la Chapelle et de St-Aignan aud. Vercors, sui-
vant les reconnoissances à ces fins passées, et qu'en ont joui ou du jouir les pré-
cédents fermiers. » L'acte, passé pour neuf ans consécutifs, porte que le sDus-fermier
lèvera la dime des grains, » et payera pour cela chaque année la somme de 50 li-
vres à François, et que celui-ci fera jouir Fauchet de lad. dime et le nantira même
« de titres, si de besoin » est. (Minutes cit., protoc. Billerey, reg. de 1755-9, ^- U-
Malgré cela, les bénédictins de Montmajour, pas plus que les Minimes, n'ont
jamais, que nous sachions, habité le Vercors, ni fait le divin service à la Chapelle
ou à St-Agnan : les listes des bénéfices de Montmajour des XII= et XI1I= siècles et
leur pouillé général ne mentionnent pas ces localités. (Arch. des Bouches-du-
Rhône, fonds de Montmajour ; — MarixN de Carranrais, L'Abbaye de Montmajour,
p. 148.)
6o HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
reste, nous avons montré ailleurs (i) que nos évêques ont constam-
ment cherche à étendre et affermir aussi dans ce pays leurs droits
féodaux, et c|ue, s'ils n'y réussirent pas toujours pour les droits
honorifiques, leurs droits utiles ou revenus pécuniaires s'y accrurent
convenablement (2).
\'oici,au surplus, les détails que nous sommes parvenus à recueillir
sur chacune de nos paroisses, tant au point de vue des bénéfices
qu'à celui des autres choses et des événements se rattachant plus ou
moins directement à la religion.
{La suite au prochain numéro).
(1) Essai historique sur le Vercors, pp. 91-151.
(2) Ce n'est guère ici le lieu crindiquer la quantité des revenus féodaux de l'évé-
que au Vercors, et, plus loin, en parlant des diverses paroisses, nous indiquerons
les droits et revenus bénéficiers qu'il avait en chacune d'elles aux derniers siècles.
-Mais, nous dirons néanmoins ici en quoi ces revenus réunis ensemble consistaient
en 1475 ; car le document qui nous l'apprend, et que nous n'avions pas en écri-
vant les chapitres relatifs à la question dans notre Essai historique sur le Vercors,
mêle les principaux revenus ecclésiastiques aux féodaux ; ensuite, il ne distingue
pas assez les revenus d'une paroisse d'avec ceux d'une autre pour que nous puis-
sions en faire l'indication distincte et intégrale pour cette époque.
Donc, en 1475 l'évèque de Die retirait de la châtellcnie de la Bâtie de Vercors :
Froment, après les déductions requises. ... 69 sétiers.
Seigle 180 sétiers.
Avoine 112 sétiers.
Poules 82 poules.
Poivre 13 livres.
Cire 29 livres.
Fromage 36 livres.
De la montagne, cours commun 210 florins.
.Argent, en diverses fois 38 llor. 10 gros.
Outre cela, l'évèque avait encore dans les diverses paroisses du Vercors les droits
de procuration et les pensions d'argent et de cire que nous spécifierons plus loin.
(Arch. de la Dr., fonds de Die, cahier orig. de 22 ff. , coté Ji" 88 dans l'/nv. de
'73V-
MYSTÈRE
DES TROIS DOMS
JOUÉ A ROMANS EN iSoc)
(Fin)
VI
On vient de parcourir le texte du Mystère des Trois Doms, de lire
au moins l'ample analyse par actes et par scènes insérée dans l'In-
troduction (i). En tenterons-nous ici une appréciation d'ensemble ?
La chose ne demande pas de longs développements. Tout ce qui a
été dit de la valeur des mystères en général (2) s'applique parfaite-
ment à celui des saints Séverin, Exupère et Félicien en particulier.
Faiblesse du plan, enchevêtrement des faits, prolixité fastidieuse,
manque de goiàt, négligences de style, anachronismes singuliers,
tout cela s'y trouve successivement ou même à la fois. L'expression
surtout atteint souvent la grossièreté la plus odieuse. Pra ne s'était
pas fait faute d'user de locutions mieux faites pour réjouir les basses
classes que pour charmer les délicats. Chevalet se garda bien d'émon-
der ces trivialités choquantes. Dans son Saint Christophe, il se gêne
si peu pour employer « les termes de l'argot », que La Monnoye —
écrivain peu scrupuleux pourtant — l'en blâme avec sévérité (3).
Dans notre Mysière, il ne se montre pas plus réservé. Comment
expliquer ces vocables mal sonnants ? Car, il ne faut pas se le dissi-
muler, c'est dans les meilleures intentions, pour exciter la piété des
fidèles et honorer les saints martyrs que cette représentation a lieu :
« Ex quibus pluribus non solum causa salutis oriri posset, verum
(i) P. lix-lxxiv.
(2) Cf. entre autres Fréd. Loliée, La liltéralure et les mœurs au moyen âge, dans
Le Contemporain, 1884, nouv. sér., t. III, p. 677.
(3) Nouv. édit. de la Biblioth. franc, de Du Verdier, t. III, p. 314-5 ; cf. Berriat-
Saint-Pri\, dans Mém. de la soc. des Antiq. de France, 1823, t. V, pp. 188 et
206-9 ('■''• '^ P'i'"t, Paris, 1823, in-S", pp. 28 et 46-9).
02 MYSTÈRE DES TROIS DOMS
etiam ystoria salutaris atque dotrina pietatis aptissima omnibus
saltim esse dignoscitur et ad salutiffera invitatur exercicia, » est-il
dit dans la Préface (ij. Remarquons d'ailleurs avec un écrivain
contemporain que, « si la vertu ne change point et si la morale chré-
tienne condamne toujours les mêmes vices, les hommes se font,
suivant les temps, une idée bien différente des convenances extérieu-
res, des bienséances du style et de la pudeur dans le discours
Il y a des époques et des gens qui bravent Ihonnéteté dans les mots
en l'observant dans les actions, tout comme on voit des sociétés et
et des personnes très pudibondes sans être pudiques (2). »
Gardons-nous d'ailleurs d'outrer le mal. S'il y a beaucoup à redire
dans le Mystère des Trois Doms, si trop de scènes sont parsemées
de mots de la rue, il est bon d'observer que c'est là le fait presque
exclusif des personnages subalternes. Tout à côté — et ceux qui
ont écrit sur les mystères ont peut-être trop glissé sur cette obser-
Xation — on rencontre des formules d'exquise politesse, qui tou-
che même parfois à l'obséquiosité.
« Le parler a esté courtoys,
Amyable et savoureux » (v. 10132-3) :
voilà l'idée qui se répète sous mille formes différentes et dans les
situations les plus opposées, sur les lèvres des empereurs comme
dans la bouche de leurs officiers et de leurs serviteurs, sans excepter
les (■ tyrans » eux-mêmes. Tout ordre est exécuté « diligemment, »
tout désir est accueilli « gracieusement » et « de bon cœur ».
Au point de vue littéraire, l'œuvre du chanoine Pra offre quelques
passages qui tranchent avec bonheur sur le fond languissant et mo-
notone du drame. On n'y trouve pas de scène irrépi'ochable : mais il
en est qui sont heureuses par certains côtés, celles, par exemple, où
la femme de l'empereur souffre de voir son fils Géta frustré de toute
participation à la couronne (v. 416-41, 1278-312, 8349-81J, celles où
Séverin, Exupère et Félicien se laissent attendrir à la pensée des trois
chrétiens mis à mort en haine de leur foi et ouvrent leur âme aux
enseignements de la religion chrétienne (v. 3634-781), celle encore
où ils résistent aux. douces supplications de leurs parents désolés et
se préparent à mourir pour leur Dieu (v. 881 1-85). 11 y a une gaieté
d'assez bon crû dans l'incident du paresseux Baudet qui se sent pris
(\) P. 2.
{2) L'abbé Mathiei', Un romancier Lorrain du XII' iiccU, dans Mêyu. Je l'acad»
Je Stanislas, 1882, .j" sér., t. X\', p. 211 1.
JOUÉ A ROMANS EN 1509. 63
soudain d'une martiale ardeur, mais qui ne tarde guère de déposer sa
rapière et de revenir à des goûts plus pacifiques (y. 54 16-6 1 8). Citons
aussi la translation tout entière, où le dialogue se dégage de ses lon-
gueurs accoutumées et marche droit au but avec aisance. Enfin il est
de temps à autz-es d'heureuses trouvailles d'expressions, qui tran-
chent agréablement au milieu des banalités qui les entourent. Telle
est cette observation dun buveur :
« Faulte de boire
Vous rand ainsi la langue seiche » (v. 2919-20) ;
la prière de Séverin nouvellement converti :
« Il convient ici que lermoye ;
Doulx Jhesus, veuUes nous donner
Gognoyssance de tamontjoye,
Et noslre péché pardonner » (v. 3734-7) :
ou bien encore ce souhait de bonne nuit :
« La mère de Dieu gracieuse
Vous oultroye bonne nuyctée » (v. 3955-6);
ou enfin ces deux vers empreints du sentiment de la nature :
« Sus la verdure, dans le parc de plaisance,
Nous cuUerons chascun ung beau boucquet » (v. 715 1-2).
Malheureusement le martyre des trois amis — comme aussi celui
des trois chrétiens dans la première journée — est décrit avec un
raffinement de détails qui engendre une forte dose de dégoût et, de
la sorte, un des effets principaux du drame est manqué.
En définitive le Mystère des Trois Doms ne prendra point place
parmi les chefs-d'œuvre de l'esprit humain. Tel qu'il est pourtant,
avec les défaillances, les longueurs et la pauvreté de style qui le ca-
ractérisent, cet ouvrage a dû atteindre son but, qui était d'arracher
pour un moment toute une foule au prosaïsme de la vie vulgaire et
de la mettre dans un contact plus intime avec les saints quelle
aimait.
Nous n'hésitons pas à croire que les trois jours de la représenta-
tion de notre drame furent de ces jours qui font date dans l'existence
d'une cité, et que leur souvenir se transmit avec une impression de
joie vive et de patriotique fierté. « En sourtirent tous à honneur et
grandissime loange », dit triomphalement le juge Perrier (\). « La
noblesse et belle compagnie » de Romans et des environs, qui
(I) P. 592-
64 MYSTÈRK DES TROIS DOMS
suivirent avidement la représentation, ne tarirent pas d'éloges sur
le théâtre et les acteurs.
Dans ses Annales — postérieures de quelques années seulement
— Aymar du Rivail corrobore notre sentiment sur le bon accueil fait
par les Romanais à l'œuvre du chanoine Pra ; il nous apprend en
outre qu'il y eut à Romans plusieurs représentations en l'honneur
des saints Séverin, Exupère et Félicien (i). Mais est-ce l'œuvre de
Pra qui a eu les honneurs de diverses reprises, comme on dit aujour-
d'hui, ou bien de nouvelles pièces ont-elles été composées par des
fatistes aussi habiles que lui ? Cette dernière supposition paraît in-
vraisemblable : ce n'était pas un mince travail et une petite dépense
que la composition d'un mystère en douze mille vers. Les Romanais
auront donc fait revivre sur la scène le drame de Pra, et, s'ils ont
voulu le jouer à certains intervalles, c'est qu'à chaque fois ces vers,
qui nous disent peu de chose aujourd'hui, trouvaient un écho dans
leurs âmes et faisaient vibrer leur patriotisme religieux.
VII
En ce monde la poésie se heurte à la prose : à la suite des douces
pensées et des radieuses imaginations vient l'austère réalité. On s'é-
tait diverti en assistant au Mystère des Trois Doms : il fallut songer
à couvrir les dépenses importantes que cette fête avait occasionnées.
Nous arrivons donc au détail de la recette des trois journées : ici
rien n'est donné au hasard, tout est appuyé sur des chiffres, --v
Les chambres ou loges furent fixées à trois florins la chambre pour
les trois jours. (2J. 11 y en avait quatre-vingt-quatre fermant à clef,
mais on n'en porte en recette que soixante dix-neuf, cinq ayant été
cédées gratuitement : une aux Pères Cordelicrs, propriétaires du
local ; une aux charpentiers, constructeurs du théâtre ; une aux com-
missaires, dont ils n'usèrent pas et qui resta à louer ; une au peintre
François Thèvenot, qui la prit à compte « pour loger certains de ses
amis »(3); une enfin qui fil double emploi : Claude « lo pyner » (le
peigncur de chanvre sans doute) les eut toutes deux pour une et pro-
(i) Voir le texte reproduit p. 82.
(2) Elles se louaient pour toute la durée de la représentation. A Vienne, à la
Passion jouée en 15 10, on paya par chambre .\ écus au soleil ou 12 tlorins pour
les huit journées (p. Sqi) : ce fut par jour à Komans un florin, et un florin et demi
à Vienne.
(3) P. 625.
JOUÉ A ROMANS EN I 5O9. 65
fita de l'erreur (i). — Les soixante-dix-neuf chambres à 3 florins
montent à 237 florins. — Le 27 mai, le premier jour de Pentecôte, les
échafauds ou gradins furent mis à un demi-sol « par personnage
soit grand ou petit » (2): la recette fut de 153 florins 4 gros 1/2 ; le
deuxième jour, le 28 mai, toujours à un demi sol par personne, le
produit fut un peu moindre, seulement de 130 florins ; le troisième
jour, 29 mai, le prix des places maintenu à un demi-sol par tête, on
arriva à 160 florins 7 gros 1/4. Le produit total de la repi-ésentation
des trois jours fut donc de 680 florins 1 1 gros 3/4 (3).
On peut calculer très approximativement, au moyen de ces chif-
fres, le nombre des spectateurs qui assistèrent à ces représentations.
Celui de l'amphithéâtre ou des gradins est positivement connu,
savoir à vingt-quatre personnes par florin : pour le premier jour,
3680 ; pour le deuxième, 3120 ; et pour le troisième, 3847. — Pour
les chambres, la base de notre opération est moins assurée ; nous ne
savons pas au juste combien elles contenaient de places, mais il
est très probable, d'après le prix de trois florins pour les trois jours
ou d'un florin par jour, qu'elles devaient en contenir moins de
vingt-quatre, autrement on y eût été à meilleur marché qu'à l'am-
phithéâtre, ce qui ne devait pas être. Ces chambres fermaient à clef,
on pouvait y arriver à volonté ; on y était séparé du public et affran-
chi de la cohue et de la gêne : on doit donc raisonnablement croire
que le prix en était plus élevé que celui des gradins. Si ces observa-
tions sont justes, il faut compter douze à quatorze places seulement
par chambre, ce qui ferait sur les quatre-vingt-quatre toutes occu-
pées, quoiqu'en réalité soixante-dix-neuf seulement aient figuré en
argent dans la recette, une moyenne d'environ onze cents person-
nes. En les ajoutant au chiffre de chaque jour, nous aurons : pour
le premier jour 4780 personnes, pour le deuxième 4220; pour le
troisième 4947, et en tout 13947 spectateurs.
Le produit des trois journées était d'un peu plus de 680 florins.
Après la représentation, cette somme fut portée à environ 738 florins,
par la vente à l'enchère de différents objets, débris du théâtre et des
décorations ; et cette recette fut loin de couvrir la dépense totale,
dont voici le chiffre :
d) P. 623.
(2) Le prix de ces places, réservées à la classe la moins aisée, fut le même (2 liards)
à Vienne en 1510(1. c.)
(3) P- 624.
Bull. VIII, 1887. 5
66 MYSTÈRE DES TROIS DOMS
Payé aux charpentiers le prix fait du théâtre 4 1 2 fl. j
Plus, à titre de supplément motivé par un \ 442 fl. » s. » d.
surcroît de travail 30 \
Payé depuis le 14 août 1508 jusqu'au 3 mars 1509 268 11 6
Du 3 mars au 26 mail 509, veille de la représentation 352 2 7
Du 30 mai au 9 octobre 1509, jour du règlement
définitif 673 [Q I
Total 1737 » 2
A déduire la recette. , 7 3'^ ^ 3
Reste à la charge du Chapitre et de la ville . . . 998 10 11
Ainsi le Mystère joué à Romans a coûté dix mois de travail et
1737 florins.
On sera, sans doute, bien aise de connaître la valeur de ces 1737
florins convertis en monnaie actuelle, et de se faire par là une idée
de la dépense que représente aujourd'hui cette somme. Comme on
peut s'en convaincre par une petite dissertation insérée dans l'Intro-
duction (i), le florin de 1509 valait 12 fr. 73 c. Ainsi, les 1737 fl. 2
d. font un total de 22120 fr. 87 c.
Le chanoine Pra a reçu pour ses
honoraires 255 fl. » s.» d. soit 3247 fr. 42 c.
Chevalet 27 5 9 — 349 95
Les copistes, le papier compris, 183» — 232 41
Le théâtre (bois, fer, etc.) a coûté 645 7 » — 8221 51
Les décorations et machines. . 655 i 5 — 8342 92
La musique du jeu ... . 90 » » — iM*^' 15
Enfin, les dépenses générales. . 45 7 » — 580 51
Total égal. . . . i737fl. » s. 2 d. — 22120 fr. 87 c.
Même sans admettre les comptes de l'auteur de la dernière His-
toire du théâtre en France (2;, il demeure acquis que le budjet du
Mystère des Trois Doms a été considérable. Romans fit grandement
les choses et n'hésita pas à payer cher un plaisir toujours apprécié
des populations.
(i) « La puissance du numéraire, dit-il (t. I, p. 363-4), étant à peu près dix fois
moindre aujourd'hui qu'en 1509, on peut évaluer la dépense à près de cinquante
mille francs, la recette à moins de vini^t et un mille, et le déficit à près de trente
mille. »
(2) P. Ixxxiv-vij.
JOUÉ A ROMANS EN I5O9. 67
VIII
Avant de nous séparer des trois martyrs, dont le Mystère a retracé
les glorieux combats, il nous paraît utile, après les avoir étudiés dans
la poésie, de reconstituer brièvement leur place dans l'histoire.
Le chanoine Pra — est-il besoin de le dire ? — n'a pas travaillé en
érudit. Il a accepté de confiance les données qui avaient cours à son
époque et s'sst attaché à les développer telles quelles dans ses vers.
Nous avons facilement retrouvé le document qui lui a servi de thème
et sur lequel son drame a été calqué presque littéralement. Le Bre-
viarium ad usum insignis ecclesie collégiale Beati Barnardi de Roma-
nis de 15 18 (i) contient trois offices des saints Séverin, Exupère et
Félicien, l'un de leur fête (ig novembre^, l'autre de l'octave de cette
fête (26 nov.), le troisième de la translation de leurs reliques à Ro-
mans (2 octobre) (2).
L'auteur de notre Mystère est en parfait accord avec eux. D'après
les légendes du bréviaire de Saint-Barnard, comme d'après le récit
poétique de Pra, Séverin, Exupère et Félicien sont trois habitants
de la ville de Vienne qui souffrent le martyre durant la persécution
de Marc-Aurèle (3). Pendant de longues années, leurs corps restent
abandonnés à Brennier. Du temps de saint Paschase, évêque de
Vienne, les martyrs apparaissent au diacre Tertius. A la suite de
cette révélation, leurs reliques sont transférées en grande cérémonie
dans une église du voisinage dédiée à saint Romain. Plus tard Bar-
(i) Voir, sur cette rarissime édition, notre Notice insérée dans le Bulletin du
bibliophile {1^6 'j, série XVI, p. 395-9) et le rapport cité ( p. 98, n. 2) de M. Léop.
Delisle, éans \a Biblioth. de l'école des Chartes, 1881, t. XLII, p. 496-7 (tir. à part,
p. 14-6^. Elle a été fidèlement réimprimée à Lyon en 161 2.
(2) Un bréviaire manuscrit de la même collégiale, écrit en 1481, a été donné par
M. Giraud, en même temps que le Compte de la représentation du Mystère, à la
bibliothèque nationale, où il occupe le n° 323 nouv. acq.du fonds latin (L. Delisle,
rapport cité, dans Bibl. cit., p. 499-500; t. à p., p. 18). Il offre peu d'intérêt au
point de vue historique: seule la fête des trois martyrs possède une légende propre,
qui ne correspond même pas aux trois premières leçons de l'octave dans le Bréviaire
de I 5 18.
(3) Les Bollandistes adoptent l'année 177 (date des martyrs de Lyon) ou 178
{Acta Sanctorum, maii t. II, éd. Palmé, p. looa). Lenain de Tillemont les rapporte
simplement au règne de xMarc-Aurèle (Mém. pour l'hist. ecclés., t. II, p. 321).
M. Hauréau recule leur martyre jusqu'au V' ou même au VI= siècle {Gallia Christ.
nova, t. XVI, c. 12).
68 iMYSTÈRE DES TROIS DOMS
nard, archevêque de Vienne, les transporte au monastère qu'il vient
de fonder à Romans.
II est impossible de reconstituer, en remontant le cours des âges,
la filiation des diverses parties de ce récit, pris dans son intégrité.
La source la plus ancienne parait être le Martyrologium qu'Adon
termina avant son élévation sur le siège de Vienne (860) : « XIII. Kal.
decemb. — Apud Viennam, sanctorum martyrum Severini, Exuperii
et Feliciani ; quorum corpora post multa annorum curricula, ipsis
revelantibus inventa, et a pontifice urbis, clero et populo honorifice
sublata, in basilica Sancti Romani, que jam dicte civitatis parte
orientali sita est, condigno honore condita sunt (i). »
Ce morceau est passé en entier dans le Catalogus sanctorum com-
posé par Pierre de' Natali en 1372 (2). Usuard l'avait inséré, sauf la
phrase relative à l'église de Saint-Romain, dans son Martyrologe (3)
rédigé vers 875, et c'est sous cette forme qu'il a pris un caractère
officiel dans le Martyrologium Romanum de Baronius, promulgué par
Grégoire XIII en 1584.
Les diverses éditions de ce texte ne nous apprennent absolument
rien sur le temps et les circonstances du martyre des saints Viennois.
Nous en avons trouvé les premiers linéaments dans un Catalogue
encore inédit des évêques de Vienne, de saint Crescent à saint Avit,
lequel occupe toute une page (fol. 323 v°) d'une grande Bible du
X* siècle, provenant de la cathédrale de Vienne et aujourd'hui conser-
vée à la bibliothèque de Berne sous le n° 9 (4) : « II. Nonas mai. —
Sanct'i lusti Viennensis epwco/)i. Hic floruit temporibus Antonini
cognomento pii et Antonini minoris, quo tewpore Hyreneus Lugdu-
nensis adhuc ^reshyter habebatur. Huius lusti tempore fertur pt^rse-
cutio grauissima Xp^'s/ianorum in urbe Uienna fuisse, qî^ando multi
Xp/s/ianorzt»z martirio coronati sunt : inter quos Seuerinz^s, Exsupe-
rus et Felicianzfs, quorum corpora mira reuelationc post modu;n re-
(i) Patrol. latina de Mignc, t. CXXIII, c. 397. Cf. le Clironicon du même, œlas
sexta, ibid., c. 83. — Mentionnons pour mémoire les deux vers consacrés ù nos
saints par Wandalbert de Prùm dans son Martyrologe dédie à l'empereur Lothaire
en S48 ('Pa/r. lat., t. CXXI, c. 619), et les deux lignes du MarUrologe faussement
attribué au vénérable Bède (ibid., t. XCIV, c. i loH).
(2) Lib. X, cap. 82 (Acta Sanctorum des Boliandistes, maii t. II, p. 100;.
(3) Palrol. latina, t. CXXIV, c. 71 1-2.
(4) Ou n" 9 A du Catalogus coJicutn Bernensium de M. licrm. Hagen (Bernœ,
1875, 'n-B^i P- 6-8) Cf. Histoire liil. de la France. \XH^, t. .\.\I.\, p. 450-2, art. de
M. Léop, Delisle, à l'exquise complaisance de qui nous devons une épreuve photo-
graphique de ces deux colonnes.
JOUE A ROMANS EN 150g. Ô9
pcrta Sun/. Paulo ante et martiriu??? illud clarissimu;;z Lugduni con-
summatu»z est, quando sanctlssïmus diaconus Sanctus Viennensis
cum aliis Viennensibus martirio coronatus est. »
Cette notice, rédigée au plus tard à l'époque carlovingienne, a été
textuellement reproduite dans un calendrier historique des archevê-
ques de Vienne, dressé vers la fin du XI" siècle. Copié à Vienne en
1662, par le bollandiste Godefroy Henschenius (i) et en 1677 à Gre-
noble, dans la bibliothèque de Nicolas Chorier, par le bénédictin
Claude Estiennot (2), il a été publié par nous en 1868, d'après la
copie de ce dernier, sous le titre à'Hagiologium Vietuiense (3J.
Nous classerons immédiatement après deux fragments de la vie
de saint Barnard, publiés par Mabillon, d'après un manuscrit d'Am-
bronay (4). L'illustre bénédictin, qui les devait au même dom Es-
tiennot, n'en assigne malheureusement point la date ; nous n'ose-
rions pas leur accorder une antiquité trop reculée. Ils prouvent ce-
pendant qu'on racontait à Ambronay, au moins vers le XII'' siècle,
le martyre de nos saints sous la forme ultérieurement admise de
tous, et c'est là un fait significatif si l'on se rappelle que Barnard
avait été abbé d'Ambronay avant de devenir archevêque de Vienne.
On remarquera que l'évêque Paschase figure pour la première
fois, comme présent à l'invention des trois martyrs, dans le second
fragment, lequel copie d'ailleurs littéralement la notice du ms. de
Berne (5J. Cette addition se heurte à une difficulté réelle, si l'on
maintient au commencement du IV*" siècle l'épiscopat de Paschase :
comment aurait-on déjà dédié une église à saint Romain, qui venait
à peine (en 303) de souffrir le martyre à Antioche ?
Touchant la translation des reliques des trois martyrs à Romans,
nous possédons un texte important du IX^ siècle : c'est un diplôme
émané de l'empereur Lothaire (30 déc. 842 >), à la demande d'Agil-
mar, successeur immédiat de Barnard sur le siège de Vienne (6).
Lothaire rapporte que Barnard avait exhumé les corps des saints
Séverin, Exupère et Félicien, qui gisaient abandonnés dans un lieu
peu convenable, au quartier de Brennier (ou des Brosses), dans un
(i) Cf. Acta Sanctorum, maii t. II, p. 90 h.
(2) Bibl. nation, de Paris, ms. lat. 12768, p. 131.
(3) Documents inédits relatifs au Datiphiné, t. II, 5= livr., p. 5-6.
(4) Acta sanctorum ordinis S. Benedicti, 1680, sœc. IV, pars 11, p. 563-6.
(5) P. 566.
(6) Cf. Documents inédits relatif au Dauphinè, t. II, 5° livr., p. 25, n. 11.
70 MYSTERE DES TROIS DOMS
faubourg de la ville de Vienne rnommé Pont-Evêque), et qu'il les
avait transférés au monastère récemment fondé par lui à Romans.
La châsse qui renfermait les reliques fut mise à la place d'honneur
dans le sanctuaire même. Là se lisait, comme nous l'apprend le
second fragment de la vie de saint Barnard édité par Mabillon, sur
les marbres de l'arcade tumulaire l'inscription commémorative sui-
vante, dès longtemps disparue (i) :
Martyribvs reverenda tribvs haec fvlgvrat avla,
qvorvm coelesti servantvr nomina libro.
hl domini ob nomen foelici sorte perempti,
Vrbe 'Viennensi AETHEREAS SVMPSERE CORONAS.
Inde hvc translati post longi temporis annos,
Praesentem illvstrant meritis vivacibvs aram
CONSPICVO IN TEMPLO, PRAEFATAE QVOD PIVS VRBIS
Condidit antistes, tantoqve in honore BEAVIT.
Seqve pus svpplex tradens in SAECLA patronis,
Hic vita excessit, hic sacris conditvr arvis.
QvEM SINE fine tegens foveat miseratio Christi.
Nomina sanctorvm cvpiens cognoscere, lector,
SciTO Severinvm, Exvperivm et Felicianvm,
AVCTORIS NOMEN C0MMENDANT SCRIPTA SEPVLCHRI.
M. de Terrebasse conjecture avec beaucoup de vraisemblance que
cette pièce a été composée vers le milieu du IX^ siècle. « Non seule-
ment, dit-il, elle est antérieure à la canonisation de Barnard, mais
elle sort évidemment de la plume d'un contemporain, initié à tous
les secrets de sa vie et à toutes les agitations de sa conscience. Il
n'y est pas question d'un saint, mais d'un prélat se mettant en
suppliant sous le patronage de trois illustres martyrs, à côté des-
quels ses miracles futurs et la vénération des fidèles ne devaient le
placer qu'un siècle plus tard. » L'érudit dauphinois se demande
ensuite quel est l'auteur de ces vers, et il n'hésite pas à les attribuer
à Florus, diacre de l'église de Lyon.
(i) La plus ancienne copie se trouve dans le manuscrit lat. 2832, de la Biblioth.
nation. (IX' siècle). Elle est imprimée dans : Breviarium ceci. coll. B' Barnardi de
Romanis, 15 18, f° cccxcv v°b (3° leçon dans l'octave de la fête de s' Barnard);
3' édition du même, Lugduni, 12 avril 1612, f" 568 r" ; Duchesne, //fs^. Franc,
script., 1636, t. I, p. 513-4 ; Mabillon, Acta ss. ord. S. Betied. ,i68o, t. IV, p. 11,
p. 566 ; Bouquet, Rec. d. Iiist. des Gaules, 1739, t. II, p. 532; Collombet, Ilisl. de
l'égl. de Vienne, 1847,1 I, p. 45 ; A. de TKRnEi:\ssE, Epitaphe des trois martyrs...,
Vienne, s. d., in-S", p. i ; le même, Inscriptions de Vienne, 1875, ■^° part., t. I,
p. 1-2 ; cf. du mcmc, Opuscules, 1880, p. 193-207.
JOUE A ROMANS EN I509. 7I
Cependant autour de l'abbaye ne tarda pas à se former un village,
un bourg-, puis une ville, qui grandit dans le culte de ses glorieux
patrons. Nous en trouvons un intéressant témoignage, dès avant
II 19, dans l'homélie de Guy de Bourgogne (plus tard Calixte II)
qui forme les leçons de l'office de la translation de nos saints. Que
sont devenus les nombreux récits auxquels il est fait allusion
dans la première leçon de l'octave de leur fête et qui retraçaient
leurs héroïques combats (i)? Leur trace nous est perdue. Mais un
monument incomparablement expressif du culte qu'on rendait aux
trois doms, c'est ce Mystère que nous livrons au jour et que, nous
l'avons vu, on jouait périodiquement. En « mettant sus et ordon-
nant » (2) un Mystère qui retraçât leur martyre, la cité romanaise
reconnaissante s'acquittait de l'acte le plus solennel que l'on con-
nût alors d'une naïv-^e vénération. « En la fin dudit mystère, dit en
terminant messire Perrier, furent retournées les châsses des dits
corps saints et chefs à ladite église en procession générale, qui là
avoient été durant ledit mystère, avec gros cierges, en chantant Te
Deum laiidamus (3). »
Hélas ! un jour vint où cette pieuse habitude de porter triompha-
lement en procession les reliques des trois saints dut mettre au cœur
des Romanais un regret amer. Le 23 janvier 1524, fête de saint
Barnard, la procession accoutumée eut lieu. Quatre jeunes gens
portaient la triple châsse {triarcham) (4J qui renfermait les restes
des martyrs. Tout à coup, dans la rue Saunerie, entre les maisons
du chanoine François Odde et de noble Guillaume Tardivon, disent
les livres capitulaires (5) qui n'oublient aucun détail, les jeunes gens,
non par malice, mais à bout de forces, laissent tomber à terre leur
précieux fardeau, qui se brise en deux parties. Les reliques de la
châsse du milieu sont répandues sur le sol, au grand scandale du
(i) « Victorias martyrum et agones féliciter consummatos multi litteris mancla-
verunt » (p. xc).
(2) P. 591.
(3) P- 59-- ^î- Petit de Julleville conjecture à tort « que les reliques des
saints ne furent pas apportées au théâtre » (t. II, p. 96). On peut voir (p. 856)
qu'à la représentation du Mystère des saints Félix, Fortunat et Achillée (en 1500)
les Valentinois prièrent le clergé d'apporter leur châsse sur la scène, « pro majori
reverentia et honore debitis dictis tribus sanctis mariyribus. w
(4) Faut-il la reconnaître dans cet article de l'inventaire du trésor de l'église de
St-Barnard à la fin du XIIP siècle : « Tria vasa cristallina. . . ; in omnibus hiis conti-
nentur reliquie » [Cartulaire, f° 185 v° ; Giraud, Essai, 2= p., t. II, p. iio bis) r
(5) P. 817-8.
72 MYSTERE DES TROIS DOMS
clergé et de tout le peuple, et il s'en dégage comme un nuage de
poussière. On recueille en toute hâte ces saints débris. Le mardi
suivant, 26 janvier (i), on se dirige processionnellement vers le lieu
du désastre. Les quatres jeunes gens tiennent chacun à la main,
pour réparer leur faute involontaire, un cierge de quatre livres. En-
fin le jeudi, 24 mars, on dépose ce qu'il reste des reliques des trois
doins derrière le grand autel de l'église collégiale, sous la châsse de
saint Barnard.
Des jours plus désastreux se levèrent bientôt pour Romans et les
reliques de ses saints : nous voulons parler des guerres dites de reli-
gion. Des dépositions recueillies postérieurement de divers témoins,
il résulte qu" « au dessus du grand autel de marbre éto^^ent trois
chasses couvertes d'argent, appelées l'une de Saint Barnard, l'autre
des Trois Doms et l'autre de Saint Anitor ; lesquelles, ajoute l'un
d'eux, il a vu plusieurs fois descendre, monter et porter (2). » Pris en
garde par les consuls, le 4 mai 1562, sur l'injonction du seigneur de
Triors, Ennemond Odde, les joyaux et reliquaires de St-Barnard
furent remis, le 12 juin suivant, à André de Morges, commissaire
du baron des Adrets, et disparurent à tout jamais (3).
De Romans la dévotion envers les protecteurs de cette ville rayon-
nait sur toute la province du Dauphiné. Vienne surtout était fière de
leur avoir donné le jour, et elle leur vouait un culte imprégné d'une
spéciale confiance (4j.Une preuve qu'au XVIII^ siècle encore Séverin,
Exupère et Félicien n'y avaient pas été oubliés, se lit dans Charvet :
« On croit, dit le docte archidiacre (5J, que la maison des SS. Mar-
tyrs étoit dans le quartier de S. Martin de Vienne, sur les bords de
la Gère, près d'un carrefour qu'on appelle vulgairement la pierre du
Bacon. Le Clergé de l'Eglise Cathédrale y fait une station le second
jour des Rogations, dans laquelle il chante les grandes litanies des
(i) Le ms. porte certainement par erreur « vigesima secunda januarii. »
(2) « Informations prises par Antoine Guerin, lieutenant partie . au sicgc de
Romans» (3 janv. 156.^).
(3) « Registre des assemblées, délibérations et conclusions de la ville de Romans »
1556-62, f°» 261 et 2 74V°.
(4) Des reliques de saint Séverin et de saint Exupcrc — non de saint Félicien — se
trouvent à l'église Saint-.Maurice de Vienne (ancienne cathédrale*, dans le reliquaire
en bois doré qui orne la partie droite de l'autel de Saint-Mamert (Cf. Recherches sur
les précieuses reliques vénérées dans la sainte Eg^lise de Vienne, par le curé de Saint-
Maurice [Robin]; Vienne, 1876, gr. in-8°, p. 129-30).
(5) Histoire de la sainte Eglise de Vienne, 1761, p. 48.
JOUÉ A ROMANS EN I5O9. 73
Saints. Lé propriétaire, ou celui qui habite la maison, prépare trois
couronnes, dont deux sont attachées aux chandeliers des Acolytes,
et la troisième au haut de la Croix. Anciennement on faisoit aussi le
second jour des Rogations une stationna l'Eglise de S. Romain
(Ordo Eccl. S. Mauritii Vienn.J, et cette pieuse coutume n'a cessé
que depuis 1562, tems auquel les Calvinistes la ruinèrent pour la
seconde fois ; car elle l'avoit été déjà par les Sarrasins sous le ponti-
ficat de S. Austrobert. Il en reste encore quelques masures. »
Les églises de Valence, Die, Grenoble et Viviers s'étaient de bonne
heure unies à celle de Vienne dans un culte commun de nos trois
Martyrs (i). Par lettre pastorale du 18 août 1782, l'archevêque Jean-
Georges Lefranc de Pompignan promulgua, avec le gré de ses suffra-
gants, un nouveau bréviaire pour toute la province ecclésiastique de
Vienne {2). II parut l'année suivante : l'office des trois doms y était
maintenu à son ancienne date, la légende réduite à une leçon comme
dans le bréviaire d'Henri de Villars (1678). La liturgie viennoise a
disparu dans le retour à celle de Rome et avec elle, dans le diocèse
de Valence auquel appartient la ville de Romans, en 1852 l'office de
Séverin, Exupère et Félicien. Mais un nouvel Ojficia propria diœcesis
Valentinensis, approuvé par la S. Congrégation des Rites en 1884,
les a rétablis (à la date du 28 nov.), avec une légende en trois leçons et
des hymnes, qui n'ont, hélas ! rien de particulier, car la T" est de
Coffin et les deux autres sont de Santeul. Le culte de nos saints
martyrs n'est donc pas près de s'éteindre, pas plus que le souvenir
de leur mort glorieuse et de leurs bienfaits.
(i) Nous les trouvons plus anciennement, à la date invariable du 19 novem-
bre : dans un Coutumier de Valence de l'an 1355 environ (voir Bulletin, t. VII,
p. 178), dans un Missel de la même église, manuscrit de 145 1 donné par Guillaume
bâtard de Poitiers, seigneur de Barry et de Soyans, à la chapelle de « Seint Andrieu »
de la cathédrale (ibid., p. 184), et dans l'édition de 1504 (ib,, p. 188); à Die, dans
un superbe Missel ms., écrit par le sacristain Etienne Chypre en 1305 (biblioth.
du Grand-Sémin. de Romans), et dans les Bréviaire et Missel imprimés en 149861
1499 par ordre de Jean d'Epinay ; à Grenoble, dans les deux éditions du Missel
1497 et 1532) ; à Viviers enfin, dans le Missel de 1527. Que leur culte s'étendit à
tout le diocèse de Vienne un Missel de Saint-Sauveur-en-Rue (Loire), de 1450 en
viron (cabinet de M. Chaper), nous en est la preuve.
(2) Sont exceptés les diocèses de Maurienne et de Genève, situés hors de la
France.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
d'après des documents officiels et inédits.
(Suite).
Le vicaire provisoire de Clelles, Monthalet, n'était pas plus heureux
que Duboille : ses paroissiens lui suscitaient mille tracasseries.
Dans l'espoir d'y mettre un terme, il alla, le 29 décembre, se faire
inscrire comme membre de la garde nationale et faire ses offres de
sen-ice pour monter la garde à son tour (1).
Nous ne savons si on lui sut gré de son dévoûment ; mais il eut à
subir des attaques nouvelles et imprévues. Lui-même nous les fera
connaître dans les plaintes qu'il adressa à la municipalité, le 2 jan-
vier 1792 : « A Messieurs le maire et officiers municipaux de la
commune de Clelles représente Damien Monthalet, vicaire provi-
soire de la paroisse Notre-Dame de Clelles-en-Trièves, département
de l'Isère, que, jeudi, vingt-neuf décembre mil sept cent quatre-vingt-
onze, sur les deux heures après-midi, il a été rendre une visite
d'honnêteté au sieur Saurel, se disant procureur de la commune.
Après une très briève conversation auprès de son feu, où était le
sieur Eyraud, la femme Saurel demanda au représentant qu'elle
puissance il avait sur les âmes. Il répondit que cette puissance datait
de vingt-deux ans, depuis l'ordination reçue de Mgr de Caulet, évê-
que de Grenoble, et que la commission de l'évêque constitutionnel
lui en avait donné l'exercice. La dite femme Saurel ajouta que nous
étions tous des coquins envoyés par d'autres coquins ; que nous
étions tous des voleurs entrant par la porte de derrière pour voler le
bien de M. Galfard. Après les propos les plus injurieux et la repré-
sentation que lui fît le représentant de ses torts, la dite Saurel sort
un instant et rentre avec la nommée Françoise Allevard, qui, conjoin-
(i) Clelles, Reg. des délit.
LE TRIEVES PENDANT LA REVOLUTION. 75
tement avec elle, renouvelle les mêmes injures. Ennuyé de cette
scène, il veut se retirer et cherche à ouvrir la porte ; mais la dite
Allevard s'y oppose et s'efforce même de le saisir au collet, pendant
que la femme Saurel, qui a quitté son rouet, attend, armée de sa
quenouille, le moment où sa digne compagne s'oppose, une deuxième
fois, à la sortie du représentant, pour le retenir en saisissant son
habit du côté gauche. Ceci a été vu par le sieur Emery, gendarme
national de Clelles, lequel a été aussi, avec des voisins, témoin auri-
culaire des propos injurieux à lui adi'essés. Le représentant observe
encore que, pendant toute cette scène, le sieur Saurel, époux et se
disant procureur de la commune, n'imposa silence ni à sa femme,
ni à la fille Allevard, quoiqu'il fut dans sa boutique avec le sieur
Gaymard scandalisé de cette insouciance.
« La femme Saurel a dit à la servante du sieur Guibert, auber-
giste, allant chercher du sel, que le Monthalet ferait bien de plier
ses bagages et de se retirer L'enfant de la même Saurel a dit en
pleine école que, si sa mère n'avait pas été embarrassée, le repré-
sentant ne serait pas sorti sain et sauf. »
Enfin le pauvre homme finit par demander la protection de la mu-
nicipalité. Celle-ci la lui accorda et envoya un procès-verbal du tout
au district (i).
A son tour, Saurel se plaignit à la municipalité des injures gros-
sières plusieurs fois répétées et surtout des reproches faux que le
sieur Monthalet lui avait encore adresses, la veille au soir, au milieu
de la rue et en présence de nombreux témoins (2). Ces tristes scènes
nous montrent et le peu de respect de la population de Clelles pour
les prêtres assermentés et aussi le peu de dignité de ces derniers
dans leurs rapports avec les paroissiens.
Ce fut à la suite de ces faits que quelques conseillers municipaux
crurent devoir se plaindre du fanatisme tous les jours croissant,
disaient-ils, de Françoise Allevard, que nous avons vue aux prises
avec Monthalet. Elle leur reprochait sans cesse leurs idées révolu-
tionnaires et leur prétendue conduite patriote, excitait les habitants
à chasser le desservant constitutionnel, s'était encore moquée de ceux
qui faisaient des perquisitions pour retrouver l'arbre de la liberté
coupé et enlevé pendant la nuit, et avait payé un enfant pour lui
(i) Ibidem.
(2) Ibid. Délib. du 9 avril 1790.
76 LE TRIÈVES PENDANT
faire crier qu'une récompense honnête serait accordée à celui qui le
découvrirait. La peine de la prison fut demandée contre elle par le
procureur Jacques Bonthoux, remplaçant de Saurel. La municipalité
ordonna aussitôt à un piquet de la garde nationale d'aller se saisir
de la coupable pour la livrer à la gendarmerie qui la conduirait en-
suite à Grenoble. Françoise Allevard fut introuvable, comme l'arbre
de la liberté, et, quand elle se montra de nouveau, les colères pa-
triotiques étaient calmées (i).
Dans l'un des nombreux hameaux de la commune de St.-Baudille-
et-Pipet, Agnès, voisin du Perrier, habitait le noble et pieux M. de
Blosset. Il avait pris chez lui pour instruire ses enfants un vicaire de
Mens, né dans l'Ardèche. Ce prêtre continua à dire sa messe, pen-
dant la révolution, dans une chapelle existant encore et attenant à
la demeure de son hôte. M. de Blosset, voyant la répugnance des
habitants de son village et des hameaux voisins à assister aux offices
célébrés par lecuré schismatique, les invita à venir entendre la messe
chez lui. La municipalité, toujours à l'instigation du curé Arnaud,
prit la délibération suivante à son sujet : « Oui le procureur de la
commune, la municipalité, informée d'ailleurs que David Blosset,
habitant à Agnès, a offert aux habitants du Perrier et des autres
villages circonvoisins de venir entendre la messe chez lui, considé-
rant qu'une démarche de cette nature est contraire aux lois, puisque
les attroupements sont expressément défendus, et voulant y remédier
dès le principe, a arrêté qu'il serait très expressément prohibé au
sieur de Blosset de recevoir des étrangers dans sa chapelle, sous le
prétexte d'y entendre la messe ; qu'il lui serait également enjoint
d'être plus circonspect à l'avenir dans ses propos à l'égard de ceux
qui vont à la messe des curés constitutionnels. La municipalité espère
que le dit de Blosset voudra bien se conformer à la présente délibé-
ration, et, pour qu'il n'en ignore, il lui en sera délivré copie. Fait à
St-Pancrace, dans le lieu ordinaire de l'assemblée municipale, le
dix mars 1792, Morel, procureur de la commune, P. Beaup, maire,
Antoine Gilboud, Antoine Gaymard (2). »
M. de Blosset ne se conforma pas immédiatement à cette injonction
et fut l'objet de nombreuses vexations et dénonciations. Il quitta à la
fin Agnès et se retira à Grenoble où M. Johanny le suivit ; nous le
retrouverons plus lard (3).
(i) Ibidem.
(2) St-Baudillc-ct-Pipcl, Reg^. des délib.
(3) Pièces communiquées avec bienveillance par M"' de Franclieu.
LA GRANDE REVOLUTION. 77
La municipalité de St-Baudille n'avait pas un instant de repos.
Ecoutons la faire le récit de ses tribulations : « Le douze mars dix-
sept cent quatre-vingt-douze, nous maire et officiers municipaux
avec le procureur de la commune soussignés ayant eu connaissance
du jugement rendu contre le sieur Bourillon par M. l'Evêque de
risère, sachant qu'il est de notre devoir qu'on n'enlève point les
meubles de la sacristie du Perrier, nous nous sommes exprès
transportés chez le sieur Bourillon pour lui demander les clefs de la
sacristie ; mais le sieur Bourillon a constamment refusé de nous les
remettre sous le ridicule prétexte, que nous n'avions point d'ordre
pour cela. De cette manière nous n'avons pu en dresser un état.
Nous n"avons pu que nous procurer la clef de la grande porte de
l'église, et nous ne l'avons pas eue que Pierre Vernet, citoyen d'Agnès,
a parcouru tout le village pour soulever le monde contre nous. Pour
prévenir le désordre nous nous sommes rendus chez Louis Allouard,
capitaine de la compagnie du Perrier, où l'attroupement nous a sui-
vis. François Bardel, un des principaux séditieux, nous a dit, en
nous menaçant, que nous n'aurions point les clefs et que si nous
avions celle de l'église il saurait bien nous l'ôter. Henri Pâquier et
Pierre Malvezin, ses consorts, ont ajouté qu'ils aimeraient mieux
voir leurs perruques y rester que de la laisser emporter. Pour éviter le
désordre et donner aux factieux le temps de se calmer, nous sommes
sortis par une porte de derrière et nous nous sommes retirés.
P. Beaup, maire, Brachon, Antoine Gaymard, Morcl, Procureur (i).»
Un peu plus tard cependant, sans doute pour faire oublier leur
aventure du Perrier et peut-être aussi pour effacer le souvenir de
leurs renseignements du 26 septembre précédent, les mêmes hommes
accomplissaient un acte de justice envers leur ancien curé, M. An-
toine Galfard. Ils demandèrent, le 12 mars, aux administrateurs du
district de décharger ce vénérable vieillard de la somme de cinquante-
trois livres, six sols, huit deniers, cote qu'il devait payer en 1792
pour satisfaire aux promesses de sa souscription patriotique. Ils
firent remarquer, à l'appui de leur demande, qu'il avait versé pour
les années 1790 et 1791 ; mais après s'être démis de sa cure, il se
trouvait dans l'impossibilité de payer un troisième terme (2}.
Après avoir refusé les offres du curé constitutionnel, M. Antoine
Galfard s'était retiré au Perrier où il disait publiquement la messe
(i) St-Baudille-et-Pipet, T{eg. des délib.
(2) Ibidem.
78 LE TRIÈVES PENDANT
dans la chapelle, avec l'autorisation du sieur Arnaud. Mais là ne se
bornait pas son zèle et il croyait ne pouvoir repousser ses anciens
paroissiens venant lui demander le secours de son ministère ; aussi :
« Le 17 mai, mil sept cent quatre-vingt-douze, la municipalité étant
assemblée dans le lieu des séances, le procureur a dit : Messieurs,
je vous ai convoqués aujourd'hui pour vous dénoncer un délit reli-
gieux. Les habitants du Perrier et lieu.x circonvoisins se sont venus
plaindre à moi, de ce qu'au mépris de vos ordres, Antoine-Magloire
Galfard continue de sonner et dire sa messe. Abusant même de la
permission que lui a donné M. le Curé, il livre les clefs de la sacris-
tie aux prêtres réfractaires qui viennent le voir. Il a fait faire leurs
Pâques à plusieurs personnes. Sa maison est le rendez-vous de tous
les perturbateurs du repos public. Hier, seize courant, M. Desmou-
lin alla au Perrier pour remplir les fonctions de son ministère.
Etant entré dans l'église, 11 trouva le sieur Galfard qui était sur le
point de dire sa messe; il le pria d'attendre qu'il fut sorti avec la
procession, et M. Desmoulin ne fut pas dehors que M. Galfard monta
à l'autel. Le mot d'ordre avait été donné; Victoire, nièce d'Antoine,
avait parcouru le village pour avertir ceux de son parti de se rendre
à l'église ; mais ayant eu avis que M. Desmoulin, vicaire constitu-
tionnel de la paroisse s'y était rendii, elle les prévint de ne plus y
venir. Lorsque M. Desmoulin sortit avec la procession, tous les
réfractaires se mirent à rire comme pour se moquer de ceux qui
obéissaient aux lois de l'état. La messe de M. Galfard étant finie,
M. le vicaire commença la sienne et aussitôt il se fit dans l'église un
grand tapage, accompagné de signes d'improbation. Je serais d'avis,
Messieurs, que vous ordonniez au sieur Antoine-Magloii-e Galfard
de rendre les clefs de la sacristie et qu'il lui soit fait défense de rem-
plir aucune fonction de son état, tant qu'il n'aura pas prêté le ser-
ment civique. Signé : Morel, procureur.
« La municipalité, ayant égard aux plaintes du procureur de la
commune, ordonne au sieur Antoine-Magloire Galfard de remettre
les clefs de la sacristie de l'église du Perrier à P. iVlorel, procureur
de la commune ; lui fait défense de dire la messe à l'avenir dans
l'église du Perrier, le tout sous peine d'être poursuivi comme agis-
sant en contravention des lois, à moins toutes fois que le dit Galfard
ne se soumette à prêter le serment, duquel il sera pris acte. P. Beaup,
maire, Morel, proc, Antoine Gaymard, Etienne Faure, P. Doriol,
Jean Rolland, V. Fleuret, P. Collombet, P. Terrier, Jean Durif (i).»
(i) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. 79
Monsieur Galfard, dut cette fois céder devant la force, et livrer
les clefs qu'on lui réclamait avec tant d'instances. 11 se retira chez
un honnête habitant du Perrier, Malvezin, et continua, dans cette
maison hospitalière à célébrer la sainte messe pour ses persécuteurs.
Son neveu, Joseph-Alexandre Galfard et M. Vette étaient encore
dans le pays et administraient les sacrements en secret. La munici-
palité qui poursuivait l'oncle ne pouvait laisser le neveu en paix. Le
jour même où elle ordonnait d'enlever au premier les clefs de la sa-
cristie du Perrier, elle arrêtait que le second payerait, pour sa cote
mobilière et d'habitation, un impôt de 76 livres et M. Vette 40.
Elle voulait employer ces sommes à rémunérer les travaux nécessités
par l'établissement des rôles d'imposition ; c'est du moins ce que
l'administration du district arrêta sur sa demande (ij mai 1792J (i).
M. Galfard, neveu, ne tarda pas à quitter St-Baudille et la France
pour chercher à l'étranger une terre plus hospitalière. Se rendant en
Savoie, il passa par Grenoble et s'arrêta quelque temps dans cette
ville. Un jour, dans une rue, un homme l'aborde, et le dialogue sui-
vant s'engage entre eux : « Vous êtes donc curé > — Sans doute je
le suis ; car je n'ai rien pris ce matin. — Ce n"est point le moment
de rire, veuillez me suivre en un lieu moins fréquenté. » .M. Galfard
obéit et lorsqu'il fut parvenu dans un coin retiré, son généreux inter-
locuteur lui ôta des épaules un écriteau où une main malveillante
avait tracé ces mots : « Galfard curé, à la potence » (2).
M. Bourillon se cachait au village de la Chapelle et disait la messe
dans une vaste armoire encore conservée par une famille du Gros.
Les nombreux actes de baptêmes et de mariages qu'il a laissés
témoignent de son zèle et de la fidélité de la population de St-
Baudille. Il dut cependant s'exiler et resta à l'étranger du milieu de
1793 a 1796.
Pour la première fois à cette triste époque St-Maurice fixe l'atten-
tion au sujet d'une dispute violente qui s'éleva dans son église entre
ses habitants et ceux de Lalley, lors des élections du 19 février 1792
pour le conseil de la commune. Les femmes de la première paroisse,
encore plus que les hommes, se montrèrent acharnées contre leurs
voisins. Le curé constitutionel put heureusement intervenir et em-
pêcher l'effusion du sang (3).
fi) Ibidem.
(2) Témoignage delà nièce même de M. Galfard.
(3) Délibérations des 19 et 20 février, Lalley.
8o LE TRIÈVES PENDANT
Le sieur Fauchet avait remplacé M. Bourillon, oncle de M. Bou-
rillon, desservant du Perrier. Lorsque celui-ci fut chassé de sa cure,
après la rétraction de son serment (septembre 1791) (i) et au moment
même où il remettait les clefs à l'intrus, son successeur, il lui dit :
« J'espère que ce ne sera pas pour longtemps. — Je voudrais que
ce fut pour demain, répliqua Fauchet. » Cette réponse semblait indi-
quer quelques remords chez ce dernier, mais cela ne l'empêcha pas de
se montrer ardent patriote. Le 12 avril 1792, il publia le mandement
de l'évêque constitutionnel, suivant ce que nous apprend le certificat
de cette publication envoyé au district (2). Son respect pour les
choses les plus saintes nous est montré par la manière dont il enre-
gistrait les actes des baptêmes qu'il faisait. En voici un exemple :
« Six prairial, an II, naissance d'Euphrosine, fille de Louis Périer et
de Marguerite Maurice, de Lalley. » Il avait cessé d'aimer l'église, pris
les cérémonies sacrées en dégoût et il était ainsi arrivé au schisme. 11
resta à St-Maurice jusqu'en messidor an V, et, avant son départ,
put voir M. Bourillon, de retour de l'exil, reçu avec une joie indicible
par la plus grande partie de ses anciens paroissiens, surtout par les
habitants de Lalley. Heureusement à côté de l'intrus se cachait un
saint prêtre, chapelain de Lalley, M. Audemard, auquel les fidèles
étaient heureux de demander les secours de son ministère. 11 avait
refusé tout serment à la constitution civile et il se montra toujours
plein de zèle et d'un dévoûment sans borne pour la gloire de Dieu
et le salut des âmes (3).
St-Maurice et Lalley oublièrent un moment leur haine et leurs
querelles quand il s"agit du projet de route entre Grenoble et Mar-
seille par le Trièves. Depuis longtemps les habitants de cette contrée
la réclamaient afin d'avoir une communication facile avec les pays
voisins et surtout avec Grenoble. Elle devait leur permettre d'écouler
leurs produits et de se procurer, à des prix ordinaires, ce qui aupara-
vant leur avait coûté très cher, à cause des difticultés de trans-
port (4). Toutes les municipalités du Trièves unirent leurs vœux et
leurs demandes à celle de St-Maurice pour les présenter à l'adminis-
tration du département. Les communes sortirent pour un moment
de leurs mesquines préoccupations politiques et religieuses, et tra-
vaillèrent enfin au bien public.
(i) Délib. du iq avril 1793, ibidem.
(2) Ibidem.
(3^ Réponses aux questions de l'OrJo Je iS-17-
{/\) Délib. du 22 avril 1792, ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION.
CHAPITRE III.
ENCORE LA REVOLUTION
Cependant les administrateurs de Mens ne cessaient pas de pour-
suivre avec acharnement les prêtres non assermentés. Véritables
membres de comités de salut public dans la contrée, ils s'arrogeaient
un droit fort étendu de surveillance et de dénonciation. Voyons-les
à l'œuvre.
« Du dimanche, premier juillet mil sept cent quatre-vingt-douze,
à Mens, dans la maison commune sont présents MM. Sibey, maire,
Duport, Guichard, Beaup et Rey, officiers municipaux, et M. Segoud,
procureur de la commune.
« Un membre a dit que dans la circonstance pénible où se trou-
ve l'empire, toutes les autorités constituées ne sauraient trop pren-
dre de précautions pour éloigner d'elles tout trouble et toute
dissension . » Suivent les accusations ordinaires d'incivisme , de
rébellion aux lois, d'excitation au fanatisme et au désordre, portées
nommément contre les sieurs Péralda, curé de St-Jean-d'Hérans,
Testou, curé de Cordéac, Beau, curé de la Croix-de-la-Pigne, Dupra,
curé de la Posterle, Brudon, curé de Tréminis, le desservant de la
succursale de Lalley (M. Audemard), ci-devant curé de Cornillon,
et Vette, curé de St-Pancrace. Comme cette conduite est dangereuse,
poursuit l'acusateur, comme elle n'a d"autre but que d'infecter cette
contrée d'aristocratie et de mépris pour les autorités constituées, et
encore à amener des troubles assez conséquents pour obliger cette
commune à demander pour sa sûreté des troupes ou des gardes
volontaires nationaux, malgré le besoin qu'en a l'état pour sa défen-
se extérieure, il est urgent de dénoncer au directoire du district et à
celui du département les sus-nommés, comme étant réfractaires à la
loi, et demander qu'il soit pourvu incessament au remplacement
des uns et à l'éloignement des autres. Pour ces raisons lé dit mem-
bre prie Messieurs du corps municipal de délibérer sur le tout.
« La matière mise en délibération, le procureur de la commune
ouï, les assemblés, considérant que le fanatisme fait de plus en plus
des progrès dans cette contrée et peut finir par y occasionner une
guerre civile ; que la majeure partie de habitants de cette commune
Bull. VIII, 1887. 6
82 LE TRIÈVES PENDANT
vont à la messe dans les paroisses voisines les jours de dimanche
et de fête, en telle sorte que, s'il arrivait un incendie, il ferait les plus
grands ravages, faute de secours, ont arrêté de dénoncer, comme ils
dénoncent au directoire du district de Grenoble, les sieurs Péralda,
Testou, Beau, Dupra, Brudon, Vette et le desservant de la succur-
sale de Lalley comme réfractaires à la loi, prient le directoire de faire
changer ceux qui sont en place et éloigner les autres. A quel effet
le procureur de la commune est chargé d'adresser une expédition de
la présente au directoire (ij. »
On est heureux de connaître par cette délibération combien l'im-
mense majorité des catholiques restaient attachés au devoir, et com-
bien ceux qui avaient embrassé le schisme pour obéir à la voix de
l'ambition ou des passions étaient méprisés et demeuraient en petit
nombre, quoiqu'ils eussent l'appui de la force pour eux.
Dans toutes les communes, sur l'ordre des directoires du district,
les municipalités avaient fait un inventaire des ornements de leurs
églises. Les révolutionnaires prenaient ainsi leurs mesures afin que
lorsque le moment serait venu, il ne manquât à la destruction ni une
chasuble, ni le plus petit des linges sacrés. Ils prétendaient aussi, en
envoyant tous les ciboires, calices et ostensoirs à la monnaie, empê-
cher à jamais les cérémonies du culte quand viendraient à se lever
des jours de calme, qu'ils prévoyaient au milieu de leurs fureurs et
qu'ils s'efforçaient d'éloigner (2). Comme tous les persécuteurs, leurs
devanciers, ils se trompaient dans leurs projets impies.
Toranne, malgré son peu d'importance et son isolement ne put
préserver son curé de la persécution. Le 5 juillet 1792, un arrêté fut
pris par le directoire de district de Grenoble; nous en extrayons ce
qui suit : M. Barnaz avait prêté serment à la constitution (24 février
1791), mais en y ajoutant les restrictions suivantes: 11 promettait
obéissance à la nation, à la loi, au roi pour tout ce qui regardait le
gouvernement civil et politique du royaume, exceptant formellement
tout ce qui pourrait porter atteinte au gouvernement de l'Lglise et à
à la religion catholique. Il s'engageait à maintenir la constitution
votée par l'assemblée, mais seulement pour les articles qui ne tou-
cheraient point à la loi de Dieu, aux bonnes mœurs et au gouverne-
ment de l'Lglise. « Cependant ajoutait-il, si dans la suite on voulait
se prévaloir de ce serment pour me faire faire des choses contraires
(i) Mens, Reg. des dêlib.
(2) Délibérations diverses des municipalités du Trièves.
LA GRANDE RÉVOLUTION. 83
à la loi de Dieu et à son Eglise je vous déclare que je le rétracte dès
aujourd'hui. »
La municipalité voulait à tout prix garder M. Barnaz en préve-
nant les mesures sévères qu'elle pressentait devoir être prises
contre les prêtres insermentés; elle envoya donc au district un cer-
tificat de prestation de serment pur et simple. Connaissant le fait,
le bon prêtre protesta avec force auprès de ses paroissiens, et sur les
registres mêmes des délibérations, il apposa de sa propre main une
note qui rétablissait la vérité.
Mais à côté du dévouement des habitants de Toranne, le patrio-
tisme républicain de ceux de St-Michel-les-Portes ne s'endormait
pas. Le 6 mai 1792, la municipalité de cette dernière commune dé-
nonçait au district M. Barnaz et l'accusait « d'être cause de troubles
dans le canton, l'ennemi juré de la Constitution ; d'empoisonner paa
des discours séditieux sa paroisse, qui n'était composée que de dix
familles »; enfin, d'avoir prêté son serment avec restrictions, quoique
le certificat qui en avait été envoyé ne fît pas mention de celles-ci.
A cette dénonciation, le directoire demanda des explications, et
M. Barnaz y répondit ainsi lui-même (8 juin): « Je viens vous
déclarer que je n'ai point lu le mandement de M. l'Evêque du dépar-
tement, ni ses lettres, et que je suis décidé à ne point reconnaître
M. l'Evêque du département pour mon évêque légitime, attendu que
j'ai prêté mon serment sous conditions, comme je le prouverai par
un extrait que la municipalité a tiré mot à mot de ses registres, et
m'a délivré le 8 avril 1792. »
D'aussi graves délits commis par un prêtre devaient être dénon-
cés au tribunal criminel et punis avec une sévérité exemplaire, ajou-
taient les membres du directoire après les avoir énumérés. C'était
aussi un devoir pressant d'éviter les troubles que le sieur Barnaz
pourrait exciter dans le canton, de délivrer la malheureuse paroisse
de Toranne d'un réfractaire aussi dangereux. De tels considérants
devaient naturellement être suivis d'un arrêt des plus terribles.
Le voici :
Article I". — « Il est enjoint au sieur Barnaz, curé de Torannes,
de sortir de sa cure dans les vingt-quatre heures, et du canton où
elle est située, dans le délai de trois jours ; passé lesquels délais,
les municipalités de Torannes et de St-Michel-les-Portes seront
tenues d'employer la force publique pour l'expulsion de sa cure et
successivement du canton.
84 LE TRIÈVES PENDANT
Article II. — II sera adressé à M. l'Evèque du département un
extrait du présent arrêté, avec prière d'envoyer sur le champ dans la
dite paroisse de Torannes un desservant, qui sera payé en conformité
de l'arrêté du directoire du 21 avril dernier.
Article III. — Le sieur Barnaz sera dénoncé au directoire du juré
d'accusation près le tribunal du district de Grenoble pour être pour-
suivi selon la rigueur des lois, et à cet effet, il lui sera aussi adressé
un extrait du présent arrêté avec toutes les pièces ci-dessus visées.
Article IV. — Il sera encore adressé un extrait du présent arrêté
au directoire du district de Grenoble qui sera tenu de veiller à son
exécution, et de faire parvenir de pareils extraits aux municipalités
de St-Michel-Ies-Portes et de Torannes, pour qu'elles puissent de
leur côté le mettre à exécution (i). »
M. Barnaz prit la fuite ; mais il fut arrêté et incarcéré à Die. Le soir
même de son arrestation, il put s'évader en laissant son porte-man-
teau entre les mains du geôlier et revint à Toranne, où une fille,
morte en odeur de sainteté, le cacha et en prit soin pendant plusieurs
mois {2). Pour se conformer à l'article V de la loi des 29 et 30 ven-
démiaire an I , il se rendit auprès de l'administration départemen-
tale, qui le fit déporter à l'île d'Oléron. Pendant sa captivité, il écrivit
un petit ouvrage de piété et, lorsque la liberté lui eut été rendue il
fut nommé curé de Roissard, où il est mort (3).
La déclaration suivante, faite devant le maire de St-Maurice, va
nous apprendre combien les idées révolutionnaires avaient égaré les
esprits de cette paroisse, et de quelles indignités elles rendent capa-
bles ceux dont-elles se sont emparés.
« Du 9 juillet 1792, sur les huit heures du matin, au bourg de
Lalley, par devant Nous, maire de la municipalité de St-Maurice
de Lalley, est comparu sieur Jean-Antoine Oddoz-Berthon, citoyen
résidant au Serre, hameau de Saint-Maurice, lequel a demandé à
transcrire sur le registre de la municipalité le verbal fait samedi der-
nier, 7 du présent ; ce qui lui a été accordé, et la transcription a été
faite comme il suit :
f< Du sept juillet mil sept cent quatre-vingt-douze, sur environ
midi, dans la maison du sieur Ville, maitre en chirurgie, je soussi-
gné Jean-Antoine Oddoz-Berthon, en présence de M. Etienne Pellat,
(i) Saint-Michel-lcs-Portes.
(2) Réponses aux questions de l'Ordo de i8~f7-
(3) Ibidem et témoignage d'un ancien curé de St-Michel-lcs-Portes (M. Rippcit).
LA GRANDE RÉVOLUTION. 85
notaire et maire de Saint-Maurice, de sieur Audemard, prêtre desser-
vant la succursale de Lalley, de sieur Jacques Pellat, juge de paix
du canton de St-Martin-de-Clelles, et autres citoyens, je déclare
qu'ayant eu le malheur de perdre ma mère le jour d'hier, sur envi-
ron huit ou neuf heures du matin, je suis allé en droiture chez le
sieur Dunière, où loge le sieur Fauchet, curé constitutionnel de
St-Maurice, et m'adressant au sieur Dunière je luy ai demandé de
me faire parler au sieur curé, auquel je voulais demander son heure
pour l'enterrement. Il m'a été répondu que le sieur Fauchet était
absent depuis dimanche et avait dit en partant que, s'il se présen-
tait quelque fonction à faire pendant son absence, il fallait s'adresser
au sieur Pupin, curé du Monêtier. A quoi je répliquai que, puisqu'il
y avait un fonctionnaire dans la paroisse, je n'irais pas chercher un
curé étranger. De ce moment je fus inviter le sieur Audemard, des-
servant de Lalley, à venir faire l'enterrement. Après la promesse du
dit sieur, je fis transporter le corps mort à St-.Maurice, sur environ
neuf heures et demie, à l'entrée du village, auprès de la croix, ainsi
qu'il est d'usage de faire pour les défunts du Serre et des Bailes. Je
me suis ensuite acheminé pour voir si M. Audemard était arrivé.
Après avoir traversé le pont du ruisseau de St-.Maurice, j'ai fait ren-
contre du sieur Dunière, qui m'a dit de prendre garde, que quelque
chose de fâcheux allait arriver et que tout Saint-Maurice s'assem-
blait, et de suite il a couru chez le sieur Albert officier municipal, qui
s'est mis à la tête d'un attroupement d'environ cinquante hommes
ou femmes. Ce que voyant, je suis entré chez le sieur Ville, où
est aussi venu le sieur Albert, qui a dit d'aller chercher tout autre
prêtre que le sieur Audemard, dont on ne voulait à aucun prix, sans
quoy il y aurait tapage.
« Craignant du danger pour M. Audemard, venu à l'heure dite,
et pour ma personne, et aussi pour éviter de troubler la tranquillité
publique, j'écrivis la lettre suivante au sieur Pellat maire : « Au
moment où j'arrivais pour l'enterrement de ma mère, j'ai vu tous les
habitants s'attrouper pour empêcher M. Audemard de procéder à
cette triste cérémonie, en disant qu'il ne peut faire aucune fonction,
puisqu'il n'a pas prêté le serment. Veuillez vous rendre de suite à
Saint-Maurice pour voirie parti qu'il faudra prendre. Signé Ber-
thon, »
A. LAGIER.
(La suite au prochain numéro).
MÉLANGES
M. le comte Riant, membre de l'Institut et secrétaire de la Société
de l'Orient latin, a bien voulu fious communiquer et nous autoriser
à reproduire la description d'une plaquette rarissime qui/ait partie de
sa belle bibliothèque (cf. Bull., /. /F, p. 68).
(( Sensuyt vne deuote médita^ | tion sur la mort et passion de
no= I stre saulueur et rédempteur Jesu | christ. Auec les mesures
mises de | place en place: ou nostre seigneur | a souffert pour nous.
Et le voya | ge : et oraisons du mont de Cal= | uaire. Et aussi vne
méditation | pour lespasse dune basse messe.
S. /. n. d. [75/6], in-i2 de 28 (f. chiffrés, sign. a-d, chaque
f. de j'2 longues lignes à la pctge, qui est encadrée de rouge avec
titres courants.
Nombreux bois dans le texte, dont deux grands assez bons.
F. I ^. Titre encadré, avec une marque représentant un cygne cou-
ché dans des roseaux au bord d'un lac de montagne, le cou enroulé
autour d'une croix processionnelle.
F. I ^. Méditation sur la passion.
[8 méditations (accompagnées chacune d'une oraison) pour tous les
jours de la Semaine-Sainte , y compris Pâques.]
F. ly ''. Oraison de sainte Syre, en vers de huit syllabes.
F. ly b. [Antiphona et orationes] de S. Syria.
F. 14 ^. Le voyage et oraisons du mont de | Caluaire des Ro-
mans I EN DaULPHINÉ.
[A chaque station, une explication en prose et une oraison ; quelques
cantiques en vers.]
Le prologue, qui occupe les ff. i.if ''-22 '', se termine ( f. 75: ^, /. 6
en rem.) par le récit suivant :
Et pour ce que la ville de Romans en Daul | phinc ou dio-
cèse de Uienne est tant pour la situa | tion que qualité et forme fort
semblable a la sa= | incte cite de Ilierusalem en laquelle tous les
mi= I stères de la passion de Jesuchrist furentz et accom= | plis :
MÉLANGES. 87
comme il a este certifie par reuerend père | (/. /5' '') frère Ange de
linx natif de Beauluais en Picar= | die : et frère Laure72S morelH de
sainct Jehan de mo | rienne en Sauaye, de lordre sainct Fra?zcoys,
et do I cteurs en théologie lesquelz ont faict demoura7zce | en Hieru-
salem au mont de Syon ou est le dit con= | uent de sainct Fran-
coys, par lespace de sept ans ou | enuiron. Lesquelz ont este enuoye
par deçà autres= | chrestien roy de France, pour certains affaire de
I la samcte chrestiente. Lesquelz frères Ange de linx | et Laurens
moreUi : ont ouy la renommée du simu ! lachre ou effigie du sainct
mont de Caluaire, de sio/î | érige et construict hors et au près de la-
dicte ville de | Romans, sont venuz visiter de cest année présente |
que Ion compte mil cinq cens et seize et au moys de | Aoust, les-
dictz mont e/ ville de Romans. Et auoir | veue et visitée ladicte ville,
et les lieux a elle adia | cens, on dit et presche en la charité de vé-
rité, ladicte I ville de Romans estre semblable a la saincte cite de |
Hierusalem plus que nulle aultre ou ilz ayent este : | ne que ilz sai-
chent. Mesmement plusieurs aultres | notables personnes qui ont
visite ladicte ville de | Romans : lesquelz par auant auoient visite
Hieru- | salem. A ceste cause on a commence de ériger cha | pelles
et oratoires en ladicte ville de Romans : en re | menbrance et com-
memoration desdictz mystères de ] la passion de nostre seigneur
Jesuchrist, en la forme | et manière que sera après declaire. Or est
il ainsi qwe | nous ne pouons tous aller visiter la saincte cite de |
Hierusalem, tant pour la distance dicelle : comme | pour les perilz
maritains et terriens qui y sont. | Et sil est ainsi que les enfans Dis-
rael lesquelz estoient | soubz lumbre de la loy, alloient souuent et
frequen | {/. 76 «) talent les liulx qne nostre seigneur leur avoit es-
leuz I pour ladorer : et illec le prier : nous doncques vrays | crestiens
qui sommes soubz la loy euangelique, | et a qui dieu a monstre sa
grant bonté, bénigne, et 1 grâce, sommes tenuz par plus forte rai-
son visiter | et honorer les lieux de deuotion, ausquebz icelluy | vray
dieu est adore et venere, en cogitaut et contem | plant par feruente
deuotion, les douleprs angois | ses et tourmens, que nostre seignear
dieu Jesuchrist | a endure et souffert pour nous. ([ Donc tout bon |
chrestien et chrestienne qui aura désir de sauluer son [ ame et de
bonne voulente et dévotion vouldra visi | ter et auoir cognoissance
desdictes peines : traualx, | et tourmens que nostre seigneur Jesu-
christ a endu- | re pour nous : il fauldra suyure les lieux, oratoi= |
res : et chapelles cy après declairees.
MELANGES.
['j" station^ F. i8 ^. ([ En après on viendra a loratoire dedans leglise
I ou repose le corps de monseigneur sainct Bernard | représentant
la maison de pylate : ou Jésus fut in=terrogue, e dira Ion loraison
qui sensuyt.
[//' st.ition'] F. 2 1 '''. ([ Ce faict fault se transporter en la chapelle
du I sainct sepulchre située au plus près du dit | lieu de pleurs lequel
sepulchre est de i la haulteur, longueur: et largeur de (y. 21 ^') celuy
de Hierusalem mesmeme72t y sont les frères | de lordre sainct Fran-
coys situez : ainsi que audict [ lieu de Hierusalem ; et diralen lorai-
son que sensuyt.
[Grand bois représentant la Descente de croix.]
F. 22 ^. Chant royal des sept vertus Notre-Dame.
[6 strophes à refrain en vers de 10 pieds.]
F. 2^ «. (^ Ce sons les . lxxii . noms de la glorieuse vierge |
Marie : et les donna vng euesque dune cite nom= | mee Esclauon-
nie : et lui dist que, quiconques les | reciteroit deuotement cliascun
iour de Samedy : | auec sept fois Aue Maria deuant son imaige,
elle I s'apparoistra a luy visiblement deuant la mort et | lui fera auoir
le royaulme de son fîlz.
F. 2^ ^. Grand bois représentant l' Annonciation^ occupant toute la
page.
F. 2^ «. Méditation pour lespace dune messe.
F. 2^ <i. Les allumettes pour nous spirituellement | allumer
ET ENFLAMBER au FEU DAMOUR DIUIN.
[7 oraisons pour chaque jour de la semaine.]
F, 28 a. Oraison tresdeuote a dieu le père | le filz et le be-
NOIST I SAINCT ESPERIT.
F. 28 b. Finis.
HISTOIRE RELIGIEUSE
DU
CANTON DE UCHAPELLE-EN-eCORS
(DROME).
(Suite).
CHAPITRE DEUXIEME
LA CHAPELLE-EN-VERCORS
1.
BENEFICE.
Cette paroisse fut sans doute fondée aussi tôt que les autres de la
région ; mais nous ne savons qui en eut le bénéfice aux XII"-' et
XII^ siècles. En tout cas, on n'y trouve au XIV^ et aux suivants ni
prieur proprement dit, ni colonie religieuse, mais seulement un curé
ou chapelain [capellanus). C'est tout ce qu'y signale un pouillé rédigé
vers 1375.
L'évèque de Die était collateur de la cure et percevait sur elle une
pension annuelle et perpétuelle de 6 livres de cire. Cette pension fut
reconnue le 31 mai 1403, au profit de Jean de Poitiers, devant
Faure notaire, par M*" Jean Arier curé; le 22 juillet 15 12, au profit
de Gaspard de Tournon, devant Agrivol, notaire, par M" Jean Rey-
naud, curé du lieu ; le 6 mai 1688, devant Brunet notaire à Die,
Bull. VIII, 1888. 7
90 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON'
par -M" Dimonier ; et le 14 juillet 1735, devant Lamorte notaire, au
profit de Daniel-Joseph de Cosnac, par M" Colas. Enfin, M' Desan-
drés, curé, renouvelant ces reconnaissances, le 14 décembre 1758,
déclarait la pension payable à chaque fête de saint Luc.
Le prélat jouissait encore à la Chapelle de la moitié de la dime,
qu'on levait à la côte 16^ pour les grains et à la 12* pour les
agneaux. Ainsi, en 1561, Michel Lamit, notaire, et Michel Girin,
dudit lieu, « subrantiers des dismes de Vercors pour le seigneur
évesque de Dye et Vallence, » recevaient de Bernard Terrier, du
même lieu, 4 sétiers froment et 3 sétiers 3 quartaux seigle « me-
sure de Vercors ; et c'était « pour la paye » dune année « du disme
de la pée de la Rivière, » quartier de la Chapelle, que Terrier avait
« subrantée » desd. Lamit et Girin. En 1593, noble Just Dubayle,
segneur de Lambres, ■> comme agent de « Monsegneur de Balany, »
représentant lui-même l'évêque, arrentait pour lad. année « les dis-
mes du plan de la Chapelle, » au prix de 28 sétiers moitié froment
et moitié seigle, et de la moitié des pailles ; « ceulx de Laucense et
Jarjatte » au prix de 21 sétiers moitié froment et moitié seigle ;
et « ceulx de la Bernardière, Rivière et Algoyre, » au prix de 16
sétiers « moytié froment et segle. » En 1644 et en 1658, la moitié de
dîme du prélat lui rapportait annuellement 160 sétiers de blé (i).
Le curé avait l'autre moitié des dîmes, quelques dîmes spéciales
en entier, quelques censés directes, des fonds et son casuel.
Ces dîmes spéciales, des navales peut-être, valaient 550 livres en
en 1728.
Le 4 mai 1540, Louis Reynard, curé de la Chapelle, dénombrant
devant le visénéchal de Crest, déclare posséder à cause de sa cure,
« en censés directes, 20 sols, 7 deniers, 3 émines seigle, 6 coupes
froment mesure de Vercors, et i poule. » En 155 1, il y avait près du
bourg de la Chapelle une maison et un jardin dont le curé était
seigneur direct. En 1728, le petit terrier de la cure montait à un re-
venu annuel de i sétier 1/2 seigle, i quarte froment, 6 poules et 12
livres d'argent, soit de 28 livres en tout. En 1773, le curé arrentait
à Billerey notaire « les censés et pensions relevant » de son « ter-
rier, » avec pouvoir aud. Billerey de les exiger « de tous les rede-
(i) Arch. de la Drônie, fonds de l'Ev. de Die, passim ; — Minutes de M' Bel-
lier, notaire à Saint-Martin-en-Vercors, protoc. de Jan Chalvet, reg. coté 71° ^y,
f° xlvij; protoc. de P. Chalvet, reg. coté n° 6], i° Ixvij-viij ; protoc. Billerey, reg.
de 1755-9, f" 408; — Ui,. CiiKVAi.iKR, Polypt. Diens.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS, 9I
vables, » ainsi que les lods dus à raison des ventes, même les cen-
sés, pensions et lods arriérés ; et ce, pour 6 ans, à 24 livres par an
pour les pensions et censés à courir pour lesdits 6 ans, et moyen-
nant les deux tiers des lods et des arrérages des censés, pensions et
lods, l'autre tiers restant à Billerey.
Parmi les fonds de la cure, il y avait en 1550 et en 1594 une terre
au Martoret, en 1 551 le « jardin de la cure » au bourg de la Cha-
pelle et un pré de lad. cure près de ce bourg. En 1644, les prés et
terres produisaient environ 40 écus. En 1728, les deux prés et les
deux terres labourables étaient affermés 228 livres par an ; en 1748
ils l'étaient 250 livres.
Le casuel était de 100 livres en 1678, de 120 en 1704, et de 150 en
1728.
On voit que le revenu de la cure était considérable. Aussi l'inten-
dant Bouchu, dans son Mémoire sur la généralité de Grenoble, si-
gnalait-il en 1698 la cure de la Chapelle-en-Vercors comme la meil-
leure du diocèse de Die et comme rapportant plus de 1,100 livres.
Un rapport de 1704 évalue même son i"evenu annuel pour les seuls
dîmes et fonds à 1,200 livres. En y ajoutant 120 livres de casuel et
28 de terrier, on arrive à 1,348 livres.
Mais les revenus de l'évêque et du curé étaient fort réduits par les
charges. L'évêque dut la décime papale, sa part de la 24^ des pau-
vres et de contribution aux édifices religieux et au mobilier de
l'église, et l'impôt des décimes.
Le curé dut aussi la décime papale, montant pour lui vers 1375 à
13 livres 10 sols et en 15 16 à 16 florins, puis sa part de la 24' des
pauvres. Il devait à l'évêque la pension annuelle de 6 livres de cire
et la procuration ou droit pour visite annuelle ; ce dernier, pour la
Chapelle, était de 4 florins en 14 15 et en 145 1. Il dut payer la pen-
sion de son vicaire, s'élevant à 150 livres en 1728 ; l'impôt des déci-
mes qui montait pour lui à 58 florins 8 sous en 1570, et à 265 livres
10 sols en 1728 ; sa part d'entretien du presbytère ou chœur de
l'église, et des ornements et vases sacrés, soit une moyenne de 20
livres par an ; les travaux, culture, réparations et entretien des biens
fonds, et les gages de valet et de servante évalués ensemble à 50
livres en 1728 (i).
(i) Arch. cit., fonds cit. et Invent, de la Chambre des Comptes ; — Minutes cit.^
passim; — Chevalier, Polypt. cit., n" 147 ; — Brun-Durand, Le Daiiphiné en
i6g8, p. I 79.
92 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
II. — ÉGLISE PAROISSIALE ET CURÉS.
Au XI^ siècle et même plus lard, le droit du plus fort régna à peu
près en maître dans nos contrées. Aussi y trouvait-on autant de sou-
verains que de seigneurs réunissant sous leur bannière et autour de
leur demeure un certain nombre de vassaux. De là, un perpétuel
danger de se voir assailli à l'improviste par un audacieux voisin.
Par suite, nécessité pour tout seigneur de s'établir sur un point fa-
cile à défendre, de s'y entourer de remparts, de s'y construire une
vraie forteresse ; nécessité souvent pour ses vassaux de fixer leur
demeure auprès de la forteresse seigneuriale.
Cependant, même à cette époque, des églises et d'autres édifices
religieux furent contruits loin de toute fortification. Leur caractère
sacré et pacifique, les lois protectrices de l'Eglise, diverses circons-
tances favorables, en furent souvent une sauvegarde suffisante.
Bien plus, la nécessité d'exploiter les terres, le commerce et l'in-
dustrie, divers besoins individuels et sociaux, amenèrent aussi à
construire des maisons particulières, soit autour de ces églises, soit
ailleurs, en dehors de toute forteresse.
Tel fut précisément le cas de la localité dont nous parlons.
Il y fallait pne forteresse. On la construisit sur la crête d'une élé-
vation rocheuse inclinée au sud et au sud-est, et formant une saillie
d'environ 80 mètres au milieu du plateau principal du territoire.
Cette forteresse ou bâtie (bastida) eut bientôt à ses pieds, au midi,
un village composé de 40 à 50 maisons particulières, à peine sépa-
rées les unes des autres par d'étroites ruelles. Ce village, couvrant
la partie haute de la pente, était ceint de remparts faisant corps au
nord avec la forteresse. On y arrivait par un chemin gravissant le
flanc oriental du monticule, côté où se trouvait par conséquent un
portail ouvert dans le rempart. Bref, il y avait là un de ces bourgs
ou villages fermés que les tabellions du moyen-âge appellent du nom
de castriim. Il commandait le passage entre Rousset et la partie sud-
ouest du 'Vercors, entre Ravel (ou St-Julien) et Vassieux.
Cette forteresse avec ses dépendances fut adjugée à l'évéque de
Die contre le Dauphin, par un traité de 1253 qui l'appelle la Bâtie
de l'Orme. Elle est ensuite appelée la Bâtie de la Montagne vers
1276, la Bâtie des monts de Vernaison ou simplement la Bâtie dans
des actes de 1313 et 1 317, et /a Bâtie de Vercors en 1329, en 1344
et plus tard.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCOKS. 93
Ce n'est pas ici le lieu d'indiquer les événements dont cette forte-
resse et le village groupé à ses pieds furent l'objet ou le théâtre.
Il suffit, pour notre sujet, d'ajouter qu'au milieu du XVI*" siècle, en
1550 et en 1551, ils étaient encore habités, et qu'en 1569 le notaire
Chalvet faisait des actes « dans le chasteau de la Bastie de Vercors
et dans la maison de » lui « dit notaire (r). »
Mais, de bonne heure, à envion 900 pas et au couchant du rocher
de la Bâtie, en un des points voisins les mieux exposés, on avait
construit une chapelle. Celle-ci servit naturellement à désigner le
lieu où elle s'élevait. Le nom de la Chapelle devint même propre au
monument et à ce lieu Bien plus, il passa de ce dernier à toute la
circonscription paroissiale, quand la chapelle, devenue centre parois-
sial, eut pris le nom et le titre d'église. Cette transformation et cette
dénomination, que nous croyons remonter au moins à la fin du XP
siècle, sont certainement antérieures au milieu du Xllb'. Car, si le
traité du 16 octobre 1253 entre l'évêque de Die et le dauphin appelle
du nom de la Bâtie de l'Orme la forteresse du lieu et les maisons ou
territoire en dépendant féodalement (2), d'autre part un acte du
même temps appelle du nom de la Chapelle l'église et les maisons
ou territoire en dépendant paroissialement. En effet, un état des
revenus de l'évêché de Die rédigé en langue vulgaire par Pierre
Sibletz, courrier d'Amédéede Genève, évêque de Die de 1250 à 1276,
nous apprend que « Peires de Nosec vende a mosegnor Ameeus,
evesque de Dia, tôt so que avia le ditz Peires en la Bastia de la
montagna e dens lo champ de la glesa de la Chapella de la monta-
gna, to so que avia ves la Bastia (3). » L'église de la Chapelle de la
montagne, dans le langage du XIIP siècle, n'était autre chose que
l'église de la Chapelle-en-Vercors.
Après cela, la Bâtie reparait bientôt comme chef-lieu du mande-
ment dans des actes concernant ce dernier; mais, sauf la mention
du curé du lieu dans le rôle de la décime papale vers 1375, ce n'est
qu'en 1399, qu'il est de nouveau question de la Chapelle et de son
église. Heureusement l'acte de 1399 nous donne plusieurs renseigne-
ments sur la paroisse. Nous en avons déjà relevé quelques-uns plus
haut, à propos des revenus que le prieuré de St-Jean avait au
(i) Minutes cit. protoc. de Lamit et de Jan Chalvet.
(2) CoLUMBi, De rébus gestis episc. V»l. et Diens., Lugduni, i6j8, p. io8-g;
Idem, Lugduni, 1652 p. 126-7.
(3) Biblioth. de la ville de Nîmes, mss. n° 154, cahier parch., fol. 32 v°.
94 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
Vercors. Nous y voyons de plus qu'auprès de Véglise de la paroisse
de la Chapelle de Vercors existait la. maison de la confrérie du Saint-
Esprit dudit lieu de la Chapelle de Vercors, maison où instrumenta le
notaire recevant l'acte (i). Il devait y avoir aussi là une maison ser-
vant à loger le curé, et le cimetière y environnait certainement déjà
l'église.
On pourrait nous objecter ici que plusieurs fois les curés et la
paroisse sont attribués à la Bâtie. Ainsi, c'est le curé de la Bâtie de
Vercors qui est imposé pour la décime papale vers 1375 et pour la
procuration en 1449, 1450 et 1451 {2). Bien plus, le 6 février 1514,
Robert Romey, notaire de la Bâtie de Vercors, voulant honorer Dieu
et la Sainte-Vierge, donne à chacun des couvents de St-François et
de St-Dominique de Die une rente perpétuelle de 2 quartaux de blé,
afin que chaque année, le jour de la St-Robert, on célèbre pour lui
une messe dans ces deux couvents. Les 2 quartaux de blé seront remis
aux frères quêteurs quand ils feront leur tournée dans le Vercors.
De plus, il veut qu'à chacun des frères quêteurs on donne 5 liards
petite monnaie, afin qu'ils célèbrent pour lui une messe à la Bâtie. Il
stipule ensuite que ses héritiers feront ce jour-là dîner les religieux
qui auront ainsi prié pour lui (3). L'objection est assez grave et les
expressions curé de la Bâtie et célébration à la Bâtie nous avaient
amené nous-même à dire, dans un travail précédent (4), que l'église
paroissiale avait d'abord été à la Bâtie. Mais un examen plus
attentif des textes (5) et la découverte d'un titre très-explicite, celui
du Xlll'' siècle cité ci-dessus, nous ont convaincu que le chef-lieu
(i) Arch. Dr., fonds de St-Jean-en-R., orig. parch.
(2) Arch. cit., Ev. de Die; — Ul. Chevalier, Polypt. cit ; — Brun-Durand,
Pouillé hist. de Die, p. 38.
(3) Arch. cit., fonds des Dominicains de Die.
(4) Bull, de la Soc, d'archéol. de la Dr., XVIII, 169 ; XIX, 83. — Essai histor.
sur le Vercors, pp. 45-6 et 104.
(5) Outre que la plupart des actes, entre autres les rôles de procuration de 14 15
et de 14 19, portent cwrc delà Chapelle, celui de 1399, après avoir dit une fois en
commençant paroisse de la Bâtie, dit deux fois église de la Chapelle et jusqu'à près
de vingt fois paroisse de la Chapelle. Un acte du 29 janvier 1447, où il est ques-
tion d'un Durand Poudrel, dit qu'il était de la paroisse de la Chapelle, mandement
delà Bâtie de Vercors. Un document rédigé vers 1475 met Bâtie de Vercors quand
il s'agit de la châtellenie, et Chapelle de Vercors en deux endroits où il s'agit de
la cure. Un acte de i 5 i i dit que Michel Arier était de la paroisse de Sainte-Marie
de la Chapelle. (Arch. de la Dr., pouillés de Die, et E, 2120 et 2346).
N'oublions pas qu'aucune trace d'église n'a été signalée à la Bâtie.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 95
paroissial était à la Chapelle dès le XIII" siècle même. Du reste, il
était si facile de prendre l'un pour l'autre deux noms attachés à une
même localité ! Cette confusion était si inoffensive !
Mais passons à des faits auxquels leur caractère fâcheux ne donne
que trop d'intérêt.
Pendant que la Chapelle et les autres paroisses du Vercors ser-
vaient Dieu en paix, les sectaires Vaudois déchiraient cruellement
en plusieurs localités le sein de l'Eglise leur mère. Les diocèses de
Die et de Valence ne furent pas exempts des maux causés par ces
précurseurs de l'hérésie luthérienne. On sait que beaucoup d'entre
eux, aux XIV" et XV"" siècles, cherchèrent dans les montagnes du
Dauphiné un refuge contre les mesures de rigueur prises à leur
égard. La proximité du Vercors avec les lieux indiqués par les his-
toriens comme ayant servi de repaire à ces funestes sectaires, nous
ferait presque penser que le Vercors lui-même en cacha plusieurs.
Mais le pouvoir temporel qu'y exerçaient les évêques, ennemis nés
du fanatisme et de l'hérésie, ne dut guère encourager les Vaudois à
y chercher un abri, encore moins à y quêter des prosélytes. Et alors
sans doute les habitants du Vercors durent à la protection vigilante
des prélats d'être préservés du contact de la secte, comme ils allaient
leur devoir plus tard, non la préservation, mais la délivrance com-
plète d'un fléau analogue et encore plus terrible, du protestan-
tisme.
Parmi les causes diverses qui attirèrent ce dernier, il faut comp-
ter ces désordres du clergé qui, selon le langage du cardinal Julien,
excitaient déjà au XV* siècle la haine du peuple contre tout l ordre
ecclésiastique. Or, la Chapelle nous présente une lutte à propos de
son bénéfice qui peut bien être mise au nombre de ces désordres.
Après Jean Arier, que nous avons déjà trouvé curé du lieu en
1403, et Etienne Masse, autre curé de la Chapelle-en-Vercors,
qui, le !"■ juillet 1488, figure comme témoin d'un acte fait à la Bâtie
et en compagnie de Jean Breyton, son vicaire (i), la cure de Notre-
Dame de la Chapelle avait été donnée à Jean Reynard. Celui-ci est
le célèbre dominicain de ce nom, dont un auteur a fait léloge sui-
vant : « Il s'élevait comme un aigle royal au plus haut des cieux par
la contemplation des vérités divines, les communiquait ensuite avec
une force, une grâce, une onction et une éloquence qui l'ont rendu
comparable aux prédicateurs les plus apostoliques de l'Ordre. »
(i) Arch. cit., fonds du Vercors, orig., et E, 2346.
gà HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
La nomination d'un religieux de si haut mérite était honorable
pour la paroisse ; mais elle n'avait pas l'heur de convenir à tout
le monde. Jean de Beauchastel, chanoine de Valence et de Die, sa-
cristain de Valence et vicaire général pour le spirituel du diocèse de
Die pour Urbain de .Miolan élu et confirmé évèque de Valence et de
Die, spécialement député par ce prélat, fit un autre choix. Par lettres
de collation et de provision du i"'" juillet 1505, il donna l'archiprêtré
de Crest et la cure de l'église paroissiale de la Chapelle de Vercors,
titres annexés ensemble, à noble Pierre de Primeley, bachelier en
droit canon et civil, protonotaire du Saint-Siège apostolique et prieur
de Saint-Nicolas d'Alneu, diocèse de Chartres. Le surlendemain,
le nouveau titulaire était à la Chapelle avec TauUier, notaire de
Valence, et des témoins ; il voulait être mis en possession de son
nouveau bénéfice. Mais il y trouvait Louis Reynard, prêtre, qui se
présentait comme procureur fondé de son frère, frère Jean Reynard.
Louis « y tenait un certain nombre d'hommes armés, munis d'ar-
mes défensives. » Pierre de Primeley dit à Louis et aux autres hom-
mes armés de lui laisser prendre possession de son bénéfice et de
ses fruits, choses annexées et connexes, ainsi que de ses droits.
Mais Louis Reynard et les autres hommes armés différèrent et
même refusèrent totalement. Voyant cela, Pierre de Primeley pré-
senta ses titres au notaire Taullier, et en vertu de leur contenu, le
requit d'avoir à le mettre réellement, actuellement et corporellement
en ladite possession. Le notaire y fut tout disposé. A cause de ce
que dessus, ne pouvant faire autrement la mise en possession, il
prit Pierre par la main droite, et le mit en possession réelle, actuelle
et corporelle de l'archiprêtré de Crest et de la cure ou église parois-
siale de Notre-Dame de la Chapelle de Vercors annexés ensemble,
et de tous leurs droits et appartenances, par le regard de l'église,
du clocher et de la maison de ladite paroisse de la Chapelle, et par
quelques pas faits dans son cimetière. Acte de tout fut dressé par ce
notaire, devant la grande porte de ladite église de Notre-Dame de la
Chapelle et audit cimetière, en présence de messires Claude Berton
et Jean Breton, prêtres, Jean Odicr, hôte du lieu, Jean Jasselme,
de la paroisse de Saint-Véran-en-Royans, et Pierre Bigot, du dio-
cèse de Tours (i).
11 y avait donc conflit ; et ce conflit était l'effet d'un autre plus
grave et plus fâcheux encore, du conflit alors existant entre Char-
Ci j Arcli . de la Drôm , K, 2557, i"'' carlon, f" 200 du rcg.
DE LA CHAPELLE~EN-VERCORS. 97
les de Tournon et Urbain de Miolan, prétendant tous deux aux
évêchés de Valence et de Die (i). Jean Reynard était l'homme de
Charles de Tournon, tandis que Pierre de Primeley était celui
d'Urbain de Miolan.
Mais lequel de nos deux curés eut gain de cause ? Nous avons un
document qui devrait, ce semble, nous l'apprendre. C'est le procès-
verbal de l'ordonnance épiscopale, faite par Gaspard de Tournon
dans la visite canonique qu'il fit, le i6 septembre 1509, en l'église
paroisiale de Ste -Marie de la Chapelle de Vercors. Ce document con-
tient diverses indications et prescriptions concernant l'église. On y
voit que l'église est à la collation de l'évêque. On y trouve l'ordre'
par celui-ci, d'envelopper le Corps sacré du Seigneur de corporaux
propres, de nettoyer le vase du St-Chrême et celui où on porte la
Sainte Eucharistie le jour du Corps du Christ ; de purifier et munir
de corporaux le vase pour porter le saint corps du Seigneur aux
infirmes ; de refaire le pied du calice et d'en raffermir la coupe, d'ici
à la fête de Pâques ; de réparer l'encensoir ou d'en acheter un neuf;
de réparer la vitre du sanctuaire ; d'en placer immédiatement une à
la petite fenêtre en dehors du sanctuaire, et deux au pied de la nef
où sont les fenêtres ; de placer le crucifix ailleurs et plus près de
l'autel de la tribune ; de faire deux fenêtres autour de l'autel de la
tribune, pour que les paroissiens en puissent voir le saint Corps du
Seigneur, si cela se peut, d'après l'ouvrier, sans dommage pour
l'église. Enfin on a mis, puis immédiatement rayé, une note attestant
qu'il avait été prescrit au vicaire du lieu de sonner tous les jours, à
midi et à la nuit, VAve Maria, pour plus grande dévotion du peu-
ple (2). Mais, ni ce vicaire, qui n'était autre que le prêtre chargé du
service paroissial et appelé communément curé, ni le curé titulaire,
qui était apparemment absent du pays et résidant ailleurs, ne sont
nommés dans le procès-verbal. On peut, il est vrai, aisément penser
qu'Urbain de Miolan ayant bientôt laissé Gaspard de Tournon pa-
cifique possesseur des évêchés, Pierre de Primeley laissa de son
côté Jean Reynard en possession de la cure de la Chapelle. Et, en
effet, ce même Jean Reynard, qui en 1509 était professeur d'Ecriture-
Sainte, et que Gaspard de Tournon, « pour se mieux prévaloir de
son zèle et de ses beaux talents, fit son grand-vicaire, » reconnais-
sait comme curé de la Chapelle la pension de sa cure à l'évêque, le
(i) Hauréau, Gallia Christ., XVI, col. 331 ; — Arch. cit., E, 2557-8.
(2) Arch. cit., fonds de l'Ev. de Die, reg. orig.
çS HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
22 juillet 15 12. Au surplus, après avoir rendu des services considé-
rables à nos diocèses de Die et de Valence, Jean Reynard « mourut
plein de mérites, de réputation et de gloire, « vers cette même an-
née 15 12, et « un sien neveu, religieux du même Ordre, fit impri-
mer deux de ses Carêmes : l'un De Peregratione, l'autre De Infirmi-
tatibus generis humatii. Enfin, Louis Reynard, peut-être le même
que le prêtre de ce nom qui l'avait suppléé à la Chapelle en 1505,
dénombrait comme curé de ce lieu, le -i avril 1540, devant le viséné-
chal de Crest, ainsi que nous l'avons déjà dit (i).
Ce dernier curé dut entrevoir le fléau dont il a été question. L'in-
cendie allumé en Allemagne par la révolte de Luther avait déjà porté
des fruits de mort avant 1546, année où mourut cet hérésiarque.
Propagé en France avec une effroyable rapidité, le mal sévit avec un
acharnement particulier dans le Dauphiné, où dès 1560 commence
une ère de guerres à la fois civiles et religieuses, de désastres aussi
horribles qu'interminables.
Mais venons-en tout de suite à ce qui touche de plus près à la
Chapelle.
Vers mai 1562,1a ville de Die, effrayée des menaces des chefs
protestants et entraînée par des hommes passionnés, se faisait pro-
testante en masse. Le couvent des Dominicains y était démoli jus-
qu'aux fondements et tous leurs titres brûlés. Les Cordeliers n'y
furent pas mieux traités. Plusieurs religieux furent jetés dans un
puits, où leurs ossements sont restés plus d'un siècle ; d'autres trou-
vèrent le martyre en d'autres supplices ; ceux qui purent s'échapper
se réfugièrent en divers lieux, notamment « dans la vallée de
Vercors. » La présence de ces réfugiés au Vercors « était attestée,
(' dit M. Long, par leurs noms inscrits aux registres des naissances
« et des décès du village de Vassieux (2). »
Il faut bénir Dieu de l'abri qu'il donna dans le Vercors à de saints
religieux. Mais il n'est malheureusement pas possible de suivre
l'historien que nous venons de citer, quand il ajoute que dans le
Vercors « la religion catholique, quoique entourée de tous côtés par
« les protestants de Trièves et de Quint, s'est toujours conservée
'< intacte ; » que Lesdiguières « trouva peu de partisans dans une
" population très-opposée au protestantisme ; » cjuc celle-ci « a tou-
(i) Arch. et minutes cit. ; — Nadal, Essai sur les orio. monastiques du diocèse
de Val. : Dominicains, p. 44.
(2) Long, La Réforme et les guerres de relig. en Dauph., p. 52 ; — Nadal, Essai
sur les orig. monast. : Franciscains, p. 29; Dominicains, p. .45.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 99
« jours persisté dans la croyance catholique, % et que ce fut par la
terreur seulement que Lesdiguières établit dans la vallée une église
protestante (i). Des renseignements inédits sur cette question qui
nous sont parvenus s'accordent, il est vrai, avec M. Long, à mon-
trer la population du Vercors moins empressée que d'autres à se
jeter dans l'hérésie luthérienne. Mais ils prouvent péremptoirement
que là comme ailleurs un trop grand nombre se laissa entraîner par
les agréments trompeurs, par les facilités que la nouvelle doctrine
offrait au cœur humain ; et que la petite bourgeoisie, encore plus
sensible que les pauvres paysans aux appâts séduisants d'une reli-
gion si commode, ne fut pas la dernière à s'y enrôler. Ils nous
montrent les ruines des édifices religieux, l'épuisement des finances
municipales et la profonde misère des particuliers, fruits de la guerre
dans l'ordre matériel, complétant le sinistre tableau des ravages
de l'hérésie dans les âmes. Qu'on en juge par le récit suivant, appuyé,
pour la plus grande partie du moins, sur des documents originaux,
sur des actes du temps.
Non seulement plusieurs actes de 1551 faits a au bourg de la
Chappelle de Vercors » nous parlent de plusieurs prêtres y vivant
paisiblement vers ce temps, notamment de « M^ Adrian Ravanat,
prebtre habitant de ladite Chappelle ; mais encore, par un acte du
15 novembre 1561, le consul de la Chapelle s'entendait avec ceux
d'autres lieux pour payer « les espens faicts à la venue de monseig.
l'Evesque de Dye et Vallence, » ce qui, aussi bien que la jouissance
déjà constatée de la dimedu lieu en 1561 par ce prélat, prouve l'au-
torité dont celui-ci jouissait encore au Vercors. Il est vrai que la
chose n'a encore rien de surprenant à pareille époque (2).
Ce qui surprend davantage et n'est cependant pas moins certain,
c'est qu'en 1569 le Vercors était encore organisé en paroisses, de fait
comme de droit . Il suffit, pour le prouver , de dire que le 16
juillet de ladite année « Claude Romey, du bourg de la Chappelle
de Vercors, corentier pour la moytié de la cure de la Chappelle, »
sous-arrentait pour 2 ans à Claude Achard « sa part et moytié des
dismes de tous grains de la pée du plan de la Chappelle, » la « pée
des Bernardz » non comprise. Le prix annuel était de 15 sétiers i
émine froment, 15 sétiers i énime seigle et un quartal pois blancs.
Le Vercors était aussi alors pourvu du culte catholique ; car des
(i) Long, op. cit., pp. 52 et 117.
(2) Minutes cit., protoc. Lamit de 1550-1, ci Jean Chalvet de 156 1.
100 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
contrats matrimoninaux des 9 mai et 7 août 1569 portent que les
mariages devaient être célébrés « en face de saincte Mère Eglise, »
c'est-à-dire catholiquement. Et cependant il est d'autres mariages
pour lesquels cette clause est absolument omise. Ainsi des contrats
du 25 avril et du 9 mai 1569 portent simplement que les époux ont
juré de se prendre et espouser pour vrays et légitimes espoux (i) ;
c'est à-dire que, déjà révoltés contre la vraie Eglise, ces futurs
n'avaient pas encore à leur disposition un culte et des ministres
protestants établis.
Mais le pays ne devait pas jouir plus bien longtemps de ce calme
matériel. Après un moment d'effroi causé à ses partisans par la
Saint-Barthélémy, Montbrun sort de sa retraite, ranime le courage
des protestants, appelle aux armes ses anciens compagnons, et com-
mence une nouvelle insurrection. Pendant que Lesdiguières, Mor-
ges et Champollion s'emparent de Mens en Trièves, il prend lui-
même Orpierre et Serres, malgré les efforts du gouverneur de Gap.
Les protestants, étendant leurs progrès du côté de Grenoble, forcent
Vif et son prieuré, puis prennent le Vercors et le château de la
Roche en Gapençais, où Lesdiguières laisse le capitaine Arabin.
Après cela, Montbrun et les siens vont parcourir les Baronnies et le
Valentinois, où, sauf Valence et Romans, les principales places
tombent en leur pouvoir avant octobre 1573. Mais de Gordes, lieu-
tenant du roi en Dauphiné et chef des catholiques, reprend en peu
de temps les conquêtes du protestantisme. Vif, Mens, Saillans,
Chabeuil et d autres places (2); et, pour ôter à ses adversaires l'en-
vie de reprendre le Vercors, il fait démolir le vieux château de la
Bâtie, près de la Chapelle.
Peut-être est-ce à de Gordes et à ces mêmes époque et occasion qu'il
faut rapporter la démolition du fort de Rousset, vers les ruines
duquel on ne trouve plus depuis longtemps en état que l'humble
chapelle de Saint-Alexis.
Le Vercors ne fut pas pour cela à l'abri des incursions, du pillage
et delà guerre. Quoique élevé et montagneux, il dut à sa position
entre Die et Pont-en-Royans, entre le frièves et la plaine du Va-
lentinois, d'être le chemin des bandes guerrières qui en 1573 et 1574
voltigeaient sans cesse d'un point à un autre. En 1574, le capitaine
(i) Minutes cit., protoc. de « Jan Chalvet, » icg. de 1569, passim.
(2) CiiORiER, Hist. gén. du Dauphiné, II, p. 653 ; — Long, La Réforme. . pp.
109-13 ; — Rochas, Biogr. du Dauphiné, I, p. 3-^5.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. lOI
protestant Chabanas obtint de ses chefs « qu'il yroyt chercher de
« contribucions en terre de l'henemi, tant comme il en pourroit
« amasser, sens rendre compte a perssonne, de la Royans au Vilar
« de Lens et ces environs, » par conséquent au Vercors (i) D'ailleurs
la mesure préventive prise par de Gordes en ce qui concernait le
Vercors n'arrêta pas les pi-otestants dans l'envie qu'ils avaient de
s"en emparer de nouveau ; car, quelques mois après, « Lesdiguières
« entra dans le païs de Vercors, où il commença la conqueste qu'il
c en vouloit faire par le dessein de réparer le château de la Bastide,
« que Gordes avoit fait démolir. Mais les capitaines Fontenilles,
a Mestral, Gobcrt et la Cardonnière, s'y étant opposez avec leurs
« compagnies, qui étaient chacune de deux cents hommes, luy firent
« abandonner cette entreprise {2). » Cela se passait en 1574.
Cependant, moins de trois ans après, le Vercors était aux mains
des « ennemys du Roy, » et des soldats de la garnison de Romans
allaient y faire prisonniers jusqu'à des officiers de l'évèque. Ceux-ci
n'étaient ni protestants ni soldats ; mais ils avaient apparemment le
tort, fort grand aux yeux de ces hommes d'armes, de ne pas se
laisser rançonner de bon cœur. C'est ce que nous apprend la lettre
suivante, écrite par l'évèque de Valence et de Die, seigneur du
Vercors, « à Messieurs les Consulz et cappitaines de gents de
« guerre de la ville de Romans, à Romans, » pour réclamer contre
« une incarcération et des violences regrettables :
« Messieurs, j'ay esté presantement adverty que vos soldats
« sont montés lahault en la montagne de Vercors, et, en lieu de
« faire la guerre aulx ennemys du Roy et de se prendre à ceulx qui
« ordinairement portent les armes, ils ont prins M*^ Michel Lamy,
« mon greffier, Claude Romey, lieutenant de mon chastellain, Nico-
« las Argod, mon procureur d'office, Lucat Audeyer et Claude
« Jason, mes officiers et subiects, et qui sont catholicques. Et veult
« croyre que ce a esté à faulte d'estre bien informés de leur estât et
« condition ; que a faict que je vous ay voullu advertir par la pre-
« sente que lesd'^ prisonniers ne peuvent estre prins de bonne
« guerre, attandu qu'ils sont catholicques ; et, sy bien ils habitent
« es lieux occupés par les ennemis, est à leur grand regret et qu'ils
« vouldroyent bien avoir esté mieulx secorus, et ne se trouvans
« chose qui puysse les faire estimer aultres que bons subiects du
(i) Mémoires d'Eustache Piémont ; — Vincent, Lettres histor . sur le Royans,
pp. 68 et 70 ; — Bullet. d'hist. du dioc. de Val,, t. III, p. 171-3.
(2) Chorier, op. cit., II, p. 653.
102 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
« Roy et que par la faulte d'aultruy ils sont tiranisés et en leurs vyes
« et en leurs biens, qui méritent qu'on en aye pitié et commiséra-
« tion. Je ne puys faire de moins que de les advouer pour mes
« officiers et subjets, et les deffandre en leur bonne cause. Je vous
<i prie doncques. Messieurs, me les ranvoyer, par ce présent pour-
« teur ; vous offrant vous faire aultant de plaisir en ce en quoy
« vous me vouldrés employer. Et la où vous ne me vouldriés pourter
« respect ny a la justice, je proteste de ce qui en pourra advenir, et
« que vous mesme pouvés pancer. Vous avisant au surplus, que, sy
« par menasses et force, comme vous avez commancé, vous les
« contraigniez de payer ou d'accorder de la rançon, tout ce que
« vous ferés sera déclaré nul, comme faict par force et violance. Et,
« me recommandant à votre bonne grâce, je prie Dieu,
(( Messieurs, vous donner longue vye. De Vallance, ce XXVII
may 1577. « Votre meilleur voysin et amy,
« Monluc, E. de Valance. Ci) »
Nous ignorons quel accueil fut fait à cette réclamation ; mais on
sait, hélas ! que nos populations continuèrent à être en proie à des
exactions continuelles en argent et en nature, venant de tous partis
et pesant également sur les catholiques et sur les protestants. Au
commencement de 1578, on publie en Dauphiné un ordre royal
prescrivant la cessation des luttes ; mais un certain capitaine Bou-
vier persiste à occuper militairement Pont-en-Royans. « Les habi-
a tants du Pont, catholiques et huguenots, prenant le frain aux
« dents, comme on dit, se bandèrent contre luy et le mirent hors du
« château et de la Corbelle, sans l'offenser, et le prièrent les laisser
« vivre en paix. Sur quoy, il se retira à la Chapelle-de-Vercors,
« parce qu'il ne s'osoit retirer à Romans, d'où il étoit. » {2) Toute-
fois, sa passion pour le bruit et la lutte ne tarda pas à le tirer de la
Chapelle, pour le pousser encore à l'attaque du Pont, qu'il prit facit
lement.
Un instant débarrassé de cet importun capitaine, qui ne lui fu-
certainement pas moins à charge qu'au Pont, le Vercors n'est pas
pour cela désormais sans trouble. En 1579, les prés que l'évêque y
avait passent entre les mains de M'= Charles du Cros, président de
la Chambre de l'Edit, (3) et de 1579 a 1581 le Vercors subit de nou-
(i) Arch. de la Drôme, E. 3669.
(2) Mémoires cit.
(3) Bulletin d'hist. ecclés. des dioc. de Valence...., t. III, p. 11 i.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. IO3
veau les exactions de ces bandes de pillards qui, commandées par
d'Allières, Bouvier et le capitaine Vercors, roulaient successivement
de Die à Pont-en-Royans, et de Pont-en-Royans à Die. (i)
Nous n'avons pas de documents qui nous permettent d'indiquer
avec précision les événements dont le Vercors fut le théâtre pendant
les dix ans suivants. Tout au plus trouve-t-on dans cet intervalle le
contrat de mariage de Claude Chalvet, fils et frère de notaires de la
Chapelle-en-Vercors, acte qui est du 4 avril 1587, et montre les
Chalvet résolument enrôlé dans « lEsglise refformée » (2). Mais
vers 1590 tout était en ruines dans le pays. Aux ruines morales et
religieuses s'ajoutaient les ruines matérielles.
Le château de la Bâtie démantelé, l'était bien pour toujours.
Elevé pour un régime et des temps différents, il n'avait guère plus de
raison d'être. Loin de contribuer à son relèvement, les habitants du
lieu abandonnèrent de plus en plus les maisons mêmes jadis si soi-
gneusement groupées aux pieds du vieux colosse.
Le bourg de la Chapelle, contenant l'église et de plus facile accès,
convenait mieux aux cultivateurs, aux industriels et aux commer-
çants. Aussi gagna-t-il à l'abandon de son voisin, et alla-t-il dès
lors en se développant. En 1595 le bailli seigneurial se qualifiait
bien encore baylle de la Bastie de Vercors (3J ; mais il est probable
que c'était surtout affaire d'usage, et que le vieux village était désert.
Toutefois, en 1659 c'est au lieu de la Bastie que les habitants de la
Chapelle s'assemblent pour nommer les consuls, et jusqu'à 1678 de
nombreux actes sont faits et stipulés au lieu de la Bastie de Vercors,
ail l'on a coustume tenir foire. Bien plus, un acte de quittance de
1724 est fait et recitté à la Chapelle (-en-Vercors), dans le château de
la Bastie.
En 1743 et en 1768, l'endroit s'appelait la Belle-Bàtie, et en 1762
on y devait procéder à un encan après saisie d'un fonds ('4). Quant à
la foire qu'on y tenait encore au XVIII^ siècle et pendant la première
moitié du XIX% elle se tient maintenant au bourg de la Chapelle
même.
(La suite au prochain numéro). L. FILLET.
(i) Chorier, op. cit., II, p. 702 ; — Mémoires cit ; — Revue du Daiiphiné et du
VivaraiSyY, 173-6.
(2) AccARiAS, Notice sur les Chalvet, p. 5-6.
XX
(3) Minutes cit., reg. de 1593-5, f. xj v-vj.
(4) Ibid., passim.
MARIE DE MONTLAUR
MARECHALE D'ORNANO
Relèvement du Culte Catholique
DANS LA VILLE D'AUBENAS
Peu de noms sont demeurés populaires dans la ville d'Aubenas
en Vivarais comme celui de la pieuse Marie de Montlaur (ou Mont-
lor), veuve infortunée du Maréchal J.-B. d'Ornano. Ce ne sont pas
seulement les malheurs de la Dame d'Aubenas, mais encore et sur-
tout sa grande dévotion, son inépuisable générosité pour tout œuvre
utile à la gloire de Dieu et au bien de ses vassaux qui nous expliquent
cette sorte de vénération dont nous voyons entouré son souvenir.
La fondation dont nous nous occuperons d'abord, et dont nous
possédons une copie authentique de l'époque, sutlirait à nous mon-
trer le zèle de Marie de Montlaur pour notre sainte Religion et la
part qu'elle prit à son relèvement dans la ville d'Aubenas. Cet acte
est d'autant plus précieux qu'il mentionne bon nombre d'autres
bienfaits de la Maréchale à l'égard de l'église paroissiale de Saint-
Laurent. Nous y trouverons plus d'un détail intéressant pour l'his-
toire religieuse d'une ville si agitée à la (in du XVL siècle et un exact
exposé de l'état où se trouvait la religion à Aubenas dans la première
moitié du XVII" siècle. D'autres pièces manuscrites de l'époque nous
ont été d'un grand secours pour éclairer notre récit. Nous n'avons
pas la prétention de mentionner tout ce que fit pour l'Eglise catho-
LE RELÈVEMENT DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. 10$
lique Marie de Montlaur, mais seulement de rappeler ses princi-
pales libéralités.
Tous ces documents, et d'autres encore provenant des papiers de
M. Henri Deydier, nous les devons à son honorable famille, qui a
bien voulu nous les remettre et nous autoriser en même temps à
puiser dans les précieuses notes laissées par M. Deydier sur les
familles notables du Vivarais. Nous nous proposons de publier une
série de pièces concernant l'histoire religieuse de ces contrées et de
la ville d'Aubenas en particulier. Si ces épis réunis peuvent former
un jour une modeste moisson, nous le devrons, après Dieu, à la
générosité d'une famille qui nous permettra de lui offrir ici l'hom-
mage de notre profonde gratitude.
I
La ville d'Aubenas doit être comptée parmi celles qui, en Vivarais,
eurent le plus à souffrir des sanglantes querelles religieuses de la
seconde moitié du XVL siècle. Tour à tour prise et reprise par les
Huguenots et les Catholiques, elle fut témoin de scènes lamentables ;
elle vit ses églises détruites et sa population réduite à la plus extrême
misère. Dans le procès-verbal de sa visite, le 9 juin 1599, Jean de
l'Hostel, évêque de Viviers, constate le triste état dans lequel était
réduite l'église d'Aubenas. « Nous aurions vu, dit-il, l'Eglise parro-
chiale toute ruinée et rasée, sauf le clocher, et continuant de che-
miner la dite procession, serions arrivé en une grande chapelle
où de présent se fait le service divin, causant la dite démolition. »
Pour desservir l'église paroissiale de St-Laurent, où se trouvaient
avant les guerres douze chapelles avec fondations, et dans laquelle
l'office divin se célébrait jadis comme dans une collégiale par le curé
et trois vicaires, il n'y avait plus qu'un seul curé. Ce prêtre eût été
incapable de suffire à l'administration des sacrements, s'il n'avait eu,
pour les confessions, le concours des religieux de St-Dominique, de
St-François et de St-Ignace';' établis dans la ville. Quant au trésor de
l'église, il contenait à peine le strict nécessaire, vu que le 26 août
1562, pendant l'occupation d'Aubenas par les protestants, le conseil
général de la ville, composé de huguenots avait décidé : « qu'il a été
expédient, pour soulager le peuple, vendre certains joyaulx, meubles
et ornements de l'Esglise romaine à l'inquant {sic) jpubliq, et est
Bull. VIII, 1888. 8
I06 MARIE DE MONTLAUR ET LE RELÈVEMENT
besoing encore d'en vendre davantage pour couvrir aux fraicts com-
mungs qui se présantent (ij. »
L'évêque de Viviers ordonna bien au prévôt de la cathédrale,
prieur d'Aubenas, « de rétablir avant deux mois le service divin en
la forme et manière qu'il était anciennement, à peine de cent écus,
applicables moitié pour le dit service, et l'autre pour la réparation
de l'église. » Mais les ressources manquaient, la pauvreté était extrê-
me, et le prévôt de la cathédrale, ne pouvant toucher les revenus de
son bénéfice, se voyait dans l'impossibilité d'y entretenir le person-
nel nécessaire. Si bien qu'en 1629, il n'y avait encore à Aubenas
qu'un seul vicaire avec le curé, lorsque Marie de Montlaur eut la
pensée de relever le culte divin par une pieuse fondation.
Marie de Rémond de Modène, comtesse de Montlaur, marquise
de Maubec, dame d'Aubenas, maréchale d'Ornano, était fille de
Guillaume-Louis de Modène-Montlaur. Elle avait épousé, en 1599,
Philippe d'Agoult de Montauban, baron de Grimault (2). Veuve de
Philippe d'Agoult, elle se remaria en 161 1 à J.-B. d'Ornano, colonel
du régiment des Corses, fils aîné d'Alphonse d'Ornano, maréchal
de France. Jean-Baptiste d'Ornano reçut à son tour le bâton de
maréchal (avril 1626); mais au mois de mai suivant, il fut enfermé à
Vincennes, pour avoir suivi contre Richelieu le parti de Gaston
d'Orléans, dont il avait été gouverneur. Il mourut le 2 sept. 1626,
non point de poison, mais de sa détention dans un cachot voûté
dont les murs se couvraient de salpêtre, ce qui faisait dire à Madame
de Rambouillet que cette chambre valait son pesant d'arsenic (3).
Dès lors, la malheureuse veuve du maréchal ne songea plus qu'à
vivre pieusement dans la ville d'Aubenas, dont la seigneurie lui était
échue à la mort de son père, ainsi que la baronnie de Montlaur, en
vertu d'une substitution qui lui donnait la préférence sur sa sœur
(i) Conseil général de la ville, copie du temps.
(2) La mère de Philippe d'Agoull, Chrétienne d'Aguerre, veuve d'Antoine de
Blanchefort, duc de Créquy, avait eu de son premier mari Charles de Créquy, duc
de Lesdiguières, maréchal de France ; elle avait ensuite épousé François-Louis
d'Agoult, comte de Sault, devenant ainsi la comtesse de Sault, si connue en Pro-
vence durant les guerres de la Ligue.
(3) On a dit également que le maréchal avait été décapité dans sa prison. Le fait
est absolument faux. Cela fut démontré en 1793, quand les restes de J.-B. d'Ornano
furent arrachés du mausolée ou ils reposaient à Aubenas. Un professeur du collcgc,
qui assista en curieux à cette exhumation, s'assura que la tétc n'était pas séparée du
tronc.
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. IO7
Jacqueline, l'aînée des trois filles de Guillaume de Montlaur. Elle avait
fait transférer le corps du maréchal dans l'église reconstruite de
cette ville, et ce fut même la pensée d'assurer des prières à l'âme de
son époux qui détermina la fondation dont nous allons donner l'acte
en substance. Mais comme on le verra par cet acte lui-même, elle
n'avait pas attendu l'heure de l'épreuve pour favoriser de tout son
pouvoir le relèvement delà Religion catholique dans la ville d'Aube-
nas. La i''^ partie de cette pièce est si importante à ce point de vue,
et donne de tels détails sur les libéralités de Marie de Montlaur
envers l'église paroissiale, l'époque exacte de la reconstruction de
cette église etc., qu'il nous a semblé devoir la donner in extenso.
« Comme ainsin soit qu'aujourdhuy, vingt septiesme jour du moys
de juin mil six cens vingt-neuf, apprés midy, régnant très chrestien
prince Louys, par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, par
devant moy, notaire soubsigné et tesmoings sous escripts, personnel-
lement establie puissante dame Marie de Montlor, comtesse dudit
Montlor, marquise de Maubec, dame et baronne d'Aubenas, Ucel,
St-Laurant, Montpezac, Mayres et Montbonnet, vefve de deffunct
seigneur messyre Jean-Baptiste d'Ornano, conseiller du Roy en ses
conseils d'estat et privé, chevalhier de ses Ordres, colonel général des
Corses, gouverneur des villes et citadelles du St-Esprit, St-André,
Crest, Moras, du Pont-de-Larche et Hontfleur, lieutenant général au
gouvernement de Normandie, premier gentilhomme de la chambre
de Monseigneur le duc d'Orléans, fraire unique du Roy, cappitaine
et lieutenant de sa compagnie de gendarmes, surintandant de sa
maison et finence, et mareschal de France, laquelle pour elle et les
siens, en considération de ce que le corps de son cher et bien aymé
Mary mondit seigneur le mareschal est ensépulturé en Eglize
parochialle d'Aubenas, fondée sous le vocable de St-Laurent, où la
dite dame désire aussi que le sien soit mis, et en la même volte (i)
et soubs même tumbe qu'elle y prettant faire faire {2) ; attandu qu'en
ladite Eglize il n'y a qu'un curé et un autre prettre servant de vicaire,
establis par le sieur prieur dudit Aubenas et prevost de Viviers, qui
ne peuvent faire beaucoup de service en ladite Eglize pour le peuple
qu'il y a, et que c'est la seule paroisse de la ville, mesme qu'il ne s'y
(i) Voûte.
{2) On sait que la maréchale fit exécuter un superbe mausolée en marbre, où elle
est représentée à genoux à côté de son mari. Ce monument se voit encore à la
paroisse ti'Aubenas.
I08 MARIE Di: MONTLAUR ET LE RELÈVEMENT
chante point de vespres ny matines que les jours des festes ou
dimanches, ce qui est grandement préjudiciable pour la Religion (ij,
mesme à présent que, par la grâce de Dieu et despuis un an, il n'y a
plus d'hérétiques et huguenots où il y en avait si grand nombre,
que presque toutes les maisons de la dite ville en étaient infectées (2),
et dételle sorte qu'ils avaient rasé toutes les Eglizes de ladite ville,
entre autres la dite Eglize de St-Laurant, rebattie despuis dix annéesf^)
par la charité en partie, et aux despans dudit feu seigneur mareschal
et de ladite Dame, laquelle y a aussi donné les calices dargent dorés,
custodes et soleil pour porter le St-Sacrement, avec pleusieurs' pare-
ments dautel, chasubles et autres habits, dont on a été faict invan-
taire et chargé les régents de ladite ville de la garde et conservation
d'iceulx, par acte du quinziesme jour de may dernier. Et encore, le
vingt septiesme apvril dernier, icelle Dame a donné à prix faict de
réparer le clocher de ladite Eglize, que le foudre du ciel a rompu, et
y faire un arcade, despand d'icelle qui reviendra à près de deux mil
livres, de laquelle est faicte donation a ladite Eglize au descharge de
ladite ville, tenue et obligée à cella. »
Après ce préambule, si important pour l'histoire de l'Eglise d'Au-
benas, vient la teneur même de la fondation ;
« Pour cette considération et autres a ce la mouvants, Cladite
Dame) a fondé, comme par ces présentes elle fonde en ladite Esglize
parochialle de St. Laurans, lentretien de deux prebtres séculiers
pour dire et célébrer tous les jours deux messes des trespassés,
excepté les jours de Dimanche et festes solennelles, que ladite
grand Messe se dira selon l'ollice qu'est ordonné par lesglize es
dicts jours, scavoir une Messe basse et une grande Messe pour lame
dudit deffunct Seigneur Mareschal et celle de madite Dame, lorsqu'il
plaira à Dieu la retirer au ciel en son paradis; à laquelle grand Messe
ladite Dame supplie et requiert le sieur prevost de ladite Esglize de
charger lesdicts sieurs curé et vicaire et leurs successeurs à perpé-
tuité, daydcr a chanter ladite grand Messe, ensamble de dire avec
lesdicts deux preptrcs denouveau par ladite Dame establis en ladite
(i) Nous voyons par là l'importance que nos pères attachaient à bon droit à la
célébration publique et quotidienne de l'Office divin.
(2) Dans le narré de la merveilleuse conversion des hérétiques à Aubcnas, signé
par les habitants d'Aubenas en 1628, il est dit qu'aux seconds troubles, cette ville
avait épousé si chaudement la prétendue Réforme, qu'il n'y resta que deux ou trois
familles s'avouant catholiques.
(3) L'église de St-Laurcnt fut donc reconstruite en 1619.
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. IO9
Esglize, tous les jours à perpétuité Vespres et Matines à haulte voix,
particulièrement tous les secons jours de septembre à perpétuité,
qu'est le jour du decez dudit feu Seigneur Mareschal ; comme aussi
le mesme service le jour que décédera ladite Dame, et autres sem-
blables jours à perpétuité, sans que ladite Dame donne aucusnes cho-
ses auxdits curé et vicaire pour leur assistance. Pour et au regard
de la présente fondation, et pour satisfaire par lesdits deux prebtres
audit service actuel, journalhier et perpétuel, ycelle Dame donne,
assigne, remest et transporte purement et simplement auxdicts deux
prebtres et successeurs quelconques, la somme de troix cens douze
livres, dix sols, qu'est la moitié de la pension deube par les habitants
et communauté de la ville d'Aubenas à madite Dame, par acte receu
par moy, notaire soubsigné, le vingt troisiesme du présent, qu'elle
veust et entand estre retirés de présent et à l'advenir à perpétuité
par lesdits deux prebtres séculiers faisant ledit service, et à chascun
d'iceux. la somme de cens cinquante six livres six sols, tant pour le
louage de maison, nourriture, habits, que sierges et luminaire qu'il
sera nécessaire pour lesdites deux Messes, avec pouvoir de contrain-
dre les régents et habitants de ladite ville, présents et advenirs, au
payement de ladite somme de trois cens douze livres dix sols, aux
deux termes portés par ladite Dame
A condition et réserve toutesfois faicte par madite Dame, que les
deux prebtres séculiers establis en ladite Esglize par elle despandront,
et les autres successeurs esdites charges, entièrement de la nomi-
nation, institution dicelle Dame et ses successeurs, qui establiront
pour faire lesdits offices et services divins des prebtres de bonne vie
et mœurs, capables et entandants la musique, appreuvés et receus
par l'ordinaire, comme faict à présent ladite Dame des personnes de
Jean Félix et Philibert Tixier, aussis prebtres séculiers absants et
présants, avec pouvoir néangmoins et réserve de madite Dame de
les destituer quand bon luy semblera, en y establissant d'autres pour
le mesme service, et le mesme pouvoir à ses successeurs présants et
advenir, ou possesseurs de la seigneurie et chasteau d'Aubenas,
envers les autres successeurs prebtres establis audit service, jusques
à perpétuité, suppliant à leffect que dessus icelle Dame Monseigneur
le Reverandissime Evesque de Viviers, duquel despand ladite Ville et
Esglize d'Aubenas, de vouloir consantir, approuver et authoriser la
présente fondation et institution, alïin quelle soit suivie et observée
de point en point, selon son intention à perpétuité. A quoy interve-
IIO MARIE DE iMONTLAUR ET LE RELEVEMENT
nant, Messieurs M' Joffre le Meur, M^ Jean Desserres et Jacques
Lissignol, régents de ladite ville d'Aubenas, lesquels pour eux, les
leurs, communauté et mandement dAubenas et leurs successeurs à
l'advenir quelconques, en vertu du pouvoir à eux donné par la délibé-
ration de la Communauté dont la teneur sensuit : »
Vient ensuite la délibération du Conseil tenu le 24 juin 1629, par
laquelle pouvoir est donné aux régents d'accepter la fondation pro-
posée par la maréchale d'Ornano, et dengager la ville à payer aux
deux prêtres et à leurs successeurs la somme de 312 livres 10 sols.
L'acte de fondation se termine par le serment d'usage, fait sur les SS.
Evangiles par ^Madame d'Ornano et les régents :
« De quov ont requis acte, que leur a été octroyé. Faict et publi-
quement récité en ladite ville d'Aubenas, chasteau et chambre de
madite Dame, en présence de noble Mons"" Pierre de la Baume,
conseiller du Roy au parlement du Dauphiné et doyen diceux, noble
André de Vignon, sieur de Ternisière, de Dauphiné, gentilhomme
ordinaire de iMgr le Duc d'Orléans, fraire unique du Roy, et baillif
de la Comté de Montlor, M"" Anthoine Pays et Louys Tressault,
prestres de ladite Eglize de St-Laurans, servants de Curé et Vicaire,
tesmoings appelles, soubsignés avec lesdites parties ; et moy, Jacques
Marin, notaire royal de la ville d'Aubenas. »
Suivent les signatures.
Cette importante fondation fut confirmée et augmentée par acte
du 2 septembre 1633, dans lequel Marie de Montlaur ajoutait à ses
précédentes libéralités la somme de iS 1. 15 s. pour le luminaire des
messes, et une maison pour le logement des deux chapelains. En ou-
tre, M'" Anthoine Teyssier, prêtre d'Aubenas, avait fait une fondation
de messes par son testament du 28 déc. 15 14 fNot'. Roberty). Les
revenus en étant devenus insuffisants et la maréchale ayant acquis
par un acte (Not" Dusserre, 19 janv. 1633) le patronage de ce béné-
fice, la dite fondation Teyssier fut unie à celle dont nous parlons, et
une maison avec jardin faisant partie de ce pie légat ayant été recon-
nus comme plus commodes, furent mis en état par la veuve d'Or-
nano sur la demande des chapelains, qui la déchargèrent de l'acqui-
sition d'un autre local.
Dans les actes confirmant et augmentant cette fondation de Marie
de Montlaur, M'" Philibert Tyxier est qualifié « prestre habitué de
l'Eglize de Lion, » et Jean Félix est dit : « prestre et officiai d'Aube-
nas. » La fondatrice rcconnait ne pouvoir destituer les chapelains
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. III
que si leur conduite l'exigeait, admet divers empêchements éventuels
et passagers à l'exécution habituelle de sa fondation et la maintient
aux prêtres malades ou infirmes, pourvu qu'ils aient soin de faire
remplir les charges principales. En parlant de la fondation, il est dit
que ces messes et services, ainsi que les heures canoniales <> de nou-
veau par ladite Dame establies tous les jours à perpétuité, l'ont été
tant pour le repos d'âmes du Mareschal et de la Mareschale que pour
plus grande édification du peuple de la dite ville, la plus par duquel
a esté nouvellement converti à la Religion Catholique, Apostolique
et Romaine, par la grâce de Dieu et soing particulier de madite
Dame. »
Le 5 sept, de la même année 1633, M''^ Charles Riffard, chanoine
et prévôt de la cathédrale de Viviers, prieur d'Aubenas, approuva
et ratifia la fondation dont nous venons de parler. De plus, il ajouta
à la pension de 240 1. qu'il faisait au curé et au vicaire d'Aube-
nas à raison de 120 1. chacun, la somme de 60 1. à partager
entr'eux, à condition qu'ils « chanteraient chaque jour les heures
canoniques, et aux susdits anniversaires, la Messe des Morts avec
les chapelains de la fondation. »
Cet acte est passé au château de Viviers, dans la maison du pré-
vôt, en présence de M'' Jacques Riffard, chanoine de Viviers, et
de M" Pierre Colas, chanoine hebdomadier de la même Eglise ; le
notaire qui le reçut fut Marie Brousse, notaire royal d'Aubenas.
H. JAUBERT.
(La suite au prochain numéro).
-<«— «-èose-s-"
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
d après des documents officiels et inédits.
(Suite)
« L'attroupement augmentait toujours et je me rendais à la ren-
contre du sieur maire, quand j'ai rencontré M. Pellat, juge de paix
du canton de St-Martin, à qui j'ai raconte ce qui se passait. Descen-
du de cheval, il s'est adressé à la foule stationnant devant M. Ville,
dans le cimetière et devant l'église, luy a reproché sa conduite, l'a
exhortée à se retirer, à n'occasionner aucun trouble et à se soumettre
aux lois. En même temps il a invité M. Audemard à se revêtir de son
surplis, et un citoyen de prendre la croix pour cheminer et aller
chercher le corps et l'enterrer. Dans ce moment est survenu le sieur
Albert, qui s'opposait à l'enterrement, et a demandé au sieur Pellat
de quel droit il agissait ainsi. M. Pellat luy a répondu publiquement
qu'il était surpris d'une conduite semblable à la sienne. Sa place
d'officier municipal lui imposait le droit et l'obligation de veiller à la
sûreté des personnes et publique, de maintenir la tranquillité et
veiller à l'exécution des lois ; que sa conduite était bien étrange et
bien autre, puisqu'il s'oubliait jusqu'à se mettre à la tête d'un attrou-
pement pour s'opposer à un enterrement ; qu'il était responsable
des troubles qui pourraient survenir Puis de nouveau, M. Pellat
a invité M. Audemard à procéder à la sépulture de la morte. Mais le
sieur Magaud, marguiller, n'a pas voulu remettre la clef de la sa-
cristie, sous prétexte de la défense du sieur Albert, ce qui a oblige
M. Audemard à faire venir les ornements de son église. M. Pellat,
maire est arrivé comme on partait pour aller chercher le corps de la
défunte, et a assisté à toute la cérémonie.
« Dans le temps que le cadavre était à l'église et qu'on faisait les
prières d'usage, quelques femmes y furent dans la plus grande irré-
vérence : on y riait très haut au moment de la sortie. La femme
Decorps-Michon s'est emparée du bénitier et a jeté l'eau sainte par
LA GRANDE RÉVOLUTION II3
terre et y a substitué une autre eau ce qui a indigné plusieurs
personnes, qui ont cherché à enlever le bénitier et le goupillon à
cette femme; elle a résisté. Ce que voyant, M. Audemard s'est fait
lui-même remettre le bénitier, dont il a jeté le contenu immonde, et
a demandé de l'eau bénite. La demoiselle Ville, qui était la plus
proche, ayant déclaré en avoir, M. Pellat est allé y tremper le gou-
pillon et l'a présenté à M. Audemard, qui a fini les cérémonies de
l'enterrement. Cela fait, j'ai demandé au sieur Dunière, puis au sieur
Albert, devant trois personnes, la présentation des registres pour y
coucher l'acte d'enterrement, et ils s'en sont rendus refusants. En-
suite, le sieur Albert, sur les représentations que luy a faites M. Pellat,
maire, a engagé les gens attroupés à se retirer, ce qui a été fait, et
tout est rentré dans le calme. De tout quoy j'ay requis acte, et aussi
que le présent procès-verbal, que j'atteste sincère et véritable, soit
transcrit sur le registre de la municipalité, et ay signé à l'original.
Berthon, Ville, Pellat, Audemard (i). »
Les sieurs Pellat, dont la conduite fut si digne dans cette triste
affaire, ne tardèrent pas à en subir les conséquences et à partager
le sort de tous ceux qui osaient alors se montrer honnêtes. Dénon-
cés comme suspects, des informations furent prises sur leur con-
duite. A la demande de l'agent national près le district de Grenoble
(19 janvier 1793), ^^ municipalité leur délivra un certificat de rési-
dence à Lalley, où M. Pellat père était demeuré sans interruption
depuis qu'il avait été dépouillé de ses fonctions de procureur auprès
du parlement de Grenoble (2).
Une lettre du vice-procureur-syndic près le tribunal de Grenoble
ordonnait, le 29 avril suivant, leur arrestation immédiate, confiée, le
2 mai, au capitaine de la garde nationale. Mais, prévenus à temps,
les MM. Pellat purent se cacher et n'être point découverts, quand,
le soir du même jour, vers minuit, leur maison fut envahie par
la force armée (3).
Quelques jours plus tard, la municipalité prit une délibération en
leur faveur et l'envoya au district, leur obtint quelques jours de
répit, et la faculté de quitter leur cachette pour rentrer au sein de leur
famille. Cette persécution honore les MM. Pellat et, au moment
même où on les pourchassait comme des bêtes fauves, leur sort
(i) Lalley, Reg. des déliber.
(2) Ibidem.
(3) l'uidem.
114 LE TRIEVES PENDANT
était plus enviable que celui des dénonciateurs, Dunière, Albert et
autres, auxquels la jalousie et l'ambition avaient inspiré une basse
action. Le patriotisme de ces derniers, méritait cependant une
récompense; et la convention n'en vota-t-elle pas pour ceux qui
voulaient vendre la liberté et le sang de leurs semblables. Le repré-
sentant du peuple Gauthier, en mission dans l'Isère, les nomma
officiers municipaux (i). Le même Gauthier se vantait ensuite d'avoir
épuré la municipalité de Saint-Maurice ; en effet il en avait chassé
les AL\L Pellat (2).
M. Audemard fut dénoncé en même temps que ces deux derniers,
comme prêtre réfractaire. Des détachements de la garde nationale
de Mens le poursuivirent avec une véritable rage. Ils vinrent à
Lalley sans pouvoir le découvrir ; mais ils brisèrent la croix du clocher
pour se venger de l'insuccès de leurs recherches (3J.
L'un de ces détachements, la terreur du Trièves, fut plus heureux.
S'étant donné la mission d'arrêter M. Aubert, curé de Prébois, il
réussit à le surprendre à Lalley, auprès d'un malade qui avait ré-
clamé le ministère du courageux pasteur (4).
M. Aubert avait refusé de prêter le serment pur et simple à la
constitution. Pour ce fait il méritait d'être dénoncé par le directoire
de Grenoble à l'accusateur public près le tribunal révolutionnaire;
car, ainsi que le lui écrivait M Corréard, à la suite des démarches
faites en sa faveur auprès des membres de ce directoire : <i faute de
serment pur et simple, il n'y avait de milieu, et ils ne voulaient
entendre aucune raison quelconque (5). » Il avait en outre défendu
l'entrée de son église au desservant assermenté des Petits-Moulins,
qui voulait s'en emparer et le faire chasser (6). Avec grand soin il avait
prémuni ses paroissiens contre le schisme, les avait préparés à subir
la révolution sans se laisser épouvanter ni séduire par elle ; il était
accusé d'avoir reçu et distribué les mandements de Mgr Dulau d'AI-
lemans, évêque de Grenoble (7 j : ce qui nous explique la fureur mise
à son arrestation, arrivée au commencement d'août 1792. Au moment
où il entrait à Grenoble, par la porte de Bonne, il fut rencontré par
(i) Ibidem, Délibération du 3 2 nivôse an III.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem, et Récit de Magloirc Brochicr.
(4) Réponses aux quest., et ubi supra.
(5) Lettre du 7 septembre 1 791, communiquée par .M. ("orréard, de Prébois.
(6) Autres pièces, ibidem .
(7) Renseignements communiques par M"" de Franclicu.
LA GRANDE REVOLUTION. II5
M. Audiffret, curé de St-Michel-les-Portes, qui venait percevoir son
traitement avant de partir pour l'exil. Les deux amis ne purent que
se saluer de la voix, car les gendarmes les empêchèrent de s'embras-
ser. Ils furent plus heureux le lendemain ; M. Audiffret obtint la
permission d'entrer à la prison, au risque de se faire arrêter lui-
même, et eut la joie de presser sur son cœur celui dont il baisait les
fers (i).
Du fond de son cachot, M. Aubert pensait à ses paroissiens et
leur écrivit une lettre qu'il intitula lui-même : « Epitre aux fidèles
catholiques de Prébois, » pour les affermir dans la foi. Il commence
par les féliciter de leur docilité à suivre ses conseils, puis dans quinze
paragraphes, il démontre que la constitution civile du clergé atta-
quait la foi, changeait la discipline de l'Eglise et tendait à détruire
la Religion; qu'il fallait être aveugle volontaire pour lui obéir; que
c'était un crime d'exiger le serment civique et de communiquer avec
les intrus, lesquels n'avaient ni pouvoir, ni juridiction. 11 termine en
montrant à son peuple que la persécution ne doit pas abattre les
fidèles, mais ranimer leur courage. « Je vous exhorte, mes frères,
dit-il en forme de conclusion, à vous assembler les jours de diman-
che et de fête, afin que l'un d'entre vous lise cette épître, les autres
écoutant en silence. Gardez la paix, l'union, la charité, la patience,
vous rendant les uns aux autres les services qui dépendent de vous.
Conformez-vous exactement aux préceptes du Seigneur et aux règles
que je vous ai tracées. Euyez le commerce des impies. Vous êtes ma
consolation dans mes épreuves ; continuez donc à vivre comme si
j'étais au milieu de vous, comme j'y suis véritablement d'esprit et
de cœur. Ne cessez de prier les uns pour les autres, afin que le Sei-
gneur nous délivre de la persécution, afin que nous puissions le
servir dans la sainteté et la justice tous les jours de notre vie.
a Je profite de l'occasion de l'un de nos frères en Jésus-Christ,
lequel se conduit en catholique édifiant et nous a visité plusieurs
fois dans notre captivité, pour vous faire passer cette épître. Je vous
salue tous en Notre-Seigneur,et vous souhaite toutes sortes de bé-
nédictions (2). »
Il serfible, en lisant ces lignes, assister aux dernières recommanda-
tions d'un père tendre à ses enfants bien aimés. Ces enseignements-
là ne s'oublient point : aussi ne nous étonnons pas de la fidélité
(i) Récit de Magl. Brochier.
(2) Communiquée par M. Corréard de Prébois.
Il6 LE TRIÈVES PENDANT
des habitants de Prébois à garder intactes les saintes croyances de
la Religion, et à y conformer leur conduite.
Le bruit courut que trois jours après son arrestation, M. Aubert
avait été mis à mort. Grande et sincère fut aussitôt la douleur de ses
paroissiens; bien des larmes coulèrent. La tristesse se changea en
joie profonde quand on leur apprit qu'il vivait encore. Il sortit de
prison le 19 février 1793, mais si malade, qu'on fut obligé de le
transporter à l'hôpital, où il demeura jusqu'au iq sept, de la même
année (i). Deux ans après, il se cachait à Grenoble même, chez
M""' de Bardonnenche, où il avait la consolation de célébrer la sainte
messe (2).
Il reparut cependant, mais à de rares intervalles, dans le Trièves,
où il fut l'objet de dénonciations et de recherches plus acharnées que
les premières. Sa résidence habituelle était Grenoble. Pendant les
mauvais jours, il porta avec vaillance la lourde charge de vicaire
général. Peu de prêtres montrèrent alors autant d'ardeur et de pru-
dence. 11 était partout où il y avait des confesseurs de la foi à sou-
tenir, des faibles à encourager, des prévaricateurs repentants à rele-
ver, des âmes à éclairer. Le bien qu'il opéra est immense ; et Dieu
se hâta de l'en récompenser. Ce bon prêtre avait usé ses forces au
milieu de si rudes travaux. Cependant il accepta, le 4 janvier 1804,
la paroisse de Grignon ; ^mais, il y mourait le 17 septembre sui-
vant (3).
La fête de la fédération (14 juillet 1792) fut célébrée avec grande
pompe dans le Trièves ; Mens et St-Maurice se distinguèrent surtout
en cette occasion. Dans la première de ces deux localités, la popula-
tion et la garde nationale assistèrent, comme l'année précédente, à
une messe dite au Champ-de-Mars ; mais de plus, eurent à « applau-
dir un discours très patriotique, prononcé par le sieur Jannais. curé,
lequel se joignit à elles et aux officiers municipaux pour jurer de nou-
veau fidélité à la constitution (4). »
Un acte de coupable faiblesse fut commis, le 9 septembre suivant,
par un prêtre qui pleura plus tard sa faute et la répara noblement.
M. Joseph Accarias, ancien chanoine de Die et prieur de Mello,
(1 )j;Renseignements communiqués par M"' de l'ranclicu.
(2) Récit de Magloire Brochicr.
(3) Deux martyrs en /79^, par A. M. de l'ranclicu. p. .)oj et passim ; — Actes
cités plus loin .
( .]) Délihéralion de ce jour.
LA GRANDE REVOLUTION. II7
résidant pour lors à Mens, alla devant la municipalité prêter le ser-
ment exigé par la loi du lo août précédent. Entraînées par cet exem-
ple, plusieurs religieuses, chassées de leur couvent par la révolution,
firent de même. Ce furent Catherine de Lançon (19 septembre),
Julie-Agathe de Bardonnenche C25 novembre), Silvie de Bonniot
(23 germinal an IIj (i).
Vers la même époque, toutes les municipalités et tous les fonc-
tionnaires publics furent obligés de renouveler les leurs. 11 semble
que plus la convention nationale sentait l'odieux de sa tâche et Té-
normité de ses folies, plus elle éprouvait le besoin de lier les citoyens
à sa cause. Elle ne voulait point qu'ils crussent pouvoir reculer de-
vant l'exécution de ses ordres tyranniques et barbares. Ces mêmes
citoyens cependant juraient de maintenir la liberté, qui n'existait que
pour le crime, l'égalité régnant par la guillotine. Que de contradic-
tions cruelles on rencontre à cette époque funeste, où la déesse Rai-
son était la divinité du jour(2J !
Cependant, contente de son curé et de son vicaire constitutionnels
qui avaient prêté avec elle, le 15 octobre précédent, le serment de
liberté et d'égalité, la municipalité de St-Baudille prenait la délibé-
ration suivante : « Le 4 novembre, an I""" de la République, la muni-
cipalité assemblée aux formes ordinaires, le procureur a dit :
« Le citoyen Arnaud, curé de cette paroisse, m'a prié de vous
exposer les besoins de son église. Il se plaint de n'avoir pas seule-
ment les livres nécessaires pour la célébration des saints mystères.
En effet, citoyens, il conste par l'inventaire qui fut fait l'année
dernière, qu'il n'y a que deux mauvaises aubes, un surplis hors d'é-
tat de servir, un encensoir tout fracassé Je vous invite à pren-
dre vos précautions là dessus.
« La municipalité, d'après la réquisition du procureur, instruite
des faits par lui énoncés, expose aux citoyens composant le directoire
de district qu'il est indispensable d'accorder à cette église deux aubes,
deux surplis, quelques amicts et purificatoires, une chasuble, une
écharpe, un encensoir. Il sera d'autant plus facile de nous accorder
notre demande, qu'on trouvera tous ces meubles en abondance dans
les sacristies des ci-devant religieux (3). »
Nous n'avons pu découvrir quel fut le résultat de cette demande ;
(i) Ibidem, de Mens.
(2) Délibération des diverses municipalités du Trièves à cette époque.
(3) Sl-Baudille-et-Pipet, Regist. des dêlib.
Il8 LE TRIÈVES PENDANT
mais ces bons municipaux voulaient tout simplement profiter, dans
leur délicatesse, du pillage des couvents, en attendant qu'ils s'aidas-
sent à dévaliser leur église elle-même.
Le curé provisoire de Clelles, laissé à ses disputes avec des
femmes et son paroissien Saurel, fut obligé de quitter son poste
vers cette époque ; car il était devenu tout à coup très sourd. Il se
retira à Grenoble, où, passant un soir près de la citadelle, il fut tué
par une sentinelle dont il n'avait pas entendu le : Qui vive (i).
Gaymard, le curé constitutionnel des Petits-Moulins, qui avait
voulu s'emparer de la cure et de l'Eglise de M. Aubert, prit posses-
sion de celle de Clelles où l'avaient nommé les vicaires épiscopaux
Hélie et Accarias (9 décembre) (2). Ce prêtre, plus homme d'affaires
qu'homme de Dieu, laissa presque entièrement de côté les devoirs
de son ministère pour s'occuper de politique, et devint l'inspirateur
de la municipalité de sa paroisse (^).
De son temps, l'évêque constitutionnel Raymond vint à Clelles
donner la confirmation. 11 reçut l'hospitalité d'un nommé Samuel,
protestant, qui le lendemain, avec plusieurs autres patriotes, l'ac-
compagna à l'église, dont il savait à peine le chemin. Dans cette
église presque vide, lévêque confirma en tout treize personnes.
Il chanta la messe ; mais les voix des chantres étaient si discordan-
tes que l'un d'eux, craignant de fatiguer ses oreilles, prit le parti de
se taire. « Chante B , lui dit le curé Gaymard, ou je te f... un
soufflet. » La langue des clubs avait passé dans l'église consti-
tutionnelle. Ce propos a été certifié par celui à qui il s'adressait,
Magloire Brochier, lequel ne consentit à chanter de nouveau que sur
la promesse d'un bon souper (4J.
A St-Maurice, les choses furent encore plus tristes ; l'évêque y
donna la confirmation à tous ceux qui se présentèrent. Des bergers,
apprenant sa présence, vinrent directement des champs se mettre
sur les rangs et furent admis sans préparation aucune et sans obser-
vation ; c'est du moins ce qu'affirmait, en 1847, celui qui a raconté le
fait (5).
Pendant que Gaymard prenait possession de la cure de Clelles,
Teissier était nommé à celle de St-Michel-les-Portcs. « Ce dernier
(1) Récit de Magl. Brochier.
(2) Registre des délib. Clelles.
(3) Ibidem.
(4) Réponses aux questions de l'Ordo et Récit de .Mai^l. Brochier.
(5) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. I I9
était tellement instruit, raconte encore Magloire Brochier, que pour
le premier enfant qu'il baptisa, il fit toutes les cérémonies sans lui
donner l'eau, et reprocha à un de mes amis présent, qui le lui faisait
remarquer, de ne l'avoir pas averti du moment où il fallait la verser.
Je tiens ce récit de Dumas, qui sur le champ revint de ses folles
opinions, convint que j'avais raison de ne pas vouloir des intrus, et a
fini ses jours sous l'obéissance de l'Eglise romaine (ij. » Le fait se
passe de commentaires ; mais hélas ! combien on en comptait alors
de semblables.
CHAPITRE IV
ANNÉE 179^.
L'année 1793, de si effrayante mémoire, fut pourtant dans le
Trièves moins funeste à la Religion que la précédente. Les habitants
de cette contrée comprirent vite et généralement l'inanité des folles
espérances que la révolution faisait miroiter à leurs yeux, et ils revin-
rent de bonne heure à des idées plus saines. Trompés un moment,
ils avaient accepté dans certaines localités les prêtres intrus ; mais
quelques mois s'étaient à peine écoulés, que déjà ils étaient reve-
nus à leurs pasteurs fidèles, dont ils pleuraient l'absence, ou qu'ils
cachaient avec un soin jaloux, et qu'ils surent garder malgré les
dénonciations que renouvelaient, à Mens surtout, un petit nombre
d'énergumènes. Aussi verrons-nous le directoire du district redou-
bler d'efforts pour terroriser ces courageux chrétiens, et par des
menaces, et par l'envoi de détachements armés, et par la prison, et
par la confiscation ; mais les persécuteurs se lassèrent les premiers.
Un fait, ou plutôt une farce qui eut lieu à St-Maurice, et combien
lui ressemblèrent, montre le cas qu'on y faisait alors pratiquement de
la liberté : « Du 0 janvier 1793, ^^ corps municipal assemblé au lieu
ordinaire de ses séances, au bourg de Lalley, le citoyen procureur
de la commune a dit : Citoyens, le samedi, 29 du mois de décembre
dernier, il me fut dénoncé que le mercredi, seconde fête de Noël et
fête de St-Etienne, le citoyen Pupin, curé du Monêtier, annonça
(i) Ibidem.
120 LE TRIEVES PENDANT
qu'il fallait le lendemain, dans sa paroisse, faire la fête de St-Jean,
fête qu'on ne célèbre depuis très longtemps, et qui ne fut point indi-
quée par le curé constitutionnel de Saint-Maurice.
« Que le jeudi, jour de la St-Jean, on fit au Monêtier la fête
indiquée par le curé ; que le lendemain, vendredi, Pierre Tatin, du
Monêtier, se disant capitaine de la compagnie des Grenadiers, et
Jean Eyraud, lieutenant de la dite compagnie, vinrent à St-Maurice,
chez le citoyen Dunière, commandant de la dite garde nationale,
pour l'amener, contre le droit des gens, la liberté et la tranquillité
publiques et contrairement aux lois de la République, à donner des
ordres, sous ceux préalables de la municipalité, pour arrêter le sieur
Jean Nicolas, résidant au Serre, hameau de cette commune, sous le
prétexte qu'il n'avait pas fait la fête ordonnée par le curé Pupin.
« Que le citoyen Dunière avait donné des ordres pour qu'un piquet
de quatre hommes et un sergent allât appréhender au corps le citoyen
Nicolas, et le traduire le lendemain samedi à St-Maurice. Ces hommes
ayant trouvé la porte de Nicolas fermée, la forcèrent et mutilèrent,
parvinrent à s'introduire dans son domicile, le saisirent à la bou-
tonnière et le traduisirent ensuite chez le commandant Dunière, et
de là chez le citoyen Albert cabaretier, où, après avoir la dite garde
bu et mangé ce qu'elle voulut, força le dit Nicolas à payer la dé-
pense (i). »
Ce dernier fut enfin relâché, mais non sans avoir subi plusieurs
mauvais traitements, et promis de faire les fêtes ordonnées par le
cure constitutionnel.
Le même jour, Tréminis vit installer dans son église un prêtre
intrus, du nom de Lucas, lequel, en prenant possession de cette
paroisse prêta le serment d'égalité et de fraternité. Les habitants
laissèrent dans le plus grand isolement ce « soit disant curé » com-
me ils le nommèrent dans l'inventaire des meubles mis à sa dispo-
sition. Ce malheureux chassait de sa cure un pasteur vénéré, mais
ne lui enlevait pas l'affection de ses paroissiens. M. Brudon, en effet,
nourri et gardé avec soin par la piété filiale de ceux-ci, resta encore
quelque temps au milieu d'eux pour les fortifier dans le devoir et
les assister de ses conseils (2).
Quatre jours plus tard, une ancienne religieuse, Catherine de Lan-
(i) Lalley, Reg. des délibérations.
(2) Tréminis, Délibéralions et invenlaire du 6 janvier /yy^, aux archives de la
fabrique.
LA GRANDE REVOLUTION. 12 1
çon vint devant la municipalité de Mens, où nous l'avons vue prêter
serment, le 19 septembre dernier, pour rétracter courageusement ce
même serment, que la crainte lui avait arraché. Elle n'ignorait pas
que cette démarche l'exposait à la persécution, mais elle n'hésita
point, car sa conscience lui avait rappelé le devoir un moment
délaissé par faiblesse (1). La municipalité patriote de St-Baudille
continuait à se distinguer par son zèle à poursuivre ceux qui n'adhé-
raient pas au schisme. Le 5 mars, sur la dénonciation du procureur
Giraud et le témoignage de citoyens mandés à cet effet pour cons-
tater les « rassemblements illicites faits sous prétexte de prières »
chez le nommé Debons, et d'après le refus de ce dernier de compa-
raître à sa barre, le décrétait d'arrestation et le déférait au juge de
paix « pour être poursuivi en police correctionnelle. »
Chez Debons, en effet, les habitants du Perrier, fidèles, sauf six
ou sept, aux recommandations de M. Bourillon, se réunissaient, les
jours de dimanche et de fête, pour prier en commun, lire le St-
Evangile ou quelques ouvrages pieux. Souvent même, quand la
surveillance était moins active, ils avaient le bonhenr d'y entendre
la messe célébrée par un prêtre insermenté. A quelques pas d'eux,
Desmoulins, puis Faure Julien son successeur, célébrait les offices
religieux dans une église entièrement vide. Mais les réunions qui se
faisaient chez Debons cessèrent à cause des poursuites ordonnées
par le directoire de district de Grenoble à la suite de la dénoncia-
tion de la municipalité de St-Baudille. M. Vette encore présent dans
le pays put s'y soustraire ; mais toute la fureur de la persécution
retomba sur M. Antoine Galfard, qui fut arrêté le 15 mai suivant,
au milieu de la nuit, par un détachement de la garde nationale, et %,
livré à la gendarmerie pour être conduit à Grenoble, où il fut enfer-
mé « comme prêtre octogénaire et insermenté » dans la prison de
l'Oratoire (2).
M. Galfard fut rejoint, quelques jours après, par sa belle-sœur,
Martine Bratier, veuve Galfard et mère de M. le curé de Clelles.
Cette femme, âgée de près de quatre-vingts ans, avait été arrêtée
parcequ'elle « était la mère d'un curé insermenté » et enfermée
d'abord, au mois de janvier précédent, à Sainte-Marie puis trans-
férée à l'Oratoire (3).
(i) Mens, Reg. des délit.
(2) Livre d'écrou de la prison.
(3) Ibidem.
Bull. VIII, 1888. 9
122 LE TRIEVES PENDANT
Sur la charrette, qui la conduisait à Grenoble, se trouvaient en
même temps Suzanne Ogier, âgée de septante ans, Thérèse Daspre,
de trente-cinq, Pierre Arnaud, de quatre-vingts, tous les trois de
Clelles, Brukmans, de Chichilianne, M. Berthon, du Monêtier-du-
Percy et frère du prêtre du même nom (i). Ces personnes, poursui-
vies à cause de leur attachement à la foi et de leur zèle à cacher les
prêtres non assermentés, crurent d'abord qu'on les conduisait à la
mort et commencèrent à s'y préparer en montant en voiture, puis
chantèrent des cantiques et des psaumes entremêlés de la récitation
de prières, jusqu aux portes de la prison. La mort qu'elles avaient
espérée ne venant pas, elles furent remplies de tristesse ; mais Dieu
n'avait point jugé à propos de leur accorder la couronne des martyrs.
Après plus d'un an de réclusion, elles furent délivrées, à la mort de
Robespierre.
La captivité épuisa les forces de M. Galfard ; il fut transporté à
l'hospice de l'humanité, où, après avoir langui assez longtemps, il
s'éteignit, le 27 nivôse an III (16 janvier 1795).
Pendant les derniers jours de sa vie, il n'avait cessé de prier pour
ses dénonciateurs, et ses supplications furent, en effet, entendues et
obtinrent à ces derniers la grâce du repentir. Son dernier souvenir
en entrant en agonie fut pour les habitants du Perrier (2).
Nous avons vu qu'un mandat d'arrêt avait été lancé contre Pierre
Debons ; mais il put échapper aux détachements de la garde natio-
nale chargés de l'arrêter, et conserver sa liberté en se cachant. Si on
ne l'atteignit point dans sa personne, on le frappa du moins dans ses
biens. Le premier août, le procureur syndic du district de Grenoble
écrivait à la municipalité de St-Baudille : « Je vous prie, citoyens, de
charger un huissier de faire saisir le mobilier de Bonze (Debons), d'en
faire l'inventaire et le mettre sous les scellés, et, s'il n'a point laissé
de mobilier, vous voudrez bien l'attester par un procès-verbal dont
vous m'adresserez un extrait certifié. Hilaire (3). »
La même mesure était prise en même temps pour le mobilier de
M. Brudon, parti depuis peu de jours pour l'étranger, pour celui de
M. Berthon, continuant à se cacher dans le Trièves, et celui des
MM. Pellat père et fils, poursuivis de nouveau et avec plus d'achar-
nement (4).
(i) Réponses.
(2) Souvenirs de sa pctitc-nièce.
(3) Registres du directoire dtidistrict de Grenoble.
(4) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. I23
Un mois après, la municipalité de Mens accomplissait un acte de
la plus odieuse inquisition. Elle nomma dans son sein ('13 avril),
une commission composée de Payan, maire, Jean Borel. P. Fluchaire,
Berton, procureur, pour vérifier à la poste le contenu des lettres
destinées à l'étranger (i).
La même municipalité nomma Jean Beaup et Pellat officiers m.u-
nicipaux, Guichard et Bérenger notables pour aller avec un piquet de
la garde nationale désarmer les habitants suspects. La délibération
fut prise en assemblée nombreuse, car il s'agissait de mettre à néant
les projets antirévolutionnaires de citoyens inoffensifs et de quel-
ques femmes. Nommons à la fois inquisiteurs et victimes : C'étaient
Payan, maire, Richard, Fluchaire, Beaup, Borel, Pellat, officiers mu-
nicipaux. Cachet, Jannais, curé constitutionnel, Teysseire, Hubert,
Cuichard, Demaffé, Bérenger, notables. Leurs délégués allèrent
fouiller les maisons de César-André de Bardonnenche, veuve de
Lamolinière, veuve de Blosset, Alexandre Leblanc, Emilie de Bon-
niot, de Bardel, ci-devant nobles ; de Sibey, Berthon fils chirurgien,
Duport, Bonniot, Payan cadet, ci-devant co-seigneurs de Mens ; de
Arthaud-Laroze, Pierre-Michel Giroud, P. Fazende, Antoine Marié,
André Oddelai, François Cros, P. Bagarre, Jean Bernard, Jean
Riperf de Villette, Bermond frères, Oddoz père et fils, Jean Simian,
Antoine Gros, Jean-Antoine Gaimard, Emery, André Chevillon, de
la Croix, Jean Freychet, de Mens, P. Gauthier cordonnier, Etienne
Borel journalier, Reymond père et fils, Jean Oddoz, P. Vernet,
César Segond, Joseph Richard, Michel et Antoine Pelloux, André
Joubert, Louise Arthaud, Pierre Gachet-Fidèle, Michel Péraudon,
Pierre Rolland, Jean Vernet, Alexandre Gauthier, Claude Carrier,
Pierre et André Vieux, Pierre Debourdeau, de la Croix, Michel
Ripert, Dominique Fuzat, André Blanc, Jean Reymond, Claude
Fluchaire, Jean Gauthier Bellequêne, les sœurs Cachet, les sœurs
Repellin, Marie- Anne Fluchaire et ses locataires, Antoine Gaimard,
tailleur, les sœurs Reignier, Alexandre Petto, Jacques Bonthoux,
Jacques Repellin, Claude Gaimard, Claude Gauthier, du Mas-Mar-
tinet, Jean Terrier, André Garcin-Tinan et son fils, Berton, médecin,
Jean Decorps, cordonnier, Jean Claret, tisserand (2).
(La suite au prochain numéro).
A. LAGIER.
(i) Mens, Reg. des délit.
(2) Ibidem.
MÉLANGES
RÈGLEMENT ET STATUTS
DE
L'HOPITAL DE MORESTEL M^SOi
Nous avons publié, dans la 45^ livraison de ce Bulletin 1 mars-
avril iSS-j), le testament de noble et puissant Seigneur Gabriel de
Rossillon. Il rappelle dans ce testament l'hôpital qu'il avait récem-
ment construit à Morestel, et lui lègue le pré de Alarsauge, sous la
ville de Morestel, et son vignoble de Planète, au mandement de
St-Chef. Nous avons dit en note ip. 166), qu'il existait à la biblio-
thèque de Grenoble un volume manuscrit de l'époque, sur parche-
min, contenant un règlement de cet hôpital de Morestel et un règle-
ment analogue pour l'hôpital d'Ornacieux, l'un et l'autre da.xés de
l'an 1450 II ). Nous avons pensé qu'on lira avec plaisir et profit,
au jnoins le texte français de l'une de ces pièces. On pourra ainsi
se rendre compte de la manière dont étaient administrés les petits
hôpitaux du Dauphiné au XV^ siècle, et de l'état de la langue fran-
çaise à cette époque, et des efforts qu'elle faisait pour sortir des
langes de l'enfance.
Nous donnons donc aujourd'hui le règlement de l'hôipital de
Morestel. Nous n'avons pas besoin d'informer le lecteur que la co-
pie française est un abrégé de la copie latine, le texte que nous
allons reproduire le dit expressément; mais cet abrégé contient
tous les détails essentiels. Il n'j' a guère que les considérations gé-
nérales et les réflexions contenues dans le texte latin qui aient été
{i)Ce beau manuscrit, écrit en latin et en français sur vclin est, d'une parfaite
conservation. "^ 2 feuillets ; 3o5 sur 2iy mill. les feuillets i et 2 1 contiennent
de très riches encadrements de fleurs et de feuillafçes routes, bleits et or. Dans
le bas, un àcusson aux armes des Roussillon : de fçueules à l'aif^le éployé ar-
t^ent, initiales ornées en couleur sur or. Reliure ancienne en veau estampé,
■traces de fermoirs ; .sur les plats, clous en cuivre. (Note de M. le Conservateur
de la Bibliothèque).
MELANGES. I25
supprimées dans la version française, par ordre du respectable
fondateur lui-même.
Pour qu'on puisse s'en rendre compte, et avant de donner inté-
gralement le texte français de ce document, nous allons placer ici
le commencement du texte latin.
Sequuntur statuta et ordinationes magnifici et potentis militis
DoMiNi Gabrielis de Rossillon, Domini Bochagii, Brengo ac Or-
nacey (il, fundatoris et dotatoris capelle et hospitalis Beati
Jacobi majoris in loco Morestelli ab eodem Domino fundati, dé-
créta facta et ordinata per eumdem Dom. fundatorem de et super
regimine ipsius hospitalis et pauperum mendicantium ibidem af-
fluentium {2).
Omnia quœ facimus, ut Scriptura docet, sive in verbo sive in
opère, in nomine Domini Jesu Christi facere monemur, cujus
vis expulsionem daemonum operatur, ad quem prœ omnibus
postulando confugere debemus, quia ubi Christus non est fun-
damentum , nuUius boni superest edificium , sine quo etiam
nullum rite fundatur exordium ; et qui illum novit, veram sapien-
tiam invenit, et prudens in suis comperietur operationibus, sem-
per in melius profuturis. In cujus quidem Christi nomine petere
quibit gaudia celestia, quœ pro certo dabit ipse deus qui omnia
potest, a quo omnis potestas est, et nulla alia quam ab eodem.
Sic in ejusdem domini Jesu Christi nomine facit fierique
proecepit Dominus meus magnificus et potens miles D. Gabriel
de Rossillon, D. Bochagii, Brengo et Ornacey, fundatorque et
donator infra scriptus, qui non precipitatus in operibus suis et
consiliis, sed suo more solito mature procedens, bona semper
augmentando, abjiciens procul sententias misericordiam vêtan-
tes, consolari sicut pium est cupit tam spiritualiter quam corpo-
raliter corda mœrentium, pauperum et languidorem per univer-
sum orbem mendicantium, prœcipue per hune locum Morestelli
transitum peragentium, ad infrà designatum hospitale suum re-
currentium, et futuris eorum pauperum casibus et calamitatibus
(i) Gabriel de Rossillon ne prend plus, en i45o, le titre de seigneur de
Morestel. Cette seigneurie, achetée par Guillaume, son père, en 142 1, du
Dauphin Charles, avait été rachetée de Gabriel, par le Dauphin Louis XI, en
1448.
(2) Tout ce prélude est à l'encre rouge.
120
MELANGES.
dévote occurrere ; pro quibus prassentia tempora, in quibus, proh
dolor. tôt inopes pretextu caristiae victualium quacumque discur-
runt mendicantes, cavere prasmonent super occurrentium provi-
sione in futurum intuitu caritatis, sine qua Deo nuUus placera
potest. Qui quidem Dominus meus praefatus ex premissis motus
et pia devotione ductus, hoc anno domini millesimo quatercente-
SIMO quinquagesimo,
Fundavit, dotavit et tieri jussit et fecit hospitale et capelhim
intro sitam in hoc loco Morestelli, de subtus villam (li exterius
confrontatum. a parte anteriori juxta confines sequentes {2).
Et primo
Etc., etc. Il y a 84 articles. En voici la traduction abrégée de
l'époque, à la suite du latin.
icy sensrvvent les status et ordonnances kaittes et abrévuiez
par le magnific et puissant seigneur et chevalier monseigneur
Gabriel de Rossillion seigneur du Bochaige, de Brengo et de
Ornacieu, suz le hospital et la chapelle de dens assise et suz le
REGIME d'iCEULZ. FONDES ET DOTES PAR MON DIT SEIGNEUR A MoRESTEL
01 TILTRE DE MONS^ St-JaCQUES LE MAJOR, PAR PITIE ET CHARITE DES
PAUVRES DE JeSUS-ChRIST QUI PASSERONT PAR LE DIT LIEU DE MORESTEL
DESSUS NOMMÉ, RECOURANS OU DIT HOSPITAL (3).
Qui vauldra veoir la cause et la ravson pourquov mon dit Sei-
gneur a ordonne et fonde le dit hospital et chapelle, et pour quoy
a fait ces présentes ordonnances, se voet de tout au loing le
proheme (4) des dites ordonnances, lequel se laisse à déclarer icv,
car ne touche en rens senon généralité, et les dites causes seroient
trop longues icy a raconter ; et aussy sont abreviees toutes les
dessus escriptes ordonnances qui se mettent du tout au long en la
coppie du latin avec les raysons qui se laissent icy.
La première ordonnance de mon dit seigneur et fondeur dessus
nomme est telle : que la dite chapelle fundee dedans le dit hospital
se doivent appeller la chapelle de Oroyson , laquelle mon dit
seigneur a fonde pour honorer Dieu et prier les saints et saintes
fi) Au quartier encore aujourd'hui appelé sous la ville.
(2) Ces confins n'ont pas été reproduits dans le volume que nous tenons.
C'est un volume de luxe oit l'on a supprimé les détails accessoires de l'acte
notarié.
(3) Tout ce titre est à l'encre rou^e.
(4) Le préambule du texte latin.
MELANGES. 1 27
de paradis, et que le dit hospital se doibvent appeller la mayson
Dieu, aultrement hospital de Mgr S. Jacques le maiour, lequel se
doivent gouverner par une personne de Dieu qui vulgaument
sappellera hospitalier de Saint Jacques.
La seconde est que toute pleine puissance de visiter et de mettre
bonne orde ou dit hospital soit transferre au Révérend Père
Monseigneur le Prieur du vénérable couvent des Augustins de
Morestel, lequel soit tenu de aidier et deffendre les drois du dit
hospital comme le drois de son dit couvent du dit Morestel.
La tierce contient beaucopt de eftyes [i] : premièrement que le
dit hospitalier soit tenus de demourer au dit hospital continuel-
ment ; item, qui doivent prendre les biens meubles et immeubles
par inventoire dedans trois ou quatre jours après qui sera entres;
iteîn, que tous les mois de mars doivent rendre rayson de sa ami-
nistration ; item, que pour honneur de Dieu albergera les pauvres
venans ou dit hospital, sans barat et sans rudesse et sans dons
ou autres illicites guerdons ; item, que subviendra des biens du
dit hospital es dis pauvres en leur nécessite, selon que mon dit
seigneur en a icy en après ordonne ; item, qui gardera loyalement
les biens du dit hospital ; sus lesquelles choses mon dit Seigneur
a enchargie la conscience du dit hospitalier.
La quatriesme est que Ion donnera quelque chose ou dit hos-
pital, que incontinent le dit hospitalier le face escripre par instru-
ment public et adiouster en son dit inventoire, ou de la monstrer
au dit prieur lequel arbitra se la chose se doit escripre ; iteju, que
nonobstant que la chose donnée soit de petite extime, que le dit
hospitalier la révèle ou dit prieur; et se le dit hospitalier scet
escripre, qui la mette en son papier par mémoire, ou aultrement
qui la face escripre. Et aultrement, quant se trouvera le contraire,
que le dit hospitalier soit reputes suspec, suz quoy mon dit Sei-
gneur fondeur a enchargie sa conscience.
La cinquiesme est que le dit Mgr le Prieur avise bien que selon
les facultés de Ihospital et aussi la qualité des pauvres qui seront
malades, qui pourvoye de ung ou de deux serviteurs a demorer
tous ensemble ou a part tout adez (2], ou envoyés selon qui sera
nécessaire, esquels le dit prieur donnera gaiges selon quil aura
fait ses parz, ou non rens, quant les trouvera à voloir servir pour
amour de Dieu.
(i) Détails.
(2) Près.
128 MÉLANGES.
La sixsiesme est que quant le dit hospital vaccara de hospi-
talier, que le dit Mgr fondeur en doihvent eslire ung aultre preu-
domme, ou pour le temps advenir son successeur, avec le dit
prieur, lequel du consentement du dit Mgr le fondeur ou de son
successeur avenir, puissent muer le dit hospitalier ou ung aultre
subrogeur par les causes et les cas en après expresses.
La septiesme est que le dit hospitalier tous les ans ou moys de
mars rendent compte de toute sa aminisiration à celuy que mon
dit seigneur ou son successeur deputtera pour oyr les diz comptes,
si lui plait demander, et ou dit prieur avecc|ues deux de ses frères
résidens au dit couvent de Morestel. Item, que le dit hospitalier
monstre ez dits auditeurs tous les biens meubles du dit hospital
par les comptes ; et oussy quils liaient puissance de serchier ou
dit hospital sil ny a plus renz, adtin quils voient se le dit hospi-
talier est digne de plus gouverner ; item, se le dit hospitalier na
rendu son dit compte dedans le dit moys de mars, qui soit re-
putes suspect, et en cely cas, le dit Monseigneur ou son suc-
cesseur avecque le dit prieur aviseront si devront lessier le dit
hospitalier ou non.
La vuitiesme est que Ihospitalier avise bien qui ne reçoive
persone du monde ou dit hospital, senon qui soit digne de misé-
ricorde et de estre recepte, et qui soit de bonne vie, de bonne con-
versation, et demandant destre albergié par amour de Dieu.
Le neuxiesme est que quant la persone sera digne de miséri-
corde comme dessus, que Ion ne lui faille point de labergier, mais
que de bon gre et sans difficulté qui soit receus sans prendre guer-
don ou aultres licites (ij dons, car mon dit seigneur par cete
présente ordonnance, deffent sus peine de la indignation de Notre
Seigneur tout puissant et mon dit seigneur S. Jacques le maiour
que le dit hospitalier ne demande rens es pauvres pour hebergier.
Toutcffoys mon dit seigneur fondeur non entcni point deft'endre
ne reprouver que se quelque persone pouvre ou riche voeillent
donner ou dit hospital de sa bonne volonté, que Ion ne le doive
recepvoir, mais que Ion prcngne celle qui donnera, à despendre
selon la volonté du donnant.
(La fin au prochain numéro.)
AUVERGNK.
(i^ Lise^ illicites.
QUARANTE ANNÉES
DE
L'HISTOIRE DES ÉVÊQUES DE Wm
AU MOYEN AGE
(1226 à 1266)
^
« Nobis pleraque cligna cognitu obvenere,
quamquam ab aliis incelebrata. »
Tacitus, cAnna/. lib. VI, cap. VII.
Le XIII^ siècle est considéré avec raison comme l'époque la plus
brillante du moyen âge. Les populations semblent alors vou-
loir sortir de cet état d'immobilité, dans lequel les avaient retenues le
joug féodal ; dans la plupart des villes, elles avaient arraché à leurs
seigneurs des chartes de libertés et de franchises, dont elles s'effor-
çaient ensuite de développer les principes, avec une admirable
persévérance. Ce mouvement communal avait pénétré jusque dans
les campagnes, et un grand nombre de villages avaient déjà conquis
une certaine indépendance et possédaient des privilèges que sous
plusieurs rapport? nous pourrions à bon droit leur envier aujour-
d'hui. Les mœurs tendaient à s'adoucir et perdaient insensiblement
de cette rudesse grossière qu'elles tenaient des barbares. Sur les
terres soumises à la domination du roi saint Louis, la sagesse et
la fermeté de ce prince, une des gloires les plus pures du XIIL
siècle, avait réussi à faire disparaître le fléau des guerres privées.
Les sciences et les arts étaient enseignés dans les universités par des
maîtres demeurés à jamais célèbres : les chefs-d'œuvre qu'ils nous
Bull. VIII, 1888. 10
130 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
ont laissés s'offrent à nous dans un degré de perfection qui n'a
point été surpassé. Qu'il sutlise de signaler les splendides églises de
cette époque et cet autre monument , où le plus illustre des
docteurs du XIII" siècle, Thomas d'Aquin, l'Ange de l'Ecole, a
résumé dans une merveilleuse synthèse les connaissances philoso-
phiques et théologiques de son temps. Enfin l'Eglise et la papauté
venaient d'atteindre l'apogée de leur puissance temporelle.
Nous sommes loin toutefois de professer une admiration absolue
pour cette grande époque, et nous croyons fermement que, plus
que tout autre, l'historien doit prendre pour devise et méditer sou-
vent cette inscription écrite en lettres dor au fronton du temple de
Delphes : « Rien de trop. :> En toutes choses il faut savoir garder
une juste mesure et faire de la modération la règle de notre esprit.
Mais cette modération vient du caractère autant que de l'étude, d'où
il résulte que beaucoup d'hommes, même fort savants, ne pour-
ront jamais exercer cette haute magistrature qui incombe à l'histo-
rien, parce que des passions violentes, portant malgré eu.x le trouble
dans leur âme, les empêcheront toujours d'atteindre à ces régions
calmes et sereines, où la vérité se dégage des nuages du préjugé et
de l'erreur, pour briller d'un vif éclat. Si tous les siècles ont eu leurs
gloires, tous aussi ont connu des jours de honte et de profonds
abaissements, et s'il nous eût été donné de choisir, voyant se
dérouler sous nos yeu.K les annales de l'humanité, à quelle époque
nous eussions voulu que la Providence nous fit naître, nous nous
serions senti probablement fort embarrassé pour désigner telle
époque plutôt que telle autre. Aussi quand certaines histoires, écrites
sans doute avec les meilleures intentions , dénigrent le temps
présent pour exalter un passé tranquille ; quand elles nous font
la riante peinture d'un âge d'or, et qu'elles nous parlent de ces
peuples à la foi ardente, heureux de vivre sous les murs du manoir
féodal, dans un état prospère, où la sécurité de chacun avait pour
garantie le respect des lois et la douceur des mœurs, nous croyons
lire le récit d'un rêve.
L'histoire de l'Eglise de 'Valence au XII b' siècle nous o(h-e le
spectacle d'une société sans cesse bouleversée par des guerres et
par des dissensions intestines : l'ambition et la violence s'y étalent
au grand jour. Ces chevaliers du moyen âge, dont les romans
nous vantent la générosité et les vertus chrétiennes nous y appa-
raissent, pour la plupart, comme des gens superbes et arrogants,
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. ■ I3I
très durs- envers les faibles, surtout envers les clercs, engagés dans
de perpétuelles querelles avec leurs voisins et tournant plus d'une
fois les armes contre les évêques. Ceux-ci de leur côté n'hésitent
pas à quitter, un instant, la mitre et la crosse, pour prendre la
cuirasse et l'épée et conduire en personne , sur les champs de
bataille, leurs vassaux et leurs soldats. Nous avons raconté ailleurs
les dix ans d'épiscopat de Guy de Montlaur, qui monta sur le siège
de Valence en 1266 et dont l'existence entière s'est consumée en
luttes ardentes contre une partie de ses chanoines et contre l'im-
placable ennemi de son Eglise , Aymar de Poitiers, comte de
Valentinois. Dans les pages qui vont suivre, nous voudrions faire
revivre les quarante années qui précédèrent l'avènement de Guy de
Montlaur et durant lesquelles notre Eglise fut successivement
gouvernée par trois frères de l'illustre maison de Savoie, Guillaume,
Boniface et Philippe. Ce récit composé à l'aide de documents sou-
vent inédits, offrira, croyons-nous, quelque intérêt à nos lecteurs ;
il pourra leur suggérer d'utiles réflexions et porter ceux d'entre eux
qu'inquiéteraient les agitations de l'heure présente, à ne jamais
désespérer de l'avenir.
I
GUILLAUME DE SAVOIE
EvÈQUE ÉLU DE VaLENCE, DE \\ I.NCHESTER ET DE LiÈGE.
(1226 à 1239).
Thomas, comte de Savoie (ii8g-i233j, eut dix enfants de
Béatrix de Genève, sa femme, huit fils et deux filles (ij.
(i) Thomas, comte de Savoie, mort le i'"' mars 1-233, avait épousé Béatrix de
Genève, qui était sœur de Guillaume II, comte de Genevois, et tante du dernier
évêque de Die, Amédée de Genève (1247-67). Les fils de Thomas de Savoie furent
Amédée IV, comte de Savoie (1233-53); Humbert, mort sans enfant, avant 1233 ;
Aimon, seigneur d'Agaune, mort sans enfant vers 1238; Guillaume, évêque élu de
Valence ; Thomas, prévôt de Valence, puis de Liège, et enfin comte de Flandre,
nfcrt en 1259; Pierre 11, dit le Petit Charlemagne, né en 1203, niort le 19 mai
1268 : d"abord prévôt de Genève, puis comte de Savoie en 1263 ; Philippe élu de
Valence et de Lyon, puis comte de Savoie de i 268 à i 2S5 ; Boniface, prévôt d'Aoste,
élu de Belley, archevêque de Cantorbéry, mort en 1270. Thomas eut encore deux
filles : Béatrix, épouse de Raymond-Bérenger, comte de Provence, et Marguerite,
épouse d'Hermann, comte de Kibourg. — Voir sur Béatrix de Genève, son ma-
riage, ses enfants, sa mort et sa sépulture : Mugnier, H/si. de l'abbaye de Ste-Cathe-
rine, dans Mém. et doc. publiés par la soc. Savoisienne dliist., t. XXIV, p. i 5 et suiv.
132 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
Réservant les aînés de ses fils pour le monde, il destina les cinq
plus jeunes à l'état ecclésiastique ; mais en homme avisé il ne
s'empressa point de les faire entrer dans les ordres sacrés, afin
de leur ménager toujours le moyen de regagner le siècle, si plus
tard l'occasion d'une brillante fortune s'offrait à eux. Un document
de l'année 1224 mentionne avec la qualité de clercs les quatre frères
Guillaume, Thomas, Pierre et Boniface (i). Grâce à leur naissance
illustre, ils ne devaient pas tarder à être pourvu de riches béné-
fices (2).
En l'année 1225, le siège épiscopal de Valence devint vacant par
suite de l'élection de l'évêque Gérold de Lausanne à la haute dignité
de patriarche de Jérusalem (3), après la mort de Raoul de Méren-
court. Guillaume de Savoie lui fut donné pour successeur, et ce fut
probablement à la même époque que Thomas, son frère, devint
également prévôt du chapitre de \'alence (4). L'élection de Gérold
souffrit, parait-il, de nombreuses difiicultés ; parmi les électeurs, un
certain nombre avaient porté leurs voix sur le cardinal de Sainte-
Sabine (5). Deux années s'écoulèrent avant que le pape confirmât à
Gérold le titre de patriarche. Enfin une bulle du 28 avril 1227 mit
fin à tous les différends ; Grégoire IX proclama solennellement
Gérold, patriarche de Jérusalem. Parmi les raisons qui ont déter-
miné ce choix, il signale la parfaite connaissance des intérêts de la
Palestine, qu'avait donné à l'élu un séjour prolongé dans ces con-
trées lointaines (6). Ces détails, que nous avons relevés à dessein,
(i) W'uRSTEMBERGER, Peter der Zweite, Bern, 1858, t. IV, Probationes, n° 58.
(2) Dans une enquête ordonnée par Honorius III vers 12 19, sur les faits et
gestes de Tévéque de Genève, Aimon de Grandson, cm apprend qu'un des griefs
reprochés au prélat était d'avoir conféré le doyenné d'Annecv, à Thomas, fils du
comte de Savoie, avant l'âge compétent. Le prince Thomas, né l'an i 199, destiné
à TEglise comme dit Guiceienon (t. I, p. 299), n'aurait eu que vingt ans en 12 19
(Spon, Histoire de Genève, in-.-j", 1739, t. II, p. .101-42). L'enquête que nous
signalons ici est un des documents les plus curieux que nous connaissions sur l'état
du clergé de nos pays au XIII" siècle. Cf. Regeste Genevois, p. 149.
(3) Alberici Chronicon, ad an. 1225 (Bouquet, t. XVIII, p. 795): « Patriarcha
Hierosolymitanus magister Radulphus moritur, cujus cathedram sortitus est episco-
pus Valcntias magister Giroldus. » Gérold, évëque de Valence depuis l'année 1220
(ibid, p. 790) appartenait à l'ordre de Citeaux, et avait été successivement abbé de
Molesme (1208) et de Cluny (1215).
(4) WURSTEMBERGER, t. IV, n" 656.
(5) Ce détail est mentionné dans la bulle de Grégoire I.\ du 28 avril 1227, que
nous rappelons.
(6) Gallia christiana, t. XVI, col. 312.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I33
nous expliquent la présence de Guillaume de Savoie à Valence et
son titre de ministre de cette Eglise, minislcr ecclesice Valentin.v,
dans un temps où Gérold n'était point encore délié par l'autorité
pontificale des engagements qu'il avait contractés envers son pre-
mier siège : dès l'année 1225 ce dernier avait dû quitter \'^alence et
se préparait à passer en Palestine avec l'empereur Frédéric II (i).
Quoiqu'il en soit, Guillaume de Savoie gouvernait l'Eglise de
Valence en 1226 ou tout au moins dans les premiers mois de 1227
(n. s ). Voici dans quelles circonstances nous le voj'ons figurer pour
la première fois.
La ville de Crest, située sur les confins des diocèses de Valence
et de Die, mais dans ce dernier diocèse, avait alors deux seigneurs,
qui y exerçaient chacun la juridiction féodale sur la portion de ter-
(i) Gérold de Lausanne se trouvait en Italie, dans les premiers mois de 1226,
auprès de l'empereur Frédéric II, donnant son adhésion, ainsi qu'un grand nombre
d'évéques.à tous les actes que ce prince promulgua en qualité de roi de Jérusalem.
Il assista au.\ diètes de Parme et de Borgo San-Donnino, et montra d'abord beau-
coup de zèle pour les intérêts de l'empire. Au mois d'août 1227, Gérold passa en
Syrie, avec un grand nombre de croisés. Le 28 juin de l'année suivante, l'empe-
reur quitta le port de Brindes ; il arriva dans l'île de Chypres, le 20 juillet suivant.
Il y séjourna quelque temps et aborda enfin en Palestine au mois de septembre.
On sait qu'il conclut avec le Soudan de Damas, le 18 février 1229, une trêve de
dix ans, qui stipulait la restitution de Jérusalem aux chrétiens. Frédéric était arrivé
en Terre Sainte sans s'être fait relever de l'excommunication qui pesait sur lui.
.Aussi le patriarche et un grand nombre de chrétiens avaient-ils constamment refusé
de s'associer à ses entreprises. La nouvelle du traité avec les musulmans fut le
signa! d'une explosion de colère contre l'empereur, qu'on accusait hautement
d'abandonner les intérêts catholiques. Le 17 mars 1229, Frédéric faisait son entrée
à Jérusalem et le lendemain se couronnait lui-même au Saint-Sépulcre. Le 19,
l'archevêque de Césarée, envoyé par le patriarche, arrivait à son tour à Jérusalem
et mettait sous l'interdit le Saint-Sépulcre et tous les lieux saints. Le patriarche
Gérold écrivit ensuite au pape et à tous les chrétiens d'Occident des lettres d'une
violence extrême contre l'empereur. 11 est juste toutefois de faire remarquer que la
conduite de ce prince dans la négociation et la conclusion de cette trêve avec le
Soudan de Damas a été diversement jugée par ses contemporains. Ainsi Herman de
Saltz, grand maître des Teuloniques, apprécie ce traité d'une tout autre manière
que Gérold. Ajoutons que l'année suivante, le patriarche de Jérusalem, sur l'ordre
formel du pape, fut obligé d'admettre et de ratifier le traité de 1229, qu'il avait si
amèrement blâmé, et de lever l'interdit sur les lieux saints. Ce prélat continua à se
montrer très hostile envers l'empereur. Il mourut à Jérusalem, le 7 septembre 1239
et fut enseveli auprès du Saint Sépulcre. Quelques jours après, le i 3 novembre, la
ville retombait au pouvoir des musulmans. Huillard-Bréholles, Hist. dipl. de
Frédéric II, introd., p. 327-56, et t. II et III, passim. — Hist. litt. rfe la France, t.
XVIII (1835), p. 103-6. — Mas-Latrie, Hist. de Chypre, t. I, p. 225-53.
134 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
ritoire et sur les hommes qui lui appartenaient : ils y possédaient
l'un et l'autre un château-fort. Celui d'Avmar de Poitiers, comte de
Valentinois. n'était autre que le château actuel, qui a subi depuis
cette époque de nombreuses transformations ; celui de Silvion de
Crest occupait le sommet le plus élevé de la colline, et il est facile
d'en reconnaître encore les dernières traces, à l'endroit qu'on nomme
aujourd'hui le Calvaire. Ce partage de juridiction dans une même
localité était entre les deux seigneurs une source intarrissable dé
conflits. D'autre part, une haine profonde, héréditaire les divisait.
Depuis longtemps en effet, les comtes de Valentinois travaillaient
à étendre leurs domaines et à se créer, comme les dauphins de
Viennois, une vaste principauté. Ils mettaient plus d'une fois au
sei-\ace de leur ambition la violence et la perfidie. Cette politique
déloyale fit à la maison de Poitiers d'implacables ennemis. Les sei-
gneurs féodaux, menacés dans leur indépendance et trop faibles
pour se défendre contre les envahisseurs, se rapprochaient des évê-
ques et s' empressaient de se placer, eux et leurs terres, sous la
protection de l'Eglise. C'est ce que firent autrefois les ancêtres
de Silvion, qui reconnurent la suzeraineté de l'évêque de Die.
Une circonstance avait naguère réveillé toutes les haines. En 1217,
Simon de Montfort était venu dans nos pays châtier l'insolence du
comte Aymar de Poitiers, qui n'avait pas craint de se montrer hostile
à la croisade contre les Albigeois et qui soutenait ouvertement la
cause de Raymond de Toulouse (ij. On ne saurait douter que Simon
n'eût été encouragé à entreprendre cette expédition par l'appui
que lui promirent un certain nombre de seigneurs, désireux d'abais-
ser la puissance du comte de \'alentinois : Simon s'approchant du
Valentinois à la tête de l'armée des croisés, recevait à Viviers la
promesse qu'on lui livrerait le château de Crest (2) ; Nicolas, évéque
de la ville, et ancien doyen de Die, lui fournissait les bateaux néces-
saires pour franchir le Rhône (3) ; Lambert, un des coseigneurs de
Montélimar, lui ouvrait les portes de cette ville; enfin quelques jours
après l'évêque de Die livrait aux croisés, ainsi qu'on en était con-
venu, le château de Crest, dont il était suzerain, château qui appar-
tenait â Silvion. La cession de cette forteresse entraîna la capitulation
(i) \'oir notre texte Essai liist. sur l'église et la ville de Die, t. I, p. 28g.
(2) Ai.iiERici Chronicon, ad an. 1216 (Bouquf.t, .XVIII, p. 78(1) : a Apud civilatcm
Vivariensem facta sunt promis?a de castro quod dlcilur Crista .\inaldi. «
(3) .Meyer, La chanson de la croisade, 1. II, p. 294.
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I35
de la ville et celle de l'autre château, où s'étaient repliées les troupes
d'Aymar de Poitiers et les partisans du comte de Toulouse (i).
Il était aisé de prévoir qu'Aymar, aussitôt après la retraite de
Simon de Montfort, chercherait à tirer une éclatante vengeance de
l'affront qu'il venait de subir. Silvion de Crest songea donc à se
mettre à couvert des effets de la colère de son terrible et puissant
voisin. Il voulut resserer les liens d'amitié qui l'unissait déjà à la
famille des seigneurs de Montélimar : il demanda à Lambert de
Monceil sa fille en mariage et s'engagea pour le cas où ne naîtrait
aucun enfant de cette union, à donner au fils de Lambert, Hugues
Adhémar, la totalité de ses biens, qui comprenaient son château de
Crest, et les terres d'Aouste et de Divajeu. Cette promesse, il la
renouvela quelque temps après, lorsqu'il se disposait à faire un
voyage en Angleterre , et un acte fut rédigé à cette occasion à
Roynac, le 2 avril i229('2j.
(1) Pétri, Vai.lium Sarnaii monachi, Hisioria Albigensium (Bouquet, t. XIX,
p. 109) : « Transivit igitur cornes nobilis cum suis et venit ad castrum quod dicitur
Montilium. Cardinalis autem transivit cum eo, de cujus voluntate et mandato cornes
omnia faciebat. Guiraldus autem Ademarii, qui erat dominus Montilii pro majori
parte, erat cum adversariis comitis (cum esset ligius homo domini papœ), nec
requisitus voluit dictum castrum cedere cardinali, quod receptaculum fecerat hasreti-
corum, sed homines de castro receperunt comitem. Quidam enim miles nomine
Lambertus, consanguineus dicti Guiraldi, qui erat alter dominus Montilii, adhœrebat et
semper aJhœserat comiii. Peractis comes apud Montilium paucis diebus, perrexit ad
obsidendum quoddam castrum, in diœcesi Valentina, quod dicitur Cresta, et erat
Ademarii Pictaviensis. Ademarius autem, sicut jam diximus, adversabalur comiti
Montisfortis et muliii diebus persecutus fuerat episcopum Valentinum ; civitas vero
Valentia adhœrebat et semper adhaeserat comiti memorato. ^'eniens comes ad cas-
trum Crestse, obsedit illud. Erat autem castrum nobilissimum et fortissimum, et
militibus et servienlibus bene munitum. Firmata obsidione, cœpit comes castrum
fortiter impugnare, obsessi defendere se pro viribus. Erant autem cum comité
plures de episcopis illius terrœ, et milites Francigenae, quos rex ei PhiJippus per
sex menses serviluros miserai ferme centum, et dum esset comes in obsidione
iila, tentatum fuit de compositione et pace facienda inter comitem et Ademarium
Pictaviensem. Post autem multa verba longumque tractatum, firmata est composi-
tio inter comitem et dictum .\demarium.. Facta est insuper compositio et pax inter
episcopum Valentite et saepedictum .ademarium. » — La chanson de la croisade
(p. 294) raconte un peu diversement la cause de la soumisson d'Aymar de Poitiers :
« L'évéque de Die commit une bien mauvaise action lorsqu'il rendit le château
qu'il tenait. » En qualité de suzerain, il s'était fait remettre, paraît-il, le château de
Silvion. qu'il s'empressa de livrer à Simon de Montfort. Ce fut sans doute ce qui
détermina Aymar de Poitiers à traiter.
(2) Nous avons publié le texte de ce document dans notre Essai hislorique sur
Véglise et la ville de Die, t. I, p. 479-80.
I^t» QUARANTE- ANNÉES DE L HISTOIRE DES
Silvion accomplit-il ce voyage? Nous ne sommes point en mesure
de le dire, mais ce que nous savons par un document que nous a
conservé Columbi, c'est que peu de temps après cette date, renon-
çant aux espérances du siècle, il embrassa l'état ecclésiastique et fut
nommé doyen de l'Eglise de Valence. Guillaume de Savoie gouver-
nait alors cette Eglise, qui était toujours en butte aux tracasseries de
la maison de Poitiers. En ce moment il était même en hostilité
ouverte avec Aymar de Poitiers et son fils Guillaume. La fortune
semblait vouloir favoriser ses armes et les prisons de l'évêché
renfermaient un certain nombre de vassaux du comte, que les
hasards de la guerre avaient fait tomber entre ses mains. Dans le
but de se fortifier de plus en plus contre les Poitiers, race perpétuel-
lement hostile au clergé et aux moines, Guillaume décida le
nouveau doyen à vendre à l'Eglise de Valence tous les droits qu'il
possédait à Crest, Aouste et Divajeu. Silvion reçut en échange la
jouissance, sa vie durant , des terres de Beaumont et de Mont-
vendre, ainsi qu'une rente viagère de cent livres, à prendre sur les
revenus du péage de Valence. L'évêque s'engageait en outre à payer
toutes ses dettes, jusqu'à concurrence d'une somme de 32,000
sous (i). Cette vente, comme on le pense bien, raviva les anciennes
querelles et devint l'occasion d'une véritable guerre de cent ans.
Pendant plus d'un siècle en effet les évêques et les comtes de Valen-
tinois se disputeront la possession des terres de Crest, Aouste
et Divajeu, avec un acharnement, qui sera pour nos populations
tout à la fois un scandale et une ruine.
La mort inopinée de Guillaume (2J, fils unique et héritier d'Aymar
(i) Columbi, Opuscula varia. Liigduni, 1668, in-f», p. 266.
(2) Guillaume était fils d'Aymar II de Poitiers et de Philippa de Fay (de Fayno).
Celle-ci avait pour père Guillaume-Jourdain, fondateur de la chartreuse de Bonne-
foy, au diocèse de Viviers, et pour mère Méleline de Clérieu, fille de Roger, sei-
gneur de Clérieu. La mort de Guillaume de Poitiers doit se placer avant le mois
de février 1228, comme le prouve une charte de donation f;iite à cette date par
Aymar son père aux chevaliers de Sl-Jean de Jérusalem. « Ego A. de Pictaviis,
cornes Valent., pro redcmptione anime mee et parentum meorum, et ut dominus
dignetur misereri anime palrui mci Ileustachii et anime fijii mei \N'uillclmi, qui
dampna gravia inlulerunt domui hospitalis, donn. i;\ucif) atque conccdo Dco et
domui predicti hospitalis, fratri G. de Ulnis, priori Sancli I-^gidii et fralrihus hospi-
talis, tam presenlibus quam futuris, quidquid rclinueram in villa de CIcu, et infra
ambilum murorum vel in mandamento, et rctinucram in villa de CIcu, castri Sancti
Gervasii, scilicet forciam et tcncmcntuni, et quicquici hal-icliam in Castro vel in
mandamento... » Archives de l'Isère, B, J519.
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I 37
de Poitiers, amena des complications qui achevèrent d'exaspérer
le vieux comte de Valentinois. Guillaume ne laissait de Flotte de
Royans (i), son épouse, qu'un fils en bas âge, devenu plus tard le
comte Aymar III. Pour des motifs que l'histoire ne dit point, il
avait enlevé à son père la tutelle de cet enfant pour la donner
à Flotte, à Adémar de Bressieu et à Eracle de Montlaur, recomman-
dant tout spécialement à ceux-ci de veiller à ce que ses volontés
dernières fussent ponctuellement exécutées. Profondément blessé par
cette mesure de défiance et irrité de voir sortir de ses mains l'admi-
nistration des biens de son petit-fils, Aymar prend les armes et,
pénétra'it sur les terres de cet enfant, se met en possession de
quelq'jcs-uns de ses châteaux. Ces discordes de famille offraient à
l'évèque de Valence une belle occasion pour renouveler ses préten-
tiOxis et au besoin rentrer en campagne. 11 était trop habile pour la
luisser échapper. Flotte de Royans et les tuteurs de son fils se virent
alors dans le plus grand embarras : menacés et par l'évêque et par
le comte, ils se sentaient impuissants à soutenir la lutte. Désireux
avant tout de sauvegarder les droits de leur pupille, ils se résignèrent
bientôt à prendre le seul parti que leur conseillât la prudence, celui
de désarmer l'évêque et de s'en faire un protecteur.
Adémar de Bressieu fut donc chargé d'aller à Valence et de
conclure avec le prélat, ajix conditions les plus avantageuses, un
traité d'alliance offensive et défensive. De part et d'autre on s'en-
gagea à se prêter main forte ; Flotte et les tuteurs consentirent à ce
que les châteaux d'Upie et de Montoison fussent tenus en fiefs de
l'évêque à perpétuité, et promirent en outre de lui payer une somme
de 45,000 sous Viennois, dont 20,000 étaient destinés à payer la
rançon des prisonniers demeurés au pouvoir de l'évêque. Ce traité
fut conclu dans les salles de l'évêché qui regardaient le Rhône, au
mois de juin 1227, en présence de Bertrand d'Etoile, évêque de Die,
de Giraud Bastet, de Hugues d'Etoile, du prieur de Montélier et de
quelques autres personnages. Peu de jours après, il reçut la sanc-
tion de Flotte de Royans, qui se trouvait alors à Crest, dans le
château des Poitiers. Bertrand d'Etoile, évêque de Die, qui s'était
rendu dans cette ville, fut témoin avec Aynard de Chabrillan, du
- (i) Flotte de Royans était fille unique de Rambaud Osasicca et peiite-fille de
Ràyœond-Bérenger de Royans. A la mort de son père, vers 1226, elle se mit en
possession oëFi^tcMc de csaint-Nazaire et de ses dépendances, vaste domaine qui
entra ainsi dans le comté de Valentinois.
138 QUARANTE ANNÉES DE l'hISTOIRE DES
serment prêté en cette circonstance par la mère et tutrice du jeune
.Aymar de Poiters. A'oici du reste le texte encore inédit de ce
traité :
Xoverint universi, presentem cartam inspecturi, quod Ademarus de
Brissiaco et Eraclius de Montelauro, tutores testamentarii Adema-
reti, filii quondam Wuillelmi de Pictavia, cum evidencius compe-
rissent Ademarum Pictaviensem , patrem ejusdem Wuillelmi de
Pictavia, obviare et contraire voluntati W', filii sui quondam, quam
se observaturam juraverant, occupando terram et castra, que W* de
Pictavia tempore mortis sue possidebat, formidantes vehemencius
ne exheredaretur filius et hères prefati\\'', et timentes similiter ut si
dominus ^^\lillelmus, procurator ecclesie Valent., propter querimo-
niam, quam habebat cum ipso W° de Pictavia et A. pâtre ejusdem,
prose et ecclesia Valent., moveret guerram in terra, filii et heredis
dicti W' de Pictavia, que plurimum fatigata erat expensis grandibus,
quos feceratidem W% et honorata debitorum mole et clamorum dicti
W et etiam usuris gravibus, quos pro debitis ipsius oportebat près-
tare, quod noa posset tanta pondéra sustinere terra quam idem W^
eorum tuicioni supposuerat , attendentes diligencius et sollerter
qualiter tota terra prefata melius atque facilius tantas lesiones et
angustias evadere posset et quiescere , ut débita, clamores , et
relicta ipsius W' de Pictavia cicius solvi possent , pro ulilitatibus
predictis et commodo Ademareti filii et heredis W de Pictavia et
tocius terre sue, necnoa et pro observanda voluntate ultima \V' de
Pictavia et recuperanda terra, quam occupaverat Ademarus Picta-
viensis, pater dicti W' de Pictavia, ipse Ademarus de Brissiaco, pro
se et Eraclio de IMontelauro contutore suo, et de voluntate et de
consilio atque speciali et expresso mandato ejusdem, et assensu et
consilio domine Flote, uxoris quondam W' de Pictavia, taies con-
ventiones seu pacta cum domino Wuillelmo, procuratore ecclesie
Valent., fecit, sicut inferius exprimitur. Dominus Electus débet juvare
A. de Brissiaco et Eraclium contutorem suum et dominam Flotam
ad opus filii sui, bona fide et absque dolo, ad recuperandam terram,
quam W"» de Pictavia tenebat citra Rodanum et ultra, tempore
mortis suc, suis propriis misionibus et expensis, nec propter damp-
na, si qua propter hoc incurreret, potest inpetere dictos tutores vel
dominam Flotam usque ad decennium et filium ipsius Flote Ade-
marelum ab A. Pictaviensi, et si forte infra decennium reformaretur
pax intcr prefatum A. Pictaviensem et tutores predictos et dominam
Flotam, et iterum ipse A. Pictaviensis faceret guerram contra tutores
et dominam Flotam et filium ejus A , dominus W"* procurator
tenetur eos juvare, et ipsi posl primam pacem vel composicionem
non possunt facere pacem sine domino W" procuratore \'alent.
Sane d. procurator infra decennium non potest inpetere tutores
prefatos vel d. Flotam seu .Ad., filium cjus, super querelis quas
habebat adversus W"" de Pictavia , nihi prcfuti tutores vel d.
ÉVÈQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I 39
Flota seu Ad. filius ejus vel homines eorum d° procuratori non
juvarentur vel eum offenderent, et a neutra parte potest fieri
bastia, infra decennium, extra castra vel villas. Verum si aliqua
castra vel municiones caperentur a d° procuratore vel hominibus
suis vel reddentur eis de terra, quam tenebat W= de Pictavia
tempore mortis sue, illa debcnt tradi supramemoratis tuloribus
et d^ Flote et fîHo ejus Ad.; facta autem composicione vel pace
inter dictos tutores et d"am Flotam et filium ejus, ex una par-
te, et A. Pictavîensem ex altéra, et guerra esset inter dominum
procuratorem Valent, et A. Pictavîensem, illud quod dnus Wus procu-
rator posset auferre A» Pictaviensi, vi vel aliquo ing-enio, non tene-
retur reddere eis, ratione seu occasione hujus supradicti pacti. Et si
A. de Brissiaco haberet guerram, propter predictam composicionem,
in terra sua, d^ procurator tenetur eum juvare et manutenere, et
si aliquis homo caperetur a dno procuratore, vel ab aliquo alio de
suis unum castrum vel castra possent haberi, dnus procurator
tenetur eum liberare infra duos menses, si voluntas fuerit tutorum
vel dne Flote. Elapsis duobus mensibus, non tenetur dnus procura-
tor liberare eum, si non vult. Medietatem vero redempcionis debent
habere tutores prefati et domina Flota, si sui homines essent ad
capiendum illum. Si vero procurator Valent, per se, vel homines sui
caperent aliquem, tota redempcio erit dicti procuratoris. Et si pre-
dicta faceret dominus procurator eum hominibus tutorum predicto-
rum vel Flote, très partes habebit dominus procurator, et quartam
tutores et domina Flota Et si in aliquo loco dampnum datum fuerit
domino procuratori, vel hominibus suis, vel tutoribus, vel Flote, vel
hominibus suis, vel illis qui pro ipsis essent pro dno scilicet pro-
curatore, vel pro tutoribus, vel pro Flota, et lucrum in eodem
die factum esset, dampnum, quod solet emendari, de eodem com-
muni lucro débet resarciri , et residuum partiri débet , sicut
superius est expressum. Sane pro ista manutenencia et valore et
pro utilitate dicti Ademareti, filii quondam W' de Pictavia , ne
terra sua posset alienari vel ius suum deperire ab A. Pictaviensi
vel uxore sua, Ademarus de Brissiaco, de voluntate et consilio
Eraclii de Montelauro, contutoris sui. et domine Flote, accipit in
feudum francum duo castra Upian et Montayson a dno W° procu-
ratore Valent, et successoribus suis episcopis et electis Valent., et
donat eidem XXV milia solidorum viennensis vel valentinensis
monete, et XX milia solidorum pro militibus , quos incarceratos
tenet dominus procurator, et obligat illa idem A. de Brissiaco tutor,
de voluntate et assensu Eraclii de Montelauro et tutoris sui et
dne Flote domino procuratori pro illis pretaxatis XLV milibus solidis,
hoc tamen addito ut si aliquis predictorum militum incarceratorum
se redimeret, redempcio in solucione cederet XX milium solidorum,
et de residuo tenerentur castra eum pretaxatis XXV milibus solidis.
Verum supra memorati tutores, vel domina Flota, possunt redi-
mere alterum de duobus castris, soluta medietate pecunie supra-
dicte et in obtione domini Electi est quod illorum castrorum velit
140 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
retinere pro reliqua medietate dicte pecunie, nec ipsi tulores, nec
ipsa Flota possunt facere pacem vel composicionem cum A. Picta-
viensi, nisi prius A. Pictaviensis laudaverit dicta duo castra esse de
feudo episcopi, vel electi Valent., vel successorum ejusdem, et esse
obligata domino electo et successoribus ejus pro pecunia supradicta.
Et si forte aliquod castrum, vel castra caperentur a domino electo,
vel a tutoribus, vel a domina Flota, vel redderentur eis vel uni, débet
dominus electus illud castrum, vel illa castra, habere et tenere,
pro predictis pactis observandis, excepto Castro Stelle, donec fuerit
in possessione predictorum castrorum Upiani scilicet et Montayson.
Et si pax fieret inter dictos tutores et dominam Flotam, ex una parte,
et A. Pictaviensem, ex altéra, de terra quam tenebunt tutores, vel
domina Flota, seu custodes terre, non débet dampnum evenire
domino electo, vel terre sue, vel hominibus suis, usque ad decen-
nium, non infra decennium prefati tutores vel domina Flota vel filius
ejus possunt impetere dominum W. procuratorem Valent, supra
querelis, quos habebat W. de Pictavia contra ipsum, sicut e contra
nec procurator Valentin. eosdem. Electus autem predictus et A. de
Brissiaco, tactis sacrosanctis evangeliis, juraverunt se observaturos
inviolabiliter omnia et singula supradicta. Actum est eciam inter
partes quod si quis supra premissis questio oriretur, questio ipsa per
G. Bastet et W™ de Breisseu valeat terminari. Actum anno Domini
M° CC° XXVIF, mense junii, in estris episcopalibus Valent, respi-
cientibus Rodanum , presentibus et ad hoc vocatis testibus et
rogatis domino B(ertrando) episcopo Diensi, R", vicario Valent.,
G. Bastet, magistro Artaudo, magistro llugone Bellicensi, Poncio
vicario, Hugone de Stella, B, priore Montilisii, G. de Urre, W. de
Breisseu. Eodem anno et mense, apud Cristam, in domo A. Picta-
viensis, domina Flota hoc factum supradictum laudavit et concessit
et, sacramento corporaliter prestito, confirmavit, in presencia domini
B., Diensis episcopi, magistri Artaudi, B., prioris Montilisii, R.,
vicarii, G. de Vrre, Aynardi de Chabrilla et G. Bastet. Ut autem
supradicta omnia robur habeant firmitatis dictus A. de Brissiaco et
domina Flota, communi consensu et unanimi voluntate, hanc pre-
sentem cartam sigillorum suorum munimine roborarunt. (i).
Le curieux document que nous venons de reproduire, nous a
fait connaître jusque dans les moindres détails les conditions d'un
de ces traités d'alliance , alors fréquents entre seigneurs , pour
repousser les attaques d'un ennemi commun. Nous n'avons mal-
heureusement aucune donnée précise sur la guerre que soutinrent
(i) Archives dép. de la Drome. Fonds de l'Evcchc de Valence. — Pour que le
lecteur puisse aisément se rendre compte de l'importance des sommes mentionnées
dans cette pièce, nous dirons que d'après les savantes recherches de M. (lucrard
cl de M. Lcber, la livre viennoise avait au XIII" siècle une valeur absolue de 19
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE, I4I
Tévêque et ses alliés à la suite de cet acte (i); mais à en juger par
un document, que le lecteur trouvera plus loin, on ne saurait douter
qu'elle n'ait été d'une extrême violence. Columbi nous assure que
Guillaume de Savoie déploya toute son habileté, toute son énergie
pour faire respecter les droits de son protégé. Du reste nou^ allons
avoir l'occasion de recueillir des témoignages contemporains sur les
talents militaires de l'élu de Valence et sur son courage dans les
combats.
(La suite au prochain numéro).
Jules CHEVALIER.
francs environ, et relative au pouvoir d'aujourd'hui de 114 fr. Elle se divisait en
20 sous, valant chacun 0,95 cent., ou actuellement 5 fr. 70 c. Le sou se subdi-
visait en 12 deniers, équivalant à 0,08 c. environ, soit aujourd'hui à o.<^2 c. Les
45,000 sous que Flotte et les tuteurs s'engageaient de payer à l'évêque représen-
teraient donc aujourd'hui une somme de 256,000 francs.
(i) En 1228, Adémar de Bressieu, Astorge de Chambaud et Hugues de Balasta,
en qualité de tuteurs du jeune Aymar de Poitiers, confirment à Bertrand de Saou la
châtellenie d'Etoile et le droit d'exiger un péage de 2 sétiers de sel sur chacune
des barques chargées de sel qu'on mène sur le Rhône ; ils reconnaissent avoir reçu
de Bertrand de Saou, pour les droits d'investiture la somme de 30 livres viennoises,
ce qui représenterait 3.420 fr. de notre monnaie. « In nomine Domini. Anno
incarnationis ejusdem M° CC" XX° VIII°, Ademarus, dominus de Breissaco, et
Austorgius de Chambau et Vgo de Balasta, tutores testamentarii Ademarii; filii
quondam domini W de Pictavis, de commuai consensu donaverunt, laudaverunt
et concesserunt Bertrando de Sao et ejus heredibus ac legitimis successoribus
villicationem castri de Stella, cum omni suo jure et pertinentiis, redditibus atque
proventibus et insuper duo seslaria salis in singulis navigiis que trahuntur per
Rodanum in mandamento de Stella, volente et annuente quod ipsam villicationem
cum omni suo jure perpetuo quiète possideat, profitentes et quod XXX libras
viennensium ab ipso Bertrando, investiture nomine, receperunt eosque in necessita-
tibus Ademari dicti exsolverunt... « (^Archives de l'Isère, B, 3519).
HISTOIRE RELIGIEUSE
DU
CANTOOE LA CHAPELLE-EN-eCORS
(DROME).
(Suite).
Les édifices religieux surtout étaient vers 1590 ou ruinés ou dans
un état voisin de la ruine. Sans parler ici de ceux des autres parois-
ses, dont nous aurons plus loin à déplorer l'affreux, délabrement,
constatons qu'à la Chapelle, le 10 juin 1604 , quand Mgr. de
Léberon vint faire sa visite pastorale, il n'y avait pas de tabernacle
ni de ciboire pour les malades. Le prélat était réduit à ordonner aux
« peroissiens de faire parachever l'église enlrecy et St-!\lichel, et
de faire couvrir les fonds babtismales , fournir lad. église d'une
croix, de calice et ornements nécessaires à ce que le divin servisse
y » fût « deuemant cellebré. « Le service de la chapelle de la Made-
leifie fondée dans l'église n'était pas fait ; la chapelle de Saint-
Claude, bâtie hors de l'église, était « entièrement ruynée et des-
molye par l'injure et malheur des troubles passés. »
Du reste, tous les détails que nous avons sur l'état du pays à la
fin du XVI'= siècle et au commencement du XV' II*, sont dune élo-
quence lugubre.
Un registre de protocoles de 1593 à 1595 de Pierre Chalvet,
notaire à la Chapelle et protestant, seul registre des notaires de la
localité que l'on aie de 1569 à 1654, ne contient guère de testaments
et de contrats de mariages si ce n'est de testateurs et d'époux pro-
lestants. Bien plus, on y indique seulement dune manière fort
vague, dans les ventes d'immeubles, c]uels en sont les seigneurs
directs et les charges censitaires.
En 1591, la commune de Saint-.Marlin était criblée de dettes.
Celles-ci provenaient, en grande partie du moins, d'impôts forcés,
comme celui de 12 ccus 40 sols 6 deniers que la commune eut à
DE LA CHAPELLE-EX-VERCORS. I43
payer, le 21 juillet 1591, à « Chorot, commis à la recepte des troys
« escus impozés pour la fortification de Grenoble. » Ne sachant
comment sortir d'embarras, cette pauvre commune songea à vendre
« un quinzain de tous ses grains. » Le parlement l'y autorisa le 23
septembre 1591, et, après plusieurs encans, le quinzain fut adjugé,
le II novembre suivant, à « Mathieu Mailhet, marchant de Dye, »
pour 750 écus, soubz reachept perpétuel. » Puis, <>■ lad. commune,
« se voyant despeuplée, et que la continuation de la levée dud.
« quinzain desgoutoit tous ceulx quy estoint en volonté d'y venir
« habiter, » s'en racheta le 23 juin 1593. Et cela, avant même que
toutes ses dettes fussent payées ; car le 6 novembre suivant, son
consul Penon livrait à Louis Romey, de la Chapelle, 13 écus « en
« déduction de plus grand some à luy deue par la comune dud.
« St-Martin, pour despenses et vacations par luy faictes et par luy
« suportées, pendant que le capitaine Jan Rolet l'a faict détenir
« prizonier à Chabeuilh, pour raison du debte que le mandement
« de Vercors luy debvoit (i). «
Et cependant, les exactions et fournitures de toute sorte conti-
nueront encore longtemps à être imposées à nos malheureuses
communautés. Qu'on en juge par cet ordre de logement pour le
régiment du sieur de la Roche, ordre choisi entre cent du même
genre.
« Le seigneur Desdiguières, gouverneur et lieutenant gênerai du
Roy en Piedmont et Savoye, et commandant generallement en
Daulphiné pour le service de Sa .Majesté : estant bien nécessaire
de pourvoir au soulagement des villages quy ont logé le régiment
du sieur de la Roche despuys le dernier establissement, nous
ordonnons que les consuls et communautées soubs nommées
fourniront logis et vivres au susdict régiment à la forme que
s'ensuit, scavoir : La Chodière, Saint-Benoit et Rimond, logeront
la compagnye du sieur de la Roche ; La Chapelle en Vercos,
Saint-Martin, Saint-Jullien, Saint-Agnan, logeront la compagnye
du cappitaine Rousset ; Vassieu, Rencurel et le Plan de Bays,
logeront la compagnye de Monsieur de la Touche ; Hespenel
et Véronne logeront la compagnye du cappitaine la Cloche.
A tous les soldats duquel régiment sera fourny par les sus-
dicts consuls et communautés pour chascun et pour chasque
jour trente onces de pain, une livre chair et un pot de vin,
XX
(i) -Minut. cit., protoc. Chalvet, n" 93, ff. Ixij-iiij et iiij iv.
144 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
« et ce durant huict jours , qu'il sera autrement ordonné à
« commencer du jour que lesdites compagnyes seront logées .
« Deffendant aux cappitaines de chasque compagnye de permettre
« que les soldats tiennent davantage que d'un laquais de quatre
« en quatre, n'y qu'il soit payé pour tout droict des membres
« que vingt payes à la forme de nos règlements en nostre pre-
« cedente ordonnance, ny qu'il soit commis aucun abus ny desor-
« dre sur les susdicts villages à peyne de nous en estre responsables
« de leur vie.
« Faict au conseil tenu à Grenoble, ce premier demay 1598.
0 Lesdiguières.
« ChoUier. »
(Sceau).
Le 17 juillet 1593, les dîmes du Vercors sont affermées ; mais les
quantités en sont minimes, et la ferme est passée par « noble Just
Dubayle, segneur de Lambres, » agent « de Monsegneur de Ba-
lany, » lequel « prend et a accoustumé prendre » les « dismes » au
« mandement dud. Vercors. » Un acte du lendemain nous explique
qu'il s'agit des « dismes que mon segneur l'Evesque de Dye, ou,
« pourluy, mon segneur Balany, a accoustumé prendre » aud. lieu-
C'est-à-dire que les temps étaient alors encore bien orageux ;
l'évêque en fuite devant les ravages et les incendies des religionnai-
res, ne pouvait faire administrer que d'une manière bien imparfaite
ses revenus du \^ercors et de ses autres terres. 11 crut devoir en con-
fier le tout ou une partie à son cousin Jean de Montluc, seigneur
de Balagny, qui était militaire et bien vu du roi. De son côté, le
seigneur de Lambres, noble Just du Bayle, était un homme énergi-
que, ayant la confiance de Balagny. On le trouve châtelain de
Vercors en juin 1594.
Cependant le service divin reprenait alors dans la région. Le i*""
septembre 1591, noble Michel de Chafardon se chargeait de celui
de Vassieux (\). A la Chapelle, l'évêque, en visite le 10 juin 1604,
trouvait l'église « soubs le vocable de la bcnoicte et sacrée vierge
Marie » dans l'état que nous avons dit ; mais il y avait un curé,
nommé l'^rançois Bouchaton (2). Le prélat enjoignit à ce dernier de
XX
(i) Minutes cit., rcg. protoc. de Pierre Chalvet, 71" 93. (ï. Ixvij et ixx.
(2) Encore curé de la Chapelle en juin 1609. (Arch. cit., fonds de la Ciiapellc-
en-V.)
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. I45
bien remplir sa charge et de tenir registre des baptêmes, mariages
et sépultures. Il ordonna aux habitants « en la personne de Gabriel
Romey vichastelain, Gaspard Blanc, Estienne et François Allard, »
de « faire parachever l'église, » de faire couvrir les fonts baptis-
maux et de fournir une tabernacle, un porte-Dieu, une croix, un
calice, etc.
Hélas ! les habitants ne satisfirent guère à l'ordonnance épisco-
pale. Le dimanche 23 juin 1614, Jean Varnier vicaire général, visi-
tant cette église, dont Jean Revil était curé, dut prescrire aux consul
et conseillers l'acquisition de nappes, d'un « tabernacle pour reposer
le St-Sacrement, » d'un « ciboire pour le porter aux pauvres malades
avec plus de vénération, » et d'une « custode pour honorer la pro-
cession du jour et feste du précieux corps de Notre-Seigneur. » De
son côté, le curé eut ordre de fournir des corporaux « honnestes »
pour la messe, « d'orner son autel d'un tableau à l'honneur de la
glorieuse Vierge Marie, soubs le vocable de laquelle est sacrée lad.
églize, de faire blanchir le choeur d'icelle église, et ouvrir de façon la
fenestre dud. chœur qu'elle donne sufllsamment de jour sur led.
autel. » L'église était d'ailleurs • en assez bon estât, » et le cimetière
bénit de la paroisse la touchait (i).
Un des soins les plus attentifs de nos évêques dans le cours de
leurs visites au XVIl" siècle, fut de faire respecter les choses catho-
liques par les protestants et de ramener ceux-ci au giron de l'Eglise.
Grâce aux facilités que leur donnait ledit de Nantes, ces pauvres
frères égarés furent d'abord fort à l'aîse au Vercors. Le 14 décem-
bre 1606, le consistoire de Die délibérait sur la conduite de Liotard,
ancien de l'église, qui, au retour du colloque de la Baume-Cornil-
lane, où .il avait été député, avait « joué aux cartes au Vercors et
perdu six écus et les papiers qu'il portait. » Heureusement que, s'é-
tant aperçu de la disparition de ces derniers, Liotard les avait fait
crier et retrouvés (2). De tous les protestants du Vercors il se forma
une église rangée dans le colloque du Viennois. On leur trouve pour
ministres en 1609 Daniel Monin, de 1610 à 161 3 Pierre de Bonniol,
de 161 3 à 1617 Jean Bonnet, de i6ig à 16:^0 Abraham de Colignon.
Mais le nombre de ces protestants alla en diminuant de plus en
plus (3). Le 2 juillet 1644, l'évêque trouvait seulement à la Chapelle
(i) Arch. de la Drôme, fonds de Die, visites,
(2) Arch. cit., D, 55 .
(3) Bulletin archéol. de la Drôme, VIII, 389.
Bull. VIII, 1888. 11
146 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
« 4 familles huguenotes, v à côté de 140 familles catholiques. Parmi
celles-là était la famille de Daniel Chalvet, notaire du lieu, lequel,
dans son testament du ^o juin 1652, élisait sépulture « au cimetière
de ceux de la religion réformée, de laquelle il faisait profession (i). »
En 1658, Daniel de Cosnac trouve 150 familles catholiques.
« n'ayant que 6 de la r('eligion) p(rétendue) r(éformée), auquel le
ministre du Pont en Royans, par usurpation, vient parfois prêcher
dans des maisons particulières. » il y avait donc quelque augmenta-
tion du protestantisme ; mais celle-ci était tout-à-fait accidentelle,
à moins qu'il ne faille l'attribuer à l'action d'un certain De Fassion,
ministre au Vercors vers ce temps. Quoiqu'il en soit, la Chapelle
reprit si bien sa marche vers l'unité religieuse, que la révocation de
l'édit de Nantes, en 1685, y passa presque inaperçue, et qu'un Etat
de 1706 signale dans la paroisse « 680 paroissiens » tous « anciens
catholiques, » sauf « 7 ou 8 nouveaux convertis, et seulement deux
« personnes » n'ayant pas fait d'abjuration (2). »
Ce précieux résultat fut l'œuvre d'une administration féodale, civile
et judiciaire qui s'inspirait des sentiments catholiques des seigneurs
du Vercors, surtout de ceux de l'évêque, haut-seigneur de ce pays.
Il fut aussi lœuvre de ces confréries du Très-Saint-Sacrement et du
Saint-Rosaire qui, en affirmant hautement la foi antique de l'Eglise
à la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, et la dévotion
du peuple chrétien envers la Mère de Dieu, étaient une protestation
vivante et continuelle contre les fantaisies des hérétiques. Mais il ne
fut pas moins l'œuvre du zèle que pasteurs et fidèles mirent à rele-
ver le culte et les édifices religieux, et dont voici les faits principaux
à partir de 1630.
Vers cette date, l'évêque avait pour\u des fonctions curiales de la
Chapelle François de Vaucoret, docteur en théologie, que nous trou-
vons curé du lieu en mai 1633, ^^ ai'bitre en 1634 d'un différend pour
les dîmes de Feugey entre les Minimes de Saint-Jean-en-Royans et
le cure d'Oriol. Vaucoret avait encore la cure de la Chapelle en
août 1641. Mais en juillet 1644 le curé pourvu était M"" Pierre de la
Motte, et le curé commis M*^ Guillaume Boursier ; Lazare de Vauco-
ret, « estranger, » détenait et « se jactait d'emporter hors de cesle
province un calice et patène d'cslain, le livre des baptesmes, » qu'il
détenait, ainsi que les titres de ladite cure, de la chapelle de Jouve-
(i) Minut. cil., proloc. P. Gauthier, rcif. G, f. 118-22.
(2) Arch. cit., Visites de Die cl fonds de la Chapclie-en-Vercors.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 147
Pertuis et d'autres « bénéfices dont feu M" François de Vaucoret
avoit esté pourveu, » et le prélat en prescrivait la restitution dans le
délai de huit jours. Le chœur de l'église était alors « voûté, blanchi
et planché, » et la nef « lambrissée, planchée et blanchie. » Il y avait
un tabernacle, i ciboire d'étain doré, i calice et sa patène d'argent
doré, outre le calice détenu par Vaucoret ; sur le coin du chœur
était « une niche à laquelle » se trouvait une cloche d'environ 300
livres ; sur la porte était une tribune pour les Pénitents.
Le 1" mai 1653, " noble Flotard de Moret, sieur de Chanront,
prévost de l'esglise St-André de Grenoble, prieur curé de Nostre
Dame de la Chapelle en \ ercors, » chargeait Louis Armand, curé
de St-Agnan, d'arrenter les fonds et revenus de ladite cure de la
Chapelle, et, le 29 juin suivant, Armand arrentait en effet ceux-ci,
pour un an, à Benoit Bodin, vichâtelain du Vercors. Cependant,
Pierre Buissarat, prêtre de Grenoble, curé de la Chapelle, avait fait
résignation de cette cure à « Fransois Moret, cler de Grenoble, »
et cette résignation était admise en cour de Rome, le 7 février 1654.
Le 30 avril suivant, Reynaud, vicaire général et officiai de Die,
donnait le forma dignum, et le surlendemain, 2 mai, François
Moret était mis personnellement en possession de la cure « par
l'entrée et sortie de l'esglise de la Chapelle sous le vocable de l'As-
somption Nostre Dame, » et d'autres cérémonies. Puis le 4 du même
mois, le nouveau curé arrentait pour 4 ans les revenus de son béné-
fice à Jacques Gautier La Chau et André Boulhane de St-Agnan.
Claude Rolland était alors « vicaire » de la Chapelle. Moret était
encore curé de la Chapelle en mai 165O (ij.
Le 18 septembre 156S, Daiiel àt Cosnac faisait sa visite canoni-
que à la paroisse. Michel Boutavin, curé titulaire, était malade.
L'église contenait un autel garni d'un tableau et surmonté d'un
petit tabernacle en bois sans pavillon. Le tableau peint à l'huile,
représentant l'Assomption et sans cadre, était « attaché à des aix »
servant de ciel audit autel. Le sanctuaire et la nef n'étaient pas blan-
chis ; la fenêtre du côté de l'épître était sans barres ni vitres ; il n'y
avait point de lampe, quoique la communauté dût 30 livres pour le
luminaire « au moyen d'un petit disme » pris dans la paroisse ; la
communauté faisait « travailher à réparer le clocher. » L'évêque
prescrivit aux habitants d'acheter un ciboire en argent et de faire
(i) Arch. cit., fonds de la Chapelle-en-V. et de Saint-Jean-en-Royans, et Visites
de Die ; — Minut. cit., reg. de Gautier coté I, f. 77-8, et K, f. 26-31.
148 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
« parachever le clocher, » au curé de fournir l'huile pour la lampe,
moyennant les 30 livres qu'il recevait annuellement pour cela, et au
prieur de faire blanchir le chœur. Un don de 75 livres, destiné à
l'achat d'ornements et fait par Pierre Paulet, trouvait à point son
emploi.
A Hippolyte Chovin, « curé commis » de la Chapelle en 1662 et
en 1666, avait succédé en 1676 Jean-François Royannez, remplacé
lui-même par « Jean de Nevache, prebtre de Bardonnenche en
Briansonnois, » qui était au Vercors eu décembre 1677 et fonction-
nait en octobre 168 1 comme « curé de la Chapelle. » Cependant on
trouve vers i66g Dimonier, prieur de Vercors, aumônier du duc de
Lesdiguières et recteur de la chapelle Sainte-Catherine de Crest,
lequel n'est peut-être autre que Jacques Dimonier, du diocèse
d'Orange, curé delà Chapelle en 1687 et alors âgé de 40 ans.
Ce fut ce dernier qui, le 4 août i68g, reçut .-Vrmand de Montmorin,
vicaire général, officiai et évêque nommé de Die, faisant sa visite
canonique à la Chapelle. La paroisse avait alors 800 communiants ;
l'église était assez bien ornée, mais pas assez grande ; le sanctuaire,
voûté en forme de coquille, était éclairé d'une fenêtre vers l'épitre, et
partagé par une cloison d'ais contre laquelle se trouvait « placé l'au-
tel de paroisse ; celui-ci était en maçonnerie, avait 4 pieds de long
sur 2 et 1/2 de large, et était surmonté d'un « tabernacle avec ses
gradins doré très-propre, au-dessus duquel » était « un tableau peint
en huile représentant l'Assomption de la Ste-Vierge, enchâssé dans
un cadre d'esculpture doré. » La sacristie, située derrière le maître
autel, était bien pourvue en vases sacrés et ornements. La nef était
lambrissée proprement et « planchée de bois sapin ; » au bas, à
main gauche en entrant, étaient les fonts baptismaux, dont la cuve
en pierre était couverte d'une porte en sapin hérissée de pointes de
fer par le haut. La tribune, assez propre et avançant de 18 pieds dans
la nef, était trop grande et rendait la nef trop obscure. La toiture
était en « essendons. » Enfin, à côté du chœur s'élevait le clocher,
a d'une figure carrée » et « dont l'éguile, » aussi bien que le reste,
était « de massonerie ; » au-dedans était une clcjche d'environ 6
quinlau.x. Le couxert de ce clocher demandait réparation (i ).
(1) Arch. cit., visites cit. cl B, 212, 1091 ; — Minut. ch., passim.
(La suite au prochain numéro).
L. FILLET.
MARIE DE MONTLAUR
MARÉCHALE D'ORNANO
ET LE
Relèvement du Culte Catholique
DANS LA VILLE D'AUBENAS
(Suite).
II
Le lecteur aura remarqué que la somme de 312 liv. 10 s. affectée
par la veuve du Maréchal d'Ornano à la pieuse fondation dont nous
venons de parler est dite la moitié de la pension due par les habi-
bants et la communauté d'Aubenas à la comtesse de Montlaur. A
quelle occasion cette dette avait elle été contractée et que devint la
seconde moitié de la susdite pension ? La réponse à ces questions
nous est donnée par deux délibérations du conseil général d'Aube-"
nas et nous y retrouvons encore de la part de la baronne du lieu
un acte de charité d'abord, puis une pieuse fondation pour le
relèvement du culte catholique.
On se souvient de l'état malheureux où avait été réduite la ville
d'Aubenas après les guerres de la prétendue Réforme, la ville aux
abois eut recours à Marie de Montlaur et lui emprunta la somme de
dix mille livres avec charge d'une pension annuelle de 625 liv.
Voilà l'origine de la pension mentionnée. Mais pour bien apprécier
et l'affreuse pauvreté du temps et la difficile position de la ville
d'Aubenas, pour bien comprendre par suite le service rendu en
cette occasion par la Maréchale, il est bon de lire les considérants
de la délibération tenue à cet effet le i" avril 162g (i). Il y est dit :
(i) Nous donnons ici le début de cette délibération du conseil d'Aubenas, parce
qu'on y lira avec intérêt les noms des principaux habitants de la ville en 1629.
« L'an 1629 et le i" jour du mois d'apvril, environ midy, dans la maison de ville,
1,0 .MARIE DE MONTLAUR ET LE RELEVEMENT
« Les sieurs Régents ont proposé comme ils sont poursuivis au
« pa3'ement de la somme de cinq mil livres et interests d'icelle au
« dixiesme denier dès le second octobre dernier en quoy les précé-
« dents Régents se sont obligés au sieur Jean Chirac marchand de
« Lyon le 2 juin 1628 pour mesme somme de cinq mil livres que
« ledit sieur Chirac a emprunté pour à la banque dudit Lyon au
« cours de la place et change audit prix, comme aussi ils doibvent
« plusieurs sommes à plusieurs particuliers de la dicte ville qui les
« pressent et poursuivent en justice de payement, comme encore
« ils sont pressés et poursuivis pour le payement de la somme
« 549 livres 12 s. 3 d. dont ils ont receu la mande long temps y a
« du 19 mars dernier 1629 pour le payement des garnisons de Baix
« et le Pouzin laquelle somme et mande il est nécessaire de promp-
« tement imposer et payer ce que lesdits Régents ne peuvent faire
« du leur attandu leur misère et nécessité de leurs affaires et que
par devant M"" M' Louys de la Faye docteur en droict, juge en la baronnie d'Aube-
nas, estant illec assemblés en conseil général et à son de cloche M"' M' Joffré Le
Meur docteur en médecine, ^\' Jean Desserres notaire royal et sire Jacques Lissi-
gnol marchand, régents modernes de la dite ville, avec noble Anthoinc de Torlon
sieur de Mortessaignes, Capitaine Jean Pierre \'incent, François Valelon sieur de
Baruze, Pierre Colombier tieur de la Ginestiere. M"' M' Michel Blachiere Rodeyron
advocat, M'' M" Pierre Simon médecin, sieurs Pierre de Monslier, Jean du Breton,
Philip Blachiere, Mestre Pierre du Serre, Mardochée de la Grange Notere, sieur
Jean Veyrenc, Henri Niclot sieur de Fons, M' Jacques Barthélémy apoticaire, sire
Jean Brun, Reymond Pauzier, Jean la Teule, Claude Chibran marchand, M° Marin
Brousse notaire royal, M= Pierre Raphel, Jean Arnaud, Philip Faure, Jean Dupuy,
Alexandre Albenc, Jean Boiron, Claude Deliere, Abraham et Pierre Almeyrac,
Pierre Marchand, Antoine et Daniel Perges, Pol Martin, Pol Colomb, Pierre Ran-
chel, Claude Lussi, Jean Coronnel, Pons Chaniol, Claude la Garde, Constantin
Ferin, Jean Cathon, Pierre Félix, Pierre Vidal, Jacques la Crotte, André Cailhol,
Jacques Fraisse, Jean Jouard jeune, Blaize Nojarel, \idal Coronnel, Estienne du
Bois, Jacques Grivel, Jacques Chastagnon bouchier, Claude Montaigne, Jean Gui-
gon, François Vincent, François Cornut, Maurice Vernol, Pierre Blachiere, Louys
Lissignol vieux, Jean Sevenier, Louys Chastagnon, Pierre Vincens, Anthoine Jouve,
Jean Salomon, Jacques Philibert, François Recepveur, Louys Ililaire, David Re-
genge, Anthoine du Sault, Jacques Achard, Pierre Marion, Anthoine Cuol, Jean
Vigier, Louys Avond, Jean Regenge mareschal, Louys Roux, Anihoine Charbonnier
tailheur, Vinson Vincens, Isaac Doriol, Estienne Faugier, Jacques \'ernol chirur-
gien, Pierre Blanc jeune, Pierre Corbier, Robert Crotlc, Claude Chadanet, M°
Pierre de Broa cordonnier, Claude Jauffien, Jacques Pascal fils de Pierre, Louys
Chapus, Jacques Pascal fils de Jacques, Jean Ferrier, Jean Chamhon, Anihoine
Chambon, Jean Jouar vieux, tous manants et habitants de ladite ville d'Aubenas et
son mandement, représentant la plus grande cl saine partie d'icellc auxquels les
sieurs Régents ont proposé, etc.. »
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. 15I
« pour leurs impositions faictes durant ceste aimée et celle de leur
« Régence ils ne peuvent tirer aucun payement des tailhes deubes
« par les particuliers de ladite ville et son mandement pour la pau-
« vreté d'iceux qui est si grande par les malheurs de la guerre qu'il
(I n'est possible de plus. La pluspart desdits habitants et son man-
« dément ayant estes bruslés et pilhés par les désordres et guerres
« des Huguenots et rebelles et en sorte que lesdits Régents sont en
« demeure envers le Recepveur du pays desdites impositions de
" plus de cinq mil livres dont ils reçoivent tous les jours des frais
« et despences par les commissaires qui leur sont actuellement sur
« leurs bras et leur ont desja faict plus de 600 liv. de despence pour
« laquelle ils seront nécessités de demander le remboursement
ft envers les particuliers débiteurs desdits Régents et cottizer en
« leurs Rolles soubstcnu que des impositions faictes l'année der-
« nière ou présente il en est deub au Recepveur par ladite commu-
« nauté plus de dix mil livres tant leur nécessité et misère est
« grande. ,»
Là dessus le conseil délibéra d'avoir recours à la Baronne d'Au-
benas pour tirer la ville de cette extrémité. Toujours généreuse et
charitable celle-ci consentit à prêter à la communauté la somme de
. dix mille livres à raison d'une pension de O25 liv. que lui ferait la
ville à elle et à ses successeurs.
Mais cette pension devait être convertie par la pieuse Maréchale
en fondations destinées à relever le culte catholique. Nous avons vu
à quoi fut affectée la première [moitié des 625 liv., la délibération
du 24 juin 1629 acceptant la fondation dont nous avons parlé nous
donne en même temps l'emploi que Marie de Montlaur fit des 512
liv. 10 s. seconde moitié de la pension.
Lorsque le 26 août 1562 les huguenots décidaient de vendre les
meubles et ornements de l'Eglise Romaine ils chargeaient aussi
certains forcenées de fortifier ou de détruire les divers couvents et
sanctuaires situés dans la ville ou près des remparts. De fait les
communautés religieuses souffrirent beaucoup, la commanderie de
St-Antoine se releva lentement, et l'abbaye de Ste-Claire pleinement
ruinée, les revenus en furent donnés au collège d'Aubenas ; toutes
les Eglises de la ville furent rasées comme nous le confirme l'acte
que nous avons cité, y compris la très ancienne Eglise de Notre-
Dame des plans située sous Aubenas et dans laquelle florissait
depuis plusieurs siècles une pieuse Confrérie. Marie de Montlaur
152 MARIE DE iMONTLAUR ET LE RELEVEMENT
résolut de prendre part à la résurrection des Ordres Religieux. Elle
consacra nous dit la délibération du 24 juin 1629 les trois cent
douze livres qui restaient de la susdite pension « à augmenter le
« revenu du couvent St-Dominique et pères prescheurs d'Aubenas
« pour s'y pouvoir entretenir six Religieux célébrants Messe ou il
« y a peine d'en nourrir quatre qui sont à présent audit couvent
« du revenu qu'il y a. »
Ce don généreux fut accepté avec reconnaissance par la ville qui
se chargea de payer au couvent des Dominicains la pension que lui
transportait la donatrice.
Ajoutons en passant que Marie de Montlaur avait favorisé de tout
son pouvoir, deux fondations de religieuses faites en 1624, l'une à
Tournon, l'autre à Viviers sous le nom de Notre-Dame du Rhône.
En novembre 1624 elle reçut de concert avec frère Louis Dupont,
chanoine et commandeur de St-Antoine d'Aubenas, le R. P. Etienne
Gérard, prieur de St-Laurent du Puy. Ce religieux se rendait à
Viviers sur la demande de l'Evêque Louis de la Beaume de Suze et
des consuls de cette ville, afin d'examiner la très ancienne église,
autrefois paroissiale, de Notre-Dame du Rhône, située sous le châ-
teau. Cette église était en ruine et le chapitre de Viviers la donnait
à la ville ainsi qu'une terre qui en dépendait. Sur le rapport du
R. P. Gérard, le T. R. Père François Guidi, provincial de la pro-
vince du Puy, permit que Ion retirât cinq religieuses Dominicaines
du monastère de Notre-Dame du Puy, pour fonder à Viviers un
nouveau couvent sous le nom de Notre-Dame du Rhône. Ces cinq
religieuses furent : Jeanne Croupes, prieure ; Jeanne-Marguerite de
Laval, Thérèse de Ligne, Gabrielle de Hautefort, religieuses de
chœur ; enfin la sœur Catherine Rousson. Elles s'établirent à Notre-
Dame du Rhône le 19 janvier 1625.
Un des motifs qui poussa Marie de Montlaur à favoriser ces fonda-
tions fut l'intérêt même des Demoiselles d'Aubenas qui pouvaient y
trouver un refuge dans ces temps d'agitation et de guerres civiles
où souvent les dispositions testamentaires de leurs parents leur lais-
saient à peine le nécessaire.
La fondation de Tournon eut pour but particulier l'éducation de
la jeunesse avec une classe gratuite pour les pauvres.
Nous n'avons aucun acte nous indiquant la part pécuniaire que
prit à ces œuvres la pieuse M"'*' d'Ornano, mais nous savons qu'elle
s'occupa très activement de la réussite de ces fondations et tout ce
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. I53
que nous connaissons de sa générosité ne permet guère de croire
qu'elle se contenta d'encourager et de protéger ces nouvelles mai-
sons religieuses. Du reste ce fut sous son influence que les Etats
du \'ivarais (i) réunis à Aubenas en 1624, votèrent 500 1. pour les
Dominicaines de Notre-Dame du Rhône.
111
Les autres établissements religieux ou charitables d'Aubenas
reçurent aussi de la châtelaine d'abondants secours, mais le plus
favorisé d'entre eux fut sans contredit le collège des Jésuites, dont
Marie de Montlaur devint comme la seconde fondatrice.
Après la reprise d'Aubenas, le père de la Maréchale, Guillaume
Louis de Montlaur, marquis de Maubec, avait remplacé les profes-
seurs laïques employés au collège d'Aubenas (fondé en 1574,) par
des Jésuites que le i" Régent avait installés dans leurs fonctions,
(1587). A la prise de la ville par les Huguenots le P. Salles et le
fr. Sautemouche furent indignement assassinés, consacrant ainsi de
leur sang le berceau de ce nouveau collège de la compagnie.
Malgré les édits du parlement de Paris et les défenses d'Henri IV,
les Jésuites restèrent en général dans leurs collèges du midi de la
France grâce aux édits contraires des parlements de Toulouse et de
Bordeaux. Aussi malgré quelques troubles les Jésuites d'Aubenas
(1) Il est curieux de voir le Vivarais conserver encore ses Etats à cette époque.
Leur existence est constatée au XIV= siècle mais leur fondation remonte bien plus
haut, car au.x Etats du Languedoc leurs représentants occupaient le premier rang.
Douze barons, puis quinze, représentés par leurs baillis concouraient à former ces
Etats que présidait le baron de tour, c'esl-à-dire que chaque baron présidait à son
tour cette assemblée de baillis. Les plus anciennes délibérations qui soient parve-
nues jusqu'à nous sont de la première moitié du XVI= siècle et nous montrent comme
très étendue les pouvoirs de ces assemblées du pa'.s. Sous Louis XIV nous les
voyons encore établir eux-mêmes l'impôt, le répartir, choisir les agents chargés de
le percevoir, régler son emploi et s'en charger eux-mêmes. Ils font encore à cette
époque des règlements d'administration publique et s'en réservent l'exécution, etc..
Le Roi a-t-il une guerre à soutenir, il demande aux Etats un certain nombre de
troupes, et ceux-ci en les fournissant, les arment, les équipent, choisissent eux-
mêmes les officiers, fixent la solde et la payent jusqu'à la limite du Vivarais. Ce-
pendant absorbés peu à peu par les Etats du Languedoc, ceux du Vivarais, si en
1789 ils avaient encore le nom d^Etats, n'étaient plus en réalité que des assem-
blées chargées d'asseoir l'impôt, avant pourtant conservé un simple droit de re-
montrance comme souvenir du passé.
(Docl. Francus, Voyage au pays Helvien, chap. Vil, passitn.)
154 AlARIE DE MONTLAUR ET LE RELEVEMENT
continuèrent-ils d'enseigner, quoique sans autorisation, dans le
collège de cette ville. Mais ce n'était point là une fondation solide.
Tant dep'ersonnes s'étaient jetées dans le parti de la Réforme qu'un
établissement définitif des Jésuites dans le collège rencontrait une
opposition qui pour être sourde n'en était pas moins tenace. Rentré
en maître dans sa ville Guillaume de INlontlaur triompha de tout par
son énergique constance. Il avait fait vœu de mettre les Jésuites à la
tête du collège s'il gagnait un procès important et se sentait fort de
son crédit à la cour, de l'appui du Parlement de Toulouse et de celui
des Etats du Languedoc. Aussi traita-t-il avec les fils de S' Ignace
par acte du 12 février 1603, en présence des consuls d'Aubenas qui
s'obligèrent à concourir à l'exécution des engagements pris par leur
seigneur. Celui-ci ne fit aucune dotation fixe, ni en biens fonds, ni
en capitaux, mais se chargea de faire donner aux Jésuites un secours
annuel de 1500 liv. pour l'entretien de dix religieux de leur Ordre
mis en résidence au collège dans le but d'enseigner les belles-lettres
et de travailler à la conversion des âmes. Là vint prêcher saint P'ran-
çois Régis, l'apôtre du Vivarais, et l'on conserve encore à Aubenas
la chaire dans laquelle ce Saint annonça la parole de Dieu.
Le cardinal François de Joyeuse, archevêque de Narbonne, donna
à ces Pères une maison dans laquelle logeaient déjà ceux d'entre eux
qui étaient à Aubenas depuis quelques années. Les familles catho-
liques de la ville y joignirent une autre maison contiguë à celle du
cardinal. De son côté Jean deL'Hostel, Evêque de Viviers, appliqua
au collège les revenus de l'abbaye de Ste-Claire ruinée par les pro-
testants en 1562 et dont les religieuses étaient dispersées. Enfin par
lettres patentes du mois de sept, de la même année 1603, Henri IV
permit aux Jésuites de résider dans les lieux où ils étaient établis
avant l'édit de bannissement de 1 594 et dans le nombre de ces éta-
blissements fut compris le collège d'Aubenas.
Pierre de Chalendar de la Motte amena plusieurs milliers de per-
sonnes à l'installation solennelle des Jésuites du collège ; son exem-
ple et son zèle contribuèrent à la conversion de beaucoup d'Albéna-
cicns. Cette foule pieuse était venue en procession à Aubenas et ce
spectacle avait touché le cœur de bon nombre de calvinistes.
Cependant ce n'était encore là qu'un commencement, il était
réservé à notre pieuse Maréchale de fonder pour ainsi dire à nouveau
ce collège et de le transformer.
Déjà son mari Alphonse d'Ornano avait fait, probablement sur
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. I55
son invitation, une pension annuelle de 600 liv. Il est vrai qu'en
16 17 il la réduisit à 300 liv., mais ce fut parce que les revenus des
Jésuites venaient de s'augmenter de ceux du prieuré de Ste-Croix
située à peu de distance de la ville, du côté de St-Pierre-le-Vieux.
Ce prieuré relevait au temporel de Marie de Montlaur, les posses-
seurs lui devaient un hommage annuel, aussi pensons-nous que ce
fut-elle qui inspira au général des Jésuites de demander ce bénéfice
à Paul V qui le lui accorda ponr le collège d'Aubenas. Cela paraît
d'autant plus probable que ce prieuré et l'hommage dû aux Sei-
gneurs d'Aubenas sont formellement mentionnés dans un document
dont il nous reste à parler.
Tout le monde sait dans le Bas-Vivarais que la Maréchale d'Or-
nano fit construire l'église et les bâtiments, du collège dont nous
parlons, mais une pièce importante nous révèle plus clairement et
d'une manière plus précise la munificence de Marie de Montlaur à
l'égard des Jésuites d'Aubenas. Nous voulons parler des Lettres
patentes envoyées le 28 juin 1644 à la Maréchale d'Ornano par le
T. K^ Père Mutins Vitelleschi général de la Compagnie de Jésus.
Après avoir dit que le collège d'Aubenas fut commencé par Louis
de Montlaur, et augmenté par le Maréchal J.-B. d'Ornano, le géné-
ral des Jésuites ajoute qu'outre le sol et les revenus déjà accordés
à ce collège, la Dame du lieu à donné un très-ample espace de
terrain pour y construire plus commodément une église, des classes
et les autres édifices, assignant en outre libéralement à l'établisse-
ment la somme de trente mille livres. « Praeter antiquum solum et
« reditum a praedictis domnis datum et procuratum, ipsa Dornna de
« novo per amplum spatium ad templum, scholas cœteraque aedifi-
« cia commodius extruenda, et triginta librarum millia ad censum
0 tuto collocata, liberaliter assignaverit ac donaverit donatione inter
« vivos. » La comtesse de Montlaur exemptait en outre le collège de
toutes charges et redevances afin de faciliter l'éducation de la jeu-
nesse, exception faite toute fois de l'hommage dû pour le prieuré de
Ste-Croix et pour la directe et censé annuelle que payaient quelques
maisons ajoutées au corps principal de l'établissement. Des actes
du 17 sept. 1638, du 4 mai 1640 et du 23 sept. 1640 sont mention-
nés comme réglant les conditions des susdites donations. Nous
savons en outre que l'église et le collège s'élevèrent sur ce nouvel
emplacement grâce aux libéralités et aux encouragements de la
pieuse veuve. Aussi après avoir loué la piété et le zèle de cette Dame
156 LE TRIÈVES PENDANT
pour le salut de ses sujets, le P. Vitelleschi accepte-t-il la donation
et déclare-t-il donner à Marie comtesse de Montlor le titre de fonda-
trice du collège d'Aubenas avec toutes les prérogatives et tous les
privilèges accordés aux fondateurs des collèges de la Compagnie.
On peut voir encore aujourd'hui dans le château d'Aubenas, devenu
la -Maison Communale, le portrait de la Maréchale qui se conservait
au collège des Jésuites et qui porte cette inscription : Fondatrice du
collège.
Ce collège vit pendant 20 ans au nombre de ses professeurs le
R. P. de Rouville arrêté à Aubenas et décapité pendant là Révolu-
tion dans la ville de Privas, où son tombeau est demeuré en grande
vénération (i).
H. JAUBERT.
(La suite au prochain numéro).
(i) Voir l'intéressante notice publiée naguère sur le R. P. de Rouville par le
R. P. François Rousset, S. J.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
d après des documents officiels et inédits.
(Suite)
Les délégués durent trouver la journée bonne, car ils rapportèrent
fièrement une paire de vieux pistolets, et une épée que M. Alexan-
dre Leblanc de Prébois, ancien capitaine d'artillerie, avait jadis
teinte du sang des ennemis de la France. Leur victoire facile les
enivra cependant d'une joie délirante, et ils revinrent en poussant de
grands hourras ( i ).
Le mois daoùt et les suivants, jusqu'en juillet 1794, furent em-
ployés surtout à poursuivre les prêtres rêfraclaires. Dans celle cliasse
(i) Souvenirs conserves clans le pays.
LA GRANDE REVOLUTION. I57
à l'homme, là garde nationale de Mens eut le triste mérite de se dis-
tinguer. Sa plus brillante expédition fut à Tréminis.
Le vénérable M. Beau était dans cette paroisse, où des parents
chrétiens avaient attendu son arrivée pour faire baptiser leurs en-
fants qu'ils lui apportaient en cachette. 11 vaquait à ce saint exercice
dans une maison du Serre quand tout à coup des gardes nationaux
et des gendarmes survinrent et s'emparèrent de lui.
On avait pris un prêtre, celui-là même que le directoire de Gre-
noble traitait de « bête féroce du Trièves » en recommandant aux
agerits de la force publique de le sur\^eiller et arrêter le plus tôt pos-
sible ; certes la capture était importante et il fallait la célébrer sur
les lieux mêmes. Gendarmes et gardes nationaux se mettent à table
et, pour que leur prisonnier n'échappe point, l'enferment dans une
cave située sous l'appartement où ils se trouvaient. Cette circons-
tance fut cause de sa délivrance ; la cave avait une petite ouverture
donnant sur le chemin qui traverse le village. A l'aide d'une presse
en fer apportée par deux femmes pendant que d'autres faisaient le
guet, M. Beau démolit le cadre de la croisée en mauvais état et il
s'enfuit, mais pour revenir plus tard continuer ses visites et s'expo-
ser aux mêmes dangers pour le salut des âmes (i).
M. Liotard, vicaire de Clelles, se cacha pendant dix-huit mois dans
le grenier à foin de son beau-frère, Jean-Baptiste Charrot, alors
maire de St-Michel-les-Portes, et il continua d'aller, la nuit, admi-
nistrer les sacrements et visiter les malades. 11 disait souvent la
messe à Toranne dans un bouquet de pruniers sauvages, dont le
feuillage épais dissimulait un modeste autel dressé contre un ro-
cher (2).
De son côté M. Testou n'était point inactif et à l'abri des pour-
suites. Il fut arrêté plusieurs fois, mais toujours délivré. Peu après
la dénonciation qu'avait envoyée contre lui, en juillet de l'année pré-
cédente, la municipalité de Mens, un détachement de la garde na-
tionale se saisit de sa personne, un matin, dans la cure de Cordéac
et se mit en route pour le conduire à la Mure. Arrivé au pont de
Cognet, le chef du détachement, M. Demaffé, dit à son prisonnier:
« Je pense que vous n'avez pas besoin de nous pour vous rendre à
Grenoble, allez vous-même vous présenter à la prison. » Puis il
lui attacha les cheveux comme les portaient alors les simples citoyens
(1) Souvenirs conservés dans plusieurs familles.
(2) Réponses.
158 LE TRIÈVES PENDANT
et répondit à quelques-uns de ses hommes qui proposaient de jeter
le vénérable prêtre dans le Drac plutôt que de le laisser aller ainsi :
« Ne souillons pas l'eau que doivent boire les vrais patriotes. Il
vaut mieux qu'il aille en prison. » M. Testou marcha dans la di-
rection de la Mure, tant que purent l'apercevoir les auteurs de cette
assez singulière arrestation ; mais il ne tarda pas à revenir sur ses
pas et se rendit à Cordéac, où sa cachette ordinaire était chez
M. Gros, de la Grange de Morges. Il se trouvait un jour chez ce der-
nier, quand des gardes nationaux investissent tout à coup la maison.
Dubordeaux, le commandant, veut rassurer le proscrit ; il entre seul
dans l'appartement où était dissimulé le bon prêtre en un petit ré-
duit ; il se fait servir à boire et ordonne à ses hommes de fouiller
tout le reste de la maison pour se saisir « du sacré calotin «. On ne
soupçonna point que M. Testou était dans l'appartement même où
buvaient Dubordeaux et le propriétaire et on se retira sans avoir rien
découvert. Ces deux faits honorent d'autant plus MiM. Demafié et
Dubordeaux, que tous deux étaient protestants (i).
Malgré les vives instances qui lui en furent faites, M. Testou ne
voulut jamais laisser par écrit, ni même raconter d'une manière sui-
vie les actes de son existence à cette époque troublée; aussi connais-
sons-nous de lui peu de faits, recueillis un peu partout. Il fut le
plus ferme appui de la religion dans le Trièves pendant la tour-
mente révolutionnaire. Actif, courageux, dévoué jusqu'à l'excès, il
encourageait, parmi les prêtres et les fidèles, ceux qui étaient restés
debout, et s'efforçait de relever ceux qui avaient faibli devant l'orage.
Quand les recherches étaient trop actives contre lui à Cordéac et à
Morges, il parcourait le reste du canton et les paroisses de celui
de Clelles. Son refuge ordinaire, à Mens, était dans la maison
Echevin, où il avait un appartement au troisième étage ; à Cornillon
dans la famille Ripert ; à St-13audille dans le château de Mont-
meilleur, habité alors par les MM. Fluchaire. Mgr. d'Aviau, arche-
vêque de Vienne et administrateur de Die en ce moment, lui donna
les pouvoirs de vicaire-général. 11 voyageait ordinairement la nuit,
sous le déguisement d'un mendiant ou d'un marchand colporteur.
C'est travesti de la sorte qu'il arriva, un soir, à Nantes-en-Ralier : il
allait rendre visite à son vénérable ami, M. Col (2), qui s'y était
caché chez son très proche parent, .M. l'^-omcnt, maire de la com-
(i) Récit de Magl. Brochicr el Réponses.
(2) Depuis curé du Bourg-d'Oisans.
LA GRANDE REVOLUTION. I ÇQ
mune. Ce brave homme donnait alors à souper à plusieurs de ses
voisins. Tous se levèrent avec joie pour accueillir le faux mendiant
et le faire asseoir à la première place. On s'était remis à table de-
puis quelques instants, quand des gendarmes heurtent à la porte et
demandent si l'on n'a pas vu passer un prêtre déguisé. « Citoyens,
leur répondit le maire, ne descendez pas de cheval ; les moments
sont précieux, profitons de celui-ci pour trouver le réfractaire. Vous
viendrez ensuite trinquer le verre en famille. Je vais moi-même pren-
dre ma canne et vous accompagner. » Ainsi fut-il fait, mais quand
les gendarmes revinrent, M. Testou était allé se cacher dans un pré
qu'on lui avait désigné, et il put, après leur départ, reprendre sa
place à table (i).
Pendant les plus mauvais jours de la terreur, MM. Vette, Bou-
rillon Clément, Liotard, Audemard, Berthon, Baud montrèrent un
dévouement semblable et purent, du moins quelques-uns, échapper
à toutes les recherches. Faire l'histoire de l'un d'eux, c'est raconter
le zèle, la charité et les bons combats de tous les autres. Les catho-
liques fidèles veillaient à leur sûreté ; les patriotes les pourchas-
saient avec rage, tout en les admirant, et Dieu comptait leurs pas et
leurs souffrances pour les en récompenser un jour.
CHAPITRE V.
ANNÉE 1794.
La municipalité de Mens ne fut jamais en retard pour exécuter les
ordres impies de l'Assemblée nationale, de la Convention et du Di-
rectoire de Grenoble. Souvent même elle les précéda par des arrêtés
ou éclatent la plus absurde tyrannie, la plus sotte ingérence dans les
affaires religieuses.
Telle la lettre suivante adressée au curé constitutionnel (iq nivôse
an II) : a Nous te prévenons, citoyen, que tu ne pourras à l'avenir
dire la grande messe que le jour de la décade. Bien entendu que
tu ne feras sonner les cloches que le jour cy-dessus indiqué. Tu
(i) Ibidem et témoignages de plusieurs familles.
l60 LE TRIÈVES PENDANT
voudras bien commencer dès demain, jour de la décade, et te saluons
très fraternellement (i). »
Ainsi, de par cet ordre, le dimanche n'existait plus à Mens; le jour
du décadi seul devait être sanctifié, de par la même autorité. Le
malheureux intrus refusa pourtant d'aller plus loin dans la voie des
concessions ; le 2 ventôse (20 fév. ), il écrivit au district de Grenoble
pour donner sa démission et, le 9 du même mois, à la municipalité
pour l'inviter à venir faire l'inventaire des objets servant au culte et
appartenant à l'église qu'il abandonnait {2). Le même jour, la muni-
cipalité recevait un arrêté du district de Grenoble, auquel elle répon-
dait immédiatement : « Nous avons reçu votre lettre de ce jour,
votre arrêté de même date portant invitation de retirer des mains
dès concierges les clefs des maisons destinées aux cultes catholi-
que et protestant et faire publier au son du tambour que le temple
ne pourra désormais servir qu'aux réunions de la société populaire.
Après avoir mûrement examiné votre invitation, un membre a dit
que la société populaire dans sa dernière séance avait pris un arrêté
relatif à l'installation que vous nous faites par votre susdit arrêté, et
quelle avait chargé son comité de nous en faire part.
« Nous attendons le vœu de la société populaire pour prendre une
détermination sur cet objet, ce dont nous vous ferons part (3). »
Qu'était cette société populaire dont il vient d'être parlé ? Son
titre semblerait indiquer qu'elle était composée de la plus grande
partie des habitants, et cependant elle comptait à peine une qua-
rantaine de membres exaltés. Elle s'était formée à l'instar des clubs
des grandes villes et avait aussi ses orateurs. C'était elle qui prenait
l'initiative de toutes les mesures qu'exécutait le conseil.
L'une de ses séances les plus orageuses fut celle où un membre
proposa la fermeture du temple et de l'église. Les protestants vou-
laient que celle-ci leur servit pour se réunir; les catholiques deman-
daient le temple. L'orage tournait à la tempête et déjà les menaces
retentissaient de tous les cotes, surtout lorsqu'on eut parlé de laisser
l'église ouverte, pour que les membres de tous les cultes pussent s'y
assembici- librement et y honorer Dieu, quand le promoteur de la
proposition, cause de la discorde, se ravisa. Il comprit que le mo-
ment n'était pas encore venu pour les protestants de s'emparer de
(1) Lettres de la municipalilé en ijQ] et 9./ , caliicr n" i, Mens.
(2) Ibidem. Reg. des délib .
(3) Lettres, cah. i.
LA GRANDE RÉVOLUTION. l6l
l'église, et il présenta un ordre du jour portant que la fermeture des
édifices religieux regardait la police municipale et que, si celle-ci
voyait du danger à les laisser ouverts plus longtemps, elle prendrait
les mesures que sa sagesse lui inspirerait (i j.
Voici ce que cette sagesse dicta à la municipalité, le 1 1 ventôse :
« Le conseil, considérant qu'il est de son devoir de faire jouir tous
les citoyens de cette commune de la plus grande tranquillité, et de la
leur maintenir quand ils en jouissent ; que si on ne prenait pas des
mesures efficaces dans des moments aussi orageux que celui où
nous nous trouvons, il pourrait arriver quelle fût troublée par la
diversité d'opinions existant dans la commune; pour tous ces motifs,
il arrête que l'église servant au culte catholique et le temple ser-
vant au culte protestant, seront fermés ; que la société républicaine
et populaire continuera cependant à s'assembler dans ce dernier,
toutes les fois qu'elle le jugera à propos. Arrête aussi qu'il est fait
défense à tous les ministres des cultes et autres citoyens de former
des rassemblements dans les dits édifices, ni dans la campagne,
sous prétexte d'exercer leur culte, ni même dans des maisons parti-
culières, sans permission du conseil, à peine d'être poursuivis
comme perturbateurs du repos public et traités comme tels.
« Arrête en outre que la sonnerie, en cas d'incendie, sera la même
que par le passé, c'est-à-dire qu'on sonnera les deux cloches ensem-
ble, et que, pour avertir les citoyens de l'heure où se tiendront les
assemblées de la société, on sonnera la petite cloche à la volée.
« Le conseil déclare qu'il a enti'e les mains les vases servant au
culte protestant et consistant en deux coupes et deux plats en
argent et deux coupes en étain.
« Arrête enfin qu'il sera fait une proclamation aux citoyens de
cette commune sur le champ, pour leur donner connaissance du
présent arrêté, afin qu'ils aient à s'y soumettre. Payan, maire,
Beaup, Richard aîné, Jean Borel, Fluchaire, Pellat officier municip.
Berton ag. nat. (2) »
Le pasteur Bérenger, le même que nous avons vu, sous le nom
de Pierre Combe (3), prédicateur si ardent de la religion réformée
jusqu'en 1787, cet homme condamné deux fois à mort pour ce fait
et exécuté en effigie, avait lui-même apporté les vases servant à son
(i) Reg. des délib. Ibidem.
(2) Ibidem.
(3) Voir Voir le Tiièves et son passé.
Bull. VIII, 1888. 12
102 LE TRIÈVES PENDANT
culte et que le conseil déclarait avoir entre les mains. Le 23 ventôse,
il apporta encore tous ses registres.
Le même avait prêté un peu auparavant le serment d'égalité et
de fraternité, et il le prêta de nouveau le 27 vendémiaire an VI,
« et ce, est-il déclaré dans le procès-verbal qui en fut dressé, en sa
qualité de ministre du culte protestant (i). » Il se rencontre d'é-
tranges contradictions dans la conduite de ce pasteur, que les pro-
testants aiment à nommer le martyr.
L'agent national Berton requit, bientôt après la fermeture de
l'église, l'administration municipale de faire expédier à Grenoble les
vases sacrés de toutes les églises du canton avec ceux de Mens,
pour être remis à la monnaie par le directoire du département.
Vers le même temps, la municipalité de Tréminis, sur la proposi-
tion de son procureur, procédait aussi à la spoliation de l'église de
cette paroisse. Les membres protestants applaudissaient ; les catho-
liques, après s'être d'abord refusés, cédaient ensuite par crainte
d'une dénonciation.
Un vieillard presque centenaire nous a raconté que des femmes
en grand nombre, témoins de l'opération sacrilège, pleuraient en
s'élevant contre cette profanation. Comme pour se rire de leur dou-
leur si légitime, deux membres de la municipalité, mais ils n'étaient
pas catholiques, prenaient les vases sacrés dans leurs mains, les
montraient à ces personnes consternées auxquelles ils adressaient
d'ignobles plaisanteries, puis les jetaient pèle-mèle dans une caisse
où ils les enfermèrent. Dès ce jour, le déshonneur est entré dans
leur famille pour n'en plus sortir.
Parmi les objets appartenant à l'église et relatés avec soin dans
l'inventaire qui en fut dressé, nous trouvons un calice, un ciboire et
un ostensoir en argent, des croix et des chandeliers en cuivre, deux
aubes, deux surplis, cinq nappes, sept chasubles, une chape, deux
dais, des chandeliers en bois, deux tabernacles, etc. Le tout lut
livré contre un reçu à un voiturier de Mens, Dard, qui se chargea
de le transporter à Grenoble (2).
Pendant que la municipalité procédait à ce haut fait, une bande
de forcenés, parmi lesquels trois catholiques, abattaient la croix du
clocher, brisaient celle du cimetière et détruisaient l'oratoire de
Rochasset, qui s'élevait au lieu même où l'on voit maintenant, sur le
chemin de St-Daudille, une gracieuse croix en pierre. Le soir étant
(i) Regist. des délit. Mens.
(2) Reg. des délibérations, — Archives de la fabrique.
LA GRANDE REVOLUTION IÔ3
venu, les mêmes brûlaient enfin les gros rneubles, les bancs et les
autels de l'église, en criant que le catholicisme avait vécu (i).
A Clelles, on fit aussi un inventaire des vases et ornements
sacrés, dont on donna décharge (26 ventôse) au curé constitution-
nel, Gaymard. Dès le lendemain, l'intrus vint déclarer à la munici-
palité qu'il cessait toutes les fonctions curiales.
Ajoutons que la fin de ce malheureux a été consolante ; il put se
repentir de ses fautes et en demander pardon à Dieu et aux hommes,
avant de paraître devant son juge. Cependant, si les objets apparte-
nant à l'église furent inventoriés, ils ne furent du moins jamais
livrés, malgré les réclamations du directoire du département, et on
sut les garder pour des jours meilleurs (2).
A. LAGIER.
(La suite au prochain numéro.)
(i) Voir nos Notes historiques sur Tréminis, et les Délib. des 26 et 27 ventôse
an II, 30 brumaire an III, Tréminis.
{2) Reg. des délibérât. Clelles.
MÉLANGES
RÈGLEMENT ET STATUTS
DE
L'HOPITAL DE MORESTEL [^ ^50
(fin)
Le dixiesme est que tous les pauvres qui demanderont estre
albergies pour amour de Dieu, que le dit hospitalier soit tenus
de les recepvoir deux ou trois nuicts, si les dis pouvres viennent
de bonne heure non suspecte ou de jour ou de nuict ; item, après
deux ou trois nuicts, que le dit hospitalier ne soit point tenus de les
recepvoir, mais quils sen aient aultre part, senon quils fussent
en telle nécessite casuele quil ne sen peussent aler ; lesquels a-
doncques puissent demorer jusques a tant quils haient conva-
lescence daler. Item durant la dite nécessite que Ion leur me-
nistre leurs nécessites, des biens du dit hospital, selon les facultés
164 ' MÉLANGES.
et qualité des malades, se autrement non de quoy culx soubstenir.
Laquelle qualité des dits malades ou daler ou de demorer arbi-
tera le dit hospitalier.
Le onzeyme est que du dessus dit statu soient excentes les
niuits (i), ceulx qui sont fols et dehors du sens sans entendement,
qui ne sont autrement périlleux de leurs personnes. Car selon la
conscience du dit hospitalier ou plus ou moins de deux ou trois
nuicts, mon dit seigneur a commande que le dit terme se puissent
augmenter ou modérer sans préjudice du dit hospital et de la
ditte ville de Morestel.
Le douzeisme est que Ion doibvent recepvoir ou dit hospital
femmes grosses, prochaines de enfanter, et que la chambre or-
donnée por femmes grosses leur soit assignée, en laquelle puis-
sent demourer par ung mois accomply, et non plus, senon quelles
fussent malades. En quel cas et aussy durant la jassigne, que Ion
leur subvienne en leurs nécessites, selon les facultés du dit hos-
pital.
Le trezeysme est que se aventure avient que Ion exportent ou
exposent aulcuns enfants qui vulgament sappellent enfants trou-
ves, que Ion les doibvent recepvoir ou dit hospital et nourir deux
ans et demy, se les facultés du dit hospital ils suffrent, autrement
que alez nourir, le dit prieur avecques mon dit seigneur ou son
successeur avenir soient tenus de les alimenter et nourir a leurs
propres despens durant le dit terme de deux ans et demy, a quoy
faire mon dit seigneur a enchargie les consciences des dits prieur
et Mgr du Bochage son successeur avenir.
Le quatorzeysme est sus peine de la indignation de Dieu que le
dit hospitalier ne doivent recepvoir en une couche le mascle avec
la femelle, senon que l'un ou l'autre (2 fussent maindre de sept
ans, ou qu'ils fussent maries ; sur quoy mon dit seigneur a en-
charge leurs consciences ei de Ihospitalier; item que se le dit hos-
pitalier expressément et de sa science volait faire le contraire, que
Ion le puisse priver de sa admenistration.
Le quinzyeme est que ou dit hospital Ion ne doibvent point
recevoir convers ne rendux, adrin quils ne dependont point les
biens députes a la utilité du dit hospital et des pauvres, senon
quils fussent quelque bonne personne riche qui donnasi tous ses
biens ou dit hospital, desquels tout son temps puisse bien sup-
(1) Les muets.
(2) La copie latine ajoute : ou tous les deux : \'c'l ulcrqiic.
MÉLANGES. 165
porter sa vie, ou aultrement quils fussent tellement profitable ou
dit hospital pour servir les pouvres, ou aultrement porter proffit,
que faire le contraire fust dommaige ou dit hospital.
Le seseysme est que ou dit hôpital, ou lieu plus commun se
doibt maintenir une lampe ardente ou plusieurs selon qui sera
nécessaire es dits pouvres, et selon les cas et les qualités des per-
sonnes. Laquelle chose mon dit seigneur entent estre observée
selon les facultés du dit hospital.
Le dix-septysme est que le dit hospitalier pour soy ou pour sa
famille ou aultrement pour les serviteurs du dit hospital lacent ou
faicent faire et reparer les cuches des dits pouvres tous les jours
et une fois le jour; item que tous les ans, ou mois doctobre, que
Ion doive nettier les littières et mettre dehors la paille vieille, se la
chose se peut faire profitablement, et aussvqui soient nécessaire.
Le dix-vuityesme est que le dit hospitalier soit tenus de muer
ou faire muer de troys sepmaines en trois sepmaines les linceux
des couches, senon quil eussent rayson pour quoy deussent
lessier les dits linceux plus loingtemps, ou plus brief ; laquelle
chose de muer les dis linceux mon dit seigneur entent les trois
semaines davoir à estre compiles continuelment, ou equipoUcnt
par intervalles de jours.
Le dix-neufysme est que le dit hospitalier tous les soirs doivent
laver les pies des pouvres deau tiède se les dis pauvres le voellent
supporter ; autrement que a ceulx qui se vouldront laver que
leur doivent appareiller et admenistrer deaue a leur plesir.
Le vintysme est que se les dis pouvres demeurent ou dit hos-
pital, ou femmes gisans es cas dessus dit, ciue Ihospitalier soit
tenus de leur menistrer mantils, tovalliers et panne mains (i), et
de les blanchir et muer par intervalle de jours, de quinze jours
en quinze jours.
Le vint ungysme est que le dit hospitalier soit tenus de recom-
mander es dis pouvres tous les jours la bonne intention de mon
dit seigneur le fondeur et sa félicité, et que priant Dieu pour luy
et pour tous ceulx pour qui est tenus de prier, specialment pour
tous les siens, et après qui défaillira par son ame, et aussy que
les dis pouvres doivent prier Dieu pour les menistres du dit hos-
pital, et pour tous leurs bienfaicteurs, pour tous les habitans de
cette noble ville de Morestel, et pour comprehendre toutes cestes
(i) Mouchoirs, tabliers et essuie-mains.
l66 MÉLANGES.
prières, tant pour les vifs comme pour les mors, que le dit hospi-
talier exorte et ammoneste les dis pouvres que le plus dévote-
ment quils porront que ils disent ung pater noster et une ave
maria.
La XXII^ est que en la chapelle de la sacristie du dit couvent
des Augustins Morestel sen tiennent a la utilité du dit hospital
une bonne et forte arche fermant à deux clefs diverses, desquelles
le dit Mgr le prieur aura une. et l'autre ung homme de bien des
habitans de Morestel, tant quil plaira a mon dit seigneur le fon-
deur ou a Mgr du Bochaige son successeur avenir, et en son
absence ou chatellain du dit Bochaige qui sera pour mon dit
seigneur; en laquelle arche se tendra tout argent appartenant au
dit hospital, tous instrumens et terriers, recognoissances, privi-
lèges, indulgences, desquels a ce que sera nécessaire, Ion puisse
prendre la coppie pour recouvrer. Laquelle 'gardera lospitalier la
ou luy plaira.
La XXI Ile est que ou dit hospital Ion ne puisse eslire ne mettre
à tous temps point de hospitalier* ne aultre recteur, mais que
quant le dit hospitalier faudra ou aultrement sera delinque, que
mon dit seigneur ou son successeur avec le dit prieur li puissent
interdire toute amministration ou aultrement de tout priver, et ung
autre preudomme eslire, laquelle chose mon dit seigneur a volu
estre estendue à tous les aultres serviteurs qui failliront.
La XXII 11"^ est que mon dit seigneur a crée et ~fait ses deffen-
seurs, protecteurs et conservateurs du dit hospital, cest asscavoir ;
Mgr du Bochaige son successeur, Messeigneurs les officiers ei
Mgr le curé de Morestel, ou en son absence son vicaire, esquels
mon dit seigneur prie quil leur plaise de donner ayde et faveur au
dit hospital, a faire observer ces présens status, et que le dit
prieur avec le dit hospitalier leur demanderont ayde quil leur
plaise en charité de avoir pour recommande le dit hospital ; pour
laquelle chose mon dit seigneur a ordonne qui soient pariicipans
des biens qui se feront a cause du dit hospital, et aussy tous les
autres bienfaicteurs.
La XXV'= est que se le cas avient que le dit hospital vacque de
hospitalier, ou par mort ou aultrement, par cession ou privation,
que celuv qui sera subrogue en son lieu soit tenus de prendre les
dits biens du dit hospital par inventoire ; et lospitalier qui lais-
sera le dit hospital rende compte ou dit prieur, avec deux frères
du dit couvent et le dit Mgr le curé, présent celuy que mon dit
MÉLANGES. 167
seigneur et le seigneur du Bochaige son successeur vouldra dé-
puter, et que Ion ne relaisse point les biens du dit hospitalier
avant quil ait rendu ses comptes.
La XXVI*^ est que quant Ion ara tait provision de nouveaulx
hospitalier, que le dit prieur ou aultre pour luy doivent déclarer
et faire entendre ces présens status et ordonnances ou dit hospi-
talier, et aussy tant de foys que se rendent ses comptes, adfin que
les auditeurs plus pleinement cognoissent que doivent approuver
et reprouver,
La XXV II -^ est que Hj Ion prendra hospitalier, que le prieur
dessus dit luy doivent defferir seurment a bien observer et bien
garder ces presens status , lequel seyrement luy soit donnes
avant quil soit confermes ou dit office, lequel selon Dieu et sa
bonne conscience promettra de loyalment exerciter.
La XXVI 11"^ est que mon dit seigneur a ordonne que de ces
presens status se faicent deux instrumens, desquels lung se gar-
dera en la dessus dite arche, et lautre gardera mon dit seigneur
ou le seigneur du Bochaige son successeur, desquels se puissent
faire tant de coppies qui seront nécessaires.
La XXIX*^ est que une des deux dessus dites coppies se escrip-
vent en francois abreviee, avec l'autre en latin du loing escripte,
lesquelles sen doibvent lessier et tenir en la dite chapelle du dit
hospital, afin que les bonnes gens soient informes en quoy se
devront convertir cela qui donneront ou dit hospital.
La XXX'^ est que se ou dit hospital convient personne en tant
grant nécessite, qui par detîault puist tomber en péril, ou aultre-
ment que en demandant par la ville ne trouvast rens, que en icel
cas Ion puisse prendre de largent du dit hospital sil en y a, ou
aultrenient des biens meubles engaigier premièrement, et que se
Ion ne trouvoit a qui engagier, que Ion puisse vendre des dits biens
meubles pour secourir ou dit indigent en sa extrême nécessite.
La XXX [2 est que se le cas advioit de la dessus dite nécessite,
et le temps puissent attendre dilation, que le dit hospitalier doi-
vent recourir ou dit prieur, qui avisera la meilleure fasson qui se
porra donner remède ; autrement, se la nécessite est si importune
qui ne puissent recourir au dit prieur, le dit hospitalier qui a-
donc de ce qu'il aura despendu et de la dite nécessite, soit tenus
de faire foy ou dit prieur.
La XXXI I-^ est que de largent du dit hospital Ion ne doit point
(i) Ajouter quant.
l68 MÉLANGES.
acheter pensions de bled, si ne sont perpétuels, senon qui fussent
rentes, censés et directes perpctueles ; si se trouvent aultrement,
que le dit argent se puisse convertir en achet de possessions im-
mobles. comme terres, colibes, prés, vignes et bois portans proffit;
et se personne du monde donnent povn des dites pensions non
perpetueles au dit hospital, mon dit seigneur est bien comptent
que Ion les prengne, et quant sera faite la rédemption dicelles,
que Ion nachete point dautre temporale pension.
La XXXI ll« est que a la utilité du dit hospital se fâche ung
livre ouquel se escripront par main publique toutes les receptes
et les choses données, et aultres obventions faites pour maintenir
le dit hospital ; et oussi ou dit livre Ion escribve largent qui aura
le dit hospital, les rentes, les possessions, les censés, les biens
mobles et immobles ; et le dit livre se gardera en une arche, la-
quelle se tendra en la dite chapelle de Mgr St-.Tacques le maiour.
de laquelle le dit Mgr le prieur gardera la clef, et le dit hospitalier
gardera 'la clef de la dite chapelle.
La XXXIIII'^ est que Ion doibvent avoir et faire ung aultre livre,
lequel soit bien gardes avec lautre en la dite arche, ouquel livre
mon dit seigneur a ordonne que l'on escripve toute la despense du
dit hospital, et oussi la levé et celle que Ion prendra en larche
de la sacristie, et cella qui sera livre pour les dis pouvres ou
pour le dit hospital.
L'hôpital de Morestel, à partir de sa fondation, n'a pas d'his-
toire spéciale.
Nous savons seulement que divers e'dits de nos rois ont supprimé
tous les petits hôpitaux de la province pour en réunir les immeu-
bles, les revenus et les charges aux hôpitaux existant dans les
grandes villes. Celui de Morestel fui réuni à l'hôpital de Vienne
vers l'an lOoo probablement. Nous avons pour preuve du fait
lui-même un acte public du -jS décembre l'jdo, par lequel l'hôpi-
tal de Menue albergea, aux enchères publiques, a M^' Joseph
Giraud /'/'-■'■ du nom), notaire roj^al à Morestel, l'hôpital de ce
lieu et ses dépendances contigues. La chapelle de St-Jacques
n'existait plus.
La maison Giraud, reconstruite à neuf au commencement de
ce siècle, occupe donc l'emplacement de l'ancien hôpital de Mo-
restel, fondé par Gabriel de Rossillon.
AUVERGNE.
QUARANTE ANNÉES
DE
L'HISTOIRE DES ÉVÊQUES DE VALENCE
AU MOYEN AGE
(1226 à 1266)
^
« Nobis pleraque cligna cognitu obvenere,
quamquam ab aliis incelebrata. »
Tacitus, dinnal. lib. VI, cap. VII.
Dans nos provinces, qui reconnaissaient la suzeraineté de l'em-
pire, le régime municipal ne s'était développé qu'avec une pénible
lenteur, et il fallut des années de luttes ardentes pour que les villes
pussent conquérir le droit de s'administrer elles-mêmes sous certai-
nes conditions stipulées dans des chartes de libertés. Plus d'une fois
le pouvoir impérial s'efforça d'intervenir contre cette révolution (i),
et les évêques de leur côté, ne voyant dans leurs bourgeois que des
sujets rebelles, bien loin de favoriser leur affranchissement, les tin-
rent sans cesse en échec. Cet état d'antagonisme ne pouvait man-
quer d'amener des désordres, de sanglants conflits. Valence, Die,
(0 En 1178, Frédéric 1='" défendait aux habitants de Valence de faire entre eux
des ligues ou conjurations : « Cives comnnunitatis nullum faciunt juramentum, nec
aliquam jurent societatem, sine arbitrio et consensu episcopi. » J. Ollivier, Essai
hist. sur la ville de Valence, p. 242. Quelques années plus tard Philippe de
Souabe leur réitérait cette défense. Columbi, p. 267.
Bull. VIII, 1888.
13
lyO QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
Gap et Embrun furent les villes de notre région qui se signalèrent
le plus sous ce déplorable rapport : leurs évêques furent souvent
obligés de fuir loin de ces cités rebelles lançant contre les habitants
des sentences d'excommunication (i).
Sous l'administration de Guillaume de Savoie, éclata tout à coup
à Valence un de ces soulèvements populaires, alors si fréquents, et
dont les conséquences pouvaient être désastreuses. Les bourgeois
se plaignaient hautement de n'avoir encore pu obtenir, comme plu-
sieurs de leurs voisins, le droit de gérer leurs propres affaires ; il est
bien certain, en effet, que la commune de Valence ne jouissait alors
que d'une liberté fort restreinte ; elle était bien moins favorisée sous
ce rapport que la cité épiscopale de Die, dont les habitants possé-
daient déjà une organisation municipale à peu près indépendante du
pouvoir de l'évèque, leur légitime seigneur. Aussi profitant de l'em-
barras et des difficultés sérieuses, au milieu desquels se trouvait
engagé Guillaume de Savoie pendant sa lutte avec Aymar de Poi-
tiers, les bourgeois de Valence voulurent saisir l'occasion de secouer
le joug. De nouveau, ils forment entre eux des ligues ou associatioJis
jurées, mettent à leur tête un chef ou syndic, lui adjoignant un cer-
tain nombre de conseillers. Comme dans toutes les révolutions, le
parti, qui venait d'obtenir ce facile triomphe, ne sut se préserver des
excès qui accompagnent d'ordinaire les victoires du peuple. Les offi-
ciers de l'évèque, les chanoines et les clercs qui refusèrent d'entrer
dans le mouvement reçurent l'ordre de quitter la ville et les maisons
de quelques-uns d'entre eux furent bientôt saccagées, renversées par
une populace en délire. Giraud Bastet, seigneur de Crussof, qui
était alors universellement estimé pour son courage et pour la sa-
gesse de ses conseils, n'avait pu faire entendre aux Valentinois le
langage de la raison (2).
Guillaume de Savoie n'hésita pas un instant sur le parti qu'il avait
à prendre. Après avoir lancé l'excommunication contre ses sujets
(i) En 1222, un cvcque de Die périt dans une émeute populaifc. \'oir notre
Essai hisl. sur l'Eglise et la ville de Die, t. I, p. 306. Robert, évoque du Puy, et
Pierre, évêque de Glandèves, furent assassinés, le premier en 1220, et le second
en 1225, par quelques-uns de leurs diocésains. Kaynai.di, Annales, ad an, 1220,
n" 27, et ad an. 1225, n° 2.4. Ces épouvantables crimes peuvent nous laisser en-
trevoir l'état de surexcitation des esprits. Les excommunications ne parvenaient pas
toujours à ramener les coupables; les armes spirituelles n'inspiraient plus alors au
grand nombre une terreur salutaire.
(2) CoLUMùi, p. 267.
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I7I
révoltés et mis leur ville en interdit, il rassembla une petite armée et
se présenta sous les murs de \'alence, bien résolu à ne pas s'éloi-
gner avant d'avoir tiré des rebelles une éclatante vengeance. Si le
peuple prête toujours une oreille facile à la voix de ses tribuns et se
porte à la révolte avec un irrésistible entraînement, il se décourage
bien vite, quand il sent devant lui une autorité forte et décidée, s'il
le faut, à répandre le sang pour rétablir Tordre. Quand les citoyens
de Valence étroitement bloqués et abandonnés à eux-mêmes eurent
compris que leur prélat n'était pas homme à céder devant leurs me-
naces et qu'une plus longue résistance pouvait attirer sur leurs têtes
d incalculables malheurs, ils résolurent de se soumettre et proposè-
rent à Guillaume de s'en rapporter pour la solution des difficultés
qu'ils avaient ensemble, à la sentence que prononceraient des arbitres
choisis par les deux partis. L'évêque accepta et choisit pour défendre
ses intérêts Guillaume, comte de Genevois, Raymond Bérenger et
Roger de Clérieu ; le syndic de la ville, Jean Béroard, au nom de la
commune de Valence, désigna Pierre de Botéon et Pierre Durand.
Voici le texte d'un document inédit, rédigé à Tournon, le 29 sep-
tembre 1229, qui nous fera connaître les garanties que se donnèrent
mutuellement l'évêque et les habitants de V'alence, pour assurer la
complète exécution de la sentence qui allait être prononcée.
Manifestum sit omnibus, presentem paginam inspecturis, quod an-
no Domini M.CC.XXIX", IIP kalendas oclobris, cum dominus W"%
procurator ecclesie Valent., pro se et capitulo ejusdem ecclesie et pro
omnibus suis, ex una parte, et Jo. Beroardus, sindicus universitatis
Valent, et procurator singulorum de dicta universitate, ex altéra,
compromisissent in dominum W., comitem Gebenensem, R. Beren-
garium, R. de Clariaco, P. de Boteon, P. Durantum, super omni-
bus controversiis, que inter se facerent vel moverent, sicut in forma
compromissi continetur, facto dicto compromisse, d. dominus W"%
procurator ecclesie Valent., promisit per solempnem stipulationem
dictis arbitris seu arbitratoribus et mandatoribus et J. Beroardo,
dicto sindico et procuratori, quod excommunicatio vel interdictum
scu excommunicationis et interdicti exceptio ex parte sua nullo modo
opponeretur ad veniendum contra dictum compromissum vel ali-
quid, quod in compromisse ageretur, vel aliquid de mandatis dicto-
rum arbitratorum, dicto Jo Beroardo, sindico vel universitati Valent.,
nec alicui de dicta universitate, non arbitris, non alicui dictorum
arbitratorum, non aliquibus personis eis in compromisse necessa-
riis, ut puta conquerentibus vel ad testimonium vocatis vel aliis ne-
cessariis alia ratione, et si forte a dicto domino W°, procuratore Va-
lentino, vel a parte sua excommunicationem vel interdictum, seu ex-
172 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
communicationis vel interdicti exceptionem opponi contingeret et in
eo perseveraret, sic quod ad mandatum seu ad voluntateni dictorum
arbitrorum seu arbitratorum, vel mandatorum, vel majoris partis
non desisteret, voluit et concessit quod pena II milia marcharum, iu
compromisso adjecta, J. Beroardo dicto sindico et procuratori, et
universitati \'alentine committeretur, et ipsam possent exigere, omni
exceptione et defensione remota, et quod R. de Clariaco pignora
sibi tradita et commissa a parte domini \\'', dicti procuratoris eccle-
sie \^alentine, videlicet castrum Montis Veneris et domum castri
Pisansiani, que est Arberti de Chabeolo, occasione pêne et securita-
tis que in dicto compromisso continetur dicto Jo Beroardo et uni-
versitati Valentine restituere et tradere teneretur, et dictus Jo Be-
roardus et universitas Valentina, tandiu dicta pignora tenercnt et
haberent, donec eis in pena commissa esset plenarie satisfactum.
In eadem penitus forma, J. Beroardus, sindicus universitalis Ya.-
lent. et procurator singulorum de dicta universitate, pro se et pro
dicta universitate, et pro singulis de dicta universitate , promisit
per sollempnem stipulationem dictis arbitris seu arbitratoribus et
dicto domino W°, procuratori ecclesie Valentine, quod excommu-
nicatio , vel interdictum , seu interdicti vel excommunicationis
exceptio , ex parte sua, nuUo modo opponeretur ad veniendum
contra dictum compromissum, vel aliquid quod in compromisso
ageretur, vel diceretur, seu ad compromissum pertineret, vel ad
veniendum contra mandata vel aliquid de mandatis dictorum ar-
bitratorum dicto domino W", procuratori ecclesie Valentine, vel
parti sue, nec arbitris, nec alicui arbitrorum nec aliquibus personis
ei vel parti sue in compromisso necessariis ut puta conquerentibus...,
et si forte {tit supra mulatis mutandis) pena II milia marcharum
in compromisso adjecta dicto domino W" procuratori committeretur
et ipsam posset exigere et quod R. de Clariaco pignora sibi tra-
dita et commissa a parte J. Beroardi et universitatis Valentine, sci-
licet castrum de Belvezer, occasione pêne et securitatis, que in dicto
compromisso continetur, dicto domino W'^, procuratori ecclesie \'al.,
restituere et tradere teneretur. et dictus dominus ^^'''^ procurator
ecclesie \^al., tamdiu dictum pignus teneret et haberet donec ei in
pena commissa esset plenarie satisfactum. Ad hec R. de Clariaco,
consensu et voluntate utriusque partis, persolempnem stipulationem,
bona fide promisit et, tactis sacrosanctis evangeliis, corporaliter iura-
vit tam dicto domino W° procuratori ecclesie Val., quam Jo Beroar-
do, dicto sindico et procuratori, quod si aliquarum partium contra
predicta et formam prescriptam venire contingeret, pignora illius
partis que contra predictam et formam prescriptam veniret alteri
parti restitueret, omni exceptione et occasione exclusa penitus et re-
mota. Actum est hoc in Castro Turnonis. Testes autem fuerunt A.,
filius comitis Sabaudie, G., dominus Turnonis, G. Lîastet, A. de
Chambau, A. de Comieris, W. de Clavaiso, L. de Valle, A. Monis.
V. de Castro Novo, W. de Belregart, B. de Lange, G. Barba, R. de
I^lanter, P. de Castro Bucco, et A. de Mola. In huius aulem rei tes-
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. ly^
timonium et firmitatem habendam, de consensu et voluntate et spe-
ciali mandate utriusque partis, presens carta fuit sigillorum presen-
tium munimine roborata (i).
Quelques jours après, les arbitres rendaient leur sentence à la
Roche de Glun, le 23 octobre 1229. Les bourgeois de Valence fu-
rent condamnés à raser la maison de la confrérie, qui était le lieu de
leurs assemblées, à s'abstenir dorénavant de toute réunion munici-
pale sans une autorisation préalable, à livrer au prélat les sceaux de
la ville et enfin à lui payer une amende de 6,000 marcs d'argent.
Cette somme, considérable pour l'époque, fut réduite l'année sui-
vante par l'évêque lui-même à 6,ooû livres viennoises (2).
Après avoir conclu la paix avec les habitants de Valence, Guil-
laume retourna en Savoie, et à partir de celte époque, les documents
nous le montrent de plus en plus étranger à son diocèse, tout entier
aux affaires du siècle et secondant de tout son pouvoir les rêves de
grandeur, que ne cessaient de former les membres de sa famille. Le
20 février 123 1, il était à Pierre-Châtel où il prenait l'engagement,
de concert avec ses frères, de ne pas s'opposer aux donations que
son père, le comte Thomas, voulait faire au monastère de Haute-
combe (3). Ce fut dans cette même localité, quelques mois plus tard,
le 9 octobre 123 1, qu'il fit avec Aymon, sire de Faucigny, certaines
conventions particulièrement intéressantes pour l'histoire de nos
pays.
Nous avons vu plus haut qu'une guerre avait éclaté en l'année
1227, après la mort de Guillaume de Poitiers, entre Aymar II, comte
de Valentinois, et Flotte de Royans, qui de concert avec les tuteurs
de son fils réclamait l'administration des biens laissés par son mari.
Guillaume de Savoie s'était déclaré, comme nous l'avons dit, en
faveur de la mère du jeune Aymar de Poitiers, tandis qu'Aymon,
sire de Faucigny, avait pris le parti de l'aïeul et guerroyé quelque
temps pour soutenir ses intérêts. Après une série d'hostilités réci-
proques, dont l'histoire n'a point conservé les détails, un accord
afvait été conclu entre les contendants. La paix fut entièrement réta-
blie entre le vieux comte et sa belle-fille ; un mariage vint encore
cimenter cette union. Aymon de Faucigny, qui était veuf de Beatrix
(i) Bibliothèque de la ville de Grenoble, R, 5801. Original, 28 lignes. Les cinq
sceaux qu'avait primitivement cette charte ont disparu.
(2) COLUMBI, p. 268.
(3) WuRSTEMBERGER. Peter der Zv:eite, t. IV (probationes), n=' 76.
174 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
de Bourgogne, demanda et obtint la main de Flotte de Royans,
dont il avait naguère combattu les prétentions. Cette dame apportait
en dota son nouvel époux 20,000 sous viennois, que feu Guillaume
de Poitiers lui avait reconnus par testament, et 4,000 sous qui lui
étaient dus à raison des dépenses faites par elle durant la dernière
guerre, entreprise au nom du jeune Aymar son fils. De son côté
Aymon réclamait 16,000 sous, à titre d'indemnité pour frais de
guerre. C'était donc une somme totale de 40,000 sous à laquelle le
sire de Faucigny avait droit, et pour laquelle la terre du jeune Aymar
se trouvait engagée. En garantie de cette dette, Aymon de Faucigny
fut autorisé par le comte de Valentinois à se mettre en possession
du château de Crest et de ses revenus. A raison de la distance, il
devenait dillicile au sire de Faucigny de garder cette terre et d'y
exercer efficacement ses droits ; aussi par un acte, daté de Pierre-
Châtel, le q octobre 1231, céda-t-il son lieu et place à Guillaume de
Savoie, élu de Valence, ce dernier s'engageant à lui payer dans un
délai déterminé les 40,000 sous viennois, dont le jeune Aymar de
Poitiers lui était redevable. Pour sauvegarder les droits de cet en-
fant, il fut du reste soigneusement stipulé dans l'acte qu'a/i bout de
trois ans, celui-ci pourrait recouvrer sa terre, en remboursant bien
entendu à Guillaume la somme avancée. Enfin cet accord devait re-
cevoir la sanction de Flotte de Royans (i).
Le 2 mars 1232, nous retrouvons encore à Pierre- Châtel l'élu de
Valence ; il y est témoin des donations faites par son père à l'abbaye
de liautecombe (2). Le lendemain, il prend part à une assemblée,
tenue à Chambéry et à laquelle plusieurs grands personnages avaient
été convoqués : Thomas de Savoie accorde aux habitants de cette
ville une charte de libertés et promet avec serment d'en respecter
toutes les clauses. Le nom de l'élu de Valence figure avec ceux des
archevêques de Vienne et de Maurienne, et de l'évêque de Belley,
appelés comme témoins de ces solennels engagements (3). Quelques
jours après, le comte Thomas achetait à Berlion de Chambéry tous
les droits féodaux que celui-ci pouvait avoir sur ce bourg et ses dé-
pendances, (juillaume et ses frères souscrivirent à l'acte rédigé à
cette occasion ("4).
(i) Original, parchemin, 50 lignes. Bibliotiièquc de M'' Ciiaper, à Grenoble.
Cf. notre Essai liisl. sur l'Eglise et la ville de Die, t. I, p. 372.
(2) WuKSTEMriF.RGER, op. cit., n° 80.
(3) WURSTEMBERGER, Op. cit., n" 8l.
(4) WURSTEMUEKGER, Op. cit., n" 8^.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I73
Le comte Thomas de Savoie mourut l'année suivante, et le i'^"'
mars, il eut pour successeur son fils Amédée IV (1233-125 3). Celui-
ci confirma les donations faites par ses ancêtres à l'abbaye de St-
Pierre de la Novalaise, par un acte daté de Pierre-Châtel, le 23 mai
1233, et souscrit pour ses frères Guillaume, élu de Valence, Boniface,
élu de Belley, Aymon, Pierre, prévôt d'Aoste, et Philippe (i). Ce
fut en cette même année que notre prélat offrit sa médiation pour
arriver à mettre fin à la guerre désastreuse que se faisaient mu-
tuellement Aymon de Savoie et l'évêque de Sion, Landri de Mont.
Le principal sujet du litige était la construction d'une forteresse par
Aymon de Savoie sur des terres que l'évêque prétendait appartenir
à l'église de Sion. Guilllaume réussit à pacifier ce différend, par un
traité conclu le 18 mai et ratifié solennellement par les deux parties
sur les bord de la Môgia (2).
Cependant l'élu de Valence semblait avoir oublié son diocèse.
Son attention se concentre sur tout ce qui est de nature à procurer
l'agrandissement de sa famille. On ne saurait guère douter que ce
ne fût par ses conseils et grâce à son influence, que se conclut, au
mois de février 1234, le mariage de Pierre de Savoie, son frère, avec
Agnès, fille d'Aymon, sire de Faucigny. Nous avons vu quels rap-
ports d'intimité l'unissaient avec ce seigneur, un des personnages
les plus importants de la contrée. Cette alliance devait apportera la
maison de Savoie de grands- avantages, et rien ne fut négligé pour en
assurer les heureux résultats qu'on s'était promis. Aymon s'engagea,
sous forme de testament, dans le cas où il n'aurait point d'héritier
mâle, à laisser à sa fille Agnès les terres du Faucigny. De son côté
Pierre de Savoie donnait par testament la totalité de ses biens aux
enfants qui naîtraient de son futur mariage avec Agnès. Guillaume
de Savoie fut non seulement témoin de ces promesses, mais encore
déclaré de part et d'autre exécuteur testamentaire (3).
Ll:i événement considérable vint cette même année éveiller toute
l'ambition de la famille de Savoie, dont les membres pauvres et re-
muants cherchaient volontiers à l'étranger les richesses que ne pou-
vaient leur donner leurs âpres montagnes ; nous voulons parler du
mariage de S'. Louis avec Marguerite de Provence, l'aînée des qua-
tre filles de Raimond Bérenger, comte de Provence, et de Béatrix de
(1) WURSTEMEERGER, Op. cit., n° 86.
(2) VVURSTEMEERCER, Op. clt., t. I, p. 221, et t. IV, n°^ 85, 86.
(3) WURSTEMBERGER, Op. Cit., t. IV, n°= 9I et g2.
176 QUARANTE ANNÉES DE l'hISTOIRE DES
Savoie. Cette jeune princesse, que Blanche de Castille avait choisie
pour épouse à son fils, se trouvait être la nièce de l'élu de Valence.
Guillaume et ses frères durent songer aussitôt à exploiter à leur
profit une alliance, qui unissait leur famille à la royale maison de
France. Ce n'est certainemetit pas les traiter avec injustice que de
leur prêter cette intention ; les événements que nous avons encore
à raconter nous révéleront plus d'une fois le fond de leurs pensées.
Guillaume n'eut garde de manquer l'occasion de paraître à la cour
de France. On le voit assister au mariage de sa nièce, qui fut célébré
à Sens, le 27 mai 1234, et le registre des dépenses de la Qour nous
fait connaître les sommes qui lui furent accordées, ainsi qu'à ses
compagnons, pour frais de voyage et de séjour tant à Fontainebleau
qu'à Sens (ij. Il ne dut pas tarder à s'apercevoir qu'en France il y
avait peu à espérer pour lui et pour les siens. Blanche de Castille,
avec sa haute intelligence, sa connaissance profonde des hommes et
des choses, veillait avec un soin jaloux à soustraire son fils à toute
influence étrangère (2). Guillaume se hâta de quitter la cour et revint
en Savoie.
Ses frères du reste étaient alors divisés et son autorité était néces-
saire pour rétablir la paix. Le partage de la succession du comte
Thomas avait amené ce conflit. On guerroyait déjà de part et d'au-
tre. Aymon et Pierre se montraient particulièrement animés contre
leur frère Amédée IV. Dans cette délicate affaire, Guillaume déploya
toute son habileté et mit tout en œuvre pour conjurer un orage qui
menaçait de devenir terrible. 11 rétablit la concorde entre les mem-
bres de sa maison, par un traité conclu le 23 juillet 1234 (3).
D'heureuses nouvelles vinrent bientôt faire oublier ces querelles
domestiques et causer à Guillaume et à ses frères une joie aussi vive
qu'elle était inespérée. Deux lettres arrivaient d'Angleterre ; elles
étaient écrites par le roi Henri III, le 22 janvier 1235 et adressées
l'une à l'élu de Valence, l'autre au comte Amédée. Le monarque
anglais les informait de son dessein d'épouser Eléonore, leur nièce,
la seconde fille de Raimond Berenger, comte de Provence. Ce ma-
riage disait-il, rendrait plus étroits les liens d'amitié qui unissaient
(i) Bouquet, Recueil, l. X.XI, p. 2.] 5 : « Elcctus Valcntinus pro vadiis apud
Fontem Bleaudi XII I., teste magislro Ilubcrto, » et, p. 246 : « Pro vadiis KIccti
Valentincnsis et sociorum suorum, -^ XVI 1. (256 1.). »
(2) Cf. BouTARic, Marguerite de Provence. Son caractère, son rôle politique ;
dans : Revue des questions historiques, t. III, (1867), P- "1 ' 7 ^' suiv.
{3) WUKSTEMUERGKR, Op. cit., t. IV, n"' 93 Ct 96.
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN-AGE. I77
déjà la maison de Savoie à celle des Plantagenets, et il rappelait à
cette occasion, aux deux frères, que son père avait autrefois nourri
le projet d'une alliance avec Alix de Savoie, leur tante (i). Guillaume
et ses frères voyaient enfin venir à eux cette fortune tant désirée, et
les rêves qu'avaient pu former leur ambition allaient en effet bientôt
se réaliser.
L'élu de Valence dut prendre une part active à la conclusion de ce
mariage. C'est lui qui fut chargé de conduire en Angleterre la jeune
Eléonore et qui représenta la parenté maternelle de cette princesse
à la célébration des noces, qui se fît avec une pompe extraordinaire
à Cantorbéry, le 12 janvier 1236, lendemain de l'octave de l'Epipha-
nie (2). Guillaume reçut les prémices des faveurs dont les Plantage-
nets devaient se montrer prodigues envers les membres de la famille
de Savoie. En homme prudent et avisé, il ne lui fut pas difficile de
gagner la confiance du roi, dont le caractère faible ne parvenait point
à échapper à la domination d'un esprit supérieur et habile. La
noblesse et le clergé, qui se maintenaient en face du trône dans une
indépendance dégénérant parfois en désordre, s'alarmèrent bientôt
de l'influence que prenait sur Henri III l'oncle de la jeune reine :
ainsi, commençait déjà cette opposition contre les envahissements de
la Savoie, dont nous n'aurons ici qu'incidemment à nous occuper,
et germait cette haine nationale contre l'étranger qu'on voit se mani-
fester avec tant d'énergie dans l'Histoire de Mathieu de Paris, le
grand chroniqueur anglais du treizième siècle. Des murmures se
firent entendre à l'occasion d'un parlement tenu à Londres, le 28 avril
1 2 3Ô, dans lequel le roi agit visiblement sous l'impression des conseils
donnés par Guillaume : « La reine de France, disait-on, n'est-elle pas
également la nièce de l'élu de Valence ? N'est-elle pas l'ainée de notre
reine ? D'où vient donc qu'il veuille se mêler de nos affaires plutôt
que de cêîies de nos voisins ? » Ce commencement d'orage fut sans
doute le motif qui détermina Guillaume à ne pas prolonger davantage
son séjour en Angleterre (3). Le 25 juin 1236, il était à Chillon, en
(i) Rymer, Foedera, conventiones, HLterx et cujuscunque generis acta publica in-
ter reges Anglicé et alios quosvis imperatores, reges, pontifices, etc. Hagae Comitis,
1739, in-f°, t. I, la parte, p. 118.
(2) Rymer, op. cit., p. 122.
(3) WuRSTEMBERGER, daos UD chapitre de son bel ouvrage sur Pierre de Savoie,
a résumé les principaux événements de la vie de Guillaume du Savoie (t. I,
p. 220-7) • ^Vilhelm von Savoyen, ervmhlter Bischof von Valence, Winchester und
Luttich. Son récit est puisé aux meilleures sources et nous nous appliquons à le
fondre tout entier dans notre travail.
178 QUARANTE ANNÉES DE l'hISTOIRE DES
Savoie et approuvait la fondation de l'hospice de Villeneuve faite par
Aymon, son frère (i).
Esprit aventureux et inquiet, Guillaume ne pouvait se résigner à
demeurer en repos dans son diocèse et à plus forte raison au milieu
des montagnes delà Savoie. Les quelques jours passés en Angleterre
avaient fait naître en lui un vif désir de retourner au plus tôt dans
ce royaume et de reconquérir auprès de sa nièce cette haute situation
à laquelle il était un instant parvenu et qui répondait si bien à ses
rêves de grandeur. Dès l'année suivante 1237, nous le retrouvons
auprès de Henri III. II figure parmi les témoins du traité que ce
prince conclut cette même année avec Alexandre II, roi d'Ecosse (2_).
II redevint bientôt le favori du monarque, fut admis au conseil et sut
si bien manœuvrer qu'il eut une part prépondérante dans l'adminis-
tration des affaires de l'Etat. Les barons firent de nouvelles remon-
trances ; mais Henri calma leur colère en augmentant de trois per-
sonnes le nombre des membres du conseil, pris dans les rangs de la
noblesse. Si l'histoire nous a dépeint Guillaume de Savoie sous les
traits d'un prélat ambitieux, elle a aussi plus d'une fois mis en lumière
son intelligence et son habileté. Vers ce temps-là, l'élu de Valence
eut l'occasion de rendre à l'Angleterre un service signalé. L'affaire
était particulièrement délicate. Toujours facile à s'enthousiasmer
pour les étrangers, Henri venait de donner sa confiance à un jeune
chevalier français, Simon de Montfort, et telle était son affection
pour ce nouveau favori, qu'elle l'avait porté à lui donner en mariage
une princesse du sang royal, Eléonore, sa sœur, veuve du comte de
Pembrok. Cette mésalliance ou plutôt l'influence exercée sur le faible
monarque par ce chevalier français provoqua une indignation géné-
rale ; cette fois les barons se montrèrent énergiquement résolus
d'obtenir, au besoin par la force, l'éloignement de l'étranger qui leur
portait ombrage. Richard, frère du roi, non seulement appuyait leurs
demandes, mais ne craignait point de se déclarer le chef des mécon-
tents. La situation du roi devenait de jour en jour plus critique.
Ce furent les conseils de Guillaume de Savoie, aussi bien que ceux
du légat Otton, cardinal diacre, du titre de Saint-Nicolas in carccre
TiiUi.-ino, qui le déterminèrent à donner quelque satisfaction à la
(1) W'URSTEMBERGEU, op. cit., n" Io8.
(2) WuRSTEMBERGER, Op. cil., t. I, p. 223. Cf. RwNAi.Di, Aiiuaks, ad an. 1237,
n»' 38-57,
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 1 79
noblesse et à conjurer ainsi un orage qui aurait pu dégénérer en une
guerre fratricide (ij.
Ces événements se passaient au mois de janvier 1238. Peu de
temps après, Guillaume quittait l'Angleterre pour ne plus y rentrer ;
nous allons le voir sur un autre théâtre déployant tout à la fois ses
vertus guerrières et ses talents de diplomate.
Au mois de septembre 1237, l'empereur Frédéric II, revenu en Italie
pour combattre la ligue lombarde, obtenait de brillants succès : la
reddition de Mantoue, la bataille de Corte-Nuova, la soumission
rapide de Lodi, de Verceil, et de plusieurs autres villes jetèrent la
ligue dans un profond découragement (2). Pour obtenir un complet
triomphe, l'empereur avait besoin d'une armée nombreuse : il fit
appel à ses alliés et à ses feudataires, et bientôt arrivèrent de toute
part au camp impérial des troupes nombreuses. Le roi d'Angleterre
envoya un certain nombre d'hommes, entretenus à ses frais et placés
sous le commandement de Henri de Trubleville, selon Mathieu de
Paris (3J. Un autre chroniqueur, Mathieu de Westminster dit que
les contingents anglais marchèrent sous la conduite de l'élu de
Valence (4). Il est possible que ces troupes aient passé sur le conti-
nent et traversé la France, ayant à leur tête Guillaume de Savoie ;
mais ce qui est bien certain c'est que les documents vont nous mon-
trer l'évêque de Valence franchissant les Alpes avec d'autres compa-
gnons de guerre. Arrivé sur le territoire de sa famille, il aura sans
doute laissé les Anglais poursuivre leur marche, tandis qu'il se joi-
gnait aux contingents fournis par la Savoie et par les diverses prin-
cipautés des royaumes d'Arles et de Vienne.
Frédéric en effet n'avait eu garde d'oublier ces dépendances de
l'empire et des lettres impériales adressées aux évêques et aux grands
(1) WURSTEMBERGER, Op. cit., t. I, p. 223.
(2) Huillard-Bréholles. Introduction à l'histoire diplomatique de Frédéric II,
P- 453-
(3) Matth.cus Paris, Historia major Attglia:. Londini, i68-|, in-f", p. 470 :
« Cumque audiret electus Valenticc quod profecturus esset talis exercitus in Italiam,
caute, quasi dux eorum associavit se domino H. de Trubleville et cum eo iransfre-
'■avit. » Plus bas le même auteur dit encore : « Sub illis quoque diebus, electus
Valentinus videns nuUi placere moram suam in Anglia, sponte vel inviius, caute
••amen, quia clitellis suis refertis et equis oneratis auro et argento et vasis regalibus,
transfretavit. »
(4) Matth.cus Westmonasteriensis, Flores historiarum. Londini, 1570, in-f°,
p. 299. Cet auteur dit que les troupes anglaises passèrent en Italie « sub ducatu
Gulihelmi electi Valentini, Henrici de Trubleville et Gulihelmi Hardel clerici.»
l8o QUARANTE ANNÉES DE l'hISTOIRE DES
seigneurs de nos contrées leur avaient enjoint d'amener au camp le
contingent de leurs troupes. Ces lettres rappelaient en même temps
aux vassaux et généralement à tous les sujets des évèques qu'ils
étaient tenus de subvenir aux frais de route des prélats se rendant à
la cour impériale, ainsi qu'aux dépenses nécessitées par l'entretien
des soldats. Nicolin Spinola délégué ou vicaire impérial dans les
royaumes d'Arles et de Vienne avait été chargé de veiller à l'exécu-
tion des ordres du prince et de conduire au delà des monts les trou-
pes levées dans nos pays. Pour stimuler le zèle des feudataires,
Frédéric remettait en vigueur la vieille tactique impériale : il distri-
buait de nombreux privilèges à tous ceux qui se montraient dociles.
Au mois de mars 1238, étant à Alba, il accordait à la dauphine
Béatrix et à son fils Guignes un péage dans le Viennois ; le mois sui-
vant, se trouvant à Turin, il les confirmait dans la possession d'un
atelier monétaire à Cézanne, au pied du mont Genèvre, dans le
Briançonnais. Il confirmait en même temps les droits régaliens des
églises de Vienne et de Grenoble. Au mois de juin, c'était le tour de
la ville d'Embrun, dont les coutumes et les franchises furent solen-
nellement sanctionnées (1). Cette tactique réussit pleinement. On vit
la plupart des évêques et des seigneurs des royaumes d'Arles et de
Vienne affluer auprès de l'empereur et protester à l'envi de leur
fidélité.
Vers le milieu du mois d'août 1238, Guillaume de Savoie, évêque
élu de Valence, Amédée, comte de Savoie, son frère, le marquis
de Lancia et le sénéchal du Dauphine se mirent en route pour l'Ita-
lie avec deux cents soldats. Ils arrivèrent le 22 août à Crémone, ville
qui tenait le parti de l'empereur et dès le surlendemain ils signalèrent
leur entrée en campagne contre les confédérés par un important
succès, qui eut alors un grand retentissement et dont les chroniques
du temps nous ont transmis l'écho. Depuis le commencement d'août
Frédéric II s'acharnait au siège de Brescia, pendant qu'autour de lui
Guelfes et Gibelins, en d'autres termes ses ennemis et ses amis se
faisaient une guerre désastreuse et s'épuisaient dans de stériles com-
bats. Or il arriva qu'une petite troupe de gens armes, sortis de Plai-
sance, ville dévouée à la Ligue s'étaient portés dans les environs de
Crémone, durant la nuit qui précéda la fête de saint Barthélémy.
Après avoir incendié les maisons, ravagé les campagnes, ces bandits
(i) IIuillauu-Bréiiolles. Ilistoria Jiplomalica l'iiJerici II, t. V, p. 179, 186,
192, 210.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. ICI
retournaient dans leurs foyers, chargés de butin, lorsque tout à coup,
vers l'heure de none, ils rencontrèrent l'évêque de Valence et les deux
cents hommes de sa suite, qui s'apprêtèrent aussitôt à leur disputer
chaudement le passage. Un terrible combat s'engage, les compa-
gnons de l'évêque rachètent leur infériorité numérique par la valeur
et la discipline. Le prélat donne l'exemple. 11 est au premier rang.
Un moment le péril est extrême. Guillaume voit son cheval percé de
coups ; lui-même est renversé par terre, mais ses compagnons le relè-
vent et tous ensemble se précipitent sur l'ennemi aux cris répétés de
Valence! Valence! Le chroniqueur Philippe Mousquet, qui s'étend
avec une complaisance marqué sur les exploits guerriers de l'évêque
de Valence, dit que dans cette journée mémorable personne n'eût
pu soupçonner que Guillaume fût un homme d'Eglise, tant étaient
surprenantes et sa bravoure et la vigueur des coups qu'il portait (i).
Les Guelfes de Plaisance ne purent résister à la charge impétueuse
de nos compatriotes et se débandèrent. Dans leur fuite précipitée,
quelques-uns d'entre eux furent massacrés ; d'autres tombèrent aux
mains des vainqueurs. La chronique de Plaisance affirme que
90 cavaliers et 300 fantassins furent conduits à Crémone par l'évê-
que et ses compagnons d'armes pour y être constitués prisonniers
de guerre (2).
(i) Philippe Mousquet, Chronique rimée, dans Bouquet, t. XXII, p. 68. Cet auteur
nous apprend que dans cette affaire Beaudoin III, comte de Guines, en Flandre, com-
battit à côté de l'élu de Valence et que tous deux eurent les honneurs de la journée.
Tantost com il les ont perclus, Mais H quens de Gisne l'en guie ;
Escus et hiaumes ont reçus. Remonté l'a sa compagnie.
Des palefrois es cevaux montent ; Là fu-il cevaliers, non clers.
Leur escuier lances lor donnent. A armes tos seurs et fers.
Qui dame ama ne demoisièle, En aus refiert, crie Valence,
Son cuer de bien faire en oisièle. Del branc lor carge grief pénence.
Gisnes escrient et Valence ! Li quens de Gisnes i rebroce.
Autre conte ne autre tence Bien les ataint bien les aproce ;
N'i eut ; seure lor sont courut ; Gisne au conte les esmaie :
Des leur furent bien secorut. Mious amasent estre a Nimaie.
Là valu bien cel jor Valence, La u il torne son ceval,
Sor les Plaisentins de Plaisence. Les fait tous enbroucier aval ;
Sous lui ocisent son ceval, Chevaliers prent, cevaus gaagne
Et li eslius caï aval ; Bien s'i prouva cèle compagne.
(2) Chronicon Placenlinum (édité par Huillard-Bréholles, Paris, 1856, in-4°),
p. 174-5 • " Dum autem imperator in ipsa ossidione permaneret, contigit quod
nocte précédente festum Beati Bartholomei, milites Placentini cum ballistris et illis
de Florenza et castro Arquarto et Vigoleno apud Gibellum et Polixium terras
l82 QUARANTE ANNEES DE l'hISTOIRE DES
Quelques jours après, Guillaume de Savoie arrivait au camp
impérial, sous les murs de Brescia. Frédéric lui fit un accueil, qui
laissait clairement entrevoir les espérances qu'il avait fondées déjà
sur la bravoure et les talents militaires de notre évêque. Il voulut le
garder auprès de sa personne. Le nom de l'élu de Valence figure
dans un certain nombre de diplômes, émanés à cette époque de la
chancellerie impériale, notamment dans la bulle impériale, datée du
mois de septembre 1238, par laquelle Frédéric confirmait à Humbert,
évêque de Die, qui était venu lui aussi grossir la cour de ce prince,
les anciens privilèges de son Eglise (i). Guillaume profita de la cir-
constance pour solliciter à son tour une semblable faveur, qui lui fut
accordée avec empressement, l'empereur se montrant prodigue de
ces sortes de privilèges, par lesquels il s'efforçait de rattacher à son
empire les vassaux éloignés de ses royaumes d'Arles et de Vienne.
La bulle qui co;ifirma toutes les anciennes concessions impériales
faites à l'église de Valence, est datée de Crémone, au mois de novem-
bre 1238. Après avoir rappelé qu'il a accueilli l'élu de Valence avec
les honneurs dus à son mérite et à sa dignité, il déclare lui donner
l'investiture de toutes les possessions et de tous les droits régaliens
appartenant à son siège, confirmant du reste de la manière la plus
étendue la bulle de privilèges, accordée à cette église le 13 novembre
1 157 par son illustre aïeul, PVédéric I", roi des Romains tenant alors
sa cour à Besançon, L'empereur cnumère ensuite les différentes attri-
butions, dont l'ensemble constituait les droits régaliens, reconnus à
l'évèque (2), ainsi que les châteaux et les terres qui formaient le
Cremr)ncnsium iter diri.xerunt, comburcnles domos et villas illius contrate. El in-
icrim circa horam none cum Placentini rcverterenlur a guastis, electus de Valenlia
fraier comilis Savolie, marchio Lancea, et senescalcus Dalphini cum CC militibus qui
in Cremona preterita die accesserant causa eundi ad excrcilum imperaloris, per
Arginem de Buxeto venientes fuerunt obviam iilis. Placentini vero captis armis ini-
micis se obviam prebuerunt. Et quia predicti milites forenses in districtis partibus
et nemoribus intraverant, quidam ex PJacentinis nominc Ubertus Surdos et alii ad
signiferos clamaverunt ut cédèrent eis campum, qui signiferi statim rétro seceden-
tcs plurcs ex ipsis signiferis fugam ceperunt. Ceteri vero capta fuga multi ex PJa-
ccniinis per nemora discurrentes errare ceperunt. Ceteros vero electus et marchio
Lancea cum eorum militibus inscqucntes ceperunt ex ipsis militibus LXX.\.\ mili-
tes et CGC pcdites et ballistros quos direxerunt Cremonam. Et Placentini ceperunt
ex ipsis militibus quinque milites.
(i) IIuif-LARD-BRÉiiOLLES. Histotia dipl. Fridiiiici II, t. V, p. 232, 236.
(2) Gallia chiistiana, t. XVI. Instrum, c. i i.^ : «... concessimus prefato elccto...
civitatem Vaicntinam, cum suburhiis suis et tcrritoiiis et quidquid infra cjus ambi-
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 183
domaine épiscopal. C'est ainsi que nous apprenons que la juridic-
tion seigneuriale des évêques de Valence s'étendait sur les châteaux
et les terres d'Alixan, de Montélier, de Montléger, de la Baume, de
Fiançayes, de Livron, de Loriol, de Châteauneuf, de Châteaudouble,
de Montvendre, d'Etoile, d'Allex, de Saoû, d'Urre, d'Upie, de Péla-
fol, de Chabeuil (?), d'Hostun, de Mirmande, de Conflens et de
Lésignan (i). 11 est dit dans cet important document que l'évêque a
seul le droit d'établir ou de lever des péages dans les territoires
qui s'étendent depuis l'Isère jusqu'à A4ontélier et depuis Crest jus-
qu'à Soyons. Les droits que l'évêque peut percevoir sont ensuite
spécifiés : pour la charge d'un cheval ou mulet, soit par terre soit
par eau, 12 deniers ; pour la charge d'un âne, 6 deniers ; pour une
saumée de sel, 4 deniers, etc. L'empereur interdit de la manière la
plus formelle aux habitants de Valence de former des ligues ou
associations jurées, sans l'assentiment de l'évêque. il est défendu
aux barons ou feudataires de l'évêque d'aliéner leurs fiefs, comme
aussi de construire de nouveaux châteaux ou bâties dans le diocèse.
On rappelle ensuite aux sujets de l'évêque , que toutes les fois
que leur prélat est mandé à la cour impériale, ils doivent subvenir
aux frais du voyage et fournir l'argent nécessaire à l'entretien des
soldats réclamés par l'empereur. Enfin quiconque serait assez
téméraire pour oser inquiéter l'évêque de Valence dans le libre
exercice de son autorité et des droits qu'il tient de l'Empire, encour-
rait l'indignation du prince et serait en outre condamné à une
amende de cent livres d'or fin, dont une moitié appartiendrait à la
chambre impériale et l'autre, à l'élu de Valence ou à ses successeurs.
A l'époque où nous sommes arrivés, le pape Grégoire IX n'avait
point encore ouvertement rompu avec l'empereur ; mais il était
tum, et extra in toto episcopatu Valentino continetur, comilatum videlicet, eccle-
sias, abbatias, monasteria cum omnibus possessionibus eorum vel quasi, forum, mer-
catum, duella, nonetam, extratam, naulos, theloneum, pedagia, castra, castella,
villas, vices, areas, servos, ancillas, tributarios, décimas, campos, prata, pascua,
terras cultas et incuhas, et commune forum agentium et sustinentium causas tam
civiliter quam criminaliter...»
(i) Ibid. « Castrum videlicet Alexiani cum appendiciis suis, castrum Montilisii
cum appendiciis suis, castrum Montis Lagerii..., castrum Balme..., villam Fian-
ciacii..,, castrum Liberonis..., c. Aurioli..., Castrum Novum..., Castrum Duplum,
cast-um -Mentis veneris, castrum de Stella, castrum Alexii, castrum Saonis, castrum
de Urre..., castrum Upiani..., castrum Pallafoli..., castrum Coperii(?), castrum
Agustidini..., castrum Mirmande..., bastiam de Confluencio. . ., bastiam de Lesi-
gnano...»
184 MARIE DE jMONTLAUR ET LE RELÈVEMENT
décidé à ne bientôt plus garder aucun ménagement envers ce prince,
un des plus redoutables ennemis que l'Eglise ait jamais rencontré
sur sa route. Il n'attendait qu'une occasion pour l'excommunier
avec éclat et le déclarer déchu du trône. C'était donc à une lutte pro-
chaine qu'il fallait se préparer. La renommée dont jouissait alors
l'élu de Valence , son influence à la cour d'Angleterre et les
alliances de sa maison firent désirer au pontife d'attirer dans son
parti un personnage aussi considérable et dont l'exemple pourrait
entraîner les indécis et les mécontents : il songeait même, nous
disent les chroniqueurs, à en faire le chef d'une armée pontificale.
Les circonstances parurent tout d'abord servir ses projets.
{La suite au prochain numéro.)
Jules CHEVALIER.
MARIE DE MONTLAUR
MARÉCHALE D'ORNANO
ET LE
Relèvement du Culte Catholique
DANS LA VILLE D'AUBENAS
(Fin).
IV
Cependant la veuve du Maréchal d'Ornano ne se sentait plus à
l'aise au milieu du monde, malgré les -bonnes œuvres qu'elle ne
cessait d'accomplir, il lui fallait quelque chose de plus. Elle résolut
de tout quitter et de renoncer à ses titres comme à ses biens en se
retirant pour le reste de ses jours dans une maison religieuse. Elle
n'alla pas chercher bien loin le pieux asile dans lequel elle voulut
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. 185
terminer sa vie et ce fut à Aubenas même, dans l'abbaye de Saint-
Benoit que Marie de Montlaur demanda une place. L'abbaye de
Saint-Benoît n'était autre que celle de la Villedieu transférée à
Aubenas au commencement du XVII" siècle. Les guerres de religion
avaient ruiné la Villedieu; du reste les religieuses n'eussent pu y
vivre en sécurité au milieu des troubles incessants de cette époque.
Cette translation avait eu lieu en lôio.
Plusieurs motifs durent engager Marie de Montlaur à choisir pour
sa retraite le monastère des Bénédictines d'Aubenas. D'abord elle
désirait que son corps reposât, après sa mort, avec celui du Maré-
chal, dans le mausolée élevé par elle à la paroisse (i); ensuite, en
se retirant à Saint-Benoît, elle ne s'éloignait pas de la dépouille
mortelle de celui qu'elle pleurait et pour lequel elle ne cessait
d'offrir et de faire offrir des prières. En outre, Marie d'Ornano, sa
nièce, sœur aînée d'Anne d'Ornano dont nous allons parler, était
abbesse de ce monastère, conservant, comme toutes les abbesses de
Saint-Benoît le titre d'abbesse de la Villedieu. La veuve du Maré-
chal pouvait donc, tout en quittant le monde, demeurer dans sa
ville d'Aubenas, avec une de ses nièces, et surveiller encore, sa vie
durant, l'accomplissement de ses fondations.
Ce fut entre 1645 et 1652 que la fille des Montlaurs entra à Saint-
Benoît. Avant de quitter le monde en effet, elle renonça au Comté
de Montlaur et transmit ce titre ainsi que la baronnie d'Aubenas à
sa nièce Anne d'Ornano qu'elle institua son héritière. Or, Anne
d'Ornano, fille de Marguerite de Montlaur, sœur de la Maréchale,
avait épousé en 1645 ^^ Prince d'Marcourt, et celui-ci présida en
1653, en qualité de Comte de Montlaur, les Etats du Vivarais réunis
à Aubenas. D'autre part, nous voyons Marie de Montlaur agir
comme Dame d'Aubenas jusqu'en 1645. Ce ne peut donc être
qu'entre 1645 et 1652 qu'elle renonça à ses titres et entra chez les
Bénédictines. Se retira-t-elle simplement dans ce monastère, où y
fit-elle profession monastique ? L'acte de renonciation dont nous
venons de parler porte à croire qu'elle se consacra à Dieu par les
vœux de la religion. On a cru que la veuve d'Ornano avait été
abbesse de Saint-Benoît, mais il n'en est rien. Il n'y a eu qu'une
Marie d'Ornano, abbesse de cette abbaye, et c'est la nièce de la
Maréchale qui occupa le siège abbatial, jusqu'en 1682, où Marie II
Adhémar de Monteil de Grignan lui succéda. Du reste dans l'acte
(i) Voir plus haut la fondation.
Bull. VIII, 1888. 14
l86 MARIE DE MONTLAUR F.T LE RELÈVEMENT
de sépulture de la Maréchale dont nous donnerons une copie, il
n'est nullement fait mention de son titre d'abbesse.
iMaintenant, dans quelle proportion l'ancienne Dame d'Aubenas
vint-elle en aide au monastère de Saint-Benoît ? Il serait difficile de
le dire exactement, mais il est hors de doute que la maison reli-
gieuse dans laquelle se retira Marie de Montlaur dût avoir une large
part à ses libéralités, d'autant plus qu'à cette époque, les difficultés
par lesquelles passait l'abbaye ruinée transférée à Aubenas devaient
ressembler en bien des points à celles d'une fondation. Tout le monde
peut voir encore à Aubenas l'église des Bénédictines, qui sert de
halle aux grains ; elle est plus vaste que celle du collège des Jésui-
tes, mais construite sur le même plan, du moins dans les lignes
générales, et les deux coupoles ne diffèrent entre elles que par les
proportions. Le style commun des deux églises et les dates si rap-
prochées de leur construction respective ne permettent-elles pas de
penser que la même main généreuse les éleva toutes deux, l'église
de St-Benoit, aussi bien que celle du collège des Jésuites ? Pour
nous, nous croyons volontiers qu'après avoir répandu autour d'elle
tant de bienfaits de toute sorte, la veuve d'Ornano dota l'abbaye
renaissante de St-Benoit d'une Eglise digne du culte divin auquel
sont vouées les Bénédictines.
Terminons-là ces quelques notes sulfisantes pour montrer le rôle
que joua la baronne d'Aubenas dans le relèvement du culte catholi-
que au sein d'une population si tourmentée par les guerres de reli-
gion. Si les rares documents échappés aux ravages du temps et des
révolutions nous montrent cette pieuse veuve si généreuse, que ne
nous diraient pas les actes perdus ou inconnus .? Pour ne mention-
ner qu'un exemple : Nous voyons Marie de Montlaur en relations
dans la première moitié du XVIl" siècle avec les Commandeurs de
St-Antoine d'Aubenas (i), alors que ceux-ci relèvent l'Eglise de leur
commanderie. 11 est clair que la Dame du lieu ne se contenta pas
d'encourager cette réédification, mais qu'elle y contribua pour sa
part. Ainsi dût-il en être pour bien d'autres bonnes œuvres.
De tout ce qui précède il résulte que non seulement la veuve du
Maréchal J.-B. d'Ornano administra sagement sa baronnie d'Aube-
nas et fut pleine de douceur et de charité, exhortant autour d'elle à
(i) Mss. de feu M. Deydier.
D' Francus, Notes sur la commanderie des Antonins d'Aubenas.
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. 187
la concorde et à la paix (i), mais encore qu'elle eût un véritable zèle
pour la religion catholique et contribua puissamment à en relever le
culte dans ses domaines et spécialement dans la ville d'Aubenas.
Par ses soins l'Eglise paroissiale fut relevée et dotée de vases sacrés
et d'ornements ; deux prêtres vinrent augmenter le personnel du
clergé et permettre de chanter chaque jour l'office divin dans l'Eglise
de St-Laurent ; par ses soins le couvent des Dominicains d'Aubenas
fut augmenté de deux religieux et la fondation des Dominicaines de
N.-D. du Rhône comme celle des religieuses de Tournon furent
favorisées.
On peut la regarder, avec le P. Vitellesci, comme la fondatrice
véritable du collège des Jésuites d'Aubenas. Enfin elle se retira,
durant les vingt dernières années de sa vie, dans l'abbaye de Saint-
Benoit qui eut certainement part à ses largesses.
Ce fut là qu'en janvier 1672 elle rendit son âme à Dieu devant
lequel elle parût les mains pleines de bonnes œuvres. Son corps fut
transporté à la paroisse d'Aubenas et inhumé, conformément à ses
désirs, à côté de celui du Maréchal, dans le Mausolée de Marbre
élevé par ses soins et sur lequel les deux époux sont représentés à
genoux, dans l'attitude de la prière.
Nous avons vu que Marguerite de Montlaur, sœur de Marie, avait
épousé Henri-F'rançois d'Ornano, frère de J.-B. d'Ornano. Marie
d'Ornano, abbesse de la Villedieu, et Anne d'Ornano qui épousa le
prince d'Harcourt étaient leurs enfants. L'exemple du Aiaréchal et
de la Maréchale d'Ornano fut suivi par leur famille. François d'Or-
nano était seigneur de Mazargues, près Marseille ; le 17 novembre
1644, il fonda un couvent de Carmes dans cette localité, de concert
avec son épouse, Marguerite de Montlaur. Nous n'entrerons pas ici
dans le détail de cette fondation. Nous dirons seulement que ce
couvent dura jusqu'à la Révolution et que l'on voit encore à Mazar-
gues l'église et le couvent affectés à des particuliers et n'ayant du
reste aucun caractère architectural. La terre de Mazargues entra
dans la famille de Grignan par le mariage de Marguerite d'Ornano,
fille aînée de François d'Ornano et de Marguerite de Montlaur, avec
Louis-Gaucher Adhémar de Monteil, comte de Grignan. Quant
aux baronnies de Montlaur et d'Aubenas, le prince d'Harcourt ne
les perdit point au lansquenet , Melchior de Vogué acquit la pre-
mière en 169g et la seconde fut achetée par Cérice de Vogué, avec
(i) Lettre de 1614 aux Consuls de Vais, publiée par M. Henri Vaschalde.
lôO MARIE DE MONTI.AUR ET LE RELEVEMENT
le château d'Aubenas et la baronnie de St-Remèze , le 4 avril
I7f6 (ij.
Voici l'acte de sépulture de la Maréchale d'Ornano extrait d'un
registre conservé à la Mairie d'Aubenas :
L'an mil six cents septente deux et le 28 janvier par moy curé
soubsigné a esté enterrée haute et puissante Dame Marie Comtesse
de Montlor mareschale d'Ornano (âgée de) quatre vingts et- huit ans
étant décédée le vingt septième desdits mois et ans ont été présants
à la sépulture, Messieurs Jehan Félix et Duchon prêtres et Messieurs
Pierre Veyssière prêtre et vicaire et Aymé Boufard prêtre et curé de
St-Deydié tous demeurant à Aubenas et soubsignés avec moy.
Valvariès Curé etc..
Lettres patentes du R. P. Mutius Vitellescus, général de la Compagnie de Jésus,
du 28 juin 1644 par lesquelles Madame la Mareschalle d'Ornano est recognue pour
fondatrice du Collège des R P. Jexuistes du Collège d'Albenas.
Mutius \'itellescus Societatis Jesu
Prœposilus Generalis,
Omnibus in quorum manus hse lilterœ vencrint,
Salutem in Domino sempiternam.
Cum ill™» et excell"^'^ Dna. D. Maria Comitissa de Montlor pro sua pietate, et
salutis subditorum suorum zelo, ac singulari erga nnslram socictatcm propensione,
perficere cupiens fundationem et dolationem CoUegii nostri in ejus urbe Albenacensi
a piissimo quondam et nobilissimo ipsius parente D. Ludovico Guillelmo Comité
de Montlor, Equité torquato, pro juventutis illarum partium instilutione, et hœreti-
corum conversione cum Régis placito inchoati, et subinde a nobilissimo itidem et
religiosissimo Dno D. Joanne Baptista d'Ornano, Galiias, dum viveret, Marescallo,
ipsius Dna; viro, adaucti ; in hiinc finem pro quinque humaniorum litterarum scholis,
et sccta philosophiœ, quolibet biennio excurrenda:, prœter anliquum solum et
reditum a prasdictis Dnis datum et procuratum, ipsa Dna de novo peramplum spa-
tium ad templum, scholas, cœieraque ;eclilicia commodius extiuenda, et triginta
librarum millia ad ccnsum luto collocata, liberaliter assignavcrit , ac donavcrit,
donatione inter vivos : Cum plena etiam et perpétua exempiione et immunitate,
tam personarum, quam totius situs dicli Collegii, a iege caducaria, et ab omnibus
tributis, laudcmiis, obsequiis aliisque oncribus, instar caiterorum Societatis Coile-
giorum, exceptis duntaxat, eidemque Dno; donatrici et ipsius successoribus reserva-
tis, homagiû pro prioratu S"" Crucis prœstari solito, et directo dominio cum cen-
sibus annuis quarumdam domorum cocmptarum, eidemque Collegio adjunctarum ;
Et cum hoc, quod si forsan ipsamet Dna, ejusve successorcs alla bona qualilatis,
et conditionis convenientis, ac ejusdcm omnino valoris, et reditus annui, mille scili-
cct et octingcntarum sexaginta quinque librarum in annos singulos, dclractis om-
(i) Mss. de M. Dcydicr.
DU CULTE CATHOLIQUE A AUBENAS. I OÇ
nibus oneribùs, reipsa dederint, aut procuraverint eidem Collegio, propriis ipsorum
sumptibus et expensis, eo nimirum casu Reclor ipsius Collegii debeat illis earum-
dem triginta millium librarum summam, seu illarum assignationem, aut fundum re-
trocedere ; et alias prout in tribus publicis desuper, et relative confectis instrumen-
tis,XVIIscilicet Sept. MDCXXXVIII. — IV Mail MDCXL. — XXIII Sept. MDCXLIII.
dicitur latiùs contineri. Hinc Nos, prae 111™* et Excel'"«^ Dnas pietati et in nostram
Societatem propension!, quoad in nobis est respondere cupientes, cum in dicta
Urbe Albenacensi sedem nostris ministeriis idoneam expert! simus, prœdictam assi-
gnationem et donationem, cum ea qua par est, gratiarum actione, tum nostro, tum
noslrorum successorum nomine, omni, quo possumus, melioi'i modo admittimus et
acceptamus : idemque solum. silum et triginta millium librarum summam et pro-
ventum, ipsimet Collegio Albenacensi nostrae Societatis, pro ejus fundationis et
dotis augmento addicimus et applicamus ; ipsam vero D. Mariam Comitissam de
Montlor, in ejusdem Collegii fundatricem, cum omnibus praerogativis et gratiis a
nostra Societate Collegiorum fundatoribus tribui solitis, agnoscimus et recipimus,
Deum opt. precantes, ut de inexhausto dilecti filii sui meriiorum thesauro nostram
inopiam supplens, eamdem Dnam fundatricem multis in hac vita meritis auciam,
ejusque antecessores et successores œlernae gloriœ corona rémunérât. In quorum
fidem bas litteras manu nostra subscriptas, et sigillo nostrœ Societatis munitas (i)
dedimus Romœ, die XXVIII Junii MDCXLIV.
Mutius Vitellescus.
\incentius Puinisius, Secretarius.
(i) L'original en parchemin orné est chez M. Frédéric Combler à Aubenas, le
sceau, renfermé dans une boite, pend à un ruban de soie.
H. JAUBERT.
CORRESPONDANCE
Nous recevons la rectification suivante au sujet de la version adoptée
par dom Jaubert (p. io6) sur la mort du maréchal d'Ornano ( i) :
En 1879, j'eus l'honneur de présenter au Congrès archéologique
de France, tenu à Vienne, un mémoire sur le Tombeau du Maréchal
d'Ornano, monument historique de l'Ardèche (2) relégué dans une
vieille sacristie sombre et délabrée de l'église paroissiale d'Aubenas.
où personne ne peut le voir, et je protestais contre l'oubli absolu
dans lequel on l'avait plongé depuis quelques années.
(i) Voir encore une note de M. A. Lacroix dans le Bull, de la Soc. d'Archéol. de
la Drôme, 1873, ^- ^^A p- 20-j-8, et un art. de M. Vaschalde lui-même dans la
Rev. du Dauph., 18'jj, t. l, p. 18-22.
(2) XLVI^ session, Paris 1880, page. 474.
igO CORRESPONDANCE.
Mon mémoire se terminait ainsi : « Dans un article publié en 1844
par le Prooressif. journal de la Corse, nous lisons ce qui suit : En
1782, on exhuma le corps du Maréchal du précieux tombeau qui le
renfermait. M. Teissier père, avocat d'Aubenas, qui assistait à cette
opération, nous a assuré que le corps d'Ornano était bien conservé.
La barbe avait poussée d'un sixième de mètre environ ; les bande-
lettes qui enveloppaient le corps étaient bien conservées et exhalaient
une odeur aromatique provenant de l'embaumement. M. Teissier
nous a assuré que la tête était bien adhérente au corps : par consé-
quent, c'est à tort que l'on a prétendu qu'il avait été décapité.
« Voici maintenant ce que nous avons relevé dans les Notes de
M. Henri Deydier : « Jean-Baptiste d'Ornano ne fut pas empoi-
sonné dans le sens absolu du mot, comme le bruit en courut en 1826,
ce fut son cachot, privé d'air, qui causa sa mort comme il causa celle
de Puvlaurens en 1635. Aussi M"'' de Rambouillet disait-elle que
cette chambre valait son pesant d'arsenic.
« Quelques personnes ont cru que d'Ornano avait été décapité
en prison, mais cette erreur fut démontrée en 1793, quand ses restes
furent arrachés du mausolée où ils reposaient, à Aubenas. L'abbé
Martel, professeur d'humanités au collège, assista curieusement à
cette exhumation, et s'assura que la tête n'était point séparée du
tronc (1). »
« On le voit, les auteurs sont bien divisés sur les moyens employés
par le cardinal de Richelieu pour se débarrasser du Maréchal
d'Ornano.
« Nous sommes en mesure de pouvoir éclairer d'un grand jour ce
point obscur de l'histoire de l'infortuné iMaréchal. En 1859, en rem-
plaçant les dalles de l'église d'Aubenas, le caveau de d'Ornano fut
ouvert en présence d'une commission dont faisaient partie M. l'abbé
Pie, curé, M. le Maire et x\l. le docteur Tailhaud. On put s'assurer
que le corps était parfaitement conservé et que, contrairement à
l'assertion de AL\L Teissier et Henri Deydier, la tête ne tenait au
corps que par un fil d'or.
« Le maréchal d'Ornano a eu la tête tranchée à Vincennes ; le
fait est incontestable.
« Il fallait que le vindicatif Cardinal eût un intérêt à cacher cette
décapitation pour que les historiens ne l'aient jamais connue d'une
manière certaine. »
Ainsi se termine notre mémoire, publié par la Sociétc française
d'archéologie, la Revue du Dauphiné et du Vivarais et la Revue de
Marseille.
Le vénérable curé Pie m'a lui-même raconte le fait de Touverture
du caveau en 1859.
La constatation de ce fait historique est consignée par une note
écrite de la main de M. Frédéric Combier, sur les Notes de M.
Henri Deydier, son beau-père, à l'article Ornano.
Henry VASCHALDE.
(i) Henri Deydier, Notes.
HISTOIRE RELIGIEUSE
DU
mm DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS
;drome).
(Suite).
Vers ce temps, le Vercors et le Royans furent distraits de l'archi-
prêtré de Crest pour former à eux seuls un cinquième archiprètré
du diocèse de Die, Tarchiprêtré du Verco?-s, lequel fut divisé en
deux sections pour les conférences ecclésiastiques. La première
section comprenait les ecclésiastiques du Vercors même. Elle avait
pour président le curé de Saint-Agnan, pour secrétaire celui de la
Chapelle, et pour simples membres les curés de Saint-Martin, de
Saint-Julien et de Vassieux, et les vicaires de Saint-Agnan et de la
Chapelle. Les curés de Chàtelus, d'Echevis et de Laval-Saint-
Mémoire faisaient partie de la section et conférence du Royans (i).
A Jacques Dimonier, encore curé de la Chapelle en 1701, succéda
Philippe Badouleau de Luat, qui fut curé de ce lieu et en remplit
les fonctions de 1703 à 1706. Dans un Etat de la Chapelle en Vercors
signé de sa main le 2g mai 1706, il se dit « âgé de 31 ans et demi,
originaire du diocèse de Lisieux en Normandie, travaillant depuis
3 ans et 3 mois dans le diocèse de Die. » 11 ajoute que la Chapelle
n'a point de v'icaire, mais que « il en est extrêmement besoin, la
paroisse étant la plus difficile à desservir du royaume, n'y ayant que
douze maisons autour du clocher, tout le reste étant dispersé par
hameaux, dont il j en a plusieurs à plus d'une lieue dans les mon-
tagnes. » 11 avait pour oncle Philippe Badouleau de Luat, né en
1637 et pourvu du doyenné de Saint-Appolinaire de Valence en
1692. Il en fut institué héritier, ainsi que Charles-François Badou-
(i) Ordon. synod. du dioc. de Die..., Grenoble, 1698, pp. 40 et 56 ; —
Bull, cit., VIII, 458.
192 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
leau, sieur de la Mésangère, autre neveu du doyen (i), et eut pour
successeur, vers 1808, Jean-Louis Colas qui apparait constamment
secondé par un vicaire.
Des nombreux actes où tîgure le nouveau curé ou qui concernent
les choses religieuses de son temps, nous mentionnerons seulement
ici une nouvelle clôture faite au cimetière, et le testament de ce curé.
Le 26 février 1741, le consul Claude Gautheron donne à prix fait
à Pierre et François AUègre-Perin et à leur neveu Pierre AUègre-
Perin, « de faire une muraille crue au cimetière. « On doit la pren-
dre au niveau de « la muraille qui est au deçà du degré dud.
cimetière qui est devant la porte de la cure, « et « la faire jusques à
l'estation qui est vis à vis de la maison de s' Malsang conseigneur,
laquelle muraille sera faite à ligne droite et de Tautheur de lad. sta-
tion. » Lesdits maçons « fairont encore la muraille à prendre près
de lad. station jusques à la porte quy se doit faire pour entrer dans
ledit cimetière, quy sera au devant la porte de l'église, laquelle
muraille sera de l'épaisseur de deux pieds et demy, faite à droite
ligne et de l'autheur de cinq pieds. « Ils « fairont lad. porte et
jambage d'icelle de pierre taillé ; il y aura à l'entour d'icelle porte
trois pieds de massonnerie et chau et sable, lesdits jambages de
l'autheur de cinq pieds. » Ils « fairont abattre l'entienne muraille, et
relèveront la terre dans le cimetière à leurs fraix, remettront aussy
les loses à prendre depuis ladite porte, tirant à droitte ligne jus-
ques au milieu du bâchas ou bassin de la fontaine qui est du costé
de bize dud. cimetière, en bonne et deue forme; » ils « mettront
aussy en estât les loses et murailles à prendre depuis led. bâchas
jusques à la muraille qui a esté nouvellement faite. » Tout cela pour
la somme de 129 livres. En outre, la communauté payera 120 livres
pour « la croix de pierre de choin » que lesdits maçons « ont
promis de faire et la poser au cimetière dud. lieu. »
Le 17 juin de la même année, Jean-Baptiste Apaix, consul, donne
à prix fait à Pierre et François AUègre-Perin « une muraille à chaud
et sable du cimetière dud. lieu et du costé de bise d'icelluy, à pren-
dre tout proche et joint à la muraille que lesdits Perin « ont récem-
ment faite, « et à teste du bâchas de la fontaine, jusques auprès de
la porte de la chapelle des Pénitens. » On construira « ladite
muraille au lieu et place de celle quy a esté faite cidevant par feu
(1) Arch. cit., fonds de la Cliapcllc cl B, 10g.), i 147 ; K, 694-5. — Muiric de
la Chapelle, Reg. de cathol.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 193
Henry Guillot dud. lieu, sans élargir ny retirer le chemin quy est
vis à vis et aboutit à lad. muraille. » Celle-ci aura 5 pieds de haut du
côté du chemin, et « l'épaisseur de celle nouvellement faite. » La
« muraille antienne sera démolie par lesdits Alegres. » Tout cela
pour la somme de 66 livres.
Le 16 septembre 1748, « M''' Jean-Louis Colas, prieur curé de la
Chapelle, » sain d'esprit et de corps, élit sépulture dans l'église de
ce lieu ; il laisse ses obsèques et ses œuvres pies à la discrétion de
son héritière universelle, « damoiselle Marianne Roze Deville, sa
nièce, fille de feu sieur Claude et de demoiselle Marianne Colas. « Il
lègue à « M""* Jacques Colas, son frère, chanoine au Montélimard, »
et « à tous ses parens et prétendants droits à son hereditté, au
chacun cinq sols. >' Furent témoins du testament « M'= Joseph Minis-
tral, prêtre de Valrias, vicaire dud. la Chapelle, et Pierre Foron,
étudiant en philosophie à Grenoble, natif dud. la Chapelle (i). »
Colas mourut bientôt après., et des lettres de provisions de sa
cure étaient données, le 29 octobre suivant, à Charles Desandrés,
prêtre du diocèse de Die, recteur de la chapelle Saint- Jacques de^
Rafins, fondée dans l'église paroissiale de la Motte-Chalancon,
pitancier du prieuré de Saint-Julien de Guinaise-lès-Chatillon, et
prieur curé de Saint-Jacques de Charens. Le nouveau titulaire fut mis
en possession le 8 novembre de la même année.
Après diverses formalités faites en vue d'obtenir une amélioration
de son logement, Desandrés finit par convenir, le 12 septembre
1754, que, moyennant 1000 livres à lui payer par la communauté,
il se chargeait de tout l'ouvrage. Celui-ci consistait à faire une cui-
sine et un salon sur le terrain communal, à l'endroit où étaient l'écu-
rie et le grenier à foin « et au plein pied du côté du midi ; « de les
ajourer du côté de la basse-cour et du jardin, et de faire au-dessus
une chambre logeable, munie d'une cheminée ainsi que le salon ;
d'accorder le tout avec la maison attenante prise en pension du
recteur de la ^Madeleine et servant depuis longtemps de logement
curial ; de construire à côté des salon et cuisine une écurie et un
grenier à foin (2).
Cet acte et plusieurs autres que nous omettrons ici, montrent que
notre curé s'entendait très bien en affaires ; mais le sixain suivant,
(i) Arch. cit., fonds de la Chapelle, visites de Die, et B. 1149, 11 56, 1181,
1203. — Minutes cit., passim .
{2) Minutes cit., reg. Billeiey de 1749-50, f. i 1-2, et de 1731-5, f- 38-41.
194 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
qu'il adressait le 12 janvier 1756 à Monsieur Bernard, curé de Saint-
Julien-en-\'ercors, ne le fera jamais ranger parmi les poëtes de
premier ordre :
« Monsieur Bernard, je l'espère,
« Excusera son confrère :
« La goutte et le mauvais temps
« Font enrager les absents.
« Et, pour finir mon rôlet,
« Suis, ma foi, bien son valet [i). »
Desandrés était à la Chapelle depuis bientôt 18 ans, quand tout à
coup nous le voyons nommer, par acte du 6 octobre 1766, un pro-
cureur pour résigner entre les mains du pape lad. cure de la Cha-
pelle « avec ses droits et appartenances quelconques, en faveur néan-
moins de M'" Jacques-François Roux, prêtre de la ville de Crest,
curé décimateur des Nonières, diocèse de Die, et non autrement ou
d'autres personnes. » Le i"'' décembre de la même année, l'évcque
de Die nommait Roux au prieuré-cure de la Chapelle, « led. prieuré-
cure étant vaccant à cause d'incompatibilité et attendu que mondit
sieur Desandrés » avait « pris possession du prieuré-cure de Jon-
chères, même diocèse, » le S octobre 1765, et qu'il le possédait
depuis. Par suite, le 11 décembre 1766, Roux se faisait installer
curé de la Chapelle (2).
Cependant, « M""" François Bontoux, prêtre du diocèse de Gap,
bachelier en droit canon, curé d'Aoste, recteur de la chapelle de
Sainte-Catherine à Rousset, diocèze d'Embrun, avait été pourvu,
par le vice-légat d'Avignon, de cette même cure de la Chapelle,
obtenue par dévolu, le 28 octobre 1766, « contre sieur Charles
Desandrés détenteur injuste de lad. cure vacante de droit par
incompatibilité. « Le 29 décembre suivant, Bontoux demandait son
visa à M. l'abbé de Costemore ; mais celui-ci l'ayant renvoyé au
28 janvier 1767 » pour être procédé à son examen, « la longueur du
délai engagea le dévolutaire à demander au sénéchal de Valence
la permission de prendre possession civile du bénéfice. Un décret
conforme du 30 décembre 1766 l'y ayant autorisé, Bontoux alla à la
Chapelle, où, le 7 janvier suivant, il se fît mettre par le notairs
Billercy en ladite possession civile (j).
(i) Original, trouve dans les anc. rcg. de calhol. de Sl-Martin-en-Vercors.
(2) Minutes cit., protoc. Dillcrey de 1765-C), ff. ^ i S-'î et 377-H; — Arch. de la
Dr., 3,593.
(3) Ibid., protoc.de 1766-b, f. 9-10.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. I95
Mais Roux l'emporta, et la paroisse eut à s'applaudir de le con-
server ; car il fut un curé instruit, zélé, surtout ferme dans son
devoir. Aussi le trouvons-nous dès 1787 revêtu de la dignité d'archi-
prêtre du Vercors. Il porta un jour plainte, de concert avec Arnaud
consul et Rochas notaire, devant la justice mage de Die, contre les
cabareticrs de la Chapelle qui n'observaient pas les règlements sur
la fermeture des auberges. Il sut faire respecter les prairies de son
bénéfice contre le passage indu d'un nommé Magnan-Margot. Mais
il ne sut pas moins se sacrifier dans les jours difficiles. Il eut le
tort de prêter le premier serment exigé de lui par les hommes de
la Révolution ; mais, quand on lui demanda en 1791 le second
serment, bien plus coupable, celui d'adhésion à la Constitution
civile du Clergé, il le refusa énergiquement (i). Destitué de son titre
et de ses fonctions, il ne tint de cette destitution que le compte qu'elle
méritait. Souffrant et atteint d'ulcères, nous dit la tradition locale,
il fut arraché de force de son presbytère et trainé dans les prisons
de Valence ; il y mourut, ou plutôt y pourrit, par suite de l'absence
de soins où on le laissa malgré ses ulcères et ses souffrances. Des
documents du temps confirment sur ce point la tradition locale (2).
Parmi les prêtres qui prêtèrent le secours de leur ministère pen-
dant la Révolution, il faut compter M. Blanc, ancien aumônier du
dernier évêque de Die. Le 7 mars 1797, il écrivait à M. Fédon,
administrateur du diocèse : « ... Je suis décidé à me retirer au plus
« tôt chez une sœur, dans le diocèse de Grenoble, hormis que vous
« ne trouviez à propos que je ne travaille dans les paroisses du
« Vercors où il n'y a pas de prêtre résidant, telle que La Chapelle
« ou la succursale de Rousset. La première est presque au-dessus
« de mon âge par son étendue... » Le 27 du même mois, il écrivait
encore à M. Fédon qu'il avait eu l'avantage de faire faire les Pâques,
à La Chapelle, à plus de 40 personnes, dans deux jours qu'il y avait
passés. A propos de poste, il désirait Rousset. « La Chapelle, dit-il
« encore, est trop pénible pour mon âge. » Et puis, il ne voulait pas
être chargé de l'administration de La Chapelle, parce qu'il y avait
« beaucoup de parents, et des plus endurcis (3). »
D'Echevis, M. Darêne rendit aussi quelques services (4).
(i) Arch. de la Dr., fonds de St-Agnan, et B, 642, 1095 ^^ 1276. — Minut. cit.,
passim.
(2) Arch. de la Drôme, fonds Fédon ; — Bull, d'hist. relig. de Val., I, 141.
(3) Bull, cit., I, 135-6.
(4) Arch. de Tégl. d'Echevis, reg. de cathol.
igà HISTOIRE DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS.
La tradition porte encore que M. Foron, curé de Gresse, exerça
le saint ministère à la Chapelle, se cachant et disant la messe quel-
quefois aux Poncets chez Blanc-Giraud , quelquefois aux Bernards
chez Bernard-Môme. Mais les registres de catholicité du lieu nous
le montrent y baptisant et mariant plus ou moins publiquement de
septembre 1798 à novembre 1802 Engelfred, curé de Vassieux, y
baptisa aussi en 1799 et en 1800.
Dès le I" janvier 1803, les fonctions saintes sont faites à la Cha-
pelle par Denis « Perrier, curé provisoire, » qui y fut curé définitif
de juillet 1802 au 21 février 1805 (i).
Après la démission de Denis Perrier, la paroisse, qui avait titre de
cure de seconde classe, a eu successivement pour curés MM. Joseph
Actorie (1805-1818), Cluze (1818-1833), Alphonse Bossand (1833-
1834), Chosson (1836-1840J, Joseph Gaude (1841-1861), Pierre-
Auguste Blaïn (1861-1865), Louis-Henri Bodin (1865 -1870) et Jean
Thomé (1870-1887), que l'âge et les infirmités ont amené à se dé-
mettre de sa cure. M. Thomé a rendu son âme à Dieu le 12 mars
1888. M. Ferdinand Pourret l'avait remplacé en septembre 1887. Tous
ont été archiprêtres du canton et secofidés par un vicaire.
En 1856, l'église paroissiale, d'ailleurs non voûtée, mal lambris-
sée, trop étroite, en mauvais état et à refaire, devint la proie des
flammes. Le clocher seul échappa au désastre. On fut réduit à célé-
brer les saints offices dans une salle humide et basse, contenant à
peine le tiers des habitants. M. Blaïn, à peine arrivé à la Chapelle,
se préoccupa de l'érection d'une nouvelle église. Les ouvriers allaient
se mettre à l'œuvre, quand la Providence appela le zélé pasteur à
diriger l'œuvre de la Mission du Diois. M. Bodin, son successeur à
la Chapelle, vit s'élever l'église tant désirée, qui a eu M. Epailly
pour architecte et a coûté environ 68,000 francs. Elle fut consacrée
par Mgr Gueullette, le 11 août 1868.
Cette nouvelle église, en forme de croix latine, s'élève à la place
de l'ancienne, mais est beaucoup plus vaste ; elle est dominée au
midi et servie par l'ancien clocher. Elle a été munie de trois beaux
autels, d'une chaire monumentale, et d'un mobilier presque complet
grâce à la générosité des paroissiens et au zèle de son excellent curé
M. Thomé. M. Pourret, curé actuel, est en voie de compléter
l'ameublement.
(i) Arch. des cl;1. delà Chapelle et de Sl-Martin-en-V.
(La suite au prochain numéro). L. FILLET.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
d'après des documents officiels et inédits.
(Suite)
La municipalité de Mens était de force à mener plus d'une affaire
de front ; elle faisait la guerre aux prêtres réfractaires et à tous ceux
qui n'avaient pas ouvertement et avec enthousiasme embrassé les
idées du jour; elle la faisait aussi aux communes environnantes.
Le 9 ventôse, elle dénonçait à l'agent national du district les maires
et procureurs de Tréminis et de Prébois (i). Des lois, comme on le
sait, avaient été faites contre les accapareurs et obligeaient les agri-
culteurs à porter leurs denrées aux marchés établis. Mens possédait
l'un de ces marchés et entendait qu'il fût toujours alimenté par les
populations environnantes. Ses administrateurs avaient fixé la
quantité de blé que chaque commune devait fournir fi), sans même
s'informer si la chose était possible. Les municipalités de Prébois,
dont les terrains n'étaient que peu ou mal cultivés alors, de Trémi-
nis, qui ne fournissait que le quart du blé nécessaire à ses habi-
tants, furent l'objet des poursuites du comité de salut public du
Trièves et dénoncées. Leurs maires et agents nationaux mandés peu
après à Grenoble furent condamnés par le district à quelques jours
de détention.
Ici se place un petit incident bon à raconter. Sortis de prison, le
maire de Tréminis, le sieur Prayer Jean, et Benoît, son procureur,
en attendant le lendemain pour reprendre le chemin de leurs mon-
tagnes, vont demander un logement à l'hôtel. Avant de se mettre
au lit, Prayer à genoux faisait une courte prière, quand Benoit,
(i) Lettres de la municipalité de Mens, 2° cahier.
(2) Cette quantité était de trente quartaux, ou sept hectolitres et demi pour
Lavars, quarante pour Belle-Combe (St-Maurice), trente pour Prébois, quarante
pour Vallon-libre (St-Sébastien et Cordéac), vingt-cinq pour Tréminis, quarante
pour Cornillon, quarante pour le Monêtier-du-Percy, trente pour le Percy, vingt
pour Mi-Coteau.x (St-Genis). — Ibidem, lettre du 6 fructidor an II.
198 LE TRIÈVES PENDANT
entre, enfle sa voix et, pour faire une simple surprise à son compa-
gnon, menace de le dénoncer comme fanatique et réfractaire. Saisi
de crainte par ces paroles, dont il ne reconnaît pas l'auteur tout
d'abord, et effrayé surtout par la pensée d'une nouvelle réclusion,
le pauvre homme sent une fièvre ardente s'emparer de tout son
être et entre dans un espèce de délire violent. On par\int à le
calmer à force de soins; mais il contracta par suite une maladie c]ui
lentement le conduisit au tombeau (i).
Un mois et demi plus tard, le blé commençait seulement à rever-
dir sous le souffle du printemps, à Tréminis et à Prébois, mais les
greniers étaient vides en attendant la moisson.
Les marchés de Mens ne recevaient toujours rien de ces deux
communes, malgré la peine infligée à leurs administrateurs. Aussi
le 24 germinal an II Ci 3 avril), Payan dicte à son secrétaire la
lettre suivante pour les officiers municipaux de ces deux pauvres
communes : « Citoyens collègues, il est bien étonnant que le sort
éprouvé par le maire et l'agent de votre commune ne vous rende
pas plus sages. Vous connaissez toute la rigueur des lois contre
les municipalités, qui ne défèrent pas aux réquisitions concernant
l'approvisionnement des marchés, et cependant, vous y êtes réfrac-
taires. Nous voulons bien vous prévenir encore pour la dernière
fois, que, si vous ne remplissez pas la réquisition en bléd que vous
devez faire apporter au marché de Mens, nous serons forcé de vous
dénoncer de nouveau à l'administration.
<' Salut et fraternité (2). »
Quels furent les résultats de cette sommation impitoyable faite au
nom de la fraternité? Nous l'ignorons ; mais, entre temps, Payan et
ses aides trouvaient encore des occupations nouvelles. « Les livres
de chant, qui servaient à notre ci-devant église, écrivait-il à l'a-
gent national du district, le 6 floréal (25 avril), sont tous scellés.
Tout ce qui pouvait blesser les principes de l'égalité, de la frater-
nité et de la liberté a été livré aux flammes c'est-à-dire, les
terriers et tout ce qui pouvait constater les droits féodaux (3). »
Les églises avaient été pillées et fermées , les cures et leurs
(i) Récit de son petit-fils.
(2) Lettres de la municipalité de Mens, 2" cahier.
(3) Ibidem. Il oubliait de mentionner les cris, les chants frénétiques et les ric;o-
dons des patriotes du lieu autour de l'auto-da-fé en question, lequel eut lieu au
Champ-de-.Mars.
LA GRANDE REVOLUTION. IQQ
jardins ne tardèrent pas à être loués : ce qui eut lieu pour Lalley,
Monêtier-du-Percy, le Percy, Prébois et Tréminis, le 26 thermidor
(11 aoûtj (i), et le 10 prairial an III (2g mai 1795) P<^u^" Clelles (2).
La chose avait été faite de bien meilleure heure à St-Baudille (24 ger-
minal an II) (3).
Dans cette dernière commune, on souffrait d'une disette d'un nou-
veau genre, que la délibération suivante de sa municipalité nous
fera connaître (\6 prairial, 4 juinj : « Le citoyen Giraud, agent
national, a dit que depuis longtemps il existe dans le canton, une
disette de cuirs si considérable, que la plupart des habitants, leurs
femmes et leurs enfants, sont sans souliers et ils ne peuvent s'en
procurer, quelque réquisition qu'ils ayent faite au cordonnier. Ce-
lui-ci ne peut se procurer du cuir au lieu où il s'en fabrique, sous
prétexte qu'il n'y en a pas. De cette sorte, les habitants ne pourraient
pas s'occuper aux travaux utiles de l'agriculture, faute de souliers.
Requiert en conséquence le conseil de délibérer qu'il sera adressé
une pétition au district à l'effet de le prier de faire procurer à la
commune le cuir qu'il sera nécessaire, selon le nombre de la popu-
lation, pour être fabriqué en souliers pour l'usage des habitants,
avec pouvoir de requérir les cordonniers de Mens pour en faire la
fabrication (4). «
Un fléau plus terrible que le manque de souliers vint encore
éprouver cruellement la population de St-Baudille. Le 24 prairial et
le 19 messidor, ses récoltes et ses champs furent ravagés par une
grêle affreuse, suivie d'une inondation qui emporta les digues et
les ponts, arracha les arbres, abima plus d'un tiers des terrains cul-
tivés et coupa tous les chemins (5).
Peu importait à la municipalité de Mens si ses commettants
avaient des souliers ou non ; des soins plus importants fixèrent son
attention. Elle écrivait à l'agent national près le district de Grenoble
(25 germinal an II j (6) :
« Citoyen, nous ne sommes point en retard pour planter l'arbre
de la liberté ; nous l'avons fait plusieurs jours avant de recevoir ta
lettre. Nous ne serons jamais des derniers à exécuter les décrets de
(i) Reg. des délit. St-Maurice.
(2) Ibidem, Clelles.
(3) Ibidem, St-Baudille-et-Pipet.
(4) Ibidem.
(■5) Délibérations des 2y prairial et 20 messidor, Ibidem.
(6) Cahier i des Lettres de la municipalité.
200 LE TRIEVES PENDANT
la Convention...,. » Elle voulait en outre faire accepter la célébra-
tion du décadi, oublier celle du dimanche et son repos, et se heur-
tait à une résistance plus générale et plus forte qu'elle ne s'y atten-
dait. Espérant la vaincre, elle prit l'arrêté suivant : « Du quinze
floréal an II (3 juin) de la république française, une et indivisible, à
Mens, dans la maison commune, le conseil municipal publique-
ment assemblé, présents les citoyens Payan, maire, Richard, Borel,
Beaup, Fluchaire, offi. municip., Berton, agent national provisoire.
« L'agent national a dit que le bien public exigeait que les jours
connus ci-devant sous le nom de dimanche, ne fussent pas consa-
crés à la débauche et employés uniquement au cabaret. Il requé-
rait en conséquence qu'il fût inhibé à tous les cabaretiers et auber-
gistes de donner à boire et à manger à qui que ce soit, ce jour-là,
à moins que ce ne soit un jour de décadi. Requérait enfin de déli-
bérer et signait. Berton, ag. nat.
« Le corps municipal, faisant droit au réquisitoire ci-dessus,
arrête :
Article premier.
« Qu'aucun cabaretier ne pourra, sous aucun prétexte, donner à
boire et à manger à qui que ce soit, les jours de dimanche, à
moins qu'ils ne concourent avec le décadi, à peine pour le contre-
venant de vingt-cinq livres d'amende.
Article deuxième.
« Il est défendu sous la même peine de jouer aux boules les dits
jours.
« Le conseil municipal invite tous les citoyens à dénoncer tous
ceux qui contreviendraient à la présente ordonnance ; arrête au sur-
plus que la présente sera lue, publiée et affichée au son du tam-
bour, aux endroits accoutumés, et l'agent national est chargé, sous
sa responsabilité, de veiller à son exécution (i). »
Ces bons patriotes défendaient la débauche et la fréquentation
des cabarets, les jours de dimanche, comme chose criminelle ; mais
ils permettaient tout cela les jours de décadi. On se demande
comment les mêmes choses de coupables devenaient ainsi subite-
ment honnêtes.
Quoi qu'il en soit, cette mesure souleva à Mens l'indignation
générale et les plaintes de tous. Aussitôt une pétition demandant
(i) Registre des délib., Mens.
LA GRANDE REVOLUTION, 201
qu'il fût permis à chacun de se comporter comme il l'entendrait, les
dimanches et décadis, se couvrit de signatures. Fort embarrassés
alors des suites de leur zèle antireligieux, les conseillers eurent
recours à l'agent national près le district et lui écrivirent (21 du
même mois) : « Nous avons fait et faisons tous les jours tous nos
efforts afin d'engager les citoyens à choisir le jour du décadi pour
leur jour de repos. Nous avons même défendu le jeu et le cabaret
les jours du ci-devant dimanche, et nous voyons avec regret que les
derniers sont toujours ceux que le peuple choisit pour son repos.
Que devons-nous faire .? D'un côté on nous oppose la liberté ; nous
avons nous-mêmes à leur opposer la circulaire du 28 germinal.
Juge de notre embarras. Nous t'observons cependant qu'on se rend
assez au temple de la Raison pour entendre la lecture des lois, les
jours de décadi, et que, après, la plupart se rendent à leurs travaux
ordinaires, surtout les cultivateurs, et si nous sommes obligés de
faire des dénonciations, il faudra dénoncer les trois quarts des
habitants du pays. Tu voudras bien nous aider et de tes conseils
et de tes lumières dans cette circonstance, et nous tracer la marche
que nous devons suivre, (i) »
Nos hommes attendaient impatiemment une réponse qui n'arri-
vait pas et ils la réclamaient en vain, pendant que les plaintes
allaient grandissant autour d'eux. Dans l'espoir de les faire cesser,
ils ordonnèrent de placarder sur les murs de Mens la proclamation
suivante, où transpire le secret de leurs angoisses : « Citoyens, la
municipalité a prévenu les justes plaintes contenues dans votre
pétition sans date, et a fait part à l'administration des difficultés
qu'elle éprouve à faire choisir de préférence aux citoyens le décadi
pour le jour du repos, et elle attend sa réponse pour prendre les
mesures qui lui seront dictées par sa sagesse.
« La municipalité est bien étonnée de voir refuser l'exécution des
lois ou règlements par les citoyens (2). »
Leur langage avouait une déconvenue : ils l'eurent complète. A
Mens, on méprisa leur arrêté, et ils eurent la douleur de se voir
abandonnés par l'administration, qui les laissa honteusement échouer
au milieu des difficultés qu'ils s'étaient créées eux-mêmes.
La municipalité de Tréminis avait essayé de marcher elle aussi
dans la même voie que sa voisine de Mens ; longtemps elle avait
(i) Lettres de la municipalité de Mens, 2= cahier.
(2) Ibidem.
Bull. VIII, 1888. 15
202 LE TRIEVES PENDANT
hésité et, pour elle comme pour la population entière, le décadi
n'existait que de nom. Un pareil état de choses ne plaisait point à
quelques personnages remuants et ambitieux. Sur leur dénonciation,
les conseillers reçurent (le 4 vendémiaire an II) une lettre du citoyen
Hilaire, agent national du district de Grenoble. Celui-ci leur repro-
chait, entre autres choses, leur peu de zèle pour la république et les
décrets de l'Assemblée nationale ; il leur recommandait de sortir de
leur torpeur, « sans quoi, ajoutait-il, je vous regarderai comme des
magistrats prévaricateurs et j'invoquerai contre vous l'exécution de
la loi révolutionnaire du 14 frimaire dernier. » Pressé par les termes
de cette lettre le conseil fixe ainsi, au décadi, la lecture des lois et dé-
crets. « Les lois seront lues, chaque décadi, par l'un des officiers mu-
nicipaux, dans la maison commune sur les deux heures de relevée, et,
dans le cas où les citoyens n'y assisteraient pas les jours de première
et deuxième décade qui suivra, la dite lecture sera faite, le dimanche
suivant, attendu que le peuple a toujours fait son jour de repos de
ce jour, sans pouvoir l'en détourner aucunement (i). »
Cette résolution de la municipalité de Tréminis en amena d'autres
plus conformes aux désirs des puissants du jour ; son procureur l'aida
à les prendre, en se servant lui aussi de l'intimidation. « Citoyens,
dit-il un jour aux conseillers, une responsabilité étonnante pèse sur
nos têtes ; le comité de surveillance nous trouve négligents. Tâchons,
les uns et les autres, de nous mettre à l'abri de tout reproche. Exé-
cutons les lois avec plus de promptitude que nous ne l'avons fait
jusqu'ici et tout ira bien. » Puis il propose de transformer l'église en
temple de la raison. On le lui accorda aussitôt (30 thermidorj. Mais
les catholiques ne voulurent point participer à la profanation. Plus
d'une fois, le décadi au matin, le tambour retentit dans chaque
village, personne ne se leva à son appel, pour venir entendre la
lecture des lois et décrets ; le procureur et les conseillers seuls y
assistaient. Le dimanche au contraire, les familles, les habitants,
d'un même village se réunissaient pour prier et personne ne consen-
tait à travailler, malgré les railleries et les mauvais exemples des
protestants (2).
Une lettre du 30 floréal (19 mai) nous fait connaître par quelles
pieuses lectures la municipalité de Mens édifiait les fidèles de la
déesse raison : « J'ai reçu, disait l'agent national à celui du district,
(1) Registre de dél. Trcminis.
(2) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. 203
le rapport de St-Just sur la police générale, sur la justice, le com-
merce, la législation et les crimes des factions. Je me propose d'en
faire lecture, demain, décadi, au temple de la raison. Il renferme des
principes qu'on ne peut trop faire connaître » ([).
D'autres fois c'était mieux encore, et, à iMens, St-Maurice; Monê-
tier-du-Percy, Roissard, la feuille ignoble du père Duchêne servait
à l'instruction des adeptes du nouveau culte (2^
A la suite d'un décret de l'Assemblée nationale, plusieurs nobles
du Trièves, résidant à Grenoble, avaient dû quitter cette ville, comme
étant une place forte, et étaient venus se réfugier à Mens. Voici leurs
noms que nous trouvons dans une lettre des ofliciers municipaux de
cette localité au comité du salut public de la Convention nationale
(ig floréal an II, 8 mai) : « Citoyens, en conformité du décret de la
Convention nationale sur la police générale de la République, nous
vous adressons l'état des ci-devant nobles qui habitent depuis long-
temps Mens et de ceux qui s'y sont rendus en suite du dit décret :
0 Le citoyen André-César de Bardonenche, âgé de septante-sept
ans, sa femme, deux filles et un fils âgé de dix ans.
« Le citoyen Alexandre Leblanc-Prébois, ancien capitaine d'artil-
lerie, âgé de soixante trois ans, et sa femme.
« La citoyenne Dehières, veuve de André Durand-Lamolinière.
« La citoyenne Louise Demaffé, veuve de André de Magnin et sa
fille. Elle a un fils au service de la République depuis le départ de la
première réquisition.
« La citoyenne Leblanc-Prébois, fille, qui a quitté Grenoble depuis
le décret qui enjoignait aux ci-devants nobles de quitter les citadelles
et places fortes.
« Constamment occupés à déjouer les intrigues et les factions,
nous ne négligerons jamais rien de ce qui pourra accélérer la mar-
che de la République. (3) »
Transportons-nous pour quelques instants à Grenoble, dans la
salle des délibérations du district, dont tous les membres sont pré-
sents et silencieux, l'air morne, se préparant à frapper un grand
coup. La république était en danger et il fallait la sauver par un
exploit digne de passer à la postérité. En effet à Cordéac, dans le
(i; Lettres, 2= cahier.
(2) Témoignages de vieillards et notes marginales d'un numéro de ce journal
trouvé à Roissard.
(3) Reg. des délib. Mens.
y
204 ^^ TRIEVES PENDANT
Trièves, les cloches avaient été sonnées pendant un orage, un fat de
croix était resté debout près d'un chemin : tels étaient les crimes qu'il
était nécessaire de punir, afin d'inspirer une crainte salutaire aux
habitants de ce pays coupables de rester fidèles à leur religion. C'est
sur ce point important que les juges méditaient en attendant que la
séance fut ouverte. Mais laissons parler le registre lui-même des
délibérations.
« Ce jour 26 messidor, an II, Présents les citoyens Denantes prési-
dent, Boisvert, Cros, Périer, Point, Pouchot, Balmet, Marcel, Palais,
Bigillon, l'Agent national provisoire et le secrétaire.
« Est entré Jean Turc, maire de Cordéac, en suite de l'arrêté du
district du 17. L'agent national dudit Cordéac ne s'étant pas rendu
quoique mandé, lecture faite de la délibération du comité de surveil-
lance de Cordéac et de l'arrêté du district, Jean Turc a été interrogé
comme ci-après :
D. — « Prends-tu soin de faire exécuter les lois dans ta commune ?
R. — « Oui, à mesure qu'elles sont reçues, elles sont lues dans les
assemblées décadaires, publiées et affichées.
D. — « Le fanatisme, n'arrête-t-il pas la marche révolutionnaire
ainsi que le développement de l'esprit public ?
R. — « Plusieurs sont fanatisés, chôment les fêtes et dimanches ;
fort peu de personnes se rendent aux assemblées décadaires. Je fera
tous mes efforts à l'avenir pour empêcher qu'on ne chôme désor-
mais, les fêtes et dimanches, et pour qu'on se rende aux assemblées
décadaires, à la lecture des lois ; nous punirons en municipalité les
contrevenants et, en cas de récidive, nous les ferons fermer comme
suspects.
D. — « Pourquoi as-tu laissé subsister une croix à ta porte, toi
qui devais donner l'exemple de la soumission aux lois ?
R. — « Je l'ai fait sans mauvais dessein et pour garantir un arbre
à fruit, comme un chasseroue, le passage des voitures étant fréquent
à cette croisière; sitôt que le comité de surveillance s'en est forma-
lisé, j'en ai fait enlever le croison.
D. — « Tu aurais dii la couper à hauteur d'appui, si tu n'avais
pas voulu la retenir par esprit de fanatisme .
R. — Je n'ai point eu cette précaution ; mais je n'ai point eu de
mauvais dessein.
D. — « Pourquoi la cloche fut-elle sonnée à volée dernièrement?
R. — « Nous étions tous à l'assemblée populaire de St-Sébastien
LA GRANDE REVOLUTION 20$
lorsque cela arriva ; ce fut un Parlantier qui monta au clocher par
une échelle, pour sonner pour le temps ; d'autres citoyens lui dirent
qu'il s'exposait et le firent descendre.
D. — « Pourquoi n'avez-vous pas fait punir ce citoyen ?
R. — « Je l'ai dénoncé au citoyen Prin, juge de paix de Cordéac.
C'était à lui à faire son devoir. »
A. LAGIER.
(La suite au prochain numéro).
MÉLANGES
"^
Guillaume de Poitiers, Jils unique d'Aymar II, comte de Valenti-
nois, était mort dans les premiers mois de l'année 7227, ne laissant de
Flotte de Royans, son épouse, qu'un enfant en bas âge, qui devint plus
tard le comte Aymar III. L'administration des biens de cet enfant, que
réclamèrent à la fois le vieux comte et sa belle-fille, donna lieu à
une vive querelle, dont les populations ressentiretit le contre-coup. La
paix ayant été rétablie au sein de la maison de Poitiers, Flotte de
Royajis convola à de secondes noces et épousa Aymon II, sire deFau-
cigny. Ce fait, qui n'a été signalé par aucun historien, nous est révélé
par un document (en possession de M. Eugène Chaper, qui a bien
voulu nous le communiquer), qui renferme plusieurs autres par-
ticularités intéressantes pour l'histoire de nos contrées. On peut
y remarquer notammeiit les efforts de Guillaume de Savoie, évêque
élu de Valence, pour acquérir de nouveaux droits sur le château
et h terre de Crest. Ce nom éveille le souvenir d'une guerre qui
éclata entre les évcques de Valence et les comtes de Valetitinois, et
qui pendant plus de cent ans fit la désolation de nos malheureux pays.
Or la charte de i2yi, que nous publions ici, nous reporte au début de
ces luttes fameuses qui, comme on le sait, ne devaient prendre fin que
par le traité de iy^6. — Original parchemin, haut. 427 mill.,larg. J22 ;
^o lignes, sceau disparu. Au dos (écrit, contemp.) Carta dotis do-
mine Flotte ; (XVPsj Conventions entre Aymon seigneur de Foci-
gni et Aymar de Poictiers, du 7 octobre 1231.
206 MÉLANGES.
Ego Ay mo), dominus Fuciniaci, universis presentem paginam
inspecturis rei geste memoriam cum salute. Noverint universi pré-
sentes litteras inspecturi quod, cum domina Flota, uxor quondam
W illelmi de Pictavia, cum me Avmone, domino Fociniaci, con-
traxerit matrimonium, ipsa domina Flota viginti milia solidorum
Viennensis et Valentinensis monete, quos eidem dictus W. de
Pictavia, quondam maritus suus, in sua reliquerat ultima volun-
tate, et quatuor milia solidorum ejusdem monete, quos in ne-
gociis et propter négocia terre quondam W. de Pictavia supradicti,
post mortem ejus, expenderat bona lide, mihi Aymoni domino
Fociniaci dédit et concessit in dotem, libère et absolute, et pro
hiis supradictis vigintiquatuor milibus solid. supradicia domina
Flota mihi Aymoni, domino Fociniaci, dédit, cessit et concessit
omnes petitiones et rationes et omnia Jura et omnes actiones,
utiles vel directas, personales et reaies et mistas, civ(il)es et pre-
torias, annales sive temporales et perpétuas, ordinarias et extraor-
dinarias, quas habebat vel habere quocumque modo poterat sive
de Jure sive de facto in bonis singulis et universis, mobilibus et
immobilibus vel se moventibus, quondam W. de Pictavia supra-
fati, vel contra quoscumque possessores vel detentores eorumdem.
Post contractum vero matrimonium inter me Aymonem, domi-
num Fociniaci, et dictam Flotam dominam, ego Aymo dominus
Fociniaci promissi nobili viro Adhemaro de Pictavia eidem dare
consilium et auxilium ad recuperandam. terram prenominati W.
de Pictavia quondam, filii sui, et ipsi Adhemarus de Pictavia jam
dictus promissit mihi Aymoni, domino Fociniaci, per scriptionem,
de omnibus expensis, quas facerem, vel in guerra'vel in placitis,
pro recuperatione dicte terre, usque ad summam sexdecim milium
solidorum Vienncnsium, me conscrvare indempnem et simplici
verbo meo credere, absquc omni alia probationc, et castrum de
Crista mihi Aymoni domino Fociniaci tenere et habere concessit
et permissit, quousque de dote uxoris mee domine Flote supra-
dicte et de expensis, usque ad summam supradictam, mihi vel
mandato meo esset plenarie satisfactum : sepedicta uxore mea hec
expressim laudante et consencienie. Ego autem Aymo dominus
Fociniaci confiteor, recognosco et assero me expendisse et in veri-
tate expendi sexdecim milia solidorum Vienncnsium et plus in
placitis et guerris, quas habui de voluntate nobilis viri Adhemari
de Pictavia sepedicti, pro recuperatione terre jam dicti W. quon-
dam filii sui, et ita, tam rationc dotis mee quam ratione expen-
sarum prout dictum est factarum, est mihi Aymoni domino Fo-
ciniaci obligata terra quondam W. de Pictavia ci casirum de
Crista pro quadraginta milibus solid. Vienncnsium. Cum auiem
mihi Aymoni, domino Fociniaci, non expedirci cnsirum de Crista
et aliam terram quondam W. de Pictavia tencrc, uim propter loci
remotionem, tum propter alia [U'i-icula «.pic indc posscnt emer-
gere, idcirco W., Dei graiia clccio Valcniino, cl suis successo-
ribus, pro quadraginta milibus solid. Vienncnsium liiulo pigno-
MELANGES. 207
ris obligavi castrum de Crista, cum suis pertinenciis universis,
et quicquid juris habeo in alia terra dicti W. de Pictavia, pro su-
pradicta pecunie summa mihi obligata, absque aliqua contradic-
tione aut retentione ; et hoc feci non vi, non metu, non errans,
non coactus nec aliquo modo seductus vel circumventus, sed
volens et spontaneus, et pro utilitate mea et uxoris mee, dando,
cedendo et concedendo jam dicto domino electo Valentino et suc-
cessoribus suis omnes petitiones et rationes et omnia jura et
omnes actiones, personaies et reaies, mistas, directas vel utiles,
civiles vel pretorias, annales sive temporales vel perpétuas, ordi-
narias vel extraordinarias, quas unquam habui, vel quocumque
modo habiturus sum, ratione dotis mee supradicte vel ratione
expensarum, prout jam dictum est factarum, vel quocumque alio
modo in castro de Crista, vel in Castro de Ulpiano et de Charpeio,
et in villa Sancti Desiderii et de Besaies, et in omni alia terra
quondam W. de Pictavia, vel contra possessores vel detentores
ejusdem terre, vel contra nobilem virum Adhemarum de Pictavia
supradictum ; et jam dictum dominum W., electum Valentinum,
in predicta summa pecunie vel successorem ejusdem constituo
procuratorem in rem suam. ut predicta terra vel pertinenciis
ejusdem possit modis omnibus agere et excipere utiliter et directe,
et aliis modis supradictis, et ubi opus fuerit de calumnia jurare
et supradictum nobilem virum Adhemarum de Pictavia jure meo
convenire, actionibus contra eumdem Adhemarum, vel terram
suam, vel possessores sive detentores ejusdem, mihi quocumque
modo competentibus cessis jamdicto domino electo Valentino et
successoribus suis universis. Hanc autem obligationem, prout
superius est expressa, ego Aymo, dominus Fociniaci, libère et
absolute laudo et conhrmo, et ipsam me ratam et tirmam habi-
turum in perpetuum et nunquam aliquo modo contraventurum
bona fide promitto, renuncians expressim, spontaneus et ex certa
sciencia, omni beneticio legum et canonum et omni juri scripto
vel non scripto, statuto vel statuendo, per quod predicta obligacio
posset a me vel a successoribus meis vel ab uxore mea in aliquo
irritari. Cunventum est autem inter me dominum Fociniaci et
dominum electum Valentinum supradictum, ut de quadraginta
milibus solidorum supradictorum mihi, vel mandato meo, medie-
tatem persolvat a proximo festo Omnium Sanctorum in annum,
et aliam medietatem in kalendis maii subsequentibus ; antequam
vero aliqua solutio predictorum mihi fiât, ego teneor procurare
quod domina Flota, uxor mea, jam dictam obligationem a me
factam, prout superius est expressum, laudet et ipsam ratam et
firmam habeat, prestito super hoc corporaliter juramento. Si autem
ad hoc domina Flota supradicta induci non posset, ego Aymo,
dominus Fociniaci, promitto vobis domino W., electo Valentino,
et per vos successoribus vestris et ecclesie Valentine, me prestitu-
rum vobis sufficientem cautionem, quod super predicta obliga-
tione vos et successores vestros et ecclesiam Valentinam usque
208 MÉLANGES.
ad summam viginti milium solidorum predicte monete conser-
vabo indemnes. Actum est etiam inter me Aymonem, dominum
Fociniaci, et dictum electum Valentinum quod Adhemarus tilius
quondam W. de Pictavia, elapso triennio post factam mihi do-
mino Fociniaci solutionem predictorum et non ante, si consensus
meus expressus intervenerit, possit redimere supradictam terram
a prefato electo Valentino vel successoribus suis vel ab ecclesia
Valentina, sede vacante, et ipsi eam restituere teneantur, solutis
tamen prius eidem domino electo Valentino, vel mandato suo,
vel successoribus suis, vel ecclesie Valentine, quadraginta milibus
solidorum supradicte monete, et solutis usuris pro summa pecu-
nie supradicta, prestitis et expensis inde factis; que tamen expense
et usure infra triennium supradictum summam quindecim milium
solidorum Viennensium non excédèrent, et, facta satisfactione
ipsi domino electo, vel successori suo, de omnibus in quibus
sepefatus electus vel successor suus posset convenire dictum
Adhemaretum vel dictum Adhemarum de Pictavia, avum ejus.
Verumptamen, si dictus Adhemaretus ante redemptionem dicte
terre forte decederet, sepedictus dominus electus Valentinus pro-
missit mihi Aymoni, domino Fociniaci, jam dictam terram resti-
tuere, prius tamen facta eidem vel mandato suo plenaria satisfac-
tione in quadraginta milibus solid., et si sumptus in dicta terra
facti vel usure pro predicta summa pecunie prestite excédèrent
fructus vel obventiones inde perceptos in predicta summa sump-
tuum vel usurarum cum supradictis quadraginta milibus solidorum,
teneor refundere usque ad summam dcccm milium solidorum ;
si vero fructus percepti dictos sumptus vel usuras excédèrent,
quod residuum esset débet cedere in solutum. In omniuni autem
predictorum tirmitatem et memoriam, ego Aymo, dominus Foci-
niaci, presentem paginam feci sigilli mei munimine roborari.
Hoc adjuncto quod si forte, post redemptionem supradicte terre
a me factam, ipsa terra jam dicta per me forte deveniret (ad)
Adhemaretum supradictum, ego et successores mei satisfacere
teneremur supradicto domino electo, vel ecclesie Valentine, prout
de sepedicto Adhemareto, si ipse, in propria persona, jam dictam
terram redimerct, cautum est superius et expressum. Hoc eciam,
ad declarationem predictorum, adjungo quod, sive Adhemaretus
vivat sive decedat, elapso triennio post factam mihi solutionem
in prefatis terminis predictorum, quandocunque voluero ex tune
ego possim redimere gageriam supradictam. Actum in ecclesia
Sancti Mauricii juxta pontem Pétri Castelli, presentibus et ad hoc
vocatis testibus et rogatis Petro preposito Augustensi, Alberto de
Compeis, Jacobo Grassa de Aha villa, militibus, W. de Clusel,
presbitcro, magistro Galtero scriptorc domini elccii supradicti,
anno gratie M'\CG".XXX primo, VII idus octobris.
HISTOIRE RELIGIEUSE
DU
CiTON DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS
;DROMEj.
(Suite).
III. — CHAPELLES.
Sainte-Marie-Madeleine. — Par testament du 2 novembre i486, fut
fondée dans l'église de la Chapelle-en-\'ercors et sous le vocable de
Sainte-Marie-Madeleine, une chapellenie dotée par son fondateur
de biens de quelque importance et à condition de messes à y célébrer.
Des actes de i56i,de 1644, de 168g et de i735i £" nous rappelant
que cette chapelle était dans l'église même du lieu, nous apprennent
qu'elle se trouvait « à main droicte en entrant, » mais consistait sim-
plement en un petit autel. En 1689, cet autel avait un tableau repré-
sentant sainte Madeleine, et était « enchâssé dans un cadre peint en
racine de noyer chargé de filets d'or. » Par devant, étaient « un
parement de ligature rouge et blanche, et une petite lampe d'estain
fin. » Au-dessus, outre deux nappes, se voyaient deu.K gradins sur-
montés « d'une châsse fort propre et doré » et de « 4 chandeliers
de loton. » En 1735, l'évêque trouvait l'autel en bois et sans pierre
sacrée, et prescrivait au recteur de le remplacer par un autel en ma-
çonnerie et de fournir une pierre sacrée
Quant au patronage, en 1604 l'évêque ordonne « aux patrons » de
produire leurs titres ; en 161 3 le vicaire général en fait autant. En
1706, le curé dit qu'il est lui-même collateur, sur la présentation du
consul. En 1729,1e recteur dit que le patron est l'évêque, par qui
il a été nommé, et tous les actes plus récents s'accordent à attribuer
à l'évêque toute nomination et provision.
Bull. VIII, 1888. 16
2IO HISTOIRK RELIGIEUSF. DU CANTON
Parmi les recteurs ou chapelains, on trouve . Raymond Breyton,
en 1516 ; Barthélémy Arier, en 1550 et 1 552 ; « Pierre Garenc dict
Grate, prebtre de la Chapelle de Vercors, « en 1561 ; François de
Vaucoret, curé du lieu, en 1635 et 164 1 ; « le sieur de Lauras, » en
1544 ; Gaussinel, « conseiller, aumosnier ordinaire du roi, » en 1654,
1656 et 1658; Venaud, d'Avignon, en 1687; Reynaud, en 1689,
1697 et 1706 ; François Aymar, prêtre et curé de la ville de Crest,
en 1719 et 1729; Aymar (peut-être le même), curé d'Aouste, en
1735. Enfin, après des actes de 1742 et de 1748 prouvant que
« Monsieur Boyer » était alors « recteur des chapelles de Sainte
Marie Magdelaine à la Chapelle en Vercors, et de Sainte Marie la
Rousse à Aoste, » nous trouvons le protocole original de la mise
en possession de la première, par Louis Malsang, vicaire de Vas-
sieux, de « Jean-Joseph Boyer, prêtre, originaire du lieu de Torame
Basse, dioceze de Senès en Provence, prieur curé de la paroisse
de Vercheny, diocèze de Die, » le 9 avril 1759. Ce dernier avait été
« nommé et pourvu recteur de la chapelle de Sainte-Marie-Magde-
leine, » par l'évêque de Die, le 7 du même mois.
Le rôle de la décime de 15 16, où la chapellenie de Sainte-Marie-
Madeleine de la Chapelle-en-Vercors est cotisée 2 florins, tandis que
la cure de ce lieu est cotisée 16 florins, montre que cette chapellenie
avait alors des biens assez importants. Parmi ceux-ci, figurent en
1550 une maison au bourg de la Chapelle, et en 1561 des pensions
en argent, notamment celle de 2 florins, due par Louis Magnan, et
« un chasal assiz » au dit bourg, et confrontant au couchant, « avec
la maison de lad. chappellanye de lad. Marye Madalleyne ung dey-
tel » entre deux, chasal échangé le 4 juin 1561, par Garenc recteur,
moyennant autorisation de l'évêque, avec Lamit notaire, contre un
jardin tout proche. Les 8 florins 10 sous et 8 deniers auxquels « la
Madelleyne » est cotisée pour les décimes en 1570, tandis que la
cure est cotisée à 58 florins 8 sous, font supposer que cette chapelle-
nie conservait encore ses biens ; mais les guerres de cette époque
fournirent aux gens rapaces l'occasion de s'en emparer, et un acte
de 1630 nous assure que, par suite des vols commis par les protes-
tants, il ne restait plus alors à la Madeleine qu'une maison avec
jardin au bourg de la Chapelle en très-mauvais état. Cependant
dès 1635 François de Vaucoret faisait reconnaître diverses pensions,
et en 1644 la chapelle valait 8 écus. Le 15 novembre 1656, le recteur
en cédait les immeubles à la communauté pour l'usage du curé et
moyennant la pension annuelle de 18 livres. Depuis une convention
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 211
de 17 19 avec le recteur, la communauté imposait annuellement 14
livres pour payer au recteur la jouissance des revenus de la chapelle,
revenus consistant « en une maison et à g ou 10 livres de petites
pensions délies par divers particuliers.» Cela durait encore en 1757.
Aux revenus correspondaient des charges. Celles-ci consistaient
dans l'entretien de la maison et de la chapelle, dans le service reli-
gieux à y faire, et dans le payement des décimes. En 1Ô54, on
comptait 6 livres par an pour l'entretien de la maison, dont le recteur
fut ensuite déchargé, décharge qui explique la réduction du revenu
total à 14 livres dès 17 19. Le service divin à faire consistait en des
messes, qui n'avaient guère été célébrées depuis plus d'un siècle,
malgré des ordonnances épiscopales de 1604, de 161 3, de 1644 ^t de
1658, quand, le 6 septembre 1689, l'évcque de Die, renouvelant
l'ordre de faire ce service et dans l'église paroissiale, conformément
à l'intention du fondateur, le réglait à i messe par mois. Cependant,
en 1706 le curé dit que la Madeleine est chargée de 2 messes
par semaine, et en 1729 le recteur Aymar se reconnaît chargé de
24 messes par an. Quant aux décimes de diverses sortes, nous avons
vu ce que furent celles de 15 16 et de 1570 ; celles du XVIII" siècle
ont singulièrement varié (ij.
Saint-Claude. — La fondation de cette chapelle est due à Claude
Audeyer, prêtre delà Chapelle-en-Vercors, suivant l'acte même, qui
est du 20 septembre 1546 (2). Aux termes de celui-ci, le revenu dont
[i) Arch. de la Drôme, fonds de la Chapelle-en-Vercors, visites et rôles de déci-
mes de Die. — Minutes cit., passim.
(2) (' La personne de M= Claude Audeyer, prebtre, » fut victime d'un « omicide
commis par Loys Arier, escuyer. » Le 17 mars 1747, à la requête « de Loys Au-
deyer, de la Chapelle, » agissant « comme frère et heretier universel de feu M"
(i Claude Audeyer, prebtre, joinct à luy le procureur d'office, » fut « donné » sen-
tence « par defFaulx et contumasses à l'encontre de Michel Gauthier, » de St-Agnan,
« par laquelle led. Gauthier » était « attaint et convainqu d'avoir accisté et favorizé
Loys Arier, escuyer, de Tomicide » susdit, et, « en son absence, banny perpétuelle-
ment du terroir et jurisdiction dudict Vercors, et condempné en 25 livres tournois
d'amende envers le procureur d'office et en 15 livres tournois envers ledict Lovs
Audeyer partie civille. » Plus tard, Gauthier fut « appréhendé et mené aux prizons
de Dye, » et une autre sentence, du 19 mars 1549, en ordonnant que la première
serait exécutée, condamnait Gauthier à 10 livres tournois d'amende envers ledit
procureur d'office et aux dépens, pour contravention à cette première sentence.
Gauthier paya tout et fut « eslargy desdictes prizons.» Plus tard, il obtint même du
duc de Guise, gouverneur du Dauphiné, des lettres de grâce pour le bannissement.
Le 20 novembre 1561, Louis Audeyer, vu le payement par Gauthier des amendes
et dépens, consent à l'entérinement desdites lettres par le parlement de Grenoble.
(Minutes cit., protoc. Chalvet, reg. coté n° 47, f° Ixxx.xiiij-v.)
2 12 HISTOIRE RF.LIGIEUSE DU CANTON
la chapelle fut dotée devait être employé pour un prêtre qui dirait
2 messes chaque semaine, une le mercredi In nomme Jesu, l'autre
le vendredi de Quinqiie Plagis. Quant à l'édifice matériel, il fut
construit sur l'éminence découverte située au sud-ouest du bourg
de la Chapelle, au midi du chemin allant de celui-ci aux Bernards,
éminence que son site avait fait appeler Serre-beau. Aussi la chapelle
Saint-Claude fut-elle souvent appelée de Serre-beau.
Ce cher petit édifice fut ruiné pendant les guerres du protestantis-
me ; car en 1604 l'évêque trouve à la Chapelle une « chappelanye
fundée hors » de l'église, soubs le vocable de St-Claude, « et constate
que l'église de lad. chapelanye est entièrement ruynée et desmolye
par l'injure et malheur des troubles passés. » Le prélat enjoint au
recteur de la faire rebâtir, afin d'y faire faire le service porté par la
fondation, et permet que, en attendant, ce service soit fait dans
l'église paroissiale.
En 161 3, le vicaire général Varnier constate les mêmes choses, et
enjoint « de faire faire le service porté par la fondation, au grand
auteir» de l'église paroissiale jusque à ce que le recteur « en ait érigé
un autre en icelle à l'honneur de S' Claude. >>
L'édifice ne fut, parait-il, jamais relevé ; car rien ne nous le prouve,
et un acte de 17JQ portant « qu'il n'y a que les mazures de lad.
chapelle bâtie en Serrebaud, » est confirmé par le procès-verbal de
visite épiscopale de 1735, disant que cette chapelle « est tombée en
ruines, " et qu'il « n'y a d'autres vestiges d'elle que quelques mu-
railles. »
Aujourd'hui Serre-beau garde à peine quelque vestige de construc-
tion ; mais la tradition veut que la chapelle ait occupé le penchant
méridional et non tout-à-fait le sommet du monticule.
Du reste, un autel ou chapelle fut élevé à S' Claude dans l'église ;
car en 1697 l'évêque ordonne « qu'à la chapelle de St-Claude..., il
seroit fourni un crucifi.x, 2 nappes, une pierre sacrée, un cadre pour
le devant d'autel, et fait un marchepied ; c]ue le daix de lad. cha-
pelle, étant tout rompu et brisé, seroit osté ; » et, en 1738, Armand,
ayant obtenu lu chapelle, sa prise de possession a lieu dans « l'église
paroissiale, où se trouve lad. chapelle et hôtel sous le \ocable de
St-Claude de Serrebaud. »
En 1644, les Odeyers Serrebaux, de la Chapelle-en-Vercors, se
disaient patrons de la chapellenie. En 1720, Etienne et Jean Audeyer,
père et fils, prétendaient à leur tour, pour eux et leurs descendants,
UE LA CHAFELLE-EN-Vt.RCORS. 21 3
au juspatronat, en vertu de l'acte de fondation de 1546. Cependant,
l'évèque pourvut simplement par lui-même de ladite chapelle Mey-
nier vers 17 13 et Armand en 1738.
Comme recteurs, nous trouvons : en 1604 « M'" Jan Audeyer,
clerc ■» ; en 161 3, M'"'^ Pierre Audeier, clerc, ayant son frère pour
tuteur ; depuis 1644 jusqu'à 1697, M''" Antoine Vial, prieur d'Aix en
1687 et 1697; vers 1700, du Pilhon d'Angelles, qui démissionna et
fut remplacé vers 1 7 i 3 par P'rançois Meynier, encore recteur en 1 729 ;
en 1735, Molière ; en 1738, Antoine Armand, docteur en théologie,
alors chanoine de la cathédrale de Die, mais devenu chanoine de la
cathédrale de Grenoble avant septembre 1754; en 1754 et 1760,
Pierre-François Lagier (fils de François-Ignace Lagier, notaire à
Die), chanoine de la cathédrale de Grenoble en février 1760.
Les biens consistaient en terres et en pensions. Dès 1550, il y
avait au territoire de la Chapelle, vers le Martoret, des « terres de la
chapelle de Serre bciu, » situées au nord-est des « hermes de Serre
bail. » Un acte de 1594 mentionne les mêmes terres « de la chape-
lanye de Serrebau ; " et divers actes, de 1O74, de 1714, de 1729, de
1754 et de 1760, montrent « le fond de terre dépendant de lad. cha-
pellenie de St-Claude de Serrebaud, scitué au lieu de la Francon-
nière, contenant environ trois sestérées, » donné en ferme par les
recteurs pour le prix annuel de 10 livres en 1674, de 27 livres en
17 14, de 36 livres en 1754 et 1760. Il y avait, en outre, des pensions
qui en 17 14, dues par 18 particuliers, montaient ensemble à 41 livres
5 sous par an. Le revenu annuel total indiqué est de 30 écus en
1644, d'environ 100 livres en 1658, de 75 livres en 1687, de 68 livres
5 sous en 17 14, et de 33 livres 4 sous en 1729.
Les charges étaient : i" le service divin, consistant encore en 2
messes par semaine en 1644, en 1658 et en 1706, mais « réduit à
moitié I) avant 1729 à cause de la modicité du revenu, et coûtant
alors 16 livres 12 sous; 2° les décimes, proportionnées au boni du
revenu (i).
Notre-Dame du St-Rosaire. — Elle était dans l'église paroissiale,
à main gauche en entrant.
En 1Ô89 son petit autel avait 2 gradins surmontés d'une « chasse
fort propre et doré, » et de 4 chandeliers de laiton, 2 nappes, et au
devant un parement de ligature rouge et blanche et une petite
lampe d'étain fin. Un « tableau enchâssé dans un cadre peint en
(i) Arch. cit., fonds et visites cit. — Minut. cit.
214 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
ressine de noyer chargé de filets d'or, » et « représentant la Ste-
Vierge » complétait la décoration.
En i6q7, Mgr du Ploûy, évèque de Die, ordonne « que le raizeau
qui est autour du daix sera osté, qu'il sera fourni deux chandeliers
de léton, deux nappes, que la pierre sacrée du grand autel y sera
mise, qu'il sera fait un cadre au devant d'autel, et le marchepied
rétabli. »
En 17^5, l'évèque trouve la pierre sacrée « sans v^estige de consé-
cration » ; il l'interdit et veut qu'il en soit acquis une en règle, aux
frais des confrères et sœurs du Rosaire, à qui sert l'autel.
Des dons et legs faits à cet autel ou chapelle, nous signalerons
seulement celui de 3 livres léguées en 1745 par Jean Borel, du lieu.
Après cette chapelle, un rapport de visite épiscopale de 1729 en
mentionne une seconde, dédiée « à l'Annonciation (i). » N'y aura-
t-il pas eu confusion avec celle de Sainte-Madeleine, que des rap-
ports de i68q et de 1735'mettent vis-à-vis de celle du Rosaire?
Chapelle des Pénitents. — En 1644 et en 1658, les Pénitents /otî-
saient leur office à la tribune qui était « sur la porte de l'église »
paroissiale. Mais, plus tard, ils eurent « une chapelle assez vaste,
construite derrière le chœur de l'église paroissiale. » Etait-elle
construite en 17 15, quand Jean Magnan-Puissat voulait qu'il fût
« dit une grand messe en la chapelle de la confrérie des Pénitens
le jour de son enterrement » et donnait une livre à cette chapelle ?
L'était-elle même quand, en 17 19, un autre léguait à celle-ci « une
lampe de lotton apretiée à quinze livres? » En tout cas, elle l'étaît
en 1729, et le vicaire général la trouvait alors « très-propre et bien
ornée, » mais sans fondation. Elle servait aux Pénitents pour y
réciter leur office; mais en 1735, Daniel-Joseph ^^ Cosnac,févèque
de Die, en trouvait l'autel en bois, la pierre sacrée non enchâssée,
le crucifix rompu ; il n'y avait « point de Te igitur ny tablettes ; »
le prélat prescrivit que l'autel serait remplacé et un crucifix décent
fourni, ainsi qu'un Te igitur et des tablettes, le tout au.\ frais
des Pénitents.
Nous trouvons ensuite en 1740 un des Pénitents ordonnant qu'on
dise après sa mort 12 messes de Requiem dans cette chapelle, dont
une porte débouchait immédiatement sur la rue en 1741, et à
laquelle deux habitants du lieu léguaient chacun la somme de 4
livres en 1744 (2).
(i) Ibid.
(2) Arch. cit., visites de Die. — Minul. cil.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 21 5
Chapelle de Lossence. — Le nom de ce quartier peut-être formé
de l'article le élidé avec le mot breton och, uch (élevé), ou avec le
mot bas-latin oc/ze, ouche (entaille), ou encore avec le vieux mot
français aiicha (enclos labouré) (i). Quoiqu'il en soit, nous trouvons
ce nom écrit en patois de 1349 del La Censa (2), en latin de 1465
Aussencia, ei en françaisde 1550 e?! l'Oiiscence. Des actes de 1561
portent l'Aiisence et l'Aucense, mais dès 1609 on mettait déjà l'Os-
sence ou Lossence.
Le quartier de Lossence, qui a fait partie de temps immémorial
du mancfement et de la paroisse de la Chapelle, avait déjà des habi-
tants, notamment Pierre Tronet, en 1465 : mais sa chapelle est de
date assez récente. Elle n'existait pas en 1689, puisque le procès-
verbal de cette année, si détaillé pour tout, ne la mentionne pas ;
mais, le 13 juillet 1722, une femme delà Chapelle-en-\'ercors donne
'< à la chapelle de Laussance, mandement dudict lieu, un encens-
soir qu'il (sic) charge son heretier d'achepter incontinant apprès son
décès. » Le 14 janvier 1732, François Magnan-Puissat, « de Los-
sence, paroisse de la Chapelle de Vercors, « lègue « à la chapelle
de Lossence la somme de treze livres et un quartal cosseal que Jean
Roux, de ce lieu, lui doit, quy seront employées aux réparations de
lad. chapelle. »
Le 24 août 1735, l'évéque étant en visite pastorale à la Chapelle-
en-Vercors, Pourcel, curé de Vassieux, est commis pour se trans-
porter « au hameau de Lossance » et y faire « la visite d'une
chapele construite » dans ce hameau. Il rapporte qu'étant entré
dans cette chapelle, il a trouvé qu'elle était sous le vocable de St-
Claude ; que le calice n'est pas doré en dedans, qu'une chasuble
de satin n'a pas de manipule ni de bourse assortie ; qu'il n'y a pas
de bourse assortie à l'ornement noir ; que la voûte de la chapelle
est fendue près de l'autel ; que les degrés pour entrer dans la cha-
pelle sont en très-mauvais état. Celle-ci a 3 fenêtres à œil-de-bœuf
sans châssis, et 2 autres fenêtres dont les châssis sont très-mauvais.
La muraille du côté de l'évangile, en dehors, a besoin d'être recré-
pie. Le couvert du côté de l'évangile est en paille et a besoin d'être
refait. L'évéque fait des prescriptions en conséquence.
Les dons continuent: en 1743, François Revol, « des Rougnins, »
hameau de la Chapelle-en-V., lègue à la « chapelle érigée à Los-
(i) Bullet. archéol. de la Drôme, V, 153-4.
(2) Arch. de la Dr., fonds des Minimes, cop. du XVII" s.
2l6 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
sence » la somme de 3 livres, payable « au trésorier d'icelle. pour
les ornements et réparations nécessaires » ; en 1752, Claudine
Mazet, « habitante à TOssence, » veut que son héritier universel
« achette un encensoir pour servir à la chapelle érigée audit Los-
sence. à laquelle elle en fait don (i). »
En 17'^ 5, les habitants de Lossence pr^entent à Tévêque, pour
obtenir l'érection d'une église succursale dans leur hameau, une
requête qui est « répondue « le 20 juin de ladite année. Ensuite,
diverses formalités sont faites à ce sujet, et l'évêque porte l'ordon-
nance suivante :
« Gaspard Alexis etc.
« Vu le contract d'arrentement des dixmes de Lossence, etc.
« Le St-Nom de Dieu invoqué, après en avoir conféré avec des
personnes de piété qui connoissent la situation des lieux, tout
mûrement considéré, Nous ordonnons que le vicaire de la Chapelle,
sans discontinuer ses fonctions dans toute l'étendue de la paroisse,
résidera annuellement au hameau de Lossence depuis le premier
décembre jusques au second dimanche après Pâques inclusivement,
d'abord qu'il lui aura été pourvu d'un logement convenable et que la
chapelle dudit hameau se trouvera fournie d'ornements nécessaires,
décents et convenables au service divin. Sera notre présente ordon-
nance exécutée, monobstant appel, opposition et autres empêche-
ments quelconques, et sans y préjudicier.
« Donné à Die, dans notre Palais épiscopal, sous notre seing et
contreseing de notre secrétaire, le vingt six mars mil sept [cent] qua-
tre-vingt sept.
« -J- Gapd. Alx., Ev. et comte de Die.
« Par Monseigneur,
" Testou, secrétaire. »
Les habitants de Lossence, des Revoullat et de la May, ne furent
pas contents de cette ordonnance ; ils en appelèrent comme d'abus
à la Cour, à raison de ce que le service ne leur y était accordé que
pour l'hiver. Ils offraient de fournir le logement prescrit, et voulaient
qu'en attendant l'issue du procès, le service accordé leur fût fait. Le
curé de la Chapelle, M. Roux, n'en fit point faire, et les habitants
refusèrent la dimc. Le curé les fit assigner ; de là complications et
procès, encore pendant en janvier 1790 (2).
(i) Arch. de la Dr., fonds du Vercors ctvisites de Die. — Minut. cit., passim.
h) Arch. cit., fonds delà Chapellc-en-V., orig.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 2I7
Nous ne savons quelle issue eut cette affaire ; mais depuis 1803,
Lossence fait simplement partie de la paroisse de la Chapelle. Tou-,
tefois, sa chapelle est bien tenue et pourvue des ornements néces-
saires pour un service divin accidentel. Aussi le clergé paroissial y
va dire la messe quelquefois, particulièrement le jour de Saint-
Claude, et le 2 juillet, fête de la Visitation. On y va même en pèleri-
nage, surtout le jour de la Visitation. On y demande principalement
à Marie la conservation de la vue et la guérison des maux d'yeux
Saint- Antoine. — Il s'agit ici de la jolie petite chapelle qui s'élève
au milieu du monticule rocheux couvert de pelouse et séparant le
bourg de la Chapelle du vieux village en ruines de la Bâtie.
Elle n'existait pas en 1689, car le rapport détaillé de visite de cette
année ne la mentionne pas ; mais « l'un des deux autels » de la nef
de l'église paroissiale était alors « dédié à St-Antoine » en même
temps qu' « à Sainte-Magdeleine. »
Notre chapelle fut élevée peu d'années après, car le 14 janvier
1732 François Magnan-Puissat léguait la somme de 3 livres « à la
chapelle du Calvaire, « qui, nous le verrons bientôt, était la même,
et que l'évêque, la visitant le 24 août 1735, trouvait « construite au-
dessus du vilage de la Chapele » et « en bon état. »
En 1740, Pierre Bellier lègue " à la chapelle du Calvaire errigée
audit la Chapelle sous le vocable de St-Antoine la somme de dix
livres, applicable aux ornements les plus utilles de ladite chapelle
du Calvaire. »
Cette dernière dénomination vient apparemment de ce que cette
chapelle aura été au terme d'un chemin de croix dont une « esta-
tion » couverte « de lose » et située près du cimetière en 1741, sup-
pose l'existence.
Au surplus, les donations « à la chapelle du Calvaire continuent.
En 1745, Jean Borel lui lègue 6 livres pour son entretien ; en 174g,
Jean Bellier lui en lègue 3 ; en 175 1, dame Françoise Rochas, femme
de M'= Jean Malsang notaire, lui en lègue 40, « aplicables à ce qui
sera jugé nécessaire par Monseigneur l'évêque et comte de Die (i).»
Aujourd'hui, tout calvaire a complètement disparu ; mais, propre,
convenablement ornée et munie d'une petite cloche, la chapelle de
St-Antoine est le but d'un assez considérable concours de monde le
13 juillet, jour de saint Antoine de Padoue, où on y célèbre la
sainte Messe.
(i) Arch. et visties cit.; — Minul. cit., passim.
2l8 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
Saint- Joseph — En 1745 Jean Borel et en 1749 Jean Bellier lèguent
« à l'autel de St- Joseph érige dans l'église dudit la Chapelle » cha-
cun 3 livres, payables « à qui il appartiendra pour l'entretien et orne-
ment dudit autel. » En 1768, Marcelline Rolland, femme Rochas,
lègue 6 livres « pour l'entretien de la chapelle de St-Joseph fi). »
Ajoutons qu'aujourd'hui les bras du transsept de la nouvelle
église ont chacun un magnifique autel, l'un dédié à la Ste-\^ierge et
l'autre à St-Joseph.
IV. — CONFRÉRIES.
Confrérie du Saint-Esprit. — En une foule de localités du Dau-
phiné existaient des confréries du Saifit-Esprit. Sans suivre des
statuts de tout point uniformes, elles avaient du moins un but et un
esprit communs. Elles étaient à la fois essentiellement religieuses et
charitables. Elles avaient des exercices religieux particuliers, possé-
daient des biens et des revenus propres, étaient gouvernées par des
chefs propres, et faisaient le jour de leur fête, c'est-à-dire à la Pente-
côte, une aumône générale à tous les pauvres qui se présentaient.
Nous trouvons de ces confréries à Grenoble et à Saint-Martin-le-
Vinoux vers 1444, à Montchenu en 1463, à Alixan en i486 et en
1520, à Saint-Nazaire-en-Royans et à Saint-Lattier en 1500; à Saint-
Bonnet-de-Valclérieux de 15 18 à 1732, à Saint-Marcel près Die en
1548, à .Mirabel-en-Baronies en 1597, etc. {2).
En I 399, la Chapelle-en-Vercors avait déjà sa confrérie du Saint-
Esprit. Celle-ci possédait tout près de l'église paroissiale une maison
dans laquelle instrumenta le notaire de l'acte qui nous en a conservé
le souvenir (3).
La même confrérie continuait d'exister au XVI' siècle. Sa maison
servait encore souvent alors d'abri aux notaires pour faire leurs
actes, ou du moins pour prendre leurs notes. Nous avons plusieurs
actes de 1550 et de (551 qui furent faits par Lamit, notaire, « au
bourg de la Chapelle de Vercors, dans la maison de la confrairie
(1) Minul. cit.
(2) Arch. cit., E, 3 1 7, 2 1 29, 2 1 5 1, 2229, 3496, ^ 061 ; — Docum. communiq.
par M. U. Chevalier; — Aniiuaiie de la Cour roy de Grenoble, pp. 44-6, 51-2 et 75.
(3) «... in perrochia Capelle Vercorcii, in domo confrairie Sancti Spiritus dicti.loci
Cappelle Vercorcii-. ■ » (Arch. cit., fonds de St-Jean-cn-F<., orig. parch.)
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 2IQ
dudict lieu (i). » L'acte de 1399 lui-même appelle simplement en
deux endroits la maison de la confrérie (domus confratrie) celle dont
nous avons parlé, et qu'il indique ailleurs en termes plus explicites.
En 1550 comme en 1399, il n'y avait sans doute qu'une^confrérie,
celle du St-Esprit, et toute spécification était presque superflue.
Confrérie des Pénitents du St-Sacrement. - En 1644, les Pénitents
occupaient la tribune existant sur la porte de l'église, et un rapport
de 1658, constatant encore la même chose, explique que cette tri-
bune servait « aux Pénitents pour faire leur office (2). » Mais ensuite
rien ne nous parle de pareille confrérie jusqu'au testament de Jean
Magnan-Puissat, de la Chapelle, qui, le 4 juin 17 15, donne une
livre à « la chapelle de la confrérie des Pénitents, » où il veut qu'on
dise une grand'messe le jour de son enterrement. Mais, depuis
lors, les actes la concernant sont fréquents. En 1720, François
Magnan-Chabert lègue « à la confrérie du Très-Saint- Sacrement de
l'authel quy est érigée dans l'esglize de la Chapelle, la somme de
douze livres payable deux mois après son décès au recteur de lad.
confrérie, qu'il veut qu'il soit employé à l'achep de deux fallots et
deu.K enssenssoirs pour le service de lad. confrérie ; » et en 1724,
deux legs, dont l'un de 6 livres et l'autre de 4, sont faits à celle-ci
pour l'achat de ses ornements les plus nécessaires.
Dès lors les Pénitents étaient donc érigés en confrérie du Saint-
Sacrement ; ils se munissaient de tout ce qu'il fallait pour rendre à
Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le divin Sacrement le culte public
de respect, d'adoration et d'amour qui devaient réparer les outrages
de l'hérésie et de l'impiété. Ils avaient leur recteur, leur trésorier,
et les autres officiers requis. Mais leur ferveur était déparée par une
regrettable indépendance, à laquelle le vicaire général de Die remé-
diait, le 7 octobre 1729, par l'ordonnance suivante :
« Sur ce qu'il nous a esté représenté que la confrairie des Péni-
tents tenoit ses assemblées, et particuUièrement celle de l'éllection
des officiers, sans apeler le s"" curé, contre leurs statuts et règlements :
ordonnons qu'à l'avenir lesdits Pénitents se conformeront aux statuts
et règlements de leur établissement, et particulièrement en ce qui
concerne leur élection, où ledit s'' prieur doit présider : et, en cas de
désobéissance, déclarons dès à présent leur chapele interdite, et
leur défandons, dans ledit cas, de s'y assembler ny pour office divin
ny pour autre chose... »
(i) Minutes cit., protoc. Lamit, passim.
(2) Arch. cit., visites de Die.
220 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
Les dons continuèrent si bien, que le 12 juillet 1785, la confrérie
prêtait à Jean Guillot la somme de cent livres pour un an et avec
« interest. »
Mais elle eut bientôt où employer son argent ; car le 24 août
1735, l'évêque trouvait la chapelle construite derrière le chœur et où
les Pénitents récitaient leur office, munie d'un autel à changer à leur
frais. Le prélat, d'ailleurs, s'informa « du sieur prieur curé et de
plusieurs confrères, du tems de l'érection de lad. confrérie, des
règlements et statuts d'icelle, et du brevière » dont ils se servaient ;
et on lui rapporta que la confrérie avait été « érigée par permission
de Mgr Gabriel de Cosnac, par conséquent depuis 1702, et que les
confrères se servaient « des statuts, règlements et brevière imprimés
à Grenoble en 17 17, à l'usage de la confrairie du Très-Saint-Sacre-
ment. » On ne sut dire l'année de l'érection, les titres étant sous
scellés dans la maison Hu recteur, décédé depuis peu. Le prélat
ordonna de lui communiquer les titres d'érection quand les scellés
seraient levés, et de continuer à se servir des statuts et bréviaire
susdits.
Enfin, divers testaments nous apprennent quelques-uns des usages
delà confrérie. Ainsi, Jean Audeyer,en 1740, veut qu'on dise pour lui-
même une messe de Requiem, tous les mois pendant un an, dans la
chapelle des Pénitents auxquels il est agrégé ; il lègue 10 livres à la
confrérie, « au moyen de quoy il prie les confraires d'aller prendre
son corps où il désèdera, et l'accompagner jusques au lieu où il sera
inhumé, avec les prières et cérémonies ordinaires. » En 174s, Jean
Borel lègue 9 livres « moyennant quoi il prie les Pénitents d'aller
prendre son corps à sa maison, s'il y décède, et l'accompagner à sa
sépulture, il leur sera fourny des cierges par son héritier ce qui sera
convenable. » En 1649, Je^'i Bellier lègue 6 livres et veut qu'on
fournisse un cierge à chacun des Pénitents assistant à son enterre-
ment ( I).
Confrérie des Pénitentes du St-Sacremenl. — Etablie en faveur des
femmes comme celle des Pénitents l'était pour les hommes, elle
existait et avait sa rectrice avant 1722, année où une femme de la
Chapelle léguait « à la confrérie des Pénitantes trois livres » à
employer « au.x ornements les plus nécessaires de l'authcl du Sainl-
Rozaire. »
En 1735, une femme lui lègue 3 livres payables à <> la rectrisse »
(i) Arch. et visites cit. ; — Nlinut cit., p.issim.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 22 1
et pour les ornements les plus nécessaires de la confrérie, et Louis
Gonne lui en lègue autant.
La même année, Tévêque trouve que dans l'église paroissiale « il
y a une confrairie des Pénitentes du St-Sacrement, lesquelles se
serA^ent d'un petit office imprimé à Grenoble par les soins des
Pères missionnaires capucins à l'usage des Sœurs du Très-Saint-
Sacrement de l'autel : » il ordonne aux sœurs de continuer à se
servir de ce petit office.
Quelques testaments nous renseignent en outre sur divers usages
de cette confrérie. Ainsi, en 1747, Marguerite Revol, veuve Bellier,
lègue « aux Pénitentes du St-Sacrement dud. la Chapelle trois livres »
payables à la rectrice, et prie « les dites Pénitentes, au moyen
de ce, d'accompagner son corps à sa sépulture, sans exiger des
cierges, eu égard à sa pauvreté, désirant parla avoir part aux prières
qui se font dans cette confrérie. » En 1749, Elisabeth Bellier femme
Borel lègue 6 livres à la confrérie des sœurs Pénitentes, où elle est
enrollé, » priant celles-ci « de venir prendre son corps à la porte
de sa maison d'habitation et l'accompagner à sa sépulture. » Ces
sœurs allaient aussi à l'enterrement des hommes, car en 1749 Jean
Bellier, en leur donnant 6 livres, aussi bien qu'aux Pénitents, veut
qu'on fournisse un cierge à chacun et à chacune desdits Pénitents
et Pénitentes qui assisteront à sa sépulture. » Nos derniers actes
sur elles sont celui par lequel Marie-Claudine Magnan-Chabert leur
lègue 6 livres, en 1760, et celui par lequel, en 1768, Marcelline Rol-
land, femme Rochas, leur lègue 6 livres, avec 6 autres livres « pour
les cierges, les priant d'assister » à sa'sépulture et " prier Dieu pour
le repos de son âme (i). »
(i) Ibid.
L. FILLET.
(La suite au prochain numéro).
>Si3S}30cesSSe-
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
if après des docuincnts ojficicls ci inédits.
(Suite)
« Ouï le dit Turc et ses réponses.
« Ouï l'agent national provisoire.
« Le conseil de district, considérant que le fanatisme règne à Cor-
déac et dans le Trièves ; que les autorités constituées en donnent
l'exemple au lieu de celui de la soumission au.x. lois ; que l'action
révolutionnaire y est partout entravée par le mauvais esprit des au-
torités ; qu'il est temps d'y remédier ; que ce que l'administration
n'a pu obtenir jusqu'ici par l'amour du devoir, elle doit l'attendre de
la crainte, de l'application des peines portées par la loi ; qu'il n'y a
que deu.x moyens pour faire agir : l'amour du bien public et la
crainte des peines.
« .\rrête que Jean Turc, maire, ainsi que l'agent national de Cor-
déac seront mis en détention pendant un mois, par forme de correc-
tion fraternelle. Il leur est enjoint, ainsi qu'à la municipalité, de faire
exécuter les lois, d'arrêter les progrès du fanatisme, de faire tra-
vailler, les jours de dimanche et fête, tous les citoyens, de les faire
assister aux assemblées décadaires, de punir en police ceux qui
affecteront de contrevenir, et, en cas de récidive, ils porteront les
contrev^enants sur la liste honteuse des gens suspects ; ils les feront
fermer et séquestrer. L'agent national est chargé de faire traduire
l'agent nat. de Cordéac dans la maison de détention pour y rester
un mois ; il écrira au juge de paix de Cordéac une lettre d'improba-
tion de sa conduite, pour avoir négligé de faii'c punir le sonneur qui
lui fut dénoncé ( i ). »
(i) Archives départ. — Actes du dislricl.
LA GRANDE RÉVOLUTION* 22^
Le comité de surveillance nommé dans ce procès-verbal et auteur,
par ses dénonciations, du châtiment infligé au maire et à l'agent de
Cordéac, était composé en entier de protestants de St-Sébaslien
Dans ce village, les ennemis acharnés des prêtres et de tout ce qui
de près ou de loin se rattachait au catholicisme pullulaient. Nous
les verrons encore à l'œuvre plus loin.
Un mois plus tard, Robespierre tombait honteusement, et avec
lui les plus fougueux ennemis du catholicisme et de l'ordre social
(lo thermidor an II, 28 juillet 1794J.De tous les points de la France
on applaudit à la chute de ces hommes sanguinaires. Le pouvoir
passa au.x mains des modérés : on rapporta les décrets qui avaient
constitué le régime de la terreur, et les prisons furent ouvertes au.K
malheureux suspects qui avaient échappé aux tribunaux révolution-
naires et à l'échafaud.
L'Eglise se hâta de jouir de la paix relative qui lui était accordée
pour quelques jours, afin de réparer les ruines faites par la persécu-
tion en France. Après bien des tristesses, causées par la défection
de plusieurs de ses enfants, elle allait pouvoir se réjouir du retour
de ces nouveaux prodigues. L'exemple du relèvement et de la répa-
ration fut donné dans le Trièves par un prêtre que la vue des folies
et des excès rapportés plus haut fit rentrer en lui-même.
CHAPITRE VI
DEUX ANNEES DE REVOLUTION.
M. Joseph Accarias, ex-chanoine de Die, après avoir prêté serment
à la constitution, était devenu secrétaire de la municipalité de Mens.
La crainte seule avait motivé sa conduite ; car toujours il avait été
prêtre vertueux. Depuis son serment, il n'avait pu goûter un moment
de repos ; à tous les instants sa conscience lui reprochait cet acte de
faiblesse (i). Voulant enfin mettre un terme à ses angoisses et ré-
parer le scandale qu'il avait causé, il envoya au maire la déclaration
(i) Lettres en possession de l'auteur.
224 "-^ TRIÈVES r-ENDAXT
suivante : « Je sousigné, Joseph Accarias, déclare que ma qualité
de prêtre, dont je veux faire les fonctions, étant incompatible avec la
place de secrétaire de la commune, je donne ma démission de secré-
taire et rétracte purement et simplement le serment que j"ai prêté
de maintenir la liberté, ce serment étant contraire aux principes reli-
gieux que je professe. A Mens, ce 23 ventôse an III de la répu-
blique française (i). »
Cet exemple était suivi, deux jours après, par deux anciennes reli-
gieuses, Suzanne-Sylvie de Bonniot et Julie-Agathe de Bardonnen-
che. La première dit : que désirant <> prouver son attachement invio-
lable aux principes de la religion et de l'Eglise catholique, aposto-
lique et romaine, dans laquelle elle veut vivre et mourir dans la
grâce de Dieu, ainsi que sa fidélité aux engagements solennels et
sacrés qu'elle avait contractés en entrant en religion, dans le monas-
tère de Sainte-Ursule, elle déclare par la présente, qu'en prêtant le
serment de liberté et d'égalité par devant la municipalité de Mens,
elle n'avait jamais prétendu y apporter la moindre atteinte, et qu'au
moyen des modifications qu'elle y avait insérées, elle a cru mettre à
couvert tout ce qu'elle doit à sa foi et à son état. Néanmoins, mieux
éclairée sur la nature du dit serment. elle déclare le rétracter purement
et simplement comme irréligieux dans son principe et ses conséquen-
ces. En foi de quoi elle a signé (2). »
A son tour, Julie-Agathe de Bardonnenche rétracta presque dans
les mêmes termes son serment prêté pour « toucher la pension qu'elle
avait sur les économats (3J. »
Ces rétractations et bien d'autres moins éclatantes furent puissam-
ment aidées par M. Testou, dont rien n'arrêtait l'intrépidité ; par
M. Aubert, revêtu, ainsi que M. Testou, des pouvoirs de vicaire géné-
ral et qui signait « Trébua », en retournant son nom, afin de mieux
échapper aux recherches ; par M. Berthon, M. Liotard et un prêtre de
l'Ain dont le nom ne nous est pas connu (4). A ces courageux ouvriers
vinrent successivement s'en ajouter d'autres qui quittaient la terre
étrangère pour retourner dans les paroisses aftligces de leur
absence. Parmi ces derniers il faut citer MM. Allemand, Galfard,
Bourriîlon, oncle et neveu, Audiffret, Alexandre Galfard, Ollagnier
(i) Reg. des délih., Mens.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem.
f4) Archives départ. 3""° volume des délib. du district de Grenoble.
LA GRANDE REVOLUTION. 225
curé de St-Guillaume, auxquels Mgr d'Aviau, archevêque de \'ienne
et administrateur de Die après la mort de Mgr du Plan des Augiers,
donne par lettres datées de Rome f^i mars 1795) ^^^ pouvoirs très
étendus (i). Rien ne prouve mieux le zèle de ces saints prêtres et
les heureux effets de leur travaux que la délibération suivante du
district de Grenoble :
« Ce jour 3 germinal an III (27 mars). Les citoyens Boivert vice-
président, Fontaine, Ferrand, Berriat, lagent national provisoire et
le secrétaire présents ;
« L'agent national a dit que les nommés Liotard,curé des Portes,
Berthon, curé de Trésanne, Aubert, curé de Prébois, et un prêtre
du département de l'Ain, non assermentés, remplissent dans le Triè-
ves la mesure de l'audace, de l'hypocrisie et du fanatisme. Ils pro-
phétisent une prochaine contre-révolution, damnent publiquement
ceux qui ont acquis des biens nationaux ou d'émigrés à moins qu'ils
ne restituent, ceux qui ont rempli des places dans la République,
ceux qui lui ont fait serment de fidélité ; ils ont refusé d'absoudre le
citoyen Corréard, de Prébois, greflier de cette municipalité, qu'il
n'eût quitté cette place. Les municipalités gardent le silence sur ce
scandale séditieux.
« Sans doute, il faut compatir à l'erreur ; mais la sédition doit être
réprimée. Liotard, curé des Portes, trouve asile chez la Chenicourt,
mère d'émigré. Quand il craint, on le cache au jardin d'hiver. Il est
allé prêcher à Chichilianne.
« Le prêtre de l'Ain est à Mens.
« Berthon, curé de Ti-ésanne, est à Gresse.
« Aubert, curé de Prébois, est aux environs de Prébois, quelques
fois à Mens. C'est lui qui a amené dans le pays le prêtre de l'Ain.
« Il s'agit d'envoyer la gendarmerie à la poursuite de ces prédica-
teurs incendiaires, de les mettre en arrestation et de les dénoncer
ensuite au comité de sûreté générale et à l'accusateur public, qui fera
prendre des informations sur les faits, sans l'intermédiaire des mu-
nicipalités ni des juges de paix, qui laissent impunis de pareils
désordres
« Ouï le réquisitoire de l'agent national :
« Le directoire arrête que les nommés Liotard, curé des Portes,
réfugié chez la Chenicourt, à St-Martin-de-Clelles, le prêtre de l'Ain,
Cl) Pièces en possession de Tauteur.
Bull. VIII. 1888. 17
220 LE TRIÈVES PENDANT
réfugié à Mens, Berthon, ex-curé de Trésanne, réfugié à Gresse, et
Aubert, ex-curé de Prébois, réfugié aux environs de Prébois seront
recherchés, pj-is et traduits dans la maison de détention de Greno-
ble, par un détachement de la gendarmerie de Grenoble, Vizille, la
Mure, et le Monêtier-de-Clermont, et qu'extrait du présent arrêté
sera adressé au comité de siàreté générale et à Taccusateur public,
qui fera prendre des informations sur les faits énoncés au réquisi-
toire de l'agent national, un autre extrait au commandant de la
gendarmerie (i). »
Au reçu de cet arrêté, la force publique se hâta d'entrer en cam-
pagne ; quatre de ses détachements se rendirent aux lieux où l'on
soupçonnait la présence des prêtres dénoncés. Trois d'entre eux
échappèrent à toutes les recherches ; mais M. Liotard, arrêté à St-
Martin, fut conduit aussitôt à Grenoble et, le 17 germinal an III
(6 avril 1795), ^' comparaissait devant les administrateurs du distiict
pour y subir un interrogatoire, dont voici le procès-verbal :
« Présents les citoyens Boivert, vice-président, Imbert, Fontaine,
Ferrand, Gros, administrateurs, l'agent national provisoire et le
secrétaire.
« Est entré le nommé Liotard, détenu à la conciergerie de Greno-
ble, conduit par la garde nationale de Grenoble, auquel il a été fait
par le président les questions suivantes :
D. — « De ses noms, prénoms, âge et profession >
R. — « Qu'il s'appelle Augustin Liotard. qu'il est prêtre et âgé
d'environ trente-deux ans.
D. — <' S'il connaît les causes de son arrestation ?
R. — « Et dit que non.
D. — « S'il était simple prêtre ou employé à la desserte de quel-
que ci-devant cure ?
R. — « Qu'il était vicaire de la ci-devant paroisse de Clelles.
D. — « Où il a résidé depuis le mois d'août 1792 ?
R. — « Qu'il a résidé chez ses parents, dans la commune de
St-Michel-les-Portes.
D. — <» S'il avait prêté serment à la constitution ci\ile du clergé ?
R. — « Qu'il l'avait prêté avec restriction.
D. — « Si la restriction était mentale ou écrite >
R. — « Qu'il ne s'en souvient pas.
D. — <i Depuis quand il a quitté le vicariat de Clelles ?
(1; Archives dcparlement. — 3""" \olumcs des Jélib. du dictrict.
LA GRANDE REVOLUTION. 227
R. — « Qu'il y a environ trois ans.
D. — « S'il a prêté le serment prescrit par la loi du 14 août 1792
sur le maintien de la liberté et de légalité ?
R. — « Et nie, en observant que, depuis cette époque, il s'est
même presque toujours tenu caché.
D. — « S'il a eu connaissance de la loi du 2Ô août 1792 et de
celle du 23 avril 1793 >
R. — « Et nie parce qu'il se tenait caché.
D. - « Quel motif le faisait tenir caché puisqu'il ne connaissait
pas les lois ?
R. — « Qu'il connaissait une loi qui condamnait à la déportation
les prêtres qui avaient refusé de prêter le serment. et que c était pour
se soustraire à cette peine.
« Il lui a été présenté un portefeuille trouvé sur lui lors de son
arrestation, et demandé sil connaissiait le dit portefeuille d'étoffe de
soie et peinte, fond blanc et bordé en galon d'or faux et en mauvais
état ?
R. — « Qu'il reconnaissait le portefeuille pour lui appartenir.
« Dans le portefeuille il s'est trouvé 1° cinq lettres à l'adresse du
citoyen Irère, qu'il a reconnu pour lui avoir été écrites, et un billet
sans adresse qu'il reconnail aussi lui avoir été écrit ; 2° une lettre à
l'adresse du cit. Accarias-Benevant à Chàtillon, lettre qu'il écrivait
lui-même et qu il devait faire passer à son adresse; 3" un discours,
pour la première communion des enfants, qu'il a reconnu aussi lui
^/appartenir ; 4" les lettres d'approbation pour confesser, qui lui ont
été données par le ci-devant Evéque de Die, le 30 décembre 1788,
qu'il a aussi reconnu lui appartenir; 5° irois demi-feuilles de papier
timbré, sur lesquelles sont inscrits huit actes de baptême ; 6" un petit
carnet de papier blanc, où il y a quelques notes ; 7° un calendrier de
la Rép. Franc, pour la troisième année ; 8" un petit linge blanc
appelé corporal-
« Toutes les lettres ont été paraphées, ainsi que les papiers par le
vice-président et ensuite remis avec le petit linge dans le portefeuille,
lequel a été enveloppé d'une feuille de papier sur leqnel a été apposé
le cachet de l'administration, en présence du dit Liotard, qui n'a pas
voulu lui-même parapher les dites lettres et papiers.
D. — « Si ces lettres qui sont à l'adresse du citoyen Irère étaient
pour lui >
R. — « Et convient.
228 LE TRIÈVES PENDANT
D. — « Pourquoi elles n'étaient pas à l'adresse de son véritable
nom ?
R. — « Qu'il se nomme Liotard-Irère, et que si on ne lui donnait
le premier nom, c'était pour qu'il ne fût pas reconnu, étant obligé de
se tenir caché, ainsi qu'il l'a ci-devant observé.
« Lecture faite des dits interrogats et réponses au dit Liotard, a
dit que ses réponses contiennent vérité, a persisté et signé: Liotard.
« Vu les réponses ci-dessus.
« Ouï l'agent national provisoire.
0 Le directoire arrête qu'extrait de la délibération du directoire
du sept de ce mois, ainsi que des réponses ci-dessus, sera envoyé à
l'accusateur public du tribunal correctionnel du département de
l'Isère pour être par lui procédé contre le dit Liotard, conformément
à la loi. Comme aussi qu'il lui sera envoyé le procès-verbal d'arres-
tation du dit Liotardj ainsi que son portefeuille (i ) »
M. Liotard ne resta pas longtemps en prison : l'une des nombreu-
ses personnes de sa connaissance, dans la ville, lui fit tenir une
corde, au moyen de laquelle il descendit par une fenêtre et échappa
ainsi à la déportation.
Il parait qu'après son évasion il séjourna pendant quelque temps à
Grenoble. On le pria, un jour, d'aller à l'hùpital administrer une
moribonde. La chose était difficile, mais la charité rend industrieux.
Déguisé en militaire, il se présente à la porte. « Camarade, dit-il au
« factionnaire, je suis de passage dans cette ville ; tu sais que nous
« autres, soldats, nous aimons à boire la goutte ; mais nous n'avons
« guère la bourse garnie. J'ai une parente à l'hôpital, et je voudrais
« bien en tirer quelque chose ; si tu avais l'obligeance de me laisser
« entrer pour lui parler, je t'en serais reconnaissant. »
La demande fut agréée et M. Liotard put administrer la malade.
« Eh bien ? camarade, lui cria le factionnaire en le voyant sortir,
« as-tu fait de bonnes affaires ? — Excellentes, je te remercie,
« adieu. » répliqua le faux militaire (2).
On lui annonce, un autre jour, qu'un jeune homme malade dési-
rait se confesser, mais que son père et sa mère étaient ennemis
acharnés des prêtres. L'abbé Liotard ne considère point le péril
auquel il va s'exposer en se rendant auprès dy malade, mais le
prix d'une âme à sauver ; il se revêt d'un manteau et se présente
(1) Ibidem.
(2) Réponses aux questions Je l'Ordu de i8^y.
LA GRANDE RÉVOLUTION. 229
comme médecin à la maison indiquée, où il est introduit. Il interroge
le malade sur ses souffrances, lui tâte le pouls, puis sous prétexte de
remèdes à administrer, fait sortir les personnes qui remplis.sent la
chambre et propose au jeune homme de le confesser. Celui-ci ne veut
d'abord en entendre parler; il consent cependant à la fin, mais ne
peut recevoir dans le moment le saint \'iatique et l'Extrême-Onction.
M. Loitard lui promet de revenir et va se retirer, quand la mère du
malade, qui avait découvert sa qualité de prêtre, lui dit : « Oh !
« Monsieur, vous avez du bonheur que mon mari n'y soit pas ! —
« Eh bien 1 dites-lui qu'un tel jour, à telle heure je serai ici. » Il y
fut en effet : mais Dieu voulut que son courageux dévoûment tou-
chât le cœur du père. Celui-ci le laissa paisiblement administrer son
fils (i).
Malgré bien des fluctuations dans la politique et dans ses procédés
à l'égard du clergé catholique. la Convention, depuis la mort de
Robespierre, semblait revenir lentement à un système moins oppres-
sif et moins cruel. Elle permit par là au peuple de faire connaître ses
vœux ardents pour le libre exercice du culte. Ces vœux amenèrent
les décrets des trois ventôse an III (?, i février 1795) et ^^ prairial
(30 mai) reconnaissant à tous les citoyens le droit de célébrer leur
culte et leur permettant l'exercice de ce droit, à condition qu'ils ne
feraient aucune cérémonie extérieure et que le gouvernement n'au-
rait à fournir aucune subvention. Enfin il était permis de rendre les
églises non aliénées ; mais des déclarations préalables devaient être
faites à l'autorité pour obtenir ces faveurs.
Les catholiques du Trièves s'empressèrent de profiter de ces
concessions. Le 18 ventôse (18 mars), un huissier de Mens, Pierre
.A.chard, alla déclarer à la municipalité qu'il avait loué un apparte-
ment de la « citoyenne Arthaud, pour que les fidèles pussent y venir
prier Dieu, les dimanches et jours de fête. » Le même jour, un mar-
chand, Jean Beaup, fait une déclaration semblable pour sa maison,
où l'on s'assemblait de huit heures du matin à quatre heures du
soir. Bernard Berthon, le 24 floréal (13 mai), prévient qu'il a loué
une salle de la cure, où les catholiques venaient prier. Enfin, le 23
brumaire (14 novembre), Pierre Achard, Pierre Vernet et Antoine
Bec annoncent au maire que les citoyens du culte catholique s'as-
sembleront désormais dans l'église pour l'exercice de leur reli-
gion (2). Et ces catholiques accouraient nombreux et souvent pour
(i) Réponses.
(2) Reg. des délib. Mens.
230 LE TRIEVES PENDANT
prier dans cette même église et y assister à la messe qu y célébrait
tous les jours, M. Joseph Accarias.
Ce prêtre, en effet, après une rétractation et une assez longue pro-
bation, avait obtenu de ses supérieurs d'exercer de nouveau les fonc-
tions du saint ministère. 11 se dévoua tout entier dès lors au bien
des âmes. Le 23 thermidor ( r i juillet) disent les registres des délibé-
rations « comparait devant la municipalité Joseph Accarias, prêtre,
« lequel déclare qu'il se propose d'exercer le ministère du culte
« catholique, apostolique, romain, dans l'étendue de celte commune
« et a requis qu'il lui soit donné acte de sa soumission aux lois de la
« république française, pour tout ce qui est uniquement du ressort
« de la puissance temporelle et ce qui ne peut blesser sa foi ni sa
« conscience. De laquelle déclaration il lui a été donné acte, confor-
« mément à la loi du 11 prairial dernier (ij, »
Clelles, le Percy, Lalley et plusieurs autres paroisses suivirent
l'exemple de Mens, et leurs habitants purent se réunir dans leurs
églises, si longtemps fermées ou profanées, et le culte divin recou-
vra, sinon toute sa liberté, du moins tout ce qu'il semblait possible
d'espérer en fait de tolérance, après une si cruelle persécution.
Le nombre des prêtres augmentait chaque jour; car les exilés
revenaient successivement dans leur paroisse, où leur présence en-
courageait les fidèles, M. Brudon, par son retour, fit verser bien des
larmes de joie à ceux qui avaient pieusement conservé le souvenir
de ses recommandations. Il fut accueilli lors de son entrée à Trémi-
nis par le vénérable M. Jossaud, accouru joyeux afin d'embrasser
son ami (2). Ce dernier aurait pu lui raconter, si l'humilité ne
l'en eiJt empêché, le dévoùment et le courage qui lui firent par-
courir le Trièves entier avec des habits rouges, en marchand de
bœufs de Provence. Il venait ainsi partout où sa présence était
réclamée. Il fut un jour arrêté au Monêtier-du-Percy par des gen-
darmes qui paraissaient furieux contre lui et l'attachèrent au pied
même de la table, où ils t^e rafraichirent ensuite. Ils le conduisirent
à une certaine distance en l'accablant d'outrages tant qu'ils eurent
des témoins ; mais quand ils furent arrivés dans un endroit solitaire,
ils lui demandèrent pardon et le laissèrent aller en liberté, après
l'avoir supplié de ne jamais parler de ce qui s'était passé. M. Beau
eut une aventure presque semblable : il fut conduit à Grenoble par
(1 ) Ibidem..
(2) Tradition locale.
LA GRANDE REVOLUTION". 2^\
un détachement de la garde nationale de Mens ; mais le geôlier
refusa de le recevoir, parce que la prison était pleine (i).
Pour remplir publiquement leurs fonctions, les prêtres étaient
tenus, d'après le décret du 1 1 prairial, de faire une déclaration de
soumission aux lois de la République, déclaration qu'avait donnée
M. Accarias. La joie que ce décret avait causée chez les fidèles, en
ouvrant les églises, fut assombri dans l'esprit du clergé par un sen-
timent de défiance trop justifié par le passé. On craignait un piège
caché sous les mots : « soumission aux lois de la République, » et
on se demandait s'ils n'impliqueraient pas une adhésion contraire
aux lois divines et ecclésiastiques. Du reste le décret portait que les
églises se rouvriraient pour servir successivement à tous les cultes ;
or. de là que d'inconvénients, de profanations, de rixes, de dangers
de séduction pouvaient résulter. On comprend dès lors pourquoi les
prêtres, dans le Trièves, attendirent presque tous, pour prendre une
décision, qu'une voix autorisée eût parlé. Mgrd'Aviau, archevêque de
'Vienne et administrateur de Die, adressa le 23 août, à tous les prê-
tres soumis à sa juridiction, une circulaire pour les inviter à faire
l'acte de soumission porté par la loi du 1 1 prairial. « Le peuple,
ft disait-il, attend de nous cet acte comme un témoignage de nos
« sentiments et de notre horreur pour tout ce qui ressentirait l'es-
« prit de trouble et d'anarchie » Les prêtres du Trièves se confor-
mèrent aux désirs du pieux prélat et purent publiquement et libre-
ment vaquer à leur saint ministère pendant quelques mois.
Mais si les églises étaient momentanément rendues aux fidèles, il
n'en était point de même pour les presbytères. Ceux de Mens, St-
Baudille, Lavars, Cornillon étaient, le 26 floréal an IV (15 mai 1796),
transformés en maisons d'école (2). Les prêtres ne restaient point
pour cela sans abri ; partout ils recevaient une généreuse hospitalité
de leurs paroissiens. Leur présence dans une famille était un
honneur recherché presque par tous. Les moins aisés étaient sou-
vent les plus empressés à offrir de partager leur pain noir avec le
ministre de Dieu (^).
L'apaisement religieux était d'ailleurs grandement favorisé par
l'établissement d'une seule municipalité par canton (4), composée de
(1) Récit de Magl. Brochier et Réponses.
(2) Reg. des délit. .Mens.
(3) Traditions locales.
(4) Loi du 29 vendémiaire an IV.
232 LE TRIEVES PENDANT
l'adjoint et d'un délégué de chaque commune. Cette mesure, qui
avait soulevé bien des réclamations, froissé bien des susceptibilités,
contribua beaucoup à la tranquillité des prêtres : car si les représen-
tants de quelque localité proposaient contre eux et contre l'exercice
du culte catholique des mesures de répression, ils les voyaient pres-
que toujours repousser par une majorité de collègues plus modérés.
Grâce à cet état de choses, joint au dévoûment général, le clergé
put avec des précautions échapper, dans le Trièves, à presque toutes
les mesures de proscription, prises contre lui pendant la petite
terreur.
Le gouvernement permettait l'exercice du culte, mais se montrait
mesquin dans ses mesures à l'égard de ce même culte ; c'est ainsi
que le commissaii'e du pouvoir exécutif de l'Isère écrivait, le 8 prai-
rial an m, aux municipalités pour leur enjoindre d'enlever les batans
des cloches, afin qu'on ne pût s'en servir. A cet ordre, la municipa-
lité du canton de St-Maurice répondit qu'elle était d'avis de ne
point sonner les cloches, mais qu'elle demandait le maintien des
batans pour pouvoir donner les signaux nécessaires dans les cas
d'incendie très fréquents dans la contrée, où toutes les maisons
étaient couvertes en chaume (i). Rien ne doit nous surprendre en ce
temps de contradiction ; à chaque pas on rencontre les mesures les
plus opposées, se détruisant les unes les autres en quelques jours.
Le temps de calme dura peu et la Convention ne tarda pas à
revenir au système de rigueur qu'elle n'avait que trop longtemps
suivi. Dans un décret du 7 vendémiaire an IV (29 septembre^, elle
exigea des prêtres de reconnaître en principe la souveraineté du
peuple et de confirmer par le serment cette profession de foi. Le 3
brumaire suivant (25 octobre), elle ordonnait la déportation contre
les prêtres réfractaires ; mais ceux-ci ne se laissèrent point intimider
et ne diminuèrent rien de leur zèle. A Mens cependant, M. .Xccarias
crut devoir cesser de célébrer les offices dans l'église, afin de ne
point attirer sur les autorités locales les coups de l'administration
supérieure.
La lettre suivante du procureur syndic de Grenoble au ministre
de la police à Paris, nous édifiera sur l'esprit de la population et sa
noble conduite dans ces temps de malheur .
(' J'ai reçu avec votre lettre du 18 de ce mois, une autre lettre du
(1) Registre des délibérations. Lallcy.
LA GRANDE REVOLUTION. 2^3
25 mars 1796, timbrée de Grenoble et signée Monier, qui donne la
clef des menées clandestines des prêtres dans le Trièves. Il y a long-
temps que j'en étais prévenu, j"ai envoyé successivement dans ces
contrées, d'abord un commissaire, puis un détachement d'artillerie,
ensuite un détachement de gendarmerie qui s'y trouve encore, dans
le double objet d'arrêter les déserteurs de la réquisition et les réfrac-
taires. J'ai de plus chargé dans ces contrées les commissaires du
gouvernement et autres fonctionnaires de confiance de fournir aux
commandants de ces détachements les indications nécessaires. Mais
cette partie du département est fanatisée au point que la masse
recèle ces perturbateurs avec tant de mystères qu'on n'a pas encore
pu parvenir à découvrir leur repaire. On apprend quelquefois où ils
étaient la veille, mais on ne peut savoir où ils sont le jour, ni le
lendemain. On m'a demandé souvent des perquisitions domiciliaires
la nuit, en me donnant l'assurance de les trouver ; mais fidèle obser-
vateur de la Constitution, je m'y suis refusé. Hilaire (i). »
Il fallut la révolution dite du 18 fructidor an V (4 septembre 1797),
pour réveiller le feu de la persécution dans cette contrée, et y pous-
ser quelques hommes à dénoncer et pourchasser les prêtres. Quel-
ques habitants de St-Sébastien acquirent alors une triste réputation
de cruelle intolérance par la guerre acharnée qu'ils firent à M. Tes-
tou et aux catholiques de Cordéac.
(I) Archives départ. — Actes du district.
(La suite au prochain numéro).
A. LAGIKR.
RECHERCHES
SLR LES
INSCRIPTIONS
du Vivarais
AVANT-PROPOS
Les monuments épigraphiques, a dit un auteur, sont l'une des
sources les plus intéressantes et les plus sûres de l'histoire. Ils
constatent de petits événements locaux, fixent des dates, font connaî-
tre des noms, rappellent des usages, en un mot projettent un grand
jour sur différentes particularités de nos chroniques. Quelques mots
gravés sur la pierre ou sur Tairain offrent quelquefois toute une
révélation.
C'est ce qui nous a donné l'idée de recueillir toutes les inscriptions
de l'Ardèche.
Le !"■ octobre 1880, nous adressâmes à tous les curés du départe-
ment la lettre-circulaire suivante :
« Lorsque les savants bénédictins dom \'ic et dom Vaissete eurent
conçu le plan de leur immortelle Histoire Générale de Languedoc, ils
s'adressèrent à tous les curés, officiaux et prieurs de cette province
pour avoir les matériaux nécessaires à la réalisation de leur vaste
projet. Aujourd'hui on peut voir à la Bibliothèque Nationale plus de
60 gros volumes in-fol. formés de la correspondance de MM. les
curés avec dom Vie et dom Vaissete, collection précieuse qui fait le
plus grand honneur au clergé du Languedoc.
« Le souvenir de cette correspondance a donné l'idée, non pas à un
bénédictin, mais à un modeste travailleur qui aime beaucoup son
pays, de recourir à votre extrême obligeance, Monsieur le Curé, pour
RECHERCHES SUR LES INSCRIPTIONS DU VIVARAIS, 2^5
avoir quelques renseignements dont il a besoin pour terminer un
important ouvrage qu'il poursuit depuis longtemps.
« J'ai déjà publié vingt-sept ouvrages sur notre cher pays et j'en
ai encore plusieurs en préparation, entre autres la Biographie de
l'Ardèche (Panthéon du Vivarais), 8 vol. in-^" illustrés. Je travaille en
ce moment à ÏÉpigraphie du Vivarais : tel est le titre de mon nou-
vel ouvrage, qui contiendra toutes nos Inscriptions romaines, gallo-
romaines., du moyen âge, en langue vulgaire, etc.. etc.
« Dans l'intérêt de l'histoire du Vivarais, je vous serai très obligé.
Monsieur le Curé, de vouloir bien me faire connaître les Inscriptions
que vous pouvez avoir dans votre paroisse ou ses environs. Per-
sonne mieux que vous ne peut me renseigner à ce sujet. »
D'un autre côté, \e Bulletin de l'Instruction primaire de l'Ardèche,
n° 3 — i88i, contenait cette lettre, que nous avions adressée à
M. l'Inspecteur d'Académie', à Privas, le 17 janvier 1881 :
« Connaissant tout le zèle et le dévouement de MM. les institu-
teurs, pour les choses de la science et de l'histoire, j'ai pensé que
leur concours me serait précieux pour avoir les renseignements qui
me sont nécessaires pour terminer un ouvrage auquel je travaille
depuis longtemps, et qui aura pour titre Epigraphie du Vivarais.
« Cet important ouvrage contiendra toutes nos inscriptions romai-
nes, gallo-romaines, du moyen âge, en langue vulgaire, etc., etc.
« Je désirerais connaître exactement toutes les inscriptions, tant
anciçnnes que modernes, qui peuvent se trouver dans les égli-
ses, les châteaux, les maisons particulières, sur la voie publique,
etc., etc.
« Je vous serai reconnaissant, Monsieur l'Inspecteur, de vouloir
bien me faciliter les moyens d'obtenir de MM. les instituteurs, si
c'est possible, les renseignements dont j'ai besoin. »
Au bas de notre lettre se trouve cette recommandation de M. l'Ins-
pecteur :
« M. Henry Vaschalde, directeur de l'Etablissement thermal de
« Vais, n'est pas un inconnu pour les membres du corps ensei-
« gnant; plusieurs d'entre eux en traitement à Vais, n'ont eu qu'à
« se louer de ses bons procédés. Chacun voudra donc l'aider dans
« ses recherches d'une haute importance pour l'histoire de notre
« contrée. »
Sait-on combien de personnes ont répondu à notre appel ? Neuf
curés et sept instituteurs seulement ont daigné nous écrire pour
nous donner des renseignements.
2^6
RECHERCHES SUR LES
C'est peu encourageant, et pourtant nous savons qu'il existe, dans
bien des communes, des inscriptions très intéressantes.
En attendant que nous puissions publier V Epigraphie du Vivarais,
qui formera un beau volume grand in-8°, quelques amis nous ont
engagé à en détacher une partie, — assurément la plus curieuse. —
Ce premier essai nous amènera peut-être quelques communications.
Que les seize obligeants curés et instituteurs qui ont bien voulu,
dès la première heure, nous prêter leur concours, reçoivent ici l'ex-
pression de notreprofonde gratitude.
1. — ÉPOQUE ROMANE.
Roiîlieniaure. — Au-dessus de la porte du chœur de la vieille
église de St-Laurent, qui appartenait aux chanoines de St-Ruf, on
aperçoit, incrustée dans le mur, une plaque en pierre de Cruas
de 22 centimètres de hauteur, sur 37 de largeur, où l'on peut
lire la curieuse inscription suivante, en caractères de l'époque ro-
mane bien conservés, sauf pourtant ceux du mot Girot, qu'on lit à
peine.
S
A
T
0
R
A
R
E
P
0
GIROT •
T
E
N
E
T
VM
BERT
0
P
E
R
A
ME FECIT
R
0
T
A
S
Cette singulière inscription, que nous avons relevée en septembre
1885, en compagnie de notre ami le peintre Mallet, a intrigué bien
des savants, depuis 1837 qu'elle fut publiée pour la première fois,
par M. Pierquin de (iembloux, inspecteur de l'Académie de Grenoble.
Dans une lettre adressée à M. de Coston, et publiée dans le
Courrier- de l'Isère (i), l'auteur reconnaissait dans cette bizarre
inscription, qu'il appelait Monument de Théologie Arithmétique « un
(i) N° du .\ février 1837.
INSCRIPTIONS DU VIV^ARAIS. 237
« abraxas monumental, talisman ou amulette émané de la théologie
« arithmétique et dressé par Mumbert Girot »
Quelques jours après (i), dit M. G. Vallier, à qui nous emprun-
tons ces détails, le même journal publiait une réponse à l'article de
M. Pierquin. M. fl l'auteur ne voit « dans la mystérieuse inscrip-
<i tion de Rochemaure, que la simple et spirituelle enseigne d'un
Cl charron de village. »
M. Léon Régnier est convaincu que cette inscription n'est qu'une
table de jeu, une sorte* de damier destiné à quelque jeu inconnu
dans le genre des dames ou des échecs.
Les nombreuses recherches auxquelles nous nous sommes livré,
pour notre Epigrap/iie du ]ivarais, nous ont appris que l'inscription
de Rochemaure n'est pas unique, il en existe une à Valbonnais
(Isère), une autre à Annonay, et enfin, une troisième à Loches (Indre-
et-Loire), à peu près semblables.
Dans celle de Valbonais, les mots se trouvent dans le sens contraire
de celle de Rochemaure : rotas, opéra, tenet, arepo, sator.
M. Edmond Gauthier, auteur d'une Etude historique et archéolo-
gique sur le château de Loches, où se trouve notre inscription dit
qu'elle « est composée de mots qui n'ont aucune liaison logique les
uns avec les autres, mais qui peuvent se lire de droite à gauche
et de bas en haut. Il n'y voit que ce qu'on a appelé, au moyen âge,
un carré magique, avec les idées mystiques et religieuses qu'on
attribuait à cette combinaison bizarre. »
Le D"" Francus (2) croit que l'auteur inconnu"" de l'inscription a
voulu donner par elle une image du monde : Dieu, figuré par l'N du
milieu et par le grand carré de Scitor, formant à la fois le centre et
les limites de toute chose. La croix soutenant l'humanité ; enfin la
grande loi de justice, que chacun est traité selon ses œuvres- (opéra)
apparaissant précise, éclatante, de quelque côté que l'on retourne ce
microcosme. »
Au milieu de toutes ces incertitudes, le Magasin pittoresque (3)
nous parait donner la véritable interprétation de l'inscription de
Rochemaure. « Elle est beaucoup moins mystérieuse qu'elle a l'air
de l'être ; c'est simplement une de ces puérilités auxquelles s'amu-
saient les savants du moyen âge. Elle consiste en une devise de trois
(1) N° du 21 février 1S37.
(2) Voyage aux pays volcaniques, page 37.
(3) Année 1854, page 248.
238 RECHERCHES SUR LES
mots : Sator. Opérai, Tenet, disposés de manière qu'en les lisant
alternativement de gauche à droite et de droite à gauche, les deux
directions étant données successivement à Tenet, on arrive à trouver
toujours la même phrase : et le résultat est encore le même en lisant
de haut en bas et de bas en haut.
i> Quant aux sens de Sator Opéra Tenet, on peut l'expliquer ainsi :
« Le semeur possède, par conséquent récolte — ses œuvres. »
On disait au moyen âge : Comme on sème oji cueille. C'est un
équivalent de la sentence : A chacun selon ses œuvres : sentence très
bien placée sur la porte d'une église, qu'il aurait fallu rendre intelli-
gible à tout le monde, plutôt que de la mettre en rébus. »
M. G. Vallier possède un jeton qui nous paraît donner raison à
l'auteur de l'article du Maoasin pittoresque. Voici la description de
ce curieux jeton, que nous empruntons à la Revue de .Marseille et
de Provence (année 1879) dans un article intitulé : De quelques
curiosités et bizarreries littéraires M. Vallier n'a pas oublié l'inscrip-
tion de Rochemaure ; c'est par elle que commence son article.
« Anépigraphe. Dans le champ, et entouré de fleurons sur trois
côtés, le carré magique portant l'inscription relatée plus haut.
Au bas, 75 entre deux quatrefeuilles.
R. Sablier entre deux autels allumés et surmonté d'une tête de
mort, placée elle-même entre deux quatrefeuilles. A l'exergue es.
WIRT AL — S' GLICH.
Laiton. — Module : 24 mill.
Il paraît que la légende est en bas-allemand et voudrait dire en
français : Ça m'est égal! Ce serait là une sorte d'indifférence, d'in-
souciance ou même de résignation devant la mort. Mais alors, pour-
quoi l'association de notre inscription avec la légende allemande et
le type qu'elle accompagne ? »
M. Vallier pense que son jeton est << un simple méreau de confré-
rie religieuse destiné à rappeler, à ceux qui le recevaient les devoirs
du chrétien et la pensée de la mort. » A chacun selon ses œuvres.
nunmi». — Lmpreinles de tuiles conservées à la sacristie de
l'église paroissiale et provenant du toit de la chapelle l'omane de
Notre-Dame de Pomiers.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS.
239
Communication faite par M. l'abbé Canaud, curé de Gravières,
le 5 octobre 1880, d'après les croquis de M. l'abbé Martin, alors
vicaire de Ruoms.
N» I.
En vain se une baguai
que d ai mer a nestre pas
aymé.
Drôle d'inscription ! réduite à une meilleure ortographe, ne pour-
rait-on pas la lire ainsi /
Enfin ! c'est une badaude que
d'aimer à n'être pas aimée.
N" 2
Chiôroi
N» 3 _
fait par niov
II
Xhueyts- — Maison Sercourt au hameau de Serrecourt,
Inscription en langue romane gravée sur la pierre qui forme la clef
de la grande cheminée — Haut, o"" 236 ; larg. o'" 200.
Estampage de M. Biscara, instituteur communal (lettre du g avril
R E G U
CE QUE
ARDA Q
POT T E 1
l F A R A S .
VENIR. /
\ G 0 M T A
R E G A R /
\ EN TOU
D A la/
\ C A S
fin/
240 RECHERCHES SUR LES
IV. — DOUZIÈME SIÈCLE.
Mêlas. — Obit gravé sur une petite pierre. Estampage fait par
M. l'abbé Hébrard, curé de la paroisse, membre de la Société fran-
çaise d' Archéologie.
Hauteur : o"" 085 — largeur, o"" 156.
OBIIT : PETRVS ; PBR
W \ KL ; IVNII •:
Obiit Petriis presbvter sexto kalencias junii.
\. — 1400
Icurzet. — Sur l'un des piliers de l'église, on lit l'inscription
suivante, gravée en lettres gothiques : ( i)
^nno ^\\\ m" cccc tint mci'
]jla jjrns ccca p ^^clni
t^CcUliomS l't t^tlIUlildl p
.'i i iir 1 1-) 0 1 0 nu' lî <^! mut n i] d l
l't ctl'rttti'^ium 1<(.Mmati
Anno Domini i.foo, fuit incepta presens ecclesia per Pelnini
Octembonis et continiiata fer Barlholomeuin Innnngat et Claiidium
Aymali.
Cette inscription ne laisse aucun doute sur la date précise de la
fondation de l'église de Burzet.
\M. — 1403.
S»int-I.<aurent-leS"1KstinH. — Sur le chœur de l'ancienne
église de cette paroisse, on voit l'inscription suivante — Hauteur,
(1) Ovide (Je Vai,gokge. Souvenirs de V Aidèche. t. II. p. 102.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS,
241
o" 49, largeur o"' 45. Les lettres sont en creux, l'église et le bœuf en
relief.
À
î)
m.
(.!.(.(.
t I l
n
1 1
fo
D
(ici un bœuf)
^e
li tt r \ c [ 0
An7io Domi7ii millesimo quatercentesimo tertio, hœc ecclesia œdifi-
cata fuit per dominum de Bove, de Bitrzeto.
Comme on le voit, cette inscription est tout simplement la date
de la construction de l'église de St-Laurent-les-Bains, en 1403, mais
elle a ceci de particulier que l'artiste, au lieu d'écrire, comme on le
fait ordinairement hœc ecclesia fuit œdijicata, a dessiné, avec son
ciseau, l'église sur la pierre, de même qu'il a figuré son nom, Debos,
par un bœui (bovej.
Il faut lire ainsi cette inscription figurative et parlante : « L'an du
Seigneur mille quatre cent trois, cette église a été bâtie par Debos
de Burzet.
Cette curieuse inscription nous a été communiquée le 12 octobre
i88o, par M. l'abbé Chenivesse, le vénérable curé d'Antraigues, qui
a été pendant 16 années, curé de la paroisse de Saint-Laurent-les-
Bains.
VII. - 1404
Largentîère- — Château, aujourd'hui l'hospice. — Sur le
linteau de l'une des portes extérieures, celle qui se trouve dans la
salle d'asile, construite en 1862 ou 63. on lit l'inscription suivante.
Elle est en lettres gothiques, gravées en creux et sur deux lignes.
Des badigeons successifs, dont on, a, eu la sottise de la recouvrir à
peu près chaque année, l'ont rendue presque illisible.
(il m. c;c:. au. ci';-.t la ijiu' n.^ v\\\\mo
comccrt HUA] s. 'S copdicjno'o
L'an mille quatre cent quatre, c'est l'an que maître Raymond com-
mença avec ses compagnons.
Bull. VIII, 1888. 18
242 RECHERCHES SUR LES
YUl. — Quinzième siècle.
Satillieu. — Autour d'un bénitier en bronze, du commence-
ment du quinzième siècle, ayant appartenu probablement à la
collégiale, qui occupait le château de Satillieu, on lit cette inscrip-
tion, en lettres gothiques et en relief:
5^ fv (T. fro
ccco. . cl XXX saciuOo
. X ujn eu n ili
Me Prior Guillelmiis Fieri Fecit Atuio Domini millcsimo CCCC ?
Clerici A'.YA' Sacerdotes X Hvjvs Capituli Nostri lin Famulantiir
(X'"). Le mot X'° est remplacé par l'image du Christ en croix.
Cette inscription nous a été communiquée par .M. l'abbé Salcon,
curé de Satillieu.
Dans sa lettre, il nous signale également un bassin en cuivre
argenté, représentant, dans le fond en bosse, le mystère de l'Annon-
ciation, autour duquel est une inscription en allemand, qu'il n'a pu
comprendre.
IX. — 1456.
I*OMrg-Saînt-An<léol. — Inscription en marbre blanc.
Longueur : o" 76 cent.; largeur: o'" 29 cent. (Estampage de M.
Chiron, instituteur).
TIS ECC
.NO.... OM. STOR FV
PRO VNA MISSA C^LEB'AD PER
PRIORE ET CANCOS REGLES DES
OSTAT INOSTRO .M. NOTA S
PETRV RIFFARD NOtARIV P....
ANNO D. M. CCCC LVIII
IPE PRIO DONAVIT STR. E
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS. 243
QDA BRACIO ARGET
ALiMATICIS PANI.... VELV
CASVBELA ET ALMATICIS
COOIS. AC DE ALIA. C
C SEI DAiMACII NIGRI FIGV
FIGVRATI ALBI ACDP
DAMACII VIRID FIGVRA
RATI RVBEI NEC NO DVO
ALIA BONA P ECCLIjE L
OATE DVM P. IP DC EDO
L'estampage de cette belle inscription nous fut envoyé par l'inter-
médiaire de M. l'Inspecteur d'Académie. Dans sa lettre d'envoi, du
21 juillet 1881, M. Chiron nous disait : « Cette inscription est gravée
sur du marbre blanc ; elle est très bien conservée comme vous
voyez (i).
« Elle n'est pas connue et jamais personne ne l'avait ni lue ni
estampée.
« La plaque de marbre est chez Coulomb boucher et sert de
marche d'escalier pour se rendre dans une autre chambre qui est un
peu plus élevée que les autres. Il n'y a que cette seule marche. On
ignore comment elle a été placée là, car il y a très longtemps. »
A l'aide de notre savant ami, M. E. de Vaissières, qui était en ce
moment à Vais, nous fîmes une première lecture de cette inscription
que nous adressâmes en communication, avec l'estampage, à
M. l'abbé Paradis, ancien élève de l'école des Chartes et curé de
Sainte-Marguerite à Paris.
Le 21 février 1882, notre éminent compatriote nous envoya sa
première lecture.
« Je suis très-heureux d'apprendre, nous disait-il, que cette ins-
cription vient du Bourg. Elle complète la collection que j'eus la
chance de publier en 1863, dans les Annales de l'Ecole des Char-
tes. Il est fort remarquable que toutes ces pièces constituent ce
que l'on appelle des chartes lapidaires. Et jusqu'à présent on n'en
a trouvé un vrai gisement que dans la région des deux rives du
Rhône qui avoisine le Bourg, Viviers, d'un côté, et Montélimar,
Die, Valréas, de l'autre. »
(i) Il y a une cassure à droite qui a fait perdre une partie deTinscription.
244 RECHERCHES SUR LES
M. l'abbé Paradis a publié, il y a deux ans, dans la Bibliothèque
de l'Ecole des CAar/es, quelques nouvelles inscriptions chrétiennes,
parmi lesquelles se trouve celle de la maison Coulomb, que
voici un peu améliorée. Il a eu soin de transcrire en italiques les
abréviations et de placer entre crochets les textes supposés, qu'il
ne garantit nullement.
[Anno Do;nmi MCCC... obiit.
prior ? quondam presen]
tis ecclesix et fuit sepultus ant [e altare ? capelle in ho]
norem omnium sanctorum fundate. D[edit...]
pro una missa celebranda [quotannis, in die..., per]
priorem et canon^cos regnlares de sanc\to Rufo sicut ]
constat instrH;?7£?nto in nota su[scepta per magistrum]
Petrum Riffardi notariu;n presentis [ville Burgi Sancti Andeoli]
anno Dommi MCCCCLVI [die... mensis ]
ipse prior donavit st[ ]
quodam brachio argenti pa[nnis ]
almaticis pannis velu[ti ]
chasublia et almaticis [ ]
coloris ac de alia c[hasublia cro]
ceis damacii nigri rigur[ati ]
figurati albi ac de p[anno ]
damacii viridi figura[ti figu] .
rati rubey necnon devo[vit ]
alia bona presenù ecclesie l[ibens... dédit ]
Orate Deum pro ipso dicendo[ ]
La rédaction de cette inscription nous reporte à un acte passé
chez maître Pierre Riffard ou Riffardi, notaire très connu de cette
époque.
M. l'abbé Paradis considère cette inscription comme « un des
plus beaux échantillons de ces sortes d'actes lapidaires et de cette
belle capitale gothique usitée dans la région qui nous occupe. Chose
vraiment remarquable, elle mentionne une donation de l'an i.^^ô,
elle est donc au moins de la fin du XV' siècle, de cette époque plei-
nement gothique et même du style gothique final. Et cependant
lettres, ponctuations, abréviations, encadrements, etc., tout est, à peu
de détails près, exécuté en la manière des inscriptions précédentes
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS. 245
des XII^ et XIII' siècles. Voilà une preuve, entre plusieurs autres, de
ce principe qu'il faut appliquer à chaque instant en archéologie dans
cette région de la vallée du Rhône, à savoir que, sauf quelques res-
taurations de détails qui greffèrent accidentellement le gothique sur
le roman, les guerres des Albigeois et les autres bouleversements
qui désolèrent ce pays empêchèrent le style gothique d'y fleurir et
même d'y apparaître avec suite et ensemble, d'y faire époque, comme
ailleurs, en sorte que, entre les monuments romans et ceux de la
Renaissance, il y a là une lacune à peu près complète dans l'art
religieux ; les écoles d'architecture et d'accessoires lapidaires conti-
nuèrent, sans grandes modifications, de faire des écoles de l'époque
romane. »
X. — 1477
mêlas. — Sur un des murs intérieurs de l'église paroissiale,
est encastrée l'inscription suivante en capitales gothiques.
Communication faite par M. l'abbé Hébrard, curé de la paroisse.
ANNO ; dÔ : M ;
cccc : LXXVÎl ; F
VIT ; facta; ista ;
CAP : P ; IHÔEM :
DE : L- : JHS ; M ;
Anno Domitii millesimo quatercentesimo septuagesimo septimo fuit
facta ista capella per Johannem de Crtice^ Jhesiis Maria.
Johannem de Criice est le nom de l'architecte ou maître maçon.
Dans le petit croquis que M, l'abbé Hébrard a bien voulu nous
envoyer, il y a :
ANNO ; DO : M : cccc ; lxxun,
ce qui, d'après lui, voudrait dire 147 1. Un de nos amis, à qui nous
avons communiqué cette inscription, nous assure qu'il doit y avoir :
LXXVII (1477)-
24Ô
RECHERCHES SUR LES
XI.
1490
L.î»i*geiitîère. — Sur les panneaux de la belle chaire de
l'église paroissiale de cette ville, on lit l'inscription suivante, en
caractères gothiques admirablement gravés :
i'"^ panneau
la m - un - Ixxxx
c II' l'i) i^Ottolirc
liu'ii * ^'Picri't'
('înarmi'r
2' panneau
3' panneau
4' panneau
t)i' colcns ap
î^onat * (Ujui'
5.(11 cl)ai>u'ra
al'cOPi't ■ i'i)Ui'
L'an mil quatre cent quatre vini^t dix et le sept d'octobre, hieu
Pierre Guarnier de Colens apdonat aquesta chadiera al convent eque....
1490. P. G.
Voici quelques détails intéressants sur l'origine de la chaire où se
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS. 247
trouve cette inscription, précieux monument épigraphique de la
langue d'oc.
On voit encore à Largentière, les ruines du couvent des Cordeliers
qui fut détruit parles calvinistes en 1562. Ce couvent, fondé vers
l'an 1236, dix ans après la mort de saint François, était un des plus
importants de l'ordre, si l'on en juge par les détails contenus dans
un mémoire laissé en 1781 par un père Cordelier.
Le couvent ayant été pillé et incendié, les religieux, au nombre de
près de cent cinquante, avec un évêque in partibus pour gardien,
furent obligés de se retirer chez eux ; un petit nombre resta à Lar-
gentière avec le gardien, dans une maison appartenant à ce dernier
et qui devint le petit couvent des Cordeliers.
C'est dans les archives de ce couvent, détruit à la Révolution, que
l'on trouva l'intéressant mémoire dont nous venons de parler (i).
Ce précieux manuscrit contient la description très détaillée du
grand couvent détruit en 1562. Voici quelques détails sur l'église et
la sacristie.
« De ce même costé étoit aussi la sacristie, lieu où se mettoient
les ornements de l'église. Elle étoit fort riche, ayant un nombre
de vases sacrés, car on y comptoit onze calices, au nombre desquels
étoit un d'une grandeur prodigieuse, une forte croix d'argent pour
l'usage des processions ; elle avoit aussy des beaux et riches orner
ments en chasubles.
(i) Ce Mémoire appartenait à M. Roure, avoué à Largentière ; il passa plus
tard dans les mains de M. Pellier, notaire à Joyeuse.
(La fin au prochain numéro).
Henry VASCHALDE
TABLE DES MATIERES
DU TOME HUITIÈME
Ci88j-8).
Auvergne (chanoine), Règlement et statuts de l'hôpital de Mores-
tel, pp. 124-8, 163-8.
Chaper (Eug.), Charte Valentinoise du 9 octobre i2yi, p. 20=5-8.
— [fistallation du curé de la Mure en 1806. p. 47-8.
Chevalier (abbé Jules), Mémoires des frères Gay pour servir à l'his-
toire des guerres religieuses en Dauphiné au XV t siècle, p. ^i-gô.
— Quarante années de l'histoire des évêques de Valence au moyen
âge (1226 à 1266), pp. 129-41, 169-84.
Chevalier (chan. Ulvsse), Mystère des Trois Doms : vov. Girauu
(P.-E.)
Comité de Rédaction, Chronique du diocèse de Valence, p. j-.xxiv.
FiLLET (abbé L.j, Histoire religieuse du cant07i de la Chapelle-en-
Vercors, pp. 49-60, 89-103, 142-8, 191-6, 209-21.
— Notice sur les reliques possédées par l'église de Grignan, p. 5-1 1.
Francus (D"^), Notes sur la commander ie des Antonins à Aubenas,
en Vivarais, x>- 12-28.
Giraud (Paul-Emile), Mystère des Trois Doms, joué à Romajis en
/509, p. 61-73.
Jaubert (dom H.), Marie de Montlaur, maréchale d'Ornano, et le
relèvement du culte catholique dans la ville d' Aubenas, pp. 104-1 r.
149-56, 184-9.
Lagier (abbé A.J, Le Trièves pendant la gratide Révolution, d après
des documents officiels et itiédits, pp. 29-46, 74-85, i 12-23, '56-63,
197-205, 221-33.
Riant (comte P.), Voyage et oraisons du Mont-Calvaire de Romans,
p. 86-8.
Vaschalde (Henry), Correspondance, p. 189-90.
— Recherches sur les inscriptions du Vivarais, p. 234-47.
MEMOIRES DES FRERES GAY
SECONDE PARTIE
HISTOIRE GÉNÉALOGIQUE
DE LA FAMILLE GAY
PAR LES FRÈRES GASPARD ET ANTOINE GAY
N. Pour éviter toute confusion^ nous avons mis entre crochets la partie de
cette histoire généalogique, due à la plume d'Antoine Gay.
=^=3Q'3; jQ>3U»iii=-
nostre commancement soyt au non de dieu, quy a fayct
le ciel et la tere, ainsin soyt yl.
Cet le livre de memoyre de la maizon des Gays en cette
VILE I DE Die coumancé par moy Gaspard Gay, filz de An-
THOYNE I BOURGEOYS d'iCELE, EN l'aNNÉE MIL CINQ CENTS NO-.
NANTE SINQ, et de mon I EAGE LA TRANTE QUATRYESME, AN CE
OU EST CONTENU LA PREMIERE ORIGINE | ET TIGE DE NOSTRE
MAYZON, ET SUYVANT APPRÈS DES UNGS AULZ AULTRES | AVECQUE
LE MEMORYAL DES CONTRATZ PACEZ EN LEUR FABVEUR ET
PLUZIEURS I AULTRES MEMOYRES TRES NESESERES AUZ SUSESEURS
d'iCELLE, lequel I JE DESIRE ETRE POURSUYVY DE PERE EN FILS
ET SUPPLYF:, AU I NON DE DyEU, NOSDICTS SUSESEURS DE LE CON-
TINUER I AINSIN qu'il EST COUMANCÉ, LEQUEL JE PRYE | NOUS FERE
LA GRACE d'y MULTYPLYER | A SA GLOYRE, JUSQUES A CE Qu'yL (
LUY PLARA NOUS APELER | AU REPOS ETERNEL | LEQUEL NOUS |
PRIONS DE I NOUS Y | VOLOYR | COn|du|ir|E, | ET JUSQUEZ A CE
NOUS ACOMPAGNER ET NOUS CONDUYRE EN TOUTES | NOUS ACTYONS
AU NOM DE SON FILZ BYEN AYME. AyNSIN SOYT IL. j
1595
La devize de la maizon des Gays est :
en diev svis gay.
2 MEMOIRES
(Aureve}-sduf".)\ [C'est le livre, auquel est contenu toutes les
[ mémoires de la maison des Gays, dans la ville de Dye, depuis
[ Catherin Gay premier venu en icelle habiter, en l'année mil
[ quatre cents soixante , icelluy estant natif de la ville d'Orgellet
[ en la Franche Comté de Bourgonne, et ses successeurs y ont
[ laissé mémoires de tous les contrats faicts en leur faveur, avec
[ les descendants de père en tils depuis ledict Catherin jusques
[ a Gaspard fils d'Anthoine foisant la quatriesme génération, et
[ par moy Anthoyne fils du susdict Anthoyne et frère dudict
[ Gaspard ay poursuyvi ce livre, en ce qui est durant ma vie,
[ après la mort d'icelluy. Je prye celuy de mes enfans qui aura
[ cedit livre de le poursuyvre].
Première génération de la maizon des^ Gays
EN CETTE VILE DE DyE.
Le premier de la maizon des Gays en cete vylle de Dye fut
Katherin Gay, quy cy vint habyter, étant natif de la vyle
d'Orgellet l, en la Franche Compté de Bourgougne, au desus
de Lyon dix lyeues, en l'année mil quatre cents soysante huyt,
estant de sa profection notere. En ladite année, ung septyeme
du moys de julhet, il espouza Margueryte Crestyn, fylhe de
Jaques, marchant de Dye, de laquelle heut ces enfants, savoyr
et : Petrony et Barthélémy, Thomas, Gabryel, Estyenne et
deus filles, l'une noumée Claude quy fut maryée a Louys
Vergeyer de cete ville, l'autre Marguerite qui fut femme de
Vidal Durant, de la Mote Chalancon. Voyla les enfants de la
première generasion, despuys qu'yls hont été transportés de
Bourgougne a Dye, par la venue dudyt Katheryn, quy y a vescu
fort honorablement durant sa vye, exersant Testât de notere
et reseu de fortz beaus conptrats en son temps et fct de très
beaus regestres, lequel estant parvenu en vyelhesse, ayant
ataint l'eage de septante huyt ans et veu a byeu et honneur
ses enffens , aquys une boune et belle réputation d'home
t. Orgelet, cit. l. de canton du dcp. du Jura, à jo hil. S. de Lons-le-
Saunier,
DES FRERES GAY. 3
d'houneur, et decedé a la tour de Saincte Aprathe, hiy aparten-
nent et y fayzant sa quarantayne de la peste, en l'année mil
cynq cents dix et sept, qu'on dizoit l'année de la mourtauda, 1
et le dernyer jour de sa quarantayne, et fut enteré au temple
de S'e Agate ^. Ledict Katheryn estoyt home de belle estature
et grande blonde de chevelure luy traynant jusques sur les
espaulles, car alors on la pourtoyt fort grande, avecques des
bounetsa la coucarde d'escarlate. Sa premyere mayzon fut en
la grand rue, au devant de la fontayne de S' Piere, puys en
achepta une en Vylle Neufve , que confrontoyt mayzon des
Davyds et la mayzon des Malsangs, que Anthoine Gay mon
père a du despuys achepté et y fyt quelques aquyzisions ,
desquels ay mys la memoyre cy desoubs, de celles que j'ay peu
recouvrer, et en suytte la dessandance et estât auquel sont
parvenus ses enfentz, coume sera cy après veu.
Memoyre des cgntratz
FETZ EN LA FABVEUR DE KaTHERIN GaY A DyE.
Mariage de Katherin Gay, notere de cete vyle de Dye. passé
avecq Margueryte Crestin, filhe de Jaques, marchant dudict
Dye, en l'année myl quatre cents soysante huyct et le septyeme
de julhet, resseu par M*^ Guylhaume Blayn, notere en icelle:
1468.
Dounassion de Margueryte Crestin, veufve de feu Katerin
Gay, ressue par M'= Guylhaume Marye ou Anthoynne Charen-
cy, noteres de cete vylle, laquele et en leur lyvre Q, au feulh
194.
Eschanges fets entre Katerin Gay et Yves Culheyron,de Dye,
de leurs maysons, baydhant ledit Gay la syenne, assize en la
grand rue, au ledit Culheyron, et ledit Culheyron la sienne
1. Sur la peste de i^i~ en Dauyhiné. voir : de Coston, Hist. de Mon-
télimar, t. II, p. i3^.
2. L'église du prieuré de Sainte- Agathe du Chastel. dépendance du prieuré
de Sainte-Croix de Quint, était située dans la partie élevée de la ville de Die.
près de la Tour Sainte- Agathe. Voir notre Essai hist. sur la ville de Die,
t. 7, p. 446.
4 MEMOIRES
asize en Vileneufve, juste la mayzon de Jaques Davyd et son
estable au viol des Roubers, comprins aveq ladite mayzon ;
apert contrat reseu par Michel du Puy, notere, en Tan 1469,
en son lyvre E, folyo. . .
Instrument de Katerin Gay, resseu par ledit Marye ou Cha-
rensy en leur papyer : G, folyo 217.
Achept dndit Katerin, reseu par ledit Marye ou Charensy et
eschanges en leur lyvre B, a feulh 177.
Quytance ou espulsion de deux flourins pansion , fête par
ledit Caterin, reseu par lesdyts Marye ou Charensy noteres de
cete vyle de Dye et couchée en leur lyvre ou coutet : A, au
feulh 127.
Ce sont les enfens de la premyere generasion ysus de
Katerin Gay et Margueryte Crestin maryés des l'anée
1468 FINS en l'année 1517.
Petrony.
Petrony Gay fut le fils aysné de Katerin Gay, lequel fut
prestre en resglice Notre Dame de Dye, auquel temple il fit
beaucop de chozes remarcables, car il estoyt home d'espryt,
fort sublyl. Entre aultres, il transcryvyt de sa main tout le
Vyeulx et Nouveau Testement en parchemin, lequel estoyt
histoyryé et figuré en or, azur et aultres bêles et esquizes
painturesenlumynées. et fit des heures de NostreDame.coume
on dizoyt, dans lesquelles il se paygnyt et figura luy mesme,
pourtant une robe de couleur de poulpre, aveque ung bouquet
des œuylhets et aultres fleurs, lesqueles yl aymoyt fort. Yl sa-
voyt mervelheuzement byen escripre et payndre. Il mourut a
my eage, s'estant aquys et conservé en une trcs bounc réputa-
tion, et fut encepvely aveque sa robe de pourpre, qu'yl avoyt
apourtée de Roume, laquelle en son vivant ne pourtoyt que
les dymanches et festes solennelles. Voylla en soume ce que
j'ay peu rcculhii' de la vye dudit Peti-ony.
Barthélémy
Barthélémy Gay, segond fils de Katerin, fut notere coumc
son père, et de luy et sortye la segonde generasion. Il fit en
DES FRERES GAY. 5
son temps des beaus lyvresde notera, car yl escrivoyt byen, i
et estoyt bon grammeryen. Il quyta quelque temps de devant
sa mort son estât, a l'ocazion des abus qu'on i coumetoyt, et
defandyt a ses enfens de ne le fere point. Il estoyt de moyenne
taylhe et heut a femme Philipe Poudrel de cete vyle, de
laquelle il heut sinq enfents, savoyr : Pierre, Anthoyne, et
Estyene, Catheryne et Jeannete, et vequyt envyron l'eage de
quatre vingts ans, ayant dyspozé de ses byen en fabveur de
Piere et Anthoyne Gay, ses enfents. Voyla en soume ce que
j'ay peu reculhir de ce quy a esté de luy.
Thomas
Thoumas,troyziemeenfent de KaterinGay, fut moynne, sacres-
tain et chamaryer 2 de l'abaye de S' Marsel les Dye •'5, de l'ordre
de Cluny et pryeur de Rouzans ^. Ce fut ung home fort preud-
homal et amateur des pouvres, espesialement de ceuls de son
sang, desquels en dota et vercheyra troys ou quatre. Il s'aquyt
et conserva une boune réputation e estoyt fort pecunyeus. Il
fist bastyr une mayzon de playzir a l'Oumet, et y aquyt des
teres et byen, qu'yl ne pouvoyt aqueryr que au proffit du
couvent : il le fit tumber, par subtyl moyen, entre les mayns
de Anthoynne Gay, son nepveu, auquel le luy donna. Il fit aussy
bastir a ces despans deus chambres dans le cloytre dudit cou-
vent, dans lesqueles il habitoy t. Vequyt envyron quatre vingts
sinq ans, et fut empoysonné pour avoyr les offices. Voyla en
soume ce que j'ay peu reculhir de la vye dudit Thomas.
Gabryel
Gabryel Gay, quatryesme enfent de Katerin Gay, futnotere
1. // existe, dans les archives de 3/""= de Félines, un terrier de la famille
Reynard, merveilleusement écrit, sur un rouleau de parchemin, par Barthélémy
Gay, notaire. 2. Le chamarier était l'économe du monastère.
3. Saint-Marcel de Die, important prieuré dépendant de Cluny. Il était
situé à VEst de la ville, dans ce qu'on appelle aujourd'hui le clos Vallentin :
l'abside de l'ancienne église est en partie conservée. Voir notre Essai hist.
sur la ville de Die, t. 1, p. g6, 226 et 43j.
4. Rosans, ch.-l. de canton du dép. des Hautes-Alpes,
6 MÉMOIRES
et coherytier des byens de son père aveq Barthélémy Gay son
frère. Tl se fit appres chanoyne de l'esçlize catedralle Notre
Dame de Dye, coume par force. Pour ce que on (ne) le voloyt
estre reseu, il playdoya contre les chanoynnes et fit deux voyages
a Roume, d'où il apourta sa réception l. II fit ausy le voyage
de Nostre Dame de Laurette, et en rapourta en se pays le
modelle diceluy temple, et en fit fere a ces despans ung de
mesme fason, dans les cloytres de la grand esglize de Dye,
tout paint de rouge au dedens et le dehors eveque de lignes
blanches aveq une grosse croys de pierre blanche enlevée a
personnages, laquele sortoyt aultant dehors le couvert dudit
temple coume elle estoyt dedens, prennant son fondement dans
tere. Il fit fere deux puyts vers la tour Saincte Agathe aveque
des vouttes soubs tere de la longueur de cent pas pour avoyr
une fontayne, de laquelle il fit ung beau peschier audit S""-
Agathe, avec une garenne [de lapins et un beau pigeonyer 2.
Il fit entourner de muralhes une vigne de trante homes qu'yl
y avoyt," aveq pluzieurs aultres singularytés, car il estoyt home
1. Eft i433 les chanoines de Die, d'accord avec leur évêque Louis de Poi-
tiers, avaient fait un règlement pour déterminer les conditions que devaient
remplir les nouveaux chanoines ; ce règlement fut approuve par Eugène IV
en i43^. Ils avaient décidé que pour entrer dans le chapitre de leur cathé-
drale, il fallait être noble, docteur en théologie ou au moins bachelier, et de
plus citoyen de Die. Les bourgeois de la ville, enrichis par le commerce, pro-
testèrent contre cette exclusion et il en résulta une sorte de procès qui n'était
point encore terminé à Vépoque oi( Gabriel Gay sollicita son entrée dans le
chapitre.
2. Une transaction passée le i o juin /.s-^/ entre Gabriel Gay, chanoine
et Pierre Gay, prêtre, son neveu, nous fait connaître la nature des propriétés
du chanoine Gabriel Gay; nous y lisons : Gabryel Gay, débiteur, oblige et
yppothcquc . . aucl. mcssire Pierre Gay . . tous et chascung ses biens
meubles et immeubles . . . spécialement et expressément un sien, dud.
messirc Gabriel Gay débiteur, tenement, maison, tour, colombier, vinhe,
et jardin, ensemble assis dans la présente cité de Dye, lieu dit en Sainte-
Agathe, confrontant juxte les barris de lad. cité, juxte le cimetière et terre
de Sainte-Agathe, juxte la vinhe de Jean Engilboud marchand, juxte la
terre de Pierre Tier laboureur, appelé le champ de la foere, et aussy sa
maison qu'il tient en lad. cité assize au marché de la Pierre, confrontant
juxte la rue de la Pierre, du devant, juxte la maison de messires Sebastien
et Gabriel Gresse . . .
DES FRERES GAY. 7
d'esprit fort subtyl. Il parloj^t et escripvoyt du tout byen ,
estant home de belle prezance et grand' estature. Voylla en
soume ce que j'ay peu reculhir de sa vye.
ESTIENE
Estyenne Gay , sinquyesme fils de Katerin , fut de sa profession
de l'ordre des Jacoupins de Dye. Il fut fort savant home e doc-
teur en teologie, et prescha la croyzade i par pays, mesme a
Lyon et Avignon, et en beaucop d'aultres lyeus, ou il avoyt
presché aussi le caresme. Il fit bastyr un beau cors de lougis a
ces despans, dans ledit couvent. Il fît fereaussy les muralhes
qui envyronoynt tous les édifices, teres, vignes et jardins desdit
Jacopins a ces despans. Il se mesloyt de fere l'alquemye, car il
estoyt d'espryt fort subtyl. Il fut home grand et de très belle
corpuiance et byen morigyné. Il morut en Tannée myle cinq
cents sinquante huyt, eagé d'envyroncentans. Voyia en soume
ce que J'ay peu reculhir de sa vye.
Glaude
Glaude Gay, filhe de Kateryn, fut maryée à Loys Vergeyer
surnoumé le Digne de cete vylle. De elle heut deux filhes.
Marguerite
Marguerite Gay, segonde filhe et septyeme enfantdeKaterin,
fut femme de Vydal Durant de la Mote Chalanquon, duquel
elle heut deux fils, desquels l'un fut apotiquere e l'autre home
d'esglize.
Ce sont les enfens de la segonde generasion isus de Bar-
thélémy Gay et Philipe Poudrelle, de cete vyle de Dye,
sa femme.
Katerine
Kateryne Gay fut le premyer des enfens de Barthélémy.
Elle fut femme de Jean Roux, duquel le père estoyt natif de la
vallée d'Uyzant 2 en Dauphiné. Elle estoyt de moyenne taylhe,
1. // s'agit de la croisade, projetée au concile de Latran en i sn st pro-
clamée par Léon X le i3 mars 1518. Raynaldi. Annales ad an. 1517,
2. La vallée de VOisans. Les paroisses de Clavaus et de Misoéns furent les
8| MÉMOIRES
femme fort vertueuze et religieuze et boune conversasion.
Elle heut dudit Rous quatre enfents, savoyr : Pyere, Loudys,
Madelaynne, et Philipe. Elle mourut eagée d'envyron soysante
six ans.
PlERE
Pyerre Gay fut le segond enfend de Barthélémy et le pre-
myer des fils. Yl fut prestre habytué en l'esglize catedralle
Nostre Dame de Dye. Il fut des premyers de la religion refor-
mée en cete vylle et fit ung voyage a Paris, au retour duquel yl
apourta des lyvres touchant les prinsipauls points de ladite
religion, d'où l'oficyal de monsegneur l'evesque estant averty
le 1} L constituer prizonnyer coume luteryen, et eut hon beau-
cop de peynne de le sourtyr, car de ce temps la on brusloyt
et mai tirizoynt fort lesdit de la religion i. Il estoyt d'un natu-
premièrcs de ce petit pays à embrasser le Calvinisme. B. Fonnat écrivait de
Grenoble., le i 2 mars 1362, à Calvin pour le prier de leur envoyer des
ministres.
1. L évéclié de ^Jeaux, où iéveque Guillaume Briçonnet avait groupé autour
de lui un certain nombre de lettrés imbus des doctrines de Luther, peut être
considéré comme le premier foyer du protestantisme français. En /53 5, pen-
dant la captivité de François /<=', la réaction catholique contre les progrès
de l'hérésie occasionna le supplice de plusieurs protestants ; quelques années
après, en 1^28, François F", jusque-là protecteur des hérétiques, entra dans
le mouvement de réaction, et, chose étrange, pendant qu'il s'alliait au-dchors
avec les protestants d'Allemagne et les Turcs, il affectait au dedans un grand
\èle pour défendre la foi : on le vit poursuivre les hérétiques de ses Ftata avec
une rigueur impitoyable. Comme on le sait, ce fut Calvin qui donna au
protestantisme français sa forme définitive. Il publia en i ^36 à Bâle son
Christiana; religionis institutio (in-H", ^i^- pp.) et en i s^l son Inslruction
et confession de Iby dont on use en Lcgiise de Genève (Sans nom de /.,
J2/ d'imp., et sans date ; in-12, 46 feuillets chiffrés). L'apparition de ces deux
ouvrages marque le début d'une nouvelle époque dans l histoire de la secie.
Pierre Gay apporta sans doute de Paris ce dernier ouvrage, plus connu sous
le nom de Catéchisme de Calvin. Quoiqu'il en soit ce petit ouvra^^e se répan-
dit promptement en Dauphiné. En 1 ^4j , Henri II, après quelques hésitations,
redoubla de rigueur contre les protestants. Le parlement de Grenoble nomma
des commibsaires pour parcourir la province et Jaire leur procès aux ennemis
de la foi. C'est à cet état de choses que fait allusion notre manuscrit quand
il dit que de ce temps-là un brusloyt et martirizoynt fort lesdit de la
religion. Les archives de la Dronie (E, J/y^J ren/erment les expéditions
originales du quatre arrêts du parlement de Grenoble^ rendus a la suite dij la
DES FRERES GAY. 9
rel fort subtyl a enter et ediffier arbres, grand mesnager, n'es-
tant aulcLinement entaché de mondanyté ou ambysion, aultre
qu'a byen fere a ces parans. Son père le fit héritier par moy-
tyé aveq Anthoynne son frère, par ung codicylle : lequel du
despuys fit héritier sondyt frère, tant des byens qu'yl avoyt heu
de son perre, que de beaucop d'auitres, qu'yl avoyt a luy
wission de Jean Baronat. commissaire délégué par lettres du 24 août i ^-f-q.
Ces documents ont une réelle importance pour l'histoire d:s premiers temps de
la Réforme en Dauphiné. Le 3 décembre i =^4g. la cour de Grenoble jus^eant
Françoise Colombier, dite Brus'a. examinées les missives envoyées par
ladite Colombier a Jayme Chappuys. son mary, demeurant a Romans,
escriptes de Genève du 17 de septembre an dessus, et autres missives du
18 de septembre 1049 contenant plusieurs propos séditieux et scandaleux,
la condamne par contumace à être brûlée vive et en effigie en attendant.
Benoît Poignard est condamné, le J 6 décembre i^4q. à faire amende hono-
rable et à être fouetté pour blasphèmes proférés à Romans et à la Roc lie de-
Glun. Dans un autre arrêt, nous lisons qu3 Jehan Baronnat, conseiller du
roy . . commissère député . . par commission a luy donnée par lad. cham-
bre du 24'= jour d'aoust d'icy passé, par laquelle estoit commis pour es
villes de Romans et du Monthelimar et leurs environs informer sccrette-
mcnt contre les sectateurs et suspects contre les erreurs de la saincte
foy catholicque et la doctrine de nostre mère saincte Esglise et pour se
saisir des personnes qu'il trouveroit chargées desdits cas, instruyre et
faire leurs procès jusqu'à sentence diffinitive . . . ayant informé . . 'il)
auroit faict saisir au corps Jehan de Comier. dit Charmes, musnier de-
meurant aud. Romans, chargé dud. crime d'hérésie, a la requeste des
consuls, mariants et habitants dud. Romans, qui se .=eroient rendus
parties, joinct à eux le procureur gênerai du Hoy . . . . , la cour pour la
réparation desdits crimes a condempné et condempne led. Jean de Co-
miers dit Charmes, a suyvre la procession qui sera faicte un jour de
dimanche de l'esglise Saint-Barnard jusques au lieu du Mont-Calvaire
et ce teste et pieds nus, portant une torche de cire de deux livres ardente,
et au retour de lad. procession, devant la grand'porte de lad. Eglise, de-
mander a haujte voix pardon a Dieu, au Roy et a justice de ce qu'il
auroit follement, témérairement et indiscreteinent parlé des ymages faictes
pour la représentation des saincts et sainctes du paradis . . . Donné a
Grenoble, en parlement le seizième jour de décembre l'an mil cinq cens
quarante neuf. — Enfin, dans un quatrième arrêt, après avoir rappelé que
Jean Baronnat auroit faict saisir et prendre an corps Antoine Tavernol
et Jehanne Mailhette mariez, demeurant aud. Romans, trouvés chargés
dud. crime d'hérésie . . . , la cour, pour avoir heu par lad. Mailhette en
sa maison d'habitation et devers elle le livre intitulé : La forme des prières
ecclésiastiques , avec la manière d'administrer les sacrements et célébrer le
10 MÉMOIRES
aquys i. Il estoyt de forme grand, de corps maygre et vizage
fort blonde et de fort bon et gracyeus rencontre. Il mourut
en l'année myl cinq cents sinquante quatre, eagé de quarante
sinq ou six ans, de maladye. Voyla en soume ce que j'ay peu
reculhir de sa vye.
Antiioyxe
Anthoynne Gay fut le troyziemme enffent de Barthélémy et
le segond fils. Il fut bourgeoys, ne fayzant aulcun trafiq, mes
vyvoyt de son byen. Il se maria en l'eage de vingt ans a
damoyzelle Jeanne Brunele , filhe de noble Vinsent Brunel,
segneur de S' Maarisse en Triesves, de laquelle heut troys
enfents, savoyr Thomas, Claude et Glaude. Il aryva en troys
ans de suyte audit Anthoynne troys ynconvenyens, savoyr :
le premyer, la mort de Piere Gay son frère, la cheute de sa
mayzon, et la mort de sadite femme. Il fit rebâtir sa mayzon,
myeulx qu'elle n'etoyt auparavant, y fayzant fere des belles
mariage et la Visitation des malades, et le livre dict Le catéchisme de Ge-
nesve, faict par Jehan Calvin, qui sont reprouvés comme contenant pro-
positions hérétiques, a condempné et condcmpne lad. Mailhette a suyvre
pieds nuds et tenant une torche ardente du poids de trois livres la proces-
sion ordonnée a faire par arrest par lad. cour, donné entre lesd. consuls de
Romans,joinct aeux le procureur gênerai du Roydemandeurs en correction
de crimes et excès d'une part contre Loyse Arnauldc, dite Garanetle. de
l'esirlise deS' Barnard de Romans jusques au i\lont-Calvaire, estant hors
de lad. -ville et a assister a la messe qui la se dira et a l'amende honorable
de lad. Garanette, et lad. amende honorable faicte aud. AlontCalvaire
mettre le feu en un fagot de boys qui sera la mis a ces fins, et sur iceluy
fagot bruslés entièrement lesdits livres défendus, de quoy elle demande
pardon a Dieu, au Roy et a justice, et luy a lad. cour defïendu de doré-
navant tenir semblables livres ou aultres, et d'enseigner aulcunes filhes en
sa maison ou ailheurs, le tout sur peine de la harder, et quant aud. Ta-
vernol. la cour l'a condempné et condempné d'assister esdites processions
et amende honorable, teste nue, et en dix livres d'amende envers le Roy,
et en oultrc a condempné lesd. Tavernol et Mailhette es dépens . . . Donne
a Grenoble, en parlement le seiziesme jour de décembre mil cinq cens
quarante neuf.
1. Les registres du notaire Charrenci, que nous avons entre les mains, ren-
ferment un bon nombre d'actes faits en faveur de Pierre Gai/. C'était un
homme avant tout pratique : les controverses doctrinales ne l'absorbaient pas
au point de lui faire perdre de vue ses intérêts temporels.
DES FRÈRES GAY. 11
voultes et ung avyer de piere de taylhe. L'ocazion de la cheutte
de ladite mayzon avynt pour la faulte des massons, lesquels
batisant n"avoynt byen retenu ung soyr, de laquelle bon sourtit
pour la crainte de se quy aryva, et fit en cette nuyct ung
telorage de vents et mesme ung sy horible tonnere qu'esbran-
lant les ponchers, desquels bon avoyt retenu, la myt par tere.
En cete mesme nuyt le pont de S' Marsel tumba, quy du
despuys fut rediffiè par ung mason, qu'on apeloyt l'Alement,
quy estoyt ung très eselent ouvrier, et se maria en ceste
vyle 1 . Ledit Anthoynne fit rebâtir fort dilygement sa mayzon
paternelle, quy est en la rue Vyleneufve, aveq celle qu'yl
avoyt aquys des hoyrs de Martyn Malsang -, que confinne des
deux coûtés les mayzons des Davyds ^ et des Bertrands, et du
du devant ladite rue. du dernyer le vyol des Cordelliers, ou il
fit tere des salles, chambres, cabynets, le tout byen proprement,
1. Le 2 I juin i 55^, les consuls entretinrent le conseil de la ville de la chute
du pont Saint-Marcel.
2. La famille Malsang était une bonne famille de marchands. Antoine Mal-
sang, marchand de Die acheta, le 26 nov. i ^-f-i, de Sibile du Perrier., femme
de Charles Masse., un pré sur les bords de la Drame., i<oisin de celui de Chris-
tophe du Perrier, écu\er. Il avait épousé Marguerite .Masse, sœur de Charles.
et en eut : Jean., Jourdan et Marguerite Malsang. Cette dernière., après la
mort de son père, épousa le 6 sept. i^4^, Pierre Clerc, marchand de Die;
devenue veuve., elle se remaria., le s novembre i ^ss 0^- s.) à Antoine fils de
feu Louis Roy, marchand de Die : Antoine était le neveu de Jacques Roy
doyen de Die et de Claude Roy, chanoine. Ce dernier ayant pour agréable
ce mariage, assura à son neveu la propriété de sa maison, située au mandement
de la Pierre, près de celle de Gaspard Faure de Vercors. Jourdan Malsang
entra che^ les Dominicains de Die et fut un des huit religieux de cet ordre
qui apostasièrent à Die en i ^62.
3. Antoine David, chanoine de Die, testa le 1 1 juillet i4-S : il choisit pour
le lieu de sa sépulture la chapelle de Sainte-. Marthe dans la cathédrale, oîi
reposaient ses ancêtres, et fit plusieurs fondations pieuses en faveur des com-
munautés religieuses de la ville ; nous citerons entre autres la suivante :
Item do et lego conventui supra dictorum Fratrum Fredicatorum unum
prandium, anno quolibet dicto conventui lîendum, die festi beati Tho.ne de
Aquino, religiosis viris dicti conventus honorifice per heredes meos infra-
scriptos et in dicto prandio eisdem religiosis providere de pane, vino et
edilio bene et decentcr, perpetuis temporibus. // institua pour héritier uni-
versel Jacques David, son neveu, bachelier en droit.
12 MÉMOIRES
selon sa qualyté. Il se fît ausi bastir deux estableryes pour le
bestaylh, l'une en l'Aulmet, l'autre au Martouret, ausquelles
granges il fit pluzieurs aquyzisions, et notament il s'aquyt un
deveys en S'-Cor, vers la roche de Romeyer, aveq son frère
Piere Gay, duquel heurent beaucop de poyne de conserver,
pour ce qu'en cete anée les habitans desfricherent et ruynarent
tous les aultres boys et deveys du teroyr de Dye, coume on
voloytaussy fere de celuy-la, mes il playdoyerent fort et ferme
et furent condamnés les poursuivans, car il fut prouvé qu'yl
avoyt plus de deux cents ans, par en queste quy en fut fête, que
s'etoyt ung deveys et n'en a point d'aultre au teroyr de Dye 1.
Sa premyere femme estant morte par le moyen d'une saignyé,
que Caterin Segond sirurgien de cette vylle luy fît mal a pro-
pos, iine anée après se remarya a damoyselle Jeane Faure,
filhe de noble Jourdan Faure -, consegneur de Vercors, de
1. Un devès est un pâturage réservé et défendu.
2. La famille Faure de Vercors est une ancienne et noble famille du Diois^
qui a joué un rôle considérable dans notre ville de Die., au XV" et au XVI°
siècle. Le 24 septembre i36o Guillaume F . fondait une chapellenie dans Vé-
glise de Luc. En i433 Nicolas F . était recteur de plusieurs chapellenies et
en i44-^ Hugues F., sacristain de Die, recevait diverses reconnaissances.
Dans une révision des feux de la ville de Die, ordonnée en i4^o par Vév.
Louis de Poitiers, on voit que la famille Faure était alors divisée en plusieurs
branches; Vune avait pour chef Guigues F. : Guigo Fabri . . de nobili pro-
genic et est notarius ; l'autre était représentée par deux frères Aynard et
Marcel F. : nobiles et nobiliter vivcntes et acccdiint ad mandatum do-
mini (episcopij in armis. Dans une pièce de i4^2, ces derniers sont qualifiés
de neveux de Guigues F., notaire ; ce sont probablement les fils d'un
Guillaume F., notaire à Die en :42-j. Le ig mai i4~,3, Guillaume F., doc-
teur es lois, épousait dans l'église des Frères Prêcheurs, devant l'autel de St-
Sébastien, noble Claude Perdrix, fille de Pierre, seigneur de la Beaume-des-
Arnauds, qui avait une dot de 8 oo florins. A ce mariage furent présents Jean,
évéque de Laon et abbé de Valcroissant, Bertrand d' Urre, doyen du chapitre,
Jean Roux, prieur de St-Marcel, Girard Lautier, gardien des Frères mi-
neurs, Guigues Faure de Vercors, notaire. — Le 2H avril i4^i, Guigues
Faure de Vercors, citoyen de Die, passait procuration à ses fils Guillaume,
Jean, et Chabert, pour réclamer les biens laissés par feu Barthélémy, leur
frère, chanoine de Die, qui venait de mourir à Toulouse, durant le cours de
ses études. — Le 1 6 novembre i4^4, Jean Roux, prieur de St-Marcel, dimi-
nuait le cens que payait au prieuré noble Jean Raynard. Dans ce document
bES F-RERËS GÀY. iS
cete vylle, et de damoyselle Daufine de Prelles, tilhe de noble
Joachin de Prelles, segneur de Montgros et des Peschiers en
Vyvares, de laquele heut d'enfens. savoyr au bout de neuf
figure Jordan Faure de Vercors. camerarius dicti prioratus et prior de
Petra, Vapincensis dioecesis. — Par acte passé devant Jean de Poncia,
notaire, le 25 octobre i464, Jourdain F., coseigneur de Ravel et de Rousset,
aux montagnes du \'ercors. habitant de Die, épousait n. Pliilippa Chabert.
fille de n. Jean Chabert, de Curson ; Vépouse avait pour sœurs Jannette Cha-
bert, mariée à noble Antoine d'Arces, de Curson. et Fleurie Chabert, mariée
à Antoine Richarme de Vassieux, au mandement de Morestel. En 1 306, Jour-
dain F., qualifié le Vieux, n'avait point encore retiré toute la dot de sa femme
Philippa Chabert : il chargea son fils Antoine de terminer cette affaire. En
garantie de la somme de 248 florins qui était due à ses parents, celui-ci se
saisit d'une maison, située à Romans, rue Pailleret. Enfin le 1 février 1^08
(n. s.), pour mettre un terme à un état de choses qui occasionnait beaucoup de
frais, Jeannette et Fleurie Chabert^ avec le consentement d'.A.ntoine Faure,
eur neveu, vendirent cette maison de Romans à Guillaume Forest, marchand
de cette ville, pour le prix de 4oo florins. C est ainsi que les Faure purent
entrer en possession des sommes qui leur étaient dues. (Escoffiek, «o<. à Ro-
mans.)— En i4Hg. Lanthelme F., protonotaire apostolique, chanoine de Die,
de concert avec Jean F., son frère, demande grâce pour leur neveu Jourdain,
qui avait outragé les consuls de Die. Ce Jourdain est qualifié le jeune. —
Guillaume F. de V. achète en i ^36 des terres à Souchet et Lacondamine. —
Dénombrement fourni le 12 août i ^4o devant le vice sénéchal de Crest, par
noble Antoine F., coseigneur de Vercors, habitant à Die, qui déclare posséder
ez mandement de Quint et Pontaix, et Sainte-Croix des censés directes,
en grains, poules et argent, valant environ 25 florins de revenu, mou-
vantes du fief et hommage du roi Dauphin: plus au mandement de Ver-
cors, des cens en grains, poules et argent, indivises avec n. Jourdan F.,
son cousin, valant compris la juridiction et hommes justiciables qu'ils
avaient aud. lieu pour sa part environ 80 florins de revenu, qu'il tenait
en fief de lévêque de \'alence. (Inv. de la chambre des Comptes de Gre-
noble.j — Antoine Faure, coseigneur de Vercors, fit son testament à Die le 2
janvier 7552 (n. s.). Il choisit sa sépulture dans le cymetiere de l'église ca-
thédrale Nostre Dame de Dye. en la chappelle de Saint Maurice, ou gisent
et reposent ses parents trépassés, soubs la lampe d'icelle chappelle. Ses
oeuvres pies sont fort nombreuses et offrent beaucoup d'intérêt : il veut à sa
sépulture trei:je pauvres, dont huyt porteront huyt brandons cere pesant
chescung dymie lyvre. et lung d"iceulx pauvres portera treze antorches
pesant chascune deux livres cere, lesquelles seront distribuées comme
s'ensuit : premièrement deux aux frères prescheurs, deux aux frères cor-
deliers, une a S'-Pierre et une a Saint-Marcel, lesquelles seront alumées
incontinent faisant l'office de sadicte sépulture, lesquelles seront em-
BULLETIN f/HIST. ECCL. . . DE VaI ENCE. 'J
14 MÉMOIRES
moys qu'elle fut maryèe: Gasparet puys Danyel, Jean, Marye,
et Anthoyne, Ester et Marte ; laquele yl espouza en l'anée myl
cinq cents sinquante neut. Ledit Antlioyne fut eleu capitenne
ploiées pouralumer le précieux corps nostre seigneur et en seront alu-
mies deux devent corpus domini, aultre deux devent Tymage de nostre
daine incontinent estre arrivé et porté son corps dans l'église et ce pen-
dant qu'on fera l'office de sa sépulture. Plus sera balhé une desdites an-
tor;h-s au prebstre qui gouverne la chapelle de S' Maurice, laquelle
servira pour alluaier le précieux corps nostre Seigneur, quand on lèvera
a la messe led. précieux corps de n. s., et les aultres deux antorches
ordonnées estre balhées au procureur de la confrérie de Corpus Domini
pjar pjrter au devent de Corpus Domini quant on portera es malades.
Eu en ouicre doa.ie a la confrérie d^ la saincte Trinité de lad. église de
D/& une livre cere pour la luminere de la messe de lad. confrérie pour
uuw fois. Itc.n vjult et ordonne que desdits treze pauvres, qui seront
cnoysii des plus pauvres que l'on porra trover en la ville par son héritier
et exeqateur, quatre porteront sondict corps a la ecclésiastique sépul-
ture et feront la fosse de sa cepulturc et a chescung desd. treze pauvres
sera oalhé et expjdié de ses biens une robe de drapt de pays, jusques a
deu c aulnes et dymie, faictes, et ôultre ce donne et lègue aux dits quatre
pauvres, qai le pjrteront, un tlorin ec leur disner ou soper, ordonnant
en oultre que sond. corps soit gardé après son dessès vingt quatre heures
en sa maison, sans qu'il soyt ensepvdli. Item veult et ordonne que bien-
lost après sond. dessés soyt dict lepsaultier par quatre prebstres lesquels
trestous diront dévotement, comme il apartient, en rémission de ses pé-
chés, de ses parents dessedés, et sera livré a chascung desd. prebstres six
sols pour une foys. Item . . detfend que il ne soyt faictes ne portées sur
sond. corps ne es antorches aultres armes que le nom de Jehsu Maria.
// veut qu'on convoque à ses funérailles tous les prêtres séculiers et réguliers
de la ville, qu'on fasse aux pauvres des aumônes en miches et en argent. Il
veult que il soyt dite perpétuellement une messe, tous les vendredis de la
sepmene, . . des cinq playes de N. S. Jhesu Christ en l'autel de S' Nycolas
en la chapelle de S' Maurice de lad. église de Dyc, pour laquelle payer
a ordonné oalher . . six ilorins monnaie courante de pension annuelle que
faict EsLienne CoUin de Dyeaud. testateur. Après avoir réglé les messes et
les prières qui devront être dites immédiatement apri's son décès et lors de son
anniversaire, il fait un legs de trois florins de pension annuelle à l'hôpital de
la Croix et d'un florin de pension a chescung des hospitaulx de porte
Englene et de Sainct Marcel de lad. ville, . . et ce pour acheter du boys
es pauvres desd. hospitaulx pour se chauffer. Item et en remission desd.
péchés de sesd. parents trépassés veult et ordonne estre dicts deux tran-
tenaires gregoriaulx par vénérable frère Eynard Malsanc religieux du
couvent des frères mineurs et messire Pierre Durin prebstre curé de
DES FRÈRES GAY. 15
des esleiis, que le Dioys mandoyt en Piemond pour le servyce
du Roy, lesquels y conduyzant tumba malade a Brianson et luy
falut retourner. Il heut en son temps de très belles charges et
l'église cathédrale n. D. de Dye. dans l'an de sond. dessès et a chescunfi'
desd. religieux et curé sera offert . . . cinq florins monnaie courante. Jl
prescrit ensuite certaines dist'-ibutions à faire aux pauvres dans les paroisses
de St-JuUien. St-Martin. la Chapelle et St-Agnan de Vercors, et dans celle
de Mention. Il lègue cinquante florins à Bonne Vergère, sa chambrière, to
autres florins à Philippe Vergère, son autre chambrière, sœur de la précé-
dente, et 1 0 autres florins à Madeleine Blayn, fille de Gaspard Blayn, afin
d'aider ces ti^ois pauvres filles à se ma>-ier. porveu que icelles filhes soyent
sages et vivantes en filhes de bien. // l?gue a chescune des malaptières
de Die, pour une foys, ung florin, payables icontinent après son dessès.
chargeant iceulx pauvres des malaptières prier Dieu pour son ame. //
donne à demoiselle Jehanne Chastilhone. femme a Claude Chypre, scuycr
de Chastilhon. filhe a feu damoizclle Magdaleine Faure, fille dud. testa-
teur, cent florins monnaie courante, a Jehan Chypre cscuyer et Claude,
fîls et filhe de feu demoizelle Charlote filhe en son vivant de lad. demoi-
zelle Magdaleine Faure de Vercors filhe dud. testateur, a chescung d'eux
la somme de cinquante florins . . . Il donne et lègue à demoizelle Loyse
de Beauchastel sa femme, vivant viduelement, . . douze sestiers froment
mesure de Dye payables tous les ans a chescune fcste de S' Laurens. plus
six charges de bon vin. du vin du creu de ses vinhes bon et recepvable,
deux charges du premier venant de ses tines payables tous les ans a sad.
femme en temps de vinéson . . . : en oultre tous les ans troys bannastés
noys. une charge pomes. une charge poires, quant en aura a son vergier
près la porte S' Marcel et un fays de femme raysins pour prendre tous
les ans. . . // assigne à sa femme, pour son habitation, et sad. vie durant,
vidualement comme dict est vivant, tout le ault de la mayson. que fut
de feu messire Gaspard Faure son frère, avec la botique dicelle, assize
en la présente cité de Dye, au mandement de la Pierre, jonhant a la rue
publicque du devant, la mayson de messire Claude Roy, chanoine, la
mayson de Jordan et Jehan Malsanc. avec son entrée et sortie que poura
faire sad. femme par la grand'porte. Enfin, il institue pour son héritier uni-
versel Gaspard Faure de Vercors, ccuy^er, son fils naturel et légitime, auquel
il substitue, en cas de mort sans postérité, Jacques Chypre, fils de Claude
Chypre scuyer et de damoizelle Jehanne Castilhonne, sa mère, fîlhe a feu
Magdeleine Faiire, filhe en son vivant dud. testateur, et sera tenu led.
s. Jacques Chypre substitué, le cas advenant, venir habiter a Dye. en la
mayson dud. testateur et porter les surnoms et armes dud. de Vercors,
aultrement la substitution n'aura point de lieu, et si led. Jacques Chypre
substitué descede . . sans enfants masles légitime et de légitime ménage
procréés, substitue l'aultre enfant masie qui sortira desd. Claude Chypre
16 MÉMOIRES
ofices , notament il fut coryer sinq anées de Monsieur de
Valance en cete vyle, sergent majour six années en deux foys,
gouverneur deux anées a Espenel, soubs l'autorité de monse-
scuyer et Jehanne sa femme, plus vieulx : et si led. enfant plus viculx
dcsd. Chypre et Jehanne sa femme meurt sans enfant masle légitime . . .
substitue le survivant enfant masle desd. Claude Chypre et Jehanne
Chastilhone sa femme, et cas advenant que iceulx Claude et lad. Jehanne
ne heussent aucuns enfant masle, substitue en tous sesd. biens Jehan
Chypre fils de Frances Chypre scuyer et de Charlote Chastilhonne son
aultre niepce descedée avec les conditions susdites . . Il désigne pour ses
exécuteurs testamentaires Jean de Beauchastel. chanoine, et Jordan Faure
de Vercors écuyer, coseignew et parier du Vercors, son cousin. (Charency,
not.f" g^ v'-i0 2. Archives de M. de Félines, à Die). Gaspard Faure de V.
mourut sans enfant ; c'est lui sans doute qui fut tué le 4 novembre i S7-^' frè*
de Saillans (Voir plus haut, p. ^y). — Jourdain Faure de V., cousin d'An-
toine, dont nous venons de donner le testament, avait épousé Eléonore Blayn.
Le :4 mars 153.^ (n. s.), il transigeait., au sujet des biens de sa famille, avec
son frère Jean, qui s'était fixé à Tarascon. Antoine F. de V.,fils de Jourdain,
était consul de Die en 1571. avec Jean de la Morte ; nous avons un registre
de reconnaissances passées en sa faveur, en 1374. Il parait être mort avant
l'année i ^g4. De sa femme Philippe de Sauvain du Cheylard., il laissa Lu-
crèce, épouse de Gaspard de Reynier, et Jean Faure de V., qui épousa, le
17 septembre i6or, Melchionne de Reynier, fille de David, sieur de Cha-
rens. Jean F, de V., mourut vers 1650, laissant : i' Gaspard, sieur de St-
Agnan ; «>• Jean : 3* Louis-Antoine, qui épousa Françoise Hugon ; 4° Daniel,
sieur de la Chapelle ; 5° Alexandre, qui suit ; 6» Hortense, qui épousa vers
1660, Jean de Reynard. sieur de St-Auban. Alexandre F. de V. épousa vers
167s Hélène de Ro^et, de Genève, et en eut trois fils, morts sans postérité, et
une fille, Marthc-S ira, qui hérita de ses frères : celle-ci épousa César de
Jouven. sieur de la Blachette, et fut mère de Claude- Alexandre de Jouven,
chevalier, capitaine au régiment de Tallard, vers lyi^o. (Archives de la
Drame, B, io43, /118, 1127,, "'-^'J^ i i4g ; E, 787, 2646, etc. Cf. Fihhnr.
Essai hist. sur le Vercors, dans Bullet. de la soc. arch. de la Urômc, t.
XX (18^6), p. =^6-60 ; i8o-4.) — Jourdain F. de V., époux de Dauphine de
Presle, fut père de : i" Gaspard F. de V., qui épousa Claude de la Tour-
rette ; il transigea le 3 août 1 ^^'^^ ai'ec Bonaventure Clotereau, Jean et
Gaspard Guillet, meunier, au sujet des moulins qui étaient sous les murs de la
ville de Die; — 2- Jeanne F. de V., épouse d'Antoine Gay ; 3'> Louise, qui
épousa Claude Cati, avocat, fut mère d'Anastase Cati, chanoine de Die, de
Pierre Cati, avocat, époux de Blanche dWrces et de Louise Cati, épouse de Da-
vid Roy ; ~ 4" Madeleine, épousa André Frayse, eut une fille Jeanne Frayse,
épouse de Louis Fscoffier, not. à Die. — La fatnille Faure de \'e)cors avait,
paraitil, quelques brançhçs fixées dans le Vivarais \ elles venaient peut-être
DES FRÈRES GAY. t7
gneur le Prince de Condé, procteteur des esglizes reformées
de la France, et monsieur de Montbrun gênerai d'icelles en
Daufiné. Il fit le voyage de Guyenne en l'armée des princes
de ce Jean F. de V.. que nous avons vu établi à Tarascon. i>ers le milieu du
XV'I'' siècle. Quoiqu'il en soit, le 3i mai i8o^_, nous trouvons un arrêté de
compte entre Pierre-Etienne-Armand Faure d'Esparre, ancien militaire, de-
meurant à la Palud, et Louis-Justin Faure de Vercors, son frère, demeurant
à Pierrelatte. en présence d'Etienne Faure leur oncle, demeurant à Bollène ;
ils étaient fils de Louis Faure, juge royal à Pierrelatte, en tjS^,. Louis Jus-
tin F. de V., époux de Marie Boschier. avait à Pierrelatte un domaine de 8%
hectares, appelé le grand Frevcinet, qu'il vendit en rS23, cent trente et un
mille francs, en grande partie délégués à ses créanciers. Son fils, Etienne-
Gustave F. de V. avait épousé à Lvon, en 182^, N. Mistral. Un nommé
Faure de Vercors, qui habitait Saint- Montant, est mort vers 1880. laissant
un fils, né vers iS-f'S. employé dans les chemins de fer. Enfin une branche des
F. de V.. celle des marquis de Satilieu et de St-Sylvestre était fixée en Vi-
varais. (Cf. de la Roqle. 1^' suppl., p. 2^.) — Cette note sur les Faure de
Vercors, déjà trop longue, demeurerait néanmoins fort incomplète, si nous ne
disions quelques mots d'un personnage de cette famille, qui jouit un moment
d'une triste célébrité : nous voulons parler de Jean Faure de Vercors, de Die,
religieux de l'ordre de St Benoît, abbé de St-Jean d'Angély, qui fut accusé
d'avoir empoisonné Charles de Guyenne, frère du roi Louis AI : on sait que
ce jeune prince mourut à la fin de mai r4j2, d'un mal que les médecins du
temps ne connurent point. Dans ce temps là, dit M. de Barante (Hist. des
ducs de Bourgogne, t. 17, p. 2j6), il était rare losqu'un prince mourait,
qu'on crût que c'était de mort naturelle : ils avaient une telle haine les
uns pour les autres, si peu de foi, des serviteurs si corrompus et si dé-
loyaux, une volonté si absolue, une dévotion si idolâtre, qu'on pouvait
sans leur faire un grand tort leur attribuer les plus méchantes actions.
Le roi Louis XI ne fit peut-être pas mourir son frère, mais personne ne
pensa qu'il en fût '\Tica.pah\c. Se faisant l'écho des rumeurs publiques, les
chroniqueurs racontent que Louis XI, pour commetttre ce fratricide, se servit
de l'abbé de St-Jean-d'Angély et d'un certain Henri de la Roche. Thomas
Basin iHistoriarum Ludovic! XI liber tertius. Edit. de la soc. de l'hist. de
France, p. 286) s exprime en ces termes : Volcns fratri sui obsistere cona-
tibus eumdemque impiis nimium atque sceleratis actibus prœvenire, de
extinguendo eumdem dominum Carolum vencficio cogitavit. Corrupit
cnim duos de ejusdcm fratris sui domesticis qui prœ cœteris omnibus ei
familiares erant et de quibus plurimum confidebat. Quorum alter appel-
labatur Jordanus Faure, dictus Vercors, monachus ordinis sancti Bene-
dicti, oriundus de civitate Dyœ in Delphinatu, cui idem dominus suus
obtinere solemnem eam abbatiam Sancti Joannis Angeliaci et eleemosi-
narium suum eum fecerat. cum quo ctiam quotidie horas canonicas le-
18 MÉxMOlRES
volonterement, ou il demeura deux ans II souffryt beaucop de
travauls et despances pour la guère et. a vescu tousjours
prcudhomalement et sens reprehension, set fet une belle
g-ebal ; alteri nomcn eral Henricus de la Roche, qui scutifer erat coquiiiae
cjusdem Domini. Hos quippe duos, velut idoneos tam nefando opori mi-
nistres, promissis alquc muneribus rcx pellexit ut benignissimum domi-
num suum, adhibitis quibusdam sortilegiis et male'nciis arlibus, veneno
extinguereni : quemadmodum et fecerunt. Dans un manifeste daté du camp
devant Beauvais, le i6 juillet i4-2, Charles le Téméraire n'hésitait pas à
rendre Louis XI responsable de la mort de son frère \ nous y lisons : Notre
dit frère de Bretagne et autres nous ont signifié . . . mondit sieur de
Guyenne n'avoir pas seulement été destitué de sa duché de Guyenne,
mais aussi de sa vie piteusement, par poison, maléfices, sortilèges et in-
vocations diaboliques, ainsi que frère Jourdan Faure, dit de Vercors,
religieux de Tordre de St-Benoît, natif de Dye au païs de Daulphiné.
conseiller et aumosnier de feu mondit sieur de Guyenne et Henry de la
Roche, écuyer de cuisine d'iceluy fou seigneur, l'ont en jugement connu
et confessé au lieu de Bordeaux par devant l'archevesque dud. lieu, frère
Roland le Croisic. inquisiteur de la foi. . . . Brantôme et une foule d'écri-
vains ont reproduit ces récits, en v ajoutant mille détails plus invraisemblables
les uns que les autres : du reste ils se contredisent en bien des points. L'un
raconte que Vabbé de St-Je.in- d'.imj^éh- se servit d'une pèche empoisonnée :
comme elle était plus empoisonnée d'un côté que de Vautre, c'est pour cela,
dit-il. que Colite de Chambes. la maîtresse de Charles de Guyenne, qui en
manfcea avec son ammt. ninurul la pronière. et celui-ci cinq mois après.
L'autre narre deux anpoisonnjments successifs, cehii de Colette, et quelque
temps après, ceiii du prince. D'après celui ci la scèn? se serait passée à Saint-
.Jean ; d'après celui-là à St-.Sever. Ce qui est cjrtain. c'est que les deux incri-
minés furent arrêtés, interrogés à Bordeau.w et. lors de l'occupation de la
Guvjnne par le roi, transférés à .\ant.'s. oii le duc de B'-eta^^ne fit continuer
leur procès. L'instruction n'amenai a icune découverte. .Jourdain Faure mou-
rut en prishn ; le sort de Henri de l j Roche est resté inconnu. DWrsçentré
dans son Histoire de Bretagne, et B)uchet, dans ses Annales d'Aquitaine,
disent que l'abbé de St Jean-d'Angély fut enfermé dan^ la fjçrosse tour de
Santés et que le s^eôlier donm avis que depuis que cet abbé était dans cette
tour, on y entenialt toutes l:s n.tits des bruiis hn-rib!es. . . Ces deux auteurs
ajoutent qu'une nuit le tonnerre étant tonbé sw Li lour. l'abbé fut trouvé mort
le lendemain, éteniu dans la pLice oii il coicliiit, la tête et le visao^e enflés,
noir conme un charbon et la linjue hors de la boiched'un djmi pied de long.
Cela veut dire qu'il fut étranpçlé. Anjourd hui to tt concourt à établir que l'in-
fortuné .Jourdain Faure de Vercors n'est qu'une victime, parmi tant d'autres,
de iignorance et de la perfidie de .wn siècle. L'accusation a retenti long-
temps dans l'histoire, dit M. Dareste (Hist. de France, III, 22^). Elle a
DES FRÈRES GAY. 19
generasion et aquys des byens pour vivre honestement. Ice-
luy fut de riche taylhe, nerveus, maygre, fort blonde en sa
cheveleure et barbe, de complesion for colérique et de naturel
robuste et grand travaylh. Il se trouva aus bataylhes de
Vovriaset Montcontour, Jarnaqet en pluzieurs aultres factions
de guère. Il naquyt en l'anée myl cinq cents treze, coume il
m'a aseuré, et est decedé le jeudy xi du moys de mars en l'an
myl cinq cents nouante neuf, ayant ataint l'eage de quatre
été adoptée et propagée par des écrivains légers, comme Brantôme, qui y
a trouvé matière à plaisanter sur ce qu'il appelle la gentille industrie de
Louis XI. Au fond elle est discréditée par sa propre invraisemblance ; le
manifeste, publié par le duc de Bourgogne, était une machine de guerre
et l'opinion ne paraît pas s'en être émue, au moins sur les terres du roi.
Colette Je Chambes ne se crut pas elle mime empoisonnée, et surtout par
Jourdain Faure, puisqu'elle le nonuna un de ses exécuteurs testamentaires.
Ce ne fut qu'après la mort du duc de Guyenne que l'auteur du prétendu
crime fut poursuivi. Enfin dans le Bulletin de la société des archives hist.
de la Saintonge et de l'Aunis (t. IV. i8S3, p. l'/i)., nous lisons un curieux
et savant article du D' E. Turner qui réhabilite la mémoire de Jourdain
Faure ; il se termine par une note sur la nature du mal, dont se trouvait at-
teint Charles de Guyenne. Voici cette note : Mon ami le D'" E. Brissaud,
dans une note fort bien faite de la Gazette hebdomadaire de médecine et
de chirurgie, (1882, p. 199,) est porté à supposer que cette maladie de
langueur n'était autre que la vérole, et que Mad. de Thouars (Colette de
Chambes} aurait bien pu avoir le même mal. Il cite d'une part ce passage
de la relation de l'entrevue de Charles duc de Bourgogne avec l'empereur
Frédéric IIl à Trêves, en 1473, par Arnold de Lalaing'Germanicarum re-
rum scriptores de Marquardus Freherus. Argentorati, 1717, t. II, f" 305),
qui est reproduit dans le t. III, p. 261 des Mémoires de Philippe de Com-
mines (1747, in-4°/ : « Ipse frater (Ludovici XI) proximis annis miseranda
peste consumptus mortem obiit. /Egrotabat graviter et morbi ignoto gé-
nère ; decidere ungues, capillique detluerc . . » ; et d'autre part cette
phrase d'un rapport transmis au roi et contenu dans la collection de Bé-
thune, sur ce qui se passait dans la maison du duc de Guyenne, au com-
mencement d'octobre 1471 : « L'un des serviteurs de mond. seigneur dit
que tous les huit jours il convient de saigner la dame de Thouars du
dedans des banlysvres (basses lèvres) et que son sang est le plus mauvais
du monde. » Cette maladie d'un genre inconnu à cette époque et qui
avait pour symptômes apparents la chute des ongles et des cheveux était
bien probablement une des manifestatians isolées du tléau, qui devait
vingt-cinq ans plus tard exercer ses ravages à la fois sur l'Allemagne, la
France, l'Espagne et l'Italie.
20 MÉMOIRES
vingts six ans, et damoyzelle Jeanne Faure sa femme et ma
mère deseda le mardy auparavant ix dudit moys de mars et
audit an 1599, ayant ataint l'eage de soixante troys ans et les
ay fet inumer au simentere S'-Piere, hors la vylle, l'un jou-
gnant l'autre. Dyeu leur aye fet paix.
Est Y EN E
Estyenne Gay fut le quatryesme enfent et le troyziesme des
fils. Il fut fet moynne et du despuys sacristain et chamarier
de fabaye de S' Marcel les Dye, de l'ordre de S' Benoyt de
Cluny . Après avoyr poursuyvy le cours de ces estudes au colege
de S' Martyal en Avignon, ala paser ses ordres a l'abaye de
Clugny, d'où leur ordre et resortisant, fut du despuys prieur
de Rouzans. Il estoyt home de petite stature, barbe chastagnée,
et le poyl de la teste noyr, maigre et composé d'un bon et
subtyl espryt, bon grandmayryen, s'aymant fort a l'agricul-
ture, étant fort entendu a planter et enter arbres de pluzieurs
fasons. Le plus grand playzir qu'on luy pouvoyt fere, s'etoyt
de l'employer a quelque choze et notament a enter, ou il s'apli-
quoyt d'un bon cœur. Il estoyt de complesion fort mélancolique,
home payzible, debonnere, de bon rancontre, parlhant peu,
pasiant, soyprizantpeu, tousjours vêtu fort honestemeut selon
son ordre, prizant sa vocation, menant vye austère, sans deles-
ser. Il mourut en l'année myl cinq cents huytante six, au moys
d'aoust, d'une peste quy fut en cette vylle et generalle au Dau-
finé, de laquele mourut la moytyè du peuple et en cete vylle
byen de quatre a sinq mylle personnes, et oultre ce la guère et
famyne, quy estoyt par tout le rouyaum.e, ayant ataint l'eage
de soysante sept ans, et vescu sans reprehension tout le temps
de sa vye, s'en ala a Dyeu. Voyla ce que j'ay peu reculhir de sa
vye.
Jeanete.
Jeanete Gay fut le sinquyesme enfent et la segonde filhe de
Barthélémy Gay. Ele fut belle, de fase blonde et de moyenne
grandeur. Elle fut maryce a Jame de Coursanges 1, blanchier
1. Le 3o octobre i ^4'). Gabriel Gav. chanoine de ré^l. catliéd. \.-D. de
DES FRÈRES GAY. 21
de sa profesion en cete ville, de laquelle il heut troys enfens,
savoyr : Juh'e, Jean-Anthoyne, et Jaques. Elle vesquyt en son
vevage fort honestement, ayant ataynt l'eage de sinquante six
ans mourut de maladye, en sa mayzon . en la rue de l'Armelerye.
Marguerite
Marguerite Gay fut le sixième enfent de Barthélémy Gay et
troyzieme filhe, laquelle fut maryée a la Mote Chalancon. ou
elle mourut de la peste, aveq son mary et tous ces enfents, sans
qu'yl demeura aulcun de leur generasion.
Memoyre des contrats fets E^• LA fabveur de Barthélémy
Gay a Dye.
Mariage de M' Barthélémy Gay et Phelipe Poudrel i,de Dye,
resseu par M" Anthoynne Gharensi ou Guylhaume Marye
noteres de cette vylle en l'année et couché au lyvre D, a
feulh 44.
Dounasion de M^ Barthélémy Gay resseue par M" Anthoynne
Charensy ou Guylhaume Marye au lyvre Q, folio 187.
Instrument en la fabveur dudit Gay, resseu par les quy desus
en leur lyvre Q, folyo 82.
Quytance ex expulsion de sinq flourins pansion, fête par
GabryelGay, frère dudit Barthélémy, au chapitre Nostre Dame
de Dye, expulsée par ledit Barthélémy, causion dudit Gabryel,
de la tour et vigne de S'* Agathe, resseue par M*^ Anthoyne
Charensy, en l'an 1545, f» 224, 1. M.
Die, reconnaît eslre tenu de payer a discret homme Jame Corsanges,
mercier habitant a Dye ... la somme de cinquante cinq florins, monnaye
petite courante d'onze sols pour florin et quatre liards pour sols comp-
tés. Il consent à ce que cette somme soit hypothéquée sur son tenement, co-
lombier, tour, vinhe et jardin jonhant ensamble, assis dans les muralhes
dud. Dye, lieu dit en Saincte Agathe, confinant juxte lesd. muralhes de
lad. ville de Dye, juxte l'église et cymetiere et terre dud. prioré de Saincte
Agathe, juxte le champ de la foere, juxte les vinhes de Jean Engilboud.
Charrency, not. Louis Coursanges fut un des dominicains de Die, qui en
j 562 abandonnèrent leur ordre et passèrent au calvinisme.
1. La famille Poudrel fut une des premières à embrasser la Réforme. Elle
avait pour chef en 1 50g Antoine Poudrel, et a fourni un siècle plus tard un
professeur à Cuniversité protestante de Die.
Bulletin d'hist, eccl. . . de Valence, 3
22 MÉMOIRES
Codicylle dudit M' Barthélémy Gay, fayt en la fabveur de
Piere Gay, son fils, reseu par M' Gaylhaume Maryedu 4'= jour
du moys de septambre, anée 1537.
Tranzation et acort, fet et pasé entre Barthélémy, Petrony
et Gabryel Gays, frères, des byens et héritage de feu Katerin
leur père, resue par M' Gaspard Reymond notere de cete vylle
de Dye, le 22 de mars, anée 1509
Achept d'une terre, aquyze par M'= Barthélémy Gay notere,
située au Martoret, aquyze de Jean et Anthoynne Fournier
frères, qu'et leur tenement audit Martouret, consistant en teres,
prés, boys, vignes et hernies, situés au Martouret ou la Gelyne,
resseu par M^ Humbert Morel, notere de Dye, du 23'= de aoust
1536.
Testement de M' Barthélémy Gay, notere en son vyvant de
cette vylle, resseu par M= Guylhaume Marye, du 3' jour du
moys de septambre 1537.
Instrument de fundassion de mese, fayt par dom vénérable
Thomas Gay, sacrestain et chamarier du prioré St-Marcel les
Dye, au profit des religieus nous servent a ToGazion du tene-
ment du grangeage de l'Aulmet, rescu par M' Anthoynne Cha-
rensy, notere de cete vylle, le 8" nouvambre 1541 .
Achept de M^ Barthélémy Gay d'une vigne en Beqausel ou
Larenyer, delà le pont S' Vynsant, aquyze de feu Gateryne
Masse, femme de Fransoys Grossy, confrontée en l'instrument
resu par M'= Balthezar Grymaud, notere de cete vylle de Dye,
du 12' jour du moys de janvyer, 1530.
Ce sont les enfens de l.\ troyzieme generassion ISUS DE
Antoynne Gay et Jeanne Brtinel au premyer lyt et de
Jeanne Faure au second lyt ses femmes et expouzes
Thomas.
Thomas Gay fut le premyer des enfents de Anthoynne Gay,
de la troyzieme generasion, et naquyt en le monde le 28'' de
may 1547. Il fut batizé au comansemcnt de juin. Son paryn
fut domp Thomas Gay, sacrestain et chamaryer du pryeurc S'
Marcel les Dye ; sa marynne fut dame Margueryte Bruyère,
femme du sire Fransoys Bertrand. Il heut pour presepteurs en
DES FRÈRES GAY, 23
son temps M' Pancrasy Aimeras de Rouzans, M* Jean Baron,
de Gascongne, et M' Ervens.fransoys de natyon l , etserandyt
1. Dans le registre des conclusions de la ville, 7ious voyons sous la date
du j 2 juillet iS57i qu'on prit pour maître d'école Jchd^n Baron, d'Avignonet,
près de Tholose, aux gages de cent florins. Il parait que celui ci était déjà
imbu des nouvelles doctrines. Au mois d'août i $5^, le vicaire général de Vé-
véque s'émut de certaines réunions tenues à l'école. Dans le registre cité., nous
lisons au 28 août : Ont dit comme messieurs des écoles huy lesoient
une lecture a l'escolle ou il y avoit plusieurs gens, et avoir dict monsieur
le vicaire l'a envoyé quérir, et il luy a dict qu'il avoit presché l'epistre :
sur quoy (le consul) a dict avoir faict appeler le conseilh pour scavoir
quel ordre on y doibt donner. (Le conseilh) arrête que led. recteur des
escolles lise a ses escolliers come bon luy semblera et qu'il ne permecte
qu'aultres y alhent, et que l'on le luy dye, et en prendre acte pour eulx
servir come de raison. Nous avons déjà fait remarquer le râle des maîtres
d'école dans la révolution religieuse du XVI« siècle. Au mois d''octobie, le dif-
férend entre le vicaire général et le maître d'école n''était point apaisé ; celui-
ci, fort de l'appui du conseil devenait de plus en plus audacieux : le conseil
intervint de nouveau. Le 2 1 octobre : ont parlé des propos tenus entre M.
de Pennes (vie. gén.) et le maistre des escolles et quel ordre on pourrait
donner pour les appoincter . . . (Le conseil) conclud d'eux prendre garde
du maistre des escolles, et s'il ne faict ce qu'il doibt d'en faire prendre in-
formations et que M. de Pennes se doibt contenter de ce qu'il dit ne
lavoir desmenti. Cette solution n'était pas de nature à contenter le vicaire
général. L'année suivante., le 28 avril, les écoles de Die furent confiées à An-
dréas Pomet aux gages de cent florins ; le conseil décida qu'il aurait un se-
cond, que ceulx de la ville ne payeroient rien et que les étrangers payeroient
deux sols par mois. Les écoles à Die, comme dans plusieurs autres villes de la
province, continuèrent à être le foyer des nouvelles doctrines. En i =^60, le 6
avril, le conseil se réunit : aussy a esté proposé par messieurs les consuls
des assemblées qu'on faict a Valence, a Crest et aultres lieux, et qu'ils
ont somé le maistre d'école de ne recepvoir aulcungs estrangiers ne ceulx
de la ville, ormis les escolliers, et hier avoir somé monsieur le juge et
luy présenter toute ayde et fabveur au nom de la ville et de luy révéler
toutes assemblées. Et luy le sieur juge leur a parlé du maistre des es-
colles de luy balher congé. Les conseillers ont dict ne scavoir aulcunes
choses pour estre contre led. maistre d'escoUes et que M'' le juge, s'il verse
mal, qu'il le fasse connaistre, come de raison. Jean Baron, que nous avons
vu priver de son emploi de maître d'école en 1 558, n'avait point quitté la
ville, oit il faisait une active propagande en faveur des nouvelles doctrines ;
le 1 1 février 1 561, le conseil décide de l'expulser de la ville : ont parlé de
se prendi-e garde qu'on ne fasse point d'assemblées illicites de nuyt, ne de
jour, et comis a messieurs les consuls de parler aud. Baron et au beaufils
24 MÉMOIRES
aveq eus bon grameryen. Il fat mys chés le sire Anthoynne de
la Biulme i et sire Jean Martig-naq, en l'eage de seze ou dix
de Dorier de leur enjoindre de vuider la ville en bricf. Les conseillers se
décidaient enfin à cette mesure, dans la crainte de recevoir la visite de La
Motlie-Gondrin. Ces curieux détails, que nous pourrions multiplier, suffiront
pour nous faire entrevoir comment le calvinisme s'est infiltré dans notre ville.
1. Un curieux travail serait de dresser la liste des marchands dauphinois
du A'F/« siècle, qui, parvenus à la fortune, ont fait souches de gentilshommes.
Antoine de la Baume, marchand de Crest, avait épousé Jeanne de Broc; il
laissa : /» Pierre delà B., reçu conseiller au parlement de Grenoble le y^'"
juillet I ^g4, qui eut pour fils autre Pierre, reçu conseiller an même parlement
le 3o décembre 162g. i'" Gabriel qui suit. 3' Bon de la B., baptisé le 12
novembre i s^^t dont le parrain fut Bon de Broë, conseiller du roi, président
aux enquêtes du parlement de Paris, et la marraine, Anne Coste, femme de
Pons Bruyère, autre marchand de Crest, dont les descendants furent anoblis.
Il fut juge royal et épiscopal de Grenoble, et reçut en janvier 161^ des lettres
portant concession de noblesse en sa faveur. D'Isabeau Basset, sa femme, il
laissa : Alphonse, conseiller au parlement ; Ignace, qui testa en i6SS ; Pierre
chanoine de Die, et Françoise, épouse dWntoine de Dorne. 4" Marguerite,
baptisée le 26 décembre i ^84. ~ Gabriel de la B. épousa le 4 avil i6o4
Catherine de Pluvinel, fille unique de Jean de Pluvinel et nièce du célèbre
Antoine de Pluvinel (Rochas, t. I, p. 255-7;. ^' /"^ maître ordinaire en la
chambre des comptes et mourut le 22 octobre i 64i , père de : 1° Antoine, qui
suit \ — 2^ Louis, prêtre, avocat en la cour, conseiller-clerc au parlement de
Grenoble (lettres de Meaux i633), prévôt de la collégiale de Crest, abbé de
Valcroissant, prieur de St-Vallier, doyen de Végl. cath. de Die (i644j. Il
testa le 12 octobre, mourut le 2 y septembre i6y6, à Grenoble; et fut ense-
veli à Saint-Sauveur de Crest. Il avait voulu assurer la fondation d'un sémi-
naire pour les jeunes clercs du diocèse de Die : le 21 septembre i6j6, il avait
passé à cet effet, devant iV/« Lavorel, not. à Grenoble, des conventions avec
les pères de l'Oratoire. Voici la partie saillante de ce document : Comme
ainsy soyt que messire Loys de la Baulme Pluvinel, presLrc, doyen de
lesglise cathédrale N. D. de Dye et conseiller du Roy au parlement de
Uaulphinc, ayc résolu de faire une fondation pour l'iniitrucLion des ecclé-
siastiques du diocèse de Dye, du peuple et de ceux qui font profession
de lu Religion P. R. dans led. diocèse, et ayant jeté les yeux sur les ré-
vérends pères de l'Oratoire de Jésus, comme des personnes très capables
pour l'exécution de son dessein et pour procurer l'advancement de la
gloire de Uieu dans led. diocèse, il en auroit communiqué avec le R. P.
Jean-Louis de la Mirande, supérieur de l'Oratoire et du séminaire de
Grenoble, lequel sous le bon plaisir du général de lad. congrégation et
de son conseil, auroit accepté ses bonnes intentions . . . ISV' Loys de la
Baulme . . . donne a lad. congrégation la maison qu'il a dans la ville de
DES FRÈRES GAY. 25
sept ans. a Crest, pour aprandre l'estat de marchand de drabs
de soj'e, ou ayant demuré deux ans survint la segonde guère
cyvylle en France, en laquelle il print les armes, en la com-
pagnye de noble Joachin Faure de Vercors et se trouva asiegé
aveq les troupes de la religion refourmée dans la Cotte
S' André, ou ils endurèrent deux asaults, batue de six canons,
puys quiterent la vyle. Puys fit le voyage en Guyenne aveq
Anthoynne Gay. son père, en la troyziemme guère cyvylle, ou
il se trouva a la bataylhe de Montcontour, ou il fut prizon-
nyer, puys ce sauva, et en pluzieurs aultres factions de guère.
Il compoza ung lyvre de ce quy c'etoyt passé audit voyage,
aveq la figure des vylles quy furent asiegés et prinzes audit
voyage, pourta ausy les armes a la quatryeme guère, après les
masacres quy furent fets aParys en Tannée 1572 en cete prou-
Crest, balcon et chapelle en dépendants, confrontant la maison et jardin
de M"" Pourroy, ci- devant vice-senechal dud. Crest, du levant maison du
sieur Jean Cresal chirurgien, la rivière de Droume du vent et la grande
rue de bize . . . , lad. maison acquise par le donateur des hoirs du
sieur Loys Roche, procureur au siège de Crest . . . Lesd. R. Pères sont
tenus instruire les ecclésiastiques du diocèse de Die, catechizer le peuple,
procuj-er, autant que leur sera possible, la conversion de ceulx de la R. P.
R.. à l'effet de quoy lad. congrégation sera tenue d'entretenir trois ou
quatre prestres dicelle, résidant dans lad. ville de Crest . . ., sans que
néanmoins lesd. prestres de l'Oratoire de Jésus soient tenus de nourrir,
ne loger, les ecclésiastiques du diocèse de Dye, ny autres, qu'en payant
ce qui sera jugé raisonnable. Fait à Grenoble en Thabitation du conseiller
de Pluvinel, quartier Trois Cloistres, en présence de M"" Pierre de Vignon
de Tarnesieu, chanoine et sacristain de lad. cathédrale de Dye. (Archives
de 3/"'« de Félines, à Die). 3' Gabriel, trésorier desfnances du Daiiphinc. —
Antoine de la B. prit, ainsi que ses frères, le nom de Pluvinel pour obéir à
une clause du testament de Jean de Pluvinel son aïeul maternel. Il se quali-
fiait seigneur de la Vallée de Quint, Pontaix. Egluy, la Rochette et autres
places, gouverneur pour le roi de la ville et château de Crest. Il épousa, le
23 février i64r), Lucrèce- Alexandrine de Raffelis, fille de Jean de Raffelis de
Tertulle, marquis de la Roque, et de Lucrèce- Dupuj- Montbrun ; il en eut :
Joseph de la B. en faveur de qui Louis XIV érigea la terre d'Egluy et ses
dépendances en marquisat sous le nom de Pluvinel, par lettres données au
camp de la Capelle d'Herlaimont, juin i6g3. Cest de ce dernier que descend
Charles-Alexandre-Séraphin-Victor, marquis de la Baume Pluvinel , né à
Paris le 3i mars i8jy, chef actuel de la famille.
26 MÉMOIRES
Yince du Daulphinné. Leva après boutique de son estât et
s'aquvt une boune réputation au coumansement, laquelle il
se conserva jusques a la fin.
Il estoyt home de moyenne taylhe. blonde de barbe et che-
veulx, maygre, debonnere et playn d'un fort subtyl et bon
espryt. Il compoza ung lyvre de la quatrième guère fette en
Daulphiné. Il fut conselhier en la mayzon de vylle et du con-
sistoyre. Il espouza en l'an 1579 Madelenne Valensan, filhe de
Jean Valensan 1, de cete vylle, de laquelle il heut : Jeanne,
Elizabet, et Auguste.
II est mort en l'eage de quarante-troys ans. au moys d'aoust
myl cinq cents quatrevingts et six, de la peste quy fut gene-
ralle en cette prouvince du Daulphiné et fort grande, de laquele
morut la moytyé du peuple et plus, et en cette vylle de quatre
et sinq mylle personnes. La myzere i fut si grande, qu'on vit
en cette année les homes par cette contagion forcennés et
beaucop desexperés et hors de sens. Il se trouva jour être
mort cent ou six vingts personnes, et ne savoyt hon plus que
fere pour les enterer, car tous les galoupins 2 mouroyt. Se
mal estoyt cy contagieus, que d'ausy tôt qu'une personne en
estoyt surprys il mouroyt, et s'et veu des homes crainte de
n'estre incepvelis, coume une infinyté quy mouroyt et demeu-
royt sans sépulture par le teroyr, fayzoyt leurs fosses et ce
metoyt dedens. Je l'a)- ouy dire a pluzieurs et notament a ung,
c'on noumoyt Jean Chapaiisfrut, quy me dyt avoyr fet la
sienne rezolu a la moit, et demeura dedens atandant la myze-
ricorde de Dyeu, ayant la peste neuf jours, de laquelle ilgue-
ryt. Aultre forcené de mal ce metrc nu dans un monceau de
chau furée et mouryr la. Pire, sa femme estant morte luy
ayant layssé ung entent, le geter de forceneryc dans le tum-
beau vyvant sur les aultrcs cors morts. Ung aultre fere sa
fosse, envoyer apeller son frère, luy dyt : « Frère, j'ay fet ma
1. Jean Valleiisan était marchand et habitait dans la grande rue. Il fut
trésorier de la ville en i ^yj .
2. 0« désignait sous ce nom les employés à gages, qui avaient pour mission
d'enterrer les morts.
DES FRÈRES GAY. 27
« fose, craygnand de demeurer a ensevellyr, j'ay mon argent
« caché en une telle part, lequel pourés prandre et venyr de-
« main icy, ou vous me trouvères mort, aveq une corde au
« pied, en laquelle aura au bout une gance, en laquelle pourés
« paser ung croq de boys et me tyrer dans ma dyte fose ou
« vous me couvrirés. » Se quy se trouva du lendemain tout
ainsin qu'y! luy avoyt dyt. Aultres de furye se presepiter des
fenestres en bas. Aultres couryr par le teroyr tous nuds, de-
zesperés de mal. Aultre, qu'etoyt mètre Piere Telmas, taintu-
ryer de draps de cete vylle, que lors quy se sentyt féru du
mal desendyt au bas de ses degrés, rezolu a la mort, pour ne
donner poyne aus galoupins le jeter mort des fenestres en bas
ou l'on le trouva a genous les mains jointes, coume s'il heut
dourmyt, mort en pryant Dyeu. Voylla ce que j'ay peu remar-
quer de plus signalé en cete contagion i.
Je vous dyrey coume ledit Thomas mourut, en la grange de
Laumet de AntoyneGay son pei^e, et i fut ensevelly. Il fit une
du tout belle et patyente mort, car ung peu avant qu'yl mou-
rut, il apella Glaude Gay,sa seur, et Madelenne Vaulensan, sa
femme, Jean Brun et sa femme quy estoint retirés dans ladite
grange, séparés de luy, pour leur remonstrer coume il estoyt
mort et qu'yl n'y avoyt plus d'espérance de vye en luy, qu'yl
les avoyt envoyés suplier de venyr la pour leur dire adyeu et
aveqs eulx prier Dyeu. Ce que s'etant mys en debvoyr de
fere et mys a genous, il fit une très belle prière a Dyeu, e
estant au mylieu de sa croyance luy randyt l'ame, laysant pour
son suseseur Auguste Gay,son fils naturel et legityme, Elizabet
et Jeanne Gay estant cy devant decedées. Il fut home de subtyl
espryt, fort religieus et se mesloyt pour playzir de la painture,
et n'et mys pour père en la quatriesme generasion, pour ce
que il s'esmancypa de la puysance paternelle et ne suceda en
l'eritage, s'estant contante d'un légat. Voylla en soume tout ce
que j'ay peu reculhir de sa vye. Dyeu luy aye fet payx et my-
zericorde. au non de son fils Jezus Crist.
1. M. de Coston a, dans son Hist. de Montélimar, t. H, p. 4^o-^, accu-
mulé de fort curieux détails concernant cette peste de i 586, qui/ut générale
en Dauphiné. Voir plus haut, p. 211.
28 MÉMOIRES
Claude
Claude Gay naquyt après ledit Thoumas et tôt après mourut
au berseau. Je n'ay peu savoyr l'an ny le jour qu'yl naquyt, ne
son trespas, ne basteme. qu'et l'ocazion que je pase soumere-
ment le discours de ce quy a esté de luy.
Claude
Claude Gay, fil he et troyziemeenfentduditAnthoynne, naquyt
au moys d'avryl en l'année myl cinq cents cinquante. Son
parin fut dom EstyenneCay, son honcle, sacrestain du prieuré
S' Marcel les Dye. et sa marynne damoyzelle Claude de la Tou-
rette, femme de noble Caspar Faure, consegneur de Vercors.
Elle fut maryèe en l'année myl cinq cents soysante quatre a
honorable cappitaine Louys Apays i, bourgeoys de cette vylle,
1. La famille Appais était une des meilleures familles bourgeoises de la
ville. Vers la fin du A'F^ siècle, Jean Appais était dominicain ; il publia en
75/ S les ouvrages de son oncle maternel Jean Reynard, également domini-
cain et vicaire général de Vévéque de Die, Gaspard de Tournon. Raymond
Appais fut consul de Die en 15^7 ; il habitait te quartier de Ville-Neuve. Il
fut un des premiers à embrasser la Réforme. Pierre Appais fit ses études théo-
logiques à Genève, où. il est inscrit comme étudiant en i sgô \ il fut successi-
vement pasteur de Quint vers 1600, de Die i 601-8, de Chastillon i6og-2(j,
de Pontai.v i63o-4. Sur les plaintes de Vévéque de Die et à la suite de vio-
lences commises par les protestants, lorsqu'en 1627 on rétablit le culte catho-
ligue à Pontaix. comme aussi pour avoir prêché hors du lieu de sa résidence,
il fut arrêté, mais bientôt après mis en liberté. Lorsquen i6o3 on fonda Va-
cadémie protestante de Die, Pierre Appais en fut nommé recteur. Le 2g juin
1622, il assista en qualité de député de réalise de Die au synode de Ponten-
Royans, oii fut prise entre autres la résolution suivante : Quelques colloques
de ccstc province n'ayant point faict nomination de ceux qui recucilie-
roicnt les mémoires des églises, touchant les faicts mémorables arrives
en iccllcs despuis la Réformation, selon ce qui en avoit été ordonné par le
synode précédent, a été dict que chaque colloque nommera le sien et a
cest cffcct ont été eslus et choisis le sieur Félix pour le colloque du
Viennois, le sieur Murât pour le Valentinois, le sieur de la Croze pour les
Baronnies, le sieur Conel pour l'Emhrunois, le sieur de la Colombicrc
pour le Gapencois, le sieur Guerin pour le \'alcluson et le sieur Appaix
pour le Diois, auxquels leurs colloques feront tenir dans trois mois préci-
sément tous les mémoires qu'ils pourront recueillir en leurs églises, de
quoy les dits autres pasteurs rendront compte au synode prochain. T., a
DES FRÈRES GAY. 29
duquel elle heut troysfils et deuxfilhes, savoyr: Jean et aultre
Jean,Piere,Philipeet Madelenne. Ils demeurarent vingt et sept
ans ensemble, et puys ledit Louys mourut de la peste en sa
grange du bourg de Quint, ou il se retyra et y fut ensevelly,
ayant ataint l'eage de quarante sept ou quarante huyt ans,
ayant vequ le durant de sa vye fort vertueuzement, s'estant
trouvé en pluzieurs combats, durant les quatre gueres cyvylles,
quy furent en ce royaume, a l'ocazion des religions, ou il se
pourta tousjours vaylhement et en home d'honneur. Ladite Gay
demeura veufve, ne se voulut remarier, a l'ocazion de l'amytyé
qu'elle avoyt a ces entens. Elle estoyt de petite estature, blonde
des cheveuls, femme diligent et vertueuze, playnne de grand
amytyé envers les siens et devotieuze en sa religion. Elle avoyt
lors que sond. mary mourut ataynt l'eage de trante huyt ans
et [ est morte en l'année 1634 le vingt-huit de janvier a dix
[ heures de nuict, toujours priant Dieu et requérant ses amis de
[ prier Dieu pour elle, a ce que Dieu la retira en son paradis. ]
Gaspar
Gaspar Gay, fils de Anthoine, naquyt ungjour de lundy, huy-
tieme de septambre, en l'année myl cinq cents soysante, entre
quatre et sinq heures du matin. Son paryn fut noble Gaspar
Faure, consegneur de Vercors, et sa marynne damoyzelle
Louyze Faure, sa tante maternelle, femme de monsieur M^
Claude Caty, docteur et avocat de cete vylle. Yl fut batizé en
l'esglize roumaynne, dens le temple de S' Jean, quy estoyt dans
l'enclos de la grand esglize Notre Dame de Dye, et après noury,
ayant ataint l'eage de sinq ans, son père le mena a Granne l,ches
son honcle le sire André Frayse, quy avoyt expouzé damoyzelle
Margueryte Faure, seur de sa mère, ou ildemeuraquelqueanée,
et après retourna en cette vylle.
France protestante, t. I (18/7), colon. 2g4, signale l'ouvrage suivant,
tout en le déclarant introuvable : Deux homélies, l'une des miracles du
Christ au ventre de la sainte et glorieuse vierge sa mère, l'autre de l'ex-
trême cheute et merveilleux relèvement du roy Manassé ; item les fruicts
divers d'une muse chrétienne, par le sieur Pierre Appaix, Daulphinois,
759S, in-S".
1. Grasse, ch.-l. de canton de Varrond, Je Valence.
30 MÉMOIRES
Luy fut baylhé pour son premyer précepteur, en l'année 1566,
mestre Jean Roubert, natif de Gresse, en Triesves, quy estoyt
bon latin et grand mayryen, lequel demeura deus ans en cete
mayzon pour Tinstruyre aveqs Danyel Gay son frère, lesquels
pasés survint au moys de septembre 1568 la troyziemme guère
cyvylle, en laquelle falut que seus de Prouvance de la religion
refourmée. du Dauphiné, Languedoq, Vyvarés et Auvergne,
Forets et Beaujoioys lisent une armée, laquelle ils dreserent, et
fut le peuple lors de ladite religion sy abruty et horsde sens que
les princes de Condé et amyraylh ne leur ayant demandé que
dix mylle homes, s'en trouva plus de trante et la moytyé et plus
des personnes inutiles au combat, lesquels aryvés en Guienne
près desdits princes, furent estouncs de voyr une telle foulle
de peuple. Car le zelle de religion, quy estoyt plus abondant
qu'a ce jourdhu}', i pourta jusques aus viens de soysante et
septante ans, les jeunes de dix et douze ans, les boyteus et
mal dispozés de leur personne, et en tel nombre qu'yl sortyt
de cete ceule vylle plus de sept cents personnes, desquelles
n'en retourna deux cents.
La vylle donq abandonnée fut sayzie par le segneur de
Gordes, lyeutenent de roy pour Ihors en cete prouvince, ou luy
mesme vint en personne et i myt garnyson. Ledit M= Roubert
s'en fuyt, car il estoyt de la religion, et se retira en Grese, a la
mayzon de son père, ou ma mère nous envoya en l'anée 1569
en may, et i demeurâmes six moys. Du despuys nous mena a
Rouyssas l en Triesves, ou mondit frère et moy demeurâmes
deux ans coumysauls en la mayzon de sire Claude Rouland,
dit le Baron.
La payx de l'année 1570 estant fête, nous retyrames a Dye
dans la mayzon de nostre père, quy estoyt de retour de son
voyage de Guyenne, ou fusmes mys a l'escolleaveq M'^Giraud,
régent par lors en l'escolle de cette vylle. En l'année 1572 il
mourut, et lors les masacres de Parys, Rouan, Lyon et aultres
villes se firent sur ceuls de la religion, ou fut monsieur l'amy-
raylh tué aveqs beaucop de noblesse, et par toute la France fut
1. Roissar-en-Triève, com, du cant. de Mens.
DES FRERES GAY. 31
masacré plus de trante mylle personnes. Ce bel acte se coumyt
durant le règne de Charles de Valoys neufiesme de se nom,
quy aporterent une grande ruyne en ce rouyaume, et furent
contraints les troys parts de seuls de ladite relygion d'alhera
la messe. Leurs afFeres estoit par lors byen bas. Dyeu y prou-
veut fort myraculeuzemeiit, car aveq une pougnée de gents
quy estoyt encor demeurés, il redressa les ruynes de son es-
glize. En cette anée et les deux suyvants, nous heumes pour
précepteurs M'^Nycolas Sageryns, italien de nasion, et du des-
puys, monsieur Fortys fransoys.
En l'année 1573 les armes pour la quatryeme guère furent
levées en cete prouvynce par les segneurs de Montbrun. de
Myrebel, de Lesdiguieres, Morges, Champoulyon i, Blaconds,
Comps, Gouvernet,Vercoyran et le Poyt, gentilzhomes de cete
prouvincede la religion reformée, soubs l'autoryté du roy de
Navare et prince deCondé, quy estoyt protecteur des Esglizes.
En cete année, Monsieur de Myrebel, aveq ses troupes,
donna l'escalade en cete vyle, vers la tour de Baumes 2, ou il
fut repoussé par le capytene Mayres et les abitans de cete
vylle.
En l'année 1574, au moys d'octobre, le dit sieur de Myrebel
entra par escalade dans Dye, y ayant unne entreprinse, laquelle
estoyt fette par ung capporal Brignole et son frère et ung nou-
mé Barachin leur compagnon, prouvensauls. Ils furent re-
pousés et sortys dehors par l'eschelle qu'yls estoint antres,
vers la Tour de Ste Agathe, ou le dit Brignole etoyt de garde,
par noble Claude de Lhere, segneur de Glandage, gouverneur
par lors de ladite vylle, et le segneur de Vercors, honcle ma-
ternel du dit Gaspar, qui estoyt Ihieutenent du dit sieur de
Glandage et habitans de la dite comunaulté. Il pleut toute sete
1. Giraiid de Bérenger de Morges, seigneur de Tréminis, Le Monestier de
Percy, Revel, etc., capitaine de -,0 hommes d'armes, Jils de Jean et de Olive
Odde de Bonniot ; // épousa Georgette de Bérenger du Gua etmourut en i^Sy.
— Albert Martin, seigneur de Chatnpoléon et d'Orcières, capitaine de §0
hommes d^armes, Jils de Georges et de Françoise Gombert ; il épousa Made-
leine de Bérenger de Gua, sœur de Georgette.
2. La seconde tour au-dessus de la porte S'-Pierre,
32 MÉMOIRES
nuyt, qu}'' fut cauze que le dit sieur de MjM'ebel ne peult
randre grand combat. Il y perdit une ving-tayne de ses gents ;
de seus de la vylle, i mourut le capitenne lesOuches l, ensegne
du sieur de Glandage, Monsieur de Poumyer serg'cnt majour,
le sire Francoys Bertrand, marchand de cette ville, M'' An-
thoynne Lambert notere et secretere de la mayzon de vylle,
et le chanoyne de Pennes et troys ou quatre aultres. Ledit
Brignolle et son frère se sauvèrent, et Barachin fut prizonnyer
et pendu, quy acuza fausement Jean Reymond , fils du
Margnaud, marchand drappier de cete vylle, quy fut injuste-
ment executté.
Nous demeurions par lors vers M^ Guylhen Barnaud, paintre
et escryvein de cete dite vylle, ou nousapprennyons d'escripre
et d'arymetyque.
Au coumancement de l'année 1575, le dyt Gaspar ala trou-
ver son père, quy estoyt gouverneur soubs le segneur de
Montbrun en Espennel, ou il coumansa de porter l'arquebuze
et fere sentynele, ayant d'eage de quatorze a quinze ans, ou
demeurarent deux ans. La paix fette, sondyt père se retira et
luy ausy en cete vylle.
La sinquyeme guerre, quy vint en Tannée 1577, son père le
donna pour page a noble Claude de Laryviere, segneur de Ste
Marye, Bruys et Montrnorin, et par lors capitenne d'une com-
pagnye de gents de cheval et mareschal de camp en cete prou-
vinse, ou il demeura quinze moys. En cete année fut veu au
siel unne grand estoylle chevelue, quy dura ung moys et suy-
voyt la lune.
La payx fête en France, il fut envoyé a Crest, au couman-
sement de l'an 1579, pour aprandre Testât de marchand dedraps
de soye, fut mys chés le sire Piere Barbeyer, marchand de la dite
vylle, ou il demeura deux ans, desquels donna sinquante deux
1. La terre des Hoches, dans le 7'rièves, appartenait alors à une famille
de ce pays, nommée Jouven. Guignes de Jouven, écuyer, seifçneur de Roissas,
au diocèse de Die, vers l'an i $oo épousa Jeanne des \'ieux, et laissa: Georjxes
de Jouven qui fit sa sœur héritière ; et Jeanne de Jouven, mariée en i ^44 à
Ilumbert de la Tour, écuyer, seigneur de la Saigne, en présence de noble
liait hasar de Jouven,
DES FRÈRES GAY. 33
escus. Après il fit un voyage a Genève, ou il demeura prés
d'ung moys, puys fit ung voyage a Marselhe, ou il demeura
aultant, puis se rezolut, par l'advys de ses parants, d alher
servyr a Lyon, ou il alla et y demeura en l'année 1581 jusques
en l'année 1582, anvyron quinze moys, chez le sire Claude
Noyrat, marchand des draps de soye, demeurant en la rue
Mersiere, audevent de l'ensegne de l'escu de Basle. Il luy falut
quyter, a cauze de la peste, et y vyt en l'an 1582, le roy Henry
de Valoystroyzieme, à la place des Gordelliers et dans l'esglize
des Selestins audit Lyon : s'estant retyré en la mayzon de son
père et y demeuré quelques anées, dans lesquelles Monsieur
le duq de Mayene et le sieur de Maugiron firent bastyr une
cytadelle dans Dye i, contre le gré et volonté de la plus grand
partye du peuple estant à la pays, pour tenyr bridés les ha-
bytans de ladite vylle et i coumyrent noble Hugues de Lere,
segneur de Glandage, pour gouverneur, lequel y ayant de-
meuré jusques en mars 1585 ce desclera devant le temps et mai
a propos du party de la ligue de messieurs de Guyze, quy
tendoyt a oter la couronne de la mayzon de Valoys, Henry HI
regnand, pour la transpourter a la leur, ce que Dyeu a myra-
culeuzement empesché ; lequel de Glandage se sayzit de vive
force de la personne de noble Jean de Gramont, segneur de
Vachières -, et de sertains ses domestiques, quy pasent par
1. Voir plus haut, p. iSg. Nous avons dit qu'on avait songé d'abord à
fortifier la maison de Chabestan. Quelques notes compléteront les détails que
nous avons donnés. Cette maison, appelée autrefois la maison d'Aix fut ven-
due par Louis Artaud de Montauban, seigneur de Recoubeau et d'Aix, à noble
Pierre Bergier, qui en fournit un dénombrement en i S'^^- ^^ dernier fit son
testament à Die, devant André Masseron notaire, le 4 mai i ^43 et mourut
peu de temps après. De sa femme, Catherine de Pennes, il n'avait laissé
qu'une fille, Jeanne, mariée à noble Jean de ReviUiasc, seigneur de Chabestan,
en Gapençais : il avait désigné pour son héritier universel son petit fils Jean-
François de Revilhasc.
2. Jean de Grammont, seign. de Vachères, était fils de Guillaume, seign,
de Vachères, St-Benoit, Rimont, La Chaudière, et de Claire de la Beaume-
Suze. Il était capitaine de ^o hommes d'armes, fut membre du conseil de jus-
tice établi à Die en r^Sj, et mourut vers J 5g2, sans laisser d'enfant. Sa
veuve, Jeanne de Budos de Portes, se remaria Vannée suivante avec le conné'
table de Montmorency. La seigneurie de Vachères passa à Louis de Grant-
mont, frère de Jean.
34 MÉMOIRES
cette vylle, pour sen aller a Gap, vers le segneur de Lesdi-
guieres, fut par luy aresté et fet prizonnyer, mené en la cyta-
delle, quy estoyt vers Sainte Agathe, aveq pluzieurs habytans
de la vyle acuzés de ce vouloyr sayzir de la vylle. Tous ceuls
de la religion furent en cete vyle en ung fort grand dangier de
mort et de sacage, par la temeryté du dit de Glandage, quy
estoyt fort inconcyderé : mes Dyeu y prouveut par le moyen
de certains catoliqs des princypauls de cette vylle, gents de
byen quy l'en empescherent, aveq l'ayde Dyeu. Il fut eauze
d'ung grand byen, non seulement pour cette provinze, mes
pour toute la France ; car il descouvryt, avant le temps, l'em-
teprinze de Mesieurs de Guyze, quy estoyt de s'aproprier la
couronne et randre reclus et moyne le roy et extermyner la
religion refourmée en France. Dyeu par voyes incougnues aus
homes y a sagement prouveu.
Cella fut cauze que les armes furent myzes debout, par ceulx
de ladite religion, quy se tyndrent sur les gardes, et coumansea
la sixième guère cyvylle en France le premyer d'avryl en
l'anée mil cinq cents huytante sinq.
En cette dyte anée, au moys de Janvyer, je fus resseu archer
aus gardes de Henry de Bourbon, roy de Navarre, et heus mes
letres signées et celées, ne peus alher servyr, a l'ocazion de la
guère quy a longuement duré et pourté de ruyne et domage
en se pouvre rouyaume, car en touttes les aultres gueres ne
s'etoyt tant fet de mal au peuple qu'en celle cy,en laquelle s'es-
tablyt une telle tyrannye par certains de la noblesse, ayant
coumandement de guère, que après avoyr cytadellé toutes
les vylles du Daulphinô, ils prindrent d'une telle fason sur le
peuple, qu'yls ruynèrent tout, et ce trouva anée avoyr levé sur
le pouvre Tiers-Estat ung mylion cinq cents myle escus et plus.
En may en l'année 1585, le dit de Glandage fut mandé par
les Princes de la Ligue et partyt de cete vylle aveques troupe
pour sen alher les trouver, coume il fit, en France. Il laysa
pour gouverneur en la ville et cytadellc le segneur de
Veaulne l aveq troys compagnyes de gents de pyed, lesquels
1. Jean de Fay de Soli^nac, seigneur de Veaunes, près de Curson, écuyer^
DES FRÈRES GAY. 35
entrèrent eu quelque dyvyzion et fut tué ung-capitenne d'eulx
a la place, quy cauza une telle disension parmy euls qu'yl falut
qu'yls quytasent la vylle, laquelle du despuys fut gardée
quelques moys par les habitans, le sieur de Veaulne y cou-
mandant, et pour ce que la guère n'etoyt encor fort desclarée
contre ceulx de la religion, car il ne se parloyt alors que de
royalistes d'un party, et de l'aultre Guizards, et que ceulx de
la religion tenoyt le party du roy. Ceulx delavylece rezolurent
de tenyr le party du Roy et envoyèrent queryr ceulx de la reli-
gion de la dite vylle, quy estoyt a Pontays, Menglon etaylheurs
portans les armes s'en estant sortys, après l'eslargisement du
segneur de Vachieres, pour la crainte, d'envyron troys cents
homes pourtans les armes, leur promettent de garder la vylle
pour le roy aveques eulx, ils vyndrentet entrèrent, mes doub-
tant que ce ne fut pour les atrapper, ils se tyndrent armés
sur leurs gardes, et ayant quelque avertisement se bariquerent
contre la cytadelle etans coumandés les dits habitans par les
capitennes Chabanas et Marye et certains aultres. Cetoyt au
moys de juihet 1535, que j'estoys ensegne d'une compagnye
de cent homes de pied, soubs le segneur de Soubreroche, pour
le servyce du roy ou je vins acompagné de sinquante arque-
buziers, tous de cete vylle et par lors de nostre compagnye.
il aryva en cete vylle deux conselhers de la cour de Parle-
ment de Grenoble aveq ung secrettere pour enjoindre quon
heut a mettre bas les armes. Je fus coumys alhors pour alher
trouver monsieur de Lesdiguyeres et mesieurs de la noblesse,
asamblés a Rouzans, et les supplier de nous asister, ce quyls
firent. Car ils comyrent alhors d'entreus les segneurs de Gou-
vernet et Dupoyt pourvenyr parlher et trayter aveques les dits
conselhiers, aveq lesquels ils ne peurent convenir, et je vyns
aveq eulx. Lesdits conselhiers s'en retournèrent à Grenoble
était d'une très ancienne famille du Vivarais. Il eut de Françoise Payn trois
enfants : i" Antoine, d'abord homme d'armes deja compagnie de Clermont,
puis capitaine d'une compagnie de 200 hommes à la solde des habitants de
Romans et commandant pour le roi en cette ville (i ^82-4)^ enfin gouverneur
de Die (i ^86-qo)\ — 2<> Justine, qui épousa Antoine-Pierre d'Albignac, sieur
de St-Muris; — 3" Jean, sieur de Cherinet et de Veaunes,
36 MÉMOIRES
en seurté, et nous nous rendismes niestres de la vylle, asiea-
geames la cytadelle, laquelle dans troys jours se randyt, et fut
après convenu la razer. se qu'on fit aveq une telle impetuozité
et fureur de peuple, que jusques aus femmes et petits enfents
y acoururent, de fason que myraculeuzement ce quy c'etoyt
basty aveq grand despance en deux ans, fut ruyné en deux
jours. Vray exeubple aus tirans pour voyr qu'yl n'y a ryen de-
stable au monde, et ce qu'on estyme fere pour longtemps est
byen souvent ruyné dans ung ryen par des moyens incougnus ;
car cette sitadelle estoyt capable de tenyr troys ans sans canon
et dans troys jours elle fut randue et razée par le peuple. Il
n'y a ryen parmy les peuples quy soyt tant aymé que la lyberté
et au contrere tant hay que la servytude. Donq le vray moyen
pour s'aqueryr et mayntenyr les peuples et de les cheryr et
aymer et ne les aservyr, car celluy quy ryt aujourdhuy pleure
demain et fet mauves estre hay du peuple.
La sitadelle donq randue et promys par lesdits segneurs de
Gouvernet et du Poyt de n'y en rebastir a l'advenir aulcune, il
fut querelle entre eux du gouvernement : d'où pour les sortyr
de différent firent fere asemblée generalle du peuple, d'où le
sieur de Gouvernet empourta le plus de voys et fut esleu pour
gouverneur, et maie pro }io{bi)s.
Mon père fut sergent majour i soubs luy et non guyeres
longtemps. Au moys après nous alasmes a l'exsecusion de la
prinze du Monthelymar, quy fut emportée par troys coups de
pétard qu'on douna a la porte S'^ Martin. Nous y fusmes as-
siégés par le segneur de Maugiron et batu de deux canons. Le
siège fut levé et nous gardasmes la ville.
L'année suyvant myl cinq cents huytante six, au moys de
juin, la peste don j'ay parllé sy amplement cy devant y fut
recougnue. laquelle fut fort grande.
Le sieur de Gouvernet, le segond de juin, partyt de Dye, et le
sieur de Soubrerocheet moy son ensegne aveques nostre com-
1. Le sergent-major, choisi par le co)iscil de ville, était chargé de veiller
au bon ordre de la cité ; on le frenail oi-dinaironoil parmi les capitaines de
la garde bourgeoise.
DES FRÈRES GAY. 37
pagnye et les trouppes du segneur de Lesdiguieres asieagearaes
Guyihestre, ou nous demeurasmes quinze jours, et ne la
peusmes prandre. Ayant quyté le siège, alames au devant
de Gap ou demeurasmes quinze jours et y fismes le gast,
après retourney à Chastillon, ou ayant demeuré ung moys,
servant et aydent des vyvres a mon père, quy fayzoit sa qua-
rantaynne au Martouret, en sa grange aveq sa famylhe, en
nombre de douze ou quinze, ou il se prezerva myraculeuzement
aveq l'ayde de Dyeu de mal luy et les siens, sans qu'yls heussent
jamés aucun mal en leurs personnes. Il y heut peu de fa-
mylhes a Dye desquelles il ne mourut quelquun fors qu'en la
sienne. La peste s'estant myze a Chastilhon, nostre compagnye
ce desbanda et je quytys et allis fere ma quarantayne a Bar-
nave, ou ayant demeuré envyron ung moys je fus mandé par
le sieur de Gouvernet, lequel j'aley trouver et me ranger en sa
compagnye de gendarmes, ou demeurey six moys ; puys a la
iin de janvier 15B7 m'envoya a Dye, pour savoyrsy tout estoyt en
bon estât et s'il y avoyt a craindre. Je l'avertys que tout y estoyt
byen et quyl pouvoyt venyr en aseurance, ce quyl fit etaryvé,
me douna la charge de sergent majour, que j'eszercey durant
les anées 1587 et 88 et 89 et 90 et 91 jusques au coumen-
cement d'aoust que je quittey et me retirey a nostre ménage.
En ladite anée 1587 et le 20 avryl, je fiancey Louyze Engil-
boud, filhe de feu sire Jean Engilboud l, bourgeoys de Dye, et
1. Jean Engilboud, marchand de Die, avait embrassé la Réforme ; il fut
consul avec Guillau>ne de Vaulserre en l'année i •,68. Pendant la durée de
sa charge, la ville fut menacée d'un démantellement \ le 2g juillet, Etienne
Charrency se présentait au conseil apportant une lettre de messieurs les
commissaires a faire desmantelier les villes et que quelques uns ont dict
et rapportés auxdits commissaires que la ville ne veult permectre le
desmantellement, ains qu'ils veulent endurer le coupt de canon et qu'ils
feront venir les compagnies de Roma.ns. Le 4 mars /S52-, il avait acquis
aux enchères publiques une partie des biens de feu Jacques Gayte, notaire,
que Claude Gayte, tuteur du jeune Hercule Gayte, fils de Jacques, avait mis
en vente. Jl fut père de Louise Engilboud, qui épousa par contrat du 2 ^ février
755/ (n. s.) Jean Lambert, de Lesches. et fut dotée de 3oo écus d or sol, et
de Hercule Engilboud. Celui-ci fut anobli en 160S et acquit plusieurs terres
et droits féodaux : la parerie de Muret à Vassieux et celle des Gironde, de
Die ; Charles Artaud de Montauban lui vendit peu de temps après la seigneu-
Bulletin d'hist. eccl. ... de Valence. 4
38 MÉMOIRES
de damoyzelle Marye Reynarde, filhe de feu noble Gaspard
ReyiiardjSsgaeur de Saint Aulban etVauldroume,et l'espouzey
le 26 du moys de septembre soubs l'aie du marché, ou pres-
choyt monsieur Barbyer, mynistre natifde cete vylle, qui nous
espouza.
En l'anée 1590 et le 8 de febvryer, nous eusmes nostre l^'-
fils Hercules, duquel sera cy après parllé.
Le VI du moysdemars lo93,monseg'neur Charles de Leberon,
eveque et conpte de Valance et Dye me donna la chargée de
coureyer l. qu'est le segond olicyer qu'il aye au dit Dye, que
j'exersey les troys ans lymytés a tenyr ladite chargre, car on
ne la peult tenyr davantage pour ce qu'elle et trianelle coume
celle de juge.
En ladite anée me survint deux forts grands et mesme troys
aflictions. La premyere fut ugne fort grand maladye qui survint
a ma femme, estant en couche de son premyer fils, de laquelle
il pansa mouryr et ne luy tenoyt hon plus de vye. La segonde,
la mort de HercuUes Gay, nostre fils. La troysierne, la mort de
Danyel Myelon, soldat de sette vylle, quy fut tué par moy par
une fort grand disgrâce, le 15 de nouvambre t59D, moy estant
coreyer et serjent majour, de laquelle j'eus grâce du Roy
Henry de Bourbon, quatriesme de se non, Roy de France et
de Navare, laquelle je interyney a Crest. Je reseus une fort
grand tristesse de la mort dudit Myelon et me pansa de tris-
tese couttcr la vye. L'atfere en vint de cete fason. Danyel
Myelon, estant soldat en la compagnye du capitenne Jean de
Chabanas, mon beau frère, a l'ocazion de ce qu'il a expouzé la
seur uteryne de Louyze Engilboud ma femme, l'ayant servy
l'espace de cinq ou six moys, n'ayant heu aulcun payement, se
rie de Boule et sa parerie de Soubreroche, moyennant 20,000 livres. IJélénj
Artaud, sa veuve, constituait en 16 3.^ une pension de 12 livres au consistoire
de Die, et en même temps, noble René d'Engilboud. son fils, seigneur de
Boule, eoscigneur de Vassieux, en constituait une de 20 livres au même con
sistoire. René n'eut qu'une fille, Melchionne, qui épousa vers idi/o, Alexandre
Bardonenche, conseiller au parlement.
1. OJicier de justice, dont les fonctions répondaient à celles qu'exercent
aujo.ird hui dans les tribunaux les procureurs.
DES FRÈRES GAY. 39
seroyt ataqué audit Chabanas le luy refuzant, cy que l'ayaat
aquetté a la porte S' Pierre, ledit Chabanas sortant seul dehors
l'auroyt suyvy, luy dizant que s'il ne le payoit, il luy couteroyt
la vye, et qu'yl n'entreroyt jamès dans la vylle que cela ne fut,
jurant tout oultre quyl le tueroyt ; ce que estant ouy par ung
Jean Coquet, notere de ceste vyle, et Charles Boys seruryer, l'en
voulerent destourner et fere retourner a la vylle, ce que ne
pouvant, vindrent avertyr la garde quy estoyt par lors a la
porte d"y acouryr, lesquels metindrent ausyavertys de se qu'en
estoyt. C'etoyt sur les troys heures après mydy, que je me pre-
paroys pour donner les cartiersaus gardes de la nuyt et povre
heure et povre avertissement pour moy, car des lors entendent
le raport du dit Couquet et Boys je m'y achemyney, pour em-
pescher le desain dudit Myelon, aveq une alebarde, tant a To-
cazion de se que j'etoy beau frère du dit Chabanas que aussi
pour le debvoyr de mes charges, savoyr de celle de sergent
majour, quy me coumandoyt, le dit Chabanas étant lyeutenant
de gouverneur, de luy asister, et de coureyer, ofice en la jus-
tice, quy me coumandoyt le sayzir au corps pour le constituer
prizonyer, s'ataquant et menasant de tuer son capitenne ; ce
quel'ayant trouvéetprinsaucouliet,craignantquene le vousise
offancer, se saysit de mon alebarde, laquelle ne me voulant
quyter, fus contraint mètre la mayn au pougnal pour luy fere
peur, et tenant la main avec ledit pougnal bas, nous serant
l'un contre l'autre, mon pougnal luy piqua la quysse gauche,
ou il entra envyron deux doigts dedens, ataygnyt la veyne cave,
de laquelle blesure il escoulla de sang, et le fayzant panser,
moy y estant, ala a Dyeu dans dymy heure après sa blesurre, a
mon grand regret et desplayzir. Je ne reseus jamès une telle
afliction,car nousn'avyons jamèsheu aucunedisputte ensemble
et mesme nous avyons demeuré longtemps a l'escoUe jeunes
garsons. Dyeu me fabvoriza grandement en cet affere, car
j'avoy d'enemys quy deziroyt de me troubler. Je fis une belle
enqueste justificatyve pour moy. Il me coûta troys cents escus,
mes le desplezir que j'eus de cet afere me fut plus grand que la
despance. J'ay mys cete afere ycy en rang, non pas pour en fere
gloyre, mes pour fere voyr aux myens l'inconvenyent quy
40 MÉMOIRES
m'arryva et le desplayzir et regret que j'en eux et pour leur
dyre que jamès ung sage home ne doybt mettre la main au
couteau, car a telle heure vous aryve, ny panssant point, que
quelque grand mal y survyent. Le souverain remède et pour
son pouvoyr garder, pryerDyeu et fuyr mauvezes compagnies,
n'être quereleux, ny mutin. J'ay pryé Dyeu et prye me par-
donner cette ofance.
Au moys de Novembre 1590, je me trouvey a la prinse de
Laperiere et S' LaurensdeGrenoble; lavylle fut prinse quelques
jours après par le segneur de Lesdiguieres contre l'opinion
de pluzieurs.
Je quytey après en l'année 1591, au moys d'aoust, la charge
de sergent ma]our ; je rendis les clefs de la vylle au segneur
de Gouvernet, lequel ne vouloyt que je quytasse et tant a To-
cazion de ce qui m'etoyt venu a l'ocazion de la dite charge que
pour aultres ocazions que icy avoy, et me retirey en nostre
mesnage ; d'où je ne bougey sinon quand Monsieur de Mau-
gyron randyt Vienne au duq de Nemours et S' Marcellin, ou je
tus aveq l'armée du segnor Goronel Alphonce d'Ornano, lyeu-
tenant du roi en cete prouvince, qui estoyt compozée aveq
les troupes du segneur de Lesdiguieres et Gouvernet, de sinq
a six mylle personnes. Nous asieageames S' Marsellin et le
prismes, et alasmes a la Cotte S' André soubs espérance de
donner bataylhe au duq de Nemours, quy estoyt au Pont de
Beauvezin aveq son armée, compozée d'environ douze myle
homes, ou nous demeurasmes huyt ou dix jours, estyment
quil vint. Mes il n'oza james paretre. J'etoy achevai, volontere
aus troupes du sieur de Gouvernet. Le sieur de Nemours ayant
congedyé ses troupes, nous nous retirasmes. Voylla tout ce
quy ce fit en ce voyage.
Cepandant les troys ans de ma charge de coreyer expirèrent,
et je fus après constitué conselher au conselh particulier de la
mayzon de vylle en l'année 1592, au consulat de Paul Avond et
Lanteaulme Vigne 1, qui fut en l'année 1595. Je lis comanser un
1. Paul AvonJ, fut plusieurs fois consul de Die. Il s'était fait protestant,
et quelques-uns de ses descendants eurent à soujfrir pour leurs croyances
religieuses: Paul Avond fut en •0)-é aux galères, et Daniel fut retenu en
DES FRÈRES GAY. 41
bastyment nour habyter en nostre grange du Martouret. Jy
avoy fet auparavant bastir ung estable pour le bestaylh et ung
nays qui me coutta tout envyron six cents escus, car tout etoyt
fort cher en ce temps la. J'aquys en Laulmet et Martouret
vingt et sinq seyteyrces de tere. coume sera veu par les contrats
sy après contenus par rolle et inventere, en la ligne de la 4' ge-
nerasion, laquelle coumense en moy, a Toccazion de se que
mon père m'a donné par mon contrat de mariage sa mayzon
paternelle aveques l'estable, jardin dans Dye et son tenement
du Martouret, consistant engrange, prés, terres, vignes, her-
mes et boys, le tout au teroyr de Dye.
En l'année 1594 je fus contynué en ma dyte charge de con-
selhier, au consulat de Monsieur M' Anthoyne Rambaud,
avocat de cette vyle, et honeste Danyel Gay, mon frère.
En cete anée 1594, le 26 julhet, naquyt nostre segond fils :
Fransoys Gay. lequel mourut byen tost, coume sera cy après
veu.
En l'année 1595, je fus contynué en la mayzon de vylle pour
conselhier et esleu par le peuple juge coumys de la police ,
setoyt au consulat du sire Eynard Bernard est Heustachy
Gontier.
Il survint, aus anées de ses troys consulats, une grande con-
tansion entre les habitans de cete vyle de Dye, à l'ocazion
d'une revyzion et nouvelle estimasion du teroyr et man-
dement du dit Dye, quy cauza des grands divizions entre les
habitans. Car les ungs la vouloyt, les aultres non, et ces par-
prison à Valence, en i68y ; Abraham fut plusieurs fois assisté à Genève entre
les années i yo-j-i yog. Un membre de cette famille. Jacques Avond, abjura
le protestantisme et devint curé de Mirabel en Diois, oie on le trouve en 1628,
et 16^4 : il est auteur d'un petit poème, mentionné dans la Biogr. du Dauph.,
t. 1. p.4j. — La famille Vi^ne, aujourd'hui encore représentée à Die, est très
ancienne dans notre ville. Ennemont Vigne, presbtrc curé de Tesglise N.-D.
de Dye se présente le 2H octobre / s 5-^ devant le conseil et dict comment
messieurs del'esglise du chapitre ontprins le calice d'argent appartenant
à la vile et audit curé, comme il a dict apparoir par le rôle des relicqucs,
qu'on faict toutes les années, et qu'ils luy en veullent tailher ung d'estaing
au grand deshonneur de la ville. Antoine Vigne, religieux dominicain du
couvent de Die. se fit protestant en 1^62.
42 MÉMOIRES
tialités aveq les grandes contrybusions et charges qui regnoyt
par lors les firent endebter de vingt et sinq mylle escus et plus.
La source et origine de tous ces malheurs avyndrent par le
moyen de certains nouveaus venus habyteren cette vylle, quy
nous geterent a ung tel labirynte de confusion, quy pansa
ruyner Testât de cette communaulté, et sans la prévoyance des
vieuls origineres et habitans de cete dyte vylle les afferes sen
aloint geter en ung myzerable estât et en une totale ruyne.
En ce temps, le sieur de Gouvernet, contre la promesse
qu'yl avoyt fête au peuple, fit bastir une sytadelle vers S"'
Agathe, contre la volonté du peuple quy le suporta fort impa-
siement. Le temps luy fut fort favorable, a l'ocazion de nous
divizions et partyalytés, sans lesquelles ne l'ut ozé entre-
prendre. Les foulyes des peuples sont l'establissement des
grands. J'ay mys cet afFere icy a celle fin de fere voyr a nous
suseseurs ou nous folyes et divizions nous portèrent, quy leur
poura servyr de myroyr et patron en leur temps, et leur
donner ocazion d'estre plus sages que nous autres, afin de
n'apeller ung tyran pour leur conduyte, L'unyon maintient
les cytés, la dezunion les ruyne, et ny a telle forteresse que
l'unyon d'une cyté. Dyeu seul y prouoye et face la grâce a nous
suseseurs d'y estre plus advizés que nous.
En cete dyte anée, au mo\s de septambre, il fut député par
le corps de ceste communaulté aveq le sieur Heustache Gon-
tier, consul, et Monsieur M"= Anthoyne Rambaud avocat, pour
alher a Lyon aveq tous les deputtés des troys ordres de la
prouvince, requeryr au roy solagement pour le peuple, quy
estoyt tellement chargé et opresé par contribusions, que ser-
tains de la noblesse levoyt sur euls quyls ne pouvoyt plus, et
la fut pryc le roy jurer les libertés de la prouvince, coume il fit
Nous luy fismes jurer ausy les nostres de cete ville de Dye i ;
c'etoyt au règne de Henry de Bourbon, roy de France et de
Navare, quatryeme de se non, prince ties valheureux et de-
bon nere.
1. Les lettres de Henri IV, confirmant les privilèges de Die furent données
à Lyon, au mois de septembre 1 59 s ; il y est dit que ce fut à la demande des
députés de cette ville : Eustaclie Guntier, consul, Antoine Rambaud, docteur,
Gaspard Gay, capitaine. Hercules Engilboud, conseiller.
DES FRERES GAY.
43
En la mesme anée ung peu auparavant, je lys un voyage en
cour, a Dijon, en Bourgogne, pour avoyr grâce pour le couzin
André Escouffier. quy avoyt tué Jean Du Gros •, de Dye, la"
quelle j'aportey et corus de grands hasards pour les chemins
1. La famille Diicros. de Die, enrichie par le commerce, a joué un rôle
asse^ considérable dans le XVII' siècle. Marcellin Ducros, marchand, frère de
Jean, dont il est ici question, testa le i o janvier i6io et mourut le 5 novembre
suivant, laissant Charles, René, Jean et Jeanne Ducros. René fut avocat et
mourut sans postérité ; Jeanne, morte avant 1 61 0, avait épousé Claude Poudre!,
avocat à Die, et fut mère d'Antoine Poudrel. Charles et Jean hé'-itèrcnt par
égales parts de leur père et laissèrent une postérité, dont nous allons établir
la filiation. Les Ducros furent de ^élés protestants. — Charles Ducros fut
d'abord avocat à la cour de Die. En 1605 les églises réformées le députèrent
à rassemblée de Chatellerault, où il fut élu un des trois députés généraux.
Henri IV V anoblit par lettres du i4 avril 1608, vérifiées par arrêt du 1 S
juillet suivant. Il fut nommé président en la Chambre de l'Edit de Grenoble
par lettres du 18 mars i6o(). Lesdiguières l'envoya en 161 2 à l'assemblée de
Sommières et en i6ig, à la cour. En 1622, ayant été envoyé à Montpellier
pour traiter de la paix avec le duc de Rohan, Charles Ducros fut assassiné
dans une émeute excitée par le ministre Suffrein, dans la nuit du 22 février.
Il av.iit testé une première fois le 2 juillet 16 17 et une seconde fois le 8 sep-
tembre 1621 . De sa femme, Jeanne Bertrand, de Die (qui mourut le 22 octobre
16^1, à rdge de J2 ans, 16 jours) il eut: Pierre Ducros, conseiller au par-
lement de Grenoble, par lettres du 22 juillet 1622, qui acheta la seigneurie
de Recoubeau. Comme son père, il périt d'une manière tragique ; il fut tué à
Valence, le i4 août i6-f-4, dans une émeute de femmes, occasionnée par la
cherté des vivres [Voir /'Album hist. et arch. du Dauphiné par Champol-
LioN-FiGÉAc et BouEL d'H AUTERi VEs). Dé? 5ti /e/«>«e Magdeleine de Philibert
de Venterol, il eut : i" A le.vandre, qui suit ; 2» François, tué en Catalogne ; —
3'" Anne, mariée à )t. Is.iac de Chabrières ; 4' Marguerite. — Alexandre,
sieur de Recoubeau et de VAube, mourut vers i6g4, ayant eu de sa femme
Gabrielle de Berger, deux fils : Charles, décédé le 2-j a vril 1 6^8, et A lexandre,
sieur de l'Aube, qui se convertit à la révocation de l'édit de Nantes et épousa
en l'Eglise catholique, le 15 décembre 170^, Anne Bonnard, dont il n'eut
pas d'enfant. Il mourut en 1726, laissant une succession des plus embarrassées,
qui fut partagée entre François d'Armand, sieur du Périer, N. de Caritat. et
François Bertrand, procureur à Die. Son domaine de Chamarges, fut adjugé
aux enchères publiques à Gabriel Vigne, chanoine de la cathédrale ; il fut
acquis dans la suite par les Gallien de Chabons (Voir Le siège de Cha-
marges par les dames de Die en juin I66I. In-8", 17 pages. Extrait du
journal de Die, janvier 187g). — Jean Ducros, troisième fils de Marcellin
Ducros, épousa Catherine de Reynier. Il testa devant David Amoux, not., le
/5 mars [633 ; puis il fit un second testament en i64o, devant Girin, not.,
44 MÉMOIRES
Dyeu me conserva et rendyt a la mayzon, après avoir veu le
roy au dit Dijon et pluzieurs belles vyles en Bourgougne, aveq
tout le contanten:ient quon pouroyt dezirer, après avoyr fet ou
au alher que retour cent soysante lues de chemyn, estant con-
traint de passer au plus long, a l'ocazion de Tizi, Toyssè,
Chalon etSeure ^, quy tenoyt lors pour la ligue.
En l'année 1596, au moys de janvyer, je me fis portrere au
vif et armé a ung paîntre flament, quy estoyt en cete vylle,et
en payey quatre escus.
Au dit an et dix-neuf dudit moys, naquyt de Louyze En-
gilboud et de moy Danyel Gay, nostre troyzieme fyls; coume
aussy en cete anée, a Telection des Iconsuls de cete vylle, le
segneur de Gouvernet, gouverneur d'icele, en haynne du
voyage que je fis a Lyon par devers le roy, que aussy me voyant
directement bandé a soustenyr le byen publiq contre sa vo-
lonté, craygnant que je fusse esleu consul, brigua sertains mau-
ves habitans et des prinsipaux, lesquels, uns de crainte et
aultres de mauveze volonté au soutyen du byen publiq, en es-
lirent d'aultres, et mesme pour luy fere playsir ne fus mys du
conselh de vylle. Voylla l'ingratitude du peuple, quy est ung
anymal a pluzieurs testes, ne recougnoysant le byen quand bon
le luy fet et quy neanlmoins ne doybt desgouter les gents de
byen a s'employer jusqu'à la mort pour le byen du publiq,
lequel nous doybt tousjours estre pour recoumandé.
En cete année, au moys de julhet, fut veu au cyel une cs-
toylle chevelue durant huict jours quy randit estonnés plu-
zieurs personnes.
En l'an 1597, contre la volonté du segneur de Gouvernet et
au consulat des sires Danyel Boys et Hector Segont 2^ je fus
testament qui fut ouvert le 22 janvier it)4ù, époque de sa mort. Il laissait
deux filles : /" Catherine., épouse de noble François Odde de Bonniot, sieur de
Prébois, qui mourut en sa maison de la Salle., le 6 mat i64o, mère de Charles
Odde de Bonniot, sieur de Lautaret ; celui-ci épousa en 165S Marie de La-
morte. 2" Lucrèce Ducros épousa noble Daniel Lafrier, sieur de la Motte,
conseiller du roi, contrôleur des gabelles du sel en Dauphinc ; elle mourut le
10 octobre /65 V, mère de Paul Lagier, sieur de Pluviane.
1. 7'hi^y, chef-lieu de cant. du dép. du Rhône. — IVwissey, ch.-l. de c. du
dép. de l'A in. — Seurre, ch.-l. de c. de la Côte-d'Or.
'2. Daniel Bois, avocat, ancien du consistoire de Grenoble, en jfjuJ.
DES FRÈRES GAY. 45
esleu par le peuple du conseylh gênerai et du particulier et
crée juge coumys de la police.
Le dernyer jour du moys de janvyer, ung vendredy, a sept
heures du soyr, le 14« jour de la lune, il s'aparut au siel une
estoylle flamboyante, qui mena une grand clarté, laquelle fut
suyvie de deux gros tonneres ; le cyel, la lune et les estoylles
estant fort cleres, d'où plusieurs furent fort estounés pour
n'avoir jamès veu une semblable choze, [cela fut veu de plu-
[zieurs parts et oui. Dieu conduise toutes chozes selon sa s'«
[volonté etconvertisse se grand et remarquable signe a quelque
[choze de bon pour le repos et soulagement de son povre
[peuple gémissant soubs la tyrannie de ses opresseurs dès
[39 ans.]
Ledst Gaspar, fils d'Anthoynne, estoyt home de grand
estature et de six pieds d'aultheur, gresle de corps, gros
d'espaulles et ma.ygre de face, le poyl et barbe fort espaysse et
blonde, grand nés et petits yeux noyres, et home fort actif en
toutes chozes, grand chemyneur et aymant fort le travaylh
des champs et l'agryculture, se playzant fort a lyre histoyres et
escripre, étant eagé lorsquil fit cecy de trante quatre années et
quelques moys, et afin qu'on recongnut sa signature quyl
fayzoit ordynerement en chozes d'impourtance la insérée icy,
afin quelle serve si le temps le requerovt.
G. Gay.
Le dyt Gaspar est decedé de cette vye pour aller a la gloyre
céleste de paradys, ainsin qu'yl a toujours pryé et espéré en
Dyeu luy en fere grâce, au nom de son fils bien aymé Nostre
Segneur Jezus Christ, le [troisième] du moys [de juin] année
mylle [six cents six]; ayant attaint l'eage de [46] anées. Dyeu
luy face myzerycorde. Amen.
Danyel
Danyel Gay naquyt ung jour de mercredy, le 19'= de may
année myle cinq cents soysante deux, entre huytet neuf heures
de matyn. Son paryn fut hon. André Fraysse de Greine, son
honcle. Il n'eut point de marynne. Il a esté le premyer des
Gays en cete vylle batizé a l'esglize reformée, dans le grand
46 MÉMOIRES
temple Nostre Dame de Dye, par ung mynystre du lyeu de
Chastilhon 1. Il fut instruyt a Tescolle aveq moy par mesmes
presepteuis.et ayant ataint Teage de vingtans.il fut mys a Gre-
noble ches M'NycoUet, procureur en la cour de Parlementdudit
Grenoble, ou il demeura quelques années pour aprandre Testât
1. l'o/cî une lettre écrite à Die. le 6 janvier j ^62, par le ministre Guil-
laume Bermen\ elle renferme de fort curieux détails sur les progrès du pro-
testantisme dans nos contrées. Nous la reproduisons d'après le Thésaurus
epistolicus Calvinianus r/îr;/)ist'jo'^, in-4', 11 volumes. 1S72-1 Syc)), tio363~ .
L'autographe est à la Bibliothèque de Genève, vol. CIX, fol. 99.
A AVonsieur Colladon ou a son absence a Monsieur Calvin, ministres de
la parolle de Dieu a Genève.
Salut par nostre seigneur Jesus-Christ.
Monsieur et frère, l'occasion par laquelle vous escriptz la présente est
que ce porteur nommé Michel Malsang, jadis jacopin, prêchant en habit
de moyne a Valdroume, village proche de la présente cité de Dye d'envyron
six lieues, inspiré du Sainct Esprit délibéra laisser l'habit de moynerie,
come despuys a faict a tant que je me transpourtis audit \'aldrome por
illec fonder esglise chrestienne, cognoissant qu'il y avoit gentz craignantz
Dieu, lesquels despuys esleurent por leur ministre ledit Mahang come
leur étant agréable et estanz familiez de la parolle de Dieu, de sorte que
ledit Malsang, sont huy huict jours, en présence de trois ministres noz
frères et de moy, proposa aux fins d'estre receu au ministère de la parolle
de Dieu (après ce que fort bon rapport fust faict par l'assemblée de ses
bonnes vie et conversation). Laquelle proposition faicte fust résolu qu'il
allast estudicr cncores deux ou trois moys. Au moyen de quoy il s'en va
a ces fins la hault, avec ung sien compagnon, nomé Gaspard de la Mer,
natif de Gisteron, demeurant pour pédagogue audit Dye, bien modeste,
morigcnéet de médiocre scavoirtant en lettres divines que humaines, qui
parciliicment est esleu por ministre en l'csgiise de Chastilhon, village
proche dudit Dye de deux lieues. Lesquelles deux églises de Valdrome
et de Chastilhon envoient a leurs despens esludier lesdictz Malsang et de
la Mer, lesquels (a ce que ic cognois et que m'ont promis) diligenteront
grandement a leur estudc. l'arquoy vous prie en paiticullier, come aussi
généralement font ceulx desdictes esglises, leur voulloir ayder et vous en
prendre garde mcsme aux choses que concernent la correction et discipline
scholasliquc. Puys, quant leur scavoir pourtera d'estre receuz audict mi-
nistère, vous plaira les fere présenter devant messieurs, et estre qu'ilz
seront rcccuz audict ministère les envoyer de par de ca, le chascun res-
pectivement en son esglise et non alhicurs, actendu ladicte ellection et
qu'elles les entreticncnt (come sus est dict^ la hault a leurs despens.
Joinct une aultre raison, qu'elles sont si faméliques de la parolle de Dieu
DES FRÈRES GAY. 47
de pratisien. Après, demeura ung long temps a Ayx en Prou-
vence, poursuivant le cours de sa pratique, dans lequel survint
la guerre sizieme en l'année 1585, en laquelle il pourta quelque
temps l'arquebuze, en la compagnye de Monsieur de Soubre-
roche, en laquelle j'etoys ensegne ; après, se remy t arquebu-
zier a cheval en la troupe du segneur de Gouvernet, durant le
temps que alors survint la peste en cetteannée 1586, en laquelle
il quyta et fit sa quarantayne au Martouret, aveq mon père
ou ils demeurèrent quatre moys et plus. La vylle ayant entrée,
il se retyra et expouza Jeanne Plante, filhe a feu bon. Jean
Plante t, marchand en son vyvant de cette vylle, vefve de syre
Charles Caty, laquelle il fit son héritière. Ce fut en l'année
1587. De laquelle il heut Phelipe. Jeanne. Margueryte, Gaspar.
et Lucresse, Madelayne Gay , ses enfens. Il fut [trois fois] consul
de cette coumunaulté en l'année myl cinq cents quatre vingts
que rien plus, comc asses le faict le démontre. Et en ce faisant nous tous
vous serons grandement redebvables et prierons nostrc bon Dieu le vous
rendre, vous priant de salluer nûz frères en mon nom et de leur recom-
mander lesdictz Malsang et de la Mer, lesquels vous pourront rappourter
de la prospérité de nostre esglise et comme dernièrement nous avons
cellebré la cène.
Ma femme vous sallue, ensemble toute nostre chère Esglise, nous recom-
mandans a voz prières et de toute vostre esglise, et aultant en sera faict
de nostre part. De Dye, ce vi^ de janvier 1;J62.
Le tout vostre frère et humble obéissant Guill"^ Bf.rmen, ministre de
la parolle de Dieu a Dye.
1. Jean Plante, marchand, dont le nom se rencontre fréquemment dans les
registres consulaires, habitait la rue de l'Armellerie \ il fut consul en i -^66
avec François de Gironde^ écuyer. Ce fut un ^élé protestant En i 579. // fit
partie de la députation, chargée de demander au conseil robservation des
édits, touchant les points favorables à la nouvelle religion. Les noms des
membres de cette députation nous feront connaître quels étaient alors, dans notre
ville, les chefs des principales familles protestantes : Raymond Appai.x,
Jehan Plante. Jehan Engilboud, Jehan Combel. Claude Grimaud, Claude
Gayte, Pierre Malhefaud, Pierre Telmas, Anthoyne Jourdan, Guignes
Corsanges, Antoine Poudrel, Antoine Garcin, Jordan Girin, Bertrand
Malhefaud, Claude Chion, Guigues Timond, James Foulhas. Jehan Malhe-
faud, Jehan Gilbert, André Bonier, Jehan André et Nicolas Estre. En
1600, un Plante était notaire à Die. Louis Plante, avocat, fut consul en 1668.
Pierre Plante, chirurgien, vivait en lôgS.
48 MÉMOIRES
et quinze, avecques monsieur m« Anthoyne Rambaud, avocad
de cete \'ylle, et le sire Jean Coulomp leur trezoryer [et en
[l'année avec M* Daniel Roman procureur et la dernière
fois en Tannée avec M' Jean Masseron procureur. Il alla de ce
[monde en paradis le unze d'aoust 1620, ayant leyssé ung fils
[et trois filhes après luy. Ledit fils estoit advoucat nommé
[Gaspard, Phelippe femme de sire Jean Richard, Jeanne femme
[de s. Jean Ripert l, et Marguerite n'estant pas maryée aussy
[le susdit sieur avoucat Gay, qui mourut ].
Ledit Danyel fut home de bonne taylhe, moyenement gros,
yeux petits voyres, le poyl et barbe blonde, home traytable en
apointemens, ou il estoyt souvent employé, aymant l'agrycul-
ture et fort diligens en les afïeres, muny de grand memoyre
[et ayant attaint l'aage de 58 ans, est allé de ceste vie a la gloire
[céleste de paradis, le xi' du moys d'aoust année 1620].
Jean.
Jean Gay naquyt ung Jour de vendredy, le douzième octobre
1. Du mariasse de Jeanne Gay, fille de Daniel, avec Jean Rippert naquit
Daniel Rippert et Isabeau Rippert, qui épousa Jacques Gros, médecin de Die.
Jeanne Gay testa le i g février i6s7 '• elle veut être ensevelie a.u cimetière
de ceulx de la relligion refformée de ceste ville, de laquelle elle fait prof-
fcssion, au scindic desquels pauvres de ladicte relligion ladicte testatrice
a donné et lègue pour une seule fois la somme de vingt livres, payable
aud. scindic un an après son deces ; elle donne à sa fille Isabeau Rippert,
femme de m" Jacques Gros., médecin de Die, la somme de cent livres, outre ce
qu'elle lui a donné en contrat de mariage ; elle lègue à Daniel, Jean et
Jacques Gros, ses petits-enfants, cent livres à chacun d'eux, et à Jeanne et
Marie, ses petites-filles, deux cents livres à chacune ; elle lègue à A ntonie
Vallentin. de Barnave, sa servante, la somme de i o livres; elle institue enfin
pour héritier universel Daniel Rippert. son fils, avocat Ce derjiier épousa
Catherine \icolas et eut trois enfants : Daniel, avocat, Louis et Catherine
Rippert. Catherine, mariée en lôg" à Giraud Long, marchand de Die. fut
mère d'Antoine Long. Celui-ci naquit en i6gS, suivit la profession de son
père., et de sa femme Marie Imbert eut François Long, notaire, qui épousa le
q février /77.V Marie Lucrèce Lagier, fille de Louis Lagier, avocat à Die
et de Françoise de La Morte-Félines. François Long fut pcrc de : 1° Louis-
Antoine François, né le 26 novembre 177 3; mort le 12 juillet iS4S: —
!■• Jean-Denis Long, docteur en médecine, né le 3 octobre 1776 et décédé le
jj mai 1S66 [Voir plus haut, p. i3. — C'est dans ses papiers de famille que
se trouvaient les manuscrits originaux des Mémoires des frères Gay); --
.V» Marie-Rose, née le .V octobre lySi.
DES FRÈRES GAY. 49
myl cinq cents soysante sinq. Son paryn fut noble Claude de
Chippres. segneur de Soubreroche, du lyeu de Chastilhon ; sa
maryne fut danioyselle Clere de Sauvaing, filhe du seg-neur
du Ghaylar. Il fut batizé en l'esglize reformée par monsieur
Gerome l, ministre en cete esglize de Dye, au lyeu ou et la
grand boucherye de la vylle. Il aprint Testât de marchand de
draps de soye. lequel lorsque j'ay fet secy Tavoyt exercé en cete
dyte vylle l'espace de sinq années [et avoit print les armes
[durant la guerre de la Ligue es années 1585, 1586 et 1587, et
[depuis avoit dressé boutique de marchandise. En l'année
1599 il expousa Claude d'Eurre 2^ laquelle mourut environ
[ans après, luy ayant laissé ung fils, et après, en l'année 1602,
[il se remaria avec Madeleine Marye ^. En l'année 1632 et le
[30 janvier, ayant demeuré huit jours mallade, fit sontestament,
[receu par m^ David Planel notaire hereditere de ceste ville,
[par lequel fit héritier son frère cappitaine Anthoyne Gay, et
[légua a sadite femme tous les meubles de sa m.aison, et le
[vin de sa cave, et vingt une livres aux pauvres]. Ledit Jean
fut de bonne tailhe, gresle de cors, plain de face, yeux roux.
1. Cf. Arnaud. Hist. des protestants du Dauphiné, t. III, p. J27.
2. C'était probablement une petiie-fUle d'Aimé de Glane-d'Eurre, sieur de
Cugy, gouverneur de Die, à qui la famille Gay demeura toujours très dévouée.
Ce capitaine huguenot, qui eut un moment de célébrité, testa le 7 mai i ^S6,
et laissa d'Antoinette des Massues de nombreux enfants: Daniel, David, Jean,
André. Esther, Honorée et Françoise (voir plus haut, p. ^4, et archives de
la Drame, E, 12^2 et suiv.J.
5. Elle appartenait à une famille de notaires, qui embrassa le protestantisme
et a joué un certain rôle dans notre ville au XVI^ siècle. Guillaume Marie,
notaire, a été plusieurs fois consul, ainsi que Jacques Marie. Dans la querelle
qui divisa les gentilshommes protestants du Dauphiné, après la mort de Mont-
brun, le capitaine Guillaume Marie, de Die, ainsi que les capitaines Gay et
Appais, s'attacha au parti des Désunis, qui ne voulaient point de Lesdiguieres
pour leur chef. Le 28 juillet 1 580, Lesdiguieres écrivait de Gap au conseil
de Die pour leur faire entendre que le capitaine Marie et ceux de sa
faction luy auroient déclaré se vouloir;, si leur est permis par led. sieur,
se retirer en cette ville (de Die) en leurs maisons et y demeurer en neu-
tralité, ce que led. sieur treuve fort étrange, et n'estoit d'advis qu'on le
receut en cette qualité. Guillaume Marie mourut vers i sgo ; sa veuve,
Louise Gruely fille de Jacques.^ se remaria avec noble MaximiUen de Gironde,
50 MÉMOIRES
poil et barbe chastagnèe, ayment fort le trafique de la mar-
chandise et peu l'agriculture et le travaylh champestre et[ayant
[eu plusieurs enfants qui sont morts advant luy, est decedé le
[premier de febvrier 1632, après quatre heures après midy et a
[esté ensevelly le jour de Nostre Dame la Chandelleuse l.]
Marye
Marie Gay naquyt un jour de mercredy, le sixième julhet
myl cinq cents soixante huyt, entre quatre et sinq heures de
matin. Son paryn fut noble Ponson de Bergeron, sieur de
Chanteloube 2,d'Aouste; samarynne fut damoyzelleLouyze de
Beauchastel <". Il fut batizé par monsieur de Luzi '^, mynystre
i. Le 2 février, fête de la purification de la Très Sainte Vierge.
2. Chanteloube est le nom d'une maison forte sur le territoire d'Alixan.
7>. Elle était fille de François de Beauchastel et de Madeleine Reyne, qui
testa le i j avril / ^54 à Die. Elle avait trois frères: Gaspard, qui fut
plusieurs fois consul de Die; Jean, chanoine, puis doyen de Die, qui apostasia,
présida lui-même à Vincendie des archives du chapitre et des reliques de
>)'■ Etienne sur la place de la cathédrale en i j^62 et finit par se marier; et
Louis, reçu habitant de Genève le 12 octobre 1556. Cette famille n'était pas
établie dans notre ville depuis fort longtemps. Le notaire Charency nous a
laissé l'inventaire des meubles, que garda che:^ elle Louise de Beauchastel,
veuve d'Antoine Faure de Vercors ; cet inventaire est daté du 22 janvier
7532 (n. s.) et nous fait connaître quel était le mobilier d'une grande dame à
Die, au XV I^ siècle. Premièrement deux formes lictz de boys blanc, avec
leurs constres bien bonnes de plume et deux cuyssins plume. Plus
dedans lesd. lictz, deulx linceulx pour garde palhe. Plus la garniture de
cortines a chescung troys linceulx, en l'ung a deux corraux. Plus deux
couvertes et une vanne en ung lict bien bonne. Plus deux couvertes en
l'aultre lict. Plus une douzaine et dymie linceulx, quinze grands et troys
petits. Plus deux arches lombardes, tenant chescune huyts sesticrs ou
environ. Plus ung buffet de noyer menuisé a deux armeres, avec les
serrures et clefs, et deux chieres de noyer. Plus une table ronde de sapin,
ung banc tout de noyer a deux armeres dessoubs. Plus une table longue
et deux trateaux de sapin. Plus deux scabelles, deux landiers de fer. Plus
une arche de noyer menuizce, avec la serrure a doblc ressort et avec sa
clef. Une petite palle fer pour le foyer. Plus une chiere lombarde, que
n'a point de derrier, qui se plie. Plus ung cumaclc fer a deux branches
et douze cheynons. Plus ung aultre cumascle a troys branches et sept
cheynons. l^lus un tapis de tapissaric de l'iandres pour la table
'u Jean de Lusi, pasteur à Dieuleflt de j 5O1 à 7362 et à Die en 1568,
DES FRÈRES GAY. 51
de Dye, et au moys de nouuambre myl cinq cents huytante
quatre fut maryée a sire Piere Valensan, apotiquere de cette
vyle de Dye Ele fut de boune taylhe, blonde de cheveuls,
petits yeux noyrs, femme fort devotyeuze en sa religion re-
fourmèe, aymentet fréquentant les predicasions, et heut tant
de son patternel que matternel que sinquante escus, que son
paryn luy donna en son dernier testement quatre cents escus
de doyre. [Après la mort dud. sire Vallensan, qui fut en l'année
IbOl et au bout de l'année. Il se remaria avec monsieur M^
[Samuel Benoit 1, médecin, natif de Seyne, environ trois ans
[après la mort dud. s. Vallensan. Elle mourut en l'année
[et fît héritier led. s. Benoit.]
Anthoyne.
Anthoyne Gay naquytung jour de vendredy, lepenultyeme
jour de juin, myl cinq cents septante ung, a troys heures après
mydy. Son paryn fat le sire Jean Barbyer, marchant de cete
vylle, et sa maryne fut damoyselle Jeanne Fraysse, sa couzine,
femme de M'^ Louis Escouffier, notere de Dye. Il fut batizi au
château d'Ayx par monsieur M"' Chabran '^, ministre par lors
de Dye, ou l'on n'ozoit prescher a l'ocazion d'un esdyt que le
roy Charles neufvieme, roy de France, avoyt fet. Il fut instruyt
aus escoles, ou il aprint a lyre et escripre, et ayant ataint l'eage
de dix et huytans, il print les armes en la sixième guère, et
fut par lors arquebuzier a cheval aus gardes de noble Fransoys
de Bonne, segneur de Lesdiguieres, et y receut deux arque-
buzades en sa personne, dont Tune luy demeura dans le cors,
1. Samuel Benoit, docteur en médecine, qui épousa Marie Gay, veuve de
Pierre Vallensan, apothicaire, était le second fils d'un réfugié dauphinois de
Genève, Georges Benoit et de Salomée Cop, de la famille des savants de Basles.
Il fut professeur à l'académie de Saumur et grand humaniste:, on a de lui
une traduction en vers latins de la seconde semaine de Du Bartas, imprimée
à Lyon en i6og. Il exerça la médecine à Die et à Grenoble. Cf. La France
prolestante, t. II (1881) col. 277-81 ; Rochas, t. I, p. 102.
2. Il s'agit sans doute de Jean Ckabrand., ministre à Sisteron en 1 ')6 1 , réfugié
à Genève à la Saint-Barthélémy et admis à rhabitation dans cette ville le
/5 septembre f=i72.
52 MÉMOIRES
laquelle il heut a la desfette que monsieur de Lesdiguieres fit
a Esparon en Prouvance sur ceux de la Ligue. Il se trouva en
plusieurs factions de guère, tant en Prouvance, Piemond,
Savoye et Daufîné, tousjours suyvant le segneur de Lesdi-
guieres, segneur tenu en réputation de luy des plus vaylH'ants,
sage et heureux de la France, et quy a fet des exploits mer-
veiheux, en son temps. [Et pour lors estant gênerai de l'armée
[du roy en Dauphiné, Piemond et Savoye, ce fut en l'an 1590,
[sur la fin d'octobre, au lieu de Vif, qu'il se remit au service
[des gardes dud. segneur, qui dud. lieu, s'en ala tenyr les Estats
[de ceste prouvince a Voiron et iceulx tenus alla prandre les
[rues de Grenoble nommés de S' Laurent et La Periere, et
[donna ung coup de pétard a la porte du pont de l'Isère qui
[passe entre lesdites rues et lad. ville, qui enfonça lad. porte,
[mais le cladat de fer de lad. porte abatu, ne se fit pour ce
[jour, autre chose. Mais fit venir son armée et six canons pour
[batre la dite ville, laquelle fut rendue par composition et le
[gouvernement donné a M. de Morges. La compagnie dud.
[segneur entra la première dans lesd. rues de S' Laurens et de
[la Perière, et après celle des gardes de laquelle ledit Anthoine
[estoit, commandé par mons. des Orres l. Quelques jours après
[mons. de Gouvernet avec cinq cents reistres et environ deux
[cents arquebusiers a cheval tant des gardes que autres alla
[en Savoye a S' Bardot i^, ou estoyt logé. . Renvoyé au feuil.
[52, ou est descrit ce que led. Antoine a durant sa vie veu de
[notable.] Ledit Anthoyne fut de la grandeur de Gaspard son
frère et luy retyroyt fort de fasse et poyl et barbe blonde, actyf
et plain d'amytié, aymant fort l'agriculture et les armes et a
lyre histoyres.
ESTHER
Esther Gay naquyt ung vendredy sinquyesme jour de dé-
cembre myl cinq cents septante huyt, a deux heures du soyr.
Son parin fut M'= Claude Dupuys, notere de cete vylle ; ses
marynnes furent damoyselles Honorée et Fransoyze de Glane,
1. La terre des Orres, au diocèse d'Embrun.
2. Saint-Baldolph^ en Savoie, cant. et arr. de Chambéry.
DES FRÈRES GAY. 53
filhes du segneur de Cugie. par lors gouverneur de Dye et fut
batizee a l'esveché par monsieur Ennemond de la Combe->'^,
ministre. Elle mourut de briesve maladye eagé d'envyron deux
ans. Voyla en soume ce quy c'et passé d'elle.
^7. Voir plus haut. p. ijj. Nous donnerons ici. d'après le Thésaurus e.p\9,-
tolicus Calvinianus, n* 36 ^-f-. une lettre adressée à Calvin par Pierre Bise .
pasteur à la Côte-Saint- André, le i6 décembre i s6 f ; on y trouvera de fort
curieux détails sur les origines du protestantisme à Romans et sur le ministre
Lacombe.
Au très fidelle serviteur de Dieu, mon très honoré seigneur et docteur,
monsieur Calvin.
Nostre Seigneur Jésus vous soit pour salut.
Mon très honoré seigneur, considérant Testât de Tesglise de Romans
et la moisson copieuse qui y est, ie ne puis moins faire que la vous re-
commander au nom du Seigneur, afin que par vostre faveur, aide et con-
seilh elle soit assistée. J'appercoy la famine très grande de la pasture
céleste, l'ardeur de la recevoir, quand le Seigneur leur présente le moyen.
Ouyant la clameur de ce grand troupeau, voyant la diligence des diacres,
le soing des anciens et expérimentant le zèle en l'œuvre de Dieu, leurs
regrets et soupirs, causant la longue absence de la Comba, leur ministre
(preste en une extrême nécessité a ceux d'Oranges, comme serez ample-
ment adverty par ces deux notables personnages) ie suis contraint de
soupirer avec eux et me complaindre a vous du tort qu'il me semble leur
cstre faict par lesdits d'Oranges et la Comba, contre l'intention du synode
tenu a Dye et la permission desdits de Romans. Car si ceux d'Oranges ne
se sont voulu pourvoir de ministre, comme leur avoit esté cnioinct, re-
grettans encores (comme verres par leurs lettres; leur Greg. Cornélius
receu par eux sans vocation et ordre légitime, et si ledict La Comba
n'avant résisté audit Romans iusques a la prison et au sang se trouve
plus commodément et a son aise avec lesdits d'Oranges, si sa femme nou-
vellement espousée lui est un empeschement ou lui est plus chère que
l'Esglise du Seigneur, de laquelle par nécessité il a esté en charge, qu'en
peut mais ce pauvre troupeau affamé et désolé, duquel il rendra comte.
Je vous supplie donc, au nom du Seigneur, leur tendre la main, de
sorte qu'ils aient occasion d'estre au double redevables envers vous. Il
seroit du tout nécessaire qu'a vostre instance M'" Merlin y tit un voyage :
car ie say qu'il y sera receu comme un ange de Dieu, avec un fruict ines-
timable. Ils ont conceu cette espérance que mondit sieur Merlin leur fera
ce bien et grâce de les venir remettre en ordre (afin que ie ne dise en vie),
a leur grande consolation. le me tiens desia pour résolu de la facilité et
devoir envers les siens, auquel l'en eusse escry si l'eusse heu le loisir. A
tant je prierav nostre bon Dieu et père vous faire prospérer en son œuvre.
Bulletin d'hist. f.ccl. . . de Valence. 5
34 MÉMOIRES
Marthe
Marthe Gay naquyt ung lundy vini;-t et troyzieme avryl my.
cinq cents huytante deux, entre sept ou huyt heures du soyr,
Son parin fut Thomas Gay, son frère, et sa marinne fut Glaude
Gay, sa seur, femme de syre Louys Appays. Elle fut batizée par
monsieur Vytal Lhaurens ', lors mynystre de Dye, dens la
cour du jardin et estableryes de sire Pierre Bertrand, près des
courdeliers, ou l'on preschoyt par lors, a ToGazion de ce que
l'on n'avoyt point encore basty de temple pour prescher. [Il
[fut marié en premières nopces a sire Pierre Advond et en heust
^deux enfans qui moururent quelque temps après la mort de
[leur père. Elle se remaria a S"" Pol Chappot ^, lequel aussy
[mourut et leyssa la susdite Marthe Gay avec ung malle et
[deux filhes : Tainée maryée avec Gaspard PouUat, nommée
[Bonne, et l'autre Louyse mariée avec Pierre Lambert notera,
[et ce après le deces dud. Pol Chappot. Lad. Marthe Gay est
[decedée le vingt huyt octobre 1640, a quatre heures après
[midy, jour de dimanche, ayant jusqu'au dernier période de sa
[vie recours a la miséricorde de Dieu et sans apreander la
[mort, après avoir esté exortée et consolée par monsieur Eus-
[tache ^\ ministre, est decedée et leyssé héritier Charles Chap-
assister a ses povres et désolées esglises, vous Ibrlitier et eonscrver en
bonne santé, longue et heureuse vie, me recommandant très humblement
a vos sainctes prières et bonne grâce, sans oublier mondit sieur Merlin
et mes honorés seigneurs, vos IVeres et compaignons. De Romans, ce IG
de décembre ]i)(31 .
Pour autant que ceux de Beaurepairc, Moras, St-Valier et autres es-
glises désirent d'avoir ministres, ie vous supplie admonester un M« Pierre
Bisson, iadis apoticaire a Yverdun qu'il se prépare : car ie délibère en
brief l'envoyer querre, si le trouvez propre. Sa pieté et saincte conversa-
tion m'est assez notoire de long temps.
Vostrc très humble serviteur et disciple a iamais.
BiSK.
1. M'^ Arnaud l'appelle Laurent Vitel (t. II, p. 3-jjj.
2. // était peut-être parent de Pierre Chapot, dauphinois, qui fut exécuté à
Paris en 1 546 pour avoir introduit dans la ville des livres hérétiques, qu'il avait
apportes de Oenève. Cf. La France protestante, /. ///, col. loH^-G.
7). David Eustache a été successivement ministre à Corps, à La Terrasse,
DES FRÈRES GAY. 55
[pot, son fils, par son dernier testament, receu par m. Jean
[Mailhefaud, notere, du jour que dessus elle mourut.]
Memoyre des contrats fets et pasés en la fabveur de
Anthoynne Gay, bourgeoys de Dye, auquel coumance la
troyzieme generasion.
Mariage de Anthoynne Gay bourgeoys de Dye et de damoy-
selle Jeanne Brunel, filhe de noble Vinsent Brunel, segneur de
S* Maurisse, Laie et le Serre en Triesves, et habytant dudit
S' Maurisse, reseu par m« Guylhaume Brunel, notere de Laie,
mandement dudit Saint Maurisse, du vingt et six nouvambre
myl cinq cents quarante deux. -■ 154^ —
Mariage dudit Anthoynne Gay avec damoyzelle Jeanne
Faure, filhe de noble Jourdan Faure. segneur de Vercors de
cete vylle de Dye, resseu par mètre Anthoynne Charensy, nc-
tere dud. Dye, en l'année myl cinq cents sinquante et neuf.
— 1559.
Dounasion de m* Gabryel Gay, chanoine de l'Esglise cate-
dralle Notre Dame de Dye, fet en fabveurde Jourdan Malsang.
et nous servant, reseu par m' Gabryel de Savignes, notere de
Dye, du vingtyeme mars myl cinq cents quarante. — 1540.
Testement de vénérable messire Piere Gay, prebstre de l'es-
glise Nostre Dame de Dye, faysant en fabveur de Anthoyne
Gay, son frère, reseu par m= Anthoynne Lambert, notere de
Dye, du vingtyeme jour du moys de janvyer année myl sinq
cents sinquante sinq. — 1555.
Instrument d'apointement. fet entre led. Piere Gay et Ga-
bryel Gay. son honcle, reseu par m* Anthoyne Charensy, de
l'année J contenue aud. instrument.
Achept de vingt et ung flourins pension, faysant pour led.
Anthoynne, contre Jourdan Malsang, reseu par m^ Anthoyne
Lambert, notere de Dye, le vingt de julhet myl cinq cents
sinquante quatre — 1554.
à La Mure, à Die (de i638 à lô-Pi) et à Montpellier. Il soutint plusieurs dis-
putes tliéologiques avec des docteurs catholiques, notamment avec le P. Fichet,
jésuite. Rochas, t. 1, p. 3^8-6o ; — Arnaud, Notice sur les controverses
relig. en Dauphiné, p. 3g, 4o, 4^.
56 MÉMOIRES
Arest provizionel de la cour de Parlement du Daufyné, séant
a Grenoble, contre Leonarde Roustagne, vefve a feu Jourdan
Malsang, pour vingt et ung flourins pension, du 14* décembre
1531, signé Albarestier.
Aultre arest définitif contre lad. Rostagne, pour les vingt et
ung tlourins pension, sy dessus mentionnés, donné aud. Gre-
noble le douzième du moys de may 1583, signé Bertrand.
Achept d'un tenement de deveys, fet par m"^ Piere Gay, situé
au teroyr de Dye, lyeu dyt en S' Corp, près la Roche de Rou-
meyer, au-dessous la rivière de Meyrosse, et du coutté de la
vylle les vignes de la Gueyre, reseu par M'= Mourel, notere de
Dye, du unzieme febvryer 1537.
Enqueste, fette pour led. deveys par Pierre et Anthoynne
Gay frères, en ung procès contre eus intanté, pour l'abolition
dud. deveys, par Dysdyer Daumas dyt Fassy, fette par M«
Guylhaume de Rodon, juge de cete vylle, et mestre Jacques
Mailhefaud, son greffier, dutreze jour du moys de décembre 1549.
Nomynasion en amy,fayzant pour led. Anthoynne Gay, d'une
tere aus Myelons, qu'yl a du despuys eschangé a M. Bertrand
Malhefaud, couturyer de cete vyle, pour une aultre au sere du
Martouret,coume apert par M' Antoyne Lambert, notere de
Dye. 1564.
Mariage de André Courbiere de Lyvronet damoiselle Jeanne
Faure, de Dye, servent en cette mayzon,resu par M' Anthoine
Charensy, notere de Dye, du septyeme jour du moys de juin
1556.
Achept du tenement de Puergnon, consistant en mayzon et
coulombyer, jardin, tere, pré et vigne par Piere Gay, de Piere
Charensy de cette vyle, resu par M^ A nthoyne Lambert, notere
de Dye, avec ratificasion. le tout reseu par led. Lambert, sa-
voyr l'achept le vingt et deux julhet 1554, et la ratificasion le
six mars 1555.
Achept de Anthoyne et Pierre Gay d'une tere en Saueyra,
aquyse de jean Brun, boulangier de Dye, que confronte le rif
de Saveyra, juste le beal de leygage, tere et pré de Claude
Vignon, tere et pré de Hilaire Sausine, resseu par M' Claude
Boyery, notere de Dye, du dix neuf décembre 1550.
DES FRÈRES GAY. 57
Achept dud. M' Pierre Gay d'une terre en l'Aulmet, acquyse
de Jean et Mychel Brunels, alias Pascallet, confrontant la terre
des frères prescheurs, le beal de leygage au mylieu, tere de
Fransoys Plannel et tere desdits prescheurs du dessus, l'eceu
par M' Barthelenny EscoufRer notere de Dye du unzieme jan-
vyer 1538.
Achept de M' Pierre Gay d'une tere en l'Aulmet, aquize de
Laurans et Fransoys Perynets de Dye, confronte la tere de
Fransoys Pascallet, le tenement de teres, grange dud. achep-
teur, terre de M" Anthoyne Pelhon et aultre dud. Paqualet,
tere du prieuré de S' Marcel, ung rif mort entre deus,
resseu par M' Anthoyne Charency, de Dye, du quatorzième
avryi 1541.
Achept de Anthoynne Gay de cent huyt pas tere de longeur
et cinq pas de largeur au Martouret, aquys de Genefvieve Ty-
baude, juste et long la tere dud. Gay de long et de deus coustés,
et tere de lad. Tybaude, tere dotale de M' Guy Brun, le rif au
pied, deslivrée à l'inquand du douzième nouvambre 1557, re-
seu par M^ Esprit Dermenon greffier et notere de Dye.
Transaction de Jacques Fabryer et Claude Pynoud, pour ley-
gage du Martouret nous servent, reseu par M* B'ransoys
Achart, notere de Dye, en l'année 1505.
Achept de Pierre et Anthoyne Gay frères d'une vigne, asize en
Beq au sel, syse en Loysette ou l'Arenyer, aquise de Estienne
Masse, que confronte le chemin publiq alhand en Beq au sel,
et vignes desd. acheptenrs, ung rif mort entre deux, reseu par
M« Anthoyne Lambert, notere de Dye, du sixième avryl 1549.
Achept d'une tere en l'Aulmet aquyse par les susdits Gays
de Louys Richaud, dyt Sausine, et Claude Malsang, maryés,
que confronte la terre de Pierre et Reymond Margnauds, res-
seu par M' Claude Boyery, de Dye, du 15 may 1551.
Apensionement d'un tenement en l'Aulmet ou Saueyra, et
consistant en grange, mayson, terres et prés, feten fabveur de
M« Pitre Gay, par don Thomas Gay, son honcle, sacrestain du
prieuré de S' Marcel les Dye, avec ses confronds, reseu par M^
Guylhaume Marye, notere dud . Dye, du sixième jour du moys
de setembre 1538.
5.3 MÉMOIRES
Ratification, recougnoysance et investiture dud. tenement,
fet aud. Gay, par le pryeur de S' Marcel, reseu par led. Marye,
du vingt troysieme juin 1539.
Achept de dix tlourins de pansion, que le susdit tenement
de l'Aulmet faizoit au prioré de S' Marcel les Dye, reseu par
M' Barthélémy Escouffier, en datte du jour et année i con-
tenus.
Achept de M' Piere Gay d'une tere en l'Aulmet, aquyse de
Laurûns Chapaiis. laboureur dud. Dye, que confronte la tere
dud. vendeur du coutte de la vylie, juste le chemin alhand a
Roumeyer, reseu par M" Anthoynne Charensy du six et neuf-
vieme du moys d'octobre 1544.
Achept de Anthoyne Gay d'une mayzon dans Dye, asize en
la rue de Vileneufve, qu'yl a heu a l'inquand publiq des hoirs
de Martin Malsang, que confronte lamayzon dud. Gay,mayson
des hoirs de George Bertrand, passé par devant M'Guylhaume
Roudon, juge, et M' Jacques Mailhefaud, greffier, du 15 julhet
1551.
Quytance.consedée aud. Gay par Jean Roux etCateryneGay,
maryés, parles droyts de légitime deubs a lad. Cateryne, sur les
byens de Barthélémy Gay leur père, reseu par M' Anthoyne
Lambert, notere de Dye, du douzième julhet 1566.
Espulsion de douze sols pension, que led. Anthoynne Gay
fayzoyt aus pauvres lépreux de la maladiere desus vylle, reseu
par M' Fransoys Garcin, notere de cette vylle de Dye, du 4*
febvrier 1581.
Aquyt concédé a Anthoynne Gay, par Thomye Gay, filhe
naturelle de feu M*" Pierre Gay, et Joachin Amblard, son mary,
du Montelhymar, reseu par M' Claude Vallete, notere du
Monthelymar, du 17 janvier 1566.
Aquyt concédé a Anthoynne Gay par Oudix Roux, sa niepce,
filhe de Cateryne Gay, pour tous les afferes passés, qu'yls ont
heu ensemble, reseu par M' Pierre Cartyer, not. du Crest, du
18' juin 1576.
Eschanges, fets entre led. Anthoynne et Anthoyne Garsin,
dit Patu, d'une pièce de tere au Martouret, que confronte la
tere de Claude Vyeron et la vigne de M' Paul Dermenon et le
DES FRÈRES GAY. 59
chemin alhand a Ouson, baylhée par led. Garsin, et une pièce
de tere en l'haulmet, baylhée aud. Garsin par led. Gay, reseu
par M* Eynard Chabert. notere de Dye, du 8 septambre 1578,
sur ung registre au feulh. xxiiii.
Eschanges, passés entre AnthoynneGay et Bertrand Malhe-
faud et Caterynne Fabvyer, maryés, d'une tere au Martouret,
baylhée par lesd. Malhefaud et Fabvyer aud. Gay, pour une tere
aus Myelons, que led. Gay leur a baylhé, reseu par M. Eynard
Chabert, notere de Dye, couché sur ung reg. au feuilh. lxxi,
en l'année 1566.
Achept de tere, fet par Piere et Anthoyne Gay, frères, reseu
par M" Anthoyne Charensy, en l'an 1544.
Eschanges, fets par lesd. Gay aveq Jean Faure dit Pase-
rat d'une vigne en la Gelinne, que led. Faure leur a baylhé,
reseu par M" André Maseron, le premyer jour de may année
1545.
Achept desd. Gay d'une terre au Martouret, aquyse de
Jacques Fabvyer de Dye, reseu par M^ André Maseron du 15
jour du moys de juyn année 1546.
Achept desd. Gays d'une vigne en la Gelynne, aquyse de
Goudon, reseu par M'' Esprit Dermenon, not. en 1548.
Achept de Pierre et Anthoynne Gays, frères, d'une pièce de
vigne en Beq au sel ou l'Areynier, aquyse de Estienne Masse, et
reseu par M*' Anthovne Lambert, noiere de Dye, en l'année
1549.
Achept d'une vigne en la Gelynne ou tere, aquyze par lesd.
Piere et Anthoyne Gays. frères, de Jacques Vyal, resseu parM*"
Anthoynne Lambert, not. de Dye, en 1 année 1552.
Achept dud. Anthoyne Gay d'une vigne en la Geline, reseu
par M" Esprit Dermenon, not., en l'ann. 1550.
Instrument faysant en la fabveur de Pierre Gay, reseu par
M.^ Anthoyne Charensy ou Guylhaume Marye noteres de cette
vylle en leur lyvre G. folyo 14.
Achept de M** Pierre Gay, prestre del'esgiise Notre Dame de
Dye, d'une tere en l'Aulmet, qu'yl a aquys de Perynnet, reseu
par M"^^ Guylhaume Marye, not. de Dye, en l'année 1540.
Achept de M'= Pierre Gay d'une tere en l'Aulmet, aquys des
60 MÉMOIRES
Chapaiis, reseu par M^ Guylhaume Marye, notere de cette vylle
en l'année 1543
Achept dud. M" Pierre Gay d'une tere, aquyse des Gal-
vaguets, reseu parM° Maurely, not. de cete vylle, en l'an 1534.
Transation et appointement, passés entre Anthoyne Gay,
bourgeoys de Dye, et Thomas et Glande Gays, sesenfans, tant
de leurs droyts paternels que maternels, aveq les paches et
conventions entre euls, coume a plain et contenu au contrat
dud. apointement, reseu par M' Davyd Lambert, not. de Dye,
du 23" mars 1585.
Aquyt, concédé par le sire Jean Valensan, marchand de cette
vylle, père de Piere Valensau, a Anthoynne Gay beau père dud.
Piere, de la soume de cent sinquante escus sol et une robe de
sarge de Flourance, en diminusion de dot, constytué a Marye
Gay, femme dud. Piere et filhe dud. Anthoyne, reseu par M"
Gaspard Chabert, not. de Dye, du vingt et sizieme mars
année 1585.
Espulsion et quytance de quarante deux sols pention d'un
coutcé et dix huyt sol de l'autre, de laquelle Barthélémy Gay
s'etoyt rendu caution pour Gabryel Gay son frère, envers
messieurs de l'esglise, comme apert aquyt donné a Anthoyne
Gay par M'' George Marselhe, chanoyne de lad. esglise, et ins-
trument, le tout reseu par M' Authoynne Charensy, du 22
julhet année 1557.
Aquyt concédé a Anthoyne Gay par sire Louys Apays, mary
de Glaude Gay, sa filhe, pour la soume de 310 escus, payés en
diminusion du dot de lad. Glaude aud. Apays, reseu par M»
Anthoyne Lambert, not. de Dye, du 17 julhet 1565.
Aquyt concédé a Anthoynne Gay par Thoumas Gay, son fils,
de la soume de deux cents trante troys escus vingt sols, a luy
légués en son contrat de maryage par led. Anthoynne, reseu
par M' Gaspard Chabert not. de Dye, du dixième décembre
1580.
Achept de Anthoynne Gay d'une tere au Martouret, aquize
de Guylhaume de Byerre, de Dye, que confronte le rif du Mar-
touret, reseu par M*" Claude Boyery, not. dud. Dye. du 9*
juin 1550.
DES FRÈRES GAY. 61
Testement de Anthoynne Gay, fet en fabveur de Gaspard Gay,
son fils, le 12= d'aoust 1586. reseu par M® Louys de Rodon,
notere de Dye, vers le pont d'Aurelhe, a l'ocazion de la grand
contagion, quy fat a Dye en cette année 1586.
[Testement d'Anthoyne Gay, reçu par M*' Pierre Chalvet,
[ notaire, le 50 décembre 1587, ou il fait Gaspard Gay, son fils,
[ héritier, et ou led. Gaspard decederoit sans enfant ou ses
[ enfants decederoient sans enfans substitue Antnoyne Gay
[ son frère et les siens ].
Cet la quatryeme generasioîj de la maizon des Gays, a
Dye, de laquelle Gaspar fyls d'Anthoynne ce trouve le
premyer, byen que Thomas fut son aysné, a l'ocazion de
ce que led. Thomas s'esmancypa, et par ainsin led. Gaspard
ce trouve HERITIER, DUQUEL S'ENSUYT LA GENERASION ET CE
QUI EN A ESTÉ. DyEU NOUS FASE LA GRACE d'y MULTYPLIER A SA
GLOYRE.
Gaspar Gay, fyls d'Anthoynne, a coumancé la quatryesme
generasion et sont sourtys de luy et de Louyse Engilboud sa
femme des le vingt avryl myl cinq cents quatre vingts et sept,
que leur mariage fut reseu par M*^ André Gilbert ', notere de
Dye et expouzerent le vingt six septambre myl cinq cents
quatre vingts et sept soubs l'aie du marché. Monsieur Bar-
byer -, mynystre de cete vylle les espouza. Ladite Engilboud
heut troys mylle six cents lyvres de doyre, que son perc le sire
Jean Engilboud, bourgeois de Dye, luy avoyt donné par son
dernyer testement, ou Herculles Engilboud, son frère, a sa
constitutyon de dot. Elle estoyt de moyenne staturedegrandeur
yeux roux, grand front et poyl chastaing, femme devotyeuse et
de peu de paroles, bonne mesnagere et propre tant en habyts
quen aultres chozes. Elle naquyt, a ce que j'en ay peu reculhyr,
au moys de nouvambre, en l'année mil cinq cents soysante.
1. C'est probablement à cette famille de Die qu'appartenait Louis Gilbert.
qui fut ministre protestant et se convertit au catholicisme en i6S^. On sait
qu'il est auteur d'une vie de S' Etienne, éveque de Die. Rochas, t. /, p. 422.
2. Louis Barbier, successivement ministre à Die eu r §88, à Saillans en iboji,
à Pontaix en i6o4.
62 MÉMOIRES
Elle estoyt de mon eag-e et n'avoys qu'un moys plus qu'elle.
Nous demeurasmes deux ans et quelques moys maryés, sans
avoyr enfens, et du despuys eusmes, en Tannée myl cinq cents
quatrevingts et dix, le premier D'elle donq et de moy, sont
issus : Hercules et Fransoys, [Danyel], , desquels la
natyvytté sera cy après descripte au long.
Hercules.
Hercules Gay naquytun jour de jeudy,huyctieme defebvryer,
année myl cinq cents quatrevingts dix, le synquiesme jour de
la lune nouvelle, entre neuf et dix heures du soyr. Son paryn
fut honorable HercuUes Engilboud,son honcle, frei'c de Louyze
Engilboud sa mère, et sa marynne damoyzelle Fransoyze de
Chappot, couzine germaynne de lad. Engilboud, et fut batizé
le septyeme mars en l'année susrhte, au temple de nouveau
basty vers Saint May l, par monsieur Davyt -, mynistre de
Pontays, preschant lors ycy, ou se fayzoyt une asamblée de
mynistres, et Dyeu le retyra a luy le dixyeme mars myl cinq
cents nouante. Se vouUant servyr des premyers fruyts qu'yl
nous avoyt donné. Dyeu nous face myzericoi'de et nous envoyé
ce qu'il cougnoyt nous estre nesessere, au nom de son fils
Jésus Crist. Amen.
Fransoys.
Fransoys Gay, segond fils de Gaspar, naquyt ung jour de
mardy, vingt six de julhet mil cinq cents nouante quatre,
entre quatre et sinq heures du matyn, la lune estant nouvelle
de neuf jours. Son paryn fut noble Fi'ansoys de Perdeyer ^,
1. Ce temple fut démoli par arrêt du Conseil d'Etat, le 3o juillet i68^,
comme étant bâti dans une ville cpiscopale. La cloche que les protestants y
avaient placée avait été saisie le i avril de la même année par le juge Gaspard
Collet, sieur d' Anglefort et le consul Boudra. « Elle avait, lisons-nous dans
une note de M" Long, une largeur de 3 pieds moins un pouce en bas et autant
en hauteur en dedans. Ecusson aux armes de France. Salvatoki xpo reli-
GIONIS REI-OK.MA lAE AVCl ORl ET PROIECTORI DIENSES CIVES DD ANNO IGl'i.
2. Auguste David, ministre de Pontaix.
3. LafamilU. Perdeyer ou Pt,rdier est originaire d'. Mcnglon. Claude Perditr
est nommé parmi les nobles de cette localité dans une révision de feux de
DES FRERES GAY.
63
syeur de S' Martin, et sa marynne damoyselle Izabeau de
Vercors, ma couzine, et a esté batizé au temple de nouveau
basty vers S* May, par monsieur Guylhaume Vallyer 1, my-
nystre de la parole de Dyeu a Dye, un jour de mardy, tran-
tyesme d'aoust, anée myl cinq cent quatrevingts et quatre.
Et Dyeu l'a retyré de cete vye pour le mettre en la gloyre éter-
nelle, le premyer jour du moys de septambre, en la susdite
année. Dyeu nous face mysericorde. au nom de son fils Nostre
segneur Jezus Crist. Amen.
Danyel.
Danyel Gay, nosti-e troyzieme fils et de Louyze Engilboud,
naquyt ung vendredy, dix neuf janvyer, mil cinq cents nonante
six, entre sinq et six heures du matyn. Son paryn fut hono-
rable Danyel Gay, mon frère, son honcle, et sa marynne
damoyselle Jeanne de Brunel. femme du capitaine Jean de
Chabanas, seur utérine de Louyze Engilboud, sa mère. Et fut
batizé au temple vers S^ May, par monsieur m« Guylhaume
Vallyer, ministre de la parole de Dyeu en cette vylle de Dye,
le jeudy vingt cinquyesme janvyer, audit an myl cinq cents
quatrevingt seze. Dyeu Juy face grâce et a nous pour le fere
instruyre en sa craynte, au non de son fils byen aymé, nostre
segneur Jezus Crist. Amen. [Decedé en 1650 et le ].
i4y8. François de Perdeyer, marié à Françoise de Chapot, sieur ae Saint-
Martin sur iVlenglon, habitait Die : sa fille et unique héritière Madeleine fut
baptisée le i ^ avril i sg2; elle épousa en i62-f- Hercule de Chabestan, seigneur
de Montobscur et en eut Antoine de Chabestan ; elle mourut le 8 avril j6^8.
Claude de Perdeyer, frère de François, capitaine et gouverneur des châteaux
et vallées de Queyras avait épousé le 8 avril i ^go Madelein? de Chypre ; cette
dernière étant morte le 2/ décembre /592, il se remaria le 20 août i sg-f- avec
Claude de S^Ferréol. N'ayant eu qu'une fille, Jeanne de Perdeyer, qui avait
épousé Henri de Philibert, seigneur de Venterol, il testa en faveur de Henri
de Philibert, son petit fils, à la condition qu'il porterait son nom et ses armes ;
il fit des legs à sa femme, à Madeleine de Philibert, sa petitefille., et à Fran-
çois, son autre petit-fils. Il mourut vers 1624. Henri de Philibert de Per-
deyer, seigneur et baron de l'Argentière, épousa Françoise d'Agoult, fille de
Charles, seigneur de Piégon ; il testa en 16S0 : ses enfants étaient Charles,
François, Henri, Claude et Françoise de Philibert de Perdeyer.
1. Guillaume Vallier, né à Cervières, élève de l'académie de Genève, fut
ministre à Die de i ^g3 à i6og, époque de sa mort.
64 mémoires
Memoyre des contrats, fets et passés en la fabveur de
Gaspar Gay, marchand de cette vylle de Dy'e, auquel
COUMANCE la QUATRIESME GENERASION.
Mariage fet et passé entre Gaspar Gay, marchant de Dye, fils
d'Anthoynne, et Louyze Engilboud, filhe de feu sire Jean En-
gilboud, bourgeoys dud. Dye, reseu par m' André Gilbert, no-
tere de Dye, ung lundy, vingtième jour d'avryl, myl cinq cents
quatre vingts et sept, et insygnué a Crest par devant monsieur
m«Jean Daryer, dyt Bounet,lyeutenant partyculyer et m" Por-
tefays, grefier aud. siège, le vingt troys may en lad. année 1587.
Achept d'une tere. fet par Gaspar Gay, aquize des lioirs a feu
Pierre Vyeron, laboureur de Dye, asize au Martouret, aveq
une grange y estant, contenent envyron quatre seyteyrées, que
confronte de deux couttés les teres de Anthoyne Gay mon
père et du desoubs le chemyn quy va a Ousson, deslyvrée aud.
Gay a Tinquant publiq, pour le prys de soysante deux escus,
par noble Jean Brunel, mon beau frère, quy me nouma enamy.
Apert par m»" Pierre Guylhet, greffier, et la remision, reseue
par m*" Davyt Lambert, notei'e de Dye, du vingtyeme julhet
myl cinq cent huytante sept.
, Aquyt du sire Piere Vallensan, mon beau frère, en ma fab-
veur, de la soume de septante escus a luy payés en dymynusion
de dot de Marye Gciy, sa femme, resseu par m« Pierre Picyer,
notere de la vylle de Crest, du 6« de nouvambre 15B7.
Aquyt a moy concédé par Louyze Engilboud, ma femme, de
la soume de sinquante escus d'or, pour les joyauls a elle
donnés en son mariage, reseu par m" André Gilbert, notere de
Dye, et led. aquyt par m^ Picyei', notere de la vylle du Crest,
habitant en celé vylle du 6'" ntjuvambre année 1587.
Aquyt a moy constdé par syre Danyel Gay, mon frère, de la
soume de sinquante escus a luy payés en dimynusion de ses
droyts paternels, reseu par m"' Picyer, notere du Crest, le
vingt et sinquyeme nouvambre 1587.
Aquyt a moy concédé pai* André Brunet, marchand de cette
vylle, exacteur d'un rolle des vingt taylhes perequées en feb-
vrier 1587, en la rue de Vyllcncufve, payé pour mon perc de
DES FRÈRES GAY. 65
mes denyers, montants septante et troys escus quarante sols,
resu par m^ Piere Picyer notere du Crest, du dernyer dé-
cembre 1587.
Achept d'une tere au Martouret, par moy aquise de m* An-
thoynne Lyotard, pour pris de sinq escus, contenent une sey-
teyrée, confrontant tout a l'entour les teres de AnthoyneGay,
mon père, resseu par m*' Pierre Guilhet, notere de Dye, du
29 avril 1588.
Aquyt de Anthoyne Amblard exacteur de sinq taylhes. pere-
quées en tebvryer 1588, montant dix neuf escus sinquante sinq
sols, payés pour Anthoyne Gay, mon père, de mes propres
denyers, reseu par m*^ Labarme, notere du Crest, du 12'aoust
1588.
Quytance en ma fabveur de la sou me de 19 escus, 55 sols
payés a Lantheaume Vigne, exacteurde sinq taylhes, perequées
en julhet 1588, reseu par M« Jean de la Barme, not. du Crest,
le 15 octobre 1588.
Achept d'une terc en TAulmet, que j'ay aquys a l'inquand a
la place de cete vylle, des hoirs de feu Jacques Chion, contenant
deuxseyteyrées et eymyné,pour prys de seze escus quinze sols,
reseu par m*" Piere Guylhet greffier de cete vylle du 14^ feb-
vryer 1589.
Achept d'une tere vigne et mayzon au Martouret, aquyse des
hoirs a feu m^ Esprit Dermenon, confrontant les teres de
Anthoyne Gay, mon père, contenant le tout dix seyteyrées,
pour prys de cent trante deux escus, coume apert par contrat
resseu par m*" Thomas Dupuys, notere de cete vylle, du 17*^ du
moys d'octobre année 1589.
Achept d'une tereau Martouret, aquize de honorable Herculles
Engilboud, mon beau frère, confrontant la susdite tere de
Dermenon et tere de Jean Brun, le rif et le chemyn aland a la
grange de mon père, contenant sinq seyteyrées, pour prys de
quatrevingts escus, reseu par m" Thomas Dupuys, notere de
Dye, du 23 nouvambre 1589.
Aquit en ma fabveur de la soume de cent sinquante escus, y
estant comprins aquyt pour mon père de la soume de troys
cents septante quatre escus, payés a mon frère Danyel Gay,
66 MEMOIRES
coume estant tuteur de Auguste Gay, fils a feu Thomas, nostre
frère, tant pour les droyts paternels que maternels dud.
Thomas, fayzant l'entier payement de tout ce que luy estoyt
deub, revenant le tout a sinq cents vingt et quatre escus, resseu
par nV Pierre Picyer, notere du Crest, du quatryeme février
1590.
Achept d'une tere au Martouret, que j'ay aquys a Tinquand,
a la place de cette vylle, des hoyrs de feu Claude Blanq, con-
frontant tere de m*" Jean Malhefaud, terede.noble Jean Faure,
mon cousin, tere du sieur d'Oursiere. tere de Jourdan Escoufier,
tere qu'ay heu de HercuUes Engilboud. mon beau frère, le rif
entre deux, contenant troys seyteyrées, pour prix de 26 escus
15 sols, reseu par m'" Pierre Guylhet, greffier de Dye, pasé
devant m"* Louys Piere, juge, le 19 avryl, anée 1590.
Aquyt en ma fabveur de la soume de deux cents escus, a moy
consedée par honorable Anthoynne Gay, mon père, et fayzant
aussy en fabveur de noble Claude Brunel, resseu par m^' Pierre
Picyer, notere du Crest du 4'' de febvryer 1590.
Aquyt en ma fabveur de la soume de sinquante escus, payés
a Suzanne Malsang, d'une hobligation que mon père luy
debvoyt par hobligation , laquelle j'ay retyree et canselée, reseu
led. aquyt par m*^ Piere Guylhet. notere de Dye, du 5' du moy
de juin, anée 1590.
Apensionement d'une mayzon en S' Vi usent, que j'ay du
despuys vendue a Jaume Arnaud, dit Jainylhon. fet en fabveur
des chanoynesde l'esglize nostre Dame de Dye, pour deux escus
chascune année, payables a une chascune fête S' Piere et Pol,
coume de se apert contrat resseu par m'' André Gilbert notere
de Dye, du 30 octobre 1590.
Aquyt en ma fabveur de la soume de 53 escus 36 sols payés
pour les areyrages d'une pansion de vingt et ung flourins
pension, que mon père fet a noble Veransy de Genin l.segneur
de Pennes, a Jacques Davit et Lanteaulme "Vigne, ses rantyers,
reseu par mcstre Piere Guylhet, notere de Dye, du 18' dé-
cembre 1590.
1. Venancc de Jour, seigneur de Pennes. Voir p. 64.
DES FRÈRES GAY. 67
Remision fette a noble Jean Faure segneur de Vcrcors mon
couzin des teres du couvent bas. situéesvers le pont de S' Vin-
cent l, que j'avoys apensionné pour six escus pension, chascune
année, de frère Arnaud Artaud, gardyan et yconome des cor-
delyersde cete vylle de Dye, coume en apert par contrat resseu
par m'' Piere Picyer, not. du Crest, randu aud. Faure, laquelle
remysion me sert de descharge et garantye pour lad. pansion
envers lesd. Cordeliers, laquelle a este reseue par m^ Mouryer,
notera, demeurant a Oste, le 3^ janvyer année 1592.
Aquyt que j'avoys oublyé de mètre en son rang fet en ma
fabveurdela soumede50 escus, que j'ay deslyvréde mes deniers
a Jean Gay, mon frère, sur le tout moins de sent escus que nostre
père luy a légué sur mon maryage, lequel aquyt a este reseu
par M. Piere Picyer le 1 nouvambre 1588.
Ratiûcasion de tranzation si devent passée par Thomas et
GlaudeGaya Anthoyne Gay, leur père, laquelle avoyt ete ressue
par m*^ David Lambert, en Tanée 1585, aveq aquyt du deub en
icelle fette par Glaude Gay a sond. père et servent a Gaspar
Gay son frère, reseu par m" Danyel Roman, notere de cete
vylle le 23 aoust 1596.
1. On désignait alors sous le nom de couvent bas, comme nous l'avons dit
plus haut, p. ij8, remplacement de l'ancien couvent des Cordeliers. Ce cou-
vent ayant été détruit en majeure partie vers la fin du AVl^*' siècle et les re-
ligieux ne trouvant plus asse:^ de sécurité en dehors des murailles de la ville,
obtinrent, après de lon-^ues querelles avec les autres religieux de Die, de venir
se fixer dans V intérieur de la cité. Leur monastère fut de nouveau dévasté
pendant les guerres de religion \ la chapelle, qui existe encore aujourd'hui sert
de remise, a été bdtie en i6S^, co>nme l atteste rinscription suivante :
MESSIRE ISIDORE DE MASSOT CHEVALIER
BARON DE PELLISSIERE MESTRE DE CAMP
D'YN REGIMENT DE CAVALERIE CHE
VALIER DE L'ORDRE DE NOSTRE DAME
DV MONT CARMEL DE S. LAZARE DE
lERVSALEM COMMANDEVR DVD. OR
DRE AV GRAND PRIEVRE DE LANGVEDOC
A POSE CETTE PIERRE POVR RETABLIR
CETTE ESGLISE CE 18 MAY 1685
68 MÉMOIRES
Achept d'une piesse de vigne au Martouret, par moy aquyze
de m^GasparCharensvet Marguerite Roux safemme, contenant
envyron troys seyteyrées de tere, que confronte la vigne que
j'ay heu des hoirs de m« Espryt Dermenon, vigne de Barthé-
lémy Cret, le rif du Martouret et le chemin alhand en Ousson,
pour prys convenu entre nous de 65 escus, que luy ay payé,
coume apert par l'instrument d'achept resseu par m'' Piere
Guylhet, not. de ceste vylle, le 21 janvyer 1597.
Aquyt et vente fette a sir Jean Gay, mon frère, d'une piesse
de tere, asize au Martouret, que j'avoy aquyse des hoirs de feu
Glaude Blanq. laquelle luy ay baylhé pour le prys de 40 escus
en dymynussion des cent escus a luy légués par AnthoyneGay
nostrepereen mon contrat de mariage aveq Louyse Engilboud,
desquels avoyt reseu ci devent50 escus apert par aquyt; lequel
aquyt et vente a esté resseu par m'" Davyd Grymaud, not. de
cete ville le janvyer 1597.
Ici se termine la rédaction de Gaspard Gay. Suivent trois
feuillets blancs, XXXVII, XXXVIII et XXXIX; le feuillet XL
a été enlevé. Au feuillet XLI recto, commence la rédaction d'An-
toine Gay ; elle est d'une écriture asse^ mauvaise. L'auteur a
pris soin de mettre en tête cette note, suivie de sa signature:
Signet que fesoit Anthoine Gay aux chosses d'importance. Fait
en 1631. G.\^. Tout ce qui suit est entièrement de sa main.
C'est une branche de la quatrième geniîration des Gays,
CONTINUÉE EN AnTOYNE GaY, FILS d'AnTOYNE, AVEC ISABEAU
Galland au premier lict et Louyse Bernard au second.
Louyse
Louyse Gay naquit ung dimanche, dixième d'aoust, mil six
cent trois, entre huit et neuf heures de matin. Son parin fut
sire Daniel Gay, son honcle, et sa marine Louyse d'AUian, son
aveulie maternelle. Elle fut batissée au temple par monsieur
m'" Pierre Appays, minisire de l'esglise de ceste ville, le qua-
torzième d'aoust, dicte année. Elle fut de taille grande, blonde
et belle lilie ; la petite vérole luy gasta ung peu la fasse. Elle fut
mariée en l'année mil six cent dix-neuf avec m'' Theophille
DES FRÈRES GaY. 69
Chabannas, notaire et procureur de cette ville. Leur contrat de
mariage fut reçu par m^EstiennePej^rol, notaire de ceste ville.
Pierre.
Piere Gay naquit le neuviesme dexembre mil six cents cinq,
jour de la consesion (lise^ conception) Nostre Dame et le van-
dredy a quatre heures du matin. Son parin fut m'' Pierre
Chion 1, son oncle, notaire et procureur, et sa marine Madel-
leine Appays, sa cousine germayne, femme de m^ Pierre Lam-
bert, aussy notaire et procureur, et a esté bâtisse au temple,
le jour de Noël, vingt-cinquième dud. mois et année susdite,
par monsieur m*^ Piere Appays, ministre de ceste esglise et
son cousin germain. En l'année 1621, led. Pierre Gay print les
armes et s'en ala avec son père, qui avoit une compagnie
aux troupes qui s'estoit dressé en Dauphiné soubs le com-
mandement de Monsieur de Montbrun. Et après avoir quité et
mis bas les armes, il ala demeurer a Grenoble deux années
pour aprandre la pratique, et après fut tout ung temps qu'il
demura vers mestre Daniel Roman, procureur aud. siège deDye
et fut reçu procureur aud. siège le 1634, par commis-
sion etlettresqui lui en furent donnéespar monseigneur de Val-
lance et Dye, n'en reservant aud. siège aucun des lieutenant
dud. seigneur depuis qu'il a esté evesque et comte de Dye. En
l'année 1656 et le premier de juilhet, il espousa Suzanne Pey-
rol, fille de s. Daniel Peyrol, beaufrere de son père, et luy fut
constitué deux mil deux cents livres par Marie Nicolas, sa
belle mère, tant pour le droit paternel que de lad, Nicolas. En
1637, il eut ung fils, que Anthoyne Gay, son père, fit batiser a
ladite Marye Nicollas, sa belle mère, et luy fut mis nom An-
thoine. Il est mort le 17 octobre 1633. Lad. Suzanne Peyrol est
decedée en l'année 1646 et le may, ayant laissé Daniel, Ma-
rye, Philibert et Philippe Gay ses enfants. Led. Daniel est dé-
cédé le 17 septembre 1650, ayant une fièvre, laquelle dans
1. Cf. sur les différents personnages de ce nom, tous dauphinois, La France
protestante, t. IV (j883j, col. .Ssg-Si. Pierre Chion et Jacques, son fils,
étaient notaires à Die (i6oo-S5)-
Bulletin d'hist. eccl. . . de Valence. G
70 MÉMOIRES
quinze jours luy causa la mort, estant eagé d'environ douse
ans : il estoit admiré aux leture et dans la gentillesse.
Jeanne.
Jeanne Gay naquit ung jeudy a cinq heures du matin, unze
de juin mil six cents neuf. Son parin fut monsieur m*^ Piere
Appays, ministre de la parolle de Dyeu, en ceste esglise de Dye,
et sa marine fut Jeanne Gay, sa cousine germaine, fille de sieur
Daniel Gay. Elle fut batisée par monsieur m^ Guilhaume Val-
lier, ministre en lad. esglise, le dernier dud. moys de juin.
Elle fut de taille assez grande, blonde et belle fille. Elle a esté
maryé avec Guillaume Nicollas, dict en son nom de guère
Sere, qui est le lieu de sa naissance. Le contract de leur ma-
riage a esté reçu par m^ Pierre Lambert, notaire de Dye et son
cousin germain, en l'année 1646, au moys d'avril et le
Elle a heu ung fils, le vi septambre 1647 ; fut présenté au ba-
teme par moy Anthoine Gay, avec Isabeau Ripert, ma nièce,
femme de monsieur m^ Jacques Gros, médecin, le 13*^ dud.
moys, et luy ay mis nom Anthoine. Estant né le septième moys,
il estoit fort petit, et ne croiet pas qu'il vequit long jour. Dieu
le veuilhe bénir et luy donner sa crainte. Jeanne est decedée le
17 septembre 1650 entre six et sept heures après mydi, ayant
esté une année dix jours dans le lit et a fait testament reçu par
M*^ Joseph Bonnet not. et proc. habitant de ceste ville.
Madeleyne
Madelleyne Gay naquit le vingt neuf de juin, environ trois
heures du matin, mil six cent unze. Son parin fut sire Sébas-
tian Marthin, son cousin, habitant de la Mure, et Madeleyne
Marie, sa tante et femme de sire Jean Gay, fut sa marine. Elle
fut batissée en l'esglise de ceste ville par Monsieur m^ Guilhaume
Vallier, ministre en icelle, le dix de julhet susdite année. Elle
fut fort longtemps malade et mourut le vingt neuf de janvier,
mil six cent quatorze, n'ayant que deux ans et sept moys lors
de son deces.
N.
Le dix de décembre mil six cent trezc, ung mardy, environ
DES FRÈRES GAY. 71
les six heures du matin, est né Gay n'ayant este batisée
causant l'absence de noble Jean Faure de Vercors, qui la devoit
présenter en batesme ; estant tombée malade, le vendredi troi-
ziesme janvier, mil six cent quatorze, je la voulois fera batiser
le dimanche et icelle fere pourter a monsieur le sire Jean Gay,
son honcle, et a ma seur Marthe Gay, sa tante, femme de sire
Pol Chappot, et mourut le susdit dimanche, cinquiesme de
janvier, a trois heures du matin, ce qui causa une grand tris-
tesse a sa mère et a moy. Je prie Dieu qui le nous aye pardonné
et n'est bon de dillayer en ces affaires et pour quelque consi-
dération que l'on aye, n'ayant cela proucedé pour autre consi-
dération que d'atandre led . parin qui estoit absent en ce temps,
l'on ne batizoit que aux prédications, et maintenant l'on batize
aux prières du soir et du matin, et ce depuis quelques années
seulement, ce 30 janvier 1637.
Antoyne Gay
Antoyne Gay naquit le lundy quatorzième avril mil six cent
quinze, environ les huit heures du matin. Son parin fut noble
Jean Faure seigneur de Vercors, mon cousin germain, et
damoizelle Catherine Plante, ma mère, fut sa marine, veufve
de capitaine Jean Appays. Il fut batisé dans le temple le dix de
may année susdite, par Monsieur m'' Jean Scharpius l, pro-
fesseur en théologie en l'académie de ceste ville. Il pourtoit
mon nom et estoit l'image et resemblance de mon visaige et
poil. Il tumba en Purgnon d'ung agrioutier, qui se rompit ou
dilloucat ung ners de l'espine du dos, et ne nous en dict rien
que six ou sept moys après que lad. rompure commença a se
grossir coume une noix. Sa cheute fut en l'année 1623 et en
l'année 1624 il fut fort malade et faillit a mourir au moys de
1. Jean Scharpius était un ministre écossais, qui vint en France en i6o4,
pour échapper aux rigueurs de Jacques i*"". // s'établit d'abord à la Rochelle,
puis à Die oit il occupa avec distinction la chaire de théologie dans l'univer-
sité. Il soutint de vives polémiques en 1612 contre les jésuites de cette ville et
le juge-mage Antoine Rambaud. Il fit un voyage en Angleterre eti 1618 et
revint bientôt reprendre sa chaire à Die, où il demeura jusqu'en 162g. Cf. Ar-
naud, Hist. de Vacad. prot. de Die. Paris, iSj2, in-8",p. 38-4i.
72 MÉMOIRES
may et en juillet, aoust, septambre, jusques au quatriesme fut
travaillé d'une piere qu'il avoyt a la vessie , l'empeschant
d'uriner, laquelle il sortit en urinant estant de la grosseur d'une
fève lombarde et vesquit encore jusqu'en octobre mil six cent
vingt-cinq, etle quatriesmeoctobre, avec beaucoup de discours
de pieté et crainte de Dieu pour son eage ; n'ayant ataint l'eage
de dix ans entier, randit l'ame à Dieu.
Daniel
Daniel Gay naquit le treze d'octobre, jour de la saint Giraud,
mil six cent vingt, environ midy, ung mardy. Son parin a esté
sire Daniel Peyrol, son oncle maternel, et sa marine Phelippe
Gay, sa cousine germaine et femme de sire Jean Richard . A este
batizé le huitième novembre dicte année au temple, par mon-
sieur m^' Estienne Blanc l, docteur et professeur en langue
hébraïque en l'académie de ceste ville, et soubs led. sieur Blanc
estudie en théologie.
Marie.
Marye Gay naquit ung vandredy, troiziesme de mars, entre
neuf et dix heures de nuict, en l'année mil six cent vingt-trois.
Son parin a este monsieur maistre Gaspard Gay, docteur et
advoucat et son cousin germain, et sa marine demoizelle
Lucrèce Gilbert, fille de monsieur m^ Estienne Gilbert. Elle a
este batisé le neuf d'apvril susdite année, par Monsieur m'' Jean
de Saignes '^, ministre en ceste esglise et dans le temple Elle
1. Etienne Blanc était élève en philosophie de Vacadémie de Die en 1610.
Après avoir été successivement pasteur à Château-Dauphin en 1 6 14, et à Oulx
en 1616, il devint professeur de théologie à Die en ;6.?7. Nous avons de lui
quelques écrits (La France prot., t. Il, col. 600-1). Il mourut vers 165^1 l'his-
sant un fils Jean, qui alla faire ses études en théologie à Genève, et qui lui
succéda dans la chaire d'hébreu au collège de Die. En j664, ce collège avait
pour principal Antoine Crégut, professeur en théologie ; la philosophie y était
enseignée par Alexandre Vigne, et Bertrand OUiagaray. Les classes, au
nombre de sept, avaient pour régents : la /'« Antoine Gresse . la 2', Pierre
Netion ; la 3", Samuel Tetel ; la 4', Antoine Poudrel ; la 5», Antoine Mon-
dor ; la 6«, Guillaume Damas; la j', Jean André, dit Patton.
2. Jean de Saignes fut successivement pasteur à Crest de 1600 à i^c^, à
Beaufort de 160^ à 16 j y, et à Die de 1620 à 1624, époque de sa mort.
DES FRÈRES GAY 73
s'est mariée, en l'année 1646, avec Monsieur messire Bertrand
de la Margue, ministre du saint Evang-iiie en l'esglise de Frey-
siniereset Brienson, led. sieur delaMargue estant natif de Ville-
franche de Lauraguaisen Languedoc. Et ayant esté preste par
messieurs du synode tenu au Pont de Royans, pour une année,
a Tesglise de Boffre et la Bastie, esglise du Vivarais. Elle y a en-
fanté d'ung fils le novembre 1647, et a esté présenté en ba-
teme par monsieur des Fonds, l de Vallance et mademoiselle
de Jarjaies, sa fille, et mis son nom Anthoine. Monsieur de
Vinay, ministre de l'esglise d'Anonnay, aud pays. Ta batisé
aud. lieu de Boffre. Dieu lui face la grâce de voir tousjours sa
crainte et de vivre longues années en icelle.
Jean-Anthoyne.
Jean-Anthoyne Gay naquict ung dimanche, douse de jan-
vier mil six cent vingt cinq, environ les six heures après midy.
Il a esté présenté en batesme par son frère Pierre Gay et
par sa seur Jeanne, le treze d'apvril susdite année. Monsieur
m« Estienne Blanc, professeur en langue ebraïque en l'acade-
mye de ceste ville l'a batisé dans le temple. Il a coumansé a
pourter les armes en l'année 1647 et au moys de juin estant
allé a l'armée d'Italie avec monsieur de S' Martin de Vercors,
capitaine au régiment de Dauphiné ou de Sault.
Après avoir donné ces quelques notes sur ses neuf enfants (dont
les six premiers, Louise, Pierre, Jeanne, Madelaine, N. et An-
toine sont du premier lit, et les trois derniers, Daniel, Marie et
Jean- Antoine sont du second), Antoine Gay le capitaine a écrit
son autobiographie. Elle commence au feuillet LU recto et se pour-
suit sans interruption jusqu'au feuillet LXXVII verso. C'est
par ce travail que se termine le manuscrit original des frères
Gay.
1. La terre des Fonts en Vivarais, ancienne propriété de la famille Gal-
bert, passa par le mariage de Catherine de Galbert avec Etienne Reboulet,
gentilhomme protestant de Valence, en t ^j6, dans cette dernière famille.
Alexandre Reboulet de Galbert, écuyer. sieur de Ronchol, épousa Jeanne Ti-
nel, fille d'Antoine Tinel et de Jeanne de Glane.
74 MÉMOIRES
Antfioine.
Anthoine Gay. qui est nomme au ving-t deuxième feuillet du
presant, ayant prins le^ armes en Tannée 1590 et en o:t<)bre,
fut des g-ardes de monsciîrneur de Lcsdi2:uieres : ce fut au lieu de
Vif et de la alla led. sei2:neur aux Estats. qui furent tenus au
lieu de Voiron. duquel il partit lesdits estats achevés et alla
prandre les rues de la Periere et S' Laurans, et fit donner un
coup de pétard a la porte de la tnuv du pont pour entrer dans
la vill j de Grenoble : mais la porte enfoncée, le dadas de fer
estant au^sito^t abatu par ceulx qui estoit en i2:arde dans lad.
tour, ne peurent entrer dans la ville, laquelle il assies:ea, et fit
aussistost venir son armée et six canons, lesquels estant en ba-
tcrie, compositerent et sourtit le sieur d'Albig^ny, qui en estoit
c:ouverncur avec la garnison, la veille de Noë et entra le seigneur
de Lesdiguieres avec son armée dans la ville. Monsieur de
Morgcs heut le gouvernement du roy. Aussy avoit le dit sieur
de Morgcs, avec sa compagnie, entré premier par escallade dans
les rues de la Perrière et S' Laurent, et après entra la compagnie
des Gardes que ledit Anthoyne en estoit. commandée par Mon-
sieur des Orres. d'Ambrun. Et six ou sept jours après. Monsieur
de Gouvernet, avec cinq cents retres et deux cents arquebu-
siers a cheval alla fere une course en Savoye et a ung lieu nom-
mé S' Bardot î, ou estoit logé la compagnie du Baron de Bal-
lansion, et par la tout autour estoit Tarmée du duc de Savoye,
qui se preparoi' pour secourir Grenoble, laquelle compagnie
fut presque ton' • desmontée et quelques imgs tués, et se retira
le sieur de Gouvernet et sa troupe, sans que les ennemis Po-
sassent attaquer. Le dit anthoine y gaigna ung cheval.
Quatre moys après, le roy manda a M"" de Lesdiguieres d'aller
avec son armée en Prouvance joindre Monseigneurde la Vallette,
pour aller advitailler Bere. que le duc de Savo\'e tenoit assiégé
par des fors qu'il y avoit faict ^. C'est ung sallin ou le roy tire
de ,i:-rands revenus. Estants lesdits seigneurs avec leurs armées
joincts, arrivées au lieu de Vinon, heurent advis que le duc vc-
1. S^-Daldoph, près de Chambéry.]
2. VlDF.L, p. I IQt
DES FRÈRES GAY. 75
noit avec son armée et despartirent le lundi de Pasques r^gi du
siège (de) Vinon. et estant en veue d'ung village nommé Espa-
ron, leurs courriers descouvrirent la riere garde de TariTiée du
duc, qui despartoit et en avertirent lesdits seigneurs, qui après
avoir tenu le conseil fut résolu de les aller attaquer, et se reti-
rèrent les ennemis dans le village qu'ils avaient barrique, ex-
cepté la cavallerie Provençalle, qui se retira au grand galop.
L'on commanda quelques régiments avec les deux compagnies
des gardes du seigneur de Lesdiguieres pour les attaquer, ce
qu'ils firent ; mes estant entrés dans leurs bariquades et ayant
recogneu qu'estions peu de gents n'estant secondés, nous firent
une charge si rude qu'il nous contrenirent a en sourtir, et fut
'e dit Anthoyne blessé de troys arquebuzes, l'une au cousté
droit qui luy rompit deux costes et la balle traversa de bas en
hault son corps et alla se loger en l'espaulle gauche. Il est et a
toute sa vieesté sans qu'elle l'incomode. Les aultresau bras droit
et cuisse, ne rompoint aucun os. Il y mourut et furent blessés
plusieurs des nôtres, mais nondesgentilshommesetcappitaines.
Les ennemis ayant tenu jusques au mercredy, voyant que le
duc de Savoye, qui estoyt logé avec le reste de son armée a
Barjous, distant dudit Esparon d'une petite lieue, ne les secor-
roit, se rendirent ; scavoir les estrangiers la vie sauve et baston
blanc, les francoys a discrétion, qui fut d'estre mis aux galleres
comme furent environ 1500 et tous les capitaines prisonniers de
guère, tous nous blessés furent pourtés par les dits estrangiers
a Riez, estant environ en nombre de 120 blessés.
Estant guéri le dit Anthoyne. s'en alla treuver le seg. de Les-
diguieres au Pont de Beauvesin , frontière de Dauphiné et
Savoye, ou il estoit pour empescher que l'armée de don Ollivary
n'entra dans le Dauphiné, et laquelle au moys de septembre de
lad. année il deffit a Pontcharraet demeura sur la place environ
3000 morts et plusieurs prisonniers et ung grand butin. Il y fut
gaigné deux cournetes et vingt et deux drapeaulx quil envoya
au roy. Il n'y mourut que deux hommes des siens et quelques
blessés 1. Il accompagna le dit seigneur en Piémont aux entre-
1. ViDEL, p. z ig-23.
76 MÉMOIRES
prinses de Pignerol et Suze et a tous les exploits de guère que
ledit seig^ y fit, comme a la défaite de Vigon, combat de
Gressillane, Conose, de Racomier, advitaillementde Carno a la
barbe du duc et de son armée et jusques a la retraite quil fit du
Piémont, estant toujours dans ses gardes.
L'an 1 5Q^ le duc de Savoye assiégea le château de Exsilles,
quil bâtit fort rudement, y ayant tiré dix mille coups de canons
et après heut une belle composition n"ayant pas esté secouru 1.
Le dit seig' de Lesdiguiéres avec son armée demeura durant
le dit siège a Oure, qui n'est qu'a deux petites lieues du dit
Exsilles et, quelques jours après la place rendue, défit a Chaleber-
taud don Roderic de TouUede qui demeura sur la place avec
environ 600 des siens 2.
Il reprit une année et demy après le dit Excsilles, sans y tirer
plus de 500 coups de canons, a la barbe du duc, qui avec 20,000
hommes et 4 canons le vouUoit secourir, ce qui ne peut fere, et
après la perte de beaucoup des siens se retira, et du lendemain,
le château fut rendu a composition, la vie, armes, tambours
bâtants et les enseignes desployées ^.
En l'année 1596, il accompaigna le dit seigneur en cour, qui
mena cent gentilshommes et sept de ses gardes ^^ ou il demeura
dès le moys de Juilhet jusques a la fin de septembre, qu'il vint
fere une demy quarantaine en la grange de Lhoumet, a cause
de la peste qui estait a Paris et partout ces quartiers, et mourut
ung de ses compagnons de la peste a Romans.
En 1597, le dit seigneur dressa une armée pour la guerre de
Savoye î5 et donna au dit Anthoyne l'enseigne du quadet de
Braguard dans le régiment de Monsieur de Bonne et se trouva
aux prinses de la Murienne et aultres places que ledit seigneur y
print comme aussy aux attaques et escaramouchesdes MoUetes
qui a esté la plus grande qui se soit faict de notre temps. Les en-
nemis y furent bien battus, notament le dernier jour qu'ils nous
attaquèrent. Monsieur de Crcqui, colloncl de toute son infan-
1. ViDEL, f. i3g. — 2. ViiJEL,/?. i42. — 3. Videl, p. i ^4-8
4. Videl, p. i6g. Le roi était alors à Lyon.
5. Videl, p. 180 et suiv. — De Thou, t. XIII, p. i44 et suiv.
DES FRÈRES GAY. 77
terie, 5^ fust blessé au bras et tesmoigna et son courage et son
experiance aux ■ rmes. Le duc fesoit treiner quatre piesses de
campaigne qu'il fist tirer contre nous bariquades tout le long
du combat ou contre nostre cavalerie, mais bien assailli, bien
défendu, le duc se retira après avoir laissé sur la place beaucoup
des siens, et dura le combat du segond jour environ 6 ou 7 heures,
rafreychissant de temps en temps ceulx qui estoient aux tranchées
en baricades. Du lendemain l'armée du duq se retira et alla
loger a Baraa et Chapareilan, et la nostre a Pontcharra qui est
vis a vis de Barau, la rivière de l'Isère entre deux. Il y fist
commanser a bastir ung fort le jour de S' Barthélémy. Dés
l'aube du jour fit fere une grand escopeterie, tirer force coups
de canons, et nouma le dit fort S' Barthélémy l. Ledit seg""
de Lesdiguieres, ayant seu quil fesoit le dit fort, dit : « il tra-
vaille pour nous, car après quiU'aura faict nous le prandrons;»
comme il a foict 6 ou 7 mois après. Il se retira et manda partie
de son armée assiéger une petite ville appelée Allos, commandé
par messieurs des Crotes et de Bonne avec deux canons, qui
ayant salué de 30 ou 40 coups se rendit ^. Ledit Anthoyne
alla de la part de M' de Bragard demander le gouvernement,
qui luy fut accordé et fut de retour avant que les canons
fussent arrivés et fut commandé avec la compagnie du sieur
quadet de Braguard de fere les approches a la dite ville, ce
qu'il fit. Estant entré, il fut malade de fièvre chaude. Ils demeu-
rèrent quatre années en garnison, jusqu'en l'année 1601 que
le roy de france et le duc firent eschange du marquisat de
Saluées avec la Bresse.
La paix faicte, le dit Anthoyne se retira a Dye et se maria
avec Isabeau Galland, fille de feu M'' M^ Jean Galland, notaire
et procureur de Dye ■", en la dite année, le jour de Noë. Leur
1. ViuEL, p. iq6. — 2. ViDEL, p. jg>,.
3. Quatre registres, i)i-S°, des minutes de Jean Galland sont déposés aux
archives de la Drôme (E, 223o-3) ; elles concernent les années i ^33-i ^86.
Il y avait à Die plusieurs familles de ce nom : le i4 avril 1 ^-jq, Claudine
Galland, fille de feu Claude, habitant de Die, épousait A ntoine Bouffier, fils
de feu Jean- Antoine Boufiîer, laboureur de Valdrôme (Archives de la Drôme,
E, 223l).
78 MÉMOIRES
mariage fut reçu par m' Pierre Lambert, notaire. Ils heurent
six enfants, deux maies et quatre filles.
En l'année 1602 et en may, par le commandement du roy,
le seigneur de Lesdiguieres remit sur pied sa compagnie de
gendarmes l, et heut ledit Anthoyne place de gendarme,
ou il demeura jusques en l'année 1610, que le dit seig"" ayant
commandement de fere levées pour la guerre de Milan 2,
luy commanda de prendre la lieutenance de la compagnie de
gens de pied, que le sieur de Vercors son cousin faisoit au
régiment de Monsieur de Verdun 3, de S' Marcellin, son beau-
père, qui estoit la 1"' compagnie du dit régiment.
La susdite année, le dit Anthoyne estoyt consul de Dye, avec
le s"" Jean Ducros, fils a sieur Marcellin.
En la dite année, il arriva ung des grands malleurs, qui
pouvoit arriver a la France ; ce fut l'assassinat de notre roy
Henry le Grand, par ce maudit Ravaillac. Ce fut le 14« may.
La reyne fut cré régente, le malheur estant arrivé, et com-
manda au dit seigneur de Lesdiguieres de fere mettre sur pied
les troupes, que le feu roy avoyt destinés pour la guère de
Millan ; lesquelles il lougea par les villes et places du Dauphiné,
et fut le régiment du dit sieur de Verdun logé six compagnies
a Romans et quatre a S' Marcellin, ou ils demeurèrent jusques
au commensement d'aoust, que les dites troupes furent con-
gédiées, toute la France demeurant par la sage conduite de la
reyne et de son conseil en paix. Ladite année, monsieur de
Gouvernet, gouverneur de Dye, créa cinq capitaines, pour
commander les habitans de la ville, fit fere une revue générale
a tous les habitans, capables a pourter armes, et nouma pour
1. ViDEL, p. 2 1 g. — 2. VlDICL, p. 24s.
3. Jean de Gilbert, sieur de Verdun, d'une famille de S^-Marcellin,fut gou-
verneur de Barraux et de Livron, sous Lesdiguieres \ il avait épousé Fran-
çoise de Glane de Cugie, dont il eut Augustin de Gilbert, gentilhomme ordi-
naire de la chambre du roi en 1626. Celui-ci fut l'aïeul de Jean de G.,
seigneur de Verdun, qui se distingua dans les armes vers 1668 et ne laissa
que deux filles: Olympe, femme d'Octavien Fcrrand, conseiller au parlement,
et Marguerite, qui épousa Henri de Guaragnol, dont la famille n'avait cessé
de posséder la charge de vt-bailli de 5' Marcellin depuis l'année 1 56=^. Cf.
BuiSARD, Hist. j^cnàal. de la maison de Bcaumont, t. I, p. J95.
DES FRERES GAY. 79
la rue de l'armellerie, capitaine, Vincent Terrasson l ; a la
place, le dit Anthoyne Gay ; en Villeneufve, sieur Louys David ;
en la grand rue, capitaine Pierre de la Morte 2 ; et en S' Mar-
cel, sieur Claude Gilbert, dict de Peouilhane.
1. Vincent Terrasson est sans doute l'aieul de Jeanne Terrasson, qui nous
a laissé un récit des souffrances qu'elle a endurées à la suite de la révocation
de redit de Nantes. Ce récit commence à l'année i68^ \ on sait que le 3o
juillet de cette même année, un arrêt du conseil du roi ordonnait la démolition
du temple de Die. (Claparède et Goty. Deux héroïnes de la foi. Blanche
Gamond — Jeanne Terrasson. Récits du XVII'^ siècle. Paris, iS8o, in- 12,
3g7 pp.
2. La famille de Lamorte est depuis le XVI^ siècle une des plus impor-
tantes de Die. I. Jean de Lamorte achetait en i SS^ une maison dans la rue
Villeneuve-., il fut consul en i S7 f 1 ^^ laissa pour fils : II. Jean François de
Lamorte. Celui-ci épousa Marguerite d'Armand, fille de Reymond, seigneur
de Lus, et en eut : Jean, qui suit ; 2° Pierre, tige des Lamorte-Félincs ; 3°
Jacques, tige d'une troisième branche des Lamorte, notaires à Die ; 4" Claude,
qui n'eut pas d'enfant d'Anne Magnan et mourut après 1660. — Branche
DE Laval. IîI. Jean de Lamorte, trésorier provincial de l'extraordinaire des
guerres au gouvernement de Dauphiné par lettres du g septembre i ^g8,fut
attobli par lettres du mois de juin 1606, vérifiées en novembre i6oj. Il avait
épousé le 6 avril lôoj Magdelaine de Bérenger de Pipet. Il en eut : i* Pierre-,
qui suit \ 2" François, capitaine au régiment de Vernatel, qui de Marie Li-
vache, sa ftmme n'a laissé qu'une fille : Marie, née en i6-f-2, mariée le 2 ^
août 1658 à Charles Odde de Bonniot, sieur de Lautaret ; elle mourut en
1714, mère de Jean de Bonniot et de Marianne de Bonniot, qui épousa le 18
avril 168 1, son cousin Jean-François de Lamorte, de Die. 3" Jean-François,
seigneur de Martorans, qui franchit Vun des premiers la brèche de Rouffach
en Alsace; 4° André, mort en i63^ des suites des blessures qu'il reçut au
siège de Rouffach, où il se distingua; 50 Alexandre, seigneur de Malissole,
capitaine major au régiment de Turenne, gentilhomme du roi par lettres du
12 mai 16=^1, maréchal de bataille en 1652, mort des suites d'une blessure au
siège d'Arras ; 6' Henri, mort en Hollande dans un combat. IV. Pierre de La-
morte, seigneur de Laval et de la Motte-Chalencon, qui dès l'dge de dou^e
ans embrassa la carrière des armes et fut successivement enseigne de mestre
de camp au régiment de Turenne, capitaine au régiment de Vermatel et dans
celui de Normandie, puis maréchal de bataille en 16^3. Il mourut en j68^,
père de: V. Charles, seigneur de Laval et de la Motte-Chalencon, qui épousa
Almade-Alexandrine-Justine-Renée de la Tour-la-Chaux-Montauban, et en
eut : VI. Jean-René de Lamorte, né en janvier 1^33, lieutenant de dragons
au régiment de la reine, qui ne laissa qu'une fille Marie-Thérèse, mariée à
François, marquis de Chdtelard. — Branche de Félines. III. Pierre de
Lamorte, capitaine, servit au siège d'Ostende, et mourut en 1627. Il avait
80 MÉMOIRES
En l'année 1614 et en may, Messeigneurs de Lesdiguieres,
lieutenant du roy en Dauphiné, de Saint-André, premier pre-
épousé Marguerite Zacharie, qui testa en i6=^8 (Giri>i, notaire) et mourut la
même année. De ce mariage naquirent : /• Jean-François qui suit ; 2* Henri,
tué dans un combat contre les Turcs ; S"" Henri, tué au siège d'Orbileto ; 4'
Hercule ; 5° Jeanne, qui épousa le i 2 mai r6>,~ André Serre, ministre pro-
testant : en i683, elle fut obligée de quitter la France, pour suivre son mari
expulsé du rovawne, comme ayant prêché dans des lieux défendus aux ministres
par les édits. IV. Jean-François de Lamorte épousa Judith Romey, dont la
famille possédait des biens dans le Vercors, à Saint- Agnan et à La Chapelle ;
Judith était veuve en lôg-f', dgé alors de 76 ans. De ce mariage naquirent :
/» Jean François de Lamorte. qui suit ; 2° Alexandre, dont la postérité sera
donnée après celle de son frère et qui fut la tige des Lamorte -Félines de Die\
3° Esther, qui épousa le 1 7 novembre 167S Aman Gras, de Dieulefît ; 4» Ju-
dith, qui épousa Alexandre Vernet, avocat, et mourut en ij32. V. Jean-
François de Lamorte posséda des biens à La Chapclle-en- Vercors; il fut anobli
le 28 octobre ijo3 et mourut en iyo6 à Vâge de 64 ans. Il avait épousé en
168 1 Marie Anne de Bonniot, fille de Charles Odde de Bonniot, sieur de Lau-
taret et de Marie de Lamorte : on lui donna par contrat le Franconière et
la coseigneiirie de Vercors. Marie Anne de Bonniot était née le j o juin i66g :
elle avait eu pour parrain Paul Lagier, sieur de Pluviane et pour marraine
dame Anne du Cros, femme de noble Isaac de Chabrière, conseiller à la cour.
Daniel de Bonniot, sieur de la Salle, son frère émigra à l'époque de la révo-
cation de lEdit de Xantes. De ce mariage naquit : !•> Charles, mort sans pos-
térité en 173g et 2» : VI. Jean-François de Lamorte, coseigneur de Vercors,
qui épousa avant 174^ la fille d' Etienne Guillet de l'Isle, négociant à Die, qui
avait acheté dès 1730 la seigneurie de Charens, près de Luc, et quelques an-
nées auparavant, en 17 18, la maison dite le château, située au nord-est et au
pied du rocher de la Bâtie, en Vercors. Il fut père de: VU. Etienne de La-
morte Charens, à qui son aïeul Etienne Guillet légua ses biens du \'erco>s. Il
fut nommé conseiller maître ordinaire en la Chambre des Comptes par lettres
du 22 avril 1760 et mourut à Die vers 178^. De Diane Olympe Isoard, d'une
famille qui a fourni des conseillers à la Chambre des Comptes, il a laissé :
I' Jean-François de Lamorte-Charens, conseiller maître en la Chambre des
Comptes, qui eut de K. d''Artaud, N. de Lamorte-Charens, officier dans la
garde royale, marié en 182S à .l/"« de Margiot, dont il n'a pas eu d'enfant.
Il était fixé au château du Guà, près de la Tour-du Pin. 2' VIII. Etienne de
Lamorte-Charens, chevalier de S' Louis, officier au régiment de Lorraine in-
fanterie, du I" avril 1771, siégea aux Etats généraux de 1788, émigra, fit
la campagne de I7g2 à l'armée des princes et celle du régiment de Morte-
mart oit il entra en /yg-f, à la formation du corps, en qualité d'officier. Il
épousa à Valence, le 6 mars 1806, Adélaïde Bergeron et mourut en i83t
laissant un fils : IX. Paul-Etienne-Charles de LamorteCharens-de Franco-
DES FRÈRES GAY. 81
sident en la cour, Charles du Gros président en la chambre de
nière, né en 1808, général de brigade, grand officier de la Légion d'honneur,
premier aide de camp de son A. I. le prince Napoléon, décédé à Saint-Marcel-
lès-Valence le 12 juin i8y4, sans laisser d'enfant de sa femme, iV/''^ Quiot,
fille du général baron Quiot du Passage. — La Mortç-Félines, de Die.
V. Alexandre de Lamorte, né en 1662, est le premier qui ajouta à son nom
celui de Félines. Il épousa le 10 mai 16g s Elisabeth de Lamorte, fille de
François de Lam., notaire, et de Jeanne Gros. Il mourut le 22 février ij32,
père de : i* Jeanne, née le 3o mars i6g6 ; 2" Jean-François, qui suit ; 3' Ma-
rie-Anne, née en Ijol, qui épousa le 28 novembre 1-24 Alexandre Morin,
de Poyols ; 4- Charles, né le 8 avril i~i2, marchand à Die, qui épousa Anne
Pupin, et fut la tige des Lamorte-Pupin. VL Jean-François de Lamorte-
Félines, né le I2 décembre lôgj, épousa le Ij février 7722 Anne-Marie
Boudra. Il mourut le 22 avril i-jg, laissant : 1' Françoise, née le 24 juillet
172 fi, qui épousa le Ig janvier t- ^0 Louis Lagier de la Condamine, avocat,
fils de Louis Lagier de la Condamine. aussi avocat, et de Marie-Anne de La-
morte (fille de Jean-François et de Marie Anne de Bonniot). C'est de ce ma-
riage que naquit, entre autres enfants, Marie-Lucrèce Lagier. qui épousa le
g février iT/3, François Long, notaire à Die, père de Jean-Denis Long, né le
3 octobre iyj6. docteur en médecine, dans les papiers de qui nous avons,
retrouvé les Mémoires des Frères Gay. 2» Jean-François, qui suit ; 3» Antoine
né le 21 décembre iy33. VIL Jean-François de Lamorte-Félines , né le g
janvier ijSj , mort le ij mai 1806. Il avait épousé le ij février i-j >(,g Louise
de Lamorte-Charens, sa cousine, qui mourut le 17 nivôse an XIII, âgée de 66
ans. Elle lui donna: /• Louise Catherine, née le 25 novembre 1762, qui épousa
le jg octobre 1784 Pierre François Accarias, notaire et receveur des domaines
à Mens. 2' Etienne-François- Anselme, qui suit ; 3' Alexandre -Frédéric, né
le 8 novembre 1773, mort le 4 août 18 §3, tige des Lamorte-Félines, de
Serres; 4° Marie, qui épousa, le i'^ juillet 1788, François-Pierre-Antoine
Morin, notaire à Poyol, mort en i83^ ; ç° Antoiyie-Justin, né le 1 3 avril 1777
et mort le g novembre i83g. VIII. Etienne-François- Anselme de Lamorte-
Félines, né le 22 avril 177 r, mort le 6 mai 18^2. Il avait épousé le 1 7 mai
1781 Marthe-Josephe de Lamorte-Charens, sa cousine, dont il eut : l» Mélanie
Louise-Joséphine, née le 5 mars 1792, qui épousa le 5 décembre 1810 Louis-
François Bonnefoy, négociant à Montélimar, décédé le 9 novembre 1857 ;
2* Caroline-Camille, née le 15 ventôse an II, qui est morte à Die, le S mars
1883, sans avoir été mariée ; et 3» IX Adrien-Jean-François de Lamorte
Félines, né le 18 ventôse an IX. Il épousa le 30 octobre 1826 Marie-Julie-
Célina Planel et en eut : h Alfred, qui suit ; 2" Emile-Etienne-Antoine-Joseph,
né le 28 août 1830, qui a épousé le 4 avril 1853 Marie-Anne-Hermine
Conneau, dont il a eu deux filles: 1" Marie-Julie-Célina-Eugénie-Hortense,
née à Die le 6 septembre 1854 et 2^ Jeanne-Françoise- Juliette, née à Mont-
pellier le 16 juillet 1856, décédée Vannée suivante. X Alfred-Jean-François-
Gaston de Lamorte-Félines, juge de paix à Die, né le 17 août 1827, épousa
Bulletin d'hist. eccl. . . de Valence, 7
82 MÉMOIRES
l'esdit, (Claude) Expilli, procureur du roy au parlement de
le 14 décembre 185S Louise- Mathilde-Paide Marty, née à Valence le 6
janvier 18 35. Il est mort ne laissant qu'une fille Claire-Marie-Josèphe- Adélaïde,
qui a épousé le 17 janvier 1882 Anatole Heurard de Fontgalland, et qui est
décédée à Die le 17 décembre 1884, à l'dge de 25 ans, mère de deux enfants :
Humbert et Pierre de Fontgalland. — Branche des Lamorte, notaires a
DiF. III Jacques deLamorte,fils de Jean-François et de Marguerite d'Armand,
étudiait à l'académie protestante de Die en 1626; il est qualifié docteur et
avocat dans une donation de 7 livres, 10 sols de pension, qu'il fit au consistoire
de Die, en 1633. Il possédait des biens à Vassieux et à S'-Martin-en- Vercors.
Il mourut en 1661, laissant de sa femme, Marie d'Alléoud (décédée le 20
décembre 1672): IV François de Lamorte, né vers 1647 et mort le 25 novembre
1724. François était greffier de la judicature mage de Die en 1673, notaire et
procureur aux cours de Die, en 1683. Il avait épousé au mois de janvier 1673
Jeanne Gros, fille de Jacques, docteur en médecine à Die, et d'Isabeau Ripert ;
Jeanne mourut le 12 août 1704. De ce mariage naquirent : 1'^ Judith, née en
1676, qui épousa le 22 octobre 1693 Daniel Isoard, procureur àDie; 2'' Louise -
Alexandrine, née le 22 octobre 1677 , qui épousa le 10 octobre 1698 Etienne
Guillet de Lisle, marchand à Die, dont la fille, comme nous l'avons vu, se
maria avec Jean-François de Lamorte, son cousin, et lui apporta la seigneurie
de Charens; Louise- Alexandrine mourut le 15 juin ij2i ; 3° Marie, née le
16 janvier 167g, décédée le 9 septembre i6go ; 4" Elisabeth, qui épousa le
10 mai i6gS) son cousin Alexandre de Lamorte-Félines ; y François, qui
suit ; 6° Anne, née le 16 avril 168 3; 7° Théophile, né en /6S5: 8' Marie,
née en 1686, morte en lyo^ ; g" Jean, né le 16 juin 1688, décédé en i6g6.
V. François de Lamorte, né le 24 janvier 1682, fut notaire. Il était consul
de Die en 1718. Il mourut le 6 mai ijSg. De son mariage avec Catherine
Terrisse, naquirent : /• Anne, née le 16 février lyog, qui épousa le
4 juin ï']3-j François Brunel ; 2" Jean-François, qui suit; S^-ô" Daniel,
Jean-François, Etienne et Louis, qui moururent en bas dge ; 7° Joseph,
officier de Saint-Louis, qui n'eut point d'enfant de Catherine Agnès , sa
femme. Il testa le 3o août ijgo, en faveur de son frère Jean-François et
mourut le 2 juin ijgi. VI Jean-François de Lamorte, notaire, né le 20 fé-
vrier [j 10 et mort le 24 mai 1758. Il eut de Françoise Gaymar, sa femme,
quator:{e enfants; i" Françoise ; 2» Antoine; 3" Catherine ; 4<> Jean-François,
notaire, né en i73i, maire de Die en 1786, député aux Etats généraux de
178S, mort le 8 fructidor an VI; il avait épousé le 3 0 janvier 1761 Anne
Plante. 5** Jean-Louis ; 6° Anne ; 7" François ; 8' Elisabeth ; g« Joseph, qui
fut père de Thérèse de Lamorte, décédée le 17 avril 1801 et de Paul-Joseph,
né le 28 juin 18 16 qui épousa Suzanne Bérenger et mourut le 3 décembre 18^2;
ce dernier avait eu un fils, Joseph-Marius, qui mourut le i s juillet i843;
10" Charles, secrétaire du Directoire du district de Die, qui de Jeanne-Bonne
Pascal, eut : Anne-Elisabeth; Jean-François ; Joseph; Denis ; Pierre-Henri,
j I' Pierre, praticien à Die en i7go; 12' François ; 13' André; 14' Jean,—
Les autres branches sont étrangères à Die.
DES FRÈRES GAY. H5
Dauphiné, commissaires du roy pour l'observation des Esdits l,
furent au dit Dye et ordonnèrent quil seroit établi ung conseil
de 80, qui auroit toute la conduite de la dite ville ; scavoyr
64 conseilliers de la religion refourmée et 16 de la religion
catholique. Il fut nommé pour ung des 64 consellers de la reli-
gion ; les aultres habitans n'ayant plus voix au conseil, sinon
que par la mort de Tung des quatre vingts que l'on nommoit
a la création des consuls et advant icelle.
En 1615, mourut Izabeau Galland le 17 oct. Peu avant, il
perdit deux de ses filles, et lui restoit Anthoyne Louyse et
Jeanne.
En 1616, en novembre, il receu lettre de Monseig"" de Lesdi-
guieres de prendre la lieutenance d'une compagnie de pied,
que Monsieur de Nions 2^ fils a Mons. de Gouvernet, dresoit au
régiment du dit seig'^ Desdiguières, pour la guerre de Piémont.
Le dit seign"" de Gouvernet, estant arrivé a Dye, l'en fit prier et
luy en parla après, car n'eust été cela, il n'eut pas entreprins
le vouyage et quité ses enfans a cause de leur jeunesse, lesquels
il recommanda a son frère, sieur Daniel Gay.
Estant a Grenoble, allant prendre congé du dit seig'" de Lesdi-
guieres, la nouvelle de la mort de Monsieur de Chambaud 3,
ariva, qui fut cause que Monsieur de Gouvernet ne voulut que
Monsieur de Nions alla avec la dite compagnie en Piemond, et
le dit Anthoyne y alla comme son lieutenant, auquel voyage il
demeura environ sept moys. 70 de ses compaignons y mou-
rurent de malladies et trois ou quatre a la guère, et n'en revint
que une tranteine tous mallades. Le dit Anthoyne n'y heut
aucun mal.
Il fut comandè par le prinse majour de Savoye d'aller for-
1. Cf. Vie d'Artus Prunier de Saint-André, publiém d'après un mss. de
Chorier, par Vellot. Paris, i88o, in-8', p. 27g.
2. Jean de la Tour-Gouvernet, seigneur de Montmorin et de Mirabel, gen-
tilhomme ord. de la chambre du roi, gouverneur de Nyons, mourut avant 1 63o.
3. René II de la Tour-Gouvernet, vicomte de Privas, baron de Chambaud,
par son mariage avec Paule de Chambaud. Il fut aussi baron d'Aix, conseiller
du roi, sénéchal du Valentinois et Diois, député de la noblesse du Languedoc,
aux Etats généraux de i6i4. Il fut tué en Piémont en 16 1 6 à la tête de
cinq régiments.
84 MÉMOIRES
ser une Eglizc ou 2 ou 300 hommes de la vallée de Scechia s'es-
toint banques, à l'entrée de lad. vallée, avec cent hommes du
régiment de M. de Lesdiguieres, soutenus par 200 h. des régi-
ments de Messieurs de Sausy et de la Passa, eulx les condui-
sants et en la présence du dit prince majour, lesquels après
avoyr faict ung salue de mousquetades contre la troupe quil
comandoit quiterent et les suivit, mais il heut comandement
de se retirer. Il fut commandé avec deux autres capitennes du
mesme régiment et deux cents hommes d'aller donner i'asault
a une des bresches dci Crevacore et le régiment de M"" de Seisy
a une autre bresche, ils entrèrent après avoir faict quelque ré-
sistance et se retirèrent au chasteau, il y avoit de 700 a 800
Tranteins ou Toudesques.
Il print prisonnier ung jeune homme fils du potesta du dit
Crevacore qui est ce que nous appelons en ce pays juge, qui luy
promit 200 pistoUes, ayant esté mené avec les autres prison-
niers a Turin, le prinse majour ne luy en fit bailler que 200
ducatons.
Il se retira sur la fin d'apvril a Dye en l'année 1617.
En l'année 1619, au moys d'Aoust mourut Monsieur de
Gouvernet l, gouverneur de Dye et Dyoys, qui avoit esté
gouverneur depuis l'an 1585en Juilhet. Ce fut le comansement
de nous maulx que sa mort, car il aymoit le peuple de la ville
et n'avions durant sa vie et gouverne heut tant de malleurs
qu'avons heu après.
Après luy, Monsieur le baron d'Aix 2, son fils, fut gouver-
neur, qui estoyt aussy fort aymé du peuple et fort bon
seigneur.
En la dite année et en septembre, le dit Anthoyne se remaria
avec Loyse Bernard, fille de sire Eynard Bernard et veuve
de Jean Pouffier de Montmor ; yi en a heu trois enfants, scavoir :
Daniel, Jean, Anthoyne et Marie Gay.
1. René I de la Tour-Gouveniet, baron de Montauban^ Mevouillon, Aix,
la Chaux, Cornillon, Val d'Otille, seigneur de Nyons, Montmorin, Mirabel,
Quint^ Pontaix, Laborel, Val-Gaudemar, Cornillac, etc.^mourut àDie en 1 6 ig.
2. Charles I de la Tour-Gouvernct, bon d'Aix, d'Auberives, seig. de
Chatillon, Quint, Pontaix^ Barsac, etc., né à la CItarce en 1376, testa en i643.
DES FRÈRES GAY. 85
En l'année 1621 , partie de ceulx de la relligion s'armèrent l ;
en Dauphiné fut faict général Monsieur de Montbrun. Le dit
Anthoyne fit une campagne au régiment de Monsieur de Lus,
mais Monseigneur de Lesdiguieres estant arrivé dans la pro-
vince, mirent armes bas.
Il fut député avec Monsieur Laurens, l^r consul, et Mons'"
d'Engilboud pour aller fere la reverance a Monseig^ Desdi-
guieres a Baix. et le fellixiter de ce que meritoirement le roy
luy avait donné l'espée de connétable, et iceluy faict conné-
table ce fut a Lauriol.
Le dit Anthoyne estoit fort souvant depputé pour les affaires
de la ville.
En l'année 1623 Monseigneur le comte de Soissons 2^ gou-
verneur de la prouvince estant arrivé a Grenoble et les estats
convoqués, il fut député avec Mons' de Vercors pour se treu-
ver aux dits Estats de la part du conseilh de ville.
Le gouvernement de Dye fut osté par le roy passant par le
Dauphiné a M"" de Gouvernet, moyennant 30,000 livres, quil luy
donna comme aussy furent le Montellimar et Nions, moyen-
nant une bonne somme de deniers; le roy donna le gouver-
nement de Dye a Monsieur de S' Feriol qui estoit gouverneur
de Romans 5.
En l'année 1626, ledit Anthoyne fut nommé l^^" consul de
Dye et avec luy S"" Daniel André et Pierre Poyte tresaurier.
Estant a une assemblée du pays, il fut député, avec Monsieur
de Monteyson, l'ung des comis du pays, pour aller conduire
jusques en Piemond les compagnies de chevaulx legiers de
Messieurs de Condé, Montpansier et de Cluye (sic) et cavaliers.
Mon dit seigi" le connestable a son despart de Grenoble luy
1. Cf. Arnaud, Hist. des protestants du Dauphiné, t. II, p. 8-26.
2. Louis de Bourbon, comte de Soissons, né en i6o4, mort en i6-f-i.
3. Les Sibeud de S^-Ferréol, qui ont joué à Die un certain rôle, descendaient
d'un notaire de Vif, Lancelot Sibeud, gui vivait au milieu du A'F« siècle. Jean
Sibeud, son fils, ayant acquis du chapitre de Die, le 3 novembre i48^, le fief
de S^-Ferréol, en prit le nom et le transmit à ses descendants. Hercule
Sibeud, seigneur de S^-Ferréol et Divajeu, avait été gouverneur de Romans
en i sgj ; il fut nommé à Die en 1622. De Suzanne Giraud, dame de Divajeu,
il laissa Alexandre Sibeud, dont il sera question plus loin.
85 MEMOIRES
dit : « Allés a Lauriol treuver les troupes qui y sont logées,
et acompagnés les, avec Monsieur de Monteyson, jusques en
Piemond, et sy elles sont battues par les gens de Monsieur de
Montauban, perdes vous avec elles.» Estant a Dye, eurent advis
qu'ils les attendoint en chemin, entre la Baume et Luc. Elles
passèrent au col de Meney.
Le sieur de Monteyson s'en retourna a Dye et le dit Anthoyne
alla jusques a la frontière de Piemond avec les dites troupes, et
a son retour alla treuver Monseig'' le connétable qui luy avoit
escript de l'aller treuver a Valence.
Et en la dite année et au moys d'aoust, morut au dit Vallance
Messire François de Bonne, seig"" de Lesdiguieres et connétable
de France, en l'eage de 82 ans i ; il fut pourté a Grenoble et
son cœur y fut enterré et, les cérémonies de son enterrement
faictes, l'on pourta son corps au château de Lesdiguieres. Le dit
Anthoyne fut député par le Conseil a Monseig'' le maréchal
Crequi, auquel ayant dit qu'il estoit de la part de la ville pour
luy offrir service et luy tesmoigner le desplaisir que nos habi-
tants avoient de la mort dudit seigneur, la response que fit le
dit seigneur : « ils ont bien raison d'en avoir du desplaisir, car
il aymoit les habitants de vostre ville et vous particulière-
ment. »
Environ ung moys après, mourut aussy a Dye Monsieur de
S' Feriol, nostre gouverneur 2. Le roy donna a son fils le gou-
vernement. Ce fut ung grand desplaisir aux habitans, car c'es-
toit ung bon gentilhomme et qui ncdesiroit que de conserver
la place et bien servir le roy. La ville y perdit beaucoup. Es-
tant arrivé a Dye il appela a la citadelle Monsieur de Vercors
et les capitaines des cartiers, pour leur dire quils continuassent
de comander et réduisit les cinq compagnies en quatre, leur
1. ViDEL, p. 4j3. Lesdiguieres mourut le 2S septembre 1626, à Valence,
dans la maison du chanoine Rousset, située à la côte des Chapeliers. C'est
dans cette maison que La Motte- Gondrin avait été assassiné.
2. Alexandre Sibeud de S^-Ferréol, fils d'Hercule. Il avait épousé le
18 août 162 5, Catherine de Moretonjille de Jacques, seigneur de Chabrillan,
et de Guigonne d'Urre. Catherine, devenue veuve, fit un testament le 23 juil-
let 1678.
DES FRÈRES GAY. 87
disant qu'il n'avoit autre désir que de servir le royet de garder
les abitans de tout son pouvoir, a ce qu'ils ne fussent foullé.
En 1627 Messire Charles Jacques de Leberon, evesque de
Dye et Vallanse luy (à Antoine Gajy) donna la charge de cour-
eier pour trois ans, comme est de coustume et fut a sa bonne
grâce.
En l'année 1628, arriva a Dye, environ pasques3000 hommes
de pied et la compagnie de gendarmes de Monseigneur le Ma-
reschal de Crequi, qui durant dix jours vesquirent a discrétion
sur les paouvres habitans, et furent desarmés ceux de larelli-
gion, et leurs armes balhées au sieur de S' Feriol et mises
dans la citadelle.
Il fut député par Monseigneur de Vallance a Turin vers Mon-
seigneur le Mareschal de Crequi, sur quelque dispute qu'arri-
va entre ledit seigneur et Monsieur de S' Feriol gouver-
neur 1.
Ce fut en l'année 1629, le roy de France Louys XIII en reve-
nant de Piemond coucha a Dye '^ ; et huict jours après passa
1. Le récit de ces discussions entre l'évéque et le gouverneur de Die est un
des épisodes les plus curieux de l'histoire de notre ville au X Vil" siècle. Nous
ne pouvons entrer ici dans des détails que nous donnerons dans notre histoire
de Die. Nous nous contenterons défaire connaître que le j février 1 6 3o un
arrêt du Conseil du roi réservait au roi le jugement de cette affaire, et nous y
lisons que Vévêque et le chapitre poursuivaient le gouverneur pour raison de
concussion . ; pour avoir commis un attentat sur la vie du suppliant
(l'évéque) la veille de noël dernière au devant de la principale porte de
l'Esglise cathédrale, adsisté d'aulcuns de ses chanoines et domestiques,
ayant non seulement tiré l'espée, mais ensemble quinze ou seize de ses
adhérants^ la plupart de la religion prétendue réformée, qui tous por-
tèrent Tespée tant contre le suppliant que contre son vicaire gênerai et
ses domestiques, deux desquels auroient été blessés . . . (Livre blanc
de Vévêché de Die. fol. cj4. MSS aux archives dép. delà Drôme. Fonds de Die,
non encore classé).
2. Louis XIII se rendait au siège de Privas. Il était à Die le 4 mai et en partit
le lendemain, pour aller coucher à Crest. Le 6, se trouvant dans cette dernière
ville, il acceptait d'être le parrain de deux enfatits. Voici ce que nous trouvons
dans les registres de catholicité: Le sixième may de ladite année (1629) a
esté baptizé Louis Chion, fils a M« Claude Chion, bourgeois de ceste ville
et de demoiselle Marguerite Granon (?). Parin a esté sa Majesté très
chrestienne, laquelle commanda a i\l« Philibert de Mont. . . , baron de
8q MEMOIRES
Monseigneur le cardinal de Richelieu, qui y coucha deux
nuicts. Ils logèrent a l'evesché.
La dite année, les catoliqs et le seigneur evesque nous firent
appeler par devant le conseil du roy, ou ils demandoint plu-
sieurs choses, et lesquels ils obtindrent presque toutes et entre
autres : que le conseil de la ville seroit composé de 24, douze
catholiqs et douze de la religion refourmée ; le 1" consul seroit
catholiq et le 2" de la religion refourmée et le trezourier, créé
corne a la coustume, mais non desdit 24 ; le secretere, catho-
liq roumain. Comme aussy fut inibé de ne lever plus aucung
argent sur le poys a farines et iceluy abouly. L'affere concer-
nant les revenus des paouvres de l'hospital, renvouyée au par-
lement de Grenoble. Et pour le temple, qu'il seroit informé sur
ledit dans troys moys.
En l'année 1631, fut comansé a establyr le conseil de 24, en
présence du S' Passieu, juge de Dye et commissere a cest
effaict. Le conseil des 80 estant mandé, ou après plusieurs dis-
cours sur led. changement, les catholiqs qui estoient là présent
n'ayant volu nommer leurs douze conseillers s'excuzants sur
le petit nombre d'eulx, fut procédé a la dite nomination
d'office, par le susdit Passieu, juge. Et par ceulx de la relligion,
furent nommés pour conseillers : nobles Jean Faure de Ver-
cors, Reyné d'Engilboud, Mons»" M^ Estienne Gilbert, Estienne
Chastel, André Perinet, Anthoyne Poudrel, David Chalvet,
M"" M^ Daniel Roman, Jean Trophe, Daniel Avond, Jean Co-
quet et Jean Gros procureurs. Sur laquelle nomination le sieur
Hugon requit que autre nomination seroit faicte par lesd . sieurs
de Ber ... et gouverneur de B ... de faire le reste des cérémonies audit
marrine, madame Marie de Montlor, femme de M. d'Ornano, gouverneur
de ceste ville. vSad. Majesté luy ayant donne le nom de Louis. — Le
mcsme jour, les mesmes cérémonies ont esté administrées et le nom
donné par sa majesté très chrétienne, a^ant faict son entré en lad. ville le
jour d'avant, à Louis d'Eurre, fils de (Jacques) d'Eurre, seigneur de
Brette et seigneur d'Eurre et de Magdclcine Mistral. Sad. Majesté com-
manda a M. Cézar de Choiseul, baron du Plessis-Praslin et Madame
Marie de Montlor a faire le reste des cérémonies, ayant esté baptisé a
Eurre, par M« Forest, curé dud. lieu, pour causes a luy cognues. a ce
qu'il m'a dict. (Note communiquée par M. Brun-Durand^ de Crest.)
DES FRÈRES GAY. 89
de la religion, causant ce que les susdits estoient tous docteurs
ou procureurs, et après plusieurs procédures faictes de part
a autre, fut aussy procédé par le sieur juge aux nominations
de ceulx de la religion a ung aultre conseilh, scavoir noble
Reyné d'Engilboud, Messire M'= Estienne Gilbert, Estienne
Chastel,Izaac Escoffier, M'" Pierre Guilet et Daniel Roman pro-
cureurs, le sire Anthoyne Gay, Izaac Lenfrey, Danyel Peyrol,
Jeremye Vernet, Pierre Romey et Jean Lagier. Pour consuls.
Monsieur M' François Vial, pour premier consul, et sire Pierre
Romey pour second. Jean Bertrand, dit Poudrel, pour tréso-
rier et M' Anthoyne Brunel pour secrétaire.
Les douze conseillers catholiqs estoint Monsieur m= Anas-
thaze Cati, Jean Varinier, le sire Vial, M'» Achille David,
Claude Arnaud, Jean Dumont, Estienne Marcel, Francoys
d'Argenses, Pierre Poyte, Jean Talluote, Estienne Rouyer et
Jacques Begoin ; lesquels exerserent leurs charges jusques au
moys de mars, que la cour commit le Visenechal de Crest,
pour venir procéder a nomination dudit conseil, scavoir :
Pour les catholiqs les douze catholiqs, et pour ceulx de la
religion les douse de la relligion.
Et furent nommés pour consuls : Monsieur M'= Jean de
CouUet, pour premier consul, et Anthoyne Poudrel, pour se-
cond.
Jean Bertrand Poudrel continué pour tresourier et Anthoyne
Brunel pour secrétaire.
Et pour conseillers de la relligion furent només par le
peuple : Noble Jean Faure de Vercors, Philibert Phelipes de
Giliers, Messieurs Mes Estienne Gilbert, André Perinet, David
Laurans, David Chalvet, Sieurs Jean Ducros, Pierre Bertrand,
Jeremye Vernet, M'* M''*' Daniel Roman, et Jean Coquet, pro-
cureurs.
Et des catholiques : Monsieur M^ Gaspar Rambaud et Anas-
taze Cati, chanoine, Monsieur M« Jean Armand et Jean Peyrol,
Mes Cezar Imbert , Pierre Poyte, Anthoyne Lafaurie, Jean
Talluote, Estienne Rouyer, François d'Argense, Jacques
Begoin.
En la dite année, survint plusieurs malleurs en ce rouyaume,
9Ô MÉMOIRES
comme la peste qui recomansa a fere de pointes en plusieurs
lieux, et continuant ce que depuis trois ans il avoit comansé,
une excessive cherté de vivres, notaniment du pain ; car le
pain blanc a valu en des endroits de la France cinq sols la
livre ; mais en ceste ville a valu trois sols et demy, et deux sols
neuf deniers le pain bis ; car sur la fin le sestier de froment
valoit douze livres six sols. La livre de la cher de mouton trois
sols, et deux et demy la livre de bœuf. Le pot d'huile d'olive
20 sols, celuy de noix dix huit sols, et deux œufs pour ung
sou. Et avec tout cela plusieurs nouveaulx offices establis, a
la surcharche et ruine toutale du peuple de cette province ; et
pour comble de tous les maulx, grand nombre de gents de
guerre, qui estoit logé dans ledit rouyaume et particulièrement
en ceste province et ville, où il y a heu de grands logements
et longs, qui ont faict que la ville s'est engagée d'environ
130,000 livres et oultre le particulier en des aultres bonnes et
notables sommes.
Sur la fin de l'année 1630, il arriva deux présages de tous
les malleurs que j'ay dict cy devant estre a ruine en ceste
ville, ce fat que la tour de la maison de ville tumba et la cloche,
qui sonoit pour l'exercice de ceulx de la religion et de la mai-
son consulaire du dit Dye estoit logée en icelle, sans se rompre
tumba parmy ce débris ou ruyne, qui abatit partie de la salie
ou le conseilh de ville se tenoit et acrasa la garde robe ou es-
toient les papiers de la dite ville. Dieu préserve les abitans et
la ville de plusieurs aultres malheurs, qui la menassent, et face
que nous humiliant a luy,il nous pardonne et nous fasse revoir
les abitans d'icelle en toute sorte de bon repos, comme avions
vescu durant le passé de trante et tant d'années.
En Allemaigne arriva la guerre, par la venue aux pays du
roy de Suéde, qui s'estoit mis en campaigne avec 40,000
hommes pour le service de Dieu et soustien des princes op-
pressés par l'empereur et le roy d'Espaigne aux pays d'Alle-
maigne, ou il fit de grands progrès et faicts d'armes et ayant
demeuré quelque temps aux pays, manda ung ambassade au
roy de France Louys XIIF' de ce nom, pour l'assurer de son
dessein et luy tesmoigner qu'il estoit en volonté de se tenir en
DES FRÈRES GAY. 91
son amitié ; et fut entre lesd. deux roys de PVance et de Suéde
faict ligue avec beaucoup des aultres princes d'Allemaigne et
estats de Flandre, pour s'opposer a l'empereur et roy d'Es-
paigne et aultres princes et estats qui estoint de leur parti ;
c'estoit es années 1631, 1632, 1633.
Le dit Gay avec S"" Moyse Vial, furent nommés pour assis-
ter les consuls de Dye pour extimer les biens du clergé et de
la noblesse, ce qu'ils firent, et environ lequel temps, ou com-
mansement de 1634, ledit roy de Suéde mourut en une bataille
ou combat, duquel il fut victorieux sur ses ennemis par la pru-
dence et couraige des chefs de son armée et valeur de ses
soldats.
L'on croyoit que les armées dudit roy de Suéde après sa mort
seroit aussitôt dissipées, mais par la grâce et asistance de
Dieu ils continuèrent le dessein du dit feu roy et ce avec l'ad-
sistance et bon conseilh que le roy de France leur donna, car il
leur fournit bons conseils et bon nombi^e de ses troupes, tant de
cavalerie que d'infanterie, quil leur envoya, et permit a ses
subjets d'y aller les assister. Et par ce que le duc de Lorraine
avoir promis a sa majesté d'estre de son parti et après print
celuy de l'Empire et du roy d'Espaigne et aultres princes de
leur faction ou ligue, il s'en alla en son pays de la duché de
Lorraine, laquelle il conquit et mit des bonnes garnisons aux
places fortes pour son service, et s'en retournant en France
laissa sur la frontière d'Allemaigne et aux pays des Grisons les
armées conduites par Monseig»" de Rouan, le seig'' mareschal
de la Force et aultres seigneurs, tant pour adsister aux armées
du défunt roy de Suéde que défense de ses alliés des cantons
de Suisse et conservation de la duchée de Lorraine.
Il declaira la guerre ou roy d'Espaine et empereur, en l'an-
née 1635, faisant des esdits par lesquels il défend a ses subjets
le traffic et commerce d'Espaigne et desclaire les Espaignols
et biens, qui sont dans ses roiyaumes et terres, acquis a soy et
tous confisqués. Luy declairant la guerre, il faict mander le ban
et riere-ban a sa noblesse et commande aux gouverneurs des
provinces et aux cours de ses parlements, juges royaulx et
aultres officiers, de fere tenir prests tous les subjets, pour par-
92 MÉMOIRES
tir avec armes au premier commandement qu'ils en auront ;
donne commandement a Monseigneur le duc de Crequi de
s'en aller en Italie avec 15000 hommes de pied et deux mille
cavaliers avec tout Tatirail necessere a une armée de ce grand
roy de France.
En l'année 1634 et sur la fin de may, il fut donné arrest en
son conseilh sur le différent des trois ordres de la province
de Dauphiné, pour raison des tailhes et aultres charges que
l'ordre du Tiers Estât suportoit, par lequel plusieurs qui avoit
obtenu par faveur et dans la minorité du roy des lettres de
noblesse et prétendants reabilitacion d'icelles furent cassées et
ce depuys l'an 1602 et le cadastre introduit, et a cet effet fut
comis et député par sa majesté de Talion, con-
seiller en son conseilh privé, commissaire et surintendant de
la justice aux provinces de Daulphiné, Prouvence et Lyonois.
et comis pour l'oservation du cadastre et examen du dit ar-
rest. Il ordonna que tous les papiers, parcelleres, cadastres,
luy seroient exibés.qu'a ses fins tous les habitans de la province
de Dauphiné donret parcelle de ses biens et fonds aux consuls,
chastellains et aultres a ce commis des lieux ou les dits biens
seroint situés. Et après luy estre remis et pourtés aux lieux ou
il leur seroit enjoint.
Et fut pour exécuter ce commandement au regard de la ville
de Dye commis et députés les sieurs : Cezar Imbert, Jean Gros
consuls, Mons"" M'' Estienne Gilbert. André Périnet, Jean Pey-
rol et le sieur Brunel secrétaire de la ville, et le dit Anthoyne
Gay pour aller a Crest et là au nom de la dite ville informer de
tout ce que par le dit seigneur de Talion nous seroit deman-
dé, fere dresser Testât qu'il conviendroit fere. En effet de quoy
ils despartirent de la dite ville avec tous les papiers qui leur
estoint necessere, et s'en allèrent en celle de Crest, tous les
susnommés et commis par le conseilh de la dite ville de Dye,
excepté M''^ M"= André Pcrinetet Jean Peyrol qui se treuverent
n'estre desputés pour s'y acheminer avec les aultres nommés,
qui ne laysserent a fere tout ce qui estoit necessere pour le bien
de leur dicte ville. Et ayant demuré pour ce fere 7 ou 8 jours,
ils s'en retournèrent avec tous leurs papiers et livres du par-
DES FRÈRES GAY. 93
cellere et perequere. Ce fut en febvrier 1635, sur la fin du
moys. Le roy envoya a la Province d'imposer sur les habi-
tants d'icelle la somme de et ce en suite de l'arrêt
donné en son conseilh le dernier may 1634, par lequel il est
pourté que tous les anoblissements sur de reabilitacions obte-
nues despuis l'année 1602 estoint cassés et lesdits prétendants
nobles tirés aux tailhes, et que tous les biens acquis par les an-
ciens nobles depuis le l^r janvier 1628en deçà payeroient latailhe.
La dite ville ayant receu le dit mandement et lanson, le con-
seil fut assemblé et par icelluy conclu quil seroit adjoint aux
consuls anciens et modernes, secrétaire et tresourier de ladite
ville, quelques ungs des conseilhers de la maison consulaire
pour les adsister, attendu qu'il falloit mètre dans la dite tailhe
tout ceulx qui avoient esté anoblis par lettres ou otfices, et
furent nommés pour ce Monsieur M*-' Anthoyne Poudrel et le
dit Anthoyne Gay, pour fere la dite péréquation et fut trouvé
expédient de fere et lever neuf tailhes pour le payement de
sept mille sept cents ... et pour les droits de recepte de péré-
quation, non valeurs et aultres frais qui revenoienta neuf mil
deux cents et . . . (sic).
En l'année 1636, Monsieur le Comte de Sault commandant
en ceste province de Dauphiné, fit fere une levée de 2, 000
hommes aux 10 villes de la province, avec l'adsistance des
bourgs et villages, ayant escript aux gouverneurs des villes et
consuls de chacune d'icelles de mètre sur pied 200 hommes et
donner a ceste ville de Dye pour ayder le despartement de Dye,
Mens, Vif et Vauboneys, pour fere la levée et ce dans le 20
janvier susdite année qu'il falloit que lesdits 200 hommes
fussent prêts a partir et s'en aller en l'armée du roy aux Itallies,
et servir de crue aux régiments de Monseig"" le comte de Sault
et a celuy de Monsieur de Richemond d'Enrichemond.
Le sieur de S' Ferreol, gouverneur de Dye et Messieurs du
conseil de la ville ayant reçu le dit commandement, s'assem-
blèrent le 10 de janvier susdite année, et attandu le peu de
temps qu'il leur restoit, pour fere la dite levée et pour aller
inthimerlesditslieusqui y devointcontribuer, députèrent ledit
Anthoyne Gay pour aller vers mon susd . Seig" le comte de Sault
94 MÉMOIRES
pour le supplier de leur donner plus de temps, n'ayant le dit
temps pour n'avoyr estes advertis, ne leur demeurant que
sept ou 8 jours du temps qu'il leur estoit enjoint de fere mar-
cher les dits ^00 hommes, et tere inthimer le bour de Vif,
chef de despartement, et fere que leur dict despartement mis-
sent sur pied leurs hommes, conformément a l'ordre de mondit
seig"" le comte, et fut envoyé aux lieus de Mens et de Vaubo-
neys sieur Jean François de la Morte, pour leur inthimer la
susdite ordonance. Il luy fut donné par mon dit seigneur le
comte de Sault comission d'aller conduire les susdits 200
hommes en Itahe, en l'armée du roy, pour les remetre a M'' le
duc de Crequi, qui com.mandoit la dite armée ou autres ayant
charges du roy de la recepvoir.
La troupe ne fut preste que le 21 de febvrier de la dite année,
qu'il partit de Dye avec 172 hommes, et allèrent coucher a
Luc et de là, suyvant la route jusques sur la frontière de
Piemond , furent reçus a Brianson et enroulés les susdits
hommes par Monsieur de Charencie, comissere des guerres et
contreroulleur desdits gents de guerre, et de la passé le mont
Genevre les ay remis an lieu de Bousson a Monsieur de la
Passa, capitenne au régiment de mon dit seigneurie comte de
Sault ; la plus part des dits soldarts l'ayant quicté en chemin
ne voulants passer en Italie tant pour ce qu'ils y alloint la
pluspart contraints par les communaultés que pour la crainte
de maladies que les françois ont en Italie. Le nombre desdits
soldarts qu'il remit estoit de cent hommes.
A mon retour fut faict ordre par mon dit seigneur le comte
de Sault le 18 de mars, que les lieus qui n'avoit fourni leurs
hommes les fourniroit et que ceulx qui avoint quité se reme-
troient dans deux jours après la publication d'iceluy, a peyne
de la vie, et fut pendu quelques ungs de ceulx qui s'en estoint
retournés, et les communaultés des lieux d'où estoint ceulx
qui s'en estoint retournés contraints a en bailhcr des autres
en leurs place, aux despens desdits soldarts. Et les dits hommes
estant prest a partir furent bailhés a quelques capitaines des
régiments de Sault et de Richemond qui les conduisirent en
l'armée.
il
DES FRÈRES GAY 95
En l'année 1638 et le 21 septembre, il fut député par Mes-
sieurs de la ville de Dye d'aller vers Monseig"" le duc de Lesdi-
guieres, commandant en Dauphiné pour le service du roy,
pour obtenir route pour loger les hommes que la ville avoit
mis par son ordre sur pied, attandu que les aultres nomé par
l'élection du Montellimar estoint despartis ; lequel seigneur
luy auroit accourdé et encor chargé diceulx conduire, luy ayant
acourdé deux hommes de pied pour l'acompaigner et ayder a
faire la dite conduite jusques a Suze et de la prandre nouvel
ordre du comisere que le roy y avoit, avec charge qu'il eut
de les fere bien équipera la dite ville et pendant le temps que
l'on faisoit fere leurs habits et preparoit tout ce qui estoit
necessere, il y eut contremandement et ne desparlirent du
dit Dye.
La guerre d'Itallye continuant et en Tannée 1640, fut encore
enjoint aux communaultés de ceste province de Dauphiné de
dresser ung homme pour fere et ordonner que les dix villes de
la province de Dauphiné eliroint la chacune quatre capitaines,
quatre lieutenants et quatre ensegnes pour commander et con-
duire, le chascun des dits capitaines cent hommes, il auroit esté
requis de prendre le soin de la conduite d'une des compagnies
par Messieurs les consuls et conseillers de la dite ville, qui iuy
prometoint luy fournir la somme de 600 livres pour s'équiper et
mettre en estât pour ce fere ; quoiqu'il estoit eagé de 69 ans,
il s'y estoit résolu, mes pour ce que ceulx qui luy en avoit
parlé de la part de la ville luy avoint nomé troys personnaiges
qui devoint prendre la mesme charge que luy et après la ville
en nouma a leur refus d'aultres, le dit Gay ne volut prendre
la dite charge et se parier avec ceulx que la ville noumoit et
n'y vollut point aller et ne fut noumé que deux capitaines de la
ville pour conduire les hommes, que la ville et villages du
Dyois fournissoit l.
1. Les 3 folios de garde, que Gaspard Gay avait laissés en blanc à la tête
de l'histoire généalogique de sa famille, ont été utilisés par son frère A nloine,
qui y a transcrit de sa main quelques curieuses notes, que nous reprodui-
sons ici.
J'ay mis les mémoires cy après escrites, qui ont esté tirés d'un livre
96 MÉMOIRES
de noble Charles de Jouanny, seigneur de Pennes, abitant en ceste ville
de Dye, par sire Gaspard Gay, mon frère, pour informer a l'advenir nos
sucseseurs de ces antiquités et choses, survenues en ceste ville, comme :
137-4. Anno Domini milesimo tresentesimo sept(!<^g'e5)imo quarto et die
décima mensis septembris, venit bastardus de Cliclinocum multisBrita-
nibus ante Diam et peciere reducere villam et vituallia. Fuit eis contra-
ditum et quod non aberent vinum, neque aliud, et sic redierunt versus
vallem Sancte Marye, unde venerunt ibi, ilicque dominus Olivarius de
Cliclino (Olivier de Clisson, né en i336, gouverneur de Bretagne en i36q, de
de Guyenne 1 3jo, connétable de France i3So, mort en i4oj) cum omnibus
societatibus Britaniarum, qui erant de numéro quatuor decem milia et
vigenti bassineti, in quibus erant decem mille equitum et quam plurimi
pilhardi et esterunt circam villa, tam in burgis quam in grangiis, sexde-
cim dies et in decem et septimo die receserunt, redem(ptione) prius ha-
bita a villa et apresi(<3^i3) très mile florenorum, et hinc fuerunt destructi
burgii qui erant circa villam et civitatem Diensem, régnante domino
Ludovico de Villars, episcopo comiteque Diensis et Valentinensis, et erat
ibidem cappitaneus ville dominus Odetus de Villars miles et cum ipso
erat dominus Guilhermus de Lerz miles et potens de Brissino domina-
[ba)\.\iv et (erant) multi alie gentis armigeri. Item predictus potens de
Brissino remansit ibidem cappitaneus postmodum per magnum tempus
et multum bene se habuit in fortificationes et reparationcs ville et recesit
cum magno honore et cum laude patrie.
Oultre ce que dessus led. Gaspard Gay a tiré des livres domeniaux de
Saint Pierre (le prieuré de S'-Pierre, aux portes de Die) ce que cy après :
Anno Domini milesimo trecentesimo quadragesimo octavo fuit morta-
litas magna universalis per totum mundum, et fuit Die circa principiuui
mensis Mayi et duravit circa finem mensis septembris et obierunt de ec-
clesiasticis septuaginta quatuor, videlicet de canonicis quindccim, de su-
percoreariis triginta et de suhcorreariis vigenti, de clericis novem.
Ce que cy dcssoubs estoit autour de la cloche de la rologe :
SANCTE CHRISTOPHORE ORA PRO NOBIS CHRISTVS VINCIT
CHRISTVS REGNAT CHRISTVS AB OMNI MALO NOS DEFEN-
DAT lESVS MARIA lOSEPH AN. 1530.
Les colloncs qui soutiennent lad. cloche furent montées Van 1603.
Pour le commentaire, que réclameraient ces dernières notes, nous renvoyons
le lecteur à notre Essai historique sur l'Eglise et la ville de Die, dont le
premier volume est publié (Montélimar, 108B, in-8», xii et 500 pages).
BULLETIN
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE
E T
D'ARCHÉOLOGIE RELIGIEUSE
IMPRIMERIE JULES CÉAS ET FILS
c4 VALENCE
BULLETIN
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE
ET
D'ARCHÉOLOGIE RELIGIEUSE
DES DIOCÈSES DE VALENCE
GAP, GRENOBLE & VIVIERS
TOME NEUVIÈME
ROMANS
AU SECRÉTARIAT DU COMITÉ DE RÉDACTION
1888-Q
PUBLICATIONS DU COMITE DE RÉDACTION
"DÉPÔT cAU SECRÉTARIAT, cA "ROMANS
Bulletin d'histoire ecclésiastique el. {'archéologie religieuse, i""", 2= et 3" années, à,. 10 fr.
— — — — — 4'', 5*, 6=, 7' et 8= à 5 —
TIRAGES A PART DU BULLETIN (in-8°)
AuEANÈs (J.-H.), Histoire des évêques de Saint-Paul-lrois-Châteaux au
XI V^ siècle, corrections et documents 3 50
Bellet (CharlJ, U^otes pour servir à la géographie et à l'histoire de l\in-
cten diocèse de Grenoble, i "= part 2 50
— Histoire du cardinal Le Camus 8 »
Blaïn, Louise ou la sainte de Venterol 1 25
— t\Iémoires de J.-B. 'Brun, curé d'cAouste, sur les événements de son
temps, de iy()2 au Concordat (1802) 2 »
Blanchard, Un épisode de l'histoire des Camisards dans VcArdéche (ijo-f) . 1 50
Chaper (Eug.) S^îgr. Le Camus, cardinal, évéque de Grenoble de 767/ à
lyo'j, notes pour servir à sa biographie, écrites par lui-même. » 75
Chevalier (Jules), U^otes et documents pour servir à l' histoire des doyens
de l'église de 'Die au X Vl^ siècle 2 »
— 'Passage delà compagnie des Ecossais dans le Diois (i^ijO). 1 25
— 'Procès-verbal de la visite pastorale de Jacques de Tournon,
évéque de Valence et de 'Die, a Die et à Crest ( i ^ ) 1 ) . . . . 1 50
Chevalier (Ulysse), Compte de -liaoul de Louppy, gouverneur du 'Dauphiné
de i]6j à J ]6ç 3 »
— Itinéraire des 'Dauphins de la troisième race {An<ie,Ilumbert l",
Jean II, Guigues Vil et Humbert II) 2
— [Mystère des trois Doms, joué à Romans en i^og. Docu-
ments relatifs aux représentations théâtrales en Dauphiné de
1400 à I ) ^). . . ■ 3 »
Chosson (Luc), La 1i. 5\/. 'Damascène -Buisson, supérieure générale des
religieuses Trinitaires. . 1 »
Feraid (J.-J.-M.), Fêtes de la canonisation de S. François de Sales el de la
béatification de Jeanne-Françoise Frémiot, baronne de Chantai,
à Digne, en lôby et i'/$2 4 »
Fillet(L.), 'Donzére religieux, notice historique 2 50
— Echevis religieux, notice historique 1 25
— Histoire religieuse de Pont-en-Royans (Isère) 5 »
— S^antbrison religieux, notice historique 1 50
— police historique sur les paroisses de Colon^^elle et CMargerie . . 2 »
Guillaume (Paul), U^otice historique et documents inédits sur le prieuré de
Samt-André de Gap » 75
— Origine des Chevaliers de^lalte et •I\ôlc des donations de la cum-
manderie de Gap )XI-XI1'' siècles) 2 50
— Pielations de Louis XI et Charles VIU avec Gap et Embiun. » 50
Lacier (A.) zAbbaye de N.-D. de Laval-'Bénite de -Bressieux 1 75
Mazet (V.) Pierre Fédon et le diocèse de 'Die pendant la 'Révolution ... 2 25
Ko.MA.N (J.) Visites faites dans les prieurés de l'ordre de Cluny du Dauphiné
de j 2do à I ]0] 1 25
TouPiN (H.-C), U^otice sur le serviteur de 'Dieu Jean Sérane, projès de la
Compagnie de Jésus {ij 1 2-1 y 8-1 ) 3 w
— Justine de la Tour-Gouvernet, baronne de 'Poët-Célard, épisode
des controverses religieuses en 'Dauphiné durant les vingt
premières années du XVIP siècle 3 50
QUARANTE ANNÉES
DE
L'HISTOIRE DES ÉVÊQUES DE VALENCE
AU MOYEN AGE
(1226 à 1266)
(Suite)
5f>iOO<!>OO^S<-
Pierre des Roches, évèque de Winchester, était mort le 9 juin 123)^
Pour remplir le siège épiscopal devenu vacant, le roi Henri jeta
aussitôt les yeux sur Guillaume de Savoie : il avait conservé pour
l'élu de Valence l'affection la plus grande et il souhaitait ardemment
de le fixer en Angleterre d'une manière définitive. Mais les chanoines
de Winchester ne partagèrent point ses vues : soit pour des raisons
particulières, que l'histoire a négligé de nous apprendre, soit à cause
de cette antipathie naturelle aux Anglais contre tout étranger, ils
refusèrent celui que désignait le roi et nommèrent Guillaume de
Raie, un de ses plus intimes amis, espérant que ce choix ferait ou-
blier à Henri ses premières instances. Le roi prit très mal cette
manière d'éluder ses recommandations ; il cassa l'élection, et pour
témoigner de son mécontentement, il éloigna Guillaume de Raie
de son entourage et de son conseil. Le clergé toutefois ne se
montrait point disposé à céder. On procéda à une nouvelle élection
et les chanoines donnèrent leurs voix à Rodolphe Névil, chancelier
royal et évèque de Chichester. Henri ne sut alors contenir sa colère :
non seulement il annula l'élection et priva Névil de la chancellerie ;
6 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
mais encore il envoj-a un fondé de pouvoirs en cour de Rome pour
faire approuver sa conduite et solliciter une bulle nommant Guillau-
me de Savoie au siège de Winchester. Le pape saisit avec empres-
sement l'occasion de se montrer agréable au roi et à l'élu de \'a-
lence fi). Mais les démarches faites au nom du roi n'étaient point
encore terminées que déjà les désirs de Guillaume prenaient une
autre direction. Pour notre ambitieux prélat, l'évêché de \\' inchester
demeurait maintenant à l'arrière-plan.
Une vacance venait en effet de se produire à Liège, principauté
ecclésiastique riche et indépendante : le prince-évêque Jean de
Rumigny était mort le i" mai 1238. Les revenus de l'évêché de Liège
valaient à eux seuls beaucoup plus que ceux des évêchés de Valence
et de Winchester réunis. Guillaume convoita ardemment cette
Eglise. Il se promettait de réussir, grâce à l'appui que ne manque-
rait pas de lui prêter son frère Thomas de Savoie, devenu depuis
peu comte de Flandre. Les chanoines toutefois se montrèrent peu
disposés à se donner un tel maître et quelques-uns d'entre eux,
ayant à leur tête le prévôt du chapitre, frère du duc de Nancy, lui
opposèrent Otton, prévôt de l'Eglise de Trêves. Le légat du pape
en Angleterre, le cardinal Otton, écrivit au chapitre pour lui recom-
mander la candidature de Guillaume de Savoie. Le 23 juin, veille de
la lête de saint Jean-Baptiste, les chanoines de Liège se réunirent
pour procéder à une élection : les voix se trouvèrent partagées. La
majorité pourtant des suffrages s'était réunie sur Otton, prévôt de
Trêves. Le comte de Flandre, peu satisfait de ce qui avait eu lieu,
prit les armes pour soutenir les intérêts de son frère ; pendant que
son compétiteur trouvait de son côté dans Walram. comte de Lim-
bourg, un ami dévoué qui s'offrit de combattre pour sa cause. Les
hostilités commencèrent ; mais heureusement pour les populations,
qui avaient tout à souffrir dans ces misérables querelles, l'empereur
intervint : Frédéric et son fils Conrad n'avaient point caché leur
préférence pour le prévôt de Trêves. Thomas, comte de Flandre,
fut contraint de mettre bas les armes et de cesser toute violence
contre Walram. Cette conduite de l'empereur à l'égard de Guillaume
de Savoie, dans un moment où celui-ci combattait en Italie sous
l'étendard impérial, irrita Ciuillaumc et le dispf)sa à répondre aux
avances que ne de\ait point larder à lui faire la cour romaine.
(i) .MATTii.iius Paris., op. cit., p. 7^.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 7
Vers la fin de l'année 1238, Guillaume de Savoie se rendit à Rome
pour plaider sa cause et soutenir les droits qu'il prétendait avoir au
siège épiscopal de Liège. Il y reçut du souverain pontife et de son
entourage un accueil qui dépassa toutes ses espérances. Conrad, que
'es chanoines de Cologne avaient élu pour évêque, se trouvait alors à
Rome, où il était venu faire confirmer son élection. Il fit les plus
grands efforts pour combattre les prétentions de Guillaume et défen-
dre la validité de l'élection du prévôt de Trêves. Grégoire IX demeura
sourd à toutes ses raisons ; il cassa l'élection du prévôt Otton, pro-
clama solennellement évêque de Liège Guillaume de Savoie. Quant
à Conrad, qui, parait-il. avait résisté aux désirs du pape, on lui fit
entendre qu'il n'obtiendrait ses bulles pour Cologne qu'à la condi-
tion de reconnaître Guillaume pour évêque de Liège et de soutenir
désormais ses intérêts. Mais, non content de donner à notre pré-
lat cette marque de haute bienveillance, il l'autorisa encore à gar-
der l'administration des Eglises de Valence et de Winchester (i).
On ne saurait douter que l'abandon du parti impérial n"eût été
demandé à Guillaume en échange de tant de faveurs. Mais Guillau-
me de Savoie, grand feudataire de l'empire, ne pouvait rompre
ouvertement avec Frédéric sans encourir son indignation et se voir
dépouillé des prérogatives et des droits régaliens, qu'il tenait de la
couronne. Il fallut donc attendre que les circonstances parussent
contraindre notre évêque à déserter le camp impérial pour passer au
service de l'Eglise romaine.
Le 20 mars 1239, l'excommunication était prononcée au Latran
contre Frédéric II. La lutte entre le sacerdoce et l'empire s'engagea
avec une violence inouïe; des paroles insultantes furent échangées des
deux côtés et les actes répondirent aux paroles. Quoique Frédéric se
(1) .Mattii.eus Paris., op. cit., p. 488. — Matth.eus Westmonasteriensis, op.
cit., p. 299. — Aluerici, monachi Trium Fontium, Chronicon, ad an. 1238, dans
Bouquet, t. XXI, p. 622 : « Inter haec autem electus Valentiae, antequam sciret
de electione Leodiensi, erat in praesidium in Cremona pro parte imperatoris contra
Lombardos et cum suis Burgondionibus disconfecit Placentinos, ita quod muiti ex
cis inierfecti et vulnerati sunt et plus quam mille capti fuerunt ; et hac occasione
regalia sua habuit ab imperatore auro sigillata, ubicunque in Imperio eligerelur,
sine loco determinato. Ambo isti electi Romam profecti sunt, similiter et electus
Conradus Coloniensis. Summus aulem pontifex Trajectensem Ottonem cassavit ;
electum Vaientiœ, Guillelmum, in Leodiensem electum confirmavit. Coloniensis
electus aliter gratiam papas habere non potuit, nisi illum Trajectensem abjuraret
et electo Valentiœ assensum et gratiam et auxilium suum efficaciter accommodaret
quod ita factum est, licet ille Trajectensis diu restiterit et repugnaverit.
8 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
fût décerné à lui-même cet éloge magnifique, « qu'il gouvernait l'em-
pire avec tant de douceur et de justice que depuis Charlemagne au-
cun autre prince ne pouvait lui être comparé «, les défections
commencèrent parmi les Gibelins, et dans cette campagne de 1239,
il ne fit aucun pro||rès (i). Plusieurs princes de l'Europe témoignè-
rent alors du désir de travailler à une pacification d'où dépendait le
bonheur de tant de nations; mais au fond, ni l'empereur, ni le pape
ne songeaient sérieusement à la paix, parce que ni l'un, ni l'autre ne
voulaient rien concéder. Le roi de France fut un des premiers à offrir
sa médiation : dans ce but, il envoya à Rome Robert, évêque de
Langres, et l'un des membres de son conseil. La chronique d'Albéric,
moine des Trois-Fontaines, signale en même temps à Rome la
présence de Guillaume de Savoie : d'après la rumeur publique, il y
serait venu lui aussi pour travailler de concert avec les députes de
Louis IX au rétablissement de la concorde. Ce c]ui est bien certain,
c'est qu'il fit alors un long séjour à Rome, et si l'histoire ne nous a
pas conservé le souvenir de ce qu'il entreprit pour le bien général de
l'Eglise, elle a pris soin de nous apprendre qu'il n'oublia ni ses
intérêts, ni ceu.x de sa famille. Il commença par obtenir de Grégoire
IX que l'administration de l'Eglise de Valence, dont il consentait à
se démettre, passât à un de ses frères (2) ; puis il entama ces négocia-
tions qui devaient, trente-cinq ans plus tard, aboutir à la fatale union
des diocèses de Valence et de Die. Mais quelques explications nous
paraissent ici nécessaires.
Les événements que nous venons de raconter ont pu déjà faire
soupçonner au lecteur dans quel misérable état devait languir le
diocèse de Valence, privé depuis plusieurs années de la présence de
l'évêque, son chef naturel. Deg documents récemment mis au jour
nous montrent le peu d'estime et quelquefois le mépris qu'inspirait
alors la conduite d'un certain nombre de grands dignitaires du
clergé, qu'on voyait plus attentifs à la poursuite des richesses et des
honneurs du siècle qu'à l'accomplissement des devoirs de la charge
(i) Huii.i.ARD-BrîKHOi.i.KS, Introduction à l'hist. dipl. Je Frédéric II, p. .156.
(2) Alfserici Chrouicon, dans Bouquet, t. XXI, p. 623 : « Misil Romam rcx
FrancicC episcopum Lingonenscm Robcrtum et dominum .\dam, mililcni de consilio
suo, ad lemperandum Summi Pontificis animum et animum imperatoris, si aliqua
posset inter eos reperiri pacis et concordiœ forma. Ilac ctiain de causa noslcr
electus Leodiensis, ille de Valentia a domino papa confirmatus, moram fccisse
dicitur in eisdem partibus ; qui etiam a domino papa obiinuii ui unus de tValribus
ejus sit pro co electus in Valentia. »
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. Q
pastorale (i)\ ils nous apprennent encore que nos malheureuses
populations, si souvent tourmentées par le fléau des guerres civiles,
se virent menacées à cette époque d'une sorte de décomposition
religieuse et sociale, et qu'elles eurent à se défendre contre une foule
de sectes hérétiques qui travaillaient avec ardeur au renversement
de l'ordre établi (2). Les débris des sectes albigeoises, chassés du
midi par la guerre et l'inquisition étaient venus demander un asile
à ces régions montagneuses qui formaient les diocèses d'Embrun,
de Gap et de Die : de là, comme d'une forteresse inexpugnable, des
adeptes zélés se répandaient dans les pays environnants. Cette
propagande de l'erreur, plus ou moins active, selon les circons-
tances, continua durant des siècles, jusqu'au moment où le protes-
tantisme recueillit les fragments épars de ces vieilles hérésies (3). Le
diocèse de Valence reçut bien des fois la visite de ces missionnaires
de l'erreur ; mais à l'époque qui nous occupe ce furent surtout les
Vaudois du Lyonnais qui eurent le triste privilège d'^y semer leurs
pernicieuses doctrines.
L'ordre de S'. Dominique, opposé par la Providence comme une
digue puissante au torrent de l'hérésie, rendit alors d'inappréciables
(i) Chrojiicon Placenlinum. .. edidit Huillard-Bréholles, Parisiis, 1856, in-4'',
passim.
(2) Nous trouvons dans quelques lettres de Frédéric II l'énumcralion de ces
diverses sectes. Huill.\rd-Bréholl,es, Hist. diplomatica Friderici II, t. II, p. 4 :
(' Porro Catharos, Patarenos, Speronistas, Leonistas, Arnaldistas , Circumcisos et
omnes hasreticos utriusque sexus quocunque nomine censeantur perpétua damnamus
infamia, difïinimus atque bannimus.» — Op. cit., t.V, p. 280 : « Patarenos, Speronis-
tas, Leonistas, Arnaldistas, Circumcisos, Passaginos, Joseppinos, Garattenses, Alba-
nenses, Franciscos, Bagnarolos, Comistas, Waldenses, Runcarolos, Communellos,
Warinos et Ortolenos, cum illis de Aqua Nigra et omnes haereticos.. » — Quand on se
rend compte de la tendance générale de ces sectes hérétiques, on s'explique la
vigueur avec laquelle la société au moyen âge se défendit contre les envahissements
d'un mal qui pouvait avoir les plus terribles conséquences. « Le catharisme au
« moyen âge, dit M. Dulaurier (Cabinet historique, 1880, p. 158), fut une doctrine
« aussi radicale, aussi dangereuse que celle qui de nos jours proclame l'égalité
« absolue des conditions, l'abolition de la famille et la communauté des biens. La
« société d'alors avait le droit de se défendre, comme elle l'a aujourd'hui contre les
« théories subversives, parce que ce droit est inhérent à sa constitution et est la
« condition même de son existence. »
(3) De bonne heure on donna le nom générique de Vaudois à tous les hérétiques
cantonnés dans les Alpes Dauphinoises et Piémontaises. Il résulte des enquêtes qui
furent faites à leur sujet dans le XV° siècle que leur culte ne consistait qu'en cer-
taines pratiques superstitieuses et diaboliques. Voir notre Histoire généalogique de
la maison de Rabot, Valence, 1886, in-8°, p. II.
10 QUARANTE ANNÉES DE L HISTOIRE DES
services à la double cause de l'Eglise et de la civilisation. En l'an-
née 1235, un dominicain, qui joignait au zèle apostolique le talent
de la parole, parcourut dans tous les sens le diocèse de \''alence :
il se nommait Etienne de Bourbon. Peu de temps après, le rôle
d'inquisiteur lui ayant été confié, il fut, par le fait même de sa
mission pénible et délicate, mis plus directement en contact avec
les hérétiques de nos pays, sur les mœurs et les doctrines desquels
il fut ainsi à même de pouvoir recueillir quantité de détails parfaite-
ment authentiques. Plus de quarante années de sa vie s'écoulèrent
dans les rudes labeurs de l'apostolat. Devenu vieux et retiré au fond
de son cloître à Lyon, il employa ses dernières années à écrire
quelques-uns de ses souvenirs. Dans ses récits, d'une valeur histo-
rique considérable, sa plume a plus dune fois retracé des faits
concernant le diocèse de \'alence. Nous pensons qu'il ne sera peut-
être pas sans intérêt pour le lecteur de trouver ici quelques extraits
du curieux ouvrage de ce religieux zélé et savant (1).
« A l'époque où je prêchais dans la ville de \'alence fen Tannée
« 12;; 5), écrit-il, ne connaissant point encore à fond l'hérésie des
« \'^audois, attendu que je n'exerçai que quelque temps après les
« fonctions d'inquisiteur, un catholique me raconta qu'il avait en-
ce tendu des maîtres de l'erreur commenter ainsi ce texte de la
<< Genèse : c Dieu forma l'homme du limon de h terre et lui inspira
0 un soulJle de vie. » Dieu, disaient-ils, façonna, avec de l'argile
« molle, une certaine forme humaine, comme font les enfants, et la
« plaça ensuite au soleil pour la faire sécher. Or il arriva, étant
» complètement desséchée, que toutes les rides ou fentes produites
« par l'action des rayons solaires, se remplirent de sang et devinrent
« des veines. En dernier lieu il souffla sur la face de cette statue et
« lui communiqua son esprit : c'est ainsi que l'homme fut fait âme
« vivante. Toutes les autres âmes proviennent de la même source
« et ont été communiquées de la même manière. Presque tous les
« Vaudois s'accordent pour dire que l'àme de tout homme juste et
« bon n'est autre que l'Esprit-Saint lui-même, qui est Dieu et que le
(1) Anecdotes historiques, légendes et apoloi^ues. tirés du recueil inédit i/'Etienne
i>K lîOL'RiiON, dominicain du XIH' siècle, publiés pour Li société de l'histoire de
l'rance par X. Lecoy me l\ .Marche. Paris, 1878, in-S". .\L\III et .i'>b paijes.
Etienne de Bourbon, né à EiclIcvillc-sur-Saonc entre i 190 et 1195, mort à Lvon
vers 1271. Cf. QiÉTiF et Ecn\i<t). Scriptores ordinis Prxdicatorum, t. I, col. 184-
Oj ; — Hist. littéraire delà France, t. .\i.\, p. 27-^^ : — Ltcov de la .Marche, La
chaire française au moyen âge, p. 106-12.
ÉVÈQUES DE VALENCE AU MOYEN-AGE. Il
« juste, tant qu'il demeure tel, ne peut avoir une autre âme que
« TEsprit-Saint. qui est Dieu. S'il pèche, l'Esprit sort et le diable
«^ prend sa place... Ils enseignent qu'ils n'y a de peines expiatrices
(' que dans le temps présent, et que par conséquent tous les suf-
« frages de l'Eglise, comme toutes les œuvres, ne servent de rien
« aux défunts. Ils disent que tous les bons sont prêtres et que tout
« homme bon peut absoudre des péchés aussi bien que le pape, selon
« notre doctrine : toutefois quand ils expliquent sur ce point leur
« croyance, ils enseignent qu'il n'y a en réalité que Dieu qui puisse
« absoudre, et que si les justes le font, ce n'est que parce que Dieu,
« qui habite en eux, agit par eux. Ils n'ont que du mépris pour les
« absolutions et les excommunications de l'Eglise, parce que, disent-
« ils, il n'y a que Dieu qui puisse excommunier. Un de leurs maîtres
<i les plus célèbres et qui s'était acquitté pour des intérêts de la secte
« de divers emplois, me faisait un jour cette distinction : 11 en est, me
« disait-il, qui ne sont ordonnés ni par Dieu, ni par les hommes.
« comme les mauvais laïques ; il en est qui sont ordonnés par les
« hommes et non par Dieu, comme les mauvais prêtres ; il en est
« enfui qui sont ordonnés par Dieu et non par les hommes, comme
« les bons la'iques, qui observent les commandements, qui ont le
« pouvoir de lier et de délier, de consacrer et d'ordonner, s'ils pro-
« noncent les paroles sacramentelles. Me parlant de ces derniers,
« quelques-uns, me disait-il encore, enseignent que les hommes seuls
« peuvent exercer les fonctions sacerdotales ; tandis que d'autres n'é-
« tablisent sur ce point aucune différence et soutiennent que la fem-
« me elle aussi, si elle est bonne, peut être prêtre. J'ai vu une femme
» hérétique, qui fut brûlée, qui se servait d'une sorte de coffre en
« forme d'autel et qui faisait les cérémonies de la consécration
a Ces hérétiques tournent en ridicule les indulgences accordées par
« le pape, les absolutions et les clefs de l'Eglise ; ils ne respectent
« pas davantage les dédicaces ou consécrations d'églises et d'autels,
« appelant ces cérémonies, les fêtes d'un tas de pierres. Toute la
« terre, disaient-ils, a été par Dieu consacrée et bénite ; aussi n'ont-
« ils aucun respect pour les cimetières et les églises des chrétiens...
« Ils disent encore que nos clercs et nos prêtres, qui ont de l'argent
« ou des terres, sont fils du diable, enfants de perdition ; c'est péché
« que de leur donner les dîmes et les offrandes; c'est, disaient-ils par
« manière de moquerie, vouloir engraisser du lard. Ils se moquent
« des cierges qu'on allume devant les images des saints : ils se mo-
12 QUARANTE AWEES DE L HISTOIRE DES
« quent de nos rites sacrés et de nos chants, demandant si Dieu n'en-
« tendrait pas nos demandes, lors même que nous ne chanterions
« point... Ils disent que l'Eglise Romaine est la Babylone, la grande
« prostituée de l'apocalypse... Ils disent qu'il n'y a pas de péché à
« violer les jeûnes et les abstinences (i) »
Ces quelques lignes suffiront pour montrer quel désordre régnait
alors dans les esprits, et à quels dangers était sans cesse exposée
la foi de nos populations. 'Voici maintenant un autre e.xtrait du livre
d'Etienne de Bourbon, non moins curieux et instructif que le pré-
cédent. On y rappelle un acte de brigandage d'un de ces petits
tyrans féodaux , qui attaquaient de préférence les clercs et les
moines, ordinairement moins préparés à résister à leurs coups.
C'est une peinture des mœurs de l'époque, qu'il est bon de recueillii".
« Lorsque je prêchais dans le diocèse de Valence, écrit notre au-
« teur, je passai un jour auprès d'un certain village fortifié, bâti
« sur une éminence ; les maisons en étaient vastes et construites en
« belles pierres. Je croyais qu'il y avait là de nombreux soldats et
« des gens riches ; les campagnes environnantes semblaient très
« fertiles. Les habitants de la région me dirent que ce village était
« abandonné et désert, et comme je leur en demandais la cause, il
« me fut répondu qu'un certain seigneur de ce lieu, homme superbe
« et arrogant, qui se permettait de dévaliser les voyageurs sur les
« voies publiques, arrêta une fois un légat du saint siège, lui en-
« leva, ainsi qu'aux gens de sa suite, chevaux et bagages, et ne les
« laissa partir qu'après les avoir complètement dépouillés. Pour ce
« fait, le seigneur fut excommunié ; sa terre et ses gens, frappes
« d'interdit ; mais ils ne se soucièrent point d'obtenir l'absolution
« des censures. Or il arriva que, sans essuyer aucune guerre, le sei-
« gneur et les habitants de ce village tombèrent dans la dernière
« indigence et se virent réduits à quitter leurs demeures... (2) «
Guillaume de Savoie exposa au pape Grégoire IX la situation lamen-
table dans laquelle gémissait cette Eglise de Valence, dont il aban-
donnait le gouvernement : elle était entourée d'ennemis nombreux,
et les dettes énormes dont elle était accablée la mettaient dans
l'impuissance de se relever. Ce fut lui, sans doute, qui suggéra au
souverain pontife un moyen, qui d'après les calculs de la prudence
humaine, devait porter remède à tant de maux : ce moyen consistait
(i) Annaioles liisloriques, p. 29.1-7.
{2) Anecdotes liislorL-jues, p. 261.
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 13
dans l'union des deux diocèses de Valence et de Die ; l'évêque qui
prendrait en main l'administration de ces deux Eglises, trouverait de
la sorte des ressources qui lui permettraient de se défendre et de
reconquérir le terrain perdu. Les circonstances, ajoutait-on, sem-
blaient elles-mêmes réclamer cette union et la rendre facile : à Die,
les bourgeois, avides d'indépendance, venaient de s'insurger contre
l'évêque, qui se vo3^ait contraint de demeurer exilé de sa ville épis-
copale (i). Grégoire IX ne voulut rien décider par lui-même tou-
chant l'union qu'on lui proposait : c'était là en effet une mesure
grave, dont les conséquences pouvaient être plus désastreuses que les
maux eux-mêmes auxquels elle était destinée à porter _ remède. II
ordonna une enquête et chargea les archevêques de Vienne et
d'Embrun d'étudier, et, s'ils le jugeaient nécessaire, de régler définiti-
vement cette délicate affaire. La lettre qu'il écrivit à ce sujet aux
deux prélats débute par un exposé des droits et des prérogatives de
l'Eglise romaine sur toutes les autres Eglises, puis elle continue en
ces termes :
(I D'après les relations qui ont été adressées à ce siège apostolique,
« les Eglises de Valence et de Die souffrent grandement de l'insu-
« bordination des nobles et des gens du peuple. Ces hommes sont
« arrivés à un tel degré d'audace qu'ils n'ont pas craint de se révol-
« ter ouvertement contre leurs pasteurs : dans les deux diocèses de
« Valence et de Die, à des époc^ues différentes, le père s'est vu con-
« traint de prendre la route de l'exil pour se soustraire à la rage de
« ses enfants ; l'Eglise a éprouvé les plus graves dommages de la
« part de ses fils rebelles. Mais il serait trop long de vous énumérer
« ici en détail tous ces tristes événements. Bien que la crainte des
« châtiments qui les menacent ait parfois aiTêté quelques instants
« ces insensés, au fond, leur fureur ne s'est jamais apaisée complè-
« tement. Vu ce déplorable état de choses, on nous a humblement
« supplié de vouloir bien unir ces deux Eglises voisines et dépen-
« dantes de la juridiction d'un même archevêque, afin que, leurs
« forces et leurs ressources étant mises ensemble, elles soient en
« mesure de réprimer l'insolence des révoltés. Chacune de ces Egli-
;< ses, abandonnée à elle même, est dans l'impuissance de se défen-
« dre. Malheur à celui gui est seul, avait dit autrefois Salomon,
« parce que s'il vient à défaillir, il naura personne pour lui venir en
(i) Voir notre Essai historique sur l'Eglise et la ville de Die, t. I, p. 325 et
suiv.
14 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
« aide. On demande de notre autorité apostolique, que l'un des
» deux prélats donnant sa démission ou bien venant à décéder, l'au-
« tre soit constitué le chef unique de ces Eglises. Comme dans une
« affaire aussi grave, nous ne devons agir qu'avec une sage lenteur,
« nous ordonnons à votre fraternité d'examiner jusqu'à quel point
« est utile l'union demandée. Si vous jugez que cette mesure soit
(( pour le bien de lune et de l'autre de ces églises, en vertu de notre
« autorité apostolique, vous les unirez, et nonobstant tout appel,
« vous frapperez des censures ecclésiastiques tous ceux qui vou-
« draient s'opposer à cette union. Donné au Latran, le 1 1 des ides de
« mai (14 mai), la treizième année de notre pontificat (1239) (i). »
Nous avons raconté ailleurs les événements qui ne permirent
point qu'il fût donné suite à cette enc|ucte (2).
Sur la fin d'octobre 123g, Guillaume de Savoie quittait Rome,
pour aller, comme disent les chroniqueurs anglais, prendre posses-
sion de ses deux sièges de Winchester et de Liège, muni des bulles
qui confirmaient sa double élection ; mais la mort l'attendait sur la
route: elle vint tout à coup anéantir les rêvées de grandeur qui avaient
rempli son existence et qu'il voyait sur le point de se réaliser.
Arrivé à Viterbe, il tomba subitement malade et mourut après de
courtes souffrances. Comme l'accusation d'empoisonnement était à
la mode dans ce temps-là, on ne manqua pas de dire que la mort
de Guillanme était due au poison, et les soupçons tombèrent sur un
anglais, maître Lawrence, qui sut personnellement se justifier (3).
Guichenon, suivant la chronique française de Savoie, raconte que
Guillaume, à son retour de Rome, tomba entre les mains de ses
ennemis et fut empoisonné durant sa captivité (4). Par ordre de
Pierre de Savoie, le corps de Guillaume fut transporté à Haute-
combe, où il reçut les honneurs de la sépulture le 5 mai 1240 (5).
(1) Gallia christiana, t. XVI, Instrum., p. 116.
(2) Voir noire Essai hist. sur l'Eglise et la ville de Die, t. I, p. 329.
(3) Alberici chronicon, dans Bouqi'et, t. .\XI, p. 623... Mac ctiam de causa
nosler electus Leodiensis, ille de Valentia a domino papa confirmatus, moram
fecisse dicitur in eisdem partibus, qui eliam a domino papa obtinuit ut unus de fra-
tribus ejussit pro eo eleclus Valcnliœ. Unde cum Leodicnses de die in diem expec-
tarent et desiderarent succursum illius, cum omnis regio graviter vastaretur a vicinis
principibus, imo prccdonibus, illc, sicut Deo placuit, mense octobri, obiit in redilu
itineris romani. — Cf. Wuste.mberger, op. cil., l. I, p. 22O el 229.
(4) GuiCHENO.N, Hist. de Savoie, t. I, p. 25b.
(5) La date de la sépulture de Guillaume donne occasion à \N'urstcmbcrgcr de
publier une inléressanlc note (p. 229), que nous traduisons: « Guichenon (I, p.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I5
La mort de Guillaume de Savoie causa un profond chagrin au roi
d'Angleterre et à la reine Eléonore. Mathieu de Paris nous repré-
sente ce prince se laissant aller à des manifestations de douleur
qu'on aurait pu prendre pour des accès de folie et de désespoir : il
avait, ajoute-t-il, l'habitude d'exagérer ses sympathies comme ses
antipathies, et il se laissait conduire plus par les sentiments de son
cœur que par les calculs de la politique. « Le pape Grégoire, ajoute
le chroniqueur anglais, regretta aussi vivement Guillaume, mais
pour des motifs plus intéressés ; il perdait en effet dans ce prélat le
général habile dont il avait eu la pensée d'utiliser les talents mili-
taires pour la défense de l'Eglise romaine (i). »
« 256), cile une inscription tumulaire d'après laquelle le corps de Guillaume aurait
« été transporté de la cour papale et déposé à Hauiecombe : 111 nonas maii
« M. ce. XXXIX ; mais Mathieu de Paris fixe d'une manière très précise la mort de
« Guillaume: Omnium Sanclorum imminente festivitate, en Tannée 1239. Gui-
« chenon a donc mal lu l'indication de l'année sur la pierre tumulaire, qui du reste,
« comme il le dit lui-même, n'existe plus qu'en partie. Mathieu de Paris raconte
« encore quelques faits de Guillaume qui eurent lieu, en juin 1239. Guichenon
« rapporte que Guillaume, à son retour de Rome, tomba entre les mains de ses
« ennemis et fut empoisonné pendant sa captivité; il s'appuie sur la chronique
« française de Savoie ; mais les deux chronologistes anglais ne parlent point de
« cela. Voyez aussi Pingon, f° 291, qui dit que le comte de Savoie avait ordonné
« que la sépulture de son frère Guillaume eût lieu à Hautecombe, le 5 mai 1239.
« La chronique de Hautecombe (Monumenta Hist. patrix, Scriptores, t. I, col. 673):
« Anno Domini m.cc.xxxix delatus fuit de curia romana illustrissmus vir dominus
« Guillermus de Sabaudia, electus Valencie, qui inde Guillermus per inclite ac pie
« recordationis Dominus Petrus comes Sabaudie, et venerabilis pater Dominus
« Burchardus, abbas Alte Cumbe, tertio nonas maii fuit hic honorifice sepullus.
« Requiescat in pace. Amen. Le sens de ce passage assez barbare de la chronique,
« qui ne fut écrite que deux siècles après la mort de Guillaume, est sans doute
(( celui-ci : Guillaume, mort en l'année 1239 à la cour romaine, fut porté à Haule-
« combe et y fut enseveli le 5 mai 1240. »
(l) WURSTEMBERGER, loC. cit.
Jules CHEVALIER.
(La suite au prochain numéro).
HISTOIRE RELIGIEUSE
DU
CmnELACHAPELLE-EN-eCORS
(DROME).
(Suite).
Confrérie du Rosaire. — Elle existait dès 1687, comme l'affirme
un Estai de la paroisse de cette année, et avait dans la nef en 1689
un autel « dédie à Notre-Dame du Rosaire, » dont nous avons
parlé.
En 1721, elle reçoit un legs pour ses ornements, et, le 20 janvier
1724, Marguerite et Louise Riston lui lèguent, celle-là 6 livres,
celle-ci 2 livres 6 sols, payables « à la retrisse de ladite confrérie
pour estre employés aux ornements les plus nécessaires d'icelle. »
Puis, en 1730, Françoise Bérard, P Audeyer, lui donne 6 livres pour
la même destination.
Enfin, le 24 aoiàt 1736, l'èvêque prescrit la fourniture, « aux frais
des confrères et sœurs du Rosaire, » d'une « pierre sacrée pour
leur autel (i). »
Cette confrérie avait disparu depuis longtemps quand Al. Blaïn,
curé-archiprêtre delà Chapelle, en établit une sous le même vocable,
vers 18Ô3, pour les femmes mariées ou veuves. Favorisée et déve-
loppée par M. Thomé et par M. Pourret, curé actuel, elle contribue
puissamment à la gloire de Dieu, à l'honneur de Marie et au bien
des âmes.
Confrérie de f Immaciilée-Conccplion. — Etablie depuis quelques
années en faveur des jeunes personnes, elle fait de son côté parmi
ses membres un bien qui rejaillit heureusement sur toute la paroisse.
(1) Ibid.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. I7
V
INSTITUTIONS ET PRATIQUES DE BIENFAISANCE.
La bienfaisance charitable, que nous avons principalement en vue
ici, est fille de la Religion catholique. Voilà pourquoi après les
articles relatifs aux faits et à l'état religieux de la Chapelle, nous en
mettons un sur les institutions et pratiques de bienfaisance et de cha-
rité de cette localité.
Nos pères du moyen-âge étaient au-dessus de l'état où des écri-
vains modernes, aveuglés par l'esprit de parti, les supposent. Avec
des ressources physiques et médicales moins avancées que celles de
nos jours, ils luttaient contre les misères de leur temps d'une manière
à peu près aussi efficace qu'on le fait aujourd'hui. Les ressources
matérielles étaient sans doute moins grandes ; mais l'esprit chrétien,
la charité trouvait dans ses généreux élans, pour soulager des frères
en Jésus-Christ, des moj-ens qu'un certain esprit moderne ne sait
trouver et ne remplace guère.
Isolée, d'un chiffre de population fort restreint, sans aggloméra-
tion importante, la Chapelle n"a pu être le théâtre d'autant de misè-
res qu'en offrent d'autres lieux. Il serait donc inutile d'y chercher
des institutions importantes de bienfaisance , qui, eussent-elles
existé, resteraient facilement inconnues, faute de documents un peu
complets pour l'époque antérieure au XVIL siècle.
Recueillons cependant ce que l'on peut trouver sur cet intéressant
sujet.
Dès 139Q, il y avait à la Chapelle en Vercors une confrérie du
Saint-Esprit. Nous en avons déjà parlé, à raison de son caractère de
confrérie religieuse ; mais il y a lieu de se rappeler ici les détails
que nous avons donnés à son sujet, car son caractère et surtout son
but étaient autant bienfaisants que religieux, peut-être plus.
L'été de 1508 se signala au Vercors par un' fléau redoutable. La
peste sévit notamment dans les paroisses de la Chapelle, de St-
Martin et de St-Julien. Aussi le conseil de la ville de Die, réuni le
25 septembre de ladite année, conclut-il que. vu cet état de choses,
on ne laisserait entrer dans cette ville aucun habitant du Vercors,
jusqu'à ce qu'il y eût lieu de revenir sur cette mesure (ij,. Que firent
(i) Mairie de Die, délibér. municip.
Bull. IX, 1888. 2
l8 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
les autorités de la Chapelle pour atténuer les maux causés par le
fléau ? Elles prirent probablement les mesures que nous avons vu
prendre ailleurs en pareille circonstance. Mais comment trouver des
renseignements là-dessus dans des archives locales dont il reste à
peine quelques épaves pour les XVII" et XVIII'' siècles.
Grâce à des protocoles de notaire du XVI% nous sommes mieux
renseignés sur la manière dont s'exerçait la charité privée à l'égard
des pauvres. Ainsi, des testaments de 1550 et des années suivantes
nous montrent que toute personne non indigente tenait à laisser aux
pauvres un certain nombre de sétiers de blé distribuables en pain.
La distribution devait ordinairement être faite à la porte de la mai-
son des testateurs, quelquefois le jour de leur sépulture, mais sur-
tout au bout du mois et au bout de l'an. Aux XVI" et XVlb' siècles,
l'usage reprit, quoique d'une manière moins générale (1).
Cependant la ressource la plus constante pour les pauvres de la
paroisse était dans la 2^" de la dîme.
D'après le Lévitique, la dixième partie, décime ou dime des fruits
de la terre devait être consacrée à Dieu et à ses lévites, qui ne
pouvaient posséder autre chose. Dans les six premiers siècles du
christianisme, on exhortait les fidèles à donner à l'Eglise la dixième
partie de leurs revenus : « Donnez votre bien aux pauvres, disait
« saint Augustin, et offrez-en une partie aux ministres de la nou-
« velle loi ; vous n'êtes pas obligés à la dime comme les Juifs ; mais
« vous devez imiter Abraham, qui la payait avant la loi. » En 525,
le 2" concile de Màcon prescrit le paiement de la dime, et les capitu-
laires de Charlemagne y contraignent. Depuis lors, la dime fut
payée, en France du moins, jusqu'en 1789.
Mais l'Eglise du vrai Dieu a toujours eu l'amour et le soin des
pauvres. Dès les premiers siècles, encore pauvre elle-même, elle
faisait déjà trois parts des ofh-andes qu'elle recueillait: la première
était pour l'entretien de ses ministres, la deuxième pour l'acquisition
et l'entretien des édifices et des objets sacrés, la troisième pour les
pauvres. « Les biens que les fidèles offrent au Seigneur, disait le
« pape saint Urbain, ne doivent être employés qu'aux besoins de
« l'Eglise, des chrétiens et des pauvres ; car ce sont les vœux des
« fidèles, la rançon des pécheurs et le patrimoine des pauvres. »
Dans les siècles derniers, nous trouvons encore le re\ enu des béné-
fices ecclésiastiques employé à cette triple destination, et la part des
pauvres était la 24" de ce revenu.
^1) Minut. cil., passim.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. IQ
C'est ainsi qu'à la Chapelle, la 24'= des pauvres était payée anté-
rieurement à 1644. Cependant le procès-verbal de visite épiscopale
de cette' année même constatait qu'il en était « deûb quelques arey-
rages; » au surplus, comme le curé seul s'occupait de la distribu-
tion à en faire, ce qui n'était pas selon les règles, l'évêque ordonna
que désormais a la 24'' partie des pauvres >> serait « distribuée sans
support par celuy qui fera les fonctions curiales, châtelajn, consuls
et autres principaux habitants de ladite paroisse. »
De nombreux documents nous prouvent que cette redevance sacrée
fut désormais payée fort régulièrement par les décimateurs.
Nous avons des baux à ferme de la part de dime du curé à des
particuliers, des années 1653, 1724, "1742, !758, 1766 et 1768 ;
partout il est fait mention de la 24" des pauvres, que les fermiers se
chargeaient de payer en sus du prix annuel de la ferme. Nous avons
aussi des baux à ferme de la part de dime de l'évêque, des années
174g et 1766; pai'tout les fermiers sont expressément chargés de
payer la 24" des pauvres, en sus de leur ferme (i).
La Révolution, en enlevant la dime au clergé, priva les pauvres
d'un très-précieux secours.
Quelques donations généreuses ont permis depuis à l'administra-
tion de la Chapelle de fonder un bureau de bienfaisance. Le revenu
annuel de celui-ci était de 396 francs en 1S83.
De plus, il a été créé depuis quelques années une Société de Se-
cours mutuel.
VI
INSTITUTIONS SCOLAIRES.
L'instruction et les connaissances humaines sont d'une haute
importance pour le bien individuel et social autant que pour l'acqui-
sition et le développement des connaissances religieuses. Aussi
l'Eglise a toujours travaillé de tout son pouvoir à l'établissement et à
la diffusion de l'enseignement parmi le peuple. Il y a des rapports
immédiats et directs entre l'Eglise et les institutions scolaires, comme
entre l'instruction religieuse et l'instruction purement humaine. .Aussi
devons-nous aux notions précédentes joindre celles que nous avons
recueillies sur les écoles de la Chapelle.
(i) .\rch. cit,, visites cit. ; — .Minutes cit., passmi.
20 HISTOIRE RELIGIEUSE DU CANTON
Nous n'avons aucun document positif montrant un établissement
scolaire quelconque à la Chapelle avant le XVIP siècle. Mais ne peut-
on pas voir l'indice d'une école existant en ce lieu, dans le testament
de « honneste homme Nycolas Algo, du bourg de ladicte Chapelle
de Vercors, » du 15 septembre 159g ? En effet, ce testateur ordonne
que " Abran Algo, » son fils et héritier universel, « entretienne à
<i Tescolhe durant le temps et terme de troys ans, aulx despens »
dudit Abran « le ou les postumes malhes » que pourrait avoir ledict
Nicolas. Ces trois ans « commencent quand ces postumes seront en
âge de dix ans ; et là où lesd. postume ou postumes ne voulusiont
aller à TescoUe pour apprendre, audict cas veut » que cet héritier
« soyt tenu le mectre à maistre durant le terme de trovs ans pour
aprendre l'art et le mestier que leur sera conseilhé pour son here-
tier » susdict « et de ses parans et amys. » Mais le testateur ne s'in-
quiète pas de l'instruction des filles posthumes qu'il poun-ail avoir.
Quoiqu'il en soit, on trouve un procès-verbal de visite épiscopale
de 1644 constatant qu' « il y a maistre d'escole » à la Chapelle, ce
qui n'empêche pas le prélat d'exhorter \t curé 0 d'enseigner les petits
enfants qui luy seront envoyés à défaut de mestres d'escole catholi-
que. » Le rapport de visite de 1658 dit qu'il y avait alors « un mais
tre d'escolle catholique, » et un Esliil de 1Ô87 constate que celui-ci
était payé 30 livres par la communauté. En 1706, les enfants étaient
« assés assidus au catéchisme et à l'école, mais seulement pendant
six mois, scavoir de Toussaint, à Pâques, les pères et mères les occu-
pant le reste du temps à la garde des troupaux. » Il y avait un maî-
tre à qui on donnait 25 ou 30 écus pour 6 ou 7 mois; il avait quitté
cette fonction; « ainsi, écrivait le curé, s'il s'en présentait un bon, la
paroisse serait fort obligée, si onle lui procurait. »
Puis figurent successivement avec le titre de « précepteur de la
jeunesse» de la Chapelle: en 171g et 1720, Pierre Morand; en
1734, Jean Brunet ; en 1738 et 173g, Jean Corréard ; en 1742, Jean-
Jacques Billerey, qui fut ensuite notaire au même lieu de 1743 ^
1773; en 1754, Jean Gautier; en 1755, Pierre Gillet ; de 1757 à
1759, Jean Gautier; en 1765, Erançois Bérard ; en 17O4, Antoine-
André Morand, fils de I^ierre ; en 1774, Joseph Faure, « originaire
de Servière en Briançonnais (ij. »
En notre siècle, outre l'école de garçons, tenue par un instituteur
(i) Arch. cit., visiles c'w.. et Tonds de la Chapelle. — .Minutes cit., passim.
DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS. 21
laïque aidé d'un adjoint, et l'école de filles, tenue par une institutrice
laïque aidée d'une adjointe, écoles qui sont au bourg et depuis long-
temps, il existe au hameau de Lossence une école mixte laïque, et à
la Jarjatte une autre école laïque tenue par une institutrice.
Gardons-nous d'oublier le collège libre ecclésiastique qu'il y eut
pendant quelques années à la Chapelle, sous M. Cluze, curé-archiprê-
tre, vers 1830.
CHAPITRE III.
SAINT-AGNAN-EN-VERCORS
I. — BÉNÉFICE.
La paroisse de Saint- Agnan est certainement bien antérieure à
1318, date du premier acte qui la nomme expressément (i). Comme
à la Chapelle, on n'y trouve aucun prieur proprement dit, aucune
colonie religieuse. Le pouillé de décime papale, rédigé vers 1375, y
place seulement un curé ou chapelain.
Si haut que nous puissions remonter, l'évêque de Die était colla-
teur de la cure (2). Il percevait sur elle une pension annuelle et per-
pétuelle de 6 livres de cire et de 12 deniers (c'est-à-dire i souj d'ar-
gent (3). Cette pension, reconnue le 2 août 1410 par M" Etienne
Brète, » curé de Saint-Agnan, devant Faure notaire, le fut de
nouveau le 22 juillet 15 12 par Louis Châtillon, curé, devant Agrivol
notaire. Elle était encore payée aux derniers siècles ; car Jean Desai-
fres, curé, la reconnaissait le 19 octobre 1678 devant Brunet, notaire
à Die, et le curé Pierre Joseph de la Cour la reconnaissait à son tour
le I ! décembre 1758, devant Billerey, notaire de Vercors. Le terme
en était à la Saint-Luc (4).
(i) Arch. de la Dr., fonds de TEv. de Die, cop. (XVII" et XVIII° s,) d'un vidiuius
de 1508.
Un acte de 1282, qu'on trouve dans le Cartulaire de Léoncel (publié par M. U.
Chevalier), p. 251, nous parle, il est vrai, d'un Saint-Agnan ; mais le contexte ne
permet guère d'y voir Saint-Agnan-en-Vercors, et M. Brun-Durand nous apprend
qu'il s'y agit de Saint-Agnan sur la commune de Chabeuil.
(2) Arch. cit., fonds de Die, visites de 150g.
(3) Arch et fonds cit , Estât des revenus de Vévéché de Dye, rédigé vers 1475,
fî. 14 v" et I 5 v°.
(4) Minut. cit., protoc, Billerey de 1755-9, f- 407-
22 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
Le prélat jouissait encore à Saint-Agnan de la moitié de la dime
perçue à la cote 16" pour les grains, et à la 12'^ pour les agneaux. Le
curé avait l'autre part. Ainsi, en 1550, « M*" Michel Gone, prebtre
dud. Sainct-Agnan, et Jehan Glenat, marchant du Pont en Royans, »
sont « rentiers du disme des grains que Monseigneur l'Evesque et
comte de Dye et Valence et le curé de Sainct Agnian en Vercors
preygnent et sont en costume de prendre par commun et indivis en
\'ercors. » Mais ils ont sous-arrenté à Claude et Antoine Faure, de
la Pêne, paroisse de Saint-Agnan, et à Pierre Gone, de la même
paroisse. Le 5 novembre de la même année, ceux-ci sous-arrentent
à leur tour, et « à la forme de l'arrentement à eulx faict » par Michel
Gone et Jean Glénat, à Jean Algoud-Magnan et Blay Berard, de
Saint-Agnan, et à Barthélem}'^ Odibert, de Die, « le disme de tous
et chacuns grains, tant yvernant que tramés, que mond. seigneur
l'évesque » et « Monsieur le curé dud. St Agnian pregnent et ont
coustume prendre par commun et indivis : Premier, en la pée de la
Bernardiêre, paroisse de Sainct Agnian, aux arrestz vieulx accostu-
més ; item plus, la disme de tous grains que mond. seigneur l'éves-
que et led. curé de^ Sainct Agnian pregnent et son en costume de
prendre par commun et indivis en la pée de la Rivière, paroisse de la
Chappelle de Vercors, aux arrestz et limites vieulx acostumés. » Le
sous-arrentement est fait « pour le terme et spasse de deux ans et
deux prises, » et moyennant « la quantité, por ung chescun an desd.
deux ans, » de 23 « sestiers blé froment » et 17 « sestiers segle me-
sure de Vercors, bon blé recepvable, lequel blé froment et segle ont
promis lesd. Jehan Algoud, Blay Berard et Barthélémy Odibert, tous
troys ensamble et ung cheseun por le tout, poier ausd. Claude et
Antoine Faure et Pierre Gone, » à chaque fête « de Toussainctz (i). »
En 1593, la portion de l'évêque était affermée à part. Noble Just
Dubajde, seigneur de Lambres, agent de Balagny, cousin lui-même
du prélat, arrentait, « suivant les deslivranccs faictes à lestaing de la
chandelle, » le 17 juillet de la même année, à Gabriel Romey « les
dismes de l'Algoyre, Rivière et Bernardiêre, » et à Baptiste Foron
a ceulx de la pée de Sainct-Agnan et la Breytière, jouxte leurs an-
ciennes limites. » L'arrentement était pour un an, et moyennant
16 sétiers moitié froment moitié seigle pour l'Algoyre, la Rivière et
la Bernardiêre, et 5 sétiers 3 quartaux froment avec 17 sétiers i quar-
tal seigle pour St-Agnan et la Breytière (2).
(i) Minut. cil,, proloc. Lamil, reg. colc, n" i.ff>, I. \.\\|.\ 1 -i.\ r .
(2) Minul. cit., rcg. P. Chalvel de 1593-5, f- Ixvij-viij.
SAINT-AGNAN-EN-VERCORS. 2 3
En 1646, « Jean François de La Morte, » Jan Brusset, notaire
de Die, Jacques « de La Morte, » avocat, et Antoine Neston, aussi
de Die, rentiers des droits épiscopaux du Vercors, sous-arrentent
pour 4 ans les dimes des grains perçues par l'évêque dans le lieu et
mandement de Saint-Agnan, à 4 particuliers de ce lieu, pour le prix
annuel de 454 livres ; ces particuliers doiv(Mit donner une fois pour
les quatre ans 2 sétiers légumes, moitié pois et moitié lentilles, et se
chargent de payer la 24'' des pauvi"es en sus. En 1728, la moitié de la
dime des grains et agneaux rapportait à l'évêque 557 livres net, la
24"* des pauvres étant à part et en sus.
Mais cette 24" des pauvres n'était pas la seule charge pesant sur
le revenu de l'évêque à Saint-Agnan. Celui-ci devait encore la décime
papale, une part de contribution aux édifices religieux et au mobi-
lier de l'église, l'impôt des décimes roj'ales (i).
Outre l'autre moitié de la dîme, le curé a eu l'intégrité d'une dime
spéciale, quelques censés, des fonds et son casuel.
La dime spéciale produisait au curé 442 livres en 1728.
Les censés ou pensions produisaient à la même époque une
dizaine de livres par an.
Les fonds, consistant en 1728 en « quatre faucheurs de pré »,
produisaient 7^^ livres.
Le casuel consistait en 1728: i" en une pension fondée par les
auteurs de AL de la Tour « pour être mis aux prières perpétuelles et
dire 8 messes par an, » et valant 6 livres par an ; 2° en une « pen-
sion de Jean Algoud-Magnan, chargée de 6 messes par an, » et
valant 3 livres ; 3° en autre casuel, évalué à 100 livres en 1728.
Le revenu total du curé était de 200 florins en 1509, d'environ
800 livres fnon comprise certaine dîme usagère) en 1658, de iioo
livres en 16S7, de iigi livres en 1728.
Les charges à supporter sur ce revenu ont été, avec la part des
pauvres, la décime papale, qui s'élevait vers 1375 à 13 livres 10 sous
et en 15 16 à 19 florins; la procuration, qui montait à 4 florins en
141 5 et en 145 1 ; le traitement du vicaire, qui était de (oo livres
avec la table en 1724 ; l'impôt des décimes, montant à 19 florins en
15 16, à 69 florins 8 sous en 1570, et à 206 livres en 1728 ; une part
de l'entretien du chœur de l'église et des ornements sacrés ; la cul-
ture des terres ; la censé des prés, montant à 5 livres 15 sous (2).
(i) Alinut. cit., reg. de Gauthier n" 2, f. 162-4 ; — Arch. cit., fonds de St
Agnan, orig. pap.
(2) Arch. cit., fonds de Die et de Saint-Agnan ; — Minut. cit., passim ; — Che-
valier, Po^y/j^. cit., n° 152.
24 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
II
ÉGLISE PAROISSIALE ET CURÉ.
A une époque qu'on ne peut déterminer, un sanctuaire fut élevé
sur une sorte de monticule commandant à la fois à la traversée de
la vallée principale du Vercors, et au passage de celle-ci au plateau
de la Chapelle-en-Vercors, en venant de Die et du levant. Il fut
dédié au grand saint Agnan, qui, né à Vienne en Dauphiné, était
devenu évêque d'Orléans, s'était illustré par ses miracles et avait
quitté la terre pour le ciel en 453.
Le lieu était érigé en paroisse, avec Saint-Agnan pour patron et
pour vocable, bien longtemps avant 13 18 ; et cependant le premier
document qui en fasse nominativement mention est un acte de cette
année, indiquant divers biens possédés en la paroisse de Saint-Agnan
(in parrochia S^i Agniani). Celle-ci est ensuite nommée dans des
actes rédigés en 1338, en 1374, vers 1375, et en 1399-, mais sans
autres détails se rattachant à l'histoire religieuse que ceux qui ont
été donnés plus haut à propos des droits du prieuré de Saint-Jean-
en-Royans dans la localité (\).
Le premier curé connu est Etienne Brète, qui reconnut en 1410 la
pension de l'évêque. En 14 16, les 4 florins de procuration de la pa-
roisse furent payés par les tnains de Santon Ciller, vicaire. Le rôle
de procuration de 145 1 dit que la taxe fut payée en trois fois par le
curé, mais ne donne pas le nom de ce dernier, et il nous faut venir
jusqu'au procès-verbal de visite pastorale et d'ordonnance que
l'évêque Gaspard de Tournon fit à Saint-Agnan le 19 septembre
1509, pour apprendre avec détails un peu amples ce qu'était la
paroisse.
Après nous avoir rappelé c]ue Saint-.Agnan est une simple
paroisse, d'un revenu curial de 200 florins et ayant pour curé Benoit
de Châtillon [Benedictus de Castilhone), cet acte énonce les articles
de l'ordonnance comme il suit: « Qu'on munisse de cr)rporaux le
vase où repose le saint Corps du Seigneur, et que celui de dessus
ait une queue pour le retirer ; qu'on purifie le vase du saint Chrême ;
qu'on étiquette les Reliques et qu'on les ferme à clef; qu'on répare
(i) Arch. de la Dr., E, 2226, et fonds du Vercors et de Sl-Jcun en-R. ; — Arch.
.Morin-Pons, notes Moulinet; -r- CiiKVALiiiK, Polypt. cit., n° 15J.
SAINT-AGNAN-EN-VERCORS. 25
le calice d'argent et sa patène ; qu'on approprie le vase pour porter
le Corps de J.-C. aux infirmes; qu'on répare la grande fenêtre
vitrée du sanctuaire et qu'on y en fasse une petite neuve ; qu'on
mette au missel une autre couverture sans poils ; qu'on mette des
reliques sous l'autel et qu'on mure celui-ci ; qu'on fasse un graduel
neuf et qu'on achète un psautier neuf imprimé, de grandeur moyenne;
qu'on aplanisse l'entrée de l'église ; qu'on mette des vitres neuves
tant au pied de la nef qu'aux autres fenêtres. » Le prélat termine en
disant qu'absolution est accordée à tous les paroissiens qui seraient
excommuniés à cause des dîmes, l'accord ayant été fait à la Cha-
pelle pour l'année {quia fuit facta concordia in Capella de anno).
Benoît de Châtillon eut pour successeur « A'P Louis Châtillon, »
curé en 15 i3 (i). Puis, de tout le XVl" siècle, nous ne connaissons
d'autre ecclésiastique dans la paroisse, que « M'^ Michel Gone,
prebtre dud. Sainct-Agnian, » qui en 1550 était rentier, avec « Glc-
nat, marchant du Pont, » de la dîme en grains de l'évêque et du
curé dans le lieu, et qui, ayant sa maison au bourg de St-Agnan
en 155 I, y était « viccaire » et y achetait un pré le 7 novembre 1561.
Rien, en effet, ne nous dit que « M" Michel Breyton, prebtre de
Sainct-Agnian » en 1550, y ait eu quelque charge (2).
Arrivent les guerres dont nous avons parlé plus haut à propos de
l'église de la Chapelle. Nous avons d'autant moins à en refaire ici le
récit, que celui-ci ne nous offre aucun détail particulier à l'église ou
au bourg de Saint-Agnan. Mais, pour savoir tout ce que ceux-ci
eurent à souffrir en cette triste époque, il suffira de savoir en quel
état les édifices religieux se trouvaient à la fin du XVP siècle. Or, le
clocher, situé au levant de l'église et attenant à celle-ci, avait « esté
démoly ; » la « masure qui y » était encore, suffisait tout juste pour
rappeler le vandalisme dont il avait été l'objet, la place qu'il avait
occupée, l'épaisseur et la largeur de ses murs. L'église était de bout,
mais dans un état déplorable et veuve de son mobilier le plus
nécessaire. La voûte du sanctuaire avait beaucoup souffert et man-
quait de solidité. « Noble Guillaume Ducros, déjà prieur de Saint-
Agnan et doyen de Sainte-Croix de Montélimar en novembre 1592,
était curé de Saint-Agnan en 1604, année où l'évêque visita l'église
de cette dernière paroisse. Mais alors son autel était encore sans
(i) Minut. cit., fonds de Die ; — Minut. cit., reg. Billerey de 1755-9, f. 407.
. (2) Minut. cit., protoc. Jan Chalvet, n" 1.46, ff. .x.\xix-xl, Ixiij,cxxv et clxxix ;
n° 4y, f. Ixxix.
20 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
tabernacle ; il n'y avait pas de « siboyre pour pourter le Corps du
Seigneur aux malades ou en procession, « pas de fonts baptismaux ;
le mobilier et les ornements étaient insuitisants ; le cimetière n'était
pas clos i' de murailhe, » ou ne l'était que fort mal. Le prélat fit les
prescriptions nécessaires, tant au curé qu'aux « consuls, manants
et habitants d'illec, en la personne de Jan Breyton consul et Estienne
Bastet son conseiller. »
Les ruines morales se réparaient peu à peu. En 164411 ne restait
plusà Saint-Agnan que 12 familles huguenotes à côté de 160 familles
catholiques. En 1O58, le curé avait 600 communiants, et une seule
famille restait hérétique. En 16S7, cinq familles de nouveaux con-
vertis servaient Dieu de concert avec les anciens catholiques, et en
1706, le curé constatait qu'il y avait dans sa paroisse 800 paroissiens,
dont 600 communiants, tous anciens catholic]:ues, e.Kcepté deux
familles qui faisaient très bien leurs devoirs. L'hérésie avait donc
bien entièrement disparu.
Ce résultat était l'œuvre d'une législation et d'une administration
temporelle profondément catholiques ; mais il était aussi celle du
zèle intelligent des curés de la paroisse. « Messire Pierre Ilugon, »
pourvu du bénéfice curial vers 1632 et encore curé le 2 juillet 164-),
n'a\"ait encore jamais résidé, dit un procès-verbal de visite épisco-
pale dudit jour ; mais il était alors suppléé par Guillaume Jaubert,
qualifié tantôt curé commis, tantôt vicaire du lieu, et l'église était
« en estât, sauf qu'elle « n'était « pas lambrissée, ') et que « le
cœur, » petit et « faict en coquille, » n'était pas blanchi. L'autel
était muni d'un rétable et d'un tabernacle. On avait « ciboire, calice,
patène, 4 chandeliers et crémières d'estain, croix de leton » et les
autres choses indispensables ; mais, le clocher était toujours en
ruines, et « sur la porte « de l'église même étaient une cloche d'en-
viron 200 livres et une autre d'environ 30 livres, « sur du bois. »
Saint-Agnan continua à être desservi par de simples curés com-
mis ou vicaires. Nous y trouvons avec ce titre en 1645 J^^" Chovin,
et en 1646 Jcan-Frailçois Ponts. Quant à Pierre Ilugon, qui figure
en 165 1 et en 1654 comme « prestre et docteur en saincte théologie,
chanoyne de l'esglise colégiale St-André de Grenoble, il était rem-
placé avant le 7 janvier 1650 dans la cure de Saint-.\gnan, par
Louis Armand, « prestre, docteur en saincte théologie, » qui résida
et remplit lui-même les fonctions curiales.
Ce curé, que de nombreux actes qualifient d' « aumosnier ordinaire
SAINT-AGNAN-EN-VERCORS. 27
du Roy » à partir de 1652, fut un vrai restaurateur, un habile orga-
nisateur. Ainsi, il avait déjà obtenu de la commune la restauration
et l'agrandissement de la maison curiale, mais l'œuvre n'était pas
terminée quand, le 27 février 1650, il fit avec Jean Bec, consul,
assisté du vichàtelain et d'habitants du lieu, un contrat intéressant.
La commune donnera au curé 30 livres 15 sols tournois, et le curé
tient la commune quitte de tout ce qu'elle devait faire bâtir, et en-
tretiendra lui-même à l'avenir la maison curiale. Bien plus, « en
considération de la bonne volonté à quoy icelle communauté a esté
portée à son endroit, iceluy sieur » curé, « meu de charité envers
icelle, veu que l'esglise paroissielle n'est pas meublée d'ornementz
nécessaires pour la célébration du divin office, » il lui donne de son
gré et irrévocablement : un calice d'argent avec la patène, une cha-
suble avec étole et manipule, une aube, deux amicts, des corpo-
raux, des purificatoires, « un missel doré couvert de basane rouge, »
une pièce de satin à fleurs dont il fera faire une chape, et enfin un
tableau de St-Ale.x.is pour Rousset. Le curé se charge de fournir sa
vie durant tous les ornements pour le maître autel, le luminaire pour
le service divin et pour la lampe du Saint-Sacrement, et l'encens
pour les fêtes solennelles ; de faire sonner la cloche pour « la saluta-
tion angélique soir et matin, les messes ordinaires et extraordi-
naires et vespres, pour les mortuères baptesmes et espousaillisses,
et pour l'injure du temps, à tous jours et heures que besoin sera.
Pour lequel luminaire et office de marguillier, » la communauté
payera au curé 21 livres tournois par an. En signant l'acte, Armand
proteste qu'il entend que la communauté lui fournira une garde-
robe pour tenir les ornements, ce à quoi le consul et autres sous-
crivent.
L. FILLET.
(La suite au prochain numéro).
■•^-
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
if après des documents officiels et inédits.
(Suite)
CHAPITRE VII.
ANNÉES 1797 ET I 7 () 8
Avant que la persécution de la petite terreur vint de nouveau les
attrister, les habitants du Trièves éprouvèrent une grande joie.
D'après une lettre du ministre de la police générale (4 germinal, an
V — 24 mars (797J et les ordres du commissaire du pouvoir exécu-
tif, les cloches purent enfin être sonnées, le matin, à midi et le soir,
comme avant la révolution, pour annoncer les heures des travaux
dans la campagne. Aussitôt les battants et les cordes dont ces clo-
ches avaient été dépouillées depuis une année leur furent rendus
avec un empressement qu'on met rarement à exécuter les ordres du
gouvernement (i). Des vieillards racontent avoir entendu dire
à leurs parents que tous pleuraient en entendant sonner pour la pre-
mière fois ces vieilles amies, dont la voix rappelait à leur creur tant
d'émouvants souvenirs du passé.
Un événement important était venu, au printemps de la même
année, ranimer le courage des ouvriers évangéliques. Mgr d'Aviali
avait quitté Rome, au mois de mars, et était arrivé par le Mont-
Genèvre et Gap dans le Diois. Aussitôt les prêtres de cette contrée,
depuis longtemps déjà soutenus et éclairés par ses lettres au milieu
des jours périlleux, s'empressèrent de se rendre auprès de cet
cminent prélat à St-.Martin-de-Clelles. Avec une bonté paternelle,
il dissipa leurs doutes, renouvela les pouvoirs extraordinaires que
déjà il leur avait envoyés de Rome, et s'efforgu d'unifier leur conduite
(1) Re^. des di'lih. de .Mens, 13 llorcal an V'I.
LA GRAXDE REVOLLTIO.X. 29
pour la réhabilitation de ceux qui étaient tombés et avaient prêté
serment à la Constitution. Après avoir passé deux jours avec eux, il
les laissa pleins d'une nouvelle ardeur pour les luttes de l'avenir (i).
Cette entrevue eut lieu dans le château de M™"" de Chenicourt (2).
La municipalité de Mens essaya de terminer par des fêtes l'an V
de la République et arrêta que, les derniers jours complémentaires,
il serait exécuté des chants patriotiques, sur la place de la mairie ou
dans la salle de la maison commune, suivant le temps (3); mais
personne ne s'y rendit (4).
Les protestants n'avaient point cherché à profiter des faveurs que
leur octroyait le décret du 1 1 prairial an 111, pour réclamer de faire
alternativement avec les catholiques usage de l'église ; mais lors-
que la persécution se fut rallumée, que le toit de leur temple, où
personne n'avait songé à les troubler, menaça de s'effronder et que
M. Accarias eut cessé de célébrer la messe publiquement, ils chan-
gèrent de manière d'agir. Le pasteur Déranger, que nous avons vu
livrer les objets de son culte, se présenta, le 1 7 vendém. an VI, devant
la municipalité « pour y prêter le serment, et ce en sa qualité de
ministre du culte réformé (5J. » 11 accomplissait cet acte parcequ'il
voulait, de concert avec ses ouailles, obtenir l'église pour lieu de
leurs réunions religieuses. Ils en avaient fait la demande, qui leur fut
accordée par les autorités municipales et départementales (6).
Ponsard, commissaire exécutif près l'administration municipale
du canton de Cordéac, fut le premier, dans le Trièves, à se rappeler
pour les mettre en pratique les conseils du Directoire contre les
prêtres fidèles. « Désolez leur patience, avait écrit celui-ci à tous ses
agents après le 18 fructidor ; environnez-les de votre surveillance;
qu'elle les inquiète le jour, qu'elle les trouble la nuit. Xe leur donnez
pas un moment de relâche. Désolez leur patience ! »
Aveuglé par la haine, il essaya de faire tomber tout le poids de sa
fureur sur ^L Testou, auquel la population catholique de Cordéac
était si attachée et sur lequel elle veillait avec la plus grande sollici-
(i) Réponses et tradition locale. — On conserve à St-Martin un missel dont se
servit le vaillant évêque pour célébrer le saint sacrifice.
(2) Ibidem.
(3) Délib. du i" complémentaire an \".
(4) Lettre au district du 5 vendémiaire an VI.
(5) Délibération du dit jour.
(6) Délibér, du 1 3 thermidor an X.
30 LE TRIEVES PENDANT
tude. Depuis la mort de Robespierre, ce prêtre courageux disait la
messe dans son église et refusait énergiquement de prêter le ser-
ment de soumission aux lois de la république et de reconnaître la
souveraineté du peuple, ainsi que l'exigeait le décret du 28 septem-
bre 1795. ^^ ^^^ pour ce motif dénoncé par Ponsard, et aussitôt,
Hilaire, procureur-syndic du district, ordonna au juge de paix de
Cordéac de lui interdire de célébrer à l'avenir dans l'église et de le
faire arrêter, s'il continuait malgré cette défense. M. Testou, mal
informé à dessein par la personne chargée de le prévenir et aidé par
le consentement tacite du juge de paix et des membres de la muni-
cipalité résidant à Cordéac, continua publiquement les fonctions de
son ininistcre. Son persécuteur essaya alors de le faire arrêter par
un détachement de la garde nationale, dont tous les hommes étaient
protestants et de St-Sébastien. Les deux procès-verbaux suivants
nous édifieront sur ce qui se passa.
« Du 17 vendémiaire, an VI de la République française, une et
indivisible (8 oct. 1797).
« Au lieu de Macerange, ensuite des ordres que j'avais donnés
au citoyen Gérard en date du 16 du courant, conformément à la
loi qui me charge de faire arrêter tous les curés insermentés, il
m'a été remis cejourd'hui par le dit Gérard un procès-verbal par
lequel il est constaté que les citoyens et citoyennes de la commune
de Cordéac se sont rendus rebelles à l'exécution des ordres dont le
dit Gérard était porteur, à l'effet d'arrêter le nommé Testou, curé
réfractaire. Malgré les représentations et soumission aux lois que
le porteur de l'ordre à faites, il se sont permis de l'assaillir à coups
de pierres. Plusieurs même parmi eux étaient munis d'armes à
feu. Grâce à la prudence mise par le dit Gérard à contenir les
citoyens qui étaient conduits par lui, il est parvenu à dissiper ces
attroupements, sans qu'aucune goutte de sang ait coulé, malgré
qu'il fût une heure avant le jour. Une telle chose ne devant pas res-
ter impunie à l'égard de la conduite qu'ont tenue les citoyens et
citoyennes de la comniune de Cordéac ; d'ailleurs presque tous les
habitants souffrant ces rassemblements clandestins et y assistant,
il est temps de mettre un terme aux menées de ces perturbateurs
publics et principalement de l'attroupement, qui sont les nommés
Manuel Rogier aine et son fils aine, réquisilionnaire, de même que
sa femme, sa fille et son fils cadet.
« A cet effet, je requiers le citoyen Prin, juge de paix du canton.
LA GRAXDE REVOLUTION. ^r
de faire assigner les témoins qu'il jugera convenables, pour in-
former contre les dénommés ci-dessus, conformément à la loi. Et
me suis signé, les jours et an que dessus, après avoir dressé le
présent procès-verbal. Ponsard commissaire (i). »
« Au lieu de Doissonas, hameau de la commune de Cordéac,
vers les cinq heures du matin, en suite de Tordre à moi remis
par le commissaire exécutif de ce canton à Teltet de faire arrêter
le nommé Testou, curé réfractalre, jai commandé vingt-quatre
citoyens de la garde nationale de la commune de St-Sébastien
pour arrêter l'individu dénommé ci-dessus, et étant arrivé en ce
lieu, au-devant de la maison des nommés Antoine et Jacques
Gauthier frères, les citoyens et citoyennes de cette commune de
Cordéac se sont rassemblés, armés de pierres et armes à feu. Je les
ai invités, au nom de la loi et du bien public, à se dissiper et se
retirer paisiblement. Ils se sont à l'instant reverchés à mes repré-
sentations. Nous avons reconnu entre autres le citoyen Manuel
Rogier de Ribayre, sa femme, son fils et sa fille. Alors, voyant
qu'on nous assaillait, j'ai ordonné de les repousser, et ma garde
nationale a arrêté le nommé Antoine Serviset, ayant un fusil double
à la main ; et au même moment j'ai invité le citoyen agent muni-
cipal de se transporter ici pour maintenir les citoyens rebelles de
sa commune et voir faire la visite chez les nommés Gauthier frères.
« En foi de quoi nous avons dressé le présent procès-verbal pour
être remis à la diligence du commissaire exécutif pour en faire
des poursuites, et nous nous sommes signés, les jour et an C[ue
dessus. Gérard, Morel , Girard, Louis Garcin , Maillet, Pierre
Arnaud (2). »
M. Testou, malgré tout ce déploiement de force, échappa à la
fureur de ses ennemis ; aussi, trompé dans son attente, Ponsard fit-il
retomber les effets de sa colère sur ceux qui ne l'aidaient point dans
ses projets de vengeance et, le lendemain, 18 vendémiaire, il écrivit
la lettre suivante, où se révèle tout son dépit :
« A Macerange, ce i8 vendémiaire an VI (9 octobre 1797).
« Le commissaire exécutif près l'administration municipale de
Cordéac à celui près lad. du dép. de l'Isère.
« Vu la loi du 7 vendémiaire an IV, titre 3 ; vu aussi le Bulletin
des lois, n*^ 142.
(i) Arch. départ. Actes du district de Grenoble.
(2) Ibidem.
32 LE TRIEVES PENDANT
« J'avais pris toutes les mesui'es possibles pour faire arrêter le
nommé Testou, curé réfractaire et homme le plus dangereux,
mettant depuis longtemps la division et semant la discorde dans
ces cantons. A cet effet j'avais chargé le citoyen Gérard, de St-
Sébastien, celui en qui j'avais le plus de confiance, de cette opé-
ration. Il se transporta donc à Cordéac avec vingt-quatre citoyens
de la garde nationale de cette commune dans la nuit d'hier, vers
trois heures du matm, [à Cordéac] pour se saisir, dans l'église de
cette paroisse, du curé réfractaire en fonction. Et à la vérité, cette
démarche n'aurait pas été inutile s'il n'avait été des citoyens
qui l'on fait évader. Ayant eu connaissance qu'il pouvait s'être
réfugié dans la maison du nommé Gauthier, de la Doissonard, le
dit Gérard s'y transporta avec ses citoyens.
« Mais il n'y fut pas arrivé qu'un rassemblement des habitants de
la commune de Cordéac s'y transporta, s'opposa aux ordres dont
Gérard était porteur et ne voulut pas absolument consentir que ce
dernier attendit le jour pour faire sa visite chez Gauthier. Toutes
ses représentations et invitations à la soumission aux lois ne reçu-
rent aucun succès. On finit par se rebeller. De tout quoi on a dressé
procès-verbal que je joins ici à celui que j'avais fait pour que le juge
de paix fit des informations contre les rebelles ; mais ce dernier s'y
est refusé en présence de beaucoup de témoins. Une telle conduite
tenue par ces rebelles ne doit pas rester impunie, ni les menaces
qu'ils ont proférées, tout le jourd'hui, contre les habitants de la com-
mune d'icy. C'est donc à vous que je m'adresse, afin C[ue vous vou-
liez prendre les mesures les plus courtes pour faire poursuivre, con-
formément aux lois, tous ceux qui ont pu avoir cette lâcheté ; car si
vous n'apportez un remède prompt à ces maux, je vous déclare que
je demande ma démission dès ce jour, plutôt que de voir journelle-
ment l'insoumission aux lois et les patriotes opprimés et maltraités.
« J'espère que vous voudrez bien donner une lettre au porteur de
la présente, pour que je puisse rassurer les habitants de cette
commune que justice leur sera rendue.
« Salut et fraternité. — Ponsard (ij. »
La lecture de ce factum et des deux précédents nous montrent
l'attitude si différente des deux paroisses de Cordéac et de Sl-
Sébastien. La première était catholique et entendait le restera tout
prix ; elle gardait ses prêtres et savait les défendre ; la seconde
(i) Ibidem,
LA GRANDE;REVOLUTION. 33
était protestante et ne pouvait souffrir la fidélité de sa voisine,
qu'elle cherchait à opprimer et à terroriser.
C'est dans le sein de cette dernière que se trouvaient et Ponsard,
et Gérard, et ses gardes nationaux, criant à l'oppression, se décla-
rant menacés après avoir eux-mêmes tenté d'opprimer et menacé
leurs voisins : conduite ordinaire des persécuteurs, qui cherchent
par là à étouffer les justes plaintes de leurs victimes.
L'administration du département fut troublée par la lettre de
Ponsard et ordonna l'arrestation de M. Testou. Au dos de l'écrit
de Ponsard Milaire ajouta ce qui suit :
« Requis la gendarmerie de la Mure d'arrêter Testou.
n Ecrit au commissaire de Cordéac et à celui de la Mure, à l'accu-
sateur public et au ministre de la police, à Paris, et envoyé à tous
deux extrait des verbaux, lettres du commissaire de Cordéac, l'ar-
rêté du département (i). »
A son tour, le Directoire lui-même s'émut de ce qui se passait à
Cordéac, et des ordres de déportation furent lancés contre M. Testou.
« Paris, 13 brumaire an VI (3 novembre 1797).
« Le Directoire exécutif, après avoir entendu le rapport du Minis-
tre de la police générale.
« Vu les pièces officielles transmises par l'administration centrale
du département de l'Isère et l'arrêté de la même administration en
date cU) 20 vendémiaire dernier.
« Considérant qu'il résulte de ces pièces que le nommé Testou,
prêtre, s'est permis d'exercer les fonctions de ministre du culte,
sans avoir prêté le serment de haine à la royauté et à l'anarchie,
prescrit par l'article 25 de la loi du 19 fructidor ; qu'il est le prin-
cipal auteur des mouvements séditieux qui ont éclaté dans la
commune de Cordéac, ainsi que des attroupements et désordres
qui s'en sont suivis.
« Arrête, en vertu de l'article 24 de la loi du 19 fructidor:
« Art. I". Le nommé Testou, ministre du culte catholique, sera
déporté.
« Art. 2'"^ Le ministre de la police générale est chargé de l'exé-
cution du présent arrêté, qui ne sera point imprimé.
« Pour expédition conforme, le président du Directoire exécutif.
Signé : L. M. Lareveillère Lépeau.
« Certifié conforme, le ministre de la police générale.
« Sotin (2). »
[i) Ibidem. — (2) Ibidem.
Bull. IX, 1888. 3
34 LE TRIEVES PENDANT
« Paris, i6 brumaire, an VI.
« Le ministre de la police générale
« Au commissaire du pouvoir exécutif près l'administration cen-
trale de risère.
« Je vous adresse, citoyen, ci-joint un arrêté du Directoire exé-
cutif qui ordonne la déportation du nommé Testou , prêtre réfrac-
taire.
« Vous voudrez bien, aussitôt la présente reçue, donner des ordres
pour le faire mettre en état d'arrestation et conduire sous bonne
et sûre garde à Rochefort, pour être déporté. Je n'ai pas lu sans
indignation les détails que vous me donnez, par votre lettre du
20 vendémiaire dernier, sur les troubles survenus dans la commune
de Cordéac, et je fais part au ministre de la justice des faits qui con-
cernent le juge de paix de ce canton, et je l'invite à prendre les me-
sures convenables pour qu'il soit poursuivi et jugé aux termes de
l'article 26 de la loi du 19 fructidor,
« Je ne puis qu'approuver les mesures sages et énergiques que
vous avez provoquées. Je dois cependant vous observer que vous
auriez pu prévenir les fâcheux événements qui les ont nécessitées,
si vous aviez été plus exact à me faire prévenir, conformément à
la demande que je vous avais faite, la liste de tous les prêtres
turbulents dont la présence altère la tranquillité publique de votre
département. J'espère que vous me l'adresserez sans délai, avec les
renseignements nécessaires sur chacun des individus qui y seront
portés.
« Salut et fraternité, « Sotin (i). »
Cette lettre stimula encore le zèle d'IIilaire, qui fît mettre sur
pied toute la gendarmerie de la contrée et les commissaires des
cantons de la Mure et de Cordéac (2). Mais, malgré tant d'efforts et
la peine que se donnèrent Ponsard et les patriotes de St-Sébastien,
M. Testou ne fut point arrêté. Il s'éloigna pour quelque temps de
ses chers paroissiens, afin de ne pas attirer sur eux de nouveaux
désagréments. Il pa-ssa dans le Diois (3), où il allait souvent, caché
sous divers déguisements. Un des plus ordinaires était celui de
muletier. 11 s'entendait à cet effet avec un excellent catholique de
Mens, qui faisait habituellement le voyage de Châtillon pour en
(i) Ibidem.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. 35
rapporter du vin. Quand celui-ci partait, il se présentait à lui avec
de g-rosses bottes, une blouse recouvrant une mauvaise veste et un
fouet à la main, et lui offrait ses services toujours acceptés pour
conduire les mules. C'est ainsi qu'il allait à Chàtillon, Die et même
Crest administrer les sacrements et revenait ensuite. Les fidèles
de ces divers lieux l'avaient en si grande vénération et estime, que
le procureur de Crest en dénonçant, le 15 fructidor de l'an III, son
zèle apostolique et celui de M. Aubert, ajoutait : « On soulèverait le
peuple si on essayait de les poursuivre (i). »
De Die, ou du moins des environs de cette ville, M. Testou écri-
vait la lettre sui\ante à son persécuteur: « Au citoyen Ponsard,
commissaire du Directoire exécutif près l'administration municipale
du canton de Cordéac.
« Citoyen,
ft J'ai appris par la voie de plusieurs personnes, que l'une des
principales raisons qui vous ont porté à me dénoncer et à me
poursuivre avec tant de chaleur, c'est parce que vous vous êtes
imaginé que depuis longtemps j'avais entrepris de vous braver et
même de vous susciter quelque mauvaise affaire auprès des auto-
rités constituées, en donnant lieu à quelqu'un de vous dénoncer
comme ne veillant pas assez pour l'exécution des lois. S'il y eût
eu plus de sûreté pour moi à vous aborder, il y a plus de six mois
que je serais allé moi-même me justifier, auprès de vous, d'une
imputation aussi fausse qu'elle est odieuse et contraire à tous mes
principes et à tous mes sentiments. J'aurais au moins pris le
parti de vous écrire, si je ne m'étais fait une règ-le d'abandonner
à la Providence le soin de me blanchir de toutes les calomnies
qu'il plaît à certaines gens d'inventer contre moi. D'ailleurs, je
pouvais craindre que cette démarche, si légitime ne fût reg-ardée
comme une bravade , qui , au lieu d'assoupir la persécution
suscitée contre moi, n'aurait fait que l'allumer plus fDrt ; et ma
religion me défend de m'attribuer moi-même la persécution, en
même temps qu'elle m'ordonne de souffrir patiemment si je suis per-
sécuté sans me l'être attiré.
« Mais aujourd'hui que je me suis éloigné du quartier où quel-
ques esprits inquiets et ombrageux ne peuvent entendre parler de
moi, je n'ai plus rien à craindre des suites d'une lettre telle que
(1) Pierre Fédon et le diocèse de Die pendant la révolution, par .M. .Mazet, p. 24.
36 LE TRIÈVES PENDANT
j"ai eu souvent l'idée de vous l'écrire. Je vais même jusqu'à me
flatter que vous ne trouverez rien que d'honnête et de légitime
dans cette démarche. Voici donc en peu de mots ma justification.
« Je vous assure que je n'ai jamais eu en vue de vous narguer,
ni vous, ni qui que ce soit ; que je n'avais d'autre but, dans le
temps où ma conduite vous faisait tant d'ombrage, que de
remplir le devoir de mon ministère, devenu bien pénible par la
rareté des ouvriers évangéliques et par les entraves continuelles
que les nouvelles lois y ont mises. Je me suis prêté aux circons-
tances autant qu'il m'a été possible ; je ne me suis étendu qu'à
mesure que j'ai vu qu'elles me le permettaient et, malgré mon
désir de faire un plus grand bien, j'ai préféré, dans les moments
orageux, de me resserrer plutôt que de compromettre qui que ce
fût.
« Qui peut accuser mes discours publics ? et qui osera soutenir
que j'ai tenu un autre langage en particulier que dans les assem-
blées nombreuses, qu'on ne devrait pas tant redouter s'il est vrai
qu'on craint des complots et des conspirations de notre part?
« Ai-je jamais prêché autre chose que la paix, la patience et l'ou-
bli des injures, l'horreur pour le vol et pour toute injustice, le
respect pour les propriétés, pour l'ordre et le repos public?
« Ai-je animé à la vengeance ? Ai-je montré que je voulusse en
exercer moi-même quelqu'une s'il arrivait que les temps vinssent à
changer? J'en ai projeté une il est vrai ; mais qui pourrait m'en
faire un crime, puisqu'elle ne doit consister qu'à montrer les
mêmes sentiments de charité et d'amitié à mes dénonciateurs et
persécuteurs que s'il ne m'avaient jamais voulu nuire.
« Il est vrai que j'ai continué d'exercer à l'église de ma paroisse
quelque temps après une lettre du citoyen Hilaire au juge de paix,
en suite d'une dénonciation dont vous connaissez bien l'auteur et
les motifs ; mais vous savez aussi, ou du moins vous pourrez
l'apprendre de plusieurs membres de la municipalité, qui en sont
instruits, que la personne chargée de m'avertir des ordres du
commissaire du département me tendit cette nouvelle à rebours,
et me dit qu'il n'y avait absolument rien à craindre en continuant
à faire comme auparavant. Moi, bien persuadé de cette annonce,
devais-je agir différemment et ajouter foi aux clabaudages qu'on
me répétait comme venant des cabarets de Mens ? La preuve que
je ne voulais ni vous compromettre, ni vous braver, c'est que je
LA GRANDE REVOLUTION- 37
discontinuai aussitôt que j'en fus averti par la personne à qui vous
vous souvenez d'en avoir écrit, au commencement de juin, et que
je ne recommençai que lorsqu'on l'eut fait partout ailleurs, sous
les yeux des autorités constituées.
« Vous qui lisez l'Ecriture sainte, que ne lisez-vous le sage con-
seil de Gamaliel (aux Actes des Apôtres, chap. 5, v. 34) ? Mais je
sais que vous n'êtes point le premier auteur des mesures violentes
qui ont plusieurs fois alarmé et troublé le canton de Cordéac.
Qui que ce soit, je pardonne de bon cœur et je prie Dieu de le
pardonner et de l'éclairer. Quant à vous, qui avez trop de bon
sens et de raison pour ne pas voir où aboutissent les conseils trop
fougueux, et qui avez naturellement l'âme trop honnête pour pren-
dre plaisir à voir inquiéter des citoyens paisibles, je ne désirerais
que de vous voir prendre conseil de vous-même et de votre propre
cœur, sans préjugé ni esprit de secte et de parti. Alors peut-être
vous me donneriez quelque part à votre estime et vous me rendriez la
justice que je réclame.
« Testou, prêtre (i), »
Loin d'être touché par une semblable démarche, Ponsard envoya
la lettre (5 frimaire an VI) à l'administration de l'Isère, en y ajoutant
le renseignement suivant : « Des recherches sont faites à Cordéac
pour retrouver M. Testou. On le croit actuellement aux environs
de Die (2). »
Les pasteurs étaient frappés les fidèles devaient l'être aussi.
Presque toutes les autorités du canton de Mens protégeaient les
prêtres ouvertement, ou du moins fermaient les yeux sur leur dévoû-
ment, afin de ne pas avoir à les dénoncer. Les administrateurs du
départem^ent ne pouvaient souffrir une semblable tolérance et prirent
la mesure suivante contre elles : « Arrêté de l'administration centrale
du département de l'Isère ; du 6 frimaire an VI (26 novembre
1797) de la République française, une et indivisible. D'après les
renseignements qui lui sont venus sur la question administrative
du canton de Mens et sur les principes politiques de ses membres.
« L'administration informée que cette administration municipale,
loin de faire exécuter les lois relatives aux prêtres réfractaires, les
a, au contraire, protégés, même dans l'exercice de leur culte ;
« Considérant que la négligence des administrateurs dans l'exé-
(i) Archives départ. — Actes du district.
(2) Ibidem.
38 LE TRIÈVES PENDANT
cution des lois sur les prêtres réfractaires est cause que non-seu-
lement le canton de Mens, mais tout le Trièves en est infesté...;
« Considérant que les magistrats coupables d'une telle négli-
gence dans l'exercice de leurs fonctions sont indignes de la
confiance du peuple et de celle du gouvernement ;
« Les conclusions du commissaire du pouvoir exécutif entendues,
on a arrêté et arrête ce qui suit :
« Article i". En vertu de l'article 192 de la constitution, les
citoj'ens François Payan cadet, président de l'administration du
canton de Mens, Joseph Talin, agent municipal de la commune
de Cornillon , et Jacques Pellat, agent municipal de celle de
Lavars, sont suspendus de leurs fonctions (i). »
Les administrateurs, même ceux qui avaient les meilleurs senti-
ments, intimidés par cette mesure qui frappait trois de leurs collè-
gues, s'engagèrent dans la voie de la persécution, où nous allons
les suivre.
Le 22 nivôse, an VI (11 janvier 1798), la municipalité du canton de
Mens, après avoir hésité longtemps, dans la crainte de se voir atta-
quée par tous, prend, à la suite d'une lettre envoyée le 29 frimaire
précédent par l'administration centrale, un arrêté pour interdire la
sonnerie des cloches, sauf le cas d'incendie, inondation, approche
de l'ennemi ou rassemblement d'individus qui menaceraient la
sûreté et la propriété des citoyens (2).
« Nous sommes en deuil, disaient ensuite les populations ; mais
dans un deuil causé par des ennemis qui défendent à nos cloches
de sonner, parce que leur voix les troublerait au milieu de leurs
honteux excès (3). »
La paroisse de Tréminis était heureuse de posséder son vénéra-
ble pasteur de retour de l'exil ; mais craignant que sa présence ne
fit courir quelque danger effroyable à la France, le successeur de
Payan cadet le dénonça en ces termes :
« Mens, 26 pluviôse, VL — Le prêtre Brcdon (Drudon) continue,
à ce qu'on nous assure, à dire la messe à Tréminis. Signe : Pellis-
sier. » Un mois plus tard, Imbert , l'un des administrateurs de
l'Isère, lui répondit par cet ordre (7 ventôse an VI, 25 février 1798J :
« Vous vous informerez, citoyen, avec les précautions convenables.
(i) Mens, Re^. des délib.
(2) Ibidem.
(■3) Tradition locale.
LA GRANDE REVOLUTION.
39
de la maison qu'habite le prêtre réfractaire Bredoti (Brudon) à
Tréminis. Lorsque vous aurez acquis quelque certitude à cet
égard, vous donnerez ordre à quinze hommes de confiance de la
colonne mobile de votre canton de se transporter dans la dite
commune de Tréminis, pendant la nuit, de cerner la maison dont
s'agit. Cette précaution prise, de détacher deux d'entre eux pour
aller sommer l'agent national de les suivre, pour tous ensemble
procéder, dès le point du jour, à la perquisition exacte de la mai-
son et à la recherche du dit Bredon. Il sera dressé procès-verbal
de cette opération par l'agent national et les membres de la
colonne mobile. Imbert (i)... »
(i) Archives départ. — Actes du district.
(La suite au prochain numéro).
A. LAGIER.
RECHERCHES
INSCRIPTIONS
du Vivarais
(Suite)
« Cette église, fort belle et fort propre, étoit en grande partie
tapissée d'une fort belle étoffe de différentes couleurs, appelée filet
d'Auvergne, et de filet de Flandre. Une fort belle chière en pierre de
taille toute scultée, et d'une seule pierre, faisoit un des principaux
ornemens. On la voit aujourd'hui à la paroisse... »
Et dans l'enquête, nous lisons: « Loys FayoUe dict qu'il
deniouroit pour travailler à ses journées avec Claude Boriç et Pons
40 RECHERCHES SUR LES
Allamel, luy firent aller quérir avec Jehan Doms dict Piact, et quel-
ques aultres que ne lui recorde, une chière de pierre qu'est en l'église
dud. couvent, qu'ils trouvarent arranchée et mise en pièces, laquelle
chière après Jehan Serre, maçon, redressa en l'église dud. l'Argen-
tière. »
C'est sur cette chaire, qui se trouve en effet dans l'église parois-
siale de Largentière, qu'on peut voir l'intéressante inscription lan-
guedocienne que nous avons exactement relevée.
Dans le Mémoire manuscrit, cette inscription est ainsi mention-
née : « Autour de cette chière on lit, en caractères gothiques, ces
mots : L'an MCCCCLXXXX, VII octobre, Jean-Pierre Garnier de
Coulens (i) ay donnât a qiiesto cadiero al couvent das payres minours
de l'Argentier a. »
On remarquera qu'il y a une petite erreur dans le Mémoire sur
cette inscription ; il n'y a pas Jean-Pierre Garnier, mais bien hieu
Pierre Guarnier {moi Pierre Guarnier). L'artiste de Coulens a voulu
accentuer la donation de son œuvre, qu'il a signée comme on signe
un testament ou tout autre acte de grande importance.
Maintenant, l'imagination de l'auteur du Mémoire a-t-elle com-
plété l'inscription de Pierre Guarnier, ou bien pouvait-on lire à cette
époque, sur le quatrième panneau, complètement effacé aujourd'hui •
dos frayres Minours de Largentiera ?
Cette dernière supposition ne nous parait pas admissible : le
troisième panneau, sur lequel on lit : 1490. PG., eût été une solution
de continuité ; la phrase se serait trouvée coupée, de façon à détruire
l'harmonie qui règne dans toute la chaire. Pourtant, le dernier mot
de l'inscription, cquc, indique bien qu'il y avait autre chose ; mais il
est impossible de déchiffrer ce panneau ; tout a été gratté au ciseau.
Aucun historien n'avait signalé ce précieux monument épigraphl-
quc de la langue d'Oc. M. Ovide de Valgorge, qui nous a laissé une
minutieuse description de l'église de Largentière et de sa chaire, ne
dit pas un mot de l'inscription.
VII — 1503
Sî»înt-lion»s»în-<le-l.ei*|>. — Inscription artistement gravée
sur une pierre molasse de la carrière d'Antolin, commune de Cham-
(1) Coulens est un hameau de la commune de Chassiers, à 3 kilomclrcs de
Lari^cnticrc.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS.
41
pis, enchâssée clans un pilastre sur lequel viennent reposer les
arcs-doubleaux de deux voûtes ogivales de l'église paroissiale (i)
'§f : aï : ^ : '^! :
0
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0 c a
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'-^; 0 u D a 1 a : ^X' : "S? u n 1 5 1 s '^"i m n ci :
Jésus Nazaj-enus Rex Judœorum.
Anno — JHS — Domini
Millesimo quingentesimo Tertio Fuit
Prœsens Capella Sancti Romani
Per Guillemeti Casallis ;
Fondata Per Dunisis Ameia :
« L'an du Seigneur mil cinq cent trois, la présente chapelle de
« Saint-Romain (bâtie ?) par Guillaume Chazal, fut fondée par
« Denys (?) Ameja, » (ou réciproquement).
Nous renonçons à expliquer les deux abréviations qui sont en de-
hors du cadre de chaque côté de l'inscription. Peut-être pourrait-on
voir dans celle de droite les mots : /// octobris, ou le verbe inchoata.
(î) L'abbé Garnodier, Recherches archéologiques sur Saint-Romain-de-Lerp, [860 ,
p. 126.
42
RECHERCHES SUR LES
XIII - 1505
Vion. — Sur la partie supérieure de la cloche, on lit l'inscrip-
tion suivante, en lettres gothiques et sur une seule ligne. — Estam-
page fait par M. .Martin, instituteur.
T 'Slis ^ana. «!lri)ns(us umcit, t.iCF)ns(iu> n't]nii(, éS^l'insfus
« •{■ Jésus Mxiie. Le Christ est vainqueur, le Christ règne, le
Christ commande, que le Christ nous défende du méchant ennemi.
L'an du Seigneur, mil cinq cent cinq. «
XIV — 1526
Satillieu. — Croix dont le fût, élevé de 3 mètres environ,
repose sur un socle, portant sur ses quatre faces, dans des petits
carrés, linscription suivante, communiquée par .M. l'abbé de Saléon,
curé de la paroisse :
c
A.
M.
V.
XX
VI.
HOC. OPVS
l'IERl. FECIT
V I R . D A L
.MAC1\^S. S
IN HOC su;
\ O . V 1 N c c s
Anna millesimo quingentcsimo vigesimo sc.xlo (1 5 -'6), hoc opus jieri
fecil (venerabilis ?^ vir Dalmacius s^acerdos '^). In hoc signo vinces.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS. 43
XV - 1568
Saint-Montan. — Inscription gravée sur la clef d'arceau de
la porte principale de l'ancienne église de Saint-Montan, dédiée à
S'^ Marie-Magdeleine, sur l'emplacement de laquelle a été bâtie
l'église actuelle.
Hauteur: o™ 22 cent., largeur : o"' 29 cent. (Estampage de M.
Chiron, instituteur).
IN DEI OFT .MAX LAVD PHAN
HV L. A. PRIOR R QVP VNA CVM
CAPELLA s. BARTHO. FVDIT, ET
PARTE PINACL AC CAPELLANIS D.D
YVE ET AHO NEC NON PRŒSBITE
RI HERETICORV SACRA MEM.MA
NV M. D. L. X. vm DIRVTA RVIT
LOCT SVP D.B RESTITVTA HACTE
N. EXTITIT .M.D.L.XXX. APRL
PERAOCTE A . V j / / ''II// I / /
In Dei optimi maximi laudem phanum (pour /anum) hiijus loci L. A. . .
(Antonius) Prior R... QVP... (probablement des noms de localités)
ima ciim cappella. Sancti Dartholoinei fundavil et parte pinaciili ac
cappellanis dono dédit Yve et a Ho. . . (deux noms propres probable-
ment) nec non prœsbiterium hœreticorum sacrœ memorice manu
M.D.L.X.VIII (1568) diriiia mit, loct (?) sup. (?) D. B (?) (trois noms
que nous ne pouvons lire) Restituta hactenus extitit M.D.L.XXX
( 1 5 80) kalendis aprilis peraocte A. V
En l'honneur de Dieu très bon, très grand A prieur de
a fondé l'église de ce lieu avec une chapelle à St-Barthélemy, dans
la partie du pinacle, et a donné la chapelle et le presbytère aux
chapelains D.D Cette chapelle croula, détruite en 1568, sous la
main des [hérétiques de détestable mémoire puis reconstruite,
elle a subsisté jusqu'à .ce jour, 1580, kalendes d'avril dernier.
XVI — 1580
St-Agrèx^e. — L'inscription suivante se trouve à l'ancien
château de Truchet. Elle a été copiée par M. Deschomels, institu-
44 RECHERCHES SUR LES
teur à Lichessol, près St-Agrève, en iS8i. Hauteur : o"' 50 cent.,
longueur : 2 met.
ENL (0 : I 580 : REGNANT : HENRI : III : lE • FVS ■ RVINEE • IVSQVES • AV.
FONDEAIENT : PAR [1 lAQVES • DE • CHAMBAVD ■ TRES • DNGEVS [-) : HV-
GVEN (Ot): KT : REMISE • LAN : I 584 : PAR • .MSReIs) || CLAVDE • DE ■ TRVEHET.
SEIGNEVR. DE • CHAiMBARLHAC • ST ■ CIERGE • CONSEIGNEVR • DE || ST AGRP-
VE C^) : MON : DEGRE : DV . COSTE . DV LEVANT : TOMBE : LAN : 1634 :
MESRE (1) • FLORlAiOND : DE || TRVCHET • SON • EIL* (.5) • MA • MIS • EN
LESTAT . OV . lE • SVIS • ET . AIOVSTE • AVS • SEIG"^ . CI : DESSVS • LABNE (6) ||
DES P.\RO {/) . A^ CALHOVET. (8) MOVPEIRON (9) : DV . MARIAGE . DE . DA-
ME . CATFERI>E DAVBVSSON . SA : FK(miTiej.
Cette inscription, aussi curieuse qu'intéressante, rappelle le siège
mémorable de St-Agrève, un des plus terribles qu'aient eu à sou-
tenir nos malheureuses villes du Vivarais pendant les guerres de
Religion.
11 nous reste sur ce siège mémorable un document bibliographi-
que d'une insigne rareté. — Il ne se trouve pas à la Bibliothèque
Nationale (lo) et l'exemplaire qui se trouvait, à la bibliothèque de
Lyon en a été enlevé, vers 1840, probablement par l'un de ces
écumeurs de nos dépôts publics, qui ne savent pas respecter l'héri-
tage commun des documents rares et précieux que nos devanciers
y ont amassés. — Grâce à l'obligeance du libraire Claudin, un de
nos amis, M. Paul Leblanc, a pu rééditer cette plaquette, un vrai
trésor, dans ses Variétés historiques et biographiques (1 i).
Voici son titre exact :
Le vray discouvrs dv siège, prinse et totale rvyne de la ville de
Sainct-Agreuc, pays de Languedoc, par le sieur de Tournon,gou-
uerneur de Viuerois et le sieur de sainct Vidal. Avec le nombre des
morts et blessez durant le sicge. — Fait et escrit par Monsieur du
F'igon, secrétaire de la Royne. A f^aris, chez lean de Lastre. rue
Sainct-Iean de Latran près le collège de Cambray, louxte la copie
imprimée à Lyon par lean d'Ogerolles. 1580. Avec permission.
(i) En l'an.
(2) Dangereux.
(3) iMessire.
{.'\) Saint-Agrepvc (ancienne oilhograplic ; le premier E est supprimé par abré-
viation).
(S) Fils.
(6, 7, 8, 9) 'r :- ? :-.
(lO/ Lettre de M. Lcopolcl Delisle. du 6 mars 1883.
(11) Le Puy, 1885.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS. 45
« La ville de Saint-Agrève, dit M. Paul Leblanc, se trouvait l'une
des portes du Velay sur le chemin du Vivarais, du Dauphiné et des
provinces méridionales. Dès lors, sa possession devait exciter la
convoitise de tous les partis. Les protestants s'en étaient rendus
maîtres ; par là ils avaient pied dans le Vivarais et le Velay. Profitant
d'un édit royal qui leur accordait Saint-Agrève comme un lieu de
refuge momentané, ils s'y étaient fortifiés et rendus si redoutables
qu'il fut urgent de les en déloger. Vers les premiers jours de sep-
tembre 1580, les gouverneurs du Velay et du Vivarais, Saint-
Vidal et Tournon, reçurent l'ordre d'en faire le siège. L'investisse-
ment commença le i6. Le déploiement des forces catholiques ne
permit pas à Jacques de Chambaud, homme de guerre consommé qui
commandait les protestants du Vivarais, de rentrer dans la place
pour secourir ses coreligionnaires, qui furent contraints, après une
vive défense, de sortir furtivement de Saint-Agrève dans la nuit
du 25 au 26 septembre. »
Voici ce que nous écrivait M. Deschomels, le S juillet 1881, au
sujet de cette inscription:
« La pierre mesure six pieds de longueur sur un pied et demi de
« largeur. Elle contient six lignes : je l'ai copiée exactement, pous-
« sant le scrupule jusqu'à laisser subsister les fautes évidentes que
« la main d'œuvre y avait glissées. Ainsi dans le corps du mot
« St-Agrèvc un P à la place de È (i); Truchet écrit une première fois
« Truehet. Les signes indiquant la séparation des mots ; les lettres
« intercalées, tout a été relevé avec exactitude. Quant aux quatre
« dernières lettres de l'inscription, j'avoue n'en pouvoir découvrir
« le sens. »
En remerciant ce zélé instituteur nous lui avons répondu que ces
quatre dernières lettres voulaient dire : SA FEMME.
XVII. — 1597.
jMeyras. — Portail du château d'IIautségure. Longueur, i™05;
largeur, o™ 16. — Envoyé par M. Bonnefoi, instituteur.
NISI . DOMINVS • ^DIFICAVERIT • DOMVM
INVANVM • LABORAVERVNT • QUI • .E:DIFICANTEAM
PS CXXVI.
(i) Voir la note 4 de la p. précédente.
46 RECHERCHES SUR LES
Sur une porte du rez-de-chaussée de la même maison, on lit :
1597
13 DE
(cembre)
et sur une autre au i''' : 1598 zo (20) Aovst.
XVI 11.
1601.
Vals-les-Bains. — Sur le linteau d'une des portes extérieu-
res de la maison Pigeyre, au quartier de Gignac, on lit l'inscription
suivante, en capitales romaines :
INSERE DAPHNl PYROS CARPET TVA POMA NEPOTES
C'est tout simplement le 50"= vers de la neuvième égloge de \^ir-
gile.
La maison Pigeyre est très ancienne ; elle appartenait autrefois
aux de Justet, seigneurs de Sardiges: Un Jean de Justet avait épousé
Isabeau Sabatier, petite-tille d'Olivier de Serres. L'immortel agro-
nome avait marié, le 25 février 1604, sa fille Bonne avec Daniel
Sabatier, clavaire du Roi à Villeneuve-de-Berg. Le g août 1694,
Constantin de Serres, arrière-petit-fils d'Olivier, donna par codi-
cille 1000 livres à Damoiselle Marguerite Justet, fille du seigneur de
Sardiges, à Vais. '
XIX. — 160 1.
Dans la même maison, il y a quelques années, on lisait encore
cette autre inscription, aujourd'hui détruite :
CVRVATA RESVRGO
« Courbée, je me relève. »
Sur le linteau d'une porte, on lit la date : 1(301.
XX.
1607.
Nous avons relevé les inscriptions suivantes sur la maison Peillon,
bâtie sous les ruines du château, qui dominent la Place Couverte :
Sur le linteau d'une croisée :
VIRT\'l : O PRES SA
RESVRGO : 1607
LE XXVI I :
XBRE : 1607
Cette devise à le même sens que la précédente.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS. 47
XXI. - 1607.
Sur le linteau d'une porte intérieure :
AV SEVL DiEV
SOIT HOXNEVR ET GL(3IRE
1607,
XXII. - 1634.
Sur le linteau d'une autre croisée :
fmot illisible) APVRIL
1634.
La maison Peillon est une des plus anciennes de \'als ; c'était
l'ancien prieuré.
XXIII — 16 17
Mayre. — Maison de M. Déligans notaire et maire. Les lettres
ont 6 centimètres de hauteur.
1617
lEAN O DAVBERT
N R
lE REÇOIS TOVS SINON ^
LE TRAISTRE ET LE LARRON.
C'est une enseigne de notaire très curieuse ; les lettres N. R.
signifient : notaire royal.
Un ovale gravé sur la pierre entoure une petite circonférence
noire entre les deux noms propres ; c'est un trou pénétrant dans
l'intérieur de la maison. Les mots ne sont pas espacés, tout se tient.
(Lettre de AL Mazaudier, instituteur).
XXIV -' 1628
Vîlleneuve-cle-Oerg. — Au dessus de la porte d'une
chambre du vieux manoir d'Olivier de Serres, au Pradel, on lit cette
inscription, échappée providentiellement aux démolisseurs de 1793 .
RvS, DOMVS, VNDA FLVENS, VIRIDARIA, VINEA, SYLVA
PRADELLI DOiMINVM PASCVA RVRA JVVANT.
Vignes, forêts, champs et pâturages, ferme, château, jardins, eau
limpide, font les délices du seigneur du Pradel.
48 INSCRIPTIONS DU VIVARAIS.
XXV — 1682
Ijal>Iaelièi'e, — La pierre commémorative de la bénédiction
de la chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Secours, conservée dans les
archives du sanctuaire, porte l'inscription suivante : (i)
+
CHAPELLE . J H S . DE
NOSTRE . DAME . DE
BON . SECOVR . QVI . A
ESTE . BENITE . LE 22 JMARS .
JOUR . DE . RAAIEAV . 1682 .
QVI A ESTE ESTABLIE . PAR S"" JVLlAN .
GINESTE . s'' DELILLE . NOBLE . DE .
MARIANNE . DE . PAVLET .
FONDATEA'RS . DE . LADITE .
CHAPELLE
J.
I
XXVI — 1700
VîIleneuve-cle-Bers. — En 1700 les olTiciers du Bailliage
avaient fait graver en relief, au dessus de la porte du palais, avec
les armes du roi l'inscription suivante :
CuRiA Ballivatvs Vivariensis
LuDOvici Magni munificentia restaurata
a N N O lAl . D C C .
H.EC SUNT prima SACR.E TIIEMIDIS TEMPLA ET SALUS HeLVIS.
« Cour du Bailliage de Vivarais, restaurée en /juo.par la muni-
ficence de Louis-le-Grand. C'est ici le premier temple de Thémis et le
salut de VHelvie. »
Cette inscription fut enlevée en 179:^ (i).
(i) D' Francus, Voyage dans le Midi de rArdêche, p. 45.
{La fin au prochain numéro.)
Henry VASCIIALDE.
L'
QUARANTE ANNÉES
DE
E DES ÉVÊQUES DE VALE
AU MOYEN AGE
(1226 à 1 266)
(Suite)
— >ÈS»Oo<?)Oft^iî<-
II
BOXIFACE DE SAVOIE
Elu ue Belley. Archevêque de Cantorbéry.
(1241).
Columbi (i), Mgr de Catellan, dans les Antiquités de l'Eglise de
Valence (2), M. B. Hauréau, dans la coniinuation du Gallia chris-
tiana (3), et les autres écrivains, qui se sont occupés de l'histoire de
notre Eglise, n'ont pas hésité à donner pour successeur à Guillaume
de Savoie son frère Boniface, le plus jeune des fils du comte
Thomas. Nous avons vu plus haut que Guillaume, se disposant à
quitter Rome pour aller prendre possession des évèchés de Liège et
de Winchester, avait sollicité et obtenu du pape Grégoire IX que la
dignité d'Elu de Valence, à laquelle il renonçait, fût conférée à un
de ses frères, a domino papa oblinuit ut unus de fratribus ejiis sit pro
eo electus in Valentia (4J ; mais le chroniqueur, qui nous a conservé
(i) Columbi, Opuscula varia. Lugd. 166S, in-f°, p. 270.
(2) Catellan (Jean de), Les antiquités de l'Eglise de Valence. \'alence, 1724,
in-4°, p. 328.
(3) Gallia christiana, t. X\'I, col. 314-
(4) Alberici Chrotiicon, dans Bouquet, t. XXI, p. 623.
Bull. IX, 1888. 4
50 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
ce détail, ne nous a point donné le nom de ce frère de Guillaume,
et aucun document connu ne peut nous permettre d'affirmer qu'il
s'agisse ici de Boniface. Celui-ci du reste n'a jamais pris d'autre
qualification que celle d'élu de Belley, jusqu'au jour où il fut appelé
au siège primatial de Cantorbér}-.
Boniface de Savoie, destiné par son père à l'état ecclésiastique,
avait été placé de bonne heure dans un couvent de chartreux. Prieur
de Nantua, évêque-élu de Belley, il fut proposé en 1240 pour l'évè-
ché de Durham par Henri III ; puis la reine Eléonore, sa nièce,
toujours appliquée à enrichir les membres de sa famille, réussit de
concert avec le roi à le faire nommer archevêque de Cantorbéry (i).
Celte élection parait s'être faite vers le mois d'avril 1241 ; mais la
mort de Grégoire IX et la longue vacance du saint siège empêchèrent
que cette élection fiât de suite conlirmée; c'est seulement le 17 sep-
tembre 1243 qu'Innocent W le donna pour pasteur à l'Eglise de
Cantorbéry, après l'avoir déclaré libre de tous liens envers celle de
Belley : dictum B. absolutum a procuratione Bellicensis ecclesie,
dictorum fratriun commiiniccito coiisilio, Cantuariensi ecclesie de
speciali gratia coticessiinus in pasiorem (2). Le même jour il lui accor-
da la permission de se faire élever, par un de ses évêques suffragants,
aux ordres du diaconat et de la prêtrise (3). Enfin il voulut de ses
propres mains consacrera Lyon, le 15 janvier 1246, cet influent
protégé et lui marqua sa faveur en lui accordant l'autorisation de
porter le pallium en dehors de sa province (4). Boniface de Savoie
mourut à Sainte-Hélène-du-Lac, en Savoie, le 18 juillet 1270. Loué
sans mesure par l'auteur anonyme de la chronique latine de
Savoie (5), il a trouvé dans Mathieu de Paris un irréconciliable
(i) WuRSTEMBERGER, Peter der Zweite,t. II, p. 21-25.
(2^ Berger (Elie). Les registres d'Intiocent IV, n° 116. Voir l'inlroduclion de cet
ouvrage capital, p. 73.
(3) Berger, op. cil., n° ii6à 118. — Boniface, en attendant d'avoir lait graver
son sceau, se servait de celui de Belley.
(4) Berger. Op. cit. Introduction, p. 74.
(5) Chronica lalina Sabaudix, dans Historié patricv monumenta, Scriptores, t. I,
col. 605 : « Fuit vir prudens, probus, catholicus, in theologia et decretis vir erudi-
tissimus, magnus cl formosus inter omnes, et, pre cunclis sui icmporis viris, adeo
quod pre nimia formositate parvus Absalon ab omnibus nuncupabalur,... et tandem
Angliam reversus, ecclesiam suam Cantuariensem multum dévote ac sancte guber-
navit, et licet pre nimia pulchritudine multe mulicrcs libidinis bacula et precamina
ei parassent, nunquam tamen ois assenlirc voluit, scd virgo cunclis ejus dicbus
vixit. »
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 5I
détracteur, qui n'a cessé de le poursuivre avec acharnement et en a
fait un des plus mauvais prélats de son siècle (i). Heureusement
pour l'archevêque de Cantorbéry, sa mémoire est demeurée dans
son pays natal entourée du respect et de la vénération des peuples,
et le i" septembre 1838, le pape Grégoire XVI, sur la demande du
roi Charles-Albert, lui a décerné les honneurs du culte public. Dans
ces dernières années le diocèse de Valence a été autorisé à faire
l'office de ce bienheureux comme l'un de ses anciens évêques ; mais
ainsi qu'on a pu le constater par les documents historiques que
nous venons de produire, l'élection de Boniface de Savoie au siège
de Valence est un fait plus que douteux, et jusqu'à ce qu'une plus
grande lumière soit faite sur ce point, nous n'hésitons pas à rayer
le nom de Boniface du catalogue des pasteurs de notre Eglise.
m
PHILIPPE DE SAVOIE
EvÊQUE-ÉLU DE VaLENCE. ArCHEVÊQUE-ÉLU DI. LyON.
(l 242-1 267).
« Le huitiesme et dernier fils (2) du comte Thomas fust nommé
« Philippe et fust norris en court de Rome, et sy estoit a la court
« quand son frère monseigneur Guillaume de Savoye, qui estoit
« evesque de Valence, morut. Et tost après le pape et les cardinaulx
a firent confaronnyer du patrimoine de l'Eglise monseigneur Phi-
« lippe de Savoye, et fust gouverneur et cappitayne gênerai du
« patrimoine, et moult aymoyt lecercite du noble mestier darmes ; il
« estoit chevallereUx, preux, hardys et vaillant, et nullement il ne
« vouloit estre de l'Esglise, mais pour le pouvoir soustenyr, ce non
« obstant, on ly ballya en commande levesché de Valence (3). » C^es
(i) .Matth.eus Paris. Hist. major Anglix. Parisiis, i6^8, in-f"., p. 376 : « Mona-
chi autem Cantaarienses, comperientes papam et regem sibi vicissim indulgere et
alter alterius quibuscunque precibus inclinari, elegerunt sibi in pastprem anima-
ru m suaru m, invocata Spiritus Sancti et régis gratia, Bonifacium electum de Bal.,
hominem proceras staturae, elegantem corpore, avunculum dominae .\lienor£e, illus-
tris Anglorum reginœ, monachis tamen praenotatis scientia, moribus et astate peni-
tus incognitum et tantas dignitati, respectu praedecessorum archipresulum Cantua-
riensium, ut dicebatur, insufficientem. » Voir Elie Berger, op. cit., Introd., p. 75.
(2) Quelques généalogistes le donnent comme le septième des fils du comte
TKomas.
(3) Historiœ patrix momimenta, Scriptores, I, p. 147.
52 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
quelques lignes, empruntées à un document officieux et de date
relativement récente, nous laissent assez bien entrevoir le caractère
du singulier personnage, dont nous avons maintenant à raconter
l'histoire. En digne frère de Guillaume de Savoie, Philippe gouver-
na pendant vin-gt-cinq ans le diocèse de Valence et pendant vingt-
deux ans celui de Lyon, sans entrer dans les ordres sacrés: avide
d'honneurs et de richesses, peu soucieux du bien spirituel de ses
peuples, il ne vit dans l'état ecclésiastique qu'un moyen de sortir de
l'obscurité et de parvenir à la fortune.
Philippe de Savoie apparaît pour la première fois dans l'histoire
avec le titre de primicier de l'Eglise de Metz : le 24 février 1240
(n. s.J, de concert avec ses frères Amédée IV, comte de Savoie, et
Boniface, élu de Belley, il abandonne à sa sœur Marguerite, com-
tesse de Kibourg, en augmentation de dot, les bourgs ou villages de
Saint-Maurice en Chablais et de Vérauze, avec les différents droits
qui s'y rattachent, excepté toutefois celui de battre monnaie (1).
Quelques semaines plus tard, les frères de Philippe, désirant qu'il
occupât un rang plus élevé dans l'Eglise et que sa position lui per-
mît de servir les projets ambitieux des membres de sa famille,
résolurent de le placer sur le siège épiscopal de Lausanne. L'histoire
de cette tentative peint au vif les mœurs de cette époque et nous
laisse deviner en quelles tristes mains pouvait tomber le gouverne-
ment d'un diocèse (2).
L'Eglise de Lausanne traversait une crise douloureuse ; depuis
plus d'une année le siège épiscopal était vacant et les chanoines,
subissant des influences diverses, ne pouvaient parvenir à s'enten-
dre sur le choix d'un évêque. Plusieurs fois le Pape était intervenu,
mais toujours inutilement. Enfin Geoffroy, archevêque de Besançon,
et Robert, évêque de Langres, furent nommés commissaires ponti-
ficaux, avec mission de faire toutes les démarches nécessaires pour
décider le chapitre de Lausanne à mettre un terme à ce déplorable
état de choses. En conséquence, il lui fut assigné la date du ^ avril
1240 pour avoir à se réunir et à procéder à une élection. La réunion
eut lieu, mais le résultat fut tel qu'on devait l'attendre d'esprits pas-
sionnés et résolus à aucune compromission. La majorité des élec-
(1) WURSTEMBERGER, IV, n" 123.
(2) VVurstembcrger a consacre tout un chapitre de son ouvrage souvent cité à
l'histoire de la querelle qui s'éleva au sujet des prétentions de Philippe au siège de
Lausanne (t. I, p. 147-75): Der Streit um den lausannischen Bischofsstuhl.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 5 3
teurs se prononça, il est vrai, pour Philippe de Savoie ; mais la
minorité, composée de neuf dissidents, donna ses voix à un de ses
membres, Jean de Cossonav, chantre de l'Eglise de Lausanne. Nous
n'avons pas à expliquer ici les motifs qui déterminèrent les délégués
pontificaux à rejeter l'élection de Philippe et à se prononcer en faveur
de celle de son compétiteur. Jean de Cossonay, fort de l'appui des
commissaires pontificaux, s'empressa de signifier au chapitre son
élection, pendant que le prévôt de Lausanne, à la tête du parti op-
posé, soutenait dans une lettre adressée à l'archevêque de Besan-
çon et à l'évêque de Langres, la validité de l'élection de Philippe,
ajoutant que le choix de ce puissant personnage, frère du comte de
Savoie, leur paraissait le remède le plus efficace aux maux sans nom-
bre dont souffrait depuis si longtemps leur Eglise désolée (i). Cette
compétition amena presque aussitôt une lutte à main armée entre les
deux prétendants.
Aymon, sire de Faucigny, que des liens de parenté et que des in-
térêts communs unissaient à la maison de Savoie, voulut défendre
la cause de Philippe. Non content de protester devant le chapitre de
ce qu'on ne prenait pas même la peine, dans une affaire aussi déli-
cate, d'attendre la décision de Rome, il courut aux armes, et le 15
avril, jour de la fête de Pâques, à la tête de quelques soldats, il
s'empara de la cité de Lausanne ou ville haute, où se trouvaient le
château épiscopal et la cathédrale. Le prévôt et les chanoines pré-
sents protestèrent contre cet acte de violence, qui constituait une
grave injure à l'endroit de l'autorité du chapitre ; le sire de Fauci-
gny tâcha de calmer leur irritation, réelle ou feinte, par quelques
paroles d'excuse, mais n'en conserva pas moins toutes ses positions
et se mit en demeure, si les événements le demandaient, de soutenir
un siège. De son côté, Jean de Cossonay et ses adhérents, au nom-
bre desquels figurait Amédée de Genève, qui devait quelques années
plus tard devenir évêque de Die, avaient pour eux les habitants du
bourg ou ville basse. Le vendredi suivant, 20 avril, le doyen de St-
Etienne de Besançon et plusieurs autres grands personnages offri-
rent leur médiation et firent conclure entre les deux partis un pre-
mier armistice, qui dura à peine un jour, car dès le lendemain les
habitants du bourg appelèrent à eux Jean de Cossonay, qui arriva à
la tête de bandes armées. Les hostilités commencèrent, et une par-
tie de la cité fut incendiée. Ce n'était là pourtant que le prélude
(l) WURSTEMBERGER, t. IV, n°* [2[, 122, I24, I25, 120.
54 QUARANTE AWEES DE L HISTOIRE DES
d'autres désastres plus considérables. Pierre de Savoie accourut
bientôt au secours du sire de Faucigny, avec un corps d'environ
6,000 hommes. La lutte se prolongea et il n'est pas possible, dit le
document que nous anal^'sons, de relater en détail les incendies, les
dégâts et les désordres de toute espèce qu'on eut à déplorer. Le lo
juillet, on convint d'un nouvel armistice (i). Il semble que cette
suspension d'armes ait laissé la cité entre les mains de Jean de Cos-
sonay. Le même jour, Grégoire IX nommait trois nouveaux com-
missaires chargés de faire une enquête et de citer les parties à
comparaître en cour de Rome. Le Pape était alors favorable à Phi-
lippe de Savoie, ainsi que ses trois commissaires, ce qui n'empêcha
pas Jean deCossonay de rester jusqu'à sa mortévêque de Lausanne.
On ne sait pas au juste les raisons pour lesquelles il obtint en
fin de compte la dignité qui semblait réservée à son compétiteur.
Le 2g mai 1244, Jean conclut avec Amédée de Savoie le traité
d'Evian, qui mit fin aux suites qu'avaient eues ces tristes débats (2).
Obligé de renoncer au siège de Lausanne, si ardemment disputé,
Philippe de Savoie ne tardait pas à trouver des compensations, capa-
bles de lui faire oublier ce premier échec. Il fut appelé au gouverne-
ment de l'Eglise de Valence. A quelle époque précise eut lieu son
élection ? nous n'avons pas les données suffisantes pour le dire. Nous
le voyons figurer pour la première fois avec le titre d'élu de Valence,
le 17 juillet 1242 : il est alors témoin du contrat de mariage passé
par procureur à Tarascon entre Richard, comte de Cornouailles,
frère du roi d'Angleterre, et Sanche, fille de Ravmond Déranger,
comte de Provence, et de Béatrix de Savoie (3). Au mois de novem-
bre de la même année, on le trouve à Valence, mettant fin par une
(i) WuRSTEMBERGER, t. IV, n° 127: « Xon multo post illi de burgo combusse-
runl molenclina civiiatis et eadem nocte appositus fuit ignis suh rupe et combusla
fuit tota villa extra civitatem et illis de civitate vix se defendeniibus. Dixerunt illi de
civitate quod illi de burgo ignem apposuerant et illi de burgo dixerunt quod illi de
civitate fecerant ignem apponi. \'on mullo post venerunt illi de Berno et de Mur
ad auxilium et fere cum M armatis et firmaverunt unum castellum prope portam
sancti .Marii, scilicet in Chablo, et projecerunt ex ulraque parte cum manganellis et
trabichetis ; projecerunt illi de burgo ad monasterium et specialiter ad portale béate
Marie. Non multo post intravit P. filius comitis Sabaudie cum VI M armatorum
civitatem. Insullus, incendia, dampna que facta fuerunl ex utraque parte vix pos-
sent enumerari. Fuerunt ex utraque parte occisi fere .\.\.\ et vulncrati plus quam
CGC. Non multo post fuit facta pax inter ipsos... »
(2) Berger, op. cit., introduction, p. 70.
(3) WuRSTEMBERGER, t. IV, P" 154.
EVEQUES DE VALEN'CE AU .MOYEN-AGE. 5 5
sentence arbitrale à des différends survenus entre l'abbé de St-Félix
et le prieur de cette maison. L'histoire de ces démêlés peut offrir
quelque intérêt au lecteur.
Après le doyen, le premier dignitaire dans le chapitre de Saint-
Apollinaire de \'alence était l'abbé de Saint-Félix ; mais ce titre
d'abbé de Saint-Félix donnait à celui qui le portait un droit plus
honorifique que réel: le gouvernement de la maison de Saint-Félix,
habitée par des chanoines réguliers, était tout entier aux mains du
prieur (i). Il est aisé de concevoir qu'un tel état de choses ne
pouvait manquer d'amener des difficultés entre l'abbé et le prieur,
celui-là cédant parfois au désir de rendre son titre plus effectif,
celui-ci défendant naturellement les privilèges de sa charge et écar-
tant l'ingérence du chapitre de Saint-Apollinaire des affaires de sa
petite communauté. En l'année 1242, le titre d'abbé de Saint-Félix
était porté par le chanoine Artaud de Saint-Romain (2). D'un carac-
tère entreprenant et énergique, Artaud voulut avoir autre chose que
les hommages des chanoines réguliers dont il était le chef officielle-
ment reconnu ; il réclama, en vertu de son titre, le droit de procu-
ration dans l'abbaye, toutes les fois qu'il jugerait à propos de l'exiger
pour lui comme pour toutes les personnes de sa suite. Ce droit de
procuration, comme on le sait, était celui en vertu duquel les supé-
rieurs ecclésiastiques en voyage se faisaient héberger dans les mai-
sons soumises à leur juridiction (3). L'abbé de Saint-Félix fondait
sa demande sur un usage immémorial. Guillaume, prieur de Saint-
Félix s'opposa fortement aux prétentions de l'abbé, soutenant que
(i) Gallia christiana, t. X\'I, col. 343. — Brun-Durand, Lettre sur l'hist. eccl.
du Dauphiné, dans Bulletin d'arch. de la Drôine, t. IV (1869), p- 443-
(2) Le nom de cet abbé n'a pas été connu des historiens du prieuré de Saint-
Félix.
(3) Le droit de procuration imposait parfois aux églises de très lourdes charges.
Par un usage abusif, mais très répandu, les supérieurs ecclésiastiques demandaient
même à ceux qu'ils ne visitaient pas, des procurations pécuniaires, représentant les
dépenses que leur séjour aurait pu occasionner aux églises. -M. Elie Berger (op. cit.,
Introd., p. 200) cite un curieux passage de Thomas de Cantimpré contre ces abus :
« Et qui sunt advene nisi cardinalium, legatorum, archiepiscoporum, episcoporum
aliorumque prelatorum hospitum multitudo, qui cum magnis exercitibus suis potius
quam familiis, quasi non sit singulis numerus famiiiejure canonico definiius, déser-
ta heremi, hoc est possessiones acquisitas novalium et in ubertatem versas come-
dunt. Et ideo vix est monasterium tantis diviciis opulentum quod talibus sufîicere
valeat in expensis. O quis veniet ! O quando venturus est summus pontifex cujus
equitate librata miseria ista corrigatur ! »
56 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
celui-ci n'avait et ne pouvait avoir le droit de procuration : ses pré-
décesseurs ne lavaient du reste jamais exercé, attendu que le droit
de visite canonique, dont celui de procuration n'est que la consé-
quence, ne leur avait jamais appartenu. Comme il arri\e en pareilles
circonstances, on discuta longtemps sans pouvoir s"entendi-e. On
dut en venir à un arbitrage et les deux partis remirent la décision
du point en litige à la prudence de Philippe de Savoie, procureur
de l'Eglise de Valence. Le prélat voulut dans une affaire aussi déli-
cate et pour éviter de froisser les susceptibilités de son chapitre,
s'entourer des conseils de l'archevêque de Vienne. Jean de Bernin,
un des hommes les plus remarquables de ce temps-là et dont le
nom se rencontre dans un grand nombre de documents : c'était
dans la province le pacificateur de toutes les querelles. Voici en
quelques mots la sentence prononcée : il est décidé que quand un
abbé sera nouvellement investi de son titre dans l'Eglise de Va-
lence et fera sa première visite à Saint-Félix, le prieur et les chanoi-
nes de cette maison le recevront processionnellement et avec pompe;
de plus, mais ce jour-là seulement, ils devront lui fournir le logement
et les vivres d'une manière qui soit en i-apport avec sa haute dignité;
la suite de l'abbé pourra être de dix amis et de dix serviteurs. L'ab-
bé n'aura plus rien à exiger sa vie durant, pour le droit de procura-
tion ; mais il lui sera payé par là communauté, à titre de dédom-
magement, une renteannuelle de trente sous, monnaie de Valence fi).
Ce règlement fut arrêté à Valence, dans la demeure épiscopale, au
mois de novembre de l'année 1242, en présence de 13., prieur de la
chartreuse du Val-Sainte-Marie, d'Arbert, doyen de Valence, de
Ponce, viguier de Valence, d'Aquin, de maître Raymond, d'.André
Gautier, hebdomadier, de Bertrand d'Etoile, de Bertrand de Beau-
regard, tous chanoines de Saint-Apollinaire. Philippe de Savoie,
procureur de l'Eglise de Valence, à qui appartenait l'institution cano-
nique de l'abbé, Jean de Bernin, archevêque de X'ienne, le chapitre
de Valence et .Artaud, abbé de Saint-Félix, apposèrent leurs sceaux
à la charte (2).
(i) Le sou d'argenl de 12 deniers et de 20 à la livre avait alors une valeur in-
trinsèque de o f., 922 ; le pouvoir de l'argent étant, d'après M. Leber, 6 fois plus
élevé au .\I11' siècle qu'aujourd'hui, les 30 sous, dont il est ici fait mention, vaudraient
donc, parait-il, environ 166 francs de notre monnaie.
(2) Archives dép. de la Drôme ; fonds de Saint-Ruf. «. .. Nos autcm IMiilippus
de Sabaudia, procurator eccicsie Valentinensis, electus arbiter seu arbitrator . .,
assistcnle nobis vencrabili patrc nostro J., sancte Viennensis ecclesie archiepiscopo,
EVEQUES DE VALENCE AU iMOYEN AGE. 57
Une charte, datée du 6 décembre de cette même année 1242,
fait encore mention de Philippe, élu de Valence: Aymon, sire de
Faucig-ny, avait promis au dauphin Guigues VII de lui donner en
mariage sa petite fille Béatrix, fille de Pierre de Savoie ; celui-ci
ratifia les promesses faites par son beau-père, et donna pour garants
de sa parole quatre de ses frères, Amédée, comte de Savoie, Thomas,
comte de Flandre, Boniface, élu de Belley, et Philippe, élu de Valen-
ce (i). L'année suivante, nous voyons Philippe de Savoie intervenir,
à raison de sa charge d'administrateur du diocèse de Valence, dans
un différend, qui s'était élevé entre Arnaud, abbé de Léoncel, et les
religieux de ce monastère, d'une part, et Guillaume, prieur de Saint-
Félix et les chanoines réguliers de cette maison, d'autre part : on
discutait sur la portion des dîmes et autres revenus que les religieux
de Léoncel devaient abandonner aux chanoines de Saint-Félix dans
la petite paroisse de Saint-Martin d'Alamenc (2). Bernard, prieur du
Val-Sainte-Marie de Bouvantes, que les deux parties choisirent pour
arbitre, décide, le 7 juillet 1243 Q^^ l'église d'Alamenc sera placée
auditis hinc inde propositis, scilicet peiitionibus, responsionibus..., ita statuimus...
ut cum abbas Sancii Felicis de novo creatus fuerit in ecclesia Valentinensi, cum
primo ad ecclesiam Sancti Felicis venerit, prior et canonici Sancti Felicis eum
processionaliter et honorifice suscipiani, et eadem die cum decem sociis et cum
totidem servientibus splendide procurent. Postea vero, ex quo semel dictus abbas
Sancti Felicis de novo creatus receptus et procuratus fuerit a priore Sancti Felicis,
ut prediximus, idem abbas Sancti Felicis, nuUo jure, nulla consuetudine, nulla
ratione aliquam possit petere vel exigere procurationem in domo predicta. Imo
domus Sancti Felicis ab omni procuratione abbati Sancti Felicis facienda, dum
abbatiam tenuerit, sit libéra et immunis. Statuimus etiam et diffinimus et man-
damus ut dictus prior et successores sui, nomine domus Sancti Felicis, pro predictis
rancuris sopitis et determinatis, prout superius est expressum, singulis annis pres-
lent triginta solidos Vaientinensis monete abbati Sancti Felicis in festo Sancti
Andrée persolvendis, prêter sexagenta solidos quos eidem abbati faciunt in eodem
festo Acta sunt hec anno Domini M°CC°XL°II, mense novembri, in domo pon-
titîcali, in superiori caméra turris que respicit aquilonem, presenlibus et ad hoc
vocatis testibus B., priore V'aJlis Sancte Marie, et Arberto decano Valent., et Pon.
vicario Valent., Aiqùtno, magistro Raimundo, Andréa Galterii ebdom., Bertrando de
Stella, Bertrando de Belregart, canonicis Sancti Apollinaris et pluribus aliis... »
(1) WURSTKMBERGER, t. IV, n° 159.
(2) L'église de St-Martin d'Alamenc ou d'Alemenc existe encore ; elle est située
dans la commune de Chatuzinges, au midi du hameau du Papelissier. Cette
petite paroisse, dont le nom se rencontre dès le X\' siècle (Cartulaire de Saint-
Barnard, n° 111), fut unie le i8 juillet 1293 P^'" J^^" de Genève, évêque de
Valence et de Die, à celle de Saint-Mamans, à la charge par le prieur de celle-ci
d'y aller chaque semaine célébrer la messe une fois (Cartulaire de Léoncel, p. 284.)
yo QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
SOUS la dépendance des moines de Léoncel ; ceux-ci devront s'en-
gager en outre à faire au chapitre de Saint-Barnard de Romans la
rente annuelle de 5 sous et d'un quartal de miel, à laquelle l'église
d Alamenc était tenue, et à donner annuellement aux chanoines de
Saint-Félix, à raison des dimes de la paroisse, 5 sétiers de froment
et 5 sétiers de seigle, mesure de Romans. Philippe approuva ce
règlement et y fît apposer son sceau ( i).
Vers ce temps-là Philippe de Savoie, dont la science en matière
religieuse était fort superficielle, eut la pensée de se démettre de
sa charge, afin de pouvoir sans doute se rendre dans quelque grande
université et y compléter ses études. Il s'en ouvrit au pape Inno-
cent IV, qui ne put qu'applaudir à cette généreuse intention et écrivit
du Latran le 8 mai 1244 à l'archevêque de Vienne pour lui faire part
des projets de l'élu de Valence, l'autorisant à le dégager, dès qu'il
en serait requis, des liens qyi l'unissaient à son Eglise et à permettre
au chapitre de \'alence de procéder à une nouvelle élection (2).
Notre prélat ne donna pourtant pas suite à ces projets d'étude, et il
faut, probablement, chercher dans les graves événements survenus
alors, les motifs qui le déterminèrent à rester à Valence ; peut-être
aussi cette ardeur à s'instruire n'était-elle chez lui qu'un effet de
cette nature inquiète et changeante, qui se manifeste pour ainsi
dire à chaque instant dans le cours de sa singulière existence.
Aymar III de Poitiers, qui avait succédé vers l'année 1232 à son
aïeul le comte Aymar II, sut profiter des moments de paix, dont
l'avait laissé jouir Guillaume de Savoie, pour accroître et consolider
(i) U. Chevalier, Cartulaire de l'abbaye de N.-D. de Léoncel, n° 132, p. 130-1.
Le sceau do Philippe se trouve encore suspendu à la charte : il est ogival (60 mill.);
agneau pascal à gauche, retournant la tête, croi.x de résurrection, dont la bande-
rolle flotte à droite ; légende: f S. PHILIPPI : PROCVRATORIS : ECCE : VA-
LENTIXE. — Il e.xiste encore une bulle en plomb de Philippe de Savoie ; on la
trouve au bas d'une charte de liouvantes, datée de décembre 1256 (Archives de la
Drôme; fonds de Mouvantes) ; elle mesure 36 millim. de diamètre; on lit d'un
côté : PHILIPPVS : PROCVRATOR ; ECCLIE : VALENT . ; on voit de l'autre
un ecclésiastique en pied, revêtu de l'aube, tenant entre les mains appuyé sur sa
poitrine le livre des Evangiles : à sa droite l'alpha et à sa gauche l'oméga.
(2) Elie Berger. Op. cit., n" 650. — Pottiiast, n° 1 13475. — Callia chvisliaiia,
tom. XVI, preuves, col. 117. « Litteric dilecti filii Ph. de Sabaudia, procuratoris
ecclesiœ Valentinensis, quas solita benignitate recipimus, nobis cxhibita; contine-
bant quod idem cupiens adipisci scientia; margaritam, adeo est litterarum studio
et aliis negociis occupatus, quod ipsius curam ecclesia:) ncquit ut e.xpedit exer-
ccre »
ÉvÊQUES DE Valence au moyen âge. 5g
sa puissance dans nos pays. Se souvenant qu'il était- feudataire de
l'empire, il rendit visite à l'empereur Frédéric II, à Haguenau, au
mois de décembre 1235 (i) ; il était du reste désireux de se ménager
les faveurs de ce prince et d'en obtenir de nouvelles concessions.
Quelque temps après, il resserrait les liens d'amitié qui l'unissaient
déjà à son parent Raymond de Toulouse, et s'en faisait au besoin
un protecteur: par un acte du 9 avril 123g, il reprenait en fief de
ce puissant seigneur une vingtaine de châteaux ou terres seigneu-
riales, situées au-delà du Rhône, et que les Poitiers, ses ancêtres,
avaient presque toutes possédées librement et allodialement (2). Dans
l'énumération de ces terres figure celle du Pouzin, qu'il avait ac-
quise l'année précédente d'Arnaud et de Pierre du Pouzin, à qui il
donna en échange les châteaux de Montoison et d'Upie ('^). Le 10
avril 1244, il s'engageait à donner en mariage sa fille Philippine en-
core enfant à Hugues, fils aîné de Barrai de Baux, et en cas de décès
de celui-ci, à Bertrand, fils cadet de Barrai (4). Dès qu'il se sentit
assez fort et qu'il jugea le moment opportun, fidèle à la vieille po-
litique de sa maison, il recommença la lutte contre les évêques de
Valence, en qui il voyait de redoutables rivaux, des voisins incom-
modes, qui le gênaient dans ses projets d'agrandissement et d'orga-
nisation définitive du comté de Valentinois. De nouveau, les mal-
heurs de la guerre furent déchaînés sur le pays. On déploya, paraît-
il, de part et d'autre, une égale violence, une égale opiniâtreté. Le
jeune et fougueux Aymar se montrait peu scrupuleux observateur
des trêves, que les deux partis, lors de la lutte, consentaient parfois
à s'accorder: l'évêque, de son côté, au dire du comte, aurait refusé
la médiation de l'empereur. Nous reproduisons plus loin le docu-
ment qui nous fera connaître les reproches que s'adressaient mu-
tuellement, dans ces circonstances, l'évêque et le comte, ainsi que
les causes occasionnelles du conflit. La cause première et véritable
était cette rivalité d'intérêts et de puissance que nous avons signalée.
Un événement imprévu obligea tout à coup l'élu de Valence à sus-
pendre le cours des hostilités et, bien que les chances de la guerre
fussent de son côté, il proposa la paix au comte Aymar, s'en rap-
portant pour les conditions d'un traité à la sagesse de l'archevêque
(i) Teulet, Layettes du trésor des chartes, n° 2413.
(2) Teulet, Layettes du trésor des chartes, n° 2787.
(3) Archives de la Drôme, E, 605.
(4) Barthéle.my, Inventaire des chartes de la maison de Baux, n" 313.
6o HISTOIRE RELIGIEUSE DE
de \'ienne et du prince d'Orange. Philippe de Savoie était, en effet,
appelé en toute hâte en Italie, où Frédéric II devenait de jour en jour
plus menaçant pour la papauté ; Innocent IV, qui connaissait les
talents militaires de l'élu de Valence et la haute influence que lui
donnaient ses relations de parenté avec les cours de France et d'An-
gleterre, voulait confier à son épée la garde de sa personne et la
défense des intérêts sacrés de l'Eglise.
(La suite au prochain numéro).
Jules CHE\'AL1ER.
HISTOIRE RELIGIEUSE
DE
8AINT-AGNAN-EW-eC0RS
(DROMEj.
(Suite).
Le 31 mai 1654, le consul Benoît Duserre donne « à pri.x; faict à
construire et reédifier les murailles du cimetière de l'esglise parrois-
sielle dudict St-.\gnan, tout à l'entour d'icelluy, où besoin sera, à
Claude, Jan et autre Claude Bergiers , mestres massons dud.
lieu, » pour le prix de 94 livres 10 sols. L'ouvrage sera fini avant la
Toussaint suivante. La communauté fournira toute la chaux, et les
« prifacteurs toute sable et pierre nécessaires, ensamble de lauses
pour couvrir icelles murailles tout autour dud. cimetière, qui seront
tirées par lesdicts Bergiers, et le charroy d'icelle faict par la commu-
nauté. Mais, quand à celuy des pierres et sable, sera faict aux fraix »
des Bergier. Les murailles « seront de l'auteur de la terre dudict
cimetière et de trois demy pied/, de largeur au fondement et senti-
nement. »
Les dernières dates auxquelles nous trouvons Armand curé de
Saint-Agnan sont les 17 et 23 septembre 1658. Le 17, l'évêque visi-
tait l'église, et son rapport nous dit en quel état étaient celle-ci et
SAINT-AGNAN-EN-VERCO[{S. 6l
les choses du culte. Le cimetière était clos, la maison curiale restau-
rée, les murailles et le couvert de l'église en assez bon état, la nef et
le sanctuaire blanchis, les meubles, vases et ornements sacrés dans
un état convenable ; mais le vieux tableau de toile peinte représen-
tant St-Agnan et servant de devant d'autel, n'avait qu'un cadre
rompu ; et les deux cloches, dont l'une d'environ 2 quintaux et l'au-
tre d'environ 50 livres, continuaient à attendre, dans leur niche sur
la porte de l'église, que le clocher sortît de ses ruines. Le 23, Jean
Gautier de la Tour, châtelain du Vercors et élu ouvrier de l'église,
requérait Armand de lui remettre entre les mains les ornements de
l'église. L'évêque avait bien donné à Gautier pouvoir et ordre dans
ce sens. Le curé répondit qu'il s'expliquerait sui" cela avec l'évêque ;
qu'en attendant, il gardait tout, sauf à s'en désaisir quand il quitte-
rait la cure.
Le plus clair dans tout cela, c'est que l'harmonie avait décliné
entre le curé et les gens. Peut-être cet état de choses fut-il cause de
la disparition d'Armand de cette paroisse, où depuis 1661 jusqu'à
mars 1664 nous trouvons de nouveau un simple curé commis, du
nom de Pierre Maurensane, qui lui-même avait cédé la place avant le
12 août 1665 à un curé en titre, Jean Desaifres, prêtre du diocèse
de Mende, bachelier en droit canon.
Ce nouveau curé compléta l'œuvre de restauration des édifices
paroissiaux. Dès le i" mai 1666, grâce à son influence, Jacques
Gauthier de la Chau, consul, exposait en conseil « comme il estoit
très nécessaire de rebâtir à neuf le presbitaire » fc'est-à-dire le
sanctuaire) de l'église « paroissiele dud. lieu, estant prest de tumber
en ruyne, voire mesme rebâtir le clocher d'icele église, ayant esté
demoly depuis sy longtamps qu'il n'en est mémoire d'homme, ainsin
qu'il estoit et que la masure qui y est encore represante, le tout
pour la plus grande gloire de Dieu. » Sur cette « remontranse et
proposition, il fut conclud et délibéré de se faire, comme des bons
et fidèles chrestiens et catholiques romains, et d'en paser le prix
faict » à des « mestres masons et architectes capables de se faire, à
qui feroit la condition meilleure à l'utilité du publiq et communauté
dud. St-Agnan. » « Moyse Dos, mason et architecte habitant de la
ville de Die, » s'offrit pour faire l'ouvrage, et, le 4 juin suivant, par-
devant « Jan de Gauthier de la Tour, capitaine châtelain de la
valée du Vercors et Vasieu, » le consul, « acisté de Messire Jean des
Aifres, » curé du lieu et de quelques notables, convenait avec Dos
02 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
comme suit : « Dos relèvera et rebâtira à neuf le sanctuaire et le
clocher de leur église paroisiele sise au bourg dudict St-Agnan. »
Il agrandira le sanctuaire de 2 cannes, en fera la voûte bien et
dûment, prendra « de bons fondemens de muraille à chau et sable
qui lui seront fournis, ensemble tous autres matériaux nécessaires,
par led. sieur consul et communauté, et de l'auteur de l'église, dans
lequel il fera une secrestie et deux portes de pierre de taille, l'une des
quelles sera en dehors du costé du levant, avec une fenestre en voûte
d'hauteur et largeur convenables. La voûte delà secrestie sera faicte
en caréaux, et celé du choeur en rond et de touve ; le couvert sera
faict de boys et essandons. » Quant au clocher, Dos « prendra les
fondemens sur les vieux, s'ils sont en état et de la mesme grandeur
et profondeur, fera les murailles de la largeur des vieilles masures ;
la première voûte d'icelu}', la fera en pierre, et les autres planchers
seront de boys ; iceles murailles de l'autheur de la vieille, à trois
courdons, avec une petite fenestre en chesque courdon, avec des
fenestres doubles de pierre de taille en chèque fase dudict clocher,
qui sont quatre, avec des degrés de boys en dedans pour aller aux
cloches, qui seront posées par ledict Dos. L'éguille d'iceluy clocher
sera faicte de bois, qui demeure à faire par la communauté, à la
décharge du prix facteur. >j Le travail sera fini dans les deux ans à
courir depuis la Toussaint prochaine. Le prix est fixé à 1200 livres
» valeur de l'ordonnance. « Dos ne pourra se servir 0 d'aucun
mason de Vercors pour la masOnerie, attandu qu'ils ne sont capa-
bles de se faire. » Il pourra « prendre de pierre pour la taille là où
il en trouvera de propre, » et elle sera charriée sur place par les
habitants. Puis, on revient sur ce qui a été dit de la sacristie, et on
convient que celle-ci « sera au-dessous et au bas du clocher, et la
voûte qui y sera faicte servira pour icele secrestie et posera la fenes-
tre en icele du costé du vant pour lui donner jour, qui sera de pierre
de taille, et se servira de sele qu'il trouvera propre, et fera le cor-
don d'en bas, qui est le quatriesme, de la mesme forme que le vieux
se trouve à présant ; » et, « parse qu'il y faut deux portes de taille,
luy » sera payé 15 livres en sus des 1200 susdites. L'acte, reçu
Gauthier notaire, fut fait à Saint-Agnan, en la maison curiale.
Le tout fut exécuté, et, le 7 août 1689, Armand de Montmorin,
visitant St-Agnan, y était reçu par Jean Desaifres et y trouvait une
église convenable et bien meublée. Il y remarqua surtout le sanc-
tuaire « voûté en forme ronde, » et au milieu duquel était un autel
SAINT-AGNA.\-EN-VERCORS. 63
en maçonnerie de 5 pieds de long sur 3 de haut et 2 i, 2 de large,
corniche non comprise ; près du sanctuaire, « une très belle sacris-
tie avec une garde robbe pour tenir les ornements, un autel de bois
sur lequel le prêtre » s'habillait ; et « le clocher, une espèce de tour
carrée en pointe, parfaitement beau, dans lequel il y » avait « une
cloche de trois quintalz et une seconde du pois de 30 livres. » Il dut
cependant prescrire de faire planchéier l'église avec des ais en sapin
et « enduire la pointe du clocher de la chau dure, d'autant qu'elle
menaçait une ruine inévitable (i). »
Après Desaifres, Saint-Agnan eut Juge pour curé commis en 1691 ,
puis Berthon pour prieur-curé (2).
En 1698, l'évêque ayant créé un nouvel archiprêtré, celui de Ver-
cors, divisa celui-ci en deux assemblées de conférences, dont la
première comprenait les paroisses de Vassieux et du Vercors, la
seconde les paroisses du Royans. Or, le prélat établit le sieur de
Saint-Aignan pour archiprêtré de \ ercors, et la. première assemblée
eut pour président M. le curé de Saint-Aignan (3).
Marc-Antoine Desaifres, originaire du diocèse de Die, vicaire de
St-Agnan en septembre 1700, en était curé titulaire dès 1701, à
l'âge de 27 ans, et y mourait après le 10 octobre 1728. Puis François
Vamberkel, prêtre, docteur en théologie, chanoine de Die, vicaire
général et officiai de Gabriel de Cosnac, évêque de Die, devenait
avant le 8 octobre 1729 prieur de St-Agnan, où il était reçu lui-
même, dans la visite canonique qu'il y faisait le dit jour, par Jac-
ques Champoussin, prêtre du diocèse de Glandèves, et Jean Frison,
prêtre du diocèse de Senez, commis au service de la paroisse.
Avant mars 1733, Pierre Armand, prêtre du diocèse de Grenoble
pourvu du prieuré-cure, réside et remplit sa charge; puis, le 2
juillet 1741, « affligé de maladie corporelle, et par la crainte de la
mort, » il charge un procureur de & remettre et résigner entre les
mains de Monseigneur le vice-légat d'Avignon » le « prioré-cure de
St-Agnan, » pour « en être pourveu par mondit seigneur le vice-
légat telle personne que bon lui semblera. » 11 meurt avant le i8 du
mois suivant.
Après un intérim fait par Marc-Antoine Algoud, qui était « curé
(i) Minut. cit., passim; — Arch. de la Drôme, E, 6652 ; 'oisi/es de Die. et fonds
de St-Agnan ; — Mairie de St-Agnan, terrier de 1778, f. 43.
(2) Reg. de cathol. de St-Martin-en-V. — Archiv. de la Dr., B, 691.
(3) Ordon. synod. du dioc. de Die ('Grenoble, 1698), pp. 40, 56.
64 HISTOIRE RELIGIF.USE DE
commis» de St-Agnan le 16 août 1741. « M'' François Armand,
prêtre du diocèse de Gap, cy-devant vicaire amovible au lieu de la
Chapelle-en-Vercors, prétendait au prieuré -cure. Il en avait été
pourvu en la légation d'Avignon, le 4 juillet de ladite année, sur la
résignation de Pierre Armand ; ses provisions avaient été insinuées
et contrôlées à Die le 15 août, et un décret sur^requête au visénéchal
de Crest du lendemain lui avait permis de prendre possession civile
du bénéfice. Par suite, le 18 du même mois, François Armand était
mis en possession civile par Pierre Ferlin, notaire. Mais M. de Zom-
berghe, vicaire général de l'évêque de Die, avait, le 16 juillet de la
même année, pourvu du prieuré-cure de St-Agnan Pierre Sclafert de
Larode, prêtre du diocèse de Limoges, aumônier et secrétaire de
cet évêque, et Hugues Penin, prieur-curé de St-Julien-en-Vercors,
avait mis le 17 le nouveau prieur en possession de son bénéfice.
François Armand dut céder, et Sclafert de Larode administra en
paix sa paroisse pendant 16 ans.
Celui-ci, « estant dans son lict détenu de maladie corporelle, »
le 8 avril 1752, fait un testament par lequel il « donne pour aumône
aux pauvres dudict St-Agnan toutes denrées qu'il se trouvera dans
sa maison à son deceds ; charge son héritier de faire dire inconti-
nent après son dict deceds cent messes de Requiem pour le repos de
son âme; donne... à la fabrique établie dans l'église dudict St-
Agnan, à l'authel de St-Joseph et à celuy de Notre-Dame dans
ladicte église, la chazuble et autres asortiments qui l'acompagne,
dauré des amdes en or, pour en jouir en commun à perpétuité ;
donne à la confrérie des Pénitents dudict St-Agnan » la somme de
24 livres ; lègue « à dame Anne de Brunerie sa mère, et ^à noble
François de Sclafert de Larode son frère, rézidant dans la ville de
Turaine au Bas-Limozin, et par égalle par et moytié, tous les droits
qu'ils peuvent compctter audict testateur, paternel, légitime suplément
d'icelle et autres en son pays, pour les jouir incontinant. >■> Il fait son
héritier universel pour tout le reste Antoine Bernard, prieur-cure de
St-Julien-en-Vercors. Il est archiprêtre du Vercors en juin 1755.
Nous avons de lui un testament postérieur, du 30 juin 1756. Il y
lègue à la fabrique de l'église 30 livres ; à chacune des confréries
des Pénitents du St-Rosaire et de St-joseph, 30 livres ; à Anne de
Brunerie sa mère et à noble François Sclafert de Larode son frère,
par égale part, ses droits légitimes paternels. II fait son héritier
universel pour tout le reste « l'hôpital dudict St-Agnan » (i).
(i) Arch. cit., B, 1178, i 197, i22<),ct visites cit.. ; — .Minut. c\\.., passim.
SAINT-AGNAN-EN-VERCORS. 65
Il eut pour successeur Pierre-Joseph de la Cour, précédemment
curé d'Aurel, diocèse de Die, et âgé de 65 ans, qui, pourvu du prieuré-
cure de St-Agnan par l'évêque de Die le 20 novembre 1757, en fut
mis en possession le 27 du même mois par Charles Désandrés,
curé de la Chapelle.
Le nouveau prieur résida aussi à St-Agnan et y remplit les fonc-
tions curiales. Son testament du 28 novembre 1761 donne une haute
idée de sa vertu et de sa charité. Il y élit sa sépulture dans Téglise
de St-Agnan « s'il y décède. » II' donne à la fabrique de l'église 15
livres; à l'autel de Notre-Dame, 15 livres ; à celui de St-Joseph 15
livres; à celui des Pénitents, 15 livres, « à la charge par les confrères
dud.authel d'assister à son enterrement et défaire prier Dieu pour le
repos de son àme. » Il veut qu'il soit dit 200 messes basses pour le
repos de son âme ; que son héritier donne « à quatre pauvres, dont
deux de ceux qui sont dans l'hôpital et deux de ceux de la
paroisse, » à « chacun une aune et demy de drap de pays, lesquels
pauvres assisteront avec ce à l'enterrement ; » qu'il distribue une
aumône aux pauvres de la paroisse le jour de l'enterrement ou le
surlendemain. II donne à son ancienne paroisse d'Aurel la somme de
120 livTes à employer pour une mission audit lieu, ou à une aumône
au choix de .l'évêque ; et il veut qu'on célèbre pour le repos de son
âme un service solennel, à la fin de la mission, dans l'église d'Aurel.
II lègue à Jean-Pierre de la Cour, son neveu, clerc tonsuré, la som-
me de 60 livres de pension annuelle et viagère ; à Marie-Anne de la
Cour, sa nièce, épouse d'Etienne Roux, de Montguers, 400 livres ;
à Brigide de la Cour son autre nièce, épouse d'Antoine Faraud, de
Beauvolsin, 400 livres; à Marie-Anne Serre, sa nièce, de Rousset
en Comtat, 100 livres ; à Marie-Marguerite Voulet, sa nièce, épouse
de Jean-Pierre Thomé, de Saillans, 150 livres; à Marguerite Bar-
thélémy, sa servante, 24 livres, « sans rien déroger à ses gages, et
deux petits draps de toile de pays, et cela dans le cas que la légua-
taire soit au service du sieur testateur à son déceds, et non autre-
ment. » 11 institue « pour son héritier général et universel l'hôpital
dudict St-Agnan. » Fait à « St-Agnan, dans la maison curialle,
aux presances de M'' Thomas Duc, prêtre du lieu de La Roche, dio-
cèze d'Ambrun, vicaire dudict St-Agnan, Jean-Baptiste Raillon,
maréchal,') etc.
Le bon curé est qualifié d' « archiprêtre du canton » dans un acte
du 26 janvier 1763. Dans ce même acte il fait d'abord observer qu'il
Bull. IX,
66 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
avait desservi pendant 34 ans la paroisse d'Aurel, quand l'évêque le
pourvut de la cure de St-Agnan ; puis il se dit « âgé de 71 années,
accablé de maladie et d'infirmités que les médecins ont jugées incu-
rables et qui ne lui permettent pas de sortir de sa chambre depuis
13 mois, qu'il se trouve parla dans l'impossibilité absolue de pou-
voir jamais remplir aucunes de ses fonctions curialles. » 11 ajoute
ensuite, que, vu cela l'évêque a dû commettre un prêtre pour des-
servir St-Agnan, et a fait proposer audit sieur de la Cour de se
démettre de cette « cure sous une pention, attendu ses infirmités et
son long service dans ce diocèze, et qu'il ne jouit d'aucun autre
beneffice que d'une chapelle scituée dans la paroisse d'Orel, diocèze
de Dye, qui ne lui produit que 7 livres 4 sols chaque année. »
Adhérant à cette proposition, notre curé, par cet acte du 26 janvier
1763, constitue un procureur pour résigner en son nom « ladicte
cure » entre les mains du pape ou de son chancelier, et cela seule-
ment en faveur de Jacques Garnier des Hières, originaire de \^er-
noux, diocèse de Viviers, curé de Mirabel, diocèse de Die, et titulaire
d'une « chapelle sous le vocable de St-Severain », située dans l'église
paroissiale dudit Vernoux, qui produit environ 200 livres de rente
par an. Mais il se réserve sur les revenus de la cure de St-Agnan
une pension annuelle et viagère de 500 livres, franche et exempte
de toutes charges ordinaires et extraordinaires imposées et à impo-
ser par le roi ou le clergé, ou autres quelconques. Cet acte fut fait
à St-Agnan, témoins « Jean Ode de Bonniot de Latour, » sieur de
St-Julien et « Thomas Duc, deservant lad. paroisse de St-Agnan en
qualité de vicaire. » Il fut reçu par Ferlin notaire et signé par De
la Cour, qui mourait le 21 avril suivant.
L'affaire eut suite, et le 30 mars de la même année Garnier des
Ilières voyait contrôlera Grenoble ses provisions obtenues en cour
de Rome. Le 14 avril l'évêque de Die lui donnait l'institution cano-
nique, et trois jours plus tard, le 17 avril 1763, Antoine Beynier,
vicaire de St-Agnan, mettait son curé en possession du prieuré-
cure.
Le dernier acte connu du prieur-curé Garnier des Hières, qui
résidait et remplissait par lui-même les fonctions curiales (i), est
une reconnaissance du 10 juillet 1778. Notre curé y reconnaît tenir
(i) Minut. cit., protoc. Fer/m, reg. de i 761-2, f. 106-8; de 1763-4, f. 4-6 ; etc.:
— Arch. de la Dr., B. 1225, 1277.
SAINT-AGNAN-EN-VERCORS. 67
du fief et directe seigneurie des coseigiieurs du lieu les deux prés de
la cure (i).
Jacques Garnier des Hières .était décédé, et M. le baron de Mira-
val, son neveu, en avait hérité, quand le 4 janvier 1787 Jacques-
François Roux, prieur-curé de la Chapelle et archiprêtre du canton,
pour remplir une commission à lui mandée le 8 décembre 1786,
visitait l'église de St-Agnan. Or, Roux y trouvait pour prieur An-
toine Oddos-Mazet, successeur immédiat de Garnier des Hières (2).
Oddos-xMazet, né à Saint-iM.aunce-en-Trièves, avait alors 49 ans.
C'était un fort bon prêtre. Pendant qu'il remplissait avec zèle ses
devoirs de curé, la Révolution portait ses décrets iniques contre le
clergé, et obligeait le curé de St-Agnan à quitter sa paroisse. Aussi
le procureur-syndic de Die portait-il M. Mazet sur l'état des prêtres
réfractaires, comme ayant disparu du pays, au 27 octobre 1792 (3).
Un intrus prit la place du vrai pasteur. Cet intrus était P'rançois
Michel, originaire de St-Martin-en-Vercors. Le 5 mai 1791, « prêtre
et vicaire à Die, » il s'était joint à André Revol-Arnaud et à Joseph
Reymond pour acheter des biens dits nationaux situés à St-Agnan
et ajdugés par le district de Die. Le 2 juin suivant, Revol-Arnaud,
Reymond et Michel se subrogeaient Jean Jalifîer, en l'adjudication à
eux faite, pour « une terre et prairie jointe ensemble scituée à St-
Agnan et au-dessous du village de l'église, » dépendant des biens
nationaux du même lieu, « sous la distraction de la portion de ladite
prairie revenant. » au curé de St-Agnan « pour compléter son demy
arpent de terre à lui accordé par les décrets de l'Assemblée Natio-
nale pour son jardin. » Puis, le 12 avril 1793, Revol-Arnaud et
Reymond subrogeaient en leur « lieu et place le citoyen François
Michel, prêtre et curé résidant à Saint Agnan», en l'adjudication
à eux faite, le cinq mai 1791, par le directoire du district de Die,
« d'une prairie scituée aud. lieu de Saint Agnan et terre y jointe,
dépendant des biens nationaux, » du lieu, » néantmoins sous les dis-
tractions de la portion deprairie scituée aud. Saint Agnan, au-dessous
de l'église, qu'il ont cy devant subrogés à Jean Jalifier. » Michel
devait prendre possession, le jour même, desdites prairies et terres,
et payer avec intérêts au receveur du district, à la décharge de
Revol-Arnaud et de Reymond, tout ce qu'ils pouvaient lui devoir.
(i) Mairie de St-Agnan, terrier de lyyS, f. 43.
(2) Arch. cit., fonds de St-Agnan, orig.
(3) Biillet. d'hist. eccl. du dtoc. de Valence, I, i 36.
68 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
L'acte fait à Tourtre, fut reçu par Guillot notaire, et signé par
« Michel, curé(i). »
La paroisse ne resta pas exclusivement livrée à cet intrus. Blanc,
ancien curé de Jonchères, y travaillait en 1799 avec l'autorisation
des supérieurs légitimes. Le 8 mars de cette année, il en écrivait à
l'abbé Fédon, admistrateur du diocèse de Die : « Je ne dois pas vous
laisser ignorer que j'ai eu bien de la consolation dans la première
communion que j'ai fait faire dimanche dernier. J'avais 52 enfants,
dont 4 à 5 de paroisses voisines. Cette cérémonie était si touchante
que non seulement eux, mais même une très grande partie du peu-
ple y ont versé beaucoup de larmes. J'avais une affluence étonnante
de monde. Il en était beaucoup venu des paroisses voisines. On se
disait les uns aux autres qu'on avait rien vu de semblable depuis
plus de 30 ans. Dieu veuille bénir ce travail; quoique ce ne soit pas
à moi à en faire l'éloge, j'ai cru ne pas devoir vous le laisser ignorer.
n Le sieur Michel, curé intrus de cette paroisse, a annoncé la
révocation des pouvoirs de Messieurs Aubert et Testou, vos collè-
gues. J'ai eu l'honneur de vous écrire que ce Monsieur débitait ici
que M. Aubert n'en avait jamais eu; qu'il le tenait de M. Daniel,
grand-vicaire de Grenoble, à qui il s'est adressé pour sa réhabili-
tation.
« Comme M. Aubert m'avait confié cette paroisse, ces propos
faisaient jeter du louche sur les mariages que j'ai faits ou réhabilités.
Il y a même des personnes qui ont encore des doutes. Il ne me reste
plus que quatre mariages à réhabiliter, et qui le seraient sans les
propos de l'intrus. Je vous demande donc des éclaircissements. »
Le 9 avril suivant, M. Blanc écrit de nouveau à M. Fédon et se
plaint de l'intrus Michel qui, dans les cabarets du pays attaque la
légitimité des représentants de l'autorité diocésaine. Le 7 mars de
l'année suivante 1796, il écrit encore à M. Fédon: « Je dois vous
prévenir qu'on a loué le dessous de l'appartement que la Commu-
nauté me fournit à un particulier qui y a élevé un cabaret... J'y suis
insulté à tout moment ; mes plaintes ne sont point accueillies de
ceux qui pourraient y mettre ordre. Je suis décidé à me retirer au
plus tôt chez une sœur, dans le diocèse de Grenoble, hormis que
vous ne trouviez à propos que je ne travaille dans les paroisses du
Vercors où il n'y a pas de prêtre résidant... »
Autre lettre au même, du 28 du même mois : « Malgré toutes les
(i) .Minut. cit., protoc. Guillot, rec;. de 1791-2 et de i 793-an 4.
SAINT-AG1<IAN-EN-VERC0RS. ÔQ
peines que je me suis données pour faire faire la Pâque dans les
paroisses de St-Agnan, qui expire après-demain suivant la coutume
et l'usage du pays, il me reste beaucoup d'ouvrage à faire, environ
la moitié. J'espère et vous prie instamment de me permettre de pro-
roger pour quelques jours... . Je vous envoie par mon neveu 30
messes à 12 sous, faisant 18 francs ; lorsqu'elles seront acquittées, je
vous en procurerai d'autres.... Si M. Martin n'arrive pointa Rousset,
je vous supplie de me garder ce poste. On assure que M. Mazet est
en chemin pour reprendre son poste... Vous pourriez me faire des-
servir Rousset, même par biscantat, tout le temps que vous dési-
rerez. Ce n'est pas l'intérêt qui me guide, puisqu'il y a moins là
qu'ailleurs. Les habitants me désirent. Si ces arrangements ne peu-
vent pas avoir lieu, je compte me retirer, à l'arrivée de M. Mazet,
chez ma sœur, où je pourrai desservir une vicairie. Dans ce cas-là,
vous aurez la bonté de m'en accorder la permission.... »
Poursuivi à cause de lettres trouvées sur M. Fédon, Blanc fut
dénoncé pas son propre neveu, et arrêté, le 22 novembre 1798,
dans les montagnes de Sassenage (i). François Michel, l'intrus,
quitta de son côté Saint-Agnan, puis renonça à toute fonction
ecclésiastique et devint juge de paix du canton de la Chapelle-en-
Vercors, ce qu'il était en novembre 1808 et resta longtemps. M. Ma-
zet, revenu de l'exil, rentra à St-Agnan, où il exerçait dès novembre
1800 les fonctions saintes. Cependant, deux ans plus tard, Jean-
Baptiste-Louis Serpeille, ancien curé constitutionnel d'Allan, retiré
en Italie sous la Terreur, desservait Saint-Agnan, et M. xMazet
mourait le 27 avril 1803. On trouve dans les registres de catholicité
de la Chapelle les mots suivants écrits de la main de « Perrier, curé
provisoire » de ce lieu : « .Antoine Mazet, âgé d'environ soixante et
dix ans, ancien curé de St-Agnan, après son retour de l'exil pour
la foi, est décédé aux Chabert, hameau de cette paroisse, le vingt-
cinq, et a été inhumé dans le cimetière de la Chapelle le vingt-
sept avril mil huit cent trois, en présence de M'"^.. » Le reste de
l'acte est en blanc, et M. Perrier à même oublié de signer.
M. Serpeille quittait St-Agnan vers la fia de 1805 pour devenir
curé de St-Martin-en-Vercors, et était remplacé en 1806 par Michel
Faure, précédemment curé de St-Julien-en-Vercors.
Après Michel Faure, encore curé de St-Agnan en 18 16, on trouve
à la tête de cette paroisse: en 1826, Thomas; en 1836 et 1837,
(i) Bull. d'Iiist. ecclés. du dioc. de Valence, I, 134-6.
70 HISTOIRE RELIGIEUSE DE SAINT-AGNAN-EN-VERCORS .
Emery ; en 1850, Mathieu ; de 1851 à la fin juin 1878, M. Antoine
Reymond, aujourd'hui curé de Mantaille dans la \"alloire ; du i"
juillet 187S à 1881, M. Pierre \'allier, et depuis 1881 M.Victor Juge,
curé actuel.
m.
— CHAPELLES.
Saint-Claude. — Il y avait autre fois une chapelle fondée en l'hon-
neur de Saint Claude dans l'église paroissiale de St-Agnan. Elle est
probablement cette « chappelle de M'' Michel Breyton prêtre, » dont
« la maison, » située « au bourg de Sainct-Agnan en Vercors, »
servait d'asile à Lamit, notaire de la Chapelle-en-V., pour rédiger
un acte, le 15 février 1551 (1).
Saint-Claude avait jadis des fonds; mais ils avaient été usurpés
bien avant 1644, année où il lui restait seulement « 6 livres de
rante. » C'est ce qu'on lui trouve encore en 1658, en 1689 et en
1728. A cette dernière date, ces 6 livres étaient « dues en deux
maisons du village dépendantes de la chapelle de St-Claude, » et il
n'y avait pas d' « autres fonds. »
En 1644, « noble César de Chypres s'en dist recteur. » En 1658,
il fait de même, et jouit des 6 livres de rente. Un Estât de la paroisse
de 1687 la dit « tenue par Messieurs les chanoines de la Bastie; »
mais en i68g elle était (* vacante par le décès de M. de la Bastie, cy
devant chanoine de la cathédralle. » En 1728, il n'y avait ni recteur
ni titre, et le curé tirait les 6 livres.
Quant au service, en 1604, l'évêque voulait y pourvoir à la forme
de la fondation, et, dans ce but, il ordonnait que le patron ou rec-
teur lui en montrât les titres de fondation et de provision ; mais en
1644,11 n'était fait aucun service, et l'évêque ordonnait que « la 3"^ par-
tie des revenus serait employée annuellement pour le divin service
d'icelle, " qui serait fait par un prêtre diàmcnt approuvé, à défaut du
titulaire, et que, à défaut de ce service, ladite 3^^ partie des revenus
serait « employée pour les ornements de cette chapelle. »
(i) -Minut. cit., proloc. Lamit, rcg. n" 146, f. cvj-vij.
(A continuer).
L. EILLET.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
d'après des documents officiels et inédits.
(Suite)
Lorsqu'on se crut certain d'avoir découvert la retraite de M. Bru-
don, Pellissier se hâta d'exécuter les prescriptions d'imbert. Un
détachement de la garde mobile se transporte à Tréminis et cerne la
maison où ce prêtre venait de célébrer la sainte messe de très
grand matin ; puis, le jour arrivé, fouille avec ardeur et met sens
dessus dessous les appartements. M. Brudon ne fut pas trouvé ; mais
lorsque le dit détachement, tout honteux se retirait en maugréant, il
se trouvait sur le chemin, mêlé à d'autres personnes pour le voir pas-
ser. Il était déguisé en bon paysan qui, tenant un petit enfant par la
main, et s'appuyant sur un bâton, riait sournoisement du mauvais
succès de ses persécuteurs (i).
Au Percy, les fidèles s'assemblaient dans leur église, suivant la
déclaration qu'avait faite en leur nom, à l'administration municipale
du canton de St-Maurice (14 ventôse an \'I), le citoyen Prayer des
Blancs {2). L'un d'eux y lisait les prières de la messe les jours de
dimanche et fête; ou, plus souvent encore, un prêtre y célébrait le
saint sacrifice et les encourageait par quelques paroles édifiantes (3).
Les mêmes réunions avaient lieu à St-Baudille, Lavars et Cornil-
lon, mais sans la déclaration exigée ; aussi les populations de ces
paroisses furent-elles dénoncées ainsi qu'il suit (4 ventôse an VI —
22févr. 1798): « Le commissaire du pouvoir exécutif près l'adminis-
tration municipale à celui près l'administration centrale.
« Conformément à votre lettre du 24 pluviôse dernier, j'ai requis
par l'intermédiaire des agents municipaux, les citoyens des com-
(i) Tradition locale.
(2) Lalley, Reg. des délit.
(3) Tradition locale.
72 LE TRIEVES l'ENDAXT
munes de St-Baudille-et-Pipet, Lavars et Cornillon, qui se réunis-
sent à l'occasion du culte, de venir déclarer sur les registres de
l'administration municipale le lieu de la réunion, ainsi que les heures
où elle se formait ; mais ils ont refusé de faire cette déclaration,
malgré la réquisition formelle que leur ont faite les agents. 11 est
cependant constant que, dans ces trois communes, on se réunit à
l'occasion du culte dit catholique dans la ci-devant église. \'euillez
bien me marquer les mesures que je dois prendre à cet égard. Il
serait temps qu'on ne méconnût plus la volonté du gouvernement et
que chacun se soumît aux dispositions des lois.
« Je vous observe que cette déclaration a été faite par les citoyens
des deux cultes protestant et catholique de Mens, et qu'il ne se for-
me point de réunion dans celle de St-Genet (Genis). — Malvesin (i).»
Les catholiques de Cordéac, Pellafol et la Croix-de-la-Pigne
agissaient d'une manière semblable ; mais là aussi veillait Giroud
avec la même sollicitude que Malvesin à Mens, et avec plus d'éner-
gie que ce dernier. Au lieu de consulter l'administration centrale, il
lui envoya simplement l'avis suivant (21 ventôse an VI - 11 mars
1798) : « Le citoyen Louis Giroud, agent national de St-Sébastien et
Cordéac, ayant interpellé les citoyens Antoine Gauthier, François
Bernard, Glaude Serviset et le nommé Fay, reconnus être tous les
quatre régulateurs des rassemblements qui se font dans l'église de
Cordéac, ceux-ci ont refusé de se conformer à l'arrêt du g du pré-
sent mois, et de suite la dite église a été fermée, et défense leur a été
faite de se rassembler à l'avenir sans avoir rempli les préalables des
lettres précitées
« Dans la commune de Pellafol, môme mesure , l'église de la
Croix-de-la-Pigne a été fermée (2). »
Le Directoire et par suite l'administration centrale de l'Isère ne
cessaient de stimuler le zèle des Ponsard,dcs Malvesin et des Giroud
par des recommandations pressantes et des ordres réitérés. C'est
ainsi que le 6 floréal, d'après des sommations envoyées par le minis-
tre de la police générale à la date du 15 brumaire précédent, le com-
missaire de l'administration départementale écrivait aux municipa-
lités pour leur reprocher de ne pas veiller avec assez de soin sur
les émigrés, c'est-à-dire sur les prêtres revenus de l'exil : « Il faut les
(i) Archives départementales. — Actes du district.
(2) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION 73
dénoncer immédiatement, ordonnait-il (i). » Ce qui nous étonne,
c'est qu'avec de semblables excitations, il ne se soit pas trouvé un
plus grand nombre de persécuteurs des prêtres dans le Trièves.
Les frères et les sœurs en quittant Mens, au commencement de
1792, avaient abandonné leur pauvre mobilier, respecté par tous
jusqu'au milieu de l'an VI comme le bien des meilleurs amis de
l'enfance et un bien sacré. Le 24 floréal, Frédéric Bérenger croyant
sauver les finances de la commune, épuisées par de folles prodigalités
pour des fêtes qui n'amusaient personne, proposa à la municipalité
de les faire vendre aux enchères publiques. Le produit de la vente,
selon lui, devait être employé à réparer les bâtiments communaux;
cependant il voulait qu'on réservât les lits : ce ^qui fut fait. Malgré
cette ressource trouvée par Bérenger, Mens resta pauvre et ne put
faire exécuter les réparations projetées (2).
Si, comme nous l'avons vu plus haut, le clergé dans le Trièves
donna de nobles exemples de courage et de fidélité qui maintenaient
les populations dans le bien, quelques prêtres assermentés, il faut
l'avouer, persévéraient dans le schisme. Le curé de St-Genis, Roi-
comte, vécut tranquillement, après la fermeture de son église, dans
le presbytère sans que rien pût éveiller un remords en lui (3). Ce-
pendant il renonça au schisme en 1802 et fut réhabilité avant sa
mort (4).
Cet homme a trouvé dans la suite quelqu'un pour le, louer, et
le pasteur Blanc a été fier de pouvoir, à son occasion, et d'après
des on dit. attaquer la fraternelle cordialité qui règne et a toujours
régné entre les prêtres (5).
Les sieurs de Bardel . ancien chanoine de Vitry-le -Français,
Antoine Accarias, ex-curé de St-Priest et ex-vicaire épiscopal de
Grenoble, avaient prêté le serment pur et simple, puis livré leurs
lettres de prêtrise. Ils vinrent encore, le 25 thermidor an VI, devant
la municipalité de Mens, jurer haine à la royauté et à l'anarchie,
fidélité à la république et à la constitution de l'an 111 (6). Pupin, curé
du Monêtier-du-Percy et vieillard presque impotent, tint une con-
(i) .Mens, Registre des délit.
(2) Reg. des délit, de l'an VI.
(3) Lettre de la municipalité de Mens au District (22 thermid. an III).
(4) Lettres de communion (Evêché de Grenoble).
(5) Lettres à Lucie sur la canton de Mens, p. 104.
(6) Délit, du dit jour.
74 LE TRIEVES PENDANT
duite semblable, par procuration, le i8 frimaire suivant (i). Le
peuple n'avait que pitié et mépris pour ces égarés et leur en donnait
souvent des preuves.
Des incendies successifs apportèrent la ruine et la souffrance dans
plusieurs communes. Le 13 messidor an VII, le feu dévora en
quelques instants le village de Prébois, n'épargnant que quelques
maisons situées à l'écart. Les communes environnantes vinrent
généreusement au secours de leurs voisins, réduits pour la plupart à
la dernière pauvreté; le gouvernement au contraire resta sourd à la
demande de l'administration municipale du canton de St-Maurice,
en faveur de ceux qui n'avaient plus de pain pour apaiser leur faim
ni de toit pour s'abriter (2 >.
Une lettre du commissaire près la municipalité de Mens au préfet,
à la date du 6 fructidor an VIII, fait connaître un malheur du même
genre, et plus terrible encore, arrivé au Monêtier-du-Percy : «Je
crois devoir vous instruire, y est-il écrit, d'un accident fâcheux arrivé
dans une commune voisine. Le feu prit, le 2 courant, à 2 heures de
l'après-midi, à un village qu'on appelle les Bailes ; il y a brûlé dix-
neuf maisons et péri huit personnes. Le fléau se communiqua bien-
tôt avec la rapidité de la foudre au village du Monêtier-du-Percy, où
il a totalement consumé cinquante maisons avec tout ce qu'elles con-
tenaient. Toute la récolte en foin, paille, blé a été la proie des flam-
mes (^). »
C'est d'une tout autre manière que, le 16 ventôse an X, le maire
de Mens annonçait un désastre semblable survenu à St-Maurice :
« L'incendie occasionné à St-Maurice par une cheminée en mauvais
état, le 13 de ce mois, à dix heures du matin, lequel a consumé, en
moins de deux heures, les bâtiments de cinquante habitants, presque
tous leurs effets mobiliers et quelques bestiaux, doit exciter la sur-
veillance de l'administration (4). » On sent dans cette lettre la révé-
lation du profond ressentiment qui existait entre Mens et St-Maurice,
parceque cette dernière commune avait contrarié les prétentions de
la première à devenir le chef-lieu de tout le Trièves et s'y arroger le
droit de haute surveillance, dès le commencement de la révolution.
(i) Lalley, Re^. des dilib.
(2) Lalley, Délib du 25 vendémiaire an VU.
(3; Lettres de la municipalité de .Mens, cahier 3.
(4) Ibidem.
LA GRANDE REVOLUTION. 75
Les communes elles-mêmes, comme les simples personnes, ou-
blient rarement ce qui froisse leur amour-propre.
Malgré les efforts déployés par le Directoire et ses agents, la
France se sentait prise d'un dégoût irrésistible pour un gouvernement
tyrannique. La plupart des fonctionnaires eux - mêmes ne parve -
naient pas toujours à cacher leur mépris pour lui, et souvent affi-
chaient publiquement leur indifférence à son égard. Cet état des es-
prits se montrait à découvert dans le Trièves : nous en trouvons une
preuve dans le fait suivant. Depuis longtemps déjà on n'avait pu
tenir d'assemblée décadaire, faute d'assistants, lorsque, le lo nivôse
an VII (30 décembre 1797), l'agent national, pour y attirer quelques
personnes, fit annoncer des chants patriotiques et l'inscription du
nom des fonctionnaires absents pour les dénoncer à l'administration
centrale (i). Cette menace ne produisit aucun effet.
iCHAPITRE VIII
ANNÉES DE 1799 -^ 1804
L'indifférence que les populations montraient pour le Directoire et
ses ordres tyranniques ne tarda point, au milieu des événements
qui se succédèrent pendant l'année 179g, à se transformer en zèle
ardent pour le rétablissement de la liberté et de la tranquillité publi-
que. Larevellière-Lépeaux, Treilhard et Merlin, ses membres les
plus hostiles au catholicisme, furent chassés le 30 prairial 08 juin
1799) et remplacés par d'autres plus modérés. Près de cinq mois
plus tard, arriva le 18 brumaire an VIII. Aussitôt la persécution se
ralentit, et bientôt Bonaparte, devenu consul, fit révoquer les lois de
proscription et de déportation contre les prêtres. Il n'autorisait point
encore l'exercice public du culte, mais le tolérait et ne faisait exiger
du clergé, pour qu'il pût remplir son ministère, que le serment sui-
vant: « Je promets fidélité à la Constitution. « La réaction alors se
montra énergique dans le Trièves. Seuls quelques sectaires, à l'âme
pleine de fiel et d'une basse cupidité, essayèrent de protester. Leur
voix discordante fut étouffée par les cris de joie de la très grande
(i) Rég. des délibérations rfe Mens.
76 LE TRIÈVES PENDANT
majorité de la population, heureuse de pouvoir enfin se dire chré-
tienne, sans crainte des dénonciations et des prisons. Ce mouve-
ment était dirigé avec prudence par les prêtres vénérables nommés
plus haut, et à la tête desquels se trouvait alors M. de Gassendi-
Tartonne, en qualité de délégué apostolique. Le nom de ce coura-
geux apôtre se trouve à chaque page des registres de catholicité de
cette époque ; dans les diverses paroisses du Trièves sa mémoire
est surtout gardée par la reconnaissance et l'admiration publiques.
Bon nombre d'églises restaient encore fermées. Les seules ouver-
tes étaient celles de Lallev, du Perrier, du Percy, de Chichilianne,
de St-Martin-de-Clelles et de Cordéac. Les protestants jouissaient
seuls de celle de Mens. Les deux de St-Baudille et de Tréminis
tombaient en ruines ; dans cette dernière paroisse, M. Brudon disait
la messe dans une étable. A Lavars, Cornillon, Monêtier-du-Percy,
St-Maurice, Clelles, St-Michel, Pellafol, St-Jean-d'Hérans et Pré-
bois, elles portaient toujours sur leur façade principale les mots :
« Liberté, égalité, fraternité, » mais les fidèles ne pouvaient y entrer
pour prier (ij.
Nous voyons cependant les municipalités diverses commencer à
s'inquiéter du jour tout proche où l'usage de ces pieux monuments
et des presbytères serait rendu à leurs légitimes possesseurs. Elles
consultaient l'administration départementale sur les mesures à
prendre ou les réparations à faire. C'est ainsi que le commissaire
près la municipalité du canton de Mens écrivait au préfet (6 fructi-
dor) au sujet des cures, qui avaient été louées dans la contrée, puis
(8 fruct.) la lettre suivante sur l'église de Mens même : « Il existe
dans cette commune, disait-il, un unique édifice qui est la ci-devant
église. Elle a servi jusqu'à présent aux assemblées du canton et de
commune, aux assemblées décadaires, de magasin pour les foins
requis dans ce canton ; enfin elle sert à la réunion des citoyens du
culte protestant.
« Cet édifice, citoyen, a besoin de réparations très urgentes. Le
toit étant très mauvais et percé en plusieurs endroits fait courir
risque, si on ne le répare promptement, à la voûte de tomber, ce
qui serait, pour la commune, une perte irréparable.
« Je vous prie dortc de me dire qui doit l'entretenir, de la nation,
du département, de la commune ou des protestants. Si c'est la
nation, je vous prie de donner des ordres pour le faire faire. (2) »
(i) Ré/^. des délib. de ces diverses communes.
(2) Lettres de la municipalilé en l'an VIII.
LA GRANDE RÉVOLUTION. 77
La réponse ne se fit pas attendre et apprit à la commune qu'elle
était chargée des monuments publics situés sur son territoire. Celle-
ci se montra longtemps récalcitrante et, le 37 germinal an XI seule-
ment, sur une nouvelle et menaçante lettre du préfet, elle se décida
à ordonner la réfection du toit, la consolidation des contreforts, le
rétablissement des croisées, le nettoyage et blanchissage de l'inté-
rieur et les réparations nécessaires à la flèche du clocher qui mena-
çait ruine (i).
La turbulente commune de St-Michel-les-Portes désirait depuis
longtemps étendre les limites de son territoire. Elle jetait des
regards de convoitise sur Torannes, paroisse petite mais religieuse,
admirable dans son dévoûment à cacher les prêtres persécutés, et
persécutée elle même. La demande d'annexion fut adressée au préfet
par la municipalité de St-Michel, en décembre 1800, mais n'obtint
une réponse favorable que longtemps après (2).
Bonaparte, poursuivant son oeuvre du rétablissement de la reli-
gion catholique en France, avait signé avec le légat de Pie Vil le
concordat, le 30 messidor an IX (15 juillet 180 1) ; aussitôt les églises
qui, dans le Trièves, étaient encore fermées s'ouvrirent, et les
fidèles y entrèrent à la suite du clergé.
A la nouvelle de cet heureux changement, le vénérable confesseur
de la foi M. Galfard tressaillit de joie sur son lit de souffrance. Les
privations de l'exil, les angoisses de la persécution et les tortures
de la captivité avaient épuisé ses forces, et il était au moment, si
doux pour le juste, d'aller à son Dieu. Il répétait souvent : « Je vois
«nfîn rendue à l'église la paix après laquelle j'ai soupiré si ardem-
ment. Je puis demander au Seigneur de me rappeler à lui ; il m'est
d'ailleurs impossible de travailler encore pour sa gloire. Je me
recommande à sa bonté (3J. » Peu après il s'endormait paisiblement
du sommeil des justes.
Muni du certificat si flatteur, que lui avait délivré la municipalité
de Clelles, le 12 août 1791, ce bon prêtre s'était retiré, sept mois
après seulement (mai 1792), chez son proche parent, M. Allègre curé
d'Omblèze. Le 15 septembre suivant, il se présenta devant la muni-
cipalité de cette dernière commune et déclara que, pour se soumettre
à la loi du 25 août précédent et à l'arrêté du directoire de la Drôme
(i) Délit, du 27 germ. an XI et Lettres, Mens.
(2) St-Michel.
(3) Paroles conservées par la tradition de Clelles.
7o LE TRIEVES PENDANT
du 2 courant, il se rendait à Gènes. Mais au moment de quitter sa
patrie, les lieux témoins de son zèle et les âmes auxquelles il aurait
voulu se consacrer tout entier, son cœur fut rempli d'une tristesse
immense. Il tomba gravement malade et dut se faire transporter à
l'hôpital de Die, où il fut soigné pendant quelque temps. A peine
remis, il partit pour l'exil. De Gênes il gagna Rome et résida dans
cette dernière ville jusqu'au 31 juin 1795. La veille de son départ
pour rentrer en France, il reçut de Mgr Laurent Caleppi, prélat
domestique de Pie VI et chargé de prendre soin des prêtres français
réfugiés à Rome, un certificat attestaiit qu'il avait passé dans la ville
éternelle près de quatre ans, y avait mené une vie édifiante et vrai-
ment sacerdotale. Il emporta en outre des pouvoirs nombreux et
précieux. Si Omblèze reçut sa première visite, Clelles et les environs
ne tardèrent pas à le revoir et à être de nouveau témoins de son
dévoûment. Lors de la loi du 19 fructidor, il était à Omblèze et
reprit en pleurant le chemin de l'Italie. La maladie l'arrêta comme la
première fois en route. Il se rétablit lentement et revint à Clelles ; il
ne se sentait pas assez de force pour franchir la frontière.
De ce moment à celui de son arrestation, il ne cessa de parcourir
les paroisses des environs de Clelles ; son refuge était surtout à St-
Martin. C'est entre ces deux dernières paroisses, en se rendant de
la seconde dans la première, qu'il tut arrêté, le 9 prairial an VIII
(29 mai 1800), par la gendarmerie du Monestier-de-Clermont, sur
l'ordre du juge de paix du canton de St-Martin. Ce magistrat le
garda deux jours en disant qu'il voulait lui rendre la liberté, si au-
cune plainte n'était déposée contre lui ; mais, le 1 1 du même mois,
les gendarmes le conduisirent à Grenoble. Le 16, il écrivait au préfet,
Ricard, pour lui démontrer son innocence et demander son élargis-
sement. Le 18, le préfet répondit qu'il n'y avait pas lieu de délibérer
sur sa demande. A la fin, sollicité par son conseiller Royer, le préfet
fit mander AL Galfard à son hôtel et, après un court entretien, lui
fournit le moyen de s'échapper. Lorsqu'on jugea le fugitif assez
éloigné, on fit fermer les portes de la ville et exécuter de nombreuses
recherches qui furent évidemment sans résultat. On avait surtout
recommandé au prisonnier de ne point se laisser reprendre (20 ther-
midor 9 août 1800) (rj.
(i) Tous les faits se rapportant à M. Galfard ont été extrait des pièces en la
possession de M. Martin, curé de Clelles.
LA GRANDE REVOLUTION. 79
La santé déjà ébranlée de M. Galfard fut complètement ruinée par
les privations et les émotions endurées pendant ces derniers événe-
ments. Les forces l'abandonnèrent, une maladie de poitrine se déclara
et des souffrances aiguës supportées avec une invincible patience
complétèrent le mérite de cette vie courageuse. Le 4 août 1801, il
mourait à Clelles même, dans la maison de Magloire Brochier. A
cette nouvelle, ses paroissiens qu'il avait tant aimés éclatèrent en
sanglots ; car ils savaient perdre en lui le meilleur des amis, le plus
tendre et le plus vertueux des pères. Grand nombre de personnes
portèrent son deuil, comme celui d'un prochie parent (i). Ces larmes
et cette démonstration sont le meilleur éloge qu'on puisse faire de
ce saint prêtre.
(i) Tradition locale.
(La suite au prochain numéro) A. LAGIER.
RECHERCHES
SLR LES
INSCRIPTIONS
du Vivarais
(Suite et Fin)
XXVIi - 1721
Largeiïtîèl'e. — Pierre encastrée dans le mur du rempart,
rue de Sigalières, maison appartenant aujourd'hui à Soboul, bou-
langer. Elle est au premier étage, au bout de l'escalier qui part de la
rue de Sigalières, faisant le côté droit d'une fenêtre donnant sur la
rivière.
DIEU NOVS
GARDE TOVS DE
LA CONT ION
1721.
8o RECHERCHES SUR LES
C'est la date de la peste de Marseille, qui sévit dans une partie du
Languedoc, et c'est évidemment à cette peste que l'inscription ci-
dessus fait allusion.
La ville de Largentière fut préservée de la terrible épidémie, tandis
qu'.à Laurac, à4 kilom., il y eut 37 victimes, du 5 novembre 1721 au
9 mai 1722.
Jean-Baptiste de Chanaleilles, qui se trouvait, au mois de janvier
1722, à Chassiers (à 2 kilom. de Largentière) chez AL de la Motte,
mourut 24 heures après l'apparition d'un bouton pestilentiel sur son
épaule. 11 fut enterré au bas d'une prairie avec toute sa literie et tous
ses vêtements. Chassiers fut bloqué à la suite de cette invasion de la
peste, qui s'était déclarée à St-Geniez au mois d'avril précédent et
s'était étendue jusqu'à l'abbaye des Chambons, où elle avait fait
plusieurs victimes (i).
XXVIII — XXLX — 1725-30
I>ai*gentîèî*e. — Couvent des Sœurs de la Présentation. —
Pierres encastrées dans la partie extérieure du mur qui fut jadis
l'église des Pénitents.
REPARATION
PAR LA CONDVITE
DE lEAN FAYOLLE
MARCHAND
1724 ET 25
L'inscription suivante, dont le haut n'est pas très lisible, constate
le nom des maçons, celui d'un administrateur de la ville et la date
de la réparation (2).
P P MAVRIN A L
P JOSSOV
P BIGOT
FAYOLLE NAD
ENTREPRENEVR
1730
(i) L'abbé .Mollier. — Recherches mr Villeneuve-dc-Derg , p. 374.
(2) Communication de M. Léon Védcl.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS.
XXX — 1765
S^tirgentlère. — Cheminée du grand salon de la maison de
Valgorge, démolie en mai 1878 par le nouveau propriétaire,
M. Roussel, tailleur. Sur le manteau, entre deux moulures faisant
corniche, et s'étendant sur toute la largeur de l'appartement, que
remplissait du reste cette cheminée monumentale, était peinte, en
lettres d'un pouce environ, cette inscription :
VIR SAPIENS FAVSTIS SEMPER REGNABIT
IN ARMIS
« Dans renivrement de la victoire, le sage sait régner sur lui-
même (ij. »
C'est dans le salon qu'ornait cette cheminée que fut tenue, en
1785, une des dernières sessions des Etats particuliers du V^ivarais.
Le 26 mai 1785, les Etats particuliers et assiette du pays de Viva-
rais délibérèrent « en la ville de Largentière, dans la maison et par-
devant noble Roch de Jossouin de Valgorge, seigneur de Valgorge.
Laugères, Mallet, Notre-Dame de Laboulle, St-.Martin, Loubaresse,
le Villard et autres lieux, bailli d'épée de la baronnie d'Aubenas,
subrogé de très-haut et très-puissant seigneur Messsire César-Fran-
çois-Melchior de Vogué, etc , baron des Etats-Généraux de la pro-
vince du Languedoc et de tous les pays de Vivarais, etc. » (2)
XXXI
Gri*avîères. — Inscription que l'on voit sur la frise du chauf-
fage du château de la Tour.
t DIEV SOIT BENI
j. de l.\ garde de .malbos
Anne di; sabran.
Entre les deux noms se trouve un écusson dont les hachures héral-
diques sont un peu effacées.
(r) Ce vers se trouve au bas de la gravure reproduisant le fameux tableau de
Lebrun : La famille de Darius devant Alexandre.
(2) Le Bas-Vivarais du 25 mai 1878, article Léon Védel.
Bull. IX, 1888. 5
RECHERCHES SUR LES
XXXII
Sur la frise de la cheminée de la salle de rancienne maison Du-
mond, on lit l'inscription suivante :
ADORONS L'ETERNEL
SON SAINCT NOM BENISSONS
DIEV A FAICT L'OEVVRE
PAR L E V E S Q V E DES MAISONS
XXXIII ~ 1781
St-i%.grève. — Inscription qui se trouve sur le linteau de la
porte d'entrée d'une belle maison de campagne, située au Beschon,
près St-Agrève. Les lettres et les encadrements sont en relief et
fort bien exécutés.
FONDEE PAR PIERRE BARD EN MDCCLXXXI
^
M
à
CRAINS DIEU, HONORE
LE ROY. AIME TON
PROCHAIN C O M M E
rOY iMEME; C'EST MA LOY
N"
\V
:^^
\^^
>S^
Cette inscription a été copiée par M. Deschomels, instituteur à
Lichessol, près St-Agrève, en i88[, qui nous a déjà fourni le curieux
monument lapidaire du siège de St-Agrève.
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS. 83
XXXIV - 1785
Meyras. — Sur le linteau du portail de la basse-cour de la
maison de M. Paul Giraud, on lit l'inscription suivante. Les lettres
ont 5 cent, de hauteur.
IX • TE ■ DOMINE • SPERAVI • NOX • CONFVNDAR • IN • .-ET
ERNU.M • IN • lOÂ ■ ANGLADIVS ■ MIHI ■ FORMA ■ DEDIT .ETATIS • SV.E
LOVIS DESARCIS • DEBONNETO.
Sur la porte principale de la même maison, on lit la date : 1785;
mais l'inscription est bien antérieure. (Communiqué par M. Bonne-
foi, instituteur).
XXXV — ?
ï^aînt- Antléol-de-îfcei*g. — Voici une inscription fort cu-
rieuse relevée sur une pierre tumulaire de l'ancien cimetière de cette
commune. Il faut la lire un peu comme Thébreu (i) :
jM'f SJOUIR PENSE JE QUAND
, DORMIR ou MANGER, BOIRE
OREILLE MON A RAISONNE II
.RÉVEILLE ME QUI VOIX UNE
: ÉTRANGEMENT FORT DISANT
MONUAIENT DU TOUS SORTEZ
, SOMME VOUS JE CO.MPAROIR DE
, HOMME VRAI EST QUI DiEU DEVANT
DIFFÉREMMENT OUÏR POUR
.JUGEMENT DERNIER VOTRE
XXXVI
Banne. — Au-dessous de la corniche du grand portail du châ-
teau, détruit en 1792, on lisait cette inscription, gravée sur un fond
noir en grosses lettres d'or (2) :
SI FRACTUS ILLABATUR ORBIS IMPAVIDVM
FERIENT RUIN.ï:.
(1) L'abbé Mollier — Recherches historiques sur Villeneuve-de-Berg, page 19.
(2) Ls Bas-Vivarais (17 juillet 1859), article Château de Banne.
84
INSCRIPTIONS DU VIVARAIS.
L»l>astîcle. (Canton d'Antraigues). — Inscription qui se voit
surun rocher, tout près des ruines du château du comte d'Antraigues.
Ce rocher qui est absolument brut et informe, mesure 2 mètres de
longueur sur i mètre 70 de hauteur.
/" R I U E
RIUE PEIAU
D
I • RO R •• TI I
C'est par cette inscription, qui nous a été communiquée par M.
Doize notaire à Antraigues, que nous terminons notre travail. Nous
laissons au lecteur le soin de l'expliquer.
APPENDICE
Inscription <le Bt oc lie maure
Des circonstances indépendantes de notre volonté ne nous ont pas
permis d'avoir le dessin du jeton de M. G. Yallier au moment où
nous en avons donné la description. Grâce à ce savant numismate,
nous pouvons combler cette lacune en terminant notre étude.
Voici donc le dessin de ce curieux jeton qui contient Tinscription
de Rochemaure :
Henry VASCHALDE
CORRESPONDANCE
I.
M. Vaschalde a cru devoir rectifier une note de dom Jauhert
sur le genre de mort du maréchal d'Ornano (Bulletin^ t. VIII,
p. loo et 189).
M. Vaschalde rappelle qu'il a présenté en 1879, au Congrès ar-
chéologique de Valence, un Mémoire qui, dans sa pensée, a éclairé
d'un grand jour ce point obscur de l'histoire de l'infortuné maré-
chal. Là dessus il raconte qu'en iSSg, en remplaçant les dalles de
l'église d'Aubenas, le caveau de d'Ornano fut ouvert en présence
d'une commission dont faisaient partie le feu curé, M. Pic, le
maire et le docteur Tailhand. On put s'assurer, dit-il, que le corps
était parfaitement conservé et que, contrairement à l'assertion de
MM. Teissier et Deydier, la tête ne tenait an corps que par un fil
d'or.
Et M. Vaschalde conclut :
<f Le maréchal d'Ornano a eu la tête tranchée à Vincennes ; le
fait est incontestable. Il fallait que le vindicatif cardinal eût un
intérêt à cacher cette décapitation pour que les historiens ne
l'aient jamais connue d'une manière certaine. »
Constatons d'abord que le bruit de la décapitation du maréchal,
qui a pu courir dans les pamphlets du temps hostile à Riche-
lieu, n'a jamais été accepté par aucun historien sérieux, par la raison
bien simple que rien n'est plus contradictoire avec le caractère de
Richelieu que l'idée d'une exécution secrète. Tout le monde sait
que le vindicatif cardinal aimait à frapper ses ennemis, ou plutôt
les ennemis de l'Etat, non pas dans l'ombre des cachots, mais au
grand jour et avec un appareil de nature à frapper l'esprit des po-
pulations. Beaucoup de jeunes seigneurs, qui se croyaient encore
au temps des licences funestes du XVL siècle, l'apprirent à leurs
dépens.
Si le maréchal avait été décapité, on ne voit pas comment Riche-
lieu aurait pu le cacher, surtout en faisant lui-même rendre, comme
il le fît, le corps à la maréchale, et l'on ne voit pas, d'autre part,
quel motif aurait pu déterminer celle-ci à renfermer ce grief au
fond de son cœur, même après la mort de Richelieu, car la ma-
réchale a vécu bien longtemps après le cardinal.
Aussi la plupart des historiens, en enregistrant la mort du ma-
réchal d'Ornano à Vincennes, se bornent-ils à mentionner cies
soupçons d'empoisonnement, sans parler de décapitation.
Consultons l'histoire d'Aubenas. Nous y trouvons à cet égard
une série de faits décisifs, grâce surtout aux manuscrits de M. De-
lichères, exhumés seulement cette année de la poussière qui les
recouvrait depuis près d'un siècle au fond d'une bibliothèque du
Dauphiné. M. Delichères, dont nous avons eu l'occasion de par-
86 CORRESPONDANCE.
1er ailleurs (i , était notaire à Aubenas à la un du siècle dernier,
et c'était sans contredit l'un des hommes les plus lettrés du dépar-
tement. On n'a de lui imprimés que quelques articles publiés dans
les Annuaires de l'Ardèche de l'an X et de l'an XI et une brochure
devenue fort rare sur l'Hercule Gaulois et le temple de Desaignes ;
mais il aurait fait mieux que cela, à en juger par les fragments
d'histoire locale que contiennent ses manuscrits, si la politique
n'était venue l'arracher à ses occupations littéraires. Il fut procu-
reur syndic du district d'Aubenas pendant la Révolution, et il est
mort président du tribunal de Privas en 1820.
Les notes de M. Delichères contiennent donc ce qui suit, pro-
bablement extrait des registres consulaires :
« 1626. — Le 8 janvier, Mgr le colonel d'Ornano, seigneur d'Au-
benas et autres lieux, fut reçu maréchal de France et, "le 26 dudit
mois, nous en avons fait les réjouissances en cette ville.
« En septembre, le sieur Vignon de Tarnezieu, gentilhomme de
Mgr, frère du Roi, agent général de la famille d'Ornano, comman-
dant pour S. M. du château de Vais, écrit à M. de Lantouzet,
juge d'Aubenas, que Mgr le maréchal d'Ornano est mort au bois
de Vincennes, après une maladie de quinze jours, d'une fièvre et
dyssenterie et d'une rétention d'urine.
« Au mois de décembre suivant, ayant eu avis que M'"'^ la maré-
chale était arrivée en son château de Maubec et qu'elle faisait
.l'honneur à cette ville ( d'Aubenas 1 de lui donner le corps et
le cœur de mondit seigneur, le sieur de la Faye , docteur , et
Jean-Barthélemy Dussaulx, furent députés par la communauté
avec nous, Valeton et Gaude, pour aller rendre à madite dame se
très humbles devoirs de la communauté et la remercier de l'hon-
neur qu'elle nous faisait de choisir dans cette ville pour la sépul-
ture du corps de mondit seigneur, ce que nous avons fait ; et
ensuite madite dame nous ayant commandé d'accompagner le corps
de mondit seigneur qu'on conduisait de Paris, nous avons rencontré
le convoi à Vienne le lundi 23 décembre et sommes arrivés à Au-
benas le dimanche suivant, où l'on a porté le corps de mondit sei-
gneur dans une chapelle ardente faite pour ce sujet au milieu de
la grande église St-Laurent. Le lendemain, le cœur fut aussi porté
de ladite église en celle des Jésuites où il fut enterré quelques jours
après, y ayant eu très grande solennité pour l'honneur dû à la
mémoire d'un si grand seigneur. »
Il résulte d'actes de Marin, notaire, que les habitants de diverses
communautés de la baronnie, par ordre du capitaine Guidon,
commandant d'Aubenas, furent obligés de payer les journées et
la dépense des hommes qui portèrent le corps du feu maréchal du
Teil à Aubenas. On trouve un emprunt de 3o livres conclu dans
ce but par les consuls de St-Privat. Les paroisses de Vais et d'Ucel
empruntèrent également pour cet objet.
(i) Voyage autour de Privas, I, p. 14.
CORRESPONDANCE. 87
On voit que le maréchal fut enterré à Aubenas avec tous les
honneurs dus à son rang et l'on pourrait trouver singulier que le
cardinal, assez puissant pour imposer silence à la veuve d'un cri-
minel d'Etat décapité, n'ait pas trouvé le moyen d'empêcher des
funérailles aussi solennelles.
Trois ans après, viennent les fondations qui attestent hautement
aux veux des populations les regrets de la maréchale et son vif
attachement à la mémoire de son mari.
Le 23 juin 1629, elle constitue une rente de 625 livres sur la
communauté d'Aubenas, moyennant le versement d'un capital de
10,000 livres. Ladite rente, franche de toute charge et imposition,
est payable par semestre et rachetable en un seul payement ,
moyennant avis donné à la maréchale ou à ses successeurs six mois
d'avance.
Le 26 juin, la maréchale cède aux Dominicains, pour toute les
dotations qu'elle peut leur devoir, 3i2 fr. 10 sols sur la pension
.que lui doit la communauté d'Aubenas, à charge de dire un cer-
tain nombre de messes pour le repos de l'àme du maréchal, dont
une le 2 septembre, jour anniversaire de sa mort.
Le jour suivant (27 juin , la maréchale assigne les 3i2 fr. 10 sols
restant de la pension que lui doit la communauté d'Aubenas, pour
l'entretien de deux prêtres qui, dans l'église St-Laurent, seront
chargés de dire tous les jours, excepté les dimanches et fêtes, la
messe des morts pour le maréchal.
On voit dans l'acte de cette deuxième fondation que le corps du
maréchal y était enterré ; qu'il n'y avait plus dans la ville de hugue-
nots depuis un an, tandis qu'auparavant toutes les maisons en
étaient remplies ; que les huguenots avaient rasé toutes les églises
de la ville et surtout celle de St-Laurent rebâtie depuis dix années
par la charité surtout de la maréchale ; que celle-ci avait fait don
de divers ornements et bijoux à l'église ; qu'elle avait donné à prix
fait la réparation du clocher rompu par la foudre, et dépensé 2,000
livres pour cette réparation , pour une arcade ou pour le pa-
vage, etc.
Tout ce qui précède montre combien la supposition d'une déca-
pitation et même d'un empoisonnement est invraisemblable. Mais
voici qui résout péremptoirement la première de ces questions.
On sait que la baronnie fut vendue au commencement du
XVI 11^ siècle à la maison de Vogué par les héritiers de la maré-
chale d'Ornano. ,
En septembre 1872, le marquis de Vogué fut surpris par la mort
à Aubenas, et ses funérailles y furent célébrées en grande pompe le
16 de ce mois. M. Delichères y assistait. C'est donc un témoin
oculaire que nous allons entendre.
« On est arrivé, dit-il, à l'église St-Laurent : le corps a été posé
au bas de l'église, suivant l'usage, entre les piliers et les bénitiers.
On a dit la grand'messe et fait trois absoutes. On l'a porté ensuite
dans le caveau du seigneur qui est au haut de l'église, vis-à-vis le
CORRESPON'DAXCE.
maître-autel. On Ta mis dans le cercueil de plomb où était le corps
embaumé du maréchal d'Ornano depuis 1626. On a trouvé étrange
qu'on tirât ce corps de sa bière pour y en mettre un autre ; mais cela
s'est tait sans Taveu des maîtres ; le cercueil de plomb était her-
métiquement fermé. On a tait dessouder le couvercle. Le corps de
M. le maréchal d'Ornano était sain et entier: sa poitrine était ou-
verte parce qu'on l'ouvrit dans le temps pour en retirer son cœur
qui est au collège. Sa tète tenait à son corps qui était sain et bien
embaumé. Donc il n'avait été ni décollé ni empoisonné. C'était un
grand homme dont les épaules étaient fort larges. Il y avait dans ce
caveau le corps de M. de Durand, oncle de M^^ la marquise de
Vogué, enterré il v a 35 ans, qui était muet; celui d'une demoi-
selle de Vogué morte fort jeune; un troisième, etc.. »
Ce témoignage, si formel, si précis, qu'on croirait y voir un pres-
sentiment du retour des bruits absurdes qui avaient couru du
vivant de Richelieu, concorde pleinement avec celui de l'abbé
Martel que cite M. Deydier.
L'abbé Martel, ancien professeur de seconde au collège ci'Aube-
nas, a eu pour élève M. Tailhand, ministre de la justice sous le
gouvernemeut de Mac-Mahon, et c'est de la bouche de M. Tail-
hand que nous tenons le récit des incidents qui marquèrent, en
1793, la seconde violation du tombeau du maréchal d'Ornano.
L'abbé Martel, qui avait entendu parler, comme tout le monde, de
la prétendue décapitation du maréchal, voulut savoir par lui-même
ce qui en était. Il donna une pièce de monnaie à un jeune garçon
pour que celui-ci véritiàt, en tirant fortement la tête à lui, si elle
tenait ou non au reste du corps. La tête resta parfaitement adhé-
rente. Non content de cette première épreuve, l'abbé Martel s'ap-
procha et s'assura par un examen attentif que la peau du cou, qui
était devenue par l'action du temps, semblable à du parchemin,
n'otiVait aucune trace de coupure.
D' Francis.
II.
Pardonnez-moi de vous faire remarquer que l'exergue dont il
est question ^Bulletin, p. 238 , est mal traduit. Es wirt al's glich
est du dialecte alémanique ou patois allemand de la haute Alsace
et veut dire: tout devient égal; tous deviennent égaux 'devant la
mort ou par la mort). Il n'y aura de ditiercnce entre les morts que
celle de leurs mérites, des mérites de leurs oeuvres. Sator opéra
tenet.
Cette explication n'est pas savante, mais elle me paraît juste et
vraie. Pour ça m'est égal ou tout m'est égal, il y aurait eu dans
l'allemand : Es ist mir ailes gleich.
P. MiRv, chanoine de Strasbourg.
QUARANTE ANNÉES
DE
L'HISTOIRE DES EVÊQUES DE VALEfCE
AU MOYEN AG
(1226 à 1266)
(Slite)
On sait que le pape Innocent IV, pour déjouer les calculs de Fré-
déric, son implacable adversaire, se vit obligé de fuir de Sutri à
fi-anc étrier. dans la nuit du 28 juin 1244. De Civita-\'ecchia, il ga-
gna Gênes, sa patrie, sur la flotte que ses concitoyens lui avaient
envoyée. Mais comme il était résolu de soumettre à un concile oecu-
ménique l'examen de ses démêlés avec l'empereur et que Gênes ne
lui offrait pas la sécurité désirable contre un coup de main de son
ennemi, il avait tourné ses regards au-delà des monts, et c'était à
Lyon quil avait décidé daller chercher un asile. Cette ville, qui re-
connaissait alors l'autorité immédiate de l'archevêque. et du chapitre,
ne se rattachait à l'empire que par un lien purement nominal (i).
Dans les circonstances actuelles, la voie la plus sure pour gagner
Lyon était celle des Alpes (2), et le pape avait compris que, pour un
tel voyage, Philippe de Savoie était en mesure de lui rendre d'inap-
( 1 >ur les motifs qui clélerminèrenl le pape à choisir Lyon et à y élablir sti rc-
ï.idence, voir Georg HufFER. Die Sladt Lyon tiiid die Westlialfte des Er;^bislhnms
in ihren politischen Bedehitngen zum deittschen Reic/id iijid zur fiautosischeu Krom.
-Munster, 1878, in-8°, p 8j et suiv
2! Innocent IV ne pouvait songer prutlemment à gagner Lyon par la vallée du
Rhône, ou les amis de Frédéric étaient nombreux et pui?sants. Leur soumission et
leur dévouement au pape étaient plus apparents que réels Raymond de Toulouse,
Barrai de Baux et ,\ymar de Poitiers avaient tout intérêt à ménager Lempereur, et
le moindre succès de ce prince pouvait les porter à rompre ouvertement avec le pape.
Bull. IX, 1889. , 7
L)0 QUARANTE ANNEES DK L HISTOIRE DES
préciables services : les principaux passages de ces montagnes ap-
partenaient en effet au frère de l'élu de \'alence. Le pape et sa petite
escorte quittèrent Gênes le mercredi 5 octobre 1244. Après quelques
haltes plus ou moins longues, nécessitées par la maladie ; après
avoir surmonté les obstacles qu'opposèrent et la nature des lieux et
l'intempérie de la saison, Innocent 1\^ arriva enfin à Lyon le 2 dé-
cembre (i). Philippe de Savoie, qui l'avait constamment accompa-
gné et protégé durant ce long et pénible voyage (2), pouvait s'at-
tendre à être magnifiquement récompensé ; il ne fut point dégu dans
ses espérances. Comme nous allons le voir, on ne tarda pas à le
combler d'honneurs et de biens et à en faire un des plus puissants
et des plus riches princes de l'Eglise.
Pendant que le pape jouissait à Lvon dune sécurité relative et
s'occupait de préparer la tenue du concile œcuménique, convo-
qué pour le 24 juin 1245. Philippe de Savoie sétait rendu dans son
diocèse afin de surveiller ses propres affaires et de terminer le
différend qu'il avait avec Aymar de Poitiers. Barrai, seigneur de
Baux, et Jean de Bernin , archevêque de \'ienne, en qualité
darbitres nommés, assignèrent les deux contendants à comparaître
devant eux à Romans, le 16 février 1245. Philippe et Aymar furent
fidèles au rendez-vous. Xous avons sous les yeux le procès-\erbal
de la séance, dans laquelle les deux parties furent in\itées à pro-
duire leurs griefs réciproques. Ce curieux document, que nous tra-
duirons en partie et dont nous publions plus loin le texte intégral,
suppléera au silence des chroniques et, en nous initiant à l'histoire
intime des querelles de l'évêque et du comte, nous présentera une
peinture assez vive des mœurs de l'époque. « Tout d'abord, lisons-
« nous, l'élu de Valence réclame à .Vdémar de Poitiers les 8,000
(i) Sur le voyage crinnoceni IV à travers le^ Alpes et la Savoie, on peut con-
sulter .• Mansi, dans Baronius, Annales, ad an. 12^^, n" j_>. nota — Ei.ik Btrorr,
Op. cil Introd . p. 20-5.
(2) Annales prioratiis de Dumsiaphia, dans Quakd, Annales nionastici. t. 111, p.
166: « Circa festum sancli Andrée venit pp. Innocencius I\' pcr mullas tribulatio-
nes apud civitatem Leonas auxilio Baldev.'ini de Sauveye, qui luit electus in ar-
chiepiscopum illius civitatis. » L'annaliste anglais a commis évidemment une erreur:
il faut lire Philippi el non Bal.ie-inni. La chronique de Mathieu de Paris, l VI, Addi-
tamenta, p. ^4^, est ici plus exacte : m Iicm Philippus electus Lugdunensis per
mulia viarum discrimina et hostium pericula et insidias dominum papam Innocen-
tium IV a facie Frethcrici fugicntem du.xit salvo Lugdunum, et ibi dum concilium
celebrarelur imnio dum papa ibi moram continuaret, pacem inviolatam prudcnter
servavit. w
KVEQUrS DE VALENCE AU MOYEN AGE. QI
0 marcs cl"ai-gent auxquels avait été condamné par l'empereur en-
(• \ers Guillaume, élu de \^alence, Adémar de Poitiers le Vieux,
« dont led. Adémar est l'héritier. De plus, il demande qu'Adémar
« lui restitue les châteaux de Montoison et d'Upie, que Guillaume
" d'heureuse mémoire, élu de Valence, retenait en garantie d'une
« somme de i,6oo livres due par .Adémar le Vieux : ce dernier avait
« enlevé ces châteaux à l'évèque. De plus, il demande le château de..
H Vaunaveys. qu'Adémar le Vieux a jadis enlevé à l'élu Guillaume
" pendant une trêve. De plus, il demande le château de Gigors, que
(' ce même Adémar avait enlevé aud. élu pendant la trêve. De plus,
f il demande qu'Adémar lui rende encore le bourg de Crest et les
" deux châteaux de ce même bourg, qui lui ont été enlevés à lui
0 iPhilippe) par led. Adémar pendant la trêve : le château le plus
« élevé appartient à l'Eglise de Valence, en vertu de la donation de
« feu Silvion de Crest ; quant au château situé plus bas, Guillaume,
!■ d'heureuse mémoire, le tenait en garantie dune somme de 2,000
« livres. De plus, il demande encore qu'Adémar remette entre ses
<i mains le château de Montléger qu'il a ruiné pendant la trêve.
» De plus, il demande à cire indemnisé de toutes les pertes qu'Adé-
>■ mar lui a fait subir pendant la trêve en s'emparant de ses châ-
" teaux, en faisant des prisonniers, en saisissant les animaux et
« autres biens de ses vassaux, pertes qu'il estime à 10,000 marcs ;
') il ne parle point du massacre de plusieurs nobles et manants,
•< njême de quelques clercs, car des pertes de ce genre ne sauraient
o s'estimer à prix d'argent. De plus, il demande à rentrer dans toutes
« les dépenses qu'il a faites à l'occasion de la trêve conclue avec
« Adémar, trêve que celui-ci ne voulait pas sincèrement : ces dé-
'< penses, il les évalue à 20,000 marcs, et il ne parle point de quel-
'< ques-uns de ses hommes qui ont été tués, ce qui ne peut être
" compensé avec de l'argent. De plus, il demande qu'Adémar lui
" remette Châteaudouble, qui est un fief de l'Eglise de Valence, que
•' le comte a acheté et retient sans avoir obtenu le consentement de
« lad. Eglise, ce qui fait que ce fief est tombé en commise. De plus,
« il demande les châteaux de Gloj-ran, de Beauchastel et de Saint-
« Marcel, tombés également en commise, parce qu'Adémar n'a pas
(' fait hommage pour les autres châteaux qu'il tient en fief dud.
(' évêque de Valence. De plus, il demande le château de Chalencon
« qu'un jugement rendu par Guillaume Artaud et ceux qui l'assis-
« tèrent avait donné à feu Guillaume, élu de Valence, à cause de la
" contumace d'Adémar de Poitiers le A'ieux.
(-)2 QUARANTE AXNF.KS DK L HlSTOIHf; DKS
(' Quant aux griefs ou plaintes quAdémar de Poitiers a contre
« lélu et l'Eglise de A'alence, les voici : Tout d'abord, Adémar
« demande que l'élu et l'Eglise de \'alence l'indemnisent des pertes
(' de tout genre que Silvion de Crest lui a fait subir, soit qu'il en ait
« été la cause immédiate, soit qu'il en ait été simplement l'occasion,
« attendu que l'élu et l'Eglise de \'alence possèdent actuellement les
« biens de Silvion ou affirment être en droit de les posséder. Ce
« fut. en effet, avec l'aide et les conseils de Silvion que le comte de
« .Montfort entra dans les terres dud. Adémar et y promena la déso-
<> lation : il détruisit le bourg de Crest, les châteaux de Rochefort,
<' de Saint-Bonnet, de Sauzet, d'Autichamp, de la Roche, de la
« Baume, de la Rochette, de Grane, d'Upie, de Montmeyran, de
» \ aunaveys, de Montoison. de \'ibie. » Xous énumérons briève-
ment les autres réclamations d'Aymar de Poitiers. Une indemnité
de 10,000 marcs lui revient pour l'achat et l'occupation par l'Eglise
de \'alence du château de .Mirmande, sans son consentement, et
pour la guerre que lad. Eglise lui a faite à cette occasion. Guillaume
de Savoie avait reçu de l'argent pour protéger la personne et défen-
dre les terres d'Adémar jusqu'à ce que celui-ci eût atteint l'âge de
quatorze ans ; malgré cela, il s'est emparé du château de Chabrillan,
propriété de son pupille: il doit donc le rendre avec 10,000 marcs
pour les frais de la guerre soutenue à celte occasion. Au moment
même où le comte se disposait à accepter la décision d'amis com-
muns, de l'empereur ou du pape, l'évèque lui déclarant la guerre a
mis le siège devant le château d'Etoile, qu'il a pris et gardé ; il a
détruit les châteaux de Barcelonne et de Saint-Didier, et a ravagé
ses terres, d'où, sans parler de la perte de ses vassaux, résulte pour
lui un dommage de 15,000 marcs. FùiHn le comte évalue à 2,000
marcs les rc\enus que ré\cque a perçus, et exige le vasselage de
Guillaume de V'esc pour la parérie de Saint-.Marcel.
Il est inutile, croyons-nous, de faire remarquer au lecteur combien
doit être exagérée l'évaluation des pertes subies de part et d'autre;
nous sommes en présence de deux contendants. qui ct')mparaissent
devant leurs juges et qui ont tout intérêt à grossir le plus possible
les torts de l'adversaire (1). Ce qui est bien certain toutefois, c'est
(i) L'évèque rcclumail en loul -jS.oon marcs: le comte 37,000. En admellant
que le marc d'argent fût à celte époque dans nos pa\s, comme dans les Kials du
comte de Toulouse, composé de iH sous 1 denier, le marc aurait une valeur intrin-
sèque de 17 fr. 18c., et relative au pouvoir d'aujourd'hui de lo,- (r. Les ^8,000
marcs réclames par l'évèque représenteraient donc j, 91.:), 000 iVancs de notre mon-
naie, et les 37,000 que demandait le comte, 3.81 1,000 francs
E\"EQUES [>K VALENCE AU .AIOYE.X AGE. q i,
que ks documents de ce genre valent plusieurs pages des meilleures
chroniques. \ous croyons de\'oir insérer dans notre Mémoire le
texte de cette curieuse pièce :
Xotum sit omnibus presentibus presentem paginam inspecturis,
quod dominus Philippus de Sabaudia, electus seu procurator \^alen-
tinensis, consensu et voluntate expressa capituli sancti Apollinaris
\'alentinensis, nomine ecclesie \'alentinensis, ex una parte, et nobi-
lis vir Aymarus de Pictavia, ex altéra, promiserunt per stipulatio-
nem sollempnem venerabili patri j., Dei gratia Viennensi archiepis-
copo, et Barralo, domino Baucii, et sub pena duorum milium
marcharum argenti.et tactis sacro sanctis evangeliis juraverunt stare
sententie et mandato, précepte, dicto, diffinitioni, arbitrio et omni-
mode voluntati dictorum dominorum archiepiscopi et Barrali de
omnibus petitionibus, querelis, rancuris, questionibus, controver-
sis, quas inter se ad invicem faciebant. sive de castris et munitioni-
bus, sive de terris, feudis, dominiis, sive de hominibus, pecunia,
forefactis et emendis, que sunt hec. Primo petit dominus electus ab
Aymaro de Pictavia octo milia marcharum argenti. adjudicata Vil-
lelmo. quondam electo Valentinensi, nomine ecclesie X'alentinensis.
per dominum imperatorem contra Aymarum de Pictavia seniorem,
cujus iste est hères. Item petit sibi restitui ab eodem Alonteison et
l^pianum, que bone memorie Villelmus, electus N'aient. , habebat
et tenebat sibi pignora obligata pro mille et sex centis libris ab
.\demaro de Pictavia seniori, que castra idem Ademarus senior
abstulit eidem electo. Item p'etit ab eodem castrum de Vaunavey,
quod dictus Ademarus senior abstulit predicto Villelmo, electo
\'alent., in treuga. Item petit castrum de Gigort, quod iste Adema-
rus abstulit huic electo in treuga. Item petit ab eodem restitui bur-
gum de Crista et utrumque castrum ejusdem burgi . quod idem
Ademarus abstulit sibi in treuga : quorum castrorum superius spec-
tat ad ecclesiam A'^alentinensem. ex donatione Silvionis quondram
de Crista; inferius vero castrum habebat bone memorie Willelmus,
quondam A^alentinensis electus , pignori obligatum pro duabus
milibus libris. Item petit sibi restitui ab eodem castrum Montis'La-
gerii, quod idem Ademarus diruit in treuga. Item petit restitui sibi
ab eodem omniadampna, que sibi intulit idem Ademarus in treuga.
capiendo castra et homines ipsius, predas animalium et spolia ho-
minum abducendo, que extimat decem milia marcharum , prêter
strages hominum, nobilium et innobilium, et etiam clericorum, qui
non receperunt extimationem. Item petit sibi restitui ab eodem Ade-
maro expensas, quas fecit occasione treuge fracte ab eodem Ade-
maro, quia idem Ademarus nolebat de treuga concedere, quas
expensas extimat viginti milia marcharum, exceptis hominibus inter-
fectis, qui non possunt extimari. Item petit ab eodem Ademaro
Castrum Duplex, quod est de feudo ecclesie Valentinensis, et sine
consensu ejusdem ecclesie émit et detinet illud, unde incidit in com-
missum. Item petit ab eodem castra de Gloyran, Bel Chastel, Sant
04 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
.Marcel, que dicitesse commissa, quia idem Ademarus non fecit hom-
magium pro castris illis eidem ecclesie \'alentinensi. Item petit cas-
trum de Chalancone, quod fuit adjudicatum bone memorie domino
\\"illelmo, electo Valen., a ^^'illelmo Arlaudi et sociis suis, propter
contumaciam Ademari de Pictavia senioris. Rancure vero seu que-
rimonie, quas facit Ademarus de Pictavia de domino electo et eccle-
siaA'alentinensi sunt hec. In primis predictus Ademarus petit a pre-
dicto electo et predicta ecclesia dampna et gravamina que sibi intu-
lit. sive quorum causam sive occasionem dédit Silvio de Crista,
cujus bona predicti possident, sive ad se pertinere dicunt ; cujus
Silvionis ope et consilio. cornes Montisfortis venit in terram pre-
dicti Ademari et eam destruxit, scilicet villam de Crista, castrum
Rupisfortis et Sancti Boneti et Sauzeii, et Alti Campi et Roche, et
Balme. et Rochete, et Grane, et Upiani, et Montismariani, et Vau-
navesii, et Montaison, et Vibiani, que dampna estimât viginti milia
marcharum argenti. Item petit castrum de Mirmanda, quod cum
esset de feudo s'uo et dominationibus, ecclesia Valent, illud emei'it.
et possessionem ejus, sine assensu ejus, intraverit, dicit ipsum inci-
disse in commissum et sibi debere adjudicari, et cum pro eo jure sibi
recuperando contenderet, dicit sibi guerram fuisse factam per eccle-
siam Valentinensem, et dampna que passus fuit ipse et sui et expen-
sas ex illa guerra estimât decem milia marcharum argenti, que sibi
petit restitui. Item dicit quod dominus ^^'illeImus, electus \'alent..
propter peccuniam sibi ab eis datam, talem cum tutoribus predicti
Aemari fecit conventionem. quod ipse debuit ipsos bona fîde javare
et terram ejus defendere usquequo predictus Aemarus complesset
quartum decimum annum, et si quid de terra ipsius .\emari ad eum
aliqua occasione infra illud tempus perveniret, debuit illud predicto
Aemaro reddere immune et quitium, et quia, infra illud tempus, cas-
trum de Chabreilano ad manus ejus devenit et ipsum castrum erat
predicti Aemari et fuerat patris sui, petit ipsum sibi restitui et
dampna sibi et suis, ob guerram inde culpa ecclesie Valent, ortam
illaia, et expensas a se inde factas, que estimât decem milia mar-
charum argenti. Item dicit quod cum ipse presentaret stare juri, per
manus communium amicorum vel domini pape vel domini imperato-
ris, secundum quod ad unumquemque ipsorum perlineret cognitio
predicta, ecclesia et dominus electus predictus movit guerram contra
ipsum et obsedit castrum Stelle et ipsum sibi abstulit, sive causam
dédit, et ipsum detinet, et destruxit castrum Sancti Desiderii et Bar-
cellune, et terram ejus vaslavit, que dampna. prêter stragem homi-
num et expensas inde factas, estimât quindecim millia marchaium
argenti, que cum predicto caslro petit sibi restitui. Item reddilus,
quos predictus dominus electus percipit de terra ipsius, predictus
.Aemarus estimât duo milia marcharum argenti. que petit sibi resti-
tui. Item dicit quod illa pars sive pareria, quam ^^'illelmus de Vaesco
habebat in castro Sancti Marcelli, erat de feudo sive dominatione
sua, quam cum de ea ecclesie ^'allentinensi de novo et contra jus
fueril facta recognilio, petit eam sibi restitui et possessores predicti
EVEQUES 1)E VALENCE AU .MOYEN AGE. 95
feucli a predicta ecclesia absolvi, si in aliquo sibi ob illam rccognitio-
nem teaebantur. Et qualitercunque predicti duo simul inter partes
si possent amicabiliter componendo vel de jure sententiando senten-
tiarent, mandarent, preciperent, interloquerentur, dicerent, diffini-
rent, ordinarent... de omnibus supra dictis petitionibus, querelis.
presentibus utrisque partibus, vel una présente et altéra absente....
non obstantibus aliquibus exceptionibus, dilacionibus, declinato-
riis.... tenere et observare et contra nonvenire predictis arbitris, sub
pena predicta et juramento, sollemniter promiserunt, addentes quod
tociens comittatur pena quotiens contra factura fuerit, in totum vel
in partem, a predictis partibus vel ab aliqua ipsarum,... renuncian-
tes in supradictis omnibus dicte partes doli, metus et in factum ac-
tioni seu exceptioni et minori etati et beneficio juris,... et omnibus
aliis exceptionibus... eis de jure vel de facto in hoc negocio compe-
tentibus. Fuit actum expressum in compromisso quod de pena pos-
sint dicti arbitri cognoscere et eam parti observanti mandata ipso-
rum adjudicare, nec hoc fuir omissum, immo dictum expresse, ut
morte unius arbitri ipsum arbitrium finiretur, et istud similiter de-
ductum fuit in compromisso quod partes locis et temporibus, a dictis
arbitris assignatis eisdem., veniant, nisi... légitime se excusent, nec
unus dictorum arbitrorum sine alio possit dirimere questiones, vel
eas examinare, vel in aliquo procedere in negocio memorato. Item
dictum fuit expresse quod sub dominatione, quam dicit se habere
Guigo Delphini in castris Stelle, Criste, in parte tamen que fuit do-
mini Silvionis de Crista, Auguste, Deiajua et eorum appendiciis, si
hoc vel aliquid prediclorum per pacem a dictis arbitris factam ad
manum dicti .\emari pervenerint seu remanserint, quod dictorum
arbitrorum stetur cognitioni et ordinationi, et super hoc inter Gui-
gonem Delphini et Aemarum de Pictavia orta contentio, una cum
questionibus sepedicti electi per dictos arbitros sopiatur. Item et
de questionibus, quas habet Giraudus Basteti cum domino electo et
e converso, fuit in compromisso specialiter dictum ; fuit preterea ex-
pressum in compromisso quod de querimoniis et rancuris valitorum
utriusque partis expressis possint arbitri simul vel separatim cognos-
cere ac diffinire. Ad hec deductum fuit in compromisso quod pacem.
quam inter partes facient arbitri, pacem habeant homines et valito-
res eorum ac dicte partes dictis arbitris promiserunt, sub pena et
juramento predictis. Pro predictis singulis et universis fîdeliter im-
plendis. atendendisetobservandis cum pena et juramentopredictis,pro
se, hominibus et valitoribus suis, dederunt fidejussores juratos prefatis
arbi tris dicte partes, promi tentes in virtuteprestitijuramenti,singuli pro
parte sua, quod si in dictorum arbitrorum sententiis, vel ordinationibus,
vel mandatis eorum ad jussum et mandata dictorum arbitrorum,
ubi ipsi preciperent, tandiu tenerent ostagia donec mandata (fuerint
expleta). Xomina vero Hdejussorum sunt hec, pro parte domini
electi, princeps Aurasice. dominus Candiaci, Ademarus de Grai-
nham, Hu. de Chastillon, dominus G. de Tre, \\illelmus .Armani
senior, Petrus de Mirmanda. Silvio de Rupe, Audebertus; ex parte
QÔ . QUARANTE ANNÉES DE l'hISTOIRE DES
Aernari, Pon. de \'illaiiova, princeps Aùrasice, Giraudus Basteti,
Hugo de Petragorda, Amalricus de Rupeforti, Bertrandus de Tau-
linhan. Arnaldus Gueelini, Arbertus Cornilhan, Geelinatz.. . : tra-
dentes nichilominus dicte partes ipsis arbitris. pro predictis obser-
vandis castra infrascripta... : pars domini electi, castra Alesii et
Castrum Novum super Ysaram ; pars vero Aemari, castra de Pousino
et Upianum, et communiter de mandato partium predictarum, do-
minus Aemarus de Bressiaco castrum suum de Alontemirato ipsis
arbitris reddidit et se pro predictis arbitris. juramento prestito, se
constituit possidere donec mandata dictorum arbitrorum perfecte
fuerint expleta ; de quibus castris, actum est expressim in compio-
misso quod si aliqua predictarum partium contra mandata predicto-
rum arbitrorum, in totum vel in parte, veniret, vel totaliter non
observaret, castra dicta mandata non observantis alteri parti trade-
rentur pro pena superius nominata..., promittentes partes ipsis ar-
bitris sub pena et juramento predictis quod nichil dicent vel facient.
per se vel per alios. unde dicta castra possint ammitlere, donec ipsi
arbitri ordinando dixerint ab ipsis partibus plenarie sit completum.
Item actum fuit expressim in compromisse quod de castris vel terra
unius partis possint dicti arbitri dare alteri parti vel precipere quod
una pars accipiat ab altéra de terra sua vel castris quantum dicti
arbitri voluerint, et quando voluerint, et eo modo quo precepe-
rint, et prcceptum dictorum arbitrorum in hoc et in omnibus aliis
tenentur dicte partes in omnibus et per omnia adimplere. Promise-
runt preterea dicte partes dictis arbitris. juramento interposito cor-
poraliter, quod villam Romanensem non exeant, donec mandata
predictorum arbitrorum compleverint. Hoc etiam ex parte domini
electi juraverunt Rogerius de Rupe, Petrus Isoardi, dominus de Can-
diaco, Guido de Boczosello, Bastetus, Humbertus de Sancto Sim-
phoriano, Guigo Argius, Guigo prepositus Valentinensis, Franciscus
Durre, Po. , vicarius Valentinensis : ex parte Aemari Willelmus
de...., Giraudus Basteti, \\ illelmus de Camareto, Poncius.. , Hugo
de Petragorda, iVmicus, Arnaldus, Bartholomeus... (Insuper actum
est expressim)... quod compromissum hoc sigillis suis dicte partes
sigillarent et castra supradicta reddant, et universa et singula supra-
dicta servent et contra non venianl. . .\ctum Romanis, in domo ar-
chiepiscopali, XIV kalendas martii, anno Domini M". CC". XL'\
quarto. Ut autem omnia et singula supradicta et illibata permaneanl.
nos predictus electus seu procuralor ecclesie \'alentinensis, et capi-
tulum ejusdem ecclesie, et ego Aemarus de Pictavia presens com-
promissum sigillamus. et nos J.. Dei miseratione Viennensis archie-
piscopus,. et Barralus, dominus Baucii, sepedicti arbitri, ad preces
dictarum partium hoc compromissum duximus sigillandum (i).
<ij Archives du dép. de ll.'ière, B, 55-'! Original parch. de 75 lignes. Les cinq
sceaux qui pendaient à la charte ont disparu. — Autre original parch. de 79 lignes,
sceaux égalennent disparus, aux archives de la Drûmc : fond> tle l'évéché de \'alence,
non encore classe.
EVEQUES UE VAEENCi; AU MOYEN-AGE. 07
Trois jours aprcs cette première séance, le 22 fé^ rier, les parties
intéressées étaient de nouveau convoquées, dans une des salles de
l'habitation de larchevèque à Romans, pour entendre la sentence
qui devait mettre un terme à leur longue querelle. Ce fut en pré-
sence de l'abbé de Léoncel, du prieur du \'al-Sainte-Marie et d"A-
démar de Bressieu que Jean de Bernin et Barrai de Baux rendirent
leur jugement : le comte conservera Fitoile, Chabrillan, Château-
double, mais il sera tenu d'en faire hommage à l'évéque et de lui
payer annuellement une redevance de 40 chandelles de cire ; la pa-
rérie de Crest, qui avait autrefois appartenu à Silvion, les terres
d'Aouste et de Di\"ajeu demeureront au prélat ; celui-ci est déclaré
absous de la demande faite par led. Aymai* du château de Mir-
mande, prétendue tombée en commise ; d'autre part, Aymar n'aura
point à payer les 8,000 marcs d'argent réclamés par l'évéque. ni à
lui livrer les châteaux de Montoison, d'I pie, de Gigors et sa parérie
de Crest ; enfin de toutes les sommes demandées par l'évéque, à des
titres di\ers, et dont l'exagération est évidente, Aymar ne devra
payer au prélat que 5.000 livres viennoises ( 1 ).
i; Les 5,000 livres viennoises reprébcntaient environ 57(1,000 tr. de noire mon-
naie.— Archives du dép de l'Isère, B, 3,5-'i Original parch. n... In primis si-
quidem precipimus. . quod cl. Ademarus caslrum Stella et mandamentum cum per-
tinentiis suis recuperet et habeat, sicut antecessores sui pleno jure, ita tamen quod
d. electus machinas, maerias, garnisones et omnia alia mobilia vel se moveniia, si
qua habet ibi, possit'inde e.xtrahere et ea ubi voluerit deportare. Item dicte Ade-
maro partem suam de Chabrillan et dominium quod in eodcm castro et mandamento
habebat precipimus sibi reddi. Castrum vero C^-iste, pro parle illa que fuit quondam
Silvionis de Crista, preposili Valentinensis, cum appendiciis suis, que d. Aemarus
tenet vel alius pro eo, ad dictum electum libère revertatur, ita tamen quod d.
Aemarus, si qua habel ibi mobilia vel se moventia possit inde e.xtrahere et ubi vo-
luerit deportare. Item castrum de Deuajua, cum pertinenciis suis pênes ipsum elec-
tum remaneat, et quod alter alteri predicto restituât arbitramur. Si quid aulem
electus débet dicti Ademari hominibus vel Ademarus hominibus dicti electi, salvum
sit eis. De questione vero seu rancura Castri Duplicis, taliter ordinamus, videlicet
quod d. Ademarus de Pictavia et successores sui teneant et habeant in feudum tVan-
cum di:tum Castrum Duplex, absque redditione casiri dicto electo Valentinensi et
successoribus suis in perpetuum... Item castrum Criste inferius, obligatum bone
memorje W'uillelmo electo \'alen. pro duo millia libris ab Ademaro de Pictavia
seniore, quod iste Ademarus abstulit sibi in treuga et castrum Montis Lagerii quod
idem Ademarus in treuga diruit... ab his omnibus petitionibus, quequmque magne
sint et ardue et in eis d. Aemarus excessisse plurimum videaiur, ipsum Ademarum
absolvimus, precipientes eidem ut quinque milia librarum Viennensis seu Valenti-
nensis monete, in recompensatione diciarum petitionum et debitorum. solvat electo...
.Vclum Romanis in domo archiepiscopali in fornello superiori, coram icslibus ad
q8 quarante années de l'histoire des
L"évéque et le comte promirent solennellement d'observer ce
traité. Par un acte spécial. Aymar remit entre les mains du prélat.
en garantie de la fidélité de ses promesses, les chàteau.x du Pouzin,
de Gigors et de Pontaix ; celui-ci, de son côté, remit au comte les
terres de Saint-Marcel et de Châteauneuf-sur-Isère (i).
Après avoir terminé ses différends avec le comte de Valentinois,
Philippe s'empressa de rejoindre le pape à Lyon, où sa présence
allait devenir nécessaire. Le concile œcuménique, annoncé l'année
précédente, s'ouvrit dans cette ville le 28 juin 1245. Cent quarante
prélats seulement eurent les moyens ou le courage de se rendre à
l'appel du pape. On s'explique cette abstention de la part du corps
episcopal. Le conflit soulevé entre le sacerdoce et l'empire touchait
aux dernières limites de la violence. Repoussant les parole.-^ de con-
ciliation que faisaient entendre, au nom du roi de France, l'empe-
reur latin de Constantinople et le comte de Toulouse, Innocent I\'
était bien résolu à porter les derniers coups à la puissance de Fré-
déric, l'implacable ennemi de l'Eglise. La situation faite aux évê-
ques devenait des plus délicates. S'attacher au chef de l'Eglise,
c'était s'exposera toute l'indignation de Frédéric et pour le moins se
voir enlever ces privilèges temporels, que la plupart d'entre eux te-
naient de la libéralité impériale. Pour s'être montré fidèle au pape et
peu empressé à défendre les amis de l'empereur, l'évéque de \'iviers
avait été naguère dépouillé du droit de lever des péages dans l'éten-
due de son diocèse (2). C'était là un avertissement donné à tous ses
collègues. Du reste, nous ne devons point perdre de vue que tout
le monde à cette époque n'avait pas les mêmes sentiments sur les di-
verses questions politiques et religieuses qui se débattaient alors entre
le pape et Frédéric. Comme il était aisé de le prévoir, le concile se
termina, le 17 juillet, par une double sentence d'excommunication et
de déposition lancée contre l'empereur. Pendant que se traitaient à
Lyon d'aussi graves questions, il avait été nécessaire de songer à la
sécurité du concile et de prévenir un coup de main des impériaux ; le
hoc vocaus et rogatis. videlicet abbate Lioncelli, B, priorc vallis sancte Marie.
Ademaro domino de Breissiaco, li, domino Candiaci, Humberto Pelos et jauL-e-
rando filio ejusdem, W", priore sancii Felicis, Rogerio de Clariaco, magistro P.
Morestel, Guigone Arrin, Arberto de Foillans, sacrista Diensi, W'^ de Camaret, Ar-
berto, decano Valentinensi, Guigone, ejusdem ecclesie preposito, Aquino, Poncio
vicario, Bertrando de Stella, ociavo calendns martii anno Dni M". CC". XL. quarto.
In quorum leslimonium... 'i
'r) Chorieb, Hisl. gèii. de liauphiné, l. II, p. 1 .' 1 .
'2) Teulet, Layettes du trésor des chartes, n" 3,195.
EVEQUES DE VALENXE AU MOYEN AGE. 9g
pape n'avait eu garde d'oublier les mesures de prudence, et ce fut à
Philippe de Savoie, puissamment secondé par les Hospitaliers et les
Templiers, que revint l'honneur d'assurer la liberté du concile (t).
Nul doute que l'élu de Valence ne se soit acquitté de cette charge
avec dévouement et habileté ; Innocent 1\' lui donna, en effet, dans
ces circonstances, un témoignage éclatant de confiance et de satis-
faction.
Lorsque le pape était venu demander un asile à Lyon, il avait
trouvé le siège métropolitain occupé par un vieillard , Aimery ,
homme d'un caractère conciliant et pacifique. Ce digne archevêque,
fatigué sans doute par les préoccupations de toute sorte qu'amenait
la présence de la cour pontificale, ne devait point tarder à donner sa
démission. Il assista au concile, mais aussitôt après la dissolution
de l'assemblée, il s'empressa de quitter son siège et d aller prendre
sa retraite à Grandmont {2). Quelques historiens, comme les auteurs
du Gallia chnsliaiu, ont prétendu que le Chapitre de Lyon mani-
festa le désir de voir la dignité métropolitaine conférée à Hugues de
Saint-Cher; ils ont même ajouté que le pape, a}ant d'autres des-
seins et voulant toutefois répondre d'une certaine manière à la de-
mande qui lui était faite, appela l'illustre dominicain au.\ honneurs
du cardinalat (3). Mais, sur ce dernier point, nous devons de préfé-
rence ajouter foi à Nicolas de Curbio, le biographe d'Innocent W ;
il nous apprend que la promotion de Hugues avait eu lieu dès l'an-
née précédente, alors que le pape était encore au-delà des monts (4).
Innocent IV voulut donner la place d' Aimery à celui-là même qui
l'avait escorté dans son voyage à travers les Alpes, qui venait de
mettre son épée au service du concile et qui enfin par les liens d'une
1 Math.eus Paris.. I\ , p. \2h: « FacLus est quasi princeps papali? militie. el
cuslos prœpotens pacis in coniMlio Lugclunen^i celebrando. »
(2,1 Math.eus Paris., I\'. p. 429 : « Cito quoque post, a^chiepiscopu^ Luydu-
nensis, vir sine querela cl pacificus et jam veigens in aitalem senilem el valetudi-
nariam, omnia in manu papac rcsignavit. » Aimery scella les rouleaux dits de Clunv.
que le pape fil écrire avant le 17 juillet 1245 (Cf. Elie Berger. Op. cit. Introd.
du tome 1, p. XLVIII). Il avait résigné ses fonctions à la date du 28 juillet ij^^,
ainsi que le prouve une lettre d'Innocent I\' au doyen de Limoges et au prieur de
Sainie-Radegonde de Poitiers ; celte lettre est relative à la pensitjn que doit rece-
voir l'archevêque démissionnaire. (Gallia christiana, t. I\', Inst.. col, ^o.)
(3) Galia christiana, t. I\", col. 143.
(4) rt C'est à Suse. lorsque le pape franchit les Alpes, que Hugues étant venu le
trouver reçut de ses mains l'anneau cardinalice (Nicolas de Corbio. ch. XV. ,, e^ sa
nomination est antérieure à la remise de l'anneau. )i Eiie Berger, op. cit.. Inlrod'
du l. III, p. L.\.
100 (TUARAXTE ANXEES DES EVEQUES DE VALENXE
étroite parenté touchait aux trônes de France et d'Angleterre : Phi-
lippe de Savoie, élu de \'alence lut donc choisi pour administrer
l'Eglise de Lyon. Par une singulière dispense, le pape l'autorisa à
garder en même temps l'administi^ation et les revenus du diocèse de
Valence, les riches bénéfices qu'il a\'ait en Angleterre et en Flan-
dres, ainsi que la charge de prévôt de la cathédrale de Bruges (i ).
Comme on pourra s en convaincre par la suite de ce récit, Philippe
de Savoie ne parait pas s'être douté un seul instant des redoutables
responsabilités qu'il assumait devant Dieu et devant l'Eglise, en
chargeant ses épaules de tant de dignités à la fois. Ces titres furent
pour lui autant de moyens d'augmenter ses revenus. 11 persista dans
la détermination de ne pas recevoir les ordres sacrés, ne \oulant pas
s'enlever de la sorte la possibilité de rentrer un jour dans la \ie
civile et de se marier, si l'étoile, qui l'avait si bien guidé jusqu'à pré-
sent, le conduisait enfin à de plus hautes destinées, il se renferma
de plus en plus dans son rôle de politique, de guerrier et de cour-
tisan. Il prit, dit-on, un coadjuteur pour l'accomplissement des fonc-
tions spirituelles de sa charge dans le diocèse de Lyon, et fit choix
d'un religieux mendiant, frèi^e Guillaume Pérault, de l'ordre de saint
Dominique, homme fort recommandable par sa science et pai' sa
piété (2).
(La suite au prochain numéro). Jules CHE\'ALIER.
(1) Math^us PAras,, lY, 425-b : « Electus Valentiae ipsis diebus ad archiepisco-
patus Lugdunensis promotus esi possessionem, priore cedenie ob causas dicendas
{ou peut-être discendas). Qui tantam a domino papa meruil obtinere dispensatio-
nem ut archiepiscopatus retenla cum huis commodis potestate episcopalu^ X'alenlini
proventus perciperet uberrimorum reddituum, quos in Anglia et Fiandria possede-
rat, quod plus, ut videbatur, ob causas sseculares fiebat quam spirituales, libère ac
licenter asporlaret, et prasposituram Brugensem obtinebat. Hic igitur elegans cur-
pore et arnnorum peritia preepollens, copiosisque redditibus saginatus factus est
quasi princeps papalis militiœ... » — « En outre le pape, le 9 aoùl 12^7, permit à
Philippe de conserver pendant cinq ans les bénéfices qu'il tenait de l'Eglise de
Lvon avant sa promotion au siège archiépiscopal.» Eue Berger, n" 3128.
(2) Le dominicain Guillaume Pérault est mentionné dans une foule d'ouvrages,
mais sa biographie est loin d'éire bien connue. Le nom de Pérault lui vient du
lieu de sa naissance, qui est le village de Pérault dans cette partie du Languedoc
qui dépendait autrefois du diocèse de Vienne. On peut consulter sur l'histoire de ce
personnage, auteur d'une SujuiulI de vitiis el virtiiiibus, ouvrage de théologie mo-
rale demeuré longtemps célèbre dans les école> : QuÉrir et Echvrd, Scriptorex
ordinis Prxdicalorum, t. I (1719), p. 131-fi ; — Histoire littéraire de la i'raiice.
l. .\IX (1838). p. 307-16 ; — RocHAv, Hio'^raphie du Dauphinè. l. 11, p. j 30 : etc.
HISTOIRE RELIGIEUSE
SAINT-AGNAN-EW-VERCORS
(DROME,.
(Suitk). *
■- ^i^l-^££^'V£i^ /
En 1658, Tévéque trouvait la chapelle « sans ornements, » et César
deChypresne faisait aucun service. Le prélat prescrivit à César
d'exhiber ses titres, pour que le service fût ensuite réglé.
En 1687 encore point de service. I^nfin, .Mgr de Pajot, faute de
recteur et de titre, « ordonna être dit 12 messes par an, » que le
curé acquittait, parait-il, en 1728, moyennant les 6 livres qu'il
tirait (1 j.
Chapelle des Pénitents. — Dès 1644, il y avait « au dessus de la
porte » de l'église, « une tribune, laquelle s'estandait par une galerie
jusqu'au cœur, et servait pour les Pénitents, » lesquels pour-
voyaient à son entretien. En i68g, « la tribune de l'église servait
encore aux Pénitents de chapelle pour y dire l'office aux jours de
festes et dimanches. » Mais on ne tarda pas à faire construire une
chapelle plus grande et plus commode. En 1729, il y avait « à costé
de l'église, à droite en y entrant, une chapelle où les Pénitents s'as-
semblaient pour leur office ; '> elle était fort propre, munie d'un autel,
et sous le vocable du St-Saa enient. Mais, en 1735, '^^^ autel étant en
bois et sans pierre sacrée, l'évêque prescrivit de le remplacer, aux frais
de la confrérie, par un autel en maçonnerie et muni d'une pierre
sacrée.
En 1721, une veu\e léguait une livre à la chapelle: en 17^8, un
habitant du lieu lui léguait 3 livres ; en i74<), un autre léguait 6 livres
à l'autel, auquel une femme léguait une livre en 1751, et le curé De
la Cour i^ en 1761. Grâce à ces dons et à d'autres ressources, l'autel
et la chapelle, au haut de laquelle était celui-là, se trouvaient « en
bon estât en 1787. »
Aujourd'hui encore, cette chapelle existe, est munie d'un autel
convenable, et sert aux Pénitents actuels. Elle est à côté et au midi
(i) Arch. cit., visites cit. et fonds de Sl-Agnan, oi'iu'.
I02 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
de la nef de réglise, « dans le même sens et à peu près de la même
longueur, » comme la trouvait, en 1787, l'archiprètre visiteur (' 1 ).
On y accède du dehors par une porte ouverte sur la façade, et de
l'église, par une porte ouverte dans le mur mitoyen.
Notre-Dame du Rosaire. — En 1644, l'évêque trouvait dans l'égli-
se, « sur le coin du cœur, à main gauche en entrant, l'autel de
Nostre Dame du Rosaire, sans recteur, revenu ni patron; » il exhor-
tait les habitants faisait partie de la confrérie du St-Rosaire, <■ ou
autres avant spéciale dévotion pour l'honneur et gloire de la Ste-
Vierge. de faire faire le divin service ez lestes d'icelle sur ledit autel.»
La visite de 165S constate à son tour que c la chapelle Nostre-
Dame » est *< sans revenu, service ni titulaire. » Mais, comme le
service de la confrérie du Rosaire s'y faisait, cette confrérie pour-
voyait à son entretien. Aussi, en i68g, l'autel en maçonnerie était-il
« garni d'un tableau avec son quadre doré, un petit tabernacle doré,
quatre beau.x. chandeliers de letton, une croix de bois argentée avec
son crucifi.x, un Te igitur. quantité de nappes d'autel et de com-
munion. " 11 était garni « d'un cadre de noyer au naturel et de
« deux devants d'autel, un de ligature double et un de satin à grandes
fleurs. >'
Du reste, a érigée par la piété des fidèles, » comme dit mie
visite de 1729, cette chapelle fut encore favorisée de leurs dons.
Nous voyons léguer à son autel en 1724, par Jeanne Gauthe-
ron, 3 livres; en 1738, « une livre cire »; en 1745, par Jean .-\lgoud-
Magnan, 3 livres ; en 1749, 6 livres ; en 1754, i livre ; en 1759. par
Claude Breyton, 6 livres.
Propre en 1 7 1 3, cette chapelle ne manquait en 1735 que d'une
pierre sacrée convenable, ce qui obligea Daniel-Joseph de Cosnac à
interdire la vieille, « sans tombeau de reliques et très mauvaise, » et
à prescrire qu'on en acquit une bonne.
L'autel existait encore en 1787. (2)
Chapelle de St-Josepli. — Dès janvier 1745 nous trou\ons une
confrérie de St- Joseph à St-.\gnan, et cette confrérie avait son aulel
ou chapelle sous le même vocable. Cet autel recevait en 1745, ^^'^
Jean Algoud-.Magnan, un legs de i livre 6 sols; en 1748, 3 livres;
en 1749, 6 livres ; en i7S4- ' liNre: en 1759, de Claude l>re\ton,
6 livres (3).
(i) Arch. cit., visites et fonds cit. : — Minutes cit., passiiii.
(2) Ibid.
(■^) .Minutes cit.. fassiiii.
SAIN r-AGNA.\-KN-VERCORS. IO3
En 1787, cet autel était situé dans la nef ('i).
Chapelle de St- Jean-François Régis. - En 1787. M. Roux, archi-
prêtre, trouvait dans la nef de l'église de St-Agnan, \ autel de St-
François Régis (2).
Aujourd'hui, il y a mieux encore. On a élevé depuis de longues
années déjà à 2 kilomètres au levant du village, sur une éminenee
rocheuse, une petite chapelle, dédiée à St-Jean-F'rançois Régis. On
Y va en pèlerinage, et on y dit la messe le 16 juin, fêle du bon et
glorieux saint.
Chapelle de Notre-Dame des Stpl-Doiileurs. — Les habitants de
la Breyiière, important hameau de St-Agnan, ont construit chez
eux, vers 1875, une jolie chapelle, dédiée à Xolre-Dame des Sept-
Douleurs, et bénite en 1877. On y célèbre la Sainte Messe quel-
quefois, notamment le iq septembre.
1\'. — CONFRÉRIES.
Confrérie du St-Fsprit. — Xous avons vu qu'une confrérie sous
ce vocable existait à la chapelle en 1399 et plus tard. Nous avons
dit en quoi elle consistait, quels étaient ses caractères religieux et
bienfaisants. Or, St-Agnan eut aussi, apparemment vers la même
époque, sa confrérie du Saint-Esprit ; car lévêque, dans le procès-
verbal de visite de l'église de St-Agnan en 1658, dit : « 11 y avoit
autrefois la confrérie du Saint-Esprit, laquelle avoit des rantes et
une maison qui a esté vandue à Pierre Girin. » .Mais c'est tout ce
que nous savons de la confrérie et de ses biens.
Confrérie des Pénitents du St-Sacrement. — Fondée antérieure-
ment au 2 juillet 1644, année où elle faisait son office à la tribune,
cette confrérie est appelée la dévote congrégation du très-auguste
Sacrement de l'autel clans un acte de 1650.
Elle reçut de bonne heure des legs de plusieurs habitants du lieu.
En 1651, Jean Algoud-Magnan lui léguait 3 livres.
Encore installée à la tribune en 1658 et même en 1689, année où
elle avait environ 60 membres et disait son « office aux jours de
festes et dimanches, » elle se fil construire quelques années après
la chapelle que l'on voh encore aujourd'hui au midi de l'église et
contiguë à celle-ci.
(1) .\rch. cit., fonds de Si-Agnan, orig.
2) Ibid.
104 HISTOIRE KKl.IGIErSi: L'i:
En 1711. << des troubles et de !a division >< s'élanl produils « parmi
les confrères, » lévêque chargea le curé de Vassieux de se trans-
porter à St-Agnan, dans la chapelle de la confrérie desdits Pénitents
pour prendre connaissance, les confrères assemblés, des causes du
mal. Ce curé vint et un procès-verbal de l'enquête, signé par tous
les confrères lettrés, fut envoyé en août de ladite année, au prélat,
qui déclara « l'élection laite par les susdits confrères en date du
16 juin dernier, valable et légitime, » la confirma en tant que de
besoin, ordonna au prieur de la publier dans une assemblée des
confrères en leur chapelle, et de veiller à ce que tels troubles et
« scandales » ne revinssent pas.
Quant au règlement suivi par la confrérie, l'évéque en visite, en
1735, ordonne « que les Pénitents » de St-.\gnan se servant des
statuts et règlements ordinaires de la Confrérie» duConfalon imprimés
à Grenoble en 17 17, continueront à l'avenir à se servir du même
brevière et d'observer les mêmes statuts et règlements. »
Au surplus, les dons continuaient. Outre ceux faits à sa chapelle,
il est fait à la confrérie, en 1724. un legs d'une livre 10 sols; en
1742, un legs de 6 livres : en 1744. un legs de ] livres ; en 1745,
deux de ■; livres chaque ; en 1747, un de 12 livres, par Barthélémy
Rolland, '« à la charge que les confrères assisteront à son enterre-
ment ; ■> en 1749, deux de 6 livres chaque ; en 1754, un de 15 livres;
en 1755, un de 3^ livres, par noble Jean Ode de Bonniot ; etc.
En 1787, « la confrérie des F*énitents du Confalon » existe toujours,
mais elle est pauvre ; son trésorier assure à l'archiprêtre en visite
« que loin d'avoir des fonds, il a beaucoup avancé de son propre ar-
gent (1). »
Elle disparut pendant la Révolution ; mais, rétablie quelques
années après, elle continue à faire aujourd'hui le bien parmi ses
membres et à toute la paroisse.
Confrérie du Sl-Rosaire . — Dès 1644, l'évéque, en visite à St-Agnan..
y exhortait les menibres de cette confrérie à faire faire « le di\in
service » sur l'autel de .\oire-Dame du I^osairc aux fêtes de la
Sainte-Vierge.
Le service de « la dévote congrégation du sacre Ro/aire » se iai-
sait encore en 1650, en 165'*^. en 1689, en 1720 et !73S' ^^ ^'^^ autel,
entretenu par la confrérie elle-même,
Outre les dons faits à l'autel, cette dernièi'e recevait des dons et
(i) .\rch., visil. el fonds cil.
SAINT-AGNAN-EX-VERCORS. IO5
legs pour ses divers besoins. On lui voit faire un legs en 1651,
par Jean Algoud-.Magnan ; un legs de i livre to sols en 1724; un
de 3 livres en 1742 ; un de 6 livres en 1744. par Anne Rolland; un
de 12 livres en 1747, par Barthélémy Rolland, « à la charge que » les
membres de la confrérie « assisteront à son enterrement ; » deux de
6 livres chaque en 1749, par Marie et Jeanne Rolland: un de 6
livres en [754, par Pierre-Joseph Rolland ; un de 16 livres et quel-
ques sous en 1755, par noble Jean Ode de Bonniot : un de 30 livres
en 1756.
En 1787 cette confrérie existait et avait sa trésorièi-e, mais était
pauvre ( ij. Disparue pendant la Révolution, elle a été rétablie et
existe toujours.
Confrérie de St- Joseph.— Elle existait avant le 0 juin 1744, jour où
Anne Rolland lui léguait 3 livres; et le testament de Louis Gerin,
contenant le legs d'une livre en sa faveur, dit positivement qu'elle
est « établie dans l'église dud St-Agnan. » Puis viennent des legs de
12 livres en 1747. par Barthélémy Rolland, de 6 livres en 1749 par
-Marie Rolland : de 6 livres en 1734, de 30 livres en 1756.
Cette confrérie avait sa trésorière en 1787; mais elle était sans
revenus et presque sans ressources.
Confrérie des Agonisants. - Cette confrérie, dont le but était de
procurer aux agonisants les secours spirituels dont ils ont besoin,
existait à St-Agnan dès 1755, année où Jean Ode de Bonniot lui
léguait 33 livres 1/3. En 1787, elle était sans fonds ni revenu {2).
Confrérie des Pénitentes. — Etablie pour les personnes du sexe
comme celle des pénitents l'était pour les hommes et jeunes gens,
elle existait dès le 4 janvier 1787, jour où une trésorière déclarait
avoir " 42 livres pour le fonds actuel de la confrérie des Sœurs
Pénitentes (3). >>
\'. - PRATIQCF.S ET INSTITUTIONS DT. BIENFAISANCE.
Nous devons d'abord mentionner ici. à cause de son caractère
aussi bienfaisant que religieux, la confrérie du Saint-Esprit qui
exista jadis à St-Agnan, comme nous l'avons dit plus haut.
Grâce à des protocoles de notaires mis à notre disposition par
(1) Ibid.
(2) Arch. cit., fonds de St-Agnan ; — Minutes cit.
(3) Arch. cit., fonds cit., orig.
Bull. IX. 1889, 8
I06 HISTOIRE RELIGIEUSE DE
leur bienveillant possesseur, nous sommes en droit d attirmer que
dès le XVI'' siècle, les habitants de St-Agnan exerçaient généreuse-
ment la chanté envers les pauvres. Il ne se faisait alors à peu près
aucun testament sans legs de quelque importance pour les pau-
vres. Quelquefois en argent, ces legs étaient cependant plus
souvent en blé ou en pain. C'était surtout aux funérailles, au
bout de mois et au bout de lan que la distribution ou remise
devait en être faite. Aux. siècles suivants, cette excellente pra-
tique existait presque aussi généralement. Ainsi, Jean Algoud-
.Magnan, dans son testament du i6 juillet 1651. " lègue aux pau-
vres de Dieu dudict St-Agnan trois cestiers bled, seigle, mesure
dudict lieu, cuit et converty en pain, et à eux distribués par » son « hé-
ritier, la moytié le jour de » la « sépulture >- du testateur, « et l'au-
tre moytié au bout de l'an d'icelle. » Le 4 janvier 1745, noble César
Odde de Bonniot, sieur de la Tour, coseigneur de Vercors. résidant
à St-Agnan, au château de la Toui, léguait « pour aumône aux pau-
vres dudit St-Agnan la quantité de 40 sestiers bled coussial, mesure
de \'ercorps,') qu'il voulait « leurestre distribuée. sca\oir la moytié le
jour de son déceds et l'autre moytié une année après, en grain ou
en pain au choix de son héritier. ( i ) »
Cependant la 2^" pari de la dîme était une ressource plus cons-
tante et plus assurée.
A St-Agnan, cette 2.f part était payée antérieurement à 1044 ;
mais elle était « distribuée sans le curé », et le 2 juillet de ladite an-
née lévêque prescrivait quelle fût dorénavant « distribuée sans
support aux plus nécessiteux par celui qui » ferait « les fonctions
curiales, châtelain, consuls, et quelques principaux habitants de la
paroisse. »
Depuis lors, nous voyons l'évèque et le prieur spécifiant générale-
ment dans les contrats de ferme de leurs dîmes, que les fermiers
payeront la 24" des pauvres en sus du prix de ferme. 11 y a de nom-
breuses clauses de ce genre depuis 1646 jusqu'à 1775 (2).
Au surplus, la distribution de cette redevance fut à peu près cons-
tamment faite d'une manière conforme aux règlements, tant que
la Révolution n'eut pas supprime du même coup la dime et la j.f
pari.
(i) -Minul., cil., pioicc. Gautitr, reg. (j. f. 124-9; Ffrliit. de (74^, t". 1.
(2) Arch. cit., visites de Die de 1644 ; — Minut. cit.
sai.\t-agnan-en-v?:rcors. 107
Nous avons surtout à parler ici de l'hôpital de St-Agnan, dont le
principal fondateur fut noble Jean Odde de Bonniot.
Né vers 17 17 et tiils de f> noble Cézard Odde de Bonniot, sieur de
La Tour «, lequel était <■ conseigneur de la vallée de Vercors » et
résidait à St-Agnan. en son. château de La Tour, Jean Odde de Bon-
niot, sieur de Saint-Julien, figure comme légataire de son père dans
le testament fait par ce dernier, le 4 janvier 1745, devant Ferlin, no-
taire du \^ercors. 11 en reçoit 5,000 livres, et, tant qu'il vivra non
marié, <■ un appartement meublé dans le château de la l'our. et du
bois pour son chauffage. »
Le sieur de Saint-Julien était un homme profondément religieux
et charilable. Il aimait particulièrement la société des ecclésiasti-
ques. Aujourd'hui il serait certainement traité de clérical. Les regis-
tres de catholicité de plusieurs paroisses en portent à maints endroits
la signature, à partir de 1746. Pendant que ses frères prenaient rang
dans l'armée et se lançaient dans les affaires, il vivait lui-même re-
tiré et dans le célibat, et s'occupait d'œuvres de piété et de charité.
Le 18 novembre 174Q, il dispose testamentairement de ses biens en
faveur d'un hôpital à ériger à St-Agnan, et de manière à intéresser
à cette œuvre deux personnes de l'endroit animées des mêmes senti-
ments que lui. Après ses dispositions spirituelles, et des legs insi-
gnifiants à deux jeunes filleules et à des membres de sa famille, il
institue pour ses héritières universelles Marie Rolland veuve Faure,
et Jeanne Rolland, sœurs, résidantes à St-Agnan, qui jouiront en
commun de l'héritage , mais sans « divertir nul des capitaux. »
Ceux-ci, après le décès de la dernière vivante, appartiendront « en
<* plein à l'hôpital qui va estre érigé >> à St-Agnan « sous le bon
" plaisir et avec les lettres patentes de Sa .Majesté, avec l'agrément
« et l'approbation de -Mgr. l'illustrissime et reverandissime Evêquc
" et Comte de Dye, et, au deffaut d'érection dud. hôpital, aux pau-
« vres de lad. paroisse de St-Agnan. Bien entendu que » lesd. héri-
" tières consommeront les revenus de l'hérédité « dans led. hôpital.
(' et non ailleurs ( i). » Du reste, par testaments du même jour, lesd.
sœurs, après des dispositions spirituelles et pieuses, et des legs insi-
gnifiants à quelques proches, se lèguent l'une à l'autre leur héri-
tage, réversible après leur mort au sieur de Saint-Julien et. après
celui-ci, aud. hôpital et aux pauvres.
(1) Minut. cit., protoc. Ferlin, reg. de 1745, f. i-j ; de 1749-50, f. 17 1-3; —
.Mairie de St-Martin, reg. Je cathol., 1 2 sept, i 746 et après ; — .Mairie de St-Agnan,
reg. de cathol.. passim.
lOC HISTOIRI- Kl LIGIEUSE DE
Ceux qui seraient curieux de connaîti-e la fortune de M. de Saint-
Julien pourraient s'en faire quelque idée par un acte du 25 mai 1753,
passé à St-Agnan, « dans la maison de l'hôpital », en présence du
prieur du lieu. Par cet acte c noble Jean Odde de Bonniot de La
Tour, sieur de Saint-Julien 0, résidant à St-Agnan, baille à ferme
à Jean-François Audrap le domaine que led. sieur de Saint-Julien
possède à St-Agnan et « qu'il a acquis de M*" Jean-François de la
.Morte-Féline, procureur à Die ». le 27 septembre 1750. Led. Au-
drap la déjà tenu au même titre de M*^ de la Morte et de M. de
Saint-Julien. Ce domaine consiste en bâtiments de maison, grange,
étables. jardin, pré, terres, etc., et est affermé pour 8 ans, à 7^0 li-
vres par an.
L'hôpital est autorisé par lettres patentes de mai 1754, permeltant
« d'affecter pour partie des dotation et fondation les maisons, en-
clos et domaines » y désignés, et un arrêt du parlement de Greno-
ble, rendu le 19 juillet 1755, ordonne l'enregistrement et l'exécution
des lettres patentes (i).
Le 7 janvier 1755. .M. de Saint-Julien, détenu de maladie corpo-
relle, à St-Agnan, « dans la maison de l'hôpital, où il est allité » et
entouré de plusieurs curés du Vercors, modihe son testament de
174g. Il lègue à Françoise Achard entretien et nourriture sa vie du-
rant ; mais celle-ci, en santé ou infirme, travaillera, si elle peut, au
profit de Marie Rolland veuve l'aure, faite héritière universelle.
AL de Saint-Julien guérit et eut la consolation de voir le clergé de
la localité s'intéresser tout à fait à l'hôpital. Ainsi, le ^o juin 1756,
Pierre Sclafert de La Rodde, prieur-curé de St-Agnan, après quel-
ques dispositions spirituelles et le legs de ses droits légitimes pater-
ternels à <- dame Anne de Hrunerie, sa mère, et à noble François
Sclafert de La Rodde , son frère « , fait son héritier uni\er-
sel pour tout le reste " l'hôpital dud. St-Agnan, pour èti'e la susd.
hérédité recueillie et régie parles directeurs dud. hôpital. »
Avec tous ces testaments, l'hôpital restait sans ressources jusqu'à
la mort des testateurs et même des légataires d'usufruit. M. de Saint-
Julien et Marie Rolland prirent à cet égard les mesures que voici.
Par donation entre-vifs du 18 novembre 1756, celui-là cède à l'hô-
pital et aux pauvres tous ses biens meubles et immeubles, principa-
lement le « domaine par luy acquis de M. de la Morte >'. à condition :
(i; .\linut.. protoc. el reg. cil., ïï. 25-9 et 17^-5 : reg. de 1752-3, ('. 69-70 ;
protoc. Rochas, 1" reg., f. 45-îi ; — Arch. de la Dr., C. 182.
sai.\t-ag.\an-k\-vl;rcors. 109
" qu'il sei-a un des administrateurs-nés dud. hôpital •> ; qu'il pourra
y habiter pendant sa vie, conformément à l'article 6 des lettres pa-
tentes ; qu'il y employera les fruits de ce domaine au profit des pau-
vres, sans obligation de rendre compte ; que « Jean Bellier, masson,
« qui est actuellement dans led. hôpital, qui est bienfaiteur d'icelluy,
« soit par ses travaux, soit par ses libéralités, continuera d'y être
« nourri et entretenu », en y travaillant de son pouvoir ; que, im-
médiatement après le décès dud. sieur de Saint-Julien, il sera célé-
bré 9 « messes de Requiem pour le repos de son àme ; qu'il sera recom-
« mandé tous les jours aux prières particuUières de la maison, et
« qu'il sera dit toutes les années une messe de Requiem, aussy pour
« le repos de son àme » ; qu'on fera les mêmes prières et dira autant
de messes pour led. Bellier; que M. de Saint-Julien se réserve la
faculté de disposer de la somme de 300 livres en dernière volonté;
que l'hôpital payera 7,000 liv. encore dues à M. de la Morte pour
reste du prix de l'immeuble, et qu'en attendant on prélèvera 350 liv.
par an sur les revenus de l'hôpital pour les intérêts ; « que dans le
« cas auquell'hôpital payeroist le capital, il prélève aussi » 350 « liv.,
" pour être administrées par le Bureau ainsi qu'il appartiendra. Et
« Mgr. l'illustrissime et reverandissime Gaspard-Alexis de Plan des
« Augiers, Evêque et Comte de Die, premier directeur né dud.
« hôpital, ayant été averty de lad. donnation et avant oui lecture de
« tout ce que dessus, au nom des pauvres et dud. hôpital, a ac-
I' cepté » la donation sous lesd. conditions et réserves. M. de Saint-
Julien déclare que les biens donnés n'excèdent pas la valeur de 14
mille livres, savoir: les immeubles. 11,000, et les meubles, 3,000.
L'acte, reçu Rochas, et passé à St-Agnan, est signé de la main de
.M. de Saint-Julien et de celle de l'évêque.
Quant à Marie Rolland, veuve Faure. par donation entre-vifs du
même jour, passée au même lieu, et également acceptée et signée
par l'évêque, « indépendemment des libéralités qu'elle a déjà faites
« aux pauvres dud. hôpital, elle leur donne » irrévocablement tous
ses biens « et principalement l'enclos qu'elle possède, scitué près de
(' l'église de St-.Agnan, contenant environ » 150 «toises, et dans
« lequel est construit le bâtiment dud. hôpital. » Elle y met les
charges et réserves suivantes: i" conformément à l'art. 12 desd.
lettres patentes, elle pourra rester sa vie durant à l'hôpital, '< conti-
« nuant d'y avoir soin de l'administration intérieure de lad. mai-
« son ') ; 2° elle y sera nourrie comme elle la été précédemment » ;
3° Louise Malsang, sa mère, y sera également nourrie sa vie du-
IIO HISTOIRE RELIGIEUSE UL
rant, comme auparavant, en travaillant au service des pauvres ; 4''
sitôt après le décès de lad. Rolland, il sera célébré 9 messes de Re-
quiem pour le repos de son àme : 5° on dira à la même intention une
messe par an à perpétuité, et « on la recommandera chaque jour à
« perpétuité aux prières particullières de la maison ; 6'^' la donatrice
« pourra disposer de 100 livres en dernière volonté (i). «
Le 28 novembre 1761, Pierre-Joseph de la Cour, prieur-curé de
St-Agnan, après des dispositions testamentaires pour sa sépulture,
et quelques legs pieux pour messes et en faveur de ses proches.
<i institue pour son héritier général et universel l'hôpital dud. St-
« Agnan. par les mains duquel et de ses régisseurs ou directeurs
« il veut que » son héritage soit recueilli et les dettes, charges et
legs particuliers payés. L"hôpital demeure chargé « de faire prier
Dieu tous les jours annuellement et perpétuellement dans la mai-
« son pour le repos de l'àme dud. » s' testateur ; et « de donner à
« qua.re pauvres, dont deux de ceux qui sont dans l'hôpital, et deux
« de ceux de la paroisse dud. St-Agnan. au chacun une aune et
« demv de drap du pays, lesquels pauvi'es assisteront avec ce à
« l'enterrement » dud. curé.
De la Cour décéda à St-Agnan le 21 avril 1763, et l'hôpital fut in-
vité à recueillir son héritage. Mais, de crainte « que l'hérédité ne fut
plus honnéreuse aud. hôpital que profitable », on fît un inventaire
à la diligence de Jean Odde de Bonniot de Saint-Julien, recteur et
syndic dud. hôpital, c député du Bureau des pauvres du « même
hôpital, par délibération du 16 juillet 17O3: et tou5 les intéi'essés
furent invités à se présenter. Enfin, l'hôpital accepta l'héritage, car
on voit ce même recteur plaider, la même année, contre les parents
de « Delacour ». et passer quittance, le 26 mai \~~ ]■ à Jean Caillet,
de 859 livres ro sols dues à « feu IVl'' Lacour « en \crtu d une conti-
nuation de rente du 15 décembre 1755 (^2).
Après un acte du 10 novembre 1762, où Marie Rolland fut pré-
sente et se signa : Rolland, directrice de l'hôpitai nous ne trou\ons
plus cette fondatrice de notre établissement : mais M. de Saint-
julien, outre les actes que nous venons de citer, figure encore fré-
quemment dans les affaires de l'hôpital, à titre de recteur, de syndic.
(i) .Minul. cit.. protoc. Ferlin de 175.5-6; pioloc. Rochas, i" reix., fF. .<|5-5i ;
— Arch. de la Dr., B. 925.
(21 .Minul. cit., protoc. Ferlin, rep. de 1761-2, f. 106-8 ; cahier (iris, à pitrt ;
protoc. Rochas. 5' rcp; , f. i 1-2 ; — arcli. de la Dr.. Fi. 1 277,
SAIXT-AG\AX-tX-VERCORS. I I I
d'administrateur. Ainsi, le 19 janvier 1765, afin de " s'acquitter de
la somme de 462 ii\res. qu il a^"oit emprunté de .Marie Pourroy » dès
le 28 avril 1 754 pour faire un payement à M. de la Morte-Félines sur
ce que l'hôpital lui devait pour le domaine des Berts, il cède à cette
dame 462 livres à prendre sur ce que le fermier de ce domaine.
Audrap, doit à cet hôpital.
Avec des demandes en décharge et mutations, présentées vers ces
temps par les directeurs de l'hôpital de St-Agnan, on a un état des
revenus de ce dernier établissement de la fin de 1775 (i), année où
Jean Cuchet, docteur-médecin de Grenoble, lui vendait, le 9 mai, un
ouvrage de pharmaceutique médicale, qu'on conserve encore. Puis,
on retrouve " noble Jean Oddoz de Bonniot, sieur de Saint- Julien,
« résidant au bourg St-Agnan », et agissant «en qualité de direc-
« teur et maître des fruits pendant sa vie, des biens de l'hôpital dud.
« St-Agnan », dans un acte reçu, le 26 juillet 1778, par Accarias
fils, notaire à Mens et commissaire à terriers. Par cet acte, M. de
Saint-Julien reconnaît que led. hôpital tient « du fief et directe sei-
gneurie de messieurs les co-seigneurs de Vercors » : i^» un bâtiment
de maison avec écurie, four, jardin, curtillage et terre à St-Agnan,
d'environ 6 quartelées, autrefois pré dit de la Font, sous la censé de
1 quarte et 1/2 coup de seigle, 6 quartes 2 coups i 3 avoine, et r sol
2 deniers ; 2'^ un pré en Li Combe, d'environ demi-faucheur, sous la
censé de i coup seigle, r coup 1/4 avoine, et i « pitte » : 3" sa part de
la scie des Berts, qui est 1/3, « sous la censé de 4 planches à la
verge et i 3 c cluis •> ; 4" une terre aux Faiires. dite le Petit-Champ.
d'environ i qiiartallée, « sous la censé égallée de 1 denier 23 et i
denier de plait ■> : 5" terre <■ de délai l'aiguë ", d'environ i sétérée,
sous la censé d i obole ; 6" terre au serre Lioutard, sous la censé d'i
obole, 7° un ténement de maison, granges, écuries, jardin, terres et
prés aux Berts, appelés Pra \'alon , las Condamines, la Versanne,
Champ Devant et Champ de Caillet, d'environ 50 sétérées, sous la
censé de i quarte 3 coups 3/4 froment, 5 quartaux 6 coups 13 1/12
seigle, I quartal 4 coups i'3 i 12 avoine, i geline 1, 3, 3 sols 6 de-
niers 3 « pittes », et I sol 2 deniers 1/2 de plait : 8" terre au Tioulle ;
9° 2 terres à la Condamine, dont i appelée îe Combal ; 10" 2 prés au
Grand-Pré, dont i appelé Drametout ; 11° terre au Phaï\ 12° pré à
las Narses ; 13" terre dite Petit-Champ de Revoux : 14° terre dite
(i) Minut. cit., protoc. Fetitn de 1765-70, f. 4. — .Vrch. de la Dr., c. 182 et
295.
112 HISTOIRE R.LIGIEUSE DE
Grand-Champ de Revoiix : 15° pré à Corréard : 16" près du Roche et
du Pibos : 17" pré « audit lieu appelé la Travoyseire. »
L'archiprêtre du \'ercors. visitant la paroisse de St-Agnan. le 4
janvier i 787, constate que les biens des pauvres consistent en 1 50 livres
de revenus annuels, et quils perçoivent « des bienfaits de M. de La
Tour, habitant à Die. consignés dans son testament. >' Le rapport de
visite fut signé par « Jean Odde de Bonniot de Saint-JuUien » et par
Oddos-.Mazet, prieur-curé (i). Si cette évaluation comprend les reve-
nus des biens de l'hôpital, ceux-ci durent augmenter après la mort
de AL de Saint-Julien, encore en vie en 1793. En effet, cet hôpi-
tal, qui subsista à peu près sain et sauf au milieu des orages révolu-
tionnaires, et fut, dès le rétablissement de Tordre, administré comme
les autres établissements du même genre, possédait en iS^^q un re-
venu de 1,185 f'"- 24 c. En 1S75, ce revenu s'élevait à .;,607 fr.. et
provenait principalement de son domaine des Berts. Depuis lors.
.M"^ Rolland a laissé à l'établissement une somme de 10.000 fr. dont
l'hôpital jouit présentement et qui, mis en rentes sur l'Etat, en ont
élevé le revenu annuel à ^^.iiô fr. Ajoutons que celui-ci, faute de
malades dans la maison hospitalière ordinairement vide, est facile-
ment absorbé par les indigents et malades de la localité.
\'L - Institltions Scolaires.
Nous avons parlé ailleurs (2) d'une société, moitié morale, moitié
facétieuse, répandue en Dauphiné au XVL siècle, dont le but mis en
avant était de fixer la concorde dans les ménages, mais où l'on vou-
lait avant tout rire et s'amuser. Cette société , qui s'appelait la
Grande Abbaye de Dauphiné, et dont VAbbé général était à drcnoble,
avait donc quelque prétention de réaliser le
Castigat ridendo mores
de nous ne savons plus bien quel auteur, c'est-à-dire d'être une
sorte d'école de vertu ; mais en réalité elle \ alait à peine le théâtre de
nos jours, cependant, hélas! bien suspect.
Nous avons donné des actes authentiques témoignant de l'at'tilia-
tion d'un certain nombre d'hommes de St-Agnan à cette société en
(i) .Mairie de Sl-Ai,'nan, Terrier de /77S, f- i6n-^ ; — arch. de la Dr., fonds de
Sl-Agnan.
(2) Revue du Dauf^hiné cl du Vivarais, 11^79, p, 486-1).
SAI.NT-AGXAN-EN-VERCORS I H
1551. et de leur organisation en corporation munie de tout l'attirail
dofficiers requis pour en exercer les pratiques.
Mais sans condamner, comme le païen Platon, louie tragédie et
toute comédie, nous n'avons pu voir dans cette association une con-
frérie religieuse ni une association de bienfaisance. Nul ne peut son-
ger à y voir une école de lettres ou de sciences, et nous renonçons à
la compter parmi les écoles de vertu.
Quant aux vraies écoles du bien, nous n'en trouvons pas trace
avant le XVll'' siècle. En 1644, l'évêque ne trouve « poinct de mais-
tre d'escole •), mais il exhorte « celui qui fera les fonctions curiales de
la paroisse d'enseigner les petits enfants qui luy seront, à défaut de
maistre d'escole catholique, envoyés. « Les vœux du prélat furent
bien vite réalisés, car en 1645 et en 1654 « maistre Jean Gauteron »
était 1' recteur d'escole » de St-Agnan. Toutefois, en 1658, il n'y
avait « poinct de maistre d'escoUe », et l'évêque prescrivait aux ha-
bitants de s'en procurer un qui fut catholique, avec « deffance de se
servir d'aucun qui professe la K'^eligion) Pfrétendue R(éformée). "
Bien plus, la paroisse était encore sans maître en 1687.
Cependant, en 1706. le curé constate qu'il y a un maitre d'école
pendant 6 mois d'hi\er. il ajoute que ce maitre « serait inutile le
reste de l'année <>, et qu"« on lui donne ordinairement 25 écus. »
Enfin, en 172g, il '■ n'y a dans la paroisse aucun maistre d'école » :
mais on trouve pour « précepteur de la jeunesse « de St-Agnan, en
17.57 et 1738, Jean-Jacques Billerey, en 1741 Antoine Giraud. en
1742 Jean-Jacques Billerey, et en 1745 Jean Gauthier (i).
Aujourd'hui, St-.\gnan a au village une école lafque de garçons et
une école de filles tenue depuis de longues années par deux reli-
gieuses de la Providence de Gap ; et aux hameaux des Faures et de
la Breytière, une école mixte tenue par un instituteur laïque.
(i) Arch. cit., visites cit., tonds de St-.\gnan, el R, i .•05 ; — minutes cit.,
passiiii .
r.4 continuer j.
L. FILLET.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
d'après des documents officiels et inédits.
(Suite)
Sa vénérable mère, Martine Bratier, veuve Galfard. après avoir
attendu l'arrivée d'un prêtre fidèle, M. Joanès. cure provisoire, alla
(Q février i.'^02; déclarera la municipalité qu'elle tenait à la dispo-
sition du curé légitime et de l'église les ornements, vases sacrés,
meubles laissés par son fils, objets qu'elle avait gardés depuis son
retour de l'exil (ij. La municipalité de Clelles en effet, malgré les
réclamations réitérées du district, avait toujours refusé d'envoyer à
Grenoble les ornements de son. église. Elle avait même constaté, le
4 germinal an 1\' (24 mars 1796J, l'enlèvement à la sacristie [2) de la
plupart de ces objets sacrés ; mais elle n'avait pas ordonné de recher-
ches, sachant qu'ils servaient à M. Galfard pour la célébration des
saints mvstères. Cette conduite de la municipalité de Clelles est
d'autant plus digne d'éloges, qu'autour d'elle presque toutes les
autres avaient montré une coupable faiblesse.
Martine Bratier vécut encore pendant quelques années. Ce fut le
8 août 1809 qu'elle rendit paisiblement son àme à Dieu. Cette pieuse
femme, enfermée dans les prisons de Grenoble au moment de la
terreur, pour le motif unique » qu'elle était la mère d'un curé. »
demeurait sans ressources à la mort de son fils. Recueillie par son
neveu, M. Alexandre Galfard, elle mourut dans la cure de St-Bau-
dille, à l'âge de quatre-vingt quatorze ans. Pendant les dernières
années de sa vie, elle répétait souvent : que, mère et belle-sœur (^"i
de prêtres persécutés, emprisonnée elle-même pour la foi, il lui tar-
dait de rejoindre ses chers martyrs (4J.
d) Délih. du dit jour.
(2) Ibidem.
(3) De M. Antoine Galfard. ancien curé de Si-Raudille, inori à l'hôpital de
Grenoble.
(^) F<écils de SCS petilb-nevcux.
LA GRANDE REVOLUTION" II,
Si. avant de poursuivre notre course, nous jetons un regard en
arrière pour considérer les années de la révolution et les événements
qui les ont remplies, l'àme est profondément attristée Rien en effet
de plus affligeant que le spectacle de l'oppression tyrannique et de la
cruauté où peuvent atteindre des hommes aveuglés par leurs pas-
sions. Depuis longtemps déjà les bourreau.x sont morts, .mais deux
il reste encore et l'histoire de leurs méfaits, et la trace des ruines
qu'ils ont causées, et le souvenir des larmes qu'ils ont fait répandre.
Leurs victimes leur ont pardonné. La patience et la fermeté inébran-
lables de celles-ci demeurent comme des monuments qui éveillent
notre admiration et nous invitent à ne point défaillir nous-mêmes.
Nous allons assister maintenant au relèvement de l'Eglise. Les
maîtres du jour ont reconnu que, sans elle, les sociétés se dissol-
vent, les états périssent, les dissensions et les désordres régnent de
toutes parts, tandis qu'avec elle on trouve la paix et la tranquillité.
C'est pour ces motifs qu'ils la protégèrent alors.
Le concordat fut enfin approuvé par les pouvoirs législatifs, le 8
avril r8o2. .\ la nouvelle de cet acte ardemment désiré, la population
catholique de .Mens se prévalut de l'article Xll et demanda instam-
ment de pouvoir enfin reprendre possession de son église. Les protes-
tants, qui s'en étaient emparé, ne voulaient point lâcher prise : de là
surgirent des disputes violentes entre les deux partis ; on craignait
même de les voir en venir aux mains. Pour calmer les esprits,
l'adjoint. .\L .\ccarias, notaire, prit l'arrêté suivant (26 germinalj :
'< Nous, adjoint de la commune de .Mens, informé que des malveil-
lants tiennent des propos tendant à troubler la tranquillité publique,
sous prétexte que des citoyens, qui exercent le culte de la prétendue
religion réformée dans la ci-devant église de cette commune, ne la
rendent pas libre aux catholiques romains, considérant que si bien
la loi organique, rendue sur les cultes, ordonne que les édifices
servant anciennement au culte catholique seront à la disposition des
évêques par arrêté du préfet, cette loi n'ayant point encore été pro-
mulguée et les évêques par conséquent n'étant point nommés, il
ne peut, en l'état, être question d'icelle : voulant maintenir la paix et
la concorde parmi les citoyens, inhibons et défendons à toute sorte
de personnes de tenir des propos séditieux et tendant à troubler
l'ordre, sous quelque prétexte que ce soit, à peine d'être poursuivi
comme pertubateur du repos public ( r) »
(i) Registre des délib. .Mens.
1 l6 LE TRIÈVES PENDANT
Les protestants furent heureux de cet arrêté : car ils espéraient,
par le moyen de démarches actives, commencées depuis près d'une
année, celles qu'ils allaient entreprendre encore et les hautes influen-
ces qu'ils pouvaient faire agir en leur faveur, rester en possession de
cette église, où ils étaient entrés grâce à la persécution religieuse.
Ils croyaient, pour le moins en jouir simultanément avec les catho-
liques. Leurs prétentions furent repoussées, ainsi qu'il apparaît de
la délibération suivante.
(' Le n thermidor an X fi"'' août 1802), le maire Pellissier a mis
sur le bureau une lettre du préfet en date du cinq de ce mois, ainsi
qu'une pétition présentée par le consistoire de l'église réformée, le
19 du mois dernier, laquelle a été renvoyée pour avoir l'avis du
conseil municipal. En conséquence il a invité les membi'es qui le
composent à délibérer avec le calme et l'impartialité qui doivent
caractériser les fonctionnaires publics appelés à prononcer sur les
réclamations et demandes de leurs concitoyens —
« Le conseil, considérant que la faculté réclamée par les pétition-
naires d'exercer simultanément leur culte dans l'église du Mens
entraînerait de graves inconvénients, attendu qu'il pourrait en
résulter des rixes et dissensions funestes au repos des citoyens des
deux religions et à la tranquillité publique :
" Considérant encore que l'église restant, conformément à la loi,
au culte catholique, il est juste que le culte de l'église réformée ait
un local convenable à sa disposition :
« Que le local qui convient le mieux pour l'exercice du culte pro-
testant est le local qui fut destiné à cet usage, dans la maison du
citoyen le Blanc-Prébois depuis 17QI jusqu'à l'an VL époque à laquelle,
le toit menaçant ruine et le plancher s'étant écroulé, les protestants
furent forcés de l'abandonner pour exercer leur culte dans l'église,
d'après l'autorisation des administrations municipale et départe-
mentale :
« Délibère unanimement que le citoyen conseiller d'Etat, chargé
de tout ce qui regarde les cultes, sera invité à procurer aux protes-
tants un local convenable ou à faire accorder par le gouvernement
des secours pécuniaires destinés à l'achat du local réparé. On louera
provisoirement, au nom et aux frais de la commune, pour l'exercice
du culte protestant, le local situé dans la maison Prébois, dans
lequel il se fixera dès que les réparations nécessaires seront faites :
<< Invile enfin le gouvernement à autoriser provisoirement la corn-
LA grandi: REVOLUTION. ilj
mune à passer le bail dont il saisit et à faire le paiement de la rente
annuelle qui sera convenue — (ij »
Au milieu de ces contestations, .M. Testou avait été nommé curé
de Mens et, par ses conseils, il avait puissamment contribuée rendre
efficace la résistance des catholiques aux prétentions des protestants.
Ses supérieurs lui avaient confié la difficile et délicate mission de
relever les ruines causées par la révolution dans cette paroisse mixte,
d'apaiser les haines profondes élevées entre les habitants, et tou-
jours il sut s'en acquitter avec zèle et prudence. Le 2 pluviôse
(7 sept.), il alla faire devant la municipalité la déclaration suivante :
« En attendant que je me trouve dans le cas de prêter le serment
prescrit par l'article 7 de la convention passée entre le gouvernement
français et sa sainteté Pie MI, je déclare promettre garder obéissance
et fidélité au gouvernement établi par la constitution de la Républi-
que française. Je promets aussi de n'avoir aucune intelligence, de
n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au
dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique,
et si, dans cette paroisse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame
quelque chose contre l'Etat, je le ferai savoir au gouvernement f2).»
Depuis la signature du concordat et avant même son acceptation
par les pouvoirs législatifs, les catholiques, privés de leur église,
se réunissaient dans une étable appartenant à M. le Blanc de
Prébois, où l'on avait fait quelques réparations d'appi-opriation et
dressé un modeste autel. Ce fut dans ce lieu que se présenta hum-
blement M. Jannais, l'ex-curé intrus, pour demander pardon aux
catholiques réunis du scandale qu'il leur axait donné par sa fai-
blesse Il supplia en même temps M. Testou, muni de pleins pou-
voir par ses supérieurs, de l'absoubre des censures qu'il avait
encourues (3). Les témoins de cette scène si consolante louaient
Dieu en pleurant de joie.
Vint enfin le temps où les catholiques purent rentrer en posses-
sion de leur bien et chanter le Te Deum dans l'antique église bâtie
par la piété de leurs pères. Ce bonheur leur fût procuré par un
arrêté que le maire prit au lendemain même du jour où M. Testou
avait prêté son serment provisoire. Yo\c\ cet arrêté •
« Nous, maire delà commune de Mens, considérant que les habi-
(i) Ibidem.
(2) Ibidem.
(3) Réponses.
Il8 LE TRIÈVES PENDANT
tants de cette commune, qui exercent le culte catholique, n ayant
aucun local pour s"y réunir ; celui qu'ils occupaient depuis quelque
temps, quoique peu convenable pour l'exercice de leur culte, n'étant
plus à leur disposition, et n'y en ayant aucun dans la commune qui
puisse leur être assigné, autre que l'église ;
« Considérant que les réparations à faire au local où s'exerce le
culte réformé sont presque terminées et que ceux des habitants qui
exercent ce culte pourront désormais s'y réunir sans aucun empê-
chement, arrête : i" Que les habitants de la commune professant la
religion réformée cesseront de se réunir dans l'église pour l'exercice
de leur culte après la publication du présent et que demain. 22 du
courant, cet édifice sera mis à la disposition du culte catholique ;
2" Que la grosse cloche sera sonnée pour annoncer l'heure des
assemblées du culte catholique et la petite celle des assemblées du
culte réformé ; 3" Qu'il ne sera rien enlevé de tout ce qui est cloué
soit dans l'église, soit dans la maison commune.
« A Mens, le 21 fructidor an X de la République française
(8 septembre 1802J. — Pélissier fils, maire. {2) »
La concession faite par le maire à ses coreligionnaires de pouvoir
sonner la petite cloche ne tarda pas à amener de fortes réclamations
qui obligèrent les protestants à se pourvoir ailleurs. iMais les héré-
tiques savent bien s'approprier ce qui appartient à l'Eglise pour en
changer la destination à leur profit ! Ainsi à Mens, c'e^t la cloche
de l'ancienne paroisse de St-Genis qui les appelle au temple {2).
Si la restitution de l'église avait souffert de longues et graves dif-
ficultés, celle de la cure et de son jardin n'en soulevèrent pas de
moindres, ce qui nous est montré par la lettre de l'adjoint Accarias
au préfet : « Le maire de cette commune vous a écrit, le 24 ventôse
dernier, pour savoir s'il pouvait, à la réquisition du citoyen Testou,
curé provisoire, l'envoyer en possession du presbytère, dépendances
et jardin, quoique le tout soit affermé. Celte lettre étant restée sans
réponse, je pense qu'elle ne vous est point parvenue.
(' Le maire se trouve en voyage pour les affaires de son négoce
et le citoyen Testou me réitère sa demande.
" La régie de l'enregistrement a affermé le presbytère et le jardin
non vendus, et tout se dégrade faute de réparations, surtout les
murs de clôture du jardin.
(i) Reg. des délibérations. Mens.
(2) Ibidem.
LA GRANDL; REVOLUTION. II9
(< Comme le prêtre desservant l'église catholique n'a ni mai-
son, ni jardin, je viens vous prier d'envoyer la c(jmmune, et
par ce moyen le prêtre desservant, en possession du presbytère,
de l'écurie et dépendances, et du jardin pour en jouir de suite et se
prévaloir des revenus à partir du lo brumaire dernier, sauf à faire
règlement avec le fermier ou locataire pour le temps qu'ils ont encore
à courir.
« J'espère de votre justice que vous voudrez bien accorder cette
demande, fondée sur la loi (18 avril 1803) (^>- "
Enfin au commencement de prairial suivant, le maire, sur la
réponse du préfet, à la date du 10 floréal précédent, mit .M. ïestou
en possession de la cure, mais lui laissa mesquinement le soin de
s'arranger avet les locataires qui l'occupaient.
Le 5 juillet 1803, M. Testou se trouvait à Grenoble, avec tous les
curés-archiprêtres du diocèse, pour y prêter, en même temps c]ue
les vicaires généraux, le serment de fidélité prescrit par les articles
6 et 7 du concordat. Tous les magistrats et fonctionnaires publics
de Grenoble étaient présents à cette cérémonie. Le serment prêté,
le préfet de l'Isère prononça un discours dont nous extrayons les
passages suivants ; malgré l'emphase de la forme, ils sont honorables
pour la Religion, persécutée la veille, et glorifient la Providence,
capable d'opérer, en si peu de temps, dans l'esprit et le cœur des
hommes de si merveilleuses transformations :
'( Allez Messieurs, allez instruire, former l'àme des citoyens à
l'accomplissement de leur devoir ; reconciliez les haines, consolez
l'infortuné, inspirez tous les sentiments généreux et prévenez les
repentirs amers que les erreurs ou les fautes entraînent après elles ;
rendez, s'il se peut, les peines inutiles, et ne laissez à l'empire des
lois que ce que la persuasion n'aui^a pu faire.
« Combien il est tionorable pour nous d'avoir été choisis pour
concourir au rétablissement de la fieligion chrétienne, de cette
Religion de nos ancêtres, qui nous a reçus en naissant, qui a conduit
notre enfance, éclairé notre jeunesse, qui, indépendamment de ses
prérogatives éternelles, a été consacrée par les respects de tant de
génies illustres, par les vertus de tant de grands hommes, par
l'adoration des siècles, la gloire et les lumières de tant de peuples
qui en ont fait la base de leur doctrine et la règle de leurs mœurs.
(i) Lelties de la municipalité de Mens. Cah. 4.
120 I.E TRIEVES l'ENDANT
(' X'ous venez de faire entre mes mains une promesse solennelle
au Gouvernement; et moi, comme chargé de l'administration civile
de ce département, je vous en dois une autre ; je vous lai faite au
nom de tous les pères de famille, de tous les magistrats qui parti-
cipent au maintien de l'ordre, à l'exécution des lois, enfin au nom
de tous les citoyens. Vous trouverez dans l'autorité publique tout
l'appui que vous pourrez désirer pour l'exercice de ^'os fonctions.
Le respect de la Religion est un devoir pour tous les membres de la
société civile : celui qui l'outrage offense le gouvernement qui lui
rend des honneurs: il offense les mœurs, ses ancêtres et ses contem-
porains ; il nuit à la patrie et s'efforce de la blesser dans ce qu'elle a
de plus cher et de plus important, je vous le répète. Messieurs, il
faut, pour que votre ministère soit utile, que vous puissiez vous
reposer sur l'autorité publique du soin de le faire respecter.
« La promesse que je viens de vous faire n'est pas moinsformelle
que la vôtre ; elle m'impose les mêmes obligations, elle en est une
conséquence juste et nécessaire fi). »
Peu de jours après (le 29 du même mois), .NL Testou prenait
solennellement possession de sa nouvelle paroisse, en présence de
toutes les autorités locales, et Mens eut ensuite le bonheur de le
posséder jusqu'en 1^14. époque où la confiance de son évéque
l'appela au poste éminent de vicaire général de Grenoble. (2 ).
Le 24 du même mois de juillet, .\L OUagnier, ancien curé de
St-Guillaume, avait été installé aussi à (Nielles, avec le concours de
plusieurs de ses confrères, heureux de lui témoigner dans cette
circonstance l'estime qu'ils avaient pour lui (3). La population toute
entière était aussi présente à cette cérémonie et voyait avec joie
l'héritage de ^\. Galfard échoir à un prêtre, dont les travaux subsis-
tent toujours dans le souvenir de ceux qui l'ont connu et de leurs
petits enfants auxquels ils les racontent pieusement encore.
A leur tour les auti'es paroisses du Trièves furent pourvues de
pasteurs ; mais celle de Trésanne fut supprimée et unie à St-Martin-
dc-Clelles ; celle de Toranné eut momentanément le même sort
(16 janxier i8o^). Le préfet écrivait au maire de celte dernière
localité pour lui annoncer que sa commune était attachée à la suc-
(i; Bibliothèque de l'aulcur.
(2) Le Trièves en effet, à la suite du concordat, avait été attaché au diocèse de
ce nom. Lettres de la municipalité de Mens.
(3) Reg. des délit. Cleiles.
r.r; trieves pendant la granuk revollitox. 121
cursale de Sl-.Martin. d"après la nouvelle circonscription du diocèse
de Grenoble arrêtée par le gouvernement. Il l'invita en conséquence
à se trouver à l'installation de l'ecclésiastique nommé pour desservir
cette église fi ). Cette réuion ne changea rien à l'administration de
la commune (4). St-Genis et St-Sébastien, qui ne comptaient cha-
cune que deux ou trois familles catholiques, furent supprimées pour
être unies, la première à Mens, la seconde à Cordéac.
i L.1 suite .TU prochain numéro).
A. LAGIHR.
(1) Cet ecclésiastique était le zélé .M. Lioiard.
(4j Archives de St-.Michel.
L'abbé SERPEILLE
AUMONIER DE LA MAISOX CENTRALE DE POISSY
Sous ce litre : Un prêtre poursuivi .sous la Terreur.^ le Bulletin
a publié, il y a quelques années, un curieux d(X"ument sur l'abbé
Serpeille, vicaire à Saint-Péray au moment où éclata la Révolu-
tion 1 . Nous promîmes alors, on s'en souvient, d'autres rensei-
gnements sur cet ecclésiastique, qui a laissé parmi nous de nom-
breuses traces de son passage, et dont les aventures extraordinaires
méritent bien de hxer quelque peu l'attention. Après dix ans de
péripéties inouïes, l'abbé Serpeille se ressouvint de son caractère
sacerdotal, qui avait subi comme une longue éclipse pendant la
tourmente rcvtjlutionnaire ; revenu à son état normal de prêtre
en exercice, il dut repasser dans son souvenir ces années qui lui
semblaient un rêve, et étonné de vivre encore après avoir été si
violemment balloté par cette horrible tempête, il jugea, non sans
raison, que le récit de son odyssée serait de nature à intéresser
la postérité ; à cet etfet, il en retraça à tête reposée les principaux
traits . qu'il reproduisit à plus d'un exemplaire, pour le cas à
(i) Bulletin, t. IF, pp. 275-85. -Livraison Je juillet-août 1882
Bull. IX, 1889. 9
L ABBE SERPEILLI.
prévoir où Tune de ces copies venant a disparaître, les événe-
ments qui V étaient relatés ne fussent point perdus pour l'histoire,
mais qu'il en restât d'autres pour en transmettre la mémoire à ses*
petits-neveux.
On a lu. dans la livraison précitée, une première version de son
autobiographie; en voici une seconde, plus succincte ; mais con-
tenant quelques détails complémentaires et quelques particularités
que la première ne mentionne pas. Quoique pour l'ensemble elle
ne soit qu'une variante de celle-ci. nous la reproduisons in ex-
tenso, atin que le lecteur puisse tout d'abord renouveler connais-
sance avec le personnage qui lui a déjà été présenté, et qui va
faire l'objet de la présente notice.
« L'an 1767. et le 18 février, est né .lean-Baptisic- Louis Serpeille.
à Valence Drôme . Entré dans l'état ecclésiastique en 1784, il
fut fait prêtre en 1790, par dispense d'âge, et nommé vicaire à
St-Péray Ardèche la môme année i . Vers la tin de 1793, pour-
suivi par l'armée révolutionnaire , que Grangeon , Bonnet et
TracoU habitans de St-Péray, appelèrent dans leur patrie, où ils
tirent arrêter les citoyens les plus paisibles et les pUis vertueux,
l'abbé Serpeille se rendit à Montélimar, et entra dans le bataillon de
Dragons-légers-Montagnards, avec le grade d'adjudant-major, sur
la recommandation du conventionnel Boisset 2 , qui formait ce
corps. Deux jours après, un mandat d'arrêt lancé contre lui le tii
arrêter à la tête dudit régiment, et il fut conduit à pied et en-
chaîné à Valence, le lendemain 16 pluviôse an ll"^ 3 . et le même
soir, condamné à mort, ainsi qv\c Braveix 1 sic 1. jeune homme de 19
ans . tils de Bravcix. notaire à St-Pérav 4 ; Maiso)ineuve-La-
(i; La première sii^naliire de l'abbé Serpeille JaiKs les registres de cailmli-
cité de St Péray est du 4 octobre 1790.
[2] On reir.arquera que l'abbé Serpeille ne t'ait ici aucune mention de son
séjour :i .\llan comr.ic curé constitutinunel. Il nous apprend dans sa pre-
mière notice qu'il fut élu à ce poste a la tin de 171)2, et qu'il \' resta jusqu'en
décembre 1793, c'est-à-dire juste un an. Cette dernière date, rapprochée de
celle de son arrestation, nous montre qu'il eut à peine le temps de figurer
comme capitaine adjudant-major dans le régiment formé par Boisset. — Nous
avons donné sur ce personnage une note biograj^Iiique ilans la notice citée,
p. 279.
I'}) 4 février 1794.
(4) Joseph-François-.\ndré Bra\ais, rils de l'rançois, notaire r^)yal, ct)m-
missaire a terriers et avocat, et de Suzanne Tcissonnier, qualifié secrétaire
du district du .Mézenc .\rdèche), fut exécute à Lyon le 11 février 1794.
AL.MOMLFi DE POISSY. . 12 3
Blache, géomctre à Si-Peray i ; Sellier, ex-garde du corps de
Monsieur, depuis Louis XN'III 2 ; Menet. maire de Charmes, ci
l'abbé Limousin, curé du même village de Charmes Ardèche ,
lesquels ont été guillotinés. Le curé Limousin était âgé de 83
ans 3 . L'abbé Serpeille. protégé par Antoine Fiquet, maçon, fut
remis en jugement, et condamné à avoir la ville de Valence pour
prison, sous la surveillance du comité révolutionnaire, présidé
par Paquet, avoué à Valence. Dans l'espoir de passer en Espagne,
il suivit des réquisitionnaires dirigés sur Larmée d'Espagne, et ne
pouvant réaliser son projet, il revint de Perpignan en juin 1794.
Serpeille entra dans un bataillon levé, cà cette époque, par ordre
du conventionnel .4 /^/7k'; il fut nommé sergent. (>e bataillon de
700 hommes comptait plus de 5oo prêtres, et tut envoyé à Tho-
non, puis à Carouge, où il a été licencié en novembre 1 794, par
suite de la mort de Robespierre. Le conventionnel Jean Debry
vint en mission à Valence, et y prêcha le massacre des terroristes.
Serpeille se tit remarquer dans cette réaction par un plan de
fête qu'il rédigea, dont il fut rappcjrteur à la tribune, et qui n'eut
d'autre effet que de tourner en dérision ce que l'on appelait la
' 1 ;i Jacques-Alexandre AîaisfHiiieuvc, dit La Blache, secrélaire de la muni-
cipalité de St-Péray, fut exécuté le même jour, à l'âge de 41 ans.
2) Nous ne trouvons pas le nom de .M. Sellier dans les listes des victimes
du tribunal révolutionnaire de Lvnn, récemment publiées par M. Fayard.
Histoire des tribunaux révolutionnaires de Lyon et de Feurs, pp. 257-3o6.)
Il ne figure pas non plus dans celle des individus de la commune de St-
Péray inscrits par Scévola Guyon et Delau, le 3 février 1794, pour être tra-
duits en jugement à Commune-Affranchie. Bravais aîné, ci-devant officier
municipal à St-Péray, et Louis Debeos (de Beaux), ci-devant homme de loi,
devaient être consignés dans leur domicile jusqu'à la paix et soumis à une
taxe de 2000 livres, pour venir au secours des sans-culottes dans le besoin ;
Vermal, femme Debeos, Teissonnier, femme Bravais, et Laroche (Constance)
de\ aient l'être dans l'étendue de leur municipalité; Bravais, notaire à St-
Péray, et deux autres devaient être traduits à la maison d'arrêt de Viviers
pour y rester jusqu'à la paix. etc. '\'oir ibidem, p. 354'.
3) Jean-Antoine Limozin (c'est ainsi que son nom se trouve constamment
écrit dans les registres paroissiaux) était prieur-curé de Chai mes depuis 42
ans (1730) lorsqu'il fut arrêté par les sbires de la révolution, auxquels l'avait
livré son clocheron lui-même, moyennant cinq francs et un jambon, dit-on.
L'abbé Limozin fut exécuté le i5 mars 1794, en même temps que Jean-
Antoine Menet, son paroissien, qualifié homme de loi. Celui-ci était âgé de
36 ans. Le souvenir du vénérable prêtre martyr est toujours vivant dans sa
paroisse; on y montre encore le lieu où il fut arrêté, et on y prononce avec
horreur le nom du traitrc qui le vendit.
124 L ABBE SERPEII.LE
queue de Robespierre. Goupilleau de Montaigu . autre conven-
tionnel, succéda à Jean Dehry, et remit le pouvoir aux révolu-
tionnaires. Serpeille. désigné à leurs poignards, pour s'v sous-
traire, se rendit à l'armée des Alpes, au camp de Tournoux. prés
Barcelonnette. Il y fut emplové en qualité de sous-aide-garde-
magasin des fourrages à la suite de Tarrnée; il y remplit plusieurs
missions, entre autre celle de diriger un convoi de cent mulets
chargés de farine, envové au secours de la division gauche de
l'armée d'Italie, commandée par La Salcettc i et bloquée par les
neiges. Envové à Lvon, auprès du s' d'Osmoni. agent en chef
des fourrages, il lui présenta ses états de dépenses, qui furent
reconnus valables : mais il n'v avait pas d'argent en caisse, pas
même des assignats, qui. à cette époque, perdaient presque toute
leur valeur. M. Billion-Desgayères , directeur des vivres-pain
dans l'intérieur, commissionna Serpeille aide-garde-magasin des
vivres au Puv-en-\'elav. où il se rendit charge de la somme de
400,000 fr. en assignats, pour acheter des grains. Ne devant être
pavé de son traitement qu'en cette monnaie, il quitta ce poste et
se retira à Valence, d'où il partit peu de temps après pour re-
joindre à Nice M. de Montalivet père, en avril 1796. Celui-ci était
à Gênes avec M. de Sucy 2 . qui avait donné sa démission de com-
missaire ordonnateur en chef de l'armée d'Italie. Serpeille s'v
rendit par terre, et M. de Sucv le rit nommer commissaire des
guerres a Saint-Pierre d'Aréna . fauboui-g de (iènes. En juillet
J798. il alla prendre les bains d'eaux thermales à Aix-en-l^ro-
vence, ordonnés par la faculté; après lesquels il retourna en
Italie. Après avoir été employé à Pavie et à Bologne, il fut en^■ove
à l'armée de Rome-el-Naples . laquelle vint se battre pendant
trois jours contre les Russes commandes par Souwarow, qui avait
alors enchaîné la victoire, .\pres cette défaite, Sei'peille fut en-
voyé à l'armée des Alpes, formée par ( -hampionnei. La bataille de
Marengo annonça le retour de la Religion. Serpeille quitta l'armée
ij .Iean-.lacc]ues-Bcriiardin Colaud de la Saicclio , géiicral cl baron i.\c
l'Empire, ne fut pas heureux dan.s ceUc campagne. Kiivcloppc pai- m.ikio
Turcs dans une petite place qu'il détendait, il lut lait priMmnicr ci cm beau-
coup à soufl'rir dans sa captivité. Il recouvra sa liberté en irSoi, et nidurnl a
(ircnoblc en i'S34, à l'âge de y.ô ans. fCt'. I^ocuas. Jil(>L;r. du Daupli . art.
Colaud. ,
[2 M. de M'Piualivel el M. de Sucy, sun cnusin, étaient de N'aleuce. 'C^l"'
opus cit.. p. j.S-j., ■
AUMONIER D1-: POISSY. I23
en 1801. devint secrétuire de la sou.s-préfeciure de Die Drome .
et en i8o3, cure dans le Vercors Drome ; puis à Meyssie;^ i Isère :
en 181 2. vicaire de St-Louis en l'Ile, à Paris; en 1816, aumônier
de la Garde Royale; en i83i,à Lorient (Morbihan, et curé à
Moisenay (Seine-et-Marne. En i832, aumônier de la maison
centrale de détention de Poissy (Seine-et-Oisei. »
Ces lignes sont écrites de la main de l'auteur au revers d'un
tableau encadre contenant un portrait lithographie à la manière
noire,, sans légende et sans aucune indication de nature à taire
reconnaître l'identité du personnage qui y est représenté. Au bas,
on lit seulement le nom de l'artiste qui l'a dessiné : R. Vitale
fecit. — Mais l'autobiographie inscrite au revers indique suffisam-
ment que c'est là le portrait de l'abbé Serpeille, qui a voulu ainsi
léguer à la postérité non-seulement le souvenir de ses curieuses
aventures, mais encore les traits de son visage, lorsque déjcà les
rides v avaient tracé des sillons. A en juger par l'état de sa phy-
sionomie, il parait avoir la soixantaine. Il est représenté en buste,
avec de gros traits, la figure pleine et arrondie, les cheveux rares
et grisonnants, dont une partie retombe négligeamment sur le
front, un air de bonhomie plutôt sérieuse que gaie, mais qui ne
laisse pas que de laisser percer une certaine expression de malice.
Le point où se termine le dessin laisse soupçonner une assez torte
proéminence au-dessous du buste; on remarque sur le nez, à
droite, une loupe qui a toutes les proportions d'un cicéron. Il est
revêtu d'une soutane à gros boutons, que l'on prendrait volontiers
pour une redingote; on ne peut y reconnaître un costume ecclé-
siastique que grâce à un petit rabbat en gaze, dont les deux pans
se séparent irrégulièrement. Ce portrait ressemble, pour le genre
de composition, à celui de l'abbé Martin de Clansayes que l'on
trouve en tête de quelques-unes de ses œuvres, et qui est pareille-
ment sans légende ; mais celui-ci n'est qu'un petit in-8'\ tandis que la
lithographie que nf)us décrivons est un bel in-quarto dans le genre
des portraits d'évêques que l'on gravait à cette époque. La partie
dessinée mesure o. i 5 cent, en largeur et de 12 a \?> en hauteur.
L'autographe de l'abbé Serpeille, appliqué directement contre
le carton, était recouvert d'une sorte de garde consistant en une
feuille de papier à lettre portant l'en-tête de la Maison centrale de
détention de Poissj-, tixée aux quatre coins du cadre, sans adhérer
dans le milieu. Sur cette seconde feuille sont écrits ces mots, en
grands caractères, assez élégamment peints, toujours de la main
126 l'abbé SERPEILLl
de notre héros : « L'abbe Serpoille. aumônici- de la maison cen-
trale de Poissv Seine-et-Oise . — A sa très cherc et très aimable
cousine, v^e Dessenion, née Guerbit. Que Dieu répande sur elle
et sur sa famille ses bénédictions les plus abondantes. — A Poissv,
le 2 2 septembre \S3j. » — Celte frêle enveloppe étant venue à se
déchirer, elle a laissé à découvert l'écriture qui se trouvait au-
dessous, et dont on ne soupçonnait pas Texistence fi .
Nous compléterons les renseignements que nous donne sur lui-
même l'abbé Serpeille par quelques autres documents conservés
aux archives de révèche. et qui sont relatifs à son C()urt séjour
dans le diocèse de Valence après le rétablissement du culte. Voici
d'abord la supplique qu'il adressait au cardinal Caprara, Icgai du
pape Pie VII à Paris, peu après la promulgation du (Concordat,
pour obtenir sa réintégration dans les rangs du clergé et l'abso-
lution des censures qu'il pouvait avoir encourues par sa conduite
passée. Nous trouvons dans cette pièce un récit plus circonstancié
de l'attaire cie la chanson contre les patriotes, qui occasionna la
condamnation à mort du malheureux secrétaire de la municipalité
de Saint-Péray. et qui faillit lui être fatale à lui-même. Il s'en
accuse comme d'un crime, et il n'v a guère que celui-là de men-
tionné dans sa confession, qui est édifiante à plus d'un litre. La
voici :
« Lvon, le i8 juillet 1802 28 messidor an lo^;).
» Em.^' (sici.
■> Pénétré des sentimens du respect le plus profond et du repen-
tir le plus sincère, j'ai l'honneur de soumeiire à Votre Imminence
un cas de conscience qui m'est personnel, et dc>nt le souvenir
redouble mes inquiétudes au moment où je me dispose à re-
prendre les augustes fonctions ecclésiastiques, que je fus force
d'abandonner pendant les tems calamiieux qui ont désole la Reli-
gion en France.
" En 1790. M'"'' les vicaires généraux du diocèse de Valence me
nommèrent vicaire de la p.iroisse de St-Pérav. Vers celle même
' t) Ce précieux ddcumeiu nou.s a ctc ohligcainiiiciu cuniniuniquc pai- M*
l"abbé Louis Pochon, de la Rochc-dc-Ohm, ctudianl en ihcologic au Grand-
Séiuinairc de Romans, arrière-pelil-fils d'Aiiiic Cuicrliv, veuve Dessenion, a
laquelle l'abbc Serpeille avait dédie cet exemplaire de snn portrait. Nnus
n'en conuaissmis aucun autre.
AU.MONIKR IJK HOISSV
époque, on composti à Valence une chanson dans laquelle plu-
sieurs patriotes de cette ville étaient nominativement désignés ;
elle me fut donnée, et je la communiquai au secrétaire de la mu-
nicipalité de St-Péray, qui désira en avoir copie : il en avait
transcrit deux couplets, lorsqu'il me proposa de la continuer, sous
le prétexte que j'écrivais plus vite que lui. Ne pouvant prévoir
qu'elle devoit nous compromettre, je ne fis aucune difficulté de
déférer à sa demande.
" Comme plusieurs autres personnes de St-Péra}'. ce secrétaire
fut arrête, au mois de nivôse an 2'-', par ordre des délégués de la
commission temporaire de Lyon en mission dans les départe-
ments de la Drôme et de l'Ardeche. Lors de la levée des scelles
apposés sur ses papiers, on trouva cette chanson ; elle lui tut pré-
sentée comme un nouveau chef d'accusation. On lui demanda de
qui il la tenait et qui l'avoit faite ; il répondit que je la lui avais
donnée, et qu'il m'en crovait l'auteur. D'après cette déclaration,
un mandat d'arrêt fut lancé contre moi ; je fus arrêté dans la pa-
roisse d'Allan, où j'étais curé constitutionnel; traduit dans les
prisons de 'Valence et juge par lesdits délégués de la commission
temporaire de Lyon, qui, après avoir oui mes réponses, tirent
appeler le susdit secrétaire. Celui-ci insista sur sa première ré-
ponse, vraie quant au i'-'' chef, et fausse quant au 2"-'. — La crainte
de la mort le guidait ; ce fut aussi le même motif qui me porta à
tronquer les faits pour les rendre plus favorables à ma cause, et
je ne fus pas moins condamné d'abord à aller, avec lui, à Lyon,
c'est-à-dire à la mort; car, en arrivant dans cette ville, il monta à
l'échafaud. Je ne dois mon salut qu'aux démarches de ma mère,
qui obtint de cette commission que j'aurais la ville de Valence
pour prison, sous la surveillance du comité révolutionnaire. Cette
détention dura environ quatre mois, au bout desquels on me ht
entrer dans un bataillon d'infanterie qui fui licencié trois mois
après le 21 vendémiaire an LV'' ,i;.
» Quoique, par suite de cet événement malheureux, je ne sois
pas réputé coupable d'homicide ou du crime de faux, puisque mon
jugement a eu lieu de nuit, sans témoins à charge ni à décharge,
et en présence seulement de ceux qui s'étoient établis nos juges ;
je crois nécessaire, pour la sûreté de ma conscience, de prévenir
jusqu'au moindre scrupule qui pourrait la troubler.
1 12 septembre 1794.
1 i(S L ABBE S! RPKILLi:
» C'est dans ces inteniioiis et au sortir d'une retraite où je viens
de méditer les vérités éternelles que. prosterné aux pieds de Votre
Eniinence. je la supplie de ne pas repousser du sein de l'Eglise
dans lequel il désire rentrer, celui qui, pénétré de la sainteté de
son état, demande avec sincérité et repentir sa réhabilitation, s'il
est tombé dans quelque irrégularité; celui qui. mettant toute sa
conriance en Dieu, promet sincèrement de réparer ses fautes par
tous les moxens que Votre Eminence voudra déterminer; celui
qui, se recommandant à vos prières et à vos bontés, a l'honneur,
etc. isicl. »
On lit en marge de cette pièce, qui est sans signature, la note
suivante, écrite de la main de M. Bisson, secrétaire de Mgr
Becherel : ■ 11 t'aui demander à M. l'Evèque d'accorder au
confesseur de l'exposant les pouvoirs pour mettre à exécution
tous les brefs obtenus par lui de Sa Sainteté. Il s'appelle Serpeille,
prêtre du diocèse. »
Gomme on le voit, cette confession ressemble singulièrement à
celle du lion de la fable. Notre pénitent s'accuse soigneusement
d'un acte absolument involontaire dans ses conséquences, et qui,
en lui-même, fait l'éloge de ses principes, et par conséquent ne
peut que tourner à sa louange; il ne trouve pas autre chose à se
reprcjcher, en sollicitant sa réhabilitation auprès du représeniani
du souverain pontife. Pour ce qui est d'avoir prêté le serment
schismatique, de s'être ingéré sans missicjn dans l'administration
d'une paroisse à la place du pasteur légitime (i), d'avoir laissé de
coté la messe et le bréviaire et d'avoir persévéré pendant dix ans
in statu laïcali, ce sont là tout autant de peccadilles dont il croit
supertiu d'entretenir Son Eminence.
[ij L'abhc Scrpcillc avait remplace à AUan un \crtucux prêtre nunimé
Charles-Etienne Rcynaud, qui avait été dénoncé par smi pmpre \icaire pour
n'avoir pas prêté le serment constitiiticiuiiel. (>liassé de sa paroisse par les
patriotes du lieu, appuyés par Boisset, il se tint caché dans les termes ou
dans les bois, toujours traqué et poursuivi par les révolutionnaires, et re-
parut de nouveau au milieu de ses pai^ois.siens en l'an \11I, avant la con-
clusion du (^rmcordat.
(1.1 suite Ml prochain innucrn).
Cvi'uiiN PEHIUJSSIER.
QUARANTE ANNÉES
DE
L'HISTOIRE DES EVÊQUES DE VALENCE
AU MOYEN AGE
(1226 à 1266)
(Suite)
.>^*iOo«>oo«e^—
Au mois de novembre 1245, Philippe de Savoie, élu de Lyon et
de Valence, fit partie de la suite brillante de cardinaux et de prélats,
qui accompagnèrent Innocent IV à Cluny, où le pape et le roi de
France s'étaient donné rendez-vous (1). Si l'histoire a gardé le plus
profond silence sur la plupart des graves questions débattues alors
entre le chef de l'Eglise et le monarque français, elle nous a appris
du moins qu'on s'y occupa d'un projet de mariage destiné à faire
tomber dans la maison de France le riche héritage de Raymond-
Bérenger, comte de Provence et de Forcaiquier. Ce prince était
mort le 19 août 1245, laissant de Béatrix de Savoie, sa femme,
(i) Le pape était déjà à Cluny le 14 novembre ; il v séjourna jusqu'à la fin du
mois. Le Gallia Christiana {t. XVI, col. 314) place au 14 novembre 1245 l'acte
par lequel l'abbesse de Soyons se mit sous la protection de l'évêque de Valence et
lui fit hommage pour les propriétés de son monastère. Columbi [Opuicula, p. 271)
rapporte le même fait, mais sans indiquer le mois : Anno quinto et quadragesimo
accepit Subdionem a Bernarda abbatissa, cum arce et cœteris, prseter portorii tertiam
partem, et jura venandi, piscandi, aliaque paucula. Anno secundo et sexagesimo
mutavit hemina sextarium frumenti, quem Subdionis incolas pondebant abbatissae
pro agrorum cultura. — Cf. Elie Berger, op. cit., introd , p. CXI; — Potthast,
Regesta, n° i 1965.
Bull. IX, 1889.
10
1^0 QL'ARANTi; ANNEES Di: L HISTOIRE DES
quatre filles : Marguerite, femme de S. Louis ; Aliénor ou Eléonore,
femme de Henri IIl, roi d'Angleterre ; Sancie, femme de Richard de
Cornouaille. frère du roi d'Angleterre ; et Béatrix, encore mineure à
la mort de son père. Dans le dessein de prévenir le démembrement
de la Provence, Raymond-Bérenger avait par un testament, promul-
gué à Sisteron le 20 juin 1238, déclaré la plus jeune de ses filles
héritière unique de ses états. Comme on le pense bien, les préten-
dants à la main de la jeune et riche héritière se présentèrent nom-
breux. Le roi d'Aragon, qui était cousin de Raymond-Bérenger, la
convoitait pour son fils ; il tenta même d'enlever de vive force le
consentement de la mère de Béatrix à ses projets d'union. 11 vint
donc en Provence à la tête d'une petite armée et, s'il faut en croire
Guillaume de Nangis, ces dames durent chercher un refuge dans
une de leurs forteresses pour échapper aux importunités de l'Ara-
gonais. Ce qui est certain, c'est qu'aussitôt après l'entrevue de
Cluny, Louis IX se hâta d'envoyer au secours de sa belle-mère une
partie des troupes qu'il avait amenées en Bourgogne. Notre évêque
guerrier ne manqua pas d'accompagner les gens du roi dans cette
expédition, et après qu'on eut ainsi contraint le roi d'Aragon à
lâcher prise, ce fut lui qui se chargea, sous bonne escorte, de con-
duire ces dames à la cour de France (i). Le côté romanesque de cet
épisode de la vie de l'élu de Valence a été parfaitement saisi par les
contemporains et, l'imagination populaire aidant, il se forma bien-
tôt une curieuse légende dont le conteur Mathieu de Paris ne pou-
vait oublier de se faire l'écho. On disait que la jeune Béatrix avait
trouvé dans ses propres états un prétendant; qu'un noble provençal,
homme de petite fortune mais d'un grand courage, l'avait enlevée et
emmenée prisonnière dans un de ses châteaux, mais qu'aussitôt les
parents et les amis de la princesse, entre autres l'archevêque Boni-
face de Cantorbéry et l'archevêque élu de Lyon, Philippe de Savoie,
avaient pris les armes pour la délivrer et avaient réussi â infliger un
juste châtiment à cet audacieux seigneur (2).
Le mariage de Béatrix de Provence avec Charles, frère du roi
S. Louis, fut célébré le 31 janvier 1246, en présence de la comtesse-
mère Béatrix de Savoie, du comte Amédée de Savoie, de l'homas
de Savoie, naguère comte de Flandre, et de I^hilippe de Savoie,
d) Ei.iE Berger, Ioc. cit., p. CXIV-.W'I.
(j) Elie Berger, Ioc. cit.. p. CV. — Matii^eus Paris, t. IV, p. /^o.^-^.
EVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I^t
archevêque de Lyon (ij. La même année, Charles reçut en apanage
le Maine et l'Anjou, puis se rendit en Provence pour prendre pos-
session de ces états : peut-être fut-il accompagné dans ce voyage
par notre évéque, sur le dévouement et Thabilité duquel il pouvait
absolument compter.
Par une bulle, datée de Lyon, le i" septembre 1246, Innocent IV,
suivant les traces de Grégoire IX, autorisa Philippe de Savoie à
poursuivre quelques-uns de ses diocésains de Valence, qui étaient
en retard pour le payement des décimes et, vu le peu de ressources
que l'évêque trouvait dans les revenus de cette Eglise, dont la som-
me totale n'atteignait pas vingt marcs d'argent, à garder pour lui
la moitié de ces mêmes décimes (2).
Le 30 octobre 1246, Philippe de Savoie, en qualité d'archevêque
de Lyon, confirmait la donation faite à l'Aumône de Saint-Antoine
par Guichard de Condrieu d'une maison sise à Lyon, au lieu dit du
Sablis, et d'un courtil à OuUins (3). Au commencement de l'année
suivante il était dans son diocèse de Valence, où pour se conformer
aux ordres adressés par le pape à l'archevêque de Vienne et à ses
suffragants, il fit publier l'excommunication lancée dans le dernier
concile contre l'empereur et ses adhérents. Le 12 janvier 1247, nous
le trouvons à Valence, donnant son approbation à un compromis,
que firent ensemble l'abbé de Léoncel et le prieur de St-Félix, au
sujet de certaines redevances (4}. Son séjour toutefois ne fut pas
de longue durée, car dès le mois de février il était à Lyon, auprès
d'Innocent IV. De graves événements se préparaient , de nouveaux
orages allaient peut-être se déchaîner contre le pape et ses cardi-
naux : il était nécessaire en présence de ces périls que ceux-ci fus-
sent entourés de leurs meilleurs et plus fidèles défenseurs.
(i) GuiLLELMUS DE Nangiaco, Gesta s. Ludovici, dans Bouquet, t. XX, p. 354:
Redeunte interea illustri rege Franciae ad propria, negotio pro quo milites praedicti
destinati fuerant contra regem Aragoniae potenter et celeriter consummato, idem
excellenlissimus rex Francorum, consilio hinc inde habito, inquisita prius predictae
filicc comitis Provinciie voluntale, misit Caroium fratrem suum cum innumerabilis
militiœ venustate, ut eidem puellte nobili coram ipsius famosissimis avunculis, comité
scilicet Sabaudiae et Thoma quondam Flandrensi comité, necnon archiepiscopo
Lugdunensi aliaque ejus inclita parenteia, in ejusdem matris prœsentia solemni
matrimonio jungeretur. Quantus honor, quantave ketitia, quantaque teslivitas iliic
sit habita non est meae possibiliiatis evolvere vel referre.
(2) Eue Berger, Registres d'Innocent IV, n" 2080.
(3) GuiGUES, Cartulaire Lyonnais, p. 500.
(^) C.-U.-J. Chevai 1ER, Cartiilaiie de Léoncel, n° 147.
132 QUARANTE ANNEES Di: L HISTOIRE DES
La lutte engagée entre la papauté et l'empire, les sacrifices de
toute sorte qu elle imposait depuis longtemps à la chrétienté avaient
amené un fâcheux résultat, celui de créer un mouvement d'opposi-
tion, d'hostilité contre l'Eglise; mouvement qui alla en grandissant
de jour en jour et qui se présenta aux yeux des peuples comme une
réaction nécessaire contre les privilèges excessifs, les empiétements
du clergé dans l'ordre temporel. La grande chronique de Mathieu
de Paris nous fait entendre un écho lointain des récriminations sans
nombre que soulevaient alors et les excommunications, et les distri-
butions de bénéfices, et surtout les levées de décimes ou autres
taxes de la cour romaine. Partout dans nos pays, on voit alors se
former des ligues entre les bourgeois des villes pour résister à l'au-
torité des évêques et des clercs ; sur plusieurs points on crie à la
tyrannie et l'on tente ouvertement de secouer le joug. Sur les terres
soumises à la juridiction du roi de France et sous ses yeux, au
mois de novembre 1246, un certain nombre de nobles, parmi lesquels
on comptait les plus puissants seigneurs, se confédérèrent contre le
clergé, sous la foi d'un serment qui les engageait, eux et leurs
héritiers. Dans un manifeste, rédigé sur un ton fier et menaçant,
ils s'efforçaient de grouper autour d'eux la noblesse pour lutter con-
tre les usurpations et le despotisme des clercs, qu'il fallait, disaient-
ils, « ramener à l'état de l'Eglise primitive, afin qu'adonnés à la con-
« templation, laissant la vie active à la noblesse, ils lui fissent voir
« ces miracles qui depuis longtemps étaient inconnus au siècle. »
Le pape prit des mesures pour dissoudre ces ligues ou associations
dangereuses ; mais l'agitation était trop profonde pour qu'il fijt pos-
sible de i-amener promptement le calme. Au mois de mai 1247 on
attendait à Lyon l'arrivée des représentants de la confédération des
nobles français, qui voulaient porter leur plaintes, leurs récrimina-
tions jusqu'au pied du trône pontifical, et Boniface de Savoie,
archevêque de Cantorbéry, écrivait à ce sujet à Pierre de Savoie,
son frère : « on ne sait ce qu'ils doivent proposer, mais on croit qu'à
leur arrivée la curie ne rira pas (i). »
Toutefois ce n'était pas du côté de la l-'rance qu'Innocent I\'
voyait le ciel se charger des plus sombres nuages. Frédéric II
gagnait sans cesse du terrain dans le nord de l'Italie et s'avançait
graduellement vers la région des Alpes. On put se rendre compte
de ses progrès et de l'imminence du danger, lorsque vcis la fin
(i) Voir sur lou.s ces cvcncmcnts : Li.ii; HrKGEu, loc. cit., p. (>L.\\.\ cl suiv.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I33
mars, le pape ayant envoyé un secours de 1500 hommes aux cités
lombardes, on apprit tout à coup à Lyon que les défilés des monta-
gnes étaient gardés, au nom de l'empereur, par le comte de Savoie et
que l'armée pontificale n'avait pu parvenir à destination. Une alliance
en effet venait d'être conclue entre l'implacable ennemi de la papauté
et le chef de cette maison de Savoie, toujours remuante et disposée
à vendre ses services au plus offrant (i). Le Dauphin de Viennois,
lui aussi, s'était laissé gagner par de belles promesses (2). La l'oute
des Alpes fermée aux troupes pontificales se trouvait donc du même
coup ouverte devant les impériaux. Frédéric résolut de profiter des
circonstances et de marcher sur Lyon. Dès le commencement de
mai, il fit savoir à ses vassaux et à ses alliés de venir le trouver en
armes à Chambéry, dans les quinze jours qui suivraient l'octave de
la Pentecôte.
La terreur fut grande à Lyon, lorsque les projets de Frédéric de-
vinrent manifestes. Dans l'entourage du pontife, on pouvait déjà
constater quelque mécontentement. Soit manque de courage, soit
défaut de connaissance du plan de campagne que l'empereur pour-
suivait avec acharnement et qui eût abouti, s'il eût pu réussir, à l'é-
tablissement d'une sorte de papauté laïque, plusieurs cardinaux
désiraient la paix et ne partageaient pas les craintes que faisaient
éprouver à leurs collègues l'approche de P^rédéric. Innocent IV fut
héroïque en cette occasion ; son courage grandit avec le péril et on
le vit avec une sérénité pleine de grandeur prendre les mesures né-
cessaires pour se mettre à couvert des fureurs de son ennemi. Des
lettres furent expédiées dans toutes les directions, à l'effet de provo-
quer des dévouements à la cause de l'Eglise. Bientôt des troupes nom-
breuses affluèrent à Lyon ; mais ce qui contribua le plus à faire renaî-
tre au sein de cette ville le sentiment de sa propre sécurité, ce fut la
"promesse faite par S. Louis de mettre au service de l'Eglise, en cas
d'attaque, toutes les forces de la monarchie française. Le pape était
sauvé. Du reste, les événements qui s'accomplirent alors en Italie,
comme la révolte de Mantoue, obligèrent l'empereur à renoncer pour
un temps à ses projets d'expédition au-delà des Alpes (3).
(i) Ibid. — Huillard-Bréholles, Introd. à l'hist. diplomatique de femp. Frédé-
ric II, p. 468.
(2) HurLLARD-BRÉHOLLES, loC. clt., p. 262.
(3) «L'empereur, dit M Huillard-Bréholles (p. 518), dans le cours de sa lutte
contre la papauté, et surtout à partir de l'année 1247, tenia ouvertement d'établir
une église indépendante de Knme, dont il eût été le chef spirituel et Pierre de la
134 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
Durant ces terribles épreuves, Philippe de Savoie et l'archevêque
de Cantorbéry, son frère, se montrèrent toujours franchement dé-
voués à la cour romaine : ils ne s'éloignèrent point de Lyon. Au
mois de novembre 1247, Philippe, en qualité d'archevêque de Lyon,
confirme divers paiements qui avaient été faits par Jean, prieur de
Portes, sur une somme de 38 livres de Viennois, qui lui avait été
remise en dépôt par Guillaume de Bérang, jadis prieur de Saint-
Sorlin (1).
Mais il est temps de tourner nos regards vers le diocèse de \'a-
lence, dont Philippe de Savoie semble se désintéresser de plus en
plus. Des événements, qui eurent à l'époque un grand retentisse-
ment, y sollicitent notre attention. L'année 1247 fut, en effet, mar-
quée dans les annales de notre Eglise par une violente persécution
contre les juifs; ces malheureux, qui n'étaient pas toujours des vic-
times innocentes de la haine et de l'aveuglement, furent traqués de
toutes parts et impitoyablement massacrés. Ceux qui parvinrent à se
soustraire à ces horreurs implorèrent à grands cris l'assistance du
pape ; Innocent IV éleva la voix en faveur des restes mutilés de
l'ancien peuple de Dieu, et ses accents sont dignes du vicaire de
Jésus-Christ. Pour bien faire connaître au lecteur ce curieux épisode
de l'histoire de nos pays, nous n'aurons qu'à reproduire le récit
qu'en a donné M. Elie Berger dans la savante introduction des
Registres d'Innocent IV, travail où nous avons déjà largement
puisé :
« Dans la petite ville de Valréas. qui avait alors pour seigneur
Dragonet de .Montauban, sire de Montdragon, une petite fille de
deux ans, Meilla, disparut le 26 mars 1247, mardi de la semaine
sainte; ses parents la cherchèrent d'abord sans pouvoir la trouver,
puis on la découvrit, morte, dans les fossés de la ville. Le bruit cou-
rait que cette petite fille, le jour où elle s'était perdue, avait été vue
Vigne l'administrateur et le vicaire ; mais il ne prétendit rien innover quant au dogme
ni aux bases essentielles de la croyance publique. De leur cflté, les papes poursuivi-
rent en Frédéric H moins l'hérétique endurci que le schismatique avéré. Ils mesurè-
rent l'énergie de leur opposition aux dangers que courait l'Eglise catholique,
puisque la séparation religieuse de la Sicile eût pu entraîner la défection de l'Alle-
magne et du reste de l'Occident. C'est là ce qui justifie ou du moins ce qui expli-
que l'obstination avec laquelle ils se refusèrent à toute espèce de transaction ; là
est le secret d'une politique à outrance que S. Louis lui-même ne pouvait s'empê-
cher de condamner. »
(i) GuiGtiES. Cartulaire lyonnais, p. s 28.
EVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN-AGE. 1^5
dans la rue des juifs ; d'ailleurs personne n'avait de notions exactes
sur les causes de sa mort, mais on était tout près de ces fêtes de
Pâques à l'occasion desquelles se célébraient, disait-on, dans les
communautés Israélites, de mystérieuses et sanglantes cérémonies :
il n'en fallut pas davantage pour que les malheureux juifs fus-
sent accusés. Une enquête fut ouverte avant même qu'on eût re-
cours à la juridiction seigneuriale par deux Franciscains, Guillem
Chaste et Azémar ; elle amena l'arrestation de trois juifs, Bendig,
Burcellas et Durand ; après sept jours de captivité et de tortures, ces
infortunés se résolurent, le 4 avril, à faire des aveux. L'un deux ex-
pliqua que le sang de la petite chrétienne devait servir à communier
le Vendredi-Saint, que cet usage s'observait d'année en année dans
les pays où les juifs étaient nombreux, et surtout en Espagne où,
en pareil cas, à défaut de chrétien, on achetait un Sarrasin ; un
autre confessa même qu'à Saint-Paul-Trois-Châteaux, on avait tiré
au sort le lieu où devait être pratiquée, le Vendredi-Saint, une cru-
cifixion symbolique . Valréas avait été désigné ; de là venaient la
disparition et la mort de la petite fille ; seulement on n'avait pas pu
attendre le vendredi, et l'on s'était résolu à la faire servir de victime
expiatoire. Ces aveux furent répétés le g avril devant Dragonet de
Montauban et sa cour, dans la haute salle du château ; puis, le
même jour, dans une seconde séance, six autres juifs furent interro-
gés ; grâce à la torture, on leur fit dire ce qu'on voulut ; l'un d'eux
pourtant eu le courage de résister jusqu'au bout. Les parents de
Meilla déposèrent le lendemain f i).
« L'acte judiciaire auquel nous devons ces détails ne dit pas quelle
fut l'issue du procès engagé à \'alréas ; mais deux bulles du 28 mai
1247, parlent de supplices qui ajoutèrent à l'horreur de cette lugubre
affaire ; d'après la plainte qu'ils adressèrent à Innnocent I\^ et dont
le pape donne le résumé, les juifs, accusés d'avoir crucifié la jeune
Meilla, auraient été dépouillés de leurs biens et jetés en prison par
ordre de Dragonet de Mautauban, quoiqu'ils n'eussent pas été con-
vaincus, quoiqu'ils n'eussent pas avoué le crime. Quelques-uns
d'entre eux avaient été coupés en deux, d'autres brûlés vifs ; on
avait arraché les seins à des femmes et fait subir à des hommes la
mutilation ; les autres, vaincus par la torture, avaient fini par recon-
(i) Les détails qui précèdent sont consignés dans une enquête judiciaire, qui
a été publiée avec introduction par M. Molinier : Enquête sur un meurtre imputé
aux juij.s de Valréas (12^7). Paris, Champion, 1885. in-8°, i^ pages.
136 QUARANTE ANNÉES DE l'hISTOIRE DES
naître en paroles des faits que leur conscience ne leur reprochait
pas. préférant la mort à des souffrances intolérables. Puis Tévêque
de Saint-Paul Trois-Châteaux et le connétable de \'alence s'étaient
mis de la partie avec plusieurs nobles et hauts personnages du
pays ; malgré la charte de protection du saint-siège, ils avaient em-
prisonné, dépouillé les juifs de leurs domaines et leur infligeaient les
plus durs traitements ; plusieurs juifs avaient été exilés et l'on avait
de force imposé le baptême à leurs enfants. Ainsi la crédulité popu-
laire et la haine traditionnelle avaient dans cette contrée provoqué
contre les juifs un mouvement d'une extrême violence, et pourtant
rien n'avait démontré leur culpabilité, à laquelle le pape ne croyait
pas. Innocent IV fut indigné de ces excès sauvages : en réponse à la
plainte qu'il avait reçue, il adressa le 28 mai deux bulles à l'arche-
vêque de Vienne. Dans l'une d'elles, il rappelait en termes fort éle-
vés les devoirs des chrétiens envers ce peuple auquel Jésus-Christ
avait laissé des espérances de salut; il disait en terminant que nul
ne devait être puni s'il n'avait commis une faute, ou contraint à
payer le crime d'autrui ; ému de compassion envers ces hommes
dont il se considérait comme le protecteur, il ne pouvait tolérer
qu'ils eussent à souffrir pour des cruautés qui, si elles avaient été
réellement commises, auraient mérité un châtiment. En conséquence,
si les faits rapportés au pape étaient vrais, l'archevêque de \'ienne
devait ordonner à l'évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, au con-
nétable de X'alence et aux autres de relâcher leurs prisonniers, en
les indemnisant des pertes et dommages qu'ils avaient subis et de
les laisser vivre sur leurs terres. Le préambule de la deuxième lettre
était tout aussi formel : « La justice divine, qui n'a pas entièrement
(I rejeté le peuple juif, réserve à ses débris le salut éternel. Aussi
« doit-on blâmer le zèle, condamner la cruauté de ces chrétiens qui,
« pleins de convoitise pour les biens des juifs, avides de leur sang.
« les dépouillent, les mutilent, les tuent sans jugement: ils mécon-
« naissent ainsi la mansuétude de la religion catholique, qui les
« admet à vivre à ses côtés et ordonne de les tolérer dans l'exercice
« de leur culte (i). »
Ce fut au mois de juillet 1248 que S. Louis, allant s'embarquer à
Aigues-Mortes pour la croisade, s'arrêta quelques jours dans nos
contrées et assiégea le château de la Roche-de-Clun, qui apparte-
nait à Roger de Clérieu. Les chroniqueurs contemporains, tous
(l) El.fF. liKRGEK, loC. cit., p. 21H.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. l^^J
Français, s'accordent à représenter Roger comme un méchant
homme, qui rançonnait impitoyablement tous ceux qui passaient
par là, sans en excepter les pèlerins ; mais la réputation du sei-
gneur de la Roche a été naguère vengée de ces attaques par M.
Emile Giraud, et nous ne pouvons que souscrire aux conclusions
du savant historien de Romans (i). On connaît le sort de la forte-
resse de la Roche; elle tomba entre les mains du roi et fut en partie
démolie (2). Aymar de Poitiers avait dans cette circonstance porté
(i) P.-E. Giraud, Essai /list. sur 'Fiomans. Deuxième partie, p. 25-7: « Le sei-
gneur de la Roche-de-Glun... était dans son droit vis-à-vis de son puissant adver-
saire le roi de France et son armée. En 12^8, la maison de Clérieu jouissait depuis
près d'un siècle d'un droit de péage à la Voulte et à Confolens, sur les deux rives
du Rhône et de l'Isère... Le château de la Roche-de-Glun, situé non loin du con-
fluent du Rhône et de l'Isère et sur la rive gauche du Rhône dépendante de l'em-
pire, était le lieu oij s'opérait la perception de ce péage. Peut-être même ce châ-
teau devait-il son origine à cette destination. Lorsque l'armée des croisés descendit
le fleuve, Roger, en vertu de sa concession, s'apprêtait sans doute à exiger le droit
de péage. Le roi de France ne voulut pas se soumettre ; on le comprend aisément.
Outre le motif religieux de son expédition, qui pouvait autoriser son refus, il avait
pour lui le nombre et la force, et de plus le public, heureux de se voir affranchi
par son secours d'un impôt gênant et onéreux. Cependant les prétentions de Roger,
que je n'ai pas à apprécier ici en elles-mêmes, reposaient sur le titre le plus légi-
time qu'il fût possible d'invoquer à cette époque, sur un diplôme émané de l'auto-
rité impériale. Depuis la charte de ir^i, les seigneurs de Clérieu avaient perdu
Tallodialité de leur fief et reconnu la suzeraineté des Dauphins, .\ussi Guigues
dut-il en cette circonstance embrasser la cause de son vassal. C'était une question
de souveraineté qui se cachait sous un débat en apparence peu important. Les
Dauphinois alors sujets de l'empire se trouvaient en présence avec les Français. La
lutte était trop inégale pour durer longtemps. Roger céda, non sans résistance. »
{2] Les layettes du trésor des chartes (t. 111, p. 41, n" 3,700) renferment un
document daté de la Roche-de-Glun, au mois de juillet 1248, par lequel Trencavel
de Béziers reconnaît avoir reçu en prêt de Louis, roi de France, une somme de
2c)o livres tournois. — Voici les passages des principales chroniques du temps,
concernant le siège de la Roche-de-Glun par St Louis, événement qui a laissé dans
les traditions populaires une trace si profonde. — Guillelmus de Nangiaco. Gesta
S. Ludovici, dans Bouquet, t. XX. p. 556: » Transiens ergo christianissimus rex
Ludovicus per Burgundiam usque ad Lugdunum dominum papam Innocentium ihi
commorantem secundo visitavit. Indeque reccedens, benedictione ejus recepta, venii
ad Rocham quœ dicitur doit Glui. ubi erat cistrum fortissimum super Rodanum.
Quia igitur dominus castri illius a transeuntibus per Rodanum exactiones illicitas
extorquebat et eos bonis suis indebite spoliebat, rex illud obsedit et in deditione
accepit. Illud autem in parle destruens, postea domino dicti loci, cautione illi facta
quod de cetero ab injuriis et exactionibus illicitis abstineret, ilhid restituit. — • Jom-
vii.LE. Hisl. de St Louis, ibid., p. 210: « A Lvon entrâmes ou Rone pour aler a
.■^lles le Blanc ; et dedans le Rone trouvame i chastel que l'on appelle Roche de
138 QUARANTE ANNÉES DE LHISTOIRE DES
secours au roi de France et avait amené quelques troupes au siège
du château. Le Dauphin Guigues VU conçut un si vif ressentiment
de l'attitude prise par le comte de Valentinois contre Roger de Clé-
rieu, son vassal, qu'il saisit la première occasion pour lui déclarer
la guerre (i).
C'était l'ambition qui inspirait toujours les entreprises d'Aymar
de Poitiers. On le voit sans cesse appliqué à user de tous les moyens
pour accroître sa puissance. L'Eglise de Valence avait en lui un
dangereux voisin, dont il fallait surveiller toutes les démarches.
L'éloignement de l'évêque lui permettait de se montrer entrepre-
nant et audacieux: chaque jour, de différents points du diocèse, arri-
vaient au chapitre de nouvelles plaintes sur les empiétements des
officiers du comte. 11 faut bien avouer que les droits féodaux exercés
alors par les deux autorités rivales étaient tellement enchevêtrés qu'il
devenait parfois impossible de déterminer les frontières de l'une et
de l'autre : des chocs plus ou moins violents devaient nécessaire-
ment se produire. Dans les mois d'août et de septembre 1248, les
rapports entre les officiers de l'évêque et ceux du comte furent très
tendus. Aymar percevait des droits de péage à Crest, ainsi que sur
les rives du Rhône, entre Valence et Livron ; les sujets de l'évêque
se plaignaient d'être sans cesse tracassés, pressurés par les gens du
comte. La double juridiction seigneuriale qui s'exerçait à Crest, au
Gluy, que le roy avoit t'ait abbaU'e pour ce que Roger le sire du chaslel estoit criez
de desrober les pèlerins et les marchans. — Guillelmus de Podio Laurentii. His-
toria Albigensiam., ibid, p. 771 : Anno igiiur Domini M". CC°. XL". VIIl" recedens
rex Lugdunum, dum iter agressus esset, castrum quod dicitur Rocha super Rho-
danum obsidet, quod Rogerius de Cioregio, dominus castri pedagia levari jusserat
super omnes perigrinos in subsidium terre sancte, et expugnato eo post paucos
dies ipsum in deditionem accepit, unde fuit de facta 'njuria peregrinis plenarie
satisfactum. — Extraits des chroniques de St-Denis, ib., tom. XXI, p. 114:... Le
roy reçut beneyçon et se parti de Lyon et vint a un chastel que len appelle la Roche
de Glin. Cil du chastel furent si outreccuidé qu'ils robèrent une partie de la gent
du rov, qui aloient devant por faire garnison a ceux de Tost. Quant la nouvele en
vint au roy. il commanda que tout le chastel fust mis par terre et abatuz ; cil de-
dans furent pris et mis en fer et en liens et le chastel fu tout détruit et gastez.
(i) « Ce Roger de Clérieu, dit M. Giraud. que les historiens de St Louis nous
peignent sous des couleurs si noires, était, au contraire, un homme modéré, con-
ciliant, entouré de la considération publique. Nos annales dauphinoises nous le
montrent dans la plupart des querelles de notre temps comme amiable composi-
teur choisi par les parties elles-mêmes. » Cf. Chorier. Hisl. de Dauphiné, t. II,
p. 108, 116, 1^3, etc.: De Galmkr, Essai hisl. sur la haronnie de Clérieu,
P- 45-7-
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I 39
nom du prélat et au nom du comte, n'avait jamais été clairement et
nettement déterminée : c'était là la principale source de disputes
entre les représentants des deux pouvoirs. Des difficultés semblables
se rencontraient sur d'autres points, notamment à Alex et à Bési-
gnan. Philippe de Savoie, qui avait sur les bras de plus importantes
affaires, voulut en finir au plus tôt avec une situation devenue into-
lérable et il fut assez heureux pour amener le comte de Valentinois
à vider ces différends par des voies pacifiques. Aymar de Poitiers
consentit donc à se rendre à Varence, dans la demeure épiscopale,
la veille de la fête de St Apollinaire (4 octobre; 1248, et là, en pré-
sence de nombreux témoins, il fit avec l'élu de Lyon et de \''alence
un règlement fort détaillé qui devait désormais prévenir entre eux
toutes causes de conflit Ce document, dont nous conserverons le
texte dans ce mémoire, nous parait offrir un intérêt historique réel,
en ce qu'il nous permet de suivre presque dans ses moindres détails
le fonctionnement assez compliqué d'une double juridiction féodale
s'exerçant dans le pays et au sein d'une même ville. Tout est soi-
gneusement indiqué: les denrées ou les objets soumis aux droits de
péage, la punition des délits, la condition des étrangers venus s'éta-
blir à Crest, etc., etc.
Notum sit omnibus presentibus pariter et futuris quod cum ingens
esset discordia, controversia vel querela inter nos Ph., Dei misera-
tione ecclesie Lugdunensis electum et procuratorem ecclesie Valen-
tinensis, nomine nostro et nomine ecclesie, seu capituli Valentinensis,
ex una parte et Ademarum de Pictavia, filium quondam ^^ ' de Pic-
tavia. ex altéra, super his que ego dictus Ademarus accipiebam ab
hominibus vestris, scilicet procuratoris predicti et ecclesie \'alenti-
nensis, occasione pedagii vel guidagii in terra mea, in dioycesi \'a-
lent. citra Rodanum et apud Cristam et in mandamento ejusdem.
Item super duobus hominibus castri de Crista, scilicet Bontoso de
Porta et Poncio Silvestri, et super usagiis et consuetudinibus et
juribus dicti castri ac dominationibus nostris. Item super Chalme
d'Ales. Item super terris et feudo de Désigna, que quondam fuerunt
Wil., domini de Beldisnar. De predictis controversiis et querelis ex
certa scientia et spontanea voluntate, concorditer, amicabiliter et
unanimiter inter nos taliter duximus ordinandum, videlicet quod
homines nostri, scilicet procuratoris predicti et ecclesie Val. non
teneantur solvere pedagium nec guidagium in terra tua Ademari
predicti in diocesi Val. citra Rodanum, nec apud Cristam vel in ejus
mandamento, de victualibus vel de omnibus illis que ad usum edendi
vel bibendi esse noscuntur, excepto sale, chargiis amigdalarum, pi-
peris. zingiberis, gariofili. canelle et mercimoniorum que ad pondus
140 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
consueverunt vendi, et nos dictus procurator super pedagiis terre
tue, Ademari, que tu habes citra Rodanum nolumus nec debemus
per nos vel successores nostros te vel tuos successores impcdire,
salva immunitate hominum nostrorum superius nominata. Item ordi-
namus quod homines nostri, procuratoris predicti et ecclesie Ya\.,
eant et ducant predicta per stratas publicas sine contradictione mea
Ademari predicti et meorum. De discordia vero dicti castri de Crista
taliter duximus ordinandum quod dicti duo homines B. de Porta sci-
licet et Poncius Silvestri pênes me dictum Ademarum remancant et
alii homines qui morant apud Cristam in domibus vel in terris meis
vel in dominio apud me valeant remanere ; iUi vero homines qui in
domibus, terris vel dominio nostro, procuratoris predicti, morantur
apud Cristam, pênes nos remaneant, nec alteruter nostrorum possit
homines alterius recipere apud Cristam, si de loco ad locum, vel do-
minio in dominium se voluerint transmutare ; si vero alter se trans-
mutaverit, quilibet possit hominem suum , ubicunque invenerit,
tanquam ligium repetere et, ut suum, auctoritate propria occupare.
domino altero nullathenus conquerente vel impediente facere supra-
dicta : et in quocunque loco, dominio vel nomine illi de Crista deli-
querent infra castrum de Crista vel mandamento, quilibet nostrum
in suum hominem jurisdictionem et justiciam exercere valeat et non
alius, et penam commissam occasione delicti dominus delinquentis
possit totaliter retinere, nuUa alteri parte data, licet dicatur in alte-
rius tei'ritorio deliquisse : tamen quilibet nostrum habeat suum homi-
nem, si quem offenderit, ad justiciam preparatum : et hec tamen
intelligimus si evenerint in dicto Castro de Crista vel in ejus manda-
mento. Item si apud Cristam adventilius venerit, quod ibi domum
conduxerit, nobis communis remaneat ; si tamen propriam domum
sibi acquisiverit vel modo alio habuerit , illius remaneat in cujus
domo remanserit hospilatus. Item ordinamus quod si homines mei
Ademari predicti bannum usitatum et expresse in posterum commil-
tant in dominio vestro, procuratoris predicti, propter fructus vel se-
mina seu nemora, ego Ademarus vel mei compellamus ipsos ad
solvendum bannario vel illi qui pro \obis, dicto procuratori, ibidem
fuerit, et ad satisfaciendum illi in dampnum suum irrogatum, et
super hoc crcdatur bannerii sacramenlo. Item statuimus faciendum
per omnia eodem modo et eadem forma de hominibus nostris. pro-
curatoris predicti et ecclesie \'al.. si bannum dictum commiserunt
infra castrum Criste vel in ejus mandamento, in terra et dominio
tui Ademari predicti. Item statuimus quod clientes, qui morantur vel
morabuntur in castris seu fortaliciis dicti castri de Crista non pos-
sint orlologia sive fructus accipere nisi in dominio sue domus quam
possident vel qua forsitan morabuntur. Leydi vero mercantium, exer-
citus albergamenta cum centum militibus et amplius , bannum
vindemie et alia que nominata non sunt superius vel expressa rema-
neant prout haclenus extiterunt. C)rdinalionem vero supradictam
super negociis et usagiis castri de C,i-i,sta, dominiis et jurisdiclioni-
bus robur obtinere volumus quandiu nos dictus procurator ad manum
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. I4I
nostram tenuerimus castrum Criste. Item ordinamus de Chalme
d'Ales quod stetur carte sigillate venerabilium patrum domini J.,
Viennensis archiepiscopi, B., Diensis episcopi, G., Valentinensis
episcopi, A. de Pictavia, et Wli filii ejus, in qua carta taliter contine-
tur : Chalmes autem Alesii per viros ydoneos dividatur in très partes
et due partes sint dicti A. de Pictavia et successorum suorum et ter-
lia pars domini G., episcopi et capituli Val. et successorum suorum ;
illa feuda que feudatarii recognoverunt in preteritum vel recognos
cent in futurum per sacramentum se tenere a domino G.,cpiscopo et
capitulo Val. et successoribus suis infra Chalmes Alesii sint domini
episcopi et capituli \'al. et successorum suorum, et illa que recogno-
verunt in preteritum vel recognoscent in futurum se tenere per sacra-
mentum a domino A. de Pictavia et successoribus suis sint domini
A. et successorum suorum. De illis vero que habet vel possidet
W'us Arnaldi de Grana infra Chalmes Alesii, si qua sunt que a dno A.
possideantur,sint dni A. et successorum suorum, nisi probetur in con-
trarium ab episcopo vel capitulo Val.; si qua vero sunt que a dno G.,
episcopo et capitulo Val., possideantur sint dni G., episcopi et capi-
tuli Val., nisi in contrarium ab A. de Pictavia et successoribus suis
probetur. — Querela vero de Besigna fuit communi voluntate et
concordia sic sopita, scilicet quod ego Ademarus predictus dimicto,
salvo, quicto et desamparo vobis dicto procuratori, nomine vestro et
ecclesie Val., si quod jus, si quam requisitionem, si quam rationem
habebam vel habere debebam seu videbar habere in terris, possessio-
nibus et feudis, que fuerunt quondam W'uilhermi, dni de Beldinar,
in territorio quod vulgariter nuncupatur de Besigna, occasione con-
cessionis seu donationis michi facte a vobis dicto procuratore vel
ecclesia \'al., et convenimus ambo quod nuUus nostrum debeat edi-
ficare vel aliquid innovare in predicto territorio de Besigna, sed re-
maneat in statu in quoest, quamdiu nos dictus procurator ad manum
nostram tenebimus ecclesiam Valentinam. Item statuendo ordinamus
ad invicem quod quamdiu nos dictus procurator ad manum nostram
tenuerimus dictam ecclesiam Val. non possimus nec debeamus, nos
vel dictus Ademarus, facere aliquam fortalitiam vel bastiam a Valen-
tia usque ad Liberonem, intra stratam publicam et Rodanum supra-
dictum. Omnia autem universa et singula, prout dicta sunt superius
et expressa, ego dictus A. de Pictavia vobis dicto dno Ph., procu-
ratori eccl. \'al., nomine vestro et nomine dicte ecclesie, promicto
solemni stipulatione, interposita bona fide, actendere et servare et
contra casu aliquo non venire de jure vel de facto, aliquo jure seu
aliqua ratione, tactis evangeliis sacrosanctis, et nos Ph , procurator
predictus, nomine nostro et ecclesie Val., de voluntate et consensu
expressa A., decani, et capituli Val., vice versa et eodem modo pro-
mictimus tibi A. predicto omnia supradicta actendere et servare,
prestito ad sancta evangelia sacramento. Similiter nos A., decanus,
et capitulum \'al. predicta omnia laudamus et confirmamus et appro-
bamus et quod contra nuUo tempore vcniamus promictimus bona
fide, prestito ad sancta evangelia sacramento. Et super omnibus su-
142 HISTOIRE DES ÉVÊQUES DE VALENCE.
pradictis nos dictus Ph., procurator, A. de Pictavia, et A., decanus
et capitulum supradicti renunciamus, ex certa scientia, beneticio mi-
noris etatis et in integrum restitutionis, et ornni alii juris beneficio
quo contra predicta vel aliquid de predictis per nos vel per alios ve-
nire possemus. Item convenimus quod omnes mulieres terre nostre,
scilicet procuratoris ecclesie V^al., sint immunes ab omni pedagio et
guidagio per terram meam, scilicet Ademari predicti, citra Rodanum
in diocesi Val. et apud Cristam et in ejus mandamento, de omnibus
que portabunt super se, et hoc promicto ego Ademarus predictus
actendere per me et successores meos sub virtute prestiti juramenti.
De his quidem conventionibus fideliter actendendis dedimus obsta-
gios fidejussores juratos nos dictus procurator : A., decanum, et Ar-
taldum, abbatem Sancti Felicis, Poncium, vicarium, Aquinum, B.
de Stella, canonicos Valent. ; ego Ademarus dictus : Amalricum de
Rupeforti, B. de Tauligna, P. de Tues, Pon. Cornillan de Monte
xMairan, et Pon, Cornilla de Podio Sancti Martini, milites. In defectu
videlicet partis alterius, quod absit, tam veniens contra predicta
quam ejusdem fidem jussores tenentur servare obstagia apud Roman,
quousque de defectu esset plenarie satisfactum. Acta sunt hec apud
Valen.,in domo episcopali in estris a parte Rodani, in vigilia Sancti
ApoUinaris, anno Domini M°. CC". XL" octavo, testibus ad hoc vo-
catis et rogatis magistro J. Capelli, canonico Vien., Pe. Valencza
presbitero, W. Remundo, W. Charfaldi, Guichardo, clericis V'alen.,
P. de Arcentio, Falcone Barreti miHte de Cornilla, Ysoardo de
Bordellis, Umberto de Quinto, P. de Pradellis, domicellis, et pluri-
bus aliis. In quorum firmitatem et testimonium, nos dominus Ph.,
procurator, et ego A. de Pictavia sigilla nostra apposuimus huic
carte et apponi fecimus sigillum capituli Val. et sigillum domini J.,
archiepiscopi Viennensis fi).
(i) Archives de la Drôme, E, 2,472. Registre de julian, not. à Valence, f° 136
verso et suiv. C'est la reproduction d'un vidimus de cette charte, fait le 4 novem-
bre 1483 par Fortuné Bonard, not., sur la demande de Simon Messe, doyen de
Die, officiai et vicaire générai de Valence.
fLa suite au prochain numéro).
Jules CHFA'ALIER.
OLIVIER DE SERRES
ET LES
Massacres du 2 mars 1573
A VILLENEUVE-DE-BERG
Olivier de Serres a été un des hommes qui ont illustré le seizième
siècle. Son Théâtre d'agriculture lui valut, de son vivant même, une
réputation européenne. Sa gloire déclina dans les deux siècles sui-
vants, et il serait peut-être tombé dans l'oubli aujourd'hui, si notre
siècle n'avait pris à tâche de le replacer sur son piédestal. Dans ce
siècle, en effet, on s'est efforcé de lui refaire son auréole de gloire :
des médailles ont été frappées en son honneur ; des statues lui ont
été élevées, et une foule d'auteurs ont célébré ses louanges dans des
pages dictées pour la plupart beaucoup plus par le sentiment de
l'admiration et de l'enthousiasme que par celui de la vérité et de
l'exactitude historique. Nous dirons dans le cours de ce travail ce
qu'il faut penser des assertions et des arguments de quelques-uns
de ses panégyristes ; mais une mention spéciale nous paraît due au
dernier ouvrage publié sur le célèbre agronome. 11 a paru en 1887
chez l'éditeur Pion sous ce titre : Olivier de Serres, seigneur du Pra-
del, sa vie, ses travaux, avec gravures et portraits. L'auteur est M.
Henri Vaschalde, de Vais, connu pour un certain nombre d'écrits
sur l'histoire du Vivarais. Il a recueilli et condensé dans ce livre ce
qui a été dit ou écrit avant lui sur le père de l'agriculture française,
et il n'a rien négligé de ce qui peut rehausser la gloire de son héros.
Surenchérissant sur tous ses devanciers, il lui a décerné une vérita-
ble apothéose et s'est efforcé de lui faire une auréole absolument im-
maculée. L'entreprise était difficile pour un historien consciencieux ;
car on trouve sur la mémoire d'Olivier de Serres quelques taches de
sang.
Il s'agit du siège de Villeneuve-de-Berg par les protestants, en
1573, et du massacre qui eut lieu à sa suite sur la personne de nom-
breux catholiques et d'une trentaine de prêtres qui s'y trouvaient
144 OLIVIER DE SERRl.S HT LES .MASSACRES
réunis en svnode. L'histoire, en relatant ce triste épisode de nos
discordes religieuses, y mêle le nom d'Olivier de Serres et rejette
sur lui, en grande partie du moins, la responsabilité du sang versé.
Cette souillure n'était pas sans causer quelque ennui aux admira-
teurs du grand agronome. iM. Vaschalde a voulu les délivrer de ce
cauchemar, et pour y parvenir plus ellicacement, au lieu de s'arrêter
à des demi-mesures, comme avaient fait avant lui tous les auteurs
qui s'étaient amusés à disculper Olivier en atténuant sa participa-
tion au meurtre de ses concitoyens, ou en détournant sur un autre la
responsabilité de ce fait odieux, il coupe court à toute difliculté et
tranche la question d'une manière absolument radicale, en décré-
tant que le fait même du massacre qui lui est imputé n'a pas eu lieu,
que c'est là une noire calomnie, une fable ridicule inventée après
coup, probablement par les Jésuites ou par quelque écrivain de leur
école, jaloux de la gloire du grand homme.
\'raiment, cela nous a paru un peu fort ! et c'est ce qui nous a mis
la plume à la main. Que chacun demeure responsable de ses œuvres,
et n'allons pas, sous prétexte d'enrichir notre galerie d'illustrations
sans tache, faire de violentes entorses à l'histoire.
Il nous est impossible de souscrire aux procédés historiques et aux
conclusions optimistes de M. Vaschalde. Nous allons dire pourquoi.
Mais, auparavant, pour élucider la question, il nous parait utile d'en-
trer dans quelques détails préliminaires.
Et d'abord, pour que l'on ne nou.s accuse pas de dénigrer, de
parti pris, la mémoire d'Olivier de Serres, nous distinguerons en
lui l'agronome et le sectaire prolestant. De l'agronome nous dirons
seulement, et sans approuver les exagérations de certains éloges,
d'un culte poussé jusqu'à l'apothéose, qu'il a laissé bien loin der-
rière lui tous les auteurs qui avaient traité avant lui de la culture des
champs ; que par son Théâtre d'agriculture il a rendu de réels ser-
vices à son pays, et que c'est à juste titre qu'on lui a donné le nom
de Père de l'agriculture française
Nous nous occuperons exclusivement du sectaire ; nous cherche-
rons à établir qui a dit vrai, ou de ses apologistes qui veulent à tout
prix, et à l'aide de leurs légendes, le donner comme un homme
« toujours pacifique », « complètement étranger aux massacres de
DU 2 MARS 1573 A VILLENEUVE-DE-BERG. I45
Villeneuve », « ayant les mains pures de sang... », ou de la tradi-
tion et de l'histoire qui nous le montrent, au contraire, comme pre-
nant part, d'une manière plus ou moins directe, mais certaine, aux
événements qui ensanglantèrent sa ville natale.
Villeneuve-de-Berg, patrie d'Olivier de Serres, a joué un rôle im-
portant durant les guerres religieuses des XW et XVII^ siècles. Sa
position sur deux routes qui s'y croisaient, en faisait comme la clef
du pays. De là on pouvait facilement surveiller les mouvements de
l'ennemi, diriger les troupes de secours dans toutes les directions ;
aussi les chefs protestants en fîrent-ils comme leur quartier général,
leur principale place forte et le boulevard de leur domination dans le
bas Vivarais ; et ils en furent les maîtres pendant près d'un demi-
siècle (de 1562 à 162 ij; sauf l'interruption de quelques mois (d'oc-
tobre 1572 au 2 mars 1573), qu'elle passa, sous M. de Logères, au
pouvoir des catholiques. Sa possession était donc pour les protes-
tants d'une importance capitale, et l'on comprend combien ils de-
vaient tenir à la conserver.
Le protestantisme s'établit de bonne heure à \'illeneuve-de-Berg.
Nous savons qu'avant 1561, le nombre de ses adhérents y était déjà
considérable, puisqu'à cette époque ils avaient déjà par trois fois en-
voyé à Nîmes des délégués, dans le but d'obtenir un ministre ; mais
sans pouvoir y réussir, à cause de la rareté d'iceiix. Ce ne fut que le
15 mars 1561 qu'ils purent en obtenir un de Genève, grâce au con-
cours très actif d'Olivier de Serres, comme nous le dirons en son
lieu. Les efforts et le zèle de ce ministre portèrent leurs fruits ; car
cette ville tomba totalement en leur pouvoir au mois de décembre
1562. Nous disons totalement, car déjà elle leur appartenait morale-
ment: les principaux habitants, les licenciés, docteurs en droits, no-
taires... étaient protestants; Jacques d'Arcons, beau-père d'Olivier,
les d'Olby, les Mercoirol, les Perrotin et autres, qui signèrent l'acte
de remise des vases sacrés, l'étaient aussi ; nombre de catholiques
versaient dans le protestantisme, attirés par la nouveauté et par la
morale facile.
Le Pradel, demeure d'Olivier de Serres, était situé au nord-est de
"Villeneuve et à quatre kilomètres environ de distance. C'était un
château fortifié avec tours, ayant de hautes murailles hors d'é-
chelles, de bonnes guérites, une très bonne porte, et tout autour un
fossé plein d'eau. Ce château a joué un rôle important dans les guer-
res de l'époque. Le 5 mars 162 i, il fut pris par les troupes de Mont-
BuLL. IX, 1889. 11
"I'4Ô OLIVIER DE SERRES ET LES MASSACRES
morency. remis le 7 janvier 1623, à Daniel, fils aîné d'Olivier de
Serres, avec ordre d'abattre les nouvelles fortifications que les ca-
tholiques y avaient ajoutées. En mars 1628, il avait été remis en état
de défense, et le duc de \'entadour vint l'assiéger avec quatre mille
hommes, cent chevaux et quatre pièces de canon. La défense fut vi-
goureuse: il ne se rendit que le quatrième jour du siège, après avoir
essuyé soixante-huit coups de canon. Le seigneur du Pradel, qui y
commandait, en sortit avec son enseigne et son sergent Perrotin,
l'épée au côté, et vingt soldats sans armes. Cette fois, le château fut
pillé et rasé ; il n'en resta qu'une tour et quelques pans de murs.
Daniel de Serres édifia plus tard sur ses ruines les bâtiments qui
existent aujourd'hui.
Tout cela démontre clairement que les seigneurs du Pradel n'é-
taient pas étrangers à l'art de la guerre, lis n'auraient pas éié de
leur temps.
Ce fut dans ce château que naquit Olivier de Serres, l'an 1539. 11
perdit son père à l'âge de sept ans, fit de très bonnes études à ^'a-
lence, disent quelques-uns ; mais, plus probablement à Toulouse,
où les avocats du baillage devaient faire leur cours de droit. Dès
l'âge de vingt et un ans, dit M. Eugène Villard, son instruction, son
intelligence le désignaient comme le conseil et le chef du parti cal-
viniste à Villeneuve. M. 'V'aschalde nous le présente comme « en
étant un ardent soutien ». Au fond, il en était le chef civil, religieux
et militaire : sa présence à Privas, son souci des églises réformées,
les exhibitions de comptes, ses appels aux troupes, etc., nous le
montrent comme le président du conseil, avec les portefeuilles des
finances, des cultes, de la guerre....
En février 1561, à l'âge de vingt-deux ans, il était diacre dans
l'église de Berg. 11 fut député pour aller chercher un ministre à Ge-
nève, et voici comment il raconte lui-même sa mission :
;< Premièrement, Dieu par sa miséricorde toucha le cœur de plu-
» sieurs de la présente ville, de s'employer à son service. Et pour
» ce fayre feust délibéré par eux en nos assemblées de fayre li»utc
» diligence à recouvrer un ministre, po''. lequel a\oyr envoyâmes à
» Nismes par trois fois, prétendant y en trouver là quelqu'un. Mais
» ne feust possible â cause de la rareté d'iccux. au regard des requc-
» rants ; quoy voyant, le dimanche quatre janvier 13O1, après la
» prière faite en playne assemblée d'homes, les fèmes retirées, feust
» arresté et délibéré envoyer â Genève po''. fa\ rc tous nos efforts
DU 2 .MARS 1573 A VILLENEUVE-DH-BERG. I47
» d'être provisez ; po'. quoy fayre, je lus député et esleu et po''. ce
» me délivrèrent lettres escriptes en leur nom et argent (duquel à
» mon retour leur en rendis compte et preste le reliquaj. Et estre
» arrivé audit Genève, présentai les lettres à la compagnie de mes-
» sieurs les ministres,, assemblés dans le logis de mons'' Calvin, et
» les suppliys, au nom de notre église, nous pourvoir d'un fidèle mi-
« nistre po^ enseigner 1-a parole de Dieu. «
Quel ton convaincu, quel air confit..., presque édifiant !...
Le ministre fut accordé; mais Olivier ne put l'amener avec lui. Un
mois après, on députe Jean Tichet avec deux chevaux, qui cette fois
amène le ministre Béton, sa femme et sa fille; ils arrivent au Pradel
le quinze mars 1561 ; Olivier les loge, fait les avances du voyage,
nourrit le ministre et sa famille jusques au quinze août suivant, pour
la nourriture duquel il réclamera plus tard quarante-cinq livres.
De plus, il fait des avances pour l'entretien du ministre, de sa
femme, de sa fille, pour leur logement dans sa maison de Ville-
neuve ; il envoie des hommes à Nimes, à .Vubenas ; le ministre à
Privas, etc., etc. Ses comptes, dans lesquels il n'oublia ni les sols,
ni les deniers, s'élevèrent à la somme de deux cent soixante et dix
sept livres, 19 sols, i denier (i).
Qu'on dise après cela qu'il n'était pas zélé protestant ! Ses exem-
ples, ses conseils, ses rapports fréquents avec le ministre, une pro-
pagande active organisée en commun, les prédications : tout devait
contribuer à faire de nombreux prosélytes et à enraciner profondé-
ment le calvinisme parmi les habitants de Villeneuve-de-Berg. Ses
résultats le prouvent : deux ans ne sont pas encore écoulés depuis
l'arrivée du ministre, que les protestants deviennent maîtres de la
ville, prennent les rênes du gouvernement, s'emparent des vases sa-
crés et autres richesses de l'église paroissiale ; le clergé de Ville-
neuve dut s'estimer heureux de pouvoir célébrer encore les olfices
dans l'église dévastée. Ceci se passait en décembre 1562.
Cette prise de possession de la ville ne dut pas coûter de grands
efforts, les protestants ayant déjà la majorité dans les délibérations,
ou sachant s'en passer au moyen de leurs notaires dévoués : les
Barbery, les Tailhand, les Sabatier et autres. Ce n'était pas l'hôtel-
de-ville qui gouvernait, mais l'hôtel d'Olivier de Serres.
Fit dix ans se passèrent ainsi sans incidents : la paix semblait ré-
gner entre les protestants et les catholiques.
Il Vaschalor, Olivier de Serres, p. ^.:|.
148 OLIVIER DE SERRES El LES MASSACRES
Cependant, par ordre du roi Charles IX, en octobre 1572, M. de
Logères, gouverneur de Viviers, vint prendre possession de Ville-
neuve sans coup férir. Baron, qui en était le gouverneur, se retira à
Mirabel avec ses soldats et les principaux protestants, non sans dé-
pit ; et là, ils ne cessèrent de s'occuper des moyens de reprendre la
ville.
M. de Logères, homme modéré et prudent, sut maintenir l'ordre
et inspirer la confiance, même aux protestants. Le culte catholique
fut rétabli, reprit quelque splendeur, et la tranquillité devint telle que
le clergé du diocèse crut pouvoir s'}- réunir en s\node, pour aviser
aux moyens de subvenir aux besoins spirituels et temporels du dio-
cèse, et en particulier d'arrêter les progrès de l'hérésie dans les limi-
tes du possible. La réunion ne fut pas nombreuse, à cause des
dangers que présentait le voyage, et aussi à cause de la rareté des
prêtres : bon nombre de paroisses se trouvaient sans pasteur par
suite des malheurs de cette époque troublée. On s'y trouva au nom-
bre de trente à quarante.
Mais les chefs protestants retirés à Mirabel, épiant les occasions
favorables, ne pouvaient manquer d'être instruits de tout ce qui se
passait à Villeneuve et à leur encontre. Olivier de Serres, dans son
château de Pradel, situé à égale distance de Villeneuve et de Mirabel
avec lesquels il avait des rapports journaliers, était le mieux à même
d'être bien renseigné, et peut-être le plus impatienta supporter l'état
de choses actuel. Aussi l'histoire nous le montre-t-il comme l'agent
le plus dévoué et le plus actif: c'est lui qui par ses sollicitations pres-
santes entraine presque malgré lui le capitaine Baron, qui objectait
toujours les difficultés de l'entreprise; c'est lui qui fait appel aux
chefs protestants des environs et inspire à tous la confiance et le
courage.
Tout est prêt pour l'attaque. Dans la nuit du 2 mars 157s, ils
viennent mettre le siège devant la ville. Les catholiques sont sur
leurs gardes ; mais, par la trahison d'un ouvrier serrurier, les pro-
testants pénètrent dans la ville, surprennent la troupe, qu'ils passent
au fil de l'épée, et massacrent les catholiques qui se rencontrent de-
vant eux. Les prêtres du synode s'étaient réfugiés dans l'église: leur
découverte ranime la fureur des religionnaires ; les uns sont égor-
gés sur-le-champ, d'autres horriblement mutilés, et tous sont mas-
sacrés sans qu'il en reste un seul, et leurs cadavres sont jetés dans
des puits. Les protestants pillent ensuite l'église et achèvent de dé-
DU 2 MAr<S [573 A VILLENEUVE-DE-BERG. I49
truire ce qui restait encore des antiques sanctuaires, après les rava-
ges exercés sur eux dix ans auparavant (\).
« Parmi les sièges soutenus par Villeneuve-de-Berg, dit M. Vas-
» chalde, celui du 2 mars 1573 est celui qui a laissé les plus cruels
« et les plus douloureux souvenirs. »
II
C'est ici que l'apologiste d'Olivier de Serres entre en campa-
gne et part en guerre contre tous les ennemis et détracteurs de
la réputation de son héros. 11 commence par révoquer en doute
le massacre des prêtres a réunis, dit-il, en synode, d'après quel-
ques auteurs », insinuant ainsi que d'autres historien ont bien pu
contester l'existence du synode. Mais où sont-ils ? Il ne les indi-
que pas. Il pose ensuite la question en ces termes : « Olivier fut-il
l'instigateur de ces hon-ibles massacres, ainsi que le dit une tradi-
tion mensongère? « — Et il donne immédiatement la réponse : « La
vie entière de cet homme et son œuvre protestent contre cette infâme
calomnie. »
Ce que nous connaissons de la vie d'Olivier comme protestant
tend à prouver précisément le contraire. Ce n'est pas par de sembla
blés paradoxes que M. Vaschalde réussira à détruire une aussi in-
fâme calomnie.
Il continue : « Deux chroniqueurs, de Thou et d'Aubigné, sont
» invoqués par ses ennemis pour soutenir cette terrible accusation.
» Le premier parle, d'après Jean de Serres, d'un capitaine Pradel ;
» mais est-il certain que de Thou ait voulu désigner l'auteur du
» Théâtre d'agriculture? Il connaissait bien Olivier, puisqu'il l'ap-
» pelle ailleurs Serranus, de Serres ? »
Tout le monde sait que, sous l'ancien régime, les gens de petite no-
blesse, comme étaient la plupart des chefs militaires de ce temps-là,
avaient deux noms : celui de leur famille et celui de leur fief, et que
les historiens, surtout au XVL siècle, les désignent indifféremment
par l'un ou par l'autre. Lorsque de Thou parle d'Olivier de Serres,
il l'appelle tantôt Serranus, tantôt Pradelius, et pour quiconque exa-
mine de sang froid et sans parti pris ce passage de Thistorien pro-
testant, il ne peut voir dans cette dernière expression autre chose
fi) MoLLiER, Recfieiçhes historiques sur Villeneuve-de-Berg, pp. i 18-127.
150 OLIVIER DE SERRES ET LES MASSACRES
que le seigneur du Pradel. Il faut avoir bien envie de faire triompher
un système, pour le soutenir au prix d'une aussi grossière chicane.
Et d'où viendrait, s'il vous plaît, ce capitaine Pradel qui apparaît
tout à coup sur la scène comme un chef connu et accepté de tout le
monde, si ce n'était Olivier de Serres en personne ? Pourrait-on
croire qu'un inconnu ou un étranger eut eu le crédit de se faire re-
connaître et de se faire obéir par des troupes qui avaient précisément
pour chef le personnage le plus influent et le plus considérable du
pays, qui était en même temps le plus actif et le plus zélé de la con-
trée pour la cause protestante ? Mais poursuivons :
« Quant à d'Aubigné, ajoute-t-il, ce n'est que dans la 2" édition
» de son Histoire universelle (1626J qu'on trouve une accusation for-
» melle contre Olivier de Serres. Voilà le seul témoignage qui puisse
» être invoqué contre Olivier de Serres ; mais quel témoignage !
>) Celui d'un historien très souvent convaincu d'erreur, qui dans une
» première édition passe le nom d'Olivier sous silence, et qui dans
» la suivante écrit à la légère, sans plus d'explication, un fait inconnu
» à tous ses contemporains. »
Comme on le voit, M. Vaschalde fait bon marché des historiens
dont le témoignage contrarie ses théories humanitaires. Pour lui,
d'Aubigné n'était qu'un écrivain distrait et aveuglé par l'esprit de
parti. Pourtant, d'Aubigné jouit d'un certain crédit,' comhie histo-
rien, dans le monde savant, et de plus il était protestant : double
présomption qui nous permet d'accepter avec confiance tout ce qu'il
pourra nous dire sur un coreligionnaire qui a été presque son con-
temporain. .\vait-il le moindre intérêt à le noircir? Tout au con-
traire. Qu'il ait inséré dans la seconde édition de son ouvrage le
nom d'Olivier de Serres, qu'il avait omis dans la première, il n'y a
rien là que de tout naturel, et on ne voit pas quelle induction on
pourrait raisonnablement en tirer contre la véracité de l'auteur. D'or-
dinaire, une seconde édition est plus complète que la première.
Après avoir récusé les historiens contemporains, M. Vaschalde fait
appel aux auteurs modernes, plus dignes de foi probablement. Le
premier cité est François de Neufchâteau qui dans un discours so-
lennel, prononcé le 18 septembre 180^, cherche à disculper Olivier
du massacre en supposant que le nom du capitaine Pradel, dont il
est question dans de Fhou, doit s'appliquer à quelque parent d'Oli-
vier, mais non à lui. " Que ce soit son père, dit-il, ou un autre, j'y
» consens , mais qu'on n'impute pas à Olivier de Serres, sur une
DU 2 MARS 157^ A VILLENEUVE-DE-BERG. I5I
)' équivoque de nom, un fait incompatible avec tout ce qu'on sait de
» lui d'une manière plus précise. »
L'esprit de système égare notre orateur officiel. Il ne saurait être
question ici du père d'Olivier, puisqu'il était mort vingt-sept ans
avant le massacre. Plus loin, François de Neufchàteau interprète et
résume ainsi, en quelques mots, le principal passage de de Fhou :
» De Thou parle d'un capitaine Pradei, ou la Pradelle (en latin Pra-
» delà), lequel en 1573 exerça sur les prêtres d'un synode du Viva-
» rais les représailles du massacre de la St-Barthélemy. »
Ainsi, à première vue des faits accomplis dans la sanglante journée
du 2 mars, l'impression de Neufchàteau a été de voir dans Pradela
« l'auteur de la surprise de "Villeneuve », l'exécuteur principal des re-
présailles. II en est tellement convaincu qu'il ne peut se résoudre à
reconnaître l'agronome dans ce personnage. « Le capitaine Pradei
» ne peut être notre Olivier, dit-il; il y a là une équivoque denom. »
Quelque temps après, sur la juste observation de M. de Labois-
sière et l'autorité de d'Aubigné, dont il ne récuse pas le témoignage,
lui, il reconnaît forcément l'identité des deux noms, et en habile
avocat il changera de système ; il fera tomber la responsabilité des
massacres, non sur Olivier, qui est le capitaine Pradei, mais sur
Baron, tout à l'heure personnage secondaire et maintenant person-
nage principal.
Toutefois, l'ex-ministre du Directoire ayant reconnu pleinement
son erreur, en fait amende honorable dans une note insérée dans le
second volume du Théâtre d'agriculture, dont il a été le dernier édi-
teur. « Je dois convenir que je me suis trompé, dit-il, parlant de la
fausse interprétation donnée par lui au nom de Pradei ; ce n'est pas
l'aveu qui me coûte ; la vérité doit passer avant tout. » Tournant
ainsi ses batteries contre le grand homme dont il s'était constitué
le panégyriste, François de Neufchàteau devient dès lors un témoin
à charge, et la légende des deux Pradei étant désavouée par son
propre inventeur, tombe par là même au rang des fables bien
constatées.
Mais cela n'empêcha pas, en 1858, le pseudonyme Reisnes, ora-
teur officiel envoyé à Villeneuve par la préfecture de l'Ardèche et par
le ministre de l'agriculture de l'Empire, de rééditer cette bourde au
pied de la statue qui allait être érigée à Olivier de Serres sur la
place principale de sa ville natale. Depuis lors, les meilleurs esprits
s'y sont laissés prendre.
152 OLIVIER DE SERRES ET LES MASSACRES
Le docteur Francus, dans son \^oyage ju pays Helvien, n'est pas
éloigné d'y croire un peu : et nous pouvons lire ce qui suit dans la
nouvelle Biographie générale publiée par M. Firmin Didot, au tome
43, article Olivier de Serres : « Quelle part prit-il dans les luttes san-
glantes qui désolèrent le Vivarais? — Probablement aucune. Une
certaine analogie de nom, disent MM. Haag, a fait attribuer par
quelques-uns à notre pacifique agriculteur ce que d'Aubigné et de
Thou rapportent d'un capitaine Pradelles ou la Pradelle, qui avait
facilité la reprise de Villeneuve sur les catholiques en 1573, en indi-
quant le moyen de pénétrer dans la place par un égoût. »
M. Eugène Villard, dans une brochure intitulée : Olivier de Serres
et son œuvre, publiée en 1872, s'exprime ainsi: « Nous le dé-
» clarons en toute conscience, les taches de sang qu'un concours
» de circonstances fatales a fait rejaillir sur Olivier de Serres
» n'existent plus à nos yeux. En l'absence de preuves formelles,
» l'impossibilité morale sur laquelle nous fondons notre jugement ne
» laisse aucune place à l'incertitude dans notre esprit. Si nous nous
» trompons. Dieu nous pardonnera. L'erreur est sans doute regret-
» table ; mais combien plus lorsqu'elle condamne que lorsqu'elle
» absout ! »
On le voit, la foi de M. Villard en l'innocence d'Olivier n'est pas
robuste. L'impossibilité morale sur laquelle il se fonde est une preuve
bien faible, et qui n'est pas de nature à influer sur l'issue du procès.
Cette nouvelle publication souleva une polémique. Un. anonyme que
M. Vaschalde insinue n'être autre que M. l'abbé Mollier, auteur des
Recherches historiques sur Villeneuve-de-Berg , fit insérer une réponse
dans VEcho de l'Ardèche en 1872. On ne pouvait récuser sa compé-
tence. « Cette polémique, qui dura plusieurs jours, devenait pénible
» pour le lecteur, dit M. Vaschalde avec une pointe d'ironie; et
» pas plus que M. Mollier, le critique anonyme n'apporta de preu-
» ves positives pour détruire la conclusion de son contradicteur, M.
» X'illard. «
C'est peut-être vrai ; mais il réduisit si bien à leur plus simple ex-
pression les preuves de sentiment données par M. X'iHard, que
celui-ci, malgré son habileté et son incontestable talent, ne put pas
rétorquer le plus petit argument et fut obligé d'abandonner le fond
du débat pour se rejeter sur des questions de détail.
La réponse de l'anonyme ne fut pas sans produire quelques ré-
sultats. M. Léon Vcdel, dans son Olivier de Serres et le Pradel,
DU 2 MARS 1573 A VILLENEUVE-DE-BERG. I53
adopte indirectement, si l'on veut, le sentiment de l'anonyme de
1872, lorsqu'il dit (page 35) : « Avec les admirateurs du grand
» homme, avec François de Neufchâteau, son panégyriste, avec
» Eugène Villard, le savant et consciencieux auteur d'Olivier de
» Serres et son œuvre , nous eussions voulu croire qu'Olivier resta
1) étranger à ces massacres. Nos efforts ont dû céder devant l'irrécu-
« sabilité des preuves. » Il cite Jean de Serres, de Thou et d'Aubi-
gné, puis il ajoute : <( 11 faut se rendre à l'évidence, et cette évidence,
» ce ne sont pas seulement les preuves presque matérielles que nous
» venons d'indiquer qui l'imposent ; elle ressort encore de l'étude
» approfondie de l'époque, du caractère d'Olivier, de la situation et
» des entraînements qui sont la conséquence de cette situation. »
Cette appréciation a bien sa valeur.
D'autres écrivains modernes ont traité la question des massacres.
M. de la Boissière, un des notables habitants de A^illeneuve, et qui
avait pu, par ses ancêtres, avoir des renseignements précis sur Oli-
vier, admet sa participation aux massacres. Son témoignage est
complètement récusé, sous prétexte qu'il se trompe sur le nom du
père d'Olivier : il l'appelle Jacques, alors que son nom était Jean.
Mais ce n'est pas là le point contesté.
M. l'abbé Mollier, dans ses Recherches historiques sur Villeneuve-
de-Berg, a étudié à fond la question. Il y traite Olivier de Serres en
historien impartial, mais nullement en adversaire. Ce chapitre a
valu à son auteur l'appréciation suivante d'un savant évêque, que
nous n'avons pas le droit de nommer : « J'ai particulièrement re-
» marqué dans votre ouvrage les pages que vous avez consacrées à
» Olivier de Serres. Il est impossible de mieux présenter un sujet
)) aussi délicat et qui touche de si près aux susceptibilités du patrio-
^) tisme. Vous auriez voulu le trouver innocent ; mais vous avez dû
» céder à l'évidence historique ; rien n'est plus propre à convaincre
» que cette bienveillante impartialité. »
M. Mollier nest pas mieux traité par M. Vaschalde que M. de la
Boissière. Il en est de même de Giraud-Soulavie, de M. Albert Du-
bois : leur sentiment sur Olivier ne compte plus, dès qu'il est en
opposition avec celui de l'auteur de la Vie d'Olivier de Serres. « Nous
>) avons toujours regretté, dit encore celui-ci, au sujet des articles
» anonymes publiés par ÏEcho de l'Ardèche en 1872, de n'avoir pas
» eu cette à époque connaissance des documents intéressants que
» nous avons pu compulser depuis. Aujourd'hui, nous croyons être
154 L ABBÉ SI.RPEILLE ,
» en mesure de pouvoir défendre victorieusement la mémoire d'Oli-
» vier de Serres contre les terribles accusations de notre critique
» anonyme. « Mais il n'est pas autrement question dans le cours de
sa dissertation de ces documents péremptoires, découverts heureu-
sement par lui. Comment donc a-t-il pu oublier de les mettre en œu-
vre dans son argumet^tation? Ils eussent assurément entraîné notre
conviction, comme ils ont déterminé la sienne.
CHENIVESSE.
(Lcijtn .m prochain numéro).
L'abbé SERPEILLE
AUMOMER DE LA MAISOX CENTRALE DE POISSY
(Suite)
Un état des prêtres du diocèse de Valence dressé à l'époque du
Concordat porte ceci : « M. Serpeillc, prêtre de ce diocèse, est à
Lvon depuis environ un mois et demi, à faire une retraite, pour
y reprendre l'esprit de son état. » En supposant que cette liste,
malheureusement sans date, soit du mois de Juillet 1802, époque
où, d'après le texte de sa supplique, l'abbé Serpeille sortait de
retraite, il a dû y entrer au plus tard dans le courant de mai pré-
cédent. Il ne resta donc que bien peu de tenips à la sous-préfecture
de Die, puisque, comme il nous l'apprend lui-même, il ne quitta
l'armée qu'en 1801. Une autre liste du cleri^é de Valence, que
nous croyons postérieure à la précédente, contient aussi le nom
de l'abbé Serpeille, avec celte mention : « Ordonne prêtre à la
Pàque de 1790, a prêté les serments prescrits par la constitution
civile du clergé et celui de liberté et d'égalité, et ne les a pas
rétractés. Il jouit de sa pension ecclésiastique. »
Nf)us verrons plus loin que M. Serpeille n'eut jamais une con-
trition bien vive de ses serments, et qu'il demeura attaché d'esprit
et de cfeur au parti constiiLUionnel. du moins tam que nous pou-
AUMONIER DE POISSY. I55
vons suivre sa trace. Malgré cela, il fut réhabilité, comme tant
d'autres, et réintégré dans les prérogatives et les fonctions de son
état, qu'il avait abdiquées depuis dix ans. Le premier poste qui lui
fut assigné après qu'il eut été relevé de ses censures fut la paroisse
de St-Agnan-en-Vercors, où il succéda à un vénérable confesseur
de la foi, M. Antoine Mazet, lequel était revenu, après un long
exil, au milieu de ses anciens paroissiens; mais, obligé par ses
intirmités à les quitter de nouveau, il se rendit à la Chapelle et y
mourut, le 27 avril i8o3 iii.
L'abbé Serpeille était à Saint-Agnan avant la mort de son pré-
décesseur; nous avons des lettres de lui datées de cette paroisse
des 21 et 29 avril i8o3. Il a dû y arriver vers le commencement
ou aux environs de pàques de cette année-là. C'est de cette épo-
que que date la réorganisation des paroisses et l'installation des
nouveaux curés nommés par Mgr Bécherel. Lui-même avait été
chargé d'installer son archiprêtre à la Chapelle-en-Vercors, comme
étant le plus notable et le plus en vue des curés du canton (2).
Une autre preuve de la considération dont l'abbé Serpeille jouis-
sait auprès de son évêque, c'est le pouvoir d'absoudre des cas ré-
servés, dont le prélat l'avait investi. Le curé de Saint-Agnan en
avait fait la demande pour un cas particulier ; l'autorisation lui fut
accordée d'une manière générale. Flatté d'une pareille faveur,
l'abbé Serpeille s'empressa d'en témoigner sa reconnaissance à
Msr Bécherel ; il lui disait entre autres choses, dans la lettre de
remerciments qu'il lui adressa, le 26 floréal an XI ii6 mai i8o3 :
« Sensible autant que je le dois à cette marque de conflance, je
(i) FiLLET, Histoire relig. de St-Agnan-en-Vercors, dans le Bulletin de
novembre-décembre 1888, p. 69. Une note que nous trouvons relative à
l'abbé Mazet nous donne sur ce digne ecclésiastique quelques renseignements
qui différent un peu de ceux publiés par M. Fillet : « Antoine Mazet, né au
Monètier-de-Perc}', âgé de 62 ans (en 1802), ordonné en 1766, pourvu de la
cure de St-Agnan en 1783, ne s'en est éloigné qu'en 1702. Réside à la Cha-
pellc-en-Vercors. « ,
(2) C'est ce que nous apprend une lettre datée du mardi de la b" semaine
après la Pentecôte (12 juillet) i8o'3, par laquelle M. Denys Perrier prévient
Mgr Bécherel que M. Serpeille, désigné par lui pour l'installer dans l'église
de la Chapelle-en-Vercors, se trouvant absent depuis le 5-" dimanche après
la Pentecôte (on voit que M. Perrier n'admettait pas le calendrier répu-
blicain), il s'est adressé à .M. Rolland, desservant de St-Martin, qui a rempl
cet office à sa place.
156 l'abbé serpeille
tâcherai de m'en rendre digne par nion zèle et ma tidélitc. » Il
demandait ensuite ce même privilège pour un vieux prêtre, son
voisin, qui desservait l'ancienne paroisse de Rousset, hameau de
Saint-Agnan. « Ce bon vieillard, dit-il, recommandahle sous tous
les rapports, et qui méritait un sort plus avantageux, avait autre-
fois le pouvoir d'absoudre de tous les cas réservés à M'' l'Evèque
de Die ! i i. »
L'abbé Serpeille ne fit qu'un très court séjour à Saint-Agnan (2).
Dès juillet i8o3, il v était remplacé par Louis-Pierre Bosc, ancien
chartreux ^i, lequel déclarait à son évèque, le 4 ventôse an XII (24
février 1804', ^u'il ne jouissait d'aucun revenu dans cette paroisse,
pas même d'une cure. Son prédécesseur sans doute n'avait pas été
mieux partagé. Celui-ci passa de là à St-Martin, la plus belle et
la plus agréable des communes du Vcrcors, sans en 'excepter le
(i) Ce véncrahle prctre, iiominc Martin, confesseur de la foi pendant la
révolution , fut demandé pour curé par les habitants de Saint-.Iulien-en-
Vcrcors, lorsque l'abbé Serpeille eut abandonne le service de cette annexe.
La lettre adressée à cet effet à Mgr Béchcrcl par la municipalité de cette
commune est datée du i" juillet i8o(j.
(2) Il n'existe aucune trace du passage de M. Serpeille à Saint-Agnan dans
les registres de cette paroisse. Après un acte de baptême du 3i octobre 1802,
signé Foron, on trouve une lacune de près d'un an, jusqu'au 2 septembre i8o'.i,
où figure pour la première fois le nom de M. Bosc. L'intervalle qui existe
entre ces deux dates comprend et au-delà le pastorat de M. Serpeille, qui
ne fut que de quelques mois.
(3) L'abbé Bosc écrivait de Chabeuil à M. Bisson, le i" thermidor an XI (20
juillet i8o3) pour le remercier de sa nomination à Saint-Agnan ; il fut installé
dans cette paroisse le 3o vendémiaire an XII (23 octobre i8o3). Nous retrou-
vons son nom sur le nécrologc de i838, avec la qualification de prêtre sans
fonctions ; il avait ()b ans. Jean-Louis-Pierre Bosc était le frère aine de Jean-
Louis Bosc, mort curé de Crest en i833, ;t l'âge de 62 ans. Nous verrons
l'ancien chartreux, en quittant Saint-Agnan en i8o(), demander la cure
d'Eurre : c'était pour se rapprocher de son frère, qui était alors curé d'.Mlex.
Les abbés Bosc étaient de Châtcaudoublc, dans le canton de Chabeuil.
Le nom de l'abbé Bosc se rencontre souvent dans la correspondance de
M. Serpeille, qui paraît faire peu de cas de cet honorable successeur. On
comprend aisément que les idées de l'ancien chartreux ne cadraient pas très-
bien avec celles de l'cx-compagnon d'armes de Championnet. Dans une lie
ses lettres, celui-ci le charge de différents griefs, tous assez anodins. Nous ne
citerons de cette missive que la phrase suivante, qui caractérise son auteur
sans faire beaucou|i lie mal ii celui qu'elle prétend atteindre : " Ce qui le
justifie il mes yeux, dit-il, c'est qu'il a cru sans doute être encore dans le
cloître, et on sait que les moines en général, en fait de vertus, ne connais-
sent que la foi. »
AUMONIER DE POISSY. I57
chef-lieu du canton (i) ; et il fut installe solennellement dans cette
paroisse le 14 vendémiaire an 12 14 novembre i8o3i, par M. Denys
Perrier, curé archiprètre de la Chapelle. La cérémonie se passa
avec pompe, à en juger par le procès-verbal qui en fut dressé,
dans lequel nous reconnaissons le style et Técriture de Tabbé Ser-
peille ; toutefois, c'est Tarchiprétre installateur qui est censé parler.
Après les préambules d'usage, le document officiel s'exprime ainsi :
« En vertu des pouvoirs que nous avons reçus de Monsieur Bé-
cherel, évêque de Valence, en date du 14 vendémiaire dernier (5
octobre)..., nous nous sommes transporté à St-Martin-en-Vercors,
où étant arrivé, nous avons exhibé nos dits pouvoirs au dit citoyen
Serpeille, nommé desservant, et au citoyen maire, desquels ce der-
nier nous a donné acte. — Ensuite nous nous sommes rendu à
l'église avec le citoyen Serpeille, pour l'installer desservant de la
dite succursale, accompagné des citoyens François Michel, Joseph
Bellier et André Arnaud, témoins à ce requis. Revêtus chacun
d'un surplis et d'une étole, nous sommes entrés dans l'église par la
porte principale et nous, désigné par Monsieur Bécherel, évéquc
de Valence, avons présenté de l'eau bénite audit citoyen Serpeille,
et ensuite, nous somnies allés tous deux au chœur, où, après avoir
fait notre prière au pied de l'autel, nous désigné avons donné lec-
ture à haute voix de la lettre de desserte dudit citoyen Serpeille
pour ladite succursale, en présence d'un grand concours de fidèles.
Ensuite nous avons procédé à l'installation dudit citoyen Serpeille,
et après avoir imploré l'assistance du St Esprit par l'hymne Veni
Creator, le verset et l'oraison, nous l'avons fait monter à l'autel
qu'il a baisé ; ensuite il a ouvert; le tabernacle et touché les vases
sacrés y renfermés ; puis nous lui avons fait sonner la cloche ; en-
suite à la chaire, où il s'est assis ; de là aux fonts baptismaux, que
nous lui avons fait toucher, ainsi que les vases contenant les sain-
tes huiles pour le baptême ; puis au confessionnal, où il s'est assis;
de là au lutrin que nous lui avons fait toucher; enfin à son (sic/
stalle, où il s'est assis. Ensuite nous l'avons conduit dans la sa-
cristie, dont il a été mis en possession par la remise des clefs de
(i) Le village de St-Martin-en-Vercors est agréablement situé au milieu de
riantes prairies, à deux kilomètres du débouché de la route des Goulets sur
la vallée du Vercors, et à 10 kilomètres au nord de la Chapelle; il présente
une agglomération presque aussi considérable que ce chef-lieu. La population
totale de la paroisse, qui était autrefois de 1,200 âmes, n'est plus mainta-
nant que d'environ 1,000 habitants.
158 • l'abbé serpeii.lk
ladite, et des coffres et armoires contenant les vases sacrés, linges,
ornements, etc. appartenant à l'église... «
Grtlce à un volumineux dossier de lettres dont Tabbé Serpeille
a enrichi les archives de Tévêché, nous pouvons le suivre pour
ainsi dire pas à pas à St-Martin. Lui-même nous y initie aux se-
crets de son administration et à la plupart de ses faits et gestes ;
nous y trouvons non-seulement les annales de son pastoral, mais
encore celles du pays tout entier; il nous renseigne sur toutes les
affaires grandes ou petites qui s'agitaient alors dans le Vercors, et
dont il était lui-même le principal instigateur. Esprit actif et entre-
prenant, fécond en ressources, plein de souplesse et d'habileté, il
dominait de toute sa hauteur ses modestes confrères du Vercors, sans
excepter son archiprctre, M. Perrier, qui avait cependant sur lui le
grand avantage d'avoir été fidèle aux jours de l'épreuve. L'abbé Ser-
peille, en un mot, était l'homme important du canton, et c'était lui
qui en était le véritable archiprètre. Par une active correspondance,
il tenait l'cvcché au courant de tout ce qui se passait dans le pays,
et le renseignait exactement et promptement sur les hommes et les
choses. Quant à la façon dont il faisait marcher sa paroisse et ses
paroissiens, elle n'était rien moins qu'onctueuse, et se ressentait
fort de ses anciennes habitudes militaires et de ses allures cavaliè-
res. On Jugera plus aisément de la toui-hure d'esprit et de la ma-
nière de faire de l'abbé Serpeille par quelques extraits de sa cor-
respondance , avec laquelle on pourrait écrire quelques beaux
chapitres pour servir de supplément à l'histoire du Vercors.
En homme avisé, le curé de St-Martin comprit qu'il lui impor-
tait d'avoir de bonnes relations avec l'évêché, et d'y entretenir des
amitiés utiles. Nous avons vu la note sèche ajoutée par l'abbé Bis-
son , secrétaire épiscopal, à la supplique présentée par l'abbé
Serpeille au nonce. Evidemment, à cette date, ces deux hommes
ne s'étaient pas encore ouverts l'un à l'autre ; mais du moment <:)ù
ils se connurent, ils se comprirent et se rencontrèrent dans une
parfaite communauté d'idées et de sentiments. L'abbc Bisson,
comme Tabbé Serpeille, avait sacrifié aux circonstances pendant la
révolution, et comme lui il était demeuré attaché de cœur à un
parti où il avait été autrelois quelque chose i). Dès lors, ces deux
(i) L'abbc Bisson avait ctc vicaire cpiscnpal de M. Uéciicrel ii^ (loutances
et l'avait suivi à Valence lorsqu'il en dcvitil évèquc légitime. N'oici la note
pleine de complaisance que lui consacre l'état du clcrj^é de Valence dressé par
AUMONIER DE POISSY. 15g
inconnus de la veille devinrent d'iniimes amis et ne cessèrent d'en-
tretenir Tun avec l'autre les rapports les plus actifs et les plus cor-
diaux. Sur trente-cinq lettres que nous avons de l'abbé Serpeille,
nous n'en trouvons que six qui soient adressées directement à l'é-
vêque ; toutes les autres portent pour suscription: .4 Monsieur
Bisson^ chanoine et secrétaire épiscopal, à Valence. Les premières
que nous trouvons sont datées de Saint-Agnan, et ont pour objet
une promesse que lui avait faite ce cher ami de le prévenir en
temps utile de l'époque où aurait lieu la translation à Valence du
cœur et des entrailles de Pie VI. L'abbé Serpeille la lui rappelait
en ces termes, le i^'" floréal an XI 121 avril i8o3i : « J'attends tou-
jours de savoir le moment où se fera la cérémonie pour le cœur
du pape Pie six. Vous m'avez promis de m'en donner avis; j'espère
que vous tiendrez vos engagements. » Hélas ! le secrétaire épisco-
pal n'avait plus pensé à sa promesse; la solennité à laquelle le
curé de Saint-Agnan eût désiré d'assister avait eu lieu près d'un
mois auparavant (le 3o mars). Pour réparer autant qu'il était en
lui son oubli involontaire, il s'empressa d'envoyer à l'abbé Ser-
peille, avec ses excuses pour une si énorme distraction, une rela-
tion circonstanciée de cette magnifique fête, qui avait été un vrai
triomphe pour la religion et un hommage éclatant rendu au Saint-
Siège il). Celui-ci lui écrivit de nouveau, le 8 floréal, pour lui en
accuser réception. « Je vous remercie bien, lui disait-il, de votre
attention à m'envoyer la relation de la cérémonie qui a eu lieu à
l'occasion du cœur du Pape, et je vous prie de ne pas m'oublier
les soins de ce prélat au commencement de son administration : « Charles
Bisson, secrétaire de Monsieur FEvêque, ^l") ans. Parfaitement instruit de tous
les devoirs de son état, les remplissant tous avec une exactitude qui lui mé-
rite l'estime, la considération et le respect de tous ceux qui le connaissent, et
la confiance entière de Monsieur l'Evêque, dont il est le commensal. — Ori-
ginaire de St-Pierre de Coutances. — 11 a prêté tous les serments, sans en
avoir rétracté aucun. Etait, avant la révolution, chapelain bénéticier et vicaire
perpétuel de l'église cathédrale de Coutances, puis vicaire épiscopal de ce
diocèse.» — Notre secrétaire était le neveu de Louis-Charles Bisson, deuxième
évêque constitutionnel du Calvados, né près de Coutances en 1742. Celui-ci
fut d'abord vicaire épiscopal de la Manche, et il céda la place à son neveu lors-
qu'il fut élu évêque du Calvados, en 1799. L'abbé Bisson jeune disparut de Va-
lence en même temps que son patron et rentra dans son diocèse d'origine en
i8t5, époque de la mort de Mgr Bécherel. Nous ignorons la date de la
sienne.
(i) Cf. ToupiN, Le cœur de Pie VI, 2° édition, p. r33.
i6o l'abbé sf.rpeille
lorsqu'il se présentera quelque chose de nouveau. Vous pouvez
être persuadé d'avance de l'intérêt et de l'empressement que je
mettrai à tout ce qui viendra de votre part. »
Dans toutes ses lettres, le curé de St-Martin exprime au secré-
taire épiscopal ses sentiments de chaleureuse sympathie; les ques-
tions d'affaires n'y viennent qu'en sous-œuvre : ce sont surtout les
nouvelles du pays et les compliments qui en font l'objet. Toutes
débutent invariablement par cette formule : Monsieur et ami, ex-
primant tout à la fois le respect et l'affection. Lorsqu'il se présen-
tait quelque occasion pour Valence, l'abbé Serpeille ne la négligeait
jamais ; car alors la poste coûtait cher. Dès avant son installation
à St-Martin, il écrivait à son fidèle correspondant, le 26 vendé-
miaire an XII (19 octobre i8o3j, à la suite d'une lettre d'affaires :
« .le me félicite de la circonstance qui me fournit l'occasion de me
rappeler à votre amitié, et de vous assurer de la sincérité des vœux
que je fais chaque jour pour votre santé et celle de l'ami Bouvet (i),
vous embrassant l'un et l'autre de toute la force de mes bras. » —
Au lendemain de son installation, il lui écrivait de nouveau : « Mon
« installation a eu lieu hier, dimanche. M. le curé de la Chapelle
« a été mon installateur. La cérémonie ne pouvait pas avoir lieu,
« je pense, sous de plus heureux auspices. Je ne désire mainte-
« nant que le plaisir de vous recevoir dans mon presbytère, et de
« vous témoigner toute mon amitié et ma reconnaissance. » —
Cette dernière expression nous autorise à supposer que ce fui à la
faveur d'une amitié si haute que l'abbé Serpeille dut sa translation
de la cure de Saint-Agnan à celle, plus importante, de St-Martin.
Quoiqu'il en soit, il écrivait encore à l'abbé Bisson, au retour d'un
voyage à Lyon, le 4 novembre i S04 : « Un solliciteur de dispense...
me procure le plaisir de vous saluer, .l'aurais bien désiré me le pro-
curer à mon retour de Lyon ; mais le terme était trop court pour
faire retour par Valence, et je suis arrivé par la traverse, malgré le
froid, la pluie, la neige, les rochers, les forêts et les montagnes...»
11 terniiinc sa lettre en l'invitant de nouveau à venir le voir, puis il
la clôt par cette formule expressive : ccTe vous embrasse tuto carde
et totis viribiis. » Nous trouverons plus loin d'autres efl'usions de
cœur de l'abbé Serpeille à l'endroit de son cher secrétaire.
(i) L'abbé Bouvet ctail un prcUx- amène de Normandie par M^r l'éclierel ;
mais il n'a i^uère laissé de traces de son séjour à \'alence. 11 étail employé au
secrétariat.
AUMONIER DE POISSY. lÔI
Dans cette niC>mc lettre, il lui raconte qu'il a vu à Lvon Vami
Toiirnefort. « Nous sommes allés ensemble, dit-il, chercher un
logement qui fut tout à la fois digne de Monsieur l'Evèque et à
portée de la métropole. Nos démarches ne furent pas heureuses. »
Nous pensons que Vami Toiirnefort^ dont il est ici question, qui
aidait Tabbé Serpeille à trouver aux abords de la cathédrale de
Lyon un logement convenable pour Mgr Bécherel, n'est autre que
l'abbé Prosper de Tournefort, alors chanoine de cette métropole,
qui fut depuis vicaire général de Metz et de Dijon, et enfin évèque
de Limoges en iSaS (il Ferdinand-François de Tournefort, son
frère, était chanoine à Valence 12 , et l'abbé Serpeille cultivait
(i) Mgr de Tournefort était ne à Villes lA'aucluse), le 2? décembre lylH. 11 est
HK.rt dans sa ville épiscopale le 7 mars 1744. Un prêtre de son diocèse a
tracé de lui le portrait suivant : « !1 était grand, bien fait ; il avait une cheve-
lure blanche et abondante ; il avait des yeux bleus. Il avait du sérieux et de
la gaité ; en lui se trouvaient les grâces, la simplicité et la noblesse, la finesse
de l'esprit; mais par dessus tout, la bonté du c<eur. Ses manières pleines d'ai-
sance en donnaient aux autres. 11 avait un air et un bon goût dans ses actes
et dans ses paroles, qui \ient du grand monde et de la bonne compagnie. Tout
en voyant en lui le bon évèque, on voyait le grand prélat, avec cette exquise
politesse de l'ancien clergé. » (Bei.uze, Souvenirs d'un missionnaire, page 78.)
(2) L'abbé F. de Tournefort avait été recommandé à Mgr Bécherel par le
ministre des cultes Portalis, qui écrivait au prélat, le 12 vendémiaire an XII (5
octobre i8o'3) : « Permettc/c-moi, Monsieur l'Evèque, de reccunniander à votre
bien^■eillance le cit. I-"erd. Tournefort. (l'est un es'.imable ecclésiastique dont
je connais la sagesse et la modération. 11 sollicite une place dans votre cha-
pitre. Vous m'obligerez de remplir ses vieux à cet égard. » Mgr Bécherel n'é-
tait pas homme à contrarier les \ ues du ministre des cultes; ses désirs
étaient pour lui des ordres, comme ceux du maître qu'il servait. L'abbé de
Tournctort fut doric compris dans la première promotion de chanoines qui
eut lieu pour la réorganisation, ou plutôt pour la création à nouveau et la
formation ab integro du chapitre de \'alence. Le 19 floréal suivant (() mai
1804), il écrivait de Paris à l'abbé Bisson pour lui accuser réception de la no-
titication qu'il lui en avait faite et pour l'en remercier. 11 eu avait déjà reçu
avis par son frère. Le nouveau chanoine est noté ainsi qu'il suit dans l'état
du clergé mentionné plus hatu : " C^et ecclé?.iastique, quoique jeune encore,
est plein de décence et d'esprit, montrant beaucoup de bonne voloiué pour le
bien. D'ailleurs, le cit. Portalis, qui l'a recommandé, est plus à portée de
l'apprécier que personne. Originaire du Comtat-Venaissin. « — L'abbé Fer-
dinand de Tournefort était né ;i N'illes (Vaucluse), le n") septembre i7(")8. Son
nom ne tigure plus sur les registres du chapitre à partir de 1824, et on ne le
trouve pas sur le nécrologe de Valence de l'année suivante. Ce fut l'année où son
frère devint évèque de Limoges ; ce qui nous autorise à croire que celui-ci
lliittira auprès de lui dès son arrivée dans son diocèse. L'abbé F. de Tourne-
fort fut remplacé au chapitre de Valence par M. Baborier, ancien curé de Die.
Bull. IX, 1889. 12
lOa t. ABBÉ SERPEILLE
aussi son amiiié. l.e 2 avril i8()5, aux approches des paques, celui-
ci écrivait à Tabbé Bisson : « Me voici arrivé dans le moment le plus
pénible de mes fonctions. Malgré tout le zèle dont je suis animé,
je trouverais bien agréables les secours que m'apponcraii un cha-
ritable confrère. Je ne réclamerai pas les vcnres ni 'ceux de l'ami
Bouvet. Si jamais j'ai le bonheur de vous voir chez moi. je ne
veux pas vous faire partager mes peines; mais je veux me battre
les flancs et me marteler la lète pour vous procurer une succes-
sion de nouveaux plaisirs . Mais ne serait-il pas possible que M. de
Tournefort sacrifiât la monotonie de la plaine et les bruvants plai-
sirs de la ville pendant quelques jours pdur jouir de la variété de
nos vallons modestement parlant et goûter la douce tranquillité
de la campagne ? Il m'avait promis de me visiter; je désirerais bien
qu'il pût remplir sa promesse dans cette circonstance. La personne
qui porte la présente ramène un cheval libre, dont il pourrait pro-
Hter pour venir, et qui lui servirait dans quelques jours pour le
reconduire... » — L'année d'après, à la même époque (23 mars
18061, le curé de St-Martin priait encore M. Bisson de le rappeler
au souvenir de M. Tournefort, et d'engager de nouveau celui-ci
à venir le seconder de son précieux concours pour préparer ses pa-
roissiens au devoir pascal. « S'il voulait me faire le plaisir de pas-
ser ici les fêtes de Pâques, écrivait-il, il pourrait proliter du retour
du voiturier pour envover son porte-manteau. » Malgré ces invi-
tations réitérées, nous ne vovons pas que le chanoine de Valence
se soit jamais arrache à la monotonie de la ville pour venir con-
templer les beautés du Vercors. 11 crovaii moins peut-être à la sin-
cérité des tableaux que lui en traçait l'abbe Serpeille qu'à celle des
sentiments qui les lui faisait peindre sous de si séduisantes couleurs.
Un troisième personnage, pour lors non moins important, que
l'abbé Serpeille chercha à attirer dans sa moniague. fm celui qu'il
appelle respectueusement le frère de Aîonscignciii-. dette expres-
sion, tirée de l'ancien régime, ne se rencontre pas souvent sous sa
plume I . " Kst-il toujours dans l'iiiieniion de visiter le Vercors ?
(i) Nous 11c trouvons dans les lettres de cette époque le titre de Moiisc-ii^iiciir
donné a l'cvéquc que par les anciens pfèlres qui n'axaient en rien ti-eiiipé dans
le schisme constitutitjnnel. Les autres, scrupuleux observateurs des aiticles
organiques, rappelaient Monsieur l'Evéque. Mais dès nSot"), l'ancien usai^e
commence à prévaloir, et à partir de iSoS, la plupart des pi-ètix's, les consti-
tutionnels comme les autres, se ser\eni de l'expression iéprou\ée (^ar l'ap-
pentlice tlu ('oncordat.
AUMONIER DE POISSY. 163
demandait-il à l'abbé Bisson. Je le désirerais bien. Comme il doit
faire le voyage de Grenoble, priez-le de ma part de vous faire
connaître l'époque; vous la porterez dans votre réponse, et je
m'empresserai de m'v rendre pour l'amener ici avec toutes les fa-
cilités possibles. Je vous prie de me rappeler à son souvenir par
mes compliments les plus respectueux, i »
En arrivant à Saint-Martin . le nouveau cure trouva toutes
choses dans un déplorable état. En fait de logement et de res-
sources, il n'était pas mieux partagé que son successeur à Saint-
Agnan. La situation matérielle était lamentable : les biens, revenus
et immeubles appartenant à la cure avaient été aliénés ; le pres-
bytère avait été vendu, comme le reste, et une maison louée, de
misérable aspect, en tenait lieu. Dans une lettre du 23 pluviôse
(i3 février même année, l'abbé Serpeille faisait entendre ses do-
léances à son évêque et poussait vers lui un cri de détresse. « La
municipalité, disait-il, a mis à ma disposition une maison pour
ainsi dire en ruines, aux réparations de laquelle j'ai employé près
de 3oo fr. pour la rendre habitable. J'ajouterai encore avec vérité
que je doute que cette somme puisse jamais me rentrer, si le gou-
vernement ne vient à mon secours. J'espère que les autorités supé-
rieures, toujours justes, toujours humaines, réclameront pour
nous ce que le peuple croit inutile de nous accorder, et ce dont
nous avons un besoin indispensable. — C'est à vous. Monsieur
l'Évèque, c'est dans votre cœur paternel et charitable que je dé-
pose ces tristes réflexions. Je me trouve soulagé en les présentant
à votre sensibilité 2 . »
Nous ne trouvons plus, dans les lettres de l'abbé Serpeille,
aucune mention de sa cure. 11 faut croire qu'il s'en accommoda
après ravoir replâtrée et rhabillée de son mieux. Il ne parvint pas
toutefois à lui donner une solidité qui lui manquait; car nous
voyons son successeur, M. Rolland, prévenir son évêque, le i5
mars 181 1, qu'il va quitter la cure, parce qu'elle menace ruine.
Mais ce n'était point là l'unique objet de la sollicitude et des gé-
missements du curé de Saint-Martin ; la voûte de l'église éta/
toute crevassée, et présentait un danger réel pour les tidéles ; les
(i) Lettre du 10 juin 1808.
(2) On voit sur cette lettre le sceau de l'abbc Serpeille empreint sur cire
rouge : il consiste en un grand S gravé sur un écusson entouré de deux bran-
ches de laurier.
104 I.ABBÉ SERPEILLE
murs latéraux avaient cédé, et il était urgent de les consolider ;
tout rinterieur demandait à être rafraichi et restauré. De plus, le
cimetière paroissial était sans clôture, ouvert de tous côtés aux
animaux et exposé à toutes les profanations. L'abbé Serpeille eut
à cœur de remettre dans un état convenable et décent ces deux
lieux sacrés, et il dirigea vers ce double but toute son activité.
Allant au plus pressé, il voulut commencer par réparer l'église, et
à cet elîet, il adressa à ses paroissiens différents appels qui demeu-
rèrent sans résultat. Vovant le peu de succès de ses exhortations,
il informa son évèque de Tétat des choses, par une lettre qu'il lui
adressa directement, le 6 février 1806. « L'église de St-Martin,
dit-il au prélat, est dans un état de dégradation et de ruine à com-
promettre l'existence des habitants de cette paroisse d'un jour à
l'autre. Si je n'ai pas eu l'honneur de vous en prévenir plus tôt,
c'est pour avoir trop compté sur leur attachement à la religion et
à l'honneur du culte. Maigre mes observations, exhortations et
instances réitérées, je n'ai pu obtenir que des promesses qui ont
toujours resté sans effet. Comme il importe essentiellement à la
sûreté publique que les réparations que cette église demande se
fassent sous le plus bref délai, j'ai l'honneur de réclamer votre
autorité pour détruire enfin l'indifférence que les habitants de St-
Martin mettent dans un objet aussi important. »
Mgr Bécherel répondit d'une manière conforme aux vœux du
pasteur, et il prit une décision pour mettre les paroissiens en de-
meure de réparer leur église, menaçant de l'interdire si on n'v
exécutait pas au plus tôt les travaux les plus urgents ; mais, ni la
menace des foudres épiscopales, ni les objurgations de leur cure
ne parvinrent à tirer de leur apathie les paroissiens de Saint-
Martin. Ils ne comprenaient pas que M. Serpeille put trouver si
mauvais un état de choses que ses prédécesseurs avaient toléré
sans difficuhé; ils n'admettaient pas qu'un nouveau venu dans le
pays vint leur faire la leçon sur leur incurie administrative, ei se
permit de trouver des lacunes dans leur civilisation. Ils s'en ven-
gèrent en dénonçant leur curé auprès de l'evèque comme négli-
geant certains devoirs de sa charge, et ne remplissant pas cons-
ciencieusement les fonctions que son ministère lui imposait.
(La suite ciu prochain mimcro).
CvPiUKN PERROSSILR.
MÉLANGES
■^•■
Le placard imprimé sur parchemin dont je reproduis le texte m'a
paru curieux à deux titres : d'abord comme spécimen des indulgences
accordées au commencement du X\ I" siècle pour la réparation d'un
bâtiment consacré au culte ; ensuite comme un incunable O) encore
inconnu de Valence. Bien que le nom de l'imprimeur ne soit pas men-
tionné, les caractères de Jean ^Belon sont trop caractérisés pour qu'il
puisse y avoir doute.
L'exemplaire que je copie est en assez bon état : il servait à recou-
vrir (avec un morceau d'un autre exemplaire également sur velin) un
manuscrit curieux du XVL siècle renfermant le récit de la vie de la
Bienheureuse Philippe de Champ de Milaji, morte à Vienne, en odeur
de sainteté.
En haut: ti ois écussons : au milieu, l'écusson du roi de hrance,
j /leurs de lys 2 et i. — A gauche, celui du Pape avec les ôbesants des
Médicis, la tiare et les clefs de S. Pierre. — .4 droite, celui de l'arche-
vêque de Vienne timbré du chapeau de cardinal. Suit le texte que je
reproduis en entier :
Déclaration du grant Jubilé donné par nostre sainct père le Pape
à l'Eglise de Vienne.
Nostre sainct père le Pape Léo dixiesme de ce nom comme vray
et bon pasteur désirant le salut des âmes, l'exaltation et décoration
de saincte mère église, mesmement de la saincte église cathédrale et
métropolitaine de \'iennc. laquelle pour Sa Sainteté fut jadis ordon-
née et constituée, et de présent encores est des Gaules première
primace. Aussi en contemplation de tresrévérend père en Dieu Mon-
seigneur le Cardinal de sainct Severin, Archevesque d'icelle. Et affin
que la dicte église qui est de grant sumptuosité en édifices soit ache-
vée, réparée et maintenue. Ainsi que la dignité d'icelle le requiert.
A voulu, concédé et octroyé de sa grâce spéciale, libéralité et auc-
torité apostolique. A tous et à ung chascun crestiens vrayment
confes et penitens de quelque estât qu'ilz soient. Que durant trois
ans à compter de la date de la concession des lettres sur ce oc-
troyées la dominique de Quasimodo despuis les premières vespres
l66 .-MÉLANGES.
de la veille jusques au soleil couchant du dict jour de Quasimodo
inclusivement et de la feste de la Nativité Nostre Dame au moys de
septembre despais les premières vespres jusques au soleil couchant
de la dicte feste, visiteront dévotement la dicte église. Et pour la ré-
paration, construction et manutention et fabrique de la dicte église
donneront et laisseront de leurs biens selon leur bonne dévotion.
C'est assavoir pour chascune foys planière indulgence et rémission
de leurs péchez et offenses perpétrez et commis.
Item despuis nostre sainct père le Pape affin que tous bons chres-
tiens plus facillement puissent gaigner les ditz pardons et indulgences
et faire bien àladicte fabricque a par ces lettres déclaré et de nouveau
entant que besoing seroit concédé et octro^'é que pour plus facille-
ment gaigner et acquérir les ditz grâce indulgences et planière
remission, ceulx qui vouldront gaigner et acquérir par quinze jours
avant et trois jours après les ditz dimenche et feste pourront eslire
confesseurs suffisans et ydoines qui oyent leurs confessions les
pourront absouldre de l'auctorité de nostre sainct père le pape de
tous crimes, excès et délitz par eulx commis et perpetretrez (sic),
combien qu'ilz soient des cas specceilement réservez au Sainct Siège
apostolique. Et aussi les pourront absouldre de toutes et chascune
sentences d'excommunication, suspension etinterdict et aultres cen-
sures, sentences et peines par sentence de juge ou de droit à l'ins-
tance de quelque personne que ce soit baillez et proferez et ce du
consentement des parties.
Item plus a donné et octroyé licence et auctorité à mes ditz sei-
gneurs les doyen et chapitre de la dicte église par eulx ou leurs
commis et députez commuer et changer tous veuz, exceptez les veuz
de Sainct Pierre de Romme, de Sainct Jacques, d'oultremer, de reli-
gion, et chasteté tant seullement, et iceulx convertir pour aider à la
construction et réparation d'icelle église, et que les confesseurs des-
sus ditz à ceulx qui se confesseront à eulx auquels escheira laire
restitution en enjoignant icelles restitutions être faictes à qui appar-
tiendra, se diceulx ont noti Ç?) les biens par eux prins et détenus
tant prins et heuz par guerres, rapines, usures ou ti'ouvez par for-
lune ou aultrement détenus injustement, en les laissant à la cons-
truction et édification d'icelle, ou composant d'iceulx avec les ditz
doyen et chapitre ou leurs commis et députez des ditz biens prins,
trouvez et détenus les pourront absouldre et ne seront tenus à aultrc
restitution.
MELANGES. I67
Item tous ceulx qui visiteront ladicte église et avderont à la fabri-
que d'icelle comme dessus est dit, seront participans en tous les
suffrages, oraisons et bienffaits qui se feront universellement en
toute saincte mère église par tout le temps advenir et leurs parens
trespassez. Et auront et gaigneront planière indulgence et remission
de tous leurs péchez jouxte la forme des dictes lettres les ditz jours
comme se en propre personne eussent visité ladicte église et en fai-
sant semblable aulmosne à leur dévotion à ladicte fabricque pour
leurs parens trespassez pour ung chascun auront et gaigneront
ladicte indulgence per manière de suffrage en tant que les clefs de
saincte-mère Eglise se eslendent.
Item veult, entent et déclare nostredit sainct père le pape les dites
grâces indulgence et planière remission faculté et auctorité dessus
dites par luy de sa libéralité et auctorité apostolicque octroyées et
concédées durant par trois ans commencés le septiesme jour de sep-
tembre l'an mil cinq cens quatorze et avoir lieu selon leur forme et
teneur. Nonobstant quelzconques constitutions et suspensions apos-
tolicques ordonnées faictes ou afaire tant enfaveur de l'Eglise sainct
Pierre de Romme que aultre lieu quel quil soit. Par lesquelles ne
veult aulcunement aux présentes estre derogué (sic) ne le faict d"i-
celles estre empesché.
Eugène CHAPER.
CORRESPONDANCE
Dans son étude sur riiistoire religieuse du Vercors [Bulletin
de septembre dernier, p. 24 , M. Tabbé Fillct indique la ville de
Vienne, en Dauphiné, comme le lieu de naissance de Saint
Aignan, évéque d'Orléans dans le cours du cinquième siècle et
patron de la paroisse de Saint-Aignan-en-Vercors.
Nous pensons qu'il s'est mépris. Pour asseoir notre opinion
de manière à la rendre inébranlable, nous ne possédons pas, il est
vrai, de document positif. Toutefois les raisons que nous venons
exposer ne manqueront pas d'impressionner favorablement l'es-
prit de notre savant confrère.
Disons d'abord que la légende du propre diocésain de Grenoble
est moins affirmative que M. l'abbé Fillet. Elle se borne à dire
l68 CORRESPOXDANCE.
que Saint Aignan naquit in pai^'u Mennensi, dans le pays Vien-
nois, ce qui est loin de vouloir signifier dans la ville de Vienne.
Or, le pays Viennois embrassait la majeure partie de ce qui forme
Tarrondissement actuel de Vienne et s'étendait jusqu'à proximité
de la ville de Bergushim, aujourd'hui Bourgoin.
En second lieu, il existe à quelques cents mètres de cette der-
nière ville un village c\w\ porte le nom de Saint-Agnin, lequel,
selon la tradition séculaire, a toujours été considéré comme le
lieu de naissance de Saint Aignan. Son nom d'Agnin n'est qu'une
altération de celui d'Aignan, comme il est facile de le remarquer.
Cette tradition, que le temps n'a jamais ébranlée dans le cœur
des habitants de Saint-Agnin, se trouve consignée dans une no-
tice manuscrite sans nom d'auteur et sans date, conservée à la
Bibliothèque de Grenoble ifol. i()2 du Reg. coté R. 80, T. XL.
L'auteur v a intercalé diverses traditions religieuses sur les pa-
roisses qui formaient de son temps la baronnie de Maubec. Voici
comment il s'exprime au sujet de St-Agnin.
Au titre Paleyiin, autrefois paroisse, aujourd'hui hameau de la
paroisse de Maubec, on lit :
« Au-dessous de ladite paroisse de Paleyzin, il y a un bois ap-
te pelé Ratellière, de haute futaie, dans lequel il y a deux petits
« coteaux, où il y a eu autrefois deux forteresses, comme il ap-
te pert par de vieilles masures qui y sont encore et des fossés tout
« autour, chemin pour aller et le lieu où était le pont levis appâ-
te rait, l'un desquels (coteaux s'appelait Fay-de-Vaux, et l'autre la
« Motte, et duquel Fay-de-Vaux l'on dit avoir été né Saint Agnin ;
« aussi ledit fort est situé sur la paroisse de Saint-Agnin, lequel
« Saint Agnin a été évèque d'Orléans et martyrisé par les hugue-
« nots (l'auteur qui écrivait, selon toute probabilité, sous le règne
« de Louis XIII, confond ici les huguenots avec les hordes sau-
'( vages d'Attila ou les païensi, et quoiqu'il soit dit dans sa vie
« qu'il était enfant de Vienne, ce qui est dit à cause de la bassesse
« du lieu où il était né, il est assuré qu'il est sorti dudit lieu de
« Fay-de-Vaux. Aussi le village porte son nom. »
Ce passage du nianuscrit précité fixe et détermine avec pré-
cision le lieu qui vit naitre Saint Aignan : ce fut dans la maison
forte de Fav-de-Vaux, située au-dessous de la paroisse de Paley-
zin et à proximité du village de Saint-Agnin.
Fav-de-Vaux est aujourd'hui un lien dit qui se trouve sur la
limite des communes de Maubec et de St-Agnin. Le bois de Ra-
tellière. aujourd'hui propriété de M. le cf)mte de MetiVay, est dans
sa partie intérieure transformé en prairie. ()uant au ton de hi
Motte, il devait, si nous ne nous trompons, s'elevcr au sommet
du monticule qui se dresse au liane (jccidental du bois de Raiel-
licre.
PERRIN.
OLIVIER DE SERRES
ET LES
Massacres du 2 mars 1573
A VILLENEUVE-DE-BERG
(fin)
Comprenant le peu de consistance des preuves intrinsèques allé-
guées par eux, nos modernes apologistes y ont ajouté, pour les ren-
forcer et pour étayer leur thèse, des motifs de convenance et des
raisons de sentiment. Nous allons examiner ce nouveau genre de
preuves. Celles qu'ils apportent sont principalement les suivantes :
i" Les sonnets encomiastes de Jacques de Romieu. — A l'apparition
du Théâtre d'agriculture, en 1600, Jacques de Romieu, chanoine de
la cathédrale de Viviers, composa deux sonnets à la louange de l'au-
teur. Ils parurent en tête de la seconde édition, publiée en 1603.
M. Vaschalde, à la suite de M. Villard, y voit un certificat de bonne
vie et mœurs délivré à Olivier de Serres par un ecclésiastique, son
contemporain, qui parait, de plus, avoir été son ami ; ce qui exclut
toute idée de meurtre, surtout sur des prêtres catholiques. « L'auteur
« des sonnets, dit-il, manifeste de son mieux l'estime, l'admiration
« et la respectueuse sympathie que lui inspire son illustre compa-
« triote ; il le caresse, il le choie, il l'appelle mon Pradel. Ce catho-
« lique, ce prêtre semble ravi de toucher cette main huguenote,
« qui n'a jamais trempé, quoi qu'on en ait dit depuis, dans le sang
Bull. IX, 1889. 13
170 OLIVIER DE SERRES ET LES MASSACRES
« de ses frères, par la raison que ces massacres n'ont jamais existé
« que dans l'imagination de quelques écrivains qui les racontent
« probablement sans y croire. «
La conclusion paraît plus étendue que les prémisses. On peut très
bien faire l'éloge d'un livre sans approuver la conduite entière de
l'auteur. Le fait du massacre avait eu lieu près de trente ans avant ;
Henri 1\' avait passé quelque peu de baume sur les blessures; la
conciliation était plus que permise. M. de Ronaieu avait publié un
livre intitulé : Les louanges héroïques des grands hommes du \ iva-
rais : pouvait-il passer sous silence l'auteur du Théâtre d'agriculture,
son compatriote? N'avait-il pas quelque intérêt à le ménager? Oli-
vier était l'ami de Baron dont le cruel souvenir à Viviers était encore
dans toute sa force. Cette lettre de félicitations, qui d'ailleurs n'a
aucun rapport avec les massacres, ayant été imprimée trois ans après
la mort de son auteur, on peut se demander si elle était destinée à la
publicité; et en définitive, Jacques de Romieu, qui avait traduit en
vers les Sylves et Forêts de Théodore de Bèze, pouvait fort bien
serrer les mains d'Olivier et l'appeler son ami.
2° Le style d'Olivier de Serres. — Une page du Théâtre d'agricul-
ture, dans laquelle Olivier de Serres explique les motifs qui l'ont re-
tenu aux champs et lui ont inspiré le goût de l'agriculture, est pour
M. \'^aschalde une preuve péremptoire, convaincante, qu'il est resté
étranger aux massacres fi j.
Or, cette page n'a vu le jeur qu'en 1600, vingt-sept ans après le
massacre, en pleine paix ; Olivier avait soixante ans, et à cet âge la
raison, le jugement, l'expérience, ont acquis leur plein développe-
ment : les idées, les sentiments ne sont plus ce qu'ils étaient à trente.
Olivier n'écrit pas une page d'histoire, mais une page d'introduction
à un livre auquel il devait attacher une grande valeur, car il lui avait
coûté un long travail et de longues observations ; il écrivait pour l'a-
venir, pour les catholiques et les protestants ; il devait ménager tout
le monde. Il pose par conséquent. D'ailleurs, dans son livre, il reste
dans un tel vague sur sa vie et ses opinions, qu'on ne saurait dire
s'il est catholique ou protestant. Peut-être est-il que ce calme de la
campagne, ces occupations variées et incessantes, ces expériences
journalières étaient pour lui un moyen pour faire trêve à ses remords :
un moyen à coup sûr pour faire oublier ses torts à l'égard de ses
concitoyens.
(i> Loc. cil., p. 17.
DU 2 MARS 1573 A VILLENEUVE-DK-BERG. 17I
3° Enfin, l'argument le plus complaisamment invoqué en faveur
d'Olivier de Serres par ses derniers panégyristes est le fait du dépôt
des vases sacrés de l'église de Villeneuve, qui lui furent confiés après
la prise de la ville par les protestants.
M. l'abbé Mollier, dans ses Recherches historiques, donne lui-même
« ce dépôt fait entre les mains d'Olivier comme une preuve de l'es-
« time générale dont jouissait alors le seigneur du Pradel auprès de
(( ses concitoyens, malgré son grand zèle pour les doctrines nou-
« velles. »
Après cette appréciation flatteuse d'Olivier de Serres, appréciation
confirmée ailleurs, et qui pour nous est au moins exagérée, nous ne
comprenons pas comment M. Vaschalde a pu traiter M. Mollier
d accusateur d'Olivier de Serres, lorsque, au contraire, il le traite
avec une extrême bienveillance et s'attache à mettre en relief ses
qualités.
M. Vaschalde, sur ce sujet, dépasse de beaucoup M. Mollier, ainsi
qu'on pouvait s'y attendre II voit dans ce dépôt des vases sacrés
« un acte qui fait le plus grand honneur à Olivier et ajoute, après
« M. Villard, que cette marque d'estime et de haute confiance suffi-
« rait pour faire justice des imputations dirigées contre lui. »
Cette remise prouve bien, si l'on veut, l'estime des protestants
pour Olivier, mais nullement celle des catholiques. Et d'abord, y
avait-il des catholiques parmi les déposants? Sont-ce leurs suffrages
qui ont déterminé le choix fait d'Olivier de Serres pour être le dépo-
sitaire des trésors de leur église ? C'est ce qu'il faudrait prouver.
Cela fût-il, il n'y aurait rien à en induire relativement au fait qui lui
est reproché, puisque ce massacre n'eut lieu que plusieurs années
après. Ce point mérite d'être examiné avec attention.
Un des premiers actes des protestants devenus maîtres de la ville
fut de s'emparer des richesses de l'église, et de réduire aux limites
les plus étroites le culte catholique, qu'ils eussent bien voulu abolir
entièrement. A ce moment, les vases sacrés et autres richesses de
l'église paroissiale étaient confiés à la garde d'un prêtre sacriste ap-
pelé Michel d'Olby, lequel devait nécessairement exercer cette charge
sous l'autorité du curé. Les consuls protestants jugèrent à propos
d^se faire remettre ces vases sacrés et ils en prirent possession. En
^Ftu de quel droit? L'église en étant légitime propriétaire, on usa
Ww droit du plus fort, tout comme font les voleurs.
Dans l'acte de remise, on ne voit en rien figurer l'intervention de
172 OLIVIER Di; SERRES ET LES MASSACRES
l'autorité ecclésiastique: ce prêtre, Michel d"()lhy. ne figure que
comme habitant de Villeneuve. Ne serait-ce pas un prêtre apostat
comme il v en avait dans ces temps malheureux? Ou bien n'aurait-il
agi que sous l'impression des menaces et la crainte des violences >
Un autre prêtre nommé Vidal y figure aussi ; mais au onzième rang,
et il n'est pas même qualifié de mcssire. Que fait-il dans cette assem-
blée ? A quel titre s'y trouve-t-il > Ne serait-il pas encore un défro-
qué ? Les vases saerés livrés à des hérétiques, et cela avec la com-
plicité et l'assentiment de deux prêtres, voilà un acte absolument
irrégulier et qu'aucune hypothèse plausible ne peut légitimer ; si
c'était pour les garantir du vol ou du pillage, on pouvait bien trou-
ver quelque cachette sûre chez quelque bon catholique ; si c'était
pour les vendre, comme cela eut lieu plus tard, on n'avait nul besoin
ni d'Olivier, ni des protestants. Après s'être ainsi emparés de l'ar-
genterie de l'église, nos bons huguenots jugèrent prudent de la
mettre en lieu sûr. C'est pourquoi, le 2 mai 1562, les consuls de Vil-
leneuve, assistés d'un certain nombre de personnages marquants de
la secte, firent remise de ces vases sacrés à Olivier de Serres et l'in-
ventaire en fut dressé. Remarquons d'abord que Villeneuve était
d'ordinaire administrée par trois consuls, et à l'acte de remise, il
ne figure comme consul que le protestant Perrotin. Le nombre con-
sidérable d'articles dont se compose l'inventaire indique que l'église
était fort riche et qu'elle fut à peu près dépouillée de tout. Cepen-
dant, comme dans cet inventaire il n'est question ni de ciboires, ni
d'ostensoirs, il est probable que l'on put sauver quelque chose du
naufrage, ou qu'on laissa à l'église ce qu'il fallait rigouieusement
pour le culte.
Parmi ces articles, nous avons remarqué celui-ci : « Item, autre
chasuble, toile figurée, comme sur le vert, a été baillée pour veslir
M. Saboli, pour ce la faut demander (i ) ». Ce Saboli était-il un in-
digent? Le titre de Monsieur, qui lui est donné dans l'acte olficiel,
écarte absolument cette hypothèse. Du reste, pourquoi ces gens-là
auraient-ils eu à se gêner ?
Le i-i juin suivant, un mois et quelques jours après le dépôt, Olivier
de Serres réunit de nouveau les consuls ; il s'y en trouve deux celle
fois, avec les notables et ceux-ci en plus grand nombre que la première
fois. Cjlivier leur expose " qu'à raison des bruits de troubles cl de guer-
(i } Loc. cil , p. \- 2.
DU 2 .MARS 1)7) A VI LLlLNEUVli-DE-LiliRG . I73
« res qui circulaient dans le pays, il ne sait comment garder ces
« vases sacrés en assurance et sans dangers évidents de lui être
<( volés et emportés, et à l'ombre d'iceux violence lui soit faite en sa
« maison, personne et biens. » Allusion probable aux menaces des
catholiques de les reprendre, ou peut-être à l'annonce de nouveaux
troubles. En ce temps de discordes civiles, les mois étaient souvent
des années. Il avait pourtant son chàteau-fort du Pradel.
Parles mêmes motifs qu'invoquait Olivier de Serres, personne ne
voulut s'en charger. Or, par une circonstance fortuite, trop heureuse
pour n'avoir pas été adroitement prévue, il se trouve présent dans
l'assemblée un sieur Jean Barattier, orfèvre, de la ville de Monté-
limar, à qui on propose de les acheter. Celui-ci accepte, au prix de
Irais cent quatre-vingts livres tournois. Et il dut être content de sa
journée, car ces honnêtes prolestants, qui avaient hâte de se débar-
rasser d'un dépôt compromettant et d'en toucher le montant, qui
ne connaissaient même pas la valeur de ces précieux articles d'orfè-
vrerie religieuse, durent traiter à de bonnes conditions avec leur
acquéreur.
Cette somme de 380 livres fut laissée entre les mains d'Olivier de
Serres (i).
Il semble que si ces gens-là eussent eu un peu de bonne foi, quel-
que sentiment de justice, ils auraient remis cette somme, bien
facile à garder, au curé de la paroisse, représentant naturel des biens
de l'église. Mais non ; pour meilleure garantie de la somme, voici le
moyen imaginé par le détenteur :
Le 20 août suivant, deux mois après le dépôt, Olivier présente à
la Communauté de \'illeneuve le compte de l'argent qu'il a avancé
pour le ministre Béton, et pour autres affaires de l'Eglise réformée,
s'élevant à 420) livres, 5 sols, 3 deniers ; laquelle somme est recon-
nue légitimement due; et, sur sa demande, les consuls et notables
lui allouent à titre d'acompte la somme de 380 livres, provenant de
la vente des vases sacrés, reconnaissant qu'il reste encore dû à Oli-
vier 4g livres, 5 sols, 3 deniers. (Page 54.)
Si Olivier avait voulu rendre aux catholiques le montant des vases
îs lorsqu'il l'eut réalisé, c'eût été facile ; mais l'argent était plus facile
^rder... Ce n'était donc qu'un prétexte, une ruse huguenote. Alors,
(^mme aujourd'hui, on avait deux moyens de spolier l'Eglise: la
( I ) Loc. cit., p. 1 74.
174 OLIVIER DE SERRKS ET LES MASSACRES
force brutale et la ruse. Ce dernier moyen convenait mieux au carac-
tère froid, fourbe d'Olivier de Serres, si semblable à celui de Calvin,
son modèle et dont il avait autrefois serré la main. Les consuls et
notables navaient aucun droit sur les objets appartenant à l'église,
et ces braves gens payent, avec le prix des vases sacrés des catholi-
ques, les dépenses faites précisément contre eux, pour les combat-
tre, les annihiler et détruire leur religion ; c'était un bon tour qu'on
leur jouait ! Olivier, en acceptant sinon en sollicitant, n"a-t-il pas
fait preuve d'une indélicatesse sans nom, indigne de tout vrai gentil-
homme ? 11 est vrai qu'il reste responsable envers l'Eglise, qu'il ne
s'approprie pas personnellement cette somme, qu'il en emploie le
tiers environ pour les affaires de la communauté, et le reste pour
les affaires de son Eglise réformée : voyages, nourriture, logement
du ministre ; mais cela suffit-il pour le justifier complètement? Ne
s'approprie-t-il pas le bien d'autrui ?
Et l'on se demande ici, avec indignation, comment un pareil fait
peut être apporté à la décharge d'Olivier de Serres dans sa coopé-
ration aux massacres qui eurent lieu dix ans plus tard ! C'est, au
contraire, une charge accablante contre lui, et il faut que ses apolo-
gistes soient bien à bout d'arguments ou veuillent se moquer de
leurs lecteurs pour apporter un pareil moyen de défense.
Si toutefois, au retour de la paix, Olivier en pleine faveur auprès
du roi Henri IV, alors que son Théâtre lui valait une réputation
européenne, si. disons-nous, il avait restitué à l'Eglise catholique
cette somme, c'eût été un acte de justice et la réparation d'une ini-
quité ; il aurait pu ensuite exercer son recours contre la commu-
nauté protestante qui dans le fait en avait bénéficié ; mais non, il
garde cette somme sachant très bien qu'elle ne lui appartient pas,
et il faudra que cent ans plus tard son arrière petit-fils. Constantin
de Serres, soit forcé de la restituer par une sentence du Parlement
de Toulouse, à la suite d'un procès que lui intenta le clergé de Ville-
neuve. Nous voyons, en effet, dans un document du 7 septembre
1658, que sur la requête de MM. Louis Terasse et André Teyssier,
prieur et curé de Villeneuve, une instance avait été formée en la cour
souveraine de Toulouse, « contre damoiselle Louise d'Arlempdes de
Mirabel et noble Constantin de Serres, seigneur du Pradel, mère et
fils, héritiers et bientenants de feu Olivier de Serres, leur prédéces-
seur, pour la reslilutinn des joyaux el oineinents de l'église parois-
siale d'icelle ville, desquels ledit Jeu sieur Olivier de Serres s'est trouve
ou 2 .MARS l^J^ A VlLLE.NEL'VE-UE-HtRG. [75
chargé dans l'acte de deschargement couché au pied de l'inventaire qui
en fut fait en l'année... (i). »
Un arrangement intervint entre les parties, d'après lequel le sieur
Constantin de Serres dut payer la somme de quatre cent huit livres,
et le consul Chambon, pour et au nom de la communauté, celle de
deux cent quatre-vingt-douze livres, moyennant lesquelles les susdits
requérants tinrent quittes la dam''"-' d'Arlempdes et le s"" Constantin
de Serres et la communauté.
Les apologistes d'Olivier de Serres ne pouvaient être plus mal ins-
pirés que de, réveiller cette scandaleuse histoire des vases sacrés con-
fiés entre ses mains. Espérons, qu'à l'avenir, ils ne seront plus tentés
de l'apporter à l'actif de leur héros.
Mais poursuivons encore l'examen des assertions de M. Vas-
chalde.
Dans sa volonté bien arrêtée de laver la mémoire d'Olivier de
Serres, il en vient jusqu'à nier l'existence du Synode et par suite
celle du massacre des prêtres.
« Comment, dit-il, Olivier aurait-il pris part au massacre des
n prêtres d'un Synode, puisqu'il n'y a pas eu de Synode ; et que, y
« en aurait-il eu un, ce qui est fort douteux pour le moins, il n'y a
« pas eu de massacres de prêtres ? »
« Le Synode n'a pas eu lieu ; .Mgr de l'Hôtel, évêque de Viviers,
« l'aurait présidé, et puis les prêtres manquaient alors pour le tenir,
« puisque Giraud-Soulavie affirme qu'il n'y avait pas, en 1573, plus
0 de vingt prêtres dans le diocèse de Viviers, par suite de la cessa-
(I tion des ordinations. »
Or, l'histoire de l'Eglise de Viviers nous apprend Cjue sa pratique
particulière était de célébrer deux Synodes par an : l'un aux environs
de Pâques et l'autre en automne, lorsque la chose était possible (2).
L'Evêque mort, absent ou empêché, c'était le vicaire capitulaire, ou
^Rii délégué qui présidait l'assemblée. L'absence de Mgr de l'Hôtel ne
prouve donc rien...
Le passage de Giraud-Soulavie invoqué ne prouve guère plus.
Cet historien, qui était assez intelligent pour ne pas se contredire,
oarle évidemment de l'état général du clergé après le 2 mars ; et il
^Relique une nouvelle cause de la diminution du clergé dans la cessa-
tion des ordinations. Il aurait pu apporter d'autres motifs du petit
(i) La date est restée en blanc.
(2) Précis historique du Synode tenu à Viviers en 18) i-
lyÔ OLIVIER DE SERRES ET LES iMASSACKES
nombre des prêtres : l'apostasie de quelques-uns, comme à Largcn-
tière ; l'expulsion des religieux, comme il arriva dans cette ville ; des
massacres particuliers, tels que ceux qui eurent lieu à Lamastre.
Quant au mot viuoi, qu'il emploie, assurément il ne saurait être pris
à la lettre : c'est une locution dont tout le monde, M. \'aschalde
comme les autres, comprend ici le sens, et il faut être bien à bout
d'arguments pour en alléguer un auquel l'auteur lui-même ne croit
pas. S'il n'y avait eu que vingt prêtres dans le diocèse, il eut été pro-
testant dans son entier ; or les catholiques y ont toujours tenu tête
aux protestants, et l'on sait que bon nombre de paroisses ne lurent
jamais atteintes par l'hérésie.
Le Svnode étant révoqué en doute, n'existant pas aux yeux de
M. ^'aschalde, la question pour lui est résolue. « Ces massacres,
« dit-il, n'ont jamais existé que dans l'imagination de quelques écri-
« vains qui les racontent probablement sans y croire, ou qui appor-
« tent au débat, ainsi que l'a fait le critique anonyme de 1872, un
« esprit d'hostilité à la niémoire du grand agronome. » Et plus
loin : « Une pareille accusation aurait eu parmi les auteurs de l'é-
« poque un retentissement aussi grand que le massacre de Vàssy.
« Puisque les auteurs n'en disent rien, il faut que ce soit une fable
« inventée plus tard, peut-être par les Jésuites ennemis des frères
« de Serres, ainsi que l'a dit François de Neufchàteau. Jean de
« Serres avait, en effet, écrit de 1582 à 1586 ses qmivc Anli-Jésuites
« contre les Jésuites de Tournon. ■>
"Voilà donc que le fait du massacre n'est qu'une pure légende,
dont les Jésuites sont probablement les inventeurs. On se serait peu
douté de rencontrer les Jésuites dans cette affaire ; mais de quoi ne
sont-ils pas capables !
Tels sont les arguments de .M. Vaschalde. On ne rencontre dans
son livre que de simples affirmations, des appréciations personnelles,
des considérations morales, des inductions hasardées; et ni lui, ni
aucun des auteurs modernes qu'il invoque, n'apportent au débat des
preuves décisives, de ces faits concluants qui enlèvent l'assentiment
de tout homme impartial.
IV
Que le Synode ait eu lieu, que les massacres soient réels, c'est ce
que nul historien de bonne foi ne peut révoquer en doute. Cela res-
sort d'une manière évidente et d'un examen tant soit peu attentif
UU 2 MARS 1573 A VlLLKNEUVli-DE-BKKG. I77
des documents contemporains. On peut y voir aussi qu Olivier de
Serres n'y demeura pas étranger.
C'est ce que nous allons essayer de démontrer.
Et d'abord, chacun sait que ce diacre protestant était un gentil-
homme, et à ce titre il était désigné, comme tous les nobles, par le
nom de sa seigneurie qui était le Pradel ; qu'on l'appelait indifté-
remment en français du Pradel, de Pradel, Pradel, comme en témoi-
gnent les lettres d'Henri IV et les sonnets du chanoine de Romieu ;
en latin Pradeliiis, Pradellhis, Pradela et PradcUa : que son fief et
château du Pradel était situé dans la commune de Mirabel, à quatre
kilomètres environ de Villeneuve ; qu'enfin il était le frère de Jean
de Serres et que tous deux portaieiU le nom générique de Serranus,
tandis que son nom distinctif à lui était celui de du Pradel, depuis
la mort de son père arrivée vers l'an 1546 (i).
Voyons maintenant quel est, au sujet de ces événements, le lan-
gage de l'histoire et de la tradition, et quelle signification leur donne
le caractère connu d'Olivier de Serres.
§ I". L'Histoire. — Voici d'abord les textes originaux des histo-
riens contemporains .
1° Récit de Jean de Serres, frère de notre héros, qui fut le témoin
oculaire des événements qu'il raconte :
« Nous avons dit plus haut que Baronet Pradellius axaienl
« occupé Mirabel où se retirèrent les Villeneuvois les plus attachés
« à la religion réformée Un certain soldat, chaudronnier, qui
« était sorti depuis peu de Villeneuve, se rend chez Pradelius et
« l'assure qu'il a trouvé un secret pour prendre la ville... TCe secret
nous est connu. )
« La chose rapportée à Baron, homme de guerre, est tournée
#
Le pasteur Arnaud (de Cre^l). dans V Histoire qu'il vient de publier des pro-
tanls du \ivarais et du X'elay, ne doute pas un instant de l'idendité de Pradel
d'Olivier de Serres. On lit dans son livre, t. I'"", p. 106: « Quelques auteurs,
pour disculper Olivier de Serres, ^ieur du Pradel, des excès commis à Villeneuve-
de-Berg, se sont efforcés de prouver que le Pradel dont il vient d'être parlé et lui
étaient deux personnages différents; mais leurs raisonnements ne peuvent tenir
devant le témoignage des auteurs du temps, et surtout contre le fait que Jean de
Serres, le propre frère d'Olivier, dans ses Commentaires latins, trop peu connus,
l^r les guerres de religion du XVI' siècle, appelle Pradel « un homme renomme
^Qns cette contrée m ( Pradalio noviinato ad eain regionem viro), par où il veut
évidemment désigner le grand agronome. Kicn ne prouve d'ailleurs que ce dernier
ait ordonné le massacre des prêtres, h
178 OLIVIER Dli SERRES El LES MASSACRES
« par lui en ridicule et accueillie avec un franc-rire de soldat. Ce-
« pendant Pradelius insistant, il est convenu qu'on en tentera
« l'essai...
ft Une nuit obscure était exigée pour l'exécution du projet. Baron
« continuait à le blâmer comme contraire à la prudence militaire et
« le regardant comme plein de péril ; plusieurs mois s'écoulèrent
« ainsi avant de rien entreprendre...
« Enfin, Pradelius obtient qu'au commencement de mars, après
« avoir réclamé avec instance de tous côtés des secours. Baron vint
« avec les siens de Privas à Mirabel. — Celui-ci arriva sur le soir,
« quelques heures avant la nuit... L'attaque, qui devait avoir lieu à
« une heure après minuit, fut retardée. De ce retard voici la cause :
« Baron, démontrant le danger de l'entreprise, optait pour l'absten-
« tion, et la plupart partageaient son avis, convaincus par l'autorité
« d'un homme versé dans le métier de la guerre. Cependant Pra-
« delius l'emporta pour que le plan fût au moins tenté. Puis, se
« mettant à prier Dieu au milieu des troupes, l'enthousiasme s'em-
« para tellement de tous les cœurs, qu'ils partirent comme pour
« aller à une victoire certaine...
« Cependant les religionnaires, profitant du silence de la nuit,
« s'approchent de la ville, à travers les anfractuosités des petites
« collines qui l'entoui-ent de ce côté, y pénètrent et font main-basse
« sur les premiers corps de garde, enfonçant la porte, etc., etc..
« Bientôt les religionnaires se précipitent avec impétuosité à travers
« la ville, les rues se remplissent de cadavres. Un grand nombre de
« prêtres sont massacrés, qui étaient venus là même des villes voi-
« sines pour tenir le Synode (comme ils l'appellent)... (i) »
(i) «... Mirabcllum oppidulum a liarone ei l'radeliio occupatum fuisse diximus,
« qu6 è Villanovatibus confluunl religionis studiosiores... Pradelium adit miles
0 quidam faber aerarius qui recèns Villanovâ excesserat : affirmât se invcnissc ra-
« tionem occupandae urbis...
« Delata ad Baronem, mililarem homincm, rcs militari joco irridetur. Urgente ta-
(' men Pradelio, communi sententiâ aslruitur rem esse tentandam...
« Rei elTiciendœ quccrenda erat nfix iilunis. Barone rem ut minime militari pru-
« denliâ speciosam deirectabundo, et pcriculum eonsilii verente, aiiquot menscs.
« re ncc tentatâ, pr;ctcrlabuntur. . .
n Pradelius tandem efllcit, ut ad mensis martii initium, corrogatis auxiliis, Haro
« cum suis Privaco .Mirabellum vcnirct ; sub vcspcram venit, ita tamcn ut jam ali-
« quot lucis hora: intercédèrent...
« Hœc fuit causa. Baro enim rei pcriculum demonstrans, censebat nihil cssc Icn-
" landum : assenliebantur plerique miliiarcs viri aucloritate pcrmoti. Pervicit tan-
DU 2 MARS 1573 A VILLENEUVE-DE-BERG. 1 79
Ce témoignage est décisif. Jean de Serres est connu comme écri-
vain et comme historien ; ses talents ne sont contestés par personne.
Ses Commentaires sur l'état de la religion et de la France sont un
ouvrage important, qui a été d'un grand secours à l'historien de
Thou. Il connaissait parfaitement les lieux et les personnes; il est
plus que probable qu'il tenait ces détails de la bouche même de son
frère. Mais il est probable aussi que cette coopération d'Olivier au sac
de sa ville natale fut alors considérée comme honorable, comme un
acte de courage et une preuve de dévoûment à la cause protestante,
lui assurant un titre à la reconnaissance de ses coreligionnaires ;
comme un fait de guerre heureux qui remettait la ville en leur pou-
voir et pour un long avenir. Pourquoi donc taire la part qu'y prit
Olivier? C'est ainsi qu'en aura jugé son frère Jean et tous ses con-
temporains, et c'est ce qui nous explique l'ingénuité de son récit en
ce qui concerne le rôle qu'y joue Pradellius, honorable à ses yeux,
mais odieux pour quiconque l'apprécie en dehors de tout esprit de
secte et de parti.
2" Récit de de Thou, abrégé du précédent :
« Baron s'était enfui à Mirabel... et s'en était emparé par le
« secours de Pradelius, gentilhomme qui y possédait un domaine.
« Baron s'était retiré à .Mirabel chez Pradela, homme noble...
« Pradela, averti par un chaudronnier de la possibilité de prendre
« la ville, appelle Baron et cherche à le convaincre qu'il ne faut
« point négliger cette ouverture ; mais celui-ci, redoutant le danger
« et les difficultés, ne croyait pas qu'on put songer à son exécu-
« tion...
« Enfin, au commencement de mars, pendant que les troupes
« s'assemblaient, Baron convoqué par Pradela vint aussi sur le
« soir. . Entre les chefs, unanimes d'ailleurs dans le but proposé,
«. mais différant quant à la manière et à l'emploi des moyens, une
^Ê dem Pradelius, uti res tentaretur : illu autem Deum in ipso lurmarum agmine
^( precato, tanta omnes incessit alacrilas, ut tanquam ad certam vicloriam proficis-
« cerentur... Religiosi noctis silentio per colliculorum quibus iliac Villanova sepi-
« tur anfractus, ad urbem accedunt. .
« Jam in eos qui per urbem armati invenirenlur, impetus fit a Religiosis, viasque
« cadaveribus opplentur...
^( Sacrificulorum (terme de mépris qu'on pourrait peut-être traduire par petits
W curés ou calotins) compiures mactantur, qui ex finitimis etiam urbibus eu Synodi
Wi (quem vocant) habendte causa convenerant. .. » {Commentarii de statu religionis
et reipublicj; in regno Gallix, édition in-8", pp. 88, 89 et 90,}
l8o ULLIVILK bl. SKKKl-S ET LES .MASSACRES
« discussion surgit qui vint entraver l'affaire ; car Baron, prévoyant
« les nombreuses difficultés de l'entreprise, imagine toujours quel-
« ques nouveaux retards. Enfin l'ardent désir et l'autorité de Pradela
« l'emportèrent pour qu'on tentât l'entreprise, et l'on se mit en mar-
« che vers la ville au lever de l'aurore... Tous ceux qu'on rencontre
« sont massacrés, et surtout on égorge cruellement les prêtres qui
« s'étaient rassemblés là pour tenir un Synode... ( i) »
Que le président de Thou ait tiré ce fait soit du livre de Jean de
Serres, soit d'ailleurs, en le consignant dans son histoire, il s'en
porte garant, le confirme par l'autorité de son nom. Or, le président
de Thou est grandement apprécié comme historien. Bayle proclame
son livre un chef-d'œuvre ; Bossuet lui-même l'invoque sans cesse
et ne fait pas difficulté de l'appeler le grand auteur, le fidèle historien.
De Thou mourut en 1617, deux ans avant Olivier de Serres, qu'il
avait pu consulter.
3" Récit abrégé de d'Aubigné:
D'Aubigné, dans son Histoire universelle, t. Il, liv. 1 1, pp. 60 et 6i,
édition de 16 18, dit seulement ceci : « Le capitaine Baron qui y (à
« 'Villeneuve) commandait s'était retiré à Mirabel, entre les mains
« d'un gentilhomme nommé Pradelle, son ami, par le moyen du-
« quel il fut mis dans St-Privat. » Ce qui fait supposer que Pra-
delle pouvait bien être un personnage autre qu'Olivier de Serres ;
mais dans l'édition suivante, celle de 1626, il a soin d'ajouter après
ces mots : Pradelle, son ami, ceux-ci : « auteur du Théâtre d'agri-
culture » : ce qui identifie de la façon la plus formelle Pradelle avec
Olivier de Serres.
Tout le reste du récit dans les deux éditions est parfaitement con-
forme : «Au commencement de mars, les forces d'Aubenas et Baron
« (pressé par Pradellej se rendent à Mirabel... La froideur de
>< Baron acheva l'entreprise, car on l'y traînait à l'escorche-cul, et
« pourtant il cherchait toutes les difficultés et longueurs qu'il pou-
« vait inventer... Pradelle l'emporta, et par son désir et autorité.
« contraignit l'autre à laisser marcher, mais si tard par les ti'ai-
« neries de Baron, qu'ils n'arrivèrent qu'au jour... Tout entre
« et tuent tout ce qu'ils trouvent en armes par les rues; parmi
« ceux-là, force prêtres qui étaient venus à leur Synode »
(1) Acceduiit,... obvii qui^ite Irucidanlur, et saceidotes i)iiprii)ns ijiii eo Syiiodi
causa conveneranL, cnideliler macLaulur. (Tiilnnus, Ilisl. uiiiv., t. II, lih. 55, p. 912,
cdil. de \()ici).
DU 2 MARS 157^ A VI LLICN' liU VK-D E-BEKG . iSl
Ce témoignag-e concorde avec les deux précédents. D'Aubigné,
protestant fanatique, joua un grand rôle sous Henri IV, dont il fut
l'ami et le conseil. 11 fut en même temps guerrier, théologien et écri-
vain. Sous ce rapport, il suffit de citer son Histoire universelle,
ouvrage important et curieu.x comme histoire militaire. Comme pro-
testant, il n'avait pas à charger la mémoire d'Olivier d'un fait odieux
auquel il serait resté étranger.
Ainsi le double fait du S3'node et du massacre des prêtres est plei-
nement confirmé par ces trois auteurs contemporains : « Un grand
nombre de prêtres, force prêtres venus au Synode furent massa-
crés et ils le furent de préférence aux autres, imprimis ; et ils le
furent cruellement, criideliter. » Voilà pour l'histoire contempo-
raine, et si ces trois auteurs, bien à même de connaître la vérité sur
ces événements, se sont trompés, que faudra-t-il penser de ceux
qui sont venus longtemps après !
4" A ces trois auteurs contemporains, il convient d'ajouter l'abbé
Giraud-Soulavie , le judicieux historien du diocèse de Viviers. Il
nous donne sur ces événements des détails complémentaires qui
concordent on ne peut mieux avec ce c]ui vient d'être dit. M. Vas-
chalde se demande où il a puisé les renseignements précis qu'il a
consignés dans son ouvrage sur le nombre des prêtres massacrés et
sur les puits où furent jetés leurs cadavres. La réponse n'est pas dif-
ficile : c'est que cet historien, à qui on ne refusera ni la qualité d'ob-
servateur, ni celle de ti'availleur, avait recueilli les données de la tra-
dition de Villeneuve, et qu'en outre il avait pu et dû puiser dans les
archives et dans la bibliothèque de l'évêché et du chapitre. Ces
archives n'existent plus, elles furent brûlées en 1793, dans la cour du
Grand-Séminaire (i).
Après ces divers témoignages, il serait superflu de citer les au-
teurs modernes : MM. de la Boissière, Albert du Boys, Mollier,
Léon Vedel, dont le sentiment est conforme à celui des historiens
précités.
1^ § IL La Tradition — Nous pouvons encore invoquer en notre
faveur la tradition constante et unanime de ^^illeneuve-de-Berg. La
gloire d'Olivier de Serres qui rejaillit sur elle n'a pas pu l'effacer ; le
souvenir du grand homme n'y est pas sympathique ; le mot de pro-
M^i) D'après une note d'un grand-vicaire, ces archives remplirent trois tombe-
^aux. C'est donc à tort, soit dit en passant, qu'un auteur a dit que M. l'abbé
Aiollier avait pu les consulter.
102 OLLIVIKR UK SKRRES ET LKS MASSACRES
testant n"y inspire que la répulsion, tellement le souvenir de leur
domination est resté odieux. Les puits de la Placette, du Chemin du
Fort, quoique comblés depuis longtemps, celui de Bougette qui
existe encore, sont toujours considérés comme des témoins muets
des massacres. Malgré leur domination de cinquante ans, les pro-
testants n'ont pas pu se maintenir à Villeneuve : ou ils sont revenus
à la foi de leurs pères, ou ils se sont expatriés, au point que, à la
fin du siècle dernier, il n'y en avait pas un seul ; et les quelques in-
dividualités qui s'y trouvent aujourd'hui sont tous d'origine étran-
gère. Pourquoi ne s'y sont-ils pas maintenus en nombre comme à
Vallon, à Lagorce, à Vernoux et autres lieux ? C'est que leur domi-
nation n'v avait laissé que des souvenirs d'oppression et de sang.
Et cette Madone qui se trouve encore à l'angle extérieur de l'an-
cienne maison d'Olivier, dans une niche aux ornements délicats et
Jinements ouvragés, et respectée jusqu'à nos jours, n'est-ce pas un
témoin parlant de l'antipathie que soulevait la mémoire de cet
homme et celle de ses descendants ? Elle fut imposée à Daniel de
Serres, fils aîné d'Olivier, par les catholiques comme une amende
honorable à leur culte. Or les catholiques aui"aient-ils pu infliger à
cette importante famille et aux protestants cette humiliation à leur
croyance, s'ils n'avaient pas eu des griefs sérieux contre eux ? Et ceux-
ci l'auraient-ils acceptée s'ils n'avaient eu des torts à se reprocher et.
à réparer ? Cette statue de la Sainte Vierge dût être placée là comme
un gage d'oubli du passé et de paix pour l'avenir.
M. Vaschalde constate que le Livre de raison d'Olivier de Serres,
qu'il a pu consulter, ne commence qu'à l'année 1605, et il est, dit-il,
profondément regrettable que les feuillets précédents soient perdus :
<i On aurait pu par leur témoignage connaître la vie intime d'Oli-
vier. » Nous le regrettons encore plus que lui, car ils auraient fait
connaître la part qu'il prit aux malheureux événements qui se pas-
sèrent depuis son entrée dans les affaires jusqu'à cette époque.
Et ne serait-ce pas là l'explication de leur disparition, opérée par
une main amie?
Le souvenir de ce siège et de ce massacre du 2 mars 1573 s'est
perpétué, constant et vivace dans l'esprit des habitants de Ville-
neuve, surtout parmi les anciennes familles. El ce souvenir, cette
tradition ne reposerait sur rien de réel, sur un mensonge ? serait
une légende inventée par des hommes de parti ? On l'imposerait à
une population nombreuse, témoin et victime du fait ! Ce n'est pas
possible. Tous les jésuites du monde n'y parviendraient pas.
DU 2 MARS i57-i A VILLENEUVE-DE-BERG. 183
Aussi, toutes les fois que quelque orateur officiel ou quelque écri-
vain à gages a voulu affirmer le contraire et jeter pour ainsi dire un
défi à la conscience publique au sujet de ces faits douloureux, il s'est
rencontré quelqu'un pour lui répondre, et pour protester contre
le mensonge, au nom de la vérité outragée ; elle a protesté par
M. de la Boissière contre François de Xeufchàteau ; par M. Vernet
contre le préfet Caffarelli (ij ; par M. l'abbé Mollier contre Reisne ;
par l'anonyme de 1872 et M. Léon Vedel contre M. Eugène Villard ;
et enfin, bien que notre voix soit la moins autorisée de toutes, nous
venons, à notre tour, protester contre les assertions de M. \'^as-
chalde.
§ III. Le caractère d'Olivier de Serres. — Ce qui confirme encore
notre opinion, c'est le caractère même d'Olivier de Serres.
Olivier était l'aîné de sa famille ; à l'âge de sept ans, il perdit son
père, ce qui lui donna nécessairement une certaine indépendance
d'esprit et de cœur, et l'obligea de bonne heure à prendre la direc-
tion des affaires. « Ses études, dit M. Vaschalde, furent solides et
« telles que les faisait alors la jeunesse protestante pour soutenir les
« luttes ardentes sur les questions religieuses. Il se maria à vingt
<■ ans. ce qui dénote la précocité de son esprit ; son écriture était
« hardie, très ferme et dénote une grande énergie chez son auteur ; à
« vingt-deux ans, dix-huit mois après son mariage, il était diacre
« de l'église : il était appelé à faire un ardent sectaire ! »
Et il le fut.
En effet, nous le voyons à la tête de toutes les démarches faites
pour doter Villeneuve d'un ministre II va dans ce but à Genève, voit
Calvin. Le ministre obtenu, il paye les frais de son voyage, le nour-
rit, le loge, pourvoit à son entretien, le guide, le seconde en tout.
Pourrait-on contester son action puissante et l'ardeur de son prosé-
lytisme? L'hérésie fait de tels progrès, qu'en décembre 1562, les
protestants sont assez forts pour s'emparer de la ville et la gouver-
nent pendant dix ans consécutifs, ne ménageant pas les avanies aux
|É|tholiques. Dès le début, ils s'emparent des vases sacrés de leur
église.
(i) La pyramide de \illeneuve élevée par M. Cafarelli est environnée d'une
grille surmontée dune dizaine de pierres rondes. Lors de son érection, M. Vernel
pmnonça ces paroles significatives qui sont restées gravées dans la mémoire de
s^compatriotes : « C'eût été glus historique, si à la place de ces pierres rondes,
^ eût placé des têtes de prêtres. »
184 OLllVli.K hK SERRi;-^ HT LKS .MASSACRES
.Mais en octobre 1572, M. de Logères vient au nom du roi enlever
la ville aux protestants. Ce coup dut leur être sensible, et les menées
pour la reprendre ne durent pas cesser parmi eux.
Cependant de Logères, gouvernant avec sagesse, maintenait la
paix entre les catholiques et les protestants. La confiance renais-
sait. Un Svnode composé de trente à quarante prêtres dts environs
se réunit à \'illeneuve pour s'occuper d'abord du salut de leur âme
par une courte retraite, et ensuite des moyens de panser les blessu-
res profondes de l'Eglise, comme c'était leur droit et leur devoir.
Mais tout cela colporté et grossi ne pouvait quirriter profondément
les protestants. Olivier, dans son château du Pradel, ne devait rien
ignorer de ce qui se passait à Villeneuve, ni sur l'état des esprits.
— Un Svnode de prêtres dans la capitale protestante du Vivarais !
s'occupanl à annuler les résultats acquis ! huit mois seulement après
l'horrible nuit de la Saint-Barthélémy!!! Quel bouillonnement de
colère, de haine, de vengeance et de rage dans tous ces cœurs
blessés, aigris, fanatisés !...
Et l'on voudrait que dans de telles circonstances, Olivier de Serres
fût resté simple spectateur, s'occupant uniquement de la culture de
ses jardins ou de ses terres , lui diacre de l'église , c secta-
teur ardent » ! Mais c'eût été renier tout son passé, c'eût été une
honte, une trahison aux yeux de ses coreligionnaires, qui ne le lui
auraient jamais pardonné.
Aussi l'histoire nous le montre t-il comme le principal agent, forçant
pour ainsi dire le capitaine Bai'on à tenter l'attaque contre Villeneuve ;
les troupes sont réunies et dans la nuit du 2 mars 1573, on se met en
marche ; la ville est prise, une partie de la garnison passée au fil de
l'épée et le massacre des prêtres et de nombre d'habitants accompli.
Et l'on voudrait qu'au nioment où cette troupe descendait de Mi -
rabel, rasait le pied des murailles du Pradel, allait monter à l'assaut
de sa ville natale, où il avait tant d'intérêts et tant d'amis ; que tant
d'hommes allaient périr pour une cause qui était la sienne; on vou-
drait que lui, Olivier, lui élevé dans un chàteau-fort, exercé au ma-
niement des armes, à l'âge de trente quatre ans. dans la plénitude
de la force et du courage ; après a\()ir harangué et enthousiasmé les
soldats, fût rentré paisiblement dans sa demeure pour s'y livrer au
repos, ou pour aller contempler du haut d'une de ses tours le mou-
vement des troupes, prêter l'oreille au cliquetis des armes, ou con-
templer ses vignes et ses vergers ! Lui, l'âme, le promoteur de l'ex-
nn 2 MAR^ 1573 A VILLr:N'F.I'VE-r)E-BERO. 185
pédition, le sectaire ardent! - Cela est impossible: c'est contredit
par son caractère, par son passé, par sa position, par toutes les cir-
constances du moment. Il n'aurait plus osé se présenter devant ses
coreligionnaires, ni même porter l'épée de gentilhomme.
V
Dans quelles limites Olivier de Serres a-t-il trempé son épée dans
le sang de ses frères, dans le sang de ces prêtres ? Nous ne saurions
le dire ; mais il est certain qu'après avoir été l'instigateur du siège
et des massacres, il aurait pu en diminuer l'horreur. Son influence
sur Baron et les autres chefs, sur les soldats est incontestable, d'a-
près Jean de Serres, son propre frère. Or, que l'on fît main-basse
sur tous ceux que l'on rencontrait en armes dans les rues, cela se
comprend : c'est le droit de la guerre, si toutefois la guerre civile
peut l'invoquer ; mais les prêtres renfermés dans l'église n'avaient
d'autre arme que la prière ; loin d'être provocateurs, ils ne pouvaient
pas même se défendre ; c'était donc à leur égard de la cruauté à
froid. On sauva bien du massacre Chalendar. Pourquoi pas les
prêtres, du moins quelques-uns >
On n'avait pas de vengeances ni de représailles à exercer : de Lo-
gères avait pris la ville, mais le sang protestant n'a\ait pas coulé :
la Saint-Barthélémy n'avait eu heureusement aucun écl:o à \ ille-
neuve ; le gouvernement de de Logères avait été pacificateur : un
mot d'un des chefs sur les soldats, un mot d'Olivier sur les chefs,
aurait épargné, du moins en partie, l'hon-eur de celte boucherie, et
ce mot ne fut pas dit. La plus grande part de responsabilité de ce
sang qui a inutilement coulé pèse donc sur Olivier de Serres. Sans
doute, Baron est loin d'être innocent des cruautés qui furent exer-
cées: il en était bien capable ; mais ici, il me semble n'agir qu'en se-
cond ; il est dominé par Olivier de Serres.
C'est un grand malheur pour la mémoii'e du célèbre agronome, et
^|0e tache qui l'amoindrit grandement aux yeux de la postérité. Assu-
rément nous aurions mieux aimé le trouver innocent et nous unir à
ses apologistes pour le louer sans restriction : mais il est juste qu'il
subisse les conséquences de ses actes. Les catholiques n'ont pas à
le justifier. Pour nous, nous n'aurions pas pris la plume si les écri-
vq^s qui se sont constitués ses apologistes s'étaient contentés d'ex-
er, de pallier sa conduite; de laisser dans la pénombre ses actes
Hi:i.L. IX, 1889. 14
c^e
l86 OLLIVIER hr: SERRES
coupables et dignes de tout blâme : mais vouloir le justifier complè-
tement, nier le massacre, accuser de faussaires, de calomniateurs
infâmes des auteurs qui n'ont fait que suivre l'histoire, cela nous a
paru mériter une réponse.
Nous la donnons et nous espérons qu'elle sera assez complète
pour clore le débat.
Pour nous, Olivier de Serres n'est ni un patriarche, ni un demi-
saint ; nous avons attaqué en lui le sectaire qui serait oublié depuis
longtemps, s'il n'eût été que cela ; mais non le savant et l'agronome
éminent dont le nom restera ineffaçable dans nos annales. Plût à
Dieu qu'il ne se fût jamais occupé d'autre chose que du Mesiijoe Jes
Champs.
-Mais qui sait si plus tard, en face de la froide raison, lorsque la
f<')ugue des passions se fut calmée en lui, il ne déplora pas ce qu'il
avait pu considérer, dans l'ardeur de son fanatisme, comme une ac-
tion d'éclat et un exploit honorable? Qui sait si les \iclimes du mas-
sacre de \'illeneuve ne se sont pas dressées devant lui comme un
remords ? Le charme qu'il trouvait à cultiver ses vergers et à dirigei-
1 eau dans ses vertes prairies ne fut-il jamais troublé par le souvenir
du sang versé? Nous aimons à croire que le cri de la conscience se
fit entendre dans cette àme naturellement bonne et généreuse, el
lui inspira le repentir.
jetons donc un voile sur ce passé d'Olivier et disons qu'il l'a ré-
paré, du moins en partie, par ses travaux-, par les services qu'il a
rendus à sa patrie, par les bienfaits qu'il a répandu^ sur l'humanilc
en élevant les travaux pénibles de l'agriculture à la hauteur d'un ail
et en la faisant aimer, honorer par les classes pri\ilcgiées de la for-
tune Il a donc bien mérité le titre de i^ère de l'agriculture françai^^t;
que la reconnaissance publique lui a décerné. Sous ce titre, nous le
saluons avec respect et reconnaissance, et, en notre qualité de \ iva-
rois, avec orgueil.
(:]iF.Ni\'i-:ssE,
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
if après des docuinents officch cl inédits.
(Surrr:).
CHAPITRE IX
A N N K i: S DE I 8 () 4 A {><'), il .
St-Maurice, si acharné naguère contre les prêtres insermentés,
se vit enlever son titre de paroisse : on le rattacha à celle de Lallev.
qui auparavant dépendait d'elle; son ancien curé, M. Bourillon.
resterait encore le sien, mais résiderait à Lalley même, dont il por-
terait désormais le titre. L'humiliation fut salutaire à cette trop
remuante population, ainsi que nous le verrons plus tard.
Le registre des délibérations de Lalley nous fournit le détail de la
touchante cérémonie par laquelle M. Bourillon fut mis en possession
de son poste , cérémonie semblable d'ailleurs à celles qui se iireni
alors pour les autres desservants : « Du i6 nivôse an^XlI.(7 jan-
vier 1804) de la République française, dans la Maison commune,
où s'étaient rendus les citoyens consuls, membres du Conseil
municipal, savoir : Jean F^errier. Joseph Gauthier, .Vmbroise Borel.
Jean Daspre, Jean Bonniot.
« Le maire, après avoir fait part de l'objet de la convocation et
donné lecture de la lettre et arrêté du préiet annonçant la nomination
et installation à la paroisse de Lalley de M. Bourillon, qui a prêté
entre ses mains le serment prescrit par le concordat, a dit que ce
^^•nier, avec qui il s'était concerté, prendrait possession par le
^loyen de l'ecclésiastique désigné par M. l'Evêque. En conséquence
le dit M. Bourillon, précédé de M. OUagnier, curé de Clelles, du
maire, des membres de la municipalité, du suppléant du juge de
paix du canton, a été introduit dans l'église, où se trouvaient réunies
uHfcgrand nombre de personnes. Les cloches sonnaient et le dit M.
(Magnier. ayant fait lecture de la nomination de M. Bourillon, a
pris celui-ci par la main droite, l'a conduit au maitre-autel, au bas
lS8 LF. TRIÈVF.S PENDANT
duquel il a fait sa prière, lui a fait ouvrir et fermer le tabernacle et
les fonts baptismaux, sonner les cloches, monter en chaire et faire
tous les autres actes possessoriaux dans la dite église, et par ce
mo3'en a mis en possession réelle, actuelle, civile et corporelle de la
dite paroisse de Lalley et de ses dépendances M. Bourillon oncle.
Celui-ci a ensuite fait un discours de bon pasteur, dans le plus fort
attendrissement, pour la gloire de Dieu et de notre sainte Religion.
Et, la bénédiction du Très Saint-Sacrement ayant été donnée, les
corps constitués ont conduit jM. Bourillon à son pi-esbytère.
« De tout quoy nous avons dressé le présent procès-verbal que
nous avons signé avec .MM. Bourillon, OUagnier et les membres du
conseil municipal. »
Les prêtres dont il nous a été donné de raconter très incomplète-
ment l'histoire pendant le cours des temps troublés d'où nous venons
de voir sortir la France, furent presque tous replacés dans leur an-
cienne paroisse, ou du moins dans le voisinage. (Vest ainsi que M.
Joseph-Alexandre Galfard revint à St-Baudille, M. Brudon à Tré-
minis, .M. Bourillon (Clément) à St-Jean-d"lIérans (i),M. AudiflVei à
St-Michel-Ies-Portes, M. Beau à Pellafol et à la Croix-de-la-1'igne.
Le Percy échut à M. Robert, confesseur de la foi dans les prisons
de Grenoble et les forteresses de l'ile de Ré.
(i) M. Bourillon, avant cette nomination, avait desservi la paroisse de St-Hau-
dillc, dans l'église de laquelle M. P. Tanon. acljiiinl au maire, l'avait inlinduii par
la lettre suivante :
« La I<ivicrc, le i llorcal an I.\.
« Monsieur.
« Je suis surpris que vous ne disiez pas vos oiticcs dans l'église de noire com-
mune, attendu que dans toutes les villes de la l'^rance on v \a publiquement. Si
j'avais l'honneur de vous voir, je vous guérirais de votre crainte ; vnus savez tout
comme moi que l'esprit public est revenu de ses erreurs ; que le gouvcrnemeiU
d'aujourd'hui est de toute tolérance ; qu'il n'a malhcureusemeni que trop louché,
par le passé, à votre culte, ce qui n'a servi qu'à pervertir la grande moitié de la
France. Il n'est donc que quelques mauvais philosophes qui aient pu adopter ces
mauvais principes, ou bien quelque homme de sang qui n'a lien à perdre ; car tout
propriétaire a intérêt que les cultes soient exercés avec dcMilion, pour tenir le peu-
ple dans le devoir de l'honneur, sans quoi les piopriélés ne seraient pas en siirelé.
Je vous prie en mon particulier, comme adjoint de la commune, et la présente vous
servira de garantie , d'y aller au plus tôt. cl je pense que vous me devez croire
sincère, comme je vous prie de me croire votre affectionné concitoyen.
" P. Tanon. »
Cette démarche est d'autant plus louable chez Al. Tanon, qu'il était lui-mcme pro-
lestant ardent et convaincu. — {Archives de l'auteur).
LA GRANUK REVOLUTION. I 8q
Ce prêtre était né, en janvier 1752, à St-Jean-des-V^ertus, près de
Corps, paroisse alors du diocèse de ( lap. Il fit ses études de théolo-
gie à Grenoble, et sa famille garde encore précieusement les certi-
ficats où M. Sadin, curé de St-Louis, atteste d'une manière très élo-
g-ieuse la conduite exemplaire et la grande piété du jeune ecclésias-
tique. Après avoir été ordonné prêtre en 1776, il fut successivement
vicaire à la Salette et à la Beaume-des-Arnaud. 11 était curé d'Argen-
son, dans les Hautes-Alpes, quand arriva i7''^o. Des notes venues
de Tévéché de Gap nous apprennent qu il refusa de prêter serment à
la constitution civile du clergé et qu'il se ret-ra dans sa famille, vers
le milieu de 1791. De là, déguisé en muletier, il aurait parcouru les
montagnes du voisinage pour y administrer les sacrements.'
Un soir, que des gendarmes, rencontrés sur la route, lui deman-
daient s'il connaissait Robert le curé... il aurait répondu : « Mais ce
prêtre, c'est moi. »
Il fut aussitôt arrêté, conduit à Grenoble, en compagnie de M,
Bonthoux, curé du Glaizil, et enfermé avec lui dans les prisons de
cette ville, le 26 fructidor an \'l (\). Le 10 vendémiaire an Vil, il en
était retiré pour être conduit à l'ile de Ré (2), où il eut beaucoup à
souffrir et où nous le trouvons encore écrivant à l'un de ses neveux,
le 1 { février 1802. Dans sa lettre il disait recevoir chaque jour, pour
sa nourriture, une livre de pain et une demi livre de viande (3).
Lorsqu'il fut arrêté, il put, nous assure-t-on, conserver son bré-
\iaire, que le cachot dépourvu de croisée, où il fut enfermé, semblait
de\oir lui rendre absolument inutile, mais il en faisait passer les
lignes les unes après les autres devant le trou de la serrure, et, au
faible rayon de lumière qui s'en échappait, il rendait à Dieu le tribut
de ses prières.
De retour en France, il administra jusqu'en 1805 les paroisses du
l^ercv et du Monêtier-du-Percy, puis celle de St-Martin-de-Clelles,
où il resta jusqu'à la fin de 181 i, époque à laquelle il vint remplacer
le vénérable M. Brudon. Partout où ce prêtre a passé, on a gardé le
souvenir de ses vertus et de son héroïque charité. L'âge et ses tra-
fl^x ayant épuisé ses forces, il se retira, en 1828, dans son pays
natal et s'y endormit doucement dans le Seigneur, quelques années
plus tard {4).
( i) Ecroti desprisoiis.
l^ Ibidem.
S^ Lettres et autres papiers de .M. Rnherl cunservés dans sa tainillc.
~) Registres des différentes paroisses citées et loco jam cit.
190 I.E TRIEVES PENDANT
Apres le départ de .M. Robert. St-Martin-de-("lelles. pendant près
de deux ans, fut desservi par .M. Ollagnier, qui y disait une messe
le dimanche ; mais le i ] juin i8n, cette paroisse fut attachée à celle
de C.lelles. Le 2-; avril 1844 seulement. Mgr Philibert de Bruillard.
la fit de nouveau ériger en succursale et lui donna un curé ( i).
Les administrateurs de la conmiune de Mens avaient pour\ u ,
parce que la loi les y obligeait, à ce que les catholiques eussent une
église et leur curé un presbytère ; le 22 mars iSo5,ils procurèrent les
mêmes avantages aux protestants et à leurs pasteurs. En effet : « le
conseil municipal, statuant sur la demande des membres du Consis-
toire de la R. P. R. de Mens, à la date du 28 nivôse, an Xlll, et signé.
|acques'.-\lloard, Prein, Borel, tendant à ce que la maison dite des
Sœurs fût accordée pour logement au pasteur Morel, accorde pour
ce pasteur le payement annuel de la somme de cent vingt francs
pour un logement qu'il choisira où il voudra (2J. »
Le 4 avril suivant, le conseil arrêtait aussi de louer pour vingt ans
la maison du sieur Blanc-Ferrière, de Prébois, afin quelle pût servir
de temple. Ces deux délibérations furent approuvées par la préfec-
ture (31.
Quelques mois encore plus tard (12 septembre 180^), l'église ré-
formée de Mens était érigée en consistoire par décret impérial, à la
réserve toutefois qu aucun préjudice ne serait porté au culte catho-
lique pour les cérémonies extérieures.
Les catholiques, de leur coté, ne restaient point inaclils et poursui-
vaient avec ardeur le rétablissement de leur église en létat où clic
se trouvait avant la révolution. Ils ne voulaient point avoir, comme
les luifs, <à pleurer sur les magnificences du temple saint, dont le
souvenir seul leur resterait. Ils obtinrent un \icaire pour aider M.
Testou. Les habitants se cotisèrent d'abord entre eux pour lui faire
un traitement, car il n'était pas reconnu par l'Etat. Cette situation ne
pouvait durer longtemps ; aussi les membres du conseil de fabrique
joignirent-ils leurs démarches à celles de plusieurs de leurs compa-
triotes pour obtenir du préfet de l'Isère qu'il portât à cinq cents francs
le traitement de leur vicaire et que cette somme fût à l'asenir prise
sur les revenus de la fabrique. Leur demande lut agréée, le 2(j mai
1805 (4).
(1) .Archives de la labiiquc de Sl-.Marlin.
{2) Registre Jes Jélibcra lions de Mens.
[i) Ibidem.
{^) Ihidem.
LA GRANDE REVOLUTION. ICI
Les habitants de St-Maurice supportaient avec peine de se voir
réduits à n'être que membre d'un village de Lalley, et comme com-
mune et comme paroisse Ils n'osaient cependant faire des démar-
ches qu'ils savaient devoir être inutiles, à cause de leurs fâcheux an-
técédents. Ils prirent le parti de supporter d'abord leur mal en pa-
tience, en attendant que par une conduite meilleure ils se fussent
rendus plus dignes de pardon. Enfin, le 24 juin 1809, ils crurent les
circonstances favorables et adressèrent à l'évéque de Grenoble la
pétition suivante : « Exposent les principaux habitants de St-Mau-
rice que cette paroisse, avant la révolution, était chef-lieu de com-
mune : aujourd'hui c'est Lalley ; que l'érection d'une annexe dans
cette paroisse est d'une nécessité absolue, à cause des distances et
des difficultés des communications ; toutes choses qui privent cinq
cent vingt-sept âmes des secours spirituels... .; aussi les habitants
viennent-ils vous demander l'érection d'une annexe chez eux, sous
les conditions de payer annuellement, chacun selon ses revenus, une
somme de cinq cents francs au vicaire desservant et de se charger
de l'entretien de l'église, de la cure et du jardin, et de fournir tout
ce qui est nécessaire au culte et au mobilier de l'église annuellement
et à perpétuité ( i ). »
F*ar un juste retenir des choses, St-Maurice fut alors traité plus
durement qu'il n'avait traité Lalley en 1728 et 1732 ; car, appelé à
donner son avis sur la pétition que nous venons de voir, le conseil
municipal, composé en majorité d'habitants du second de ces deux
villages, répondit, le 27 septembre suivant, en ces termes : « Le con-
seil municipal de Lalley-St-Maurice, ayant de nouveau pris lecture
de la pétition cy-dessus énoncée ; considérant que cette pétition est
pleine de mensonges; que des signatures ont été faites en partie par
d'autres mains ayant signé pour les illettrés ; que, dans une même
maison, il y a jusqu'à trois et quatre signatures ; que même le nom
des enfants s'y trouve ; qu'une partie des signataires sont dans l'mi-
possibilité de tenir leurs engagements, pouvant à peine payer leurs
impositions annuelles ; que la cy-devant cure de St-Maurice est en
partie en ruine; que les habitants de ce hameau sont en retard pour
(^yer le sieur Berton, curé desservant de Lalley-, pour le biscantat
qu'il leur a fait pendant quelque temps ; que ledit M. Berton fait
présentement celui de Prébois et des Petits-Moulins, éloignés d'une
lieue. Pour toutes ces considérations, le conseil, après avoir délibéré,
m) Lalley, Registre des délibcralio)is.
iq2 LE TRIEVES PENDANT
arrête quil n"y a pas lieu d'établir une annexe au hameau de Saint-
.Maurice et qu'un extrait de la présente sera envoyé à M. le Préfet ( i ). »
St-.Maurice souffrit et supplia longtemps, mais fut enfin pris en
pitié. -M. Testou, vicaire-généraK informa ses habitants, en 183 1,
qu'une vioairie était disponible dans le diocèse et qu'on pourrait la
leur accorder, pourvu que l'église, le cimetière et la cure fussent ré-
parés et un traitement suffisant assuré au vicaire. On accepta ces
conditions avec joie.
L, 'église de Tréminis, fermée en 179^ et laissée sans réparation,
ne tarda pas à être une ruine, Elle n'avait plus ni toit, ni voûte, ni
plancher quand la paix religieuse fut enfin rendue par le concordat.
.M. Brudon se vit obligé de réunir ses paroissiens dans une étable,
existant encore aujourd'hui. Tout y était pauvre, car les habitants
avaient dû se cotiser entre eux pour acheter les objets indispensables
à la célébration des saints mystères. Des personnes religieuses
s'étaient dépouillées des étoffes de soie qu'elles possédaient et en
avaient confectionné de leurs mains des chasubles et des chapes.
Vainement ces pieux chrétiens insistèrent-ils, depuis r'-'oi, auprès
d'un maire protestant pour obtenir les réparations nécessaires à leur
église ; la plus insigne mauvaise volonté s'opposa toujours au plus
ardent de leurs désirs. .Alors ils se décidèrent, en 1809, à faire des
souscriptions et à contracter des emprunts. Mais citons à ce sujet les
paroles que M. Pierre Mathieu prononçait devant le conseil munici-
pal, le 1^ mai 1826, et que nous transcrivons du procès-\erbal de la
séance de ce jour : « Vous savez, .Messieurs, que, dans les malheu-
reux temps de la révolution, notre église paroissiale tomba presque
totalement en ruines. Lorsque le culte eut été rétabli, les catholiques
avant conservé notre sainte Religion, ne savaient plus où s'assem-
bler pour assister à la célébration de nos divins mystères ; aussi fu-
rent-ils obligés de louer une étable. Ils sollicitèrent longtemps le
maire, qui était protestant, pour qu'il prit les mesures nécessaires au
rétablissement de la dite église. Voyant l'inutilité de leurs efforts, ils
résolurent de la reconstruire à leurs frais et ouvrirent une souscrip-
tion à cet effet. Chacun, en outie, tint à honneur de faire les charrois
des matériaux nécessaires et d'aider de son tra\ail autant qu'il lut
en son pouvoir. Mais la dépense fut si grande pour le petit nombre
de catholiques, animés cependant d'une bien grande foi, que la sous-
cription ne put qu'en partie suffire aux frais, .\lors, les sieurs Joseph
(1) Ibidem,
LA GRANDE REVOLUTION. I93
\ ï'd\, André dauthier, Jean-Pierre Mathieu et quelques autres nota-
bles, qui avaient donné l'entreprise, durent payer de leur propre
bourse le reliquat des dépenses, agissant ainsi en véritables catholi-
ques ([). »
Ils firent de même pour l'achat d'une cure et de son jardin, en di-
sant : (' Ne nous décourag-eons pas, nous catholiques ; allons tou-
jours de ra\ant pour notre sainte religion. Quand l'administration
de la commune sera entre les mains des catholiques, on nous ren-
dra notre argent, dont le bon Dieu, à défaut d'autres, nous paiera
les intérêts (2). >>
Le conseil municipal désiré arriva enfin : il ne trompa pas la con-
fiance de ces hommes généreux et vota, le 15 mai 1826, la somme
nécessaire pour les indemniser ( ^).
A l'exemple des catholiques, les protestants firent, à leurs frais,
l'acquisition d'un temple bien modeste ; mais l'incendie du Chàteau-
Bas l'ayant détruit, en 1825, la commune, sur la proposition d'un
maire catholique, le reconstruisit plus beau et plus vaste. Quelques
années plus tard, ils n'avaient rien à enviera leurs voisins; car une
ordonnance royale leur accordait un pasteur (g mars 1827) et ils
voyaient leurs coreligionnaires de St-Baudille unis à leur paroisse.
Une année plus tard, ils avaient un instituteur professant leur
culte (4).
Ceux de .Mens n'étaient pas moins favorisés. En 1821, la commune
leur achetait pour temple l'ancien château de Lesdiguières (5).
Après le temple, vint une école modèle, créée par l'arrêté ministé-
riel du 28 mai 1834. Elle était destinée à former des instituteurs
pour les départements du Var, des Bouches-du-Rhône, du Gard et
des Alpes (6).
(i) Registre des délib. Tréminis.
(2) Papiers laissés par M. J.-P. .Mathieu.
(3) Ibidem.
(/)) Ibidem.
(5) Lors des réparations qu'on y tit. la façade du midi fut conservée presque
dans l'état ou elle se trouvait au temps du connétable, mais on y ajouta plus tard
unclocher dont la base sert de porche à la porte d'entrée. (Registre des délibéra-
nts de Mens).
(6) Ibidem.
( La fin au prochain niiniéroj.
A. LAGIER.
QUARANTE ANNÉES
DE
L'HISTOIRE DES EVÈQUES DE VALENCE
AU MOYEN AGE
(1226 à 12661
(Slitej
Cependant, au milieu des difficultés que lui créaient divers soulè-
vements en Italie et en Allemagne, Frédéric 11 ne perdait point de
vue ses projets d'expédition au-delà des Alpes. A\ec une infatigable
opiniâtreté, il prépare ses moyens d'attaque. Pour s"assin-er de plus
en plus des passages des Alpes, il resserre son alliance avec la mai-
son de Savoie et s'applique à mettre dans ses intérêts les petits sei-
gneurs de ces régions. C^est ainsi qu'au mois de novembre i 24S,
Thomas de Savoie, l'ancien comte de Flandre, fut nommé vicaire
général de l'empire dans les pays situés au nord de Pavic, tandis
que sa nièce, Béatrice de Saluées, se disposait à épouser Manfred
Lancia, bâtard de l'empereur fi). A la même époque, Frédéric se
trouvant à \'erceil donnait au Dauphin de \'iennois un fief de trois
cents onces d'or à percevoir en sa Chambre, chaque année à Pâques,
tant qu'il lui serait fidèle : il donnait encore un fief de quinze onces
d'or au chambrier du dauphin (2). Les craintes qu'inspiraient à la
papauté les menaces d'une visite prochaine de son irréconciliable
ennemi, se manifestèrent dans un concile qui se tint à Valence au
commencement de décembre et qu'on avait réuni non seulement
(1 ' Ij.ik Ber(;i:r, op. cit. p. i8i : — Hi ni .\i<I)-Hki' houles, op. cit., p. ,468.
(2] Huillaru-Bréhoi.les, Hist. dipl. Fridevici //, l. VI, p. 556. « Eramus ilaquc.
composiiis omnibus el rébus succeclentibus nohis ad votum, jam ad iter accincii.
quod predictus cornes Sabaudie et Delphinus cornes Vienne, dilectus consanu;uinciis
cl Hdclis nosler, ac tideles alii ad pedes nostros humili devotione prostraii, pcr ici-
ras suas nobis pcroppnrUinum |)aravcranl cl nece.ssariis omnibus cdccci'anl cupio-
siim. Il
ÉVÉQUES DE VALENCE AU A\OYEN-AGE. ig^
pour faire accepter les décrets du concile œcuménique de L}on.
mais aussi pour prendre des mesures en prévision des dangers
auxquels l'Eglise allait être probablement exposée.
I.es quatre métropolitains de Narbonne, de Vienne, d'Arles et
d'Aix, qui étaient les chefs de l'épiscopat dans l'ancien royaume
d'Arles, avaient reçu l'ordre de se réunir avec leurs suffragants, le
^ décembre 1248. dans une localité du diocèse de Valence, que la
lettre de convocation désigne sous le nom de Monlilium, qui serait
Montélimar, d'autres disent Montélier (1). Au temps marqué, la
réunion se tint à \'alence, sans doute parce que celle ville offrait
plus de ressources et de sécurité pour la tenue d'un concile. Deux
légats, Pierre, cardinal évéque d'Albano, et Hugues, cardinal prêtre
de Sainte- lustine, présidèrent cette assemblée, qui compta quatre
archevêques et quinze évêques. Les règlements arrêtes dans le con-
cile de Valence forment vingt-trois articles et nous révèlent des
particularités très curieuses sur l'étal politique et religieux de nos
diocèses à cette époque ; nous en donnons ici le résumé :
i<^ Les statuts de la présente assemblée doivent être observés, tout
comme ceux qui ont été décrétés dans les synodes antérieurs parles
légats apostoliques.
2" La paix sera jurée tous les trois ans. On ajoutera actuellement
à ce serment la promesse de. ne pas soutenir le schismatique Frédé-
ric et de ne pas le recevoir s'il vient visiter ce pays.
3" Les clercs ne devront pas accepter de charges publiques, et
ceux qui lès auraient acceptées doivent les résigner dans le délai
d un mois.
4° Les chanoines des églises régulières ou séculières et les autres
bénéficiers doivent recevoir les ordres du sous-diaconat et delà prê-
trise, lorsque l'évéque l'ordonne.
5" On observera au sujet des juifs les anciennes (ordonnances. Ils
porteront un signe particulier et, s'ils ne le font pas, tout chi-étien
s'abstiendra d'avoir commerce avec eux.
^Md"-^" Les anciennes ordonnances au sujet de ceux qui ne tiennent
pas leurs serments seront remises en vigueur et rappelées souvent au
public.
([) Mansi, SacrorziOi concilioium nova et amplissima collactio . Venetiis, 1779.
f, t. XXIll, col. 769-78. — Labbe cl CossART, Sacrosancta concilia. Lutetia;
'isiorum, 1671, in-f°, l. .\I, col. b()6--jn2. — Percin, Monumenta conventus To-
iWani. Tolosic, 1O93, in-t"; Optisculum Je liciresi Albigensium, p. 5.
196 QUARANTE ANNÉES DE L HISTOIRE DES
1)° Celui qui. après avoir été admonesté, n'exécute pas la sentence
prononcée par les inquisiteurs, sera traité comme un protecteur ou
un défenseur des hérétiques.
10" Si un évéque se refuse à proclamer ou à exécuter la sentence
prononcée contre un pareil coupable, l'entrée de réalise lui sera in-
terdite.
11° Les inquisiteurs ne doivent admettre aucun avocat dans leurs
procès.
12" Les sacrilésçes et les diseurs de bonne fortune (sorticirii) doi-
\-ent être livrés à l'évéque, et s'ils ne s'amendent pas ils seront murés
à tout jamais ( 1 ), ou bien on les punira suivant ce que l'évéque aura
décidé.
I ]" ( -elui qui pour avoir été hérétique est obligé de porter une
croix sur ses habits, ne doit jamais la quitter (2J. Si après une ad-
monestation il ne la reprend pas, on devra le regarder comme héré-
tique. Il en sera de même de ceux qui se seront enfuis et ne revien-
nent pas, nonobstant l'admonestation qu'ils ont reçue ; on traitera
de la même manière ceux qui méprisent l'excommunication. Si ces
derniers appartiennent au ix)yaume de France, on leur appliquera la
constitution (hipientcs et les ordonnances du synode de Pamiers :
s'ils n'appartiennent pas au royaume, on les déclarera infâmes, dans
le cas où ils s'obstineront six mois dans l'hérésie, et le pape seul
pourra les absoudre.
14° On ne confiera pas de charges publiques à des excommuniés.
15° Si, pdur nuire à ceux qui l'ont excommunié ou dénoncé, un
excommunié promulgue des statuts afin de les exclure de l'usage
des fours, des moulins, etc. ; s'il lance un mandat contre eux et s'il
ne s'amende dans le délai de dix jours, son excommunication s'éten-
dra à toute la province et aux environs. Dès qu'il sera en un endroit,
on cessera, durant le séjour qui! y fera, de célébrer le service divin
(1) C'était la prison pcrpcluclie. (^1. [.i.mii<ii<i:ii, Ilisloria liiqt.isitionis. .\mstcl(i-
dami, 1692, in-f°, p. 3^1.
(2) Les iuifs étaient obligés, quand ils sortaient de leurs demeures, de porter sur
la poitrine une roue ou rouelle, dont la circonférence devait cire de trois ou quatre
doigts. Ils en étaient dispensés en voyage. Les juives, à partir de l'âge de douze
ans, étaient tenues de porter des cornailles {cornalia). C'était, sans doute, dit
Cambis-V'elleron, des coiffures qui s'élevaient en pointes. Revue historique, t. XII.
p. 27. — Les hérétiques convertis portaient une croix rouge et, dans certains pays
un vêtement de pénitence appelé saccum benedictitin. VA. Limbokch , op. cit..
P- 3 39-
KVÊQt:ES DE VALENCE At' MOYEN AOE. IQ7
et on ne devra pas l'absoudre avant quil n'ait donné satisfaction au\
églises et aux personnes de l'ég-lise pour les dommages causés.
i6"-i7° Si un excommunié obtient par intrusion une charge de
l'église^ il sera derechef excommunié pour cela et le pape seul pourra
l'absoudre.
180 Celui qui entretient de fréquents rapports avec un excommu-
nié sera exclu de l'église : si c'est un prélat, il sera puni par les su-
périeurs selon les canons.
icf Les anciennes ordonnances touchant les meurtriers des clercs,
les spoliateurs des biens de l'Eglise, les ligues défendues (coiijura-
liones) sont remises en vigueur, ainsi que les prescriptions sur
l'amélioration des moeurs dans le clergé séculier et régulier.
20" Nous dissolvons toutes les ligues opposées aux règlements
ecclésiastiques, notamment la ligue conclue par la noblesse française.
Quiconque ne se retirera pas de ces ligues dans le délai de deux
mois, après la publication du présent décret, sera excommunié. Cette
dissolution devra être plusieurs fois promulguée par les prélalè dans
leurs diocèses et dans leurs synodes.
2i°-22° Celui qui ne jure pas d'observer la paix sera excommunié.
Promulgation de l'excommunication contre Frédéric, autrefois em-
pereur et contre ses partisans, conseillers, etc.. ainsi que contre tous
ceux qui l'appellent ou qui le font venir dans ce pavs. Tous les en-
droits où il sera reçu seront frappés d'interdit.
23° Tous les prélats et tous les clercs qui lui porteront secours
seront excommuniés ; s'ils appellent l'empereur à leur aide, ils per-
dront leurs bénéfices et dignités et ne pourront être relevés de cette
sentence que par le pape ou qu'en vertu d'une autorisation formelle
du saint siège (i).
Les projets de P^rédéric, qui épouvantaient tant la cour pontificale
et ses défenseurs, furent encore ajournés. Les événements, plus forts
que toutes les colères de l'empereur, obligèrent ce prince à ne pas
quitter l'Italie : pendant que son jeune concurrent, Guillaume de
Hollande, envoyait en Lombardie et en Toscane un vicaire impérial
j^fiv seconder l'action des légats pontificaux, il essuyait lui-même
un grave échec au siège de Parme, et apprenait quelques jours après
que son fils Enzo était tombé entre les mains des Bolonais. Le
pape put donc jouir encore à Lyon d'une certaine tranquillité (2).
rij^HKFÉLK. Histoire des Cc»»c//es (Traduction de l'abbé Delarc^. Paris, 1872,
in-M t. VIH, 41 -1-0.
(W^ Eur Hrrger, op. cit.. p. 1S5-8.
iqS OKARANTE ANNEES DE LHISTOIRE DES
Pendant ce temps, que faisait l'élu de \'alence ?- Nous allons grou-
per ici quelques notes, d'une importance il est vrai secondaire, mais
qui vont nous permettre de répondre d'une certaine manière à cette
question. Les registres d'Innocent ÏV mentionnent plusieurs fois le
nom de Philippe entre les années 124!^ et 1250. C'est ainsi qu'ils
nous apprennent, entre autres détails intéressants, qu'à la requête
de notre prélat, comme à celles de l'archevêque de Tarentaise et du
comte de Savoie, le pape autorisa, par un bref du 3 septembre 124S,
maitre Guillaume de Saint-Amour, sous-diacre et chanoine de Beau-
vais, à recevoir un second bénéfice (r) : il s'agit ici du célèbre pro-
fesseur qui devait bientôt après enseigner avec tant d'éclat la philo-
sophie à l'école du parvis N.-D. de Paris et qui eut de si violents
démêlés a\ec les dominicains. Grâce à l'intervention de Philippe de
Savoie, Guillaume de Saint-Amour avait déjà reçu du souverain
pontife un premier témoignage de bienveillance (2). Vova le même
temps, 1 élu de Lvftn et de \'alence s intéressait à un autre person-
nage : il obtint un bref du 30 août 1240 permettant à l'évêque
d'llerfort,en Angleterre, de donner à Pierre, médecin de Pierre de
Savoie, comte de l'^ichemont, outre léglise paroissiale de Riche-
mont, un second bénéfice (3J. Le 9 septembre 1249, Philippe était à
X'alence ; agissant au nom de ses chanoines, il fit alors avec Guil-
laume, prieur de Saint-1" élix et les chanoines de cette maison, divers
échanges de terres et de re\'enus à Montélier, afin de faciliter aux
deux chapitres la gestion des propriétés considérables qu'ils possé-
daient dans cette paroisse {-\). L'année suivante, le roi d'Angleterre
(1) Ei.iK Bergrr, op. cit., n" 5228.
(2) E(,iE Bkrger, op. cit., n" 3188.
(3) W'rRSTKMiiERGER, Peler der Zvjeile, t. I\', n" 257.
' )) Archives de-la Drôme. Fonds de St-Ruf. «Nos Philippus, procuralor ecclesie
Valenlinensis, nolum facimus .. quod... concessimus nomine permulalionis dilecto
nostro magistro W'illelmo, priori sancti Felicis Valentini, nomine sui prioratus reci-
pienti, octo solidos cen.^uales, quos recipiebamus in rébus inferius adnolatis et domi-
nium terrarum carumdem. Terre iste site sunl in inandamcnto castri de Monlilisio.
in lerrilorio de Gumant, hoc modo : aratorie [-"abroti cohérent ab oriente, cl aqiii-
lune terre W'illelmi de Monlilisio et Poncii, fratris sui, domicellorum ; ab ausiio
terre Poncii de Huppe, domiceili ; ah occidente, pralo sancti Felicis... Actum e^l
hoc \'alentic, in domo ponlificali, in poriicu superiorj versus orientem, prcsenli-
hus... Lantclmo, archipresbitero de Roianis, el W'illelmo Aalardi, capellanis cl
canonicis ecclesie \'al., W'illelmo Loys, priore .Montilisii, W'illelmo de llensia, .\n-
drca l'eclinati. canonicis sancti Felicis, anno Domini .\1".CC"..\L" nono, \'" idus
scplcmbris. In cujus rei lestimonium presens carta est .siirilli noslri pairocinio C()m-
munil I el s'irilli San;li Felicis. »
F.VEQUES DF. VAr.ENCF. AU MOYEN AGE. I QQ
donnait à Philippe de Savoie une marque d"estime et de conlîance
qui était bien de nature à tlaller l'ainour-propre de notre prélat : il
lui écrivaifle 5 mars 1250 et lui donnait ses pleins pouvoirs à l'elfet
de négocier une prorogation de la trêve entre la France et l'Angle-
terre pour une période de seize ans. et pour plus longtemps même,
s'il le jugeait nécessaire. Ces pouvoirs lui étaient renouvelés au mois
de mai (i^. La même année et le 10 juin, Philippe fut pris pour
arbitre d'un différend qui s'était élevé entre Pierre de Savoie, son
frère, d'une part, Guillaume, comte de Genevois, ses fils Rodolphe
et Henri, de l'autre, au sujet des dommages éprouvés par le premier
lors de son arrestation, nonobstant la trêve, et pour les voies de fait
commises sur sa personnes par Rodolphe, fils du comte (2). A cette
occasion, Philippe se transporta à Genève, où il rendit son jugement
dans cette affaire le 28 juin : il condamna le comte Guillaume et ses
fils à payer à Pierre de Savoie dix mille marcs d'argent et pour sû-
reté de ce payement adjugea à celui-ci, à litre de gagerie, la pos-
session de plusieurs châteaux, de celui de Genève entre autres (^).
Tout absorbé qu'il fût par des préoccupations, des affaires de toute
sorte, l'élu de Lyon et de Valence ne négligeait point ses propres
intérêts. En digne fils de la maison de Savoie, il s'est toujours mon-
tré très attentif à profiter des moindres occasions pour augmenter sa
fortune et agrandir ses domaines. Il nous reste encore un nombre
considérable de documents constatant -des acquisitions de terres et
de revenus qu'il faisait pour nos propre compte, tant par lui-même
que par ses fondés de pouvoirs. C'est ainsi, pour ne citer que des
exemples se rattachant à l'histoire de nos pays, quil devint bientôt
propriétaire de la majeure partie des territoires de St-Symphorien-
d'Ozon et de la Côte-Saint-André (4).
(i) W'l'rstemberger, op cil., n" 2.) 5.
(2) Regesle Genevois, n° 821.
(3) Regeste Genevois, n° 823.
(^) Les cartons B, 3603, 3604, 3605, 3606 et 5607 des archives départemen-
tales de l'Isère sont remplis de pièce? originales constatant les achats ou les actes
flPgneuriaux de Philippe à Saint-Symphorien d'Ozon, à la Côte et dans les envi-
rons. Plusieurs de ces pièces sont d'un grand intérêt pour l'histoire des familles
dauphinoises. En octobre 1250, Philippe achète un droit de péage à St-Svmpho-
rien de Guillaume de Beauvoir, damoiseau, seigneur de Fallavier, moyennant 450
livres de Viennois. — Le 25 août 1252, reconnaissance passée par Dreux de
Be^voû-, chantre de l'église de Vienne en faveur de Philippe, pour les fiefs de
Jf*»ks et tles environs. — Le 1 8 avril 1257, vente par Gilet de Boczo/el, damoi-
sd^, tils de feu Humbert de Boczozel, à Philippe, de la 8= partie de ses droits sur
200 QtrARANTF. ANNEES DE E HISTOIRE DES
Au printemps de cette même année 1250, on apprit en Europe le
désastre de la Massoure et la captivité de saint Louis. Le pape ne
larda pas à ressentir le contre-coup de ce douloureux événement. Des
bruits fâcheux, qui se répandirent alors dans le public et dont il est
aisé de retrouver le point de départ, présentèrent le pape comme en
partie responsable de la malheureuse issue de cette croisade : c'était,
disait-on, son opiniâtreté à refuser tout arrangement avec Frédéric
qui avait seule empêché ce prince de joindre ses efforts à ceux du
roi de France et dassurer ainsi le succès de l'expédition. Ces bruits,
habilement propagés par les ennemis de la cour pontificale, trouvè-
rent créance et provoquèrent en France et dans nos pays un mécon-
tentement qui alla grandissant et créa bientôt à Innocent IV une
situation des plus dangereuses. Frédéric était toujours en Italie, à la
tête de son armée, naltendant plus qu'une occasion favorable pour
franchir les Alpes. Ce fut sur ces entrefaites qu'arrivèrent à Lyon
les comtes d.Anjou et de Poitiers. Le roi, qui avait recouvré sa
liberté, s'était empressé de les envoyer en France auprès de sa
mère; il les avait, paraît-il, tout spécialement chargés de visiter le
pape et d'insister de nouveau auprès de lui pour le décider à iaire la
paix avec l'empereur. Mathieu de Paris raconte cjue les deux princes
reprochèrent amèrement au pape d'avoir nui au succès de la croisade
et lui déclarèrent que s'il refusait de recevoir l'empereur dans le sein
de l'Fglise, ils le chasseraient de Lyon. <i Si l'élu de Lyon et son
frère l'archevêque de Cantoi'béry, en qui vous vous fiez, auraient-ils
ajouté, entreprennent de vous déferidre, la i^rance entière se lèvei'a
contre eux et elle nous trouvera à sa tète. « (^ette menace inquiéta le
le marché de la Cole-St-André el sur la leydc qu'on y perçoit, — Mars 126^ (n.s.),
vente au même par Olivier de Torchefelon, damoiseau, d'un bois appelé vulgaire-
ment H verx de Coniella. quod nemus est de ipsius Oliverii franco alodio ; loutclois
la maison du Temple d'Ornacieux a le droit d'y envoyer paître chaque année teiii-
pore f,'la)idis douze porcs. Olivier de Tnrchcfelon se reconnaît en outre le vassal de
Philippe pour toutes ses possessions ; pour pri.K de son bois et pro beiieficio Jicti
feuii, il reçoit 250 livres de X'iennois. — 126^ (n. s ), janxicr. l'.channc conclu
entre Philippe, d'une part, Guillaume, abbé de St-Ruf, et Ilumbert, prieur de la
(>'ile-St-André, de Tauire : l'abbé et le prieur cèdent à Philippe toutes les posses-
sions du prieuré à la Cote entre les confins sui\anis : « X'idclicct a via que est anie
ecclesiam B. M. de Costa, per quam itur versus l!ri\iacum. sicul pnucndiiur dicta
via a domo Avmari Tahri usque ad terram l'Iamcncorum... et ah cisdcm via cl
terra protcndendo rectam lineam usque ad terram Porl.ibiaics, sitam juxta' praium
Rennolli, et ab ipsa terra protendendo supcrius reciam lineam usque ad salicem
silam juxta trivium mf)ntis Oliverii » l']n échange, Philippe leur abandonne tous
SCS tiriiits de su/erainelé sur les biens du prieuré de la C''>tc à IBoc/o/cl. Etc., etc..
EVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 20 1
pape assez sérieusement pour qu'il demandât au roi d'Angleterre de
lui donner un refuge à Bordeaux (i). Tel est le récit du chroniqueur
anglais ; mais il est plus que probable que. selon son habitude,
poursuivant de sa haine le pape et les cardinaux, il aura encore sin-
gulièrement exagéré les faits ; aussi M. Elle Berger n'a-t-il pas eu
de peine à signaler ici l'invraisemblance de quelques-unes de ses
affirmations (2). Ce qui est vrai toutefois, c'est que les barons fran-
çais et Blanche de Castille elle-même nourrissaient alors un vif res-
sentiment contre le pape, à qui ils reprochaient de se laisser absorber
dans sa lutte contre Frédéric au point de paraître se désintéresser du
sort du roi et de ses compagnons d'armes. Innocent IV connut cer-
tainement alors de mauvais jours, mais au milieu de ces dilficultés,
sa grandeur d'àme ne faiblit point. Il se préoccupait des dangers de
sa situation, lorsque tout à coup sonna l'heure de la délivrance. La
mort de Frédéric II, survenue le 13 décembre 1250, vint détruire les
plans de la sagesse humaine et imprimer aux événements une nou-
velle direction.
(i) Mattii.eus Paris., l. V, p. 175 ; «... el si electu> Luuclunensis el frater eius
archiepiscopus Cantuariensis in quibus confidil, eum tlefcndanl, tola Francia in
ipsos insurgat, prasviis magnatibus memoraiis. » — IbiJ., p. \HX,
(2) Elie Berger, op. cit , p. (]CLI.
(La fut ail prochain numéro).
Jules CIIEVALIFR.
Hui,[,. IX, 1889. lô
L'abhc SERPEILLE
AUMONIER DE LA MAISON CENTRALE DE POISSY
(Suite)
Hàtons-nous de dire que ce ne fut là le fait que de deux ou trois
des fortes tètes de l'endroit, froissées dans leur amour propre par
suite de Timportance qu'elles s'attribuaient dans le pays. L'ahbé
Serpeille était à Die, auprès de son ancien patron le sous-préfet,
lorsqu'il apprit, probablement par l'organe de ce magistral, la dé-
nonciation dont il était l'objet. Sans retard, il écrivit à Mgr Bé-
cherel la lettre suivante :
« Die, le 20 août 1806.
« Le Desservant de St-Martin-en-Vercors à Monsieur l'I^vèque
de Valence.
'< Monsieur l'Kvèque,
« Je suis informé qu'il vous est parvenu des plaintes sur mon
compte. Je ne sais quel degré de foi vous avez pu v ajouter; mais
dans tous les cas, je dois à la conriance que vous avez bien voulu
m'accorder jusqu'à ce jour, à l'honneur de l'Etat et au mien de
détruire jusqu'à l'ombre d'un soupçon qui pourrait m'ètre défa-
vorable.
<' La renommée m'a appris qu'on m'avait représenté comme ne
catéchisant pas, ne faisant pas de pr(')ne ni procession dominicale;
en un mot, comme négligeant de remplir les plus importantes
tondions du saint ministère.
« Cette dénonciation me paraît vague, l^uir qci'elle pùi inspirer
quelque considération, on aurait du dire depuis quel lems j'ai
apporté cette insouciance dans mes fonctions, ou bien si je me suis
toujours conduit ainsi, depuis mon arrivée à Si-Martin, (^e dernier
cas n'a pu avoir été avancé. On sait les peines, les soins, les sacri-
iices que je m'étais imposé et qui seraient une réponse victorieuse
et péremptoire contre les délateurs, si je n'avais pas à parler de
moi ; mais ma modestie souffrirait des détails que j'aurais à
laire; la honte et le mépris seraient le partage de mes ennemis, et
sous CCS deux rappr)rts je dois me taire.
« La question devait donc être depuis quel tems j'avais ralenti
AUMONIER DE POISSY. 20^
mon zèle : ce qui suppose nécessairement un motif. Lequel sup-
pose-t-on ? La méchanceté seule pourrait le dire. Lequel est-il ?
Le voici :
« Depuis longtemps, Téglise de St-Martin est dans un état de
dégradation et de ruine; j'avais eu l'honneur de vous en instruire
l'hiver dernier, et vous m'aviez fait celui de m'inviter à prévenir
les habitans de St-Martin que leur église serait interdite si, à la
Trinité, elle n'était pas réparée). L'état, dis-je, de l'église de St-
Martin commandait de prendre des mesures sérieuses et promptes
pour en arrêter la destruction totale. Les habitants prornettaient
toujours de se cottiser et n'exécutaient rien ; et le danger devenait
chaque jour plus imminent. Dans cet état de choses, je transférai
le Saint-Sacrement dans la Chapelle des Pénitens, qui pouvait,
dans le cas d'un malheur, sauver quelques personnes ; je prévins
en même tems les hdellesque je célébrerais les saints offices dans
cette étroite chapelle jusqu'à ce qu'on eut fait faire au moins un
éperon pour soutenir deux piliers rompus sur lesquels reposait la
voûte, pleine déjà de crevasses et d'ouvertures ; et de plus, qu'à
raison du danger qu'on courait à fréquenter cette église, la pru-
dence exigeait qu'on y restât le moins possible.
0 J'ai su que, dés ce jour-là, on a recueilli avec une sorte d'avi-
dité et d'empressement, les plaintes de quelques particuliers qui
auraient préféré sans doute la destruction de l'église et de beau-
coup d'habitans à la suspension de quelques cérémonies.
« Voilà, Monsieur l'Evêque, l'explication que j'ai l'honneur de
vous soumettre ; elle est conforme à la vérité. Je regrette seule-
ment qu'une affaire qui. par elle-même n'a rien d'essentiel, ait pu
vous occuper sérieusement, vous ait été présentée comme un mo-
dèle d'impiété.
«Je me repose entièrement sur votre justice éclairée, et j'ai l'hon-
neur de vous assurer de nouveau que je ne crois pas avoir jamais
négligé, et que je ne négligerai aucun moyen devons prouver com-
bien je suis reconnaissant des bontés que vous ne cessez de me té-
moigner et que je tâcherai de mériter de plus en plus, par le zèle
et l'exactitu de que vousattendez de vos collaborateurs subalternes.
« J'ai l'honneur d'être respectueusement,
Monsieur l'Evêque,
« Votre très humble et très obéissant serviteur
« Serpeille, prêtre. »
204 LABBE SERPEILLE
Sur ces entretaites, l'abbe Bisson se décida à repondre aux ins-
tances réitérées de son ami, et à accomplir le voyage du Vercors.
Il devait en profiter pour faire la visite canonique du canton, et
suppléer par là à la tournée épiscopale, qui, à cette époque, ne
s'étendait jamais si loin. Il vint donc, au mois de septembre 1807,
passer une huitaine à St-Martin, comblant ainsi les vœux si sou-
vent exprimés de Tabbé Serpeille. Celui-ci le pilota par le Vercors,
dont ils visitèrent ensemble toutes les paroisses. De retour à
Valence, le secrétaire épiscopal Ht part à Mgr Bécherel de ses im-
pressions de vovage, et lui signala toutes les irrégularités qu'il
avait pu observer dans ses excursions, notamment le lamentable
état de l'église et du cimetière de St-Martin. Voyant que ses pré-
cédentes sommations aux paroissiens de l'abbé Serpeille étaient
demeurées sans résultat, et que l'autorité de ses ordres et de ses
menaces n'avait pas suffi pour obliger ces gens-là à s'exécuter, le
prélat eut recours à celle du préfet, et il adressa le 28 septembre.
à M. Dcscorches de Sainte-Croix la lettre suivante :
(( Monsieur le Préfet,
« Le sieur Bisson, chanoine, mon secrétaire, à son retour du
Vercors, m'a rapporté que l'église de St-Martin avait besoin de
réparations urgentes, ainsi que le logement du pasteur ; que le
cimetière de cette commune était absolument sans cl(')ture ; que
l'église de Vassieux était dans un état de ruine très prochain ; que
le cimetière, ouvert presque partout, était fréquenté par les bes-
tiaux ; que les chiens mêmes v avaient tine fois déterre un cada-
vre ; que ce lieu servait en partie de champ de foire ; que l'é-
glise de la Chapelle demandait aussi quelques réparations, surtout
à la couveiiure ; que le clocher de St-Agnan était aussi en mau-
vais état. .l'invoque, Monsieur le Préfet, votre autorité ou votre
influence pour faire faire les réparations oti reconsiruciions aux
édihces précités et pour faire rétablir dans un état de décence
convenable les cimetières de ces églises. Les mccurs auiani
que la religion réclament qu'on fasse disparaître le scandale de
voir traiter avec aussi peu de respect les lieux où sont déposées
les cendres des aieux, dont le souvenir doit être cher à leurs
descendants. Se vous recommande avec bien de la conriance
toutes ces affaires. «
L'intervention du préfet u'clu guère plus de succès que celle de
AU.MONIER DE POISSY. 2O5
l'évèque, et les habitants de Saint-Martin paraissaient absolument
indifférents aux mesures administratives prises à leur endroit par
Tun et l'aiitre pouvoir. Ils semblaient ne pas comprendre que les
ordres et les menaces fulminés contre eux fussent à leur adresse ;
peut-être se crovaient-ils à une assez bonne distance de Valence
pour pouvoir les braver impunément. Quoiqu'il en soit, six mois
après le décret épiscopal sanctionné par l'autorité préfectorale en-
joignant, sous peine d'interdit, aux récalcitrants de réparer leur
église et de clore leur cimetière, personne encore n'avait bougé
dans le pavs. Le malheureux pasteur, navré et écœuré d'une si stu-
pide insouciance, qui dénotait chez ses paroissiens un manque
absolu de cœur et de sentiments élevés, eut recours à celui qui
était son conseiller ordinaire et le confident intime de ses peines
comme de ses joies. Il écrivit donc, le 2 avril 1808, à l'abbé Bis-
son pour lui faire part de ses ennuis et des déconvenues que lui
faisait éprouver la mauvaise volonté et l'ingratitude de ses parois-
siens. « La décision et les menaces de Mgr l'Evêque relativement
aux église et cimetière de Saint-Martin n'ont produit aucun effet ;
ils sont in statu qiio avant votre départ, grâces aux soins de M. A...
et de M. l'adjoint de Saint-Martin. Je ne parle pas de M. le maire:
on le saute à pieds joints, sans se gêner; on délibère, on le fait
parler, on signe pour lui, tout cela sans difficulté ; et tout cela est
bon, parce que les autorités supérieures n'en sont pas instruites...
Nous savons tous, et moi particulièrement, combien il en coûte à
un habitant de campagne, et surtout de montagne, de faire le sa-
crifice le plus modique, même en faveur de sa religion. Mes recom-
mandations pour les réparations de l'église et du cimetière furent
donc inutiles. Je voulus tirer parti d'un ancien usage de cette C(jm-
mune, qui était que, le jour de.s Morts, les habitants les plus voi-
sins fournissaient leurs bœufs et leurs chariots pour transporter
les matériaux, et les plus éloignés payaient de leurs bras ou de
leurs épaules, pour réparer le cimetière. Je hsà ce sujet une exhor-
tation qui fut contrariée, à l'issue de la messe, par un ordre des
personnages cités, qui abusent à tout bout de champ de la con-
Hance que des administrateurs justes et paternels leur accordent.
Les habitants de Saint-Martin furent commandés pour aller tra-
vailler à un chemin de la montagne où jamais honnête homme ne
passe. Si on les eût fait travailler au moins sur le chemin de Saint-
Martin à Saint-Julien, le prétexte eût été plausible en apparence:
2o6 l'abbé serpeille .
car vous devez vous rappeler qu'on ne peut pas sortir d'ici de ce
coté sans se mettre dans l'eau jusqu'à mi-jambe. Il est vrai que la
plus grande partie des immeubles qui sont limités par ce chemin
appartiennent à M. A.... Voilà les causes et les effets. Je les sou-
mets à votre jugement et j'attends votre décision. »
Cependant, à quelques jours de là le 22 avril , l'abbé Serpeille
donne de meilleures nouvelles de la bonne volonté de ses parois-
siens, qui ont fini par sortir de leur apathie et par se mettre à l'œu-
vre. « Je ne dois pas vous laisser ignorer, écrivait-il à son ami.
que j'ai fait taire un grand pas aux habitants de Saint-Martin pour
l'honneur de la religion et du culte. Vos lettres, les menaces d'in-
terdiction, mes exhortations, tout avait été jusqu'ici inutile pour
les réparations de l'église et du cimetière. Personne ne remuait, et
tout aurait été in statu quo jusqu'au jugement dernier, si je ne
m'étais pas mis en tète de courir les maisons, après avoir tonné
dans l'église: ce quia produit suffisamment pour mettre l'église
dans un état sinon parfait, du moins décent et passable. Quant au
cimetière, je suis parvenu à pénétrer les habitants du respect qu'ils
doivent aux cendres de leurs parents, etc. iSic.l Je les invitai à
transporter des matériaux, en les assurant que je répondais du zèle
des ouvriers maçons, et j'ai eu la satisfaction de voir qu'on en avait
beaucoup transporte pendant que j'étais à Saint-Julien, et le cime-
tière sera bient(")t en état.
En effet, les travailleurs, une fois à r(euvre, ne s'arrêtèrent plus;
leur honneur était engage. Du reste, ils étaient cimstammeni sti-
mulés par leur bouillant pasteur, qui ne laissait pas chômer l'ou-
vrage et qui leur donnait lui-même l'exemple de l'activité et du
labeur, se mêlant dans leurs rangs, prenant part à leurs travaux et
dirigeant l'entreprise avec toute la cx)mpétence du plus habile ingé-
nieur. En homme intelligent qui connaissait le C(ei.n- humain, et
en particulier celui de ses paroissiens, l'abbé Serpeille fit appel sur-
U)Ui à leur anKjur propre, et sachant combien ce seniinieni est dé-
veloppé chez les gens de montagne, il eut recours à ce mobile ptiis-
sani pour les mettre en mouvement et pour exciter de plus en plus
leur ardeur, l'ne autre lettre à l'abbé Bisson nous fait connaître
les industries que son zèle lui suggéra pour activer les travaux, et
qui lui réussirent au gré de ses vœux. « Ce n'est pas en vain, lui
écrivait-il le 14 juillet, que je vous avais assuré que, par mes soins,
le cimetière serait incessamment réparé. Le dimanche, nj jtiin.
AUMONIER DE POISSY. 2O7
pour V décider mes paroissiens, j'épuisai toute ma rhétorique ice
qui n'était pas assurément un très bon titrei ; cependant, j'ai eu le
bonheur de réussir. Ainsi le cimetière de Saint-Martin est mainte-
nant dans un état décent et à l'abri de toute profanation. Quoiqu'il
soit encore susceptible de quelques légères réparati ins, je les
ajourne à un temps plus opportun que celui des récoltes de tout
genre, dans lequel nous nous trouvons. C'est beaucoup, je crois,
d'avoir obtenu de ces gens qu'ils aient clos le dortoir des chrétiens.
Il est vrai qu'après leur avoir fait craindre les foudres de l'Eglise,
dont les menaçait justement M. l'Evêque, et avoir mis en avant les
motifs de piété, de charité et de reconnaissance, j'ai tâché de pi-
quer leur amour propre. En conséquence, je les ai prévenus que
je rédigerais le procès-verbal de ce travail, que j'y consignerais les
noms de tous ceux qui y ont contribué en fournissant leurs attela-
ges, ou par le secours de leurs bras, etc., et que M. l'Evéque approu-
vant cette mesure, m'autorisait à déposer ce procès-verbal dans les
archives de l'église, et' qu'un exemplaire en placard serait affiché
sur la porte de la sacristie, à l'effet de perpétuer le souvenir de celte
bonne œuvre et de ceux qui l'ont faite. » — ■ L'abbé Serpeille prie
ensuite son ami de soumettre cette mesure à l'examen de M. l'Evé-
que et d'en obtenir la sanction. « .Te suis persuadé, continue-t-il,
que s'il daignait la prendre en considération, et qu'il m'enjoignît
de la publier au prône, elle produirait le meilleur effet, surtout
d'après ce que j'ai dû rappeler à cette occasion de votre voyage en
Vercors, des vceux que fait notre prélat pour le bonheur spirituel
et temporel des habitants de ces montagnes, du regretqu'il éprouve
de ne pouvoir les leur faire connaître de vive voix. »
La sollicitude pastorale de l'abbé Serpeille ne se bornait pas aux
œuvres matérielles. Quoiqu'il soit vrai de dire que celles-là étaient
plus conformes à son tempérament, cependant il ne négligeait
rien de ce qui pouvait être a l'avantage spirituel de ses paroissiens,
les instruisant du haut de la chaire par des prônes solides, que son
talent pour la parole rendait encore plus attrayants et plus fruc-
tueux, catéchisant les enfants, visitant les malades, passant des
journées entières au confessionnal les veilles des fêtes ; son zèle
intelligent pourvoyait à tout. Les accents de la piété ne lui étaient
pas étrangers, et il se réjouissait de voir le bien se faire autour de
lui. « Il est enrin passé, écrivait-il en i8o5,au sortir des travaux
des Pâques, ce temps de miséricorde pour les pécheurs et de pei-
2o8 l'abbé serpeille
nés pour les pasteurs. Il m'a fallu tout mon courage et mon zèle
pour le supporter et satisfaire à l'empressement des tidèles. Le com-
mandement de l'Eglise a été observé dans ce saint temps de pàques
avec une piété qui me fait concevoir l'espérance la mieux fondée
pour le salut des habitants de cette paroisse et pour le mien. Je
vous parlerais de l'indisposition que j'ai, et qui a été le fruit de
mon zèle ; mais elle est légère, ef fût-elle plus considérable, je la
regarderais comme une faveur du ciel, trop heureux de souttVir
en ce monde, si je dois être recompensé en l'autre. »
Quoique doué d'une intelligence supérieure, il se délie de ses
propres lumières et consulte toujours ses supérieurs pour les cas
difficiles ou embarrassants. La prudence et la circonspection sont
la marque d'un esprit réfléchi et d'un jugement sain. Le 2 avril 1808,
il écrivait à l'abbé Bisson : « Lors de votre voyage en Vercors
'd'heureuse mémoirei, on vous entretint de cette secte de puristes
du Villard-de-Lans qui ne vont pas à l'église, communient avec
une cerise, et ne reconnaissent ni curés, ni évéques, sous le pré-
texte que le Pape n'est pas libre. Plusieurs de ces sectaires sont
détenus depuis plus d'un an dans les prisons de Grenoble. Ma
par(jisse se trouve empoisonnée de deux partisans de cette secte;
ils peuvent être dangereux et leur mal contagieux; et comme je
vous disais: Principiis obsta, sera mcdicina paratiu\ je vous
demande aujourd'hui quel est le parti à prendre à leur égard. » 1 1 >
(i) Y aurait-il quelque rapport entre la secte que dénonce ici l'abbé Serpeille
et celle que signalait M. Actorie, curé de la Chapelle-en-\'ercors, dans une
lettre adressée au nicnie abbé Bisson, le 3 octobre 1S07 : » Il s'était tonné
l'année dernière une société de francs-maçons dans celte vallée. Heureuse-
ment, depuis Pàques, rien n'annonce s(mi existence. J'aime à cmire qu'il n'en
sera plus question. ()uant aux sujets désignés, je n'en a\ais entendu nommer
qu'un. »
iLj. suite au prochain luonéro).
CvPKiKN PERROSSIKR.
QUARANTE ANNÉES
DE
L'HISTOIRE DES EVÈQUES DE VA
E
AU MOY E N AG E
(1226 à 1266)
(Fin).
Devenu libre, Innocent IV résolut aussitôt de regagner l'Italie.
Cette détermination du reste s'imposait : Lyon n'offrait plus à la
cour pontificale les mêmes garanties de sécurité. L'orage grondait
autour de cette ville et devenait menaçant. Si les barons français
s'agitaient, la noblesse de Provence était loin de demeurer en repos.
Dans ce dernier pays, les partisans de l'empire étaient nombreux ;
fortement groupés autour de Barrai de Baux, ils commençaient à rele-
ver la tête. Il .fallait donc partir et le plus tôt possible. D'après le
témoignage quelque peu suspect de Mathieu de Paris, le pape aurait
été également bien aise, en quittant Lyon, de s'arracher à cette
sorte de tutelle qu'exerçaient sur lai et sur son entourage Philippe de
Savoie et l'archevêque de Cantorbéry ; la protection de ces deux per-
sonnages aurait lini, paraît-il. par devenir un lourd fardeau fi). Quoi-
(1) Matth^us Paris., l. \, p. 226 ; «Fréquenter eiiam conquesitus est papa quocl
adeo, dum LugJuni morabatur, obligatus exiitit voluniati archiepiscopi Cantua-
riensis et electi Lugdunensis quod cum quidam intrusus in quamdam prœbendam
auctoritate sua illius ecclesiae appareret, in Rodanum piscibus praesenlabatur de
nocte submersus, nec ausus fuerat obmutire. » — Mathieu de Paris nous a conservé
certaines anecdotes qui montrent que les bourgeois de Lyon avaient souvent une
fierté, une indépendance de caractère qui causa plus d'un embarras à la petite cour
pontificale. Nous ne citerons qu'un fait: t. IV, p. 418 : « Eisdemque diebus, dum
quidam ostiarius domini papœ protervius cuidam civium, introitum humiliter pos-
BuLL. IX, 1889.
It)
2 10 QUARANTE ANNEES nE L HISTOIRE DES
qu'il en soit, Innocent IV célébra encore à Lyon les fêtes de Pâques de
l'année 1251 ; puis le mercredi suivant, 19 avril, il s'éloigna définiti-
vement de cette ville, qui lui avait servi de refuge pendant six ans,
trois mois et dix-sept jours. Philippe de Savoie, qui l'avait accompa-
gné à son arrivée, se mit en route pour protéger son départ et lui
fît la conduite avec une si nombreuse suite de gens d'armes qu'au
dire d'un témoin bien informé, il dépensa en un seul jour mille livres
pour les nourrir et les payer (i). Le premier jour, le pape et sa suite
vinrent coucher à Vienne , puis le lendemain, 20 avril, ils prirent le
Rhône et le descendirent en bateau jusqu'à Valence et de là ensuite
jusqu'à \'iviers. Là, on prit terre pour gagner xMarseille, en passant
par Orange (22 avril) et Carpentras (2). On ne put traverser Avi-
gnon, parce que cette ville qui dépendait tout à la fois des comtes de
Provence et de Toulouse, s'était naguère érigée en république et
avait refusé, après la mort de Raymond VII, de reconnaître l'au-
torité de Charles d'Anjou et d'Alphonse de Poitiers, les protégés du
pape (3).
Ce fut à Carpentras que Philippe de Savoie prit congé d'Innocent
IV. Pendant que le pape poursuivait sa route, au milieu d'une foule
immense de peuple, désireuse de voir le Vicaire de Jésus-Christ,
notre prélat rentra dans ses diocèses, dont il devait encore garder
tulanti, et frontosius quam deceret denegaret, idem civis manum penitus amputa-
vit. Unde idem mancus, cum coram domino papa gravem reponeret querimo-
niam, brachium ostendens mutilatum, dominus papa secundum legem civitatis
vindiciam sibi postulavit exhiberi. Quam Philippus de Sabaudia, cuslos pacis
ecclesiasticae, procuravit qualiquali modo, ut honor papalis saltem superficialiter
salvaretur. » — Innocent IV, durant son séjour à Lyon, contribua pour sa part à
l'embellissement de cette ville: il aida à la conslruclion de la cathédrale St-Jean et
à celle du pont du Rhône Cf. Elie Berger, op. cit., p. LXII ; — Huffer, Die
Stadt Lyon, p. 96.
(i) MATTiiiEtJS Paris., t. V, p. 248 : «Die mcrcurii in hebdomada paschali, sub
conductu et protectione Philippi, elecli Lugdunen^is. qui in ipso conductu e.xpo-
suit in sumptibus tria millia marcarum, est profectus.» — Ibid., t. VI, Addit.imenta,
p. 444 : 0 Et eumdem dominum papam recedentem et multorum polentum minas
et insidins formidanlem per Rodanumque descendentem usque ad Carpentoralum,
poslquam per moram septennalem eumdem apud Lugdunum protcxerat, salvo per-
duxit. Unde secundum assertionem magistri Pétri, ejusdem electi procuratoris, in
una sola die, congregatis omnibus quos ad tuitionem et tutamen atque ducatum
domini papas et sui (summonuit), in una die mille libras cxposuit in cibariis corum-
dem et stipendiis. »
(2) PoTTHAST, Regesta, p. 1180.
(3) Elie Berger, p. CCLII.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 211
l'administration pendant plus de quinze ans. Son existence ne
changera point ; les documents continueront à nous le montrer
travaillant avec une agitation fiévreuse à l'accroissement de sa
fortune et à la grandeur de sa maison. De jour en jour il devient
plus étranger à ses diocèses ; de plus en plus chez lui le prélat
disparait devant l'homme politique et le guerrier. Quand il s'agira
d'une expédition militaire, ses frères ne feront jamais en vain appel
à son épée. Ils le savaient. Aussi, le 8 octobre 125 r, Pierre de Savoie
lui écrivait-il pour le charger de s'opposer par les armes aux entre-
prises des Fribourgeois, de les faire prisonniers et de saisir leurs
biens (i). L'historien de Pierre de Savoie croit que Philippe s'est
dignement acquitté de la tâche que son frère lui avait confiée, et à
l'appui de son opinion il produit une lettre par laquelle Hartmann le
Vieux de Kybourg et sa femme, Marguerite, intervinrent auprès de
Pierre de Savoie en faveur des Fribourgeois, leurs sujets. Cette
lettre n'est pas datée, mais elle paraît bien se rapporter aux événe-
ments auxquels Philippe de Savoie se trouva mêlé en 125 1 (2).
Philippe passa en Savoie, au milieu des siens, la plus grande partie
de l'année 1252. Nous le trouvons dans le courant de janvier à Brion,
où de concert avec Pierre de Savoie, son frère, il se porte garant des
engagements pris par Simon de Joinville envers Marguerite de Gex,
sa belle-sœur, à laquelle il promettait de fournir pour sa dot une
rente annuelle de 200 marcs d'argent et de dix livres genevoises (3). Il
était à Pierre-Châtel le 22 avril et le 9 mai ; il y fit divers règlements
dans le but de mettre un terme à des difficultés qu'il avait avec le
mistral de Villeneuve (4).
Le 9 avril 1253, à Lyon, Philippe de Savoie, agissant en qualité
d'administrateur de l'Eglise de Valence, confirmait solennellement
les privilèges accordés par l'un de ses prédécesseurs, Humbert de
Miribel, aux religieux de la Chartreuse de Portes en Bugey ; ces
'i) VVuRSTEMBERGER, t. IV, n°28o : « Pctrus de Sabaudia Philippe, electo Lugdu-
nensi. Révérende multum et amande frater, rogamus vos quod si burgenses de
Friburgo vel quicunque alii ejusdem terre contra voluntatem nostram aliquid fece-
rint, resistalis pro virili etvobis damus mandatum et posse ut ipsos seu res ipsorum
in terra nostra capiatis, mandantes omnibus ballivis nostris et castellanis ut vobis
obediant, et ipsi idem in suis partibus faciant. Dalum Camere, die dominico post
octavam festi Beati Michaelis archangeli, anno Domini M'CC-L" primo. »
(2) WURSTEMBERGER, t. IV, n° 289.
(3) WuRSTEMBERGER, t. IV, n° 29O.
(4) WURRTEMBERGER, t. IV, n° 292 et 293.
2 12 QUARANTE ANNEES DE I. HISTOIRE DES
moines jouissaient d'une exemption complète de droits de péage
dans toute l'étendue du diocèse de Valence, de telle sorte que. sans
avoir rien à payer, ils pouvaient librement y circuler et y conduire,
tant par eau que par terre, leurs bestiaux et leurs denrées (ij Comme
fait historique ayant eu lieu dans nos contrées, nous signalerons en-
core le différend qui éclata cette même année entre l'élu de Valence
et Aymar de Poitiers. Des soldats deTévêque, qui avaient la garde du
château de Pontaix étant sortis de nuit et faisant quelque course
dans le voisinage du château de Quint, s'étaient vus tout à coup
assaillis par les gens du comte ; une lutte assez vive s'engagea entre
eux au pont Rachas, et Mathieu de. Chabrillan. chevalier, y fut
grièvement blessé. Cette affaire, heureusement, fut vidée par voie
d'arbitrage. Bernard de Ventadour, évêque du Puy, se trouvant de
passage, fut pris pour arbitre et par son jugement, rendu à Romans
le 12 octobre 1253, il réussit à rétablir la bonne harmonie entre l'é-
vêque et le comte (2). Il ne fut pas difficile, du reste, d'amener .\y-
mar de Poitiers à souscrire aux conditions qui lui furent imposées ; il
avait besoin en ce moment de toute sa liberté d'action. La mort de
Silvion de Clérieu, arrivée cette même année, et le partage de sa
succession avaient déchaîné sur le pays le fléau de la guerre civile :
Aymar se rapprocha du Dauphin GuiguesVlI et conclut avec lui une
étroite alliance (3).
Cependant Innocent IV, de retour en Italie, n'a\ait point oublié
Philippe de Savoie et les services qu'il en avait reçus. Il songea
bientôt, dans une affaire extrêmement importante, de mettre à profit
(i) GciGUE, Cartulaire lyonnais, p, 62.!; « Cum lelicis recordaiion s Humbertu-,
quondam episcopus Valenlinensis, predecesbor noster, religiose domui Porlarum.
Cartusiensis ordinis, in favorem religionis indulseril, ui beslie et res predicte do-
mus per totam lerram ecclesie Valenlinensis et aquam iransiium facientes nullum
pedagium seu usagium solvere teneantur, nos predecessoris nostii predicii veàii-
giis inhérentes, vobis universis et singulis mandamu-; qualinus a religiosis predicte
domus et ab ipsorum nunciis pro bestiis vei rébus eorumdem, per terran Valenti-
nensis ecclesie transitum facientibus, nullum pedagium, usagium seu exaciionem
quoquo modo recipiatis... »
(2) Archives de l'Isère, B. 3523. « posuii obedienciarius Sancti Justi Lugdu-
nensis jusjurandamento suo quod Willelmus de la Chalm, W"' Abonelli, duo .Mo-
reli iVatres, Audemarus et Humbertus Fanurelli exiverunt de castro de Pontais ea
nocte qua fuit vulneratus .Maiheus de Chabrillan miles apud pontem Raschatz...
Anno -M". CC". L". lercio, die lune in quindena Beat! Michaelis...»
(3) De Gallier, Essai historique sur Li haronnie de Clérieu, Lvrm, 1883, in-S",
p. 92 ; — Ansel.vie, t. II, p. I 86.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN-AGE. 21 3
ses talents de diplomate et surtout l'influence qu'il pouvait avoir sur
le roi d'Angleterre, comme oncle de la reine Aliénor. L'enthousiasme
avec lequel- on avait salué la rentrée du pape à Rome était vite
tombé, et le pontife n'avait point tardé à s'apercevoir que toutes
ces démonstrations de joie et de fidélité n'étaient pas très profondes,
et que d'autre part ses ennemis étaient encore nombreux et puis-
sants dans la péninsule. Déconcertés un moment par la mort subite
de Frédéric, ils avaient repris courage et les succès de Conrad IV,
qui commença contre le vainqueur de son père une guerre à mort,
vinrent raviver toutes les haines. Le pape résolut d'enlever à la
maison de Souabe le royaume de Sicile, qui était un fief du saint
siège, et de le donner à un prince qui, après en avoir fait la conquête
sur les impériaux, y fonderait une dynastie fidèle à l'Eglise. Des ten-
tatives faites auprès de Charles d'Anjou, pour seconder les projets
du pontife, aboutirent à un complet échec, vers la fin de septembre
125^. Innocent reporta alors toutes ses espérances du côté de l'An-
gleterre. La couronne de Sicile, offerte d'abord à Richard de Cor-
nouaille, fut enfin acceptée par Edmond, second fils de Henri III, roi
d'Angleterre- Le 14 mai 1254, .-Vlbert de Parme, légat d'Innocent I\^
donna l'investiture de ce royaum.e au jeune prince, et comme on n'a-
vait point encore réglé les conditions auxquelles le nouveau roi devrait
souscrire, tant on était pressé de conclure cette affaire, il fut con-
venu qu'on laisserait à un certain nombre d'amis communs le soin
de les discuter et de les arrêter pour le mieux des deux parties con-
tractantes. Philippe de Savoie fut un des personnages que le légat
choisit au nom de son maître [ij. Deux bulles données à Assise le
14 et le 31 mai ratifièrent ce qui venait d'être fait (2). Nous ne sui-
vrons point Philippe dans la série des négociations auxquelles il se
trouva mêlé à la suite de ces événements. On sait, du reste, que
cette cession de la Sicile au prince anglais fut éphémère et n'apporta
au pape aucun avantage. Henri III n'était pas en mesure de chasser
de l'Italie méridionale les armées de l'empire ; il ne fit rien dans ce
sens, et les négociations auxquelles Philippe de Savoie fut associé
n'eurent d'autre résultat que de permettre au roi d'Angleterre d'a-
jouter à ses titres celui de « tuteur d'Edmond, roi de Sicile (3). »
Deux bulles datées d'Assise, le 21 mai 1254, nous apprennent en-
'r) WURSTEMBERGER, t. IV, n° 3 5 7,
(2) WuRSTEMBERGER, t. IV, n°^ 361 et 363-
(3) Voir Eue Berger, p. CCLXXXV.
214 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
core que Philippe de Savoie fut délégué par le pape pour recevoir
en son nom la démission de l'évêque de Genève, Aymon de Grand-
son, si celui-ci était toujours dans la volonté de renoncer à sa charge,
auquel cas il faudrait enjoindre au prévôt et au chapitre de cette
Eglise d'avoir à lui donner un successeur dans un temps déterminé.
Philippe aurait ensuite à assigner au démissionnaire sur les biens de
l'Eglise genevoise une rente annuelle qui lui permît de vivre selon
sa dignité (i). La même année, l'élu de Lyon et de Valence intentait
un procès à son neveu, le jeune Boniface de Savoie, héritier du
comte Amédée : il lui réclamait la cinquième parcie de tous les biens
qu'avait laissés le comte Thomas, mort en 1233. Ces prétentions n'é-
taient point fondées, et les gens d'affaires de Boniface n'eurent pas
de peine à le prouver. Pour le bien de la paix, les archevêques de
Vienne et de Maurienne et l'évêque de Belley, pris pour arbitres,
firent accepter aux deux parties une transaction, le 16 février 1255 :
Philippe fut autorisé à garder certains châteaux ciu'il tenait en Savoie,
mais comme le comte Thomas, son père, avait stipulé par testament
que le comté ne serait jamais démembré, on décida que ces divers
châteaux relèveraient du comte de Savoie, à qui l'élu de Lyon serait
tenu de prêter foi et hommage (2!.
Les Annales de l'Ordre des Chartreux, écrites par dom Le Coal-
teux dans les dernières années du XVII^ siècle et qu'on imprime en
ce moment pour la première fois, seront pour tous les historiens
dauphinois une mine féconde de précieux renseignements. Le qua-
trième volume, qui vient de paraître, nous permettra d'ajouter une
page à notre histoire de Philippe de Savoie. Déjà depuis plus de
deux ans des divergences d'opinions sur quelques articles de la
règle ■ menaçaient de porter le trouble dans la famille illustre de
S'. Bruno, où florissaient alors à un si haut degré la piété et la
science. On n'était point d'accord sur le lieu où devaient se tenir les
chapitres généraux, ni sur le mode de discuter et d'établir les règle-
ments ou ordonnances destinées à conserver dans leur pureté primi-
tive les traditions dé l'Ordre. Les religieux se partageaient en deux
camps : d'un côté se trouvaient Bernard, prieur général de la Char-
treuse et quelques adhérents ; de l'autre, la majeure partie des prieurs
des autres maisons. Comme on ne par\enait pas à s'entendre, on
(i) Mémoires et documents publiés par la société d'histoire et d'archéologie de
Genève, t. XVI, p. 175, n" 7, et p. 176, n° 8.
(2) WURSTE-MBERGER, t. IV, n° 387.
EVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 21 5
résolut de nommer une commission qui serait chargée d'aviser au
moyen le plus convenable pour ramener la paix au sein de la grande
famille ; ce.tte commission se composait de trois délégués, parmi les-
quels nous relevons le nom de frère Riffîer, prieur du Val-Ste-.Marie
(de Bouvantes), homme pieux et savant, dont les Annales font le
plus bel éloge et qui ne devait point tarder à devenir prieur général
de l'Ordre i). Les délégués comprirent que le plus sûr moyen d'en
finir avec ces contradictions était de soumettre les questions qui les
divisaient au jugement d'hommes sages, expérimentés et étrangers
à l'Ordre. En conséquence, usant des pouvoirs dont ils étaient in-
vestis, ils choisirent eux-mêmes pour arbitres et pacificateurs Jean
de Bernin, archevêque de Vienne, Philippe de Savoie, archevêque-
élu de Lyon, Humbert de Romans, maître général des Dominicains
et deux autres Frères Prêcheurs, Pierre Rochelin de Tarentaise et
Raoul Varey. L'acte dé nomination des arbitres est du i6 février
1255 (2). Quatre jours après, le samedi avant la fête de la Chaire de
S'. Pierre, le 20 février, les hauts personnages que nous venons de
faire connaître se réunirent dans le couvent des Frères Prêcheurs, à
Lyon, et y arrêtèrent les termes d'un règlement qui ne laissait place
à aucun doute sur les points en litige : ils décidèrent que les chapi-
tres généraux de l'Ordre devraient se tenir à la Grande-Chartreuse,
et que le soin d'y rédiger les statuts ou ordonnances serait dévolu au
prieur général et à un nombre déterminé de définiteurs nommés par
le chapitre, d'après un mode particulier qui est ici spécifié dans les
plus minutieux détails. Ce règlement, qui reçut la sanction du pape
Alexandre IV, a traversé les siècles et aujourd'hui encore il est en
vigueur chez les Chartreux, ce qui témoigne hautement de l'esprit
de sagesse qui a présidé à sa rédaction 13).
Mais, bien que Philippe de Savoie fût connu de son temps pour
un homme prudent et habile, ses vertus guerrières lui firent toute-
(i) Le Coulteux, Annales ordinis Cartusiensis, Monstrolii, t. IV (1888), p. 200;
« Vir liiteris saecularibus et divinis admodum eruditus, ut legitur in Chronico,
doctrina, ingenio et exhortatione efficacissimus, Cartusiensis Propositi constitutiones
ampliavit, compilavit, correxit, pulchroque stylo e.xornans ad perfectum usque per-
duxit Hujus operis gravitaem illiusque autoris eloquentiam extoUens noster
Sutor, audet affirmare tantam esse styli venustatem gravitatemque, ut et caesareas
leges ad vivum referre et omnes sui temporis scriptores styli nobilitate superasse
non dubitetur... »
{2) Le Coulteux, Annales, t. IV, p. 164-6.
(3) Le Coulteux, A7inales, t. IV, p. 166-71.
2l6 QUARANTE AWÉES DE L HISTOIRE DES
fois auprès de ses contemporains une plus grande renommée (i).
Les expéditions nombreuses auxquelles il avait pris part le dési-
gnaient comme un des meilleurs capitaines. Les événements de-
vaient plus que jamais le jeter dans cette vie des camps, pleine de
périls et d'aventures, vers laquelle du reste il se sentait invincible-
ment entraîné par ses goûts naturels. Son frère. Thomas de Savoie,
l'ancien comte de Flandre, avait, selon que l'intérêt le lui dictait,
tour à tour servi et abandonné le parti de l'empire ; après la mort
de Frédéric II, il s'était empressé de faire sa soumission au pape et
de reconnaître Guillaume de Hollande, le nouveau roi des Romains,
le compétiteur de Conrad IV". Guillaume lui avait confirmé toutes
les concessions de fiefs, qu'il avait obtenues naguère de Frédéric, et
fort de l'appui d'Innocent IV, qui lui avait donné en mariage une de
ses nièces, il travaillait avec une âpre opiniâtreté à se tailler dans la
haute Italie une petite principauté (2). Cette œuvre, à laquelle il
dépensait sa vie, lui avait créé des ennemis nombreux et irréconci-
liables. Le 23 novembre 1255, il s'était laissé battre complètement à
Montebruno par les habitants d'Asti et leurs alliés, qui le fli-ent
prisonnier ; pour comble de malheur, ceux-ci le livrèrent aux bour-
geois de Turin, qui lui avaient voué une haine toute particulière,
parce qu'ils le considéraient, non sans raison, comme le plus dan-
gereux ennemi de leur liberté. Thomas fut jeté dans les fers. A cette
nouvelle, Alexandre IV, le successeur d'Innocent, avait réclamé sous
les' plus terribles menaces la délivrance du prisonnier; il avait écrit
jusqu'en Angleterre pour ordonner la saisie de tous les biens des
marchands d'Asti et de Turin ; mais ni les menaces, ni les anathè-
mes ne parvinrent à briser les fers du malheureux captif. Philippe
de Savoie, Boniface, archevêque de Cantorbéry, et Pierre de Savoie
résolurent alors de tenter d'obtenir par la force des armes le salut
de leur frère. Le rendez-vous fut donné â Lyon, et c'est dans cette
ville que fut organisée la petite armée destinée à marcher contre
Turin (3J. Le 26 mai I2i56, Philippe de Savoie, sur le point de
(i) Philippe de Savoie, ayant eu vers le même temps à soutenir une lutte contre
le comte de Kibourg, afin de défendre les intérêts de Jean, comte de Bourji-ogne
et sire de Salins, ce dernier lui écrivit le q août 1255 ^^ '^ proclama lui et Pierre
de Savoie, son frère, les défenseurs des lil->ertés de la Bourgosme. NN'rRSTEMnRROEP,
t; rV, n" 409.
' (2) Elie Berger, p. CCLVIII-CCLIX.
(3) L'histoire de ces événements est très bien racontée par W'lrstembeuger. i. I".
p. 376 et suivantes.
EVEQUES DE VALENXE AU MOYEN AGE. 2 17
passer en Italie, crut prudent de faire son testament. Il donne en
usufruit à sa mère une rente de soi.xante livres viennoises à pren-
dre sur les revenus du château de Saint-Symphorien-d'Ozon ; il
donne à Thomas, son frère, ce qu'il possède à Aiguebelle; il fait de
nombreux legs à des monastères et aux églises et fonde des anni-
versaires, un notamment dans l'église de Valence, pour le repos de
l'âme de Guillaume de Savoie, son frère, autrefois élu de cette
Eglise. Enfin il institue héritiers universels de tous ses biens Pierre
de Savoie, son frère, et Béatrix, comtesse de Provence, sa sœur ij.
Quelques jours après, les trois frères franchissaient les Alpes à la
tète de leurs soldats et venaient mettre le siège devant Turin. Les
habitants de cette ville ne se laissent point intimider par ce déploie-
ment de forces militaires : ils acceptent vaillamment la lutte. Bien
qu'ils aient eu la précaution de faire sortir de la cité tous ceux qui,
par leur infirmité ou leur âge, étaient impropres au combat, ils ne
tardent pas à endurer toutes les horreurs de la famine, mais leur
résistance n'en devient que plus opiniâtre et le sort de Thomas plus
malheureux. Les assiégeants, multipliant leurs efforts, réussissent
pourtant à s'emparer du pont jeté sur le Pô, ainsi que des châteaux-
forts qui avoisinent la ville. Rien n'ébranle le courage des Turi-
nois. La fortune bientôt se prononce définitivement en leur faveur :
le désordre se met dans les rangs de l'armée savoisienne et les trois
frères se voient contraints de lever honteusement le siège de Turin
et de ramener en deçà des monts les débris de leur armée 2).
(i W'uRSTEMBERGER, t. IV', n°4^o. \ous ti'avons malheureusement qu'une analyse
de celte pièce.
(2) GuiLLELiiLS DE X.^NGi.^co, Gcsta S. Ludovici, dans Bouquet, t. XX, p. 390 ;
" .\nno Domini .M CC.LV .. Taurinenses in festo Beati démentis de consiiio As-
tensium ceperunt dominum suum Thomam..., quam proditionem Romana ecclesia
graviter l'erens iptos Taurinenses et Aslenses excômmunicavit Dicta vero
Taurinensis civitas a fratribus dicti Thomas fuit obsessa, non tamen capta. Oc-
cupaverunt tamen pontem super Padum et castra vicina, civitatemque multipliciter
afflixerunt.» — .Matth.cus Parisiensis, t. V, p. 548 et 565. « Peirus autem de Sa-
baudia constantissime cum magnatibus generis sui, videlicet Archiepiscopo Cantua-
riensi et electo Lugdunensi et aliis Sabaudiensibus, urbem Taurinum infestât, ita ut
deficientibus victualibus nec poterat eis pondu- proficere urbem suam imbelli po-
pulo vacuarent. Cives igitur quanto plus arctabantur, lanto firmius comitem Tho-
mam lenuerunt vinculatum : ut si cives puniendi forte caperentur, ipse cornes qui
primus et ultimus causam perturbationis suscitaverat, primitus puniretur » —
Cronica di yionteferrato, dans Moriondus, Monumenta Aquensia, Taurini. 1790.
in-4°, t. II, col. 191-2. — Raynaldi, Annales, aà an. 1256, n° 29.
2l8 QUARANTE ANNEES DE l'hISTOIRE DES
Quelques mois après, Thomas s'estimait heureux de racheter sa
hberté au poids de l'or (i). Les bourgeois de Turin et d'Asti lui
imposèrent un traité, les 5 et 27 novembre 1256, dont il se montra,
comme il nous sera donné de le constater, peu scrupuleux obser-
vateur (2).
Au mois de décembre de cette même année 1256, Philippe de
Savoie se trouvait à Valence. Riffîer, le prieur du Val-Sainte-Marie
que nous connaissons déjà, très attentif à ce qui pouvait assurer la
prospérité de son couvent, conclut alors avec l'élu de X'alence et un
certain nombre de seigneurs ayant des possessions sur le territoire
de Montélier, une sorte de bail, un albergement, comme on disait
alors, dont les clauses diverses jettent une assez vive lumière sur le
mode d'exploitation des terres au moyen âge. Riffier, au nom de sa
communauté, prit donc en ferme de Philippe, élu de Lyon et pro-
cureur de l'Eglise de \'alence , et des seigneurs nommés dans
l'acte (3). pour le prix de dix livres, monnaie de Vienne et de Va-
lence, payables chaque année à la Saint-Michel (29 septembre), tous
les pâturages du château de Montélier et de son mandement, à
l'exception des jardins, vignes, prés et autres réserves, à moins que
les propriétaires ne veuillent en accorder la libre entrée, à l'excep-
tion aussi du terrain des Mantouses, où la maison du Val ne pourra
mettre que six bœufs. Dans tout le reste, les chartreux auront la
faculté d'envoyer jusqu'à soixante trentaines de moutons, de la fête
de la Toussaint à la fin du mois de mai, et quatre-vingts vaches de
la fête de Saint André au premier dimanche de carême, en com-
pensant le retard à prendre possession des pâturages par une pro-
longation de temps. De plus, trente chevaux froncmz'y y seront admis
en hiver, pendant un mois entre la fête de Noël et le carême, avec
pouvoir de se retirer dans la grange de la maison du Val. il est bien
spécifié dans l'acte que les gens de Montélier ne pourront introduire
dans ces pâturages aucun bétail étranger, sauf les leurs propres et
ceux qu'ils tiennent à cheptel (ad médium lucrum). Le revenu de
(1) WURSTE.MBF.RGER, t. I, p. 416.
(2) WURSTE.MBERGER, t. IV, U" 433.
(3) Voici les noms des autres contractants : Odilon, Pierre, Ponce et Amédée de
Montélier, et François d'Eurre, chevaliers, Artaud d'Aouste, Bertrand d'Etoile (au
nom de Chaberte, son épouse;. Ponce Artaud de Montélier, Odon d'Aiixan, Garnier,
Gontard, Humbert Chanavel, .\rnaud Girin, Guillaume Massa et Guillaume de
Montélier.
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 210
cette concession sera partagé par moitié entre l'évêque de Valence et
les autres contractants : la part de chacun de ces derniers sera pro-
portionnelle à l'importance de ses possessions affermées. L'évêque
de Valence accorde en outre au prieur du Val-Sainte-Marie et à ses
successeurs la faculté de créer soixante-et-dix seterées de prés, sans
préjudice des droits d'autrui, avec possession exclusive; le bétail des
chartreux aura en outre la faculté de séjourner pendant une nuit
dans le mandement d'Alixan, tant en allant qu'en revenant. De plus
Philippe les autorisa à construire dans le mandement de Montélier
une grange destinée à remiser leurs foins et leur bétail de tout
genre; ils pourront y faire un four pour cuire leur pain et celui de
leurs serviteurs. Les contractants reconnurent avoir reçu du prieur,
à titre d'introges, cent livres monnaie de Vienne et de Valence, qu'ils
partagèrent suivant la règle établie plus haut. Ils promirent et ju-
rèrent sur les saints évangiles d'observer à perpétuité ce contrat.
Arbert de Chabeuil, doyen du chapitre de Valence, et les chanoines
de cette Eglise donnèrent leur consentement à l'acte. A leur tour,
ces mêmes chanoines affermèrent au prieur du Val, pour le prix de
dix sous viennois payables annuellement à la Saint-Michel, tous
les pâturages appartenant au chapitre de Valence dans le mande-
ment de Montélier, à l'exception formelle du territoire de Pontigat,
sous les clauses ci-dessus spécifiées ; ils reçurent comme introges
cent sous monnaie de Vienne et de Valence. Pour transmettre plus
sûrement cet accord à la postérité, on apposa au bas des originaux
de cette charte la bulle dont se servait Philippe pour les actes de
l'Eglise de Valence, le sceau de Saint-Apollinaire et ceux de Guil-
laume de Montélier, pour lui et son frère, d'Odilon, chevalier,
d'Artaud et de Bertrand d'Etoile, châtelains. L'acte fut passé à Va-
lence, en présence de maître Gérard de Montmaur, de Jean Capel,
d'Etienne Chais, de Gui de Boczozel, de Pierre de Langon, che-
valiers, de maître Jean, officiai, de Pierre, courrier de Valence, des
frères Etienne Bruchet et Richard, chartreux, et de plusieurs autres
personnages dignes de foi (i).
(i) Archives de la Drôme. Fonds de la chartreuse du Val-Sainte-Marie. Voir :
C.-U.-J. Chevalier, Notice chronologico-historique sur la chartreuse du V.-S.-M.,
dans Journal de Die, n° du dimanche, 27 septembre 1868. — L'année suivante,
1257, Bernard, prieur général de la Grande Chartreuse, ayant renoncé à ses fonc-
tions, eut pour successeur Riffier, prieur du Val, qui, pendant dix ans, demeura à
la tête de l'Ordre. Sous son habile administration, les chartreu.x prospérèrent et
220 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DE?
La cession du royaume de Sicile au fils du roi d'Angleterre occu-
pait encore Philippe de Savoie, au mois de juin 1257: le prince
anglais, sous le prétexte que les conditions imposées par la cour
romaine étaient trop onéreuses, renonça définitivement à une entre-
prise, à laquelle il voyait bien qu'il ne pourrait réussir i). Le 1^''
octobre 1257, l'élu de Lyon se trouvant à Saint-Symphorien-d'Ozon,
dont il était coseigneur, acheta de Girin de Saint-Symphorien la
portion de la seigneurie qui ne lui appartenait point encore et délivra,
le même jour, une charte de libertés et de franchises aux habitants du
lieu (2). Deux mois plus tard, la querelle des habitants de Turin
avec Thomas de Savoie entrait dans une phase nouvelle. Thomas,
comme nous l'avons dit, avait été délivré de prison sous certaines
conditions, donnant du reste des otages en garantie de ses enga-
gements. Mais ce prince, qui ne se piquait pas d'une grande délica-
tesse de conscience, à peine rendu à la liberté, avait oublié toutes
ses promesses. Les Turinois, profondément irrités de ce manque
de parole, menacèrent alors de livrer au dernier supplice les per-
sonnes laissées entre leurs mains. Un des otages, l'abbé du monas-
tère de Saint-Just de Suze, écrivit le 17 décembre 1257 à Philippe
de Savoie pour le prier de faire comprendre à son frère Thomas le
malheur auquel ils se voyaient exposés, lui et ses compagnons (31.
Thomas de Savoie mourut en 1259 et Philippe ne fut point oublié
dans son testament: le 12 octobre 1262, Henri, roi d'Angleterre,
écrivait à son chancelier, de payer, sur la demande des exécuteurs
testamentaires d'Amédée, comte de Savoie, et de Thomas, comte de
Flandre, une rente de tooo marcs à Philippe, élu de Lvon (4 .
Le 30 octobre 1260, Philippe, se trouvant à Valence, sanctionna
un accord intervenu entre TTuillaume. abbé de Saint-Ruf et frère
fondèrent de nouveaux couvents. Il reçut une letlre de Saint Louis, qui lui de-
mandait des religieux pour fonder un monastère près de Paris; il s'empressa de
répondre aux désirs du monarque, et Jocerand, qui l'avait remplacé comme prieur
du Val-Sainte-.Marie, homme du reste remarquable à tous égards, reçut la mi,-.sion,
avec le titre de prieur, de conduire et d'établir à Paris la petite colonie de moines,
partis de la Chartreuse. Voir Le Cocltel'x, Annales, ad an. i-'^y, n"' I\' et \',
tom. IV, p. 194-5.
(1) VVURSTE,MBERGER, t. IV, n° ^57 Ct 46 1 .
(2) Mémoires et doc. publiés par la Société savoisienne d'hist. et d'archéologie.
Chambéry, t. IV (jH6o), p. 146-9.
(3) WURSTE.MBERGER, t. IV, n" 47 v
(4) WrnSTEMBERGER, t. IV, n" Ç 8 I .
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 22 1
Bues, gardien des Frères Mineurs de Valence : celait un échange
de revenus que faisaient entre elles les deuN communautés (ij. Cette
même année Philippe fait lui aussi un échange de divers cens à
Saint-Symphorien-d'Ozon avec A'igUer (Aigleiùis), abbé d'Ainay, et
achète de Pierre Rivoire Revoeri) tous ses droits sur le péage et le
marché de la Côte-Saint-André. Au mois de février 1261 (n.s.) il
achète encore de Bompart du Château tous les droits qu'avait celui-
ci sur les personnes et les biens de Bernard et Aymon Lambert de
Maschevin, moyennant 60 sous de Viennois (2).
Seguin de Lugny, évêque de Mâcon, étant mort le 19 mai 1262,
le chapitre de cette Eglise lui avait donné pour successeur Jean de
Damas. Un mois après les funérailles de Seguin, le nouveau prélat
reçut l'onction épiscopale des mains de Henri de Suze, archevêque
d'Embrun, que Philippe de Savoie, métropolitain de Lyon, avait
délégué pour cette cérémonie (3). Par une charte datée de juillet
1263, Philippe fit quelques modifications au règlement des chanoines
de Fourvière à Lyon et porta leur nombre à dix : ils n'étaient
auparavant que quatre, le prévôt de la cathédrale de St-Jean ayant
en même temps le titre de prévôt de Fourvière (4J.
(i; Archives de la Drôme. Fonds de Saini-Ruf. «... Guillelmus, abbas, pro se
et conventu suo Sancti Ruti predicti et successoribus suis permutât... dicto B., gar-
diano, pro se et fratribus suis recipienii...duodecim denarios censuales cum dominio
quos domus S. Ruffi predicti percipiebat super quadam domo sita al ser, quam
fratres minores emerunt a Johanne de Annoniaco, contigua ab una parle domui de
lia Guicharde et ex altéra domibus diciorum fratrum minorum quas de novo acqui-
sierunt et ex altéra vie publiée... Dictus vero guardianus... eidem Guillelmo,
abbati... concedit in e.xcambium et veram permutationem pro predictis duodecim
denariis censualibus duodecim denarios censuales cum dominio , quos dédit...
Jarento Herpi, civis Valentinensis, eisdem fratribus minoribus, qui percipiuniur
super quadam domo^ sita versus furnum episcopi, quam tenet Willelma Crusola,
que quondam fuit Symundi Basterii... Nos autem dicius Philippus, divina misera-
tione prime Lugdunensis ec•:le^ie eleclus, procurator ecclesie Valeniine, dictam per-
mutationem... approbamus et... cartam patrocinlo bulle nostre fecimus communiri...
anno Domini M°.CC''.LX°., die veneris ante festum omnium sanctorum. » — Les
Layettes du trésor des chartes, n° 45QO, renferment le texte d'un document de l'an-
née 1260 (n.s.), avant Pâques, par lequel Philippe et ses chanoine:, de Lvon ven-
dent un fief à Thibaud, comte de Champagne.
(2) Archives_de l'Isère. B, 3605.
(3) De l.\ Rochette, Histoire des évéques de Mâcon, Mâcon, 1867, in-S", t. 11,
p. 256, 258. — Gallia christiana, t. IV, col. 146.
(4) Cahour, Notre-Dame de Fourvière, Lyon, 1838, in-8°, p. 61. — Péric.^ld,
Notice sur Philippe de Savoie, archevêque élu de Lyon. Lvon, 1855, in-8'' (:6
pages.', p. 10.
222 QUARANTE AXXEES DE L HISTOIRE DES
Cependant l'élu de Lyon et de Valence, dont les richesses ne fai-
saient que s'accroître, se rapprochait de l'objet vers lequel depuis
longtemps se portaient ses ambitieux désirs. Le 7 juin 1263, Boni-
face, comte de Savoie, à peine âgé de dix-huit ans, suivait dans la
tombe son oncle Thomas de Savoie. Le comté appartenait dès lors
à Pierre de Savoie, que l'histoire à surnommé le Petit Charlemagne.
Comme il était âgé et n'avait qu'une fille, Béatrix, épouse du Dau-
phin Guigues VII, notre prélat pouvait d'un moment à l'autre être
appelé à gouverner la Savoie. Philippe ne manqua pas de prendre
toutes les mesures pour que cette i-iche succession ne vînt pas à lui
échapper. On le voit auprès de son frère, lorsque celui-ci reçoit les
premiers hommages de ses vassaux (i). Il a soin d'obtenir de sa
sœur, la comtesse de Provence, l'abandon de tous les droits qu'elle
pourrait avoir sur les terres du comté de Savoie, ce qui fut réglé à
Lyon, le 25 août 1263 (2). L'année suivante, au mois de septembre,
un testament -du comte Pierre lui assure avec le titre de comte la
plus grande partie des biens de sa famille (3) et le 11 octobre de
cette même année 1264, Boniface, archevêque de Cantorbéry, lui
lègue par testament les châteaux de Roussillon, de Tournon, de
Châtelard, à la condition de payer 1000 livres viennoises à ses exé
cuteurs testamentaires (4). Au mois de mai 1265, Etienne de Rous-
sillon , chevalier , châtelain de Genève , prend l'engagement de
remettre aux mains de Philippe le château de Genève aussitôt qu'il
apprendra la mort du comte Pierre de Savoie (5).
La chronique française de Savoie, document de date relativement
récente, a consacré à Philippe de Savoie, une courte notice, dont
nous avons reproduit déjà les premières lignes : pour la partie de la
vie de notre prélat, à laquelle nous sommes arrivés, c'est-à-dire
pour la fin de 1265 et les premiers mois de 1266, elle nous fournit,
sous une forme très laconique, de curieux détails; nous y lisons en
effet : « Et tost après, il (Philippe) s'enala a toute noble compagnye
(i) Regeste genevois, n° 960, 126^, 19 août. Saint-Rambert-de-Joux. Hommage
prêté par Rodolphe, comte de Genevois, à Pierre, comte de Savoie, en présence de
Philippe, élu de Lyon.
(2) WuRSTEMBFRGER, t. IV, n' 620. « Aclum Lugduni, in domo VVillelmi de Au-
ziacOjCiviz Lugdunensis, anno Domini M°.CC"'.LX''.I1I''., VIII" kalend. septembris,
indicione V"^ . »
(3) WCRSTEMBERGER, t. IV, n° 657.
(4) WuRSTEMBERGER, t. IV, H" 665.
(5) WURSTE.M0ERGER, t. IV, n" 688.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 22 3
« de gens d'armes vers la Marque, qui estoit guerroyé a l'encontre
« du pape Clément 1111 par Conradin, lequel (Philippe) entra en
« Pueillie 'dans la Pouillej et ly aserirent (lui obéirent; ceulx de Ma-
« lestes en la Romanye et le conte d'Urbin et le signeur de Cane-
ci min, lesquels mons. Philippe de Savoye mist après en subgeccion
« et les fist venir a l'obéissance de l'Esglise et leur fist faire l'omage
« et les soubmist au pape. Quand il eust mené a fin la guerre de
" l'Esglise et qu'il eut mist a subgeccion tous les rebelles de l'Es-
« glise, il vint vers le pape, et vint rapporter ses affayres, dont le
« pape l'ayma moult ii) » D'après cette chronique, l'élu de Lyon et
de Valence aurait donc pris part à la croisade prêchée en 1265
contre Manfred, le bâtard de Frédéric II, qui avait enlevé à Conra-
din, son neveu, le royaume de Naples et de Sicile. Comme on le
sait, Charles d'Anjou, couronné roi de Xaples, à Rome, le 6 janvier
1266, commença bientôt, à la tête d'une nombreuse armée de
croisés, cette guerre qui devait aboutir à la ruine du parti de iMan-
fred ; celui-ci fut battu près de Bénévent, le 26 février 1266 et périt
dans la mêlée. Après cette victoire, les ci-oisés n'eurent pas de peine
à reprendre les diverses places qu'occupaient les troupes du jeune
Conradin, le neveu et le compétiteur de l'infortuné Manfred. Que
Philippe de Savoie ait pris une part active à cette croisade, dont le
succès devait assurer un trône à sa nièce, Béatrix de Provence,
épouse de Charles d'Anjou, il n'y a rien là que de très probable;
nous ne sommes malheureusement pas en mesure de contrôler sur
ce point l'exactitudetde notre chronique, mais là où elle se trompe
certainement, c'est quand elle affirme que Clément IV, plein de
reconnaissance, « ayma moult « Philippe de Savoie et se félicita de
compter parmi les prélats de l'Eglise un aussi habile guerrier. Voici
en effet ce que nous apprennent des documents dont le témoignage
est beaucoup plus sûr.
Dès les premiers jours qui suivirent son avènement au pontificat,
Clément IV s'était vivement occupé de la triste situation du diocèse
de Valence, où depuis plus de quarante ans les fidèles étaient sans
pasteur, car on ne saurait en réalité donner ce nom à des hommes
que la naissance et la fortune seules avaient conduits aux saintes et
redoutables fonctions de l'épiscopat ; à des hommes qui n'avaient
point voulu entrer dans les ordres sacrés, afin de se soustraire aux
(i) tMonumenta historix patries. Scriptores, t. I, p. 147.
224 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
conséquences d'un engagement détinitil et qui paraissent s'étrè appli-
qués avant tout à conserver, à augmenter les revenus de leurs béné-
fices. Ce pontife vertueux et savant avait passé la plus grande partie
de sa vie en Languedoc et en Provence, où il remplit les plus hautes
fonctions séculières et ecclésiastiques ij: il connaissait donc parfai-
tement les maux qui désolaient nos Eglises. Sans cesse de nouveaux
désordres lui étaient signalés. Aymar de Poitiers, mettant à profit le
perpétuel éloignement de lélu de Valence, faisait des excursions à
main armée sur les terres des églises et des monastères, les moines
de Saint-Chaffre se plaignaient plus que les autres de la rapacité et
des violences de ce seigneur (2). De son côté, le Dauphin, qui tra-
vaillait sans relâche à l'agrandissement de ses domaines avait enlevé
quelques châteaux appartenant à Philippe; il en était résuit '- une
guerre, qui se termina par un traité conclu à Vienne, le 10 avril
1266(3). ^^ conscience du pape s'alarmait, lorsqu'elle venait à con-
sidérer que pour sauvegarder peut-être quelques vils intérêts dun
jour, on sacrifiait le bien éternel des âmes, qui demandaient un
évêque. Il adressa à Philippe de sévères remontrances pour l'enga-
ger à soccuper désormais des devoirs de sa charge, après avoir
reçu les ordres sacrés, ou bien à renoncer définitivement à l'état
ecclésiastique ; il le menaça même des censures de l'Eglise, s'il
n'obéissait point (4). Celui-ci pour donner un commencement de
(1) Raynaldi, AnnaUs, ad an. 1265, n'.« 1 et 2. — Clément IV (Guy le Gros-
Fulcodi) était né à Saint-Gilles. Son père mourut chartreu.x, et lui-même avait eu
un moment la pensée d'entrer dans cet ordre. (Le Coultku.x, Annales oïdinis Car-
tusiensis, t. I\', p. 25 3).
(2) C.-U.-J. Chevalier, Documents inédits relatifs au Daiiphiné. Grenoble, 1868,
sixième livraison, p. 44.
(3) WuRSTE.MBERGER, t. I\', n° ■joh. — GalUa Christiana. t. I\', col. 146.
(4) La lettre adressée par Clément IV à Philippe de Savoie, le 5 mai 1267, pour
lui enjoindre de quitter le siège de Lyon, ou bien de se faire ordonner, nous ap-
prend que le Pape antérieurement à cette époque, ne lui avait épargné ni les aver-
tissements, ni les menaces. Voici du reste cette lettre d'autant plus, intéressante
qu'elle était toute personnelle et destinée à demeurer secrète : » Dileclo filio Lug-
duncnsi electo. .\osii quantum et quam pacifiée sustinuimus negligentiœ luœ de-
fecium, qui dudum ad sacros ordines debuisses ascendere et, munere consecratio-
nis obtento, intendere diligentius s.iluti crediti tibi gregis. Sane quod tania pa-
tientia prœrogata, tôt apostoliccC sedis gratiis inculcatis, ulterius pati nolumus ani-
marum d-spendia, quae pastoris diu regimine caruerunt, non ex odio sed ex vera
dilcctione processit quam sic aJ te habere volumus, ut ulililatem multi^rum nudo
tuo beneplacito praeferamus. Cum igitur in du irum capite viarum dudum sleteris,
tempus est ut in altéra te stabilias, nec ancipiti volvaris proposito, sed vel a modo
ÉVÊQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 225
soumission aux ordres du pape, consentit enfin à se démettre de son
évêché de Valence, gardant l'archevêché de Lyon, le plus riche de
ses bénéfices. Le 7 juillet 1266, Clément IV écrivait de Viterbe aux
archevêques d'Embrun et de Tarentaise pour les charger d'annoncer
officiellement au chapitre de Valence que Philippe quittait volontai-
rement le siège épiscopal. Le mot volontairement était ici employé
pour ménager la susceptibilité du démissionnaire (i) : Le pape délé-
gua les deux archevêques pour recevoir les comptes de l'administra-
tion de Philippe et pour enjoindre aux chanoines de Valence d'avoir à
élire dans les trois mois qui suivront cet acte, quelques-uns d'en-
tre eux, qui de concert avec la cour romaine, choisiront un sujet
digne de l'épiscopat et capable de gouverner le diocèse dans ces
difficiles circonstances.
Plus de sept mois s'écoulèrent encore avant que la bulle de Clé-»
ment IV fût mise à exécution. Philippe voulait garderie plus long-
temps possible les revenus de son bénéfice ; du reste bien des
affaires l'empêchaient de se rendre à Valence. Au mois de juillet
1266, il concluait une ligue offensive et défensive avec Albert de la
Tour, Aynard de Clermont, Artaud de Roussillon, Raymond de
Mévouillon, Hugues Salvaing et quelques autres seigneurs (2). La
mort de l'archevêque de Vienne, Jean de Bernin, arrivée le 17 avril
1266 (3), donna lieu à de nouvelles difficultés, qui furent encore une
cause de retard : les chanoines de Vienne ne parvenant point à
s'entendre sur le choix d'un archevêque, avaient cédé leurs pouvoirs
à l'élu de Lyon, qui était en même temps doyen de leur Eglise, le
prœlaium impleas vel ecclesiœ Lugdunensi amplius non illudas. Nos vero suspen-
sionis sententiam, quam in te olim lulimus, ad tempus prorogavimus ad preces vene-
rabilis frairis nostri H(enrici) episcopi Osliensis. Daium Viterbii, 111° nonas maii,
anno 111°. »
(1) Dans cette lettre du 7 juillet 1266, qui devait être lue devant les chanoines
de Valence, le pape use de beaucoup de ménagements à l'égard de Philippe, et
lui laisse tout le mérite d'une démission qui lui était imposée. Ce fut, comme on
pourra le lire plus loin, Henri de Suze, cardinal-évèque d'Ostie, l'ancien archevê-
que d'Embrun, qui servit d'intermédiaire entre Philippe et le pape durant le cours
de ces pénibles négociations.
(2) Salvaing de Boissieu, De l'usage des fiefs, Grenoble, 1731, t. 1, p. 98.
(3) Cet illustre archevêque, qui gouverna l'Eglise de Vienne pendant près de cin-
quante ans et dont le nom figure dans une multitude de chartes, mourut à Rome ;
son corps, rapporté dans nos pays, fut enseveli à Romans, dans l'église St-Barnard,
qu'il avait en partie fait construire. Giraud, Essai hist. sur Romans. IP partie, p.
32. — Le Coulteux, Annales, t. IV, p. 262.
Bull. IX, 1889. 17
220 QUARANTE ANNÉES DE l'hiSTOIRE DES
chargeant de faire lui-même cette élection. Philippe proposa Guy
dAuvergne, un de ses parents, prévôt de Lille en Flandre, qui
n"était pas encore sous-diacre et qui possédait, sans dispense, plu-
sieurs bénéfices incompatibles. Le pape hésita longtemps à confir-
mer une élection qui ne paraissait pas promettre d'heureux fruits (r).
Les nombreuses procédures faites à cette occasion durent absorber
l'activité de Philippe.
Enfin, le 24 février 1267, jour de la fête de saint Mathias, les cha-
noines de \'alence se réunissaient capitulairement, sous la prési-
dence de Jacques fde Serène), archevêque d'Embrun ; celui de
Tarentaise, également délégué par le souverain pontife, n'avait pu
se rendre à Valence. Voici les noms des chanoines présents à cette
assemblée : Guillaume (de .Monteilj, prévôt, Guillaume de Haute-
ville, doyen, Bernard, abbé de Saint-Félix, Guiffrey, archidiacre,
Roger de Clérieu, Pierre de Châteauneuf, Pierre Rostaing. Guillau-
me d'Entraigues, Hugues Peloux, Pierre de Lanatio, Guigues de
l'Eparvière, Guillaume Charfaud, Francon de la Motte, Geoffroy de
Chaste, Etienne Chaix, Guillaume de Vienne, Bertrand de la
Voûte, Bonnet et Aymar de la Roche. Frère Andrée Je Crimeraco,
gardien du couvent des Frères Mineurs de Valence, et Jean, prieur
des Dominicains de cette ville assistèrent à la réunion. L'archevêque
d'Embrun notifia officiellement aux chanoines la démission de leur
évêque et donna lecture de la lettre de Clément IV, qui le déléguait
pour recevoir cette démission et ordonner au chapitre de Valence de
mettre un terme à la vacance du siège avant trois mois. Philippe de
Savoie, qui s'était rendu en personne à l'assemblée, se démit aussitôt
de sa charge et présenta les comptes de son administration. Nous
traduirons quelques passages de l'intéressant document, rédigé à
cette occasion et dont le lecteur trouvera plus loin le texte complet,
fidèlement copié sur l'original.
« Quant à l'état dans lequel se trouvait l'Eglise de Valence,
« lorsque l'élu sus^diten prit possession, voici l'exposé qu'il en a fait
« en présence de ces mêmes chanoines. 11 dit, et tous furent unani-
« mes à le reconnaître, que cette Eglise était alors désolée parles
« fléaux nombreux que la guerre traîne après elle, et que de plus elle
« était accablée de dettes qui ne faisaient que s'accroître. Elle était
« entourée de perfides ennemis, et des voisins puissants pouvaient
(i) Balcze, Histoire généalogique de la maison d'Auvergne, t. Il, p. 9^. — .Mar-
TÈNE, Thésaurus, t. II, p. 409, 452.
à
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 22/
impunément se ruer sur elle. Il s'est donc vu dans la nécessité
d'entreprendre de? guerres, et au prix de sacrifices pécuniaires
qu'il est à peu près impossible de déterminer, il a conduit avec
succès toutes ces expédition, tant par lui-même que par ses capi-
taines : l'Eglise de Valence en a retiré et de la gloire et du profit.
Il s'est vu en butte à la perfidie de créanciers exigeants et pour
guérir son Eglise de cette plaie qui la dévorait il a payé plus de
31,000 livres de dettes, capital et intérêts; dettes dont la dite
Eglise était grevée à son entrée en charge. Il ne parle point d'une
multitude de petites sommes, qu'il a encore payées et dont il n'a
point gardé le souvenir. Pour justifier de toutes les dettes qu'il a
contractées lui-même, comme de toutes celles qu'il a payées, il a
placé sous les yeux des chanoines tous les documents, tous les
actes rédigés à ce sujet. Actuellement l'Eglise de V'alence peut se
trouver endettée d'environ 2,100 livres, qu'il a empruntées lui-
même à différents créanciers, et pour lesquelles il a engagé pen-
dant quelques années seulement ou bien encore cédé à titre de
vente, certain revenus de l'Eglise ; mais il n'y a aucun intérêt à
payer. Mais ce qui est dit ici d'une manière générale, apparaîtra
plus clairement dans le détail. Voici donc ce que l'élu précité, en
présence des dits chanoines, a affirmé avoir payé des anciennes
dettes de l'Eglise de \^alence : 275 livres au chanoine de Valence
Aquin, pour recouvrer le château d'Alixan ; 180 livres à Raymond
Ebraud et à ses frères pour recouvrer les châteaux de Montvendre
et de Beaumont; 1700 livres pour recouvrer les châteaux de Crest
et de Livron ; pour le testament de Silvion de Crest environ
100 livres à Bernard de Viviers : Total des dettes payées:
31,000 livres, sans parler des dépenses occasionnées par les guer-
res, dépenses qu'il serait impossible d'énumérer. » Suit l'énumé-
ration des diverses dettes contractées par l'élu et qui sont encore
à payer. L'archevêque d'Embrun continue ensuite son rapport en
ces termes: « Total des dettes à payer: 2,100 livres environ. L'élu
« précité pourrait maintenant exposer avec détails {qualiter, in qui-
« bus et in quantum) toutes les améliorations qu'il a apportées dans
0 l'état de son Eglise : les revenus annuels considérablement aug-
« mentes, les châteaux munis de nouvelles fortifications et de tout
« ce qui peut en assurer la défense ; mais sur tous ces points il veut
« garder le silence pour ne point s'exposer à paraître mendier des
« félicitations et des éloges. Toutefois il ne peut s'empêcher de faire
228 QUARANTE ANNEES DE l'hISTOIRE DES
« observer qu'il laisse à son Eglise un revenu annuel qui dépasse
« de 7 à 800 livres viennoises celui qu'elle avait quand il prit en
« main la gestion de ses affaires. » La charte que nous venons
d'analvser et dont nous publions ci-dessous le texte, fut scellée par
Tarchevêque d'Embrun, l'élu de Lyon et le chapitre de Valence.
Sanctissimo patri et domino C^lementi), divina providentie cle-
mentia summo pontifîci, J(acobus) (i),Dei et apostolica permissione
suus Ebredunensis archiepiscopus, seipsum ad devota pedum oscula
provolutum. Sanctitatis vestre liiteras, michi et venerabili patri do-
mino Tarentasiensi archiepiscopo directas, recepimus sub tenore
inferius annotato : Clemens, episcopus, servus servorum Dei, vene-
rabilibus fratribus... Ebredunensi... et... Tarentasiensi... archiepis-
copis, salutem et apostolicam benedictionem. Cum ecclesiarum
omnium, Domino disponente, Romana sancla mater sic eam preesse
oportet in sollicitudine universis, ut distributis affectibus, pro varia
necessitate causarum et temporum, intendat specialiter, per officium
dispensationis crédite, commodis singularum. Ex hujusmodi siqui-
dem materna sollicitudine, hactenus dinoscitur processisse quod sedes
apostolica necessitatem ecclesie Valentinensis, que guerrarum incur-
sibus vexabatur et hostium, necnon gravium premebatur onerc debi-
torum, non sine amaritudine cordis attendens ac super hoc volens et
congruis remediis subvenire, procurationem illius dudum dilecto filio
Philippo, Lugdunensis electo, nobilitate morum et generis redimito,
commisit, sicque dictam Valentinensem ecclesiam, per industriam
et potentiam ejusdem electi, non solum ab hujusmodi vexationibus
(1) Il s'agit ici de Jacques de Serène . qui fut le successeur sur le siège ar-
chiépiscopal d'Embrun de Henri de Bartolommei, de Suze ; ce dernier, célèbre
canoniste, avait été nommé cardinal-évêque d'Ostie et Velletri le g janvier 1263
Jacques de Serène était prévôt d'Embrun et chapelain du pape Urbain IV, qui le
chargea en 1263 de signifier à Manfred les conditions auxquelles ce prince serait
autorisé à faire un voyage à Rome pour conférer avec le pape touchant les affaires
de Naples et de Sicile (Raynaldi, Annales, ad an. 1263, n° 69). M. l'abbé Paul
Guillaume a bien voulu nous faire connaître trois documents concernant cet arche-
vêque : 1265, 4 décembre. Vente par Rolland Olivier et Hugues Bérard, de Châ-
teauroux, « Venera'-^ili patri domino J., Dei gratia Ebredunensi archiepiscopo », de
tous les droits qu'ils ont à Châteauroux. — 1267, 15 décembre. Reconnaissance
par Guillaume Radulphi, damoiseau, « venerabili patri et domino J., Dei gratia
Ebredunensi archiepiscopo. » — 126S, 8 novembre. «... Anno dominice incarna-
tionis millesimo CC". LX°. Vlll°, die VllI mensis novembris, Petrus Durandi ven-
didit et concessit domino Poncio Chaulerio, recipienti nomine et vice venerabilis
patris domini Jacobi, Ebredunensis archiepiscopi, quamdam domum sitam in Ebre-
duno, in parrochia Sancti Vincencii.., « Ces quelques notes permettront de recti-
fier le Gallia christiana qui laisse Henri de Suze à Embrun jusqu'en 1271, époque
où il mourut à Lvon.
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 229
extitit nolius defensataet a debitorum relevata v'oragine, verum etiam
gratum augmentum in temporalibus dicitur multipliciter suscepisse.
Sane cum idem electus, per nuncium suum et litteras spéciales ad
venerabilem fratrem iiostrum Hienricum) Ostiensem et Velletrensem
episcopum directas, ab onere procurationis hujusmodi qua se asserit
pregravari a nobis cum instantia relevari et absolvi petierit, cujus
administrationem saltem pro quiète sui cordis et corporis dimittere
prorsus intendit, Nos devicti precum suarum et episcopi ejusdem ins-
tancia, ipsius electi votis in hac parte fore decrevimus annuendum,
fraternitati vestre per apostolica scripta mandantes quatenus vos vel
aller vestrum cum eodem electo ad predictam Valentinensem eccle-
siam personaliter accedentes resignationem procurationis et admi-
nistrationis hujusmodi, vice nostra, liberaliter admittatis, audientes
ab eo in quo statu recepit et dimittit ecclesiam supradictam. Verum
licet nos eidem ecclesie Valentinensi, tum quia electus ipse procura-
tionem et administrationem easdem, quas liberaliter in nostris rési-
gnât manibus, de gratia sedis apostolice gessisse dinoscitur, tum
quia ecclesia ipsa diutius presule vacavisse censetur, tum etiam ut de
plenitudine potestatis apostolice taceamus, quia mera nostra provi-
sio eidem ecclesie forsitan expediret, possemus sine cujusque injuria
de pontifice providere, intendentes tamen capitulo ipsius ecclesie
gratiam super hoc facere specialem, volumus vobisque mandamus ut
vos vel alter vestrum, postquam hujusmodi resignatio ab eodem
electo facta fuerit et a vobis admissa, capitulum, scilicet canonicos
qui tune présentes in ecclesia predicta fuerint vel qui infra quattuor
dies ibidem esse poterunt convocetis, ac sibi resignationem predic-
tam et statum in quo electus ipse dictam dimittit ecclesiam estimatis
ex parte nostra, districte precipiatis eisdem ut aliquos ex ipsis ydo-
neos, quibus potestatem plenariam providendi, de nostro consilio et
assensu, sibi et eidem ecclesie Valentinensi per electionem aut pos-
tulationem canonicam de persona ydonea, vel recipiendi, vice om-
nium, provisionem salutarem quam annuente Domino faciemus ipsi
ecclesie de pastore, concédant infra très menses a die hujusmodi ves-
tri precepti, quos illis pro termino peremptorio assignamus, desti-
nare procurant. Nos enim decernimus irritum et inane si circa
electionem vel postulationem in eadem ecclesia faciendam secus fuerit
aliquid attemptatum. Qualiter autem et quando ac etiam coram qui-
bus vos vel alter vestrum procureritis, universa quoque et singula
que feceritis et inveneritis in premissis, nobis per vestras litteras de
verbo ad verbum tenorem presentium continentes fideliter exponatis.
Datum Viterbii, nonis julii,. pontificatus nostri anno secundo. —
Prefato itaque domino... Tarentasiensi archiepiscopo in remotis
agente et super hoc per suas litteras sui absenciam excusante, ego
cum prefato domino. . electo personaliter ad ecclesiam Valentinen-
sem accessi, ubi resignationem procurationis et administrationis
ecclesie Valentine, quam in manu mea vice vestra prefatus electus
liberaliter fecit, admisi, audiens ab eo, in presentia canonicorum et
infrascriptorum testium, in quo statu recepit et dimittit ecclesiam
230 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
memoratam, sicut inferius planius exponetur, capitulo predicte eccle-
sie scilicet canonicis qui tune présentes aderant convocatis, et nullus
aherat, ut dicebant, qui posset infra tempus vestris liiteris compre-
hensum expectari comode vel citari. Quibus ex ordine juxta man-
dati vestri tenorem peractis ex parte nostra, canonicis eisdem dis-
tricte precepi ut aliquos ex seipsis ad hoc ydoneos ad presentiam
sanctitatis vestre infra très menses, quos illis in eadem littera pro
termino peremptorio assignastis procurent, quibus potestatem ple-
nariam providendi de vestro consilio et assensu sibi et ejusdem ec-
clesie Valentinensi per electionem aut postulationem canonicam
de persona ydonea, vel recipiendi vice omnium provisionem quam
eidem ecclesie faciendam duxeritis de pastore concédant, significans
eis, lecta nichilominus de verbo ad verbum predicta sanctitatis vestre
littera coram ipsis, quod vos irritum et inane, si quid circa elec-
tionem vel postulationem in eadem ecclesia faciendam secus attemp-
tatum fuerit decrevistis. — De statu in quo prefatus electus recepit
ecclesiam Valentinam, talem, in eorumdem canonicorum presentia.
reddidit rationem. Dicit enim, et omnes unanimiter confitentes, quod
ecclesia ipsa tune temporis variis guerrarum discriminibus vexaba-
tur, mullorum ae multiplicatorum premebatur onere debitorum, non-
nullis insuper subjacebat insidiis ac multorum et potentium patebat
incursibus vicinorum. Guerris igitur non sine sumptu vix explicabili
per se et suos ad honorem et manifestam utilitatem ecclesie lauda-
biliter consummatis, sic prêter usurarum incommoda obvians, nichi-
lominus malignorum conatibus et pressuris circa debitorum rele-
vandam voraginem laboravit quod trigenta et unum milia libras
Viennenses et amplius computat exolvisse, tam de quam pro debitis
in quibus invenit ecclesiam obligatam, prêter minutorum multitudi-
nem oblitorum de quibus, ut asserit, vel per litteras super hujus-
modi debitis contractis concessas, redditas et incisas vel per instru-
menta super facta solutione confecta, aut in aliquibus per testes et
alia légitima documenta potest hodie fieri plena fides ; nunc enim
circa duo milia et centum libras debere potest ecclesia Valentinensis,
de debitis per ipsum dominum eleetum contractis, pro quibus exsol-
vendis quosdam ecclesie redditus ad paucos annos diversis creditoribus
obligavit, sivetitulo venditionis tradiditin solutum,nec debeturaliquid
sub usuris. Ea autem que dicta sunt in génère seu in summaclarius
specificala per pecias patefiant. Ilec sunt que memoratus dominus
Electus, in presentia eorumdem canonicorum computans asseruit se
de antiquis debitis exsolvisse, videlicet : 1I<^ LXXV libras domino
Aquino, canonico Valentinensi et quibusdam aliis pro redemptione
castri de Alexano. Item, novies vigenti libras Raymundo Ebraudi et
fratribus suis pro redemptione castri Montis Yeneris et Belli Mon-
tis. Item, mille et septingenta libras pro redemptione castrorum
Criste et Liberonis. Item, quadringentas et quinquagcnta libras do-
mino Guillelmo Armandi'pro redemptione castri Mirmande. Item,
mille libras vel circa Rogerio de Cleyriaco et domino Silvioni fiHo
suo, pro redemptione castri de Auriolo et de Castro Novo super
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 23 1
Ysaram. Item, octingentas et quinquaginta libras vel circa Petro Ju-
liani, de Argenteria, pro redcmptione peJagii Valentinensis. Item,
quingentas quinquagenta libras Petro Cocti et Guillelmo del Proost
et eorum sociis pro redemptione pedagii ejusdem. Item, solvit duo
milia quingentas et quadraginta libras Leonardo Jordans et ejus
societati, mercatoribus Senensibus. Item, trecentas et quadraginta
marchas argenti Chinchio civi et mercatori Romano et ejus societati.
Item, mille libras turonens(es) vel circa aliis mercatoribus Romanis,
videlicet Angelo, dicto Albrico vel Bochabella, et sociis ejus. Item,
ducentas libras turonenses vel circa P. Sarracens, militi, de Roma.
Item, Vienne solvit, per manum Aymonis Cathene, circa sexentas
libras in minutis debitis. Item, ibidem, circa septingentas libras per
manum Antelmi de Chinniris, quondam cantoris Viennensis, in mi-
nutis debitis. Item, quingentas libras Viennenses Gaufrido Baudoin!
civi Viennensi pro redemptione caparum ecclesie \'alentin. et porta-
rùm aurearum. Item, ducentas libras Gebennenses tam pro se quam
pro Aymone de Gavellyes, canonico Gebenn ensij, capitulo Geben-
nensi. Item, trecentas libras Gebennenses domino Guillelmo de Grey-
siaco. Item, ducentas libras et sexaginta Turonenses Umberto Ber-
tondi de Claromonte in Gebennesio. Item, mille libras Viennenses
domino Fuciniaci. Item, quinquagenta libras domino Umberto de
Villete pro fidejussione emendata nomine electi Guillelmi. Item, quin-
quaginta libras domino Thome de Coflens pro eadem causa. Item,
quinquaginta libras domino Bellifortis pro eodem. Item, quinqua-
ginta libras domino de Brianzon pro eodem. Item, centum libras do-
mino Myolani pro eodem. Item, ducentas libras Soneto, judeo, de
Chamberiaco. Item, trecentas L libras priori de Corbellino. Item, du-
centas et septuaginta libras dominoThorenco de Chamburcio, militi.
Item, quinquaginta libras domino Arnaudo de Fabricis pro fidejus-
sione emendata. Item, quingentas L libras Umberto et P. de Castil-
lone, burgensibus de Seysello ex una parte, et sexentas libras eisdem
ex altéra. Item, quingentas libras Umberto de Varey magno, civi
Lugdun. Item, quadringentas XL libras Humberto de Plastro, civi
Lugdun... Item, ducentas libras abbati Girino Athanacen .. Item,
ducentas libras domino Guichardo de Condriaco. Item, ducentas libras
Johanni et Poncio Blanchardi, civibus Lugdun . Item, centum libras
Petro Ruphi, civi Bellicens.. Item, circa trecentas libras Marroni civi
Asten.. Item, ducentas libras Petro Barlo, civi Asten.. Item, domino
Galli de Gordan ducentas libras. Item, circa mille libras abbati Se-
cusie. Item, centum libras .Aymoni Sibille. Item, centum libras Ay-
moni de Caméra. Item, circa centum L libras domino Guillelmo
Beraudi, militi. Item, centum libras Grosso de Vaudanny. Item, cen-
tum libras Guidoni Pallet, de Augusta. Item, decies'ac septies^viginti
marchas argenti Johanni de Chatedagne. Item, circa quadringentas
libras episcopo Cenoman... Item, circa centum libras episcopo
Uticen... Item, ducentas libras Guillelmo, archidiacono": Vien-
nensi. Item, Johanni de Briort et P. de Saypaysi circa trecentas
L libras. Item, quadringentas libras Clare, mercatori Florentino, et
232 QUARANTE ANNEES DE L HISTOIRE DES
ejus societati. Item, quingenias libras Jacobo de Pontemblo, militi.
Item, domino Rainco, senescalco tune comitis Provincie, centum
libras. Item, ducentas libras Anselmode Sancto Genesio, civi Vien-
nen.. Item, centum libras Bermundo Milsont de Avignione et ejus
socio. Item, centum libras cuidam de Arelate, de cujus nomine non
recolit. Item, mille septingentas marchas argenti militibus qui fue-
runt in exercitu cum domino electo Guillelmo. Item, pro testamento
domini Silvionis de Crista centum libras Bernardo de Vivariis et
Avioni. Item , priori sancti Felicis debitum quod debebatur ei.
Item , Guillelmo Seytre quod debabetur ei. Item , quibusdam
hominibus de Dracuta septem viginti libras Item , Geraudo de
Sales circa viginti quinque libras. Item, fratribus Predicatoribus
Valentinens. vigenti quinque libras. Item , Fratribus Minoribus
Valen. XXV' libras. Domui Cartusie XXV libras. Domui de Cujis
XXV libras. Domui Vallis Sancte Marie XXV libras. Item, domino
Artaudo de Rossillon centum libras. Guillelmo de Tornon centum
libras. Domino Anoniaci centum libras. Lamberto de Monteil cen-
tum libras. Berengario de Bordell quinquagenta libras, ut tradit.
Raymundo Berengario centum libras. Petro de Morges et Fromondo
filio suo centum libras. Summa solutorum triginta et unum millia
librarum Viennensium vel circa, Turonensibus et marchis argenti in
Viennenses redactis, prêter expensas guerrarum, quas numerare
non potest — Sequitur videre quibus et super quo et quantum de-
betur de debitis tempore suo contractis. Et est sciendum quod super
pcdagio debentur Bartholomeo Vincencii et fratribus suis mille du-
cente libre, que debent solvi de proventibus dicti pedagii ab instanti
carnisprivio in duos annos. Item, debentur super Alessiano ducente
libre, que debent solvi a mense octobri preterito in duos annos. Item,
debentur super banno vini trecente libre. Item, super laudimiis et fir-
mamentis trecente libre. Item, Chaberto bayle centum libre. Summa
debitorum hujusmodi duo milia et centum libre vel circa. Qualiter
autem, in quibus et quantum ecclesia fuerit suis temporibus emen-
data in annuis redditibus quam eciam augmentala, castra firmata
forcius et munita, hoc reticet ne forte, quod patulum est, ipso facto
quamdam commendationis speciem ex verbornm suffragio mendi-
caret. Verumtamen circa septengentas vel octogintas libras Vien-
nenses et amplius potest hodie dicta ecclesia, in annuis redditibus,
recipere plus quam haberet tempore quo dictus electus administra-
tionem ejus recepit. Actum, resignatum, computatum et cetera, ut
supra, juxta mandati vestri continentiam, gesta sunt apud Valen-
tiam, in capitulo, presentibus canonicis infra scriptis, videlicet Guil-
lelmo, preposito, Guillelmo, decano, Bernardo, abbate Sancti Felicis,
Guiffredo, archidiacono, Rogerio de Clariaco, Petro de Castro Novo,
Petro Rostagni, Guillelmo de Interaguis, Ilugone Pilosi, Petro de
Larnacio, Guigone d'PIsperverio, Guillelmo Charfaldi, Francone de
Mota, Gaufredo de (3haste, Stcphano Chays, Guillelmo de Vienna,
Bertrando de Voûta, Boneto et Aymaro de Rupe. Interfuerunt nichi-
lominus frater Andréas de Crimeraco, gardianus Fratrum Minorum
EVEQUES DE VALENCE AU MOYEN AGE. 2^^
Valent., frater Johannes de Rupe, frater P. Johannis, prior Fratrum
Predicatorum Valent., frater Johannes Boverii ejusdem ordinis, B.,
obedienliarius Sancti Justi Lugdunensis, Hugo, sacrista Lugdun.,
P. Marescala, canonicus Lugdun., Peregrinus, archidiaconus Ebre-
dunen., Laurentius, archipresbiter Ambron., magister Guillelmus
de Monte Verduno, dominus P. Arfuelo et dominus Umbertus de
Palato, presbyteri, Asenetus, Bertrandus Estevennas, Guichardus,
diaconus, Guillelmus Don, deTornon, diaconus, P. Planerii, subdia-
conus, Johannes Ardenius, subdiaconus, et plures alii In quorum tes-
timonium ego dictus Ebredun. archiepiscopus, una cum sigillis do-
mini electi et capituli predictorum, sigillum meum duxi presentibus
apponendum. Et ego Philippus prime Lugdun. ecclesie electus, qui
procurationem et administrationem ecclesie Valent., sicut superius
dictum est, liberaliter resignavi nosque prefate ecclesie Valent, capi-
tulum sigilla nostra presentibus duximus apponenda in testimonium
veritatis et memoriam rei geste. Datum et actum, ut supra, anno
Domini M°. CC°. LX° sexto, in festo beati Mathye apostoli, IV kal.
martis (i).
Bien qu'à partir de ce moment Philippe de Savoie devienne abso-
ment étranger au diocèse de Valence, nous ne pouvions nous dis-
penser de faire connaître au lecteur la fin de ce singulier personnage.
Clément IV lui écrivait le 5 mai 1267 la lettre dont nous avons donné
le texte dans une note précédente, et par laquelle il lui enjoignait
encore de mettre un terme à une situation devenue un vrai scan-
dale, en renonçant à l'archevêché de Lyon,' ou bien en acceptant les
ordres sacrés. Philippe cette fois obéit, mais ce fut pour épouser le
3 juin de la même année Alix de Méranie, comtesse de Bourgo-
gne (2). Pierre de Savoie, son frère, mourut le 1 6 ou 17 mai 1 268 (3) ;
Philippe lui succéda et gouverna le comté de Savoie jusqu'à la fin
de sa vie arrivée le 16 octobre 1285 (4). L'histoire constate qu'il
(1) Archives de l'Isère, B, 3528. Original, parch.; 64 lignes.
(2) Alix de Méranie était veuve depuis 1266 de Hugues de Chalon, à qui elle
avait apporté le comté de Bourgogne; de ce mariage étaient nés cinq fils et sept
filles. Elle épousa en secondes noces Philippe de Savoie, réservant pour l'aîné de ses
fils, Othon, le comté de Bourgogne, dont il ne devait pourtant entrer en jouissance
qu'après la mort de sa mère. Wurstemberger raconte que Philippe, avant son ma-
riage, fit un voyage en Italie et se démit entre les mains du pape de son archevê-
ché de Lyon; il recommanda au souverain pontife l'archevêque de Tarentaise,
Rodolphe de Valigna, d'Aoste, mais sans succès. Wurstemberger, t. III, p. 96.
(3) Wurstemberger, t. IV, n° 752.
(4) Wurstemberger, t. IV, n° 865. Ex Necrologio Altxcumbx in xMonumentis
historiae patrias. Scriptores, t. I, col. 674: «Anno Domini M°. CC". LXXXV", deci-
mo septimo kalendas novembns obiit illustris ac inimicis suis formidabilis vir demi-
2 34 LE TRIEVES PENDANT
n'eut ni l'habileté ni l'énergie de son prédécesseur 1. 1 . Paradin fait
au sujet de ce prince une curieuse réflexion : « Or fault ici que ie
« die une chose qui se treuve de toute mémoire asseurée et verita-
« ble et qui est bien appuiée et fondée en très bonnes raisons, c'est
« que iamais homme, qui a porté l'habit de l'Esglise et vescut du
« bien du crucifix longuement, ne prospère iamais et ne faict grand
« fruict après avoir laissé led. habit et estât ecclésiastique (2).
nus Philippus decimus, cornes Sahaudie, et quia more predecessorum suorunn erga
Dei cultores benevolus et devotus zelator justicie fuit, exurientes aluit nudisque pie-
buit vesiimenta, fuit cum eo Deus pro continue, erat vir eminenter chrisiiane agens,
fuit autem tumulatus decimo quarto kalendas mensis supradicti. Requiescat in pace.
Amen. «
(i) Sur Philippe, comte de Bourgogne et de Savoie, on peut consulter: Forel,
Regesle soit répertoire chronologique de documents relatifs à Vhist. Je la Suisse
Romande, dans Mémoires de la Société de la Suisse Romande, t. XIX, p. XCN'II;
— G. Vallier, dans Mém. et docuin. publiés par la Société savoisieniie d'hist. et
d'archéologie, t. XIX, p. 234-45.
(2) Paradin, Cronique de Savove. Lyon, 1552, in-^", p. 195.
Jules CHEVALIER.
LE TRIÈVES
pendant la grande Révolution
if après des documents officiels et inédits.
F
INl
Le sieur Pélissier, de Mens, avait fait construire à Tréminis une
verrerie, dont les produits étaient assez beaux, mais d'un écoulement
difficile à cause du mauvais état des voies de communication. En
attendant que ses propriétaires fussent ruinés, ils ruinaient eux-
mêmes le pays en dévastant ses magnifiques forets pour alimenter
les hauts fourneaux.
Dans la nuit du 9 au 10 mars 1825, un incendie, qu'on crut avoir
LA GRANDE REVOLUTION. 235
été allumé par la malveillance, se déclara tout à coup aux bâtiments
de la verrerie. Bientôt les flammes, activées par un vent violent du
nord, eurent réduit en cendres cet établissement; mais là ne s'arrêta
pas le fléau. L'incendie se communiqua rapidement de proche en
proche et détruisit en quelques heures trente cinq maisons du village
du Château-Bas. Instruments d'agriculture, provisions, fourrages,
bestiaux furent presque partout consumés avant même qu'on pût
songer à les préserver. Les seules maisons du Château proprement
dit et deux ou trois autres furent préserv^ées par leur isolement (i).
Les habitants du pays et ceux des environs s'empressèrent de
venir au secours des malheureux incendiés. L'administration fores-
tière délivra un certain nombre de pièces de bois pour la construction
de leurs demeures ; mais la délivrance en fut longtemps retardée
par les prétentions des propriétaires de la verrerie, qui voulaient
eux aussi y participer pour une large part et gratuitement (2).
A la nouvelle du désastre, le préfet envoya aussitôt une somme de
trois cents francs. Le gouvernement et les princes de la famille
royale, auxquels on s'était adressé nominativement, en accordèrent
une autre de treize mille fr. Grâce à ces secours et à d'autres venus
un peu de tous côtés, les habitants du Château-Bas reconstruisirent
leurs maisons et purent avec le temps réparer leurs pertes (3).
Un fait, que nous croyons bon de citer, nous prouve combien en
1827, les habitants de Tréminis étaient attachés aux pratiques reli-
gieuses et aux lois de la morale. Le 13 janvier, une soixantaine
d'habitants demandaient, dans une lettre adressée au Préfet de l'Isère,
la révocation de deux conseillers municipaux dont l'un, cabaretier,
laissait son établissement ouvert pendant les offices religieux et
n'était point réservé dans ses propos, et le second avait une conduite
scandaleuse (4). Bel exemple trop peu imité de nos jours.
La même année, le conseil municipal se souvint du renversement
sacrilège de la croix, à l'ombre de laquelle reposaient les morts de
la paroisse. Il voulut réparer le crime d'une autre municipalité hai-
neuse et vota l'érection du beau monument, que les connaisseurs
admirent encore dans le cimetière (5).
(i) Tréminis, l^eg, des délit. — Correspondance échangée avec la préfecture.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem.
(5) Tréminis. — Délit, de 1827.
236 LE TRIÈVES PENDANT
CHAPITRE X
DERNIERS ÉVÉNEMENTS
La révolution de 1830 fut accueillie avec joie par les habitants du
Trièves, surtout par ceux de Mens et de Tréminis, et ravènement de
Louis-Philippe célébré par des fêtes enthousiastes. Mais le peuple,
qui avait désiré une nouvelle forme de gouvernement parce qu'il
espérait y trouver une diminution des impôts, ne tarda pas à s'aper-
cevoir que ses charges augmentaient et alors il devint indifférent
pour ce qu'il avait appelé de ses vœux.
Nous ne ferons maintenant que citer des faits encore vivants dans
la mémoire de ceux qui en ont été les témoins, tels que l'incendie de
l'église de Tréminis (18 mars 1838) ; l'érection en commune de la
section de Lalley, disjointe de St-Maurice ; l'affaiblissement de cette
commune par la réunion de deux de ses villages, les Bayles et le
Serre-des-Bailes au Monêtier-du-Percy (14 avril 1841). Nous parle-
rons un peu plus au long de l'affaire du Christ de Mens, pour laquelle
nous copierons presque mot à mot le récit du vénérable M. Maître,
dont les protestants reconnaissaient la charité et la tolérance et dont
ils ont pleuré la mort comme les catholiques eux-mêmes.
Au mois de mai 1846, fut donnée à Mens une mission qui pro-
duisit les meilleurs résultats. Le succès fut d'autant plus remarqué
que les protestants avaient beaucoup travaillé à la faire échouer.
Leurs pasteurs avaient demandé publiquement, au temple, des prières
pour que ces exercices, qu'ils qualifiaient de fanatiques, se termi-
nassent à la honte des prédicateurs et du curé. Le président du con-
sistoire préparait une brochure contre la messe, afin d'aider à l'in-
'succès ; mais il tomba malade, le jour de l'ouverture, et mourut
avant celui de la clôture.
Pour perpétuer extérieurement le souvenir de la mission, M. Maître
fit planter, à l'entrée de Mens, sur la route qui conduite St-Baudille,
une croix ornée d'un Christ. L'érection s'en fit le 21 mai, jour de
l'Ascension, en présence de tous les catholiques de la paroisse et
d'un grand nombre de ceux des environs, tous répétant avec enthou-
siasme : « Vive la croix ! Vive le Christ ! » La guerre éclata presque
aussitôt. M. C..., premier pasteur de Mens, M. R..., son beau-frère.
LA GRANDE REVOLUTION. 237
parcoururent les maisons du lieu, soufflant partout la haine et
s'élevant contre la croix. « Si dans quinze jours, disait R .., ce Christ
n'a pas disparu, je m'engage à perdre mon nom. » Des blasphèmes
encore plus horribles sortaient de la bouche de ce malheureux, qui
alla parler au préfet, Pellenc. Celui-ci ne voulut pas d'abord l'écou-
ter ; mais plus tard, il lui promit d'exécuter le Christ.
Fidèle à sa promesse, le préfet fit de pi-essantes démarches auprès
de Mgr de Bruillard, pour qu'il obligeât M. Maître à enlever le
Christ. Sur la demande de son évêque, ce dernier consentit à faire
transporter le signe de notre rédemption au cimetière, dès que celui-
ci serait clos de murs ; ce qui ne devait pas avoir lieu. Sur ces entre-
faites, des mains inconnues affichèrent sur les murs de Mens des
caricatures contre les meneurs protestants, si fort mis en émoi par
une croix, et, dans la nuit du 26 au 27 octobre, le Christ fut indi-
gnement maculé au moyen d'une mixtion infecte; on lui attacha cet
écriteau aussi inepte qu'impie: « J'ai pris mon habit d'hiver; pas-
sant, hâte-toi de mettre sur ma tête mon bonnet cornu ; il fait froid !
Si tu ne m'obéis pas, je retiendrai à jamais ton âme dans mon empire
infernal! Moi ton xMaître, le Diable. — Le passant : Ora pro nobis,
Virgo sancta ! ^>
Les auteurs de ce sacrilège étaient connus de toute la population;
une enquête fut ouverte contre eux. Elle n'eut pas de suite, grâce
aux pressantes démarches des protestants et aux influences puis-
santes qu'ils surent faire agir. Mais Dieu lui-même, à la place des
juges, se chargea de punir, dès ce monde et d'une manière visible,
plusieurs auteurs de cet odieux attentat.
Non contents de ce que nous venons de raconter, R... et les autres
chefs protestants représentèrent de nouveau et faussement au préfet,
et par lui au ministre des cultes, que la population entière demandait
l'enlèvement du Christ et que, si ce désir n'était écouté prompte-
ment, de grands malheurs, des rixes sanglantes étaient à redouter.
M. Maître sut tenir tête à l'orage, faire luire la vérité au milieu des
mensonges mis en avant. Fort de son droit, car le terrain où était la
croix lui avait été donné, il résista à toutes les administrations sou-
levées contre lui, et il maintint debout l'image vénérée (i).
Les deux faits suivants, connus aussi de tous et puisés à la même
source, prouvent encore que les protestants ont conservé l'esprit qui
dirigeait leurs pères aux siècles précédents.
(i) Archives de la fabrique de Mens.
238 LE TRIÈVES PENDANT
Le 15 août 1847, les catholiques célébraient l'Assomption de leur
bien-aimée patronne et passaient processionnellement dans les rues
de .Mens. Cette cérémonie déplut sans doute au jeune et ardent pas-
teur \ogaret, qui, le chapeau sur la tète, traversa leurs rangs plu-
sieurs fois en tous sens et marcha même quelque temps au milieu
d'eux, quand les trottoirs lui offraient cependant un passage libre et
facile. Si cette prouesse d'un nouveau genre ne causa pas de désa-
gréments à son auteur, il le dut aux démarches de M. le curé,
auprès de qui le premier pasteur alla faire des excuses pour son
inférieur. Jamais de mémoire d'homme, à Mens et dans le Trièves,
un catholique ne s'est permis de troubler les cérémonies protes-
tantes ; les réformés eux-mêmes l'avouent.
Une jeune fille née d'une mère protestante et d'un père catholique
fut, après la mort de la première et au départ du second pour Mar-
seille, placée comme domestique dans une excellente famille de St-
Baudille. Là elle put mettre à exécution le désir qu'elle éprouvait de-
puis plusieurs années : elle se fît instruire de la religion catholique,
baptiser et communia, pour la première fois, le jour de Noël 1849.
Les parents de sa mère, apprenant ce qui s'était passé, la retirent
chez eux, l'accablent d'outrages, la traînent au temple et de là à
l'école protestante. Elle s'en échappe pour aller trouver M. Maître et
le supplier de la placer ailleurs. L'âme du bon prêtre est attendrie par
cette démarche et par le récit des mauvais traitements dont on avait
usé pour obliger cette pauvre enfant à renier la foi qu'elle venait
d'embrasser; il l'envoie aussitôt à Grenoble chez une personne de
confiance, en attendant qu'elle puisse rejoindre son père.
Les protestants alors la cherchent partout sans succès ; le Patriote
des Alpes, dans plusieurs articles inspirés par une véritable fureur,
attaque la conversion de Julie Martin, qu'il dénonce comme clandes-
tine et produite par une violence morale. La réponse à de pareilles
allégations est aussitôt faite par M. Maître et d'une manière péremp-
toire.
Le pasteur Cadoret entre alors en lice et annonce à M. le curé que
le père de Julie déclare par lettre vouloir tousses enfants protestants
et déléguer à cet effet ses pouvoirs à son beau-frère, Valtre. Le
pasteur disait encore qu'on donnait au curé cinq jours de délai,
après quoi on en référerait au parquet de Grenoble. « Faites ce que
bon vous semblera, répondit simplement le vénérable M. Maître. »
Or, une enquête faite par le juge de paix, sur l'ordre du procureur
LA GRANDE REVOLUTION. 2^9
du roi, prouva seulement ceci : toute jeune, l'enfant avait témoigné
un désir ardent d'être catholique ; avant même la mort de sa mère et
malgré celle-ci, elle assistait à la messe ; pour ce motif les protes-
tants la maltraitaient alors quand ils la rencontraient dans les rues.
La lettre du père, mise en avant par le pasteur Cadoret, était sup-
posée, car le père de Julie avait déclaré depuis longtemps, et tout
dernièrement à plusieurs personnes de Mens envoyées auprès de lui,
vouloir que ses enfants fussent catholiques.
A la suite de cette enquête le procureur, qui avait lui-même inter-
rogé l'enfant, songeait à laisser dormir l'affaire ; mais obsédé par
plusieurs protestants et par le pasteur Blanc surtout, il ordonna à
\|He pluchaire, chez laquelle se trouvait la pauvre persécutée, de la
ramener à Mens. Celle-ci la conduisit au contraire à Marseille et la
rendit à son père. Cet homme pleura de joie de revoir en bonne
santé et heureuse son enfant qu'il croyait maltraitée par les catholi-
ques, d'après les faux récits envoyés par les protestants, seuls à con-
naître sa véritable adresse. Il se montra surtout heureux de la con-
version de Julie et déclara la lettre à Valtre fausse de tous points.
Le pasteur Blanc ne se tint point encore pour battu ; il écrivit à
Martin une lettre, où il commençait d'abord par de violentes injures
et des menaces, pour terminer par de belles promesses, s'il consen-
tait à ce qu'on employât la force pour convertir Julie au protestan-
tisme. Mais très mal accueillie fut la missive si peu apostolique de
l'auteur des Lettres à Lucie, lequel ne craignait pas, à la honte de
son parti, de proposer un marché infâme.
L'évêque de Marseille, informé de ce qui s'était passé, désira voir
l'enfant et la prit sous sa protection. Peu après il la faisait entrer
comme pensionnaire dans une maison religieuse, où plus tard elle
prit l'habit.
Le père Martin ne tarda pas à réclamer ses trois autres filles et,
pour les obtenir, passa procuration à un excellent habitant de Mens,
Joseph Sei'vizet, auquel il accorda le droit de faire toutes les pour-
suites nécessaires à cet effet (ii août 18501. Un mois après avoir
reçu cette procuration, Servizet alla fii septembre) demander les en-
fants à la femme \'altre, leur grand'mère. Celle-ci le reçut en le me-
naçant avec un poignard et le mit à la porte.
Sur la plainte de Servizet, le président du tribunal rendit une or-
donnance pour confier à l'huissier Cachet le soin de faire remettre
les enfants ; mais ce dernier, sous divers prétextes, renvoya d'abord
240 LE TRIEVES PENDANT
l'exécution de son mandat, afin de permettre au maire, Bard, parti
secrètement pour Marseille, de circonvenir xMartin et le faire consentir
à laisser ses enfants à sa belle-mère. Martin ne se laissa point flé-
chir; mais Cachet refusa formellement à la fin d'obéir à l'ordre qu'il
avait reçu du président.
Le juge de paix Marcou fut alors chargé de ce soin. Celui-ci
accomplit d'abord ce dont il est chargé, puis laisse en dépôt, pour
quelques jours, les enfants chez leur grand'mère, qui les avait encore
en 1851, grâce aux ordres et contre-ordres du parquet, inspiré par le
procureur de la république Sestier. A la fin on exigea que Martin
vînt lui-même chercher ses enfants, ce qu'il ne pouvait faire à cause
de son commerce; aussi les choses en restèrent-elles là (i).
Cette violation des droits sacrés d'un père sur ses enfants, ce re-
cours au mensonge et à la violence sont choses trop méprisables,
pour qu'on ait à les qualifier. Nous avons cité les noms propres et
les dates, laissant à chacun la responsabilité de ses actes.
L'année 1854 est pour le Trièves une de celles dont le souvenir
reste tristement gravé dans les cœurs ; elle fût remplie d'épouvante
et de larmes ; car le choléra fit entrer le deuil dans un grand nombre
de familles.
La paroisse de Tréminis fut la première atteinte par le fléau, qui
sévit ensuite à Lalley et dans le reste de la contrée. Chacun trem-
blait. Le mal frappait inopinément ses victimes. Plus d'une fois il
arriva que, le matin, on apprenait la mort d'un parent, d'un ami,
auquel, la veille, on avait serré la main en se disant au revoir. Sou-
vent la contagion allait plus vite encore : à Tréminis, une mère
venait de coucher son jeune enfant, lui tendant les bras et souriant
à ses baisers du soir ; quelques instants après cette femme entend
des soupirs semblables à un râle, accourt et trouve son fils expi-
rant.
En ce temps, les indifférents, les impies mêmes se joignaient aux
chrétiens fervents pour fléchir la colère céleste. On les voyait se
rendre en foule aux diverses chapelles élevées en l'honneur de saint
Roch, se réunir dans les églises. Les protestants y allaient aussi
nombreux et, comme les catholiques, assistaient aux processions, en
répétant cette invocation à la Mère des affligés : « O Marie, conçue
sans péché, prie/ pour nous qui avons recours à vous ! » prière
qu'ils mettaient sur les portes de leurs maisons.
(ij Archives de la Fabrique de Mens.
LA GRANDE REVOLUTION, 24I
Dans cette triste circonstance, la conduite de M. Roux curé de
Tréminis fut vraiment admirable. A toute heure, on le voyait auprès
du lit des mourants, leur prodiguant ses soins et les secours de la
religion. Il savait aussi rappeler le courage et l'espérance dans les
cœurs abattus et les exhortait à s'humilier sous la main irritée de
Dieu qui les frappait. Sa charité ne se borna pas aux catholiques,
les protestants aiment à redire ses visites fréquentes à ceux des leurs
que le fléau avait atteints et que leur pasteur avait abandonnés pour
aller se réfugier au loin. Les deux pasteurs de Mens avaient aussi
disparu. Ils suivaient en cela l'exemple de leurs confrères de Genève.
Ceux-ci, dans un cas semblable, se réunirent en conseil pour déli-
bérer sur la conduite à tenir ; la conclusion fut de déclarer qu'ils n'é-
taient pas obligés d'assister leurs fidèles malades de la peste ; après
quoi ils quittèrent la ville. En effet le divin Maître nous apprend que
le mercenaire fuit à l'approche du loup et abandonne son troupeau,
tandis que le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis !
La conduite de M. Roux fut celle de tous les prêtres du canton.
A Mens, le vénérable M. xMaître et son vicaire, M. Nivollet, ne
pouvant suffire à la tâche, eurent besoin d'un auxiliaire. M.Bonvallet
s'offrit de lui-même à Mgr l'Evêque de Grenoble pour aller secourir
les cholériques. Ce jeune prêtre ne comptait point avec le danger
auquel il s'exposait. Il fut lui-même frappé par le fléau ; mais heu-
reusement il échappa à la mort.
On ne saurait trop louer aussi le courage que montra, en ces tristes
circonstances, le maire cje Lalley, M. Gauthier, dont la commune fut
particulièrement frappée. On le vit ensevelir lui-même les morts que
la terreur faisait abandonner. Son énergie sut relever le courage de
ses administrés. Il alla chercher à Grenoble des sœurs deSt-Vincent
de Paul pour soigner les cholériques. Avec elles il continua à se
dévouer et à se prodiguer jusqu'à ce que le fléau eût cessé ses ravages
à Lalley, pour sévir avec fureur à Mens.
Les sœurs furent alors envoyées par leur supérieure dans cette
localité. On les y accueillit avec des transports de joie. La population
les acclama à leur arrivée, ainsi que M. Gauthier, qui les y avait
conduites. Peu de temps après, le gouvernement décerna une mé-
daille de vermeil à ce dernier, dont la plus agréable récompense est
l'estime dont il jouit auprès de ses compatriotes.
Les sœurs se montrèrent à Mens telles qu'elles avaient été à
Lalley, et, avec la même héroïque abnégation, soignèrent les pau-
BuLL. IX, 1889. 18
242 LE TRIEVES PENDANT
vres à domicile et surtout dans une sorte d'hôpital, où plusieurs
personnes catholiques vinrent unir leur dévouement à celui des reli-
gieuses.
Les protestants soignés à l'hôpital, après avoir été témoins de la
joie et du courage apportés aux malades catholiques par la réception
du saint Viatique, se plaignaient de n'avoir rien de semblable dans
leur religion pour les fortifier contre les terreurs de l'agonie. Enten-
dant ces plaintes, le pasteur de St-Sébastien, le seul, qui, dans toute
la contrée, osât se montrer, demanda, un jour, du pain et un peu de
vin au.K sœurs ; puis, ayant prié quelques instants, les présenta à
une femme mourante. Celle-ci refusa l'un et l'autre en disant :
« Mais, Monsieur, vous nous avez enseigné que ce n'était que du
pain et du vin représentant seulement ceux que le Christ bénit.
Que voulez-vous que cela me fasse? » (i)
Les effets apparents de la sainte Eucharistie chez les malades fu-
rent pour beaucoup dans la conversion d'une protestante, soignée à
l'hôpital après avoir été abandonnée par les siens.
Pendant que le protestantisme avait des écoles florissantes, les ca-
tholiques gémissaient de ne posséder pour leurs enfants que des maî-
tres et des maîtresses qui, depuis la révolution, se succédaient rapide-
ment et semblaient avoir pris à tâche de les lasser par leur incapacité
ou parleurs vices. Dans ses mémoires, M. Maître nous dépeint ainsi
cette époque : « La jeunesse passait d'une école à l'autre sans succès
et ne trouvait nulle part la nourriture spirituelle et intellectuelle si
nécessaire, soit pour dissiper les nuages de son intelligence, sojt pour
opérer la pureté de son âme, et elle se livrait sans mesure à la plus
étrange dissipation. A la vue d'une multitude de désordres, qui nais-
saient, grandissaient et se fortifiaient avec l'âge par le défaut d'une
éducation pieuse, les personnes réfléchies gémissaient sur le triste
sort réservé à ces jeunes plantes, déjà si flétries, et s'empressaient de
déserter la terre natale pour aller s'implanter sur une autre plus hos-
pitalière.
« Enfin Dieu, qui met un terme à tout et qui fait suivre de jours
meilleurs les jours mauvais, jeta un regard de clémence sur son
peuple. (2) » En effet, un fervent catholique de Mens, Joseph Ser-
vizet, fit construire à ses frais, en 1840, une maison pour des reli-
(1) Témoins oculaires.
(2) Les congrégations enseignantes à Mens.
LA GRANDE REVOLUTION. 243
gieuses. Il ne lui resta rien après ; mais il était heureux en voyant
trois sœurs du pays, conduites par la main de la Providence jusqu'au
couvent, lui apporter le concours de leur petite fortune et de leur dé-
vouement. Mens posséda dès lors une école pour les jeunes filles,
avec une classe supérieure.
En 1865, M. Maître achetait une maison, y faisait faire les trans-
formations nécessaires et, deux ans après, y établissait des frères que
là population revoyait avec joie.
Le vénérable prêtre, pleuré de tous ceux qui le connaissaient, des-
cendait bientôt dans la tombe et allait recevoir la récompense due à
ses travaux et à ses vertus ; mais il léguait à sa paroisse bien-aimée
un héritage précieux, la présence deè Frères.
Tous connaissent le zèle mis par son successeur à perfectionner
son œuvre, tous l'admirent et savent lui rendre grâce, comme à
M. Maître, du bien que cette école, composée d'un externat et d'un
internat, produit dans la jeunesse du pavs et des environs.
Il nous faut encore citer l'incendie du village du Serre, àTréminis,
où une femme allait périr d'une mort affreuse. Elle dut son salut au
courage héroïque du curé de cette paroisse, M. Cuillery. La belle
conduite de ce prêtre lui valut une médaille de sauvetage et les élo-
ges les plus flatteurs.
Les populations du Trièves semblent vouloir, en plusieurs endroits,
se laisser guider par le vent irréligieux qui souffle sur la France et
se porter à des mesures vexatoires contre la Religion. Usant de
moyens déloyaux et désireux de venger son beau-frère des refus qu'a-
vaient justement rencontré ses prétentions orgueilleuses, un con-
seiller municipal de Mens trompait plusieurs personnes et obtenait
ainsi quarante signatures pour demander la laïcisation de l'école des
filles. Aux applaudissements des méchants, il réussit dans son projet
de haine, malgré une pétition contraire de plus de cent signatures et
de nombreuses protestations motivées. Les sœurs cependant sont
restées comme institutrices libres.
La commune de St-Maurice ne tarda pas à suivre cet exemple ; ce
qui étonne, c'est qu'elle ne l'ait pas prévenu. Celle de Chichilianne
fit plus : ses administrateurs, furieux de voir que les sœurs, chassées
par eux de l'école communale, restaient dans la paroisse grâce au
dévoûment de personnes généreuses et au zèle du vénérable pasteur
du lieu, firent à ce dernier et aux cérémonies religieuses une guerre
acharnée. Mais ce n'est point avec les ordures dont on couvre une
244 L ABBE SERPEILLE -
porte ou les murs d'une maison qu'il est possible d'arrêter le zèle
d'un prêtre, désireux avant tout du bien dans sa paroisse ; ce n'est
pas non plus par des arrêtés qu'on étouffe la foi religieuse dans une
population. Le résultat de ces mesures mesquines est de ranimer son
zèle pour le bien.
Dans le reste du Trièves, les idées d'ordre, sauf quelques rares ex-
ceptions régnent encore ; on y aime la Religion et on la défendrait
s'il le fallait. Cependant on sent l'ennemi s'agiter sourdement et s'ef-
forcer de semer l'ivraie dans le champ du père de famille. Que résul-
tera-t-il de ces menées haineuses et hypocrites, de ces trames sou-
terraines inspirées par d'étroites ambitions, de criminelles espérances?
Dieu seul le sait. Sa bonté veuille nous épargner les maux qu'un
sombre avenir semble devoir nous apporter avant peu ! Que les hom-
mes de cœur et de bien se lèvent pour résister au mal. Leur lutte
sera pour le moins aussi noble que s'ils s'armaient pour repousser
l'envahisseur de la patrie , car ils défendront les saines traditions du
devoir, sans lesquelles l'honneur des familles ne saurait exister,
la paix et le bonheur d'un pays ne seraient qu'un vain mot. Et
quand nos adversaires, rugissant de colère, nous menaceront, redi-
sons la fîère devise du Canadien français : « Crains Dieu et va ton
chemin ! »
A. LAGILR.
L'abbé SERPEILLE
AUMONIER DE LA MAISON CENTRALE DE POISSY
(SurTE)
-^■^s=<y>i>t>o^^<~
Sa docilité ci son respect pour l'autorité de son cvêquc se mani-
festent dans la plupart de ses lettres. Nous en avons vu déjà plus
d'une fois l'expression ; nous la retrouverons encore. Le curé du
Villard-de-Lans, son voisin d'au-delà la Drômc, le prévient que
l'évèque de Grenoble doit venir administrer la confirmation dans
sa paroisse vers la fin de mai (i8o8j, et l'invite à s'y trouver. L'abbc
Serpeille fait demander humblement par son ami M. Bisson s'il ne
AUMONIER DE POISSY. 245
pourrait pas faire d'une pierre deux coups, et emmener avec lui
ceux de ses paroissiens qui n'ont pas encore reçu le caractère des
parfaits chrétiens. « Ce serait, dit-il, un service à rendre aux habi-
tants de ma paroisse qui désireraient recevoir ce sacrement, d'au-
tant mieux qu'il paraît impossible que M. l'Evêque de Valence
puisse jamais arriver en Vercors. S'il n'y avait pas d'inconvé-
nient, je prierais M. l'Evoque de me permettre d'instruire quelques
personnes de ma paroisse pour les disposer au sacrement de con-
firmation. Je ne hasarde cependant cette observation qu'autant
qu'elle ne contrariera pas les vues de notre digne prélat, et qu'elle
est conforme à l'accomplissement des désirs de mes paroissiens,
et parce que la paroisse du Villard-de-Lans est limitrophe de celle
de Saint-Martin : ce qui ne nécessitera pas un grand déplace-
ment. »
L'abbé Serpeille se rendit à la solennité à laquelle il avait été
invité, escorté probablement d'un groupe nombreux de grands et
de petits paroissiens; car la permission demandée ne dut pas lui
être refusée, bien que nous n'en ayons pas la preuve sous les yeux.
Quoiqu'il en soit, le curé de St-Martin eut un succès complet
auprès de l'évèque de Grenoble et des prêtres de sa suite; il brilla
dans cette réunion d'élite par la vivacité de son esprit, la variété de
ses connaissances, la finesse de ses observations, la solidité de son
raisonnement et la promptitude de ses réparties. Ses manières se
ressentaient des usages du grand monde, qu'il avait autrefois fré-
quenté. Tous demeurèrent enchantés de sa conversation et char-
més de ses récits, aussi variés qu'intéressants. Il pouvait leur en
faire de bien extraordinaires en leur racontant sa propre histoire,
et de bien plaisants en leur narrant, avec l'assaisonnement de sel
gaulois qu'il savait y mettre, les hauts faits de M. A... et de quel-
ques autres gros bonnets de sa paroisse, partis en guerre contre
lui. Mgr Simon l'invita à venir le voir à Grenoble, et tous ces
Messieurs l'assurèrent que sa visite serait pour eux un grand sujet
de joie. L'abbé Serpeille partit donc, le 1 1 juillet, avec le curé du
Villard-de-Lans, pour répondre à une si honorable invitation (i).
L'évèque de Grenoble lui fit beaucoup d'accueil, et dès lors, l'abbé
Serpeille put se flatter d'avoir un prolecteur de plus. Nous verrons
bientôt que ce nouvel appui ne lui fut pas inutile.
(i) Lettre du 4 juillet 1808.
246 l'abbé serpeii.le
Au mois d'août suivant, le curé de Saint-Martin célébra solen-
nellement dans son église la fête de S. Venance 1 1 , qui y attirait et
V attire encore chaque année un grand concours de fidèles. Il eut
soin au préalable de se munir de permissions de binage pour ses
confrères voisins, afin qu'ils pussent venir rehausser de leur pré-
sence la solennité de la fête, nonobstant la circonstance du diman-
che, et sans préjudice pour le service de leurs paroisses respectives.
Il écrivit à cet effet, du Pont-en-Royans, à l'abbé Bisson, le 24
août:
« Arrivé ici depuis une heure avec M. Michel 2 , porteur de la
(i) S. Venance, évèque de Viviers, est invoqué dans les maladies des petits
enfants. On sait que ses reliques sont conservées dans la chapelle de l'hôpital
de Valence, où elles sont l'objet d'un concours qui dure tout le mois d'août.
Sa fête se célèbre le 5 ; mais dans le Vercors, elle est solennisée le dernier
dimanche dudit mois. Il serait intéressant de rechercher l'origine du culte
rendu au saint Prélat dans la paroisse de St-Martin-en-Vercors. Une lettre de
l'abbé Rolland, successeur de M. Serpeille, demandant des potivoirs en vue de
cette fête, nous montre qu'elle était encore célébrée avec beaucoup de solen-
nité en 1837.
(2) Ce personnage, que nous trouvons en rapports fréquents et toujours en
très bons termes avec l'abbé Serpeille, était un prêtre défroqué qui habitait
le hameau de Tourtre, sur St-Martin. Il y était né le 2g mars 1764. Vicaire à
Die au moment où la révolution éclatait, il en adopta les principes et s'em-
pressa de prêter tous les serments exigés par la Constitution civile du clergé.
Peu après, il renonça à l'état ecclésiastique et se maria. Lors de la création
de la petite magistrature de campagne, il fut nommé juge de paix du canton
de la Chapelle-en-Vercors. Nous avons vu son nom parmi ceux des notables
qui figurent comme témoins au procès-verbal de l'installation de M. Serpeille
à St-Martin. Revenu à des sentiments chrétiens qui ne l'avaient peut-être
jamais entièrement abandonné, l'ex-abhé Michel demanda et obtint la valida-
tion de son mariage, et commission fut donnée à l'abbé Serpeille, qui était
son propre curé, de le bénir. Mais celui-ci récusa cet office pour des raisons
de convenance qu'il fit agréer à l'abbé Bisson dans une lettre du i3 bru-
maire an XII (5 novembre i8o3). '( Au reste, ajoutait-il, le porteur de la pré-
sente est M. Michel en personne ; il pourra vous communiquer ses motifs ;
mais dans tous les cas, il ne convient pas que je sois chargé de cette fonc-
tion. » Par suite de ce refus, notre juge de paix attendit encore six mois pour
faire consacrer son union. Ce ne fut qu'à Pâques de l'année suivante, ii l'oc-
casion du jubilé accordé par Pie \^II, que cette formalité essentielle fm rem-
plie, comme en fait foi le document suivant, où l'on ne voit figurer ni le nom
du prêtre qui procéda à la bénédiction nuptiale, ni celui du lieu où la céré-
monie se fit, ni même ceux des témoins qui se portent garants du fait. Ils
ont sans doute signé au registre des mariages où cet acte fut inscrit. Le
voici dans toute sa teneur: « Nous soussignés, certifions à qui il appartiendra
AUMONIER DE POISSY. 247
présente, et prêt à repartir malgré la pluie, je n'ai que le temps de
vous prier de m'accorder la faculté de faire biner dans mon église
les desservants de St-Agnan, Vassieux et Echevis, qui ont promis
de se trouver dimanche au matin chez moi, jour de la fête de
S. Venance. MM. les curé et desservans du canton du Villard-de-
Lans doivent s'y trouver aussi. Je demande par la môme occasion
l'autorisation qui pourra être nécessaire, sans pouvoir déterminer
son étendue ; mais je puis vous assurer que cette fête sera célébrée
avec toute la pompe et la dignité que comportent les localités et
les ressources des prêtres des environs. »
L'abbé Serpeille eut lieu d'être satisfait de sa petite fête, et tout
se passa au gré de ses vœux. Quelques jours après (le 12 septem-
bre), il en rendait compte en ces termes à son ami, le secrétaire
épiscopal : « Grâce aux autorisations contenues dans votre lettre
du 26'^ août dernier, la fête de S. Venance a été célébrée dans mon
église avec toute la pompe et la majesté que les localités et nos
ressources pouvaient permettre. M. le curé du canton du Villars
officiait le matin, assisté de diacre et sous-diacre en dalmatiques ;
après l'Evangile, il nous donna un discours très fleuri et très élo-
quent, sur la Religion ; il aurait produit un plus grand effet dans
une cathédrale. Nos paysans n'en sentirent pas toutes les beautés ;
ils ne l'ont guère jugé qu'à la longueur. Les vêpres n'ont pas été
que le citoyen François Michel, prêtre, domicilie à la Chapelle-en-Vercors,
paroisse du même nom, deuxième arrondissement communal, département
de la Drôme, diocèse de Valence, actuellement juge de paix du canton dudit
Vercors, après avoir épousé devant les autorités civiles pendant la révolution
Victoire Rolland, native de St-.\gnan audit Vercors, comme il conste par l'ex-
trait en forme de son acte de mariage en date du 2f) fructidor an VI (i5 sep-
tembre 1798) qui nous a été représenté, a obtenu, sur une requête présentée
à Son Emincnce le Cardinal légat, un rescrit d'indulgence pour lui et son
épouse, lequel rescrit a été renvoyé à Monsieur l'Evêque de Valence pour
l'examiner et y mettre son exequatur, s'il le juge à propos ; que cet exequa-
tiir a été inscrit à la suite du rescrit et adressé à un prêtre approuvé par lui
dans le diocèse, qui a reçu du prélat la faculté de les absoudre de toutes les
censures qu'ils ont encourues, de leur faire gagner le jubilé et de leur imper-
tir la bénédiction nuptiale; ce qui a été consommé ce jour, d'après l'attes-
tation en forme dudit prêtre. En foi de quoi nous avons délivré le présent
certificat auxdits François Michel et Victoire Rolland, pour leur servir et
valoir ce que de raison, et être inscrit par ordre de Monsieur l'Evêque sur
le registre des bénédictions nuptiales de la paroisse de leur domicile, avec
note dudit rescrit. — A Valence, ce premier floréal an douze (21 avril "1804
de J.-C.) »
248 l'abbé serpeille
moins solennelles. Nous avons chanté celles de la Feillée^ et je
faisais soins.
« Le lundi, 29, il y eut une grand'messe pour le repos des âmes
des anciens curés de St-Martin et des bienfaiteurs de la paroisse.
Les mêmes prêtres y assistaient en surplis ou aubes. — Ainsi
tout s'est passé avec la dignité et l'apparat convenables. Je dois
vous observer que le concours n'était pas aussi grand cette année
c|ue l'an dernier. Cependant la fête fut assez belle, et beaucoup de
personnes qui n'avaient jamais vu cérémonier avec des dalmatiques
ont été surprises agréablement de cette nouveauté pour elles. »
On peut voir par les circonstances relatées dans cette lettre
que l'abbé Serpeille entretenait des rapports de bonne et franche
cordialité avec ses confrères. Plusieurs occupent une large place
dans ses épîtres et la partie de sa correspondance qui les concerne
n'est ni la moins intéressante, ni la moins caractéristique. Ce qui
en ressort le plus clairement, c'est le sentiment de sa supériorité
sur ceux qui l'entouraient, et surtout, un choix extrêmement signi-
ficatif dans la distribution de ses sympathies: elles étaient toutes
pour les plus notoirement attachés au parti constitutionnel, dont
il était lui-même le coryphée dans la région.
A son arrivée à St-Martin, il avait trouvé pour voisin à St-Ju-
lien(i), Magloire Perret, qui faisait le service de cette commune
sans qu'il y eût un titre de succursale. Les prêtres qui se trouvaient
dans cette condition étaient à la charge des habitants, et n'étaient
rétribués que faiblement et d'une manière irrégulière. A titre
d'avancement, ils devenaient vicaires, puis ils arrivaient au grade
de succursalistes. Comme le nouveau curé de St-Martin était fort
(i) La commune de St-Julien-en-Vercors n'avait pas de succursale, et elle
ne pouvait avoir un prêtre qu'en prenant à sa charge son entretien. Le 18
floréal an XI (8 mai i8o3), le conseil municipal adressa une requête à Mgr
Bécherel pour le prier d'y envoyer un desservant, lui déclarant qu'il a fait dis-
poser un logement très convenable pour le recevoir, et qu'un traitement de
5oo fr. était assuré à celui que le prélat enverrait. Les officiers municipaux
expriment en même temps le désir que ce soit M. Blanc, prêtre sexagénaire,
précédemment nommé. Comme celui-ci ne put venir, le maire et l'adjoint
s'adressèrent de nouveau à l'évéque pour lui demander le ciioyen Magloire
Perret, natif du Villard-de-Lans. « Dans ces derniers temps, disent-ils, il a
desservi ladite commune (de St-Julien); antérieurement, il a exercé les fonc-
tions de vicaire dans les communes de Rencurel et de Punt-en-Royans. Sur
notre invitation, le sieur Perret a demandé à M' l'Evêque de Grenoble l'au-
torisation de sortir de son diocèse. Cette autorisation a été accordée. »
AUMONIER DE POISSY. 249
et vigoureux, on crut qu'il pourrait suffire au service de toute sa
paroisse, de laquelle dépendait la commune de St-Julien. En con-
séquence, l'abbé Perret fut nommé vicaire à Chàtillon, et M. Ser-
peille reçut notification de ce changement pour avoir à se consi-
dérer désormais comme chargé de l'annexe de sa succursale. On
avait cru peut-être lui être agréable en l'augmentant ainsi sur place
dès son entrée en fonctions; c'est du moins ce que l'abbé Bisson
s'appliqua à lui faire entendre en lui faisant part de cette décision
administrative. L'abbé Serpeille lui répondit, le lo brumaire an XII
(2 novembre i8o3i : « Ce nouveau témoignage de confiance est sans
doute bien flatteur pour moi ; mais il m'impose une tâche difficile,
pour ne pas dire impossible à remplir. La paroisse de St-Julien
s'étend jusqu'aux limites du diocèse de Grenoble, par des chemins
qui seront souvent impraticables dans la saison où nous entrons,
et dont la rigueur ce fait déjà sentir depuis plus de quinze jours.
Cependant, dussé-je y succomber, mon dévouement et mon zèle à
remplir les ordres de Monsieur l'évèque seront sans bornes, com-
me mon attachement à la religion et au salut des âmes. — Per-
mettez-moi de vous rappeler à cette occasion que si M. l'évèque
ne retire pas l'ordre que vous avez intimé de sa part à M. Perret,
l'amitié que nous nous sommes vouée réciproquement se trouve
pour ainsi dire détruite. Le plaisir et la satisfaction que j'avais à
vous voir et à vous exprimer mes sentiments sont absolument per-
dus pour moi, attendu que mes autres confrères du canton sont à
une distance trop considérable pour me remplacer par le biscantat
(le plus voisin est à deux heures et demie), et ma présence devient
encore plus nécessaire lorsque vous saurez que, pour administrer
et secourir les malades qui pourront se trouver au delà de St-
Julien, j'aurai un trajet de deux heures et demie, ce qui ferait cinq
heures pour mes confrères de St-Agnan ou de la Chapelle. — Je
n'entrerai pas dans de plus grands détails de localités pour prouver
le besoin d'un desservant à St-Julien ; ils ne peuvent échapper à
votre sagacité. Je me borne donc à vous prier, au nom de l'amitié,
de laisser M. Perret à St-Julien, 1° parce qu'il y jouit à juste titre
de la confiance de tous les habitants ; 2° parce qu'il a fait, dans la
persuasion d'y rester au moins un an, des dépenses dont il ne peut
pas demander le remboursement, et qui sont au-dessus de ses facul-
tés ; 3° parce que son départ imprévu a donné à croire aux habi-
tants de St-Julien que je l'avais sollicité ; 40 parce que enfin, je
250 r. ABBE SERPEILLE
puis compter sur sa complaisance, lorsque j'irai près de vous sou-
lager mon cœur des rigueurs de ma solitude et du besoin de vous
embrasser, et de vous renouveler de vive voix l'assurance des sen-
ti nients de considération et de reconnaissance avec lesquels j'ai
l'honneur de vous saluer. »
L'abbé Serpeille insiste encore pour obtenir le maintien de
M. Perret dans une lettre qu'il écrivait le lendemain de son instal-
lation, cinq jours après la date de la précédente. Mais l'abbé Bis-
son lui ayant fait connaître que le départ de M. Perret était néces-
saire et qu'il était irrévocablement arrêté, l'assurant toutefois
qu'il lui serait donné un successeur, le curé de St-Martin entre
dans des considérations d'un ordre plus élevé et répond à son cher
secrétaire épiscopal par la significative missive suivante, du 27 bru-
maire an XII (19 novembre i8o3) :
« Monsieur et ami, — Votre réponse du 19 relative à M. Perret
me fait beaucoup de plaisir, puisqu'elle m'assure qu'il y aura un
desservant à St-.Tulien ; mais permettez-moi de vous dire encore
un mot en faveur de mon digne collaborateur. Quoique vous ne
puissiez me communiquer les motifs qui obligent M. Perret de
quitter St-Julien, on ne les connaît pas moins : c'est encore la
guerre des opinions. M. le curé du Villard-de-Lans, dont la pa-
roisse est limitrophe de celle de St-Martin, quoique séparée par
des montagnes presque inaccessibles, a eu la maladresse de se flat-
ter qu'il poursuivrait M. Perret jusqu'à ce qu'il fût sorti de St-
.Tulicn et placé dans un endroit assez éloigné pour qu'il n'en enten-
dit plus parler. Il accompagnait ses sorties d'imprécations contre
les prêtres constitutionels, ou plutôt contre tout ce qui était tel. Il
serait bien malheureuxpour M. Perret qu'il fût victime de la haine
d'un prêtre qu'il a toujours accueilli, pendant tout le temps qu'il
a resté au Villard-dc-Lans, et d'un parti que le gouvernement
veut éteindre.
« Ainsi la cause de M. Perret, dans cette circonstance, étant la
mienne, la vôtre et celle du plus grand nombre, je pourrais dire
des plus estimables prêtres du diocèse, il me paraît qu'on ne peut
éloigner M. Perret de Si-Julien sans nous condamner tous.
« .le m'arrête, pour vous laisser le soin de tirer les conséquen-
ces, .le me repose sur votre amitié pour procurer à M. Perret un
résultat digne de ses principes. — Vale et scmper me ama. »
L'abbé Serpeille se révèle tout entier dans cette lettre ; il y pro-
AUMONIER DE POISSY. 25 I
clame ouvertement et naïvement ses sentiments et ses principes,
qui sont tous en faveur du schisme constitutionnel et de ses adhé-
rents. Il savait du reste qu'il s'ouvrait à un ami de cœur, avec le-
quel il était en parfaite communauté d'idées. Cela explique l'intime
liaison qui se forma entre ces deux hommes, naguère inconnus
l'un à l'autre, et dont le premier, ainsi que nous l'avons vu, traitait
de haut le nouveau venu alors qu'il ne voyait en lui qu'un vul-
gaire mouton revenant au bercail. On y découvre aussi le vrai
motif des sympathies du curé de St-Martin pour l'abbé Perret, et
les raisons pour lesquelles il insistait tant pour qu'on le laissât
auprès de lui.
On sait qu'après la révolution, les anciens constitutionnels, dont
plusieurs avaient eu des antécédents plus déplorables encore que
l'abbé Serpeille, entrèrent le front levé dans la nouvelle Eglise de
France, et voulurent être considérés à l'égal des prêtres fidèles,
sinon davantage. Se sentant appuyés par le pouvoir civil, ils exi-
gèrent des égards de la part des supérieurs et de bonnes places
dans la hiérarchie en voie de formation. Ils avaient le verbe haut,
et tandis que les bons se tenaient modestement à la place qui leur
avait été assignée, eux se remuaient et se donnaient du mouve-
ment pour accroître leur influence et l'imposer à tous.
Le malheur des temps voulut que douze des anciens évèques
constitutionnels fussent admis comme évêques légitimes dans la
nouvelle organisation des diocèses ; le premier consul en avait fait
une condition sine qud non pour la conclusion du Concordat. La
plupart de ceux qui furent ainsi imposés de force à l'acceptation du
Souverain Pontife avaient conservé des sentiments qu'ils ne cher-
chaient pas même à dissimuler, en faveur de leur ancien parti, et
ils étaient encore constitutionnels dans le cœur. Il y eut dès lors
une division déplorable dans le clergé ; les constitutionnels firent
bande à part, et quoique à peu près partout en minorité, ils eu-
rent à peu près partout l'influence. Le mot d'ordre du pouvoir
était de ne faire aucune différence entre les uns et les autres ; mais
dans les diocèses gouvernés par d'anciens schismatiques, cette me-
sure déjà inique fut dépassée. Ces pasteurs entrés dans le bercail
par une fausse porte, réservèrent toutes leurs faveurs pour les prê-
tres dont la conduite antérieure n'était pas de nature à les faire
rougir de la leur. François Bécherel, ancien constitutionnel de la
Manche, devenu évêque légitime de Valence par la grâce du pre-
252 I. ABBE Sl^RPEILLE
mier ct)nsul et la condescendance du Saint-Siège, fut Tun des
douze dont la mémoire est demeurée le moins chargée. Cependant
il eut soin de former son entourage immédiat à l'instar de ses an-
ciens collègues. Il avait amené avec lui de Normandie l'abbé Bis-
son, neveu d'un ancien évoque intrus, et constitutionnel lui-même,
qui avait prêté tous les serments ; l'un des grands vicaires, l'abbé
de Seillans, était dans le même cas. On voyait dans quelques cures
de canton d'anciens coryphées du parti, notamment à Dieuletit
l'abbé Pourret, qui faillit devenir évêc|ue de la Drôme à la place de
Marbos, et à Saint-Donat, l'abbé Dideron, ancien vicaire épisco-
pal du susdit ; Hyacinthe Doux, ancien vicaire de St-Apollinaire,
qui, selon le style de cette époque, s'était complètement dcpretré
pendant la révolution, et qui était encore secrétaire de la commune
de Valence au moment du Concordat, fut nommé archiprêtre de
Marsanne, puis, en 1807, curé de l'importante paroisse de Saint-
Jean de Valence (i). Quant à l'évêque lui-même, c'était un homme
d'une extrême faiblesse, absolument nul comme caractère, à ge-
noux devant le pouvoir civil, dont il étudiait attentivement les vues
et les tendances et suivait très docilement les inspirations ; re-
cherchant sa tranquillité et la paix à tout prix, recommandant sur
toutes choses à ses prêtres de ne pas se faire des affaires, et surtout
de ne pas lui en mettre sur les bras. Il avait recours à son ex-
collègue Marbos pour connaître ses prêtres, et le consultait pour
(i) Le ministre des cultes Portalis, qui était un homme de bon sens sinon
un fervent chrétien, dut intervenir plus d'une fois pour rappeler Mgr Béche-
rcl aux strictes convenances dans ses nominations. Une lettre qu'il adressait
au prélat le 7 germinal an XI (29 mars i8o'3) est instructive à cet égard; il
lui reproche de faire une part trop grande aux constitutionnels et d'ouvrir
trop facilement son diocèse aux étrangers : ce qui est une cause de mécon-
tentement et de plaintes légitimes de la parts de ses prêtres. « Il y a trop
d'assermentés dans les rangs de votre clergé, lui dit-il. On y compte un grand
vicaire ; parmi les huit chanoines, trois l'ont été et un est étranger au diocèse;
sur vingt-huit curés, dix-sept ont été constitutionnels et trois sont étrangers
au diocèse Vous avez nommé curé de Séderon le citoyen L., sur le compte
duquel j'ai des renseignements très désavantageux, et vous en éloignez l'an-
cien curé, le cit. Grimaud, que tous ses paroissiens demandent, et qui, par
sa conduite, a mérité leur respect et leur attachement. » Le 3o nivôse au XII
(21 janvier 1S04), M. Portalis fait encore des représentations à l'évcque de
Valence sur la présentation par lui faite pour le canonicat devenu vacant
par la mort de M. de la Rolière, tlii cil. Louis-Marie Lcmonnicr, ex-vicaire
épiscopal de Coutances et chanoine aux honneurs dudit diocèse, et refuse
d'agréer cette nomination.
AUMONIER DE POISSY. 25^
ses principales nominations. Toutes ses circulaires étaient dictées
ou inspirées par la préfecture, et la plupart ont pour objet les vic-
toires ou les hauts faits de l'Empereur. Aussi était-il baron de
l'Empire et membre de la Légion d'honneur. Cela ne l'empêchait
pas, à certains bons moments, de déplorer ses erreurs et d'en faire
les larmes aux yeux une confession publique, comme il fit à la
clôture de la grande mission de Montélimar, qu'il présida. Sa
mort acheva de réparer un passé malheureux: elle eut lieu le 21
Juin 181 5, entre les bras de l'abbé Dévie, qu'il avait eu le bon
esprit de prendre pour grand-vicaire, et qui lui fit faire à ses der-
niers moments une rétractation solennelle de toutes ses erreurs.
L'abbé Serpeille connaissait son évèque. Tout en professant les
mêmes principes, il n'était pas homme à en exagérer l'expression.
Il ne déployait son drapeau qu'à bon escient, et il ne brûla jamais
ses vaisseaux. Sachant bien le culte que professait Monsieur Bé-
cherel pour le grand Napoléon, il avait soin, lorsqu'il lui écrivait,
de ne jamais insérer son nom sacro-saint dans sa missive sans le
souligner trois fois; mais son caractère fier et indépendant ne le
laissa jamais descendre à l'adulation. Il avait de la franchise et il
n'aurait pas dit ce qu'il ne pensait pas : toutes ses lettres en font
foi. Nous allons achever de les analyser.
Cependant M. Perret s'étant rendu à Chàtillon, conformément
aux ordres de son évèque, y reçut le meilleur accueil du vénérable
M. Maurel, curé archiprêtre de cette paroisse; mais le maire pro-
testant lui déclara qu'il n'y avait pour lui, dans sa commune, ni
logement, ni revenu d'aucune sorte. Sur ce, il retourna à St-Ju-
lien, où il avait laissé tous ses effets, et s'y installa de nouveau. Il
fit part à l'abbé Bisson (le 7 novembre i8o3) de son voyage
infructueux à Chàtillon et le prévint de sa détermination ; il lui
exprime le désir de rester dans le Vercors et se réclame, pour en
obtenir la réalisation, de la recommandation de M. Serpeille.
Celui-ci, en homme habile, fit agir les paroissiens eux-mêmes, qui
adressèrent une pétition à l'évêque pour lui demander le maintien
de l'abbé Perret à St-Julien. Il leur fut répondu, le 19 brumaire
an XII (i I novembre), que l'abbé Perret avait une autre destination
(il était nommé curé d'Eygluy et du Cheylard) (i); mais que leur
(i) M. Perret ne fit pas long feu à Eygluy. Sa conduite irrcgulière ne tarda pas
à le rendre méprisable à ses paroissiens. Elle lui attira un interdit de son
évèque, qu'il avait prévenu en quittant furtivement sa paroisse le janvier
254 I. ABBE SERPEILLE
annexe ne resterait pas sans titulaire. Ils adressèrent alors une
nouvelle requête à Mgr Bécherel pour le prier de leur envoyer, à
défaut de l'abbé Perret, M. Michel Faure, desservant de Choran-
che, bien connu dans le pays, disent-ils, comme ayant été curé de
la Chapelle-en-Vercors. L'abbé Faure, en effet, avait été curé cons-
titutionnel de ce chef-lieu de canton par la grâce de Marbos, évê-
que de la Drôme i). Au rétablissement de l'ordre, il était tombé
delà dans la petite commune de Choranche, qui était du diocèse
de Grenoble '2). Mgr Bécherel, prenant en considération la requête
des habitants de St-Julien, l'en tira, avec Tautorisation de son évê-
que, pour en faire le voisin de M. Serpeille. Par une lettre datée
de Choranche le 19 nivôse an XII 10 janvier 1804), le nouveau
1807. A partir de là, il disparaît entièrement de l'horizon et nous ne retrou-
vons plus sa trace. M. Claude Péron, qui lui succéda à Eygluy, était origi-
naire du département du Pô. Ce quasi-homonyme mourut peu après son ins-
tallation, le 20 octobre 1808.
(i) Michel Faure avait été nommé curé de la Chapelle-en-Vercors le 2 oc-
tobre 1793, par le citoyen Boisset, représentant du peuple, délégué par la
Convention nationale dans le département de la Drome, lequel joignait à ses
fonctions civiles les attributions de la juridiction ecclésiastique. Marbos n'a-
vait qu'à ratifier les nominations qui étaient faites par ce singulier adminis-
trateur apostolique et à conférer à ses élus l'institution canonique. Nous ne
pouvons résister au plaisir de transcrire les lettres de pouvoir délivrées par
l'évèque de la Drome à l'élu de la Chapelle-en-V'ercors. Nous les trouvons
relatées dans le procès-verbal d'installation et de prestation de serment de
l'abbé Faure, daté du C) octobre; malheureusement le chancelier de la mairie
qui les a copiées n'avait pas l'usage du latin, et il en a estropié la plupart
des mots; il ne s'est pas senti non plus la force d'achever, et il a laissé en
blanc une demi-page pour continuer de les transcrire après en avoir étudié
la lecture à loisir. Nous rétablissons de notre mieux le texte conservé, en
exprimant le regret de n'avoir pas pu tout déchiffrer : « Franciscus Marbos,
divind Provident id et electione popiili, in communione Sanctœ Sedis Aposto-
licœ -Episcopus in partitione Dromatensi, dilecto nobis in Cliristo filio Micliaeli
Faure, presbytero, salutem in Domino.... (Quelques mots inintelligibles.) Ad
curam (traduisez: la cure) seu parochialem ecclesiam loci vulgo Chapelle-en-
Vercors, nostrœ diœcesis, assumptus fuisti nominatione civis Boisset, è numéro
reprœsentantium populum gallicanum in Conventione nationali, et ab ed dele-
gati in supradictd partitione Dromensi et in aliis circumvicinis, amutentibus-
que votis populi dictœ parœciœ la Chapelle; quœ nominatio peracta fuit se-
cundd die octobris prœsentis anni, pro tenore documentorum quœ nobis exhi-
buisti, tibi sufficienti ac idoneo reperto, et postquam in manibus nostr » Cet
ineffable document s'arrête malheureusement ici, sans même terminer le mot.
(2) L'abbé Faure était né dans le diocèse de (îrenoble, peut-être aux envi-
rons du Pont-en-Royans, le 11 décembre 1762.
NOTE SUR LE GRAND HIVER DE I709. 255
titulaire remerciait le prélat de sa nomination à l'annexe de St-
Julien.
L'abbé Faurenous apparaît dès l'abord comme un homme selon
le cœur de M. Serpeille, et il s'établit immédiatement entre ces
deux hommes des rapports d'intime amitié. Le curé de St-Martin
se montra en toutes choses le défenseur dévoué, l'avocat et le pro-
tecteur zélé de son nouveau voisin. 11 usa de tout son crédit au-
près du secrétaire épiscopal pour faire valoir ses mérites, et pour
le recommander à la bienveillance et aux faveurs épiscopales. A
vrai dire, M. Faure avait des qualités réelles ; il avait un talent peu
ordinaire pour la parole et beaucoup de cœur.
lA continuer) Cvprien PERROSSIER.
MÉLANGES
NOTE SUR LE GRAND HIVER DE 1709
Cette année 1709 est remarquable par le grand froid qu'il a fait
depuis le sixième janvier jusqu'au 23 du même mois, et qui revint
encore après une bonace de quelques jours extrême dans le mois de
février, en sorte que tous les grains ensemencés advaat l'hyver, bled,
métail et autres sont morts en toute la France, Savove, Piémont,
Italie et autres pays de l'Europe, n'en ayant resté que quelque peu
dans les montagnes, qui a servi pour ensemencer le bas Pays. Une
infinité darbres, surtout les oliviers, les noyers et les chatagners en
sont morts, et la cherté des grains a été si grande, que le sétier du
bled fromant s'est vendu aux mois d'avril et de may jusqu'à 50 liv. et
tous les autres grains à proportion ; et les vignes ayant été engelées
n'ont produit aucun fruit, si bien que le vin s'est vendu aux mois
d'août 1709 et tout dix sols le pot.
Registres de catholicité de Beauregard, rédigés par ^L Estret,
curé; à la fin de l'année 1708).
On voit plus loin, au i j février ijr8, que Antoine Garnier, décédé
la veille, à l'âge du 57 ans, a été enseveli dans l'église de Beauregard,
à cause du grand froid.
Cyprien PERROSSIER.
k
TABLE DES MATIERES
DU TOME NEUVIÈME
Chaper 'Eug.\ Lettres d'indidoences imprimées à Valence vers i<)i.^,
p. 165-7.
Chenivesse (abbéj, Olivier de Serres et les massacres du 2 mars l'^jy
à Villeneiive-de-Berg, pp. 143-54, 169-86.
Chevalier (chan. Jules), Quarante années de l'histoire des évèques de
Valence au moyen-âge ( 1 226 à 1266), pp. 5-15, 49-60, 89-100,
129-42, 194-201, 209-34.
Chevalier (chan. Ulysse), Cens et rentes en Vivarais du prieuré de
C Ile-sous-Sainl-Vallier, document en langue vulgaire de 12S2, p.
*2Ô-30.
— Manuscrits et incunables liturgiques en Daiiphiné : Valence,
p. *3i-56.
Comité de Rédaction, Chronique du diocèse de Valence, p. j-xxiv.
FiLLET (abbé L.), Histoire religieuse du canton de la Chapelle-cn-
Vercors (Drame), p. 16-27.
— Histoire religieuse de Saint-Agnan-en-Vercors (Drame), pp.
60-70, 101-13.
Francus (D""}, Correspondance, p. 85-8.
Lagier (abbé A.), Le Trièves pendant la grande Révolution, d'après
des documents officiels et inédits, pp. 28-39, 71-9, 114-21, 187-93,
234-44.
Marcieu (comte Humbert de), Saincte vie et glorieulx trespasscment
de Jehan Esmé, sire de SVIolines, p. *57-94.
Mury (chan.). Correspondance, p. 88.
Paradis (abbé Aug.), Eglises romanes du Vivarais: Bourg-Saint-
Andéol, p. *i-i^, planche.
Perrin (abbé), Correspondance, p. 167-8.
Perrossier (abbé Cyprien), L'abbé Serpeille, aumônier de la maison
centrale de Poissy, pp. 121-8. 154-64, 202-8, 214-55.
— Notes sur le grand hiver de /709, p. 255.
Vaschalde fUenryJ, Recherches sur les inscriptions du Vivarais, pp.
39-48, 79-84.
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1^ d... Bcrgoiata.
c a b. Bergoiaia le Haut.
d c... Bac avant i%jo.
rr.... J<apides et vagues,
a... . Radelier et S'-Pilon.
c S'^-Foy.
ce f. Chemin des Tricastint:
mn. Pont nouveau et chemin
nouveau
S^Monian
S^fletTe
y I VUûTitardfis ;
4 5* SulplGC.
f S^ Jean ëArUgo^
S'idarcel >^.
' tAlfi^ ÇJeqgrnMle
ÉGLISES ROMANES
DU VI VA RAIS
BOURG-SAINT-ANDÉOL
Toposraphîe.
Lorsque nous avons entrepris l'étude des églises romanes du
Bourg-Saint-Andéol en Vivarais, nous avons été frappé du rôle
important que jouait dans l'histoire du pays lui-même l'emplacement
de ces églises.
A l'époque de l'établissement du christianisme en cette petite ville,
l'intérêt se concentre sur la place où se trouvèrent rapprochées la
crypte et l'église St-Polycarpe TMaison de TuUie), la crypte et
l'église St-Sauveur (Prison et Temple de Mars). Or ces substitutions
d'édifices chrétiens à des monuments payens amenèrent une véri-
table transformation de la cité et de ses deux rives ; à leur tour ces
changements très notables de la contrée influèrent sur l'érection
d'autres églises des temps mérovingiens et carlovingiens. De là la
nécessité de rattacher notre étude au récit du martyre et au culte
primitif de Saint Andéol et de donner un ensemble de notions topo-
graphiques qui seront comme le fond commun où se dérouleront
nos dissertations ultérieures (ij.
(i) Notre étude rend indispensable la lecture : i° des Acta Sanciorum, i^'' mai,
Saint-Andéol, où les Bollandistes ont inséré le texte même sur lequel nous disser-
tons; 2° YHistoire du Vivarais (1862), par M. le chanoine Rouchier ; et 3° la Vie
de Saint-Andéol, par M. l'abbé Mirabel (1868). Ces deux ouvrages ont élucidé
2 EGLISES ROiMANES DU VIVARAIS.
Ici l'étude de la topographie aura deux aspects : il faut examiner
la topographie naturelle et physique comme partout. Mais il y a
aussi à reconstituer la topographie de la légende des Actes de Saint
Andéol, à voir comment ces Actes décrivent les lieux contemporains
du martyre et quel intérêt historique ressort de la comparaison de
l'état de la contrée au III" siècle avec son état au temps où nous
sommes. De là deux paragraphes : 1. Topographie naturelle ;
II. Topographie historique ou des Actes de Saint Andéol.
I. Topographie naturelle. ■
1° Bergoiata,
Les noms primitifs de lieux sont en quelques syllabes (un mot ou
deux accolés) la peinture de ces lieux mêmes saisis dans un de leurs
traits les plus saillants. Ici par exemple, le nom de la ville est dans
l'antiquité Bergoïates, Bergogiates, Burguilas, Burgias, etc. (ij. Il
est évident que toutes ces formes sont les dérivés d'un radical qui
est Berg, lieu haut, éminence.
Primitivement donc ce qui ressortait le plus dans le paysage, ce
qui frappait les yeux, c'était la partie haute, la falaise de rocher qui
s'avançait brusquement dans le Rhône, et dont les prolongements
inférieurs le traversant en ligne droite soulevaient violemment ses
vagues déjà plus rapides sur ce point qu'en aucun autre de son
cours, à partir de Lyon. Ce rocher sur lequel est bâtie la ville du
nord (le quartier St-Michelj, était surmonté, autrefois (XV*" siècle
et antérieurement) et en surplomb sur le Rhône, dun bâtiment
considérable qui se rattachait à l'aile nord du vieux palais épiscopal.
On en discerne les arrachements (cheminées, naissances de voûtes),
et l'on peut juger par là combien la roche qui le portait envahissait
directement le lit du fleuve.
Dans notre enfance, nous avons vu cette masse calcaire plus pi-oé-
minente et baignant sa base dans le courant, quoique déjà bien
plusieurs points qui nous servent de jalons sûrs et nous ont permis de dire ,
croyons-nous, le dernier mot sur celte question des origines. Une planche de la
vieille cité et de ses rivages, et une autre retraçant les routes qui la reliaient aux
pays environnants aideront le lecteur à nous suivre,
(i) RoucHiER, p. 183.
BOURG-SAINT-ANDEOL. 3
réduite par le temps, les corrosions, les éboulements, et aussi par la
main de Ihomme.
Le plateau qui surmontait ce rocher et qui confinait au couchant
de plain-pied avec la voie romaine de Lyon à Nimes convenait par-
faitement à une population qui, fixée sur une frontière naturelle,
pouvait avoir besoin de se défendre. De là des vestiges, à grand et
bel appareil antique, sur la pointe nord de cette falaise, insuffisants
toutefois pour indiquer le genre du monument, temple, tour ou
éperon de fortification. Les documents du moyen âge (Archives de la
ville, vieux actes notariés) indiquent sur ce point une grande tour et
une sorte de place d'armes, qui se trouvaient ainsi en état de com-
mander à la fois le fleuve et la grande route au nord de la cité.
Mais, comme le pays était aussi bien situé pour servir d'entrepôt
entre le fleuve et les Cévennes en temps ordinaire, les habitants
échelonnèrent leurs maisons sur la pente insensible que la colline
forme au midi jusqu'au rivage plus accessible et plus propice à
rétablissement d'un port. Le fleuve venait battre contre le bas de la
falaise dans toute sa longueur et, sur cette portion du rivage, tout
chemin, même pour les piétons, était impraticable. A peine s'y ha-
sardait-on sans barque par les eaux très-basses. Au moyen âge,
c'était le point d'amarre des moulins.
En somme donc Bergoïata était comprise et resserrée au cou-
chant entre la voie romaine rectiligne, appelée chemin droit, et au
levant le cours du fleuve très agité en toute sa largeur vis-à-vis de
la falaise, mais, un peu plus bas, assez calme par l'effet d'un certain
remous des eaux et de l'absence de rochers.
Au centre de la petite cité il y avait une place (jardin, préauj, au-
tour de laquelle on signale au midi un temple de Mars élevé sur une
salle basse pouvant servir de prison, et au levant une maison ro-
maine importante, peut-être résidence d'un fonctionnaire impérial,
et ayant une façade sur le fleuve.
De cette place centrale partent les rues et les chemins. Une d'elles
traverse la cité en longueur et va rejoindre au nord la voie romaine
pour dessei-vir les villas de la banlieue dont on a les traces au Chey-
lard, à Clayas, à Cousignac, à Martinas, à Campane, à St-Pierre,
etc. Une autre monte au couchant et, arrivée à la route, se bifurque
pour conduire d'un côté sur les coteaux et dans la montagne et de
l'autre vers le val de Tourne et au sanctuaire de Mithras. Une troi-
sième aboutit par le quartier des Trives (Triviœj à la porte du
4 EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
midi (j) vers le point où la voie romaine franchit sur un pont le
ruisseau de Tourne. Enfin les autres rues au levant descendent di-
rectement au fleuve, en sillonnant le quartier bas dit Briançon (2).
L'écoulement des eaux du coteau se fait par le milieu de la cité où
une dépression d'abord légère s'accuse fortement dans la région des
Trives et de Briançon, et finit comme une sorte d'égout à ciel ou-
vert se déversant dans le Rhône.
A une petite distance, au couchant et au midi, la ville a un fau-
bourg dit de Tourne, bâti sur les deux côtés d'un ravin dont les
eaux jaillissent de deux gouffres (^) formés naturellement par les
flancs caverneux d'un vaste rocher sur lequel est sculpté le dieu
Mithras des anciens Perses. A la suite du grand gouffre on voit les
vestiges de la grotte des fées « boiiorno di fado » (4). On serait au-
(1) Ce quartier méridional est appelé de Saint-Donnis, et non Saint-Denys ; les
documents du moyen âge compulsés par M. de Boislisle tant aux archives que
dans les actes notariés mentionnent là le planinn, le portale, le cimeterium Sanct*
Dompnini, la place, le portail, le cimetière de Sainl-Domnin ou Donnis. La pro-
nonciation Doiinis est usitée dans les diocèses de Digne, dont St-Domnin fut le
premier évéque, et de Fréjus. Toutefois on trouve un Saint-Domnin au 9 octobre,
jour de la fête de Saint-Denys, prononcé en Languedocien Dounis, ce qui a dû
augmenter la confusion. (Voir le 13 février dans les Petits Bollaniistes.) Quant à
savoir quel est le St-Domnin dont il s'agit au Bourg St-Andéol, c'est une question
i élucider. La ville de Lamastre en Vivarais a pour patron le Saint-Domnin du
Puy-en-Velay, mais ce culte ne parait pas remonter au delà de la fin du 16'= siècle.
Ce cimetière devait être celui de la vieille léproserie devenue plus tard Thôpital
jusqu'à la Révolution, et de là transféré aux Récollets actuellement.
(2) Quelle est l'étymologie de ce nom du quartier rapproché du fleuve r Nous
croyons que Briançon est ici la traduction vulgaire et écrasée du génitif Durgen-
sium, Bergensium. La transformation est absolument pareille dans le nom de ville
Briançon, venu de Brigantion, avec la disparition du g par la même loi d'écrase-
ment et d'élimination. Ce quartier se peupla des bateliers, pêcheurs, portefaix,
entrepositaires, négociants ; il devint, par la décadence de Bergoiata le Haut, le
quartier vivant, le quartier des Burgenses, des véritables citoyens qui, aux yeux
des gens d'affaires, caractérisaient la ville et en portaient le nom.
(3) Le mot gouffre répond au mot gour ou goul en usage dans le pays, qui dé-
rive de gurges. On lit en effet dans les manuscrits du moyen âge gour, gourge et
gourgino. 11 y a ici le grand goul et le petit goul.
(4) Il faut remarquer que, en ce pays, on dit également Bouôrno et Bâoumo,
pour signifier grotte, caverne, quoique en son sens strict Bouôrno soit ordinaire-
ment Borne. Mais il faut ajouter qu'en cet endroit même, autrefois, le ravin était
fort resserré et comme étranglé par de hauts rochers superposés qui produisaient
l'effet de Bornes immenses suspendues dans les airs. On ne déplorera jamais assez
la destruction de cette partie magnifique du ravin. On avait presque dans la ville
un échantillon de ces solitudes à roches sauvages et accidentées que les touristes
BOURG-SAINT-ANDEOL. 5
jourd'hui tenté de commettre une erreur sur les grottes des fées.
Depuis rexploitation très-récente des carrières contigues qui ont
défiguré à cet endroit ce val si pittoresque, plusieurs s'imaginent
que les grottes des fées n'existent plus. Les mineurs, il est vrai, ont
anéanti en partie les souterrains naturels qui s'enfonçaient sous la
montagne et même sous le ravin, quoique l'on puisse encc're en
retrouver sous les décombres. Mais on n'a pas touché au petit jardin
potager et fruitier qui fait limite en avant de la carrière. Or c'est à
cette pointe du jardin et dans le jardin même qu'il y avait antique-
ment une véritable et grande grotte de plain-pied avec le sol. Par
une inspection très attentive du rocher auquel aboutit le petit mur
d'enceinte du jardin, on remarque qu'il a été entaillé de haut en bas
et qu'on a abattu tout le côté qui confinait au torrent et constituait
une des parois de la grotte, l'autre paroi étant encore le rocher de la
montagne. Il est facile de reconnaître la voûte naturelle qui va s'a-
baissant jusqu'au niveau de la terre du jardin et forme encore un
certain abri pour des outils ou objets peu considérables. C'est à la
suite que venaient à fleur de terre les diverses entrées des cavernes
souterraines.
Ce quartier de Tourne n'est rien autre chose que l'extrémité infé-
rieure de la vallée de Combelonge qui descend du grand plateau du
Lôou (t). C'est à Tourne que de tous temps se sont groupés les
meuniers, les tanneurs, les lessiveurs et les teinturiers. Mais à l'épo-
que payenne, ce morceau de ravin formant, au nord des gouffres, de
Mithras et des grottes des fées, un vaste amphithéâtre, devait avoir
un intérêt particulièrement religieux et offrir à certains jours de cé-
rémonie publique un spectacle vraiment grandiose.
2" Bergoiata-le-Haut.
Nous venons de décrire Bergoiata sur la rive droite, la rive Hel-
vienne, Vivaraise. Le lecteur doit savoir qu'à cette époque il y avait
sur ce point du Rhône une double agglomération portant le même
vont à grands frais et à grandes fatigues contempler dans les montagnes les plus
inaccessibles et les plus éloignées.
(ï) Lôou. Ce mot vient d'Ouol (charte de M= Vierne. 1221). Ouol, avec l'article
L'Ouol, contracté Louôou, avec le redoublement de l'article Le Louôou ou Le
LôDU. C'est le vaste plateau des Bois du Bourg-Saint-Andéol.
Ô EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
nom Bergoiata (i), Bergoiata-le-[Iaut (rive gauche, Tricastine ou
Cavarej, Bergoiata le Bas frive droite), à la fois séparées par le
fleuve et reliées par les iles du fleuve, surtout par une île très-impor-
tante appelée Largentière. Bergoiata-le-Bas (rive droite) était, comme
nous venons de la décrire en détail, la ville bâtie sur le plateau de
la falaise et pouvant servir de refuge fortifié. C'est évidemment d'elle
que venait le nom de l'agglomération. Mais elle était difficile d'accès
pour la navigation, précisément à cause de sa rive rocheuse et des
gros coups des vents du nord qui la fouettaient sans obstacle. Ber-
goiata-le-Haut (rive gauche) assise dans la plaine, sur une terre
d'alluvions en partie anciennes, en partie récentes, était la ville im-
posée parles nécessités de la pacification, du commerce et des com-
munications avec tous ces petits peuples (2), compris entre les
Allobroges et la Province romaine, de l'Isère à la Durance, qui
avaient absorbé si promptement et si facilement les éléments de la
civilisation romaine, et qui tiraient un si grand parti non-seulement
de la grande voie romaine d'Agrippa (faussement appelée Domi-
tienne) (3), mais de leurs rivières parfois flottables (Drôme, Aygues,
Ouvèze) et surtout du Rhône qui les recevait toutes et permettait
une pratique ininterrompue. Bergoiata-le-Haut, quoique station im-
provisée, avait rapidement acquis une importance supérieure à celle
de Bergoiata-le-Bas dans le sens que nous venons d'indiquer. Elle
avait un port commode, dans une branche boisée et abritée du
Rhône, servant d'entrepôt pour toutes les localités du pays Tricastin.
Et telle est la force des choses de la nature qu'aujourd'hui encore,
malgré tous les travau.K multipliés pour amener les eaux hautes vers
la rive droite, malgré l'importance de la ville actuelle du Bourg,
malgré le port artificiel qu'on y a construit à grands frais, les bate-
liers ont toujours préféré et pratiqué, quand ils l'ont pu, l'abordage
sur la rive gauche cependant déserte et abandonnée.
A l'époque dont nous nous occupons, il est facile de reconstituer
le lit du fleuve, ses courants et ses rivages. A partir du détroit de
Viviers-Donzère, le Rhône se bifurquait en deux vastes courants
entrecoupés eux-mêmes d'une multitude d'ilôts ; l'un s'infléchissait
vers la droite, la rive Ilelvienne, et ne quittait presque pas la haute
et vieille berge de la route romaine de Lyon à Nîmes, effleurant
(i) Voir RoucHiER, p. 183 cl suiv.
(2) Ségalauniens, Voconces, Tricastins, Cavares, elc
(3) Voir Ai.LMEK, Revue épi 'graphique, t. I", p. k).
BOURG-SAINT-ANDEOL. 7
Saint-Pierre, La Barrale, Le Cheylard. La Perrière (branche de
Chanabier). L'autre presque rectiligne le long de la rive gauche
coupait de Donzère sur Bergoiata-le-Haut, passait près Maloubert,
Les Méas, Sainte-Foy, Le Radelier, et continuait sur Frémigière
(Formicaria). Le courant de droite rencontrant la falaise avancée de
Bergoiata-le-Bas était rejeté sur la rive gauche et entretenait ce bras
du fleuve qu'on appelait le Petit Rhône et qui visait précisément
Frémigière. Presque toute la navigation se portait dans ce bras. De
là, par le fleuve au nord, par le fleuve au midi, l'importance du port
de Bergoiata-le-Haut. Ce Vicus occupait en terre ferme la plaine
dont le centre est la vieille chapelle et le domaine actuel de Sainte-
Foy, au nord et limitrophe du Radelier. Il y a trente ans, on voyait
ces terres pleines encore de débris antiques ; on y déterrait des
tombeaux, des armes, des poteries, des marbres, des verres, etc.
Aujourd'hui c'est à peine si on y ramasse quelques fragments de
tuile. Tout a été peu à peu enlevé, porté et broyé comme remblai
sur les chemins voisins (i).
II. Topographie des actes de Saint Andéol.
En comparant cette topographie à celle de la légende des Actes de
St-Andéol, on remarque les rapports d'une concordance parfaite :
on peut encore aujourd'hui connaître et suivre, sur la configuration
du fleuve, de ses rivages, du sol, des chemins, des vieilles rues de
la ville (autrefois sentiers), les détails de la narration du martyre.
Les historiens ont discuté certains passages qui concernent l'entre-
vue d'Andéol et de Septime Sévère, sans en infirmer l'ensemble,
mais il y a deux points sur lesquels la véracité des Actes nous parait
hors de conteste : D'abord, ce qui se rapporte à Tullie, à son dia-
logue avec les gens du peuple, à son habile et salutaire intervention
(nous en avons dit un mot dans la notice sur l'église St-Polycarpe),
revêt une couleur locale qui établit précisément la réalité de l'exis-
tence de sa personne. En second lieu, le cadre topographique dans
lequel ces divers événements sont comme enchâssés est d'une telle
exactitude, qu'après dix-sept cents ans la nature des lieux, la survi-
vance des souvenirs et des traditions, la persistance des monuments
eux-mêmes ne font que leur assurer une valeur sérieusement histo-
rique.
(i) RoucHiER, pp. i88, 190.
8 EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
1° Endroit où le corps saint aborda.
Une première question qu'on aimerait résoudre en lisant les Actes
est celle-ci : A quel point du rivage Helvien (Vivarais) le corps de
St-Andéol fut-il déposé par le fleuve ?
La légende nous dit : « Per fluenta fluvii in citeriori ripa rectè
transiit, ut omnes eum crederent ad locum ipsum à Domino fuisse
transmissum. » Et plus loin : « Maximum videtur esse miraculum,
cùm in hoc loco rapidissimi fluvii prasgrandia saxa aquâ videantur
devolvi, taliter rectè corpus ejus fuisse delatum. »
Ainsi le corps de St-Andéol a traversé le Rhône premièrement
tout droit et secondement à l'endroit le plus rapide et le plus agité.
Pour résoudre ce petit problème, il faut se transporter à quelques
années dans le passé, à l'époque où la mine n'avait pas joué dans
les eaux basses, et où les endiguements actuels n'avaient pas mo-
difié les courants. 11 y a une vingtaine d'années, le lit du fleuve était
à l'état naturel : or à cette époque la rapidité et les grandes vagues
du fleuve se produisaient entre la scierie de marbre au nord, et au
midi l'éperon actuel du quai vertical où se trouve le balcon sur
arceau (ancien moulin) de la maison dont la façade transversale
barre et termine le quai du port et du pont. C'est entre ces deux
points extrêmes fqui du reste constituent toute la longueur du quai
du nord) qu'il faut tirer vers l'autre rive Tgauche) une ligne perpendi-
culaire, et de fait cette ligne retracera presque exactement le banc
de rochers que nous avons indiqué comme traversant sous les eaux
le fleuve en sa largeur. Si l'on veut un point de repaire sur la rive
gauche, on a à peu près le nord de la ferme du Radelier. Le point
vis-à-vis sur la rive llelvienne (droite) sera le bas de la descente dite
de La Poterne (La Pousterlo), ou plus exactement encore, un peu
plus haut, à l'endroit où la rampe dite de Ste-Marie touche au
Rhône.
Le martyre ayant eu lieu sur la rive gauche, on aurait donc faci-
lement la direction générale dans le sens de laquelle il faut chercher
sur cette rive gauche le lieu du supplice. Toutefois cette rive ayant
été plusieurs fois bouleversée et même emportée en large bordure
par les inondations, il est possible que cet emplacement ait matériel-
lement disparu : c'est ce qui semble résulter des documents relatifs
au Saint-Pilon, à la chapelle du St-Pilon (i); nous allons bientôt
revenir sur cette question.
(i) Voir KoucHiER, p. 199 et p. 507.
BOURG-SAINT-ANDEOL. 9
Quant à la station du corps sur la rive Helvienne, ce qui suit va
nous aider encore à en préciser l'endroit.
2° Endroit d'où Tullie aperçut le rassemblement.
Un second problème de la légende à résoudre par la topographie
est celui-ci : Où était Tullie quand elle aperçut le rassemblement
autour du corps saint et quand elle interrogea les gens du peuple ?
Voici le texte : « Contigit matronam quamdam, nomine TuUiam,
per aggc'em publiciim eodem die praeterire ad agrum suum, ubi tune
temporis villam cœperat asdibus exornare : haïc videndi gratiâ pro-
perans, ad istum pervetiit lociim, et videns multitudinem hominum
circa corpus stantem stari jussit carpentum quo vehebatur. Et ait
famulis suis : ite... videte quam ob causam ad hiinc lociim multi-
tude ista convenit hominum , sed et de astantibus illic ad me
addiicïte..., etc. »
Ainsi : où est ce point d'arrêt du char désigné par ces mots " ad
istiim pervenit locicm » ? Remarquons bien qu'il y a deux endroits
bien distincts, istum locum, celui où est le char de Tullie, hune
lociim, le lieu de rassemblement. Tullie voyant la foule demande
qu'on aille lui chercher quelqu'un de ceux qui la composent pour
avoir une explication très catégorique.
On peut émettre deux avis : D'après l'un, la maison romaine de la
place du temple de Mars (église St-Polycarpe) étant la maison de
Tullie, cette dame, pour sortir de la ville, partit de ladite place et
suivit vers le nord le chemin qui coupait la ville en longueur et qui
constitue aujourd'hui les rues St-Polycarpe, du Collège, St-Michel
jusqu'à la jonction de ces rues consécutives avec la voie romaine
(devant le couvent actuel) en dehors de la ville. D'après cette opi-
nion, Tullie aurait pu de son char apercevoir très-bien le rassem-
blement et même le corps sur le rivage de La Poterne : Elle se
serait arrêtée à peu près devant la maison Ramière ou le Collège ;
il est facile de constater qu'en supprimant les maisons et les terras-
sements entre ce point et le fleuve, à cet endroit la pente vers le
fleuve était assez douce et laissait une échappée de vue très-suffi-
sante. C'est encore la pente naturelle de la ruelle sous la voûte Ra-
mière. Mais il y a une difficulté : Le récit porte per aggeretn pu-
bliciim ; Tullie suivait en char (carpentum) la voie publique, la route
romaine. Or de cette route (aujourd'hui la grande rue) qui était la
10 EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
lisière extrême occidentale de la vieille cité, il n'y a qu'un point qui
se rapproche assez du fleuve pour permettre aux regards du passant
de voir le rivage de la ville elle-même (caché dans le reste de la lon-
gueur de la ville par la hauteur du plateau et de la falaisej. Ce point
d'où précisément la pente inclinée du terrain et la vue du voyageur
aboutissent sans obstacle au bord du fleuve, c'est le haut de la
rampe Ste-Marie qui coïncide avec la route publique au sortir de la
ville. Par conséquent, le point où le corps était gisant est le bas
de cette rampe, sur cette plage d'autrefois (avant l'élévation du quai)
très fréquentée par les baigneurs, et comprise entre la falaise du
quartier St- Michel et la scierie de marbre, sous les murs des jardins
du couvent Ste-Marie et de l'Hospice. Là, il y avait réellement une
plage sur laquelle le corps pouvait, d'après le récit, être rejeté à
plusieurs coudées du fleuve. Plus bas, le trajet du corps à travers le
fleuve n'eut plus été direct, et le corps n'aurait pu aborder, puisque
le rivage formait une falaise à pic, sauf le petit accès de la Poterne
qui ne saurait convenir.
En admettant cette solution, il faut supposer que Tullie avait pris
son char non pas à la place du temple de Mars (place St-Polycarpe),
le char n'aurait pu remonter la colline si abrupte au couchant de
cette place ; mais bien au point de la voie romaine qui serait aujour-
d'hui la place de Saint-Andéol sur le plateau. Il est possible que le
prœdium. les jardins de Tullie s'étendissent sur cette croupe, sur ce
plateau, jusqu'à la voie romaine.
3° Endroit du martyre. — Le Saint-Pilon.
Mais il y a une question topographique plus intéressante encore
que les précédentes : En quel endroit précis de la rive gauche le
supplice a-t-il eu lieu ? Où est la place du martyre ?
La réponse à cette question a été faite par les auteurs les plus
compétents auxquels nous renvoyons le lecteur (i). Il résulte de leurs
opinions que la chapelle du Saint-Pilon, construite en lôig, ayant
depuis longtemps disparu, nous n'avons aucun renseignement cer-
tain sur son emplacement. Mais, si la chapelle a cessé d'exister, le
Saint-Pilon lui-même a été sauvé, et c'est le tronçon de colonne
qu'on remarquait encore vers 1820 sur un tertre de maçonnerie de-
(l) ROUCHIER, p. 507; MlRABEL, p. 225.
BOURG-SAINT-ANDEOL. I I
vant la ferme du Radelier à l'intersection du chemin public de Pier-
relatte (ancienne route) et d'un petit chemin d'exploitation ouvert
directement devant la porte de la ferme et allant vers le Rhône.
Telles sont en résumé les conclusions des auteurs précités. Elles
sont fondées sur le Bail à prix fait de la construction de la chapelle
du Pilon, sur le Procès-verbal d'enquête relative à la découverte ré-
cente du dit Pilon, et sur la configuration et l'état actuel des lieux
situés sur la rive gauche en face de la falaise du Bourg. Nous nous
empressons d'y souscrire. Et si nous y revenons, c'est pour les cor-
roborer dans leur ensemble. Ces conclusions s'appuient sur des
documents réellement existants, et aussi sur les traditions orales et
locales qu'elles ont introduites dans l'histoire. Or, en pareille ma-
tière, il y a une loi terrible à subir, c'est que, lorsque les monu-
ments disparaissent, les traditions qui s'y rattachent, fussent-elles
séculaires, millénaires, subissent un affaiblissement qui, aux yeux
de certains esprits ou tim.ides, ou peu éclairés, ou prévenus, équivaut
à un doute et même à une négation. C'est le sort qui semble me-
nacer le monument du Saint-Pilon.
Depuis le 7 novembre 1823, jour où le Pilon et la maçonnerie qui
le soutenait furent enlevés, qu'est-il arrivé dans les sentiments et
l'opinion du public ? Premièrement, pendant trente ans environ,
c'est-à-dire pendant la durée de la génération qui avait vu disparaî-
tre ce qu'on appelait vulgairement et unanimement non pas le Pilon,
mais la pierre de Saint-Andéol (La peyro de Sent Andiôou), on a
protesté tantôt très-haut, tantôt en silence, selon le degré de l'indi-
gnation et le caractère des personnes. Puis cette génération passée,
on a répété de ci delà ce que cette pierre attestait, et puis l'on s'est
tû, non par dédain pour la cause, ni par lâcheté, mais par crainte
de ne pouvoir étayer ce que l'on aurait favorablement avancé, par
ignorance personnelle du passé, par impossibilité de produire et
étudier encore le monument lui-même anéanti.
Ainsi, tandis que les générations antérieures fréquentant la route
de Pierrelatte ne franchissaient jamais cet amas de pierres surmonté
du Pilon renversé ou relevée, sans faire un geste respectueux, sans
avoir un mot de souvenir pieux fvoilà la pierre de St-Andéol !), notre
génération présente n'a jamais eu l'occasion de voir où était cette
pierre, et par le tracé nouveau de la route actuelle ies voyageurs ne
passant plus au Radelier, l'oubli le plus complet s'est fait sur ce
monument déraciné et sur la tradition qu'il gardait ; cet oubli s'est
fait de nos jours, nous vivants, sous nos yeux. Notre génération ne
12 EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
sait plus seulement s'il y a eu là ou ailleurs une pierre de Saint-
Andéol, ou une pierre quelconque, une maçonnerie quelconque.
Pour nous qui, fort jeune, avons passé en ces lieux si fréquem-
ment et en société de parents et d'amis, nous faisons appel à toutes
les personnes de notre âge, et nous les prions de dire ce qu'elles
ont entendu, ce qu'elles ont appris, ce qu'elles ont dit elles-mêmes
sur le souvenir qui subsistait de cette pierre de Saint-Andéol au
Radelier, alors même qu'elle n'y fut plus exposée aux regards. A
plus forte raison, nous demandons aux survivants des temps anté-
rieurs à 1823 d'attester ce qu'ils se rappellent sur ce tertre de ma-
çonnerie et sur cette pierre elle-même qu'ils avaient vus. Tous
diront qu'elle n'avait d'autre nom que celui de pierre de Saint-
Andéol; on n'employait pas le mot Pilon. Voilà pour la tradition
orale, populaire et locale.
Mais voici l'objection : On accorde que en la place susdite il y eut
un tertre de maçonnerie et un tronçon de colonne. Pourquoi cette
colonne ne serait-elle pas simplement le fût d'une croix, dont la ma-
çonnerie aurait été le piédestal ? Cela paraît d'autant plus vraisem-
blable que l'extrémité supérieure de la colonne était perforé d'un
trou rond de o"" 06 de diamètre et de o™ 10 de profondeur.
Assurément nous ne voyons aucun inconvénient à accorder que le
Saint-Pilon ait servi à porter une croix. Mais cette croix et son pié-
destal n'étaient certes pas improvisés en cet emplacement du Rade-
lier. Une maçonnerie de 2™ 50 de rayon qu'on met trois jours à dé-
truire est un monument, dans les campagnes surtout. Comment se
fait-il que jamais ni dans un document écrit, ni dans le souvenir, ni
dans le langage populaire, il n'ait été question de la croix de Rade-
lier ? Jamais, jamais. J'en appelle encore ici à tous mes contem-
porains soit pour leur propre compte, soit pour les générations an-
térieures qu'ils ont connues et entendues, En faisant allusion à ce
fragment de colonne, on répétait toujours et sans aucune variante :
La pierre de St-Andéol an Radelier. En sorte que, par une permis-
sion divine , la croix elle-même qui l'aurait surmontée semblait
s'effacer devant le souvenir de l'apôtre qui, ayant eu le crâne fendu
en forme de croix, l'avait si noblement portée en son immolation.
Historiquement donc, rien dans les documents écrits, rien dans la
tradition, rien dans les prétentions mêmes du propriétaire du terrain
ne mentionne l'existence d'une croix, lui lisant le Procès-verbal
d'enquête du Pilon, jamais les divers personnages qui sont en scène
et en conversation ne parlent de croix, ils disent tous et toujours :
BOURG-SAIiNT-ANDEOL. I3
Cette pierre, cette pierre de peu de valeur en elle-même, mais si
précieuse par la foi, par le souvenir qui y est attaché, et qui remonte
au saint martyr, à celui dont les populations croient voir le sang y
suinter encore. Or ces diverses personnes, propriétaires anciens,
paysans, ouvriers connaissaient à fond ce que les générations anté-
rieures, c'est-à-dire celle de la Révolution et celle qui avait précédé
la Révolution, avaient pensé et avaient dit de cette pierre. Certes
nous ne nions pas, encore une fois, qu'une croix y ait été enchâssée
à un moment (inconnu toutefois). iMais ce qui a fait la préoccupation
constante et universelle, c'est la pierre et la pierre seule, cette pierre
de Saint-Andéol. A la rigueur si l'on pressait l'argumentation au
sujet de cette cavité qui a fait penser à l'insertion dune croix, il
serait très-plausible de répondre que cette cavité avait été pratiquée
pour y enfermer une relique du saint, surtout lorsque en 1619 on eut
donné au pilon l'honneur d'une chapelle spéciale.
Après avoir montré l'importance de la pierre du Radelier, nous
devons cependant la ramener à sa vraie valeur par une observation
restrictive. Il est certain, d'après les termes du bail de construction
de 1619 (ij, que le Pilon n'avait pas stvxi au supplice de Saint-
Andéol, mais que c'était une colonne qu'on avait mise ultérieurement
à la place où le saint fut martyrisé. Dès lors la croyance populaire
qui prétendait voir sur cette pierre des efflorescences rougeâtres, et
la sorte de vision qui faisait apparaître aux yeux des maçons de la
chair saignante sous les denf; de la scie, cette croyance perd son
principal appui et risque de passer pour un effet de l'imagination ;
cependant on peut y voir un signe de la permanence vivace et inal-
térable du souvenir du martyr, et aussi de la réalité de l'identité de
cette pierre en tant que Pilon, Pilon antique et datant de l'époque
rapprochée de l'événement. 11 ne faut donc pas rendre au Pilon un
culte exagéré. Il est vénérable par son antiquité, il est vénérable par
l'emplacement qu'il marque ou qu'il a marqué, mais non pour avoir
jamais été en contact avec le saint. Aussi, dit le bail de construc-
tion, on décréta l'édification d'une chapelle au saint lui-même, en
l'honneur de Saint Andéol, au lieu du dit Pilon. Ce n'est donc qu'en
ce sens déjà très respectable que le Pilon est la pierre de Saint-
Andéol.
Il est temps de conclure à notre tour. De toutes ces considérations
(i) Voir RoucHiER, p. 510 : « auquel lieu ou il fust martyrisé, fust mist ung
pillon, qui est encore en nature de la grosseur et hauteur d'un homme. »
k
14 EGLISES ROMANES DU VIVARAIS
il résulte d'abord que la pierre du Radelier, la pierre de Saint-
Andéol, le tronçon de colonne, était et ne pouvait être que le Pilon
et non un support de croix qui eut existé distinct et indépendant du
culte du samt. De plus, quant à l'emplacement, l'énorme substruc-
tion qui servait de base à cette pierre était évidemment sans pro-
portion avec elle. On pourrait donc admettre que ce gros massif de
maçonnerie constituait les fondations d'un édicule, de la petite cha-
pelle de 1619, renversée en un moment inconnu. Et l'on aurait ainsi
le lieu même du supplice. Nous ne sommes pas éloigné de partager
cette opinion : elle coïncide avec tout ce que nos pères disaient et
répétaient sans hésitation, ni variantes. D'ailleurs le chemin droit
qui relie le Radelier a Ste-Foy est, à n'en pas douter, un chemin de
l'ancienne cité détruite de Bergoiata-le-Haut, et l'endroit où il se
déverse dans le chemin qui reliait au Rhône les Tricastins de Pierre-
latte et de St-Paul-trois-Châteaux (i) convenait très-bien, comme
carrefour, pour jeter dans le fleuve qui effleurait ce point le corps du
supplicié, en présence d'une assistance nombreuse et de l'Empereur
lui-même. Or ce point de jonction des chemins de Bergoiata au
nord et des Tricastins au levant est précisément la maison du Rade-
lier, et le point de la vieille berge qui la porte, le plus voisin du
fleuve et touchant le cours du fleuve, était à cette époque l'empla-
cement lui-même du Pilon et de sa maçonnerie, devant la porte du
Radelier.
Toutefois, eu égard au récit des Actes, à la topographie que nous
avons étudiée et établie d'après les courants du fleuve et d'après
l'intervention du TuUie, si l'on objecte que le souvenir d'une cha-
pelle aurait dû persister, nous admettrons, comme les auteurs pré-
cités, que la chapelle ayant été construite sur un terrain d'ile et
d'alluvion passagère et ayant été démolie par un événement inconnu,
peut-être une inondation, on ramassa les matériaux et le Pilon re-
trouvés, et on les rapporta en terre ferme, le plus près du fleuve ;
on les utilisa comme fondations d'un nouvel édicule projeté qui n'a
pas été réalisé, fondations détruites en 1823.
Quelle que soit l'opinion qu'on adopte, il reste démontré pour
nous que la pierre de St-Andéol dont nous avons encore la plus
grosse partie est le Pilon et non un lut ordinaire de croix ; que d'ail-
eurs ce Pilon n'avait pas servi au supplice du saint, mais pouvait
avoir reçu une croix ou une relique à son sommet.
(1; Voir plus bas (p. 16) ce que nous disons de ces divers chemins, rattachant
Bergoiata à la grande voie romaine d'Agrippa (appelée à tort Domitienne).
BOURG-SAINT-ANDEOL, I5
4" Endroits des divers supplices.
Comme on le voit par les Actes, le supplice d'Andéol a eu lieu en
l'espace de vingt-quatre heures sur les deux rives du Rhône. Rien
n'est plus capable de nous attacher à la configuration de ces deux
rives que les détails successifs de ce martyre. C'est un véritable
drame en plusieurs actes : L'avant-veille du i'"' mai, Andéol venu
de Lyon en bateau s'arrête le soir au port de Bergoiata de la rive
gauche, avec l'intention de se diriger dès le lendemain par terre vers
Carpentras lieu de sa mission. Dès le matin de la veille du i*"' mai,
il prêche Jésus-Christ, et Septime-Sévère le fait arrêter, l'interroge,
le soumet aux tourments. Le soir le saint est porté sur la rive droite
pour être jeté dans la salle basse du temple de Mars : il y passe la
nuit. Le matin du i" mai on vient le reprendre en barque, pour le
reporter sur la rive gauche où il est mis à mort. Enfin son corps
jeté au fleuve aborde sur la rive droite où il reste exposé mais res-
pecté jusqu'à la nuit du 4 au 5 mai, pendant laquelle TuUie le fait
enlever secrètement et ensevelir au lieu de la crypte de l'église St-
Polycarpe.
On voit combien est applicable ici l'étude que nous avons faite sur
Bergoiata le Haut et Bergoiata le Bas, et comment elle nous facilite
l'intelligence de ce va et vient sur les deux rives quon fait subir au
martyr.
Revenant donc à la légende, elle n'offre aucune difficulté en ce quj
concerne la partie des événements qui se passent sur la rive droite.
Nous voyons très-facilement, comme si c'était aujourd'hui, le ba-
telet qui, parti de Bergoiata-le-Haut, c'est-à-dire dun point du port
ou d'une ile à la hauteur intermédiaire de Ste-Foy et du Radelier,
vint, avec le captif, aborder à Bergoiata-le-Bas, au quai (du Ponton)
vis-à-vis la petite rue du Bac ; le temple de Mars et sa prison étaient
à cinq ou six pas au nord de cette rue qui en était le chemin en
venant du fleuve. Lorsque le lendemain on ressaisit le prisonnier, il
descendit cette même rue, resta un moment sur le même point du
rivage, attendant la barque qui, l'ayant reçu, dut être remorquée
assez haut le long de la falaise pour que, par la traversée du fleuve
si agité et si rapide en cet endroit, elle pût aborder sur la rive gauche
à peu près au point de départ de la veille. Car c'était le point où
l'Empereur devait facilement se trouver et en finir avec le mission-
naire chrétien. Cette manœuvre des barques traversant le fleuve est
l6 ÉGLJSES ROMANES DU VIVARAIS.
exactement celle qu'on pratique encore et qui de tout temps a été
commandée par la force du courant, à moins de supposer un bac
qui déjà existât tel qu'avant 1830, et du reste à la même place.
5° Intervention de t Empereur Septime-Sévère. — Itinéraire.
Dans ce récit dramatique, nous avons encore un véritable pro-
blème à résoudre, c'est sur la rive gauche l'intervention de l'Empe-
reur Septime-Sévère : non pas l'apparition de sa personne elle-
même, mais l'explication de son itinéraire. C'est ici du reste une
étude de routes fort intéressante. Bergoiata-le-Haut, dont le centre
correspondait au domaine de Ste-Foy et à celui du Radelier occu-
pant tous les deux la vieille berge du Rhône (i) et confinant avec
ces autres terres plus ou moins récentes que le fleuve laisse et em-
porte à son gré, avait une route pour communiquer avec les loca-
lités d'alentour. Cette route a sa tête au bord du Rhône, à la ferme
du Radelier, là même où furent le Pilon et sa base maçonnée. De ce
point vers le midi un chemin suit l'ancien bras du Rhône jusqu'à
Fremigière. Vers le nord un autre passe à Ste-Foy et poursuit jus-
qu'à la rivière de la Berre, et vers le levant un troisième s'enfonce
dans la plaine avec une bifurcation, non loin du Radelier, dont une
branche se dirige vers Pierrelatte et au-delà, et l'autre sur St-Paul-
trois-Chàteaux par le domaine des Armes et le moulin du Bus. Mais
pour atteindre la voie romaine officielle (dite encore Chemin J'erre)
tracée de Bollène à la Berre aux pieds des collines de St-Paul-trois-
X^hâteaux, il faut traverser la plaine en toute la largeur. Il est vrai
que Bergoiata-le-Haut, comme port, était tête de route pour relier le
commerce du fleuve à la voie romaine, et que son importance, tra-
duite plus tard par une viguerie du Comté Tricastin (2), en faisait le
siège d'une certaine magistrature, de certains fonctionnaires tant
municipaux qu'impériaux. Toutefois, malgré cette supériorité relative
de Bergoiata-le-Haut, nous ne pouvons nous expliquer comment un
Empereur, un conquérant, un chef préoccupé d'une grande expé-
dition militaire, quitte tout à coup la voie romaine au point où elle
entre dans la cité des Tricastins et, au lieu de s'arrêter en ce chef-
(i) Même sur la rive gauche, dans la plaine, le lonij,- du Rhône, il est facile de
reconnaître la berge antique, diluvienne, par ses terres plus denses, plus rougeâ-
trcs quelquefois, par son niveau relativement plus élevé, etc.
(2) Voir RocciiiER, p. 189.
BOURG-SAINT-ANDÉOL. ï;'^-
lieu offrant toutes les ressources et l'organisation d'une petite capi-
tale romaine, se transporte à travers champs jusqu'aux bords du
Rhône, à près de huit kilomètres.
Nous devons, il est vrai, reconnaître que la route de Bergoiata à
la voie romaine était très-fréquentée et par conséquent très-bien
frayée, très-bien entretenue : Nous en avons la preuve dans ce pas-
sage de la légende qui nous montre Andéol venant à Lyon s'em-
barquer dans le but de descendre expressément à Bergoiata pour se
rendre de là à Carpentras. il y avait donc là une voie officiellement
reconnue dans toute la Gaule, surtout dans les pays riverains du
Rhône, Cela ôte déjà à l'excursion de l'Empereur à Bergoiata le ca-
ractère étrange qu'elle aurait si, par exemple, un prince de ce rang
avait à la faire par les mêmes chemins dans l'état défoncé, rétréci,
presqu'effacé où ils sont aujourd'hui (je parle des anciens chemins
dont les tracés subsistent).
Mais cela n'explique pas l'excursion elle-même. Plusieurs hypo-
thèses peuvent être présentées. Ou pour des motifs d'organisation
militaire, de recrutement, d'entrevues administratives, etc., de mar-
ches des divers corps de l'armée expéditionnaire, l'Empereur a eu
besoin de se rapprocher des populations de la rive droite, de pren-
dre des informations sur la batellerie, etc., de se pourvoir lui-même
de renseignements ou de ressources spéciales à cette région. Ou bien
il avait remonté ou il allait remonter le Rhône en bateau à ce point,
soit par suite des considérations qui nous sont inconnues, soit pour
éviter les cahots de la route de terre, et adoucir par ce véhicule
moelleux les douleurs de la goutte à laquelle il était sujet. Ou bien
son passage chez les Tricastins coïncidant avec l'arrivée d'Andéol à
Bergoiata, les prédications de celui-ci déjà commencées dans la nuit
et continuant le matin furent ébruitées par des divers courriers et
voyageurs, même par des délateurs officieux ou officiels et portée,
vers le milieu du jour, à la connaissance de l'Em.pereur. Par l'em-
pressement des populations à venir l'entendre ce jour-là même, par
la rapidité avec laquelle se formèrent les rassemblements, il est
facile de conjecturer que l'apôtre était déjà connu, qu'il avait déjà
évangélisé ces pays, qu"il y avait des prosélytes, qu'il avait pu les
informer de son passage (ij. En un mot, quoique les Actes ne men-
tionnent que cette dernière prédication et les détails de ces derniers
(t) Saint Andéol, pendant quarante ans, a évangélisé les bords du Rhône et de
ses affluents, le Gier, la Drôme, TArdèche, la Durance, etc.
I& EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
jours de la vie du saint, il ressort de l'ensemble du contexte, de la
sympathie des peuples, de l'intervention de Tullie, etc. et des tra-
ditions établies à Carpentras, à Camaret, à Orgon, etc. que Andéol
ne faisait pas sa première apparition en ce pays.
Il est possible que les magistrats de Bergoiata, avertis du passage
de Septime-Sévère chez les Tricastins, ayant le devoir et l'ordre
d'aller se présenter à lui, pailirent de bonne heure après avoir vu
les manifestations matinales du rassemblement favorable à l'étranger
nouveau venu et emportant de ce spectacle des impressions sinistres
pour l'ordre public. Sur leur rapport alarmant, dénaturant l'état des
esprits et signalant un péril, l'Empereur qui arrivait dans cette Lyon-
naise autrefois dévouée à ses rivaux, voulut constater en personne
ce mouvement populaire ; il partit sur-le-champ pour Bergoiata.
Quelques personnes ont avancé que l'Empereur s'était arrêté à
Bergoiata pour offrir des sacrifices à Mithras. On peut conclure de
tout le récit, et particulièrement de l'indication d'une maison sur la
rive droite par le soldat Cérétius, que l'Empereur ne traversa pas le
Rhône pour venir au Mithraeum, et qu'il resta sur la rive gauche au
moins jusque après les deux jours du martyre.
Quelle que soit l'interprétation, le récit donne clairemeni à suppo-
ser que, à mesure qu'il approchait. Sévère voyait des foules se ren-
dre et se concentrer à Bergoiata : V^idit in eoJeni îoco turbcis homi-
nuin convenue ; pour entendre un homme, ad audicndum dei homi-
item ; qu'il ne connaissait pas le caractère de ces rassemblements ;
que peut-être il s'attendait à trouver une multitude groupée autour
d'un agitateur politique pérorant dans le tumulte ; qu'il fut surpris
d'abord de voir dans la foule non moins de femmes que d'hommes
ce qui atténuait ou même dissipait la crainte d'un mouvement sédi-
tieux ; et qu'enfin il constata que l'aspect de tout ce monde dénotait
le recueillement et la piété, 11 est clair par le texte que, à ce mo-
ment, l'Empereur ne pensait nullement à une manifestation chré-
tienne. Son étonnement le porte à demander l'explication de cette
double circonstance : « Interrogans quam ob causam ibidem tain dé-
volu iitriusque sexùs concurreret multitudo.» C'est alors qu'il recon-
naît se trouver en présence d'un missionnaire chrétien. « Cognovit
Andeoluni Jesiun Chn'stum..., voce publicà...^ omnibus annuntiare. »
Le duel commença. Le ton violent et l'attitude brutale de l'I^mpe-
reur s'expliquent assez par l'exaspération qui succéda à sa surprise
lorsqu'il constata lui-même combien, jusque dans les campagnes, on
faisait peu de cas de son cdit de persécution, et l'on sait que Sévèi'e,
BOURG-SAINT-ANDEOI..
1-9
si bienveillant envers les chrétiens au début de son règne, déploya
contre eux, dans les dernières années de sa vie, la plus cruelle et la
plus tenace rigueur.
Tels sont les moyens que nous proposons pour expliquer la pr-é
sence d'un Empereur romain très affairé sur une grève du Rhône
peu importante et assez distante de la voie romaine, et sa rencontre
fortuite avec un apôtre du christianisme dont le dessein bien arrêté
était de poursuivre sans retard sa marche vers le midi.
Nous avons averti le lecteur que la difficulté ici était dans cet iti-
néraire de l'Empereur qui le faisait passer en cette bourgade, au
bord du fleuve, et qu'elle n'était pas dans la présence même de sa
personne en cette région des Tricastins, en cette saison du prin-
temps et en cette année même du martyre de Saint-Andéol. En
effet, les détails de la biographie de Septime-Sévère étant très-
connus, il est facile de constater que toutes ces dernières circons-
tances correspondent parfaitement à l'expédition qu'il fît en Calé-
donie. Parti au printemps de l'an 208, il mourut à York le 4 février
211. Le passage d'un prince si illustre chez les Tricastins avait trop
d'éclat et de notoriété en ses moindres détails pour que les rédac-
teurs sacrés eussent risqué le fait énorme de sa rencontre avec le
saint, si les traditions les plus solides et les documents ou monu-
ments les plus positifs n'en avaient établi l'authenticité. Plus on
relit les actes, plus on trouve dans le récit et dans ses accessoires
historiques et géographiques le reflet d'un événement séculairement
reconnu, incontesté, et les éléments d'une conviction favorable à la
sincérité, à la véracité du narrateur.
Procès-verbal d'enquête sur la recherche du monument
APPELÉ LE Pilon SIS EN LA TERRE DU RaDELIER.
L'an de l'Incarnation de Notre-Seigneur 1860, le dimanche sei-
zième jour du mois de septembre, après vêpres, vers trois heures et
demie,
xMM^" N..., N..., N..., N..., N..., N..., ont pris avec eux le sieur
Joseph dit d'Entremeaux, journalier, demeurant au quartier de la
Rochette, âgé d'environ 50 ans, et se sont rendus au domaine dit le
Radelier, sur la rive gauche du Rhône, en face du quai supérieur du
Bourg St-Andéol, afin de savoir et reconnaître positivement s'il
20 ÉGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
restait encore quelques débris du monument appelé vulgairement le
Pilon de St-Andéol, qu'une foule de personnes de la génération
actuelle se rappellent avoir vu à l'angle du chemin de Pierrelatte (an-
cien grand chemin) et du chemin qui conduit de la porte du domaine
directement vers le Rhône.
Ledit Joseph était manœuvre du maçon appelé Chamoulet, que
tous ont connu, il y a quelque années, et ils travaillaient au Radelier
pour y faire les constructions qui sont au midi de la cour d'entrée,
lorsque Al. X..., petit-fils par sa mère de M. Y..., ancien propriétaire
du Radelier, leur ordonna d'employer les pierres qui soutenaient
encore le Pilon. Ledit Joseph fut employé pendant trois jours à
déterrer ce tas de pierres formant un tertre circulaire dont la
base avait eu 2*" 50 de rayon et sur le sommet duquel le Pilon
était planté à environ o, 40 c, de profondeur, la partie qui en ressor-
tait ayant à peu près o, 80 c. de hauteur ; c'était un fût de colonne de
o, 20 c. de rayon ayant à sa base supérieure un trou de o, 06 c. de
diamètre. Dans ce trou et tout autour se trouvaient des taches
rouges que tout le monde a vues et qu'on appelait des taches du
sang du martyr : au i" mai elles prenaient un plus vif éclat, ainsi
l'affirment tous les témoins du temps.
Ledit Joseph et ledit Chamoulet enlevèrent le Pilon et le séparè-
rent des pierres. Avec celles-ci ils construisirent, sur l'ordre de AL
X..., le pilier d'un hangar destiné à abriter la grande auge qu'on
voit encore près du puits dans la cour. Le soir même de cette cons-
truction, deux équipages (attelages de chevaux pour remonter les
barques du Rhône) étant arrivés au Radelier, quand on fit sortir les
60 ou 80 chevaux de l'écurie orientale pour les abreuver à l'auge sus-
dite, ils se mirent à piaffer, à bondir; aucun ne voulut approcher de
l'auge ni du pilier, et les mariniers tempêtant et blasphémant contre
leurs animaux, les menèrent boire au Rhône. M. X... fit venir Joseph
et lui dit : « Il te faudra sur le champ démolir ce pilier. » — Ce sera
facile, répondit Joseph, il est encore tout frais. « Et prenant un
levier, il le renversa sur le sol. Dès le matin les chevaux burent à
l'auge, comme à l'ordinaire.
Les pierres du pilier furent disséniinées dans les constructions ;
elles servirent particulièrement à élever le mur méridional de la pe-
tite cour des établcs à pourceaux qui longe au levant les bâtiments
du midi.
Quant au Pilon, on le coupa en deux parties ; le fût supérieur qui
avait le trou rond et profond d'environ 10 centimètres, fut morcelle
BOURG-SAINT-ANDEOL. 21
et confondu avec les matériaux de ce même mur de la cour des pour-
ceaux.
Le reste fut scié en sa longueur par Chamoulet et Joseph. Pen-
dant qu'ils le sciaient, Reynaud Baratier, homme grand et robuste
qui avait eu la confiance de la maison de M. Y..., s'approcha et dit à
Chamoulet: « Comme les choses changent! Si M. Y... te voyait
scier cette pierre, il t'aurait bientôt descendu de là avec sa seringue
(son fusilj. » Chamoulet répondit : « Que voulez-vous ? Les maîtres
me l'ont ordonné. A maître qui veut, valet doit obéir. — Hé bien !
dit Baratier, pour une pierre de trente sols, il perd trois journées de
travail et s'expose à quelque grand malheur ! »
Ici Joseph ajoute, avec affirmations réitérées, que Chamoulet lui
dit pendant qu'ils sciaient : « Ne vois-tu rien ? » Joseph lui répondit
et, comme nous en étions étonnés, il nous a affirmé encore plusieurs
fois, avoir vu sous la scie la pierre devenir semblable à de la chair
qui sue des goutelettes de sang, comme lorsqu'on s'écorche et qu'on
s'enlève la peau.
Les deux parties une fois séparées, on en fit les chambranles de la
porte des latrines qui sont encore dans le jardin entre les lapinicres
au midi de la grange.
C'est là que nous sommes venus les chercher. Nous n'en avons
trouvé qu'une seule : le jambage de gauche en entrant dans les
latrines ; la partie cylindrique était engagée dans la muraille. Trois
jours auparavant, M. l'abbé Rouchier, chanoine honoraire, M. l'abbé
Marquet, curé du Bourg St-Andéol, M. Auguste Paradis, diacre,
M. Placide Paradis, ancien trésorier de la fabrique, étaient venus
avec Tardieu et sa femme, grangers du Radelier, et avaient un peu
décrépi les murs pour voir les contours de cette moitié longitudinale
du Pilon.
Quant à l'autre jambage, nous avens constaté qu'il a disparu et
qu'il a été remplacé par des morceaux de pierres liées, avec un mor-
tier plus récent, et parmi lesquelles nous avons reconnu encore
un fragment arrondi de même nature que le Pilon.
Cela constaté, nous nous sommes rendus sur l'emplacement pri-
mitif du Pilon. M. Placide Paradis, Tardieu, sa femme, son fils et
sa fille, enfin Joseph nous ont dit qu'il était à peu près à 8 ou lo mè-
tres de l'angle le plus saillant que fait la maison sur le chemin au
sortir de la cour à droite, et qu'il était à 2 " 50 du chemin qui conduit
au Rhône, à peu près à la place du petit mûrier qui est à cet angle
de la terre.
22 EGLISES ROMANES DU VIVARAIS.
Le petit massif qui est dans le fossé et qui a servi à faire une
petite écluse d'irrigation, a été aussi construit par Joseph avec les
pierres du tertre qui soutenait le Pilon.
(Nous présumons que ces pierres sont les débris et substructures
de la chapelle construite en 1624 autour du Pilon et qui déjà, à l'épo-
que de la Révolution, avait cessé d'exister, détruite sans doute par
quelque inondation du XVllP siècle.)
Tout ceci se passe le 7 novembre dix-huit cent vingt-trois. Joseph
avait alors de 12 à 14 ans. Il affirme qu'entre eux (Reynaud Baratier,
Chamoulet et lui) il fut un instant question que peut-être un jour
on reviendrait chercher cette pierre du Pilon.
Toute cette enquête a été faite par les signataires ci-dessous,
accompagnés de la femme en secondes noces de Tardieu, deson
fils et de sa fille, grangers au Radelier, Tai"dieu étant absent ; il était
allé la veille chercher du blé de semence à Caderousse.
Quant à la parole de Reynaud Baratier, voici ce que disait Ma-
dame X..., devenue veuve, à Joseph qu'elle aimait à emplovcr aux
travaux de sa maison :
« Depuis que nous avons détruit cette pierre, notre maison n'a
pas cessé d'aller en déclinant. »
Enfin, pour ce qui est de l'existence du Pilon en face du Radelier,
outre les mentions qui en sont faites dans les vieux actes écrits ou
imprimés, outre la dénomination de terre du Pilon qui est restée à
cet endroit dans les anciennes vies du saint martyr, nous attestons
qu'une foule de personnes de l'âge mur, et à plus forte raison les
vieillards, nous ont affirmé avoir vu ce tronçon de colonne et avoir
entendu dire à tous et avoir répété eux-mêmes que les taches
rouges qu'on voyait au sommet étaient les traces du sang du glo-
rieux St-Andéol.
Dans ce procès-verbal, nous nous sommes contentés de transcrire
le récit des témoins, tel qu'il nous a été présenté, après avoir maintes
fois insisté sur les particularités surprenantes qu'il renferme ; nous
avons évité de rien interprêter, laissant aux dépositions leur valeur
littérale et historique.
En foi de quoi et de tout ce qui est écrit ci-dessus, nous avons
signé l'an mil huit cent soixante.
Signés :
Les six témoins.
CENS ET RENTES
£,V VIVARAIS DU
PRIEURÉ DE LILE-SOUS-SÂINT-VÂLLIER
Lociiment en langue vulgaire
de 1282
(Fin)
Peire del Noyer III. den. per lo vignon d'AuIagnej^ josta lo claus
Père Athenout de i^ part e josta la terra Gaudenger del autra.
Item V. sol' per la vigna de Champagnola, josta la vigna Boniot de
la part et la vigna Albert Guinamer del autra. Item XVI. den. per
la pesca de terra en Champagnola, josta lo claus touchent dels
Feugers de la part e josta la vigna de Humbert Maistre del autra.
Item I. quartal de froment ad men(sura) bassa e V. den. per la
mota Charbonella, josta la terra Peron Giraut de i^ part e josta la
terra Gaudenger del autra. Item fai I. quartal de froment ad men-
(sura) bassa per la vigna de Champagnola, que se tocha de i^ part
alla vigna Humbert Maistre e del autra part alla vigna Estaven de
Barayssan ; e fai dobla cessa de plait per la mota Charbonella, e
dels XVI. den. que fai per la vigna de Champagnola fai dels VIII.
den. plait de dobla cessa, e del quartal del froment plait a dobla
cessa.
Arnautz Boniotz fai XVI. den. per I. huert que a allas Andrevas,
josta la vigna Peron Giraut de la part e josta la terra Aymaret del
Flache del autra. Item XVI. den. per la pessa de terra que a allas
Andrevas, josta la terra Guigon del Noier de la part e josta la terrB
Aymaret del Flache del autra.
Guillelme Boniotz V. sol' per 1 a vigna que a en Champagnolal
josta la vigna Poucet del Fau de la part e josta la vigna Peron de,
Noier del autra. (F° X)
Peire Athenoutz II. sol' per l'uert desotz la maison Arnaut Bo-
24 CENS ET RENTES DU PRIEURE
niot, que fo Xivolel, de i» part e josta la vigna del dit Arnaut del
autra. Item XMII. den. per la vigna de Champagnola, josta le te-
nement dels Feugers de la part e la terra que fo Estrevel de l'autra.
Item XII. den. per i^ vigna, que est desotz son claus d'Aulagney de
i'' part e josta la vigna Peron del Noier de l'autra.
Père Athenoutz e Estevens de Baraissan tenont i» vigna que dit
hom en Champagnola, de que devont faire XVIIJ. den. Quos solvit
Jacobus Lucii (i).
Peronetz Bailles e leu fraire VIIII. den, per la vigna josta lo claus
Peret Athenout de la part e josta la via d'Aulagnei d'autra. Item II,
sol' per la vigna de Bruas, que dit hom alla Masa, josta las vignas
Matheu del Port de i ui partz. Item I. sester de fro(ment) ad men-
suram Sancti Valerii, per lo champ de la lista del Perer de Chasser,
josta la terra Petit Bover de la part e josta la terra Martin Bramant
de l'autra, e plait a dobla cessa a muament de tenementer. Item I,
chapon de III. ob' per la vigna del Perer, que fo Micholau, que se
tocha alla vigna Arnaut Boniot de i a. part e al chamin reyal del
autra, e plait de XII. sol'. Item fant mais II, sol' VI den. per la terra
de Mont Uscla. Item II, den. per lo sauzey qe fo a la. dona del
Molar, e doblo playt. Item I. conil per la chasa qe se tint a la
chasa Matheu del Port.
§ Aymaretz del Flache per lo tenemcnt de las Andréas II. sol' e
X. den. Item per lo mas de xMont Uscla, josta la terra que soliant
tenir Père Bailles e Richartz Bailles, e per la vigna de la Branella,
josta lo claus Poncet d'AurioI e la vigna Peron Athenout, I. sester
de segla ad men(sura) bassa (2) e la souma de vin e I» gallina (3).
Item per la maison. Blancha e per l'uert e per la vigna del Fier, I.
quartal de froment e III. den. e la gallina. Item II. den. per lo sauzei e
playt e dobla cessa, quos débet modo P. Bajuli. ( V°)
Peronella del Trueyl I. quartal de froment ad mensura bassa,
per la vigna que est en Champagnola, josta la vigna Père del Noier
de la part e josta la vigna Père Giraut d'Esclazan del autra,
Guillelma li Semensana I, sest. de froment ad mensura bassa, per
la pessa de terra al vignal, josta la terra Maria Disdeira de la part
e josta la terra Jo. de Feugeiras del autra ; e V. sol. de plait,
Dicit Boisus quod Johannes Med'ci facit dictum sestarium frumenti, prout superius
in tertio folio.
(i) Paragraphe cancellè.
(2) En inlcrligne : pro manso de Monlchucla.
(3) En interligne : pro vinca de la Branella.
DE L ILE-SOUS-SAINT-VALLIER. 2^
Li dita Guillelma Semensana e Peronetz d'Albairon e Lourens
SOS fraires, fîlh de ladita Guillelma, faut cuminalment III. eminas de
froment conpraut e vendent, ad mensura Saint Valer, per la terra
de Cer Costans, laquai lor a acessa moseu Joufreys, e dobla cessa
a muament de tenementer. Dicit Boysus quod Johannes Medici facit dictas
m. eminas, prout est scriptum superius in tercio folio (i).
Matheus del Port V. sol' per la vigna Longi e per la vigna
Reonda ; item XII. den. per la maison Veylla ; item II. sol. I^^ gallina,
per la maison de Vesvent e per l'uert que se ten al Eyra ; item II.
sol' per la vigna que fo Robout Eubruias ; item II. sol. P gall. per
lo vignal ; item VI. den. per la pessa de terra que est entre Rosset
e champ Ranconeys ; item III. sol. per la vigna del Triaor; item IIII.
den. perlo bosc de Mont Falcos; item IIII. den. per lo costerc; item
un. sest. de Iroment e I. quartal de huerce, per lo champ Ran-
coneis e la terra del Triaor e la planta de Bruias e lo champ d'Al-
bairon et in campo de Chier Martin II. sest. de frument ; item II. seSt. de
froment per la condamina ; item I^ emina de froment per la vigna
de Lumenanda ; item XII. den. pro nanserii medietate. (F" XJj
§ Aput Revirant et aput Sylonem.
Dominus de Revirant X. sol' annuales.
Item Stephanus de Jampras, qui moratur aput Sylonem, III. sol' pro prato et
saliceto suo, situm justa portum Silonis en Landucha ex una parte et ex alia con-
frontatur prato Bernardi de Silone.
§ A Heras.
Le priors de Heras fai X. sol' per la gleisa de Heras.
§ De Saint Valer.
Li Reina I. sester de froment ad mensura bassa, per la terra dels
vignals, josta la terra Albairon de I'' part e josta la terra Johanet
Metge del autra, e V. sol' de plait.
Guigos Vials XII. den. per lo bosc de Mont Falcos.
Guillelmetz Breissencz VIIII. den. per la soa partia del mas Saint
Valer que près en Varcheira ab sa moiller, josta lo pra de Champlas
de la part e josta la vigna de Champlas del autra ; item fai mais XII.
den. per l'uert de sotz la font del Boysson, quem vendidit Guilielmo
Teulerii de portu Sancti \'alerii.
Peros TEcofers de Saint Jiure deil I. den. de cessa d'un pra délies Quintes, que
achatet de J. del Forn e de son frare, le quatz pras et entre les does peces del
priol de Vion en les Quintes. (V°J
(i) Addition barrée.
26 CENS ET RENTES DU PRIEURE
§ A Cerkas.
Peronetz Bo3^ssos fai XXII. den. 0) per lo tenement dels Bov-
sons; item XXII. den. per l'uert Pomart ; item \\. den. per l'uert
del Fayart ; item II. sol' per lo tenement de Nehehum.
Item Nicholaus Bouysas, filius dicti Peroneti, I. emina frumenti ad mcnsuram
Sancii Valerii, pro terra del Ceris et XII. den.
Peronetz d'AIbairon de Cerras I. sest. de froment ad mensuram
Saint \'aler e la gall" per la vigna e la terra del Vignal, que fo
arrapa josta la vigna de la Reina de la part e josta lo chamin reval
del autra ; e plait a dobla cessa a muament de tenementer.
Johanetz Trenayls de Cerras I. sest. de froment ad mensura
Saint Valer e XII. den. per l'essart de Chambon de Nehehum, e
dobla cessa a muament del prior de Saint Valer e de tenementer.
Peronella de Cormen, relicta Boysse de Cerras, II. sol" per la
vigna de sotz Revirant, josta la vigna Clemencet de I^ part e josta
l'uert Guillelme Gauter del autra.
Bertholomeus de Cremeyllan I. sest. de froment ad mensura
bassa per la costa de Cremeyllan; item 11^ gall" per II. huertz que a
a Cremeillan ; item deit tascha per la pessa de terra de Cremeyllan,
en que solia aver vigna de que solia faire la gall"; item ten de la
maison del Islla sa partia del bosc de Cerf Constans, de que fait
lia gair per plait a muament de tenementer e VI. den. de cessa
quolibet anno.
Item pro pedis nemoris V. sest. siliginis ad mensuram Sancti Walerii ;
de quibus débet I. sest. Stephanus Gobini ; item Johannes Teraval
I, sest.; item Nicolaus dictus Boisus 1. emina ; item Martinus
Munerii I. em.; item Chaynellus I. em.; item Bertrandus del Truel
I. em.; item A(njdreas de Ansai I. em.; item Andréas Frugerii I.
cm. (/•'" A7/;
Giraudos de Cerras II. sol' per la pessa de terra que dit hom al
Plante, josta la terra Lourens Gauter de la part c josta la terra
Guillelme Gauter del autra; item I. quartal de noiels a la niosuia
decizait, per la soa partia del oscha josta lo ruif de Merdariuf de la
partia de la bisa, e entre los II. chamis de \'es las aulras part/..
Item fait mais I. den. per I. pcci de terra que a achata de Juon del l'orn, delluna
part se tint alla terra monsen Amblrat e dellautra alla terra .Michel délies Coutz.
Peronetz Giraudos de Cerras I. quartal de froment comol per la
soa partia de la dita oscha entre los II. chamis.
(i^ Chan'^-é en : II. soT.
UE L ILE-SOUS-SAINT-VALLIER. 27
Berthdlomeus Moutos de Cerras X. den. e la gall" per l'uert josta
lo riu de Merdariuf ; item I. emina de froment de Trimillan alla mesura Saint
Valer, que orunt d'Arnaut de Saint Vitor ; item III. cartautz de froment alla me-
sura Saint Valer de part Andreuda (i ».
Li enfant Durant*Guafenc II. sest. de segla a la mesura Saint Valer,
per lo molin Soveyran ; item II. den. per l'esclausa ; item I. sest' sigi-
linis pro nemore ; item III. den. pro prato.
Bertholomeus Girartz de Cerras II. sol' II. den. per sa maison e
per son curtil e per son huert de Cerras.
Nicholaus Boysses de Cerras XII. den. e la gall' per sa maison e
per son huert, josta lo curtil Bertholomeu Girart (2).
Lourens Gauters VIII. den. per sa maison, josta la maison Ber-
tholomeu Girart e josta la maison Micholau ; item fait mais II. den. per
la cort de Micolau.
Le chapellans de Cerras VI. sol' per la gleisa de Cerras.
Bertolomeus Motons deit III. cartautz de froment alla mesura
Saint Valer de part Andreu dal Bairon, per la partia deisart Cotant Chai-
neutz fait X. den. per la maison que achatet de Micolau (i).
Guillelmeta Girarda fait I. gallina per l'uert de jota la maison
Peron Juannin e jota l'uert Bertolomeu Moton dellautra part. (¥<")
Richartz Symeons de Cerras per la soa partia de la terra del quart
de Champ Au e de I. pra e del oscha e del huert en Champ Hau
IIIl. sol' e l'^ emina de civa conprant e vendent e 1. demei quartal
de segla ad mensuram bassam ; item IIII. sol" VI. den. per sa partia
del bosc de Champ Hau.
Item I. caseum pro pasquerio e II. soF super lo quaterone pasquerii quando
conducitur seu loquatur. Item in dicto manso seu territorio de Champau habemus
omnimodam juridictionem, et merum et mistum inperium, bannum et venationem
et alia.
§ A Ch.\.MP H.\U.
Leutardos de Champ Hau VIII. sol' e I. sest. de civa ad men-
suram de Saint Valer, e la gallina per las terras del quart e per III.
oschas que a en Champ Hau : item I. quartal de segla ad mensura
bassa de Brassatge per aquin mesmo ; item IIII. sol" VI. den. per
la soa partia del bosc de Charnp Hau.
Guigos Latgers de Champ Hau per la soa partia de la terra del
quart de Champ Hau e per la oscha e per 1. pra, IIII. sol" e h» emina
de civa conprant et vendent, e la demeia gallina, e 1. demei quartal
(i) En marge : Non compulavi.
(2) Paragraphe cancellé.
28 CENS ET RENTES DU PRIEURÉ
de segla ad mensura bassa, e de plait \'III1. sol" a muament de
tenementer. Item aliam eminam avene ad mensuram Sancti \"alerii Amandus
ejus filius.
Juoonz Girarz de Sololomeu deit X. den. de cessa per la maison qui fo Micolaus
Boisais.
Chaineutz deit II. sol. e II. den. per la maison que tint en gago deutz efanz
Bertolomeu Girart. (F° XIIJ)
§ A FORANI.
Bertholomeus de Forani I. quartal de segla ad mensuram An-
noniaci, per son huert de Forani.
A Albon,
Iperos Bailes e si frare fant 11. sol' e \'l. den. per la terra de Muntucla ; item
VIIII. den. per la vigni desotz lo claus.
Item per II. vignes de Bruias, II. sol.
Item per lo champ del Perer, I. sest. de froment alla mesura Saint \'aler, a
dobla cessa a muament de tenementer.
Item per la vigni qui fu Micholau I. chapon ; item XII. sol. de plait.
Item I. cunil per la chaci qui se tint alla chaci Mateu del Port alla cima de
Monfalcos (i).
Ilgm per la coa del Sauzei II. 'len. a dobla cessa.
Item devont per la chassi qui fu alla Fauressa desure lor maison V!l. den. a dobla
cessa.
§ Apud Campaniam. VIII. sest. frumenti ad mensuram Ano-
niaci. rP XIIIJ v")
Anno Doniini M"CC"LXX.\"VI", die lune in fesio beati Matie
apostoli {24 février 12S y) apud Andonciam, coram me Belengario et
testibus infra criptis, presens Michaletus Teins de Andoncia facit et
recognovit se velle tenere a domino priore Insuie Sancti ^^llerii II.
solidos et VII. denarios per in vigna de Saint Baor, jota la vigna
Peron del Triuel de in part e jota la vigna Dargon dellautra ; item
per in autra vigna qui est al davant dit terraor de Sambaor, jota la
vigna Peron Berbier de Balaiec de una part e jota la vigna Bargon
dellautra ; item per I. boc qui se tint iqui mémo al teraor de Sam-
baor ; item fait mais I. plen baral de vin pur per in vigna qui est
iqui mémo al teraor de Sambaor; item fait mais fa) r' emina de
froment e I. dimei cartal alla mesura d'Anonai, per 1. peci de tera al
teraor de Sambaor, jota la terra Juannan Sauneiri del una part e
del autra part jota la terra Scmion de [5alaiec.
(1) Et vide libre B, fol" xvj".
(2) /.'h iitlerli^ne : Bcrlolomeus Olbcrti.
DE L ILE-SOUS-SAINT-VALLIER. 2g
Presens Juanna Sauneiri fait V. den. per la vigni que hom dit
al sotol de Sambaor, jota la terra deutz Sauteutz delluna part e jota
la terra Michalet Tems del autra.
Item Petrus Sauners fai V. den. per la vigna e per lo boc que dit
hom al sotol de Sambaor, jota la vigna e lo boc de la dita Juanna
Sauneiri. Item fait mais P gallina per P vigna que a en les oches
de Sambaor, que dit hom en la vigna de Muel jota la vigna Blan-
chon la muiller al Alvernatz.
Presens Andreus de Blesceuf (i) faut I. cartal (2) de froment alla
mesura d'Annonai per I'^ peca de terra a Sambaor, jota la terra
(7°-YV^Joannan Sauneiri d'una part et jota la terra Seilmvuon Baigier
del autra, e jota la terra deut Bocharensz ; item fait cuminalment H.
sol. per P vigna el teraor de Sambaor, jota la vigna Peronet Beroart
Loros d'una part e jota la vigna Juanet Gleisa del autra e jota la
v(i)gna Andreu Bolenga del autra ; e per un petit de vigna el davant
dit terraor, jota la vigna Andreu Bolenga del una part e jota les
Sautel del autra.
Item cliclus .Andréas débet dimidiam quartam frumenli ad mensuram de \onai et
quartam partem alterius. Item Slephanus de Bleceuf facit solvere XII. den. pro vi-
nea que fuit dicto Andrée. Ilem Phelipon Brisonet débet dimidiam quartam et
quartam partem alterius.
Item Juanetz Blans fai V. sol' per P peci de terra e per I' vigna
qui est al teraor de Sambaor, jota la vigna Guillelmo Blain d'una
part e jota la vigna Jaquemet délia Borga del autra e jota la terra
Michalet Tems del autra.
Presens Berthonus deutz Oubertz fait XII. den. per 1. boc que a
en Sambaor, jota la terra Bargon d'una part e jota la terra Michel
Tems del autra.
Item .Matheus deutz Oubert/ fait XII. den. per I. boc que a en
Sambaor, jota lo dit boc del dit Bargon d'una part e jota la terra
del Chalmeils de Talanceu del autra.
Item Colomba Girauda et Vincens sos filz fant X\'III. den. per
lo boc de Sambaor, jota lo boc Michalet Tems d'una part e jota la
terra Guillelmo Blain del autra.
Item Hugo Sautels fait XII. den. per P peci de terra en Sambaor,
jota la terra Juanan Sauneiri d'una part e jota la terra Peronet Be-
roart Loros.
(i) En interl. : e Eteventz de Bleceu.
(2) En interl,: e dimei.
30 CENS ET RENTES.
Item Bertholonieus de Lerueis fait A'IIII cartautz de vin pur perla
vigna de Sambaor, jota la vigna Arnaut de V'ergn d'uria par et jota
lavigna Pérou Berbier dellautra.
Absens Aruautz del Vergn de Balaiesc fai il"' saumas de vin e
III. cartas per la vigna de Sambaor, jota la vigna Peronet Beroart
d'una part (f" XIII J) et jota Guillelmo Beroart dellautra.
Absens Jaquemet délia Borga fai II. sol. e III. den. per V vigna que
a en Sambaor, jota la vigna Jaquemet lo moner de 1" part e jota la
vigna Juannet Blanc del autra.
Presens Peros Clemencons de Saint Désira fait \'I111. den.
per I" vigna el terraor de Colomber, jota la vigna Peronet Chairal
de Saint Désira de I" part e jota la vigna Guigon Truant der autra ;
item fait mais I. sest. de froment a la mesura d'Anonai, per I" peca
de terra que dit hom als vertz de C^hampainna, jota la terra Guillelma
Chirona de una part e jota la terra délia Fauressa del autra.
Absens Guillelmos Truant de Saint Désira fait VIIII. den. per I'
vigna qui est el claus de Colomber, jota la vigna deldil Peronet
Clemencon de una part e jota la vigna Guigon Truant del autra.
Juannet le filz Peron délia Maira fait VIIII. den. per P vigna qui
est el dit claus de Colomber, jota la vigna Guillelmo Truant de
una part e Juannet Eermen.
.Michaletz Matheus fai VIIII. den. per I' vigna iqui mémo, jota la
vigna deldit Juannet délia Mura del 1^ part e del autra jota la vigna
Guillelmet Sarder e Jo. Brun.
Jouens Blans Bartz de Saint Esteven fai Xllll. den. per I' vigna
de Saint Esteven, jota la \-igna Rotainnan de I' part e jota la vigna
Juon Volosan del autra.
Absens Jacotz Aters d'Olsas fait II. sest. e III, den. per 1 ' vigna qui
est en Sambaor, jota la vigna Simeon de Balaiec d'una part e jota
lo vigna Jaquemet délia Borga del autra. f/o O i"')
Matheus .Milol de Saint Vitor deit vi. den. de cessz, délia terra
de .Maragil.
v^ Item est sciendum quod inquisita veritate cum domino Gaufrido
de Porta, predecessore nostro, omnes tcnementarii nosiri ubicum-
que sint debent placitum de marci in mutacione lenemcnlariorum,
exceptis tenementeriis castri de Alsone et Ripei-ie suptus .\lsone et
de Sancto Baur, qui debent tantum duplicem censum, cl e.vceptis
illis quorum placitum est tacyatum infcrius.
MANUSCRITS & INCUNABLES
LITURGIQUES
DU DAUPHINÉ
VALENCE
(Suite).
4° Missel de 1450 environ.
Ce superbe manuscrit en vélin, malheureusement incomplet et dérelié,
est conservé dans la bibliothèque du couvent des Capucins de Crest. La
hauteur des pages est de 775 millim. et leur largeur de 280 : il appar-
tient donc à la classe des grands formats ( ij. L'écriture, en rouoe et
noir, à deux colonnes, mesure 255 millim. sur iG-]. Les six premiers
feuillets, qui r enfer jnaietit le Calendrier, n étaient points paginés ; ce-
lui de tète, lequel manque actuellement, comprenait les mois de janvier
et février.
Au f' 6" : Sequitur régula quibus diebus et temporibus malrimo-
nia per Ecclesiam fieri conceduntar : — ibid.'^ : Quomodo 01 ationes
debent finiri.
F" j" : In nomine Domini, amen. Incipit Missale secundum usum
Valentinensis ecclesie. Dominica prima Adventus Domini. La pre-
mière lettre de l'Introït (Ad te levavij est inscrite dans une grande et
belle miniature, qui renferme des armoiries, très probablement celles
du destinataire et propriétaire du volume. En voici la description :
écartelé : aux 1 et 4, d'azur à six besants d'argent 3, 2, i, au chef
d'or : qui est de Poitiers ; aux 2 et 3, emmanché en fasce de sable à
quatre pièces d'argent ; et sur le tout de gueules à la croix d'argent.
Elles sont d'autant plus précieuses que c'est le seul indice qui permette
(i) L. Delisle, dans Biblioth. de l'Ecole des Chartes, 2" sér., t. III. p. 280 {à
pari, p. 4J.
32 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
de fixer assez approximativement la date de ce manuscrit : les caractè-
res paléographiques porteraient à le croire un peu plus ancien et indui-
raient en erreur ceux qui oïdTlient que notre contrée était toujours en
retard d'u>i demi-siècle sur les provinces du nord. Il s'agit évidemment
d un cadet de la famille des comtes de \ alentinois, postérieurement à
leur alliance avec les Ruffo (coupé emmanché d'argent et de sable).
Louis de Poitiers, baron de Sérignan, abbé de St-RuJ'et de Romans,
prévôt de Valence, puis évêque de \ alence et de Die en 1448, avait
pour armes sur son sceau plaqué, au témoignage du P. Anselme (t) :
écartelé au i. et 4. de Poitiers, au 2. des croisettes, au 3. un chef
emmanché, sur le tout un écusson qu'on ne peut distinguer. Louis
était fils de Charles II de Poitiers, seigneur de Saint-] allier, et de
Polixène de Ruffo, dame de Sérignan, sa seconde femme . C'est à lui,
de l'avis de M. le marquis de Rivoire la Bâtie, qu'il faut attribuer
récusson en question : la date du volume est ainsi fixée au milieu du
XV' siècle.
Des initiales peintes, de moindre grandeur, se trouvent cn/.v /"'" .v//' ,
xiiif , Ixxv*^ , cij" , cxix'' , cxxiif , cxxxj" , cx.vxij" , clxxiij" , cl.wxxxij'' ,
clxxxxviif , ce'', ccxv'\ ccxviif' , ccxxxv'' , ccxliiif , ccliiij'' et cclxiij'' .
Elles résument le mystère de chaque fête principale.
Il est à noter qu'il n'y a de prose à aucune fêle, pas même à celle du
Corpus Christi. Etaient-elles copiées ensemble dans la fin qui nous
manque ? je ne le crois pas.
F" clvj" : Iste oraciones dicantur a sacerdote antequam accédât ad
al tare.
F" clvii}" : Post incipitur offîcium misse : Gloria in excelsis. ...
Après le f" clxiiij deux grandes peintures à pleine page se faisant
face : d'un côté la scène du Crucijiement ; de l'autre le Père Eternel,
ces deux sujets traités d'après les types traditionnels des Missels du
?noyen âge. Au bas de chacune de ces peintures, les mômes armoiries
de Louis de Poitiers décrites plus haut.
F" clxxiij" : Incipit Sanclorale. in festo sancti Slephani protho-
martyris....
F" cclxxv'' : Incipit Commune sanctorum non habentium officia
propria. In vigilia unius apostoli
Suivent divers offices. Il manque un quaternion après le f" cclxxxxij.
Sur le dernier se trouvait, selon toute probabilité, une souscription
analogue à celle qui Jigure à la fin du Missel de M. Giraud (voir Bul-
(1) Histoire généalogique de la Maison de l'rancc, 7727, /. //, p. 202.
DU DAUPHINE : VALENCE. 33
letiii, /. VII. p. iS^-6): .ivl'C le nom certain du propriétaire, nous \
recueillerions le nom de l'artiste qui a copié et enluminé ce beau volu-
me : puissç-i-il se retrouver ! Une étude sur les vestiges de l'influence
des seigneurs de la niaison de Poitiers sur les arts dans le ] alenlinois
au moyen âge, ne laisserait pas d'o[]'rir de l'intérêt.
5° Bréviairi: de 1473.
< ^e manuscrit, acheté dans une vente, en bloc avec d'autres volumes,
par M. le marquis de Villeneuve (de Marseille), cédé par lui en échange
d'un autre ouvrage à M. Wtschalde (de Vais), est entré au même titre
dans la bibliothèque (j'allais dire le musée] du bibliophile émérite du
Dauphiné, M. Eug. Chaper. Dans la superbe reliure (en peau de truie
à compartiments) dont il l'a fait revêtir par Chambolle-Duru, les pages
ont lO] millim. de haut sur 1 1^ de large. Ilien qu'un relieur du.W II"
siècle ait indignement rogné les marges supérieures, le texte là 2 col.i
n'occupe que loS mill. sur <'<<>. Les lignes sont invariablement au nom-
bre de 70.
Comme Bréviaire, ce nis. est très précieux, parce qu'il est absolu-
ment complet et qu'il fournit tous les renseignements désirables sur son
propriétaire et son copiste. Le mieux est de reproduire, sans attendre
la fin de cette description, la souscription qui nous instruit à cet égard
(f" cccxliij'f) :
^ Presens liber ad usum ecclesie V'alen^linensis) fuit scriptus per
me subscriptum Michalem Baudonis, loci de Chalan''cone) 0), Ani-
ciensis diocesis, anno Domini M".II1 j"' .LXXII}", et completus dicto
anno et die viij" mensis decemhris, pro et ad utiliiatem venerabilis
viri domini Ludovici Cassardi, corarii ecclesie cathedralis Valen-
(tinensis) priorisque Béate .Marie de \ ssamolenco 21, diocesis \iva-
riensis, juris utriusque bacallarii dignissimi ; pro quo scribendo va-
cavi vj. mensibus et feci bonum chérubin 3 cum eodem domino Cas-
sardi, tam in dicto suo prioralu quam in sua domo Valen(tiej suis
sumptibus. Inde pro pena scribendi nigrum tantum solvit sex scuta
nova. Unde dicentes horas in eodem, quia pium est orare pro de-
functis, orate, si placet, pro dicto domino Ludo(\'i^co ; et pro scrip-
toris pena, si placet. dicatis Ave (Maria
Et me .M. B.
i) Ch.ilancon, coiir.tiunc de St-Amiré de Cli.ileiicon, cant. de Bas [llaiile-Loire).
(2) hsamoulenc, ceint, de St-Pierreville, air. de Privas {.Ardèctic).
(]) Bonne cliève (voir du Cange, Glossar. latin., éd. Didol, t. Il, p. ]2y'').
34 ^'^ISS. ET IN'CUNABLES LITURGIQUES
Les huit premiers feuillets ne sont pas compris dans Li pagination
générale. Le texte commence au verso du premier :
ANnus habet menses xij, septimanas lij. et unam diem, dies
ccc.Lxv. et sex horas minus octo mementis, s(cilicet) quintam
partem unius hore : xl" momenta laciunt horam, xxiiij"'" hore diem
naturalem. f Lbi inveniuiitur in isto kalendario ista duo verba,
s(cilicet) banda scriptum pro unico B, dicuntur iij. lectiones et preces
longe ad primam tantum sine psalmo Miserere : et classicum scrip-
tum pro unico C, dicuntur iij. lectiones, Te Deum et preces brève
ad primam. f Omnia festa de ruheo scripta in isto kalendario sunt
colencia secundum usum Valen(tinensisJ ecclesie, et festum patroni
cujuslibet saltim in ejus parrochia, ^
Suit le Calendrier des douze mois de l'année. Au r" du 8' feuillet, note
sur la concurrence des fêtes et la conclusion des oraisons. — Au /'" j" :
IN nomine Domini | nostri Jhesu Xpisti. Amen. | Incipit breuia- |
rium ad usum | ecclesie Valeuftinensis) per anni circulum. Et
primo sciendum est quod diebus dominicis ab octavis Penthecostes
usque ad sabbatum Adventus Domini et a dominica post Epypha-
niam usque ad sabbatum LXX" dicuntur invitatorium. ....
L'initiale (j) ne se prêtant pas à un dessin intérieur, l'enlumineur a
réservé son talent pour le verso. Dans un B (initiale du /*''' psaume,
Beatus vir il a représenté un personnage en prière, agenouillé, la tête
découverte, les mai^is jointes, revêtu d'un manteau : les traits sont assez
nettement accusés pour laisser croire à l'intention de l'artiste de repro-
duire ceux de Louis Cassard ; cette conjecture est conjirmée par la pré-
sence, au bas de la même page (toute entourée de fleurs et d'animaux),
de ses armoiries : de gueules, au lion d'or ; au chef de sable, chargé
de trois T de gueules. Le même écu, entouré d'ornements analogues,
se retrouve auxf"" Ixxvij r" et ccviij r" . D'autres initiales peintes, mais
sans aucune signif cation mystique, se rencontrent aux f' xj" , xvif' ,
xxiif , xxix", xxxvij^, xlv" , liif , xc" , xcv^ , cxl'' , clv'' . clx", clxvif ,,
cclxj^ , cclxxvif , cclxxxvf , cccxxvij" et cccxliv" .
A l'égard des peintures, M. Alph. Nugues m'a fait remarquer qu elles
étaient probablement de deux artistes différents : l'un (celui des grandes
initiales) encore attaché aux traditions du XIV' siècle ; l'autre (celui
des dessins qui entourent les pages) très sympathique aux innovations
de la Renaissance .
F" Ixxiiif' : Incipit leiania major. On y invoque, en dehors des saints
DU DAUPHINE : VALEN'CE. 35
communs j toute l'Eglise : Line, Clete, Clemens, Sixte. Corneli,
Cypriane, Prisce, Juliane, Félix, Fortunate, Achillee, Andochi, La-
zare, Tyrce, Félix, Feruci, Ferreole, Blasi, Xpistofore, Georgi,Yrenee,
-Maurici, Dyonisii, Eustachi, Léo, Apollinaris, Hylari, Marcialis,
Avite, Mamerte, Juste, Bernarde, Trophime, Egidi, Restitute, Georgi,
Honorate, Pétrone, Marcelle, Sulpici, Venanti, Florenti, Philiberle,
Maxime ; Anna, Martha, Feliciias, Perpétua, Margarita, Galla, Fi-
des, Consorcia, Tullia, Syria, Blandina, Columba, Genovefa. Au
f° Ixxvf finit le Commun du temps.
F" Ixxvij" : Sabbato intrante Adventus Domini. Ad vesperas
afntiphonye et ps alm i feriales : c'est le Propre du temps qui com-
mence.
F" ccviij^ : ^ In nomine Domini nostri Jhesu Xpisti, incipit Sanc-
torale seu officia sanctorum proprietatem habencium. ^ Quando au-
tem contingent in officio alicujus sancti vel sanctorum deficere man-
dare, capitulum, hymn., vers., responsorium seu alia quecumque,
recurratur ad commune sanctorum, ubi plene omnia continentur.
^ Et primo in festo sancti Stephani prothomartyris.. ..
L'encre change subitement et devient plus pâle au v° du f ccxxvj,
ce qu'explique le colophon reproduit plus haut et d'après lequel le livre
a été écrit en deux endroits différents. Le copiste, soigneux et exact, a
commis peu d'omissions. Si l'addition du f" ccxxiij'' est de la main de
Louis Cassard, elle donne une idée peu avantageuse de sa calligraphie.
— F" cccxxvj v° :
^ Sequuntur preces dicende in matutinis ante lectiones.
Et primo die dominica, feria ij" et v* :
Exaudi, Domine Jhesu Xpiste, preces servorum tuorum, qui etc.
Ad gaudia paradisi perducat nos misericordia Jhesu Xpisti.
Benedicat nos Pater et Filius, et illuminet nos Spiritus Sanctus.
Creator celi et terre conférât nobis gaudia vite.
• Feria tercia et sexta :
Suscipe deprecationem nostram, Domine Jhesu Xpiste, qui etc.
De sede majestatis benedicat nos dextera Dei Patris.
Emundet nos Dominus ab omni malicia et repleat sanctificatione
perpétua.
Faciat nos Dominus despicere terrena et amare celestia.
• Feria inj* et sabbato :
Miserere et parce, Domine Jhesu Xpiste, tua morte redemptis,
qui etc.
^6 .MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
Quando leg-itur Evang-elium, dicitur : Evangelica, elc.
Q. non 1. E , d. : Ignem sui amoris accendat Dominus. elc.
Mundi Creator et rector sit nobis adjutor et protector.
Omnipotens Dominus nos benediccre et adjuvare dignetur.
F" cccxx.wij" : Incipit Commune sanctorum non habencium officia
propria. Si festum unius apostoli sabbato evenerit et pro ipso non
sonetur nisi bauda, dicuntur secunde vespere de dominica nisi ma-
jus festum ix. lectionum vel de classico evenerit in crastinum, et non
fit commemoratio de festo transacto ; et sic de singulis evenientibus
in communi. In vigilia unius apostoli
F" cccxxxix" : ', Sequntur commcmorationes consuele ad usum
ecclesie ^'alentine. Et primo die dominica ad matutinas
F" cccxl'' : ^ Mec sunt commemorationes ad devotionem dr)m' Eu-
dovici Cassardi, facientis scribere presentem Bri\iarium ad sui utili-
tatem, prout in fine fibri lacius scribitur. El prnno commem. de an-
gelis....
F" cccxHj'' : •[ Item succedens in diclo libro, si placent, facial com-
memorationem defunclorun-i ut sequitur Un seul des propn'claires
siiccessi/s de ce Bréviaire nous est connu ; il a inscrit très nettement ce
qui suit en haut du f" j r" : lohannes Sesterius Sacrista et canoinicus)
huius breuiarii verus ac iustus possessor exislit. 15 78.
b'" cccxliif : Finito libro, sit laus et gloria Xpisto. Amen, per M. B.
Suit la longue souscription reproduite p. 3'j>. Le volume n'est cepen-
dant point Jini : la dévotion de Louis Cassard réclama un appendice
dont la pagination suit.
L" cccxliiij" : ^ Incipit oHîcium parvum per anni circulum beale
Marie virginis ad ecclesie ^'alentinensis usum. Domine, labia —
F" cccxlviif : Oratiù bcati .Augustini anle missam dicenda. — •
F" ceci'' : ^ liée orationes très cjue secunlui" per presbyterum dix'
debent ante cclcbralionem misse. — i^" ccclj'- : (^)uando quis vull con-
fiteri peccata sua dicat) islam orationem. — Ibid : Sequitur mémento
quod dicitur ante missam, quod sanctissimus pater dominus noster
dom. Urbanus papa V'" composuit, primo pro se.... — Oratio post
missam. — Ordo ad itincrandum. -- l'^xorcismus salis seu ad facien-
dum aquam benedictam.
La pagination n'a f^as été continuée au-delà du f" ccclj ; le texte
s'arrête en réalité au r" du j^O'' , sans compter deux //'. restés blancs,
pour recevoir, le cas échéant, de nouvelles additions.
DU DAUPHINE : VALENCL. 3 7
6° Bkéviaihi: de la fin du XV"= siècle.
La dtscription de ce manuscrit nous arrêtera peu : on le croirait co-
pié sur le précédent : un type commun a du moins servi aux copistes de
l'un et de l'autre : la liturgie Valentinoise était alors fixée dans ses
moindres détails. C'est un Bréviaire de cabinet, comme l'indiquent ses
dimensions f22 cent, sur 765 mill.j. Il provient de la bibliothèque des
Capucins de Chambéry et fait aujourd'hui l'admiration des amateurs
dans celle de M. Chaper, qui l'a rehaussé d'une splendide reliure (par
Gruell en cuir de Russie à compartiments, avec application de fers à
dessins et fermoirs. Le texte., à 2 colonnes, mesure 757 mill. sur 1 1 'j :
les lignes sont au nombre de yr à la page ; l'écriture, rouge et noue,
est semée d'initiales alternativement bleues et rouges.
Les six derniers fuillets {non paginés) renferjnent le Calendrier.
Comme il est un peu plus complet que celui du Bréviaire de 1473 et
que certaines mentions additionnelles de celui-ci sont ici de la mam
primitive, il y a lieu de lui attribuer, indépendamment des caractères
paléographiques, une date postérieure.
F" j" : In nomine Domini noslri Jhesu | Xpisti, amen. Incipit bre-
uia I rium ad vsum ecclesie Valen tinensis | per anni circulum. Le
procédé signalé plus haut a fait renvoyer au verso une grande initiale,
qu'on a malheureusement enlevée en déchirant le parchemin : dans les
dessins de cette page, à signaler un archer lançant une fèche. Au bas
des armoiries peintes, sans doute celles du propriétaire comme d'habi-
tude. Elles sont peu distinctes (elles le sont moins encore aux [j . Ix.xj r"
et clxxxxij r" , oii l enlumineur les a répétéesj : d'or, au chevron ren-
versé de sable ; au chef de gueules, chargé d'une rose d'argenl l'H.
M. le marquis de Rivoire la Bâtie les rapprocherait de celles des \'ial
SI la date postérieure •lOoo-cjo) de la situation nobiliaire de cette
famille ne la faisait tout d'abord écarter . D'autres initiales peintes cor-
respondent aux endroits indiqués pour le Brév. de 1473 ; l'usage en a
fortement éteint les couleurs.
F° lix" : Lcta.n\a. ; aucune variante, sa»/' Barnarde au lieu de Ber-
narde, la répétition de Restitute au lieu de Pétrone et l'nmission de
Genovefa.
F° Ix.x'' : Secuntur preces dicende in matutinis anle lectiones.
F" Ixxf : Sabbato intrante Adventus Domini ; Propre du temps.
F° clxxxxij" : In nomine Domini nostri |hesu Xpisti, incipit Sanc-
turale seu ollicia sanctorum proprielatem habencium.
38 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
F" cccxii'' : In nomine Domini nostri Jhesu Xpisti, incipit Com-
mune sanctorum non habencium officia propria.
F° cccxxj^ : Sequuntur commemorationes ad usum ecclesie \'alen.
F" cccxxiif : Incipit officium béate Marie virginis. Cet office n'est
imparfait que d'une douzaine de lig7îes, insaites sur le f" cccxxviij qui
manque.
Comme texte, ce ms. est moins soigné que le précédent ; on y relève
des erreurs et des omissions.
7° Bréviaire de 1526.
// était difficile à croire que le chapitre de Valence n'eut pas donné
comme pendant à son Missel de 1504 iBull., t. VII, p. iSy) un Bré-
viaire imprimé. Le catalogue manuscrit de la bibliothèque Sainte-Ge-
neviève à Paris porte, en effet, sous la cote BB. 1 2j^, un Breviarium
Valentinense comme sorti de presses Lyonnaises en 1^26. Par malheur
cet exemplaire, quand je le demandai, ne put se retrouver : il était déjà
marqué en déficit lors du dernier recolement. Ce n'est pas sans doute
le même qui figure dans la bibliothèque liturgique de M. le comte de
Villafranca. Voici la reproduction des pages que lui a consacrées
M. Aies dans le catalogue de cette incomparable collection (/) ;
Breviarium secundum usum et consuetudine/n ecclesie Valen-
t'\nensis.
In fine : Breviarium... summà cum diligentia emendatu?n. Impres-
sum Lugduni per Dionysium de Harsy , F'eliciter explicit. Anno
Virgi- I nei partus 1526, die XV Februarii.
In-S" goth. à 2 col. r. et n. jig.
Bréviaire bien conservé, formé de ^<j^ ff. fS-jfSù) et illustre de qua-
tre figures : une Sainte-Trinité à Prime ; une Salutation angélique a
/'Avent ; un Saint litienne dès le Sanctoral, et un Saint Apollinaire
sur le titre. Celle-ci est curieuse pour sa composition , qui est toute
naïve : on voit le patron du diocèse donnant la confirmation à un jeune
garçon ; de la bouche de celui-ci s'échappe un diablotin noir ; c'est un
énergumène converti, ou plutôt délivré du démon par saint Apollinaire,
et le nom Alimphus inscrit sur sa tunique, est le sien; on trouve le fiait
dans les Bollandistes. Au-dessous de cette figure est la prière S. Apol-
linaris, ora pro nobis. — Le bas du titre est garni des armes de l'Eglise
(jj 186^, p. 404-6.
DU DAUPHINÉ : VALENCE. 39
Valehtine {celles de la ville, moins l.i tour) avec ces mois à gauche :
Insigiiia Valent., et ceux-ci à droite: Ecclesie, 1526.
(Suit le texte des vers Egyptiaques inscrits en tête de chaque mois du
calendrier : on les trouve publiés en maints endroits).
Remarques. — Le dernier feuillet donne seulement la marque de
Harsy au recto. — Collationné sur le registrum. — Les feuillets rji
et -^^8 sont à tort numérotés yy^ et ij-^f. — Le Sanctoral commence sur
un verso. — La partie inférieure (le quart à peu près) de l'avant-der-
nier feuillet a été ejtlevée.
Signature : f a-z, A-Z, aa-pp ; — y y lignes par page ; titres cou-
rants rouges, chiffres en minuscules romaines noires, précédées de Fo,
de I à ^§5 .• — la souscription, sur l' avant-dernier verso, est suivie du
registre et d'exhortations en vers latins ; — ni réclames., m repères. —
Premiers mots ou réclames de quelques feuillets : 75, quia in eo ; 55,
speravit ; i^o, auferri ; kjij, supra feria ; 261. adversus ; ^2j, carnis
liber; -ySj, miserando ; ^50, laudibus ; ^/6'^, ut mater.
Dimensions : lyg sur 95 ; marge, i }.
S° Bréviaire du XVI' siècle.
// s'agit de nouveau d'un manuscrit. Je l'ai emprunté à la bibliothè-
que du Grand-Séminaire du Puy il y a une quinzaine d'années, alors
que je ne me doutais nullement d'entreprendre un jour les recherches
qui m'occupent en ce moment ; mon objectif principal était d'y transcrire
intégralement les offices de nos saints locaux, travail dans lequel je fus
aidé par mon obligeant confrère et ami l'abbé Fillet. Ce n'était point la
première fois que ce volume prenait le chemin de Romans. On l'avait
emprunté précédemment pour la rédaction des Officia propria publiés
par Mgr Chalrousse en 18 y j, mais, au dii e de M. l'abbé Boissonnet
(ce dont il est facile de se convaincre par la comparaison), on le ren-
voya sans en avoir tiré aucun profit !
Le volume (en papier) est encore dans sa reliure originale, en veau à
compartiments sur ais en bois, avec trace de deux fermoirs. Au dos
iXVIL s.) : Breviarium manuscriptum ecclesie Vale.ntinensis ; on
verra par divers indices subséquents que ce titre n'est pas absolument
exact : il s'agit en réalité d'un bréviaire de l'église du Bourg-lès-
Valence. Au plat intérieur : Sem. Aniciensis. Les pages mesurent 20
cent, en hauteur sur 75 en largeur ; chacune a yo lignes tracées à l'en-
cre rose. Les initiales sont en rouge : quelques grandes sont en rouge
et bleu.
40 .MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
En tète de la /''' f'-tge fXVlt s.) : Brevl\riu.m \\\lentinu.m. Le texte
commence brusquement au milieu d'une phrase par le mol {ovcxorwm,
qui se lit au k/ verset du XXXIV^ Psaume, c'est-à-dire dans les ma-
tines du lundi. Le volume est donc incomplet d'un cahier. Il est provi-
soirement paginé par quaiernions i tous de 24 pages, sauf deux) dési-
gnés par les lettres A à Z et A A à IIIL A la suite du Commun du
temps 1 1 1 se trouvent tes cantiques (G. 10 j et les bénédictions (G r.f) :
le Propre du temps commence avec le i""^ dimanche de l'Avent à IL 75.
// se poursuit, sans autre interruption que la fête Corone Domini
^A'. 7<S', xv^' posl Pascha). A T. ^ : Incipit Sancluriale (2) ; FF. <9 ;
Incipit commune sanclorum et sanclarum ; GG. 16: Incipiunt com-
memoraciones dicende diebus ferialibus ad matulinas et vesperas
secLindum oi'dinem et consuetudinem ecclesie Burgi Valencie ; GG.
21 : Incipit Ottîciuni beale Marie secundum usum Burgi Valencie ;
HtL 7 ; OKicium mortuorum ; //// /.^. ; In dedicacione ecclesie.
Ces arides descriptions ne rendraient que peu de services à la science
liturgique : il y a lien d'extraire de ces quatre manuscrits les pai ties les
plus importantes, celles du moins les f^lus spéciales à notre ancien dio-
cèse. On les trouvera dans les trois appendices qui suivant, oii le Missel
de i.q^o est désigné par la lettre ,1, le Bréviaire de i^jy p^ir B, celui
du XV" siècle par C, et celui du WI'' par D.
Le i" appendice renjérme la nomenclature des saints, non communs
à l'Eglise universelle, honorés jadis à Valence. Cette liste a été obtenue
en fondant ensendile les calendriers et les ofices du Proprium sancto-
rum. Une étoile précède les mentions qui ne se trouvent nulle part en
écriture primitive.
Le 2'' offre le texte (toujours inédit) des hymnes tellement spéciales à
l'église de Valence qu'on ne le rencontre dans le Bréviaire d'aucune
autre église de la chrétienté. On peut dire que c'est de la poésie litur-
gique du cru (sauf la dernière pièce ?) : elle ne donnera pas sans doute
une haute idée du talent poétique des hymnographes de la contrée.
M. l'abbé Missel a bien voulu revoir ces épreuves et plus d'une heureuse
conjecture lui est due. Comme je l'ai dit, les mss. H et C sont ahsolu-
Ci) Au f" C. 21, une iiole : L'an 1 5.42 et le if)" de mai
(j) Des prosclli, ^]ue je )i'ai p.is eu Li bonne pensée Je capter, se trauvenl aux
[f. m:. /8, 22. 2.1 (bis), ce. I, ICI-:. 11. i-'i\ -■.
DU DAUPHINÉ : VALENCE. 4t
ment identiques (i). Dans le Bréviaire du Bourg-lès-V, on avait sup-
primé les hymnes relatives xiux Jêtes de : saint Sulpice (Magnae dies
lastitiae, Hymnum laudis eximias), saint Hugues de Bonnevaux (Alys-
terium eximia, Vere plenus munditiâ), saint Jean Porte-Latine (Fi-
del is custos Virginis, Praerogativâ gratiâ), la Dédicace (Ecce libi,
Christe, clara semperj (2), saijit Jérôme (Laude laudet laxa, Cœlesti
doctus lumine, Splendent codi sediliaj (3), saint Apollinaire de Va-
lence (Exulta cleri coiitio, O quam felix sufossio) (4), sainte Ursule et
les onze mille vierges (Virginali contioni, Virginibus prudentibus),
saint Lazare (Veni, creator siderum, Martyr ad hune qui) (5). Par
contre D offre en plus des hymnes spéciales pour les Jêtes de : sainte
Agathe (Martyris ecce dies Agathae , saint Didier (Solemnizet mater
Ecclesia, Jejuna fulget spiritalisy (6), saint Claude (Jam Christus da-
ter munerum, Impleta sancto Spiritu) (7), saint Apollinaire de \'al.
(Hymnum dicamus rhythmicum, Psallat chorus fidelium) (8), saint
Maxime de Riez (Gaudet chorus fideUum, Ad diem festum hodie) (8).
Le y" appendice n'est qu'un spécimen. L'office de saint Liarnard, tout
entier (sauf les leçons) en vers, se retrouve dans d'autres Bréviaires
(Saint-Barnard de Romans naturellement et Die). // y avait d'autant
moins lieu de le donner que je me propose, s'il plaît à Dieu, de réim-
primer complètement (les parties spéciales s'entend) le Bréviaire de
Saint-Barnard, à l'instar des sociétés savantes (protestantes) de l An-
gleterre, qui ont reproduit avec un soin pieux les anciens Bréviaires et
Missels d'Aberdeen, Hereford, Salisbury, York, etc. Les réimpressions
de ce genre sont autrement utiles à la science ecclésiastique qu'une foule
d'autres qu onj'ait journellement. La J été de l'union des églises de Va-
lence et de Die (en 1 2j^) n'offre que des textes scripturaires appliqués à
( 1) Ce qui le prouve péremptoirement, c'est l'omission commune d'un vers à la
pièce Virginali concioni.
(2) Variante de l'hymne du Bréviaire .Mozarabe : Ecce te, Christe, tibi chara sem-
per. Cette pièce n'a été copiée qu'à Valence. '
(y) Ces trois hymnes ne se retrouvent que dans le Bréviaire des Olivéïains de 752/.
(4) Ces deux hymnes étaient communes au Bréviaire de Die (ijfgS et i)]2);
on les retrouve à Valence dans les Officia propria de 1664.
'()) Se trouvent dans les Bréviaires d'Aix, Apt, Embrun, Grasse et Lérida (voir
Pellechet, Livres liturgiques d'Autun, etc., pp. 269 et 2^8) ■
(6) Ne se retrouvent nulle part ailleurs et je regrette de nen pouvoir donner le
texte.
(y) Conservées dans les Bréviaires d'Apt (i ^ yz) et de Saint-Barnard de Romans
(1^18-1612); la seconde ailleurs encore.
(8) Même remarque que pour les hymnes de saint Didier.
3*
42 iMSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
la circonstance, par exemple : Hodic nobis de celo pax vera descen-
dit , hodie illuxit dies redemptionis nostre, preparationis antique,
felicitatis eterne ; tout le morceau est dans ce ton. Voici du moins
l'oraison : Deus, qui diversitatem gencium in confessione tui nominis
adunasti, Valencie et Diensis ecclesie unionem perpétua tranquil-
litate conserva, ut famuli tui digne servientes in eis cuni sanciis tuis
in celestibus glorientur, per. Donnons pour finir celle de saint Resti-
tut : Omnipotens sempiterne Deus, qui propter mérita beati Resti-
tuti, confessoris tui atque pontificis, a multorum occulorum dolori-
bus sanas et visum clarificas, presta, quesumus, ut per ejus suffra-
gia a nostris occulis et mentibus omneni morbum repellas et corrup-
tionem, per.
Januarius. io, Pauli primi heremite i . — 13,... Ilarii 2 epis-
copi et confessoris, reservatur. — 14, Hic fit Ilarii 12) e. et c. — 15,
Boniti atque Ysidori episcc. — ■ i7,...Marcelli Dyensis i^j e. c. — 23,
Barnardi e. et c. — 25,... Prejecti martyris 14I : fit commemoratio in
missa matutinali (51. — 26, Sulpicii e. et c. 6; Policarpi... : reserv.
— 27, Ilic fit Polie. — 31, Translatio martyrum Felicis, Fortunaii
et Achillei.
Febroarius. I, Pauli e. et c. 171. Inacii e. 18). Brigide virginis (g).
— 4, *Aldoandricii m. — 5 ,... Aviti e. etc.: reserv — 6, Hic fit Aviti.
— 9, Octava béate xMarie. — 10, Scolastice v. 10). — 15. *Quinidi
e. et c. — 16, *Juliane v. m. — 19, *Desiderii m. — 24,
Bisextum sexte martis tenuere kalende,
Posteriori die celebrantur festa (iij Mathie.
Martius. I, Albini e. et m. 12 . — 6, *Thome de Aquino. — 8,
*Perpetue et Felicitatis. — 9, Invencio capitis s' Nycholay. — 18,
Principium mundi retinet G. tercia martis 113 , — 19, *Joseph c, —
20, *Joachim c. 14 . — 23, Hic sol et luna facti fuerunt et .\dam
creatus est (14). — 25, Ilic mutanlur anni ab Incarnatiune et Pas-
sione Domini (14). — 26, *Johannis eremite (kj).
Aprilis. I, Hugonis e. et c. (15), — 2, Feria ij", iij'' et iiij" ante
Ascentioncm fiunt processiones Rogationum 14). — 3, In xv" die Pas-
che celebralur festum Corone Domini. — 4, Ambrosii e. et c. ''16).
— 10, MIebrardi e. et c. (141. — 15, Diebus martis et mercurii ante
Rogationes et predictis diebus post festum beati Luce evang., sancta
I
UU DAUPHINE : VALENCE. 43
synodus celebratur in ecclesia \'alentina 141. — 20, Marcellini e. et
c. ■ 17 . — 2:;, Felicis, Fortunati et Achillei marlt., duplex nij""" can-
toruni. Georgii m. : reserv, — 24, Hic fit Georgii m, — Ab Asceu-
sione usque ad octa\"as Corporis Xpisti sonatur C. (18).
Maius. I,... Andeoli m , commem. in missa matut. — 5, *Nicetii
e. et c. (13). — 7, Egressio Noe de archa (14). — 9, Translatio s'
Nicholay e. et c. — 11, Mamerti atque Maioli episcoporum et c. ;ig .
— 14, Inicium diluvii ,181. — 15, Descensio Spiritus Sancti super
apostolos 14;. — ? Marie ad martires. — i9,*Yvonisc. Festum Cor-
poris Xpisti est duplex... et per ejus octabis :=; o-bas sonatur
Classicum 13). — 23, Desiderii atque Desiderii mm. 20 .
JuNius. I, *Nicomedis m. 14 . — 6, Claudii e. et c. 121,. — 7,
Syrie V. 22 . — 8, Medardi e. et c. 23. — 16, Cirici et Julite m.
Ferreoli 24 et Ferrutionis (25 m. : reserv. — 17, Translatio s' Apol-
linaris e. et c 26 . — ^Translatio s' Maximi. — 20, Hic fit Ferruoli
et Ferrutionis m. — 2 1 , *Acacii sociorumque ejus x. milia mart. (27j_
— 22, Albani m. (28). Consorcie v. (29) : commem. ubi reservatur
vel fit B. — 25, *Eligii e. et c. (30). — 28, Irenei (31) et sociorum
ejus m. — 30,... Marcialis e. et c. (32J : commem. in missa matun.
tantum, nisi reservetur et tune B.
JuLius. 4, Translatio s' Martini e. et c. : commem vel reserv. (33)
et tune B. — 7, Translatio s' Thome archiep. Canturiensis et m. —
II, Translatio s' Benedicti abbatis. — 13, Cleti r34) pape et m. —
16, Domnini m. (35 j. — 17, Alexii c. — 21, Victoris m. (36). — 27,
*Octave b'' Margarite (14J.
AuGUSTUs. 4, Hic fiunt octave b*" Marthe. — 5,... Venancii e. et
C- (37J- — 8,.,. Severini c. (38J. — 12, Inventio reliquiarum Valen-
tinensis ecclesie. — 18,... Donati c. — 19, Ludovici e. et c. (39). —
20, Philiberti ab. — 21, Privati e. et m. — 25, Genesii atque Gene-
sii mm. — 27, Ruffi m. Cesarii e. et c. — 28,... Juliani m. : reserv.
— 31, Paulini e. et c.
September. f, Prisci m. Egidii ab. — 2, Antonini m. ; Justi e. et
c. — 3, Hic fit Juliani m. — 4, Marcelli m. — 11,... Emiliani e. et c.
— 13, Hic fi(ni)unt dies caniculares, secundum Papiam. — i-i----
Cornelii et Cipriani m. —
Dat crux Lucia, cineres karismata dia.
Ut sis in angaria iiij^ sequens feria. — 17, *Lamberti e. m. — 18,
Ferruoli m. — 22, Mauricii sociorumque ejus m. — 23. Unio eccle-
siarum \'alentinensis et Diensis. — 24, Andochii, Tyrsi et Felicis m.
44 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
f Hic innovantur indictiones. — 25, *Lupi e. et c. — 28, Anemundi
e. et c.
OcTOBER. I. Germani et Remigii episcc. et c. — 2, Leodegarii m.;
Dedicatio Sancti Stephani, duplex. — 5, Apollinaris e. et c, duplex
nij""" cant. et per octavas C. — 6, Fidis v. — 12, Octava s' Apollina-
ris. — 13, Geraldi c. — 17, Florencii e. et c. — 20, Capracii m. —
22, *Cordulle V. — 23, Theodoriti m. — 25, Crispini et Crispiniani
m. ; Frontonis e. et c. — 26, Vedasti et Amandi episcc. et c. — 2q,
Theuderii ab. — 31, Quintini m.
NovEMBER. I,... Cesarii m. — 2,... Eustachii sociorumque ejus :
reserv. — 3, Hic fît Eustach. — 4, Amancii e. et c. — 6, Leonardi c.
— 7, Restituti e. et c. — 10, Georgii e. et c. — 12, Evodii sociorum-
que ejus. — 13, Bricii e. et c. — 14, Ruffi e. et c. — 16, Galle v. ;
Eucherii e. et c. — 17, Aniani e. et c. — 18, Octava s' Martini ; Ro-
mani et Theofredi mm. : reserv. quia fit de octava. — 19, Severini,
Exuperii et Feliciani mm. — 20, Hic fit Rom. et Theof. m. —
2i,Columbani abb. — 25,... ^ Saltus lune (13J. — 26. Lini, pape
et m. — 27, Maximi e. et c. ; Agricole et VMtalis m. — 28, Cilee
apostoli. — 29, Saturnini atque Saturnini mm.
December. i, *Eligii e. et c. (13). — 2, Octava b" Katherine;
*Leodegarii m. (i 3). — 4, *Barbare v. et m. — 5,*Sabe v. (■= ab.) (i 3J.
— 7, Octava s' .Andrée. — 8, Conceptio b. Al. V., duplex et per oct.
C. — 10, Eulalie v. — i i,*S' Vitorici c. (13). — 12, Hic fit de octava
s' Nicholay. — ■ 14, *Nichasii e. c. (13). — 15, *Octava Conseptio-
nis (13). — 17, Lazarii e. et m. — 29,... Trophimi e. et c. : reserv.
— 30, Hic fit Trophimi e. et c.
(i) Fixé au jour même de sa mort, tandis que dans la liturgie Romaine actuelle
on l'honore le i), à V'iffet de laisser absolument libre l'octave de l'Epiphanie.
{2) C Ylarii. — (3) B D om. — (4) Evêque de Clermont. — (5) C reservatur. —
(6) Evêque de Bourges. — (7) Evêque de Trais-Châteaux. — (8) B*. — (9) B om.
— fio) B' le /-. — (11) B celebrabis festum. — (12) Saint Aubin, evêque d'An-
gers. — (i 3) i4 C D om. — (14) CD om. — (is) Evêque de Grenoble. — (16) Jour de
sa mort, honoré aujourd'hui à l'anniversaire de son sacre (y déc). — (17) Evêque
d'Embrun. — (18) B C D om. — (19) Evêque de Vienne et abbé de Cluny. — (20) Evê-
ques de Langres et de Vienne. — (21) Evêque de Besançoti. — (22) De Troyes. —
(23) Evêque de Noyon. — (24) B Feriuoli. — (^5) C Ferrucii. — (26) Evêque de
Valence. — {2-]) A B D om. — (28) D'Angleterre. — (29) En Provence. — (30) Evê-
que de Noyon. — (31) Evêque de Lyon. — (32) Evêque de Limoges. — (33) A
cause de l'octave des Apôtres. — (34) Pas Anaclet. — (35) D<; Candé. — (36) De
Marseille. — (37) De Viviers. — (38) Saint Sévère de Vienne. — (39) De Toulouse.
DU DAUPHINE
45
B
JOHANNIS APOSTOLI ET EVANGELISTE.
1 . Hymne de Matines.
AGITE, chori modulantis cleri,
Laudes ad celos mittite Johanni.
Moribus castus decenter (ij ornatus,
A Xpisto cunctis amplius amatus,
Pectore cujus recumbens magistri
Orbe spaigenda bibit et fluenta.
Laus Patri summo pariterque nato,
Paraclitoque sancto stat per secla. Amen.
2. Hymne de Landes.
ExiLiATO Johanni, dum rediret (2),
Occurrit gaudens populorum turba.
Hujus {]) adventu diu fatigata
Mortua fertur nobilis matrona.
Virginis jussu Drusiana (4) surgit,
Tantum convivam receptura vadit.
Laus Patri
Anthonii abbatis.
7,. Hymne de Vêpres et Matines.
Exultet celi curia
Pro confessore fulgido,
Qui nos sua clementia
Servet ab igné fervido.
Puer, in puericia (5)
Fugiens puerilia,
Deum incepil colère
Corde, verbo et opère.
Perfectam sequens regulam,
Bona sua distribuit
Firmamque mentem sedulani (6)
Deum amare studuit.
Honor Deo et gloria,
Qui superna polencia
Sublimavit Anthonium,
Confessorem eximium. Amen.
(O C docenter. — (2) B reddiret, C reddit.
(5) B puricia. — (6) B C cedulam.
(.3) C Cujus. — (4) B Druciana.
46
.MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
4. Hymne de Laudes.
EXULTENT gentes gaudiis, Precibus et vigiliis
Quem corruscantur variis
Miraculorum titulis
Et virtutum miraculis.
Sanctus signis emicuit,
Virtutibus effloruit,
Effugando demonia,
Spernens eorum prelia.
Et cyborum jejuniis
Effectus Deo placidus,
Mundum vincit intrepidus.
Honor sit tibi, Domine,
Percorruscus lumine (i),
Data mundi victoria,
\'ictor fulget in gloria. Amen.
SULPICII EPISCOPI.
5. Hymne de Vêpres et Matines.
MAGNE dies leticie
Nobis illuxit celitus :
Thronum conscendit glorie
Sulpicius vir inclitus.
Hic presul beatissimus,
Virtutum fulgens titulis
Ac mentis clarissimus,
Cunctis refulsit populis.
Glerus ValentinensiuiTi
Felici gaudet gloiia,
Qui ducem tam egregium
Habet in celi curia.
Trino Deo laus débita
Reddatur atque gloria,
Qui nos per hujus mérita
Ducat ad celi premia. Amen,
6. Hymne de Laudes,
HYMNUM laudis eximie, De mercede reposila
Dulci productum cantico,
Hic chorus canat hodie
Sulpicio premagnifîco (2).
Hic per laborum mérita
Celestem intrans curiam,
Trino
Summam habet leticiam.
Hujus sequi vestigia
Da nobis, Xpiste, jugiter
Et ipsius suffragia
Nos habere perhempniter.
HuGONIS EPlSCOPI (!) ET CONFESSORIS.
7. Hymne de Vêpres et Matines.
MiSTERiUM eximia Sola fruens hec gracia,
Deitatis signaculum Profert Ilugonem flosculuni
Ilugonem dat Valencia Castri Novi milicia,
\'ite valentis (3J spéculum. Castris Dei primipulum.
(i) Versjaux ; lire in lumincr — (_>) Vers faux, à moins de ne compter Sulpiciû
:}iie pour trois syllabes ; lire simplement mai^nifico r — (3) B C valetis.
DU DAUPHINE : VALENCE. 47
Vates post ab (i) infancia Ad se trahit Burgundia,
Hug-o petit avunculum, Hugonem Xpisti famulum.
Lugdunensis ecclesia Sit Trinitati gloria,
Doctrine prestat pabulum (2). Unitatique cumulum
Misterium hoc (3) nescia Honoris et preconia
Tanti fructus manipulum Demus per omne seculum.Amen.
8. Hymne de Laudes.
VERE plenus mundicia, Sic magi providentia
Cisterciensem tibulum Bona Vallis hune calculum
In domo Miratoria Sibi sumit ex filia
Sumit Hugo vestibulum. Hugonis gubernaculum.
Pastores dant consilia, Rogemus (ut) de patria
LeoncelU capitulum Gratie mittat rivulum,
Firma fratrum (4) concordia Quibus digna presencia
Offert Hugoni baculum. Juge monslrat miraculum.
Sit Trinitati
FeLICIS, FoRTUNATI ET ACHILLEY.
9. Hymne de Vêpres et Matines.
FiDELiUM devotio Verus largitor venie,
Sonet hymnum cum laudibus Donum (5) superne gracie
Cruciatis martyribus, Dona nobis per meritum,
Claro paschaU gaudio. Deus, tuorum miHtum.
Qui truncantur crudeUter Sit tibi laus (6) et gloria,
Precepto ducis fervidi, Pro quo ceduntur famuH
Introducti féliciter Et passi sunt martyria,
Ad cenam Agni providi. Jhesu, salvator seculi. Amen.
10. Hymne de Laudes.
SPLENUOR paterne gloric, Sunt in pénis fortissimi
Per martyrum suffragia Dei lide qua vivimus.
Confer in celi requie Impetrate nos vivere,
Beata nobis gaudia. Qui regnatis in ethera,
Viri Dei sanctissimi, Ut possimus attingere
Quorum firmus est animus, Eterna Xpisti munera. .
Sit tibi laus
(i) B C ad. — (2) B papulum. — (3) B C hac. — (^) C fratrem. — (5) C domu
— (6) B Sit laus Patri.
m.
48
MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
EXULTA cleri concio
In martyris solempnio,
Quem coronavit hodie
Magne Deus potencie.
Tormentorum sevicias
Ac tyran ni nequicias
Exsuperans viriliter,
Vivit regnans féliciter.
GeORGII MARTYRIS.
1 1 . H y m n e d e M -i tin es.
O martyr invictissime,
Qui certasti légitime,
Semper in adjutorium (i)
Intende supplicantium.
Prestel hoc nobis Deitas,
Gui est summa bonitas,
Cum qua régnât superius
Félix miles Georgius. Amen.
12. Hymne de Laudes.
X piste, redemptor omnium.
Sanctificans Georgium,
Perdue nos ad celestia
Per ipsius suffragia.
Salvavit régis filiam
A draconis voragine.
Convertens Alexandriam
iMairem baptismi sanguine.
Magum fortem exsuperans,
Quem felici martyrio
Gonfortavit de premio,
Gelos eidem reserans (2).
Aperi nobis januam,
Deus, celi pro meritis
Dilecti tui militis,
Dans coronam perpetuam. Amen.
J o H A N N I s A N T E P O R T A AI L A T I N A M .
13. Hymne de Vêpres (et Matines).
FiDELis custos \'irginis,
.Matris Dei et hominis,
Quam (^) moriens crudeliter
Tibi dédit fideliter.
Diligenter custodiens
Honoris reverencia,
Sibi prestans obsequia,
Ei dévote serviens.
Supra pectus dominicuni
Recubuisti dormiens,
Bibens fontem mirificum,
Fontis fluenta capiens.
Drusianam resuscitans,
Reversus ab exilio,
Domum ejus inhabitans,
Dato tibi convi\ io.
Deo Patri potencia,
Filio sapiencia,
Flamini sancto bonitas,
Tribus est una Deitas. Amen.
(i) C a-m mcum. — [2) C rescrvans. — {3) B C Quem.
DU DAUPHINE : VALENCE.
49
PREROGATivA gratia
Dilecte (i) pre discipulis,
Largire patrociiiia
Tuis devotis famulis.
Gemmas fractas incredulis
Reintegrasti populis.
Austo veneno poculo.
Facto crucis signaculo .
Intromissus in dolio
F*leno ferventis olei.
14. Hymne de Laudes.
Pro firmitate fidei
Caret (2) doloris tedio.
O Johannes aposlole,
Te deprecamur. lecole
Ut tuo patrocinio
Celi fruamur gaudio.
Deo Patri et Filio
Sit laus individua (3;,
Sancto Flamini tercio
Detur virtus perpétua. Amen.
Margarete virgims.
15, Hxmne de Vêpres et Matines.
E terne Xpiste Domine,
Qui natus es de Virgine.
Intende nostris laudibus
Xunc Margarete (4) precibus.
Ut (5) qui hanc tuo lumine
Gentili data semine
Signas (bj ejus obteiilibus
Nos levés in celestibus.
Hec est pro tuo lîomine
Passa mundi dulcedine
Scripta in cruciatibus
Orans pro peccatoribus.
Superno fulta lumine,
Derrisit in certamine
Sibi insidiantibus,
Tuta celi conventibus.
Gloria tibi, Domine,
Patri, nato cum flamine ;
.Vdsis qui orbi regibus
Dominaris et omnibus. Amen.
CARCERis est caligine
A draconis voragine
Erepta. ex demonibus
V'ictis duobus hostibus.
Ducta e.x. obumbramine
Cum gladii vibramine
Capite plexa, cetibus
Aggregatur celestibus.
Ergo qui tuo numine
Cor scrutaris in homine.
16. Hymne de Landes.
Da veniam petentibus
Ejus orationibus.
Fac nos precamur. Domine.
Tali florere {- ) germine.
Lt curati criminibus
Crescamus in virtutibus.
Gloria tibi, Domine,
Patri, nato cum flamine ;
Adsis orbi qui regibus
Dominaris et omnibus. Amen.
[i) B Cdilecti. — (2; Lire cares r — (j; Vers faux.
— (6) B C signât. — (7) C floree.
4) C Mirgarite. — (=,) C Et.
5P
•AISS. ET INCUNABLES LITURGIQUKS
Undecim MILIA VIRGINUM.
17. Hymne de Vêpres et Matines
ViRGiNALi concioni
Deferamus pariter,
Cujus laudem vox sonora
VICTOR férus ferrum rubrat.
In membra virginea
Nunc decanlet dulciter,
Hostem dirum quem devicit
Decertando fortiter.
ISTOS flores redolentes
Gravis hyemps corruil.
Insignitas fide Xpisti
Mundus fremens rhorruit).
( ), dux honorum.
Atrociter obruit.
Discecatur et procumbit
nia seges florida,
Quam festine Xpistus translert
Ad régna syderea.
Jam(i) béate concionis
Nos addat collegio
Ipse Pater rex virtutum
Cum dilecto Filio.
Cujus virtus et laus ma net
Semper sine termino. Amen.
V
18. Hymne de Laudes.
iRGiNiBus prudentibus, Cesa (2) cervice gladio (3;,
Pro Xpisto decertaniibus,
Ereclis sursum mentibus.
Letis psallamus vocibus.
Pro summi régis filio
Se dedere periculo.
In regni (4) gaudent solio.
Sit laus perpes Trinitati,
Compar honor L'nitati,
Que nos choro virginali
Jure jungat eternali. Amen.
S
CONFESSOR EPISCOPUS.
19. Hymne de Laudes,
ANCTE. tu prebe miseris misertus
Lacrimas juges, gemitus profundos
Et tuis, per te, meritis resurgant
Quos sua premunt.
Credimus, Xpiste, precium laborum
Premium justis studiis dédisse,
A quibus arlus etiam solutos
Morte bearis.
Gloria Xpisto patulo canamus
Ore, prestanti sibi servienti,
Tanta qui pollet Deitate simplex
Trinus et unus. Amen.
(0 B CNam. — (2) B Sesa. — (3) B cladio. — (4) C régi.
DU DAUPHIXE
(0
[\ FESTO SANCTI A PPOLL! N'ARIS.
Ad Vesf'ei .is .1 ntiphonel super ps-xlmos. Inter célestes. Cap. Ecce
sacerdos magfnjus. qui in diebus suis placuit Deo et inventus est
justus, et in tempore iracundie factus est reconsiliacio.
2 o . f-fy m nus .
Hymnum dica'm us rithmicum. Dies recurrens annuus
Melos danles armonicum : Det gaudium colentibus :
AppoUinaris gloria Appnllinare gaudeat
Nos provocat ad lalia. Qui vult ut Xpisto placeat.
Qui diadema presulum. In paradisi sedibus
Exemplar et fidelium, Ut dux pollet pulcherrimus.
Corruscat ut sol radiis. Primatibus consimilis
Emicuit miraculis. Et sancti plenus neumatis.
Ejus déclarant meritum Sit Genitori gloria
Fugate pestes demonum, Cum Genilo perpétua,
Necne procelle fluminum Amborum quoque Flamini
Et fîrma salus languidum. Regna(n)ti jure perpeti. Amen.
V. Amavit eum. Ad M.ign. a' et triumphatur. Ave, presul gloriose,
ave, AppoUinaris Xpisli dilecte ; qui régnas féliciter in celi arce,
adesto nobis semper te colentibus, ut tuis adjuti precibus liberemur
a criminum sordibus. — Oratio : Deus, qui es perhennis gloria sanc-
torum. meritis beati AppoUinaris confessoris tui atque pontificis,
nos semper letifica, ut qui ejus letamur sollempnitate. per ipsum ad
te valeamus pervenire, per Do.
fnvilaloriuin. Uni et vero Deo jubilemus corde devoto, qui beato
Appollinari gloriam contulit celestis regni. Hymnus ut supra. In pri-
mo nocturno a . Insigni gloria tune nobilis splenduit Vienna, cum ad
mundi gaudium ApoUinarem edidit beatissimum. Ps. Beatus vir.
A' . Cujus mens spiritali accensa fulgore, pervigili mente litterarie in-
hesit doctrine. P. Quare fre. A' . Erat denique tune temporis Valen-
cia valens et gloriosa, situ pulcherrima divinoque cultu dignissima.
Ps. Domine, quid multipli. y. Amavit eum.
(i) D'après D seul.
52 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
Quantum omnium vita sanctorum beatis actibus sacrisque virtuti-
bus non solum présent! clarificavit in seculo, sed eternitatis quoque
litulis extulit in future. i\. Letcntur omnes fidèles Xpisti, magne sol-
lempnitatis gaudium sancto persolventes Appollinari, qui lampade
fidei corruscans diademate signorum extitil gloriosus. y. Honor fes-
tivus mundum exornat et presul AppoUinaris coram Xpisto trium-
phat. Qui. — Tantum fidelium sensibus reatum abusionis exhibent.
i^'. .\d honorera summe rehgionis presul eligilur AppoUinaris ; tri-
pudiat Xpisti ecclesia, felix exultât Valencia, sede sublimatur pon-
tifical! quem jam sublimaverat gracia Xpisti. y. Fidelium mentes fir-
mat triumphalis devocio, quia celestis gemma nitet in mundo. Sede. —
Igitur beatus AppoUinaris, Valencie urbis episcopus, apud Viennam
et institutus est. r. Presul Deo dignus AppoUinaris et magnificus,
Deum esorans celorum non formidabat terreni régis imperium,
sed Xpisti resistens inimicis stabat fide semper inexpugnabilis.
y. Non poterat enim facile superari quem solida\-ei-at petra perfecte
fidei. Sed Xpisti,
[n secundo nocturno a . Pugnavit fides presulum in Stephaiium
sacrilegum, regali qui fiducia commiserat illicita. P. Cum invoca.
.4'. Dampnatur incestus anathematis ictibus : Avilus et Apollinaris
odium incurrunt régis. P.s. Verba mea. A\ Cumque regius furor im-
mineret nimium.spontaneum subierunt exilium. P. Domine Dominus.
y. Justus ut palma tlo. — Qui nobilis generis ortu conspicuus. na-
talium titulos mentis fatigatione sublimans. dum pastoris cura gre-
gem sibi creditum paterna gubernacione foveret, multis eum constat
emicuisse virtutibus. ii. Fidelis locus exilii, in quo clai^uerunt mira-
cula Xpisti : denegavit haustum Rodanus, prebuit aquam fons pu-
rissimus, declaravit oracio qualis erat presul in merito. y. Invocalo
nomine sancte Trinitatis. Declaravit. — Quas pro inmensilate gesto-
rum preterire maluit inpei'ita prcsumpcio. n". Celestis vindicta mox
percussit regem, qui dire febris passus est ardorem, nam cruciaba-
tur sancte qui sanctum presulem tractaverat inique, y. Cognoscebat
enim se illicita perpétrasse, tolerando penas sibi celitus datas. Nam
cruci. — Ne tanti viri mérita, indignis agressa suffragiis. non tantam
mandarentur dictis quam verborum confunderentur injuriis. \{. Ad-
voluta regina pedibus beati AppoUinaris, lacrimis flebat amarissimis.
plangens dolorem languentis régis, qui morti proximus erat et spem
vite perdiderat. f . Rogantis fides obtinuit quod humiliter quesivit :
fidelis supplicatio régis fuit salvatio. Qui morti.
DL" DAUPHINE : VALENCE. 5^
«
In 111° nocturno a. O quantum virtutis prebet gracia celestis suis
dilectis, quorum virtus resplendet in mundo velut sydus in celo.
P. Domine quis. .4'.Transmititur régi pontificalis cuculla, cujus po-
sicione fugata est doloris angustia. P. Domine in vir. A'. Reddunlur
Xpisto et AppoUinari laudes, dum rex efficitur sospes; predicabatur
hec passim virtus et veneratur sanctus pontifex ab omnibus. P. Domini
est terra y. Justum dedu.'^it Dominus per vias rectas. — Tamen quod
mundane vite propinquante jam termine eum egisse recolimus.
R,". Honor triumphalis meritis erigitur .\ppollinaris ; clamât Sigismun-
dus : peccavi, sancte presul, in te deliqui, jam precor, miserere féli-
citer supplicanti. y. Amplectens pedes sancti antisti tijs, affectum
mentis talibus designabat dictis. Jam precor. — Ut precandis actibus
exemplisque gloriosis emulacione laudabili posteritas e.\itetur.
a. Laudabilis est et celebris virtus tam gloriosi presulis, cujus insi-
gne imperium furentem sedavit Rodanum et demonio (ugato reddi-
tur salus Alimphio. y. Talia enim. Xpiste, miracula tua sunl dona,
te duce facit Appollinaris quod egisti in fluctibus : maris naiifragium
pellitur, navigantes salvantur Et demonio. — Atqueaccidit ut quidam
ex officio régis Sigismundi, nomine Stephanus, qui super omnem
dominacionem fisci principatum gerebat. vÇ. Festiva splendent gau-
dia, triumphet nunc \'^alencia, chorruscans sublimissimis Appolli-
naris titulis, civilis plebs refloreat, colentum fides polleat, reddunt
celi mellifluum festo presenti jubilum : nos exultemus inclitis con-
centibus et modulis y. Fiat nobis propicius Appollinaris inclitus.
expurget nostra sceiera benigna sui gracia, adimpleat que poscimus.
accipiens quod psallimus. Nos ex — Te Deun-i laudamus.
In laudibus a . Inter célestes cives beatus Appollinaris, paradisi
lactus hères, perhenni triumphal gaudio. régnât féliciter cum Xpisto.
.4'. Vir Dei Cesarius sanctissimi .Appollinaris adventu valde est ga-
visus, quia erant unanimes in Xpisto et choruscantes sanctitatis me-
rito. .4'. Mirabilis exultacio in Arelatensi diffunditur populo, exul-
tant affines et amici, divites facti desiderio desiderati viri. .l'.Pre-
bentur opes maxime de propinquorum munere, sed manus sancti
presulis p^uperibus lit dapsilis..4'.Sancto perunctus oleo puer adduc-
tus Dei viro, loquele modulos percepit et demonium non ulterius
sentit. Cap. Ecce sacerdos.
54
MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
2 1 . Hvmniis.
Psallat chorus fidelium,
Festum revolvens annuum.
In quo gemma pulcherrima
Celi con''s)cendit ardua.
Appollinaris inclitus.
Confessor et episcopus.
Xpistum qui toto pectore
Dilexit omni tempore.
Nunc laureatus emicat
Cum sanctis ac tripudiat.
Cernens Patrem cum Filio
Et Spiritu paraclito.
AppoUinari obtime,
Te poscimus assidue.
Regem pro nobis obsecra
Tua benigna gracia.
Ut tribuat largilluum
Suum nobis auxilium,
Quo celsa poli proinde
Mereamur conscendere.
Sit Trinitati gloria.
Sit decus et victoria.
In Unilate solida
Per seculoium secula. Amen
Ad Bened. a
O virtus admirabilis
Et admodum laudabilis
Presumpcionis alapa
Lenitur paciencia.
Immolus herel Jectulo
Turbavit quem presumpcio :
Langor et démon pellitur
Dum sancta manus tenditur.
Oratio ut supra.
Ad horas ut unius episcopi et confessoris, sed dicitur propria oracio.
Deus, qui meritis beati Appollinaris hodiernis mundum decorasti
preconiis, aufer a nobis tenebras tocius erroris, ut tu, qui verus es
dies, luceas semper in cordibus nostris, per.
Ad Vesperas a V de Laudibus per ordinem. Alléluia, justus germi-
nabit sicut lilium et florebit in eternum ante Dominum. Ad magni-
ficat a et triumphatur. Ilodie celestis splendor mundum perlustrat,
hodie paradisi turba organis dulcifluis Xpisto jubilât, clerus exultai.
-Appollinaris spargit spiramina divini odoris . célestes splendenl
cerei columpnis celeslibus nixi, scandit Dei amicus celum obsequiis
angelorum, ubi se ducente mereamur regem regum videre. Oratio
ut supra. Per oct. Ilfl"'' signa et fit ut unius episcopi et confessoris, sed
dicuntur hymnus, iÇ. ut in Jcsto. Ad bened. et ad magnificat a' Insi-
gni gloria nocturnalcs per nrd. Oratio ut in festo.
du dauphine : valence. 55
Sanctorum Felicis, Fortu.nati et Achilei MARTYKU.M.
Ad v\is a siipei- p'os fei ïales Hiis audilis, toliiin qiiere in laudibu^ ^
Cap. Hymnus Fideliiim, :]uere post presentem ojficiuin. y pliirimorum
martyriun. Athletis Xpisti fortissimis Felici. Fortunato et Achileo in
divinis operibus constitutis, cepit àntiquus humani genen's inimicus
graviter in eos incrassari et per inmania tormenta adepti sunt régna
siderea, alléluia, alléluia, alléluia. Bonum certamen certaverunt, cur-
sum consummaverunt. Xpisto Domino fidem servaverunt et per in-
mania. Gloria Patri. Athletis. Ad magnificat vt'. Post gloriosum Domi-
nice Ascensionis triumphum, per beatum Yreneum, secundum Lug-
dunencium archiepiscopum, vera lux mundi Gallicis gentibus gloriose
refulsit, alléluia. Ad onines horas diei Oracio : Deus. cujus splendore
caritatis beati martires Félix, Fortunatus et Achileus tormentum
mortis, coniento persequtore, devincerunt, concède propicius ut om-
nes qui eorum mérita veneramur. precibus eorum ac = ab) elernis
géhenne incendiis liberemur, per.
Invitaloriinn. Martirum Dominum regem Xpistum venite fidèles
adorare devoli, alléluia. Venite. Hymnus Fidelium, quere post pre-
sentem officium. In nocturno a . Sanctus Domini pontifex Yreneus,
plurimorum gestiens prodesse saluti, tribus eque beatis viris ex dis-
cipulis suis Valenciam comisit urbem regendam, alléluia. Beatus
vir. Quibus ingressis, tantam Dominus athletis suis contulerat gra-
ciam, ut illa paganorum multitudo ultro se sacre fîdei subdidisset,
alléluia. Quare iVe. Flumana facundia ennarrare non sufficit quantas
virtutes quantaque signa Dominus noster Jhesus Xpistus per eos
gentibus declarabat, alléluia. Domine, quid. Tempore quodam, sum-
mus sacerdos et martir ecclesie Lugdunensis, sanctus Yreneus, Feli-
cem presbiterum, Fortunatum et Achileum diacones ex suo latere.
Quadam nocte, dum se beati viri Félix presbiter, Fortunatus atque
Achilleus dyacones sopori dédissent, vidit beatus Félix in visione
divina se et cum discipulos suos gloria martirii insigiiiri, alléluia,
alléluia. Quo viso sacerdos gaudio perfusus, cepit fratribus suis quasi
ore presago veraciter contestari. Sedet cum disci. Quibus eam in-
gressi Dominus servis confitere dignatus est, ut ad martirii perveni-
rent coronam et illa pa^ga norum multitudo qui jacebatur (!) in tene-
bris eos plenissimo affectu deligeret. Quinque agnos vidi sine ma-
cula mandos, candore splendidos. lilia depascentes et audivi vocem
56 MSS. ET INCUNABLES LITURGIQUES
terribilem dicentem : venite. Yrenei discipuli, intrate in gaudium
Domini Dei nostri, alléluia, alléluia. Et quia veraciter egistis in sta-
dio veritatis, jam venite, digni. Intrate. Erat in eis mirabilis Xpisti
gracia, vultu placidissimi, profusi in verbo et dum corpore videntur in
terris sursum corda suspendentes habitu, vultu et societate resplen-
debant in celis. Cumque sancto Ferreolo celitus eadem ostensa fuis-
sent, Felici, Fortunato atque Achilleo ila licteris mandare curavit :
credo, fratres sanctissimi, quia nos Dominus ad martirii coronam
invitavit, alléluia, alléluia. Vigilemus et adoremus, spiritu ferventes,
ne diabolus veniens furetur thesaurum nostrum, quia nos. Te Deum
laudamus.
Hiis audilis, beati miKitjes Xpisti uno ore dicebant : gracias tibi,
splendor eterne glorie, qui nos letificare dignatus es nec promis-
sione tua fraudasti, alléluia. Nunc, Domine rex regum, reple nos
servos tuos consolacione celesti, ut digne consequi passionem va-
leamus, quos verbum tuum anu(n ciando testes tuos esse voluisti,
alléluia. Compléta oratione, psalmis et hymnis jugiter Jhesum Xpis-
tum Dominum laudare eternum, quem solum decet hymnus in Syon
et cui reddetur votum in jherusalem, alléluia. Cumque de carcere
educti fuissent, interrogati sunt a tiranno, si ydolis inmolare con-
sentirent ; dixerunt : nosmet inmolamus Deo vivo et vero, alléluia.
\''idens autem tirannus quia beatos martires nuUa toi-mentorum in-
manitale superare posse, jussit eos gladio interfici et ita victores
effecti martir(i um gloriosissime compleverunt, alléluia. Ca/).,//y;??-
nus, y. pluriiuoi um in.irtiruiu. Ad Bened. a . Annuam festivitatem
sacratissime sanctorum passionis martirum festivis veneremur obse-
quiis Felicis iherarchie Domini ac levitarum Fortunati et Achilley,
in qua Xpisto tormenta horrifica spernentes felices polum pecierunt,
alléluia. Ad horas ut pluriinorum martirum. Ad vas a' v de laudibus.
Alléluia, te martirum candidatus laudat exercitus, Domine. Hymnus
Sanctorum meritis. Exultent justi. Ad magnificat a. O mira Dei pie-
tas atque ineslimabilis bonitas, cum invicti martires diutissime car-
nificum manibus torquereniur, nichil doloris senciebant, sèd Xpis-
tum Dominum leti magnificabant, alléluia. Oratio ut supra.
Isli hymni pertinent sanctis jamdictis, primus ad matntinas et uira^-
que vesperas. secundus in l.iudibus diei per ordinem /voir p. ^'j>.
Saincte Vie et Glorieulx Trespassement
JEHAN ESMÉ
Sire de Mo Unes.
->&*.0o«o0^e<-
l
Que dire ou escripre les saincles actions est les multiplier et
adoncques chose aggréable à Dieu.
Se les excellentes et sainctes actions sont par juste preheminance
veue aggréable devant toutes autres à l'ueil de Dieu, en ce que par
durant le tems de l'humaine vie elles répandent en telz lieux qu'elles
habitent le byen faict de vertu et sa précieuse semence, en laquelle est
l'yncitacion à lymitacion d'icelluy. ce n'est toustesvoyes chose que
ne luy doie estre apareillement aggréable, non obstant que soit à
mendre degré, la reproduction fertilisante qui puet estre dicte multipli-
cacion d'icelluy, par predicacion ou escripture ; quoy fesant icelle inci-
tation à l'ymitacion susdite ne sera plus confinée aus tesmoings de la
dicte vie, mais yra par dellà porter et conserver si vertueulx souvenir
et tant glorieulx exemple aus descendans d'yceulx qui ont produict
telles sainctes actions et les exhorlei- à aproprier les leurs pareilles,
se debvant tousjours ediffier la postérité et enseigner en ses actes
des vertueulx préceptes et utilles leçons que nous sont transmises de
noz pères et prédécesseurs.
I I
Qui a meu l'auteur, encore que ne soit expert en tel science,
d'entreprendre le présent discours de la saincte vie et
5» SAIXCTE VIE ET TRESPASSEMENT
glorieulx trespassement de très noble seigneur de bien
heureuse mémoire Jehan E>mé. sire de MoHines, chevalier
très chrestien.
Et adoncques me suis mys en voye. encores que ne soye grant
euvrier se expert en tel science de discours que mestier seroit, de
colleger et mectre en euvre en ce présent, touz les enseignemens des-
quelz exactement procèdent les excellens faiz. verlueuK gestes et
prouffitables exemples que a léguez par plus préciculx hériiaiges que
sont terrestres richesses aux descendans présens de son lignaige et
à touz aultres chrestiens fidelles amoureux de vertu le très noble, ver-
tueulx et redoubté seigneur de pieuse, vénérable et bien heureuse
mémoire Jehan Esmé, sire de Mollines, chevalier très chrestien,
lequel après que il eust passé ses jours en pure et entière sainteté en
fina les derreniers soubz telle couronne de saincleté si pure et escla-
tante que jà sembloit elle la divine couronne à ycelui réservée au
ciel.
III
Du jour que trespassa le dit sire.
Alors que trespassa bénissant et bien fesant à touz quelxconques
parens, amys et serviteurs, la veille de la Thiephaine de l'an de nos-
tre Seigneur CGC et cincquante nuef, parmi le dueil, douleur et lar-
mes de chascuns de ses famille et ostel.
IV
Qu'à l'auteur est encores cause particullière de piété à l'en-
droict dudict sire.
Et ne failliray oncques à me ramentevoir et resjouir en mon cuer
l'affinité spirituelle qu'ayant eu par fortuné voulloir de la saincte pro-
vidence ou dict glorieulx sire, lequel se ayant voullu condescendre à
me présenter indigne aux saincts fons de baptesmc, me en a esmergé
purgé de toute impureté et souilleure; et n'estant à luy suffisant de me
avoir ainsy allaicté de telle première et précieuse nourriture de l'âme
et de m'y avoir insufflé le meilleur en lieu du pyre quy précédem-
ment y estoit, ne me a par aultre généreuse faveur voullu abandon-
DE JEHAN ESME, SIRE DE MOLINES. 50
ner en la vie de mon esperit et de mon corps, et retenu de son ostel
et famille, où du tems que croissoit le dict corps en force et bonne
norriteure, s'esclarcissoir mesmemenl le dict esperit et demouroit
imbus de science clérical, que m'a esté de tel confort et ayde pour
parvenir en mon honneur et estât en nostre saincte Esglise.
V
De quoy luy est pieulx resentiment à chascun jour que dist
les patenostres que luy a donez le dict glorieulx sire à
l'eure de son trespassement.
Et de telz et si grans bienfaicts. en quoy le dict glorieulx sire n"a
failli persévérer en mon endroict, n'est dangier que tumbe la mémoire
en oubly, m'estantde pieuse coustume Tévoquier et rappeler chascun
jour au service de matines durant que dis mes patenostres d'embre
que me voullu donner le dict glorieulx sire à l'eure de son trespas-
sement, me priant de les dire de mon amour chascun jour pour le
salut de son âme et que Dieu l'absoille, de quoy ne seroit risque du
contraire, estant jà la dicte saincte âme en la céleste compaignie de
touz les sains du Paradis, aincoys prie à elle que me soye au ciel
autant favorable protectrice et bienveillante comme sur ceste terre
me l'a esté le dict sire.
VI
De l'origine, lignaige et descendance desquelz estoit yssu
ycellui glorieulx sire.
L'origine de la maison et lignaige d'icelluy glorieulx sire estoit de
prime face d'une moult ancienne, puissante et noble maison de la
riche cité de Venise, de laquelle ung nommé Anterpian Esmé, qui
estoit très renommé guerrier de mer, ayant eu cause de fere bon et
loyal service à l'empereeur qui alors vivoit, luy furent par le dict em-
pereeur oclroiez et concédez pluseurs chasteaulxet signories es terres
'du dict Eimpire et es marches deDalphiné, lesquelles signories, pour
estre tousjours le dict Anterpian vaccabond en estranges contrées,
ne les occuppa luy mesme, mais en donna investiteure à son tiers
fîlz, duquel les deux ainsnez frères demeurèrent à Venisse en toute
60 SAIN'CTE VIE ET TRESPASSE.MENT
honneur et estât persévérant de leur maison et lignaige. lequel de
présent y verdit et porte toute fleur de noblesse et de chevallerie. Et
ne s'est davantaige séché ne dégénéré en villenie le rameau diverti
du tronc, aincoys tout au contraire a t il poussé biaux branchaiges et
telz fruictz que nous avons vuz, et en est de présent yssu ung bel
arbre protecteur des petiz, et aussi eslevé, errogant,fort et gracieulx
à tous que nul aultre du vergier de noblesse en cestuy pays.
Vil
Et premièrement du premier du lignaige d'Esmé qui se de-
portast en celluy pays de Dalphiné et estoit seurnommé
Aymoin et fust le premier seigneur de la seignorie de
Moiines, laquelle par avant estoit de l'Empire,
Or avint que le premier, que ainsy avons dict avoir prins pié en
celluv pays de Dalphiné et estre deveneu souche d"honneur. preu-
dommie et vertu, estoit dict Aymoin de son seurnom, tierz filz du dict
Anterpian Esmé, et en avoit receu investiteure des dictes seignories
donnez par le dict empereur à sen dict père, entre lesquelles estoit
la dicte seignorie de Moiines, laquelle par avant estoit terre de l'Em-
pire et est, si comme on scet. seignorie moult noble, puissante et du
tout excellente sur les aultres. et la gouverna le dict Aymoin par
certain tems, après lequel alla de vie à trespassement, délaissant la
dicte terre bien amendée et acreue de bons héritaiges à luy aveneues
d'une sienne alliance, laquelle avoit prinse au lignaige de Réveil et
lui en avoit de grans biens, lesquelz par heritaige délaissa à son
ainsné filz Estienne, duquel ensuivrons le discours.
VI I I
Ensuict le discours du noble seigneur Estienne Esmé ,
deuxiesme seigneur de Moiines, lequel fust ou tems de
sa vie chevalier très vertueulx et loyal.
Et scet on que le dict noble seigneur Estienne fust ou tems de sa
vie chevalier vertueu'lx et loyal, pour avoir esté moult imbut de piété
relligieuse et généreuse libéralité à l'endroict de la saincte Esglisc,
DE JEHAN ES.MÉ, SIRE DE MOLINES. ÔI
laquelle il docta de biens nombreux à son povoir et tant belles
possessions que peust ; et s'y voit on encores en Tesglise de Molines
la sépulture du dict Estienne, laquelle est de belle pierre dure, et
est au derrière d'iceile une autre pierre tout debout addressée au
mur, en laquelle v lict on le nom du noble seigneur Ferrs', pour le
tems de sa vie frère du dict Estienne ; et y est aussi, à ycelle pierre
accostée, pareille pierre de la noble dame lors dicte vefve du dict
Ferry ; et estoit une aultre pierre, laquelle estoit tout à plat posée.
longeans celle du dict Estienne, et estoit de la femme du dict Es-
tienne, en laquelle pour estre brisée et comme pilée n'est plus de
présent possible de veoir le nom de la dicte femme, qui fait que n'en
parleray pas, mais estoit certes de belle et grande maison et glo-
rieulx lignaige pour avoir esté eslue à compaigne par le dict Es-
tienne, lequel nous avons veu si vertueulx et bon chevalier qu'il
estoit.
IX
Du noble seigneur Jehan Esmé, qui fust le tiers seigneur de
Molines.
De cestuy ci ne feray long discours, pour n'avoir sceu le détail de
ses gestes, se n'est que eust à femme une noble damoiselle, fille
puisnée du sire de Glan, avec laquelle est ensepveli en la dicte esglise
de Mollines.
X
Est ensuivant parlé du très noble et vertueulx chevalier Jehan
Esmé, dict le Viel, lequel fust quart seigneur de Molines
et en grant honneur ou temps de sa vie.
Or plus amplement porrai je discorir dudit très noble et vertueulx
chevalier Jehan Esmé, qui nommé fust le \'ieil pour ce que ung sien
filz mesmement du nom de Jehan estoit dict le Juene. et ainsi d'aage
entre eulx estoit seule différencie, mais non de vertueulx couraige,
lequel estoit nemoings grant du père que du filz; aincoys eurent ilz
tel rare bonheur et gloire de s'ensauver et dellivrer l'ung Taullre en
ung cas que cy après dyrai.
02 SAINCTE VIE ET TRESPASSEMENT
XI
Comment avint que le très noble seigneur Jehan Esmé. dict
le Vieil, saulva de grant péril Jean le Juene, son filz,
et comme en fust pareillement saulvé.
Le dict cas fust tel que ung serviteur du dict noble seigneur Jehan
le Vieil, que l'en nommoit Pierre le Doulx, fust treuvé mort en ung
champ ung dimanche après la Saint Jehan Baptiste, et n'eust on peu
scavoii" quel maltaicteur le avoit ainsi occis, se n'est que fust treuvée
ung pou plus tard une espée toute nue, laquelle avoit esté gectée et
comme muciée en ung champ prochain d'icelluy ou quel estoit le
dict Pierre estendu. Et estoit, celle espée celle d'un seigneur voysin
du dict Jehan le Vieil, seurnommé Anthoine de Sainct Andrieu, le-
quel estoit seigneur renommé envieulx et malfaisant, et se efforçant
voluntiers chascun jour faire desplaisir et guerre au dict noble
seigneur Jehan et à ceulx de son ostel ; et s'escrièrent tout à l'instant
les serviteurs du dict ostel que n'estoit aultre que le dict Anthoine
de Sainct Andrieu qui avoit perpétré ce fait. Quoy oyant le dict no-
ble seigneur Jehan le Vieil, esmeu de chaut sanc et indignacion ver-
tueuse de tel odieux et exécrable forfait, se departist de son ostel en
compaignie de pluseurs ses variez et du dict Jehan le Juene, son filz,
lequel le voult convoier pour plus grant seureté, comme byen luy en
print par le faict. Et estans adrivez devant l'ostel du dict sire de
Sainct Andrieu, aperceurent ycellui qui descendoit, auquel le dict
noble seigneur Jehan le\^ieil, s'advançant à la teste de sa dicte com-
paingnie, dist doulcement : <' Sire de Sainct Andrieu, veez doncques
« ceste espée se elle est vostre ou moye. » A quoy moult troublé ne
respondist riens dès abord le dict sire de Sainct Andrieu, mais tost
après dist que ce n'estoit en la présence de tant de villains que se deb-
voit esclarcir telle chose et offrist finablement ausdits sires JehanVieil
et Juene de le visiter, que ne voulant iceulxreffuser, n'estant encoresque
suspeçon du dict faict, laissèrent leurs gens, et mesurant l'honneur et
loyauté du dict sire à la leure, se consentirent à le suire en son hostel,
où estant le dict meschant sire les eslongna l'ung de l'autre soubz
faulz prétextes et par surprinse enferma chascun en une chambre,
puis se mist en peine d'aler quérir ses variez pour revenir à grant
force tuer les dits Vieil et Juene, que n'eust osé affronter à chascun
i DK JEHAN .ESMÉ, SIRE DE MOLINES. Ô^
seul; mais avint que ledit Jehan le Juene, s'essaiant d'ung bade-
laire qu'il avoit, en rompi et froissa la serreure de l'uis en la chambre
où estoit détenu; et s'estant à la noise du rompement de la dicte
serreure escrié et seurvenu ung des serviteurs du dict meschant sire,
le print d'ung poing à la gorge, disant que se ne se taisoit du bade-
laire qu'avoit ouvert cest huis, luy en ouvriroit ung autre en son
corps pour chasser sa villaine âme, et pour ce que le dict serviteur
nesedesportoitde crier, luy donna tel cop du pommel de son badelaire
parmi le front que Tabatist à terre comme buef. Et ne délayant appella
son père, et aiant descouvert ou quel lieu repairoit défonça l'iais et
le tira dehors, et ce advenant veirent ledit meschant sire de Sainct
Andrieu, lequel revenoit ardent à mal faire avecques grant com-
paingnie de meschans comme luy, tous guarniz d'espées, haches et
aultres armes, qui les repoussèrent en l'intérieur de l'ostel. Quoy
véans lesdits bons sires Jehan le Vieil et Jehan le Juene. necuidans
espérer bonne issue à tel combat se inesgal de deux contre tel nom-
bre, recommandèrent à Dieu leurs âmes et se estant estroictement
embrassez entrèrent en bon debvoir de se deffendre chèrement l'ung
l'aultre ; et sur ce faict les aultres invaissans comme torrent et effor-
çans de ruer et férir lesdicts bons sires, iceulx bons sires se ruèrent en-
tre tous de commun effort et de telle furie que transversèrent la dicte
foule, estendans desdiz assaillans sur leurpassaige comme espizsoubz
lafaulx, et se reculans aux cops à leurpovoir l'ung à l'aultre adossés,
deffendans l'ung l'aultre contre les diz invaisseuis, lesquelz s'effor-
çoient tousjours de les affoler et occire, se commencèrent à retirer,
mais ne se povoit promptement fere estans tous deux chargiez de
griefves et dures plaies, par où chéoit le sanc en habondance ; et de
telle douleur de veoir ainsi navré son père, le bon Jehan le Juene,
saisi et comme transporté hors de son ordinaire sens, se rua de
tel effort puissant sur le sire de Sainct Andrieu, lequel estoit au mil-
lieu de ses gens, les encourageant du faict et de la voix, que de
prime face l'actaignist et luy gecta si grant cop sur la fontayne de la
teste que le fist cheoir à terre, occis du dict cop, si que le sanc li
sailloit par les oreilles, yeux et bouche. Et cependant s'estoit autour
d'icelui bon petit Jehan refermez lesdiz invaisseurs, l'estreingnans
en ung cercle de cops qu'ilz gectôient de toutes pars. Quant ce veant
le bon Jehan le Vieil, esmeu de ce feu de couraige et furie duquel
Dieu a enflammé le cuer de la lyonne contre les desrobeurs de son
lyoncel, se précipita enmy ceste tourbe, et ruant ung desespéré
04 SAIXCTE VIE ET TKESPASSEMENT *
cop sur ung des variez qui le plus oppressoit son dict filz le desga-
gea, tonnant de la voix, escriant : « \'ela le maistre occis, sanc et
mort, nul varlet n"eschapera à mon lignage ne plus voz famJlles se
cop de plus est doné. » Quoy oyant lesdiz variez et veans leur sei-
gneur ainsi du tout occis, s'en commencèrent à fouyr et issirent de
Tostel tous fouyans ; et avint que l'ung d'eulx requérant grâce et
pardon otïrist reconfort aus dits paouvres bons sires en si piteable
estât, et depescha ung sien enfant porter advertissement aux. gens
des dits bons sires, lesquelz se commençoient à esmouvoir en grant
inquiétude de ne veoir revenir leurs seigneurs; et tout promptement
accorurent moult dolens, indignez et eschauffez de vengeance, de
quoy les appaisa le noble Jehan le Vieil, disant que le maistre estant
mort et six avecques luy, le reste n'en valoit poine, et offrant ung
d'eulx d'aler quérir lo mire à Molines, ne volut le dit sire, mais bien
beurcnt tous deulx quelque pou de vin, disans que Dieu qui les
avoit ainsi sauvez feroit si bien le reste. -Et feurent remenez en
grant honneur et triumphe, et plus grant encore de joie reconnois-
sance estoit et chantoit en leur cueur d'avoir ainsi sauvé le père le
filz et le filz le père, l'ung aiant donné double foiz la vie, l'aultre
l'aiant peu rendre une. Ledit noble Jehan le Vieil eust oultre le
dict Jehan le Juene ung aultre filz, lequel estoit l'ainsné, seurnommé
Guillaume, et fust seigneur de Mollines, et estoit la femme du dit
noble Jehan le Vieil de la noble maison de Bellecumbe et s'appeloit
Ysabeau de son nom.
X 1 I
Du noble seigneur Guillaume Esmé, lequel fust cinquiesme
seigneur de Mollines.
Fust celluv noble seigneur Guillaume cinquiesme seigneur de
Molines, et y adjousta pour sa part grand accroissement de biens,
desquelz ne fust espargné en faveur de nostre saincte Esglise, mais
luy fist nombre de dotacions et espécialment à l'esglise de la dicte
seignorie de Mollines, laquelle feisl en partie reedifier pour ce qu'elle
estoit quasi ruinée en quelques endroicts, et y fist fere edifficacion
meylleure. .Après quoy la docta de beaux et riches aornementz pour
la grant révérence qu'il portoit à nostre Seigneur et y fere célébrer
plus honnorablement son divin service, et entre aultres y feist fonda-
I)i: JIHAN" F.SMÉ, SIKK UF. .^\OI.I^•r.S. 6,
cion d'une lampe ardante pour le salut de l'àme de sa très noble
dame, laquelle on appeloit Jehanne du Montgardin , etestoitla dicte
lampe en une certaine chappelle au dessus de la sepulteure delà
dicte dame, en laquelle chappelle estoit cousiume de dire et célébrer
chascun jour une messe ; pour la doctacion de laquelle le dict noble
seigneur Guillaume avoit prins soin de assigner et asseoir à la dicte
esglise trente libvres de reveneue annuelle et perpétuelle.
XIII
Est ici parié du très noble sire Jehan Esmé, sixiesme seigneur
de Molines, lequel engendra nostre très vertueulx et bien
heureux sire Jehan, dont ferons Tespécial discours.
Le dict noble sire Jehan Esmé, si comme est dict sixiesme seigneur
de Molines, ne peust esviter que n'eust quelques desbas et descors
avecques le noble seigneur Jacques, son frère mensné, lequel dès
son juene aage estudia es droiz et se rendist considérable en ceste
science, laquelle se est buisson protecteur à Tencontre des invaisse-
mens n'est aussi comme on voit despourveue d'espines, esquelles
paouvres brebis délaissent mainctes fois de leur layne et les plus
prouches voisins, voire mesmement amis et parenz, s'affoUent et pi-
quent leurs doiz : mais ce n'est pour ce regart et fust ce différent
en brief tems paccifié par bonne et facille volonté du dict noble
sire Jehan , lequel octroia à son dict frère ce que pretendoit
au partage. Et avoit le dict noble sire Jehan eslu à compaingne une
très noble damoiselle issue de la noble et ancienne maison de la
Balme ; et ne debvoit estre moins que telle doulce (i , pour par-
venir à production de si noble généreulx et excellent fruict comme fust
le dict glorieulx sire Jehan, mien bon père en Dieu et bienfaicteur.
bien vueillant de touz et de touz bien voulu, comme en avoit acquis
tant juste meritte à grant somme et force de vertuz, vaillence, pru-
dence, preudomie, loyaulté, libéralité et innumérables aultres belles
et louables quallités que desduirons chascune en leur lieu.
(i) Mot gratté.
00 SAINCTE VIK KT TRI SPASSKiMENT
XIV
Du tems que naquist en ce monde le dict glorieulx sire Jehan,
mien bienfaicteur de bonne et saincte mémoire, et ce que
se tire du nombre sept.
Encores que ne saiche avec entière ne précise certitude, pour n'en
avoir peu trover le juste enseingnement, en quel jour ledict glorieulx
sire Jehan Esmé naquist pour l'onneur et félicité des siens et eddi-
iication de tous bons et iidelles chrestiens, toutesvoies est il seure-
ment establi que ce fust en l'an de grâce CGC et sept ; et est à
remarquer et moult curieusement considérer que ce nombre sept,
lequel si merveilleusement sadjousta à Tannée de la naissance d"i-
celluy glorieulx sire en ce siècle, luy estant mesmement septiesme
seigneur de Mollines, feust tousjours nombre de préexcellence, pru-
dence et vertu merveilleuses, car scet on qu'aux anciens tems estoient
nombrées les sept merveilles du monde au dict nombre de sept, et
que ces hommes prudens et préexcellens, lesquelz par dessus tous
aultres furent aus mesmes anciens tems renommés merveilleusement
saiges, estoient esgalement aflixés au dict nombre de sept. Ce quy
desabord sembloit prophétiser à l'endroict du dict glorieulx sire que
seroit merveille de sagesse, ce que n'a esté desmenti par la suicte de
sa vie, mais bien au contraire amplifié en réels effects par la pré-
cieuse grâce de nostre Seigneur.
XV
De la révérence que le dict glorieulx sire avoit à nostre
Seigneur et tout aussi tost après à ses père et mère.
Le dit glorieulx sire estant, si comme il est dict, filz ainsné des-
cendu du noble et ancien lignaige que nous avons cy dessus des-
duict ^par directe procréation du noble sire Jehan lîismé, duquel
avons prouchainement devisé, avoit esté dès sa première fleur d'en-
fance excellement appris à révérer par dessus tout et en premier
lieu de tout nostre Seigneur Dieu, lequel est Roy des roys et préfé-
rable à tous terrestres créateures comme est juste, estans de tous uni-
que créateur. .Après quoy avoit esté instruici de révérer, aimer et
DE JEHAN ESMÉ, SIRE DE MOLINES. 67
servir devant tous autres ses père et mère, lesquelz non seulement
luy avoient infusé la vie, mais bien encores place en tel héritaige de
noblesse et d'onneur, non comprinses faveurs de tous biens et aul-
tres terrestres advantaiges.
XVI
Que estant filluel du noble sire de Montalban, il fust premiè-
rement eslevé en la famille d'icelluy et y appris aux armes,
et d'une prédiction que fust despuis vérifiée.
Ayant esté le dict glorieulx sire présenté à la saincle source de
salut par le très noble, très excellent et puissant sire de Montalban,
fust receu en la famille d'icelluy dès que vint aage de ce fere, pour y
estre appris aux armes, et ne povoit on trover meilleure et plus no-
ble famille, ayncois estoit précieuse terre à fere germer le bon grain
de naissance, lequel germa bien souffisamment comme se veist par
si bons effects et espis de vertu. Et avint que ung soir sur le tart,
entre chien et leu, le dict glorieulx sire estant lors juene enfant de
l'aage de dix ou douze ans, s'esjouant en une cour se rua de telle
force à l'encontre d'ung pal de charrette et illec tel cop receut que
esperoit on quasi mieulx sa mort que sa vie, se n'eust esté que une
vieille femme, laquelle estoit de commun bruict au pays suspeçonnée
d'estre sorcière et devineresse, l'apareilla et frocta de tel unguent de
remède que tout en brief fust le dict glorieulx sire en voye de gue-
rison. Et ce pendant adjouxta ce dict on la dicte vieille femme que de
ce fore avoit mission, ne dict de qui, et qu'à tel enfant ne seroit fin
obscure mais lumineuse, ce que feust despuis vérifié en la dicte
couronne de saincteté de laquelle s'esclaira le trespassement du dict
sire.
XVI 1
Par quel cas de forteune le dict glorieulx sire, lors estans
juene escuier, aians porté bon ayde au sire de Ventemont,
tira de grant péril la suer d'icelluy sire et à ceste occasion
l'esposa.
Il seroit acertes trop longue chose d'esnumérer tous les gestes du
dict glorieulx sire, lesquelles par durant son enfance et première
08 SAI.NCTK vu: i; T TIU:SPA.SSK.Mi:.\T
jeunesse desmontrèrent ses belles inclinacions à bien 1ère, et me sera
t il soutfisant daftermer que nulle n'en feust que ne feust vertueulx
acheminement à telle excellence de perfection que actaingnist en la
suite. Et pour ne m"eslendre que aux principaulx gestes d'icelluy glo-
rieulx sire, si dirais je cornent avint que portant ayde et secours au
bon sire Garin de \^entemont, se trova en passe de tirer d'urgent
péi'il la noble suer d'icelluy sire et de faict ung pou plus tartl'esposa.
Or ainsi ce fust il que cheminant ung soir le dict glorieulx sire en
ung destroict entre deux hayes, fust empeschié par tropeaulx de
chievres que les pasteurs chassoient à grant haste et luy dist ung
que estoit par paour des larrons, lesquelz estoient ou pays et en ve-
noit de passer une baade touz guarniz de bâtons invasibles, que se
promecioient de mesfere à l'ostel du sire de Ventemont et le em-
porter par force, estant le dict sire pour lors absent d'illec et seule-
ment sa suer ou dict ostel. Quoy oyant, nostre dict glorieulx sire, du
dangier que menassoit le dict sire de Ventemont et sa dicte suer
esmeu de vertueulx couraige, se hasta vers le dict ostel, duquel quant
-approucha oit grant bruict et clameur, et s'eschappant ja clere flam-
me veist tout dolent que les dicts larrons y avoient boulé le feu, et
du dict ostel descendoient serviteurs esplorés, lesquelx à haulte voix
escrioient à l'aide pour rescourre ledict feu, et le plus tosl qu'il pot se
rua le dict sire exortant de bon exemple ceulx qui se assembloient
aus dicts cris, lesquelz durant que rescourroient les biens du dict ostel
et destaingnoient le feu, fust escrié que ne veoit on en nulle part la
damoiselle de Ventemont et que ne cuidoit on qu'elle fust a sauveté.
ausquelz criz et évocation de la quérir ou dict ostel ainsi du tout
enflammé nulz ne respondoit ne soffroit, fors nostre dict glorieulx
sire, lequel s'offrist disant : « Si feray » ; et hastivement se gectant
au dedans de l'ostel, en despit d'icelluy feu quy de chascun costé ar-
doit et fermoit yssues, parvint en une haulte chambre, en laquelle la
dicte damoiselle s'estoit mise à refuge et estoit quant à ceste eure ja
toute desnuée de sens ; et l'ayant le dict sire enchargiée dessus luy.
actaingnist lieu de refuge ou quel mist la dicte damoiselle à sauveté,
aiant pour ce 1ère aftronté si grant dangier de mort que ne povoit
estre plus; et feust de chascun de ce tesmoings regardé le dict faict
comme miracle, et en actribua mesmemenl nostre dict sire le seur-
prenant mérite à l'intercession de la benoiste \'ierge Marye, laquelle
il soupplioit tout alanl de luy estre pileable et à la dicte damoiselle. Et
en ensui. comme ay dict. mariaige dudict gloiieulx sire à la dicte da-
DE JfclHAN ES.MÉ, SIKli DE .MOLINES. 6g
moiselle, dont les nosses en feurent faictes au chaslel deMollines, cl
feurent faictes les dictes nosses à grant joie, esbatemens, frais, des-
pens et soulagemens des paouvres gens. Et mesmement feurent à
ceste occasion par le dict glorieulx sire affranchis tous ceux de serve
condicion, lesquelz estoient du fief dou dict .Molines, ce que ne feusl
sans grant louange.
XVII I
Du vertueuix faict d'armes du dict glorieulx sire à la jornée
de Cassel, et quelle bonne besoingne il y feist.
Despuis lors estant avenu que le très noble et puissant Dalphin
Guigues et le dict très noble sire de Montalban se feussent en alez à
aidier le très redoubté roy Phelippe ou faict de ses guerres, s'estro-
vèrent à la jornée que l'en dict de Cassel, en laquelle adriva grant
deffaicte des Flamens ; et y feirent les dicts très nobles Dalphin et sire
de Montalban très grant et bon debvoir, et soubz le dict sire de
.Montalban ne faillist nostre dict glorieulx sire de pareillement fere
grant et bon debvoir, tellement que luy en fust grant honneur et luy
en demoura bonne famé d'excellent et \ertueulx couraige, que loin
que se desmentist ne feist que croistre despuis.
XIX
Du propos que feist nostre dict glorieulx sire estant de retour
au Dalphiné, pour n'estre forcié à combatre le conte de
Savoye, de convoier en Honguerie le très excellent sire
Ymbert, lequel despuis fust Dalphin.
S'estant le dict glorieulx sire ratourné du dict voyaige en Dalphiné,
avint que recommencia discort entre les dicts seigneurs Dalphin et
corne de Savoye, ouquel pour le debvoir que luy avoit nostre dict
glorieulx sire en aiant, lui et ses antecesseurs, receu moult dons et
faveurs, pour ce qu'il ne se voulsist combatre ne de mesme tems résis-
ter à la volenté du dict Dalphin, prinst propos de convoier en Hon-
guerie le très excellent sire Ymbert, lequel despuis fusi Dalphin et se
70 SAINCTE VIE ET TRESPASSE.MENT
rendoit lors ou dict voiaige de Honguerie, lequel sire ^ mbert avoil
grant affection à nostre dict glorieulx sire pour la commune révé-
rence qu'avoient tous deux à nostre Seigneur et mesmement à nostre
saincte mère TEsglise.
XX
Du voiaige que teist nostre dict glorieulx sire en la com-
paingnie du dalphin Ymbert et de la singulière atîection
que luy avoit icelluy Dalphin.
Au dict voiaige que feist le dict très excellent sire Ymbert, lequel
fust depuis lors Dalphin, si convoia comme dict est nostre dict glo-
rieulx sire et le accompaingna aus divers pays que visita le dict sire
Ymbert, c'est assavoir es pays de Honguerie, de Secile et en la saincte
ville de Roume, ouquel voiaige donna nostre dict glorieulx sire telles
occasions de congnoistre par appropinquance continuelle l'estendue
de ses vertuz et merittes que en fust du tout ediffîé le dict Dalphin
Ymbert, lequel print si grant affection à nostre dict sire que ne se
povoit davantaige et en toute occasion luy requeroit ayde et conseil
XXI
D'un jeu de danseurs et balladins ou quel nostre dict glo-
rieulx sire ne volut adsister.
Lors estant nostre dict glorieulx sire en la cltté de Napples, avint
que le dict très excellent sire Ymbert luy requistse voloit prendre plesir
à grant jeu de dansseurs et balladins, lesquelz se debvoient esbatre
en présence de tous ceulx de l'ostel du dict sire. Lors s'estant enqui^
nostre dict glorieulx sire de Teure en laquelle commenceroit telle
feste, respondist que actendant la bone volenté de son dict seigneur
préféreroit le service de vespr(e)s, lequel Tinciloit aux louanges de
Dieu que tel dive(r)tissement qu'estoit souventes foys occasion de
cheute, qu'oiant le dict vertueulx sire Ymbert n'y volt pareillement
aler, mais b( ie)n fust doné le dict jeu sans que il y vinst ne le dict glo-
rieulx sire Jehan; et tous deuxs'esjouirent au dict service de vespres.
célébrant et chantant de concert l'osanna de nostre Seigneur.
UE JEHAN I.S.ME, SIRE DE .MOLIXES.
XXI I
Comme estant en la dicte citté de Napples, il ne voult con-
courir en une jouste que lors se faisoit et pour quelle
cause.
Avint que ung jour qu'estoit la teste delà Magdelène, estant lors le
Roy de Honguerie en la dicte citté de Napples, luy volut on offrir le
divertissement d'une jouste, en laquelle se consentist à jouster le dict
excellent sire Ymbert, requérant à nostre dict glorieulx sire Jehan
que luy voulsist estre second, lequel glorieulx sire en fusl tout d'a-
bord moult triste et piteux, et enquis de la cause respondist que se
seroit bien volu excuser de la dicte jouste. et lors demandant le dict
sire Ymbert comme par amicale mocquerie se estoit que il redoubtast
de n'y estre vainqueur, respondist que non estoit, aincoys que plus
seroit dolent et courroucié en son cueur d'estre vainqueur en ceste
jouste, pour ce quepovant plus par les armes ne les employroit sinon
à tel inutille jeu durant que les sains lieus estoient encores villenes
des infîdelles ; ce queoyant le dict très vertueulx et très excellent sire
Ymbert, luy tumbèrent larmes des yeux et distà nostre dict glorieulx
sire : « Sire Jehan, meilleur estes vous que ne suis, mais me veulz
« amender à vostre modèle et le voirez bien tost après. » Et par
effect dès ce moment se mist en poine le dict excellent sire Ymbert
de son voiaige en terre saincte et estant au Dalphinc de retour feisl
interdiction des dictes joustes.
XXI II
De Texcusacion de nostre dict glorieulx sire en ceste jouste
tournée à mocquerie et comment s'en vengea.
Aiant esté la dicte excusacion de nostre dict glorieulx sire ainsi
veneue à congnoissance de ceulx qui lors estoient assistans en ces
fe&tes, fust par les uns d'entre eulx grandement loée et admirée, por
ce que congnoissoient bien le grant cueur et couraige de nostre dict
glorieulx sire, mais de ceulx qui ainsi ne le congnoissoient aulcuns
feurent qui cuidèrent ce estre défaillance de sa part ; de quoy ung en-
tre aultres. lequel estoit ung chevalier de Secille, seurnommé Mateo.
72 SAINCTE VIE ET TRESPAï>SE.ME\T
se volant esjoir el cuidant que ce estoit occasion de se prévaloir aus
despens du dict glorieulx sire et prenre à honneur ce que à icelluy
eust esté deshonneur, le feist deffier quasi jusques à injure. De quoy
bien corroucié nostre dict glorieulx sire comparut en propos de le
combatre, mais de telle oultrance que méritoit icelle injure et debvoit
estre le vaincu à mercy mesmenient de la vie : que ayant esté accordé
du Roy et convenu des jeuges, feust donné le combat et veoit bien
chascun quant commença ledict combat que resteroit force au bon
droict, estant nostre dict glorieulx sire de si belle et noble conte-
nance que rien que en tel geste et prestance se monstroit la victoire ;
et ne luy fust elle comme estoit juste longuement à conquérir, mais
rudement abatit son dict adversaire à terre tôt à plat, lequel sescria
merci, à quoy se consentist nostre dict glorieulx sire, ordonnant à
haulte voix que ledict Mateo s'en iroit avecques bonne compaingnie
bien souffisamment armée combatre contre les infidelles et à ce dé-
pendroit jusques à la moictié de son bien, adjoustant que illec pour
seur seroit plus heureux en ses armes : ce que fust grandement de
tous loé et admiré, et en fust nostre dict glorieulx sire en plus grant
honneur et estime encores que par avant, aiant monstre preuve de
telle prudence, modéracion et patiente vertu, joinctes à si grant et
vaillant couraige.
XXIV
Comment estant tesmoino- d'unç desbat entre le dict très
illustre Dalphin et sa très noble dame, respondist à une
demande que luy faisoit vcellui Dalphin.
Mesmement estant en la dicte citté de Napples, nostre dict glo-
rieulx sire en l'ostel et famille du dict très excellent et illustre Dal-
phin Ymbert, avint que sesleva luy tiers quelque desbat entre le
dict Dalphin et sa très noble dame, duquel se volant nostre dict glo-
rieulx sire rctrairc par discrette prudence, et saichant bien que ne se
doibt laisser prenre la main entre arbre et escorce, se misl à consi-
dérer moult actentivement une caige en laquelle gissoit unes paires
de collombes, lesquelles la dicte dame ainsi guardoit pour son esba-
temcnt et plesir. Et en ung intervalle du dict desbat se apparceust
finallement le dict noble Dalphin de quelle actenlion se icndoit nos-
tre dict glorieulx sii-e vers cette caige, pour quoy luy dist : « Hé, sire
IJE JEHAN [-.S.ME, SIRE DE MOLIXES. 7 3
« de MoUines. que ainsi veez doncques en ceste caige que y sem-
" ble vostre esperit tout enclos ?» ; à quoy se respartisl nostre
benoict sire Jehan : « Là, bien noble sire, y considère ymaige de la
« paix et bon amour bien douk ». Oyes lesquelles parolles com-
print par icelles le très noble sire Dalphin que ne se debvoit en telle
sorte laisser aler à descort, et fust tout aussi tost le dicl desbat es-
tainct.
XXV
Du grant pjesir dont s'esjouissoit nostre dict glorieulx sire à
l'audicion de sainctes orgues.
Du mesmc tems aussi que sejornoit nostre dict glorieulx sire en
la dicte citté de \apples prenoit grant et aggréable plesir en l'audi-
cion des sainctes orgues, lesquelles sont fort belles ou pays d'Itallie,
et pour ceste cause hantoit frequement les esglises du dict pays,
s'esjoissant à telle musicque que sembloit, disoit il, porter comme
nuage son esperit et prières es haultes régions cellestes, ou pié du
trône du très hault Seigneur, et plus prouchainement le adorer; et de
ce luy venoit belle affection au maistre des orgues du dict sire Dal-
phin, lequel estoit bon et honneste clerc, bien expert en son art et y
versé de relligieux cueur, et souventes» foys luy faisoit présens
aggréables.
XXVI
Des doctacions et fondacions de libéralité pieuse esquelles
se complaisoit nostre dict glorieulx sire.
Fois nestoit que feust ou povoir de nostre dicl glorieulx sire de ferc
aus esglises doctacions et fondacions pieuses que ne les feist, et en a
a;nsi faict de moult belles à Molines, disant que c'estoit d'aultant
deschargier les os de ses pères et antecesseurs. lesquels estoienl ou
dict lieu ensepvelis, que de les enchargier de eu\ res pies et bienfaicts ;
et en feist oultre ce à nombre daultres, ne seullement en ses pro-
pres seigneuries, mais en tous aultres lieus que le povoit fere. Et
souventes foiz l'en reprenoit le dict très noble sire Dalphin, lequel
74 SAi.NCTE \n: et trespasse.men r
estoit tant bien entencionné à ce fere et quy tant prodiguoit pieux
bienfaicts de telle sorte, le menassant du doit tout riant de doulce
amitié et disant à faincte rigueur : « Hé, sire de MoUines, ne faictes
« tant le Dalphin. ce n'est au serviteur à délaisser le maistre ar-
« rière. » Aincovs luv en estoit de laict mieulx vueillant encores et
remodioit du sien propre aus despens de nostre dict sire quant trop
largement en ce despendoit.
XXVI 1
Que disoit le vénérable sire abbé de Bonnevaulx des sei-
gneurs de Mollines et espécialment de nostre dict glo-
rieulx sire.
Sy me fust rapporté par iîdelle personne que estant parolles
entre le sire Dalphin et le vénérable sire abbé de Bonnevaulx, que
mestier seroit de ediffier bon et fort chastel affin de guarder encon-
tre tous la dicte vénérable abbaye, laquelle est es pays de marches,
fust en conversant d'amicale gayeté dict par le dict sire abbé à
l'entencion du dict benoist sire Jehan, lequel estoit présent, en-
semble pluseurs aultres chevaliers de la compaingnie Dalphinale :
« Vêla bon chastel et rempart fier et dur au dehors encontre nos
« adversaires, et au dedans bien seur et rempli de touz biens et
« tousjours fleuri pour' nous. >' Desquelles parolles, bien que dictes
par manière de gayeté ainsi qu'il est dict. ne se pot tenir le dictglo-
rieulx sire que ne rougist d'onneste honte de ce qu'estoient ainsi
décelez ses bienfaictz.
X XV 11 l
De paouvres i^ens bien durement foullés par le chastellain
du Bel Repaire, lesquelz vinrent à reffuge au dict glorieulx
sire, et ce qu'en avint.
Et vers le dict temps s"esle\oit grant meurmeure à l'endroict du
chastellain de Bel Repaire, lequel estoit moult dur et haultain man-
geur de la sustance des paouvres gens et estoient d'icelluy chascun
DE JEHAX tS.ME. SIRE UE .MOEINEî^. 75
jour en adventare d'estre bien durement traictiez ; et se vinrent ung
jour aulcuns d'eulx complaindre à nostre dict glorieulx sire, à luy
suppliant qu'il voulsist ordonner à tel mal et prester a\ de et confort
auz petiz. Desquelles plaintes moult touschié le dict glorieulx sire,
n'aiant riens receu de satisfaction du dict chastellain, lequel per-
severoit en haultaines parolles, chevauchia le dict benoict sire
tout droict vers le très excellent Dalphin, lequel luy respondi moult
doulcement et amiablement : « Bien faict à vous, bon sire, alez
« et remectez tout en son deu. selonc vostre raison et voUoir, de
« quoy vous despars plaine puissance sur tous mes justiciers. «
Et s'estant le dict glorieulx sire ou dict chastellain retorné, le de-
gecta de son office ; et de ce aiant au dict sire Dalphin rescript que
avoit faict, lui fust par icelluy très noble sire moult amiablement
respondu que n'estoit souffisamment d'avoir chacié le meschant
se ne mestoit le bon en sa place, et que nul ne savoit qui bon fust
aultant que icelluy glorieulx sire Jehan : parquoy luy fust force à
icelluy mandement obéir et, deurant tout le tems que tinst le dict
office, le feist se justement que n'estoit possible plus. Et ne volut
oncques fere telle pillerie comme faisoient les aultres de la sustance
des paouvres gens, ayncoys quant ce veoit fere en donnoit bon
advertissement au dict noble sire Dalphin, lequel en feist bonne
justice ; et de ce présentement encores est loé le nom de nostre dict
benoict sire Jehan es lieus que feurent par luy sy doulcement et
bien humainement gouvernez.
XXIX
Pourquoy fust reti'usanl de prenre Fesbattcment de la chace.
Comme eust le dict très noble sire Dalphin rigoreusement def-
fendu que nul ne s'avisast en certain tems chacier aus bestes ,
mais eust à nostre dict glorieulx sire gracieusement offert que l'ex-
:eptast de telle deffense, fust très doulcement respondu par nostre
dict glorieulx sire que de ce fere n'avoit mestier pour sa substen-
tacion, qu'adoncques ne seroit à luy que plesir et que ne luy' sem-
bloit vray moyen de loer Dieu que destruire ses euvres, nécessité
ne contraignant et estans moult aultres plesirs que a nulz ne mes-
fesoient.
70 SAINCTt VIE ET TRESPASSEMENT
XXX
De la visitacion que le dict très noble sire Dalphin feist au
très redoublé Roy de France et de la compaingnie qu'il
eust de nostre dict benoict sire Jehan en ceste visitacion.
Aianl aud. très redoublé Philippe, roy de France, ensemble au dict
très noble sire Dalphin convenu que pour bien de paix se entreveis-
sent et garder l'amour que debvoient avoir l'ung à Taultre, se misl
aus champs le dict très noble sire Dalphin pour s'en venir à Paris
où là debvoit visiter le dict Roy, et feust par icelluy eslu nostre dict
glorieulx sire ung de ceulx de sa compaingnie. Et estans illec adrivez
ne se volust nostre dict glorieulx sire accomoder aus riches abits
que avoient acoustumé de vestir ceulx de la compaingnie du dict sire
Roy, mais bien ordinairement s'en aloit il vestu de bonne robe de
cuir de cerf, ses houseaulx et espérons chauciez, et avoit en tel
esquipaige si belle, fière et haultaine mine que ne s'avisoit nul d'y
trover à mesdire, se ne feust ung juene seigneur tôt mugnau de
son faict, qui de ce se ralloit en legières parolles, auquel dist ung
sien voysin meu de sens et prudence : « Tais te et ne feras que tost
" et bien, ce est chevaliers comme montaingne de son pays, aspre
« a veue et touchier, et ne chault te semble de la plaine à tel front
" hault et froid, mais gardes à ce que parfois en devalle. » Et ainsi
estoit nostre dict glorieulx sire de tous, mesmement du Roy, tenu en
grant et belle estime, estans pluseurs bien recors de ses bons et ver-
tueulx gestes d'armes ou voiaige de Flandres.
XXXI
Que convint au marchis de Salluces faire entrevenir en ses
besoingnes nostre dict glorieulx sire.
Fellement scavoit ung chascun[combien le très noble sire Dalphin
"t mbert avoit nostre dict glorieulx sire en belle considéracion et toute
estime, que se adressoient moult à luy pour obtenir à son instance
les faveurs dont estoit besoing ; et mesmement avint que le très no-
ble marchis de Salluces en\oia messaigc à nostre dict glorieulx sire,
Di: JF.HAX i;S.MÉ, SIRi: DE MOI.INF.S. 77
lors estant à Mures, pour le prier que il eust recommandées ses be-
soingnes et les tinst telles pour sortir bon effect auprès du dict très
noble sire Dalphin, ce que nostre dict glorieulx sire ne failli à fere.
aiant au dict marchis de Salluces grant considéracion et amour.
XXXIl
Du ferme propos qu'avoit tousjours esté en icelluy nostre
benoict sire Jehan de aler combatre oultre mer encontre
les infidelles pour le soullagement des saincts lieux.
Despuis toute première jounesse avoit tousjours esté en icelluy
nostre benoict sire Jehan ferme propos et singulier désir de aler
combatre encontre les infidelles, detempteurs des saincts lieux, en
espoir de soullager et délivrer les dicts saincts lieux. Et comme sou-
ventes foys estoit commun bruict que se feroit quelque générale le-
vée de chevaliers chrestiens pour tel voiaige, se y estoit de longtems
presparé et avoit en ce regart engagié es mains des Lombars la
terre et seigneurie d'Aguilles, laquelle estoit de bon revenu et val-
loit grandement, et de cest argent ne voloit user se non pour telle
saincte fin de son propos.
XXXI I 1
De ce que fist quant tust soubztraict le previlége des dicts
Lombars.
Seur entrefaictes estant avenu que l'en retrahist le previlége des
dicts Lombars, ne voulust le dict glorieulx sire user de tel bénéfice,
mais respondict à aulcuns qui Tenhortoient à ce fere. que seulement
son honneur et non acte d'aultruy povoit dellier ce que son dict
honneur avoit lié ; par quoy luy feust tenu en estime aultant et da-
vantaige que sacrifioit du sien.
XXXIV
Que le très noble et excellent sire Dalphin Ymbert estant
dellibéré se croiser, nostre dict benoict sire Jehan feust
76 SAINCTE VIK ET TRESPASSEMF.XI
tout apareillié d'aler quant et luy, et que le volust fere à
ses propres coustz.
Or estant avenu que le très noble et très excellent sire Dalphin
Ymbert s'estant dellibéré croisier en terre saincte, nostre benoict
sire Jehan, lequel de si longtemps actendoit à ce fere, se trova du
tôt appareillié et à poinct, et dès longtems estoient prestz ses har-
nois de voyaige et moyens de sustentacion ; ce que fust cause que
le dict très noble sire Dalphin disant à nostre dict benoict sire que le
vouloit mectre des chevaliers de son veu, luy fust par nostre dict glo-
rieulx sire resparti que sur aultre reversastceste faveur et bien vueil-
lance, et qu'encores que feust joyeulx à merveilles d'avoir tel chief
comme le dict très noble sire Dalphin, voloit mieulx estre chevallier
de son propre et particulier veu que non de aultre. A quoy respondist
le dict noble sire Dalphin, tôt esmeu de piété, que se en avoit eu plus
aultre fois semblables au dict benoict sire Jehan, ne seroit plus à cest
eure besoing de fere telle entreprinse.
XXXV
De la galée du très noble Dalphin Ymbert, en laquelle estoit
nostre dict glorieulx sire, que prime foiz se departist de
Marselles et y ratorna, ce que ne fut cuidé de bon pres-
sentiment.
L'eure estant venue de se despartir de Marselles, nostre dict glo-
rieulx sire monta en compaingnie du dict très noble et très excellent
Dalphin Ymbert en une gallée, laquelle estoit moult plus grant et
mieulx appareillié que les aultres. Et de ceux que avecques soy
avoit nostre dict glorieulx sire, est assavoir deux escuiers et troiz
variez, ne pot que ung seullement des diz variez guarder, pour ce
que n'estoit si grant place en icelle dalphinale galée, oultre ceulx que
avoit eslu le dict très noble sire Dalphin de son especial et plus afec-
tionnée famille. Et s'estant desparlie assoir la dicte galée, ne lui dura
vent favorable senon jusques lendemain, que devint si fort et con-
traire que convint au governeur de la dicte galée arrières ralorner, et
a tumbancte nuict adrivèrent aux isles, desquelles feurent derechief
jusques à .Marselles : ce que ne feust veu de bon pressentiment, ayn-
DE JEHAN ESME. SIRE DE MOLIN'ES. 79
coys estoient aulcuns qui cuidoient mal de Tentreprinse et bailloient
advis de la délaisser, à quoy ne volut consentir le dict très noble
Dalphin, et aussi Tenhorta nostre dict glorieulx sire à ne délaisser
la dicte entreprinse, disant que tel inconvénient estoit diabolique es-
preuve, à laquelle debvoit bon chrestien résister de tant plus joyeux
cueur que ne se feust le dyable efforcé à eslongner telle entreprinse
se ne deust avoir bonne et vertueuse fin ; qui fust loé de tous et
maintenist chascun en son couraige.
XXXVl
Comment icelle galée que portoit le dict très noble sire
Dalphin Ymbert et nostre dict benoict sire Jehan se
departist finallement de Marselles, et de tempeste qui
seurvint.
Finalement adoncques se departist la dicte galée de Marselles
et n'estoit plus que une aultre galée avecques elle, n'estant en-
semble les aultres ratornez et avoient persisté en leur voye, dont
n'estoient novelles ; et le tiers jour avint que s'esleva grosse tem-
peste et estoit chascun saisy de grant esmoy, mesmement les plus
garnis de force et couraige, mais ne pot ce nostre dict glorieulx sire
esmouvoir, lequel se sentoit soubz la main de Dieu et agissant pour
le service d'icelluy Seigneur et benoist protecteur ; ayncoys lui es-
toient doulces poines dès qu'en estoit traveillié pour tel divin amour.
Et estoit aussi le dict très noble et excellent sire Dalphin très ras-
seuré en son couraige et à icelluy, ensemble à nostre dict glorieulx
sire n'estoit mestier de se gecter en démesurées supplicacions en-
vers le ciel, ainsi comme veoient fere aux aultres, pour ce qu'estant
chascun jour tout apareilliés pour la mort ne la redoubtoient à nul
poinct.
XXXV 1 I
De l'adrivée de nostre dict glorieulx sire en la citté de
Venize et ce que là luy avint.
Estant la dicte galée, en laquelle estoient le dict très noble et très
excellent sire Dalphin et nostre dict benoict sire Jehan, abbordée en
So SAiNCTP. vir: i:t tri s pas si;. mi. \t
la noble citté de Venize, feut devers le dict noble sire Dalphin des-
péchiée grantatïluence de gens avecques grant estât et honneur, les-
quelz le conduisirent emmi la dicte citté, faisant moult fesies et
honneurs ; et feust nostre dict glorieulx sire ensemble le dict très
noble sire Dalphin admené en la présence du très noble Duc de
Venize, lequel après que il eust reveremment complimentié et moult
festoyé le dict très noble sire Dalphin en sa veneue, félicita mesme-
ment nostre dict glorieul.x sire, luy disant que bien veneu estoit en la
dicte citté de Venize, que retroveroit por luy ancienne et bonne mère
et que le tenoit en telle estime et honneur que avoit à ceulx du dict
nom d'Esmé estans en la dicte citté de Venize. et estoit là au-
près du dict très noble Duc ung juene seigneur du dict nom
d'Esmé, lequel avoit seurnom Jehan et estoit nepveu du chief de la
dicte maison d"Esmé, à cest'eure reteneu de malladie en son ostel ;
le dict très noble Duc Toffrist à nostre dict glorieulx sire, lequel le
accola de tout amour d'affinité et généreuse affection, disant à icelluy
juenc Jehan questoit heureux de veoir de prime face si juene, vail-
lant et gracieux parent comme il estoit et teneu en si bonne es-
time du dict très noble Duc. A quoy lui fust respondu par le dict
juene sire que estoit à lui mesme tout revenu de plesir et honneur,
et qu'estoit à son dict oncle grant désir et impatience de recevoir et
accoUer nostre dict glorieuL^ sire, et que le soupplioit qu'il ne delayast
à le voloir acompaingner en leur ostel : que promeist fere nostre
dict glorieulx sire si tost après que il auroit convoie son dict noble
seigneur Dalphin en l'ostel que lui avoit esté baillé et auroit du dict
noble sire receu congié de se départir d'avecques luy. que feist il pou
après.
XXXVII I
Du très noble et excellent sire Nicholas Esmé et du recueuil
que feist à nostre dict glorieul.x sire en grant affection de
parent et mesmement amour de père.
Et aiant nostre dict glorieulx sire convoie le dict juene et gracieux
sire Jehan jusques à l'ostel du très noble, très excellent et vertueulx
sire Xicholas Esmé, oncle du dict juene Jehan et à ce tems chief de la
dicte noble maison d'Esmé en la citté de Venize, voulust tout d'abord
le dict noble sire Xicholas veoir nostre dict glorieulx sire, encore
UE JEHAN' ES.MÉ, SlRE DE .MOLINES. 8l
que comme est dict feust deteneu de malladie, et le veant le em-
brassa par deux fois et tout esmeu de amour et d'affinité, et luy dist
qu'à luy estoit licitte chose et doulce de le appeler sien filz et que à
tel tiltre de père povoit à son endroict prétendre, tant par l'ancien
aage ouquel estoit que pour cause de naturelle amour qu'avoit à
tous ceulx de son nom, que le faisoient valloir mesmement en es-
trangé pays d'aussi grant cueur et en tel estât et honneur que sca-
voit l'avoir faict nostre dict glorieulx sire, et que de ce le mercioit
grandement ou nom de lui et de ses antecesseurs propres et aultres
prédécesseurs communs à tous deulx de leur ancien lignaige. Aus-
quelles parolles respondict moult gracieusement et esmeu en son
cueur nostre dict glorieulx sire, qu'adoncques estoit plus heureux que
nul aultre qui eust vescu, puisque se jà est grant heur d'estre docte
d'ung si bon, vertueulx et vaillant père comme avoit esté le sien pro-
pre, estoit double cest heur de en estre docte d'ung second, lequel à
l'aultre pareil en honneur, vertu et vaillance à icelluy succédoit en
affection, et par espécial bienfaict de Dieu lui estoit baillé à l'eure que
l'aultre recepvoit jà en la céleste cour remuneracion de ses vertueulx
gestes et euvres de bonté que avoit parfaicts. Et ainsi par certain
temps persistèrent en propos d'amitié et aggréables et amiables pa-
rolles, et durant tel tems que nostre dict glorieulx sire repaira en
l'ostel et compaingnie du dict très noble, excellent et vertueulx sire
Nicholas Esmé fust continué entre eulx tel eschange d'honnestetés;
et avoit cure le dict très noble sire Nicholas que ses amis charnels
et son dict nepveu convoiassent nostre dict glorieulx sire emmi la
ville, ne le povant lui mesme fere pour cause de la malladie dont
estoit deteneu en son dict ostel. Et avoit à nostre dict glorieulx sire
delaissié meilleure partie de son dict ostel, ouquel estoit ung pertuis
espécial pour s'en yssir en liberté icelluy glorieulx sire et ses es-
cuiers, variez et gens de sa compaingnie. Et quant advint tems de
se remectre en la mer, soupplia nostre dict glorieulx sire que son dict
nepveu voulsist prenre de sa compaingnie et avoir recommandé en
toute entreprinse : à quoi se accorda voUentiers nostre dict benoict
sire Jehan et dist que à icelluy juene Jehan veilleroit comme à frère
mainsné, de quoy fut grandement contenté en son cueur pour faveur
et advantaige de son dict nepveu le dict très noble sire Nicholas et
aussi le dict nepveu, lequel avoit jà bon appétit de guerre comme
convenoit à si noble et vertueuse race dont estoit.
82 SAINCTE VIE ET TRESPASSEMENT
XXXIX
Du despartement de nostre dict glorieulx sire de la dicte
citte de Venize en la compaingnie du dict juene Jehan,
son parent, et de leur adrivée en la citté de Smirnes.
Or s'estant accordée l'excellence du dict très noble Dalphin que
nostre dict glorieulx sire se departist de sa compaingnie en laquelle
avoit esté jusques alors, pour cause de l'adjunction que s'estoit faicte
icelluy glorieulx sire du juene Jehan Esmé, son parent, avecques
toute sa maisoniée, laquelle estoit moult riche et bien du tôt appa-
reilliée, esconvint que ilz se rangeassent aux offres du très noble
sire Duc, lequel leur voult mesnager passaige en une nef que avoit
esté guarnie aux cous et despens de la dicte noble citté de Venize,
et en icelle estoit chief des gens d'armes Venissians ung très noble
seigneur, lequel avoit esposé une suer du dict juene Jehan et leur
fust moult bienvueillant et tousjours en cure que de riens ne leur
manquast. Et ne avoit pareillement nostre dict glorieulx sire en
icelle nef par discrette retenue amené que ung sien varlet, ainsi que
ja avoit faict en la gallée du dict très noble Dalphin, et lui faisoient
tout service le dict juene Jehan et ses gens; et de telle sorte adrivè-
rent en la citté de Smirnes, en laquelle estoit assemblée des gens
d'armes chrestiens.
XL
D'une jornée que fu donnée encontre les Turs et du ver-
tueulx effect que y feirent nostre dict glorieulx sire et le
dict juene Jehan de son nom et lignaige.
Seurveneu cas que en une isle que l'on appelle Enbron aient esté
les chrestiens qui là estoient assiégez des Turs, lesquelz estoient
descendue à grant force de galées, fust en brief illec depeschié
bon confort de chrestiens croisiez, en nombre desquelz estoit
nostre dict glorieulx sire et le dict juene Jehan, lequel ou faict
de la guerre se estoit ja en plusieurs rencontres essaie à son hon-
neur et contentement de nostre dict benoict sire, que luy avoit baillé
se bon exemple et ayde. Et aians couru sus les dicts chrestiens aus
I)E JEHAN ESMÉ, SIKE Dl. AIOLINF.S. 83
Turs, se emparèrent de leurs dictes gallées et en icelles boutèrent le
feu, que véans les diz Turs leur fu force que se retrahissent en ung
chastel, lequel se prinrent les diz chrestiens assiéger. Et advint que
en une foiz que s'estoient les diz Turs ruez hors du dict chastel,
ung d'entre eulx, lequel estoit homme moult redoubté et bien dressé
aux armes et puissant de son corps, ayncois villain traytre, lequel avoit
renié nostre Seigneur Jhcsu et nostre saincte Esglise, advisa le dict
juene Jehan, lequel avoit soupplié à nostre dict glorieulx sire que lui
confîast sa bannière, pour ce que aus deux estoit une et pareillement
chère; et se ruant le dict villain traistre à l'encontredu dict juene Jehan,
lequel estoit juene escuier et non encores tel que il peust soustenir l'ef-
fort de si puissant et redoubté homme de guère, luy gecta cestui ci si
grant cop d'une massue qu'il tenoit que l'abati à terre, et illec le pilant
de son pié parvint esracher la bannière de nostre dict glorieulx sire, la
deffendant et retenant icellui povre juene Jehan de tel cueur que ne
s'en ala telle sanz sa dernière force et congnoissance de vie ; et s'es-
crioit ja le dict traistre avecques moult orribles juremens et maugre-
mens; « Veez le ci l'aignel, je le tiens de par le deabla » ; ce disant
par mocquerie et dérision de la dicte bannière, esquelle estoient assa-
voir ymagiées l'aignel ensemble testes de toreaux que sont armes
de ceulx du lignaige d'Esmé, et se mectoit le dict traistre en voie de
se retraire avecques telle capcion, quant ce oyant nostre dict glo-
rieulx sire, lequel advenoit à l'aide à grant haste tout eschauffé de
douleur et furie, assailli de sa toute puissance le dict villain traistre
qui ja s'enfouyoit, en gectant contre luy d'une grant hache de guerre
que en tel main ne pesoit guères tel cop que transversa lo bassinez
qu'avoit en sa teste le dict traystre et luy fendist sa dicte teste jusques
aus dens, s'escriant nostre dict glorieulx sire en mesme tems par
response à la mocquerie du dict traistre : « Bien l'aignel, traistre
« villain; mais le torel n'avoitil cornes ? » Et cependant à l'enlour du
dict povre juene Jehan, lequel pou à pou rentroit en ses esperits, se
condouloit presse de gens ausquelz crioit il tout plorant : « Sus ! sus à
la bannière ! « et que on le delaissast pour y corir sus et que voulsist
mieulx que morut que ne feust par luy deshonorée toute sa lingnée.
Et estoit comme tout forsené, maudissant que luy eust deffailli la
force, et se voloit dresser obstant tous et retumboit à terre tôt blecié
et débilité qu'il estoit. Auquel s'en revint nostre dict glorieulx sire
rapportant la dicte bannière et le embrassa par trois fois esmeu d'a-
mour et pitié, lui disant de consolant cueur : « Biau cousin, nul ne a
.S^ SAlNCTi: \II. 1.1 IRKSPASvSKMLN I
« miex t'aict que vous en ceste jornée, par quoy retenez nostre ban-
« nière; n'est meilleure touaille à estanchier la bleceure que avez
« eue pour elle, et adoncques y avés velu par tel généreulx sanc
« adjouslcr la bende rouge de noz cousins de Venisse. » Et à tel
amiable et plaisant condouloir ne se puet tenir le dict povre juene
Jehan que ne plorast de joye que ne feust cheu en l'estime de nosire
dict glorieulx sire, mais bien y eust creu ; et baisoit moult ardem-
ment la dicte bannière revenant en son sens, et luy fu de ceste jor-
née grant honneur et non adcertes mendre à nostre dict benoict sire.
XL!-
De la capcion du chastel d'Enbron et ce que advint du bon
traictement que teist nostre dict glorieulx sire aux Turs
que illec feurent prins.
Estant finalement le dict chastel d'Enbron invahi des dicts chres-
tiens croisiez et y estant entré ung des premiers nostre dict glorieulx
sire, fu par luy illec trové moult de Turs tout epovantés, lesquelz
s'escrioient à mercy et qu'ilz se voloient rendre, et estans aulcuns
des dicts chrestiens croisiez qui à la dicte merci ne voloient entendre,
se mectant en demoure de gecter les dicts Turs du hault des murs
du dict chastel et en avoit on ja gecté ung dune des tours, tant
pria et s'esclama de plainctes et menasses nostre dict benoict sire
qu'en cessa le propos, disant que ne estoit faict de chrestiens de
ainsi esgorgier gens que ne se povoient deffendre, et que debvoient
estre receuz à merci et seroit ainsi meilleur acheminement à paix
finale et soullagement des chrestiens en povoir des diz ennemis;
oyant quelles parolles le chieftaine des diz Turs, remectant son espée
au sien fourrel, la rendist à nostre dict glorieulx sire, disant que à nul
plus digne ne la povoit rendre et que miex seroit défendu luy et les
siens par tel loyal cueur que par sa dicte espée. Et adjousta, parlant
à nostre dict benoict sire en son oreille, que à luy seullement vouloit
enseingner ung sien trésor que nul n'aroit peu descovrir. A quoy se
accorda nosire dict benoict sire, et aiant emmené le dict trésor qui
moult estoit riche et précieux, quant feurent parvenus en Rodes le
rendist au dict chieftaine, disant que n'cstoit à lui et que riens n'en
voloit, mais que de tel trésor «'emploiast le dict Turc pour l'amour
DK JEHAN' ES.Mf:, SIRE DE AlOLINMS. 8^
d'il qui lui avoit conservé la vie à appaisier à son povoir les misères
des chrestiens estans en la main des aultres Turs ses frères, et que
s'enfioitensonhonneur. Surquoy, toutesmeu, respondist ledict Turc
que tel bien par lui receu ne seroit perdu aux chrestiens et que seur
son honneur leur profîteroit mieulx qu'eust faict toute aultre chose,
de telle libéralité et grant cueur. Et pou après en pot le dict Turc
commencier à tesmoingnier à nostre dict benoict sire, car y aiant
asseurement de trièves et aiant oy dire à nostre dict benoict sire que
nul plus grant heur ne lui porroit advenir que povoir fere peleri-
naige aux saincts lieux, seoffrist le dict Turc de l'y convoieren toute
seureté d'amis et l'y sauf guarder contre tous. A quoy tout esmeu
d'espoir se assentist nostre dict sire, et tout aussi tost que feust gari
le dict juene Jehan de sa bleceure se departist en la compaingnie
du dict Turc nostre dict glorieulx sire, luy sixiesme de chrestiens, et
feurent jusques en la citté d'Alixandre en une nef que ceulx de l'Os-
pital envoioient en ayde et confort au l^oy d'Ermenie. et debvoit
avoir le dict Turc toute saufveté de conduicte une fois adrivez à
Babyloine.
X L 11
Du voiaige que Hst nostre dict glorieulx sire de la citté
d'Alexandre en la citté de Babyloine.
S'estant nostre dict glorieulx sire, ensemble le dict juen® Jehan et
les aultres de sa compaingnie guarniz de quelques victuailles et les
convoiant le dict Turc et ses serviteurs de sa loy, prinrent chemin
vers Babyloine, transversant de prime face les sables de Tebaides,
esquelles ou tems jadiz repairerent tant saincts et benoicts heremi-
tes. et s'estant nostre dict glorieulx sire recommandé et rappelé en
leurs mérites, le dict chemin faisant adrivèrent en une ville en la-
quelle se debvoient commencier à voguer dessus le flueve Nilus,
lequel est moult grant et merveilleux flueve que tôt le pays fertilise
et oultre ce les femmes qui beurent de son eaue ; et a sa source et
origine le dict flueve jusques au Paradis terrestre, ainsi que le veil
nostre dict glorieulx sire en ung aggreable et divin songe que luy
voult bien la saincte Vierge Marie permectre fere pour le affermir
en son pieux dessein et duquel en son lieu parlerai. Et ayant le dict
Turc alloé une barge et passé marchié selon la coustume du pays
86 SAIXCTE VIE ET TRESPASSE.MENT
avecques le governeur d'icelle barge, s'enquist de assembler telle
substentacion que vequisseiit par l'espace de six ou sept jours que
debvoient sejorner dessus le dict flueve, ne debvant passé la nuictiée
naviguer par double du nauiVaige ne descendre es rivaiges par grant
paour des maulvais compaingnons que d'aguet appensé se y mussent
pour cause de robber etferirtous ceulx que puèvent saysir. Et quant
fu eschevée la première jornée fu chanté ung chant moult aggréable
en tel lieu par ung de la compaingnie de nostre dict glorieulx sire,
lequel faisoit faict de menestrandié et le avoit encontre nostre dict
glorieulx sire à Rodes et avecques lui emmené pour ce que scavoit
moult de chants sacrez bien doulx et aggréables à oir, et avoit dict le
dict Turc que en emmenant icelluy nostre dict glorieulx sire ne feroit
que saige. Et s'estant nostre dict glorieulx sire enveloppé en une
pièce de drap de Camelin, après avoir dict oraison en l'onneur de
nostre Sauveur Jhesu Crist et de monseigneur sainct Loys, roy de
France, de bien heureuse mémoire, lequel fist telz glorieulx gestes
en icelle terre, se appareilla pour dormir, esquel tems eust ung songe
ainsi que premier avons dist.
X Lll I
D'une sonue que eust nostre dict glorieulx sire durant sa
première nuictiée, en la barge sur le flueve Nilus.
Adoncques estant nostre dict glorieulx sire en la première nuictiée
que passast emmi la dicte barge dessus le flueve Nilus, eust tel
songe que lui sembloit la dicte barge tout prestement naviguer pre-
nant chemin vers la dicte origine du dict flueve. et estoient anges
qui en manière de vent souftloient de bon voulloir dans les voilles
d'icelle barge; et d'abord estoient comme nuict et que n'y veoit on pas
bien cler, et tost après aparceust nostre dict glorieulx sire une belle
lumière qui grandement luisoit comme grant nombre de palmes ver-
tes, et s'estant enquis qu'estoit, ça lui feust respondu qu'esloit le
Paradiz terrestre et que ci aloit il le veoir ; de quoy s'esmerveillant
nostre dict glorieulx sire se signa d'ungbon signe de croix, et cepen-
dant veist ung moult gracieux et bien vueillant personnaige, vestu en
manière de guerre se non que portoit en sa teste une couronne, le-
quel venoit avecques grant compaingnie daultres personnaiges au de-
DE JEHAN ESMÉ, SIKE DE MOLINES. 87
vant de la dicte barge, laquelle se estant arrestée en descendit nostre
dict glorieulx sire et alors recongneust que estoit le dict bien heureux
monseigneur sainct Loys, lequel avoit prié en son oraison et disoit
icelluy bien heureux monseigneur de doulce voix : « Bien veneu
« soyés cy, sire chevalier, et véez ou de rechief viendrez quant aurés
« fine vos pieuses espreuves et que aurés refraischi vostre ame aux
« sains lieux que voult eslire à lieux de souffrance et trespassement
« nostre divin Saulveur, et jà sont cy pluseurs voz pères et bien
« suiront si digne leur enfant de leurs veux et prières en tel périlleux
« voyaige que faictes présentement. » Oyant quelles parolles se sen-
toit nostre dict glorieulx sire comme tout pénétré et refreschi d'es-
poir et joie, et se retraiant le dict bien heureux monseigneur sainct
Loys avecques sa dicte compaingnie, fust dict à nostre dict glorieulx
sire par ung des dicts anges avecques lui descendeu de la barge que
ne povoit les suire ; et les veoit nostre dict glorieulx sire s'esloin-
gner doulcement emmi moult merveilleux arbres, curieuses bestes et
aultres estonemens, et estoient vestus à l'entour d'une doulce lu-
mière, et veist lors nostre dict glorieulx sire aulcuns de la dicte
saincte compaingnie qui arrières demouroient tornant la teste et les
bras en apparence de le bénir, et lui dist le dict ange qu'estoient ses
diz pères occis en terre saincte et qu'estoit bien faict à luy de mar-
cher à leur ymitacion ; et estans remontez en la dicte barge fust elle
ramenée ou paravant estoit, et s'esveilla de tel songe nostre dict glo-
rieulx sire, merciant Dieu de ceste divine faveur et comme tout trans-
porté de céleste espérance.
XLIV
De l'adrivée de nostre dict glorieulx sire en la citté de
Babyloine et de la visitacion que feist à la fontayne de
Nostre Dame.
Or estant adrivé nostre dict glorieulx sire en la citté de Babyloine
se print le dict Turc à quérir tous bons saufs conduictz, que ayant
euz au sien désir convoia nostre dict glorieulx sire à la visitacion
d'une fontayne lez la dicte citté de Babyloine, en laquelle nostre bien
heureuse Dame la benoicte Vierge Marie lavoit les nappes et linceuls
de nostre Seigneur, son chierfilz. En quelle fontayne est telle suave
odeur de saincteté que est mesmement aus infidelles quasi en si grant
88 SAINCTE VIE ET TRESPASSEMEXT
estime et vénéracion comme est aux chrestiens : et se estant nostre
dict glorieulx sire gecté en oraisons, le dict Turc moult dévotement
le vmita, se faisant moult révérencieuse ablution de l'eaue de la dicte
fontayne, et estoit chascun jour le dict Turc plus afectionné à nostre
dict glorieulx sire et plus admirateur de ses vertus, et n'eust esté
son infidelle loy le eust receu nostre dict glorieulx sire en parfaicte
amitié et estime, lui veant prenre de luy tel cure comme plus n'en
eust prins ung père.
X LV
Du chemin que prinst nostre dict glorieulx sire par les désers
de la sabloneuse Arabye tendant vers Jherusalem.
Quant veist nostre dict glorieulx sire la grant orreur des sablo-
neuz désers que convenolt transverser avant que gaigner Jherusa-
lem, luy print doUent regret et double en son cueur de se estre
accordé que le dict juene Jehan le acompaignast en tel périlleux tra-
gect et, tout recors de ce que avoit promis au dict très noble sire
Xicholas Esmé qu'auroit de cure à Tentour de son dict juene nep-
veu, estoit tendrement actaint d'aussi doloureuse poinc et pictié que
feust Jacob quant lui fust force envoier en Egypte son chier filz Bien-
jamin par ces sauvaiges désers, encores que feust convoie par ses
frères. Ayncois remembrant nostre dict glorieulx sire que ne moins
a\oit faict cest voyaige nostre divin Rédempteur estant encores si
juene et feble, et ne aiant ànoute saulve guarde que une juene vierge,
rentra en son couraige et se fyant à nostre Seigneur Dieu tout puys-
sant se remist du tout à la vollenté et saincte protection d'icelluy :
et se estoit le dict Turc muni de nombre de chalmaulx, que sont
moult bons animaux pour chevauchier en telz désers et sus eulx es-
toit enchargiée la substentacion de toute la chevauchiée, n'estant du-
rant presque quinzaine que puel durei- telle Iransversée aultre veue
que du ciel et de sables, se non de quelques puis csquelz estoit eaue
tarit orde et puante que à poine le povoit on boire sans grant sole-
vement de cuer : mais se ne fust telle nécessité de suef en les deux
premières jornées que costoièrent le flueve Xilus n'estant d'icellu\
distanciez que d'une lieue, advint aultre péril de tel vesinaige que
trop torna à augment d'onneur de nostre dict glorieulx sire pour
que me en doibve taire.
Dr. .IF.HAN ES.Mi:. SIKK Dt; .MOI. INES.
XLVl
Du moult périlleux combat que sustint nostre dict glorieulx
sire lez le flueve Nilus et du grant onneur que lui en feust
faict en la suicte.
Finant la deuxiesme jornée du dict pelerinaige advint que se deb-
vant on finalement esiongner du dict flueve Nilus, convint à ceul.x de
la compaingnie de nostre dict glorieulx sire que guarnissent de fres-
che eaue aulcunes piaux de chievres esquelles avoient ilz en costume
la tenir et pourter ; durant quelle besoingne s'escria de pitéables cris
le dict menestrier de nostre dict glorieulx sire, lequel se estoit eslon-
gné avec deux des variez du dict Turc et se ondeoient, et de telz cris
se escrioient ilz veans ung effroable croquedil, lequel leur courroit
sus : et à telle lamentable dolléances se accourust nostre dict glo-
rieulx sire n'aiant que une demie lance, laquelle tenoit lors en sa
main en manière d'appui, et fust tout premier de y accourir et par-
vint jusques au menestrier à telle presse d'eure que aloit il estre at-
tainct, et se ruant prestement nostre dict glorieulx sire, à grant
péril de sa vie, avecques se feble arme invasible que se povoit facil-
lement briser, feri le dict croquedil de si seure main et a tel ayde de
Dieu en telles places desporveues d'escailles que finallement le par-
vint à occire, non sans estre attainct luy mesme de griefve bleceure.
Et estoit toustevoies ung des diz Turs, lequel avoit ung petit coffret
engaingné dans ung estuy de cuir, doù print onguent et linge pour
appoinctier ceste plaie, et d'icelle ne se douloit icelluy glorieulx sire,
mais du delay que en advenoit en son voiaige ; et ne voult le dict
Turc reprendre la voie que nostre dict glorieulx sire ne fust guari,
que bien tost advint avecques la divine grâce. lù adjoterais je pour
Tonneur que du dict combat advint à nostre dicl glorieulx sire, que
estant icelluy glorieulx sire de retour en Rodes et séant ung jour
en présence du très glorieulx sire Dieud^nnc de Gosson, lequel le
tenoit en grant estime, avint que parla t on au dict glorieulx sire
Dieudonné du combat qu'estant juene che\alier avoit soustenu à
rencontre d'ung monstre de Rodes et l'en glorilîoit on haultement à
son mérite : à quoy respondict le dict noble Dieudonné que à luy
seul n'estoit tel honneur, mais que là présent estoit ung noble che-
go SAINXTE VIE ET TRESPASSEMENT
valier avecques lequel volenliers eschangeroit il, car se cestuy che-
valier avoit pareillement sostenu combat contre monstre à luy in-
congneu, n'estoit ce pour effort de gloire et conqueste de renommée,
ayncois obscurément au desceu de tous et en seule veue de bien et
d'humaine pitié, aiant icelluy offert sa vie à saulveté de celle d'ung
simple varlet, et disant ce rapporta le faict du dict croquedil que na-
guères luy venoit de narrer ung escuier de nostre dict glorieulx sire
à cesl'eure aussi là présent. Lequel escuier veant icelluy glorieulx
sire moult trublé en son visaige, luy dist d'amiable menasse et tout
traveillé de modestie : « Hé, traytre Guigue, debvais je de toy acten-
0 dre telle baverie ! »
XLVII
De la finalle adrivée de nostre dict glorieulx sire en la saincte
citté de Jherusalem.
Aiant nostre dict glorieulx sire delaissié arrières la citté de Gadra
et partie du désert de Bersabé, ouquel fust tant traveillé de suef
Ismal, fîlz de Hagar, parvint fînallement au Judéen terrouer, lequel
véant se dévalla de son chalmel, et tôt à plat prosterné sur la dicte
saincte terre, la baisa avecques moult larmes, gémissemcns et priè-
res, tout esmeu en son sanc et en son cueur, et pareillement baisè-
rent la dicte saincte terre le dict juene Jehan et le demourant des
chresliens qui estoient en la compaingnie du dict glorieulx sire, et
par la favorable entremise du dict Turc estans certain temps après
entrez en la dicte saincte citté de Jherusalem se print, dès le mesme
jour de la dicte entrée, nostre dict glorieulx sire à visiter les diz sains
lieux en toute contrition et dcvocion de cueur, et si lui sembloit que
du sainct Sépulcre ne se porroit esracher, et estoit avecques telles
larmes et prières que se faisoient telles visitacions par nostre dict
glorieulx sire que en esmoToit jusques aus Turs, lesquelz le con-
voioient en chascun lieu du mandement de leur dict seigneur, en
doubte que à nostre dict glorieulx sire ne feusl faicte quelque malc
injure en tele barbare assemblée d'infidelles.
DE JEHAN ESME, SIRE DE xMOLINKS. Çî
XLVIII
Du despartement de nostre dict glorieulx sire de la dicte
saincte citté de Jherusalem et des sains lieux que veist en
soy retornant.
Or disant le dict Turc que, ois certains promeurmures, seroit à
eulx saige fere de ne sejorner par lonc tems en la dicte citté de
Jherusalem, en double et paour que par quelques advis et pires vol-
lentez seurvenans, mesmement rompeures de triefves, ne feussent re-
traictés et hannilées les seuretés que lui avoient esté baillez, ne se
voult nostre dict glorieulx sire estre cause que de telle rare loyalté
et libéralité qu'icelle du dict Turc lui avenist nul desplesir, et adonc-
ques se resolust à prestement se départir d'illec ; et aiant en ses veste-
mens mucié quelques sainctes relliques recueillies èsdiz saincts lieux,
prinst la voie pour se en aler en Joppé, et pou après l'entrée en la
dicte voie veist nostre dict glorieulx sire la vallée en laquelle le juene
pasteur David occist le moult orgueilleux et errogant Golias, et se
estant quelque pou arrestc en la citté de Rame, d'illec finallement
parvinst au port de Joppé, ouquel le dict Turc aiant convenu mar-
chié avecques le governeur d'une nef pour luy, nostre dict glorieulx
sire et leur entière compaingnie porter en Rodes, se despartirent
d'icelle terre saincte assoir de la tierce jornée de leur sejornement
en Joppé, n'aiant nul des leurs delaissié ne perdu es dangiers de si
grant et périlleuse voie, se non ung des variez de nostre dict glo-
rieulx sire, lequel estoit natif de la ville de Mure en Daulphiné et
trespassa lez la citté de Gadra, traveillié de llus de ventre, à grant
tristesse et douleur du demourant des dits chrestiens; et ne feust
sans moult amères et doloureuses larmes que s'estaingnit à nostre
dict glorieulx sire la veue de la dicte saincte terre, laquelle deslais-
soit ainsi se tristement gissante es povoirs dinfidelles.
92 SAINCTE VII, ET TRESPASSF.MENT
XLIX
Que nostre dict glorieulx sire se despartist de Rodes à
grant regret et estime de tous et ce que feist quant feust
retorné en Dalphiné. ^
Estant sur telles entrefaictes advenu es dictes parties le très noble
sire de Sassenaige, lequel estoit despechié pour les besoingnes de
très noble et très excellent sire Dalphin Ymbert. fust par lui telles
choses dictes à nostre dict glorieulx sire, que tenoit en grant amitié,
que clérement comprint nostre dict glorieulx sire qu'estoit mesticr
que retornast en son ostel. Et lui aiant de ce baillé licence le dict
très noble Dalphin, lors en voie de longues triefves et final accomo-
dement, feist paccion nostre dict glorieulx sire avecques le maistre
d'une nef Prouvensale que se en aloit touchier droict à Marselles : et
aiant delaissié le dict juene Jehan es mains du très noble et vertueulx
sire Justinian. ainsi que avoit esté avecques le dict très noble sire
Xicholas Esmé conveneu par avant leur despartement de Venisse, se
eslongna nostre dict glorieulx sire du dict lieu de Rodes, que dclais-
soit plein de généralle estime à Tendroict de ses vaillance, preudom-
mie et merveilleuses vertus chrestiennes ; et n'estoit derrenier à icellcs
admirer le dict Turc, ayncois disoit que s'il eust congneu deux che-
valiers chrestiens pareils seuUement, ne se seroit tenu que n'entrast
en nostre loy. Et estant nostre dict glorieulx sire rentré en son dict
ostel. trova que estoit bruict au pays que sen puisné filz monseigneur
Jehan derrenierement trespassé. que Dieu absoille 1 avoit par sa foy
juré que esposeroit une joune damoiselle, laquelle estoit moult
preude femme, mais n'osoit ja le dict sire Jehan ainsi la prenre à
espose, doubtant que ne s'y voulsislassentir son dict père pour ce que
n'estoit la dicte damoiselle de noble lingnée, par quoy souppliant
honoré maistre Jehan Bernart, père de la dicte damoiselle, à nostre
dict glorieulx sire, que ne voulsist soffrir et laissier en desonneur
telle lingnée qui jamais n'avoit encoru par avant blasme ne vitupère,
m.anda nostre dict glorieulx sire mon dict seigneur Jehan son fil/ :
auquel aiant dist que encores que fust dollent de telle derogeance.
laquelle oncques n'estoit ja advenue en leur lignaige,miex valoit en-
cores pureté de vertu que de noblesse, et deffault à l'escu que à
l'rmneur. et que puis que mon dict seigneur Jehan avoit juré pro-
bi: JEHAN KSME, SIHK DK .MOLI^■^.^i. 9^
messe par sa foy, ne y debvoit faillir; et en feist tost après les espo-
sailles à commune loange de tous, et continua nostre dict glorieulx
sire à ainsi fere moult aultres belles vertueuses et chrestiennes
actions tout tant que vesquit jusques au jour que sainctement tres-
passa. comme jà a esté par cy devant dict.
L
De l'espérance en laquelle demoure Taucteur d'avoir escript
ce discours.
Si demoures je en espérance que tel discours, par moien duquel
ai volu conserver et perpétuer souvenir de si grant bonté, vaillance
et merveilleuses vertus chrestiennes de nostre dict glorieulx sire, les-
quelles ont encores racines es esperit et remenbrance de pluseurs
que tesmoings en ont esté et présentement encores scurvivent en ce
siècle, à aulcuns adviendra que soye en plus grant po.voir que moi
de poursuivre à effect recongnoissance de telle digne saincte vie,
laquelle en brief adviendroit se tous les cuers estoient au mien et
veoient tous esperits ce que mien esperit voit et pense. Et que par
ce toutesvoyes à mon juene et bien amé présent seigneur tel dis-
cours et exemple proficte et a bien le mène quant adrivera en aage,
et qu'allaité de telles vertus paternelles ne croisse et succède à si
vertueulx et glorieulx ta von meins vertueulx et noble filz.
Ll
De l'ommaige que Taucteur estant en la noble citté de Venize
feist de ce présent livre au très noble, excellent et géné-
reulx sire Georges Esmé, parfaict exemple de chevallerie
et chrestienne vertu.
Et estant moy sus dict paouvre euvrier en tel euvraige de dis-
cours en ceste noble citté de Venisse, ai je du présent livre tant osé
me prévalloir qu'en ay faict hommage à très noble, très excellent et
très généreux sire Georges Esmé, parfaict exemple de chevallerye
Ç4 VIE ET TRESPASSE.MEXT DE J. ES.ME.
et chrestienne vertu, lequel y porra veoir les beaux et nobles gestes
des siens et en daignera t il guarder tel bon gré au dict povre aucteur
que en aura icelluy faict guarder bon et chier souvenir aux aultres
à venir.
AMEN.
Archives du château du Touvet, registre dérelié, composé de quatre quaternions
de parchemin (le i" de 6 feuilles, le 2" et le y" de ^, le dernier d'une seule), for-
mant 2<) feuillels : ce nombre impair provient de la disparition du 1" feuillet, sans
doute blanc comme le dernier. Le manuscrit mesure 2g/ millim. en hauteur et
26 cent, en largeur ; la justification, précisée à la pointe et tracée à l'encre, mesure
2iy mill. sur 18 y. L'écriture est celle de la deuxième moitié du XI V' siècle : abré-
viations ordinaires, multipliées pour les mots qui reviennent souvent ; difficulté fré-
quente de distinguer les voyelles o et e ; sommaires des chapitres (non numérotés) à
l'encre rouge ; grandes initiales au texte de chaque chapitre. Le titre donné à la
présente publication est extrait du titre du 2° chapitre. Cité plusieurs fois (voir U.
Chevalier, Choix de documents historiques inédits sur le Dauphiné, 1874, p. 96),
cette bien curieuse et très édifiante biographie n'avait jiifuais été publiée intégrale-
ment.
Les mêmes archives du Touvet possèdent une copie sur papier timbré, delà main
de M. de Stadler, qui l'a fait suivre de l'attestation suivante :
Nous soussignés, archivistes paléographes, anciens élèves pension-
naires de l'Ecole Royale des Chartes, certifions en vertu du Diplôme
qui nous a été conféré par .M. le iMinistre Secrétaire d'Etat au r3épar-
tement de l'Instruction publique, la présente copie, par nous trans-
crite et collationnée, conforme à l'original sur parchemin appartenant
à -Monsieur le Marquis de Marcieu.
Paris, le 2 juillet 1846.
A. Teulet. E. a. de Stadler.
Vu par nous, Maire du neuvième arrondissement de Paris, pour
légalisation de la signature de M. Teulet apposée ci -dessus.
Paris, le 3 juillet 1846.
(Signature ill is ih le . 1
(Timbre de la mairie du c/ arrondissement).
Nous tenons l'original de cette attestation et une photographie de l'original lui-
même à la disposition des hypercriliques (s'il s'en trouve) qui éprouveraient des scru-
pules sur l'authenticité (qu'il ne faut pas confondre avec la véracité) de ce docu-
ment. Nous demanderions seulement quelle portée peuvent avoir ces doutes après la
déclaration formelle de professeurs émérites de l'Ecole des Chartes, comme MM.
Teulet et de Stadler.
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