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Full text of "Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers"

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BULLETIN 

D'HISTOIRE    ECCLÉSIASTiaUE 

ET 

D'ARCHÉOLOGIE   RELIGIEUSE 


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IMT%IME%IE    JULES    CÉoAS    ET  FILS 
A     VALENCE 


BULLETIN 

D'HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE 

ET 

D'ARCHÉOLOGIE     RELIGIEUSE 

DES     DIOCÈSES     DE    VALENCE 
GAP,  GRENOBLE  &  VIVIERS 


TOiME 


-^ 


ROMANS 

AU     SECRÉTARL\T     DU     COMITÉ    DE    RÉDACTION 


1886-7 


4-,  155^ 


/SX 


PUBLICATIONS  DU  COMITÉ  DE  RÉDACTION 

'DÉPÔT  cAU  SEC-T^ÉTci-RlcAT,  c4  ■'ROMcANS 
Bulletin    d'histoire    ecclésiastique    et   J'aic'iéolo<;ie    relig^ieuse.       i'"  année    10  fr. 

TIRAGES    A    PART    DU    BULLETIN    (in-S") 

Albanès  (J.-H.),    Histoire    des   évêques    de  Saint-Paul-Trois-Châteaux  au 

XIV'  siècle,  corrections    et  documents 3  50 

Bellet  (Charl.),  Notes  pour  servir  à  la  géographie  et  à  l'histoire  de  l'an- 
cien diocèse   de  Grenoble,   i"  part 2  50 

—  Histoire  du  Cardinal  Le  Camus 8     » 

Blaïn,         Louise  ou  la  sainte  de   Venterol 1  25 

—  Mémoires   de  J.-B.  Brun,  curé  d'Aouste,    sur  les  événements  de 

son  temps   de  ijç)2  au  Concordat  (1802) 2     » 

Blanchard,    Un  épisode  de  l'histoire  des  Camisards  dans  l'Ardèche  ( i  jojf)  .         1  50 
Chaper  (Eug.),  Mgr.  Le  Camus,    cardinal,  évéque  de    Grenoble  de    i6'i  à 

ijoj,  notes  pour  servir  à  sa  biographie  écrites  par  lui-même .         «  75 
Chevalier  (Jules),   Notes  et  documents  pour  servir  à  l'histoire   des  doyens 

de  l'église  de  Die  au  XVI'  siècle 2     « 

—  Passage  de  la  compagnie  des  Ecossais  dans  le  Diois  ( i4<)6).     .         1  25 

—  Procès-verbal  de    la    visite  pastorale    de   Jacques    de    Tournon, 

évéque  de  Valence  et  de  Die,  à  Die  et  à  Crest   ( i^^i).      .      .  1  50 

Chosson  (Luc),  La   R.  M.    Damascène    Buisson,   supérieure    générale   des 

religieuses    Trinitaires 1m 

Feraud  (J.-J.-M.),  Fêtes  de  la  canonisation  de  S.  François  de  Sales  et  de  la 

béatification  de  Jeanne  Françoise  Frémiot,  baronne  de  Chantai, 

à  Digne,  en   t66j  et   iy^2 4     » 

FiLLET  (L.),   Don^ère  religieux,  notice  historique 2  50 

—  Echevis  religieux,    notice  historique 1  25 

—  Monlbrison  religieux,  notice  historique 1  50 

—  Notice  historique  sur  les  paroisses  de  Colonzelle  et  Margerie.      .         2     » 
Guillaume  (Paul),  Notice  historique  et  documents  inédits  sur  le  prieuré  de 

Saint-André  de  Gap »  75 

—  Origine  des  chevaliers  de  Malle  et  Râle  des  donations  de  la  com- 

manderie  de  Gap  (Xl-Xll"  siècles) 2  50 

—  Relations  de  Louis  XI  et  Charles   VIII  avec  Gap  et  Embrun.      .  »  50 

Lagier  (A),    Abbaye  de  N.-D.  de  Laval-Bénite  de  Bressieux 1  75 

Mazet  (V.),   Pierre  Fedon  et  le  diocèse  de  Die  pendant  la  Révolution    .      .  2  25 
Roman  (J.),    Visites/ailes  dans  les  prieurés  de  l'ordre  de  Cluny  du  Dauphiné 

de  1 2fio  à  i]o) 125 

Toi;piN   (II. -C),   Notice  sur  le  serviteur  de  Dieu    Jean  Sérane,  profés  delà 

Compagnie  de  Jésus  ( ly  1  2-1  jS-0 3     » 

—  Justine  de   la  Tour-Gouvernel,  baronne  de  Poèt-Célard,    épisode 

des  controverses     religieuses   en     Dauphiné    durant    les    vingt 
premières  années  du  XVII'  siècle 3  50 


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A/ 67 


EGLISES    ROMANES 

DU       VI  VA  RAIS 

BOURG-SAINT-ANDÊOL 


.«■siCÏ>^i*sâV£l^^^ 


LA  petite  ville  de  Bourg-St-Andéol,  intéressante  à  plusieurs  titres 
d'archéologie  payenne,  ne  l'est  pas  moins  au  point  de  vue  des 
monuments  de  l'époque  Romane.  Lorsque  éclata  la  Révolution,  elle 
avait  quatre  églises  de  grande  importance.  Deux  d'entr'elles,  édifices 
des  paroisses  primitives  qui  se  constituèrent  dès  la  pacification 
Constantinienne,  étaient  celles  de  St-Polycarpe  et  de  St-Michel.  Au 
IX*  siècle  (850-858)  fut  érigée  l'église  Saint-Andéol,  devenue  la 
paroisse  du  quartier  neuf  de  cette  époque.  —  Enfin  sur  la  paroisse 
de  St-PoIycarpe  et  près  de  l'église  de  ce  nom  s'élevait  la  chapelle 
de  St-Sauveur.  L'église  St-Michel,  au  nord  de  la  ville,  fut  démo- 
lie en  1793.  Celle  de  St-Polycarpe  et  celle  de  St-Sauveur  furent 
vendues  à  la  spéculation  privée.  Saint-Andéol  resta  église  parois- 
siale unique.  Ce  sont  ces  trois  églises  St-Polycarpe,  St-Andéol, 
St-Sauveur  que  nous  nous  proposons  d'étudier  successivement. 

EGLISE  SAINT-POLYCARPE. 

Lorsqu'on  pénètre  dans  cette  ville  par  la  porte  du  couchant,  qui 
ouvre  directement  sur  la  route  de  Lyon  à  Nimes,  on  rencontre 
un  sol  aplani,  une  surface  de  même  niveau  dans  les  rues  et  places 
qu'on  parcourt  jusqu'à  la  grande  église  dédiée  à  Saint  Andéol.  Mais 


O  EGLISES    ROMAXKS    DU    VIVARAIS. 

si  l'on  sort  de  cette  éylise  par  la  porte  méridionale  (appelée  de 
St-Polycarpe),  immédiatement  Ton  se  trouve  sur  une  pente  accentuée 
qui  s'arrête  un  instant  pour  former  la  place  St-Polycarpe,  et  reprend 
de  nouveau  son  inclinaison  jusqu'au  Rhône.  L'intérêt  de  notre 
dissertation  se  concentre  sur  cette  place. 

Du  haut  de  la  pente,  on  est  tourné  vers  le  levant,  et  Ton  voit 
devant  soi  une  façade  de  vieille  église  :  c'est  l'église  St-Polycarpe  ; 
à  droite  au  midi  on  a  les  restes  de  la  façade  d'une  autre  église  : 
c'était  l'église  St-Sauveur.  La  place  elle-même,  dont  ces  deux  égli- 
ses constituent  deux  côtés,  est  un  ancien  cimetière.  Elle  est  carrée, 
et  l'on  en  sort  pour  aller  au  fleuve,  soit  à  gauche  au  nord  par  une 
rue  rectiligne  et  fortement  inclinée,  soit  à  droite  au  sud  en  diagonale 
par  une  rue  moins  abrupte  qui  mène  au  pont,  et  qui  sépare  les  deux 
vieilles  églises. 

Nous  ne  nous  occupons  cette  fois  que  de  l'église  Saint-Polycarpe. 
Nous  la  considérons  soit  avant,  soit  après  l'année  858.  —  Voici  pour- 
quoi : 

L'année  858  est  l'année  de  la  découverte  du  tombeau  de  St-Andéol 
par  l'évêque  de  Viviers,  Dernoin.  Cette  date,  étant  attestée  par  les 
monuments  historiques  les  plus  authentiques,  livres,  inscriptions  etc. , 
est  un  jalon  historique  de  première  valeur,  auquel  on  peut  aboutir 
et  dont  on  peut  faire  un  point  de  départ  (i). 

Cette  date  est  aussi  celle  de  l'achèvement  de  l'église  de  St-Andéol 
elle-même,  qui,  commencée  pour  être  dédiée  à  St-Etienne  et  à  St- 
Jean,  fut  inaugurée  en  l'honneur  du  sous-diacre  martyr,  aussitôt  que 
son  tombeau  tout  à  coup  découvert  y  fut  immédiatement  transporté. 

Enfin  cette  date  est  celle  à  partir  de  laquelle  on  dut  songer  à  bâtir 
l'église  de  St-Polycarpe,  si  elle  n'est  pas  rigoureusement  celle  du 
commencement  de  son  érection. 

Il  est  rare  de  rencontrer  dans  une  même  localité  restreinte  et  sur 
plusieurs  questions  une  coïncidence  des  temps  aussi  précieuse  pour 
la  chronologie  simultanée  des  événements  et   des   monuments.    On 


(i)  Nous  renvoyons  le  lecteur  à  l'ouvraiçe  magistral  de  M.  le  chanoine  Rouchier, 
(Histoire  du  Vivaraia,  1862^,  à  celui  de  M.  l'ahbc  Miradei,  (St-Atidcol  et  son 
culte,  1868^,  qui  complète  le  premier;  aux  Eludes  sur  saint  Déni<riie  de  Dijon, 
par  M.  l'abbé  Bougaud,  vicaire-général  d'Orléans;  au  volume  du  Gallia  Christiana 
sur  l'église  Viennoise  et  Vivaraisc,  par  M.  HAuniUf;  aux  Acta  sauclorum,  i"  mai  ; 
à  Y  Architecture  romane  dans  le  Midi,  par  M.  Rkvoii,  ;  etc.,  etc.  ;  à  la  Bibliothèque 
de  l'école  des  Charles  (en    1886):    Inscripi    chréi.   du    Vivarais. 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  7 

peut  sans  exagération  affirmer  et  au  besoin  démontrer  par  l'histoire 
que  le  Bourg,  en  tant  que  ville  de  quelque  importance,  ne  prit  ses 
développements  et  ne  devint  le  séjour  habituel  des  évêques  de  Viviers 
qu'à  partir  de  cette  époque. 

I.   L'EGLISE  ST-POLYCARPE  AVANT  L'AN  U^8 

Ainsi  représentons-nous  une  place  carrée  horizontale  limitée  au 
le\-ant,  c'est-à-dire  du  côté  où  la  pente  aurait  abouti  au  Rhône,  par 
une  façade  d'église.  On  entre  de  plain  pied  dans  cette  église,  et  l'on 
aboutit,  en  la  traversant  dans  l'axe  de  sa  longueur,  tout  droit,  à  un 
balcon  à  pic  sur  le  quai  ou  sur  le  lit  du  fleuve.  11  y  a  donc  une  diffé- 
rence de  niveau  entre  la  place  St-Polycarpe  ou  l'entrée  de  l'église 
au  couchant,  et  la  base  de  son  chevet  au  levant.  Et  en  effet,  l'église 
s'est  interposée  et  la  place  elle-même  n'a  été  obtenue  horizontale 
que  par  des  terrassements  qui  ont  supprimé  vers  l'église  la  déclivité 
naturelle  du  terrain.  Cette  déclivité  naturelle  se  retrouve  à  droite  et 
à  gauche,  comme  nous  l'avons  dit,  dans  les  rues  adjacentes  qui 
descendent  à  la  rivière. 

Mais  voici  la  preuve  de  ce  travail  de  nivellement  tirée  du  monu- 
ment lui-même.  Sous  cette  église,  il  s'en  trouve  une  autre  qui  nous 
ramène  à  l'état  primitif  de  la  colline.  Ainsi  primitivement  le  terrain 
allait  à  partir  de  la  ville  supérieure  en  une  seule  pente,  même  rapide, 
jusqu'au  bord  du  Rhône. 

1°   Basilique,  Crypte,    Etat  primitif  de  l'emplacement. 

A  quelle  époque  cette  croupe  de  la  colline  a-t-elle  été  dotée  d'un 
monument  ?  et  en  particulier  de  ce  monument  souterrain  que  nous 
avons  appelé  l'église  inférieure  ?  Y  a-t-il  réellement  une  église  infé- 
rieure ?  A  première  vue,  on  serait  tenté  de  répondre  affirmativement. 
On  trouve  en  effet  au  niveau  du  sol  un  édifice  d'une  forme  très-par- 
ticulière et  très-rare.  C'est  une  petite  basilique  à  trois  absidioles 
concentriques,  absolument  semblables  à  celles  que  M.  de  Rossi  a  dé- 
couvertes sur  la  voie  Ardéatine  au-dessus  des  tombeaux  de  St  Calixte 
et  de  Ste  Cécile,  sur  la  voie  Appienne,  etc.(i);  basilique  uniquement 
destinée  et  réservée  à  surmonter  le  tombeau  d'un  martyr;    basilique 

(i)  V.   Martigny  :   Dict.   des  Antiquités,  art.  Basiliques. 


EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 


contemporaine  du  dernier  âge  des  persécutions  et  des  Catacombes, 
ou  plutôt  de  l'établissement  de  la  paix  Constantinienne  ;  mais  bien- 
tôt on  reconnaît  que,  quant  au  reste  du  souterrain,  ce  n'est  pas  une 
dépendance  de  la  basilique,  ce  n'est  pas  non  plus  une  église  spéciale, 
c'est  au  contraire  la  base,  la  partie  inférieure  de  l'église  d'en  haut 
qu'on  a  coupée  en  deux,  dans  son  élévation,  par  une  malencontreuse 
voûte  à  la  hauteur  de  la  voûte  de  la  basilique,  pour  créer  un  plain 
pied  avec  la  place  remblayée  et  aplanie  elle-même.  En  sorte  qu'il 
n'v  a,  à  proprement  parler,  qu'une  église,  celle  d'en  haut,  qui 
englobe  à  son  chevet  la  petite  basilique.  Le  sanctuaire  et  l'autel  de 
l'église  sont  sur  la  voûte  de  la  basilique. 

Le  pavé  de  la  nef  de  l'église  est  au  niveau  ou  à  peu  près  du  sol 
de  cette  basilique.  Et  l'on  va  de  ce  sol  au  sanctuaire  et  à  l'autel  par 
deux  escaliers  à  droite  et  à  gauche,  pratiqués  dans  l'épaisseur  des 
murs  latéraux  de  la  nef. 

Quant  au  portail  de  l'église,  s'il  est  aujourd'hui  au  niveau  de  la 
place  surexhaussée  elle-même  et  aplanie,  c'est  qu'on  l'a  remonté. 
Mais  on  retrouve  son  ancien  seuil  au  niveau  du  sol  de  la  basilique 
en  contrebas  de  la  place,  et  par  conséquent  au  point  même  où 
descendait  la  pente  naturelle  de  la  colline.  Tel  est  le  monument, 
dit  église  St-Polycarpe,  avec  sa  crypte  en  forme  de  basilique  dont 
les  trois  absidioles  concentriques  sont  englobées,  absorbées,  cir- 
conscrites dans  l'abside  unique  de  cette  église. 

Avançons  maintenant  dans  le  passé.  Dès  l'origine,  qu'y  avait-il 
au  bas  de  la  colline,  sur  l'emplacement  de  cette  crypte-basilique  ? 
Nous  savons  que  ce  genre  d'cdicule  surmontait  toujours  un  tombeau 
de  martyr.  Ici  donc  il  y  avait  un  tombeau.  —  Toute  la  tradition, 
tous  les  documents  et  monuments  s'accordent  à  dire  :  il  y  avait  le 
tombeau  de  Saint- Andéol. 

Or  cette  crypte-basilique  a  été  construite  (comme  nous  le  prou- 
verons plus  tardj  d'un  seul  jet  avec  l'église  elle-même,  au  plus 
tôt  à  la  fin  du  IX*  siècle.  Et  déjà  à  cette  époque  le  tombeau  de 
Saint  Andéol  avait  été  transporté  dans  une  autre  église,  dans  l'église 
neuve  qui  fut  dédiée,  à  cette  occas'on  même,  à  Saint-Andéol.  On 
est  donc  amené  à  conclure  ou  que  la  crypte-basilique  actuelle  n'a 
pas  servi  au  tombeau,  ou  qu'elle  a  remplacé  une  basilique  antérieure 
qui  avait  recouvert  le  tombeau.  Telle  est  la  question  à  étudier  et  à 
résoudre. 

Et  d'abord  rappelons-nous  comment  le  tombeau  du  martvr  était  là. 


BOURG-SAI.\T-A\DEOL.  9 

Andéol  a  été  mis  à  mort  sur  la  rive  gauche  du  Rhône  le  i^'  mai  (i) 
(208).  Son  corps  jeté  au  fleuve  est  transporté  par  les  flots  sui-  la  rive 
droite,  à  l'endroit  oii  les  rochers  produisent  de  grandes  vagues.  «  In 
hoc  loco  rapidissimi  fiuvii  prœgrandia  saxa  aqiiâ  viderentiir  devolvi.  » 
Il  y  reste  quatre  jours  et  quatre  nuits.  Quinta  igitiir  jam  advenerat 
dies.  Le  5  mai,  une  dame  Gallo-romaine,  TuUie,  secrètement  conver- 
tie, vient  nuitamment,  avec  ses  serviteurs  les  plus  éprouvés  dans  la 
Jbi,  «  cum  fidelibus  suis  et  quos  probatos  infide  Christi  habebat  »,  en- 
lever la  dépouille  sacrée,  et,  pour  ne  laisser  aucune  trace  de  son 
larcin,  elle  dépose  le  trésor  dans  un  tombeau  d'enfant  (2).  Plus  tard 
(858)  on  découvre  le  tombeau  à  cette  même  place  où  s'élève  la  Crote 
de  l'église  St-Polycarpe  (3).  Voilà  en  résumé  la  substance  de  tous 
les  récits,  de  tous  livres  et  inscriptions. 

Quelles  sontles  conséquences  historiques  à  en  déduire?  Première- 
ment que,  s'il  y  eut  sur  le  tombeau  l'érection  d'un  monument  reli- 
gieux, ce  ne^  fut  d'abord  pas  apparent,  puisque  TuUie  prit  toutes 
les  précautions  pour  cacher  aux  persécuteurs  son  intervention  et 
l'objet  dérobé.  Secondement,  ce  tombeau  d'enfant  utilisé  à  la  hâte 
par  Tullie  devait  être  placé  librement  sous  sa  main  et  lui  appartenir, 
de  manière  à  n'éveiller  aucun  soupçon.  Troisièmement,  ce  tombeau 
désormais  si  vénérable,  si  précieux,  ne  peut  être  laissé  comme  tout 
autre,  à  la  disposition  du  public,  et  exposé  à  quelque  injure  qui  eut 
été  une  grave  profanation.  On  dut  le  soustraire  au  commerce  des 
payens  et  en  réser\-er  la  vue  ou  du  moins  en  divulguer  l'existence 
au::  seuls  chrétiens.  Quatrièmement,  le  tombeau,  une  fois  en  place 
secrète  et  abritée,  y  resta  à  jamais  (4),  jusqu'à  la  translation  de  Ber- 
noin  Caprès  858,  opérée  en  toute  sécurité  et  en  grande  pompe).  — 
Cinquièmement,  cet  emplacement  primitif  du  tombeau  appartenait 
exclusivement  et  sans  partage  à  Tullie,  qui  y  trouvait  toutes  les 
garanties  désirables  de  préservation  indéfinie.  —  Sixièmement,  de 
deux  choses  l'une;  cet  emplacement  de  tombeau  était  ou  dans  la 
maison  de  Tullie  ou  dans  le  prœdium  attenant  aux  maisons  romai- 
nes. 

(i)  BoLLANDisTES,   actti^  de  St-Andéol,   i"  mai. 

(2)  V.  RoucHiER.  p.  198,  et  éclaircissemenis,  p.  515;  —  Mirabel,  p.  94  et  p.  200. 

(3)  V.  RoucHiER,  p.  524:  —  Mirabel,  p.  104:  —  Archives  communales  de  Bourg- 
St-Andéol,  sac.  2.  Acta  ;  «  in  ipso  dignissimè  sepelivit  ubi  se  sanctus  ipse  publi- 
cavit.  » 

C4)  Actes  de  St-Andéol  :  «  ht  quo  loco  (Ubi  Tullia  scum  corpus  dignissimè  sepeli- 
vit) tantam  gratiam  Dominus  usque  hodie  tribuere  dignatur.»(Arch.  commun., sac.  2.) 


10  EGLISES    ROMAMES    DU    VIVARAIS. 


2°  Maison  et  Pra'iiium  de   TuUic, 

Nous  arrivons  ainsi  par  des  déductions  rigoureuses  à  conclure 
que,  au  moins  le  bas  de  la  colline,  emplacement  de  tombeau,  était 
la  propriété  de  TuUie  ;  et  en  effet,  il  est  facile  de  se  figurer  que 
TuUie  avait  une  habitation  au  bord  même  du  fleuve,  et  au  couchant 
un  prœdium  remontant  la  colline  au  moins  dans  l'espace  de  la  place 
St-Polycarpe,  (peut  être  et  probablement  jusqu'à  la  route  romaine 
tracée  sur  le  haut  de  la  colline,  là  où  s'élevèrent  au  IX''  siècle  le 
quartier  neuf  et  l'église  St-Andéol). 

Or,  entre  la  place  qu'occupait  cette  maison  et  celle  où  les  vagues 
du  Rhône  avaient  déposé  le  corps  saint,  il  n'y  a  qu'une  faible  dis- 
tance. Le  larcin  put  être  opéré  de  nuit  très  rapidement  et  sans  qu'un 
grand  déplacement  donnât  l'éveil. 

Ainsi  le  premier  monument  qui  renferma  le  tombeau  fut  la  mai- 
son même  de  Tullie.  —  De  fait,  les  substructions  anciennes  sont 
apparentes  encore.  Elles  ont  été  déblayées  sous  l'église  St-Polycarpe 
qui  fut  substituée  à  la  maison  ordinaire;  mais  elles  régnent  sous  les 
maisons  voisines,  particulièrement  sous  celle  du  midi,  où  l'on  a  dû 
creuser,  en  1834,  les  escaliers  dans  une  matière  résistante  qu'on  prit 
d'abord  pour  un  rocher  dur  comme  du  marbre  et  qui  était  simple- 
ment la  construction  des  maçonneries  très-compactes  d'un  édifice 
disparu. 

Cette  question  de  l'e.xistencc  d'une  maison  ou  d'un  terrain  appar- 
tenant à  Tullie,  à  l'époque  même,  au  moment  même  de  l'enlèvement 
du  corps  de  Saint-Andéol,  de  sa  déposition  dans  le  tombeau  payen 
et  de  la  place  qu'occupait  ce  tombeau,  n"a  pu  être  élucidée  que  par 
les  raisonnements  que  nous  venons  de  faire,  mais  est-elle  corro- 
borée, confirmée  par  quelque  document?  directement,  non,  nous 
n'avons  pas  un  tc.Kte  qui  nous  dise  :  lullic  avait  là  une  maison  ou  un 
jardin  (et  elle  y  lit  à  la  hâte  porter  le  corps  du  martyr).  Pas  plus 
que  nous  n'avons  un  texte  qui  nous  dise  :  Tullie  avait  sous  la  main 
et  dans  sa  famille  un  tombeau  d'enfant  fct  elle  v  til  cacher  le 
précieux  corpsj.  —  Ov  ces  deux  questions,  à  savoir  que  Tullie  était 
propriétaire  du  tombeau  et  aussi  propriétaire  de  l'emplacement  du 
tombeau,   sont  connexes   cl  similaires.    —  C'est   par  déduction  (i) 

(1)  V.  HouciiiER,  éclaircissements,   p.  517. 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  II 

et  non  en  vertu  d'un  texte  que  les  historiens  ont  affirme  que  TuUie 
déposa  le  corps  dans  un  tombeau  de  famille,  c'est  par  déduction 
que  nous  ajoutons  nous-mème  :  TuUie  plaça  le  tout  (tombeau  et 
corps)  dans  un  immeuble  de  famille.  —  Nous  pourrions  donc  dès  à 
présent  nous  en  tenir  à  la  conviction  de  ce  fait  que  TuUie  avait  là  sa 
résidence. 

Mais  nous  avons  poussé  trop  loin  la  rigueur  du  raisonnement 
contre  notre  propre  thèse  ;  il  y  a  en  effet  une  preuve  écrite  et  une 
preuve  orale  plus  directes  :  on  trouve  un  accord  unanime  entre  les 
pièces  historiques  et  la  tradition  populaire,  pour  donner  à  cette  par- 
tie de  l'église  St-Polycarpe  qui  est  devenue  le  souterrain  ou  la  crypte, 
à  cette  partie  antique  où  l'on  descendait  vénérer  d'abord  le  tombeau, 
puis  la  place  qu'il  avait  occupée,  les  noms  bien  caractéristiques  de 
la  sainte  Roumclo  (la  sainte  Romaine)  ou  de  la  crota  de  la  Bienheu- 
reuse TuUie,  etc.  (i). 

Et  qu'on  ne  se  hâte  pas  de  trouver  étonnante  l'épithète  de  sainte 
appliquée  à  Tullie  ;  les  écrits  des  temps  les  plus  reculés  et  ceux  des 
derniers  siècles  l'appellent  toujours  la  bienheureuse  Tullie,  Beata 
Tiillia,  la  sainte  Tullie.  Dès  le  principe,  ou  de  son  vivant  ou  après 
sa  mort,  Tullie  fut  honorée  comme  sainte  au  point  que  sa  maison 
se  confondit  avec  elle-même.  On  allait  à  sa  maison,  comme  de  son 
vivant  on  allait  à  elle-même,  à  la  sainte  romaine  ;  —  de  son  vivant, 
on  allait  à  la  sainte  Romaine,  à  Tullie,  pour  recevoir  ses  conseils, 
ses  enseignements,  ses  secours,  ses  aumônes,  pour  obtenir  la  faveur 
de  prier  au  tombeau  du  saint  ;  après  sa  mort,  on  allait  à  sa  maison, 
au  tombeau  du  saint,  non  loin  duquel  peut-être  on  avait  déposé  la 
dépouille  de  Tullie,  selon  son  propre  désir,  comme  il  arrivait  si  sou- 
vent dans  les  premiers  siècles. 

Ici  nous  ne  devons  pas  laisser  passer  une  remarque  qui  fait  ressor- 
tir le  caractère  national  de  ces  populations.  Si  elles  eussent  été 
elles-mêmes  romaines,  absolument  romanisées,  elles  n'auraient  pas 
appelé  Tullie  la  Romaine,  ni  sa  maison,  la  maison  de  la  Romaine,  ni 
l'édicule  sacré,  la  sainte  romaine.  — Mais  ces  convertis,  ces  pèlerins, 
mélangés  de  payens,  se  sentaient  encore  conquis,  d'une  autre  race, 
d'une  autre  langue  que  Tullie,  Tullie  essentiellement  romaine  par  le 
nom,  par  les  mœurs,  le  costume,  le  langage,  par  la  richesse,  par  la 
puissance,  par  la  famille  ;  elle  était   probablement  femme,  mère    ou 

(l)    MlRABEL,    p.     104. 


12  EGLISES     RO.MANES    DU    VIVARAIS. 

sœur  d'un  fonctionnaire  de  l'Empire  [i).  —  L.es  populations  a\aient 
le  sentiment  du  contraste  qui  existait  entre  elles  et  Tullie  ;  elles  res- 
taient au  fond  Helviennes,  Cavares,  Arécomiques,  Arverniennes,  Vo- 
contiennes.  —  Elles  étaient  habituées  à  voir  des  romains  et  des 
romaines  hautains,  durs,  impitoyables.  Et  Tullie  la  romaine  leur 
apparaissait  bienveillante,  secourable,  pieuse  (2),  et  un  jour,  dans 
le  langage  devenu  chrétien,  elle  leur  apparut  sainte,  Deata. 

Aussi  la  locution  Sainto  Roumèlo,  sainte  Romaine,  la  Romaine 
d'abord,  la  sainte  romaine  ensuite,  n'aurait  pas  son  explication, 
lorsque  le  monde  romain  eut  disparu.  De  même  que  Tépithète 
Beata  exige  que  les  populations  fussent  devenues  chrétiennes,  de 
même  la  qualification  Romaine  éveille  l'idée  d'une  contrée  dont  les 
habitants  se  considéraient  encore  comme  Gaulois.  Il  est  possible  que, 
en  parlant  d'Andéol,  ces  peuples  le  désignassent  par  ces  mots  :  le 
missionnaire  Grec,  le  Grec.  Quant  à  Tullie,  sa  maison,  ce  fut  à  leurs 
yeux,  la  femme  romaine,  la  maison  romaine  d'abord  ;  puis  avec  le 
christianisme  la  sainte  romaine,  et  cette  locution  est  restée  jusqu'à 
notre  siècle,  tant  qu'ont  vécu  les  personnes  qui  avaient  vu  le  culte 
pratiqué  à  l'église  St-Polycarpe,  et  que  nous  avons  connues  et 
interrogées   nous-même. 

3°  Confusions  à  éviter  dans  les  dénominations  de  la  crypte.  — 
Crypte   actuelle. 

Cependant  il  ne  faudrait  pas  tomber  dans  une  confusion  à  laquelle 
cette  dénomination  a  donné  lieu  jusqu'ici.  De  ce  qu'on  a  toujours 
appelé  sainto  Roumèlo  l'emplacement  du  tombeau  ou  de  la  maison 
de  Tullie  ou  la  crypte,  quelques  personnes  ont  conclu  qu'il  fallait 
attribuer  à  Tullie  le  monument  actuel  de  la  crypte  basilique,  ou 
même  la  basilique  antérieure  que  cette  crypte  actuelle  a  remplacée. 
C'est  là  une  erreur,  un  véritable  anachronisme. 

Sans  doute   il   est  probable,   il  est  presque  certain   que  Tullie  lit 

(1)  La  richesse  du  tombeau  (tout  marbre  blanc)  et  les  noms  de  l'inscription  : 
Julius,  Tiberius,  Valeriaiius,  Terenlia,  l'alerta,  prouvent  le  haut  patronage  des 
familles  romaines    les   plus  illustres,   màme   impériales. 

(3)  Lisez  le  dialogue  que  les  actes  rapportent  entre  Tullie  et  les  yens  du  peuple 
qu'elle  questionne  :  Filioli,  leur  dit-elle.  Domina,  rcpondcnt-ils.  Crcst  bien  le  langage 
chrétien  entre  riches  et  pauvres  qui  s'est  substitué  aux  dures  expressions  des  paycns 
parlant  aux  conquis  et  aux  esclaves. 


BOL'RG-SAINT-ANDEOL.  I^ 

enfouir  le  tombeau  (i),  si  déjà  il  ne  l'était,  et  construire  par  dessus 
une  voûte,  une  arcosolium,  une  crypte,  crota,  mais  nous  ne  pensons 
pas  qu'elle  osa  ériger  une  petite  basilique  destinée  à  mettre  en  évi- 
dence cet  hypogée  et  ses  accessoires.  Nous  l'avons  dit,  une  œuvre 
pareille  devenait  monumentale  et  par  conséquent  téméraire,  directe- 
ment contraire  au  but  qu'on  poursuivait,  qui  était  de  soustraire  le 
corps  à  la  destruction. 

En  outre,  ces  basiliques  à  absidioles  concentriques  ne  furent  adop- 
tées à  Rome  même,  d'où  partait  toute  idée  nouvelle,  qu'à  la  paix 
Constantinienne  ou  peu  auparavant.  Comment  supposer  que  ce  type 
d'édifice  chrétien  eut  été  vulgarisé  dans  les  Provinces  lointaines,  en 
pleine  activité  de  persécution,  au  début  du  3*^  siècle  ?  Il  faut  donc 
scinder  cette  assertion  pour  y  trouver  quelque  valeur  ;  il  faut  admet- 
tre que  la  basilique  proprement  dite  ne  remonte  pas  à  Tullie  ;  mais 
que  Tullie  a  pu  entourer  le  tombeau  de  murs  protecteurs,  le  placer 
en  un  caveau  voiité  ou  crota. 

En  second  lieu,  on  ne  peut  nier  que  la  basilique  actuelle  n'ait  été 
bâtie  par  les  architectes  mêmes  de  l'église  St-Polycarpe,  pour  lui 
servir  de  crypte.  Il  est  vrai  qu'à  la  crypte  les  lettres  abondent  (A,  P, 
M,  S,  E,  Nj,  tandis  qu'à  l'église  ce  qui  domine,  ce  sont  les  tailles  de 
pierre  en  fougère,  barbe  de  plume,  etc.  Mais  le  reste  est  identique  : 
les  appareils,  les  mortiers,  le  coup  de  l'angle  de  la  truelle  dans  les 
joints,  etc.  Il  y  a  unité  parfaite  dans  tout  ce  monument,  unité  de  plan, 
d'élévation;  unité  de  construction,  de  main  d'œuvre. 

Néanmoins  tout  en  reconnaissant  que  la  basilique  crypte  actuelle 
est  bien  d'une  construction  postérieure  à  la  paix  Constantinienne  et  a 
toujours  fait  corps  avec  l'église  actuelle,  nous  avons  des  motifs  de 
croire  qu'elle  est  la  reproduction  ou  la  copie  d'une  basilique  anté- 
rieure, bâtie  à  l'époque  de  Constantin,  sur  l'hypogée  très-simple, 
très-rudimentaire  édifié  à  la  hâte  par  Tullie. 

L'ordre  chronologique  vient  ici  à  notre  aide.  L'église  St-Polycarpe 
tut  construite  après  celle  de  St-Andéol,  puisque  celle-ci  était  à  peu 
près  terminée  au  moment  de  la  découverte,  en  858,  et  reçut  immé- 
diatement {2)  le  tombeau  du  saint.  L'édicule  qui  l'avait  contenu,  fut 

(i)  V.  MiRABEL,  p.  104,  loc,  cit.  a  diu  per  multa  tempora  latuerat  sub  crypta  in 
profundo  a  beata  Tullia  conditus.  » 

(2)  V.  RoucHiER,  p.  605,  Actes  de  l'invention  du  corps  de  St-Andéol:  «  Inven- 
tum  j:orpus  de  sepulcro  elevaverunt,  consilio  arrepto  ut  sci  martyris  corpus  in  eccle- 
6ia  sci  Stephani  ac  sci  Joannis  in  sublime  erectam  mirificè  constructa  nobilissimam 
domum  ipsum  sanctum  collocare  deberent,  quod  ita  fecerunt.  » 


14  ÉGLISES    ROiMANES    DU    VIVAUAIS. 

ainsi  dépouillé,  mais  évidemment  il  resta  l'objet  de  la  plus  grande 
vénération.  Or  cet  édicule  devait  se  trouver  dans  un  état  complet  de 
ruine  :  rien  à  l'extérieur  ne  l'avait  rendu  reconnaissable  aux  yeux  de 
Bernoin  et  de  ses  contemporains.  Ce  qui  en  restait  confondu  avec 
l'hypogée  primitif  de  TuUie  n'était  plus  en  état  convenable  pour  être 
le  sous  sol  d'une  église  paroissiale  quon  allait  élever  en  l'honneur 
de  St-Polycarpe.  Les  architectes  carlovingiens  furent  réduits  à  con- 
sommer la  démolition  de  ces  débris  informes  ;  mais  en  dédomma- 
gement, ils  en  perpétuèrent  le  souvenir  vénérable  par  la  construction 
de  la  basilique-crvpte  actuelle,  qui  conservait  la  disposition  parfaite 
et  les  exactes  dimensions  de  l'ancienne. 

En  effet,  si  Ion  se  rend  bien  compte  du  plan  de  cette  église,  on 
voit  sur  le  champ  qu'à  cause  de  l'étroitesse  du  terrain,  les  architectes 
ont  dû  recourir  à  un  procédé  tout  à  fait  artificiel  pour  les  escaliers 
de  service  public  :  ils  les  ont  placés  dans  l'épaisseur  des  murs  laté- 
raux en  les  réduisant  à  une  largeur  d'environ  o  ™,  50  c.  Et  tout  cet 
agencement  très-ingénieux,  mais  encore  plus  incommode,  par  quoi^ 
fut-il  nécessité  >  si  ce  n'est  par  les  proportions  relativement  spacieuses 
de  la  basilique  primitive  qui  s'imposaient.  Si  l'on  eut  été  libre,  en 
réduisant  cette  crypte  sur  ses  côtés,  on  pouvait  aisément  trouver 
l'espace  de  deux  séries  de  marches  latérales  partant  du  sol  pour  la 
nef  et  aboutissant  à  air  libre  au  sanctuaire  et  à  l'autel.  De  même 
pour  les  niveaux  du  pavé,  on  aurait  établi  le  même  sol  pour  la  nef 
et  pour  la  crypte.  En  un  mot,  taillant  dans  le  neuf,  on  aurait  pu  se 
donner  la  satisfaction  de  rappeler  l'ancien  hypogée  de  TuUie,  ou  le 
monument  subséquent,  en  ménageant  pour  cette  nouvelle  crypte  et 
pour  son  église  enveloppante  des  proportions  respectives  qui  se  se- 
raient parfaitement  harmonisées  avec  les  facilités  des  services  reli- 
gieux. 

Point  du  tout:  les  carlovingiens  se  sont  astreints  à  ces  difficultés 
fqui  amèneront  plus  tard  la  suppression  de  ces  escaliers  et  feront  jeter 
dans  la  nef  une  voûte  intermédiaire  pour  mettre  de  plain  pied  le  sol 
extérieur  et  le  dessus  de  la  cryptej,  leur  génie  inventif  n'a  pas  reculé 
devant  cette  combinaison  incommode  au  plus  haut  point,  unique- 
ment parce  que  avant  tout,  par-dessus  tout,  il  lallait  conserver  dans 
son  intégrité  apparente,  sauver  en  quelque  sorte  dans  son  identité 
formelle  l'édicule  primitif,  la  basilique  vide  et  dépouillée,  mais  à 
jamais  sanctifiée  par  le  séjour  du  tombeau  cl  du  saint  durant  plus 
de  six  cents  ans. 


BOURG-SAIN'T-ANDEOL.  I5 

Au  reste,  si  les  architectes  n'avaient  pas  été  amenés  à  construire 
cette  basilique  en  réminiscence  respectueuse  et  pieuse  d'une  basili- 
que antérieure  disparue  par  la  force  des  choses,  il  faut  avouer  qu'ils 
auraient  fait  une  belle  œuvre  sans  but  réel.  Les  textes  historiques 
déjà  cités  nous  attestent  que,  aussitôt  découvert,  aussitôt  le  tom- 
beau fut  porté,  avec  l'intention  irrévocable  d'y  être  laissé,  dans  la 
nouvelle  église  du  quartier  haut.  Les  architectes  de  St-Polycarpe 
furent  donc  bien  avertis  que  leur  nouvelle  crypte  resterait  vide. 
Ils  pouvaient  sans  doute  en  bâtir  une,  soit  comme  souvenir,  soit 
comme  élément  élégant  d'architecture  :  mais  si  aucune  forme  passée 
ne  s'imposait  à  leur  conception,  à  quoi  bon  chercher  celle  qui  était 
la  plus  compliquée,  la  plus  perfectionnée,  la  plus  difficile  à  exécuter, 
la  plus  vaste  de  capacité,  la  plus  encombrante  en  un  mot,  pour  n'y 
donner  aucun  emploi,  pour  n'en  tirer  aucune  utilité,  dans  le  but 
bien  certain  et  bien  conscient  de  la  laisser  à  l'état  de  hors  d'œuvre, 
et  cependant  avec  la  volonté  arrêtée  de  sacrifier  à  cet  organe  délaissé 
toute  la  commodité  dd  service  de  l'église,  tout  l'espace  réclamé  par 
la  libre  circulation  entre  la  nef  et  l'autel  ? 

Une  dernière  considération  favorable  à  l'existence  d'une  basilique 
primitive  constantinienne  peut  être  tirée  de  la  déviation  des  deux 
axes  de  la  crypte  et  de  l'église.  Ici  ce  n'est  pas  une  simple  question 
de  symbolisme.  La  maison  de  TuUie  bâtie  au  bord  du  fleuve  avait 
sa  façade  oi^ientale  parallèle  au  fleuve,  et  c'est  encore  la  façade  exis- 
tante de  ce  côté:  or  l'axe  de  cette  maison,  qui  était  celui  de  la  basili- 
que qu'elle  renfermait,  est  aussi  l'axe  de  la  crypte  actuelle.  Au  con- 
traire la  nef  prolongée  au  couchant  sur  la  place  St-Polycarpe  a  sa 
façade  parallèle  au  côté  de  cette  place,  et  son  axe  en  tire  sa  direction. 
Ces  deux  axes  ne  coïncident  pas,  parce  que  les  deux  façades  extrê- 
mes du  quai  et  de  la  place  ne  sont  pas  parallèles.  La  divergence  est 
commandée  par  la  disposition  topographique  des  constructions  pri- 
mitives, antérieures  à  la  reconstruction  générale. 

Donc  la  basilique  actuelle,  œuvre  des  carlovingiens  ou  de  leurs 
successeurs,  est  en  définitive  la  reproduction  d'une  basilique  primi- 
tive érigée  (au  IV*  siècle?),  sur  l'hypogée  de  Tullie. 

C'est  que,  en  etlet,  à  l'époque  constantinienne,  à  ce  moment  de 
sécurité  officielle,  de  protection  gouvernementale  et  de  foi  populaire 
très-vive,  il  dut  y  avoir  une  exaltation  du  tombeau  (i);  on  dut  l'ou- 

(i)  V.  RoucHiER,  éclaircissements  p.   502;  —  Mirabel,  I"  part.,  chap.    i   à   3,  p 
103-127. 


l6  ÉGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

vrir,  on  dut  cueillir  quelques  fragments  du  corps,  des  vêtements,  des 
linges  imbibés  de  'sang.  On  dut  y  mettre  en  contact  des  objets  desti- 
nés à  être  conservés  et  vénérés.  —  De  là  certaines  reliques  de  Saint- 
Andéol  dont  on  trouve  mention  en  des  localités  assez  éloignées  où 
son  culte  était  florissant,  et  où  ces  objets  existèrent  bien  avant  le 
IX'  siècle,  c'est-à-dire  bien  avant  la  découverte  du  tombeau  et  du 
corps  par  révêqueBernoin  (858)  (i).  — Mais  surtout, au  début  de  cette 
ère  de  pacification  et  de  triomphe  religieux,  on  dut  mettre  enfin  le 
tombeau  en  évidence,  l'on  dut  lui  donner  une  gloire  extérieure  par 
l'érection  d'un  monument  apparent  et  conforme  au  goût  du  temps, 
par  l'érection  d'une  basilique. 

4"  Eglise  élevée  sur  le  tombeau. 

De  plus  on  dut  transformer  la  maison  de  Tullie  en  église  (la  tra- 
dition veut  qu'il  y  ait  eu  dès  lors  une  église  paroissiale),  ou  la  raser 
pour  construire  sur  la  petite  basilique  recouvrant  la  crote  du  tom- 
beau un  vaisseau  spacieux  et  mieux  accommodé  au  service  religieux 
et  à  l'affluence  des  pèlerins. 

Or  cette  première  église  enveloppait-elle,  comme  plus  tard  celle  qui 
subsiste,  la  basilique  entièrement  ?  ou  seulement  n'était-elle  qu'une 
nef  construite  au  couchant  et  prolongeant  la  basilique  vers  la  colline, 
la  basilique  restant  à  l'état  d'abside  ?  nous  inclinerions  pour  cette 
dernière  solution.  En  effet,  au  levant,  au  chevet  de  la  basilique,  nous 
retrouvons  la  base  du  chevet  carlovingien,  sans  la  moindre  trace  de 
maçonnerie  antique.  Au  contraire  à  partir  de  l'entrée  de  la  basilique 
et  vers  le  couchant,  sous  la  nef  carlovingienne,  les  fondations  sem- 
blent contenir  quelques  fragments  de  constructions  archaïques. 

Mais  en  même  temps  que  nous  croyons  à  l'existence  d'une  église 
antérieure  à  celle  qui  subsiste,  nous  avons  quelques  motifs  de  pen- 
ser que  cette  église  prunitive  n'avait  pas  une  nef  aussi  allongée  au 
couchant  sur  la  façade  que  celle  d'aujourd'hui.  —  Si  l'on  sort  de 
l'église  St-Polycarpe,  on  remarque  qu'au  dehors  sa  façade  dépasse 
précisément  de  la  largeur  d'une  travée  l'alignement  des  maisons 
adjacentes,  qui  sont  l'antique  presbytère  contigu  construit  en  appareil 
spicatum   moyen  âge  ("aujourd'hui  couvert  d'un  crépissage  moderne), 

(1)  V.  HouciiiFR,  p.  503-509;  MiRAnKi-,  p.  123;  Giillia  CItiist.,  t.  VII,  c.  41O; 
Annale!;  ordinis  SU  JfeueJicli,  par  Madii  i.on,  t.  V. 


BOURG-SAINT-ANDÉOL.  l^ 

et  qu'elle  empiète  d'autant  sur  la  place.  Ne  peut-on  pas  en  conclure, 
que  la  nouvelle  église  (actuelle)  a  été  allongée  de  toute  cette  travée 
par  rapport  à  l'église  ancienne  disparue. 

Que  devint  ce  premier  temple  chrétien  élevé  sur  la  petite  basilique 
ou  en  son  prolongement  occidental  ?  La  réponse  est  dans  le  récit 
des  invasions  et  guerres  des  V%  VI^  et  VII'  siècles  :  toutes  les  hordes 
barbares  se  ruèrent  dans  la  vallée  du  Rhône  et  la  livrèrent  aux 
plus  effroyables  dévastations.  Des  villes  entières  disparurent,  pour 
ne  plus  se  relever.  La  capitale  des  Hel viens,  Alba  Augusta  (Aps),  à 
dix-sept  milles  du  tombeau  de  St-Andéol,  fut  anéantie  (i).  —  A  un 
moment  donné,  la  basilique  fut  recouverte  des  décombres  soit  de 
l'ancienne  maison  de  Tullie  qu'on  avait  adaptée  au  service  religieux, 
soit  de  l'église  supérieure  ou  juxtaposée,  au  point  de  ne  plus  laisser 
de  traces  apparentes,  alors  même  que,  après  ou  entre  ces  ravages, 
on  eut  peut-être  plusieurs  fois  remanié  et  relevé  les  ruines.  L'histoire 
en  effet  mentionne,  dans  les  intervalles  pacifiques  de  ces  époques 
troublées,  une  dévotion  persévérante  envers  le  martyr  ;  une  affluence 
incessante  de  pèlerins  qui  venaient  sur  ces  emplacements  sanctifiés 
par  la  tradition  du  passé  et  par  les  consolations  du  présent.  On 
allait  à  la  sainte  Roumèlo,  sans  plus  savoir  où  était  la  crypte  ni  le 
tombeau. 

Un  exemple  entre  mille  et  tout  récent  confirme  nos  présomptions. 
Depuis  les  vandalismes  calvinistes  jusqu'à  ces  dernières  années,  on 
avait  totalement  perdu  la  trace  de  la  crypte  et  du  tombeau  de  St- 
Gilles,  si  célèbre  pourtant.  On  se  contentait  de  venir  prier  dans  les 
restes  de  l'église  supérieure.  Et  cependant  la  crypte,  cette  crypte 
immense,  et  le  tombeau,  étaient  restés  intacts.  —  On  peut  supposer 
que  les  chrétiens  eux-mêmes  (comme  firent  les  catholiques  de  St- 
Gilles)  furent  les  premiers  empressés  à  dérober  aux  barbares  l'édi- 
cule  précieux  par  des  terrassements,  des  remblais  et  même  des 
constructions  épaisses  (2). 

Quoiqu'il  en  soit  de  ces  reconstructions  à  travers  les  âges,  les 
peuples  fidèles  à  la  tradition  leur  appliquèrent  toujours  les  vieilles 
appellations  latine  et  romane  de  crota  beatœ  Tulliœ,  et  sainto  Romelo. 

Et,  pour  résumer  cette  question,  nous  pensons  que  ces  dénomi- 
nations ne  se  rapportent  pas  exclusivement  et  restrictivement  au 
monument  tel  qu'il  nous  reste  et  qui  est  la  crypte  basilique  (carlovm- 

(1)  V.    ROUCHIER,  p.    215   ;    MiRADEL,    p.    II   >,    ctc. 

(2)  V.  BouGAUD,  Découverte  du   tombeau  de  St-Bénigne,  p.  263. 
Bull.  VI.  1886,  2 


i8  eglis.es  ro.manes   du  VIVARAIS. 

gienne  ?)  mais  bien  à  toutes  constructions  qui  ont  pu  être  élevées  sur 
l'emplacement  du  tombeau,  sur  le  tombeau  lui-même,  emplacement 
invariable  depuis  TuUie  ;  à  toutes  ces  maçonneries  qui,  avec  la 
diversité  des  temps,  se  superposèrent  au  tombeau,  pour  le  protéger 
d'abord,  pour  l'honorer  ensuite,  soit  caveau  primitif  ou  hypogée,  soit 
basilique  à  trois  absides,  soit  crypte  dernière  ;  —  tout  cet  ensemble 
fut  désigné  par  ces  mots  crypte  ou  crota  de  Tullie.et  sainte  Roumcle. 

Ç  Confusions  à   éviter  dans  la  dénomination 
de  réglise  elle-même. 

A  cette  première  confusion  introduite  dans  le  langage  pratique  des 
historiens  et  des  archéologues,  au  sujet  de  la  basilique,  crypte  de 
Tullie  et  sainte  Roumèle,  est  venue  s'en  joindre  une  autre  relative- 
ment au  vocable  des  diverses  églises  qui  ont  pu  être  élevées  sur 
cette  basilique.  On  les  a  toutes  appelées  église  de  St-Polycarpe. 
Tant  que  cette  appellation  n'a  d'autre  prétention  que  de  désigner 
d'une  manière  générale  le  monument  religieux,  le  temple  situé  sur 
le  tombeau  ou  sur  son  emplacement,  il  n'y  a  pas  à  discuter  ;  mais 
si  l'on  veut  entendre  par  là  que  le  patron,  l'unique  pati'on  de  toutes 
ces  églises  successives,  ruinées  et  relevées,  fût  St-Polycarpe,  tou- 
jours, et  dès  le  premier  édifice,  nous  n'osons  l'affirmer. 

Sans  doute  Andéol  dut  fonder  et  répandre  la  dévotion  au  saint 
Patriarche  de  Smyrne,  qui  l'avait  formé  et  ordonné  sous-diacre,  et 
qui  avait  couronné  sa  longue  existence  apostolique  par  un  si  beau 
martyr  ;  sans  doute  encore  les  fidèles  conservèrent  précieusement 
le  souvenir  littéral  de  la  prière  qu'Andéol,  au  moment  d'expirer, 
adressa  à  son  bienheureux  père  saint  Polycarpe. 

Sans  doute  encore  dans  la  suite  des  siècles,  lorqu'on  voudra  faire 
ressortir  l'antiquité  de  la  paroisse  qui  se  constitua  sur  le  tombeau 
du  martyr,  les  historiens,  les  jurisconsultes,  les  hommes  d  église 
réguliers  et  séculiers,  les  procédures  de  juridiction,  diront,  écriront 
que  la  paroisse  de  Saint-Polycarpc  est  la  première  de  toutes  celles 
de  la  ville,  que  c'est  celle  qui  fut  formée  avec  le  premier  groupe  des 
chrétiens,  etc.  Tout  en  supposant  qu'il  en  soit  ainsi,  nous  ne  voyons 
nulle  part  la  preuve  de  cette  constante  et  originaire  dédicace  à  St- 
Polyè'arpe.  —  Au  contraire,  nous  connaissons  le  motif  incontesté  de 
celte  dédicace  de  l'église  et  de  la  paroisse,  à  partir  du  miracle  de  la 
découverte  du  tombeau  et  du    corps  de  St-Andéol  par  Bernoin,  en 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  ïÇ 

858  (i).  C'est  à  St-Polycarpe  qu'on  attribua  cette  révélation,  c'est 
à  St-Polycarpe  qu'on  dédie  l'église  de  l'emplacement  du  tombeau, 
puisque  saint  Andéol  lui-même  la  quittait  pour  aller  prendre  posses- 
sion de  la  nouvelle  et  grande  église  déjà  commencée  par  Bernoin  sur 
le  plateau  supérieur  de   la  ville. 

En  un  mot,  nous  pouvons  admettre  que,  autour  du  tombeau  se 
forma  une  ancienne  paroisse  et  sur  le  tombeau  s'éleva  une  ancienne 
église  paroissiale.  Mais  ce  n'est  qu'au  IX^  siècle  que  nous  sommes 
en  droit  historique  strict  d'appeler  cette  église  et  cette  paroisse 
Eglise  et  paroisse  St-Polycarpe.  L'usage,  bien  entendu,  ne  comptant 
pas  avec  ces  scrupules  scientifiques,  a  permis  d'étendre  la  dénomi- 
nation de  St-Polycarpe  à  toute  église  qui  de  tous  temps  fut  élevée 
sur  le  tombeau  ou  sur  son  emplacement  (2). 

(La  fin  au  prochain   numéro.) 

Auguste  Paradis. 

(i)  V.  RoucHiER,  p.  605,  Actes  de  l'invention  du  corps  de  St-.\ndéol  :  «  Beatus 
Polycarpus  locum  ubi  scus  martyr  quiescebat  pernotavit...  quam  mulli  etiam  viri 
simul  ac  feminœ  hanc  visionem  e.xperti  sunt.  » 

(2)  Dans  cette  dissertation,  il  nous  est  arrivé  d'employer  les  mots  architectes 
carlovingiens,  église  carlovingienne,  crypte  carlovingienne,  nef  carlovingienne  ;  — 
nous  n'entendons  pas  affirmer  ain^i  que  St-Polycarpe,  sa  nef,  sa  crypte,  etc.  soient 
réellement  l'œuvre  d'architectes  ayant  vécu  au  IX=  et  au  X*  siècle,  ni  même  au  XI=  ; 
nous  voulons  seulement  rattacher  ce  monument  aux  procédés  des  écoles  carlovin- 
giennes.  —  Mais  comme  on  le  verra  dans  la  suite,  les  caractères  archéologiques  de 
l'édifice  ne  peuvent  fournir  sa  date  exacte  et  laissent  le  champ  libre  aux  conjectu- 
res qui  la  placeraient  plutôt  au  X'  et  au  XI=,  peut-être  même  au  début  du  XI1=,  qu'à 
la  fin  duIX=.  Il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que  St-Polycarpe  est  bâti  d'après  le  type 
carlovingien,  dont  St-Andéol  est   un  exemplaire  si  authentique. 


LA  CONGRÉGATION  DE  LA  SAINTE-PÉNITENCE 


Maisons  hospitalières  du  Briançonnais  en  1228 


J"ai  communique  en  1883  à  la  Sorbonne,  en  traitant  l'une  des 
questions  du  programme  de  cette  réunion  savante,  quelques  recher- 
ches sur  les  maisons  hospitalières  existant  au  moyen  âge  dans  le 
département  actuel  des  Hautes-Alpes.  Dans  ce  travail,  dont  les  ré- 
sultats étaient  reportés  sur  une  carte,  je  démontrais,  en  me  basant 
sur  l'emplacement  par  moi  retrouvé  de  75  hôpitaux,  maladreries, 
léproseries  ou  maisons  de  refuge  qui,  fort  rapprochés  l'un  de  l'autre, 
jalonnaient  nos  routes  au  moyen  âge,  cjue  ces  routes  avaient  suivi  à 
peu  de  chose  près  le  même  tracé  que  les  voies  antiques  qui  les 
avaient  précédées.  Il  était  donc  d'une  extrême  importance,  ajoutais- 
je,  de  relever  avec  soin  et  ces  routes  et  les  hôpitaux  qui  en  préci- 
saient l'emplacement,  car  c'était  le  plus  sûr  moyen  de  retrouver 
celui  des  voies  romaines  (i).  Quant  au  régime  intérieur  de  ces  mai- 
sons hospitalières,  je  n'avais  pu  en  dire  que  fort  peu  de  chose,  les 
documents  me  faisaient  en  effet  défaut  pour  tenter  de  traiter  cette 
question  autrement  e|uc  d'une  manière  très  superficielle.  Je  me  con- 
tentai donc  d'afiirmer  que  ces  maisons  hospitalières,  placées  la  plu- 
part sous  le  vocable  de  sainte  Marie-Madeleine,  étaient  desservies 
par  une  congrégation  de  religieux  portant  le  nom  de  fralrea  bcatce 
Mariai  Maf^dalcnœ  et  placées  sous  la  direction  d'un  supérieur  qui 
avait  le  titre  de  preccplor.  Un  très  petit  nombre  de  ces  précepteurs 
étaient  connus  et  les  règles  de  la  congrégation   à  laquelle   ils  appar- 


d)  Je  ne  voudrais  pas  être  soupçonne  du  désir  de  clicrchcr  à  in'nppropricr  celle 
théorie.  Depuis  longtemps  M.  Guicui;,  ;ucliivislc  du  Uhnne.  la  développée  dans  un 
excellent  ouvrage. 


LA    CONGREGATION    DE    LA    SAINTE-PENITENCE.  2  1 

tenaient  étaient  absolument  ignorées.  Chaque  maison  était-elle  in- 
dépendante ou  bien  étaient-elles  rattachées  l'une  à  l'autre  par  un  lien 
commun  ?  c'est  ce  qu'il  était  impossible  de  dire. 

J'ai  trouvé  tout  dernièrement  aux  archives  de  l'Isère,  dans  le  volu- 
me coté  B,  2Q93  (2"  partie,  n°  51),  un  document  qui  jette  un  nou- 
veau jour  sur  la  vie  intérieure  de  ces  communautés,  et  sur  ce  côté 
si  peu  connu  de  notre  histoire  ecclésiastique.  Ce  sont  les  statuts  de 
Tordre  ou  plutôt  de  la  congrégation  de  la  Sainte-Pénitence,  fondée 
en  1228  par  le  prêtre  Bontoux  dans  le  but  de  desservir  les  maisons 
hospitalières  du  Briançonnais. 

Ce  Bontoux,  dont  le  nom  est  latinisé  sous  la  forme  bizarre  de  Bo- 
nustos',  nous  apprend  lui-même  dans  le  courant  de  ces  statuts  qu'il 
était  originaire  du  Champsaur  et  qu'il  devait  recueillir  dans  cette 
vallée  quelques  propriétés  provenant  de  l'héritage  de  son  père  et  de 
sa  mère.  11  existait,  en  effet,  dans  le  Champsaur  une  famille  noble 
du  nom  de  Bontoux,  qui  possédait  des  biens  autour  de  Corps,  une 
partie  de  la  seigneurie  de  la  Salette  et  s'éteignit  seulement  au 
XVII«  siècle. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  famille  du  prêtre  Bontoux,  la  plus  ancien- 
ne mention  que  je  connaisse  de  ce  personnage  se  trouve  dans  un 
acte  du  24  août  1220,  où  il  parait  comme  témoin  ;  c'est  la  donation 
de  la  terre  de  Saint-Laurent-du-Cros  par  Henri  de  Montbrand  au 
chapitre  de  Saint-Arnoul  de  Gap  (i);  Bontoux  y  porte  le  titre  mo- 
deste de  clerc.  Huit  ans  plus  tard,  je  le  retrouve  revêtu  de  l'ordre  de 
la  prêtrise  et  fondant  au  village  de  Villard-la-Madeleine  (2)  en  Brian- 
çonnais, un  hôpital,  une  église  sous  le  vocable  de  sainte  Madeleine, 
saint  Laurent  et  saint  Maxime,  un  cimetière,  et  créant  l'ordre  ou 
plutôt  la  congrégation  de  la  Sainte-Pénitence  pour  le  soulagement 
des  malades  et  des  voyageurs.  Voici  les  principales  dispositions  des 
règles  de  cet  ordre. 

Bontoux  promet  de  ne  jamais  quitter  le  Villard-la-Madeleine,  chef 
de  son  ordre  ;  ses  confrères  devront  y  revenir  de  temps  en  temps 
auprès  de  lui  de  leur  vivant  et  leur  corps  y  reposera  après  leur  mort. 

L'habit  des  religieux  sera  blanc  ;  ils  porteront  une  tunique,  un 
scapuiaire,  un  manteau,  des  chausses  et  des  sandales.  Ils  ne  pour- 
ront enlever  la  nuit  que  leurs  sandales  et  leur  manteau.  Leur  lit  sera 
de  paille  recouverte  de  feutre. 

(i)  Arch.  de  l'Isère,  B.  2,992,  n"  262. 

(2)  Ou  Villard-Laté,  petit  village  de  la  commune  de  Saini-Chaffrey,  canton  de 
Briançon  (Hautes-Alpes). 


22  MAISONS    HOSPITALIÈRES     DU     BRIANÇONNAIS    EN     1228. 

L'ordre  tiendra  deux  chapitres  par  an,  de  trois  jours  chacun  ; 
l'un  au  jour  de  la  Nativité  de  la  Vierge  où  l'on  s'instruira  mutuelle- 
ment, l'autre  à  l'Ascension  où  l'on  s'accusera  des  fautes  involontaires 
que  l'on  aura  pu  commettre. 

Les  frères  laïques  réciteront  à  matines  et  aux  heures  suivantes  un 
certain  nombre  d'oraisons  dominicales  et  d'.4i'e  Maria.  Le  nombre 
en  est  diminué  pour  ceux  qui  se  livrent  à  un  travail  manuel. 

Les  prêtres  feront  chaque  jour  leurs  fonctions  ecclésiastiques  ; 
une  messe  sera  dite  quotidiennement  pour  les  bienfaiteurs  de  l'or- 
dre, pour  le  Pape,  l'archevêque  d'Embrun,  les  évêques  de  Grenoble, 
Gap  et  Maurienne,  le  dauphin,  les  rois  et  autres  princes. 

Dans  chaque  maison  de  l'ordre  on  dira  trois  messes  à  Noël  et  on 
donnera  à  chacune  d'elles  trois  deniers  à  l'offrande  ;  à  la  Purifica- 
tion, sept  messes  ;  à  l'Annonciation,  de  même  ;  à  la  Nativité  de  la 
Vierge  on  célébrera  sept  messes,  on  donnera  un  denier  et  un  cierge 
à  chaque  célébrant  et  un  cierge  à  chaque  clerc  ;  le  jour  de  la  fête  de 
sainte  Marie-Madeleine  on  dira  quatre  messes  ;  sept  le  jour  de 
l'Assomption,  ainsi  que  le  jour  de  l'Incarnation.  Chaque  samedi  une 
messe  sera  dite  en  l'honneur  de  Notre-Dame  et  de  sainte  Marie- 
Madeleine. 

Pendant  trente-deux  ans  et  demi  l'ordre  fera  célébrer  trente-deux 
mille  sept  cents  messes,  en  l'honneur  du  nombre  d'années  que 
Jésus-Christ  a  passé  sur  la  terre  ;  mille  chaque  année  et  sept  cents 
pendant  la  dernière  demi-année. 

Le  jour  de  Noël  on  nourrira  et  on  habillera  treize  pauvres  ;  le 
jour  de  l'Incarnation,  de  Pâques,  de  l'Annonciation  et  de  la  Purifica- 
tion on  nourrira  treize  pauvres  ;  le  jour  de  la  fête  de  S.  Thomas  on 
nourrira  treize  pauvres,  on  leur  lavera  les  pieds  et  on  leur  fera  un 
cadeau  ;  le  jour  de  la  Nativité  de  la  \^iergc  on  distribuera  à  la  porte 
du  monastère  soixante  sétiers  de  pain,  treize  de  blé  et  treize  de  sel, 
on  nourrira  trente-trois  pauvres  et  on  donnera  un  pain  à  chacun 
d'eux  ;  les  jours  de  la  fête  de  saint  Jean-Baptiste,  de  la  Nativité,  de 
saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  de  sainte  Madeleine,  le  jour  de  l'As- 
somption et  de  la  Toussaint  treize  pauvres  seront  nourris  et  trente 
le  jour  de  la  fête  de  la  Nativité  de  la  Vierge. 

On  donnera,  s'il  est  possible,  une  garniture  de  courtines  aux  fem- 
mes en  couche. 

Les  frères  ne  mangeront  jamais  de  viande,  sauf  dans  le  cas  de 
grave  maladie.  Ils  feront  trois  carêmes  ;  le  carême  ordinaire,  un  se- 


LA    CONGREGATION    DE    LA    SAINTE-PENITENCE.  23 

cond  de  Pâques  à  la  Pentecôte,  et  un  troisième  de  la  Saint-Martin 
à  la  Noël.  Ils  jeûneront  au  pain  et  à  l'eau  les  jours  suivants  :  les 
veilles  de  Noël,  delà  Purification,  de  l'Annonciation,  de  l'Ascension, 
de  la  Pentecôte,  de  saint  Jean-Baptiste,  de  sainte  Madeleine,  de 
saint  Laurent,  de  l'Assomption,  de  la  Nativité  de  la  Vierge,  de  la 
Toussaint,  de  l'Incarnation,  de  la  fête  de  chacun  des  Apôtres,  et  les 
jours  de  vigile  prescrits  par  l'Eglise.  Les  frères  pourront  porter  un 
cilice. 

Le  vendredi  sera  le  jour  des  confessions  publiques.  Si  un  frère 
manque  à  la  continence,  il  recevra  la  discipline  trois  mois  durant  ;  il 
prendra  ses  repas  à  genoux  au  milieu  du  réfectoire  et  à  la  fin  cha- 
que assistant  le  frappera  de  verges  au  chant  du  Miserere.  S'il  ne 
s'amende  pas,  on  le  fera  changer  de  maison. 

L'ordre  de  la  Sainte-Pénitence  fut  fondé  en  mémoire  du  Saint- 
Sépulcre,  de  la  terre  de  Jérusalem  et  de  la  croix  de  Jésus-Christ, 
a\ec  l'approbation  du  Pape,  de  l'archevêque  d'Embrun  et  des 
prélats  de  la  sainte  Eglise,  le  14  octobre  1228,  au  Villard-Ia- 
Madeleine. 

Voici  les  noms  de  ses  premiers  adhérents  :  Bontoux,  prêtre,  qui 
donne  tous  les  biens  qui  peuvent  lui  revenir  en  Champsaui  de  l'hé- 
ritage de  ses  père  et  mère,  pour  les  distributions  à  faire  le  jour  de 
la  Nativité  de  la  Vierge  ;  Jean  ;  Pierre,  procureur  de  l'ordre  ;  Guil- 
laume ;  Petron  ;  Julien  ;  Jean  de  Chamandrin  (i)  ;  Othon  du  Pi- 
net  (2)  ;  Pierre  Rogier  :  Reynaud  son  fils  ;  Etienne  Fabri  ;  Martin 
Rambaud  ;  Christophe  ;  Hugues,  chapelain  de  Paris  (3)  ;  Jean  Douzan  ; 
Jean,  chapelain  des  Costes  (4)  ;  Guillaume  des  Costes,  clerc;  Martin 
de  Lauren  ;  Arnaud  de  Bardonnèche  (5),  prêtre  ;  Vincent  ;  Reclus, 
prêtre  d'Embrun  ;  Ponet  Garcin,  prêtre  ;  Guigues  Doit  et  Floris  sa 
femme,  membres  participants  aux  prières. 

Quant  aux  maisons  qui  dépendaient  de  l'ordre  de  la  Sainte- 
Pénitence  en  1228,  c'étaient  celles  du  Villard-Ia-Madeleine,  chef 
d'ordre  ,  l'hôpital  de  Lautaret  (6)  ;  celui  de  Lans  (7)  ;  celui  de   Cer- 

(i)  Hameau  de  la  commune  de  Briançon. 

(2)  Hameau  de  la  commune  du  Puy-Saint-Pierre. 

(3)  Hameau  de  chalets,  commune  de  la  Grave. 

(^)  De  nombreux  villages  portent  ce  nom  dans  les  Alpes,  ]"ignore  duquel  il  s'agit 
ici  et  dans  les  mots  suivants. 

(5)  Commune  aujourd'hui  en  Italie. 

(6)  Hospice  encore  existant,  commune  du  Monêtier-de-Briançon. 

(7)  Probablement  .Mont-de-Lans  en  Oisans  (Lansenum). 


24  -MAISONS    HOSPITALIÈRES    DU    BRIANÇONNAIS    EN     1228. 

cen  (i)  :  et  la  maison  de  refuge  du  col  la  Croix  (2)  nommée  la  mai- 
son du  nuage  de  Lucerne  (in  niibe  de  Lucerna)  (3) 

Les  règles  que  je  viens  d'analyser  ne  présentent,  comme  on  peut 
en  juger,  aucun  caractère  bien  exceptionnel  ;  leur  originalité  la  plus 
tranchée  consiste  dans  l'affectation  de  leur  rédacteur  à  faire  interve- 
nir à  tout  propos  le  chiffre  treize,  sans  doute  en  l'honneur  de 
Jésus-Christ  et  de  ses  douze  apôtres. 

11  est  certain  que  le  prêtre  Bontoux  ne  fut  pas  le  créateur,  mais 
seulement  le  réformateur  de  l'ordre  de  la  Sainte-Pénitence.  Cet  or- 
dre auquel  il  imposa  un  nom  et  une  règle  existait  antérieurement 
sous  le  nom  de  frères  de  Sainte- Marie-Madeleine.  On  peut 
lire,  en  effet,  dans  le  cartulaire  d'Oulx  une  transaction  du  5  des 
calendes  d'août  (28  juillet)  1228  entre  Guigues  .  prévôt  d'Oulx, 
Antelme,  desservant  de  la  paroisse  de  Saint-Chaffrey,  et  les  frères  de 
sainte  Marie-Madeleine,  qui  avaient  édifié  une  église  et  établi  un 
cimetière  dans  le  village  du  Villard-la-Madeleine  (4J.  Il  y  est  stipulé 
que  les  droits  du  curé  relativement  aux  inhumations  demeureront 
intacts  ;  que  le  cinquième  des  revenus  de  l'église  nouvelle  lui  appar- 
tiendra ;  que  le  recteur  du  'Villard-la-Madeleine  prêtera  hommage 
au  prévôt  d'Oulx  ;  qu'une  association  de  prières  sera  établie  entre  les 
deux  maisons,  dont  les  supérieurs  seront  traités  sur  un  pied  d'égalité. 

Les  frères  de  sainte  Marie-Madeleine,  qui  paraissent  dans  cette 
charte  deux  mois  avant  la  rédaction  des  statuts  de  l'ordre  de  la 
Sainte-Pénitence,  sont  certainement  les  mêmes  qui,  une  fois  réfor- 
més par  le  prêtre  Bontoux,   changèrent  de  nom. 

Quelle  fut  la  durée  de  cette  congrégation  ?  Elle  fut  sans  doute 
très  courte  ;  il  existe,  en  effet,  dans  le  même  manuscrit  B.  2,993  <^^s 
archives  de  l'Isère,  qui  nous  a  fourni  les  statuts  que  nous  venons 
d'analyser,  une  charte  du  dauphin  Guigues,  datée  du  deuxième  jour 
après  la  Circoncision  1228  (le  mercredi  3  janvier  1229),  par  laquelle 
ce  prince  concède  aux  moines  de  l'abbaye  d'Oulx,  suivant  la  règle 
de  saint  Augustin,  l'hôpital  de  Sainte-Madeleine  du  Lautaret  qui 
était  possédé  auparavant  par  le  prêtre  Bontoux. 

(i)  j'ignore  ou  se  trouve  cette  localité. 

{2)  Col  au  fond  du  Queyras  entre  la  France  et  llialie  ;  un  refuge  v  a  été  cons- 
truit depuis  peu. 

("3)  Ce  nom  vient  vraisemhlahlcment  de  ce  que  cotte  maison  était  construite  dans 
les  nuages  couronnant  le»  montagnes  au  pied  desquelles  est  la  vallée  de  Lucerne 
dtaliej. 

(■t)   Ulctetise  chartarium,  p.   49. 


LA    CONGRÉGATION    DE     LA    SAINTE-PENITENCE.  25 

Pourquoi  le  Dauphin  cessa-t-il  d'accorder  sa  protection  à  la  con- 
grégation qui  desservait  l'hôpital  du  Lautaret  et  lui  enleva-t-il  ainsi 
sa  plus  riche  possession  ?  Je  l'ignore,  sa  charte  ne  nous  l'apprend 
pas  et  je  n'ai  trouvé  aucun  document  qui  put  me  renseignera  cet 
égard.  Peut-être  fut-il  peu  satisfait  des  réformes  introduites  dans 
son  règlement  et  ne  les  juga-t-il  pas  destinées  à  produire  des  résul- 
tats utiles. Quoi  qu'il  en  soit,  à  partir  de  cette  date,  je  n'ai  plus  trouvé 
aucune  mention  de  l'ordre  Briançonnais  de  la  Sainte-Pénitence,  ni 
des  maisons  hospitalières  du  Villard-la-Madeleine  et  du  col  la  Croix, 
et  le  monastère  d'Oulx  posséda  paisiblement  jusqu'au  X\^'  siècle 
l'hospice  du  Lautaret. 

Du  reste,  la  congrégation  des  frères  de  Sainte-Marie-Madeleine 
n'avait  pas  unanimement  adopté  la  réforme  de  1228;  elle  subsista 
longtemps  après  cette  époque  sous  son  ancien  titre  et  ne  disparut 
qu'au  XVl^  siècle.  Au  XX""  elle  était  sous  la  direction  d'un  abbé 
général  ;  j'ai  retrouvé  le  nom  de  deux  de  ces  personnages  et  ils 
étaient  d'Embrun. 

Je  dois  dire  en  terminant  et  comme  simple  renseignement,  que 
plusieurs  autres  maisons  hospitalières  du  Briançonnais,  telles  que 
l'hospice  du  Mont-Genève,  fondé  le  6  mai  1202,  étaient  sous  la 
direction  des  moines  du  prieuré  de  Romette  près  Gap,  de  l'ordre  de 
Cluny.  D'autres  encore,  telles  que  le  Saint-Sépulcre  de  Chorges, 
Saint-Pancrace  de  la  Bàtie-Neuve,  la  Pierre-Sainte  de  l'Argentière, 
appartenaient  à  l'abbaye  de  Boscodon,  de  l'ordre  de  Chalais.  Un  plus 
grand  nombre  encore  étaient  possédées  par  les  ordres  de  Saint- 
Jean-de-Jérusalem,  de  Saint-Antoine  ou  la  congrégation  de  Sainte- 
Marie-Madeleine  (i\ 

J.       Ro.MAN. 

(i)  A  Saint-Jean-de-Jérusalem  appartenaient  les  hôpitaux  de  l'Argentière,  delà 
Madeleine  de  la  Luye,  de  Saint-Jean  de  Ribiers,  de  la  Madeleine  de  Tallard  et  de 
la  Roche  des  Arnauds,  de  Moydans,  de  la  Chapelle  de  Savines  ;  à  Saint-Antoine 
ceux  de  Saint-Antoine  de  Bannes,  de  Saint-Grégoire  d'Avançon,de  la  Madeleine  de 
Larra,  de  Saint-Antoine  du  Vivas  ;  aux  frères  de  Sainte-Marie-Madeleine  ceux 
de  Chauvet  près  Gap,  de  Lardier,  de  Rourebeau  à  Upaix,  de  la  Madeleine  de 
Veynes,  d'Aspres,  d'Embrun,  etc. 


HISTOIRE    RELIGIEUSE 


PONT-EN-ROYANS 

(ISÈRE) 
ÇSitite) 

->5*OoocOi^*- 


Le  24  mars  1547,  des  lettres  patentes  de  ce  Chapitre  portaient 
union  du  même  prieuré  à  la  mense  conventuelle,  et  un  décret  du 
même  Chapitre  général  ordonnait  que  le  chapitre  du  monastère  en 
serait  mis  en  possession  en  la  personne  de  son  procureur  ;  puis,  le 
30  du  même  mois,  en  vertu  d'une  procuration  de  la  veille,  les  frères 
Jacques  Thozel  et  Etienne  Bertholinat  prenaient  possession  du 
prieuré  du  Pont,  au  nom  du  chapitre  fi). 

m.   —  Prieuré  nouveau. 

Par  sa  réunion  à  la  mense  conventuelle  de  l'abbaye  de  St-Antoine, 
le  prieuré  du  Pont  perdit  forcément  de  son  autonomie.  En  mai  1550, 
ce  sont  «  vénérables  personnes  Jacques  Tousel,  grand  secrestaing, 
et  Michel  Gottafrey,  brasier  du  prieur  de  St-Anthoine  »,  qui  louent 
«  le  fourt  du  Pont  »  à  Thomas  du  Sert  pour  trois  ans  au  prix  de 
84  florins  en  tout,  et  qui  louent  à  Jacques  Terrot  deux  prairies  du 
prieuré.  En  avril  1552,  c'est  le  chapitre  de  St-Antoine  qui  oblige 
François  Terrot  à  payer  la  dîme  du  vin  pour  une  vigne  que  ce  der- 
nier avait  acquise  du  seigneur  du  Pont,  et  qui  en  avait  été  exempte 
jusque-là.  'Vers  1561,  c'est  le  chapitre  qui  reçoit  les  reconnaissances 
et  fait  les  albergements  pour  le  prieuré  ;  ce  sont  religieuses  per- 
sonnes les  grand  prieur,  couvent,  religieux  et  chapitre  de  la  grande 
abbaye  de  St-Antoine  qui  transigent  avec  les  (Chartreux  de  Bouvanle 
au  sujet  de  biens  que  ceux-ci  ont  dans  la  dimerie  du  Pont.  Au  sur- 
plus, la  cure  de  ce  lieu  ayant  passé  aux  Antonins  par  le  don  que  le 
pape  Paul  III  en  avait  fait  à  frère  Jean  Villars,  il  semblait  que  le 
zèle  et  la  charité  dussent  s'exercer  et  se   développer  désormais  avec 

(i)  Arch.  et  fonds  cit.;  —  E.  Pu, or  nr,  Tiioufy,  ubi  sup..  p.  223. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  27 

un  accord  plus  facile.  Mais  un  mal  secret  paralysait  la  communauté 
du  Pont  et  trompait  ces  espérances. 

Ce  mal  n'était  autre  que  l'affaissement  dans  lequel  étaient  alors 
les  affaires  et  surtout  la  régularité  de  l'ordre  entier  de  Saint-Antoine. 
Tous  les  membres  de  ce  grand  corps  en  éprouvaient  les  atteintes,  et 
nous  sommes  obligé  de  dire  que,  au  Pont,  quand  la  cure  passa 
d'un  séculier  à  un  régulier,  les  réguliers  s'étaient  presque  sé- 
cularisés. Divers  actes,  entre  autres  le  bail  de  1542  cité  plus  haut, 
nous  représentent  ceux-ci  comme  ayant  des  intérêts  pécuniaires 
privés. 

Cependant,  ces  mêmes  actes  prouvent  que  le  sacristain  et  les  sim- 
ples religieux  occupaient  ensemble  le  prieuré  et  y  avaient  table 
commune.  N'est-ce  pas  ce  qui  ressort  d'une  «  promesse  »  du  g  juin 
155 1,  «  faicte  à  la  faveur  desdicts  religieulx  par  Jacques  Terrot, 
bouchier  du  Pont,  de  leur  fornir  durant  l'espace  de  iii  années  de 
chair  de  mouton  et  de  bœufs  à  raison  le  mouton  la  livre  viij  d.  et  le 
bœufs  vj  d.  ?  »  (i) 

Mais,  hélas  !  régularité,  services  canonial  et  paroissial,  jusqu'à 
l'existence  même  des  religieux  et  des  prêtres,  étaient  à  la  veille  de 
sombrer  complètement  au  milieu  de  la  plus  affreuse  tempête. 

Depuis  plusieurs  années,  les  guerres  civiles  et  religieuses  infes- 
taient les  principales  villes  de  Dauphiné.  Heureux  de  pouvoir  couvrir 
leur  ambition  d'un  motif  ou  plutôt  d'un  prétexte  religieux,  des  chefs 
désœuvrés  parcouraient  les  bourgs  comme  les  villes  en  les  rançon- 
nant. Les  peuples  étaient  peu  soucieux  d'une  occupation  militaire 
dont  le  seul  résultat  était  ordinairement  pour  eux  une  dépense,  sou- 
vent un  danger  personnel.  Soit  passion  de  quelques-uns,  soit 
crainte  du  plus  grand  nombre,  les  combats  et  les  luttes  n'étaient 
suspendus  un  instant  que  pour  recommencer  plus  fort  et  sur  un 
plus  vaste  théâtre.  Le  feu, allumé  en  Allemagne  par  l'apostat  Luther, 
jetait  des  flammes  sur  presque  tous  les  coins  du  Dauphiné.  Pont- 
en-Royans,  par  sa  position  entre  les  montagnes  et  la  plaine  de 
Romans  et  de  Saint-Marcellin,  et  par  les  remparts  naturels  et  autres 
dont  il  était  environné,  avait  bien  quelque  importance  stratégique  ; 
il  ne  pouvait  manquer  d'attirer  Tattention  des  chefs  d'armée  et  de 
bande.  Des  historiens,  appuyés  sur  un  mot  de  Chorier  et  amplifiant 
son  récit,  affirment  que  Montbrun  avait  pris  notre  petite  ville  en 
1560,  au  nom  du  protestantisme,  et  y  avait  laissé   une  garnison  en 

(i)  Arch.  et  fonds  cit.  —  Dassy,  L'Abbaye  de  Saint-Antoine,  pp.  240-52. 


28  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

allant  soutenir  les  protestants  du  Comtat  (i).  Les  archives  de  Ma- 
laucène  confirment  absolument  leur  récit  en  ce  qui  tient  aux  ravages 
de  Montbrun  dans  le  Comtat  en  1560  (2).  Nous  l'avons  admis  nous- 
même  ailleurs  en  ce  qui  regarde  les  exploits  de  ce  chef  huguenot 
dans  le  Royans,  mais  sans  le  contrôler  (3),  et  sur  ce  point  il  n'est 
pas  suffisamment  prouvé.  Ce  qu'il  y  a  seulement  de  certain,  c'est 
que  le  trop  fameux  François  Tempeste,  ancien  cordelier,  qui  avait 
prêché  l'hérésie  à  Alontélimar  en  1560,  et  Denis  d'Hérieu  furent 
ministres  de  celle-ci  à  Pont-en-Roj'^ans,  le  premier  en  1561  et  1562, 
le  second  de  1561  à  1607  (4). 

Sans  doute  les  Antonins  y  conservèrent  un  pied  ;  car  des  actes 
authentiques  nous  apprennent  que  le  7  mars  1564,  «  frères  Pierre 
Aubejon,  soubz  aulmonier,  et  Jehan  de  la  Serne,  chanoynes  claus- 
triers  du  vénérable  couvent  et  monastère  de  Sainct  Anthoine  de 
Viennois  »,  procureurs  »  des  aultres  messieurs  les  religieux  dud. 
Sainct  Anthoine  »,  avaient  «  arrenté  a  frère  Mathieu  Bergier,  reli- 
gieux curé  du  Pont  de  Royans,  et  a  m"  François  Rey  »,  curé  de 
Châtelus,  «  le  priouré  dud.  Pont,  avec  tout  le  revenu  et  esmoullu- 
mentz  d'icelluy  priouré,  pour  le  terme  »  de  3  ans,  au  prix  de  120 
florins  petite  monnaie  par  an.  De  plus,  «  lesd.  rentiers  »  avaient 
promis  «  de  norrir  et  entretenir  le  nombre  des  prebtres  acoustumé, 
et,  oultre  led.  nombre,  ung  homme  de  bien  prebtre,  au  lieu  du 
prieur,  pour  faire  le  djx'm  service  de  l'esglise  Roumeine  acostumé 
d'ancienneté  durand  lesd.  »  3  ans.  Ils  avaient  encore  promis  de 
satisfaire  à  d'autres  charges  incombant  au  prieuré,  et  de  fournir 
caution  auxd.  religieux  créditeurs  ;  et,  pour  accomplir  cette  dernière 
promesse,  Rey,  «  droict  ayant  dud.  frère  Mathieu  Bergier  »,  donna 
pour  caution  «  Jacques  de  Lers,  marchand  du  Pont  »,  par  acte  du 
16  janvier  1565,  passé  aud.  «  Pont,  au  lieu  du  priouré,  en  la  cham- 
bre basse  (<;).  » 

Mais  la  résidence  au  Pont  des  ministres  dont  nous  avons  parlé, 
ne  s'accorde  que  trop  bien  avec  ce  que  dit  Chorier  :  que  vers  1565 
le  bailliage  de  Saint-Marcellin  était  en  proie  à  des  troubles  fu- 
nestes;  que  «  le  païs  de  Royans  étoit  une  pépinière  à   la  nouvelle 

(1)  Choriei',  Hist  géii.  Je  Daupliiné,  II,  5^6.  —  Long,  La  Réforme  et  les 
guerres  de  religion pp.    41   et   76.   —  Vincent,   op.  cit.,  p.  61-3. 

(2)  Ferd.   et  Aifr.  Saurfx,   Hist.  de  la  ville  de  Malaucène,  I,  282-8. 

(3)  Revue  du  Dauph,  et  du  Vivarais,  \',  i  72. 

(4)  Bullet.  cit.,  V,   1 1  2  ;  VIII,  388. 

(5)  Arch.  et  fonds  cit.,  orig.  pap. 


DE    PO\T-E.\-ROYA.\S.  29 

Religion  »  ;  que  «  la  catholique  étoit  sans  vénération  dans  la  ville 
du  Pont,  qui  en  est  le  chef  »,  et  que  les  églises  de  Saint-Nazaire 
et  de  Sainte-Eulalie,  «  qui  n'en  étoient  pas  fort  éloignées,  furent 
brûlées  à  la  sollicitation  des  ministres  (i).  »  Du  reste,  comme  ces 
sacrilèges  n'atteignaient  et  ne  blessaient  guère  que  les  intérêts  de  la 
religion,  ou  les  autorités  légitimes  se  croyaient  contraintes  de  les 
dissimuler,  ou  elles  reculaient  devant  la  crainte  de  faire,  pour  en 
châtier  les  auteurs,  un  éclat  infructueux  (2). 

Aussi,  quelle  difficulté  les  Antonins  avaient  pour  recouvrer  leurs 
droits  prieuraux  !  Si  la  justice  n'était  pas  boiteuse,  elle  allait  du 
moins  bien  lentement.  Nous  avons  vu  que,  le  16  janvier  1565,  Jac- 
ques de  Lers,  marchand  du  Pont,  s'était  porté  caution  de  la  ferme 
des  revenus  prieuraux  de  ce  lieu.  Or,  les  fermiers  ayant  mis  du 
retard  à  s'acquitter  de  leurs  obligations,  une  requête  fut  lancée  par 
les  Antonins,  et  un  procès  commença.  Alors  Bergier  fit  droit,  pour 
sa  part,  aux  réclamations.  Mais,  Rey  n'ayant  pas  fait  de  même, 
Jacques  de  Lers,  amené  en  cause,  fut  appelé  à  suppléer.  Ce  dernier 
ayant  élevé  des  difficultés,  l'affaire  s"envenima,  si  bien  que  le  14 
décembre  1565  Mérauld  Bourget,  «  procureur  des  religieux  du  mo- 
nastère »  de  Saint-Antoine,  «  prieur  du  prieuré  du  Pont  en  Royans, 
demandeurs  en  requeste  »,  envoyait  à  Antoine  Pinard,  procureur  de 
Jacques  de  Lers,  défendeur,  une  copie  authentique  du  cautionne- 
ment et  d'autres  pièces,  avec  déclaration  que  payement  était  de- 
mandé à  de  Lers  comme  caution  pour  la  moitié  de  Rey.  Pinard 
avait  donc  à  «  deffendre  pour  ce  regard  à  lad.  requeste.  » 

Les  plaidoiries  aboutirent  à  une  sentence  de  «  Nycolas  Henry, 
segneur  de  Cremj'^eu,  Quirieu  et  la  Balme  en  Daulphiné,  balhi  du 
Bas  Viennoys  et  Vallentinois  au  siège  de  St  Marcellin  »,  du  ig  dé- 
cembre 1566.  Cette  sentence  portait  contrainte  pour  «  lesd.  rentiers 
ou  bien  led.  Jacques  de  Lers,  caution  »,  d'observer  le  contenu  de 
«  l'arrentement  »  du  7  mars  1564,  notamment  de  continuer  une 
aumône  aux  pauvres  qui  se  faisait  dans  le  prieuré  deux  fois  par  se- 
maine, et  de  «  fournira  la  nourriture  des  religieux  dud.  prieuré.  » 

Bientôt  après,  «  Monsieur  le  Maistre  Léonard  Reynaud,  à  St 
Marcellin  »,  recevait  la  lettre  suivante  :  «  Monsieur  le  Procureur, 
nous  avons  faict  assigner  Jaques  de  Lers,  du  Pont  de  Royans,  au 
premier  jour  juridic  après  les  Roys  à   Sainct  Marcelin,  comme  ran- 

(1)  Hist.  de  Dauph.,   II,  603. 

(2)  Ibid.;  —  Vincent,  op.  cit.,  p.  64  ;  —  Long,  op.  cit.,  p.  77. 


30 


HISTOIRE    RELIGIEUSE 


thier  ou  du  moings  caution  de  nostre  prieur  du  Pont  de  Royans 
pour  faire  l'haulmonne  deux  foys  la  sepmainne  aud.  prieur  comme 
il  est  tenu.  Nous  vous  envoyons  l'arrentement,  le  cautionnement  et 
les  lettres,  vous  priant/  de  faire  la  présentation  et  de  nous  mander 
ce  qu'il  y  fauldra  fayre,  car  il  nous  semble  que,  attendu  que  il  conste 
d'obligation  et  que  c'est  oeuvre  pie,  il  doibt  estre  condamné  par  pro- 
vision. Nous  avons  bailhé  au  porteur,  pour  fayre  la  présentation, 
deux  soulz.  Nous  recommandant  bien  fort  a  vos  bonnes  grâces, 
nous  prions  Dieu  que.  Monsieur  le  Procureur,  il  vous  donne  bonne 
et  longue  vie.  A  Sainct  Anthoine,  ce  viij  janvier  1567.  Vos  bons 
voysins  et  meilleurs  amys,  le  chapitre  de  Sainct  Antoine.  » 

Le  lendemain,  9  janvier,  une  procédure  ^  pour  le  sindic  du  cou- 
vent »,  en  «  contraincte  contre  »  de  Lers,  était  en  etfet  présentée  (i); 
mais  nous  ignorons  le  résultat  définitif  de  l'altaire. 

Au  surplus,  antérieurement  au  mois  d'août  1568,  l'église,  le 
prieuré  et  les  autres  maisons  de  prêtres  de  Pont-en-Royans  «  estoient 
entièrement  ruynés  »  par  «  ceulx  de  la  Religion  prétendue  reffor- 
mée  »,  devenus  maîtres  «  de  ladicte  ville.  »  C'est  ce  que  nous  ap- 
prend une  procédure  du  18  octobre  suivant,  dont  voici  l'objet  et  le 
rapport  textuel. 

La  paix  de  Longjumeau,  signée  le  23  mars  1568,  fut  suivie  d'un 
peu  de  calme  dans  le  Dauphiné,  et  le  parlement  de  Grenoble  porta, 
le  12  juillet  suivant,  un  règlement  «  pour  l'entretenement,  union  et 
paix  des  habitans  dud.  païs  et  entretenement  du  service  divin.  » 
Puis,  le  7  septembre  de  la  même  année,  la  chambre  des  vacations 
ayant  pris  un  arrêt  sur  le  même  sujet,  Antoine  de  Garagnol,  vibailly 
du  Bas-Viennois  et  Valentinois  au  siège  de  St-Marcellin,  et  conseil- 
ler du  roi,  fut  chargé  d'assurer  dans  les  localités  de  son  ressort 
l'exécution  de  ces  règlement  et  arrêt. 

De  St-Marcellin,  où,  en  conséquence  de  son  mandat,  il  avait  fait 
le  16  octobre  1568  une  procédure  à  l'égard  des  chapelles  fondées  en 
l'église  paroissiale,  il  se  rendit  à  Pont-en-Royans. 

Son  greffier,  parlant  au  nom  du  vibailli,  va  nous  dire  en  détail  ce 
que  fit  ce  magistrat  dans  cette  dei-nière  localité  : 

«   La  ville  du   l^ont  de  Roians. 

"  Suyvamment,  du  liuidy  dix-liuicticsmc  dud.  mois  d'octobre, 
nous  avons  faict  décente  en  hi   ville  du  l'ont  en   Koians,   et  illecq  à 

(I)  Arch.  et  fonds  cit. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  3I 

l'hostel  d'habitation  de  la  vefve  et  heretiers  de  feu  Antiaoine  Pignier, 
bourgeois    quant    vivoyt   dud.    Pont  de  Roians.    Nous   avons  faict 
appeller  par  Jehan  d'Aulteroche,    sergent  roial   dud.   St  Marcelin  : 
premièrement    Anihoine    Armand,    conseul    de  lad.  ville  du   Pont, 
honneste  Jacques   de  Lers,  bourgeois,  M"  Mathieu  Perrochin,  not% 
Jehan  Glenat,  François  Terrot,   Gaspard  Albert,  Jehan  Cognoz  dict 
Bergier,  Claude  Raille  et  Hugues  Macaire,  tous  dud.  heu  et  mande- 
ment du   Pont  en  Roians  ;  ausquelz  comparantz  par  devant  nous, 
nous  avons  faict  déclaration   des  susdictz   articles  arrestéz  pour  led. 
reiglement,    ensemble   dud.    arrest,    lequel    nous   avons   en   apprès 
faict  publyer  a  haulte  voix  en   l'asle  du  marché  de  ladicte  ville.  Et, 
ce  faict,  nous  estant  appareu  par  le  rapport  des  susdictz  coume  en 
ladicte  ville  du  Pont  n'y  avoyt  aulcung  lieu  pour  cellebrer  et  conti- 
nuier  le  service  divin  et  moings  pour  habiter  par  ung  prebtre   ou 
deux  pour  faire  led.  service,  à  l'occasion  de  ce  que  tant  l'esglize  du 
prioré   dud.   lieu   que  la  maison   et    aultres    maisons   des    prebtres 
estoient  entièrement  ruynés,  n'y  estant  demeurés  couvert  ne  voultes, 
lesdictes  ruynes  ayantz   estes   faictes  par  ceulx  de   la   religion  pré- 
tendue refformée   et  au  tamps  qu'ils   occupoient  ladicte  ville,   nous 
avons  enjoinct  et  commande  aux   susnommés  de  bailher  et  fornyr 
lieu  pour  faire  et  continuer  le   service  divin,  et  maison   consulaire, 
hospital  et  maison  de  confrairie,  ou,   au   deffault  de  l'une  d'icelles, 
aultres  maisons  pour  habiter  par  celluy  ou   ceulx  qui  feront  le  ser- 
vice de  l'esgHze  catholicque  Romeyne.  Sur  quoy  ils   nous  ont   res- 
pondu  qu'il  y  avoit  esté   pourveu   de  la  maison   de   Jehan  Cognoz  î 
laquelle  par  nous  visitée   n'estant  trouvée  soiBzante,   et    joint   que 
led.  Cognoz  nous  a  dict  lad.  maison  estre  sa  maison  d'habitation  et 
ne  se  pouvoyr  despartyr  d'icelle,  nous  avons  enjoinct  aud.   conseul 
d'en  pourvoyr  d'aultre  dans   quinzeyne.  Et,  apprès  avoyr  ouyt   frère 
François   Rey,   rehgieux  de  la  religion  et  abbeye  de  St  Anthoyne, 
de  laquelle  dépend  le   prioré   dud.   lieu,  qui,  par  nous  exhorté  de 
faire  continuer  led.  service  divin,  s'est  offert  pour  led.   chappitre  de 
St  Anthoyne  faire  continuer  led.    divin    service   en    luy  bailhant    et 
fornissant  maison  et  lieu,  nous  avons  cependant  et  jusques  à  ce  qu'il 
soit  sactisfaict  a   l'exercisse  dud.    divin   service   ou    aultrement   or- 
donné, meist  et  redhuict  soubz  la   mein  du  Roy  le  bien  et  revenu 
temporel  dud.  prioré;  pour  le  régime  duquel  et  pour  cependant  re- 
tirer et  recepvoyr  led.  revenu,  nous   avons,   du  consentement  dud. 
frère  François   Rey,    commis    et   depputé    séquestre  Jehan  Glenat, 


:\2  histoirl;  religieuse 

rentier  par  cy  devant  dud.  prioré,  qui  a  prins  et  accepté  la  charge, 
promis  et  juré  bien  fîdellement  y  verser  soubs  la  mein  du  Roy,  ren- 
dre compte  et  prester  le  reliqua  à  qui  appertiendra  et  sera  par  nous 
ordonné,  avecq  soubmissions  de  corps  et  biens  de  ce.  Présents  a  ce 
Estienne  Jullien  et  led.  Jehan  d'Aulteroche. 

«  Ce  faict,  nous  avons  enjoinct  et  commandé  aux  susdicts  conseul 
et  conseilliers  de  nous  bailher  le  roolle  des  abscentz  de  lad.  ville  et 
mandement  qui  ont  prins  les  armes  contre  le  Roy,  ensemble  nous 
dire  et  declairer  les  noms  des  juges,  chastellains  et  aultres  officiers 
pour  la  justice  dud.  lieu.  Lesquels  conseul,  conseilliers  et  notables 
cy  dessus  nommés  nous  ont  dict  et  declairé  que  M*^  Pierre  Le  Mais- 
tre,  docteur  ez  droictz  et  procureur  des  trois  estatz  de  ce  païs  de 
Daulphiné,  estoyt  juge  dud.  lieu,  habitant  not(oi)rement  en  la  ville 
de  Grenoble  ;  M"  Guy  Chapperon,  son  lieutenant,  habitant  ordinai- 
rement, à  St  Marcellin,  et  Claude  de  LaMearye,  escuyer  chastellain, 
et  lequel  de  La  Mearye  despuys  ung  mois  en  sça  et  le  renouvelle- 
ment des  présents  troubles  s'estoyt  absenté  avecq  certains  aultres 
de  lad.  prétendue  religion  portant  les  armes  contre  le  Roy,  ainsi 
comme  le  bruict  et  commugne  renommée  est  aud.  lieu.  Et  quant 
aux  aultres  abscentés,  ont  dict  ne  les  pouvoyr  nommer  sans  qu'il 
soit  faicte  exhibition  et  lecture  du  roolle  de  la  taille.  Lequel  roolle 
exhibé  et  leu  par  devant  nous  par  M"  Claude  Terrot,  greffier  dud. 
lieu,  lesdicts  conseul,  conseillyers  et  notables  nous  ont  dict  et  rap- 
porté des  nommés  en  icellui  roolle  estre  absentz  despuys  le  susdict 
tamps  :  M"  Jehan  Boutaric  notaire,  Loys  Blaichon  drappier,  Guil- 
laume Bouteille  cousturier,  Anthoyne  Michal  laboureur,  Claude 
Champavier  habitant  à  Aulberipves,  Claude  Borrel  cardeur,  Loys 
Arod  serrurier,  Pierre  Mucel  cordonier,  André  Mathieu  cardeur, 
Anthoyne  Berthuyn  pignier,  Anthoyne  Froment  brochier,  Loys 
Mounyer  teincturier,  Disdyer  Lambert  de  St  Yllaire,  Jacques  Pynet 
cordonier,  ung  appelle  Symond,  beaulfrère  du  teincturier,  tous  habi- 
tantz  au  paradvant  le  dernier  renouvellement  desdicts  derniers  trou- 
bles en  lad.  ville  du  Pont  en  Roians.  Et  pour  le  regard  des 
abscentz  des  aultres  lieux  et  mandements  dud.  lieu  et  ville  du  Pont 
en  Roians,  ont  dict  n'en  pouvoyr  faire  déclaration  sans  s'en  enquérir 
plus  amplement.  De  quoy  faire,  à  la  réquisition  de  M'=  Lialthezard 
Reymond,  subs(titutj  du  procureur  du  roy,  présent  aux  actes  que 
dessus  et  ce  requérant,  nous  leur  avons  enjoinct  et  consequement 
de  porter  ou  envoyer   le   roolle  qu'ils  en  feront  au   greffe  dud.  bail- 


DE    PONT-EN-ROYANS.  33 

liage  et  court  majeur  dans  quinzeyne  prochein(ne),à  peyne  de  vingt- 
cinq  livres  d'amende  et  aultre  arbitraire. 

« 

«  Anth.  GuARAGNOL,  vib. 
«  Et  moy  greffier  escripvant  soubz  led.  sieur  vibailly. 

«   GUYON    (i).    » 

Si  les  mesures  prises  par  l'autorité  n'eurent  pas  un  plein  succès, 
elles  furent  du  moins  suivies  à  Pont-en-Royans  d'assez  longs  mois 
d'un  calme  relatif.  C'est  ce  que  supposent  une  «  recognoissance  pour 
Messieurs  les  religieu-x:  du  Pont,  faicte  par  Eynard,  bourgeois  »,  et 
«  sa  mère,  de  pension  qu'ils  font  aud.  prieuré  du  Pont  »,  et  une 
transaction  par  laquelle  François  Guiboud,  fils  de  Claude,  marchand 
du  Pont,  cède  au  prieuré  de  ce  lieu  une  vigne  de  12  fessorées  située 
au  Pont  et  confrontant  «  la  roche  du  chastel  »  au  couchant.  En 
effet,  le  premier  de  ces  actes  fut  reçu  le  27  octobre  156g,  par  Berthon 
Lyonne,  notaire  du  Pont;  le  second  le  fut  le  23  février  1571,  par 
Devallois  (2). 

Au  surplus,  de  Gordes,  lieutenant  général  du  roi,  jugeant  que  la 
paix  ne  pouvait  que  gagner  au  démantèlement  d'un  certain  nombre 
de  bourgs  et  de  places,  communiqua  son  avis  au  parlement.  Sur 
l'approbation  de  ce  dernier,  un  décret  condamnait,  entre  autres 
places,  le  Pont  et  Saint-Nazaire-en-Royans  à  être  démantelés  (3)  ; 
mais  ce  décret  ne  fut  pas  partout  exécuté.  S'il  le  fut  au  Pont,  il  ne 
mit  pas  ce  bourg  à  l'abri  des  dangers  et  des  angoisses.  Dès  1573, 
les  alarmes  avaient  recommencé.  Montbrun,  devenu  chef  du  parti  hu- 
guenot en  Dauphiné,  par  la  retraite  du  baron  des  Adrets,  apparaît  le 
20  mars  devant  Valence,  et  se  dispose  à  l'emporter  d'assaut;  mais  la 
sentinelle  de  la  porte  Saunière  sonne  l'alarme,  et  l'entreprise  échoue. 
Montbrun  se  dirige  alors,  à  la  tète  de  ses  troupes,  vers  le  Royans, 
campe  un  instant  sur  le  mont  Calvaire  Tprès  de  Saint-Nazaire),  puis 
va  s'emparer  du  château  de  Saint-André  ;  mais  un  parti  de  catho- 
liques accourt,  et  lui  reprend  aussitôt  cette  place.  Le  Pont,  un  mo- 
ment effrayé  du  voisinage  de  Montbrun,  peut  de  nouveau  respirer 
presque  à  l'aise. 

Deux  mois  après,  dans  le  courant  de  mai,  François  de  Montpen- 
sier,  dauphin  d'Auvergne,  arriva  dans  son    gouvernement   de  Dau- 

(i)  Biblioth.  de  M.  P.-E.  Giraud,  reg.  orig.  de  68  ff. 

(2)  Arch.  et  fonds  cit. 

(3)  Chorier,  op.   cit.,  II,  624-5. 

Bull.  VI,  1886.  3 


34  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

phiné.  Il  y  fit  son  entrée  solennellement  et  avec  l'intention  de  réduire 
Montbrun  et  d"écraser  à  tout  jamais  le  parti  huguenot.  11  s'arrêta  à 
Saint-.Marcellin,  pour  s'y  préparer  à  quelque  entreprise  digne  de  lui, 
distribua  son  avant-garde  dans  les  bourgs  et  les  lieux  les  plus 
commodes  des  environs,  et  résolut  d'attendre  prudemment  l'occa- 
sion d'agir. 

Il  avait  logé  cinq  enseignes  d'infanterie  dans  Pont-en-Royans. 
La  présence  de  cette  garnison  calmait  la  population  et  lui  faisait 
comprendre  que  l'autorité  voulait  en  finir  avec  les  rebelles.  Mais,  les 
chefs  et  les  soldats  traitant  mal  les  habitants,  dont  la  plupart  fai- 
saient profession  de  la  religion  prétendue  réformée,  et  ne  se  tenant 
pas  bien  sur  leurs  gardes,  Montbrun,  qui  en  fut  averti,  ne  négligea 
pas  cette  occasion  d'acquérir  une  nouvelle  réputation  à  ses  armes. 
Il  attaqua  la  garnison  vers  la  fin  du  mois  de  mai,  et,  ayant  forcé  le 
bourg,  qui  avait  été  démantelé,  il  tailla  en  pièces  ses  adversaires,  si 
bien  que  400  hommes  y  perdirent  la  vie.  Le  vainqueur,  pour  profi- 
ter de  l'effroi  où  sa  victoire  avait  jeté  les  catholiques,  confia  le  Pont 
à  une  garnison,  et  se  dirigea  contre  Die,  où  commandait  Glandage; 
mais,  repoussé  par  ce  dernier,  il  perdit  là  tout  l'honneur  qu'il  avait 
gagné  au  Pont  (i). 

Cependant  le  prince-dauphin,  à  qui  l'échec  subi  au  Pont,  dès 
l'ouverture  de  cette  guerre,  était  extrêmement  pénible,  allait  entrer 
dans  le  Royans,  pour  y  effacer  par  la  reprise  du  Pont,  qui  en  était 
la  capitale,  le  déshonneur  que  ses  armes  y  avait  reçu.  Mais  Mont- 
brun, qui  s'était  aussi  emparé  de  Saint-Nazaire,  et  y  avait  laissé 
garnison,  surveillait  les  mouvements  du  prince.  Connaissant  ses 
projets  d'attaque  contre  le  Pont,  il  retira  la  garnison  de  Saint-Na- 
zaire et  la  fit  entrer  au  Pont,  pour  fortifier  celle  de  ce  dernier  lieu. 
Le  prince,  instruit  des  préparatifs  de  son  adversaire,  y  alla  pour  s'en 
assurer.  Déjà  il  rêvait  les  honneurs  du  triomphe,  lorsqu'il  apprit  la 
mort  du  roi  Charles  IX,  arrivée  le  31  mai  1573.  Cet  événement  le 
força  à  suspendre  son  entreprise  sur  le  Pont,  et  laissa  Montbrun 
libre  de  tourner  de  nouveau  ses  forces  vers  le  Diois  (2). 

La  défaite  des  troupes  royales  par  Montbrun  eut  de  tristes  consé 
quences   pour  les  catholiques  du  Pont.  Régis  par  des  soldats  aussi 
avides  de  pillage  qu'ennemis  acharnés  de  leur  culte,  ils  purent  médi- 

Ci)  CifOPiER,  op.  cit.,  II,  657-g  ;  —  Vincent,  op.  cit.,  p.  65-8  ;  —  Long,  op.  cit. 
p.    113,  —  Taulier,  Not.   sur  de  Cordes,  p.  i  7. 
(2)  CnoRiEB,  op.   cit.,  H,  660. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  35 

ter  à  loisir  sur  les  maux  de  la  guerre  civile.  Ils  furent  cependant 
débarrassés  des  soldats  de  Montbrun,  mais  pour  se  voir  bientôt  har- 
celés de  nouveau.  Vers  le  25  mars  1574,  déjà  las  du  repos  d'une 
bien  courte  trêve,  des  huguenots  descendaient  des  montagnes  du 
Royans  et  séjournaient  quelque  temps  au  Pont  et  à  Saint-Jean,  au 
point  que  les  habitants  de  la  rive  droite  de  l'Isère  craignaient  qu'ils 
ne  vinssent  à  passer  cette  rivière.  Enfin  le  10  avril,  suivant,  ces 
huguenots  firent  semblant  de  retourner  aux  montagnes  ;  mais  tout 
à  coup  ils  détachèrent  un  certain  capitaine  Montbrun,  fils  d'un  bar- 
bier de  Pont-en-Royans,  qui,  à  la  tète  d'une  troupe  de  soldats,  alla 
surprendre  le  château  de  Saint-André.  Cependant,  sur  l'ordre  de 
Monseigneur  de  Gordes,  ce  château  fut  incontinent  assiégé  par  le 
sieur  d'Allières,  de  Beauvoir,  à  la  tête  de  quelques  400  hommes 
fournis  par  les  communes  du  pays.  En  même  temps,  de  Saint- 
Antoine  partirent  environ  60  hommes,  qui  eurent  ordre  d'aller,  pen- 
dant le  siège,  occuper  la  ville  du  Pont,  sous  la  conduite  du  capitaine 
La  Saulne,  et  empêcher  le  passage  de  toutes  troupes  huguenotes. 
Trois  jours  après  arriva  en  effet  un  secours  de  huguenots,  au  nom- 
bre de  300,  conduits  par  le  capitaine  Bouvier,  de  Romans.  Comme 
il  y  avait  garnison  au  Pont,  ils  allèrent  passer  à  Saint-Nazaire. 
Mais,  avant  de  venir  à  Saint-André,  Bouvier,  qui  voulait  ménager  sa 
retraite  et  attendait  plus  grand  secours,  «  fit  promptement  barriquer 
led.  lieu  de  Saint-Nazaire.  »  D'Allières,  comprenant  qu'il  n'était  pas 
assez  fort  pour  prendre  Saint-André  et  tenir  tête  à  tous  ces  hugue- 
nots, fit  venir  à  lui  la  garnison  du  Pont,  et  lui  ordonna  de  gagner 
promptement,  pour  s'en  retourner,  le  port  de  la  Sône,  droit  par  le 
bois.  En  même  temps,  lui  et  ses  troupes  prirent  le  chemin  de  Beau- 
voir, et  chacun  se  retira.  Dès  lors,  les  huguenots  furent  maîtres  de 
tout  le  Royans,  surprirent  et  firent  fortifier  le  château  d'izeron,  où 
Bouvier  se  retira. 

Comme  les  huguenots  paraissaient  vouloir  passer  l'Isère,  de  Gor- 
des fit  garder  Rochebrune,  en  face  de  Saint-Nazaire,  par  le  capi- 
taine La  Saulne  à  la  tête  de  25  soldats,  et  les  autres  lieux  le  long  de 
la  rivière.  En  la  Semaine-Sainte  de  1574,  de  fausses  alertes  ayant 
fait  croire  aux  catholiques  de  la  rive  droite  que  les  hugenots  avaient 
passé  l'Isère,  plusieurs  se  sauvèrent,  qui  à  Lyon,  qui  à  Vienne,  qui 
à  Romans,  qui  à  Bressieux  ;  et  les  huguenots  du  Pont,  croyant 
que  les  catholiques  avaient  passé  sur  la  rive  gauche,  furent  de  leur 
côté  saisis  de  frayeur,  et  s'enfuirent  aux  montagnes.  Mais  bientôt 
chacun  revint  de  son  erreur  et  rentra  chez  soi. 


36  .HISTOIRE    RELIGIEUSE 

Cependant  il  tardait  au  prince-dauphin  de  rentrer  à  Pont-en- 
Royans.  Il  confia  à  22  compagnies  le  soin  de  se  rendre  à  la  Sône  le 
22  mai,  fête  de  l'Ascension.  Dans  le  nombre  étaient  la  compagnie  du 
capitaine  Bourchenu  dressée  à  Beaurepaire,  et  celle  du  capitaine 
Bernard.  Ayant  passé  l'Isère  à  la  Sône,  on  fit  semblant  d'aller  assié- 
ger Saint-Nazaire,  avec  la  compagnie  de  Monseigneur  le  Prince  ; 
mais  on  marcha  droit  au  Pont,  où  on  arriva  au  point  du  jour.  On 
n'y  trouva  personne  qui  opposât  de  la  résistance.  Seulement,  5  ou  6 
huguenots  se  jettèrent  dans  une  maison  forte  nommée  La  Corbeille. 
Incontinent  le  feu  est  mis  à  la  porte  de  ce  dernier  asile,  et  les  fuyards 
sont  pris  et  tués.  On  pille  entièrement  la  ville  ;  mais  ce  pillage  atti- 
rera sur  les  vainqueurs  de  terribles  représailles.  En  effet,  on  avait 
laissé  au  Pont  5  compagnies  de  100  hommes  chacune,  bien  complè- 
tes, commandées  par  le  capitaine  Collomb.  Il  y  avait  la  compagnie 
de  ce  dernier,  celle  du  sieur  de  Bourchenu,  et  celles  de  Givray,  de 
Bernard  et  du  «  capitaine  La  Saulne.  »  Celle  de  ce  dernier  était 
composée  de  la  plupart  des  hommes  fournis  par  Saint-Antoine.  - 
Cette  garnison  occupait  le  Pont,  quand,  le  jour  de  la  Pentecôte,  des 
huguenots  conduits  par  le  fameux  chel  de  leur  parti  en  Dauphiné, 
Dupuy-Montbrun  en  personne,  descendent  des  montagnes,  au  nom- 
bre de  1500  hommes  à  cheval  ou  à  pied,  et  fondent  sur  les  hommes 
du  prince.  Ceux-ci  avaient  trop  oublié  que  la  prudence  et  la  vigi- 
lance sont  mères  de  la  sûreté.  Collomb,  vieux  capitaine  commandant 
dans  le  Pont,  avait  permis  à  la  plupart  des  soldats  d'emporter  leur 
butin.  Tous  ceux  de  sa  trop  faible  troupe  qui  se  trouvèrent  à  la  ren- 
contre furent  emportés  de  force  et  tués,  et  la  plupart  des  prisonniers 
furent  égorgés  de  sang-froid.  «  Des  cinq  compagnies  ne  s'en  sauva 
que  six  ou  sept  vingts,  qui  en  route  prirent  le  quartier  du  Pont  tirant 
par  la  Ville  neuve  au  long  de  Bourne.  »  Les  capitaines  Collomb, 
Bourchenu  et  «  La  Saulne  »  furent  tués  ;  Bernard  et  Givray  étaient 
allés  à  Romans,  vers  Monseigneur  le  Prince.  La  plupart  des  morts 
étaient  de  Dauphiné,  une  douzaine  de  Saint-Antoine.  Quelques-uns 
se  sauvèrent  tout  à  fait  errants,  après  avoir  été  prisonniers,  d'autres 
payèrent  rançon.  Ce  fait,  les  huguenots  quittèrent  le  Pont  et  Saint- 
Nazaire,  et  avec  leur  butin  retournèrent  aux  montagnes,  laissant  le 
capitaine  Bouvier  le  jeune  à  Izeron,  et  Montbrun  à  Saint-André.  Le 
gros  de  leurs  troupes  alla  tenter  l'escalade  de  la  ville  de  Die,  mais 
inutilement. 

Le  Pont  parait  avoir  été  assez  tranquille  le  reste  de  l'année  1574. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  37 

Il  était  certainement  vide  de  soldats  huguenots  vers  le  milieu  de  la 
suivante;  car,  le  lendemain  de  la  défaite  des  Suisses  par  Montbrun, 
entre  Châtillon  et  Die,  M.  d'Ourches,  le  capitaine  Bernard,  et  cer- 
tains autres  capitaines,  avec  leurs  arquebusiers,  sortirent  de  Die  et 
vinrent,  par  la  vallée  de  Quint,  descendi-e  tranquillement  aud.  Pont, 
et  passer  l'Isère  à  la  Sône.  Il  ne  l'était  pas  moins  un  mois  plus  tard, 
quand  l'armée  catholique,  après  avoir  défait  et  pris  Montbrun  près 
de  Die,  vint,  par  la  même  vallée  de  Quint,  descendre  au  même  Pont. 
Mais  cela  ne  nous  rassure  nullement  sur  l'état  du  prieuré  et  de 
l'église  de  ce  lieu.  Le  culte  catholique  ne  s'y  faisait  certainement 
plus.  Du  moins  nos  documents  n'en  font  supposer  aucun  exercice. 
Du  reste,  sur  le  commencement  de  septembre  de  cette  même  année 
1575,  les  huguenots  avaient  le  pied  à  Sainl-Nazaire  et  au  Pont;  car 
ils  voulaient  alors  surprendre  à  Rochebrune  quelques  bateaux  qui 
descendaient  l'Isère  chargés  de  vivres,  et  ce  ne  fut  que  par  suite  de 
l'avis  que  la  garnison  de  la  Sône  eut  de  leur  projet,  que  celle-ci 
retint  ces  bateaux.  Quant  à  ces  huguenots,  voyant  cette  entreprise 
déjouée,  ils  en  tentèrent  une  autre.  Pendant  c^ue  leurs  gens  de  pied 
restaient  embusqués  à  Rochebrune,  les  gens  de  cheval  descendirent 
jusqu'au  péage  de  Romans,  pour  tâcher  de  prendre  quelques  pri- 
sonniers. Mais  ceux-ci  furent  si  mal  accueillis  par  l'armée  catholi- 
que de  Romans,  qu'ils  se  retirèrent  au  Pont  le  même  jour.  Enfin, 
les  huguenots  s'étaient  retirés  du  Royans  aux  montagnes,  faisant 
courir  le  bruit  qu  ils  allaient  au-devant  des  forces  qui  leur  venaient 
d'Allemagne,  quand  le  roi  accorda  à  leur  parti  une  trêve  de  six  mois. 
Au  lieu  d'observer  la  trêve,  le  capitaine  huguenot  Chavanas,  de 
Die,  qui  était  au  Pont  avec  sa  compagnie,  sachant  que  le  château 
d'Izeron  était  mal  gardé,  alla  le  surprendre  de  nuit  par  escalade, 
et  le  tint  jusqu'à  la  publication  de  la  paix  du  14  mai  1576.  Du  reste, 
le  Royans  abondait  alors  en  huguenots.  Vers  février  1576,  un  certain 
nombre  d'entre  eux  s'assemblaient  à  Sassenage  avec  ceux  des  autres 
lieux,  et  couraient  jusqu'aux  portes  de  Grenoble.  Le  10  mars,  d'Au- 
bonne  et  de  la  Robinière,  avec  300  hommes  du  même  parti  s'empa- 
rèrent du  château  de  Morestel,  et  de  Gordes  courut  les  y  attaquer. 
La  Robinière  continuait  à  tenir  bon,  et,  pour  faire  interrompre  le 
siège,  les  huguenots  faisaient  rage  sur  la  rive  gauche  de  l'Isère, 
qu'ils  feignaient  de  vouloir  passer.  Ceci  était  surtout  le  fait  de  ceux 
du  Royans.  Aussi  de  Gordes  crut-il  devoir  commettre  en  garde  à 
Rochebrune  le  capitaine  Guillermet,  de  Saint-Antoine. 


38  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

Durant  ce  même  siège,  les  huguenots  de  Royans  en  vue  de  le  faire 
lever,  allèrent  jusqu'à  Armieu,  pensant  en  surprendre  le  château.  Ils 
V  étaient  avec  5  compagnies..  Mais  il  furent  découverts,  et  s'en 
retournèrent  enseignes  déployées  et  tambour  battant,  tout  le  long  de 
l'Isère  jusqu'à  Beauvoir,  en  faisant  semblant  de  vouloir  franchir  la 
rivière.  Le  peuple  leur  ayant  défendu  le  passage,  ils  retournèrent  à 
Pont-en-Royans,  mais  pour  recommencer  bientôt  leurs  courses  d'un 
autre  côté,  et  surprendre  le  château  de  la  Jonchère  le  3  avril,  et  celui 
d'Hostun  deux  jours  après.  Toutefois,  de  Gordes  ayant  pris  Mores- 
tel,  et  fait  courir  de  Romans  le  bruit  qu'il  allait  assiéger  la  Jon- 
chère et  Hostun,  les  huguenots  se  hâtèrent  de  quitter  ces  deux 
places. 

La  paix  du  14  mai  1576  suspendit  un  instant  les  hostilités  ;  mais, 
mécontents  des  loisirs  qu'on  leur  imposait,  un  grand  nombre  de 
soldats  huguenots  étaient  de  nouveau  descendus  des  montagnes  au 
Royans  vers  la  fin  de  la  même  année.  Le  4  janvier  1577,  une  troupe 
d'entre  eux,  conduite  par  le  jeune  Bouvier,  surprit  le  château  d'Ar- 
mieu,  qui  était  mal  gardé  ;  mais  elle  ne  put  surprendre  Izeron, 
gardé  par  le  capitaine  F'rançois  (i).  Une  autre  troupe  donna  jusqu'à 
Saint-Nazaire  ;  mais,  furieuse  de  n'avoir  pu  en  prendre  la  tour,  elle 
alla  exercer  dans  la  plaine  de  Valence  son  ardeur  par  trop  belli- 
queuse. 

Sur  la  fin  de  juillet  1577,  de  Gordes  ayant  levé  le  siège  d'Armieu, 
fit  courir  le  bruit  qu'il  allait  assiéger  Pont-en-Royans;  mais  il  alla 
droit  à  Saint-Nazaire,  où  il  fit  l'établissement  de  ses  compagnies 
pour  les  faire  rafraîchir.  Telle  est  du  moins  la  version  d'Eustache 
Piémond  ;  mais  M.  Chevalier  en  donne  une  un  peu  différente  avec 
les  détails  que  voici,  sous  la  date  du  22  juillet  :  «  Sur  l'ordre  de 
AL  de  Moidieux,  commissaire  général  des  vivres,  la  ville  de  Romans 
est  requise  d'envoyer  des  boeufs,  des  moutons,  des  pains,  du  vin 
aux  troupes  de  M.  de  Gordes,  campées  devant  le  Pont-en-Royans. 
Le  siège  de  cette  place  ayant  été  soudainement  levé,  4,500  pains 
portés  à  Saint-Nazaire  aux  frais  de  la  ville  restèrent  sans  emploi  et 
furent  vendus  à  vil  prix,  n  En  tout  cas,  de  Gordes  avait  quitté  le 
Royans  antéi'ieurement  au  6  août  suivant  (2),  mourait  à  Montéli- 
mar  le  21  février  1578,  et  était  remplacé  par  Maugiron. 

Pendant  que   celui-ci  parlementait  avec  Lesdiguières,  successeur 

(i)  Mémoires  (manus.cr'iis)  d'Eustache  Piémond. 
(2)  Mémoires  c\\..  ;  —  Bnllet.  cit.,  .\,    38-.<|o. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  39 

de  Dupuy-Montbrun  dans  le  commandement  des  troupes  hugueno- 
tes du  Dauphiné,  et  faisait  publier  les  déclarations  du  roi  en  faveur 
de  la  paix,  le  Pont  était  occupé  par  le  capitaine  Bouvier.  Peu  parti- 
san de  la  paix,  celui-ci  persistait,  malgré  l'édit  royal,  à  «  entretenir 
en  la  Corbeille  du  Pont  en  Roïans,  »  et,  de  la  sorte,  «  empêchoit  le 
commerce.  »  Mais  «  les  habitants  du  Pont,  catoliques  et  huguenots, 
prenant  le  frein  aux  dents,  comme  on  dict,  se  bandèrent  contre  luy 
et  le  mirent  hors  du  chasteau  et  de  la  Corbeille,  sans  l'offenser,  et 
le  prièrent  les  laisser  vivre  en  paix'.  Sur  quoy,  il  se  retira  à  la  Cha- 
pelle de  Vercors,  parce  qu'il  ne  s'osoit  retirer  à  Romans,  d'où  il 
étoit.  »  Mais,  ayant  su  que  Maugiron  s'était  abouché  à  Vif  avec 
Lesdiguières,  et  qu'on  avait  convenu  de  désarmer  dans  trois  mois, 
pendant  lesquels  on  ne  ferait  aucune  course.  Bouvier  craignait  d'être 
compromis  et  cherchait  à  se  ménager  un  refuge  en  un  lieu  fortifié. 
Le  capitaine  Laprade,  avec  lequel  il  était  en  intelligence,  avait  saisi 
Châtcaudouble  pour  sa  retraite.  Bouvier  voulut  avoir  lui  aussi  son 
refuge.  Il  a  se  jetta  de  grand  matin  dans  le  chasteau  du  Pont,  dans 
lequel  il  tua  un  nommé  Patoflard,  brave  soldat,  ainsi  qu'il  ouvrit  la 
porte,  et  deux  autres  de  quatre  qu'il  avoit  avec  luy.  »  Il  espérait  gar- 
der le  château,  et,  s'il  était  assiégé,  recevoir  secours  de  Laprade. 
Assiégé,  en  effet,  par  ceux  du  lieu  et  les  communes,  il  résista  pen- 
dant deux  jours  avec  une  douzaine  de  soldats  qu'il  avait.  Puis,  se 
voyant  sans  vivres,  craignant  pour  sa  vie,  et  ne  voyant  pas  venir 
Laprade  au  jour  promis,  il  «  se  rendit  vie  sauve,  '>  et  s'en  alla  à  Die. 
A  peine  eut-il  rendu  le  château,  que  Laprade  arriva  avec  soixante 
argoulets.  Ce  dernier,  voyant  le  château  rendu,  «  dit  a  Messieurs  du 
Pont  que  il  avoit  eu  avis  que  les  Catholiques  les  avoient  assiégé,  » 
et  qu'il  était  venu  les  secourir.  Ils  l'en  remercièrent  et  il  s'en  retourna 
continuer,  de  son  repaire  de  Châteaudouble,  ses  courses  et  pilleries, 
malgré  ledit  de  paix,  accepté  par  le  parti  protestant  lui-même.  Du 
reste,  les  capitaines  et  hommes  d'armes  n'étaient  pas  seuls  à  redou- 
ter. Ainsi,  vers  le  même  temps,  le  jour  de  la  foire  de  Saint-Nazaire, 
une  quarantaine  de  huguenots  du  Pont  vinrent  en  troupe  à  cette 
foire,  pour  se  venger  des  catholiques  qui  avaient  porté  les  armes 
contre  eux,  s'ils  y  en  trouvaient.  En  ayant  reconnu  une  vingtaine, 
ils  les  chargèrent  à  coups  d'épées  et  de  pistolets,  et  tuèrent  GarioUe 
dict  St-André  sur  place  ;  ce  qui  effraya  tellement  le  monde,  que  des 
marchands  et  autres  gens  prirent  la  fuite  et  perdirent  leur  bétail. 
Il   paraît,    du    reste,  que   le   Pont   était  alors   sans  garnison  ;  car 


40  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

A\augiron  écrivant  le  g  janvier  1579  aux  consuls  de  Romans,  leur 
recommande  d'avertir  les  habitants  du  Royans  que  «  Laprade  se 
veult  saisir  d'une  maison  forte  appelé  La  Corbelle,  qui  est  au  Pont 
de  Royans,  afin  de  se  rendre  maître  de  la  ville  (i).   » 

Quant  aux  huguenots  du 'Pont,  ils  se  faisaient  décidément  redou- 
ter. Outre  les  exemples  qu'on  vient  d'en  lire,  Eustache  Piémond 
raconte  le  suivant.  Vers  avril  1579,  Maugiron  assiégeait  Château- 
double,  tenu  par  Laprade.  Il  fit  sommer  celui-ci  de  se  rendre,  mais 
trouva  un  refus  obstiné.  .Alors  il  fit  descendre  de  l'artillerie  par  l'Isère 
avec  quelques  soldats  de  Grenoble.  Mais  il  craignait  que  les  hugue- 
nots du  Pont,  voyant  les  armes  levées,  ne  surprissent  l'artillerie  à 
Rochebrune.  Aussi  fit-il  garder  ce  passage  par  un  bon  nombre 
d'hommes  jusqu'à  ce  qu'on  n'eût  plus  rien  à  craindre  pour  les  pièces 
qui  devaient  enfin  enlever  à  Laprade  le  bourg  et  le  château  en  ques- 
tion. 

Au  commencement  de  mai  de  la  même  année,  d'Allières  comman- 
dait au  Pont  pour  les  huguenots,  quoiqu'il  fut  catholique.  Les  Pon- 
tois,  se  voyant  toujours  en  la  sujétion  d'une  garnison  «  qui  empêchait 
le  libre  commerce  de  leur  ville,  prièrent  d'Allières  de  casser  sa  gar- 
nison »  et  de  renvoyer  ses  soldats.  S'il  ne  le  faisait  pas,  ils  le  feraient 
eux-mêmes.  D'Allières,  voyant  leur  résolution  énergique  et  se  trou- 
vant faible,  «  fit  belles  promesses  et  la  douce  farine,  et  secrètement 
envoyé  à  Die  au  capitaine  Bouvier  luy  amener  quarante  soldats  pour 
quelque  occasion.  »  Le  secours  arrivé,  il  «'  donna  une  charge  sans 
mot  dire  à  ceux  cjui  l'avaient  prié.  Un  capitaine,  nommé  Qtiatre- 
Dents,  fut  tué,  étant  marié  aud.  Pont.  Les  Glénats  et  autres  se 
sauvèrent,  et  ont  été  longtemps  fugitifs  durant  le  gouvernement 
dudit  sieur  d'Allières.  Un  nommé  Bessé  (2)  fut  blessé,  se  retira  à 
Romans  pour  se  faire  panser  ;  mais  <i  étant  reconneu  d'avoir  tué 
Gariolle-St-.André  à  St-Nazaire,  fut  mis  en  prison  et  condamné  à 
être  pendu,  et,  le  jour  qu'on  le  menait  à  Saint-Marcellin,  il  se 
laissa  mourir  par  les  chemins  (3).    » 

Si  encore  les  Pontois  n'eussent-eu  à  souffrir  que  les  vexations  des 
capitaines  qui  prétendaient  les  protéger  !  Mais  il  fallait  encore  venir 
en  aide  à  des  armées  de  partis  opposés  qui  guerroyaient  ailleurs. 
Ainsi,  le  9  avril  1579,  ils  étaient  atteints  par  une  ordonnance  prescri- 

(i)  Mémoires  cit.  ;  —  Lacf(Oi.\,  Invcnl.  cit.,  V.,  367  i  . 

(2)  Var.  Le  Besson. 

(3)  Métnoires  cil , 


DE    PONT-EN-ROYANS.  4I 

vant  le  prompt  payement  des  aides  données  à  Etoile  pour  l'entretien 
de  la  campagne  du  comte  de  Veynes.  Sur  leur  refus  de  s'exécuter  et 
la  requête  par  eux  présentée  à  ce  sujet,  le  lieutenant  général  porte, 
le  15  août  suivant,  une  ordonnance  appelant  les  parties  devant  lui. 
En  1580,  est  envoyée  une  provision  obtenue  pour  cela  contre  le 
Pont;  le  8  octobre  1582,  requête  est  adressée  à  Maugiron  pour 
l'exécution  des  provisions  de  Gordes,  contre  les  habitants  de  Pont- 
en-Royans,  qui  continuent  à  refuser  l'aide  due  à  la  compagnie  du 
comte  de  Veynes;  en  1583,  nouvelle  requête  à  Maugiron  pour  le 
payement  de  l'aide  due  par  Pont-en-Royans  Ci).  Mais  reprenons  ce 
qui  intéresse  les  événements  militaires  du  Pont  même. 

«  La  reine-mère,  Catherine  de  Médicis,  pressée  par  le  besoin  de 
mettre  un  terme  à  des  hostilités  qui  avaient  fait  du  Dauphiné  comme 
un  vaste  champ  de  bataille,  où  s'égorgeaient  les  enfants  de  la 
commune  patrie,  se  rendit  à  Grenoble  le  21  juillet  1579;  mais  ses 
efforts  se  brisant  devant  les  prétentions  des  uns  et  l'entêtement  des 
autres,  elle  ne  put  établir  la  bonne  harmonie  entre  les  catholiques 
et  les  protestants.  Cependant,  pour  ne  point  rendre  son  voyage  in- 
fructueux, elle  chargea  l'archevêque  d'Embrun  d'amener  les  catholi- 
ques à  une  réconciliation  sincère.  Le  prélat  essaya,  mais  en  vain, 
de  remplir  sa  mission  ;  toutefois,  soit  pour  se  rendre  aux  vues  paci- 
fiques de  la  reine-mère,  soit  par  lassitude  de  la  guerre  et  besoin  de 
repos,  quelques  hommes  honorables,  en  qui  se  résumaient  les  idées, 
les  sentiments,  et  les  projets  des  deux  partis,  parvinrent  après  le 
départ  de  la  princesse,  à  convoquer  une  assemblée  à  Monestier-de- 
Clermont.  C'était  le  4  novembre.  Le  maréchal  de  Belle-Garde,  Mau- 
giron, Bellièvre,  premier  président  du  parlement,  François  Fléard, 
premier  président  de  la  chambre  des  comptes,  les  députés  de  la 
noblesse  et  Chappuis-Brégaudière,  procureur  des  états  de  la  pro- 
vince, représentaient  les  catholiques  ;  Lesdiguières,  Aspremont, 
Morges,  Sainte-Marie,  Gouvernet,  Alleman  d'AUières,  étaient  les 
mandataires  du  parti  huguenot.  11  y  fut  convenu  qu'on  s'abstien- 
drait, de  part  et  d'autre,  de  tout  acte  d'hostilité  et  de  tout  prélève- 
ment d'impôt  ;  que  les  réformés  évacueraient  les  places  qu'ils  occu- 
paient, à  l'exception  de  Nyons,  de  Serres,  de  Gap,  de  la  Mure,  de 
Livron,  de  Die,  de  Pont-en-Royans,  de  Pontaix  et  de  Châteauneuf- 
de-Mazenc  ;  que  les  catholiques  et  les  ecclésiastiques  seraient  reçus 
dans  ces  villes  et  réintégrés  dans  leurs  biens  ;  que,  réciproquement, 

(i)  Lacroi.x,  Invent,  cit.,   E,  3867-79. 


42  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

les  protestants  pourraient  rentrer  dans  les  villes  des  catholiques  où 
ils  avaient  un  domicile  et  des  propriétés  ;  que  les  maisons  et  les 
châteaux  des  gentilshommes  des  deux  cultes  leur  seraient  rendus 
sans  délai  aucun;  qu'on  retirerait  les  garnisons  de  Menthon,  de 
Fulettc,  de  Roinac,  de  Saou  et  de  Grane  ;  que  la  première  et  les 
deux  dernières  de  ces  places  seraient  démantelées  ;  que  les  hugue- 
nots démoliraient,  de  leur  côté,  les  forts  et  les  châteaux  qui  étaient 
entre  leurs  mains,  à  la  réserve  des  châteaux  de  Chàteauneuf-de- 
Mazenc,  de  Pontaix  et  de  Pont-en-Royans. 

«  Cette  convention  volontaire  et  spontanée  semblait  devoir  assu- 
rer la  paix  en  Dauphiné,  et  sécher  les  larmes  de  beaucoup  de  famil- 
les ;  mais,  parce  qu'elle  condamnait  au  repos  et  à  l'inaction  des  gen- 
tilshommes et  des  capitaines  avides  de  pillage  ou  habitués  aux  agi- 
tations des  camps,  ses  fruits  furent  peu  durables  ;  car,  en  1580, 
partout  retentissait  le  bruit  des  armées,  et  jamais  année  n'avait  été 
plus  féconde  en  événements  (i).  » 

En  effet,  les  réformés  de  la  contrée,  mécontents  des  conclusions 
de  l'assemblée  de  Monestier-de-Clermont,  qu'ils  disent  faite  au 
profit  de  leurs  adversaires,  y  refusent  leur  adhésion,  et  se  soulèvent 
d'un  commun  accord.  En  mars  1580,  ceux  de  la  Sône  vont  piller  le 
château  de  l'Arthaudière.  L'armée  royale,  victorieuse  à  Moirans,  en 
part  le  lundi  28  mars,  pour  venir  à  Saint-Marcellin,  et  aller  assiéger 
le  fort  de  Beauvoir.  Le  mercredi,  l'artillerie  y  arrive.  Les  huguenots 
qui  occupaient  le  prieuré  de  la  Sône,  sentant  venir  l'armée,  mettent 
le  feu  à  ce  prieuré,  abandonnent  St-Alban,  emmènent  les  vivres  et 
meubles  qu'ils  trouvent  dedans,  et  se  retirent  au  Fort  et  à  Beauvoir. 
Pendant  que  Maugiron  et  M.  de  Tournon  vont  reconnaître  le  Fort, 
des  ligueurs  s'y  rendent  avec  leurs  chevaux  et  leurs  munitions.  Les- 
diguiéres,  qui,  avec  des  troupes  de  pied  et  de  cheval  s'élevant  à 
1,500  hommes,  tant  huguenots  qu'autres  qui  s'étaient  retirés  avec 
eux,  était  venu  au  Royans,  se  détermine  à  passer  l'Isère,  à  la  faveur 
du  Fort.  Le  8  avril,  il  feint  de  vouloir  assiéger  Saint-Marcellin. 
Ayant  passé  l'eau,  il  se  présente  devant  Saint-Marcellin,  va  «  repaî- 
tre »  à  Chevrières  et  aux  environs,  et  s'achemine  à  Tullins,  qu'il  fait 
forcer.  Le  18  avril,  il  repasse  l'Isère  en  face  de  Saint-Quentin,  fait 
rompre  une  douzaine  de  bateaux  qu'il  avait,  afin  que  les  catholiques 
ne  s'en  servent  pas,  laisse  Bouvier  à  Saint-Quentin  et  renvoie 
d'AUières  au  Royans.  Izeron  et  la  tour  de  Saint-Nazaire  ont  clé  ren- 

(i)  Vincent,  op.  cit.,  p.   76-9. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  43 

dus  aux  huguenots.  M.  de  Blacons  parti  du  Royans,  le  i6  du  même 
mois,  avec  300  hommes  de  pied  ou  de  cheval,  pour  aller  giter  à 
Châteaudouble,  qui  était  ruiné,  se  hâte  de  le  fortifier  pour  sa  re- 
traite. Le  26  mai,  M.  de  Beaucroissant,  gouverneur  de  Saint-Mar- 
cellin,  sort  avec  100  hommes,  va  passer  à  Romans,  y  prend  40  sol- 
dats de  M.  de  Veaunes,  franchit  l'Isère,  en  suit  la  rive  gauche  jus- 
qu'à la  Bourne,  passe  celle-ci,  va  jusqu'à  Beauvoir,  y  coupe  la  nuit 
la  traille  du  port,  et  tourne  à  Saint-Romans.  Là,  il  prend  le  capitaine 
La  Tour,  qui  avait  rendu  le  prieuré  de  la  Sône  aux  huguenots  ;  puis 
il  lui  enlève  deux  bœufs  et  tout  ce  qu'il  lui  trouve,  le  tue  et  emmène 
ce  qu'il  lui  a  trouvé. 

Le  2  juin,  jour  de  la  Fête-Dieu,  on  dit  aux  gens  de  Saint-Antoine 
que  les  huguenots  et  les  ligueurs  du  Royans  ont  résolu  d'aller  les 
surprendre.  Saint-Antoine  se  tient  «  un  peu  coy  dans  le  couvent,  » 
mais  en  est  quitte  cette  fois  pour  cela.  Seulement,  le  1 5  du  même 
mois,  80  soldats  venus  du  Royans  vont  surprendre  le  château  de  la 
Forteresse  près  Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs.  Monsieur  de  Mon- 
toison,  qui  dressait  son  régiment  à  la  Côte-Saint-André,  où  il  avait 
déjà  demeuré  six  semaines,  envoie  à  la  forteresse  200  arquebusiers 
qui  trouvent  les  80  soldats  retirés  dans  la  tour,  et  y  mettent  le  feu. 
Mais  celle-ci  était  déjà  murée,  et  ils  sont  contraints  de  se  retirer, 
après  avoir  perdu  six  des  leurs.  La  même  nuit,  les  80  soldats  cou- 
rent repasser  l'Isère,  en  emportant  tout  ce  qu'ils  avaient  trouvé.  A 
peine  sont-ils  retirés,  qu'une  autre  troupe,  conduite  par  certains  li- 
gueurs, va  dans  la  Valloire,  en  revient  par  montagne,  et  descend  au 
fort  par  le  bois  du  Pe-  ey.  Elle  comprend  bien  200  hommes,  et  fait 
plusieurs  prisonniers,  gentilshommes  et  prêtres,  qu'elle  mène  au 
Fort.  Elle  trouve  en  chemin  cinq  soldats  de  la  compagnie  du  capi- 
taine La  Roche,  et  les  tue  sur  place.  Elle  commet  une  infinité  d'au- 
tres brigandages. 

Le  18  juillet,  nos  huguenots  passent  à  Beauvoir  au  nombre  d'en- 
viron 200  chevaux  et  200  hommes  de  pied,  et  demeurent  tout  le  jour 
autour  de  Saint-Marcellin,  «  pour  tâcher  de  tirer  raison  de  la  charge 
que  M.  de  Beaucressant  avoit  donnée  au  capitaine  Muguet.  »  M.  de 
Beaucressant,  sage  et  avisé,  les  laisse  se  promener. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

L.    FILLET. 


MÉLANGES 


Réponse    au    problème    historique 

Dans  la  38'-'  livraison  du  Bulletin,  notre  cher  et  savant  secrétaire  a 
publié,  comme  problème  historique  une  curieuse  lettre  française  du 
XIV"  siècle.  Cette  lettre,  qui  n'est  ni  datée,  ni  signée,  était  évidem- 
ment adressée  au  roi  de  France  Jean  II,  dit  le  Bon,  comme  le  prou- 
ve le  contexte.  Il  s'agit  d'élucider  la  double  difficulté  qu'elle  présente 
en  déterminant  sa  date  précise  et  le  nom  de  son  auteur. 

Voici  d'abord  l'objet  delà  lettre.  Un  personnage  poursuit  en  cour 
de  Rome  —  ou  plutôt  d'Avignon  —  la  «  dispenssassion  d'estre 
promeus  es  sains  ordres  de  prestre  «.  Il  rapporte  au  roi  toutes  les 
difficultés  soulevées  à  l'encontre  de  sa  demande  ;  parmi  ces  difficul- 
tés figure  la  simonie.  Les  cardinaux  lui  reprochent,  en  effet,  des 
conventions  simoniaques,  qui  auraient  été  passées  entre  lui,  deman- 
deur, le  roi  de  France  actuel,  Jean  le  Bon,  et  son  père,  Philippe  VI  de 
\^alois.  En  conséquence,  il  le  supplie  de  vouloir  bien  appuyer  sa  re- 
quête auprès  du  Saint-Siège,  ne  doutant  pas  de  l'heureux  résultat 
de  sa  puissante  intervention, 

A  notre  avis,  le  véritable  auteur  de  la  lettre  n'est  autre  que  l'an- 
cien dauphin  de  Viennois,  Humbert  II.  Ce  prince  inconstant  et  ma- 
ladif, gêné  par  de  grands  embarras  financiers,  avait  fini  par  abdi- 
quer le  pouvoir  ;  le  30  mars  134g  s'accomplissait,  à  Romans,  l'acte 
de  transfert  du  Dauphiné  à  la  France  (i),  et  le  17  juillet  suivant  le 
dauphin  revêtait  l'habit  des  Frères  Prêcheurs  (2). 

Le  25  octobre  et  le  i"  décembre  134g  nous  le  retrouvons  au  châ- 
teau de  Beauvoir  (3),  le  4  janvier  1350  à  Montfleury  (4)  et  le  i" 
février  à  Grenoble  (5).  Vers  la  fin  de  cette  même  année  1350,  il 
«  sortit  pour  la  dernière  fois  de  ses  Etats,  dit  Valbonnais.  Il  alla  en 
droiture  à  Avignon  pour  être  promu  aux  ordres.  Il  reçut  les  trois 
derniers  ordres  de  la  main  du  Pape,  le  jour  de  Nocl,  dans  l'inter- 
valle des  trois  messes  »  (6).  Ceci  posé,  il  n'est  pas  invraisemblable 
de  croire  que,  dans  le  courant  de  l'année  1350,  soit  du  mois  de  fé- 

d)  Valbonnms,  Ilist.  de  Dauphiné,  II,  594.  — (.>)  Ibid.,625.  — (3)  Ibid.,  611 
et  613.  —  (,})  Ibid.,  615.  —  (5)  Ibid.,  616,  —(6)  Ibid,,  I,   352. 


MELANGES.  45 

vrier  au  mois  de  décembre,  Humbert  n'ait  été  justement  préoccupé 
de  sa  carrière  ecclésiastique  et  de  sa  promotion  au  sacerdoce  ;  de  là 
sa  lettre  au  roi  de  France.  Philippe  VI  étant  mort  le  22  aoiàt  i  350  (i) 
et  son  fils  Jean  lui  ayant  succédé  le  même  jour  (2),  de  plus,  Valbon- 
nais  nous  apprenant  qu'Humbert  alla  à  Avignon,  pour  son  ordina- 
tion, dans  le  courant  de  décembre,  il  s'en  suit  que  la  lettre  en  ques- 
tion a  dû  être  écrite  en  septembre  ou  en  octobre  1350.  Voilà  pour 
la  date. 

iMaintenant  sur  quoi  s'appuie  l'attribution  de  cette  lettre  au  dau- 
phin ?  D'abord,  il  est  incontestable  que  l'auteur  était  un  personnage 
important  :  le  seul  fait  d'écrire  au  roi  de  France  le  prouverait  déjà. 
Le  texte  nous  fournit  un  détail  significatif,  l'auteur  assure  que  le 
pape  a  déjà  accordé  de  semblables  dispenses  «  en  cas  plus  grief  et  à 
petites  gens  ».  Evidemment  l'auteur  ne  se  compte  point  parmi  les 
a  petites  gens  ».  En  outre,  il  a  été  en  rapport  avec  deux  rois,  Phi- 
lippe VI  et  Jean  II  ;  c'est  avec  eux  qu'il  serait  convenu  d'un  pacte 
simoniaque  :  «  qui  dient  que  mess(ire)  li  Roys  vostre  pères,  cuy 
Diex  assolle,  et  vous  et  je  feimes  convencions  mauvèses,  lesqueles 
contenoyent  mauvetie  et  simonie.  »  Ce  détail  cadre  bien  avec  tout 
ce  que  nous  savons  d'Humbert  II,  depuis  son  premier  dessein  de 
quitter  le  monde  pour  la  vie  religieuse,  où  les  honneurs  ecclésiasti- 
ques ne  lui  devaient  pas  être  refusés.  Cette  perspective  lui  avait  été 
habilement  ménagée,  car  à  la  cour  de  France  on  connaissait  bien  ce 
prince  bon,  généreux,  mais  faible,  irrésolu  et  toujours  séduit  par 
l'apparat  extérieur.  Aussi,  les  relations  diplomatiques  auxquelles 
avait  donné  lieu  la  réunion  du  Dauphiné  à  la  couronne  pouvaient, 
jusqu'à  un  certain  point,  expliquer  les  accusations  et  les  plaintes 
formulées  contre  l'ancien  dauphin.  Un  autre  motif  apparaît  encore  : 
débiteur  du  Saint-Siège,  auquel  il  avait  emprunté  d'assez  grosses 
sommes,  Humbert  semblait  alors  négliger  le  règlement  de  ses  dettes; 
une  bulle  pontificale  vint  le  rappeler  à  ses  engagements  (3).  Dans 
cette  bulle  le  mécontentement  du  pape  était  manifeste,  et  Valbon- 
nais,  en  la  publiant,  n'a  pu  s'empêcher  de  faire  la  réflexion  suivante  : 
«  Il  paraît  par  les  termes  dont  le  pape  use  dans  cette  bulle  qu'après 
qu'Humbert  eut  pris  le  parti  d'abandonner  ses  Etats  pour  entrer  en 
religion,  il  déchut  considérablement  auprès  de  lui  »  (4).  Ce  parti,  en 
effet,  ne   plaisait  pas  à  Clément  VI,  qui  sollicitait  le  dauphin   de  se 

(i)  Art    de   vérifier  les    dates,    I,    597  (édil.  de  Paris,  1783,  en  3  vol.    in-fol.). — 
(2)  Ibid.  —  (3)  Valbonnais,  II,  609.  —  (4)  Ibid.,  Il,  610. 


46  MÉLANGES. 

remarier.  Flumbert  parut  céder  un  moment  à  ses  conseils,  et  des 
pourparlers  furent  même  entamés,  mais  sans  succès,  pour  lui  obtenir 
la  main  soit  de  Blanche  de  Savoie,  soit  de  Jeanne  de  Bourbon  (i). 
Philippe  VI  finit  par  l'emporter,  non  sans  un  certain  mécontente- 
ment de  la  cour  d'Avignon,  d'autant  plus  que,  dès  1342,  il  avait  été 
question  d'inféoder  une  partie  du  Dauphiné  à  l'Eglise  romaine  (2). 
Voilà  donc  tout  un  ensemble  de  faits  qui  e.xplique  bien  et  les  diffi- 
cultés qu'Humbert  rencontra  auprès  du  Saint-Siège,  et  le  recours 
dont  il  usa  auprès  du  roi  de  France  à  l'effet  d'appuyer  sa  demande. 
Si  nous  continuons  à  examiner  le  texte  de  la  lettre,  nous  y  trou- 
vons encore  d'autres  arguments.  L'auteur  appartient  au  Dauphiné, 
ou  tout  au  moins  lui  touche  de  bien  près  :  «  m'en  vois  en  Vyenois  », 
déclare-t-il.  Et  pourquoi  va-t-il  en  Viennois  ?  il  nous  le  dit  :  «  par 
entencion  d'adrecier  et  de  mètre  en  point  les  besognes  de  mons- 
s(egneurj  Charles,  vostre  aisné  fil  et  le  mien.  »  Ce  passage  nous 
semble  décisif.  L'auteur  écrivant  au  roi  de  F'rance  appelle  le  nouveau 
dauphin  «  vostre  aisné  fil  et  le  mien.  »  C'était  à  ce  jeune  prince 
qu'Humbert  avait  cédé  ses  Etats,  il  l'avait  lui-même  initié  au  gou- 
vernement du  pays  delphinal  ;  il  pouvait  bien  dès  lors  le  regarder 
comme  un  fils  d'adoption.  Et  qui  donc,  en  Dauphiné  comme  ailleurs, 
aurait  pu  parler  de  la  sorte  ?  Qui  donc  surtout  aurait  pu  prétendre 
au  dessein  de  diriger  le  dauphin  de  France,  de  «  mètre  en  point  les 
besognes  de  monss(egneur)  ?  »  Un  tel  langage,  impossible  pour 
tout  autre,  ne  se  comprend  que  dans  la  bouche  d'Humbert,  où  il  n'a 

rien  que  de  très  naturel. 

Charles   BELLET. 


INVENTAIRE   DES  SCEAUX   DES   ARCHIVES   NATIONALES 

600  JEAN,  fils  d'Humbert  V'  (,1294). 

Sceau  rond,  de  33  mill.  —  Arch.  de  l'Emp.  J  277,  n"  5. 
Sceau    armoriai.    Un  griffon  passant,  portant   au    cou  un  écu  au 
dauphin. 

>J<  S'    ■    lOiilS    •    l'RhMOGENlTI    •    IIV   •    DALPH    •  VIEN 
(Sigillum    Johannis,    primogeniti    ilumhcrti,    Dalphini   Viennensisj. 

(1)  Ibid.,   I,   3|S.  — (2)1-'-  CuKVALiEH,    Choix   Je    documents    historiques   inédits 
sur  le  Dauphiné,  p.  07-73. 


MELANGES.  47 

Appendu  à  un  traité  entre   lui,  son  père  le  dauphin,  et  le  roi  Phi- 
lippe le  Bel.  —  Paris,  décembre  1294. 


601  Le  même,  Dauphin   (1308). 

Frag*  de  sceau  rond,  d'env.  40  mill.  — Arch.  de  l'Emp.  J  277,  n°  8. 

Sceau  armoriai.  Dans  un  trilobé  un  écu   au    dauphin   accosté   de 

deux  demi-tours  et  accompagné  en  pointe  d'un  dragon  ou  tarasque. 

...  I  O  H  I  S    •    D  .  .  .  .  I    •    V I E  N  ' 

Appendu  à  des  lettres  où  le  dauphin  consent  à  une  prolongation 
de  trêves  entre  lui  et  le  comte  de  Savoie.  —  Romans,  le  mercredi 
avant  la  Pentecôte  1308  (29  mai). 


602  Le    même    ri3io). 

Sceau  rond,  de  80  mill.  —  Arch.  de  l'Emp.  J  277,  n"  5. 
Sceau  équestre,  aux   armes   (le  dauphinj  sur  champ  treillissé. 

S'.  lOHIS  :  DALPHINI  :  VIENEN  :  ALBON  : 
COMITIS   :    DNI   :    q3   :  DE  TVRRE  : 

(Sigillum  Johannis,   Dalphini  Viennensis,  Albonie  comitis, 
Dominique  de  Turre). 

Contre-Sceau. 
Un  demi-château. 

>J<    SECRETVM   ■    lOHIS    ■    DALPIII  • 

(Secretum   Johannis,  Dalphini). 
Appendu  à   un  traité  de  mariage  entre  l'une  des  filles  du  duc   de 
Bourgogne  et  le  tils  du  dauphin.  —  23  octobre  13  10. 


603  HUMBERT  IL 

Deuxième   fils  de  Jean  et  frère   cadet    de  Guignes  VIII   (1343). 

Sceau  rond,  de  100  mill.  —  Arch.  de  l'Emp.  J  279,  n"  8. 

Sceau  équestre,   aux  armes   (le  dauphin)  sur  champ   fretté. 

S    .    HYM^iTI   ■    DALPHI    •    VIEN PNCIPIS  : 

BRI CES  ANE  :  VIENiNE :  COM 

Sigillum    Humberti,    Dalphini   Viennensis,    ducis    Campi    Sauri, 

(i)  Restitution  :  Sio'illitm  Johannis  dalphini   Viennen'iis. 


48  iMELANGES. 

principis  Brianconesii,  marchionls  Cesane,  Vienne,  Albonie,  Graisi- 
vodani  comitis. 

Revers. 
La  représentation   d'une   ville.   En   exergue  Técu   au  dauphin   et 
l'inscription  VIENA. 

AC  :  PALATNI  :  VAPINCESII  :  EBREDVN  :  ET  : 

ÂDRIE    :    COITIS  :    DNI    :    BA MÔTALBAN    : 

....  MÔTIS  L  et  dans  le  champ  VPELLl 

(Ac  palatini  Vapincesii,  Ebredunensis  et  Andrie  comitis,  domini 
baronniarum  Turris,  Fucigniacci,  xMontis  Albanie,  MeduUionis, 
Montis  Lupelli). 

Appendu  à  un  acte  du  7  août  1342',  relatif  à  la  donation  du 
Dauphinc.  

604  Petit  sceau   (1349)- 

Sceau  rond,  de  40  mill.  —  Arch.  de  l'Emp.  J  277,  n"  18. 
Sceau  armoriai.  Dans  un  quadrilobe  ogival  orné  de  petites  figu- 
res, l'écu  au  Dauphin. 

S'.  PARVVM  HVMBER...  DALPHIiNI....  NENSIS 

(SiglUum  parvum  Ilumberti,  Dalphini  Viennensis). 
Appendu  à  une  charte  du  30  mars  1 349. 

605  CHARLES, 

Fils  de  Jean,  duc  de  Normandie  (Charles  V)  ('1349). 

Sceau   rond,  de   53  mill.  —  Arch.   de   l'Emp.   J  283,    n"    14. 

Sceau  armoriai.  Ecartelc,  au  i  et  au  4  de  l^rance  à  la  bordure, 
au  2  et  au   3,  du  dauphin. 

>J<    S"  :   KAROLl  :  PRIMOGENITI  :   PRIMOGENITI  : 
REGIS  :  FRANCOR..  DALPHINI  :  VIENNENSIS 

(Sigillum    Karoli,    primogeniti    primogeniti    régis    Francorum, 

Dalphini  \'iennensis). 
Appendu  à  la  ratification  d'un  accord  entre  le   Dauphin   llumbert 
et  Jean  de  Chàlon.  —  Lyon,  19  juillet  1349. 

(i>  Date  erronée,  lire   ij.i3- 


ÉGLISES    ROMANES 


DU       VIVARAIS 


BOXJRG-SAIKT-ANDÉOL 

(Fin)  (i) 


.^  ■V4^^,j?sivryx^^ 


II.    L'EGLISE    SAINT-POLYCARPE 
A  PARTIR  DE  L'AN  8^8. 


En  résumant  tout  ce  qui  vient  d'être  dit  dans  la  première  partie 
de  notre  travail,  nous  pouvons  affirmer  comme  résultat  historique 
acquis  que,  le  5  mai  208,  Tullie  enleva  le  corps  du  martyr,  le  dé- 
posa dans  le  sarcophage  en  marbre  blanc,  qu'elle  le  cacha  et  l'en- 
fouit en  une  maison  ou  en  un  jardin  près  du  Rhône  ;  qu'à  l'époque 
de  la  pacification  Constantinienne  on  éleva  sur  l'hypogée  une  basi- 
lique à  trois  absidioles,  puis  un  temple  paroissial  quelconque;  que 
cette  sépulture  du  saint  devint  totalement  inconnue  au  IX^  siècle, 
soit  que  l'on  eût  perdu  la  signification  de  cette  basilique  ou  de  ce 
temple,  soit  plutôt  que  cet  édifice  eût  disparu  sous  les  décombres 
accumulés  par  les  dévastations  des  invasions  et  des  guerres  des 
siècles  précédents,  ou  qu'avec  le  temps  cet  édifice  un  peu  déplacé 
eut  été  séparé  du  lieu  de  sépulture.  Nous  avons  présumé  avec  une 
grande  probabilité   et  presque  établi  avec  certitude  que  cet  endroit 

(i)  La  dernière  note  (2)  de  la  dernière  page  de  la  première  partie  (Bulletin  pré- 
cédent) doit  être  ainsi  modifiée  en  sa  fin  : 

Mais,  comme'on  le  verra  dans  la  suite,  les  caractères  archéologiques  de  cet  édifice 
lui  assignent  pour  date  véritable  la  fin  du  IX.'  siècle. 

Bull.  YII,  1886.  4 


50  EGLISES    ROMANES     DU    VIVARAIS. 

de  la  sépulture  était  une  maison  de  Tullie,  maison  qui,  en  temps  de 
persécution,  abritait  le  précieux  trésor,  et  qui,  dans  les  jours  de 
paix,  devenait  un  temple  approprié  au  service  religieux  et  au  culte 
du  saint,  maison  peut-être  remplacée,  avec  la  suite  des  temps,  par 
une  église  proprement  dite. 

1°  Endroit  où  fut  trouvé  le  tombeau.  —  Êgtise  primitive 
de  St-Polycarpe. 

En  l'an  858,  Tévêque  de  Viviers  Bernoin,  sur  le  point  d'inaugurer 
l'église  neuve  de  St-Etienne  et  de  St-Jean,  se  préoccupait  vivement 
de  rechercher  le  corps  de  saint  Andéol.  Il  ordonna  des  prières,  des 
jeûnes  publics  :  saint  Polycarpe,  le  martyr  de  Smyrne,  révéla  l'em- 
placement du  tombeau  ;  les  fouilles  exécutées  au  point  marqué  jus- 
tifièrent cette  indication  :  Bernoin,  comme  le  dit  son  inscription, 
découvrit  le  corps  de  saint  Andéol,  «  Invenit  corpus  beati  Andeoli.  » 

Ici  se  présente  immédiatement  une  question  :  A  cet  endroit  même 
des  fouilles,  y  avait-il  une  église  ou  ruinée  ou  debout?  —  Pas  un 
document  ne  répond  affirmativement.  Tous  disent  que  l'on  creusa 
au  lieu  indiqué  (i),  sans  autre  renseignement  de  détail.  Il  semble 
même  que  ce  lieu  n'était  pas  plus  ou  moins  prévu,  n'avait  aucun 
caractère  qui  pût  faire  soupçonner  une  telle  découverte.  Comment, 
en  effet,  supposer  que  l'on  n'ait  pas  spécifié  dans  les  récits  que  ce 
lieu  de  la  découverte  était  soit  au  dedans,  soit  à  côté  de  l'église  alors 
existante,  ou  sous  les  ruines  de  l'ancienne  église,  etc.,  alors  c]ue  ces 
mêmes  passages,  ces  mêmes  phrases,  qui  continuent  et  reviennent 
à  parler  de  ce  lieu,  rapportent  avec  une  affectation  solennelle  la 
translation  qu'on  lit  immédiatement  dans  l'église  nouvelle,  magni- 
fique, bâtie  sur  la  hauteur,  etc.  {2)  ?  Ainsi  donc,  en  l'état  où  étaient 
les  choses  en  858,  tout  concourt  à  faire  croire  que  sur  l'emplace- 
ment du  tombeau  il  n'y  avait  pas  W^cc  facilement  apparente  d'édifice 
religieux. 

Ce  sentiment   parait   confirmé  par  l'érection   de  l'église  nouvelle  à 

(i)  r<ouciiiEn,  loc.  cit.,  p.  605. 

«  Locum,  ubi  Sanctus  martyr  quiescebat,  pcrnotavit.  » 
«  Locum  simul  ostendcns...  »  —  n  Ad  luciim  jam  ostcnsum  acccsscrunt.  » 
(2)  V.  HoLCiiiER,  loc.   cit.,  |).  605   : 

(«  In  Eccicsiam  Sci  Stcphani  cl  S  ci  juanni^  in  sublime  crectam...,  mirificc  cons- 
Iructam,   nobilibbimam  domum.  » 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  5I 

laquelle  Bernoin  donnait  tous  ses  soins  :  il  est  possible,  en  effet,  que 
le  pieux  évêque,  voyant  cette  région  basse  de  la  ville  dépourvue 
d'église,  eût  pensé  à  en  bâtir  une,  de  grande  dimension,  qui  servi- 
rait à  la  fois  pour  le  quartier  bas  et  pour  le  quartier  haut  (quartier 
neuf)  ;  actuellement,  il  en  est  ainsi. 

Mais  comme  d'un  autre  côté  les  documents  écrits  font  remonter 
aux  premiers  siècles  (i)  l'existence  d'une  église  paroissiale  au  lieu  de 
la  découverte  du  tombeau  qui  est  l'emplacement  même  de  l'église 
St-Polycarpe,  nous  sommes  amené  à  présumer  que,  en  cet  endroit 
à  cette  date  858,  il  devait  y  avoir  des  ruines  plus  ou  moins  dissimu- 
lées, peut-être  envahies  par  les  empiétements  des  maisons  voisines, 
ce  qui  expliquerait  l'étroitesse  à  laquelle  fut  réduite  l'église  St-Poly- 
carpe ;  que  ces  ruines  ou  ces  empiétements  étaient  d'autant  plus  de 
nature  à  égarer  les  investigations,  qu'elles  apparaissaient  comme  les 
débris,  non  pas  d'un  temple  chrétien  proprement  dit,  mais  d'une 
maison  ordinaire,  de  la  maison  de  Tullie,  autrefois  appropriée  com- 
modément au  culte,  mais  jamais  suflisamment  et  ostensiblement  trans- 
formée. Cela  n'empêchait  pas  la  paroisse  de  subsister,  et  d'être  desser- 
vie par  un  édifice  voisin,  provisoire,  séparé  du  dit  lieu  de  la  sépulture. 

Pour  nous  qui,  depuis  la  Révolution,  avons  assisté  à  la  disparition 
si  prompte  de  tant  de  monuments,  qui  avons  vu  avec  quelle  facilité 
la  spéculation  ou  le  besoin  pratique  les  empiétements,  défigure  le  sol, 
déracine  les  édifices  les  plus  considérables,  de  manière  à  laisser 
ignorer  à  une  génération  les  travaux  que  la  génération  précédente 
semblait  avoir  exécutés  pour  la  postérité  la  plus  reculée,  nous  pou- 
vons aisément  concevoir  telles  combinaisons  de  circonstances  qui, 
loin  de  facihter  alors  la  solution  du  problème,  tendaient  plutôt  à 
égarer  les  recherches  et  à  les  éloigner  du  véritable  point. 

2°  Eglise  carlovingienne  de  St-Polycarpe.  — 
Arguments  historiques  :  —  Archéologiques  [signes  lapidaires). 

Tout  ce  que  l'on  peut  affirmer  avec  pleine  certitude,  c'est  que 
l'église   actuelle  St-Polycarpe    n'existait   en  aucune  de  ses  parties. 

(i)  MiRABEL,  p.  107-108.  Extrait  du  syndicat  des  paroissiens  de  l'église  parois- 
siale St-Polycarpe, 

Instruction  pour  le  cure  de  St-Michel,  etc.  : 
«  L'église  St-Polycarpe  était  des  plus  anciennes  du  diocèse.  » 
«  La  paroisse  St-Polycarpe  avait  été   érigée  longtemps  avant  celle  de  St-Andéol, 
avant  858.   » 


5-^ 


EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 


Cette  église  en  effet,  comme  nous  l'avons  dit  page  8,  est  d'un  seul 
jet,  d'un  art  carlovingien  très  prononce  ;  elle  apparait  toute  entière 
depuis  les  premières  assises  de  la  base  et  de  la  crypte  jusqu'à  la 
crête  de  la  toiture  ;  l'homogénéité  de  tous  ses  éléments  saute  aux 
veux.  11  V  a  plus  :  on  a  creusé  le  sol  de  près  de  2  mètres,  de  manière 
à  laisser  à  nu  toute  cette  hauteur  des  fondations  heureusement  fort 
solides,  renforcées,  il  est  vrai,  par  quelques  moellons  récents  ;  mais 
ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  et  comme  nous  l'expliquerons 
plus  au  long,  ces  fondations  indiquent  à  peine,  en  quelques  parties, 
les  restes  d'un  édifice  antérieur.  Ce  n'est  donc  pas  cette  église  là 
même  qui  pouvait  exister  en  858,  au  moment  de  la  découverte  de 
Bernoin.  C'est  donc  après  cette  date  que  nous  avons  à  chercher 
l'âge  de  cette  église. 

Consultons  les  documents  historiques,  avant  d'aborder  l'archéo- 
logie proprement  dite. 

Historiquement,  par  la  donation  de  l'église  St-Andéol  aux  cha- 
noines de  St-Ruf  fi),  l'évêque  de  \'iviers,  Léodégaire,  céda  à  l'abbé 
de  l'Ordre  le  droit  de  présentation  aux  cures  de  St-Michel  et  de  St- 
Polycarpe  (2).  Ainsi  la  paroisse  de  St-Polycarpe  était  parfaitement 
constituée  en  1108.  Elle  fonctionnait  avec  tous  les  éléments  dont  le 
principal  est  évidemment  l'église  elle-même  et,  comme  entre  les  deux 
juridictions  des  religieux  et  de  la  cure  surgiront  bientôt  de  nom- 
breux conflits  dont  nous  possédons  les  documents  écrits,  sans  que 
jamais  plus  il  ne  soit  question  d'une  construction  d'église  (ce  qui  au- 
rait aggravé  les  complications),  nous  sommes  en  mesure  d'afiirmer 
que  l'église  St-Polycarpe  existait  en  1108  et  même  depuis  un  temps 
relativement  considérable  (3).  Cette  église  était  donc  construite  au 
XP  siècle  vers  l'an  1000.  Kn  tout  cas,  conservons  cette  date  1108, 
jalon  extrême  donne  par  l'acte  de  Léodégaire. 

Passons  maintenant  aux  considérations  archéologiques.  Si  nous 
n'examinons  que  le  caractère  architeclonique,  les  signes  particuliers 
des  constructeurs,  la  manière  des  \oûtes,  des  pilastres,  etc.,  nous 
retrouverons  toutes  ces  conditions  en  d'autres  églises  de  la  contrée 
que  nous  ne  pouvons,  sans  preuves,  rapporter  à  une  date  aussi  re- 
culée 858,  ou  fin  du  IX"^  siècle.  Les  chanoines  de  St-Ruf  établis  au 
Bourg,  et  en   général    les   architectes    de    ce  pays,  s'emparèrent  des 

(i)  MiriALEi.,  p.   156.  —  CoLU.Miii,   p.  8,j .  I/aclc  de  ddnation  y  c^l  en  entier. 

(2)  Archives  communales,  sac  2.  —  Miraiii:i.,  p.    15H. 

(3)  Keporlons-nous  à  ce  qui  a  cic  dit  et  cité  sur  l'ancienneté  de    cette  paroisse  et 
sur  sa  priorité  par  rapport  à  celle  de  Saint-Andéol. 


BOURG-SALXT-ANDEOL.  5  3 

types  carlovingiens  des  églises  St-Andéol  et  St-Polycarpe  ;  ils  adop- 
tèrent ces  modèles  primitifs,  simples,  sans  exigence,  se  suffisant 
avec  les  pauvres  etpetits  matériaux  qu'on  avait  sous  la  main  en  cette 
région  de  calcaire.  On  modifia  les  détails,  mais  on  conserva  les 
lignes  principales.  Le  plus  souvent  on  les  simplifia  encore  et  on  les 
réduisit  à  l'état  de  vaisseau  unique,  sans  transept.  Mais  tout  cela 
nous  reporte  au  XII*  siècle.  Ce  n'est  plus  une  solution  suffisante. 

C'est  ici  qu'il  faut  considérer  les  sigles  de  diverses  sortes  que  pré- 
sente en  grand  nombre  le  monument  de  St-Polycarpe. 

Nous  n'avons  aucunement  la  prétention  de  nous  mêler  au  débat 
qui  s'est  élevé  entre  les  archéologues  architectes  et  les  archéologues 
archivistes,  au  sujet  soit  de  l'époque  des  premières  voûtes  en  pierre 
des  églises,  soit  de  la  question  des  signes  lapidaires,  marques  de 
tâcherons,  lettres  alphabétiques,  tailles  en  chevron,  fougères,  barbes 
de  plumes,  etc.;  nous  nous  bornerons  à  étudier  le  problème  chrono- 
logique dans  les  limites  restreintes  de  la  localité  qui  nous  est  con- 
nue. Mais  nous  ne  nous  dissimulons  pas  que  la  conclusion  à  la- 
quelle nous  arriverons  pour  Sl-Polycarpe  ne  sera  pas  sans  portée 
sur  la  solution  des  questions  générales  pendantes. 

Commençons  par  comparer  entr'elles  les  églises  St-Andéol  et 
St-Polycarpe. 

L'église  St-Andéol  est,  dans  son  état  général,  l'œuvre  de  Bernoin  : 
Elle  est  datée  dune  manière  absolue  (851-858);  nous  l'avons  vu. 
Sous  l'évêque  Leodegarius,  vers  1 108,  et  probablement  à  l'époque  et 
à  l'occasion  de  l'arrivée  des  chanoines  de  St-Ruf  comme  gardiens  et 
desservants  de  cette  église,  elle  fut  l'objet  de  quelques  réparations  : 
d'après  le  texte  de  l'inventaire  (i  )  de  Leodegarius  lui-même,  elles 
consistèrent  à  restaurer  les  murailles  qui  menaçaient  ruine;  quelque 
partie  du  chevet  fut  démolie  et  refaite  (2).  On  peut  encore  aujour- 
d'hui se  rendre  compte  de  ces  travaux.  C'est  à  cette  époque  qu'il 
faut  rapporter  les  gros  arcs  boutants,  lourds  et  primitifs,  qui  ont 
arrêté  l'écartement  des  grands  murs,  et  les  contreforts,  aussi  massifs, 
qui  ont  contenu  sur  les  trois  absides  du  chevet  les  poussées  longi- 
tudinales, —  mais  il  faudrait  bien  se  garder  de  comprendre  parmi  ces 
mesures   de   simple  consolidation  la  construction   de  la  tour  du  clo- 

(1)  Archives  communales  de  St-Andéol,  sac.  2,  n°  20  :  «  Vollens  parietes  ipsius 
qui  jam  ruinant  minabantur  in  melius  reformare.» 

(2)  Ibidem,  et  Mirabêl,  p.  165.  Nous  n'adoptons  pas  toutes  les  présomptions  de 
l'auteur  sur  les  réparations  faites  par  Leodegarius.  On  verra  notre  opinion  dans  la 
dissertation  sur  l'église  St-Andéol. 


54  EGLISES    RO.MAXES    DU    VIVARAIS. 

cher.  —  Outre  que  dans  aucun  document  on  n'a  attribué  à  Leode- 
garius  ce  magnifique  morceau  d'architecture,  nous  avons  les  raisons 
les  plus  plausibles  de  croire  que,  sans  remonter  bien  entendu  à  Ber- 
noin  ni  au  IX'=  siècle,  il  existait  déjà  au  XII^  siècle,  et  nous  pensons 
même  qu'il  faut  en  grande  partie  rendre  son  poids  responsable  des 
affaissements  et  des  écrasements  subis  par  le  monument  tout  entier, 
ce  qui  amena  la  restauration  du  Xll"  siècle  (les  mêmes  causes  ont 
produit  la  2®  réparation  de  1866).  —  Nous  aurons  donc  bien  soin  de 
distinguer  en  l'église  St-Andéol  trois  époques,  celle  de  Bernoin,  celle 
de  la  Tour  du  clocher  sur  le  transept,  et  celle  des  réparations  de  Leo- 
degarius. 

Dès  à  présent  nous  tenons  une  église  romane  de  851  à  858,  dont 
la  voûte  en  pierre  n'a  pas  cessé  d'exister. 

Quant  aux  signes  lapidaires,  cette  église  St-Andéol  en  contient- 
elle  ?  La  partie  primitive  remontant  à  Bernoin  n'en  a  pas  trace  :  ni 
lettres,  ni  surfaces  de  pierre  à  tailles  façonnées. 

La  tour  du  clocher  au  contraire  a  plusieurs  lettres  et  plusieurs 
tailles  à  façon.  —  Les  parties  restaurées  de  Leodegarius  n'en  offrent 
pas  plus  que  l'église  primitive  de  Bernoin. 

Passons  maintenant  à  St-Polycarpe.  Toutes  les  surfaces  de 
pierre,  dans  l'église  et  dans  la  crypte,  sont  taillées  en  chevron,  etc. 
Mais  pour  les  lettres,  il  y  a  une  différence  absolue  entre  les  deux 
portions  de  l'église  :  la  crypte  en  est  parsemée  :  P,  A,  M,  Z,  S,  I,  E  ; 
l'église  n'en  a  aucune. —  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  différence  de  dé- 
tail, St-Polycarpe,  considéré  dans  son  ensemble,  est  un  type  de  l'ar- 
chitecture romane  caractérisée  par  les  divers  accessoires  d'ornement 
qui  nous  occupent,  et  que  l'on  retrouve  dans  les  édifices  de  la  région 
méridionale  du  Rhône. 

L'édifice  St-Andéol  au  contraire  dans  la  partie  primitive  appar- 
tient à  une  autre  famille,  est  l'œuvre  d'une  autre  école,  et  en  effet,  la 
physionomie  de  l'église  St-.\ndéol  est  tout  à  fait  celle  des  églises  des 
bords  du  F^hin  (\). 

Comme  première  conséquence,  ces  deux  églises  n'ayant  pu  être 
construites  en  même  temps,  dans  une  bourgade,  sous  le  même  évê- 
que  Bernoin,  par  deux  écoles  très  différentes,  l'église  St-Polycarpe 
est  postérieure  à  St-Andéol. 

•Mais  nous  avons  constaté  qu'une  partie  de  l'église  St-Andcol  (le 
clocher  et  son  petit  escalier  à  vis)  offrait  des  signes  lapidaires  de  di- 

(1)  Voir  notre  prochaine  élude  sur  l'église  St-Andcoi. 


BOURG-SAINT-AXDEOL. 


53 


verses  espèces,  des  lettres  A,  q,  des  pierres  chevronnées  et  même 
pointillées,  quoique  beaucoup  plus  rares  et  beaucoup  moins  bien 
exécutées  ;  —  comme  deuxième  conséquence,  nous  dirons  que  l'école 
méridionale  ou  provençale,  qui  a  bâti  St-Polycarpe,  a  construit  la 
tour  de  St-Andéol. 

Et  parce  que  ces  signes  lapidaires  sont  très  imparfaits  et  assez 
rares  dans  cette  tour,  et  qu'ils  établissent  une  transition  dernière 
entre  l'art  supérieur  des  sigles  de  St-Polycarpe  et  la  taille  vulgaire 
et  commune  des  maçons  ordinaires  qui  se  contentent  de  strier  unifor- 
mément les  pierres,  comme  troisième  conséquence  nous  concluerons 
que  la  tour  de  l'église  St-Andéol  représente  la  basse  période  de  l'é- 
cole provençale,  la  période  des  traditions  affaiblies  non  pour  la 
composition  et  la  construction  artistiques,  mais  pour  les  procédés 
des  maîtres  de  taille,  dont  les  signatures,  burinées  à  la  façon  antique, 
et  dont  les  fantaisies  chevronnées  resplendissent  au  contraire  à  St- 
Polycarpe  dans  tout  l'éclat  primitif  d'un  génie  inventeur. 

Enfin,  comparant  St-Polycarpe  avec  la  portion  de  St-Andéol  res- 
taurée par  Leodegarius,  à  partir  de  1108,  nous  ne  trouvons  plus  le 
moindre  rapport.  Ces  parties  n'ont  aucun  des  signes  lapidaires  de 
St-Polycarpe.  Qu'est-ce  à  dire,  si  ce  n'est,  comme  quatrième  et  su- 
prême conséquence,  que  les  méthodes  de  la  taille  ornementée  des 
surfaces,  pratiquées  par  l'école  provençale,  avaient  disparu  au  XII* 
siècle. 

En  définitive,  par  l'inspection  des  sigles  lapidaires  des  deux  mo- 
numents de  St-Andéol  et  de  St-Polycarpe,  nous  arrivons  à  établir 
que  St-Polycarpe  est  postérieur  à  l'an  858,  et  fort  antérieur  à  l'an 
1 108  ;  même  assez  antérieur  à  l'érection  du  clocher  de  St-Andéol  qui 
a  dû  suivre  la  construction  définitive  du  gros  œuvre  de  Bernoin. 
Supposant  que  ce  clocher  n'ait  été  élevé  que  cinquante  ans,  cent 
ans  même  après  Bernoin,  nous  aurons  environ  les  années  920, 
950  :  —  St-Polycarpe,  étant  assez  antérieur,  aura  été  bâti  vers  900, 
fin  du  IX*  siècle,  soit,  si  l'on  veut,  vers  950. 

C'est  bien  une  église  pleinement  carlovingienne,  avec  sa  voûte  en 
berceau,  et  avec  sa  simplicité  intérieure  imitée  des  travées  de  St- 
Andéol,  comme  aussi  bâtie  avec  de  fort  menus  matériaux.  fVoir  ci- 
après,  4°  Description). 

Nous  tenons  à  faire  observer  que  les  déductions  successives  par 
lesquelles  nous  avons  obtenu  l'âge  minimum  de  St-Polycarpe  sont 
tirées  de  l'examen  des  monuments  de  la  localité,  et  que  nous  avons 
laissé  tout  à  fait  en  dehors  de  ce  travail  les  rapprochements  que  nous 


56  ÉGLISES    RO.MANES    DU    VIVARAIS. 

aurions  pu  établir  à  l'aide  des  nombreux  édifices  de  l'école  proven- 
çale disséminés  dans  les  environs  de  Bourg-Saint-Andéol,  et  décrits, 
mis  en  évidence  et  parfois  en  parallèle,  si  magistralement,  par  M. 
Révoil  (\). 

Enfin  une  remarque  encore  fort  intéressante,  dans  le  cas  particu- 
lier qui  nous  occupe,  c'est  que  les  diverses  époques  de  construction, 
tant  de  St-Andéol  que  de  St-Polycarpe,  reproduisent,  reflètent  très 
fidèlement,  en  une  petite  localité,  l'histoire  générale  de  cette  école 
carlovingienne  provençale  à  signatures  lapidaires.  Elle  apparaît  au 
IX^  siècle,  elle  se  développe  et  brille  magnifiquement  aux  X''  et  XI' 
siècles,  commence  à  s'éclipser  peu  après,  et  disparait  au  XII"=  siècle, 
dans  la  région  même  qui  avait  été  son  berceau. 

3°    Eglise   carlovingienne   de    Saint-Polvcarpe    [suife).    — 

Arguments  archéologiques  [suile)  :   —  Epigraphiqucs  ; 

—    argument   de  raison. 

Continuons  l'étude  archéologique  de  ce  monument  si  intéressant, 
et  voyons  si  nous  pouvons  trouver  de  nouvelles  preuves  ou  puis- 
santes présomptions  en  faveur  de  son  érection  au  IX"  ou  au  X* 
siècle. 

II  s'en  faut  que  toutes  les  fouilles,  préparatoires  à  une  restaura- 
tion complète,  soient  faites  à  cette  heure,  principalement  sur  la  par- 
tie de  la  façade,  enfouie,  comme  on  l'a  dit,  dans  les  remblais  qui  ont 
nivelé  la  place  extérieure.  Si  l'on  s'en  tenait  à  l'inspection  du  cintre 
extérieur  du  portail,  on  pourrait  s'égarer  et  descendre  jusqu'au  XII"" 
siècle,  tant  il  y  a  de  pureté  dans  la  sculpture  du  feuillage  qui  orne  la 
moulure  de  l'arc  du  tympan.  Mais  les  sondages  que  nous  avons  pra- 
tiqués ont  mis  à  jour  des  fragments  plus  anciens  de  cette  grande 
porte,  des  pierres  de  taille  façonnées  avec  des  entrelacs  grossiers  et 
caractéristiques,  tels  que  ceux  de  l'inscription  de  Bernoin.  Il  est  évi- 
dent que  ces  entrelacs  exhumés  sont  plus  dans  le  goût  du  IX'  siècle 
que  dans  celui  du  XII*-'.  Nous  pouvons  en  passant  conclure  que  le 
cintre  actuel  extérieur  du  portail  n'est  pas  de  la  première  conception 
de  cette  façade  :  c'est  un  placage  d'un  beau  style  roman,  qui  par  la 
finesse  de  ses  sculptures  fait  contraste  avec  la  sé\crc  simplicité  de 
toutes  les  lignes  de  St-Polycarpe.  On  le  voit,  les  motifs  de  préjuger 

{i)  .Archit.  romane  du  midi  ;  et  .\ppcndicc. 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  •  57 

en  faveur  de  l'archaïsme  carlovingien  de  cette  église  se  multiplient 
sous  toutes  les  formes,  en  toutes  nos  recherches. 

Une  découverte  épigraphique  nous  apporte  la  preuve  la  plus  im- 
portante et  la  plus  concluante  dans  ce  sens.  C'est  celle  du  graffite  du 
petit  escalier  septentrional,  ainsi  conçu  en  trois  lignes  (i)  : 

S  ce  Andeole  in 
tercede    pro    no 
bis 

sur  l'angle  d'une  fenêtre  meurtrière,  et  accompagné  d'une  lettre  A 
déjà  si  répandue  dans  la  crypte  elle-même.  Nous  l'avons  publié  cette 
année  (1886)  dans  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  Chartes  (t.  XLVII, 
Inscriptions  chrétiennes  du  Vivarais),  où  nous  disions  :  «  Cette  ins- 
cription appartient  à  la  capitale  carlovingienne  non  moins  que  les 
inscriptions  de  Bernoin  et  d'Aurélien.  Elle  en  a  les  majuscules,  les 
insertions  et  les  inégalités  de  lettres.  Elle  n'a  rien  d'oncial,  »  et  pas 
une  minuscule.  Les  interlignes  sont  réglés  d'un  trait  unique,  le  signe 
abréviatif  de  Sce  est  un  oméga  à  pattes  allongées  ;  tous  ces  carac- 
tères lapidaires  nous  ont  fait  assigner  le  graffite  à  la  fin  du  IX^  siè- 
cle, ce  qui  d'un  coup  daterait  l'église  St-Polycarpe.  Examinons  donc 
encore  très  attentivement  les  trois  sortes  d'éléments  de  ce  graffite, 
lettres,  règlure,  sigle  abréviatif. 

Quant  aux  lettres  elles-mêmes,  toutes  majuscules  capitales,  elles 
sont  bien  du  IX'  siècle.  La  règlure  n'offre  aucune  difficulté.  Elle  est 
d'un  usage  si  fréquent  dans  les  siècles  même  antérieurs  (2). 

Il  n'en  est  pas  de  même  du  signe  abréviatif  oméga  majuscule  à 
pattes  allongées.  Les  monuments  lapidaires  qui  le  portent,  en  ces 
temps  reculés,  paraissent  avoir  été  refaits  postérieurement.  C'est 
ainsi  que  l'inscription  de  l'autel  de  l'évêque  Deusdedit,  siégeant  à 
Rodez  avant  599,  a  été  paléographiquement  considérée  comme  gra- 
vée tout  au  plus  durant  l'époque  carlovingienne  :  on  y  voit  le  sigle 
oméga  et  aussi  les  C  et  le  G  carrés  et  à  volute  carrée  (3).  U  faut  donc 
chercher  des  exemples  authentiques  de  ce  sigle  remontant  au  [moins 
aux   IX'  et  X'  siècles.  Les  architectes  en  proposent  plusieurs  : 

(i)  C'est  un  moulage  qui  nous  a  procuré  le  graffite  dans  celte  netteté  parfaite 
que  nous  reproduisons  sur  la  Planche,  et  que  les  estampages  n'avaient  pu  nous 
donner,  lorsque  nous  avons  rédigé  .l'article  de  la  Bibl.  de  l'Ec.  des  Ch. 

(2)  Leblant,    Inscriptions  chrét.   antér.  au  VIII' siècle. 

(■5)  Leblant,  ib.  T.  2.   Planche  n"  574,  et  note  spéciale   de  l'auteur. 


5©  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

1.  Un  Ecce  Agn  Dei,  de  la  chapelle  St-Victor  près  de  Tarascon 
(Bouches  du-Rhône),  où  Ton  retrouve  identiquement  le  G  carré 
à  volute  carrée,  et  l'oméga  de  Rodez.  St-Victor  est,  comme  plan  et 
ordonnance  architecturale,  semblable  à  St-Gabriel,  et  couvert  de 
tailles  en  fougères  et  de  sigles  alphabétiques  (i). 

2.  L'inscription  de  la  crypte  d'Apt  où  le  mot  Scam  pour  SanclJni, 
même  qualificatif  que  le  Sce  de  St-Polycarpe,  est  surmonté  d'un 
oméga  absolument  pareil,  même  à  ses  extrémités  relevées  et  épa- 
tées (2).  Les  lettres  sont  capitales,  sans  mélange. 

3.  La  signature  d'un  architecte  de  la  façade  primitive  de  St-Tro- 
phime  d'Arles,  D —  sur  la  nef  de  St-Virgile  (avant  l'application  du 
fameux  portail  du  XII'  siècle)  (3).  L'oméga  ici  est  renversé. 

Il  faut  avouer  que  ces  exemples,  triés  parmi  beaucoup  d'autres, 
seraient  difficilement  placés,  avec  toutes  les  circonstances  extrinsè- 
ques qui  les  accompagnent,  en  une  époque  postérieure  aux  temps 
carlovingiens. 

Toutefois  relevons  les  observations  qu'on  a  faites  aux  architectes  :  . 
on  les  a  accusés  de  vouloir,  par  une  pétition  de  principe,  trouver  la 
date  carlovingienne  d'un  sigle  à  l'aide  de  monuments  lapidaires  dont 
l'origine  et  les  caractères  carlovingiens  sont  contestés.  Et  puis,  a-t- 
on objecté,  en  reconnaissant  que  ce  sigle  devient  universel  au  XII° 
siècle  dans  le  style  lapidaire  et  dans  les  manuscrits,  comment  ose-t- 
on l'attribuer,  dans  les  inscriptions,  au  IX'=  siècle,  alors  qu'on  ne  le 
trouve  dans  les  manuscrits  qu'au  milieu  du  XI''  siècle,  et  encore  assez 
rare?  N'est-ce  pas  forcer  la  note  par  un  empressement  de  parti,  et 
préjuger  ce  qui  est  en  question  ? 

C'est  précisément  aux  manuscrits  qu'en  ce  moment  nous  allons 
demander  la  réponse  à  ces  reproches,  et  l'authenticité  carlovingienne 
de  ce  sigle  et  par  suite  de  tout  le  reste. 

Les  maîtres  citent,  comme  une  des  premières  apparitions  du  si- 
gle, celui  du  sceau  papal  de  Léon  IX  (1030)  (4).  A  ce  compte,  il  fau- 
drait l'avouer,  le  sigle  ne  saurait  justifier  les  dates  carlovingiennes 
des  inscriptions  ci-dessus,  et  ce  graffite  serait  contradictoire  dans 
SCS  éléments,  par  ses  lettres  du  IX'=  siècle,  par  son  sigle  du  XI"  ou 
du  XII""  siècle  Nous  avons  donc  été  amené  à  chercher  nous-méme 
à  quelle  première  époque  le  sigle  oméga  se  rencontre  dans  les  docu- 

(i)  KÉvoiL  :  Archit.  romane  :  vnir  St-Gabricl. 

(2)  RÉvoiL  :  —  iK.  —  Api. 

(  l)  Révou,  :  —  ib.  —  St-Trophimc. 

f^)  -Mabillon,  De  re  diplomaticà,  p.  445. 


BOL'RG-SAINT-ANDÉOL.  59 

ments  écrits.  En  compulsant  les  manuscrits,  nous  l'y  trouvons  très 
abondamment,  dans  sa  forme  parfaite,  en  plein  dixième  siècle  (i).  La 
collection  Wisigothique  de  Silos  est  venue  corroborer  cette  consta- 
tation, en  nous  offrant  des  échantillons  de  l'oméga  ordinaire  et  de 
l'oméga  renversé  tel  que  celui  d'Arles  (2).  En  sorte  que  nous  avons, 
dans  ces  manuscrits,  des  exemples  de  mots  identiques  à  ceux  des 
inscriptions  de  St-Polycarpe ,  de  Rodez,  d'Apt  ,  de  St-Victor  et 
d'Arles,  avec  le  sigle  aussi  identique.  Il  nous  a  paru  que  le  sigle  était 
originaire  de  la  Lombardie,  et  avait  passé  par  l'écriture  française 
carlovingienne  dans  les  manuscrits  Wisigothiques  d'Espagne  des  X' 
et  XI^  siècles.  Il  y  a  du  reste  une  grande  affinité  entre  les  ornements 
de  l'architecture  Lombarde  et  ceux  de  l'architecture  Provençale.  De 
nouvelles  recherches  dans  les  documents  écrits  de  provenance  méri- 
dionale, surtout  Lombarde,  reculèrent  jusqu'au  IX^  siècle  l'âge  de  ce 
sigle  devenu  si  importa^it  ('7,).  Mais  tel  que  nous  l'avons  en  si  fréquent 
usage  dès  le  X'  siècle,  il  suffit  aux  besoins  de  notre  thèse  ;  il  fixe  pour 
St-Polycarpe  un  âge  minimum,  qui  peut  être  la  fin  du  IX"  siècle  ouïe 
début  du  X'.  En  effet,  par  là  il  nous  est  démontré  que  le  sigle  du  graf- 
fite  n'est  pas  en  contradiction  avec  les  lettres  et  la  règlure;  que  celles- 
ci,  posant  le  graffite  à  la  fin  du  IX"  siècle,  le  sigle  peut  lui-même  s'accom- 
moder à  cette  date,  en  un  mot  que  le  graffite,  tel  qu'il  est,  peut  très 
bien  être  assigné  à  cette  époque  dont  on  rejetait  d'abord  la  fécondité 
et  la  gloire  architectoniques.  11  est  certain  qu'une  inscription  de  cette 
nature,  tracée  à  la  hâte  et  par  manière  de  récréation  pieuse,  et  ce- 
pendant toute  en  majuscules  capitales,  c'est-à-dire  dépourvue  de 
tout  mélange  de  lettres  négligées,  de  tout  emprunt  aux  alphabets  de 
décadence  (au  IX'  siècle  déjà  on  insérait  souvent  des  onciales  et  des 
minuscules),  une  telle  inscription  est  une  date.  Elle  nous  autorise  à 
affirmer,  comme  nous  l'avons  présumé  dans  l'article  précité  de  la 
Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Chartes,  que  le  petit  escalier  de  St-Poly- 
carpe et  par  conséquent  au  moins  la  crypte  et  la  partie  inférieure  de 
l'église  étaient  construits  vers  la  fin  du  IX'  siècle,  peut-être  même 
vers  la  fin  de  l'épiscopat  de  Bernoin,  en  873. 

(i)  Bibli.  nationale,  fonds  lat.,  n"  3778,  fol.  194,  165,  141,  118,  97,  91,  68, 
on  y  trouve  sce,  scis,  comme  dans  notre  gratïïte.  N"  3777,  fol.  77,  79  ;  n"  4669, 
fol. un"  5301,  fol.  62, 87,  102,  163,  i85,i9o,2i3,233,293;n''46i3,f.  13,  18,  73. 

(2)  Bibl.  nationale,  fonds  lat.  nouv.  acquisit.  N"  2169,  fol.  54,  11  i  ;  n"  2  171, 
fol.  432  ;  n"  2  I  78,  fol.  66,   150.,.    ad  finem  ;  n"  2  i  77,  fol.  422,  658. 

(3)  Westvvood,  Paleographia  sacra  pittoria  ;  —  C'°  de  Bastard,  Peintures  des 
manuscrits,  T.  5-6. 


6o  ÉGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

Quant  à  la  lettre  A,  elle  est  gravée  à  part,  au  delà  de  l'arête  de  la 
pierre  d'angle,  sur  l'autre  face,  en  pendant  avec  le  graffite,  comme 
pour  attester  la  griffe  du  maître  qui  a  taille  en  chevron  et  signé  les 
pierres  de  taille  les  plus  en  vue  de  la  crypte. 

On  s'est  étonné  de  rencontrer  le  mot  Sanctus  alors  qu'à  celte  épo- 
que on  emploie  le  plus  souvent  l'épithcte  Beatus.  Cette  observation 
serait  juste  pour  les  récits  du  discours  ordinaire,  ainsi  qu'il  appert 
dans  l'inscription  de  Bernoin,  Invenit  corpus  Beati  Andeoli.  Mais 
dans  les  invocations,  l'usage  liturgique  des  adjectifs  Sanctus,  Sancta, 
Sancti,  avait  déjà  été  introduit  et  rendu  invariable  par  les  litanies  de 
saint  Mamert  (V'  siècle) 

Une  étude  qui  compléterait  et  confirmerait  ce  travail  consisterait  à 
chercher  pour  quel  motif  cet  édifice  d'une  unité  si  parfaite  contient 
dans  sa  crypte  les  sigles  alphabétiques  et  les  tailles  de  pierres  façon- 
nées, et  dans  l'église  seulement  les  tailles  à  façons  (i).  Il  est  possible 
que  les  maîtres  de  taille  se  soient  contentés  de  signer  l'œuvre  de  la 
crypte,  comme  la  partie  la  plus  artistique  et  la  plus  honorable  du. 
monument,  mais  la  solution  de  cette  question  accessoire  n'importe 
nullement  au  problème  principal  désormais  résolu. 

Nous  voici  donc  parvenus  par  l'histoire,  par  l'archéologie  et  par  la 
paléographie,  à  trouver  la  date  de  la  construction  de  l'église  St- 
Polycarpe  et  à  la  fixer  à  la  fin  du  IX^  siècle,  tout  au  moins  au  com- 
mencement du  X". 

Et  maintenant  il  nous  parait  impossible  de  dire  que  les  voûtes  en 
pierre  des  églises  au  IX*"  siècle  ne  sont  pas  des  réalités,  —  et  que 
l'école  Provençale  carlovingienne  est  une  simple  hypothèse. 

11  nous  reste  un  argument  tiré  de  la  raison  naturelle  et  de  la  force 
des  circonstances  : 

Si  nous  voulons  considéicr  la  nature  des  choses,  il  est  évident 
qu'une  fois  la  basilique,  le  tombeau  et  le  corps  du  saint  retrouvés, 
deux  pensées  durent  envahir  l'esprit  de  l'cvéque  Bernoin  :  d'abord, 
l'église  neuve  (de  Sl-I"iiennc  et  St-jcan)  à  peu  près  achevée,  puis 
l'hypogée  ou  basihquc,  si  xénérabic  par  le  séjour  six  fois  séculaire 
du  corps  saint. 

Or,  sans  relard  le  lombcau  fut  transporté  dans  l'église  neuve  : 
Cela  prouve  que  la  place  où  il  \cnail  d'être  découvert  nclait  pas  en 
état  de  le  conserver  ;  que  non  seulement  il  n'y  a\ail  pas  là  une 
église,  mais  (_iue  l'emplacement  lui-nicmc  n'cluil  pas  convenable  par 

fi)  KÉvoiL,  ib..  Appendice:  St-Polycarpc. 


BOURG-SAINT-ANDÉOL.  6l 

suite  du  délabrement,  des  effrondrements,  des  empiétements,  etc. 
qui  exigeaient  de  grandes  et  longues  réparations.  D'autre  part  on  ne 
pouvait  abandonner  ces  vestiges  de  la  maison  de  Tullie,  de  la 
sainte  Roumèle,  de  la  basilique  sanctifiée.  11  n'y  avait  qu'un  parti  à 
prendre  :  disposer  le  terrain,  relever  les  ruines  d'une  manière  défi- 
nitive, conserver  précieusement  les  substruclions  sacrées  ou  du  moins 
les  plans  primitifs  (et  même  les  matériaux),  en  faisant  la  crypte  d'une 
église  qui  les  reproduirait  dans  son  chevet  et  sous  son  maitre-autel, 
qui  serait  la  restauration  ou  réédification  de  l'ancienne  église  parois- 
siale, et  que  l'on  dédierait  par  reconnaissance  au  saint  primat  de 
l'Asie,  à  celui  qui  avait  autrefois  ordonné  et  envoyé  Andéol  et  qui 
venait  de  révéler  son  tombeau. 

Quant  à  l'église  haute  où  l'on  porta  les  reliques  et  le  beau  reli- 
quaire en  marbre  blanc,  il  était  visible  à  tous  que  Dieu  avait  pré- 
paré son  érection  à  point  pour  contenir  le  précieux  dépôt,  et  elle  en 
reçut  et  en  conserva  à  jamais  le  vocable  titulaire,  celui  des  SS. 
Etienne  et  Jean  ayant  été  abandonné  (i). 

Pour  le  reste,  l'emplacement  six  fois  séculaire  du  tombeau  et  du 
corps,  nous  n'hésitons  pas  à  croire  que  l'église  St-Polycarpe  fut 
sans  retard  décrétée  par  Bernoin  lui-même,  et  commencée  soit  de 
son  vivant,  soit  peu  après  sa  mort.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'à 
ce  moment  de  l'histoire,  Boson  détachait  de  la  F^rance  du  nord  le 
royaume  de  Provence,  qu'il  annexait  le  Vivarais,  et  que,  les  desti- 
nées de  ces  pays  étant  désormais  liées  ensemble,  les  relations  avec 
les  bords  du  Rhin  cédaient  la  place  aux  communications  faciles  avec 
le  midi.  Aux  architectes  Rhénans  succédèrent  les  maîtres  de  l'école 
Provençale  qui  déjà  se  signalait  brillamment.  Ceux-ci  furent  donc 
appelés  à  construire  St-Polycarpe  (2). 

4°    Description  de  l'église  St-Polycarpe   dès   sa  construction. 
—  Avec  les  modifications  —  Depuis  la  sécularisation. 

Nous  allons  essayer  de  décrire  l'église  St-Polycarpe,  d'abord  telle 
qu'elle  sortit  de  la  conception  et  de  l'exécution  première,  puis  avec 
les  déformations  successives  causées  par  les  agrandissements  de 
l'espace  intérieur. 

Rappelons-nous  que  en  208  le  tombeau  a  été  déposé  sous  terre  en 

(1)  V.    MlRABEL,    p.    135-137. 

(2)  RÉvoiL,  Arch.  romane  :  Appendice. 


02  ÉGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

bas  de  la  colline  qui  descend  jusqu'au  fleuve,  soit  dans  la  maison 
même  de  Tullie,  soit  dans  le  jardin  attenant.  Dès  que  les  temps  meil- 
leurs l'ont  permis,  on  a  bâti  par-dessus  la  petite  basilique  à  trois 
absidioles  concentriques,  à  laquelle  sur  le  devant  c'est-à-dire  au 
couchant  et  aussi  par-dessus  on  a  ajouté  peut-être  une  église,  un 
édifice,  en  prolongement  pour  les  fidèles.  De  ce  premier  état  de  cho- 
ses, en  858,  il  ne  restait  que  des  débris  informes,  lorsqu'on  en  vint 
à  construire  l'église  St-Polycarpe.  Alors,  en  manière  de  crypte,  on 
reproduisit  la  basilique  telle  qu'on  en  voit  des  échantillons  à  Rome 
et  en  Italie. 

On  alla  jusqu'à  imiter  et  importer  certains  détails  accessoires,  par 
exemple,  ces  soupiraux  qui  éclairaient  ou  aéraient  l'édicule  funèbre, 
que  les  archéologues  ont  découvert  sur  le  versant  des  voûtes  des  ab- 
sidioles de  ces  basiliques  du  IV"  siècle,  et  qu'ils  ont  appelés yè/ies- 
iella  ou  luminare  crypla;{\).  La  conque  septentrionale  de  la  crypte  de 
St-Polycarpe  porte  une  de  ces  ouvertures  quadrangulaires  qui  se 
continue  à  travers  la  mac^onnerie  en  tuyau  de  pierre  de  plus  en 
plus  rétréci,  jusqu'à  une  petite  baie  extérieure,  cintrée  par  le  haut. 
Nous  présumons  toutefois  que  ce  travail,  sans  avoir  une  date  très 
postérieure,  ne  fut  pas  prévu  ni  exécuté  dans  la  construction  primi- 
tive de  la  crypte. 

On  conserva  la  divergence  produite  par  l'axe  de  la  basilique  et  l'axe 
de  la  nef,  soit  qu'on  se  conformât  simplement  au  défaut  primitif  de 
parallélisme  des  deux  édifices,  soit  qu'on  voulût  accuser  la  significa- 
tion symbolique  de  cette  déviation. 

Toutes  les  pierres  de  l'église  et  de  la  crypte  furent  taillées  à  leur 
surface  en  façon  de  chevron,  de  fougère,  etc.  Et  de  plus,  celles  de  la 
crypte  reçurent  (pour  la  plupart)  des  lettres  alphabétiques,  très  nette- 
ment sculptées  et  terminées  en  queues  d'aronde  (P,  A,  M,  Z,  S, 
L,  E.  .).  Les  cintres  tant  des  arcs  doubleaux  que  des  formerets 
affectèrent  à  leur  sommet  une  légère  pointe,  ce  qui  n'existait  pas 
dans  l'église  St-Andéol  {2).  Toutefois  la  simplicité  de  cette  église  fut 
imitée  au  dehors  et  au  dedans  par  l'emploi  du  petit  moellon  dans 
toutes  les  surfaces  intermédiaires,  et  par  l'absence  de  tout  ornement  : 

(\)  Voir  ces  mots  darii  le  iJiclionnairc  de  Mariigny. 

(2)  A  St-Andcol,  seuls  les  arceaux  formerets  qui  sont  immédiatement  sous  le  dôme 
ont  celte  petite  pointe  du  milieu,  c'est  précisément  la  preuve  que  la  tour  du  clo- 
cher est  postérieure  à  réalise,  cl  qu'elle  fut  construite  à  partir  de  ce  remaniement 
par  d'autres  architectes  que  ceux  de  l'église  (Rhénans),  par  les  architectes  cariovin- 
giens  provençaux  qui  bâtissaient  ou  avaient  bûli  Sl-Polycarpe. 


BOURG-SAINT-ANDÉOL.  63 

aucun  cordon  de  pierre  ne  marque  la  retombée  des  voûtes  sur  les 
murs  qui  les  soutiennent,  de  même  qu'à  St-Andéol.  Peut-être  fau- 
drait-il remarquer  une  certaine  différence  entre  les  moellons  et  leur 
emploi  soit  au  dehors,  soit  au  dedans  de  l'église  St-Polycarpe.  Au 
dehors,  ils  paraissent  taillés  plus  régulièrement  et  posés  en  assises 
plus  uniformes  qu'au  dedans,  où  les  enduits  recouvraient  les  sur- 
faces autres  que  celles  des  petites  pierres  de  taille  chevronnées. 
Mais  le  caractère  d'une  nouvelle  école  se  révèle  dans  l'absenee  de 
tout  détail  provenant  du  genre  des  églises  Rhénanes.  C'est  ainsi 
que  les  gouttières  aboutissent  sur  un  simple  bandeau  de  pierre  de 
taille  posé  comme  couronnement  des  grands  murs  latéraux,  sans  au- 
cun de  ces  petits  arceaux  dont  la  suite  constituait  un  si  joli  feston, 
une  si  gracieuse  guirlande  à  tous  les  pourtours  supérieurs  de  l'église 
St-Andéol.  —  Dans  la  restauration  de  St-Polycarpe,  il  faudra  ap- 
porter le  plus  grand  soin  à  conserver  ces  différences  de  styles  et  de 
familles  monumentales. 

St-Polycarpe  est  peut-être  l'œuvre  la  plus  sobre  sortie  des  mains 
de  l'école  provençale,  et  l'on  ne  peut  s'empêcher  d'en  attribuer  la 
cause  à  la  proximité  de  l'église  St-Andéol,  qui  s'imposait  comme  un 
modèle  économique.  Ces  rapports  de  construction  similaire  sont 
une  preuve  de  plus  en  faveur  de  l'ancienneté  relative  de  St-Poly- 
carpe. Le  gros  de  l'œuvre  semble  avoir  été  exécuté  par  les  mêmes 
ouvriers  subalternes,  sous  la  direction  de  maîtres  différents. 

Sur  les  trois  conques  ou  voûtes  concentriques  de  la  crypte  on  éta- 
blit le  tombeau  et  l'autel.  Nous  avions  retrouvé  intact  le  vieil  autel, 
à  table  monolithe  biseautée. 

Le  sol  de  la  nef  fut  porté  par  quelques  marches  à  environ  un  mè- 
tre plus  haut  que  celui  de  la  crypte,  et  pour  le  relier  au  sanctuaire 
on  pratiqua,  dans  l'épaisseur  des  murs  latéraux  des  travées  voisines, 
de  tous  petits  escaliers  ayant  o"",  50  de  largeur,  et  éclairés  par  une 
fissure  à  évasement  intérieur.  Un  peu  en  avant  de  la  façade  il  y 
avait  dans  l'église  une  dernière  volée  de  quelques  degrés  pour  attein- 
dre le  seuil  du  portail,  et  par  devant  celui-ci  au  dehors  encore  quel- 
ques gradins  placés  entre  deux  petits  murs  de  soutènement  permet- 
taient d'arriver  jusqu'au  niveau  delà  place;  ils  sont  aujourd'hui  enfouis 
dans  le  sol.  Le  sanctuaire  faisait  l'effet  d'un  transept  fort  peu  accusé, 
posé  sur  les  deux  absidioles  du  sud  et  du  nord,  et  se  terminait  au 
fond  immédiatement  par  une  abside  ayant  la  largeur  de  la  nef  et 
englobant  à  sa  base  l'absidiole  du  levant.  Ainsi  en  entrant,  on  avait 
devant  soi  la  nef  à  trois  travées,  terminée  par  le  double  étage  du  sol 


64  ÉGLISES    RO.MA\i:S    DU    VIVARAIS. 

de  la  crypte  et  du  chceur  supérieur  qui  sarrondissait  au  fond  en 
chevet  circulaire. 

Ce  qui  ressort  le  plus  vivement  de  ce  plan  et  de  cette  construc- 
tion, c'est  qu'il  a  fallu  compter  très  rigoureusement  avec  l'espace 
restreint  dans  le  sens  des  largeurs.  L'église  est  développée  propor- 
tionnellement en  son  grand  axe,  autant  qu'elle  est  resserrée  dans 
l'autre  sens.  C'est  un  couloir  dont  toutes  les  parties  se  commandent, 
sauf  l'échappée  très  ingénieuse  mais  très  incommode  des  deux  esca- 
liers dérobés. 

(Quelles  étaient  les  dispositions  de  la  façade  primitive  ?  c'est  ce 
qu'il  est  impossible  de  savoir,  sauf  la  fenêtre  en  ocidiis,  dont  il  reste 
le  contour  supérieur  très  mutilé,  et  aussi  sauf  les  traces  d'un  lin- 
teau du  portail  qui  indiquent  qu'il  était  à  tympan  plein  cintre.  Mais 
cette  façade  à  l'état  actuel  n'est  cju'un  ensemble  de  remaniements 
réitérés,  parsemé  de  pierres  de  divers  appareils,  un  placage  de  frag- 
ments, dont  quelques-uns  à  sculptures  plates,  provenant  de  temps 
antérieurs.  Le  cintre  extérieur  formé  d'une  suite  de  feuilles  très  élé- 
gamment découpées  ne -saurait  être  attribué  à  la  première  époque 
de  ce  monument. 

A  une  certaine  époque,  sur  laquelle  nous  ne  sommes  pas  encore 
bien  renseigné  par  l'histoire,  mais-  qu'on  pourra  un  jour  préciser  et 
que  nous  pouvons  indiquer  à  l'aide  des  données  archéologiques, 
cette  église  fut  jugée  trop  petite.  Or,  la  ville  avait  déjà  ou  faisait  exé- 
cuter sur  le  ileuve  la  ligne  de  rempart.  Il  est  probable  que  la  façade 
orientale  de  l'ancienne  maison  de  Tullie  dut  servir  de  limite  de  ce 
côté  et  fut  absorbée  par  l'enceinte  fortifiée.  Il  resta  ainsi  un  vide  en- 
tre ces  murs  très  épais  (qui  subsistent  encore)  et  le  chevet  de  l'église 
de  St-F'olycarpe.  Que  fit-on?  on  démolit  ce  chevet,  cette  abside  de 
l'église,  et  le  fond  du  sanctuaire  fut  reculé  et  se  confondit  avec  le 
rempart  à  mur  plat  :  on  ajouta  ainsi  à  l'orient  un  vaste  chœur,  une 
seconde  nef,  dans  l'axe  de  la  première,  mais  au  niveau  supérieur  de 
l'autcI.  Il  fallait  faire  disparaître  sur  le  dc\anl  l'inégalité  d'élévation. 
On  jeta  sur  la  première  nef  une  voûte  de  plain  pied  avec  le  sanc- 
tuaire et  l'on  n'eut  plus  qu'un  même  niveau,  en  remontant  le  seuil 
du  portail,  entre  la  place  extérieure  et  l'extrémité  de  toute  la  profon- 
deur de  l'église.  Il  est  probable  que  le  maitre-autel  fut  dès  lors  re- 
porté et  adossé  au  rempart. 

Dè.'i  ce  moment,  il  y  eut  deux  églises  superposées.  En  haut,  celle 
que  nous  venons  de  décrire  ;  en  bas,  la  crypte,  flanquée  en  avant  et 
en  arrière  de  deux  souterrains.  Mais  ces  deux  nefs  inférieures  étaient 


BOURG-SAIXT-ANDÉOL.  65 

séparées  par  la  crypte  :  pour  les  faire  communiquer,  on  creva  l'ab- 
sidiole  centrale,  dont  on  conserv^a  l'arête  d'ouverture  comme  un  ar- 
ceau de  porte  arrondie  (i).  Les  petits  escaliers  dans  l'épaisseur  des 
murs  continuèrent  à  servir  seulement  quand  on  voulait  par  curiosité 
ou  par  piété  descendre  à  la  crypte,  que  l'on  continua  d'appeler  la 
Sainto  Roumèlo,  ou  la  crypte  de  la  bienheureuse  Tullie. 

Une  fois  dans  la  voie  des  modifications  et  des  mutilations,  l'on  ne 
s'arrêta  plus.  La  travée  voisine  de  la  façade  fut  coupée  à  la  hauteur 
du  portail  par  une  voûte  en  forme  de  tribune  ;  on  y  accédait  à  l'aide 
de  petits  gradins  incrustés  dans  le  mur  de  la  travée  du  milieu,  côté 
nord  à  partir  de  la  petite  porte  cintrée,  et  de  cette  tribune  on  pou- 
vait, gagner  au  midi  les  toits  de  l'église. 

En  outre  les  deux  travées  méridionales  qui  restaient  libres  furent 
abattues  jusqu'à  l'arc  formeret  et  converties  en  chapelles  latérales, 
ce  qui  nécessita  la  suppression  d'un  des  petits  escaliers.  L'autre  pe- 
tit escalier  fut  comble  sans  motif  Et  comme  il  fallait  cependant  avoir 
accès  en  l'église  supérieure,  on  établit  un  escalier  volant,  immédiate- 
ment à  gauche  de  la  grande  entrée  de  l'église. 

Dès  lors  toutes  les  proportions  de  l'édifice  furent  anéanties. 

Remarquons  les  deux  principales  époques  de  remaniement  :  — 
1°  Le  vaste  chœur,  qui  fut  en  premier  lieu  créé  entre  le  sanctuaire  et 
le  rempart,  a  tout  le  caractère  de  la  construction  romane  :  voûte  en 
berceau,  arcs  et  pilastres  doubleaux  simples  et  plats,  etc.  Mais 
ce  n'est  pl'us  le  roman  des  carlovingiens  avec  les  lettres,  tailles,  si- 
gnes, etc.,  si  caractéristiques.  C'est  un  roman  d'imitation,  c'est  de 
la  maçonnerie  industrielle  sans  aucun  art.  Il  ajouta  deux  larges  tra- 
vées à  la  longueur  du  vaisseau,  probablement  au  commencement  du 
XI'V'=  siècle. 

2°  Quant  à  la  tribune  et  aux  chapelles  latérales,   elles  furent  éta- 

(i)  Quelques  personnes  ont  cru  qu'il  y  avait  entre  le  rempart  sur  le  Rhône  et  la 
crypte  un  terre-plein.  Elles  n'ont  pas  songé  que  le  plain  pied  qui  existe  entre  la 
crypte  et  le  balcon  du  i"  étage  sur  le  rempart  du  quai  est  de  création  récente, 
comme  la  voûte  sur  la  nef  à  mi-hauteur.  Il  faut  toujours  se  rappeler  que  le  premier 
niveau  du  sol  de  l'église  était  déjà  en  contrebas  et  suivait  la  déclivité  de  la  colline, 
et  que  le  niveau  du  sol  de  la  crypte  était  encore  plus  bas,  toujours  en  raison  de 
la  même  déclivité.  En  un  mot,  le  chevet  primitif  de  l'église  St-Polycarpe  allait  en 
quelque  sorte  tremper  dans  le  Rhône,  au  point  où  la  façade  antique  de  la  maison 
de  Tullie,  plus  tard  confondue  avec  le  rempart,  avait  accès  sur  le  fleuve,  au  der- 
nier niveau  de  la  colline  confinant  au  fleuve.  Quand  on  voulut  prolonger  le  dessus 
de  la  crypte  jusqu'au  rempart,  on  fit  une  voûte,  qui  existe  encore,  non  pas  sur  un 
terre-plein,  mais  au  contraire  sur  le  vide  absolu. 

Bull.  VII,  1886.  5 


66  ÉGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

blies  postérieurement,  mais  très  grossièrement.  Une  moulure  à  peine 
et  un  arc  aigu  très  prononcé  sans  ornementation  suffisent  pour  indi- 
quer le  XV'  siècle. 

Telle  était  l'église  St-Polycarpe  et  sa  crypte,  lorsque,  à  l'époque 
de  la  Révolution,  elle  fut  livrée  à  la  spéculation  profane.  L'église  in- 
férieure devint  un  rez-de-chaussée,  et  pour  l'établir  de  plain  pied  on 
creusa  le  sol  de  la  crypte  d'environ  o™,  60,  celui  de  la  nef  occidentale 
de  près  de  i"',6o,  —  mettant  ainsi  à  découvert  les  fondations  des 
murs  latéraux  de  toute  l'église.  -  Pendant  de  longs  jours,  nous  ont 
dit  les  témoins  oculaires,  on  déblaya  une  grande  quantité  de  cailloux 
roulés  mêlés  à  des  ossements  et  à  de  la  terre  jaunâtre  ;  les  décom- 
bres charriés  à  brouette  sur  la  sortie  orientale  formèrent  le  premier 
cône  de  remblais  jeté  dans  le  Rhône  au  pied  du  rempart.  Cet  amas, 
agrandi  par  les  décharges  successives  de  matériaux,  servit  à  faire  le 
quai  et  à  refouler  le  fleuve  à  la  distance  où  il  coule  aujourd'hui.  — 
Jusqu'à  ce  moment,  le  fleuve  venait  battre  le  rempart  et  l'on  ne  pou- 
vait, en  le  longeant,  aller  à  pieds  secs  de  la  rue  Ramade  (i)  à  la  rue 
du  Bac,  deux  rues  qui  se  déversent  parallèlement  de  la  ville  sur  le 
quai. 

L'église  supérieure  fut  traitée  comme  un  premier  étage  de  maison 
ordinaire,  et  convertie  en  salles,  chambres,  grenier,  etc. 

C'est  à  cette  époque  qu'il  faut  attribuer  la  disparition  du  petit 
campanile  bâti  sur  le  pignon  occidental  ou  sur  la  façade  de  l'église 
St-Polycarpe.  Il  était  à  quatre  faces  et  à  grandes  baies  arrondies, 
avec  un  toit  à  pyramide  assez  aplatie  sous  lequel  pendait  la  clo- 
che (2).  Mais  avant  la  démolition  du  chevet  y  avait-il  un  clocheton 
sur  le  transept  du  sanctuaire  ?  nous  ne  pouvons  le  dire.  En  cher- 
chant à  résoudre  cette  question,  nous  avons  trouvé  à  cet  endroit  dans 
la  toiture,  au  dessus  et  le  long  de  l'arc  d'entrée  du  sanctuaire,  une 
pierre  perforée  et  usée  par  les  frottements  d'une  corde  ou  d'une 
chaîne,  —  mais  la  démolition  de  l'abside  ayant  entraîné  celle  du  toit 
du  transept  qui  au  levant  s'appuyait  sur  le  chevet,  nous  ne  pouvons 
savoir  si  le  transept  était  surmonté  d'une  tour  à  pans  coupés,  d'une 
calotte  à  lanterne  et  à  clocher,  ou  simplement  d'un  mur  à  pignon 
percé  d'autant  d'ouvertures   qu'il  y  avait  de  petits  beffrois  à  placer, 

(i)  Ainsi  appelée  parce  que,  avant  l'existence  du  quai,  cctlc  rue  aboutissant  au 
fleuve  se  prolongeait  du  côté  du  nord  par  un  abri  en  feuillage,  en  ramce,  qui  pro- 
tégeait l'attache  des  bateicts  groupés  à  ce  point  comme  en  un  petit  port. 

(2)  Voir  un  campanile  analogue  sur  le  toit  de  la  chapelle  rurale  de  St-Sulpice 
(territoire  de  St-Marccl  d'Ardèche),  dont  l'abside  polygonale  est  à  tailles  de  fougère. 


BOURG-SAINT-ANEÉOL.  67 

OU  enfin  d'un  campanile  qui  aurait  précédé  celui  de  la  façade  (i)  ; 
celui-ci  n'aurait  été  bâti  qu'après  la  démolition  du  premier  et  du 
chevet-transept. 

En  terminant  ce  travail,  nous  ne  saurions  trop  déplorer  le  grand 
déblaiement  qui  eut  lieu  lorsque  ce  monument  fut  vendu,  sous  la 
Révolution.  On  vida  complètement  le  rez-de-chaussée  intérieur  de 
l'église  et  de  la  crypte  basilique  jusqu'à  l'abaisser  à  ce  niveau  où  rien 
n'est  plus  resté  de  tout  le  vieux  et  long  passé.  Or,  quand  on  sait  que 
en  réparant  la  maison  voisine,  on  trouva  des  tombeaux,  on  ren- 
contra des  subslructions  résistantes  comme  du  marbre  ;  que,  en 
fouillant  la  nef  de  la  chapelle  (voisine  aussi)  de  St-Sauveur,  on  eut 
sous  la  main,  en  sépultures,  en  monnaies,  en  poterie,  toute  l'époque 
Constantinienne,  on  est  consterné  de  voir  cette  brutale  ignorance 
qui  consomma  les  fouilles  du  sol  de  St-Polycarpe.  On  alla  jusqu'à 
laisser  en  l'air  les  fondations  de  l'édifice,  et  pour  les  consolider, on  les 
remania  en  sous  œuvre,  on  boucha  à  la  moderne  les  évidements  et 
les  solutions  de  continuité.  De  là  cette  grande  difficulté  que  nous 
avons  sans  cesse  rencontrée,  quand  nous  avons  cherché  à  savoir  quel 
monument  avait  suivi  l'hypogée  de  Tullie  et  précédé  l'église  et  la 
crypte  carlovingienne.  Enfin  on  creusa  le  sol  naturel  en  jetant  tout 
au  fleuve,  sans  sauver  la  moindre  épave  des  objets  que  nous  avons 
mentionnés  plus  haut,  et  que  les  générations  romaines,  gallo-ro- 
maines, mérovingiennes,  wisigothiques,  carlovingiennes  avaient  du 
accumuler  sur  cet  emplacement  le  plus  vénéré,  le  plus  recherché,  le 
plus  fréquenté  tant  des  paroissiens  primitifs  que  des  pèlerins  multi- 
pliés du  troisième  au  douzième  siècles. 

Auguste  PARADIS. 

(1)  Ce  qui  aurait  été  absolument  semblable  à  la  disposition  de  ladite  chapelle  St- 
Sulpice. 

MISSION  DU  P.  BRIDAINE  (1766). 

«  Le  vingt-sept  février  mil  sept  cents  soixante-six,  M.  Brydaine,  missionnaire 
royal,  connu  par  ses  grands  talents  pour  les  missions,  fit  l'ouverture  de  la  mission 
dans  cette  ville,  accompagné  de  M"^''^  Roux,  sacrestain  du  chapitre  de  Grignan:  Au- 
gier,  chanoine  de  \'illeneuve  lez  Avignon  ;  Farende,  prestre  de  la  ville  du  Buix;  et 
autres,  qui  vinrent  ayder.  11  se  fit  beaucoup  des  restitutions  certaines  et  incertaines. 
Il  renouvella  la  piété  dans  cette  ville;  la  croix  fut  arborée  à  l'esplanade  du  Pont,  le 
six  avril,  jour  de  la  closture  de  la  mission. 

Dieu  veuille  donner  la  persévérance,  à  ceux  qui  sont  revenus  à  Dieu, dans  la  sin- 
cérité de  leur  cœur. 

«  Chastel,  curé.  » 

(Extrait  des  registres  de  lEtat-civil  de  Crest.)  J.   Brun-Durand. 


HISTOIRE    RELIGIEUSE 


PONT-EN-ROYANS 

(ISÈRE) 
(Suite) 


>KBO>scOaêS<- 


Cependant,  les  huguenots  vont  être  attaqués  par  des  forces  impo- 
santes. Larmce  du  duc  de  Mayenne,  commandée  par  Livarrot, 
Montoison,  et  d'autres,  part  de  Chàteaudouble  et  arrive  à  Saint- 
Nazaire-en-Royans  le  lundi  5  septembre  1580.  Les  huguenots  ont 
abandonne  la  ville  et  se  sont  retirés  au  nombre  d'une  quarantaine 
dans  la  tour  de  ce  lieu,  qu'ils  rendent  le  même  jour.  Ils  sont  néan- 
moins tués,  et  la  ville,  à  leur  occasion,  est  brûlée.  Pendant  que 
l'armée  marche  vers  Pont-en-Royans,  quelques  troupes  vont  recon- 
naître Beauvoir  et  le  Fort,  et  le  régiment  du  sieur  du  Passage  vient 
du  côté  de  Grenoble  camper  à  Chatte  avec  1200  hommes,  et  y 
demeure  trois  jours,  pour  assiéger  le  Fort,  pendant  que  l'armée  va  à 
Pont-en-Royans. 

«  Ceux  du  Pont,  voyant  venir  l'armée,  mirent  eux-mêmes  le  feu  à 
la  ville  (i),  et  rompirent  le  pont,  faisant  mine  de  tenir  bon  ;  mais 
enfin  ils  abandonnèrent  »  et  se  retirèrent  au  château,  de  sorte  qu'il 
n'y  eut  qu'un  huguenot  tué,  et  un  soldat  de  Livarrot  blessé.  Puis 
l'armée  s'achemina  à  Beauvoir,  où  elle  arriva  le  même  jour.  Après 
sept  jours  de  siège,  d'Allières  et  le  capitame  Bouvier  se  voyant  sans 
secours,  offrirent  et  obtinrent  de  capituler.  On  convint,  entre  autres 
choses,  que  la  ville  serait  rendue  au  roi,  que  Bouvier  rendrait  Saint- 
Quentin,  et  d'.Mlières  le  château  du  Pont,  «  pour  éviter  la  ville  du 
feu.  » 

Le  camp  demeura  encore  H  jours  à  Beauvoir,  pour  voir  «  si  ceux 
du  Pont  rendroient  le  château,  ou  non.  Mais  étant  obstinez,  la  ville 
fut  toute  brûlée,  de  quoy  fut  grand  dommage.  »  Le  conseil  trouva 
bon  de  n'amuser  pas  l'armée  à  assiéger  le  château  du  l'ont,  car  il 
ne  pouvait    faire  grand  mal,  la   ville  étant   brûlée  ;   et   toute  l'armée 

())   l'ai,  la  Ville  neuve. 


DE    POXT-E\-ROYANS.  69 

passa  sur  la  rive  droite  de  l'Isère,  pour  monter  à  Grenoble,  et  de  là 
à  la  Mure,  dont  le  siège  fut  commencé  le  30  septembre  1580. 

Cependant,  «  au  Pont-de-Royans,  les  huguenots  qui  s'étoient 
retirez  au  château  firent  recouvrir  la  maison  forte  de  la  Corbeille, 
ne  se  contentans  pas  que  la  ville  eût  été  brûlée.  Toutefois  ils  n"o- 
soient  faire  aucune  course,  à  cause  de  la  garnison  de  Beauvoir,  » 
commandée  pour  le  duc  de  Mayenne  par  M.  de  Beaucroissant. 

On  en  était  là  depuis  près  de  six  semaines,  quand  le  lendemain 
delà  Saint-Martin,  «  advint  au  Pont  de  Royans  une  dispute  entre 
ceux  du  château  contre  un  nommé  le  sergent  Port  qui  étoit  à  Mon- 
sieur d'Ailiers,  gouverneur  du  Royans,  et  ceux  qui  étoient  dans  la 
Corbeille,  bien  qu'ils  fussent  tous  d'un  party.  Pour  apaiser  la  que- 
relle, led.  sergent  Port,  qui  avoit  le  commandement  du  château, 
descendit  à  la  Corbeille.  A  son  retour.  Pivert  (i),  qui  étoit  enfant  du 
Pont,  avec  les  autres  du  château,  luy  fermèrent  la  porte  au  nez, 
disant  qu'il  allât  pécher  d'huîtres  ailleurs.  Port,  bien  fâché,  se  retire 
à  la  Corbeille,  et  en  donne  avis  à  M.  d'Ailiers,  qui  étoit  à  Die.  » 
M.  de  Beaucroissant  eut  avis,  à  Beauvoir,  de  cette  division,  et  eut 
hâte  d'en  profiter.  Il  envoya  promptement  au  château  un  tambour 
promettant  1000  écus  à  ceux  qui  l'occupaient,  s'ils  lui  rendaient  la 
place.  Ils  promirent  de  le  faire,  et  M.  de  Beaucroissant  en  informa 
le  duc  et  la  cour,  qui  le  prièrent  d'y  tenir  la  main.  D'Allières,  averti 
que  son  sergent  est  hors  du  château,  accourt  de  Die,  avec  Bouvier, 
le  ministre  Denis  d'Hérieu,  et  quelques-uns  de  leur  suite.  D'Allières. 
Bouvier  et  le  ministre  vont  au  château  et  font  toutes  sortes  de  re- 
montrances en  faveur  de  Port  ;  le  ministre  leur  fait  un  prêche  sur  le 
mal  qu'apportent  la  division  et  l'absence  de  chef;  enfin,  il  leur  dit 
que,  si  absolument  ils  ne  veulent  pas  du  sergent  Port,  ils  aient  à 
prendre  celui  que  le  prince  de  Condé  leur  donnera.  Ils  répondent 
que,  si  ce  prince  leur  donne  un  homme  agréable,  ils  obéiront.  Sur 
ce,  on  retourne  à  Die,  pour  y  faire  pourvoir.  Mais,  en  attendant, 
M.  de  Beaucroissant,  ayant  envoyé  chercher  des  hommes  à  Saint- 
Antoine  et  ailleurs,  va  au  château,  où  il  met  son  frère  pour  com- 
mander, avec  25  soldats  ;  ce  que  voyant,  ceux  de  la  Corbeille  s'en- 
fuient. Pivert  (2)  et  autres  demeurent  au  château,  et  reçoivent  ce 
qu'on  leur  avait  promis  (3). 

(i)    Var.   Pinet. 

(2)  Var.  Pinet. 

(3)  Mémoires  cit. 


70  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

Voilà  apparemment  la  reddition  de  Pont-en-Royans  au  roi  que 
les  biographes  de  Sébastien  de  Lionne  attribuent  à  l'habileté  de  ce 
gentilhomme.  Sébastien,  disent-ils,  était  prisonnier  des  protestants 
en  1580,  et  détenu  à  Pont-en-Royans,  où  commandait  Gabriel  Odde 
de  Triors,  qu'il  gagna  au  roi.  Il  lui  fit  rendre  les  places  qu'il  occu- 
pait, et  fut  ensuite  avec  sa  femme  son  héritier  par  actes  testamen- 
taires de  1585  et  1586.  En  récompense  de  ses  services  dans  le 
Royans.  Henri  III,  par  lettres  du  10  décembre  1580,  lui  accorda  500 
écus  d'or  de  pension  sur  l'épargne  royale.  Il  devint  le  3  janvier  sui- 
vant secrétaire  de  la  chambre  du  roi  et  de  la  reine-mère  Catherine 
de  Médicis,  et  occupa  ensuite  d'autres  emplois  importants.  Il  con- 
tribua à  maintenir  les  châteaux  et  forteresses  du  Royans  sous 
l'obéissance  du  roi  ;  aussi  les  ligueurs  menacèrent  sa  vie  et  sacca- 
gèrent sa  maison  de  Grenoble  (i). 

Toujours  est-il  que  cette  reddition  «  rendit  les  huguenots  bien 
tristes  et  plus  fâchez  que  de  la  perte  de  Beauvoir  (2).  » 

Mais,  pendant  les  trois  ou  quatre  ans  de  paix  imposés  par  le  duc 
de  Mayenne  après  la  prise  de  la  Mure,  le  Royans  parut  toujours  un 
terrain  prêt  à  abriter  la  réforme,  dès  que  les  circonstances  devien- 
draient plus  favorables  à  celle-ci.  Aussi,  le  28  mars  11585,  sur  l'aver- 
tissement envoyé  de  Saint-Nazaire  par  M.  de  Claveysoa  que  ceux 
de  la  réforme  s'apprêtent  à  s'emparer  de  quelques  villes,  les  Roma- 
nais  couraient  aux  armes  et  mettaient  de  fortes  gardes  aux  portes  de 
leur  ville.  Le  surlendemain,  Maugiron  approuve  ce  qu'on  a  fait  et 
envoie  à  Saint-Marcellin  l'ordre  «  de  prendre  les  armes  sous  l'obéis- 
sance de  Sa  Majesté,  parce  qu'il  y  avoil  ad  vis  certains  d'aucuns 
princes  qui  se  vouloient  emparer  du  royaume  avant  la  mort  de  Sa 
Majesté.  »  Or,  bien  qu'il  recommandât  de  «  faire  sagement  en  con- 
servant ceux  de  la  Religion  prclcndue  suivant  les  édils  de  paix,  et 
qu'il  n'y  en  mesarrivast,  cella  néanmoins  donna  frayeur  à  plusieurs 
de  lad.  Religion  qui  absentoient  se  retirans  au  Royans.  »  L3ien  plus, 
le  13  mai  suivant,  une  troupe  de  réformes  du  Viennois  passait 
l'Isère  à  F2ymeux,  et  de  là  allait,  deux  ou  trois  joui's  après,  sous  la 
conduite  de  MM.  de  Triors  et  de  la  jonchère,  et  au  nombre  de  deux 
ou  trois  cents,  prendre  quartier  à  Sainl-jean-cn-Royans,    sans  faire 

(i)  CiiriKiKH,  f>p.  cit.,  Il,  702  ;  —  Oliuvics  de  .Mi;r  de  l^'iomentièrcs,  cvcquc 
d'Aiic,  t.  VF,  p.  I  v-2  :  —  Vincent,  op.  cit.,  p.  H8  ;  —  Ciikv  ai.ikh,  dans  liullct. 
cit.,    XI,    64-5;    Lettres   inéd.    de  Hu^.   ie  Lionne  (notice  prclimin.),  p.   16-7. 

(2)  Mémoires  cit. 


DE    P0NT-EN-R0YA.\S.  7I 

de  violence,  mais  en  vivant  à  discrétion  aux  frais  du  peuple.  Mau- 
giron  et  même  Lesdiguières  invitèrent  tous  ces  réformés  à  mettre 
bas  les  armes  et  à  rentrer  chez  eux.  Mais  ceux-ci  s'excusèrent  «  à 
Toccurence  du  tems  et  aux  intentions  des  princes  unis  avec  »  le  car- 
dinal de  Bourbon  ;  toutefois  ils  voulaient  seulement  conserver  leurs 
vies,  observer  le  jeu  des  deux  armées  qui  se  renforçaient  dans  l'un 
et  l'autre  parti,  et  rester  humbles  sujets  de  Sa  Majesté.  Seulement, 
ils  ne  s'en  tinrent  pas  longtemps  à  ce  rôle  pacifique.  Le  6  juin  1585, 
sur  la  nuit,  les  huguenots  du  Royans  conduits  par  «  le  sieur  de 
Cugy,  de  Triol,  Délaye  et  Vachères,  passent  l'Isère  au  port  de  Beau- 
voir, et  allèrent  jusqu'à  Vertuquières  Saint-Sévère  et  autres  lieux,  » 
où  ils  firent  quelques  ravages  et  prirent  du  bétail  qu'ils  vendirent  à 
leur  retour  au  port.  Quelque  temps  après,  des  huguenots  conduits 
par  Vachères  passaient  près  de  Chabeuil  pour  revenir  au  Royans,  et 
tuaient  un  soldat  de  la  garnison  de  Chabeuil,  commandée  par  M.  de 
Montoison.  Celui-ci,  sortant  sur  eux  avec  des  cavaliers,  leur  tuait 
quelques  soldats,  et  le  reste  de  nos  huguenots  venait  prendre  le 
château  d'Hostun  et  tuer  de  sang-froid  tous  les  paysans  qui  s'y 
étaient  réfugiés  avec  leurs  biens.  Quelques  sept  semaines  plus  tard, 
le  20  juillet  1585,  Maugiron  envoya  à  Saint-Nazaire  le  conseiller 
Thomé,  pour  faire  part  aux  réformés  de  la  paix  conclue  par  le  roi 
avec  les  princes,  et  inviter  tout  le  monde  à  se  retirer  chez  soi  ;  mais 
les  réformés,  pleins  de  défiance,  après  avoir  promis  de  se  retirer, 
remontèrent  aux  montagnes  avec  leurs  troupes.  En  même  temps, 
«  le  régiment  de  Montlord  »  alla  à  Beauvoir  en  garnison,  laissant 
30  soldats  dans  le  prieuré  de  la  Sône  ;  mais  bientôt  il  fut  envoyé  à 
Crest,  pour,  de  là,  aller  avec  d'autres  troupes,  secourir  M.  de  Veau- 
nes  en  la  citadelle  de  Die. 

Le  3  août  1585,  est  publié  à  Grenoble  l'édit  royal  prescrivant  à 
tous  la  paix,  et  aux  réformés  de  vivre  catholiquement  ou  de  quitter 
le  royaume.  Les  huguenots  des  montagnes  s'opiniàlrant  et  fortifiant 
Die,  ceux  du  Royans  sont  contraints  de  fournir  pour  cela  des  vivres 
et  des  pionniers,  et  se  retirent  à  Saint-Jean-en-Royans,  où  Mau- 
giron les  fait  poursuivre  par  sa  compagnie  et  le  régiment  de  Mon- 
sieur de  Montlord.  Ils  fuient  aux  montagnes,  le  16  août,  mais  pour 
redescendre  bientôt  et  aller  chercher  au-delà  de  l'Isère  des  res- 
sources et  vivres  que  la  stérilité  de  la  saison  les  empêchait  de  trou- 
ver au  Royans. 

Cependant,  le  25  juin  1586,  arrivent  au  Royans  les  régiments  du 
sieur  de  Ramefort  et  du  baron  de  la  Roche.    Ils  reviennent  de  la 


72  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

Mure  et  vont  attaquer  Pont-en-Royans,  que  les  huguenots  aban- 
donnent après  avoir  perdu  40  chevaux  et  quelques  hommes.  Après 
cela,  ils  vont  passer  l'Isère  à  la  Sône,  et  se  retirent  au  Valentinois, 
avec  plusieurs  autres  compagnies  à  cheval  descendues  par  le  Royans 
afin  d'éviter  la  contagion  qui  désolait  Saint-Marcellia.  Puis  les 
huguenots,  descendant  au  Royans,  vont  ravager  le  23  novembre  la 
rive  gauche  de  l'Isère,  et  prendre  un  bateau  chargé  de  sel  qui  mon- 
tait à  Grenoble.  Bien  plus,  le  23  décembre  de  la  même  année,  une 
cinquantaine  de  huguenots  conduits  par  le  sieur  de  Frize,  qui  com- 
mandait alors  pour  leur  parti  à  Pont-en-Royans,  entrent  subitement 
dans  l'église  de  Saint-Antoine,  sur  la  fin  de  la  grande  messe,  et  y 
prennent  le  sous-prieur  de  ReyveroUes,  le  commandeur  de  Charny, 
le  curé  de  Roybon,  «  M'  de  Rostain  avec  ses  2  chevaux,  le  châtelain 
Anisson,  frère  Pierre  Aubujoux,  Claude  Dubois,  Pilloton  le  Bret,  de 
Vinet,  Jean  Villon.  »  Ces  pillards  s'en  vont  soudain  et  mènent  leurs 
captifs  «  au  Pont-de-Royans,  au  château.  »  On  laisse  cependant 
aller  "  Jean  \'illon  et  le  Bret,  leur  donnant  charge  de  retirer  neuf 
manteaux  qu'ils  avoient  laissez  en  la  maison  dud.  sieur  de  Frize;  » 
mais  on  «  les  arançonna  tous,  fors  M.  de  Rostain,  que  M.  de  Cugi 
fit  rendre,  mais  lui  coûta  son  grand  cheval.  » 

Le  sieur  de  Frize  était  de  Saint-Antoine,  ce  qui  explique  pourquoi 
Piémond,  dont  nous  exploitons  ici  les  mémoires,  continue  son  récit 
en  s'écriant  :  «  Voilà  un  bon  patriote!  »  Du  reste,  pour  édifier 
pleinement  les  lecteurs  sur  la  valeur  du  patriotisme  de  ce  sieur  de 
Frize,  notre  chroniqueur  ajoute  :  «  11  a  depuis  fait  faire  deçà,  par 
une  formillière  de  larrons  d'où  il  se  servoit,  des  courses  de  nuit 
pour  surprendre  et  les  uns  et  les  autres.  Ils  prindrent  sieur  François 
Mignon,  d'où  ils  eurent  cent  écus  ;  Bouverot,  d'où  il  eut  500  écus  : 
somme  que  à  guerre  ouverte  il  s'étoit  rendu  ennemi  de  la  ville  »  de 
Saint-Antoine.  Plus  tard,  «  pour  punition  de  ce  fort  fait,  led.  sieur 
de  Frize,  après  être  sorti  dud.  château  du  Pont  et  retiré  en  sa  mai- 
son à  St-Antoine,  par  ceux  de  la  mcmc  religion  il  fut  épié  à  Si- 
Antoine  le  propre  jour  de  Pâques,  11  avril  1599,  pour  être  saisi 
prisonnier,  et  se  sauva  à  la  fuite.   Dieu  ne  laisse  rien  impuni.  » 

Saint-Antoine  n'était  pas  le  seul  théâtre  des  déprédations  des 
huguenots  de  Pont-en-Royans.  Un  jour,  ceux-ci  viennent,  au  nom- 
bre de  35  et  conduits  par  Dibal,  .Utaquci- le  chaleau  de  Sainl-Paul 
près  Romans.  Bibat  fait  jouer  le  pétard,  on  entre  dedans,  (in  pille 
le  château,  on  prend  et  on  mène  au  l'ont  le  châtelain  Perret,  auquel 
on  demande  4,000  écus. 


DE    PONT-EX-ROYANS.  73 

Cependant,  les  catholiques,  émus  de  ces  excès,  voulurent  y  mettre 
fin.  Le  i  i  janvier  1587,  à  l'aube  du  jour,  M.  de  la  Baume,  avec  300 
arquebusiers  tirés  de  Valence,  de  Romans  et  d'ailleurs,  et  avec 
quelques  cavaliers,  arrive  à  Pont-en-Royans,  où  était  la  compagnie 
du  sieur  de  Cugy  pour  les  huguenots,  avec  quelques  hommes  de 
cheval  et  de  pied.  Des  barricades  étaient  dressées;  mais  M.  de  la 
Baume  les  emporte,  et  la  ville  est  gagnée  pour  les  catholiques,  ainsi 
que  les  chevaux  et  les  bagages  des  huguenots.  Le  châtelain  Pierre 
qu'ils  tenaient  prisonnier  est  libéré  ,  et  Cugy  se  sauve  à  pied. 
Cependant  les  huguenots  du  château  «  ne  voulurent  jamais  sortir  ; 
les  religieux  étaient  encore  prisonniers  et  mis  à  rançon  par  Frize  : 
Monsieur  de  Charny  à  120  écus,  les  autres  trois  pour  600  escus.  le 
châtelain  et  Dubois  pour  60  écus.  L'on  mit  le  feu  encore  dans  la 
ville  pour  la  haine  des  ravages  qu'ils  faisoient.  » 

Quelques  jours  après,  le  capitaine  Châtain,  enfant  de  Beauvoir- 
en-Royans,  avec  une  quarantaine  de  soldats,  entreprit  de  saisir  le 
château  du  Pont,  et  surprit  de  nuit  un  petit  fort  qui  commandait  ce 
château.  Mais  ces  braves  étaient  mal  fournis  et  mal  pourvus  de 
vivres.  L'entreprise  aboutit  à  la  mort  de  catholiques.  Aussi,  en  avril 
1587,  les  coureurs  du  Pont  infestaient  encore  les  environs  de  Saint- 
Antoine,  y  prenaient  un  paysan  qu'ils  menèrent  au  Pont,  où  ils  lui 
firent  payer  40  écus  de  rançon.  En  octobre  suivant,  50  chevaux  de 
la  compagnie  de  M.  de  Cugy  allèrent  »  â  Lens,  â  la  maison  de 
M.  de  la  Saulne,  qu'ils  pétardèrent  et  prinrent  son  fils  et  saccagèrent 
ce  qu'ils  purent.  »  Après  quoi,  Frize  tint  «  led.  fils  du  sieur  de  la 
Saulne  en  une  cave  sous  sa  chambre,  au  château  du  Pont,  bien 
trois  mois,  et  fallut  bailler  4,000  francs.  Autres  certains  brigands  » 
passèrent  l'Isère,  et  prirent  des  paysans,  qu'ils  menèrent  au  Pont. 

En  décembre  1587,  les  huguenots  du  Pont  firent  une  sortie  au- 
delà  de  l'Isère,  au-dessus  de  l'Albe.  Ils  tuèrent  7  soldats  au  capitaine 
Bonnet.  Poursuivis  à  leur  tour  jusqu'au  port  de  Beauvoir,  ils  y 
eurent  8  hommes  noyés  et  2  tués  dans  le  bateau  ;  18  chevaux  à  bord 
d'eau  furent  pris  et  emmenés  à  Saint-Marcellin.  Cela  leur  rabattit 
l'ardeur  de  courir. 

En  février  1588,  M.  de  Charpey  tuait  encore  13  soldats  et  prenait 
40  chevaux  à  Cugi,  qui  se  sauvait  au  Pont,  ainsi  que  Frize,  Bibat 
et  Rebut.  La  même  semaine,  Soubreroche  allant  de  Die  au  Pont, 
avait  12  hommes  tués  sur  place,  plusieurs  blessés,  et  presque  toutes 
ses  armes  enlevées  par  Germont,  capitaine  catholique,  qui  occupait 
Saint-Jean-en-Royans . 


74  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

Le  12  mai  suivant,  8  soldats  du  gouverneur  de  St-Marcellin. 
étant  allés  à  la  guerre,  sur  quelque  passage  du  côté  d'Armieu,  dé- 
couvrirent II  soldats  du  Pont,  menant  chacun  un  paysan  prisonnier 
attaché.  Ils  les  chargèrent  et  leur  firent  abandonner  leurs  prisonniers. 

Le  25  juin  1588,  le  sieur  de  Ratières,  de  la  garnison  de  Saint- 
iMarcellin  et  capitaine  d'une  compagnie  d'argoulets  à  cheval,  veut 
aller  avec  une  trentaine  de  soldats  à  pied  jusqu'aux  portes  de  Pont- 
en-Royans,  où  ils  font  3  prisonniers.  INlais,  au  retour,  ils  s'amusent 
à  boire  à  Saint-André,  et  les  huguenots  ayant  découvert  combien  ils 
peuvent  être,  les  suivent,  qui  à  pied,  qui  à  cheval,  et  les  atteignent 
au  bois  de  Claix.  De  Ratières  et  ses  hommes  perdent  courage  et 
courent  aux  bateaux,  où,  douze,  voulant  sauter  trop  vite,  sont  noyés, 
pendant  que  sept  sont  tués,  et  sept  faits  prisonniers.  Le  reste  se 
sauve  dans  le  bois. 

Après  de  nombreuses  courses  des  huguenots  du  Pont  sur  les  deux 
rives  de  l'Isère,  une  trêve  est  conclue  le  20  mars  entre  Alphonse 
d'Ornano,  lieutenant  général  en  Dauphiné,  et  Lesdiguières.  Mais 
Cugi,  toujours  gouverneur  du  Royans  pour  les  huguenots,  continue 
à  guerroyer.  \'ers  la  fin  de  mai  suivant,  il  porte  hors  du  Dauphiné 
ses  armes  impatientes,  et  va,  de  concert  avec  des  capitaines  catholi- 
ques, prendre  Andance,  au  bord  du  Rhône,  pour  échouer  ensuite 
devant  Condrieu. 

Le  15  septembre  suivant,  Lesdiguières  et  d'autres  de  son  parti 
descendent  au  Royans,  et  ce  célèbre  chef  loge  au  château  de  la 
Grange.  Alphonse  d'Ornano  s'y  étant  rendu,  on  traite  de  faire  la 
guerre  contre  Romans,  Bourgoin  et  Moirans,  tenus  par  le  parti  des 
Guises.  -Mais  ce  n'est  pas  la  fin  de  la  domination  des  huguenots  au 
Pont,  carie  17  janvier  1590  le  reste  de  la  compagnie  du  sieur  de 
Verdun,  qui  y  était,  avec  partie  de  la  compagnie  de  M  de  Cugi,  son 
beau-père,  s'assemblent  à  Dionnay  avec  les  autres,  puis  se  dirigent 
vers  Bressieux  ;  et  le  17  juillet  suivant,  de  Verdun  est  encore  au 
Pont,  d'où  il  fait  piller  à  Saint-.Vntoine  des  bœufs,  des  brebis  et  des 
chèvres,  qui  sont  ensuite,  sur  son  ordre,  vendus  aud.  Pont.  Celui-ci 
doit  cire  poursuivi  ;  on  obtient  contre  lui  un  décret  pour  le  faire 
venir  à  compte  ;  mais  les  sergents  royaux  refusent  de  faire  les  noti- 
fications, et  il  faut  que  le  président  St-.Vndré  donne  pour  cela  un 
archer  de  prévôt,  qui  \a  les  faire  au  r\)nt. 

Le  16  août  1590,  au  lieu  de  comparaître  à  Romans  pour  le  fait  en 
question,  Verdun  envoie  le  capitaine  Monduisant,  son  lieutenant, 
avec  18  argollets,  jusqu'aux  portes  de  Saint-Antoine  ;  ils  y  prennent 


DE    PONT-EN-ROYANS.  75 

tout  le  bétail  qu'ils  peuvent  et  l'emmènent  au  Pont.  Sur  ce,  le  pré- 
sident St-André  lui  écrit  de  ne  pas  molester  ainsi  Saint-Antoine  ; 
mais  il  ne  répond  rien.  St-Ferréol  lui  écrit  dans  le  même  sens  ; 
Verdun  se  contente  de  mettre  au  dos  de  la  lettre  :  «  Monsieur, 
ceux  qui  vous  ont  fait  entendre  que  mes  soldats  les  ont  ravagez, 
ont  menti.  S'ils  sont  de  ma  qualité,  je  les  ferai  mourir  pour  revenche; 
si  non,  cent  coups  d'étrivières.  Je  commande  au  Royans  en  l'absence 
de  M.  de  Cugi  ;  je  permets  bien  lever  des  assignations  qui  ne  sont 
pas  plus  liquides  que  celle  que  je  demande  aux  gens  de  St-Antoine. 
Ils  se  sont  bien  gardez  d'en  présenter  requeste  à  M.  Desdiguières, 
auquel  je  suis  sei-viteur.  A  M.  de  Saint-André,  à  M.  le  baron  de  la 
Roche,  et  à  vous,  s'il  vous  plait,  pour  votre  particulier  (\).  « 

Du  reste,  Cugi,  par  lui  ou  ses  lieutenants,  rançonne  bien  d'autres 
pays.  Encore  en  1 590,  on  le  voit  sommer  les  consuls  de  Bouvante 
de  lui  fournir  en  contributions  du  vin,  du  blé,  des  moutons,  de 
l'avoine  et  autres  provisions  à  l'usage  de  sa  table  et  de  ses  che- 
vaux (2). 

Enfin,  pour  compléter  un  peu  le  tableau  des  événements  lugubres 
dont  le  Pont  et  le  Royans  furent  le  théâtre  en  cette  année  1590, 
nous  devons  rappeler  le  trait  suivant  dont  le  souvenir  fait  dresser 
les  cheveux  sur  la  tête.  Le  calviniste  Duverdet  était  accouru  de  Die 
à  Saint-Antoine  avec  une  soldatesque  digne  de  lui.  «  Homme  fé- 
roce, il  ne  lui  suffit  pas  d'arracher  à  l'église  le  peu  d'ornements  qui 
lui  restaient,  et  de  s'enrichir  des  dépouilles  sacrées  ;  il  a  des  chaînes 
apportées  exprès  pour  les  chanoines.  Duverdet  en  traînait  quatre 
dans  les  prisons  de  la  ville  de  Die  :  au  passage  de  l'Isère,  il  leur 
montra  l'eau  d'un  geste  significatif;  mais,  arrivé  sur  le  pont  d'une 
autre  rivière,  celle  de  Bourne  dans  le  Royannais,  choisissant  un 
abîme  rapproché,  il  y  précipite  ses  prisonniers  au  milieu  d'impréca- 
tions furibondes  (3).  » 

De  si  odieux  excès  préludaient  à  l'agonie  de  la  domination  mili- 
taire d'une  odieuse  faction.  Le  22  décembre  1590,  Lesdiguières 
enlevait  Grenoble  aux  ligueurs,  et  le  Dauphiné  était  désormais  entre 
les  mains  de  Henri  IV.  L'occupation  du  Pont  par  les  hordes  hugue- 
notes perdait  tout  prétexte  d'existence.  Aussi  les  Mémoires  de  Pié- 
mond  disent-ils  que.  «  après  la  prinse  de  Grenoble,  M.  Desdiguières 

(1)  Mémoires  cit.;  —  Dassy,  op.   cit.;  —  Lacroix    Invent,  cit.,  E,    1253. 

(2)  Vincent,  op.  cit.,  p.  90-1. 

(3)  Dassy,  op.  cit.,  p.   266-7. 


76  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

retrancha  la  compagnie  de  M  de  Frize  du  château  du  Pont  à  12 
hommes.  »  Bien  plus,  après  une  assemblée  à  la  Grange  de  Royans 
«  où  se  trouvèrent  les  seigneurs  Desdiguières,  de  Boutéon,  de  la 
Baume,  du  Pouët,  de  Blascon  et  autres,  »  et  qui  eut  lieu  le  i  1  jan- 
vier 1592,  on  voit,  en  février  suivant,  M.  de  Frize  demander  «  à 
Saint-Antoine  un  pionnier  pour  feu  pour  démolir  le  château  du 
Pont  en  Royans,  qu'il  avait  fait  bâtir  au  préjudice  du  pais  (i).  » 

Dès  lors,  le  Pont  retrouva  quelque  peu  de  calme,  et  put  panser 
les  innombrables  blessures  que  lui  avaient  causées  vingt-cinq  ans 
de  luttes  et  de  ravages  inouïs.  Notre  génération  se  ferait  difficilement 
une  idée  du  spectacle  navrant  que  présentait  alors  cette  malheu- 
reuse petite  ville.  En  voici  cependant  quelques  traits  fournis  par  un 
acte  du  3  avril  1598.  Avant  cette  époque,  «  par  le  moyen  des  guerres 
civiles,  pour  raison  desquelles  la  ville  de  Pont-en-Royans  »  avait 
«  été  brûlée,  et  par  le  moyen  aussi  de  la  maladie  dernière  de  la  con- 
tagion, »  il  était  mort  «  plus  de  la  moitié  du  peuple.  »  Aussi,  «  plu- 
sieurs chasaux,  terres  et  autres  biens,  étaient  «  demeurés  vacants  à 
lad.  ville,  «  laquelle  avait  fait  choix  de  trois  procureurs  chargés  de 
déférer  ces  biens  à  ceux  qui  auraient  moyen  d'en  payer  les  tailles. 
Ces  procureurs,  qui  étaient  Gaspard  Chastel,  Léonard  Macaire  et 
Isaac  Rochas,  marchands  du  lieu,  à  la  date  ci-dessus  et  en  vertu  de 
la  charge  indiquée,  cédèrent  à  Guillaume  Allemand  un  chasal  de 
maison  située  entre  la  Bourne.  le  chasal  des  prieurs  du  \'al-Ste- 
Marie,  la  rue,  et  le  chasal  d'Antoine  Terrot.  Le  prix  fut  d'un  écu,  qui 
allait  être  employé  «  à  la  faction  et  parachèvement  de  l'horloge  de 
lad.  ville  (2).  » 

La  rage  des  sectaires  avait  particulièrement  frappé  les  édifices 
religieux.  Quant  au  personnel  du  prieuré  et  aux  ecclésiastiques  de 
la  locahlc,  ils  avaient  dû  fuir  pendant  de  longues  années  devant 
l'horrible  tempête.  Le  temps  considérable  pendant  lequel  n'apparait 
aucun  document  les  concernant,  en  est  à  lui  seul  une  preuve  assez 
claire.  Nous  n'avons  rien  de  positif  sur  leurs  personnes  ni  sur  leurs 
droits  dans  la  localité  depuis  l'acte  cité  de  1 569  jusqu'à  un  du  26 
décembre  1591.  Par  ce  dernier,  Claude  Glénat,  marchand  du  Pont, 
«  de  la  part  de  Mess''  les  Relig"  de  St-Antoine  de  \'iennois,  prieur 
du  prieuré  de  ce  lieu  du  Pont  et  curé  de  la  cure  de  »  Ste-Eulalie, 
requérait  le  consul  de  ce  dernier  lieu  et  son  conseiller  d'avoir  à  faire 

(  I  )  Mcmotrea  cit. 

(2)  La  R'itnauaise,  25  m  irs   1864;  — Not.  histor .  sur  la  famille  Terrol,  p.  76-7. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  77 

réparer  leur  église.  Il  leur  offrait  d'y  faire  célébrer  le  service  divin 
dès  qu'il  pourrait  y  avoir  lieu.  Cet  acte  prouve  que,  si  les  religieux 
de  St-Antoine  n'étaient  déjà  rentrés  en  possession  du  prieuré  du 
Pont,  dont  dépendait  la  cure  de  Ste-Eulalie,  ils  songeaient  sérieuse- 
ment à  le  faire.  Mais  il  ne  suppose  pas  que  le  prieuré  même  fut  déjà 
réorganisé,  occupé  et  administré  par  quelqu'un  ou  quelques-uns 
d'entre  eux.  Toutefois,  ce  dernier  point  était  obtenu  dès  1598,  comme 
le  montre  un  contrat  du  10  juin  de  cette  année.  Ce  contrat,  reçu  par 
Piémond  not%  porte  que  Messieurs  du  vénérable  chapitre  et  couvent 
du  monastère  de  St-Antoine  donnent  «  à  vénérable  frère  Antoine 
Collet,  »  religieux  dud.  ordre  \  administration  et  le  régime  du  prieuré 
de  St  Pierre  de  Pont  en  Royans,  uni  par  autorité  apostolique  à  la 
table  conventuelle  dud.  monastère.  Collet  jouira  sa  vie  durant  de 
tous  les  fruits  et  revenus,  droits  et  prestations  annuelles  appartenant 
à  ce  prieuré,  sous  les  conditions  portées  aud.  contrat,  notamment 
sous  celle  de  payer  annuellement  les  charges  ordinaires  et  extraor- 
dinaires de  ce  prieuré. 

On  a  divers  contrats  passés  par  Collet  au  sujet  du  prieuré,  en 
l'année  1599  et  plus  tard.  Mais  dès  le  5  septembre  1603,  ce  sont 
«  lesd.  seigneurs  du  Chapitre  »  qui  agissent  dans  un  arrentement  du 
prieuré  pour  3  ans  à  Pierre  Arnaud,  marchand  du  Pont,  au  prix  de 
330  livres  par  an,  et  reçu  encore  par  Piémond  not";  et  cet  arrente- 
ment porte  :  que  ces  3  ans  commenceront  «  pour  les  terres  et  censés  » 
au  i"^  novembre  1603,  et  pour  le  droit  du  four  au  i"  janvier  1604  ; 
que  Arnaud  avancera  «  sur  le  susd.  prix  l'entretien  du  prêtre  qui  fera 
le  divin  service  aud.  prieuré,  »  mais  ce  seulement  suivant  les  mandats 
desd.  seigneurs  du  Chapitre  ;  qu'il  avancera  aussi  les  décimes,  les 
portant  auxd.  seigneurs  iç  jours  avant  le  paiement  que  ceux-ci  de- 
vront en  faire  ;  que  s'il  fait  quelque  réparation  au  four  avec  le  sei- 
gneur du  Pont,  ils  lui  tiendront  compte  de  la  moitié  due  par  eux  ; 
que  pour  les  cas  fortuits  qui  adviendraient,  on  s'en  tiendra  au  rabais 
à  fixer  par  des  amis  communs.  En  lôoô,  c'était  encore  le  Chapitre  de 
St-Antoine  qui  agissait  directement  et  en  son  nom  à  propos  de  dif- 
ficultés, pour  la  dime,  avec  Ste-Eulalie. 

Après  quoi,  on  trouve  le  Père  Claude  Aubert,  prieur,  passant 
devant  Giroud,  not''  au  Pont,  divers  actes  au  profit  du  prieuré,  entre 
autres  un  arrentement  fait  en  1609,  année  où  fut  passée  une  «  matri- 
cule des  terriers  »  de  ce  prieuré  (i).  En   161  3,  frère  Aubert,  chargé, 

(i)  Arch.  de  la  Drôme,  fonds  de  Ste-Croix. 


70  HISTOIRE    RfLIGIEUSE 

comme  prieur  du  Pont,   du  service   de   Ste-Eulalie,  conduisait  en  ce 
dernier  lieu,  le  vicaire  général  de  Die  en  visite  canonique  (i  ). 

Le  14  décembre  1622,  par  acte  reçu  Piémont  not"  à  St- Antoine, 
le  vicariat  du  prieuré  du  Pont  était  confié  au  Père  Gérard  Carrât, 
commandeur  d'Avignon,  sous  lequel  furent  faits  plusieurs  actes  au 
nom  du  Chapitre  et  au  profit  dud.  prieuré.  Celui-ci  avait  recouvré  à 
peu  près  tous  ses  biens  d'autrefois,  et  la  maison  priorale,  surtout 
«  la  chambre  basse,  »  servait  souvent,  du  moins  dès  1625,  à  passer 
les  reconnaissances,  arrentements,  etc.  11  y  a  un  dernier  acte  que 
frère  Carrât  signe  comme  «  commis  »  par  le  chapitre  de  St- Antoine 
«  pour  servir  in  divinis  en  qualité  de  vicaire,  sa  vie  durant,  aud. 
prieuré  et  cures  qui  en  dépendent,  assisté  d'un  prêtre  secondaire.  » 
C'est  une  déclaration  qu'il  fait,  le  31  octobre  1634,  des  fonds  que  le 
prieuré  «  possède  de  toute  antiquité  dans  le  Pont,  Ste-Eulalie,  St- 
Etienne  de  Belair  ou  de  Chorenches.  »  Ces  fonds  sont,  1°  au  Pont  : 
un  jardin  dans  l'enclos  des  vieilles  murailles  dud.  Pont,  confrontant 
à  la  rue  qui  va  à  Bourne  au  vent,  le  cimetière  du  lieu  au  levant,  des 
chasaux  où  étaient  jadis  les  maisons  du  prieur  et  de  ses  religieux  au 
couchant,  et  les  murs  anciens  de  la  ville  (passage  entre  deux)  de 
bise  ;  une  pièce  de  terre  dite  le  champ  du  prieuré  ;  2"  à  Ste-Eulalie  : 
I  pré,  I  pièce  de  vigne  avec  terre  et  pré,  et  1  terre,  le  tout  appar- 
tenant au  prieuré  même  ;  et  une  pièce  de  pré  avec  vigne,  provenant 
de  la  cure  dud.  Pont;  3°  à  St-Etienne,  3  pièces  de  terre,  dont  l'une, 
près  du  cimetière,  provient  de  lad.  cure  du  Pont.  Au  surplus,  les 
titres  de  commis  et  vicaire,  sa  vie  durant,  aud.  prieuré,  que  prend 
Carrât,  expriment  les  conditions  dans  lesquelles  se  trouvèrent  ses 
successeurs  à  la  tète  de  la  maison  du  Pont  ;  car  le  prieuré  continua 
à  rester  annexé  au  chapitre  de  Saint-Antoine,  bien  que  les  vicaires 
de  celui-ci  au  Pont  aient  souvent  pris  le  titre  de  prieur  ou  de  supé- 
rieur, et  aient  agi  en  beaucoup  de  choses  sans  recourir  au  chapitre 
ou  à  l'abbé  de  l'ordre. 

Parmi  ces  chefs  de  la  maison  du  Pont,  nous  trouvons  ensuite  les 
RR.  PP.  Louis  Darliac  (1642-55),  Jean  Symonet  (1657-8J,  Jean- 
Pierre  Baborier  (1658-68),  Louis  Caquey  (1670-1),  Ange  de  Blosset 
(1673-6),  Jacques  Petichet  (1676-9),  Erançois  Brenier  (1679-84J, 
Jacques  Pilliéron  (1685-91),  Antoine  Dauphin  (1692-5),  Jean  ICynard 
(1695),  Antoine  Truchet  (1695-1  705),  11.  Mongellaz,  (1705  cl  1706-7), 
J.  l'aujas  (1706),  Gabriel  Vallier  de  Baleine  (1708  et  171  ij,  Melchior 

(i)  Arch.  cit.,    Visites  de  Die. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  79 

Millias  (1712),  Pierre  Gonon  (1713-7),  Antoine-Joseph  Lâchasse 
(1717-20),  Pierre  de  Larenie  (1720-3),  Louis  Burignot  (1723-7  et 
1728-Q),  André  Carlin  (1727-8  et  1729),  François  de  Beaumont 
(1729-34),  Pierre  de  Russy  (1735-41),  ....  de  Beaumont  (1742-6),  J. 
Durret  (1748-52),  François  de  Beaumont  (1757-69),  et  Fraisse  (1774- 

8)  (ij. 

Les  revenus  de  la  maison  consistaient  en  dîmes,  censés  et  droits 
seigneuriaux,  récoltes  des  fonds  exploités  parles  religieux,  pensions, 
etc.,  dont  voici  l'indication  détaillée  d'après  VEstat  de  la  maison  pouv 
1678,  sauf  additions  ou  observations  d'après  d'autres  documents, 
s'il  y  a  lieu. 

Le  four  banal  du  Pont,  affermé  par  moitié  avec  le  marquis  du  lieu, 
rendait  au  prieuré  par  an  la  somme  de  130  livres  10  sols,  et  tous  les 
15  jours  2  braises  retirées  par  la  femme  faisant  la  lessive  des  reli- 
gieux pour  avoir  des  cendres. 

La  dime  de  Choranches,  affermée  550  livres,  et  4  charges  de  vin 
en  vendange  estimées  ensemble  16  livres. 

La  dîme  de  Vassieux,  affermée  500  livres,  outre  lesquelles  le  fer- 
mier payait  100  livres  de  chandelles  et  loo  livres  de  fromage  pour 
l'abbaye  de  St-Antoine,  autant  de  chandelles  et  de  fromage  pour  la 
maison  du  Pont;  il  payait  encore  toutes  les  charges  et  le  vicaire  du 
lieu. 

La  dîme  et  les  rentes  du  prieuré  de  \'alchevrières,  affermées  33 
livres. 

La  dîme  de  St-Julien-en-Quint  affermée,  toutes  charges  pavées, 
80  livres. 

La  dîme  de  Laval- St-Mémoire,  affermée  63  livres.  Cette  rectorie 
cessa  dès  1765  d'être  desservie  par  les  Antonins  du  Pont,  qui,  par 
suite,  n'en  retirèrent  plus  rien. 

La  dîme  des  grains  du  Pont  et  de  Sainte-Eulalie,  payée  en  grains 
par  le  fermier,  et  évaluée  à  207  livres  4  sols  ;  celle  des  agneaux  desd. 
paroisses,  affermée  6  livres  ;  et  celle  du  vin  de  Ste-Eulalie  affermée 
à  II  charges,  à  raison  de  3  livres  la  charge,  soit  33  livres.  La  dîme 
du  vin  du  Pont  rendait  environ  50  charges,  qui,  estimées  4  livres 
l'une,  faisaient  200  livres. 

Le  terrier  du  Pont,  déduction  faite  de  la  9^  part  revenant  à  l'exac- 
teur  pour  sa  peine,  devait  rendre  par  an  :  9  sétiers  froment,  estimés 
18  écus  ;  2  sétiers  écossial  ou  seigle,  estimes  10  liv.;  9  sétiers  avoine 

())  Arch.  cit.,  fonds  de  Ste-Croi.x. 


8o  HIST.    DE    PONT-EN-ROYANS. 

valant  i8  liv.;  3  baraux  de  vin,  valant  4  llv.  10  sols;  châtaignes 
fraîches  et  sèches,  gelines,  poulets,  pailles,  palets  et  noyaux,  valant 
en  tout  environ  8  liv.;  8  liv.  4  sols  8  deniers  d'argent,  valant  seule- 
ment environ  7  livres,  à  cause  des  deniers  et  liards,  qui  ne  s'exigaient 
pas. 

Les  lods,  valant  environ  20  liv.  par  an. 

Les  pensions,  valant  50  livres  par  an. 

Les  fonds  exploites  par  la  maison,  rendant  par  an  en  moyenne  : 
6  sétiers  froment  ou  fèves,  valant  40  liv.;  3  sétiers  froment,  valant 
20  livres  ;  3  sétiers  orge,  valant  12  liv.;  4  sétiers  «  bled  noir  ou 
erres;  »  12  charges  de  vin,  à  3  liv.  10  sols  chacune  ;  et  20  quintaux 
de  foin,  à  15  sols  chacun. 

Le  terrier  de  la  chapelle  de  Claix,  desservie  depuis  quelques  an- 
nées parle  Pont,  et  lui  produisant  environ  12  liv.  pour  les  grains, 
dont  le  rentier  de  l'abbaye  avait  exigé  une  partie  à  la  Toussaint  1677, 
et  10  livres  en  argent.  2  petits  champs  en  froment  ou  avoine,  dépen- 
dants de  cette  chapelle,  produisaient  6  livres.  Les  offrandes  ou  hono- 
raires de  messes  qu'on  y  recevait,  valaient,  frais  déduits,  environ 
120  livres  le  8  septembre,  et  10  liv.  le  reste  de  l'année. 

3  pensions  achetées  par  le  R.  P.  Baborier,  valant  18  liv.  10  sols. 

La  sacristie  de  l'église  du  Pont,  produisant  environ  15  liv.  en 
offrandes  ou  honoraires  de  messes  ;  le  service  des  fondations  ou 
chapelles,  produisant  38  livres  ig  sols;  la  cure  dud.  lieu,  c'est-à- 
dire  le  casuel,  qui  avait  produit  les  deux  dernières  années  150  livres, 
«  à  cause  de  deux  annuels,  mais  ne  produisait  ordinairement  que  60 
livres  ;  et  la  chapelle  des  Pénitents,  valant  en  messes  8  livres. 

Il  y  avait  en  outre  la  pension  de  6  sétiers  froment,  valant  42  liv., 
et  de  4  sétiers  avoine,  valant  8  livres,  que  faisait  la  cure  de  Châtelus, 
mais  qui  était  alors  plaidée  ;  et  les  pailles  de  la  dîme  de  Ste-Eulalie, 
valant  environ  10  livres. 

En  somme,  les  revenus  annuels  du  prieuré  du  Pont  étaient  en 
1678  de  2529  livres  et  13  sols. 

(La  suite  au  prochain  uiinicroj. 

L.    FILLET. 


MYSTÈRE 

DES    TROIS    DOMS 

JOUÉ   A    ROMANS    EN    lôog. 


CETTE  composition  dramatique  n'est  point  assurément  un  chef- 
d'œuvre-  Les  lecteurs  exclusivement  soucieux  des  beautés  litté- 
raires, pourront  se  dispenser  de  l'ouvrir  :  leur  curiosité  ne  serait  pas 
satisfaite.  Toutefois,  s'il  est  vrai  que  l'histoire  des  littératures  «  n'est 
pas  faite  seulement  pour  fournir  à  l'admiration  des  hommes  un  choix 
de  modèles,  mais  que  ses  monuments  divers  doivent  former  avant 
tout  un  musée  scientifique  (i)  »  ;  s'il  est  incontestable  qu'ignorer  le 
théâtre  du  moyen  âge,  c'est  ignorer  en  môme  temps  une  partie  con- 
sidérable de  cette  époque  (2),  on  conviendra  que  cette  publication 
peut  avoir  son  intérêt  et  son  utilité.  Ce  qui  ajoute  à  son  prix,  ce  sont 
des  documents  «  fort  curieux  »,  au  dire  de  M.  Petit  de  JuUeville,  qui 
retracent  l'histoire  de  notre  mystère  «  avec  des  détails  que  nous  ne 
possédons  sur  aucun  autre  (3)  »  ;  c'est  encore  l'ensemble  des  textes 
relatifs  aux  représentations  théâtrales  en  Dauphiné  que  nous  éditons 
à  la  suite  et  qui  apportent  un  contingent  considérable  à  l'étude  gé- 
nérale de  la  littérature  dramatique. 

I 

Le  mystère  des  Trois  Doms  (4),  c'est-à-dire  des  trois  saints  mar- 
tyrs Séverin,  Exupère  et  Félicien,  fut  représenté  à  Romans  aux  fêtes 

(i)  F.  GuESSARD  et  E.  de  Certain,  Mystère  du  siège  (^Orléans,  1862,  p.  iij. 

(2)  L.  Petit  de  Julleville,  Histoire  du  théâtre  en  France:  les  Mystères,  1880, 
t.  I,  p.  16. 

(3)  Ibid.,  t.  II,  pp.  95  et  96. 

(4)  Voir  sur  cette  appellation  le  Diction,  de  Littré,  v°  Dom.  On  trouve  les  for- 
mes :  donipni,  p.  637  ;  domps,  pp.  591,  598,  631,  642  ;  dums,  p.  632  ;  dons,  p. 
641-2  ;  doux,  p.  637  ;  damps,  p.  3  ;  dans,  pp.  21^,638,  793  et  816. 

Bull.  VII,  1886.  6 


82  MYSTERE  DES  TROIS  DOMS 

de  Pentecôte,  les  27,  28  et  29  mai  1509.  Il  en  est  fait  mention  dans 
les  temps  postérieurs,  à  des  intervalles  plus  ou  moins  éloignés. 

Le  31  mai  1521,  le  manuscrit  fut  prêté  à  Ponson  Baudin  fils,  de 
Romans,  pour  1"  «  aider  à  composer  l'histoire  de  la  vie  de  saint 
Ignace  (i)  ». 

Aymar  du  Rivail,  qui  écrivit  dans  le  premier  tiers  du  XVI"  siècle 
ses  neuf  livres  sur  les  AUobroges ,  affirme  que  les  Romanais 
représentèrent  plusieurs  fois  la  vie  et  la  mort  sanglante  des  trois 
saints  : 

«  Per  aliquod  annorum  curriculum,  eorum  vitam  et  mortem  ac  sup- 
plicium  Romanenses  magno  sumptu  commémorant  et  ludo  reprae- 
sentant  (2).  » 

L'annaliste  fait  évidemment  allusion  ici  au  Mystère  des  Trois 
Doms.  Né  vers  1490,  à  Saint-Marcellin,  dans  le  voisinage  de  Ro-' 
mans,  élevé  dès  sa  plus  tendre  enfance  à  1'  »  académie  »  de  cette 
dernière  ville  (3),  où  il  a  dû  sans  doute  conserver  des  relations,  du 
Rivail  ne  pouvait  ignorer,  ni  l'œuvre  du  chanoine  Pra,  ni  l'année  où 
elle  fut  jouée  pour  la  première  fois.  Aussi,  lorsc;iue  dans  son  histoire 
continuée  jusqu'en  15  ^5,  et  même  remaniée  depuis,  il  avance  que  les 
Romanais  sont  en  usage  de  célébrer  de  temps  en  temps,  à  époques 
en  quelque  sorte  périodiques,  et  par  des  jeux  figurés  à  grands  frais 
sur  un  théâtre,  la  mémoire  des  saints  patrons  de  la  cité,  il  faut  bien 
en  conclure  que  notre  Mystère  ne  lui  est  pas  demeuré  inconnu  et 
qu'il  l'a  en  vue  dans  le  passage  précité. 

Il  faut  arriver  à  la  fin  du  XVIII^  siècle  pour  rencontrer  quelques 
pages, —  peu  flatteuses,  il  est  vrai,  —  relatives  à  cette  composition 
dramatique.  En  1787,  les  Affiches  du  Dauphiné  en  donnèrent  une 
courte  analyse  (4),  reproduite  la  même  année  dans  le  Journal  de 
Paris  (5)  et  empruntée  à  ce  dernier  par  V Esprit  des  Journaux  (6). 
L'auteur  de  cet  article  est  un  romanais,  qui  s'est  caché  sous  le  voile 
de  l'anonyme  : 

(i)  Voirie  dncumcnt  Rovniis  rMJRB,   p.  8i6. 

{2)  Aymari  Rivali.ii  Je  Allobro^ihvs  libri  IX,  cura  .Nclfr.  de  Terrfbasse  ;  Vicn- 
nac  Allobrogvm,   184),   in-8",  p.  363. 

(3)  Op.  cit.,  p.  ij-iv  ;  —  Gikaud,  Aymar  du  Rivail  cl  sa  famille  \  Lyon,  i8.:j9, 
in-8",  p.   I  5-7. 

(4)  N°  12,  du  20  juillet,  X\\''=  année,  p.    51. 

(5)  Année   1787,  n"  26.},  p.  1  113. 
(0)  Décembre  1  787,  t.  XII,  p.   231-3. 


JOUE    A    ROMANS    EN     I 5O9.  83 

«  Le  27  mai  1 509,  fut  représenté  à  Romans,  devant  l'église  des  Cor- 
deliers,  Iq  Jeu  ou  Mystèj-e  des  trots  Danips  ou  Doms.  On  voit,  par  le 
manuscrit  qui  subsiste  de  cette  pièce  renommée,  qu'il  fallut  trois 
jours  pour  donner  la  représentation  de  la  pièce  en  entier. 

»  Il  n'est  pas  possible,  dans  cette  pièce,  d'assigner  le  lieu  principal 
de  la  scène,  car  il  varie  sans  cesse  ;  et  la  durée  de  l'action  n'est  pas 
renfermée  entre  deux  soleils,  car  des  émissaires  entreprennent  et 
terminent  de  longs  voyages  pendant  le  cours  de  la  pièce.  La  scène, 
ensanglantée  par  le  martyr  des  trois  Doms,  tantôt  est  à  Rome,  tan- 
tôt à  Vienne,  tantôt  à  Lyon,  d'autrefois  dans  les  Alpes  ;  et  cepen- 
dant le  théâtre  représente  sans  cesse  l'enfer  et  le  paradis,  l'Europe, 
l'Asie  et  l'Afrique,  qui  sont  cantonnées  dans  trois  tours.  On  y  per- 
sonnifie des  êtres  métaphysiques,  par  exemple  :  la  daine  Silence  fait 
presque  tous  les  frais  du  prologue  ;  Soûlas  humain,  Grâce  divine  et 
Confort  divin  donnent  du  secours  aux  héros  de  la  pièce  et  de  l'ennui 
à  ceux  qui  la  lisent.  L'enfer  vomit  des  diables,  impatientants  par  leurs 
propos  orduriers.  Ces  diables  n'ont  que  des  sottises  à  dire  à  la 
déesse  Proserpine,  qui,  par  un  mélange  singulier  de  la  fable  et  de  la 
religion  révélée,  vient  aussi  figurer  sur  le  théâtre 

»  Parmi  les  quatre-vingt-douze  personnages  (i)  qui  paraissent  dans 
le  mystère  des  trois  Doms,  on  voit  la  sainte  Vierge  et  Dieu  le  Père. 
Les  noms  de  plusieurs  de  ces  personnages  sont  d'une  singularité 
remarquable  :  il  y  a  un  Brisebarre,  un  Ferragus  et  un  Machebourre, 
acteurs  épouvantables,  qui  font  parade  de  bravoure,  mais  qui  prou- 
vent qu'ils  ne  sont  que  cruels.  Il  y  a  aussi  un  Torchemuseau,  une 
Poudrejîne.  Torchemuseau  aide  le  bourreau  en  qualité  de  valet  dans 
ses  exécutions  sanguinaires  ;  et  Poudrefine, 

»  Les  reliques  des  saints  martyrs  étoient  aussi  portées  sur  les  théâ- 
tres de  ces  représentations.  Il  y  a  même  sur  leur  translation  une 
pièce,  en  un  acte,  qui  n'a  pas  été  jouée. 

»  On  sait  par  qui  les  rôles  du  Mystère  des  Trois  Doms  étaient  rem- 
plis, et  l'on  connaît  le  nom  de  l'auteur.  L'official  de  la  ville,  un  ou 
deux  chanoines,  un  cordelier  parurent  comme  acteurs.  Cette  pièce 
fut  suivie  d'une  procession  générale  et  terminée  par  un  Te  Deum.  » 

Pauvre  chanoine  Pra  !  Après  avoir  eu  son  heure  de  gloire  relative, 
son  œuvre  était  tombée  dans  un  oubli  deux  fois  séculaire  :  et  voilà 
que  le  jour  où  l'on  secoue  la  poussière  qui  la  recouvrait,  la  voix  qui 

(i)  En  réalité  il  y  a  quatre-vingt-seize,  non  92  personnages- 


84  MYSTÈRE    DES    TROIS    DOAIS. 

la  fait  connaître  ne  trouve  pour  en  parler  que  ces  mots  dédaigneux  et 
à  peine  exacts,  empreints  d'  «  une  intention  très  marquée  de  ridicu- 
liser le  drame  du  moyen-âge  »  (ij. 

Le  XIX'  siècle  devait  faire  davantage  pour  sa  mémoire. 

M.  Dochier  paraît  avoir  connu  le  texte  du  drame  : 

«  Cette  pièce,  dit-il,  ne  contient  rien  de  remarquable  sous  les  rap- 
ports de  l'art  ;  la  conduite  et  le  style  sont  aussi  bizarres  que  dans 
celles  que  l'on  jouait  alors  ;  une  analyse  plus  dciaillée  ne  présente- 
rait rien  d'intéressant  (2).    » 

On  se  prend  néanmoins  à  douter  qu'il  ait  eu  le  texte  original  en- 
tre les  mains,  quand  on  le  voit,  dans  la  même  page,  évaluer  à  «  trois 
mille  »  seulement  le  nombre  des  vers  du  poème. 

En  tout  cas,  on  ne  tarda  guère  de  perdre  la  trace  du  ma- 
nuscrit. M.  Pilot  ignore  complètement  son  existence  et,  voulant  par- 
ler de  l'œuvre  du  chanoine  Pra,  il  se  contente  de  copier  presque 
littéralement  les  expressions  de  Dochier  (3). 

M.  de  Soleinne,  qui  avait  formé  une  «  bibliothèque  dramatique  » 
presque  complète  et  si  précieuse,  ne  l'a  inscrit  dans  son  Catalo- 
gue (4),  sur  la  foi  de  l'article  cité  du  Journal  de  Paris,  qu'au  nombre 
de  ceux  qu'il  n'a  pu  se  procurer,  desiderata. 

Mais  en  1848  parut  un  ouvrage  qui,  en  l'absence  de  l'original  du 
poème,  renseigna  sur  bon  nombre  de  questions  intéressantes  aux- 
quelles il  donnait  lieu.  C'était  la  Composition,  mise  en  scène  et  repré- 
sentation du  Mystère  des  Trois  Uoms,  joué  à  Romans,  les  27,  28  et  29 
mai,  aux  fêles  de  Pentecôte  de  l'an  i  ^o(j,  d'après  un  manuscrit  du 
temps,  public  et  annoté  par  M.  Giraud,  ancien  député.  L'auteur 
donnait  au  public  le  texte  d'un  mémoire  ou  compte  écrit  dans  le 
temps  même,  et  où  sont  rapportés  jour  par  jour  les  arrangements 
pris,  les  marchés  passés,  les  sommes  payées  ou  reçues  pour  la 
composition,  la  mise  en  scène  et  la  représentation  de  ce  drame. 

(La  suite  au  prochain   numéro.) 


(1)  PkTIT  f^E  JULLEVILLE,    Vol.  cilC,  p.  95- 

(2)  Mémoires  sur  la  ville  de  Romans,  Valence,  ihi  j,  p.   i  ^4. 

(3)  Annuaire  de  la  cour  royale  de  Grenoble  pour  i^.ji,  p.   ~(>-~. 

(4)  Rédigé  par  le  bibliophile  Jacob  ;  Paris,   18^3,  l.  I,  p.  148. 


MELANGES 

Formule  d'oJjlation  d'enfant. 
Urée  des  archives  de  l'ordre  de  St-Ruf.  XIIP  siècle. 


On  désignait  au  moyen  âge  sous  le  nom  d'oblats  les  enfants  qui 
étaient  donnés,  offerts  (oblati)  aux  monastères  et  qui,  admis  plus 
tard  à  la  profession,  devaient  terminer  leurs  jours  dans  la  vie  reli- 
gieuse. Cet  usage  de  vouer  ainsi  au  culte  du  Seigneur  de  jeunes  en- 
fants remonte  à  la  plus  haute  antiquité  et  semble  avoir  été  inspiré  à 
la  piété  des  fidèles  par  les  exemples  de  Samuel  et  de  la  très  Sainte 
Vierge.  L'enfant,  que  ses  parents  avaient  donné  à  Dieu,  recevait  par 
le  fait  même  de  son  entrée  dans  le  monastère  une  sorte  de  consécra- 
tion ;  il  ne  lui  était  plus  permis  de  désirer  la  vie  du  siècle,  et  si  dans 
la  suite,  peu  soucieux  des  promesses  faites  en  son  nom,  il  osait  quit- 
ter l'habit  monastique,  il  devenait  pour  tous  un  sujet  de  scandale 
et  le  nom  dapostat  l'accompagnait  partout  comme  une  flétrissure. 

C'est  dans  l'Eglise  grecque  que  nous  trouvons  mentionnées  pour  la 
première  fois  ces  oblations  d'enfants.  Saint  Grégoire  de  Nazianze 
nous  apprend  qu'il  fut  lui-même  dès  le  bas  âge  donné  à  Dieu,  «  qu'il 
fut  pour  ainsi  dire  du  sein  maternel  jeté  entre  les  bras  du  Seigneur, 
et  qu'en  demeurant  au  service  des  autels,  il  ne  fait  que  rester  fidèle 
aux  engagements  contractés  en  son  nom  par  sa  mère  ;  »  il  ajoute 
encore  que  celte  sainte  femme,  «  dans  l'ardeur  de  sa  foi,  avait  donné 
à  Dieu  tous  ses  autres  enfants,  de  telle  sorte  qu'avant  même  d'avoir 
ouvert  les  yeux  à  la  lumière  du  jour,  ils  avaient  été  consacrés  (i).  » 

La  règle  de  S.  Benoît  fît  passer  en  Occident  cette  pieuse  coutume, 
et  dès  le  VI^  siècle  nous  pouvons  recueillir  dans  les  écrivains  ecclé- 
siastiques des  témoignages  nombreux  de  ces  consécrations  ou  obla- 
tions d'enfants.  Qu'il  nous  suffise  de  citer  ici  les  beaux  vers  d'un 
illustre  archevêque  de  Vienne,  S.  Avit  : 

(i)  S.  Gregorii  Nazianzeni  Opéra,  dans  Migne,  Patr.  gixca,  t.  XXXV,  col.  483. 


86  MÉLANGES. 

Et  quia  principium  jam  sancti  fœderis  esses, 
Tu  si'mul  offeris  Christo,  qui  protinus  ipsis 
Accipit  in  cunis  lactcntia  membra  dicatis. 

Orta  quarta  quidein,  sacro  de  munere  prima, 

Dulcis  nata  jnihi,  cœlo  quam  carne  ftdeqiie 

Bis  genui,  Christoque  rudem  de  ventre  dicavi  (i). 

Le  cérémonial  pour  la  réception  de  ces  enfants  n'était  pas  absolu- 
ment le  même  dans  tous  les  monastères.  Voici  ce  que  nous  trouvons 
à  ce  sujet  dans  les  coutumes  de  Cluny  :  «  Au  moment  de  l'offertoire, 
l'enfant  prendra  entre  ses  mains  le  calice,  dans  lequel  a  été  mis  le  vin 
du  sacrifice,  la  patène  avec  l'hostie  ;  le  vicaire  enveloppera  du  voile 
les  mains  de  l'enfant,  et  celui-ci  portera  le  tout  à  l'autel.  Ensuite 
l'enfant  sera  revêtu  de  la  coule,  et  s'il  n'a  pas  atteint  sa  quinzième 
année,  la  bénédiction  solennelle  lui  sera  différée  jusqu'à  cet  âge  (2).  » 

Avec  le  relâchement  des  mœurs  et  l'affaiblissement  des  croyances, 
des  abus  ne  devaient  pas  manquer  de  souiller  cet  antique  usage, 
qui  en  soi  n'avait  rien  que  de  louable  et  qui,  inspiré  par  la  sagesse 
de  l'Eglise,  pouvait  avoir  d'heureux  résultats,  pour  les  familles  com- 
me pour  les  individus.  Au  lieu  de  voir  dans  cette  donation  au  Sei- 
gneur de  ce  qu'un  père  et  une  mère  ont  de  plus  cher  au  monde  uit 
moyen  de  reconnaître  les  bénédictions  divines,  des  parents  égoïstes 
et  guidés  par  des  motifs  purement  humains,  songèrent,  en  destinant 
leurs  enfants  au  cloître,  à  se  décharger  du  fardeau  d'une  famille 
nombreuse  et  à  réserver  à  l'ainé  la  majeure  part  de  la  fortune  pater- 
nelle. Souvent  même  faisant  un  choix,  dicté  par  des  considérations 
plus  basses  encore,  ils  donnaient  à  Dieu  et  à  l'église  ceux  d'entre 
leurs  enfants,  à  qui  de  douloureuses  ou  humiliantes  infirmités  ne 
permettaient  plus  de  se  promettre  dans  le  siècle  un  brillant  avenir. 
La  Providence  n'était  pas  tenue  de  souscrire  à  ces  misérables  calculs 
de  la  prudence  humaine,  cl  de  bénir  ces  entrées  par  force  dans  le 
cloître.  Aussi  n'est-il  pas  rare,  aux  époques  dont  nous  parlons,  de 
rencontrer  dans  ces  asiles,  qui  ne  devraient  s'ouvrir  que  devant  les 
âmes  généreuses,  des  religieux  condamnés  moralement  par  leurs 
familles  aux  exigences  d'une  règle  austère  et  se  résignant  avec  peine 

(1)  S.  AviTi  Opéra,  clans  .Mi(;nf,  Pair,  lai.,  l.  LIX,  col.   369  et   370. 

(2)  Udalbici's.  Anliqutores  consttctudines  Clu'iiaccit<iis  monasLcrii,  dans  .Mignk, 
Talr.  lat.,  t.  CXLIX,  col.   742. 


MÉLANGES.  87 

à  porter  le  joug  qu'on  leur  avait  imposé.  Dans  la  communauté  ou 
le  chapitre  qui  les  recevait,  comment  auraient-ils  pu  tout  à  coup  de- 
venir des  modèles,  des  sujets  d'édification  ?  Ce  fut  là  une  des  causes 
de  la  décadence  des  ordres  religieux  et  des  collèges  de  chanoines 
au  moyen  âge. 

De  bonne  heure,  il  est  vrai,  l'Eglise  protesta  hautement  contre  ces 
atteintes  portées  à  la  liberté  humaine,  contre  ce  qu'il  y  avait  d'odieux 
dans  ces  vocations  forcées.  Mais  les  familles  trouvaient  dans  ces 
pratiques  de  trop  grands  avantages  pour  prêter  l'oreille  à  la  voix  des 
conciles  et  des  docteurs  (i)  et  pour  accepter  des  réformes.  Durant  de 
longues  années,  les  pères  de  famille,  par  exemple,  purent  par  tes- 
tament disposer  de  leurs  enfants  comme  du  reste  de  leurs  biens. 
Nous  avons  sous  les  yeux  un  curieux  document,  daté  du  15  octobre 
1271.  C'est  le  testament  d'un  certain  Ponce  Bastia,  bourgeois  de 
Montélimar.  Ce  personnage  ayant  plusieurs  enfants,  donne  sa  fille 
Girarde  aux  religieuses  bénédictines  de  Bonlieu,  et  fixe  le  sort  d'un 
enfant  à  naître  :  si  c'est  un  garçon,  il  veut  qu'il  soit  frère  convers 
(donatus)  dans  l'ordre  de  St-Jean-de-Jérusalem  ;  si  c'est  une  fille, 
elle  devra  rejoindre  sa  sœur  à  Bonlieu. 

Parmi  les  documents,  que  nous  avons  mis  en  œuvre  pour  écrire 
notre  Essai  historique  siii-  la  ville  de  Die,  se  trouvée  l'acte  d'une  do- 
nation d'enfant,  faite  par  une  mère  et  ses  autres  fils  aux  chanoines 
réguliers  de  St-Ruf,  en  présence  d'Humbert,  évêque  de  Die.  Nous 
publions  ici  cette  pièce,  dont  nous  avons  fait  ressortir  ailleurs  l'im- 
portance historique  pour  la  chronologie  de  nos  évêques  (2).  Elle 
porte  la  date  de  l'année  1207,  et  fait  partie  du  fonds  de  St-Ruf,  aux 
archives  de  la  Drôme.  On  pourra  la  rapprocher  des  chartes  sur  le 
même  objet,  publiées  dans  les  Vetera  analecta  de  Mabillon  (3). 

Universis  liée  legentibus  et  audientibus  notum  sit  quod  anno  domini 
M. ce.  VII,  Er,o  lohanna  dono  Deo  et  ecclesie  Saticti  Rufl  filiiim 
meum  P.  pro  fratre  et  canonico,  et  consilio  et  voluntate  Jilioriiin  meo- 
rum  Amedei  et  Eiidonis,  per  me  et  per  omnes  successores  ineos,  pro 
remissione  peccatoriim,  dono  Deo  et  ecclesie  Saiicti  Rufi  et  eiusdem 
ecclesie  fratribus  in  perpetuum  omne  iiis  et  dominium  et  onuiem  pro- 

(1)  Cf.  Du  Gange,  Glossarium,  v°  Oblati.  — Mabillon,  Vetera  analecta,  Parisiis, 
i72  3,in-f°,  p,  157. 

(2)  Voir  notre  Essai  historique  sur  la  ville  de  Die,  l.  I,  p.   262. 

(3)  Mabillon,   Vetera   analecta,  p.   155-6. 


88  MÉLANGES. 

prietalem,  quant  habeo  vel  habere  debeo  in  manso  de  Francoel,  qui 
est  apud  castrum  Seiiza  (  i),  videlicet  homines,  cetisiis,,  domos,  vitteas, 
terras  ciiltas  et  incultas,  prata,  pascua,  arbores  fructifer as  et  nonfruc- 
tiferas  et  quidquid  prorsns  excogitari  potest,  ad  ipstim  majisitm  vel 
aliud  ius  meum  si  quod  est  in  loto  territorio  predicti  castri  pertinens, 
libère  et  absolute,  pro  franco  allodio,  sine  omni  exactione  met  et  meo- 
rum,  et  absqiie  omni  censii,  servitio  et  usatico,  baiiilatione  vel  custo- 
dia  aliciijus,  doua  predictis  fratribiis  ad  habendum,  possidendum  et 
faciendum  quidquid  fratres  predicti  facere  voluerittt,  sine  omni  contra- 
diclione  mei  et  meoriim,  sicut  melius  et  sanius  intelligi  potest.  Et  ad 
maiorcm  Jirmitatem  habendani,  rogo  dominuni  V . ,Diensem  episcopum, 
ut  presentem  cartam  sigilii  sui  munimine  corroboret.  IVos  Amedeus 
et  Eiido,  filii  pr édicté  domine  lohanne,  predictam  donationem  lauda- 
mus  et  confirmamus  et  promitlimus  quod  per  nos  vel  per  alium,  non 
movebimus,  et  si  aliquis  illam  morcret,  nos  pro  sensu  et  posse  nostro 
contra  opponcmus,  et  domum  Sancti  Ruji  manutebimus.  Sic  Deus  nos 
adiuvet  et  hec  sancta  IIIl<^'  livangclia.  Quando  Amcdcus,  filins  domine 
lohanne  predicte,  laudavit  et  conjirmavit  predictam  donationem  (et) 
iuravit  super  Illfo''  Evangelia  quod  nunquam  per  se  vel  per  alium  mo- 
verety  présentes  erant  dominus  A.  abbas  sancti  Rufi.  Disderius  prior  de 
Crista,  Avondics  socms  ejus,  Guigo  de  Seuza,  Paganus,  Arnaldus 
Wuillelmi,  Vmbertus  Espallart,  Arbertus  de  Cornilio,  Vuillelmus 
Silvestre.  Quando  Eudo,  Jilius  domine  lohanne  predicte,  laudavit  et 
conjirmavit  prefatam  donationem  et  iuravit  super  IIIIo'  Evangelia 
quod  nunquam  per  se  vel  per  alium  moveret,  présentes  erant  Stephanus 
sacrista,  W.  de  Nemauso,  W.  de  Bonis  ]\illibus  procurator,  W. 
Rainoardus,  Arnaldus  de  Tornone,  Petrus  de  Camellis,  hospitalarius, 
Gotafridus,  Petrus  Vêtus,  Aimericus  de  Bonis  Vallibus,  canonici 
sancti  Rufi,  Aimo  conversas,  W.  /'rater  Chavais.  Ego  Vmbertus, 
Diensis  episcopiis,  rogatu  domine  lohanne  et  jiliorum  ejus  Amedei  et 
Eudonis,  ad  maiorem  firmitatem  habendam  présentent  cartam  sigillo 
meo  corroboro. 

Parchemin.    iQ  lignes.   Sceau  disparu. 
Au  dos  de  la  charte  :   Château  l'cras.  Armoire  6. 
Volume  2.  N"  8  bis. 

Jules  Chevalier. 

(i)  Suze-la-\'icillc,  près  de  Crcst  (DrCimc). 


NOTES 


LA  COHÂNDERIE  DES  ANT0NIN8 


A   AUBENAS,   EN   VIVARAIS. 


C'était  un  sage  que  maître  Antoine  Rochette,  notaire  à  Aubenas 
au  milieu  du  XV"  siècle,  du  moins  si  l'on  en  juge  par  la  maxime 
suivante,  que  nous  avons  relevée  sur  la  couverture  en  parchemin 
d'un  de  ses  livres  de  notes  : 

Cum  tempus  habemus 
Operemus  bonum; 
qu'il  traduit  ainsi  lui-même,  dans  le  bon  vieux  François  de  l'époque  : 
Si  en  as  temps, 
N'atens  ; 
et  par  cette  autre  : 

Qui  non  facit  quando  quit, 
Quando  vult  facere  nequit   ; 

qu'il  traduit  aussi  fidèlement  par  cet  autre  vieux  distique  françois  : 

Qui  ne  faict  quand  il  peuit 
Ne  faict  pas  quand  il  veult. 

Profitons  du  conseil  de  maître  Rochette  pour  mettre  en  ordre  et 
élucider  autant  que  faire  se  pourra, de  peur  de  ne  pouvoir  le  faire  plus 
tard,  un  certain  nombre  de  notes  prises  au  courant  de  la  plume,  et 
pour  ainsi  dire  à  la  dérobée  de  nos  occupations  quotidiennes,  dans 
divers  registres  de  notaires  du  Vivarais. 

Nous  avons  déjà,  il  y  a  plus  de  dix  ans  (i),  appelé  l'attention 
publique  sur  ces  vénérables  monuments  de  la  vie  de  nos  pères  et  sur 
la  nécessité  de   prendre  des  mesures  pour  les  conserver  aux  futurs 

(i)  Annuaire  de  l'Ardèchedc  1875. 

B  ULL.YII,  1887.  7 


90  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIË 

amateurs  d'études  locales.  Pendant  bien  longtemps,  l'histoire  s'est 
trop  confondue  avec  la  vie  des  princes  et  les  récits  de  batailles  ou 
d'intrigues  de  cour,  ne  laissant  que  peu  ou  point  de  place  au  tableau 
du  progrès  des  idées,  des  mœurs  et  des  usages.  De  cette  lacune  est 
résulté  pour  le  public  une  ignorance  complète  de  l'état  véritable  de 
notre  pays  il  y  a  quelques  siècles,  ignorance  dangereuse  en  ce  sens 
qu'elle  a  facilité  la  propagation  de  récits  faux  ou  exagérés,  et  a  laissé 
le  champ  libre  à  toutes  les  déclamations.  Les  registres  de  notaires, 
témoins  graves,  impartiaux  et  authentiques  s'il  en  fût,  contiennent 
une  foule  de  faits  et  de  détails  qui  permettent  de  reconstruire  l'état 
social  des  siècles  écoulés  et  éclairent  parfois  même  leur  état  politi- 
que. C'est  à  ce  double  titre,  sans  parler  des  utiles  renseignements 
qu'on  peut  y  trouver  sur  les  familles,  que  nous  voudrions  voir  les 
autorités  compétentes  prendre  enfin  des  mesures  sérieuses  pour 
leur  conservation.  A  notre  avis,  il  faudrait  avant  tout  demander  à 
chaque  notaire  l'état  détaillé  des  registres  qu'il  possède  dans  ses 
archives  et  le  rendre  ensuite  responsable  de  la  conservation  de  ces 
documents,  à  moins  qu'il  ne  préfère  les  déposer  aux  archives  dépar- 
tementales. Dans  l'Ardèche,  le  tableau  des  registres  de  notaires  a 
été  dressé  seulement  pour  l'arrondissement  de  Tournon  (i).  Pour- 
quoi ne  le  ferait-on  pas  aussi  pour  les  deux  autres  ?  Un  certain  nom- 
hve,  de  ces  registres  ont  été  déjà  réunis  à  Privas  aux  archives  du 
département  et  nous  croyons  même  que,  par  les  soins  d'un  ancien 
archiviste,  M.  Mamarot,  on  avait  commencé  un  aperçu  des  princi- 
paux actes  qu'ils  contenaienl.  Nous  voudrions  mieux  que  cela, 
c'est-à-dire  un  résumé  complet  de  tous  ces  registres,  résumé  qui, 
d'ailleurs,  pourrait  être  très-bref,  attendu  que  l'immense  majorité  de 
ces  actes  ne  mérite  qu'une  indication  de  deux  lignes.  Quelle  pré- 
cieuse source  d'informations  il  y  aurait  là  pour  l'histoire  locale  et 
pour  les  familles  ! 

Le  premier  registre  de  notaire  que  nous  ayons  parcouru  est  le 
Manuale  Nolarum  d'Antoine  lirion,  notaire  à  Privas  en  1427-28  ; 
son  intérêt  était  d'autant  plus  grand  que  la  prise  de  cette  ville  en 
1629  eut  pour  résultai  la  destruction  de  toutes  ses  archives  publi- 
ques et  privées.  C'est  là  que  iVL  Henry  d'Audigier  avait  fait  la  décou- 
verte assez  inattendue  de  l'acte  de  mariage  de  iiérenger  de  Surville. 
Le  public  lettré  sait  déjà  par  un  livre  paru  (2)  en  1873,  qucl3crenger, 

(i)  Ce  lalilcau  a  étc  public,  en   1H65,  par  M.   Devillc,  notaire  à  'l'ournon. 
(2)  Marguerite  Clialis  el  la  légende  de  Clolilde  de  Surrille,  par  A.  Mazon  ;  Paris, 
Lcmcrrc,    petit  in-12. 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  QI 

né  dans  le  diocèse  de  Nîmes,  épousa  à  Pri\as,  le  4  janvier  1428, non 
pas  Marguerite-Clotilde-Eléonore  de  Vailon-Chalys,  l'auteur  imagi- 
naire de  poésies  notoirement  apocryphes,  mais  Marguerite  Chalin, 
jeune  veuve,  fille  de  feu  Pierre  Chalin,  licencié  es  lois  à  Privas.  Il 
serait  facile,  au  moyen  des  autres  notes  recueillies  dans  ce  travail, 
de  tracer  un  tableau  complet  de  la  ville  et  de  la  région  de  Privas  à 
cette  époque  reculée. 

Nous  avons  parcouru  plus  tard  quatre  registres  de  notaires  de 
Rochemaure,  cette  petite  bourgade  vivaroise  en  face  de  Montélimar, 
dont  tous  les  voyageurs  de  la  rive  droite  ont  pu  remarquer  les  beaux 
dikes  volcaniques  et  la  physionomie  féodale.  Une  partie  des  notes  et 
réflexions  provenant  de  cette  lecture  a  été  consignée  dans  VA^inuai- 
re  de  l'Ardèche  de  1875  et  les  personnes  qui  aiment  ce  genre  d'étu- 
des ont  pu  avoir  ainsi  une  idée  de  ce  qu'Userait  possible  défaire,  au 
point  de  vue  de  l'histoire  locale,  par  un  dépouillement  plus  général 
et  plus  soigneux  des  vieux  registres  notariaux  du  Vivarais. 

Depuis,  nous  avons  parcouru  une  cinquantaine  d'autres  registres 
provenant  d'Aubenas,  d'Antraigues,  de  Largentière  et  d'ailleurs.  Le 
temps  nous  a  manqué  pour  en  compulser  beaucoup  d'autres  qu'il  a 
fallu  laisser  relégués  au  sommet  de  notre  bibliothèque.  Un  groupe 
de  ces  registres,  de  la  région  d'Aubenas,  nous  a  particulièrement 
intéressé.  Nous  avons  eu  la  patience  de  noter,  résumer  et  trans- 
crire textuellement  quelquefois  la  plupart  des  actes,  le  tout  sur  des 
cahiers  de  même  format,  qui  ensuite  reliés  et  accrus  d'une  table 
détaillée,  forment  un  volume  de  plus  de  500  feuillets.  Nous  disons 
cela  ici,  non  par  un  sentiment  de  vanité  puérile,  mais  pour  prê- 
cher d'exemple  et  de  bonne  méthode  à  ceux  qui  auraient  le  désir  et 
le  courage  de  nous  imiter. 


Aubenas  possédait,  entr'autres  établissements  religieux,  une  corn- 
manderie  de  St-Antoine,  qui  a  laissé  son  nom  à  un  quartier  de 
la  ville,  mais  qui  a  disparu  depuis  si  longtemps  que  la  plupart  des 
habitants  ignorent  même  l'endroit  où  elle  était  située. 

Le  couvent  se  trouvait  cxtra-miiros,  au  delà  de  la  porte  de  la 
ville  .qui  a  gardé  le  nom  de  St-Antoine.  Les  bâtiments  et  jardins 
occupaient  tout  l'espace  qui  s'étend  entre  le  nouveau  cimetière  et  le 
grand  mur  qui  borde  au   nord  le   clos   Chabannes  et  les  propriétés 


g2  NOTES    SUR    LA    COAlftlANDERIE 

voisines.  La  chapelle,  dont  les  murs  fondamentaux  sont  encore 
visibles,  était  dans  ce  clos  ;  elle  n'a  été  détruite  qu'au  commence- 
ment de  ce  siècle,  et  quelques  personnes  se  souviennent  encore 
d'avoir  assisté  aux  pèlerinages  dont  elle  était  le  but.  Le  cimetière 
du  couvent  devait  être  contigu  à  la  chapelle,  c'est-à-dire  sur  la  route 
même  qui  sépare  aujourd'hui  le  cimetière  communal  du  clos  Cha- 
bannes,  car  on  a  trouvé,  en  travaillant  à  cette  route,  une  grande 
quantité  d'ossements  humains. 

On  sait  que  l'ordre  hospitalier  des  Frères  de  St-Antoine  ou  des 
Antonins  fut  fondé  au  moyen  âge  pour  soigner  les  individus  at- 
teints du  feu  sacré  ou  mal  des  ardents^  dit  encore  feu  St-Antoinc. 

Des  savants  prétendent  que  cette  horrible  maladie  est  celle  que 
les  Grecs  ont  désignée  sous  le  nom  d'Erpès  eslhiomenos  ;  V^irgile  et 
Lucrèce,  sous  le  nom  de  Sacer  ignis  (ij  ;  mais,  sans  contester  cette 
manière  de  voir,  il  est  permis  de  la  laisser  reléguée  parmi  les  hypo- 
thèses plus  ou  moins  vraisemblables.  Dans  l'Europe  moderne,  le 
fléau  est  signalé  la  première  fois  par  la  chronique  de  Flodoard , 
comme  ayant  sévi  dans  l'Ile-de-France  en  945.  Les  membres  bril- 
laient, dit  le  chroniqueur,  et  devenaient  noirs,  puis  tombaient  par 
l'effet  de  la  gangrène. 

Si  l'observation  des  maladies  qui  affligent  l'espèce  humaine  s'était 
faite,  il  y  a  huit  ou  neuf  siècles,  comme  aujourd'hui,  c'est-à-dire 
avec  un  exposé  minutieux  des  symptômes  et  des  phases  du  mal, 
nous  saurions  probablement  d'une  façon  certaine  à  quel  genre 
appartenaient  les  diverses  épidémies  du  moyen  âge,  quelles  en 
étaient  la  cause  et  l'origine.  Faute  de  ces  éléments  nécessaires,  nous 
en  sommes  réduits  aux  conjectures.  Il  y  a  cependant  de  bonnes 
raisons  de  croire  que  le  feu  sacré,  qui  fit  périr  tant  de  monde  à  Paris 
et  aux  environs  en  945  ;  dans  la  haute  et  basse  Lorraine,  en  1090; 
dans  le  Dauphiné  et  ailleurs,  de  1090  à  1096,  n'était  autre  que  l'er- 
gotisme  gangreneux,  ainsi  que  les  épidémies  analogues  des  années 
1099,  1109  et  1128.  Les  expressions  de  ojnçrc'Ht',  de  nioiibres  ^jui  se 
séparent  sponianémenl  du  corps,ç\m  reviennent  à  chaque  page  dans  les 
récits    du    temps,  sufli raient    seules   à    autoriser  cette   supposition 

(i)  On  lit  vers  la  lin  du  livre  III    des  (lcoi\i;i.]iics  : 

nec  longo  dcindé  moranli 

Tcmpore  contactos  anus  sacer  ignis  edehat. 
Lucrèce  dit,  de  son  coté,  au  livre  VI'  de  son   De  luitinà  rcntiii  : 

Sacer  ignis  et  urit  corpora  scrpens 

Qunmoumque  arripuit  partem  rcpitque  pcr  artus. 


DES    ANTOXINS    A    AUBENAS.  Q^ 

depuis  que  l'on  connait  les  effets  du  seigle  ergoté.  On  pense,  d'au- 
tre part,  que  les  épidémies  observées  en  France  en  994,  996,  11  30, 
1140,  1334  et  1375,  bien  que  décrites  sous  les  dénominations  de 
feu  sacré,  mal  des  ardents  ci/eu  St-Antoine,  furent  des  effets  de  la 
peste  d'Orient. 

Pendant  bien  longtemps,  on  avait  examiné  les  épidémies  de  gan- 
grène sèche  sans  en  connaître  la  cause.  C'est  la  Faculté  de  médecine 
de  Marbourg  en  Allemagne  qui,  la  première,  en  1596,  les  attribua 
au  seigle  ergoté,  à  la  suite  d'une  épidémie  qui  avait  ravagé  la  Hesse 
et  les  contrées  voisines.  Le  docteur  Thuillier  fut  le  premier  en 
France  à  donner  des  notions  précises  sur  le  mal  en  1630  et  ses  in- 
ductions ont  été  confirmées  par  les  observations  recueillies,  depuis, 
sur  les  épidémies  de  Montargis  (1674),  ^^  l'Orléanais  et  du  Blésois 
(1709),  de  Suisse  (1715),  de  Silésie  (1722),  de  Wurtemberg  (1736), 
de  Sologne  (1747),  d'Arras  et  Douai  (1764),  etc. 


La  médecine  étant  impuissante  à  guérir  le  terrible  maison  s  a- 
dressa  naturellement  à  Dieu  et  aux  saints. 

Vers  1080,  Jaucelin,  seigneur  de  Châteauneuf-d'Albenc  en  Dau- 
phiné,  qui  avait  fait  le  pèlerinage  de  la  Terre-Sainte  et  avait  rendu 
des  services  militaires  à  l'Empereur  Romain-Diogène  luttant  contre 
les  Turcs,  en  obtint,  comme  récompense,  le  corps  de  saint  Antoine 
qu'il  apporta  dans  une.  de  ses  terres,  appelée  la  Motte-Saint- 
Didier,  aujourd'hui  St-Antoine  de  Viennois.  Bientôt  le  bruit  des 
miracles  opérés  par  l'intercession  de  saint  Antoine  se  répandit  au 
loin  et  la  Motte-St-Didier  devint  un  pèlerinage  des  plus  fréquentés. 
Le  feu  sacré,  dont  il  est  question  pour  la  première  fois  en  1090 
dans  les  Annales  du  Dauphiné,  accrut  dans  des  proportions  énor- 
mes le  nombre  des  pé'.erins.  Guigues  Didier,  le  successeur  de  Jau- 
celin, recevait  de  son  mieux  les  infirmes  et  ses  domestiques  rem- 
plirent jusqu'en  1095  ^^s  fonctions  de  Frères  Hospitaliers,  mais 
bientôt  ils  furent  insuffisants. 

Deux  nobles  pèlerins,  Gaston,  seigneur  de  la  Valoire,  près  de  la 
Côte-St-André,  et  son  fils  Guèrin,  vinrent  sur  ces  entrefaites  à  St- 
Antoine.  Emus  du  triste  spectacle  dont  ils  furent  témoins,  et,  dit  la 
légende,  à  la  suite  d'une  vision  de  St  Antoine,  ils  résolurent  de  se 
consacrer  au  service  des  pauvres  malades.  Bientôt  huit  autres  gen- 


94  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

tilshommes  se   joignirent  à   eux.   D'où   les  deux  vers  léonins  qu'on 
fait  remonter  au  premier  temps  de  l'Institut  : 

Gastonis  veto,  socialis  fratribus  octo, 
Orclo  est  hic  cœptus  ad   pietatis  opus. 

Gaston  fonda,  à  côté  de  l'église  de  la  Motte,  un  monastère  pour 
sa  communauté  naissante  et  pour  les  infirmes  un  hôpital,  qui  fut 
appelé  Maison  de  l'Aumône.  Le  pape  Calixte  II,  en  quittant  le  siège 
archiépiscopal  de  Vienne,  pour  aller  ceindre  la  tiare  à  Rome,  consa- 
cra l'église  en  II 19  et  c'est  probablement  à  la  même  année  et  au 
même  Pape  qu'il  faut  attribuer  la  consécration  de  la  cathédrale  de 
Viviers. 

Le  pape  Calixte  II  vérifia,  à  son  passage,  les  reliques  de  St-Antoine 
et  formula  un  peu  plus  tard,  dans  une  bulle  que  reproduit  l'abbé 
Dassy,  l'intérêt  tout  particulier  qu'il  portait  aux  frères  hospitaliers 
de  la  Maison  de  l'Aumône  (i). 


Le  costume  des  Antonins  était  fort  simple  :  une  tunique  noire, 
ample,  surmontée  d'un  gros  capuchon,  un  long  manteau  plissé  sur 
le  col  et  s'attachant  par  une  agraffe  devant  la  poitrine,  sans  manches 
ni  collet  renversé,  avec  un  bonnet  noir  à  quatre  coi'nes  ;  sur  le  man- 
teau, du  côté  gauche,  le  tau  sacré  en  camelot  d'azur. 

Le  tau,  signe  caractéristique  des  Antonins,  n'était  autre  que  le  T  des 
Grecs,  en  forme  de  potence  ou  de  béquille,  et  de  là  sans  doute  son 
adoption  pour  un  ordre  affecté  au  service  des  malades  qui  avaient  le 
plus  besoin  de  béquilles.  D'autres  ont  voulu  y  voir  le  Lin  d'Kzéchiel  (2) 
ou  bien  un  emblème  de  la  Sainte-Trinité.  Du  Gange  dit  qu'au 
moyen-âge  on  appelait  bâton  Je  St-Antoine  tout  bois  de  cette  forme 
sur  lequel  on  s'appuyait.  Quoi  qu'il  en  soit  de  la  véritable  origine  de 
ce  signe,  le  fait  est  qu'il  est  le  cachet  du  costume  des  Antonins. 

Les  Antrjnins  recevaient  tous  les  malades  qui  se  présentaient.  Dès 
qu'un  nouveau  venu  était  signalé,  les  I-^-èi"cs  le  conduisaient  ou  le 
portaient  d'abord  à  l'église  devant  la  châsse  de  St-/\nli)inc  cl  on 
récitait  la  prière  suivante  : 

«  Antoine,  vénérable  pasteur,  qui  rende/,  la  santé  à  ceux  qui  sont 

(1)  I." abbaye  de  Sl-Anloinc-en-l)aupltiitc.  lassai  liistoiique  et  descriptif.  Grcncihlc, 
Baralicr,   18,4  1,  in-S". 

(2)  Omncs  autem  super  ijucm  videritis  tau  ne  occidalis.  Ezéciiikl,  c.  I.\,  v.  6. 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  95 

en  proie  à  d'horribles  tourments,  qui  guérissez  des  plus  graves  ma- 
ladies, qui  éteignez  le  feu  infernal,  ô  Père  miséricordieux,  priez  le 
Seigneur  pour  nous.  Et  vous,  Seigneur,  qui  accordez  à  la  prière  du 
bienheureux  Antoine,  votre  sen^iteur,  la  guérison  des  malades  du 
feu  sacré  et  la  résurrection  de  leurs  membres,  nous  vous  conju- 
rons en  même  temps  de  nous  préser\^er  des  peines  de  l'Enfer  : 
puissions-nous,  sains  d'esprit  et  de  corps,  vous  être  un  jour  présentés 
au  ciel.  Amen.  » 

Un  Frère  puisait  alors  dans  un  vase  destiné  à  cet  unique  objet 
quelques  gouttes  d'une  liqueur  privilégiée  qui  avait  coulé  sur  les 
ossements  de  St-.\ntoine  et  qu'on  appelait  le  saint-vinage  et  le  pré- 
sentait à  boire  au  malade.  On  continuait  les  oraisons  pendant  plu- 
sieurs jours  en  attendant  avec  foi  le  miracle.  Quelquefois  cepen- 
dant il  fallait  faire  l'opération  et  extirper  le  membre  malade.  Les  dé- 
membrés pauvres  avaient  droit,  selon  le  règlement  de  l'hôpital,  d'y 
rester  toute  leur  vie  pour  y  être  vêtus  et  nourris  avec  le  produit 
des  aumônes  envoyées  à  St-Antoine  ou  retirées  plus  tard  de  ses 
commanderies. 

Les  Antonins  avaient  le  droit  de  quêter  avec  une  sonnette  et  se 
faisaient  suivre  par  un  porc.  Les  offrandes  qu'ils  recevaient  consis- 
taient particulièrement  en  pieds  de  porcs.  Leurs  porcs  pouvaient 
paitre  en  quelque  prairie  qu'on  les  conduisit  :  c'étaient  les  troupeaux 
de  Monseigneur  St-Antoine.  Ils  portaient  la  sonnette  et  l'enseigne 
du  saint,  c'est-à-dire  le  tau  au  cou.  Beaucoup  de  chartes  royales, 
jusqu'à  François  i",  sont  relatives  aux  quêtes  et  aux  troupeaux  de 
St-Antoine,  qui  circulaient  librement  même  dans  les  rues  de  l'ancien 
Paris. 

Une  bulle  du  pape  Honorius  111,  vers  1215,  plaça  les  Hospitaliers 
de  St-Antoine,  en  récompense  des  services  rendus  par  eux  à  l'hu- 
manité souffrante,  sous  sa  protection  intime  et  sous  le  patronage 
immédiat  du  Siège  Apostolique.  C'est  pour  cela  qu'on  verra  dans  la 
plupart  des  actes  que  nous  reproduirons  plus  loin,  le  nom  des  abbés 
ou  des  chefs  de  commanderies,  accompagné  chaque  fois  de  ces  ex- 
pressions :  ordinis  beati  Antonii  ad  romanam  ecclesiam  niillo  medio 
pertinentis.  Tous  les  papes  furent  prodigues  d'immunités  à  l'égard 
des  Antonins.  Les  évêques  ne  pouvaient  pas,  sans  une  autorisa- 
tion expresse  de  Rome,  les  excommunier  ou  interdire  leurs  églises. 
Chaque  chef  ecclésiastique  était  tenu  de  protéger  leurs  messagers, 
leurs  personnes  et  les  choses  de  leur  ordre.  Leurs  chapelles  étaient 
exemptes  des  visites  de  l'ordinaire.   Leurs   mandataires  étaient  reçus 


q6  .mystère  des  trois  uoms 

dans  les  églises  pour  faire  des  collectes  ou  annoncer  la  parole  de 
Dieu,  et  l'office  divin  ne  pouvait  commencer  qu'après  leur  prédica- 
tion. 

Enfin  il  n'était  pas  permis  de  laisser  prêcher  d'autres  religieux  ou 
quêteurs  le  jour  de  l'arrivée  de  ceux  de  St-Antoine. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  l'histoire  de  l'ordre  de  St-Antoine  qui  a 
eu,  comme  tant  d'autres,  sa  grandeur  et  ses  petitesses,  et  dont  l'âge 
héroïque  a  fait  place  à  des  périodes  de  relâchement  et  de  décadence. 
Ses  démêlés  avec  les  Bénédictins  de  Montmajour,  qui  ont  eu 
pendant  deux  siècles  le  prieuré  de  St-Antoine,  sont  restés  célèbres 
dans  les  annales  des  conflits  religieux  d'autrefois.  Nous  renvoyons 
les  personnes  qui  désireraient  approfondir  ce  sujet  à  l'intéressant 
ouvrage  de  l'abbé  Dassy,  où  nous  avons  puisé  bon  nombre  des 
détails  qui  précèdent.  Notons,  en  passant,  que  l'auteur  avant  d'être 
appelé  à  la  direction  du  noviciat  des  Oblats  à  Notre-Dame  de  l'Osier, 
avait  été  supérieur  des  Oblats  à  Notre-Dame  de  Bon-Secours,  à  la 
Blachère  (Ardèchcj. 

(La  suite  au  prochain  numcro). 

D--  FRANCUS. 


MYSTÈRE 

DES    TROIS    DOMS 

JOUÉ   A    ROMANS    EN     1509. 

(Suite) 


On  y  trouve  son  auteur  (ou  plutôt  ses  auteurs),  le  peintre  décorateur, 
le  machiniste,  les  salaires  qui  leur  sont  alloués,  le  pi'ix  et  le  produit 
des  places  pendant  les  ti'ois  j(juriiccs,  ce  qui  |:)cnncl  d'en  déduire 
exactement  le  nombre  des  spectateurs;  en  un  mol,  la  dépense  et  la 
recette  y  s(jiu  si  minutieusement  rappelées,  qu'on  peut  calculer,  on 
aurait  dit  alors  à  une  maille  et  aujourd'hui  à  un  centime  près,  tous 
les    frais   d'une   semblable  entreprise.   Ix  mémoire   prend  l'ccuvrc. 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     I509.  97 

SOUS  le  rapport  pécuniaire  et  matériel,  à  sa  naissance,  la  suit  dans 
tous  ses  détails  et  la  conduit  à  son  dénouement.  C'est  à  la  fois  le 
budget  et  le  compte  de  la  pièce  des  Trois  Doms.  A  ce  titre,  il  offre 
plus  qu'un  simple  intérêt  de  localité  ;  il  peut  être  considéré  comme 
un  document  précieux  pour  l'histoire  de  l'art.  Cette  publication  était 
précédée  d'une  introduction  qui  mettait  en  lumière  les  données  du 
mémoire  et  suivie  de  notes  qui  servaient  d'éclaircissements  (i). 

En  1854,  M.  le  comte  de  Douhet  consacra  quelques  lignes  aux 
Trois  Doms,  dans  son  Dictionnaire  des  Mystères  (2). 

On  lit  encore  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'Archéolooie  de  la 
Drame,  sous  la  signature  de  M.  A.  Lacroix,  une  page  relative  à  la 
représentation  de  notre  pièce  (3). 

A  son  tour,  M.  Petit  de  Julleville  en  parle  à  plusieurs  reprises 
dans  la  r"  partie  de  son  excellente  Histoire  du  théâtre  en  France  : 
les  Mystères  (4)  ;  il  y  fait  surtout  ressortir  ce  qu'il  y  a  de  neuf  et  de 
précieux  dans  le  mémoire  publié  en  1848. 

Enfin,  après  avoir  été  l'objet  de  nombreuses  recherches,  après 
avoir  donné  lieu  aux  publications,  aux  analyses  et  aux  jugements 
que  nous  venons  de  rappeler,  le  manuscrit  du  Mystère  des  Trois 
Doms  a  été  découvert  à  Romans,  dans  le  grenier  de  M™''  Sablières 
des  Hayes,  au  milieu  d'autres  registres  poudreux,  en  décembre  1881. 
Acquis  par  M.  Giraud,  il  fait  actuellement  partie  de  la  belle  biblio- 
thèque qu'a  héritée  de  son  oncle  M.  Paul  Giraud,  conseiller  à  la 
cour  d'appel  de  Lyon. 

Le  volume,  de  format  in-folio,  mesure  355  millim.  sur  260  ;  il  se 
compose  de  onze  cahiers  de  papier  (sans  filigrane),  de  force  inégale  ; 
d'après  un  numérotage  récent,  qui  embrasse  quelques  pages  addi- 
tionnelles de  moindre  format,  les  feuillets  sont  au  nombre  de  241. 
En  dépit  de  la  suppression  de  plusieurs  pages,  dont  il  ne  reste  que 
le  talon,  le  volume  est  absolument  complet  :  il  s'ouvre  par  une  préface 
en  latin  et  se  termine  par  un  épilogue  en  français  et  la  liste  des  per- 
sonnages qui  ont  rempli  les  rôles,  le  tout  de  la  plume  du  juge  royal, 


(1}  On  trouvera  dans  un  volume  qui  a  vu  le  jour  en  1872  [La  Correspondance 
de  M.  P.-E.  Giraud,  Lyon,  in-'->",  p.  \-2)  Tapprécialion  du  docte  Le  Prévost, 
l'éditeur  d'Ordéric  Vital,  sur  ce  mémoire  (cf.  p.   2'')). 

(2)    5"  Encyclopédie  t/iéoloffhjue  de  MiL;nc,  Paris,  in-4'',  col.  972. 

(^)  Valence,  1877,  t.  XI,  p.    ^50-1. 

(4)  Paris,  1880,  2  vol.  in-S",  t.  I,  pp.  529-^1,  353,  365-4,  399  et  403-4  ;  t.  H, 
p.  95-8. 


98  MYSTÈRE  DES  TROIS  DOMS 

Louis  Perrier  (i)-  Le  dernier  feuillet  seul  a  souffert  notablement  de 
l'humidité,  par  suite  de  l'arrachement  —  déjà  ancien  —  des  ais  qui 
constituaient  une  solide  reliure  à  nerfs  saillants. 

L'original  du  compte  de  la  représentation  faisait  partie  des  papiers 
de  AL  Louis  Saint-Prix  Enfantin,  chanoine  de  St-Barnard  ;  son 
héritière,  M"''  Eugénie  Nugues,  le  donna  à  AL  Giraud  le  ^  nov. 
1841  et  celui-ci  en  a  fait  don  le  14  sept.  1881  à  la  bibliothèque  natio- 
nale de  Paris,  où  il  est  inscrit  sous  n°  1261  des  nouv.  acquis,  du 
fonds  français  (2).  Il  forme  un  cahier  de  papier  (marqué  d'un  B 
comme  filigrane)  in-4'',  dans  une  couverture  en  parchemin,  et  mesure 
290  millim.  sur  205.  Des  59  feuillets  qui  le  composent  d'après  le 
numérotage  actuel,  40  seulement  sont  écrits.  Le  compte  est  tout 
entier  de  la  main  du  consul  Jean  Chonet  (3),  sauf  les  feuillets  inter- 
calaires [4,  21,  24-5  et  28,  qui  en  sont  les  pièces  justificatives  et  que 
nous  avons  reproduits  à  part  en  appendice,  et  les  ff.  33  à  40. 


II 

Dans  quelles  circonstances  fut  décidée  et  menée  à  bonne  fin  la 
représentation  d'un  mystère  à  Romans  ?  Quelles  furent  les  causes 
déterminantes  de  la  résolution  prise  à  cet  égard  par  le  clergé  et  le 
peuple  (4)  de  la  ville?  La  raison  en  est  sans  contredit  dans  l'entraî- 
nement passionné  avec  lequel  on  suivait  les  péripéties  de  ces  dra- 
meS;  où  la  \ie  d'un  saint,  un   miracle  de  Notre-Dame,  la  passion  du 

(i)  L'écriture  en  est  identique  à  celle  d'une  «  Parcelle  des  vaccations  et  dictes 
faictz  de  par  mess"  Loys  Perier  »,  jointe  au  f"  17  des  Precepla  de  1506  (aux  archi- 
ves commun,  de  Romans,  ainsi  que  tous  les  documents  dont  la  provenance  ne  sera 
pas  spécifiée),  et  à  une  quittance  signée,  du  17  juin  15 10  (Prec.  de  celte  année, 
("  20).  —  Son  père,  Pierre  Perrier  (Pererii),  avait  été  juge  de  Romans  en  1402 
(Precepta  de  cet.  an.,  f"  -jo,  avec  quittance  et  signature  autographes).  Lui-même 
fut  chargé  de  l'office  de  «  judcx  ordinarius  curie  communis  secularis  de  Romanis  », 
de  1499    à    1512  :    il  remplit    clans    le    Mystère    le  rôle  du  gouverneur  devienne 

(P-   595)- 

(j)  Voir  le  rapport  de  M.  Léop.  Dki.isi.e,  Doiiatioit  faite  â  la  lUhliolhc\]uc  ualio- 
iiale  par  M.  'Paul-Emile  Giraud,  dans  le  Journal  ofjiciel  du  13  sept.  18K1  ;  et  son 
développement  dans  la  Bibliothèque  de  l'école  des  Charles,  1881,  t.  .\L!L  p-  5^0 
(tiré  à  part,  Paris,  nov.  1881,  in-8'',  p.  1^).  Le  Journ.  o[f.  ne  mentionne  que  le 
don  de  39  imprimés,  en  date  du  9  août. 

(3)  Voir  son  écriture  autographe,  fort  rcconnaissable,  dans  le  Liber  prc^epturum 
de  1508,  f°'   19  et  20;  dans  celui  de   1509,  f°'  1,   16,  18  v";  etc, 

{,\)  «  Prehabita  matura  dclibcracionc  inter  cicrum  et  populum  »  (p.   i  ). 


JOUE    A    ROMANS    EN     I5OQ.  99 

Christ  étaient  retracés  et  dont  l'audition  constituait  un  des  bonheurs 
le  plus  généralemeut  goûtes  et  le  plus  profondément  sentis.  Ceci 
semble  plus  spécialement  vrai  de  notre  région  méridionale  que  des 
autres  portions  de  la  France,  comme  il  résulte  du  beau  travail  de 
M.  Petit  de  JuUeville,  ainsi  résumé  à  ce  point  de  vue  par  M.  Antoine 
Thomas  (i)  : 

«  Les  mentions  de  représentations  de  mystères  réunies  par  M. P. de 
J.  se  rapportent  en  majorité  aux  pays  de  langue  d'oïl.  Dans  les  pays 
de  langue  d'oc,  les  mentions  les  plus  fréquentes  concernent  la  région 
située  sur  la  rive  gauche  du  Rhône  :  la  Provence,  le  Dauphiné  et  la 
Savoie  ne  nous  offrent  pas  moins  de  trente-deux  représentations  assu- 
rées à  Aix,  Auriol  fBouches-du-Rhône),  Chambéry,  Die,  Dragui- 
gnan,  Forcalquier,  Grasse,  Grenoble,  Marseille,  Modane,  Montéli- 
mar.  Romans,  Saint-Jean-de-Maurienne,  Salterbrand  (vallée  d'Oulx), 
Seyssel,  Toulon,  Valence  et  \Menne.  Au  contraire,  la  région  bien 
plus  vaste  qui  s'étend  du  Rhône  à  l'Océan,  et  du  plateau  central  aux 
Pyrénées,  ne  nous  en  donne  que  seize.  Ces  seize  mentions  se  rap- 
portent à  un  très  petit  nombre  de  localités  :  Caylux  (Tarn-et- 
Garonne),  Clermont-Ferrand,  Limoges,  Mende,  Montauban  et  Ro- 
dez ;  en  outre,  elles  sont  loin  de  présenter  toutes  le  même  degré  de 
certitude  et  de  précision.  » 

Mais  à  cette  cause  générale,  —  dont  la  justesse  ressort  mieux 
encore  des  textes  que  nous  avons  exhumés  des  archives  du  Dau- 
phiné, —  se  joignirent  au  commencement  du  X\l*  siècle  des  motifs 
particuliers  que  nous  font  connaître  les  documents  du  temps. 

En  l'an  1504,  le  printemps  fut  d'une  sécheresse  désolante  (2). 
Pour  apaiser  le  Ciel,  les  Romanais  firent  une  procession  générale, 
immédiatement  suivde,  le  15  juin,  d'une  pluie  bienfaisante:  inconti- 
nent on  proclama  «  le  beau  miracle  0,  et  il  fut  décidé  de  représenter 
dans  cinq  ans  la  vie  des  martyrs  auxquels  on  en  était  redevable. 

L'année  suivante,  la  ville  de  Romans  fut  envahie  par  une  peste,  qui 
s'annonçait  avec  les  signes  les  plus  alarmants.  Déjà,  pendant  le  cours 
du   siècle  précédent,  elle  s'était  vue  exposée  à  plusieurs  reprises  f^J, 

(1)  Roviania,  1884,   t.  XIH,  p.  411. 

(2)  «  L'année  de  la  grant  sécheresse  »  (p.   ^oO- 

(:;)  Malgré  les  pertes  qu'elles  ont  subie?,  nos  archives  capitulaires  et  communales 
ne  renferment  que  trop  de  preuves  de  la  fréquence  et  de  l'intensité  de  la  peste  à 
Romans  (Computum  de  1441,  f°  40  v°  ;  Livre  capit.  de  m"  Fateti,  f"'  38  v"  et  39; 
'Precepta  de  1474,  f"'  8  v%  25  v°  et  28  v°  ;  'Prec.  de  1479,  f"  9  V  ;  Trec.  de  1482, 
foa  _  yo^  ^  £j  g  yo  .  ^pi-g^  jj.  m'^Si  '"  7  '''°;  'Prec.  de  1489,  f°'  9,  :i  V,  14  v°  et 
22  \'°). 


100  MYSTERE    DES    TH0Î3    DOMS 

et  surtout  en  1494  (i),  aux  ravages  de  ce  redoutable  fléau.  Quoi- 
qu'on ne  doive  pas  prendre  à  la  lettre  cette  assertion  de  Cho- 
ricr,  dont  il  n'apporte  aucune  preuve,  que  les  draps  de  Romans 
tenaient  «  lieu  de  monnoye  »  par  voie  d'échange  «  dans  les  estats  du 
Sophi  et  du  Grand  Seigneur»  (2),  les  relations  commerciales  de 
cette  ville  avec  Marseille  et  le  Levant  (3),  où  s'écoulaient  en  partie 
les  produits  de  sa  fabrication,  n'en  sont  pas  moins  certaines,  et  on 
peut  y  trouver  une  explication  plausible  du  retour  fréquent  de  la 
peste.  Une  fois  introduite  dans  la  cité,  la  circulation  de  l'air  gênée 
par  des  rues  étroites  et  tortueuses  et  par  des  remparts  élevés,  l'igno- 
rance des  moyens  d'hygiène  et  l'absence  de  médecins  résidants,  qui 
auraient  pu  du  moins  diminuer  l'intensité  du  mal,  toutes  ces  causes 
réunies  l'y  maintenaient  longtemps  et  rendaient  son  action  plus 
meurtrière. 

Dès  la  fin  de  1504,  les  alentours  de  Romans  étaient  atteints  (4). 
Le  15  juin  1505,  le  bourg  d'Alixan  passait  pour  infecté  et  on  dut 
s'opposer  à  l'entrée  des  pauvres,  qui  se  présentaient  en  grand  nom- 
bre aux  portes  de  la  ville  (5).  En  octobre  on  engagea,  à  trois  florins 
par  mois,  Claude  Martin  pour  enterrer  les  pestiférés  et  servir  les 
malades  (6j.  Les  consuls  prirent,  dans  le  même  mois,  diverses  mesu- 
res de  police  sanitaire  Ty),  qui  semblent  avec  la  saison  des  frimas 
avoir  arrêté  l'épidémie. 

Elle  reparut  l'année  suivante  et,  dès  le  i"  mai,  le  Chapitre  crut 
devoir  permettre  aux  gens  d'Eglise  de  fun-  pour  un  temps  le  foyer 
de  la  contagion  (S).  Le  même  jour,   la  ville  prit,  aux  gages   de   six 

(i)  Nous  n'aurions  malheureusement  que  l'embarras  du  choix  des  textes  sur  celle 
épidémie,  qui  avait  sévi  dès  l'année  précédente  (-l'recepta  de  1^93,  f°'  7  r°  et  v°,9  \°, 
10,  II,  19,  3  1,  22  v  et  48  v  ;  Delihér.  capiiul.  de  1 483-1 501 ,  f""  227,  v''-22  5, 
aas  v",  226  r"  et  V,  22H,   2  ^o  et  331  ;  Trecepta  de   1494,  f"'  i  V  et  7). 

(2)  Chorifr,  Histoire  de  Dauphitié,  t.  I,  p.  66  (nouv.  édit.,  p.    53). 

(3)  Au  milieu  du  XIII*  siècle  les  Sarrasins  fréquentaient  les  foires  de  Romans  : 
voir  le  «  tarif  du  droit  de  icydc  »  publié  par  nous  dans  la  Revue  Jes  Sociiiés  savan- 
tes, 1873,  5*  scr.,  l.  m,  p.  69.  La  réputation  de>  draps  de  Romans  est  encore 
aitcstée,  —  qui  aurait  pu  s'y  attendre  ?  —  par  les  Nocls  Bressans  du  X\'U'  siècle, 
réédités  dans  le  nôtre  à  IBourg  par  F'hilibert  Le  Duc  :  Nocl  s'en  alla  chez  la  Taille 
pour  se  faire  un  balandran  de  joli  drap  de  [(omans  ( Xouvclli'ite  de  Lyon,  du  26 
déc.   1886,  c.  H). 

(4)  l.iber  aclorum  capitularium  Scofficr,  i"  ix. 

(5)  f'apier  de  raison  de  Romans,  f°  3. 

(6)  Papier  de  raison  de  R.,  f"  s  ;   fih.  actmum  cité,  f    xliiij. 

(7)  Liber  actorum  cité,  f'  xlrj  v". 

(f<)  Liber  actorum  cité,  f"'  Ixxxij  cl  Ixxxiij  v". 


JOUE  A  ROMANS  EN  I5O9.  lOI 

llorins  par  mois,  un  chirurgien-barbier,  Jean  Meyssonnier,  pour  soi- 
gner les  pestiférés  :  il  tomba  lui-même  malade  au  bout  de  quatre 
mois  (i). 

Cette  fois  la  peste  continua  sans  interruption  ses  ravages  (2).  En 
janvier  1507,  on  songea  à  isoler  des  gens  sains  les  malades,  en 
réunissant  ceux-ci  dans  l'hôpital  du  Colombier:  les  consuls  venaient 
de  l'agrandir  d'un  verger  acquis  de  Gaspard  Milliard  et  se  propo- 
saient d'y  faire  toutes  les  réparations  nécessaires  (3).  Sur  l'opposi- 
tion du  maître  d'école,  Pierre  de  Peyrusse  (4),  et  des  paroissiens  de 
St-Nicolas,  qui  faisaient  valoir  des  raisons  d'hygiène,  on  accepta 
une  transaction  réglée  par  deux  membres  du  Parlement  (5).  Vers  la 
fin  de  mars  passa  un  médecin  Polonais,  qui  se  disait  inventeur  d'une 
poudre  infaillible  contre  la  peste  :  on  acheta  neuf  florins  son  secret, 
qui  fut  couché  sur  les  Mémoriaux  de  la  cité  (6).  Il  n'eut  pas  l'eflica- 
cité  qu'on  s'en  promettait,  car  on  dut  recourir  à  d'autres  moyens. 
Le  Chapitre  résidait  toujours  hors  de  la  ville  (7).  Le  3  juillet,  on  le 
décida  de  contribuer  à  la  construction  d'un  hôpital  provisoire  au 
Sablon,  près  du  vivier  entre  les  tours  de  St-Xicolas  et  de  la  Bistour, 
et  d'implorer  la  miséricorde  divine  par  une  série  d'exercices  de  piété, 

(i)  Trecêpta  de  1506,  i"'  4  et  7  v";  Lib  act.,  f"  Ixxxviij  ;  T'rec.  cit.,  f"  10.  — 
a  Je,  mestre  Jehan  Meyssonier,  silleurgent  et  habitant  de  la  ville  de  Romans,  confesse 
avoier  receu  de  messeigneurs  les  conssez  de  la  ville  de  R.,  parles  mayns  de  s"  Jehan 
Milliart,  resseveur... .trente  florins  petite  monnoyc,  compté  douze  s.  tourn.  pour  flo- 
rin, et  ce  tant  pour  quatre  moez  que  j'ay  servy  ladicte  ville  du  tamps  de  la  peste 
que  je  serves  lesdis  inffés,  commansans...  le  premier  jourt  de  may  et  fyni  le  derrier 
jourt  d'oust  mil  V«  et  six,  a  reyson  de  six  flor.  pour  ung  chescun  moes  pet.  mon., 
houltra  la  despencc  que  la  dicte  ville  a  poyé  pour  moy,  et  pour  deulx  moez  en  suy- 
vant,  commanssans  le  premier  jourt  de  septembre  et  revollu...  le  derrier  jour  d'octo- 
bre dudit  an,  a  reyson  de  trois  flor.  pour  ung  chescun  moes,  sans  aulcungs  despens, 
pour  ce  que  j'estoie  rellaxé  et  n'estoye  en  point  de  besoingnvé  de  ladicte  peste.  De 
laquielle  somme...  je  quicte.  .,  et  pour  plus  de  surté  j'ey  fayctz  escripre  la  présent 
d'autruy  mayn  et  signé  de  mon  seygn  manuel  yssy  mys,  ce  xij"  d'octobre  mil  sinq 
cens  et  six.  H  r  R  ?  m  (Ib.).  —  Ib.,  f°"  1 5  v°  et  16  v°. 

(2)  'Precepta  de  1506,  f°'  18  v°,   35   v"  et  21. 

(3)  'Precepta  cités,  f°   23. 

(4)  «  Magister  Petrus  de  Petrussia,  rector  scolarum  gramaticalium  opidi  de  Ro- 
manis, in  Viennensi  diocesi.   « 

(5)  Minutes  du  notaire  Etienne  Escoffier  (étude  de  M"  Ferrier,  nol.  à  Romans), 
f"  cxxvij-xxxij  ;  'Precepta  cités,  f"*  28  v°,  29  et  30  v". 

(6)  «  Item  solvit  die  xxvij  marcii, de  mandato  scindicorum,  medico  Polhonie, 

qui  ostensit  secretum  pulvis  contra  pestem  Ludovico  de  Fabrica,  et  que  recepta  fuit 
registrata  in  libro  ville  Memorialium,  vid.  ix  ff.  »  (ibid.,  f"  31). 

(7)  Liber  actorum  cité,  f"'  cxiij  v''-cxviij  :  Precepta  cités,  f"  39- 


102  MYSTERE  DES  TROIS  DOMS 

dont  le  programme  ne  nous  a  pas  été  transmis  (i).  Nous  savons 
cependant  qu'une  confrérie  fut  instituée  en  l'honneur  de  saint  Bar- 
nard  et  des  trois  martyrs,  patrons  de  la  cité,  et  que,  «  faict  requeste 
à  yceulx,  cessast  incontinant  la  dicte  peste,  estant  au  moys  d'oust 
fort  afoguée  »  (violente)  {2). 

Bien  qu'on  ne  doive  pas  lui  attribuer  le  chiffre  de  4275  décès,  indi- 
qué par  Dochier  (3J,  elle  laissa  dans  Romans  des  traces  profondes 
de  son  passage.  L'année  suivante,  à  l'entrée  de  la  saison  des  cha- 
leurs, époque  où  le  fléau  se  ranime  ordinairement,  les  craintes  n'é- 
taient point  complètement  dissipées  ;  l'apparition  de  quelques  cas  iso- 
lés dans  les  bourgades  environnantes  engageait  à  ne  pas  négliger  les 
précautions  de  la  prudence,  et  nous  voyons,  le  4  mai  1508,  le  conseil 
de  ville  interdire  pendant  plusieurs  jours  toute  communication  avec 
Valence  (4). 

La  sécurité  revint  enfin,  et  les  Romanais,  heureux  d'avoir  échappé 
à  un  danger  aussi  imminent,  songèrent  à  témoigner  leur  reconnais- 
sance à  Dieu  et  aux  martyrs  Séverin,  Exupère  et  Félicien,  dont  ils 
avaient  deux  fois  invoqué  la  puissante  intercession.  Les  reliques  de 
ces  généreux  confesseurs  de  la  foi,  que  saint  Barnard  avaient  trans- 
férées de  Vienne  à  l'église  de  Romans  dès  sa  fondation,  y  reposaient 
enlermécs  dans  une  châsse  consacrée  par  la  vénération  des  fidèles  ; 
c'était  donc  une  pensée  populaire  et  pieuse  que  celle  de  célébrer  leur 
martyre,  et  de  reproduire  aux  yeux  de  tous  les  actes  de  leur  vie  et  le 
tableau  de  leurs  tïlorieux  tourments. 


III 

La  résolution  prise,  on  dut  s'occuper  des  moyens  d'exécution 
pour  une  œuvre  qui  demandait  beaucoup  de  temps,  de  soins  et  d'ar- 
gent. On  était  en  juillet  1508.  On  voulait  que  la  pièce  pût  être  jouée 
aux  fêtes  de  Pentecôte  de  l'an  1509,  c'est-à-dire  à  la  fin  de  mai 
suivant.  Dix  mois  pour  composer  le  livre  du  Mystère,  pour  distribuer 
et   apprendre   les  rôles,  pour  construire  le  théâtre    et  le  garnir  des 

(1)  Liber  aclorum  cite,  f"  cxviij  et  cxix  v". 

(2)  \>.  591. 

(3)  Mcm.  sur  Rijiiu7ns,  p.  133.  —  Ce  chidrc  se  rappoiic  ù  répidémie  de  15H3. 
comme  Ta  prouve  M.  le  D"'  Ciievaliek,  Rccherclics  sur  les  pestes  Je  Romans  du 
XIV"  au  XVII'  siècle,  dans  liull.  de  la  soc.  d'archèul.  de  la  Drdme,  1879,  l.  XIII, 
p.  259  (tir.  à  pan,  p.  j). 

(4)  Livre  déraison,  f"  23  v"  ;  Liber  aclorum  cilé,  f"  cl  v". 


JOUE    A    ROMANS    EN    150g.  10^ 

décorations  nécessaires,  ce  n'était  pas  trop  ;  mais  le  zèle  de  toutes 
les  classes  de  la  population,  excité  par  le  motif  religieux,  suffît  à  cette 
tâche  ;  le  Mystère  fut  représenté  à  l'époque  que  l'on  s'était  pres- 
crite. 

Voici  l'exposé  des  événements  qui  s'écoulèrent  durant  ces  dix 
mois  et  des  incidents  divers  auxquels  le  Mystère  des  Trois  Doms 
donna  lieu. 

Le  4  juillet  1508,  les  membres  du  Chapitre  de  Saint-Barnard,  les 
consuls  et  plusieurs  habitants  notables  de  Romans,  réunis  en  assem- 
blée générale,  arrêtent  unanimement  de  faire  représenter  aux  pro- 
chaines fêtes  de  Pentecôte  le  Jeu  des  Trois  Martyrs  Séverin,  Exupère 
et  Félicien,  patrons  de  l'église  et  de  la  cité.  Le  Chapitre  prend  à  sa 
charge  une  moitié  de  la  dépense  et  la  ville  l'autre.  Les  religieux  de 
Saint-François,  les  PP.  Cordeliers,  jaloux  de  témoigner  leur  empres- 
sement et  de  s'associer  à  cette  œuvre  pieuse,  offrent  la  cour  de  leur 
couvent,  local  très  favorable  pour  y  construire  le  théâtre.  Ils  contri- 
buèrent également  de  leurs  deniers,  en  avançant  aux  consuls  une 
somme  de  200  florins  (ij,  qui  vint  fort  à  propos  en  aide  aux  finances 
de  la  communauté,  très  obérées  par  les  sacrifices  que  lui  avaient 
imposés  les  ravages  de  la  peste  et  les  calamités  de  toute  espèce  que 
ce  fléau  traîne  à  sa  suite.  Le  conseil  de  ville  avait  déjà  fait  un  appel 
aux  diverses  Confréries  :  celles  de  St-Sébastien,  de  Notre-Dame  de 
Grâce,  de  St-Barnard  et  des  Marchands  (qu'on  appelait  l'abbaye, 
abbatia  Mercatorum)  {2)  apportèrent  leur  contribution  (3)  ;  celles  de 
St-Jacques  et  de  St-Crépin,  déjà  créancières  de  la  ville,  ne  purent 
suivre  cet  exemple  (4). 

Pour  surveiller  l'ensemble  et  les  détails  de  cette  œuvre  importante, 
neuf  commissaires  sont  désignés,  trois  par  le  chapitre,  deux  par  la 

(i)  P.  640.  Cet  argent  fut  prêté  en  écus  au  soleil  et  à  la  couronne  :  61  écus  sol 
à  raison  de  3  fl.  i  s.  pièce  i-=  188  fl.  i  s.  ;  et  4  écus  à  la  couronne  à  raison  de 
3  fl.   =  12  fl.  ;  total  qui  fut  remboursé,  200  fl.  i  s.  Cf.  p.  628,  n.   3. 

(2)  D'  Chevalier,  Essais  histor.  sur  les  hôpitaux  de  Romans,  Valence,  1865, 
p.   245-6. 

(3)  P.  638-9.  Ces  prêts  étaient  gratuits  et  sans  aucun  intérêt;  aussi  les  considé- 
rait-on comme  un  sacrifice,  et  à  ce  titre  s'adressait-on  de  préférence  à  ceux  qui  ne 
s'en  étaient  point  encore  imposé  pour  concourir  à  l'œuvre  commune;  ainsi  le  Conseil 
est  d'avis  d'emprunter  non-seulement  des  Confréries,  mais  encore  des  habitants  qui 
ne  joueront  pas,  ab  illis  qui  non  ludebunt.  Quant  aux  acteurs,  le  temps  donné  à 
l'étude  de  leur  rôle  et  surtout  les  frais  de  leur  costume,  pouvaient  les  dispenser  de 
toute  autre  contribution. 

(4)  P-  639,  n.   I. 


104  .MYSTERE    DES    TROIS    DOMS 

chapelle  Saint-Maurice  et  quatre  par  la  ville  :  les  premiers  sont 
messire  Jean  Gillier,  maître  de  chœur,  messires  Benoît  Chastillon  et 
Jean  Varse,  chanoines  ;  les  seconds,  Claude  Conton,  habitué,  et 
Antoine  de  St-Pierre,  sous-clavier  ;  les  derniers,  Louis  Perrier, 
licencié  en  droit  et  juge,  Jean  Alexe,  Claude  de  Dril  et  Girard  Chas- 
taing  (i).  L'assemblée,  avant  de  se  séparer,  donne  mission  au  cha- 
noine Pra,  de  Grenoble,  de  faire  le  livre  du  jeu  des  Trois  Mar- 
tyrs (2)  ;  elle  lui  assigne  à  titre  d'honoraires  une  somme  de  150  flo- 
rins par  mois  pour  sa  dépense  personnelle  à  Romans,  et  pour  celle 
de  son  clerc  ou  secrétaire  (3). 

Le  nom  du  chanoine  Pra  (on  devrait  plutôt  l'appeler  du  Pré,  en 
latin  de  Prato)  (4)  n'est  pas  de  ceux  qui  ont  traversé  les  siècles  avec 
une  auréole  de  glorieuse  notoriété  (5).  C'était  toutefois  un  des  per- 
sonnages considérables  de  la  ville  de  Grenoble.  Les  registres  du 
chapitre  de  Notre-Dame  mentionnent,  dans  l'année  1494,  Siboud 
Pra,  Siboudiis  de  Prato,  parmi  les  chanoines  signataires  d'une  déli- 
bération rédigée  en  latin  ;  et  cest  avec  le  titre  de  chanoine  de  cette 
collégiale  qu'il  est  désigné  comme  témoin  dans  un  contrat  de  1508 
publié  par  nous  (6).  Si  nous  consultons  les  délibérations  consulaires 
de  Grenoble,  nous  voyons  Siboud  Pra  faire  partie,  le  26  nov.  1497, 
du  comité  chargé  d'organiser  la  réception  du  gouverneur  Jean  de 
Foix  (7).  Six  ans  après  son  séjour  à  Romans,  nous  le  retrouvons  à 
Grenoble,  en  15 15,  comme  ordonnateur  des  préparatifs  pour  les 
entrées  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Longueville,  de  François  F'  et 
du  duc  de  Bourbon  (><)  ;  l'année  suivante,  il  préside  à  la  brillante 
réception  faite  à  la  reine  Claude  (9).  Bien  que  les  registres  consulai- 
res ne  le  disent  pas  positivement,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  le 
chanoine  Pra  fut  l'auteur  des  «  histoires  »  dont  on  agrémenta  ces 

■  (i)  Pp.  •/().]  et  796.  On  leur  donna  des  substiluls,  qui  furent  eux-mêmes  sou- 
vent remplacés  par  d'autres  :  cf.  pp.  604,  608,  6j,',  (ui;,  631  et  797. 

(2)  DociiiKR  attribue  (p.  133)  faussement  le  .Mystcre  au  jutic  Louis  Perrier;  cf. 
plus  haut  p.  98,  n.  i . 

(3)  '""P-  594-4"oct  793-6. 

(/|)  Dans  le  compte  il  est  invariablement  nommé  'Pra  (p.  599-632,  passim),  mais 
le  juge  Perrier,  dans  son  épilogue  (p.  591)»  rapi^ellc  Pic:  nous  devons  être  en 
présence  des  formes  paloisc  cl  frani^aisc  du  même  mot. 

(5)  Cf.  Petit  de  Jui.I-kvii.i.k,   ouvr.  cité,  t.  I,  |3.  329-31. 

(6)  P.   800-1. 

(7)  ^-  f'5V 

(8)  P.  659-62. 

(9)  P.  662-6. 


JOUE    A    ROMANS    EN     I 5OQ.  IO5 

fêtes  publiques  (i)  ;  en  revanche  ils  nous  apprennent  combien  ses 
services  furent  précieux  et  intelligents,  qui  se  bene  habuit  in  introgiis. 
En  15 18,  le  conseil  lui  accorda  la  faculté  de  prendre,  dans  les  îles  du 
Drac,  400  arcosse.  gratis  etpro  uno  semel  (2).  Enfin  le  chanoine-poète 
était  un  calligraphe  distingué  :  on  lui  doit  la  copie  d'un  certain  nom- 
bre de  terriers  de  l'église  Notre-Dame  de  Grenoble,  comme  le  prouve 
la  mention  suivante  inscrite  sur  l'un  d'eux  :  fuit  satisfaclum  domino 
de  Prato,  de  Libo.  e  suo  in  faciendo  hune  librum  (3). 

Le  chanoine  Pra  se  met  aussitôt  à  l'ouvrage  ;  il  divise  son  sujet 
en  trois  journées.  Moins  de  six  semaines  après,  le  14  août,  il  arrive 
à  Romans,  apportant  «  ce  qu'il  avait  fait  au  livre  du  premier  jour  ». 
Les  commissaires  se  réunissent,  le  lendemain,  à  la  maison  de  ville 
pour  en  entendre  la  lecture.  Il  parait  qu'ils  n'en  furent  pas  satisfaits, 
car  le  même  jour,  1  ^  août,  ils  dépêchent  un  exprès  à  maître  Chevalet, 
fatiste  ou  poète  de  Vienne,  pour  l'eng-ager  à  se  rendre  à  Romans  et 
à  travailler  comme  «  coadjuteur  »  avec  le  chanoine  Pra  au  livre  des 
Trois  Martyrs  (4). 

Il  ne  s'agit  plus  ici,  comme  tout-à-l'heure,  d'un  personnag-e 
obscur;  Chevalet  eut,  de  son  vivant,  une  certaine  célébrité.  A  vrai 
dire,  Du  Verdier,  qui  écrivait  à  la  fin  du  siècle  dont  le  commencement 
avait  vu  fleurir  Chevalet,  le  connaît  à  peine,  et  dit  que  «  son  nom 
propre  lui  est  incertain  »  (5).  Toutefois,  il  ne  faudrait  pas  en  tirer 

(1)  «  Fiant  hystorie  et  alia  ad  dictum  dom'  canonici  de  Prato  »  (p.  664).  D'ailleurs 
l'épilogue  de  notre  Mystère  le  qualifie  déjà  de  «  fatiste  »  (p.  591). 

(2)  P.  668.  A  partir  de  1527  le  médecin  Pierre  Aréod  paraît  être  l'organisateur 
des  fêtes  à  Grenoble  (p.  672  ;  cf.  Rochas,  Biog.  du  Daup/i.,  I,  34''). 

(3)  Communication  de  M.  Prudhomme,  archiviste  de  l'Isère. 

(4)  P.  601-2. 

(5)  Bibliothèque  françoise,  Lyon,  1585,  in-fol.,p.  161.  —  Le  nom  de  ce  poète 
est  bien  Chevalet  et  non  point  Chivalet,  comme  l'écrivent  Ciiorier  C//îs^.  de  Dauph., 
1672,  t.  II,  p.  536  de  la  n.  é.)  et  Guy  Allard  (Biblioth.  du  Dauph.,  1680,  p.71)' 
et  après  eux  MM.  Weiss  (dans  la  Biogr.  univers,  de  xMichaud,  1813,1.  VIII,  p.  413) 
et  Gust.  Brunet  (dans  la  Nouv.  biog.  génér.,  1856,  t.  X,  c.  336).  Il  suffisait,  pour 
éviter  cette  erreur,  de  lire  le  titre  même  du  Mystère  imprimé  en  1530,  que  nous 
citerons  plus  loin.  Du  Verdier  et  son  annotateur  La  Monnoye  (nouv.  édit.  de  la 
Biblioth.  franc.,  1772,  t.  III,  p.  314-5)  ne  s'y  sont  pas  trompés,  non  plus  que 
M.  Petit  de  Julleville  (ouvr.  cité,  t.  I,  p.  331).  — Le  Compte  de  la  représentation 
laisserait  cependant  quelque  doute;  il  y  est  question  de  Chevalet  en  deux  endroits  : 
à  la  date  du  25  août  1508,  à  l'occasion  de  son  voyage  à  Romans,  le  receveur  Jean 
Chonet,  l'appelle  «  mestre  Chivallet  »  (p.  601-2);  et  le  14  mai  suiv.,  noble  Etienne 
Combez  des  Coppes,  qui  lui  fut  spécialement  député  à  Vienne  et  qui  y  passa  trois 
jours  auprès  de  lui,  le  désigne  deux  fois  sous  le  nom  de  Chevallet  «  (p.  635).  C'est 
à  cette  dernière  autorité  que  nous  nous  rangeons,  et  voici   comment   on  peut,   ce 

Bull.   VII,  1887.  8 


I06  MYSTÈRE  DES  TROIS  DOMS 

une  conséquence  trop  rigoureuse  contre  le  talent  personnel  du  poète; 
deux  causes,  indépendantes  jusqu'à  un  certain  point  du  mérite  de 
ses  œuvies,  avaient  agi  pendant  cet  intervalle  et  contribue  puissam- 
ment à  ce  résultat  :  la  réforme  dans  les  idées  religieuses,  qui  avait 
décrédité  particulièrement  ce  genre  de  composition,  et  le  goût  du 
public,  qui  lavait  banni  de  la  scène. 

En  1508,  Claude  (i)  Chevalet  était  en  possession  d'une  réputation 
qu'il  devait  à  plus  d'une  heureuse  tentative,  et  qui  lui  valut  l'hono- 
rable message  des  habitants  de  Romans.  Par  une  conjecture,  qui 
semble  sérieusement  fondée  —  la  ville  qui  a  été  le  berceau  du  fatiste 
a  dû  être  également  le  théâtre  de  ses  essais,  —  nous  lui  avons  attri- 
bué la  paternité  des  «  histoires  »  représentées  à  Vienne  le  i"  dé- 
cembre 14QO,  jour  où  le  roi  Charles  VIII  arrivait  dans  cette  ville  (2). 
Chevalet  fut  chargé  de  la  «  poetrie  et  versification  »  du  mystère  joué 
à  Lyon,  lors  de  l'entrée  du  même  prince,  le  6  mars  1494  (3). 

semble,  expliquer  la  diflercnce  :  le  receveur  écrivait  le  mol  comme  il  Tentendait  gé- 
néralement prononcer,  à  une  époque  où  presque  tout  le  monde  à  Romans  s'expri- 
mait en  patois.  Dans  ce  langage,  au  lieu  d'un  cheval  on  disait  par  corruption  un 
chival  :  le  peuple  Romanais,  en  parlant  de  maître  Chevalet,  l'aura  probablement 
appelé  «  mcstre  Chivalet  »  et  le  marchand  Chonet,  écho  fidèle  du  public,  aura  repro- 
duit dans  son  compte  cette  locution  vicieuse  ;  mais  le  sieur  des  Coppes,  noble  per- 
sonnage, en  rapports  fréquents  avec  Chevalet,  n'a  pu  se  méprendre  ainsi,  et  il  a  dû 
conserver  au  nom  sa  véritable  orthographe.  —  Les  délibérations  consulaires  de 
Valence,  rédigées  en  un  laiin  qui  n'est  souvent  que  la  traduction  littérale  du  lan- 
gao"e  vulgaire,  le  désignent  sous  les  trois  formes  de  «  Cliivaleti,  Chavalcti  »  et 
«  Chivalet  »  (pp.  857  et  839). 

(i)  Guy  Allard,  qui  fait  de  Chevalet  un  gentilhomme  du  Viennois  dont  la  famille 
porte  de  gueules  au  cheval  échappé  d'argent  (Diction,  du  Dauph.,  186.},  t.  I,c.  28^), 
lui  donne,  ainsi  que  les  frères  Parf.mct  (Hist.  du  théâtre  franc.,  1745,  t.  H,  p.  .259; 
éd.  d'Amsterdam,  p.  23i-2)et.M.  Rochas  (Biogr.  du  Dauph.,  1856,  t.  1,  p.  234^), 
le  prénom  d'Antoine;  Chalvet,  dans  sa  nouv.  édit.  de  G  Allard  (Bibl.  du  Dauph., 
1797,  p.  113),  celui  de  Claude.  Les  registres  de  la  ville  de  Valence  rappellent  à 
trois  reprises  «  Glaudius,  Glaudus  (pp.  856,  858  et  859).  C'est  donc  à  ce  dernier 
prénom  qu'il  faut  s'arrêter,  bien  que  ni  notre  Compte,  ni  le  Mystère  de  St-Chris- 
tophe,  ni  Du  Verdict  n'en  fassent  mcnlion  :  seulement  le  nom  y  est  toujours  précédé 
de  la  qualité  fort  peu  aristocratique  de  «  mestre  ».  Quant  à  sa  noblesse  et  ù  ses 
armes,  rien  n'est  moins  certain  ;  nous  n'avons  à  ce  sujet  que  le  témoignage  de  Guy 
Allard  (reproduit  sans  autre  preuve  par  M.  de  la  Bâtie  dans  son  Armoriai  de  Dauph., 
1867,  p.  151'')  et  cet  auteur,  en  général  peu  exact  et  peu  scrupuleux,  est  ici 
d'autant  plus  suspect  que  Chouieu,  qui  entre  au  sujet  de  la  famille  n  (^hivallct  » 
dans  des  développements  assez  étendus  (Estai  polit.,  1671,  t.  III,  p.  186-7),  ne 
parle  nullement  de  l'iiuteur  de  Sl-Christophc,  dont  il  était  cependant  le  compatriote. 

(2)  Revue  du  Dauphinà,  i88i-,  t.  V,  p.   26  (tir.  à  part,  p.   6).  Cf.  p.  883-.},  n.   4. 

(3)  Ant,  Péricaud,  Hihliographie  Lyonnaise  du  AT'   siècle,   1851,   p.  9. 


JOUE    A    ROMANS    EN     I5O9.  IO7 

Il  est  plusieurs  fois  question  de  lui  dans  les  délibérations  consu- 
laires de  Valence.  En  1500,  il  composa  pour  les  Valentinois  un 
Mystère  des  trois  martyrs  Félix,  Fortunat  et  Achillée,  protecteurs  de 
leur  cité,  Ghiuiio  Chivaleti^  fatiste  misterii  triiim  martirum  (i).  En 
janvier  1506,  on  envoie  de  cette  même  ville  des  messagers  à  Vienne 
pour  prier  Claude  Chevalet  ou,  à  son  défaut,  un  autre  poète  compé- 
tent, àliquis  qui  inlelligat  materiam,  de  venir  préparer  des  farces 
( far sicida ,  farcie ,  faccsiaj  en  l'honneur  de  l'évêque  Gaspard  de  Tour- 
non,  qui  devait  faire  prochainement  son  entrée  à  Valence  :  Chevalet 
accepta,  mais  il  ne  voulut  pas  finir  son  travail  avant  d'avoir  réglé 
avec  les  consuls  la  rétribution  qu'on  lui  payerait  {2). 

Il  nous  sera  encore  permis,  sans  trop  de  témérité,  d'attribuer, 
avec  M.  Delorme  (3),  à  Chevalet  le  Mystère  de  la  vie  et  du  martyre 
des  saints  Zacharie  et  Phocas,  qui  fut  joué  à  Vienne  la  même  année 
1506.  Il  l'aurait  fait  pour  les  moines  de  l'abbaye  de  St-Pierre,  qui 
proposèrent  eux-mêmes  aux  consuls  de  la  ville  la  représentation  de 
ce  jeu  dont  ils  avaient,  disaient-ils,  le  livre  achevé  dans  toutes  ses 
parties,  quorum  haberent  librum  completum .  Il  est  peut-être  aussi 
l'auteur  d'une  Passion  en  huit  journées,  donnée  quatre  ans  plus 
tard,  en  15 10,  dans  le  jardin  de  la  même  abbaye  de  St-Pierre,  avec 
une  magnificence  et  un  succès  que  les  registres  consulaires  de  \'ienne 
ne  nous  ont  pas  laissé  ignorer  r4). 

Enfin,  postérieurement  à  la  date  de  notre  mystère  et  du  mystère 
de  la  Passion,  Chevalet  fit  représenter  à  Grenoble,  en  1527,  le  fa- 
meux Mystère  de  saint  Christophe  (5).  Trois  ans  plus  tard,  cette  œuvre 
obtenait  les  honneurs  de  l'impression  ;  elle  parut  à  Grenoble,  sous 
ce  titre  : 

«  Sensuyt  la  nie  de  sainct  Christofle  elegaviment  \  coposee  en  rime 
francoisc  et  par  personages  \  par  maistre  Chevalet  iadis  sauverai 
maistre  en  \  telle  comp^siture  nouuellement  imprimée.  f\  la  finj  Icy 
finist  le  Mystère  du  glorieux  sainct  Chri  |  stojle  compose  par  per- 
sonaiges  et  imprime    |    a  Grenoble  le  vingthuit  de  ianuicr  lan  coptat  a 

{i)  P.  856-7. 

(2)  P.    858-9. 

(3)  P.    890-1. 

(4)  P.    891-2. 

(5)  On  trouvera  une  analyse  plus  ou  moins  développée  de  ccUe  pièce  dans: 
DE  Beauchamps,  Recherches  sur  les  théâtres  de  France,  1735,  t.  I,  p.  311;  Fr.  et 
Cl.  Parfaict,  ouvr.  cité,  1745,  t.  111,  p.  1-26  ;  Biblioth.  du  théâtre  français,  1768, 
t.  I,  p.  93-6;  DouHET,  Dict.  des  Mystères,  1854,  c.  232  ;  Petit  de  Jullkville, 
ouvr.  cité,  t.  I,  pp.  269-71,  294,  et  t.  II,  pp.  114,  599-605. 


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INSCRIPTIONS    CHRETIENNES 


la  Natiuite  de  nostre  Seigneur  mil  ciq  \  cens    trente  aux   despens  de 
maislrc  Anemond  Amalberti  citoyen  de  Grenoble  (\).  « 

Ce  Mystère  dut  être  son  dernier  ouvrage,  et  déjà  à  l'époque  de 
l'impression  Chevalet  n'existait  plus.  La  qualification  qui  lui  est 
donnée  dans  le  litre  de  cette  pièce  :  jadis  souverain  maître  en  telle 
composilurc,  prouve  à  la  fois  sa  mort  et  la  célébrité  dont  il  jouissait 
de  son  vivant. 

(i)  In-4'*,  en  lettres  rondes,  avec  signatures  A-CCC.  Ce  volume  est  un  des  plus 
rares  de  la  classe  des  Mystères  et  des  productions  de  la  typographie  Dauphinoise. 
De  Burh  (Bibliogr.  instriict.,  1763,  t.  I,  p.  565-70,  n°  3226),  Colomb  de  B.\tines 
(Mélanges  biog.  et  bibliog.  relat.  à  l'Inst.  littér.  du  Datiph.,  1837,  t.  I,  p.  45^-8), 
Brunet  (Manuel  du  libraire,  4°  éd.,  184-',  l-  I,  p.  648'»;  5°  éd.,  1860,  t.  I, 
c.  1836-7;  Supplément,  1878,  t.  I,  c.  255-6),  Gkaesse  (Trésoj-  des  livres  rares, 
i86i,t.  11,  p,  131'')  et  M.  .Maignien  ( L'imprim.  à  Grenoble,  1884,  p.  lo-i)  en 
donnent  la  description.  Un  des  quatre  exemplaires  connus  est  à  la  bibliothèque  de 
Grenoble  ;  celui  du  duc  de  La  \'allière  a  été  acquis,  pour  1600  fr.  à  la  vente  Solar, 
par  le  duc  d'Aumale. 

(La  suite  au  prochain   numéro). 


RECUEIL  DES  INSCRIPTIONS  CHRÉTIEiES 


DU 


D  I  OCESE 


D  E 


V  A  L_EN  CE 


I.  —  Canton  de   Wtlencc  (Suite). 

2.      —      PAROISSES      DE      LA      BANLIEUE. 


BOURG-LÈS-VALENCE. 

L'ancienne  église  de  ce  lieu,  dédiée  sous  le  vocable  de  S.  Pierre, 
fut  l'une  des  premières  construites  par  les  habitants  de  Valence,  c]ui 
la  tinrent  toujours  en  grande  vénération.  Il  y  eut  tout  d'abord  un 
monastère  de  l'ordre  de  Lérins,  réputé  pour  le  nombre  et  pour  la 
régularité  de   ses   religieux  (i).    (-e   fut   sans  doute  à  la   ferveur  des 


(i)  \'inccnl   liAKftAi.i,   Chrouic.  ins.   I.irin.,  p.    37H. 


DU    DIOCESE    DE    VALENCE.  IO9 

prières  qui  se  faisaient  en  ce  lieu  que  Ton  doit  attribuer  la  dévotion 
dont  il  était  l'objet  de  la  part  de  la  population  valentinoise.  S.  Apol- 
linaire y  fut  enseveli  (520)  ;  Ste  Galle  aimait  à  venir  y  prier,  et  c'est 
là,  nous  dit  l'historien  de  sa  vie,  qu'elle  obtint  de  Dieu,  par  l'inter- 
cession du  Prince  des  Apôtres,  la  délivrance  miraculeuse  de  la  ville 
assiégée  par  les  Barbares.  On  croit  que  Charlemagne  la  fit  recons- 
truire. Quoiqu'il  en  soit,  elle  était  fort  belle,  et,  d'après  un  ancien 
titre  conservé  aux  archives  de  la  Drôme,  elle  était  bâtie  en  marbre, 
pavée  en  mosaïque  et  soutenue  par  un  nombre  considérable  de  co- 
lonnes de  marbre  et  de  porphyre.  Elle  fut  saccagée  et  renversée  de 
fond  en  comble  par  les  protestants,  en  1567,  et  ses  ruines  restèrent 
longtemps  amoncelées  sur  le  sol.  L'église  actuelle,  de  construction 
récente,  a  été  érigée  sur  l'emplacement  de  l'ancienne,  mais  dans  des 
proportions  bien  plus  restreintes.  Elle  n'offre  absolument  rien  de 
remarquable  au  point  de  vue  archéologique  et  architectural  (i). 

Il  y  avait  au  Bourg-lès-Valence  un  chapitre  très-important,  qui  a 
subsisté  jusqu'à  la  Révolution.  Le  premier  dignitaire  portait  le  titre 
d'abbé  et  prieur.  M.  l'abbé  Ulysse  Chevalier  en  a  publié  le  cartulaire, 
dont  la  première  charte  remonte  à  1065  (2). 

Il  y  avait  certainement  sur  les  murs  de  l'ancienne  église  du  Bourg 
bon  nombre  d'inscriptions,  qui  ont  disparu  dans  sa  ruine.  Il  ne  nous 
en  reste  que  les  fragments  suivants  : 

I.    —   Epitaphe  de  l'époque  consulaire. 


LVS._QVIVI 

XITANS    LX  •   •    •  ^"^'  ?"^  vixit  annos  LX.  Obiit  in  pace  VIII 

oBIIT  IN  PACE  f^alendas  augustas,  Maxiino,  viro  clarissimo,  con- 

VIII.  KLD.  --O  suie. 

AGVSTAS  (Hauteur,  0.31  centim.;  largeur,  0.20.) 

M.-\XIMq_ 

V  C  CONS 

Cette  inscription  sur  pierre  blanche  d'un  grain  assez  fin,  a  été 
recueillie  par  M.  Rebatet,  rentier,  sur  le  quai.  Elle  offre  un  intérêt 
réel  pour  l'épigraphie,  à  cause  de  la  date  précise  qu'elle  porte,  indi- 
quée par  le   consulat.  Les  inscriptions   de  cette  époque  sont  rares, 

(1)  \.\DAL,  Histoire  hagiologique  du  dioc.  de    Valence,  p.  98,  note. 

(2)  Chartularium  Ecdesix  Sancti  'Pétri  de  Burgo  Valentioj,  ordiiiis  Sancti 
Augustini.  —  Paris,    Honoré  Champion,  M.DCCCLXXV.  (i  vol.  in-8»  de  200  pp.) 


IX SCRUTIONS    CHRETIENNES 


surtout  dans  nos  contrées.  Il  est  bien  regrettable  que  celle-ci  soit 
incomplète.  En  voici  la  description  matérielle  :  Les  lettres,  assez  ré- 
gulières, sont  un  peu  allongées,  et  mesurent  en  moyenne  ^  centim. 
de  hauteur.  Elles  sont  conformes  au  caractère  romain,  sauf  le  Q,  le 
K  et  le  (j,  qui  en  diffèrent  sensiblement,  ainsi  que  le  L  du  chiffre 
LX,  dont  la  branche  inférieure  est  inclinée  à  angle  ouvert.  Les  S  et 
les  C  offrent  aussi,  dans  leurs  contours  et  à  leurs  extrémités,  une 
forme  moins  correcte  et  légèrement  tourmentée.  Les  X  ont  leur  tra- 
verse droite  contournée;  enfin,  les  O  sont  parfaitement  ronds,  et  un 
peu  plus  petits  que  les  autres  lettres.  Il  n'y  a  aucune  séparation 
entre  les  mots,  qui  se  tiennent  tous,  sauf  en  quatre  endroits,  où  ils 
sont  séparés  par  un  point.  Les  abréviations  sont  marquées  par  des 
traits  horizontaux  qui  s'étendent  sur  toutes  les  lettres  représentant 
le  mot  condensé  ;  il  n'y  en  a  du  reste  que  deux,  en  dehors  des  ini- 
tiales consacrées  pour  marquer  le  consulat,  à  la  dernière  ligne.  La 
quatrième,  qui  renferme  le  quantième,  ne  s'étend  pas  jusqu'à  l'arête 
de  la  pierre  ;  elle  est  complétée  par  un  trait  en  doucine.  On  remar- 
cjuera  l'orthographe  bizarre  du  mot  AgusLis,  mis  pour  aiigustas, 
adjectif  tenant  lieu  d'un  substantif. 

Plusieurs  consuls  du  nom  de  Maximus  se  rencontrent  dans  les 
fastes  consulaires  pendant  le  cours  du  Y"  et  du  VL  siècle  ;  mais  le 
seul  qui  n'ait  pas  eu  de  collègue  est  Flavius  Maximus,  qui  occupa  le 
consulat  en  523.  11  ne  fut  pas  promulgué  en  Gaule  avant  les  pre- 
miers jours  de  mars  ;  de  telle  sorte  que  les  actes  publics  y  furent 
datés,  jusque  vers  le  milieu  de  ce  mois,  du  post-consulat  de  Sym- 
maque  et  Boèce,  qui  étaient  consuls  en  522. 

Cette  inscription  a  été  publiée  par  M.  All.mkr,  dans  la  Renie  épi- 
graphique  du  Midi  de  la  France,  livraison  de  juin-juillet  1881,  p.  224, 
no  255,  et  reproduite  par  M.  Lacroix,  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
archéologique  de  la  Drame,  yf  livraison  (tome  XV,  p.  .115).  Al-  Flo- 
rian  Valli;nti.n  en  fait  aussi  mention  dans  son  Bulletin  épigra- 
phique  de  la  Gaule,  t.  L',  p.  280-281. 

2.   —  Fragment  d'épitaphe. 

1  lie  \i{equi) 
ESC{it) 
NE.  .  .  . 

l'clit  fragment  recueilli  par  le  même.  Il  (tflVc  les  mêmes  caractères 
d'antiquité   que  le    précédent  ;    les    lettres  sont  plus   grossièrement 


DU    DIOCÈSE    DE    VALENCE.  III 

formées  et  gravées  avec  moins  de  soin.  Elles  sont  aussi  un  peu 
moins  grandes,  peu  serrées  et  irrégulièrement  espacées  entre  elles. 
Point  de  séparation  entre  les  mots.  La  largeur  de  la  pierre  parait 
avoir  été  à  peu  près  la  même  que  celle  de  la  précédente,  à  en  juger 
par  l'étendue  de  la  première  ligne,  qu'il  est  facile  de  rétablir  dans 
son  entier. 

3.    —   Obit  mentionnant  une  fondation. 

Dans  le  courant  de  septembre  1882,  en  ouvrant  une  rosace  au- 
dessus  de  la  porte  principale  de  l'église  du  Bourg,  on  enleva,  pour 
creuser  le  mur,  quelques  pierres  de  taille  qui  servaient  de  revête- 
ment à  la  façade,  l'une  desquelles,  taillée  à  la  dimension  des  autres, 
présentait  une  inscription  gravée.  Elle  était  recouverte  d'une  épaisse 
couche  de  mortier,  qui  ne  permettait  pas  d'en  soupçonner  l'exis- 
tence. Quand  elle  eut  été  nettoyée  et  lavée,  on  put  y  lire  ce  qui  suit  : 

''     ....MARCII,  MEMORIA 

BO(;z^/emm^  ?J  RICHARD.E  UXORIS 

..TUAVLE,  FILLE  EORUMDEM,  QU^E 

idedi)T  HUIC  ECCLEf siœ)...  SO(lidos)  CENSUAL(es) 

(6e/0EFICIA...  CLERICIS....  AU.. 

rcom)MENDANTUR. 

Cette  pierre  mesure  38  centimètres  en  carré.  C'est  une  molasse  à 
grain  fin,  mais  facilement  friable  ;  aussi  l'inscription  qu'elle  porte 
est-elle  très  fruste  en  certains  endroits.  Elle  est  complète  par  le 
haut  et  par  le  bas  ;  mais  elle  a  été  taillée  sur  ses  deux  flancs.  Il  en 
manque  peu  à  gauche,  l'espace  de  deux  ou  trois  lettres  seulement, 
comme  le  prouve  la  première  ligne,  où  il  ne  pouvait  y  avoir  que  le 
quantième  du  mois  avant  le  mot  mardi;  mais  elle  est  très  défec- 
tueuse à  droite,  où  des  mots  entiers  ont  été  enlevés.  Pour  achever 
d'en  obscurcir  le  sens,  un  crampon  en  fer  a  été  planté  verticalement 
sur  le  même  côté,  et  embrasse  trois  lignes  dans  sa  malencontreuse 
accolade,  interceptant  trois  mots  qu'il  est  impossible  de  rétablir.  On 
peut  voir  par  ce  spécimen  que  les  matériaux  de  l'ancienne  église  ont 
servi  à  construire  la  nouvelle. 

Cette  inscription  présente  les  caractères  du  XIL  au  XIII''  siècle  ; 
c'est  l'écriture  onciale  encore  anguleuse  et  peu  ornée  de  cette  épo- 
que. Les  lettres  sont  très   régulières  et   mesurent  3  cent.;   leur  lar- 


112  INSCRIl'TIONS    CHRETIENNES 

gcur  est  d'un  tiers  environ  de  la  hauteur.  Les  A,  les  E  et  les  V  ou  U 
sont  tantôt  arrondis,  tantôt  anguleux  ;  les  M  et  les  N  ont  tous  la 
forme  arrondie,  ainsi  que  les  C  et  les  T.  Les  D  et  les  Q  ressemblent 
à  un  O,  avec  l'adjonction  d'une  petite  queue  en  forme  d'accent  ou 
de  virgule  en  haut  ou  en  bas.  Il  y  a  peu  d'abréviations;  dans  l'état, 
on  n'en  remarque  que  trois,  aux  mots  ecc/(esi)e,  c/(er)z'cz's  et  eor 
Tum)  ;  le  L  des  deux  premiers  est  barré  par  le  trait  abréviatif,  et  le 
dernier  est  complété  par  le  trait  d'usage  en  lorme  de  point  d'interro- 
gation, partant  du  centre  du  R. 

On  ne  trouve  aucune  mention,  dans  le  cartulaire  du  Bourg-lès- 
\'alence,  de  la  donation  faite  aux  clercs  de  cette  église  par  Richarde 
et  par  sa  fille  Avici  ou  Varia.  On  y  voit  figurer  il  est  vrai,  dans  une 
charte  du  8  mars  1207  (i),  une  certaine  Richarde,  épouse  de  Sal- 
vaignet  ;  mais  rien  ne  nous  prouve  que  ce  soit  la  même  que  celle 
dont  notre  inscription  relate  le  bienfait.  Faudrait-il  voir  dans  Sazia, 
femme  de  Bernard  de  Beauregard,  qui  figure  dans  la  même  charte 
comme  parente  de  Ricarde,  mais  sans  qu'on  indique  à  quel  degré, 
la  fille  de  notre  donatrice  ?  Il  y  a  trop  d'écart  entre  l'orthographe 
des  deux  noms  pour  qu'on  puisse  l'affirmer  sans  restriction  ;  mais 
cette  hypothèse  ne  laisse  pas  d'être  plausible.  Quoiqu'il  en  soit, 
Sazia  fut  une  insigne  bienfaitrice  de  l'église  du  Bourg  (2);  les  trois 
anniversaires  qu'elle  avait  fondés  se  célébraient  encore  à  l'époque  de 
la  Révolution  (3).  Bernard  de  Beauregard,  de  son  côté,  se  signala 
par  ses  généreuses  donations  à  la  collégiale  de  S.  Pierre  (4). 

La  découverte  de  cette  inscription  a  été  signalée  par  M.  Lacroix 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  ajxhéolooi.jue  de  la  Drame,  livraison 
d'octobre  1882,  t.  X'VI,  p.  456. 


ÉTOILE. 

Ce  bourg  était  autrefois  l'une  des  places  les  plus  importantes  des 
I*oitiers,  qui  y  ont  laissé  des  traces  écrites  de  leur  séjour.  Leur  chà- 

(1)  ('Jiarlulariu)n  Sa)icli  'l'ctri  de  Hur^-o,  cli.  .W,   p.    32. 

(2)  Ibidem,  cli.   \.\,  p.    |.|. 

(3)  Mémoire   au  sujet  du  vè'^lemcnL   amiable  proposé  par   M.  de  V^eynes,    abbé  et 
prieur  du  Bourg,  en  mars  7779  (Ms.  aux  archives  de  la  Drûme). 

(/|)  Chai  tulaiium,  l(jc.  cit.,  et  p.    ji,  note  i,   p.  .^8,  etc. 


DU    DIOCÈSE    DE    VALENXE.  II3 

teau  fort  s'élevait  sur  le  point  culminant  et  dominait  la  vallée  du 
Rhône;  il  devait  être,  par  son  étendue  et  sa  magnificence,  en  rap- 
port avec  la  grandeur  de  ses  hôtes.  Mais,  comme  de  bien  d'autres 
grandeurs,  il  n'en  reste  plus  que  des  ruines  :  quelques  pans  de  mur, 
à  peine  visibles,  du  bourg  qu'ils  dominaient  autrefois.  Cependant 
l'archéologue  est  attiré  vers  ces  ruines,  non-seulement  par  l'attrait 
des  souvenirs  et  par  les  vestiges  d'une  splendeur  qui  n'est  plus  ; 
mais  aussi  par  un  remarquable  monument  lapidaire,  apporte  en  ce 
lieu  par  M.  de  la  Boisse,  son  dernier  propriétaire.  C'est  une  belle 
inscription  du  X'  siècle,  qui  n'a  que  le  défaut  d'être  étrangère  au 
pays,  et  d'intéresser  des  contrées  bien  éloignées  des  nôtres. 

I.  —  Consécration  d'une  église  par  Aimeric,  archevêque  de  Narbonne. 

^  Haec  aula  qui  e  fudata 
in  vila  Montifelnens  e  cosecra 
ta  in  honore  Sci  Michahelis  invcta 
p  manu  Aimerici  archipsulis  Narbo 
ne  couocauitq  Rodbertu  pbr  obanim" 
sua  seu  genitori  i>   vl  génitrice  vl  parent 
suor  adivtoriû  cndiderunt 

cosecrata  e  mense  e  (?)  VII  k  november 
die  VII  fra  anno  dominice  trabea 
cionis  DCCCCLXXIl.  +  indicio 
ne  I  -f"  Girallus  pbr  scripsit  + 
Fran  conrtr. 

-}-  Haec  aula  qui  est  fundata  in  vila  Montifelnensi,  est  consecrata 
in  honore  sancti  Michahelis,  inimcta  per  manum  Aimerici^  archiprœsulis 
Narbone.  Convocavit   que  (i)  Rodbertus  presbyter,  ob  animant  suam, 

seu   genitoris,  vel  génitrice,    vel  parentum  suorum adjutorium 

con(?)diderimt.  Consecrata  est  mense  e  f?),  VII  kalendas  november, 
die  VII ferià,  anno  dominice  trabeationis  DCCCCLXXIl,  +  indicio- 
ne  I.  -f"  Girallus  presbyter  scripsit.  Fran'coJ  construxit. 

Cette  inscription  a  été  e.Ktraite  de  l'église  qu'elle  concerne  et 
apportée  à  Etoile,  par  les  soins  de  .M.  Parisot  de  la  Boisse,  vers  1883. 
*Elle  est  gravée  sur  un  bloc  de  grès   blanc,  mesurant  0,58  cent,  de 

(i)  iM.  l'abbé  Douais  estime  qu'on  doit  plutôt  lire  quem,  se  rapportant  au  prélat 
consécrateur,  malgré  l'irrégularité  de  la  construction. 


114  INSCRIPTIONS    CHRETIENNES 

hauteur  sur  0,70  de  largeur.  En  tête  est  une  croix  formée  de  quatre 
lobes  allongés  et  terminés  en  pointe,  inscrits  dans  un  cercle  à  triple 
trait,  d"où  part  une  torsade  servant  de  bordure  sur  la  partie  supé- 
rieure ;  mais  elle  ne  s'étend  pas  aux  autres  côtés  de  la  pierre,  qui 
sont  sans  encadrement.  Quant  à  l'exécution  matérielle,  elle  est  assez 
correcte,  quoique  les  lettres  soient  irrégulières  dans  leur  forme  ;  elles 
mesurent  quatre  centimètres  de  hauteur  sur  une  largeur  très  va- 
riable, mais  en  général  fort  développée,  de  telle  sorte  que  plusieurs 
sont  carrées.  C'est  la  transition  du  caractère  romain  à  l'écriture 
onciale  du  moyen-àge.  Les  formes  arrondies  se  retrouvent  dans  la 
plupart  des  E,  des  V  et  des  M  ;  plusieurs  cependant  sont  anguleux; 
toutes  les  autres  lettres  ont  conservé  la  forme  romaine,  sauf  certai- 
nes modifications  pour  quelciues-unes.  Les  N  ressemblent  exacte- 
ment àl'H  majuscule  ;  un  certain  nombre  cependant  ont  conservé  la 
forme  ordinaire  ;  la  lettre  H  ressemble  à  la  minuscule  d'imprimerie. 
On  remarque  aussi  une  forme  toute  particutière  de  l'A  à  la  fin  de  la 
deuxième  et  de  la  cinquième  lignes,  où  cette  lettre  est  placée  en 
caractère  plus  fin  au-dessus  du  mot,  et  dans  deux  passages  de  la 
neuvième  :  c'est  le  delta  grec  avec  une  queue  au  sommet.  Dans  deux 
mots  terminés  en  us  et  en  is,  l'S  final  est  mis  en  tout  petit  module 
au-dessus  de  la  ligne,  se  tenant  avec  la  lettre  précédente.  Il  y  a  peu 
d'abréviations,  et,  sauf  quelques  exceptions,  elles  sont  indiquées  par 
le  trait  horizontal  d'usage,  ou  par  l'oméga  à  pattes  allongées  super- 
posé. La  diphthongue  M  est  remplacée  par  la  lettre  E,  sauf  au  pre- 
mier mot  hacc  ;  on  remarque  aussi  la  présence  de  cet  E  tenant  lieu 
de  la  diphthongue  dans  le  mot  Génitrice,  mis  pour  Genilricis.  Les 
lettres  sont,  en  général,  largement  espacées.  Il  n'y  pas  de  sépara- 
tion entre  les  mots,  ni  de  traits  entre  les  lignes. 

On  trouve  dans  cette  inscription  un  certain  nombre  d'expressions 
archaïques  comme  Aida  dans  le  sens  d'église,  i-c/ et  scu  mis  pour  la 
conjonction  et,  trabealionis  pour  incarnatioiiis  (i).  On  y  remarque 
aussi  quelques  incorrections  grammaticales:  ce  qui  n'est  pas  rare  dans 
les  textes  lapidaires  de  cette  époque.  Non  moins  intéressante  pour 
son  (jbjct  que  l'emarquablc  pour  sa  forme,  elle  relate  l'origine  précise 
d'une  église  qui  a  eu  plus  tard  son  degré  d'importance  :  fondée  par 
le  prêtre  Rodberl,  pour  le  salut  de  son  âme  et  pour  le  soulagement 
de  celle  de  ses  parents,  elle  fut  consacrée  par  Aimcric.  archevêque 
de  Narbonnc,  un  samedi  (VII  fer ià),  septième  jour  avant  les  calendes 

(1)  Dl'cangi;,  Glosaarium  medLv  eL  infima;  lalinilatis,  v  Aula,  trabcatio,  clc. 


DU    DIOCÈSE    DE    VALENCE.  11$ 

de  novembre  (26  octobre)  972,  indiction  première.  —  Ces  indications 
chronologiques  concordent  parfaitement  entre  elles;  le  26  octobre  972 
était  bien  en  effet  un  samedi.  Il  est  à  observer  toutefois  que  le  cycle 
de  l'indiction  se  terminait  au  mois  de  septembre  de  cette  année-là, 
de  sorte  qu'elle  appartient  pour  la  majeure  partie  à  l'indiction  quin- 
zième ;  mais  le  mois  d'octobre  était  bien  dans  l'indiction  première. 
Les  noms  de  l'architecte  et  du  constructeur  sont  mentionnés  au  bas  de 
l'inscription  :  le  prêtre  Girallus  traça  les  plans  de  l'édifice  (scripsit),  et 
Francon  les  exécuta  fconstnixitj.Nous  trouvons  dans  une  inscription 
de  l'ancienne  église  abbatiale  de  S.  Julien  de  Brioude,  qui,  comme 
l'on  sait,  fut  fondée  vers  la  même  époque,  les  noms  de  l'architecte 
et  de  l'entrepreneur  indiqués  sous  la  même  formule. 

L'église  de  S.  Michel,  dont  ce  précieux  monument  précise  l'ori- 
gine et  relate  la  consécration,  subsiste  encore  dans  son  entier  ;  les 
autels  seuls  ont  été  enlevés.  Elle  s'élève  sur  un  monticule  au  X.  E. 
et  à  deux  kilomètres  environ  de  Siran,  canton  d'Olonzac  (Héraultj, 
sur  les  confins  des  diocèses  de  Montpellier  et  de  Carcassonne.  C'est 
un  remarquable  monument  d'architecture  romane,  mais  où  déjà  la 
pointe  ogivale  commence  à  se  dessiner.  A  côté  sont  des  ruines  con- 
sidérables ;  on  y  remarque  un  grand  puits,  près  duquel  sont  d'énor- 
mes chênes  verts.  Ce  lieu  est  appelé  par  le  vulgaire /a  3/o»/a;'"c' 
des  Fées  flou  Mount  de  las  Fadas)  ;  près  de  là  s'élève  un  beau  dol- 
men, qui  explique  cette  dénomination,  à  moins  qu'on  ne  préfère  y 
voir  une  corruption  de  l'ancien  nom  Montifelnensis.  Tout  ce  quar- 
tier, ainsi  que  le  ruisseau  qui  coule  au  pied  du  coteau,  a  conservé  le 
nom  de  S.  Michel.  Il  y  avait  là  un  prieuré  considérable,  duquel  dé- 
pendaient Siran,  Cesseras  et  f^épieux  ;  ces  trois  villages  sont  com- 
pris dans  les  limites  de  l'ancien  Miner\'ois,  contrée  intéressante  au 
point  de  vue  archéologique  ;  le  dernier  appartient  au  diocèse  actuel 
de  Carcassonne.  Ce  prie-iré  passa  des  Bénédictins  aux  Chartreux 
de  Castres  vers  le  XII'=  siècle,  et  leur  appartint  jusqu'à  la  destruction 
de  leur  couvent  au  XVI*  siècle,  époque  où  il  fut  probablement  rui- 
né aussi  (\). 

Siran  dépendait  autrefois  du  diocèse  de  St-Pons  ;  mais  avant  l'é- 
rection de  cette  église  en  évêché  par  le  pape  Jean  XXII,  en  1 317,  il 
appartenait  au  diocèse  de  Narbonne  :  ce  qui  explique  la  consécration 
de  l'église  de  S.  Michel  par  Aimeric,   archevêque   de  cette  ville.  Ce 

(i)  Renseignements  dus  à  l'obligeante  érudition  de  .M.  l'abbé  Douais,  professeur 
d'histoire  aux  facultés  catholiques  de  Toulouse. 


Il6  INSCRIPTIONS    CHRÉTIENNES 

prélat,  qui  siéga  de  933  à  977,  est  l'un  des  plus  connus  du  X*"  siècle  ; 
il  a  laissé  de  nombreux  et  importants  souvenirs  de  son  long  ponti- 
ficat (ij.  L'acte  relaté  dans  notre  inscription  est  à  ajouter  à  la  série 
de  ses  faits  et  gestes,  énumérés  par  les  différents  historiens  de 
l'église  de  Narbonne. 

Cette  inscription  n'a  été  connue  ni  des  savants  auteurs  du  Gallia 
Christiauii,  ni  de  dom  Vaissette,  ni  des  nouveaux  éditeurs  de  Vllis- 
toire  générale  du  Languedoc  ;  Besse,  antérieur  aux  Bénédictins, 
n'en  fait  pas  mention  non  plus  dans  son  Histoire  de  Narbonne.  Nous 
la  croyons  donc  complètement  inédite. 

2.  —  Fragment    d'épitaphe. 

+   IIII;   id;    ...  ob.  Ar....  IIII  idiis....  obiit  Ar...  (prœ) 

mii  ;   adm  j   meruit-   for  mii  admitti  meruitfor 

in  mundi  castis  virtutvj   m  in  mundi  castis  virtutum  m... 

Huc;   majusl   nob  ;   dû;   qrto  hue  majus  nobis  dum  quarto 

abstulit  I   ut;  vob  :   do...  Abstulit  ut  vobis  do.... 

Fragment  en  pierre  blanche  d'un  grain  assez  fin,  mesurant  23  cen- 
tim.  de  longueur  sur  17  de  hauteur.  11  a  été  trouvé  dans  les  démoli- 
tions d'un  vieux  mur,  près  des  anciens  remparts,  et  est  actuellement 
conservé  dans  une  maison  particulière.  C'est  une  épitaphe  en  vers  la- 
tins, malheureusement  incomplète  ;  il  n'y  a  que  les  quatre  premiers 
pieds  de  chaque  hexamètre,  ce  qui  permet  de  supposer  qu'il  manque 
un  tiers  environ  de  l'inscription  dans  sa  longueur.  Elle  est  complète 
dans  sa  hauteur,  et  n"a  jamais  eu  plus  de  cinq  lignes.  Toutefois  la 
première,  qui  contient  la  date  et  le  nom  du  défunt,  ne  paraît  pas 
être  en  mesure,  elle  est  du  reste  très  fruste  et  à  peu  près  illisible  ;  la 
seconde  ligne  commence  par  la  fin  d'un  mot  ;  de  sorte  qu'il  n'y  au- 
rait au  plus  que  quatre  hexamètres.  —  La  versification  de  cette  épi- 
taphe apparaît  non-seulement  dans  la  quantité  des  mots,  qui  sont 
mesures  selon  les  règles  de  la  poésie  latine  ;  mais  aussi  par  le  style 
dans  lequel  elle  est  conçue,  qui  ne  ressemble  en  rien  à  de  la  prose. 
On  y  trouve  des  expressions  relevées  et  choisies  et  une  certaine  re- 
cherche dans  la  phrase,  causée  sans  doute  par  les  exigences  de  la 
prosodie.  Quant  à  la  date  de  ce  petit  monument  cpigi'aphique,  nous 
croyons  pouvoir  la  rapporter  au  XIL  siècle,  à  en  juger  par  sa  facture 

(0  Gallia   Clirisliana,  t.  VI,  col.  27  a  30. 


DU    DIOCESE    DE    VALENCE.  II7 

matérielle.  Les  caractères  sont  d'une  bonne  exécution  et  légèrement 
allongés  (0,028")  ;  c'est  l'écriture  onciale,  avec  de  nombreuses  rémi- 
niscences du  caractère  romain  ;  les  M,  les  N,  les  T,  les  V,  les  E  et 
les  C  présentent  la  forme  tantôt  anguleuse,  tantôt  arrondie  ;  il  y  a 
aussi  deux  formes  de  B  et  trois  de  M,  dont  une  conforme  au  modèle 
latin,  sauf  que  le  jambage  droit  ne  descend  pas  au  niveau  de  l'autre. 
Il  y  a  peu  d'abréviations  proprement  dites,  mais  beaucoup  de  lettres 
enchevêtrées  ou  enclavées  ;  celles-ci  sont  très  fines  et  presque  im- 
perceptibles ;  tous  les  I  qui  se  trouvent  dans  le  corps  des  mots,  sauf 
celui  du  mot  virtiiticm,  sont  ainsi  simplifiés  et  réduits,  cette  lettre 
étant  très  facile  à  dissimuler  dans  les  contours  d'une  autre.  Dans  le 
mot  castis,  il  se  trouve  au-dessus  du  T,  qui  déjà  porte  dans  son  jam- 
bage le  S  entrelacé  ;  l'A  de  ce  même  mot,  pareillement  réduit  à  des 
proportions  miscrocopiques,  est  caché  dans  les  replis  du  C.  Les  si- 
gnes abréviatifs,  consistant  en  un  trait  horizontal,  sont  placés  en 
travers  de  la  dernière  lettre  exprimée,  et  jamais  au-dessus.  Trois 
points  à  peine  apparents  séparent  chaque  mot  ;  il  n'y  a  pas  de  traits 
entre  les  lignes. 

Une  épitaphe  en  vers  latins  suppose  un  personnage  important.  Il 
est  bien  regrettable  que  son  nom  et  ses  titres  aient  disparu  du  frag- 
ment qui  nous  en  reste  ;  ils  eussent  donné  à  ce  petit  monument  un 
véritable  intérêt. 

(La  suite  an  prochain  numéro). 

Cyprien  PERROSSIER. 


HISTOIRE    RELIGIEUSE 


PONT-EN-ROYANS 

(ISÈRE) 
(Suite) 


Les  charges  annuelles  du  prieuré  ctaienl,  d'après  le  même  Estât 
de  1678  :  200  liv.  au  curé  de  Choranches  pour  le  service  divin  de  ce 
lieu;  200  liv.  au  curé  de  Ste-Eulalie  pour  le  service  divin  de  ce  lieu,  et 
12  livres  pour  le  service  qu'il  faisait  à  Laval-St-Mémoire  ;  pour  les  dé- 
cimes des  prieuré,  sacristie  et  cures  du  Pont  et  de  Choranches,  et  du 
prieuré  de  Valchevrières,  et  pour  celles  de  la  paroisse  de  Ste-Eula- 
lie, 144  liv.  i^  sols  8  deniers;  pour  la  24"  des  pauvres  des  3  pa- 
roisses, 27  livres  ;  pour  intérêts  de  sommes  empruntées,  g  livres 
12  sols  ;  pour  gages  de  M.  Morin,  qui  «  fait  le  poil,  pour  30  sols  par 
religieux,  »  (à  6  religieux)  9  livres  ;  pour  gages  de  la  femme  de  Jour- 
dan,  lessiveuse,  20  livres  ;  pour  gages  de  Barthélémy  Brissot,  qui 
«  sert  de  valet  pour  12  écus  par  an,  «   36  livres. 

Ces  charges,  montant  à  6.58  liv.  5  s.  2  den.,  étant  déduites  des 
revenus,  il  restait  1871  liv.  7  sols  et  10  den.  pour  les  dépenses  com- 
munes de  la  maison,  c'est-à-dire  pour  la  nourriture  de  6  religieux, 
d'un  domestique  (i)  et  des  ouvriers,  pour  le  vestiaire,  les  voyages, 
etc. 

De  ces  6  religieux,  5  étaient  prêtres  et  faisaient  outre  leur  service 
particulier,  celui  de  la  paroisse  et  quelques  fonctions  au  dehors.  Le 
religieux  convers  s'appliquait  aux  affaires  intérieures  de  la  maison. 
Tout  nous  révèle  dans  cette  petite  communauté  beaucoup  d'ordre, 
d'entente  et  de  piété.  La  bibliothèque  de  la  maison,  composée  dès 
1695  de  229  volumes  dont  nous  avons  l'inventaire  détaillé,  fait  cer- 
tainement, par  son   caractère   sérieux  et  savant,  honneur  à  ceux  qui 

(i)  l.cs  inventaires  de  17.12,  1716  et  1762  accusent  5  religieux  et  3  domestiques. 
De  ces  derniers,  l'un  était  cuisinier,  à  .^2  liv.  de  gages;  le  deuxième,  valet  d'écu- 
rie, ù  4S  liv.;  le  troisième,  marmiton,  à  12  livres.  En  1765,  on  ne  trouve  plus  que 
4  chanoines  ou  religieux,  et  les  3  domestiques.  Evidemment,  la  diminution  des  vo- 
cations qui  alTectait  alors  l'ordre  de  Saint-Antoine,  se  faisait  sentir  au  Pont. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  IIQ 

l'avaient  acquise  et  à  ceux  qui  s'en  servaient.  Nous  y  trouvons 
I  Saint-Augustin  en  7  vol.  in-folio,  i  Saint-Ambroise  en  2  vol.  in- 
folio, les  œuvres  de  Saint-Grcgoire-le-Grand  en  3  vol.  in-folio, 
celles  de  Saint-Basile,  de  Saint-Cyprien,  de  Saint-Cyrille,  de  Saint- 
Thomas  d'Aquin,  de  Saint-Grég-oire  de  Nazianze,  de  Saint-Bona- 
venture,  de  Thomassin,  de  Bellarmin,  etc.,  etc. 

Les  procès  pour  la  défense  de  leurs  droits  ont  eu  place  dans  la 
sollicitude  des  Antonins  et  de  leur  communauté  du  Pont.  On  trouve 
des  débats  avec  les  habitants  de  Ste-Eulalie,  pour  la  dîme,  en  1606 
et  de  1642  à  1649  ;  avec  les  habitants  de  Laval-St-Mémoire,  au 
sujet  du  service  religieux  de  ce  lieu,  de  1642  à  1644,  en  1654,  en 
1712,  en  1749,  et  de  1761  à  1765  ;  avec  le  curé  de  Châtelus  ou  le 
prieur  de  la  Sône,  au  sujet  de  la  pension  des  Antonins  sur  Châtelus, 
de  1644  à  1645,  de  1665  à  1667,  en  1677,  1679,  1680,  1681,  1688, 
et  de  1695  à  1699;  avec  les  consuls  du  Pont,  sur  la  dime,  en  1648  i 
avec  les  curés  de  St-Just-de-CIaix,  à  propos  de  la  chapelle  de  Claix, 
en  1675,  1679,  1696  et  1700;  et  avec  l'évêque  de  Die,  au  sujet  des 
bois  de  Valchevrières,  en  1736.  Mais  les  détails  relatifs  à  la  plupart 
de  ces  débats  ont  leur  place  naturelle  dans  les  travaux  historiques 
sur  les  paroisses  où  étaient  les  droits  ou  objets  en  litige  ;  et  nous 
n'en  donnerons  ici  que  pour  ce  qui  regarde  un  différend  avec  le  mar- 
quis du  Pont. 

Plusieurs  fois  des  difficultés  avaient  surgi  entre  les  Antonins  et 
les  seigneurs  de  Pont-en-Royans  relativement  à  leurs  droits  déjà 
réglés  en  1259  et  en  1276.  Chaque  fois  elles  avaient  été  tranchées 
par  des  sentences  judiciaires  ou  par  des  arbitrages. 

Dès  1686,  il  s'en  était  de  nouveau  élevé,  et  sur  plusieurs  chefs. 
Elles  furent  réglées  par  une  longue  transaction  du  5  mai  1690, 
passée  devant  Louis  Bechard,  notaire  de  Vourey,  et  Antoine  Burlet, 
notaire  de  la  Buissière  et  Bellecombe,  entre  George-Paul  de  Maule- 
vrier  de  Langeron,  abbé  de  Saint-Antoine,  ainsi  que  frère  Jacques 
Pilliéron,  supérieur  de  la  maison  du  Pont,  et  Joseph-Louis-Alphonse 
de  Sassenage,  marquis  dud.  Pont.  Il  fut  convenu  que  les  religieux, 
clercs,  prêtres,  convers  et  domestiques  du  prieuré  demeureraient 
exempts  de  la  juridiction  du  seigneur  en  toutes  causes  et  actions 
réelles  et  personnelles,  ainsi  que  de  tous  droits  de  leyde  et  de 
toutes  sortes  de  bannalité,  notamment  de  celle  des  moulins  et  du 
pressoir  bannaldud.  seigneur;  qu'ils  auraient  la  liberté  de  faire 
moudre  leurs  grains  où  ils  voudraient  et  de  faire  construire  dans 
les    bâtiments   du    prieuré  un  pressoir  pour  la  vendange   de  leurs 


I20  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

vignes  et  de  leurs  dîmes  ;  que  le  marquis  seul  aurait  le  droit  de 
pêche  dans  la  Bourne,  depuis  le  pont  de  Chorenches  jusqu'à  la 
Forneira,  et  la  propriété  de  ses  moulins  et  pressoir  bannaux  ;  que  le 
four  bannal  demeurerait  commun  entre  le  marquis  et  le  prieuré, 
lesquels  seraient  exempts  du  fournage.  avec  faculté  «  aud.  seigneur, 
n'habitant  pas  dans  led.  lieu  du  Pont,  de  céder  »  son  exemption  à 
telle  famille  dud.  lieu  que  bon  lui  semblerait  ;  que  le  bois  de  Barret 
demeurerait  en  commun  pour  l'usage  du  four  seulement,  et  resterait 
au  prieuré  pour  la  propriété. 

Au  surplus,  nos  religieux  continuaient  leur  œuvre  au  Pont,  quand 
la  décadence  morale  de  leur  ordre,  ou  du  moins  la  diminution  de 
son  personnel,  faute  de  nouvelles  vocations,  fut  pour  d'hypocrites 
ministres  l'occasion  de  l'unir  à  l'ordre  de  Malte.  Cette  union,  qui 
équivalait  pour  Saint-Antoine  à  une  sorte  de  suppression,  fut  con- 
sommée en  1777  et  modifia  d'abord  assez  peu  le  personnel  et  la  vie 
intérieure  de  notre  prieuré.  Seulement,  au  lieu  de  relever  de  la  mai- 
son de  Saint-Antoine,  il  releva  comme  Sainte-Croix  près  Die,  du 
grand  prieuré  de  Saint-Gilles.  C'est  pourquoi,  le  10  décembre  1777, 
frère  Dominique-Gaspard-Balthazard  Bailly  de  Gaillard,  chevalier 
de  l'ordre  de  Malte,  administrateur  des  biens  du  grand  prieuré  de 
Saint-Gilles,  envoie  de  Marseille  à  M""  Jean-François  Mésangère, 
avocat  en  la  Cour  et  notaire  à  Valence,  procuration  notariée  pour 
administrer  les  biens  dépendants  de  ce  grand  prieuré  et  appartenant 
à  la  maison  de  Pont-en-Royans.  Depuis  lors  jusqu'à  la  Révolution, 
nous  ne  connaissons  guère  de  l'histoire  de  cette  maison  d'autres 
faits  particuliers  qu'un  procès  soutenu  devant  le  parlement,  par  le 
sindic  des  ordres  réunis,  contre  les  consuls,  communauté  et  curé 
du  Pont. 

Les  bâtiments  avaient  été  l'objet  d'une  reconstruction  presque 
complète.  Le  21  janvier  1655,  nos  religieux  recevaient  en  alberge- 
ment  du  marquis  du  Pont,  sous  la  censé  annuelle  et  perpétuelle  de 
18  deniers,  la  faculté  de  faire  construire,  dans  le  clos  de  leur 
prieuré  du  Pont,  un  pigeonnier  de  la  hauteur  et  de  la  largeur 
que  bon  leur  semblerait.  Le  27  août  1666,  le  R.  P.  Louis  de 
Charency  avait  bénit  la  première  pierre  du  bâtiment  neuf  du 
prieuré  ,  et  M'  Chaléon  ,  faisant  pour  M""  le  marquis  de  Sasse- 
nage,  l'avait  posée.  Le  26  juillet  1676,  les  religieux  avaient  chargé 
Jean  Ferrand,  maître  maçon  de  St-André,  et  Guigues  Bouvaret, 
maître  maçon  de  St-Romans,  «  de  descouvrir  le  toict  du  quartier  de 


DE    PONT-F.N-ROYANS. 


bastiment  qui  »  n'était  pas  «  achevé,  et  de  mettre  les  tuiles  où  le 
charpentier  »  le  verrait  «  à  propos  ;  >>  d'y  faire  un  «  faux  toict  d'ais, 
pour  pouvoir  résister  aux  injures  du  temps  et  servir  aud.  quartier,  >> 
et  de  le  maintenir  jusqu'à  prix  fait  achevé  ;  d'élever  les  murailles  de 
tous  les  côtés  dud.  quartier  de  bâtiment,  et  d'y  faire  «  les  fenes- 
trages  nécessaires  de  la  mesme  autheur  et  de  mesme  que  au  basti- 
ment »  qui  était  «  achevé.  »  Les  religieux  devaient  fournir  pierres, 
chaux  et  sable  «  au  bas  dud.  bastiment,  »  et  même  les  pierres  de 
taille  qui  manqueraient.  L'ouvrage  devait  commencer  le  surlen- 
demain et  être  achevé  dans  deux  mois  ;  il  consistait  en  somme  à 
«  parachever  cinq  chambres  du  second  dortoir,  depuis  les  accoudoirs 
du  fenestrage  »  jusqu'au  toit,  et  cela  au  prix  de  150  livres  et  une 
charge  de  vin. 

Le  1 1  octobre,  Ferrand  était  chargé  de  «  faire  et  élever  la  mu- 
raille déjà  commencée  sur  la  rivière  de  Bourne,  depuis  le  couvert 
jusques  à  la  maison  vieille,  de  l'auteur  nécessaire  pour  y  mettre  un 
tablement;  de  faire  et  élever  les  murailles  de  chaque  côté  des  degrés 
jusques  aux  poutres  ou  sommières  du  grenier,  et  de  continuer  les 
arestes  desd.  murailles  de  pierres  de  taille  jusques  aux  poutres.  » 

Le  4  février  1678,  F'errand  était  chargé  de  «  faire  le  parapin  du 
puix  du  jardin  et  y  mettre  un  couronnement  de  pierre  de  chuin,  » 
au  prix  de  9  livres  ;  de  «  faire  la  muraille  du  jardin  contre  la  porte  et 
la  rendre  à  la  hauteur  de  celle  du  long  de  l'église,  et  y  mettre  deux 
larmies  de  pierre  de  chuin  de  2  pieds  d'hauteur  et  i  et  demy  de  lar- 
geur, »  au  prix  de  18  livres  ;  de  «  rehausser  la  porte  de  l'entrée  du 
prieuré,  la  mettre  au  niveau  de  celle  de  l'église,  y  adjouster  les  deux 
pierres  du  soubsbassement,  et  y  mettre  le  marchepied  de  pierre  de 
tallie,  »  pour  le  prix  de  6  livres,  10  sols.  Sur  la  totalité,  le  prieur 
ajoutait  un  baral  de  vin. 

Le  25  avril  1684,  M'=  Jern  Bellier,  avocat,  vendait,  pour  1375  livres 
«  une  maison,  jardin  et  plassage  »  situés  sur  la  rivière  de  Bourne  et 
joignant  le  jardin  du  prieuré. 

Le  20  août  1685,  le  syndic  du  prieuré  chargeait  Jacques  Lambert, 
maçon,  de  «  parachever  les  cinq  chambres  qui  restoient  à  faire  au 
second  dortoir.  » 

Depuis  lors,  nous  ne  trouvons  plus  que  des  améliorations  acces- 
soires et  des  travaux  et  dépenses  d'entretien  pour  les  bâtiments 
prieuraux,  qui  vers  1778,  formaient  avec  le  jardin  attenant  une  assez 
grande  et  belle   résidence,   comme   on  le  voit  par  cette  description 

Bull.  Vif,   1887.  9 


122  lUSTOIRC    RELIGIEUSE 

qu'en  firent  alors  deux  experts  nommés  par  M.  Mésangère,  procureur 
du  chevalier  Bailly  de  Gaillard. 

«  Le  tout  contient  458  toises,  sçavoir  la  maison  go  toises,  le  jardin 
326  toises,  et  les  écuries  42  toises.  La  maison  où  logent  lesd.  reli- 
gieux est  située  dans  le  bourg  du  Pont-en-Royans;  elle  forme  un 
quarré  long,  elle  est  composée  au  rés-de-chaussé,  d'une  cuisine, 
reffectoire  et  tincruet,  au-dessous  desquels  appartemens  sont  deux 
caves  voûtées,  l'une  sert  de  canardicre  ;  le  p''  second  étage  sont  le 
chacun  composé  de  8  chambre,  la  chacune  desquelle  est  éclairée  par 
une  grande  fenestre  vitrée  ;  le  galletas  forme  plusieurs  petits  appar- 
temens où  sont  les  greniers  ;  le  reffecloir  et  la  cuisine  sont  éclairés 
par  5  grandes  fenestres  et  communique  par  deux  portes.  Confine 
lad.  maison  au  levant  une  rue  publique,  du  couchant  le  jardin,  du 
midi  le  torrent  de  fJourne,  et  de  bize  l'église  paroissiale. 

«  Le  jardin,  dans  lequel  est  compris  une  terrasse  et  les  allées, 
confronte  au  levant  la  principale  façade  de  lad.  maison,  du  couchant 
la  place  du  Breuil,  l'apartement  qui  sert  d'écurie  et  une  petite  ruete, 
du  nord  lad.  église,  la  terrasse  entre  deux,  et  du  midi  le  torrent  de 
Bourne. 

«  Les  batimens  qui  servent  d'écurie  et  grenier  à  foin  confinent  du 
couchant  la  place  du  Breuil,  et  des  autres  parts  le  jardin.  <> 

Les  divers  immeubles  du  prieuré  situés  sur  les  communes  de 
Ponl-en-Royans  et  de  Choranche  qui  appartenaient  aux  religieux 
réunis  de  Malte  et  de  St-Antoine,  furent  vendus  le  17  juin  1793, 
pour  le  prix  de  1 10,200  livres.  Ceux  d'ailleurs,  d'une  importance  bien 
moindre,  le  furent  également  (\). 

Transformée  en  fabrique  à  ouvrir  la  soie,  la  maison  prieuriale  rap- 
pelle encore  aujourd'hui,  malgré  de  nombreuses  modifications,  son 
caractère  et  sa  destination  d'autrefois. 

IV.  —  Egi.isi:  paroissiale. 

Quand  les  chanoines  de  Sainte-Croix,  sinon  d'autres  avant  eux, 
fondèrent  la  maison  religieuse  du  Pont,  ils  n'avaient  certes  pas  uni- 
quement pour  but  d'y  vivre  dans  le  recueillement,  la  prière  et  le 
chant  des  .hymnes  sacrés  ;  fort  peu  de  localités  étaient  aussi  défavo- 
rables pour  cela.  Ils  n'y  furent  certainement  pas  attirés  par  les  avan- 

(i)  Arch,  et  fonds  cit.  paasim  : —  Dassy,  op.  cit.,  pp.  339-5  J  ;  —  Vingknt,  op. 
cit.,  pp.   106  et    I  16;  —  Lachoix,  Invciil.  cit.,   li,   893  ;    liullct.  cit.,  VII,  269  ;  — 

PiLOT    DE   THOREY,  ubi   SUp.,  pp.    223-8. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  123 

tages  d'un  sol  favorable  à  la  culture  ;  peu  de  terrains  sont  entourés 
d'autant  d'abimes,  aussi  étroits  et  aussi  rampants  que  celui  du  Pont, 
surtout  dans  la  partie  occupée  par  son  antique  prieuré.  Le  but  pre- 
mier de  l'établissement  religieux  fut  donc  de  travailler  au  salut  d'ha- 
bitants qui  étaient  déjà  fixés  sur  les  bords  de  la  Bourne  et  dont  le 
nombre  devait  grandir. 

D'après  cela,  il  est  probable  que  le  service  paroissial  du  Pont  fut 
d'abord  fait  par  les  religieux  ou  chanoines  eux-mêmes.  Voilà,  du 
reste,  toute  trouvée  la  raison  pour  laquelle  l'église  prieurale  apparaît 
toujours  servant  d'église  paroissiale,  aussi  haut  que  les  documents 
que  nous  avons  nous  permettent  de  remonter. 

Mais,  plus  tard,  le  service  paroissial  fut  confié  à  un  prêtre  séculier 
appelé  tantôt  chapelain  (capellanus),  tantôt  curé.  Dès  lors,  les  régu- 
liers se  contentèrent  de  faire  leur  service  canonial.  On  régla  les 
offices  de  manière  à  ce  que  ceux  de  la  paroisse  et  ceux  des  réguliers 
ne  se  gênassent  pas  mutuellement. 

Cette  innovation  parait  antérieure  à  1259,  année  où,  nous  l'avons 
déjà  vu,  Lantelme,  chapelain  de  l'église  du  Pont,  était  chargé  de 
connaître  de  la  restitution  que  Reynaud  Bérenger  pourrait  avoir  à 
faire  au  prieur  du  lieu.  Ensuite,  un  acte  fait  vers  1284  nous  apprend 
que  le  chapelain  du  prieuré  pouvait,  selon  une  ancienne  coutume, 
aller  dîner  ou  souper  une  fois  l'an  en  chaque  maison  de  la  paroisse  ; 
et  cette  coutume  convenait  mieux  à  un  séculier  qu'à  un  régulier. 
Cependant,  en  1285,  Didier  de  Sassenage,  prieur  du  Pont,  s'obli- 
geait, envers  le  prieur  de  Sainte-Croix,  à  faire  servit-  l' église  diidil 
Pont  et  les  autres  églises  appartenant  au  prieuré  du  Pont,  avec  les 
chanoines  et  serviteurs  qui  y  demeuraient,  et  de  fournir  à  ces  chanoines 
et  à  leurs  successeurs  la  nourriture,  le  vêtement  et  les  autres  choses, 
de  la  manière  accoutumée  dans  l'ordre  de  Ste-Croix  et  dans  ledit 
prieuré. 

En  tout  cas,  la  cure  du  Pont  était  certainement  tenue  par  un  sécu- 
lier en  1356,  année  où  le  bénéfice  du  curé  a  des  biens  absolument 
distincts  de  ceux  du  prieuré.  Ainsi,  lad.  année  eut  lieu,  par  acte 
reçu  Pierre  Francon  not",  l'investiture  d'un  pré  situé  à  la  Boutarière, 
paroisse  de  Sainte-Eulalie,  et  dépendant  de  la  cure  du  Pont.  Toute- 
fois, les  biens  étaient  de  peu  d'importance,  puisque  le  curé  ne  figure 
pas  dans  le  rôle  des  décimes  papales  rédigé  vers  1375  (1). 

(i)  Arch.  et  fonds  cit.,  notes  du  16'  s.  ;  —  Chevalier,  Tulypt.  G ratianop.  ;  — 
Marion,  op.  cit.,  p.   278-9. 


124        •  lUSIOIKi:    KKLIGIEUSE 

Le  testament  de  noble  Isabelle  du  I^uy  {de  Piiteo),  veuve  de 
Ciuillaume  Géraud,  de  Pont-en-Royans,  fait  le  lo  janvier  1 387, 
devant  le  notaire  Jean  Rochefort,  nous  apprend  que  le  curé  d'alors 
était  un  séculier  nommé  Jean  Brunel  (doDu'nus  Joh.  Brunelli)  ;  que 
la  testatrice  habitait  la  rue  au-delà  du  pont  (ultra  poniem),  probable- 
ment celle  du  Merle  ;  qu'elle  voulait  être  enterrée  dans  le  cimetière 
de  l'église  St-Pierre-du-Pont,  qu'elle  fonda  dans  cette  église  un 
anniversaire  à  faire  chaque  année  à  perpétuité,  tel  jour  qu'elle  décé- 
derait, ou,  si  ce  jour  était  férié,  le  premier  jour  suivant  non  férié,  et 
auquel  assisteraient  sept  prêtres  célébrant  la  messe  et  les  autres 
divins  offices  pour  les  âmes  d'elle  et  des  siens,  prêtres  à  chacun  des 
quels  on  donnerait  2  gros  ;  enfin,  qu'elle  nomma  pour  ses  exécu- 
teurs testamentaires  le  curé  et  le  sacristain  du  lieu  (i). 

Le  procès-verbal  des  visites  d'Aimon  de  Chissé,  évêque  de  Gre- 
noble, nous  donne  à  son  tour  quelques  détails  sur  la  paroisse.  Ce 
prélat  y  arriva  le  dimanche  22  juin  1399,  et  le  curé  lui  alla  au-devant 
et  le  reçut  ;  le  lendemain  on  \isita  le  prieuré  et  l'église,  où  tout  se 
trouva  bien,  et  le  prélat  confirma  environ  100  personnes,  et  fit  8 
tonsurés.  La  paroisse  avait  alors  80  feux  {2). 

Nous  avons  vu  plus  haut,  en  parlant  du  prieuré,  quel  était  en 
1406  le  mobilier  de  l'église  du  Pont,  quelles  en  étaient  les  chapelles 
intérieures,  à  propos  de  quoi  intervint  le  curé  de  ce  lieu,  Martin 
Nervon,  dans  une  formalité  de  lad.  année,  ciuelle  part  des  offrandes 
paroissiales  il  laissait  au  sacristain,  et  ce  que  fournissait  celui-ci. 
Nous  avons  vu  comment  le  curé  Etienne  Bernard  s'accorda  avec  le 
prieur,  en  1428,  au  sujet  de  la  maison  curiale,  dépendant  du  prieuré, 
et  ce  qu'il  paya,  en  143  j,  de  droits  de  directe,  à  raison  de  cette  dé- 
pendance, au  nouveau  prieur  Pierre  Bayle. 

La  cure  fut  au  XIV"  siècle  l'objet  de  diverses  générosités  et  lit  des 
acquisitions.  Ainsi,  en  1437,  par  testament  reçu  maître  Jean  Bayle, 
Jeanne  Chaléon,  fille  de  Jean  Clialéon,  autrement  dit  Beget,  donna 
à  la  cure  ou  au  curé  du  I*(Hit  une  eymine  de  vin  pur.  Peut-être  est- 
ce  à  un  don  que  celle  cure  clail  redevable  de  la  directe,  avec  censé 
d'une  éminée  froment  et  d'une  quarte  noyaux,  mesure  du  Pont, 
sur  un  tènement  de  maison,  terre,  vigne  et  blache,  situé  en  la 
paroisse  de  Ste-i'^ulalie,  droits  reconnus  le  30  novembre  1463  par 
Guillaume   et  Jean    T'aysan    autrement    Vallete,  en   faveur  du    curé 

(1)  Arch.  et   fonds  cit.,  cop.  du    1  H"  s. 

(2)  CiiKVALiEU,    Visites  de  Grenoble,  pp.  8S  cl  1.15. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  I25 

d'alors,  Claude  Ynibaud.  Sous  celui-ci,  la  cure  acquit  de  Jean 
Paysan,  par  acte  reçu  Pierre  Boutarin,  une  pension  de  i8  sous, 
reconnue  ensuite  devant  le  même  notaire,  rachetée  en  1552  pour  la 
moitié,  mais  encore  due,  et  reconnue  devant  Jacques  Guichard,  en 
1552  même,  pour  l'autre  moitié.  En  1463,  par  testament  reçu  Guil- 
laume Meyrie,  de  St-Laurent,  noble  Berthon  Bayle,  not"^  de  Pont- 
en-Royans,  donna  une  vigne  avec  un  petit  pré  à  cette  cure,  à  laquelle 
était  fait  reconnaissance  en  1466  par  acte  reçu  Pierre  Boutarin,  pour 
une  vigne  située  à  la  Boutarière,  et  le  20  septembre  1482,  par  acte 
reçu  Pierre  Perrochin,  pour  un  bois  châtaigneraie  situé  en  Cortevo 
sous  censé  d'une  demi-quarte  de  châtaignes.  Ces  derniers  bois  et 
censé  furent  encore  reconnus  en  1553  par  Guillaume  Chaléon. 

Mais,  d'autre  part,  en  1484,  les  Chartreux  de  Bouvante  achetèrent 
un  baral  de  vin  de  pension  annuelle  du  même  Claude  Ymbaud, 
«  curé  du  Pont,  moitié  de  deux  pensionnels  que  luy  faisoint  Jean 
Reinaud  et  Antoine  Tardive  mariés,  »  pour  le  prix  de  8  florins. 
Ymbaud  tenait  encore  la  cure  en  1489  (1). 

En  1497,  le  revenu  total  de  celle-ci  était  de  30  florins.  Le  curé 
était  seul  sujet  à  la  visite  et  à  la  procuration,  et  la  cure  était  à  la 
présentation  du  prieur.  La  paroisse  avait  une  centaine  de  feux.  Nous 
avons  indiqué  plus  haut  quelles  étaient  alors  les  chapelles,  et  dit 
que  le  curé  avait  une  part  dans  les  droits  et  le  service  attachés  à 
plusieurs  d'entre  elles  (2). 

Après  un  acte  d'investiture  suivie  de  reconnaissance  du  13  février 
1498,  par  Louis  Bourne  de  Choranche,  envers  la  cure  du  Pont, 
viennent  la  fondation  d'Eynard  Poudre!  dont  nous  avons  parlé  et  à 
laquelle  le  curé,  Pierre  de  Turron,  souscrivit  le  4  avril  1500,  comme 
le  prieur  et  les  religieux,  et  les  reconnaissances  faites  à  la  cure  par 
Guy  et  Guillaume  Guiboud,  de  Prêles,  le  13  décembre  1505,  de  3 
quartes  de  froment,  par  Claude  Guilphayn,  du  Pont,  le  13  février 
1520,  et  par  Claudia  bachasson  et  Jourdan  Guilphayn,  le  11 
novembre  1552,  de  3  quartes  1/2  de  froment  (3). 

Après  Jacques  Sibeud  pourvu  de  la  cure  en  1521,  par  l'évêque  de 
Grenoble,  sur  la  présentation  du  prieur,  on  voit  le  cure  Pierre  de 
Turron  se  joindre  à  un  autre  séculier  et  aux  religieux  du  prieuré,  le 
5  novembre  1537,  pour  charger   Jean    Macaire-Bimat  de    l'exaction 

(i)  Arch.  et  fonds  cit.,  passvn, 
(2)  Marion,  op.  cit.,  p.  360. 
'  (3)  Arch.  et  fonds  cit.,  notes  de   1556. 


120  HISTOIRE    RELIGIEUSr: 

des  revenus  de  tous.  De  plus,  une  procuration  pour  exiger  ceux-ci, 
fut  passée  au  même,  le  2  décembre  1542,  par  les  3  religieux,  le  curé 
de  Turron  et  deux  autres  séculiers  du  lieu  ;  et  d'après  cet  acte  le 
procureur  doit  livrer  33  florins  au  sacristain,  et  26  flor.  à  chacun  des 
5  autres  religieux  et  prêtres.  Du  reste,  la  cure  donnée  par  l'évéque 
de  Grenoble  à  Jean  de  la  Grange,  le  24  mars  1546,  sur  la  présenta- 
tion du  prieur,  ne  tarda  pas  à  passer  aux  réguliers.  Le  10  juin  de  la 
même  année,  un  bref  du  pape  la  donnait  à  frère  Jean  Villars,  cha- 
noine de  St-Antoine  ;  et  en  1549  le  notaire  Claude  Pibères  rédigeait 
un  livre  de  16  feuillets  contenant  des  reconnaissances  en  faveur  de 
cette  cure,  et  commençant  par  ces  mots  ;  Rccog'"'^  pour  vénérable 
homme  frère  Jehan  Villaris,  prebtre,  curé  moderne  de  la  cure  de 
Pont  de  Roy  an  s.  » 

Jean  Villard  était  agent  des  Antonins  au  Pont  pour  des  affaires 
du  prieuré.  En  1556,  il  était  encore  curé,  et  confiait,  au  nom  des 
religieux  de  St-Antoine,  une  pièce  importante  à  M^  Derthon  Chaix, 
du  Pont.  En  1556,  il  faisait  une  désignation,  que  nous  avons,  des 
actes  ou  reconnaissances  intéressant  sa  cure.  En  1561,  le  24  février, 
il  albergeait  une  vigne  et  un  petit  pré  situés  à  la  Doutarière,  sous 
censé  de  4  florins  petite  monnaie,  à  Jeanne  Malsang  et  Isabelle  (jui- 
boud.  Le  28  mai  de  la  même  année,  il  recevait,  au  nom  du  couvent 
de  St-Antoine,  la  reconnaissance,  faite  par  le  curé  de  (^hâtelus,  de 
la  pension  due  par  la  cure  de  celui-ci  au  prieuré  du  Pont. 

Mais  un  acte  du  26  septembre  de  la  même  année  nous  apprend 
qu'il  avait  offert  de  résigner  sa  cure,  en  se  réservant  sur  les  revenus 
de  celle-ci  une  pension  de  6  liv.  tournois  par  an  jusqu'à  la  fin  de  sa 
vie.  Ledit  jour,  frère  Mathieu  lîergier,  prêtre,  chanoine  régulier  de 
St-Antoine,  voulant  demander  à  Rome  lad.  cure  aux  conditions 
posées  par  Jean  Villars,  passait  procuration  pour  ce  à  ceux  qui 
devaient  gérer  l'affaire.  L'acte  porte  que  le  bénéfice  était  cure  soil 
vicairie  perpétuelle  et  tiuc  le  f^ont  élail  ville  murée  (cura  seu  vicaria 
perpétua  ecclesie  parrochialis  Sli  Pclt  i  ville  murale  Pontis  in  h'oyanis). 
Le  tout  fut  accepté  par  Rome,  cl  le  19  janvier  1 5()2  frère  Mathieu 
Bergier,  curé  du  Pont,  reconnaissait  tenir  du  fiel  cl  de  la  diiecte 
seigneuriale  du  couvent  de  St-.Antoiiie,  à  raison  du  prieuré  dud. 
Pont,  uni  à  la  mense  conventuelle,  la  maison  curiale  dont  nous 
avons  parlé,  sous  la  censé  de  3  den.  avec  le  plail  accoulimié. 

Ce  religieux  curé  parait  encore  dans  un  acte  du  7  mars  1564,  par 
lequel,  de   concert  avec   l-'rançois  Rey,  curé  de  Châtclus,  il  arrenta, 


t)E    PONT-EN-nOYANS.  I27 

des   religieux  de  St-Antoine,  les  revenus  du  prieuré   du   Pont   pour 
l'espace  de  3  ans  (i). 

Tous  ces  actes  font  suffisamment  voir  que  la  règle  était  en  souf- 
france dans  l'ordre  de  St-Antoine,  au  Pont  du  moins,  vers  le  milieu 
du  XVI^  siètle.  Surtout  pour  ce  qui  regarde  la  propriété,  on  ne  dis- 
tinguait presque  plus  les  religieux  des  séculiers. 

Mais  bientôt  ces  religieux,  d'ailleurs  fort  convenables,  sont  obli- 
gés de  fuir  devant  la  tempête  dont  nous  avons  parlé,  et  la  population, 
privée  de  ses  pasteurs  légitimes,  se  jette  en  partie  dans  le  protestan- 
tisme. Du  reste,  la  présence  du  pasteur  Denis  d'Hérieu  et  l'exemple 
de  quelques  familles  importantes  du  lieu  qui  embrassèrent  l'hérésie 
de  bonne  heure  (2),  se  joignent  à  la  longue  domination  des  chefs 
huguenots  dans  le  bourg,  pour  nous  expliquer  la  lamentable  défec- 
tion de  cette  population.  ,'     ;oh 

En  cet  état  de  choses,  quand  l'édit  de  Nantes  vint  en  1598  accor- 
der aux  protestants  le  libre  exercice  de  leur  culte  et  l'admission  aux 
fonctions  publiques,  ceux-ci  sortirent  joyeux  de  leurs  cachettes  demi- 
obscures  et  se  hâtèrent  d'élever  un  temple.  11  fut  construit  dans  le 
quartier  du  Bourg.  Sur  le  portail  du  nouvel  édifice  on  lisait  cette 
inscription  :  Venez,  montez  en  la  maiso)l  de  Jacob,  il  vous  enseignera 
ses  voies.  F.  l'an  MDCI.  L'édification  de  ce  temple  et  la  création 
d'un  consistoire  font  présumer  que  les  huguenots  étaient  nombreux 
à  Pont-en-Royans. Leurs  ministres  y  siégeaient  depuis  plus  de  trente 
ans,  et  en  avaient  fait  un  centre  de  propagande  calviniste. 

A  Denis  d'Hérieu,  encore  au  poste  en  1607,  avait  succédé  dès 
1608  un  ministre  de  sa  famille,  Isaac  d'flérieu,  qui  remplissait  en- 
core ses  fonctions  au  Pont  en  1637,  et  sous  lequel  le  protestantisme 
continua  à  y  dominer  (3J.  Une  preuve  certaine  de  ceci  est  dans  un 
synode  qui  choisit  précisément  le  Pont  pour  se  réunir,  et  qui  dut 
être  considérable,  puisqu'il  y  eut  des  pasteurs  et  des  anciens  de  loca- 
lités éloignées,  P.  Guyon  et  Bouveyron,  de  Dieulefit  ;  Mogius  et 
Jayet,  de  V^insobres,  par  exemple.  Ce  synode,  qui  eut  lieu  en 
1614,  fut  d'ailleurs  bientôt  suivi  d'une  réunion  célèbre. 

En  1622,  plus  de  80  ministres  appartenante  diverses  églises  réfor- 

(i)  Arch.  et  fonds  cit.,  passim , 

(2)  Notice  hist.  sur  la  fam.  Terrot,  pp.  10-3  et  89-94  '  ~~  AccarIas,  Not.  sur  lei 
Chalvet,  pp.  4  et  55. 

(3)  Arch.  et  fonds  cit.  ;  —  Florimond  de  Roemond,  Hist.  de  l'hérésie,  t.  II,  p. 
334-31  ;  —  Vincent,  op.  cit.,  p.  95  ;  —  Biillel.  cit.,  III,  402  ;  V,  112;  VIII,  388  ; 
—  Notice...  Terrot,  p.   23-4. 


128  HISTOIRE    RI  LIGIEUSP. 

mées  du  Dauphinc,  entre  autres  François  Murât,  pasteur  de  Greno- 
ble, se  réunissent  à  Pont-en-Royans  pour  délibérer  sur  quelques 
points  de  leur  doctrine,  et  travailler  au  triomphe  de  leur  parti  :  les 
concessions  de  Henri  IV  leur  paraissaient  insuilîsantes,  et,  dans  le 
but  de  les  agrandir,  ils  avaient  pris  les  armes  en  plusieurs  lieux  de 
Dauphiné.  Le  procès-verbal  de  ce  consistoire  est  conservé  à  la  biblio- 
thèque de  Grenoble  ;  il  renferme  des  conclusions  dignes  de  remar- 
que ;  quelques-unes  tendaient  à  proscrire  sévèrement  tout  ce  qui 
aurait  pu  amener  un  rapprochement  ou  une  fusion  avec  les  catholi- 
ques. C'est  ainsi  qu'on  flétrissait  d'une  censure  publique  les  parents 
qui  confieraient  l'éducation  de  leurs  enfants  à  des  instituteurs  catho- 
liques, ou  les  marieraient  à  des  catholiques. 

Ce  rendez-vous  des  apôtres  de  la  réforme,  les  questions  qu'on  y 
traita,  prouvent  l'effervescence  qui  régnait  encore  dans  les  esprits,  et 
ne  pouvaient  que  faire  craindre  de  nouvelles  discordes  et  des  luttes 
sanglantes.  Ce  fut  apparemment  ce  qui  porta  Jacques  Terrot,  con- 
sul du  Pont,  à  charger,  en  1622,  Biaise  Derbier,  charpentier  à  Ise- 
ron,  et  Mathieu  Charbonnier-Billard,  charpentier  aud.  Pont,  «  de 
faire  et  parfaire  quatre  couverts  aux  quatre  portes  dud.  Pont,  savoir 
deux  assises  au  Breuil,  une  sur  le  pont  et  l'autre  au  bourg  supérieur, 
ensemble  faire  le  portail  d'aix  du  pignon  de  lad.  porte  du  bourg,  » 
besogne  qui  devait  être  finie  dans  les  trois  mois,  au  prix  de  150 
livres.  Et  quoi  de  plus  significatif  que  l'état  des  feux  assignés,  vers 
la  même  époque,  par  le  maréchal  de  Créquy,  duc  de  Lesdiguères,  à 
l'entretien  des  20  hommes  de  garde  placés  dans  le  château  de  Pont- 
en-Royans  :  Saint-Nazaire    3   feux;  Oriol,   2;    Iloslun,   8;  etc.  (i)? 

(i)  \'iNCENT,  op.  cit.,  p.  95-6;  — Rochas,  Biof^r.  du  Daiiph.,  II,  187;  —  Nolicc... 
Terrot,  pp.  21,  77-g  et  101-2  ;  —  Lacroix,  bivcnl.  cit.,  C,  79  5  ;  D,  53  et  70  ;  E, 
4985;   L'arrundiss.  de  Monlcl.,  III,    15.]. 

(La  suile  au  prochain  numéro). 

L.    FILLKT. 


MYSTÈRE 


REPRÉSENTÉ    A    ROMANS 

A  LA  CLOTURE  DE  LA  MISSION 
de    i6g8-g. 


Ignorée  jiisquici^  cette  pieuse  relation  nous  fut  signalée 
dans  les  archives  des  Clarisses  de  îiotre  pille  par  une  7^eli- 
gieuse  de  la  Visitation  Saiyite-Marie^  leur  poisifte  et  notre 
tante.  Le  dociwient  nous  a  été  communiqué  apec  la  plus  par- 
faite obligeaiice  ;  nul  doute  que  nos  lecteurs  nen  poursuipent 
la  lecture  apec  autant  d'intétx't  que  d'édification.  Il  «y  apait 
pas  lieu  de  reproduire  Vorthographe  du  manuscrit^  qui  à 
propreîîîent  parler  7ien  suit  aucune  ;  nous  Vapons  rajnenée 
aux  règles  actuelles.,  sans  rien  changer  d'ailleurs  aux  expres- 
sions. Quelques  obserpatioJis  complémentaires  trouperont 
mieux  leur  place  à  la  fin. 

Vive  Lieu  I 

Ordre  qu'a  gardé  la  procession  qu'ont  fait  faire  huit  Pères 
Dominicains,  choisis  pour  faire  la  première  mission  qu'avait 
fondée  Demoiselle  Christine  de  Garagnol,  femme  |i  feu  Mon- 
sieur Laute,  et  qui  doit  se  continuer  de  sept  en  sept  ans  et 
durant  sept  semaines.  Pour  laquelle  dite  mission  son  héritier, 
qui  est  Monsieur  Joseph  Paquet,  bourgeois  de  Romans,  doit 
donner  cent  quarante  écus,  faisant  420  livres.  Elle  a  commencé 
le  dimanche.  16  novembre  1698. 


Bull.  TII,  1887. 


10 


130  mystere  represente  a  romans 

Noms  des  Révérends  Pères  qui  ont  fait  la  mission  de  Romans 

Le  R.   P.  Vicaire  Général  ; 
Le  R.  P.  André  ; 
Le  R.  P.  Modeste  ; 
Le  R.  P.  Archange  ; 
Le  R.  P.  Bernard  ; 
Le  R.  P.  Anselme  ; 
Le  R.  P.  Joseph  ; 
Et  le  frère  Basile. 


Le  temps  de  la  mission,  que  sept  Dominicains  de  la  réforme  du 
R.  P.  Antoine  (i)  ont  faite  en  cette  ville  avec  beaucoup  de  zèle  et  de 
fruits,  devant  expirer  le  dimanche  4"  janvier  1699,  tous  les  ordres  re- 
ligieux, que  nous  avons  en  cette  ville  furent  avertis,  le  3%  de  se  ren- 
dre, le  lendemain  après  midi,  dans  l'église  collégiale  de  St-Barnard 
pour  assister  à  la  procession  générale  du  Saint-Sacrement,  qui  fut 
faite  avec  les  cérémonies  ordinaires  en  semblables  occasions.  Les  rues 
furent  tapissées  dans  tous  les  endroits  où  elle  passa,  autant  propre- 
ment que  le  permettaient  la  situation  des  lieux  et  la  commodité  des 
habitants.  Les  neuf  compagnies  de  quartiers,  commandées  par  leurs 
oiliciers,  se  mirent  sous  les  armes  et,  s'étant  rangées  en  haie  sur  la 
place,  elles  firent  différentes  décharges  lorsque  la  procession  passa. 
Tout  le  reste  du  peuple  marchait  deux  à  deux,  en  bon  ordre,  sous 
les  bannières  de  leur  confrérie,  un  chacun  un  cierge  à  la  main. 
Un  des  Pères  missionnaires  fit  amende  honorable  à  Jésus-Christ 
devant  le  Trcs-Saint-Sacrement  ;  et,  après  avoir  exhorté  le  peu- 
ple, dans  un  discours  qu'il  fit  après  la  procession,  d'assister   avec 

( I )  Il  s'agit  du  dominicaifi  Antoine  Le  Quieu,  né  à  Paris  en  1601,  mort  à  Ca- 
denet  (  Vaucluse)  le  7  oct.  i6y6,  qui  introduisit  une  sévère  discipline  dans  plusieurs 
couvents  de  Provence  et  fonda  la  congrégation  du  Saint-Sacrement.  Il  termina  ses 
jours  en  odeur  de  sainteté  et  le  pape  Innocent  XII  fit  commencer  une  enquête  sur 
ses  vertus  en  /69J.  Dès  l'année  qui  suivit  sa  mort  sa  biographie  fut  écrite  (en  fran- 
çais) par  François  cI'Escudiek,  prieur  de  Chabestan  (Lyon,  i6-]y,  in-12)  ;  une  au- 
tre, par  Archange  Gabriel  de  l'y^NNONciATioN,  vicaire  général  de  l'ordre  du  Sainl- 
Sacrcmeut,  parut  en  1Ù82  (Avignon,  2  vol.  in-8°)  ;  une  troisième  (en  latin)  a 
pour  auteur  Brunon  Faraudy,  du  même  ordre  (Avenione,  17^6,  in-4°).  Son  éloge 
se  trouve  dans  Eciiakd,  Script,  ord.  Pracdic.  (ty2i,  t.  II,  p.  bô')-^}  ;  à  la  fin  de 
/'Hist.  de  l'cgl.  cathcd.  de  Vaison,  par  Ho^ev.  de  Sainte-Marthe  C/7_j/^  ;  et  dans 
TouRON,  Hommes  illustres  de  l'ordre  de  St-Domin.  (174],  l.  V,  p.  513-38)' 


A    LA    CLÔTURE    DE    LA    MISSION    DE     1699.  I3I 

modestie  et  piété  à  celle  qu'on  devait  faire  pour  le  plantement  de 
la  croix,  on  finit  la  mission  par  la  bénédiction  du  Très-Saint-Sacre- 
ment. 

Le  jour  des  Rois  étant  arrivé,  ceux  qu'on  avait  choisis  pour  être 
les  acteurs  du  pieux  spectacle,  qui  devait  précéder  le  plantement  de 
la  croix,  se  rendirent  dans  l'église  de  Saint-Barnard,  vêtus  confor- 
mément au  personnage  qu'ils  devaient  représenter,  et  ils  sortirent 
de  ce  lieu  dans  l'ordre  ci-après  : 

La  bannière  de  la  confrérie  du  Saint-Rosaire  faisait  l'ouverture 
de  la  procession,  suivie  d'environ  six  vingts  filles,  vêtues  de  blanc, 
tenant  à  la  main  un  chapelet,  marchant  deux  à  deux  avec  beaucoup 
de  modestie. 

Immédiatement  après,  il  en  venait  une  autre,  aussi  de  jeunes 
filles,  vêtues  diversement  en  religieuses,  et  elles  marchaient  toutes 
sous  un  crucifix  ;  à  voir  leur  air  mortifié,  leur  démarche  grave,  vous 
auriez  dit  que  c'étaient  des  novices  de  Sainte-Claire,  ou  plutôt  de 
véritables  professes  de  la  religion  la  plus  austère. 


Comme  on  avait  dessein  de  représenter  les  principaux  Saints  de 
l'Ancien  Testament  depuis  Abel  jusqu'à  Jésus-Christ,  le  premier 
juste  parut  à  la  tête  du  premier  chœur. 

Abel,  représenté  par  le  fils  de  M.  Dochier,  vêtu  de  blanc,  en  ber- 
ger chantant. 

Un  Ange,  portant  un  guidon  avec  cette  devise  :  Nova  et  Vetera. 

Douze  petits  enfants,  vêtus  de  blanc  comme  Abel. 

Abraham,  armé  d'un  coutelas,  représenté  par  le  sieur  Chandelier. 

IsAAC,  portant  un  fagot  de  bois  avec  du  feu,  récitant  ces  vers,  re- 
présenté par  le  fils  de  M.  Belland. 

IsAAC. 

Nous  touchons  à  l'autel,  nous  savons  le  décret  ; 
Voilà  le  feu  brûlant  ;  voici  le  bois  tout  prêt. 
Mon  père,  dites-moi  qui  sera  la  victime  ? 

Abraham. 

N'en  soyez  point  en  peine,  objet  de  mon  estime. 

Avançons,  Isaac,  faisons  notre  devoir  ; 

Le  Seigneur,  notre  Maître,  aura  soin  d'y  pourvoir. 


132  MYSTÈRE    REPRÉSENTÉ    A    ROMANS 

Abraham,  après  quelques  pas  : 

Arrêtez-vous,  mon  fils  unique  et  légitime. 
Le  Ciel  vous  a  choisi  pour  être  la  victime  ; 
Souffrez  donc,  Isaac,  que  ce  bras  chancelant 
Se  lève  contre  vous  pour  verser  votre  sang. 

Isaac  met  son  fagot  à  terre  et  son  feu,  et  Abraham  le  lie  ;  cepen- 
dant il  dit  : 

Mon  père,  j'y  consens,  qu'on  attache  et  qu'on  lie 
Et  ces  pieds  et  ces  mains  pour  me  ravir  la  vie. 

L'Ange,  représenté  par  le  fils  de  M.  Garnier. 

Arrêtez,  Abraham,  suspendez  votre  bras  : 
Le  Ciel,  qui  demandait  un  si  rude  trépas. 
Se  trouve  satisfait  de  votre  obéissance 
Et  veut  d'un  si  cher  fils  épargner  l'innocence. 


Dans  ce  rang  douze  Patriarches  devaient  suivre  sous  un  auti^e 
guidon  porté  par  un  Ange,  avec  cette  inscription  :  ^Patriarcharnm 
laudabilis  7iumeriis.  Ceux  qui  devaient  les  représenter,  étaient  tous 
jeunes  mariés  de  bonne  maison  ;  ils  furent  détournés  par  quelques 
personnes  qui  n'auguraient  pas  favorablement  de  cette  procession, 
de  sorte  que  dans  cet  endroit  l'ordre  du  dessein  qu'on  avait  formé 
fut  interrompu.  Ils  devaient  chanter  le  psaume  CXIII  :  /n  exitu 
Israël. 


Dans  ce  sixième  étaient  douze  Shîylles,  sous  un  guidon  porté  par 
un  Ange,  avec  ces  paroles  :  Sibyllariim  prophetissariim  caterva  trium- 
phans.  Elles  prédisaient  dans  les  vers  qu'elles  déclamèrent  la  nais- 
sance éten^elle  de  Jésus-Christ.  Elles  étaient  vêtues  et  coiffées  la 
chacune  de  la  manière  que  les  peintres  les  dépeignent  (i). 

( i)  Les  Sibylles  ont  donné  lieu  à  toute  une  littérature  qti'on  trouvera  énumérée 
dans  le  t.  II  de  notre  Rcpcrt.  des  sources  histor.  du  moyen-Age.  //  sujjira  ici  de  ren- 
voyer les  curieux  aux  chap.  ]o-)y  du  1"  lir.  de  la  Hibliolhcca  grccca  de  J.-A.  F\- 
URiciiJS  (édit.  Harles,  Hambourg-,  /jfjo,  l.  I.  f.  jj8-go);  à  l'art,  de  /'Encyclo- 
pédie catholique  (18,48,  t.  XVII,  p.  Jf)]-./)  :  et  spécialement  pour  l'iconographie 
au  Grand  diction,  univ.  du  XI-X«  siècle  (  187S,  t.  XIV,  p.  ôjj-s). 


A    LA    CLÔTURE    DE    LA    MISSION    DE     lÔÇQ.  I33 

1.  La  Sibylle  Persique,  habillée  d'une  robe  de  drap  d'or,  coiffée  à 
la  persique,  représentée  par  M"" 

L'ainé  du  Tout-Puissant  et  de  la  Vierge  Mère 
Dans  sa  ville  entrera  sur  un  petit  ânon, 
D'un  doux  prince  portant  et  l'effet  et  le  nom, 
Afin  de  ramener  le  prodigue  à  son  père. 

2.  (La)  Sibylle  Lybienne,  avec  un  habit  couleur  de  rose,  parsemé 
de  fleurs  or  et  argent,  portant  une  couronne  sur  sa  tète,  représentée 
par  M"'= 

Celui  qui  seul  vivait  devant  tous  temps  en  soi, 
Contemplant  à  plaisir  son  essence  féconde. 
Repose  dans  le  sein  de  la  Reine  du  monde, 
Adore,  Ange,  ton  Dieu  ;  honore,  homme,  ton  roi. 

3.  La  Delphique,  habillée  avec  un  habit  bleu  à  fleurs  d'or,  coiffée 
avec  quantité  de  perles  et  diamants,  représentée  par  M"*" 

Dieu  raidira  son  bras,  il  étendra  sa  main, 
Voulant  faire  un  effort  aux  lois  de  la  nature. 
Une  Vierge  enfantant  sans  rompre  sa  clôture. 
Comme  elle  avait  conçu  sans  sentiment  humain. 

4.  La  C1MMÉRIENNE,  habillée  avec 

Le  prince  souverain  du  bienheureux  empire. 
Reposant  au  giron  de  la  Vierge  sans  pair, 
Un  astre  rayonnant  fait  paraître  dans  l'air, 
Qui  du  soleil  levant  les  rois  Mages  attire. 

5.  La  Samienne  (i). 

L'on  verra  dans  le  ciel  uïi  astre  étincelant  ; 
Ce  sera  le  flambeau  qui  fera  voir  aux  hommes 
Celui  qui  étant  Dieu  s'est  fait  ce  que  nous  sommes. 
Et  fera  qu'on  adore  et  la  mère  et  l'enfant. 

6.    La  CuMÉE. 

Dieu,  pour  se  revêtir  de  l'habit  des  humains, 
.    Logera  dans  le  sein  d'une  vierge  pucelle  ; 
C'est  des  belles  la  chaste  et  des  chastes  la  belle. 
Car  c'est  le  raccourci  de  l'œuvre  de  ses  mains. 

(i)  Le  nis.  porte  Simienne. 


134  .mystere  represente  a  romans 

7.  L'Hellespontique. 
Ce  que  j'ai  vu  n'a  rien  qui  lui  soit  comparable  : 
Une  Vierge  plus  pure  après  l'enfantement 
Et  celui,  qui  de  Dieu  naît  éternellement, 
Naissant  petit  enfant  dans  une  pauvre  étable. 

8.  La  Phrygienne. 
Au  milieu  des  saisons  et  au  cœur  des  années, 
Dieu  voulut  que  son  Fils  au  monde  descendit, 
Et  que  naissant  ainsi  que  l'ange  avait  prédit, 
Il  lavât  des  mortels  les  tâches  surannées. 

9.  L'Européenne. 

Le  Saint  Verbe  de  Dieu,  de  l'Eternel  l'image, 
S'en  viendra,  bondissant  sur  les  sacrés  copeaux, 
Comme  on  voit  au  printemps  égayer  les  chevreaux, 
Pour  remettre  la  main  à  son  premier  ouvrage. 

10.  La    TiBURTINE. 

Dieu,  qui  ne  peut  mentir,  me  met  ces  vers  en  bouche 
Et  me  fait  annoncer  d'une  vierge  la  couche  ; 
Laquelle  en  Nazareth  Dieu  même  concevant. 
Non  loin  de  Bethléem  vierge  et  mère  s'accouche. 
Heureuse,  mille  fois,  la  pucelle  qui  touche, 
Qui  baise  et  qui  nourrit  un  si  divin  enfant  ! 

II.    L'Agrippine. 
Apprenez,  fils  d'Adam,  des  siècles  la  merveille  : 
Vous  verrez  en  vos  jours  s.ous  un  habit  mortel, 
Le  bien-aimé  de  Dieu,  le  prince  éternel. 
D'une  vierge  naissant  qui  n'a  point  sa  pareille. 

12.  La  Babylonienne  (i). 
D'un  divin  mouvement  j'ai  mon  âme  saisie. 
Voyant  l'air  s'adoucir  et,  du  plus  haut  des  cieux, 
Du  Père  souverain  le  Verbe  glorieux 
Descendre  dans  le  sein  de  la  Vierge  choisie. 


Dans  ce  septième  devaient  paraître  les  douze  petits  PROPinVrr.s  et 
les  quatre  grands,    suivis   du  roi    David  jouant  de  la  harpe  et  chan- 

f  i)  Ctllc  sibylle  Babylonienne  csl  ordinaiioncnt  rcmplaccc  par  l'EKYTiiKiiiiNNK. 


A    LA    CLÔTURE    DE    LA    MISSION    DE     1699.  1^5 

tant  le  Miserere  ;  mais  ceux  qui  devaient  composer  ce  chœur  man- 
quèrent aussi  pour  les  raisons  que  j'ai  déjà  alléguées. 


On  vit  donc,  immédiatement  après  les  Sibylles,  Saint  Jean-Bap- 
TisTE,  tenant  d'une  main  un  petit  agneau  et  de  l'autre  une  croix,  avec 
une  banderole  où  étaient  ces  trois  mots  :  Ecce  agnus  Dei.  Celui  qui 
le  représentait  était  le  fils  du  sieur  Carlin  ;  il  était  vêtu  d'une  her- 
mine et  il  récita  les  vers  suivants  : 

S'  Jean-Baptiste. 
Voici  l'Agneau  de  Dieu  qui  les  péchés  efface  ; 
Il  est  homme,  il  est  Dieu,  quoiqu'il  soit  un  enfant  ; 
11  demande  de  vous  un  esprit  pénitent 
Pour  vous  faire  sentir  les  effets  de  sa  grâce. 
Préparez  donc  la  voie  à  ce  divin  Sauveur, 
Faites  dans  votre  vie  éclater  l'innocence, 
Abaissez  vos  esprits,  brisez  vous  de  douleur 
Et  faites  tous  des  fruits  dignes  de  pénitence. 


Après  que  les  Saints  qui  ont  annoncé  Jésus-Christ  ou  qui  ont 
été  ses  figures  dans  l'Ancien  Testament  eurent  passé,  on  vit  dans 
le  neuvième  chœur  les  mystères  qui  ont  été  accomplis  dans  la  loi  de 
grâce,  l'Ange  Gabriel  annonçant  le  mystère  de  l'Incarnation  à  la 
Vierge,  en  lui  adressant  les  paroles  de  la  salutation  en  vers.  Cette 
vierge  était  superbement  vêtue  et  une  jeune  fille  parfaitement  bien 
faite.  Elle  était  accompagnée  de  quatre  autres  vêtues  de  sa  couleur 
et  de  quinze  en  habit  blanc. 

L'Ange  Gabriel,  représenté  par  le  fils  de  M.  Jamaron  : 
A  vous,  Marie,  je  suis  député 
Par  ordre  exprès  du  grand  Dieu,  notre  père. 
Pour  vous  apprendre  qu'il  a  décrété 
Que  de  son  fils  vous  deviendrez  la  mère. 

La  Vierge,  représentée  par  M"^  Paquier,  la  fille,  répond  : 
Vous  m'étonnez,  céleste  ambassadeur. 
En  me  disant  que  je  serai  féconde  ; 
Car  j'ai  promis  à  Dieu  le  Créateur 
Ma  pureté  en  venant  dans  le  monde. 


i  ^6  mystère  représenté  a  romans 

L'Ange. 

Ne  craignez  rien  pour  votre  pureté, 

Assurément  vous  l'aurez  tout  entière  ; 

Car  le  Seigneur,  auteur  de  sainteté, 

Vous  laissant  vierge,  il  vous  doit  rendre  mère. 

La  Vierge. 

J'y  consens  donc,  céleste  messager. 
Qu'il  me  soit  fait  selon  votre  parole, 
Ma  pureté  n'étant  point  en  danger, 
Aux  lois  du  Ciel  volontiers  je  m'immole. 


On  devait  dans  ce  lieu  représenter  le  mystère  de  la  Visitation,  et 
on  aurait  vu  la  Vierge  avec  saint  Joseph,  sainte  Elisabeth  et  saint 
Zacharie  ;  mais  on  vit  d'abord  paraître  une  jeune  Demoiselle,  fort 
bien  faite  et  richement  parée,  représentant  la  Vierge  de  la  Nativité, 
laquelle  était  précédée  d'un  Ange  portant  un  guidon,  dont  j'ai  oublié 
la  devise  ;  c'était  la  fille  de  M.  Hours,  laquelle  portait  un  petit  enfant 
de  cire  dans  une  petite  crèche  parsemée  de  fleurs  naturelles.  Saint 
Joseph,  représenté  par  le  sieur  Ardin,  était  auprès  d'elle,  tenant  un 
lys  fait  au  naturel,  symbole  de  sa  pureté  et  de  celle  de  son  épouse. 
Jamais  on  (n'a)  mieux  imité  le  portrait  de  ce  saint  patriarche,  si  l'on 
doit  en  croire  aux  tableaux  que  nous  en  font  les  peintres.  On  voyait 
à  leur  suite  une  troupe  de  Bergers  et  Bergères  ;  les  uns  jouaient  de 
la  flûte  et  les  autres  chantaient  des  cantiques  à  Jésus  naissant  ;  et 
ce  chœur  était  fermé  par  quinze  filles  habillées  de  brocard  ou  taffe- 
tas couleur  de  rose. 


Un  ange  portant  une  banderole  ouvrait  le  chœur  suivant.  On  y 
voyait  la  Vierge  présentant  son  fils  au  temple  et  une  jeune  fille  por- 
tant dans  une  cage  deux  tourterelles,  le  bon  vieillard  Siméon,  vêtu 
pontificalement,  avec  deux  jeunes  lévites  en  soutane  rouge  avec  le 
surplis  ;  et  Anne  la  Prophétesse  et  une  troupe  de  jeunes  filles,  tou- 
tes habillées  de  brocard  ou  taffetas  bleu. 

La  Vierge  et  saint  Siméon  récitèrent  les  vers  suivants. 

La  sainte  Vierge,  présentant  son  fils  à  saint  Siméon,  représentée 
par  la  fille  de  M.  Chonet  : 


A    LA    CLÔTURE    DE    LA    MISSION    DE     lÔQQ.  I  37 

Voici,  grand  Siméon,  le  fruit  de  mes  entrailles; 
Tout  soumis  qu'il  parait  à  cette  rude  loi, 
Il  est  pourtant  du  Ciel  et  le  maître  et  le  roi, 
L'unique  du  Très-Haut  et  le  Dieu  des  batailles. 

Saint   SiMÉON,   levant  les  yeux  au  ciel,   représenté   par  le  sieur 
Chambéry  : 

Je  mourrai  donc,  mon  Dieu,  dans  une  paix  profonde, 
Puisqu'à  ce  jour  j'ai  vu  mon  aimable  Sauveur, 
Qui,  pénétrant  le  sein  d'une  Vierge  féconde, 
Vient  porter  au  mortel  un  éternel  bonheur. 

Regardant  la  Vierge  : 

Sainte  fîUe,  il  est  vrai  qu'il  vient  sauver  le  monde. 
Mais  il  sera  pour  vous  un  sujet  de  douleur. 


C'était  ici  où  l'on  devait  représenter  la  fuite  de  Jésus,  de  la  sainte 
Vierge  et  de  saint  Joseph  en  Egypte,  comme  aussi  Jésus  parmi  les 
docteurs.  Mais  l'on  fut  obligé  d'omettre  encore  la  représentation  de 
ces  deux  circonstances  de  la  vie  du  Sauveur.  Voici  les  vers  que 
Jésus  parmi  les  docteurs  devait  réciter. 

La  Vierge  Marie  à  son  fils  : 

Vous  voici,  mon  cher  fils,  après  trois  jours  d'alarmes 
Nous  vous  avons  trouvé  !  nos  cœurs  pâment  de  joie. 
Que  nous  avions-vous  fait,  votre  bon  père  et  moi  ? 
Votre  perte  à  tous  deux  a  bien  coûté  de  larmes. 

Jésus  à  Marie  : 

Pourquoi  me  cherchiez-vous  ?  Une  importante  affaire 
Me  demandait  ici  parmi  tant  de  docteurs. 
Quoi  !  ne  saviez-vous  pas  que  l'intérêt  d'un  père 
Me  doit  être  plus  cher  que  vos  cris  et  vos  pleurs  ? 


L'on  vit  paraître,  immédiatement  après  la  Présentation,  un  Ange 
portant  un  guidon  où  l'on  lisait  :  Gloriosus  Apostolorum  chorus.  11 
était  suivi  de  douze  Apôtres,  vêtus  comme  on  a  coutume  de  nous 


138  .'MYSTÈRE    REPRÉSENTÉ    A    ROiMANS 

les  représenter.  C'était  douze  jeunes  garçons  de  l'âge  de  20  à  25 
ans,  de  riche  taille  et  de  bonne  mine,  des  plus  honnêtes  familles  de 
la  ville  ;  la  modestie  et  la  dévotion  qu'ils  firent  paraître  dans  cette 
occasion,  édifia  autant  tout  le  peuple  qu'ils  auraient  pu  le  scanda- 
liser, s'il  avait  réussi  comme  bien  des  personnes  s'attendaient  et  qui 
même  le  souhaitaient  :  quoique  ce  fut  des  personnes  d'un  caractère 
bouffi  de  la  gloire  de  Dieu  et  de  la  qualité  de  conseigneur  avec  le 
Roi  ;  mais  enfin  le  tout  réussit  à  la  gloire  de  Jésus-Christ,  et  non 
point  en  mascarade  comme  ils  le  publiaient. 

Ils  chantèrent  avec  une  dévotion  sans  exemple  à  des  personnes  de 
leur  âge  le  Symbole  suivant  : 

Je  crois  en  Dieu  Tout-Puissant, 
Roi  du  Ciel  et  de  la  terre, 
Et  en  Jésus  Christ  vivant, 
Le  fils  unique  du  Père. 

Conçu  par  le  Saint-Esprit 
Et  né  d'une  Vierge  mère, 
Qui  sous  Pilate  souffrit 
L'arrêt  d'une  mort  amère. 

Il  mourut  sur  un  poteau  ; 
Son  âme  aux  limbes  visite  ; 
Son  corps  fut  mis  au  tombeau  ; 
Le  tiers  jour  il  ressuscite. 

Au  plus  haut  des  cieux  montant, 
A  la  dextre  de  son  père  ; 
De  là  les  morts  et  vivants 
Viendra  juger  sur  la  terre. 

Je  crois  au  divin  Esprit, 
A  l'Eglise  catholique. 
Epouse  de  Jésus  Christ, 
Sainte  et  apostolique. 

Je  crois  la  Communion, 
Le  pardon  de  nos  offenses 

l'"l  hi  résurrection, 

Léterncllc  récompense. 


A    LA    CLÔTURE    DE    LA    MISSION    DE     1699. 

Noms  des  douze  Apôtres  : 


139 


M.  Joseph-Marie  .   . 
M.  Laurent  Falque  . 
M.  François  Escoffier 
M.  Jacques  Manon  . 
M.  Pierre  Argoud.   . 
M.  Joachim  Jomaron 
M.  Jacques  Bochage 
M.  Jean  Sûel .... 
M.  Barthélémy  Miche 
M.  Charles  Quintin. 
M.  Antoine  Lambert 
M.  François  Portier. 


S'  Pierre,  portant  les  clés  ; 

S'  Paul,  portant  une  épée  ; 

S'  André,  portant  une  croix  ; 

S'  Jacques,  pèlerin  ; 

S'  Jean,  portant  un  calice  ; 

S'  Thomas,  portant  une  lance  ; 

S'  Jacques,  portant  une  massue  ; 

S'  Philippe,  portant  une  croix  ; 

S'  Barthéleaîy,  portant  un  couteau  : 

S'  Thaddée,  portant  une  équerre  ; 

S^  Matthias,  portant  un  hachereau  (i); 

S'  Si.MON,  portant  une  scie. 


Tout  ce  qu'on  avait  vu  jusqu'alors  de  cette  pieuse  pompe,  quoique 
tout  édifiant,  n'avait  pourtant  rien  que  de  réjouissant  et  tout  le 
monde  attachait  avec  plaisir  ses  yeux  à  la  vue  de  tant  de  différents 
objets  agréables,  lorsque,  la  scène  étant  changée,  il  se  vit  contraint 
de  répandre  des  larmes.  Et  qui  est-ce  qui  aurait  pu  s'empêcher  de 
pleurer  à  la  vue  d'un  spectacle  aussi  triste  et  aussi  lugubre  que  celui 
qu'on  vit  paraître  ? 

Quatre  Anges,  tenant  une  toilette,  formaient  le  premier  rang. 

La  Madeleine  mondaine,  représentée  par  la  fille  du  sieur  Bouyou, 
les  suivait  ;  les  larmes  véritables  qui  découlaient  de  ses  yeux  en 
abondance,  par  l'effet  d'une  sincère  douleur  que  lui  causait  le  sou- 
venir de  la  passion  du  Sauveur,  lui  attirèrent  l'admiration  de  tous 
les  spectateurs. 

Et  après  qu'une  troupe  de  petits  Anges, portant  les  instruments  de 
la  passion,  marchant  deux  ù  deux,  eurent  passé,  on  aperçut  un 
jeune  homme  représentant  Jésus  flagellé  ;  c'était  le  fils  du  sieur 
Reboulet. 

On  aurait  cru,  à  le  voir,  qu'il  ne  faisait  que  de  sortir  du  prétoire 
de  Pilate.  Les  épines  de  sa  couronne  semblaient  enfoncées  dans  sa 
tète  et  faire  couler  par  mille  ouvertures  autant  de  petits  ruisseaux  de 
sang.  Sa  face  paraissait  toute  défigurée   et  salie    de  crachats  ;  ses 


(i)  Le  nis.  porte  acheron'. 


140  .MYSTÈRE    REPRESENTF:    A    ROMANS 

yeux,  noyés  de  larmes  ;  son  corps,  déchiré  de  coups  de  fouets  ;  et  ses 
mains,  toutes  noires  par  la  violence  qu'avaient  faite  les  bourreaux 
en  le  liant  avec  des  cordes.  Il  portait  (i)  sur  ses  épaules  un  vieux 
manteau  écarlate  ;  à  la  main,  un  roseau.  Et  il  avait  à  ses  côtés 
six  soldats,  d'un  regard  affreux,  qui  composaient  sa  garde. 

Quatre  jeunes  garçons  de  taille  égale,  vêtus  avec  des  aubes  et  des 
dalmatiques,  portant  sur  l'épaule  droite  les  armes  des  quatre  Evan- 
GÉLisTES,  le  suivaient  en  chantant  Vexilla  régis. 

Noms  des  quatre  Evangélistes  : 

M.  Belland Saint  Matthieu  ; 

M.  Duportroux    .   .  Saint  Marc  ; 

M.  Delacour  ....  Saint  Luc  ; 

M.  Guilliot Saint  Jean. 


On  vit  paraître  d'abord  après,  à  la  tête  d'une  troupe  de  soldats 
bizarrement  vêtus,  un  jeune  officier  à  cheval,  invitant  par  le  son 
triste  et  redoublé  d'une  trompette  le  peuple  à  assister  au  supplice  du 
Sauveur.  Il  n'y  eut  point  de  cœur  si  dur  et  si  insensible  qui  ne  se 
ramollit  et  qui  ne  fut  brisé  de  douleur,  lorsqu'on  vit  celui  qui  repré- 
sentait le  Sauveur,  chargé  de  sa  croix  et  traîné  au  supplice  par  des 
impitoyables  bourreaux  qui  vomissaient  contre  lui  mille  injures,  et 
l'accablaient  de  coups  de  pied  et  de  bâtons.  C'était  un  jeune  avocat 
nommé  M.  Desmarais.  On  ne  pouvait  pas  faire  un  meilleur  choix  ; 
la  grande  douceur  qui  parait  sur  son  visage  et  dont  il  accompagne 
toutes  ses  actions,  le  rendait  très  propre  à  représenter  cet  Homme- 
Dieu,  le  plus  doux  de  tous  les  hommes.  Il  était  vêtu  d'une  robe  blan- 
che, tout  pieds  nus,  lié  avec  de  grosses  cordes  ;  la  douleur  parais- 
sait si  bien  dépeinte  dans  toute  sa  personne  qu'on  aurait  dit  qu'on 
le  conduisait  véritablement  au  supplice. 

Le  S'  Brichet,  représentant  Slmon  le  Cyrénccn,  lui  aidait  à  porter 
sa  croix.  Il  fit  cet  office  avec  une  piété  tout  à  fait  exemplaire,  et, 
quoiqu'il  soit  d'une  très  grande  taille,  il  marchait  courbé  et  sans  ja- 
mais changer  de  posture  plus  de  trois  heures,  en  arrosant  la  croix 
de  ses  larmes. 

La  fille  de  la  veuve  F'astel,   qui   représentait   la  Véronique,   mar- 

(1)  Dans  le  dis.  il  y  a  par  erreur  paroissoit. 


A    LA    CLÔTURE    DE    LA    MISSION    DE     1699.  I4I 

chait  devant  le  Christ,  tenant  un  suaire  à  la  main,  soutenu  par  deux 
Anges,  avec  lequel  elle  essuyait  de  temps  en  temps  sa  face. 

La  Vierge,  accompagnée  des  trois  Marie,  marchait  après. 

La  fille  de  M.  Escoffier  représentant  la  Mère  de  Dieu. 
M""'  Belland,  la  cadette.  .   1 

M"*  Pangon [  (les)  trois  Marie. 

M""  Coréard,  la  cadette   .  ) 

Voici  les  vers  que  la  Vierge  et  le  Christ  récitaient  : 

La  Vierge  à  son  fils  : 

Est-ce  vous,  mon  cher  fils,  qu'on  conduit  au  supplice  ? 

Arrêtez,  arrêtez,  bourreaux  trop  inhumains  ! 

Dieu  !  quelle  cruauté  !  le  plus  beau  des  humains 

Est  tout  défiguré.  Hélas  !  quelle  injustice  ! 

Où  sont  ces  cheveux  blonds,  ces  yeux,  ce  teint  si  doux  ? 

Ce  corps  si  délicat  est  déchiré  de  coups, 

Le  sang  de  toutes  parts  distille  goutte  à  goutte. 

Mes  yeux,  fondez  en  pleurs  !  mon  fils  est  aux  abois. 

11  trébuche  à  tous  pas,  sous  sa  pesante  croix  ; 

Je  ne  le  verrai  plus  que  ce  moment  sans  doute. 

Réponse  de  Jésus  à  sa  mère  : 

Ma  mère,  c'est  assez  ;  ne  pleurez  pas  mon  sort. 
Je  ne  suis  né  de  vous  que  pour  souffrir  la  mort, 
Il  faut  sur  cette  croix  que  mon  amour  éclate. 
Et  vous,  qui  me  suivez,  ne  pleurez  plus  sur  moi  ; 
Pleurez  sur  vos  enfants  qui  n'ont  ni  foi,  ni  loi. 
Pleurez  et  soupirez  sur  votre  ville  ingrate. 

Ceux  qui  avaient  le  plus  blâmé  l'ordre  de  cette  procession  et  que 
plusieurs  avaient  cru  ne  devoir  avoir  d'autre  succès  que  celui  d'une 
mascarade,  furent  les  premiers  à  en  être  touchés.  Ils  en  poussèrent 
des  soupirs  et  ils  sévirent  forcés  de  fondre  en  pleurs  en  présence  de 
tout  le  peuple,  lorsqu'ils  entendirent  les  tristes  paroles  du  Sauveur 
et  de  sa  mère  ;  car,  quoique  le  reste  eût  fait  quelque  impression  sur 
eux,  ils  convinrent  pourtant  que  cet  endroit-ci  les  avait  particuliè- 
rement touchés. 

Ce  fut  dans  cet  ordre  qu'on  alla  jusqu'au  lieu  où  l'on  planta  la 
grande  croix.   Jamais  on  ne  vit  une  telle  affluence   de  peuple  ;   tous 


142  iMYSTERE    REPRESENTE    A    ROMANS 

les  lieux  circonvoisins  s'y  étaient  rendus  et  il  n'y  eût  personne  qui 
n'avouât  n'avoir  jamais  rien  vu  de  si  beau  et  de  si  touchant,  et  qui 
n'eût  souhaité  que  le  jour  ne  fut  plus  long  pour  avoir  le  plaisir  de 
voir  plus  longtemps  un  spectacle  que  la  nuit  obligea  à  finir  à  regret. 

Il  faut  en  finissant  rendre  cette  justice  à  Monsieur  Delacour,  le 
curé,  que  ce  fut  principalement  par  ses  soins  que  le  tout  se  lit  avec 
un  très  bon  ordre. 

M"  les  Apôtres  ont  lieu  de  lui  rendre  en  particulier  cette  justice 
et  même  par  reconnaissance,  puisque,  quelques  jours  après,  il  les 
régala  splendidement  en  leur  faisant  chanter  le  Credo  solennelle- 
ment. 

Fini  au  commencement  de    1699. 

On  l'a  vii^  plusieurs  tableaux  furent  fnaftqués^  parce  que 
ceux  qui  devaient  les  représenter  en  furent  détournes  par  quel- 
ques personnes  qui  n'auguraient  pas  favorablement  de  cette  pro- 
cession. Les  chanoines  de  Saint- Barnard  —  car  c'est  eux  qu'on 
désigne  en  parlant  de  gens  d'un  caractère  bouffi  de  la  gloire  de 
Dieu  et  de  la  qualité  de  coseigncur  avec  le  Roi  —  craignaient 
que  cette  représentation  ne  tournât  en  mascarade  :  aussi  en 
apons-nous  cherché  vainement  la  trace  dans  leurs  Délibérations 
capitulaires.  De  tout  temps  les  prédicateurs  religieux  se  sont 
efforcés  de  frapper  vivement  les  multitudes  par  des  exhibitions 
de  ce  genre.  Les  consuls  de  la  ville  se  prêtèrent  de  meilleure 
grâce  aux  désirs  des  Dominicains^  et  j'oici  ce  que  nous  trou- 
vons dans  le  Registre  de  leurs  Assamblées,  à  la  date  du  14  dé- 
cembre 1 6g8 . 

Va  sur  ce  qui  a  esté  represanté  que  les  Pères  Recolets  demande 
qu'on  mette  deux  planches  sur  le  ruisseau  de  la  Presle  en  attandant 
que  le  pont  qu'il  eschoit  d'y  faire  soit  construit,  et  que  les  Pères 
Jabobins  qui  sont  en  mission  en  cette  ville  demandent  aussy  que 
l'on  plante  une  croix  dans  l'andnjit  que  l'assamblée  trouvera  conve- 
nable, ainsy  qu'il  se  pratique  dans  toutes  les  communautés  où  ils 
ont  fait  ladite  mission,  il  a  esté  délibéré  qu'on  fera  mettie  lesdites 
deux  planches  sur  ledit  ruisseau  de  la  Prcslc  et  que  l'on  fera  planter 
ladite  croix  au  coing  de  la  muraille  du  s'  Paul  Gondoin  joingnant  les 
faussé  où  il  y  en  avoit  une  autre  fois. 


A    LA    CLÔTURE    DE    LA    MISSION    DE     1699.  I43 

L'auteur  de  notre  relation  a  gardé  VanoJiyme.  Le  manus- 
crit^ dhine  écriture  de  femme,  paraît  bien  contemporain  des 
évhiements  qu'il  relate.  Sa  présence  constante  dafis  le  coupent 
des  Clarisses  de  Romans  {fondé  en  1S20)  et  certains  détails 
sur  les  jeunes  Jîlles  qu'on  aurait  pris  pour  des  novices  de  Sainte- 
Claire,  710US  porteraie7it  à  en  attribuer  la  rédaction  à  une  re- 
ligieuse de  cet  ordre.  En  tout  cas^  il  émane  d'un  témoin  ocu- 
laire^ qui  a  oublié  la  devise  de  tel  guidon.^  mais  qui  relate  des 
vers  qui  ne  furent  pas  récités. 

Ulysse  CHEVALIER. 


NOTES 


LA  COIIÂNDERIE  DES  ÂNTONINS 

A   AUBENAS,   EN    VIVARAIS. 

(Suite) 


Les  ravages  du  feu  sacré  et  des  autres  épidémies  du  moyen  âge 
contribuèrent  naturellement  à  propager  les  colonies  des  Antonins. 
De  toutes  parts,  on  faisait  appel  à  leur  dévouement  comme  à  leur 
intercession  religieuse.  Des  commanderies  (prœceptori.v)  furent  éta- 
blies dès  113 1  en  Dauphiné.  A  la  fin  du  XII'  siècle,  il  y  en  avait 
dans  toute  l'Europe.  En  1202,  le  pape  Innocent  III  donna  des  cons- 
titutions définitives  à  l'ordre,  qui  fut  approuvé  par  le  concile  de 
Clermont.  En   1297,   le   pape    Boniface   VIII    érigea    en    abbaye  la 


144  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

Maison  de  l'Aumône  et  fit  les  Antonins  chanoines  hospitaliers, 
en  leur  donnant  la  règle  de  St-Augustin.  A  cette  époque,  l'institut 
comptait  les  commanderies  générales  suivantes  (les  chiffres  indi- 
quent l'époque  approximative  de  leur  fondation)  : 

Le  chef-lieu  de  l'ordre  à  St-Antoine  ; 

Ranvers  au  diocèse  de  Turin  (1156),  Bailleul  en  Flandre  (i  160), 
Marseille  (i  169),  Florence  (i  174),  Chambéry  (1180),  Castroxeris  en 
Espagne  (1187),  Rostorf  (1190J,  Pont-à-Mousson  au  diocèse  de 
Toul  (1200),  Olit  en  Navarre  (1200),  Châlons(i20o),  Aumonières  au 
diocèse  de  Langres  (1201),  Gap  (1209),  Londres  (1257),  l'Achaie 
(1256),  Pristino  en  Saxe  (1271),  Nemingen  en  Souabe  (1296). 

La  Pouille,  Troyes,  Aubenas,  Aubeterre,  Chypre,  Bouthiers  au 
diocèse  de  Poitiers,  Mâcon,  la  Hongrie,  Golony  en  Gascogne,  Fru- 
gère  en  Auvergne  existaient  alors  ;  mais  on  ignore  l'époque  où  ces 
commanderies  générales  furent  fondées. 

Chacune  de  ces  commanderies  avait  déjà  sous  sa  dépendance  un 
grand  nombre  de  commanderies  particulières  ou  de  prieurés  : 
Ranvers  à  elle  seule  en  avait  vingt-cinq. 

Il  y  avait  d'autres  commanderies  qui  portaient,  au  même  temps, 
le  titre  de  générales,  sans  avoir  d'autres  commanderies  sous  leur 
dépendance;  ce  sont  :  le  prieuré  de  Rome  (1191),  Lyon  (1275), 
Vienne  (1271),  Mohtbrison  (1278),  Avignon,  Grenoble,  Bourg-en- 
Bresse,  la  Tour-du-Pin,  Annonay,  dont  la  date  de  fondation  est 
incertaine. 

Peu  de  temps  après  cette  époque,  s'élevèrent  les  grandes  com- 
manderies de  Ste-Croix  (1298)  et  de  St-Médard  au  diocèse  de  Die, 
d'Isenhein  en  Alsace  (i 3 14)  (i). 

La  commandcrie  d'Aubenas  remonte  donc  au  moins  au  XIII'' 
siècle,  mais  nous  n'avons  pu  en  trouver  la  date  précise.  On  peut 
supposer  qu'elle  coïncida  avec  quelqu'une  des  nombreuses  épidémies 
du  feu  sacré  ou  de  la  peste  qui  désolèrent  la  l'rance  au  XII'  et  au 
XIII"  siècles.  Le  mal  des  ardents  est  encore  signalé  au  XIV'  siècle, 
en  1342  et  1375.  Au  XV''  siècle,  les  épidémies  paraissent  plutôt  se 
rattacher  à  la  peste  ou  au  choléra,  mais  le  feu  sacré  continue  de  se 
manifester,  au  moins  par  des  cas  isolés,  jusqu'au  XVII"  siècle, 
puisque  les  deux  Bénédictins  dom  Durand  et  dom  Martene  trou- 
vèrent encore  des  démembres  à  leur  visite   à   l'hôpital  de  St-Antoine. 

Il  est  fâcheux  que  nous  manquions  de  documents  sur  les  effets  de 

(i)  Dassy,  p.  /^99. 


DES  ANtONINS  A  AUBENAS.  I45 

ces  épidémies  en  Vivarais,  mais  on  peut  les  présumer  par  le  grand 
nombre  de  testaments  que  contiennent  les  registres  de  notaires 
pendant  la  saison  chaude,  surtout  aux  mois  d'août  et  de  septembre, 
testaments  où  revient  souvent  l'expression  :  actentà  pestiferà  morta- 
litate,  comme  motif  de  ces  précautions  testamentaires. 

La  commanderie  d'Aubenas  avait  sous  sa  dépendance  les  prieurés 
ou  commanderies  de  Tournon,  de  Gévaudan,  de  Pailharès  et  de  la 
Villatte,  ainsi  qu'on  le  verra  par  les  actes  que  nous  résumons  plus 
loin.  L'absence  de  toute  indication  relative  à  la  commanderie  d'An- 
nonay  confirme  l'indépendance  de  cet  établissement  vis-à-vis  de 
celui  d'Aubenas. 


Le  plus  ancien  des  registres  de  notaires  d'Aubenas,  que  nous 
avons  parcourus,  celui  d'Etienne  Monestier  (1400  à  1410)  contient 
un  acte  du  12  août  1410,  par  lequel  noble  et  religieux  homme,  F. 
Pierre  Vernet,  commandeur  de  la  maison  et  commanderie  de  St- 
Antoine  d'Aubenas,  reconnaît  tenir  en  emphythéose  de  noble  Guil- 
laume de  Montgros,  comme  ayant-droit  des  héritiers  de  Pierre 
Gras,  un  jardin  ou  pièce  de  jardin  qui  fut  de  François  des  Astas. 
Cette  pièce  de  jardin  est  bornée  de  deux  côtés  par  des  voies  publi- 
ques et  confronte,  d'autre  part,  avec  la  maison  de  l'hôpital  des 
Infirmes,  avec  une  citerne  et  avec  un  autre  jardin  de  ladite  maison. 
Ce  jardin  fut  reconnu  autrefois  par  noble  et  religieux  homme,  F. 
Jourdan,  prédécesseur  de  Vernet  dans  ladite  commanderie  d'Aube- 
nas, sous  le  cens  annuel  de  trois  deniers  à  payer  chaque  année,  le 
jour  de  la  Toussaint,  audit  noble  Guillaume  ou  aux  siens,  et  le 
commandeur  Vernet  promet  de  faire  une  semblable  reconnaissance, 
s'il  en  est  requis. 

L'acte  est  passé  dans  la  ma-'^-on  de  St-Antoine  à  Aubenas  et  les 
témoins  sont  noble  F.  Etienne  de  Trabe,  de  l'ordre  de  St-Antoine, 
F.  Pierre  Lombard,  du  même  ordre,  et  Jean  Sabatier  dit  Bachelier, 
d'Aubenas. 

La  maison  de  St-Antoine  d'Aubenas  figure  comme  légataire  dans 
bon  nombre  de  testaments  passés  dans  cette  ville  en  l'année  14 10. 

Ainsi  Jacques  Audebert  (20  septembre)  qui  désire  200  messes 
pour  le  repos  de  son  âme,  spécifie  qu'il  en  sera  célébré  25  dans 
l'église  de  St-Antoine.    Les  autres  sont  ainsi  réparties,  savoir,  100  à 

Bull.  VII,  1887.  11 


146  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIË 

l'église  des  Dominicains,  50  à  l'église  paroissiale  de  St-Laurent  et 
25  à  l'église  des  Cordeliers,  ce  qui  peut  donner  une  idée  de  l'impor- 
tance respective  de  chacune  de  ces  églises. 

Le  testament  de  Pierre  Delorme,  du  23  septembre,  ordonne  aussi 
200  messes  réparties  de  la  même  façon. 

Le  testament  de  Jean  Sabatier  (24  septembre)  porte  qu'il  veut  être 
enterré  dans  le  cimetière  de  St-Antoine.  11  lègue  15  sols  aux  Frères 
de  St-Antoine  pour  des  messes,  tandis  qu'il  n'en  lègue  que  10  aux 
Dominicains  et  autant  aux  Cordeliers.  11  lègue  de  plus  15  sols  à 
l'hôpital  de  St-Antoine,  15  deniers  à  l'hôpital  de  Ste-Anne  et  autant 
à  l'hôpital  de  St-Georges.  Il  lègue  2  sols  au  luminaire  de  St-An- 
toine. Sur  les  100  messes  qui  doivent  être  dites  après  son  décès,  et 
pour  lesquelles  il  sera  donné  8  deniers  à  chaque  officiant,  25  sont 
assignées  à  l'église  St-Antoine,  et  les  autres  par  égales  parts  aux 
Dominicains,  aux  Cordeliers  et  à  l'église  paroissiale.  De  plus,  5 
messes  devront  être  dites  spécialement  pour  lui  par  le  F.  Vilar,  de 
l'ordre  de  St-Antoine.  Plus  loin,  il  lègue  encore  à  l'hôpital  de  Ste- 
Anne  2  sols  et  2  draps. 

Noble  Guigon  Rostaing  (5  octobre)  fait  aussi  de  nombreux  legs 
pies  où  figurent  les  trois  hôpitaux  de  St-Antoine,  Ste-Anne  et  St- 
Georges,  chacun  pour  5  sols. 

Notons,  en  passant,  dans  ce  même  registre,  bon  nombre  d'autres 
testaments  passés  pendant  ce  même  automne,  ce  qui  fait  supposer 
qu'une  épidémie  sévissait  à  ce  moment  à  Aubenas. 

On  voit  qu'il  y  avait  alors  trois  hôpitaux  à  Aubenas  :  St-Antoine, 
Ste-Anne  et  St-Georges,  et  l'on  verra  plus  loin  que  tous  trois  étaient 
sous  la  direction  du  commandeur  de  St-Antoine. 

L'hôpital  de  St-Antoinc  se  trouvait  probablement  compris  dans 
le  clos  des  Antonins  situé  extra  viuros. 

L'hôpital  Ste-Anne  n'était  autre  que  l'hôpital  actuel,  où  l'on  ap- 
porte encore,  à  titre  d'offrande,  beaucoup  de  pieds  de  porc,  surtout 
lors  de  la  fête  de  S.  Antoine. 

Enfin  l'hôpital  St-Georges  se  trouvait  dans  les  bâtiments  qui 
portent  aujourd'hui  le  nom  d'hôpital  vieux.  Ces  bâtiments  ont  été  di- 
visés entre  divers  propriétaires.  L'église  est  encore  reconnaissable, 
bien  qu'on  ait  jeté  une  voûte  intermédiaire  entre  le  pavé  et  l'an- 
cienne voûte  romane. 


DES    ANTOMNS    A    AUBENAS.  ï 4] 


Le  registre  de  Pierre  Rochette,  pour  i"année  1429,  contient,  à  la 
date  du  14  mars,  un  acte  par  lequel  vénérable  et  religieux  homme, 
messire  Jean  Gibbertès,  commandeur  d'Aubenas,  «  sachant  qu'il  n'a 
pas  de  quoi  acquitter  la  pension  qu'il  doit  aux  pauvres  de  l'hôpital 
de  St-Antoine  et  la  dime  qu'il  n'a  pas  encore  payée  au  seigneur 
abbé  de  St-Antoine,  à  moins  de  vendre  le  vin  qu'il  a  pour  la  provi- 
sion de  sa  maison,  »  vend  au  seigneur  de  Bane  (i)  présent  huit 
muids  de  vin  piir,  qui  sont  dans  deux  tonneaux  existant  dans  la 
cave  (crota)  de  l'hôpital  de  Ste-Anne,  au  prix  de  sept  florins  le  muid. 
Le  commandeur  reconnaît  avoir  reçu  dudit  seigneur  le  prix  de  la 
vente  et  lui  en  donne  quittance.  L'acte  est  passé  dans  la  maison  du 
seigneur  de  Bane,  et  les  témoins  sont  nobles  Tonet  de  Marete  et 
Amblard  de  Noirétain  {de  Nigro  StangJto),  FF.  Pierre  Salliencoyta, 
Tonet  de  Massillargues  et  André  de  Missolz. 

Pour  qu'on  puisse  juger  les  termes  de  cette  transaction,  nous  no- 
terons les  faits  suivants  relevés  dans  les  mêmes  registres  : 

En  1490,  l'achat  d'une  rente  annuelle  de  huit  setiers  de  vin  est 
fait  au  prix  de  8  florins  (2). 

En  1493,  la  confrérie  de  St-Christophore  à  St-Etienne  de  Font- 
bellon  paye  un  peu  plus  cher,  c'est-à-dire  à  raison  de  i  Hvre  par  se- 
tier,  une  pension  annuelle  de  3  setiers  de  vin. 

Par  contre,  la  même  année,  noble  Itier,  seigneur  de  Géorand,  ne 
paye  que  13  livres  et  10  sols  une  pension  annuelle  d'un  muid  de  vin 
noir,  pur,  bon  et  franc,  mesure  d'Aubenas,  c'est-à-dire  28  setiers 
pour  le  muid.  C'est  un  habitant  de  Vinezac  qui  conclut  ce  mauvais 
marché  ;  il  est  vrai  qu'il  en  stipule  l'annulation  pour  le  cas  où  il  res- 
tituerait avant  dix  ans  l'argent  reçu. 

En  1500,  nous  voyons  neuf  setiers  de  vin  vendus  19  sols  et  l'an- 
née suivante  quatorze  setiers  vendus  18  sols.  La  même  année,  deux 
charges  de  vin  sont  vendues  17  sols  et  6  deniers.   A  la  même  épo- 

(i)  Hameau  situé  entre  St-Cernin  et  Vogué. 

(2)  Le  florin  était  une  petite  monnaie  d'or  ayant  à  peu  près  le  poids  de  notre 
pièce  de  10  fr.,  mais  Tor  ayant  alors  trois  ou  quatre  fois  plus  de  valeur  qu'au- 
jourd'hui, le  florin  représentait  30  ou  40  fr.  de  notre  monnaie  actuelle.  Le  florin 
valait  15  sols  de  l'époque,  tandis  que  la  livre,  monnaie  de  compte  en  représen- 
tait 20. 


148  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

que.  nous  trouvons  la  charge  de  vin,  mesure  de  Chassiers,  indiquée 
comme  valant  six  setiers  et  un  quarteron. 

Dans  un  autre  acte,  une  vigne  de  quatre  fessoirées  est  indiquée 
comme  produisant  neuf  setiers  de  vin. 

Ajoutons  que  la  valeur  traditionnelle  du  setier  dans  le  Bas-\'iva- 
rais  est  de  21  litres  et  qu'il  faut  huit  setiers  pour  faire  une  charge. 

Il  résulte  de  ces  données  que  le  commandeur  de  St-Antoine  d'Au- 
benas  (en  admettant  40  fr.  de  notre  monnaie  pour  la  valeur  du  florin 
d'alors)  vendait  son  vin  à  raison  de  280  fr.  le  muid  de  588  litres,  ce 
qui  revient  à  46  fr.  environ  l'hectolitre. 


Ce  même  registre  de  Pierre  Rochette  contient,  à  la  date  du  5  oc- 
tobre, l'inventaire  suivant  du  mobilier  de  la  maison  de  St-Antoine 
d'Aubenas,  dressé  par  F.  Henri  Melion,  en  présence  des  FF.  An- 
toine de  Serre,  Pierre  Salhenco}-ta  et  Pierre  Fournier.  En  voici  la 
traduction  textuelle  : 

Et  d'abord  neuf  nappes,  dont  trois  sont  percées  et  les  autres  sont 
bonnes,  cependant  il  y  a  dans  l'une  d'elles  un  petit  trou  ;  —  Des 
nappes  pour  préparer  les  buffets  (i)  au  nombre  de  neuf  ;  —  Dix-huit 
longiéres  (2)  dont  deux  sont  entièrement  déchirées  et  trois  autres 
percées  ;  —  Quatre  longiéres  médiocres,  dont  trois  de  coton  perse 
et  une  est  trouée  ;  —  Neuf  serviettes  dont  trois  petites  de  coton  et 
les  autres  grandes  ;  —  Trois  petites  serviettes  de  valeur  convenable 
{competentis  valoris). 

Draps  {Imtheamina)  :  —  Un  drap  bon  de  quatre  lés  (quatuor  tela- 
riim)  Ç-^)  ;  —  Un  drap  de  trois  lés,  percé  ;  —  Six  draps  de  deux  lés, 
bons  ;  —  Douze  draps  de  deux  lés,  tant  grands  que  petits,  percés  et 
quelques-uns  décousus  ;  —  quatre  draps  de  deux  lés,  percés  ;  — 
Six  draps  de  deux  lés  et  demi,  dont  un  percé  ;  —  Dix  draps  d'un  lé 
et  demi,  petits,  de  valeur  convenable  ;  —  Vingt-sept  draps,  d'un  lé  et 
demi,  déchirés  et  de  peu  de  valeur  ;  —  Quatre  draps,  d'un  lé  et  demi, 
bons  ;  —  Deux  aureliers  avec  leurs  chemisières. 

Dans  la  ciiAiMDRE  de  messire  le  cOiM.MANOEUR  :  —  Un  matelas  de 
burel  (4j,  bon   ;  —    Un  coussin  de  burel,  bon  ;  —  Une  contre-pointe 

(i)  iSuJfelus,  bureau,  chambre,  olim  bufTet.  (Ducange). 

(2)  Nappes  longues  pour  les  autels. 

(3)  Tela  désignait  autrefois  une  mesure  de  largeur,  aujourd'hui  un  le. 
(.4)  Bureau  ou  butel,  ancienne  étofTc  de  laine  grossière. 


DES    ANTOMNS    A    AUBENAS.  I49 

blanche,  bonne  ;  —  Deux  couvertures  de  diverses  couleurs,  grande 
forme  ;  —  Une  couverture  à  jours  (traylissiion),  vieille,  partie  couleur 
fauve  et  partie  couleur  rouge  ;  —  Une  couverture  blanche,  petite, 
rayée  de  noir  ;  —  Une  tente  de  lit  avec  ses  gardiens  ;  —  Une  contre- 
pointe,  vieille  ;  —  Une  courtine  verte  ;  —  Un  bancale  istoriatum  de 
canibus  (i)  ;  —  Un  autre  bancale  rouge  ;  —  Un  rouge  avec  des  raies 
vertes  ;  —  Un  de  diverses  couleurs  ;  —  Des  pièces  de  quelque  au- 
tre, de  peu  de  valeur  ;  —  Deux  pièces  rouges  ;  —  Quarante  éche- 
veaux  de  fil  ;  —  Une  corde  pour  faire  crosellos  ;  —  Environ  8  ou  9 
livres  de  chanvre  dans  un  drap  ;  —  Une  table  petite  ;  —  Une  caisse 
grande  où  sont  deux  quartes  d'amandes  ;  —  Trois  baseie  (bassi- 
nes >j  une  grande  et  deux  petites  ;  —  Quatre  plats  d'étain,  grande 
forme  ;  —  Douze  écuelles  d'étain,  grande  forme  ;  —  Huit  plats 
d'étain,  petite  forme,  dont  deux  fêlés  ;  —  Seize  écuelles  d'étain,  pe- 
tite forme,  dont  une  fêlée  ;  —  Deux  couverts  d'étain  ;  —  Un  broc 
(pitalphus)  (2)  grand,  contenant  cinq  chopines  ;  —  Deux  brocs  ronds, 
dont  un  fêlé  ;  —  Un  pot  cayratum  d'étain  ;  —  Deux  pintes  d'étain  ; 
—  Deux  chopines  façon  argent  ;  —  Cinq  aiguières  d'étain,  dont  trois 
fêlées  ;  —  Cinq  saleyrons  (3),  dont  deux  sont  sans  couvert  ;  —  Cinq 
chandeliers,  dont  deux  en  laiton  ;  —  Une  grande  serge  pour  couvrir 
le  lit,  de  couleur  perse  ;  —  Une  petite  caisse  sans  serrure  ;  —  Une 
corde  pro  crossando  ;  —  Des  balais  ;  —  Une  table  ronde  ;  —  Un 
archibanc  (4)  ;  —  Deux  chaises,  dont  une  est  ronde  ;  —  Sept  plan- 
ches de  sapin. 

Dans  la  salle  (aula)  (5)  :  —  Une  couche  {cougia),  petite,  où  est 
un  matelas  déchiré,  où  il  y  a  peu  de  plumes. 

Dans  la  cour  {ciirte)  :  —  Un  matelas  de  burel  dans  une  grande 
couche  ;  —  Deux  couvertures,  une  blanche  avec  des  raies  rouges  et 
noires  ;  —  Un  coussin  de  burel  grande  forme,  qu'on  dit  être  un  don 
de  Garin  de  Serre  ;  —  Un  coffre  à  deux  compartiments  avec  serru- 
res et  clés  ;  —  Une  grande  table  avec  ses  tauliers  (6)  {tabulariis). 

(1)  Bancale  est  un  banc  recouvert  d'étoffe  ;  peut-être  cette  étoffe  représentait- 
elle  des  figures  de  chiens. 

(2)  T'italphus.  —  Dans  un  autre  acte  on  lit  potus  vel  pitalphus . 

(3)  Mortier  où  Ton  pile  le  sel  ;  ce  mot  est  encore  usité  dans  le  patois  de  TArdèche- 

(4)  On  entend  ordinairement  par  ce  mot  un  banc  à  dossier. 

(5)  Aula  est  la  salle  où  Ton  se  réunit. 

(6)  On  appelle  tauliers  dans  le  patois  local  les  tables  superposées  fixées  à  des 
montants  en  bois,  qu'on  emploie,  soit  pour  l'éducation  des  vers  à  soie,  soit  pour 
faire  sécher  les  fruits.  Peut-être  aussi  cela  veut-il  dire  ici  tiroirs. 


150  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

Dans  lHopital  de  Ste-Anne  :  —  Deux  vases  vinaires  d'une  con- 
tenance de  neuf  muids,  pleins  devin,  moins  trois  setiers  ou  environ. 

Dans  la  maison  de  Bonnefoi  :  —  Un  tonneau  plein  de  vin,  con- 
tenant environ  sept  muids. 

Dans  la  maison  de  St-Antoine  :  {in  crota)  (i)  :  —  Dans  un  ton- 
neau, un  muid  de  vin  et  un  quart  de  muey(2)  ;  Douze  bouteilles 
(fistiilos),  tant  bonnes  que  mauvaises  ;  —  Deux  jarres  (doyres) 
d'huile,  pleines  d'huile,  c'est-à-dire  deux  petites  (3). 

rL'inventaire  ne  devait  pas  se  terminer  ici,  car  il  reste  une  demi- 
page  en  blanc). 


Le  7  novembre  142g,  Jacques  Simondet  d'Aubenas,  se  présente  à 
vénérable  et  religieux  homme  F.  Jean  Las  Ribas,  lequel  est  muni  de 
la  procuration  de  vénérable  homme  Giraud  Spinadelli,  commandeur 
de  la  Yillatte,  et  expose  qu'il  a  une  vigne,  au  territoire  de  Chada-  . 
rons,  sur  le  chemin  d'Aubenas  à  St-Etienne,  laquelle  relève  dudit 
commandeur.  Cette  vigne  n'a  que  quatre  fessoirées  et  produit  neuf 
setiers  de  vin.  Comme  sa  femme  est  morte  et  qu'il  n'a  pas  d'enfants 
il  ne  peut  continuer  à  tenir  cette  vigne  que  si  le  cens  qu'il  a  à  payer 
n'est  réduit  à  un  chiffre  supportable.  On  lui  réduit  alors  ce  cens  à 
cinq  setiers  de  vin  (4). 


Le  17  décembre  1429,  vénérable  et  religieux  homme,  F.  Jean 
Gibbertés,  commandeur  d'Aubenas,  afferme  pour  trois  ans  commen- 
çant à  la  fête  de  St-.\ndré  et  pour  trois  récoltes,  à  messire  Jean 
Archifer,  prieur  de  St-André  de  Orsilio,  les  voyages  de  quêtes  ci- 
indiqués  :  —  Le  voyage  de  Valgorge,  au  prix  de  8  florins  10  sols, 
200  pieds  de  porc  ;    —    Le  voyage  de    Chabreriol  en  Belmont  (5), 

(i)  En  patois  toutes  les  voûtes  ont  ij;ardé  le  nom  de  crotos. 

(2)  Sans  doute  un  quart  de  muid  (en  patois  nmcv). 

(  j)  Les  jarres  portent  encore,  dans  le  patois  local,  le  nom  de  douoïrc. 

(.4)  Nous  trouvons,  d'autre  part,  dans  nos  notes,  la  mention  d'une  transaciinn  de 
1315  entre  Pons  de  Trabc,  abbé  des  Chambons,  et  Aymon  de  Montiaur,  comman- 
deur de  la  Villatte,  de  l'ordre  de  St-Jcan  de  Jérusalem,  au  sujet  de  questions  de 
bois  et  pascagc  dans  les  forêts  du  mandement  de  Mayrcs. 

(5)  Bcaumont  dans  le  canton  de  Valgorge. 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  I5I 

7  florins  4  sols,  160  pieds  de  porc  ;  —  Le  voyage  de  Jaujac,  7  flo- 
rins 4  sols,  80  pieds  de  porc  ;  —  Le  voyage  de  Joannas,  5  florins 
4  sols,  100  pieds  de  porc  :  —  lesquelles  sommes  et  autres  ci-dessous 
mentionnées  doivent  être  payées  chaque  année  par  ledit  prieur  au 
commandeur  à  Aubenas  le  jour  de  la  fête  de  St-Antoine  ou  de 
l'octave  —  savoir,  par  florin,  à  raison  de  seize  sols  tournois  de 
monnaie  papale  ou  royale  ayant  cours  dans  chacune  de  ces  années, 
pourvu  cependant  que  la  monnaie  courante  soit  de  la  même  valeur 
que  celle  d'aujourd'hui  et,  si  elle  était  de  moindre  valeur,  le  prieur 
devrait  parfaire  la  différence. 

Item  le  voyage  de  Joyeuse,  au  prix  de  5  florins  4  sols,  30  pieds 
de  porc,  à  payer  dans  le  terme  et  avec  la  monnaie  susdits  ;  —  Le 
voyage  de  la  rivière  d'Ardèche,  2  florins  10  sols,  80  pieds  de  porc, 
trois  quarterons  de  batalhe  (i)  ;  une  émine  et  un  quarteron  et  demi 
de  pois  chiches,  trois  draps,  à  payer  le  tout  chaque  année  au  milieu 
du  carême  ;  —  Le  voyage  de  Villeneuve  de  Berg,  16  sols,  56  pieds 
de  porc,  une  émine  de  balalhe,  un  quarteron  de  pois  chiches,  livra- 
bles au  milieu  du  carême  ;  —  Le  voyage  du  Coiron,  un  florin  et 
1 3  livres  de  fromage,  livrables  chaque  année  à  la  fête  de  Ste-Marie 
Madeleine  ;  —  Le  voyage  de  Largentière,  2  florins  4  sols,  30  pieds 
de  porc,  livrables  chaque  année  aux  Rogations  ;  —  Le  voyage  de 
Privas,  6  florins  10  sols,  50  pieds  de  porc,  4  draps,  payables  chaque 
année  au  milieu  du  carême  ;  —  Le  voyage  de  St-Laurenl-lès-Bains, 
6  florins  8  sols,  90  pieds  de  porc,  payables  chaque  année  le  jour  de 
Pâques  ou  à  l'octave  :  —  Lesquelles  sommes  réunies  font  5  3  florins 

8  sols  tournois. 

Le  prieur  s'engage  à  ce  que  ces  voyages  seront  faits  bien  et  ho- 
norifiquement,  dans  l'intérêt  de  la  maison,  soit  par  lui-même,  soit 
par  des  personnes  capables. 

Le  commandeur  promet  de  faire  jouir  le  prieur  des  avantages 
accoutumés.  Il  pose  cependant  la  condition,  acceptée  par  le  prieur, 
que,  dans  le  cas  où  ce  derniei  ne  ferait  pas  ou  ne  ferait  pas  faire 
pendant  ledit  temps  les  voyages  dûs,  le  commandeur  pourrait  en 
donner  la  commission  à  d'autres.  —  Le  commandeur  spécifie  que  le 
prieur  lui  donnera  une  caution  suffisante,  et  le  prieur  le  promet.  — 
Les  deux  parties,  comme  garantie  de  leurs  engagements,  se  pla- 
cent elles  et  leurs  biens  sous  l'action  des  sceaux  de  la  curie  d'Aube- 
Ci)  Ce  mot  parait  désigner  l'amande  de  la  noix  débarrassée  de  la  coquille  et 
prête  à  être  envoyée  au  moulin  pour  faire  de  l'huile. 


152 


NOTES    SUR    LA    COMMAND.    D  AUBENAS. 


nas,  de  la  cour  royale  de  Villeneuve  de  Berg  et  de  la  curie  de  l'abbé 
de  St-Antoine.  —  L'acte  est  passé  à  Aubenas  dans  la  chambre  du 
commandeur. 


Cet  affermage  des  quêtes  nous  choque  aujourd'hui  ;  il  est  certain 
qu'il  n'est  plus  dans  nos  mœurs  ;  mais,  en  ce  temps-là,  n'était-il  pas 
naturel  et  même  nécessaire  ?  Faute  d'argent  ou  de  valeurs  mobilières, 
il  fallait  bien  recourir  aux  dons  en  nature,  et,  dans  l'impossibilité  où 
étaient  les  religieux,  réduits  à  un  petit  nombre,  de  faire  les  quêtes 
eux-mêmes,  ne  fallait-il  pas  s'en  remettre  aux  soins  d'un  tiers  ? 
N'oublions  pas  que  toutes  les  grandes  institutions  hospitalières  d'au- 
trefois ne  recevaient  aucun  secours  de  l'Etat  et  vivaient  ordinaire- 
ment de  la  charité  publique.  Les  établissements  de  St-Antoine 
avaient  tout  un  personnel  de  démembrés  ou  d'autres  infirmes  à  entre- 
tenir, et  de  plus  leur  porte  était  assiégée  tous  les  jours  par  une  foule 
de  pauvres  auxquels  ils  distribuaient  du  pain  ou  du  blé,  dans  la 
mesure  de  leurs  ressources.  La  maison  mère  de  St-Antoine  de 
Viennois  faisait  moudre  chaque  année  six  cents  setiers  de  blé  pour 
distribuer  aux  indigents.  Tous  les  jours  le  cellerier  du  couvent  dis- 
tribuait aux  pauvres  qui  se  présentaient  du  pain  et  de  la  soupe. 


(La  suite  au  prochain  numéro). 


D^  FRANCUS. 


HISTOIRE     RELIGIEUSE 


DE 


PONT-EN-ROYANS 


(ISERE) 

(Suite) 


sseoctos^*" 


Du  reste,  «  soit  à  raison  de  son  importance,  soit  pour  des  raisons 
politiques  que  la  présence  des  protestants  rendait  assez  plausibles, 
Pont-en-Royans,  depuis  la  fin  du  XVI'  siècle  jusqu'au  règne  de 
Louis  XVI,  ser\-it  de  résidence  à  un  escadron  de  cavalerie  ou  à 
plusieurs  compagnies  d'infanterie.  En  1664,  les  cavaliers  de  la  com- 
pagnie du  duc  d'Orléans  s'y  trouvaient  en  permanence  ;  plus  tard, 
c'était  le  régiment  du  comte  de  Tallard.  Outre  les  gens  de  guerre, 
casernes  probablement  chez  les  habitants,  le  passage  des  troupes 
qu'on  dirigeait  sur  Die,  par  le  Pont  et  le  Vercors,  venait  souvent 
accroître  les  charges  de  la  communauté,  et  lui  occasionner  des 
dépenses  qu'elle  ne  pouvait  supporter  sans  avoir  recours  à  des  expé- 
dients ruineux  ;  aussi  faisait-elle  de  fréquentes  démarches  auprès  de 
l'autorité  pour  éloigner  d'elle  cavaliers  et  fantassins.  En  1747,  bien 
que  les  raisons  d'état  eussent  perdu  de  leur  force  et  de  leur  valeur 
par  l'affaiblissement  du  parti  protestant,  il  y  avait  encore  à  Pont-en- 
Royans  deux  compagnies  de  dragons  du  régiment  du  roi  et  So 
chevaux  à  la  charge  des  habitants.  La  municipalité,  désireuse  de 
mettre  un  terme  aux  sacrifices  qu'elle  s'imposait,  députe  M.  Tézier, 
châtelain  du  marquisat,  pour  obtenir  leur  déplacement.  Son  voyage 
à  Grenoble  eut  pour  résultat  le  départ  d'une  compagnie  et  celui  de 
tous  les  chevaux  (i). 

Pour  revenir  aux  protestants  du  Pont  et  à  son  synode,  leur  impor- 
tance nous  est  indiquée  par  le  registre  des  délibérations  de  l'acadé- 
mie protestante  de  Die  de  1626  à  1668.  On  y  voit  que  le  Pont  paye 
18  livres  pour  les  professeurs,  quand  Romans  en  paye  autant,  Châ- 
teaudouble  6,  l'Albenc  et  St-Marcellin  12  chacun,  Beaurepaire  15, 
etc.  ;  on  y  trouve  les  remontrances    de  Théodore  de   la  Faye,  minis- 

(i)  Vincent,  op.  cit.,  98-9. 


154  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

tre  de  Loriol,  et  de  Pierre  Saurin,  pasteur  de  Nyons,  au  nom  du 
synode  de  Pont-en-Roy  ans,  au  sujet  de  quelques  réformes  à  introdui- 
re dans  l'académie  (i). 

Tout  cela  pouvait  faire  craindre  un  amoindrissement  progressif 
des  catholiques  et  de  leur  culte.  Cependant  ce  malheur  ne  s'est  pas 
réalisé.  Au  contraire,  ce  culte,  d'abord  opprimé  par  les  protestants, 
put  s'exercer  dès  1598,  sans  pompe,  sans  l'éclat  désirable,  mais  avec 
liberté.  Puis,  peu  à  peu,  la  grâce  fécondant  les  efforts  et  le  zèle 
prudent  des  RR.  PP.  Collet,  Aubert,  Carrât,  Louis  Darliac,  et  de 
leurs  secondaires,  la  vérité  et  le  véritable  culte  reconquirent  une 
partie  du  terrain  perdu  et  une  prépondérance  plus  que  légitime. 
M.  l'abbé  Vincent,  sans  fixer  de  date,  affirme  que  «  l'église,  brûlée 
et  détruite,  fut  remplacée  par  le  modeste  bâtiment  que  nous  voyons 
aujourd'hui.  »  Incapables  de  fixer  nous-méme  cette  date,  comme  de 
contrôler  le  fait  du  remplacement  de  cette  église,  qui  n'eut  peut-être 
pas  besoin  d'être  refaite  en  entier,  nous  serions  étonnes  que  son 
relèvement  eût  été  postérieur  à  l'administration  pastorale  du  P.Louis 
Darliac,  qui  géra  le  prieuré  de  1642  à  1655,  et  en  qui  de  nombreux 
documents  nous  montrent  un  prêtre  aussi  intelligent  que  zélé  pour 
le  bien  de  la  religion.  En  tous  cas,  les  actes  relatifs  à  la  restauration 
du  prieuré,  laquelle  était  commencée  en  1676,  nous  montrent  l'église 
entièrement  restaurée  depuis  déjà  assez  longtemps.  Mais  revenons 
aux  oeuvres  spirituelles  et  à  la  lutte  de  la  vérité  contre  l'hérésie. 

Après  le  R.  P.  Darliac,  l'œuvre  avait  été  confiée  au  R.  P.  Symo- 
net,  et  après  celui-ci  au  R  P.  Baborier.  Or,  sous  celui-ci,  dans  le 
courant  de  l'année  1665,  Pont-en-Royans  présenta  un  aspect  d'ani- 
mation inaccoutumé.  Les  huguenots  du  Dauphiné,  peut  satisfaits  d'un 
culte  qui  ne  disait  rien  à  leur  esprit  ni  à  leur  cœur,  revenaient  cha- 
que jour  au  giron  de  l'église.  Les  ministres,  alarmés  de  ce  mouve- 
ment, et  voulant  arrêter  les  désertions,  proposèrent  aux  catholiques 
d'ouvrir  à  Pont-en-Royans  des  Conférences  où  l'on  traiterait  des 
points  controversés.  Monseigneur  Scarron,  évêque  de  Grenoble, 
accepta  le  défit.  A  sa  demande,  Jean  de  Rasse,  abbé  de  St-Antoine, 
envoya  trois  professeurs  en  théologie  et  cinq  prédicateurs.  Or,  dans 
cette  lutte  célèbre,  les  religieux  de  St-Anloine  soutinrent  les  vérités 
orthodoxes  contre  quatre-vingts  ministres  avec  un  tel  succès,  qu'un 
des  prédicants,  qui  était  fixé  à  St-Marcellin,  et  une  multitude  de 
huguenots  abjurèrent  leurs  anciennes  erreurs. 

(i;  Lacroix,  Invent,  cit.,   D,   53. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  155 

Le  flambeau  de  la  vérité  n'avait  pas  lui  en  vain  aux  yeux  des 
protestants  du  Pont  ;  on  eut  beau  entretenir  dans  ce  lieu  un  docteur 
en  théologie  protestante,  Jean-François  Faisan,  qui  y  fut  ministre 
de  1657  à  1667,  le  mouvement  de  retour  au  catholicisme  continua  à 
progresser.  Charles  Chion,  successeur  de  Faisan,  fut  au  Pont  de 
1668  à  1681  ;  mais  en  1672  et  1675  le  poste  était  apparemment 
vacant,  puisqu'on  voit  des  protestants  du  lieu  faire  baptiser  leurs 
enfants  «  par  M.  Chion,  ministre  de  Saint-Marcellin.  »  Cependant 
on  trouve  ministres  au  Pont  en  1677  André  Chion,  et  en  1680  et  82 
Cyrus  Chion  (i). 

Nous  ne  savons  auquel  de  ces  Chion  arriva  la  mésaventure  ainsi 
racontée  par  M.  Vincent  :  «  Menacé  de  se  voir  sans  troupeau,  sans 
disciples,  M.  Chion,  pasteur  de  Pont-en-Royans,  crut  devoir  se 
livrer  aux  injures  et  aux  calomnies,  comme  si  tout  cela  était  propre 
à  servir  sa  cause.  Les  esprits  sensés  ne  se  méprirent  pas  sur  les 
motifs  de  ces  violentes  récriminations  ;  c'étaient  les  derniers 
efforts,  c'étaient  les  dernières  convulsions  d'un  corps  qui  se  mourait. 
La  religion  catholique,  ses  dogmes,  ses  fêtes,  sa  discipline,  étaient 
sans  cesse  l'objet  de  ses  attaques  passionnées,  de  ses  sorties  hai- 
neuses, et  servaient  de  texte  à  ses  discours  et  à  ses  conversations. 
La  patience  et  la  longanimité  de  ceux  qu'il  offensait  lui  étaient  con- 
nues, et  il  s'en  donnait  à  cœur  joie.  Mais  un  jour  sa  bile  l'inspira 
mal  ;  il  s'avisa  dans  son  prêche  de  mêler  aux  paroles  saintes  des 
paroles  outrageantes  pour  Louis  XIV,  ce  roi  si  chatouilleux  à  l'en- 
droit de  l'honneur  et  de  la  gloire.  Dénoncé  pour  ce  fait,  dont  il  com- 
prenait toute  la  gravité,  il  fit  imprimer  un  mémoire  dans  lequel,  à 
grand  renfort  de  mots  creux  et  vides  de  sens,  il  chercha  à  se  justi- 
fier de  l'accusation  qui  pesait  sur  lui,  en  donnant  à  ses  paroles  une 
signification  moins  offensante  et  plus  évangélique.  A  Tentendre,  le 
redouté  monarque  n'avait  pas  de  serviteurs  plus  dévoués,  plus  sou- 
mis que  lui  et  les  siens  (2).  » 

Ce  drame,  dont  nous  ignorowo  l'issue,  n'est  pas  le  seul  où  aient 
été  impliqués  les  ministres  du  Pont.  En  avril  1677,  André  Chion 
dépassait,  paraît-il,  les  bornes  laissées  à  son  zèle  par  les  décrets 
royaux.  Mais  il  y  avait  alors  à  la  tête  du  prieuré  un  homme  énergi- 

(1)  Arch.  de  la  Drôme,  fonds  cit.  ;  —  Dassy,  op.  cit.,  p.  307-8  ;  —  Vincent,  op. 
cit.  p.  99-190  ;  —  Notice...  Tenot,  p.  j2-6  et  i  i  5  ;  ~  Bullet.  cit.,  VIII,  388  ;  — 
Lacroix,  Invent,  cit.,  C,  292. 

(2)  Vincent,  op.  cit.,  p.    lOo. 


156  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

que  et  fermement  résolu  à  user  de  tout  moyen  légitime  pour  empê- 
cher la  propagande  de  l'hérésie.  C'était  le  R.  P.  Jacques  Petichet. 
Le  jeudi-Saint,  15  du  mois  susd.,  Chion  faisait  le  catéchisme  de  sa 
façon  à  un  certain  nombre  de  ses  partisans  dans  la  maison  d'un  de 
ceux-ci,  quand  le  P.  Petichet  y  entre,  accompagné  d'un  autre  reli- 
gieux, spécialement  chargé  des  fonctions  curiales,  et  du  vichàtelain. 
Des  remontrances  sont  faites  aux  hérétiques  réunis,  surtout  au 
prédicant.  Mais  ceux-ci  se  gardèrent  bien  d'en  tenir  compte  autre- 
ment que  pour  s'en  plaindre  et  réclamer.  Parmi  les  protestants  du 
Pont  en  était  un  auquel  la  position  de  sa  famille  et  la  sienne  propre 
donnaient  une  certaine  considération.  C'était  Alexandre  Chalvet, 
sieur  de  la  Jarjatte,  petit-fîls  par  sa  mère  et  frère  de  conseillers  à  la 
Chambre  de  l'Edit  du  Parlement,  et  frère  de  deux  ministres  protes- 
tants alors  décédés.  11  s'était  établi  au  Pont  vers  1656,  par  suite  de 
son  mariage  avec  Alix  Pourroy,  de  l'une  des  principales  familles 
calvinistes  du  lieu.  Dans  cette  condition,  Alexandre  Chalvet  avait 
bien  des  titres  aux  caresses  des  ministres  du  Pont  et  au  syndicat  des 
protestants  du  lieu.  Il  reçut  de  bonne  heure  ces  caresses  et  ce  syn- 
dicat. Aussi,  trois  jours  après  l'inattendue  et  désagréable  visite  du 
P.  Petichet  aux  protestants  réunis,  le  sieur  de  la  Jarjatte,  syndic  des 
réformés  du  Pont,  adresse  à  «  Nosseigneurs  du  Parlement  en 
l'Edict,  »  une  requête  tendant  à  ce  que  défense  fût  faite  aux  prieur, 
curé  et  tous  autres,  de  troubler  désormais  le  ministre  dans  ses 
fonctions,  sous  peine  de  $00  livres  d'amende,  et  des  dépens,  dom- 
mages et  intérêts. 

Le  20  avril,  de  Nicourt  ordonne  que  la  requête  sera  montrée  au 
P.  Petichet,  pour  en  avoir  réponse, et  être  ensuite  conclu  selon  justice. 
Le  36  avril,  ce  Père  répond  par  un  long  mémoire  dans  lequel  il  fait 
observer  ce  qui  suit. 

Les  protestants  du  Pont  s'assemblent  trop  souvent,  trop  nom- 
breux et  en  trop  de  maisons.  «  Le  verbal  que  le  lieutenant  de  chas- 
tellenie  »  dressa  «  après  les  avoir  surpris  au  nombre  de  plus  de 
quatre-vingt  dans  la  maison  de  Daniel  Macaire,  le  15  apvril,  » 
prouve  qu'ils  s'assemblent  trop  nombreux  ;  ensuite,  «  ils  sont  con- 
vaincus de  s'estre  assemblés  plusieurs  fois  de  jour  et  de  nuict, 
dcdant  et  dehors  du  Pont,  par  les  dispositions  de  plus  de  26  témoins 
cités  et  escoutés  par  le  commissaire  député  par  la  Cour.  » 

C'est  de  nuit  qu'ils  se  sont  réunis  le  plus  souvent  et  en  plus  grand 
nombre.  Ils  ont  souvent  été  jusqu'à  30  et  le  plus  souvent  jusqu'à  60 


DE    PONT-EN-ROYANS.  I57 

et  80.  Chaque  fois  qu'ils  se  sont  assemblés  de  nuit  le  dernier  carême, 
ils  ont  choisi  l'heure  où  tous  les  catholiques  étaient  à  «  l'église  pour 
la  bénédiction  du  s'  jubilé.  »  Ils  mettaient  dans  leurs  réunions  un 
secret  et  une  dissimulation  indiquant  que  leur  but  n'était  pas  la 
préparation  à  la  cène.  Ils  ont  fait  jusqu'ici  un  exercice  de  leur  reli- 
gion aussi  public  qu'en  aucun  lieu  de  France.  Ils  ont  un  temple 
spacieux  pour  la  petitesse  du  lieu,  et  l'ont  fait  subsister  jusqu'à 
présent,  quoiqu'il  soit  bâti  depuis  l'édit  de  Nantes,  comme  prouve  le 
chiffre  1601  qu'il  porte  au  frontispice,  et  qu'il  ne  soit  pas  éloigné  de 
13  toises  de  l'église  paroissiale,  distance  requise  par  les  règlements. 

Cette  proximité  trouble  les  catholiques.  Les  réformés  ont  de  leur 
autorité  élevé  «  leur  cloche  dessus  du  temple,  »  et  la  sonnent  aux 
heures  et  manière  de  celle  de  la  paroisse,  ce  qui  cause  des  mé- 
prises. 

Ils  enterrent  leurs  morts  dans  un  champ  enlevé  par  eux  à  la 
chapelle  St-Claude  quand  ils  étaient  les  maîtres. 

Au  civil,  pas  plus  de  modération.  Le  gouvernement  de  notre  ville 
est  mi-parti.  Mais,  étant  les  plus  aisés,  ils  ont  outrepassé  les  limites 
prescrites  par  les  ordonnances,  se  sont  rendus  maîtres  du  conseil,  et 
ont  pris  pendant  un  temps  des  délibérations  sans  participation  ou 
consentement  des  catholiques.  Us  ont  chargé  démesurément  les 
catholiques  «  dans  les  costes  d'escart.  »  Leur  «  conduite  insolente  » 
a  fait  donner  au  Pont  «  le  nom  de  petite  Genève.  »  Ils  se  sont  em- 
parés des  papiers  de  la  commune,  ont  acquis  les  protocoles  des 
notaires,  font  tout  plein  de  quêtes,  ramassent  de  l'argent  pour  quel- 
que fin  ténébreuse,  etc. 

Vu  ces  abus,  le  P.  Petichet  conclut  à  ce  qu'on  leur  ôte  leur  temple, 
qu'on  refrène  leurs  menées,  et  qu'on  les  condamne  à  rendre  le 
champ  de  la  chapelle  St-Claude  et  à  rebâtir  celle-ci  telle  qu'ils  l'a- 
vaient trouvée.  Quant  au  reproche  d'avoir  troublé  les  réformés  le  1 5 
avril,  il  n'est  pas  mérité.  On  n'a  fait  à  ceux-ci  ni  «  escandale  »  ni 
injure  ;  on  a  seulement  fait  ce  à  quoi  obligeaient  leurs  scandales, 
d'eux  ;  on  devait  les  «  remonstrer  »  charitablement  sur  leurs  contra- 
ventions aux  ordonnances  de  Sa  Majesté. 

Le  18  septembre  1677,  la  cour  condamnait  André  Chion  aux 
dépens  à  rembourser  au  P.  Petichet.  Ajoutons  incidemment  que  le 
ministre  paraît  avoir  été  assez  bien  en  finances  ;  car  le  14  du  même 
mois  il  recevait  des  réformés  du  Pont,  par  les  mains  du  syndic 
Alexandre  Chalvet,  800  livres  «  en  pistolles  d'Espagne  escus  blancs.» 


158  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

Dans  cette  somme  figuraient  358  livres  11  sols  que  «  lad.  eglize  « 
réformée  lui  devait  pour  prêt  «  faict  à  icelle  pour  les  bastimens  de  la 
maison  d'ycelle  eglize,  »  et  315  liv.  que  lad.  église  lui  devait  par 
compte  arrêté.  Le  surplus  était  à  déduire  sur  ce  que  cette  église 
lui  pouvait  devoir  sur  «  son  estât.  » 

En  1680,  nouveaux  débats  contre  le  clergé  du  Pont  et  les  protes- 
tants. Le  Père  François  Brenier,  curé  du  lieu,  avait  adressé  une 
requête  au  baillage  de  St-Marcellin,  et  sur  ce  obtenu  le  21  août  de 
lad.  année,  de  «  Mons.  Dorsal,  assesseur  aud.  baillage,  un  décret  à 
rencontre  de  Mons''  M''  Cyrus  Chion,  alors  ministre,  de  Mons"" 
M'  Jean  Pourroy,  s""  de  Brenières,  advocat  en  la  cour,  des  sieurs 
Léonard  Macaire,  Michel  Rolland,  et  d'autres.  Mais,  les  assignations 
ayant  été  données,  Alexandre  Chalvet,  syndic,  fit  déclarer  au  P. 
Brenier  qu'au  nom  de  tous  les  susnommés  et  consorts,  il  appelle  de 
ce  décret  pardevant  la  cour  de  Dauphiné,  si  le  P.  Brenier  persiste 
dans  ses  poursuites.  Cette  déclaration  fut  signifiée  au  Père  en  la 
personne  «  d'un  sien  vallet  nommé  Anthoine,  »  le  3  septembre 
1680  (i). 

Ce  décret,  dont  nous  ignorons  l'objet,  allait  en  tout  cas  être  suivi 
de  près  par  un  autre  acte  du  pouvoir  bien  autrement  grave.  En  1681, 
un  arrêt  du  Conseil  interdit  l'exercice  du  culte  réformé  au  Pont,  et 
prescrivit  la  démolition  du  temple.  Suivant  un  récit  du  temps,  il  fut 
fermé  le  10  octobre,  par  le  P.  Brenier,  supérieur  des  Antonins  et 
toujours  curé  de  la  ville  de  Pont-en-Royans,  et  deux  jours  après  eut 
lieu  une  procession  générale,  à  laquelle  «  officiait  messire  de  la 
Jasse,  abbé  et  supérieur  général  de  l'ordre  de  Saint- Antoine,  accom- 
pagné du  grand  prieur,  des  définiteurs  et  des  religieux  de  son  ab- 
baye. »  Le  marquis  de  Sassenage,  seigneur  du  Pont,  y  assistait 
avec  plusieurs  autres  gentilhommes  et  une  foule  de  peuple  «  incroya- 
ble. " 

Les  religionnaires  s'émurent  et  tentèrent  toutes  les  démarches 
possibles  pour  obtenir  le  retrait  d'une  mesure  qui  les  frappait  au 
vif.  Alexandre  Chalvet,  que  sa  qualité  de  syndic  désignait  tout  natu- 
rellement, fut  choisi  avec  trois  autres  notables:  Jacques  Tcrrot,  Jean 
Bellier,  avocat  au  parlement,  et  Laurent  Champel,  ancien  notaire, 
pour  s'occuper  de  cette  affaire.  Bellier  et  Chion,  ministre  du  Pont, 
firent  à  ce  sujet  le  voyage  de  Paris  ;  mais  toutes  les  démarches 
restèrent    sans   résultat,  et  l'arrêt  fut  maintenu.  Dès  lors,  la   situa 

(1)  Arch.  et  fonds  cit.  ;  — Accahias,  op.   cit.,  passim. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  I59 

tion  des  protestants  du  Pont  fut  des  plus  critiques,  et  Cyrus  Chion, 
que  nous  ne  voyons  plus  au  Pont  après  1682,  ne  crut  avoir  rien  de 
mieux  à  faire  pour  exercer  son  humeur  impétueuse,  que  d'aller  en 
1680  commander  les  Vaudois  du  Piémont,  sous  les  ordres  du  fameux 
Henri  Arnaud  (i). 

Cependant  un  coup  encore  plus  terrible  allait  frapper  les  protes- 
tants. L'esprit  de  mutinerie  inhérent  à  ces  sectaires,  tenait  les  provin- 
ces méridionales  de  la  France  dans  une  irritation  continuelle  ;  des 
conspirations  s'organisaient  ;  les  habitants  des  Cévennes,  du  Vivarais 
et  du  Dauphiné  s'armaient,  se  fortifiaient  dans  des  châteaux  et  détrui- 
saient les  églises.  Louis  XIV,  qui  ne  voyait  pas  seulement  en  eux  des 
dissidents  en  religion,  mais  encore  des  rebelles,  de  mauvais  citoyens, 
voulut  en  finir  avec  les  huguenots  et  signa  la  révocation  de  l'édit  de 
Nantes.  L'ordonnance  révocatrice,  datée  du  18  octobre  1685,  enjoi- 
gnait aux  ministres  de  la  Réforme  qui  refuseraient  de  se  convertir, 
de  sortir  du  royaume  dans  les  15  jours  de  sa  publication.  Tous  les 
temples  devaient  être  rasés,  et  il  était  défendu  aux  religionnaires  «de 
s'assembler,  pour  faire  l'exercice  de  leur  religion,  en  aucun  lieu  ou 
maison  particulière,  sous  quelque  prétexte  que  ce  pût  être.  »  A  cette 
condition  seulement  ils  pouvaient  continuer  leur  commerce  et  jouir 
de  leurs  biens  sans  être  troublés  ni  empêchés. 

A  cet  orage,  beaucoup  de  réformés  renoncèrent  sans  difficulté  à 
un  culte  inconnu  de  leurs  aïeux.  Pont-en-Royans  fut  témoin,  dans 
la  seule  année  1685,  de  223  actes  d'abjuration.  Quelques  religion- 
naires, alarmés  des  entraves  qu'on  mettait  à  la  liberté  de  leur  cons- 
cience, allèrent  à  Genève,  à  Lausanne  ou  ailleurs.  D'autres,  mais  en 
petit  nombre,  restèrent  au  Pont,  gardant  leur  croyance,  la  prati- 
quant paisiblement  à  l'ombre  du  foyer.  Quant  au  temple,  sa  démo- 
lition, ajournée  quelque  temps,  fut  faite  en  1688  par  des  ouvriers  de 
St-Marcellin,  ceux  du  Pont  n'ayant  pas  voulu  s'en  charger  (2).  Il 
n'en  reste  plus  rien  aujourd'hui  ;  mais  le  nom  porté  par  le  lieu  qu'il 
occupait,  est  là  pour  attester  qu^  jadis  il  y  eut  au  Pont  l'autel  des 
révoltés,  à  quelque  pas  seulement  du  véritable  autel  de  Jésus-Christ. 

Les  protestants  s'étaient  créé  au  Pont,  comme  ailleurs,  une  posi- 
tion exceptionnelle  ;  leurs  ministres  tenaient  des  actes  de   naissance 

(i)  Rochas,  Biogr.  du  Dauph.  I,  39-40  ;  —  Notice...  Terrot,  p.  38  ;  —  Accarias, 
op.  cit.,  p,  56. 

(2)  Vincent,  op.  cit.,  loo-i  ;  —  Not...  Terrot,  p.  40;  —  Accarias,  op.  cit., 
p.   56-7. 


l6o  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

et  de  décès;  ils  avaient  un  cimetière  particulier,  ainsi  qu'un  bureau 
de  charité.  Par  la  révocation  de  ledit  de  Nantes,  leur  existence 
ottîcielle  fut  brisée  ;  puis,  peu  à  peu  toute  dissidence  disparut,  pour 
faire  place  à  l'unité  civile  et  religieuse  et  à  la  fusion  des  cœurs. 

Après  ces  mesures,  inspirées  d'ailleurs  au  grand  roi  par  des  motifs 
plus  politiques  que  religieux,  la  population  du  Pont,  évaluée  à  270 
ménages  dans  un  document  officiel  rédigé  vers  1687  (i),  offrait  au 
zèle  du  curé  et  des  autres  religieux  antonins  du  Pont,  un  champ 
intéressant  mais  difficile.  Les  échos  qui  nous  sont  parvenus  de  leurs 
efforts  pour  amener  à  la  foi  catholique  les  âmes  encore  infectées  du 
venin  de  l'hérésie,  nous  disent  assez  qu'ils  furent  admirables  de  piété 
et  de  zèle. 

Dès  1697  la  paroisse  était  régie  par  le  prieur  même,  Antoine  Tru- 
chet.  Ce  vénérable  religieux  avait  une  église  en  assez  bon  état  et 
munie  d'ornements.  Nous  avons  surtout  remarqué  dans  un  inventaire 
de  1697  :  «  un  grand  soleil  d'argent  cizelé  ;  un  ciboire  d'argent  doré 
et  cizelé,  »  et  2  autres  calices  d'argent  avec  leurs  patènes  ;  des  boîtes 
d'argent  pour  l'huile  des  infirmes,  pour  celle  des  catéchumènes  et 
pour  le  saint  Chrême  ;  une  cuiller  d'argent  pour  baptiser  ;  2  chasses 
en  bois  doré  où  il  y  avait  «  plusieurs  S'"  Reliques  »  ;  i  «  reliquaire 
d'arquemie  »  contenant  des  Reliques  ;  i  bannière  ayant  d'un 
côté  la  Ste-Vierge  et  de  l'autre  St-Pierre  ;  ^  pierres  sacrées  ;  i  taber- 
nacle au  maître  autel  ;  1  «  grand  tableau  de  18  pieds  »  de  haut  et  re- 
présentant un  «  crucifix  et  Notre-Dame  des  Douleurs,  St-Pierrc,  St- 
Jean  et  St-Antoine,  qui  »  était  «  au  maître  autrcl  ;  »  2  «  tableaux  du 
Sauveur  et  de  la  Ste-Vierge  à  cadres  dorés;  deux  autres  tableaux  de 
la  mesme  grandeur  et  qualité  à  cadres  noirs  ;  un  tableau  de  St- 
Joseph  de  six  pieds  ;  »  i  autre  tableau  de  6  pieds  représentant  la 
descente  de  la  croix. 

Antoine  Truchet  s'occupait  avec  soin  de  distribuer  aux  pauvres  les 
secours  légués  par  des  particuliers  ou  prélevés  sur  le  bénéfice  du 
lieu  en  leur  faveur,  comme  on  le  voit  par  des  actes  de  1699  et  des 
années  suivantes. 

Après  Truchet,  qui  disparait  du  Pont  en  1705,  on  voit  un  de  ses 
successeurs,  parmi  lesquels  était  en  1726  et  en  1728  le  R.  P.  Gratas, 
faire  donner  au  Pont,  par  le  célèbre  P.  'Vigne,  une  mission  impor- 
tante. Le  16  juin  1731,  révcquc  de  Grenoble  accordait  à  ce  grand 
missionnaire,  converti  du  protestantisme,  des   pouvoirs  <■  pour  faire 

(i)  Vincent,  op.  cil.,  p.    loi  ;  —  Lacroix,  Invent,  cit.,  C  925. 


DE    PO\T-EN'-ROYANS.  l6l 

la  mission  de  Pont-en-Royans  pendant  trois  mois,  et  pour  recevoir 
les  abjurations  des    nouveaux  convertis.  » 

Malgré  le  bien  que  fit  cette  mission,  le  curé  du  Pont  eut  le  regret 
de  voir  rester  loin  du  bercail  quelques  endurcis,  bien  rares  il  est  vrai. 
Parmi  ces  victimes  de  l'hérésie  calviniste  était  une  dame,  d'ailleurs 
d'un  grand  mérite,  à  laquelle  le  zèle  sacerdotal  procura  les  meilleures 
exhortations  et  plus  salutaires  avis,  et  qui  cependant  mourut  protes- 
tante le  30  mai  1747,  et  fut  enterrée  dans  son  jardin,  près  de  la  rue 
de  Portagnès  (  1  ). 

Au  clocher  étaient  alors  plusieurs  cloches,  car  le  budget  commu- 
nal de  1740,  à  côté  de  6  livres  pour  le  cierge  pascal,  porte  12  livres 
pour  deux  sonneurs  de  cloche. 

Nous  ne  connaissons  aucun  événement  extraordinaire  pour  le 
temps  de  Jean-Xicolas  Baverel,  curé  du  Pont  en  1749  et  1750  (2J,  à 
moins  qu'il  ne  fût  encore  au  poste  en  1761,  époque  vers  laquelle 
l'administration  locale  publia  un  arrêt  qu'il  y  a  lieu  de  signaler. 

Jadis,  on  le  sait,  beaucoup  de  personnes  étaient  ensevelies  à  l'om- 
bre des  autels,  dans  Tégiise  même  où  elles  avaient  prié  et  adoré. 
Les  plus  précieux  avantages  résultaient  de  cet  usage,  où  il  n'y  avait 
rien  que  d'édifiant  et  de  religieux.  .Mais  parfois  le  nombre  des  per- 
sonnes qui  voulaient  être  ensevelies  dans  l'église  n'était  pas  en  rap- 
port avec  l'étendue  et  les  proportions  étroites  du  lieu  saint.  La  mu- 
nicipalité du  Pont,  s'inspirant  des  exigences  de  la  salubrité  publique 
et  peut-éti"e  aussi  des  doctrines  d'une  philosophie  anti-chrétienne, 
défendit  toute  inhumation  dans  l'église  du  lieu.  Cependant,  pour  ne 
pas  froisser  trop  vivement  les  habitants,  qui  s'obstinaient,  malgré  les 
ordonnances,  à  vouloir  prier  sur  la  tombe  des  morts,  elle  autorisa 
encore  de  nouvelles  sépultures,  moyennant  toutefois  un  impôt  de  48 
francs  ;  «  elle  acquit  aussi  hors  de  la  ville  un  emplacement  pour  en 
faire  un  cimetière  (1761).  Mais  l'ancien,  qui  s'étendait  devant  l'église, 
trouva  de  chaleureux  défenseurs,  lorsqu'on  agita  la  question  de  son 
abandon:  des  souvenirs  de  famille^  la  crainte  de  voir  foulés  aux  pieds 
les  restes  de  ceux  qu'on  avait  aimés,  des  affections  qui  prenaient 
leurs  racines  dans  le  cœur,  il  fallait  combattre  ces  sentiments,  il 
fallait  les  effacer;  ce  n'était  pas  chose  facile. 

(i)  Arch.  et  fonds  cit.  ;  — Xotice...   Tcrrot.  pp.  46-9,  59-60  et  125  ;  — Veyrenc, 
Vie  du  'P.    Vigne,  pp.  43,  i  19  et  397. 
(2)  Minutes  de  M"  Combe,  reg.  div.  ;  Vincent,  op.  cit.,  p.   106-7. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

L.    FILLET. 


MÉLANGES 


Testament  de  noble  et  puissant  seigneur  Gabriel  de  Rossillon, 

CHEVALIER,   SEIGNEUR    DU    BoUCHAGE,    DE  BraNGUES,  d'OrNACIEU, 

et  coseigneur  de  Commelle. 

(Traduction  abrégée). 

«  Au  nom  de  Celui  qui  de  rien  a  créé  toutes  choses....,  l'an  de  la 
bienheureuse  incarnation  1461,  et  le  25  décembre,  pardevant  nous 
Jean  Fevret  de  Revel,  et  ilumbert  Barrin  de  Beaurepaire,  notaires 
delphinaux  et  les  témoins  ci-dessous  nommés,  s'est  établi  person- 
nellement noble  et  puissant  personnage,  le  seigneur  Gabriel  de 
Rossillon,  chevalier,  seigneur  du  Bouchage,  de  Brangues,  d'Or- 
nacieu,  et  coseigneur  de  Commelle,  lequel  par  la  grâce  de  Dieu, 
jouissant  de  toute  son  intelligence,  mémoire  et  entendement,  quoi- 
que gravement  malade ,  ayant  formé  le  signe  de  la  croix  en  di- 
sant :  Au  nom  du  Père,  du  Fils,  et  du  St-Esprit,  Amen,  a  fait  son 

testament  nuncupatif,  comme  il    suit  : Le  testateur  a  choisi  sa 

sépulture  dans  le  couvent  des  Frères  Augustins  de  Morestel,  dans 
l'endroit  qu'il  a  indiqué  au  sieur  Prieur  du  dit  couvent  ;  son  héritier 
universel  y  fera  faire  une  tombe  de  forme  carrée,  en  pierres,  de  la 
profondeur  de  deux,  pieds  environ,  dans  laquelle  il  veut  cire  enseveli. 
Sur  cette  tombe  ou  sur  son  couvercle  de  pierre,  il  veut  cju'on  grave 
ces  mots  :  Ci-git  le  seigneur  (Gabriel  de  RossiUon,  chevalier,  sei- 
gneur du  Bouchage,  fils  de  noble  cl  puissant  personnage  Guillaume 
de  Rossillon,  qui  fut  le  fondateur  de  ce  couvent  et  de  son  église.  Ce 
tombeau  s'élèvera  audessus  du  sol  de  la  hauteur  de  quatre  doigts. 
Devant  ce  tombeau  il  sera  fait  une  custodie  (i),  en  pierres  blanches, 
bien  taillées  et  ornées,  pour  y  déposer  le  corps  du  Christ,  dans  la 
forme  de  celle  qui  est  dans  l'église  des  Jacobins  de  Lyon,  et  selon 
toutes  les  dispositions  qu'il  aprises  avec  le  dit  ]-*rieur.  Cette  custodie 
sera  offerte  par  son  héritier  universel  à  l'église  et  au  couvent  des 
Augustins  de  Morestel,  au  premier  chapitre  qui  s'y  tiendra,  pendant 
la  grand'messe,  avec  dcju/e  louis  d'or  pour  son  entretien. 

(1)  Un  cihoriitiii,  un  labcrnaclc  mural,  une  niclic  ou  cavitc  rcrmcc. 


MÉLANGES.  163 

Le  testateur  donne  et  lègue  pour  la  construction  du  chœur  de 
l'église  du  dit  couvent  de  Morestel,  tant  pour  les  verrières  que  pour 
les  autres  choses  nécessaires,  deux  cents  écus  d'or  neufs,  une  fois 
donnés. 

Item,  il  donne  et  lègue  une  maison  qu'il  a  commencé  à  construire 
pour  le  dit  couvent. 

Item,  il  donne  et  lègue  au  dit  couvent  deux  cents  écus  d'or  neufs 
pour  achever  la  dite  maison. 

Item,  il  donne  et  lègue  au  dit  couvent  son  pré  du  Bruni,  au  man- 
dement de  Septème,  avec  toutes  les  appartenances  et  dépendances 
du  dit  pré,  à  la  condition  qu'à  l'avenir  quatre  frères  du  dit  couvent 
réciteront  le  psautier  dans  le  chœur  de  leur  église  tous  les  vendredis 
des  Quatre-Temps,  et  le  \' endredi-Saint,  et  que  le  lendemain  des  dits 
jours,  le  Prieur  comptera  à  chacun  des  dits  frères  quatre  gros,  avec 
les  messes  prescrites  par  le  testateur 

Item,  il  veut  que  son  héritier  universel  offre  au  dit  couvent,  à  la 
grand'messe,  le  second  jour  du  dit  chapitre,  un  reliquaire  {tabulle- 
rium  de  reliquiis  :   une  tablette  de  reliquesj. 

Item,  il  veut  que  le  troisième  jour  du  dit  chapitre,  son  héritier 
universel  offre  au  dit  couvent,  à  la  grand'messe,  un  vase  d'argent 
couvert  et  doré  {scyphum,  un  ciboire)  portant  sur  le  pied  et  sur  le 
couvercle  les  armes  de  l'Empire  (i). 

Item,  il  veut  que  pour  la  sûreté  de  la  dite  tablette  des  reliques  et 
du  vase  d'argent,  le  Prieur  fasse  fermer  avec  de  gros  fers  ronds  la 
dite  custodie  où  l'on  déposera  la  dite  tablette  et  le  vase  sacré. 

Item,  que  le  q*"  jour  du  chapitre,  à  la  grand'messe,  son  héritier 
universel  offre  deux  psautiers  neufs,  et  tous  les  autres  livres  d'église 
que  le  testateur  a  achetés  lui-même  dans  la  ville  d'Aguion 

Item,  il  donne  et  lègue  au  dit  couvent  des  Augustins  de  Morestel, 
pour  les  dépenses  du  dit  chapitre,  50  écus  d'or  neufs,  une  fois  donnés. 

Item,  il  veut  que  le  premier  lundi  dud.  chapitre  qui  doit  être  celui 
de  la  Pentecôte,  les  religieux  présents  au  dit  chapitre  célèbrent  leurs 
messes  et  autres  offices  divins,  et  que  ses  exécuteurs  testamentaires 
leur  donnent  un  diner  selon  les  convenances  du  jour. 

Item,  le  dit  seigneur  testateur  affirme  que  le  sieur  Pierre  Tho- 
massin  de  Lyon  lui  doit  mille  écus  d'or  anciens  qu'il  lui  a  prêtés  ;  il 
veut  qu'au  moyen  de  cet  argent,  ses  exécuteurs  testamentaires  fas- 
sent célébrer  400  messes  et  réciter  407  psaumes   dans   l'église   de  la 

(i)  Persécuté  par  Louis  XI,  il  parait  renier  sa  patrie. 


104  MÉLANGES. 

Grande-Chartreuse,  et  distribuent  le  surplus  des  fonds  aux  pauvres 
deJ.-C. 

Item,  il  donne  et  lègue  à  noble  dame  Françoise  de  Rossillon  sa 
très  chère  nièce,  fille  de  noble  Gu}"-  de  Rossillon,  femme  de  noble  et 
puissant  seigneur  Jean  de  Compeys,  seigneur  de  Torens,  500  francs 
de  monnaie  royale,  une  fois  payés,  en  outre  de  la  dot  qui  lui  a  été 
assignée  — 

Item,  il  donne  et  lègue  à  noble  et  puissant  seigneur  Jean  de  Tho- 
lonjon,  chevalier,  son  très  cher  neveu,  500  francs  de  monnaie 
royale,  une  fois  payés,  pour  tous  ses  droits  dans  l'héritage  du  tes- 
tateur  

Item,  il  donne  et  lègue  à  noble  Jean  de  Montchcnu.  seigneur  de 
Ratières,  son  très  cher  neveu,  mille  écus  d"or,  pour  tous  ses  droits 
dans  l'héritage  du  testateur 

Item,  il  donne  et  lègue  à  noble  Pierre  de  Toveria  (Thouvières), 
60  écus  d'or,  une  fois  payés,  pour  tous  ses  droits  dans  l'héritage  du 
testateur 

Item,  à  noble  Anselme  de  S.  Genis,  60  écus  d"or,  une  lois  payés 
pour  tous  ses  droits 

Item,  à  Jean  Coppier,  60  écus  d'or,  une  fois  payés 

Item,  à  noble  François  du  Bourg,  son  serviteur,  60  écus  d'or,  une 
fois  payés,  avec  tous  les  arrérages  qui  peuvent  être  dûs  à  son  frère 
Armand  du  Bourg....;  plus  au  dit  b^-ançois  du  Bourg,  en  récom- 
pense de  ses  bons  services,  une  vigne  située  à  S.  Georges  (d'Espé- 
vanche?),  ainsi  que  son  buchcrage  dans  les  forets  de  Chano  et  de 
la  Blache  ;  plus  au  dit  b'rançois  du  Bourg,  sa  vie  durant,  l'ofiice  et 
l'exercice  de  ses  chatellenies  du  Bouchage  et  de  Brangues,  avec  les 
émoluments  qui  y  sont  attachés 

Item,  à  noble  b'rançois  Gérenton,  pour  reconnaître  ses  bons  ser- 
vices, 60  écus  d'or,  à  condition  qu'il  rendra  compte  à  son  héritier 
universel  de  l'argent  qu'il  avait  reçu  du  testateur  pour  les  dépenses 
faites  par  le  testateur  en  son  voyage  à  S.  Jacques. 

Item,  il  donne  et  lègue  à  noble  .-Vutonic,  (ille  du  seigneur  de  Gha- 
zclles,  pour  son  mariage,  cent  écus  d'or;  voulant  au  surplus  que  son 
héritier  universel  et  Béatrix,  femme  du  testateur,  nourrissent  la  dite 
Antonie,  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  mariée. 

Ilcm,  à  l'enteli'ine,  (ille  de  noble  Jean  bâtard  de  Rossillon,  seigneur 
des  Sablons,  et  qui  demeure  avec  noble  et  puissante  dame  du  Bou- 
chage, femme  du  seigneur  testateur,  100  écus  d'or,  en  récompense 
des  services  qu'elle  a  rendus  au  seigneur  et  à  la  dame  du  Bouchage. 


MÉLANGES.  165 

Item,  à  noble  Jean  Faurot,  en  récompense  de  ses  services,  40  écus 
d'or,  en  outre  de  tout  ce  que  le  dit  Jean  peut  devoir  au  dit  seigneur, 
à  titre  de  prêt,  ou  autrement  ;  de  plus,  il  lui  donne,  en  récompense 
de  ses  services,  sa  vie  durant,  l'oflice  et  l'exercice  de  la  chatellenie 
d'Ornacieu,  avec  tous  ses  émoluments,  à  la  condition  que  le  dit  Jean 
Faurot,  avant  de  prendre  possession  de  cette  chatellenie,  payera  à 
Jean  Maître,  qui  l'exerce  actuellement,  quinze  écus  d'or 

Item,  le  même  seigneur  testateur  donne  et  lègue  à  noble  et  puis- 
sante Béatrix  de  Poitiers,  sa  très  chère  épouse,  le  château  du  dit 
seigneur  testateur,  appelé  le  château  de  Brangues,  avec  toute,  la  juri- 
diction du  dit  château  et  du  mandement  du  dit  lieu,  avec  tous  ses 
revenus,  tous  ses  droits,  toutes  ses  dépendances,  à  la  condition 
qu'elle  en  jouira  sa  vie  durant  et  qu'elle  y  fera  sa  résidence.  De  plus, 
il  lui  donne,  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  la  moitié  des  vignes  dites  de 
Chulin,  que  le  dit  testateur  possède  au  mandement  de  St  Thendcre 
(St. -Chef)  ;  plus,  sa  vie  durant,  toute  la  vigne  que  le  dit  seigneur  du 
Bouchage  possède  à  Sermérieu,  au  mandement  de  Morestel.  De 
plus,  le  dit  testateur  donne  et  lègue  à  la  dite  Béatrix  de  Poitiers,  sa 
très  chère  épouse,  la  moitié  de  tous  les  biens  meubles  existant  dans 
le  château  de  Brangues  et  dans  le  mandement  du  dit  lieu,  pour  en 
faire  tout  ce  qu'elle  voudra. 

Item,  il  donne  et  lègue  à  l'hôpital  de  Morestel  qu'il  a  récemment 
construit  lui-même,  pour  l'amour  de  J.-C,  et  pour  secourir  les  pau- 
vres de  J.-C.  qui  viendront  à  l'avenir  au  dit  hôpital,  une  vigne  que 
possède  le  dit  testateur  au  vignoble  de  Planèze,  situé  au  mande- 
ment de  St-Chef,  pour  l'avoir  acquise  par  voie  d'échange  contre  la 
vigne  de  Chassignière,  sise  au  même  mandement,  à  la  condition  que 
le  vin  qui  en  proviendra  sera  donné  et  distribué  aux  pauvres  de  J.-C, 
dans  le  dit  hôpital,  par  le  ou  les  recteurs  du  dit  hôpital.  —  Et  pour 
que  le  dit  hôpital,  par  lui  construit,  soit  convenablement  et  utilement 
administré,  le  dit  seigneur  du  Bouchage,  nomme  pour  recteur  et 
administrateur  de  la  dite  maison  hospitalière  et  de  tous  ses  biens 
meubles  et  immeubles,  savoir  :  son  héritier  universel  ci-dessous 
nommé,  et  le  prieur  du  dit  couvent  des  Augustins  de  Morestel,  avec 
pleins  pouvoirs  d'administrer,  au  profit  des  pauvres,  excepté  le  droit 
d'aliéner  les  biens.  —  De  plus,  pour  l'entretien  du  toit  et  pour  les 
réparations  du  dit  hôpital,  le  dit  seigneur  testateur  donne  et  lègue 
au  dit  hôpital,  un  pré  appelé  de  Marsange,  situé  sous  la  ville  de 
Morestel.   —   De  plus,   il  lègue  à  l'employé  ou   régisseur  qui   aura 


l66  MÉLANGES. 

personnellement  soin  des  pauvres,  et  qui  pourvoira  à  leurs  besoins, 
trois  sctiers  de  froment  de  rente  (i)  — 

Item,  il  donne  et  lègue  à  la  maladerie  d'Ornacieu,  construite  et 
fondée  par  le  dit  testateur,  tant  pour  les  besoins  des  pauvres  lazares 
du  Christ,  que  pour  les  autres  choses  qui  y  seront  nécessaires, 
d'après  la  décision  de  ses  exécuteurs  testamentaires,  cent  florins 
de  monnaie  courante  ;  lesquels  loo  florins  seront  déposés  dans  une 
caisse  dont  le  curé  de  Pénol  aura  une  clef,  et  une  seconde  clef  sera 
entre  les  mains  du  possesseur  du  dit  château  d'Ornacieu.  jusqu'à 
l'emploi  complet  et  final  de  la  dite  somme. 

lion,  il  abandonne  pour  l'amour  du  Christ,  à  Pierre  Alonni  du 
Bouchage,  tout  ce  que  celui-ci  pourrait  rester  devoir  au  dit  testateur 
et  à  son  père 

Item,  au  nommé  Charneron,  du  dit  lieu  du  Bouchage,  tout  ce  qu'il 
peut  lui  rester  devoir  ainsi  qu'à  son  père. 

Item,  au  nommé  Gourju,  tous  les  arrérages  dûs  au  testateur  et  à 
son  père,  à  cause  de  ses  comptes. 

Même  legs  à  François  Bolliat  du  Bouchage.  Ses  exécuteurs  testa- 
mentaires trancheront  la  question  relative  à  André  Garagnon  et 
Antoine  des  Roches. 

Item,  il  remet  à  son  cuisinier  François  Falconnet  tous  les  arréra- 
ges que  lui  et  son  frère  défunt  devaient  à  leur  seigneur;  de  plus,  il 
lui  donne   trente  écus  d'or,  en  récompense  de  ses  bons  services. 

Item,  30  écus  d'or  à  Antoine  Fournier,  dit  Mijot,  son  cuisinier,  en 
récompense  de  ses  bons  services. 

Item,  60  écus  d'or  à  son  serviteur  Guillaume  de  Loques,  en  ré- 
compense de  ses  bons  services  ;  moyennant  quoi  il  jeûnera  cinq 
jours  de  vendredi  et  un  samedi,  au  pain  et  à  l'eau,  à  l'intention 
du  testateur;  et  si  «on  héritier  universel  est  en  retard  de  lui  payer 
ces  60  écus  d'or,  il  ajoutera  un  écu  et  demi  par  mois  de  retard,  pour 
les  intérêts  ;  car  le  testateur  veut  ainsi  compléter  la  récompense 
des  services  de  Guillaume  de  Loques  ;  —  de  plus,  il  donne  au  dit 
G.  de  Loques  un  de  ses  habits  de  drap  gris,  de  drap  noir,  lourré,  et 
un  de  ses  manteaux  ;  de  plus,  son  héritier  universel  remettra  au 
même  Guillaume  de  Loques  six  écus  d'or,  une  fois  payes,  pour  en 
faire  l'emploi  qu'il  lui  a  secrètement  indiqué  ;  de  quoi  il  charge  sa 
conscience. 

(1)  Il  existe  à  la  bihlioUièciuc  de  GreiKjhlc  un  he;ui  Milume  in^iiuisciit  latin  et 
frangilis  de  i'époquc,  sur  parcliemin,  conlenaiU  un  ic^leinenl  de  riiûpilal  de  .Moiestej 
et  de  celui  d'Ornacieu,  de  l'an    1450. 


MÉLANGES.  167 

Item,  il  donne  et  lègue  aux  frères  religieux  de  Beaurepaire  qui 
sont  à  son  service,  à  Beaurepaire,  dix  écus  d'or  ;  de  plus,  au  Prieur 
des  dits  frères  de  Beaurepaire,  quatre  écus  d'or,  avec  i6  écus  d'or 
pour  la  réparation  de  leur  église  :  ce  qui  fait  trente  écus  d'or  qu'il 
leur  lègue,  afin  qu'ils  recommandent  son  àme  à  Dieu  dans  leurs 
prières. 

Item,  il  donne  et  lègue  à  noble  Jeanne  de  Rossillon,  dite  Bonnarde, 

fille  du  seigneur  de  Beauretour,  cent  florins  d'or,  une  fois  payés 

Item,  il  donne  et  lègue  à  Laurence,  fille  de  noble  François  Bernard, 
qui  demeure  avec  la  dite  noble  et  puissante  dame  Béatrix,  très  chère 
épouse  du  testateur,  loo  florins  d'or,  une  fois  payés. 

Item,  10  écus  d'or  à  noble  Jean  Maitre,  en  récompense  de  ses 
services. 

Item,  à  noble  Antoine  de  Claveyzon,  en  récompense  de  ses  ser- 
vices, 20  écus  d'or,  une  fois  payés. 

Item,  à  noble  Arthaud  de  Bocsozel,  4  écus  d'or,  une  fois  payés. 
Item,  à  Jean  Berchet,  dit  Jean  Petit,  trois  écus  d'or,  une  fois  payés. 
Item,  à  Jean  Berchet  Escoffier,  trois  écus  d'or. 
Item,  au  frère  Jean  de  Beaujeu,  un  écu  d'or. 

Item,  aux  l'eligieux  de  Chavrères  de  Châteauneuf-de-Galaure, 
20  écus  d'or,  pour  l'amour  de  Dieu,  afin  qu'ils  viennent  en  aide  à 
son  âme. 

Item,  à  M^  Antoine  de  Fabreca,  de  l'ordre  des  Augustins,  à  Beau- 
repaire, 4  écUS  d'or,  une  fois  payés,  en  retour  de  ses  services. 

Item,  le  dit  testateur  veut  et  ordonne  que  les  vêtements  de  deuil 
de  la  noble  et  puissante  dame  son  épouse,  et  les  vêtements  de  toutes 
les  personnes  de  sa  maison  soient  livrés  sans  retard  par  son  héritier 
universel. 

Enfin,  quant  à  tous  les  autres  biens  meubles,  droits,  actions, 
créances  appartenant  au  dit  seigneur  du  Bouchage,  le  dit  seigneur 
nomme  pour  son  héritier  universel,  le  noble  et  puissant  personnage 
et  seigneur  Falque  de  Montchenu,  seigneur  de  Chateauneuf-de- 
Galaure.  Il  le  charge  de  payer  tous  ses  legs  et  aumônes,  d'éteindre 
toutes  ses  dettes,  sans  forme  de  procès,  en  donnant  simplement 
connaissance  du  fait  à  la  sainte  mère  l'Eglise...., 

Pour  exécuteurs  de  ses  dernières  volontés,  le  dit  seigneur  nomme 
M'  frère  Claude  Poleti,  provincial  des  Augustins,  frère  Pierre  Poil- 
Blanc,  prieur  des  Augustins  du  dit  couvent  de  Morestel,  et  noble 
Ilumbert  Damesii,  Jean  Donat  de  Rossillon,  seigneur  de  Sablon, 
François  du  Bourg,  François  Gerenton,    et  noble  frère  Antoine  de 


MELANGES. 


\''ineu,   prieur  du   prieuré  de   Chavano,  et  Chantre  de  St. -Chef 

à  chacun  desquels  le  testateur  lègue  20  écus  d'or. 

Révoquant  tout  autre  testament,  codicille  et  donation  pour  cause 
de  mort 

Fait,  lu  et  récité  dans  le  château  de  Beaurepaire,  dans  la  salle  su- 
périeure, en  présence  d'honnêtes  \'incent  Barbier,  châtelain  du  dit 
lieu,  P'rançois  de  Grasse,  Arthaud  Prévôt,  Jean  Grimaud,  Pierre 
Josserand,  lean  de  Montromain,  Philibert  Lionne,  Pierre  Gros, 
Guillaume  de  La  Pouille,  et  plusieurs  autres  témoins.   » 

Extrait  de  l'original  trouvé  dans  un  protocolle  relié  en  parchemin 
de  feu  M'  Lambert  Barrin,  de  son  vi\-ant  notaire  delphinal  de  Beau- 
repaire.  Signé  Barrin,  et  Chatellan,  notaire-commissaire.  (Papiers 
des  Augustins  de  Morestel,  aux  archives  de  l'Isère). 

«  La   maison  du  Bouchage   était   alors   en   la  possession  de 

Messire  Gabriel  de  Rossillon,  lequel  fut  emprisonné  au  château  de 
Beaurepaire  ;  ses  biens  saisis  et  annotés  sous  la  main  du  roy  ; 
commissaires  députés  au  régime  d'iceux,  et  après  longue  détention 
ledit  Rossillon  mourut  dans  ladite  prison,  après  avoir  fait  son  testa- 
ment de  l'an  14^)1,  et  le  23  décembre,  et  par  iccluy  institué  héritier 
messire  balque  de  Montchcnu,  seigneur  de  Châteauneuf  ;  lequel 
seigneur  de  (Jlhâteauneuf,  par  le  testament  de  Messire  Claude 
(Guillaume)  de  Rossillon,  père  du  dit  messire  (jabriel,  était  substitué 
au  dit  messire  Gabriel  mourant  sans  enfants  mâles  légitimes,  en  la 
terre  du  dit  Bouchage  ;  au  moyen  de  quoy,  par  le  décès  du  dit 
Gabriel  sans  enfants  mâles  ni  autre,  le  dit  seigneur  de  Montchcnu 
aurait  dû.  tant  par  substitution  que  par  institution,  succéder  en  tous 
les  biens  du  dit  de  Rossillon.  lu  par  ce  que  les  dits  biens  étaient 
tous  saisis  sous  la  main  du  I^oy,  le  dit  seigneur  de  Châtcauneui  s'en 
alla  à  la  cour,  pour  en  avoir  la  main  levée  de  Sa  Majesté,  "i  étant 
trouvé  messire  llumberl  de  Baternay,  écuyer  des  écuries  de  Sa 
Majesté,  le  seigneur  de  Châteauneuf  s'adressa  à  lui  comme  étant  le 
plus  en  faveur  auprès  du  Roy,  pour  obtenir  cette  main-le\ée  ;  mais 
au  lieu  de  ce  faire,  Ilumbert  de  Baternay  supplia  le  Roy,  de  sa 
puissance  absolue,  de  commander  au  dit  seigneur  de  Montchcnu  de 
lui  donner  sa  fille  aince,   nommée  Georgette,  en   mariage,  et  avec 

icelle  les  droits  qu'il  prétendait  à  la  dite  succession  du  Bouchage » 

Ms.  de  Guy  .Ai.i.aki).  U.80,  n"  8,  conservé  à  la  bibliothèque  de  (i renoble. 

Chorier  raconte  tous  les  malheurs  arrivés  à  l'alque  de  Montchcnu 
pour  ne  s'être  pas  prêté  de  bonne  grâce  à  cette  combinaison. 

AUVERGNE. 


NOTES 


LA  COIIANDERIE  DES  ANTONINS 


A   AUBENAS,   EN   VIVARAIS. 


(Suite) 


Les  commanderies,  outre  les  aumônes  particulières  qui  leur  in- 
combaient, avaient  à  payer,  comme  on  l'a  vu  ci-dessus,  un  tribut  à 
la  maison-mère  pour  lui  permettre  de  faire  face  à  ses  charges  plus 
lourdes  que  celles  des  succursales.  Les  commandeurs  étaient  priés 
de  ne  pas  faire  attendre  leurs  denrées  et  leurs  tributs  pécuniaires  de 
chaque  année  pour  les  hôpitaux,  sous  peine  d'avoir  à  les  solder  en 
double,  quand  ils  auraient  passé  un  mois  entier,  et,  s'ils  dépassaient 
ce  second  mois,  ils  étaient  à  la  fin  excommuniés  ipso  facto.  Plus 
d'une  fois,  quand  les  commandeurs  firent  trop  attendre  leurs  subsi- 
des, on  vit  les  démembrés  de  l'abbaye  se  prosterner  devant  les  reli- 
ques de  St-Antoine,  et  là,  voce  hmentabili,  réclamer  leurs  droits 
violés  (i). 


Une  série  d'actes  relatifs  à  St-Antoine  d'Aubenas,  passés  le  30 
décembre  de  cette  même  année  142g,  semble  indiquer  que  bien  des 
règlements  de  compte  se  faisaient  à  cette  époque  de  l'année,  bien  que 
l'année  légale  commençât  alors  à  Pâques. 

(i)  Rouillé  de  l'abbaye,  cité  par  l'abbé  Dassy. 

Bull.  VII,  1887.  13 


lyo  NOTES    SUR    LA    COAIMANDERIE 

Dans  le  premier,  qui  est  passé  à  rentrée  du  portail  des  Frères  Prê- 
cheurs (Dominicains),  nous  voyons  un  nommé  Pons  Bundet  se  porter 
caution  des  engagements  pris  par  le  prieur  Archifer  vis-à-vis  du 
commandeur  Gibbertès. 

Dans  un  autre,  le  F.  François  Fournier  expose  au  commandeur 
qu'il  est  obligé  de  plaider  avec  quelques  personnes  pour  faire  valoir 
ses  droits,  mais  il  ne  peut  donner  aucune  procuration  sans  l'autori- 
sation du  commandeur.  Celui-ci  accorde  l'autorisation  demandée. 
Fait  à  Aubenas  dans  la  chambre  du  commandeur.  Les  témoins  sont 
F.  Melion  et  F.  Antoine  de  Serre. 

Le  même  jour,  le  commandeur  constitue  le  frère  Ami  Melion  et 
noble  Guillaume  de  Montgros  pour  ses  procureurs,  à  l'effet  de  vendre 
une  maison  qu'il  possède  à  Aubenas  dans  la  rue  du  Barri  et  d'en 
employer  le  prix  à  l'œuvre  de  la  fabrique  de  Sainte-Anne. 

Un  autre  acte  est  consacré  au  règlement  des  comptes  existants 
entre  Jean  de  Gibbertès,  commandeur  d'Aubenas,  et  Ami  Melion, 
commandeur  de  Gevaudan.  Celui-ci  a  été  l'administrateur  de  lacom- 
manderie  d'Aubenas  et  il  a  touché  aussi  des  recettes  de  la  comman-* 
derie  de  Tournon.  Il  en  résulte  qu'il  reste  devoir  au  commandeur 
d'Aubenas  huit  vingts  florins  qu'il  s'engage  à  payer  en  plusieurs  ter- 
mes. L'acte  est  passé  à  Aubenas  dans  la  chambre  du  commandeur. 

Dans  l'acte  suivant,  le  commandeur  d'Aubenas  reconnaît  avoir 
reçu  de  Melion  seize  florins  d'or  ou  leur  valeur  en  vingt  moutons 
d'or. 

Suit  une  quittance  du  commandeur  qui  reconnaît  avoir  reçu  de 
Jean  Colombier,  quêteur  d'Aubenas,  tout  ce  que  celui-ci  pouvait 
devoir  pour  l'affermage  de  la  commanderie  d'Aubenas.  L'acte  est 
encore  passé  dans  la  chambre  du  commandeur  et  les  témoins  sont  : 
F.  Ami  Melion,  Guillaume  Boissier  et  l'\   l^ierre  Salhencoyta. 


La  27  août  1434,  vénérable  et  religieux  homme,  messire  Jean  de 
Gibbertès,  commandeur  de  la  commanderie  d'Aubenas,  et,  avec  son 
autorisation,  religieux  homme,  F.  Pierre  Salhencoyta,  de  l'ordre  de 
Sl-Anloine,  commandeur  du  Gevaudan,  commissaire  délégué  par 
l'abbé  de  S.  Antoine,  entendent  une  requête  de  Belia  Evechia,  veuve 
de  Pons  Boiron,  laquelle  expose  qu'elle  tient  de  la  maison  de  St-An- 
toine  une  portion  de  bois  située  sur  le  territoire  de  Chassaconilhe, 
dans  le  mandement  d'Aubenas,  pour  le  cens  annuel   de  cinq  sctiers 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS,  I7I 

de  vin  pur.  —  Elle  déclare  qu'elle  ne  peut  supporter  cette  charge  et 
qu'elle  ne  pourra  garder  le  bois  si  le  cens  n'est  pas  réduit.  —  Les 
deux  religieux  font  droit  à  sa  requête  et  réduisent  le  cens  annuel  à 
trois  setiers.  —  La  veuve  Boiron  reconnaît  alors  tenir  le  bois  en 
question  de  la  maison  de  St-Antoine  et  promet  de  payer  les  trois 
setiers  chaque  année.  L'acte  est  passé  dans  le  tinel{\)  de  la  maison 
de  St-Antoine. 

Le  pénultième  jour  du  mois  de  juillet  1434,  vénérable  et  religieux 
homme,  messire  Jean  de  Gibbertès,  chanoine  du  monastère  de  St-An- 
toine, appartenant  à  l'Eglise  romaine  sans  aucun  intermédiaire,  de 
l'ordre  de  S.  Augustin,  diocèse  de  Vienne,  commandeur  de  la  mai- 
son et  commanderie  de  St-Antoine,  d'Aubenas,  afferme  à  vénérable 
et  religieux  homme  F.  Antoine  de  Bethoa,  de  l'ordre  de  S.  Augustin, 
commandeur  de  la  commanderie  de  Tournon,  savoir,  ladite  com- 
manderie de  St-Antoine  d'Aubenas  avec  ses  maisons,prairies,  vignes, 
terres,  cens,  revenus,  quêtes,  droits,  appartenances  et  dépendances, 
honneurs  et  charges,  pour  trois  années  et  trois  récoltes,  en  commen- 
çant le  jour  de  la  fête  de  sainte  Marie-Magdeleine  et  finissant  le 
même  jour  de  la  troisième  année,  au  prix  de  80  florins  de  monnaie 
courante  pour  chacune  des  deux  premières  années  ;  et  il  est  bien  en- 
tendu que,  dans  le  cas  où  la  monnaie  actuellement  courante  serait 
dépréciée  ou  qu'une  monnaie  de  moindre  valeur  courrait  pendant  les 
deux  années  susdites,  le  fermier  pourrait  payer  la  somme  susdite 
avec  cette  même  monnaie,  laquelle  devrait  être  acceptée  comme  la 
monnaie  actuellement  courante.  —  Et  si  une  autre  monnaie  plus 
forte  et  de  plus  haute  valeur  que  la  monnaie  actuelle  était  alors  en 
circulation,  le  fermier  devrait  payer  de  cette  monnaie  courante.  — 
Quant  à  la  troisième  et  dernière  année,  le  payement  devra  se  faire 
en  80  florins  d'or. 

Cet  acte  est  précédé  de  deux  autres,  passés  le  même  jour,  par  les- 
quels le  commandeur  Gibbertès  règle  tous  ses  comptes  avec  le  F. 
Salhencoyta,  qui  a  administré  la  commanderie  d'Aubenas  pendant 
les  trois  années  précédentes,  et  avec  le  F.  Antoine  de  Bethoa.—  Ce- 
lui-ci reconnaît  lui  devoir  30  florins. 

Les  trois  actes  suivants,  concernant  les  Antonins  d'Aubenas,  sont 
extraits  d'un  registre  de  Louis  Gras,  notaire  d'Aubenas  : 

Le  19  février  1436,  Antoine  de  Bethoa,  commandeur  de  Tournon, 

(i)  Tinelliis  est  employé  tantôt  comme  titu,  cuve,  et  tantôt  pour  clésio-ner  une 
pièce  de  la  maison,  laquelle  est  peut-être  le  réfectoire. 


172  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

près  Tcnh  (Tain),  diocèse  de  Valence,  donne  sa  procuration  g'cncrale 
à  Pierre  Fournier. 

Le  28  avril  1440,  providns  vir  Jean  Bergayron,  clerc  de  St- An- 
toine, habitant  à  Aubenas,  dans  la  maison  de  St-Antoine.  se  fait 
faire  une  obligation  par  Jean  Farandon,  de  Montpezat,  qui  lui  a 
acheté  un  cheval  avec  -son  bat  clitclla  et  sa  lora  ou  barda  (i),  le  tout 
au  prix  de  six  moutons  d'or.  L'acte  est  passé  dans  la  maison  de  Jean 
Maurel  dite  de  St-\'ital,  où  se  tient  la  curie  spirituelle  d'Aubenas,  ce 
qui  semble  indiquer  que  l'affaire  s'est  réglée  après  comparution  en 
justice. 

Le  16  mai  1444  ,  vénérable  homme  F.  Raymond  Rochette  , 
prêtre,  de  l'ordre  de  St-Antoine,  donne  sa  procuration  générale  à 
un  certain  nombre  de  personnes  d'Aubenas,  Viviers  ou  Nimes,  parmi 
lesquelles  nous  devons  citer  vénérables  et  religieux  hommes  Jean  de 
Gibbertès,  commandeur  de  Tournon,  Bernardin  Tailhet,  comman- 
deur de  St-Victor,  F.  Quintin,  recteur  de  la  Madeleine,  F.  Antoine 
Plagnol,  de  l'ordre  de  St-Antoine,  etc.,  etc. 


Revenons  aux  registres  de  Pierre  Rochette  : 

Le  19  novembre  1448,  F.  Antoine  de  Serre,  commandeur  de  la 
maison  de  St-Antoine,  d'Aubenas,  donne  une  terre  herme,  en  nou- 
vel accapt  et  emphytéosc  perpétuelle,  aux  frères  Guillaume  et  Fran- 
çois Lafont,  des  mas  d'Aubenas,  pour  le  cens  annuel  d'un  quarteron 
et  demi  d'avoine.  Celte  terre  est  située  au  territoire  de  Crosette  et 
touche  au  \)vc  que  la  maison  de  St-Antoine  a  de  ce  cùté. 


Le  2i,  juillet  1452  a  lieu  la  réception  d'un  nouveau  Frère  de  St- 
Antoine  à  Aubenas. 

(^e  jour-là,  dans  l'église  de  St-Antoine,  en  présence  de  vénérable 
et  religieux  homme  F.  Antoine  de  Serre,  commandeur  de  la  véné- 
rable commanderie  de  Sl-Anloinc  d'.Xubcnas,  se  présente  en  per- 
sonne lùienne  de  Missol/,  clerc  des  mas  d'Aubenas,  paroisse  de 
St-lùicnne  de  l''ontbellon,   lequel  notifie  et  expose  humblement,   de 

d;  Loium,  en  l;ilin  courroie,  réncs.  l'niiilc  se  dit  encore  en  paloi>  pour  désigner 
le  coussin  rembourré  de  pnillc  qui  sert  de  selle  pour  les  ânes  et  les   mulets. 


DES  ANTOMNS  A  AUBENAS.  I73 

vive  voix,  audit  commandeur,  qu'il  a  de  tout  temps,  par  la  permis- 
sion de  Dieu,  et  de  tout  son  cœur,  eu  le  désir  dentrer  dans  la  reli- 
gion de  St-Antoine  pour  y  servir  Dieu  et  y  remplir  un  emploi  utile 
(servire  Deo  et  famiihri),  s'il  peut  y  être  reçu,  et  c'est  dans  ce  but 
qu'il  a  servi  pendant  un  certain  temps  les  Frères  religieux  de  la  mai- 
son de  St-Antoine.  Et.  comme  il  a  appris,  dit-il,  que  ledit  comman- 
deur d'Aubenas  a  la  commission  du  Révérend  Père  en  Christ,  l'abbé 
de  St-Antoine,  de  recevoir  un  clerc  comme  chanoine  et  Frère  de  la- 
dite religion,  il  supplie  humblement  et  à  genoux  ledit  commandeur 
qui  l'écoute  et  le  comprend,  de  vouloir  bien  le  recevoir  comme  Frère 
de  St-Antoine,  attendu  qu'il  est  bien  résolu  à  remplir,  autant  qu'il 
est  en  lui,  toutes  les  obligations  auxquelles  sont  tenus  les  Frères 
reçus  dans  ladite  religion. 

Et  le  F.  Antoine  de  Serre,  commandeur  de  la  commanderie  de 
St-Antoine  d'Aubenas,  cette  requête  entendue  : 

Vu  qu'il  a  l'entière  certitude  des  bonnes  mœurs,  de  l'honnêteté, 
de  la  vertu,  de  la  capacité  et  des  aptitudes  dudit  Etienne  de  Missolz, 
lequel  sait  suffisamment  chanter  et  lire,  n'a  rien  de  difforme  et  de 
honteux  dans  sa  personne,  est  né  notoirement  d'un  légitime  ma- 
riage ; 

Vu  qu'on  n'aperçoit  pas  d'empêchement  canonique  et  que  ni  le 
commandeur  ni  les  autres  religieux  n'en  ont  aperçu  pendant  tout  le 
temps  que  ledit  Etienne  les  a  servis  dans  la  maison  de  St-Antoine 
d'Aubenas  ; 

Par  la  vertu,  le  pouvoir  et  la  licence  des  Lettres  du  R.  Père  en 
Christ,  l'abbé  de  St-Antoine,  que  le  commandeur  remet  au  notaire 
et  dont  il  lui  demande  lecture  et  dont  voici  la  teneur  : 


HuMBERT,  par  la  permission  divine,  humble  abhé  du  monastère  de  St-Antoine, 
appartenant  à  l'Eglise  romaine  sans  aucun  iptermédiaire,  de  l'ordre  de  St-Augustin, 
diocèse  de  Vienne  : 

A  notre  cher  compagnon  F.  Antoine  de  Serre,  commandeur  de  notre  maison  de 
St-Antoine  d'Aubenas, 

Salut  éternel  dans  le  Seigneur. 

Comme  le  culte  divin  dans  toutes  les  églises  reçoit  un  lustre  spécial  des  hommes 
que  distinguent  l'éclat  des  vertus  et  l'attrait  de  mœurs  louables. 

Désirant  propager  notre  religion  par  des  personnes  de  ce  genre, 

Nous  t'accordons  à  toi,  dont  la  foi,  l'habileté  et  la  légalité  nous  inspirent  pleine 
confiance  dans  le  Seigneur,  par  la  teneur  des  présentes  lettres,  dans  le  cas  où  il  se 
présenterait  un  clerc  de  bonnes  mœurs,  d'honnêtes  vertus,  capable,  sachant  suffi- 
samment lire,  chanter  et  écrire  {conscrivere),  n'ayant  rien  de  difforme  ou  de  honteux 


174  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

dans  sa  personne,  né  d'un  légitime  mariage,  et  s'il  n'y  a  pas  d'autre  empêchement 
canonique,  toutes  choses  néanmoins  que  nous  laissons  au  jugement  de  ta  conscience, 
l'autorisation  de  le  recevoir  chanoine  et  frère  de  notre  monastère  et  ordre  de  St- 
Antoine  dans  notre  maison  de  St-Antoine  d'Aubenas,  de  le  revêtir  de  notre  habit, 
de  lui  accorder  le  bénéfice  spirituel  de  notre  monastère  et  ordre,  avec  toutes  les  so- 
lennités d'usage  en  telles  circonstances,  après  néanmoins  qu'il  aura  prêté  serment, 
d'être  obéissant  et  fidèle  à  nous  et  à  nos  successeurs  canoniquement  institués,  et 
d'observer  de  toutes  ses  forces  les  statuts  de  notre  monastère  et  ordre  et  de  remplir 
toutes  les  autres  obligations.  En  foi  de  quoi  nous  avons  fait  faire  Icsdites  Lettres  et 
munir  de  notre  sceau.  Donné  dans  notre  maison  abbatiale  l'année  MCCCCXLIX  le 
dernier  jour  de  mai,  sur  l'ordre  dudit  abbé,  —  Jean  Probi. 

Lesdites  Lettres  lues  par  moi,  notaire  soussigné,   mot  à  mot; 

Voulant  procéder  à  la  commission  donnée  par  le  R.  P.  en  Christ, 
l'abbé  de  St-Antoine  ; 

Pleinement  informé,  pour  l'avoir  eu  continuellement  sous  les  yeux, 
de  l'aptitude,  de  la  probité  de  mœurs  et  de  l'honnêteté  dudit  Etienne 
de  Missolz  et  sachant  qu'il  remplit  toutes  les  conditions  indiquées 
dans  les  Lettres  susdites  ; 

Après  avoir  fait  audit  clerc  quelques  questions  auxquelles  il  a  suffi- 
samment répondu  ; 

Après  lui  avoir  lu  les  statuts  de  la  maison  qu'il  a  déclaré  bien 
comprendre,  et  après  qu'il  a  eu  prêté  le  serment  corporel  d'être  fidèle 
et  obéissant  au  seigneur  abbé  de  St-Antoine  et  à  ses  successeurs 
canoniques  ; 

Enfin,  après  toutes  les  solennités  usitées  pour  la  réception  des 
Frères, 

Le  commandeur,  ayant  devant  lui  ledit  Etienne  de  Missolz  se  te- 
nant humblement  à  genoux,  le  revêtit  de  l'habit,  de  la  puissance  et 
des  insignes  de  la  religion  de  St-Antoine. 

Cela  fait,  il  le  conduisit  devant  le  grand  autel  de  l'église,  en  face 
de  l'image  de  saint  Antoine,  récitant  et  chantant  à  haute  et  intelli- 
gible voix  le  psaume  Te  Dcum  laiidamus,  et  toutes  les  autres  forma- 
lités furent  remplies  suivant  les  Lettres  de  l'abbé  de  St-Antoine. 

Et  le  Frère  Etienne  de  Missolz  demanda  qu'il  en  fût  dressé  acte 
par  moi  notaire. 

Les  témoins  sont  :  Religieux  FF.  Antoine  de  Bethoa,  comman- 
deur de  Tournon  ;  Antoine  de  Plagnol,  archiprêtre  de  Pradelles  ; 
Pierre  Salhencoyta,  Claude  Gaud,  Jean  Barlet,  Vital  de  Missolz  et 
moi  Rochette. 


DES    ANTONINS    A    AUBENAS.  I  7  Ç 


L'abbé  de  St-Antoine,  dont  il  est  ici  question,  est  Humbert  de 
Brion,  un  des  chefs  les  plus  méritants  de  l'ordre,  qui  le  gouverna  de 
1438  à  1459.  Il  mourut,  frappé  d'une  attaque  d'apoplexie,  après  un 
discours  pathétique  qu'il  venait  de  prononcer  au  chapitre  général. 
Une  énorme  dalle  historiée,  de  pierre  dure,  qu'on  peut  voir  encore 
dans  une  des  chapelles  de  la  basilique  St-Antoine  du  Viennois,  a 
transmis  à  la  postérité  son  portrait,  ses  insignes  abbatiaux  et  le 
témoignage  en  vers  latins  de  ses  vertus  et  de  ses  services  (i). 


Le  28  février  1456,  F.  Salhencoyta,  commandeur  de  Gévaudan, 
afferme  à  Danisi  Durand  les  voyages  de  quêtes  de  sa  commanderie 
de  Gévaudan,  au  prix  annuel  de  cent  écus  d'or  du  Roi  ou  de  mon- 
naie royale  valant  deux  écus  et  demi,  d'un  quintal  de  fromage, 
payables  savoir:  25  écus  à  la  St-Martin,  25  à  la  St-Antoine,  25  à 
l'octave  de  Pâques,  et  les  25  derniers  ainsi  que  les  fromages,  à  la 
Madeleine. 

Salhencoyta  afferme  en  même  temps  les  voyages  de  quêtes  de  la 
commanderie  d'Aubenas  au  même  Danisi  Durand,  au  prix  de  50  li- 
vres 5  sols,  45  quartes  de  froment,  autant  de  seigle  et  autant  d'a- 
voine, un  quintal  de  fromage,  un  quintal  de  laine,  deux  quintaux  de 
chanvre,  trois  quartes  de  châtaignes  blanches,  trois  pots  d'huile  et 
mille  pieds  de  porcs.  Un  nommé  Olivier  se  porte  caution  pour 
Durand. 


Le  6  mars  1456,  F.  Antoine  de  Bethoa,  commandeur  de  Tournon, 
afferme  pour  trois  ans  les  voyages'. ît  quêtes  de  sa  commanderie  de 
Tournon  au  F.  Jacques  Quintin,  religieux  de  St-Antoine,  et  au 
nommé  Jean  Antoine,  pour  le  prix  annuel  de  50  moutons  ou  florins 
de  bonne  monnaie  i-oyale.  Bethoa  promet  de  remettre  aux  deux  fer- 
miers les  livres  de  quêtes  pour  qu'ils  puissent  effectuer  les  voyages. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

D^  FRANCUS. 

(i)  Voir  le  texte  de  cette  épilaphe  dans  l'ouvrage  de  l'abbé  Dassy,  p.   171. 


MANUSCRITS  &  INCUNABLES 


LITURGIQUES 


DU      DAUPHÎNE 


— — J*-«<»»=S«- 


Les  livres  liturgiques  en  usage  dans  l'Église  jusqu'à  Charlemagne 
sont  au  nombre  de  six  principaux  (i)  ;  —  i°  le  Sacramentaire  (sacra- 
mentarium,  liber  sacramentorum)  (2),  renfermant  les  prières  de  la 
liturgie  proprement  dite  et  de  l'administration  des  sacrements  :  tout  à 
la/bis  pontifical,  missel  et  rituel,  il  répond  à  /'Euchologion  des  Grecs  ; 
—  2°  le  Missel  (missale)  (3),  où  est  contenu  l'ojfice  des  messes,  à 
l'usage  des  évoques  et  des  prêtres  :  le  missel  plénier  fmissale  plena- 
rium,  [oic  simplement  plenarium)  (4)  s'est  formé  au  IX^  siècle  de  la 
réunion  des  n"^  i ,  y,  ^  et  6  (^)  ;  —  3"  /'Evangéi-iaire  (evangeliarium 
ou  evangelistarium)  (6),  formé  des  textes  de  l'évangile  à  lire  ou  à 
chanter  par  le  diacre  ;  —  4"  le  Lectionnaire  (leclionanum)  (7), 
offrant  au  sous-diacre  les  leçons  et  les  épttres  (d'où  le  nom  d'episto- 
larium  (H),   en  vieux  français  cpistolier)  à  réciter  :  la  majeure  partie 


(i)  Mautigny,  Diction,  des  antiquités   chrétiennes,    fS6'j,  p-   37-4-7- 

(2)  DucANGE,  Giossarium  médian  cl  infimcc  latinilatis,  éd.   Didot,  l.    VI. p.  /j. 

(3)  DuCANGE,   t.    IV,  p.  4^10. 

(4)  Idem,  t.  IV,  p.  4.11. 

(5)  Lcop.  Delisle,  Mémoires  sur  d'anciens  Sacramcntaircs,  1886, p.  $7- 

(6)  DicANGK,  l.  III,  p.    112. 

(7)  Idem,  l.  IV,  p.  57. 
(B)  Idem,  /.  III,  p.  6]. 


MSS.   ET    INCUNABLES    LITURGIQUES.  I77 

de  celles-ci  étant  de  saint  Paul,  on  l'a  encore  appelé  apostolus  (i)  ;  — 
5*'  le  Bénédictionnaire  (benedictionalis  liber)  (2},  renfermant  les 
bénédictions  spéciales  aux  évêqucs  et  aux  prêtres  ;  —  6°  /'Antipho- 
NAiRE  (antiphonarium)  (3),  comprenant  les  parties  de  la  messe  qui 
sont  chantées  par  le  chœur  :  on  l'a  appelé  aussi  cantatorium  (4)  et  en 
France  graduale  (^),  parce  quil  se  plaçait  sur  un  pupitre  (gradus). 

La  liturgie  de  l'Eglise  Romaine  est  actuellement  contenue  dans  six 
livres  authentiques  :  le  Missel,  le  Bréviaire,  le  Rituel,  le  Pontifical, 
le  Cérémonial  des  évêques  et  le  Martyrologe. 

Depuis  quelque  tejnps  les  anciennes  éditions  liturgiques  sont  deve- 
nues l'objet  de  la  poursuite  passionnée  des  amateurs,  qui  consacrent 
souvent  à  leur  acquisition  des  prix  fabuleux.  Dès  1S62  Brunet  disait 
déjà  :  Les  vieux  livres  de  liturgie  sont  fort  recherchés  et  se  payent 
même  assez  cher  (6).  Que  dirait-il  aujourd'hui  oii  le  Missel  de 
Paris  de  148g,  vendu  jadis  20  liv.  (7),  est  mis  en  vente  à  ^00  liv. 
(10,000  Jr.)  ?  (8)  Il  ne  paraîtra  pas  inutile,  à  un  autre  point  de  vue, 
d'étudier  les  antiquités  liturgiques  de  notre  province.  Ces  notes  assez 
brèves  ne  préjudicieront  pas  à  des  notices  plus  détaillées  :  elles  auront 
l'avantage  de/aire  connaître  des  monuments  pour  la  plupart  uniques, 
exposés  par  là  même  à  bien  des  chances  de  destruction  et  de  dispersion. 

VALENCE 

1°  Coutumier  de   1355   environ. 

Ce  précieux  manuscrit  est  offert  en  vente  par  la  librairie  ancienne 
Rosenthal,  de  Munich,  au  prix  un  peu  exorbitant  de  ^000  fr.  Il  m'a 
été  donné  de  ï examiner  à  loisir,  tout  récemment,  à  Grenoble  dans  le 
cabinet  du  prince  des  bibliophiles  Dauphinois,  M.  Eug.  Chaper. 

Le  volume  primitif  (je  parlerai  en  dernier  lieu  de  la  reliure  actuelle) 
mesure  en  hauteur  26g  millim.  et  en  largeur  20<). 

Les  6  premiers  feuillets,  en  parchemin  réglé  à  la  pointe,  renferment 
le  Calendrier  ;  il  fait  mention  des   saints  Dauphinois  ou  Français  qui 

(1)  DUCANGE,    t.    I,  p.     ^24 

(2)  Idem,  t.  I,  p.  6^9. 

(3)  Idem,  t.   I,  p.   yo^. 

(4)  Idem,  t.  H,  p.    1 10. 

(5)  Idem,   l.  III,  p.   ^4^. 

(6)  Manuel  du  libraire,  t.  Ill,  c.   1774,  à  lapin  de  Vart.  Missale. 

(7)  Brunet,  t.  III,  c.   1764. 

(8)  Bern.  Quaritch,  Monuments  of  the  early  printers,   70  mars  1887.  p.  3764. 


lyS  MSS.   ET  INCUNABLES   LITURGIQUES 

suivent  :  —  Januarius.  17,  Marcelli  efpiscop)i  conf(essons).  23, 
Barnardi  episc.  conf.  26,  Sulpicii  episc.  31,  Translacio  m(arty)rum 
Felicis,  Fortunati  et  Achiley,  duplex.  —  Februarius.  5,  Aviti  episc. 
conf.,  renvoyé  au  6.  —  Aprilis.  i,  Hugonis  episc.  conf.  20,  Mar- 
celini  conf.  23,  Felicis,  Fortunati  et  Achiley  mart.  —  Maius.  ii, 
Mamerti  atque  Majori  episcoporum  et  conf.  —  Junius.  8,  Medardi 
episc.  conf.  17,  Translacio  sancti  AppoUinaris  conf.  28,  Yrenei  et 
sociorum  episc.  mart.  —  Augustus.  5,  Dedicacionis  ecclesie.  12, 
Inventionis  reliquiarum  Valencie.  —  September.  22,  Mauricii  et 
sociorum  ejus  mart.  23,  Unio  ecclesiarum  Valentinensis  et  Diensis. 
—  October.  5,  ApoUinaris  episc.  conf.  —  November.  7,  Restituti 
episc.  conf.  14,  Ruphi  episc.  conf.  16,  Galle  virginis.  18,  Romani  et 
Theofredi  martyrum.  re7ivoyés  au  20.  19,  Severini,  Exuperii  et  Feli- 
ciani  mart.  —  December.  17,  Lazari  episc.  mart.  2g,  Trophimi  episc. 
conf.,  renvoyé  aie  yo. 

A^otons  encore,  aw  25  mars  :  Mie  mutantur  equinoctium,  anni  ab 
incarnacione  Domini  et  passione  Domini.  —  Une  main  postérieure  a 
ajouté  au  bas  de  février  les  vers  suivants  : 

Tune  bisextus  erit,  per  partes  iii)'"'  equas 
Annos  partiri  cum  poteris  annos  Domini  ; 
et  en  mai  ceux-ci  :  Ver  fugat  Urbanus  (25  7naiJ, 

Estatem  Simphorianus  C22  août), 
Post  venit  autumpnus  hyempsque, 
Et  sic  totus  clauditur  annus. 

Les  feuillets  numérotés  j  à  clxxij  sont  en  papier,  qui  a  pour  filigrane 
deux  boules  réunies  et  traversées  par  une  barre  terminée  en  croix  ^ 
chaque  quaternion  est  renforcé  par  deux  onglets  en  parchemin,  lun  en 
dehors,  l'autre  en  dedans  du  cahier  ;  l'écriture  ronde,  en  rouge  et  noir^ 
est  à  deux  colomies. 

Le  titre  de  l'ouvrage  est  inscrit  en  rouge  au  recto  du  f°  j  :  ^  In 
nomine  Domini,  amen.  Incipiunt  consuetudines  seu  constitutiones, 
régule  et  ordinaciones  ecclesie  Valentmensîs,  secundum  usum  et 
modum  ibidem  ab  olim  servatum  et  consuetum,  circa  divina  officia 
exercenda  et  ordinanda.  Et  primo  in  octabis  Natalis  Domini  seu  in 
festo  Circumcisionis  ejusdem,  et  in  aliis  festis  et  diebus  per  anni 
circulum   ut  sequitur.   Kalendis  januarii,  scilicet   in   octabis   Natalis 

Domini,    sonantur  signa  duppliciter   ut  in   festo  ejusdem —   Un 

bénédictin,  dom  E.  Bourigaud,  a  fait  sur  ce  ms.  des  remarques 
qui  en  indiquent  bien  l'objet  et  l'importance  :  Ce  Coutumier  de  l'église 


DU    DAUPHINE    :     VALENCE.  179 

de  Valence  renferme,  non-seulement  YOrdo  ou  partie  liturgique  pro- 
prement dite,  mais  encore  les  Conslitutiones,  les  règles  de  cette 
église.  Toutes  ses  différentes  parties,  réunies  sous  le  nom  générique 
d'usages  possédant  déjà  un  certain  degré  d'ancienneté,  ab  olim  ser- 
vait, ne  sont  pas  extraites  d'une  règle  générale.  Spéciales  à  l'église 
de  Valence,  elles  se  groupent  autour  de  l'office  canonial,  célébré  avec 
un  grand  éclat  et  un  grand  lu.xe  d'ornements  sacrés.  L'esprit  de  foi 
qui  régnait  alors  explique  l'abondance  de  détails  liturgiques  qui,  de 
nos  jours,  seraient  retranchés  comme  une  superfétation.  Ce  principe 
surnaturel  resplendit  à  chaque  page  du  volumineux  ms.  et  entre- 
tient dans  le  personnel  nombreux  de  la  cathédrale,  depuis  l'évêque 
et  l'abbé  jusqu'au  dernier  clericulus,  un  élan  qui  subsistera  jusqu'à 
la  fin  du  XV"  siècle....  Ce  codex  est  donc  plus  qu'un  simple  cérémo- 
nial. Quelques  extraits  des  rubriques  en  relèveront  le  prix  plus  qu'ils 
ne  le  défloreront,  bien  qu'il  ne  soit  pas  à  croire  qu'on  entreprenne 
jamais  sa  publication  ititégrale. 

F"  xviij  v°  :  Si  vero  fiât  festum  baculi....  —  F"  xix  :  Et  notandum 
quod,  quando  episcopus  célébrât  missam,  nullus  minister  altaris 
mitram  portare  débet  nisi  solus  episcopus.  —  F"^  xlviij  :  Ordo  ad 
cineres.  —  F°  lix  v"  :  Dominica  Ramispalmarum  ;  /"  Ix  :  Pulsata 
tercia  cum  majori  campana,  conveniunt  omnium  ecclesiarum  con- 
ventus  cum  crucibus  suis,  et  très  cruces  discooperte  feruntur  de 
dompno  et  vexilla  non  portantur  ;  v°  :  Floribus  benedictis,  feruntur 
per  chorum,  offerendo  can(onicis)  et  aliis  de  choro  qui  accipere  vo- 
luerint....  —  F°  Ixvij,  dans  /a  Letania  on  mvo.^'we  .•  sancte  Corneli, 
s.  Cypriane,  s.  Félix,  s.  Fortunate,  s.  Achillee,  s.  Appollinaris,  s. 
Avite,  sancta  Galla.  —  F"  Ixxix,  à  la  fête  des  saints  Félix,  Fortunat 
et  Achillee  :  finita  tercia,  fit  processio  sollempniter...  et  portatur 
archa  martyrum. 

F°  Ixxxij  v°  .•  §  Et  est  sciendum  quod  diebus  martis  et  mercurii 
ante  Rogationes,  et  etiam  diebu's  martis  et  mercurii  post  festum 
beati  Luce  euvangeliste,  sancta  synodus  in  ista  ecclesia  celebratur  ; 
/""  Ixxxiij  :  §  Et  notandum  quod  in  hac  synodo  maii,  primo  dicitur 
a  capellanis  synodi  missa  mortuorum  sollempniter,  cum  processione 
consueta.  Et  fiunt  prime  exequie  supra  tumbam  dom'  Cv";  Lan- 
thelmi  quondam  episcopi  Valentinensis  (i),  que  est  juxta  capellam 
Sancti  Appollinaris...   Et  notandum  quod,   absente  episcopo,  abbas 

(i)  Auparavant  abbé  de  la  Chaise-Dieu;  voir  le  Nécrologe  de  St-Robert  de  Cor- 
nillon  (Docum.   inéd.  relat.  au  Dauphiné,  t.  H,  ^'  Hvr.),  p.  2,S'  et  70. 


l80  MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

Saonis  fde  Saou)  tenet  synodum  pro  ipso  vel  vicarius  generaiis  in 
spiritualibus  episcopi  supradicti. 

F°  Ixxxiv  v°,  aicx  Rogations  :  §  Pulsata  tercia,  conveniunt  omnium 
ecclesiarum  consueti  venire  conventus,  videlicet  ecclesiarum  Sancti 
Pétri  de  Burgo,  Sancti  Felicis,  Sancti  Johannis,  Sancti  Martini, 
Sancti  Jacobi  et  Sancti  Victoris,  cum  vexillis  seu  baneriis  et  cruci- 
bus,  ad  majorem  ecclesiam 

F"  cxij  v"  :  §  Nonas  augusti,  in  dedicatione  majoris  ecclesie  Va- 
lentinensis  (i),  sonantur  signa  duppliciter  cum  trignoleto.  De  même, 
f°cxxij:  IX  kal.  octob.,  in  festo  unionis  ecclesiarum  Valentinensis 
et  Diensis  (2).  —  Touchant  la  sonnerie  des  cloches,  on  trouve  ail- 
leurs :  Sonatur  Bauda  (f"  Ixxxiv  v°)  ;  Sonatur  Félix  ff°  Ixxxix  v°j  ; 
Sonatur  classicum  ff  cv  v^j  ;  voir  aussi  plus  loin. 

F°  cxlj  :  Et  notandum  quod  in  isto  festo  (de  l'apôtre  saint  Thomas, 

le  21  déc.) quidam  clericulus  Valentinorum  legit  alta  voce,  accen- 

tando  ut  est  moris,  rythmum  electionis  episcopi...  Pendajit  le  Te 
Deum,  assumitur  episcopus  et  ponitur  super  tumbam  marmoream 
que   est    in  medio  capituli  ;  puis  a  lieu  l'élection  d'un  abbé  des  clercs. 

—  F^  cxlvj  :  In  festo  Sanctorum  Innocentum  ;  y"  cxlviij  :  Post  mis- 
sam  incontinenti  fiunt  exequie  in  cyminterio,  supra  tumbam  illius 
episcopi  qui   hoc  festo  migravit...;  J'°  cl  :   Si  fiât  festurn  baculi  seu 

bordoni...,   bordonerius  cum    capa  sua   nova  in  stallo   prepositi 

Suit  un  curieux  tropc  du  Deus  in  adjutorium  :  «  De  supernis  affero 
nuncium  »,  en  .^  strophes  de  ^  vers. 

F°  cl  v"  :  Recurrendum  est  exnunc  ad  principium  hujus  libri,  in 
quo  libro  omnia  sunt  notala  ad  plénum,  juxta  usum  ecclesie  Valen- 
tine,  cum  regulis  generalibus  que  sequntur.  —  F^  clj  :  Sequitur 
régula  de  officiis  sanctorum  qui  remanserunt  a  die  Ascentionis  Do- 
mini.  —  F"  clij  v"  :  Régula  quomodo  fit,  dicitur  et  ordinatur  officium 
iMortuorum  per  annum  in  ecclesia  Valentina.  — F"  cliij  v"  .  Rubrica 
de  officio  béate  Marie  Virginis,  quomodo  ordinatur  per  totum  an- 
num, quando  hore  dicuntur  de  ipsa  in  choro.  —  F°  clvj  :  Régula  de 
missis  sollempnibus  de  Cruce,  tempore  paschali,  in  diebus  venerinis. 

—  Etc.,  etc. 

P"  clvij  :  In  festis  pro  quibus  classicum  propulsatur,  est  preccntor 

(1)  Par  le  pape  Urbain  //,  le  y  août  /095  (Jaffé,  Keg.  pont.  Rom.,  éd.  2»  ,  t.  I, 
p.  680  ;  Bull,  d'hist.  et  d'archcol.  du  dioc.  de  Valence,  l.  If,  p.  /07-6). 

(2)  Par  le  pape  Grégoire  X,  le  2$  sept.  i2j^  (Potthast,  Hcg.  pont.  Rum., 
n°  2107S). 


DU    DAUPHINE    :    VALENCE.  ICI 

in  choro  cum  capa  serica...  De  festis  pro  quibus  Bauda  tantum- 
modo  pulsatur  ;  v°  :  De  pulsatione  ca(m)panarum  ad  horas  consuetas 
et  de  modo  pulsandi.  —  b^  dviij  :  De  lecturis  ordinandis  per  annum; 
y"  dix  :  Régula  de  lectionibus  ystorie  terminandis  per  magistrum 
chori. 

F"  clxv°  :  Quomodo  dicitur  missa  pro  electione  episcopi  facienda.... 
Finita  missa,  intrant  capilulum  ad  electionem  faciendam...;  v°  :  Hiis 
peractis,  pergunt  Vyennam  ad  faciendam  confirmationem.  —  P" 
clxij  :  Sequitur  forma  juramenti  per  electum  vel  episcopum  de  novo 
receptum  ab  hactenus  consuetum  :  «  Audite,  vos  clerici  Valentine 
ecclesie...  Ego  Gonlardus,  mutato  nomine...  »  Ce  serment,  qui  se 
poursuit  en  langue  romane,  remonte  certainement  au  XF  siècle,  car 
on  ne  connaît  qu'un  évêque  de  Valence  du  nom  de  Gontard,  dont  fat 
fixé  l'avènement  à  loôy  (i).  —  Cum  autem  electus  fuerit  conse- 
cratus  et   redierit  de  Vyenna,    ipso    appropinquante   civitatem    Va- 

lentie —    1°    :    Régula   qualiter    recipitur    summus   pontifex    in 

adventu  suo  ad  civitatem  Valentie...  Et  simili  modo  recipitur  legatus 
de  latere  missus  vel  alias  apostolice  sedis  nuncius. 

F°  clxiij  :  Régula  pro  missa  nova,  quando  cantatur.  —  Régula 
qualiter  fit  quando  sanctimoniales  consecrantur  in  ecclesia  Valen- 
tina...;  v"  :  Et  notandum  quoai  in  istis  consecrationibus  fit  sermo 
per  episcopum  vel  alium  ante  euvangelium  lingua  materna.  —  Se- 
quitur forma  juramenti  prestandi  per  abbatem  Saonis  et  priorem 
Sancti  Felicis,  in  eorum  primo  adventu...  :  sic  juravit  R.  de  Bor- 
dellis,  abbas  Saonis  (2).  —  F"  clxiiij  :  Régula  de  sepultura  épis- 
copi  mortui,  canonicorum,  clericorum  et  laycorum.... 

F°  clxix  :  Sequntur  quedam  statuta  antiqua  in  generalibus  capi- 
tulis  preteritis  édita,  que  hic  ponuntur  ut  servitores  ecclesie  sepe 
videndo    firmiter    observent,    si   perjurium    cupiunt    evitare.   Primo 

super  servicio    altariorum — ,  F"  clxxj  v"  :   Et   iste  sunt    régule, 

consuetudines,  ordinationes  et  statuta  inter  cetera  venerabilis  eccle- 
sie Valentine,  correcta  et  emendata  mandato  capituli  ipsius  ecclesie, 

(.1)  Cartul.  de  St-Pierrc  du  Bourg,/».  7.  Voir  un  document  en  langue  vulgaire, 
qui  rappelle  les  droits  de  ceprélat,  dans  la  Rev.  des  Sociétés  savantes,    i86y,  4' s., 

t.     VI,  p.  42]-]2. 

(2)  Cet  abbé  de  Sainl-Thiers  de  Saou  doit  être  Raymond  qui,  institué  par  le 
pape  Innocent  VI,  le  9  janvier  i]S3'  *^  démit  de  ses  fonctions  en  i]S'^  (GaUia 
Christ,  nova,  t.  XVI,  c.  y 49).  Le  Coutumier  de  Valence  nous  révèle  qu'il  était  de 
Bourdeaux  (à  9  kilomètres  j  /  2  de  Saou). 


l82  MSS.    ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

anno  Domini  M°  CGC"  L"  primo  (i).  Et  mandantur  per  ipsum 
capilulum  plenius  observari  ;  et  si  aliqui  ipsius  ecclesie  subjecti 
super  premissis,  quod  absit  !  in  servando  négligentes  fuerint  vel 
rebelles,  noverint  se  per  ipsum  venerabile  capitulum  graviter  pu- 
niendos,  ad  finem  quod  cedat  ceteris  in  exemplum. 

Les  parties  chantées  de  l'office  sont  notées  en  plain-chant.  Le  béné- 
dictiti  cité  plus  haut  fait  à  cet  égard  les  remarques  suivantes  :  Défi- 
gurées par  le  déchant  et  les  autres  manières  de  chanter  alors  en 
usage,  ces  mélodies  (Grégoriennes)  étaient  subordonnées  aux  fan- 
taisies plus  ou  moins  artistiques  des  officiers  du  chœur,  leur  vo- 
lonté était  la  suprême  règle,  notamment  lorsque  la  fête  était  dite  : 
fête  du  bâton.  L'office  devenait  alors  une  véritable  représentation 
théâtrale  ;  les  pièces  liturgiques,  farcies  pour  la  plupart,  compor- 
taient un  rythme  emphatique  et  quelque  peu  dansant,  au  grand 
détriment  du  vrai  rythme  Grégorien,  si  simple,  si  naturel  et  surtout 
si  suave....  Les  éléments  farcis  de  la  mélodie  sont,  à  la  messe,  ré- 
ser\'és  pour  la  communion,  mais  les  autres  parties  chantées,  même 
les  longues  vocalises  répétées  aux  versets  des  alléluias,  restent  tra- 
ditionnelles. 

Les  ff'.  lyy  v"  et  lySr"  sont  couverts  de  diverses  notes  dues  aux  pro- 
priétaires successifs  du  manuscrit  ;  en  voici  quelques-unes,  distribuées 
aussi  chronologiquement  que  possible  :  -  Sunt  folio  Vlll^^^.  —  Iste 
Gonstitutiones  sunt  mei,  Ferralhonis.  —  Libri  per  Bibliam  ordi- 
nati  :....  Sic  est,  Ferralhonis. 

Si  longue  sapiens, 

Si  parvus  umilis,  ^  J  y^^.^^^^  ^^  ^^^^^^  ^^,.^  , 

Si  ruphus  corde  fidelis  , 

Hec  sunt  miracuUa  seli. 
llcc  sunt  xiijcim  rnisse  votive  ad  peucndum  (lire  pctcndum)  gra- 
ciam  domini  nostri  Jhesu  Xpisti  :....  —  Iste  Goustumc  sunt  dom'  J. 
Fabri  (effacé).  —  Iste  liber  est  dom'  johannis  Fabri,  presbyteri  V^a- 
lentie,  quem  legavit  dom'  Petrus  Rebolli,  canonicus  Valcntic,  cujus 
anima  requiescat  in  pace,  amen. 

Anno  Domini  M"  GGG"  LXXXIII J'"  et  die  xx;»  mensis  augusti, 
fuit  factus  clericus  ecclesie  Valentine  Johannes  l'abri,  filius  Poncii 
Fabri,  de  Aur(iisj,  nepos   Johannis  l-'abri,  presbyteri   Valentie,  filius 

(i)  Celle  dalc  de  i  y;  i  n'est  point,  comme  on  Va  cru,  celle  de  la  rédaction  de  ce 
ms.:  il  est  certainement  postérieur  à  /,'5^  et  probablement  antérieur  à  ij^8 
(voir  la  note  précéd.). 


DU    DAUPHINÉ    :    VALENCE.  183 

Guigonis  Fabri  ;   et  fuit  factus  idem  Johannes  per  dom.  Durandum 
Champelli,  presentorem  dicte  ecclesie  Valentine  (i). 

Ita  est  per  me  Johannem  Fabri,  presbyterum  Valentie. 

Anno  Domini  M"  CCC°  LXXXIX",  fuit  factus  episcopus  clerico- 
rum  Vaientie  Johannes  Fabri,  nepos  meus,  filius  Poncii  Fabri,  de 
Auriis.  —  Ita  est,  Johannes  Fabri,  presbyter  Valentie.  —  Decostitit 
michi,  omnibus  computatis,  très  flor. 

Hec  sunt  misse  de  brevi  que  dicuntur  in  ecclesia  Valentina,  de 
tempore  presenti  (13J  LXXXX  primo  :  et  primo  missa  D.  de  Cassa- 
natico  ;  missa  H.  de  Turnone  et  Johannis  de  Sancto  Anthonio  ; 
missa  R.  de   Chausenco.... 

Autre  note  du  4  décembre  1400,  signée  :  Ita  est,  Johannes  Fabri, 
presbyter. 

La  reliure  actuelle  du  ms.  doit  remonter  à  la  fin  du  XVI"  siècle  : 
elle  est  en  simple  parchemin  et  mesure  2(9j  millim.  de  haut  et  220  de 
large.  Sut  le  plat  :  Valence.  68  ;  au-dessous  :  1351,  e/  dans  une  ban- 
der olle  :  COVSTVMIE.  Au  milieu,  deux  écus  superposés,  portant  de 
gueules  à  la  croix  d'argent  :  ce  sont  les  amies  de  Valence.  On  a  ajouté 
y  ff.  de  papier  en  tête  et  i^  à  la  fin.  La  note  suivante  est  la  dernière 
qui  nous  renseigne  sur  les  péripéties  du  volume  :  Mons'  Meyssonier, 
doyen  de  l'université  de  ceste  ville  de  Valence  (2),  a  randu  ce  livre 
a  m'"  du  chapitre  de  l'esglise  cathedralle  dudit  Valence  ;  lequel  il 
avoit  trouvé  parmy  les  papiers  de  m""  le  curé  Canton  d'Armeys,  qui 
avoit  esté  maistre  de  cueur  en  ladite  esglise.  Ce  23*=  avril  1594,  ledit 
livre  a  esté  rendu.  Pieuse  a  Dieu  que  toutz  ceulx  qui  ont  des  livres, 
papiers  et  documentz  ravagés  et  pilhés  au  chapitre  de  ladite  esglise 
en  l'année  1567,  que  l'esglise  cathedralle  fust  ruynée  et  démolie  par 
les  hérétiques,  eusset  faict  comme  ledit  s'  Meyssonier  !  Nous  prierons 
Dieu  tosjours  pour  ledit  s*"  Meyssonier  ,  qui  le  conserve  en  ce 
monde  et  en   'aultre  paradis. 

2°  Missel  de   1450  environ. 

Ce  manuscrit  fait  partie  de  la  belle  bibliothèque  que  M.  Paul  Giraud, 
conseiller  à  la  Cour  d'appel  de  Lyon,  a  héritée  de  son  oncle,  M.  Paul- 
Emile  Giraud,  ancien    député  ;   le   docte  auteur  de  /'Essai  historique 

(i)  Ce  personnage  figure,  le  2y  juin  f  recèdent,  comme  prieur  séculier  de  l'église 
Saint-Pierre  du  Dourg-lès-Valence  (Cartul.   cité,  p.  y i ). 

(2)  Sans  doute  Aymar  Meyssonnier,  doyen  de  la  faculté  de  droit  (Nadal,  Histoire 
de  l'université  de  Valence,   1861,  p.  122,   12^,  1 2()  et  jg8)- 


184  MSS.    ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

sur  l'abbaye  de  S.  Barnard  l'avait  acheté  à  Vietme,  chez  le  libraire 
Girard,  et  le  fit   restaurer  et  relier   par  Tripier,  successeur  de  Bradel. 

Le  volume,  tout  en  vélin,  se  compose  de  6  feuillets  non  numérotés  et 
cxlij  chiffrés  en  haut  du  verso  :  le  ciseau  du  relieur  a  souvent  entamé 
ces  cotes,  mais  elles  ont  été  restituées  pour  la  plupart  en  chiffres  ro- 
tnains  au  XVI''  siècle  et  en  arabes  au  XVH".  Il  n'y  a  aucun  signe  de 
rappel  pour  les  quaternions.  Les  pages  mesurent  208  millim.  en  hau- 
teur et  i<)2  en  largeur  ;  les  lignes  sont  légèrement  tracées  à  la  pointe. 

Les  ff.  1-6  renferment  le  Calendrier  ;  il  contient  bon  nombre  d'ad- 
ditions à  celui  t/u  Coutumier  :  —  Jan.  i,  Clari  abbatis  {addition 
poster.).  23,  Benardi  {sic)...\  26,  S.  episc.  et  c.  31,  T...  Achillei.  — 
Febr.  6,  A.  e.  et  c.  —  Apr.  20,  Marcelli  episc.  et  c.  23,  F... 
Achillei.  —  Mayus.  i,  Andeoli  mart.  11,  M.  et  Mayoli  conf.  23, 
Desiderii  atque  Desiderii  mart.  —  Jun.  6,  Claudii  episc.  et  conf. 
{add.  post.).  7,  Sirie  virginis  {a.  p.).  8,  M...  et  c.  16,  Ferreoli  et 
Ferrucionis  mart.  28,  Hyr.  et  s.  ejus  m.  30,  Marcialis  episc.  et  conf. 
—  JuLL.  16,  Donnini  mart.  21,  Victoris  mart.  —  AuG.  5,  D-acio  e., 
Venancii  episc.  8,  Severii  conf.  12,  Invencio  r.  Valent,  ecclesie.  18, 
Donati  conf.  19,  Ludovici  conf.  20,  Philiberti  abbatis  et  conf.  21, 
Privati  episc.  et  mart.  27,  Cesarii  episc.  et  conf.  28,  Juliani  mart. 
31,  Paulini  episc.  et  conf.  —  Sept.  19,  Ferreoli  mart.  23,  M.  et  s.  e. 
24,  U.  e.  —  OcT.  I,  Germani  et  Remigii,  episc.  et  conf.  2,  Leode- 
garii  mart.  5,  A.  e.  et  c.  6,  Fidis  v.  12,  Octava  sancti  Appollinaris. 
13,  Geraldi  conf.  17,  Florencii  episc.  et  conf.  25,  Frontonis  episc. 
et  conf.  26,  Vedasti  et  Amaudi  (/.  Amandi),  episc.  et  conf.  29,  Theu- 
derii  abbatis.  —  Nov.  7,  R.  e.  et  c.  10,  Georgii  episc.  et  conf.  14, 
R.  e.  et  c.  16,  Galle  v.  et  mart.,  Eucherii  episc.  et  conf.  17,  Aniani 
episc.  et  conf.  18,  R.  et  T.  m.  19,  S.,  E.  et  F.  m.  27,  Maximi  episc. 
et  conf.  29,  Saturnini  et  S-i  mart.  —  Dec.  17,  L.  e.  et  m.  29, T.  e.  et  c. 

Auf°  j  r"  commence  le  propre  du  temps  :  Dominica  prima  adventus 
Domini  sequitur  officium.  Ad....  L'initiale  de  ce  dernier  mot  forme 
une  délicate  peinture  lie  55  mill.  carrés.  Elle  est  divisée  en  deux  com- 
partiments :  en  haut,  le  Christ  à  mi-corps,  tenant  de  la  droite  sa  croix 
et  de  la  gauche  un  livre;  en  bas,  les  armes  du  donateur  du  livre, 
Guillaume  bâtard  de  Poitiers  :  d'azur,  à  six  besants  d'argent,  posés  y, 
2  et  I ,  avec  deux  bâtons  de  gueules  en  brisure,  au  chef  d'or  {on  les 
trouve  encore  aux  ff.  ^i  v"  et  79  r").  Le  texte  est  écrit  en  lettres  rondes 
à  longues  lignes,  au  nombre  de  28  par  page,  sur  une  juslijicalion  de 
755    mill.  sur  i  décim.  Les  rubriques  sont  en   vermillon.  Les  initiales 


DU    DAUPHINÉ    :    VALENCE.  185 

des  introïts,  oraisons,  épîtres,  évangiles,  secrètes  et  postcommumons 
(compléta)  occupent  la  hauteur  de  deux  lignes  et  sont  alternativement 
rouges  sur  fond  bleu  et  vice  versa.  Les  graduels,  offertoires  et  commu- 
nions sont  en  moindres  caractères  que  le  reste.  De  grandes  initiales, 
diversement  ornementées,  toujours  entourées  de  fleurs,  se  trouvent  aux 
ff.  g  V"  (Noël),  16  r°  (Epiphanie),  jy  r"  (Pâques),  41  v"  (Ascension), 
4j  r"  (Pentecôte),  79  r°  (canon),  84  r°  (sanctoral),  97  r''  (Purifica- 
tion), 124  r°  (commun  des  saints)  et  lyy  r"  (défunts).  Ces  offices  ne 
renferment  aucune  prose. 

F"  Ixx  r"  :  §  Per  adventum  dicitur  officium  béate  Marie  ut  sequi- 
tur.  —  F°  Ixxiij  r°  :  ^'  Régula  de  missis  solennibus  sancte  Crucis 
tempore  Paschali,  diebus  veneris,  officium.  —  F"  Ixxiiij  r"  :  Gloria... 
Credo...;  v"  :  ^  Officium  béate  Marie  feria  ija  XL'  (quadragesime). 
—  F"  Ixxvj,  préfaces  de  Cruce,  apostolorum,  béate  Marie,  commuais 
(d'autres  propres  sont  insérées  dans  l'office  même). 

Auf°  Ixxviiij  r°  est  une  grande  miniature  représentant  le  crucifie- 
ment, suivant  la  forme  traditionnelle  pour  le  canon  de  la  messe  ;  on 
pourrait  signaler  dans  celui-ci  plusieurs  différences  avec  le  romaifi. 
Après  la  2"  des  oraisons  qui  précèdent  la  communion  :  Item  duas 
sequentes,  si  velit  :  Salve,  sancta  caro  Dei  ;  et  :  Mià  (=:  Anima) 
Xpisti,  sanctifica  me,  etc.,  prière  bien  induement  attribuée  à  saint 
Ignace  de  Loyola  (i).  —  F"  Ixxxiij  r"  :  §  Explicit  ordinacio  misse. 

F°  Ixxxiiij  r"  :  Incipit  proprium  sanctorale.  Nicholay  episcopi  et 
confessons,  officium.  —  A  la  Purification  on  lit  cette  rubrique  (f"  c)0 
v°)  :  Hic  aspergantur  cerei  aqua  benedicta  et  thure  adoleantur,  et 
post  illuminentur  de  igné  noviter  excusso  de  lapide,  et  dum  illumi- 
nantur  dicatur  antiphona.... 

F°  cxxiij  V"  :  Incipit  commune  sanctorum  non  habencium  officia 
propria.  In  vigilia  unius  apostoli....  —  F°  cxxxj  r°  :  Missa  beati 
Augustini  in  honore  béate  Marie  et  omnium  sanctorum  et  autres 
diverses.  —  F"  cxxxiij  r"  .•  §  Incipiunt  misse  pro  deffunctis  fidelibus, 
qui  finissent  auf°  cxxxvj  v°;  au  r°  du  suiv.  on  en  a  ajouté  (XV""  s.) 
deux  autres  pro  episcopo  vel  sacerdote  et  pro  infirmis. 

F°  cxlj  v"  (en  gothique)  :  Cest  missel  a  donné  Guillaume  Bastart 
de  Poictiers,  seigneur  de  Barri  et  de    Soyans  (2),  a  la  chappelle  de 

(i)  Cf.  V.  Baesten,  Une  inscription  latine  à  Séville  [antérieure  à  ij6ç]  et  la 
prière  «  Anima  Christi  »  dans  les  livres  d'heures  du  moyen  âge,  dans  les  Précis 
historiques  cfe  Bruxelles,   1883,  2=  sér.,t.  XII.  p.  ô-^o-^y,  grav. 

(2)    Charles  de  Poitiers,  seigneur  de  Saint- Vallier,  avait  eu  cet  enfant  naturel  sur 
Bull.  Vif,  1887.  14 


l86  MSS.    ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

Seint  Andrieu  en  chappitre  a  l'esglise  de  Seint  Apolenar  de  Valence, 
pour  dire  la  messe  qu'il  a  fundée  en  la  dicte  chappelle  a  tousjours 
mais.  La  quielle  messe  se  doit  dire  tous  les  jours  incontinent  apprés 
que  la  messe  de  l'aulbe  est  dicte.  Et  tous  les  lundis  de  la  semmaine 
le  recteur  de  la  dicte  chappelle  ou  le  chappellein  qui  chantera,  apprés 
qu'il  aura  dit  la  messe,  il  doit  aller  faire  unne  visitacion  ou  remen- 
brance  sur  la  tumbe  de  très  rev(erjend  père  en  Dieu  messire  Jehan 
de  Poictiers,  jadix  evesque  de  Valence  et  a  présent  arcevesque  de 
Vienne  (i),  davant  le  grant  autel  de  la  dicte  esglise  de  Seint  Appo- 
lenar.  Et  le  jour  du  Corps  de  Dieu  ou  la  octave  apprés,  le  dit 
recteur  est  tenu  de  dire  unne  messe  a  nocte  pour  tous  les  confrères 
de  la  confrérie  du  dit  Corps  de  Dieu  de  Valence,  qui  en  sont  et  qui 
en  ont  esté  et  qui  jamais  en  seront  ;  et  ycellui  jour  doit  mectre  ung 
povre  en  la  dicte  confrérie  au  lieu  du  dit  fundateur,  affin  que  le  dit 
povre  prie  Dieu  pour  lui  et  pour  les  confrères,  et  de  ce  est  tenu  le 
dit  recteur  de  payer  einssi  qu'ilz  font  de  coustume  tous  les  ans.  Item 
plus,  le  maniglier  de  la  dicte  esglise,  qui  que  soit,  est  atenu  de 
sonner  la  cloche  que  le  dit  fundateur  a  donnée  pour  sonner  la  dicte 
messe,  la  quielle  cloche  est  assise  dessus  le  clostre  de  la  dicte  église; 
et  la  doit  conmenser  de  sonner  le  dit  maniglier  des  le  Pater  noslcr 
de  la  messe  de  l'aube  jusques  ycelle  messe  soit  dicte  :  et  pour  ce 
faire  le  dit  maniglier  a  tous  les  ans  ung  florin  de  pension.  Et  tantost 
apprés  que  la  messe  de  l'aulbe  est  dicte,  le  chappellein  qui  doit  dire 
la  dicte  messe  fondée  en  la  chappelle  de  Seint  Andrieu  se  doit  re- 
vestir  et  aconmenser  sa  messe  :  et  ce  tous  les  jours  perpétuellement. 
Car  pour  ces  charges  faire  le  dit  fundateur  a  donné  rentes  et  pen- 
sions, comme  il  appart  par  les  instrumens  sur  ce  faitz,  receux  par 
la  mein  de  maistre  Dumenche  Syrot,  notaire  de  Valence,  le 
l'an  mil  quatre  cens  sinquante. 

Au-dessous  {écriture  du  temps)  :  f  Iste  liber  pertinet  a  me  Fran. 
Collombier,  canonicum  et  precentorem  ecclesie  Sancti  Apolinaris 
Valentie,  ce  viij"  novembre  1609.  F.  Collombier. 

ses  vieux  jours  d'une  domestique,  à  Romans.  Guillaume  moin  ut,  très  âgé,  entre  le 
2  nov.  /•/90  et  le  26  juin  sniv.  (ANSia.Mi:,  Ilist.  gcncal.  de  la  maison  de  France, 
lyjO,  L.  Il,  p.  nj<j-20()). 

(1)  Jean  de  Poitiers  avait  clù  liansféic  du  siège  de  Valence  â  celui  de  Vienne  en 
/,;^/7  (Mystère  des  Trois  Doms,  p.  76,/,  n.  2);  il  niouiul  le  S  nov.  1  IS'  cl  fut 
enterré  dans  la  cathédrale  de  \'alence  (Anski.mi-,  o/^.  t-/7.,  p.  i<)'))-  San  père,  par  son 
testament  du   18    mars    /.//",    /;/;  avait   recommande   (hulhunuc.  lui   cnjdii^nanl  de 


DU    DAUPHINE    :    VALENCE.  I«7 

At(  v°  (/"  cxlij)  :  Ex  bibliotheca  domini  Joannis  Challeraci,  sacras 
theologias  doctoris  et  decani  in  universitate  Valentise,  necnon  eccle- 
sice  collegiatae  Divi  Pétri  Burgi  canonici  ,  xij  kalendas  martii 
M.  DCLXVI. 

La  même  main  a  inscrit  sur  le  f.  de  garde  {en  parchemin)  :  Missale 
PERANTiQUM  SECUNDUM  usuM  ECCLESLE  Valenti.'E,  titre  reproduit  au 
dos  de  la  reliure  inodernc  (janséniste,  en  maroquin  noir):  le  relieur  a 
ajouté  an-dessous  :  Codex  mss.  XV"""  sœculi. 

3°  Missel  de  1504. 

C'est  ejicore  dans  le  cabinet  de  M.  Eug.  Chaper  que  se  trouve  ce 
rarissime  incunable,  dont  on  ne  connaît  que  deux  autres  exemplaires  : 
celui  de  M.  de  Terrebasse  (i)  et  celui  du  Musée  Britannique,  à  Lon- 
dres (2).  Le  xecfiiiXtov  de  M.  Chaper  a  l'incomparable  mérite  d'être 
imprimé  sur  vélin  ;  l'heureux  possesseur  actuel  l'a  fait  recouvrir  d'une 
belle  reliure  en  maroquin  noir  gaufré,  à  deux  fermoirs. 

Les  pages  mesurent  266  millim.  en  hauteur  sur  18^  de  large;  l'im- 
pression, en  rouge  et  noir,  à  2  colonnes  (leur  justification  a  2/5  mill. 
de  haut),  est  en  lettres  rondes,  de  deux  corps  différents.  Le  plain-chant 
est  Tioté  à  l'ordinaire. 

A  la  suite  de  deux  feuillets  blancs  :  §  Missale  ad  usunz  ecclesie  Valen- 
tinenszs.  |  peroptime  ordinatu;n  compleiujn  ac  diligen|ti  cura  emen- 
datu»i.  Cum  additione  plu-jriu;;?  missaru???  scilicet.  Uisitationis 
béate  ma|rie.  Transfigurationis  domini  nostri  |  iesu  xpist'i.  De  quin- 
que  plagis.  De  nomine  |  iesu.  Mortalitatz's  vitande.  De  peccatis  |  Ac 
sancioriwi  Anthonii.  Claudii.  Lazari.  |  et  Rochi.  Cum  pluribus  alijs 
in  locis  1  propriis,  Ac  ectiam  cum  henedlctionibus  Kamorum  |  domi- 
nica  in  palmis.  Cerei.  Fontiu;??.  Sab-lbato  sancto  et  in  vigilia  pen- 
thecostes  |  Candelaru;».  Jn  die  purificatzonis  béate  |  marie  faciendîs. 
Cum  cantu  et  notulis  |  in  locis  suis  necessariis. —  Au  v"  :  Régula... 
Rubrica...  Versus  : 

le  faire  étudier  jusques  à  l'âge  de  douze  ans,  et  de  l'envoyer  ensuite  en  Allemagne, 
avec  un  valet  et  deux  chevaux,  pour  y  apprendre  la  langue  Teutonique    (p.  200). 

(i)  Décrit  par  Brunet,  Manuel  cite,  t.  III,  c.  i//]. 

(2)  Cf.  W.  H.  lac.  Weale,  Bibliographia  liturgica  :  Catalogus  Missalium  ritus 
latini  ab  anno  M.CCCC.LXXV,  impressorum,  Londini,  1886,  pet.  in-^",  p.  212. 
L'auteur  mentionne  en  outre  un  Missale  Valentinense  daté  de  i^go,  qu'il  na  pas  vu 
personnellement  :  peut-être  concerne-t-il,  comme  celui  de  1^28  qu'il  décrit  après  le 
nôtre  de  1^04,  l'église  de  Valence  en  Espagne. 


l88  MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

Per  dominum  dicas,  Patrem  dum  presbyter  oras  (6  vers). 
Notabilia  carmina  dilig-enter  cogitanda  : 

Tu  quicumquc  velis  missam  cantare  sacerdos  (/o  vers). 

Les  si.x  [f.  suivants  sont  occupés  par  le  Calendrier,  qui  offre  sur  les 
précédents  cette  addition  :  Jan.  io,  Petroni  episc.  et  conf.  —  Au  bas 
de  février  :  Bisextum  sexte  martis  tenuere  kalende, 

Posteriori  die  celebrabis  festa  Matthie  ; 
Tune  (com}ne  p,   lyS)...  mi. e.         A.p.c.p.  D. 

Au  /""  suivant  :  Exorcismus  salis  et  aque. 

F°  i  :  ^]n  notnine  sanctissime  trinitatis  pa/ris  j  et  fîlii  et  spiritns  (i) 
sancti  amen.  Jncipit  ordo  j  missalis  secundum  ecclesie  Valentinensis 
vsum  I  Et  primo  missarum  officia  tam  dominicalium  quam  ferialium 
per  totum  anni  circulum.  Dominica  prima  adventus  Domini,  offi- 
cium.  —  La  Letania  (/"  c.lxxij,  par  erreur  pour  c.lviij)  offre  les  mêmes 
noms  que  le  Coutumier,  sauf  l'omission  de  saint  Avit.  —  F"  c  :  §  Ex- 
pliciunt  do?7n"nicalia  officia  |  ac  ferialia  totius  anni. 

§  Jncipit  ordo  sacerdotalis  qua-jUter  sacerdos  se  débet  habere  ad 
mis-|sam  celebranda;??.  iVimomundet  conscientiam  suam  per  veram 
confessionem,  juxta  illud  Esaye.  i.  Entre  les  (]'.  c.iiij  et  cv.  se  trouvent 
deux  feuillets  non  paginés  ;  au  revers  du  second  est  gravée  la  scène 
du  crucifiement  comme  dans  le  Missel  précédent.  —  Le  v"  du  f°  c.viij 
est  blanc. 

F°  c.ix  :  §  Jncipit  sanctorale  siue  proprium  |  sanctorum.  §  Et  primo 
in  festo  sancti  Stephani  prothomartiris,  olficium.  —  Chaque  ojjîce  a 
pour  initiale  une  lettre  de  la  hauteur  de  4  lignes,  en  blanc  sur  fond 
noir.  —  F"  c.lviij  v°  :  §  Finit  sanctorale. 

§  Jncipit  commune  sanctovum  noti  habentium  offic(za)  p?olpria.  — 
Viennent  enfin  dijjérentes  messes,  entre  autres  :  ( /'"  c.lxviij  v")  Missa 
qainque  vulnerum  Christi  devotissima,  quam  ut  fertur  habuit  per 
revelationem  beatus  Gregorius,  etc.;  (/"  c.lxx)  Missa  de  dulcissimo 
nomine  Jesu,  unde  papa  Bonifacius  dédit  tam  dicentibus  quam  au- 
dientibus  tria  milia  annorum  indulgentie,  etc. 

I-""  c.lxxij  h  :  Missale  ad  vsum  valentinenszs  |  ecclesie  peroptime 
ordinatu?n  ac  |  completuni.  Explicit  Jmpressu/n  |  valcn//c.  per  Johan- 
ne;;?  bclon   im-lpressorc;?7.  Anno  natiuitatis  domim  \  millesimo  quin- 

(i)  L'imprimeur  Jean  llelon,  mauijuanl  de  Tu  sni  monte  d'un  trail  d\ihrèviation, 
l'a  invariablemeitl  remplacé  par  /'n  avec  le  même  signe. 


DU    DAUPHINÉ    :    VALENCE.  1 89 

gentesimo  quar|to.  ix.  kalendas  ianuarii  (2^  déc.  i^o^).  Deo  Gratias. 
—  Au-dessous  devait  se  trouver  la  marque  bien  connue  de  Jean 
Belon  (i)  ;  une  déchirure  à  cet  endroit  de  l'exemplaire  de  M.  Chaper 
ne  permet  pas  cependant  de  lajjïrmer  avec  certitude.  —  Suivent  deux 
feuillets  blancs. 

(i)   Brunet,  op.  cit.,  t.  V,  c.  606. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

Ulysse  Chevalier. 


HISTOIRE     RELIGIEUSE 


PONT-EN-ROYANS 

(ISÈRE) 
(Suite) 


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Le  temps,  ce  puissant  auxiliaire  des  révolutions,  des  change- 
ments, n'exerça  ici  qu'une  action  bien  faible  et  bien  lente  ;  car  au 
commencement  de  la  Révolution,  les  propriétaires,  les  habitants  de 
la  campagne  refusaient  d'amener  leurs  bestiaux  aux  marchés  du 
Breuil:  cette  place  publique  avait  servi  de  cimetière  en  tout  ou  en 
partie,  et  était  pour  eux  une  terre  bénite,  qu'ils  ne  voulaient  pas 
profaner  (i). 

Encore  régie  par  les  religieux  antonins  en  1774,  date  où  le  R.  P. 
Fraisse  était  prieur  et  curé  du  Pont,  la  cure  subit  une  modification 
importante  à  l'occasion  de  l'union   de   l'ordre  de  St-Antoine  à  celui 

(i)  Vincent,  op.  cit.,  p.  114-6.  —  Le  nouveau  cimetière,  situé  en  dehors  et  au 
couchant  de  la  ville,  a  été  abandonné  à  son  tour,  vers  1860,  pour  faire  place  à 
l'actuel,  situé  au  pied  de  VEsserenne,  vers  la  limite  du  territoire  de  Saint-André. 


190  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

de  iMalte,  consommée  en  1775.  L'acte  de  cette  union  portait  que  le 
patronage  des  bénéfices  antoniens  appartiendrait  aux  évêques  de 
leurs  bénéfices  respectifs.  Aussi,  après  frère  Philibert  Fraisse,  en- 
core curé  du  Pont  en  1778,  la  cure  passa  à  Etienne  Chalvet,  prêtre 
séculier,  à  qui,  ainsi  qu'à  son  vicaire,  les  religieux  décimateurs  assu- 
raient un  traitement  convenable,  sans  s'immiscer  dans  l'administra- 
tion ni  dans  la  juridiction  spirituelle  de  la  paroisse. 

Comme  l'ordre  de  Malte  refusait  de  fournir  pour  logement  à  M. 
Chalvet  les  vastes  bâtiments  du  prieuré  dont  on  pouvait  tirer  un 
revenu  sérieux  en  l'affermant,  le  curé  obtint  du  Parlement  en  1782 
une  ordonnance  lui  donnant  recours  sur  la  commune.  Celle-ci  récla- 
ma contre  Malte,  et  de  là  un  procès  qui  aboutit  à  la  cession  par 
cet  ordre  d'une  vieille  maison  dépendante  de  son  enclos  et  pour  la 
restauration  de  laquelle  la  commune  donna  2,000  livres.  En  septem- 
bre 1790,  les  parties  se  renvoyaient  encore  l'honneur  de  payer  les 
frais  de  procédures. 

Il  paraît  que  M.  Chalvet  traversa  bravement  les  orages  de  la  Ré- 
volution. Lui  ou  un  autre  prêtre  du  même  nom  était  curé  du  Pont 
en  1797  (ij.  Mais  indiquons,  surtout  d'après  M.  Vincent,  quelques 
faits  de  cette  période  malheureuse. 

Aux  cris  de  pat?  te  et  d'indépendance  jetés  de  toute  part  en  1789,  la 
population  de  Pont-en-Royans  répondit  en  créant  une  garde  natio- 
nale composée  de  quatre  compagnies  et  dirigée  par  des  hommes 
importants.  «  Parmi  les  officiers  supérieurs  de  la  nouvelle  milice,  on 
remarquait  M.  Bellier,  trésorier  de  France,  seigneur  de  Prêles  et  de 
Champeverse,  colonel  ;  M.  Pierre-Joseph  Thézier,  lieutenant- 
colonel,  et  M.  Jean-Jacques  Terrot  de  la  Valette,  ancien  lieutenant- 
général  d'artillerie,  major.  Un  corps  de  garde  fut  établi  près  de  cha- 
que porte  »  de  la  ville. 

«  lin  1790,  les  gardes  nationaux  envovèrent  à  Saint-A'larcelin  une 
députation  nombreuse,  qui  assista,  le  2  février,  à  la  fête  de  la  fédé- 
ration, et  jura  en  leur  nom  qu'ils  sauraient  mourir  pour  le  roi  et  la 
Constitution. 

"  Le  7  septembre  de  la  même  année  eut  lieu  dans  l'église  parois- 
siale une  cérémonie  où  les  l^onlois  manifestèrent  ce  qu'il  y  avait 
d'ardent,  de  généreux  et  de  sympathique  dans  leurs  sentiments.  » 
Ayant  appris  la  mort  d'un  corps  considérable  de  gardes  nationaux 
sous  les  murs  de  Nancy,   ils  firent  célébrer  un  service  solennel  pour 

(i)  Arch.  diverses;  —  Vincent,  op.  cit.,  p.   116. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  ICI 

le  repos  de  leurs  âmes.  M.  Lagier  de  Vaugelas,  vicaire-général  de 
Die,  fui  chargé  de  l'oraison  funèbre,  et  s'en  acquitta  avec  un  talent 
remarquable  ;  «  ses  paroles,  religieusement  écoutées,  émurent  tous 
les  cœurs  et  réveillèrent  l'amour  sacré  de  la  patrie.  La  municipalité 
reconnaissante  vota  des  remercîments  à  l'orateur,  et  le  pria  de  lui 
remettre  une  copie  de  son  discours,  pour  qu'il  fût  conservé  dans  les 
archives  de  la  ville.  » 

Jusque-là  tout  était  bien  ;  mais,  hélas  !  des  scènes  d'un  autre 
genre  devaient  écœurer  tous  ceux  que  n'enivrait  pas  cet  amour  de 
la  nouveauté  que  César  avait  surtout  remarqué  dans  notre  chère 
patrie.  Sans  trop  nous  arrêter  à  ces  assemblées  primaires,  et  à  ces 
élections  qui,  malgré  leur  caractère  essentiellement  profane,  avaient 
lieu  tantôt  dans  l'église  paroissiale,  tantôt  dans  la  chapelle  des  Pé- 
nitents, passons  à  ce  décret  inique  de  l'Assemblée  nationale  qui  con- 
damnait au  feu  nos  monuments  écrits.  A  Pont-en-Royans,  les  fer- 
vents/)a^rîo/es  se  chargèrent  de  son  exécution.  Tous  les  papiers  des 
archives  ayant  trait  à  la  féodalité  et  aux  ordres  de  St-Antoine  et  de 
Malte,  furent  amoncelés  sur  un  bûcher  dressé  sur  la  place  du  Bas- 
Breuil,  dite  alors  la  Place  d'armes,  et  brûlés  en  présence  des  officiers 
municipaux.  Cet  acte  de  vandalisme  n'était  d'ailleurs  que  le  prélude 
d'autres  actes  plus  stupides  et  non  moins  déplorables. 

Après  avoir  poursuivi  et  immolé  les  ministres  de  la  religion,  les 
démagogues  français  décidèrent  l'anéantissement  du  christianisme 
même.  Le  lo  novembre  1793, un  décret  annonçait  que  la  religion  ca- 
tholique était  abolie  et  remplacée  par  le  culte  de  la  Raison.  Une  des 
premières  conséquences  de  cette  abolition  était  le  dépouillement  des 
églises,  qui,  devenues  temples  décadaires,  ne  devaient  offrir  aux  re- 
gards rien  de  ce  qui  peut  frapper  les  sens.  Au  Pont,  le  beffroi  conte- 
nait 4  cloches.  La  plus  pesante  était  de  282  livres  ;  la  seconde,  de 
198  ;  la  troisième,  de  169.  On  enleva  ces  trois,  sous  prétexte  d'en 
faire  hommage  à  la  patrie;  on  ne  laissa  que  la  plus  petite. 

Le  9  nivôse  de  l'an  2  (29  décembre  1793J,  PfJ'J'"  célébrer  la  prise- 
de  Toulon  sur  les  Anglais,  les  Pontois  assistent  à  un  banquet  dit 
fraternel,  mettent  le  feu  à  quelques  méchants  fagots,  puis  entonnent 
la.  Marseillaise  et  quelques  hymnes  patriotiques.  Une  illumination 
obligée  termina  la  soirée. 

Une  réunion  d'ardents  patriotes,  connue  sous  le  nom  de  Sociale 
populaire,  tenait  ses  séances  dans  l'église  du  Pont,  transformée  en 
temple  de  la  Raison,  le  21  ventôse  de  l'an  2(11   mars  1794).  Inutile 


192  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

d'ajouter  que  là  se  voyaient  pour  tous  ornements  une  tribune  d'où 
tombaient  des  harangues  passionnées,  et  un  autel  où  montait,  aux 
fêtes  sans-culotides,  une  femme  vêtue  du  bonnet  phrygien.  D'ail- 
leurs, pour  tout  changer,  même  les  noms  les  moins  religieux  et  les 
moins  féodaux,  Pont-en-Royans  devint  et  resta  plusieurs  mois 
Pont-sur-Bourne. 

Cependant,  tout  sentiment  noble  et  généreux  n'était  pas  éteint 
dans  l'âme  de  ses  habitants.  En  1794,  le  département  de  l'Isère 
ayant  offert  à  la  république  un  vaisseau  tout  équipé,  ils  y  contri- 
buèrent pour  la  somme  de  862  francs  ;  c'était  beaucoup.  Là  ne  s'ar- 
rêta pas  leur  zèle  :  comme  les  soldats  de  l'Etat  manquaient  de 
chaussures,  ils  en  firent  confectionner  un  très  grand  nombre  ;  on  les 
fabriquait  avec  une  activité  qui  témoignait  de  l'empressement  des 
ouvriers,  et  on  les  apportait  à  la  commune  au  retour  de  chaque  dé- 
cade. Jusque-là  tout  était  bien.  Mais  le  mieux  devint  l'ennemi  du 
bien.  La  tendance  de  quelques  Pontois  à  une  perfectibilité  outrée 
amena  un  curieux  combat.  Pendant  que  leurs  frères  se  battaient 
en  héros  dans  les  plaines  de  l'Italie,  eux  se  prirent  à  disputer  sur  la 
forme  que  devaient  avoir  les  souliers  destinés  aux  soldats  républi- 
cains ;  les  uns  les  voulaient  ronds,  les  autres  les  voulaient  carrés. 
Cette  querelle  eut  pourtant  une  solution  pacifique,  grâce  aux  con- 
quêtes des  armées  françaises.  Nos  braves  trouvant  dans  les  capitales 
de  l'Europe  assez  de  bottiers  pour  les  chausser,  la  générosité  et  la 
discussion  de  ceux  de  Pont-sur-Bourne  perdirent  leur  raison 
d'être  (i  ). 

Pendant  ce  temps,  où  était  le  clergé  du  Pont  ?  Nous  en  savons 
seulement  ceci.  Au  commencement  de  1793,  ^'^  culte  public  était 
aboli  au  F^ont  ;  mais  un  prêtre  courageux  et  zélé,  l'abbé  Célestin,  y 
fit  bientôt  quekjues  fonctions  saintes  en  secret.  Ainsi  il  y  était,  caché 
chez  les  sœurs  b'ontaine,  quand  l'auteur  de  la  Notice  sur  la  famille 
Terrol,  né  le  20  mars  1795,  fut  baptisé  P'^^''  ''^''  ^^  4  juillet  suivant  (j). 
Ii!n  1797  la  tempête  eut  des  moments  de  calme;  en  lévrier  de  cette 
année  «  Monsieur  le  curé  Chalvet,  du  PoiU-cn-Royans  »,  fit  audit 
lieu  les  publications  d'un  mariage  que  M.  Darène  bénit  en  règle  à 
Echevis,  le  27  dudit  mois  (3). 

Au  retour  définitif  de  l'ordre,  le  Pont,  ciuoique   amoindri,   conser- 

(i)  Vincent,  op.  cit.,  p.   i  18-2.4. 

(2)  Notice  cit.,  p.  66. 

{-])  Arch.  de  l'éf^libc  d'Echcvis,  reg.  de  calholicilc. 


DE    PONT-EN-ROYANS. 


193 


vait  cependant  quelque  chose  de  sa  supériorité  sur  les  communes 
voisines.  Il  était  chef-lieu  d'un  canton  composé  des  communes  de 
Choranche,  de  Prêles,  de  Rencurel,  de  Châtelus,  d'Auberives,  de 
Saint-Just-de-Claix,  de  Saint-André,  de  Saint-Roman,  de  Beauvoir, 
d'Iseron  et  de  Saint-Pierre-de-Cherènes.  Au  point  de  vue  ecclésias- 
tique, il  était  desservi  par  un  curé  de  seconde  classe,  auquel  ont  été 
ordinairement  confiées  depuis  la  dignité  et  les  fonctions  d'archiprêtre 
de  tout  le  canton. 

Parmi  les  ecclésiastiques  qui  ont  occupé  le  poste,  nous  connais- 
sons MM.  Gélinot,  Juvenet,  Boyoud  (devenu  en  1859  curé-archi- 
prétre  de  Morestelj,  Garcin  et  (depuis  1864)  Seymat,  curé  actuel. 

Grâce  à  l'intelligence  et  au  zèle  pieux  de  ce  dernier,  l'église  du 
Pont,  sans  avoir  les  proportions  ni  la  beauté  d'un  monument  archi- 
tectural, est  du  moins  propre,  bien  tenue  et  pourvue  d'ornements  et 
de  vases  sacrés  fort  convenables.  Elle  se  compose  d'une  nef  princi- 
pale, terminée  au  levant  par  un  chœur  ou  sanctuaire  rectangulaire, 
et  d'une  petite  nef  ou  suite  de  chapelles  communiquant  les  unes 
avec  les  autres  dans  toute  la  longueur  et  au  nord  de  la  nef  princi- 
pale. Le  tout  reçoit  le  jour  par  une  série  de  fenêtres  percées  dans  le 
mur  méridional. 

La  population  qui  n'a  guère  varié  depuis  le  XVIII''  siècle,  se  com- 
pose seulement  de  iioo  âmes  ;  mais  tous  y  sont  catholiques  ;  une 
seule  famille  y  pratiquait  naguère  le  culte  protestant,  elle  s'est  éteinte 
depuis  une  vingtaine  d'années. 

V.  —  Chapiclles  extérieures. 

Outre  les  chapelles  établies  dans  l'intérieur  de  l'église  et  dont 
nous  avons  parlé,  on  trouvait  encore  au  Pont  celles  de  Sainte-Anne, 
de  la  Ste-Vierge,  de  Notre-Dame  de  Grâce,  de  Saint-Claude  et 
des  Pénitents,  Voici  nos  renseignements  sur  chacune  d'elles. 

Sainte-Amie.  —  Dotée  par  Guignes  Cogne,  curé  de  Saint-André, 
elle  avait  en  1484  Jean  Cogne  pour  chapelain.  Le  7  mai  de  cette 
année,  Jeanne  Chaléon  y  fondait  un  anniversaire  avec  pension  an- 
nuelle d'un  florin,  au  cas  où  Guillaume  Chaléon,  son  frère,  ne  fon- 
derait pas  la  chapelle  par  lui  projetée.  Puis,  en  1497  nous  trouvons 
Sainte-Anne  à  la  présentation  des  héritiers  de  Guignes  Cogne  son 
fondateur. 

Les  biens  dont  elle  fut  dotée  lui  restaient  encore  après  les  guerres  du 
XVP  siècle,  du  moins  en  partie  ;  car  en  1625  le  «  terrier  de  Chaléon  » 


194  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

portait  «  la  maison  de  la  chapelle  Sainte-Anne,  »  alors  possédée  par 
Claude  et  Jean  Cogne.  Dès  1678  elle  était  desservie,  S'multané- 
ment  avec  celle  de  Saint-Claude,  par  les  Antonins,  qui  retiraient  à  ce 
titre,  de  toutes  ensemble,  la  somme  annuelle  de  38  livres  19  sous, 
somme  portée  à  39  livres  Tannée  suivante.  Mais  on  lit  dans  un  Etat 
de  la  maison  de  St-Antoine  du  Pont,  de  mai  17 17  :  «  Il  y  a  dans  les 
états  précédents  32  livres  énoncées  pour  messes  de  fondations  des 
chapelles  de  Ste-Anne  et  St-Claude,  auxquelles  nous  ne  satisfaisons 
plus,  parce  que  M.  Chaléon,  qui  en  est  recteur,  n"a  pas  voulu  enten- 
dre à  faire  faire  les  réparations  nécessaires  dans  la  chapelle  de  Ste- 
Anne,  où  il  manque  une  vitre  et  l'autel  n'est  pas  décent  pour  y  pou- 
voir célébrer.  Mg-r  l'Evêque  de  Grenoble,  faisant  sa  visite  en  avril 
171 5,  aïant  delfendu  de  célébrer  la  Ste-Messe  dans  la  susdite  chapel- 
le de  Ste-Anne,  si  M.  Chaléon  n'y  faisoit  faire  les  réparations  néces- 
saires ;  »  M.  Chaléon  en  a  été  averti,  mais  «  il  a  répondu  qu'il  satis- 
feroit  luy-mème  auxdites  messes.  »  Du  reste,  M.  Chaléon  «  ne 
payoit  que  6  sols  de  rétribution  par  messe,  et  souvent  nous  tirons  » 
6  sols  6  den.  et  même  7  sols  pour  d'autres  messes  (i). 

La  Sainte-V^iergc.  —  Il  y  avait  dans  le  château  du  Pont  {in/'ra 
caslrum  dicti  loci)  une  chapelle  dédiée  à  la  Sainte-Vierge  (bcata; 
Maria;}.  Elle  existait  en  1497,  comme  le  constate  le  grand  pouillé  du 
diocèse  de  Grenoble,  mais  était  alors  dépourvue  de  dotation  et  de 
recteur  (2).  Elle  dut  périr  pendant  les  guerres  du  XVl''  siècle. 

Notre-Dame  de  Grâce.  —  Apparemment  distincte  de  la  précéden- 
te, cette  chapelle,  élevée  au  quartier  de  Villeneuve  (Ville  nove  Pon- 
tis),  avait  déjà  été  l'objet  d'une  fondation  faite  par  Antoine  Cybert  et 
était  desservie  par  lui,  en  1506.  On  y  célébrait  alors  journellement  la 
sainte  messe  et  d'autres  divins  offices.  E^tienne  Déliquat  dit  lîronde, 
habitant  de  Villeneuve,  y  fonda,  le  i"  décembre  de  ladite  année, 
pour  le  repos  de  son  âme  et  de  celles  de  ses  parents  et  bienfaiteurs, 
13  messes  par  an  à  perpétuité.  Il  constitua  pour  cela  une  pension 
annuelle  de  15  gros,  hypothéquée  sur  sa  maison  de  N'illeneuve  joi- 
gnant le  rocher  de  Barret  au  levant,  et  rachetable  au  capital  de  25 
florins  petite  monnaie. 

Saint-Claude.  —  Cette  chapelle,  sous  le  vocable  d'un  saint  invo- 
qué contre  la  peste,  doit  peut-être  son  origine  au  fléau  terrible  qui 
commençait  en  mai  1484  à  sévir  horriblement  au  Pont.  l'^n  tout  cas, 

(1)  Arch.  delà   Dr.,  fonds  de  Stc-Croix  ;  —  .Marion,  op.   cit.,  p.    360. 

(2)  .Marion,  loc.  cit 


DE    PONT-EN-ROYANS.  195 

la  chapellenie  de  Saint-Claude  figure  dans  un  acte  de  1503  comme 
donataire  éventuelle  d'une  pension  de  2  florins  par  an  fondée  par 
Mathieu  Chaléou,  sacristain  du  Pont.  Plus  tard,  en  1551,  Mathieu 
Chaléon,  religieux  de  St-Antoine,  prieur  de  Vassieux,  habitant  au 
Pont,  étant  vieux  et  infirme,  faisait  son  testament.  11  y  ordonnait 
que,  sitôt  après  son  décès,  on  habillât  son  corps  «  selon  Testât  et 
qualité  de  la  personne  et  l'ordre  de  ladite  religîX)n  ;  item  plus,  que, 
avant  que  porter  sondict  corps  à  l'églize,  »  fût  «  dict  le  psautier  par 
les  religieux  du  prieuré  dud.  Pont  de  Royans,  ainsy  »  qu'il  était  de 
«  coustume,  »  et  qu'ensuite  on  donnât  à  chacun  desd.  religieux, 
avant  le  départ  de  la  maison,  3  «  sols  tournois  tous  comptant.  » 
Quant  à  sa  sépulture,  le  testateur  veut  qu'elle  se  fasse  «  en  la  cha- 
pelle de  St-Claude,  par  luy  fondée  vers  la  croix  des  Rameaux  dud. 
Pont  de  Royans,  audevant  de  l'autel,  en  la  chambre  qu'il  a  faict  nou- 
vellement fere.  » 

Cette  chapelle  et  ses  biens  eurent  beaucoup  à  souffrir  de  la  part 
des  huguenots,  car  en  1677  le  prieur  du  Pont  reprochait  à  ces  der- 
niers de  s'être  «emparés  d'un  champ  qui  appartenait  à  la  chapelle  de 
St-Claude,  dont  on  voyait  encore  alors  «  les  vestiges.  »  Le  lieu  en 
conservait  encore  le  nom  ;  mais  les  huguenots  s'en  servaient  «  pour 
enterrer  leurs  morts,  »  en  suite  d'une  permutation  qu'ils  en  avaient 
faite,  quand  ils  étaient  maîtres  au  Pont,  aveq  une  partie  du  cimetière 
de  la  paroisse  où  ils  se  enterroient.  »  Aussi  le  prieur  demandait-il 
qu'on  les  obligeât  à  rendre  le  petit  champ  de  St-Claude  et  à  en  re- 
bâtir la  chapelle  telle  qu'ils  l'avaient  trouvée. 

Rien  ne  nous  prouve  que  ce  prieur  ait  obtenu  ce  qu'il  demandait. 
Seulement,  nous  avons  vu  que  de  1678  à  1715  M.  Chaléon,  patron 
de  St-Claude  comme  de  Ste-Anne,  en  faisait  acquitter  le  service  par 
les  Antonins  ;  mais  que  depuis,  ce  M.  Chaléon  dit  qu'il  satisferait 
autrement  aux  messes  dont  se  composait  le  service  (i). 

Chapelle  des  Pénitents.  —  Il  y  eut  au  Pont  à  partir  de  1642  une 
confrérie  de  «  Pénitents  de  l'ordix  du  St-Sacrement.  »  Antérieure- 
ment à  1675,  cette  confrérie  eut  sa  chapelle  particulière,  ou  se  célé- 
braient ses  offices  particuliers  en  1676,  1679,  ^^  sans  doute  plus  tard. 
Elle  était  située  au-dessus  de  la  place  du  Breuil,  vers  la  salle  de  la 
justice  de  paix,  c'est-à-dire  à  l'emplacement  depuis  longtemps  occupé 
par  la  maison  d'école  (2). 

(i)  Arch.  et  fonds  cit. 

(2)  Ibid.  ;  ViNCKNT,  op.  cit.,  p.  96-7  ;  —  Notice...    Terrot,  p.   15. 


196  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

VI.  —  Confréries. 

De  toutes  les  confréries  qui  ont  pu  exister  au  Pont,  nous  ne 
connaissons  que  les  suivantes  : 

Confrérie  des  Pénitents  du  Très-Saint-Sacrement .  —  «  La  confré- 
rie des  Pénitents,  établie  à  Pont-en-Royans,  depuis  un  temps  immé- 
morial, parvint,  »  dit  M.  l'abbé  Vincent,  «  à  se  reconstituer  en  1642  ; 
elle  avait  sa  chapelle  particulière,  ses  offices,  ses  revenus  et  son 
chapelain.  La  foi  des  Pontois  qui  n'avaient  point  embrassé  l'hérésie 
se  conservait  vive  et  pure,  et  presque  tous,  aux  jours  de  fête  et  de 
solennité,  se  revêtaient  de  l'habit  du  gonfalon.  »  Voici  quelques  dé- 
tails sur  cette  confrérie,  sur  ses  membres  et  sur  son  service. 

Le  7  juin  1676,  le  Révérend  Père  Jacques  Petichet,  religieux  de 
l'ordre  de  St-Antoine  et  prieur  du  prieuré  du  Pont,  et  le  Rév.  Père 
Guillaume  Autin,  aussi  religieux  dud.  ordre  «  procureur  et  curé 
au  couvent  dud.prioré  »,  firent  la  convention  suivante  avec  «  les  sieurs 
Bonnet,  recteur,  et  Gaspard  Allemand,  vice-recteur  de  la  confrairie 
des  confrères  pœnitents  de  l'ordre  du  St  Sacrement  du  Pont  en 
Royans,  »  assistés  des  sieurs  Léonard  Bodoin,  François  Didier, 
Antoine  Lamberton,  Claude  Buisson,  Pierre  Giroud,  Jean  Joannes, 
Jean  Faure,  Just  Terrot,  Pierre  Albert,  Pierre  Jordan,  Claude  Gar- 
nier,  Nicolas  Michas,  Pierre  Michol,  Claude  Mathieu,  Pierre  Flater, 
Jean  Jourdan,  Pierre  Terrot,  Just  Buisson,  François  Faure  et  plu- 
sieurs autres  confrères.  Lesd.  prieur  et  procureur  s'engagèrent  à 
dire  ou  faire  dire  une  messe  tous  les  troisièmes  dimanches  de  cha- 
que mois,  le  Jeudi-Saint,  et  les  jours  de  la  Pentecôte  et  de  la  Fête- 
Dieu,  dans  la  chapelle  desd.  Pénitents,  et  ce  pendant  trois  ans 
ayant  pris  leur  commencement  aux  Pâques  dernières,  moyennant  la 
somme  de  9  livres  par  an  que  payeraient  Icsd.  confrères.  L'acte  fut 
fait  dans  la  chapelle  même  de  la  confrérie. 

Par  suite,  les  états  du  prieuré  de  167S  et  1679  portent  parmi  les 
revenus  de  la  maison  la  somme  annuelle  de  8  livres  (et  non  de  9;, 
provenant  des  messes,  c'est-à-dire  du  «  service  de  la  chapelle  des 
Pénitents.  »  Mais  ce  service  était  sans  doute  modifié  au  XV'llF  siècle, 
puisque  les  états  de  17  17  et  années  suivantes  ne  spécifient  rien  à  son 
sujet. 

llélas  !  s'écrie  avec  raison  M.  Vincent,  pourquoi  le  spectacle 
consolant,  et  édifiant  de  cette  société  «  ne  nous  est-il  plus  donné 
aujourd'hui  >  l^a  confrérie  n'existe  plus  ;  cette  institution   si  populaire 


DE    PONT-EN-ROYANS.  197 

et  en  si  grand  renom  est  tombée,  comme  tant  d'autres,  sous  les 
coups  de  la  révolution  de  89,  et  rien  n'est  resté  pour  en  perpétuer 
le  souvenir  »  (i). 

Confrérie  du  Saint-Rosaire.  —  Depuis  déjà  longtemps  une  confré- 
rie a  été  organisée  au  Pont  sous  le  vocable  du  Saint-Rosaire,  en  fa- 
veur des  dames  mariées  ou  veuves  de  la  paroisse.  Elle  prospère  et 
fait  le  bien  aujourd'hui,  grâce  au  zèle  éclairé  du  curé  actuel. 

Confrérie  de  l Immaculée-Conception .  —  Cette  confrérie,  fondée  par- 
ticulièrement pour  les  demoiselles  de  la  paroisse,  continue  de  son  côté 
à  étendre  le  règne  bienfaisant  de  la  dévotion  à  Marie  dans  les  âmes, 
à  sanctifier  ses  propres  membres  et  à  édifier  le  public. 


Vil.  —  Institutions    charitables. 

Outre  les  aumônes  privées  et  transitoires  faites  aux  pauvres  et 
indigents  par  le  clergé  et  les  habitants  du  Pont,  il  y  a  eu  dans  cette 
localité  plusieurs  institutions  de  bienfaisance  au.xquelles  leur  carac- 
tère de  généralité  ou  de  permanence  donne  un  intérêt  particulier. 
Nous  connaissons  les  suivantes  : 

Maladrcrie.  —  Les  lépreux  furent  si  nombreux  en  Dauphiné  aux 
XIII%  XIV"  et  XV"  siècles,  que  la  plupart  des  villes  ou  bourgs  durent 
avoir  à  quelque  distance  un  terrain  destiné  à  leurs  logements.  Un 
inventaire  des  biens  du  prieuré  nous  apprend  qu'en  1406  les  Anto- 
nins  avaient,  entre  autres  fonds,  une  vigne  d'environ  80  fessorées 
située  en  la  maladerie  et  qu'ils  possédaient  en  pur  et  franc  alleu  (2). 
C'est  là  une  preuve  que  le  Pont  a  eu  sa  maladrerie,  et  il  est  proba- 
ble que  les  religieux  contribuèrent  principalement  à  la  fourniture  de 
l'emplacement. 

Hôpital.  —  M.  l'abbé  Vincent  donne  ainsi  l'origine  de  cet  établis- 
sement :  «  La  peste  de  1485,  en  semant  l'épouvante  dans  nos  con- 
trées, révéla  tout  ce  qu'il  y  avait  de  noble,  d'héroïque  dans  les 
sentiments  d'amour  et  de  fraternité  qu'inspirait  la  religion  en  faveur 
de  ceux  que  le  mal  avait  frappés.  Beaucoup  de  personnes,  dont  la 
charité  se  ravivait  au  souvenir  de  tant  de  douleurs  non  soulagées, 
au  spectacle  de  tant  de  souffrances  méconnues,  léguèrent  en  cette 
année  des  sommes  suffisantes   pour  acheter   des    maisons   où    l'on 

(i)  Vincent,  op.  cit.,  p.  96-7  ;  —  Arch.  et  fonds  cit. 
(2)  Arch.  et  fonds  cit. 


198  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

recevrait  les  malades  et  les  nécessiteux.  De  là  l'origine  de  plu- 
sieurs hôpitaux.  La  fondation  de  celui  de  Pont-en-Royans  se  rat- 
tache à  cette  époque.  Il  doit,  lui  aussi,  son  existence  à  une  libé- 
ralité provoquée  par  la  présence  de  la  peste.  Le  nom  de  ses  pre- 
miers bienfaiteurs  n'est  point  parvenu  jusqu'à  nous  (i).  »  Bien 
que  l'honorable  historien  cite  les  archives  du  Pont  comme  sour- 
ce du  récit  qu'on  vient  de  lire,  nous  doutons  que  pour  un  mal 
contagieux  et  transitoire  comme  la  peste,  ont  ait  établit  dans  l'in- 
térieur du  Pont  un  asile  général  devenu  permanent.  Quant  à  la  date 
de  l'érection,  même  incertitude.  Voici  tout  ce  que  des  renseignements 
positifs  nous  permettent  d'affirmer. 

Par  suite  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  en  1685,  «  les  reve- 
nus de  l'hôpital  ou  bureau  de  charité  des  protestants  »  du  Pont  «  et 
les  biens  du  consistoire  devaient  être  frappés  par  la  proscription;  on 
les  confisqua  au  profit  de  l'hôpital  des  catholiques,  mais  avec  la 
charge  de  pourvoir  aux  besoins  des  pauvres  et  des  nécessiteux  cal- 
vinistes »  (2). 

Cette  réunion,  des  legs  et  dons  nombreux  et  une  antiquité  déjà 
considérable  de  l'établissement  nous  expliquent  parfaitement  com- 
ment ce  dernier  avait  atteint  dès  1692  le  revenu  annuel  de  300  livres, 
que  lui  attribue  un  «  dénombrement  des  hospitaux,  maladeries,..  de 
Dauphiné  »  rédigé  lad.  année  (3).  Ce  chiffre,  du  reste,  est  bien  petit 
à  côté  de  celui  de  4,000  livres  auquel  s'élevaient  en  1734  les  revenus 
du  même  établissement.  Bien  plus,  ceux-ci  furent  constamment 
augmentés  par  des  legs  et  des  donations.  Il  est  vrai  que  les  charges 
croissaient  aussi. 

Ces  revenus  «  étaient  régis  soit  par  un  syndic  nommé  conjointe- 
ment par  la  municipalité  et  par  le  curé,  soit  encore  par  une  adminis- 
tration dont  le  curé  était  membre-né  (4).  » 

Quant  à  l'administration  intérieure,  on  songeait  vers  janvier  1732 
à  la  confier  aux  sœurs  Valenconi,  Laprat  et  Paule,  qui  habitaient 
alors  le  Potit-en-Royans.  Mademoiselle  Garant  fit  son  testament  en 
faveur  de  ces  religieuses  en  qui  nous  sonimcs  tentés  de  voir  des 
religieuses  du   Très-Saint-Sacremcnt   de    Boucieu-le-Roi.  En   tout 

(i)  VrNCENT,  np.  cit.,  p.    lo^-j. 

(2)  Ibid. ,  p.    I  oj . 

(3)  r.iWiolh.  de  r.rcnolilc,  msx.  de  (hiy  AII:nJ.  l.  VI,  p.  -13')-)')  ;  —  Arcli.  et 
fonds  cil. 

(4)  Vincent,  op.   cit.,  p.    10,4-5  ^  —  Notice...    Tcrrol,  p.   <)S-g. 


DE    PONT-EN-ROYANS.  199 

cas,  on  trouve  aux  archives  de  la  Drôme  un  «  Mémoire  »  rédige  vers 
1779  R  pour  Françoise  Bourne,  femme  Lagarde,  contre  le  syndic  de 
l'hôpital  du  Pont-en-Royans  en  revendication  des  biens  de  Marie  et 
Catherine  Baty,  religieuses  dudit  hôpital,  et  en  annulation  du  testa- 
ment de  Catherine,  l'une  d'elle  (i).  » 

De  cet  établissement,  emporté  par  l'orage  révolutionnaire,  la  mai- 
son seule  est  restée  debout,  avec  son  titre  aujourd'hui  mensonger 
d'hôpital.  Elle  avoisine  la  place  du  Breuil  (2). 

Aumône  et  2^"  de  la  dîme.  —  De  tout  temps  l'Eglise  a  consacré 
une  partie  de  ses  revenus  à  secourir  les  pauvres.  Chaque  bénéficier 
avait  à  accomplir  à  ce  sujet  un  devoir  sacré.  Quelques  ordres  cepen- 
dant avaient  été  dispensés  par  Rome  de  ce  devoir  envers  les  pauvres 
des  localités  mêmes  où  étaient  leurs  bénéfices,  afin  de  pouvoir  mieux 
remplir  les  fonctions  essentiellement  hospitalières  dont  ils  étaient 
chargés.  De  ce  nombre  était  l'ordre  de  Saint-Antoine  de  Viennois. 
Néanmoins,  les  Antonins  du  Pont  ne  se  dispensaient  pas  au  XVI"* 
siècle  de  faire  l'aumône  régulière  sur  leurs  revenus  aux  pauvres  du 
lieu.  Dans  un  arrentement  des  revenus  prieuraux  de  ce  même  lieu, 
passé  le  7  mars  1564,  il  est  convenu,  entre  autres  choses,  que  les 
«  rent-ers  »  satisferaient,  à  la  décharge  des  «  credicteurs,  »  aux  char- 
ges ordinaires  du  prieuré.  Or,  parmi  «  les  charges  ordinaires  accous- 
tumées  dudict  prieuré  du  Pont,  »  avait  été  «  de  toute  ancieneté  »  et 
était  encore  celle  «  de  fere  et  donner  une  aulmonne  de  pain  aulx 
pouvres  dans  ledict  prieuré  deuls  foys  chescune  sepmaine  de  l'an, 
assavoir  le  dimanche  et  le  jeudy.  »  Aussi  les  Antonins,  ayant 
remarqué  qu'on  avait  «  obmis  de  fere  ladicte  aulmonne  à  la  forme 
susdicte  despuys  quinze  jours  passés  ou  environ,  se  plaignirent,  et 
le  19  décembre  1566,  le  bailli  de  Saint-Marcellin  prescrivait  que  les 
«  rentiers  «  ou  leur  caution  eussent  à  continuer  ladite  aumône. 

Le  compte  du  prieuré  pour  1673  mentionne  10  sétiers  d'ecossm/ 
donnés  pour  «  l'aumosne  chaque  dimanche,  à  la  porte,  depuis  la 
Toussaint  jusque  à  Pasque.  » 

(La  fin  au  prochain  numéro). 

L.    FILLET. 


(1)  Arch.   du    monast.    du    Très-Saint-Sacremenl  de    Romans,  mémoires    du    P. 
Vigne.  —  Arch.  de  la  Drôme,  E,   22  |. 

(2)  Vincent,  op.  cit.,  p.   105  ;  —  Notice.. .Terrot,  p.   15. 


RECUEIL  DES  INSCRIPTIONS  CHRÉTIEIES 


DU 


DIOCÈSE         DE        VALENCE 


(Suite) 


y.  —  Franchises  féodales  d'Etoile. 

NoveriNT  \  UNiversi  :  LiTTerAS  \  has  \  insPECTz/?-i  \  Quod  \ 
ANNO  :  DomiNi  ;  M°  ':  ce"  :  xl°  •  un"  |  ix°  |  Kahendas  \  march  j 
NOS    :    Ademaru-s    ;    FiLiz/s   ;    com///.s    ;    V Ahcntinensis    :    Non    \    cir- 

CUmVENTI      \     NOJl     ':     SEDUCTI     ;      ALIQHA     |     FRAUDE     :     VCL     ]     DOLO      • 

sed  \   MKRA  I   T{et)  [   spo/îtanea  i   volz<7ztate   ]   pure  |  simpi.îCî/t'R  j 

Il  7(e/)     :    IRREVOCABILî'/eR     :       INTC?"     ;     UIVOS     :     D0NAA1»5     ;     LAVDAMZ/.S     : 

yfe/)  :  g(cojt)CEmM.us  ;  pcr  :  nos  \  i{el)  \  hcz-edes  \  vcl  \  succes- 
SORES  :  nos/ros  :  usqîïc  i  i7z  \  uiFimrum  \  omnmus  \  uomini- 
uiis    ':    CAST?-/   :    de   j    Stella   ■    ^{cl)  \    vaus  \    MANDAMeuTi   \    oui  \ 

NUnC  :  I771MEDIATE  ;  NOS/RO  ;  DOmîNlO  \  SVCJACEnT  •  ^(et)  :  IH  j 
P0STERU7n     •      SVBJACEB?<«T     ;     OUJUSCUmOlie    ;    |  |  SExffS     :     SinT     ;     VCL     ; 

Fue/TNT  :  nabiTAUTES  [  vi  j  CASxro  :  Stelle  ;  7(c/)  :  kjus  \ 
MAttDAMcnTO   ;    ^(ct)   ]    Qui  ;    Ha/'rrABU7rr   ]    m   ]    futur»;??   \    -/(et)  \ 

EORum  ':  1IC?-EDIB?/S  :  SIUE  ;  SVCCESSORIBZ/S  ■  Ha/nTA7?TIl',?/S  [  17?  • 
D?C/0  :  CAST7-0  ':  ']{cl)  \  EJ»S  \  MA77DAMC77TO  ;  PLENISSIMA77?  ;  LlBCr- 
TATE/n     :     Vfc/)    :      I77?MVNITATE77?     i     AH     \     077?7?I     \     EXACTI077E     ;     TOVTE     ; 

7(e<)  \   TALiiE  \   7(c/)  \   Quis-  \\  tk  ;   qvas  ;    nos  i   7(e;)  ;   iicrEDES   \ 

VCL    :     SUCCESSORES    \     nos/ri     ;     r'OSSVMUS     i     VeL     ■;      POSSEMZi.S     \     AC- 

Cipe7-E  :  7(e/)  ;  ExiGcrE  \  a  :  dictis  \  womviinus  \  7(e/)  -.  hctedi- 
Bîfs  :    siVE   :    svccESS0Rnî7?s    \    Kouutn    ]    iuste    •    vcl    \    hhuste 

USV      ;     UCL     \     ABVSU     ;     9rC07î)sUETUl)INE     ;      SMJE     J      JURE     \      JTE77? 

Il  DONAMzts  :  lavdamî/s  :  ^{cl)  ':  (){cnn)cA:DiMus  \  ver  [  nos  [  "jÇel) 
He7EDES  :  SEU  ':  svcESSORES  I  no.s'/ros  \  077?77ii!??s  \  uoiuimiius 
cast?-?'  \  DE  ;  Stella  \  q{el)  \  vaus  \  mandamc77TI  \  ikm  \  n.x.is 
nui  :    sunc   \   J77?mediatI':  ]   ad   ;  nos   :   perTiNE7iT  j   ^(et)  .-    pcjtini 

I',?<7?T     j     OVA777     \     ALIJS     ';     Qui    ]     SUUl     \     VCL     ;     KHUHt     \      IIO=  1 1  MINICS 

VCL  :  svrijLCTi  j  milji??;;?  \  q{cl)  \  CA.cric.onum  \  domicellor?^??? 
7fc/)   :   M0NASTC7i,i    ;    sancli   ]    Marci.li.ini    ]    vcl   '■_    macujus   '-,    ri:li- 


t)U    DIOCESE    DE    VALENCE. 


201 


Gionis   :    SEU   :    ALjORum   :    viRORzim 
IN   :    CASTro  :    Stelle   :    7(e/)  j    eius 


ihLorum    ':    sciLjce/   :    Q_in   ; 
MAnDAMenTO   •    Nunc   •    uabi- 


7(e/)  ■•    IN   :    posTERvm  j    ||  nabnABwiT  |    et  •    He?'EDiBî<s 

SIVE    j     SUCCESSORIBUS    •     EORUmDEm     ;     PLENISSIMAm    •     LJBCrTATEM 

7(e/j  :  n?mvNiTATEm  •  ab  |  omni  \  ACCEPXionE  •  REQin'siTionE 
7(e/)  i  EXACTjonE  ;  feni  :  ^{ct)  ;  palee  j  quod  •  vcl  [  qvaj/z 
NOS  :  ueL  :'  HerEDES  |  siue  i  svcces;  | 
tudine  :    siue  '•    vsu   \   accjpc/e  j    7re/j 


veL  :    possemus 

Per  I  ARMIGEROS 
PALEAm  :  VCL  j 
ALJ=  Il  QVATEN2<5 


P7'OMITTE;rrES     ;     QZtOD 
:     DOMICELLOS     ";     V6'L     I 

FENV?;i    :     Homuivm    \ 
:    Nec    •    ÇlueRE^\lls   • 


ores   jiuRE     :    9(con)suE- 

REQî(IRe7E    I     POSSVMZ/S    | 

NEQîfC    I      NOS    ':     NEQ«e    '• 

per  I    ALjos    :    nominES   ; 

DZC/ORV?n     :     ACCJPIEMZiS     j 
ABSOLVEnTES     •      HOmiUES    • 


Nos/ROS  :  AB  :  omtii  \  ACCEPTionE  [  exactjo«e  :  tovte  •  tallje  • 
7(e/)  :  QMî'sTE  j  FENI  :  liet)  ]  palee  [  ']{et)  ;  HO;uniES  \  ALjORu;n  ; 
soLumMoc/o   :   ab  [    omtii   ]  exactio/ie   :    feni   \    li^O  •    palef.   j    pe- 

NITUS  :  LIBerANTES  ;  PJ'OMITTEnTES  ;  Per  •  NOS  ;  7(e/)  •  He;EDES  ; 
SIUE     \      SVCCES=  Il   SORES     .'       NOStROS     ;      Ttbi    '■_       PeTJO     ;       BonTOS     [ 

BAiULO  :  Stelle  ;  stipula;îti  |  7{ct)  •  recipie/îti  |  NominE  ;  UNi- 
uersiTATis  :  Hominum  j  stelle   \  7(e/)  '.   ei«s  j  MAnoAMenri   ;   ad   \ 

HOC  [  SPeClALner  •  9(con)STITUTO  ;  quod  ;  m  \  FUTURUm  ;  DE  ': 
NOVO     I     TOVTAS     ;     TALJAS     '■_     QWISTAS     ;      FENV»Î     ;     UCL     ;      PALEA»i      j 

Non  :   FACiEMus  l  Nec  ':  ||exjgemws  ;   Nec   j  aliquo  j  TemPORe  j   re- 

QUlREmilS    ':   prOMITTEnTES     :    DîC/aS     |    DOnATiOnES    ;   9(C0?l)CESSI0«ES     • 

7(e/)  :  ABSOLUTionES  j  TENcrE  :  ']{et)  •  9(co?z)ti<a  ;  Non  •  uenire  ; 
invjOLABiLiTer  ]  obseruare  \  RENtmciAnTES  :  supeR  j  his  :  omni- 
Bus  :  "jÇet)  ":  specjALiTer  |  7('-'0  :  EXPressiM  ;  BeNericzo  ;  minoris  | 
ETATjs  :  7(e/)  I  IN  :  ||  inTEGRv;n  ■  RESTiTUTîonis  |  ^{et)  \  nove  j 
9jcon)sTiTUTionis  :  ^{et)  \  EXCEPTîoni  j  doli  ;  7(e/)  '.  in  j  ractuM  ] 
ERRORi  :  7(e/)  :  speczALiTer  \  legi  j  Que  \  Dicit  -,  DOnATionEM  ; 
Fac/AM  :  sine  ï  insiNVATzonE  |  ULTra  J  d(5 oo)  :  soLtdos  j  Non  j 
VALerE  :  ut  |  ita  |  ualeat  |  ac  |  si  •  esxet  j  insiNUATA  j  7(e/j  -, 
legi  :  Que  \  uicit  |  ceNerALEm  j  RENvnr  j|  ciATîOnEM  ";  Non  ] 
VALerE  :  7(e/)  |  o;nni  J  lURi  ;  CAnoNico  j  7(e/)  •  ciuili  \  Qiio  • 
POSSEMws  :  ALiQuo  ]  TemPORe  ':  nos  j  tueri  '•  uzsuper  |  nos  j 
Ademarus  ■  FiLius  ':  comtis  ]  VALentiNensis  •'  tactis  ;  saiictjs  [ 
Eua7iGeLjis  :  iuram»s  ;  7(e/)  •  proMiTTiMîts  :  omniA  ;  svpraDîC- 
/a  I  l{st)  ':  QUE  LiBCT  ■;  preDîC^ORUm  j  rata  ;  7(e/)  :  firma  | 
perPETUO  :  HABerE  j  7re/)  \  TENerE  [  Nec  1  RationE  \  veL  |  oc- 
casîOnE   :    aliciijus  ]    9(co7î)svetudinis   :   vsus   \    statutj   •    lURis   • 

Bull.  VH,  1887.  15 


202  INSCRIPTIONS    CHRETIENNES 

CA720?HCJ      ;       VCL      '■_     CJUILIS      j      IVOMULGATJ     |       VGL      \       P;0A1LILGA»2DI     j 

g{co}i)rra   j    P7\rD2C/A'  ;    aliqz^o  \    reniPORe  l    ueniemz^s  \    sed  ]    m- 

UIOLABILiVcR    :    OBSERUABIMZtS    |    0???7MA     .•    PrCDl'ctX    :    '/{et)    :    SIUGWLA    | 

preDîC/ORv;»  j  Acta  |  sunt  ]  uec  \  ||  auno  •  mensK  \  die  \  Qui- 
Biis  \  svp7\.7  ':  APiid  \  Stella;;/  ;  i;;  •  platea  [  aiali  j  9(co?î)silii  • 
prcsE;iTin;^s  ]  ~{t-'l)  •  ad  \  une  '■_  vocatis  ;  testjb;<s  [  GiRBerNO  ; 
pr/oRE  \  s.7nc/j  :  Marcellini  |  Gi{raiuio)  |  Bastet  j  Amarico  I 
DE   :    Rupe    :    fortj    |    Ugo;ze   [    de   ;    Pet;^   \    Gorda   •    \l\i(miin- 

do)  \  DE  \  T0RN0;2C  ;  MILITJBÎ2S  \  GuiLLc/;;;0  :  BfJ-TRANT  ';  ||  Bc- 
rENGARIO    \       DE     \       BaLASTA    \       rARE;ïT0;îE     \      DE    \       RlUO     :       SICCO    \ 

Boua  \  FiDE  :  Salie72Tis  :  Pe/?-o  \  de  \  Bais  ;  7(e/)  ;  plî«-ib;;s  \ 
ALiis  :  insiipeR  [  nos  •'  AÇdemarus)  [  filius  ;  coMÏtis  ;  Y Ahentinen- 
sis  :'  P7-esE;zs  |  scrïPTinn  \  uolvimz/s  i  fieri  j  ad  •  perPETUA;??  \ 
REi   \    memoria;;?  •    T(ct)   •    F/rMiTATE;;z   \    habenda;;?   \ 

«  Sachent  tous  ceux  qui  verront  ces  lettres,  que  Tan  du  Seigneur 
1244,  et  le  neuvième  jour  avant  les  calendes  de  mars  (21  février), 
nous,  Aimar,  fils  du  comte  de  Valentinois,  sans  avoir  été  circonvenu 
ni  séduit  par  aucune  fraude  ou  tromperie,  mais  de  notre  volonté 
franche  et  spontanée,  donnons,  approuvons  (laudamus)  et  concédons, 
purement,  simplement  et  irrévocablement  par  acte  entre  vifs,  pour 
nous  et  nos  héritiers  ou  successeurs  indéfiniment,  à  tous  les  habi- 
tants du  lieu  fortifié  (castri)  d'Etoile  et  de  son  mandement  qui  sont 
directement  soumis  à  notre  juridiction  ou  qui  en  dépendront  à  l'a- 
venir, quel  que  soit  ou  doive  être  leur  sexe,  habitant  dans  le  lieu 
d'Ktoile  ou  son  mandement,  ou  qui  y  habiteront  à  l'avenir,  à  leurs 
héritiers  ou  successeurs  habitant  au  dit  lieu  et  son  mandement,  li- 
berté et  franchise  la  plus  entière  de  toute  exaction,  impôt,  taille  ou 
corvée  que  nous  et  nos  héritiers  ou  successeurs  pouvons  ou  pour- 
rions percevoir  et  exiger  des  dits  habitants  et  de  leurs  héritiers  ou 
successeurs,  justement  ou  injustement,  en  vertu  d'un  usage  ou  d'un 
abus,  d'une  coutume  ou  d'un  droit.  De  même  nous  donnons,  accor- 
dons et  concédons,  pour  nous  et  nos  héritiers  ou  successeurs,  à 
tous  les  habitants  du  lieu  d"i"]toilc  et  de  son  mandement,  tant  à  ceux 
qui  dépendent  actuellement  de  notre  juridiction  immédiate  ou  en 
relèveront  plus  tard,  qu'à  ceux  qui  sont  ou  seront  vassaux  ou  sujets 
des  chevaliers,  des  clercs  ou  des  damoiseaux,  et  du  monastère  de 
Sl-Marcellin,  ou  de  c]uclquc  autre  ordre  religieux  ou  d'autres  per 
sonnages,  pourvu  qu'ils  habitent  ou  soient  devant  habiter  à  l'avenir 


DU    DIOCESE    DE    VALENCE.  2O3 

dans  le  lieu  d'Etoile  ou  son  mandement,  ou  à  leurs  héritiers  et  suc- 
cesseurs, liberté  et  immunité  pleine  et  entière  de  toute  redevance, 
réquisition  ou  exaction  de  foin  et  de  paille,  lequel  ou  laquelle  nous 
et  nos  héritiers  ou  successeurs  pouvons  ou  pourrions  percevoir  ou 
requérir  en  vertu  d'un  droit  ou  d'une  coutume  ;  promettant  que  nous 
ne  percevrons  ni  ne  réclamerons  jamais,  ni  par  nous-même,  ni  par 
nos  hommes  d'armes,  damoiseaux  ou  autres  personnes,  la  paille  et 
le  foin  des  dits  habitants,  exonérant  et  affranchissant  entièrement 
nos  vassaux  de  toute  perception  ou  exaction  d'impôt,  de  taille  et  de 
la  réquisition  du  foin  ou  de  la  paille  ;  et  ceux  qui  dépendent  d'une 
autre  juridiction  (homines  aliorum),  seulement  de  la  réquisition  du 
foin  et  de  la  paille  ;  promettant  pour  nous  et  nos  héritiers  ou  suc- 
cesseurs à  vous,  Pierre  Bontos,  bailli  d'Etoile,  stipulant  et  recevant 
au  nom  de  la  communauté  des  habitants  d'Etoile  et  de  son  mande- 
ment, spécialement  constitué  à  cet  effet,  que  nous  n'établirons  ni 
n'exigerons  à  l'avenir  aucun  nouvel  impôt,  taille,  réquisition,  foin 
ou  paille,  et  que  nous  n'en  réclamerons  jamais  en  aucun  temps  ; 
promettant  de  maintenir  et  d'observer  inviolablement  les  dites  do- 
nations, concessions  et  franchises,  et  de  ne  jamais  y  contrevenir; 
renonçant  pour  toutes  ces  choses  spécialement  et  expressément  au 
bénéfice  de  l'âge  mineur,  de  la  restitution  dans  son  entier,  et  d'une 
nouvelle  constitution,  et  à  toute  exception  de  tromperie  ou  d'erreur 
dans  le  fait,  et  spécialement  encore  à  la  disposition  de  la  loi  d'après 
laquelle  une  donation  faite  sans  insinuation  demeure  sans  effet  lors- 
qu'elle dépasse  500  sols,  de  telle  sorte  qu'elle  ait  autant  de  valeur 
que  si  elle  avait  été  insinuée  ;  et  à  la  loi  qui  frappe  de  nullité  une  re- 
nonciation générale,  et  à  tout  droit  canonique  ou  civil  dont  nous  pour- 
rions nous  couvrir,  en  quelque  temps  que  ce  soit.  De  plus,  nous, 
Adhémar,  fils  du  comte  de  V'alentinois,  nous  jurons  et  promettons, 
la  main  sur  les  saints  Evangiles,  de  garder  toujours  toutes  les  fran- 
chises ci-dessus, dans  leur  ensemble  et  dans  leurs  détails,  de  les  con- 
sidérer comme  perpétuelles  et  irrévocables,  et  de  ne  jamais  y  contre- 
venir sous  prétexte  ou  à  l'occasion  d'aucune  coutume,  usage,  droit 
canon  ou  civil,  promulgué  ou  à  promulguer:  mais  d'observer  invio- 
lablement toutes  les  clauses  convenues  ci-dessus  et  chacune  d'entre 
elles. —  Fait  à  Etoile,  sur  la  place  du  Mauvais-Conseil,  l'an,  mois  et 
jour  que  dessus,  en  présence  des  témoins  spécialement  convoqués  à 
cet  effet  :  Girberne,  prieur  de  St-Marcellin,  Giraud  Bastet,  Amaury  de 
Rochefort,  Hugues  de  Pierregourde,  Raimond  de  Tournon,   cheva- 


204  INSCRIPTIONS    CHRETIENNES 

liers  ;  Guillaume  Bertrand,  Bérenger  de  la  Balaste,  Jarenton  de 
Rieussec,  Bonnefoi  de  Saillans,  Pierre  de  Bais  et  plusieurs  autres. 
Déplus,  nous,  Adhémar,  fils  du  comte  de  Valentinois,  avons  voulu 
que  le  présent  acte  fut  dressé,  pour  en  perpétuer  le  souvenir  et  en 
assurer  la  stabilité.  » 

Cette  magnifique  inscription  est  gravée  sur  une  table  de  marbre 
gris,  presque  noir,  imitant  celui  de  Chomérac.  Elle  est  encastrée  au- 
dessus  de  la  belle  porte  latérale  de  l'église  d'Etoile,  et  mesure  i  m. 
63  cent,  de  longueur  sur  0,57  de  hauteur.  Elle  a  dij  être  placée  là 
au  moment  où  on  construisait  la  dite  porte,  dont  elle  complète  la 
décoration  en  comblant  le  vide  du  tympan.  On  voit  encore  aux 
quatre  coins  des  gonds  ou  crampons  en  fer  destinés  à  maintenir  un 
grillage,  qui  la  recouvrait  autrefois  et  qui  protégeait  ce  précieux 
monument  contre  les  dégradations  malveillantes  ou  intéressées.  Les 
seize  lignes  dont  l'inscription  se  compose  sont  peintes  alternative- 
ment en  rouge  et  en  bleu  ;  mais  la  couleur,  qui  ornait  les  lettres  - 
sans  en  remplir  les  creux,  est  presque  effacée.  Les  caractères  affec- 
tent la  forme  la  plus  élégante  de  la  belle  écriture  onciale  du  XII^ 
siècle;  ils  mesurent  0,032  millim.  de  hauteur;  leurs  proportions 
sont  très  régulières,  et  ils  sont  alignés  avec  un  art  parfait  :  pas  la 
plus  petite  incorrection  orthographique  ou  grammaticale  dans  le 
texte;  pas  la  moindre  erreur  dans  la  disposition  des  lettres  ou  dans 
leur  gravure.  La  contexture  des  abréviations  dénote  une  main  sa- 
vante et  une  connaissance  approfondie  de  la  science  épigraphique. 
On  a  dû  requérir  pour  cette  oeuvre  le  sculpteur  le  plus  habile,  ayant 
dans  le  ciseau  autant  de  goût  que  de  finesse,  aussi  lettré  qu'exercé 
dans  son  art,  versé  dans  les  formules  scripturales  des  tabellions, 
dont  il  a  su  reproduire  sur  le  marbre  les  plus  savantes  et  les  plus 
ingénieuses  dispositions.  C'est,  en  un  mot,  un  travail  achevé.  On 
voit  que  rien  n'a  été  négligé  pour  en  faire  un  vrai  monument,  le 
livre  d'or  des  habitants  d'Etoile,  consacrant  d'une  manière  éclatante 
et  faisant  briller  à  tous  les  yeux  les  titres  authentiques  de  leurs  pri- 
vilèges et  de  leurs  libertés,  l-'iers  et  jaloux  de  leurs  franchises,  ils  les 
inscrivirent  sur  le  frontispice  du  monument  public  dans  lequel,  à 
cette  époque,  s'identifiait  la  communauté  et  en  qui  se  résumaient  ses 
intérêts  les  plus  sacrés.  11  n'y  avait  pas  alors  d'autre  maison  de  ville 
c|ue  l'église  ;  elle  était  comme  le  C(eur  de  la  cité,  le  centre  et  le  foyer 
de  sa  vie  et  de  son  activité  intellectuelle   et  morale.   Tous  les   actes 


DU    DIOCÈSE    DE    VALENCE.  2O5 

importants  non-seulement  de  la  vie  religieuse,  mais  aussi  de  l'ordre 
civil,  étaient  placés  sous  la  sauvegarde  de  la  religion,  et  bien  souvent 
accomplis  dans  l'enceinte  du  sanctuaire  et  au  pied  des  autels,  afin 
d'acquérir  par  là  aux  yeux  des  populations  un  caractère  plus  sacré 
et  plus  inviolable  (i).  Ce  fut  à  ce  sentiment  qu'obéirent  les  habitants 
d'Étoile,  en  identifiant  pour  ainsi  dire  leurs  libertés  civiles  au  remar- 
quable monument  de  leur  foi  religieuse.  «  Il  y  avait  là,  ce  me  semble, 
dit  l'abbé  Vincent,  une  bonne  inspiration  ;  c'était  mettre  sous  la  pro- 
tection de  la  religion,  elle  qui  ne  passe  pas,  des  droits  qu'on  crai- 
gnait pouvoir  être  enlevés.  Le  manant  qui  allait  prier  apercevait  ce 
témoignage  de  la  générosité  de  son  seigneur,  et  puis  entré  dans  le 
saint  édifice,  il  demandait  au  ciel  ses  faveurs  et  ses  bénédictions 
pour  ceux  qui  lui  rendaient,  à  lui,  pauvre  homme  de  peine,  la  vie 
moins  rude  et  moins  laborieuse  »  (2). 

Pour  achever  la  description  matérielle  de  notre  inscription,  les 
lignes  dont  elle  se  compose  sont  tracées  entre  deux  traits  parallèles 
à  peine  visibles  et  destinés  à  guider  la  main  de  l'artiste  pour  la  hau- 
teur des  lettres.  Leur  distance  entre  deux  lignes  est  d'un  centimètre 
environ  ;  c'est  dans  cet  intervalle  que  sont  gravés  les  traits  abré- 
viatifs  et  les  lettres  minuscules.  Les  mots  sont  séparés  entre  eux  par 
trois  points.  Les  abréviations  abondent,  et  sont  parfois  considé- 
rables ;  elles  portent  surtout  sur  la  syllabe  er,  sur  les  lettres  M  et  N 
entre  deux  voyelles,  et  sur  une  foule  de  finales.  Outre  les  abrévia- 
tions consacrées  pour  us,  per  et  pro,  on  trouve  aussi  la  figure  9  pour 
con,  qui  ne  se  rencontre  guère  que  dans  les  parchemins.  Les  doubles 
SS  ont  également  la  forme  allongée  qui  les  fait  ressembler  à  des  ff, 
comme  dans  les  manuscrits.  On  remarque  du  reste  une  grande  ana- 
logie entre  les  abréviations  de  notre  texte  et  celles  des  chartes. 
D'ailleurs,  comme  on  le  voit,  cette  longue  inscription  n'est  que  la 
reproduction  d'une  charte,  qui  était  sans  doute  déjà  écrite  sur  par- 
chemin, et  qui  devait  être  sous  les  yeux  du  marbrier  pendant  qu'il 
la  gravait. 

On  sait  comment,  au  Xll"  et  au  XllL  siècles,  les  populations  cher- 
chèrent à  s'affranchir  des  charges  et  des  servitudes  féodales  qui 
pesaient  sur  elles,  et  comment  la  plupart  des  villes  obtinrent  de  leurs 

(i)  C'est  ainsi  que  l'acte  de  cession  du  Dauphiné  à  la  France  a  été  signé  par  le 
dauphin  Humbert  II  dans  l'église  de  S.-Barnard  de  Romans. 

(2)  Notice  historique  sur  Étoile  (Valence,  Marc-Aurel,  1852,  in-i8),  p.   17. 


206  INSCRIPTIONS    CHRÉTIENNES 

seigneurs,  ou  plutôt  leur  arrachèrent  des  chartes  de  franchises,  en 
vertu  desquelles  elles  s'organisaient  en  communautés  indépendantes 
et  s'administraient  elles-mêmes.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  dé- 
crire ici  ce  grand  mouvement  social  connu  sous  le  nom  d'affranchis- 
sement des  communes,  et  qui  a  laissé  tant  de  traces  dans  l'histoire. 
Nous  rappellerons  seulement  que  l'exemple  donné  par  les  grandes 
villes  fut  imité  par  les  plus  modestes  bourgades,  qui  voulurent  elles 
aussi  avoir  leurs  franchises  et  s'organiser  en  communes,  c'est-à-dire 
en  corps  de  municipalités  indépendantes,  ayant  le  pouvoir  de  s'admi- 
nistrer par  elles-mêmes  ;  et  d'ordinaire,  celles-ci  étaient  d'autant 
plus  jalouses  de  leurs  privilèges  et  de  leurs  franchises  et  les  procla- 
maient d'autant  plus  haut  qu'elles  étaient  plus  insignifiantes  comme 
importance,  et  qu'elles  paraissaient  avoir  eu  moins  de  titres  à  les 
obtenir.  Nous  voyons  de  plus  que  les  franchises  plus  récentes  repro- 
duisent en  les  amplifiant  celles  accordées  précédemment,  principa- 
lement aux.  villes  et  communautés  voisines.  C'est  ce  que  l'on  peut 
observer  dans  la  charte  communale  d'Etoile  ;  elle  est  plus  étendue 
qu'aucune  de  celles  qui  l'ont  précédée,  du  moins  dans  la  région.  Les 
franchises  féodales  de  Crest,  concédées  en  1188  par  Aimar  de  Poi- 
tiers, comte  de  Valentinois,  se  l'ésument  en  quelques  lignes  ;  celles 
accordées,  dix  ans  après  (i  198),  par  Géraud  et  Lambert  Adhémar, 
seigneurs  de  Montélimar,  aux  habitants  de  cette  ville,  sont  un  peu 
plus  étendues  et  énumèrent  un  plus  grand  nombre  d'immunités. 
Jalouse  de  ces  deux  cités  voisines.  Etoile  voulut  aussi  avoir  sa  charte 
communale,  et  l'obtint  un  demi-siècle  plus  tard,  mais  plus  large  et 
plus  explicite  encore.  C'est  l'une  des  plus  intéressantes  que  nous 
connaissions. 

Aimar  III  de  Poitiers,  qui  octroya  celte  charte,  était  le  pctil-(ils 
dAimar  II,  l'auteur  des  franchises  de  Crest.  Guillaume  111  de  Poi- 
tiers, comte  de  Valentinois,  son  père,  était  mort  dès  122O,  le  laissant 
en  bas  âge  et  peut-être  au  berceau,  puiscjne,  à  la  date  de  notre  ins- 
cription (12.42J,  Aimar  était  encore  tout  jeune,  comme  il  le  déclare 
lui-même,  en  renonçant  au  bénéfice  de  la  minorité  (bciiclicio  )ui)i07is 
.vlalis),  qui  lui  eût  permis  de  revendiquer  plus  tard  la  nullité  de  sa 
donation.  Il  stipule  solennellement  toutes  les  clauses  de  sa  conces- 
sion en  présence  de  nombreux  témoins,  réunis  sur  la  place  du 
Mauvais-Conseil,  entre  les  mains  de  Pierre  Bontos,  bailli  d'Iùoile  : 
ce  qui  dénote  que  déjà  la  communauté  était  organisée  et  avait  ses 
administrateurs  et  ses  magistrats.  Ce  fut  donc  plutôt  la  reconnais- 


DU    DIOCÈSE    DE    VALENCE.  20? 

sance  d'un  état  de  choses  déjà  établi  qu'une  vraie  concession  que 
consentit  le  jeune  seigneur  en  faveur  de  ses  vassaux  d'Etoile,  ou  s'il 
leur  accorda  des  immunités  nouvelles,  ce  ne  furent  plus  que  des 
privilèg-es  accessoires  destinés  à  compléter  l'autonomie  communale 
et  à  faciliter  l'exercice  et  le  fonctionnement  régulier  des  libertés  pré- 
cédemment acquises.  C'est  ainsi  du  reste  que  les  choses  se  passèrent 
à  peu  près  partout  :  les  seigneurs  durent  obtempérer  à  des  revendi- 
cations qui  s'imposaient  à  eux  d'une  manière  impérieuse  et  dans  des 
conditions  inéluctables,  et  ils  ne  firent  que  céder  de  bonne  grâce  ce 
qu'ils  ne  pouvaient  refuser  (i). 

Le  monastère  de  St-Marcellin,  dont  les  religieux  et  les  serviteurs 
sont  déclarés  exempts  de  tailles  et  de  corvées,  comme  les  autres  ha- 
bitants d'Étoile,  et  dont  le  prieur  Girberne  figure  en  tète  des  témoins 
de  la  charte  des  franchises,  était  un  ancien  prieuré  dépendant  de 
l'abbaye  de  St-Chaffre,  dans  le  Velay.  On  en  voit  encore,  à  un  kilo- 
mètre environ  au  midi  du  bourg,  les  bâtiments  claustraux  en  partie 
conser\'és.  Les  religieux  étaient  chargés  du  service  de  la  paroisse, 
et  plus  tard,  nous  voyons  le  curé  d'Etoile  nommé  sur  la  présentation 
du  prieur  commendataire  de  St-Marcellin.  Celui-ci  conserva  tou- 
jours la  préséance,  et  le  prêtre  désigné  par  lui  pour  remplir  à  sa 
place  les  fonctions  curiales  prenait  tout  modestement  le  titre  de  vi- 
caire perpétuel,  se  reconnaissant  ainsi  comme  le  délégué  du  prieur, 
curé  primitif  de  la  paroisse.  Dans  le  principe,  non-seulement  il  en 
avait  les  prérogatives,  mais  il  en  exerçait  les  fonctions.  Aussi  ne 
voyons-nous  figurer  aucun  autre  prêtre  parmi  les  témoins  mention- 
nés dans  l'acte  d'affranchissement,  où,  assurément  on  n'eût  pas 
manqué  de  faire  intervenir  celui  de  la  paroisse,  s'il  y  avait  eu  alors 
à  Etoile  un  curé  dans  l'acception  actuelle  du  mot. 

Le  texte  de  notre  charte  renferme  certaines  expressions  emprun- 
tées au  droit  féodal,  commue  qiiista,  touta,  tallia,  etc.  Ce  dernier  mot 
est  resté  dans  notre  langue  ;  quant  au  mot  touta  ou  tolta  (que  nous 
retrouverons  sous  cette  dernière  orthographe  dans  la  charte  de 
Montélimar),  il  tire  son  origine  et  sa  signification  du  verbe  tollere, 
et  désigne  en  général  toute  redevance,  exaction  ou  impôt  qui  était 
perçu  en  vertu  des  usages  ou  des  abus  féodaux  ;  on  pourrait  le  tra- 
duire exactement  par  le  mot  levée.  Quant  aux  renonciations  qui  ter- 
Ci)  Voir  sur  les  franchises  communales  Augustin  THiERr<Y,  Lettres  sur  Vhistoire 
de  France,  pp.  204  à  410  ;  —  Dix  ans  d'études  historiques,  pp.  252  et  320  ;  — 
Essai  sur  Vhistoire  du   Tiers-Etat,  pp.    408  à  490. 


208  INSCRIPTIONS    CHRETIENNES. 

minent  la  charte,  on  les  retrouve  formulées  à  peu  près  dans  les 
mêmes  termes  pendant  tout  le  moyen-âge  dans  la  plupart  des  actes 
relatifs  à  des  contrats. 

M.  Delacroix  a  donné,  dans  la  seconde  édition  de  sa  Statistique  de  la 
Drôme,  une  traduction  absolument  inexacte  de  la  charte  des  franchi- 
ses d'Etoile.  Elle  a  été  reproduite  telle  quelle  par  l'abbé  Vincent  (  i)-  Ni 
l'un  ni  l'autre  de  ces  auteurs  ne  paraît  en  avoir  lu  l'original,  qui  est, 
du  reste,  difficile  à  distinguer  à  l'œil  nu,  à  cause  de  l'élévation  consi- 
dérable où  il  se  trouve,  à  quatre  mètres  environ  au-dessus  du  sol. 
Le  premier  cependant  paraît  avoir  eu  sous  les  yeux  une  copie  de  ce 
document,  à  en  juger  par  certains  mots  du  texte  latin  qu'il  cite  entre 
parenthèses  à  l'appui  de  sa  traduction  ;  mais  ils  ne  sont  pas  con- 
formes à  celui  de  l'inscription,  comme  quœsitx,  au  lieu  de  quistce,  ou 
ne  s'y  trouvent  pas  du  tout,  comme  conductce  ;  sans  parler  de  ceux 
qui  y  sont  omis,  ou  qu'il  a  traduits  de  travers  ;  c'est  ainsi  qu'il  croit 
voir  des  gendarmes  dans  domiccUos,  tandis  que  le  mot  armii^eros^ 
qui  a  ce  sens,  est  omis  à  pieds  joints.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  plai- 
sant, c'est  le  curieux  quiproquo  auquel  il  se  livre  en  prenant  les 
mots  toute  et  tallie  pour  du  français,  dont  il  fait  le  barbarisme 
toutes  tasc/ies.  Au  moins  aurait-il  dû  laisser  à  ces  mots  leur  véritable 
orthographe,  qui  se  rapprochait  encore  plus  de  la  forme  française 
et  du  sens  qu'il  veut  leur  donner  (2). 

Les  mêmes  auteurs  citent  aussi  l'acte  de  confirmation  des  fran- 
chises d'Etoile,  qui  fut  donné  à  Lyon  par  l'empereur  Sigismond,  le 
3  février  14 16. 

On  voit  au  musée  de  Valence  un  moulage  en  plâtre  de  l'inscrip- 
tion des  franchises  d'Etoile  ;  mais  ce  n'est  qu'une  reproduction  par- 
tielle, qui  comprend  seulement  les  quatre  premières  lignes  jusqu'à 
un  tiers  environ  de  leur  longueur.  La  première  s'arrête  à  la  fin  de  la 
date,  et  comprend  encore  l'abréviation  kl  ;  les  trois  autres  s'étendent 
jusqu'aux  mots  correspondants   :    peu  nos  et   iieredes....  qui  habi- 

TABUNT et    possuMus    VEL.  Cette   reproduction,  d'une  exécution 

parfaite,  mesure  0,55  centim.  de  longueur  sur  0,15  de  hauteur. 

Quoique  bien  connue,  l'inscription  d'iùoile  était  encore  inédile. 
Il  n'en  existait  que  des  traductions. 

•   (1)   Notice  historique  sur  lùoile.  p.   i  \. 
(2)  Loco  cit..  p.   505 . 

(La  suite  au  prochain    nuiucro.j 

CviRiEN  PERROSSIER. 


MYSTÈRE 


DES    TROIS    DOMS 


JOUÉ   A    ROMANS    EN    1509 


(Suite). 


On  comprend  l'impatience  avec  laquelle  un  personnage  aussi  re- 
nommé était  attendu  à  Romans,  et  tout  le  fruit  qu'on  s'y  promettait 
de  sa  coopération.  11  y  vint,  y  passa  quelques  jours,  et  n'y  fit  rien. 
Sans  doute  son  esprit  indépendant  ne  put  se  plier  au  joug  d'un  tra- 
vail commun.  Chevalet,  avec  tous  les  défauts  de  son  temps,  qu'il 
outre  encore,  trivial,  grossier,  obscène,  montre  cependant,  dans  le 
seul  ouvrage  qui  nous  reste  de  lui,  une  versification  facile,  de  l'ima- 
gination, de  la  verve  et  un  penchant  décidé  pour  la  satire,  toutes 
qualités  qui  expliquent  fort  bien  son  éloignement  pour  composer  en 
société  et  pour  se  faire,  comme  on  le  désirait,  le  «  coadjuteur  »  d'au- 
trui.  Aussi,  après  un  séjour  d'une  semaine  environ,  reprit-il  le  che- 
min de  \'ienne,  «  pour  ce  qu'il  ne  volit  pas  »,  dit  naïvement  le 
manuscrit,  «  besoigner  avec  le  chanoine  Pra  »,  et  une  indemnité  de 
10  florins  8  sols,  non  compris  sa  dépense,  lui  fut  comptée  pour  son 
voyage.  Nous  verrons  bientôt  que,  malgré  ce  refus,  on  eut  encore 
recours  à  lui. 

Voilà    donc  le   chanoine   Pra    réduit  à   ses   propres  inspirations, 
dont  il  n'était  pas  même  tout-à-fait  le  maître,   et  qu'il  devait  sou- 
Bull.  VII,  1887.  16 


MYSTERK    DES    TROIS    DOMS 


mettre  de  temps  en  temps  aux  lumières  et  au  contrôle  des  commis- 
saires romanais  :  singulière  manière  de  travailler  pour  un  écrivain, 
surtout  pour  un  poète,  et  qui  est  probablement  entrée  pour  beau- 
coup dans  la  détermination  prise  par  Chevalet  ;  mais  le  bon  chanoine 
s'y  conformait  avec  une  entière  docilité.  A  mesure  qu'un  livre  était 
achevé,  les  commissaires  s'assemblaient  à  la  maison  de  ville,  et  là 
le  chanoine  Pra  leur  en  donnait  connaissance.  C'était  ce  qu'on  appe- 
lait «  visiter  le  livre  ».  Ces  «  visites  »  furent  assez  répétées  et  accom- 
pagnées sans  doute  de  nombreuses  observations  critiques,  car 
nous  voyons  un  article  de  dépense,  le  28  janvier,  pour  relever  plu- 
sieurs V.  fautes  au  livre  du  second  jour  »  et,  vers  la  fin  de  février,  des 
séances  où  l'on  a  vaqué  «  jours  et  nuits  »  pour  «  adresser  »  les 
livres  du  jeu  (1),  c'est-à-dire  pour  y  opérer  les  changements  et  les 
rectifications  nécessaires.  Le  pauvre  auteur  devait  faire  là  une  triste 
figure,  et  son  manuscrit  devait  sortir  tout  mutilé  d'une  si  rude 
épreuve.  Les  corrections  qu'on  lui  fit  subir  furent  telles,  qu'il  fallut 
le  recopier  en  entier  et  refaire  les  rôles  des  trois  jours  ;  et  il  fut  alloué 
à  Pra,  indépendamment  de  ses  honoraires,  une  somme  de  neuf  flo- 
rins, juste  rémunération  de  ce  surcroit  de  travail  (2). 

Enfin,  vers  les  premiers  jours  de  mars,  la  pièce  était  complète  ; 
les  trois  livres  purent  être  transcrits  sur  la  minute  de  l'auteur  par 
trois  notaires,  qui  reçurent  pour  cette  tâche  un  égal  salaire  de  28 
sols  chacun  (3J.  C'est  à  ce  moment  que  les  rôles  durent  être  dis- 
tribués. 

On  sait,  et  les  exemples  abondent  à  l'appui,  que  l'empressement 
était  grand  à  figurer  dans  ces  représentations  solennelles  :  ecclésias- 
tiques et  séculiers,  nobles  et  bourgeois,  artisans  eux-mêmes,  tous  y 
apportaient  leur  concours.  C'est  ce  qui  a  fait  «  dire  que  la  moitié 
d'une  ville  était  chargée  d'amuser  l'autre  »  (4).  Le  nombre  considé- 
rable de  personnages,  dont  se  composaient  ordinairement  ces  dra- 
mes, permettait  de  satisfaire  à  beaucoup  de  demandes  et  laissait 
une  grande  latitude  dans  la  répartition  des  rôles  ;  on  en  comptait  98 
pour  le  Mystère  de  la  vie  des  Trois  Martyrs,  et  3Ô  dans  la  Transla- 
tion qui  suivait. 

Grâce  au  manuscrit  original  du   Mystère    nous  connaissons  «  les 

(i)  Pp.  602  et  604. 

(2)  V.  604. 

(3)  P.  612. 

(4)  Onés.  Le  Roy,  Etudes  sur  les  Mystères,  Paris,   1837,  in-S",  p.  115. 


JOUE    A    ROMANS    EN     I  5O9.  211 

noms  et  surnoms  »  detous  ceux  qui  y  remplirent  les  rôles  (i).  Les 
acteurs  appartiennent  aux  premières  maisons  de  la  ville.  C'est  le 
maître  de  la  monnaie,  Girard  Chastaing  ;  le  juge  de  la  ville,  mes- 
sire  Louis  Perrier;  quatre  nobles:  Etienne  Combes,  Humbert  Odoard, 
Guillaume  Tardivon  et  Claude  Gateblet  ;  le  curé  de  St-Barnard, 
messire  Antoine  de  St-Pierre;  un  cordelier,  frère  Gago;  «  monsieur  » 
le  chanoine  Chastillon  ;  enfin  lofficial  lui-même,  Charles  Veilheu, 
c'est-à-dire  lecclésiastique  chargé  des  pouvoirs  de  l'archevêque  de 
'Vienne  à  Romans,  et  l'un  des  plus  importants  personnages  de  la 
cité,  non  seulement  avait  accepté  un  rôle,  mais  encore  avait  mis  sa 
salle  d'audience  à  la  disposition  des  commissaires  pour  les  répéti- 
tions. C'est  qu'en  effet  jouer  un  Mystère  était  aux  yeux  du  peuple  un 
acte  pieux,  et  ceux  qui  pouvaient  y  tenir  utilement  leur  place  se  lai- 
saient  un  devoir  et   un  point  d'honneur  religieux  d'y  paraître. 


IV 


Nous  allons  maintenant  laisser  un  peu  nos  acteurs  étudier  leurs 
rôles  et  se  préparer  pour  le  jour  solennel  de  la  représentation,  et 
nous  nous  occuperons  du  théâtre  même  sur  lequel  ils  devaient 
s'essayer,  et  de  la  partie  pour  ainsi  dire  matérielle  du  jeu. 

Elle  n'avait  point  été  négligée  par  les  commissaires.  Dès  le  30  dé- 
cembre 1508,  un  marché  avait  été  passé  avec  trois  chappuis  (char- 
pentiers; de  Romans  :  Jean  Lambert,  dit  Caffiot,  Jean  Roux  et 
Pierre  Pérai,  qui  s'obligeaient  à  construire  les  échafauds  et  la  plate- 
forme pour  le  Mystère  des  Trois  Martyrs,  ainsi  que  les  châteaux, 
villes,  tours,  tournelles,  paradis,  enfer  ;  à  fournir  les  grosses  pièces 
pour  les  piliers  des  tentes  et  généralement  tous  les  ouvrages  en  bois 
concernant  \ts  feintes  ou  décorations,  moyennant  le  prix  de  412  flo- 
rins {2). 

Ces  travaux  devaient  être  établis  dans  la  cour  du  couvent  des 
Cordeliers,  emplacement  offert,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  par  les 
religieux  et  accepté  par  la  ville.  Ce  local  a  peu  changé  depuis  trois 
siècles  ;  son  nom  a  même  survécu  dans  le  langage  ordinaire  à  la 
destruction  du  monastère,  mais  ses  alentours  et  sa  destination  se 
sont  singulièrement    modifiés.    Aujourd'hui  c'est    une    promenade 

(i)  P.  593-7. 

(2)  Pp.  600,  637  et  796-801. 


212  MYSTERE  DES  TROIS  DOMS 

fréquentée,  qui  se  lie  par  des  sentiers  habilement  ménagés  à  la  pro- 
menade supérieure,  et  sur  laquelle  s'ouvrent  nos  établissements 
publics  les  plus  importants  :  la  justice  de  paix,  les  postes  et  télégra- 
phes, le  tribunal  de  commerce,  la  mairie,  le  collège  communal  d'un 
côté,  et  de  l'autre,  la  salle  de  spectacle  ;  c'est  aussi,  à  certaines 
époques,  le  champ  de  bataille  électoral  de  larrondissement  :  en  un 
mot,  c'est  le  centre  du  mouvement  administratif  de  notre  cité. 

Il  n'en  était  pas  de  même  au  commencement  du  XVI"  siècle.  La 
cour  des  Cordeliers,  silencieuse  alors  et  isolée  du  tumulte,  était  fer- 
mée au  couchant,  par  une  haute  muraille;  au  midi,  par  un  vivier  ;  au 
nord,  par  une  muraille  aussi,  à  la  place  de  l'Ilôtel-de-VilIe  actuel; 
et  derrière,  sur  le  coteau,  une  vigne,  embrassant  notre  Champ-de- 
Mars  et  appartenant  aux  Pères,  s'étendait  jusqu'au  pied  des  rem- 
parts. Le  fond,  dans  la  partie  orientale,  en  avant  du  lieu  où  est  à 
présent  le  théâtre,  était  occupé  par  le  couvent  et  par  l'église  de 
Saint-François,  grand  et  bel  édifice  dont  la  construction  remontait  à 
la  dernière  moitié  du  XIIP  siècle.  Des  ormes,  plantés  de  distance  en 
distance,  abritaient  contre  la  chaleur  les  religieux  c]ui  venaient  se 
reposer  sous  leur  ombrage,  et  peut-être  y  méditer  la  parole  de  Dieu, 
dont  plusieurs  étaient,  en  ce  temps-là,  de  zélés  interprètes  (i).  Le 
choix  de  ce  local,  pour  y  jouer  le  Mystère  des  Trois  Martyrs,  vint 
faire  une  diversion  momentanée  au  calme  habituel  qui  y  régnait,  et 
pendant  quelques  mois  la  cour  présenta  l'aspect  d'un  vaste  chantier 
où  des  ouvriers  nombreux,  et  de  professions  diverses,  concouraient 
à  l'envi  par  leurs  travaux  variés  au  but  commun,  à  l'érection  et  à 
l'ornementation  du  théâtre. 

Quelle  était  la  forme  de  ce  théâtre  ?  L'art  du  machiniste  était  alors 
trop  rudimentaire  pour  répondre  aux  exigences  de  la  perpétuelle 
mobilité  de  l'action,  et  produire  des  changements  à  vue  presque 
sans  discontinuité.  11  fallait  donc,  en  dépit  de  toute  vraisemblance, 
que  le  théâtre  offrit  simultanément  tous  les  lieux  où  les  péripéties 
de  l'action  pouvaient  conduire  les  personnages  :  paradis,  enfer, 
temples,  palais,  chaumières,  places  publiques,  villes,  campagnes  et 
déserts.  Le  moyen  le  plus  simple  de  réaliser  ce  cadastre  dramatique, 
c'était  de  disposer  toutes  ces  décorations  sur  une  ligne,  comme  les 
tableaux    divers    composant    une   galerie.    Dans  ces   conditions,  on 

(I)  Voir  Notice  historùjuc  sur  le  couvent  des  Curddiers  de  Romans,  par  le 
D'  Ulysse  CiiKVAijER,  dans  Bulletin  de  la  soc.  d'archàol.  de  la  Ihôme,  1868,  t.  III, 
pp.  42-55  et  144-52;  tir.  à  part,  Valence,  1868,  in-S"  de  44  p. 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     I  5O9.  21  3 

comprend  que  le  théâtre  devait  parfois  atteindre  en  largeur  des  di- 
mensions excessives.  Aussi  les  historiens  de  nos  antiquités  drama- 
tiques ont-ils  généralement  cru  à  l'existence  d'étages  superposés. 
Les  frères  Parfaict,  Emile  Morice  lui-même,  que  nous  venons  de 
citer  presque  textuellement  d  >,  se  figuraient  le  théâtre  des  Mystères 
comme  «  une  maison  haute  de  cinq  ou  six  étages,  subdivisée  en  un 
grand  nombre  de  pièces,  et  dont  la  façade  totalement  enlevée  laisse 
voir  du  haut  en  bas  tout  l'intérieur  diversement  décoré  ».  Cette  hy- 
pothèse, absolument  dénuée  de  toute  preuve  tirée  des  documents, 
a  été  attaquée  en  1855  par  M.  Paulin  Paris  (2)  et  définitivement 
écartée  par  M.  Petit  de  Julleville  (3). 

Inutile  donc  de  supposer  un  instant  que  ce  mode  de  construction 
ait  été  employé  à  Romans.  Au  surplus,  le  Mystère  des  Trois  Doms 
ne  saurait  se  comparer  par  son  étendue  et  par  son  importance  à  ces 
œuvres  colossales  de  la  Passion,  du  Vieil  Testament,  des  Actes  des 
Apôtres,  dans  lesquelles  le  nombre  des  lieux  distincts  à  reproduire 
ne  s'élève  pas  à  moins  d'une  centaine,  et  dont  la  représentation  se 
prolongeait  quelquefois  près  d'un  mois.  Ses  proportions  plus  mo- 
destes permettaient  parfaitement  de  se  contenter  d'une  scène  de 
plein-pied,  sur  laquelle  venaient  se  ranger,  se  juxtaposer  en  quelque 
sorte  les  différents  tableaux  du  jeu  (4).  Nulle  part  dans  notre  ma- 
nuscrit il  n'est  question  d'étages,  et  ce  mot  existait  cependant  alors 
avec  sa  signification  actuelle,  comme  on  peut  le  voir  par  un  docu- 
ment de  15 10  publié  par  nous  (5).  Le  marché  conclu  avec  les  char- 
pentiers les  oblige  seulement  à  construire  une  plate-forme  (c'est  la 
scène  qui  est  toujours  désignée  ainsi),  avec  les  tours,  tournelles, 
châteaux,  villes  et  autres  lieux  qui  doivent  y  figurer,  à  côté  et  non 
au-dessus  les  uns  des  autres  ;  et  les  cchafauds,  c'est-à-dire  les  gradins 
destinés  au  public  :  c'est  le  sens  évident  de  ce  mot  «  échafaud  », 
remplacé  en  quelques  endroits  du  mémoire,  comme  un  équivalent, 
par  celui  de  pentes. 

D'après  les  diverses  données  des  documents,  nous  pouvons  nous 

(i)  La  mise  en  scène  depuis  les  M\stères jusqiCau  Cid,  dans  Revue  de  Paris,  1835, 
2' sér.,  t.  XXII,  p.  5-40,  et  t.  XXIII,  p.  73-107;  Paris,   1835,  in-8°. 

(2)  Mise  en  scène  des  Mystères;  Paris,  1855,  in-8°. 

(3)  Ouv.  cité,  t.  I,  p.   385-441. 

(4)  On  se  réserva  d'ailleurs  de  les  «  muer  de  jour  en  jour  selon  que  le  mystère 
le  requerra  »  (p.  798)  ;  et  en  fait  «  tous  les  jours  changea  la  station  selon  le  mys- 
tère »  (p.  592). 

(5)  P-  89<- 


2  14  MYSTERE    DES    TROIS    DOMS 

faire  une  idée  assez  exacte  de  l'ensemble  de  ce  spectacle  :  il  doit 
avoir  été  disposé  dans  le  sens  de  la  longueur  et  non  pas  de  la  lar- 
geur de  la  cour,  afin  de  ménager  plus  de  développement  à  la  scène 
et  d'en  moins  éloigner  les  spectateurs.  La  plate-forme  fut  construite 
au  milieu  du  «  plassage  »,  vers  le  côté  méridional  (i).  Elle  était  éle- 
vée sur  piliers,  mesurait  36  pas  ou  18  toises  (2)  de  long  et  la  moitié 
de  ces  dimensions  de  large  (^)  ;  une  clôture  en  liteaux  treillissés 
servait  de  barrière.  Séparés  de  la  plate-forme  par  un  espace  de  2  à  3 
pieds,  les  échafauds  s'élevèrent  circulairement  par  degrés  vers  le 
nord  et  tout  à  l'entour,  sur  une  profondeur  de  6  toises.  Au-dessus 
des  «  pentes  »  et  comme  couronnement  de  l'amphithéâtre,  régnèrent 
quatre-vingt-quatre  chambres  ou  loges,  fermant  à  clef,  avec  une 
barrière  «  sur  le  regard  du  jeu  pour  garder  de  tumber  et  une  post 
à  travers  à  cause  des  petits  enfans  »  ;  on  y  parvenait  par  un  escalier 
donnant  sur  une  galerie,  aux  deux  bouts  de  laquelle  était  un  «  retrait  » . 
La  plate-forme  était  cantonnée  de  quatre  "  belles  »  tours,  dont  trois 
figuraient  les  parties  'du  monde  :  l'Europe,  l'Asie  et  l'Afrique  (4;,  et  la 
quatrième  une  prison  ;  au  milieu,  les  trois  villes  de  Rome,  de  Lyon 
et  de  Vienne,  où  se  passaient  les  principaux  événements  du  drame. 
Au  levant,  mais  à  un  niveau  plus  élevé,  était  placé  le  Paradis,  pour 
lequel  on  réservait  ordinairement  tout  le  luxe  des  décorations  ;  et  au 
couchant  l'Enfer,  avec  sa  gorge  profonde  qui  s'ouvrait  de  temps  en 
temps  pour  laisser  passage  aux  démons.  Une  immense  tente  en  toile, 
fixée  de  trois  côtés  par  des  cordages  à  d'énormes  piliers  en  bois,  et 
du  quatrième  arrêtée  par  des  crochets  en  fer  au  mur  de  l'église  des 
Cordeliers,  recouvrait  tout  cet  espace  et  garantissait  l'assemblée  et 
la  scène  de  l'ardeur  du  soleil  et  des  atteintes  de  la  pluie. 

Aux  travaux  des  charpentiers  se  joignirent  ceux  du  peintre  déco- 
rateur. On  l'avait  fait  venir  d'Annonay  au  commencement  de  1509  ; 
il  se  nommait  François  Thévenot  ('5),  mais  dans  le  mémoire  il  est 
presque  toujours  appelé  «  mestre  Francès  lo  peyntre  ».  On  lui  alloua 

(i)  On  se  contenta  d'abord  de  couper  les  branches  basses  des  arbres  (p.  603-4); 
mais  on  reconnut  ensuite  la  nécessité  d'arracher  «  le  gros  orme  dez  Courdelliers  » 
(p.  609). 

(3)  La  toise  équivalait  à  Romans,  en   1789,  à   i   met.  949  mil. 

(3)  Le  contrat  passé  avec  les  charpcnlicrs  ne  portait  que  30  pas  en  longueur  et 
1  5  en  larpeur  (p.  797). 

(4j  L'Amérique,  récemment  découverte,  ne  comptait  pas  encore  comme  quatrième 
partie  du  monde. 

(5)  On  trouve  les  formes  Tevcnol,  Thcvcnoct,  Tiievcnon  et  Thcvenm. 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     I  5O9.  21  5 

comme  salaire  la  somme  de  loo  florins,  outre  sa  dépense  person- 
nelle (ij.  Il  était  chargé  de  peindre  toutes  les  feintes  ou  décors  ;  on 
lui  fournissait  les  couleurs  et  les  ingrédients  nécessaires,  dont  il  se 
pourv'ut  en  grande  partie  à  Lyon.  Près  de  quatre  mois  furent  em- 
ployés à  cet  ouvrage,  qui  était  achevé  dans  les  premiers  jours  de 
mai,  à  l'époque  où  se  fit  la  montre  du  jeu.  Quelque  temps  aupara- 
vant, vers  le  4  avril,  la  besogne  n'avançant  pas  au  gré  de  l'impatience 
des  Romanais,  les  commissaires,  dans  la  crainte  qu'elle  ne  pût  être 
terminée  à  temps,  avaient  appelé  de  Vienne  —  c'est  toujours  à  cette 
ville  qu'on  avait  recours  —  un  autre  peintre,  dont  on  ne  donne  pas 
le  nom,  pour  seconder  maître  François  ;  mais  il  paraît  que  celui-ci 
redoubla  de  zèle  et  d'activité  et  promit  de  suffire  seul  à  sa  tâche, 
car  le  nouveau  venu  fut  remercié  et  la  ville  en  fut  pour  les  frais  du 
voyage  {2). 

Au  reste,  ce  n'était  pas  un  médiocre  artiste  que  François  Théve- 
not.  Il  figure  plusieurs  fois  encore  dans  les  annales  romanaises. 
A  l'époque  du  Mystère,  les  consuls  avaient  déjà  expérimenté  ses 
talents  :  une  peinture  destinée  à  être  mise  devant  la  maison  de  ville 
lui  fut  payée  28  florins  le  16  sept.  1508  (3).  Louis  Xll  étant  venu  en 
15 II  «  dans  le  pays  des  Trois  Doms  (4)  »,  Thévenot  déploya  les 
secrets  de  son  art  pour  flatter  les  yeux  du  royal  visiteur  (5).  L'année 
suivante,  il  peignit  les  armoiries  du  seigneur  de  Saint-Vallier,  à 
l'occasion  de  sa  venue  (6).  En  15 14,  il  entreprit  pour  la  maladrerie 
de  Voley  un  retable,  avec  un  tableau  représentant  le  mauvais  riche  ; 
il  reçut  pour  cette  œuvre  la  somme,  alors  considérable,  de  60  florins, 
laquelle  ne  lui  fut  complétée  que  le  20  oct.    15 18   (7).  Le  pieux  Ro- 

(i)  P.  627.  On  lui  écrivit  pour  le  taire  venir  le  2  janv.  (p.  603)  ;  dès  le  13  il  était 
à  Lyon  pour  ses  empiètes  (p.  605).  Sa  pension  prit  date  du  26,  à  4  flor.  par  mois 
(p.  640)  ;  il  séjourna  à  Romans  quatre  mois  (p.  626).  Son  serviteur,  le  «  peyntre  » 
Jean  Brada,  travailla  avec  lui  pendant  trois  mois  (ib.),  à  6  flor.  par  mois  (p.  625), 
plus  son  entretien. 

(2)  P.    611. 

(3)  P.   640,  n.  2. 

(4)  Expression  de  M.  Le  Prévost  (Correspond,  de  M.  P.-E.  Giratid,  p.   14^. 

(5)  P-  809- 

(6)  P.  815. 

(7)  Cf.  D'  Ulysse  Chevalier,  Notice  hist.  sur  la  maladrerie  de  Volev,  Romans, 
1870,  in-S",  pp.  51  et  121.  Les  textes  relatifs  à  ce  travail  ne  sont  malheureusement 
pas  aussi  explicites  qu'on  le  désirerait  (Liber  inventarii  instrumentorum  pauperum 
infirmorum  maladerie  de  Vouley,  aux  arch.  de  l'Hôtel-Dieu  de  Romans,  f"  9  et  xx  ; 
Mandemans  de  1513,  arch.  commun.,  f°  35.  Un  autographe  de  cet  artiste  se  trouve 
au  i"  28  du  Compte  de  la  représentation  (p.  636,  doc.  G). 


2l6  MYSTÈRE    DES    TROIS    DOMS 

manet  BofiSn  poursuivait  alors  avec  ardeur  l'érection  d'un  Calvaire  à 
Romans  :  M.  le  d''  Chevalier  attribue  à  notre  peintre  (i)  les  «  ystoy- 
res  »  qui  furent  mises  à  la  porte  de  la  tour  du  pont,  —  station  corres- 
pondant à  la  porte  dorée  de  Jérusalem,  —  par  autorisation  du  25 
fév.  1517(2).  En  1526,  Huet,  consul  de  Valence,  vint  à  Romans 
s'entendre  avec  Thév^enot  pour  se  procurer  du  bois,  destiné  à  être 
employé  pour  la  représentation  du  Mystère  des  saints  Félix,  Fortunat 
et  Achillée  (3).  Les  Romanais  lui  confièrent,  en  1533,  le  soin  de 
graver  les  coins  de  quatre  médailles  différentes,  frappées  en  l'hon- 
neur de  François  l*^  de  la  reine,  du  dauphin  et  du  comte  de  Saint- 
Pol  (4).  Enfin,  maître  François  fit,  en  1536,  à  la  requête  du  gouver- 
neur de  la  province,  le  0  portrait  »  fplan)  de  la  ville  de  Romans, 
lequel  fut  porté  à  Grenoble  (5J.  On  le  voit,  le  peintre  d'Annonay, 
sans  être  un  rival  de  Raphaël,  son  contemporain,  eut  son  heure  de 
notoriété,  et  il  est  grand  le  nombre  des  imagiers,  peintres  et  autres 
artistes  d'alors  qui  nous  sont  moins  connus.  iLfigure  encore  dans 
les  registres  consulaires  en  1540  (6)  et  dans  ceux  des  tailles  en  1543 
et  1546. 

Voilà  pour  la  partie  décorative  !  Quant  aux  pièces  en  fer,  néces- 
saires au  mouvement  des  machines  compliquées  du  genre  de  specta- 
cle qui  nous  occupe,  le  mémoire  nous  apprend  que  le  plus  grand 
nombre  sortit  des  ateliers  d'un  mécanicien  de  Romans,  maître  Amieu 
Grégoire  (7),  mais  celles  d'une  exécution  plus  difficile  furent  l'œuvre 
de  Jean  Rosier,  horloger  d'Annonay,  que  son  compatriote,  le  pein- 
tre François,  désigna  sans  doute  au  choix  des  commissaires  et  qui 
fît,  est-il  dit,  les  feintes  de  fer.  C'était  le  véritable  machiniste;  il 
reçut  33  florins  pour  son  salaire  (8). 


(i)  Notice  histoi .  sur  le  Mont-Calvaire  de  Romans,  clans  Bull,  d'hist.  cl  d'ar- 
chéol.  du  dioc.  de   Valence,   1883,  t.  III,  p.  222  ;  tir.  à  part,  1883,  p.    17. 

(2)  Papier  des  assamblées  et  conclusions  de  la  ville  de  Romans,  f°   104  v°. 

(f,  P.  870. 

(4;  P.    82 5-4. 

(5)  Rei^.  des  assemblées  de  1522-39,  f"'  366  v"  et  372  v".  Cet  nrclrc  a  dû  s'éten- 
dre aux  principales  villes  du  Dauphinc,  car,  dès  le  28  juil.  de  la  même  année,  les 
consuls  de  Grenoble  avaient  voté  «  4  ou  5  livres  à  Jean  Lefehvre,  pcinlic,  pour 
avoir  fait  le  plan  de  la  ville,  portraclus  hiijus  civilalis  cl  rcparalionum  in  ca  iic- 
cessariarum  a  (Arch.  de  la  ville,  BB.   in;  !nvcnl.-somm.  i.\c  M.  Pkudhomme,  p.20'')- 

(G)  P.   840. 

(■j)  Pp.  607,  609-10,  '^)i2-7  et  619-21. 

(8)  Pp.  612,  614,  621  et  625. 


JOUE    A    ROMANS    EN     I  509.  217 


V 


Pendant  qu'artistes  et  ouvriers,  sous  la  direction  de  Sanche  Di- 
jon (ij,  consacraient  tout  leur  temps  à  rétablissement  et  à  la  décora- 
tion du  théâtre,  les  acteurs  s'appliquaient  à  l'étude  de  leurs  rôles  et 
exerçaient  leur  mémoire  par  des  répétitions  fréquentes.  Du  23  dé- 
cembre 1508  au  29  avril  1509,  on  en  compte  onze,  toutes  suivies  de 
la  collation  d'usage  :  c'étaient  des  «  foyasses  »  (galettes),  du  vin,  des 
fruits  (2).  Nous  savons  en  etïet  que  la  moindre  réunion  pour  le  moin- 
dre sujet,  soit  à  la  maison  de  ville,  soit  ailleurs,  était  alors  accompa- 
gnée de  ces  rafraîchissements  obligés  (3).  Ces  répétitions  ou  recors 
avaient  lieu,  comme  nous  l'avons  dit,  à  l'officialité  ;  le  magistrat  qui 
présidait  à  ce  tribunal  et  y  rendait  la  justice  au  nom  de  l'archevê- 
que, acteur  lui-même  dans  la  pièce,  se  prêtait  avec  empressement  à 
en  faciliter  la  réprésentation. 

Le  costume  était  aussi  l'objet  de  la  sollicitude  particulière  des 
acteurs.  Il  devait  être  à  leur  charge  ;  car  cette  dépense,  évidemment 
fort  considérable  pour  les  98  personnages  du  Mystère,  ne  se  voit 
nulle  part  dans  le  compte  général.  On  y  trouve  bien  quelques  four- 
nitures payées  des  fonds  de  la  masse  et  remises,  est-il  dit,  à  tel  ou 
tel  pour  sa  feinte  (4)  ;  mais  on  remarquera  que  la  plupart  de  ceux 
qui  les  reçoivent  sont  des  plus  importants  de  la  cité,  et  il  n'est  pas 
probable  qu'ils  les    aient  employées  à  leur  usage  personnel.  Indé- 

(i)  Dans  tous  les  Mystères,  il  y  avait  un  personnage  dont  les  fonctions  corres- 
pondaient à  celles  de  régisseur  de  nos  théâtres  modernes,  et  qu'on  appelait  me- 
neur ou  maître  du  jeu.  Cet  emploi  a  été,  croyons-nous,  rempli  à  Romans  par 
Sanche  Dijon,  citoyen  notable  qui  avait  été  deux  fois  consul  (1504-5),  et  que 
le  Mémoire  nous  repré-ente  comme  une  espèce  de  directeur  des  travaux.  Il  pré- 
side aux  fouilles  sous  la  scène  pour  remplacement  de  l'enfer  ;  il  fait  garnir  le  tem- 
ple de  luminaire;  il  surveille  les  habillements,  les  décorations,  et  il  reçoit  un  salaire 
de  18  florins  pour  quatre  mois,  à  raison  de  4  flor.  1/2  par  mois  (pp.  616-7,  622  et 
625-6). 

(2)  Pp.  603-4,  bog,  612-3  et  615-6. 

(3)  On  constate  chaque  année  dans  les  recçistres  consulaires  que,  d'après  une 
coutume  immémoriale,  le  compte  annuel  du  receveur  était  suivi  d'un  dîner.  En  i  5  i  3, 
la  guerre  étant  imminente  et  les  circonstances  très  critiques,  il  fut  décidé  que  le 
repas  d'usage  n'aurait  pas  lieu  :  mais,  afin  que  cette  dérogation  accidentelle  ne  tirât 
pas  à  conséquence  pour  l'avenir,  on  eut  soin  d'en  consigner  les  motifs  dans  la 
délibération   du  8  juil.  (Papier  Je  raison  cité,  f°  94  V). 

(4)  Pp.  618,  622,  627  et  633. 


2l8  AIYSTÈRE    DES    TROIS    DOMS 

pendamment  des  rôles  réels  de  la  pièce,  le  théâtre  présentait  des 
personnag-es  muets  figurés  par  des  mannequins  ;  ces  «  corps  feints  », 
fabriqués  à  grands  frais  Ci),  étaient  comme  un  dédoublement  des 
martys  de  Rome  et  de  Vienne  pour  le  moment  de  leur  exécution. 
C'est  exclusivement  pour  cette  destination  que  les  chaussures  et 
étoffes  en  question  avaient  été  achetées,  et  elles  sont  mises  dans  le 
compte  sous  le  nom  de  l'acteur  principal  de  la  scène  à  laquelle  appar- 
tenaient ces  rôles.  Hors  ces  rares  exceptions,  on  peut  affirmer  que 
tous  ceux  qui  ont  joué  dans  la  pièce  se  sont  habillés  et  «  accoutrés  », 
comme  on  disait  alors,  à  leurs  frais. 

Au  commencement  de  mai,  grâce  à  l'activité  déployée  jusque-là, 
tout  était  disposé  pour  faire  la  montre  du  jeu  Bien  différente  du  ay 
ou  proclamation  qui  se  faisait  au  début  avant  l'étude  du  Mystère,  et 
qui  avait  pour  objet  principal  d'en  donner  connaissance  au  public  et 
de  trouver  des  acteurs  capables  et  de  bonne  volonté,  la  montre  suppo- 
sait les  préparatifs  de  la  mise  en  scène  presque  achevés,  les  rôles 
distribués  et  appris,  la  pièce  sur  le  point  d'être  jouée.  C'était,  en 
quelque  sorte,  un  échantillon  offert  aux  yeux  du  peuple  de  toutes  les 
magnificences  que  l'on  devait  prochainement  étaler  à  la  représenta- 
tion véritable  du  Mystère.  A  un  jour  fixe  —  à  Romans  ce  fut  le  6  mai 
—  tous  les  acteurs,  à  cheval  et  revêtus  de  leurs  costumes,  se  réunis- 
saient au  son  de  la  trompette  et  au  branle  de  toutes  les  cloches  ; 
cette  brillante  cavalcade  parcourait  ainsi  la  ville,  s'arrêtant  de  temps 
en  temps  sur  les  principales  places,  et  annonçant  ofticiellement  à  la 
foule  ce  que  celle-ci  savait  déjà  depuis  longtemps  :  le  sujet  du  drame, 
l'époque  du  jeu,  et  sans  doute  aussi  le  prix  des  places  et  toutes  les 
mesures  de  police  arrêtées  pour  les  trois  journées.  Notre  mémoire 
ne  parle  des  «  montres  du  geu  »  qu'accidentellement,  à  l'occasion 
d'une  collation  qu'on  n'aurait  eu  garde  d'oublier  ce  joui-là,  et  qui 
s'y  trouve  portée  comme  article  de  dépense  (2)  ;  mais  on  peut  sup- 
pléer à  son  silence  par  l'épilogue  du  Mystère.  Au  dire  du  juge 
Perrier,  tout  fut  d'une  richesse  inouïe  :  les  personnages  émerveillè- 
rent tous  la  ville  par  leurs  «  acostremans  »  en  draps  d'or,  d'argent,  de 
satin,  de  velours  et  de  soie  «  buffés  »  d'argent  ;  le  public  estima  à 
cent  mille  escus  et  plus  (3)  »  leurs  bagues  et  pierreries  (4). 

(i)  Pp.  606-7,  '^''  '  •  ^J'  3-5'  '"^  et  627. 

(2)  P.  617  ;  cf.  pp.  618  cl  622. 

(3)  Celte  somme,  quelque  peu  lahuleusc,  LCjuivaudiait  aujourd'hui  à  près  de  qua- 
tre millions  de  francs. 

(4)  P-    592 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     I  509.  219 

Le  lendemain  de  la  montre,  le  7  mai,  eut  lieu  le  dernier  recort,  la 
répétition  générale,  (i)  Là,  un  scrupule  un  peu  tardif  s'empara  des 
commissaires.  L'œuvre  du  chanoine  Pra,  même  après  avoir  été  si 
souvent  retouchée,  leur  parut  demander,  dans  certaines  parties  du 
moins,  un  nouveau  remaniement  :  à  leur  avis,  les  rôles  des  quatre 
«  tyrans  »  laissaient  encore  à  désirer.  On  résolut  de  les  faire  «  radou- 
ber ».  c'est-à-dire  de  les  renforcer  ;  et,  malgré  le  refus  récent  de 
Chevalet  de  coopérer  au  Mystère  des  Trois  Doms,  ce  fut  encore  à 
lui  qu'on  eut  recours  en  cette  circonstance,  tant  était  grande,  il  faut 
le  reconnaître,  la  réputation  dont  il  jouissait  à  cette  époque.  Etienne 
Combez  des  Coppes,  noble  romanais,  lui  fut  donc  député  à  Vienne  ; 
il  y  passa  quatre  jours,  et  cette  fois  le  poète  se  prêta  certainement 
au  travail  qu'on  lui  demandait,  puisque  le  compte  porte  sept  florins 
«  baylhés  à  mestre  Chevallet  »,  indépendamment  de  quelques  repas 
pris  par  lui  et  payés  à  part  (2). 

Sur  quels  points  portaient  ces  changements  ?  Il  est  facile  de 
nous  en  rendre  compte,  car  le  fatiste  viennois  transcrivit  fou  fit 
transcrire)  ses  corrections  à  la  marge  du  texte  ou  sur  des  feuillets 
intercalés  dans  le  manuscrit  et  de  plus  petit  format  que  les  pages 
de  l'œuvre  du  chanoine  Pra.  11  ne  retoucha  pas  seulement  le  rôle 
des  «  tyrans  »,  comme  on  pourrait  le  conclure  du  texte  visé  plus 
haut.  Toutefois  ces  rôles,  ou  d'autres  identiques  par  le  fond  de  comi- 
que et  d'expressions  saupoudrées  d'un  gros  sel,  furent  de  sa  part 
l'objet  d'un  soin  spécial.  Enfin  nous  apprenons,  par  un  article  de 
la  dépense  de  Combez,  qu'au  retour  d'une  excursion  à  Lyon  il  fit 
corriger  par  Chevalet  son  rôle  particulier  en  «  aulcuns  passages  »  ; 
ce  «  rhabillage  »,  comme  il  l'appelle  lui-même,  dans  la  note  écrite  et 
signée  de  sa  main  et  annexée  au  compte  général,  lui  coûta  un  teston. 
Etienne  Combez  figurait  Brisebarre,  le  premier  <>   tyran   ». 

Chevalet  aurait-il  également  rédigé  les  rubriques  du  Mystère,  ou 
notes  marginales  indicatives  des  jeux  d'instruments,  entrées  en 
scène  de  nouveaux  personnages,  départs  de  messagers,  etc.  >  On  ne 
sera  guère  porté  à  le  croire,  bien  que  la  même  plume  qui  a  fixé  sur  le 
papier  ses  modifications  et  retouches  semble  avoir  écrit  ces  rubri- 
ques, —  généralement  en  français,  parfois  en  latin.  La  Translation, 
qui  fait  suite  au   Mystère    et  qu'on  décida,  au   dernier   moment,  de 


(I)  P.  617. 

{2)  Pp.  620  et  6^4-5. 


220  MYSTERE  DES  TROIS  DOMS 

ne  pas  représenter,  n'offre  pas  ces  indications  théâtrales  :  c'est  donc 
après  coup  qu'elles  ont  été  rédigées. 

Ce  qui  est  hors  de  doute,  ce  sont  les  noms  des  scribes  du  cha- 
noine Pra.  Les  vers  de  la  première  journée  ont  été  copiés  par  maî- 
tre Perdichon,  ceux  de  la  seconde  par  maître  Jacques  Beille,  enfin 
ceux  de  la  troisième,  qui  comprenait  primitivement  la  Translation, 
par  Guiart  Rostaing.  notaire  de  Romans,  comme  les  deux  pre- 
miers (i). 

Les  derniers  jours  qui  précédèrent  les  fêtes  de  Pentecôte  furent 
emploj'és  à  terminer  les  préparatifs  pour  le  jeu  du  Mystère.  Le  15 
mai,  les  commissaires,  en  personnes  prudentes  et  avisées,  font 
visiter  par  deux  maîtres  charpentiers  pris  hors  de  la  localité,  l'un 
à  St-Marcelin,  l'autre  à  St-Antoine,  les  échafauds  et  le  théâtre,  afin 
de  s'assurer  de  la  parfaite  solidité  de  l'ouvrage,  auquel  cette  épreuve 
fut  favorable  (2).  Une  sentinelle  est  établie  à  la  porte  principale  de 
l'enceinte,  avec  mission  d'en  écarter  les  simples  curieux  et  d'en  per- 
mettre l'accès  aux  seuls  ouvriers  que  la  foule  trop  empressée  aurait 
gênés  dans  leurs  travaux  (3).  Enfin  arrive  le  grand  jour  de  la  repré- 
sentation. 

Pendant  que  le  souffleur  —  dont  l'importance  est  manifeste  si  l'on 
tient  compte  du  peu  de  temps  qu'on  eut  pour  apprendre  et  étudier 
les  rôles  —  aide  puissamment  les  nombreux  acteurs,  suivons,  nous 
aussi,  scène  par  scène  les  péripéties  de  notre  drame.  La  représenta- 
tion doit  durer  trois  jours  :  il  a  fallu  combiner  la  pièce  de  façon  à 
donner  un  tout  complet  durant  ce  laps  de  temps.  Aussi  a-t-on  exac- 
tement délimité  la  part  qu'on  doit  jouer  chaque  matin  et  celle  qui 
est  réservée  pour  les  après-dinées.  A  la  dernière  heure  on  a  reconnu 
que  le  Mystère  est  trop  long.  Que  faire  ?  On  se  hâte  de  syncoper  la 
trilogie  —  pourtant  si  amusante  —  de  Baudet,  Malenpoint  et  Blon- 
dette  (vers  5416-618),  et  l'on  retranche  la  Translation  qui  devait 
remplir  la  troisième  soirée.  De  plus,  on  échancre  une  partie  de  la 
seconde  journée  qui,  jointe  à  la  portion  fixée  pour  la  matinée  de  la 
troisième,  occupera  le  dernier  jour  tout  entier.  L'orchestre,  qui  a 
donné  des  aubades  le  jour  de  la  inonlrc  (4),  est  des  plus  simples.  A 
s'en  tenir  au  mémoire,  quatre  trompettes  amenés  à  grands  Irais  d'un 

(1)  P.  612. 

(2)  P.  O20. 

(3)  P.  626. 

(4)  P.   618. 


JOUE    A    ROMANS    EN     I  5O9.  22  1 

pays  étranger,  de  Valréas  (Vauclusej  fi),  et  quatre  tambourins  pris 
dans  la  ville  {2),  aurait  composé  toute  la  musique  du  jeu  (3).  Cepen- 
dant il  est  probable  que  d'autres  instruments  en  faisaient  partie. 
L'orgue,  qui  figurait  dordinaire  dans  le  Paradis  comme  accompa- 
gnement indispensable  des  chants  célestes,  n'a  pas  manqué  à  la 
représentation  de  ce  Mystère  (4)  ;  seulement  le  Chapitre  l'aura  peut- 
être  offert  sans  en  réclamer  le  loyer,  et  le  compte,  qui  se  borne  à 
rapporter  les  sommes  payées  ou  reçues,  n'en  a  pas  fait  mention. 

(i)  Pp.  614-5,  618,  620  et  6^5. 

(2)  Pp.  623,  625  et  627. 

(3)  A  Vienne,  à  la  Passion  jouée  en    1510,  il  y  avait    neuf  trompettes,  plusieurs 
autres  instruments,  des  orgues  et  des  chants  (p.  892). 

(4)  Pp.  202,  474,498,  500-2,  500  et  528  «  Silete  d'orgues.  » 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


HISTOIRE     RELIGIEUSE 

DE 

PONT-EN-ROYANS 

(ISÈRE) 
(Fin) 


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En  1678  et  1679,  le  prieuré  payait  aux  pauvres  du  Pont  la  24'  de 
la  dîme  du  lieu.  Cette  part,  évaluée  seulement  à  9  livres  en  1679,  fut 
largement  distribuée  par  le  prieur  lui-même  le  24  décembre  1698, 
aux  pauvres  du  Pont,  en  présence  du  châtelain  Lagachetière  et  du 
consul  Lamberton.  En  17 17  et  1728,  elle  était  payée  en  grains  et 
évaluée  à  12  livres.  Le  10  mars  1747,  le  «  bureau,  assemblé  à  l'ex- 
traordinaire, »  procédait  avec  le  syndic  du  prieuré  au  compte  de  la 
24'  due  aux  pauvres  depuis  1740  inclusivement  jusqu'à  1747  exclusi- 
vement ;  et  le  syndic,  débiteur  de  100  livres,  livrait  immédiatement 
cette  somme  à  Juste  Faure,  syndic  des  pauvres. En  1 762,  les  Antonins 


222  HISTOIRE    RELIGIEUSE 

du  Pont,  arguant  de  leurs  privilèges  et  de  leurs  charges,  refusaient 
la  24*  ;  mais  le  syndic  des  pauvres  faisait  assigner  celui  du  prieuré  à 
se  présenter  chez  le  commissaire  député  du  parlement.  Il  y  a  une 
lettre  de  Galland,  abbé  général  de  Saint  Antoine,  du  3  juillet  1762, 
écrite  à  un  procureur  pour  que  celui-ci  avisât  à  la  chose.  Mais  en 
1765  la  question  n'était  pas  encore  définitivement  tranchée.  Les 
Antonins  avaient  continué  à  payer,  mais  sous  réserve  de  se  faire 
rembourser  si  leurs  privilèges  étaient  rétablis  (ij.  La  Révolution 
devait  quelques  années  plus  tard  abolir  d'un  seul  coup  et  la  24^  et  la 
dime  elle-même. 

Secours  administratij's.  —  A  des  besoins  extraordinaires,  les  châ- 
telains et  consuls  du  lieu  répondaient  par  des  mesures  et  des  secours 
insolites.  En  1650,  une  épidémie,  éclatant  au  sein  même  de  Pont- 
en-Royans,  y  semait  l'effroi  et  décimait  la  population.  Beaucoup 
d'habitants  cherchant  leur  salut  dans  la  fuite,  Just  Bertrand,  châte- 
lain du  lieu,  déploya  tout  le  courage  et  le  zèle  que  peuvent  inspirer 
l'amour  de  la  patrie  et  un  dévouement  intelligent.  «  Par  ses  ordres, 
la  police  s'organise,  on  nomme  un  capitaine  de  santé,  dont  la  mis- 
sion était  de  combattre  le  mal  et  de  rassurer  par  de  sages  mesures 
un  public  justement  alarme  ;  une  garde  permanente  veille  nuit  et 
jour  aux  portes  de  la  ville,  pour  empêcher  toute  communication  avec 
le  dehors  ;  la  porte  du  Bourg,  que  l'exiguïté  des  ressources  avait 
laissée  dans  le  délabrement  et  l'abandon,  devint  alors  l'objet  de  la 
sollicitude  du  châtelain,  et  fut  réparée  en  toute  hâte.  »  Bien  que  ces 
barrières  fussent  impuissantes  à  arrêter  la  peste  dans  son  cours,  il 
y  a  lieu  de  louer  ceux  qui  prirent  contre  celle-ci  toutes  les  mesures 
en  leur  pouvoir. 

«  L'année  1724  fut  marquée  par  un  événement  qui,  couvrant  de 
ruines  tout  le  quartier  du  Bourg,  jeta  l'épouvante  et  la  consternation 
dans  les  autres  parties  de  la  ville.  Quinze  ou  seize  maisons  s'écrou- 
lèrent sous  la  pression  du  terrain  qui  les  dominait  au  levant.  Les 
archives,  en  constatant  cet  affreux  accident,  ne  nous  disent  pas  le 
nombre  des  personnes  qui  périrent  ensevelies  toutes  vivantes  dans 
leurs  propres  demeures.  Les  conséquences  d'un  aussi  effroyable 
sinistre  furent  terribles;  plusieurs  familles,  privées  d'asile  et  réduites 
à  une  prof(jnde  misère,  allaient  errantes,  demandant  des  secours  et 
un  abri  hospitalier.  La  charité  des  l-*ontois  répondit  à  l'appel  du 
malheur  et  aux  cris  de  la  souffrance.  » 

(i )  Arch.  ei  foncJb  cil. 


DE    PONT-EN-KOYANS.  223 

La  même  cause  produisit  en  1748  un  effet  analogue.  Toutefois  on 
n'eut  à  déplorer  que  la  perte  de  trois  maisons. 

L'année  suivante,  calamité  d'un  nouveau  genre,  u.  Les  campa- 
gnes, inondées  par  des  pluies  abondantes,  n'offraient  aux  yeux  des 
laboureurs  qu'un  sol  stérile  et  dépouillé.  Une  extrême  disette  se  fît 
sentir  à  Saint-Marcellin,  à  Valence  et  aux  environs.  Pont-en-Royans 
eut  beaucoup  à  souffrir,  car  il  ne  recueillait  qu'un  vingtième  de  sa 
consommation  ordinaire.  Les  paroisses  voisines,  loin  de  pouvoir  lui 
venir  en  aide,  avaient  à  peine  récolté  l'équivalent  des  semences 
confiées  à  la  terre.  Sans  attendre  que  le  mal  empirât,  la  municipa- 
lité décréta  la  fondation  d'un  magasin  où,  par  les  soins  des  deux 
consuls,  furent  déposés  1,200  quintaux  de  blé  destiné  à  satisfaire 
les  premiers  besoins  des  habitants.  »  L'intendant  de  la  province, 
non  content  d'autoriser  une  mesure  si  sage,  l'encouragea  en  four- 
nissant lui-même  50  sétiers  de  blé  au  nouveau  grenier  (i). 

Bureau  de  bien/aisance.  —  Il  est  constitué  depuis  déjà  longtemps. 
Ses  recettes  ordinaires  étaient  en  1871  de  1,209  f''-i  son  revenu 
annuel  est  actuellement  de  1,650. 

Société  de  bienfaisance  rnutuelle.  —  Sous  la  mairie  de  M.  Mar- 
chand, en  1846,  les  ouvriers  de  Pont-en-Royans  fondèrent  une 
société  de  bienfaisance  qui  avait  pour  but  de  secourir  ceux  de  ses 
membres  qui  seraient  malades  ou  dans  le  besoin.  La  caisse  était 
alimentée  paf  les  versements  faits  en  entrant,  par  des  versements 
mensuels  et  par  les  amendes  dont  étaient  punis  certains  manque- 
ments au  règlement.  Ce  règlement,  distribué  en  52  articles,  fut 
adopté  en  assemblée  générale  le  6  septembre  1846,  et  approuvé  par 
Je  Préfet  de  l'Isère  le  28  du  même  mois.  On  le  fît  ensuite  imprimer 
chez  C.  Bossan,  imprimeur  à  Saint-Marcellin.  11  forme  une  brochure 
de  12  pages  in-12. 

VIII.  —  Institutions  scolaires. 

Les  premières  traces  d'une  école  au  Pont  remontent  au  XV*  siècle; 
elles  nous  sont  fournies  par  un  acte  du  i"  octobre  1428,  intervenu 
entre  le  prieur  et  le  curé  du  Pont  et  ayant  pour  objet  les  droits  de 
l'un  et  de  l'autre  sur  une  maison  située  dans  l'intérieur  de  la  ville. 
Cette  maison,  dit  l'acte,  était  attenante  à  la  maison  de  maître  Ismi- 
don  de  Memor,  maître  d'école  des  frères,  c'est-à-dire  des  religieux 

(i)  Vincent,  op.  cit.,  pp.  97  et   11  2-3. 


224  HISTOIKt    RELIGIEUSE 

du  lieu  'juxta  dominn  ma;^i$lri  MiJdoni  de  Memore,  magistri  schole 
fiwlrunt  dicti  loci),  et  le  maitre  d'école  figure  lui-même  comme  té- 
moin dans  cet  acte  (ij. 

Au  XVl"  siècle,  il  y  avait  certainement  au  Pont  une  école  de  gar- 
çons. Quant  aux  protestants,  voici  des  détails  qui  nous  permettent 
d'entrevoir  comment  ils  pourvoyaient  à  l'instruction  de  leurs  en- 
fants. Jacques  Terrot,  protestant  influent  du  Pont,  avait  épousé  le 
i'"  février  1619  Marguerite  Arnaud-Balmas,  de  Saint-Paul,  et  en 
avait  eu  2  garçons  et  3  filles,  quand  il  mourut  le  1 1  novembre  1628. 
Sa  veuve  mourut  elle-même  le  15  juin  1630.  Une  assemblée  de  pa- 
rents décida  d'adjoindre  à  Just  Terrot,  frère  du  défunt  et  désigné 
pour  tuteur  dans  le  testament  de  celui-ci,  les  sieurs  Pierre  Terrot  et 
Arnaud-Balmas,  pour  surveiller  sa  gestion.  Le  jeune  Etienne,  aîné 
des  garçons,  âgé  de  10  ans,  fut  confié  à  M.  d'Hérieu,  ministre  pro- 
testant au  Pont;  les  trois  filles  furent  confiées  à  M™''  d'Hérieu,  pour 
les  élever  dafis  la  vertu,  dit  l'assemblée  de  parents  ;  le  petit  Jacques, 
qui  n'avait  que  2  ans  à  la  mort  de  sa  mère,  fut  emmené  à  Saint- 
Paul  par  son  oncle  Arnaud  Balmas,  qui  le  mit  à  l'école  à  Romans  à 
7  sous  par  mois  (2). 

En  1734,  Catherine  Baty,  sans  doute  déjà  religieuse  de  l'hôpital  du 
Pont,  annexa  à  celui-ci  une  école  de  filles.  En  1776,  voulant  assurer 
à  un  plus  grand  nombre  d'enfants  les  avantages  de  l'instruction, 
cette  généreuse  fille  abandonna  au  même  établissement  la  somme 
de  3,000  écus  ;  c'étaient  les  débris  d'une  fortune  toute  consacrée  aux 
bonnes  œuvres.  D'après  les  clauses  de  son  testament  daté  du  12 
novembre,  six  garçons  devaient  être  élevés  gratuitement.  Leur  ins- 
tituteur, nommé  par  le  curé,  était  soumis  à  l'approbation  de  l'ordi- 
naire. Ces  détails  que  nous  donne  M.  l'abbé  Vincent  d'après  les  ar- 
chives du  Pont,  sont  les  seuls  que  nous  ayons  sur  les  écoles  du  lieu 
au  XVIII"  siècle;  ou  plutôt,  le  même  auteur  nous  apprend,  un  peu 
plus  loin,  que  le  budget  des  dépenses  communales  de  1740  portait 
100  livres  de  gages  pour  l'instituteur  (3). 

Aujourd'hui,  et  depuis  déjà  de  longues  années,  l'école  de  garçons 
du  Pont  est  confiée  à  un  instituteur  laïque  aidé  d'un  adjoint.  Celle 
des  filles  est  dirigée  par  3  religieuses  de  la  congrégation  de  Sainte- 
Marthe  de  Romans,  congrégation  si  hautement  appréciée  pour  son 
intelligence  et  son  dévouement  dans  l'éducation  de  la  jeunesse. 

(i)  Arch.  et  fonds  cit. 

(2)  Notice   .    .    .    Terrot,  p.   21-3. 

(3;  Lettres  sur  le  Royans,  p.   105-7 


DE    PONT-EN-ROYANS.  225 


IX.  —  Illustration  ecclésiastique. 

Du  mariage  de  Jean  Terrot,  bourgeois  du  Pont,  avec  Madeleine 
de  Gumin  de  Trufel  de  la  xMurette,  mariage  contracté  en  17 12,  na- 
quirent 5  enfants,  4  garçons  et  i  fille,  savoir  :  Jacques-Joseph, 
Charles,  Etienne,  André  et  Madeleine.  Charles,  qui  selon  l'usage  de 
l'époque  s'appelait  Sillac,  nom  d'un  domaine  de  la  famille  situé  à 
Ste-Eulalie,  entra  en  qualité  de  cadet  dans  un  régiment  sarde,  qui 
était  en  garnison  à  Tortone  en  Piémont.  Mais,  au  lieu  de  s'occuper 
de  son  instruction  militaire  et  de  fréquenter  les  officiers,  il  était  sans 
cesse  dans  les  églises,  ce  qui  annonçait  peu  de  vocation  pour  l'état 
militaire.  En  effet,  ayant  un  jour  quitté  sa  garnison,  il  revint  au 
Pont,  près  de  sa  mère,  a  De  là  il  partit  pour  Paris,  où  il  fit  de  fort 
bonnes  classes  à  Saint- Sulpicc  ;  puis  devint  prêtre  de  l'ordre  du 
Saint-Sacrement,  fut  supérieur  du  séminaire  de  son  ordre,  à  Va- 
lence, puis  à  Chabeuil,  a  Marseille  et  enfin  à  X'alréas,  d'où  la  révo- 
lution le  chassa.  11  vint  finir  ses  jours  au  Pont,  à  Château-Gaillard, 
où  il  mourut  sur  la  fin  de  1795.  " 

A  ces  traits  généraux,  fournis  par  la  Aotice  sur  la  famille  Terrot, 
écrite  par  le  petit-neveu  de  notre  personnage,  joignons  quelques 
détails  puisés  à  la  même  source. 

En  1747,  étant  supérieur  au  collège  de  Valence,  il  apprend  que 
jy^me  Xerrot,  sa  mère,  est  à  toute  extrémité,  et  qu'il  faut  partir  de 
suite,  s'il  veut  la  voir.  Il  monte  à  cheval,  et,  arrivé  sous  les  murs  de 
Château-Gaillard,  il  s'informe  de  l'état  de  sa  mère.  On  lui  dit  qu'elle 
est  morte  et  morte  protestante.  11  fait  tourner  bride  à  son  cheval  et 
revient  à  Valence. 

«  Ma  mère,  qui  était  de  Chabeuil,  dit  l'auteur  de  la  Notice  et  qui 
l'avait  beaucoup  connu,  lorsqu'il  était  supérieur  du  collège  de  cette 
ville,  m'a  dit  qu'il  avait  une  grande  réputation  de  sainteté,  et  un 
talent  remarquable  pour  la  chaire.  Il  attirait  à  Chabeuil  la  haute 
société  de  Valence  qui  venait  entendre  ses  sermons.  Il  nous  a  laissé 
une  malle  pleine  de  sermons  écrits  de  sa  main.  C'est  lui  qui  con- 
tribua au  mariage  de  mon  père,  qui  était  son  neveu  et  qu'il  avait 
élevé,  avec  Marthe  Lacroix-Saint-Pierre,  fille  du  juge  mage  de  Cha- 
beuil. » 

M.  Mouralis,  curé-archiprétre  de  Saint-Jean-en-Royans,  chevalier 
de  la   Légion   d'honneur,   qui  était   du   Midi,   avait  commencé  ses 

Bull.  VII,  1887.  17 


2  26  NOTES     SUR    LA    COAIMANDERIE 

classes  sous   Charles  Terrot,  à  Valréas,  avec  l'abbé  Maury,  devenu 
ensuite  cardinal. 

Enfin ,  le  digne  prêtre  du  Saint-Sacrement  eut  en  son  frère 
Etienne,  plus  jeune,  né  au  Pont  le  5  avril  1721,  le  général  d'artillerie 
Terrot  de  Lavalette,  décédé  au  même  lieu  le  30  juillet  1793  (i). 

(i)  Notice,  p.   ^7-62. 

FIN. 

L.  FILLET. 


NOTES 

SUR 

LA  COilANDFRIE  DES  ANTONINS 

A    AUBENAS,   EN    VIVARAIS. 

(Suite) 


Voici  l'inventaire  de  St-Antoine  d'Aubenas  en  1456  : 

L'an  du  seigneur  1450  et  le  12  juillet  fut  fait  l'inventaire  du  trésor 
de  St-Anloine  rendu  par  le  F.  Vital  Icxtor,  sacristc,  au  seigneur 
commandeur  d'Aubenas,  ¥.  Antoine  de  Serre  —  et  furent  remis 
tous  les  objets  suivants  : 

Premièrement,  le  bras  de  St-Marc  (brachium  Sti Marchi)  en  argent, 
ayant  son  poignet  doré  par  dessus  et  orne  de  feuillages  ; 

Item  dans  le  milieu  où  est  le  verre,  les  montres  du  même  dorées 
par  dessus  avec  branches  et  feuillages  ; 

Item    une   grande  croix  d'argent  avec   deux  poignets  d'argent  et 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  227 

leur  chaîne  d'argent,  avec  dix  émaux  et  quatre  figures  d'Evangelistes; 
—  dans  laquelle  sont  fixés  par  derrière  et  par  devant  25  bosses  et 
pierres  qui  étaient  autrefois  faites  et  posées  dans  la  même  croix  ;  et 
par  derrière  est  un  agneau  d'argent  au  milieu  de  la  dite  croix,  doré 
par  dessus,  et  avec  sept  émaux  par  derrière  garnis  de  nombreuses 
images  ; 

Item  un  calice  d'argent  avec  sa  patène,  jadis  doré  par  dessus, 
évasé  par  le  haut  et  au  milieu  du  pied,  avec  six  boutons  d'émail, 
pesant  un  marc  sept  onces  et  treize  deniers  avec  obole  ; 

Item  un  calice  d'argent  avec  sa  patène,  doré  en  dessus  avec  un 
boutori  au  pied,  rond,  avec  quatre  baguettes  entourant  le  dit  pied, 
du  poids  d'un  marc,  six  onces  et  vingt  deniers  tournois. 

Item  un  autre  petit  calice  d'argent  avec  sa  patène,  pesant  six  onces 
six  deniers  ,  donné  par  Roberte  Cognasse  comme  c'est  écrit  par 
dessous  ; 

Item  une  petite  croix  d'argent  dorée  au  dessus,  dans  laquelle  est 
une  ouverture  au  dessous  de  la  sainte  croix  de  N.-S.  J.-C.  au  milieu  ; 
et  au  dessous  de  la  cavité  faite  dans  la  même  croix,  au  milieu  de  la 
croix  et  dans  le  sens  de  la  longueur  de  cette  cavité,  est  un  morceau 
de  la  vraie  croix,  quoique  petit  et  ne  remplissant  pas  la  cavité, 
le  tout  pesant  trois  onces  moins  sept  deniers,  et  la  figure  du  Crucifié 
est  sur  pied,  et  la  croix  a,  à  ses  quatre  extrémités,  à  chacune  d'elles, 
une  petite  boîte  (bosedamj  pour  y  tenir  de  saintes  reliques  ; 

Item  un  ostensoir  d'argent  muni  de  quatre  chaînes,  beau  avec  ses 
accessoires,  in  quo  siini  Dei,  en  argent,  pesant  deux  marcs  deux  onces 
quinze  deniers  ,  donné  par  Jacques  Coqui  comme  c'est  écrit  au 
dessous  ; 

Item  deux  paix  (pacesj(i)  de  laiton  et  à  l'une  d'elles  il  manque 
l'image  de  St-Jean  ;  à  part  cela  elles  sont  complètes  ; 

Item  un  reliquaire  qu'on  porte  dans  les  quêtes,  avec  sa  croix  de 
dessus  en  argent,  et  un  bouton  où  est  fixée  la  dite  croix,  lequel  bou- 
ton est  en  argent.  Le  reliquaire  est  placé  entre  trois  preces  per  vicem 
et  il  renferme  un  long  compartiment  en  cristal  où  sont  placées  les 
reliques,  et  au  pied  sont  six  boutons  émaillés,  et  d'autre  part  le  pied 
est  orné  de  fleurs  de  roses,  et  il  est  entièrement  bien  fait  et  tra- 
vaillé ; 

(1)  Pax,  instrumentum  quod  inter  missarum  solemnia  populo  osculandum  prœ- 
betuT  (Ducange).  Dans  les  églises  où  cet  objet  n'existe  pas,  on  se  sert  (à  tort)  aux 
offrandes  de  la  patène. 


228  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

Item  un  grand  coffret  travaillé  par  dessus  et  très-beau,  environné 
tout  autour  d'images  blanclies  de  saints  en  ivoire,  et  au  dessous  est 
un  autre  petit  coffret  où  sont  plusieurs  reliques  au  nombre  de  52 
saints,  comme  il  est  écrit  sur  une  petite  tablette,  et  le  coffret  a  sa 
serrure  et  sa  clé  et,  tant  dans  ce  coffret  que  dans  un  autre  que 
remit  également  le  dit  sacriste,  en  l'ouvrant,  on  voit  retracés, 
par-dessus  et  tout  autour,  des  traits  de  la  vie  de  St-Antoine,  et 
dans  ce  coffret  sont  les  dites  reliques  et  celles  de  plusieurs  saints, 
comme  il  est  établi  ci-dessous  ;  —  Item  deux  missels,  l'un  à 
l'usage  des  religieux,  qui  commence  par  les  mots  :  Xostriiin  Jesum 
Christum,  en  tête  du  premier  feuillet,  et  les  feuillets  sont  au  nombre 
de  349  ; 

L'autre  missel  est  à  l'usage  du  clergé  de  Toulouse  et  commence 
par  les  mots  :  In  nomine  Uomini  nostri  et  finit  au  dernier  feuillet  par 
les  mots  :  Solcmpma  prevtnieinus  ;  —  item  deux  légendaires,  bons, 
à  l'usage  de  la  religion  de  St-Antoine  ;  —  item  un  autre  légendaire 
à  l'usage  des  moines  noirs  (Bénédictins),  lequel  est  un  missel  qui 
n'est  pas  pour  le  pays  de  France  et  le  commandeur  veut  qu'il  soit 
vendu  et  que  le  prix  soit  converti  en  d'autres  livres  d'usage  et  de 
religion  de  St-Antoine;  —  item  trois  répons  à  1  usage  de  la  dite 
religion,  un  neuf  et  deux  presque  usés  ;  —  item  deux  psautiers  et 
dans  l'un  il  y  a  à  faire  des  noms,  ce  qui  est  une  petite  réparation  ; 
il  y  a  aussi  à  refaire  les  calendriers  et  on  a  commandé  de  faire  ces 
réparations  ;  —  item  un  livre  dit  ojjicies,  c'est-à-dire  Graduel,  en 
bon  état  ;    -    item   un  pistolari  (Epistolier)  ;   —  item  deux  Prosiers  ; 

—  item  un  livre  dit  Vordenari ;  -  item  trois  livres  dits  Prosiers;  — 
item  quatre  Passions  notées  ;  —  invention  du  corps  de  St-Antoine  ; 

—  révélation  du  même  ;  —  item  un  petit  missel  au  complet  ;  — 
item  deux  livres  dits  Capituliers  ;  —  item  un  cahier  (caterniimj  de  la 
Conception  de  la  Ste-Vierge  ;  —  item  un  cahier  de  l'oflice  de  St- 
Antoine  qui  commence  SiloLe  et  c'est  l'office  noté  de  la  messe  ;  — 
item  un  autre  li\  re  de  la  règle  de  St-Antoine  et  des  statuts  de  la  dite 
religion,  où  sont  plusieurs  antiphonaires  de  la  Ste-Vierge,  livre  que 
le  seigneur  commandeur  apporta  dans  la  dite  église  et  qu'il  donna  ; 

—  item  un  autre  livre,  petit,  de  sermons,  donné  par  le  I'.  Antoine 
Bethoa,  commandeur  de  Tournon  ;  —  item  un  panneau  sur  toile 
(incdiciasj  de  Y \xr\di\^c  àt  St-yXnloine  sur  l'autel  avec  son  cadre  orné 
de  plusieurs  images  ;  —  quatorze  nappes  bonnes  ;  —  quatre  nappes 
moyennes,    bonnes,   de  modique   valeur;    -    deux   nappes;  ■-    une 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  229 

couverture  de  grand  autel  en  peau  de  mouton  ;  —  sept  aubes 
bonnes  ;  —  cinq  de  modique  valeur;  -  quatre  amicts,  tant  bons 
que  de  modique  valeur  ;  —  quatre  burettes  ;  —  une  longière  de 
curtil  blanc  ;  —  des  vêtements  sacerdotaux  de  couleur  perse,  brodés 
de  soie,  parmi  lesquels  est  une  chasuble  et  des  habits  de  diacre  et 
sous-diacre  et  une  chape,  le  tout  est  de  valeur  convenable;  —  des 
vêtements  sacerdotaux  de  bocassin  (bocaci)  fi),  ornés  à  la  façon  des 
autres  ;  —  une  chasuble  de  soie  blanche  avec  son  étole  et  son  mani- 
pule ;  —  des  vêtements  sacerdotaux  de  diacre  et  de  sous-diacre 
batut  danc  ;  —  une  chape  ornée  d'une  face  humaine  ;  —  une  ban- 
nière de  couleur  rouge,  de  valeur  modique  ;  —  une  chasuble  de  soie, 
ancienne,  ornée  de  feuillages,  avec  étole  et  manipule  ;  —  une  autre 
chasuble  de  couleur  verte,  de  peu  de  valeur,  avec  son  étole  ;  —  une 
autre  chasuble  de  coton,  de  peu  de  valeur;  —  une  autre  chasuble 
de  toile,  de  peu  de  valeur  ;  —  deux  pelisses  (peliseus)  grandes  et 
deux  petites,  de  peu  de  valeur;  —  quatre  chandeliers  de  fer,  dont 
trois  ayant  troi^  pieds  ;  —  quatre  petits  chandeliers,  dont  deux  de 
peu  de  valeur  ;  —  un  bassin  à  quête  pour  les  âmes  du  purgatoire  ; 
—  deux  petits  tariels  et  deux  autres  petits  pleins  de  jail  pour  tenir 
des  livres  ;  un  beneytier  ;  —  trois  paires  (duelhas)  de  petites  clo- 
chettes devant  l'autel  et  sept  autres  petites  clochettes  sonnant  quand 
on  élève  le  corps  du  Christ  ;  —  au  bas  de  l'église  :  un  archibanc 
avec  serrure  et  clé  ;  un  autre  dans  la  pièce  de  la  sacristie  avec 
serrure  et  clé  ;  —  un  autre  derrière  l'autel  de  peu  de  valeur  ;  — 
l'ornement  d'une  lampe  de  fer  et  d'étain  dans  le  fond  où  l'on  tient 
les  lampes  ;  —  dans  le  clocher  :  deux  cloches.  —  Et  le  présent  in- 
ventaire fut  fait  par  vénérable  homme  F.  Antoine  de  Serre,  com- 
mandeur de  la  présente  commanderie,  en  présence  des  FF.  Antoine 
Plagnol ,  Pierre  Coyta  et  moi  Rochette,  notaire.  —  Et  tous  les 
objets  susdits  furent  remis  au  dit  sacriste  qui  promit  de  les  bien  et 
fidèlement  garder  et  conserver  et,  quand  il  le  faudra,  de  les  rendre 
au  seigneur  commandeur  ou  à  ses  successeurs  à  réquisition  et  en 
témoignage  de  ses  promesses.  Ont  signé  :  Antoine  de  Scrre,  com- 
mandeur.   -    Ita  est,  sacriste  de  St-Antoine.  —  Ita  est,  Plagnol. 

Inventaire  des  objets  existant  dans  l'hôpital  de  Ste-Anne.  —  En  l'an 
susdit  et  le  12  du  mois  susdit,  furent  trouvés  les  objets  suivants  par 
le  dit  messire  commandeur  :  —  et  d'abord  dans  le  premier  lit  près 
de  la  porte  :  un  matelas  (ahnatracium),  trois  couvertures,   un  coussin 

(i)  Bocassiniis,  étoffe  de  lin  ou  de  coton   (Ducange). 


230  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

de  plume,  deux  draps  ;  —  dans  un  autre  lit  contigu  au  précédent  : 
un  matelas  (alm.itraciumj  et  deux  couvertures  seulement;  —  dans 
un  autre  lit  près  de  la  porte  du  verger  :  un  matelas  (cidcitra)  de 
plume  (i)  et  un  autre  coussin  également  de  plume,  deux  couver- 
tures grossières  (lodices),  deux  draps  ;  —  dans  un  autre  lit  voisin  : 
un  matelas  avec  son  coussin  de  plume,  deux  couvertures  grossières 
et  un  drap  ;  —  seize  draps,  trois  nappes. 

Dans  la  cuisine,  un    ig^iipendhim  (2),  un  trépied  et  quelques  au- 
dessas  (3),  une  poêle  à  frire. 

Dans  l'hôpital   :    une  armoire  farca)  avec  clé  et   serrure,  où  l'on 
tient  les  draps  et  nappes. 

Étaient  présents  :  le  commandeur  de  Tournon,  noble  Christophore 
de  Serre,  F.  Etienne  de  Missolz. 

Item  une  caisse  avec  clé  et  serrure  entre  deux  posatas — 
(Ici  deux  pages  en  blanc). 


Arrentemefit  de  la  commanderie  de  St-Antoine  d'Aubenas.  —  Le 
13  juillet  1456,  vénérable  et  religieux  homme,  Antoine  de  Serre, 
commandeur  de  la  commanderie  de  St-Antoine  d'Aubenas,  afferme 
pour  six  ans  et  six  récoltes,  commençant  à  la  Madeleine  prochaine, 
sa  commanderie  d'Aubenas,  au  F.  Pierre  Salhencoyta,  commandeur 
de  Gévaudan,  au  prix  de  soixante  écus  d'or  par  an.  Salhencoyta 
aura  à  donner,  en  outre,  chaque  année,  un  quintal  de  chanvre  et  un 
quintal  de  laine,  100  pieds  de  porc,  24  draps,  un  muid  de  piquette 
(vini  lyinphati).  —  Il  livrera  la  laine  à  la  Madeleine,  le  chanvre  à  St- 
Michel,  les  pieds  de  porc  et  les  draps  le  jour  de  St-Antoine,  le  muid 
de  piquette  à  l'époque  des  vendanges,  et  ce  vin  doit  être  bon  et  du 
meilleur.  ~^ 


d)  Nous  avons  traduit  également  par  matelas  les  mots  almatracium  et  culcilia, 
bien  qu'à  notre  avis  culcitia,  qui  revient  constamment  dans  ces  inventaires,  doive 
plutôt  correspondre  à  ce  que  nous  appelons  paillasse  qu'à  un  vrai  matelas. 

(2)  Nous  supposons  que  \'i<^)tipendium  était  la  crémaillère,  non  pas  celle  à  crochet 
ou  l'on  suspend  la  marmite,  mais  celle  qui  se  termine  par  un  appendice  destiné  à 
porter  une  poêle  à  frire. 

(3)  Probablement  les  petits  trépieds  bas  qui  servent  à  maintenir  les  casscrolles 
placées  sur  les  trous  des  potagers. 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  23 I 

Il  est  convenu  de  plus  que,  pendant  cette  période  de  six  années, 
le  dit  F.  Pierre  fera  le  service  divin  dans  l'église  St-Antoine  et  le 
fera  faire  par  les  Frères  de  la  dite  maison  et  qu'il  pourvoira  bien  et 
honnêtement,  de  la  manière  accoutumée,  aux  Frères  de  la  Religion, 
c'est-à-dire  au  commandeur  de  Tournon,  au  sacriste,  à  l'archiprêtre 
et  aux  deux  claustriers,  s'ils  y  sont,  et  qu'il  donnera  à  qui  de  droit, 
tant  qu'il  sera  là,  l'hospitalité  honnête  qui  est  d'usage.  Il  recevra  les 
biens  meubles  et  immeubles  du  commandeur,  en  fera  un  bon 
emploi  et  les  rendra  au  bout  des  six  ans.  Il  pourvoira  aux  hospita- 
liers de  la  manière  accoutumée.  11  tiendra  en  bon  état  les  maisons 
de  la  dite  commanderie  et  veillera  à  ce  que  les  charpentes  ne  soient 
pas  endommagées.  Il  fera  face  à  toutes  les  charges  ordinaires  et 
extraordinaires  de  la  maison  et  en  tiendra  quitte  le  commandeur 
vis-à-vis  de  tous  les  ayant-droit.  Il  fera  faire  à  ses  frais  trente  jour- 
nées pour  provigner  les  vignes  de  la  commanderie.  Il  emploiera 
chaque  année  200  échalas  (fruchas)  pour  la  réparation  de  ces  vi- 
gnes (i).  Il  pourvoira  chaque  année  la  dite  maison  de  200  treules  (2), 
de  deux  douzaines  de  planches,  d'une  douzaine  de  chevrons,  et  d'un 
muid  de  chaux  avec  le  sable  nécessaire  pour  la  réparation  des  bâ- 
timents. —  Mais  le  commandeur  se  réserve  de  percevoir  les  lods  et 
droits  d'investiture,  de  garder  la  défroque  de  ceux  des  Frères  qui 
viendraient  à  mourir,  de  toucher  ce  qui  revient  à  ses  hôpitaux.  — 
Il  est  de  plus  convenu  que  le  F.  Pierre  fournira  pendant  un  mois, 
dans  la  dite  maison,  deux  chevaux  au  seigneur  commandeur  ou  à 
celui  qui  viendra  à  sa  place,  mais  s'il  ne  vient  personne,  le  com- 
mandeur n'aura  rien  à  réclamer  de  ce  chef.  —  L'acte  est  passé  dans 
la  maison  de  St-Antoine.  Les  témoins  sont  :  F.  Antoine  Plagnol, 
noble  Christophore  de  Serre,  Pierre  Gleize,  Vital  Colomb,  Jacques- 
Jean  Des  Combes,  Pierre  Chafenor,  Raynaud  Valeton. 


Le  17  juillet,  le  commandeur  Antoine  de  Serre  donne  en  nouvel 
accapt  à  Gonet  Laurent,  de  St-Pierre-le-Vieux,  une  terre  située 
dans  ce  quartier,  pour  le  cens  annuel  d'une  émine  de  froment. 

(i)  Ce  mot  ûe  fruchas  pour  échalas  est  encore  employé  du  côté  de  Joyeuse, 
(2)  Les  tuiles  sont  encore  appelées  triéoûlé  dans  le  patois  local. 


232  NOTES    SUR    LA    CO.M.MANDERIE 


Le  26  juillet,  à  la  suite  de  l'arrentement  ci-dessus,  a  lieu  l'inven- 
taire des  biens  de  St-Antoine  pour  être  remis  au  fermier,  le  F. 
Pierre  Salhencoyta.  En  voici  le  détail  : 

Dans  la  cour  :  —  deux  tables  bonnes,  avec  quatre  tauliers;  —  devant 
le  four,  un  banc  ;  —  une  autre  table  ancienne,  avec  ses  tauliers  ;  — 
un  dressoir  (dreyssador)  neuf  avec  deux   serrures   et  clés  ;  —  deux 
chandeliers  de  fer  et  un  de  laiton;  —   un  archibanc  de  peu  de  valeur; 

—  trois  salières  d'étain  ;  —  un  cachet  pour  marquer  les  effets  et  la 
vaisselle. 

Dans  la  bouteilleiie  de  la  dite  maison  :  —  D'abord  trois  cruches 
(cruchias)  pour  tenir  de  l'huile  ;  vingt-un  pains  pour  la  dépense 
de  la  maison  ;   —  une  caisse  de  peu  de  valeur,  sans  serrure  ni  clé  ; 

—  une  cruche  pour  tenir  de  l'huile  ;  —  trois  barraux  (\)  tenant  cha- 
cun trois  pots;  —  une  coriie/^a  (corbeille);  —  un  petit  vase  pour 
tenir  le  pynès  ;  —  quatre  brocs  (pitalphos)  d'étain  contenant  chacun 
an  pot  de  vin  ;  —  un  broc  contenant  trois  chopines  ;  —  quatre  ai- 
guières d'étain  ;  —  deux  armoires  (armatria)  avec  serrures  et  clés;  — 
un  pet.it  hachoir  (chaplador)  {2)\  —  un  autre  pour  rompre  et  fendre 
le  pain. 

Item,  dans  la  cuisine  :  — Trois  seaux  (si'tiiLtsJ  pour  tenir  de  l'eau  ;  — 
une  st.Diienha  f^)  de  peu  de  valeur  :  —  un  mortier  en  pierre  avec  son 
pilon. 

Item,  dans  la  pastaudière  (pastauderia,  salle  où  l'on  pétrit)  :  — 
un  dolh  (4)  ;  —  un  seau  pour  les  porcs  ;  —  un  asie  (5)  en  fer  ;  — 
deux  chaufoti,ner  (6)  ;  —  deux  crumalheyra  (yj   grandes  et  grosses  ; 

—  une  table  de  peu  de  valeur  avec  ses  pecollis{8)  ;  —  une  cella  pour 

(1)  Le  barrai  avait  la  forme  d'une  cornue  ou  benne,  à  deux  anses,  mais  avec 
un  couvercle. 

(2)  Dans  le  patois  local,  chopouLt  veut  dire  hacher,  couper  par  morceaux. 

(3)  Sans  doute  silula  slameuha,  seau  étamé.  D'autre  part,  Ducange  donne  le  mot 
stamenha  comme  signifiant  une  chemise  grossière  que  portaient  les  moines  en  guise 
de  cilice. 

{^)  Doulli,  en  provcnc^al,  grand  vase  en  terre  pour  tenir  de  l'huile. 

(5)  Broche,  de  hasta,  se  dit  encore  en  patois. 

(6)  Probablement  réchaud. 

(7)  Il  s'agit  probablement  ici  de  la  crémaillère  à  crochet  à  laquelle  on  suspendait 
la  marmite. 

(8)  Pecouls,  en  provençal,   pieds  de  banc  ou  de  lit. 


DES    ANTONINS    A    AUBENAS.  2^3 

s'asseoir  (i);  une  marmite  (olla)  de  cuivre  contenant  une  seillée 
et  demie,  bonne  ;  —  une  bassine  de  laiton  ;  —  deux  topis  (2)  pour 
laver  la  vaisselle;  —  huit  olhs  de  terre  (3)  tant  grandes  que  petites; 
une  cobercella  (4)  de  fer  ;  —  quelques  crémaillères  ;  —  une  râpe 
(gratusa)  en  fer  ;  —  une  grasilha  ('5)  ;  deux  patellas  (6),  une  bonne 
et  l'autre  de  peu  de  valeur;  —  deux  cuillères  en  fer  ;  —  une  vira- 
doyra  (7)  en  fer;  —  sept  patellas  d'étain  aurelladas  (8)  ;  —  huit  plasts 
d'étain  tant  grands  que  petits  ;  —  un  coclear  (g)  en  bois  ;  —  deux 
dreyssadors  de  bois  pour  tenir  picalhos  sur  table  (loj;  —  un  arinci- 
trium  avec  la  clé  nécessaire. 

Item,  dans  la  pastaudière  rarofogrina  :  —  Un  pLists  d'étain  et  une 
écuelle  d'étain:  —  un  cacabum  (11)  tenant  quatre  seillées  ;  — une 
paxrolam  (12)  de  peu  de  valeur  tenant  une  seillée  ;  —  une  maïe  pour 
pétrir  avec  son  couvert  neuf;  —  une  caisse  pour  tenir  la  farine;  — 
quinze  palhas  pour  porter  la  pâte  ;  —  un  autre  palhas  (13). 

Item,  dans  la  chambre  de  la  mère  :  —  Deux  couvertures  :  —  un 
coysst  (14)  ;  —  sept  draps  de  peu  de  valeur. 

Item,  dans  la  cour  :  —  Diias  eschalhas  novas  ri5)  ;  —  une  autre  en 

(i)   Cella  est  un  siège  de  bois  mas^if. 

(2)  Toupis,  dans  le  patois  local,  indique  tous  les  pots  en  terre  qui  vont  au  feu. 

(3)  Ces  marmites  de  terre  sont  évidemment  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui 
des  casseroles. 

(4)  Un  couvert  se  dit  encore  en  patois  etio  cubercélo. 

(5)  DucANGK  donne  à  ce  mot  la  signification  de  jatte  ou  plat,  espèce  de  plateau. 
C'est  une  erreur,  au  moins  pour  nos  contrées.  11  signifie  gril  et  est  encore  employé 
dans  ce  sens  du  côté  du  Bourg-St-.-\ndéol. 

(6)  OucANGE  dit  que  patella  signifie  bassin  de  terre  ou  de  métal  pour  faire  cuire 
ou  servir  les  aliments  ;  nous  supposons  qu'il  désigne  surtout  des  plats  pour  servir 
à  table,  tandis  (\aç.  plats  désigne  peut-être  les  assiettes. 

(7)  Doit  signifier  un  tourne-broche  ou  un  dévidoir. 

(8)  Plats  à  oreilles. 

(9)  Grande  cuiller  en  bois  pour  servir  à  table. 

(10)  Huilier?  ou  bien  assiettes  en  bois  ou  l'on  mettait  le  dessert  fpicalhos)  (?  ) 

(11)  Marmite. 

(12)  Peyrôlo  et  peyroulié  signifie  en  patois  chaudron  et  chaudronnier. 

(13)  Corbeille  de  paille  tressée  pour  porter  la  pâte  au  four.  —  Portent  encore  le 
même  nom. 

(14)  Coussin.  Le  notaire  qui  emploie  jusqu'ici  le  mot  latin  p ulvi n ar  emp\oxe  cette 
fois  le  mot  patois. 

(15)  On  appelle  en  patois  échalas  les  échelles  à  un  seul  montant  formées  d'un 
tronc  de  sapin,  de  peuplier  ou  autres  arbres  à  tronc  droit  et  élancé,  qu'on  perce  à 
intervalles  égaux  pour  y  placer  le»  degrés  qui  sortent  également  des  deux  côtés  du 
tronc.  Est-ce  bien  ces  échalas  ou  bien  de  véritables  échelles  qu'on  a  voulu  désigner 
ici  ? 


2  34  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

t 

galniero  (i),  petite,  de  peu  de  valeur;  —  un  cop  vinatgier  (2);  — 
une  gerla  folhatoria,  contenant  presque  dix  setiers  de  vin  (3)  ;  — 
vingt-cinq  saumées  de  bois  (4). 

Item,  dans  le  tinal  :  —  Deux  cuves  grandes,  tenant  à  elles  deux  vingt 
muids  de  vin  ;  —  deux  vases  vinaires  tenant  un  muid  ;  —  un  autre, 
d'un  demi-muid  ;  —  un  cop  vinatgier. 

Item,  dans  l'étable  :  —  Les  barres  d'un  lit  ;  —  le  râtelier  et  la  man- 
geoire ;  —  un  bat  ;  -  deux  mulets  avec  leurs  bâts,  garnis  et  ferrés  à 
neuf,  avec  sacs  et  cordes,  jusqu'à  la  somme  de  30  florins. 

Item,  dans  la  cave  [crota)  :  —  Primo,  un  grand  vase  de  5  muids  et 
demi,  auquel  il  manque  un  cercle,  vide  ;  à  côté,  un  vase  de  4  muids, 
plein  de  vin  :  —  un  autre,  vide,  de  3  muids  et  demi  ;  —  un  autre, 
également  vide,  de  2  muids  et  demi  ;  —  un  autre,  plein,  d'une  con- 
tenance de  3  muids  moins  6  setiers  ;  —  un  autre,  vide,  de  36  setiers; 

—  un  autre,  vide,  de  10  setiers;  —  un  autre  plein,  contenant  36 
setiers,  lequel  vin  est  retenu  par  le  commandeur  pour  son  usage  :  — 
un  autre,  vide,  de  36  setiers:  —  un  autre,  de  40  setiers  ou  environ; 
où  il  y  a  10  setiers  de  vin  ;    —  un  autre,  vide,  de  même  contenance  ; 

—  deux  botellias  de  vin  blanc,  une,  petite  et  presque  pleine,  et 
l'autre  vide  ;  —  un  barrai,  de  la  contenance  de  2  setiers  :  un  petit 
barrai,  de  3  pintes  ;  —  deux  biros  (5)  ;  —  deux  einbossjyres  (6),  l'un 
pour  les  vases  vinaires.  et  l'autre  pour  les  tonneaux  (vegetibus)  ;  — 
une  cossa  (7)  ;  -  une  autre  cossa :  —  un  autre  barrai  de  vin,  conte- 
nant un  setier  ;  —  un  embossayre  pro  cogordis  (8j  ;  —  un  petit  vase 
pour  les  istatgiis  Cg)  ;  —  deux  pals  de  fer  (10),  un  grand  et  un  petit  ; 

(i;  Doit  être  une  espèce  de  bois. 

{2)  Copa,  cuve,  dans  Ducange.  Nous  supposons  que  cop  vinatoier  désigne  une 
de  ces  cornues  ou  bennes  où  l'on  met  les  raisins  pour  la  vendange. 

(3)  On  appelle  encore  gerlo,  dans  la  région  du  Bourg-St-Andéol,  les  baquets 
larges  et  peu  profonds  où  l'on  fait  couler  la  lessive  et  qui  servent  aussi  à  fouler  la 
vendange.  —  Gerla  folhatoria  signifie  donc  problablement  :  baquet  à  fouler. 

(4)  Une  saumée  veut  dire  généralement  la  charge  d'une  bctc  de  somme.  Son 
poids  exact  varie  selon  les  localités. 

(5)  Vrilles.  On  dit  encore  en  patois  hirous. 

(6)  Entonnoirs.  Se  dit   encore  en  patois. 

(7)  Etait  une  mesure  vinaire.  Ducange  dit  qu'il  en  fallait  3.;  pour  faire  une 
émine.  On  appelle  encore  dans  le  patois  local  Caoûsso  une  sorte  de  gobelet  ou  bas- 
sine servant  à  puiser  un  liquide. 

(8)  Il  y  avait,  parait-il,  une  troisième  sorte  d'entonnoir  pour  remplir  les  gourdes. 

(9)  Istatga  signifie  encore  en  provençal  une  salle  à  manger. 

(10)  Un  levier  en  fer.  Le  langage  local  a  fait  un  seul  mot  des  deux  et  appelle  un 
levier  en  paoujéré. 


DES    ANTONINS    A    AUBENAS.  2^5 

—  une/essayria  (i)  pour  les  prés  ;  —  deux  palas  de  fer  (2)  ;  —  deux 
ligones  (3)  de  fer  ;  —  une  serpe  {goyà)  ;    -  deux  ayssadors  (4). 

Item,  dans  la  chambre  près  l'étable  :  —  Une  couche  (cougia)  du 
frère  Antoine  Bethoa  ;  deux  couvertures  grossières,  deux  draps,  un 
matelas  de  plume  et  un  coussin  de  plume  dudit  frère  ;  —  une  table 
de  peu  de  valeur,  u?ia  escala  (ou  estala)  sua  (5)  ;  —  une  autre  couche 
pour  les  clercs,  où  il  y  a  deux  couvertures  de  peu  de  valeur,  un 
matelas  de  plume  de  peu  de  valeur,  deux  draps  avec  un  coussin  ;  — 
quelques  ceps  (?)  pour  trois  personnes  ;  —  deux  armoires  avec  clés 
et  serrures. 

Item,  à  la  porte  du  tinal,  clé  et  serrure  ;  —  item,  dans  la  chambre 
qui  est  au  delà  du  tinal,  une  armoire  avec  clé  ;  -  item  des  bron- 
des  (6)  dans  le  casai  des  porcs,  bois  ou  brondes  pouvant  valoir  10 
sols  ;  —  une  grosse  pièce  de  sapin  d'une  canne  de  longueur. 

Item,  dans  le  charnier  :  —  Une  caisse  sans  couvert  pour  tenir  le 
sel  ;  —  une  échelle  ;  —  une  cledo  (7)  pour  tenir  les  pieds  de  porcs  ; 

—  un  sobresol  (8)  pour  tenir  la  viande  de  porc. 

Item,  dans  le  grenier  :  —  Une  caisse  avec  clé  et  serrure  pour  tenir 
les  fèves  et  les  pois-chiches  ;  —  une  mesure  d'une  émine  ;  —  un 
boisseau  (boycef)  pour  mesurer  ;  —  un  grive!  (g)  ;  —  une  rasi- 
tnayt  (10)  dans  la.  pastauderia  :  —  deux  cédas  pour  passer  la  farine  (i  i)  ; 

—  treize  grands    porcs   et   neuf  petits  estimés    tous    ensemble    18 
florins. 

(i)  La  pioche  dans  le  Bas-Vivarais  s'appelle  le  fessou,  bien  que  le  Dictionnaire 
de  LiTTRÉ  ait  spécialisé  ce  mot  pour  la  pioche  des  viticulteurs  du  Périgord.  —  Le 
fessou  est  la  pioche  en  forme  de  cœur  allongé,  à  une  seule  pointe  ;  la  pioche  à 
deux  pointes  s'appelle  le  bichet  ;  la  pioche  à  extrémité  large,  en  forme  de  pelle  re- 
courbée, s'appelle  eyssado  et  l'on  s'en  sert  pour  défricher  (eyssarta). 

(2)  Pala,  bêche. 

(3)  Ligo,  bêche,  houe. 

(4)  Probablement  pour  eyssado,  pioche  à  défricher. 

(5)  Sa  stalle,  fauteuil  en  bois  (?) 

(6)  Ce  mot  est  encore  usité  dans  le  patois  local  pour  dire  petit  bois,  broussaille, 
du  latin  brans,  dis. 

(7)  Le  mot  de  claîdo  signifie  dans  !e  Bas-Vivarais  une  pierre  creusée  où  l'on 
tient  le  petit  salé.  Une  clédo  est,  au  contraire,  une  sorte  de  grenier  où  aboutit  la 
fumée  de  la  cheminée'et  où  l'on  fait  sécher  les  châtaignes.  Cledo  est  ici  pour  cla'ido- 

(8)  Devait  être  une  sorte  d'étagère  placée  au  dessus  du  sol. 

(9)  Tamis  grossier,  en  fil  de  fer,  qui  sert  notamment  à  passer  les  cendres  des 
poêles  pour  séparer  les  cendres  du  charbon. 

(10)  Le  racloir  de  la  maïe. 

(11)  Tamis  en  soie. 


236  NOTES    SUR    LA    COiMMANDERIE 

Item,  dans  la  fenière  de  la  maison  :  —  Tout  le  foin  de  cette  année, 
et  tout  ce  foin  devra  être  rendu,  et  le  commandeur  se  réserve  pour 
l'usage  des  bœufs  et  des  animaux  qui  apporteront  les  provisions  de 
l'édifice  de  l'année  présente  douze  crocias  (ij  tant  d'ancien  que  de 
nouveau  fourrage,  jusqu'à  26  quintaux  de  foin. 

Item,  le  jardin  cultivé  en  jardinage  et  safran  {croco)  comme  pré- 
sentement; —  item  un  barrai  plein  de  vinaigre. 

Item,  dans  la  grande  cave  :  —  Deux  petites  outres  (bottas)  (2), 
bonnes  ;  —  une  autre  outre  de  peu  de  valeur  ;   —  une  table  ronde  ; 

—  un  dreyssador  (3J  de  peu  de  valeur;  —  une  status  (?)  pour  le 
charnier  ;  —  un  banc  pourfendre  la  viande  ;  —  une  chaise  (chaderia) 
ronde,  bonne  ;  —  deux  taulas  (4J  longues  pour  saler  la  viande  ;  — 
un  archibanc  de  peu  de  valeur  ;  -  un  dolh  ;  —  une  grande  cage 
pour  tenir  les  poulets  ;  —  dix-sept  cercles  de  cuve  et  cornedo  Tcor- 
nue  ?)  et  un  vase  des  douves  qui  sont  dans  la  grande  cuve. 

Item,  dans  la  grande  cuve  :  —  Des  douves  d'une  cuve  avec  son 
buey{^)\  —  des  douves  d'un  tonneau  de  33  douves  avec  la  moitié 
de  son  buey  ;  —  deux  bancs  pour  fendre  et  tailler  des  fagots  [fasces) 
dessus  ;  —  un  autre  banc  ad  illud  met  (6)  ;  —  un  banc  long  ;  —  -  un 
entreclan  {-j)  de  bois  pour  le  chœur  des  Frères  ;  —  une  pierre  dite 
meule  avec  son  ais  de  fer  et  son  hachas  (8)  ;  —  un  autre  hachas  pour 
ledit  ouvrage  :  —  deux  paires  de  hanchats  (9J  pour  chapuser  dessus  ; 

—  quatre  destreiss  (loj  ;  —  un  virel  (i  i  )  ;  —  huit  planches  de  saule 
pour  faire  des  escabeaux  ;  —  quatre  planches  de  noyer  pour  faire 
des  étagères  (s/a/^i^î'es)  ;   -  deux  demi-planches   de   noyer  pour  faire 

(1)  Probablement  des  balles  de  toin,  ainsi  nommées  de  ce  qu'elles  sont  liées  avec 
des  joncs  croisés. 

(2)  Se  dit  encore  en  patois  :  bouto. 

(3)  Un  dressoir  ou  l'on  dresse  la  vaisselle,  en   patois  dreyssodon. 

(4/  Taulas  se  dit  encore  en  patois  d'une  table  grossière,  ou  bien  de  la  table 
grossièrement  établie  sur  deux  bancs,  et  en  pente,  pour  saler  le  lard. 

(5)  Le  buel  ou  buey  est  un  vase  ordinairement  en  bois  ou  l'on  reçoit  le  vin 
qu'on  tire  de  la  cuve. 

(6)  Signifie  sans  doute  pour  cela  même. 

(7)  Une  séparation,  une  sorte  de  grille  en  bois. 

(8)  Petit  réservoir  pour  tenir  la  meule  humide. 

(9)  On  appelle  encore  banchats  de  grosses  pièces  de  bois  sur  lesquelles  on  coupe 
les  pièces  moindres  pour  ne  pas  ébrécher  les  instruments.  Chapusa  signifie  en  pa- 
tois cf)uper  par  petits  morceaux, 

(10)  Le  pressoir. 

(il)  Sans  doute  la  barre  avec  laquelle  un  tourne  lu  vis  du  pressoir. 


DES    ANTONINS    A    AUBENAS.  2^7 

des  bancs  de  salle  (scantu  aide]  ;  —  deux  pièces  de  bois  de  noyer 
pour  faire  des  bancs  de  salle  et  plusieurs  autres  pièces  de  bois  ;  — 
quatre  ressas  (scies);  —  un  autre  ressa  adayguest  ;  —  deux  serrures  ; 

—  un  marteau  à  tête  de  fer;  —  deux  tiblicis  (truelle)  (i);  —  un  jor- 
net  (2)  ;  —  un  folharet  (^)  \  ■-  deux  berbegrins  avec  trois  bogets  et 
sept  poinçons  (4)  ;  —  une  eschalpe  'grosse  hache  non  effilée,  pour 
équarrir);  —  quatre  taravelles  (taraud,  espèce  de  tarière)  ;  —  deux 
biros  (vrillesj  ;  —  un/brmadoii  (5J  ;  —  deux  ciseaux  ;  —  un  compas  ; 

—  trois  goyas  (serpes)  ;  —  un  bedan  (6)  ;    —  un  marteau-tenaille  (yj  ; 

—  un  cotel  de  talha  ;  —  un  assier  (8)  ;   —  une  rappa  (çj  ;    —  un  sial  ; 

—  une  varloca  (varlope)  ;  -  deux  rabosts  frabotSy  ;  un  bouvet  ;  — 
un  rabot  de  bordet  (io)\  —  des  bordonadors  ;  —  deux  chanos  ;  —  des 
chavalas  (chevalets);  —  un  persiah  :  —  un  escayre  (équerrej  ;  — 
quatre  triangles  ;  —  une  crosetta  ;  —  des  rollests  ;  —  une  règle  :  — 
une  masse  ;  des  crochets  ;  un  grand  banc  ;  —  une  ayssetla  a 
doas  mas  (hachette  à  deux  tranchants). 

Tous  ces  objets  du  grand  tinel  furent  remis  à  Antoine  Plagniol 
pour  servir  à  son  travail. 

Certifié  par  le  F.  Antoine  d^  Serre,  commandeur.  -  Pierre 
Salhencoyta,  commandeur  de  Gévaudan.   —  Rochette,  notaire. 


Le  29  juillet,  on  joignit  à  l'inventaire  les  objets  suivants  :  —  Et 
d'abord  vingt  caisses  d'huile  de  noix. 

Item,  dans  l'hôpital  Ste-Anne  sous  la  crote  .  —  cinq  vases  vinaires 
fêlés  et  l'un  est  plein  de  vin  bon,    d'une  contenance  de  cinq   muids, 

(i)  La  truelle  du  maçon  est  encore  appelée  tible  dans  le  patois  local. 
(2  et  3)  Outils  de  menuisier. 

(4)  Villebrequin  avec  trois  mèches.  On  dit  encore  berbegrin  en  patois.  Dans 
l'idiome  picard,  c'est  biberkin. 

(5)  N'est-ce  pas  ce  qu'on  appelle  le  varlet  chez  les  menuisiers? 

(6)  En  patois  bedaîné  est  le  ciseau  en  fer  qui  sert  à  faire  les  mortaises. 

(7)  Marteau  grossièrement  effilé  et  fendu  d'un  côté  pour  servir  à  arracher  les 
clous. 

(8)  La  lame  d'acier  qu'on  met  dans  le  rabot. 

(9)  Doit  être  une  lime  à  bois. 

(10)  Ne  serait-ce  pas  le  rabot  spécial  destiné  à  travailler  les  surfaces  concaves,  les 
tonneaux  par  exemple  ? 


238  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

lequel  vin  devra  être  rendu  au  commandeur  par  le  frère  Pierre  à  la 
fin  de  sa  ferme;  —  un  entonnoir,  un  cop  vinatgia  et  un  entonnoir  et 
une  cossa  de  bois  ;  —  200  pieds  de  porc  et  deux  quartes  de   seigle  ; 

—  23  grandes  poules,  i  coq,  3  chapons,  6  poulardes  (polas)  ;  —  des 
chandelles  de  ceperi  (torches  en  bois  de  cyprèsj,  20  livres  ;  —  du 
fromage,  3  quintaux  ;  -  les  deux  paires  d'outrés  ci-dessus  inven- 
toriées pour  6  florins;  —  les  douves  d'une  cuve  tenant  6  muids. 

Dans  la  chambre  du  commandeur.  —  Une  caisse  longue  avec  clé  et 
serrure  renfermant  deux  caissons  ayant  clés  et  serrures,  où  sont 
divers  papiers  ;  —  une  table  de  noyer  avec  ses  tabulariis  et  archi- 
banc  tournés  (tous  ces  meubles  sont  neufs)  ;  —  une  petite  table  dite 
concadorium  avec  ses  pecollis  dupla  cum  palastragiis  ;  —  le  tout 
neuf:  —  une  petite  caisse  avec  deux  serrures  et  clés  pleines  d'actes, 
reconnaissances  et  autres  documents  de  St- Antoine  ;  —  un  esca- 
beau neuf;  —  une  autre  caisse  pour  tenir  les  chandelles;  —  une 
garde-robe  avec  clé  et  serrure  ;  —  la  forme  d'un  lit  dit  charnol,  avec 
deux  matelas  pleins,  l'un  de  gari  (1),  l'autre  de  plumes  communes  ;  — 
deux  coussins  avec  gart  l'un,  et  l'autre  de  plumes  communes  ;  — 
deux  aureliers  bons,  pleins  de  plumes  de  gart,  couverts  en  toile  ;  — 
une  couverture  blanche  de  peu  de  valeur  ;  —  un  chandelier  de  lai- 
ton ;    -  deux  carreaux  [carrels)  de  diverses  couleurs  pour  s'asseoir  ; 

—  un  bancal  dt  p&\x  de  valeur;  —  une  chaise  (cAjiejyra)  de  peu  de 
valeur;  —  deux  ra^mayst,  deux  petites  barres  de  fer;  —  unt  palas- 
tragiam  {2)  neuve  étamée  ;  —  deux  autres  barres  ;  —  un  saleyro 
(mortier  à  piler  le  sel);  —  une  jaraille  dit  luguet  avec  son  clavier; 

—  une  colha  d'embossayre  (])\  —  4  barres  de  fer  pour  les  portes; 

—  un  couvert  de  bichet  d'étain;  —  un  saleyron  d'étain  ;  —  une  écri- 
toire  {scriptorium)  en  bois  avec  quelques  talhans,  petit,  avec  64  giest; 

—  un  trabuchet  (balance)  avec  ses  poids  d'or  ;  —  quatre  quartes  de 
froment  pour  porter  au  moulin. 

Sur  la  chambre.  —  Trois  couvertures  blanches  rayées  de  lil  noir; 

—  une  vana  (couvre-pied)  de  grande  forme,  de  peu  de  valeur;  — 
une  couverture  à  jours  (traylis)  de  couleur  rouge  avec  des  barres 
blanches;  —  un  bancal  rouge  de  peu  de  valeur  avec  des  raies  vertes; 

—  deux  couvertures  de  lit  avec  des  raies  vertes,  ornées  de  feuillages; 

—  un   bancal  noir,   neuf,    avec  des   raies   rouges  ;    —    une  cortina 

(i)  Gart,  duvcl  d"oie,  en  provençal. 

(2)  Grillage. 

(^)  Cuillère  d'entonnoir  scrvani  probablement  à  puiser  l'huile. 


DES    ANTONINS    A    AUBENAS.  2^9 

rouge,  de  peu  de  valeur,  de  grande  forme  ;  —  une  couverture  de 
couleur  perse  avec  des  raies  rouges,  blanches  et  vertes,  de  grande 
forme;  —  un  bancal  de  diverses  couleurs  de  peu  de  valeur;  — 
8  draps  neufs  de  2  lés  et  demi  ;  —  30  draps  de  valeur  convenable  ; 
—  autres  10  toiles  de  matelas  (lintheamina  constarum)  {t)  de  peu  de 
valeur;  —  un  autre  drap  dun  lé  et  demi  où  sont  renfermés  8  draps 
neufs,  —  trois  draps  de  deux  lés,  bons  ;  —  six  grands  draps  de 
2  lés  et  1/2,  dont  5  neufs  et  un  de  3  lés,  neuf;  —  sept  nappes  bonnes 
et  neuves  ;  —  cinq  nappes  de  valeur  convenable  ;  —  une  autre 
nappe  de  peu  de  valeur  ;  —  neuf  bufets  dont  2  neufs  et  les  autres 
de  valeur  convenable  ;  —  trois  longières  neuves  ;  —  huit  longières 
de  valeur  convenable  :  —  une  caisse  de  noyer,  avec  clé  et  serrure, 
où  il  y  a  presqu'une  émine  d'amandes  ;  —  deux  bassins  de  laiton 
alamanhe  (2)  pour  se  laver  les  mains  ;  —  quatre  chandeliers  de  lai- 
ton, neufs  et  beaux,  une  demi  torchia  de  cire;  —  une  autre  caisse 
longue  pour  tenir  les  nappes  d'une  part,  avec  clé  et  serrure,  et 
d'autre  part  pour  tenir  les  draps,  avec  clé  et  serrure  ;  —  une  nappe 
avec  sa  longière,  fine,  faite  de  coton  perse  avec  feuillages  et  traits 
d'animaux,  ouvrage  de  Lombardie  ;  —  vingt  serviettes,  bonnes  et 
fines  ;  —  deux  demi-longières,  bonnes  et  fines  ;  —  une  autre  de 
valeur  convenable;  —  une  pièce  de  toile  longue  de  21  palmes  de 
bonne  toile  neuve  ;  — =•  deux  draps  pour  faire  des  cortines,  une  de 
quatre  lés  et  une  autre  de  trois  lés  ;  —  une  pièce  de  toile  desdits 
draps  ;  —  quelques  franges  de  fil  neuf  pour  remettre  auxdites  cor- 
tines, le  tout  dans  un  sac  de  toile  ;  —  trois  boscie  (3)  pro  tenendo 
species  sacci  al  torn  ;  —  un  missel  neuf  de  petite  forme,  avec  deux 
fermoirs  de  laiton,  couvert  de  toile,  qui  finit  à  la  dernière  ligne  de 
la  première  page  :  tua  pietate,  et  finit  au  bas  de  la  dernière  page  : 
Qui  vivis  ;  —  Dix  verres  de  forme  commune. 

C'est  ainsi  {ita  est)  :  Frère  Antoine  de  Serre,  commandeur  ;  — 
Pierre  Salhencoyta,  commandeur  de  Gévaudan  ;  —  Rochette, 
notaire. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 

D^  FRANCUS. 

(i)  Couste  et  coîte,  matelas,  lit  de  plumes  (Ducange). 

(2)  Probablement  du  laiton  d'Allemagne. 

(3)  Boge,  en  provençal,  grand  sac.  On  appelle  buogeo  dans  le  Bas-Vivarais  le 
sac  en  forme  de  besace,  dont  l'ouverture  est  au  milieu,  et  dont  les  deux  extrémités 
chargées  pendent  une  de  chaque  côté  de  la  bête. 


LE  TRIÈVES 

pendant  la  grande  Révolution 

cfaprès  des  documents  officiels  et  inédds. 


Parmi  les  prêtres  desservant  les  paroisses  du  Trièves  flsère),  à 
l'époque  de  la  grande  Révolution,  plusieurs  furent  emprisonnés,  deux 
subirent  la  déportation,  douze  s'exilèrent,  un  mourut  sur  l'échafaud, 
tous  souffrirent  cruellement,  de  simples  fidèles  en  grand  nombre 
partagèrent  leurs  épreuves.  C'est  à  ces  victimes  du  devoir  que  nous 
dédions  notre  modeste  travail,  en  les  suppliant  de  demander  au 
Seigneur,  pour  les  pasteurs  et  les  fidèles,  le  courage  et  le  zèle 
dont  leur  cœur  fut  rempli  pour  la  défense  de  la  vérité. 

Les  archives  municipales  des  communes  du  Trièves,  les  délibé- 
rations du  Directoire  de  district  de  Grenoble  nous  ont  fourni  les  faits 
que  nous  livrons  à  la  publicité.  Ce  que  nous  racontons  est  entiè- 
rement inédit  et  de  la  plus  grande  exactitude.  Toutes  les  fois  que 
cela  a  été  possible,  nous  avons  laissé  parler  les  Registres  des  déli- 
bérations ou  des  lettres  écrites  parles  représentants  de  l'autoi'ité  à 
cette  époque,  et  nous  les  avons  transcrits  littéralement.  Le  lecteur, 
par  ce  moyen,  pourra  mieux  apprécier  les  faits  eux-mêmes  et  l'esprit 
qui  en  a  dirigé  les  auteurs. 

C'est  avec  joie  que  nous  exprimons  publiquement  notre  recon- 
naissance à  tous  ceux  dont  le  bienveillant  concours  nous  a  si  puis- 
samment aidé.  Nous  remercions  surtout  le  consciencieux  et  pieux 
auteur  de  Pie  VI  dans  les  prisons  du  Daiipliiné  et  de  Deux  mai  tyrs 
en  /790. 

Nous  souhaitons  que  la  lecture  des  faits,  relatés  dans  ces  quel- 
ques pages,  apprenne  à  tous  à  se  défier  de  ceux,  qui,  sous  divei-s 
prétextes  propres  à  dissimuler  leurs  funestes  desseins,  cherchent  à 
opprimer  les  consciences  et  à  détruire  la  foi.  Puissions- nous  com- 
prendre les  grands  et  utiles  enseignements  de  l'histoire  ! 

Blandin,  7  juillet  i8Sy. 


LE  TRIEVES  PENDANT  LA  REVOLUTION.  24  î 

CHAPITRE  PREMIER 

Révolution,  de   1789  a  octobre   1791 


Les  esprits,  dans  le  Trièves,  étaient  prêts  depuis  longtemps  pour 
une  révolution,  lorsque  celle  de  1789  éclata.  Les  impôts  étaient  lourds 
à  porter,  plus  lourde  encore  était  la  domination  de  quelques  familles 
nobles,  dures  et  tracassières  pour  les  habitants  de  leurs  terres.  On 
ne  supportait  les  unes  et  les  autres  qu'avec  peine  et  en  éprouvant 
pour  eux  des  sentiments  de  haine  profonde.  Cette  haine  trouvait 
encore  un  aliment  puissant  dans  l'esprit  d'indépendance,  qui,  de 
tout  temps,  a  régné  chez  le  Triévire  et  lui  a  toujours  fait  regarder  un 
supérieur  comme  un  ennemi  à  renverser.  Aussi  les  communautés  de 
ces  cantons  avaient-elles  lutté  contre  les  seigneurs  et  attendaient- 
elles  impatiemment  un  changement,  dans  le  gouvernement  de  la 
France,  qui  leur  permettrait  de  les  chasser.  De  plus  les  familles 
nobles  étaient  riches  pour  la  plupart,  possédaient  de  vastes  proprié- 
tés, objet  de  convoitise  pour  leurs  vassaux.  Quelle  ne  fut  pas  la 
joie  de  ces  derniers  lorsqu'ils  se  crurent  arrivés  au  but  tant  désiré  ! 
Couper  librement  du  bois  là  où  ils  n'avaient  jusqu'à  ce  jour  pu  que 
ramasser  quelques  branches  mortes,  mener  paître  leurs  troupeaux 
dans  de  grasses  prairies  qu'il  leur  avait  été  interdit  même  de  traver- 
ser, c'était  pour  eux  une  fortune,  croyaient-ils,  et  nous  les  verrons 
trop  souvent  jouir  de  ces  biens  usurpés  avec  un  empressement  qui 
tiendra  du  délire.  Pour  essayer  de  s'en  assurer  la  perpétuelle  posses- 
sion, ils  brûleront  tous  les  titres  et  terriers  renfermés  dans  les  archi- 
ves des  châteaux  avec  un  soin  et  un  empressement  rares  ailleurs. 

Ces  aspirations  vers  des  temps  nouveaux  avaient  encore  un  autre 
but  chez  les  protestants.  Jusqu'en  1685  ils  avaient  été  les  plus  forts 
et  n'avaient  vu  ensuite  qu'avec  peine  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes 
leur  enlever  la  prépondérance  et  diminuer  le  nombre  de  leurs  parti- 
sans. Ils  attendaient  impatiemment  des  temps  de  troubles  pour 
reconquérir  sur  les  catholiques  tout  ce  qu'ils  avaient  perdu.  Mais 
plus  habiles  que  ces  derniers,  ils  ne  laissaient  paraître  qu'un  grand 
amour  pour  la  liberté,  dissimulaient  avec  soin  leurs  tendances,  sa- 
vaient amener  leurs  voisins  à  les  aider  gaiment,  en  attendant  qu'ar- 
BuLL.  VII,  1887.  18 


242  LE    TRIEVES    PENDANT 

rivât  le  moment  de  les  dépouiller  de  leurs  églises  et  des  revenus  des- 
tinés aux  frais  du  culte.  Ils  n'avaient  pas  en  outre  oublié,  au  point 
de  vue  de  la  fortune,  que  les  guerres  de  religion  leur  avaient  été 
fructueuses,  et  nous  verrons  par  la  suite  que  ce  ne  fut  point  leur 
faute  si  les  jours  de  la  grande  révolution  ne  le  furent  pas  aussi  pour 
eux  tous.  Ces  appréciations  pourront  surprendre  quelques-uns  ; 
mais  pour  nous,  elles  sont  motivées  par  bien  des  aveux  recueillis  de 
la  bouche  même  des  enfants  des  hommes  de  8g,  comme  on  les  ap- 
pelle encore  dans  le  pays,  et  par  sept  années  d'observation  des 
mœurs  locales. 

Presque  aucun  catholique  n'embrassa  les  idées  révolutionnaires 
par  haine  de  sa  religion  et  du  clergé.  Ceux  qui  s'étaient  laissé 
tromper  renièrent  leurs  erreurs  lorsqu'ils  virent  les  églises  fermées, 
les  prêtres  chassés,  les  pratiques  religieuses  proscrites  comme  des 
crimes  abominables.  Trop  tard,  ils  s'apergurent  qu'en  cherchant  à 
conquérir  la  liberté,  on  n'avait  point  su  s'arrêter  dans  de  justes 
limites  et,  qu'après  l'avoir  obtenue  en  partie,  ils  avaient  trouvé  des 
fers  et  des  maîtres  impitoyables. 

Le  17  juillet  1789,  la  population  de  Mens  se  réunissait  avec 
empressement,  sur  l'invitation  de  ses  consuls,  pour  applaudir  avec 
frénésie  à  la  lecture  d'une  délibération  des  habitants  de  Grenoble. 
Ceux-ci  s'étaient  assemblés  dans  l'église  de  St-Louis  de  cette  ville 
pour  protester  contre  le  lit  de  justice  du  20  juin  précédent,  le  renvoi 
du  ministre  Necker  et  la  concentration  des  troupes  à  Versailles,  en 
un  mot  contre  tout  ce  qui  pouvait  enrayer  la  marche  de  la  révolu- 
tion. Nos  Mensois  furent  heureux  de  pouvoir  s'associer  à  cet  acte 
de  patriotisme  illégal  fi).  Ils  furent  surtout  fiers  de  montrer  qu'ils 
existaient  et  étaient  pour  le  progrès. 

Bientôt  il  faudra  quelque  chose  de  plus  qu'une  simple  adhésion. 
Les  événements  s'étaient  succédé  rapidement  après  le  17  juillet. 
L'assemblée  nationale  avait  aboli  les  titres  et  droits  féodaux,  procla- 
mé la  déclaration  des  droits  de  l'homme  et  une  constitution  fran- 
çaise, divisé  la  France  en  départements,  établi  l'égalité  des  Français 
devant  les  lois  de  l'impôt,  voté  la  suppression  des  vœux  monastiques 
et  des  ordres  religieux,  la  constitution  civile  du  clergé.  La  munici- 
palité de  Mens  avait  tressailli  de  joie  en  apprenant  ces  travaux,  où 
des  réformes    utiles  étaient  mêlées  à  des  actes  de  tyrannie  inique 

(i)   Mens,  ^Registre  des  délibérations,  au   17  juillet  1789. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  243 

Elle  crul  que  pour  elle  le  jour  de  gloire  était  arrivé  et  saisit  l'occasion 
de  ces  faits  pour  témoigner  de  ses  sentiments. 

Le  dimanche,  21  novembre  1790,  son  maire  Bermond  lui  propose 
d'envoyer  à  l'assemblée  une  adresse  dont  nous  extrayons  ce  qui 
suit,  lignes  bien  propres  à  faire  connaître  les  tendances  du  pays  : 

«  Noseigneurs.  La  constitution  française  est  un  temple  que  votre 
sagesse  élève  à  la  liberté  et  dont  elle  a  posé  les  fondements  par 
l'organisation  de  toutes  les  municipalités  du  Royaume.  La  commune 
de  Mens,  chef-lieu  de  trente-deux  communautés,  jouit  déjà  de  ce 
premier  bienfait  et  les  administrateurs  quelle  a  nommés  vous  sup- 
plient d  agréer  l'expression  de  leur  reconnaissance. 

»  Us  ne  vous  fatigueront  pas  par  ces  demandes  irréfléchies  que 
dictent  chaque  jour  les  intérêts  opposés  de  plusieurs  communautés 
du  Royaume.  Us  sont  convaincus  que  de  pareilles  demandes,  si  elles 
pouvaient  éti'e  accueillies,  rétabliraient  parmi  nous  les  distinctions, 
les  privilèges,  les  jalousies  et  la  servitude.  La  commune  de  Mens 
porte  setj  regards  au  delà  de  son  enceinte,  et  quelle  que  puisse  être 
la  position  des  établissements  publics  dans  le  département  qui  la  ren- 
ferme, elle  se  soumet  avec  confiance  à  ce  que  l«s  pères  de  la  patrie 
vont  ordonner  pour  son  bonheur.  Le  même  sentiment  qui  fait  se- 
couer à  des  hommes  libres  le  joug  odieux  du  pouvoir  arbitraire, 
leur  fait  baisser  un  front  docile  sous  le  joug  des  lois...  Nous  nous 
montrerons  dignes  des  éloges  qu'ont  reçus  les  habitants  des  Alpes  à 
la  tribune  de  l'assemblée  nationale  parla  promptitude  de  notre  obéis- 
sance à  ses  décrets.  Nous  prouverons  au  meilleur  des  rois  qu  on  ne 
lui  dissimule  pas  les  véritables  sentiments  de  son  peuple  en  lui 
disant  qu'il  est  adoré. Et  nous  nous  rendrons  dignes  de  cette  liberté, 
dont  il  s'est  déclaré  l'ami  et  le  protecteur,  en  sacrifiant,  s'il  le 
faut,  nos  fortunes  et  nos  vies  pour  maintenir  l'heureuse  constitution 
qui  nous  arrache  à  l'état  de  dégradation  et  d'esclavage,  dans  lequel 
les  Français  ont  gémi  si  longtemps  (ij...  » 

Nous  ne  savons  si  le  roi  et  l'assemblée  nationale  lurent  cette 
adresse  ;  mais  Mens  ne  devint  point  sous-préfecture,  ni  chef-lieu 
d'un  canton  formé  par  le  Trièves  entier,  ce  qui  était  le  rêve  des 
nouveaux  édiles. 

Un  décret  du  26  novembre,  revêtu,  le  26  décembre  suivant,  de  la 
sanction  royale,  rendit  obligatoire   pour  les  prêtres  français  l'article 

(  I  )  Mens,  Reg.  des  délib. 


244  ^^    TRIEVES    PENDANT 

38  de  la  constitution  civile  du  clergé,  qui  lui  imposait,  dans  un  temps 
fixé,  de  prêter  serment  de  fidélité  à  cette  même  constitution,  votée 
en  haine  du  christianisme.  On  voulait  avoir  des  mercenaires  pour 
pasteurs  des  âmes,  afin  que  le  loup  de  l'impiété  pût  ravager  plus 
facilement  le  troupeau  de  Jésus-Christ. 

Les  journaux  alors  n'existaient  pas  pour  les  campagnes  reculées, 
et  les  prêtres  du  Triêvcs  ne  connurent  point  les  paroles  énergiques 
prononcées,  à  l'assemblée  nationale,  contre  cette  constitution,  ni  la 
portée  du  serment  exigé.  Trompés  par  les  assurances  pleines  de 
ruses  qu'on  leur  adressait,  par  de  séduisantes  promesses  et  le  repro- 
che de  craindre  de  se  montrer  français,  il  se  décidèrent  à  la  fin  de 
prêter  serment.  Ils  le  firent  avec  des  restrictions  propres,  croyaient- 
ils,  à  tranquilliser  leur  conscience  et  les  empêcher  de  rompre  avec 
l'Eglise  catholique.  Quatre  seulement  n'y  mirent  aucune  condition  : 
Pupin,  curé  du  Monêtier-du-F^ercy,  Roycomte,  de  St-Genis,  Gay- 
mard,  des  Petits-Moulins,  et  Jannais,  vicaire  de  Mens  ;  les  deux 
premiers,  vieillards  octogénaires  chez  qui  l'âge  avait  affaibli  les 
forces  du  corps  et  plus  encore  celles  de  l'esprit  ;  les  deux  seconds, 
prêtres  ambitieux,  sans  piété  et  légers,  comme  leur  conduite  le  prou- 
vera par  la  suite. 

Pour  se  conformer  à  l'article  39  du  décret  du  26  novembre, 
M.  Bac,  curé  de  Mens,  alla  déclarer,  le  18  janvier  1791,  devant  la 
municipalité  que  le  dimanche  sui\  ant  il  prêterait  le  serment  deman- 
dé. Il  écrivit  lui-même  et  signa  d'une  main  tremblante  sa  déclara- 
tion (i). 

Le  lendemain,  son  vicaire  fit  la  même  démarche  ;  mais  au  jour 
fixé  il  fut  seul  à  tenir  sa  promesse,  sans  hésitation  et  sans  restric- 
tion, à  la  fin  de  la  messe  de  paroisse  et  devant  les  conseillers  muni- 
cipaux et  les  fidèles  de  Mens  assemblés.  M.  Bac,  indisposé,  ce  jour  là, 
ne  parut  point  {2).  Les  inquiétudes  que  sa  démarche  causait  à  ce 
bon  prêtre  ne  furent  probablement  pas  étrangères  à  son  indisposi- 
tion. Le  23  du  même  mois,  il  put  faire  l'acte,  cause  de  tant  de  larmes 
dans  la  suite.  Le  registre  des  délibérations  est  ici  à  transcrire  en 
entier  : 

»  Du  dimanche  23  janvier  1791,  à  l'issue  de  la  messe  de  paroisse, 
dans  l'église  de  Mens,  en  présence  du  conseil  général  de  la  commu- 


(i)  .Mens,  Reg.  des  dèlib. 

(aj  Ibidem,  à  la  date  du  lO  février. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  245 

ne  et  des  fidèles  de  cette  ville,  M.  Jacques-Jean-André  Bac  a  dit 
qu'il  était  prêt  à  prêter  son  serment  civique  et  aux  termes  prescrits 
par  l'assemblée  nationale.  Les  préalables  portés  dans  le  décret  du 
27  novembre  dernier  ayant  été  remplis,  a-t-il  dit,  je  me  félicite  en  ce 
que  les  nombreuses  anxiétés  que  j'ai  éprouvées,  uniquement  à  cause 
de  mon  attachement  à  la  religion,  se  soient  dissipées.  Volontiers  je 
me  suis  rappelé  que  je  pourrais  vous  dire  à  vous-mêmes  ce  que 
disait  un  digne  curé  à  l'assemblée  nationale,  à  l'époque  de  la  presta- 
tion de  son  serment,  serment  qui  fut  entendu  avec  applaudisse- 
ments :  à  la  face  de  la  France,  de  l'univers,  l'assemblée  nationale  a 
manifesté  solennellement  son  profond  respect  pour  la  religion  catho- 
lique, apostolique  et  romaine.  Jamais  elle  n'a  voulu  priver  les  fidèles 
d'aucun  moyen  de  salut  ;  jamais  elle  n'a  entendu  porter  atteinte  au 
dogme,  à  la  hiérarchie  et  à  l'autorité  spirituelle  du  chef  de  l'Eglise; 
elle  reconnaît  que  ces  objets  sont  hors  de  son  domaine. 

»  Ainsi  me  voilà  au  pied  de  l'autel,  revêtu  de  toutes  les  marques 
de  la  dignité  sacerdotale,  à  l'issue  de  la  fonction  la  plus  auguste  et 
la  plus  sainte  de  la  religion,  pour,  en  votre  présence.  Messieurs,  et 
celle  des  fidèles,  prêter  ce  serment,  ou,  comme  on  l'exige  de  nous, 
jurer  de  veiller  avec  soin  sur  les  fidèles  qui  nous  sont  confiés.  Je  le 
jure  d'autant  plus  volontiers  de  cœur  et  d'âme  que  c'est  mon  devoir 
d'agir  ainsi.  Cet  article  m'est  tellement  à  cœur  que,  si  pour  le  salut 
de  vos  âmes,  mon  sang  était  nécessaire,  quoique  ma  vie  soit  peu 
digne  de  la  gloire  des  souffrances,  j'espère  de  la  clémence  du  Sei- 
gneur qu'il  me  fera  la  gloire  de  le  répandre.  Ce  ne  sont  pas  ici  des 
compliments  que  j'entends  vous  adresser,  mais  je  suis  bien  déterminé 
à  agir  ainsi,  si  la  Providence  me  met  dans  le  cas  de  le  faire.  Venez 
donc  avec  confiance,  vous  tous  qui  êtes  mes  ouailles  et  vous  tous  de 
qui  il  dépend  de  nous  causer  des  peines  ;  soyez  persuadés  que  nous 
les  recevrons  toujours  avec  joie,  quand  il  s'agira  de  votre  bien 
spirituel. 

»  Nous  sommes  faits  pour  vous,  et  puisque  notre  état  nous  donne 
le  droit  de  vous  parler,  nous  ne  cesserons  de  vous  inviter,  comme 
nous  le  faisons  dans  ce  moment,  à  être  toujours  bons  chrétiens  et 
bons  citoyens.  Être  bons  chrétiens,  c'est  la  première  chose  ;  être 
fidèles  à  Dieu  et  à  sa  loi,  l'aimer  sincèrement,  avoir  une  sainte  hor- 
reur du  péché,  croire  toutes  les  vérités  qu'il  nous  a  révélées  et  qu'il 
nous  ordonne  par  son  Eglise,  son  interprète  infaillible,  croire,  sceller 
ces  mêmes  vérités  de  son  sang,  si  cela  était  nécessaire,  voilà  ce  que 
doivent  être  et  faire  de  bons  chrétiens. 


246  LE    TRIÈVES    PENDANT 

n  Enfin  soyez  bons  citoyens,  bons  patriotes,  pour  me  servir  de 
vos  expressions,  et  ceci  dépend  de  votre  fidélité  à  Dieu  ;  car  vous  ne 
pouvez  manquer  à  ce  que  vous  devez  à  l'autorité  légitime  sans  en 
même  temps  manquer  à  ce  que  vous  devez  à  Dieu,  qui  vous  or- 
donne d'obéir  aux  puissances  et  d'aimer  vos  frères.  Demeurez  fidèles 
à  Dieu  et  le  reste  vous  coûtera  peu. 

»  Quant  à  votre  curé,  il  continuera,  pour  ces  deux  choses,  à  vous 
prêcher  par  l'exemple  ;  il  sera  fidèle  à  Dieu,  fidèle  à  son  devoir.  Il 
aimerait  plutôt  mourir  mille  fois  que  de  s'écarter  de  cette  voie.  Je 
serais  bien  à  plaindre,  ô  mon  Dieu,  si  jamais  la  crainte  des  tour- 
ments ou  de  perdre  mes  biens  pouvait  me  faire  manquer  à  l'obéis- 
sance que  je  vous  dois.  Vous  pouvez  être  persuadés  d'avance,  M.  F., 
que  nulle  soumission  ne  l'emportera  sur  la  nôtre,  que  nous  ne  ces- 
serons de  nous  montrer  fidèles  à  la  loi,  prêts,  dans  toute  occasion, 
à  employer  notre  influence  à  procurer  et  à  affermir  la  paix,  l'ordre 
et  la  tranquillité.  C'est  cette  même  religion  de  Jésus-Christ,  que  je 
dois  prêcher,  qui  me  l'ordonne,  religion  à  laquelle  j'ai  voué  et  je 
voue  ici,  en  votre  présence,  la  soumission  la  plus  absolue  jusqu'à  la 
mort.  Et,  cette  promesse  toujours  présente  à  mon  cœur  et  à  ma 
pensée,  je  jure  de  veiller  avec  soin  sur  les  fidèles  de  la  paroisse  qui 
m'est  confiée,  d'être  fidèle  à  la  nation,  à  la  loi  et  au  roi,  et  de  main- 
tenir de  tout  mon  pouvoir  la  constitution  décrétée  par  l'assemblée  et 
acceptée  par  le  roi. 

»  Et  puisque  je  fais  ce  serment  d'une  manière  si  solennelle,  je  de- 
manderai de  nouveau  à  Dieu  d'y  être  fidèle.  Agréez  aussi  que  je  vous 
invite  tous  à  la  même  fidélité  envers  les  lois  divines  et  humaines  ; 
car  ce  n'est  que  par  cette  même  fidélité  aux  unes  et  aux  autres  que 
nous  pouvons  espérer  de  passer  des  jours  plus  heureux  ici-bas  et 
ensuite  partager  le  bonheur  des  saints  que  je  vous  souhaite. 

»  Et  a,  le  dit  M.  Bac,  signé  avec  les  membres  de  la  municipalité.  » 

.M.  Bac  n'avait  cru  pouvoir  trop  prendre  de  précautions,  afin  de 
ne  point  se  séparer  de  l'Eglise  ;  cependant  il  pleurera  amèrement  sa 
faiblesse,  la  réparera  par  une  rétractation  énergique  et  l'expiera  en 
versant  son  sang  sur  l'échafaud. 

Parmi  les  autres  prêtres  du  Trièves,  presque  tous  prêtèrent  le 
serment.  C'étaient  alors  MM.  Tcstou,  curé  de  Cordéac  ;  Beau,  de  la 
Croix-de-la-Pigne;  Dupra,  de  la  Posterle;  Blanc,  de  St-Sébastien  ; 
Plassy,  de  Lavars  ;  Joseph-Alex.  Galfard,  de  St-Baudille-et-Pipet, 
et   Vctte,  son   vicaire;    Clément    Bourillon,   du   Périer;    Aubert,   de 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  247 

Prébois  ;  OUagnier,  d'Oriol  ;  Brudon,  de  Tréminis  ;  Bourillon  oncle, 
de  St-Maurice;  Audemard,  de  Lalley  ;  Pupin,  du  iMonêtier-du- 
Percy  ;  Antoine  Galfard,  de  Clelles,  et  Liotard,  son  vicaire;  Ville, 
de  St-Martin-de-Clelles  ;  Audiffret,  de  St-Michel-les-Portes  ;  Bar- 
naz,  de  Torannes  ;  Roycomte,  de  St-Genis  ;  Péralda,  de  St-Jean- 
d'Hérans  ;  Chauvet,  de  Chichilianne.  La  formule,  pour  ainsi  dire 
uniforme,  du  serment  prêté  est  celle  prononcée  par   M.  Brudon  (i)  : 

«  Le  13  janvier  1791,  dans  l'église  paroissiale  de  Tréminis, en  pré- 
sence des  fidèles  et  du  conseil  municipal  convoqués  par  M.  Brudon, 
curé,  aussitôt  après  la  messe,  celui-ci  a  prêté  serment  à  la  constitu- 
tion en  ces  termes  :  Convaincu  par  l'exposition,  qui  nous  a  été 
envoyée,  que  les  sentiments  de  l'assemblée  nationale  ne  sont  pas  de 
porter  atteinte  à  la  religion  catholique  ,  apostolique  et  romaine, 
c'est  sous  cette  condition  que  je  jure  de  veiller  sur  les  fidèles  qui  me 
sont  confiés,  d'être  fidèle  à  la  nation,  à  la  loi  et  au  Roy,  et  de  main- 
tenir de  tout  mon  pouvoir  la  constitution  décrétée  par  l'assemblée 
nationale  et  acceptée  par  le  Roy  (2j.  » 

Des  témoignages  contradictoires  sur  MAL  Testou  et  Audiffret 
nous  empêchent  d'affirmer  qu'ils  refusèrent  le  serment  de  fidéUté  à 
la  constitution,  quoique  nous  penchions  pour  la  négative  (^). 

Le  pape  Pie  VI  condamna  de  nouveau  la  constitution  civile  du 
clergé  et  ordonna,  dans  une  bulle  du  13  avril  1791,  à  tous  les  prê- 
tres assermentés  de  se  rétracter,  dans  les  quarante  jours,  sous  peine 
d'être  suspens  de  l'exercice  de  tous  ordres  et  soumis  à  l'irrégularité, 
s'ils  en  faisaient  les  fonctions.  Aussitôt  que  cet  ordre  du  Vicaire  de 
Jésus-Christ  fut  connu,  tous  ceux  qui  avaient  prêté  le  serment  avec 
restriction  s'empressèrent  d'obéir  humblement.  M.  Brudon  le  fit  au 
mois  de  juin  suivant  (4).  M.  Galfard,  curé  de  Clelles,  le  5  mai,  par 
une  lettre  qu'il  écrivit  au  comité  d'administration  de  l'Isère  et  que 
nous  citons  textuellement  .  «  Messieurs,  j'ay  aperçu,  depuis  quel- 
ques jours,  à  la  porte  de  mon  église  un  décret  du  4  janvier,  par  le- 
quel l'assemblée  nationale  ordonne  que  le  serment  prescrit  par  le 
décret  du  27  novembre  dernier  sera  prêté  purement   et   simplement 

(i)  Nous  la  trouvons  dans  les  Registres  des  délibérations  de  la  commune  de 
Tréminis. 

(2)  Tréminis,  et  archives  des  diverses  communes  du  Trièves  de  1791  à  1792  ; 
pièces  communiquées  par  M.   Grise  de  la  Posterle. 

(3)  Répojise  aux  questions  de  l'Ordo  de  iS^-j,  à  l'Évèché  de  Grenoble. 

(4)  Tréminis,  Reg .   des  délib. 


248  LE    TRIÈVES    PENDANT 

dans  les  termes  mêmes  du  décret,  sans  qu'aucun  ecclésiastique  puisse 
se  permettre  des  préambules,  des  explications  et  restrictions.  Je  vous 
avoue  sincèrement  que  ma  religion,  la  confiance  et  la  soumission 
que  je  dois  à  mes  supérieurs  ecclésiastiques  ne  m'ont  pas  permis  de 
le  prêter  ainsi.  Si  j'avais  eu  plus  tôt  connaissance  de  ce  décret, 
j'aurais  pris  la  liberté  de  vous  faire  connaître  mes  sentiments  à  cet 
égard,  desquels  je  ne  crois  pas  devoir  ni  pouvoir  m'écartcr  sans 
perdre  de  vue  et  sans  blesser  ma  religion  et  ma  conscience.  Pour 
mieux  vous  convaincre  que  je  n'ai  pas  varié,  je  joins  ici  une  copie  de 
l'extrait  du  procès-verbal  de  mon  serment,  tiré  mot-à-mot  des  re- 
gistres de  la  municipalité.  Je  croirais,  Messieurs,  me  rendre  trop 
coupable  à  vos  veux,  si  vous  étiez  instruits  par  un  autre  que  par  moi 
de  mes  véritables  sentiments  au  sujet  du  serment  que  j'ay  prêté  tel 
que  ma  conscience  a  pu  me  le  permettre.  En  le  prêtant  ainsi,  j'ay 
voulu  donner  à  mes  paroissiens  un  exemple  de  la  soumission  duc 
aux  lois;  mais  je  n'ay  point  voulu,  je  vous  prie  d'en  être  bien  con- 
vaincus, surprendre  votre  religion  en  vous  faisant  demander  mon 
traitement  pour  le  quartier  passé.  Si  mon  serment  et  la  déclaration 
que  j'ay  l'honneur  de  vous  faire  me  rendent  réfractaire,  je  me  sou- 
mets très  volontiers  à  la  peine  qu'éprouvent  déjà  un  grand  nombre 
de  mes  confrères,  lesquels  ont  eu  sans  doute  beaucoup  plus  de  lu- 
mières et  de  fermeté  que  moi.  Et  si,  dans  le  sens  qui  a  pu  être  pris, 
on  croit  pouvoir  m'obliger  à  des  choses  contraires  aux  restrictions 
que  j'ay  mises  à  mon  serment,  dès  lors  je  le  retire,  et  pour  qu'il  en 
conste,  en  cas  de  besoin,  je  garde  une  copie  de  la  présente  et  en 
remets  une  autre  à  la  municipalité. 

»  J'ai  l'honneur  d'être  très-respectueusement.  Messieurs,  votre 
très-humble  et  très-respectueux  serviteur.       Galfard,  curé(ij.  » 

M.  Liotard,  son  vicaire,  alla  le  lendemain  faire  une  déclaration 
semblable  devant  la  municipalité  (2).  M.  Allemand  suivit  cet  exemple 
et  se  rétracta  publiquement  à  l'église,  en  suppliant  ses  paroissiens 
de  lui  pardonner  le  scandale  qu'il  leur  avait  donné  (7  maij  (3).  MM. 
Berthon  et  Doux  le  firent,  le  premier,  le  23,  et  le  second,  le  13 
juin  (4).  Tous  les  autres  les  imitèrent  ou  même  les  devancèrent. 

Nul  plus  que  M.  Bac  ne  mit  du   zèle  à  réparer  son   erreur.    Le   8 

(i)  Clelles,  Reg.  des  délit. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Délibération  du  directoire  de  Grenoble,  dans  le  Reg.  des  délit,  de  Clelles. 
(4J  Ibidcnn. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  249 

juin,  il  refusa  énergiquement  à  la  municipalité  de  lire  la  lettre  pasto- 
rale de  l'évêque  constitutionnel  de  l'Isère.  Quatre  jours  après,  au 
moment  où  le  maire  de  Mens,  Sibey,  allait  monter  dans  la  chaire 
sacrée  pour  faire  cette  lecture  à  sa  place,  il  prononça  d'une  voix 
vibrante  la  protestation  suivante  :  «  Je  me  dois  à  moi-même  et  à 
vous  des  explications  sur  le  serment  civique  que  j'ai  prêté  en  votre 
présence,  le  23  janvier  dernier.  Il  m'en  coûte  d'avoir  à  en  parler  ; 
mais,  pressé  par  les  circonstances  et  afin  que  vous  puissiez  juger  de 
mon  patriotisme,  je  vais  vous  les  donner. 

»  Quand  j'ai  prêté  ce  serment  à  la  puissance  temporelle,  je  me 
suis  assujetti  envers  elle  en  tout  ce  qui  est  civil  et  politique  et  en 
tout  ce  qu'elle  est  en  droit  de  m'imposer.  Et  en  ceci,  sans  examiner 
le<,  peines  et  les  difficultés,  je  vous  donnerai  toujours  l'exemple  de  la 
soumission,  même  au  péril  de  ma  vie,  si  c'était  nécessaire.  Mais  je 
n'ai  pas  entendu,  ni  n'ai  pu  m'obliger  en  ce  qui  concerne  la  Reli- 
gion, encore  moins  à  cesser  de  lui  être  fidèle  ;  au  contraire,  je  lui  ai 
fait,  devant  vous,  promesse  de  fidélité  la  plus  absolue,  et  ce  n'est 
qu'avec  cette  même  fidélité,  présente  à  mon  cœur,  que  j'ai  prêté  le 
serment  civique,  ce  qu'il  appert  du   procès-verbal  qui   en  fut  dressé. 

»  Quand  je  dis  la  Religion,  et  je  n'en  connais  pas  deux,  c'est 
comme  si  je  disais  la  Religion  catholique,  apostolique  et  romaine. 
En  cette  partie,  ainsi  qu'en  tout  ce  qui  lui  est  uni  ou  lié,  des  lois  ne 
peuvent  émaner  que  de  l'Eglise  exclusivement  et  non  dailleurs.  C'est 
à  elle  seule  que  Jésus-Christ  a  confié  le  pouvoir  de  régir  et  instruire 
ses  enfants,  principe  sûr  et  indubitable,  reconnu  comme  tel  par  nos 
représentants,  nous  assurant,  il  y  a  peu  de  temps,  qu'ils  n'avaient 
pu  ni  dû  y  toucher.  Aussi  c'est  d'elle  seule  et  non  de  schimatiques 
que  je  recevrai  des  enseignements  pour  vous  les  communiquer. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

A.  LAGIER. 


(i)  Mens,  Reg.  des  délib. 


MANUSCRITS     &     INfCUNABLES 

LITURGIQUES 

DU      DAUPHINÉ 


GENEVE. 

Du  IV^  siècle  à  la  Révolution  le  diocèse  de  Genève  a  fait  partie  de 
la  province  ecclésiastique  de  Vienne  :  on  ne  saurait  donc  s'étonner  de 
trouver  dans  ce  Bulletin  la  description  de  quelques-uns  de  ses  livres 
liturgiques.  Ce  n'est  d'ailleurs  que  par  exception  et  pour  faire  profiter 
nos  lecteurs  de  l'obligeance  qu'a  mise  à  m'en  communiquer  deux  spé- 
cimens, M.  le  chanoine  Chevalier,  professeur  au  grand  séminaire 
d'Annecy. 

1°    Bréviaire  de   1398. 

Ce  gros  manuscrit  se  compose  encore  de  j6j  feuillets  de  parchemin, 
non  numérotés  (mais  avec  réclames),  et  mesure  ijj  millim.  sur  i.fo.  Il 
est  dans  sa  reliure  primitive,  en  cuir  gaufré  semé  de  fleur  s- de -lis,  de 
quatre-feuilles  et  d'agneaux  de  S.  fean-Baptiste,  avec  double  fermoir , 
dont  il  ne  reste  que  les  clous  en  cuivre  ;  le  dos  a  été  consolidé  au  XVII^ 
siècle  par  une  double  feuille  de  parchemin,  sur  laquelle  on  a  collé  un 
titre  en  papier  reproduisant  le  colophon.  L'écriture,  en  rouge  et  noir, 
est  à  2  colonnes,  de  72  lignes.  Comme  feuillet  de  garde,  fragment 
d'acte  de  vente  iXIV"  s.)  d'une  terre  de  la  mouvance  du  prieur  de 
Talloires  ("de  Tallueriis).  Du  calendrier  il  manque  les  quatre  premiers 
mois  depuis  assez  longtemps,  car  on  a  écrit  sur  la  page  de  mai  :  A 
l'usage  des  (al.  Pour  les)  Capucins  de  St  Jullicn. 

Voici,  en  combinant  le  calendrier  avec  le  sanctoral  de  ce  Bréviaire  et 
le  corps  du  Missel  suivant,  les  saints  particuliers  dont  l'inscription  est 
à  noter  (i)  :  —  Januarius.  l'^ugendi  abbatis,  Clari  abb.,  Gcnovefe 
virginis,  Sulpicii  (al.  Susplicii)  episcopi  et  confessoris,  Juliani  episc. 
et  conf.  —  Fi:rmt:ARius.  Brigide  virg.,  Viti  episc.  et  conf.,  Desiderii 
episc.  et  martyris,  juliane  virg.  et  mart.,  Vuabuge  virg.  —  Martius. 
Albini   episc.  et  conf.,   Adriani  mart.,   Eugemic   virg.    —   Aprilis. 

(i)   Une  étoile  indi.jue  les  additions  au  calendrier  du  Bréviaire. 


MSS.    ET    INCUNABLES    LITURGIQUES.  25 1 

Oportune  virg.  —  Mayus.  i,  Sigimundi  (al.  Syg-i,  Sigismodi)  ré- 
gis mart.  cum  sociis  suis  ad  unum.  8,  S.  Pétri  Tharantasiensis.  9, 
Translatio  S.  Nycholai.  11,  Vienne,  Mammerti  episc.  et  conf.  13, 
Marie  ad  martyres.  2^,  Vienne,  Desiderii  episc.  et  mart.  28,  Pari- 
sius,  Germani  episc.  et  conf.  —  Junius.  i,  Nychodemi  (al.  Nicho- 
medis)  mart.  6,  Claudii  archiepisc.  et  conf.  16,  Cirici  et  Julitc,  Fer- 
reoli  et  Ferrucii  martt.  20,  *Florencie  virg.  22,  Albani  mart.,  *Con- 
sorcie  virg.  et  decem  milium  martt.  —  Julius.  4,  Translatio  s.  Mar- 
tini. 7,  Claudii  et  soc.  s.  martt.  11,  Translatio  s.  Benedicti  abb. 
13,  Sylee  apostoli,*  Cleti  pape.  14,  *Albani  mart.  15,  *Jacobi  episc. 
et  mart.,  Divisio  xii''''"  apostolorum,  Dedicatio  dominici  sepulcri, 
Dedicatio  Boneville.  16,  b.  Apollonie.  17,  *Arnulphii  episc  et  conf. 
27,  *Septem  dormientium.  31,  Germani  episc.  et  conf. —  Augustus. 
2,  Eusebii  episc,  et  conf.  5,  Affre  virg.  6,  Benedictio  uvarum 
(M.,  f°  i8^a).  16,  Theodori  {al.  T-oli)  episc.  et  conf.  25,  Genesii 
mart.  26,  *Juliani  m  ,  Dedicatio  Clus(arum).  27,  Ruphi  (al.  Ruffi) 
mart.  31,  Paulini  episc.  et  conf.  —  September.  2,  Justi  episc.  et 
conf.  4,  Bonifacii  episc.  et  conf.  7,  Grati  episc.  et  conf.  17,  Lam- 
berti  episc.  et  mart.  18,  Vienne,  Ferreoli  episc.  (al.  mart.).  2g,  Oc- 
tabe  s.  Mauricii.  30.  Victoris  et  Ursi  mm.  —  October.  2,  Leode- 
garii  episc.  et  mart.  5,  .Appollinaris  mart.  6,  Fidis  virg.  et  mart. 
7,  *Dedicatioecclesie  Sancti  Syonziaci  (Scionzier).  8,  Dedicatio  eccle- 
sie  Sancti  Pétri  Gebennis,  cum  octava.  10,  Gereonis  sociorumque 
ejus  martt.  11,  *Nicasii  mart.  12,  *Eustachii  presbiteri.  i3,*Geraldi 
conf.  t6,  Galli  conf.  17.  *FIorentini.  ig,  *Aquilini  episc.  et  conf.  20, 
*Guersenti  mart.  22,  *Terierii  episc.  et  conf.  23,  Severini  presb. 
(al.  episc.)  et  conf.  24,.  *Terodoici  mart.  25,  Crispini  et  Crispiniani. 
26,  Revclatio  s.  Mauricii  sociorumque  ejus.  2g,  *Vedasti  et  Amandi 
conf.  31,  Quintini  mart.  — Nove.mber.  i,  Cesarii  mart.  3,  Marcelli 
episc.  et  conf.,  *Eustachius  cum  so.  4,  Clari  mart.  12,  Hymerii  mart. 
13,  Bricii  episc.  et  conf.  19,  Maximi  presb.  21,  Columbani  abb.  — 
December.  i,  Eligii  episc.  et  conf.  4,  Apri  presb.  et  conf. 

Le  feuillet  suivant  (relié  à  retour)  renferme  une  table  des  fêtes  mo- 
biles et  ces  pronostics  : 

Clara  dies  Pauli  larga  fruges  notât  anni. 
Si  fuerint  venti,  parantur  prelia  genti. 
Si  fuerint  nubila,  pereunt  animalia  multa. 
Si  nix  vel  pluvia,  désignât  tempora  cara. 

Le  commun  du  temps   cotnmence  par   le   mot  Vitatorium  ;  l'initiale 
ornée  est  celle  de  Primo  (hymne),  avec  encadrements  d'arabesques.  Ces 


252  MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

enluminures  se  renouvellent  pour  chaque  férié  et  à  toutes  les  principales 
fêtes.  Après  le  Te  Deum  vient  la  Letania  major,  qui  ajoute  â  celles  de 
Rome  les  saints  Uriel,  Line,  Clete,  Clemens,  Syste,  Corneli,  Cipria- 
ne,  Georgi,  Alauricii  cum  sociis  tuis,  Dyonisic.  s.  t.,  Eustachi  c.  s.  t., 
Sygimunde  c.  s.  t.,  Leodegari,  Blasi,  Xpistoforc,  Marcelle,  Léo. 
Hylari,  Eusebi,  Théodore,  Germane,  Golumbane,  Galle,  Pauline  ; 
et  les  saintes  Félicitas,  Perpétua,  Prisca,  Margareta,  Fides,  Juliana, 
Susanna.  Le  v°  du  dernier f"  de  cette  partie  est  blanc. 

T7e?2/  ensuite  le  propre  du  temps  :  In  nomine  Patris  et  Filii  et 
Spiritus  sancti,  amen.  Incipit  Breviarium  secundum  consuetudinem 
et  ordinarium  ecclesie  Beati  Pétri  Geben(nensis).  Sciendum  est  quod 
in  sabbato  ante  dominicam  de  Adventu  Dormini)...  Les  hymnes  sont 
celles  du  rite  romain  dans  leur  forme  primitive.  — Notons  seulement 
quelques  particularités  Après  les  vêpres  de  Pâques,  fiât  processio  ad 
fontes  et  debent  incipere  cantores  eundo...,  in  reditu...  fit  stacio 
ante  crucem,  quo  finito  débet  processio  intrare  chorum  sic  dicendo  : 
Nolite...;  cette  procession  se  renouvelait  chaque  jour  de  cette  semaine. 
Ordo  servicii  post  octavam  Trinitatis,  in  diebus  sabbati...  Hore 
béate  Marie  debent  dici  amodo  in  choro  et  in  qualibet  die,  ut  in  fine 
Breviarii  sunt  notate  die  sabbati  post  Nativitatem.  In  sollempnitate 
Eukaristie  Domini  :  c'est  l'office  composé  par  S.  Thomas  d'Aquin. 
Ordo  officii  post  octavam  Trinitatis  diebus  dominicis...;  processio 
débet  fieri  diebus  sabbatis  ante  crucem. 

Incipit  proprium  ofîficium  commune  sanctorum  et  sanctarum  par 
anni  circulum.  In  natale  beati  Silvestri,  orationem  et  legendam  inve- 
nies  hic  :  vitatorium,  a(nliphonas),  p(salmos),  vfersus)  et  totum  quod 
hic  non  invenies,  require  in  commune  officio  confessoris  pontificis. — 
Nota  quod  octava  béate  .\gnetis  débet  fieri...  ut  in  die  {esû...  Après 
s.  Julien  :  Agnetis  secundo.  Nota  magnam  ignoranciam,  quia  propter 
hoc  quod  fit  festum  Agnetis  secundo  octavo  die,  propter  hoc  fuerit  oc- 
tava et  ignorantur.  —  In  dedicatione  basilice  Béate  Pétri  Geben..., 
sermo  b'  Augustini... 

Incipit  parvum  commune  sanctorum.  Et  primo  de  euvangelistis. 
—  Incipit  officium  béate  Marie  Virginis  in  tempore  communi...,  in 
Adventu,  etc.  —  In  festo  omnium  defunctorum,  sequitur  ordinacio 
festi...  —  Secuntur  preces  que  dicuntur  diebus  ferialibus  in  Adventu 
et  in  XL' CQuadragesima)..  —  Secuntur  benedictiones  per  annum 
circuli  (pour  anni  circulum)...  —  Laus  Deo,  pax  vivis  et  requies  de- 
functis,  amen. 

Explicit  Breviarium   scriptum    manu   Guillermi  de    Fovea,  quem 


DU    DAUPHIN'E    :    GENEVE.  253 

fecit  fieri  dognus  Amedeusde  Gorgeta,  de  Extra.m.hcrns{Etrainbieres), 
curatus  Magni  Bornandi  {Grand-Bornant),  anno  Domini  M°  CCC° 
nonagesimo  VIIJ°,  die  xxvi^  mensis  februarii.  —  Qui  scripsit  iste 
liber  {sic),  sit  ab  omni  crimine  liber. 

Scribere  qui  nescit,  nullum  putat  esse  laborem  ; 
Très  digiti  scribunt,   cetera  membra  dolent. 
Qui    scripsit,   scribat. 
Semper  cum  Domino    vivat. 
Au  bas  :   Honorabilis   Claudius  Mignionis,   burgensis  Annessiaci, 
me  donavit  ecclesie  parrochiali    Sancti    Martini    {St-Martm^  Haute- 
Savoie),  1565. 

Aie  verso  commencent  diverses  additions  du  A  \  "  siècle  :  Otlicium 
completorii  Eucharistie  Xpisti.  In  iestivitate  beaie  Anne.  In  festo 
sancti  Xpistofori.  In  crastinum  omnium  animarum  tit  de  beato 
Heustachio. —  Sur  le  feuillet  de  garde  :  Currente  anno  Domini  miUe- 
simo  (CCCC)  nonagesimo  sexto  disextus  vertit,  ideo  memor(ijam 
habeto.  —  Istud  Breviarium  est  michi  venerabili  vu'O  dompno  Pe- 
tro  Vianesy,  parrochie  Setheneacy  {Settenexj. 

2°  Missel  de   1491. 

M.  Weale  n  indique  que  deux  exemplaires  de  ce  rarissime  incu- 
nable, l'un  a  la  bibliothèque  nationale  de  Pans,  l'autre  a  celle  de  la 
ville  de  Genève  (ij  ;  ce  sont  les  seuls  qui  aient  été  signalés  par  divers 
bibliographes  {2).  Celui  du  séminaire  d'Ajinccy  a  beaucoup  soujjert  de 
l' humidité  ;  les  ("i  feuillets  liminaires  [comprenant  le  calenaiier,  etc.j 
ont  disparu  depuis  longtemps,  car  les  mots  :  Ad  usum  sacristiae  Ma- 
chabaeorum  Genevensi..,  qu'on  lit  avec  peine  dans  la  marge  supérieure 
du  Foliuni  i,  sont  du  A  l  II"  siècle.  L'impression,  en  rouge  et  noir,  a 
^5  lignes  sur  deux  colonnes,  mesure  240  millim.  sur  lyi,  non  compris 
le  titre  courant  et  la  signature.  Les  iniiiales  de  la  hauteur  de  3  lignes 
ont  été  peintes,  les  plus  grandes  richement  enluminées. 

^  Jn  nomine  sancte  et  indiui-jdue  tnnitatis  pa/ris  et  iilu  et  spiri  | 

tussancti  Jncipit  ordo  missalis  j  secundum  vsuni  cathedralis  ecclesie 

I  dyocesis  gebennensis.  Dominica  prima  in   Adventu,  ad   missam, 

introitus.  —  F"  lxiii,  Dominica  in  Ramis  Palmarum,  les  barres  seules 

(i)  Bibliographia  liturgica  :  Catalogus  Missalium  ritus  latini,  1886,  p.  7/. 

(2)  Biblioth.  Germanique,  i/]i,  t.  XXI,  p.  100;  Calai,  d.  livres  impr.  de  la 
bibl.  du  Roy,  lyjç,  Théol.  t.  I,  p.  41 S^  706";  Favre,  Livres  impr.  à  Genève  d. 
le  XV^  s.,  2'  éd.,  18$),  p.  3)  ;  Gaullieur,  Etud.  s.  la  lypogr.  Genev.,  1855,  P-  41  > 
Brunet,  Man.  du  libr.,  18Ô2,  t.  III,  c.  lyj];  Graesse,  Très.  d.  liv.  rares,  186 j, 
t.  IV,  p.  $46  ;  Fleury,  dans  les  Mém.  de  l'acad.  Salés.,  188J,  t.   VI,  p.  23^. 


254  ^iSS.    ET    INCUNABLES     LITURGIQUES 

du  chant  de  la  préface  ont  été  imprimées  (i).  —  Le  Jeudi  Saint 
{f°  Lxxix),  dum  fit  reservatio,  dicat  chorus  septem  psalmos  penitcn- 
ciales  :  in  reditu  vero  reservationis  sacerdos  veniat  ad  altare  et  lector 
ad  lectrinum...  —  Au  Vendredi  Saint  (/°  Lxxxiii'^j,  Sequitur  propria 
oratio  sacerdotis  ad  adorandum  crucem.  Adoro  te,  domine  Jliesu 
Xpiste,  in  cruce  ascendentem  :  deprecor  te,  ut  ipsa  crux  liberet  me 
de  angelo  percutiente.  Adoro  te  in  cruce  vulneratum  :  telle  et  aceto 
potatum.  Deprecor  te,  ut  tua  vulnera  remedium  sint  anime  mee. 
Adoro  te  mortuum  et  sepultum.  Deprecor  te  ut  tua  mors  sit  vita 
mea.  Adoro  te  descendentem  ad  inleros  :  et  indeliberantemcaptivos  : 
precor  te  ut  non  me  dimittas  ibidem  introire.  Adoro  te  resurgentem 
a  mortuis  :  ascendentem  ad  dexteram  Patris  :  precor  te,  miserere 
mei.  Adoro  te  salvatorem  venturum  et  judicaturum  ;  deprecor  te  ut 
in  tuo  sancto  adventu  non  intres  in  judicium  cum  me  peccatore  :  sed 
ante  dimittas  quam  judices.  Amen.  La  y"  strophe  du  l-*ange  lingua 
offre  les  variantes  suivantes  :  Hic  acetum,  fel,  arundo,  sputa,  clavis, 
lancea  mite  corpus  perforatur  :  sanguis,  unda  protluit  :  terra...  La 
dernière  est  toute  différente  :  Sit  Patri  Natoque  summo  gratia  cum 
Spiritu,  sempiterne  frinitati  laus  semper  et  gloria,  que  cre[avit]  que 
redemit  queque  nos  illuminet.  La  Letania  sancta  (_/""  lxxxxii)  ajoute 
à  celle  du  Bréviaire  :  ss.  Ypolite,  Victor,  Urse,  Ysidore,  Arseni,  iiri- 
gida,  Scolastica.  —  F"  lxxxxvii^  :  Benedictio  panis,  salis  et  aque. 

Entre  les  f'^''  lxxxxviii  et  xcix  s  en  trouvent  intercalés  dix  non  nu- 
mérotés :  Incipit  quando  sacerdos  vult  se  induere  ad  celebrandum 
missam.  Puis  :  Post  olïertorium,  quando  offert  calicem...  Sequuntur 
proprie  prefationes  pro  festis  annualibus.  —  Le  canon  occupe  cinq 
de  cesjeuillets  ;  il  est  imprimé  en  gros  caractères,  à  longues  lignes  de 
2j  et  22  à  la  page.  —  /"'"  xcix  :  in  die  Resurrcctionis  Domini,  ad 
missam.   —  F"  cxxi  :  In  lesto  Eucaristie  Domini. 

/•'"  clvii  :  Incipit  propriuni  olliciuni  sanctorum.  Kt  primo  in  natali 
sancti  Silvestri  pape  et  confessoris.  — /''"  ccxiii  :  Incipit  commune 
sanctorum.  In  vigilia  unius  apostoli.  —  /''"  ccxxviiia  :  Kxplicit  com- 
mune sanctorum.  Viennent  ensuite  Missa  pro  pace,  ad  postulandam 
pluviam,  etc.;  Missa  communis  de  sancto  l'ctro,  patrono  ecclesie 
Geben.;  Missa  contra  morlalitatem  seu  pestilentiam,  quam  Clemens 
papa  sextus  fecit  et  consliluil  in  collegio  cum  omnibus  cardinalibus, 

(i)  lien  est  Je  même  four  toutes  les  autres  parties  en  plain-chant  ;  des  notes 
nom  été  ajoutées  à  la  main  qu'au J°  LXXXXVll  v°  et  dans  le  cahier  intercalaire 
signalé  plus  loin. 


DU    DAUPHINÉ    :    GENÈVE.  255 

et  concessit  dicentibus  et  omnibus  audientibus  CC.  lx.  dies  indul- 
gencie,  et  omnes  audientes  ipsam  missam  debent  portare  in  manu 
sua  unam  candelam  :  et  sic  débet  fieri  per  quinque  dies  continue  ; 
Missa  pro  sponso  et  sponsa,  avec  commemoratio  de  Trinitate.  —  F° 
ccxxxviic  :  Sequuntur  collecte  communes.  —  P*  ccxLiia  :  In  agenda 
mortuorum,  ad  missam.  —  F°  ccxlvc  :  Missa  devotissima  quinque 
plagarum  domini  nostri  Jhesu  Xpisti,  avec  la  prose  Cenam  cum  dis- 
cipulis  (i).  —  F°  ccxLviia  :  Missa  Transfigurationis  d.  n.  J.  X.  — 
F°  ccxLvii  (bisj^  :  Dominica  prima  in  adventu,  prosa  ;  ce  missel  ren- 
ferme en  tout  61  proses,  dofit  dix  ne  figurent  pas  dans  les  recueils  de 
séquences. 

F°  ccLxit»  :  Missale  ad  vsum  gebenne/îs/s.  dyo  |  cesis  per  magis- 
tru??.-  Joha?2nem  |  fabri  impressu??z  et  accuratissime  |  emejidalum  ad 
opus  honorabih's  |  viri  Joha?2nis  de  stalle  burgens/s  |  gthtnnensis . 
Explicit  féliciter  Anno  \  dommi  millesimo  quadringentesi-  |  mo  no- 
nagesimo  primo,  die  vero  |  vltima  mensis  Maii.  Au-dessous  la  mar- 
que de  Jean  Fabri,  de  Langres,  le  même  qui  avait  imprimé  à  Turin, 
dès  14J4,  un  Breviarium  Romanum  (2).  —  Le  v°  de  ce  f°,  qui  était 
blanc,  ainsi  que  le  r°  du  suivant,  ont  reçu  diverses  additions.  Au  v"  du 
dernier  :  Jacobus  Baure.  A  Jehan  Paioct,  prebstre  de  Belley,  aper- 
tient  ce  présent  messel  et  a  esté  échangé  a  M=  Jaques  Baure,  dudit 
Belley,  prebstre  Anissy,  le  25'  de  juin  1555,  a  un  aultre  messel  de 
Roume,  Paioct. 

On  a  relié  à  la  suite  un  cahier  de  8  feuillets  de  moindre  format,  sur 
lesquels  on  a  transcrit  au  Al  *  siècle  les  pièces  suivantes  :  Missa  de 
corona  domini  nostri  Jhesu  Xpisti  ;  Missa  de  facie  Domini,  quam 
fecit  papa  Innocencius  ;  Prosa  de  Visitacione  b"  Marie  V.;  In  lestis 
duplicibus  dicuntur  sequen.  {tropes  Contipotens  et  Fons  bonitatis  du 
KyrieJ  ;  trois  proses  ;  In  solempnitate  yconie  (sic)  domini  Salvatoris  ; 
Missa  archangeli  Raphaelis  ;  Missa  de  lancea  d.  n.;  Missa  de  beatis 
sororibus  Marie,  Jacobi  et  Salome  ;  etc. 

Ulysse  CHEVALIER. 

(i)  Elle  se  trouve  dans  les  Missels  de  Grenoble  (1497),  Valence  (1^04),  Vienne 
(i^ig),  Viviers  (i$2-j),  Grenoble  (i^^2)  et  Toulouse  ( i $ ^^),pour  ne  parler  que 
des  recueils  dont  les  variantes  07it  échappé  à  Neale  (Sequentiœ,  1852,  p.  1 16),  à 
Daniel  (Thés,  hymnol.,  1844,  t.  II,  p.  2yo-i;  t.  V,p.  1^9)  et  à  Kehrein  (Latein. 
Sequenzen,  187J,  p-  67-5). 

(2)  Voir  la  monographie  que  Giac.  Manzoni  lui  a  consacrée  dans  les  Miscellanea 
di  storia  Italiana  (166]),  t.  IV,  pp.  241-78  et  349-$4- 


TABLE  DES  MATIÈRES 

DU  TOME  SEPTIÈME 
(1886-J). 

Auvergne  (chanoine),  Testament  de  Gabriel  de  Roussillon,  chevalier, 
seigneur  du  Bouchage,  de  Brangues,  d'Ornacieu  et  co-seigneur  de 
Commelle,  p.  162-8. 

Bellet  (abbé  Charles),  Réponse  au  problème  historique,  p.  44-6. 

Brun-Durand  {].),  Mission  du  P.  Bridaine  (1766),  p.  67, 

Chevalier  (abbé  JulesJ,  Formule  d'oblation  d'enfant,  p.  85-8. 

Chevalier  (chan.  Ulysse),  Compte  de  Raoul  de  Louppy,  gouverneur 
du  Dauphiné  de  lyôi  à  lyOcj,   pp.  V"^'')  ^^  '-74- 

—  Itinéraire  des  Dauphins  de  la  troisième  race  {Anne  et  Humbert  I" , 
Jean  H,  Guigues  17/  et  Humbert  II),  pp.  **i-25  et  1-19. 

—  Manuscrits    et   incunables    liturgiques   du  Dauphiné    :    latence, 
p.   176-89;  Genève,  p.  250-5. 

—  Mystère  des  Trois  Doms  :  voy.  Giraud  (P.-E.). 

—  Mystère  représenté  à  Romans  à  la  clôture  de  la  mission  de  jùg8-g, 
p.   129-43. 

Comité  de  Rédaction,  Chronique  du  diocèse  de  Valence,  p.    j-xxiv. 
Fillet  (abbé  L.),   Histoire  religieuse  de  Pont-en-Royans,  pp.  26-43, 

68-80,  118-28,   153-61,  189-99,  221-6. 
Francus  (D""),  Notes  sur  la  commander ie  des  Antonins  à  Aubenas,  en 

Vivarais,  pp.  89-96,  143-52,    169-75,  226-39. 
Giraud    (Paul-Emile),   Mystère   des  Trois   Doms,  joué  â  Romans  en 

'509,  pp.  81-4,  96-108,  209  21. 
Inventaire  des  sceaux  des  archives  nationales,  p.  46-8. 
Lagier  (abbé  A.j,  Le   Trieves  pendant  la  grande  Révolution,  d'après 

des  documents  ojjïciels  et  inédits,  p.  240-9. 
Maignien  (Edmond),  Compte  de  Raoul  de  Louppy  :  voir  Chevalier 

Paradis  (abbé  Auguste),  Lglises  romanes  du  Vivarais  :  Bourg-Saint- 

Andéol,  pp.  5-19,  49-67,  avec  plan. 
Perrossier  (abbé  CyprienJ,  Recueil  des  inscriptions  chrétiennes  du 

diocèse  de  Valence  :  Bourg-lès-Valence,  Etoile,   pp.    108-17,  200-8. 
Roman  (J.),    La   congrégation   de  la   Sainte-Pénitence  et   les  maisons 

hospitalières  du  Briançonnais  en  I2j8,  p.  20-5. 

Valence,  iinprimeiie   Jules  Céas  et  fils. 


COMPTE 


DE 


RAOUL    DE     LOUPPY 

(^OUYBI^NEUî^    DU    DaUPHINB 


De  la  coniplahilUc  fouruic  à  la  Chaiiihrc  des  coniplcs  de  Paris  par  les 
gouverneurs  du  Dauphiné,  au  sortir  de  leur  charge,  celle  de  Raotil  de 
Louppy  semble  avoir  été  seule  conservée  :  les  autres  ont  dû  être  la  proie 
des  Jlammes  en  ijyj  ou  périr  dans  la  destruction  de  ijQi  '■  Bien  pliis^ 
les  deux  copies  en  parchemin  qui  en  furent  prises  -  et  collalionnées  à 
Paris  le  lo  janvier  1^82/ j  3  subsistent  encore  :  l'une,  sans  lacune  au 
commencement,  mais  incomplète  de  la  dernière  partie,  se  trouve  aux 
archives  du  Vatican;  l'autre,  long  rouleau  de  25  peaux  cousues  bout  à 
bout,  fait  partie  des  archives  de  la  préfecture  de  V Isère,  où  elle  forme  le. 
n°  B.  y  17 y.  On  a^  inscrit  au  dos  ce  titre,  dont  tous  les  mots  ne  sont  pas 
également  lisibles  :  Computum  domini  Radulphi  de  Louppy.  quondam 
gubernatoris  Dalphinatus,  tam  de  rcceptis  et  misiis  per  ipsum  factis, 
quam  de  viagiis  per  ipsum  factis  pro  manutencione  et  deffensione  patrie. 
Cette  pièce  a  été  naguère  découverte  au  palais  de  justice  par  M.  Edmond 
Maignien,  qui  a  très  obligeamment  mis  à  notre  disposition  la  copie  inté- 
grale qu'il  en  fit  ;  elle  a  été  soigneusement  collationnée  en  épreuves  sur 
l'original.  Nous  avons  reproduit  en  chiffres  arabes  les  nombres  en  chiffres 
romains  dans  le  ms.,  oit  les  millésimes  sont  ordinairement  abrégés  (p.  ex. 
LXVI  pour  1-^66),  et  numéroté  les  articles  de  i  à  i y8.  4 

Ce  compte  comprend  deux  parties  indépendantes  :  il  ne  se  borne  pas  à 
l'administration  de  Raoul  de  Louppy  comme  gouverneur  du  Dauphiné,  dic 
7  oct.  i-^6[  qu'il  fut  nommé  par  le  régent  Charles,  fils  du  roifean  II,  au 
10  déc.  Z369  qii'il  reçut  pour  successeur  Jacques  de  Vienne;  il  embrasse 
aussi  celle  des  chàtellenies  de  Clermont-en-Argonne,  Vienne-le-Chàteau 
et  Giiemenières,  du  8 oct.  lyjy  au  ji  mars  ly^ylô.  5 

Il  n'entre  pas  dans  notre  plan  d'examiner  ici  cet  intéressant  document 
sous  le  double  côté  historique  et  financier  :  le  premier  a  été  suffisamment 
mis  en  lumière  par  M.  Maignien,  qui  a  fait  de  cette  pièce  le  sujet  de  son 
discours  de  réception  à  l'académie  delphinale  ^;  le  second  demanderait 
trop   de  développements  et  ne  pourrait  d'ailleurs  donner  lieu  à  d'utiles 


u 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 


obscrvatiou  qu'en   comparanl  celle  pièce   aii.v  comptes   de  chàlelleuie  con- 
temporains. 

On  nous  saura  gré  de  donner  ici  /'Itinéraire  du  gouverneur  Raouk 
DE  Louppv,  dressé  à  l'aide  de  sources  assez  diverses,  indiquées  pour  chaque 
séjour  par  des  sigles  dont  0)i  trouvera  la  clef  ci-dessous.   7 


1.  Inventaire  sommaire  et  tableau  méthodi- 
que des  fonds  conserves  aux  archives  nationales, 
Impartie,  iSji.p.  J2y. 

2.  l'oir  II"  1 24,  fin. 
}■  V.  Il"  ij8,  fin. 

4.  Le  n"  75  est  doubli.: 

3.  N°^  I2J  à  \y8. 

G.  Raoul  de  Vienne,  gouverneur  du  Dauphi- 

nc  (oct.  1361 — sept,  nùyl,  dans  Bull,  de  l'acad. 

Delphin.  ( i88olt),  j'  sér.,  t.  XVI.  p.  js-62; 

lire  a  p.irt.jvcc  la  Réponse  de  M.  Faii.lon  fibid., 

p.    6]-8J,   Grenoble,    18S1,   iii-S"  de  40  p. 
7.   .\llul—  l'ouvr.  cité  p.  i.f,  n.  2. 

B=  .\rchives  de  l'Isère,  série  B  :  le  i"  nombre 
indique  le  n"  d:  la  série,  le  2'  le  feidllel  du  reg. , 
une  apostrophe  a   droite  de  cetui-:i  le  verso. 

C—  Compte  ae  Raoul  de  Louppy. 

Charp.  =  Document  inédit  relatif  à  la  guerre 
qui  eut  lieu  en  1368  entre  les  Dauphinois  et 
les  Provençaux,  publié  par  t.-  comte  ut  Cii ah- 
pin-Feugerolles;  L_yon,  75(5/,  in-f  de  xv-  /;  />. 

d  —  Départ. 

D  —  Archives  de  la  Drôme. 

Doc.  =  le  t.  VU  de  notre  Collection  de  carlu- 
laires  Dauphinois,  t8j4. 


E  —  Archives  commun.  d'Embrun. 

Fauc.  —  Recueil  des  titres  concernant  le  Fauci- 

gny...  /'inventaire  ms.J. 
Gail.  —  Ephéméridcs  p"'  servir  à   l'histoire  des 

Hautes-Alpes,  par  M.  Gaillald,  18J4. 
Gir.  —    Essai   historique    sur    l'abbaye   de    St- 

Barnard...,  par  M.   Giraud.  1866. 
Inv.  —  l'ouv.  cité  p.  21,  n.   1. 
M. -P.  =  .MoRiN-PoNS,  ouvr.  cité  p.  7,  n.  2. 
Myst.  —  notre  vol.  fsous  pressej  intitulé  :  Mys- 
tère des  trois  Doms. 
Nob.  —  Nobiliaire  dcDauphiné,/)a;-Guy  Allaud, 

1671. 
Ord.  =  la   6^    livr.    de   nos    Documents  histor. 

inédits  sur  le  Dauphiné,  1871. 
Ordonn.  —   Ordonnances  des  rois  de  France  de 

la  troisième  race;  Paris,   ijjà. 
r  —  Retour. 
Rc  —  Comptes  inss.    de  Romans  pour  Ij57-(j9 

farch.  commun.  J. 
Rp  ~  Papirus  regiminis  et   adniinistracionis... 

ville  Romanis  / ibid.  J 
St-R.  =  Cartulaire  de  Sainl-Robert,  édité  par 

M.  l'abbé  AivERGNE,  1S65. 


ITINÉRAIRE 

1361   (,1'àqucs  mars  28) 


Oct.    7,  Paris  :  B.  3219;   C,    i, 
126:  Ord.,  i7,\ 
nov.      ,      »      :  C,  108. 
dcc.    8,  jMàcon  :  B. 

n     11,  (Grenoble):  B.  2622,40. 

»     18,  )'  :         »,  42. 

..     22,  .)  :         ..     ,5;;. 

5I'- 
»     23,  ..  :  B. 


1362 


'7) 


Janv.  '.),  I^)mans  :  .Mvst.,  710. 

..    U,  ..  :  b; 

»     15,  »  :  B.  2622,  60. 

..     24,  ..  :  B. 

..     26,  »  :         ..   ,6.4-72. 

févr.    S,  ..  :  B. 

4,  ..  :         »       ,  71. 

..     12,  ..  :         »       ,76'. 


levr.  21.         ..         :Rc,  27j>;B. 

'.     23.         ..         .V.C,  61. 

»         ,  Avii^'non  :  C,  61. 
mars     .         »         :  C.  61. 

»       8,  Romans  r  .•  (>,  61 . 

»     14,         .)         :  Myst.,  710. 

..     15,         ..         :  B  ; 

»     18,  ')         d  :  C,  2,  62. 

»     22,  Vienne  :  C,  62,  90. 
avril   6,  :  (>,  j. 

.>     11,  St-Marcellin  :  V>. 

).     13,  :  B. 

»     14,  St-(ieorg-es-d'I']spéran- 
che  :  B.  33.4^;  C,  8. 

..     23.  château  de  la  Côte-St- 
.\ndrc  :  B).  2624,  1. 

»     24,  (Romans)  r  .•  C,  11,  62. 

»     28,  »  :  B.  2622,  77'. 


I.  67".  (iiKAi'i),  ICssai  tusiof 
•  (  )  1 . 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHIXE 


VU 


1367  (P.  a.  .8) 


Janv.  6 

).     23 
).    29 
févr.    6 
» 

..     13 

mars  22 

avril   3 

..       5 

..     12 

mai    1 


..     28 
juin  22 


juil. 


6 


»     13 

..     22 

août  10 

»     16 

»  20 

..  25 

«  26 

.)  29 

sept.  27 

..  30 

oct.  27 

«     29 
)>     30 

nov.    7 

"     16 
..     20 

>>     21 

déc.    7 

»    13 


Romans  d 


Languedoc 


C,  84. 
:  C,  84. 
;■  .-  C,  84. 
Grenoble  :  B.  3039. 
Romans  d  :  C,  85. 
Languedoc  :  C,  85. 
Beaucaire  :  M. -P.,  140. 
Dauphiné  r  ;  C,  8$. 

:  C,  39. 
Moirans  :  B.  2624,  129  . 
Grenoble  :  Rp,  ir. 

:  B. 
Beauvoir  :  Rp,  13'. 
Romans:  Gir.  II,  i,  277-9. 
).        :  B.  2624,  130. 
Grenoble  :  B.  2622,  281 . 

:  C,  42. 
palais  de  Beauvoir-en- 
Royans  :  B.  2624,  133. 
Grenoble  :  B.  2622, 286. 
Romans  :  Rp,  3'. 
Serres  :  B.  2624,  133'. 
Embrun  :     »      ,  134-  ' 
Briançon  :  Rp,  11'. 
Oulx  :  B.  2624,  135. 
Embrun  :  B.  2624,  135'. 
Chorges  :       »       ,  130  . 
Corps  :  »       )  139'- 

Grenoble  :      »       ,  140. 
»         :      »       ,141'- 
(>.)        :  Ordonn.,  V, 
84-9. 
»         :  B. 2624, 142. 
»         :  E,  orig. 
Romans  d  :  C,  86. 
Avignon  :  C,  86. 
(Romans)  r  .■  C,  86. 
Grenoble  :  B.  2624,  143, 
144',  151. 

:  Rp,  7- 
St-Marcellin  :  Rp,  7'. 
Grenoble  :  M. -P.,  141. 


1  C/'.GAiLLAuu,Oi^vr.c//e,p.  362-3 . 


Janv.  1, 

»       7, 

» 

»     24. 

»     30, 

févr.    4, 

»     13, 

»     17. 

»       "• 

» 

»    27, 
mars  7, 

»  IL 
..     13; 

»  15. 
»    21, 

»  ; 

avril 
mai 

juin    6, 

»     14. 

»     21. 

))    26, 
juil.     4. 

))       5. 

»       8, 

» 

»     12, 

»  13, 
»     14, 

))  », 
))  », 
»    25, 

»  », 
»     30. 


1368  (P.  a.  9) 

Romans  d  :  C,  124. 
Valence  :  C,  57,  124. 

:  B.  3348. 
Etoile  :  C,  57,  124. 
Romans  :  B,  3233,  i. 
Grenoble  :         »     ,1'. 

»  :B.  2624, 147, 

palais  de   la  Côte-St- 
André  :  B.  3233,  r,  ;;'. 
»  » 

:  B:  3233,9. 
château  de  la  Côte-St- 
André  :  B.  2622,  288. 
Surieu  :  C,  124. 
Valence  7-  .•  C,  124. 
Vienne,  hosp.  de  St-An- 
dré-le-Bas: B.  2624, 147" 
Grenoble  :  B.  3233,  11 
»         :B.  2624, 150 
B.  3233,  9' 
La  Côte  :  »    ,  10 

Romans  d  :  C,  87. 
France  :  C.  87. 
(Paris)  :  C,  87. 
Loupp}^  et 
Boursault  :  C,  87. 
y  :  C,  87. 
Grenoble  :  B.  2624,  151 
Romans:        »       ,152' 

:        »,  154 
Grenoble  :  B.  3233,  12 
«  :B.  2624, 155 

La  Mure  :  Charp.,9-12 
Corps  :  Charp.,  10. 
Serres  :  B.   2624,  156 
B.  3233,  14 
»        :  »,  13' 

»        :  B.   2624,   158 
B.  3233,  13 
Nyons  :  B.  2624,  159. 
Serres  :       »       ,1 59'. 

»        :  Charp.,  12. 
La  Côte  :  B.  2624,  160' 
Grenoble  :      »      ,  161. 


IV 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 


janv.  8.         »         d  :  C,  6q. 

,  Avignon  :  C,  69,  93,  99. 
»     17.  Dauphinc  r  :  C,  69. 
»     "29.  -Moirans  :  B  :  2622, 130'. 
Ievr.l6.  La  Tour-du-Pin  [Tur- 
ris  Pini]  :  B.  2624,  28. 
))         ,  Romans  :  Mvst. .  711. 
,.     25,         »         :  b: 
mars  2.  Crèmieu  :  B.  2624,  29; 
B.  3040,  36. 
»       5,         »         :  B.  2624,  30. 
»      7.  St-Georgesd'Espéran- 
che  \S.  G .  Sperenchie]  : 
B.  2624,  30'. 
'.     15,  M  o  i  r  a  n  s  [  Ma  1  a  ii  2 ,  .1  loy  - 
rencuin]  :  B.  2622,  219, 
221  ; B.  2624,  31  ;  C.70; 
B.  3040,  34. 
»     17,  Grenoble:  B.  2622,  1 31, 
304;  B,  2624,  31'. 
"     22,  »         :  B.  2622, 154. 

»     28.  palais   de  la  Côte-St- 
André  :  B.  2624,  33. 
avril   7.  Romans:         «     ,34-5. 
»       9,  Grenoble  :  B.  2622, 157, 

191. 

«     12,  La  Côte-St-Andre  :  B. 

2624.  37. 

..     16,  »         :       »     ,  37'. 

»     24,  Grenoble  :  B.  2622.  182; 

B.  2624,  38'. 

»     25,         »  :  B.  2622, 193. 

mai    3,  Fùribrun  :  P).  2624,  40. 

»       5,         )'         :         »,  41. 

»       6,         »         :  B.  2622,  221; 

B.  2624,  67,  69. 

«•     10.   St-Bonnet  en  Ghamp- 

saur  [S.  B.  in  Campo 

Sauro\  :  B.  2622,  194. 

»         ,  Pont-de-Beauvoisin  : 

C,  24. 
»     15,  La  (>ôte  :  15.  2^)24.  46. 
»     26,  Lyon  :  »     ,41'- 

juin    7,  Romans  r  :  I>. 
juil.    3,  Girenoble  :  lî:  r.ii-..  11.  1. 

262. 


juil.    4.  :  C.  17. 

)'       8,  La  Côte-St-André  :  B. 

2624,  47'. 

»     14,  Crémieu  :         »     ,  48. 

»     16,  :  B.  3040,  76. 

»     25,  St-Martin-de-Miséré   : 

B.  2622,  197. 

août  17,  St-Marcellin  :  B.  2624, 

48^. 
»     22,  Beauvoir?  :  C.  18. 
)'     24,  (Grenoble  ?)  :  C,  94. 
»     31,  Embrun  :  B.  2624,  49. 
sept.    3,  Queyras[Qî<LÏi,Y/-acm;n]; 
B. 2624,  50; C,  94. 
»       4,  Queyras  :  B.  2622,  228, 
230:  B.  2624,  5  I. 
>'         ,. Château-Dauphin  ?  : 

C,  94. 

»     13,  :  C,  94. 

oct.     3,  Grenoble  :  B. 

»       7,  palais    de   la  Gôte-St- 

André  :  B.  2624,  52'. 

»     13,  St-Marcellin  :  B.  2624. 

Sf 

»     25,  Grenoble  :  B.  2624.  54  . 

»     26.        (»)        :  C,  20. 
nov.    3,  La  Côte-St-André  d  : 
C,  112. 

»       5,  Alontélimar  :  C.  T12. 

..       7,  ..  :B.  2624,  5S. 

»       8,  Romans  r  :  C,  112. 

..     18,         ..         i:C,ii3. 

..     20.  Orang-e  :  B,  2624.  57'. 

»       »,  Avignon  :  C,  113. 

»     30,  »         :    Allut,    171  ; 

C,  21. 
déc.    3,  Romans  ;  :  C,  113. 

»     10.  Grenoble  :  B.  2624,  59. 

1364(1".  m.  J4) 
[anv.  5,  (Grenoble):!').  5040,  51. 
C»,  »  :  B.2()24, 59'. 

»       7,  »  :       »       ,60. 

..     11,  :  C,  58. 

»     15,  Romans  d  :  C,  1 14. 
»     19,  Avignon  :  C,  1 1  ]-\. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE 


ianv.  25 


)) 

29, 

févr. 

11, 

mars 

'          ? 

» 

16, 

» 

17, 

» 

19. 

avril  2 

)) 

21, 

mai 

1, 

» 

8, 

.. 

11, 

)) 

» 

19^ 

„ 

30, 

juin 

4, 

)) 

5, 

» 

15, 

juil. 

16, 

» 

31, 

août   4, 

» 

5, 

8 


sept, 
oct.  24 
nov.   7 

» 

..     19 
déc.    1 

..      9 


>)        :C.  58. 


Valence  :  C,  114 
:  C,  58. 
Romans  :  C,  118. 
palais  de    la  Côte-St- 
André  :  B.  2624,  63' 
(»)  :  C,  22 

»  :  B. 2624,  64 
:  Rc,  93' 
)>  :  B;B. 3040,75 
Grenoble  :  B.  2624,  64' 
La  Côte  :  »  ,70 
Romans  ci  :  C,  71. 
Avignon  :  C,  71. 

r  :  C,  71. 
Grenoble  :  B.  2624,70'. 

:         »      ,71- 
(»)        :  B.  3040. 
Romans  :  B.  2624,  72. 
Grenoble  :       »      ,  73'. 
La  Côte-St-André  :  C, 
26,  2g. 
»  :  B.  2624,  74. 

Crémieu  :        »      ,  74'. 

»         d  :  C.  72. 
St-Triviér-de-C.:  C,72. 
Châlons-sur-Saône  : 

Doc.,  158;  C,  72. 
Paris  :  C,  72, 
Louppy  :  C,  72. 
Crémieu  r  :  C,  72. 
Romans  ci  :  C,  73. 
Avignon  :  C.  73. 

;-;  C.  73. 
Grenoble  :  B. 
St-Georges-d'Espéran- 
che  [S.  G,  Sperenchie]  : 
B.  2624,  75. 
»     13,  Romans  ii  ;  C,  75. 
»         ,  Avignon  :  C,  25,  75. 

1365  (P.  a.  13) 

Janv.  1  r  :  C,  75. 

')     16,  Grenoble  :/B.  2622,  242. 

>>     24,  Romans  :  B.  3287. 

..     25,         ).         :  B.  2624.  77'. 


»         : B.  2624,  78. 
»         :  Rc,  109. 
»         d  :  C.  'j'yCi. 
Montdragon  :  B.  262A, 
78. 
Avignon  :  C,  75a. 

»  :  B.  2624,  80'. 

r  :  C,  75a. 
Moirans  :  B.  2624,  81'. 
Grenoble:  B.  2622,  249. 
»         :       »      ,  256. 
.)         :B;Rc,  116. 
Romans  li  ;  C,  76. 
Avignon  :  C,  76. 
r  :  C,  76. 
V^alence  :  Rc,  117. 
St-Marcellin  :  Rc.  113'. 
»  -.6.2624,83. 

Grenoble  :         »     ,84. 
»         :B.  2622,  257'; 
B.3i73;Myst'.,682. 
:    B.    3173  -, 
Myst.,  682. 
St-Marcellin  :  Rc,  1 17. 
La  Buissière  d  :  C,  77. 
Savoie  :  C,  34,  77. 
Chambéry  :  C,  77. 
La  Buissière  :  Myst., 
683-5. 
La  Terrasse:  Nob.,  219. 
Montbonnot  :  B. 
Grenoble  :  Myst.  ,'684-8. 
St-Marcellin:  Myst., 

681. 
,  Romans  :  Myst,.  714. 

))        :  B,  2624,  84'. 
Avignon  :  C,  34,  77.  ' 
Arles  :  C,  34,  77.  - 

r  :  C,  77. 
Romans  :  B.  2624,  85  . 
:C,35. 
»       d  :  C  78. 


1 .  Cf.  HuBER,  Regest.  d.  Kaiser- 
reichts  u.  K.  Karl  IV,  1875,9.33  8-9. 

2.  Cf.  ibid.,  p.  339. 


févr.  6, 
»  7, 
>.     20, 

>.     22, 


..  27, 
marslO, 
»  12, 
..  18, 
..  19, 
«  25. 
..     31; 

avril  , 
».  10, 
»  12. 
»     26,' 

mai  2, 
..  6. 
>.       7. 

•'      9. 

>.     10, 
..     12. 


» 

16-7, 

)) 

18, 

» 

23, 

juin 

i    4, 

» 

11, 

» 

30, 

juil 

6, 

» 

9, 

vj 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPV 


juil. 

» 

20," 

)) 

30, 

août   6. 

)) 

» 

8. 

» 

y> 

9. 

» 

10. 

» 

18, 

sept 

•  1, 

» 

j 

» 

)) 

e; 

» 

8, 

» 

25, 

oct. 

3. 

» 

13. 

)) 

28: 

)) 

nov 

)) 

6." 

» 

21. 

déc. 

1. 

»    18. 


Janv 

.  8. 

» 

10, 

„ 

21, 

fùvr. 

16, 

» 

24, 

» 

25, 

•> 

mars   2, 

„ 

4, 

„ 

6, 

., 

12, 

„ 

13, 

" 

24, 

)) 

31  ! 

avri 

1    1. 

.Avi^rnon  :  C.  78. 

y  :  C,  78. 
Grenoble  :  B.  2624.  86. 
Romans  d  :  C.  jq,  121. 
Menne  :  C.  121. 

:  C,  36. 
Lyon  :  C.  79,  121. 
\'alence  r  ;  C,  121. 

r  :  C,  79. 
Romans  :  B.  2624,  87'. 
Dauphiné  d  :  C,  122. 
Lyon  :  C,  122. 
Anse  :  C,  122. 
Lyon  :  B.  2624.  88'. 

r ;  C,  122. 
Grenoble  :  B.  2624,  89. 
Romans  :         »     ,  93. 
Grenoble  :       x     ,  94'. 
Romans  d  :  C,  80. 
Avignon  :  C,  80. 

:  C,  80. 

;■  ;  C,  80. 
Grenoble  :  B  2624.100. 
palais  de  la  Côte-St- 
Andrc  :  B.  2624.  97. 
St-.MarcelIin  :  B.  2624. 
98\ 
Grenoble:  B.  2624,  100. 

1366(1'.  a.  5) 

Anjou  :  B.  3039. 
-Moirans  :  B.   2624,  loi. 

))         :        »    ,102-4'. 
Romans  :  Rc,  128. 

»         :  B.  2624,  103. 

(»)        d  :  C,  120. 
Lyon  :  C,  54,  120. 
r  :  C,  120. 
Grenoble  :  B.  33  |6. 


Romans  d  :  G,  81,  105. 
Avignon  :  G,  38,  81. 

:  G,  37. 
(Valence)  r  :  G.  81. 


avril   7,         »  :  G,  59. 

»     26,  Grémieu  :  Ord.,  175- 
»     27,         ..  d  :  G,  82. 

»         ,  Bourgogne  :  G,  82. 
mai      .  France  :  G,  82. 
.  (Paris)  :  G,  82. 
juin      .  Louppy  et 

Boursault  :  G,  82. 
juil.    6,  r:  G,  82. 

»     10,  Romans  :  B.  3233,  16; 
Ordonn.,  V,  224-31.  ■ 
»,         »         :  Myst.,  710. 
»     15, Grenoble:  B.  2624,  105'. 
»         ,  Ghamberv  :  G,  48. 
..     23.  »       ^B.  2624,104 

..     24,  ..  :       ..     ,107^ 

août  13,  Grenoble  :  St-R.,  61. 
..     14,  ).  :B.  2624, 108' 

..  17,  (..)  rf.-G,  57,  123 
»  ,  Les  Echelles:  G,  57,  » 
«  21,  La  Tour-du-Pin  r  :  G 
57.  123 
»  22,  Bourgoin  :  B.  2624,  n2 
'.  24/5,  Grémieu  :  Rp,  10'. 
sept.  20.  Grenoble  :  B.  2624,  t  12' 

118 
..     24,  St-.MarccUin  :  B.  2624 

119 
»     2S,  Grenoble  :  B.  2624, 1 19' 
B.  3346 
oct.  10,  (Romans)  d  :  G,  83. 
X'alence  :  Rp,  13'. 
-\vignon  :  (>.  83. 
..     18,  r  :  G,  83. 

"     10,  Le  Buis  :  2624,  121. 
')     26,  Embrun  :  Gail.,  362. 
»     27,         »         :13.2624, 122-3 
.,     28,         ..  :  E,  orig. 

.)       »,  Saint-P)onnet  :  B.  3007 
nov.    2,  Grenoble  :  B.  2624,  126 
»       6.         "  :       »       ,126' 

c\cc.    7,         »  :   13.2622,237 

..       8,         ..         :  P.. 26 24, 127-8' 


1.  Cf.   ("iiHM  11.  l'.si^ai  hlslur..  il.   i, 
.•76-7. 


l  „(afe„  l  „(afe)„  l  „^fe)„  l  -^Sa.^jr^^P'y-i  I  t-v^P)/- 


OMPTE    de    Raoul ,    feigneur    de]    Louppi , 
chevalier,  jadiz  gouverneur  du  Dalphiné   de 

I  Viennois, par  lui  faicles  tant  pour 

caufe  de  plufieurs  divers  voyages à 

armes  &  autrement,  tant  par  le  pais  du  dit  [Dalphiné.  .  .  , 
.  .  .     pour  ]  necceffité,  reconfort,  vifitacion,  deffenfe  &  feurté 

d'icellui en  Savoye,  Arle,  Languedoc,  en  France 

&  en  plufieurs  autres   [ ],  de  commandement   de 

bouche  à  lui  fait  par  le  Roy  noftre  feigneur,  partie  du  temps 
compris  en  compte,  duc  de  Normandie  &  dalphin  de  \'iennois, 
comme  par  vertu  de  fes  lettres  ouvertes  &  clofes  &  autrement, 
pour  plufieurs  &  diverfes  befongnes,  fecrettes  &  autres, 
touchans  l'onneur  &  proffit  du  dit  feigneur,  &  necceffaires 
&  cogentes  pour  le  gouvernement  &  confervacion  du  dit  pais 
du  Dalphiné  &  de  tout  le  patrimoine  &  demaine  dïcelui,  fi 
comme  ci  après  en  la  defpenfe  de  ce  compte  fur  les  parties 
defdiz  voyages  &  chevauchées  en  eft  à  plain  fait  déclaration 
&  efclairciffement  ;  comme  de  plufieurs  deniers  par  lui  paiez 
à  plufieurs  perfonnes  pour  occafion  des  chofes  deffus  dites, 
pris  en  defpence  en  autres  chapitres  après  :  c'eft  affavoir 
depuis  le  vij'  jour  du  moys  d'octobre  Tan  MCCCLXI,  que  le 
dit  fire  de  Louppi  vint  au  gouvernement  du  dit  pais,  &  que  ce 
jour  il  y  fu  commis  &  inftitué  par  le  dit  feigneur  &  par  fes 
lettres  données  ce  jour,  la  teneur  au  dos  de  ce  compte  ■,  jufques 
au  x^  jour  de  décembre  l'an  MCCCLXIX,  que  il  laiffa  le  dit 
gouvernement,  &  que  en  lieu  de  lui  meflire  Jaques  de  Vienne  ^ 
y  fu  commis  &  ordonné. 


1 .  En  marge  :  LIclere    commiffionis  non   funt  fcripte  tcrgo  compoti 
originalis.  quare  etc. 

2.  Cf.  Mystère  des  Trois  Doms.  p.  720,  note  2.  Parw/ /es  Mandements 
et  actes  divers  de  Charles  V  savajnm<.nt  publiés  ou  analysés  par  M.  Léop. 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 


RECEPTE. 


2.  De  Philippe  Giler,  treforier  du  Dalphiné  ',  quant  il  volt  aler 
au  mandement  de  Vienne,  par  lettres  données  xviij=  jour  de 
mars  CCCLXI, IIIc  flor.  petiz.  ^ 

3.  De  lui  lamblablement  par  les  mains  de  Guillaume  Char- 
pentier &  Guillaume  de  la  Parrete,  6°  d'avril  1362,     700  fl.  petiz. 

4.  De  Pierre  Laurens,  chaftellain  de  Beauvoir  du  Marc,  en 
6  sextiers  avene  à  la  mefure  de  Vienne,  au  feur  de  19  gros 
chacun  fextier,  &  pour  33  gelines  23  gros  i  tiers,  receuz  de  lui 

en  mars  1 361  &  avril  1362  ;  pour  tout ^     .     . 

II  flor.  5  gros  j  tiers  petiz. 

5.  De  l'univerfité  de  Ebrun,  pour  reste  de  la  fomme  de 
400  florins  petiz  qu'il  dévoient  pour  une  compofition  faite  avec 
eulx  par  le  dit  gouverneur  &  le  confeil  du  Dalphiné,  pour  ce 


Delisle  (1874)  s'en  trouve  un  pour  «  Johanncs  de  Vicnna,  miles,  infti- 
tutus  gubernator  Delphinatus,  loco  domini  de  Luppeio  »  [p.  vj)  ;  il  faut 
sans  doute  lire  «  Jacobus  »,  car  Jean  de  Vienne,  qui  remplaça  comme 
amiral  de  France  le  vicomte  de  Narbonne,  le  27  déc.  1373  {ibid.  , 
p.  viij).  n'a  qu'une  parenté  éloignée  avec  le  gouverneur  du  Dauphiné 
(Anselme,  Maison  de  France,  /.  VIII,  p.   793-4,  808). 

1.  Philippe  Ciillier,  de  Ltissac-les-Chàteaux  (Vienne),  fut  nomme 
trésorier  du  Dauphiné  par  lettres  du  dauphin  Charles,  du  i<)  déc.  IJ^S  ; 
il  avait  pour  lieutenant  en  /j'5'9  son  Jils  Denys  (voir  p.  6,  ti.  2)  et  en 
mars  ijô^Jean  Perrin.  Il  fut  suspendu  de  ses  fonctions  le  27  avril  i  ^64 
et  le  gouverneur  reçut  ordre  du  roi,  le  24  juin  suivant,  de  l'amener  à 
Paris  (Compte,  n"  ']  2).  Il  fut  destitué  et  remplacé  par  Jean  du  Pont.  Par 
une  ordonnance  de  janv.  i  jô6  (^1367  n.  st.)  Charles  V^  annula,  sous 
conditions,  les  poursuites  commencées  contre  lui  à  l'occasion  des  charges 
qu'il  avait  remplies  :  c'eft  affavoir  en  la  receptc  de  Poitou.  LymoHn  & 

Bellevillc,  maiitre  des  garniions du  dux  de  Normandie,    treforier 

de  Malcon,  maillre  des  pors  &  des  paffaiges  de  nortre  royaume,  &  en 
plufeurs  autres  eflaz,  entre  lefquelx  il  fu  treforier  de  noftre  Dalphiné 
&  depuis  trcfourier  de  France,  chailellain  &  garde.   ...  de  Meleun,  & 

commis  &  députez  à  faire  les  ouvraiges,  reparacions  (S:  édifices en 

iceluy,    &  auffi  à  faire  la  baflide    afliie  devant  Marrolles  iSc.   .    .    .  noftre 

tour  du  bois  de  Vincennes  &  auffi noftre  hoftel  de  Saint  Pol 

(Mandements  cit.,  p.  i  79-80,  n"  371  ,•  cf.  p.  165,  n°  334J.  Ses  comptes 
de  i  ]'!';  cl  iS>9  so«<  conservés  aux  archives  de  l'Isère.  Cff.  Comptes 
de  Romans  de  i35T-(>f),  f  Illh"^  xij ;  Giraud,  Essai  sur  St-Barnard, 
:;'  part.,  t.  I,  p.  262-^,  345;  D'  Ul.  Chevalier,  dans  Bull,  de  la  soc. 
d'archéol.  de  la  Drôme,   1885,  /.  A7.Y.  />.   140-1. 

2.  En  m.:  Capiuntur  pcr  mj"^  comp(ulum),  ibi  corrigitur. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE 


nj 


avril  29,  »  ti  ;  C,  63. 

»       »,  Montrigaud  :  C,  63. 

»     30,  St-Etienne  (-de-Saint- 
Geoirs)  :  C,  64. 
mai    1,  r  .•  C,  63. 

»       6,  Romans  :  B.  2624,  i'. 

»     10,         »  ci  :  C,  64. 

»     13,  St-Genix  :  C,  64. 

»         ,  Crémieu  :  C,  64. 

»         ,  Hautepierre  :  C,  64. 

»        ,  Menne  :  C,  64. 

»     19,  Dauphiné  r  :  C,  64. 

»     21,  Romans  :  B.  2624,  2. 
juin    3,  :  C,  14.      [8$. 

»     10,  Grenoble  :  B.  2622,78'- 

)>     13,  St-Marcellin:  B.  2624, 3. 

»     15,  Romans  :  B.  2624,  6. 

>)     20,          »          :  »,  6'. 

»     21,         »  »      5  9- 

»     22.         »         :         »    ,9',  10. 

»     23,         »         :  B.  2622,  108'. 

»     24,         »         :  B.  2624,  10', 

»     25,         »         :  B. 

»     28,         »         :         »      .  II'. 

..     29,        (»)        :cif;C,  65. 

»       »,  Moirans  :  C,  108. 

»     30,  Chambéry  :  C,  65,  108. 
juil.    1,  r  :  C,  65. 

»       4,  La  Côte-St-André  :  B. 
2624,  12,  12'. 

»       5,       »        :  B.      »    ,13',  14. 

»     13,Rom.ans:B.2624,i4',  15. 

»     18,  St-Marcellin:  B.  2624. 17. 

»     19.  Beauvoir- en -Ro vans  : 
B.  2624,  16'. 

»     26,  Romans  :        »      ,  17'. 

»     28,         »         :         »      ,   18  ; 
C,  104. 
août  3,        »  d  :  C,  66. 

»         ,  Pierrelatte  :  C,  66. 

»     18,  Le  Buis  :  B.  2622,  89. 

»     22,        ))       :         »,  91. 

»         ,  Avignon  :  C,  66. 

»     25,  Lers  :  C,  66. 

»     30,  entre  Montbrun  et 

Reilhanette  :  C,  66,  92. 


août  31,  Mévouillon  :  B.   2622, 

94- 
»         ,  Dauphmé  r  ;  C,  66. 

sept.    3,  Gap  :  B.  2624,  19-21. 

»       4,  Chorges  :  B.  2622,  95. 

»       6,  Embrun  :         »      ,  96. 

»       8,  Briançon  :  B.  2624,  21'. 

»     10,      »  :  B.  2622,  97. 

»     11,      »        :B.  2622, 98',  99'. 

»     13,  Bourg-d'Oisans  [Bur- 

gus  S.  Laurentii  de 

hacu]:'Q.  2622,  103. 

»     15,  Grenoble:       »      ,105'; 

Inv.,  108, 490;  C,  104. 

»     20,  Pisançon  :  B. 

»     24,  :  B;  G,  19. 

»     28,  Romans  :  B.  2622,  106. 

oct.  14,  Grenoble:       »      ,109'. 

»     21,  Romansi:      »       ,111'; 

C,67. 

»         ,  Dauphiné':  C,  67. 

»     28,  :C,  91. 

nov,  1-4,  Lyon  :  C,  67. 

»       5,  Dauphiné  ;'  :  C,  67. 

»     15,  chat,  de  Beauvoir-en- 

Royans  :  B.  2622,  113, 

II 5-6. 

»    20-2,  Grenoble  :  C,  96. 

»     28,  St-Marcellin  :  B.  262J, 

22  . 

»     29,  Beauvoir- en -Royans  : 

B.  2624,  23'. 

déc.    1,  Romans  d  :  C,  68. 

»         ,  Avignon  :  C,  68,  98. 

»       8,  \'illeneuve-lès- Avi - 

gnon  :  C,  68. 

»       9,  Avignon  :  B.  2624,  24'. 

»     13,         »         :  »,  25. 

»     15,  (Romans)  r  :  C,  68. 

»     19,  Beauvv,'*  :  B.  2624,  26. 

»     28,  Moirans  :  »,  27. 

1363  (P.  a.  2) 

Janv.  2,  Grenoble:  B.  2622, 126. 
»       5,  Claix  :  »     ,  128'. 

»         ,  Romans  :  C,  99. 


4  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

11.  De  François  de  Saint  Germain,  chaftellain  de  la  Cofte 
Saint  Andrieu,  fur  les  revenues,  profils  &  emolumens  de  la  dite 
chaftellerie,  pour  paier  a  meflire  Guillaume  de  Boczefel,  de 
l'ordre  de  Saint  Anthoine,  prieur  de  Romme  &  commandeur  de 
Chambrieu,  qui  les  avoit  preltez  au  dit  gouverneur  pour  faire 
certaines  befongnes  touchant  monfire  le  Dalphin,  le  24'  jour 
d'avril  1362 200  flor.  petiz.  • 

12.  De  Loys  Bonnet,  par  la  main  de  Pontzon  de  Chevrières, 
pour  Temolument  du  feel  d'une  fentence  obtenue  contre 
Boniface  Bonnet,  ou  temps  de  mefiire  Guillaume  de  Vergy, 
predeceffeur  gouverneur  du  Dalphiné  -,  pour  ce  receu  en 
may  1362 50  flor.  petiz. 

13.  De  Michelon  du  Cuignet,  pour  compoficion  faite  avec 
le  dit  gouverneur,  treforier  &  confeil,  pour  les  biens  qui  furent 
Jehan  du  Cuignet  pour  certain  meffait  qu'il  paia  en  may  1362, 
pour  toute  la  dite  compoficion 100  flor.  petiz. 

•  14.;  De  Guillaume  Jaffeline  notaire,  pour  lui  &  plufieurs 
autres  de  Brianconnoiz,  pour  une  compoficion  faite  prefent  le 
gduKtefïiebr  &;  avec  le  treforier  &  confeil,  pour  ce  receu  3''  de 
juing  1362,  500  flor.  bon  poiz,  valent  .  520  flor.  10  gros  petiz. 
15.  De  Pierre  Buier,  afias  Maifel,  chaftellain  de  Vifille,  pour 
200  fextiers  d'avene  ;pris  de  lui,  au  feur  de  3  gros  le  fcxtier,  le 
pris  &  feuj*  fait  en  la  ;  chambre  des  comptes  du  Dalphiné  en 

décembre  1362  ;  pour  ;  ce  -L;;.  . 50  flor.  petiz. 

16k   De  Piùrre'  Chaponnois,    maiftral    de    Montrigault,    en 
70  fextiers  3  quartals  d'avene,  au  pris  de  7  gros  chacun  fextier, 
&'en'  67  gelines,  chafcùnè  12  dçn.,  &  en*  2(3  iperdriz,  chafcune 
une  parpcillollc,  reccues  de  lui  en  )uing  1363,  pour  ce,  le  pris 
fait  en,  la  chambre  des  .coiliptes,  .comme  dit  eft,  .  .    .    .     .     . 

.  ■  y'''\  ^''Ç '  ; ■  ■';','^":  ^  V '^  ^''v'" '^  ^!  ,'^^'flor-J  5  gros;  demi  jpetit' j^ois..^ ? 

,.  itr  Ôe  Regmer  Cpppoj  malSre  4es  j^onnoy     (4i4''Da,Iphifïj^,f ^ 

..-•,>     ■  ■■■■      ,    ■  ■      .  ,  .    .     .-,    y.     A    ,.::-:!    '    .,  :i  ,.";,    \.>;  ^     .\\-  >.    >V     'A 

"TvïïTvT" — ~; — ;  -  ■■  - ,  ■::.■    À  :■•  ^  n  -^>      ,/••  -,■  ■ ,  •.  )  :.■  /-i  v'Av,  \  .^:. 

.  li.'  Capiuntur  per    compiitum '41611 'Fmnoifci  c&fteliani  Goftô^^fimt;um 

ad  fanclum  Johanndm  AICCCLXIII,  &  ibi  corrigitur. '^''-'  ."JoJr.irl  .ûiiios  .h 

2J  Cf.  Mystère  des  Trois  Doms,  p.   jnS,  }wtô  6.'"; 'i;'  (luji-^.i-iV.'o;)  .■.; 

3.  Capiu'ntur  per   compuUiiti  dltli  l'etri   in- li^fliu^' pâjftifctiB -liniturfviafd 

fanclum  jo(hannem)   i  ^(>-^''^  <Sc  ihiicorrif^itur.  "  'i  "il   W'irjy  ,,1  y;  p.  i!;fri 

yM4.  Rtynie'r  Copfu:.  dont  icvfdniilk^  piit.  plv>f  larê  le  nôln  de  PcfrMtl  [fui 

receveur  de  la  ville  de  Nnvia>i'<  en  /  }^'j  (Comptes  de  i  ^  '^  'f_^(if)l'f'*'T^j');''tû 

compte  de  ijOj/uI  rendu  in  domo  Kayrieri-t  et  'SywôWtki' 'Copfyii  m  qua 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINÉ  5 

fur  aucune  recepte  par  lui  faite  pour  le  fait  de  Lers  ',  le  4'  jour 
de  juillet  1363,  319  flor.  i  gros  demi  bon  pois  d'une  part,  & 
d'autre  part  17  flor.  petit  pois,  pour  tout,  avalués  les  florins 
de  bon  pois  à  florins  de  petit  pois,  c'eft  affavoir  24  bons  pour 
25  petis, 349  flor.  5  gros  petis. 

18,  De  Pierre  Petignot,  chaftellain  de  Beauvoir  en  Royaux  & 
de  Yferon,  en  plufieurs  garnifons  de  blez,  froment,  feigle  & 
avene  pour  l'oftel  de  Belvoir  quant  le  dit  gouverneur  y 
demouroit,  par  lettre  à  lui  donnée  du  dit  gouverneur,  22  jours 
d'aoufl:  1363 77  flor.  11  gros  demi  petis.  ^ 

Summa 2,787  florins    10  gros  i  tiers. 

19.  De  Jehan  Mairin,  chaftellain  de  Saint  S3'phorian,  en 
certaines  provifions  qu'il  fit  pour  le  dit  gouverneur  à  Lyon 
quant  il  fu  devers  le  roy  Jehan,  que  Dieux  abfoille,  environ  la 
Touffains   1362;  par  lettre  du  dit  gouverneur,  donnée  audit 


confulatus  ville  Romanis  tcnctur  (ibid.,f  Ixij  v"  ).  Maître  des  monnaies 
du  Daiiphiné,  il  faisait,  cette  année  même,  fonction  de  payeur  des  ^cns 
d'armes  en  l'absence  dit  trésorier  Phil.  Gillier  (n"  66 J;  le  12  juin  i  767, 
il  acheta  du  comte  de  Valentinois  le  péage  de  Pisançon  et  Chartnaonieu 
( D'^  Ul.  Chevalier,  Géncal.  Roman,  mss.);  il  fut  recevettr  du  subside 
de  1364  (n°  ^2)  ;  il  prit  part,  le  10  juil.  1  yôô,  au  traité  des  Romanais 
avec  le  gouverneur  (Girald.  Essai  cité.  p.  2/6), -ils  le  nojnmèrent  i"  consul 
les  g  juil.  1 36J  et  i  y'J4  (Arch.  commun.,  om  son  nom  offre  les  variantes  : 
Copi,  Coppe,  Coppi.  Coppo,  Couppc.  Couppi):  il  figure  encore  dans  notre 
compte,  le  i"  juin  i yô8  (n"  i  23}. 

1.  Lers  (Germer-Durand.  Dict.  topogr.  du  Gard.  1868.  p.  114)  ou 
L'Hers  (Carte  de  l'état-major,  f.  222)  est  un  château  ruiné,  dans  une  île 
du  Rhône,  sur  la  commune  de  Roquemaure  (Gard).  Le  roi  ordonna,  le 
26  oct.  IJ64,  de  payer  ^00  francs  d'or  à  Pierre  de  Puihaut,  qui  lui  avait 
baillé  &  mis  en  main  le  chaftel  de  Lers,  avecques  toutes  les  appartenances; 
il  lui  était  dû,  comme  recompenfacion,  certaine  rente  depuis  deux  années 
ou  environ  (L.  Delisle,  Mandem.  de  Charles  V,  p.  55-6,  n"  i  \o).  Le 
prince  d'Orange  chercha  à  s'en  emparer,  aidé  des  grandes  compagnies  : 
Raoul  de  Louppy  le  contraignit  d'en  lever  le  siège,  le  25  août  1^62 
(n"  66J,-  Guy  de  Marges  en  fut  immédiatement  établi  châtelain  et 
capitaine  (n°  gi)  et  reçut  plus  tard  de  Charles  V  une  gratification  de 
200  fior.  d'or  à  prendre  sur  le  péage  de  Lers  (12  juin  ifôô).  Notre 
compte  mentionne  l'achat  de  soie  (sendal)  azurée  et  jaune  pour  une 
bannière  aux  armes  delphinales  qui  fut  hissée  sur  le  chaftel  ()i°  98^. 
Passant  à  Orange,  en  juin  ijôy,  l'empereur  Charles  IV  autorisa 
Raymond  V  de  Baux  à  établir  un  droit  de  péage  tel  qu'il  était  exigé  à 
Lers  (Barthélémy,  Invent.  d.  chartes  de  la  mais,  de  Baux,  1882,  p.  410, 
n"  1428;  ç/!  71""  629,   1727  et  1807 j. 

2.  Capiuntur  per  computum  di6li  finitum  ad  s"^  Jo.  1363. 


6  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

chaftellain,  24^  de  feptembre  1363     .     76  flor.  5  gros  petit  pois.  • 

20.  De  Pierre  Rochefort,  chaftellain  du  ^'al  et  d'Albon, 
ne  140  fextiers  d'avene ,  chacun  lextier  7  g-ros  pi  ile  par  la 
chambre  delïus   dicte,    26®    jour  d'octobre    1363.    valent    81 

ilor.  8    gros.    &    en    argent    comptant 

4  (  =:  80)    flor.    9    gros    &   demi. 

21.  De  Philippe  Gillier,  de  &  fur  les  defpens  du  dit  gouverneur 
&  de  plufieurs  autres  avec  lui  en  alant,  demeurant  &  retournant 
à  Avignon  par  devers  noftre  faint  père  le  Pape  &  les  cardinaulx, 
pour  certaines  caufes  touchant  monfeigneur  le  Dalphin,  par 
lettre  de  recognoilïance  du  dit  gouverneur,  donnée  le  derrenier 

jour  de  novembre  1363,  160  flor.  bon  pois,  valent 

166  flor.  8  gros  petis. 

De  lui ,  par  la  main  de  Denis  Gillier,  fon  fils  -,  quant  on 
volt  aller  devant  Lers 250  flor.  petiz.  ? 

22.  De  François  de  Saint  Germain,  chaftellain  de  la  Cofle 
Saint  Andrieu  deffus.dit,  fur  ce  qu'il  devoit  à  caufe  de  la  dite 
chaltellerie,  Q7  florins  7  gros  demi  petiz  1  &  en  2Q  fextiers 
froment,  au  feur  de  11  gros  le  fextier,  26  florins  7  gros  petis, 
&  en  79  fextiers  i  quarteron  d'avene,  le  fextier  8  gros,  52  florins 
10  gros,  &  23  fbmmes  cK:  demie  de  vin,  au  feur  de  i  florin  la 
fomme,  23  florins  &  demi:  tout  prillé  par  la  dicte  chambre  ; 
pour  tout  par  lettre  donnée  par  le  dit  gouverneur  17  jours  de 
mars  1363 200  flor.  6  gros  demi  petiz. 

23.  De  Jehan  du  Pont,  commis  à  l'oflice  de  la  treforerie  du 
Dalphiné.  après  ce  que  Philippe  Gillier  fu  fufpendu  du  dit 


1.  Capiunlur  pcr  cnmputum  dicli  jo.:  funt  cum  aliis  ordinariis  In  lihrd 
Vicnncnli  de  anno  i  3O4"  et  ibi  corrigitur. 

2.  iJeijys  Oillier,  jurisconsulte  et  conseiller  dclpliinal.  clait  lieutenant 
de  son  fère  dès   /  ?>o."  Jtne  quittance  de    lui,   en   date  du    12  juin  ijOi, 

figure  dans  /'Invent.  d.  arch.  Dauphin,  de  M.  Morin-Pons  (1878. A  174, 
n"  ()C)iJ.  La  légende  de  son  sceau  plaqué  porte  :  S'  D/ENI/S  CjI/LIF-R. 
Son  J'rère  cadet,  (hiyot.  fut  char<ré  de  porter  à  Paris  au  dauphin  Charles 
les  joyaux  de  liéatri.x  de  Jloi^rie.  en  mai  /?TT  (Valhonnais,  Ilisl.  de 
Dauph..  /.  //.  p.    170). 

3.  Capiuntur  per  v  compuUim  dicVi  Philippi  finilum  2(1  fehruarii  r  ?6^, 
&  ibi  corrijLfitur. 

4.  Dicli  ()■]  ilorini  7  gros.  dy.  capiuntur  pcr  computum  dicli  l'rancifci, 
finitum  ad  s'"  Jo.  1302,  6i.  refiduum  capitur  pcr  Icqucnlcm  cumpuluni 
&  ibi  corrigitur. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE  7 

office  ',  pour  deniers  baillez  à  Jehan  de  Sommericourt,  clerc 
du  dit  gouverneur,  pour  faire  fes  defpens  &  de  fa  compaignie 
en  alant  à  Avignon  par  devers  noftre  faint  Père  et  plufieurs 
cardinaulx,  pour  certaines  caufes  à  lui  mandées  &  inflruictes 
de  par  le  Roy  par  maifti^e  Gontier  de  Baigneux,  fon  fecretaire  -, 
en  may  1364,  120  florins  bon  pois,  valent     ....     i25flor.  ? 

24.  Du  dit  Jehan  du  Pont,  pour  autres  deniers  de  lui  receuz 
par  le  dit  gouverneur,  pour  autres  defpens  fais  par  lui  quant  il 
ala  au  Pont  de  Belvoifin  journoyeravec  le  conte  de  Savoye  4  fur 
l'expedicion  des  chafteaux  qu'il  tenoit,  defquelz  defpens  le  dit 
gouverneur  ne  prent  ne  ne  compte  en  defpenfe,  quar  il  en 
compte  d'autre  part  au  conte  de  Valentinoys,  par  l'ordenance 
du  Roy,  &  rent  cy  la  recepte  que  faite  en  avoit,  qui  fu  faite  en 
may  1363,  pour  ce 29  flor.  petis. 

25.  Du  dit  Jehan  du  Pont,  pour  autres  deniers  receus  de  lui 
par  le  dit  gouverneur,  pour  autres  defpens  fais  par  lui  en  alant 
à  Avignon  par  devers  noftre  faint  Père,  par  commandement 
efpecial  &  ordonance  du  roy  Jehan,  noftre  lire,  pour  lui  expofer 
certaines  &  protîitables  befongnes  du  dit  feigneur,  &  par  lettre 

du  dit  gouverneur,  donnée  en  décembre  1364 

182  flor.  9  gros  petis. 


1 .  Jean  du  Pont,  citoyen  de  Grenoble,  fut  nommé  trésorier  du  Dauphiné, 
en  remplacement  de  Phil.  Gillier,  par  R.  de  Louppv  le  10  avril  ij6^; 
dès  le  ig  juin  siiiv.  il  prit  pour  lieutenants  et  commissaires  dans  ledit 
office  son  frère  Francon  du  Pont  et  François  Bermond.  Charles  V  lui 
manda,  le  8  sept,  suiv.,  de  payer  diverses  sommes  au  gouverneur 
(Mandem.  cit.,  p.  3g,  n°  78;  cf.  n"^  1463  et  1558).  Il  eut  pour  successeur 
Adajn  Chanteprime. 

2.  Gontier  de  Bai gneu.x  figure  comme  secrétaire  du  roi.  du  20  avril:  jôj 
au2Juil.  /^67(iMandem.  de  Charles  V,  ;z"'  indiqués  p.  Q88b;ç/:  «"'53, 
68  ei  71  du  Compte);  il  fut  )iommé  par  Urbain  V,  le  2$  oct.  ij6j,  à 
l'évêché  du  Mans.  Le  7  mai  13'jo,  Louis,  duc  d'A^ijou.,  l'emmena  en 
Dauphiné  (Gallia  Christ.,  t. XIV,  c.  408-9)  ;  il  était  à  Romans  les  12  juil. 
(MoRiN-PoNS,  Numism.  féod.  du  Dauph.,  1854,  P-  '^'\4~S)i  27  août  et 
16  sept.  (Myst.  d.  Trois  Doms,  p.  720-1,  n.  4);  //  passa  à  larchevéché 
de  Sens  en  1  3S3'  et  mourut  la  même  a».,  le  i  q  juil.  (Gallia  Christ.,  t.  XII. 
c-  79)- 

^.  Capiuntur  per  computum  dicli   Jo.  de   thef(aurar.)  Dalphinatus  a 
10'    "orilis  1364  ufque  ad  18^  no(vembris)  poft.  &  ibi  corrigitur. 

4.  .  .nédée  VI,  le  comte  \\^?-lÏ  (Répertoire,  c.  100  et  2403);  cf.  «"'48, 
56  ei  O3    du  Compte. 


8  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

26.  De  meffire  Frepet  de  Bouczefel,  chevalier  ■  pour  une 
compofition  qu'il  avoit  faite  avec  François  de  Saint  Germain, 
chaftellain  de  la  Cofte,  à  ce  commis  par  le  dit  gouverneur,  pour 
aucuns  de  fes  hommes,  pour  ce  receu  de  lui  en  juillet  1364  .  . 
20  flor.  petiz.  ^ 

27.  Des  biens  meffire  Robert  d'Autun,  par  la  main  de 
Humbert  de  Laies,  qui  furent  portez  au  lieu  de  Beavoir  ou 
demouroit  le  dit  gouverneur,  pour  65  fommes  de  vin,  au  feur 
de  6  gros  la  fomme  prifié  par  la  dite  chambre,  pour  ce  .  .  . 
32   flor.  demi   petis. 

28.  De  meffire  Guy  de  Torchefelon,  chevalier,  chaftellain  de 
Quirieu,  fur  fa  dic\Q  chaftellerie  qu'il  avoit  baillié  en  plufieurs 
parties,  pour  preft  fait  au  dit  gouverneur,  pour  ce  par  lettre 
donnée  en  juillet  1364 200  flor.  petiz.  3 

29.  De  meflire  Guy  Coupler,  chevalier  et  chaftellain  de  la 
Tour  du  Pin  4,  en  35  fextiers  froment  &  40  fextiers  d'avene, 
baillez  &  délivrez  par  Didier  Barat,  lieutenant  du  dit  médire 
Guy,  pour  la  pourveance  de  Toftel  du  dit  gouverneur  à  la  Cofte 
Saint  Andrieu,  au  feur  d'un  florin  petit  pour  le  fextier  froment 
&  8  gros  pour  le  fextier  avene,  prifié  par  la  diéle  chambre, 
par  lettre  du  dit  gouverneur  donné  en  juillet  1364  .... 
61  flor.  8  gros  petis. 

30.  Michel  Aillouft  &  Jehan  Huguct  de  Voiron,  par  la  main 
du  commandeur  des  Efchielles  5,  pour  une  compofition  parculx 


i .  Jacques,  dit  Frepet.  fîls  d'IIumhcrt  de  Bocsozcl,  scioncur  d'Eclose. 
épousa  Ùéatrix  de  MoiJJous. 

2.  Capiuntur  pcr  fuum  compuUim  finitum  ad  s"''  Jo.   m6^. 

3.  Capiuntur  pcr  fuum  compulum  linitum  ad  s"  Jo.  1-365  &  ibicorrigitur. 

4.  Partant  pour  la  France,  Raoul  de  Louppy  nomma  son  vice-gérant 
pour  le  fait  de  la  guerre,  par  lettres  données  à  Crémieu  le  26  avril  i  366, 
Guy  Copier  (Coppier,  Coupler,  Coupy),  seigneur  d'Hier  es,  bailli  du 
Viennois  et  du  Valcntinois  ;  il  était  encore  châtelain  de  la  Tour-du-Pin 
en  1765.  C'est  peut-être  le  même  qui  figure  comme  capitaine  de  Romans 
en  i  }0f:  hem,  dom"  Guidoni  Copcrii,  militl,  capitanco  ville,  pro  falario 
fuo  racionc  dicli  officii  capitancalus,  pro  mcnic  marcii  prclcntu,  pcr 
mandatum  comiffariorum  ville  dalum  die  xxx"  dicli  meniis  marcii  LXIJ'^", 
rcdditum  una  cum  quiclancia  dicli  dom'  Guidonis,  xx  llor.  in  auro 
((Comptes  de  1357-69,  /"  Ivj).  Le  courrier  de  Romans  était  en  \  ^06 
nobilis  Guide  Copcrii  (mêm.  arch.);  cf.  Giraud,  Essai,  2°/'.,  /.  /.  p.  279. 

<y.  Jean  de  Fayn  était  commandeur  des  Echelles  en  I7f?  (Trepier, 
Dccanat  de  St-André,  i87(),  /.  /,  />.  746)^/  en  i  375  (Pilot  de  Tuokev, 
l'rieurés  du  dioc.  do  Grenoble,  18^4,  p.  388). 


GOUVERNEUR   DU   DAUPHINE  9 

faite  avec  le  treforier  &  confeil,  30  florins  bon  pois,  valent    .     . 
,     31  flor.  3  gros  petis, 

31.  De  Vitre  Vaignon  &  les  compaignies  des  Lombars  '  de 
Moraint,  appelles  les  Graiffelliers,  pour  une  comporition  faite 
avec  eulx  par  le  dit  treforier  &  confeil,  pour  certain  cas  qu'il 
avoient  meffait  pendant  la  caufe  qu'ilz  avoient  contre  Dominique 
de  Calea  lombart,  pour  ce 200  flor.  petiz. 

32.  De  meffire  Amé  des  Baux  ^,  pour  le  fait  des  juifs  paiant 
pour  feu  meffire  Bertran  de  Bedons,  chevaliers,     100  flor. petis. 

33.  De  Jehan  Pej'la,  marinier  de  Montbonoft,  pour  compofition 
faite  par  le  dit  confeil  avec  lui,  pour  ce  qu'il  f'eftoit  départis  & 
avoit  brifié  la  prifon  de  Moreint 6  flor,  petis. 

34.  De  fire  Adam  Chanteprime,  treforier  du  Dalphiné  >,  pour 
deniers  par  lui  baillez  au  dit  gouverneur  pour  les  defpens  de 
lui  &  de  fes  gens  en  alant  par  le  comandement  du  Roy  en  la 
compaignie  de  l'Empereur  4  à  Avignon,  à  Arle  et  ou  conté  de 
Savoye,  en  may  1365,  370  florins  bon  pois  ,  capiuntur  ut 
immédiate,  valent 385  flor.  5  gros  petis. 

35.  Du  dit  fire  Adam  Chanteprime,  pour  deniers  de  lui  receuz 
pour  faire  un  autre  voj^age  en  Avignon,  ou  il  fu  mandé  par 
monfire  l'arcevefque  de  Sens  5,  l'evefque  de  Nevers  ^  et  meffire 
Guillaume  de   Dormans  7,  pour   le  fait  &  traiclié  du  chaftel 


1.  Cotnmerçauts  italiens  qui  faisaient  le  Jiégoce  et  surtout  frétaient 
sur  gages  à  grosse  usure  (cff.  Ducange,  Glossarium,  t;'^  LangobardI  ; 
Chéruel,  DIct.  hist.  d.  instit.,  p.  690-1). 

2.  Amiel  de  Baux,  fils  de  Raymond,  co-prince  d'Orange,  fut  seigneur 
de  Suze,  Solérieux,  etc.  (Barthélémy,  p.   575  et  ^'  tabl.) 

^.Adam  Chanteprime  fut  nommé  trésorier  du  Dauphiné  le  i  i  oct.  i  36^. 
Le  mandement  de  Charles  V  du  14  nov.  i  36^  (p.  6  i ,  n°  i  24)  dut  être 
à  son  adresse;  on  le  trouve  encore  en  fonctions  les  7  et  10  avril  1366 
(n°  59  du  Compte;  Comptes  de  Romans  pour  1357-69,/°  Vh^xij).  En 
juil.  ijjo  il  était  trésorier  de  France  (Alandem.  cit.,  p.  353,  n°  702); 
le  même  ouvrage  fait  mention  de  François  et  Pierre  Chanteprime. 

4.  Charles  IV  :  voir  la  fin  de  l'introd.  au  Mystère  des  Trois  Doms. 

5.  Gî/z7/az<me  ie  A/e/ej/«  (  I  345-7  5)  ;c/.  Mandem.  de  Charles  V,p.  990, 

6.  Pierre  Aycelin  de  Montaigut  (i  361-71);  cf.  Répert.,  c.  204  et 
suppl.:  .Mandem.  de  Charles  V,  p.    10  18. 

7.  Guillaume  de  Dormans,  frère  de  l'évêque  de  Beauvais,  fut  successi- 
vement chancelier  de  Normandie  (i"  oct.  i  361),  de  Dauphiné  (i  364)  et 
de  France  (2  i  févr.  1372).  //  vint  à  Romans,  en  mai  i  367,  en  compagnie 
du  comte  d'Etampes  (Giraud,  Essai  cité,  2°  p.,  t.  I,  p.  277-8).  //  mourut 
le  II  juil.  1373  (Anselme,  Mais,  de  France,  t.   VI,  p.   336;  Delisle, 


10  COMPTE    DE   R.\OUL   DE    LOUPPY 

de  Lers,  par  lettre    du   dit  gouverneur  donnée  6'   jour  de 
juillet  1365, 152  flor.  6  gros  petis.  ' 

36.  De  lui,  pour  faire  un  autre  voyage  à  Lyon,  ou  le  dit 
gouverneur  lu  mandé  par  mefdiz  feigneurs,  pour  prendre  & 
recevoir  les  hoftages  que  devoit  bailler  le  capitaine  d'Anfe, 
pour  le  traictié  fait  avec  le  Pape  &  les  diz  feigneurs,  que  il 
receut  de  Pierre  Arnoul.  dit  Gaiet,  fi  que  le  dit  Pierre 
devoit  pour  une  composition  qu'il  avoit  faite  avec  le  dit 
gouverneur,  treforier  &  confeil,  pour  ce  par  lettre  donnée 
8  jours  d'aouft  1365 50  flor.  petis. 

De  lui,  par  la  main  Jehan  Nicolet,  en  décembre  1365,  pour  ce 
38  flor.  10  gros  I  tiers  petiz. 

37.  De  lui ,  pour  les  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  en  un 
voyage  fait  par  lui  en  Avignon  par  devers  nortre  faint  père  le 
Pape  &  monfire  le  duc  d'Anjou  -,  tant  pour  le  fait  de  Lers 
comme  pour  autres  befongnes  touchans  le  Dalphiné,  par 
lettres  du  dit  gouverneur  données  le  derrenier  jour  de 
mars    1365, 200   flor.    petis. 

Summa 2,595  florins   i    tiers  i"^  grofli. 

38.  Du  dit  treforier,  pour  les  defpens  du  dit  gouverneur, 
du  dit  treforier  &  meffire  Raynaut  Reymont,  procureur  cSc 
advocat  flfcal  du  Dalphiné  3,  de  meffire  Amé  de  la  Mote  &  de 
plufieurs  autres  confeillers,  fais  en  Avignon  ou  ilz  eltoicnt  alez 
pour  avoir  confeil  &  dcliberacion  avec  les  fages  &  confeillers 
de  court  de  Romme,  fur  le  droit  que  difoit  le  dit  procureur 
flfcal  que  monfire  le  Dalphin  avoit  en  la  terre  &  héritage  de 
feu  le  feigneur  de  Vaubonnoiz,  en  avril  1366,  compris  ens 
20  florins  bon  pois  qui  furent  baillez  à  maiftre  Pons  Raynaut, 
principal  confeiller,  pour  fa  paine  c^  travail,  c"^  pour  ce  .  . 
220  flor.   10  gros  petis. 

39.  I)c  lui,  pour  les  defpens  du  dit  gouverneur  c*^;  de  fes  gens 
fais  en  alant  à  Avignon,  ou  il  lu   envoie   de  par  le  Roy  aux 


Mandem.  de  Charles  V,  h"s  t  -5^  ^  y,  5  j ,  81,  i  5  :î,  i  60,   i  64,  281,  861 
et  p.  IV;  Répert..  suppl.  ) 

1.  Capiunlur  pcr  primum  compulum  dicli  Adc  liniuim  in  nprili    1  ^{)7 
&  ibl  corrigitur. 

2.  Cf.  Myslcrc  des  Trois  Doms.  pp.   7  1  2--?  cl  720-2. 

3.  Raynaud  lieymond,ji4gc~ma<j;c  du  Ciiaisivciudav,  conseiller  dclphiiicil 
en  1  'iï  1-2, chevalier,  procureur  et  avocat  fiscal  du  Daup/iinc  en  i  56. /-O. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  ÎI 

ambafieurs   du  Roy  anglois,   pour  ce    par   fa  lettre    donnée 
3  jours  en  avril  1367,  en  160  frans    ....     20oflor.  petis.  ' 

40.  De  meflire  Guigo  de  Morges,  feigneur  de  la  Mote,  &  de 
Guigo  de  Morges,  Ion  fils,  sur  la  fomme  de  800  florins  qu'ilz 
dévoient  au  feigneur  pour  la  nouvelle  infeodation  &  retenue 
du  chaftel  de  la  Mote  en  Matefine  &  de  toute  la  terre  qui  jadiz 
lu  feu  Gilecte  Enarde,  famé  du  dit  chevalier  el^  mère  du  dit 
Guigo,  faicte  en  novembre  1366  que  le  dit  gouverneur  print 
en  déduction  de  certaine  fomme  à  lui  deue  par  monfire  le 
Dalphin 502  flor.  petis.  ^ 

41.  De  meffire  Aymar  Alemand,  chaftellain  de  Vefille,  fur  ce 
qu'il  doit  de  la  dicte  chaftellerie ,  pour  ce  receu  de  lui  en 
mars  1366 13  flor.  i  gros  demi  petis. 

42.  De  l'univerfité  d'Oifenx ,  par  la  main  de  Guionnet 
Richart,  autrement  dit  Nourri,  chaftellain  du  dit  Heu,  pour 
certaine  compofition  qu'il  avoient  faite  avec  le  juge  de 
Graifivodan  prins  ,  c'eft  affavoir  fur  les  defpens  que  le  dit 
gouverneur  avoit  fais  en  Languedoc,  en  la  compaignie  de 
meffire  Robert  de  Lorris,  pour  meétre  fus  l'impofition  de 
12  deniers  pour  livre  ilec,  par  lectre  du  dit  gouverneur  donnée 
en  juillet   1367 300  flor.  petis. 

43.  Des  fmdicz  de  Britanzonnois,  fur  ce  qu'ilz  dévoient  pour 
une  compofition  faite  avec  le  dit  gouverneur,  le  treforier  & 
confeil,  par  la  main  de  François  Chais,  en  deduétion  de  la  diète 
compofition,  en  février  1368,  500  florins,  valent  .     520  flor.  petis. 

44.  De  meffiire  Togenaz,  chaftellain  de  Belveoir  en  Royaux  & 
deYferon,  enprovifions  deblez  &  autres  chofes  .     10  flor.  petis. 

45.  De  meflire  Guillaume  de  Vergi,  chevalier,  jadiz  gouverneur 
du  Dalphiné,  pour  certains  deniers  receuz  par  le  dit  fire  de 
Louppi  des  biens  du  dit  feu  meffire  Guillaume,  c'eft  affavoir  la 
fomme  de  2,000  florins  petis,  en  quoy  il  eftoit  tenuz  à  monfieur 
le  Dalphin,  fi  comme  les  auditeurs  des  comptes  du  Dalphiné 
difoient  ;  la  quelle  fomme  fu  prife  pour  parfaire  certaine  groffe 
finance  que   l'en  devoit    envoyer  à  monfieur   le   Dalphin  & 


1 .  Capiuntur  ut  fupra. 

2.  Habcatur  refiduum. 


12  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

la  quelle  fomme  eft  prife  en  la  defpenfe  de  ce  compte  en  plus 
grant  fomme;  pour  ce 2,000 flor.  petis.  ' 

Summa 3,765  florini  11  grossi  cumdimidio. 

Summa  relidte  ha6lenus     .    9,148  flor.  10  gros.  1/2  &  i  tert. 

AUTRE  RECEPTE 

46.  De  plufieurs  charges  dont  le  fire  de  Louppi  eftoit 
chargez  en  la  chambre  des  comptes  du  Dalphiné,  oultre  & 
pardeffus  les  parties  deffus  di(5les,  fi  comme  par  certain  rolle 
envoyé  foubz  les  feaulx  des  auditeurs  des  comptes  du  dit 
Dalphiné    peut    apparoir. 

Pour  deniers  pris  fur  mons.  le  Dalphin  par  le  compte  de 
Guelis  de  Cizerin,  de  la  chaftellerie  de  Montbonet,  de  l'an  1364, 
pour  caufe  de  20  fommades  d'avene  que  le  dit  fire  de  Louppy 
ot  de  lui,  les  quelles  tiennent  lieu  au  dit  Guelis  à  la  charge  du 
dit  gouverneur,  pour  ce  14  florins;  &  pour  famblable,  pour 
deniers  paiez  à  Jaquemot  Florenfac,  par  mandement  du  fire 
de  Louppi,  pour  la  vifitacion  d'un  courcier  qui  eftoit  au  dit 
fire  de  Louppy,  7  florins;  &  pour  famblable,  par  le  compte 
de  la  dicte  chaftellerie  de  l'an  1365,  pour  caufe  d'un  roncin 
donné  à  Jehan  de  Beaune,  &  auflî  pour  la  façon  des  vignes  de 
meffire  Jacques  de  Dya,  dont  le  dit  fire  de  Louppy  volt  eftre 
chargez  par  fes  lettres,  31  florins  11  gros;  pour  tout  .  . 
52   flor.  II  gros.  - 

47.  Item,  pour  famblable  ,  pour  deniers  pris  par  le  4^  compte 
Philippe  Gillicr,  jadiz  treforier  du  Dalphiné,  pour  don  fait  au 


1.  Dcclaret  ut  fupra. 

2.  Quamvis  ifta  pars  cadit  in  jac:\u,  tamcn  dicUis  dominus  pcciit  vidore 
li6lcras  fuas  virtutc  quarum  oneratur  in  camcraDalphinalium  compulorum, 
quia  affcrit  quod  de  iaL;lionc  &  cullura  vincarum  dcquihus  lit  mcncio  in 
Icxtu,  que  alccndit  ad  21  lier,  i  i  gros,  vcl  circa,  non  débet  onerari  quia 
nondum  habuil  lruî;l.us  earum,  ymo  dnus  Dalphinus;  (Se  ideo  ordinatum 
quod  pro  prelenti  parte  &  aliquibus  partium  lequentium  mandabitur 
auditonbus  computorum  Dalphinalium  quod  mittal  copias  Iielerarum  ditli 
domini  lub  fif^ilio  vel  iif^no  auèlentico,  quibus  vifis  fiet  eidem  domino 
in  line  idius  eomputi  quod  debebit.  —  Non  onerabitur  de  ordinacionc 
dfjininorum,  quia  iflo  tempore  nulia  capiebat  vadia,  ymo  fe  excuiavit 
apud  dnum  regem  de  non  acceptando  diclum  oHlcium,  prout  afferuil  in 
caméra  &  ad  dictam  accuialionem  non  potuit  admitti. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  I3 

fire  de  Louppi  en  recompenfacion  des  defpens  par  lui  fais  deux 
fois  en  venant  de  fon  pais  en  France,  300  florins  de  pois, 
valent 317  flor.  cum  dimidio. 

48.  Item,  pour  deniers  pris  famblablement  par  le  compte  de 
l'émolument  du  feel  de  la  grant  court  de  Grailivodan  rendi 
Tan  1366,  pour  les  defpens  du  dit  fire  de  Louppy  fais  à 
Chamberieu  en  fejournant  avec  le  conte  de  Savoie  pour  le  fait 
des  chafteaux  que  il  detenoit ,  defquelz  defpens  fais  pour  la 
di(5te  caufe  le  dit  fire  de  Louppy  fu  paiez  par  le  conte  de 
Valentinoys  &  pour  ce  doivent  eftre  recouvrez  fur  lui,  pour  ce 
par  vertu  de  fes  lettres 65  flor. 

49.  Item,  pour  deniers  pris  femblablement  par  le  compte 
Humbert  Granet,  commiffaire  député  à  paier  les  finances  pour 
le  fait  de  la  guerre  de  Provence  par  vertu  des  lettres  du  dit 
gouverneur,  pour  les  defpens  du  dit  gouverneur  par  lui  fais  en 
un  voyage  fait  à  Avignon  ou  moys  d'avril  1369,  avec  plufieurs 
notables  perfonnes  tant  de  confeil  comme  gens  d'armes,  pour 
traiéter  de  pais  avec  le  fcnechal  de  Provence  '  :  pour  ce  .  . 
331  flor.  3  gros. 

50.  Item,  pour  deniers  pris  famblablement  par  le  compte  de 
melfire  Aymon  de  Lay,  chaftellain  des  Exils,  rendu  l'an  1360, 
pour  un  roncin  pris  de  lui  ou  pris  de  40  frans  &  dont  le  dit 
gouverneur  volt  par  fes  lettres  eftre  chargez;  pour  ce  40  frans, 
valent 50  flor.  petis. 

51.  Item,  pour  famblable  par  le  compte  de  Pierre  Galbert  de 
la  chaftellerie  d'Oisenx ,  de  certaine  compofition  faite  par  le  dit 
gouverneur  fur  l'uni verfité  d'Oifenx  pour  le  fait  des  chevauchées 
non  enfuies,  compté  par  Aymon  Richard  le  fécond  jour 
d'aouft  1370 200  flor.  petis. 

52.  Item,  pour  famblable  paR  le  compte  de  Renier  Couppe, 
receveur  du  fubfide  de  6  gros  pour  feu  octroie  l'an  1364  pour 
la  deffenfe  du  pais  Dalphinal,  pour  achater  un  courcier  que 
le  dit  gouverneur  fe  difoit  avoir  perdu  en  la  garde  du  dit  pais  ; 
pour  ce 300  flor. 


'ït'^>v.5©^a,r/es  V  ratifia  à  Paris,  en  sept.  1  369,  [le  traité  conclu  entre 
Raoul  de  Louppy  et  le  sénéchal  pour  rétablir  la  paix  entre  les  habitants 
du  Dauphiné  et  ceux. ig,  la  Provence  (Mandem.,  p.  391,  «°  589),- 


Î4  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

53.  Item,  pour  famblable  par  le  dit  compte  que  le  dit 
gouverneur  aflermoit  avoir  envoiez  à  maiÛre  Gontier  de 
Baigneux.  à  qui  ilz  avoient  elle  donnez,  du  quel  don  ne  du 
paiement  que  le  dit  gouverneur  en  tilt  il  n'apparoit  point  ;  pour 
ce 200  flor.  ' 

Reddit  per  compotos  fuos  ut  fuperius. 

54.  Item,  pour  famblable  de  Barthélémy  Tornier,  député  en 
la  jugerie  de  Vienne  &  de  la  terre  de  la  Tcur  pour  faire  la 
defpenfe  du  dit  gouverneur  0^  des  gens  de  fa  compaignie  à 
Lyon,  ou  le  dit  gouverneur  demoura  par  le  confeil  des  barons 
du  Dalphiné  en  armes,  pour  efchever  l'efcandre  qui  povoit 
venir  pour  la  difcencion  qui  eftoit  entre  le  peuple  &  le  clergié 
de  la  dié^e  ville  - 218  tlor.  9  gros.  3 

55.  Et  pour  famblable  defpenfe  faicle  par  lui  à  une  autre 
fois  en  la  dicte  ville,  pour  traictier  avec  meflire  Guy  de  Badefol  4 
qu'il  fe  dcpartilt,  161  flor.  5  gros  &  demi,  &  en  n  autres 
parties  200  florins  ;  &  pour  defpens  par  lui  fais  en  alant, 
demeurant  &  retournant  vers  Bellaiz  &  vers  Vienne,  où  il  fu 
à  certain  nombre  de  gens  d'armes,  80  flor.  ;  pour  tout  .  .  . 
660  flor.  6  gros. 

56.  Item,  pour  deniers  que  ledit  gouverneur  manda  par  les 
lettres  à  etlre  baillez  à  Jehan  Somericourt  ,  clerc  du  dit 
gouverneur,  par  Francoys  Chaify,  receveur  du  dit  fubllde  en 
la  jugerie  de  Brianconnois  ,  pour  ce  500  florins  bon  pois, 
valent 520  flor.  5 


1.  l'clit  vidcrc  llucras  fuas  vcl  IranscripUim,  diccndo  quod  ad  iflam 
uimmam  non  tcnctur.  &  ideo  mandabiuir  ut  iupra.  Lune  j-f'''  novcmbris 
iiyf)  magillcr  Cjonlcrius  cpifcopus  (^cnnmancniis,  prcfcns  in  camcra 
computorum  ,  conlcrfus  fuit  rcccpilTc  diclam  fummam  de  _'oo  llor. 
in  cleduelionem  500  llor.  (ibi  dalorum  per  dnum  Dalpbinum,  caulîs 
in  littera  contenlis  &  quod  adhuc  iibi  debebatur  reliduum.  (*v:  quod  liltere 
dieli  doni  remanlerunt  in  diclo  Dalphinatu  vS:  ibi  dimiffe  fuerunt  per 
alterurn  clericorum   fuorum  qui  decellit. 

2.  <^ctte  dissension  (cf.  no  1  2(^)  proi'cnait  sans  dniilc  Je  la  non 
exécution  des  convenus  entte  le  chapitre  ci  le  consulat  de  Lyon,  dont 
M.  P.  Ai.i.i'T  a  résumé  les  pièces  originales {Lca  Routiers  au  XlV  siècle, 
les  Tard-Venus  et  la  bataille  de  Brignais  .  i  8^0.  P-  i  5  =;-7o). 

3.  Corrigilur  in  debitis  fub  anno  i  ^dn. 

4.  .S'a;?.';  doute  par  erreur  (ou  par  contraction  )  pour  Seguin  de  Ikidcjol 
(voir  plus  loin,  ;/o  79). 

5.  Parum  reddit  de  2  i  flor.  8  g.  parvis  in  debitis. 


GOUVERNEUR   DU   DAUPHIXÉ  1$ 

57.  Item,  pour  famblable  de  Jehan  du  Pont,  receveur  dudit 
fubfide  en  Graifivodan,  par  les  mains  de  Jehan  Somericourt, 
clerc  du  dit  gouverneur,  pour  la  defpenfe  d'icellui  gouverneur 
faite  en  alant  plufieurs  fois  en  Avignon  &  ailleurs,  a  traiClier  les 
confédérations  &  aliences  lors  faites  entre  le  Pape  &  le  Roy,  les 
comtes  de  Savoye  &  de  Valentinoys  &  le  fenechal  de  Provence 
d'une  part,  &  les  compaignes  Anglefches  qui  lors  eftoient  fur 
le  pais  d'autre,  &  pour  l'impetracion  de  plufieurs  hurles  pour 
ce  empêtrées,  les  florins  de  bon  pois  ramenez  à  florin  de  non 
pois,  303  florins  i  gros  demi  petis  ;  et  pour  les  labours,  paines 
et  defpens  fouflienuz  par  le  dit  gouverneur  en  la  pourfuite  des 
chofes  deffus  diclies  par  mandement  du  Roy,  i,ooo  florins; 
&  pour  famblable,  pour  les  defpens  du  dit  gouverneur  par  lui 
fais  en  alant  vers  Valence  et  l'Eftelle  à  deux  fois,  pour  certain 
defcort  lors  meu  pardevant  monfeigneur  d'Anjou  entre  les  fires 
de  Vinay  et  de  Anjo,  &  pour  autres  defpens  de  lui  &  de 
plufieurs  confeillers  du  Dalphin  que  il  mena  avec  lui  en  une 
vifitacion  faite  fur  les  termes  et  fins  du  Dalphiné  &  de  la  conté 
de  Savoye,  où  il  vaqua  du  ij"  jour  d'aouft  1366  jufques  au  21® 
jour  d'icellui  mois  inclus,  c'ell  affavoir  pour  les  voyages  de 
l'Eftelle  132  florins  =;  gros  i  quart  et  pour  la  vifitacion  des  dictes 

limitacions  118  florins  7  gros  et  demi  ;  pour  tout 

1554  flor.  I  gros  3  quars  petis.  ' 

58.  De  Philippe  Gillier,  treforier  du  Dalphiné,  pour  deniers 
receuz  de  lui  par  le  dit  fire  de  Louppi,  pour  yceulx  bailler  à 
Symonnet  Coppe  -  pour  faire  change  en  Avignon  &  envoyer  les 
deniers  à  monfeigneur  le  Dalphin,  c'eft  affavoir  :  le  11"=  jour  de 
janvier,  iioo  florins  bon  pois;  le  2Ç  jour  du  dit  mois,  300 
florins  bon  pois;  &  le  11=  jour  de  février  enfuivant,  400  florins 
petis  ;  pour  tout 1858  flor.  4  gros  petis. 


1 .  Corrigitur  in  debitis. 

2.  Simonnet  Coppe  (Cope,  Copi.  Coponis,  Coppi),  ^nonnayer  de  Romans, 
figure  aux  parlements  généraux  tenus  dans  cette  ville  les  ^  mai  1  568  et 

0  niai  1370;  cette  même  année,  il  obtint  par  voie  d'enchère  la  tnaitrise 
de  l'atelier,  qui  lui  fut  confirmée,  le  i  2  juil.,  par  Gontier  de  Baigneux  et 
Bernard  de  l'Aire,  lieutenants  du  dauphin  (Morin,  Numism.  féod.,  p.  145; 
GiRAUD,  Essai,  2' p.,  t.  I,  p.  368-q),-  on  le  retrouve  aux  parlements  de 
1374  ei  1377  à  Valence,  de  1384  à  Romans  et  de  1386  à  Valence 
(GiRAUD,  o/>.  cit.,  t.  II,  p.  358-60). 


l6  COMPTE   DE  rL\OUL   DE   LOUPPY 

59,  De  Adam  Chanteprime,  treforier  du  dit  Dalphiné,  pour 
les  defpens  du  dit  gouverneur,  du  dit  treforier ,  de  meflire 
Regnaut  Ra3-mon ,  de  meffire  Amé  de  la  Mote  &  autres 
confeillers  du  Dalphiné,  fais  à  Valence  l'an  1366,  le  7'  jour 
d'avril 15  flor.  petis. 

Summa  ab    alla 5807  flor.  i  gros  3  quars. 

Summa  recepte  hujus  computi  totalis 

14)95^  floi"'  ponderis  Dalphinatus. 


E  S  P  E  N  S  E  et    mifes   faictes   par  le   temps 
deffus  dit  : 

Et  premièrement  pour  les  voyages  &  che- 
vauchées faiz  par  le  dit  gouverneur  pour  les 
caufes  deffus  dicles,  les  defpens  fais  pour  caufe  de  ce  paiez 
des  deniers  ci  devant  rendus  en  recepte  ;  defquels  defpens 
les  parties  &  les  journées  font  efcriptes  en  un  papier  par 
les  gens  dïcellui  gouverneur  qui  les  ont  fais  ,  le  dit  papier 
rendu  à  court  en  la  réception  &  audicion  de  ce  compte,  &  aufli 
les  caufes  &  matières  defdiz  voyages  en  un  autre  papier  par 
devers  le  dit  gouverneur.  C'eft  affavoir  : 

61.  Pour  les  defpens  du  dit  gouverneur,  en  fa  compaignie 
le  fire  de  Conflans  fon  nepveu,  maiftre  Nicole  de  Tours  fur 
Marne'  &  les  autres  gens  de  fon  hoflel,au  nombre  de  29  chevaux, 
fais  es  mois  de  février  &  de  mars  1361,  pour  aler  en  Avignon 
du  commandement  à  lui  fait  de  bouche  par  le  Roy  Charles 
noftre  feigneur,  adonc  duc  de  Normandie  c^  dalphin  de  Vienne, 
pour  certaines  befongnes  cogcntes  &  fecrettes  qui  par  le  dit 
feigneur,  au  partir  de  lui  de  Paris  pour  venir  ou  Dalphiné  pour 
le  gouvernement  du  pais  d'icellui  au  quel  il  avoit  lors  de 
nouvel  efté  ordenné  lui  avoient  elté  cnchargées  c^  enjointes, 
au  dit  lieu  d'Avignon  par  devers  le  faint  Père  &  autres  touchant 
ycellui  feigneur  &  fon  dit  pais  du  Dalphiné  ;  &  depuis  le  dit 
commandement  de  bouche  fait  au  dit  gouverneur  les  diéles 


I.  Nicolas  de  Tours-siir-Maruc,  chevalier  ,  conseiller  du  dauphin, 
louchait  200  flor.  par  an  (««>  03);  il  était  président  du  conseil  delphinal 
en  13O2  (FiLOT,  Invciit.-som,,  //,  6»  ), 


GOUVERNEUR  DU  DAUPHINÉ  I7 

befongnes  à  lui  mandées  par  le  dit  feigneur  &  par  fes  lettres 
clofes  efcriptes  de  fa  main  faire  &  acomplir  par  la  manière  que 
enchargées  le  lui  avoit.  Pour  lequel  voyage  faire  ycellui 
gouverneur  parti  de  Romans  ou  Dalphiné  le  mercredi  à  matin, 
23®  .jour  de  février  1361,  &  en  alant  au  dit  lieu  d'Avignon, 
fejournant  &  befongnant  là  pour  ce  qui  commis  lui  eftoit, 
comme  en  retournant  ou  dit  Dalphiné ,  le  dit  gouverneur 
vaqua  &  demoura  jufques  au  mardi  8*  jour  de  mars  enfuivant, 
que  fon  retour  fu  à  Romans  ,  par  14  jours  compris  en  ce 
tem.ps,  premier  &  derrenier  comptez,  fi  comme  il  appert  par 
les  parties  des  defpens  pour  ce  fais,  efcriptes  en  un  papier  par 
la  main  des  gens  du  dit  gouverneur  qui  les  diz  defpens 
faisoient,  rendu  à  court  comme  dit  eft  deffus,  montent  les 
diéles  parties  291  florins  de  bon  pois,  qui  valent  303  florins 
I  gros  &  demi  dalphinalz,  dont  font  à  rabatre  les  gaiges  du  dit 
gouverneur    par    les    14    jour    deffus    diz,   115  florins  ;  pour 

le  demourant 188  florins  i  gros  &  demi  dalphinal.  ' 

62.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur,  au  quel, 
lui  eftant  en  Avignon  ou  voyage  devant  efcript,  furent  apportées 
nouvelles  que  les  ennemis  gens  de  compaigne  eftoient  venuz  & 
arrivez  ou  pais  de  Lyonnois  &  avoient  pris  les  fortereffes  de 
Brignay  &  de  Rive  de  Gier,  &  que  ilz  fe  efforcoient  de  paffer  la 
rivière  de  Rofne  pour  paffer  ou  Dalphiné  ;  pour  occafion 
defquelles  nouvelles  convint  le  dit  gouverneur  plus  foy  hafter 
de  faire  en  Avignon  ce  qui  commis  lui  eftoit,  pour  foy  retraire 
ou  dit  Dalphiné.  Lequel  ilec  retourné,  fift  affambler  tout  le 
confeil  de  monfeigneur  le  Dalphin,  pour  avoir  avis  de  obviera 
l'entreprife  defdictes  gens  de  compaigne ,  à  ce  qu'ilz  ne 
peuffent  entrer  ou  dit  pais  ;  par  la  délibération  duquel  confeil 
fu  lors  ordonné  faire  un  mandement  de  gens  d'armes  &  de  pié 
à  Vienne  au  mardi  22°  jour  de  mars;  pour  aler  au  quel 
mandement  ycellui  gouverneur  fe  parti  de  Romans,  le  18*  jour 
du  dit  mois  l'an  1361,  au  nombre  de  40  chevaux  de  fon  hoflel, 
&  pendant  &  durant  le  temps  de  ce  veage  vindrent  au  dit 


I .  Loquatur  quia  fine  mandato  &  debent  fibi  deduci  vadia  fua,  que 
funt  de  8  flor.  2  g.  cum  1/2  &  i  o^  parte  unius  groffi  par  diem,  ad 
eftimationem  de  3000  flor.  per  annum,  valent  per  diftos  14  dies  i  i  5  flor. 
dalphinales  8  den.,  de  vinginti  den.  pro  groffo. 

2 


l8  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

mandement  plufieurs  chevaliers  &  efcuiers  ,  en  fejournantfur 
le  chemin  en  les  attendant  un  jour  en  un  lieu  &  autre  en  autres, 
&  auffi  mefTire  Jaques  de  Bourbon,  conte  de  la  Marche  i, 
&  plufieurs  chevaliers  du  Roy  vindrent  par  devers  le  dit 
gouverneur,  pour  parlementer  &  traiélier  avec  lui  &  avec  les 
bannerés  &  hauls  hommes  du  pais,  affin  de  ordonner  envoyer 
certain  nombre  de  genz  d'armes  au  fiège  devant  Brignay  ;  & 
par  certaines  intervalles  du  dit  temps  fu  le  dit  mandement  par 
le  grant  confeil  de  mon  dit  feigneur  le  Dalphin  une  heure 
cafiez  félon  ce  qu'il  fembloit  bon  ,  &  autrefoiz  remis  fus  & 
renouvelle  félon  ce  que  befoing  croiffoit  ou  appetiffoit,  &  le  dit 
renouvellement  fait  pour  occafion  de  la  defconfiture  qui  fu 
devant  Brignay  durant  ce  temps  -,  laquelle  fu  moult  doubtable  & 
efpouvantable  au  pais  du  Dalphiné,  &  pour  ce  les  gens  d'icellui 
mis  en  grant  effroy,  par  quoy  chacun  trajoit  à  venir  vers  le  dit 
gouverneur,  pour  touf jours  avifer  à  la  garde  &  feurté  du  dit 
pais.  Le  quel,  par  bonne  ordenance  &  par  plufieurs  remèdes 
qui  en  ce  furent  mis,  fu  tellement  gardé  &  obvié  à  l'entreprife 
des  dites  gens  de  compaigne  parle  dit  gouverneur,  comme  pour 
caufe  du  dit  mandement  &  des  pors  &  paffages  du  Rofne  &  des 
autres  rivières,  qui  très  bien  &  fongneufement  furent  vifitez  & 
gardez  durant  ce  temps,  que  aucun  inconvénient  ne  domage 
n'en  avint  ou  dit  pais  :  fi  comme  de  toutes  ces  chofes  &  de 
plufieurs  autres  defpendant  de  ce  elt  fait  plus  à  plain  mencion 
ou  papier  du  dit  gouverneur,  ou  quel  font  efcrips  &  fpecifiez 
tous  les  veages  &  chevauchées  par  lui  fais  durant  le  temps  qu'il 
a  eu  le  gouvernement  du  pais  du  dit  Dalphiné,  les  caufes  &  les 
matières  pour  quoy,  les  circonftances&deppendences  d'icelles, 
du  quel  papier  il  apperra  fe  meltier  eft.  Et  pour  le  quel  voyage 
t'><  ce  qui  en  depent  ainfi  faire  &  affouvir  jufques  à  bonne 
conclufion  tSc  mectrc  tout  le  fait  dcffus  dit  à  feurté,  icellui 
gouverneur  vaqua  dès  le  jour  deffus  dit  qu'il  parti  de  Romans 


1 .  Jacques  I  de  Bourbon,  comte  de  la  Marche  cl  de  Po;7////c?/ (Ansklavk, 
Mais,  de  France,  /.   /,  f.  ji8-o;  Art  de  vcrif.  les  dates,  t.   X.  f.  j^ô-jJ. 

2.  La  halaille  de  lirianais,  où  périrent  le  comte  de  La  Marche,  son 
fils   aine  Pierre  cl   Louis    comte   de   Forez,   se   donna  le   (>    avril    i  ?6j 

(A.  F^fiiRicAUD],  Notes  et  docum.  pour  Thist.  de   Lyon,  />.  0-/0;  Allut, 
op.  cit.,  p.   l8<j-2'J0). 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  I9 

pour  ycellui  faire  jufques  au  24=  jour  d'avril  enfuivant,  ou  quel 
temps  font  37  jours,  le  derrenier  non  compté,  fi  comme  il  peu 
apparoir  par  les  parties  &  journées  des  defpens  pour  ce  fais 
efcrips  ou  papier  de  fes  gens  qui  yceulx  defpens  faifoient  rendu 

à  court  ;  monte  pour  tout 631  flor.  &  demi.  ^ 

63.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  es  mois 
d'avril  &  de  may  l'an  1362,  pour  caufe  de  ce  que  lors  vint  à  sa 
cognoiffance  que  le  conte  de  Savoye  venoit  en  pèlerinage  à 
Saint  Anthoine  de  Viennois  -,  le  quel  n'avoit  onques  efté  ou  dit 
pais,  mais  que  en  temps  de  guerre,  fi  ot  ycellui  gouverneur 
avis  &  deliberacion  par  les  gens  du  grant  confeil  monfeigneur 
le  Dalphin,  que  il  yroit  au  devant  de  lui  pour  le  honorer  &  le 
héberger  en  un  des  chafteaux  du  dit  feigneur  pour  caufe  des 
gens  de  compaigne  qui  eftoient  à  Brignay,  en  Piémont  &  en 
Provence  en  plufieurs  lieux  &  mefmement  pour  parler  à  lui, 
avoir  fon  confeil,  &  faire  avec  lui  alliences  fur  le  fait  de  la  garde 
&  deffenfe  du  dit  (pais)  du  Dalphiné  qui  eftoit  en  très  grant 
doubte.  Et  pour  aler  au  devant  du  dit  conte,  pour  les  dictes 
caufes,  fe  parti  le  dit  gouverneur  de  Romans  le  venredi  2çf  jour 
d'avril  1362  après  difner,  en  fa  compaignie  meiïire  Oddebert 
feigneur  de  Chaftelneuf  5,  meiïire  Aymart  fon  fils,  mefiire 
Amblart  de  Belmon  4,  mefiire  Didier  de  Chaffenage  5,  Vv-..:>i>».^-'^ur 


1 .  Nichil  pro  omnibus  iftis  militibus  &  fcutiferis,  quia  vadia  eorum 
capiuntur  per  computum  Philippi  Gilerii,  thefaurarii  dalphinalis  de  ifto 
tcmpore. 

2.  Les  historiens  de  l'ordre  des  Antonins  (Aymar  Falcoz  et  l'abbé  Dassy) 
n'ont  pas  connu  ce  pèlerinage  d'Amédée  VI  à  St-Antoine  ;  cf.  Allut,  op. 
cit.,  p.   112-j. 

3.  Odobert,  fils  d'Aynard  III,  seigneur  de  Châteaiineuf  de  l'Albenc,  se 
trouva  aux  batailles  de  Varey  en  1^26  et  de  Crécy  en  1  746  ;  il  avait 
épousé  Béatrix,  fille  de  Jean  de  Saint-Quentin  et  de  Catherine  de  la 
Chambre,  dont  il  eut  Aymar. 

4.  Amblard,  seigneur  de  Beaumont,  l'ancien  protonotaire  du  dauphin 
Humbert  II  (Brisard,  Hist.  généal.  de  la  mais,  de  Beaumont,  /77Q,  t.  I, 
p.  ,  et  t.  II,  p.  2j'/-jo[;  Rochas,  Biog.  du  Dauph.,  t.  I,  p.  05-6), 
présida  le  conseil  delphinal  en  13S2  et  1 3S4.  Les  Comptes  de  la  ville  de 
Romans  pour  lysj-èg  renferment  à  son  sujet  la  mention  suiv.  (f°  iij): 
Item,  dom°  Amblardo  de  Bcllo  Monte,  die  xxv»  marcii  LXJ"  ( i yèi ),  pro 
confilio  per  eum  dato  ville,  per  mandatum  cum  quielancia  redditum, 
X  flor.  in  auro. 

5.  Didier,  co-seigneiir  de  Sassenage,  puis  seigneur  de  Montrigaud 
(Chorier,   Hist.  généal.  de  la  mais,  de  Sassenage,   i6y2,  p.  34-5),  fut 


20  COMPTE   DE   R.\OUL   DE   LOUPPY 

de  Maulbec  ',  meffire  Guy  Coupier,  meffire  Jaques  Artaut  =  & 
plufieurs  autres,  touz  faifans  le  nombre  de  60  chevaux.  Et  vint 
ce  jour  au  foir  à  Montrigaut,  où  il  trouva  ycellui  conte  &  en  fa 
compaignie  l'evefque  de  Valence  5,  lefquels,  pour  les  caufes 
deffus  exprimées  par  le  confeil  du  Dalphiné  &  des  nobles  qui 
en  fa  compaignie  eftoient,  il  pria  de  difner  avec  lui  au  jour 
enfuivant  ou  nom  de  mons.  le  Dalphin  ;  lefquelz  conte  & 
evefque  le  lui  octroièrent  &  fu  fait  le  dit  difner,  fi  comme  de  ces 
chofes  eft  plus  à  plain  fait  mencion  ou  papier  du  dit 
gouverneur.  Pour  lefquelles  ainfi  faire  il  vaqua,  alant, 
demourant  &  retournant  par  3  jours  feniffans  le  dimanche 
premier  jour  de  may  1362  enfuivant,  fi  comme  il  appert  par  les 
parties  des  defpens  pour  ce  fais  efcrips  pardevers  les  gens,  ou 
papier  dont  autrefoiz  eft:  ci  deffus  faite  mencion  rendu  à  court, 
montent  les  dictes  parties  des  defpens  pour  ce  108  ilor.  & 
demi  de  petit  pois,  dont  il  chet  pour  fes  gaiges  ordinaires  par 
les  3  jours  deffus  diz  24  flor.  9  gros,  i  tiers,  demeure     .     .     • 

83  flor.  8  gros  2  tiers.  4 

64.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur,  ou  dit 
mois  de  may,  tantoft  après  le  veage  précèdent,  fait  pour 
occafion  de  ce  que  au  départir  que  le  dit  conte  de  Savoye  tift  de 


en  I  j6i  lieutenant  du  gouverneur  Guillaume  de  Vcrgy,  comme  le  prouve 
/'Inventaire  des  arch.  cotnmun.  de  Romans  en  iy<j2,  n"  VJ^^j  :  hem, 
quedam  liclera  auclentica,  fubfcripta  per  Humbertum  Pilati,  emanata  a 
dom"  Diidcrio  de  Cafanatico,  locumtenentc  dom'  pro  tune  gubcrnatoris 
Dalphinatus,  fub  anno  Domini  M"CCC"LX  &  die  xvij  marcii,  &  continct 
certam  poteftatem  conccffam  certis  incolis  de  Romanis  faciendi  &  Icvandi 
tallias  pro  fortifiicacione  di6lc  ville  (/"  8j).  Il  fut  encore  du  conseil  de 
lieulenance  générale  créé  far  Raoul  de  Loufpy,  le  ig  août  [ yôo.  L'ohit 
de  sa  2""  femme,  Marguerite  de  Chaste,  a  été  inscrit  dans  le  Nécrologe  du 
prieure  de  Saint-Robert  au  25  nov.  (f.  5.4)  et  celui  de  son  frère  Jordan 
au  r y  fév.  (p.  8). 

1.  François  était  seigneur  de  Mauhec  le  22  mars  i jô y  (Rivoire  de  i.a 
Bâtie,  Armoriai  de  Dauphiné,  pp.  8j^  ci  lOS^  ). 

2.  Jacques  Artaul,  chevalier,  fut  chargé  par  le  gouverneur  de  vérifier 
l'exécution  des  préparatifs  pour  la  réception  de  l'empereur  (Jharles  JV  ; 
il  écrivit  pour  ce  fait,  de  la  Buissièrc  le  i  o  mai  i  3  6  5 ,  à  Henri  de  Mailles, 
châtelain  d' A llcuard  (^\ys\.irc  d.  Trois  Doms,  p.  OS  3). 

3.  Louis  de  Villars  :  cf.  Mystère  d.  Trois  Doms,  p.  71O1  »•  '1  t'/ 
plus  loin,  71^»  Bo  et  112. 

4.  Dcducantur  ut  fupra  pro  vadiis  fuis  _'4  lier.  9  g.  i  tert.,  quia 
infra  Dalphinalum  deducunlur  ut  fupra. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  21 

Saint  Eftienne  ou  Dalphiné,  ou  le  difner  deffus  dit  avoit  elle  fait 
&  que  il  y  ot  parlé  des  chofes  deffus  di(5les  &  de  certaines  autres 
qui  eftoient  à  faire  &  dont  contens  eftoient  entre  les  deux  paiz 
du  Dalphiné  &  de  Savoye,  &  mefmement  du  fait  des  diètes 
compaignes  qui  encore  eftoient  es  lieux  des  diz  lieux  voifms  & 
prochains  d'iceulx  pais,  pour  raifon  des  quelles  chofes  &  du 
parler  fait  entre  eulx,  pour  ce  fu  pris  une  journée  à  Saint  Geneis 
en  Savoye  au  13^  jour  du  dit  mois  de  may,  aux  quelz  lieux  & 
jours  le  dit  gouverneur  &  tout  le  confeil  de  mondit  feigneur  le 
Dalphin,  &  le  dit  conte  de  Savoye  &  fon  confeil  dévoient  eftre 
&  furent  pour  avifer  &  regarder  sur  les  dictes  chofes  &  y 
pourveoir,  pour  laquelle  caufe,  pour  aler  à  la  diéle  journée 
ycellui  gouverneur  fe  parti  de  Romans  le  10*  jour  du  dit  mois 
de  may  après  difner,  en  fa  compaignie  mefTire  Oddebert  de 
Chaftel  Neuf,  meffire  Aymart  fon  fils,  meffire  Amblart  de 
Belmont,  meffire  Didier  de  Chaflenage,  meffire  Guy  Couper, 
meffire  Jaques  Arthaut,  meffin^e  Humbert  Pilart  ',  Jehan 
Mathieu,  Jehan  du  Sauge  -,  auditeurs  des  comptes  du  Dalphiné, 
touz  au  nombre  de  chevaux  ;  à  laquelle  journée  furent  faicles 
certaines  aliances  pour  obvier  &  refifter  à  l'entreprife  des  dictes 
compaignes,  &  ce  fait  &  parlé  entre  eulx  des  chofes  dont 
eulx  avoient  à  faire  enfamble  touchant  les  pais  deffufù' 
dit  gouverneur  print  congié  du  dit  conte  pour  aler  en  l'ifte  de 
Cremeu,  pour  pourveoir  à  certaines  roberies  &  pilleries  qui 
avoient  efté  faiétes  en  la  marche  d'ilec,  lefquelles  eftoient 
recetées  en  une  maifon  fort  qui  eftoit  du  Camus  de  Chenay, 
appellée  Aute  Pierre,  &  pour  punir  les  malfaiéteurs  ;  au  quel 
lieu  pour  la  diète  caufe  il  mena  en  fa   compaignie  meffire 


1.  Humbert  Pilât  (cff.  Répert.,  c.  1842;  Invent.  d.  arch.  d.  Dauphins 
en  1346,  f.  366a)  devint  prévôt  de  St-André  en  1363  et  mourut  le 
I  2  janv.  1373.  Deux  articles  des  Comptes  cités  de  Romans  se  rapportent 
à  lui  :  Item,  dom"  Humberto  Pilati,  notario  dalphinali,  pro  labore 
&  groffa  inftrumenti  pronunciationis  fafte  per  dom.  locumtenentem 
Dalphinatus  fuper  facto  ville  &  ecclefie  Beati  Bernardi  per  cedulam  datam 
xvja  aprilis  LIX°,  iij  flor.  in  auro  (f'^xxxix);  item,  dom°  Humberto 
Pilati,  pro  portulis  &  labore  cujusdam  comiffionis  libi  date  a  dominis 
ville  pro  videndo  computum  taille  expenfarum  murorum  ville,  x  flor.  auri 
(7"o  xlij  v°  ). 

2.  Plus  loin  Sause  (no8i)  et  Sauze  ()î°  123);  cf.  Invent. -somm., 
//,  8ia,   loob. 


22  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

Hugues  de  Genève  &  fon  fils  ',  &  trois  chevaliers  &  plufieurs 
efcuiers  de  leur  route  à  armes,  qui  à  la  journée  deffus  di6le 
eftoient  feurvenuz,  meffire  Didier  de  Chaffenage,  meffire 
Guy  Couper  &  meffire  Jaques  Artaut  &  touz  les  autres  le 
départirent  de  fa  diète  compaignie,  &  tant  pour  la  difte  journée 
tenir  comme  pour  la  dicte  fort  maifon  fubjuguer  &  prendre,  & 
qui  de  fait  par  force  fu  prife  en  ce  veage,  comme  depuis  venir 
vers  Vienne  vifiter  &  fortifier  la  garde  des  pors  &  paffages  du 
Rofne  2,  pour  caufe  des  compaignes  qui  eftoient  efforcées  à 
Brignay,  fi  comme  de  toutes  ces  chofes  eft  plus  à  plain  fait 
efclairciffement  par  le  papier  du  dit  gouverneur,  ycellui  vaqua, 
alant,  demourant  &  retournant  par  dix  jours  feniffans  le 
19*^  jour  du  dit  moys  de  may  1362,  que  fon  retour  fu  ou 
Dalphiné,  fi  comme  il  appert  par  les  parties  des  defpens  pour 
ce  fais  efcriptes  ou  papier  de  fes  diôles  gens ,  lefquelles 
montent  pour  tout  205  flor.  petit  pois,  dont  le  dit  gouverneur 
ne  doit  avoir  defpens  poar  lui  &  les  gens  de  fon  hoftel  que 
pour  2  jours  qui  valent  36  flor.  :  demeure  170  florins  ;  fur  quoy 
font  à  rabatre  8  jours  de  fes  gaiges,  qui  valent  65  flor.  8  gros, 

demeure 103  flor.  4  gros.  3 

65,  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur,  ou  moys 
de  juing  enfuivant,  pour  raifon  de  ce  que  à  la  journée  dont  en 
la  partie  précèdent  eft  faiéte  mencion,  ne  pot  eftre  le  traiétié 
qui  fe  devoit  faire  entre  le  dit  conte  de  Savoye  &  le  dit 
gouverneur  pour  le  contens  qui  eftoit  entre  les  deux  jDais  eftre 
parfait  ne  les  chofes  parlées  pour  la  dicte  caufe  eftre  affouvies, 
pour  ce  que  la  dicte  journée  eftoit  trop  loing  du  pais  du  dit 
conte  &  que  lors  il  ne  povoit  tant  arrcfter,  pour  la  quelle  caufe 


1.  Hic  vues,  '}'' Jils  d'Amcdée  II,  comte  de  Genève,  devint  seigneur 
d'Ant/ion  par  son  mariage  avec  Isabelle,  dame  de  ce  lien  (1323);  ils 
accompagnèrent  le  dauphin  îlumhert  II  à  la  croisade  de  /  7^9-7.  Hugues 
de  Genève  fut  lieutenant  du  gouverneur  Guillaume  de  Vergy,  dont  son 
fils  Aymon  avait  épousé  la  fille  Jeanne,  et  figure  nommément  en  cette 
qualité  les  31  cet.  1358  e/  26  juil.  1359  dans  les  Comptes  cit.  de 
Romans  {/^^  23  v°  et  14;  cf.  1  o  xi",  i  4  ti",  231;",  24,  30  7^°,  ?/,  v",  33); 
■il  77iourut  le  20  nov.  1365.  Cff.  Valbonnais,  Mist.  de  Dauph.,  /.  //, 
pp.  379-80,  580-1;  Anselme,  Mais,  de  France,  t.  II,  p.  160-1; 
Chevalier,  Coll.  de  cart.  Dauph.,  t.  VII,  p.  99-100. 

2.  Voir  le  doc.  i.vin  de  la  Coll.  de  cart.  Dauph.  cit.,  p.    j6o-i. 

3.  Sciatur  numerus  cquorum  hofpicii  diéli  f,aibernatoris  vcrdeducantur 
vadia  cjus. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  2^ 

à  fa  prière  &  requefte  fu  prife  une  autre  journée  fur  marche 
entre  Grenoble  &  Chambrieu,  au  jeudi  31  jour  de  juing.  Et 
pour  ce  envoya  devant  à  la  di6le  journée  ledit  gouverneur  pour 
fentir  des  chofes  pour  lefquelles  elle  fe  devoit  tenir  meffire 
Amblart  de  Belmont  &  meflire  Hubert  Pilât,  &  le  2cf  jour 
dudit  mois  fe  parti  le  gouverneur  pour  aler  à  ycelle  audit  lieu 
de  Chambrieu,  &  à  laquelle  fu  parlé  &  trai6tié  des  chofes  plus 
à  plain  exprimées  &  efclarcies  en  la  partie  subfequant  :  en  la 
vaquacion  duquel  voyage  ycellui  gouverneur  vaqua  par  trois 
jours  feniffant  le  i"  jour  de  juillet  inclus,  fi  comme  il  appert  par 
les  parties  efcriptes  ou  papier  des  gens  dudit  gouverneur  qui 
les  defpens  faifoient ,  montent  pour  tout  58  tlor.  8  gros  de 
petit  pois,  dont  font  à  rabatre  fes  gaiges  qui  montent  24  flor. 

7  gros  &  demi,   demeure 34  flor.  demi  gros.  ' 

66.  Pour  autres  defpens  fais  par  ledit  gouverneur  ou  mois 
d'aouft  1362  enfuivant,  pour  ce  que  à  la  journée  dont  mencion 
eft  faiéte  en  la  partie  précèdent,  en  parlant  des  chofes  fur  icelle 
contenues  fu  traiétié  à  un  appelle  Pierre  de  Pont  Jault  2,  que  le 
chaftel  &  terre  de  Lers  fuft  &  demouraft  à  mons.  le  Dalphin, 
lequel  traiétié  fu  occupé  par  ce  que  il  fu  lors  trouvé  que  le 
prince  d'Orenges  3  avoit  affegé  le  dit  chaftel  fans  caufe  ne  droit 
aucun  que  il  y  euft,  mais  pour  le  acquérir  à  foy  induement, 
&  pour  ce  ledit  gouverneur  voulant  à  ce  pourveoir  pour 
la  confervation  du  droit  de  mondit  feigneur  le  Dalphin, 
fift  mandement  en  Viennois  &  baronnies  d'Ebrunoiz  &  de 
Brianconnoiz  gens  d'armes,  pour  avec  lui  aler  de  fait  devant 
le  dit  chaftel  ;  &  pour  ce  que  audit  mandement  faifant,  vint  à 
fa  cognoiffance  que  la  court  de  Romme  eftoit  contraire  à  fon 
propos  &  à  ce  que  il  contendoit,  il  ot  deliberacion  par  confeil 
que  il  convenoit  que  pour  ce  il  fe  trafift  en  Avignon,  pour 
parler  &  traiclier  avec   le   Pape    &  les    cardinaulx,  &  eulx 


1.  Loquatur,  quia  iftu(d)  viagium  non  eft  In  papiru  ;  infra  Dalphinatum 
ut  fupra.  —  Tranfeunt  tiic,  quia  afferuit  quod  fecit  diclum  viagium  & 
quod  expendidit  tantum  extra  Dalptiinatum. 

2.  Nommé  c^ierre  de  Piiihaut  dans  un  mandement  de  Charles  V  {voir 
plus  haut,  p.  5,  n.  /). 

3.  Raymond  V  de  Baux  avait  succédé  comme  prince  d'Orange  à  son 
père  Raymond  IV  en  1340  (BarthéleiMy,  Invent,  cité  de  Baux,  p.  587). 


24  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

monftrer  &  mouvoir  par  plufieurs  raifons  à  ce  que  ilz  ne 
feuffent  contraires  à  fon  fait.  Et  pour  ce,  tant  pour  aler  à  Lers 
pour  lever  ledit  fiege  qui  devant  eftoit,  comme  pour  aler  audit 
lieu  d'Avignon  pour  la  di61:e  caufe,  fe  parti  ledit  gouverneur 
de  Romans  le  mercredi  3®  jour  dudit  mois  d'aoufl,  à  tout  grant 
quantité  de  gens  d'armes  du  pais  du  Dalphiné,  &  eftoient  en 
fa  compaignie  &  de  fon  hoftel  meffire  Jehan  de  Conflans  fon 
nepveu,  meffire  Guy  Couper,  meffire  Jaques  Artaut,  meffire 
Jehan  de  Donnent,  Renier  Coppe,  maiftre  des  monnoies  dudit 
Dalphiné,  qui  en  l'abfence  du  treforier  failbit  les  paiemens  des 
gens  d'armes,  touz  lefquelz  faifoient  le  nombre  de  42  chevaux 
aux  defpens  d'icelli  gouverneur,  fans  ceulx  qui  eftoient  à 
gaiges.  Et  pendant  le  temps  compris  en  ce  veagc  convint  ledit 
gouverneur  foy  traire  en  Avignon,  comme  dit  eft,  pour  la  caufe 
deflus  dite,  auquel  Heu  il  ala  &  ne  mena  en  fa  compaignie  que 
7  chevaulx  tant  feulement,  &  les  chevaliers  &  efcuiers  dont  il 
fe  povoit  mieulx  aidier  fur  ce  fait,  &  le  demourant  de  fes  gens 
&  chevaux  il  laiffa  à  Pierrelate,  pour  certaines  caufes  efclarcics 
en  fon  papier.  Et  pendant  ledit  veage  d'Avignon  faifant,  vint  à 
fa  cognoiffance  que  ledit  prince  d'Orenges,  Dertran  &  Guiot 
des  Daux  '  avoient  traiétié  avec  les  compaignes  &  en  avoient 
fait  paffer  jufques  au  nombre  de  800  glaives  ;  &  pour  ce  convint 
que  il  laiffaft  le  traiélié  qu'il  faifoit  audit  lieu  d'Avignon  au 
cardinal  de  Peregort  ^,  pour  le  fait  pour  lequel  le  prince 
d'Orenges  eftoit  devant  ledit  chaftel,  &  qu'il  fe  retraifift  vers 
fes  gens  pour  renforcier  fon  mandement  pour  traiftier  avec 
ledit  prince  à  ce  qu'il  levaft  ledit  fiege,  pour  lequel  fait  furent 
prifes  &  tenues  plufieurs  journées  en  traiétant,  qui  pour  ce 
n'eurent  aucun  effet  &  depuis  ledit  traiétié  remis  fus  par  deux 
chevaliers,  que  ledit  prince  envoya  pardevers  ledit  gouverneur, 
par  lequel  traidié,  le  25^  jour  dudit  moys  d'aouft,  fu  ycellui 
prince  à  accort  avec  ledit  gouverneur,  &  ledit  fiège  levé,  eulx 
dculx  prefens  ;  &  oudit  chaftel  laiffa  ycellui  gouverneur  partie 


1.  Fils  de  Raymond  IV  et  frères  de  Raymond  Y   de  Baux. 

2.  Elie  Talleyrand  de  Pàri<rord,  évéque  d'Albano  (Rcpert.  c.  2  146  et 
suppL).  Les  chartreux  célébraient  dan-i  le  mois  de  jamrier  le  tricenarium 
dom'   Talayrandi  cardinalis    PcU-agoriccnfis   (Nccrolog.  ord.   Carlulicn. 

VIS.), 


GOUVERNEUR  DU   DAUPHINE  25 

de  fes  gens,  &  le  demourant  il  fift  départir  d'avec  lui  &  caffer. 
Et  fe  fait,  prift  &  emmena  avec  lui  meffire  Didier  de  Chaffenage 
&  meffire  Regnault  Falavel  a  8  chevaux  fans  gaiges,  parmi  les 
deffraiant  de  leurs  defpens  a  une  journée  par  lui  autrefoiz 
entreprife  entre  Montbrun  &  Reglannes,  marche  des  deux 
pais  du  Dalphiné  &  de  Provence,  fur  le  fait  du  traiétié  pieca 
entrepris  pour  mondit  feigneur  le  Dalphin  contre  le  fenechal 
de  Provence,  lequel  trai6lié  eftoit  feellé  des  feaulx  de  feu  meffire 
Guillaume  de  Vergy,  jadiz  gouverneur  dudit  Dalphiné  &  dudit 
fenechal  ;  &  pour  ce  que  par  le  confeil  de  mondit  feigneur  le 
Dalphin  fu  trouvé  que  bon  eftoit  &  proffitable  de  procéder 
avant  audit  traidié,  pour  ycellui  parfaire,  ledit  gouverneur 
y  entendi  &  procéda  tellement  que  ledit  traidié  fu  corrigié 
&  amendé  fur  certains  poins,  &  la  copie  envoyée  à  mondit 
feigneur,  qui  depuis  efcript  &  manda  audit  gouverneur  ycellui 
traiélié  eftre  parfait  &  conclut  en  le  ratiffiant,  fi  comme  toutes 
les  chofes  deffus  efcriptes  pour  lefquelles  ce  veage  a  eflé  fait,  & 
ce  qui  en  defpent,  &  mefmement  par  vertu  de  plufieurs  leftres 
clofes  &  ouvertes  envoyées  par  ledit  feigneur  audit  gouverneur, 
tant  fur  ledit  fait  de  Lers  comme  autrement,  rendu  à  court  fur 
ce  compte  font  plus  à  plain  contenues  &  exprimées  en  fon  papier, 
&  comme  des  defpens  pour  ce  fais  il  peut  apparoir  par  les 
parties  efcriptes  ou  papier  de  fes  di6les  gens,  &  ou  quel  veage 
il  vaqua  depuis  ledit  3^  jour  d'aouft  1362  jufques  au  derrenier 
jour  d'icellui  mois  que  fon  retour  fu  ou  Dalphinié,  par  28  jours 
m.ontent  lefdiz  defpens  pour  tout  887  florins  2  gros  3  quars 
&  demi  petis,  dont  il  chet  pour  les  gaiges  ordinaires  dudit 
gouverneur  par  28  jours  au  pris  deffus  dit  230  florins  10  gros, 
pour  le  demourant  ci  .  .  656  flor.  4  gros  3  quars  &  demi. 
67.  Pour  autres  defpens  fais  par  ledit  gouverneur,  ou  mois 
d'octobre  l'an  1362,  auquel  lettres  avoient  efté  apportées  par 
le  feigneur  de  Vinay  ^  de  par  mons.  le  Dalphin  contenant 
créance,  qui  telle  eftoit  commant  ledit  feigneur  mandoit  audit 
gouverneur  qu'il  alafl  audevant  du  roy  Jehan  fon  père  ou  pais 


I .  Aynard  de  la  Tour  succéda  comme  sire  de  Vinay  à  son  père  Hugues 
en  i-^-^^  et  mourut  en  i-^^i  (Tableaux  généal.  de  la  mais,  de  la  Tour- 
du-Pin,  1870,  tabl.  11). 


20  COMPTE   DE   RAOUL   DE   LOUPPY 

de  Lionnois,  bien  acompaignez  &  grandement  de  prelas  & 
bannerés,  li  comme  par  les  dicles  lectres  de  créance  & 
inftrument  publique  des  commandemens  à  lui  fur  ce  fais  par 
ledit  fire  de  Vinay.  Pour  la  quelle  caufe  ycellui  gouverneur 
parti  de  Romans  le  venredi  21^  jour  dudit  mois  d'o(5lobre  ; 
depuis  lequel  jour  il  demoura,  tant  en  aâfendant  le  Roy  qui 
pas  11  toft  ne  vint  à  Lyon,  comme  en  demourant  de  fon 
commandement  audit  lieu  pour  parler  à  lui  de  plufieurs 
chofes,  en  fa  compaignie  le  fire  de  Vinay,  un  autre  chevalier 
avec  lui,  meffire  Guy  Couper  &  les  gens  de  fon  hoftel,  & 
plufieurs  autres  qui  pendant  le  temps  de  fa  demeure  furvindrent 
en  fa  dicte  compaignie,  jufques  au  5*^  jour  de  novembre 
enfuivant,  que  fon  retour  fu  ou  dit  Dalphiné,  par  14  jours:  fi 
comme  toutes  ces  chofes  font  contenues  ou  papier  dudit 
gouverneur  &  par  les  parties  des  defpens  pour  ce  fais  efcriptes 
ou  papier  de  fes  dictes  gens,  montent  pour  tout  ce  temps  qu'il 
fu,  partie  d'icellui  au  nombre  de  39  chevaux  &  autre  partie  à 
50  &  à  55,  248  florins  et  3  gros  de  petit  pois,  dont  les  dix  jours 
il  ne  doit  avoir  nuls  defpens,  car  il  fu  ou  Dalphiné.  C'eft 
affavoir  pour  lui  &  les  gens  de  fon  hoftel  qui  font  20  chevaux  ; 
&  pour  les  quatre  jours  que  il  demoura  à  Lyon,  montent  les 
quatre  jours  pour  lui  &  les  39  chevaux  deffufdiz  iio  florins 
II  grospetiz,  dont  font  à  rabatre  les  gaiges  du  dit  gouverneur 
qui  montent  34  florins  8  gros,  refte  ci  102  florins  8  gros,  &  pour 
la  defpense  de  19  perfonnes  &  19  chevaux  par  dix  jours  ou 
Dalpniné  51  florins  4  gros;  pour  tout  ceft  voyage  1 54  flor.  petis. 
68.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  ou  mois 
de  décembre  1362,  pour  aler  à  Villeneuve  lez  Avignon,  du 
commandement  du  Roy  noftre  feigneur  à  lui  fait  de  bouche  à 
Lyon  ou  voyage  précèdent  ;  ou  quel  le  dit  feigneur  eftant 
au  dit  lieu,  lui  fu  requis  par  le  dit  gouverneur  qui  lui  plcull 
faire  &  pourveoir  commant  le  chaftel  &  terre  d'Annonay,  qui 
eft  fief  monseigneur  le  Dalphin,  lui  fuft  renduz,  &  plufieurs 
autres  griefs  à  lui  fais  pour  cause  de  ce  &  autrement  reparez 
&  mis  à  eftat  deu,  avec  plufieurs  autres  chofes  fecrettcs  par  lui 
efclarcies  au  Roy  ;  &  en  ce  moment  le  conte  de  Genève  '  requiil 


1 .  AinédéeJlI,  comte  de  1^20  à  1  3 67  (Anseumi:,  op.  cit.,  t.  II,  p.  i  61-2) 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE  27 

au  dit  feigneur  qui  lui  feift  raifon  de  plufieurs  chofes  contenues 
en  unes  lettres  feellées  du  leel  d'icellui  feigneur  &  mondit 
feigneur  le  Dalphin  fon  fils  ;  &  fambl(able)  lors  meffire  Hugues 
de  Chalon  '  pourfuivoit  le  Roy  noftre  dit  feigneur,  pour  raifon 
de  deux  chafteaux  qui  font  en  la  terre  de  Focigny,  l'un  appelle 
Chafteillon  &  l'autre  Salenche,  qui  japieca   furent  baillez  au 
conte  de  Savo3-e  par  certains  efchanges  :  fur  toutes  lefquelles 
chofes  &requeftes  deffus  dictes,  ainfi  oyes  par  le  dit  feigneur, 
fu  par  lui  adonc  commandé  &  baillé  journée  au  dit  gouverneur 
pour  eftre  au  dit  lieu  de  Villeneuve  au  jour  de  la  Concepcion 
Noftre  Dame  après,  afin  que  de  tout  ce  que  deffus  eft  dit  fu 
parlé,  &  lui  fu  commandé  qu'il  venift  tout  advifez  de  refpondre 
fur  tout  &  fouftenir  ce  qui  necceffaire  feroit  pour  le  droit  de 
mon  dit  feigneur  le  Dalphin.  Pour  aler  à  la  quelle  journée  le  dit 
gouverneur  parti  de  Romans  le  premier  jour  du  dit  mois  de 
décembre,  en  fa  compaignie  melïire  Nicole  de  Tours  fus  Marne, 
meffire   Guy    Coper ,  meffire   Jaques   Artaut    &   les  gens  de 
l'oftel     d'icellui    gouverneur ,    tout    faifant    le     nombre    de 
31  chevaux  ;  &  dès  ce  jour,  tant  en  alant,  demourant  fur  le 
chemin  à  Avignon  &  à  la  diète  Villeneuve  &  befongnant  par 
occalîon  des  chofes  deffus  dictes,  comme  en  retournant  vaqua 
&  demoura  jufques  au  jeudi  15^  jour  du  dit  moys  par  quatorze 
jours  &  demi  :  û  comme  de  toutes  ces  chofes  eft  fait  plus  à 
plain  mencion  en  fon  papier  &  comme  il  peut  apparoir  par  les 
parties  des  defpens,  pour  ce  fais  efcrips  ou  papier  de  fes  dictes 
gens  ;  montent  les  diz  defpens  395  florins  9  gros  &  de  bon  pois, 
valent  412  florins  3  gros  i  quart  petis,  dont  font  à  rabatre  les 
gaiges  ordinaires  du  dit  gouverneur  par    quatorze    jours  & 
demi,  valent  119  florins  i  quart  de  gros,  demeure     .... 

293  flor.  3  gros  petis. 

69.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur,  ou 
moys  de  janvier  1362  enfuivant,  pour  aler  en  Avignon  par 
mandement  de  mon  dit  feigneur  le  Dalphin  en  leètres  clofes 
fîgnées  de  fa  main,  pour  porter  certain  rolle  à  lui  envoyé  avec 
les  fupplications  que  mon  dit  feigneur  faifoit  à  noftre  faint  père 
le  Pape  pour  la  provifion  &  avancement  de  fes  clers  &  officiers. 


I.  Sire  d'Arlay,fils  de  Jean  de  Châlons  (Anselme,  /.  VIII,  f.  421 -2). 


28  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

&  auffî  plufieurs  autres  lettres  à  noftre  dit  faint  père  &  à 
plufieurs  cardinaulx,  touchans  ce  fait  &  plufieurs  autres  greffes 
befongnes  à  lui  mandées  &  enchargées  par  mon  dit  feigneur 
faire  &  pourchacier  au  dit  lieu  d'Avignon.  Et  pour  ce  que  fi 
toft  le  dit  gouverneur  ne  povoit  avoir  expedicion  du  dit  rolle 
ne  des  autres  chofes,  le  convint  laiffier  au  dit  lieu  d'Avignon 
maiftre  Nicole  de  Tours  fur  Marne  &maiftre  Gontier  de  Baignols, 
en  efperance  de  avoir  &  attendre  lettres  du  Roy,  qui  la  eftoit, 
fur  certaine  refponfe  faicle  par  le  Roy  fur  les  chofes  deffus 
diètes,  &  une  commifTion  fur  certaine  forme  fur  le  débat  qui 
eftoit  entre  le  Roy  &  mon  dit  feigneur  le  Dalphin  pour  la  terre 
de  oultre  le  Rofne,  du  fait  d'Annonay  &  de  la  rivière  du  Rofne 
devers  l'Empire,  pour  ce  que  les  commiffaires  qui  avoient  efté 
donnez  à  l'autre  veage  pour  ce  fait  ne  povoient  en  ce  vaquer. 
Ou  quel  veage  faifant  pour  les  di6tes  caufes  le  dit  gouverneur 
vaqua  depuis  le  8'  jour  du  dit  moys  de  janvier,  que  il  parti  de 
Romans  pour  ycellui  faire,  jufques  au  17*  jour  d'icellui  mois 
enfuivant  que  fon  retour  fu  ou  Dalphiné,  par  dix  jours  premier 
derrenier  comptez,  fi  comme  il  peut  apparoir  par  les  parties 
des  defpens  pour  ce  fais  efcrips  ou  papier  des  gens  du  dit 
gouverneur,  montent  pour  tout  199  florins  8  gros  de  bon  pois, 
valent  208  florins  petis,  dont  font  à  rabatre  fes  gaiges  ordinaires 
comme  deffus,  valent  82  flor.  i  gros,  demeure  i25flor.  11  gros.  ^ 
70.  Pour  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  pour  aler  tenir 
une  journée  entreprife  à  Marain,  le  15'  jour  de  mars  1362, 
contre  les  gens  de  marquis  de  Saluce  -,  pour  ilcc  traièter  & 
accorder  de  certain  débat  qui  eftoit  meu  entre  mondit  feigneur 


1.  Loquatur,  quia  non  confiât  per  aliquas  lifteras  claufas  nec  apcrtas 
quod  fuerit  iibi  mandatum  quod  adirct  Avinionem  in  propria,  ymo 
fufficiebat  quod  magiflcr  Gontcrius  de  Balneolis,  qui  propter  hoc  habuit 
certum  donum  de  500  llor.,  prout  cft  fuperius  in  reccpta,  facerct  di6lum 
viagium  &  profequcrctur  negocium,  &  ideo  radiatur.  L'article  a  été  en 
effet  cancellé. 

2.  Frédéric  II  succéda  co^nme  marquis  de  Saluées  à  sou  fére  Thomas  II, 
qui  testa  le  5  août  1357  (Mokiondus,  Monum.  Aquensia,  1700,  /.  //, 
c.  468-70),  et  fit  lui-même  son  testament  le  17  mai  1392  {id.,  ibid., 
c.  497-8,  cf.  -p.  23);  il  mourut  vers  1304-  Cjf.  Vai.uonnais,  /,  330; 
Anselme,  //,  161:,  et  surtout  la  Cronaca  di  Saluzzo  de  Gioffredo  dclla 
CiiiESA,  publiée  par  M.  Carlo  Muletti,  dans  les  Monum.  hislur.  paU'iae, 
Ï848,  Script,  t.  III,  c.  1000-33. 


GOUVERNEUR  DU    DAUPHINE  29 

le  Dalphin  &  le  dit  marquis  pour  certaine  caufe;  pour  laquelle 
&  pour  la  necceffité  des  chofes  qui  en  dependoient  &  defiroient 
eftre  faiéles  feurement  le  dit  gouverneur  mena  en  faxompaignie 
à  la  dicte  journée  meffire  Hugues  de  Genève,  meffire  Charles 
de  Poitiers  ',  le  fîre  de  Vinay,  le  fire  de  Chaftelneuf,  meffire 
Aymartde  Chaftelneuf,  meffire  Artaut  de  Belfamblant  -^  meffire 
Guy  Coupy,  meffire  Humbert  de  Loraz,  meffire  Humbert  Pilas, 
Jehan  Mathu  &  plufieurs  autres;  pour  toute  laquelle  journée 
montèrent  les  defpens  pour  ce  fais,  fi  comme  contenu  eft  es 
papiers  d'icellui  gouverneur  &  de  fes  dictes  gens,  23  florins  & 
demi,  dont  font  à  rabatre  fes  gaiges  ordinaires  qui  font  8  florins 

2  gros  &  demi,  demeure 15  flor.  3  gros  &  demi, 

71.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur,  ou  mois 
de  may  l'an  1364,  pour  aler  en  Avignon  par  mandement  & 
leétres  clofes  du  Roy  noftre  feigneur  &  Dalphin  de  Vienne, 
pour  porter  à  noftre  faint  père  le  Pape  &  à  plufieurs  cardinaulx 
de  fa  court  plufieurs  lettres  à  eulx  adrecans ,  envoyées  au  dit 
gouverneur,  &  pour  parler  au  dit  faint  Père  &  cardinaulx  de 
plufieurs  certaines  &  greffes  befongnes  fecrettes  touchant 
le  dit  feigneur.  Pour  lequel  veage  faire  icellui  gouverneur  fe 
parti  de  Romans  le  11®  jour  du  dit  mois  de  may,  en  fa 
compaignie  les  gens  de  fon  hoftel  &  maiftre  Gontier  de 
Baigneux  ,  fecretaire  du  dit  feigneur ,  touz  au  nombre  de 
23  chevaux,  &  vaqua  en  ce  tant  alant,  demeurant  comme 
retournant  jufques  au  19^  jour  du  dit  mois  par  neuf  jours, 
premier  &  derrenier  comptés  :  fi  comme  par  les  parties  des 
defpens  pour  ce  fais  efcrips  ou  papier  de  fes  gens  peut 
apparoir,  montent  les  diz  defpens  154  florins  i  gros  de  bon 


1.  Cf.  Mystère  des  Trois  Doms,  p.  72g,  n.  2.  Le  roi  Charles  V  fit 
don  à  Paris,  le  21  déc.  7364,  de  1000  francs  d'or  à  noftre  amé  &  féal 
chevalier  &  chambellan  Charles  de  Poitiers,  prifonier  de  noz  annemis, 
pour  li  aidier  à  paier  fa  raençon  de  fa  diiSle  prife  (Mandem.  de  Charles  V, 
p.  75,  «o  153);  il  lui  donne  les  mêmes  titres  en  l'envoyant  de  Sentis,  le 
2  5  oct.  i^'j<^,à  Louis  de  Maie,  comte  de  Flandre  {ibid. ,p.6iï,n°ii'j4^). 

2.  Artaud,  seigneur  de  Beausemblant  {cf.  Armor.  de  Dauph.,  p.  58^), 
était  maître  d'hôtel  du  duc  d'Anjoic  en  1367/8  (Compte,  m°  124),-  de 
concert  avec  deux  conseillers  de  ce  prince  il  délivra  à  Nîmes,  le 
17  août  ij68,  un  sauf-conduit  à  Franchequin  Vent  &  80  autres 
compaignons  Jennovois  (Génois),  qui  venaient  de  servir  le  duc  en  in 
guerre  de  Provence  (Arch.  de  Tlsère,  B.  3233). 


30  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

pois.  Valent  i6o  florins  ii  gros  petiz  ;  dont  font  a  rabatre  fes 
gaiges  ordinaires,   qui   valent    73    florins    10   gros    &   demi, 

demeure 87  flor.  demi  gros. 

72.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  pour  aler 
du  Dalphiné   en   France  pardevers  le   Roy   es  mois   d'aoult, 
feptembre  &  octobre  1364,  &  par  vertu  de  fes  lettres  clofes  à 
lui  fur  ce  envoyées,  données  le  24*  jour  de  juing  précèdent, 
pour  mener  pardevers  le  dit  feigneur  fi  comme  mandé  l'avoit 
Philippe    Gillier ,    pour    lors    treforier    du    Dalphiné.    Pour 
lequel  veage  faire  il  convint  ycellui  gouverneur  la  plus  grant 
partie  du  chemin  aler  à  armes,  pour  caufe  des  compaignes 
qui    eftoient    adonc    en   Bourgoigne.    Et    pour   ce    le    lundi 
5^    jour    du   dit    mois    d'aouft,    pour   ce    faire    parti   le    dit 
gouverneur    de   Cremeu,    en   fa  compaignie  meffire  Alegres 
de  Boeinc,  meffire  Jaques  Artaut,  Henry  des  Blez,  Guichart 
de  Saint   Germain,    Perreneau    de    Felinges,    le  baftart    de 
Margenfay,  Miles  de  Près,  Jehan  de  Saint  Anthoine,  Vivien 
de  Roncourt ,  Robert    de    Souillers   &  plufieurs   autres ,   au 
nombre  de  42  chevaux;    &  le  jeudi  8''  jour  du  dit  mois,  lui 
cftant  fur  le  chemin,  furvindrent  fur  lui  à  Saint  Trivier  en 
Breffe  meffire   Amenyon   &  Jehan  de  Pommiers  frerès,  qui 
avec  le  dit  gouverneur  difnerent  &  depuis  pour  plus  grant 
feurté  lui  &  fes  gens   conduirent  au  nombre    de    30   lances 
jufques  à  Chalon.  Lequel  veage   faifant  &   y  vaquant,    tant 
alant ,   demourant   comme    retournant,   comme   pour   partie 
du  temps  de  fa  demeure  aler  en   fa  terre  de  Louppy  &  de 
Bourfaut,    il    demoura    jufques   à    lundi    24=    jour    d'octobre 
enfuivant,  que  fon  retour  fu  à  Crcbeu  ou  Dalphiné  :  ou  quel 
temps  font  81  jours  &  demi,  dont  il  chet  29  jours  pour  lefquels 
il  ne  prent  nulz  defpens  fur  le  Roy,  pour  ce  qu'il  fut  en  fa 
terre  de  Louppy  pour  fes  befongnes  ;  pour  le  demourant  52  jours 
&  demi,  fi  comme  il  appert  par  les  parties  des  defpens  pour 
ce  fais  efcrips  ou  papier   des   gens  du  dit  gouverneur,  qui 
montent  pour  tout   1,092  florins  &  demi,  à  compter  5  frans 
pour  6  florins  dalphinaulx  valent  1,311  florins  dalphinaulx,  dont 
font  à  rabatre  les  gaiges  ordinaires  du  dit  gouverneur,  qui 
valent  430  florins  logros  i  quart  dalphinal.  Demeure  880  florins 
1  gros  3  quars  d'un  gros  dalphinal,  fur  quoy  font  encore  à 


GOUVERNEUR    DU   DAUPHINE  3I 

rabatre  pour  la  caufe  contenue  en  la  marge  222  florins  10  gros 
3  quars.  Demeure 657  flor.  3  gros  petis.  ^ 

73.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur,  au  mois 
de  novembre  1364  enfuivant,  auquel  le  Roy  noftre  feigneur 
au  prenre  congé  de  lui  au  veage  devant  efcript  commanda 
de  bouche  expreffement,  que  tantoft  lui  retourné  au  pais  du 
Dalphiné,  qu'il  alaft  tantoft  en  Avignon  pour  parler  au  Pape 
&  à  plufieurs  autres  de  plufieurs  chofes  fecrettes  à  lui  par 
le  dit  feigneur  enchargées,  &  auffi  de  certains  debas  tou- 
chans  les  regales  du  royaume  &  un  gros  fait  touchant  le 
prieur  d'Argentueil.  Pour  lequel  veage  faire  j^cellui  gouverneur 
parti  de  Romans  le  famedi  7^  jour  du  dit  mois  de  novembre, 
en  fa  compaignie  Jehan  du  Pont,  adonc  treforier  du  Dalphiné, 
&  les  gens  de  fon  hoftel,  touz  au  nombre  de  26  chevaux  ;  & 
ou  quel  voyage  il  vaqua  &  demoura  par  13  jours  feniffant  le 
19®  jour  du  dit  mois  :  fi  comme  il  appert  par  les  parties  des 
defpens  pour  ce  faiz  efcriptes  ou  papier  de  fes  gens,  montent 
les  diz  defpens  pour  tout  204  florins  3  gros  demi  bon  pois, 
valent  212  florins  g  gros  3  quars,  dont  il  chet  pour  les  gaiges 
ordinaires  du  dit  gouverneur  106  florins  8  gros  &  demi,  & 
pour  les  gaiges  du  dit  Jehan  du  Pont  qui  font  de  500  florins  par 
an,  qui  valent  par  jour  28  s.  4  d.  3  pict.  t.,  de  20  sols  le  florin, 
valent  18  florins  4  quins;  fomme  du  déchet  126  florins  6  gros; 
demeure  ci 86  flor.  3  gros  3  quars. 

74.  Et  pour  defpens  fais  au  dit  lieu  d'Avignon  en  ce  veage 
par  le  dit  Jehan  du  Pont  &  meffire  Thierry  de  Louppy, 
chappellain  du  dit  gouverneur  -,  lefquels  il  laiffa&  fiit  demourer 


1.  En  m.  :  Loquitur  quod  tcmpore  iftius  viagii  capit  per  computum 
Johannisde  Ponte,  thefaurarii  dalphinalis.pro  dono  fibi  faclo  2000  tlor.,& 
vidcantur  liclere  doni  quia  non  funt  expedite  per  cameram.  —  Tranfcunt 
hic,  prefente  dno  cancellario;  led  vifis  licleris  doni  de  quibus  fit  mencio 
fuperius .  deducentur  ejus  expenic  pro  regreffu  fuo  de  Parifiis  in  Dalphinatu, 
185  franci  9  gros.,  valent,  computando  5  fr.  pro  6flor..222  flor.  1  o  gros. 
3  quart. 

2.  Les  Comptes  de  Romans  four  1557-69  meniionncnt  à  plusieurs 
reprises  ce  compatriote  de  R.  de  Louppy.  Thierry  Richier,  chanoine  de 
Verdiin:  Item,  venerabili  viro  dom"Thcrrico  Richerii,  canonico  Verdunenfi, 
cappellano  domi  gubernatoris  Dalphinatus.die  3''  junii  1367°,  in  iolutum 
debitorum  anno  quolibet  ufque  ad  certum  tempus  domino  noftro  dalphino 
ex  caufa  conceffioniscomunis  ville  Romanis,  per  mandatum  &  quiôlanciam 


32  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

au  dit  lieu  après  qu'il  en  fu  parti,  pour  attendre  refponfe  & 
conclulîon  des  chofes  pour  lefquelles  le  dit  gouverneur  y  elloit 
alez,  par  3  jours  après  le  dit  veage  feni  :  pour  ce  5  florins  bon 
pois,  valent  <,  florins  3  gros  &  demi,  dont  il  chet  pour  les 
gaiges  du  dit  treforier  comme  deffus  4  florins  i  gros,  demeure 

I  flor.  2  gros  &demi. 

75.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  es  moys 
de  décembre  &  de  janvier  1364,  au  quel  il  fu  lors  mande  par  le 
Roy  noflre  feigneur  parfes  lettres  clofes  fignées  de  fa  main  que, 
fi  toft  que  monfieur  le  duc  d'Anjou,  fon  frère  &  fon  lieutenant 
en  Languedoc,  aprocheroit  de  fon  pais  du  Dalphinè,  qui  lors  y 
devoit  venir  &  vint,  il  alaft  audevant  de  lui  en  bon  &  honnefte 
arroy,  &  le  acompaignaft  par  tout  fon  dit  pais,  tant  comme  il 
feroit  à  court  de  Rome,  avec  plufieurs  autres  chofes  contenues 
es  diéles  lettres.  Pour  la  quelle  caufe  le  dit  gouverneur  parti 
de  Romans  le  venredi  13''  jour  du  dit  mois  de  décembre,  en  fa 


dicli  dom.  gubernatoris,  in  cxpcnfis  dom'  comitis  Stamparum  et  fuc 
comiclive  convertendos,  100  flor.  in  auro;  item,  eidem  dom.  Terrico 
fimili  modo  &  caufa,  in  diminucionem  1000  flor.  in  quibus  villa  eidcni 
dom.  dalphino  tcnctur ,  certis  terminis  folvendis  ex  conccffionc  & 
confirmacionc  certorum  privilcgiorum  eidem  ville  per  dnos  imperatorem 
ac  regem  &  dalphlnum  laclorum,  concefforum  &  indultorum,  per  limiles 
liclerasab  codem  dom.  gubernatore  die  prediila  conceffas,  200  flor.  auri. 
Pro  hoc,  per  mandata  confulum  &  comiffariorum  de  tradendo  ditlas 
fummas  eidem  dom.  gubernatori,  data  vid.unumdic  8"  mail  1367"  &  aliud 

die    30"    dièli   menfîs, 300   flor.    in  auro   (/"  VII^'>^  xvij).    Item, 

dom'-"  Thierrico,  cappellano  dom'  gubernatoris  Dalphinatus,  reclpienti 
nomine  ipfius  dom. gubernatoris,  die  i  5""  otlobrisi  367",  pro  certis  labori  bus 
&.  expcnfis  factis  &  habitis  per  dièlum  dom.  gubernatorem  pro  ditla 
univerfitatc  &  factis  &   ncgociis  dièle  ville,   7  00   flor.  in  auri  folutos  in 

80   franches,   quos   francos   receptor  émit et  dédit  pro  quolibet 

franco  auri  i  7  gros,  de  moneta  currentc ,  valent  i  i  3  flor.  4  g.  in 

mon.  {/"  VIIJ^^  xiiij  v"  ).  Item,  dom"  Thierrico  Richerii  cappellano  & 
Warino  cambellano  dom'  gubernatoris  Dalphinatus,  vid.  ditlo  dom. 
Thierrico  20  flor.  &  diiSlo  camcrario  5  flor.  auri,  pro  laborihus  fuis  & 
gratuitis  ferviciis  habitis  &  fatlis  per  eofdcm  in  aliquibus  negociis  utilibus 
&  nccccffariis  pro  fa6lo  ville,  per  mandatum  cum  quidancia  datum  die 
23'  januarii  1367/8".  .  .,  25  flor.  in  auro  (/"  VIIJ^'^  -v^y).  Item,  die 
28"  menfis  junii  (1  368).  i  7  franch.  i  quart,  quos  folverat  dom"  Thierrico 
Richerii,  canonico  Verdunenfi,  folutos  per  diclum  df)m.  Thierricum  pro 
dicta  univerfitatc  Parifius  pro  Icriptura,  ligno  t'^  fîgillo  cujuldam  Iii;lerc 
impetralc  &  obtenle  a  dom"  dalphino,  continentis  quod  habilalores  & 
jncolc  Romanis  uti  poflint  privilegiis  &  franchefiis  ut  ceteri  Ualphinales 
(/o  VIIJ^  xvij).  Cf.  GiRAUD,  Essai,  2=  />.,  /.  /,  p.  272-3. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINÉ  33 

compaignie  meffîre  Guy  de  Morges  chevalier  '  &  deux  autres 
hommes  d'armes,  avec  lui  meffire  Jaques  Artaut,  Henry  de 
Barbays,  Guichart  de  Saint  Germain,  Emonnet  Richarf, 
Henry  de  Mailles  2,  Robert  de  Souillers  &  plufieurs  autres 
jufques  au  nombre  de  40  chevaux  ;  ou  quel  veage  faifant,  tant 
en  alant  vers  mon  dit  feigneur  le  duc  &  en  Avignon,  la  ou  il 
l'envoia  &  le  acompaignant,  fi  comme  mandé  lui  avoit  efté,  il 
vaqua  &  demoura  jufques  au  mercredi  premier  jour  de  janvier 
enfuivant  par  19  jours  &  demi,  fi  comme  il  peut  apparoir  par 
les  parties  des  defpens  pour  ce  fais  efcripts  ou  papier  de  fes 
gens,  qui  montent  pour  tout  461  florins  5  gros  de  bon  pois, 
valent  480  florins  7  gros  &  demi,  dont  font  à  rabatre  fes  gaiges 
qui  valent  pour  le  temps  deffus  dit  160  florins  3  quars  de  gros, 

l'efte 32oflor.  6gros3  quars. 

75a.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  ou  mois 
de  février  1364  &  en  celui  de  mars  enfuivant,  par  vertu  des 
lectres  clofes  du  Roy  noftre  feigneur  à  lui  fur  ce  envoyées, 
données  4'  jour  du  dit  mois  de.  février,  pour  parler  au  Pape  & 
à  l'evefque  d'Avignon  ?  de  plufieurs^chofes  touchant  le  fait  du 
chaftel  de  Lers  dont  mencon  efl  faicte  es  diftes  ledres,  lequel 
chaftel  monfeigneur  le  duc  d'Anjou  vouloit  rendre  au  Pape,  le 
Roy  voulant  le  contraire.  Pour  lequel  voyage  faire  &  pour 
parler  &  traictier  de  celle  matière,  fr,  comme  mandé  lui  avoit 
efté,  le  dit  gouverneur  parti  de  Romans  le  jeudi  20^  jour  du  dit 
moys  de  feuvrier  après  difner,  au  nombre  de  24  chevaulx,  en  la 
vaquacion  du  quel  il  demoura  par  19  jours  feniffans  le  10"=  jour 
de  mars  enfuivant,  fi  comme  il  appert  par  les  parties  des 
defpens  pour  ce  fais  efcripts  ou  papier  de  fes  diètes  gens, 
montans  les  diz  defpens  pour  tout  261  flor.  demi  de  bon  pois, 


En  m.   du  n°  jj  :  Deducantur  vadia  dièli  thefaurarii. 

1.  Voir  plus  haut,  p.  5,  n"  i,  et  Armor.  de  Dauph.,  p.  440a. Charles  V 
envoya  Guy  de  Marges  pour  aucunes  greffes  befoingnes  par  devers...  Bar- 
nabe et  Galeache,  feigneurs  de  Milan,  et  lui  assigna  s  francs  par  jour  le 
ij  sept.  7J72  (Mandera,  cit.,  p.  4-]$,  n"  Q17). 

2.  Noble  Henri  de  Mailles  était  châtelain  d'Allevard  en  lyôs  (Myst 
d^.  Trois  Doras,  pp.  68 j  et  68 s)  et  de  Montbonnot  Vannée  suivante,  avec 
(juelis  de  Cizerin  pour  lieutenant. 

3.  Anglic  de  Grimoard,  depuis  le  12  déc.  jj6j  (Répert.,  c.  Qssj- 


34 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 


valent  272  flor.  4  gr.  3  quars  petiz,  dont  il  chet  pour  fes  gaiges 
comme  deflus  155  flor.  11  gr.  &  demi,  demeure     .     .     .     .     • 

.     116  flor.  5  gr.  j  quart. 

76.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  ou  dit  mois 

de  mars  1364  &  en  cellui  d'avril  enfuivant,  par  vertu  des  lectres 

clofes  du  Roy  noftre  dit  feigneur   efcriptes    le    19'    jour  du 

dit   mois    de   mars    pour    aler   en  Avignon    de   rechef,  pour 

parler  au  Pape  de  plufieurs  chofes  contenues  es  lettres  que  fur 

ce  noftre  dit  feigneur  lui  efcrifoit,  dont  la  teneur  eft  encorporée 

es  lettres  par  lui  envoyées  au  dit  gouverneur  touchans  le  fait 

des  ennemis,  gens  de  compaigne,  qui  lors  eftoient  ou  royaume, 

aftin  de  yceulx  faire  vvidier  &  chaffer  d'icellui  par  fentences 

d'efcommeniement,    plainnes    indulgences   ou   autrement,   fi 

comme  ce  &  plufieurs  autres  chofes  touchant  celle  matière  font 

plus  à  plain  contenues  es  dides  lectres.  Pour  le  quel  veage  faire 

ycellui  gouverneur  fe  parti  de  Romans  le  lundi  derrenier  jour 

du  dit  mois  de  mars  après  difner,  &  en  ce  vaqua  jufques  au 

10^  jour  d'avril  enfuivant,  ou  quel  temps  font  compris  9  jours, 

fi  comme  il  appert  par  les  parties  des  defpens  pour  ce  fais 

efcriptesou  dit  papier,  qui  montent  pour  tout  136  florins  1 1  gros 

de  bon  pois,  valent  142  florins  7  gros  &  demi,  dont  il  chet  pour 

fes  gaiges  comme  deffus  73  florins  10  gros  &  demi,  demeure 

68  flor.  II  gros.   ' 

77.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  es  mois  de 
may  &  de  juing  l'an  1365,  par  vertu  des  lectres  clofes  du  Roy 
noftre  dit  feigneur,  efcriptes  29^  jour  du  dit  moys  de  may  & 
autres  precedens,  pour  aler  au  devant  de  TEmpereur  fon  oncle  - 
hors  du  Dalphiné  &  ycellui  acompaigner  bien  c^  honorablement 
ou  conté  de  Savoye,  en  Avignon  &  en  Arle  &  parler  à  lui  de 
certaines  chofes  fecrettes.  Pour  les  quelles  acomplir  &  faire  le 
dit  veage,  le  dit  gouverneur  parti  de  la  Boifliere  pour  aler 
au  devant  du  dit  Empereur  qui  cftoit  à  Chambrieu,  &  mena 
avec  lui  pour  le  acompaigner  pour  l'onncur  d'icellui  Empereur 


1.  Loquatur,  quia    fine   mandate;    affcrat  pcr  juramcntum  quod   fccit 
diclum  viayium  &  tranfibit.  Affcruit. 

2.  Charles  IV;  sur  son  voyage   en  Dauphiné  et  en    Provence,  voir  le 
Mystère  des  Trois  Doms,  />/>•  681-8  cl  713-8. 


GOUVERNEUR   DU   DAUPHINÉ  35 

le  fire  de  Vinay,  le  feigneur  de  Chaffenage,  mefïîre  Francoys  de 
Belmont,  meffire  Aynart  de  Belmont,  meffire  Guy  de  Morges, 
meffire  Alegres  de  Boenc  Merriz,  Henry  de  Mailles  &  Francoys 
d'Arces,  touz  au  nombre  de  73  chevaux  ;  ou  quel  veage  faifant, 
en  acompaignant  &  pourfuivant  le  dit  Empereur,  le  dit 
gouverneur  vaqua  &  demoura  du  lundi  13®  jour  du  dit  mois 
de  may  jufques  au  mecredi  11®  jour  du  mois  de  juing  ensuivant 
par  25  jours,  Ci  comme  il  appert  par  le  compte  de  Adam 
Chanteprime  fini  au  27^  jour  d'avril  1367  &  dont  le  dit 
gouverneur  fait  recepte  ci  deflus,  385  flor.  6  gros  petis,  dont  il 
chet  pour  fes  gaiges  ordinaires  comme  deffus  209  florins  4  gros 
&  demi,  demeure 176  flor.      gros  &  demi.  ' 

78.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur  ou  moys 
de  juillet  1365,  pour  aler  de  rechief  en  Avignon  ou  il  fu 
mandé  par  meffeigneurs  Tarcevesque  de  Sens,  de  Nevers  & 
monseigneur  de  Dormans,  chancelier  du  DaljDhiné,  &  par  leurs 
le6lres  clofes  efcriptes  15^  jour  de  juing  précèdent,  pour  le  fait 
du  chaftel  de  Lers,  dont  autrefois  eft  ci  devant  faicte  mencion  & 
mefmement  par  vertu  des  lectres  clofes  du  Roy  noftre  feigneur 
efcriptes  le  7^  jour  de  may  précèdent.  Pour  acomplir  le  contenu 
desquelles  leclres  &  faire  le  dit  veage,  le  dit  gouverneur  parti 
de  Romans  le  mercredi  9^  jour  du  dit  moys  de  juillet  après 
difner,  &  en  ycellui  vaqua  par  11  jours  feniffans  le  dimenche 
20^  jour  du  dit  mois,  au  nombre  de  26  chevaux,  fi  comme  il 
appert  par  les  parties  de  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  dit 
pappier,  montent  pour  tout  207  florins  demi  de  bon  poiz, 
valent  216  florins  i  gros  &  demi,  dont  il  chiet  pour  les  gaiges 
du  dit  gouverneur  par  le  dit  temps  90  florins  3  gros  &  demi, 
&  pour  les  gaiges  de  Jehan  du  Pont  treforier  comme  deffus  au 
priz  de  27  s.  4d.  3  p.  t.,  valent  15  florins  demi  groz;  pour  tout  le 
dechiet  :  105  florins  4  gros,  demeure     iio  flor.  9  groz  &  demi. 

79.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  ou  moys 
d'aoufl:  enfuivant,  pour  aler  à  Lyon  ou  il  fu  mandé  par  les  diz 
feigneurs   de    Sens,    de  Nevers    &   de    Dormans,   pour   illec 


I .  Loquatur  &:  vidcantur  liÊlere,  quia  iftud  viagium  incepit  i  3^  maii 
&  liclere  de  quibus  lit  mencio  in  ferie  fuerunt  date  29^  maii,  &  fie  prefu- 
ponunt  alias  liôleras  quas  non  oftendit,  et  ideo  radiatur. 


^6  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

prandre   certains   hoftaiges    que  mefïire   Seguin   de    Badefol 
devoit  baillier  au  Pappe,  pour  le  traiclié  fait  avecques  lui  par  les 
diz  feigneurs,  pour  le  fait  de  la  délivrance  de  la  ville  d'Anfe  ', 
laquelle  il  avoit  par  avant  prinfc  &:  occuppée,  &  pour  yceulx 
hoftaiges  mener  en  A^àgnon  pardevers  le  Pappe,  û  comme  ces 
chofes  &  plufieurs  autres  touchant  ce  fait  font  plus  à  plain 
contenues  es  diètes  leôtres  efcriptes  au  dit  lieu  de   Lj^on  le 
29*  jour  de  juillet  précédant.  Pour  le  quel  voyage  faire  le  dit 
gouverneur  parti  de  Romans  le  mercredi  6^  jour  du  dit  moiz 
d'aouft,   &  en   ycellui   faifant  vaqua  par  4  jours  feniffans  le 
10'  jour  d'icellui  moys,  fi  comme  il  appert  par  les  parties  de 
defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  pappier   de  fes  di6tes  gens, 
montans  pour  tout     .......     57  flor.  de  petit  poiz.  - 

80.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  en  octobre 
&  en  novembre  enfuivant  1365  3,  pour  aler  en  Avignon  pardevers 
le  Pappe,  pour  parler  à  lui  du  procès  qui  fe  faifoit  en  court  de 
Romme  contre  le  Dalphiné,  pour  caufe  de  la  prife  du  chaitel 
de  Mantale  que  meflirc  Jaques  de  Roucillon,  filz  du  feigneùr 
de  Toulnys  -',  avoit  prins  fur  l'evesque  de  Valence,  administreur 
de  l'arcevefqué  de  Vienne.  Ou  quel  voiage  faifant  le  dit 
gouverneur  vacqua  depuis  le  28"^  jour  du  dit  moys  de  octobre, 
qu'il  parti  de  Romans  aprez  difner,  en  fa  compaignie  meffire 
Guy  de  Morges  &  les  gens  de  fon  hoftel,  touz  au  nombre  de 
25  chevaux,  jufques  au  mercredi  6'  jour  de  novembre  enfuivant, 
par  8  jours,  premier  &  darrenier  comptez,  Ci  comme  il  appert 
par  les  parties  de  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  dit  pappier, 
qui  montent  pour  tout  121  florins  4  gros  de  bon  poiz,  valent 
126  florins  4  gros  &  demi  petiz,  dont  font  à  rabatre  fes  gaiges 


1.  Seouin(cf.  p.  14,  "•  4)  de  Badefol,  seigneur  de  Caslchmu  de  Der- 
hivtiièr^s,  était  un  gentilhomme  gascon  de  la  maison  de  (jO«/a/// (Anselme, 
Mais,  de  France,  /.  VII,  f.  yi8-</).  Sur  lui  et  la  prise  f  Anse  (  i"  nov.  i  J64), 
voir  l'ouvr.  cité  de  \'.  Ai. lut,  Les  Routiers  au  XIV'  siècle,  />/>.// ?-^, 
jyj-^j^  1^^-61,  lùù-j  ;  et  la  nouv.  édit.  du  CarUiI.  de  Saint-Chaffre, 
f.  xxix-xxx. 

2.  I^adiatur,  quia  infra  I)alphinalum  ncc  hahuil  crcfccnciam    geiicium. 

3.  A/.S.  CCCl.V. 

4.  Sans  doute  Jacques^   fils  d'Aynard  de  Roussi  lion  et  de  Françoise  de 
Tullins  (Armor.  de  Dauph.,  p.  65'-"'/ 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE  37 

comme  deffus,  qui  valent  65  florins  8  gros;  demeure     .     .     . 

60  flor.  8  gros  &  demi.  ' 

81.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  ou  moiz 
de  mars  1365,  pour  aler  de  rechief  en  Avignon,  pour  avoir 
confeil  aux  prudens  &  fages  confeilliers  de  court  de  Romme  fur 
le  fait    du    droit   que  maiftre    Raynaut    Raymon,   procureur 
&    advocat    fiscal    du    Dalphiné,    maintenoit    &    difoit    que 
monfeigneur  le  Dalphin  avoit  en  la  terre  et  héritage  de  feu  le 
feigneur  de  Valbonnoiz.  Pour  la  quelle  caufe  le  dit  gouverneur 
parti  de  Romans  pour  faire  le  dit  voyage  le  mardi  24^  du  dit 
mois  de  mars  aprez  difner  &  vacqua  en  ycellui  faifant  jufques 
au  premier  jour   d'avril    enfuivant,   par   9  jours  premier  & 
darrenier  comptez,  fi  comme  il   appert  par  les  parties  des 
defpens  pour  ce  faiz  efcrips  &  contenus  ou  dit  pappier,  qui 
montent  108  florins  demi  de  bon  poiz,  valent  175  florins  6  gros 
I   quart  petiz,   dont  il   chiet  pour  fes  gaiges  comme  deffus 
73  florins  10  gros  &  demi;  demeure     loi  flor.  7  gros  3  quars.  - 
82.  Pour  autres  defpens  faiz  par  ycellui  gouverneur  es  moiz 
d'avril  &  de  may  1366,  pour  aler  en  France  pardevers  le  Roy 
noftre  feigneur  dalphin  de   Viennoiz,  pour   parler    à   lui  de 
plufieurs  groffes  befoignes  neceffaires  touchans  fon  paiz   du 
Dalphiné  &  par  efpecial  celles  touchans  le  fait  du   conte  de 
,  Savoie  fur  la  detencion  de  plufieurs  chafteaux  ;  pour  les  quelles 
caufes  mieulx  efclarcir  &  avérer,  &  en  parler  &  refpondre  des 
matières  touchans  ce  fait,  le  dit  gouverneur  fift  porter  avecques 
lui  plufieurs  choies  ad  ce  neceffaires,  c'eft  affavoir  l'inftrument 
de  la  paix  &:  accort  faiz  avecques  le  dit  conte,  les  leclres  de 
commiffion  de  l'execucion  de  la  dicte  paix,  certains  traicliez 
euz  en  Mafconnoiz  fur  la  manière  de  exécuter  ycelle,  la  copie 
de  l'inftrument  de  la  adepcion  de  la  poffeflion  des  chafteaux  de 
la  terre  de  Fucigny  &  les  raifons  de  la  limitacion  d'iceulx,  & 
plufieurs  autres  chofes  au  fait  pour  lequel  il  fift  le  dit  voiage 
neceffaires   pour  plus  feurement  parler  de  tout  le  dit   fait, 


1.  Sine  mandate  ncc  erat  necceffe  illuc  ire,  &  ideo  loquatur;  eciam 
tangit  partes  privatas  ;  afferat  per  juramentum  &  c''.  Afferuit  ut  fupra. 

2.  Sine  mandate,  ut  fupra,  nec  erat  necceffe  illuc  ire  in  propria  per- 
fona,  ymo  fufeciffet  mififfe  ibi  dom.  procui'atorem  &  aliquos  juriflas  Dal- 
phinatus.  &  ideo  radiatur. 


38  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

lefquelles  font  contenues  en  une  cedule  extraite  de  la  chambre 
des  comptes  du  Dalphiné  rendue  à  court  en  l'audicion  de  ce 
compte.  Pour  lequel  volage  faire  le  dit  gouverneur  parti  de 
Cremieu  ou  Dalphiné  le  lundi  27^  jour  du  dit  moys  d'avril  au 
matin,  &  en  ycellui  vaqua  &  continua  jufques  au  6^  jour  de 
juillet  enfuivant,  ou  quel  temps  font  compris  71  jours,  dont  il 
echiet  24  jours  dont  il  ne  prant  nulz  defpens  fur  le  Roy, 
durans  lefquelx  il  fu  pour  fes  befoignes  en  fa  terre  de  Louppy 
&  de  Boufaut,  pour  le  demourant  47  jours  ;  &  au  partir  & 
congié  pranre  du  Roy  lui  fu  par  lui  commandé  &  enchargié 
que  tantoft  &  briefment  aprez  il  s'en  alaft  en  Avignon  devers  le 
Pappe  aprez  meflire  Jehan  de  Chandoz  '  &  autres  ambaiffeurs 
du  Roy  d'Angleterre,  pour  les  caufes  efclarcies  en  la  partie 
fubfequent.  Et  en  faifant  le  dit  volage  mena  en  fa  compaignie 
meflire  Guy  de  Morges,  meflire  Alegret  de  Bohenc,  meffire 
Amé  delà  Mote  &  meffire  Jaques  Artaut,  chevaliers,  Emonnet 
Richart,  Jehan  du  Saufe,  clerc  des  comptes  du  Dalphiné, 
Heniy  de  Barbes,  Guichart  de  Saint  Germain  &  plufieurs 
autres,  touz  à  armes,  faifans  le  nombre  de  44  chevaux,  pour 
caufe  des  compaignes  qui  eftoient  en  Bourgoigne  :  fi  comme 
de  toutes  ces  chofes  eft  plus  à  plain  faite  mencion  ou  pappier 
du  dit  gouverneur,  &  comme  il  puet  apparoir  par  les  parties 
des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  pappier  de  fes  di6tes  gens, 
qui  montent  pour  tout  886  florins  10  gros  de  petit  pois,  &  en 
une  autre  partie  156  florins  8  gros  de  bon  pois,  valent  163  llor. 
2  groz  &  demi  pctiz,  pour  tout  1050  florins  demi  groz  petiz, 
dont  il  chiet  pour  les  gaiges  ordinaires  par  le  temps  deffus  dit, 
valent  385  flor.  9  gros  &  demi;  demeure  .  664  florins  3  gros. 
83.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  ou  mois 
d'octobre  enfuivant,  pour  aler  de  rechief  en  Avignon  tant  pour 
caufe  du  commandement  du  Roy  noftrc  feigneur  à  lui  fait  au 
volage  précèdent,  pour  aler  aprez  meflire  Jehan  de  Chandoz  & 
autres  ambaiffeurs  du  Roy  d'Angleterre,  qui  lors  y  eftoit  alez 
ou  dévoient  eltre  briefment,  afm  de  empefchier  leur  meffagier, 
comme  par  lectrcs   du   dit  feigneur   a  lui    depuis   envolées, 


t.  Sur  le  capiiciinc  anf^lais  John  Chandos,   voir  Rcpcrt.,  c.   ^124.  et 
suppl. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE  39 

efcriptes  le  13=  jour  du  dit  moiz  d'octobre,  pour  aler  au  dit 
lieu  d'Avignon,  tant  pour  caufe  de  ce  fait  comme  pour  autres 
befoignes  que  ycellui  feigneur  lui  avoit  fecretement  enchargiées 
au  départir  de  lui  du  dit  voiage  précèdent.  Pour  les  quelles 
caufes  il  vaqua  en  ce  voiage  prefent  du  10^  jour  du  dit  moiz 
juques  au  18=  jour  d'icellui  moys,  par  8  jours  &  demi,  au 
nombre  de  29  chevaux,  tant  alant,  demourant  &  befoignant 
pardevers  le  Pape  &  les  cardinaulx,  comme  en  retournant  :  lî 
comme  il  appert  par  les  parties  des  defpens  pour  ce  faiz 
efcrips  ou  dit  pappier,  montent  pour  tout  128  florins  10  groz 
de  bon  poiz,  valent  134  florins  2  groz  &  demi,  dont  il  chiet 
pour  fes  gaiges  69  florins  9  groz  i  quart  ;  demeure     .... 

64  flor.  5  gros  I  quai  t.  • 

84,  Pour  autres  defpens  faiz  par  ycellui  gouverneur  ou  moiz 
de  janvier  1366,  pour  aler  es  parties  de  la  Languedoc,  avec  & 
en  la  compaignie  mefllre  RDbert  de  Lorriz,  chevalier,  fire 
d'Ermenonville,  confeillier  du  Roy  noftre  fire,  pour  aidier  à 
meélre  fus  &  faire  courir  es  lieux  &  pais  deffus  diz  les  aides 
ordonnées  pour  le  fait  de  la  délivrance  de  feu  le  Roy  Jehan, 
qui  Diex  abfoille,  félon  certaines  commifTions  à  eulx  fur  ce 
envolées  :  li  comme  ces  chofes  font  plus  à  plain  contenues 
es  lectres  clofes  du  dit  feigneur  pour  ce  envolées  au  dit 
gouverneur,  données  le  -f  jour  de  décembre  1366.  Pour  lequel 
voiage  il  parti  de  Romans  le  6*  jour  du  dit  mois  de  janvier 
aprez  difner,  au  nombre  de  22  chevaux,  jucques  au  23^  jour 
du  dit  moys,  par  17  jours  premier  &  darenier  comptez,  ja  fort 
ce  que  le  dit  fait  ne  peuft  pas  lors  eftre  tout  parfait,  pour 
l'empefchement  que  monfeigneur  le  duc  d'Anjou  &  les  gens  du 
pays  y  meétoient;  &  du  dit  voiage  peut  apparoir  par  les  parties 
des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  &  contenuz  ou  pappier  des 
gens  du  dit  gouverneur,  montent  pour  tout  219  florins  2  gros 
bon  pois,  valent  228  florins  3  gros  &  demi  petiz  ;  dont  il  chiet 
pour  fes  gaiges  139  florins  6  groz  &  demi  ;  demeure  .... 
• 88  flor.  9  gros. 


1 .  Nichil  débet  capere  pro  ifto  viagio,  quia  includitur  in  viagio  prece- 
denti,  prout  conftat  per  partes  papirus  &  fecit  difilum  viagium  antcquam 
reverteretur  in  Dalphinatu,  &  ideo  radiatur  de  ejus  confenlu. 


40  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

85.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  es  mois 
de  février  &  de  mars  1366,  pour  aler  de  rechief  es  pais  deffus 
diz,  en  la  compaignie  du  dit.meffire  Robert  de  Lorriz,  pour 
parfaire  &  affouvir  les  chofes  couchées  en  la  partie  précédente 
&  par  vertu  d'autres  leélres  clofes  à  lui  envolées.  Pour  lequel 
volage  faire  il  parti  de  Romans  le  famedi  6*  jour  du  dit  moys 
de  février  &  en  ce  vaqua  jucques  au  lundi  22^  jour  de  mars 
enfuivant,  que  fon  retour  fu  ou  Dalphiné,  par  45  jours,  au 
nombre  de  chevaux  devant  dit  :  û  comme  il  appert  par  les 
parties  des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  dit  pappier,  qui 
montent  pour  tout  477  livres  17  s.  9  den.,  24  fols  pour  florin 
bon  pois,  valent  398  florins  3  gros  bon  pois,  valent  414  florins 
10  gros,  dont  il  chiet  pour  fes  gaiges  ordinaires  369  florins 
4  gros  &  demi;  demeure     ....     45  flor.  5  gros  &  demi. 

86.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  ou  mois 
de  novembre  1367,  pour  aler  en  Avignon  pardevers  monfire  le 
duc  d'Anjou,  frère  du  R03'  noftre  fire,  qui  mandé  l'avoit  pour 
certaine  prife  de  monnoie  que  ycellui  gouverneur  avoit  fait 
faire,  laquelle  monnoie  mon  dit  feigneur  le  duc  faifoit  faire  à 
Roche  Aiguë  ou  Dalphiné  &  qui  eftoit  moult  préjudiciable  à 
icellui  ',  &  pour  lui  monftrer  les  caufes  de  la  dicte  prife  &  le 
deffaut  qui  citoit  en  la  dicte  monnoie,  &  mcfmemcnt  que  pour  la 
dicte  prife  mon  dit  feigneur  le  duc  tenoit  en  indignacion  ycellui 
gouverneur.  Lequel  pour  faire  le  dit  volage  parti  de  Romans 
le  dimenche  7^  jour  du  dit  moys  de  novembre  aprez  difner,  au 
nombre  de  21  chevaux  &  demoura  en  vaquant  pour  celle  caufe 
jufques  au  mardi  lô'^  jour  du  dit  mois,  par  9  jours  :  fi  comme 
il  appert  par  les  parties  des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  dit 
l^appier;  montent  pour  tout  117  1.  12  s.,  florin  de  bon  pois  pour 
24  s.,  valent  98  florins  bon  pois  ;  valent  102  florins  i  gros,  dont 
il  chiet  pour  fes  gaiges  ordinaires  73  florins  10  gros  c^  demi  ; 
demeure 28  florins  2  gros  &  demi. 

87.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  ou 
mois  de  mars  1367,  joour  aler  du  Dalphiné  en  France  mener 


I.  Voir  l'analyse  d'une  ^érie  de  ficccs  relali'i'ex  au  montiayafie  de 
Rochcfriide  (i^G6-(j)  dans  la  Numibin.  fiiod.  du  l)auph.  de  M.  Murin- 
PoNS,  p.  iyfj-4^- 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE  4I 

pardevers  le  Roy  le  conte  de  Savoye,  pour  certaines  chofes 
fecretes.  Pour  les  quelles  &  le  dit  voiage  faire  le  dit  gouverneur 
parti  de  Romans  le  mardi  21^  jour  du  dit  moys,  au  nombre  de 
24  chevaux  ;  &  demoura,  tant  alant,  demourant  comme 
retournant,  jufques  au  6^  jour  de  juing  1368  enfuivant,  par 
78  jours,  dont  il  chiet  12  jours  qu'il  fu  pour  fes  befoignes 
en  fa  terre  de  Louppy  &  de  Bourfaut,  pour  lefquelx  il  ne 
prant  nulz  defpens,  pour  le  demourant  66  jours  :  fî  comme 
il  puet  apparoir  par  les  parties  des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips 
ou  pappier  de  fes  diètes  gens  :  montent  pour  tout  en  deux 
parties  &  deux  fommes  991  frans  20  deniers  tournois  ;  à 
compter  5  frans  pour  6  florins,  valent  1189  florins  i  quart  petiz, 
dont  il  chiet  pour  fes  gaiges  ordinaires  comme  deffus  541  florins 
9  gros;  demeure 647  florins   &  demi, 

88.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur  es  mois 
de  décembre,  janvier  &  février  1368,  pour  aler  de  rechief  en 
France  pardevers  le  Roy  noftre  dit  feigneur,  tant  pour  caufe 
de  ce  qu'il  l'avoit  mandé  par  fes  leClres  clofes  efcriptes  le 
18=  jour  de  feptembre  précèdent,  comme  pour  lui  nottifïier  & 
faire  relacion  de  la  guerre  de  Prouvence  &  de  certain  traictié 
que  le  dit  gouverneur  avoit  faiz  avec  le  conte  de  Melet  pour 
certaine  caufe.  Pour  lequel  volage  faire  il  parti  du  Dalphiné  le 
11^  jour  du  dit  mois  de  décembre,  &  tant  alant,  demourant 
comme  retournant  vaqua  tant  pour  ce  fait  comme  pour  autres 
caufes,  au  nombre  de  22  chevaux  par  74  jours  feniffans  le 
23®  jour  du  moys  de  février  enfuivant,  que  fon  retour  fu  à 
Grenoble  ou  dit  Dalphiné,  dont  il  chiet  18  jours,  durans 
les  quelx  il  fu  pour  fes  befoignes  en  fa  terre  comme  dit  eit 
deffus,  pour  le  demourant  56  jours  :  û  comme  il  appert  par  les 
parties  des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  dit  pappier,  qui 
montent  pour  tout  533  frans  3  quars,  valent  640  florin  &  demi 
petiz,  dont  il  chiet  pour  fes  gaiges  ordinaires  459  florins  8  gros; 
demeure 180   florins  10   gros. 

89.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  gouverneur,  es 
mois  de  feptembre,  o6tobre,  novembre  &  décembre  1369, 
pour  aler  derechief  en  France  par  devers  le  Roy  noftre  dit 
feigneur,  pour  lui  dire  de  necceflîté  plufleurs  chofes  tou- 
chans  l'eftat  du  Dalphiné,  &  autres  touchans  le  feigneur  de 


42  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

Milan'  &  ledefpenfîerd'Engleterre,  du  fait  duquel  ledit  gouver- 
neur avoit  par  plufieurs  foiz  efcript  audit  feigneur  fur  certaines 
entreprifes,  &  aufli  ycellui  feigneur  avoit  pour  ce  refcript  audit 
gouverneur  :  &  avecques  ce  d'un  trai6tié  fait  au  feigneur  de  la 
Tour  &  aufli  des  traiéliez  de  Prouvence.  Pour  lequel  voiage  faire 
ycellui  gouverneur  parti  de  Romans  le  2^  jour  dudit  moys  de 
feptembre  1369,  &  en  ycellui  vaqua  tant  en  alant  comme  en 
demourant  en  France,  pourfuyvant  le  Roy  en  Normendie,  & 
pour  aler  de  fon  commandement  pendent  ce  temps  &  par 
vertu  de  fes  letrtres  données  le  2^  jour  d'octobre  pardevers 
Pierre  de  Bar,  Jehan  de  Bourgoigne,  meffire  Aubert  de  Saincte 
Livière  &  plufieurs  autres  gens  d'armes,  qui  adonc  eftoient 
en  la  terre  ma  dame  la  Royne  Jehanne,  pour  leur  faire 
commandement  &  injunclion  de  par  le  dit  feigneur  que  d'icelle 
terre  &  du  pays  ie  partififfent,  comme  de  la  retournant  à  Paris, 
jucques  au  10^  jour  de  décembre  enfuivant,  que  lors  &  illec  il 
fe  defcharga  du  gouvernement  dudit  Dalphiné,  &  que  le  Roy 
par  fon  confeil  y  ordena  meffire  Jaques  de  Vienne;  ou  quel 
efpace  de  temps  font  100  jours,  dont  il  chiet  24  jours  durans 
Icfquelz  il  fu  pour  fes  befoignes  en  fa  terre,  comme  dit  eft 
deffus,  pour  lefquelx  il  ne  prant  nulz  defpens,  pour  le 
demourant  76  jours  :  fi  comme  tout  ce  puet  apparoir  par  les 
parties  des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips  ou  pappier  deffus  dit, 
qui  montent  pour  tout  933  frans  3  quars  &  demi,  valent 
1,120  florins  7  groz  3  quars  petiz,  dont  il  chiet  pour  les  gaiges 
ordinaires   dudit  gouverneur  623  florins  10  groz.  Demeure  : 

496  flor.  9  gros  3  quars. 

Summa  : SjiSg  florinz  i  groz  Dalph. 

90.  AUTRE  DESPENSE  pour  deniers  bailliez  par  le  dit 
gouverneur  durant  le  temps  comprins  en  ce  compte  pour 
plufieurs  &  diverfes  caufes,  tant  deppendans  de  volages  par 
lui  faiz  cy  devant  efcrips  comme  concernans  pour  les  caufes 
ci  après  fpcciffiées  &  efclarcies,  c'elt  affavoir  : 

A  meffire  Guy    Coupler,    chevalier,    qui    avoit    eftè  en  la 


1 .   Galéas    II  Visconti  avait    svccédé   comme  setf^neur  de  Milan,    de 
concert  avec  son  frère  Bernabo,  à  son  oncle  Jean  (  lys.fj- 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  43 

compaignie  dudit  gouverneur  l'an  1361,  ou  fervice  mon 
feigneur  le  Dalphin  &  4  hommes  d'armes  en  fa  compaignie,  au 
mandement  que  ycellui  gouverneur  fift  lors  à  Vienne  au 
22^  jour  de  mars  ou  dit  an,  pour  le  fait  des  compaignes  &  à 
Rive  de  Gier  :  les  caufes  duquel  mandement  fait  font  plus  à 
plain  efclarcies  en  la  féconde  partie  de  la  defpenfe  de  ce 
compte  cy  deffus;  &  durant  lequel  mandement  le  dit  meffire 
Guy  fervi  au  dit  nombre  15  jours,  au  feur  de  15  s.  par  jour 
pour  fa  perfonne  &  7  s.  pour  15  efcuier,  dont  de  ce  ne  lui  fu 
aucune  chofes  paie  par  le  dit  gouverneur,  mais  depuis  ycellui 
mandement  quaffé  fu  ordené  que  le  dit  chevalier  &  2  hommes 
d'armes  en  fa  compaignie  ferviroit  oncores;  ou  quel  fervice  il 
demoura  depuis  au  dit  nombre  28  jours,  pour  les  quelx  le  dit 
gouverneur  lui  paia  les  diz  gaiges  au  feur  deffus  dit  par  jour  : 
û  comme  de  tout  ce  eft  fait  mencion  ou  pappier  d'icellui 
gouverneur  tantoft  aprez  la  féconde  partie  des  diz  volages,  & 
par  quittance  dudit  chevalier;  montent  les  diz  gaiges  40  1. 
12  s.  tournois,  florin  de  petit  poiz  20  s.  tournois  pièce,  valent 

40  flor.  7  grcz  de  petit  poiz.  ■ 

91.  A  meffire  Guy  de  Morges,  chevalier,  le  quel  fu  par  le  dit 
gouverneur  &  le  confeil  du  Dalphiné,  ou  mois  d'aoull  l'an  1362, 
eftabli  chaftellain  &  cappitaine  du  chaftel  de  Lers,  après  ce  que 
le  ûège  ot  efté  levé  de  devant  le  dit  chaftel  par  le  prince 
d'Orenges  qui  le  occuppoit  &  rendu  au  dit  gouverneur  :  lî 
comme  de  ce  eft  fait  mencion  en  fon  pappier  &  en  la  defpenfe 
pour  ce  faite,  contenue  ci  deffus  en  la  5^  ou  6^  partie  des 
volages;  pour  deniers  à  lui  bailliez,  tant  pour  fes  gaiges  de 
excercer  le  dit  office  comme  pour  convertir  es  provifions  du 
dit  chaftel  :  fi  comme  il  appert  par  fa  lectre  de  recognoiffance 
faite  &  approuvée  par  la  chambre  des  comptes  du  dit  Dalphiné, 
donnée  le  26^  jour  de  may  1369,  contenant  les  diz  deniers  avoir 
receuz  le  28'  jour  d'octobre  1362,  &  que  des  receptes  &  mifes 


I .  Loquatur,  quia  pro  ifto  milite  &  gentibus  de  e)us  comitiva  capiun- 
tur  per  4  computum  Phil.  Gilerii  19  1.  4  s.  pro  vadiis  fuis  defervitis  in 
ifto  tempore,  &  eft  fupponcndum  quod  fi  plus  serviviffet  computata  fibi 
fuiffent  vadia  fua  per  dict.  computum  ;  &  ideo  radiatur. —  Loquatur,  quia 
fine  li6lera. 


44  COMPTE  DE  RAOUL  DE  L0UPP7 

par  lui  faites  à  caufe  du  dit  office  il  compte  en  la  dicle  chambre 
le  26*"  jour  de  may  1362  enfuivant  ;  pour  ce    60  flor.  de  pet.  pois.  ' 

92.  A  meffire  Regnaut  Raymont,  le  quel  fu  mandé  par  le  dit 
gouverneur  pour  confeillier  certaines  chofes  touchans  le  traiétié 
qui  eftoit  à  parfaire  entre  monfeigneur  le  Dalphin  &  le 
fenefchal  de  Prouvence,  pieca  mis  fus  par  meffire  Guillaume 
de  Vergy,  jadiz  gouverneur  du  dit  Dalphiné,  &  qui  feellés  eftoit 
des  feaulx  de  lui  &  du  dit  fenefchal,  pour  la  perfe^lion  du  quel 
traiétié  journée  avoit  efté  prife  entre  Montbrun  &  Reglannes, 
marche  des  deux  pays  du  Dalphiné  &  de  Prouvence,  au  mardi 
30®  jour  d'aouft  deffus  dit  :  fi  comme  de  ce  eft  faite  mencion  en 
la  fin  du  voiage  fait  pour  caufe  du  dit  chaftel  de  Lers,  pour 
deniers  à  lui  bailliez  pour  les  gaiges  de  lui  &  de  deux  efcuiers 
en  fa  compaignie,  qui  pour  la  dicle  caufe  vint  en  armes  &  y  fu 
par  l'efpace  de  42  jours,  au  feur  de  i  florin  par  jour;  des  quelx 
gaiges  il  ne  fu  pas  paiez  par  le  treforier,  mais  en  fu  paie  par  le 
dit  gouverneur,  fi  comme  il  appert  par  fa  quittance,  pour  ce 
42  florins  de  bon  pois,  valent 43  florins  9  gros. - 

93.  A  maiftre  Nicole  de  Tours  fur  Marne,  clerc  &  confeillier 
de  monfeigneur  le  Dalphin,  le  quel  fu  ou  mois  de  janvier 
l'an  1362  en  Avignon  en  la  compaignie  du  dit  gouverneur,  que 
lors  il  y  ala  par  mandement  du  Roy  pardevers  le  Pappe  &  les 
cardinaulx  pour  eulx  prefenter  le  roole  &  les  fuppli cations  que 
le  Roy  leur  envoioit  pour  l'avancement  de  fes  clers  &  officiers, 
&  le  quel  maiftre  Nicole  le  dit  gouverneur  laiffa  au  dit  lieu 
d'Avignon  pour  attendre  l'expedicion  &  refponfe  des  chofes 
deffus  diètes,  pour  ce  que  le  dit  gouverneur  s'en  parti  pour 
efchever  plus  grans  defpens  ;  pour  deniers  à  lui  bailliez  pour 
les  defpens  qu'il  y  fift  par  8  jours  aprez  le  partement  du  dit 
gouverneur,  2  florins  par  jour,  dont  il  n'eft  riens  pris  en  la 
partie  de  defpens  faiz  pour  caufe  du  dit  voiage  contenuz  cy 
deffus,  mais  les  paia  ycellui  gouverneur  au  dit  maiftre  Nicole 
au  retourner  du  dit  lieu  d'Avignon,  pour  ce  16  florins  de  petit 
pois,  dont  il  chiet  pour  fes  gaiges  ordinaires,  qui  font   de 


1.  l-'cr  liclcras  tcflificationis  auditoi-um  computorum  Dalphinatus. 

2.  Dct  li6lcras,  alias  radiabiuir. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE 


45 


200  florins  par  an,  4  florins  4  gros  &  demi  ;  demeure    .     .     . 

II   flor.  7  groz  &  demi.  ' 

94.  Pour  deniers  bailliez  par  le  dit  gouverneur  ou  mois 
d'aoufl;  l'an  1363,  pour  les  gaiges  de  3  chevaliers  &  11  efcuiers 
defervis  en  la  compaignie  d'icellui  gouverneur,  qui  avec  lui 
les  mena  à  Cayrars,  à  une  journée  à  laquelle  il  avoit  mandé 
eftre  à  lui  le  marquis  de  Saluce,  pour  traiétier  avecques  lui  de 
l'omage  de  fon  marquifé  qui  devoit  efl:re  &  appartenir,  efl;  &. 
appartient  à  mon  feigneur  le  Dalphin,  &  auffi  pour  pranre  la 
pofl'effion  de  certaine  terre  que  le  dit  gouverneur  avoit  conquife 
fur  le  dit  marquis  &  Galeas  fon  frère  -,  en  la  terre  de  Pons  de 
Sain6te  Exebe,  de  Laval  de  Vélins  &  de  partie  de  la  chaftellenie 
de  Chaftel  le  Dalphin  ;  &  mefmement  pour  ce  qu'il  eftoit  venu  à 
la  cognoiffance  que  lors  le  conte  de  Savoye  eftoit  en  Piémont, 
qui  traiétoit  au  dit  marquis  du  dit  hommage  pour  l'aquerir  à 
foy,  &  pour  ce  que  ces  chofes  eftoient  moult  defplaifans,  par 
efpecial  au  dit  Galeas  qui  eft  homs  de  grant  entreprife  &  qui 
volentiers  y  euft  obvié  s'il  euft  peu,  &  que  ycellui  gouverneur 
fceut  que  le  dit  Galeas  pourchaffoit  gens  d'armes  pour  paffer  ou 
pays  pour  fouftenir  fa  mauvaife  oppinion,  pour  obvier  à  ce 
convint  aler  au  dit  lieu  affez  fort.  Pour  la  quelle  cause  le  dit 
gouverneur  mena  les  diéles  gens  d'armes,  des  quelx  fu  faite 
monftre  le  24*  jour  du  dit  moys  d'aouft  par  devant  meffire 
Pierre  de  Saint  Joire,  marefchal  du  Dalphiné  3,  &  fu  ordené  à 
chevalier  10  s.  tournoi  par  jour  &  à  efcuier  7  s.  tournois,  qui 
font  par  jour  pour  le  nombre  des  gens  d'armes  deffus  dit 
107  s.  tournois,  florin  de  petit  pois  pour  20s.  t.,  pour  ce  pour 


1 .  Radiatur,  quia  non  habet  lifteras  recognitionis  ex  caufa  contenta 
fuperius  in  parte  viagii  faèli  propter  hoc  per  dict.  gubernatorem,  nec 
debebat  facere  officium  thefaurarii  nifi  in  cafu  urgentis  necccffitatis,  & 
poft  faftum  poterat  recuperare  a  thelaurario  quidquid  folverat  &  tradere 
mandatum  thefaurario  fuper  hoc. 

2.  Galeas  de  Saluées  était  frère  cadet  du  marquis  Frédéric  II  (p.  28, 
n.  2) ;  "voir  sur  lui  la  Cronaca  di  Saluzzo  de  Giof.  délia  Chiesa  dans  les 
Monum.  CîVés,  ce.  0<j8^ioo6,  1016  et  surtout  loyy-^,  où  sont  racontées  ses 
entreprises  contre  le  Dauphiné. 

3.  Pierre  de  Saint-Gcoirs ,  chevalier,  était  maréchal  de  Dauphiné 
dès  1^62;  il  acquit  du  marquis  de  Saluces,  en  ijôy,  la  terre  de  Beau- 
croissant  (Arm.  de  Dauph.).  ■ 


46  '  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

20  jours  que  3'ceulx  gens  d'armes  furent  en  3"celle  chevauchée 
feniflant  le  13'^iour  de  feptembre  1363  enfuivant,  valent  .  .  . 
107  florins  de  petit  pois.  • 

95.  A  Thomaffin  le  Fauconnier,  famillier  du  dit  gouverneur, 
envoie  par  lui  en  France  ou  mois  d'octobre  1362,  en  la 
compaignie  de  meffire  Jehan,  feigneur  de  la  Rivière  ^,  qui  lors 
eftoit  venu  ou  Dalphiné,  pour  rapporter  refponfe  de  certaines 
chofes  necceffaires  &  haftives  au  dit  meffire  Jehan,  enchargié 
dire  &  figniffier  à  monfeigneur  le  Dalphin,  pour  deniers  à  lui 
bailliez  pour  faire  fes  defpens  ou  dit  voiage  faifant,  pour  ce  . 
8  florins  de  petit  pois.  5 

96.  Au  fire  de  Vinay,  le  quel  fu  mandé  avecques  tout  le 
confeil  de  mon  dit  feigneur  le  Dalphin  à  Grenoble,  le  20"  jour 
de  novembre  1362,  pour  avoir  confultacion  &  avis  que  on  feroit 
fur  les  marches  de  Brianconnoiz  ou  Galeas,  frère  du  marquis 
de  Saluce,  eltoit  entrez  à  force  de  gens  d'armes  ;  à  la  quelle 
journée  fu  confeillié  me6tre  deffenfe  fur  le  pays,  pour  deniers  à, 
lui  bailliez  pour  les  defpens  qu'il  fift  par  2  jours  qu'il  fu  à  la 
dicfe  confultacion  pour  ce  qu'il  ne  fe  voult  tenir  à  paiez  des 
gaiges  acoultumez,  pour  ce     ....     8  flor.  de  petit  poiz.  4 

97.  A  Berton  de  la  Chambre,  le  quel  fu  mandé  à  la  diète 
journée,  en  efperance  de  l'envoier  en  France  porter  l'ordenancc 
qui  devoit  eftre  faite  à  ycelle  fur  le  fait  deffus  dit,  pour  les 
defpens  qu'il  filt  lors  par  3  jour    .     .     2  florins  de  petit  poiz.  5 

98.  Pour  4  onces  de  fendal  azuré  &  4  onces  &  demie  de  fendal 
jaune,  que  le  dit  gouverneur  tilt  acheter  à  Avignon,  ou  mois 


I.  Loquatur,  quia  non  docct  de  nominibus  de  monflra  ncc  de  liolcra 
recognitionis,  &  idco  radiatur. 

Z.Jean  de  la  Rivière,  c/iei'alier  et  fircmier  cliainhellaii  du  roi.  capi- 
taine &  chailcllain  du  chaflcl  de  Vernon  fur  Saine  (jttil.  i^O/J-  deviiil 
sire  de  Preau.x  par  son  mariage  avec  Marguerite,  jille  el  héritière  de 
Pierre,  seigneur  de  ce  lieu  (octob.  stiiv.);  il  mourut  avant  le  jo  sept,  i  j6j 
(Mandcm.  de  Charles  V,  m"'  ji,  57,  59,  72,  Sq,  loi,  104-6,  ri2-y,  140, 
ijy,  i8(j,  19?,  246,  286,  295,  412).  Sa  veuve  se  remaria  à  Jacques 
de  Bourbon.  Jils  du  comte  de  la  Marche  (Anselmk,  /.  /,  p.  ^64). 

3.  Sine  liclcra.  Det  Héleras.  Quando  apportabit  lièleras  recoi^nilionis, 
fiet  ci  quod  debebil. 

4.  Radiatur,  quia  &  cum  docuerit  pcr  liclcras  de  foluto,  et  fiet  ci  quod 
dcbebit. 

5.  Det  lifteras  ut  fupra. 


GOUVERNEUR   DU   DAUPHINE 


47 


de  décembre  l'an  1362,  que  lors  il  y  fu  devers  le  Roy,  pour  faire 
une  banière  des  armes  monfeigneur  le  Dalphin,  pour  mectre 
fur  le  chaftel  de  Lers  quant  il  lui  fu  rendu,  &  pour  franges  & 
façon  de  la  di6le  banière  ;  pour  tout     .     14  flor.  de  petit  poiz.  ' 

99.  A  meffire  Guy  Coupler  &  à  meffire  Jaques  Artaut,  envolez 
par  le  dit  gouverneur  de  Romans  à  Grenoble,  ou  mois  de 
janvier  1362,  quérir  certaines  Chartres  qui  eftoient  necceffaires 
pour  porter  par  le  dit  gouverneur  lors  en  Avignon  pour 
certaines  chofes  touchans  monfeigneur  le  Dalphin,  pour  leurs 
defpens  faiz  par  eulx  en  ce  faifant  par4  jours  qu'il  y  vaquèrent, 
pour  ce 12  florins  de  petit  pois.  - 

100.  A  maiftre  Nicole  de  Tours  fur  Marne,  le  quel  ou  mois  de 
février  1362  fu  par  ledit  gouverneur  envoie  en  Avignon,  pour 
le  excufer  pardevers  le  Roy  noftre  feigneur  d'un  voiage  que 
ycellui  feigneur  avoit  au  dit  gouverneur  enjoinél  &  enchargé 
au  partir  de  lui  en  un  autre  voiage  précèdent  faire  en  France 
&  en  Barrois  pardevers  le  duc  de  Bar  3,  pour  certain  débat  qui 
eftoit  du  duchié  de  Bourgoigne  à  caufe  du  duc  adonc  trefpaffé  -t  ; 
le  quel  voiage  le  dit  gouverneur  ne  povoit  lors  faire,  pour  ce 
que  à  fon  retour  du  dit  lieu  d'Avignon  ou  Dalphiné  lui  vindrent 
nouvelles  que  Galeas  de  Saluce  avoit  rompu  les  trêves  que 
on  avoit  prifes  avecques  lui,  &  avoit  couru  en  la  terre  de 
Brianconnoiz;  pour  deniers  à  lui  bailliez  pour  fes  defpens  faire 
ou  dit  voiage  faifant,  &  y  vaqua  par  g  jours  à  4  chevaux,  pour 
ce  25  florins  de  petit  pois,  dont  il  chiet  pour  fes  gaiges  comme 
deflus  4  florins  1 1  gros  ;  demeure  .     .     .     .     20  florins  i  gros. 

101.  A  meffire  Dimenche,  chappellain  du  dit  gouverneur,  par 
lui  envolé  ou  dit  mois  de  février,  tantoft  aprez  le  retour  du  dit 
maiftre  Nicole,  vers  le  duc  de  Bar  en  Barrois  lui  porter  le6tres 
par  le  Roy  que  ycellui  maiftre  Nicole  avoit  apportées  touchans 
le  traiclié  &  accort  du  dit  duchié  de  Bourgoigne;  pour  deniers 


1 .  Afferat  ut  fupra.  Afferuit. 

2.  Det  lifteras.  Radiatur  &  fiet  ut  fupra. 

3.  Robert  avait  obtenu  l'érection  de  son  comté  en  duché  par  le  roi 
Jean,  dont  il  épousa  la  fille  Marie,  le  jo  nov.  1^64  (Anselme,  t.  V, 
p.  )ï2-4;  Mandem.  de  Charles  V,  n°^  lyo-i). 

4.  Philippe  I"  de  Rouvres,  mort  après  le  21  nov.  1361  (Répert., 
c.  1776;. 


48  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

à  lui  bailliez  pour  faire  fes  defpens  ou  dit  voiage,  faiiant  pour 
ce 25  flor.  de  petit  poiz. 

102.  A  un  meflagier  envoie  par  le  dit  gouverneur,  ou  mois 
d'avril  1362  en  Avignon,  porter  lectres  au  faint  Père  &  à 
plufieurs  cardinaulx  touchant  certaines  grolles  befoignes  pour 
monleigneur  le  Dalphin  ;  pour  fes  defpens  faire  en  faiiant  le  dit 
voiage 3  flor.  de  petit  pois.  ■ 

103.  A  mefllre  Didier  de  Chaffenage,  envoie  ou  mois  de  may 
l'an  1363  par  le  dit  gouverneur  &  par  confeil  quïl  ot  fur  ce, 
pour  inconveniens  efchever  qui  pour  ce  peuffent  eftre  advenuz 
ou  pa^'s  du  Dalphiné.  par  devers  mcflire  Jehan  de  Grolée  & 
meffire  Amè  de  Roucillon,  chevaliers,  pour  pranre  trieves  entre 
eulx  de  certain  defcort  qu'il  avoient  enfemble,  en  efperance  que 
pendant  vcelles  trieves  on  les  peull  mectre  à  accort;  pour  deniers 
à  lui  bailliez  pour  faire  le  dit  voiage     .     5  florins  de  petit  pois.  - 

104.  Pour  deniers  bailliez  à  un  efcuier  appelle  Canduns,  au 
quel  fu  ordené  par  le  confeil  du  Dalphinè,  ou  cas  que  le  traidié 
qui  fu  fait  du  chaftel  de  Lers  rendre,  au  quel  traidié  il  eftoit 
necceffaire,  pouroit  pranre  bon  eiïet,  lui  paier  touz  fes  defpens 
durant  le  temps  dïcellui  ;  pour  ce  pour  fes  defpens  faire  pour 
venir  à  Romans  ou  mois  de  juillet  1362  à  2  chevaux  .  .  .  . 
9  gros  petiz. 

Et  pour  femblable,pour  13  jours  qu'il  fu  en  la  compaignie  du 
dit  gouverneur  pour  le  dit  traidié  ou  dit  mois  à  3  chevaux, 
pour  fes  diz  defpens 13  flor.  de  petit  pois. 

Et  pour  femblable,  pour  autres  14  jours  qui  fu  tantoll  apfez 
avecques  le  dit  gouverneur  à  Romans  &  à  Grenoble  pour  la 
di6le  caufe  à  deux  chevaux 10  florins  petiz. 

105.  A  maiftre  Ponce  Renart,  confeillier  en  court  de  Romme, 
pour  deniers  à  lui  bailliez  pour  fa  paine  &  fallaire,  defferviz  pour 
eftre  principal  confeillier  de  monleigneur  le  Dalphin  en  une 
caufe  qu'il  avoit  en  la  dicte  court  de  Romme,  en  un  voiage  que  le 
dit  gouverneur  y  fift,  commencé  le  2,f  jour  de  mars  l'an  1366, 
pour  avoir  confeil  fur  le  droit  que  le  procureur  de  mon  dit 
feigneur  difoit  ycellui  avoir  en  la  terre  c*^  héritage  de  feu  le 


1 .  Dcclarcl  ri'imcn. 

2.  Sine  li£lcra. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINÉ  63 

127.  Compte  de  Raoul,  feigneur  de  Louppy,  chevalier,  commis 
par  le  Roy  noftre  feigneur  &  par  fes  lectres  à  prendre  &  recevoir 
pour  &  ou  nom  du  dit  feigneur  la  pofleffion  &  faifme  des 
chafteaulx  &  chaftellenies  de  Clermont  en  Argonne,  de  Vienne, 
de  Quemenières,  enfemble  les  appartenences  &  appendences 
que  tient  en  douaire  &  autrement  ma  dame  la  conteffe  de 
Bar  ',  pour  yceulx  chafteaulx  &  chaftellenies  garder  &  faire 
garder  &  gouverner  en  la  main  du  Roy  noftre  dit  feigneur, 
de  la  recepte  faicte  par  le  dit  chevalier  pour  &  à  caufe  de  fes 
gaiges  de  12  frans  d'or  à  lui  ordonnez  &  taxez  par  le  dit 
feigneur  pour  chafcun  jour  qu'il  chevauchera  pour  le  fait  & 
gouvernement  du  fait  deffus  dit,  û  qu'il  appert  par  autres 
leétres  du  Roy  noftre  dit  feigneur  données  le  10'  jour  d'octobre 
l'an  1373,  la  copie  d'icelles  efcripte  au  commencement  de  ce 
compte  -. 

128.  Recepte  faicte  par  le  dit  chevalier  des  deniers  venus  &. 
yffus  des  revenues  des  diètes  chaftelleries  pour  la  caufe  deffus 
dicte,  c'eft  affavoir  : 

De  Thomas  Fourant,  receveur  en  la  chaftellerie  de  Clermont 
en  Argonne,  en  plufieurs  parties  accordées,  c'eft  affavoir  fur 
les  revenues  de  la  diète  chaftellerie  pour  les  années  1373,  1374 
&  1375 363  1.  I  s.  II    d.  t. 

De  Jehan  Godart,  clerc  juré  de  Clermont,  tant  par  lui 
comme  par  le  prevoft  de  Revigny,  pour  les  années  1373  &  1374, 
du  maieur  de  Lehercourt  c^  du  mayeur  du  Petit  Louppy  .  . 
119  1.  II  s.  II  d.  t. 

Du  dit  prevoft  de  Revigny,  oultrc  ce  que  deffus  eft  dit  ,  . 
22  1.  10  s.  t. 


1.  Yolande,  fille  de  Robert  de  Flandre,  seigiieur  de  Casscl,  épousa  le 
comte  de  Bar,  Henri  IV,  qui  mourut  en  1 1-^4;  elle  se  remaria  en  lyij  à 
Philippe  de  Navarre,  comte  de  Longueville.  Enfermée  dans  la  tour  du 
Temple  à  Paris,  pour  avoir  fait  saisir  Henri  de  Bar.  seigneur  de  Pier- 
repont,  elle  en  sortit  le  26  oct.  1 3T 3  (Anselme,  Mais,  de  France,  /.  //. 
p.  736,  et  t.  V,  p.  ^12;  Mandem.  de  Charles  V,  n°'  426.  697,  7/9,  823. 
989,  99/,  1080,  146-J  et  is8i  ). 

2.  Quamvis  prefens  compotus  examinatus  &  auditus  fuerit  in  caméra 
compotorum,  hoc  folum  iacium  eft  pro  lecuritate  dlcli  domini  de  Foup- 
peyo,  quia  non  tangit  in  aliquo  Regem  nec  refta  iflius  compoti  fcripta  in 
fine  eft  folvcnda  per  Regem,  ymo  débet  folvi  per  diclam  comitiffam  de 
Barro. 


64  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

Du  dit  maieur  de  Lehcrcourt 85  1.  3  s.  5  d.  t. 

Du  dit  prevoft:  de  Revigny,  de  certains  deniers  qu'il  avoit 
levez  par  deftaut  de  home  des  biens  demorez  de  la  fucceflion 
de  feu  meffire  Jehan  Colart  de  Revigny 70  1.  t.  ' 

Summa  recepte  hujus  compoti     ....     660  1.  7  s.  3  d.  t. 

129.  Defpenfe  :   . 

Pour  les  gaiges  du  dit  lire  de  Louppy  defervis  pour  le  fait  & 
gouvernement  deffus  dit,  c'eft  affavoir  du  8*  jour  d'odobre 
Tan  1373,  qu'il  parti  de  Paris  pour  aler  &.  fo}''  tranfporter  es 
chafteaulx  &  chaftelleries  deffus  dictes,  pour  ycelles  prendre  & 
faifir  en  la  main  du  Roy  noftre  feigneur,  &  vacqua  &  demora 
en  ce  faifant  jufques  au  fécond  jour  de  novembre  enfuivant 
inclux,  que  fon  retour  fu  à  Paris,  par  26  jours;  pour  ce  au feur 
de  12  frans  par  jour  à  lui  ordennés  &  taxez  par  le  R05'  noilre 
dit  feigneur  &  par  fes  diéles  lettres,  comme  dit  elt    312  frans.  - 

130.  Pour  femblables  gaiges  du  dit  fire  de  Louppy,  pour 
un  autre  voiage  fait  par  lui  de  Paris  es  chafteaulx,  terres  c^- 
chaltellenies  deffus  dictes,  es  mo3^s  de  may  &  de  juing  Tan  i  ^7^. 
du  commandement  &  ordenance  du  Roy  noftre  fire,  fait  en  la 
prefcnce  de  monfeigneur  le  duc  de  Bar  &  de  monfeigneur  le 
conte  de  Sallebruce  3,  pour  ce  que  Ton  avoit  donné  à  entendre 
au  dit  feigneur  que  la  garde  &  gouvernement  des  diz  lieux  eltoit 
très  mal  c"t  très  negligeument  fait  par  les  gens,  gardes  & 
officiers  qui  lors  y  eftoient,  &  pour  y  eltablir  cappitaines, 
gouverneurs,  gens  d'armes,  arbalalelliers,  portiers,  gaicles  & 
autres  officiers,  pour  la  garde  c^  feurtè  des  diz  lieux  ou  nom  c^- 
pour  le  Roy  noftre  dit  feigneur  :  le  dit  lire  de  Louppy  parti  de 
Paris  le  21"^  jour  du  dit  mois  de  may  ^^  vacqua  tant  en  alant. 
befoingnant  (Se  retournant  pour  ce  que  dit  elt  jufques  au  ()"  jour 


1  .  lili  rcccptorcs  fiicrunt  ordinall  nominc  rc,i;ii)  ad  rccipicndum  cmo- 
lumcnta  diclarum  tcrrarum  pcr  dominuni  de  l.ouppcNo.  .MandcnUir  ad 
compulandum. 

j.  Diclus  dominas  de  I.ctuppcyo,  prcicns  in  camcra  compulnriim, 
aricruit.  pcr  juramcnUim  quod  vacavit  in  prcicnli  cominionc  pcr  tcmpus 
dcliynaUim  in  fcric  cujuslihct.  particule  prefentis  compoti. 

3.  Jean  II,  comte  de  Sarrehntck,  bouieillicr  de  France  (Ansei.mk,  .Mais, 
de  Prance,  /.  Vlil.  pp.  f-'o-po  et  ^??):  par  son  mariaoe  avec  (hlle.  fille 
de  Pierre  de  liar  (id,,  I.  \.p-  ^  r  i  ).  il  élail  heaii-frère  de  Pierre  de  llar. 
seifyneur  de  Pierrcponl. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINÉ  65 

de  juing  enfuivant  exclus,  par  i8  jour,  12  frans  d'or  par  jour  à 
lui  ordennez,  comme  dit  eft,  valent 216  frans.  ' 

131.  Pour  femblables  gaiges  du  dit  lire  de  Louppy,  pour  un 
autre  voiage  fait  par  lui  de  Paris  es  chafteaulx  &  chalfelleries 
deffus  dictes,  pour  ce  qu'il  avoit  entendu  que  la  caufe  du 
département  des  capitaines  e^  gens  d'armes  qui  s'eftoient 
partis,  ce  faut  pour  ce  qu'il  ne  pouaient  eftre  paiez  de  leurs 
gaiges  &  que  les  rentes  de  la  dicte  terre  ne  pouaient  fuffire  aus 
dictes  charges,  &  pour  ce  fut  accordé  &  ordenné  tant  par  la 
diôle  conteffe  comme  par  fes  gens  &  officiers,  que  l'en  medroit 

'fus  un  fubfide  de  500  frans,  qui  feroit  levés  es  dicl;es  terres  & 
chalfellenies  pour  le  paiement  des  dictes  gens  d'armes  & 
officiers;  pour  le  quel  fait  le  dit  lire  de  Louppy  parti  de  Louppy, 
&  vaqua  en  alant,  befoingnant  &  retournant  pour  ce  que  deffus 
eft  dit  par  7  jours  du  dit  mois  de  juing,  pour  ce  au  fuer  de 
12  frans  d'or  par  jour  comme  deffus 84  frans.  ' 

132.  Pour  femblables  gaiges  du  dit  lire  de  Louppy,  defervis 
pour  un  autre  voyage  fait  de  Paris  au  dit  lieu  de  Clermont  & 
es  autres  chaftelleries,  du  commandement  du  Roy  noftre 
feigneur  fait  de  bouche  au  dit  fire  de  Louppy,  en  la  prefence 
de  monfeigneur  le  conte  de  Sallebruce,  de  monfeigneur 
Guillaume  de  Craon  -  &  de  plufieurs  autres  chevaliers,  pour 
caufe  de  ce  que  la  dicte  conteffe  fu  quicte  de  revenir  en  prifon, 
le  Roy  noftre  dit  feigneur  voult  &  ordenna  que  les  dicles 
chaftelleries  &  terres  feuffent  encores  gouvernées  en  fa  main,  & 
que  les  capitaines,  gens  d'armes  &  officiers  feuffent  retenuz 
aus  gaiges  jufques  à  un  an  ;  pour  la  quelle  chofe  faire  & 
acomplir,  le  dit  lire  de  Louppy  parti  de  Paris  le  15''  jour  de 
décembre  l'an  1374  &  vacqua  en  alant,  befoingnant  &  retourner 
pour  ce  que  dit  eft  fere  jufques  au  fécond  jour  de  janvier 
enfuivant  excloz,  par  18  jours,  au  fuer  de  12  frans  d'or  par  jour 
comme  deffus,  valent 216  frans.  ' 


1.  Afferuit  ut  fupra. 

2.  Fils  d'Amaury  III  de  (Jraon,  Guillaume  le  (jiand,  seigneur  de 
Sainte-Maure,  fut  la  //;>f  des  -ricomles  de  Chateauduii  (Anselme,  t.  VIII, 
p.  569-7/;. 


00  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

133.  Pour  l'emblables  gaigcs  du  dit  lire  de  Louppy  dclïervis 
pour  un  autre  voyage  fait  par  lui  aus  diz  lieus,  pour  meclre  fus 
&  faire  lever  un  fubfide  montant  à  la  Ibmme  de  700  frans  ou 
environ,  qui  fu  ordennez  eitre  levez  es  dictes  terres  &  chalfellenies 
pour  le  paiement  des  gaiges  des  gens  &  officiers  qui  derrenie- 
rement  avoient  efté  retenus  par  l'ordenance  du  Roy  nollre  dit 
feigneur.  pour  ce  que  les  revenues  des  dictes  terres  ne  povoient 
luffu^e  aux  gaiges  d'iceulx  officiers;  pour  le  quel  fait  le  dit  fire  de 
Louppy  vacqua,  tant  en  alant  de  Louppy  aus  diz  lieux  comme 
demorant  &  retournant  par  8  jours  du  moy  de  février  l'an  1374 
delïus  dit,  c'eft  affavoir  du  20'  jour  jufques  au  28^  jour  d'icelui 
mois  excluz,  pour  ce  au  fuer  de  12  frans  par  jour  comme 
deffus,  valent 96  frans.    ' 

134.  Pour  lemblables  gaiges  du  dit  lire  de  Louppy,  defervis 
pour  un  autre  voyage  fait  au  dit  lieu  de  Clermont  pour 
journoier  &  parlementer  avecques  les  gens  &  officiers  du  duc 
de  Lucembourc  ^,  pour  caufe  de  certain  defcort  qui  eltoit  entre 
les  gens  &  officiers  de  la  dicte  conteffe  &  du  dit  duc  de 
Lucembourc,  la  quelle  journée  avoit  efté  prinfe  au  15''  jour  de 
may  l'an  1375,  &  pour  ce  que  accort  ne  fe  print  lors  entre  les 
dictes  parties  une  autre  journée  fu  prife  au  15'-' jour  de  juillet 
cnfuivant:  pour  le  quel  fait  le  dit  lire  de  Louppy  vacqua  en 
alant,  befoingnant  &  retournant  par  5  jours.  12  frans  d'or  par 
jour,  valent    .  60  frans.  ' 

135.  Pour  femblables  gaiges  du  dit  lire  de  Louppy,  defervis 
pour  un  autre  voiage  fait  par  lui  au  dit  lieu  de  Clermont  en 
Argonne  au  15^  jour  de  juillet  deffus  dit.  pour  la  journée  prife 
avec  les  gens  &  officiers  du  dit  duc  de  Lucembourc,  e^  aufll 
contre  les  habitans  de  la  ville  de  \'erdun.  à  la  quelle  journée 
acort  fe  print  entre  les  dictes  parties  :  ou  quel  voiage  le  dit  fire 
de  Louppy  vacqua  en  alant,  befoingnant  ^^  relournanl  du 
lo*"  jour  du  dit  mois  de  juillet  jufques  au  17''  jour  du  dit  mo\s 


I .  Affcruit  ut  lupra. 

J.  Woiccslas  I"  avait  nhU-iui  de  /cnif^crciir  (Jiarlcs  I\'.  son  J'rcrc. 
l  érection  de  son  comte  de  Liixenihoiir^r  en  ditclic.  le  i  ,'  mars  1  ;^  /  (AH. 
HtnKK,  Kcgcslcn  cl.  Kaiscrrcich.s  unlcr  Kaiser  Karl  I\'.  Innshnicl,.  '•'^J  /. 
t     '/?-/)■ 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINÉ  67 

inclux,   par  8  jours,    12   frans  d'or  par    jour  comme   delïus, 
valent gôfrans.  ' 

136.  Pour  femblables  gaiges  au  dit  fire  de  Louppv,  dclTcrvis 
pour  un  autre  voiage  fait  par  lui  au  dit  lieu  de  Clermont,  on 
mois  d'aouft  l'an  1375,  pour  veoir  c*^  viliter  la  garnifon  du  dit 
lieu  &  des  autres  fortereffes  de  la  dicte  terre,  &pour  pourveoir 
en  la  fortiffication,  emparement  &  garde  des  diz  chafteaulx, 
pour  doubte  des  gens  de  compaigne  &  des  rentes  eftans  en  la 
compaignie  du  fire  de  Coucy  -,  qui  fe  tra3^oient  en  Barrois,  pour 
paffer  en  Aliemaigne  ;  pour  le  quel  fait  le  dit  fire  de  Louppy 
vacqua  en  alant,  befoingnant  &  retournant  par  3  jours  du  dit 
moys,  valent,  au  pris  de  12  frans  par  jour  comme  deffus,  .  . 
36  frans.  ' 

137.  Pour  femblables  gaiges  du  dit  lire  de  Louppy,  pour  un 
autre  voiage  fait  par  lui  au  dit  lieu  de  Clermont  ou  mois 
d'octobre  l'an  1375,  pour  quaffer  certaine  quantité  de  gens 
d'armes  que  il  avoit  mis  es  dictes  fortereffes,  pour  renforcier 
contre  les  dicles  compaignes  ;  pour  le  quel  fait  il  vacqua  en 
alant,  befoingnant  &  retournant  par  3  jours  du  dit  mois, 
valent,  au  pris  de  12  frans  par  jour, 36  frans.  ' 

138.  Pour  femblables  gaiges  du  dit  fire  de  Louppy,  defervis 
pour  un  autre  voiage  fait  par  lui  de  Paris  au  dit  lieu  de 
Clermont  &  es  autres  fortereffes  de  la  dicle  dame  ou  mois  de 
février  l'an  1375,  du  commandement  du  Roy  noftre  feigneur  à 
lui  fait  par  bouche,  pour  pourveoir  à  la  garde  &  defenfes  des 
dictes  fortereffes  &  pour  refifter  à  l'encontre  des  dictes  gens  de 
compaingne  qui  revenoient  d'AUemaigne  avec  le  dit  fire  de 
Coucy,  &  avec  ce  lui  fu  commandé  par  le  dit  feigneur  que  il 
alaft  par  devers  Tevefque  de  Mes  5,  le  duc  de  Lorraine  t  cK: 
par  devers  monfeigneur  de  Bar,  afifin  qu'il  feuffent  préss  de 
combatre  &  refifter  contre  les  dictes  compaignes.  Pour  les 
quelles  chofes  faire  &-  acomplir  le  dit  fire  de  Louppy  vacqua  en 
alant,  befoingnant  &  retournant,  c'eft  affavoir  du  21"  jour  de 


1 .  Afferuit  ut  fupra. 

2.  Enguerrand  VU.  sire  de  (loucy  {cf.  Répert. ,  t.  664  el  suf^pl.). 

3.  Thierry  Bayer  de  Boppard,  évêque  de  Metz  de  i ^(>$  à  i  ^84. 
j\.  Jean  l"  fut  duc  de  Lorraine  de  r  746  à  sa  mort,  en  r^oo. 


68 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 


février  qu'il  parti  de  Paris  jufques  au  derrenier  jour  de  mars 
enluivant.  uu  quel  temps  font  comprins  39  jours,  dont  il  chiet 
8  jours  qui  fu  à  Louppy  pourfes  befoingnes,  demeure  31  jours, 
valent  au  pris  de  i  2  frans  par  jour  comme  deffus  372  frans.  ' 
Summa  expenfarum  hujus  compoti     ....     1,524  frans. 

•   Sic  debentur  dicto  domino  de  Louppeyo 

863  fr.  12  s.  9  den.  tour.  ^ 

Auditus  die  _'8'  aprilis  anno  1376. 

Collatio  prefcncium  compotorum  cum  compotis  originalibus  retentis  in 
eamera  compotorum  Parifius  faiSla  fuit  in  diiSla  caméra  die  x''  januarii 
M  (>CC  Illh^  Ijcl"  pcr  me  Hu(gonem)de  O)lumbeyo  &  me  Robertu  m  Coiffe. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 


P.    2J. 

P.  25. 
P.  30, 
P.  31, 


p.    ().    l.   1    :  Bici:  l]uc  le  ms.  porte  CCCLXIII,  il  faul  lire  1362. 
P.    i).    n.    _'    :  Aymé  des  Baux  était  en  737/  sénéchal  de  B e au c ai r e  (Man- 
dem.   de  Charles  V.  n°  812.  f>.    .fij). 
„     .    n.    3    :  Le  compte  d'Adam  Chaniepri))2e  pi  il  fin  le  J7   ai'iil  i '}Gj 
(»"•"  T-]  et  12'^,,  n.  f). 
au  lieu  de  chevalier,  lire  clerc  et...  (cf.  n"  9^). 
Malgré  la  leçon   du   ms.   (xxxj),  il  faul  èvideminenl 

lire  30. 
(.'/•  Mandem.  de  (^Iharles  V.  »'"  .-f^S  et  46 s'  >i. 
Le  ms.porle  par  erreur  lundi  au  lieu  de  jeudi. 
))  ))  samedi       »        jeudi. 

Lire  Loquatur.  quia...  cancellario  :  set  visis... 
Le  rei;.    B.   y2j;  des  arcli.  de  l  Isère  renferme   un  acte  du 
II)  juil.  I ^66  relatif  dno  Therrico  Richerii.  canonico  Vir- 
dunensi  (f'  ly  7/').  ^L    Léon   Ciormain',  dans   une  notice 
intitulée  :  La  lamille  des  Richier,  d'après  les  travaux  les 
plus  récents  (Mém.  et  doc.  de  la  soc.  d.  lettres,  sciences 
et    arts  de   Har-le-Duc,     /<S'<S'>).   a    décrit    les  médaillons 
<rravés , par  Jean  Richier  pour  des  membres  de  sa  famille 
et  pour  Marie  Vi<^non,  qui  fut  lajémme  de  Lesdi<>uières. 
l.  ()  :  Malgré  le  ms.  qui  porle  xn.i,  lire  12. 
S  :  ))  ))  XXV,    ))    31. 

/.  j'j  :  L'année  élanl  toujours  prise  ici  à  Pâques,  il  faut  13O5, 
bien  que  le  ms.  ait  LX\T, 


P 


^-J- 


n.    1 
/.    2 


n.    1 
L27 

l.   12 

n.    i 
n. 


l-  35' 
» 

P.  48, 


1.  Aiïeruit  ut  fupra. 

2.  l)e  ilUi  relia  habuit  cedulam  curie  teflimonialem,  tamen  non  cil 
folvenda  per  Refjem,  ymo  per  di^lam  comitilfam  de  Ikirro.  de  cmolumentis, 
dicl.    cadrorum  :  dicla   (icdula   laela  luit  die  auditionis  ijrelentis  compoti. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


Les  chiffres  renvoient  aux  miméros  du  Compte  {texte  ou  note) 
et  )7on  aux  pages  :  la  lettre  n  qui  suit  un  chiff're  indique  la 
présence  dhine  note. 


AiLLOuST  (Michel),  30. 

Albon  (chastellain  d').  20.  —  Albon 

(  Drôme). 
Alegret  (messire),  124. 
Alemand  (Aymar),  41,  120. 
Allemaigne,  i  36,  138. — Allemagne. 
Ance  :ii  Anse. 

Anglesches  (compaignes).   57,   i  i  i. 
Angleterre  (despensier  d'),    89  ;    — 

(roy  d'),  82,  83. 
Anglois  (ambassadeurs  du  roy),  39; 

—  (compaignes  des),  112. 

Anjo  (sire   d),  57,    120.   —  Anjou 

(Isère). 
Anjou  (duc,  monseigneur  d'),  3  jn. 

57,  75.  75'^^  84,  86,  124. 
Annonay  (chastel  et  terre  d'),  68  ;  — 

(fait d'),  69. — Ajino7tay(Ardèche). 
Anse  (capitaine  d').  36; — (forteresse 

d'),    120; —  (ville  d'),   79,    121, 

12  2.  —  A^ise  (Rhône). 
Antissiodorensis  (dominus),    i  26?^. 

—  Auxerre  (Yonne). 
Aranies  (de),  8. 

Arces  (Artaut  d'),  123;  —  (Fran- 
coys  d"),  77  ;  —  (Morart  d'),  123. 

—  Arces.  c"«  de  St-Isniier( Isère ). 
Argentueil  (prieur  d'),  73. — Argen- 

leuil  (Sei7ie-et-0ise). 

Argonne  :  voy.  Clermont. 

Arle,  I,  34,  77. — Arles  (B.-du-R.) 

Arnoui.  (Pierre),  36. 

Artaut  (Guillaume),  112;  —  (Ja- 
ques), 63»,  64,  66,  68,  72,  75. 
82,  99,  116,  117.  123,  124. 

Arthaut  "ZZ  Artaut. 


Aute  Pierre,  maison  forte.  64. 
Autun  (Robert  d').    -27.   —  Hostun 

(Drôme). 
Avignon,    21,  23,  25,  34,  35,   37, 

38,  39,  49,  57,  58,  61,  62,  66, 

68,  69,  71,73,  74,  75,  75«,  77- 

78,  79,  80,81,  82,83,86,93, 

98,   99,    100,   102,    iio,    113. 

I  1 4,  I  I  5,    I  I  6  ;  —  (evesque  d'), 

75a  «.  —  Avignon  (Vaucluse). 
Ay  (Goret  et  Guichart  d'),  i  24. 
Badefol  (Guy  de),   5  5n;  —(Seguin, 

Segun  de),  79»,  120,   121,  122. 

—  Badefols  (Dordogne). 
Baigneux  (Gonticr  de),  2377.  53,  6g, 

71,1  26. 
Baignols.  Balneolisir  Baigneux. 
Bar  (contesse  de),  i  277?  ;  —  (duc  de). 

1007?,  ICI,    130-, —  (Pierre  de), 

89.  —  Bar-le-Duc  (Meuse). 
Barat  (Didier),  lieutenant.  29. 
Barbays  (Henry  de),  75,  82. 
Barbés  :=  Barbays. 
Baronies  (juge  des),    118.    119.   — 

Baronnies  de  Mèvouïtlon  et  Mon- 

tauhan  (Drôme). 
Barrois,  100,  loi,  136. 
Bâtie  (la)  de  lez  Chaourges,  118.-- 

La  Bâiie-Neiive  (Hautes-Alpes). 
Baux  (Amé  des),  3  2m-,  —  (Bertran  et 

Guiot  des),  66».  —  ( Bo.-du-Rh.  j. 
Baxi  (sire  de),  i  20. 
Beaune  (Jehan  de),  46. 
Beauvoir  du  Marc  (chastellain  de), 

4.  —   Beaiivoir-de-Marc  (Isère). 
Beauvoir  en  Royanx  (chastellain  de). 


T 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 


1 8,  44  ;  —  (lieu  de),  2  7  :  —  (ostel 

de),   18. — B.-cn-Royans  (Isère). 
Beavoir  ::r  Beauvoir  en  Royanx. 
Bedons  (Bertran  de).  32. 
Belesemblant  rr  Belsamblant. 
Bellalz.  55.  —  Belley  {Ain). 
Belmon  in  Bclmont. 
Belmont  (Amblart  de),  63»,  64,  65, 

1  2  3  ;  —  (Aynart  de),  7  7  ;—  (Fran- 

coys  de),  77,    120.  —  Beaumoni, 

ciiij.  Saint-Michel,  c'"-'   du  Toiivel 

[Isère). 
Belsamblant  (Artaut  de),  70»,   124. 

—  Bcausemblant  {Drame). 
Belveolr  r=  Beauvoir  en  Royanx. 
Belvoirrr:  Beauvoir  en  Royanx. 
Blez  (Henry  des),  72. 
Boczcsel  (Guillaume  de),  i  i . — Boc- 

zosel,  c'^e  du  Moi  lier  {Isère). 
Boeinc  zr  Boenc. 
Bocnc  (Alegrcs.  Aiegret  de).  72.  77, 

82,   120. 
Bohent  rz  Boenc. 
Bonnent  (Jean  de),  66. 
Bonnet  (Boniface),  12  ;— (Loys),  12. 
Bouczesel  (Frepct  de),  26».  zr  Boc- 

zesel. 
Bourbon  (Jaque  de),  62». 
Bourgoigne,  72,  82,  /oo:  — (duchic 

de),  Kjo.  101,  if2-.  — (Jehan  de), 

8q.  —  Boiir'jogne 
Boursaut  (terre  de),  8 

saull  {Marne). 
Bousaut  rr  Boursaut. 
Bouseuzel  (loques  de). 

zesel. 
Brayseul  (Falque  de).  / 

sicux  (Ast-rc). 
Bretons  (compaignes  des),  f  12. 
Brianconnois  =:  Brianconnoiz. 
IVianconnoiz.   14,   ^6  ;  —  (baronnie 

de),  66;— (jugeriede),  56;— (terre 

de),  100.  ~  Briançonnais. 
lirignay,  02«,  63,  64;—  (forteresse 

de),  62.  —  Brignais  {Rhône). 
Britanzonnois  (sindicz  de),    43.   = 

Brianconnoiz. 
Biîi,F,H  (l'ierre),  i  5  . 
Calea  (Dominique  de),  lombart,   3  i  . 
Calvimontis(baillivia),  i  26.  —Chan- 

monl  {Haute-Marne). 
Canduns,  escuier,  104. 


2.  87.— Bon r- 

1 2o.  :zr  Boc- 
20.  —  Bies- 


Cane  (Gerart  de  la),  8. 

Cassans  (Jehan),  escuier,  io(). 

Castro  (Petrus  de),  126. 

Cayrars.  04.  —  Chàteati-i^^ieyras 
{Hautes-Alpes). 

Cenomanepsis  episcopus.  5^.  —  Le 
Mans{Sarthe). 

Chais  (François),  43. 

Chaisy  (Francoys),  56. 

Chalon,  72  ;  —  (Hugues  de),  mes- 
sire.  68«.  —  Châlons-sur-Saône 
{Saône-et-Loire). 

Chamberieu,  48.  —  Chamhèry  {Sa- 
voie). 

Chambre  (Berton  de  la),  97. 

Chambrieu,  65,  77,  108;  —  (com- 
mandeur de),  II.  =  Chamberieu. 

C11ANDOZ  (Jehan  de),  S2n,  83. 

Chanteprime  (Adam),  34".  3=5,  5'», 

77.  1-5-       ^. 

Chaponnois  (Pierre),  16. 

Charles  [V],  roy.  61. 

Charpentier  (Guillaume),   3. 

Chassenage  (Didier  de),  63», 64,  66, 
10  ?,  I  20  ;  —  (seigneur  de),  77.  — 
Sassenage  {Isère). 

Chassenaige  ziz  Chassenage. 

Chasteauvillain  (Jehan  le  bastart, 
seigneur  de),  106.  —  Châteauvi- 
lain  {Isère). 

Chasleillon  (chasteau  de),  08. — Chà- 
tillon-sur-(Jluses   {Haute-Savoie). 

Chastel  le  Dalphin  (chastellenie  de). 
94.  —  Casleldeljhio  {Salnces). 

Chastelneuf  (Aymart  de),  63,  64, 
70;  —  (Oddcbert,  Oudebert,  sei- 
gneur de),  6?«,  64,  120;  —  (sire 
de),  70.  —  Chàteaiineuf.  c'"-'  de 
l'Alhenc  {Isère). 

(vhastelnuei  1=  Chastelneuf. 

Chcnay  (le  Camus  de),  U4. 

Chevrières(T'ontzonde).  12.  — {Isère). 

(^izerin  (Guclis  de).  46.  —  Cizerin. 
c""-'  de  Corenc  {Isère). 

Clauso  (B.  de),  1  26. 

C^lermont,  C.  en  Argonne,  127,  128, 
/?2,  /?^,  /?5,  lyô,  lyj,  1^8.— 
(Jlermo)il-en-Argonne  {Meuse). 

(>oiFi-E  (Kobertus),  i  ?8. 

Columbeyo  (Hugo  de),  1  ?8. 

(^ombe  (Jehan  de  la),  escuier.  1  10, 
112. 


GOUVERNEUR   DU   DAUPHINE 


71 


Conflans  (Jehan  de),  66  ;  -•  (sire  de), 
61.  —  Conflans  {Marne). 

CoPER  "=  Coupler  (Guy). 

CoppE  (Régnier,  Renerus,  Renier), 
I  7«,  5  2,  66,  124,    I  26. 

CoppE  (Symonnet),  58»,  110. 

CoppiER^r  Coupler  (Guy). 

Coppo  =1  Coppe  (Régnier). 

Coste  Saint  Àndrleu  (la),  112:  — 
(chastellaln  de  la),  11,  22,  26, 
106;  —  (ostel  du  gouverneur  à 
la),  29.  —  La  Côte-Saini-Andrc 
(Isère). 

Coucy(sirede),  I  36»,!  38. — (Aisne). 

Coulombo  (Reginaldus  de),  126. 

Couper  =:  Coupier  (Guy). 

CoupiER  (Guy),  chevalier,  29",  90, 
63,  64,  66,  67,  68,  70,  90, 
99,  I  07,  I  20,  I  24. 

CouppE  m  Coppe  (Renier). 

CouPY  zzz  Coupier  (Guy). 

Couste  Saint  Andrieu=:Coste  S.  A. 

Craon  (Guilleume  de),  i  32;?. 

Crebeu,  72.  :r=  Cremeu. 

Cremeu,  Cremieu,  72,  82:  —  (isle 
de),  64.  —  Crémicu  (Isère). 

Cuignet  (Jehan  et  Michelon  du),  i  3 . 

Dalpiiin  (monseigneur  le),  11,  21, 
38,  40,  45,  46,  53,  57,  58,  62, 
63,  64,  66,  67,  68,  69,  70,  74, 
81,  90,  92,  93,  94,  95,  96,  98, 
99,    102,   105.    112.   zn  Charles. 

Dalphinatus  :rr  Dalphiné. 

Dalphiné,  37,  53,  57,  61,  O2-O5, 
07,  69,  72,  73,  77,  79-83,  85, 
80,  87,  88,  89,  92,  95,  100, 
103,  112,  122,  124;  —  (audi- 
teurs des  comptes  du),  45,  91:  — 
(barons  du),  54;^ — •  (chambre  des 
comptes  du),  15,  46,  82,  91, 
iii;  —  (chancelier  du),  78;  — 
(clerc,  des  comptes  du),  82  ; — (con- 
seil du),  5,  63,  91,1  04,  122  ;  — 
(conseillers  du),  59  ;  —  (gouver- 
neur du);  I,  5,  12,45,66,  74,  92, 
/2/,  72?,  T24,  725,.  726;— (mais- 
tre  des  monnoyes  du),  ij,  66  \  — 
(mareschal  du),  94;  —  (monnoie 
du),  720,  121  \  —  (pais  du),  /, 
52,  62,  63,  64,  66,  75,  708, 
77.^,  7  30,  7  2^; — (procureur  et 
advocat    fiscal    du),     38,    81;  — 


(trésorerie  du),  2  3  ;  —  (trésorier 
du),  2  ,  34,  47,  58,  59,.72,  73, 
107.  I  10,  113,  124  (lieutenant 
du).  125,1  26. — Dauphinè. 

Dalphinic  n:  Dalphiné. 

Di.MEN-CHE(m''''),chappellain,  i  01,  1  09. 

Di.MENCHE  Bon  Jehan,  i  07. 

Dormans  (Guillaume  de),  35»;  ■ — 
(monsgr  de),    7S,   79.  —  (Marne). 

Dya  (Jacques  de),  46. 

Dye(évesquede),  i  i  2. — Die(Drôme). 

Dyois  (conte  de),  112.  —  Diois. 

Ebrun,  118;  —  (arcevesque  de),  5;?, 
I  I  8  ;  —  (université  de),  5  .  —  Em- 
brun (Hautes-Alpes). 

Ebrunoiz  (baronnie  d"),  66.  —  Em- 
brunais. 

Empereur  (!'),  34??,  74,  '/'jn. 

Enarde  (Gilecte),  40. 

Engleterre  zn  Angleterre. 

Ermenonville  (sire  d'),  84. — (Oise). 

Esbrun  zzz  Ebrun. 

Eschielles  (les),  1  2  3  :  "~~  (comman- 
deur des),  30». —  Les  Echelles 
(Savoie). 

Estelle  (1"),  57.  — Etoile  (Drame). 

Estoille,  124.  ■ —  Cf.  Estelle. 

Exils  (chastellain  des).  50.  —  Exil- 
les  (Turin). 

Falavel  (Regnault),  6(). 

Felinges  (Perreneau  de),  72.  — Eil- 
linges  (Haute-Savoie J't 

Florensac  (Jaquemot),  46. 

Flory  sur  Osche,  i  oQ.  —  Fleury... 

Focigny  (terre  de),  68.  —  Faucigny. 

FouRANT  (Thomas),  128. 

France,  1  ,  47,  72,  82,  87,  88,  89. 
9  5i  97,  100,  106,  io7i  126. 

Fucigny  (chasteaux  de  la  terre  de), 
82.  —  Cf.  Focigny. 

Gaiet  (Arnoul.  dit),  36. 

Galbert  (Pierre),  5  1  . 

Gaee  (Pierre),  messire,  123. 

Galéas,  94«,  96;  —  de  Salucc.   inn. 

Gap  (evesque  de),  118»,  11  (>.  — 
(Hautes- Alpes  )^ 

Gapensoix,  118;  —  (juge  de),  1  ,  8. 
■ —  Gapençais. 

Gascoings  (compaignes  des),  1 12 .  — 
Gascons. 

Gaspensoix  zz  Gapensoix. 

Gay  (Goret),  123. 


72 


COMPTE    DE    RAOUL    DU'    LOUPPY 


Genève  (Ame  de),  120»;  —  (conte 
de).  68»  ;  — (Hugues  de).  64»,  70. 
—  Genève  (Suisse). 

Germain  (Pierre),  6. 

GiLER,  Gillerii  ~r  Gillier. 

GiLLiER   (Denis),    2111. 

Gillier  (Philippe),  2»,  6,  21.  23, 
47,  58,  62,  72,  90,  I  10,  I  12, 
113,   125. 

GoDART  (Jehan),  clerc,  i  28. 

GoNTERrus  (magister),  episcopus  Ce- 
nomanensis  n:  Baigneux  (G.  de). 

Graisivodan,  5  7  ;  —  (grant  court  de), 
48;  —  (juge  de),  8,  9,  42:  — (re- 
ceveur en).  III.  —  Graisi'i'audaii. 

Graisselliers  (les),  3  i . 

Granet  (Humbert),    49. 

Grant  (Thomas  le).  117. 

Grenoble,  65,  88,  96,  99,  1  04,  i  i  8. 

Grolée  (Jehan  de),  103.  —  (Ain). 

Hametel  (G.),    126. 

Haquin  (Huguet),   10. 

Hay.min  (Jaquemin,  J-mon),  9. 

Huguet  (Jehan),  30. 

Jasselink  (Guillaume),  14. 

Jehan  [Jean  II].  roi,   19,25,67,84. 

Jeiianne  [de  Bourbon],  royne,  89. 

Laies  (Humbert  de),  27. 

Languedoc,  i.  42,  84; — (lieutenant 
en),  75. 

Laukens  (Pierre),    4. 

Laval  de  Vélins,  94. 

Lay  (Aymon  de),  5  o . 

Lchercourt  (maieur  de),  128. 

Lcrs,  17»,  37  ;  —  (chastel  de),  35, 
66,  75a,  78,  92,  98,  104;  — 
(chastellain  et  cappitaine  de),  9  i . 

l,ionnois  ^=  Lyonnois. 

Lombars.  31». 

Loraz  (Humbert  de),  70. 

Lorcnt  (Alegrel  de),  123.1=  Boenc  > 

Lorraine  (duc  de),    138». 

Lorris  (Robert  de),  42,  84,  85. 

Lorriz  =:  Lorris  (Robert  de). 

Louppeyo  (de)  ir:  Louppy. 

Louppi  rr  Louppy. 

Louppy,  131,  1  33  ;  —  (Raoul,  sei- 
gneur de),  I,  125,  126,  127;  — 
(sire  de),  1,45,46,48,58,  i  i  1  , 
112-114,  120,  121,  122,  123, 
124,  126,  128,  129,  1  3f>,  131, 
'  3-^  '3  3.   '34»  nSi   '  3^>,   '  3  7i 


I  38:— (terre  de),  72,  82,87,  138; 

—  (Thierry  de),  74. —  Louppy-le- 
Cliàteaii  (Meuse). 

Louppy  (maieur  du  Petit),  i  28.  — 
Loufpy-le-Pelit  (Meuse). 

Lucembourc  (officiers  du  duc  de), 
i  3  4»,    135.  —  Luxembourg. 

Lyon,  19,  36,  54«,  67,  68,  79, 
120,  121,  122.  —  Lyon. 

Lyonnois  (pais  de),  62,  67. —  Lyon- 
nais. 

Mailles  (Henry  de),  75",  77. 

.Maiiun  (Jehan),   19. 

Maisel  (P.  Buler,  alias),   i  5. 

Mantalc (chastel  de),  80.— Mantaille, 
c"<-'  d'Anneyron  (Drame). 

Marain,  70.  ru  Moraint. 

Marche  (conte  de  la),  62. 

Margensay  (bastart  de),  72. 

Masconnoiz  (en),  82.  —  Maçonnais. 

Matiiif-i  (Jehan),  64,  70,   123. 

M.\Tiiu   =:   Mathieu    (Jehan). 

Maulbec  (seigneur  de),  63». —  ^L1u- 
hec  (Isère). 

Melet  (conte  de),  88. 

Merriz  (Alegrcs  de  Boenc).  77. 

Mes  (evesque  de),   138».  —  Metz. 

Milan  (seigneur  de),  89;?.  —  Milan. 

Moiranc.    108.  —  Moirans  (Isère). 

Monlbonct  r^  Monlbonosl. 

.Monlbonost   (chastclleric    de).    4()  ; 

—  (marinier  de),  33.  —  Moiilhon- 
nol    (Isère). 

-Montbrun,    66,  92.  — (Drame). 
Montelemart,   112,   113.  —  Montè- 

limar  (  Drame). 
Montpellier   (gouverneur  de),     121, 

122.  —  Montpellier  (Hérault). 
Montrigault  :=r  .Montrigaut. 
Montrigaut,  6?; —  (maistral  de),  i(). 

—  Montrioaud  ( Drôme). 
Moraint  (compaignies  des  Lombars 

de),  3/.  — Moirans  (Isère). 

Moreint(prison  de),  3  3 .— C/ Moraint. 

.Morges  (Guigo  de).  40  ;  —  (Guy  de), 
7  5",  77,80,  82,  9/,  120,  /2  3.  — 
Morges .  c""-"  de  Cordéac  (Isère). 

Mote  (.Xmé  de  la),  38,  50,  82,  723. 

.Mote  en  Malesine  (chastel  de  la),  40. 

—  La  Mote-Sl-Marlin  (Isère). 
Nevcrs  (evesque  de),  3  5".   7'^'-   7<). 
NicoLET  (Jehan),  36,  /23. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINE 


Normandie  (duc  de),   i,  6i. 

Normendie,   19.  —  Cf.  précéd. 

Nourri  (G.  Richart,  dit),  42. 

Ogerii  (Philippus),  i26n. 

Oisenx  (chastellerie  d'),  51  ;  —  (uni- 
versité d')42.  51. — UOisans,  arr' 
de   Grenoble  (Isère). 

Orenges  (prince  d'),  66«,  9  i. —  Oran- 
ge (Vaiicliise). 

Oubz  (prevost  d'),  118.  —  Oulx 
(Turin). 

Pappe,  2  1,2-^,  25,  36-7,  57,  66,  6y, 

71.  73,  75»,  76,  79,  80,82,^3, 

102,  ///,    1  12,113,  114,   115,   12  1. 

Paris,  Parisius,  61,  72,  74,  Sp,  loS, 
iio,  124,  120,  i^i,  172,  178. 

Parrete  (Guillaume  de  la).  3. 

Peregort  (cardinal  de).  66». 

Petignot  (Pierre),  18. 

Peyla  (Jehan),    marinier.    33. 

Piémont,  63,  94.  —  (Italie). 

Pierrelate,  66.  —  P-lte  (Drôtnc). 

Pila,  Pilart,  Pilas  =  Pilât. 

PiLAT  (Humbcrt),  64;?,  65,  70,  i  r  2, 
123. 

Pin  (au),   123.  =1  Tour  du  F^in. 

Poitiers  (Charles  de),   jon. 

Pommiers  (Amenyon  et  Jehan  de), 
72. 

Pont  (Jehan  du),   237?,    24,  25,  57, 

72,  73.  74,. 78,   /i  I,  125. 
Pont  de  Belvoisin,   24.  —  Pont-de- 

Beaiti'oisin  (Isère). 
Pont  Jault  (Pierre  de),  66n. 
Prés  (Miles  de)  72. 
Provence,  63,  92; — (guerre  de),  49, 

88;  —  (senechal  de),  49,   57,  66, 

92,   III,   112,    Il  1  j;  —  (traictiez 

de),  89.  —  Provence. 
Prouvencez^  Provence. 
Pruniers  (Guy  de),  121. 
Puy  (Jehan  du),   123. 
Puy  (ostel  de  Jehan),  108. 
Quemenières,  127. 
Quirieu  (chastellain  de),  28.  —  (Isère). 
Raymondeti  (A.),   126. 
Ray.-nion,  R-nd (Regnaut)i=Raymont. 
Ray-mont   (Raynaut),    38»,    59,  81, 

92,   I  18,  I  23. 
Raynaut  (Pons),  38. 
Reglannes,  66,    92.    —  Reilhanclle 

(Drônie). 


Renart  (Ponce),  105. 

Revigny  (Jehan  Colart  de),   1  28  ;  — 

(prevost  de),  728.  —  (Meuse). 
Rev.mont  13  Raymont  (Raynaut). 
Richard  (Aymon),  5  i . 
Richart     (Emonnet),     75,     82;    — 

(Guionnet),  42. 
Riciierii  (Terriens,  Therricus,  Thier- 

ricus),  74M. 
Rive  de  Gier,  90  :  —  (forteresse  de), 

62.  —  Rive-de-Gier  (Loire). 
Rivière  (Jehan  seigneur  de  la).  95». 
Rocha  (H.  de),  126. 
Roche    Aiguë,    86».    —  Rochegude 

(Drame). 
R0CHEF0KT (Pierre),  20. 
Romans,   61,   62,  63,  64,   66,  67, 

68,  69,  71,  73,  74,  7ç,  75a,  78, 

79,  80,  81,  84,  85,86,  87,  89, 

99,    104,    108,    112,   1/3,    114, 

//8,   121.  —  Romans  (Drôme). 
Rome,  Romme  (court  de),    ,?8.   66. 

75,  80,  81,  105. 
Romme  (prieur  de),  n. 
Roncourt  (Vivien  de),  72. 
Rosne  (pors  et  passages  du),  64n\ — • 

(rivière  de),   62,    69;  —  (terre  de 

oultre  le),  69.  —Rhône. 
Roucillon  (Amé  de),  103  :  —  (Jaques 

de),  80.  —  Roussîllon  (Isère). 
Roy.   I,  23,  34,  39,  57,  67,  68,  09, 

71,  72,  7^,  75,  75*^,  77,  78,  82, 
8^,  87,  88,  89,  93,  98,  /oo,  lOi, 
106,  iio,  III,  121,  124,  126,  127, 
129,  130,  132,133,  1^8;  — (che- 
valiers du),  22;  —  (conseiller  du). 
84;  —  (frère  du),  86. 

Saincte  Excbe  (Pons  de),  94.  —  St- 
Eusèbe  (Hautes- Alpes). 

Saincte  Livière  (Aubert  de),  89.  — 
Ste-Livière  (Marne). 

Saint  Anthoine  (Jehan  de),  72,  115. 

Saint  Anthoine  (ordre  de),  n  ;  —  de 
Viennois  (pèlerinage  à),  6yn.  — 
Si-Antoine  (Isère). 

Saint-Bonnet  (prieur  de).   107. 

Saint  Etienne  ou  Dalphiné,  64.  — 
St-Eticnne-de-St-Geoirs  (Isère). 

Saint  Gencis  en  Savoye,  64.  —  St- 
Genix  (Savoie). 

Saint  Germain  (François  de),  11,  22. 
2  5  :  —  Guichart  de),  72,  7  5  ,  S  2 . 


74 


COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 


Saint  Jciirc  (Pierre  de).  '>4«.  —   Si- 

Geoi)s  {Isère}. 
Saint    Pierre   d'Alavart   (de),  o.  — 

St-Pierre-d'A llcvard  {Isère). 
Saint  Svphorian(ehastellain  de),  ig. 

—  St-Svmphorien-d'Ozon   {Isère). 
Saint  Trivier  en  Bresse,  72.  —  St- 

Trivier-de-Courtcs  [A iti). 
Salenche  (chastcau  de),  6<S.  —   Sal- 

lanches  {Hte-Savoie). 
Sallebruee  (conte  de),  i  30»,  132.  — 

Sarrehriick  {Prusse). 
Saluée  (de),    100:  —  (marquis  de), 

70»,     94,    96.    —   Saluces   {Pié- 
mont). 
Sandhet.  neveu,   124. 
Santerougy  (Pierre  de),  6. 
Sauge,  Sause,    Sauze   (Jehan    du), 

64«,  82,  I  23. 
Savoie,  Savoye,  i; — (conte  de),  24», 

48,    5  7.    63,  64,  65,   68,  82,87., 

Q4,    108,  I  I  I,  112,   117;  —  (conté 

dej,  34.  77:— (pays  de),  (J4.   127. 
Sens  (arcevesque  de),  35»,  78.  79. 
Serisy  (Jehan  de).  107,  125. 
Soi.iM-.s  (Jehan),  8. 
Sommericourt  (Jehan  de),  23,  5O,  57, 

in.  —  Sommerècouri  {Hte-Manw). 
Souillers  (Robert  de),  72.  7  s. 
Stamparum     cornes,    74.   —  I^tam- 

pes . 
Suireu  (chastel  de),  124". —  Surieu, 

c"»-"  de  St-Uo!7iain-de-S.  [Isère). 
TiiOMAssix  le  fauconnier,  ^5. 
ToGF.NAz,  chastellain,  44. 
Torchefelon  (Guy  de).  28.  —  {Isère). 
ToKNATOius  (Thomas),    t  2  0». 
ToR.MKK  (Barthélémy),   54. 
Toulnys  '^seigneur  de),  80».  --  fiil- 

lius  {Isère)  ? 
Tour  (seigneur  de  la),  89  ;  —  (terre 

de  la).   ^4.  rr  suiT. 
Tour  du  Pin  (chastellain  de  la),  29. 

La  l'uur-du-Pin  {Isère). 
Tours  sur  .Marne   (Nicole  de),  6'», 

^0.03   100,   loi.    —  {Marne). 


Tuillans    (sîre  de),  120.  —  Tullins 

{Isère). 
\'aigxon  (Vitre),  3  i , 
\'al  (chastellain  du),  20.  —  Vais,  c"" 

de  Sl-Uze  [Drôme). 
\'albonnois,  \'-iz  (seigneur  de) ,  ^8, 

81.  105. —  Valbonnais  {Isère). 
Valence,  57,  59,114,  121; — (évesque 

de),  ôj"»,  80,  I  12,  124. — {Drôme). 
Valentinois,    V-oys  (conte    de),  24, 

48,  57,  III,   112. 
\'aubonnoiz  =r  Valbonnoiz. 
Vauldole  (chastellain  de  la),  7. 
Veneissein,  \'-sin  (conté  de),  i  12; — 

(rector  de),    i  i  2».  —  Comtat-Ye- 

naissin. 
\'erdun  (ville  de),   135.   —  {Meuse). 
\'erdunensis  (canonicus),  74. —  Ibïd. 
\'ergy  (Guillaume  de),   12,   45,    66,, 

92,    I  I  o . 
\"esille  (chastellain  de).  4  1  . — V'/c///t' 

[Isère). 
\'ienne,  55.    02,    64.    90,    121;  — 

(administreur  de  l'arcevesqué  de), 

80  :  — (jugerie  de),  54,-  — (man- 
dement de),  2.  —  Vienne  {Isère). 
\ienne    (chastellenie     de),     127.    — 

] "ienne-le-Châlcau  (Marne). 
\'ienne  (Jacques  de),  i»,  89,  i  26. 
\'iennois  (dalphin  de),    i,   61,    71. 

82,1x0.  124:  —  (mandement  en), 

66.  —  l'/t'««o/.s-. 
Villeneuve     lez     Avignon,,    68.    — 

\  illeneu ve-lès-A  vignon  {Gard). 
\'inay  (.\nthoine  de),  1  i  2,  i  20;  — 

(seigneur,  sire  de),    57,   67«,  70, 

77,  (/),   112,113,    I  24. — {Isère). 
Viromandensis    (baillivia),    1  26.    — 

W'rmandois. 
\'ilriaci  (baillivia),  i  26. —  \'iliy-le- 

François  {Marne). 
Voiron  (de),  30.  —  l^oiron  {Isère). 
Warinls,  cambellanus,  74. 
Ysaire,  108.  —  L'Isère,  riv. 
"^'seron  (chastellain   de).    18,    44.  — 

Izeron  (Isère). 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  4g 

feigneur  de  Valbonnois,  pour  ce  20  florins  de  bon  pois,  valent 
20  florins  10  gros. 

106.  A  meflire  Jehan  le  baftart,  feigneur  de  Chafteauvillain, 
chevalier,  &  à  Jehan  Caflan,  efcuier,  chafl:ellain  de  la  Cote  Saint 
Andrieu,  lefquelx  avoient  efté  mandez  par  le  Ro}^  pour  venir  à 
fon  mandement  qu'il  fift  ou  mois  de  feptembre  Tan  1369,  fi 
s'acompaignerent  à  venir  en  la  compaignie  du  dit  gouverneur 
ou  voiage  darenier  qu'il  fift  lors  en  France,  pour  deniers  par  lui 
à  euix  preftez  pour  fupporter  leurs  fl'ais  en  venant  au  dit 
mandement  :  fi  comme  il  appert  par  leur  cedule  donnée  le 
premier  jour  de  novembre  1369,  à  chafcun  10  fi'ans,  pour  ce 
20  frans,  valent 24  florins.  ' 

107.  A  meffire  Dimenche  Bon  Jehan,  prieur  de  Saint  Bonnet, 
lequel  le  dit  gouverneur  prifl;  &  amena  en  fa  compaignie  en 
France  ou  darenier  voiage  qu'il  y  filt  contenu  en  la  partie 
précédente,  pour  lui  acompaignier  durant  ycellui  voiage  pour 
doubte  des  chemins  qui  lors  efloient  fort  doubteux,  pour 
deniers  à  lui  bailliez  pour  le  defpens  de  lui  &  de  12  hommes 
d'armes  qu'il  prift  en  fa  compaignie  pour  la  dicte  caufe  durant 
le  dit  voiage  faifant,  des  quelles  gens  d'armes  il  fift  monftre 
pardevant  meflire  Guy  Coupler,  chevalier  :  fi  comme  il  appert 
par  ycelle  &  leàtre  de  recognoiffance  du  dit  prieur  donnée  le 
24^  jour  de  feptembre  1369  ensuivant  :  pour  ce    65  florins  petiz.  - 

Summa  : 141  flor.  9  gros  Dalph. 

108.  Autre  defpenfe  pour  reltitucion  de  chevaux  perduz 
durans  les  volages  fais  par  icellui  gouverneur,  dont  deffus  eft 
faite  mencion,  c'eft    affavoir  : 

Pour  un  fomm.ier  que  le  dit  gouverneur  avoit  acheté 
à  Paris  l'an  1361,  quant  il  parti  d'illec  pour  venir  ou  paiz 
du  Dalphiné  pour  le  gouvernement  d'icellui,  le  pris  de  50 
tlorins  ;  lequel  fu  afolé  en  chemin,  en  un  voiage  que  ycellui 
gouverneur  fift  à  Chambrieu,  ou  mois  de  juing  1362,  pardevers 
le    conte    de    Savoye .   le  quel    fommier    demoura    malades 


1.  Fer  licleras  de  20  Irancis. 

2.  Videatur  computus  Johannis  de  Scrify,  thefaurarii  Dalphinalus. 
quia  ibi  capiuntur  vadia  iflorum  pro  fc  &  i  j  hominibus  armorum. 
.•40  flor.  pro  toto  menfe  feptembris  13O9,  &  ideo  radiatur. 


50  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

à  Moiranc  en  Toftel  Jehan  Pu}',  le  quel  le  ramena  depuis  à 
Romans  pour  ce  qu'il  ne  povoit  guarir  :  &  pour  ce  lu  vendu  à 
un  marefchal  du  dit  lieu  de  Romans  le  pris  de  20  florins,  le 
quel  marefchal  tantoft  apiez  fe  na3ra  lui  &  le  dit  ibmmier  en 
Yfaire.  Des  quelx  20  florins  on  ne  pot  onques  riens  recouvrer  ne 
fur  le  dit  marefchal  trouver  aucuns  biens,  pour  ce  pour  la  perte 
du  dit  fommier 50  florins  de  petit  poiz.  ' 

109.  A  mefïïre  Dimenche,  chappellain  du  dit  gouverneur, 
pour  deniers  à  lui  bailliez  pour  la  reftitucion  d'un  fîen  roncin 
qui  lui  fu  tolu  &  robe  à  Flory  fur  Ofche  en  Bourgoigne,  en  un 
voiage  ou  le  dit  gouverneur  le  envoia  pardevers  le  duc  de  Bar 
en  Barrois  en  février  l'an  1362,  pour  lui  porter  lettres  de  par  le 
Roy  pour  le  fait  de  la  duchié  de  Bourgt)igne,  dont  ci  devant  ou 
chapitre  précèdent  en  une  partie  eft  fait  mencion,  pour  ce.  . 
30  florins  de  petit  pois.  2 

110.  Autre  defpenfe  pour  deniers  qui  deuz  eftoient  au  dit 
gouverneur  pour  emprunt  par  lui  fait  en  fon  propre  c'^  privé 
nom  en  Avignon  Tan  1363,  de  la  fomme  de  3,783  florins  9  gros 
de  bon  pois,  pour  faire  finance  au  Roy  noftre  feigneur,  adonc 
dalphin  de  Viennois,  a  fon  très  grant  befoing;  et  la  quelle 
fomme  du  dit  emprunt  le  dit  gouverneur  changa  au  dit  lieu  à 
la  fomme  de  3,000  frans  d'or  pour  la  rendre  à  Paris  au  dit 
feigneur,  qui  ycelle  ot  &  receut  par  la  main  de  Jehan  de  la 
Combe,  efcuier  :  fî  comme  il  puet  apparoir  par  Icctre  de 
recognoiffance  d'icellui  feigneur,  donnée  le  25'^  jour  de 
février  1363,  contenant  la  dicte  fomme  avoir  effé  receue  par 
Philippe  Gillier,  lors  treforier  du  Dalphiné;  au  quel  gouverneur 
il  fu  pour  ce  mandé  par  le  dit  feigneur  &  par  fes  leclres  patentes 
données  le  dit  25"=  jour  de  février,  que  la  diéle  fomme  il 
lecouvraft  du  dit  treforier  pour  paier  foy  &  defchargier  du  dit 
emprunt.  Et  du  quel  Ph.  Gillier  ycellui  gouverneur  &  par  fon 
mandement  reçut  par  la  main  de  Simonnct  Coppe  1,784  florins 
de  bon  pois,  (S:  aufli  lui  fu  oncores  deu  du  dit  emprunt 
1,999  fl''Jiiris  9  gros  de  bon  pois,  dont  depuis  ne  reçut  aucune 


1 .  Loquatur,  quia   atlcnlis  vadiis  cSc  donis  rcx  non    IcncUir,    &  idco 
radialur. 

2.  Loquatur,  rcx  non  tcncUir. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  5I 

chofe,  pour  cause  de  la  mutacion  et  deftitucion  du  dit  Philippe 
de  Toffice  de  la  dicte  treforerie;  pour  la  quelle  caufe  &  pour 
le  dit  emprunt  rendre  &  parpaier  le  dit  gouverneur  reçut  & 
prift  depuis  des  biens  demourans  du  décès  de  feu  meffire 
Guillaume  de  Vergy,  jadiz  fon  predeceffeur  ou  dit  otîice,  la 
lomme  de  2,000  florins  de  petit  pois,  dont  il  fait  recepte  ci 
devant  :  les  quelles  parties  ainfi  receues  font  rendues  ci  devant 
en  la  recepte  de  ce  compte  &  pour  ce  font  reprinfes  ci  par  vertu 
des   dictes  leclres  &    mandemens  tout  rendu   à  court  pour 

3,783  flors9  gros  bon  pois,  valent  .     .     .  > 

3?935  florins  i  gros  3  quars  &  demi.  ' 

Summa   :     .     .     .     .     3,Q35  flor.  i  gros  3  quars  cum  dim°. 

111.  Autre  defpenfe  faite  par  le  dit  lire  de  Louppy  fur  certaines 
charges  dont  il  a  efté  chargez,  &  les  quelles  ont  efté  envolées 
par  deçà  par  les  gens  des  comptes  du  Dalphiné  en  un  roole 
foLibz  les  feaulx  des  auditeurs  des  comptes,  des  quelles  charges 
&  aufll  des  parties  j^rinfes  en  defpenfe  cy  après  le  dit  fire  de 
Louppy  avoit  rendu  compte  par  devers  les  diz  auditeurs  & 
bailliez  les  lectres  appartenant  ad  ce. 

Pour  deniers  receuz  par  le  dit  fire  de  Louppy  de  Jehan  du 
Pont,  receveur  en  Graifivodan,  par  les  mains  de  Jehan  de 
Somericourt,  clerc  du  dit  gouverneur,  pour  &  à  caufe  de  la 
fomme  de  mil  florins  à  lui  donnée  par  le  Roy  noftre  fire  ,  pour 
confideracion  des  labours  &  paines  par  lui  fouftenus  en  la 
pourfuite  des  confederacions  &  aliances  faites  entre  le  Pappe, 
le  Roy,  le  conte  de^^Savoye,  le  conte  de  Valentinois  &  le 
fenefchal  de  Prouvence  d"une  part,  &  les  compaignes  Anglefches 
qui  lors  eftoient  fur  le  pays  d'autre,  &  pour  lïmpetracion  de 
plufieurs  bulles  pour  ce  empêtrées  ;  des  quelx  deniers  ainfi  par 
lui  receuz  &  pour  la  dicte  caufe  le  dit  fire  de  Louppy  bailla 
lors  les  lectres  du  dit  don  au  dit  Jehan  du  Pont  &  doivent  eftre 
rendues  en  la  chambre  des  comptes  du  dit  Dalphiné  par  les 
comptes  du  dit  du  Pont,  &  laquelle  fomme  de  mil  florins  eft 
rendire  ci  devant  entre  les  diètes  charges  venues  des  auditeurs 
des  comptes  du  dit  Dalphiné  en  la  fomme  de   1,554  florins 

I .  Corrigitur. 


I 


52  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

I  gros  &  3  quars  petiz,  laquelle  fomme  eft  reprifc  c}'  par  vertu 
du  dit  don,  pour  ce i  ,000  florins  petiz.  ' 

112.  Pour  les  defpens  du  dit  lire  de  Louppy,  en  fa  compaignie 
meflire  Raynaut  Ra3-mont,  chevalier,  monlire  Humbert  Pila, 
Jehan  de  la  Combe,  le  leigneur  de  Vinay,  meflire  Anthoine  fon 
filz  à  15  chevaux,  le  treforier  &  meflire  Guillaume  Artaut  a 
10  chevaux,  &.  les  gens  de  fon  hoftel  à  20  chevaux,  faiz  ou  mois 
de  novembre  1363  en  pourfuient  les  aliances  faites  entre  noftre 
faint  père  le  Pappe  &  le  reélor  de  Veneiflien  -  pour  le  conté  de 
Veneiflin  &  le  dit  fire  de  Louppy  pour  monfeigneur  le  Dalj)hin, 
le  fenechal  de  Provence,  le  conte  de  Savoie,  les  evefques  de 
Valence  &  de  Dye  &  le  conte  de  Valentinois  &  de  Dyois,  pour  la 
feurté  &  deffenfe  des  pays  &  terres  des  feigneurs  deffufdiz  contre 
les  compaignes  perverfes  des  Anglois,  Gafcoings,  Bretons  & 
autres  gens  de  compaigne  eflans  ou  royaume  &  en  la  duchié  de 
Bourgoigne,  qui  s'efforcoient  d'entrer  cSc  faire  guerres  es  terres 
&  pays  des  feigneurs  deffufdiz  ;  &  pour  ce  fut  prife  une 
journée  entre  les  diz  feigneurs  à  Montelemart,  au  5"=  jour  du  dit 
moys  de  novembre.  Pour  lequel  voiage  faire  le  dit  lire  de 
Louppy  partift  de  la  Courte  Saint  Andrieu  le  3"=  jour  du  dit  moys 
de  novembre  1363,  &  en  alant  au  dit  lieu  de  Montelemart, 
fejournant  &  befoignant  pour  ce  que  dit  eft,  &  en  retournant 
ou  dit  Dalphiné,  le  dit  lire  de  Louppy  vaqua  c*^  demoura  du 
3'  jour  du  dit  mois  de  novembre  jucques  au  8"=  jour  d'icellui 
mois  inclus  que  fon  retour  fut  à  Romans,  par  6  jours,  premiers 
&  darenier  comptez  :  fi  comme  il  appert  par  les  parties  des 
defpens  pour  ce  fais  efcriptes  en  un  pappier  par  les  gens  du  dit 
fire  de  Louppy  qui  les  diz  defpens  faifoient,  rendu  à  court  fur 
ce  compte;  montent  les  dictes  parties  pour  tout  182  florins 

II  gros,  95  florins  5  gros,  dont  il  chiet  pour  deniers  pris  par  le 
5'  compte  de  Ph'e  Gillier  pour  les  defpens  des  chevaliers  en 
quatre  parties  74  florins,  item  il  chiet  pour  les  gaiges  du  dit 


I  .  Loqualur,  quia  hahiiil  alia  dona  cluranlc  tcmporc  locumlcncncic  lue, 
afccndcncia  ad  ,   cciam  habcnlur  liclcrc  vcl  IranlcripUim  dicli 

doni  &  .  Tranfcunt  pro  dono  &  cxpcniis  indc  Ia6lis. 

j.  Le  rcclcur  du  (Jomtat-Vciiaissïn  était  alors  Philippe  de  (\ihassole 
(cf.  Répcrt.,  c.  j-jo  clsuppl.J.  depuis  le  17  novemb.  1  ?6_'. 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHhNE  53 

gouverneur  par  le  dit  temps  49  florins  3  gros  ;  fomme  du  dechiet  : 
83  flor.  3  gros;  demeure 52  florins  2  gros.  ' 

113.  Pour  les  defpens  du  dit  gouverneur,  en  fa  compaignie  le 
treforier  du  Dalphiné  à  6  chevaux  &  le  fire  de  Vinay  à 
10  chevaux,  avec  les  gens  de  fon  hoftel  à  20  chevaux,  faiz  pour 
aler  en  Avignon  par  devers  noftre  faint  père  le  Pappe,  à  la 
journée  prinfe  par  les  diz  feigneurs  à  Montelemart  au  20^  jour  de 
novembre  deffus  dit,  pour  pourfuivre  les  diètes  aliances.  Pour 
le  quel  voiage  faire  le  dit  fire  de  Louppy  parti  de  Romans  le 
18®  jour  du  dit  mois  de  no(vembre)  &  vaqua  en  3x^^11  alant, 
demourant  &  retournant  au  dit  lieu  de  Romans  pour  la  diàle 
journée,  à  la  quelle  pour  les  debas  &  empefchemens  qui  mis  y 
furent  par  le  conte  de  Savoye  &  le  fenefchal  de  Provence,  les 
diz  feigneurs  ne  porent  eftre  d'accort,  &  pour  ce  fut  prinfe  une 
autre  journée  en  Avignon  au  19^  jour  de  janvier  enfuivant  : 
c'eft  affavoir  du  iS'^  jour  de  no(vembre)  deffus  dit  jucques 
au  3^  jour  de  décembre  enfuivant  que  fon  retour  fut  au  dit 
lieu  de  Romans,  pour  ce  par  17  jours  pour  tout  :  fi  comme 
il  appert  par  les  parties  des  defpens  pour  ce  faiz  efcrips 
en  un  pappier  par  les  mains  des  gens  du  dit  fire  de 
Louppy  qui  faifoient  les  diz  defpens  rendu  à  court,  montent 
pour  tout  349  florins  &  demi,  dont  il  chiet  pour  deniers  pris 
par  le  5^  compte  de  Philippe  Gillier,  treforier  du  Dalphiné  ou 
nom  du  fire  de  Vinay  en  3  parties  120  florins,  &  pour  les 
gaiges  du  dit  gouverneur  par  le  dit  temps  129  florins  6  groz, 
&  pour  les  gaiges  du  dit  treforier  qui  font  de  27  s.  4  d. 
3  poit'  tournois  23  florins  3  groz  i  tiers  ;  fomme  du  deché  : 
282  florins  10  groz  i  tiers;  demeure  .  .  66  florins  7  groz  2  tiers. 

114.  Pour  les  defpens  du  dit  gouverneur  faiz,  lui  20®  à 
cheval,  pour  aler  en  Avignon  par  devers  noftre  saint  père  le 
Pappe,  à  la  journée  prinfe  par  les  diz  feigneurs  en  Avignon  au 
19"=  jour  du  dit  mois  de  janvier  deffus  dit  pour  les  di6les  aliances. 
Pour  le  quel  voiage  faire  le  dit  lire  de  Louppy  parti  de  Romans 
le  15'  jour  de  janvier  1363,  &  en  alant  au  dit  lieu  de  Avignon, 


I .  Loquatur,  quia  vidctur  quod  deberet  contentari  de  dono  capto  in 
parte  immédiate  precedenti,  ncc  débet  pro  una  &  eadem  caufa  capcre 
expenfas  &  donum.  &  ideo  radiatur. 


54  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

fejournant  au  dit  lieu  &  retournant  ou  pays  du  Dalphiné.  pour 
ce  que  dit  ell  &  pour  les  dicles  aliances,  le  dit  fire  de  Louppy 
vaqua  &  demoura  du  dit  15*  jour  jucques  au  2C)^  jour  dïcellui 
mois  que  Ion  retour  fut  à  Valence,  par  15  jours  pour  tout  :  11 
comme  il  appert  par  les  parties  des  defpens  pour  ce  fais 
efcriptes  ou  dit  pappier  par  les  mains  des  gens  du  dit 
gouverneur  rendu  à  court  :  montent  pour  tout  226  llorins,  dont 
il  chiet  pour  les  gaiges  du  dit  gouverneur  123  florins  i  gros  cSc 

demi  :  demeure  : 102  florins  10  gros  &  demi. 

Summa  : 1,169  florins  6  gros  i  6  grofli. 

115.  Autre  defpenfe  faite  par  le  dit  gouverneur  pour  deniers 
par  lui  paiez  à  plufieurs  perfonnes  pour  leurs  defpens  faiz 
en  pourfuiant  les  bulles  des  aliances  deffus  dictes  &  les 
indulgences  o6lroiées  par  noftre  faint  père  le  Pappe. 

Pour  deniers  paiez  par  le  dit  gouverneur  à  Jehan  de  Saint 
Anthoine,  pour  les  defpens  par  lui  faiz  en  troiz  voiages  qu'il  a 
efté  à  Avignon,  de  l'ordenance  &  du  commandement  du  dit 
gouverneur,  pour  pourfuivre  e^'  pourchacier  les  bulles  pour 
les  aliances  deffus  dictes,  pour  ce 21  florins.  ' 

116.  Pour  autres  deniers  paiez  à  meflire  Jaques  Arthaut  pour 
les  defpens  de  lui,  fon  clerc,  un  varlct  &  trois  chevaux,  faiz  en 
Avignon  par  4  jours  aprez  ce  que  le  dit  gouverneur  s'en  fut 
partiz  pour  aétendre  les  dicles  bulles,  pour  ce     .     .     15  florins. 

117.  Pour  autres  deniers  paiez  par  le  dit  gouverneur  à  meffire 
Jaques  Artaut,  pour  paier  les  frais,  mifes  &  coullemens  des 
diètes  bulles,  tant  à  certains  procureurs  comme  pour  autres 
mifes  contenues  en  un  rôle  efcript  de  la  main  mailtre  Thomas 
le  Grant,  compte  ens  10  florins  que  les  diz  procureurs 
demandoient  oncores  pour  leurs  paines  &  fallaires  des  diètes 
bulles,  pour  tout 86  florins. 

118.  Pour  autres  deniers  paiez  par  le  dit  gouverneur,  c'eft 
affavoir  à  mefHre  Raynaud  Raymond,  advocat  fifcal  et  juge  des 
appeaux,  pourfes  defpens  faiz  pour  eftre  venu  du  commande- 
ment &  ordenancc  du  dit  gouverneur  à  Romans  pour  le  fait 


I .  Non  docet  de  temporc  ncquc  de  liiSleris  rccognicionis.  &  ideo  radia- 
tur  :  &  quando  docebit,  fict  ei  quod  dcbebil. 


GOUVERNEUR   DU    DAUPHINE  55 

de  Texecucion  des  dictes  bulles  &  procès  faiz  pour  les  dictes 
aliances,  &  pour  avoir  efté  du  commandement  &  ordonance 
du  dit  gouverneur  en  Gafpenfoix  prefenter  les  di6tes  bulles  au 
juge  de  Gapenfoix  &  des  Baronies,  &  dïllecques  devers  l'evefque 
de  Gap  '  qui  eltoit  à  la  Bâtie  de  lez  Chaourges  prefenter  les  dictes 
bulles,  le  quel  en  retint  copie  par  devers  lui,  &  pour  avoir 
femblablement  efté  à  Efbrun  pour  prefenter  les  diètes  bulles  au 
vicaire  de  l'arcevefque  d'Efbrun  &  au  prevoft  d'Oubz,  les  quelx 
eftoient  foubexecuteurs  des  dicles  bulles.  Ou  quel  voiage  faifant 
le  dit  meffire  Ra3-naud  Raymond  vaqua,  tant  en  venant  devers 
le  dit  gouverneur  comme  alant  aux  diz  lieux  par  devers  les  diz 
juges,  evefque  &  arcevefques  deffus  diz  pour  le  fait  deifus  dit, 
&  retournant  par  devers  ycellui  gouverneur  pour  lui  dire  & 
figniffier  ce  qu'il  avoit  fait  aux  diz  lieux,  c'eft  affavoir  du 
2^  jour  de  mars  1363  jucques  au  16'  jour  de  mars  deffus  dit 
inclus  que  fon  retour  fut  à  Grenoble,  pour  chafcun  jour  2  florins 
par  le6tre  de  taxacion  du  dit  gouverneur,  valent  .     28  florins.  - 

119.  Pour  autres  deniers  paiez  par  le  dit  gouverneur  à  deux 
meffagiers  par  lui  envolez,  c'eft  affavoir  l'un  d'iceulx  au  juge 
des  Baronies  &  l'autre  à  l'evefque  de  Gap,  porter  lectres  de  par 
lui  pour  les  chofes  deffus  dictes  avant  que  le  dit  meffire 
Raynaud  partefilt  pour  aler  aux  diz  lieux,  pour  ce  ...  . 
I  florin  7  gros.   ? 

Summa  per  fe. 

120.  Autre  defpenfe  faite  par  le  dit  gouverneur  pour  certains 
volages  par  lui  faiz,  tant  pour  le  fait  de  la  ville  &  fortereffe 
d'Anfe,  comme  pour  la  feurté,  tuicion  &  deffenfe  du  pays  du 
Dalphiné. 


1 .  Guillaume  Fournier  { 1^62-6)  :  cf.  Répert.,  c.  762  et  sufpl.  Il  prend 
le  titre  de  vices  gercns  viri  magniffici  dni  Radulphi  domini  de  Louppeyo, 
gubernatoris  Dalphinatus.  dans  une  pièce  du  28  août  1364  (Arch.  de 
l'Isère). 

2.  Loquatur,  quia  taxaclo  eft  exceffiva,  aclentis  vadiis  dicti  advocati  que 
funt  de  300  florenis  per  annum  nec  oftendit  lifteras  recognitionis,  &  ideo 
radiatur:  eciam  non  docet  de  contentis  in  ferie. 

3.  Doceat  de  nominibus  &  afferat. 


$6  CO.AIPTE    DE   RAOUL    DE   LOUPPY 

Pour  les  defpens  du  dit  gouverneur,  en  la  compaignie 
meOire  Amé  de  Genève  '  à  lo  chevaux,  meffirc  Oudebert  de 
Chaftelnuef  à  8  chevaux,  le  lire  de  Tuillans  à  8  chevaux,  le  fire 
d'Anjo  à  6  chevaux,  le  lire  de  Chaffenage  à  lo  chevaux, 
meflire  Anthoine  de  Vinay  à  5  chevaux,  le  lire  de  Baxi  à 
8  chevaux,  meflire  Didier  de  Chaflenaige  à  4  chevaux,  meiïire 
de  Guy  de  Morges  à  4  chevaux,  meflire  François  de  Belmont  à 
4  chevaux,  meflire  Guy  Coppier  à  4  chevaux,  meflire  Falque  de 
Brayseul  à  3  chevaux,  nieflire  Foques  de  Boufeuzel  à  3  chevaux, 
meflire  Alegret  de  Boenc  à  trois  chevaux  &  meflire  Aymars 
Alemans  à  4  chevaux,  pour  un^  volage  fait  par  le  dit  gouverneur 
&  les  defllis  diz  à  Lyon,  pour  meàlre  à  accort  le  peuple,  le 
clergié  &  citoiens  de  la  dicte  ville  de  Lyon,  pour  le  fait  nieflire 
Seguin  de  Badefol,  qui  eftoit  &  avoit  occuppé  la  fortereffe 
d'Anfe,  qui  par  chafcun  jour  lui  &  fes  gens  s'efforcoient  de 
grever  &  dommagier  les  habitans  de  la  diàte  ville  de  Lyon  & 
faire  guerre,  pour  la  quelle  tout  le  pays  eftoit  en  grant  péril. 
Ou  quel  volage  le  dit  flre  de  Louppy  vaqua  du  25^  jour  de 
février  1365,  alant,  demourant  &  retournant,  jucques  au  2"  jour 
de  mars  enfuivant,  premier  &  darenier  comptez,  par  8  jours 
pour  tout  :  fi  comme  il  appert  par  les  parties  des  defpens  faiz 
contenus  ou  dit  pappier  efcriptes  de  la  main  des  gens  du  dit 
gouverneur,  montant  pour  tout  monnaie  du  Dalphiné,  24  s. 
tournois  pour  florin,  400  1.  12  d.  tournois,  valent  332  florins 
II  gros  &  demi,  dont  il  chiet  pour  les  gaiges  du  dit  gouverneur 
57  florins  5  gros  &  demi;  demeure.     .     .     275  florins  5  groz. 

121.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  gouverneur,  en 
fa  compaignie  meflTire  Guy  de  Pruniers,  gouverneur  de 
Montpellier,  comis  &  ordcné  par  noftre  faint  père  le  Pappe 
pour  traiôlier  &  accorder  avecques  meflire  Seguin  de  Badefol 
&  le  dit  gouverneur  du  Dalphiné,  commis  à  ce  faire  par  le  Roy 
noftre  feigneur  pour  le  fait  &  délivrance  de  la  ville  d'Ance,  que 
le  dit  Segun  &  fes  compaignons  tenoient  &  occuppoient  lors. 
Pour  lequel  volage  faire  le  dit  gouverneur  parti  de  Romans 


I .  Amcdcc.  fils  du  comlc  de  Genève  Amcdée  III.  qui  fut  lui-même  comte 
après  son  frère  Aimon  III  (Rcpcrl.,  l".  99  et  240  }). 


J 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINÉ  57 

pour  aler  a  Vienne  pardevers  le  dit  gouverneur  de  Montpellier, 
à  43  chevaux  à  armes  defcouvertes,  pour  aler  à  Lyon  &  à  Ance 
pardevers  le  dit  Segun  de  Badefol  pour  acomplir  &;  parfaire  le 
dit  traiclié;  &  vacqua  le  dit  gouverneur  du  Dalphiné  avecques 
le  dit  gouverneur  de  Montpellier,  pour  prandre  journée  & 
accepter  les  hoftages  que  le  dit  Segun  devoit  baillier  pour  la 
délivrance  deffus  di(5le,  tant  alant,  fejournant,  befoignant  & 
retournant,  du  6®  jour  d'aouft  1365  jucques  au  (f  jour  d'aouft 
deffus  dit  que  fon  retour  fut  à  Valence,  par  3  jours  pour  tout  :  fi 
comme  il  appert  par  les  parties  des  defpens  faiz  ou  dit  voiage 
efcrips  ou  dit  pappier  par  les  mains  des  gens  du  dit  fire  de 
Louppy  rendu  à  court  ;  montant  pour  tout  monnoie  du 
Dalphiné,  à  24  fols  pour  florin,  172  1.  4  s.  3  deniers;  valent 
127  florins  i  gros,  dont  font  à  rabatre  pour  fes  gaiges  25  florins 

5  gros  &  demi  ;  demeure  .     .     .     .     loi  florins  7  gros  &  demi. 

122.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  fîre  de  Louppy  avec 

6  en  la  compaignie  du  dit  gouverneur  de  Montpellier,  pour  le 
fait  de  la  délivrance  de  la  vifle  d'Ance,  pour  traié1:ier  &  acorder 
avecques  le  dit  Segun  de  Badefol  &  fes  compaignons,  qui  la 
dicte  ville  tenoient  &  occuppoient.  Pour  le  quel  voiage  faire  à 
Lyon  &  à  Ance  le  dit  gouverneur  parti  des  parties  du  Dalphiné, 
à  40  chevaux  tant  des  gens  de  fon  hoftel  comme  de  nobles  & 
confeilz  du  Dalphiné,  qu'il  avoit  mandez  pour  aler  à  la  dicte 
journée  pour  la  caufe  deffus  diète,  &  vaqua  ou  dit  voiage 
avecques  le  dit  gouverneur  de  Montpellier  du  premier  jour  de 
feptembre  1365  jucques  au  8®  jour  d'icellui  mois  inclus,  par 
8  jours,  alant,  demourant,  fejournant,  befoignant  &  retournant, 
pour  tout:  fi  comme  il  appert  par  les  parties  contenues  ou  dit 
pappier  efcriptes  de  la  main  des  gens  du  dit  fire  de  Louppy 
qui  les  diz  defpens  faifoient;  montent  les  diètes  parties  monnoie 
du  Dalphiné,  24  fols  pour  florin  comme  dit  eft,  196  1.  2  s. 
II  deniers  tournois  ;  valent  163  florin  7  gros,  dont  il  chiet  pour 
fes  gaiges  49  florins  2  gros;  demeure    .     .     114  florins  5  gros. 

123.  Pour  autres  defpens  fais  par  le  dit  fire  de  Louppy, 
gouverneur  du  Dalphiné,  en  fa  compaignie  les  gens  de  fon 
hoftel  à  22  chevaux,  meffire  Amé  de  la  Mote  à  2  chevaux, 
mefllre  Guy  de  Morges  à  5  chevaux,  meffire  Alegret  de  Lorent 
à  2  chevaux,  meffire  Jaques  Artaut  à  3  chevaux,  meffire  Raynaud 


58  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

Reymond  à  3  chevaux,  meflire  Amblart  de  Belmont  à  4  chevaux, 
meffire  iMorart  d'Arces  &  Artaud  fon  fil  à  5  chevaux,  meffire 
Humbert  Pilart,  Jehan  Mathieu  &  Jehan  du  Sauze  à  6  chevaux, 
Jehan  Nicolet  à  2  chevaux,  meflîre  Pierre  Gale  à  2  chevaux, 
Goret  Gay  à  2  chevaux.  Jehan  du  Puy  à  2  chevaux,  qui  font  en 
fomme  fanz  les  chevaux  du  dit  gouverneur  38  chevaux,  pour 
aler  aux  Efchielles  fur  les  limitacions  des  deux  pays  du  Dalphiné 
&  de  Savoie.  Pour  le  quel  voiage  faire  le  dit  gouverneur  parti 
avecques  les  deffus  diz  le  i-]"  jour  d'aouft  1366,  pour  vifiter  les 
diètes  limitacions  d'entre  les  diz  pays,  &  vaqua  en  ycellui  voiage 
du  dit  17®  jour  d'aouft  jucques  au  21^  jour  du  dit  mois  que  fon 
retour  fut  au  Pin  par  4  jours,  premier  &  darenier  comptez,  pour 
tout  par  les  parties  des  defpens  efcriptes  ou  dit  pappier  faiz  à 
caufe  de  ce  par  les  mains  des  gens  du  dit  fire  de  Louppy, 
montant  117  florins  &  demi,  dont  il  chiet  pour  les  gaiges  du 
dit  gouverneur  24  florins  7  gros  &  demi  ;  demeure     .... 

82  florins  10  groz  &  demi. 

124.  Pour  autres  defpens  faiz  par  le  dit  fire  de  Louppy, 
gouverneur  du  Dalphiné,  en  fa  compaignie  meffire  Alegret, 
meffire  Guy  Coppier,  Guichart  &  Goret  d'Ay,  meffire  Jaques 
Artaut  &  Sandret  neveu,  Régnier  Coppe,  pour  aler,  par 
l'ordenance  &  mandement  de  monfeigneur  le  duc  d'Anjou  qui 
lors  venoit  ou  dit  Dalphiné,  à  Valence  &  à  Eftoille  pour  la  j  ournéc 
des  feigneurs  de  Vinay  &  d'Anjou,  à  laquelle  le  dit  monfeigneur 
le  duc  venoit,  par  ordenance  du  Ro}-  noftre  feigneur,  pour  en 
ordonner.  Pour  lequel  voiage  faire  le  dit  gouverneur  parti, 
lui  32"=  à  cheval,  pour  aler  à  la  dicte  journée  &  vaqua  en 
ycellui,  tant  pour  faire  &  ordonner  les  pourveances  pour  le  dit 
monfeigneur  d'Anjou  à  Valence  &  à  Eftoille,  avecques  meflire 
Arthaud  de  Belefemblant,  maiftre  d'oftel  du  dit  monfeigneur 
d'yVnjou,  &  le  lieutenant  du  treforier  du  Dalphiné,  comme 
alant,  demourant  tSc  fejournant  &  retournant,  du  premier  jour 
de  janvier  1367;  &  pour  aler  au  chaftcl  de  Suireu  ',  duquel  le 


I.  Aimar  de  Honssillon,  sciffiteur  d  Anjou,  avait  /ail  remise  du  châ- 
teau de  Surieu  au  i^ouvcrneur  Raoul  de  Luupfy.  le  (:!  janiK  i  jôO  (Arch. 
de  l'iscre,  H.  yojr^). 


GOUVERNEUR    DU    DAUPHINÉ  59 

débat  mouvoit  entre  les  diz  feigneurs,  du  commandement  & 
ordenance  du  dit  monfeigneur  le  duc,  ycellui  mettre  en  la 
main  du  Roy  noftre  feigneur  &  dalphin  de  Vienne,  jucques  au 
27^  jour  de  février  1367  enfuivant  que  fon  retour  fut  à  Valence, 
pour  tout  par  58  jours  :  fi  comme  il  appert  par  les  parties 
contenues  ou  pappier  des  diz  defpens  en  ycellui  efcrips  par 
les  mains  des  gens  du  dit  gouverneur  rendu  à  court;  montent 
pour  tout 165  florins  &  demi.  • 

Pour  ce  prefent  compte  ordenner  efcrire  &  doubler  deux 
foiz  en  parchemin,  &  pour  pappier  &  parchemin  à  ce  faire,  pour 
tout 10  florins. 

Summa 584  florins  4  groz. 

Summa  totalis    expenfe  hujus   computi 

11,021  flor.  5  grofs.  Dalph. 

Reftat  quod  débet 3,934  flor.  7  gros.  Dalph.  2 

Auditus  Par(ifius)  die  xij"  aprilis  CCCLXXIIIJ  ante  Paf(cha). 

125.  COMPTE  de  Raoul,  fire  de  Louppy  &  gouverneur  du 
Dalphiné,  à  caufe  de  fes  gaiges  ordonnez  à  lui  pour  caufe  du 
dit  gouvernement,  c'eft  affavoir  de  2,000  florins  petiz  par  an,  & 
de  1,000  florins  du  dit  pois  pour  caufe  d'augmentacion  des  diz 
gaiges  de  tout  le  temps  qu'il  en  a  efté  gouverneur. 

Recepte  : 

De  Philippe  Gillier,  treforier  du  Dalphiné,  en  plufieurs  parties 
acordées  avecques  lui,  fi  comme  il  appert  par  le  4*=  compte  du 

dit  Philippe  feni  à  la  faint  Jehan  1363 

4^772  florins  i  gros  petiz.  5 

De  lui  en  parties  acordées  par  fon  5®  compte  en  février  1363 
fur  fes  gaiges 2,250  florins  petiz.  4 


1 .  Radiatur,  quia  vadia  fua,  que  debent  deduci  de  Ifta  parte,  afcenduntad 
majorem  fummam  quam  faciunt  ifte .expenfe,  &  ideo  fufficiant  eidem  vadia. 

2.  Ponuntur  inferius  in  computo  vadiorum  fuorum  &  fie  nichil  hic. 

3.  Capiuntur  per   4'um  computum    dieli  Philippi  fmitum  ad  fanSlum 
Johannem  1363  &  ibi  corrigitur. 

4.  Capiuntur    per     $^^"^    computum    diéli    Philippi   finitum    ad    26^ 
februarii  1363  &  ibi  corrigitur. 


6o  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

De  lui  en  parties  acordées  par  fon  6'  compte  feni  au 
14' d'avril  1363 523  florins  petiz.  • 

Summa  : 7? 545  Aor.  i  grofs.  parvi  ponderis. 

Autre  recepte  : 

De  Jehan  du  Pont,  treforier  du  Dalphiné  aprez  le  dit  Ph'e 
Gillier,  par  troiz  leôtres  données  en  juing,  juillet,  oétobre  1364 
15542  flor.  petiz.  - 

Summa  per  fe. 

Autre  recepte  : 

De  Adam  Chanteprime,  treforier  aprez  le  dit  Jehan  du  Pont, 
acordées  par  fon  prefent  compte    .     .  7,536  flor.  8  petiz  groz.  3 

De  lui  en  plufieurs  parties  acordées  par  fon  darrenier  compte 
feni  en  novembre  1368 4,500  flor.  petiz.  4 

Summa  : 12,036  flor.  8  grofs. 

Autre  recepte  : 

De  Jehan  de  Serify,  treforier  aprez  le  dit  Adam,  par  plufieurs 
parties  acordées  &  c*     .     .     .     .     2,954  Ao^.  5  gros  3  quars.  '> 

Summa  per  fe. 

Summa  totalis  recepte  hujus  computi  : 

24,078  flor.  2  gros  3  quars  parvi  ponderis. 

126.  Defpenfe  : 

11  eft  deu  au  dit  lire  de  Louppy,  gouverneur  du  Dalphiné, 
pour  fes  gaiges  de  2,000  florins  par  an  &  mil  florins 
d'augmentacion  à  lui  ordennez  par  le  Roy  noftre  feigneur  à 
caufe  du  gouvernement  du  dit  Dalphiné,  c'eft  affavoir  du 
j^  jour  d'octobre  l'an  1361  qu'il  commença  à  cxcercer  le  dit 
office  jucques  au  2^  jour  de  feptembre  136g  qu'il  le  parti  du  dit 
Dalphiné  pour  venir  en  France  pour  cftre  defchargié  du  dit 
gouvernement,  &  du  dit  fécond  jour  de  feptembre  1369  jucques 
au   ro^  jour    de    décembre     enfuivant    ex.clus,    que    monfire 


1 .  Capiuntur  per  6'""^  computum  &  ibi  corrigitur. 

2.  (vapiunlur    per    computum    di6\i    Jo(hannis)  finitum    in    deccmbri 
1364  &  ibi  corrigitur. 

3.  Capiuntur  per   primum  computum  di6li   Ade  finitum  ad    _'7"  apri- 
lis  i3<^>7  &  ibi  corrigitur. 

4.  Capiuntur  per  di6lum  computum  &  ibi  corrigitur. 

5.  Capiuntur  per  computum  diôli  Jo(hannis)  finitum  in  decembri  13O0 
&  ibi  corrigitur. 


GOUVERNEUR    DU   DAUPHIXÉ  6l 

Jaques  de  Vienne,  chevalier,  fut  ordenné  &  commis  ou  dit 
gouvernement  en  lieu  du  dit  fîre  de  Louppy,  ou  quel  temps 
font  8  ans  &  63  jours,  valent  à  l'extimacion  de  2,000  flor.  Dalph. 

de  gaiges  par  an  &  mil  florins  d'augmentacion 

24,587  florins  3  grofs.  parv'i  ponderis. 

Summa  expenfarum  per  fe. 

Auditus  xix''  januarii  CCCLXXV. 

Sic  debentur  dicto  domino  de  Louppeyo 

509  flor.  cum  quarto  unius  grofll. 

Et  débet  pro  flne  computi  fui,  de  pluribus  viagiis  per  eum 
faclis  temporc  quo  fuit  gubernator,  ibi  fupcrius  immédiate 
futi 3,934  flor.  7  grofs.  Dalph. 

Reftat  quod  débet  3,425  flor.  6  grofs.  cum  3  quart. 

Et  debentur  dicto  dno  Radulpho  inter  débita  thefauri 
de  termino  Nativitatis  Domini  1375  pro  fine  compoti  fui  ordinarii 
vadiorum  fuorum  ufque  ad  15"  novembris  1375,  prout  conftat 
per  cedulam  dicti  thefaurarii  datam  28*  die  januarii  1375,  1218  1. 
12  s.  3  d.  p.,  valent 1,523  1.  5  s.  3  p.  t.  ' 

Solvitper  cedulam  thefauri,  datam  die  29"  januarii  1375,  pro 
partibus  tornatis  1.218  1.  12  s.  3  d.  p.;  valent  1,523  1.  5  s.  3  den. 
3  p.  tourn.,  franco  pro  20  s.  t.;  faciunt  computando  5  francos 
pro  6  flor.  dalphinalibus     .     .     .     1,827  flor.  11  grofs.  Dalph. 

Summa  per  fe. 

Reftat  quod  débet  1,597  ^o^"-  7  ë^^^  >  quars  parvi  ponderis. 
Super  qua  refta  diclus  dominus  de  Louppeyo  petebat-  flbi 
deduci  fumma  1,000  mutonum  auri,  eidem  data  per  dnum 
Regem  pro  tempore  quo  erat  regnum  regens,  per  ejus  licteras 
datas  2V  februarii  1357,  capienda  fuper  rachatis,  quintis 
denariis,  forefacturis  &  manibus  mortuis  bailliviarum  Viro- 
mandenfl,  Vitriaci  &  Calvimontis  :  de  qua  nuUam  habuit 
fatiffacionem.  Item  dicebat  quod  fibi  debebantur  3,000  flor. 
dalphinalium  pro  dono  fibi  facto  pro  tribus  annis,  videl.  pro 
quolibet  anno  1,000  flor.,  ultra  vadia  de  2,000  flor.  &  augmen- 
tacionem  de  1,000  flor.  dalphinalium  :  de  quibus  3,000  flor. 
nundum  fuerat  fibi  fatiflaclum,  prout  conftabat  per   ficleras 


I.  Radiatur  &  liet  per  thefaurarium. 


02  COMPTE  DE  RAOUL  DE  LOUPPY 

di(5li  doni  datas  13"  die  junii  1366,  continentes  1,000  tlor.,  &  per 
alias  licleras  datas  26^  aprilis  1368,  pro  2*^"^  annis  2,000  flor. 
Dominis  compotorum  econtra  dicentibus  quod  licl:ere  donorum 
predictorum  nunquam  fuerant  expedite  per  cameram,  eciam 
nimis  tardaverat  ad  requirendum  expedicionem  earumdem. 
Tandem  concordatum  fuit  cum  diclo  domino  de  Louppeyo,  die 
audicionis  liujus  computi,  per  dominos  predictos,  aftantibus  ad 
bm'ellum  dnis  Antiffîodorenfi  ',  H.  de  Rocha,  B.  de  Claufo, 
Thoma  Tornatoris  - ,  Reginaldo  de  Coulombo ,  Petro  de 
Caftro,  A.  Raymondeti,  Philippe  Ogerii  5  et  G.  Hametel,  quod 
pro  omnibus  donis  predictis,  de  quibus  liclere  retente  fuerunt 
in  dicta  caméra  &  ponuntur  cum  licteris  primi  compoti 
luperius  futi,  dictus  dominus  de  Louppeyo  remaneret  quitus 
de  predicta  refta  de  1800  &  c%  &  Rex  erga  eum  de  dictis  donis 
&  fie  quictus. 

Quia  vero  dictus  dominus  de  Louppeyo  indebite  oneratus 
fuit  fuperius  in  recepta  hujus  compoti  de  200  francis  quos 
pridem  receperat  a  Renero  Coppe,  exactore  generali  fublidii 
Dalphinatus  pro  dno  Gontero  de  Balneolis,  fuper  quodam 
dono  de  500  francis  tune  facto  per  dnum  Regem  eidem  dno 
Gontero,  capiendo  fuper  dictum  exactorem  ;  de  quibus  200  franc. 
dédit  eidem  Renero  liéteram  fuam  &  quos  dictus  dnus  Gonterus 
recepit  a  dicto  domino  de  Louppy,  prout  conftitit  per  licteram 
fuam  recognitionis,  quam  idem  dominus  de  Louppy  reddidit 
dicto  Renero  nec  fuam  recuperavit  ab  eodem.  Et  quia  virtute 
dicte  lictere  recognicionis  ejufdem  dni  Gonteri  dicti  200  franci 
tenent  locum  eidem  Renero  in  computo  fuo  dicti  fubfidii,  prout 
conftitit  camere  per  refcripcionem  auditorum  compiitorum 
dalphinalium  de  ordinacione  dominorum  facta  ad  burellum 
6"  no(vembris)  1378,  dicta  fumma  de  200  francis  redditur  hic 
eidem  domino  de  Louppy  pro  eodem  200  franc,  llabuit 
ccdulam  teftimonialem  de  dicta  fumma  &  alîignacionem  fuper 
thefaurario  Dalphinatus  9"  novembris  137B.  1 


1.  Nicolas  d'Arcis,  cvûque  d'Auxerre  de  i  ^y  2  à  i  ]j6. 

2.  Thomas  le  Tourneur,  archidiacre  de  Tournay  et  secrélairc  Jii    roi 
(Mandcm.  de  Charles  V,  p.   1030'^). 

3.  Philippe  Ovier.  secrétaire  du  roifibid..  p.    loib'-'). 

4.  Poncndub  cum  non  futis  ab  Afcen(cione)  Domini  1373  citra. 


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ANNE  ET  HUMBERT  I". 

Par  son  dernier  testament  (1267)  Guignes  VI  avait  formel- 
lement substitué,  comme  héritière  du  Daupliiné,  sa  fille 
ainéeàson  fils,  au  cas  où  celui-ci  décéderait  sans  postérité  : 
de  ce  chef,  audauijhin  Jean  l'-""  succéda  sa  sœur  Ann^  mariée 
depuis  le  31  août  1273  à  Humbert  de  la  Tour.  Quatrième  fils 
d'Albert  III,  seigneur  de  la  Tour,  et  de  Béatrix  de  Coligny, 
Humbert  fut  d'abord  chanoine  de  Paris,  chantre  de  Lyon 
(conf.  5  mars  12ô3)  et  doyen  de  Vienne  (1268-70).  A  la  mort 
de  son  frère  Albert  IV,  fl  devint  seigneur  de  la  Tour  et  de 
Coligny,  par  la  cession  des  droits  partiels  de  ses  deux  autres 
frères,  Guy,  évèque  de  Clermont,  et  Hugues,  sénéchal  de 
Lyon,  et  de  sa  belle-sœur  Alix  (mai  1273);  il  héritait  en 
même  temps  de  la  dignité  de  sénéchal  fojficium  senesealciœ) 
du  roj'aume  d'Arles  (et  de  Bourgogne),  qui  lui  fut  confirmée 
par  les  rois  des  Romains  Rodolphe  (1  juin  1278,  4  mai  1291) 
et  Albert  (2'.»  mai  1305). 

Son  premier  acte  en  Dauphiné  fat  de  jurer,  nomnie  Annœ, 
comitissœ  eomitatuam  Viennœ  et  Albonis,  et  dominœ  de 
Turre  et  de  Color/niaco,  le  maintien  des  libertés  de  la  ville 
de  Grenoble  (3  o6t.  1282)'.  Tous  les  soins  du  prince  consort 
tendirent  à  conserver  intacts  les  droits  de  la  dauphiné  et  à 
agrandir  ses  possessions.  Dès  le  4  févr.  1281,  le  duc  de 
Bourgogne,  Robert  II,  avait  obtenu  du  roi  Rodolphe  I" 
l'inféodation  de  tout  ce  qui  pouvait  leur  revenir  sur  le  Dau- 
phiné par  Siiite  de  la  mort  du  dauphin  Jean,  sauf  les  droits 
de  Béatrix  de  Savoie;  Humbert  sollicita  immédiatement  et 
obtint  (17  mars)  un  sauf-conduit  pour  se  rendre  auprès  du 
roi  des  Romains,  alors  à  Baden.  Les  deux  contendants  s'en 
remirent  ensuite  à  l'arbitrage  du  roi  de  France,  qui  enjoi- 
gnit au  dauphin  de  payer  au  duc  20.000  liv.  tourn.  à  Lyon 


(15  sept.  1285);  l'accord  ne  fui  définitif  qu'à  la  suite  d'une 
nouvelle  convention  entre  les  parties  et  d'une  sentence  de 
Pliilippe  le  Bel,  qui  venait  de  succéder  à  son  père  (25  janv. 
12^(Jj. 

Poussée  sans  doute  par  son  nouveau  mari,  Gaston  de 
Béarn,  la  mère  d'Anne,  Béatrix,  fit  de  son  côté  valoir  sur 
les  comtés  de  Vienne  et  d'Albon  des  prétentions  qui  furent 
réglées  par  une  transaction  solennelle  du  15  déc.  1284, 
suTvie  d'un  échange  de  châteaux  (30  juil.  1286);  elle  donna 
ensuite  à  Hunibert  son  fief  de  Gex  et  lui  fit  remise  de  sa  dot 
(10  nov.  1287).  Après  la  mort  île  Gaston,  pour  dégager  son 
gendre  de  l'hommage  que  réclamait  de  lui  le  comte  de  Savoie 
à  raison  des  baroniiies  de  la  Tour-du-Pin  et  de  Coligny,  elle 
consentit  à  tenir  en  fief  d'Amédée  V  le  Faucigny  (27  mai 
120.3);  cédant  plus  tard  à  une  invitation  affectueuse  du  roi 
de  France,  elle  donna  en  propriété  cette  même  baronnie  au 
dauphin  pour  un  de  ses  enfants  (15  sept.  1295).  Elle  finit 
mètne  par  lui  faire  une  donation  générale  de  tous  ses  biens 
paternels  et  maternels  (11  août  130.3). 

Comme  compensation  aux  terres  cédées  au  duc  de  Bour- 
gogne et  aux  frais  de  guerre  subis  par  Humbert,  Anne  lui 
assigna  un  revenu  de  5.030  liv.  et  les  meilleurs  domaines 
de  ses  états;  en  cas  de  survie  elle  devait  rentrer  en  posses- 
sion de  son  héritage,  auquel  son  mari  ajoutait  la  baroniiie 
de  la  Tour  (8  déc.  1285  et  13  janv.  1287).  Ils  assurèrent  de 
bonne  heure  à  leur  fils  aine  leur  succession,  par  une  série 
d'actes  qui  seront  indiqués  dans  la  notice  de  Jean  II. 

En  récompense  de  sa  fidélité  à  l'Empire,  Humbert  reçut 
en  f\Ciï(feo(lum)  du  roi  liodolplie  I"""  le  château  de  Montélimar 
(12  mai  1280);  celui  d'Orange  (Aurayeaj  lui  fut  pareillement 
concédé  par  Albert  I",  mais  avec  cette  clause  :  si.  ab  eo  qui 
Ipsum  nitne  possidel  bono  eijusto  modo  conquœrere  potsris 
(29  mai  1305).  Dans  rintervalle  le  dauphin  acquit  successi- 
vement :  l'hommage  d'Aimon  de  Boczosel  (19  fév.  1201)  ;  C(dui 
de  Raymond  de  Mévouillon  pour  sa  baronnie  (10  juil.  1203), 
qu'il  dut  néannioins  recoiinxitre  en  fief  de  l'évèriue  de  Va- 
lence et  Die  (0  août  12  )));  et  cel  li  d'H  ig  l'^s  A  Ihéai  ir  pour 
la  l):ironnie  de  Vloataubui  (3  m  irs  IdJ)),  d  >nt  il  acIiMa  plus 
tard  la  propriété  (  îl  août  \i)i),  sans  en  avoir  encore  pu 
obtenir  délivrance  Ie8  nov.  13)1;  le  château 'le  Valré.is,  que 
lui  vendit  Roncelin  de  Montauban  (15  juil.  1291);  la  terre  de 
Visan,  que  lui  do  ma  Béatrix  de  Mévouillon  (7  août  1291)  et 
pour  laquelle  Humbert  paya  4.090  liv.  (28  suiv.l  et  donna  le 
château  de  Pisançon  et  le  péage  de  Saint-Paul  pour  4.000 
autres  (29  juin  1296)  à  Raymond  de  Mévouillon;  et  le  château 
de  Cornillbn  (en  vallée  d'Oulle),  que  lui  vendit  ce  dernier  le 
30  nov.  1-392.  Des  le  com*  de  février  1295  le  dauphin  négo- 
ciait l'achat  de  Mirabel,  Nyons  et  Vinsobres;  le  17  fév.  1303, 
il  donna  en  fief  Vinsobres  à  Guillaume  de  Plaisians  et,  le 
:U)  sept.  13,01,  il  en  appela  à  l'empereur  ou  au  pape  de  l'in- 
jonction que  lui  faisait  l'archevètpie  d'Arles  de  remettre  ces 
cljâteaux  à  l'abbesse  de  Saint-Césaire. 

Dans  un  voyage  à  Paris,  à  la  Un  de  1294,  Humbert  fit  avec 
Philippe  le  Bel  un  traité  d'alliance  contre  le  roi  d'Angleterre 
et  le  Cf)mte  rie  Savoie  (4  oct.);  peu  a|)rès,  lui  et  son  (ils  ainô 
remlin^nt  hommage  lige  au  roi  do  France,  qui  leur  donna 
10.000  liv.  de  gratification  et  500  de  rente  annuelle  (déc.) 


I 


—  3  — 

Incapaljle  de  prendre  personnellement  part  aux  guerres  de 
Flandre  de  1302  et  1304,  pour  lesquelles  il  lut  mandé,  il  se 
fit  représenter  par  ses  fils  Jean  et  Guy. 

L'accroissement  du  domaine  delphinal  ne  s'était  pas  pro- 
duit sans  malversations  et  méfaits.  Sans  parler  de  son  état 
fréquent  d'hostilité  avec  la  maison  de  Savoie,  Humbert  fut 
excommunié  par  le  pape  pour  avoir  pressuré  ses  sujets  en 
établissant  de  nouveaux  péages  et  la  gabelle  (8  mai  1280);  il 
le  fut  ensuite  par  l'évèque  de  Genève,  comme  coupal)le 
d'avoir  attaqué  sa  ville  épiscopale,  incendié  ses  faubourgs 
et  pris  le  château  de  Thiez  (26  sept,  et  21  oct.  1291);  peut- 
être  encore  par  l'archevêque  d'Arles  (30  nov.  1300). 

D'après  l'opinion  la  plus  modérée  (Vai.b.,  t.  1,  p.  262),  le 
dauphin  s'était  retiré  à  la  chartreuse  du  Val-Sainte-Marie 
dès  la  fin  de  1306  :  l'itinéraire  qui  suit  fera  justice  de  cette 
légende;  car,  en  admettant  avec  le  même  auteur  qu'il  y  est 
mort  vers  le  12  avril  1307,  il  n'y  aurait  résidé  que  deux  jours 
depuis  son  codicille  (inédit)  du  10.  Le  Nécrologe  de  Saint- 
Robert  mentionne  son  obit  au  18  de  ce  mois  (XIIII  kal.  niaii, 
Humberius  dalphinus,  qui  obiit  W^  Z)'  M"  CCC°  Vil") ;  ce  doit 
être  la  date  de  son  enterrement,  d'après  les  actes  d'hom- 
mage rendus  ce  même  jour  à  son  successeur,  illustri  viro 
d.  Humberto....  inelitœ  recordationis  ciam  xinicersœ  carnr's 
ingresso  et  ejus  corpore  tradito  ecclesiasticœ  sepulinrœ.  En 
tout  cas,  la  tlate  de  rinscri[)tion  de  Salettes  (XIII  kl.  mail  = 
19  avril)  est  certainement  inexacte. 

De  son  épouse  Anne,  dont  on  ignore  la  mort  (le  dernier 
acte  où  elle  figureest  du  l'='"aoùt  1300),  le  dauphin  eut  (quatre 
fils  et  cinq  filles  :  Jean,  qui  lui  succéda;  Hugues,  fiancé  à 
Agnès  de  Savoie  (l"  janv.  1296),  émancipé  par  son  père  et 
avantagé  du  château  de  Montbonnot  et  de  la  maison-forte 
de  Montfort  le  3  fév.  1298,  mis  en  possession  de  la  baronnie 
de  Faucigny  par  ordre  de  son  aïeule  Béatrix,  à  Bonneville 
le  2  janv.  1304,  épousa  Marie,  fille  du  comte  de  Savoie 
Amédée  V  et  de  Marie  de  Brabant,  le  9  sept.  1309,  fit  dona- 
tion de  tous  ses  biens  à  son  frère  Jean  le  29  nov.  131."),  la 
renouvela  à  ses  neveux  Guignes  et  Humbert  le  21  fév.  1322, 
et  mourut  le  3  juil.  1329;  Guy,  compagnon  de  son  frère  dans  la 
guerre  de  Flandre  (1302),  gardier  deLyon  (août  1307),  baron 
de  Montauban,  capitaine  général  en  Lombardie  (22  fév.  131 1), 
nommé  roi  de  Salonique  à  Thèbes  le  26  mars  suiv.,  avait 
épousé  Béatrix,  fille  de  Bertrand  de  Baux  d'Avellin,  dite 
Pontessona  :  il  te,sta  à  Causans  le  23  janv.  1318  et  décéda  le 
25  s.;  Henri,  dont  il  sera  question  dans  la  notice  de  Gui- 
gnes VII;  Alix  fAIasia,  Alai/sia,  Al.isiaj,  fiancée  au  comte  de 
Savoie  Amédée  V  (1'^''  janv.  1296),  fut  mariée  à  Jean  I",  comte 
de  Forez,  à  Vienne  le  28  mars  suiv.  et  mourut  vers  1311; 
Marie  épousa  Aimarei,  petit-fils  d'Aimar  III,  comte  de  Valen- 
tinois  (13  juil.  1297),  devint  après  la  mort  de  son  mari  prieure 
de  Salettes  (1331)  et  vivait  encore  en  1355;  ^Marguerite  fut 
mariée  à  Frédéric,  fils  aine  de  Mainfroi  IV,  marquis  de  Salu- 
ées, par  procuration  du  14  août  1302  ;  Béatrix  épousa  Hugues, 
fils  aine  de  Jean,  sire  d'Arlay,  le  13  fév.  1303,  présida  le  co'nseil 
delphinal  avant  le  retour  d'Humbert  II  (4  aoùt-11  oct.  1333) 
et  mourut  à  Cuiseaux  le  10  juin  1347;  Catherine,  mariée 
par  son  frère  Jean  à  Philippe  de  Savoie,  prince  d'Achaïe 
(3  mai  1312),  était  veuve  en  1333. 


—  4  — 

Jusqu'au  G  déc.  128.")  la  suscription  des  chartes  du  dauphin 
porta  :  Humbertits  dalphinus  Viennensis  et  Albon/s  cornes 
dominusque  de  Turre  et  de  Cologniaeo ;  dès  le  30  juil.  1286, 
il  abandonna  définitivement  le  titre  de  baron  de  Coligny. 
Humbert  se  qualifiait-il  «  dauphin,  comte  devienne  et  d'Al- 
bon,  »  ou  «  dauphin  de  Viennois  et  comte  d'Albon  »  2^  Voici 
des  textes  formels  en  faveur  de  la  1'"''  interprétation  :  Hiim- 
bertiis  Dalphini,  cornes  Vienn.  et  Al  boni  s  ;  H.  D-i,  V.  et  A. 
c;  H.  dalphinus,  A.  et  V.  c;  H.  d.,  e.  V.et  A.;  H.  d.,  (V.  et 
A.)  comitatiuun  c:  Hiunbers  darpJiins  et  coins  d'Arbons  et 
de  Viennois  (et  même  H.  daujins,  de  V.  et  d'Albnni  cuens); 
H.  donne  à  son  fils  Dalphinatum  et  coniitatus  Vien.  et  Ai- 
bonis;  il  a  un  juge  coniitatus  V.  et  A.;  Anne  omet  parfois 
son  titre  de  dalphina  et  se  dit  simplement  Vien.  et  Albon. 
comitissa.  En  voici  néanmoins  d'autres  qui  justifieraient  la 
2*^,  mais  aucun  n'émane  du  dauphin  lui-même  :  Humbertus, 
dalphinus  Viennensis  ;  //.,  eonies  A/bonis  ac  d.  V.;  H-t  dau- 
phin de  Viennois;  dalphinatus  Vienncn.  et  comitatus  A.  11 
n'est  pas  sans  intérêt  de  remarquer  que  dans  quelques  piè- 
ces originales  son  nom  est  écrit  Hijnibertus  et  Inibertus. 

La  chancellerie  d'Humbert  a  continué  de  prendre  le  com- 
mencement de  Tannée  à  Tlncarnation,  quelque  soit  1  expres- 
sion employée  :  anno  Domini,  Inearnationis  Dominicœ  ou 
Incarnati  Verbi.  La  clef  du  système  suivi  à  cette  époque  me 
semble  donnée  par  un  actedu29oct.  1300,  scellé  de  la  bulle 
en  ])lomb  de  Raymond  de  Mévouillon  :  surnpto  millesimo 
cjuoad  indictionèni  et  Inearnationeni  siniul  in  Annunciatione 
Doniinica;  et  confirmée  par  nn  français  instrumentant  à 
Vienne  (20  mars  1303)  :  est  seiendum  quod  data  incipit  in 
Annunciatione  Doniinica,  seeunduni  eonsuetudineni  ecclesiœ 
Viennensis.  Le  style  de  la  Nativité  est  employé  des  le 
13  aoiit  1292,  dans  un  acte  de  Sibylle  d'Aix,  dame  de  Saintc- 
Jalle. 


1264 

Août,    Saint-Etienne 
Treffort. 

1207 

Septembre  13. 

1268 

Juin  25,  Vienne. 
Novembre  2,  Vienne. 

1270 

Février. 
Décembre  29. 


sous 


Mars  0. 


Juillet  29. 


1271 


1272 


1273 


Mai. 


Août  31,  Màcon  [Mastico). 
Septembre. 

1274 

Janvier. 
Octobre  25. 

1276 

Juillet  31. 
Septembre  21  ;  22. 
Octobre  7. 

1277 

Janvier  18, 

Septembre  22. 

Décembre  4;  18,  Moidi(;u 
(Moi/dies);  28;  29,  Vienne  (in 
donio  de  Muriana  Juxta  claus- 
truni  S.  Mauricii). 

1278 

Mars  30,  Vienne  {in  capit. 
FF.  Minorum);  31. 
Novembre  11, 


1279 

Février  28. 

Mars  29. 

Octobre  3,  Saint-Sorlin  f^S". 
Saturninus  de  Cucheto,  Ain); 
12,  Bourgoin  (Buvfjand.iuhi). 

Décembre  10. 

1280 

Mars  7. 
Septembre. 

1281 

1282 

.  Juillet  G,  Saint-Lattier  (S. 
EIeuteriiis);2S)1 

Septembre  21,  Boiineville? 

Octobre  3,  Gretiolde  (cloitre 
de  St-André);  20,  Romette. 

Novemljrc  (i,  Oulx  ;  21, 
Grenoljle. 

Décembre  22,  (Greiioldc?i 

1283 

Février  1;  11,  (Le  Puy). 

.luin  iS,  (Vienne). 

Juillet  2;  7;  11,  Romans. 

AoùtO, Vienne;  7;  12,  Vienne. 

Septembre,  Saint-Sorlin  iS. 
Saturninus  de  Cucheto i;  11  ; 
26,  27,  (Vienne). 

Décembre  21;  30,  Clia1)euil. 

1284 

Janvier  20,  Saint-Sorlin. 

Août  10,  Vizdle. 
Novembre  7,  (Grenoble?) 
Décembre   15,   prés    Pont- 
charra  sous  Av'alon;  17,  Vi- 
zille;  29,  Saint- Vallier. 

1285 

Janvier  21,  Saint- Vallier. 

Mars  28  ou  31. 
Juin  3. 
Août  10/7. 

Septembre;  28,  La    Balme 
en  Viennois. 
Novembre  9. 
Décembre  0;  8,  (Lvoni') 


1286 

Janvier  2h,  (Paris). 
Février,  (Paris  i*) 

Mars  27. 
Avril  0. 
Juin  .3. 
Juillet  30. 
Août  0;  18. 
Octobre  11. 

1287 

Janvier  7;  1.3,  Vienne  {in 
domo  S.  Gervasii). 

Février  1,  ^'ienne;  10;  2"), 
Vienne. 

Mars. 

Avril  8,  Saint-Vallier  (in 
efanstro)  :  12,  Vienne  (in  domo 
S.  Gcrcasii);  22,  Saint-Serlin 
(S.  Saturninus  de  Cucheto). 

Mai  10,  Saint-Vallier. 

Juin  11. 

Juillet  1,  Lyon;  8,  Cri.sin- 
ciacum;  12,  Ll. 

Novembre  13;  IS,  20,  22, 
x\nnemasse  (Haute- Savoi(M; 
21,  27. 

Septembre  25,  Brianeon  ; 
27,  Embrun. 

Octobre  9,  Grenolde;  20. 

Décembre  r?  ;  29,  Montmiral 
(ap.  Montent  Miratum,  inj'ra 
fortalie.);  30. 

1288 

Janvier  3;  21,  25,  Lyon. 

Mars. 

Mai  ;  13,  Vienne  (in  domo  S. 
Gervasii). 

Juin  19. 

Juillet  5,  Saint-Lattier  (S. 
Eleuierius). 

Décembre  16. 


1289 


Mars  G. 


Mai  10;  25,  Grenoble. 
Juin  20,  Contamine;  27. 
Juillet  4. 
Septembre  23. 
Octobre  10,  17,  Vienne;  30. 
Déceml)re    9,   Vienne   (in 
domo  S.  Gervasii). 


—  n  — 


1290 

Janvier  D ,  La  Balme  en 
Viennois;  13,  Bonnevilleprès 
Faucigny;  24. 

Février  1,  Crest  (Crista). 

Mars  7,  Saint-Sorlin  (S. 
Saturninus  de  Cucheto). 

Mai  18,  (La  Tour-du-Pin). 
Juin  25,  Lvon, 
Juillet  1,  Vienne;  22,  23. 
Août  2;  6. 

Septembre  1,  «  Bornete  ». 

1291 

Février  \[),  Pont-de-Cliéruy 
{supra  pontem  C/tarujjsii  dic- 
tiim  d  Amer)  ;  27. 

Mars  22;  31,  Grenoble. 

Avril  1,  Grenoble;  3,  Cor- 
nillon  (Currdllio  in  Greysi- 
raudano);!;  10, 12,  Grenoble; 
15;  21,  La  Balme  l'Vn  Vienneij- 
sio);2C>,  Sallanches. 

Mai  4,  Morat  (Muratum). 

JulnO;  30,  L}*on  [in  domo 
dalphinl  voc.  Coloniez). 

Juillet  23;  20,  Grenoble  (/n 
domo  d  al  phi  ni). 

Août  18, 10, attaque  Genève; 
en  Faucigny,  prend  chat,  de 
Tliyez  {Tetjz,  Tez)  sur  territ. 
de  Sallaz. 

Octobre  3,  Vienne. 

Novemljre  2r3,  28. 

Décembre  4. 

1292 

Janvier  1,  Romans. 

Mars. 

Juin  12  ,  «  ap.  Burinam 
Vien.  »  (La  Balme?) 

Juillet  13,  Vienne  (m  domo 
S.  Gcrcasii);  14;  23,  20,  Vienne. 

Août  20. 

Septembre  30. 

Octobre. 

Novembre  18;  23,  21,  Gre- 
noble. 

1293 

Janvier  22,  Cliabeuil  {Ca- 
Ijiolam). 

Mars  7,  La  Buissière  [Bu- 
xoriai. 


Avril  2.") .'';  27,  Embrun  ?  ;  28. 

Mai  2u,  27,  Saint-Jean-de- 
Moirans  (hospit.  S.  Johannis 
inter  Voj/ronem  et  Moijren- 
cuni). 

Juin  20,  (Clermont'i'i;  2G. 

J  uil.  10,  Chabeuilf  Ca6eo/am) 

Aoùtl,  Mévouillon. 

Septembre,  Grenoble. 

Octobre  7,  (Saint-Antoine?) 

Novembre  21. 

Décembre  13;  .'.1. 


1294 


Février. 


—  ,  Beauvoir  en  Rovans. 

Avril  14;  20. 

Mai  20,  Grenoble  (in  domo 
nova  dalp/iitii). 

Juin  8,  24,  Beauvoir  (Belli- 
visas,  Belliunvidere  in  Roay- 
niis). 

Juillet  1,  Romans;  7;  15. 

Août  7?;  23;  28;? 

Septembre  19,  Embrun  ?;  30. 

Octobre  2;  4,  Paris. 

Novembre  8,  La  Balme  en 
Viennois. 

Décembre,  Paris. 

1295 

Février;  5;  21,  Grenoble. 
Mars  2. 

Avril  8,  Vienne;  27;  28, 
Grenoble  (domas  palacii  dal- 
phin.);2\). 

Mai. 

Juin  23,  Saint-Hilaire(-du- 
Rosier,  S.  Ylarius). 

Juillet  12,  13,  21,  23. 

Août  1;  9,  Romans  (aida 
arr.hicpiseop.) 

Septembre  21. 

Octobre  3. 

Novembre  12. 

1296 


Mars  25;  28,  29,  Sainte- 
Colombe  (an.  Viennam,  in 
domo  FF.  Mitior.  dira  Roda- 
nu  m  in  rerjnoj. 

Avril  23'. 


Mai  9,  (Grenoble?);  22,  Vais 
(c"«  de  St-Uze,  apiid  VaUem): 
31,  Vienne. 

Juin  2,  3  ;  29,  La  Baume 
(-d'Hostun,  Balma)  en  Ro- 
yans. 

Septembre  1;  15,  (Saint- 
Robert  sous  Cornillon  en 
Graisivaudan). 

Novembre  21,  Valréas  (Val- 
riaci,  in  domo  forestarie  FF. 
Minor.) 

Décembre  4;  5,  Valréas 
dbid.);  2G. 

1297 

Janvier  9,  Chabeuil  (Caheo- 
lum). 

Févr.  8,  La  Balme  en  Vien- 
nois; 15. 

Avril  3,  La  Balme  tle  Tile 
de  Crémieu. 

Juin  30?,  Cornillon  ( Gar- 
ni II  io). 

Juillet  5;  13,  Grenoble. 

Août  1,  Beauvoir  (Bellum- 
nisum);  19. 

Octob,  Beauvoir;  23,  Ni  mes 
(Nemausiam). 

Novembre  1,  Valréas;  10, 
Vali;  14;  18,  Monibonnot;  25, 
27,  Valréas  (Valriacum). 

1298 

Janvier  8,  Upaix  {Upasii, 
ante  palaeium). 

Février  3,  Montbonnot  {ap 
Montent     Bonoadiun ,    infra 
fortalie.)\  10, 17,  20,  Grenoble. 

Mars  14,  Beauvoir  {Bellam 
Videre). 

Juin  17,  Lyon  (Lngduniy,  25. 

Août  8,  (Bourgoin?) 

Septembre  3, "Die  (Dia);  7; 
28,Monthonnoi(Montbonouty, 
30,  La  Balme  en  Viennois. 

Octobre  20,  La  Balme;  29, 
Vienne ,  abb.  de  St-Pierre 
hors  la  porte. 

Décembre  7. 

1299 

Février  23, 
Mars  4. 

Mai  4,  La  Tourf-du-Pin, 
Turris). 


Octobre,  (Salettes?) 
Novembre  7,  Quirieu  ;  1  !,  10. 
Décembre. 

1300 

Février  1,  Saint- Vallier  (in 
domo  prior.);  3. 

Mars  2,  Le  Puy?);  21. 

Mai;  4,  St-Laurent ;  5,  Gre- 
noble {prior.  S.  Laurentii)\ 
11,  15. 

Juin  21. 

Juillet  4,  G,  9,  20?,  au  siège 
de  Mérindol  ;  21  ,  Moirans 
{prior.)  ;  28,  Grenoble  ;  30. 

Août  1,  (Saint-Robert?) 

Septembre  5,  bastide  del 
dure,  territ.  de  Sisteron  près 
de  la  Durance;  12. 

Novembre  25,  Romans  [in 
domo  FF.  Minor.) 

1301 


Juillet  3,  Planaise  (Plarjnia, 
Plaiijnia)  sur  l'Isère,  près  du 
pont  de  Montmélian  ;  12. 

Août  24,  La  Balme. 

Septembre  12. 

Octobre  5,  21,  La  Balme. 

Noventbre  28,  La  Balme  (m 
insida  Charusii). 

Décembre  3;  22,  Lyon;  20. 

1302 

Janvier  4,  ile  de  Chéruy. 

Mars  5. 

Juin  8;  18;  25,  Vienne  (in 
gen.  ca/)itulo);2{),  21,  2'3. 

Août  13;  14,  La  Balme  dans 
nie  de  Crémieu  ;  31. 

Novembre  .30. 

1303 

Janvier  (22,  Tournus,  Tor- 
nutumf) 

Février  13;  17,  Aubenas, 
hôpital  de  Saint-Antoine;  23. 

Mars  4  ;  20,  Vienne. 

Avril  17;  18,  Pisançon;  19. 

Mai  7. 

Juin  13,  (Serves?) 

Juillet  Kl,  18,  20. 

Août  5,  14. 


_  8  — 


Septembre  0,  Briançon. 
Octobre  12,  Chorges  [Catu- 
ricœ). 
Novemlire  li. 

1304 

Février  14,  Valréas? 

Mai  5;  15,  16,  Baix  (c"«  St- 
Baudille,  in  insala  de  Cha- 
roijs,  loco  vulgaliter  appell. 
Boi/s);3\. 

Juin  11,  12,  21. 

Septembre  11,  Briançon  ;  30, 
Valréas  {donius  prior.) 

Octobre  21. 

1305 

Avril  23. 

Juillet  21,  Lyon. 

Septembre  i(5,  Grenoble. 

Octobre  13 ,  Saint-Vallier 
(prior.);  10,  Saint-Albani-du- 
Rhône),  mandeni'  d'Auberive 
{Albarippa). 

Décembre. 

1306 

Février  23,  Anneyron  (mais, 
de  St-Antoinc). 

Mars  ti,  31,  Anneyron  (Ga- 
nero,  Eynaro),  rloin.  helemo- 
sim  S.  An  t  h  on  a  ;  IT,  Serves 
(Cercya);  23,  Saint-Donat;  21, 
Serves. 


Avril 


17,   Cornillon    en 


Graisivaudan;  21,  25,27,  Gre- 
noble (virid.  FF.  Prédicat.); 
28,  29,  Moirans  {dora.  FF. 
Minor.) 

Mai;  2,  Grenoble?;  11,  Ser- 
ves?; 15. 

Juillet  11,  13,  31,  Vais  {ap. 
Vallem). 

Août  1(),  Moirans  {doni.  FF. 
Minor.);  31,  La  Balme  {in 
insida  Crimijaei). 

Septembre  8,  15,  16,  La 
Balme;  30,  Saint-Romain(-de- 
Jalionas)? 

Octobre  4,  Lyon  {dom.  de 
Roijné)1\  0,  1(1,  13,  Serves 
{Cervua). 

Novembre  25,  Saint-Lattier 
[S.  Heleaterius)  ;  26,  Romans?; 
20,  30,  Cornillon  iCurnill.) 

Décembre;  5,  Cornillon;  10, 
Moirans?;  14,  Vienne  (.dom. 
da/phini  ap.  S.  Gervasium). 

1307 

Janvier  5,  6,  Saint-Donat  ; 
13,  Moirans  fMoi/r.,  refect. 
FF.  Minor.);  22,  Saint-Ram- 
bert(5.  Rai/mberias);  27, Vais  ? 

Février  1,  Chabeuil  {Cabeo- 
lum);  11,  grange  du  Cosnier 
{de/  Coijfjne)  ;  11,  Chabeuil  ;  15. 

Mars  12,  Serves  [Cercia); 
13,  Chabeuil. 


Avril    10,  chartr.  du 
Sainte-Marie. 


lu    Val- 


M^iè^ 


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ÏTÏNÉRAÏRE 


JEAN  II. 


Le  jour  même  de  la  mort  du  dauphin  Jean  I"  (21  sept.  1282), 
sa  mère  Béatrix  fit  don  de  tout  ce  qui  lui  venait  de  l'héritage 
de  son  père  Pierre  de  Savoie  et  de  sa  mère  Agnès  de  Fau- 
cigny  au  fils  aine  d'Humbert  et  d'Anne,  Jean  de  la  Tour, 
«  in  gremio  »  du  bailli  impérial  de  Bourgogne,  Hartmann 
de  Baldeck.  Le  jeune  prince  avait  moins  de  dix  ans  et 
demi  (1)  lorsque  son  père  en  l'émancipant  lui  céda  labaron- 
nie  de  la  Tour  «  citra  Rodanum  »  ;  sa  mère  lui  transféra 
pareillement  le  Dauphiné  et  les  comtés  de  Vienne  et  d'Albon 
(9déc.  1289i.  Cette  donation  fut  solennellement  renouvelée  à 
Vienne,  avec  réserve  d'usufruit  et  substitution  éventuelle 
à^Hugonet  et  Guiot,  en  présence  du  roi  de  Sicile,  de  cinq 
prélats  et  de  la  noblesse  dauphinoise  (13  juil.  1292;;  Charles  II 
l'approuva  par  un  acte  spécial  le  31  déc.  suiv.  (1293  v.  st.) 
Dès  1294,  Jean  avait  un  sceau  personnel.  Anne  lui  transmit 
encore,  de  la  volonté  de  son  mari  (cariss.  consortis  nostri), 
le  comté  de  Gap  (lofév.  1297);  l'un  et  l'autre  le  constituèrent 
enfin,  le  2ô  nov.  suiv.,  en  pleine  jouissance  des  comtés  de 
Gap  et  d'Embrun,  dont  il  prit  désormais  les  titres.  Le  comte 
de  Provence  et  Forcalquier  lui  enjoignit  de  prêter  hommage 
à  l'archevêque  d'Embrun,  avant  de  le  recevoir  de  ses  vas- 
saux (28  mars  1298). 


(1)  Valboxnais  dit  que  «  Jean  n'avoit  environ  que  neuf  à  dix  ans  » 
(t.  I,  p.  239).  Mon  calcul  est  basé  sur  les  données  suivantes  :  le 
24  juin  1294  il  avait  plus  de  14  ans,  le  9  août  129.")  plus  de  16,  le 
5  sept.  1300  plus  de  18  et  moins  de  25  :  il  était  donc  né  entre  le  24  juin 
et  le  9  août  1279. 


—  10  — 

Par  contrat  du  25  mai  129(1,  Jean  l'ut  fiancé  à  Béatrix 
(septennio  minor),  fîlle  ainée  Je  Charles  Martel,  roi  de  Hon- 
grie (y  1205),  qui  était  sous  la  tutelle  deson  aïeul,  Charles  II, 
roi  de  Sicile;  la  dot  était  fixée  à  20.000  liv.,  dont  Humbert 
donna  quittance  le  20  févr.  1298.  Charles  II  y  ajouta  le  châ- 
teau de  Serres,  etc.  en  fieC  (3  juin  suiv.);  de  son  côté,  l'em- 
pereur All)ert,  par  considération  pour  sa  nièce  (fille  de  sa 
sœur  Clémence  de  Habsbourg),  étendit  à  la  baronnie  de  la 
Tour  les  privilèges  du  Dauphiné  (31  mai  1305). 

Jean,  comte  de  Gapençais,  prit  part  au  siège  de  Mérindol 
en  juil.  1300,  puis,  de  concert  avec  son  frère  Guiot,  à  la  2*^ 
campagne  de  Flandre  de  1302  (aoùt-oct.)  :  il  dut  être  armé 
chevalier  à  cette  occasion,  car  je  ne  le  rencontre  pas  qualifié 
de  miles  avant  le  13  févr.  1303".  Il  retourna  en  Flandre  l'an 
1301  et  se  trouvait  devant  Lille  le  23  septembre.  L"année 
suivante,  il  fit  campagne  contre  la  Savoie  avec  son  cousin 
germain  le  comte  de  Genève  Ainédée  II;  ils  s'emparèrent 
des  maisons-fortes  de  Villette  près  Genève  (10  juin  1305)  et 
de  Brouz  (18  s.)  Le  futur  dauphin  fut  moins  heureux  en  1300  : 
le  comte  de  Savoie  Amôdée  V  lui  reprit  le  château  d'Entre- 
mont  et  fit  éprouver  de  grandes  pertes  à  ses  troupes  dans 
les  défilés  de  la  Chartreuse  (octob.) 

Aussitôt  après  les  funérailles  de  son  père  (18  avril  1307),  la 
noblesse  dauphinoise  s'empressa  de  lui  prêter  hommage; 
dans  celui  qu'il  rendit  lui-même  à  l'évèque  de  Grenolde  (le 
21),  il  est  traité  de  magnijicus  et  potens  vir  aJtœ  sereniiatis. 

Henri  VII,  roi  des  Romains,  confirma  à  Jean  II  les  privi- 
lèges accordés  par  l'Empire  à  ses  prédécesseurs  (30  mai  1309), 
piTis  le  nomma  un  des  six  ambassadeurs  chargés  d'obtenir 
du  pape  Clément  V  la  reconnaissance  de  son  titre  et  son 
couronnement  (2  juin)  ;  le  dauphin  prêta  serment  pour  lui  à 
Avignon  le  20  juiï.  suiv.  Sur  la  promesse  qu'il  fit  au  roi  de 
le  rejoindre  à  sa  descente  en  Italie  et  de  servir  sa  cause 
avec  100  hommes  d'armes  pendant  six  mois,  il  ol^tint  l'auto- 
risation d'établir  un  péage  à  Aul)erive  comme  à  Serves 
(1"  sept.  1310).  Ses  frères  Hugues  et  Guy  prirent  seuls  part 
à  l'expédition;  le  baron  de  Montauban  conclut  à  Milan,  au 
nom  du  dauphin  et  au  sien,  une  ligue  avec  Philippe  de 
Savoie,  prince  d'Achaïe  (10  févr.  1311).  Couronné  empereur 
à  Rome,  Henri  dispensa  le  dauphin  de  toute  fidélité  envers 
Rol)ert,  roi  de  Naples  (17  juil.  1313),  qui  venait  d'être  mis  au 
ban  de  l'Empire  par  la  diète  de  Pise  :  loin  de  se  déclarer 
contre  son  oncle,  Jean  fit  avec  lui  pour  six  ans  un  traité 
d'alliance  contre  le  comte  de  Savoie  (13  févr.  1311).  A  la  suite 
de  trêves  signifiées  à  celui-ci  et  au  dauphin  par  l'archevêque 
de  'Vienne  a'u  nom  du  Pape  (30  oct.  1312),  les  deux  princes 
transigèrent  sur  leurs  prétentions  réciproques  (10  juin  1314) 
et  s'unirent  peu  après  pour  la  conservation  du  royaume 
d'Arles  (17  oct.  suiv.) 

Aux  concessions  de  son  père  en  faveur  des  dauphins 
Philippe  le  Long  ajouta  une  rente  de  2.000  liv.,  qui  fut  assise 
sur  (les  terres  en  Auvergne  (10  août  et  27  oct.  1310,  10  juil. 
et  15  nov.  1317).  Jean  II  fut  mandé  par  le  roi  ])Our  se  rendre 
à  Màcon  à  la  mi-aoùt  1317  avec  "  300  armures  de  fer  ";  il 
fut  de  nouveau  convoqué  à  Toulouse  le  2.5  déc.  1318.  Son 
beau-frère  Charobert,  roi  de  Hongrie,  lui  donna  procuration, 
le  22  févr.  1317,  pour  retirer  des  mains  de  leur  oncle  Robert 


—  11  — 

la  principauté  de  Salerne  et  le  fief  {honorem)  de  JMontsan- 
tangelo;  la  même  année  il  le  pressa  de  lui  envoyer  un  de 
ses  fils,  ut  ipsum  in  regno  suo  provideret. 

Jean  continua  pacifiquement  l'agrandissement  de  ses  do- 
maines :  Humbert  V,  sire  de  Thoire-Villars,  reconnut  de  lui 
en  fief  les  châteaux  de  Villars  et  de  Poncin  (19  oct.  1308); 
Guillaume  III,  comte  de  Genève,  pour  se  mieux  défendre  des 
comtes  de  Savoie,  lui  fit  hommage  de  toutes  ses  posses- 
sions, moyennant  15.000  liv.  (IG  juin  1316);  Geoffroy  de 
Clermont  en  fit  de  même  pour  ses  terres  (20  avril  1317);  enfin 
Raymond  de  Mévouillon,  sur  le  point  de  faire  le  \oyage 
d'outre-mer  {intendit.,  transfretarc),  lui  céda  en  toute  pro- 
priété sa  baronnie  (2  sept.  1317). 

Il  n'est  jamais  question  de  la  dauphine  Béatrix  de  Hongrie 
dans  les  actes  de  son  mari.  Elle  lui  donna  deux  fils  :  Guignes 
et  Humbert,  qui  succédèrent  l'un  après  l'autre  à  leur  père  ; 
une  fille,  Catherine,  naquit  entre  le  testament  du  dauphin 
(20  août  1318)  et  son  ]" codicille  (10  fév.  1319).  Jean  II  décéda 
au  Pont-de-SorgU'3s  le  4  mars  suiv.  (Xécrol.  de  Saint-André 
et  du  Parlement  de  Grenoble),  âgé  d'un  peu  moins  de  qua- 
rante ans.  A  la  nouvelle  de  sa  mort,  le  9,  sa  veuve,  qui  était 
à  La  Balme,  se  dépouilla  de  tous  ses  biens  en  faveur  de  ses 
fils  et  se  retira  immédiatement  à  l'abbaye  de  Laval-Bressieu, 
ordre  de  Citeaux:  elle  y  fit  don,  le  29^  de  ses  joyaux  pour 
une  valeur  de  3.000  liv.  "aux  dominicains  de  Grenoble.  Elue 
plus  tard  abbesse,  elle  résigna  cette  charge  le  15  févr.  1310 
et  choisit  pour  nouvelle  retraite  l'abbaye'des  Ayes  (19  avr. 
suiv.)  Elle  en  sortit  dans  la  suite  et  Humljert'll,  partant 
pour  la  croisade,  lui  assigna  pour  demeure  le  château  de 
Beauvoir  (2  sept.  1315);  il  fonda  encore  pour  elle  un  monas- 
tère cistercien  à  Saint-Just-en-Royans  (25  oct.  1319)  :  c'est 
là  qu'elle  mourut  en  1351. 

La  suscription  des  chartes  du  dauphin  Jean  II  est  conforme 
à  celle  de  son  père  :  Johanne.s  dalphinus  Viennensis  et  Albo- 
nis  cornes  dominusqiœ  de  Turre;  on  trouve  cependant  J-s 
d.,  c.  V.  et  A.  et  J.  d.,  c.  V.  Sa  chancellerie  resta  fidèle  au 
style  de  l'Incarnation,  bien  que  l'usage  de  celui  de  la  Nati- 
vité devienne  plus  fréquent,  surtout  à  Grenoble. 


4282 

Septembre  21,  Bonnevillc. 

1289 
Décembre  9,  Vienne. 

1292 

Juillet  13,  Vienne. 
Octobre  28,  Anneyron(T7en- 
nen.  dijoe.j 

1294 

Juin   24 ,    Beauvoir   (Belli- 
visus). 
Déceml)re,  Paris. 


1295 

Mars    19  ,    La    Balme    en 

Viennois. 
Août  9,  Romans. 

1296 

Décembre  4;  5,  VaIréas. 

1297 

Février  8 ,  La  Balme  en 
Viennois;  15. 

Avril  3,  La  Balme  de  l'ile 
de  Crémieu. 

Juin  25,  Saint-Bonnet  (S. 
Boni  tus). 

Juillet  30. 


12  — 


Août  11). 

Novembre  18,  Montboiinot  ; 
25^  Valréas. 

1298 

Février  16,  17,  Grenoble. 

Mars  9,  10  (pré  du  Serre), 
Gapençais;  14,  15,  Chorges 
(r.  de  Caturieis)  ;  15,  Embrun 
(Ebrcdunum);  18,  Upaix. 

1299 

Mars  4;  24. 
Juillet  18. 

Août  15;  22,  Grenoble  {in 
domo  prœpos/t.) 
Octobre,  (Salettes?) 
Décembre. 

1300 

Février  \,  Saint- Yallier. 

Juillet  4,  (i,  1),  20?',  au  siège 
de  Mérindol;  28,  Grenoble;  Si). 

Août  1. 

Septembre  5,  bastide  del 
Giure  sur  Sisteron  (Saint- 
Jérôme). 

1302 

Janvier  11). 

Juin  25,  Vienne  (eapit.) 

Juillet,  Lyon. 

Août;  en  Flandre  (v.  15, 
Arras). 

Septembre  3,  28,  Arras  (aux 
tentes). 

Octobre  1,  Arras;  1(>,  Paris. 

1303 

Février  13  ;  27,  Goncelin. 
Mars  5,  Gap. 

Avril  18,  Pisaneoii. 

Août  M. 

Novembre  18,  Montileury. 

1304 

Mars  1.}. 

Juillet  28,  Grenoble? 

Août,  Lyon;  11,  Paris  (in 
Temjilo). 

Septeml)rc  1»,  11,  en  Flan- 
dre; 23,  antc  Jnsulam  (Lille) 
in  Flandr. 


1305 

Avril  23. 

Juin  1(),  prend  Yillette  près 
Genève;  18,  prend  mais.-lbrte 
de  Broxiz. 

Juillet  12. 

Septenibrc  1,  Grenoble. 

1306 

Février  1:  21,  Saint-Cvrf-au- 
Mont-d'Or)  près  Lyon  ;22,  28, 
Lyon,  in  domo  rubea  sous 
Pierre-Scise. 

Mars  1,  Pierre-Scise  (for- 
talicium);  9,  Anneyron. 

Avril  4,  Aix  (Aquis,  dom. 
Forojulien.  episc.) 

Juin  21»,  Vais  {ap.  VaUem, 
dom.  dalphini). 

Juillet  11,  17,  Vais;  18,  Ser- 
ves; 23,  31,  Vais. 

Septeml)re  8,  La  Balme  f//i 
insida  Crimiaci). 

Octobre  2,  5,  chat.  d'Entre- 
mont  (c.  de  Intermontibus, 
c""  St-Pierre  d'E.) 

Noveml)re  !),  déi'ait  au  pass. 
de  la  Chartreuse  {passas  de 
Catressa  ou  C/tarcessa). 

Décemlire. 

1307 

Janvier  13,  Moirans. 

Février  14,  Chabeuil;  22, 
Valréas. 

Avril  1  1,  Soint-Na/.aire;  15, 
Soint-Marcellin;  IS,  chartr. 
du  Val-Sainte-Marie,  Saint- 
Nazaire(-en-Royansi,  Saint- 
Marcelliu;  li),  "Moirans;  21, 
22,  Grenoble  ;  22,  La  Buissière, 
Belk'comlje  ;  2.)  ,  Allevard  ; 
Morètel;  25,  Grenoble;  2(), 
Cornillcjn  (0'"=  Fontanil);  2!). 

Mai  (3,  Moiiriouz;  8,  La  Bal- 
me dans  l'ile  de  Crémieu  ;)  13  ; 
14-20,  Vienne  ;  1!),  Lyon  (Do- 
mi  nie);  (21,  Serves?) 

Juin  3;  14,  Grenoble. 

Juillet  8,  i),  (10, t  Grenoble  ; 
11,  Saint-Martin-le-Vinoux, 
Cornillon  ;  24,  Vais  (c"«  St- 
Uze). 

Août  is. 

Septembi'e  (1,  Serves.'';  4, 
Le  Vuaclie?) 


13  — 


Octobre  G,  (7,)  Grenolile; 
12,  Alboa  (Temple;  il,  Mo- 
ras). 

Novembre  9;  11,  Saint- 
Marcelliii. 

Décembre  17,  Grenoble;  (31, 
Moirans,  Francise.'?) 

1308 

Février  2,  3, 14;  {2d,  Ginya- 
eumf) 

Mars  3,  Saint-Romainf-cle- 
Jalionas),  près  Crémieu  (in 
insula);  7;  (21,  Beauvoir?) 

Avril  IG;  18,  20,  Grenoble; 
21,  23;  25,  Saint-Donat;  2Î). 

Mai  21 ,  Saint-Martin-le- 
Vinoux  sous  Grenoble;  20, 
Romans. 

Juin  (5,  Serves?) 

Juillet  18  ,  Beauvoir  (ap. 
£e//'m;;  28,  Vienne;  2Î). 

Août  10;  18,  Grenoble. 

Octobre  2;  10,  20,  Aulterive 
(Alba  Ripa  subtus  Viennamj: 
29,  Villeneuve  de  Roybon. 

Novembre  15. 

Décembre  17. 

1309 

Janvier  17,  Romans. 

Avril  24,  Grenoble;  29,  Saint- 
Marcellin  ,  Villeneuve  Je 
Roybon. 

Alai  27,  La  Bulme  en  l'ile  de 
Crémieu. 

Juin  20,  'Z2. 

Juillet  3;  KJ,  20,  Avignon. 

Août;  7,  Avignon  ;  28^Serres 
(Cerriim). 

Septeml)re  25,  30,  Romette. 

Octoljre  12. 

Novembre  25,  Vizille;  20; 
29,  Grenoble. 

Décembre  9,  Romans  (Fran-I 
cisc);  15,  Albon  (Temple);  30, | 
Saint-Robert,  Moirans  (Fran-' 
cisc.)  ! 

1310  i 

I 

Janvier  10;  12,  Saint-Roljert;' 
20,  Bais  ic«  St-Baudille,  ^a/ys! 
in  insula  \Crimiaci\). 

Février  7,  Grenoble;  22,  25,1 
Vizille  (  Vezilia).  j 

Mars  5,  Moirans  (i\/o///e/i-l 


eum,  Francise);  7=1' 
gnon  idom.  episcop.) 


Avi- 


Avril  11,  Grenoble  (prieuré 
de  St-Laurent);  12,  Saint- 
Robert  sous  Cornillon  {in 
penu  seu  loi/via  claustri), 
Cornillon  (c"*^  Fontanil);  24. 

Mai  2,  Grenoble  (prieuré  de 
St-Laurent),  La  Mure  (Mura). 

Juillet  3,  23. 

Septembre  1,  Césane  {Seza- 
na,  in  aula  dons  Auru;)  ;  5  ; 
12,  Briançon;  13;  10,  Queyras 
(Cadraciamj;  18,  Embrun  ;  21, 
Saint-Bonnet  en  Champsaur  ; 
24;  25,  Mens  (Mencium);  20; 
27,  Cornillon  (en  Trièves'. 

Octobre  0;  15,  Grenol)le  ;  23, 

Décembre  10  ,  Anneyron 
{Ennero,  prieuré);  17;  i21  , 
Saint-Donat  f)  ;  27. 

1311 

Janvier  (3,)0, 13,  Bais  (Bai/s 
in  ins.  Crimijaci);  22,  23,  La 
Balme  {in  i.  C);  31,  Saint- 
Romain  (  -  de  -  Jalionas  )  prés 
Crémieu. 

Février  9,  11,  Beauvoir;  12, 
14,  Chabeuil  i Cabco/umi;  22, 
Saint-Alban-du-Rlîone  (man- 
dem*  d'Auberive);  24,  Lyon; 
25,  Villeneuve  de  Roybon;  28. 

Mars,  Vienne,  Chonas,  21. 

Avril  1,3,  Grenoble;  G,  Moi- 
rans (Francise);  25;  2^,  Cor- 
nillon sur  Saint-Roljert;  30. 

Mai  4,  La  Part-Dieu  i)rés 
Romans;  18,  mand'  de  Miri- 
bel  de  Val-Clérieux,  Saint- 
Gcoirs  (S.  Jueurz). 

Juin  4,  Beauvoir;  7;  20,  21, 
Saint-  Romain(-de  -  Jalionas) 
près  Crémieu  dri  ins.  Cri- 
miaci). 

Juillet  (9,  Lyon;  18,  19,  24,) 
2(),  Beauvoir.' 

Août  10  ,  Saint  -  Martin 
d'Eybens;  12,  Beauvoir;  19, 
Cornillon  en  Graisivaudan  ; 
22,  Le  Bourg-d"Oisans  (.S". 
Lanrentins  de  Lacu). 

Septembre  7, 8, 13,  Briançon 
(Bri/enc:.,  Briansoniumj;  11, 
Valrôas  (Antonins). 


-  It 


Octobre,  Beauvoir'/ 
Novem.  23,  Serves  (Servia). 
Déceinb.  l;  7, 13  Grenoble  ; 
11,  15,  2[S,  Vizille. 

1312 

Janvier  2,  Albon  (Temple)  ; 
19,  Saint-HilaireiJ.S'. //v/a|r"<s 
m  mand.  S'  Heleuterii  [St- 
Lattier]);  (24,  Moras?') 

Février  21,  Vienne. 

Mars  1;  (1),  Serves;)  23,  av. 
2G,  Vienne. 

Avril  (1!),  Romans?) 

Mai  3,  Vizilie;  (3,  Cornillon 
en  Graisivaudan:  7,  Vizille; 
28,  Saint-Nazairei* 

Juin  2,  Grenoble;  G.  Serves 
(Cerctja)-  8,  Saint-Donat  ;  8, 
U,  Romans  (Aumône,  Fran- 
ciser, 1 1,  Beauvoir. 

Juillet  12  ,  11  ,  Moirans 
fMoi/amiuin ,  Moyrencuni)  ; 
30,  Embrun. 

Aoiit  1. 

Septembre  1,  Vienne;  23, 
La  Balrae. 

Octobre  13,  14,  15,  21,  25, 
La  Balme;  3(1,  Beauvoir  en 
Royans  fin  domo  dicta  rae- 
nueteria). 

Novembre;  2,  Saint-Bonnet 
(en  Champsaur);  5,  (j,  An- 
celle;6,  Eml>run;  30,  Moirans 
{Mo  iris). 

Décembre  4,  Serves  (Csr- 
r//a)  ;  7,  Moras;  18,  La  Tour- 
ci  u-Pin  (Turris). 

1313 

Janvier  1;  .3,  Cliabeuil;  10, 
Grenoljle;  17. 

Février  10  ;  1-3  ,  Voreppe 
(Vorapium). 

Mars  13,  Moirans  (Morcii- 
cum). 

Mai  24  (d.  Jov.  fesi.  s.  Vin- 
centii),  Beauvoir. 

Juin  3,  Paris. 

Juillet  KJ,  Grenoble;  22. 

Août  13,  St-Paulf-d'Izeaux, 
monast.  Bonœciunbœ)  ;  17, 
Cli;il)euii,  Grenoble;  23;  31, 
La  Balme. 

Septembre  3  (, Moirans?);  9. 


Octobre  3;  0;  20,  21,  Gre- 
noble. 

Novembre  Ki,  Echirolles; 
20;  29,  Grenol)lc. 

Décembre  (1,  Grenoble;)  G, 
8,  Saint-Marcellin;  2G,  Beau- 
voir. 

1314 

Janvier  10,  Avignon;  22  ou 
25=1313  mai  21). 

Février  2  (, prieuré  de  St- 
Laurcnt);  3,  Grenoble;  13, 
Voreppe  (Vorap.);  IG;  17, 
Beauvoir;  20,  Grenoble;  24, 
Beauvoir  tpons  fortaUc.) 

Mars  3,  Beauvoir;  8  ((Gre- 
noble'i');  17. 

Avril  22,  Bais  (Batjs  in  ins. 
Crimiaci}  ;  25,  27,  La  Balme 
{i.  i.  C.) 

Mai  20,  Saint -Jean  -  en - 
Royans  (prieuré). 

Juin  1?;  4,  Avalon,  Vourey 
près  Tullins  [Toi/I/inum)  ;  10, 
Villard-Benoit  (Vilarium  Bé- 
nédiction); 15;  17,  Montbon- 
nol;  23. 

Juillet  12,  13,  Saint-Martin- 
le-Vinoux;  15;  23,  Cornillon 
{subi us  /oi/riain). 

Août  1,  Grenoble. 

Septembre  1,  Vil"  (prior.  de 
Vioo)]  10;  IS,  Beauvoir  en 
Royans  ;  25  ,  Romans  ;  29  , 
Beauvoir  en  R. 

Octobre  4,  Grenoble;  9, 
Cornillon;  17,  sous  Faverges 
(in  prato  jaxta  nemus);  22, 
Bourii'oin. 

Novembre  G;  18;  19,  Saint- 
Martin-le-Viuoux  ;  23,  Gre- 
noljle. 

Décembre.  1,  5,  Serves  (Cer- 
via);  5,  Crémicu  :  28,  Moirans. 

1315 

Janvier  21. 

Février,  Antlion;  8;  12,  La 
Balme;  15,  IG,  Beauvoir  en 
Royans. 

Mars  9  (fl^.20),  15,  Grenoble. 

Avril  29. 

Mai  IG,  Armieu  (c""  Saint- 
Gcrvais,  Is.) 


15 


Juillet  ô,  Marseille  [Massi- 
lia);  20,  Vienne. 

Septembre  20. 

Octobre  10;  17;  .31. 

Novembre  ô,  i>,  11,  Greno- 
ble; 22,  Saint-Marcellin;  24, 
La  Sône  (cap.  B.  M.  de  ponte 
Sonne);  29,  Grenoble  (dom. 
dalphin.) 

Décembre  4  ,  Ambérieux 
{Ambayriacurn);  27,  Bourgoin 
(Burgond.)  ;  ;!1,  Grenoble. 

1316 

Janvier  1,  2,  2ô,  20,  28, 
Grenoble. 

Février  2,  Cuiseaux  (C^se^Z/, 
S.-et-L.) 

Mars  0,  grange  du  Cosnier 
(del  Coi/nie r)  ■,^2-1,  Moirans 
{Moijrencum,  Francise.) 

Mai  5,  Chorges  {Caturieœ); 
17;  21,  Savines. 

Juin6^16(Trinit.),  18  (Do- 
min.),  20,  Lyon;  24,  Bourgoin 
(Burgondium). 

Août  ap. 9, 30,  Lyon  (Trinit.) 

Septembre  12;  17;  2G,  27; 
28,  Upaix. 

Octobre  1,  Upaix;  17,  Saint- 
Marcellin;  27, 20, 31 ,  Grenoble. 

Novembre  1,  2,  (3,)  8,  (10,) 
27,  Grenoble. 

Décembre  1,  2,  Grenoble; 
6,  Saint-Marcellin;  7,  Ville- 
neuve de  Roybon;  14. 

1317 

Janvier;  1,  Grenoble;  31. 
Mars  30,  Moirans   (Fran- 
cise.) 
Avril  7  (8?),  La  Balme  en 


Conseil  Delphinal. 

1316 
Mars  26,  Grenoble. 


Viennois;  17;  10,  Moirans 
(Francise);  20,  {Rovei-iamj. 

Mai  7;  10,  Saint-Marcellin; 
27. 

Juin  11,  Beauvoir;  15,  10, 
Grenoble;  20,  mais,  de  Tilede 
TuUins  ;  22,  Cornillon  ;  24, 
Grenoble. 

Août  3;  13,  Upaix  (/brZa/. 
cnr.)\  15,  Orpierre  {Aun'petray, 
10,  17,  18,  10,  Visan. 

Septembre  2,  Orange  (Au- 
vagca,  in  donxo  de  Area)\  0, 
14,'  1(),  18,  Briançon  [Brianc- 
zonuni)\  24,  Le  Buis(-les- 
Baronnies,  Domin.,  in  orto 
prope);  25,  Mirabel  (-aux- 
Baron.,  fortal .  castri). 

Octobre  0,  10,  Grenoble. 

Novembre  2,  Grenoble. 

Décembre  17  ;  27,  Bourgoin. 

1318 

Janvier  17,  Grenoble;  21, 
Moras;  26,  31,  Viisan  {Acisa- 
num). 

Février  2  ,  Mirabel(-aux- 
Baronnies,  égl.  de  St-Julien); 
4,  Visan;  11,  18, 10,  Grenoble. 

Mars  2,  La  Sone  (Lauczonis, 
Lauzania);  27,  La  Balme. 

Avril  23,  La  Balme  ;  24. 

Juin  10,  22,  23,  24,  Greno- 
ble ;  27,  Saint-Marcellin. 

Juillet  1,  Saint-Marcellin. 

Août  8;  10,  Visan  (Avisa- 
num);  26,  Beauvoir  (dioc.  de 
Grenoble). 

Septembre  23,  Beauvoir. 

Octobre  16,  26,  Grenoble; 
28,  20,  31. 

Novemb.  5,  8,  10,  Grenoble. 

Décemb.  9, 10,  Grenoble;  15. 

1319 

Janvier  17. 

Février    10;  16,  24,  25,  26, 
Pont-de-Sorgues. 
Mars4,-l-(Pont-de-Sorgues). 


*i  A  iji  ^j  1^1 


ÏTïNÉRAmJS 


3)^©  jD^w^msîf  ©  mm  ^m,  ©'  n^^ii 


GUIGUES   VII. 


Pour  la  cinquième  fois  depuis  Guigues  V,  le  gouverne- 
ment du  Dauphiné  tombait  entre  les  mains  d'un  enfant.  Né 
après  le  commencement  de  1309,  Guigues  VII  achevait  seu- 
lement sa  dixième  année  à  la  mort  de  son  père  (1).  En 
l'émancipant  devant  lofficial  de  Grenoble,  le  8  mars  1314, 
Jean  II  lui  avait  assigné  plusieurs  fiefs  en  apanage.  Par  son 
testament  du  26  août  1318  il  le  fit  son  héritier  universel  :  le 
jeune  dauphin  devait  rester  sous  la  tutelle  de  son  oncle 
Henri  jusqu'à  l'âge  de  20  ans;  par  un  3^  codicille  (du  26  fév. 
1319)  ce  terme  fut  abrégé  de  deux  ans. 

La  régence,  heureusement,  tombait  en  des  mains  aussi 
actives  qu'habiles.  Henri  était  le  plus  jeune  des  fils  d'Hum- 
bert  I*""  (2).  En  ne  lui  laissant  comme  part  d'héritage  que 
500  livres  de  revenu,  sa  mère,  comme  ait  Valbonnais,  sem- 
blait r  «  engager  par  là  à  embrasser  l'état  ecclésiastique  ». 
Bien  que  le  Gallia  Christ,  fasse  remonter  à  1318  sa  nomina- 
tion à  l'évèché  de  Metz  par  le  pape  Jean  XXII,  «  Henricus 
Dalphini,  regens  Dalphinatum  »,  ne  parait  avec  le  titre  de 
«  Metensis  electus  »  que  le  12  juil.  1319;  dans  une  lettre  du 
14  oct.  suiv.,  il  prend  les  titres  de  «  clericus,  confirmatus 
Metensis  «  :  il  n'entra  jamais  dans  les  ordres  sacrés. 

Dès  le  23  oct.  1310  un  traité  avait  été  conclu  pour  le  maria- 


(1)  11  est  dit,  en  effet,  âgé  de  plus  de  14  ans  les  17  mai  et  23  nov. 
1323  et  le  24  mars  1324. 

(2)  Sa  naissance  est  probablement  postérieure  à  l'acte  du  13  juil.  1292. 


ge  du  lils  aillé  ilu  dauphin  Jean  II  avec  Isabelle,  2"=  fille 
de  Philippe  comte  de  Bourgogne,  fils  cadet  lui-même  de 
Philippe-le-Bel.  Cet  accord  fut  renouvelé  à  l'avènement  de 
Philippe-le-Long,  le  18  juin  lolG,  à  Lyon,  pendant  le  con- 
clave qui  donna  un  successeur  à  Clément  V.  Au  commen- 
cement de  1320,  Guigues  accompagna  son  oncle  à  la  cour 
de  France;  bien  que  le  terme  de  son  administration  ne  fut 
point  expiré,  Henri,  sur  le  désir  du  roi,  autorisa  de  Corbeil, 
le  25  jauv.,  son  neveu  à  se  rendre  en  Dauphiné  pour  y  rece- 
voir «  les  feautez  et  hommages  de  tous  ses  subgiez  »;  de 
son  côté,  son  beau-père,  du  consentement  de  la  reme  Jeanne, 
invita  le  comte  de  Genève  à  prêter  hommage  au  dauphin 
pour  toutes  les  terres  qui  avaient  jusque  là  dépendu  du 
comte  de  Bourgogne  (17  fév.).  Peu  après  (7  juin),  il  le  manda 
de  se  trouver  en  armes  à  Arras  le  12  août.  Les  fiançailles 
entre  Guigues  et  Isabelle  furent  solennellement  confirmées 
à  Gray  par  la  reine  Jeanne,  le  (>  avril  1322.  Le  contrat 
matrm'ionial  eut  lieu  à  Dole,  le  17  mai  1323,  «  horà  matuti- 
nali  »,  et  la  bénédiction  religieuse  «  ipsà  die  ».  Philippe-de- 
Valois  régla  à  Rouen  (mai  1331)  les  prétentions  des  jeunes 
époux  à  la  succession  de  la  reine  Jeanne. 

En  132 1,  Guigues  VII  se  rendit  à  Aix  et  y  fit  hommage  au 
roi  de  Sicile,  comme  comte  de  Provence  et  de  Forcalquier, 
du  château  de  Serres  et  de  tout  ce  qu'il  tenait  en  Gapençais 
et  dans  la  vallée  de  Rogues  (21  mars).  L'année  suivante,  le 
7  août,  aidé  d'Hugues  de  Genève,  seigneur  d'Anthon,  il 
gagna  sur  Edouard,  comte  de  Savoie,  la  célèbre  bataille  île 
Varey,  livrée  au  pied  de  ce  château,  dans  la  plaine  de  St- 
Jean-de-Vieu  (Bugey);  cette  victoire  fit  tomber  entre  ses 
mains  un  grand  nombre  de  prisonniers  de  marque,  entre 
autres  Robert  de  Bourgogne,  comte  de  Tonnerre,  Jean  de 
Chàlons,  comte  d'Auxerre,  et  Guichard,  sire  de  Beaujeu, 
auxquels  il  fit  chèrement  payer  leur  rançon. 

Son  oncle  Henri  renonça  vers  ce  temps  à  son  évèché  de 
Metz  (la  dernière  mention  est  du  15  juil.  1325)  et  prit  le  titre 
de  seigneur  des  baronnies  de  Montauban  et  de  Mévouillon, 
que  lui  avait  léguées  (avec  d'autres  fiefs)  son  frère  le 
dauphin  Jean  II  ;  en  exécution  des  volontés  de  son  père, 
Guigues  lui  en  fit  remise  le  21  oct.  suiv.  Jean,  seigneur  de 
Montluel,  donna  peu  après  (2'J  déc.)  à  Henri  le  château  de 
Vaux  et  la  Bastide  de  Montluel;  il  reçut  plus  tard  Saint- 
Donat  et  Bellegarde  en  échange  du  château  de  Miribel 
(7  mai  1331). 

Guigues  VII  répondit  en  1328  à  l'appel  du  nouveau  roi  de 
France  contre  les  Flamands;  il  eut  le  commandement  du 
7"  corps  d'armée  à  la  bataille  du  Mont-Cassel  (24  août)  et 
s'v  comporta  vaillamment  (1)  :  en  récompense  de  ses  services 
Plîilippe-de-Valois  lui  donna  à  Paris  la  maison  aux  Piliers 
en  place  de  Grève  (oct.)  Fatigué  sans  doute  par  cette  expé- 
dition, où  il  avait  accompagné  son  neveu,  Henri  l'institua 
par  testament  son  héritier  universel  le  17  mars  suiv.  et 
mourut  peu  après. 
Rien   de   saillant   à   signaler  dans  les  années    suivantes 


(1)  Voir  sur  cette  expûdition   les  documents  publiés  dans  le  t.  VII 
de  ma  Collecl.  de  cartul.  Dauph.  (1874),  p.  13-35. 


—  23  - 

qu'une  conftklération  entre  Jean  III,  dno  de  Bretagne,  et  le 
dauphin  (janv.  l:{;!0)  et  le  renouvelletnent  de  ralliance  entre 
Philippe  de  Savoie,  prince  d'Achaïe,  et  ses  neveux  Guignes 
et  Humbert  (21  mars  VSSl).  Sur  la  fin  de  Tété  le  comte  de 
Savoie  Aimon,  successeur  d'Edouard,  reprit  la  guerre  con- 
tre le  Dauphiné.  Son  adversaire  s'étant  emparé  du  château 
de  la  Perrière  (li,  le  dauphin  réunit  ses  milices  et  en  fit  le 
siège;  dans  une  téméraire  reconnaissance  de  la  place,  il  fut 
blessé  d'un  coup  d"arl)alète  et  n'eut  que  le  temps  de  faire 
son  testament  (28  juil.  1333).  Pas  un  mot  de  sa  succession, 
déjà  réglée  par  le  1"  codicille  de  son  père;  le  jeune  prince, 
qui  mourait  dans  une  grange  à  24  ans  (2),  songea  surtout  à 
sa  conscience  et  à  révoquer  les  péages,  tailles  et  autres 
exactions  imposées  par  son  père  et  son  oncle.  Il  laissa 
d'ailleurs  parmi  les  contemporains  une  réputation  d'incon- 
tinence, exagérée  peut-être  par  la  tradition  (3),  mais  dont  la 
tragique  histoire  de  François  de  Bardonnèche  a  déposé 
dans  nos  annales  un  trop  authentique  souvenir. 

La  dauphiné  Isabelle  figure  aussi  rarement  dans  les  char- 
tes que  sa  belle-mère  Béatrix;  à  son  lit  de  mort,  son  mari 
lui  laissa  3.tJU<)  liv.  de  revenu,  en  sus  de  son  douaire;  elle 
fit  partie  du  conseil  delphinal  avec  sa  tante  Béatrix  de 
Arlay  (à  Beauvoir,  23-6  août  1333).  Par  la  suite  elle  se 
remaria  avec  Jean,  sire  de  Faucogney,  en  Franche-Comté 
(av.  1336)  ;  Humbert  II  régla  avec  eux  les  droits  dotaux  de 
sa  belle-sœur  (17  juin  1344).  Elle  testa  à  Montmorot  (Jura), 
le  9  juin  1345,  en  faveur  du  duc  et  de  la  duchesse  de 
Bourgogne. 

La  suscription  des  chartes  de  Guignes  VII  offre  des  va- 
riantes sans  importance;  la  formule  la  plus  développée  est  : 


(1)  Près  Voiron,  sur  la  commune  actuelle  de  St-Julien-de-Raz.  Par 
une  note  insérée  dans  la  Revue  du  Dauphiné  de  1878  (t.  II,  p.  372-5), 
M.  le  baron  de  Rostaing  s'est  séparé  de  l'opinion  commune,  convaincu 
qu'il  s'agit  d'un  château  de  même  nom  sur  la  commune  de  Viry  (Ilte- 
Savoie).  A  rencontre  de  cette  nouveauté,  M.  Pilot  de  Thorey  a  bien 
voulu  constater  que,  chef-lieu  d'un  mandement  et  d'une  chàtellenie 
importante  en  lo27-8-lt,  La  Perrière  du  Graisivaudan  n'existait  plus  en 
1335  :  malgré  d'importants  préparatifs  (dont  les  comptes  subsistent 
aux  archives  de  l'Isère)  pour  soutenir  un  siège,  le  cliàteau  avait  été 
pris  en  lïi:29/.'JU  par  le  comte  de  Savoie,  puis  rasé  après  sa  reprise  par 
l'armée  dauphinoise.  D'ailleurs  le  texte  du  chroniqueur  Jean  Villani 
porte,  non  point  <<  castello  di  Savoia  »  (Viry  est  en  Genevois),  mais 
»  castello  del  Conte  di  Savoja  »  (MuRATOm,  Rerum  Italie,  script..  1728, 
t.  XIII,  c.  7.-j6j. 

(2)  Je  n'ai  pas  compté  moins  de  neuf  opinions  différentes  sur  le 
jour  de  sa  mort.  Valbonnais  incline  (t.  II,  p.  245)  pour  le  28  juil.,  qui 
est  celui  du  testament;  Chorier  (t.  I,  p.  81lj),  pour  le  20,  d'après  le 
Nécrol.  de  St-Robert  (noi'lOljdont  l'autorité  se  doublerait  de  vraisem- 
blance, si  l'obit  inscrit  à  cette  date  ne  se  référait  par  l'écriture  à  un 
dauphin  antérieur.  Dans  une  lettre  du  4  sept.  (l.'J.j7?i  à  la  Chambre  des 
comptes  de  Paris  i cabinet  de  M.  P.-E.  Giraud,  orig.  pap.~i,  le  gouver- 
neur du  Dauphiné  Raoul  de  Louppy  parle  d'un  hommage  différé  »  ab 
obitu  dni  Guigonis  dalphini,  qui  obiit  mill'io  CGC™»  XXXIIJ»,  mense 
augusti  »  :  on  verra  par  l'itinéraire  d'Humbert  II  que  le  conseil  delphi- 
nal était  en  fonctions  dés  le  4  de  ce  mois. 

i:i)  Voir  les  historiens  cités  par  Rayxaldus,  Annal,  ecclesiast.,  an. 
1333,  n"  22. 


—  24  — 

Giiigo  dalphinus,  cornes  Albonis  et  Viennœ  palatinns  doini- 
nusqiie  de  Tarre.  Sa  chancellerie  adopta  définitivement  le 
style  delà  Nativité,  sans  qu'il  soit  toutefois  possible  de  pré- 
ciser la  date  de  ce  changement;  mais  Henri,  dont  j'ai  cru 
devoir  dresser  l'itinéraire  concuremment  à  celui  de  son 
neveu,  resta  fidèle  à  l'ancien  usage  jusqu'à  son  testament. 


1314 
Mars  8. 

1316 

Juin  18,  Lj-on. 
1318 


Août  26. 


1319 


Février  24,  25. 
Mars  9. 

1320 

Janvier  25  {,  Corbeil). 
Février  17  (,  Paris?) 
Mars  12. 
Juillet  19. 
Octobre  2,  Grenoble. 

1321 

Janvier  11, 12,  20,  Grenoble. 

Avril  4;  9,  Avignon  (=  juil- 
let 9?) 

Mai  12;  29. 

Juin  16,  Grenoble. 

Juillet  6,  9,  Avignon. 

Août  1. 

Octobre  10,  15,  Briançon  ; 
23,  Moras. 

1322 

Janvier  8,  Grenoble  (;  9  = 
1321  juil.  9). 
Avril  h,  Briançon  ;  6. 
Juillet  21,  Grenoble. 
Octobre  19,  Cornillon. 
Décembre  3,  4. 

1323 

Janvier  20. 

Février  17,  Mirabel  (Mira- 
bellum). 

Avril  8,  Vais  (ValUs). 

Mai  17,  DôIe  (mafjna  turris 
lapidea). 


Juillet  29,  30,  Beauvoir  en 
Royans  (cam.  dicta  la  menu- 
aiei/ri,  menuetariœ). 

Novembre  23,  Romans. 

Décembre  5,  Grenoble;  8; 
11,  Crémieu  ;  14. 

1324 

Janvier  7,  Pagny  (Paignia- 
cum,  Largiuatum);  16,  La 
Balme. 

Février  20 ,  Beauvoir  en 
Royans. 

Mars  24,  Aix  (Aquis,  in  do- 
mo  régi  a). 

Avril  10. 

Mai  27,  Saint-Pierre  (d'Al- 
levard). 

Juillet,  battu  près  des  Allin- 
ges  ;  26. 

Août  4,  Grenoble;  8,  La 
Buissière. 

Novembre  25,  Grenoble. 

Décembre  12. 

1325 

Janvier  24,  25. 

Février  21,  25,  Beauvoir. 

Avril  7,  8,  (9,)  10,  11,  Le 
Buis(-les-Baronnies,  hospic. 
cariœ,  in  aida  viridi,  sala 
nova). 

Mai  31. 

Juin  ap.  13,  Grenoble?;  23, 
Saint-E(icnue-de-Saint-Gcoirs 
(S.  Steph.  de  S"  Ivcrs);  21,  La 
Tour-du-Pin,  Crémieu;  25, 
Lagnieu;  27,  Saint-Sorlin  f.V. 
Saturninus). 

Juillet  6,  7,  8,  9,  St-All)an  ; 
9,  10,  11,  12,  13,  Neyrieu;  14, 
15,  Lagnieu  ;  17,  18,  Crémieu; 
19,  La  Tour(-du-Pin\  I/.eaux 
{Yseiiz);  21,  Moras,  Beaulieu 
(prieuré). 

Août  2,  La  Perrière?;  7, 
victoire  sous  Varey;  12,  13, 
14,  Crémieu. 

Septembre  8,  Beauvoir;  21; 


27,  Grenoble,    La    Buissière 
{Buxeriaj. 

Octobre  2,  Grenoble  ;  N,  13, 
Beauvoir;  20,  Grenoble. 

Novemljre  2i,  Vienne. 

Décembre  9;  16,  Crémieu; 
24. 

1326 

Janvier  11  ;  18,  Saint-Vallier 
(prieuré;;  31,  Vienne  fretf'ect. 
FF.  Minor.) 

Février  2,  Moras  ;  7,  Beau- 
voir; 9,  Dolomieu? 

Mars  1,  Villeneuve-de-Vals 
(Vn.  de  Bercieuz):  9,  Beau- 
voir; 11,  Vais  (Vallis,  cliàt.); 
15,    Saint-Vallier;   Kî,    Vais; 

28,  Beauvoir. 

Avril  1,  Grenoble;  2;  (i,  18, 
Beauvoir  (cam.  voc.  minute- 
r/a, manusteria!  I 

Juin  7,  Crémieu;  20,  21, 
Grenoble. 

Juillet  12,  Grenoble. 

Août  ô;  10,  Cornillon;  12, 
1."),  Romans  ;  18,  Montfort  (c"" 
Crolles);  2.3,  Demptézieu  (c"« 
St-Savin,  Denthet/siacum). 

Septembre;  2,  Grenoble;  5, 
Bourg-d'Oisans  (S.  Laurent, 
de  Laça)  ;  8,  Briançon  (castr. 
Brianczonii );  21. 

Octobre  1,  4,  7,  St-Martin- 
le-Vinoux  ;  18,  20,  Grenoble; 
26,  Saint-Marcellin. 

Novembre  7,  Chainagnieu 
(Chamagniacum). 

Décembre  2,  Saint-Vallier; 
31,  Saint-Jean-d'Octavéon  (c 
Châtillon-s.-J.,  S.  J.  de  Alte- 
veone). 

1327 

Février  4,  5,  6,  St-Marcellin 
près  Chatte  (dora.  Lumbard.)  ; 
7,  Grenoble;  11,  «  Levata  » 
(Temple  d'Echirolles);  14,  16, 
Vizille  ;  17, 19,  «  Levata  »  (doia. 
prœcept.);  19,  Upaix  (capit. 
curiœ);  21;  26,  St-Paul(-lès- 
Romans ,  cap.  hospit.)\  27, 
Villeneuve-de-Vals  (V.  N.  de 
Bercieui;  28. 

Mai ."),  Grenoble  {maj.  curia 
dalphin.) 


Juin  11:  22,  Beauvoir;  26, 
Crémieu  idom.  de  Mart/nas); 
27,  28,  Gourdans  (c""=  St-Jean- 
de-Niost,  b.  de  Gordanis). 

Juillet  ô,  Neyrieu;  10;  31. 

Août  1,2,  27,)  31,  Beauvoir. 

Septembre  ô,  7,  (13,)  Beau- 
voir; (13,  Tullins;  16,  Loyet- 
tes;)  17,  20,  Vienne  ',dom.  de 
Canal  i  bus)  ;2^,  Beauvoir  (cam. 
de  niinuteria). 

Octobre  1,  Grenoble;  23, 
Morestel  en  bar.  de  la  Tour; 
29,  Crémieu  (donx.  de  Mar- 
tinas). 

Novembre  9,  Crémieu  ;  16, 
17,  (18,  19,)  Grenoble;  22,  24, 
2Ô,  Saint-Vallier;  26;  28,  30, 
Grenoble. 

Décembre  2,  3,  6,  Grenoble 
(curt.  dalphin.);  11;  18;  20, 
22;  23  (Francise),  24,Vienne; 
(26,  Roussillon). 

1328 

Janvier  3,  6,  Montfleury  ;  8 
(St-Laurent),  9,  Grenoble;  10, 
13;  14,  15,  La  Buissière;  16; 
19,  Saint-Marcellin  ;  20,  Saint- 
Nazaire-en-Royans  ;  21,  22; 
24,  Chabeuil;  29,  Montfleury, 
(Grenoble). 

Février  4,  Pérouges  (Pero- 
giœ);  10,  Tullins;  13,  15  (14  !), 
Grenoble;  Demptézieu  (Den- 
thai/siacum),  Moras  ;  17  ;  18, 
Saint-Quentin;  19,  (20,)  22, 
23,  28,  29,  Montfleury. 

Mars  2,  3,  Montfleury  ;  4, 
Grenoble;  5,  6,  7,  La  Buis- 
sière; 10,  Montfleury;  11,  12, 
13,  14,  Grenoble;  lo,  Saint- 
Marcellin;  17,  18,  Valence  ; 
22,  Grenoble. 

Avril  8,  Romans;  8,  9,  Pi- 
sançon;  10,  Saint-Marcellin; 
14;  15,  17,  Grenoble;  18,  Vo- 
reppe;  19,  La  Tour(-du-Pin, 
Tunis),  Saint-Chef  (S.  Theo- 
dorus);  20,  Crémieu;  22,  25, 
26,  27,  La  Balme  en  terre  de 
la  Tour;  27,  28,  Crémieu;  28, 
29,  30,  La  Balme;  30,  Crémieu. 

Mai  2,  La  Balme;  3,  Cré- 
mieu; 3,  4,  5,  La  Balme;  6, 
Crémieu;  6,  7,  10,  11,  La 
Balme;   20,    Saint- Quentin  ; 


2G  — 


Beauvoir;  23,  (24,)  Grenoble; 
24,  20,  Montfleury. 

Juin  3,  Remette;  7,  Theys 
(vadum  de  Thesci);  i^),  Saini- 
Marcellin;  H),  La  Sône  {Lau- 
sania):  12,  Cl]àtilIon(-St-Jean, 
Castillio  doni'  Virivillœ);  12, 
13,  St-Uonat;  13,  Yilleneuve- 
de-Vals  i  V.  N.  de  Berchea)  ; 

11,  18,  Serves  (Cervia);  2U  ; 
23,  24,  Chabeuil;  3U,  Romans, 
Saint-Paul(-lès-R.) 

Juillet  4,  5,  {{),)  Grenoble; 

12,  Montfleury;  (13,)  2U,  Gre- 
noble; 22,  24,  20,  Vienne;  27, 
Montbrison  en  Forez;  Tliiers 
(Tiart  ,  Thiarnum)  ,  Saint- 
Pourçain  (S.  Porzanus),  Mou- 
lins (Molins)  en  Auvergne. 

Août,  Nevers  [Nivernis), 
Cosne  {Cône),  Montargis,  Ne- 
mours (Nemos);  5,  (>,  Corbeil 
{Corbolinm);  Paris;  Aire(-sur- 
la-Lys,  Haire,  Hai/re)  ;  24, 
bat.  du  Mont-Cassel. 

Septembre  2,  3,  4;  5,  Ypres 
(acies  ante  Ynram);  (i-lô,  Lille 
{Insula);  10,  lieras  de  Lilh;;  17, 
Arras  {Atrebatum,  Arraz);  2(), 
Paris. 

Octobre  5,  11  ;  St-Germain- 
en-Laye;  passe  et  rep.  la 
Seine  (Seyna)  ;  17,  (19,)  28, 
Paris  (dom.  dalphin.  apud 
Grèves). 

Novembre  3;  Nevers,  Saint- 
Pourçain  ,  Aigueperse  ;  20  , 
Montfleury;  2(1,  Moirans. 

Déccniljre,  joutes  à  TuUins  ; 
2,  Moirans,  iSaint-Robert  ;  3, 
Grenoble;  4,  Montileury;  5, 
Grenoble;  11,  Montileury;  17, 
Chabeuil,  Romans;  20,  Mo- 
ras;  (25,)  29,  30,  Grenoble. 

1329 

Janvier  1,  Grenoble;  1,  3,  4, 
Avalon;  8,  Montfleury?;  9, 
Sl-Marcellin;  13,  Chabeuil; 
15,  Chatte  {Chasta);  19,  20, 
Grenoble;  21. 

Février  20;  21  ,  22,  Gap 
(cloître  de  St-André);  23,  Ro- 
mette  (prieuré);  24,  Beauvoir. 

Mars  1,  Vienne  (dom.  de 
Canal/bus);  7;  10,  La  Tour 
(-du-Pin,   Turris);   11,   Bour- 


goin  (prieuré  de  Jallieu,  Jal- 
lijuj);  14,  10,  Crémieu;  17, 
»  Montiache  »  [itom.  Hospit.); 
18,  19,  20,  21,  22,  Montîuel; 
(30,  Crémieu  fi 

Avril  (3,)  4,  G,  Montîuel;  (24, 
St-Marcellin;)  28,  Grenoble. 

Mai  ;  7  ,  Grenoble  {eurt. 
hosp.  dalph.]\  15,  Moirans; 
29,  La  Bal  me. 

Juin  10,  Crémieu  (Augus- 
tins);  11,  La  Balme;  23,  Le 
Buis  (-les-Bar.);  29,  (30,)  Gre- 
noble. 

Juillet  (5;  7,  St-Marcellin; 
10,  Beauvoir;  10,  12, 13,  Saint- 
Marcellin;  20,  21,  Grenoble. 

Août  1,  Saint-Donat;  22, 
Grenoble;  30,  Saint-Pierre 
de  Champagne. 

Septembre   (,  Clairvauxf); 

21,  28. 

Octobre  1,  Grenoble;  15. 
Novembre  26,  Grenoble;  27, 
Tullins  {ColUni). 
Décembre  2,  St-Marcellin. 

1330 

Janvier,  Bois  de  Vincennes 
{Vieenes);  (13,  Rozoy-en-Brie, 
Rosai/  in  Bria:  22,  Villaines). 

Mars  3;  (18,)  19,  Serves 
(Cervia);  21,  Anneyron  ;  23, 
(24,)  Beauvoir  ;  29,  V'isan  (Avi- 
san.)\  30,  31,  Mirabel(-aux- 
Bar.,  MiribeUam). 

Avril  1,  Mirabel  (Mirib.)  ;  3, 
(4,)  Avignon  ;  14,  Grenoble  ; 
17;  23, 24,  (25,)  27,  St-Marcellin. 

Mai  (1.)  5,  7,  Grenoble;  12; 
14,  La  Tour  (-du-Pin,  cap. 
Hospit.);  IG,  Montîuel;  19, 
Chazey(-sur-Ain,  Chasetum); 

22,  Crémieu  (dom.  Lumbard.); 
24,  Saint- Etienne(-de-Saint- 
Geoirs). 

Juin2,3,Moras;  23,  Tullins. 

Juillet  3,  Tullins;  (5,)  9,  10, 
Jonage  (acies  cor.  Castro  de 
J-s,  exeere.  de  Ge7i7ia;/es  Joa- 
nagiis),  bourg  de  la  bastide 
de' Montîuel. 

Août  (2,  Vienne;  3^  Moras;) 
8,  Moirans  (Francise);  10, 
St-Paul(-lès-Romans  ,  dom. 
IIospii.)\  14,  BiMiuvoir  en  Ro- 
yans;  23,  Grenoble. 


—  27  — 


Septembre  11,21,  Beauvoir; 

25,  30,  Grenoble. 

Octobre  1  ;  2,  Cornillon  ;  3  ; 
(8,)  9,  (10,)  11,  12,  Grenoble; 
13,  16;  24,  Grenoble. 

Novemb.  3,  Romans  (Fran- 
cise); 13,  Rosans  (Roysans). 

Décembre  22,  Paris  [dom. 
dalph.) 

1331 

Janvier  1,  15,  Paris. 

Février  8  ;  (13,  Montélimar  ;) 
16,  Valence. 

Mars  10  ,  Grenoble  ,  La 
Mure  ;  22 ,  bois  des  Ayes 
(castr.  nemoris  Ayarum). 

Avril  1,  Beauvoir;  3,  Ro- 
mans; 8,  Tullins;  20,  24,  Avi- 
gnon; (27,  Beauvoir). 

Mai  4,  Grenoble;  7;  16. 

Juin  26,  Moirans  [in  claus- 
trello  s.  parlât.  FF.  Minor.); 
28,  29,  30,  Grenoble. 

Juillet  1  ;  3,  Grenoble;  8, 12, 
19,  Beauvoir;  22,  26,  27,  Gre- 
noble (Francise.) 

Août  1,  3,  Saint-Marcellin; 
27,  28,  Grenoble  (Francise.) 

Septembre 9,  Moras;  12,  i(), 

26,  27,  28,  Beauvoir. 
Octobre  15,  Paris;  26,  Bou- 

zonville  {Bosonville  in  Gas- 
tinois). 

Novembre  22,  Montargis. 

Décembre  12. 

1332 

Janvier  .30,  Grenoble  (Fran- 
cise.) 

Février  5 ,  Beauvoir  en 
Royans  ;  13  ,  Montluel  ;  14  , 
Beauvoir;  29,  Grémieu  {dom. 
Lumbard.) 

Mars  6,  7,  Becenno;  8,  Qui- 
rieu  ;  9,  Lueys;  10,  Lagnieu 
(Langniacum);  2.5,  28,  Visan 
{Acisan.y,  29,  Pont-de-Sorgues. 

Avril  2,  Visan  ;  7,  Beauvoir; 
11  ,  Auberives(-en-Royans)  ; 
13,  Beauvoir;  17,  St-Antoine; 
22,  Beauvoir. 

Mai  5;  12,  (13,)  15,  17,  Gre- 
noble. 


Juin  1,  Grenoble:  10,  Beau- 
voir; 20,  Bourg-d'Oisans  {S. 
Laurencius  deLacii  in  Oysen- 
cio);  25,  27,  28,  30,  Briançon. 

Juillet  1,  Briançon;  2,  Bar- 
donnèche  ;  3, 4,  Briançon  ;  .5,  6, 
Vallouise  (Vallis  Puta);  6, 
Saint-Martin-de-Quevrières  ; 
7,8,9,  11,  12,  18,  20,21,22,31, 
Briançon. 

Août  7;  8,  Grenoble;  18,  19, 
Crémieu  (August.);  24, Tullins 
iprior.),  Moirans  (Francise.)  ; 

27,  30,  Beauvoir. 
Septembre    19  ,    Pisançon 

(Pisancianum). 
Octobre  19-23,  St-Antoine?; 

28,  Montbonnot;   29,    Mont- 
fleury. 

Novembre  5,  Vienne  (dom. 
de  Canalibus);  18,  Montbonnot 
[Mons  Bonoudus);  22,Voreppe 
{Vorapium);  29,  30,  Romans. 

Décemijre  5,  Romans  (dom. 
archiepisc.)  ;  10,  20,  Vienne 
id.  de  C.) 

1333 

Janvier  1,  Loriol,  Montéli- 
mar; 5,  Avignon  ;  11, Valence, 
Saint-Marcellin;  15,  Gre- 
noble;   16   (6!)  Montbonnot; 

29 ,  Lyon    (Dominic.)  ;    31  , 
Vienne  (cliap.) 

Février  (8,  Grenoble;)  12, 
Montbonnot;  18,  Grenoljle; 
19  ;  20,  Loriol  ;  (23=)  26,  Avi- 
gnon ,  Orange ,  Pierrelatte 
(Petra  Lata)  ;  28,  Romans. 

Mars  1,  Saint-Marcellin;  5, 
6,  Grenoble;  (21,  Beauvoir?); 
30. 

Avril  (14,  Grenoble;)  15, 
Cornillon  ;  16,  Saint-Egrève 
(S.  Ayripinus);  26,  Arpavon. 

Juin  21,  Cornillon  ;  22,  Gre- 
noljle  (Francise.) 

Juillet  2,  Pisançon  (Pisan- 
cianum, castr.  dalph.)  \  0;  7, 
Grenol)le  (Francise);  11,  Tul- 
lins (TofjUinum);  12,  16,  (17,) 
21,  22,  Beauvoir  ;  28,  La  Per- 
rière (c"^  St-Julien-de-Raz, 
ante  Pereriam,  in  grangia). 


—  28  - 


Henri  Dauphin 

1319 

Mars  31,  Moras. 

Avril  1,  2;  14,  Moirans. 

Mais,  Grenoble;  12;  17,  19, 
Annecy  {Annei/ssiacum);  19, 
Rumilly  en  Albanais  ;  21 ,  Cler- 
mont  en  Genevois  ;  22,  La  Ro- 
che en  G. 

Juin  23,  Avignon. 

Juillet  12;  17,  21,24,  Greno- 
ble ;  24,  Annevron  (Antonins). 

Août  1;  6,^  Grenoble;  27, 
Crémieu. 

Septembre  10;  IG,  Saint- 
Marcellin;  25,  Grenoble;  28. 

Octobre  14,  Valence;  28. 

Novembre  17,  Grenoble. 

Décembre  9,  La  Balme;  29, 
Beauvoir. 

1320 

Janvier  5,  Bourgoin  {Ber- 
qondum);  25,  Corbeil. 
Avril  8. 
Juin  23. 

1321 

Janvier  8,  9  (m  curia  nova), 
12  (J.  plateam  S'  Andreœ), 
Grenoble;  28;  31,  Saint-Mar- 
cellin;  31,  Beauvoir  en  Ro- 
yans. 

Février  1,  Saint-Marcellin 
en    Viennois;  22;  24,  Bonne 
ville. 

Mars  2,  (Bonneville?) 

Avril  9  (=  juillet  9?);  21,  2G, 

Grenoljle. 

Mai  4;  12,  Grenoble;  30,  en 
Faucignv. 

Juin  (),  lô,  K),  Grenoble;  1., 
Beauvoir. 

Juillet»),  7, 9, 10,  .30,  Avignon. 

Août  G,  Grenoble;  31,  La 
Balme. 

Septembre  4;  8;  14,  La 
Tour-du-Pin,  Turris);  2G,  27, 
30,  Grenoble. 

Octobre  1,  Grenoble;  G;  8, 
bois  des  Ayes  {nemus  A;/a- 
rnm);  1."),  Grenoble;  19  (r/om. 
Cnnaiillium),  21,  Vienne;  22; 
21,  Grenoble;  2G. 


Novembre;  7,  Grenoble;  19, 
Goncelin. 

1322 

Janvier  8,  9,  Grenoble;  28, 
29,  Romans  {dom.  Helem.) 

Mars  IG. 

Avril  15,  Briançon. 

Juillet  15,  IG,  18,  23,  Greno- 
ble; 24,  Crémieu;  26,  Gap 
(Francise,  Vapin.). 

Août  3,  Nvons  (N(choniis)\ 
13,  Peyrins  (Pai/r.)  ;  24  ;  27,  La 
Balme;  30,  31,  Crémieu. 

Septembre  30,  Prébois  {Pra- 
tum  Bu  xi). 

Octobre  12,  Grenoble;  19, 
Cornillon. 

Novembre  12,  IG,  (22,)  23,  25, 

27,  Grenoble. 

Décembre  3;  7,  Charmes 
(Charment);  15,  Serves  (Cer- 
cia)  ;  30. 

1323 

Janvier  20,  Goncelin  {versus 
Pereriam). 

Février  17,  26,  Mirabel. 

Avril  8,  Vais;  9;  11,  Visan 
{Avisan.y,  15,  Le  Puy  (An?s- 
chim).  ^ 

Mai  4,  Beauvoir  ;  8,  La  Tour 
(-du-Pin,  Turris),  Lagnieu 
[Lai/niacuni);  17,  Dole. 

Juin  21. 

Juillet9,  10,  15,  16,  21,  Gre- 
noble; 30,  Beauvoir. 

Août  20,  2(i,  Crémieu. 

Octobre  22,  Chabeuil;  2-), 
TuUins. 

Noveml)rc  1,  Moras  ;  8,  Gre- 
noble; 10;  IC),  Beauvoir;  23, 
Romans. 

Décemb.  2,5,7,8,  Grenoble; 
22;  26,  Beauvoir. 

1324 

Janvier  5;  7,   Pagny  (Pai- 
nniacuni):  1 1,  La  Balme. 
'    Février  21 ,  B(?auvoir  en  Ro- 
yans. 

Mars  21. 

Avril  23,  (irenoble. 

Juin  10,  Montbrison. 

Juillet  25,  Saint- Antome; 
■y\,  Grenoble. 


-  29 


Août  4,  Grenoble;  H,  La 
Buissière;  10,  10,  Saint-Mar- 
cellin  ;  18, 28,  29,  Crémieu  ;  31 , 
La  Balme. 

Septembre  5;  0,  Bourg - 
d'Oisans  (Burgus  S.  Lauren- 
tii);  11,  Bois  des  Ayes  (bosciim 
Ayarum);  18,  Briançon;  21, 
Embrun. 

Octobre  6,  Visan  (Avisa - 
numy,  19;  24;  28. 

Novembre  *J,  Grenoble;  15; 
19,  Briançon;  20,  St-Bonnet 
en  Champsaur;  25,  Grenoble. 

Décemure  7,  Romette  {cam. 
dom.  Elemoyssine). 

1325 

Févriers,  Grenoble;  20;  21, 
Beauvoir  en  Royans. 

Avril  1. 

Juin  25/6,  Lagnieu;  27,  Saint- 
Sorlin. 

Juillet  9,  Beauvoir;  15,  Va- 
lence. 

Août,  en  Faucigny;  20;  26, 
Avignon. 

Septembre  1,  quitte  terre  de 
la  Tour;  2,  Le  Buis  f-les- 
Baronnies,  cam.  S.  Thomce 
maj.  hosp.,  Domin.)  ;  8,  Beau- 
voir; 9;  21. 

Octobre  15,  Beauvoir;  25, 
Grenoble. 

Décembre  9;  16,  29,  Cré- 
mieu. 

1326 

Janvier  18,  Saint-Vallier. 

Avril  18,  Beauvoir;  22,  24, 
Grenoble. 

Mai  17,  La  Balme;  21. 

Juin  20,  Grenoble;  21,  Ro- 
mans (Francise). 

Août  23,  Tullins;  26. 


Octobre  10,  Saint-Martin- 
le-Vinoux;  21,  St-Marcellin. 

1327 

Janvier  12,  Visan  (Avisa- 
num,  cam.  fornelU). 

Février  4,  6,  Saint-Marcel- 
lin;  (7,  Grenoble;)  13,  «  Leva- 
ta  »;  14, 16,  Vizille;  26,  Saint- 
Paul(-lès-Romans). 

Mars  13,  La  Balme;  26, 
Montluel. 

Avril  22. 

Juillet  10. 

Septembre  13;  17,  Poncin 
(Ain);  24,  Saint-Donat. 

Octobre  4,  «  M'ean'  ». 

Novembre  22,  Saint-Vallier; 
24,  Grenoble;  26. 

Décembre  5,  Grenoble;  2(5, 
Roussillon. 

1328 

Janvier  3,  Montfleury;  4, 
Vizille;  6,  Montfleury;  16. 

Février  10,  13,  Avignon; 
22;  27,  Grenoble;  28,  Mont- 
fleury. 

Mars  14,  Grenoble;  18,  Va- 
lence. 

Avril  1,  Visan  (fortaUc.) 

Mai  13;  16,  Pérouges;  26, 
xMontluel;  29. 

Juin  (23,)  24,  Avignon;  30. 

Juillet  27,  Montbrison. 

Août  6,  Corbeil. 

Septembre  17,  Arras. 

Novembre,  en  Auvergne; 
20,  Beauvoir. 

Décembre  11,  Montluel;  17. 

1329 

Mars  17,  Beauvoir,  «  Mon- 
tiache  »  {dom.  Hospit.). 


En  terminant  la  publication  de  l'itinéraire  des  Dauphins 
de  la  'i^^  race,  je  suis  heureux  d'offrir  le  témoignage  de  ma 
gratitude  à  MM.  P.  Guillaume,  E.  Pilot  de  Thorey  et  J. 
Roman,  pour  les  indications  dont  ils  ont  bien  voulu  enrichir 
mon  travail. 

Romans,  31  octobre  1886. 


Voiron.  —  Imprimerie  Baratier  &  Mollaret. 


ITINKRAIRE 

DAUPHIN   HUMBERT   II 


Le  règne  du  dernier  souverain  indépendant  du  Dau- 
phiné  a  une  importance  exceptionnelle  dans  les  annales  de 
notre  province  :  il  serait  superflu  d'insister  auprès  des 
érudits  sur  Futilité  qu'il  y  avait  à  dresser  l'itinéraire  suivi 
dans  ses  voyages  par  Humbert  II.  La  masse  considérable 
de  documents  mis  en  œuvre  pour  l'établir,  d'une  manière 
à  peu  près  complète,  donnera  peut-être  l'idée  d'une  étude 
plus  approfondie  du  gouvernement  de  ce  prince,  sur 
lequel  les  historiens  les  plus  récents  ont  trop  négligé  une 
source  incomparablement  précieuse  d'informations  :  les 
registres  de  sa  chancellerie,  en  très  grande  partie  con- 
servés aux  archives  de  la  préfecture  de  l'Isère. 

Fils  du  dauphin  Jean  II  et  de  la  dauphine  Béatrix  de 
Hongrie,  Humbert  naquit  à  la  fin  de  1 3 1 2  ;  il  devint  baron 
de  Faucigny  à  la  mort  de  son  oncle  Hugues,  en  i328,  et 
succéda  comme  dauphin  de  Viennois  à  son  frère  Guigues 
VIII  (VII),  le  29  juillet  i333.  Il  résidait  alors  à  la  cour  de 
Naples  :  son  pèlerinage  aux  églises  de  Rome  et  son  retour 
en  Dauphine  sont  assurément  la  partie  la  plus  curieuse 
de  ce  travail.  Pour  la  période  correspondant  à  la  croisade 
de  1345-7,  il  m'a  semblé  utile  de  donner,  au-dessous  de 


3  ITINÉRAIRE 

l'itinéraire  —  forcément  incomplet  —  d'Humbert  II, 
celui  du  régent  du  Dauphiné  en  son  absence,  Tarche- 
vêque  de  Lyon  Henri  de  Villars. 

Deux  sortes  de  documents  ont  servi  à  la  rédaction  de 
cet  essai  :  les  chartes  du  dauphin,  les  comptes  des  tréso- 
riers et  des  châtelains.  Ceux-ci,  souvent  féconds  en 
renseignements,  ne  sont  pas  toujours  suffisamment  précis 
pour  les  dates  et  rendent  la  chronologie  incertaine.  Il  en 
est  tout'  autrement  des  lettres  patentes  d'Humbert  :  sa 
chancellerie  n'a  jamais  cessé  de  prendre  le  commencement 
de  Tannée  à  Noël  (a  Nativitaté),  comput  d'après  lequel 
le  millésime  des  sept  derniers  jours  de  chaque  année  est 
en  avance  d'une  unité  ;  les  pièces  renferment,  presque 
toutes,  l'indication  du  lieu  où  elles  ont  été  données,  ordi- 
nairement aussi  celle  du  palais,  château,  église,  couvent, 
maison,  chambre,  etc.  que  j'omets  pour  abréger  \  les  lettres 
closes  sont  excessivement  rares. 

Ce  n'est  pas  que  je  n'aie  été  plus  d'une  fois  embarrassé: 
certaines  juxtapositions  de  lieux  éloignés  à  des  dates  trop 
rapprochées  mettront  le  doute  dans  l'esprit  du  lecteur  ;  il 
ne  m'a  pas  toujours  été  loisible  de  remonter  à  la  source 
même  de  ces  contradictions  et  de  préciser  les  causes 
d'erreur.  Elles  doivent,  pour  la  plupart,  provenir  de  fautes 
de  transcription.  Je  n'en  citerai  qu'un  exemple,  qui  sera 
la  meilleure  justification  de  cette  aride  monographie  : 
Valbonnais  a  publié  [Hist.  de  Dauph.^  t.  II,  p.  Sôg- 
62),  un  traité  d'alliance  entre  le  dauphin  et  le  comte  de 
Savoie,  qui  aurait  été  passé  à  Charentonnay,  le  7  décembre 
1337,  époque  où  Humbert  ne  semble  pas  avoir  quitté 
Grenoble  :  vérification  faite  dans  le  registre  du  notaire 
Humbert  Pilât  (arch.  de  Tlsèrc,  B.  26 11,  f"  220),  d'où 
l'éditeur  Ta  extrait,  j'ai  constaté  que  cet  acte  y  porte  la 
date  du  7  septembt^e^  qui  concorde  avec  le  reste  de  l'itiné- 


d'humbert  II.  3 

raire;  cette  même  date  est  encore  donnée  par  le  t.  II  de 
l'inventaire  Generalia. 

Quand  le  nom  de  lieu  manque  à  Toriginal  d'une  pièce 
ou  à  rinventaire  qui  en  fournit  l'analyse,  le  jour  du  mois 
est  inscrit  entre  deux  points-virgules  ;  si  ce  nom  peut  être 
légitimement  conjecturé,  le  chiffre  du  jour  est  placé  entre 
parenthèses. 

J'adresse,  en  terminant,  à  mes  confrères  en  érudition 
le  souhait  de  recevoir  des  compléments  à  cet  essai  ;  ils 
seront  fructueusement  utilisés  dans  le  Régeste  dauphinois^ 
dont  l'itinéraire  de  nos  dauphins  n'est  que  le  préambufe. 


*e3^ 


1321 

Juillet  9  (,  Avignon  ?j. 

1326 

Mars  26. 

Octobre  4,  Saint-Martin-le-Vinoux. 

1328 

Juin  24,  en  Faucigny. 

Décembre  2,  Saint-Robert;  3,  Grenoble?;  17,  Romans. 

1329 

Juin  10,  Crémieu  (Augustins);  29,  Grenoble  ?. 

1330 

Mars  19,  Crémieu  (Crimiacum). 

Août  8,  Moirans;  10,  Saint-Paul(-lès-Romans);  14,  Beauvoir 
en  Royans  ;  21,  Grenoble. 


4  ITINERAIRE 

Fin,  part  pour  la  Hongrie  (*î. 

1332 

Juillet  26,  Casasana,  près  Castellamare  (castniin  Maris  de 

5  tabla). 

Septembre  22,  Naples  (tournoi). 
Octobre  9,  Naples  (noces). 
Novembre  2,  Naples. 
Décembre  18,  Naples. 

1333 

Janvier  15,  Naples. 

Février  2,  Naples. 

Mars,  Naples  ;  Aversa,  Pons  ad  Silicem,  Capoue  ;  Teano  {Tya- 
mnn),  Mignano  {Minianum),  3Iont-Cassin  (égl.  de  St-Benoît)  ; 
Alangia.  —  Rome  :  Saint-Pierre  (du  Vatican)  ;  St- Jacques  (au 
Borgo)  ;  St-Sébastien,  Domine  quo  vadis,  St-Paul-hors-les- 
Murs,  ubi  aures  s'  Pauli  (St-Paul-aux-Trois-Fontaines  ?),  St- 
Barthélemy,  St- Sauveur  (in  Onda),  Arméniens  (Ste-Marie- 
l'Egyptienne  ?);  Ste-Croix  (de  Jérusalem);  St-Paul,  St-Laurent 
(in  Paneperna)  ;  Ste-Praxède  ;  Ste-Marie-de-la-Rotonde  (Pan- 
théon) ;  Ste-Marie-Majeure  ;  (St-Pierre  du  Vatican).  St-Pierre 
(-aux-Liens);  Ste-Agnès  (moniales);  Ste-Suzanne;  prés  du  Tibre. 
St-Sébastien  ;  St-Oeorges  (in  Velabro),  St-Alexis,  S"  Sacco, 
Stc- Marie  de  Manu;  Ste-Marie-de-la-Minerve,  Ste- Sabine, 
St-Cyriaque,  St-Jean-tle-Latran.  St-Pierre  (s' Suaire),  Ste- 
Euphémie,  Ste-Marie-la-Neuve  (Ste-Françoise  Romaine),  St- 
Jean  devant  la  Porte-Latine,  St-Sixte,  St-Sauveur.  St-Pierre 
(confession).    —    Sermoneta  (Sulinonela),   Fossanuova  (Fossa 


(1)  Il  n'y  a  pas  lieu  de  tenir  compte  d'une  pièce  du  10  octobre 
1330,  donnée  à  Naples  par  lïumbert  comme  dauphin  fReg.  instrnm. 
baron.  MeduU.  et  Montts  Alhani.  f°  Illl  "J;  elle  rac  paraît  suspecte, 
même  eu  admettant  une  erreur  de  millésime  (1333  au  lieu  de  1330.) 


D  HUMBERT    II.  5 

Nova),  Scaulum,  Mola  prés  Gaête  [Moleta  Gaijetœ),  Sessa 
(Suessa) . 

Avril  1  (jeudi  s'),  2  (vend,  s',  égl.  de  Piedigrotta,  S.  Maria 
de  Pedegrocé),  4  (Pâques),  Naples. 

Mai,  (Naples). 

Juin,  (Naples);  26. 

Juillet  19,  va  en   Pouille  {ApuUa)  ;  28,  Barletta  {Barolum); 

29,  Bisceglia  [VigUia,  Ste-Trinité)  ;  Bari  (St-Nicolas) . 

Août  5,  Barletta  ;  Andria  ;  15,  Melfi  (Melphla)  ;  19,  S"  Maria 
de  Uliolo  ;  Naples  ;  24,  25,  30. 

Septembre  5;  égl.  de  Piedigrotta  [S.  Maria  de  Padigrotte);  7, 
8,  10,  11,  Naples  (naiss.  et  bapt.  d'André). 

Octobre  15,  Naples;  17;  Pouzzoles  (Puteolum),  Ischia  (Iscla, 
Yscla);  Gâëie  (Gage ta),  Sia-Resti.tuta;  23;  Porto-Venere  (Portus 
Veneris);  28,  Portofino  [Portus  Dalphini);  28,  29,  30,  31, 
Gênes  (Janua). 

Novembre  1,  2,  Gênes  ;  4  ;  5,  Villefranche  {portus  OUbani)  ; 
5,  6,  7,  8,  9,  Nice  (.\icia,  Niczia)  ;  10,  passe  le  Var  (fîumen 
JSiczix);  M,  Villeneuve-Loubet  (Villa  Nova),  passe  le  Loup 
(flmnen  V.  N.),  Valbonne  (collis  de  Verbon.);  12,  Grasse  (Gras- 
sia);  13;  14,  Garonne  (pons  Garo,  de  Garrono),  Draguignan 
(Drachinianum,  Dragui-m);  15,  Brignoles  (Bonica,  Briniola); 
16;  17,18,  19,  Saint-3Iaximin  (S.  Massi'ininus),\s.  Sainte-Baume 
(Balma)  ;  W,  Saint-Zacliarie  (6'.  Zaccarias);  20,  21,  Aubagne 
(Balneum,  Albanea);  21,  22,23,24,  M^'seiWe  (Mars i lia,  St- 
Louis,  St- Victor)  ;  24,  Les  Pennes  (Pennxj,  Berre  (Berra);  25, 
SdXon  (Sallonum)  ;  26,  Orgon  (Urgo),  Noves  (Novœ)  ;  27,  28,  29, 

30,  Avignon. 


Août  4,  5,  La  Perrière  (in  acie  ante  castrum  Pererie^;  7, 
Graisivaudan;  14;  16,  Montlleury;  23,  26,  Beauvoir. 
Septembre  5,  Graisivaudan. 
Octobre  5,  1 1 ,  Beauvoir. 


0  ITINERAIRE 

Décembre  i,  2,  3,  4,  o,  6,  Avignon  (Ste-Claire  d'Arles); 
Valence;  14,  16,  18,  22,  24,  31,  Beauvoir. 

1334 

Janvier!,  Beauvoir;  2,  3,  Saint -Marcellin;  4;  5,  (6,)  7,  8,  9, 10, 
11,  12,  13, 14,  15,  16,  17,  18,  19,(20,22,)  23,  24,  25,  Grenoble. 

Février  1,  6,  7,  8,  9,  10,  11, 12,  Grenoble  ;  Beauvoir;  15,  16, 
17,  18,  Monthiel;  20,  Meximieux  ;  21,  22,  Montluel;  23,  (24,) 
25,  La  Balme  ;  27,  28,  Crémieu. 

Mars  1,  Jallieu  près  Bourgoin;  3,  Bourgoin  ;  4,  Morestel  ;  6, 
Neyrieu  ;  8,  Saint-André  de  Briord  ;  9,  Saint-Sorlin  {S.  Satur- 
ninus);  10,  Lagnieu  ;  12,  14,  15,  16,  21,  22,  (23,  27,)  30,  31, 
La  Balme. 

Avril  I,  4,  ^10,)  11, 12,  (13,)  15,  La  Balme;  16,  Salettes;  17, 18, 
La  Balme  ;  22,  Crémieu  ;  26,  La  Balme  ;  27,  Saînt-Chef  (S. 
Theodorus). 

Mai  2,  Vienne;  3  (13  !),  Moras;  5,  Grenoble;  6;  7,  près  du  pont 
du  Giandon  entre  Chapareillan  et  Montmélian  ;  8,  La  Frelte  (c"' 
du  Touvet,  Fraya/aj  ;  14,  Briançon  (en  Maurienne?);  16;  18, 
La  Grave;  19,  Briançon;  19,  20,  Césane;  21,  23,  24,  Oulx;  29 
(19!),Exilles. 

Juin,  Suse  ;  Pragelas,Valcluson  ;  Pignerol  (Pineyrol);  11,  bois 
des  Ayes  {nemus  Aijarum);  13,  14,  Césane;  10,  Château-Queyras; 

20,  21,  Le  Pont  en  Briançonnais;  27,  Château-Queyras. 
Juillet  2,  5  ;  9,  12,  Upaix  ;  13  ;  18,  (21,)  23,  Mévouillon;  24, 

25,  27,  28,  29,  30,  Le  Buis  (-les-Baronnies). 

Août  1,  2,  Mérindol;  3,  Mirabel  (-aux-Bar.);  4,  Châteauneuf- 
de-Bordette;  7, 12,  Visan  [Avisanum);  16,  20,  24,  26,  (27,)  29, 
31,  Avignon. 

Septembre  1,  3,  7,  10,  15,  (17,)  26,  29,  Avignon. 

Octobre  i2,  Avignon;  6,7,  9,  12,  14,  Visan;  17,  19,  Nyons;  20, 

21 ,  22,  Briançon;  23,  La  Bessée  {Becerja),  Embrun;  24,  25,  Mens? 
Novembre  3,  4,  5,  7,  (8,  17,)  18,  22,  (24,)  29,  La  Balme. 
Décembre  r4,;  5,  6,  La  Balme;  7;  9,  Salettes;  12,  Vienne;  14, 

Valence;  20,  25,  27,  Avignon. 


îi  HUMBERT    II. 


1335 


Janviers,  14,  15,  17,  18,  Avignon;  Marseille?;  25. 

Février  13;  14,  Ballons  {BaVon)  ?;  15,  La  Balme;  19,  24. 

Mars  2,  4,5,6,  (8,10,)  11,  17,  18,  Crémieu;  Morestel;  22, 
24,  31,Quirieu. 

Avril  9;  11,  16,  La  Balme;  17. 

Mai  c'.  Vienne;  3,  4,  5,  M,  12,  13,  14,  Avignon;  19,  20, 
Langeac;  20,  Brioude;  22,  Pont-du-Château;  23,  Aigueperse. 

Juin  1,  Grenoble?;  4,  Beauvoir?;  18,  Le  Plessis  en  Norman- 
die; 19,  Mainneville. 

Juillet  12,  30,  Paris. 

Août,  bois  de  Vincennes  ?;  3;  8,  10,  17,  Paris;  19,  Saint- 
Germain-des-Prés  près  Paris;  20,  Paris. 

Septembre  3;  retour  de  France;  7,  8;  11, 13, 16,  17,  Grenoble; 
22,  Cornillon  en  Graisivaudan;  22,  (23,)  26,27,  (30,)  Grenoble. 

Octobre  1,  Grenoble;  8,  10,  12,  Beauvoir;  16;  29,  Roche-de- 
Glun;  29,  30,  Beauvoir. 

Novembre  3,  4,  5,  6,  Moirans;  7,  chartreuse  de  la  Silve 
(-Bénite;;  7,  8,  9,  10,  Moirans;  13,  1^4,  15,  16,  Saint-Sorlin 
(Ainj;  19,  20,  Quirieu;  21,  22,  23,  24,  25,  26,27,  28,  La  Balme; 
29,  Crémieu. 

Décembre  1,  2,  Colombier  (-et-Saugnieu;;  3,  4,  Saint-Laurent 
(-de-Mure)  en  Viennois  ;  Meximieux  ;  Pont-d'Ain  (Ponzinum)  ; 
14,  Nantua  ;  19,  en  Faucigny;  21,  Bonneville. 

1336 

Janvier  7,  9,  16,  (22,)  24,  28,  Cluses  (dioc.  de  Genève). 

Février  6,  Châtillon  en  Faucigny;  Bonneville;  12,  Bonne; 
13,  Allinge  Vieux  ;  15,  16,  Hermance  ;  16,  17,  Coppet  ;  17,  La 
Balme  de  Sillingy  {Cousengle)  ;  20,  Salettes  ;  22;  24,  La  Bal- 
me ;  25;  29,  Crémieu. 

Mars  1,  2,  3,  4,  Crémieu;  6,  Roche-de-Glun ;  7,  Valence; 
10,  11,  12,  13,  14,  15,  16,  17,  Avignon;  Marseille  (St-Louis)  ;  22, 
Avignon  ;  Orange  ?;  25,  Roche-de-Glun  (Ruppis);  29,  Le  Buis. 


ITINÉRAIRE 

Avril  8;  12,  La  Balme  de  Viennois;  20,  26;  29,  Crémieu. 

Mai  4,  Crémieu;  \0(/iemus  Lovarescie),  M,  12,  La  Balme; 
19,  Beauvoir  ;  23,  25,  Saint-Marcellin  ;  26,  Beauvoir. 

Juin  1,  Beauvoir;  Chambe'ry  ;  10,  Avalon  ;  il,  Bellecombe  ; 
12,  Barraux;  Grenoble;  17,  18,  La  Sône  (Clauczonia,  Sonna)  ; 
19;  20,  (23,)  2i,  26,  Beauvoir. 

Juillet  5,  La  Sàne  {Loso7ia)  ;  16,  Moutliier-en-Bresse  près  la 
Brenne)  ;  Châlon. 

Août  2,  3,  Pagny-le-Château  en    Bûurgogne;4,  Chaussin. 

Septembre  3,  8,  9,  La  Balme;  (18,  Lagnieu;)  21;  26,  Grenoble. 

Octobre  1,2,  4,  La  Balme;  8;  18,  Ordonnas  [Ordenacum);  19^ 
Portes;  20,  23,  Ordonnas  ;  29,  La  Balme,  31  . 

Novembre  2,  Lompnas  {Lonnas)  ;  3,  4,  Ordonnas  ;  5  ;  9, 
Lompnas;  12,  Ordonnas;  13/4,  Lompnas;  15,  16,  17,  Ordonnas; 
17,  Lompnas;  18,  La  Balme;  22,  Salettes;  23,  24,  26,  La  Balme. 

Décembre  13,  Crémieu  ;  19,  21,  La  Balme;  26,  Crémieu  ;  31, 
La  Balme. 

1337 

Janvier  2,  La  Balme;  20;  22,  Lyon;  24,  Vaulx-en-Yelin 
[castrum  de  ValUbus  prope  Lugdunum);  25,  Colombier  (-et- 
Saugnieu);  27,  Saint-Laurent  (-de-3Iui'e)  en  Viennois,  Chandieu; 
30;  31,  La  Tour-du-Pin. 

Février  2,  4,  La  Balme  ;  7,  8,  Crémieu  ;  9,  10,  La  Balme  ;  16, 
Beauvoir;  21,  Pinet  ;  22,  Saint-Marcellin. 

Mars  2  ;  5,  8,  15,  Avignon;  20,  Saint-Ruf  près  Avignon;  24, 
26,  territ.  de  Visan  ;  31,  Le  Buis. 

Avril  (3,)  6,  7,  10,  24,  Le  Buis  ;  26,  Le  PiUion  {Arpihon.). 

Mai  5,  13,  14,  Avignon;  22,  Le  Buis. 

Juin  2,  4,  6,  7,  16,  17,  20,  28,  Le  Buis  (baronnie  de 
Mévouillon). 

Juillet  2,  Le  Buis;  o,  Mévouillon;  7,  Roclie  (-sur-le-Buis, 
Ruppis);  8,  Le  Buis;  15,  Vienne;  15,  17,  Beauvoir;  21,  Saint- 
Donat;  23,  24,  25,  26,  27,  28,  29,  (31,)  Vienne. 

Août  2,  7,  14,  15,  Vienne;  20,  Beaurepaire;  (21,  23,  Vienne;) 
28,  29. 


d'hUMBERT   II.  Q 

Septembre  7,  camp,  près  Charentonnay,  C-y;  10,  11,14,  15, 
n,  18,  19,  Vienne;  20;  2i,  Moirans;  24,  25,  Grenoble;  25, 
Barraux;  29,  (la  grande)  Gliarlreuse. 

Octobre  4,  Grenoble  ;  18;  23,  Vienne  ;  27,  Crémieu. 

Novembre  4,  La  Balme  ;  8,  9,  Grémieu  ;  10;  18,  22,  25,  27, 
28,  Grenoble. 

Décembre  2,  4,  Grenoble  ;  5,  Montbonnol  ;  6,  Grenoble  ;  13; 
U,  Allevard  ;  16,  17,  18,  Grenoble;  20,  26,  30,  Beauvoir. 

1338 

Janvier  2,  La  Sône  (Sonna)  ;  5,  30,  31,  Beauvoir. 

Février  4,  7,  8,  10,  14,  16,  Beauvoir;  21,  La  Tour-du-Pin 
[Turris]  ;  26,  27,  (28,)  Crémieu. 

Mars  1,  2,  3,  7,  8,  Crémieu;  9,  11,  Montluel  en  Valbonne; 
13,  Quirieu;  14,  Lagnieu;  18,  Salettes  ;  24,  Crémieu  ;  26,  La 
Balme  ;  30,  Montluel  ;  31,  Lyon. 

Avril  1,  2,  Lyon;  9,  Grenoble  ;  9,  13,  16,  Beauvoir  ;  19,  21, 
23,  25,  Chabeuil  ;  26,  27,  Pisançon  ;  29,  Romans  (St-Barnardj. 

Mai  3,  5,  6,  7,  10,  11,14,  15,  19,  24,  Beauvoir. 

Juin  12, 15,  Beauvoir;  16, 17;  19,  20,  24,25,  (27,)  30,  Moirans. 

Juillet 2,  3,Moirans;4,  7,  9,  10, 1  l,i{ives;  11, 12,  13, 14,  (1  G,) 
18,  20,  21,  Beauvoir  ;  29;  31,  Beauvoir. 

Août  6,  Saint-Alban  (-du-Bhône);  abbaye  de  Saint-Pierre  hors 
Vienne;  Saint-Just;  -12,  chat,  de  Pipet  ;  18;  19,  Vienne;  20, 
Pipet;  22,  23,  27,  29,  Vienne. 

Septembre  10,  (13,)  24,  25,  Avignon;  la  Sainte-Baume  ? 

Octobre  12,  16,  (19,)  27,  30,  31,  Avignon. 

Novembre  1,  2,  3,  4,  7,  Avignon;  10,  12,  13,  14,  16,  17,  19, 
21,  23,  24,  Pont-de-Sorgues;  30,  Avignon. 

Décembre  2,  4,  8,  11,  14,  Avignon;  20,  22,  (29,)  Pont- de- 
Sorgues. 

1339 


Su 


Janvier  1,  2,  4,  6,  10,  12,  14,  16,  (17,  23,)  27,  28,  Pont-de- 
rgues. 


lO  ITINÉRAIRE 

Février  \,  Avignon;  a,  8,  12,  13,15,  19,  20,  22,  Pont-de- 
Sorgnes. 

Mars  1 ,  rPont-de-Sorguesj  mon.  de  Romelte  ;  3,  Grenoble, 
Sainte-Colombe  près  Vienne  ;  4,  Avignon  ;  8,  (9j  10,  (11,)  16, 

17,  18,  (19,  20,)  22,  27,  Pont-de-Sorgues. 

Avril  G,  9,  Avignon;  12,  13,  Pont-de-Sorgues;  16,  17,  18,  19, 
22,  27,  Avignon;  30,  Pont-de-Sorgnes. 

Mai  (1,3,)  4,  (11.,)  12,  Avignon;  22;  30,  Pont-de-Sorgues. 

Juin  7,8,  12,  16,  17,  18,  19,  22,  23,  28,  29,  Pont-de-Sorgues. 

Juillet  1,  2,  Poiit-de-Sorgues;  M,  Roclie-dc-Glun  (liuppis)  ; 
17  ?,  (19,)  23,24,  Beauvoir;  25,  Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs;  26, 
Saint-Marcellin;  27,  Saint-Etienne;  28;  31,  camp.  prèsL'Albenc. 

Août  1,  Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs;  2,  Beauvoir;  7,  (22, 
26,)  31,  Pont-de-Sorgnes. 

Septembre  1 ,  Pont-de-Sorgues  ;  7  ;  15,  24,  25,  Avignon  ;  29, 
30,  Villeneuve  près  Avignon. 

Octobre  9,  Le  Puy  (égl.  Notre-Dame). 

Novembre  4,  (5,)  6,  (9,)  11, 12,  19,  Paris. 

Décembre  10,  11,  20,  Paris. 

1340 

Janvier  7,  Paris. 

Février  2,  4,  5,  (15,)  24,  Beauvoir  (10,  12,  14,  16,  27,  Saint- 
Marcellin?). 

Mars  1,  Beauvoir;  4,  Saint-Marcellin;  6,  8,  Beauvoir;  10,  La 
Sône  ;  12,  Grenoble;  12,  13,  Beauvoir;  16,  Samt -Vallier  ;  17, 
Beauvoir,  Grenoble. 

Avril  (3,)  6,  9,  10,  11,  12,  Grenoble;  12,  «  ap.  Sanctum  Love- 
tum  »;  16,  22;  29,  Beauvoir. 

Mai  3,  Beauvoir;  4,  La  Sône  en  \  iennois;  5,  Pisançon;  8,  9, 
10,  La  Sône;  13,  Beauvoir;  14,  15,  16,  Sainl-Alban(-(lu-Kbône); 

18,  19,  Bocbc-de-Glun;  19,  Clérieu,  Pisançon;  22  ;  24,  26,  27, 
Beauvoir. 

Juin  3,  13,  16,  20,  21,  (23,)  24,  (26,)  29,  Beauvoir;  29,  Gre- 
noble. 


D  HUMBERT    II.  II 

Juillet  f\,)  2,  (3,  4,  5,)  Saint-Etieiiiie-de-Saint-Geoirs;  8, 
Rives;  I  4, 19,  24,  Grenoble;  30,  La  Baline. 

Aoiit  1,  3,  4,  Grenoble;  12,  MontUiel;  18;  24,  La  Balme;  29. 

Septembres,  4,  La  Balme;  17,  Visan;  19,  Saint-Bonnet;  23, 
Le  Buis  (-les-Baronniesj. 

Octobre  2,  9,  11,  (1t,;  24,  28,  Avignon. 

Novembre  1,  2,  (3,)  4,  Nyons;  4,Curnier,  Sahune  (Asseduna); 
5,  La  Charce  (ca5i!.  Carçeris)\  G,  Montmorin-;  9;  11,  Montmaiir; 
13,  Gap;  1 4,  Ghorges  (ap.  Caliirlcasy,  15,  17,  Em])run;  18,  Saint- 
Bonnet  en  Champsaur;  28,  Grenoble. 

Décembre  3,  Grenoble;  4;  o,  8,  (25,)  29,  31,  Beauvoir  en 
Royans. 

1341 

Janvier  3,  Beauvoir;  9;  10,  Saint-Marcellin;  16,  Beauvoir;  29, 

Février  12,  18,  20,  24,  26,  Grenoble. 

Mars  5,  6,  (8,)  9,  10,  12, 13,  14,  17,26,(29,)  30,  31,  Grenoble. 

Avril  4,  10,  (16,)  17,  23,  Grenoble;  27. 

Mai  1,  (3,)  4,  Beauvoir;  11,  Grenoble;  12,Sainl-Lattier  («p.  5"" 
Laterium);  16,  25,  (28,)  Peyrins. 

Juin  6,  7,  Peyrins;  9,  Saint-Donal;  10.  15,  Beauvoir;  23,  Gre- 
noble; 30,  Montneury. 

Juillet  3, 5,  7,  (9,)  10,  MontHeury;  17,  19,Vizillc;  19,20,  Vif  ; 
21,  rive  du  Drac  près  du  port  de  Glaix;  29,  30,  La  Balme. 

Août  5,  Antbon;  7,  8,  (9,)  Loyettcs;  11,  Grémieu;  12,  13, 
(15,)  16,  Loyettes;  21,  22,  23,  24,  26,  La  Balme;  28,  Lyon. 

Septembre  1,  6,  (7,)  10,  11,  (13,  19,)  20,  22,  25,  29, 
Beauvoir  en  Royans. 

Octobre  (3,)  4,  (7,)  8,  Beauvoir;  31,  Saint  Lattier  (S.  Eule- 
t/'ierius,  S.  Heleuterius,  S.  Heubclius,  S.  Heulckrius). 

Novembre  6?  Grenoble;  7,  8,  Beauvoir;  8,  10,  Seyssins;  13, 
Saint-Alban  (-du  Rhône);  17,  Peyrins;  24,  26,  La  Balme  en 
Viennois. 

Décembre  8;  10,  Pinet;  11,  Beaurepaire;  14,  Beauvoir;  20, 
21,  25,  28;  30,  31,  Beauvoir. 


12  ITINERAIRE 


1342 


Janvier  2,  Grenoble;  4,  (5,)  6,  7,  11,13,  14,  Beauvoir;  16, 
Saint-Marcellin  ;  21,  22,  23,  25,  27,  Beauvoir. 

Févriers,  in  obsedio  ante  Romans  ;  (')  13,  Peyrins;  14,  19, 
in  acie  ante  Romans;  19,  bastide  de  Beau-Secours  près  R.;  23, 
23,  24,  26,  27,  Romans. 

Mars  2,  4,  Pisançon  ;  4,  Romans  ;  7,  12,  14,  17,  liS,  Pisançon; 
19,  bastide  de  Reau-Secours  près  du  pont  de  Romans;  19,  20, 
Pisançon  ;  26 ,  Saint-Saturnin  du  (Pont-j  Saint-Esprit  sur 
Rhône  ;  28,  Avignon. 

Avril  4,  10,  16;  18,  20,  21,  Villeneuve -Saint -André  près 
Avignon. 

Mai  3,  Gentilly  (près  du  Pont-de-Sorgues)  ;  5,  palais  d'Orange; 
8,  Yisan;  10,  14,  19,  20,  22,  (2o,)  Avignon. 

Juin  9,  Gentilly;  15,  Beauvoir;  21,  Romans;  28,  Avignon. 

Juillet  15,  16,  Visan  {Avisamim). 

Août  2,  Grenoble  ;  9,  Saint-Étienne-de-Saint-Gcoirs;  16;  18, 
Grenoble,  Tullins  ;  19,  20,  Beauvoir;  25,  Haute-Pierre  (Alla 
Petra)  près  Crémieu  ;  27,  La  Balme. 

Septembre  1,  Saint-Denis  fAin);  15,  16.  17,  Salctles  ;  19,  20, 
Jarcieu. 

Octobre  7,  8,  Vienne;  20,27,  Beauvoir;  29,  Iseron;  Peyrins. 

Novembre  3,  Iseron  ;  7;  16,  18,  r21,)  22,- 2i,  26,  27,  29, 
Grenoble. 

Décembre  1,  4,  8,  11,  12,  13,  14,  !6,  17,  18,  20,  Grenoble; 
23,  Montlleury;  24,  (2o,  29,)  30,  31,  Grenoble. 

1343 

Jan\i<!r  4,  i;renoble  ;  7,   Le  Bui.>  ;  8^  10,  Valence;  17,  18, 


(1)  Une  note  du  reg.  Refformaciones  curie  majoris  Viennesii  et  Va- 
lentm.  (cabinet  de  M.  P.-E.  Giraud)  fixe  au  10  févr.  1311  (v.  st..)  la 
prise  de  Romans  par  le  daupiiin  (f"  58)  ;  il  est  certain,  d'après  la 
capitulation  du  li,  que  la  ville  ne  dût  ouvrir  ses  portes  que  le  20. 


D  HUMBERT    II.  I^ 

Roquemaure  (Ruppes  Maura,  Avinion.  dioc);  21;  30,  Ville- 
neiive-Saint-André. 

Février  6,  14,  23,24,20,  Villeneuve-Saint-André  près  Avi- 
gnon. 

Mars  3,  Villeneuve  près  Avignon  ;  14;  20,  Nîmes  [iSemausum]; 

25,  29,  Villeneuve-Saint-André  près  Avignon. 

Avril  3,  Nîmes;  9;  16,  Nîmes;  17;  23,  bois  de  Vincennes;  25,  28. 
Mai  11,  Nîmes  ;  15,  18,  25  ;  28,  29,  31,  Beauvoir  en  Royans. 
Juin  3,  (12,j  15,  19,  20,  21,  22,  27,  29,  Beauvoir  en  Royans. 
Juillet  1,  Beauvoir;  4,  10,  11,  14,  Saint-Marcellin  ;  16,  Beau- 
voir; 17,  Saint-Marcellin;   18,  Saint-Antoine;  23,  Vienne  ;  24, 

26,  27,  Saint-Marcellin  ;  ;28,  Vienne;  29,  Sainte-Colombe  près 
Vienne;  30  ;  31,  abb.de  Saint-Pierre  hors  la  porte  de  Vienne. 

Août  1,  2,  abb.  de  Saint-Pierre  hors  la  porte  de  Vienne  ;  3, 
Vienne  ;  4,  abb.  de  Saint-Pierre  ;  5,  Vienne  ;  7,  8,  9,  Sainte- 
Colombe  près  Vienne  ;  9, 10,  11,  abb.  de  Saint-Pierre;  11,12, 
Vienne;  12,  13,  abb.  de  St-Pierre  ;  13,  Sainte-Colombe;  15,  17, 
18,  abb.  de  Saint-Pierre;  18,  19,  Vienne;  20,  Sainte-Colombe 
de  Vienne  ;  20,  21,  abb.  de  Saint-Pierre  ;w2l,  23,  Vienne  ;  24, 
abb.  de  Saint-Pierre;  24,  25,  Sainte-Colombe  p.  V.;  27,  Roche- 
de-Glun. 

Septembre  2,  Roche-de-Glun  ;  7,  Saint-André  de  Vienne;  8, 
9,  11,  12,  (16,)  17,  18,  20,  21,  22,  Avignon;  25,  Villeneuve 
près  A.;  27,  Avignon. 

Octobre  4  ;  10,  Avignon  ;  12  ;  19,  20,  21,  24,  26,  ïl,  28,  31, 
Villeneuve-Saint-André. 

Novembre  5,  (10,)  12,  13,  Villeneuve-Saint-André  ;  17,  20, 
Grenoble  ?;  23,  24,  Montpellier  (Anton.,  Hospit) 

Décembre  1,  4,  8,  10,11,  Montpellier  ;  15,  Bourgoin  ?;  16, 
17,(19,)  28,  Avignon. 

1344 

Janvier  2,  (3,)  11,  (12,)  14,  16,  17,  (27,)  31,  Avignon. 
Février  7,  9,  13,  17,  20,  25,  26,  27,  Avignon. 
Mars  2,  3,  4,  10,  (11,)  12,  15,  20,  22,  23,  25,  Avignon. 
Avril  7,  10,  12,  14,  15,  29,  Avignon. 


14  ITINÉRAIRE 

Mai  2,  4,  5,(14,)  16,  (18,  19,)  20,  23,  Avignon. 

Juin  3,  7,  8,  11,  13,  17,  Avignon  ;  18,  Villeneuve  près  A.;  19, 
27,  Avignon. 

Juillet  6,  Carpentras;  10,  14,  17,  19,  23,  Avignon  ;  Apt  ;  27; 
30,  Avignon;  31,  Villeneuve  fdioc.  d'Avignonj. 

Août  2,  (3.)  6,7,  Avignon;  18,  Romans  ;  22,  23,  (26,)  31, 
Beauvoir. 

Septembre  3,  6,  Beauvoir;  7,  Grenoble;  9,  10,  11,  Saint- 
Marcellin;  18,  22,  23,  Grenoble. 

Octobre  2,  MontHeury;  6,  8,  9,  (10,)  13,  lo,  18,  20,  22,  27,  28, 
29,  30,  Grenoble. 

Novembre  3,  4,  f9,)  12,  13,  16,  21,  (24,)  23,  -26,  Grenoble. 

Décembre  7,  8,  9,  (10,)  12,  13,^/16,  21,  (22,)  26,  (27,)  28, 
Grenoble. 

1345 

Janvier  3,  (10,)  11,  12,  14,  13,  22,  23,  24,  23,  29,  30,  31, 
Grenoble. 

Février  3,  3,  6,  8,  9,  11,  12,  16,  17,  18,  20,  21,  23,24,  23, 
26,  (27,)  28,  Grenoble. 

Mars  I,  ^3,  4,  7,  Grenoble  ;  13,  Vizille  ;  14,  13,  16,  17,  18, 
19,  21,  22,  23,  24,  Grenoble  ;  27,  Beauvoir;  27,  28,  30,  Grenoble. 

Avril  6,8, 10, 11,12, 13, 14, 13, 16,  24,  Romans  ;  28,  Avignon. 

Mai  4,3,  11,12,  13,  14,  15,  16,  17,  18,20.  21,  22,  23,24,  23, 

26,  27,  28,  29,  Avignon  ;  31,  Pont-ile-Sorgues,  Avignon. 

Juin  1,  2,  3,  6,  11,  12,  13,  14,  13,  18,  20,  22-,  23,  24,  23,  28, 
29,  30,  Avignon. 

Juillet  1,  6,  9,  10,  12,  13,  Avignon  ;  13,  14,  13,  16,  17,  mon. 
de  Bon-Repos  hors-prés  Avignon  ;  20,  21 ,  22,  23,  24,  23,  26, 

27,  29,  Avignon  ;  30,  abb.  de  Bon-Repos;  31,  Avignon. 


1345 

Juillet  13,  14,  mon.  de  Bon-Repos  près  Avignon. 


D  HUMBERT    II.  I5 

Août  1,  Marseille;  2,  3,  Avignon;  i,  Laiiczo7ium;  8,  10,  U, 
l'i,  16,  17,  18,  19,  22,  24,  26,  27,  28,  29,  30,  Marseille;  30,  port 
de  mer  de  Marseille,  in  galea  S.  Crucis  ;  31,  Marseille. 

Septembre  1,  Marseille  ;  1,  2,  près  du  port  de  M.;  2,  in  galea 
S.  Crucis,  in  g.  supra  mare  près  de  M.,  in  insula  maris  à 
l'orient  du  port  de  M.  (If);  3,  Marseille;  14,  15,  Gênes;  Li- 
vourne  ;  Florence  ;  Venise  ;  Tréyise  ? 

Octobre,  Céphalonie  (Same)'^;  Négrepont. 

Novembre,  Mitylène  (Lesbos);  24,  Rhodes, 

1346 

Février  13,  Smyrne. 

Juin  8,  Négrepont  ;  24,  combat  près  Smyrne. 

Juillet,  autre  dans  l'île  d'Imbro  ? 


Août  2,  Avignon  ;  30,  Marseille. 

Septembre  1,  Marseille;  2,  à  l'orient  de  M.;  5;  7,  8,  Avignon; 
15,  19,  20,  22,  23,  24,  (28,)  29,  30,  Romans.  " 

Octobre  1;  3,  «  cast.  de  Hermiis  »  (Eymeux). 

Novembre  17,  19,  20,  22,  23,  24,  27,  28,  29,  30,  Romans. 

Décembre  1,  4,8,  9,  10,  11,12,13,  14,  16,  17,  18,' 23,  24,  28, 
29,  Romans. 

1346 

Janvier  2,  10,  15,  16,  17,  19,  21,  22,  23,  24,  25,  (28,)  30, 
Avignon. 

Février  1,  4,  6,  7,  9,  11,  13,  Avignon;  14,  Orange;  18,  Avi- 
gnon ;  21 ,  Saint-Lattier  (S.  Heuleterius)  ;  28. 

Mars  2,  3,  11,  12,  15,  18,  20,  21,  22,  23,  24,  25,  26,  27, 
Grenoble  ;  31,  La  Tour-du-Pin. 

Avril  3,  La  Tour-da-Pin. 

Mai  1;  Corbelin. 

Juin  5,  Pierre-Scise  (prés  Lyon)  ;  21  ;  26,  Grenoble  ;  28,  30, 
Romans. 

Juillet  1,  2,  7,  9,  Romans  ;  16,  20,  22,  24,  Moirans  ;  27. 


l6  ITINÉRAIRE 

Août  V,  27,  pillé  en  mer  par  les  Génois. 

Octobre  12,  Rhodes  (in  villa  nova  de  insula  R). 

Novembre,  Rhodes, 

1347 

Janvier  6,  29,  Rhodes. 
Février  10. 
Mars  2,  Rhodes. 

Mai  27,  Venise  (SS.  Jean  et  Paul). 
Août  16,  Milan  {Medulani,  palaisj  ;  Mortara. 
Septembre  1 ,  Saluées  ;  4,  Rriançon  ;  Vizille  ;  Grenoble,  8  ;  11 , 
Bourg-d'Oisans  {cast.  Oysen.);  17,  25,  Grenoble. 

Août  15,  Poncin  ;  19;  29,  Lagnieu. 

Septembre  2,  4,  G,  7,  12,  14,  18,  19,  20,  22,  23,  24,  25,  26, 

27,  Grenoble  ;  28,  Moirans. 

Octobre,  Moras,  Revel,  Auberive  ;  5,  6,  7,  Vienne  ;  7,  mon.  de 
St-Pierre  hors  V.;  14,  16,  17,  18,  20,  21,  22,  24,   25,  (26,)  27, 

28,  Romans. 

No\embre  5,  Grenoble  ;  7,  Auberive  (-cn-Royans)  ;  7,  17,  18, 
19,  20,  23,  24,  25,  28,  Romans. 

Décembre  2,  4,  5,  8,  9,  10,  12,  13,  15,  16,  17,  19,  20,  21,  23, 
24,  25,  27,  29,  30,  Romans. 

1347 

Janvier  2,  3,  4,  5,  Romans;  Lyonnais. 

Février  6,  Romans?;  Valence,  Ghabeuil. 

Mars  (2,)  3,  5,  6,  8,  10,  15,  16,  22,  28,  Romans. 

Avril,  Grenoble  ;  7,  Romans  ;  Peyrins  ;  22,  Montllenry  ;  24, 
28,  29,  Grenoble. 

Mai  3,  entre  Bellerombe  et  les  Marches  ;  5  ;  14. 

Juin  4,  13,  Grenoble  ;  19,  La  Tour-du-Pin  ;  22,  Grenoble  ;  24, 
Vizille. 

Jnillct  3  ;  M,  Moirans;  17,  Valence. 

Août  2,  Embrnn  ,  4;  16,  Bardonnéche. 


D  HUMBERT    II.  IJ 

Octobre  6  ;  12,  14,  Beauvoir  ;  22,  23,  24,  Romans. 

Novembre  6,  Saint-Marcellin  ;  (10,)  \\,  16,  19,  20,  25, 
Avignon. 

Décembre  2,  5,  6,  7,  8,  10,  14,  15,  16,  17,  18,  Avignon  ;  19, 
20,  24,  Villeneuve-Saint-André  près  Avignon  ;  26,  27,  Avignon; 
28,  29,  31 ,  Villeneuve  près  A. 

1348 

Janvier  2,  5,  7,  8,  10,  12,  13,  14,  16,  20,  21,  23,  25,  28, 
Villeneuve-Saint-André  près  Avignon. 

Février  3,  4,  6,  7,  Villeneuve  ;  8,  Bez  (Bercium)  ;  11,  12,  13, 
Pont-Saint-Esprit  {S.  Saturninus  de  Ponte,  S.  Splritus)  ;  20,  24, 
25,  28,  Beauvoir  en  Royans. 

Mars  1,  2,  5,  6,  7,  8,  9,  11,  14,  15,  16,  17,  19,  20,  21,  22, 
Beauvoir  ;  27. 

Avril  4,  12,  Beauvoir  W;  26,  27,  28,  29,  30,  Lyon,  chat,  de 
Pierre-Scise. 

Mai  1,  LaBalme;  12,  13,  Crémieu  ;  16,  Anthon,  port  d'A.; 
17,  18,  19,  Montluel  ;  23,  Miribel  ;  27,  Montluel  ;  28,  abb.  N.-D. 
de  Salettes  ;  30. 

Juin  2,  Crémieu  ;  2,  3,  5,  La  Balme;  11,  Saint-Georges-d'Espé- 
ranche  ;  23,  25,  26,  Quirieu  ;  27,  Crémieu,  Lyon  ;  30,  Crémieu. 

Juillet  1,  Crémieu;  4,  8,  16,  Beauvoir;  20,  LaBalme;  23, 
Quirieu  ;  27,  Crémieu  ;  29,  Tnllins;  30. 

Août  5,  6,  8,  9,  La  Balme  ;  11,  Quirieu  ;  17,  La  Balme  ;  28, 
30,  Salettes. 


(1)  Cette  date  a  donné  Jieu,  au  siècle  dernier,  à  une  intermina- 
ble discussion  entre  le  chapitre  et  les  consuls  de  Romans,  dans 
laquelle  l'érudition  de  ces  derniers  ne  brilla  pas  par  la  loyauté. 
L'armée  du  Dauphin  se  réunit  à  Montluel  le  6  avril,  vint  le  même 
jour  devant  Miribel  et  prit  le  bourg  ;  le  château  se  rendit  le  22.  La 
lettre  d'Humbert  II,  datée  du  12,  in  burgo  Mirihelîi,  in  exercitu  nos- 
tro,  émanait  de  ses  officiers  :  de  gênerait  mandato  domini  (au  lieu  de 
per  dominum  orethenus) . 


l8  ITINERAIRE 

Septembre  3,  Salettes  ;  5,  Grenoble;  10,  La  Balme;  H. 

Octobre  8,  Grenoble  ;  14,  28,  Beauvoir. 

Novembre  1;  3,  Beauvoir  ;  6,  Grenoble  ;  9,  Beauvoir  ;  9,  10, 
Grenoble;  15,  17,  18,  19,  22,  Beauvoir;  24,  Grenoble  ;  25, 
Grémieu  ;  29,  30,  Romans. 

Décembre  1,  3,  4,  5,  6,  9,  10,  Romans  ;  Avignon  ;  17,  18,  22, 
29,  (30,)  31,  Romans. 

1349 

Janvier  4,  6,  7,  Chabeuil  ;  9,  10,  12,  Romans  ;  18, 19,  20,  22, 
24,  28,  Beauvoir  ;  29,  Chabeuil  ;  29,  (30,)  31,  Beauvoir. 

Février  1,  3,  Beauvoir  ;  14,  17,  Tain  ;  20,  28,  Romans. 

Mars  3,4,  6,  7,  10,  11, 13,  14,  17,  18,  Romans;  19,  Beauvoir; 
20,  21,  22,  23,  26,  (29,)  30,  (31,)  Romans. 

Avril  (1 ,)  3,  4,  6,  7,  22,  Romans  ;  23,  Grenoble. 

Mai  3,  Beauvoir;  4,  Montpellier?;  28,  Lyon? 

Juin  1,  Lyon;  8  ;  11,  Lyon  ;  12,  Pierre-Scise. 

Juillet  1  ;  2,  Pierre-Scise  ;  6,  10,  11,  12,  13,  16,  17,  (18,  19, 
21,)  27,  28,  Lyon. 

Août  21 ,  26,  Romans  ;  28,  Beauvoir. 

Septembre  5,  10,  16,  (  17,)  25,  Beauvoir. 

Octobre  8,  17,  (21,)  25,  Beauvoir  en  Royans. 

Novembre  16,  23,  Beauvoir. 

Décembre  1 ,  Beauvoir;  6,  20  ;  22,  Grenoble. 

1350 

Janvier  4,  Montfleury;  28,  (30,)  Grenoble. 
Février  1,  3,  4,  5,  (6,)  Grenoble. 
Mars  13,  Villeneuve  (dioc.  d'Avignon). 
Juin  2,  Villeneuve-Saint-André  ;  14  ;  22. 
Décembre  25,  Avignon  (ordonné). 

1351 

Janvier  2  fsacré),  22,  Avignon  ;  31,  Villeneuve  près  A. 


D  HUMBERT    II.  I9 

Février  4,  8,  23,  Grenoble. 

Avril  15. 

Septembre  \,  Beauvoir;  8, 10^  Grenoble  ;  16,  Beauvoir. 

Octobre  19,  monast.  de  Salettes. 

Novembre  1 . 

Décembre  6,  mon.  de  Salettes. 

1352 

Février. 

Mars  10,  Porte  de  Mars  à  Reims. 

Juillet  21,  24,  Paris. 

Août  12,  Paris. 

Novembre  7,  Paris. 

Décembre?,  Paris  ;  14. 

1353 


Avril  24. 

Mai  7. 

Août  3,  Chartreuse  prés  Paris. 

1354 

Mars  26,  Porte  de  Mars  à  Reims. 
Juillet  11,  Paris  (couv.  des  Dominicains). 
Septembre  18,  Paris  (Dominicains). 
Novembre  3. 

1355 

Janvier  25. 

Février  22,  Paris  (Dominic.) 

Mai  16  ;  24,  22,  Clermont  (-Ferrand). 

Romans,  2  mai  1886. 


BULLETIN 

D'HISTOIRE   ECCLÉSIASTIQUE 

ET 

D'ARCHÉOLOGIE   RELIGIEUSE 


IMPRIMERIE    JULES     CÉAS     ET     FILS 

c4    VALENCE 


BULLETIN 

D'HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE 

ET 

D'ARCHÉOLOGIE     RELIGIEUSE 

DES     DIOCÈSES     DE    VALENCE 
GAP,  GRENOBLE  &  VIVIERS 


TOME     HUITIÈME 


ROMANS 

AU     SECRÉTARIAT     DU     COMITÉ    DE    RÉDACTION 


1887-8 


PUBLICATIONS    DU     COMITÉ    DE     RÉDACTION 

'DÉPÔT  <iAU  SECRÉTARIAT,  cA  "ROMANS 

'Bulletin  d'histoire  ecclésiastique  et  d'archéologie  religieuse,  i''",  2'  et  3" années,  à     10  fr. 
—  —  —  —  —  4^1  5°,  6'  et  7=,  à      5  — 

TIRAGES    A    PART    DU    BULLETIN    (in-8°) 

Albanès    (J.-H.),    Histoire    des    évéques  de    Saint-Paul-lrois-Châteaux    au 

XI V^'  siècle,  corrections  et  documents 3  50 

Bellet  (Chiirl.),  Usâtes  pour  servir  à  la  géographie  et  à  l'histoire  de  V an- 
cien diocèse  de  Grenoble,   i"  part 2  50 

—  Histoire  du  Cardinal  Le  Camus 8     » 

Blaïn,   Louise  ou  la  sainte  de  Venterol 1  25 

—  [Mémoires  de  J.-B.  "Brun,  curé   d'cAouste,  sur  les  événements  de 

son  temps,  de  I/92  au  Concordat  (1802) 2     » 

Blanchard,  Un  épisode  de  l'histoire  des  Ca^nisards  dans  l'cArdéche  (  ijo^)  1  50 
Chaper   (Eug.),    (Mgr.   Le   Camus,  cardinal,  évêque  de  Grenoble  de  lô'ji  à 

i"oy,  notes  pour  servir  à  sa  biographie,  écrites  par  lui-même.  »  75 
Chevalier  (Jules),  V\^otes  et  documents  pour  servir   à    l'histoire  des  doyens 

de  l'église  de  T)te  au  XVP  siècle 2     » 

—  'Passage  de  la  compagnie  des  Ecossais  dans  le  'Diois  ( i^gô)      .  1  25 

—  'Procès-verbal    de    la    visite    pastorale  de   Jacques   de    Tournon, 

évêque  de  Valence  et  de  'Die,  à  'Die  et  à  Crest  (i^^  i )  .  .  .  1  50 
Chevalier  (Ulysse),  Compte  de  'Raoul  de  Louppy,  gouverneur  du  'Dauphiné 

de  I ]ôi   à  i]6ç 3     » 

—  Itinéraire  des  'Dauphins  delà  troisième  race  (cAnne,  HumbertP', 

Jean  II,  Guigues   VU  et  Humbert  II) 2     » 

Ckosson  (Luc).    ^^  'K-  (M-    'Damascène  "Buisson,  supérieure   générale  des 

religieuses  Trinitaires 1     » 

Feraud  (J.-J.-.M.),  Fêtes  de  la  canonisation  de  S.  François  de  Sales  et  de  la 

béatijication  de  Jeanne-Françoise  Frémiot,  baronne  de  Chantai, 

à  Digne,  en  i66y  et  ij^2 4     » 

FiLLET  (L.).  Donzère  religieux,  notice  historique 2  50 

—  Echevis  religieux,  notice  historique 1  25 

—  (Montbrison  religieux,  notice  historique 1  50 

—  USCotice  historique  sur  les  paroisses  de  Colonzelle  et  (Margerie.      .         2     » 
Guillaume  (Paul),  CSCotice  historique  et  documents  inédits  sur  le  prieuré  de 

Sainl-^ndré  de  Gap »  75 

—  Origine  des  Chevaliers  de  (Malte  et  "Rôle  des  donations  de  la  com- 

manderie  de  Gap  (XI-XII'  siècles) 2  50 

—  "Relations  de  Louis  XI  et  Charles  VHI  avec  Gap  et  Embrun    .      .  »  50 

Lagier  (A.),  cAbbaye  de  N.-D.  de  Laval-Bénite  de  "Bressieux 1  75 

Mazet  (V.),  I^ierre  Fedon  et  le  diocèse  de  Die  pendant  la  'Révolution  .  .  2  25 
Roman  (J.).  Visites  faites  dans  les  prieurés  de  Tordre  de  Cluny  du  Dauphiné 

de  1280  à  i]0] 125 

ToLi'iN  (H.-C),    Notice  sur  le    serviteur  de  Dieu  Jean  Sérane,  profès  de  la 

Compagnie  de  Jésus  (  i  y  i  2-1  ^8.4) 3     » 

—  Justine  de  La  Tour-Gouvernet,  baronne  de  1'oël-Cciard,  épisode 

des     controverses    religieuses    en   Dauphiné  durant    les    vingt 
premières  années  du  XV II'  siècle 3  50 


NOTICE 


LES     RELIQUES 

possédées 
PAR    L'ÉGLISE   DE   GRIGNAN 


L'église  paroissiale  de  Grignan  possède  des  reliques  fort  précieu- 
ses, que  nous  avons  déjà  signalées  dans  un  travail  précédent  (i). 
Le  cadre  de  celui-ci  nous  ayant  réduit  à  une  indication  absolument 
sommaire,  il  y  a  lieu  de  revenir  sur  le  sujet,  et  de  donner  sur  ces 
reliques  les  renseignements  fournis  par  divers  actes  authentiques 
dont  elles  ont  été  l'objet. 

Relique  de  la  vraie  Croix.  —  Elle  est  enfermée  dans  un  petit  reli- 
quaire d'argent  fixé  au  centre  d'une  croix  en  cuivre  d'environ  o™,  45 
de  haut  et  portant  sculptés  les  insignes  de  la  passion  du  Sauveur. 
Relique  et  reliquaire  furent  donnés  en  1835  par  Mgr  de  Quélen, 
archevêque  de  Paris;  et,  le  2  février  1836,  Mgr  La  Rivoire  de  la 
Tourette,  évêque  de  Valence',  accorda  l'autorisation  «  d'exposer  la 
«  dite  relique  de  la  vraie  Croix  à  la  vénération  des  fidèles  »  dans 
l'église  paroissiale  de  Grignan  (2). 

Relique  des  saintes  Maries  Jacobé  et  Salomé.  —  Sans  faire  ici  l'his- 
toire de  la  vie  et  du  culte  de  ces  deux  saintes,  histoire  donnée  en 
partie  par  le   saint  Evangile  et   traitée   depuis  par  un  assez  grand 

(i)  Bulletin  de  la  Société  d'archéol.  et  de  statist.  de  la  Drôme,  XII,  .^o-i. 
(2)  Arch.  de  Tégl.  de  Grignan,  orig.  pap. 


6  NOTICE    SUR    LES    RELIQUES 

nombre  d'auteurs  (i),  nous  en  dirons  du  moins  ce  qu'en  rappellent 
nos  documents  particuliers. 

Les  restes  vénérables  de  ces  deux  saintes,  illustres  dans  l'Evangile 
à  cause  de  leurs  rapports  immédiats  avec  Jésus-Christ,  reposaient 
depuis  longtemps  dans  une  chapelle  souterraine  de  la  paroisse  de 
Notre-Dame  de  la  Mer,  près  d'Arles.  Le  3  décembre  1448,  ils  furent, 
en  vertu  des  permissions  accordées  par  le  Souverain  Pontife,  et  à  la 
prière  du  roi  René,  comte  de  Provence,  transférés  dans  l'église  de 
Notre-Dame  de  la  Mer,  par  le  cardinal  de  Foix,  en  présence  d'un 
grand  nombre  d'évêques  et  d'autres  personnes  distinguées. 

Le  19  avril  1686,  Jean-Baptiste  Adhémar  de  Monteil  de  Grignan, 
archevêque  de  Claudiopolis  et  coadjuteur  de  François  Adhémar  de 
Monteil  de  Grignan,  archevêque  d'Arles,  fit  ouvrir,  en  présence  des 
personnes  de  sa  suite,  la  châsse  qui  contenait  ces  reliques.  Il  vérifia 
les  divers  titres  qui  y  étaient  renfermés  et  qui  en  prouvaient  l'authen- 
ticité. Mais  voulant  doter  la  collégiale  de  Grignan  d'une  légère  partie 
de  ces  reliques,  le  prélat  prit  une  vertèbre  de  sainte  Marie  Jacobé  et 
une  partie  d'une  clavicule  de  sainte  Marie  Salomé,  et  en  fit  don  aux 
doyen  et  chanoines  de  Grignan.  Les  lettres  signées  de  son  sceau 
sont  du  19  août  1686  (2). 

Le  28  novembre  1693,  Armand  de  Montmorin,  évêque  de  Die, 
faisant  sa  visite  canonique  à  Grignan,  les  chanoines  de  ce  lieu  lui 
présentèrent  «  une  boîte  de  reliques  fermée  et  cachetée,  envelopée 
«  d'un  petit  ruban  blanc  et  cachettée  aux  armes  de  Mgr  l'Archeves- 
«  que  d'Arles.  »  La  boîte  fut  «  ouverte  avec  les  solennités  en  tel 
«  cas  requises,  »  et  le  prélat  y  trouva  une  vertèbre  de  «  Ste  Marie 
«  Jacobé  et  une  partie  de  la  clavicule  de  sainte  Marie  Salomé,  avec 
«  un  extrait  d'un  procès-verbal  de  visite  fait  par  iMgr  l'Archevesque 
«  d'Arles  sur  lesd.  Reliques,  et  les  lettres  patentes  de  Mgr  l'Arche- 
«  vesque  d'Arles,  pour  lors  coadjuteur,  sur  le  don  des  susdites  reli- 
«  ques  à  M"  du  chapitre  de  Grignan.  » 

Ces  reliques,  et  celles  des  saints  Primitif,  Sévéricn  et  Vincent, 
dont  nous  allons  parler,  étaient  gardées  sous  deux  clefs,  dont  l'une 
au  pouvoir  de  M""  Serratoris,  officiai  de  Die,  et  l'autre  au  pouvoir  de 
M'  le  Sacristain  (3). 

(i)  Voir  Répertoire  des  sources  kistor.,  par  Ulysse  Chevalier,  mots  Marie  (s""), 
épouse  de  Cléophas,  et  Salomé  (s'). 

(2)  Arch.  de  l'égl.  de  Grignan,  orig. 

(3)  Arch.  de  la  Drômc,   Visites  de  Die. 


POSSEDEES    PAR    L  EGLISE    DE    GRIGNAN.  7 

Le  2  décembre  de  la  même  année,  l'évêque  de  Die  permit  d'expo- 
ser celles  des  saintes  Maries  à  la  vénération  des  fidèles,  dès  qu'elles 
seraient  enfermées  dans  une  châsse  convenable  (i).  Au  procès-verbal 
de  la  visite  ci-dessus  est  jointe  une  ordonnance  publiée  à  Grignan 
le  9  dudit  mois  et  contenant  cette  permission,  mais  sans  parler  de  la 
condition  relative  à  la  châsse  (2),  condition  toutefois  qui  a  été  rem- 
plie ;  car  la  relique  de  sainte  Marie  Jacobé  a  été  enfermée,  avec  son 
étiquette  propre,  dans  une  châsse  en  bois  peint,  munie  sur  le  devant 
d'une  vitre  de  forme  ovale,  et  surmontée  d'un  petit  buste  de  la  sainte. 
Celle  de  sainte  Marie  Salomé  a  été  mise  dans  une  autre  châsse  abso- 
lument analogue.  L'une  et  l'autre,  ainsi  que  toutes  les  reliques  dont 
il  va  être  question,  sont  exposées  dans  Téglise  de  Grignan,  chaque 
année,  le  30  novembre,  jour  de  la  fête  des  Saintes  Reliques. 

Relique  de  saint  Primitif,  martyr.  —  Le  corps  de  saint  Primitif, 
martyr,  extrait  des  cimetières  de  Rome,  sous  le  pontificat  d'Alexan- 
dre VII,  fut  donné  par  le  cardinal  Chigy,  légat  a  latere  de  Sa  Sain- 
teté auprès  du  roi  de  France  Louis  XIV,  à  la  marquise  de  Montau- 
sier,  le  24  juillet  1664  (3),  et  peu  après  donné  intégralement  par 
celle-ci  à  la  duchesse  d'Uzès. 

Le  4  août  1664,  Jacques  Adhémar  de  Monteil  de  Grignan,  évêque 
d'Uzès,  ayant  reconnu  l'authenticité  du  saint  corps,  en  fit  distinguer 
les  diverses  parties,  qui  consistaient  dans  c  le  crâne  entier,  deux 
«  fémurs,  deux  radius,  deux  cubitus,  partie  des  vertèbres,  partie  de 
«  la  clavicule,  l'omoplate  et  quelques  extrémités  des  costes.  »  Quatre 
de  ces  ossements  furent  laissés  en  la  possession  de  la  marquise  de 
Rambouillet,  en  la  chapelle  de  l'hôtel  de  qui  s'était  faite  la  vérifica- 
tion. On  donna  «  l'os  d'un  bras  à  Madame  la  Marquise  de  Grignan, 
«  l'omoplate  à  Monsieur  le  Duc  de  Montausier,  et  quatre  ou  cinq 
«  petits  morceaux  pour  satisfaire  à  la  dévotion  de  quelques  parti- 
«  culiers.  »  Le  surplus  des  reliques  fut  remis  dans  la  caisse  qu'on 
scella  du  sceau  de  l'évêque  d'Uzès,  et  donné  à  l'église  de  St-Sul- 
pice-lès-Paris,  dans  les  archives  de  laquelle  fut  déposé  l'original  en 
parchemin  de  la  vérification  dont  nous  venons  de  parler. 

Madame  la  Marquise  de  Grignan  porta  à  Grignan  la  relique  dont 
on  lui  avait  fait  don,  et  la  déposa  dans  l'église  collégiale  de  St-Sau- 
veur.  Puis,  sur  une  requête  adressée  par  les  doyen  et  chanoines  de 

(i)  Arch.  de  l'église  de  Grignan,  note. 

(2)  Id.  de  la  Drôme,    Visites  cit. 

(3)  Id,  de  régi,  de  Gr.,  lettres  patentes  du  card.  Chigy,  orig. 


8  NOTICE    SUR    LES    RELIQUES  . 

la  collégiale,  l'évêque  de  Valence  et  de  Die  permit,  le  29  juin  1666, 
d'exposer  cette  relique  à  la  vénération  des  fidèles  (1). 

Le  28  novembre  1693,  les  chanoines  présentèrent  à  l'évêque  en 
visite  «  la  chasse  de  la  relique  du  Bras  de  saint  Primitif,  martir,  » 
que  le  prélat  trouva  «  bien  et  duement  authentiqué,  ayant  vu  les 
«  lettres  patentes  de  Mgr  l'Eminentissime  cardinal  Chisi,  légat  a 
«  latere  en  France,  données  à  \'incennes  le  24*^  juillet  de  l'an  1664, 
«  par  lesquelles  il  fait  don  du  corps  de  saint  Primitif,  martir,  a  Ma- 
«  dame  de  Montausier.  »  Le  même  prélat  vit  aussi  une  copie  colla- 
tionnée  du  procès-verbal  de  l'évêque  d'Uzès  sur  la  vérification  du 
4  août  1664;  un  certificat  du  même  évêque  du  17  juin  1666,  consta- 
tant l'identité  du  bras  de  saint  Primitif  avec  celui  qui  fut  donné  à 
Madame  de  Montausier  et  par  celle-ci  à  la  marquise  de  Grignan  ; 
la  requête  du  Chapitre  de  Grignan  à  l'évêque  de  Valence,  pour  avoir 
la  permission  d'exposer  la  relique  à  la  vénération  des  fidèles,  et  le 
décret  de  cet  évêque  du  29  juin  1666,  donnant  cette  permission. 

L'ordonnance  du  prélat,  publiée  à  Grignan  le  9  décembre  1693, 
renouvelle  cette  permission  (2). 

La  relique  se  voit  aujourd'hui,  reposant  sur  un  coussinet  en  soie 
de  couleur  rouge,  dans  une  châsse  en  verre  à  base  rectangulaire  et 
à  surface  proéminente  et  prismatique  au  centre.  Montée  sur  des  ban- 
des de  cuivre  reliant  aux  angles  les  faces  en  verre,  cette  châsse 
est  fixée  par  en  bas  à  une  châsse  en  bois,  qu'elle  surmonte  et  qui 
contient  la  relique  suivante  : 

Reliques  des  saints  Sévérien  et  Vincent,  martyrs.  —  Par  lettres  pa- 
tentes du  25  août  1685,  le  cardinal  de  Carpinéo,  vicaire  général  de 
N.  S.  P.  le  Pape,  donna  à  François  Nicolini,  archevêque  de  Rhodes, 
auparavant  vice-légat  et  gouverneur  général  en  la  cité  et  légation 
d'Avignon,  et  en  ce  moment  là  nonce  pour  N.  S.  P.  le  Pape  Inno- 
cent XI  au  royaume  de  Portugal,  les  reliques  prises  des  corps  des 
saints  martyrs  Félicien,  Eusèbe,  Sévérien  et  Vincent,  tirées,  par 
ordre  de  N.  S.  P.  le  Pape,  des  cimetières  de  Calixte  et  de  Pontien. 
Ces  reliques  étaient  enfermées  dans  une  châsse  en  bois,  couverte 
d'un  papier  peint  de  différentes  couleurs,  bien  fermée  et  attachée 
avec  un  cordon  de  soie  rouge  et  munie  du  sceau  du  donateur.  Elles 
comprenaient  l'homoplate  de  l'épaule  de  saint  Sévérien,  martyr;  le 
rayon  du  bras  de  saint  Vincent  martyr  ;  l'os  peronné  de  la  jambe  de 

(i)  Arch.  cit.,  orig.  el  cop.  authcnt. 
(2)  Arch.  de  la  Drôme,  Visites  cit. 


POSSEDEES    PAR    L  EGLISE    DE    GRIGNAN.  9 

saint  Eusèbe,  martyr,  et  le  vertèbre  de  saint  Félicien,   aussi  martyr. 

Mgr  Nicolini,  par  sa  lettre  du  i6  décembre  1685,  écrite  d'Avignon 
et  adressée  à  M.  de  Ripert  d'Alausier,  offrit  et,  par  acte  du  lende- 
main, donna  «  à  noble  et  R^e  personne  Messire  Joseph  de  Ripert 
«  d'Alausier,  doyen  de  l'église  paroissiale  et  collégialle  St-Sauveur 
«  de  Grignan,  et  au  Chapitre  de  la  dite  église  »,  l'os  de  l'homoplate 
de  l'épaule  de  saint  Sévérien,  martyr,  et  le  rayon  du  bras  de  saint 
Vincent,  martyr,  pour  être  exposés  à  la  vénération  des  fidèles  chré- 
tiens dans  l'église  de  Grignan  ;  aux  «  dames  Supérieure,  Religieuses 
«  et  monastère  de  BoUène  »,  l'os  peronné  de  la  jambe  de  saint 
Eusèbe,  martyr,  pour  être  exposé  dans  l'église  de  ce  monastère  ;  à 
noble  François  de  Payan  de  l'Hôtel,  conseigneur  de  la  Garde,  du  dit 
Bollène,  le  vertèbre  de  saint  Félicien,  martyr,  pour  être  exposé  à  la 
vénération  des  fidèles  dans  la  chapelle  de  Ste-Anne  du  dit  consei- 
gneur à  Ste-Cécile,  ou  dans  telle  autre  église,  chapelle  ou  oratoire, 
que  bon  pourrait  sembler  à  ce  dernier,  dans  le  dit  lieu  de  Ste-Cécile 
ou  en  dehors.  L'envoi  de  celles  de  ces  reliques  qui  étaient  destinées 
à  Grignan,  fut  accompagné  de  lettres  d'authenticité  datées  du 
10  décembre  1685  (i). 

Le  28  novembre  1693,  les  chanoines  de  Grignan  montrèrent  à 
Mgr  de  xMontmorin,  évêque  de  Die.  «  une  bouëte  ouverte,  dans  la- 
«  quelle  estoit  l'omoplatte  de  l'espaule  de  St-Severian  martir,  et  le 
«  rayon  du  bras  de  St  Vincent  martir  »,  comme  on  voyait  «  par 
«  l'autentique  des  reliques  données  à  Mgr  Nicolini,  archevesque  de 
«  Rodes,  et  pour  lors  vice  légat  d'Avignon,  par  Mgr  le  Cardinal 
«  Carpegnadu  25"  aoust  1685,  avec  pouvoir  de  les  donner  à  d'au- 
X  très.  »  Le  prélat  vit  aussi  l'attestation  de  Mgr  Nicolini  sur  l'ouver- 
ture des  dites  reliques,  et  l'acte  de  donation  de  celles  des  saints 
Sévérien  et  Vincent,  martyrs,  aux  dits  chanoines,  du  17  décembre 
1685.  Aussi  permit-il,  par  son  ordonnance  publiée  à  Grignan  le  9 
décembre  1693,  d'exposer  ces  dernières  à  la  vénération  des  fidè- 
les (2),  dès  qu'elles  seraient  enfermées  dans  une  châsse  conve- 
nable (3J. 

La  relique  de  saint  Sévérien  se  voit  dans  une  châsse  rectangu- 
laire en  bois,  munie  d'une  vitre  de  forme  ovale  oblongue  sur  la  face. 
Cette  châsse  est  surmontée  de   celle  de   la  relique  de   saint  Primitif. 

(i)  Arch.  de  Fégl.  de  Grignan,  orig. 

(2)  Arch.  de  la  Dr.,   Visites  cit. 

(3)  Id.  de  l'égl.  de  Grignan. 


10  NOTICE  SUR  LES  RELIQUES 

La  relique  de  saint  Vincent  est  jointe  à  celle  de  saint  Victor, 
dont  nous  allons  parler. 

Reliques  des  saints  Victor  et  Christine,  martyrs.  —  Par  lettres  du 
20  décembre  169 1,  F.  Joseph  Eusaniiis  Patritiiis  Aquilanus,  de 
Tordre  des  Ermites  de  St-Augustin,  évêque  de  Porphyre,  préfet  de 
la  Chapelle  Apostolique  fapostolici  sacrarii  prœfectus),  donna  au 
T. -Révérend  Père  Nicolas  Seranus,  secrétaire  général  de  l'ordre  des 
Ermites  de  St-Augustin,  des  reliques  insignes  tirées  du  cimetière 
de  Calipodius,  Celles-ci  étaient  enfermées  dans  une  châsse  de  bois 
couverte  de  papier  marbré  et  attachée  avec  un  cordon  de  soie  rouge. 
Elles  comprenaient  Tos  antérieur  tout  entier  de  la  jambe  de  saint 
\^ictor,  martyr  (os  tibix  S.  Victoris  in  integrutn),  avec  l'inscription, 
et  la  jambe  de  sainte  Christine,  martyre  {crus  Sanctœ  Christinœ). 
Ces  reliques  furent  données  telles  quelles,  le  21  décembre  169 1,  par 
le  P.  Seranus  à  M.  Marel,  natif  de  Grignan,  qui  à  son  tour,  le  5 
janvier  1692,  les  céda,  également  telles  quelles,  aux  doyen  et  cha- 
noines de  Grignan. 

Enfin,  le  29  novembre  1696,  Mgr  de  Pajot  Duplouy,  évêque  de 
Die,  en  permit  l'exposition,  à  condition  quelles  seraient  enchâssées 
d'une  manière  convenable  (i). 

La  relique  de  saint  Victor,  et  celle  de  saint  Vincent  dont  nous 
avons  précédemment  parlé,  se  voient,  munies  chacune  de  leur  éti- 
quette, dans  une  châsse  identique  à  celle  de  la  relique  de  saint 
Sévérien,  et  fixée,  elle  aussi,  à  une  chasse  en  verre  la  surmontant. 
Cette  dernière,  identique  à  celle  de  la  relique  de  saint  Primitif,  con- 
tient, sur  un  coussinet  en  soie,  la  jambe  de  sainte  Christine  dont 
il  a  été  parlé. 

Relique  d'un  autre  saint  Vincent,  martyr.  —  La  chapelle  de  St- 
Vincent  qu'on  voit  aujourd'hui  bien  restaurée  dans  le  cimetière  de 
Grignan,  existait  avant  1 105  et  a  sen-i  d'église  paroissiale  dans  ce 
lieu  depuis  le  XIII^  siècle  jusqu'à  la  fin  du  XV'' (2).  En  1664,  elle  était 
entretenue  par  les  Pénitents  de  la  paroisse,  qui  y  récitaient  leur 
oITice.  Or,  Mgr  de  Cosnac,  évêque  de  Valence  et  de  Die,  en  visite 
canonique  à  Grignan,  le  i""  octobre  de  la  dite  année,  ordonna  «  aux 
«  confrères  de  la  confrérie  des  Penitans  de  faire  changer  l'armoire 
«  ou  est  fermée  la  relique  de  St  Vincent,  q(u'ijls  fairont  enchâsser 
«  les  fragments  de  lad.  relique  aveq  le  reste  d'icelle.  « 

(i)  Ibid.,  origin. 

(2)  Dullet.  cit.,  t.  XI,  p.  323-31. 


POSSEDEES    PAR    L  EGLISE    DE    GRIGNAN.  II 

L'éloignement  de  la  chapelle  St-\'incent  porte  les  Pénitents  à 
chercher  un  autre  lieu  de  réunion,  et  ils  obtiennent  du  comte  de 
Grignan  en  1666  le  dessus  de  V audience,  dont  ils  font  une  chapelle 
dédiée  à  saint  Louis,  patron  de  ce  comte.  Or,  le  28  novembre  1693, 
l'évêque  de  Die,  en  visite,  à  Grignan,  se  transporte  à  la  chapelle  St- 
Louis,  où  les  Pénitents  font  leur  office,  et  il  y  voit  «  une  relique  qui 
«  est  l'os  du  bras  de  St  Vincent  martir,  bien  et  dûment  authen- 
«  tiquée.  »  Nul  doute  que  cette  relique  ne  soit  comprise  dans  la  per- 
mission générale  que  ce  prélat  donne,  à  la  fin  de  son  ordonnance 
publiée  à  Grignan  le  9  décembre  1693,  d'exposer  à  la  vénération  des 
fidèles  toutes  les  reliques  par  lui  vues  et  examinées  le  28  du  mois  pré- 
cédent (i). 

Aujourd'hui  cette  même  relique  est  enfermée  dans  un  reliquaire 
en  bois  d'une  seule  pièce,  sculpté  en  forme  d'un  avant-bras,  doré, 
reposant  sur  le  coude  et  élevant  la  main  verticalement.  Ce  reliquaire 
a  deux  cavités,  l'une  au-dessus  de  lautre,  munies  chacune  de  sa 
vitre.  La  plus  haute  contient  un  os  considérable,  celui  du  bras  de 
saint  Vincent.  La  plus  basse  n'a  qu'une  espèce  de  poussière,  peut- 
être  la  cendre  de  ces  fragments  de  l'os  du  bras  qui,  d'après  l'ordon- 
nance épiscopale  de  1664,  devaient  être  enchâssés  avec  le  reste. 

Vénérée  à  Grignan  de  temps  immémorial,  principalement  le  22 
janvier,  fête  patronale  des  Pénitents  du  lieu,  cette  relique  nous  est 
désignée  comme  étant  du  saint  diacre  Vincent,  martyrisé  à  Valence 
en  Espagne,  le  22  janvier  304.  Ce  saint  est,  du  reste,  encore  aujour- 
d'hui le  patron  de  Taulignan,  paroisse  limitrophe,  dont  l'église  lui 
est  dédiée  de  temps  immémorial,  comme  la  chapelle  du  cimetière  de 
Grignan. 

L.    FILLET. 

(i)  Arch.  de  la  Drôme,    Visites  cit. 


NOTES 


LA  COHÂNOEBIE  DES  ÂNTONINS 

A   AUBENAS,   EN   VIVARAIS. 


(Fin) 


Le  4  août  1456,  Antoine  de  Serre  donne  en  nouvel  accapt  à  Ili- 
laire  la  Chaze  un  jardin  contigu  à  celui  des  Frères  de  St-Antoine, 
d'Aubenas,  sous  le  cens  annuel  d'une  émine  de  bon  vin  pur. 

Le  6  août,  le  commandeur  donne  sa  procuration  au  F.  Antoine 
Planiol  pour  toucher  les  revenus  qu'il  s'est  réservés  dans  Taffcrmage 
de  la  commanderie  fait  au  F.  Pierre  Salhencoyta. 


Le  même  jour,  à  Aubenas,  devant  la  maison  d'Aymar  Sabalier, 
en  présence  de  noble  Raymond  de  Serre,  coseigneur  de  Vais,  re- 
présentant noble  homme  Claude  de  Châteauneuf,  seigneur  d'Arcons, 
bailli  royal  du  Vivarais,  se  présente  noble  Antoine  de  Rochemure 
(de  Riipemoriaj,  fils  de  feu  noble  Hugon,  âgé  de  16  ans,  qui,  par 
l'organe  de  Jean  Pastel,  bachelier  es  lois,  déclare  qu'il  a  toujours 
eu  l'intention  d'entrer  dans  l'ordre  de  St-Antoine  en  ajoutant  qu'il 
sait  que  telle  était  aussi  la  pensée  de  son  père.  Or,  comme  pour 
entrer  dans  cet  ordre  ou  dans  d'autres,  il  ne  peut  faire  d'actes  vala- 
bles sans  la  délibération  d'un  conseil  qui  lui  fait  défaut  à  cause  de  sa 
jeunesse,  afin  de  pouvoir  procéder  sagement  et  valablement,  tant 
pour  la  sauvegarde  de  ses  droits  que  de  ceux  de  son  frère,  noble 
Jacques  de  Rochemure,  héritier  uni\crsel  de  son  père,  il  demande 
au  dit  lieutenant  du  bailli  de  le  pourvoir  d'un  tuteur  et  curateur. 
Raymond  de  Serre  lui  demande  qui  il  désire  pour  cet  oflice.  Roche- 


COMMANDERIE    DES    ANTONINS  I^ 

mure  désigne  Jean  Stevenin  dit  Dusault,  notaire  d'Aubenas.  De 
Serre  demande  à  Stevenin  s'il  accepte  cette  mission,  à  quoi  celui-ci 
répond  affirmativement.  De  Serre  demande  encore  à  plusieurs  per- 
sonnes présentes  et  nominalement  désignées  si  Stevenin  est  capa- 
ble de  remplir  ce  mandat.  Chacun  d'eux,  l'un  après  l'autre,  répond 
affirmativement.  Le  lieutenant  du  bailli  le  donne  alors  pour  tuteur  à 
Rochemure  et  Stevenin  promet  de  bien  remplir  la  mission  dont  il 
est  chargé. 

Par  un  acte,  daté  du  même  jour,  noble,  Antoine  de  Rochemure, 
mineur,  âgé  de  i6  ans,  renonçant  au  bénéfice  de  l'âge,  avec  le  con- 
sentement de  son  tuteur  Stevenin,  fait  donation  de  tous  ses  biens  à 
son  frère  Jacques. 

L'acte  suivant,  passé  le  8  août,  rend  compte  de  la  réception  de 
noble  Antoine  de  Rochemure,  du  diocèse  de  St-Flour,  dans  l'ordre 
de  St-Antoine.  Ce  jour-là,  Rochemure  s'est  présenté  dans  l'église 
de  St-Antoine,  devant  le  commandeur  Antoine  du  Serre,  le  priant 
de  le  recevoir  Frère  et  chanoine  de  St-Antoine,  en  vertu  des  pou- 
voirs que  le  commandeur  tient  du  Révérend  Père  l'abbé  de  St- 
Antoine.  Les  formalités  sont  les  mêmes  que  pour  la  réception  du 
Frère  Missolz.  La  cérémonie  terminée,  on  est  venu  dresser  l'acte 
notarial  qui  porte  les  signatures  des  Frères  Antoine  de  Bethoa, 
Pierre  Salhencoyta  et  Vital  Textor,  de  nobles  hommes  Raymond  de 
Serre,  François  de  Montgros  et  Thibaud  Sanglier,  de  maître  Jean 
Stevenin  dit  Dusault,  tuteur  du  dit  frère  Antoine,  de  Jean  Tourre, 
autre  notaire  d'Aubenas,  de  Vital  Giry,  de  Pierre  Fabri,  et  enfin  du 
notaire  instrumentant  Pierre  Rochette. 


Le  lo  août  1456,  Antoine  de  Serre,  commandeur  de  St-Antoine, 
donne  à  Louis  Osial,  en  nouvel  accapt  et  emphythéose  perpétuelle, 
pour  le  cens  annuel  de  quinze  deniers,  une  terre  située  près  de  la 
Croix  de  St-Romain,  confrontant  avec  la  maison  de  Godet  et  une 
terre  du  notaire  Rochette.  Louis  Osial  reconnaît  tenir  cette  terre  du 
commandeur  de  St-Antoine. 

Le  24  août,  le  F.  Salhencoyta,  fermier  et  gouverneur  de  la  maison 
de  St-Antoine  d'Aubenas,  et  le  F.  Antoine  de  Bethoa,  procureur  du 
commandeur,  instituent  et  installent  Hilaire  la  Chaze  comme  hospi- 
talier  de   l'hôpital   de    Ste-Anne,    dépendant  du    dit    commandeur, 


14  NOTES    SUR    LA    CO.MMANDERIE 

pour  y  rester  le  temps  qui  conviendra  au  dit  commandeur,  y  exercer 
les  fonctions  et  recevoir  les  émoluments  d'usage  dans  l'hôpital. 
Hilaire  promet  de  vivre  et  de  se  conduire  honnêtement  dans  le  dit 
hôpital,  de  recueillir  les  pauvres  qui  se  présenteront  et  de  servir  les 
infirmes  qui  y  viendront.  Il  devra  aussi,  quand  besoin  sera,  aller 
solliciter  des  aumônes  pour  leur  entretien  dans  les  maisons  des  per- 
sonnes notables  et  remplir  tous  les  devoirs  qui  incombent  aux  hos- 
pitaliers. Il  recevra  moyennant  inventaire  les  biens  du  dit  hôpital, 
les  gardera  fidèlement,  en  rendra  bon  compte  quand  il  en  sera 
requis,  portera  sur  l'inventaire  les  dons  et  recettes  survenant  pen- 
dant la  durée  de  son  administration,  tiendra  ses  enfants  nés  ou  à 
naître  dans  sa  propre  maison,  les  couchera  dans  ses  draps  et  non 
dans  les  draps  du  dit  hôpital,  fera  aux  bâtiments  les  réparations 
nécessaires,  etc. 

La  maison  d'Hilaire  était  évidemment  voisine  de  l'hôpital  de  Ste- 
Anne,  car  il  est  autorisé  à  ouvrir  une  porte  fermant  à  clé  pour  péné- 
trer de  chez  lui  dans  l'hôpital,  mais  il  est  stipulé  que  cette  porte 
pourra  être  fermée  par  les  représentants  du  commandeur  et  par 
l'hospitalier. 


Le  lendemain,  25  août,  a  lieu  la  réception  d'un  nouveau  Frère, 
nommé  Pierre  Maze,  clerc,  de  la  paroisse  de  Prades.  La  cérémonie 
est  présidée  par  Antoine  de  Bethoa,  commandeur  de  Tournon.  La 
lettre  de  l'abbé  de  St-Antoinc  qui  autorise  la  réception  de  Maze  est 
conçue  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes  que  les  deux  précédentes 
relatives  aux  réceptions  de  Missolz  et  d'Antoine  de  Rochemure.  Les 
témoins  de  l'acte  sont  :  noble  Raymond  de  Serre,  religieux  hommes 
Frères  Pierre  Coyta,  commandeur  du  Gévaudan,  Antoine  Planiol, 
archiprêtre  de  Pradelles  ,  Vital  Textor ,  sacristain  de  l'église  St- 
Antoine. 

Dans  l'acte  suivant,  Hilaire  Maze  constitue  en  dot  à  son  frère, 
Pierre  Maze,  pour  ses  droits  paternels  et  maternels,  8  livres  tour- 
nois, payables  en  8  ans,  à  raison  de  20  sols  par  an,  ce  qui  prouve 
que  la  somme  exigée,  s'il  y  en  avait  une,  pour  entrer  dans  l'ordre 
de  St-Antoine,  était,  dans  tous  les  cas,  bien  modeste.  Pierre  Maze 
donne  quittance  à  son  frère. 

Le  12  août  1457,   le  F.  Antoine  Planiol,  ckiustrier   de  St-Antoine 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  I5 

et  archiprêtre  de  Pradelles,  muni  des  pouvoirs  du  commandeur 
Antoine  de  Serre,  donne  sa  procuration,  pour  affaires  pendantes 
devant  la  cour  royale  de  Boucieu,  à  Joseph  Chamaleon  et  à  Eus- 
tache  Barias,  notaire. 


De  1457  à  1482,  nous  ne  trouvons  rien  sur  les  Antonins  d'Au- 
benas  dans  les  registres  de  notaires  que  nous  avons  en  main. 

En  1482,  le  16  septembre,  le  F.  Pierre  Maze,  religieux  de  St- 
Antoine,  d'Aubenas ,  afferme  à  Pierre  Dupuy,  de  Mercuer,  et  à 
Guillaume  Aubert,  de  Vesseaux,  clercs,  tout  l'archiprêtré  de  Pra- 
delles avec  les  paroisses  qu'il  renferme,  et  les  quêtes  à  y  faire,  au 
nom  de  St-Antoine,  au  prix  de  22  florins  six  gros  valant  i6  livres 
8  sols  et  6  deniers. 

En  1490,  Pierre  Maze  renouvelle  son  contrat  avec  les  mêmes  fer- 
miers au  même  prix  de  22  florins  6  gros. 

Le  8  avril  1494,  religieux  homme,  F.  Vital  Laurent,  prêtre,  de 
l'ordre  de  St-Jean  de  Jérusalem,  recteur  de  l'église  de  St-Jean  de 
Villatte,  muni  de  la  procuration  générale  de  noble  homme  Frère 
Jean  de  Grozons,  chevalier,  commandeur  des  commanderies  de 
Pailharès  et  de  Ruolis  et  de  St-Jean  de  Villatte,  ratifie  la  vente  d'un 
bois  situé  dans  le  mandement  d'Aubenas  au  territoire  de  Gleizal, 
sur  le  chemin  d'Aubenas  au  Croset,  vente  faite  par  Guillaume  de 
Chapus,  de  la  paroisse  de  Freyssenet  en  Coiron,  à  Jean  Combe, 
marchand  d'Aubenas,  au  prix  de  trois  livres  cinq  sols.  Vital  Laurent 
donne  l'investiture  de  ce  bois  sous  le  cens  annuel  d'un  denier. 


Pour  l'année  1494,  nous  trouvons  plusieurs  actes  où  figure  comme 
commandeur  d'Aubenas  et  de  Pont-à-Mousson  en  Lorraine  Théo- 
dore de  St-Chamond,  de  la  maison  de  St-Priest,  qui  fut  plus  tard 
élu  abbé  de  St-Antoine.  En  1521,  le  pape  Léon  X  ayant  nommé  ce 
personnage  commissaire  apostolique  à  Metz  pour  surveiller  le  mou- 
vement luthérien,  Antoine,  duc  de  Lorraine,  le  retint  à  sa  cour  et 
la  maison-mère  des  Antonins  se  ressentit  fâcheusement  de  la  longue 
absence  de  son  chef.  Théodore  mourut  à  Nancy  en  1527  et  fut  en- 
terré à  Pont-à-Mousson. 


l6  NOTES    SUR    LA    CO.M.MANDERIE 

\'^oici  les  actes  qui  le  concernent  : 

Le  i''  juin  1494,  vénérable,  religieux  et  savant  homme  Théodoric 
de  St-Priest  (de  Sancto  Prejeto),  commandeur  des  vénérables  com- 
manderies  de  Pont-à-Mousson  et  de  St- Antoine  d'Aubenas,  afferme 
pour  trois  ans  et  trois  récoltes,  son  bénéfice  de  la  sacristie  de  la 
coramanderie  de  St-Antoine  d'Aubenas,  à  religieux  homme  F.  Jean 
Arnaud,  dit  de  la  Place,  de  l'ordre  de  St-Antoine,  au  prix  de  22 
livres  10  sols  par  an,  soit  67  livres  10  sols  pour  les  trois  ans,  le 
commandeur  tenant  compte  pour  cette  fois  à  l'égard  d'Arnaud  des 
réparations  et  décorations  effectuées  par  Arnaud  à  l'église  de  St- 
Antoine.  Arnaud  a,  d'ailleurs,  fait  tout  cela  par  pure  libéralité  et 
pour  la  rédemption  de  son  âme.  Il  promet  de  payer  les  22  livres  10 
sols  chaque  année  le  jour  de  la  fête  de  St-Antoine.  L'acte  est  passé 
dans  la  maison  de  St-Antoine  d'Aubenas,  dans  la  chambre  rouge. 
Les  témoins  sont  messire  Claude  Chambon,  juge  d'Aubenas,  Vital 
Sabatier,  notaire  ,  religieux  hommes  F.  Jean  Aucher,  commandeur 
de  Gévaudan,  Pierre  de  Prades,  du  même  ordre. —  Et  Jean  Pochette, 
notaire. 

Le  même  jour  et  au  même  endroit,  le  commandeur  de  St-Antoine 
afferme  pour  trois  ans,  commençant  à  la  prochaine  fête  de  la  Con- 
ception de  la  S.  Vierge,  à  religieux  Frères  Jean  Aucher,  comman- 
deur de  Gévaudan,  et  Pierre  de  Prades,  de  l'ordre  de  St-Antoine 
d'Aubenas,  sa  commanderie  d'Aubenas  avec  tous  les  fruits  et  ré- 
coltes des  prés,  vignes  et  autres  propriétés,  avec  les  pensions, 
quêtes,  revenus,  émoluments,  droits  et  appartenances  de  la  dite 
commanderie,  au  prix  annuel  de  177  livres,  chaque  livre  de  la  valeur 
de  20  sols.  Ces  177  livres  comprennent  les  22  fr.  10  sols  portés  à 
l'acte  précédent  pour  l'affermage  de  la  sacristie.  Les  payements  se 
feront,  savoir  100  livres  à  la  St-Antoine,  et  77  à  la  Toussaint.  Il  est 
convenu  que  le  commandeur  ratifiera  les  fermages  de  la  comman- 
derie faits  aux  mêmes  fermiers  par  ses  prédécesseurs,  et  qu'il  sera 
défrayé  chaque  année  pendant  un  mois,  avec  ses  serviteurs  et  ses 
bêtes,  dans  la  maison  de  St-Antoine  d'Aubenas,  s'il  y  vient,  et  dans 
le  cas  contraire,  il  n'aura  rien  à  réclamer  de  ce  chef.  Les  fermiers 
pourvoiront  aux  dépenses  du  culte  et  de  l'office  divin  dans  l'église  de 
St-Antoine  et  le  feront  faire  par  les  religieux  de  la  maison.  Ils  s'oc- 
cuperont des  affaires  de  la  maison  et  fourniront  les  religieux  des 
vivres  et  autres  objets  nécessaires,  bien  et  honnêtement  selon  l'usage. 
Ils  recevront  les  meubles  et  objets  de  la  maison  avec  inventaire  et  en 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  17 

prendront  soin.  Ils  pourvoiront  aux  hospitaliers  selon  l'usage.  Le 
payement  des  pensions  aux  Frères,  à  l'abbé  et  à  l'hôpital  de  St- 
Antoine  de  Viennois,  reste  à  la  charge  du  commandeur  qui  devra  en 
tenir  quittes  les  dits  fermiers.  Les  lettres  qu'il  est  d'usage  d'obtenir 
de  l'évêque  de  Viviers  sont  aussi  à  sa  charge.  Les  fermiers  s'enga- 
gent à  tenir  en  bon  état  tous  les  bâtiments  et  à  bien  entretenir  les 
plantations  de  vignes  et  des  autres  propriétés  de  la  maison. 

Les  témoins  de  l'acte  sont  Claude  Chambon,  juge  d'Aubenas  ; 
Vital  Sabatier,  notaire;  messire  Antoine  AIrescha,  prêtre  d'Aubenas  ; 
religieux  FF.  François  Sanglier,  Jean  Arnaud  dit  de  la  Place,  de 
l'ordre  de  St-Antoine  d'Aubenas.  Et  le  notaire  Jean  Rochette. 

Le  même  jour  et  au  même  lieu,  F.  Pierre  Maze  demande  au  com- 
mandeur l'autorisation  de  vendre  une  terre  de  peu  de  valeur  qu'il 
possède  à  la  côte  de  Notre-Dame-des-Plans.  Cette  autorisation  lui 
est  accordée. 

Le  même  jour,  au  même  lieu  et  avec  les  mêmes  témoins,  le  com- 
mandeur «  moderne  »  d'Aubenas  donne  quittance  à  F.  Jean  Arnaud 
dit  de  la  Place,  de  30  florins  d'or  (chaque  florin  compté  pour  15  sols) 
que  le  dit  Arnaud  lui  devait  pour  le  produit  de  la  sacristie  de 
l'année  présente. 

Dans  l'acte  suivant,  il  donne  aussi  quittance  à  Jean  Aucher,  com- 
mandeur de  Gévaudan,  de  30  florins  que  celui-ci  lui  a  comptés  en  or 
ou  en  argent,  pour  la  pension  de  sa  commanderie,  pour  un  an  finis- 
sant le  jour  de  la  fête  de  la  Conception  de  la  S.  V.  Les  témoins  sont 
religieux  Frères  François -Sanglier  et  Jacques  Lourdin,  de  l'ordre  de 
St-Antoine,  d'Aubenas. 

Le  même  jour,  vénérable,  religieux  et  savant  homme  Théodoric 
de  St-Priest,  commandeur  des  vénérables  commanderies  de  Pont-à- 
Mousson  et  de  St-Antoine  d'Aubenas,  donne  en  nouvel  accapt  et 
emphythéose  perpétuelle  à  Antoine  AIrescha,  prêtre  d'Aubenas,  une 
terre  herme,  confrontant  avec  la  fenière  et  le  verger  de  St-Antoine, 
sous  le  cens  annuel  de  quatre  deniers  payables  chaque  année  le  jour 
de  Noël. 

Le  même  jour,  le  commandeur  sachant  qu'il  a  au  lieu  de  Font- 
bonne,  près  de  la  maison  du  Cheylard  de  l'abbé  de  Mazan,  une  terre 
relevant  de  sa  commanderie  et  qui  ne  rapporte  rien,  la  donne  en 
nouvel  accapt  à  honnête  homme  Pierre  de  Monopert  dit  Moulin, 
marchand  d'Aubenas,  sous  le  cens  annuel  de  quatre  pots  ou  pital- 
phes  de  vin  pur,  bon  et  franc,  à  la  mesure  d'Aubenas,  sans  qu'il  y 

Bull.  VIII,  1887.  2 


ib  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

ait  à  payer  de  droit  d'entrées  ou  autres  charges  à  cause  du  peu  de 
valeur  de  cette  terre. 

Théodoric  de  St-Priest  dut  résilier  peu  après  sa  commanderie 
d'Aubenas,  car,  dès  le  mois  de  septembre  suivant  ,  c'est  noble 
Aj'mon  de  Rochemure  qui  est  installé  commandeur  de  la  maison 
d'Aubenas. 

Le  5  septembre,  religieux  homme  F.  Jean  Aucher,  commandeur 
de  la  commanderie  de  Gévaudan,  met  en  possession  réelle  et  immé- 
diate de  la  commanderie  d'Aubenas,  noble  Louis  de  Rochemure, 
muni  de  la  procuration  de  son  frère  Aymon  de  Rochemure,  nommé 
commandeur.  Aucher  agit  en  vertu  des  lettres  de  l'abbé  de  St- 
Antoine,  Pierre  de  l'Aire  (dont  le  texte  n'est  pas  cité).  L'acte  est 
passé  dans  l'église  de  St-Antoine  d'Aubenas.  Les  témoins  sont  : 
religieux  FF.  Jean  de  la  Place,  Pierre  Maze  et  Pierre  Soulier,  de 
l'ordre  de  St-Antoine  d'Aubenas  ;  religieux  homme  F.  Louis  Brun, 
de  l'ordre  des  Frères  -Mineurs  d'Aubenas  ;  Jean  Dumas  ;  messire 
Antoine  Alrescha,  prêtre;  Pierre  Moulin,  Jean  Chabasse;  Roland 
Vannast  ,  sergent  ordinaire  d'Aubenas  ;  Pierre  Labelet ,  Pierre 
Brugère  et  le  notaire  Jean  Rochette. 

Le  9  septembre,  noble  Louis  de  Rochemure,  seigneur  de  Cha-del- 
Mont,  écuyer,  frère  germain  et  représentant  de  vénérable  et  religieux 
homme,  F.  Aymon  de  Rochemure,  commandeur  de  la  comman- 
derie d'Aubenas,  donne  au  F.  Jean  Arnaud,  pour  en  jouir  sa  vie 
durant,  la  chambre  qu'occupait  de  son  vivant  dans  la  maison  de 
St-Antoine  le  feu  F.  Jean  Englès. 

Le  15  septembre,  vénérable  et  religieux  homme.  Frère  Aymonet 
de  Rochemure,  commandeur  vénérable  de  la  commanderie  d'Au- 
benas, afferme  à  Pierre  Maze  tous  les  voyages  et  quêtes  de  sa  com- 
manderie, pour  trois  ans  et  trois  récoltes,  au  prix  annuel  de  45 
quartes  de  froment,  45  quartes  de  seigle,  60  quartes  de  spente  ou 
ayinone  (denrées  pour  aumônes).  Le  F.  Maze  promet  de  donner  en 
outre  chaque  année  au  commandeur,  pendant  toute  la  durée  de  son 
fermage,  onze  cents  pieds  de  porc,  un  quintal  de  fromage,  un  ^quin- 
tal  de  laine,  un  quintal  de  chanvre,  quatre  quartes  de  châtaignes 
blanches,  24  draps  et  un  seticr  d'huile  d'olive.  Et  de  plus,  en 
argent,  cent  florins  de  monnaie  royale  courante,  chaque  llorin 
comptant  pour  15  sols.  Le  fermier  devra  payer  72  florins  à  la  St- 
Antoine,  10  à  Pâques,  5  à  la  Madeleine  et  13  a  la  Toussaint.  Le 
fermier  devra  rendre  les  livres  et  autres  objets  avec  inventaire.  Les 
lettres  qu'il  faut  demander  pour  les  quêtes  à  l'évêque  de  Viviers  sont 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  IQ 

à  la  charge  du  commandeur.  L'acte  est  passé  dans  la  chambre  rouge 
de  la  commanderie  de  St-Antoine  d'Aubenas.  Les  témoins  sont  Jean 
Monteil,  curé  de  Vogué;  Antoine  Alrescha,  prêtre;  Roland  Van- 
nast,  sergent  d'Aubenas,  et  le  notaire  Rochette. 

Le  même  jour,  au  même  lieu,  le  commandeur  reconnaît  avoir  reçu 
du  F.  Maze  73  florins. 

Le  16  septembre,  a  lieu  l'installation  du  nouveau  commandeur 
Rochemure  en  personne.  La  cérémonie  est  présidée  par  Jean  Au- 
cher  en  vertu  des  lettres  de  l'abbé  de  St-Antoine.  Aucher  fait  ouvrir 
les  portes  de  l'église  au  nouveau  commandeur  avec  les  formes 
d'usage.  Les  témoins  sont  FF.  Pierre  Maze,  Clément  Soulier,  de 
l'ordre  de  St-Antoine  ;  Guillaume  Godet,  serviteur  du  seigneur  de 
Rochemure  ;  messire  Claude  Chambon,  juge  d'Aubenas. 

Un  acte  de  1407  concerne  la  commanderie  de  la  Villatte.  Le  4 
octobre  1497,  vénérable  homme,  F.  Vital  Laurent,  recteur  de  St- 
Jean  de  la  Villatte,  et  discret  homme,  Jean  Croset,  de  iMontlaur, 
fermiers  de  la  commanderie  de  messire  le  commandeur  de  la  Vil- 
latte, sous-afferment  à  Jean  Vauclair,  fabricant  de  bâts  (basterius) 
à  Aubenas,  tous  les  cens  et  servitudes  de  vin,  de  blé,  d'argent  et 
autres  que  le  dit  commandeur  lève  dans  les  mandements  d'Aubenas, 
Ucel  et  Aps,  pour  l'année  présente  seulement,  au  prix  de  24  setiers 
de  vin  pur,  noir,  bon  et  recevable,  à  la  mesure  de  Pradelles. 


Sébastien  de  Hautvillard,  fils  de  Claude  et  de  Lyonnette  de  la 
Marette,  fille  à  Alexandre,  sieur  de  Pierregourde,  était  commandeur 
de  St-Antoine  à  Aubenas.  Il  mourut  en  1532,  laissant  un  fils  naturel 
appelé  Antoine. 

Amédée,  frère  de  Sébastien,  est  dit  aussi  religieux  de  St-Antoine 
en  15 16,  mais  on  ne  dit  pas  qu'il  fut  à   la  commanderie  d'Aubenas. 

Ils  avaient  une  sœur,  Isabeau,  mariée  en  1522,  à  noble  Antoine 
de  Gueyffier,  sieur  des  Bessettes. 

Le  15  avril  1547,  un  Etienne  Martin  était  mis  en  possession  de 
la  commanderie  de  St-Antoine  d'Aubenas. 

La  maison  de  St-Antoine  d'Aubenas  fut  détruite  au  début  des 
guerres  religieuses,  et  c'est  le  régent  d'Aubenas,  Benoit  Jacques, 
apothicaire,  qui  dirigea  les  travaux  de  démolition. 

Il  résulte  d'une  délibération  de  la  communauté  d'Aubenas,  en  date 


20  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

du  26  août  1562,  que  les  protestants  de  cette  ville,  avisés  que  M.  de 
Balazuc  préparait  au  Puy  en  Auvergne  une  expédition  contre  eux, 
provoquèrent  une  assemblée  générale  des  habitants  où  il  fut  décidé  : 

1°  De  nommer  une  commission  chargée  de  voir  ce  qu'il  y  avait  à 
faire  des  couvents  situés  extra-miiros,  c'est-à-dire  les  Jacobins,  les 
Cordeliers,  St-Antoine  et  les  Nonnains,  d'examiner  s'il  convenait  de 
les  démolir  ou  de  les  fortifier  ; 

2°  De  vendre  les  joyaux  et  ornements  de  l'Église  romaine  ; 

3°  De  faire  tout  le  nécessaire  pour  l'administration  et  la  défense 
de  la  ville  ; 

4"  De  faire  une  montre  (revue)  générale  des  habitants,  et  de  prier 
les  populations  voisines  d'Ucel,  Saint-Privat ,  St-Julien-du-Serre 
d'assister  au  besoin  Aubenas,  de  faire  des  provisions  de   grains,  etc. 

En  161  3,  Michel  de  Fère,  commandeur  de  St-Antoine,  d'Aubenas, 
s'occupa  de  faire  reconstruire  l'église  de  la  commanderie.  Il  établit 
pour  son  procureur-fondé  Louis  Roudeyron,  ancien  régent  d'Au- 
benas, rentier  de  ses  dîmes,  lequel  passa  divers  actes  devant  Lenoir, 
notaire,  avec  des  entrepreneurs,  qui  furent  Jean  Bonnet  et  Antoine 
Reynet,  maîtres-maçons,  constructeurs  de  l'édifice  ;  Jean  Cayres  et 
Laurent  Courtial,  chargés  du  recreusement  des  fondations,  et  Jac- 
ques Champestève,  chargé  des  boiseries  de  la  chapelle  (i). 

En  1624,  F.  Louis  du  Pont  était  commandeur  de  St-Antoine  à 
Aubenas.  Il  reçut  dans  cette  ville,  ainsi  que  Marie  de  Montlaur, 
d'Ornano,  le  R.  P.  Etienne  Gérald,  prieur  de  St-Laurent  du  Puy, 
qui  allait  à  Viviers  traiter  avec  l'évêque  Louis  de  S  use  et  les  consuls 
de  cette  ville  la  question  de  l'établissement  d'un  couvent  de  Domi- 
nicaines à  Viviers.  On  sait  que  cette  communauté  fut  fondée  en  no- 
vembre de  cette  année  (2). 

La  commanderie  de  St-Antoine  d'Aubenas  fut  enfin  vendue  aux 
Pères  Jésuites  en  1653.  Voici  les  pièces  relatives  à  cette  vente,  qui 
se  trouvent  aux  archives  départementales  de  l'Ardèche  : 

Lettre  missive  du  P.  Anthome  Camus,  relioieux  de  St-Anthoine, 
touchant  h  vente  de  la  commanderie  de  St  -  Anthoinc  d'Albenas 
(adressée  au  syndic  des  Jésuites  d'Aubenas). 

Mon  R.  Père.  -  Pour  responce  a  la  vostre  très  honorée  du  XXillb 
du  prcsant,  je  vous  diray,  comme  je  l'ay  communique  a  nostre  Re- 
verendissime    abbé   quil    m'a    tesmoigné  quil   sera  très  contant  de 

(i)  Extrait  des  manuscrits  de  feu  M.  Dcydier,  d'Aubenas. 
(2)  Voir  notre  Voyage  ait  pays  helvien,  au  chapitre   Viviers. 


DES    ANTONINS    A    AUBENAS.  2  1 

donner  satisfaction  a  Vostre  Révérence  de  ce  quelle  nous  propose. 
Mais  auparavant  quelle  prenne  de  la  payne  de  venir  par  de  deçà,  il 
desireroit  scavoir  ce  que  Vostre  Révérence  prethend  donner  pour 
saquerir  non  seullement  la  terre  sur  laquelle  elle  croit  avoir  rente, 
mais  aussy  de  tous  les  revenus  qui  dépendent  de  nostre  comman- 
derie  d'Aubenas.  Je  la  suplie  donques  de  sinformer  exactement 
sur  les  lieux  de  tous  nos  biens  et  de  mescrire  ce  quelle  désire  nous 
en  donner,  afin  quapres  avoir  comuniqué  sa  volonté  a  N""  Révé- 
rend"" abbé  et  a  notre  Chappitre,  je  la  puisse  entièrement  résoudre, 
ce  qu}^  ne  se  pourra  faire  plustot  que  dicy  a  six  sepmaines  ou  deux 
moys,  a  cause  que  Notre  Révérend"'"  abbé  sen  va  aux  bains  d'Aix 
en  Savoye.  Au  premier  jour  cependant  vostre  Révérence  pourra 
mescrire  ses  volontés  et  adresser  ses  lettres  a  nos  religieux  de  Lyon 
en  rue  Mercyére  et  me  donner  l'adresse  pour  luy  escripre. 

De  St-Anthoine,  ce  28  juin  1652. 

Autre  lettre  du  même  au  même. 

.  .  .  Ay  faict  résoudre  dans  nostre  Chappitre  que  l'on  passeroit 
vente  a  vostre  Collège  de  tous  les  biens  que  nous  avons  a  Aubenas 
et  mesme  dans  le  voisinage,  si  vous  nous  faites  des  conditions 
avantageuses. 

St-Antoine.  Camus,  de  St-Antoine. 

9  janvier  1653. 

Procuration  du  P.  Deydier,  recteur  du  Collège  d'Aubenas,  au  P. 
Hiigonon,  syndic  du  dit  Collège.  —  10  mai  1653.  —  Brousse  notaire. 

Acte  Capitulaire.  —  17  mai  1653.  Il  y  est  décidé  «  qu'on  vendra 
les  biens  quavons  a  Aubenas  aux  R.  Pères  Jésuites,  moyennant  le 
prix  et  somme  de  trois  mil  trois  cent  livres.  »  —  Signé  Jean  Rasse, 
abbé  général  du  monastère  de  St-Antoine. 

Vente  de  la  commanderie  St-Anthoine  d'Albenas  en  faveur  du 
Collège  des  P.  Jésuites  du  dit. 

Comme  ainsin  soit  que  les  Seign""  Abbé  et  Religieux  du  Chappitre 
du  monastère  St-Antoine  de  Viennois  ayant  proposé  et  délibéré  que 
seroit  leur  bien  et  advantage  de  vendre  a  prix  juste  et  raisonnable 
tous  les  biens  et  droits  de  leur  commanderie  d'Aubenas  en  Viverès. 
—  Attendu  le  peu  de  revenu  des  dits  biens,  charges  d'iceux,  les 
incommodités  qu'il  y  a  de  les  faire  valoir  et  les  frais  considérables 
de  plusieurs  voyages  qu'il  convient  faire  annuellement  au  dit  lieu 
d'Aubenas,  esloigné  de  plus  de  vingt  lieues  du  dit  St-Antoine,  les- 
quels voyages  absorbent  une  bonne  partie  des  dits  revenus  —   ... 


22  NOTES     SUR    LA    COMAIANDERIE 

les  terres  estant  en  friche  pour  n'avoir  esté  bien  cultivées  —  ... 
les  rentes  peu  considérables  pour  estre  en  petites  particules  et  pres- 
que litigieuses  pour  n'avoir  esté  reconnues  depuis  longtemps  ;  et 
pour  le  regard  de  la  juridiction  haute,  moyenne  et  basse  sur  le  mas 
apellé  de  La  Combe  consiste  en  droits  plutôt  honorables  que  utiles 
....  le  tout  des  dits  biens  n'arrivant  seulement  que  environ  en 
principal  a  la  somme  de  2500  livres,  et  le  revenu  annuel  toutes 
charges  payées,  ne  portant  qu'environ  la  somme  de  cent  livres.   .   .   . 

Pour  ce  est-il  que  ce  jour  dhui  24^"  jour  du  mois  de  may  1653, 
establis  R.  P.  en  Dieu  M''*'  Jean  Rasse,  abbé  et  supérieur  gênerai 
de  l'ordre  du  dict  St-Antoine,  R.  Pères  Estienne  Boyl,  Antoine 
Camus  et  Bernard  de  Lescluse,  définiteurs  généraux  du  dict  ordre  ; 
Pierre  Duboys,  Michel  Manson  et  Jean-Louis  de  Buscher,  tous  reli- 
gieu.x  et  chanoines  cloistriers  d'iceluy  ordre,  ont  vendu  ....  aux 
R.  P.  Jésuites,  à  scavoir  :  pièce  de  terre  au  terroir  de  St-Pierre-le- 
Vieux  (Aubenas),  confrontant  les  vieilles  masures  du  moulin  de 
Ste-Croix  ....;—  autre  au  terroir  de  la  Suel.  ...  ;  —  autre 
à  Fontbonne.  ...  ;  —  plus  la  juridiction  haute,  moyenne  et  basse, 
mère,  mixte,  impere,  avec  les  cens,  services,  rentes  et  tous  autres 
debvoirs  et  droits  seigneuriaux  dépendant  de  la  commanderie  au 
mas  appelle  de  La  Combe  situé  dans  le  mandement  de  St-Montan 
au  dit  Viverès,  .   .   . 

Toutes  rentes,  pensions,  etc.  dues  tant  au  susdit  terroir  de  La 
Combe  qu'au  mandement  du  dit  Aubenas.  Mercuer,  St-Privat,  St- 
Didier  et  autres  lieux  et  fonds  et  droits  quelconques.  .  .  .  que  les 
dits  seigneurs  vendeurs  ont  dit  ignorer. 

Bien  entendu  toutesfois  que  dans  la  vente  n'est  comprins  la  com- 
manderie et  grange  appartenant  aux  dits  seigneurs  Abbé  et  Reli- 
gieux, appellée  de  Sarracier,  proche  de  Vernoux. 

Le  prix  est  de  3,300  livres  payable  et  portable  aux  dits  seigneurs 
Abbé  et  Religieux  au  lieu  de  St-Antoine  en  leur  monastère  dans  trois 
années  prochaines  avec  les  légitimes  fruicts. 

Remise  des  titres.  Savoir  entre  autres  choses  : 

Un  parchemin  vieux  latin  de  l'an  1293  et  du  lo'"""  kalendes  de 
may,  reçu  par  M'^  Pierre  du  Fayet,  notaire,  portant  réalbergement 
de  la  Condamine  de  St-Pierre-le-Vieux  à  Frère  Jordan  lors  com- 
mandeur : 

Autre  parchemin  en  latin  tout  gaslé  du  commencement  de  l'an 
1533,  M''   Antoine  Rochctle  notaire,  portant  échange   d'un   pré  des 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  23 

R.  Pères  de  St- Antoine  situé  en  Auzon  avec  le  pré  de  Georges 
Blachon  situé  au  terroir  de  St-Pierre-le-Vieux  ; 

Jugement  contre  Louis  Boyron  portant  délaissement  d'une  pièce 
de  terre  située  au  terroir  de  la  Suel  et  d'un  jardin  au  terroir  de 
Fontbonne,  i8  avril  1633  ; 

Arrentement  perpétuel  passé  aux  habitants  de  la  Combe  de  la  sei- 
gneurie du  dit  lieu  en  161 1  et  le  29^  novembre,  et  une  sentence  ren- 
due au  senechal  de  Nismes  par  laquelle  les  dits  habitants  sont 
condamnés  à  reconnaître  les  dits  seigneurs  Abbé  et  Religieux,  comme 
ayant  succédé  en  la  dite  commanderie  d'Aubenas,  seigneurie  et  ju- 
ridiction de  la  Combe,  pour  seigneurs  susdits,  et  en  conséquence  a 
leur  prêter  l'hommage  et  payer  les  droits  seigneuriaux.  25  mai  1633. 

Ratification.  3  juillet  1633.  Chalié  notaire  à  St-Montan. 

Un  albergement  en  parchemin  un  peu  gasté,  passé  par  F.  Pierre 
de  Rupe  More,  lors  commandeur  du  dict  Aubenas,  à  Gonnet  Mou- 
ton. Jean  Rochette,  notaire  à  Aubenas,  10  mars  1480. 

Comme  aussi  la  quantité  de  huictante  quatre  rolleaux  de  parche- 
mins. .  .  .  ensemble  17  autres  rolleaux  de  parchemins  en  liasse 
sur  laquelle  il  y  a  un  billet  lequel  faict  mention  que  les  17  rolleaux 
sont  donations  incertaines  faictes  à  la  commanderie  du  dict  St- 
Antoine  d'Aubenas. 

Et  autres  papiers  que  les  dits  seigneurs  vendeurs  donnent  pou- 
voir a  icelluy  Collège  de  retirer,  qu'ils  ont  hors  leur  présent  mo- 
nastère, soit  à  Tolose,  des  mains  de  M^  Palanque  leur  dit  procureur) 
qu'au  dict  lieu  d'Aubenas,  des  mains  du  R.  P.  Pacifique. 

Et,  bien  que  les  dits  seigneurs  vendeurs  ne  soient  obligés  à 
aucun  service  divin  ou  autre  œuvre  pie  pour  raison  des  dicts  biens 
dans  les  vieilles  masures  de  la  dicte  commanderie  ny  ailleurs,  il  a  esté 
convenu  pour  plus  de  précautions  que,  si  les  Pères  du  Collège 
estoient  à  l'avenir  poursuivis  d'en  faire  aucun,  les  vendeurs  les 
feront  décharger  et  prendront  le  faict  et  cause  pour  le  dit  Collège, 
auquel  en  outre  ils  donnent  le  mesme  pouvoir  qu'ils  ont  de  se  servir 
des  dictes  vieilles  masures  et  des  matériaux  qui  leur  seront  propres 
ainsi  qu'ils  verront,  a  condition  que  les  vendeurs  ne  seront  tenus 
d'aucune  garantie  en  cas  d'empêchement  a  la  prise  et  enlèvement 
des  dits  matériaux. 

Les  vendeurs  demeurent  acquittés  de  la  quantité  de  2g  cestiers 
avoine  pour  arrérages  d'une  rente  que  le  dict  Collège  prétend  luy 
estre  due  sur  une  des  pièces  de  terre  susmentionnées  à  cause  du 
prieuré  de  Ste-Croix  uni  au  dict  Collège. 


24  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

Serment  en  la  forme  des  religieux,  la  main  sur  la  poitrine 

Fait  et  stipulé  dans  l'abbaye  et  monastère  de  St-Antoine,  en  pré- 
sence de  honneste  Claude  Brun,  marchand  du  dit  St-Antoine,  et 
honneste  Barthélémy  Farioz  du  mesme  lieu. 

Buisson  notaire.  —  24  mai  1653. 

L'homologation  du  Parlement  de  Toulouse  est  du  13  février  1655, 


L'autre  commanderie  des  Antonins  en  Vivarais,  celle  d'Annonay, 
était,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  complètement  indépendante  de 
celle  d'Aubenas.  Son  siège  à  Annonay  était  au  bas  de  la  ville,  au- 
dessous  de  l'église  de  Trachin,  sur  la  rue  qui  mène  à  la  porte  de 
Cance.  Elle  avait  été  fondée  en  1230  par  Louis  de  Langeac,  religieux 
de  St-Antoine,  en  faveur  des  pèlerins  atteints  du  feu  sacré. 

Dans  les  statuts  que  l'abbé  Aymon  de  Montagni  fit  au  chapitre 
général  de  Tannée  1313,  il  fut  ordonné  qu'il  y  aurait  deux  religieux 
dans  la  commanderie  d'Annonay,  pour  faire  les  quêtes  et  recevoir 
les  offrandes.  Il  parait  que  cet  établissement  était  déjà  bien  tombé 
en  1334,  époque  de  la  fondation  de  l'hôpital  de  Notre-Dame-la-Belle 
par  le  cardinal  Bertrand,  puisque  c'est  un  des  motifs  qui  détermi- 
nèrent l'illustre  cardinal  à  cette  fondation 

Un  mémoire,  tiré  des  archives  départementales  des  Bouches-du- 
Rhône,  et  dont  l'abbé  Filhol  donne  le  résumé  (1),  indique  les  noms 
suivants  des  commandeurs  à  partir  de  1330  : 

1330.  —  Nicolas  de  la  Baulme. 

1362.  —  Pierre  de  Vallins. 

1386.  —  Ponce  de  Senol. 

1399.   —   Pierre  Chanon  ou  de  Provins. 

1401.  —  Pierre  Chabanes. 

142 1.  —  Jean  Terniaco.  Ce  commandeur  passa  avec  le  chapitre 
d'Annonay  une  transaction  datée  du  12  juillet  1423,  par  laquelle  il 
était  autorisé  à  bâtir  une  église  ou  chapelle  avec  clocher,  mais  où  il 
ne  pouvait  être  célébré  qu'une  seule  messe,  chaque  jour,  au  so)i  Je 
la  cloche,  hormis  la  fête  de  St-Antoine.  Ce  jour-là,  les  cures  et  les 
sous-choristes  devaient  y  venir  en  procession,  et  le  commandeur 
était  tenu  de  donner  au  prieur   douze   jambons,    six  à    chacun   des 

(1)  Histoire  d'Annonay,  t.  II,  Pièces  justificatives. 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  25 

deux  curés,  autant  au  sacristain  et  au  maître  de  chœur,  deux  à 
Vévêque  des  Innocents,  et  quelques-uns  encore  à  d'autres  membres 
du  clergé. 

De  1421  à  1430,  Barthélémy  Assergo,  notaire  de  St-Vallier,  fit  le 
terrier  de  la  commanderie  d'Annonay. 

En  1436,  le  commandeur  est  Pierre  Ronglon. 

Noble  Albert  de  Boulieu,  réglant  dans  son  testament  en  1440 
l'aveiiir  de  ses  enfants,  ordonne  qu'Antoine,  l'un  d'eux,  soit  d'église 
et  qilil  entre  dans  l'ordre  de  St-Antoine  ou  de  St-Benoît  à  son 
choix. 

Suite  des  commandeurs  d'Annonay  : 

1473.  —  Jean  de  Poisieux. 

1478.   —  Jean  MoUie. 

1487.  —  Louis  de  Roussillon,  qui  devint  vicaire  général  de  l'abbé 
Théodore. 

1496.  —  Jean  Félisat. 

151 1.  —  Jean  Schram. 

1515.  —  Jacques  de  Joyeuse. 

1526.  —  François  Senglar. 

1526.  —  Claude  Apostolat. 

1529.  —  François  Bergerie. 

1531.  —  Théodore  Laurens. 

1533.   —  Jean  Arench. 

1536.  —  Armand  de  Fay  (i). 

1566.  —  Jean  Barbier  ou  de  Champlong. 

1592.  —  Antoine  Grilhet.  Le  14  mai  1592,  Grilhet  albergea  aux 
consuls  une  partie  considérable  des  bâtiments  de  la  commanderie 
pour  faire  un  hôtel  de  ville,  sous  la  pension  annuelle  de  iS  francs, 
qui  devait  doubler  tous  les  50  ans,  par  acte  reçu  Guérin. 

1606.   —  Claude  Aubert. 

1615.  —  François  des  Fontaines. 

1622.  —  PVançois  Goujon. 

1624.  —  Louis  de  la  Roche.  Celui-ci  se  démit  volontairement  en 
1626  et  les  biens  de  la  commanderie  d'Annonay  furent  alors  réunis 
à  la  communauté  de  St-Antoine  qui  les  aliéna  successivement. 

En    1634,   l'ordre  vendit  à  Claude  de  Villars,   baron   de  Maclas, 

(i)  Les  Mémoires  sur  le  Vivarais  de  Poncer  (t.  4,  p.  307)  mentionnent  une  re- 
connaissance faite,  le  27  janvier  1536,  à  Annonay,  en  faveur  de  noble  Armand  de 
Fay,  prêtre,  commandeur  de  la  commanderie  de  St-Antoine  à  Annonay. 


20  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

toutes  les  rentes  que  possédait  la  commanderie  sur  les  paroisses  de 
Malleval,  Maclas,  St-Apollinard,  Véranne  et  Roizé  en  Forez,  et  St- 
Jacques  d'Atticieux  en  Vivarais,  le  tout  pour  le  prix  de  516  livres. 

Enfin  le  17  août  1680,  les  procureurs  fondés  de  Tabbaye  de  St- 
Antoine  vendirent  au  chapitre  d'Annonay  tous  les  biens  que  possé- 
dait encore  la  commanderie  d'Annonay  au  prix  de  1,260  livres  (ï). 

Au  siècle  suivant,  la  chapelle  de  St-Antoine  à  Annonay,  qui  était 
restée  ouverte  au  culte,  fut  cédée  à  la  ville,  ainsi  que  la  maison 
continue,  pour  loger  plus  commodément  les  sœurs  de  l'Instruction, 
c'est-à-dire  trois  religieuses  de  la  Congrégation  de  Saint-Maur,  qui 
tenaient  à  Annonay  une  école  gratuite  pour  les  filles. 


*    * 

Bien  avant  la  vente  de  ses  immeubles  en  Vivarais,  l'ordre  de  St- 
Antoine  était  bien  déchu  de  son  ancienne  importance.  La  dispari- 
tion du  feu  sacré  et  des  autres  grandes  épidémies  du  moyen-âge 
avait  enlevé  à  son  activité  chrétienne  un  stimulant  peut-être  indis- 
pensable. Au  siècle  suivant  (le  XVIII"),  ses  rangs  se  recrutaient  diffi- 
cilement. Son  avant-dernier  abbé,  Etienne  Galland,  chercha  vaine- 
ment de  le  sauver  en  lui  imprimant  une  direction  plus  particulière- 
ment scientifique,  sans  renoncer  toutefcàs  à  ses  traditions  hospita- 
lières. Enfin,  l'ordre  fut  frappé  à  mort  par  l'édit  de  1771  qui  ordon- 
nait la  suppression  de  toutes  les  communautés  des  villes,  qui  ne 
comptaient  pas  au  moins  vingt  religieux  réunis.  En  1774,  il  se  fon- 
dit avec  l'ordre  de  Malte.  Les  Antonins  possédaient  encore  à  cette 
époque  quarante-deux  maisons. 

Nous  avons  réuni  dans  ce  petit  travail  tous  les  résultats  de  nos 
recherches  sur  les  Antonins  du  Vivarais.  Mieux  que  personne,  nous 
sentons  combien  il  est  incomplet  et  surtout  combien  il  serait  désira- 
ble de  trouver  sur  cet  ordre  célèbre  d'autres  documents  que  ceux  qui 
se  rapportent  à  sa  période  de  décadence.  Les  Antonins  se  sont  si- 
gnalés jadis  à  l'admiration  du  monde  entier  par  un  zèle  et  un  dé- 
vouement comme  la  religion  seule  peut  les  inspirer.  Il  est  vrai 
qu'alors  on  écrivait  peu  et  la  rareté  des  papiers  ou  parchemins  de 
cette  époque  n'a  rien  d'étonnant.  Mais  le  rapide  développement  de 
ces  vaillants  hospitaliers  et  l'estime  universelle   dont  ils  furent  cn- 

(1)  FiLIIOL,  t.  Il,  p.    168. 


DES  ANTONINS  A  AUBENAS.  27 

tourés  dès  le  début,  ne  sont-ils  pas  des    témoignages  suffisants  des 
services  qu'ils  ont  rendus  ? 

En  publiant  ces  notes,  nous  avons  voulu  simplement  ouvrir  la 
voie  à  de  nouvelles  recherches  et  nous  espérons  bien  que  notre 
initiative  portera  tôt  ou  tard  quelques  fruits. 


P. -S. —  Cette  petite  étude  était  en  cours  de  publication,  quand  nous 
avons  reçu  communication  d'un  registre  notarial  d'Aubenas,  plus 
vieux  que  tous  les  autres,  provenant  d'Etienne  Monastier.  Nous 
résumons  brièvement  les  faits  nouveaux  qu'il  contient  sur  la  com- 
manderie  de  St-Antoine  d'Aubenas  : 

Le  29  mai  1367,  F.  Jean  de  Paseriis,  de  l'ordre  de  St-Antoine 
d'Aubenas,   donne  une  quittance  de  14  florins  d'or  à  Jean  Soleyrol. 

Le  4  octobre  1367,  noble  et  religieux  homme  Antoine  Bayle 
(BanïliJ,  commandeur  de  St-Antoine  d'Aubenas,  vend  à  Guillaume 
Martin  les  aumônes  de  vin  (helemosinas  vinij  de  cette  année,  dans 
les  paroisses  de  Vesseaux,  Mercuer,  Ucel,  St-Privat  et  les  mas 
d'Aubenas,  au  prix  de  34  setiers  de  vin,  livrables  dans  la  quinzaine 
de  la  fête  de  St-Maurice.  Un  autre  Frère  de  St-Antoine,  Jean  Pa- 
terne, figure  parmi  les  témoins. 

Le  8  août  1368,  Jean  Dufour,  cordonnier,  reconnaît  devoir  à  Sœur 
Jeanne  Duplan,  de  l'ordre  de  St-Antoine  d'Aubenas,  dix  florins  pour 
cause  de  prêt  réel  et  légal. 

Le  18  septembre  1368,  Pierre  Lezin,  d'Aubenas,  et  Bertrande,  sa 
femme,  voulant  reconnaître  les  services  et  l'attachement  de  Sœur 
Jeanne  Duplan,  de  l'ordre  de  St-Antoine  de  Viennois,  lui  font  do- 
nation de  trois  muids  de  bon  vin  nouveau,  pur  et  franc. 

Le  6  septembre  1368,  F.  Raymond  Arbosset,  de  l'ordre  de  St- 
Antoine,  au  nom  du  commandeur  Antoine  Bayle,  accense  (assensavit) 
à  Bernard  Fores,  les  paroisses  ci-dessous,  comme  il  est  d'usage  : 
Montpezat,  le  Roux,  Mayras,  Thueytz,  Mayres,  Gourdon,  Nieigles, 
St-Julien,  Asperjoc,  au  prix  de  22  quartes  et  une  émine  de  blé,  c'est- 
à-dire  du  blé  qu'il  amassera  dans  les  dites  paroisses,  payables  d'ici 
à  la  Noël  ;  plus,  trois  florins  d'or  et  demi,  70  pieds  de  porc  et  un 
quarteron  de  fromages. 

Le  même  jour,  F.  Raymond  accense  à  Fores  le  voyage  de  Val- 
gorge,  comme  il  est  d'usage,  au  prix  de  onze  florins,  (chiffre  illisible) 
pieds  de  porc  et  un  quintal  de  chairs  de  porc  salées,  payables  d'ici  à 
l'octave  de  St-Antoine. 


28  NOTES    SUR    LA    COMMANDERIE 

Le  5  mars  1368,  F.  Raymond  Arbosset,  représentant  le  comman- 
deur Bayle,  F.  Jean  Gentilet,  sacristain,  et  FF.  Aymar  Corbays, 
Amédée  Planiol  et  Pierre  Monteillet,  de  Tordre  de  St-Antoine,  re- 
connaissent avoir  reçu  un  florin  d"or,  des  exécuteurs  testamentaires 
de  la  succession  de  feu  Aloret.  Ils  ont  de  plus  reçu,  pour  les  aumô- 
nes (pro  caritate),  10  sols  et,  pour  chacun  d'eux  personnellement, 
12  deniers. 

Item.  Sœur  Jeanne  Duplan,  hospitalière  de  St-Antoine,  et  les 
infirmes  Mondone  Magnane,  Lucie  Vaseilles  et  Mondon  Lafarugue 
(de  Thueytz),  du  dit  hôpital,  ont  reçu  chacun  sept  sols,  soit  en  tout 
un  florin.  (Il  résulte,  en  effet,  de  divers  actes  du  même  registre,  que 
le  florin  était  alors  compté  pour  26  ou  28  sols  tournois.) 

Cette  même  somme  d'un  florin  d'or  a  été  aussi  distribuée,  de  la 
même  provenance,  aux  infnmis  de  l'hôpital  St-Georges. 

Le  6  septembre  1368,  F.  Arbosset  accense  à  Guillaume  Martin  les 
paroisses  suivantes  :  Burzet,  Colombier,  Antraigues,  Juvinas,  St- 
Andéol  (de  Bourlenc),  Vesseaux,  Ageonis  (Ajoux  ?),  le  Gua,  Genes- 
telle,  au  prix  de  22  quintaux  et  demi  de  blé,  70  pieds  de  porc,  le 
quart  d'un  quintal  de  fromage  et  trois  florins  d'or  et  demi. 

Le  même  registre  contient  plusieurs  affermages  de  quêtes  en  Viva- 
rais,  faits  à  Aubenas  pour  l'hôpital  de  Notre-Dame  du  Puy. 

Nous  avons  à  rectifier  l'explication  àd  certains  mots  qui  figurent 
dans  l'inventaire  des  meubles  et  objets  de  St-Antoine. 

La  viradoyra  (p.  233)  n'est  ni  un  tournebroche  ni  un  dévidoir,  mais  une  petite 
cuillère  plate,  percée  de  trous,  en  forme  d'ccumoire,  pour  retourner  des  objets 
dans  la  poêle,  notamment  pour  y  prendre  les  œufs  quand  ils  sont  frits. 

Clédo  (p.  235),  signifie  non-seulement  une  sorte  de  grenier  où  l'on  fait  sécher 
les  châtaignes,  mais  aussi  une  claie.  Elle  doit  indiquer  ici  un  treillage  en  bois  ou 
en  osier  sur  lequel  on  faisait  sécher  les  pieds  de  porc  salés. 

Cossa  (p.  234),  en  patois  couôsso.  C'est  une  courge  à  long  coi,  dont  on  a  coupé 
un  tiers,  ou  même  la  moitié  sur  un  côté,  de  façon  î  confectionner  une  sorte  de 
bassine,  qui  avait  partout  dans  le  Bas-Vivarais  la  même  contenance,  celle  d'un 
pot  de  vin  (un  litre  environ).  La  courge  était  alors  en  grand  honneur  dans  le 
pays,  comme  donnant  un  récipient  plus  sain  et  moins  coûteux  que  le  cuivre  ou 
tout  autre  métal  ;  aussi  était-elle  cultivée  dans  tous  les  jardins.  Quand  la  courge 
servait  de  bouteille,  on  l'appelait  la  coucourde:  d'où  l'entonnoir  spécial  pro  cogor- 
dis.  On  trouve  encore  des  couôsso  dans  beaucoup  de  caves  du  Vivarais,  et  surtout 
aux  fontaines  publiques  des  villages  pour  puiser  l'eau,  moins  qu'autrefois  cepen- 
dant, à  cause  de  la  concurrence  des  ferblantiers. 

Deslreiss  (p.  236).  On  appelle  ainsi  le  long  du  Rhône  les  petites  haches  qu'on 
tient  d'une  seule  main,  la  main  droite  (dextera),  d'où  peut-être  ce  nom. 

Goia  (p.  237),  instrument  qui  forme  une  hache  dun  côté  et  une  serpe  de 
l'autre. 

D--  FRANCUS. 


LE  TRIÈVES 

pendant  la  grande  Révolution 

d'après  des  documents  officiels  et  inédits. 

(Suite) 


»  Voilà  ce  que  j'ai  cru  pouvoir  faire  et  je  suis  prêt  à  le  réitérer. 
S'il  était  possible  que  quelqu'un  m'eût  entendu  différemment  ou  que 
je  me  fusse  mal  expliqué,  je  dirai  et  je  vous  le  déclare  à  tous  :  Voilà 
en  quoi  consiste  mon  serment,  voilà  mon  devoir.  Tel  est  aussi  le 
vôtre.  Nous  sommes  tous  tenus  à  l'obéissance  la  plus  absolue  envers 
l'Eglise,  en  ce  qui  concerne  la  Religion  ;  nous  devons  aussi  l'obéis- 
sance aux  puissances  temporelles  en  tout  ce  qui  leur  est  propre. 
N'oublions  pas  que  le  meilleur  patriotisme  a  pour  base  la  Religion 
et  lui  est  toujours  subordonné  ;  et  ne  vous  flattez  pas,  qui  que  vous 
soyez,  d'en  trouver  de  plus  épuré  que  parmi  ceux  qui  ont  le  bonheur 
de  la  professer.  Vous  les  verrez  souvent  disposés  à  tout  sacrifier,  à 
tout  souffrir  plutôt  que  de  trahir  leurs  devoirs  ;  et  si  la  Providence 
permet  que  nous  soyons  nous-mêmes  dans  ce  cas,  notre  exemple, 
avec  le  secours  du  Ciel,  vous  montrera  ce  que  vous  devez  faire,  quand 
il  s'agit  de  la  gloire  de  Dieu  et  de  son  salut. 

»  Et  afin  que  les  présentes  aient  la  notoriété  nécessaire,  si  Mes- 
sieurs de  la  municipalité  veulent  les  coucher  sur  leurs  registres,  j'y 
souscris  volontiers,  ou  bien  je  m'engage  à  leur  en  remettre  un  dou- 
ble et  un  autre  à  Messieurs  du  Directoire  du  district  de  Grenoble,  le 
tout  signé  de  ma  main. 

»  En  finissant,  comme  pasteur,  je  vous  conjure  de  conserver  tou- 
jours la  même  fidélité  à  Dieu  et  à  son  Eglise,  ensuite  aux  puissances 
de  la  terre,  nous  rappelant  que  l'anarchie  est  le  plus  grand  des 
maux.  11  faut  nécessairement  que  la  liberté  soit  soumise  aux  lois  ; 
nous  devons  tous  aimer  l'ordre  et  la  paix,  et  fasse  le  Ciel  que  nos 
cœurs  soient  toujours  occupés  à  former  des  vœux  pour  le  bonheur 
public  !  Enfin  n'oublions  pas  que  nous  mourrons,  et  à  cet  effet  soyons 


30  LE    TRIEVES    PENDANT 

dès  à  présent  ce  que  nous  voulons  être  plus  tard.  Je  suis  moi-même 
intéressé  en  ceci,  puisque  mon  bonheur  consiste  dans  le  vôtre  (i).   » 

Ces  paroles  furent  pieusement  écoutées,  racontait,  en  1856,  un 
témoin,  catholique  fervent.  Monsieur  Bac  lui-même  était  profon- 
dément ému  ;  mais  ses  larmes  coulèrent  abondamment  quand  il  vit 
le  maire  prendre  à  l'église  la  place  du  prêtre,  et  monter  dans  la 
chaire  de  vérité  pour  lire  l'écrit  d'un  évêque  schismatique.  Les 
catholiques  comprirent  la  douleur  de  leur  pasteur  bien  aimé  et  s'y 
associèrent  en  sortant  en  foule  du  temple  saint,  où  il  ne  resta  que 
des  protestants  exaltes  par  les  idées  du  jour.  A  la  vue  de  cette  dé- 
monstration, Sibey,  pâle  de  honte,  put  à  peine  bégayer  trois  phrases 
et  dut  confier  la  lecture  du  mandement  à  un  membre  de  la  muni- 
cipalité. 

Ainsi  ce  serment,  par  lequel  l'assemblée  nationale  avait  prétendu 
lier  les  ecclésiastiques  à  sa  nouvelle  constitution,  fut  réprouvé  et 
rétracté  par  ceux  qui  l'avaient  prêté,  dès  qu'ils  reconnurent  son  im- 
piété. Et  non-seulement  ce  serment  était  impie  ;  mais  il  était  en 
même  temps  injuste  et  dangereux  ;  il  froissait  les  consciences  des 
citoyens  qu'il  plaçait  entre  le  devoir  et  l'intérêt,  et  réduisait  à  l'alter- 
native d'être  apostats  ou  martyrs.  C'était  là  une  odieuse  tyrannie, 
un  criminel  attentat.  Cependant  on  en  recueillit  un  fruit  précieux, 
résultat  de  toutes  les  persécutions  :  pendant  que  quelques  prêtres 
tarés  s'éloignaient  du  droit  chemin,  le  parti  qu'on  voulait  abattre 
fut  fortifié,  les  âmes  qu'on  cherchait  à  asservir,  électrisées  ;  les  hom- 
mes mêmes  les  plus  faibles  et  les  plus  timides,  tranformés  en  héros. 

En  exigeant  ce  serment  des  ecclésiastiques,  la  plus  grande  partie 
des  députés,  disciples  avoués  des  philosophes  du  XVIII"  siècle  et 
ennemis  acharnés  de  l'Eglise,  s'étaient  préparé  une  occasion  de 
satisfaire  leur  penchant  pour  la  persécution.  On  s'aperçut  bientôt,  en 
effet,  que  la  constitution  civile  du  clergé  n'avait  été  qu'une  espèce 
de  transition  pour  arriver  à  la  guerre  ouverte,  dont  le  but  était 
l'anéantissement  total  du  culte  catholique  et  l'extermination  de  ses 
ministres. 

Les  habitants  du  Trièves  avaient  le  sentiment  religieux,  aussi  les 
meneurs  révolutionnaires,  comme  d'ailleurs  presque  partout  en 
France,  évitaient  de  froisser  leur  susceptibilité.  Ce  n'était  que  petit 
à  petit  qu'ils  voulaient  les  amener  à  ne  point  se  plaindre  de  l'inter- 
diction de  tout  culte.  Le  14  juillet  1791,  la  population  de  Mens,  la 

(1)  .Mens,  Reg.  des  délit. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  3I 

garde  nationale,  quelques  citoyens  et  des  détachements  des  gardes 
nationales  de  St-Baudille-et-Pipet,  St-Jean-d'Hérans,  St-Genis, 
Cornillon,  Morges  et  Tréminis  assistaient  à  une  messe  solennelle 
célébrée  par  Monsieur  Bac,  sur  un  autel  dressé  en  plein  air,  au- 
dessous  de  la  place  des  Aires,  sur  le  Champ-de-Mars.  Ils  juraient 
ensuite,  «  en  présence  de  l'Etre  suprême,  les  drapeaux  de  la  garde 
nationale  déployés,  de  rester  à  jamais  fidèles  à  la  nation,  à  la  loi,  au 
roi,  de  maintenir  de  tout  leur  pouvoir  la  constitution  décrétée  par 
l'assemblée  nationale  et  acceptée  par  le  roi.  » 

Ils  jurèrent  encore  «  de  protéger  de  toutes  leurs  forces  et  conformé- 
ment aux  lois  la  sûreté  des  personnes  et  des  propriétés,  la  libre  circu- 
lation des  grains,  la  perception  de  l'impôt,  sous  quelque  dénomina- 
tion et  forme  qu'il  se  perçût,  et  de  demeurer  unis  à  tous  les  Français 
par  les  liens  indissolubles  de  la  fraternité  ;  déclarèrent  traîtres  à  la 
patrie  tous  ceux  qui  avaient  protesté  ou  protestaient  contre  les 
décrets  de  l'assemblée  nationale,  acceptés  et  sanctionnés  par  le 
roi.  »  Plus  de  trois  cents  personnes  apposèrent  leur  signature  à  ce 
serment  (i). 

Pendant  ce  temps,  les  événements  marchaient  avec  rapidité,  et  la 
persécution  était  ouvertement  déclarée  contre  les  prêtres  qui  avaient 
refusé  ou  rétracté  le  serment  civique  et  qu'on  désignait  dès  lors  sous 
le  nom  de  réfractaires. 

Le  26  août,  la  municipalité  de  Mens  s'assembla  et  entendit  lecture 
de  la  lettre  suivante  du  district  de  Grenoble,  en  date  du  24  du  même 
mois:  «  Nous  vous  prions.  Messieurs,  de  mander  venir  devant  la 
municipalité  assemblée  le  sieur  Bac,  curé  de  Mens,  attendu  que  le 
serment  qu'il  a  prêté  contient  des  restrictions,  de  le  requérir  de 
prêter  de  nouveau,  dimanche  prochain,  purement,  simplement,  sans 
préambules  ,  Explications  ni  restrictions  le  serment  ordonné  par 
l'assemblée  nationle  aux  curés  et  fonctionnaires  publics,  conformé- 
ment au  décret  de  8  janvier  dernier.  Vous  voudrez  bien  le  prévenir, 
Messieurs,  qu'à  défaut  de  vous  répondre  ou  de  prêter  dans  le  délai 
prescrit  le  serment  requis  par  l'administration,  son  silence  ou  son 
refus  de  déférer  à  votre  réquisition  sera  regardé  comme  une  déné- 
gation formelle  du  serment  et  qu'il  sera  remplacé.  Nous  vous  prions 
donc,  Messieurs,  de  dresser  procès-verbal  de  la  comparution  du 
sieur  curé,  de  votre  réquisition,  de  ses  réponses,  de  la  manière  dont 
il  aura  prêté  le  serment  ou  de  son  refus,  et   de  nous  envoyer  tout  de 

(i)  Mens,  Délib.  du   i^  juillet. 


32  LE    TRIEVES    PENDANT 

suite  extrait    de  votre  procès-verbal  pour  y    être  délibéré    ce    qu'il 
appartiendra. 

»  Les  administrateurs  composant  le  directoire  du  district  de  Gre- 
noble :    A.MAR,    vice-président,    Bellicard,     F.    Royer,   Real,     Hi- 

LAIRE  (l).    ') 

M.  Bac,  invité  au  même  instant  à  comparaître  devant  la  munici- 
palité, s'y  rendit  et  s'y  comporta  comme  va  nous  l'apprendre  le 
procès-verval  de  sa  comparution  : 

«  Le  sieur  Bac  a  répondu  qu'il  était  vrai  que  le  serment  prêté  par 
lui  était  véritablement  avec  conditions,  au  vu  et  seû  de  toute  sa 
paroisse;  qu'il  était  malheureux  pour  lui  de  n'avoir  pu  le  prêter  diffé- 
remment, par  la  raison  unique  de  n'être  pas  infidèle  à  Dieu  et  à  son 
Eglise  .  Qu'il  priait  d'avance  le  Seigneur  de  vouloir  bien  accepter  les 
sacrifices  qu'il  exigerait  de  lui  ;  que  d'ailleurs  il  osait  demander  la 
tranquillité  et  la  sûreté  pour  sa  personne  et  se  mettre  sous  notre 
protection.  En  outre  a  requis  qu'il  lui  fût  délivré  une  expédition  de 
la  présente  et  a  signé  :  Bac  (2).  » 

La  fin  de  cette  déclaration  nous  porte  à  croire  que  des  menaces 
avaient  été  proférées  contre  ce  digne  prêtre,  coupable  de  rester 
fidèle  à  la  voix  de  sa  conscience.  La  vue  d'hommes  semblables  est 
importune  aux  méchants,  elle  leur  rappelle  le  sentier  abandonné  du 
devoir. 

M.  Bac  resta  encore  un  mois  en  possession  de  son  église  et,  le  26 
septembre,  il  signa  l'inventaire  des  meubles  et  ornements,  en  pré- 
sence de  Jannais,  son  vicaire  et  dès  ce  jour  son  remplaçant  par 
nomination  d'un  évêc^ue  schismatique.  Etaient  aussi  présents  le 
maire,  Sibey,  et  plusieurs  autres  officiers  municipaux,  qui  furent 
témoins  de  l'énergique  protestation  du  pasteur  légitime  contre  le 
titre  de  ci-devant  curé,  qu'on  lui  donnait,  et  celui  de  curé,  accordé  à 
Jannais  (3).  La  protestation  du  bon  prêtre  irrita  celui-ci,  mais  elle 
demeura  gravée  dans  son  cœur  et  finit  par  y  amener  de  salutaires 
réflexions. 

M.  Bac  fut  ensuite  pendant  quelque  temps  gardé  à  Mens  avec  bon- 
heur par  ses  paroissiens,  dont  plusieurs  lui  offraient  l'hospitalité  à 
tour  de  rôle.  11  célébrait  les  saints  mystères  dans  des  maisons  par- 
ticulières et  voyait  de  nombreux  assistants  se  grouper  autour  de  son 

(i)  Ibidem. 
(2;  Ibidem. 
(  j)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  33 

pauvre  autel,  pendant  que  l'église  restait  déserte.  Les  autorités  lo- 
cales essayèrent  plusieurs  fois  de  le  tracasser,  pour  l'obliger  à  quitter 
Mens  ;  mais  les  catholiques  prirent  ouvertement  sa  défense  et  me- 
nacèrent même  ses  persécuteurs  de  les  punir  de  leurs  mauvais  pro- 
cédés. Pendant  la  nuit,  plusieurs  d'entre  eux  allèrent  enlever  les 
vases  et  ornements  sacrés,  pour  qu'ils  ne  servissent  plus  à  Jannais 
«  le  jiireur  »,  ainsi  qu'ils  nommaient  l'intrus,  mais  bien  au  «  bon 
curé.  »  Cette  conduite  consolait  le  cœur  du  pasteur  fidèle,  au  milieu 
de  ses  tribulations,  et  était  une  récompense  de  sa  fermeté.  La  muni- 
cipalité ne  pouvait  la  laisser  durer  longtemps  et  la  signala  au  dis- 
trict de  Grenoble.  Celui-ci  prit  une  délibération  contre  M.  Bac,  pour 
le  dénoncer  à  l'accusateur  public  près  le  tribunal  criminel  du  même 
lieu,  et  qu'en  attendant  on  prit  les  moyens  nécessaires  afin  de 
l'obliger  à  s'éloigner.  L'envoi  de  cette  délibération  fut  accompagné 
de  la  lettre  suivante  (7  octobre  1791)  :  «  J'ai  l'honneur  devons 
adresser,  Messieurs,  la  délibération  prise  par  le  directoire  du  dépar- 
tement ce  jourd'hui,  7  octobre,  concernant  le  s''  Bac,  curé  réfrac- 
taire,  et  la  spoliation  des  ornements  de  votre  église  ;  vous  voudrez 
bien  engager  le  s''  Bac  à  se  retirer  de  lui-même,  s'il  est  possible  ;  et 
surtout  mettre  de  la  prudence  et  de  la  fermeté  dans  l'exécution  dont 
vous  êtes  chargés.  Vous  sentez  bien  que  les  troubles  et  les  insurrec- 
tions populaires  peuvent  avoir  les  suites  les  plus  dangereuses  et  que 
vous  êtes  responsables  des  événements,  lorsque  vous  ne  faites  pas 
tous  vos  efforts  pour  les  prévenir.  Royer,  vice-procureur  général 
syndic  (i).  » 

Devant  la  tempête  déchaînée  contre  lui,  M.  Bac  crut  prudent  de 
quitter  (pour  quelques  mois,  pensait-il)  ses  chers  paroissiens.  On 
nous  saura  gré  de  faire  connaître  ce  qu'il  devint,  quoique  nous  lais- 
sions le  Trièves  pour  un  peu  de  temps  et  nous  nous  transportions 
dans  l'Ardèche.  11  se  retira  à  St-Julien-Labrousse  (2),  son  pays  na- 
tal, et  demanda  asile  au  toit  paternel.  Il  fut  arrêté  en  mai  1794, 
pour  n'avoir  pas  obéi  à  la  loi  de  la  déportation  et  avoir  encore  mis 
des  restrictions  au  serment  de  liberté,  égalité  qu'il  prêta  devant  la 
municipalité,  afin  d'obtenir  un  peu  de  tranquillité.  On  l'envoya  pri- 
sonnier à  Privas,  siège  du  tribunal  révolutionnaire  de  l'Ardèche. 

Dans  les  divers  interrogatoires  qu'il  subit,  il  fit  toujours  ressortir 
les  restrictions   apportées    dans  ses  prestations  de  serment.  «  J'ob- 

(i)  Délibération  du  district  de  Grenoble,  Archives  de  l'Isère. 
(2)  Nommé  Brousseval,  au  temps  de  la  révolution. 

Bull.  VIII,  1887.  3 


34  LE    TRIEVES    PENDANT 

serve,  dit-il,  que  je  fus  dépossédé  de  ma  cure  et  remplacé,  parce 
que  j'avais  fait  précéder  mon  serment  d'un  discours  dans  lequel  je 
disais  que  je  voulais  être  obéissant  à  Dieu  et  que  je  ne  jurais  qu'au- 
tant que  je  ne  cesserais  pas  d'être  fidèle  à  la  Religion.  » 

On  lui  demanda  s'il  connaissait  la  loi  des  29  et  30  vendémiaire 
dernier,  qui  ordonnait  aux  prêtres  rêfractaires  de  se  présenter  devant 
l'administration  pour  y  faire  la  déclaration  relative  à  leur  dépor- 
tation, et  s'il  savait  que  cette  loi  eût  été  enregistrée  dans  la  com- 
mune de  Brousseval  ;  il  répondit  n'en  avoir  eu  aucune  connaissance 
et  par  conséquent  ignorer  sa  publication  et  son  enregistrement  dans 
cette  commune. 

Aux  yeux  des  juges  son  tort  était  d'être  fidèle  à  son  Dieu  et  à  sa 
religion  :  aussi  voici  la  sentence  qu'ils  rendirent  contre  lui  :  «  Vu 
l'extrait  du  procès-verbal  des  séances  du  district  de  iMezène  des  24 
floréal  et  17  prairial  courant,  ce  dernier  portant  que  Jean -André 
Bac,  prêtre,  ci-devant  curé  de  Mens,  département  de  l'Isère,  habi- 
tant actuellement  à  St-Julien-Labrousse,  sera  traduit  au  tribunal  ; 
le  certificat  de  la  municipalité  de  Brousseval,  ci-devant  St-Julien- 
Labrousse,  du  25  courant,  portant  que  la  loi  des  2g  et  30  vende 
miaire  y  a  été  publiée  et  affichée,  le  16  nivôse  dernier.  Oui  le  dit 
Bac,  lequel  a  déclaré  avoir  prêté  serment  au  mois  de  janvier  1791 
et  avoir  été  déplacé  de  sa  cure  au  mois  de  septembre  suivant,  à 
cause  des  restrictions  apposées  à  son  dit  serment,  et  qu'il  fit  les 
mêmes  réserves  à  celui  prescrit  par  la  loi  du  14  août  1792. 

»  Considérant  que  la  loi  du  9  janvier  1791  ordonne  que  le  serment 
sera  prêté  purement  et  simplement,  sans  que  les  ecclésiastiques 
puissent  se  permettre  aucun  préambule,  explication  ni  restriction. 
Que  celle  du  26  aoiît  1792  prononce  la  déportation  contre  ceux  qui, 
ne  l'ayant  pas  prêté,  ne  seraient  pas  dans  quinzaine  sortis  du  terri- 
toire de  la  république  ;  que  l'article  V  de  la  loi  des  29  et  30  vendé- 
miaire déclare  sujets  à  la  déportation  les  évêques,  ci-devant  arche- 
vêques, les  curés  conservés  aux  fonctions  et  ceux  qui  ont  prêche 
dans  quelque  église  que  ce  soit  depuis  la  loi  du  5  février  1791,  qui 
n'auraient  pas  prêté  le  serment  prescrit  ;  que  l'article  VI  de  la  même 
loi  leur  enjoint  de  se  rendre,  dans  la  décade  de  la  publication,  au- 
près de  l'administration  de  leur  département,  qui  prendra  des  mesu- 
res pour  leur  arrestation,  embarquement  et  déportation  ;  que  le  dit 
Bac  n'a  point  profité  de  ce  délai. 

»  Le  tribunal  déclare  que  le  dit  Bac  était  sujet  à  la  déportation  et, 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  35 

faute  par  lui  de  s'être  présenté  dans  le  délai  prescrit  à  l'adminis- 
tration du  département,  ordonne  que  le  dit  Bac  sera  livré  à  l'admi- 
nistration des  jugements  criminels  pour  être  mis  à  mort  sur  la  petite 
place  de  cette  commune  de  Privas,  dans  le  délai  de  vingt-quatre 
heures;  déclare  ses  biens  confisqués  au  profit  de  la  république, 
conformément  aux  articles  cités  et  à  l'article  XVI  ;  ordonne  que 
le  présent  jugement  sera  exécuté  à  la  diligence  de  l'accusateur 
public.  » 

L'exécution  n'eut  cependant  lieu  qu'un  mois  et  demi  plus  tard, 
soit  que  quelques-uns  de  ses  juges  espérassent  faire  évader  leur 
victime,  soit  qu'on  voulût  associer  au  sort  de  M.  Bac  plusieurs 
religieuses  et  des  prêtres  enfermés  avec  lui  dans  la  même  prison. 
C'étaient  :  D.  Allemand,  curé  de  St-Julien-de-Vaucancel,  au  diocèse 
de  Vienne  ;  Gardés,  curé  de  Caylard,  au  diocèse  de  Nîmes  ;  Mont- 
blanc,  prêtre  du  diocèse  de  Beziers  ;  Bouville,  jésuite,  né  en  Pro- 
vence, à  Aix  ;  Antoinette  X'incent,  sœur  de  St-Joseph  de  Vernose , 
près  d'Annonay  ;  Marie-Anne  Senovert,  religieuse  du  même  ordre  ; 
Madeleine  Dumoulin.  Ils  furent  tous  condamnés  à   mort. 

Quelques  jours  avant  leur  exécution,  des  personnes  dévouées  es- 
sayèrent de  les  faire  évader  ;  mais  la  femme  du  geôlier  découvrit  le 
complot  et  vint  accabler  les  victimes  d'outrages.  Celles-ci  tâchèrent 
de  l'adoucir  et  la  supplièrent  surtout  de  ne  pas  continuer  ses  blas- 
phèmes contre  Dieu. 

A  partir  de  ce  moment,  leur  unique  préoccupation  fut  de  se  pré- 
parer à  la  mort  par  la  confession  et  devant  un  crucifix  qu'on  était 
parvenu  à  leur  faire  passer.  Ces  martyrs  s'encourageaient  les  uns 
les  autres  et,  avec  une  sainte  joie,  se  félicitaient  de  leur  sort.  Ils 
passèrent  la  nuit  qui  précéda  leur  supplice  à  prier,  à  chanter  l'office 
et  la  messe  des  morts.  Le  matin,  ils  se  firent  rafraîchir  la  tonsure  et 
couper  les  cheveux  à  la  manière  dont  les  ecclésiastiques  les  portaient 
alors.  Lorsqu'ils  sortirent  de  prison,  ils  entonnèrent  d'une  voix  forte, 
le  Miserere  mei  et  le  Parce  Domine,  et  chantèrent  ainsi  jusqu'au 
pied  de  l'échafaud.  Une  joie  céleste  rayonnait  sur  leur  visage  et  leur 
démarche  ne  cessa  d'être  aisée,  quoique  pleine  de  modestie.  Des 
personnes,  en  grand  nombre,  attirées  par  leurs  chants  et  surtout 
par  la  pitié  qu'excitait  en  elles  le  sort  de  ces  martyrs,  se  mirent  à  leur 
suite  et  vinrent  assister  au  lamentable,  mais  édifiant  spectacle  de 
leur  sainte  mort. 

Les  trois  religieux  montèrent  d'abord  l'un  après  l'autre  les  degrés 


36  LE    TRIÈVES    PENDANT 

de  l'échafaud.  Pendant  que  leur  tête  tombait  sous  la  hache,  que  leur 
âme  s'envolait  au  ciel,  la  foule  silencieuse  priait.  Vint  ensuite  le 
tour  des  prêtres.  Le  premier  qui  mourut  voulut  déclarer,  en  son  nom 
et  en  celui  de  ses  confrères,  que  «  tous  étaient  mis  à  mort  à  cause 
de  leur  religion  ;  »  mais  le  bourreau  avait  hâte  de  terminer  son 
horrible  besogne  et  l'empêcha  de  prononcer  d'autres  paroles.  Un 
autre  embrassa  ce  même  bourreau,  comme  pour  le  remercier  de  sa 
mort,  puis  la  guillotine  (8  thermidor  an  II,  26  juillet  1794.) 

Les  corps  des  victimes  furent  déposés  dans  une  même  fosse,  que 
la  piété  des  fidèles  empêcha  d'être  confondue  avec  les  autres. 

Lorsque  peu  après  des  jours  plus  calmes  se  furent  levés,  les  catho- 
liques s'y  rendirent  en  foule.  En  1795  ^^  '796,  on  y  vit  jusqu'à  deux 
et  même  trois  cents  personnes  y  priant.  .A.près  le  18  fructidor  an  V 
(4  septembre  1797),  ils  y  venaient  encore  malgré  la  gendarmerie 
envoyée  par  les  administrateurs  pour  les  disperser.  Tant  que  les 
églises  furent  fermées,  ceux  de  Privas  s'y  assemblèrent  nombreux, 
les  jours  de  Dimanche  et  de  fête  afin  d'y  prier,  ainsi  que  le  faisaient 
les  fidèles  des  premiers  siècles  sur  le  tombeau  des  martyrs. 

Deux  des  juges  qui  avaient  voté  la  mort  de  ces  victimes  voulurent 
plus  tard  réparer  leur  faute  et  chasser  les  remords  dont  ils  étaient 
poursuivis  nuit  et  jour.  Ils  firent  publiquement  amende  honora- 
ble devant  les  autels  (i). 

La  paroisse  de  Mens  peut  être  fière  :  l'un  de  ses  anciens  curés  est 
mort  victime  de  son  attachement  à  la  foi  catholique.  Son  sang  a 
coulé  sur  l'échafaud  comme  lui-même  semblait  le  pressentir  dans 
les  divers  discours  que  nous  lui  avons  vu  prononcer.  Les  petits  en- 
fants de  ceux  qui  l'ont  connu  et  aimé  ont  gardé  pieusement  le  sou- 
venir des  récits  qu'on  leur  a  faits  sur  ce  saint  prêtre. 


CHAPITRE  II 

Du  MOIS  d'octobre    I79I,   AU  MOIS  DE  JUILLET    I792. 


Un  mois  et  demi  avant  la  lettre  du  district  de  Grenoble  à  la  muni- 
cipalité de  Mens  au  sujet  de  M.  Bac,  le  directoire  de  la  même  ville 

(i)  E.xlrait  de  la  notice  d'Aimé  Guilion  (imprimcc  en   1812). 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  37 

s'assemblait  et  prenait  la  délibération  suivante  contre  quatre  prê- 
tres : 

a  Du  lundi,  II  juillet  1791,  après-midi,  dans  une  des  salles  de  la 
maison  commune  de  la  ville  de  Grenoble,  où  le  Directoire  du  dépar- 
tement de  l'Isère  tient  ses  séances  et  où  étaient  présents  MM.  Aubert 
du  Bayet,  président,  Pins,  vice-président,  Royer,  Amar,  Roux, 
Bergeron,  Vaillier,  Boissieu,  Rognât,  Bravet,  le  procureur  général 
syndic  et  le  secrétaire  général. 

«  Un  membre  a  dit  qu'il  avait  été  dénoncé  à  l'administration  qua- 
tre curés  réfractaires  qui  prêchaient  le  trouble  et  la  désobéissance 
au.x;  lois  dans  les  paroisses  qu'ils  desservaient  ;  que  ces  curés  réfrac- 
taires étaient  le  s''  Joseph  Allemand,  curé  de  Gresse,  le  s""  Berthon, 
curé  d'Avignon  (i),  et  le  s""  Galfard,  curé  de  Clelles,  et  le  s""  Doux, 
curé  de  St-Paul. 

«  Que  le  sieur  Allemand,  curé  de  Gresse,  avait  prévenu,  le  7  mai 
dernier,  la  Municipalité  qu'il  voulait  rétracter  son  serment,  le  lende- 
main dimanche,  en  disant  la  messe  paroissiale,  et  qu'il  avait  effecti- 
vement fait  cette  rétractation,  immédiatement  après  l'évangile,  pour 
donner  plus  de  solennité  et  une  influence  plus  dangereuse  à  cette 
criminelle  défection. 

«  Que  le  sieur  Berthon,  curé  d'Avignonet,  avait  d'abord  refusé  de 
lire  la  lettre  de  M,  l'Evêque  du  département  et  même  déclaré  aux 
officiers  municipaux  que  sa  conscience  ne  lui  permettait  pas  de  re- 
connaître ce  supérieur,  et  qu'il  se  proposait  de  rétracter  son  ser- 
ment ;  que  le  23  may  1791,  il  avait  effectivement  remis  à  la  munici- 
palité une  déclaration  écrite  portant  que  lorsqu'il  promit,  le  20  janvier 
dernier,  de  soutenir  de  tout  son  pouvoir  la  Constitution  civile  du 
clergé,  ce  n'avait  été  qu'à  condition  qu'on  ne  toucherait  pas  à  la 
hiérarchie  ecclésiastique,  ni  à  son  gouvernement  universel;  que 
depuis  cette  époque,  s'étant  aperçu  qu'on  avait  suivi  une  marche 
absolument  contraire  aux  réserves  qu'il  avait  entendu  faire,  et 
qu'ayant  mûrement  et  profondément  réfléchi,  d'après  les  décisions 
des  conciles  et  la  bulle  du  Souverain-Pontife,  il  a  cru  devoir  au  salut 
de  sa  paroisse,  se  devoir  à  lui-même,  à  sa  tranquillité  spirituelle,  au 
repos  de  sa  conscience  et  de  celles  qui  lui  sont  confiées  de  rétracter 

(i)  Nous  parlons  ici  de  M.  Berthon  parce  que  après  avoir  été  obligé  de  quitter 
sa  paroisse  il  vint  se  réfugier  au  Monétier-du-Percy,  son  pays  natal,  et  ne  cessa, 
aux  plus  mauvais  jours  de  la  Terreur,  de  parcourir  le  Trièves  pour  y  administrer 
les  sacrements. 


38  LE    TRIÈVES    PENDANT 

le  serment  qu'il  avait  prêté  de  maintenir  une  constitution  destructive 
des  principes  de  la  discipline  ecclésiastique,  des  droits  sacrés  de 
l'Episcopat  et  du  Saint-Siège,  et  des  pouvoirs  que  l'Eglise  tient  de 
Dieu  et  qu'elle  a  toujours  conservés  indépendants  de  l'autorité  des 
hommes. 

«  Que  le  sieur  Galfard,  curé  de  Clelles,  avait  écrit,  le  5  du  même 
mois  de  may,  au  Directoire  du  district  de  Grenoble,  qu'ayant  vu 
atlkhé,  à  la  porte  de  son  église,  un  décret  de  l'assemblée  nationale 
portant  que  le  serment,  prescrit  par  le  décret  du  27  novembre  der- 
nier, serait  prêté  purement  et  simplement,  sans  qu'on  pût  se  permet- 
tre aucun  préambule,  explication  et  restriction,  il  avait  réfléchi  que 
ni  sa  religion,  ni  sa  conscience,  ni  l'obéissance  qu'il  devait  à  ses 
supérieurs  légitimes  ne  luy  avaient  permis  de  le  prêter  autre- 
ment ;  que  si  ce  décret  luy  avait  été  connu  plus  tôt,  il  aurait  déjà  fait 
connaître  ses  sentiments  à  son  égard,  et,  qu'en  protestant  de  son 
amour  pour  le  bien  public,  de  son  respect  pour  la  religion,  de 
l'exemple  de  la  soumission  aux  lois  qu'il  doit  et  donne  à  ses  parois- 
siens, il  rétractait  néanmoins  son  serment.  —  Qu'à  cette  lettre  il 
avait  joint  une  copie  exacte  du  serment  qu'il  avait  prêté,  tel  qu'il  est 
écrit  sur  les  registres  de  la  municipalité,  lequel  serment  est  conçu 
dans  les  termes  suivants  :  «  Je  jure  de  veiller  avec  soin  sur  tous  les 
«  fidèles  de  ma  paroisse,  qui  me  sont  confiés,  d'être  fidèft  à  la  na- 
«  tion,  à  la  loi  et  au  Roy  et  de  maintenir  de  tout  mon  pouvoir  la 
«  Constitution  décrétée  par  l'Assemblée  nationale  et  acceptée  par  le 
«  Roy,  sauf  au  spirituel  et  sans  préjudice  de  l'union  de  foi  et  commu- 
er nion  avec  le  chef  de  l'Eglise,  suivant  l'article  4  du  titre  i"  de  la 
a  Constitution  civile  du   Clergé.  »    Signé  :   Galfard. 

«  Que  le  sieur  Doux,  curé  de  la  paroisse  de  St-Paul,  avait  refusé, 
le  dimanche  22  mars  dernier,  de  lire,  sur  la  réquisition  de  la  Muni- 
cipalité, la  lettre  pastorale  de  M.  Pouchot,  évêque  du  département  ; 
qu'il  avait  ajouté  que  M.  Pouchot  était  un  intrus  et  que  le  schisme 
était  en  France  ;  qu'enfin  le  12  juin  suivant,  le  s'  Doux  avait  déclaré 
qu'après  de  mûres  réflexions  il  rétractait  son  serment  qu'il  avait 
prêté,  le  16  janvier  dernier;  de  laquelle  rétraction  la  Municipalité 
avait  dressé  procès-verbal,  le   13  du  même  mois  de  juin. 

«  Sur  quoi  le  rapporteur  a  observé  que  tous  les  faits  qu'il  venait 
de  développer  étaient  établis  par  des  lettres  ou  des  procès-verbaux 
qu'il  mettait  sur  le  bureau  ;  qu'ainsi  ces  quatre  curés  devaient  être 
dénoncés  à  l'accusateur  public  auprès  du  tribunal  de  district  de  Gre- 


LA    GRANDE    REVOLUTION,  39 

noble,  comme  rebelles  aux  lois  et  perturbateurs  du  repos  public,  en 
conformité  des  articles  6,  7,  8  du  26  décembre  dernier  ;  mais  encore 
que  la  tranquilité "publique  exigeait  qu'ils  fussent  provisoirement  rem- 
placés sans  attendre  le  jugement  du  tribunal,  pour  arrêter  dans  les 
principes  les  progrès  de  troubles  que  ces  réfractaires  semaient  dans 
leurs  paroisses. 

«  La  matière  mise  en  délibération  :  Vu 

«  Oui  le  procureur  général  syndic  ; 

«  Le  directoire  a  arrêté  :  1°  que  le  s""  Joseph  Allemand,  curé  de 
Gresse,  le  s''  Jean-Victor  Oddoz-Berthon ,  curé  d'Avignonet, 
le  s""  Galfard,  curé  de  Clelles,  et^le  s'  Doux,  curé  de  St-Paul, 
seraient  incessamment  dénoncés  à  l'accusateur  public  auprès  du 
tribunal  du  district  de  Grenoble,  pour  être  poursuivis  en  confor- 
mité de  la  loy  du  6  décembre  dernier,  et  que,  à  cet  effet,  toutes  les 
pièces  ci-dessus  visées  lui  seraient  adressées  avec  un  extrait  de  la 
présente  délibération  ; 

«  2°  Que  les  quatre  curés  susnommés  seraient  dès  à  présent  rem- 
placés par  quatre  desservants  provisoires  qui  seraient  chacun 
installés  par  les  officiers  municipaux  de  la  paroisse  du  service  de 
laquelle  chaque  desservant  serait  chargé  ; 

«  3"  Que  M.  l'Evêque  du  département  serait  prié  de  choisir  inces- 
samment les  quatre  desservants  provisoires,  dont  il  s'agit,  parmi 
les  prêtres  renommés  par  leur  patriotisme  et  leur  soumission  aux 
nouvelles  lois,  et  de  les  revêtir  des  pouvoirs  nécessaires  pour  faire 
chacun  le  service  de  la  cure  dont  il  sera  chargé,  et  qu'à  cet  effet 
il  sera  pareillement  adressé  à  M.  l'Evêque  un  extrait  de  la  présente 
délibération  signée  Aubert  du  Bayet,  président.  Pins,  vice-prési- 
dent, Royer,  Amar,  Roux,  Bergeron,  Vallier,  Boissieu,  Rognât, 
Bravet,  Gauthier,  procureur  général  syndic,  Dufort ,  secrétaire 
général  fi).  » 

Ce  n'était  plus  l'évêque  qui  gouvernait  son  diocèse,  il  n'était  que 
l'humble  serviteur  des  membres  des  districts  départementaux,  quoi- 
qu'on lui  laissât  encore  la  nomination,  son  choix  n'était  plus  libre. 
Il  devait  prendre  les  curés  et  desservants,  non  parmi  les  prêtres 
instruits  et  vertueux,  mais  parmi  ceux  qui  se  distinguaient  par  leur 
honteuse  soumission  aux  lois  votées  par  une  assemblée  civile  dans 
le  délire  de  sa  haine  contre  le  catholicisme,  parmi  ceux  qui  avaient 
violé  leurs  serments  et  trop  souvent  rompu  avec  les  lois  de  l'honneur. 

(i)  Clelles,  Reg.  des  délib. 


40  LE    TRIEVES    PENDANT 

Le  schisme  était  en  France,  disait  M.  Doux,  et  on  lui  en  faisait  un 
crime  ;  il  y  était  bien  avili  et  dégradé,  premier  châtiment  de  ceux 
qui  n'avaient  point  le  courage  d'être  fidèles  à  leur  devoir  et  vendaient 
leurs  services  aux  tyrans  impitoyables  du  moment  pour  satisfaire 
leurs  passions  ou  se  procurer  un  morceau  de  pain.  Le  peuple  les 
méprisait  et  avec  raison,  tandis  que  son  estime  et  son  affection  se 
reportaient  sur  les  prêtres  traités  de  réfractaires  et  persécutés  parce 
qu'ils  ne  voulaient  point  trahir  leurs  devoirs. 

Le  procureur  général  mandait,  le  5  août  suivant,  à  la  municipalité 
de  Clelles  d'avoir  à  installer  le  desservant  que  l'évêque  du  départe- 
ment venait  de  nommer  pour  leur  paroisse.  «  Vous  voudrez  bien  pré- 
venir sur  le  champ,  ajoutait-il,  le  curé  qu'il  ait  à  évacuer  la  cure  et 
à  quitter  la  paroisse;  s'il  fait  la  moindre  résistance,  vous  employerez 
la  force  publique  pour  l'y  contraindre.  Le  Directoire  vous  enjoint 
d'exécuter  ponctuellement  ce  qui  est  prescrit  par  son  arrêté  et  vous 
voudrez  bien.  Messieurs,  m'assurer  par  votre  réponse  que  vous 
vous  y  êtes  conformés  (i).  » 

Sept  jours  plus  tard,  la  municipalité  se  rendait  à  la  cure,  signifiait 
l'ordonnance  du  1 1  juillet  et  la  lettre  du  procureur  général  à  AL  Gai- 
fard.  Celui-ci  répondit  :  «  Aucun  sacrifice  ne  nous  coûtera  jamais 
quand  il  s'agira  de  prouver  notre  parfaite  soumission  aux  lois,  pourvu 
que  notre  conscience  ne  s'y  oppose  pas  ;  ainsi  quoyque  l'ordonnance 
de  M""^  les  administrateurs  du  district  du  département  de  l'Isère  ne 
parle  point  que  nous  devions  évacuer  sur  le  champ  la  cure  et  quitter 
la  paroisse,  et  que  cet  ordre  ne  soit  donné  que  dans  une  lettre  ci- 
dessus  énoncée,  nous  déclarons  nous  y  soumettre,  vouloir  évacuer 
la  cure  dans  la  journée  et  sortir  de  la  paroisse  dès  que  nous  serons 
remplacé  (2).  » 

M.  Galfard  se  fit  donner  copie  des  arrêtés  d'expulsion  et  de  sa 
réponse  à  la  sommation  qui  venait  de  lui  être  faite. 

La  municipalité  lui  délivra  en  même  temps  une  attestation  propre 
à  lui  causer  une  douce  joie  au  milieu  de  ses  épreuves  :  «  Nous, 
Maire  et  Officiers  municipaux  de  la  communauté  de  Clelles,  district 
de  Grenoble,  département  de  Tlscre,  cy-devant  diocèse  de  Die,  certi- 
fions que  M.  Jean-Magloirc  Galfard,  originaire  de  Colmars  (Basses- 
Alpesj,  curé  de  la  dite  paroisse  de  Clelles,  a  desservi  la  dite  cure 
pendant  dix  années  consécutives  avec  toute  l'édification  et  satisfaction 

(i)  Pièces  à  la  cure  de  Clelles  et  Reg.  des  dclib. 
(2)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  4I 

générales  qu'exige  le  ministère  d'un  digne  prêtre,  sans  que  nous 
ayons  aucun  reproche  à  lui  faire.  Etant  obligé  de  quitter  sa  paroisse, 
il  a  déclaré  vouloir  se  rendre  à  Colmars,  lieu  de  son  origine,  et  en 
d'autres  lieux.  En  conséquence  prions,  en  tant  que  besoin  requérons 
tous  ceux  qui  seront  priés  de  ce  lui  donner  toute  a^'de  et  assistance 
nécessaire  en  cas  de  nécessité,  offrant  de  faire  nous-mêmes  sembla- 
ble chose  en  pareil  cas.  Ainsi  nous  lui  avons  délivré  le  présent  certi- 
ficat pour  servir  et  valoir  à  ce  que  besoin  sera. 

«  AClelles,ce  12  août  1791.  Signé  :  Vette,  maire.  »  Suivent  encore 
les  signatures  de  douze  autres  officiers  municipaux  ou  notables  (i). 

Mais  qu'avait  fait  l'évêque  constitutionnel  de  l'Isère  en  réponse  à 
l'ordre  du  Directoire  de  Grenoble  ?  Le  6  août,  il  écrivait  :  «  Joseph 
Pouchot,  par  la  divine  Providence,  par  l'élection  du  peuple  et  en 
vertu  d'une  commission  du  Saint  Siège  apostolique  évêque  du  dépar- 
tement de  l'Isère. 

«  Vu  la  délibération  du  directoire  du  département  de  l'Isère,  por- 
tant que  M.  Galfard,  curé  de  Clelles-en-Trièves,  ayant  rétracté  son 
serment,  il  serait  pourvu  à  son  remplacement,  et  d'après  la  prière 
qui  m'a  été  faite  de  commettre  à  cet  effet  un  prêtre  constitutionnel, 
Nous,  instruit  des  bonne  vie,  mœurs,  capacité  et  civisme  de  M.  J.  Ger- 
vais  Duboille,  ci-devant  procureur  des  dominicains  de  Grenoble, 
l'avons  commis  et  commettons  pour  remplir  les  fonctions  curiales  de 
la  dite  paroisse  de  Clelles,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  pourvu  de  lui 
donner  en  conséquence  tous  les  pouvoirs  nécessaires. 

«  Délivré  à  Grenoble,  sous  notre  signature,  le  contre-seing  de 
notre  secrétaire  et  le  sceau  de  l'évêché,  le  6  août  1791,  f  Joseph,  évê- 
que de  l'Isère.  Par  mandement,  Jouguet,  homme  de  loi  (2).  » 

Le  14  août  la  municipalité  se  réunissait  de  nouveau,  et  c'était 
pour  entendre  lecture  de  la  lettre  ci-dessus  présentée  par  Duboille. 
Elle  se  rendit  ensuite  à  l'église  pour  assister  à  l'installation  de  l'in- 
trus. Celui-ci  reçut  toutes  les  clefs  du  maire,  revêtit  les  ornements 
sacrés,  entonna  le  Veni  Creator,  pendant  le  chant  duquel  il  visita 
l'église.  De  retour  à  l'autel,  «  il  chanta  les  trois  versets  en  l'honneur 
de  la  république  «,  puis  exhorta  ses  paroissiens  à  entretenir  la  paix 
et  l'union  qui  lui  avait  paru  régner  parmi  eux,  et  enfin  célébra  la 
sainte  messe,  «  sans  qu'aucun  trouble  eût  troublé  la  cérémonie  (3).  » 

(i)  Pièces  à  la  cure  de  Clelles. 

(2)  Reg.  des  délib.  de  Clelles. 

(3)  Ibidem. 


42  LE    TRIEVES    PENDANT 

Ce  dernier  membre  de  phrase  contient  toute  une  révélation  sur 
l'accueil  fait  à  Duboille.  Si  on  ne  le  chassa  pas  honteusement,  lacon- 
taient  les  vieillards,  il  n'y  a  pas  longtemps,  c'est  que  la  crainte  des 
gendarmes  et  de  la  prison  contenait  les  esprits  et  empêchait  toute 
démonstration  ouverte.  On  le  fuyait  quand  il  paraissait  en  public, 
presque  personne  n'assistait  à  sa  messe  (i).  C'était  d'ailleurs  un 
homme  sans  religion.  Il  alla  un  jour  célébrer  les  saints  mystères  à  la 
chapelle  d'Esparron,  après  avoir  déjeûné,  au  Percy,  avec  des  patrio- 
tes de  bonne  foi  que  cette  conduite  fit  revenir  à  de  meilleurs  senti- 
ments (2). 

M.  Galfard  ne  quitta  pas  immédiatement  Clelles,  après  son  expul- 
sion de  la  cure  ;  les  fidèles  veillaient  sur  lui  avec  un  soin  jaloux, 
lui  procuraient  tout  ce  qui  lui  était  nécessaire,  assistaient  aussi  nom- 
breux à  la  messe  qu'il  célébrait  en  secret  et  venaient  avec  une 
pieuse  avidité  recueillir  les  avis  par  lesquels  il  les  aidait  à  se  main- 
tenir dans  la  bonne  voie  (3). 

Un  semblable  voisinage  ne  pouvait  être  agréable  à  Duboille,  auquel 
d'ailleurs  sa  mauvaise  conduite  attirait  le  mépris  public  (4). 

Le  21  novembre,  il  alla  se  plaindre  à  la  municipalité  des  menaces 
qu'on  avait  proférées  contre  lui  et  des  agissements  de  plusieurs 
curés  réfractaires,  entre  autres  de  M.  Galfard,  qui  s'efforçait,  disait-il, 
de  le  rendre  l'objet  de  la  malveillance  de  tous.  Il  racontait  que  des 
femmes  avaient  tenu  un  conciliabule,  afin  de  s'entendre  sur  le  moyen 
à  prendre  pour  le  chasser  de  la  cure,  et  lui  reprochaient  de  s'occuper 
plus  des  affaires  de  la  commune  que  de  ce  qui  concernait  son  minis- 
tère. Craignant  de  se  compromettre,  si  elle  gardait  le  silence,  ou  sim- 
plement disait  la  vérité,  la  municipalité  prit,  six  jours  plus  tard,  une 
délibération  en  sa  faveur.  Elle  y  déclara  que  les  accusations  portées 
contre  Duboille  étaient  fausses  ;  que  les  fanatiques  seuls  deman- 
daient son  départ,  «  parce  qu'il  avait  les  yeux  ouverts  sur  leurs 
«  menées  et  complots  inconstitutionnels  ;  »  que  cet  éloge  serait  envoyé 
au  directoire  de  Grenoble  afin  qu'il  n'écoutât  pas  les  plaintes  por- 
tées contre  un  prêtre  bon  patriote  (5). 

(i)  Tradition  conservée  dans  Cleilcs 

(2)  Mémoire  de  Magloire  Brochier,  ancien  instituteur  de  Menée  et  mort  à  Clelles, 
où  il  fut  longtemps  grcfiîcr  de  la  mairie.  Ce  mémoire  est  entre  les  mains  de  M.  Mar- 
tin, cure  de  Clelles. 

(3)  Tradition  et  Mémoire  Brociiikr. 

(4)  Ibidem. 

(5)  Ref,'.  des  délib. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  43 

Duboille  ne  put  cependant  rester  à  Clelles,  qu'il  quitta  même 
avant  M.  Galfard.  Malgré  le  certificat  de  la  municipalité,  il  était,  le 
mois  suivant,  remplacé  par  un  vicaire  provisoire,  Monthalel,  et  se 
retirait  à  Grenoble,  où  il  fut  tour  à  tour  charretier  et  avocat.  Son 
inconduite  lui  attira  de  mauvais  traitements  de  la  part  d'un  sergent 
de  canonniers,  qui  le  traîna  par  les  cheveux  jusque  dans  la  rue,  en  lui 
faisant  franchir  un  escalier  de  dix-huit  marches.  Il  mourut  quelques 
jours  après  à  la  suite  des  coups  qu'il  avait  reçus  (i). 

Nous  avons  nommé  les  prêtres  demeurés  fidèles,  malgré  les  me- 
naces des  révolutionnaires,  ou  assez  courageux  pour  réparer,  par 
une  rétractation  publique,  leur  faiblesse  d'un  moment  ;  il  est  juste 
aussi,  quoique  triste,  de  faire  connaître  les  intrus.  Ces  derniers 
furent,  Molin  à  St-Paul,  Fauchet  à  St-Maurice,  Peyronnet  à  Cor- 
déac,  Chagnard  à  Prébois,  Darier  puis  Caron  à  St-Jean-d'Hérans, 
Voulet  à  Chichiliane,  Girard  à  St-Martin,  Vigne  à  St-Michel,  Lucas 
à  Tréminis,  Arnaud  à  St-Baudille  avec  Dumoulin  et  ensuite  Faure 
pour  vicaire. 

Nous  nommerons  de  même  ceux  qui,  pendant  ce  temps  de  persé- 
cution surent  rester  fidèles  à  leur  religion  ;  mais  nous  ne  tairons  pas 
non  plus  ceux  qui  furent  les  instruments  de  la  haine  contre  le  catho- 
licisme et  ses  ministres  ;  l'histoire  ne  peut  avoir  deux  poids  et  deux 
mesures,  elle  doit  faire  connaître  victimes  et  bourreaux,  plaindre  les 
premiers,  flétrir  les  seconds. 

Dailleurs,  il  est  bon  que  la  postérité  connaisse  les  hommes  de  bien 
pour  les  louer  et  les  imiter,  et  que  la  crainte  de  voir  sa  mémoire  mé- 
prisée par  les  générations  futures  retienne  ceux  qui  seraient  tentés 
de  prendre  une  mauvaise  voie  et  les  empêche  de  s'y  engager. 

La  communauté  de  St-Baudille  avait  jusque  là  montré  une  mau- 
vaise volonté  insigne  à  réparer  son  église.  Le  12  août  1791,  sa  mu- 
nicipalité recevait  du  directoire  de  Grenoble  une  lettre  où  il  était  dit  : 
«  Il  existe  une  chapelle,  sous  le  vocable  de  sainte  Catherine,  atte- 
nante à  votre  église,  dont  on  pourrait  se  servir  pour  assembler  le 
corps  municipal  et  le  conseil  général  de  la  commune,  en  y  faisant 
quelques  réparations.  Faites  délibérer,  Messieurs,  le  conseil  géné- 
ral de  la  commune,  si  vous  désirez  profiter  de  cette    chapelle » 

Sur  cette  invitation,  la  municipalité  décide  la  réfection  du  toit  de 
cette  chapelle  et  la  fermeture  de  la  baie  qui  la  faisait  communiquer 
avec  l'église.  Elle  la  transformait  ainsi  en  maison  commune,  malgré 

(i)  Mémoire  Brochier. 


44  L-E    TRIEVES    PENDANT 

la  douleur  causée  aux  catholiques  fidèles  attristés  de  cette  injure  à 
sainte  Catherine,  patrone  secondaire  de  la  paroisse,  malgré  les  pro- 
testations de  leur  courageux  curé,  M.  Joseph-Alexandre  Galfard, 
malgré  les  larmes  de  leur  ancien  pasteur  M.  Antoine  Galfard,  rési- 
dant chez  son  neveu  et  successeur  (i). 

La  même  municipalité  prenait  et  envoyait,  six  jours  après,  au 
district  de  Grenoble  la  délibération  suivante:  «  Du  27  août  1791, 
à  SIX  Heures  du  matin,  au  lieu  de  Saint  Pancrace  et  dans  la  maison 
du  sieur  André  Fluchaire  où  s'est  assemblé  le  corps  municipal  de 
Saint-Baudille-et-Pipet,  ont  comparu  :  Jean-Alexandre  Galfard,  curé, 
Jean  Vette,  vicaire,  et  Clément  Bourillon,  desservant  de  la  succur- 
sale du  Perrier.  Ils  ont  l'un  après  l'autre  déclaré,  en  suite  de  la  lettre 
que  vous  nous  avez  envoyée,  le  24  du  présent  mois,  1°  Galfard  curé, 
d'un  air  arrogant,  qu'il  est  surpris  que  MM.  du  Directoire  aient 
envoyé  la  présente  lettre  et  qu'il  n'a  point  de  serment  à  prêter  ;  que 
ce  qui  est  fait  est  fait,  qu'il  ne  veut  point  se  séparer  de  l'Eglise  ;  que 
telle  est  sa  volonté  de  ne  pas  se  soumettre  ;  2°  tout  de  suite  Vette  et 
Bourrillon  se  sont  déclarés  de  même.  De  suite  le  corps  municipal  les 
a  requis  de  mettre  leur  signature  sur  le  registre  et  ils  n'ont  pas  voulu 
le  faire  ni  les  uns  ni  les  autres,  et  nous  le  certifions,  Giraud  maire, 
P.  Collombet,  Louis  Allouard,  Jean  Baup,  y\ntoine  Gaymard,  Pierre 
Doriol,  J.  Besson,  Pierre  Blanc,  procureur  de  la  commune  (2).   » 

Ces  citoyens  se  plaignaient  en  même  temps  de  la  protestation  de 
M.  Galfard  au  sujet  de  l'envahissement  delà  Chapelle  de  Ste-Cathe- 
rine.  Ils  voulaient  son  départ  ;  ils  furent  bientôt  satisfaits  ;  car,  le 
25  septembre  suivant,  ils  procédaient  à  l'installation  du  curé  asser- 
menté, Charles  Arnaud,  né  en  1763  à  Marcieux  ;  ce  dernier  fut  en 
même  temps  leur  secrétaire  jusqu'au  moment  de  la  fermeture  de 
l'église  et  de  l'interdiction  du  culte  (3).  En  cette  qualité,  il  rédigea 
toutes  les  dénonciations  que  nous  verrons  plus  loin  lancées  contre 
les  prêtres  fidèles  résidant  dans  le  pays. 

Ils  avaient  à  répondre,  le  lendemain,  aux  renseignements  que  leur 
demandait  le  directoire  du  district  de  Grenoble  sur  le  vénérable 
M.  Antoine  Galfard.  Ce  prêtre  après  avoir  desservi  avec  zèle  et  à 
l'édification  de  tous,  la  paroisse  de  St-Baudille  pendant  de  longues 

(1)  Lettre  du  Directoire,  chez    M""=    Dclaurcnzy,    à    Mens;    et  ddib.  du  21  août, 
St-Baudillc. 
(2).  Ibidem. 
{ })  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  45 

années,  fut  obligé  de  résigner  sa  cure,  au  commencement  de  1790, 
à  cause  de  son  grand  âge  et  de  ses  infirmités.  Ses  économies  avaient 
été  employées  à  soulager  les  pauvres  ;  pour  n'avoir  pas  à  souffrir  de 
la  faim  et  de  la  misère  pendant  ses  derniers  jours,  il  avait  espéré 
demeurer  auprès  de  son  neveu  et  ainsi  vivre  encore  au  milieu  de 
ceux  auxquels  il  avait  donné  son  bien  et  son  cœur. 

Privé  de  cette  dernière  ressource  par  les  événements  que  nous 
voyons  tristement  se  dérouler  à  nos  yeux,  il  s'adressa  au  directoire 
de  Grenoble,  afin  d'obtenir  une  pension.  C'est  sur  cette  demande 
que  les  lignes  suivantes  furent  écrites  à  la  honte  de  leurs  inspirateurs 
ou  approbateurs  :  o  Le  vingt-six  septembre  mil  sept  cent  quatre- 
vingt-onze,  la  municipalité,  ouï  le  procui^eur  de  la  commune,  qui  a 
fait  lecture  d'une  requête  présentée  à  l'administration  de  la  part  de 
M.  Antoine-Magloire  Galfard,  ancien  curé,  et  envoyée  à  la  municipa- 
lité de  Saint  Baudille-et-Pipet,  en  date  du  21  du  présent  mois,  pour 
certifier  les  faits  de  l'exposant,  s'ils  sont  vrais  ou  non. 

«  Nous,  après  avoir  ouï  le  procureur  de  la  commune,  nous  certi- 
fions que  M.  Galfard  a  près  de  quatre-vingts  ans  et  qu'il  est  un  peu 
dur  d'oreilles  ;  mais  tous  les  faits  ci-dessus  ne  lui  ont  pas  empêché 
jusqu'ici  de  dire  la  messe,  les  jours  de  fête,  dimanche  et  de  se- 
maine. D'ailleurs  le  sieur  Charles  Arnaud,  curé,  lui  a  fait  offre  de 
le  nourrir,  entretenir  pendant  sa  vie.  Il  a  refusé  ;  ce  qui  prouve  qu'il 
n'est  pas  dans  le  cas  d'en  avoir  besoin.  En  outre,  les  revenus  de 
notre  paroisse  ont  été  considérables,  pour  l'entretien  d'un  seul 
homme,  s'il  n'a  pas  d'épargnes,  il  doit  savoir  où  elles  sont  passées. 
Tel  est  notre  avis  couché  sur  notre  registre,  ce  26  septembre  1791, 
et  nous  avons  signé.  Giraud,  maire,  Louis  Allouard,  Ant.  Gaymard, 
P.  Doriol.  P.  Collombet,  André  Gauthier,  P.  Terrier,  Jean  Besson, 
François  Rolland,  P.  Morel,  Blanc,  procureur  de  la  commune  (i).  » 

M.  Galfard  devait  être  heureux,  il  avait  semé  les  bienfaits  autour 
de  lui,  il  récoltait  l'ingratitude  et  la  persécution  ;  aussi  sa  récom- 
pense devait  être  grande,  car  elle  viendrait  tout  entière  du  Seigneur, 
Nous  pouvons  en  outre  le  féliciter  de  son  courage,  puisque,  infirme 
et  sans  ressources,  il  refusa  énergiquement  de  recevoir  l'aumône 
d'un  schismatique. 

Ce  dernier  aurait  été  heureux  de  se  prévaloir,  pour  séduire  les 
âmes,  de  l'acquiescement  du  vénérable  vieillard,  mais  il  ne  put  l'a- 
mener à  consentir,  et  il  le  persécutait;  car  ce  fut  lui  qui  inspira  une 

(i)  Ibidem. 


40  LE    TRIÈVES    r-EXDANT    LA    RÉVOLUTION. 

semblable  réponse,  et  qui  l'écrivit.  Deux  autres  prêtres  non  asser- 
mentés étaient  dans  la  paroisse,  disaient  la  messe  à  la  chapelle  du 
Perrier  ou  dans  des  maisons  particulières,  administraient  les  sacre- 
ments aux  nombreux  fidèles  qui,  délaissant  le  curé  schismatique  et 
son  vicaire,  Desmoulins,  s'adressaient  à  eux  La  municipalité  ne 
toléra  pas  longtemps  un  pareil  état  de  choses.  Au  commencement 
d'octobre,  elle  les  dénonça  dans  une  lettre  très  violente  adressée  aux 
administrateurs  du  département,  en  leur  demandant  de  les  faire 
chasser  de  la  commune  ou  arrêter  par  la  force  armée.  Le  directoire 
eut  de  la  peine  à  croire  le  contenu  de  cette  lettre  et  la  renvoya  à  ses 
auteurs  pour  qu'elle  fut  approuvée  dans  une  assemblée  générale  de 
la  commune.  11  y  fut  répondu  :  «  i"  Que  les  faits  énoncés  dans  la 
requête  ou  placer,  dont  il  s'agit,  sont  tous  des  plus  exacts  et  même 
des  plus  honnêtes  dont  on  puisse  se  servir  envers  les  sieurs  Bour- 
rillon  et  Vette  ;  2°  Que  le  conseil  persiste  aux  conclusions  prises 
dans  la  dite  requête  ;  3°  Qu'un  extrait  du  présent  arrêté  sera 
adressé  à  l'administration  pour  y  être  statué  ce  qu'il  appartiendra, 
avec  prière  de  rendre  au  citoyen  de  la  communauté  la  plus  prompte 
justice  fi)  '> 

Cette  réponse  fut  encore  inspirée  par  le  curé  intrus  qui  voyait 
avec  une  peine  extrême  le  village  du  Perrier,  admirable  dans  sa 
courageuse  fidélité  et  sa  générosité,  garder  avec  un  soin  jaloux  le 
prêtre  qui  était  à  sa  tête  et  offrir  un  abri  à  deux  autres,  M'"^  Antoine 
Galfard  et  Vette.  Le  malheureux  n'osait  attaquer  ouvertement 
M.  Galfard,  à  cause  de  son  grand  âge  ;  mais  il  poursuivait  sans  au- 
cun relâche  ses  deux  compagnons  et  il  avait  habilement  amené  la  mu- 
nicipalité à  le  seconder  par  les  mesures  que  nous  lui  avons  vu  prendre. 


(La  suite  au  prochain  numéro). 


A.  LAGIER. 


[i)  Ibidem. 


MÉLAHGES 


Au  moment  où  l'application  du  Concordat  est  journellement  dis- 
cutée, il  m'a  paru  intéressant  de  montrer  par  un  document  authen- 
tique de  quelle  façon  cette  application  était  entendue  par  son  auteur 
et  quelles  instructions  les  préfets  de  Napoléon  I"''  donnaient  à  cet 
égard  à  leurs  subordonnés. 

Les  deux  pièces  suivantes  n'ont  besoin,  suivant  moi,  que  d'un 
commentaire  très  bref.  Fourier,  alors  préfet  de  l'Isère,  n'était  pas  le 
premier  venu  ;  sa  Théorie  de  la  chaleur,  et  son  Introduction  au  grand 
ouvrage  de  l'Expédition  d'Egypte  le  firent  nommer  membre  de  l'Ins- 
titut et  son  nom  est  resté  célèbre  à  la  fois  parmi  les  physiciens  et 
parmi  les  archéologues.  —  11  ne  pouvait  d'autre  part,  passer  pour 
un  clérical  ardent,  comme  on  dirait  dans  notre  patois  actuel  ;  il  se 
faisait  recevoir  franc-maçon,  l'année  suivante,  à  Grenoble.  —  Ses 
instructions  n'en  ont  que  plus  de  valeur,  pour  avoir  été  dictées  par 
un  savant  déjà  illustre  et  par  un  philosophe  éprouvé. 

Un  Vieux  Bibliophile  Dauphinois. 
PRÉFECTURE  Grenoble,  le  21  may  1806. 

DE 

L'ISÈRE 

Le  Préfet  du  Département  de  l'Isère,  à  Monsieur  le  M.xire  de  la 
Commune  de  la  Mure  (i). 

Monsieur  le  Maire,  S.  Ex.  le  Ministre  des  Cultes  me  prévient  par 
sa  lettre  du  jo  avril  1806,  que  Sa  Majesté,  par  son  décret  Impérial  du 
^  du  même  mois,  a  nommé,  à  la  Cure  de  la  Mure,  M.  Joseph  Secojid  ; 
je  vous  prie  en  conséquence  de  recevoir  cet  ecclésiastique  avec  toute  la 
distinction  et  les  honneurs  dûs  à  son  caractère  et  de  procéder  à  son 
installation  conformément  à  l'instruction  ci-jointe. 

Vous  dresserez  procès-verbal  de  cette  cérémonie  conjïée  au  ^èle  qui 
vous  anime  pour  vos  administrés,  et  daits  les  vingt-quatre  heures  de 
sa  clôture,  vous  voudrez  bien  m'en  transmettre  une  ampliation. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

FOURIER. 

(i)  Le  maire  de  la  Mure  était  alors  Genevois,  frère  d'un  Conventionnel  régicide 
de  l'Isère. 


4o  MELANGES. 

Instruction  du  Préfet  du  département  de  l'Isère  relative 
A  l'installation  des  Curés  et  Desservans  du  Diocèse  de 
Grenoble. 

L'installation  de  M.  Joseph  Second  en  qualité  de  Curé  à  Ici  Mure 
se  fera  le  25  niay  1S06  dans  l'Eglise  paroissiale  de  ladite  Commune. 

Le  Maire  se  concertera  avec  le  Desservant  pour  l'heure  et  les 
détails  de  la  Cérémonie. 

Un  ecclésiastique,  désigné  par  M.  l'Evèque,  remplira  les  formalités 
d'usage.  Le  Maire,  les  Adjoints  et  le  Conseil-Municipal  assisteront 
à  l'Installation  ;  le  Maire  y  invitera  aussi,  et  individuellement,  tous 
les  autres  Fonctionnaires  publics  résidans  dans  la  Commune. 

Il  sera  fait,  d'après  les  ordres  du  Maire,  les  dispositions  nécessai- 
res dans  l'Eglise,  pour  que  les  Fonctionnaires  publics  aient  une 
place  séparée  et  distincte. 

Le  Maire  sera  présent  à  la  prise  de  Possession  par  le  Desservant, 
de  l'Eglise,  du  Presbytère,  de  tous  les  objets  que  ces  bâtimens  ren- 
ferment, et  de  leurs  dépendances. 

11  sera  dressé  procès-verbal  de  la  dite  Installation,  dans  les  regis- 
tres de  la  Commune  et  il  y  sera  annexé  un  état  des  objets  sus-men- 
tionnés. 

Le  Maire  prendra  toutes  les  précautions  et  mesures  nécessaires 
pour  que  la  cérémonie  ait  lieu  dans  le  plus  grand  ordre,  et  il  ne  né- 
gligera aucune  Circonstance  pour  inspirer  aux  Citoyens  le  respect 
dû  à  la  Religion  et  à  ses  Ministres. 

Fait  et  arrêté,  en  l'hôtel  de  la  Préfecture,  le  2/  inay  1806. 

Le  Préfet, 

FOUR  1ER. 

N.-B.  —  Tout  ce  que  prescrivait  ici  le  Préfet  pour  l'installation 
d'un  Curé  de  canton  devait  être  exécuté  également  pour  un  Desser- 
vant ou  curé  de  Paroisse  ordinaire,  le  texte  de  la  Circulaire  est  for- 
mel à  cet  égard.  Les  mots  :  Desservant  de  la  Succursale  de  ont  été 
barrés  à  la  main  dans  la  2"  ligne  et  remplacés  par  Curé  de,  parce 
qu'il  s'agissait  d'un  chef-lieu  de  canton.  Le  mot  :  Desservant  a  été 
conservé  partout  ailleurs.  —  Cette  remarque  répond  à  l'objection 
que  l'on  fait  souvent  en  ce  temps-ci  et  d'après  laquelle  le  Concordat 
ne  reconnaissait  l'existence  officielle  qu'aux  seuls  Curés  de  Canton. 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 


DU 


CANTON  DE  LA  CHAPELLE-EN-VERCORS 

(DROME). 


Dans  un  ouvrage  récemment  publié,  nous  avons  tâché  de  réunir 
ce  que  les  archives,  les  bibliothèques  et  la  tradition  conservent  de 
renseignements  historiques  sur  le  Vercors. 

Naturellement,  nous  y  avons  parlé  de  l'histoire  religieuse  et  des 
institutions  charitables  et  scolaires  de  la  localité.  Mais  nous  ne  l'a- 
vons fait  que  dune  manière  fort  sommaire.  La  généralité  du  sujet 
nous  obligeait  à  laisser  de  côté  bien  des  détails. 

Ceux-ci  cependant  ont  parfois  leur  intérêt,  surtout  pour  les  habi- 
tants de  la  contrée  étudiée. 

Aussi  avons-nous  voulu  recueillir  en  un  travail  spécial,  avec  les  traits 
et  faits  religieux  généraux  déjà  publiés,  tous  les  détails  et  faits  plus 
particuliers  qui  paraissent  devoir  intéresser  les  habitants  du  Vercors 
et  du  voisinage. 

Voici  cette  nouvelle  monographie. 

Après  un  chapitre  sur  les  origines  religieuses  de  l'ensemble  de  la 
localité  viendront  autant  d'autres  chapitres  qu'elle  contient  actuelle- 
ment de  paroisses,  sauf  à  diviser  ceux-ci  en  autant  de  sections  qu'il 
y  aura  lieu. 


Bull.  VIII,  1887. 


50  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 


CHAPITRE    PREMIER. 


ORIGINES       RELIGIEUSES       DU       VERCORS. 


Le  Vcrcors  ne  fut  pas  de  ces  pays  que  les  Romains  tinrent  à  ha- 
biter. Sa  forte  altitude,  son  accès  difficile,  son  froid  climat  étaient 
peu  conformes  à  leur  amour  du  bien-être  ;  sa  position  et  sa  faible 
population  ne  lui  donnaient  pas  limportance  stratégique  ou  d'occu- 
pation ;  une  liberté  relative  restait  à  ses  habitants,  comme  aux  aul?i-es 
Voconces.  Avec  cela,  comment  les  Romains  y  auraient-ils  fixé  leur 
demeure  ?  Comment  s'y  seraient-ils  mêlés  aux  indigènes  ?  Aussi 
n'a-t-on  d'autre  trace  de  rapports  des  uns  avec  les  autres,  que  les 
tombeaux  dont  nous  parlerons  plus  loin,  et  quelques  débris  de  latin 
conservés  dans  le  patois  local.  Le  sol  du  Vercors  ne  paraît  receler 
ni  médaille  des  Césars  ni  autre  monument  romain.  11  serait,  du 
reste,  plus  qu'inutile  de  chercher  dans  la  tradition  des  souvenirs  re- 
montant à  15  ou  16  siècles.  Une  chose  peut  toutefois  être  assurée, 
c'est  qu'à  l'époque  romaine,  comme  avant,  le  pays  n'eut  pas  de  villes. 
Sa  capitale  ne  fut  qu'une  pauvre  bourgade  et  nous  sommes  étonné 
de  voir  h\.  Joanne  dire  que  <<  le  bourg  de  la  Chapelle-en-Vercors 
«  était  au  temps  des  Romains,  une  des  villes  des  Vertacomicores, 
«  fraction  des  Voconces  (i).  » 

Peu  jalousés  des  Romains,  nos  pauvres  Vercorciens  ne  furent 
apparemment  guère  plus  inquiétés  par  les  hordes  barbares  qui,  dès 
le  V''  siècle,  fondirent  sur  la  Gaule.  Les  Maures  et  d'autres  peuples 
païens,  qui  envahirent  le  Dauphiné  aux  Vlll%  IX"  et  X"  siècles,  et 
restèrent  quelque  temps  dans  les  environs  de  Grenoble  (2),  n'ont 
laissé  aucun  souvenir  dans  le  Vercors,  qui  vit  passer  sans  trop  d'é- 
motion les  i"'"  et  2"  royaumes  de  Bourgogne.  Un  seul  conquérant 
étendit  bien   réellement    son    empire    sur  ce  pays.    Ce   conquérant, 

(i>  \i>.  Joanne,  fti7i.   gin.  de  la  France^  de  Paris  à  la  Mcdil.,   2"  partie,  p.   201. 

(2)  Carlul.  JeS.  Ihignes,  A,  22  ;  B,  lO;  — Ciiorier,  Hist.  du  Daiiph.,  t.  I,  pp.  625, 
628  et  7,^0  ;  —  Revue  du  Dauphiné,  I,  225-5-j  '  "»  '  j7"^-'  '■>  '">  101-13  '■<  —  l>nll. 
de  l'Acad.  delph.,  2' sér.,  1,  551   cl  suiv. 


DE    LA    CHAPELI.E-EN-VERCORS.  CI 

c'est  Jésus-Christ,  et  le  règne  de  paix  et  de  salut  qu'il  a  établi  au 
Vercors  sur  les  ruines  du  paganisme,  y  est  aussi  terme  que  jamais  ; 
ses  monuments  matériels,  les  édifices  chrétiens  n'ont  jamais  été 
aussi  nombreux  qu'aujourd'hui,  comme  nous  allons  le  voir. 

Mais  d'abord,  à  quelle  époque  remonte  la  prédication  de  la  foi 
chrétienne  au  Vercors  ?  Depuis  quand  ce  pays  connait-il  et  adore-t-il 
le  vrai  Dieu  ? 

La  proximité  de  la  ville  de  Die,  évêché  et  centre  d'apostolat  chré- 
tien dès  le  IV'-'  siècle,  suggère  une  date  fort  reculée  à  cet  heureux 
événement;  mais  elle  ne  la  précise  pas.  D'autre  part,  les  documents 
écrits  d'une  haute  antiquité  nous  font  totalement  défaut  sur  ce  point. 
Heureusement,  nous  avons  des  monuments  qui  y  suppléent  dans  une 
certaine  mesure. 

En  effet,  le  Vercors  a  été  le  théâtre  de  beaucoup  de  sépultures 
gallo-romaines.  On  a  trouvé  des  tombeaux  ou  sarcophages  à  auge  en 
pierre  au  Collet,  territoire  de  la  Chapelle-en-Vercors,  et  au-dessus 
de  Picaud,  au  couchant  de  ce  quartier,  non  loin  du  village  de 
St-Julien-en-Vercors.  On  en  a  trouvé  également,  et  en  grand  nom- 
bre, dans  le  vieux  cimetière  de  cette  dernière  paroisse,  autour  de 
l'église;  et  ceux-ci  contenaient  des  urnes  en  terre  grossière,  de 
forme  presque  sphéroïdale  et  munies  d'une  anse.  Or,  quoique  au- 
cune inscription,  du  moins  que  nous  sachions,  n'ait  été  trouvée  sur 
ces  monuments  antiques,  l'existence  même  de  ceux-ci  est  déjà  à  elle 
seule  fort  significative.  En  effet,  chez  les  Gallo-Romains,  les  païens, 
au  moins  dans  les  campagnes,  n'avaient  guère  de  cimetières  com- 
muns. Le  plus  souvent  leurs  tombes  étaient  placées  dans  des  pro- 
priétés privées,  et  près  des  chemins.  Les  chrétiens  au  contraire, 
sui-tout  depuis  le  IX^  siècle,  aussitôt  des  paroisses  formées  et  des 
églises  construites  dans  leurs  localités,  étaient  enterrés  dans  des 
cimetières  communs,  autour  de  ces  églises,  quelquefois  même  à  l'in- 
térieur de  celles-ci.  On  sait,  d'autre  part,  que  les  tombeaux  à  auge, 
usités  chez  les  Romains,  ont  été  employés  chez  nous  jusqu'au 
X*  siècle,  et  même,  quoique  rarement  et  par  exception,  jusqu'au  XIV"". 
D'après  cela,  les  tombeaux  à  auge  trouvés  au  couchant  de  Picaud 
et  au  Collet,  probablement  païens,  remonteraient  au  moins  au  VIIL 
siècle;  mais  ceux  qu'on  a  découverts  autour  de  l'église  de  Saint- 
Julien,  et  les  urnes  qu'ils  contenaient,  sont  certainement  chrétiens  et 
probablement  plus  récents. 

Voilà  tout  ce  qu'on  peut  dire  sur  l'histoire  religieuse  du  Vercors 


52  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

dans  ces  temps  vraiment  reculés  ;  car  la  légende  du  pays  relative  au 
grand  saint  Martin,  évêque  de  Tours,  est  une  invention  imaginaire 
ou  le  résultat  dune  pure  équivoque  (i). 

En  tout  cas,  dès  la  fin  du  XI"-"  siècle,  le  Vercors  était  non  seule- 
ment chrétien,  mais  organisé  en  paroisses.  Il  appartenait  tout  entier 
au  diocèse  de  Die,  ainsi  qu'Echevis,  Châtelus  et  Valchevrières,  tan- 
dis que  Choranches,  Rancurel  et  le  Villard-de-Lans  étaient  comme 
aujourd'hui  du  diocèse  de  Grenoble.  11  était  possédé  et  desservi,  du 
moins  en  partie,  parles  chanoines  réguliers  de  Sainte-Croix  de  Quint, 
tandis  que  Rencurel,  Valchevrières  et  le  Villard  Tétaient  par  des  reli- 
gieux de  Montmajour  près  Arles. 

Les  chanoines  de  Sainte-Croix,  qui  plus  tard  se  disaient  fondés 
et  dotés  par  les  ancêtres  d'Aimar  de  Poitiers,  comte  de  Valentinois, 
eurent  de  bonne  heure  des  possessions  assez  importantes.  En  effet, 
dès  1 104,  on  voit  deux  frères,  Guigues  et  Raynaud  de  Lans,  ainsi 
que  d'autres  gentilshommes,  donner  à  Dieu,  à  la  Sainte-Vierge,  et  à 
l'église  de  Sainte-Croix  de  Quint,  ainsi  qu'à  Saint-Pierre  de  Pont-en- 
Royans,  et  aux  clercs  présents  et  futurs  qui  y  servaient  Dieu,  des 
métairies  situées  aux  Ecouges  (2),  la  dime,  les  prémices,  les  oifran- 
des  et  les  droits  funéraires  de  ce  lieu. 

Toutefois,  vers  i  1 16,  Guillaume,  prieur  de  Quint,  et  tous  les  /ils  de 
son  église,  ne  pouvant  probablement  pas  établir  aux  Ecouges  une 
colonie  religieuse,  cédèrent  ces  immeubles  et  ces  droits  à  l'évèque 
de  Grenoble,  saint  Hugues,  qui  en  fît  bénéficier  les  disciples  de  saint 
Bruno.  La  cession  eut  pour  témoins  Guillaume  GjIo,  religieux  de 
Saint-Chaffre,  mandataire  de  l'évèque  pour  cela,  frère  Pierre  Cor- 
nut,  Jarenton   de  Quint,  Ponce   de  Thoranne,  Humbert  archiprctre, 

(1)  La  dcnominalion  de  fia  de  San  Marli  est  attachée  à  un  pas  difficile  par 
lequel  on  arrive  de  la  montagne  d'Herbouly  dans  la  vallée  de  Saint-Martin.  On 
voit  là  dans  le  roc  comme  rempreinlc  d'un  pied  d'homme.  On  veut  que  le  saint 
évêque  de  Tours  l'ait  laissée  lui-même  de  son  propre  pied.  On  ajoute  que  le  même 
saint  jeta  de  là  un  marteau  qui  marqua,  par  sa  chute,  le  point  où  devait  être  et  fut 
en  effet  construite  l'église  de  Saint-Martiti.  Il  n'y  a  pas  besoin  de  démontrer  la 
fausseté   de  cette  légende. 

Mais  que  vaut  celle  d'après  laquelle  certaines  pierres  taillées,  qu'on  remarque 
dans  la  montagne  de  Kousset,  seraient  les  restes  de  pierres  emportées  par  les  fées 
pf)ur  la  construction  de  l'église  Notre-Dame  de  Die  ?•  A  part  l'intervention  des 
fées,  il  n'y  a  là  rien  d'impossible,  et  la  comparaison  des  pierres  de  cette  église  avec 
celles  de  notre  montagne  fournirait  des  éléments  d'appréciation. 

(j     Ouartier  montagneux,  aujourd'hui  de  la  commune  de  St-(k'rvais  (Isère). 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  5  3 

Guillaume  d'Aouste,  Albert  de  Chatte,  Silvius  de  Rousset,  et  Lan- 
telme  Palosa.  Elle  fut  approuvée  par  Pierre  II,  évèque  de  Die  (i). 

Pareille  intervention  de  l'évéque  de  Die  est  justifiée  par  la  situation 
de  Sainte-Croix  de  Quint  dans  son  diocèse  et  par  le  titre  dabbé  de 
Sainte-Croix,  que  donnent  au  prélat  une  bulle  du  pape  Alexandre  111 
de  1165  et  une  transaction  de  1259  (2).  Quant  aux /ils  de  l'église  de 
Sainte-Croix,  ce  sont  ses  chanoines,  notamment  les  chefs,  plus  tard 
prieurs,  des  maisons  secondaires,  parmi  lesquelles  on  trouve  expres- 
sément, au  Xl^  siècle,  celle  de  Pont-en-Royans,  et,  au  XIIP,  les  prieu- 
rés de  Saint-Martin-en-Vercors,  de  Vassieux,  de  Saint-Julien-en- 
Quint,  de  Marignac,  de  Véronne  et  de  Saint-Marcel  du  Château. 
Ces  chefs  avaient  avec  eux  le  nombre  de  chanoines  et  de  serviteurs 
nécessaires  pour  le  service  divin  de  l'église  prieurale  et  des  églises 
voisines  qui  en  dépendaient.  Ils  pourvoyaient  à  leur  nourriture,  à 
leur  vêtement  et  à  leurs  autres  besoins.  Tandis  que  la  maison  de 
Pont-en-Royans  desservait  avec  l'église  de  ce  lieu,  les  églises  de 
Saint-Michel  d'Echevis,  de  Saint-Martin  de  Châtelus,  de  Saint- 
Etienne  et  de  Notre-Dame  de  Choranches,  la  maison  de  Saint-Mar- 
tin-en-Vercors desservait  l'église  de  Saint-Julien-en-Vercors. 

Des  prieurs  du  Vercors,  les  plus  anciens  que  nous  connaissions 
sont  Géraud  Rostaing,  prieur  de  Saint-Martin  en  1259,  Hugues 
et  Pierre  prieurs,  celui-là  de  Saint-Martin  et  celui-ci  de  Vassieux 
en  1276  (3j.  Mais  nul  doute  que  ces  prieurés  n'existassent  au  moins 
dès  la  fin  du  XII"  siècle. 

Vers  cette  dernière  époque  le  Vercors  parait  dans  un  état  religieux 
fort  prospère.  Par  une  conséquence  toute  naturelle,  ce  fut  l'ère  d'un 
progrès  matériel  sérieux  pour  les  édifices  religieux.  Les  caractères 
architecturaux  des  parties  anciennes  de  plusieurs  églises  de  ce  pays 
accusent  bien  la  fin  du  XII''  siècle  ou  tout  au  moins  les  premières 
années  du  XIII''.  Les  pierres  tailiées  de  moyen  appareil  unies  par  du 
mortier  qui  formaient  avant  1839  les  parements  intérieurs  et  exté- 
rieurs de  l'église  de  Vassieux,  et  en  forment  encore  aujourd'hui  le 
chœur  en  coquille  ;   le  cachet  d'ensemble  de  ce  dernier  ;  les  pierres 

(i)  Arch.  de  la  DrAme,  fonds  de  Ste-Croix  ;  —  Arch.  des  Bouches-du-Rh., 
Hist.  de  Montmajour,  I,  578-787  ;  —  Auvergne,  Cart.  des  Ecoug-es,  p.  83-8;  — 
Marion,   Cart.  de  S.  Hugues.  C,  i  . 

(2)  U.  Chevalier,  Cartul.  de  Die,  p.  20-2  ;  —  Arch.  de  la  Dr.,  fundt,  de  Ste- 
Croix. 

(  j)  Arch.  de  la  Dr.,  fonds  de  Ste-Croix. 


54  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

de  même  appareil  qui  forment  la  partie  inférieure  du  chœur  en  co- 
quille de  l'église  de  Saint-Martin  :  la  voûte  en  berceau  à  plein  cin- 
tre pressentant  l'ogive  qui  couvre  celle  de  Saint-Julien-en-Vercors  : 
tout  cela  nous  parait  de  cette  époque.  Epoque  heureuse,  qui  vit  de 
grandes  familles  du  pays  donnant  leurs  biens,  leur  protection  et 
leurs  enfants  aux  monastères  du  voisinage  (i),  et  admira  sur  le  siège 
épiscopal  de  Die  un  évêque  dont  la  haute  sainteté  a  éclaté  par  de 
grands  et  nombreux  miracles. 

Nous  nous  plaisons  d'autant  mieux  à  rappeler  la  sainteté  et  les 
miracles  de  cet  évêque,  saint  Etienne,  que  peu  après  sa  bienheureuse 
mort,  arrivée  le  7  septembre  1208,  Vassieux  et  le  Vercors  furent  le 
théâtre  de  plusieurs  de  ces  miracles.  Voici  ceux  que  nous  connais- 
sons comme  dus  par  ce  pays  à  l'intercession  du  glorieux  saint. 

Une  femme  de  Vassieux,  nommée  Rousse,  avait  depuis  trois  ans, 
trois  mois  et  quinze  jours,  cessé  de  pouvoir  marcher.  Ayant  appris 
les  miracles  que  la  bonté  divine  opérait  en  l'honneur  du  saint  évêque 
Etienne,  elle  implora  le  secours  de  celui-ci  avec  un  cœur  tout  plein 
de  dévotion.  Aussitôt  son  corps  entier  retrouva  la  santé,  et  Rousse 
alla  de  ses  propres  pieds  visiter  le  tombeau  de  son  bienfaiteur. 

Un  certain  jour,  un  homme  du  Vercors,  nommé  Gueson,  alla 
avec  sa  femme  assister  à  l'enterrement  de  son  père.  Ils  laissèrent 
leur  enfant  chez  eux.  couché  dans  son  berceau  et  en  parfaite  santé  ; 
mais,  étant  revenus  chez  eux  avec  un  bon  nombre  de  leurs  pro- 
ches, ils  trouvèrent  l'enfant  comme  mort  et  ne  donnant  plus  signe 
de  vie.  La  mère  est  accablée  de  douleur  et  inconsolable  de  la  mort 
de  son  fils.  Cependant  elle  met  aussitôt  sa  confiance  en  saint  Etienne 
et  lui  adresse  ces  paroles,  entrecoupées  de  gémissements  et  de  san- 
glots :  «  Bienheureux  Etienne,  au  nom  duquel  tant  de  miracles  écla- 
«  tants  se  sont  naguères  opérés,  j'ai  recours  a  votre  sainte  et  puissan- 
«  te  bonté  ;  je  vous  conjure,  par  la  gloire  dont  vous  jouissez  dans  le 
«   Ciel,  de    me   secourir    dans    mon   malheur  ;    obtenez    de    Notre- 

(1)  En  123^,  Ferrand  de  Vassieux,  lit  à  la  (^harlicusc  de  linuvanlc  remise  de 
tout  le  droit  qu'il  pouvait  avoir  sur  la  montaiinc  de  Diirhonose,  soit  dans  l'alx  du 
Koyans,  depuis  la  Seya  de  Vassieux,  suivant  la  chute  des  eaux  vers  le  has  Royans, 
et  promit  d'être  le  défenseur  du  monastère. 

La  même  famille  donna  des  religieux  à  Lconcel.  Pierre  de  Vassieux  était  convers 
dans  ce  monastère  de  1214  à  1255;  (îiiaud  de  \'assicux  y  était  sous-pricur  en 
1258  et  1356,  prêtre  et  religieux  en  ijji,  cl  ahhé  dcpui^  1271)  jusqu'à  I2'j5. 
(IJI.  Chevalier,  yoMr«ij/  i/e  Die,  13  sept.  1860;  Carlul.  de  Lconcel,  pp.  133-7, 
i.p-S,  i76-2«9). 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS. 


5? 


«  Seigneur  Jésus-Christ  qu'il  ajoute  un  nouveau  miracle  à  ceux  qui 
«  vous  sont  déjà  dus,  qu'il  rende  la  vie  à  mon  fils  qui  est  mort.  »  A 
peine  a-t-elle  fini  de  parler,  que  l'enfant  revient  à  la  vie  (i). 

Du  reste,  ce  miracle  n'est  pas  le  seul  par  lequel  saint  Etienne  ait 
répondu  aux  confiantes  prières  des  habitants  de  la  région.  En  1478, 
Antoine  Martin,  de  la  Roche,  paroisse  de  Vassieiix,  aux  montagnes 
du  Vercors,  et  Catherine  sa  femme,  avaient  une  fille  nommée  Béa- 
trix,  qui  depuis  4  ans  était  infirme  des  jambes  et  des  pieds  au  point 
de  ne  marcher  qu'avec  une  grande  peine.  En  la  fête  de  la  Concep- 
tion de  la  Sainte-Vierge  de  lad.  année,  ils  firent  un  vœu  à  Saint- 
Etienne  pour  obtenir  de  Dieu  par  son  intercession  la  guérison  de 
Béatrix.  Celle-ci  recouvra  en  effet  le  parfait  usage  de  ses  jambes  :  et 
le  26  mai  1478,  lundi  de  la  Pentecôte,  son  père  et  sa  mère,  l'avant 
présentée,  dans  leur  pèlerinage  à  Die,  pour  accomplir  leur  vœu, 
attestèrent  tout  ce  que  dessus  avec  serment  sur  les  Evangiles.  De 
son  côté,  noble  Jacques  Penchinat,  jadis  habitant  de  Vassieux,  attes- 
ta, pareillement  avec  serment  l'infirmité  dont  avait  été  atteinte 
Béatrix.  Ces  déclarations  furent  faites  au  milieu  d'une  foule  de 
peuple  réunie  dans  la  nef  de  l'église  de  Die,  et  après  des  louanges  et 
actions  de  grâces  rendues  à  Dieu,,  à  Marie  et  à  saint  Etienne,  par 
des  chanoines  et  prêtres  de  cette  église,  réunis  pour  cela  en  proces- 
sion. Acte  de  tout  cela  fut  dressé  à  la  requête  de  Rostaing  Roux, 
trésorier  de  la  même  église,  en  présence  de  Barthélémy  Fauchet  et 
Lantelme  Faure  de  Vercors,  chanoines,  de  Jacques  Volo,  notaire,  et 
Jean  Volet,  habitants  de  Die,  et  de  beaucoup  d'autres  (2).  Mais  re- 
venons au  XIIF  siècle. 

Les  chanoines  de  Ste-Croix  luttaient  de  leur  mieux  pour  la  con- 
servation de  leurs  biens.  L'on  vit  en  1276  Hugues,  prieur  de  St- 
Martin-en- Vercors,  Pierre,  prieur  de  Vassieux,  Robert,  prieur  de 
St-Julien,  et  d'autres,  se  joindre  au  prieur  de  Pont-en-Roj^ans.  pour 
défendre  les  droits  de  ce  dernier.  Ce  fut  sans  doute  pour  se  conci- 
lier la  faveur  d'Aimar,  comte  de  Valentinois,  que,  le  25  novembre 
1278,  tous  les  chanoines  du  prieuré  de  Ste-Croix,  réunis  en  chapitre 
avec  les  prieurs  de  leurs  différentes  maisons,  promirent  à  ce  comte 
de  ne  point  se  soumettre,  sans  son  consentement  exprès,  à  une 
autre  règle  que  celle  des  religieux  bénédictins  du  monastère  de 
Saint-Géraud  d'.Aurillac.  Du  reste,  ces  chanoines  relevaient  alors  de 

(i)  GoLUMBi,  OpuscuL,  p.  344-6  ;  —  Hauréau,  Gallia  chnsliaua,  X\'l,  col.  204-b. 
(2)  Arch.  de  .M"'^  de  Lamorte-Félines. 


56  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTOX 

ce  dernier  monastère,  et  Ton  aurait  sans  doute  une  idée  assez  juste 
de  leur  vie  de  chaque  jour  en  lisant  le  règlement  donné  en  1303  par 
l'abbé  de  St-Géraud  d'Aurillac  aux  prieur  et  religieux  de  Saillans 
(Drôme),  de  sa  dépendance  (\). 

Cependant  le  monastère  de  Ste-Croix  et  tous  ses  prieurés  tom- 
baient en  ruines,  et  Jean  de  Genève,  évéque  de  Die,  trouva  que  le 
moyen  le  plus  convenable  de  les  relever  était  de  les  incorporer  à 
un  ordre  religieux.  Usant  de  toute  l'étendue  de  son  pouvoir  d'évëque 
et  d'abbé,  il  céda  Sainte-Croix  avec  toutes  ses  dépendances  aux 
Hospitaliers  de  Saint-Antoine  en  Viennois.  L'acte  de  cette  union 
fut  donné  dans  le  château  de  Montvendre,  le  4  des  calendes  de 
novembre  (29  octobre)  128g,  et  ratifié  parle  chapitre  de  Die.  11  porte 
que  cette  union  est  faite  à  perpétuité,  au  spirituel  et  au  temporel, 
pour  l'honneur  et  louange  de  Dieu,  pour  ceux  de  la  très  glorieuse 
Vierge,  sa  Mère,  et  du  très  glorieux  confesseur  saint  Antoine,  et 
pour  l'exaltation  de  la  très  victorieuse  Sainte  Croix.  Il  ajoute  que, 
sans  préjudice  de  son  droit  et  de  celui  de  son  église,  le  prélat  entend 
que  le  maitre  de  l'Hôpital  de  St-Antoine  soit  prieur  du  prieuré  de 
Sainte-Croix  et  des  membres  ou  prieurés  en  dépendant,  et  que,  dans 
les  deux  mois  qui  suivront  sa  confirmation  en  cette  double  charge, 
il  ait  à  prêter  serment  à  l'évêque  de  Die.  Il  ajoute  encore,  du  con- 
sentement des  maître  et  frères  dudit  Hôpital,  qu'après  le  décès  dudit 
évéque  et  de  ses  successeurs,  il  sera  fait  pour  eux  par  tout  l'ordre 
du  même  Hôpital  les  mêmes  offices  et  suffrages  qu'on  a  coutume  de 
faire  pour  led.  maitre  quand  il  vient  à  mourir. 

Les  Hospitaliers  de  Saint-Antoine  entrèrent  immédiatement  en 
possession  des  bénéfices  de  Sainte-Croix,  de  Vassieux,  de  Pont-en- 
Royans,  etc.  ;  et,  le  19  décembre  de  la  même  année,  leur  maître 
Aimon  de  Montagny.  par  reconnaissance  passée  à  Etoile,  déclara 
que  les  prieurés  de  Sainte-Croix  et  de  Saint-julien-en-Quint,  de 
Vassieux,  d'Ansage,  et  de  Barsac,  avaient  clé  fondés  et  dotés  par 
les  ancêtres  du  comte,  et  que  leurs  biens  temporels  relevaient  du 
fief  et  de  la  juridiction  de  ce  seigneur. 

Mais  les  bénédictins  de  Montmajour,  charges  depuis  deux  siècles 
du  service  religieux  de  Saint-Antoine,  ayant  quitte  ce  lieu, les  Anto- 
nins,  jusque-là  simples  hospitaliers,  furent  transformés.  Roniface 
VIII,  par  une  bulle  du  10  juin  1297,  donna  à  leur  maison  chcf-d'or- 

(1)  Pii.OT  i>K  TiiunEY,  Les  prieures  de  Vancien  diocèse  de  (Jrenohle,  p.  222  ;  — 
Uulkl.  de  la  Soc.  d'Eludés  des  Ilaules-Alpcs,  IV,   382-94. 


DE    LA    CHAPELLE-Ei\-VERCORS.  57 

dre  le  titre  dabbaye,  à  leur  maitre  celui  d'abbé,  et  aux  frères  celui  de 
chanoines  réguliers.  La  règle  prescrite  fut  celle  de  saint  Augustin. 
Des  statuts  élaborés  en  1298  par  le  premier  abbé,  Aimon  de  Mon- 
tagny,  érigèrent  la  maison  de  Sainte-Croix  en  commanderie  et  lui 
attribuèrent  12  religieux,  y  compris  le  chef  ou  commandeur,  qui 
continua  longtemps  encore  à  prendre  le  titre  de  prieur,  à  raison  de 
l'antique  prieuré  du  lieu.  Dès  lors,  ce  fut  aussi  du  prieuré  que  conti- 
nuèrent à  relever  immédiatement  les  bénéfices  et  églises  de  Pont-en- 
Royans,  Saint-Alartin  et  Saint-Julien-en-Vercors,  Vassieux,  Saint- 
JuIien-en-Quint,  Véronne,  etc.  (ij. 

Cependant,  par  une  bulle  du  15  avril  1304,  le  pape  Benoit  XI 
faisait  encore  entrer  dans  l'ordre  de  Saint-Antoine  le  monastère  de 
Saint-Médard  de  Piégros  aVec  les  prieurés,  en  dépendant,  de  Saint- 
Antoine  de  Brisans,  etc.  Aussitôt  Guillaume  de  Roussillon,  évêque 
de  Die  et  de  Valence,  protestait  contre  cet  acte  de  Benoît  XI,  dont 
les  Antonins,  disait-il,  avaient  séduit  la  bonne  foi  en  lui  cachant  le  vrai 
et  alléguant  le  faux.  II  proclamait  ses  droits  d'abbé  de  Saint-Médard 
et  autres  sur  cette  abbaye  et  ses  dépendances,  notamment  son  droit 
de  patronage  sur  le  prieuré  de  Brisans,  fondé  et  doté  par  Silvion  de 
Crest,  jadis  prévôt  de  Valence,  seigneur  pour  partie  de  Crest,  et  par 
ses  prédécesseurs.  Bien  plus,  il  réclamait  contre  l'annexion  du  monas- 
tère de  Sainte-Croix  à  Saint-Antoine,  faite  par  l'évéque  Jean  de 
Genève.  Enfin,  une  transaction  fut  conclue  la  même  année  entre 
Guillaume  et  l'abbé  de  Montagny  assisté  des  curateurs  de  l'abbaye  : 
Geofroy,  commandeur  de  Gap,  Guillaume  Arunnie,  Girard  de  Mar- 
nans,  et  Pierre,  commandeur  de  Grenoble.  Elle  portait  réserve  à 
l'évéque  de  ses  droits  propres  sur  Saint-Médard  et  ses  dépendances, 
avec  cession  aux  Antonins  'de  ses  revenus  sur  l'abbaye,  lesquels 
arrivaient  à  100  livres,  et  de  l'abbaye  elle-même;  mais,  en  retour, 
les  Antonins  cédaient  à  l'évéque  leur  revenu  de  Saint-Martin  et  de 
Saint- Julien-en-Vercors . 

Un  instant,  cet  arrangement  faillit  échouer.  Les  Antonins  avaient 
bien  remis  au  prélat  leurs  revenus  du  Vercors  ;  mais  ils  s'obstinaient 
à  garder  l'église  et  la  maison  de  St-Martin  (Sanmartimanam  œdem). 
Il  ne  fallut  rien  moins  que  la  fermeté  de  Guillaume  et  le  concours 
conciliant  de    Geofroy,  commandeur  de  Gap,  et  de  Pierre,  comman- 

(0  Arch.  de  la  Drôme,  fonds  cit.,  ;  —  Aym.  Falco,  Anton,  histor.  compend., 
Lugduni,  1534,  ff.  Ixxi-ix  ;  — Dassy,  L'abbaye  de  Saint-Antoine,  pp.  109-19,  126, 
494-500  ;  —  PiLOT  DE  Thorey,  loco  cit. 


58  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

deur  de  Grenoble,  pour  arranger  dériniti\ement  laffaire.  Encore 
l'abbé  de  St-Antoine  trouva-t-il  dans  cet  arrangement  je  moj-en 
d'obtenir  ce  qui  lui  manquait  de  Pontaix  ;  car  un  acte  du  i^  février 
1305  Ci 2  des  cal.  de  mars  de  l'an  de  l'Incarnat.  1304J  portait  renon- 
ciation absolue  de  la  part  des  Antonins  à  tous  leurs  droits  en  et  sur 
l'église  de  St-Martin-en-Vercors  en  faveur  de  l'évêque  ;  mais  celui-ci 
cédait  à  Ste-Croix  un  tiers  qu'il  avait  des  dîmes  de  Pontaix.  Un  tiers 
de  celles-ci  appartenait  déjà  à  Ste-Croix,  et  l'autrç  tiers  au  curé 
séculier  du  lieu.  Le  curé  mort  ou  se  démettant,  l'évêque  donnerait 
l'institution  de  la  cure  à  celui  que  présenterait  le  commandeur  de 
Ste-Croix,  c'est-à-dire  à  un  religieux  de  cette  maison,  laquelle  aurait 
dès  lors  tout  le  bénéfice.  Sérieux  avantage  pour  les  Antonins,  qui, 
en  place  de  la  cure  de  St-Martin-en-Vercors,  d'un  revenu  trop  modi- 
que pour  l'entretien  des  réguliers  et  pour  fournir  aux  droits  épisco- 
copaux  de  ladite  église,  obtenaient  en  Saint-Martin  de  Pontaix  une 
église  facile  à  desservir  pour  les  religieux,  à  cause  de  sa  proximité. 
Seulement,  cet  avantage,  y  joint  que  les  droits  de  Sainte-Croix  à  la 
cure  abandonnée  était  fortement  contestés  par  l'évêque,  demandaient 
une  sérieuse  compensation.  Aussi  l'abbé  de  Saint-Antoine  s'en- 
gagea-t-il,  à  titre  de  plus-value,  à  payer  annuellement  et  perpétuelle- 
ment à  l'évêque,  en  son  hôtel  de  Die,  une  pension  de  30  sétiers  de 
froment  (frumenti)  et  30  sétiers  de  gros  blé  {bladi),  hypothéquée  sur 
les  biens  de  l'ordre.  L'acte,  reçu  par  Marcel  Pigne,  notaire  de  Die, 
fut  scellé  du  sceau  de  l'évêque  et  de  celui  de  l'abbé,  ratifié  par  les 
chapitres  de  Die  et  de  Saint- Antoine,  et  souscrit  par  Isoard  d'Aix, 
prévôt,  et  Pierre  Chipre  (Chipri),  sacristain  de  Die  (ij.  Dès  lors,  les 
religieux  quittèrent  définitivement  Saint-Martin  dont  l'évêque  eut 
jusqu'à  1790,  avec  la  collation  de  la  cure,  tous  les  revenus  prieuraux. 
Quant  aux  paroisses  de  la  Bâtie  Tou  plutôt  de  la  Chapelle),  de 
Saint-Agnan  et  de  Rousset-en-Vercors,  elles  ne  sont  guère  connues 
pour  ces  époques  reculées.  Mais  il  parait  qu'elles  n'ont  jamais 
appartenu  à  des  religieux.  Nous  n'y  avons  trouvé  aucune  trace 
d'abbaye,  de  couvent,  de  prieuré  proprement  dit,  ni  d'aucune  autre 
maison  religieuse   {2).    Si   plus    tard   leurs   curés   ont  été    qualifiés 

(1)  Arch.  cit.,  londs  de  Sic-Croix  cl  de  Sainl-Murlin-cn-Vercors;  — Aym.  1'".\L(;i>, 
op.  cil.,  1.   Ixxix  r'  ;  —  (><>i.uMiii,  Opiisc.  var.,  p.    },\>-]. 

(2)  l-c  prieure  de  S.iinl-Jcan-en-Knvans,  dépendance  tic  Tabbaye  de  Mdntma- 
jour,  avail  la  dime  des  blés  et  légumes  sur  quek]ucs  fonds  de  la  Chapelle  cl  de 
Sainl-Agnan,  nolammenl  sur  des  fonds  avoisinant  le  chemin  (.|ui  reliait  ces  deux 
dernières  localités.  Nous  avons  sous  les  yeux  un  parchemin  de  1  ^99  contenant  les 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCOKS.  59 

prieurs,  c'est  qu'on  en  était  venu  à  donner  ce  titre,  par  extension,  à 
tout  prêtre  retirant  une  part  quelconque  de  la  dime.  N'appelle-t-on 
aujourd'hui  abbés  que  les  prêtres  ou  autres  clercs  ayant  des  abbayes? 
Ces  ti"ois  dernières  paroisses  ont  donc  sans  doute  été  constam- 
ment entre  les  mains  du  clergé  séculier.  L'acquisition  des  bénéfices 
de  St-Martin  et  de  St-Julien-en-Vercors  par  l'évèque,  au  commen- 
cement du  XIV^  siècle,  n'aura  fait  qu'augmenter  et  consolider  les 
droits  et  revenus  religieux  que  le  prélat  avait  déjà  au  Vercors.  Du 

reconnaissances  que  firent  à  ce  sujet  les  i  7  et  18  avril  et  les  14  et  19  juin  de  la 
dite  année,  à  François  Bologne,  prieur  dudit  St-Jean,  25  particuliers  de  la  Chapelle 
et  de  St-Agnan.  L'acte  dit  que  ces  droits  existaient  déjà  de  temps  immémorial. 

Les  fonds  de  la  Chapelle,  où  le  prieuré  de  St-Jean  prend  la  dîme,  sont  au  nom- 
bre de  6,  et  situés  als  bosc  de  la  Meyaria,  à  la  Font-Couverte,  près  des  chemins  du 
Bruc  à  la  Meyerie  et  de  la  Bâtie  à  Combenoire,  au  clos  de  l'Alemandière,  et  à  la 
Meyerie.  Guillaume  Francon,  de  la  Chapelle,  reconnaît  devoir  audit  prieuré,  non  une 
dime,  comme  les  autres,  mais  une  censé  de  2  sous  et  6  deniers,  payable  à  chaque 
fête  de  St-Jean-Baptiste,  pour  la  dime  qu'il  prend  lui-même  sur  divers  fonds  et 
qu'il  tient  de  la  directe  du  même  prieuré  ;  aussi,  s'il  manquait  de  payer  la  dite 
censé,  la  dime  ainsi  accensée  ferait  totalement  retour  au  prieuré. 

Les  fonds  de  St-Agnan  sujets  à  la  dime  envers  ce  dernier,  sont  au  nombre  de  18 
et  situés  al  Fayn,  al  Sireyzier,  aux  "Versanes,  al  Collet,  au  collet  de  la  Tronetière, 
à  la  Pouletière,  aux  Savels,  à  la  Rochette  et  aux  Combes.  (Arch.  de  la  Dr.,  fonds 
de   St-Jean-en-Royans,  parch.  orig.  coté  E,  5  {Invent,  de  1668).) 

Plus  tard,  le  prieuré  de  St-Jean  est  donné  aux  Minimes,  et,  le  25  octobre  1634, 
on  alloue  2  sous  «  pour  despense  faicte  par  fr.  François  allant  à  Vercorts  pour 
vériffier  certains  fonds  contantieux  pour  raison  du  disme  que,  »  disent  lesd.  Mini- 
mes, «  prenons  en  lad.  paroisse.  »  Puis,  le  13  juillet  1662,  ces  derniers  recevaient 
30  livres  «  de  Philippe  Boudin,  leur  rantier  de  leur  disme  de  St-Agnant,  »  pour 
lad.  année.  (Arch.  et  fonds  cit.,  reg.  orig.  de  1655  à  1664). 

Le  18  juillet  1755,  «  Jean  François,  fermier  des  Révérends  Pères  Minimes  de 
Romans  du  prieuré  de  St-Jean-en-R.  et  dépendances,.,  a  sous-affermé  à  Jean  Fauchet, 
laboureur,  habitant  au  hameau  de  Gagnaire,  paroisse  delà  Chapelle  aud.  Vercors,... 
la  dime  de  tous  grains  que  les  dits  Révérends  Pères  Minimes  ont  droit  de  perce- 
voir dans  l'étendue  du  terroir  dud.  la  Chapelle  et  de  St-Aignan  aud.  Vercors,  sui- 
vant les  reconnoissances  à  ces  fins  passées,  et  qu'en  ont  joui  ou  du  jouir  les  pré- 
cédents fermiers.  »  L'acte,  passé  pour  neuf  ans  consécutifs,  porte  que  le  sDus-fermier 
lèvera  la  dime  des  grains,  »  et  payera  pour  cela  chaque  année  la  somme  de  50  li- 
vres à  François,  et  que  celui-ci  fera  jouir  Fauchet  de  lad.  dime  et  le  nantira  même 
«  de  titres,  si  de  besoin  »  est.  (Minutes  cit.,  protoc.  Billerey,  reg.  de  1755-9,  ^-  U- 

Malgré  cela,  les  bénédictins  de  Montmajour,  pas  plus  que  les  Minimes,  n'ont 
jamais,  que  nous  sachions,  habité  le  Vercors,  ni  fait  le  divin  service  à  la  Chapelle 
ou  à  St-Agnan  :  les  listes  des  bénéfices  de  Montmajour  des  XII=  et  XI1I=  siècles  et 
leur  pouillé  général  ne  mentionnent  pas  ces  localités.  (Arch.  des  Bouches-du- 
Rhône,  fonds  de  Montmajour  ;  —  MarixN  de  Carranrais,  L'Abbaye  de  Montmajour, 
p.   148.) 


6o  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

reste,  nous  avons  montré  ailleurs  (i)  que  nos  évêques  ont  constam- 
ment cherche  à  étendre  et  affermir  aussi  dans  ce  pays  leurs  droits 
féodaux,  et  c|ue,  s'ils  n'y  réussirent  pas  toujours  pour  les  droits 
honorifiques,  leurs  droits  utiles  ou  revenus  pécuniaires  s'y  accrurent 
convenablement  (2). 

\'oici,au  surplus,  les  détails  que  nous  sommes  parvenus  à  recueillir 
sur  chacune  de  nos  paroisses,  tant  au  point  de  vue  des  bénéfices 
qu'à  celui  des  autres  choses  et  des  événements  se  rattachant  plus  ou 
moins  directement  à  la  religion. 

{La  suite  au  prochain  numéro). 

(1)  Essai  historique  sur  le    Vercors,  pp.  91-151. 

(2)  Ce  n'est  guère  ici  le  lieu  crindiquer  la  quantité  des  revenus  féodaux  de  l'évé- 
que  au  Vercors,  et,  plus  loin,  en  parlant  des  diverses  paroisses,  nous  indiquerons 
les  droits  et  revenus  bénéficiers  qu'il  avait  en  chacune  d'elles  aux  derniers  siècles. 
-Mais,  nous  dirons  néanmoins  ici  en  quoi  ces  revenus  réunis  ensemble  consistaient 
en  1475  ;  car  le  document  qui  nous  l'apprend,  et  que  nous  n'avions  pas  en  écri- 
vant les  chapitres  relatifs  à  la  question  dans  notre  Essai  historique  sur  le  Vercors, 
mêle  les  principaux  revenus  ecclésiastiques  aux  féodaux  ;  ensuite,  il  ne  distingue 
pas  assez  les  revenus  d'une  paroisse  d'avec  ceux  d'une  autre  pour  que  nous  puis- 
sions en  faire  l'indication  distincte  et  intégrale  pour  cette  époque. 

Donc,  en  1475  l'évèque  de  Die  retirait  de  la  châtellcnie  de  la  Bâtie  de  Vercors  : 

Froment,  après    les    déductions  requises.      ...  69  sétiers. 

Seigle 180  sétiers. 

Avoine 112  sétiers. 

Poules 82  poules. 

Poivre 13  livres. 

Cire 29  livres. 

Fromage 36  livres. 

De  la  montagne,  cours  commun 210  florins. 

.Argent,  en  diverses    fois 38  llor.    10  gros. 

Outre  cela,  l'évèque  avait  encore  dans  les  diverses  paroisses  du  Vercors  les  droits 
de  procuration  et  les  pensions  d'argent  et  de  cire  que  nous  spécifierons  plus  loin. 
(Arch.  de  la  Dr.,  fonds  de  Die,  cahier  orig.  de  22  ff. ,  coté  Ji"  88  dans  l'/nv.  de 
'73V- 


MYSTÈRE 

DES    TROIS    DOMS 

JOUÉ   A    ROMANS    EN     iSoc) 

(Fin) 


VI 

On  vient  de  parcourir  le  texte  du  Mystère  des  Trois  Doms,  de  lire 
au  moins  l'ample  analyse  par  actes  et  par  scènes  insérée  dans  l'In- 
troduction (i).  En  tenterons-nous  ici  une  appréciation  d'ensemble  ? 
La  chose  ne  demande  pas  de  longs  développements.  Tout  ce  qui  a 
été  dit  de  la  valeur  des  mystères  en  général  (2)  s'applique  parfaite- 
ment à  celui  des  saints  Séverin,  Exupère  et  Félicien  en  particulier. 

Faiblesse  du  plan,  enchevêtrement  des  faits,  prolixité  fastidieuse, 
manque  de  goiàt,  négligences  de  style,  anachronismes  singuliers, 
tout  cela  s'y  trouve  successivement  ou  même  à  la  fois.  L'expression 
surtout  atteint  souvent  la  grossièreté  la  plus  odieuse.  Pra  ne  s'était 
pas  fait  faute  d'user  de  locutions  mieux  faites  pour  réjouir  les  basses 
classes  que  pour  charmer  les  délicats.  Chevalet  se  garda  bien  d'émon- 
der  ces  trivialités  choquantes.  Dans  son  Saint  Christophe,  il  se  gêne 
si  peu  pour  employer  «  les  termes  de  l'argot  »,  que  La  Monnoye  — 
écrivain  peu  scrupuleux  pourtant  —  l'en  blâme  avec  sévérité  (3). 
Dans  notre  Mysière,  il  ne  se  montre  pas  plus  réservé.  Comment 
expliquer  ces  vocables  mal  sonnants  ?  Car,  il  ne  faut  pas  se  le  dissi- 
muler, c'est  dans  les  meilleures  intentions,  pour  exciter  la  piété  des 
fidèles  et  honorer  les  saints  martyrs  que  cette  représentation  a  lieu  : 
«  Ex  quibus  pluribus  non   solum   causa  salutis  oriri  posset,  verum 

(i)  P.   lix-lxxiv. 

(2)  Cf.  entre  autres  Fréd.  Loliée,  La  liltéralure  et  les  mœurs  au  moyen  âge,  dans 
Le  Contemporain,  1884,  nouv.  sér.,  t.  III,  p.  677. 

(3)  Nouv.  édit.  de  la  Biblioth.  franc,  de  Du  Verdier,  t.  III,  p.  314-5  ;  cf.  Berriat- 
Saint-Pri\,  dans  Mém.  de  la  soc.  des  Antiq.  de  France,  1823,  t.  V,  pp.  188  et 
206-9  ('■''•  '^  P'i'"t,  Paris,  1823,  in-S",  pp.  28  et  46-9). 


02  MYSTÈRE    DES    TROIS    DOMS 

etiam  ystoria  salutaris  atque  dotrina  pietatis  aptissima  omnibus 
saltim  esse  dignoscitur  et  ad  salutiffera  invitatur  exercicia,  »  est-il 
dit  dans  la  Préface  (ij.  Remarquons  d'ailleurs  avec  un  écrivain 
contemporain  que,  «  si  la  vertu  ne  change  point  et  si  la  morale  chré- 
tienne condamne  toujours  les  mêmes  vices,  les  hommes  se  font, 
suivant  les  temps,  une  idée  bien  différente  des  convenances  extérieu- 
res, des  bienséances  du  style  et  de  la  pudeur  dans  le  discours 

Il  y  a  des  époques  et  des  gens  qui  bravent  Ihonnéteté  dans  les  mots 
en  l'observant  dans  les  actions,  tout  comme  on  voit  des  sociétés  et 
et  des  personnes  très  pudibondes  sans  être  pudiques  (2).  » 

Gardons-nous  d'ailleurs  d'outrer  le  mal.  S'il  y  a  beaucoup  à  redire 
dans  le  Mystère  des  Trois  Doms,  si  trop  de  scènes  sont  parsemées 
de  mots  de  la  rue,  il  est  bon  d'observer  que  c'est  là  le  fait  presque 
exclusif  des  personnages  subalternes.  Tout  à  côté  —  et  ceux  qui 
ont  écrit  sur  les  mystères  ont  peut-être  trop  glissé  sur  cette  obser- 
Xation  —  on  rencontre  des  formules  d'exquise  politesse,  qui  tou- 
che même  parfois  à  l'obséquiosité. 

«  Le  parler  a  esté  courtoys, 
Amyable  et  savoureux  »  (v.  10132-3)  : 
voilà  l'idée  qui  se  répète  sous  mille  formes  différentes  et  dans  les 
situations  les  plus  opposées,  sur  les  lèvres  des  empereurs  comme 
dans  la  bouche  de  leurs  officiers  et  de  leurs  serviteurs,  sans  excepter 
les  (■  tyrans  »  eux-mêmes.  Tout  ordre  est  exécuté  «  diligemment,  » 
tout  désir  est  accueilli  «  gracieusement  »  et  «  de  bon  cœur  ». 

Au  point  de  vue  littéraire,  l'œuvre  du  chanoine  Pra  offre  quelques 
passages  qui  tranchent  avec  bonheur  sur  le  fond  languissant  et  mo- 
notone du  drame.  On  n'y  trouve  pas  de  scène  irrépi'ochable  :  mais  il 
en  est  qui  sont  heureuses  par  certains  côtés,  celles,  par  exemple,  où 
la  femme  de  l'empereur  souffre  de  voir  son  fils  Géta  frustré  de  toute 
participation  à  la  couronne  (v.  416-41,  1278-312,  8349-81J,  celles  où 
Séverin,  Exupère  et  Félicien  se  laissent  attendrir  à  la  pensée  des  trois 
chrétiens  mis  à  mort  en  haine  de  leur  foi  et  ouvrent  leur  âme  aux 
enseignements  de  la  religion  chrétienne  (v.  3634-781),  celle  encore 
où  ils  résistent  aux.  douces  supplications  de  leurs  parents  désolés  et 
se  préparent  à  mourir  pour  leur  Dieu  (v.  881 1-85).  11  y  a  une  gaieté 
d'assez  bon  crû  dans  l'incident  du  paresseux  Baudet  qui  se  sent  pris 

(\)  P.  2. 

{2)  L'abbé  Mathiei',  Un  romancier  Lorrain  du  XII'   iiccU,  dans  Mêyu.   Je  l'acad» 
Je  Stanislas,  1882,  .j"  sér.,  t.  X\',  p.  211 1. 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     1509.  63 

soudain  d'une  martiale  ardeur,  mais  qui  ne  tarde  guère  de  déposer  sa 
rapière  et  de  revenir  à  des  goûts  plus  pacifiques  (y.  54 16-6 1 8).  Citons 
aussi  la  translation  tout  entière,  où  le  dialogue  se  dégage  de  ses  lon- 
gueurs accoutumées  et  marche  droit  au  but  avec  aisance.  Enfin  il  est 
de  temps  à  autz-es  d'heureuses  trouvailles  d'expressions,  qui  tran- 
chent agréablement  au  milieu  des  banalités  qui  les  entourent.  Telle 
est  cette  observation  dun  buveur  : 

«  Faulte  de  boire 
Vous  rand  ainsi  la  langue  seiche  »  (v.  2919-20)  ; 
la  prière  de  Séverin  nouvellement  converti  : 

«  Il  convient  ici  que  lermoye  ; 
Doulx  Jhesus,  veuUes  nous  donner 
Gognoyssance  de  tamontjoye, 
Et  noslre  péché  pardonner  »  (v.  3734-7)  : 
ou  bien  encore  ce  souhait  de  bonne  nuit  : 

«   La  mère  de  Dieu  gracieuse 
Vous  oultroye  bonne  nuyctée  »  (v.  3955-6); 
ou  enfin  ces  deux  vers  empreints  du  sentiment  de  la  nature  : 
«   Sus  la  verdure,  dans  le  parc  de  plaisance, 
Nous  cuUerons  chascun  ung  beau  boucquet  »  (v.  715 1-2). 
Malheureusement  le  martyre  des  trois  amis  —  comme  aussi  celui 
des  trois   chrétiens   dans  la  première   journée  —  est  décrit  avec    un 
raffinement  de  détails  qui  engendre  une  forte  dose  de  dégoût  et,  de 
la  sorte,  un  des  effets  principaux  du  drame  est  manqué. 

En  définitive  le  Mystère  des  Trois  Doms  ne  prendra  point  place 
parmi  les  chefs-d'œuvre  de  l'esprit  humain.  Tel  qu'il  est  pourtant, 
avec  les  défaillances,  les  longueurs  et  la  pauvreté  de  style  qui  le  ca- 
ractérisent, cet  ouvrage  a  dû  atteindre  son  but,  qui  était  d'arracher 
pour  un  moment  toute  une  foule  au  prosaïsme  de  la  vie  vulgaire  et 
de  la  mettre  dans  un  contact  plus  intime  avec  les  saints  quelle 
aimait. 

Nous  n'hésitons  pas  à  croire  que  les  trois  jours  de  la  représenta- 
tion de  notre  drame  furent  de  ces  jours  qui  font  date  dans  l'existence 
d'une  cité,  et  que  leur  souvenir  se  transmit  avec  une  impression  de 
joie  vive  et  de  patriotique  fierté.  «  En  sourtirent  tous  à  honneur  et 
grandissime  loange  »,  dit  triomphalement  le  juge  Perrier  (\).  «  La 
noblesse    et  belle  compagnie   »   de   Romans  et   des  environs,    qui 

(I)  P.  592- 


64  MYSTÈRK  DES  TROIS  DOMS 

suivirent  avidement   la  représentation,   ne  tarirent  pas  d'éloges  sur 
le  théâtre  et  les  acteurs. 

Dans  ses  Annales  —  postérieures  de  quelques  années  seulement 
—  Aymar  du  Rivail  corrobore  notre  sentiment  sur  le  bon  accueil  fait 
par  les  Romanais  à  l'œuvre  du  chanoine  Pra  ;  il  nous  apprend  en 
outre  qu'il  y  eut  à  Romans  plusieurs  représentations  en  l'honneur 
des  saints  Séverin,  Exupère  et  Félicien  (i).  Mais  est-ce  l'œuvre  de 
Pra  qui  a  eu  les  honneurs  de  diverses  reprises,  comme  on  dit  aujour- 
d'hui, ou  bien  de  nouvelles  pièces  ont-elles  été  composées  par  des 
fatistes  aussi  habiles  que  lui  ?  Cette  dernière  supposition  paraît  in- 
vraisemblable :  ce  n'était  pas  un  mince  travail  et  une  petite  dépense 
que  la  composition  d'un  mystère  en  douze  mille  vers.  Les  Romanais 
auront  donc  fait  revivre  sur  la  scène  le  drame  de  Pra,  et,  s'ils  ont 
voulu  le  jouer  à  certains  intervalles,  c'est  qu'à  chaque  fois  ces  vers, 
qui  nous  disent  peu  de  chose  aujourd'hui,  trouvaient  un  écho  dans 
leurs  âmes  et  faisaient  vibrer  leur  patriotisme  religieux. 

VII 

En  ce  monde  la  poésie  se  heurte  à  la  prose  :  à  la  suite  des  douces 
pensées  et  des  radieuses  imaginations  vient  l'austère  réalité.  On  s'é- 
tait diverti  en  assistant  au  Mystère  des  Trois  Doms  :  il  fallut  songer 
à  couvrir  les  dépenses  importantes  que  cette  fête  avait  occasionnées. 
Nous  arrivons  donc  au  détail  de  la  recette  des  trois  journées  :  ici 
rien  n'est  donné  au  hasard,  tout  est  appuyé  sur  des  chiffres,  --v 

Les  chambres  ou  loges  furent  fixées  à  trois  florins  la  chambre  pour 
les  trois  jours.  (2J.  11  y  en  avait  quatre-vingt-quatre  fermant  à  clef, 
mais  on  n'en  porte  en  recette  que  soixante  dix-neuf,  cinq  ayant  été 
cédées  gratuitement  :  une  aux  Pères  Cordelicrs,  propriétaires  du 
local  ;  une  aux  charpentiers,  constructeurs  du  théâtre  ;  une  aux  com- 
missaires, dont  ils  n'usèrent  pas  et  qui  resta  à  louer  ;  une  au  peintre 
François  Thèvenot,  qui  la  prit  à  compte  «  pour  loger  certains  de  ses 
amis  »(3);  une  enfin  qui  fil  double  emploi  :  Claude  «  lo  pyner  »  (le 
peigncur  de  chanvre  sans  doute)  les  eut  toutes  deux  pour  une  et  pro- 

(i)  Voir  le  texte  reproduit  p.  82. 

(2)  Elles  se  louaient  pour  toute  la  durée  de  la  représentation.  A  Vienne,  à  la 
Passion  jouée  en  15  10,  on  paya  par  chambre  .\  écus  au  soleil  ou  12  tlorins  pour 
les  huit  journées  (p.  Sqi)  :  ce  fut  par  jour  à  Komans  un  florin,  et  un  florin  et  demi 
à  Vienne. 

(3)  P.   625. 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     I  5O9.  65 

fita  de  l'erreur  (i).  —  Les  soixante-dix-neuf  chambres  à  3  florins 
montent  à  237  florins.  —  Le  27  mai,  le  premier  jour  de  Pentecôte,  les 
échafauds  ou  gradins  furent  mis  à  un  demi-sol  «  par  personnage 
soit  grand  ou  petit  »  (2):  la  recette  fut  de  153  florins  4  gros  1/2  ;  le 
deuxième  jour,  le  28  mai,  toujours  à  un  demi  sol  par  personne,  le 
produit  fut  un  peu  moindre,  seulement  de  130  florins  ;  le  troisième 
jour,  29  mai,  le  prix  des  places  maintenu  à  un  demi-sol  par  tête,  on 
arriva  à  160  florins  7  gros  1/4.  Le  produit  total  de  la  repi-ésentation 
des  trois  jours  fut  donc  de  680  florins  1 1  gros  3/4  (3). 

On  peut  calculer  très  approximativement,  au  moyen  de  ces  chif- 
fres, le  nombre  des  spectateurs  qui  assistèrent  à  ces  représentations. 
Celui  de  l'amphithéâtre  ou  des  gradins  est  positivement  connu, 
savoir  à  vingt-quatre  personnes  par  florin  :  pour  le  premier  jour, 
3680  ;  pour  le  deuxième,  3120  ;  et  pour  le  troisième,  3847.  —  Pour 
les  chambres,  la  base  de  notre  opération  est  moins  assurée  ;  nous  ne 
savons  pas  au  juste  combien  elles  contenaient  de  places,  mais  il 
est  très  probable,  d'après  le  prix  de  trois  florins  pour  les  trois  jours 
ou  d'un  florin  par  jour,  qu'elles  devaient  en  contenir  moins  de 
vingt-quatre,  autrement  on  y  eût  été  à  meilleur  marché  qu'à  l'am- 
phithéâtre, ce  qui  ne  devait  pas  être.  Ces  chambres  fermaient  à  clef, 
on  pouvait  y  arriver  à  volonté  ;  on  y  était  séparé  du  public  et  affran- 
chi de  la  cohue  et  de  la  gêne  :  on  doit  donc  raisonnablement  croire 
que  le  prix  en  était  plus  élevé  que  celui  des  gradins.  Si  ces  observa- 
tions sont  justes,  il  faut  compter  douze  à  quatorze  places  seulement 
par  chambre,  ce  qui  ferait  sur  les  quatre-vingt-quatre  toutes  occu- 
pées, quoiqu'en  réalité  soixante-dix-neuf  seulement  aient  figuré  en 
argent  dans  la  recette,  une  moyenne  d'environ  onze  cents  person- 
nes. En  les  ajoutant  au  chiffre  de  chaque  jour,  nous  aurons  :  pour 
le  premier  jour  4780  personnes,  pour  le  deuxième  4220;  pour  le 
troisième  4947,  et  en  tout  13947  spectateurs. 

Le  produit  des  trois  journées  était  d'un  peu  plus  de  680  florins. 
Après  la  représentation,  cette  somme  fut  portée  à  environ  738  florins, 
par  la  vente  à  l'enchère  de  différents  objets,  débris  du  théâtre  et  des 
décorations  ;  et  cette  recette  fut  loin  de  couvrir  la  dépense  totale, 
dont  voici  le  chiffre  : 


d)  P.  623. 

(2)  Le  prix  de  ces  places,  réservées  à  la  classe  la  moins  aisée,  fut  le  même  (2  liards) 
à  Vienne  en   1510(1.  c.) 

(3)  P-  624. 

Bull.  VIII,  1887.  5 


66  MYSTÈRE  DES  TROIS  DOMS 

Payé  aux  charpentiers  le  prix  fait  du  théâtre  4 1 2  fl.   j 

Plus,  à  titre  de  supplément  motivé  par  un  \  442  fl.  »  s.  »  d. 

surcroît  de  travail 30        \ 

Payé  depuis  le  14  août  1508  jusqu'au  3  mars  1509  268  11  6 
Du  3  mars  au  26  mail  509,  veille  de  la  représentation  352  2  7 
Du  30  mai  au  9  octobre  1509,  jour  du  règlement 

définitif 673        [Q       I 

Total 1737         »       2 

A  déduire  la  recette.     , 7  3'^         ^        3 

Reste  à  la  charge  du  Chapitre  et  de  la  ville  .     .     .     998       10     11 

Ainsi  le  Mystère  joué  à  Romans  a  coûté  dix  mois  de  travail  et 
1737  florins. 

On  sera,  sans  doute,  bien  aise  de  connaître  la  valeur  de  ces  1737 
florins  convertis  en  monnaie  actuelle,  et  de  se  faire  par  là  une  idée 
de  la  dépense  que  représente  aujourd'hui  cette  somme.  Comme  on 
peut  s'en  convaincre  par  une  petite  dissertation  insérée  dans  l'Intro- 
duction (i),  le  florin  de  1509  valait  12  fr.  73  c.  Ainsi,  les  1737  fl.  2 
d.  font  un  total  de  22120  fr.  87  c. 
Le  chanoine  Pra  a  reçu  pour  ses 

honoraires 255  fl.  »  s.»  d.  soit    3247  fr.  42  c. 

Chevalet 27     5     9        —       349        95 

Les  copistes,  le  papier  compris,  183»  —  232  41 
Le  théâtre  (bois,  fer,  etc.)  a  coûté  645  7  »  —  8221  51 
Les  décorations  et  machines.  .  655  i  5  —  8342  92 
La  musique  du  jeu  ...  .  90  »  »  —  iM*^'  15 
Enfin,  les  dépenses  générales.     .       45     7     »        —       580        51 

Total  égal.  .  .  .  i737fl.  »  s.  2  d.  —  22120  fr.  87  c. 
Même  sans  admettre  les  comptes  de  l'auteur  de  la  dernière  His- 
toire du  théâtre  en  France  (2;,  il  demeure  acquis  que  le  budjet  du 
Mystère  des  Trois  Doms  a  été  considérable.  Romans  fit  grandement 
les  choses  et  n'hésita  pas  à  payer  cher  un  plaisir  toujours  apprécié 
des  populations. 

(i)  «  La  puissance  du  numéraire,  dit-il  (t.  I,  p.  363-4),  étant  à  peu  près  dix  fois 
moindre  aujourd'hui  qu'en  1509,  on  peut  évaluer  la  dépense  à  près  de  cinquante 
mille  francs,  la  recette  à  moins  de  vini^t  et  un  mille,  et  le  déficit  à  près  de  trente 
mille.  » 

(2)  P.  Ixxxiv-vij. 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     I5O9.  67 


VIII 

Avant  de  nous  séparer  des  trois  martyrs,  dont  le  Mystère  a  retracé 
les  glorieux  combats,  il  nous  paraît  utile,  après  les  avoir  étudiés  dans 
la  poésie,  de  reconstituer  brièvement  leur  place  dans  l'histoire. 

Le  chanoine  Pra  —  est-il  besoin  de  le  dire  ?  —  n'a  pas  travaillé  en 
érudit.  Il  a  accepté  de  confiance  les  données  qui  avaient  cours  à  son 
époque  et  s'sst  attaché  à  les  développer  telles  quelles  dans  ses  vers. 
Nous  avons  facilement  retrouvé  le  document  qui  lui  a  servi  de  thème 
et  sur  lequel  son  drame  a  été  calqué  presque  littéralement.  Le  Bre- 
viarium  ad  usum  insignis  ecclesie  collégiale  Beati  Barnardi  de  Roma- 
nis de  15  18  (i)  contient  trois  offices  des  saints  Séverin,  Exupère  et 
Félicien,  l'un  de  leur  fête  (ig  novembre^,  l'autre  de  l'octave  de  cette 
fête  (26  nov.),  le  troisième  de  la  translation  de  leurs  reliques  à  Ro- 
mans (2  octobre)  (2). 

L'auteur  de  notre  Mystère  est  en  parfait  accord  avec  eux.  D'après 
les  légendes  du  bréviaire  de  Saint-Barnard,  comme  d'après  le  récit 
poétique  de  Pra,  Séverin,  Exupère  et  Félicien  sont  trois  habitants 
de  la  ville  de  Vienne  qui  souffrent  le  martyre  durant  la  persécution 
de  Marc-Aurèle  (3).  Pendant  de  longues  années,  leurs  corps  restent 
abandonnés  à  Brennier.  Du  temps  de  saint  Paschase,  évêque  de 
Vienne,  les  martyrs  apparaissent  au  diacre  Tertius.  A  la  suite  de 
cette  révélation,  leurs  reliques  sont  transférées  en  grande  cérémonie 
dans  une  église  du  voisinage  dédiée  à  saint  Romain.  Plus  tard  Bar- 

(i)  Voir,  sur  cette  rarissime  édition,  notre  Notice  insérée  dans  le  Bulletin  du 
bibliophile  {1^6 'j,  série  XVI,  p.  395-9)  et  le  rapport  cité  (  p.  98,  n.  2)  de  M.  Léop. 
Delisle,  éans  \a  Biblioth.  de  l'école  des  Chartes,  1881,  t.  XLII,  p.  496-7  (tir.  à  part, 
p.  14-6^.  Elle  a  été  fidèlement  réimprimée  à  Lyon  en   161  2. 

(2)  Un  bréviaire  manuscrit  de  la  même  collégiale,  écrit  en  1481,  a  été  donné  par 
M.  Giraud,  en  même  temps  que  le  Compte  de  la  représentation  du  Mystère,  à  la 
bibliothèque  nationale,  où  il  occupe  le  n°  323  nouv.  acq.du  fonds  latin  (L.  Delisle, 
rapport  cité,  dans  Bibl.  cit.,  p.  499-500;  t.  à  p.,  p.  18).  Il  offre  peu  d'intérêt  au 
point  de  vue  historique:  seule  la  fête  des  trois  martyrs  possède  une  légende  propre, 
qui  ne  correspond  même  pas  aux  trois  premières  leçons  de  l'octave  dans  le  Bréviaire 
de  I 5 18. 

(3)  Les  Bollandistes  adoptent  l'année  177  (date  des  martyrs  de  Lyon)  ou  178 
{Acta  Sanctorum,  maii  t.  II,  éd.  Palmé,  p.  looa).  Lenain  de  Tillemont  les  rapporte 
simplement  au  règne  de  xMarc-Aurèle  (Mém.  pour  l'hist.  ecclés.,  t.  II,  p.  321). 
M.  Hauréau  recule  leur  martyre  jusqu'au  V'  ou  même  au  VI=  siècle  {Gallia  Christ. 
nova,  t.  XVI,  c.   12). 


68  iMYSTÈRE    DES    TROIS    DOMS 

nard,  archevêque  de  Vienne,  les  transporte  au  monastère  qu'il  vient 
de  fonder  à  Romans. 

II  est  impossible  de  reconstituer,  en  remontant  le  cours  des  âges, 
la  filiation  des  diverses  parties  de  ce  récit,  pris  dans  son  intégrité. 
La  source  la  plus  ancienne  parait  être  le  Martyrologium  qu'Adon 
termina  avant  son  élévation  sur  le  siège  de  Vienne  (860)  :  «  XIII.  Kal. 
decemb.  —  Apud  Viennam,  sanctorum  martyrum  Severini,  Exuperii 
et  Feliciani  ;  quorum  corpora  post  multa  annorum  curricula,  ipsis 
revelantibus  inventa,  et  a  pontifice  urbis,  clero  et  populo  honorifice 
sublata,  in  basilica  Sancti  Romani,  que  jam  dicte  civitatis  parte 
orientali  sita  est,  condigno  honore  condita  sunt  (i).  » 

Ce  morceau  est  passé  en  entier  dans  le  Catalogus  sanctorum  com- 
posé par  Pierre  de' Natali  en  1372  (2).  Usuard  l'avait  inséré,  sauf  la 
phrase  relative  à  l'église  de  Saint-Romain,  dans  son  Martyrologe  (3) 
rédigé  vers  875,  et  c'est  sous  cette  forme  qu'il  a  pris  un  caractère 
officiel  dans  le  Martyrologium  Romanum  de  Baronius,  promulgué  par 
Grégoire  XIII  en  1584. 

Les  diverses  éditions  de  ce  texte  ne  nous  apprennent  absolument 
rien  sur  le  temps  et  les  circonstances  du  martyre  des  saints  Viennois. 
Nous  en  avons  trouvé  les  premiers  linéaments  dans  un  Catalogue 
encore  inédit  des  évêques  de  Vienne,  de  saint  Crescent  à  saint  Avit, 
lequel  occupe  toute  une  page  (fol.  323  v°)  d'une  grande  Bible  du 
X*  siècle,  provenant  de  la  cathédrale  de  Vienne  et  aujourd'hui  conser- 
vée à  la  bibliothèque  de  Berne  sous  le  n°  9  (4)  :  «  II.  Nonas  mai.  — 
Sanct'i  lusti  Viennensis  epwco/)i.  Hic  floruit  temporibus  Antonini 
cognomento  pii  et  Antonini  minoris,  quo  tewpore  Hyreneus  Lugdu- 
nensis  adhuc  ^reshyter  habebatur.  Huius  lusti  tempore  fertur  pt^rse- 
cutio  grauissima  Xp^'s/ianorum  in  urbe  Uienna  fuisse,  qî^ando  multi 
Xp/s/ianorzt»z  martirio  coronati  sunt  :  inter  quos  Seuerinz^s,  Exsupe- 
rus  et  Felicianzfs,  quorum  corpora  mira  reuelationc  post  modu;n  re- 

(i)  Patrol.  latina  de  Mignc,  t.  CXXIII,  c.  397.  Cf.  le  Clironicon  du  même,  œlas 
sexta,  ibid.,  c.  83.  —  Mentionnons  pour  mémoire  les  deux  vers  consacrés  ù  nos 
saints  par  Wandalbert  de  Prùm  dans  son  Martyrologe  dédie  à  l'empereur  Lothaire 
en  S48  ('Pa/r.  lat.,  t.  CXXI,  c.  619),  et  les  deux  lignes  du  MarUrologe  faussement 
attribué  au  vénérable  Bède  (ibid.,  t.  XCIV,  c.    i  loH). 

(2)  Lib.  X,  cap.  82  (Acta  Sanctorum  des    Boliandistes,  maii  t.  II,  p.    100;. 

(3)  Palrol.  latina,  t.  CXXIV,  c.  71  1-2. 

(4)  Ou  n"  9  A  du  Catalogus  coJicutn  Bernensium  de  M.  licrm.  Hagen  (Bernœ, 
1875,  'n-B^i  P-  6-8)  Cf.  Histoire  liil.  de  la  France.  \XH^,  t.  .\.\I.\,  p.  450-2,  art.  de 
M.  Léop,  Delisle,  à  l'exquise  complaisance  de  qui  nous  devons  une  épreuve  photo- 
graphique de  ces  deux  colonnes. 


JOUE    A    ROMANS    EN     150g.  Ô9 

pcrta  Sun/.  Paulo  ante  et  martiriu???  illud  clarissimu;;z  Lugduni  con- 
summatu»z  est,  quando  sanctlssïmus  diaconus  Sanctus  Viennensis 
cum  aliis  Viennensibus  martirio  coronatus  est.  » 

Cette  notice,  rédigée  au  plus  tard  à  l'époque  carlovingienne,  a  été 
textuellement  reproduite  dans  un  calendrier  historique  des  archevê- 
ques de  Vienne,  dressé  vers  la  fin  du  XI"  siècle.  Copié  à  Vienne  en 
1662,  par  le  bollandiste  Godefroy  Henschenius  (i)  et  en  1677  à  Gre- 
noble, dans  la  bibliothèque  de  Nicolas  Chorier,  par  le  bénédictin 
Claude  Estiennot  (2),  il  a  été  publié  par  nous  en  1868,  d'après  la 
copie  de  ce  dernier,  sous  le  titre  à'Hagiologium  Vietuiense  (3J. 

Nous  classerons  immédiatement  après  deux  fragments  de  la  vie 
de  saint  Barnard,  publiés  par  Mabillon,  d'après  un  manuscrit  d'Am- 
bronay  (4).  L'illustre  bénédictin,  qui  les  devait  au  même  dom  Es- 
tiennot, n'en  assigne  malheureusement  point  la  date  ;  nous  n'ose- 
rions pas  leur  accorder  une  antiquité  trop  reculée.  Ils  prouvent  ce- 
pendant qu'on  racontait  à  Ambronay,  au  moins  vers  le  XII''  siècle, 
le  martyre  de  nos  saints  sous  la  forme  ultérieurement  admise  de 
tous,  et  c'est  là  un  fait  significatif  si  l'on  se  rappelle  que  Barnard 
avait  été  abbé  d'Ambronay  avant  de  devenir  archevêque  de  Vienne. 

On  remarquera  que  l'évêque  Paschase  figure  pour  la  première 
fois,  comme  présent  à  l'invention  des  trois  martyrs,  dans  le  second 
fragment,  lequel  copie  d'ailleurs  littéralement  la  notice  du  ms.  de 
Berne  (5J.  Cette  addition  se  heurte  à  une  difficulté  réelle,  si  l'on 
maintient  au  commencement  du  IV*"  siècle  l'épiscopat  de  Paschase  : 
comment  aurait-on  déjà  dédié  une  église  à  saint  Romain,  qui  venait 
à  peine  (en  303)  de  souffrir  le  martyre  à  Antioche  ? 

Touchant  la  translation  des  reliques  des  trois  martyrs  à  Romans, 
nous  possédons  un  texte  important  du  IX^  siècle  :  c'est  un  diplôme 
émané  de  l'empereur  Lothaire  (30  déc.  842  >),  à  la  demande  d'Agil- 
mar,  successeur  immédiat  de  Barnard  sur  le  siège  de  Vienne  (6). 
Lothaire  rapporte  que  Barnard  avait  exhumé  les  corps  des  saints 
Séverin,  Exupère  et  Félicien,  qui  gisaient  abandonnés  dans  un  lieu 
peu  convenable,   au  quartier  de  Brennier  (ou  des  Brosses),  dans  un 

(i)  Cf.  Acta  Sanctorum,  maii  t.  II,  p.  90  h. 

(2)  Bibl.  nation,  de  Paris,  ms.  lat.   12768,  p.   131. 

(3)  Documents  inédits  relatifs  au  Datiphiné,  t.   II,  5=  livr.,  p.  5-6. 

(4)  Acta  sanctorum  ordinis  S.  Benedicti,  1680,  sœc.  IV,  pars  11,  p.   563-6. 

(5)  P.  566. 

(6)  Cf.  Documents  inédits  relatif  au  Dauphinè,  t.  II,  5°  livr.,  p.  25,  n.    11. 


70  MYSTERE  DES  TROIS  DOMS 

faubourg  de  la  ville   de  Vienne  rnommé  Pont-Evêque),  et  qu'il  les 
avait  transférés  au  monastère  récemment  fondé  par  lui  à  Romans. 

La  châsse  qui  renfermait  les  reliques  fut  mise  à  la  place  d'honneur 
dans  le  sanctuaire  même.  Là  se  lisait,  comme  nous  l'apprend  le 
second  fragment  de  la  vie  de  saint  Barnard  édité  par  Mabillon,  sur 
les  marbres  de  l'arcade  tumulaire  l'inscription  commémorative  sui- 
vante, dès  longtemps  disparue  (i)  : 

Martyribvs  reverenda  tribvs  haec  fvlgvrat  avla, 
qvorvm  coelesti  servantvr   nomina  libro. 
hl  domini  ob  nomen  foelici  sorte  perempti, 
Vrbe  'Viennensi   AETHEREAS    SVMPSERE   CORONAS. 
Inde  hvc  translati  post  longi  temporis  annos, 
Praesentem  illvstrant  meritis  vivacibvs  aram 

CONSPICVO  IN    TEMPLO,    PRAEFATAE    QVOD    PIVS    VRBIS 

Condidit  antistes,  tantoqve   in  honore  BEAVIT. 
Seqve  pus   svpplex  tradens  in  SAECLA  patronis, 
Hic  vita  excessit,  hic  sacris  conditvr  arvis. 
QvEM  SINE  fine  tegens  foveat  miseratio  Christi. 
Nomina  sanctorvm  cvpiens  cognoscere,  lector, 
SciTO  Severinvm,  Exvperivm  et  Felicianvm, 

AVCTORIS    NOMEN    C0MMENDANT    SCRIPTA    SEPVLCHRI. 

M.  de  Terrebasse  conjecture  avec  beaucoup  de  vraisemblance  que 
cette  pièce  a  été  composée  vers  le  milieu  du  IX^  siècle.  «  Non  seule- 
ment, dit-il,  elle  est  antérieure  à  la  canonisation  de  Barnard,  mais 
elle  sort  évidemment  de  la  plume  d'un  contemporain,  initié  à  tous 
les  secrets  de  sa  vie  et  à  toutes  les  agitations  de  sa  conscience.  Il 
n'y  est  pas  question  d'un  saint,  mais  d'un  prélat  se  mettant  en 
suppliant  sous  le  patronage  de  trois  illustres  martyrs,  à  côté  des- 
quels ses  miracles  futurs  et  la  vénération  des  fidèles  ne  devaient  le 
placer  qu'un  siècle  plus  tard.  »  L'érudit  dauphinois  se  demande 
ensuite  quel  est  l'auteur  de  ces  vers,  et  il  n'hésite  pas  à  les  attribuer 
à  Florus,  diacre  de  l'église  de  Lyon. 

(i)  La  plus  ancienne  copie  se  trouve  dans  le  manuscrit  lat.  2832,  de  la  Biblioth. 
nation.  (IX'  siècle).  Elle  est  imprimée  dans  :  Breviarium  ceci.  coll.  B'  Barnardi  de 
Romanis,  15  18,  f°  cccxcv  v°b  (3°  leçon  dans  l'octave  de  la  fête  de  s'  Barnard); 
3' édition  du  même,  Lugduni,  12  avril  1612,  f"  568  r"  ;  Duchesne,  //fs^.  Franc, 
script.,  1636,  t.  I,  p.  513-4  ;  Mabillon,  Acta  ss.  ord.  S.  Betied. ,i68o,  t.  IV,  p.  11, 
p.  566  ;  Bouquet,  Rec.  d.  Iiist.  des  Gaules,  1739,  t.  II,  p.  532;  Collombet,  Ilisl.  de 
l'égl.  de  Vienne,  1847,1  I,  p.  45  ;  A.  de  TKRnEi:\ssE,  Epitaphe  des  trois  martyrs..., 
Vienne,  s.  d.,  in-S",  p.  i  ;  le  même,  Inscriptions  de  Vienne,  1875,  ■^°  part.,  t.  I, 
p.   1-2  ;  cf.  du  mcmc,  Opuscules,   1880,  p.    193-207. 


JOUE    A    ROMANS    EN     I509.  7I 

Cependant  autour  de  l'abbaye  ne  tarda  pas  à  se  former  un  village, 
un  bourg-,  puis  une  ville,  qui  grandit  dans  le  culte  de  ses  glorieux 
patrons.  Nous  en  trouvons  un  intéressant  témoignage,  dès  avant 
II 19,  dans  l'homélie  de  Guy  de  Bourgogne  (plus  tard  Calixte  II) 
qui  forme  les  leçons  de  l'office  de  la  translation  de  nos  saints.  Que 
sont  devenus  les  nombreux  récits  auxquels  il  est  fait  allusion 
dans  la  première  leçon  de  l'octave  de  leur  fête  et  qui  retraçaient 
leurs  héroïques  combats  (i)?  Leur  trace  nous  est  perdue.  Mais  un 
monument  incomparablement  expressif  du  culte  qu'on  rendait  aux 
trois  doms,  c'est  ce  Mystère  que  nous  livrons  au  jour  et  que,  nous 
l'avons  vu,  on  jouait  périodiquement.  En  «  mettant  sus  et  ordon- 
nant »  (2)  un  Mystère  qui  retraçât  leur  martyre,  la  cité  romanaise 
reconnaissante  s'acquittait  de  l'acte  le  plus  solennel  que  l'on  con- 
nût alors  d'une  naïv-^e  vénération.  «  En  la  fin  dudit  mystère,  dit  en 
terminant  messire  Perrier,  furent  retournées  les  châsses  des  dits 
corps  saints  et  chefs  à  ladite  église  en  procession  générale,  qui  là 
avoient  été  durant  ledit  mystère,  avec  gros  cierges,  en  chantant  Te 
Deum  laiidamus  (3).  » 

Hélas  !  un  jour  vint  où  cette  pieuse  habitude  de  porter  triompha- 
lement en  procession  les  reliques  des  trois  saints  dut  mettre  au  cœur 
des  Romanais  un  regret  amer.  Le  23  janvier  1524,  fête  de  saint 
Barnard,  la  procession  accoutumée  eut  lieu.  Quatre  jeunes  gens 
portaient  la  triple  châsse  {triarcham)  (4J  qui  renfermait  les  restes 
des  martyrs.  Tout  à  coup,  dans  la  rue  Saunerie,  entre  les  maisons 
du  chanoine  François  Odde  et  de  noble  Guillaume  Tardivon,  disent 
les  livres  capitulaires  (5)  qui  n'oublient  aucun  détail,  les  jeunes  gens, 
non  par  malice,  mais  à  bout  de  forces,  laissent  tomber  à  terre  leur 
précieux  fardeau,  qui  se  brise  en  deux  parties.  Les  reliques  de  la 
châsse  du  milieu   sont  répandues  sur  le  sol,  au  grand  scandale  du 

(i)  «  Victorias  martyrum  et  agones  féliciter  consummatos  multi  litteris  mancla- 
verunt  »  (p.  xc). 

(2)  P.    591. 

(3)  P-  59--  ^î-  Petit  de  Julleville  conjecture  à  tort  «  que  les  reliques  des 
saints  ne  furent  pas  apportées  au  théâtre  »  (t.  II,  p.  96).  On  peut  voir  (p.  856) 
qu'à  la  représentation  du  Mystère  des  saints  Félix,  Fortunat  et  Achillée  (en  1500) 
les  Valentinois  prièrent  le  clergé  d'apporter  leur  châsse  sur  la  scène,  «  pro  majori 
reverentia  et  honore  debitis  dictis  tribus  sanctis  mariyribus.  w 

(4)  Faut-il  la  reconnaître  dans  cet  article  de  l'inventaire  du  trésor  de  l'église  de 
St-Barnard  à  la  fin  du  XIIP  siècle  :  «  Tria  vasa  cristallina. . .  ;  in  omnibus  hiis  conti- 
nentur  reliquie  »  [Cartulaire,  f°  185  v°  ;  Giraud,  Essai,  2=  p.,  t.  II,  p.    iio  bis)  r 

(5)  P.  817-8. 


72  MYSTERE  DES  TROIS  DOMS 

clergé  et  de  tout  le  peuple,  et  il  s'en  dégage  comme  un  nuage  de 
poussière.  On  recueille  en  toute  hâte  ces  saints  débris.  Le  mardi 
suivant,  26  janvier  (i),  on  se  dirige  processionnellement  vers  le  lieu 
du  désastre.  Les  quatres  jeunes  gens  tiennent  chacun  à  la  main, 
pour  réparer  leur  faute  involontaire,  un  cierge  de  quatre  livres.  En- 
fin le  jeudi,  24  mars,  on  dépose  ce  qu'il  reste  des  reliques  des  trois 
doins  derrière  le  grand  autel  de  l'église  collégiale,  sous  la  châsse  de 
saint  Barnard. 

Des  jours  plus  désastreux  se  levèrent  bientôt  pour  Romans  et  les 
reliques  de  ses  saints  :  nous  voulons  parler  des  guerres  dites  de  reli- 
gion. Des  dépositions  recueillies  postérieurement  de  divers  témoins, 
il  résulte  qu"  «  au  dessus  du  grand  autel  de  marbre  éto^^ent  trois 
chasses  couvertes  d'argent,  appelées  l'une  de  Saint  Barnard,  l'autre 
des  Trois  Doms  et  l'autre  de  Saint  Anitor  ;  lesquelles,  ajoute  l'un 
d'eux,  il  a  vu  plusieurs  fois  descendre,  monter  et  porter  (2).  »  Pris  en 
garde  par  les  consuls,  le  4  mai  1562,  sur  l'injonction  du  seigneur  de 
Triors,  Ennemond  Odde,  les  joyaux  et  reliquaires  de  St-Barnard 
furent  remis,  le  12  juin  suivant,  à  André  de  Morges,  commissaire 
du  baron  des  Adrets,  et  disparurent  à  tout  jamais  (3). 

De  Romans  la  dévotion  envers  les  protecteurs  de  cette  ville  rayon- 
nait sur  toute  la  province  du  Dauphiné.  Vienne  surtout  était  fière  de 
leur  avoir  donné  le  jour,  et  elle  leur  vouait  un  culte  imprégné  d'une 
spéciale  confiance  (4j.Une  preuve  qu'au  XVIII^  siècle  encore  Séverin, 
Exupère  et  Félicien  n'y  avaient  pas  été  oubliés,  se  lit  dans  Charvet  : 
«  On  croit,  dit  le  docte  archidiacre  (5J,  que  la  maison  des  SS.  Mar- 
tyrs étoit  dans  le  quartier  de  S.  Martin  de  Vienne,  sur  les  bords  de 
la  Gère,  près  d'un  carrefour  qu'on  appelle  vulgairement  la  pierre  du 
Bacon.  Le  Clergé  de  l'Eglise  Cathédrale  y  fait  une  station  le  second 
jour  des  Rogations,  dans  laquelle  il  chante  les  grandes  litanies  des 

(i)  Le  ms.  porte  certainement  par  erreur  «  vigesima  secunda  januarii.  » 

(2)  «  Informations  prises  par  Antoine  Guerin,  lieutenant  partie .  au  sicgc  de 
Romans»  (3  janv.  156.^). 

(3)  «  Registre  des  assemblées,  délibérations  et  conclusions  de  la  ville  de  Romans  » 
1556-62,  f°»  261  et  2  74V°. 

(4)  Des  reliques  de  saint  Séverin  et  de  saint  Exupcrc  —  non  de  saint  Félicien  —  se 
trouvent  à  l'église  Saint-.Maurice  de  Vienne  (ancienne  cathédrale*,  dans  le  reliquaire 
en  bois  doré  qui  orne  la  partie  droite  de  l'autel  de  Saint-Mamert  (Cf.  Recherches  sur 
les  précieuses  reliques  vénérées  dans  la  sainte  Eg^lise  de  Vienne,  par  le  curé  de  Saint- 
Maurice  [Robin];  Vienne,  1876,  gr.  in-8°,  p.  129-30). 

(5)  Histoire  de  la  sainte  Eglise  de  Vienne,   1761,  p.  48. 


JOUÉ    A    ROMANS    EN     I5O9.  73 

Saints.  Lé  propriétaire,  ou  celui  qui  habite  la  maison,  prépare  trois 
couronnes,  dont  deux  sont  attachées  aux  chandeliers  des  Acolytes, 
et  la  troisième  au  haut  de  la  Croix.  Anciennement  on  faisoit  aussi  le 
second  jour  des  Rogations  une  stationna  l'Eglise  de  S.  Romain 
(Ordo  Eccl.  S.  Mauritii  Vienn.J,  et  cette  pieuse  coutume  n'a  cessé 
que  depuis  1562,  tems  auquel  les  Calvinistes  la  ruinèrent  pour  la 
seconde  fois  ;  car  elle  l'avoit  été  déjà  par  les  Sarrasins  sous  le  ponti- 
ficat de  S.  Austrobert.  Il  en  reste  encore  quelques  masures.  » 

Les  églises  de  Valence,  Die,  Grenoble  et  Viviers  s'étaient  de  bonne 
heure  unies  à  celle  de  Vienne  dans  un  culte  commun  de  nos  trois 
Martyrs  (i).  Par  lettre  pastorale  du  18  août  1782,  l'archevêque  Jean- 
Georges  Lefranc  de  Pompignan  promulgua,  avec  le  gré  de  ses  suffra- 
gants,  un  nouveau  bréviaire  pour  toute  la  province  ecclésiastique  de 
Vienne  {2).  II  parut  l'année  suivante  :  l'office  des  trois  doms  y  était 
maintenu  à  son  ancienne  date,  la  légende  réduite  à  une  leçon  comme 
dans  le  bréviaire  d'Henri  de  Villars  (1678).  La  liturgie  viennoise  a 
disparu  dans  le  retour  à  celle  de  Rome  et  avec  elle,  dans  le  diocèse 
de  Valence  auquel  appartient  la  ville  de  Romans,  en  1852  l'office  de 
Séverin,  Exupère  et  Félicien.  Mais  un  nouvel  Ojficia  propria  diœcesis 
Valentinensis,  approuvé  par  la  S.  Congrégation  des  Rites  en  1884, 
les  a  rétablis  (à  la  date  du  28  nov.),  avec  une  légende  en  trois  leçons  et 
des  hymnes,  qui  n'ont,  hélas  !  rien  de  particulier,  car  la  T"  est  de 
Coffin  et  les  deux  autres  sont  de  Santeul.  Le  culte  de  nos  saints 
martyrs  n'est  donc  pas  près  de  s'éteindre,  pas  plus  que  le  souvenir 
de  leur  mort  glorieuse  et   de  leurs  bienfaits. 


(i)  Nous  les  trouvons  plus  anciennement,  à  la  date  invariable  du  19  novem- 
bre :  dans  un  Coutumier  de  Valence  de  l'an  1355  environ  (voir  Bulletin,  t.  VII, 
p.  178),  dans  un  Missel  de  la  même  église,  manuscrit  de  145 1  donné  par  Guillaume 
bâtard  de  Poitiers,  seigneur  de  Barry  et  de  Soyans,  à  la  chapelle  de  «  Seint  Andrieu  » 
de  la  cathédrale  (ibid.,  p.  184),  et  dans  l'édition  de  1504  (ib,,  p.  188);  à  Die,  dans 
un  superbe  Missel  ms.,  écrit  par  le  sacristain  Etienne  Chypre  en  1305  (biblioth. 
du  Grand-Sémin.  de  Romans),  et  dans  les  Bréviaire  et  Missel  imprimés  en  149861 
1499  par  ordre  de  Jean  d'Epinay  ;  à  Grenoble,  dans  les  deux  éditions  du  Missel 
1497  et  1532)  ;  à  Viviers  enfin,  dans  le  Missel  de  1527.  Que  leur  culte  s'étendit  à 
tout  le  diocèse  de  Vienne  un  Missel  de  Saint-Sauveur-en-Rue  (Loire),  de  1450  en 
viron  (cabinet  de  M.  Chaper),  nous  en  est  la  preuve. 

(2)  Sont  exceptés  les  diocèses  de  Maurienne  et  de  Genève,  situés  hors  de  la 
France. 


LE  TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

d'après  des  documents  officiels  et  inédits. 


(Suite). 


Le  vicaire  provisoire  de  Clelles,  Monthalet,  n'était  pas  plus  heureux 
que  Duboille  :  ses  paroissiens  lui  suscitaient  mille  tracasseries. 
Dans  l'espoir  d'y  mettre  un  terme,  il  alla,  le  29  décembre,  se  faire 
inscrire  comme  membre  de  la  garde  nationale  et  faire  ses  offres  de 
sen-ice  pour  monter  la  garde  à  son  tour  (1). 

Nous  ne  savons  si  on  lui  sut  gré  de  son  dévoûment  ;  mais  il  eut  à 
subir  des  attaques  nouvelles  et  imprévues.  Lui-même  nous  les  fera 
connaître  dans  les  plaintes  qu'il  adressa  à  la  municipalité,  le  2  jan- 
vier 1792  :  «  A  Messieurs  le  maire  et  officiers  municipaux  de  la 
commune  de  Clelles  représente  Damien  Monthalet,  vicaire  provi- 
soire de  la  paroisse  Notre-Dame  de  Clelles-en-Trièves,  département 
de  l'Isère,  que,  jeudi,  vingt-neuf  décembre  mil  sept  cent  quatre-vingt- 
onze,  sur  les  deux  heures  après-midi,  il  a  été  rendre  une  visite 
d'honnêteté  au  sieur  Saurel,  se  disant  procureur  de  la  commune. 
Après  une  très  briève  conversation  auprès  de  son  feu,  où  était  le 
sieur  Eyraud,  la  femme  Saurel  demanda  au  représentant  qu'elle 
puissance  il  avait  sur  les  âmes.  Il  répondit  que  cette  puissance  datait 
de  vingt-deux  ans,  depuis  l'ordination  reçue  de  Mgr  de  Caulet,  évê- 
que  de  Grenoble,  et  que  la  commission  de  l'évêque  constitutionnel 
lui  en  avait  donné  l'exercice.  La  dite  femme  Saurel  ajouta  que  nous 
étions  tous  des  coquins  envoyés  par  d'autres  coquins  ;  que  nous 
étions  tous  des  voleurs  entrant  par  la  porte  de  derrière  pour  voler  le 
bien  de  M.  Galfard.  Après  les  propos  les  plus  injurieux  et  la  repré- 
sentation que  lui  fît  le  représentant  de  ses  torts,  la  dite  Saurel  sort 
un  instant  et  rentre  avec  la  nommée  Françoise  Allevard,  qui,  conjoin- 

(i)  Clelles,  Reg.  des  délit. 


LE  TRIEVES  PENDANT  LA  REVOLUTION.  75 

tement  avec  elle,  renouvelle  les  mêmes  injures.  Ennuyé  de  cette 
scène,  il  veut  se  retirer  et  cherche  à  ouvrir  la  porte  ;  mais  la  dite 
Allevard  s'y  oppose  et  s'efforce  même  de  le  saisir  au  collet,  pendant 
que  la  femme  Saurel,  qui  a  quitté  son  rouet,  attend,  armée  de  sa 
quenouille,  le  moment  où  sa  digne  compagne  s'oppose,  une  deuxième 
fois,  à  la  sortie  du  représentant,  pour  le  retenir  en  saisissant  son 
habit  du  côté  gauche.  Ceci  a  été  vu  par  le  sieur  Emery,  gendarme 
national  de  Clelles,  lequel  a  été  aussi,  avec  des  voisins,  témoin  auri- 
culaire des  propos  injurieux  à  lui  adi'essés.  Le  représentant  observe 
encore  que,  pendant  toute  cette  scène,  le  sieur  Saurel,  époux  et  se 
disant  procureur  de  la  commune,  n'imposa  silence  ni  à  sa  femme, 
ni  à  la  fille  Allevard,  quoiqu'il  fut  dans  sa  boutique  avec  le  sieur 
Gaymard  scandalisé  de  cette  insouciance. 

«  La  femme  Saurel  a  dit  à  la  servante  du  sieur  Guibert,  auber- 
giste,  allant  chercher  du  sel,   que  le  Monthalet  ferait  bien  de  plier 

ses  bagages  et  de  se  retirer L'enfant  de  la  même  Saurel  a  dit  en 

pleine  école  que,  si  sa  mère  n'avait  pas  été  embarrassée,  le  repré- 
sentant ne  serait  pas  sorti  sain  et  sauf.  » 

Enfin  le  pauvre  homme  finit  par  demander  la  protection  de  la  mu- 
nicipalité. Celle-ci  la  lui  accorda  et  envoya  un  procès-verbal  du  tout 
au  district  (i). 

A  son  tour,  Saurel  se  plaignit  à  la  municipalité  des  injures  gros- 
sières plusieurs  fois  répétées  et  surtout  des  reproches  faux  que  le 
sieur  Monthalet  lui  avait  encore  adresses,  la  veille  au  soir,  au  milieu 
de  la  rue  et  en  présence  de  nombreux  témoins  (2).  Ces  tristes  scènes 
nous  montrent  et  le  peu  de  respect  de  la  population  de  Clelles  pour 
les  prêtres  assermentés  et  aussi  le  peu  de  dignité  de  ces  derniers 
dans  leurs  rapports  avec  les  paroissiens. 

Ce  fut  à  la  suite  de  ces  faits  que  quelques  conseillers  municipaux 
crurent  devoir  se  plaindre  du  fanatisme  tous  les  jours  croissant, 
disaient-ils,  de  Françoise  Allevard,  que  nous  avons  vue  aux  prises 
avec  Monthalet.  Elle  leur  reprochait  sans  cesse  leurs  idées  révolu- 
tionnaires et  leur  prétendue  conduite  patriote,  excitait  les  habitants 
à  chasser  le  desservant  constitutionnel,  s'était  encore  moquée  de  ceux 
qui  faisaient  des  perquisitions  pour  retrouver  l'arbre  de  la  liberté 
coupé  et  enlevé  pendant  la  nuit,  et  avait  payé  un  enfant    pour   lui 

(i)  Ibidem. 

(2)  Ibid.   Délib.  du  9  avril  1790. 


76  LE    TRIÈVES    PENDANT 

faire  crier  qu'une  récompense  honnête  serait  accordée  à  celui  qui  le 
découvrirait.  La  peine  de  la  prison  fut  demandée  contre  elle  par  le 
procureur  Jacques  Bonthoux,  remplaçant  de  Saurel.  La  municipalité 
ordonna  aussitôt  à  un  piquet  de  la  garde  nationale  d'aller  se  saisir 
de  la  coupable  pour  la  livrer  à  la  gendarmerie  qui  la  conduirait  en- 
suite à  Grenoble.  Françoise  Allevard  fut  introuvable,  comme  l'arbre 
de  la  liberté,  et,  quand  elle  se  montra  de  nouveau,  les  colères  pa- 
triotiques étaient  calmées  (i). 

Dans  l'un  des  nombreux  hameaux  de  la  commune  de  St.-Baudille- 
et-Pipet,  Agnès,  voisin  du  Perrier,  habitait  le  noble  et  pieux  M.  de 
Blosset.  Il  avait  pris  chez  lui  pour  instruire  ses  enfants  un  vicaire  de 
Mens,  né  dans  l'Ardèche.  Ce  prêtre  continua  à  dire  sa  messe,  pen- 
dant la  révolution,  dans  une  chapelle  existant  encore  et  attenant  à 
la  demeure  de  son  hôte.  M.  de  Blosset,  voyant  la  répugnance  des 
habitants  de  son  village  et  des  hameaux  voisins  à  assister  aux  offices 
célébrés  par  lecuré  schismatique,  les  invita  à  venir  entendre  la  messe 
chez  lui.  La  municipalité,  toujours  à  l'instigation  du  curé  Arnaud, 
prit  la  délibération  suivante  à  son  sujet  :  «  Oui  le  procureur  de  la 
commune,  la  municipalité,  informée  d'ailleurs  que  David  Blosset, 
habitant  à  Agnès,  a  offert  aux  habitants  du  Perrier  et  des  autres 
villages  circonvoisins  de  venir  entendre  la  messe  chez  lui,  considé- 
rant qu'une  démarche  de  cette  nature  est  contraire  aux  lois,  puisque 
les  attroupements  sont  expressément  défendus,  et  voulant  y  remédier 
dès  le  principe,  a  arrêté  qu'il  serait  très  expressément  prohibé  au 
sieur  de  Blosset  de  recevoir  des  étrangers  dans  sa  chapelle,  sous  le 
prétexte  d'y  entendre  la  messe  ;  qu'il  lui  serait  également  enjoint 
d'être  plus  circonspect  à  l'avenir  dans  ses  propos  à  l'égard  de  ceux 
qui  vont  à  la  messe  des  curés  constitutionnels.  La  municipalité  espère 
que  le  dit  de  Blosset  voudra  bien  se  conformer  à  la  présente  délibé- 
ration, et,  pour  qu'il  n'en  ignore,  il  lui  en  sera  délivré  copie.  Fait  à 
St-Pancrace,  dans  le  lieu  ordinaire  de  l'assemblée  municipale,  le 
dix  mars  1792,  Morel,  procureur  de  la  commune,  P.  Beaup,  maire, 
Antoine  Gilboud,  Antoine  Gaymard  (2).  » 

M.  de  Blosset  ne  se  conforma  pas  immédiatement  à  cette  injonction 
et  fut  l'objet  de  nombreuses  vexations  et  dénonciations.  Il  quitta  à  la 
fin  Agnès  et  se  retira  à  Grenoble  où  M.  Johanny  le  suivit  ;  nous  le 
retrouverons  plus  lard  (3). 

(i)  Ibidem. 

(2)  St-Baudillc-ct-Pipcl,  Reg^.   des  délib. 

(3)  Pièces  communiquées  avec  bienveillance  par  M"'  de  Franclieu. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  77 

La  municipalité  de  St-Baudille  n'avait  pas  un  instant  de  repos. 
Ecoutons  la  faire  le  récit  de  ses  tribulations  :  «  Le  douze  mars  dix- 
sept  cent  quatre-vingt-douze,  nous  maire  et  officiers  municipaux 
avec  le  procureur  de  la  commune  soussignés  ayant  eu  connaissance 
du  jugement  rendu  contre  le  sieur  Bourillon  par  M.  l'Evêque  de 
risère,  sachant  qu'il  est  de  notre  devoir  qu'on  n'enlève  point  les 
meubles  de  la  sacristie  du  Perrier,  nous  nous  sommes  exprès 
transportés  chez  le  sieur  Bourillon  pour  lui  demander  les  clefs  de  la 
sacristie  ;  mais  le  sieur  Bourillon  a  constamment  refusé  de  nous  les 
remettre  sous  le  ridicule  prétexte,  que  nous  n'avions  point  d'ordre 
pour  cela.  De  cette  manière  nous  n'avons  pu  en  dresser  un  état. 
Nous  n"avons  pu  que  nous  procurer  la  clef  de  la  grande  porte  de 
l'église,  et  nous  ne  l'avons  pas  eue  que  Pierre  Vernet,  citoyen  d'Agnès, 
a  parcouru  tout  le  village  pour  soulever  le  monde  contre  nous.  Pour 
prévenir  le  désordre  nous  nous  sommes  rendus  chez  Louis  Allouard, 
capitaine  de  la  compagnie  du  Perrier,  où  l'attroupement  nous  a  sui- 
vis. François  Bardel,  un  des  principaux  séditieux,  nous  a  dit,  en 
nous  menaçant,  que  nous  n'aurions  point  les  clefs  et  que  si  nous 
avions  celle  de  l'église  il  saurait  bien  nous  l'ôter.  Henri  Pâquier  et 
Pierre  Malvezin,  ses  consorts,  ont  ajouté  qu'ils  aimeraient  mieux 
voir  leurs  perruques  y  rester  que  de  la  laisser  emporter.  Pour  éviter  le 
désordre  et  donner  aux  factieux  le  temps  de  se  calmer,  nous  sommes 
sortis  par  une  porte  de  derrière  et  nous  nous  sommes  retirés. 
P.  Beaup,  maire,  Brachon,  Antoine  Gaymard,  Morcl,  Procureur  (i).» 

Un  peu  plus  tard  cependant,  sans  doute  pour  faire  oublier  leur 
aventure  du  Perrier  et  peut-être  aussi  pour  effacer  le  souvenir  de 
leurs  renseignements  du  26  septembre  précédent,  les  mêmes  hommes 
accomplissaient  un  acte  de  justice  envers  leur  ancien  curé,  M.  An- 
toine Galfard.  Ils  demandèrent,  le  12  mars,  aux  administrateurs  du 
district  de  décharger  ce  vénérable  vieillard  de  la  somme  de  cinquante- 
trois  livres,  six  sols,  huit  deniers,  cote  qu'il  devait  payer  en  1792 
pour  satisfaire  aux  promesses  de  sa  souscription  patriotique.  Ils 
firent  remarquer,  à  l'appui  de  leur  demande,  qu'il  avait  versé  pour 
les  années  1790  et  1791  ;  mais  après  s'être  démis  de  sa  cure,  il  se 
trouvait  dans  l'impossibilité  de  payer  un  troisième  terme  (2}. 

Après  avoir  refusé  les  offres  du  curé  constitutionnel,  M.  Antoine 
Galfard  s'était  retiré   au   Perrier  où  il  disait  publiquement  la  messe 

(i)  St-Baudille-et-Pipet,  T{eg.  des  délib. 
(2)  Ibidem. 


78  LE    TRIÈVES    PENDANT 

dans  la  chapelle,  avec  l'autorisation  du  sieur  Arnaud.  Mais  là  ne  se 
bornait  pas  son  zèle  et  il  croyait  ne  pouvoir  repousser  ses  anciens 
paroissiens  venant  lui  demander  le  secours  de  son  ministère  ;  aussi  : 
«  Le  17  mai,  mil  sept  cent  quatre-vingt-douze,  la  municipalité  étant 
assemblée  dans  le  lieu  des  séances,  le  procureur  a  dit  :  Messieurs, 
je  vous  ai  convoqués  aujourd'hui  pour  vous  dénoncer  un  délit  reli- 
gieux. Les  habitants  du  Perrier  et  lieu.x  circonvoisins  se  sont  venus 
plaindre  à  moi,  de  ce  qu'au  mépris  de  vos  ordres,  Antoine-Magloire 
Galfard  continue  de  sonner  et  dire  sa  messe.  Abusant  même  de  la 
permission  que  lui  a  donné  M.  le  Curé,  il  livre  les  clefs  de  la  sacris- 
tie aux  prêtres  réfractaires  qui  viennent  le  voir.  Il  a  fait  faire  leurs 
Pâques  à  plusieurs  personnes.  Sa  maison  est  le  rendez-vous  de  tous 
les  perturbateurs  du  repos  public.  Hier,  seize  courant,  M.  Desmou- 
lin alla  au  Perrier  pour  remplir  les  fonctions  de  son  ministère. 
Etant  entré  dans  l'église,  11  trouva  le  sieur  Galfard  qui  était  sur  le 
point  de  dire  sa  messe;  il  le  pria  d'attendre  qu'il  fut  sorti  avec  la 
procession,  et  M.  Desmoulin  ne  fut  pas  dehors  que  M.  Galfard  monta 
à  l'autel.  Le  mot  d'ordre  avait  été  donné;  Victoire,  nièce  d'Antoine, 
avait  parcouru  le  village  pour  avertir  ceux  de  son  parti  de  se  rendre 
à  l'église  ;  mais  ayant  eu  avis  que  M.  Desmoulin,  vicaire  constitu- 
tionnel de  la  paroisse  s'y  était  rendii,  elle  les  prévint  de  ne  plus  y 
venir.  Lorsque  M.  Desmoulin  sortit  avec  la  procession,  tous  les 
réfractaires  se  mirent  à  rire  comme  pour  se  moquer  de  ceux  qui 
obéissaient  aux  lois  de  l'état.  La  messe  de  M.  Galfard  étant  finie, 
M.  le  vicaire  commença  la  sienne  et  aussitôt  il  se  fit  dans  l'église  un 
grand  tapage,  accompagné  de  signes  d'improbation.  Je  serais  d'avis, 
Messieurs,  que  vous  ordonniez  au  sieur  Antoine-Magloii-e  Galfard 
de  rendre  les  clefs  de  la  sacristie  et  qu'il  lui  soit  fait  défense  de  rem- 
plir aucune  fonction  de  son  état,  tant  qu'il  n'aura  pas  prêté  le  ser- 
ment civique.  Signé  :  Morel,  procureur. 

«  La  municipalité,  ayant  égard  aux  plaintes  du  procureur  de  la 
commune,  ordonne  au  sieur  Antoine-Magloire  Galfard  de  remettre 
les  clefs  de  la  sacristie  de  l'église  du  Perrier  à  P.  iVlorel,  procureur 
de  la  commune  ;  lui  fait  défense  de  dire  la  messe  à  l'avenir  dans 
l'église  du  Perrier,  le  tout  sous  peine  d'être  poursuivi  comme  agis- 
sant en  contravention  des  lois,  à  moins  toutes  fois  que  le  dit  Galfard 
ne  se  soumette  à  prêter  le  serment,  duquel  il  sera  pris  acte.  P.  Beaup, 
maire,  Morel,  proc,  Antoine  Gaymard,  Etienne  Faure,  P.  Doriol, 
Jean  Rolland,  V.  Fleuret,  P.  Collombet,  P.  Terrier,  Jean  Durif  (i).» 

(i)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  79 

Monsieur  Galfard,  dut  cette  fois  céder  devant  la  force,  et  livrer 
les  clefs  qu'on  lui  réclamait  avec  tant  d'instances.  11  se  retira  chez 
un  honnête  habitant  du  Perrier,  Malvezin,  et  continua,  dans  cette 
maison  hospitalière  à  célébrer  la  sainte  messe  pour  ses  persécuteurs. 
Son  neveu,  Joseph-Alexandre  Galfard  et  M.  Vette  étaient  encore 
dans  le  pays  et  administraient  les  sacrements  en  secret.  La  munici- 
palité qui  poursuivait  l'oncle  ne  pouvait  laisser  le  neveu  en  paix.  Le 
jour  même  où  elle  ordonnait  d'enlever  au  premier  les  clefs  de  la  sa- 
cristie du  Perrier,  elle  arrêtait  que  le  second  payerait,  pour  sa  cote 
mobilière  et  d'habitation,  un  impôt  de  76  livres  et  M.  Vette  40. 
Elle  voulait  employer  ces  sommes  à  rémunérer  les  travaux  nécessités 
par  l'établissement  des  rôles  d'imposition  ;  c'est  du  moins  ce  que 
l'administration  du  district  arrêta  sur  sa  demande  (ij  mai  1792J  (i). 

M.  Galfard,  neveu,  ne  tarda  pas  à  quitter  St-Baudille  et  la  France 
pour  chercher  à  l'étranger  une  terre  plus  hospitalière.  Se  rendant  en 
Savoie,  il  passa  par  Grenoble  et  s'arrêta  quelque  temps  dans  cette 
ville.  Un  jour,  dans  une  rue,  un  homme  l'aborde,  et  le  dialogue  sui- 
vant s'engage  entre  eux  :  «  Vous  êtes  donc  curé  >  —  Sans  doute  je 
le  suis  ;  car  je  n'ai  rien  pris  ce  matin.  —  Ce  n"est  point  le  moment 
de  rire,  veuillez  me  suivre  en  un  lieu  moins  fréquenté.  »  .M.  Galfard 
obéit  et  lorsqu'il  fut  parvenu  dans  un  coin  retiré,  son  généreux  inter- 
locuteur lui  ôta  des  épaules  un  écriteau  où  une  main  malveillante 
avait  tracé  ces  mots  :  «  Galfard  curé,  à  la  potence  »  (2). 

M.  Bourillon  se  cachait  au  village  de  la  Chapelle  et  disait  la  messe 
dans  une  vaste  armoire  encore  conservée  par  une  famille  du  Gros. 
Les  nombreux  actes  de  baptêmes  et  de  mariages  qu'il  a  laissés 
témoignent  de  son  zèle  et  de  la  fidélité  de  la  population  de  St- 
Baudille.  Il  dut  cependant  s'exiler  et  resta  à  l'étranger  du  milieu  de 
1793  a  1796. 

Pour  la  première  fois  à  cette  triste  époque  St-Maurice  fixe  l'atten- 
tion au  sujet  d'une  dispute  violente  qui  s'éleva  dans  son  église  entre 
ses  habitants  et  ceux  de  Lalley,  lors  des  élections  du  19  février  1792 
pour  le  conseil  de  la  commune.  Les  femmes  de  la  première  paroisse, 
encore  plus  que  les  hommes,  se  montrèrent  acharnées  contre  leurs 
voisins.  Le  curé  constitutionel  put  heureusement  intervenir  et  em- 
pêcher l'effusion  du  sang  (3). 

fi)  Ibidem. 

(2)  Témoignage  delà  nièce  même  de  M.  Galfard. 

(3)  Délibérations  des  19  et  20  février,  Lalley. 


8o  LE    TRIÈVES    PENDANT 

Le  sieur  Fauchet  avait  remplacé  M.  Bourillon,  oncle  de  M.  Bou- 
rillon,  desservant  du  Perrier.  Lorsque  celui-ci  fut  chassé  de  sa  cure, 
après  la  rétraction  de  son  serment  (septembre  1791)  (i)  et  au  moment 
même  où  il  remettait  les  clefs  à  l'intrus,  son  successeur,  il  lui  dit  : 
«  J'espère  que  ce  ne  sera  pas  pour  longtemps.  —  Je  voudrais  que 
ce  fut  pour  demain,  répliqua  Fauchet.  »  Cette  réponse  semblait  indi- 
quer quelques  remords  chez  ce  dernier,  mais  cela  ne  l'empêcha  pas  de 
se  montrer  ardent  patriote.  Le  12  avril  1792,  il  publia  le  mandement 
de  l'évêque  constitutionnel,  suivant  ce  que  nous  apprend  le  certificat 
de  cette  publication  envoyé  au  district  (2).  Son  respect  pour  les 
choses  les  plus  saintes  nous  est  montré  par  la  manière  dont  il  enre- 
gistrait les  actes  des  baptêmes  qu'il  faisait.  En  voici  un  exemple  : 
«  Six  prairial,  an  II,  naissance  d'Euphrosine,  fille  de  Louis  Périer  et 
de  Marguerite  Maurice,  de  Lalley.  »  Il  avait  cessé  d'aimer  l'église,  pris 
les  cérémonies  sacrées  en  dégoût  et  il  était  ainsi  arrivé  au  schisme.  11 
resta  à  St-Maurice  jusqu'en  messidor  an  V,  et,  avant  son  départ, 
put  voir  M.  Bourillon,  de  retour  de  l'exil,  reçu  avec  une  joie  indicible 
par  la  plus  grande  partie  de  ses  anciens  paroissiens,  surtout  par  les 
habitants  de  Lalley.  Heureusement  à  côté  de  l'intrus  se  cachait  un 
saint  prêtre,  chapelain  de  Lalley,  M.  Audemard,  auquel  les  fidèles 
étaient  heureux  de  demander  les  secours  de  son  ministère.  11  avait 
refusé  tout  serment  à  la  constitution  civile  et  il  se  montra  toujours 
plein  de  zèle  et  d'un  dévoûment  sans  borne  pour  la  gloire  de  Dieu 
et  le  salut  des  âmes  (3). 

St-Maurice  et  Lalley  oublièrent  un  moment  leur  haine  et  leurs 
querelles  quand  il  s"agit  du  projet  de  route  entre  Grenoble  et  Mar- 
seille par  le  Trièves.  Depuis  longtemps  les  habitants  de  cette  contrée 
la  réclamaient  afin  d'avoir  une  communication  facile  avec  les  pays 
voisins  et  surtout  avec  Grenoble.  Elle  devait  leur  permettre  d'écouler 
leurs  produits  et  de  se  procurer,  à  des  prix  ordinaires,  ce  qui  aupara- 
vant leur  avait  coûté  très  cher,  à  cause  des  difticultés  de  trans- 
port (4).  Toutes  les  municipalités  du  Trièves  unirent  leurs  vœux  et 
leurs  demandes  à  celle  de  St-Maurice  pour  les  présenter  à  l'adminis- 
tration du  département.  Les  communes  sortirent  pour  un  moment 
de  leurs  mesquines  préoccupations  politiques  et  religieuses,  et  tra- 
vaillèrent enfin  au  bien  public. 

(i)   Délib.  du    iq  avril    1793,  ibidem. 

(2)  Ibidem. 

(3^  Réponses  aux  questions  de  l'OrJo  Je  iS-17- 

{/\)  Délib.  du  22  avril  1792,  ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION. 


CHAPITRE    III. 


ENCORE       LA        REVOLUTION 


Cependant  les  administrateurs  de  Mens  ne  cessaient  pas  de  pour- 
suivre avec  acharnement  les  prêtres  non  assermentés.  Véritables 
membres  de  comités  de  salut  public  dans  la  contrée,  ils  s'arrogeaient 
un  droit  fort  étendu  de  surveillance  et  de  dénonciation.  Voyons-les 
à  l'œuvre. 

«  Du  dimanche,  premier  juillet  mil  sept  cent  quatre-vingt-douze, 
à  Mens,  dans  la  maison  commune  sont  présents  MM.  Sibey,  maire, 
Duport,  Guichard,  Beaup  et  Rey,  officiers  municipaux,  et  M.  Segoud, 
procureur  de  la  commune. 

«  Un  membre  a  dit  que  dans  la  circonstance  pénible  où  se  trou- 
ve l'empire,  toutes  les  autorités  constituées  ne  sauraient  trop  pren- 
dre de  précautions  pour  éloigner  d'elles  tout  trouble  et  toute 
dissension .  »  Suivent  les  accusations  ordinaires  d'incivisme ,  de 
rébellion  aux  lois,  d'excitation  au  fanatisme  et  au  désordre,  portées 
nommément  contre  les  sieurs  Péralda,  curé  de  St-Jean-d'Hérans, 
Testou,  curé  de  Cordéac,  Beau,  curé  de  la  Croix-de-la-Pigne,  Dupra, 
curé  de  la  Posterle,  Brudon,  curé  de  Tréminis,  le  desservant  de  la 
succursale  de  Lalley  (M.  Audemard),  ci-devant  curé  de  Cornillon, 
et  Vette,  curé  de  St-Pancrace.  Comme  cette  conduite  est  dangereuse, 
poursuit  l'acusateur,  comme  elle  n'a  d"autre  but  que  d'infecter  cette 
contrée  d'aristocratie  et  de  mépris  pour  les  autorités  constituées,  et 
encore  à  amener  des  troubles  assez  conséquents  pour  obliger  cette 
commune  à  demander  pour  sa  sûreté  des  troupes  ou  des  gardes 
volontaires  nationaux,  malgré  le  besoin  qu'en  a  l'état  pour  sa  défen- 
se extérieure,  il  est  urgent  de  dénoncer  au  directoire  du  district  et  à 
celui  du  département  les  sus-nommés,  comme  étant  réfractaires  à  la 
loi,  et  demander  qu'il  soit  pourvu  incessament  au  remplacement 
des  uns  et  à  l'éloignement  des  autres.  Pour  ces  raisons  lé  dit  mem- 
bre prie  Messieurs  du  corps  municipal  de  délibérer  sur  le  tout. 

«   La  matière  mise  en  délibération,  le   procureur  de  la  commune 

ouï,  les  assemblés,  considérant  que  le  fanatisme  fait  de  plus  en  plus 

des  progrès  dans  cette  contrée  et  peut  finir  par  y  occasionner  une 

guerre  civile  ;  que  la  majeure  partie  de  habitants  de  cette  commune 

Bull.  VIII,  1887.  6 


82  LE    TRIÈVES    PENDANT 

vont  à  la  messe  dans  les  paroisses  voisines  les  jours  de  dimanche 
et  de  fête,  en  telle  sorte  que,  s'il  arrivait  un  incendie,  il  ferait  les  plus 
grands  ravages,  faute  de  secours,  ont  arrêté  de  dénoncer,  comme  ils 
dénoncent  au  directoire  du  district  de  Grenoble,  les  sieurs  Péralda, 
Testou,  Beau,  Dupra,  Brudon,  Vette  et  le  desservant  de  la  succur- 
sale de  Lalley  comme  réfractaires  à  la  loi,  prient  le  directoire  de  faire 
changer  ceux  qui  sont  en  place  et  éloigner  les  autres.  A  quel  effet 
le  procureur  de  la  commune  est  chargé  d'adresser  une  expédition  de 
la  présente  au  directoire  (ij.  » 

On  est  heureux  de  connaître  par  cette  délibération  combien  l'im- 
mense majorité  des  catholiques  restaient  attachés  au  devoir,  et  com- 
bien ceux  qui  avaient  embrassé  le  schisme  pour  obéir  à  la  voix  de 
l'ambition  ou  des  passions  étaient  méprisés  et  demeuraient  en  petit 
nombre,  quoiqu'ils  eussent  l'appui  de  la  force  pour  eux. 

Dans  toutes  les  communes,  sur  l'ordre  des  directoires  du  district, 
les  municipalités  avaient  fait  un  inventaire  des  ornements  de  leurs 
églises.  Les  révolutionnaires  prenaient  ainsi  leurs  mesures  afin  que 
lorsque  le  moment  serait  venu,  il  ne  manquât  à  la  destruction  ni  une 
chasuble,  ni  le  plus  petit  des  linges  sacrés.  Ils  prétendaient  aussi,  en 
envoyant  tous  les  ciboires,  calices  et  ostensoirs  à  la  monnaie,  empê- 
cher à  jamais  les  cérémonies  du  culte  quand  viendraient  à  se  lever 
des  jours  de  calme,  qu'ils  prévoyaient  au  milieu  de  leurs  fureurs  et 
qu'ils  s'efforçaient  d'éloigner  (2).  Comme  tous  les  persécuteurs,  leurs 
devanciers,  ils  se  trompaient  dans  leurs  projets  impies. 

Toranne,  malgré  son  peu  d'importance  et  son  isolement  ne  put 
préserver  son  curé  de  la  persécution.  Le  5  juillet  1792,  un  arrêté  fut 
pris  par  le  directoire  de  district  de  Grenoble;  nous  en  extrayons  ce 
qui  suit  :  M.  Barnaz  avait  prêté  serment  à  la  constitution  (24  février 
1791),  mais  en  y  ajoutant  les  restrictions  suivantes:  11  promettait 
obéissance  à  la  nation,  à  la  loi,  au  roi  pour  tout  ce  qui  regardait  le 
gouvernement  civil  et  politique  du  royaume,  exceptant  formellement 
tout  ce  qui  pourrait  porter  atteinte  au  gouvernement  de  l'Lglise  et  à 
à  la  religion  catholique.  Il  s'engageait  à  maintenir  la  constitution 
votée  par  l'assemblée,  mais  seulement  pour  les  articles  qui  ne  tou- 
cheraient point  à  la  loi  de  Dieu,  aux  bonnes  mœurs  et  au  gouverne- 
ment de  l'Lglise.  «  Cependant  ajoutait-il,  si  dans  la  suite  on  voulait 
se  prévaloir  de  ce  serment  pour  me  faire  faire  des   choses  contraires 

(i)  Mens,  Reg.  des  dêlib. 

(2)  Délibérations  diverses  des  municipalités  du  Trièves. 


LA    GRANDE    RÉVOLUTION.  83 

à  la  loi  de  Dieu  et  à  son  Eglise  je  vous  déclare  que  je  le  rétracte  dès 
aujourd'hui.  » 

La  municipalité  voulait  à  tout  prix  garder  M.  Barnaz  en  préve- 
nant les  mesures  sévères  qu'elle  pressentait  devoir  être  prises 
contre  les  prêtres  insermentés;  elle  envoya  donc  au  district  un  cer- 
tificat de  prestation  de  serment  pur  et  simple.  Connaissant  le  fait, 
le  bon  prêtre  protesta  avec  force  auprès  de  ses  paroissiens,  et  sur  les 
registres  mêmes  des  délibérations,  il  apposa  de  sa  propre  main  une 
note  qui  rétablissait  la  vérité. 

Mais  à  côté  du  dévouement  des  habitants  de  Toranne,  le  patrio- 
tisme républicain  de  ceux  de  St-Michel-les-Portes  ne  s'endormait 
pas.  Le  6  mai  1792,  la  municipalité  de  cette  dernière  commune  dé- 
nonçait au  district  M.  Barnaz  et  l'accusait  «  d'être  cause  de  troubles 
dans  le  canton,  l'ennemi  juré  de  la  Constitution  ;  d'empoisonner  paa 
des  discours  séditieux  sa  paroisse,  qui  n'était  composée  que  de  dix 
familles  »;  enfin,  d'avoir  prêté  son  serment  avec  restrictions,  quoique 
le  certificat  qui  en  avait  été  envoyé  ne  fît  pas  mention  de  celles-ci. 

A  cette  dénonciation,  le  directoire  demanda  des  explications,  et 
M.  Barnaz  y  répondit  ainsi  lui-même  (8  juin):  «  Je  viens  vous 
déclarer  que  je  n'ai  point  lu  le  mandement  de  M.  l'Evêque  du  dépar- 
tement, ni  ses  lettres,  et  que  je  suis  décidé  à  ne  point  reconnaître 
M.  l'Evêque  du  département  pour  mon  évêque  légitime,  attendu  que 
j'ai  prêté  mon  serment  sous  conditions,  comme  je  le  prouverai  par 
un  extrait  que  la  municipalité  a  tiré  mot  à  mot  de  ses  registres,  et 
m'a  délivré  le  8  avril  1792.  » 

D'aussi  graves  délits  commis  par  un  prêtre  devaient  être  dénon- 
cés au  tribunal  criminel  et  punis  avec  une  sévérité  exemplaire,  ajou- 
taient les  membres  du  directoire  après  les  avoir  énumérés.  C'était 
aussi  un  devoir  pressant  d'éviter  les  troubles  que  le  sieur  Barnaz 
pourrait  exciter  dans  le  canton,  de  délivrer  la  malheureuse  paroisse 
de  Toranne  d'un  réfractaire  aussi  dangereux.  De  tels  considérants 
devaient  naturellement  être  suivis  d'un  arrêt  des  plus  terribles. 
Le  voici  : 

Article  I".  —  «  Il  est  enjoint  au  sieur  Barnaz,  curé  de  Torannes, 
de  sortir  de  sa  cure  dans  les  vingt-quatre  heures,  et  du  canton  où 
elle  est  située,  dans  le  délai  de  trois  jours  ;  passé  lesquels  délais, 
les  municipalités  de  Torannes  et  de  St-Michel-les-Portes  seront 
tenues  d'employer  la  force  publique  pour  l'expulsion  de  sa  cure  et 
successivement  du  canton. 


84  LE    TRIÈVES    PENDANT 

Article  II.  —  II  sera  adressé  à  M.  l'Evèque  du  département  un 
extrait  du  présent  arrêté,  avec  prière  d'envoyer  sur  le  champ  dans  la 
dite  paroisse  de  Torannes  un  desservant,  qui  sera  payé  en  conformité 
de  l'arrêté  du  directoire  du  21  avril  dernier. 

Article  III.  —  Le  sieur  Barnaz  sera  dénoncé  au  directoire  du  juré 
d'accusation  près  le  tribunal  du  district  de  Grenoble  pour  être  pour- 
suivi selon  la  rigueur  des  lois,  et  à  cet  effet,  il  lui  sera  aussi  adressé 
un  extrait  du  présent  arrêté  avec  toutes  les  pièces  ci-dessus  visées. 

Article  IV.  —  Il  sera  encore  adressé  un  extrait  du  présent  arrêté 
au  directoire  du  district  de  Grenoble  qui  sera  tenu  de  veiller  à  son 
exécution,  et  de  faire  parvenir  de  pareils  extraits  aux  municipalités 
de  St-Michel-Ies-Portes  et  de  Torannes,  pour  qu'elles  puissent  de 
leur  côté  le  mettre  à  exécution  (i).  » 

M.  Barnaz  prit  la  fuite  ;  mais  il  fut  arrêté  et  incarcéré  à  Die.  Le  soir 
même  de  son  arrestation,  il  put  s'évader  en  laissant  son  porte-man- 
teau entre  les  mains  du  geôlier  et  revint  à  Toranne,  où  une  fille, 
morte  en  odeur  de  sainteté,  le  cacha  et  en  prit  soin  pendant  plusieurs 
mois  {2).  Pour  se  conformer  à  l'article  V  de  la  loi  des  29  et  30  ven- 
démiaire an  I ,  il  se  rendit  auprès  de  l'administration  départemen- 
tale, qui  le  fit  déporter  à  l'île  d'Oléron.  Pendant  sa  captivité,  il  écrivit 
un  petit  ouvrage  de  piété  et,  lorsque  la  liberté  lui  eut  été  rendue  il 
fut  nommé  curé  de  Roissard,  où  il  est  mort  (3). 

La  déclaration  suivante,  faite  devant  le  maire  de  St-Maurice,  va 
nous  apprendre  combien  les  idées  révolutionnaires  avaient  égaré  les 
esprits  de  cette  paroisse,  et  de  quelles  indignités  elles  rendent  capa- 
bles ceux  dont-elles  se  sont  emparés. 

«  Du  9  juillet  1792,  sur  les  huit  heures  du  matin,  au  bourg  de 
Lalley,  par  devant  Nous,  maire  de  la  municipalité  de  St-Maurice 
de  Lalley,  est  comparu  sieur  Jean-Antoine  Oddoz-Berthon,  citoyen 
résidant  au  Serre,  hameau  de  Saint-Maurice,  lequel  a  demandé  à 
transcrire  sur  le  registre  de  la  municipalité  le  verbal  fait  samedi  der- 
nier, 7  du  présent  ;  ce  qui  lui  a  été  accordé,  et  la  transcription  a  été 
faite  comme  il  suit  : 

f<  Du  sept  juillet  mil  sept  cent  quatre-vingt-douze,  sur  environ 
midi,  dans  la  maison  du  sieur  Ville,  maitre  en  chirurgie,  je  soussi- 
gné Jean-Antoine  Oddoz-Berthon,  en  présence  de  M.  Etienne  Pellat, 

(i)  Saint-Michel-lcs-Portes. 

(2)  Réponses  aux  questions  de  l'Ordo  de   i8~f7- 

(3)  Ibidem  et  témoignage  d'un  ancien  curé  de  St-Michel-lcs-Portes  (M.  Rippcit). 


LA    GRANDE    RÉVOLUTION.  85 

notaire  et  maire  de  Saint-Maurice,  de  sieur  Audemard,  prêtre  desser- 
vant la  succursale  de  Lalley,  de  sieur  Jacques  Pellat,  juge  de  paix 
du  canton  de  St-Martin-de-Clelles,  et  autres  citoyens,  je  déclare 
qu'ayant  eu  le  malheur  de  perdre  ma  mère  le  jour  d'hier,  sur  envi- 
ron huit  ou  neuf  heures  du  matin,  je  suis  allé  en  droiture  chez  le 
sieur  Dunière,  où  loge  le  sieur  Fauchet,  curé  constitutionnel  de 
St-Maurice,  et  m'adressant  au  sieur  Dunière  je  luy  ai  demandé  de 
me  faire  parler  au  sieur  curé,  auquel  je  voulais  demander  son  heure 
pour  l'enterrement.  Il  m'a  été  répondu  que  le  sieur  Fauchet  était 
absent  depuis  dimanche  et  avait  dit  en  partant  que,  s'il  se  présen- 
tait quelque  fonction  à  faire  pendant  son  absence,  il  fallait  s'adresser 
au  sieur  Pupin,  curé  du  Monêtier.  A  quoi  je  répliquai  que,  puisqu'il 
y  avait  un  fonctionnaire  dans  la  paroisse,  je  n'irais  pas  chercher  un 
curé  étranger.  De  ce  moment  je  fus  inviter  le  sieur  Audemard,  des- 
servant de  Lalley,  à  venir  faire  l'enterrement.  Après  la  promesse  du 
dit  sieur,  je  fis  transporter  le  corps  mort  à  St-.Maurice,  sur  environ 
neuf  heures  et  demie,  à  l'entrée  du  village,  auprès  de  la  croix,  ainsi 
qu'il  est  d'usage  de  faire  pour  les  défunts  du  Serre  et  des  Bailes.  Je 
me  suis  ensuite  acheminé  pour  voir  si  M.  Audemard  était  arrivé. 
Après  avoir  traversé  le  pont  du  ruisseau  de  St-.Maurice,  j'ai  fait  ren- 
contre du  sieur  Dunière,  qui  m'a  dit  de  prendre  garde,  que  quelque 
chose  de  fâcheux  allait  arriver  et  que  tout  Saint-Maurice  s'assem- 
blait, et  de  suite  il  a  couru  chez  le  sieur  Albert  officier  municipal,  qui 
s'est  mis  à  la  tête  d'un  attroupement  d'environ  cinquante  hommes 
ou  femmes.  Ce  que  voyant,  je  suis  entré  chez  le  sieur  Ville,  où 
est  aussi  venu  le  sieur  Albert,  qui  a  dit  d'aller  chercher  tout  autre 
prêtre  que  le  sieur  Audemard,  dont  on  ne  voulait  à  aucun  prix,  sans 
quoy  il  y  aurait  tapage. 

«  Craignant  du  danger  pour  M.  Audemard,  venu  à  l'heure  dite, 
et  pour  ma  personne,  et  aussi  pour  éviter  de  troubler  la  tranquillité 
publique,  j'écrivis  la  lettre  suivante  au  sieur  Pellat  maire  :  «  Au 
moment  où  j'arrivais  pour  l'enterrement  de  ma  mère,  j'ai  vu  tous  les 
habitants  s'attrouper  pour  empêcher  M.  Audemard  de  procéder  à 
cette  triste  cérémonie,  en  disant  qu'il  ne  peut  faire  aucune  fonction, 
puisqu'il  n'a  pas  prêté  le  serment.  Veuillez  vous  rendre  de  suite  à 
Saint-Maurice  pour  voirie  parti  qu'il  faudra  prendre.  Signé  Ber- 
thon,  » 

A.  LAGIER. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 


MÉLANGES 


M.  le  comte  Riant,  membre  de  l'Institut  et  secrétaire  de  la  Société 
de  l'Orient  latin,  a  bien  voulu  fious  communiquer  et  nous  autoriser 
à  reproduire  la  description  d'une  plaquette  rarissime  qui/ait  partie  de 
sa  belle  bibliothèque  (cf.  Bull.,  /.  /F,  p.  68). 

((  Sensuyt  vne  deuote  médita^  |  tion  sur  la  mort  et  passion  de 
no=  I  stre  saulueur  et  rédempteur  Jesu  |  christ.  Auec  les  mesures 
mises  de  |  place  en  place:  ou  nostre  seigneur  |  a  souffert  pour  nous. 
Et  le  voya  |  ge  :  et  oraisons  du  mont  de  Cal=  |  uaire.  Et  aussi  vne 
méditation  |  pour  lespasse  dune  basse  messe. 

S.  /.  n.  d.  [75/6],  in-i2  de  28  (f.  chiffrés,  sign.  a-d,  chaque 
f.  de  j'2  longues  lignes  à  la  pctge,  qui  est  encadrée  de  rouge  avec 
titres  courants. 

Nombreux  bois  dans  le  texte,  dont  deux  grands  assez  bons. 

F.  I  ^.  Titre  encadré,  avec  une  marque  représentant  un  cygne  cou- 
ché dans  des  roseaux  au  bord  d'un  lac  de  montagne,  le  cou  enroulé 
autour  d'une  croix  processionnelle. 

F.  I  ^.  Méditation  sur  la  passion. 

[8  méditations  (accompagnées  chacune  d'une  oraison)  pour  tous  les 
jours  de  la  Semaine-Sainte ,  y  compris  Pâques.] 

F.  ly  ''.  Oraison  de  sainte  Syre,  en  vers  de  huit  syllabes. 

F.  ly  b.   [Antiphona  et  orationes]  de  S.  Syria. 

F.  14  ^.  Le  voyage  et  oraisons  du  mont  de  |  Caluaire  des  Ro- 
mans I   EN  DaULPHINÉ. 

[A  chaque  station,  une  explication  en  prose  et  une  oraison  ;  quelques 
cantiques  en  vers.] 

Le  prologue,  qui  occupe  les  ff.  i.if  ''-22  '',  se  termine  ( f.  75:  ^,  /.  6 
en  rem.)  par  le  récit  suivant  : 

Et  pour  ce  que  la  ville  de  Romans  en  Daul  |  phinc  ou  dio- 
cèse de  Uienne  est  tant  pour  la  situa  |  tion  que  qualité  et  forme  fort 
semblable  a  la  sa=  |  incte  cite  de  Ilierusalem  en  laquelle  tous  les 
mi=  I  stères  de   la  passion  de  Jesuchrist  furentz  et  accom=  |  plis  : 


MÉLANGES.  87 

comme  il  a  este  certifie  par  reuerend  père  |  (/.  /5'  '')  frère  Ange  de 
linx  natif  de  Beauluais  en  Picar=  |  die  :  et  frère  Laure72S  morelH  de 
sainct  Jehan  de  mo  |  rienne  en  Sauaye,  de  lordre  sainct  Fra?zcoys, 
et  do  I  cteurs  en  théologie  lesquelz  ont  faict  demoura7zce  |  en  Hieru- 
salem  au  mont  de  Syon  ou  est  le  dit  con=  |  uent  de  sainct  Fran- 
coys,  par  lespace  de  sept  ans  ou  |  enuiron.  Lesquelz  ont  este  enuoye 
par  deçà  autres=  |  chrestien  roy  de  France,  pour  certains  affaire  de 
I  la  samcte  chrestiente.  Lesquelz  frères  Ange  de  linx  |  et  Laurens 
moreUi  :  ont  ouy  la  renommée  du  simu  !  lachre  ou  effigie  du  sainct 
mont  de  Caluaire,  de  sio/î  |  érige  et  construict  hors  et  au  près  de  la- 
dicte  ville  de  |  Romans,  sont  venuz  visiter  de  cest  année  présente  | 
que  Ion  compte  mil  cinq  cens  et  seize  et  au  moys  de  |  Aoust,  les- 
dictz  mont  e/ ville  de  Romans.  Et  auoir  |  veue  et  visitée  ladicte  ville, 
et  les  lieux  a  elle  adia  |  cens,  on  dit  et  presche  en  la  charité  de  vé- 
rité, ladicte  I  ville  de  Romans  estre  semblable  a  la  saincte  cite  de  | 
Hierusalem  plus  que  nulle  aultre  ou  ilz  ayent  este  :  |  ne  que  ilz  sai- 
chent.  Mesmement  plusieurs  aultres  |  notables  personnes  qui  ont 
visite  ladicte  ville  de  |  Romans  :  lesquelz  par  auant  auoient  visite 
Hieru-  |  salem.  A  ceste  cause  on  a  commence  de  ériger  cha  |  pelles 
et  oratoires  en  ladicte  ville  de  Romans  :  en  re  |  menbrance  et  com- 
memoration  desdictz  mystères  de  ]  la  passion  de  nostre  seigneur 
Jesuchrist,  en  la  forme  |  et  manière  que  sera  après  declaire.  Or  est 
il  ainsi  qwe  |  nous  ne  pouons  tous  aller  visiter  la  saincte  cite  de  | 
Hierusalem,  tant  pour  la  distance  dicelle  :  comme  |  pour  les  perilz 
maritains  et  terriens  qui  y  sont.  |  Et  sil  est  ainsi  que  les  enfans  Dis- 
rael  lesquelz  estoient  |  soubz  lumbre  de  la  loy,  alloient  souuent  et 
frequen  |  {/.  76  «)  talent  les  liulx  qne  nostre  seigneur  leur  avoit  es- 
leuz  I  pour  ladorer  :  et  illec  le  prier  :  nous  doncques  vrays  |  crestiens 
qui  sommes  soubz  la  loy  euangelique,  |  et  a  qui  dieu  a  monstre  sa 
grant  bonté,  bénigne,  et  1  grâce,  sommes  tenuz  par  plus  forte  rai- 
son visiter  |  et  honorer  les  lieux  de  deuotion,  ausquebz  icelluy  |  vray 
dieu  est  adore  et  venere,  en  cogitaut  et  contem  |  plant  par  feruente 
deuotion,  les  douleprs  angois  |  ses  et  tourmens,  que  nostre  seignear 
dieu  Jesuchrist  |  a  endure  et  souffert  pour  nous.  ([  Donc  tout  bon  | 
chrestien  et  chrestienne  qui  aura  désir  de  sauluer  son  [  ame  et  de 
bonne  voulente  et  dévotion  vouldra  visi  |  ter  et  auoir  cognoissance 
desdictes  peines  :  traualx,  |  et  tourmens  que  nostre  seigneur  Jesu- 
christ a  endu-  |  re  pour  nous  :  il  fauldra  suyure  les  lieux,  oratoi=  | 
res  :  et  chapelles  cy  après  declairees. 


MELANGES. 


['j"  station^  F.  i8  ^.  ([  En  après  on  viendra  a  loratoire  dedans  leglise 
I  ou  repose  le  corps  de   monseigneur  sainct  Bernard  |  représentant 
la  maison  de  pylate  :  ou  Jésus  fut  in=terrogue,  e  dira  Ion   loraison 
qui  sensuyt. 

[//'  st.ition']  F.  2  1  '''.  ([  Ce  faict  fault  se  transporter  en  la  chapelle 
du  I  sainct  sepulchre  située  au  plus  près  du  dit  |  lieu  de  pleurs  lequel 
sepulchre  est  de  i  la  haulteur,  longueur:  et  largeur  de  (y.  21  ^')  celuy 
de  Hierusalem  mesmeme72t  y  sont  les  frères  |  de  lordre  sainct  Fran- 
coys  situez  :  ainsi  que  audict  [  lieu  de  Hierusalem  ;  et  diralen  lorai- 
son que  sensuyt. 

[Grand  bois  représentant  la  Descente  de  croix.] 

F.  22  ^.  Chant  royal  des  sept  vertus  Notre-Dame. 

[6  strophes  à  refrain  en  vers  de  10  pieds.] 

F.  2^  «.  (^  Ce  sons  les  .  lxxii  .  noms  de  la  glorieuse  vierge  | 
Marie  :  et  les  donna  vng  euesque  dune  cite  nom=  |  mee  Esclauon- 
nie  :  et  lui  dist  que,  quiconques  les  |  reciteroit  deuotement  cliascun 
iour  de  Samedy  :  |  auec  sept  fois  Aue  Maria  deuant  son  imaige, 
elle  I  s'apparoistra  a  luy  visiblement  deuant  la  mort  et  |  lui  fera  auoir 
le  royaulme  de  son  fîlz. 

F.  2^  ^.  Grand  bois  représentant  l' Annonciation^  occupant  toute  la 
page. 

F.  2^  «.   Méditation  pour  lespace  dune  messe. 

F.  2^  <i.  Les  allumettes  pour  nous   spirituellement  |  allumer 

ET  ENFLAMBER  au  FEU   DAMOUR  DIUIN. 

[7  oraisons  pour  chaque  jour  de  la  semaine.] 

F,  28  a.  Oraison  tresdeuote  a  dieu  le  père  |  le  filz  et  le  be- 

NOIST   I    SAINCT  ESPERIT. 

F.  28  b.  Finis. 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 


DU 


CANTON  DE  UCHAPELLE-EN-eCORS 


(DROME). 

(Suite). 


CHAPITRE  DEUXIEME 


LA     CHAPELLE-EN-VERCORS 


1. 


BENEFICE. 


Cette  paroisse  fut  sans  doute  fondée  aussi  tôt  que  les  autres  de  la 
région  ;  mais  nous  ne  savons  qui  en  eut  le  bénéfice  aux  XII"-'  et 
XII^  siècles.  En  tout  cas,  on  n'y  trouve  au  XIV^  et  aux  suivants  ni 
prieur  proprement  dit,  ni  colonie  religieuse,  mais  seulement  un  curé 
ou  chapelain  [capellanus).  C'est  tout  ce  qu'y  signale  un  pouillé  rédigé 
vers  1375. 

L'évèque  de  Die  était  collateur  de  la  cure  et  percevait  sur  elle  une 
pension  annuelle  et  perpétuelle  de  6  livres  de  cire.  Cette  pension  fut 
reconnue  le  31  mai  1403,  au  profit  de  Jean  de  Poitiers,  devant 
Faure  notaire,  par  M*"  Jean  Arier  curé;  le  22  juillet  15 12,  au  profit 
de  Gaspard  de  Tournon,  devant  Agrivol,  notaire,  par  M"  Jean  Rey- 
naud,  curé  du  lieu  ;  le  6  mai  1688,  devant  Brunet  notaire  à  Die, 
Bull.  VIII,  1888.  7 


90  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON' 

par  -M"  Dimonier  ;  et  le  14  juillet  1735,  devant  Lamorte  notaire,  au 
profit  de  Daniel-Joseph  de  Cosnac,  par  M"  Colas.  Enfin,  M'  Desan- 
drés,  curé,  renouvelant  ces  reconnaissances,  le  14  décembre  1758, 
déclarait  la  pension  payable  à  chaque  fête  de  saint  Luc. 

Le  prélat  jouissait  encore  à  la  Chapelle  de  la  moitié  de  la  dime, 
qu'on  levait  à  la  côte  16^  pour  les  grains  et  à  la  12*  pour  les 
agneaux.  Ainsi,  en  1561,  Michel  Lamit,  notaire,  et  Michel  Girin, 
dudit  lieu,  «  subrantiers  des  dismes  de  Vercors  pour  le  seigneur 
évesque  de  Dye  et  Vallence,  »  recevaient  de  Bernard  Terrier,  du 
même  lieu,  4  sétiers  froment  et  3  sétiers  3  quartaux  seigle  «  me- 
sure de  Vercors  ;  et  c'était  «  pour  la  paye  »  dune  année  «  du  disme 
de  la  pée  de  la  Rivière,  »  quartier  de  la  Chapelle,  que  Terrier  avait 
«  subrantée  »  desd.  Lamit  et  Girin.  En  1593,  noble  Just  Dubayle, 
segneur  de  Lambres,  ■>  comme  agent  de  «  Monsegneur  de  Balany,  » 
représentant  lui-même  l'évêque,  arrentait  pour  lad.  année  «  les  dis- 
mes du  plan  de  la  Chapelle,  »  au  prix  de  28  sétiers  moitié  froment 
et  moitié  seigle,  et  de  la  moitié  des  pailles  ;  «  ceulx  de  Laucense  et 
Jarjatte  »  au  prix  de  21  sétiers  moitié  froment  et  moitié  seigle  ; 
et  «  ceulx  de  la  Bernardière,  Rivière  et  Algoyre,  »  au  prix  de  16 
sétiers  «  moytié  froment  et  segle.  »  En  1644  et  en  1658,  la  moitié  de 
dîme  du  prélat  lui  rapportait  annuellement  160  sétiers  de  blé  (i). 

Le  curé  avait  l'autre  moitié  des  dîmes,  quelques  dîmes  spéciales 
en  entier,  quelques  censés  directes,  des  fonds  et  son  casuel. 

Ces  dîmes  spéciales,  des  navales  peut-être,  valaient  550  livres  en 
en  1728. 

Le  4  mai  1540,  Louis  Reynard,  curé  de  la  Chapelle,  dénombrant 
devant  le  visénéchal  de  Crest,  déclare  posséder  à  cause  de  sa  cure, 
«  en  censés  directes,  20  sols,  7  deniers,  3  émines  seigle,  6  coupes 
froment  mesure  de  Vercors,  et  i  poule.  »  En  155 1,  il  y  avait  près  du 
bourg  de  la  Chapelle  une  maison  et  un  jardin  dont  le  curé  était 
seigneur  direct.  En  1728,  le  petit  terrier  de  la  cure  montait  à  un  re- 
venu annuel  de  i  sétier  1/2  seigle,  i  quarte  froment,  6  poules  et  12 
livres  d'argent,  soit  de  28  livres  en  tout.  En  1773,  le  curé  arrentait 
à  Billerey  notaire  «  les  censés  et  pensions  relevant  »  de  son  «  ter- 
rier, »  avec  pouvoir  aud.  Billerey  de  les  exiger  «  de  tous  les  rede- 

(i)  Arch.  de  la  Drônie,  fonds  de  l'Ev.  de  Die,  passim  ;  —  Minutes  de  M'  Bel- 
lier,  notaire  à  Saint-Martin-en-Vercors,  protoc.  de  Jan  Chalvet,  reg.  coté  71°  ^y, 
f°  xlvij;  protoc.  de  P.  Chalvet,  reg.  coté  n°  6],  i°  Ixvij-viij  ;  protoc.  Billerey,  reg. 
de  1755-9,  f"  408;  —  Ui,.  CiiKVAi.iKR,  Polypt.  Diens. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS,  9I 

vables,  »  ainsi  que  les  lods  dus  à  raison  des  ventes,  même  les  cen- 
sés, pensions  et  lods  arriérés  ;  et  ce,  pour  6  ans,  à  24  livres  par  an 
pour  les  pensions  et  censés  à  courir  pour  lesdits  6  ans,  et  moyen- 
nant les  deux  tiers  des  lods  et  des  arrérages  des  censés,  pensions  et 
lods,  l'autre  tiers  restant  à  Billerey. 

Parmi  les  fonds  de  la  cure,  il  y  avait  en  1550  et  en  1594  une  terre 
au  Martoret,  en  1 551  le  «  jardin  de  la  cure  »  au  bourg  de  la  Cha- 
pelle et  un  pré  de  lad.  cure  près  de  ce  bourg.  En  1644,  les  prés  et 
terres  produisaient  environ  40  écus.  En  1728,  les  deux  prés  et  les 
deux  terres  labourables  étaient  affermés  228  livres  par  an  ;  en  1748 
ils  l'étaient  250  livres. 

Le  casuel  était  de  100  livres  en  1678,  de  120  en  1704,  et  de  150  en 
1728. 

On  voit  que  le  revenu  de  la  cure  était  considérable.  Aussi  l'inten- 
dant Bouchu,  dans  son  Mémoire  sur  la  généralité  de  Grenoble,  si- 
gnalait-il en  1698  la  cure  de  la  Chapelle-en-Vercors  comme  la  meil- 
leure du  diocèse  de  Die  et  comme  rapportant  plus  de  1,100  livres. 
Un  rapport  de  1704  évalue  même  son  i"evenu  annuel  pour  les  seuls 
dîmes  et  fonds  à  1,200  livres.  En  y  ajoutant  120  livres  de  casuel  et 
28  de  terrier,  on  arrive  à  1,348  livres. 

Mais  les  revenus  de  l'évêque  et  du  curé  étaient  fort  réduits  par  les 
charges.  L'évêque  dut  la  décime  papale,  sa  part  de  la  24^  des  pau- 
vres et  de  contribution  aux  édifices  religieux  et  au  mobilier  de 
l'église,  et  l'impôt  des  décimes. 

Le  curé  dut  aussi  la  décime  papale,  montant  pour  lui  vers  1375  à 
13  livres  10  sols  et  en  15  16  à  16  florins,  puis  sa  part  de  la  24'  des 
pauvres.  Il  devait  à  l'évêque  la  pension  annuelle  de  6  livres  de  cire 
et  la  procuration  ou  droit  pour  visite  annuelle  ;  ce  dernier,  pour  la 
Chapelle,  était  de  4  florins  en  14 15  et  en  145 1.  Il  dut  payer  la  pen- 
sion de  son  vicaire,  s'élevant  à  150  livres  en  1728  ;  l'impôt  des  déci- 
mes qui  montait  pour  lui  à  58  florins  8  sous  en  1570,  et  à  265  livres 
10  sols  en  1728  ;  sa  part  d'entretien  du  presbytère  ou  chœur  de 
l'église,  et  des  ornements  et  vases  sacrés,  soit  une  moyenne  de  20 
livres  par  an  ;  les  travaux,  culture,  réparations  et  entretien  des  biens 
fonds,  et  les  gages  de  valet  et  de  servante  évalués  ensemble  à  50 
livres  en  1728  (i). 

(i)  Arch.  cit.,  fonds  cit.  et  Invent,  de  la  Chambre  des  Comptes  ;  —  Minutes  cit.^ 
passim;  —  Chevalier,  Polypt.  cit.,  n"  147  ;  —  Brun-Durand,  Le  Daiiphiné  en 
i6g8,  p.  I  79. 


92  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

II.     —     ÉGLISE    PAROISSIALE    ET    CURÉS. 

Au  XI^  siècle  et  même  plus  lard,  le  droit  du  plus  fort  régna  à  peu 
près  en  maître  dans  nos  contrées.  Aussi  y  trouvait-on  autant  de  sou- 
verains que  de  seigneurs  réunissant  sous  leur  bannière  et  autour  de 
leur  demeure  un  certain  nombre  de  vassaux.  De  là,  un  perpétuel 
danger  de  se  voir  assailli  à  l'improviste  par  un  audacieux  voisin. 
Par  suite,  nécessité  pour  tout  seigneur  de  s'établir  sur  un  point  fa- 
cile à  défendre,  de  s'y  entourer  de  remparts,  de  s'y  construire  une 
vraie  forteresse  ;  nécessité  souvent  pour  ses  vassaux  de  fixer  leur 
demeure  auprès  de  la  forteresse  seigneuriale. 

Cependant,  même  à  cette  époque,  des  églises  et  d'autres  édifices 
religieux  furent  contruits  loin  de  toute  fortification.  Leur  caractère 
sacré  et  pacifique,  les  lois  protectrices  de  l'Eglise,  diverses  circons- 
tances favorables,  en  furent  souvent  une  sauvegarde  suffisante. 

Bien  plus,  la  nécessité  d'exploiter  les  terres,  le  commerce  et  l'in- 
dustrie, divers  besoins  individuels  et  sociaux,  amenèrent  aussi  à 
construire  des  maisons  particulières,  soit  autour  de  ces  églises,  soit 
ailleurs,  en  dehors  de  toute  forteresse. 

Tel  fut  précisément  le  cas  de  la  localité  dont  nous  parlons. 

Il  y  fallait  pne  forteresse.  On  la  construisit  sur  la  crête  d'une  élé- 
vation rocheuse  inclinée  au  sud  et  au  sud-est,  et  formant  une  saillie 
d'environ  80  mètres  au  milieu  du  plateau  principal  du  territoire. 
Cette  forteresse  ou  bâtie  (bastida)  eut  bientôt  à  ses  pieds,  au  midi, 
un  village  composé  de  40  à  50  maisons  particulières,  à  peine  sépa- 
rées les  unes  des  autres  par  d'étroites  ruelles.  Ce  village,  couvrant 
la  partie  haute  de  la  pente,  était  ceint  de  remparts  faisant  corps  au 
nord  avec  la  forteresse.  On  y  arrivait  par  un  chemin  gravissant  le 
flanc  oriental  du  monticule,  côté  où  se  trouvait  par  conséquent  un 
portail  ouvert  dans  le  rempart.  Bref,  il  y  avait  là  un  de  ces  bourgs 
ou  villages  fermés  que  les  tabellions  du  moyen-âge  appellent  du  nom 
de  castriim.  Il  commandait  le  passage  entre  Rousset  et  la  partie  sud- 
ouest  du  'Vercors,  entre  Ravel  (ou  St-Julien)  et  Vassieux. 

Cette  forteresse  avec  ses  dépendances  fut  adjugée  à  l'évéque  de 
Die  contre  le  Dauphin,  par  un  traité  de  1253  qui  l'appelle  la  Bâtie 
de  l'Orme.  Elle  est  ensuite  appelée  la  Bâtie  de  la  Montagne  vers 
1276,  la  Bâtie  des  monts  de  Vernaison  ou  simplement  la  Bâtie  dans 
des  actes  de  1313  et  1 317,  et  /a  Bâtie  de  Vercors  en  1329,  en  1344 
et  plus  tard. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCOKS.  93 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'indiquer  les  événements  dont  cette  forte- 
resse et  le  village  groupé  à  ses  pieds  furent  l'objet  ou  le  théâtre. 
Il  suffit,  pour  notre  sujet,  d'ajouter  qu'au  milieu  du  XVI*"  siècle,  en 
1550  et  en  1551,  ils  étaient  encore  habités,  et  qu'en  1569  le  notaire 
Chalvet  faisait  des  actes  «  dans  le  chasteau  de  la  Bastie  de  Vercors 
et  dans  la  maison  de  »  lui  «  dit  notaire  (r).  » 

Mais,  de  bonne  heure,  à  envion  900  pas  et  au  couchant  du  rocher 
de  la  Bâtie,  en  un  des  points  voisins  les  mieux  exposés,  on  avait 
construit  une  chapelle.  Celle-ci  servit  naturellement  à  désigner  le 
lieu  où  elle  s'élevait.  Le  nom  de  la  Chapelle  devint  même  propre  au 
monument  et  à  ce  lieu  Bien  plus,  il  passa  de  ce  dernier  à  toute  la 
circonscription  paroissiale,  quand  la  chapelle,  devenue  centre  parois- 
sial, eut  pris  le  nom  et  le  titre  d'église.  Cette  transformation  et  cette 
dénomination,  que  nous  croyons  remonter  au  moins  à  la  fin  du  XP 
siècle,  sont  certainement  antérieures  au  milieu  du  Xllb'.  Car,  si  le 
traité  du  16  octobre  1253  entre  l'évêque  de  Die  et  le  dauphin  appelle 
du  nom  de  la  Bâtie  de  l'Orme  la  forteresse  du  lieu  et  les  maisons  ou 
territoire  en  dépendant  féodalement  (2),  d'autre  part  un  acte  du 
même  temps  appelle  du  nom  de  la  Chapelle  l'église  et  les  maisons 
ou  territoire  en  dépendant  paroissialement.  En  effet,  un  état  des 
revenus  de  l'évêché  de  Die  rédigé  en  langue  vulgaire  par  Pierre 
Sibletz,  courrier  d'Amédéede  Genève,  évêque  de  Die  de  1250  à  1276, 
nous  apprend  que  «  Peires  de  Nosec  vende  a  mosegnor  Ameeus, 
evesque  de  Dia,  tôt  so  que  avia  le  ditz  Peires  en  la  Bastia  de  la 
montagna  e  dens  lo  champ  de  la  glesa  de  la  Chapella  de  la  monta- 
gna,  to  so  que  avia  ves  la  Bastia  (3).  »  L'église  de  la  Chapelle  de  la 
montagne,  dans  le  langage  du  XIIP  siècle,  n'était  autre  chose  que 
l'église  de  la  Chapelle-en-Vercors. 

Après  cela,  la  Bâtie  reparait  bientôt  comme  chef-lieu  du  mande- 
ment dans  des  actes  concernant  ce  dernier;  mais,  sauf  la  mention 
du  curé  du  lieu  dans  le  rôle  de  la  décime  papale  vers  1375,  ce  n'est 
qu'en  1399,  qu'il  est  de  nouveau  question  de  la  Chapelle  et  de  son 
église.  Heureusement  l'acte  de  1399  nous  donne  plusieurs  renseigne- 
ments sur  la  paroisse.  Nous  en  avons  déjà  relevé  quelques-uns  plus 
haut,  à    propos    des   revenus   que  le   prieuré  de   St-Jean  avait  au 

(i)  Minutes  cit.  protoc.  de  Lamit  et  de  Jan  Chalvet. 

(2)  CoLUMBi,  De  rébus  gestis  episc.  V»l.  et  Diens.,  Lugduni,  i6j8,  p.  io8-g; 
Idem,  Lugduni,  1652  p.    126-7. 

(3)  Biblioth.  de  la  ville  de  Nîmes,  mss.  n°  154,  cahier  parch.,  fol.  32  v°. 


94  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

Vercors.  Nous  y  voyons  de  plus  qu'auprès  de  Véglise  de  la  paroisse 
de  la  Chapelle  de  Vercors  existait  la.  maison  de  la  confrérie  du  Saint- 
Esprit  dudit  lieu  de  la  Chapelle  de  Vercors,  maison  où  instrumenta  le 
notaire  recevant  l'acte  (i).  Il  devait  y  avoir  aussi  là  une  maison  ser- 
vant à  loger  le  curé,  et  le  cimetière  y  environnait  certainement  déjà 
l'église. 

On  pourrait  nous  objecter  ici  que  plusieurs  fois  les  curés  et  la 
paroisse  sont  attribués  à  la  Bâtie.  Ainsi,  c'est  le  curé  de  la  Bâtie  de 
Vercors  qui  est  imposé  pour  la  décime  papale  vers  1375  et  pour  la 
procuration  en  1449,  1450  et  1451  {2).  Bien  plus,  le  6  février  1514, 
Robert  Romey,  notaire  de  la  Bâtie  de  Vercors,  voulant  honorer  Dieu 
et  la  Sainte-Vierge,  donne  à  chacun  des  couvents  de  St-François  et 
de  St-Dominique  de  Die  une  rente  perpétuelle  de  2  quartaux  de  blé, 
afin  que  chaque  année,  le  jour  de  la  St-Robert,  on  célèbre  pour  lui 
une  messe  dans  ces  deux  couvents.  Les  2  quartaux  de  blé  seront  remis 
aux  frères  quêteurs  quand  ils  feront  leur  tournée  dans  le  Vercors. 
De  plus,  il  veut  qu'à  chacun  des  frères  quêteurs  on  donne  5  liards 
petite  monnaie,  afin  qu'ils  célèbrent  pour  lui  une  messe  à  la  Bâtie.  Il 
stipule  ensuite  que  ses  héritiers  feront  ce  jour-là  dîner  les  religieux 
qui  auront  ainsi  prié  pour  lui  (3).  L'objection  est  assez  grave  et  les 
expressions  curé  de  la  Bâtie  et  célébration  à  la  Bâtie  nous  avaient 
amené  nous-même  à  dire,  dans  un  travail  précédent  (4),  que  l'église 
paroissiale  avait  d'abord  été  à  la  Bâtie.  Mais  un  examen  plus 
attentif  des  textes  (5)  et  la  découverte  d'un  titre  très-explicite,  celui 
du   Xlll''  siècle   cité  ci-dessus,  nous  ont  convaincu  que  le  chef-lieu 

(i)  Arch.  Dr.,  fonds  de  St-Jean-en-R.,  orig.  parch. 

(2)  Arch.  cit.,  Ev.  de  Die;  —  Ul.  Chevalier,  Polypt.  cit  ;  —  Brun-Durand, 
Pouillé  hist.  de  Die,  p.    38. 

(3)  Arch.  cit.,  fonds  des  Dominicains  de  Die. 

(4)  Bull,  de  la  Soc,  d'archéol.  de  la  Dr.,  XVIII,  169  ;  XIX,  83.  —  Essai  histor. 
sur  le   Vercors,  pp.  45-6  et  104. 

(5)  Outre  que  la  plupart  des  actes,  entre  autres  les  rôles  de  procuration  de  14  15 
et  de  14 19,  portent  cwrc  delà  Chapelle,  celui  de  1399,  après  avoir  dit  une  fois  en 
commençant  paroisse  de  la  Bâtie,  dit  deux  fois  église  de  la  Chapelle  et  jusqu'à  près 
de  vingt  fois  paroisse  de  la  Chapelle.  Un  acte  du  29  janvier  1447,  où  il  est  ques- 
tion d'un  Durand  Poudrel,  dit  qu'il  était  de  la  paroisse  de  la  Chapelle,  mandement 
delà  Bâtie  de  Vercors.  Un  document  rédigé  vers  1475  met  Bâtie  de  Vercors  quand 
il  s'agit  de  la  châtellenie,  et  Chapelle  de  Vercors  en  deux  endroits  où  il  s'agit  de 
la  cure.  Un  acte  de  i  5  i  i  dit  que  Michel  Arier  était  de  la  paroisse  de  Sainte-Marie 
de  la  Chapelle.  (Arch.  de  la  Dr.,  pouillés  de  Die,  et  E,  2120  et  2346). 

N'oublions  pas  qu'aucune  trace  d'église  n'a  été  signalée  à  la  Bâtie. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  95 

paroissial  était  à  la  Chapelle  dès  le  XIII"  siècle  même.  Du  reste,  il 
était  si  facile  de  prendre  l'un  pour  l'autre  deux  noms  attachés  à  une 
même  localité  !  Cette  confusion  était  si  inoffensive  ! 

Mais  passons  à  des  faits  auxquels  leur  caractère  fâcheux  ne  donne 
que  trop  d'intérêt. 

Pendant  que  la  Chapelle  et  les  autres  paroisses  du  Vercors  ser- 
vaient Dieu  en  paix,  les  sectaires  Vaudois  déchiraient  cruellement 
en  plusieurs  localités  le  sein  de  l'Eglise  leur  mère.  Les  diocèses  de 
Die  et  de  Valence  ne  furent  pas  exempts  des  maux  causés  par  ces 
précurseurs  de  l'hérésie  luthérienne.  On  sait  que  beaucoup  d'entre 
eux,  aux  XIV"  et  XV""  siècles,  cherchèrent  dans  les  montagnes  du 
Dauphiné  un  refuge  contre  les  mesures  de  rigueur  prises  à  leur 
égard.  La  proximité  du  Vercors  avec  les  lieux  indiqués  par  les  his- 
toriens comme  ayant  servi  de  repaire  à  ces  funestes  sectaires,  nous 
ferait  presque  penser  que  le  Vercors  lui-même  en  cacha  plusieurs. 
Mais  le  pouvoir  temporel  qu'y  exerçaient  les  évêques,  ennemis  nés 
du  fanatisme  et  de  l'hérésie,  ne  dut  guère  encourager  les  Vaudois  à 
y  chercher  un  abri,  encore  moins  à  y  quêter  des  prosélytes.  Et  alors 
sans  doute  les  habitants  du  Vercors  durent  à  la  protection  vigilante 
des  prélats  d'être  préservés  du  contact  de  la  secte,  comme  ils  allaient 
leur  devoir  plus  tard,  non  la  préservation,  mais  la  délivrance  com- 
plète d'un  fléau  analogue  et  encore  plus  terrible,  du  protestan- 
tisme. 

Parmi  les  causes  diverses  qui  attirèrent  ce  dernier,  il  faut  comp- 
ter ces  désordres  du  clergé  qui,  selon  le  langage  du  cardinal  Julien, 
excitaient  déjà  au  XV*  siècle  la  haine  du  peuple  contre  tout  l ordre 
ecclésiastique.  Or,  la  Chapelle  nous  présente  une  lutte  à  propos  de 
son  bénéfice  qui  peut  bien  être  mise  au  nombre  de  ces  désordres. 

Après  Jean  Arier,  que  nous  avons  déjà  trouvé  curé  du  lieu  en 
1403,  et  Etienne  Masse,  autre  curé  de  la  Chapelle-en-Vercors, 
qui,  le  !"■  juillet  1488,  figure  comme  témoin  d'un  acte  fait  à  la  Bâtie 
et  en  compagnie  de  Jean  Breyton,  son  vicaire  (i),  la  cure  de  Notre- 
Dame  de  la  Chapelle  avait  été  donnée  à  Jean  Reynard.  Celui-ci  est 
le  célèbre  dominicain  de  ce  nom,  dont  un  auteur  a  fait  léloge  sui- 
vant :  «  Il  s'élevait  comme  un  aigle  royal  au  plus  haut  des  cieux  par 
la  contemplation  des  vérités  divines,  les  communiquait  ensuite  avec 
une  force,  une  grâce,  une  onction  et  une  éloquence  qui  l'ont  rendu 
comparable  aux  prédicateurs  les  plus  apostoliques  de  l'Ordre.  » 

(i)  Arch.  cit.,  fonds  du  Vercors,  orig.,  et  E,  2346. 


gà  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

La  nomination  d'un  religieux  de  si  haut  mérite  était  honorable 
pour  la  paroisse  ;  mais  elle  n'avait  pas  l'heur  de  convenir  à  tout 
le  monde.  Jean  de  Beauchastel,  chanoine  de  Valence  et  de  Die,  sa- 
cristain de  Valence  et  vicaire  général  pour  le  spirituel  du  diocèse  de 
Die  pour  Urbain  de  .Miolan  élu  et  confirmé  évèque  de  Valence  et  de 
Die,  spécialement  député  par  ce  prélat,  fit  un  autre  choix.  Par  lettres 
de  collation  et  de  provision  du  i"'"  juillet  1505,  il  donna  l'archiprêtré 
de  Crest  et  la  cure  de  l'église  paroissiale  de  la  Chapelle  de  Vercors, 
titres  annexés  ensemble,  à  noble  Pierre  de  Primeley,  bachelier  en 
droit  canon  et  civil,  protonotaire  du  Saint-Siège  apostolique  et  prieur 
de  Saint-Nicolas  d'Alneu,  diocèse  de  Chartres.  Le  surlendemain, 
le  nouveau  titulaire  était  à  la  Chapelle  avec  TauUier,  notaire  de 
Valence,  et  des  témoins  ;  il  voulait  être  mis  en  possession  de  son 
nouveau  bénéfice.  Mais  il  y  trouvait  Louis  Reynard,  prêtre,  qui  se 
présentait  comme  procureur  fondé  de  son  frère,  frère  Jean  Reynard. 
Louis  «  y  tenait  un  certain  nombre  d'hommes  armés,  munis  d'ar- 
mes défensives.  »  Pierre  de  Primeley  dit  à  Louis  et  aux  autres  hom- 
mes armés  de  lui  laisser  prendre  possession  de  son  bénéfice  et  de 
ses  fruits,  choses  annexées  et  connexes,  ainsi  que  de  ses  droits. 
Mais  Louis  Reynard  et  les  autres  hommes  armés  différèrent  et 
même  refusèrent  totalement.  Voyant  cela,  Pierre  de  Primeley  pré- 
senta ses  titres  au  notaire  Taullier,  et  en  vertu  de  leur  contenu,  le 
requit  d'avoir  à  le  mettre  réellement,  actuellement  et  corporellement 
en  ladite  possession.  Le  notaire  y  fut  tout  disposé.  A  cause  de  ce 
que  dessus,  ne  pouvant  faire  autrement  la  mise  en  possession,  il 
prit  Pierre  par  la  main  droite,  et  le  mit  en  possession  réelle,  actuelle 
et  corporelle  de  l'archiprêtré  de  Crest  et  de  la  cure  ou  église  parois- 
siale de  Notre-Dame  de  la  Chapelle  de  Vercors  annexés  ensemble, 
et  de  tous  leurs  droits  et  appartenances,  par  le  regard  de  l'église, 
du  clocher  et  de  la  maison  de  ladite  paroisse  de  la  Chapelle,  et  par 
quelques  pas  faits  dans  son  cimetière.  Acte  de  tout  fut  dressé  par  ce 
notaire,  devant  la  grande  porte  de  ladite  église  de  Notre-Dame  de  la 
Chapelle  et  audit  cimetière,  en  présence  de  messires  Claude  Berton 
et  Jean  Breton,  prêtres,  Jean  Odicr,  hôte  du  lieu,  Jean  Jasselme, 
de  la  paroisse  de  Saint-Véran-en-Royans,  et  Pierre  Bigot,  du  dio- 
cèse de  Tours  (i). 

11  y  avait  donc    conflit  ;  et  ce  conflit  était    l'effet   d'un   autre   plus 
grave  et  plus  fâcheux  encore,  du  conflit  alors  existant  entre  Char- 
Ci  j  Arcli .  de  la  Drôm  ,   K,  2557,    i"''  carlon,  f"  200  du  rcg. 


DE    LA    CHAPELLE~EN-VERCORS.  97 

les  de  Tournon  et  Urbain  de  Miolan,  prétendant  tous  deux  aux 
évêchés  de  Valence  et  de  Die  (i).  Jean  Reynard  était  l'homme  de 
Charles  de  Tournon,  tandis  que  Pierre  de  Primeley  était  celui 
d'Urbain  de  Miolan. 

Mais  lequel  de  nos  deux  curés  eut  gain  de  cause  ?  Nous  avons  un 
document  qui  devrait,  ce  semble,  nous  l'apprendre.  C'est  le  procès- 
verbal  de  l'ordonnance  épiscopale,  faite  par  Gaspard  de  Tournon 
dans  la  visite  canonique  qu'il  fit,  le  i6  septembre  1509,  en  l'église 
paroisiale  de  Ste -Marie  de  la  Chapelle  de  Vercors.  Ce  document  con- 
tient diverses  indications  et  prescriptions  concernant  l'église.  On  y 
voit  que  l'église  est  à  la  collation  de  l'évêque.  On  y  trouve  l'ordre' 
par  celui-ci,  d'envelopper  le  Corps  sacré  du  Seigneur  de  corporaux 
propres,  de  nettoyer  le  vase  du  St-Chrême  et  celui  où  on  porte  la 
Sainte  Eucharistie  le  jour  du  Corps  du  Christ  ;  de  purifier  et  munir 
de  corporaux  le  vase  pour  porter  le  saint  corps  du  Seigneur  aux 
infirmes  ;  de  refaire  le  pied  du  calice  et  d'en  raffermir  la  coupe,  d'ici 
à  la  fête  de  Pâques  ;  de  réparer  l'encensoir  ou  d'en  acheter  un  neuf; 
de  réparer  la  vitre  du  sanctuaire  ;  d'en  placer  immédiatement  une  à 
la  petite  fenêtre  en  dehors  du  sanctuaire,  et  deux  au  pied  de  la  nef 
où  sont  les  fenêtres  ;  de  placer  le  crucifix  ailleurs  et  plus  près  de 
l'autel  de  la  tribune  ;  de  faire  deux  fenêtres  autour  de  l'autel  de  la 
tribune,  pour  que  les  paroissiens  en  puissent  voir  le  saint  Corps  du 
Seigneur,  si  cela  se  peut,  d'après  l'ouvrier,  sans  dommage  pour 
l'église.  Enfin  on  a  mis,  puis  immédiatement  rayé,  une  note  attestant 
qu'il  avait  été  prescrit  au  vicaire  du  lieu  de  sonner  tous  les  jours,  à 
midi  et  à  la  nuit,  VAve  Maria,  pour  plus  grande  dévotion  du  peu- 
ple (2).  Mais,  ni  ce  vicaire,  qui  n'était  autre  que  le  prêtre  chargé  du 
service  paroissial  et  appelé  communément  curé,  ni  le  curé  titulaire, 
qui  était  apparemment  absent  du  pays  et  résidant  ailleurs,  ne  sont 
nommés  dans  le  procès-verbal.  On  peut,  il  est  vrai,  aisément  penser 
qu'Urbain  de  Miolan  ayant  bientôt  laissé  Gaspard  de  Tournon  pa- 
cifique possesseur  des  évêchés,  Pierre  de  Primeley  laissa  de  son 
côté  Jean  Reynard  en  possession  de  la  cure  de  la  Chapelle.  Et,  en 
effet,  ce  même  Jean  Reynard,  qui  en  1509  était  professeur  d'Ecriture- 
Sainte,  et  que  Gaspard  de  Tournon,  «  pour  se  mieux  prévaloir  de 
son  zèle  et  de  ses  beaux  talents,  fit  son  grand-vicaire,  »  reconnais- 
sait comme  curé  de  la  Chapelle  la  pension  de  sa  cure  à  l'évêque,  le 

(i)  Hauréau,  Gallia  Christ.,  XVI,  col.  331  ;  —  Arch.  cit.,  E,  2557-8. 
(2)  Arch.  cit.,  fonds  de  l'Ev.  de  Die,  reg.  orig. 


çS  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

22  juillet  15 12.  Au  surplus,  après  avoir  rendu  des  services  considé- 
rables à  nos  diocèses  de  Die  et  de  Valence,  Jean  Reynard  «  mourut 
plein  de  mérites,  de  réputation  et  de  gloire,  «  vers  cette  même  an- 
née 15 12,  et  «  un  sien  neveu,  religieux  du  même  Ordre,  fit  impri- 
mer deux  de  ses  Carêmes  :  l'un  De  Peregratione,  l'autre  De  Infirmi- 
tatibus  generis  humatii.  Enfin,  Louis  Reynard,  peut-être  le  même 
que  le  prêtre  de  ce  nom  qui  l'avait  suppléé  à  la  Chapelle  en  1505, 
dénombrait  comme  curé  de  ce  lieu,  le  -i  avril  1540,  devant  le  viséné- 
chal  de  Crest,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit  (i). 

Ce  dernier  curé  dut  entrevoir  le  fléau  dont  il  a  été  question.  L'in- 
cendie allumé  en  Allemagne  par  la  révolte  de  Luther  avait  déjà  porté 
des  fruits  de  mort  avant  1546,  année  où  mourut  cet  hérésiarque. 
Propagé  en  France  avec  une  effroyable  rapidité,  le  mal  sévit  avec  un 
acharnement  particulier  dans  le  Dauphiné,  où  dès  1560  commence 
une  ère  de  guerres  à  la  fois  civiles  et  religieuses,  de  désastres  aussi 
horribles  qu'interminables. 

Mais  venons-en  tout  de  suite  à  ce  qui  touche  de  plus  près  à  la 
Chapelle. 

Vers  mai  1562,1a  ville  de  Die,  effrayée  des  menaces  des  chefs 
protestants  et  entraînée  par  des  hommes  passionnés,  se  faisait  pro- 
testante en  masse.  Le  couvent  des  Dominicains  y  était  démoli  jus- 
qu'aux fondements  et  tous  leurs  titres  brûlés.  Les  Cordeliers  n'y 
furent  pas  mieux  traités.  Plusieurs  religieux  furent  jetés  dans  un 
puits,  où  leurs  ossements  sont  restés  plus  d'un  siècle  ;  d'autres  trou- 
vèrent le  martyre  en  d'autres  supplices  ;  ceux  qui  purent  s'échapper 
se  réfugièrent  en  divers  lieux,  notamment  «  dans  la  vallée  de 
Vercors.  »  La  présence  de  ces  réfugiés  au  Vercors  «  était  attestée, 
('  dit  M.  Long,  par  leurs  noms  inscrits  aux  registres  des  naissances 
«  et  des  décès  du  village  de  Vassieux  (2).   » 

Il  faut  bénir  Dieu  de  l'abri  qu'il  donna  dans  le  Vercors  à  de  saints 
religieux.  Mais  il  n'est  malheureusement  pas  possible  de  suivre 
l'historien  que  nous  venons  de  citer,  quand  il  ajoute  que  dans  le 
Vercors  «  la  religion  catholique,  quoique  entourée  de  tous  côtés  par 
«  les  protestants  de  Trièves  et  de  Quint,  s'est  toujours  conservée 
'<  intacte  ;  »  que  Lesdiguières  «  trouva  peu  de  partisans  dans  une 
"  population  très-opposée  au  protestantisme  ;  »  cjuc  celle-ci  «  a  tou- 

(i)  Arch.  et  minutes  cit.  ;  —  Nadal,  Essai  sur  les  orio.  monastiques  du  diocèse 
de  Val.  :  Dominicains,  p.  44. 

(2)  Long,  La  Réforme  et  les  guerres  de  relig.  en  Dauph.,  p.  52  ;  —  Nadal,  Essai 
sur  les  orig.  monast.  :  Franciscains,  p.  29;   Dominicains,  p.  .45. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  99 

«  jours  persisté  dans  la  croyance  catholique, %  et  que  ce  fut  par  la 
terreur  seulement  que  Lesdiguières  établit  dans  la  vallée  une  église 
protestante  (i).  Des  renseignements  inédits  sur  cette  question  qui 
nous  sont  parvenus  s'accordent,  il  est  vrai,  avec  M.  Long,  à  mon- 
trer la  population  du  Vercors  moins  empressée  que  d'autres  à  se 
jeter  dans  l'hérésie  luthérienne.  Mais  ils  prouvent  péremptoirement 
que  là  comme  ailleurs  un  trop  grand  nombre  se  laissa  entraîner  par 
les  agréments  trompeurs,  par  les  facilités  que  la  nouvelle  doctrine 
offrait  au  cœur  humain  ;  et  que  la  petite  bourgeoisie,  encore  plus 
sensible  que  les  pauvres  paysans  aux  appâts  séduisants  d'une  reli- 
gion si  commode,  ne  fut  pas  la  dernière  à  s'y  enrôler.  Ils  nous 
montrent  les  ruines  des  édifices  religieux,  l'épuisement  des  finances 
municipales  et  la  profonde  misère  des  particuliers,  fruits  de  la  guerre 
dans  l'ordre  matériel,  complétant  le  sinistre  tableau  des  ravages 
de  l'hérésie  dans  les  âmes.  Qu'on  en  juge  par  le  récit  suivant,  appuyé, 
pour  la  plus  grande  partie  du  moins,  sur  des  documents  originaux, 
sur  des  actes  du  temps. 

Non  seulement  plusieurs  actes  de  1551  faits  a  au  bourg  de  la 
Chappelle  de  Vercors  »  nous  parlent  de  plusieurs  prêtres  y  vivant 
paisiblement  vers  ce  temps,  notamment  de  «  M^  Adrian  Ravanat, 
prebtre  habitant  de  ladite  Chappelle  ;  mais  encore,  par  un  acte  du 
15  novembre  1561,  le  consul  de  la  Chapelle  s'entendait  avec  ceux 
d'autres  lieux  pour  payer  «  les  espens  faicts  à  la  venue  de  monseig. 
l'Evesque  de  Dye  et  Vallence,  »  ce  qui,  aussi  bien  que  la  jouissance 
déjà  constatée  de  la  dimedu  lieu  en  1561  par  ce  prélat,  prouve  l'au- 
torité dont  celui-ci  jouissait  encore  au  Vercors.  Il  est  vrai  que  la 
chose  n'a  encore  rien  de  surprenant  à  pareille  époque  (2). 

Ce  qui  surprend  davantage  et  n'est  cependant  pas  moins  certain, 
c'est  qu'en  1569  le  Vercors  était  encore  organisé  en  paroisses,  de  fait 
comme  de  droit  .  Il  suffit,  pour  le  prouver  ,  de  dire  que  le  16 
juillet  de  ladite  année  «  Claude  Romey,  du  bourg  de  la  Chappelle 
de  Vercors,  corentier  pour  la  moytié  de  la  cure  de  la  Chappelle,  » 
sous-arrentait  pour  2  ans  à  Claude  Achard  «  sa  part  et  moytié  des 
dismes  de  tous  grains  de  la  pée  du  plan  de  la  Chappelle,  »  la  «  pée 
des  Bernardz  »  non  comprise.  Le  prix  annuel  était  de  15  sétiers  i 
émine  froment,  15  sétiers  i  énime  seigle  et  un  quartal  pois  blancs. 
Le    Vercors  était  aussi  alors   pourvu   du  culte    catholique  ;  car  des 

(i)  Long,  op.  cit.,  pp.  52  et  117. 

(2)  Minutes  cit.,  protoc.  Lamit  de  1550-1,  ci  Jean  Chalvet  de  156 1. 


100  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

contrats  matrimoninaux  des  9  mai  et  7  août  1569  portent  que  les 
mariages  devaient  être  célébrés  «  en  face  de  saincte  Mère  Eglise,  » 
c'est-à-dire  catholiquement.  Et  cependant  il  est  d'autres  mariages 
pour  lesquels  cette  clause  est  absolument  omise.  Ainsi  des  contrats 
du  25  avril  et  du  9  mai  1569  portent  simplement  que  les  époux  ont 
juré  de  se  prendre  et  espouser  pour  vrays  et  légitimes  espoux  (i)  ; 
c'est  à-dire  que,  déjà  révoltés  contre  la  vraie  Eglise,  ces  futurs 
n'avaient  pas  encore  à  leur  disposition  un  culte  et  des  ministres 
protestants  établis. 

Mais  le  pays  ne  devait  pas  jouir  plus  bien  longtemps  de  ce  calme 
matériel.  Après  un  moment  d'effroi  causé  à  ses  partisans  par  la 
Saint-Barthélémy,  Montbrun  sort  de  sa  retraite,  ranime  le  courage 
des  protestants,  appelle  aux  armes  ses  anciens  compagnons,  et  com- 
mence une  nouvelle  insurrection.  Pendant  que  Lesdiguières,  Mor- 
ges  et  Champollion  s'emparent  de  Mens  en  Trièves,  il  prend  lui- 
même  Orpierre  et  Serres,  malgré  les  efforts  du  gouverneur  de  Gap. 
Les  protestants,  étendant  leurs  progrès  du  côté  de  Grenoble,  forcent 
Vif  et  son  prieuré,  puis  prennent  le  Vercors  et  le  château  de  la 
Roche  en  Gapençais,  où  Lesdiguières  laisse  le  capitaine  Arabin. 
Après  cela,  Montbrun  et  les  siens  vont  parcourir  les  Baronnies  et  le 
Valentinois,  où,  sauf  Valence  et  Romans,  les  principales  places 
tombent  en  leur  pouvoir  avant  octobre  1573.  Mais  de  Gordes,  lieu- 
tenant du  roi  en  Dauphiné  et  chef  des  catholiques,  reprend  en  peu 
de  temps  les  conquêtes  du  protestantisme.  Vif,  Mens,  Saillans, 
Chabeuil  et  d  autres  places  (2);  et,  pour  ôter  à  ses  adversaires  l'en- 
vie de  reprendre  le  Vercors,  il  fait  démolir  le  vieux  château  de  la 
Bâtie,  près  de  la  Chapelle. 

Peut-être  est-ce  à  de  Gordes  et  à  ces  mêmes  époque  et  occasion  qu'il 
faut  rapporter  la  démolition  du  fort  de  Rousset,  vers  les  ruines 
duquel  on  ne  trouve  plus  depuis  longtemps  en  état  que  l'humble 
chapelle  de  Saint-Alexis. 

Le  Vercors  ne  fut  pas  pour  cela  à  l'abri  des  incursions,  du  pillage 
et  delà  guerre.  Quoique  élevé  et  montagneux,  il  dut  à  sa  position 
entre  Die  et  Pont-en-Royans,  entre  le  frièves  et  la  plaine  du  Va- 
lentinois, d'être  le  chemin  des  bandes  guerrières  qui  en  1573  et  1574 
voltigeaient  sans  cesse  d'un   point  à  un  autre.  En  1574,  le  capitaine 

(i)  Minutes  cit.,  protoc.  de  «  Jan  Chalvet,  »  icg.  de  1569,  passim. 
(2)  CiiORiER,    Hist.  gén.  du  Dauphiné,    II,  p.    653  ;  —  Long,  La    Réforme.  .    pp. 
109-13  ;  —  Rochas,  Biogr.  du  Dauphiné,  I,  p.   3-^5. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  lOI 

protestant  Chabanas  obtint  de  ses  chefs  «  qu'il  yroyt  chercher  de 
«  contribucions  en  terre  de  l'henemi,  tant  comme  il  en  pourroit 
«  amasser,  sens  rendre  compte  a  perssonne,  de  la  Royans  au  Vilar 
«  de  Lens  et  ces  environs,  »  par  conséquent  au  Vercors  (i)  D'ailleurs 
la  mesure  préventive  prise  par  de  Gordes  en  ce  qui  concernait  le 
Vercors  n'arrêta  pas  les  pi-otestants  dans  l'envie  qu'ils  avaient  de 
s"en  emparer  de  nouveau  ;  car,  quelques  mois  après,  «  Lesdiguières 
«  entra  dans  le  païs  de  Vercors,  où  il  commença  la  conqueste  qu'il 
c  en  vouloit  faire  par  le  dessein  de  réparer  le  château  de  la  Bastide, 
«  que  Gordes  avoit  fait  démolir.  Mais  les  capitaines  Fontenilles, 
a  Mestral,  Gobcrt  et  la  Cardonnière,  s'y  étant  opposez  avec  leurs 
«  compagnies,  qui  étaient  chacune  de  deux  cents  hommes,  luy  firent 
«  abandonner  cette  entreprise  {2).  »  Cela  se  passait  en  1574. 

Cependant,  moins  de  trois  ans  après,  le  Vercors  était  aux  mains 
des  «  ennemys  du  Roy,  »  et  des  soldats  de  la  garnison  de  Romans 
allaient  y  faire  prisonniers  jusqu'à  des  officiers  de  l'évèque.  Ceux-ci 
n'étaient  ni  protestants  ni  soldats  ;  mais  ils  avaient  apparemment  le 
tort,  fort  grand  aux  yeux  de  ces  hommes  d'armes,  de  ne  pas  se 
laisser  rançonner  de  bon  cœur.  C'est  ce  que  nous  apprend  la  lettre 
suivante,  écrite  par  l'évèque  de  Valence  et  de  Die,  seigneur  du 
Vercors,  «  à  Messieurs  les  Consulz  et  cappitaines  de  gents  de 
«  guerre  de  la  ville  de  Romans,  à  Romans,  »  pour  réclamer  contre 
«  une  incarcération  et  des  violences  regrettables  : 

«  Messieurs,  j'ay  esté  presantement  adverty  que  vos  soldats 
«  sont  montés  lahault  en  la  montagne  de  Vercors,  et,  en  lieu  de 
«  faire  la  guerre  aulx  ennemys  du  Roy  et  de  se  prendre  à  ceulx  qui 
«  ordinairement  portent  les  armes,  ils  ont  prins  M*^  Michel  Lamy, 
«  mon  greffier,  Claude  Romey,  lieutenant  de  mon  chastellain,  Nico- 
«  las  Argod,  mon  procureur  d'office,  Lucat  Audeyer  et  Claude 
«  Jason,  mes  officiers  et  subiects,  et  qui  sont  catholicques.  Et  veult 
«  croyre  que  ce  a  esté  à  faulte  d'estre  bien  informés  de  leur  estât  et 
«  condition  ;  que  a  faict  que  je  vous  ay  voullu  advertir  par  la  pre- 
«  sente  que  lesd'^  prisonniers  ne  peuvent  estre  prins  de  bonne 
«  guerre,  attandu  qu'ils  sont  catholicques  ;  et,  sy  bien  ils  habitent 
«  es  lieux  occupés  par  les  ennemis,  est  à  leur  grand  regret  et  qu'ils 
«  vouldroyent  bien  avoir  esté  mieulx  secorus,  et  ne  se  trouvans 
«  chose  qui  puysse  les  faire  estimer  aultres   que  bons  subiects  du 

(i)  Mémoires  d'Eustache  Piémont  ;  —  Vincent,    Lettres    histor .    sur    le  Royans, 
pp.  68  et  70  ;  —  Bullet.  d'hist.  du  dioc.   de   Val,,  t.  III,  p.   171-3. 
(2)  Chorier,  op.  cit.,  II,  p.  653. 


102  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

«  Roy  et  que  par  la  faulte  d'aultruy  ils  sont  tiranisés  et  en  leurs  vyes 
«  et  en  leurs  biens,  qui  méritent  qu'on  en  aye  pitié  et  commiséra- 
«  tion.  Je  ne  puys  faire  de  moins  que  de  les  advouer  pour  mes 
«  officiers  et  subjets,  et  les  deffandre  en  leur  bonne  cause.  Je  vous 
<i  prie  doncques.  Messieurs,  me  les  ranvoyer,  par  ce  présent  pour- 
«  teur  ;  vous  offrant  vous  faire  aultant  de  plaisir  en  ce  en  quoy 
«  vous  me  vouldrés  employer.  Et  la  où  vous  ne  me  vouldriés  pourter 
«  respect  ny  a  la  justice,  je  proteste  de  ce  qui  en  pourra  advenir,  et 
«  que  vous  mesme  pouvés  pancer.  Vous  avisant  au  surplus,  que,  sy 
«  par  menasses  et  force,  comme  vous  avez  commancé,  vous  les 
«  contraigniez  de  payer  ou  d'accorder  de  la  rançon,  tout  ce  que 
«  vous  ferés  sera  déclaré  nul,  comme  faict  par  force  et  violance.  Et, 
«  me  recommandant  à  votre  bonne  grâce,  je  prie  Dieu, 

((  Messieurs,  vous  donner  longue  vye.  De  Vallance,  ce  XXVII 
may  1577.  «  Votre  meilleur  voysin  et  amy, 

«  Monluc,  E.   de   Valance.  Ci)  » 

Nous  ignorons  quel  accueil  fut  fait  à  cette  réclamation  ;  mais  on 
sait,  hélas  !  que  nos  populations  continuèrent  à  être  en  proie  à  des 
exactions  continuelles  en  argent  et  en  nature,  venant  de  tous  partis 
et  pesant  également  sur  les  catholiques  et  sur  les  protestants.  Au 
commencement  de  1578,  on  publie  en  Dauphiné  un  ordre  royal 
prescrivant  la  cessation  des  luttes  ;  mais  un  certain  capitaine  Bou- 
vier persiste  à  occuper  militairement  Pont-en-Royans.  «  Les  habi- 
a  tants  du  Pont,  catholiques  et  huguenots,  prenant  le  frain  aux 
«  dents,  comme  on  dit,  se  bandèrent  contre  luy  et  le  mirent  hors  du 
«  château  et  de  la  Corbelle,  sans  l'offenser,  et  le  prièrent  les  laisser 
«  vivre  en  paix.  Sur  quoy,  il  se  retira  à  la  Chapelle-de-Vercors, 
«  parce  qu'il  ne  s'osoit  retirer  à  Romans,  d'où  il  étoit.  »  {2)  Toute- 
fois, sa  passion  pour  le  bruit  et  la  lutte  ne  tarda  pas  à  le  tirer  de  la 
Chapelle,  pour  le  pousser  encore  à  l'attaque  du  Pont,  qu'il  prit  facit 
lement. 

Un  instant  débarrassé  de  cet  importun  capitaine,  qui  ne  lui  fu- 
certainement  pas  moins  à  charge  qu'au  Pont,  le  Vercors  n'est  pas 
pour  cela  désormais  sans  trouble.  En  1579,  les  prés  que  l'évêque  y 
avait  passent  entre  les  mains  de  M'=  Charles  du  Cros,  président  de 
la  Chambre  de  l'Edit,  (3)  et  de  1579  a  1581  le  Vercors  subit  de  nou- 

(i)  Arch.  de  la  Drôme,  E.  3669. 

(2)  Mémoires  cit. 

(3)  Bulletin  d'hist.  ecclés.   des  dioc.  de   Valence....,   t.  III,  p.    11  i. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  IO3 

veau  les  exactions  de  ces  bandes  de  pillards  qui,  commandées  par 
d'Allières,  Bouvier  et  le  capitaine  Vercors,  roulaient  successivement 
de  Die  à  Pont-en-Royans,  et  de  Pont-en-Royans  à  Die.  (i) 

Nous  n'avons  pas  de  documents  qui  nous  permettent  d'indiquer 
avec  précision  les  événements  dont  le  Vercors  fut  le  théâtre  pendant 
les  dix  ans  suivants.  Tout  au  plus  trouve-t-on  dans  cet  intervalle  le 
contrat  de  mariage  de  Claude  Chalvet,  fils  et  frère  de  notaires  de  la 
Chapelle-en-Vercors,  acte  qui  est  du  4  avril  1587,  et  montre  les 
Chalvet  résolument  enrôlé  dans  «  lEsglise  refformée  »  (2).  Mais 
vers  1590  tout  était  en  ruines  dans  le  pays.  Aux  ruines  morales  et 
religieuses  s'ajoutaient  les  ruines  matérielles. 

Le  château  de  la  Bâtie  démantelé,  l'était  bien  pour  toujours. 
Elevé  pour  un  régime  et  des  temps  différents,  il  n'avait  guère  plus  de 
raison  d'être.  Loin  de  contribuer  à  son  relèvement,  les  habitants  du 
lieu  abandonnèrent  de  plus  en  plus  les  maisons  mêmes  jadis  si  soi- 
gneusement groupées  aux  pieds  du  vieux  colosse. 

Le  bourg  de  la  Chapelle,  contenant  l'église  et  de  plus  facile  accès, 
convenait  mieux  aux  cultivateurs,  aux  industriels  et  aux  commer- 
çants. Aussi  gagna-t-il  à  l'abandon  de  son  voisin,  et  alla-t-il  dès 
lors  en  se  développant.  En  1595  le  bailli  seigneurial  se  qualifiait 
bien  encore  baylle  de  la  Bastie  de  Vercors  (3J  ;  mais  il  est  probable 
que  c'était  surtout  affaire  d'usage,  et  que  le  vieux  village  était  désert. 
Toutefois,  en  1659  c'est  au  lieu  de  la  Bastie  que  les  habitants  de  la 
Chapelle  s'assemblent  pour  nommer  les  consuls,  et  jusqu'à  1678  de 
nombreux  actes  sont  faits  et  stipulés  au  lieu  de  la  Bastie  de  Vercors, 
ail  l'on  a  coustume  tenir  foire.  Bien  plus,  un  acte  de  quittance  de 
1724  est  fait  et  recitté  à  la  Chapelle  (-en-Vercors),  dans  le  château  de 
la  Bastie. 

En  1743  et  en  1768,  l'endroit  s'appelait  la  Belle-Bàtie,  et  en  1762 
on  y  devait  procéder  à  un  encan  après  saisie  d'un  fonds  ('4).  Quant  à 
la  foire  qu'on  y  tenait  encore  au  XVIII^  siècle  et  pendant  la  première 
moitié  du  XIX%  elle  se  tient  maintenant  au  bourg  de  la  Chapelle 
même. 

(La  suite  au  prochain  numéro).  L.  FILLET. 

(i)  Chorier,  op.  cit.,  II,  p.  702  ;  —  Mémoires  cit  ;  —  Revue  du  Daiiphiné  et  du 
VivaraiSyY,  173-6. 

(2)  AccARiAS,  Notice  sur  les  Chalvet,  p.  5-6. 

XX 

(3)  Minutes  cit.,  reg.  de  1593-5,  f.  xj  v-vj. 

(4)  Ibid.,  passim. 


MARIE   DE  MONTLAUR 


MARECHALE  D'ORNANO 


Relèvement  du  Culte  Catholique 


DANS  LA  VILLE  D'AUBENAS 


Peu  de  noms  sont  demeurés  populaires  dans  la  ville  d'Aubenas 
en  Vivarais  comme  celui  de  la  pieuse  Marie  de  Montlaur  (ou  Mont- 
lor),  veuve  infortunée  du  Maréchal  J.-B.  d'Ornano.  Ce  ne  sont  pas 
seulement  les  malheurs  de  la  Dame  d'Aubenas,  mais  encore  et  sur- 
tout sa  grande  dévotion,  son  inépuisable  générosité  pour  tout  œuvre 
utile  à  la  gloire  de  Dieu  et  au  bien  de  ses  vassaux  qui  nous  expliquent 
cette  sorte  de  vénération  dont  nous  voyons  entouré  son  souvenir. 

La  fondation  dont  nous  nous  occuperons  d'abord,  et  dont  nous 
possédons  une  copie  authentique  de  l'époque,  sutlirait  à  nous  mon- 
trer le  zèle  de  Marie  de  Montlaur  pour  notre  sainte  Religion  et  la 
part  qu'elle  prit  à  son  relèvement  dans  la  ville  d'Aubenas.  Cet  acte 
est  d'autant  plus  précieux  qu'il  mentionne  bon  nombre  d'autres 
bienfaits  de  la  Maréchale  à  l'égard  de  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Laurent.  Nous  y  trouverons  plus  d'un  détail  intéressant  pour  l'his- 
toire religieuse  d'une  ville  si  agitée  à  la  (in  du  XVL  siècle  et  un  exact 
exposé  de  l'état  où  se  trouvait  la  religion  à  Aubenas  dans  la  première 
moitié  du  XVII"  siècle.  D'autres  pièces  manuscrites  de  l'époque  nous 
ont  été  d'un  grand  secours  pour  éclairer  notre  récit.  Nous  n'avons 
pas  la  prétention  de  mentionner  tout  ce  que  fit  pour  l'Eglise  catho- 


LE   RELÈVEMENT   DU   CULTE  CATHOLIQUE  A  AUBENAS.  10$ 

lique  Marie  de   Montlaur,  mais   seulement  de   rappeler   ses  princi- 
pales libéralités. 

Tous  ces  documents,  et  d'autres  encore  provenant  des  papiers  de 
M.  Henri  Deydier,  nous  les  devons  à  son  honorable  famille,  qui  a 
bien  voulu  nous  les  remettre  et  nous  autoriser  en  même  temps  à 
puiser  dans  les  précieuses  notes  laissées  par  M.  Deydier  sur  les 
familles  notables  du  Vivarais.  Nous  nous  proposons  de  publier  une 
série  de  pièces  concernant  l'histoire  religieuse  de  ces  contrées  et  de 
la  ville  d'Aubenas  en  particulier.  Si  ces  épis  réunis  peuvent  former 
un  jour  une  modeste  moisson,  nous  le  devrons,  après  Dieu,  à  la 
générosité  d'une  famille  qui  nous  permettra  de  lui  offrir  ici  l'hom- 
mage de  notre  profonde  gratitude. 


I 

La  ville  d'Aubenas  doit  être  comptée  parmi  celles  qui,  en  Vivarais, 
eurent  le  plus  à  souffrir  des  sanglantes  querelles  religieuses  de  la 
seconde  moitié  du  XVL  siècle.  Tour  à  tour  prise  et  reprise  par  les 
Huguenots  et  les  Catholiques,  elle  fut  témoin  de  scènes  lamentables  ; 
elle  vit  ses  églises  détruites  et  sa  population  réduite  à  la  plus  extrême 
misère.  Dans  le  procès-verbal  de  sa  visite,  le  9  juin  1599,  Jean  de 
l'Hostel,  évêque  de  Viviers,  constate  le  triste  état  dans  lequel  était 
réduite  l'église  d'Aubenas.  «  Nous  aurions  vu,  dit-il,  l'Eglise  parro- 
chiale  toute  ruinée  et  rasée,  sauf  le  clocher,  et  continuant  de  che- 
miner la  dite  procession,  serions  arrivé  en  une  grande  chapelle 
où   de  présent  se  fait  le  service  divin,  causant  la  dite  démolition.   » 

Pour  desservir  l'église  paroissiale  de  St-Laurent,  où  se  trouvaient 
avant  les  guerres  douze  chapelles  avec  fondations,  et  dans  laquelle 
l'office  divin  se  célébrait  jadis  comme  dans  une  collégiale  par  le  curé 
et  trois  vicaires,  il  n'y  avait  plus  qu'un  seul  curé.  Ce  prêtre  eût  été 
incapable  de  suffire  à  l'administration  des  sacrements,  s'il  n'avait  eu, 
pour  les  confessions,  le  concours  des  religieux  de  St-Dominique,  de 
St-François  et  de  St-Ignace';' établis  dans  la  ville.  Quant  au  trésor  de 
l'église,  il  contenait  à  peine  le  strict  nécessaire,  vu  que  le  26  août 
1562,  pendant  l'occupation  d'Aubenas  par  les  protestants,  le  conseil 
général  de  la  ville,  composé  de  huguenots  avait  décidé  :  «  qu'il  a  été 
expédient,  pour  soulager  le  peuple,  vendre  certains  joyaulx,  meubles 
et  ornements   de   l'Esglise  romaine  à  l'inquant  {sic)  jpubliq,  et  est 

Bull.  VIII,  1888.  8 


I06  MARIE    DE    MONTLAUR    ET    LE    RELÈVEMENT 

besoing  encore  d'en  vendre  davantage  pour  couvrir  aux  fraicts  com- 
mungs  qui  se  présantent  (ij.  » 

L'évêque  de  Viviers  ordonna  bien  au  prévôt  de  la  cathédrale, 
prieur  d'Aubenas,  «  de  rétablir  avant  deux  mois  le  service  divin  en 
la  forme  et  manière  qu'il  était  anciennement,  à  peine  de  cent  écus, 
applicables  moitié  pour  le  dit  service,  et  l'autre  pour  la  réparation 
de  l'église.  »  Mais  les  ressources  manquaient,  la  pauvreté  était  extrê- 
me, et  le  prévôt  de  la  cathédrale,  ne  pouvant  toucher  les  revenus  de 
son  bénéfice,  se  voyait  dans  l'impossibilité  d'y  entretenir  le  person- 
nel nécessaire.  Si  bien  qu'en  1629,  il  n'y  avait  encore  à  Aubenas 
qu'un  seul  vicaire  avec  le  curé,  lorsque  Marie  de  Montlaur  eut  la 
pensée  de  relever  le  culte  divin  par  une  pieuse  fondation. 

Marie  de  Rémond  de  Modène,  comtesse  de  Montlaur,  marquise 
de  Maubec,  dame  d'Aubenas,  maréchale  d'Ornano,  était  fille  de 
Guillaume-Louis  de  Modène-Montlaur.  Elle  avait  épousé,  en  1599, 
Philippe  d'Agoult  de  Montauban,  baron  de  Grimault  (2).  Veuve  de 
Philippe  d'Agoult,  elle  se  remaria  en  161 1  à  J.-B.  d'Ornano,  colonel 
du  régiment  des  Corses,  fils  aîné  d'Alphonse  d'Ornano,  maréchal 
de  France.  Jean-Baptiste  d'Ornano  reçut  à  son  tour  le  bâton  de 
maréchal  (avril  1626);  mais  au  mois  de  mai  suivant,  il  fut  enfermé  à 
Vincennes,  pour  avoir  suivi  contre  Richelieu  le  parti  de  Gaston 
d'Orléans,  dont  il  avait  été  gouverneur.  Il  mourut  le  2  sept.  1626, 
non  point  de  poison,  mais  de  sa  détention  dans  un  cachot  voûté 
dont  les  murs  se  couvraient  de  salpêtre,  ce  qui  faisait  dire  à  Madame 
de  Rambouillet  que  cette  chambre  valait  son  pesant  d'arsenic  (3). 

Dès  lors,  la  malheureuse  veuve  du  maréchal  ne  songea  plus  qu'à 
vivre  pieusement  dans  la  ville  d'Aubenas,  dont  la  seigneurie  lui  était 
échue  à  la  mort  de  son  père,  ainsi  que  la  baronnie  de  Montlaur,  en 
vertu  d'une  substitution  qui  lui  donnait  la    préférence   sur  sa  sœur 

(i)  Conseil  général  de  la  ville,  copie  du  temps. 

(2)  La  mère  de  Philippe  d'Agoull,  Chrétienne  d'Aguerre,  veuve  d'Antoine  de 
Blanchefort,  duc  de  Créquy,  avait  eu  de  son  premier  mari  Charles  de  Créquy,  duc 
de  Lesdiguières,  maréchal  de  France  ;  elle  avait  ensuite  épousé  François-Louis 
d'Agoult,  comte  de  Sault,  devenant  ainsi  la  comtesse  de  Sault,  si  connue  en  Pro- 
vence durant  les  guerres  de  la  Ligue. 

(3)  On  a  dit  également  que  le  maréchal  avait  été  décapité  dans  sa  prison.  Le  fait 
est  absolument  faux.  Cela  fut  démontré  en  1793,  quand  les  restes  de  J.-B.  d'Ornano 
furent  arrachés  du  mausolée  ou  ils  reposaient  à  Aubenas.  Un  professeur  du  collcgc, 
qui  assista  en  curieux  à  cette  exhumation,  s'assura  que  la  tétc  n'était  pas  séparée  du 
tronc. 


DU    CULTE    CATHOLIQUE    A    AUBENAS.  IO7 

Jacqueline,  l'aînée  des  trois  filles  de  Guillaume  de  Montlaur.  Elle  avait 
fait  transférer  le  corps  du  maréchal  dans  l'église  reconstruite  de 
cette  ville,  et  ce  fut  même  la  pensée  d'assurer  des  prières  à  l'âme  de 
son  époux  qui  détermina  la  fondation  dont  nous  allons  donner  l'acte 
en  substance.  Mais  comme  on  le  verra  par  cet  acte  lui-même,  elle 
n'avait  pas  attendu  l'heure  de  l'épreuve  pour  favoriser  de  tout  son 
pouvoir  le  relèvement  delà  Religion  catholique  dans  la  ville  d'Aube- 
nas.  La  i''^  partie  de  cette  pièce  est  si  importante  à  ce  point  de  vue, 
et  donne  de  tels  détails  sur  les  libéralités  de  Marie  de  Montlaur 
envers  l'église  paroissiale,  l'époque  exacte  de  la  reconstruction  de 
cette  église  etc.,  qu'il  nous  a  semblé  devoir  la  donner  in  extenso. 
«  Comme  ainsin  soit  qu'aujourdhuy,  vingt  septiesme  jour  du  moys 
de  juin  mil  six  cens  vingt-neuf,  apprés  midy,  régnant  très  chrestien 
prince  Louys,  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France  et  de  Navarre,  par 
devant  moy,  notaire  soubsigné  et  tesmoings  sous  escripts,  personnel- 
lement establie  puissante  dame  Marie  de  Montlor,  comtesse  dudit 
Montlor,  marquise  de  Maubec,  dame  et  baronne  d'Aubenas,  Ucel, 
St-Laurant,  Montpezac,  Mayres  et  Montbonnet,  vefve  de  deffunct 
seigneur  messyre  Jean-Baptiste  d'Ornano,  conseiller  du  Roy  en  ses 
conseils  d'estat  et  privé,  chevalhier  de  ses  Ordres,  colonel  général  des 
Corses,  gouverneur  des  villes  et  citadelles  du  St-Esprit,  St-André, 
Crest,  Moras,  du  Pont-de-Larche  et  Hontfleur,  lieutenant  général  au 
gouvernement  de  Normandie,  premier  gentilhomme  de  la  chambre 
de  Monseigneur  le  duc  d'Orléans,  fraire  unique  du  Roy,  cappitaine 
et  lieutenant  de  sa  compagnie  de  gendarmes,  surintandant  de  sa 
maison  et  finence,  et  mareschal  de  France,  laquelle  pour  elle  et  les 
siens,  en  considération  de  ce  que  le  corps  de  son  cher  et  bien  aymé 
Mary  mondit  seigneur  le  mareschal  est  ensépulturé  en  Eglize 
parochialle  d'Aubenas,  fondée  sous  le  vocable  de  St-Laurent,  où  la 
dite  dame  désire  aussi  que  le  sien  soit  mis,  et  en  la  même  volte  (i) 
et  soubs  même  tumbe  qu'elle  y  prettant  faire  faire  {2)  ;  attandu  qu'en 
ladite  Eglize  il  n'y  a  qu'un  curé  et  un  autre  prettre  servant  de  vicaire, 
establis  par  le  sieur  prieur  dudit  Aubenas  et  prevost  de  Viviers,  qui 
ne  peuvent  faire  beaucoup  de  service  en  ladite  Eglize  pour  le  peuple 
qu'il  y  a,  et  que  c'est  la  seule  paroisse  de  la  ville,  mesme  qu'il  ne  s'y 

(i)  Voûte. 

{2)  On  sait  que  la  maréchale  fit  exécuter  un  superbe  mausolée  en  marbre,  où  elle 
est  représentée  à  genoux  à  côté  de  son  mari.  Ce  monument  se  voit  encore  à  la 
paroisse  ti'Aubenas. 


I08  MARIE    Di:    MONTLAUR    ET    LE    RELÈVEMENT 

chante  point  de  vespres  ny  matines  que  les  jours  des  festes  ou 
dimanches,  ce  qui  est  grandement  préjudiciable  pour  la  Religion  (ij, 
mesme  à  présent  que,  par  la  grâce  de  Dieu  et  despuis  un  an,  il  n'y  a 
plus  d'hérétiques  et  huguenots  où  il  y  en  avait  si  grand  nombre, 
que  presque  toutes  les  maisons  de  la  dite  ville  en  étaient  infectées  (2), 
et  dételle  sorte  qu'ils  avaient  rasé  toutes  les  Eglizes  de  ladite  ville, 
entre  autres  la  dite  Eglize  de  St-Laurant,  rebattie  despuis  dix  annéesf^) 
par  la  charité  en  partie,  et  aux  despans  dudit  feu  seigneur  mareschal 
et  de  ladite  Dame,  laquelle  y  a  aussi  donné  les  calices  dargent  dorés, 
custodes  et  soleil  pour  porter  le  St-Sacrement,  avec  pleusieurs'  pare- 
ments dautel,  chasubles  et  autres  habits,  dont  on  a  été  faict  invan- 
taire  et  chargé  les  régents  de  ladite  ville  de  la  garde  et  conservation 
d'iceulx,  par  acte  du  quinziesme  jour  de  may  dernier.  Et  encore,  le 
vingt  septiesme  apvril  dernier,  icelle  Dame  a  donné  à  prix  faict  de 
réparer  le  clocher  de  ladite  Eglize,  que  le  foudre  du  ciel  a  rompu,  et 
y  faire  un  arcade,  despand  d'icelle  qui  reviendra  à  près  de  deux  mil 
livres,  de  laquelle  est  faicte  donation  a  ladite  Eglize  au  descharge  de 
ladite  ville,  tenue  et  obligée  à  cella.  » 

Après  ce  préambule,  si  important  pour  l'histoire  de  l'Eglise  d'Au- 
benas,  vient  la  teneur  même  de  la  fondation  ; 

«  Pour  cette  considération  et  autres  a  ce  la  mouvants,  Cladite 
Dame)  a  fondé,  comme  par  ces  présentes  elle  fonde  en  ladite  Esglize 
parochialle  de  St.  Laurans,  lentretien  de  deux  prebtres  séculiers 
pour  dire  et  célébrer  tous  les  jours  deux  messes  des  trespassés, 
excepté  les  jours  de  Dimanche  et  festes  solennelles,  que  ladite 
grand  Messe  se  dira  selon  l'ollice  qu'est  ordonné  par  lesglize  es 
dicts  jours,  scavoir  une  Messe  basse  et  une  grande  Messe  pour  lame 
dudit  deffunct  Seigneur  Mareschal  et  celle  de  madite  Dame,  lorsqu'il 
plaira  à  Dieu  la  retirer  au  ciel  en  son  paradis;  à  laquelle  grand  Messe 
ladite  Dame  supplie  et  requiert  le  sieur  prevost  de  ladite  Esglize  de 
charger  lesdicts  sieurs  curé  et  vicaire  et  leurs  successeurs  à  perpé- 
tuité, daydcr  a  chanter  ladite  grand  Messe,  ensamble  de  dire  avec 
lesdicts  deux  preptrcs  denouveau  par  ladite  Dame  establis  en  ladite 

(i)  Nous  voyons  par  là  l'importance  que  nos  pères  attachaient  à  bon  droit  à  la 
célébration  publique  et  quotidienne  de  l'Office  divin. 

(2)  Dans  le  narré  de  la  merveilleuse  conversion  des  hérétiques  à  Aubcnas,  signé 
par  les  habitants  d'Aubenas  en  1628,  il  est  dit  qu'aux  seconds  troubles,  cette  ville 
avait  épousé  si  chaudement  la  prétendue  Réforme,  qu'il  n'y  resta  que  deux  ou  trois 
familles  s'avouant  catholiques. 

(3)  L'église  de  St-Laurcnt  fut  donc  reconstruite  en    1619. 


DU    CULTE    CATHOLIQUE    A    AUBENAS.  IO9 

Esglize,  tous  les  jours  à  perpétuité  Vespres  et  Matines  à  haulte  voix, 
particulièrement  tous  les  secons  jours  de  septembre  à  perpétuité, 
qu'est  le  jour  du  decez  dudit  feu  Seigneur  Mareschal  ;  comme  aussi 
le  mesme  service  le  jour  que  décédera  ladite  Dame,  et  autres  sem- 
blables jours  à  perpétuité,  sans  que  ladite  Dame  donne  aucusnes  cho- 
ses auxdits  curé  et  vicaire  pour  leur  assistance.  Pour  et  au  regard 
de  la  présente  fondation,  et  pour  satisfaire  par  lesdits  deux  prebtres 
audit  service  actuel,  journalhier  et  perpétuel,  ycelle  Dame  donne, 
assigne,  remest  et  transporte  purement  et  simplement  auxdicts  deux 
prebtres  et  successeurs  quelconques,  la  somme  de  troix  cens  douze 
livres,  dix  sols,  qu'est  la  moitié  de  la  pension  deube  par  les  habitants 
et  communauté  de  la  ville  d'Aubenas  à  madite  Dame,  par  acte  receu 
par  moy,  notaire  soubsigné,  le  vingt  troisiesme  du  présent,  qu'elle 
veust  et  entand  estre  retirés  de  présent  et  à  l'advenir  à  perpétuité 
par  lesdits  deux  prebtres  séculiers  faisant  ledit  service,  et  à  chascun 
d'iceux.  la  somme  de  cens  cinquante  six  livres  six  sols,  tant  pour  le 
louage  de  maison,  nourriture,  habits,  que  sierges  et  luminaire  qu'il 
sera  nécessaire  pour  lesdites  deux  Messes,  avec  pouvoir  de  contrain- 
dre les  régents  et  habitants  de  ladite  ville,  présents  et  advenirs,  au 
payement  de  ladite  somme  de  trois  cens  douze  livres  dix  sols,  aux 

deux  termes  portés  par  ladite  Dame 

A  condition  et  réserve  toutesfois  faicte  par  madite  Dame,  que  les 
deux  prebtres  séculiers  establis  en  ladite  Esglize  par  elle  despandront, 
et  les  autres  successeurs  esdites  charges,  entièrement  de  la  nomi- 
nation, institution  dicelle  Dame  et  ses  successeurs,  qui  establiront 
pour  faire  lesdits  offices  et  services  divins  des  prebtres  de  bonne  vie 
et  mœurs,  capables  et  entandants  la  musique,  appreuvés  et  receus 
par  l'ordinaire,  comme  faict  à  présent  ladite  Dame  des  personnes  de 
Jean  Félix  et  Philibert  Tixier,  aussis  prebtres  séculiers  absants  et 
présants,  avec  pouvoir  néangmoins  et  réserve  de  madite  Dame  de 
les  destituer  quand  bon  luy  semblera,  en  y  establissant  d'autres  pour 
le  mesme  service,  et  le  mesme  pouvoir  à  ses  successeurs  présants  et 
advenir,  ou  possesseurs  de  la  seigneurie  et  chasteau  d'Aubenas, 
envers  les  autres  successeurs  prebtres  establis  audit  service,  jusques 
à  perpétuité,  suppliant  à  leffect  que  dessus  icelle  Dame  Monseigneur 
le  Reverandissime  Evesque  de  Viviers,  duquel  despand  ladite  Ville  et 
Esglize  d'Aubenas,  de  vouloir  consantir,  approuver  et  authoriser  la 
présente  fondation  et  institution,  alïin  quelle  soit  suivie  et  observée 
de  point  en  point,  selon  son  intention  à  perpétuité.  A  quoy  interve- 


IIO  MARIE    DE    iMONTLAUR    ET    LE    RELEVEMENT 

nant,  Messieurs  M'  Joffre  le  Meur,  M^  Jean  Desserres  et  Jacques 
Lissignol,  régents  de  ladite  ville  d'Aubenas,  lesquels  pour  eux,  les 
leurs,  communauté  et  mandement  dAubenas  et  leurs  successeurs  à 
l'advenir  quelconques,  en  vertu  du  pouvoir  à  eux  donné  par  la  délibé- 
ration de  la  Communauté  dont  la  teneur  sensuit  :  » 

Vient  ensuite  la  délibération  du  Conseil  tenu  le  24  juin  1629,  par 
laquelle  pouvoir  est  donné  aux  régents  d'accepter  la  fondation  pro- 
posée par  la  maréchale  d'Ornano,  et  dengager  la  ville  à  payer  aux 
deux  prêtres  et  à  leurs  successeurs  la  somme  de  312  livres  10  sols. 
L'acte  de  fondation  se  termine  par  le  serment  d'usage,  fait  sur  les  SS. 
Evangiles  par  ^Madame  d'Ornano  et  les  régents  : 

«  De  quov  ont  requis  acte,  que  leur  a  été  octroyé.  Faict  et  publi- 
quement récité  en  ladite  ville  d'Aubenas,  chasteau  et  chambre  de 
madite  Dame,  en  présence  de  noble  Mons""  Pierre  de  la  Baume, 
conseiller  du  Roy  au  parlement  du  Dauphiné  et  doyen  diceux,  noble 
André  de  Vignon,  sieur  de  Ternisière,  de  Dauphiné,  gentilhomme 
ordinaire  de  iMgr  le  Duc  d'Orléans,  fraire  unique  du  Roy,  et  baillif 
de  la  Comté  de  Montlor,  M""  Anthoine  Pays  et  Louys  Tressault, 
prestres  de  ladite  Eglize  de  St-Laurans,  servants  de  Curé  et  Vicaire, 
tesmoings  appelles,  soubsignés  avec  lesdites  parties  ;  et  moy,  Jacques 
Marin,  notaire  royal  de  la  ville  d'Aubenas.  » 
Suivent  les  signatures. 

Cette  importante  fondation  fut  confirmée  et  augmentée  par  acte 
du  2  septembre  1633,  dans  lequel  Marie  de  Montlaur  ajoutait  à  ses 
précédentes  libéralités  la  somme  de  iS  1.  15  s.  pour  le  luminaire  des 
messes,  et  une  maison  pour  le  logement  des  deux  chapelains.  En  ou- 
tre, M'"  Anthoine  Teyssier,  prêtre  d'Aubenas,  avait  fait  une  fondation 
de  messes  par  son  testament  du  28  déc.  15 14  fNot'.  Roberty).  Les 
revenus  en  étant  devenus  insuffisants  et  la  maréchale  ayant  acquis 
par  un  acte  (Not"  Dusserre,  19  janv.  1633)  le  patronage  de  ce  béné- 
fice, la  dite  fondation  Teyssier  fut  unie  à  celle  dont  nous  parlons,  et 
une  maison  avec  jardin  faisant  partie  de  ce  pie  légat  ayant  été  recon- 
nus comme  plus  commodes,  furent  mis  en  état  par  la  veuve  d'Or- 
nano sur  la  demande  des  chapelains,  qui  la  déchargèrent  de  l'acqui- 
sition d'un  autre  local. 

Dans  les  actes  confirmant  et  augmentant  cette  fondation  de  Marie 
de  Montlaur,  M'"  Philibert  Tyxier  est  qualifié  «  prestre  habitué  de 
l'Eglize  de  Lion,  »  et  Jean  Félix  est  dit  :  «  prestre  et  officiai  d'Aube- 
nas. »  La  fondatrice  rcconnait  ne  pouvoir  destituer   les   chapelains 


DU    CULTE    CATHOLIQUE    A    AUBENAS.  III 

que  si  leur  conduite  l'exigeait,  admet  divers  empêchements  éventuels 
et  passagers  à  l'exécution  habituelle  de  sa  fondation  et  la  maintient 
aux  prêtres  malades  ou  infirmes,  pourvu  qu'ils  aient  soin  de  faire 
remplir  les  charges  principales.  En  parlant  de  la  fondation,  il  est  dit 
que  ces  messes  et  services,  ainsi  que  les  heures  canoniales  <>  de  nou- 
veau par  ladite  Dame  establies  tous  les  jours  à  perpétuité,  l'ont  été 
tant  pour  le  repos  d'âmes  du  Mareschal  et  de  la  Mareschale  que  pour 
plus  grande  édification  du  peuple  de  la  dite  ville,  la  plus  par  duquel 
a  esté  nouvellement  converti  à  la  Religion  Catholique,  Apostolique 
et  Romaine,  par  la  grâce  de  Dieu  et  soing  particulier  de  madite 
Dame.   » 

Le  5  sept,  de  la  même  année  1633,  M''^  Charles  Riffard,  chanoine 
et  prévôt  de  la  cathédrale  de  Viviers,  prieur  d'Aubenas,  approuva 
et  ratifia  la  fondation  dont  nous  venons  de  parler.  De  plus,  il  ajouta 
à  la  pension  de  240  1.  qu'il  faisait  au  curé  et  au  vicaire  d'Aube- 
nas à  raison  de  120  1.  chacun,  la  somme  de  60  1.  à  partager 
entr'eux,  à  condition  qu'ils  «  chanteraient  chaque  jour  les  heures 
canoniques,  et  aux  susdits  anniversaires,  la  Messe  des  Morts  avec 
les  chapelains  de  la  fondation.   » 

Cet  acte  est  passé  au  château  de  Viviers,  dans  la  maison  du  pré- 
vôt, en  présence  de  M''  Jacques  Riffard,  chanoine  de  Viviers,  et 
de  M"  Pierre  Colas,  chanoine  hebdomadier  de  la  même  Eglise  ;  le 
notaire  qui  le  reçut  fut  Marie  Brousse,  notaire  royal  d'Aubenas. 

H.  JAUBERT. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 


-<«— «-èose-s-" 


LE  TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

d après  des  documents  officiels  et  inédits. 


(Suite) 


«  L'attroupement  augmentait  toujours  et  je  me  rendais  à  la  ren- 
contre du  sieur  maire,  quand  j'ai  rencontré  M.  Pellat,  juge  de  paix 
du  canton  de  St-Martin,  à  qui  j'ai  raconte  ce  qui  se  passait.  Descen- 
du de  cheval,  il  s'est  adressé  à  la  foule  stationnant  devant  M.  Ville, 
dans  le  cimetière  et  devant  l'église,  luy  a  reproché  sa  conduite,  l'a 
exhortée  à  se  retirer,  à  n'occasionner  aucun  trouble  et  à  se  soumettre 
aux  lois.  En  même  temps  il  a  invité  M.  Audemard  à  se  revêtir  de  son 
surplis,  et  un  citoyen  de  prendre  la  croix  pour  cheminer  et  aller 
chercher  le  corps  et  l'enterrer.  Dans  ce  moment  est  survenu  le  sieur 
Albert,  qui  s'opposait  à  l'enterrement,  et  a  demandé  au  sieur  Pellat 
de  quel  droit  il  agissait  ainsi.  M.  Pellat  luy  a  répondu  publiquement 
qu'il  était  surpris  d'une  conduite  semblable  à  la  sienne.  Sa  place 
d'officier  municipal  lui  imposait  le  droit  et  l'obligation  de  veiller  à  la 
sûreté  des  personnes  et  publique,  de  maintenir  la  tranquillité  et 
veiller  à  l'exécution  des  lois  ;  que  sa  conduite  était  bien  étrange  et 
bien  autre,  puisqu'il  s'oubliait  jusqu'à  se  mettre  à  la  tête  d'un  attrou- 
pement pour  s'opposer  à  un  enterrement  ;  qu'il    était    responsable 

des  troubles  qui  pourraient  survenir Puis  de  nouveau,  M.  Pellat 

a  invité  M.  Audemard  à  procéder  à  la  sépulture  de  la  morte.  Mais  le 
sieur  Magaud,  marguiller,  n'a  pas  voulu  remettre  la  clef  de  la  sa- 
cristie, sous  prétexte  de  la  défense  du  sieur  Albert,  ce  qui  a  oblige 
M.  Audemard  à  faire  venir  les  ornements  de  son  église.  M.  Pellat, 
maire  est  arrivé  comme  on  partait  pour  aller  chercher  le  corps  de  la 
défunte,  et  a  assisté  à  toute  la  cérémonie. 

«  Dans  le  temps  que  le  cadavre  était  à  l'église  et  qu'on  faisait  les 
prières  d'usage,  quelques  femmes  y  furent  dans  la  plus  grande  irré- 
vérence :  on  y  riait  très  haut  au  moment  de  la  sortie.  La  femme 
Decorps-Michon  s'est  emparée  du  bénitier  et  a  jeté  l'eau  sainte  par 


LA    GRANDE    RÉVOLUTION  II3 

terre  et  y  a  substitué   une   autre  eau ce  qui   a  indigné   plusieurs 

personnes,  qui  ont  cherché  à  enlever  le  bénitier  et  le  goupillon  à 
cette  femme;  elle  a  résisté.  Ce  que  voyant,  M.  Audemard  s'est  fait 
lui-même  remettre  le  bénitier,  dont  il  a  jeté  le  contenu  immonde,  et 
a  demandé  de  l'eau  bénite.  La  demoiselle  Ville,  qui  était  la  plus 
proche,  ayant  déclaré  en  avoir,  M.  Pellat  est  allé  y  tremper  le  gou- 
pillon et  l'a  présenté  à  M.  Audemard,  qui  a  fini  les  cérémonies  de 
l'enterrement.  Cela  fait,  j'ai  demandé  au  sieur  Dunière,  puis  au  sieur 
Albert,  devant  trois  personnes,  la  présentation  des  registres  pour  y 
coucher  l'acte  d'enterrement,  et  ils  s'en  sont  rendus  refusants.  En- 
suite, le  sieur  Albert,  sur  les  représentations  que  luy  a  faites  M.  Pellat, 
maire,  a  engagé  les  gens  attroupés  à  se  retirer,  ce  qui  a  été  fait,  et 
tout  est  rentré  dans  le  calme.  De  tout  quoy  j'ay  requis  acte,  et  aussi 
que  le  présent  procès-verbal,  que  j'atteste  sincère  et  véritable,  soit 
transcrit  sur  le  registre  de  la  municipalité,  et  ay  signé  à  l'original. 
Berthon,  Ville,  Pellat,  Audemard  (i).   » 

Les  sieurs  Pellat,  dont  la  conduite  fut  si  digne  dans  cette  triste 
affaire,  ne  tardèrent  pas  à  en  subir  les  conséquences  et  à  partager 
le  sort  de  tous  ceux  qui  osaient  alors  se  montrer  honnêtes.  Dénon- 
cés comme  suspects,  des  informations  furent  prises  sur  leur  con- 
duite. A  la  demande  de  l'agent  national  près  le  district  de  Grenoble 
(19  janvier  1793),  ^^  municipalité  leur  délivra  un  certificat  de  rési- 
dence à  Lalley,  où  M.  Pellat  père  était  demeuré  sans  interruption 
depuis  qu'il  avait  été  dépouillé  de  ses  fonctions  de  procureur  auprès 
du  parlement  de  Grenoble  (2). 

Une  lettre  du  vice-procureur-syndic  près  le  tribunal  de  Grenoble 
ordonnait,  le  29  avril  suivant,  leur  arrestation  immédiate,  confiée,  le 
2  mai,  au  capitaine  de  la  garde  nationale.  Mais,  prévenus  à  temps, 
les  MM.  Pellat  purent  se  cacher  et  n'être  point  découverts,  quand, 
le  soir  du  même  jour,  vers  minuit,  leur  maison  fut  envahie  par 
la  force  armée  (3). 

Quelques  jours  plus  tard,  la  municipalité  prit  une  délibération  en 
leur  faveur  et  l'envoya  au  district,  leur  obtint  quelques  jours  de 
répit,  et  la  faculté  de  quitter  leur  cachette  pour  rentrer  au  sein  de  leur 
famille.  Cette  persécution  honore  les  MM.  Pellat  et,  au  moment 
même  où  on  les  pourchassait  comme  des    bêtes    fauves,    leur  sort 

(i)  Lalley,  Reg.  des  déliber. 

(2)  Ibidem. 

(3)  l'uidem. 


114  LE    TRIEVES    PENDANT 

était  plus  enviable  que  celui  des  dénonciateurs,  Dunière,  Albert  et 
autres,  auxquels  la  jalousie  et  l'ambition  avaient  inspiré  une  basse 
action.  Le  patriotisme  de  ces  derniers,  méritait  cependant  une 
récompense;  et  la  convention  n'en  vota-t-elle  pas  pour  ceux  qui 
voulaient  vendre  la  liberté  et  le  sang  de  leurs  semblables.  Le  repré- 
sentant du  peuple  Gauthier,  en  mission  dans  l'Isère,  les  nomma 
officiers  municipaux  (i).  Le  même  Gauthier  se  vantait  ensuite  d'avoir 
épuré  la  municipalité  de  Saint-Maurice  ;  en  effet  il  en  avait  chassé 
les  AL\L  Pellat  (2). 

M.  Audemard  fut  dénoncé  en  même  temps  que  ces  deux  derniers, 
comme  prêtre  réfractaire.  Des  détachements  de  la  garde  nationale 
de  Mens  le  poursuivirent  avec  une  véritable  rage.  Ils  vinrent  à 
Lalley  sans  pouvoir  le  découvrir  ;  mais  ils  brisèrent  la  croix  du  clocher 
pour  se  venger  de  l'insuccès  de  leurs  recherches  (3J. 

L'un  de  ces  détachements,  la  terreur  du  Trièves,  fut  plus  heureux. 
S'étant  donné  la  mission  d'arrêter  M.  Aubert,  curé  de  Prébois,  il 
réussit  à  le  surprendre  à  Lalley,  auprès  d'un  malade  qui  avait  ré- 
clamé le  ministère  du  courageux  pasteur  (4). 

M.  Aubert  avait  refusé  de  prêter  le  serment  pur  et  simple  à  la 
constitution.  Pour  ce  fait  il  méritait  d'être  dénoncé  par  le  directoire 
de  Grenoble  à  l'accusateur  public  près  le  tribunal  révolutionnaire; 
car,  ainsi  que  le  lui  écrivait  M  Corréard,  à  la  suite  des  démarches 
faites  en  sa  faveur  auprès  des  membres  de  ce  directoire  :  <i  faute  de 
serment  pur  et  simple,  il  n'y  avait  de  milieu,  et  ils  ne  voulaient 
entendre  aucune  raison  quelconque  (5).  »  Il  avait  en  outre  défendu 
l'entrée  de  son  église  au  desservant  assermenté  des  Petits-Moulins, 
qui  voulait  s'en  emparer  et  le  faire  chasser  (6).  Avec  grand  soin  il  avait 
prémuni  ses  paroissiens  contre  le  schisme,  les  avait  préparés  à  subir 
la  révolution  sans  se  laisser  épouvanter  ni  séduire  par  elle  ;  il  était 
accusé  d'avoir  reçu  et  distribué  les  mandements  de  Mgr  Dulau  d'AI- 
lemans,  évêque  de  Grenoble  (7  j  :  ce  qui  nous  explique  la  fureur  mise 
à  son  arrestation,  arrivée  au  commencement  d'août  1792.  Au  moment 
où  il  entrait  à  Grenoble,  par  la  porte  de  Bonne,  il  fut   rencontré  par 

(i)  Ibidem,  Délibération  du   3  2  nivôse  an  III. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ibidem,  et  Récit  de  Magloirc  Brochicr. 

(4)  Réponses  aux  quest.,  et  ubi  supra. 

(5)  Lettre  du  7  septembre  1  791,  communiquée  par  .M.  ("orréard,  de  Prébois. 

(6)  Autres  pièces,  ibidem . 

(7)  Renseignements  communiques  par  M""  de  Franclicu. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  II5 

M.  Audiffret,  curé  de  St-Michel-les-Portes,  qui  venait  percevoir  son 
traitement  avant  de  partir  pour  l'exil.  Les  deux  amis  ne  purent  que 
se  saluer  de  la  voix,  car  les  gendarmes  les  empêchèrent  de  s'embras- 
ser. Ils  furent  plus  heureux  le  lendemain  ;  M.  Audiffret  obtint  la 
permission  d'entrer  à  la  prison,  au  risque  de  se  faire  arrêter  lui- 
même,  et  eut  la  joie  de  presser  sur  son  cœur  celui  dont  il  baisait  les 
fers  (i). 

Du  fond  de  son  cachot,  M.  Aubert  pensait  à  ses  paroissiens  et 
leur  écrivit  une  lettre  qu'il  intitula  lui-même  :  «  Epitre  aux  fidèles 
catholiques  de  Prébois,  »  pour  les  affermir  dans  la  foi.  Il  commence 
par  les  féliciter  de  leur  docilité  à  suivre  ses  conseils,  puis  dans  quinze 
paragraphes,  il  démontre  que  la  constitution  civile  du  clergé  atta- 
quait la  foi,  changeait  la  discipline  de  l'Eglise  et  tendait  à  détruire 
la  Religion;  qu'il  fallait  être  aveugle  volontaire  pour  lui  obéir;  que 
c'était  un  crime  d'exiger  le  serment  civique  et  de  communiquer  avec 
les  intrus,  lesquels  n'avaient  ni  pouvoir,  ni  juridiction.  11  termine  en 
montrant  à  son  peuple  que  la  persécution  ne  doit  pas  abattre  les 
fidèles,  mais  ranimer  leur  courage.  «  Je  vous  exhorte,  mes  frères, 
dit-il  en  forme  de  conclusion,  à  vous  assembler  les  jours  de  diman- 
che et  de  fête,  afin  que  l'un  d'entre  vous  lise  cette  épître,  les  autres 
écoutant  en  silence.  Gardez  la  paix,  l'union,  la  charité,  la  patience, 
vous  rendant  les  uns  aux  autres  les  services  qui  dépendent  de  vous. 
Conformez-vous  exactement  aux  préceptes  du  Seigneur  et  aux  règles 
que  je  vous  ai  tracées.  Euyez  le  commerce  des  impies.  Vous  êtes  ma 
consolation  dans  mes  épreuves  ;  continuez  donc  à  vivre  comme  si 
j'étais  au  milieu  de  vous,  comme  j'y  suis  véritablement  d'esprit  et 
de  cœur.  Ne  cessez  de  prier  les  uns  pour  les  autres,  afin  que  le  Sei- 
gneur nous  délivre  de  la  persécution,  afin  que  nous  puissions  le 
servir  dans  la  sainteté  et  la  justice  tous  les  jours  de  notre  vie. 

a  Je  profite  de  l'occasion  de  l'un  de  nos  frères  en  Jésus-Christ, 
lequel  se  conduit  en  catholique  édifiant  et  nous  a  visité  plusieurs 
fois  dans  notre  captivité,  pour  vous  faire  passer  cette  épître.  Je  vous 
salue  tous  en  Notre-Seigneur,et  vous  souhaite  toutes  sortes  de  bé- 
nédictions (2).   » 

Il  serfible,  en  lisant  ces  lignes,  assister  aux  dernières  recommanda- 
tions d'un  père  tendre  à  ses  enfants  bien  aimés.  Ces  enseignements- 
là  ne  s'oublient  point  :   aussi  ne  nous   étonnons  pas  de  la  fidélité 

(i)  Récit  de  Magl.  Brochier. 

(2)  Communiquée  par  M.  Corréard  de  Prébois. 


Il6  LE    TRIÈVES    PENDANT 

des  habitants  de  Prébois  à  garder  intactes  les  saintes  croyances  de 
la  Religion,  et  à  y  conformer  leur  conduite. 

Le  bruit  courut  que  trois  jours  après  son  arrestation,  M.  Aubert 
avait  été  mis  à  mort.  Grande  et  sincère  fut  aussitôt  la  douleur  de  ses 
paroissiens;  bien  des  larmes  coulèrent.  La  tristesse  se  changea  en 
joie  profonde  quand  on  leur  apprit  qu'il  vivait  encore.  Il  sortit  de 
prison  le  19  février  1793,  mais  si  malade,  qu'on  fut  obligé  de  le 
transporter  à  l'hôpital,  où  il  demeura  jusqu'au  iq  sept,  de  la  même 
année  (i).  Deux  ans  après,  il  se  cachait  à  Grenoble  même,  chez 
M""'  de  Bardonnenche,  où  il  avait  la  consolation  de  célébrer  la  sainte 
messe  (2). 

Il  reparut  cependant,  mais  à  de  rares  intervalles,  dans  le  Trièves, 
où  il  fut  l'objet  de  dénonciations  et  de  recherches  plus  acharnées  que 
les  premières.  Sa  résidence  habituelle  était  Grenoble.  Pendant  les 
mauvais  jours,  il  porta  avec  vaillance  la  lourde  charge  de  vicaire 
général.  Peu  de  prêtres  montrèrent  alors  autant  d'ardeur  et  de  pru- 
dence. 11  était  partout  où  il  y  avait  des  confesseurs  de  la  foi  à  sou- 
tenir, des  faibles  à  encourager,  des  prévaricateurs  repentants  à  rele- 
ver, des  âmes  à  éclairer.  Le  bien  qu'il  opéra  est  immense  ;  et  Dieu 
se  hâta  de  l'en  récompenser.  Ce  bon  prêtre  avait  usé  ses  forces  au 
milieu  de  si  rudes  travaux.  Cependant  il  accepta,  le  4  janvier  1804, 
la  paroisse  de  Grignon  ;  ^mais,  il  y  mourait  le  17  septembre  sui- 
vant (3). 

La  fête  de  la  fédération  (14  juillet  1792)  fut  célébrée  avec  grande 
pompe  dans  le  Trièves  ;  Mens  et  St-Maurice  se  distinguèrent  surtout 
en  cette  occasion.  Dans  la  première  de  ces  deux  localités,  la  popula- 
tion et  la  garde  nationale  assistèrent,  comme  l'année  précédente,  à 
une  messe  dite  au  Champ-de-Mars  ;  mais  de  plus,  eurent  à  «  applau- 
dir un  discours  très  patriotique,  prononcé  par  le  sieur  Jannais.  curé, 
lequel  se  joignit  à  elles  et  aux  officiers  municipaux  pour  jurer  de  nou- 
veau fidélité  à  la  constitution  (4).  » 

Un  acte  de  coupable  faiblesse  fut  commis,  le  9  septembre  suivant, 
par  un  prêtre  qui  pleura  plus  tard  sa  faute  et  la  répara  noblement. 
M.  Joseph    Accarias,  ancien  chanoine    de   Die  et  prieur  de  Mello, 


(1  )j;Renseignements  communiqués  par  M"'  de  l'ranclicu. 

(2)  Récit  de  Magloire  Brochicr. 

(3)  Deux  martyrs  en   /79^,  par  A.   M.    de  l'ranclicu.   p.  .)oj  et  passim  ;  —  Actes 
cités  plus  loin . 

( .])  Délihéralion  de  ce  jour. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  II7 

résidant  pour  lors  à  Mens,  alla  devant  la  municipalité  prêter  le  ser- 
ment exigé  par  la  loi  du  lo  août  précédent.  Entraînées  par  cet  exem- 
ple, plusieurs  religieuses,  chassées  de  leur  couvent  par  la  révolution, 
firent  de  même.  Ce  furent  Catherine  de  Lançon  (19  septembre), 
Julie-Agathe  de  Bardonnenche  C25  novembre),  Silvie  de  Bonniot 
(23  germinal  an  IIj   (i). 

Vers  la  même  époque,  toutes  les  municipalités  et  tous  les  fonc- 
tionnaires publics  furent  obligés  de  renouveler  les  leurs.  11  semble 
que  plus  la  convention  nationale  sentait  l'odieux  de  sa  tâche  et  Té- 
normité  de  ses  folies,  plus  elle  éprouvait  le  besoin  de  lier  les  citoyens 
à  sa  cause.  Elle  ne  voulait  point  qu'ils  crussent  pouvoir  reculer  de- 
vant l'exécution  de  ses  ordres  tyranniques  et  barbares.  Ces  mêmes 
citoyens  cependant  juraient  de  maintenir  la  liberté,  qui  n'existait  que 
pour  le  crime,  l'égalité  régnant  par  la  guillotine.  Que  de  contradic- 
tions cruelles  on  rencontre  à  cette  époque  funeste,  où  la  déesse  Rai- 
son était  la  divinité  du  jour(2J  ! 

Cependant,  contente  de  son  curé  et  de  son  vicaire  constitutionnels 
qui  avaient  prêté  avec  elle,  le  15  octobre  précédent,  le  serment  de 
liberté  et  d'égalité,  la  municipalité  de  St-Baudille  prenait  la  délibé- 
ration suivante  :  «  Le  4  novembre,  an  I"""  de  la  République,  la  muni- 
cipalité assemblée  aux  formes  ordinaires,  le  procureur  a  dit  : 

«  Le  citoyen  Arnaud,  curé  de  cette  paroisse,  m'a  prié  de  vous 
exposer  les  besoins  de  son  église.  Il  se  plaint  de  n'avoir  pas  seule- 
ment les  livres  nécessaires  pour  la  célébration  des  saints  mystères. 
En  effet,  citoyens,  il  conste  par  l'inventaire  qui  fut  fait  l'année 
dernière,  qu'il  n'y  a  que  deux  mauvaises  aubes,  un  surplis  hors  d'é- 
tat de  servir,  un  encensoir  tout  fracassé Je  vous  invite  à  pren- 
dre vos  précautions  là  dessus. 

«  La  municipalité,  d'après  la  réquisition  du  procureur,  instruite 
des  faits  par  lui  énoncés,  expose  aux  citoyens  composant  le  directoire 
de  district  qu'il  est  indispensable  d'accorder  à  cette  église  deux  aubes, 
deux  surplis,  quelques  amicts  et  purificatoires,  une  chasuble,  une 
écharpe,  un  encensoir.  Il  sera  d'autant  plus  facile  de  nous  accorder 
notre  demande,  qu'on  trouvera  tous  ces  meubles  en  abondance  dans 
les  sacristies  des  ci-devant  religieux  (3).  » 

Nous  n'avons  pu  découvrir  quel  fut  le  résultat  de  cette  demande  ; 

(i)  Ibidem,  de  Mens. 

(2)  Délibération  des  diverses  municipalités  du  Trièves  à  cette  époque. 

(3)  Sl-Baudille-et-Pipet,  Regist.  des  dêlib. 


Il8  LE    TRIÈVES    PENDANT 

mais  ces  bons  municipaux  voulaient  tout  simplement  profiter,  dans 
leur  délicatesse,  du  pillage  des  couvents,  en  attendant  qu'ils  s'aidas- 
sent à  dévaliser  leur  église  elle-même. 

Le  curé  provisoire  de  Clelles,  laissé  à  ses  disputes  avec  des 
femmes  et  son  paroissien  Saurel,  fut  obligé  de  quitter  son  poste 
vers  cette  époque  ;  car  il  était  devenu  tout  à  coup  très  sourd.  Il  se 
retira  à  Grenoble,  où,  passant  un  soir  près  de  la  citadelle,  il  fut  tué 
par  une  sentinelle  dont  il  n'avait  pas  entendu  le  :  Qui  vive  (i). 

Gaymard,  le  curé  constitutionnel  des  Petits-Moulins,  qui  avait 
voulu  s'emparer  de  la  cure  et  de  l'Eglise  de  M.  Aubert,  prit  posses- 
sion de  celle  de  Clelles  où  l'avaient  nommé  les  vicaires  épiscopaux 
Hélie  et  Accarias  (9  décembre)  (2).  Ce  prêtre,  plus  homme  d'affaires 
qu'homme  de  Dieu,  laissa  presque  entièrement  de  côté  les  devoirs 
de  son  ministère  pour  s'occuper  de  politique,  et  devint  l'inspirateur 
de  la  municipalité  de  sa  paroisse  (^). 

De  son  temps,  l'évêque  constitutionnel  Raymond  vint  à  Clelles 
donner  la  confirmation.  11  reçut  l'hospitalité  d'un  nommé  Samuel, 
protestant,  qui  le  lendemain,  avec  plusieurs  autres  patriotes,  l'ac- 
compagna à  l'église,  dont  il  savait  à  peine  le  chemin.  Dans  cette 
église  presque  vide,  lévêque  confirma  en  tout  treize  personnes. 
Il  chanta  la  messe  ;  mais  les  voix  des  chantres  étaient  si  discordan- 
tes que  l'un  d'eux,  craignant  de  fatiguer  ses  oreilles,  prit  le  parti  de 

se  taire.  «  Chante  B ,  lui  dit  le  curé  Gaymard,  ou   je    te  f...    un 

soufflet.  »  La  langue  des  clubs  avait  passé  dans  l'église  consti- 
tutionnelle. Ce  propos  a  été  certifié  par  celui  à  qui  il  s'adressait, 
Magloire  Brochier,  lequel  ne  consentit  à  chanter  de  nouveau  que  sur 
la  promesse  d'un  bon  souper  (4J. 

A  St-Maurice,  les  choses  furent  encore  plus  tristes  ;  l'évêque  y 
donna  la  confirmation  à  tous  ceux  qui  se  présentèrent.  Des  bergers, 
apprenant  sa  présence,  vinrent  directement  des  champs  se  mettre 
sur  les  rangs  et  furent  admis  sans  préparation  aucune  et  sans  obser- 
vation ;  c'est  du  moins  ce  qu'affirmait,  en  1847,  celui  qui  a  raconté  le 
fait  (5). 

Pendant  que  Gaymard  prenait  possession  de  la  cure  de  Clelles, 
Teissier  était  nommé  à  celle  de    St-Michel-les-Portcs.   «  Ce   dernier 

(1)  Récit  de  Magl.  Brochier. 

(2)  Registre  des  délib.  Clelles. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Réponses  aux  questions  de  l'Ordo  et  Récit  de  .Mai^l.  Brochier. 

(5)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  I  I9 

était  tellement  instruit,  raconte  encore  Magloire  Brochier,  que  pour 
le  premier  enfant  qu'il  baptisa,  il  fit  toutes  les  cérémonies  sans  lui 
donner  l'eau,  et  reprocha  à  un  de  mes  amis  présent,  qui  le  lui  faisait 
remarquer,  de  ne  l'avoir  pas  averti  du  moment  où  il  fallait  la  verser. 
Je  tiens  ce  récit  de  Dumas,  qui  sur  le  champ  revint  de  ses  folles 
opinions,  convint  que  j'avais  raison  de  ne  pas  vouloir  des  intrus,  et  a 
fini  ses  jours  sous  l'obéissance  de  l'Eglise  romaine  (ij.  »  Le  fait  se 
passe  de  commentaires  ;  mais  hélas  !  combien  on  en  comptait  alors 
de  semblables. 


CHAPITRE  IV 

ANNÉE     179^. 


L'année  1793,  de  si  effrayante  mémoire,  fut  pourtant  dans  le 
Trièves  moins  funeste  à  la  Religion  que  la  précédente.  Les  habitants 
de  cette  contrée  comprirent  vite  et  généralement  l'inanité  des  folles 
espérances  que  la  révolution  faisait  miroiter  à  leurs  yeux,  et  ils  revin- 
rent de  bonne  heure  à  des  idées  plus  saines.  Trompés  un  moment, 
ils  avaient  accepté  dans  certaines  localités  les  prêtres  intrus  ;  mais 
quelques  mois  s'étaient  à  peine  écoulés,  que  déjà  ils  étaient  reve- 
nus à  leurs  pasteurs  fidèles,  dont  ils  pleuraient  l'absence,  ou  qu'ils 
cachaient  avec  un  soin  jaloux,  et  qu'ils  surent  garder  malgré  les 
dénonciations  que  renouvelaient,  à  Mens  surtout,  un  petit  nombre 
d'énergumènes.  Aussi  verrons-nous  le  directoire  du  district  redou- 
bler d'efforts  pour  terroriser  ces  courageux  chrétiens,  et  par  des 
menaces,  et  par  l'envoi  de  détachements  armés,  et  par  la  prison,  et 
par  la  confiscation  ;  mais  les  persécuteurs  se  lassèrent  les  premiers. 

Un  fait,  ou  plutôt  une  farce  qui  eut  lieu  à  St-Maurice,  et  combien 
lui  ressemblèrent,  montre  le  cas  qu'on  y  faisait  alors  pratiquement  de 
la  liberté  :  «  Du  0  janvier  1793,  ^^  corps  municipal  assemblé  au  lieu 
ordinaire  de  ses  séances,  au  bourg  de  Lalley,  le  citoyen  procureur 
de  la  commune  a  dit  :  Citoyens,  le  samedi,  29  du  mois  de  décembre 
dernier,  il  me  fut  dénoncé  que  le  mercredi,  seconde  fête  de  Noël  et 
fête  de  St-Etienne,  le   citoyen    Pupin,  curé  du  Monêtier,   annonça 

(i)  Ibidem. 


120  LE    TRIEVES    PENDANT 

qu'il  fallait  le  lendemain,  dans  sa  paroisse,  faire  la  fête  de  St-Jean, 
fête  qu'on  ne  célèbre  depuis  très  longtemps,  et  qui  ne  fut  point  indi- 
quée par  le  curé  constitutionnel  de  Saint-Maurice. 

«  Que  le  jeudi,  jour  de  la  St-Jean,  on  fit  au  Monêtier  la  fête 
indiquée  par  le  curé  ;  que  le  lendemain,  vendredi,  Pierre  Tatin,  du 
Monêtier,  se  disant  capitaine  de  la  compagnie  des  Grenadiers,  et 
Jean  Eyraud,  lieutenant  de  la  dite  compagnie,  vinrent  à  St-Maurice, 
chez  le  citoyen  Dunière,  commandant  de  la  dite  garde  nationale, 
pour  l'amener,  contre  le  droit  des  gens,  la  liberté  et  la  tranquillité 
publiques  et  contrairement  aux  lois  de  la  République,  à  donner  des 
ordres,  sous  ceux  préalables  de  la  municipalité,  pour  arrêter  le  sieur 
Jean  Nicolas,  résidant  au  Serre,  hameau  de  cette  commune,  sous  le 
prétexte  qu'il  n'avait  pas  fait  la  fête  ordonnée  par  le  curé  Pupin. 

«  Que  le  citoyen  Dunière  avait  donné  des  ordres  pour  qu'un  piquet 
de  quatre  hommes  et  un  sergent  allât  appréhender  au  corps  le  citoyen 
Nicolas, et  le  traduire  le  lendemain  samedi  à  St-Maurice.  Ces  hommes 
ayant  trouvé  la  porte  de  Nicolas  fermée,  la  forcèrent  et  mutilèrent, 
parvinrent  à  s'introduire  dans  son  domicile,  le  saisirent  à  la  bou- 
tonnière et  le  traduisirent  ensuite  chez  le  commandant  Dunière,  et 
de  là  chez  le  citoyen  Albert  cabaretier,  où,  après  avoir  la  dite  garde 
bu  et  mangé  ce  qu'elle  voulut,  força  le  dit  Nicolas  à  payer  la  dé- 
pense (i).  » 

Ce  dernier  fut  enfin  relâché,  mais  non  sans  avoir  subi  plusieurs 
mauvais  traitements,  et  promis  de  faire  les  fêtes  ordonnées  par  le 
cure  constitutionnel. 

Le  même  jour,  Tréminis  vit  installer  dans  son  église  un  prêtre 
intrus,  du  nom  de  Lucas,  lequel,  en  prenant  possession  de  cette 
paroisse  prêta  le  serment  d'égalité  et  de  fraternité.  Les  habitants 
laissèrent  dans  le  plus  grand  isolement  ce  «  soit  disant  curé  »  com- 
me ils  le  nommèrent  dans  l'inventaire  des  meubles  mis  à  sa  dispo- 
sition. Ce  malheureux  chassait  de  sa  cure  un  pasteur  vénéré,  mais 
ne  lui  enlevait  pas  l'affection  de  ses  paroissiens.  M.  Brudon,  en  effet, 
nourri  et  gardé  avec  soin  par  la  piété  filiale  de  ceux-ci,  resta  encore 
quelque  temps  au  milieu  d'eux  pour  les  fortifier  dans  le  devoir  et 
les  assister  de  ses  conseils  (2). 

Quatre  jours  plus  tard,  une  ancienne  religieuse,  Catherine  de  Lan- 

(i)  Lalley,  Reg.  des  délibérations. 

(2)  Tréminis,  Délibéralions  et  invenlaire  du  6  janvier  /yy^,  aux  archives  de  la 
fabrique. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  12  1 

çon  vint  devant  la  municipalité  de  Mens,  où  nous  l'avons  vue  prêter 
serment,  le  19  septembre  dernier,  pour  rétracter  courageusement  ce 
même  serment,  que  la  crainte  lui  avait  arraché.  Elle  n'ignorait  pas 
que  cette  démarche  l'exposait  à  la  persécution,  mais  elle  n'hésita 
point,  car  sa  conscience  lui  avait  rappelé  le  devoir  un  moment 
délaissé  par  faiblesse  (1).  La  municipalité  patriote  de  St-Baudille 
continuait  à  se  distinguer  par  son  zèle  à  poursuivre  ceux  qui  n'adhé- 
raient pas  au  schisme.  Le  5  mars,  sur  la  dénonciation  du  procureur 
Giraud  et  le  témoignage  de  citoyens  mandés  à  cet  effet  pour  cons- 
tater les  «  rassemblements  illicites  faits  sous  prétexte  de  prières  » 
chez  le  nommé  Debons,  et  d'après  le  refus  de  ce  dernier  de  compa- 
raître à  sa  barre,  le  décrétait  d'arrestation  et  le  déférait  au  juge  de 
paix  «  pour  être  poursuivi  en  police  correctionnelle.  » 

Chez  Debons,  en  effet,  les  habitants  du  Perrier,  fidèles,  sauf  six 
ou  sept,  aux  recommandations  de  M.  Bourillon,  se  réunissaient,  les 
jours  de  dimanche  et  de  fête,  pour  prier  en  commun,  lire  le  St- 
Evangile  ou  quelques  ouvrages  pieux.  Souvent  même,  quand  la 
surveillance  était  moins  active,  ils  avaient  le  bonhenr  d'y  entendre 
la  messe  célébrée  par  un  prêtre  insermenté.  A  quelques  pas  d'eux, 
Desmoulins,  puis  Faure  Julien  son  successeur,  célébrait  les  offices 
religieux  dans  une  église  entièrement  vide.  Mais  les  réunions  qui  se 
faisaient  chez  Debons  cessèrent  à  cause  des  poursuites  ordonnées 
par  le  directoire  de  district  de  Grenoble  à  la  suite  de  la  dénoncia- 
tion de  la  municipalité  de  St-Baudille.  M.  Vette  encore  présent  dans 
le  pays  put  s'y  soustraire  ;  mais  toute  la  fureur  de  la  persécution 
retomba  sur  M.  Antoine  Galfard,  qui  fut  arrêté  le  15  mai  suivant, 
au  milieu  de  la  nuit,  par  un  détachement  de  la  garde  nationale,  et  %, 
livré  à  la  gendarmerie  pour  être  conduit  à  Grenoble,  où  il  fut  enfer- 
mé «  comme  prêtre  octogénaire  et  insermenté  »  dans  la  prison  de 
l'Oratoire  (2). 

M.  Galfard  fut  rejoint,  quelques  jours  après,  par  sa  belle-sœur, 
Martine  Bratier,  veuve  Galfard  et  mère  de  M.  le  curé  de  Clelles. 
Cette  femme,  âgée  de  près  de  quatre-vingts  ans,  avait  été  arrêtée 
parcequ'elle  «  était  la  mère  d'un  curé  insermenté  »  et  enfermée 
d'abord,  au  mois  de  janvier  précédent,  à  Sainte-Marie  puis  trans- 
férée à  l'Oratoire  (3). 

(i)  Mens,  Reg.  des  délit. 

(2)  Livre  d'écrou  de  la  prison. 

(3)  Ibidem. 

Bull.  VIII,  1888.  9 


122  LE    TRIEVES    PENDANT 

Sur  la  charrette,  qui  la  conduisait  à  Grenoble,  se  trouvaient  en 
même  temps  Suzanne  Ogier,  âgée  de  septante  ans,  Thérèse  Daspre, 
de  trente-cinq,  Pierre  Arnaud,  de  quatre-vingts,  tous  les  trois  de 
Clelles,  Brukmans,  de  Chichilianne,  M.  Berthon,  du  Monêtier-du- 
Percy  et  frère  du  prêtre  du  même  nom  (i).  Ces  personnes,  poursui- 
vies à  cause  de  leur  attachement  à  la  foi  et  de  leur  zèle  à  cacher  les 
prêtres  non  assermentés,  crurent  d'abord  qu'on  les  conduisait  à  la 
mort  et  commencèrent  à  s'y  préparer  en  montant  en  voiture,  puis 
chantèrent  des  cantiques  et  des  psaumes  entremêlés  de  la  récitation 
de  prières,  jusqu  aux  portes  de  la  prison.  La  mort  qu'elles  avaient 
espérée  ne  venant  pas,  elles  furent  remplies  de  tristesse  ;  mais  Dieu 
n'avait  point  jugé  à  propos  de  leur  accorder  la  couronne  des  martyrs. 
Après  plus  d'un  an  de  réclusion,  elles  furent  délivrées,  à  la  mort  de 
Robespierre. 

La  captivité  épuisa  les  forces  de  M.  Galfard  ;  il  fut  transporté  à 
l'hospice  de  l'humanité,  où,  après  avoir  langui  assez  longtemps,  il 
s'éteignit,  le  27  nivôse  an  III  (16  janvier  1795). 

Pendant  les  derniers  jours  de  sa  vie,  il  n'avait  cessé  de  prier  pour 
ses  dénonciateurs,  et  ses  supplications  furent,  en  effet,  entendues  et 
obtinrent  à  ces  derniers  la  grâce  du  repentir.  Son  dernier  souvenir 
en  entrant  en  agonie  fut  pour  les  habitants  du  Perrier  (2). 

Nous  avons  vu  qu'un  mandat  d'arrêt  avait  été  lancé  contre  Pierre 
Debons  ;  mais  il  put  échapper  aux  détachements  de  la  garde  natio- 
nale chargés  de  l'arrêter,  et  conserver  sa  liberté  en  se  cachant.  Si  on 
ne  l'atteignit  point  dans  sa  personne,  on  le  frappa  du  moins  dans  ses 
biens.  Le  premier  août,  le  procureur  syndic  du  district  de  Grenoble 
écrivait  à  la  municipalité  de  St-Baudille  :  «  Je  vous  prie,  citoyens,  de 
charger  un  huissier  de  faire  saisir  le  mobilier  de  Bonze  (Debons),  d'en 
faire  l'inventaire  et  le  mettre  sous  les  scellés,  et,  s'il  n'a  point  laissé 
de  mobilier,  vous  voudrez  bien  l'attester  par  un  procès-verbal  dont 
vous  m'adresserez  un  extrait  certifié.  Hilaire  (3).  » 

La  même  mesure  était  prise  en  même  temps  pour  le  mobilier  de 
M.  Brudon,  parti  depuis  peu  de  jours  pour  l'étranger,  pour  celui  de 
M.  Berthon,  continuant  à  se  cacher  dans  le  Trièves,  et  celui  des 
MM.  Pellat  père  et  fils,  poursuivis  de  nouveau  et  avec  plus  d'achar- 
nement (4). 

(i)  Réponses. 

(2)  Souvenirs  de  sa  pctitc-nièce. 

(3)  Registres  du  directoire  dtidistrict  de  Grenoble. 

(4)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  I23 

Un  mois  après,  la  municipalité  de  Mens  accomplissait  un  acte  de 
la  plus  odieuse  inquisition.  Elle  nomma  dans  son  sein  ('13  avril), 
une  commission  composée  de  Payan,  maire,  Jean  Borel.  P.  Fluchaire, 
Berton,  procureur,  pour  vérifier  à  la  poste  le  contenu  des  lettres 
destinées  à  l'étranger  (i). 

La  même  municipalité  nomma  Jean  Beaup  et  Pellat  officiers  m.u- 
nicipaux,  Guichard  et  Bérenger  notables  pour  aller  avec  un  piquet  de 
la  garde  nationale  désarmer  les  habitants  suspects.  La  délibération 
fut  prise  en  assemblée  nombreuse,  car  il  s'agissait  de  mettre  à  néant 
les  projets  antirévolutionnaires  de  citoyens  inoffensifs  et  de  quel- 
ques femmes.  Nommons  à  la  fois  inquisiteurs  et  victimes  :  C'étaient 
Payan,  maire,  Richard,  Fluchaire,  Beaup,  Borel,  Pellat,  officiers  mu- 
nicipaux. Cachet,  Jannais,  curé  constitutionnel,  Teysseire,  Hubert, 
Cuichard,  Demaffé,  Bérenger,  notables.  Leurs  délégués  allèrent 
fouiller  les  maisons  de  César-André  de  Bardonnenche,  veuve  de 
Lamolinière,  veuve  de  Blosset,  Alexandre  Leblanc,  Emilie  de  Bon- 
niot,  de  Bardel,  ci-devant  nobles  ;  de  Sibey,  Berthon  fils  chirurgien, 
Duport,  Bonniot,  Payan  cadet,  ci-devant  co-seigneurs  de  Mens  ;  de 
Arthaud-Laroze,  Pierre-Michel  Giroud,  P.  Fazende,  Antoine  Marié, 
André  Oddelai,  François  Cros,  P.  Bagarre,  Jean  Bernard,  Jean 
Riperf  de  Villette,  Bermond  frères,  Oddoz  père  et  fils,  Jean  Simian, 
Antoine  Gros,  Jean-Antoine  Gaimard,  Emery,  André  Chevillon,  de 
la  Croix,  Jean  Freychet,  de  Mens,  P.  Gauthier  cordonnier,  Etienne 
Borel  journalier,  Reymond  père  et  fils,  Jean  Oddoz,  P.  Vernet, 
César  Segond,  Joseph  Richard,  Michel  et  Antoine  Pelloux,  André 
Joubert,  Louise  Arthaud,  Pierre  Gachet-Fidèle,  Michel  Péraudon, 
Pierre  Rolland,  Jean  Vernet,  Alexandre  Gauthier,  Claude  Carrier, 
Pierre  et  André  Vieux,  Pierre  Debourdeau,  de  la  Croix,  Michel 
Ripert,  Dominique  Fuzat,  André  Blanc,  Jean  Reymond,  Claude 
Fluchaire,  Jean  Gauthier  Bellequêne,  les  sœurs  Cachet,  les  sœurs 
Repellin,  Marie- Anne  Fluchaire  et  ses  locataires,  Antoine  Gaimard, 
tailleur,  les  sœurs  Reignier,  Alexandre  Petto,  Jacques  Bonthoux, 
Jacques  Repellin,  Claude  Gaimard,  Claude  Gauthier,  du  Mas-Mar- 
tinet, Jean  Terrier,  André  Garcin-Tinan  et  son  fils,  Berton,  médecin, 
Jean  Decorps,  cordonnier,  Jean  Claret,  tisserand  (2). 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

A.  LAGIER. 

(i)  Mens,  Reg.  des  délit. 
(2)  Ibidem. 


MÉLANGES 
RÈGLEMENT  ET  STATUTS 

DE 

L'HOPITAL     DE     MORESTEL    M^SOi 


Nous  avons  publié,  dans  la  45^  livraison  de  ce  Bulletin  1  mars- 
avril  iSS-j),  le  testament  de  noble  et  puissant  Seigneur  Gabriel  de 
Rossillon.  Il  rappelle  dans  ce  testament  l'hôpital  qu'il  avait  récem- 
ment construit  à  Morestel,  et  lui  lègue  le  pré  de  Alarsauge,  sous  la 
ville  de  Morestel,  et  son  vignoble  de  Planète,  au  mandement  de 
St-Chef.  Nous  avons  dit  en  note  ip.  166),  qu'il  existait  à  la  biblio- 
thèque de  Grenoble  un  volume  manuscrit  de  l'époque,  sur  parche- 
min, contenant  un  règlement  de  cet  hôpital  de  Morestel  et  un  règle- 
ment analogue  pour  l'hôpital  d'Ornacieux,  l'un  et  l'autre  da.xés  de 
l'an  1450  II  ).  Nous  avons  pensé  qu'on  lira  avec  plaisir  et  profit, 
au  jnoins  le  texte  français  de  l'une  de  ces  pièces.  On  pourra  ainsi 
se  rendre  compte  de  la  manière  dont  étaient  administrés  les  petits 
hôpitaux  du  Dauphiné  au  XV^  siècle,  et  de  l'état  de  la  langue  fran- 
çaise à  cette  époque,  et  des  efforts  qu'elle  faisait  pour  sortir  des 
langes  de  l'enfance. 

Nous  donnons  donc  aujourd'hui  le  règlement  de  l'hôipital  de 
Morestel.  Nous  n'avons  pas  besoin  d'informer  le  lecteur  que  la  co- 
pie française  est  un  abrégé  de  la  copie  latine,  le  texte  que  nous 
allons  reproduire  le  dit  expressément;  mais  cet  abrégé  contient 
tous  les  détails  essentiels.  Il  n'j'  a  guère  que  les  considérations  gé- 
nérales et  les  réflexions  contenues  dans  le  texte  latin  qui  aient  été 

{i)Ce  beau  manuscrit,  écrit  en  latin  et  en  français  sur  vclin  est,  d'une  parfaite 
conservation.  "^  2  feuillets  ;  3o5  sur  2iy  mill.  les  feuillets  i  et  2 1  contiennent 
de  très  riches  encadrements  de  fleurs  et  de  feuillafçes  routes,  bleits  et  or.  Dans 
le  bas,  un  àcusson  aux  armes  des  Roussillon  :  de  fçueules  à  l'aif^le  éployé  ar- 
t^ent,  initiales  ornées  en  couleur  sur  or.  Reliure  ancienne  en  veau  estampé, 
■traces  de  fermoirs  ;  .sur  les  plats,  clous  en  cuivre.  (Note  de  M.  le  Conservateur 
de  la  Bibliothèque). 


MELANGES.  I25 

supprimées  dans  la  version  française,  par  ordre  du  respectable 
fondateur  lui-même. 

Pour  qu'on  puisse  s'en  rendre  compte,  et  avant  de  donner  inté- 
gralement le  texte  français  de  ce  document,  nous  allons  placer  ici 
le  commencement  du  texte  latin. 

Sequuntur  statuta  et  ordinationes  magnifici  et  potentis  militis 
DoMiNi  Gabrielis  de  Rossillon,  Domini  Bochagii,  Brengo  ac  Or- 
nacey  (il,  fundatoris  et  dotatoris  capelle  et  hospitalis  Beati 
Jacobi  majoris  in  loco  Morestelli  ab  eodem  Domino  fundati,  dé- 
créta facta  et  ordinata  per  eumdem  Dom.  fundatorem  de  et  super 
regimine  ipsius  hospitalis  et  pauperum  mendicantium  ibidem  af- 
fluentium  {2). 

Omnia  quœ  facimus,  ut  Scriptura  docet,  sive  in  verbo  sive  in 
opère,  in  nomine  Domini  Jesu  Christi  facere  monemur,  cujus 
vis  expulsionem  daemonum  operatur,  ad  quem  prœ  omnibus 
postulando  confugere  debemus,  quia  ubi  Christus  non  est  fun- 
damentum  ,  nuUius  boni  superest  edificium ,  sine  quo  etiam 
nullum  rite  fundatur  exordium  ;  et  qui  illum  novit,  veram  sapien- 
tiam  invenit,  et  prudens  in  suis  comperietur  operationibus,  sem- 
per  in  melius  profuturis.  In  cujus  quidem  Christi  nomine  petere 
quibit  gaudia  celestia,  quœ  pro  certo  dabit  ipse  deus  qui  omnia 
potest,  a  quo  omnis  potestas  est,  et  nulla  alia  quam  ab  eodem. 
Sic  in  ejusdem  domini  Jesu  Christi  nomine  facit  fierique 
proecepit  Dominus  meus  magnificus  et  potens  miles  D.  Gabriel 
de  Rossillon,  D.  Bochagii,  Brengo  et  Ornacey,  fundatorque  et 
donator  infra  scriptus,  qui  non  precipitatus  in  operibus  suis  et 
consiliis,  sed  suo  more  solito  mature  procedens,  bona  semper 
augmentando,  abjiciens  procul  sententias  misericordiam  vêtan- 
tes, consolari  sicut  pium  est  cupit  tam  spiritualiter  quam  corpo- 
raliter  corda  mœrentium,  pauperum  et  languidorem  per  univer- 
sum  orbem  mendicantium,  prœcipue  per  hune  locum  Morestelli 
transitum  peragentium,  ad  infrà  designatum  hospitale  suum  re- 
currentium,   et  futuris  eorum  pauperum  casibus  et  calamitatibus 

(i)  Gabriel  de  Rossillon  ne  prend  plus,  en  i45o,  le  titre  de  seigneur  de 
Morestel.  Cette  seigneurie,  achetée  par  Guillaume,  son  père,  en  142 1,  du 
Dauphin  Charles,  avait  été  rachetée  de  Gabriel,  par  le  Dauphin  Louis  XI,  en 
1448. 

(2)  Tout  ce  prélude  est  à  l'encre  rouge. 


120 


MELANGES. 


dévote  occurrere  ;  pro  quibus  prassentia  tempora,  in  quibus,  proh 
dolor.  tôt  inopes  pretextu  caristiae  victualium  quacumque  discur- 
runt  mendicantes,  cavere  prasmonent  super  occurrentium  provi- 
sione  in  futurum  intuitu  caritatis,  sine  qua  Deo  nuUus  placera 
potest.  Qui  quidem  Dominus  meus  praefatus  ex  premissis  motus 
et  pia  devotione  ductus,  hoc  anno  domini  millesimo  quatercente- 
SIMO  quinquagesimo, 

Fundavit,  dotavit  et  tieri  jussit  et  fecit  hospitale  et  capelhim 
intro  sitam  in  hoc  loco  Morestelli,  de  subtus  villam  (li  exterius 
confrontatum.  a  parte  anteriori  juxta  confines  sequentes  {2). 

Et  primo 

Etc.,  etc.  Il  y  a  84  articles.  En  voici  la  traduction  abrégée  de 
l'époque,  à  la  suite  du  latin. 

icy  sensrvvent  les  status  et  ordonnances  kaittes  et  abrévuiez 
par  le  magnific  et  puissant  seigneur  et  chevalier  monseigneur 
Gabriel  de  Rossillion  seigneur  du  Bochaige,  de  Brengo  et  de 
Ornacieu,  suz  le  hospital  et  la  chapelle  de  dens  assise  et  suz  le 

REGIME  d'iCEULZ.  FONDES  ET  DOTES  PAR  MON  DIT  SEIGNEUR  A  MoRESTEL 
01  TILTRE  DE  MONS^  St-JaCQUES  LE  MAJOR,  PAR  PITIE  ET  CHARITE  DES 
PAUVRES  DE  JeSUS-ChRIST  QUI  PASSERONT  PAR  LE  DIT  LIEU  DE  MORESTEL 
DESSUS    NOMMÉ,   RECOURANS    OU   DIT  HOSPITAL    (3). 

Qui  vauldra  veoir  la  cause  et  la  ravson  pourquov  mon  dit  Sei- 
gneur a  ordonne  et  fonde  le  dit  hospital  et  chapelle,  et  pour  quoy 
a  fait  ces  présentes  ordonnances,  se  voet  de  tout  au  loing  le 
proheme  (4)  des  dites  ordonnances,  lequel  se  laisse  à  déclarer  icv, 
car  ne  touche  en  rens  senon  généralité,  et  les  dites  causes  seroient 
trop  longues  icy  a  raconter  ;  et  aussy  sont  abreviees  toutes  les 
dessus  escriptes  ordonnances  qui  se  mettent  du  tout  au  long  en  la 
coppie  du  latin  avec  les  raysons  qui  se  laissent  icy. 

La  première  ordonnance  de  mon  dit  seigneur  et  fondeur  dessus 
nomme  est  telle  :  que  la  dite  chapelle  fundee  dedans  le  dit  hospital 
se  doivent  appeller  la  chapelle  de  Oroyson  ,  laquelle  mon  dit 
seigneur  a  fonde  pour  honorer    Dieu  et  prier  les  saints  et  saintes 

fi)  Au  quartier  encore  aujourd'hui  appelé  sous  la  ville. 

(2)  Ces  confins  n'ont  pas  été  reproduits  dans  le  volume  que  nous  tenons. 
C'est  un  volume  de  luxe  oit  l'on  a  supprimé  les  détails  accessoires  de  l'acte 
notarié. 

(3)  Tout  ce  titre  est  à  l'encre  rou^e. 

(4)  Le  préambule  du  texte  latin. 


MELANGES.  1 27 

de  paradis,  et  que  le  dit  hospital  se  doibvent  appeller  la  mayson 
Dieu,  aultrement  hospital  de  Mgr  S.  Jacques  le  maiour,  lequel  se 
doivent  gouverner  par  une  personne  de  Dieu  qui  vulgaument 
sappellera  hospitalier  de  Saint  Jacques. 

La  seconde  est  que  toute  pleine  puissance  de  visiter  et  de  mettre 
bonne  orde  ou  dit  hospital  soit  transferre  au  Révérend  Père 
Monseigneur  le  Prieur  du  vénérable  couvent  des  Augustins  de 
Morestel,  lequel  soit  tenu  de  aidier  et  deffendre  les  drois  du  dit 
hospital  comme  le  drois  de  son  dit  couvent  du  dit  Morestel. 

La  tierce  contient  beaucopt  de  eftyes  [i]  :  premièrement  que  le 
dit  hospitalier  soit  tenus  de  demourer  au  dit  hospital  continuel- 
ment  ;  item,  qui  doivent  prendre  les  biens  meubles  et  immeubles 
par  inventoire  dedans  trois  ou  quatre  jours  après  qui  sera  entres; 
iteîn,  que  tous  les  mois  de  mars  doivent  rendre  rayson  de  sa  ami- 
nistration  ;  item,  que  pour  honneur  de  Dieu  albergera  les  pauvres 
venans  ou  dit  hospital,  sans  barat  et  sans  rudesse  et  sans  dons 
ou  autres  illicites  guerdons  ;  item,  que  subviendra  des  biens  du 
dit  hospital  es  dis  pauvres  en  leur  nécessite,  selon  que  mon  dit 
seigneur  en  a  icy  en  après  ordonne  ;  item,  qui  gardera  loyalement 
les  biens  du  dit  hospital  ;  sus  lesquelles  choses  mon  dit  Seigneur 
a  enchargie  la  conscience  du  dit  hospitalier. 

La  quatriesme  est  que  Ion  donnera  quelque  chose  ou  dit  hos- 
pital, que  incontinent  le  dit  hospitalier  le  face  escripre  par  instru- 
ment public  et  adiouster  en  son  dit  inventoire,  ou  de  la  monstrer 
au  dit  prieur  lequel  arbitra  se  la  chose  se  doit  escripre  ;  iteju,  que 
nonobstant  que  la  chose  donnée  soit  de  petite  extime,  que  le  dit 
hospitalier  la  révèle  ou  dit  prieur;  et  se  le  dit  hospitalier  scet 
escripre,  qui  la  mette  en  son  papier  par  mémoire,  ou  aultrement 
qui  la  face  escripre.  Et  aultrement,  quant  se  trouvera  le  contraire, 
que  le  dit  hospitalier  soit  reputes  suspec,  suz  quoy  mon  dit  Sei- 
gneur fondeur  a  enchargie  sa  conscience. 

La  cinquiesme  est  que  le  dit  Mgr  le  Prieur  avise  bien  que  selon 
les  facultés  de  Ihospital  et  aussi  la  qualité  des  pauvres  qui  seront 
malades,  qui  pourvoye  de  ung  ou  de  deux  serviteurs  a  demorer 
tous  ensemble  ou  a  part  tout  adez  (2],  ou  envoyés  selon  qui  sera 
nécessaire,  esquels  le  dit  prieur  donnera  gaiges  selon  quil  aura 
fait  ses  parz,  ou  non  rens,  quant  les  trouvera  à  voloir  servir  pour 
amour  de  Dieu. 

(i)  Détails. 
(2)  Près. 


128  MÉLANGES. 

La  sixsiesme  est  que  quant  le  dit  hospital  vaccara  de  hospi- 
talier, que  le  dit  Mgr  fondeur  en  doihvent  eslire  ung  aultre  preu- 
domme,  ou  pour  le  temps  advenir  son  successeur,  avec  le  dit 
prieur,  lequel  du  consentement  du  dit  Mgr  le  fondeur  ou  de  son 
successeur  avenir,  puissent  muer  le  dit  hospitalier  ou  ung  aultre 
subrogeur  par  les  causes  et  les  cas  en  après  expresses. 

La  septiesme  est  que  le  dit  hospitalier  tous  les  ans  ou  moys  de 
mars  rendent  compte  de  toute  sa  aminisiration  à  celuy  que  mon 
dit  seigneur  ou  son  successeur  deputtera  pour  oyr  les  diz  comptes, 
si  lui  plait  demander,  et  ou  dit  prieur  avecc|ues  deux  de  ses  frères 
résidens  au  dit  couvent  de  Morestel.  Item,  que  le  dit  hospitalier 
monstre  ez  dits  auditeurs  tous  les  biens  meubles  du  dit  hospital 
par  les  comptes  ;  et  oussy  quils  liaient  puissance  de  serchier  ou 
dit  hospital  sil  ny  a  plus  renz,  adtin  quils  voient  se  le  dit  hospi- 
talier est  digne  de  plus  gouverner  ;  item,  se  le  dit  hospitalier  na 
rendu  son  dit  compte  dedans  le  dit  moys  de  mars,  qui  soit  re- 
putes suspect,  et  en  cely  cas,  le  dit  Monseigneur  ou  son  suc- 
cesseur avecque  le  dit  prieur  aviseront  si  devront  lessier  le  dit 
hospitalier  ou  non. 

La  vuitiesme  est  que  Ihospitalier  avise  bien  qui  ne  reçoive 
persone  du  monde  ou  dit  hospital,  senon  qui  soit  digne  de  misé- 
ricorde et  de  estre  recepte,  et  qui  soit  de  bonne  vie,  de  bonne  con- 
versation, et  demandant  destre  albergié  par  amour  de  Dieu. 

Le  neuxiesme  est  que  quant  la  persone  sera  digne  de  miséri- 
corde comme  dessus,  que  Ion  ne  lui  faille  point  de  labergier,  mais 
que  de  bon  gre  et  sans  difficulté  qui  soit  receus  sans  prendre  guer- 
don  ou  aultres  licites  (ij  dons,  car  mon  dit  seigneur  par  cete 
présente  ordonnance,  deffent  sus  peine  de  la  indignation  de  Notre 
Seigneur  tout  puissant  et  mon  dit  seigneur  S.  Jacques  le  maiour 
que  le  dit  hospitalier  ne  demande  rens  es  pauvres  pour  hebergier. 
Toutcffoys  mon  dit  seigneur  fondeur  non  entcni  point  deft'endre 
ne  reprouver  que  se  quelque  persone  pouvre  ou  riche  voeillent 
donner  ou  dit  hospital  de  sa  bonne  volonté,  que  Ion  ne  le  doive 
recepvoir,  mais  que  Ion  prcngne  celle  qui  donnera,  à  despendre 
selon  la  volonté  du  donnant. 

(La  fin  au  prochain  numéro.) 

AUVERGNK. 
(i^  Lise^  illicites. 


QUARANTE   ANNÉES 


DE 


L'HISTOIRE  DES  ÉVÊQUES  DE  Wm 

AU     MOYEN      AGE 

(1226    à    1266) 
^ 

«  Nobis  pleraque  cligna  cognitu  obvenere, 
quamquam  ab  aliis  incelebrata.  » 

Tacitus,  cAnna/.  lib.  VI,  cap.  VII. 

Le  XIII^  siècle  est  considéré  avec  raison  comme  l'époque  la  plus 
brillante  du  moyen  âge.  Les  populations  semblent  alors  vou- 
loir sortir  de  cet  état  d'immobilité,  dans  lequel  les  avaient  retenues  le 
joug  féodal  ;  dans  la  plupart  des  villes,  elles  avaient  arraché  à  leurs 
seigneurs  des  chartes  de  libertés  et  de  franchises,  dont  elles  s'effor- 
çaient ensuite  de  développer  les  principes,  avec  une  admirable 
persévérance.  Ce  mouvement  communal  avait  pénétré  jusque  dans 
les  campagnes,  et  un  grand  nombre  de  villages  avaient  déjà  conquis 
une  certaine  indépendance  et  possédaient  des  privilèges  que  sous 
plusieurs  rapport?  nous  pourrions  à  bon  droit  leur  envier  aujour- 
d'hui. Les  mœurs  tendaient  à  s'adoucir  et  perdaient  insensiblement 
de  cette  rudesse  grossière  qu'elles  tenaient  des  barbares.  Sur  les 
terres  soumises  à  la  domination  du  roi  saint  Louis,  la  sagesse  et 
la  fermeté  de  ce  prince,  une  des  gloires  les  plus  pures  du  XIIL 
siècle,  avait  réussi  à  faire  disparaître  le  fléau  des  guerres  privées. 
Les  sciences  et  les  arts  étaient  enseignés  dans  les  universités  par  des 
maîtres  demeurés  à  jamais  célèbres  :   les   chefs-d'œuvre  qu'ils   nous 

Bull.  VIII,  1888.  10 


130  QUARANTE  ANNEES  DE  L  HISTOIRE   DES 

ont  laissés  s'offrent  à  nous  dans  un  degré  de  perfection  qui  n'a 
point  été  surpassé.  Qu'il  sutlise  de  signaler  les  splendides  églises  de 
cette  époque  et  cet  autre  monument  ,  où  le  plus  illustre  des 
docteurs  du  XIII"  siècle,  Thomas  d'Aquin,  l'Ange  de  l'Ecole,  a 
résumé  dans  une  merveilleuse  synthèse  les  connaissances  philoso- 
phiques et  théologiques  de  son  temps.  Enfin  l'Eglise  et  la  papauté 
venaient  d'atteindre  l'apogée  de  leur  puissance  temporelle. 

Nous  sommes  loin  toutefois  de  professer  une  admiration  absolue 
pour  cette  grande  époque,  et  nous  croyons  fermement  que,  plus 
que  tout  autre,  l'historien  doit  prendre  pour  devise  et  méditer  sou- 
vent cette  inscription  écrite  en  lettres  dor  au  fronton  du  temple  de 
Delphes  :  «  Rien  de  trop.  :>  En  toutes  choses  il  faut  savoir  garder 
une  juste  mesure  et  faire  de  la  modération  la  règle  de  notre  esprit. 
Mais  cette  modération  vient  du  caractère  autant  que  de  l'étude,  d'où 
il  résulte  que  beaucoup  d'hommes,  même  fort  savants,  ne  pour- 
ront jamais  exercer  cette  haute  magistrature  qui  incombe  à  l'histo- 
rien, parce  que  des  passions  violentes,  portant  malgré  eu.x  le  trouble 
dans  leur  âme,  les  empêcheront  toujours  d'atteindre  à  ces  régions 
calmes  et  sereines,  où  la  vérité  se  dégage  des  nuages  du  préjugé  et 
de  l'erreur,  pour  briller  d'un  vif  éclat.  Si  tous  les  siècles  ont  eu  leurs 
gloires,  tous  aussi  ont  connu  des  jours  de  honte  et  de  profonds 
abaissements,  et  s'il  nous  eût  été  donné  de  choisir,  voyant  se 
dérouler  sous  nos  yeu.K  les  annales  de  l'humanité,  à  quelle  époque 
nous  eussions  voulu  que  la  Providence  nous  fit  naître,  nous  nous 
serions  senti  probablement  fort  embarrassé  pour  désigner  telle 
époque  plutôt  que  telle  autre.  Aussi  quand  certaines  histoires,  écrites 
sans  doute  avec  les  meilleures  intentions  ,  dénigrent  le  temps 
présent  pour  exalter  un  passé  tranquille  ;  quand  elles  nous  font 
la  riante  peinture  d'un  âge  d'or,  et  qu'elles  nous  parlent  de  ces 
peuples  à  la  foi  ardente,  heureux  de  vivre  sous  les  murs  du  manoir 
féodal,  dans  un  état  prospère,  où  la  sécurité  de  chacun  avait  pour 
garantie  le  respect  des  lois  et  la  douceur  des  mœurs,  nous  croyons 
lire  le  récit  d'un  rêve. 

L'histoire  de  l'Eglise  de  'Valence  au  XII b'  siècle  nous  o(h-e  le 
spectacle  d'une  société  sans  cesse  bouleversée  par  des  guerres  et 
par  des  dissensions  intestines  :  l'ambition  et  la  violence  s'y  étalent 
au  grand  jour.  Ces  chevaliers  du  moyen  âge,  dont  les  romans 
nous  vantent  la  générosité  et  les  vertus  chrétiennes  nous  y  appa- 
raissent, pour  la  plupart,  comme  des   gens  superbes  et   arrogants, 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.    ■        I3I 

très  durs-  envers  les  faibles,  surtout  envers  les  clercs,  engagés  dans 
de  perpétuelles  querelles  avec  leurs  voisins  et  tournant  plus  d'une 
fois  les  armes  contre  les  évêques.  Ceux-ci  de  leur  côté  n'hésitent 
pas  à  quitter,  un  instant,  la  mitre  et  la  crosse,  pour  prendre  la 
cuirasse  et  l'épée  et  conduire  en  personne  ,  sur  les  champs  de 
bataille,  leurs  vassaux  et  leurs  soldats.  Nous  avons  raconté  ailleurs 
les  dix  ans  d'épiscopat  de  Guy  de  Montlaur,  qui  monta  sur  le  siège 
de  Valence  en  1266  et  dont  l'existence  entière  s'est  consumée  en 
luttes  ardentes  contre  une  partie  de  ses  chanoines  et  contre  l'im- 
placable ennemi  de  son  Eglise ,  Aymar  de  Poitiers,  comte  de 
Valentinois.  Dans  les  pages  qui  vont  suivre,  nous  voudrions  faire 
revivre  les  quarante  années  qui  précédèrent  l'avènement  de  Guy  de 
Montlaur  et  durant  lesquelles  notre  Eglise  fut  successivement 
gouvernée  par  trois  frères  de  l'illustre  maison  de  Savoie,  Guillaume, 
Boniface  et  Philippe.  Ce  récit  composé  à  l'aide  de  documents  sou- 
vent inédits,  offrira,  croyons-nous,  quelque  intérêt  à  nos  lecteurs  ; 
il  pourra  leur  suggérer  d'utiles  réflexions  et  porter  ceux  d'entre  eux 
qu'inquiéteraient  les  agitations  de  l'heure  présente,  à  ne  jamais 
désespérer  de  l'avenir. 

I 

GUILLAUME  DE  SAVOIE 

EvÈQUE    ÉLU    DE    VaLENCE,    DE    \\  I.NCHESTER    ET    DE    LiÈGE. 

(1226  à   1239). 

Thomas,  comte  de  Savoie  (ii8g-i233j,  eut  dix  enfants  de 
Béatrix  de  Genève,  sa  femme,  huit  fils  et  deux  filles  (ij. 

(i)  Thomas,  comte  de  Savoie,  mort  le  i'"'  mars  1-233,  avait  épousé  Béatrix  de 
Genève,  qui  était  sœur  de  Guillaume  II,  comte  de  Genevois,  et  tante  du  dernier 
évêque  de  Die,  Amédée  de  Genève  (1247-67).  Les  fils  de  Thomas  de  Savoie  furent 
Amédée  IV,  comte  de  Savoie  (1233-53);  Humbert,  mort  sans  enfant,  avant  1233  ; 
Aimon,  seigneur  d'Agaune,  mort  sans  enfant  vers  1238;  Guillaume,  évêque  élu  de 
Valence  ;  Thomas,  prévôt  de  Valence,  puis  de  Liège,  et  enfin  comte  de  Flandre, 
nfcrt  en  1259;  Pierre  11,  dit  le  Petit  Charlemagne,  né  en  1203,  niort  le  19  mai 
1268  :  d"abord  prévôt  de  Genève,  puis  comte  de  Savoie  en  1263  ;  Philippe  élu  de 
Valence  et  de  Lyon,  puis  comte  de  Savoie  de  i  268  à  i  2S5  ;  Boniface,  prévôt  d'Aoste, 
élu  de  Belley,  archevêque  de  Cantorbéry,  mort  en  1270.  Thomas  eut  encore  deux 
filles  :  Béatrix,  épouse  de  Raymond-Bérenger,  comte  de  Provence,  et  Marguerite, 
épouse  d'Hermann,  comte  de  Kibourg.  —  Voir  sur  Béatrix  de  Genève,  son  ma- 
riage, ses  enfants,  sa  mort  et  sa  sépulture  :  Mugnier,  H/si.  de  l'abbaye  de  Ste-Cathe- 
rine,  dans  Mém.  et  doc.  publiés  par  la  soc.  Savoisienne  dliist.,  t.  XXIV,  p.  i  5  et  suiv. 


132  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

Réservant  les  aînés  de  ses  fils  pour  le  monde,  il  destina  les  cinq 
plus  jeunes  à  l'état  ecclésiastique  ;  mais  en  homme  avisé  il  ne 
s'empressa  point  de  les  faire  entrer  dans  les  ordres  sacrés,  afin 
de  leur  ménager  toujours  le  moyen  de  regagner  le  siècle,  si  plus 
tard  l'occasion  d'une  brillante  fortune  s'offrait  à  eux.  Un  document 
de  l'année  1224  mentionne  avec  la  qualité  de  clercs  les  quatre  frères 
Guillaume,  Thomas,  Pierre  et  Boniface  (i).  Grâce  à  leur  naissance 
illustre,  ils  ne  devaient  pas  tarder  à  être  pourvu  de  riches  béné- 
fices (2). 

En  l'année  1225,  le  siège  épiscopal  de  Valence  devint  vacant  par 
suite  de  l'élection  de  l'évêque  Gérold  de  Lausanne  à  la  haute  dignité 
de  patriarche  de  Jérusalem  (3),  après  la  mort  de  Raoul  de  Méren- 
court.  Guillaume  de  Savoie  lui  fut  donné  pour  successeur,  et  ce  fut 
probablement  à  la  même  époque  que  Thomas,  son  frère,  devint 
également  prévôt  du  chapitre  de  \'alence  (4).  L'élection  de  Gérold 
souffrit,  parait-il,  de  nombreuses  difiicultés  ;  parmi  les  électeurs,  un 
certain  nombre  avaient  porté  leurs  voix  sur  le  cardinal  de  Sainte- 
Sabine  (5).  Deux  années  s'écoulèrent  avant  que  le  pape  confirmât  à 
Gérold  le  titre  de  patriarche.  Enfin  une  bulle  du  28  avril  1227  mit 
fin  à  tous  les  différends  ;  Grégoire  IX  proclama  solennellement 
Gérold,  patriarche  de  Jérusalem.  Parmi  les  raisons  qui  ont  déter- 
miné ce  choix,  il  signale  la  parfaite  connaissance  des  intérêts  de  la 
Palestine,  qu'avait  donné  à  l'élu  un  séjour  prolongé  dans  ces  con- 
trées lointaines  (6).  Ces  détails,  que  nous  avons  relevés  à  dessein, 

(i)  W'uRSTEMBERGER,  Peter  der  Zweite,  Bern,  1858,  t.  IV,  Probationes,  n°  58. 

(2)  Dans  une  enquête  ordonnée  par  Honorius  III  vers  12 19,  sur  les  faits  et 
gestes  de  Tévéque  de  Genève,  Aimon  de  Grandson,  cm  apprend  qu'un  des  griefs 
reprochés  au  prélat  était  d'avoir  conféré  le  doyenné  d'Annecv,  à  Thomas,  fils  du 
comte  de  Savoie,  avant  l'âge  compétent.  Le  prince  Thomas,  né  l'an  i  199,  destiné 
à  TEglise  comme  dit  Guiceienon  (t.  I,  p.  299),  n'aurait  eu  que  vingt  ans  en  12  19 
(Spon,  Histoire  de  Genève,  in-.-j",  1739,  t.  II,  p.  .101-42).  L'enquête  que  nous 
signalons  ici  est  un  des  documents  les  plus  curieux  que  nous  connaissions  sur  l'état 
du  clergé  de  nos  pays  au  XIII"  siècle.  Cf.  Regeste  Genevois,  p.   149. 

(3)  Alberici  Chronicon,  ad  an.  1225  (Bouquet,  t.  XVIII,  p.  795):  «  Patriarcha 
Hierosolymitanus  magister  Radulphus  moritur,  cujus  cathedram  sortitus  est  episco- 
pus  Valcntias  magister  Giroldus.  »  Gérold,  évëque  de  Valence  depuis  l'année  1220 
(ibid,  p.  790)  appartenait  à  l'ordre  de  Citeaux,  et  avait  été  successivement  abbé  de 
Molesme  (1208)  et  de  Cluny  (1215). 

(4)  WURSTEMBERGER,    t.  IV,  n"   656. 

(5)  Ce  détail  est  mentionné  dans  la  bulle  de  Grégoire  I.\  du  28  avril  1227,  que 
nous  rappelons. 

(6)  Gallia  christiana,  t.  XVI,  col.  312. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I33 

nous  expliquent  la  présence  de  Guillaume  de  Savoie  à  Valence  et 
son  titre  de  ministre  de  cette  Eglise,  minislcr  ecclesice  Valentin.v, 
dans  un  temps  où  Gérold  n'était  point  encore  délié  par  l'autorité 
pontificale  des  engagements  qu'il  avait  contractés  envers  son  pre- 
mier siège  :  dès  l'année  1225  ce  dernier  avait  dû  quitter  \'^alence  et 
se  préparait  à  passer  en  Palestine  avec  l'empereur  Frédéric  II  (i). 
Quoiqu'il  en  soit,  Guillaume  de  Savoie  gouvernait  l'Eglise  de 
Valence  en  1226  ou  tout  au  moins  dans  les  premiers  mois  de  1227 
(n.  s  ).  Voici  dans  quelles  circonstances  nous  le  voj'ons  figurer  pour 
la  première  fois. 

La  ville  de  Crest,  située  sur  les  confins  des  diocèses  de  Valence 
et  de  Die,  mais  dans  ce  dernier  diocèse,  avait  alors  deux  seigneurs, 
qui  y  exerçaient  chacun  la  juridiction  féodale  sur  la  portion  de  ter- 

(i)  Gérold  de  Lausanne  se  trouvait  en  Italie,  dans  les  premiers  mois  de  1226, 
auprès  de  l'empereur  Frédéric  II,  donnant  son  adhésion,  ainsi  qu'un  grand  nombre 
d'évéques.à  tous  les  actes  que  ce  prince  promulgua  en  qualité  de  roi  de  Jérusalem. 
Il  assista  au.\  diètes  de  Parme  et  de  Borgo  San-Donnino,  et  montra  d'abord  beau- 
coup de  zèle  pour  les  intérêts  de  l'empire.  Au  mois  d'août  1227,  Gérold  passa  en 
Syrie,  avec  un  grand  nombre  de  croisés.  Le  28  juin  de  l'année  suivante,  l'empe- 
reur quitta  le  port  de  Brindes  ;  il  arriva  dans  l'île  de  Chypres,  le  20  juillet  suivant. 
Il  y  séjourna  quelque  temps  et  aborda  enfin  en  Palestine  au  mois  de  septembre. 
On  sait  qu'il  conclut  avec  le  Soudan  de  Damas,  le  18  février  1229,  une  trêve  de 
dix  ans,  qui  stipulait  la  restitution  de  Jérusalem  aux  chrétiens.  Frédéric  était  arrivé 
en  Terre  Sainte  sans  s'être  fait  relever  de  l'excommunication  qui  pesait  sur  lui. 
.Aussi  le  patriarche  et  un  grand  nombre  de  chrétiens  avaient-ils  constamment  refusé 
de  s'associer  à  ses  entreprises.  La  nouvelle  du  traité  avec  les  musulmans  fut  le 
signa!  d'une  explosion  de  colère  contre  l'empereur,  qu'on  accusait  hautement 
d'abandonner  les  intérêts  catholiques.  Le  17  mars  1229,  Frédéric  faisait  son  entrée 
à  Jérusalem  et  le  lendemain  se  couronnait  lui-même  au  Saint-Sépulcre.  Le  19, 
l'archevêque  de  Césarée,  envoyé  par  le  patriarche,  arrivait  à  son  tour  à  Jérusalem 
et  mettait  sous  l'interdit  le  Saint-Sépulcre  et  tous  les  lieux  saints.  Le  patriarche 
Gérold  écrivit  ensuite  au  pape  et  à  tous  les  chrétiens  d'Occident  des  lettres  d'une 
violence  extrême  contre  l'empereur.  11  est  juste  toutefois  de  faire  remarquer  que  la 
conduite  de  ce  prince  dans  la  négociation  et  la  conclusion  de  cette  trêve  avec  le 
Soudan  de  Damas  a  été  diversement  jugée  par  ses  contemporains.  Ainsi  Herman  de 
Saltz,  grand  maître  des  Teuloniques,  apprécie  ce  traité  d'une  tout  autre  manière 
que  Gérold.  Ajoutons  que  l'année  suivante,  le  patriarche  de  Jérusalem,  sur  l'ordre 
formel  du  pape,  fut  obligé  d'admettre  et  de  ratifier  le  traité  de  1229,  qu'il  avait  si 
amèrement  blâmé,  et  de  lever  l'interdit  sur  les  lieux  saints.  Ce  prélat  continua  à  se 
montrer  très  hostile  envers  l'empereur.  Il  mourut  à  Jérusalem,  le  7  septembre  1239 
et  fut  enseveli  auprès  du  Saint  Sépulcre.  Quelques  jours  après,  le  i  3  novembre,  la 
ville  retombait  au  pouvoir  des  musulmans.  Huillard-Bréholles,  Hist.  dipl.  de 
Frédéric  II,  introd.,  p.  327-56,  et  t.  II  et  III,  passim.  —  Hist.  litt.  rfe  la  France,  t. 
XVIII  (1835),  p.   103-6.  —  Mas-Latrie,  Hist.  de  Chypre,  t.  I,  p.  225-53. 


134  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

ritoire  et  sur  les  hommes  qui  lui  appartenaient  :  ils  y  possédaient 
l'un  et  l'autre  un  château-fort.  Celui  d'Avmar  de  Poitiers,  comte  de 
Valentinois.  n'était  autre  que  le  château  actuel,  qui  a  subi  depuis 
cette  époque  de  nombreuses  transformations  ;  celui  de  Silvion  de 
Crest  occupait  le  sommet  le  plus  élevé  de  la  colline,  et  il  est  facile 
d'en  reconnaître  encore  les  dernières  traces,  à  l'endroit  qu'on  nomme 
aujourd'hui  le  Calvaire.  Ce  partage  de  juridiction  dans  une  même 
localité  était  entre  les  deux  seigneurs  une  source  intarrissable  dé 
conflits.  D'autre  part,  une  haine  profonde,  héréditaire  les  divisait. 

Depuis  longtemps  en  effet,  les  comtes  de  Valentinois  travaillaient 
à  étendre  leurs  domaines  et  à  se  créer,  comme  les  dauphins  de 
Viennois,  une  vaste  principauté.  Ils  mettaient  plus  d'une  fois  au 
sei-\ace  de  leur  ambition  la  violence  et  la  perfidie.  Cette  politique 
déloyale  fit  à  la  maison  de  Poitiers  d'implacables  ennemis.  Les  sei- 
gneurs féodaux,  menacés  dans  leur  indépendance  et  trop  faibles 
pour  se  défendre  contre  les  envahisseurs,  se  rapprochaient  des  évê- 
ques  et  s'  empressaient  de  se  placer,  eux  et  leurs  terres,  sous  la 
protection  de  l'Eglise.  C'est  ce  que  firent  autrefois  les  ancêtres 
de  Silvion,  qui  reconnurent  la  suzeraineté  de  l'évêque  de  Die. 

Une  circonstance  avait  naguère  réveillé  toutes  les  haines.  En  1217, 
Simon  de  Montfort  était  venu  dans  nos  pays  châtier  l'insolence  du 
comte  Aymar  de  Poitiers,  qui  n'avait  pas  craint  de  se  montrer  hostile 
à  la  croisade  contre  les  Albigeois  et  qui  soutenait  ouvertement  la 
cause  de  Raymond  de  Toulouse  (ij.  On  ne  saurait  douter  que  Simon 
n'eût  été  encouragé  à  entreprendre  cette  expédition  par  l'appui 
que  lui  promirent  un  certain  nombre  de  seigneurs,  désireux  d'abais- 
ser la  puissance  du  comte  de  \'alentinois  :  Simon  s'approchant  du 
Valentinois  à  la  tête  de  l'armée  des  croisés,  recevait  à  Viviers  la 
promesse  qu'on  lui  livrerait  le  château  de  Crest  (2)  ;  Nicolas,  évéque 
de  la  ville,  et  ancien  doyen  de  Die,  lui  fournissait  les  bateaux  néces- 
saires pour  franchir  le  Rhône  (3)  ;  Lambert,  un  des  coseigneurs  de 
Montélimar,  lui  ouvrait  les  portes  de  cette  ville;  enfin  quelques  jours 
après  l'évêque  de  Die  livrait  aux  croisés,  ainsi  qu'on  en  était  con- 
venu, le  château  de  Crest,  dont  il  était  suzerain,  château  qui  appar- 
tenait â  Silvion.  La  cession  de  cette  forteresse  entraîna  la  capitulation 

(i)  \'oir  notre  texte  Essai  liist.  sur  l'église  et  la  ville  de  Die,  t.   I,  p.  28g. 

(2)  Ai.iiERici  Chronicon,  ad  an.  1216  (Bouquf.t,  .XVIII,  p.  78(1)  :  a  Apud  civilatcm 
Vivariensem  facta  sunt  promis?a  de  castro  quod  dlcilur  Crista  .\inaldi.  « 

(3)  .Meyer,  La  chanson  de  la  croisade,  1.  II,  p.  294. 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I35 

de  la  ville  et  celle  de  l'autre  château,  où  s'étaient  repliées  les  troupes 
d'Aymar  de  Poitiers  et  les  partisans  du  comte  de  Toulouse  (i). 

Il  était  aisé  de  prévoir  qu'Aymar,  aussitôt  après  la  retraite  de 
Simon  de  Montfort,  chercherait  à  tirer  une  éclatante  vengeance  de 
l'affront  qu'il  venait  de  subir.  Silvion  de  Crest  songea  donc  à  se 
mettre  à  couvert  des  effets  de  la  colère  de  son  terrible  et  puissant 
voisin.  Il  voulut  resserer  les  liens  d'amitié  qui  l'unissait  déjà  à  la 
famille  des  seigneurs  de  Montélimar  :  il  demanda  à  Lambert  de 
Monceil  sa  fille  en  mariage  et  s'engagea  pour  le  cas  où  ne  naîtrait 
aucun  enfant  de  cette  union,  à  donner  au  fils  de  Lambert,  Hugues 
Adhémar,  la  totalité  de  ses  biens,  qui  comprenaient  son  château  de 
Crest,  et  les  terres  d'Aouste  et  de  Divajeu.  Cette  promesse,  il  la 
renouvela  quelque  temps  après,  lorsqu'il  se  disposait  à  faire  un 
voyage  en  Angleterre  ,  et  un  acte  fut  rédigé  à  cette  occasion  à 
Roynac,  le  2  avril  i229('2j. 

(1)  Pétri,  Vai.lium  Sarnaii  monachi,  Hisioria  Albigensium  (Bouquet,  t.  XIX, 
p.  109)  :  «  Transivit  igitur  cornes  nobilis  cum  suis  et  venit  ad  castrum  quod  dicitur 
Montilium.  Cardinalis  autem  transivit  cum  eo,  de  cujus  voluntate  et  mandato  cornes 
omnia  faciebat.  Guiraldus  autem  Ademarii,  qui  erat  dominus  Montilii  pro  majori 
parte,  erat  cum  adversariis  comitis  (cum  esset  ligius  homo  domini  papœ),  nec 
requisitus  voluit  dictum  castrum  cedere  cardinali,  quod  receptaculum  fecerat  hasreti- 
corum,  sed  homines  de  castro  receperunt  comitem.  Quidam  enim  miles  nomine 
Lambertus,  consanguineus  dicti  Guiraldi,  qui  erat  alter  dominus  Montilii,  adhœrebat  et 
semper  aJhœserat  comiii.  Peractis  comes  apud  Montilium  paucis  diebus,  perrexit  ad 
obsidendum  quoddam  castrum,  in  diœcesi  Valentina,  quod  dicitur  Cresta,  et  erat 
Ademarii  Pictaviensis.  Ademarius  autem,  sicut  jam  diximus,  adversabalur  comiti 
Montisfortis  et  muliii  diebus  persecutus  fuerat  episcopum  Valentinum  ;  civitas  vero 
Valentia  adhœrebat  et  semper  adhaeserat  comiti  memorato.  ^'eniens  comes  ad  cas- 
trum Crestse,  obsedit  illud.  Erat  autem  castrum  nobilissimum  et  fortissimum,  et 
militibus  et  servienlibus  bene  munitum.  Firmata  obsidione,  cœpit  comes  castrum 
fortiter  impugnare,  obsessi  defendere  se  pro  viribus.  Erant  autem  cum  comité 
plures  de  episcopis  illius  terrœ,  et  milites  Francigenae,  quos  rex  ei  PhiJippus  per 
sex  menses  serviluros  miserai  ferme  centum,  et  dum  esset  comes  in  obsidione 
iila,  tentatum  fuit  de  compositione  et  pace  facienda  inter  comitem  et  Ademarium 
Pictaviensem.  Post  autem  multa  verba  longumque  tractatum,  firmata  est  composi- 
tio  inter  comitem  et  dictum  .\demarium..  Facta  est  insuper  compositio  et  pax  inter 
episcopum  Valentite  et  saepedictum  .ademarium.  »  —  La  chanson  de  la  croisade 
(p.  294)  raconte  un  peu  diversement  la  cause  de  la  soumisson  d'Aymar  de  Poitiers  : 
«  L'évéque  de  Die  commit  une  bien  mauvaise  action  lorsqu'il  rendit  le  château 
qu'il  tenait.  »  En  qualité  de  suzerain,  il  s'était  fait  remettre,  paraît-il,  le  château  de 
Silvion.  qu'il  s'empressa  de  livrer  à  Simon  de  Montfort.  Ce  fut  sans  doute  ce  qui 
détermina  Aymar  de  Poitiers  à  traiter. 

(2)  Nous  avons  publié  le  texte  de  ce  document  dans  notre  Essai  hislorique  sur 
Véglise  et  la  ville  de  Die,  t.  I,  p.  479-80. 


I^t»  QUARANTE-  ANNÉES    DE    L  HISTOIRE    DES 

Silvion  accomplit-il  ce  voyage?  Nous  ne  sommes  point  en  mesure 
de  le  dire,  mais  ce  que  nous  savons  par  un  document  que  nous  a 
conservé  Columbi,  c'est  que  peu  de  temps  après  cette  date,  renon- 
çant aux  espérances  du  siècle,  il  embrassa  l'état  ecclésiastique  et  fut 
nommé  doyen  de  l'Eglise  de  Valence.  Guillaume  de  Savoie  gouver- 
nait alors  cette  Eglise,  qui  était  toujours  en  butte  aux  tracasseries  de 
la  maison  de  Poitiers.  En  ce  moment  il  était  même  en  hostilité 
ouverte  avec  Aymar  de  Poitiers  et  son  fils  Guillaume.  La  fortune 
semblait  vouloir  favoriser  ses  armes  et  les  prisons  de  l'évêché 
renfermaient  un  certain  nombre  de  vassaux  du  comte,  que  les 
hasards  de  la  guerre  avaient  fait  tomber  entre  ses  mains.  Dans  le 
but  de  se  fortifier  de  plus  en  plus  contre  les  Poitiers,  race  perpétuel- 
lement hostile  au  clergé  et  aux  moines,  Guillaume  décida  le 
nouveau  doyen  à  vendre  à  l'Eglise  de  Valence  tous  les  droits  qu'il 
possédait  à  Crest,  Aouste  et  Divajeu.  Silvion  reçut  en  échange  la 
jouissance,  sa  vie  durant ,  des  terres  de  Beaumont  et  de  Mont- 
vendre,  ainsi  qu'une  rente  viagère  de  cent  livres,  à  prendre  sur  les 
revenus  du  péage  de  Valence.  L'évêque  s'engageait  en  outre  à  payer 
toutes  ses  dettes,  jusqu'à  concurrence  d'une  somme  de  32,000 
sous  (i).  Cette  vente,  comme  on  le  pense  bien,  raviva  les  anciennes 
querelles  et  devint  l'occasion  d'une  véritable  guerre  de  cent  ans. 
Pendant  plus  d'un  siècle  en  effet  les  évêques  et  les  comtes  de  Valen- 
tinois  se  disputeront  la  possession  des  terres  de  Crest,  Aouste 
et  Divajeu,  avec  un  acharnement,  qui  sera  pour  nos  populations 
tout  à  la  fois  un  scandale  et  une  ruine. 

La  mort  inopinée  de  Guillaume  (2J,  fils  unique  et  héritier  d'Aymar 

(i)   Columbi,   Opuscula  varia.  Liigduni,   1668,  in-f»,  p.   266. 

(2)  Guillaume  était  fils  d'Aymar  II  de  Poitiers  et  de  Philippa  de  Fay  (de  Fayno). 
Celle-ci  avait  pour  père  Guillaume-Jourdain,  fondateur  de  la  chartreuse  de  Bonne- 
foy,  au  diocèse  de  Viviers,  et  pour  mère  Méleline  de  Clérieu,  fille  de  Roger,  sei- 
gneur de  Clérieu.  La  mort  de  Guillaume  de  Poitiers  doit  se  placer  avant  le  mois 
de  février  1228,  comme  le  prouve  une  charte  de  donation  f;iite  à  cette  date  par 
Aymar  son  père  aux  chevaliers  de  Sl-Jean  de  Jérusalem.  «  Ego  A.  de  Pictaviis, 
cornes  Valent.,  pro  redcmptione  anime  mee  et  parentum  meorum,  et  ut  dominus 
dignetur  misereri  anime  palrui  mci  Ileustachii  et  anime  fijii  mei  \N'uillclmi,  qui 
dampna  gravia  inlulerunt  domui  hospitalis,  donn.  i;\ucif)  atque  conccdo  Dco  et 
domui  predicti  hospitalis,  fratri  G.  de  Ulnis,  priori  Sancli  I-^gidii  et  fralrihus  hospi- 
talis, tam  presenlibus  quam  futuris,  quidquid  rclinueram  in  villa  de  CIcu,  et  infra 
ambilum  murorum  vel  in  mandamento,  et  rctinucram  in  villa  de  CIcu,  castri  Sancti 
Gervasii,  scilicet  forciam  et  tcncmcntuni,  et  quicquici  hal-icliam  in  Castro  vel  in 
mandamento...  »  Archives  de  l'Isère,  B,   J519. 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I 37 

de  Poitiers,  amena  des  complications  qui  achevèrent  d'exaspérer 
le  vieux  comte  de  Valentinois.  Guillaume  ne  laissait  de  Flotte  de 
Royans  (i),  son  épouse,  qu'un  fils  en  bas  âge,  devenu  plus  tard  le 
comte  Aymar  III.  Pour  des  motifs  que  l'histoire  ne  dit  point,  il 
avait  enlevé  à  son  père  la  tutelle  de  cet  enfant  pour  la  donner 
à  Flotte,  à  Adémar  de  Bressieu  et  à  Eracle  de  Montlaur,  recomman- 
dant tout  spécialement  à  ceux-ci  de  veiller  à  ce  que  ses  volontés 
dernières  fussent  ponctuellement  exécutées.  Profondément  blessé  par 
cette  mesure  de  défiance  et  irrité  de  voir  sortir  de  ses  mains  l'admi- 
nistration des  biens  de  son  petit-fils,  Aymar  prend  les  armes  et, 
pénétra'it  sur  les  terres  de  cet  enfant,  se  met  en  possession  de 
quelq'jcs-uns  de  ses  châteaux.  Ces  discordes  de  famille  offraient  à 
l'évèque  de  Valence  une  belle  occasion  pour  renouveler  ses  préten- 
tiOxis  et  au  besoin  rentrer  en  campagne.  11  était  trop  habile  pour  la 
luisser  échapper.  Flotte  de  Royans  et  les  tuteurs  de  son  fils  se  virent 
alors  dans  le  plus  grand  embarras  :  menacés  et  par  l'évêque  et  par 
le  comte,  ils  se  sentaient  impuissants  à  soutenir  la  lutte.  Désireux 
avant  tout  de  sauvegarder  les  droits  de  leur  pupille,  ils  se  résignèrent 
bientôt  à  prendre  le  seul  parti  que  leur  conseillât  la  prudence,  celui 
de  désarmer  l'évêque  et  de  s'en  faire  un  protecteur. 

Adémar  de  Bressieu  fut  donc  chargé  d'aller  à  Valence  et  de 
conclure  avec  le  prélat,  ajix  conditions  les  plus  avantageuses,  un 
traité  d'alliance  offensive  et  défensive.  De  part  et  d'autre  on  s'en- 
gagea à  se  prêter  main  forte  ;  Flotte  et  les  tuteurs  consentirent  à  ce 
que  les  châteaux  d'Upie  et  de  Montoison  fussent  tenus  en  fiefs  de 
l'évêque  à  perpétuité,  et  promirent  en  outre  de  lui  payer  une  somme 
de  45,000  sous  Viennois,  dont  20,000  étaient  destinés  à  payer  la 
rançon  des  prisonniers  demeurés  au  pouvoir  de  l'évêque.  Ce  traité 
fut  conclu  dans  les  salles  de  l'évêché  qui  regardaient  le  Rhône,  au 
mois  de  juin  1227,  en  présence  de  Bertrand  d'Etoile,  évêque  de  Die, 
de  Giraud  Bastet,  de  Hugues  d'Etoile,  du  prieur  de  Montélier  et  de 
quelques  autres  personnages.  Peu  de  jours  après,  il  reçut  la  sanc- 
tion de  Flotte  de  Royans,  qui  se  trouvait  alors  à  Crest,  dans  le 
château  des  Poitiers.  Bertrand  d'Etoile,  évêque  de  Die,  qui  s'était 
rendu  dans  cette  ville,  fut   témoin   avec   Aynard   de   Chabrillan,   du 

-  (i)  Flotte  de  Royans  était  fille  unique  de  Rambaud  Osasicca  et  peiite-fille  de 
Ràyœond-Bérenger  de  Royans.  A  la  mort  de  son  père,  vers  1226,  elle  se  mit  en 
possession  oëFi^tcMc  de  csaint-Nazaire  et  de  ses  dépendances,  vaste  domaine  qui 
entra  ainsi  dans  le  comté  de  Valentinois. 


138  QUARANTE    ANNÉES    DE    l'hISTOIRE    DES 

serment  prêté  en  cette  circonstance  par  la  mère  et  tutrice  du  jeune 
.Aymar  de  Poiters.  A'oici  du  reste  le  texte  encore  inédit  de  ce 
traité  : 

Xoverint  universi,  presentem  cartam  inspecturi,  quod  Ademarus  de 
Brissiaco  et  Eraclius  de  Montelauro,  tutores  testamentarii  Adema- 
reti,  filii  quondam  Wuillelmi  de  Pictavia,  cum  evidencius  compe- 
rissent  Ademarum  Pictaviensem  ,  patrem  ejusdem  Wuillelmi  de 
Pictavia,  obviare  et  contraire  voluntati  W',  filii  sui  quondam,  quam 
se  observaturam  juraverant,  occupando  terram  et  castra,  que  W*  de 
Pictavia  tempore  mortis  sue  possidebat,  formidantes  vehemencius 
ne  exheredaretur  filius  et  hères  prefati\\'',  et  timentes  similiter  ut  si 
dominus  ^^\lillelmus,  procurator  ecclesie  Valent.,  propter  querimo- 
niam,  quam  habebat  cum  ipso  W°  de  Pictavia  et  A.  pâtre  ejusdem, 
prose  et  ecclesia  Valent.,  moveret  guerram  in  terra,  filii  et  heredis 
dicti  W' de  Pictavia,  que  plurimum  fatigata  erat  expensis  grandibus, 
quos  feceratidem  W%  et  honorata  debitorum  mole  et  clamorum  dicti 
W  et  etiam  usuris  gravibus,  quos  pro  debitis  ipsius  oportebat  près- 
tare,  quod  noa  posset  tanta  pondéra  sustinere  terra  quam  idem  W^ 
eorum  tuicioni  supposuerat  ,  attendentes  diligencius  et  sollerter 
qualiter  tota  terra  prefata  melius  atque  facilius  tantas  lesiones  et 
angustias  evadere  posset  et  quiescere  ,  ut  débita,  clamores  ,  et 
relicta  ipsius  W'  de  Pictavia  cicius  solvi  possent ,  pro  ulilitatibus 
predictis  et  commodo  Ademareti  filii  et  heredis  W  de  Pictavia  et 
tocius  terre  sue,  necnoa  et  pro  observanda  voluntate  ultima  \V'  de 
Pictavia  et  recuperanda  terra,  quam  occupaverat  Ademarus  Picta- 
viensis,  pater  dicti  W'  de  Pictavia,  ipse  Ademarus  de  Brissiaco,  pro 
se  et  Eraclio  de  IMontelauro  contutore  suo,  et  de  voluntate  et  de 
consilio  atque  speciali  et  expresso  mandato  ejusdem,  et  assensu  et 
consilio  domine  Flote,  uxoris  quondam  W'  de  Pictavia,  taies  con- 
ventiones  seu  pacta  cum  domino  Wuillelmo,  procuratore  ecclesie 
Valent.,  fecit,  sicut  inferius  exprimitur.  Dominus  Electus  débet  juvare 
A.  de  Brissiaco  et  Eraclium  contutorem  suum  et  dominam  Flotam 
ad  opus  filii  sui,  bona  fide  et  absque  dolo,  ad  recuperandam  terram, 
quam  W"»  de  Pictavia  tenebat  citra  Rodanum  et  ultra,  tempore 
mortis  suc,  suis  propriis  misionibus  et  expensis,  nec  propter  damp- 
na,  si  qua  propter  hoc  incurreret,  potest  inpetere  dictos  tutores  vel 
dominam  Flotam  usque  ad  decennium  et  filium  ipsius  Flote  Ade- 
marelum  ab  A.  Pictaviensi,  et  si  forte  infra  decennium  reformaretur 
pax  intcr  prefatum  A.  Pictaviensem  et  tutores  predictos  et  dominam 
Flotam,  et  iterum  ipse  A.  Pictaviensis  faceret  guerram  contra  tutores 
et  dominam  Flotam  et  filium  ejus  A  ,  dominus  W"*  procurator 
tenetur  eos  juvare,  et  ipsi  posl  primam  pacem  vel  composicionem 
non  possunt  facere  pacem  sine  domino  W"  procuratore  \'alent. 
Sane  d.  procurator  infra  decennium  non  potest  inpetere  tutores 
prefatos  vel  d.  Flotam  seu  .Ad.,  filium  cjus,  super  querelis  quas 
habebat    adversus    W""    de    Pictavia  ,    nihi    prcfuti    tutores    vel    d. 


ÉVÈQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I  39 

Flota  seu  Ad.  filius  ejus  vel  homines  eorum  d°  procuratori  non 
juvarentur  vel  eum  offenderent,  et  a  neutra  parte  potest  fieri 
bastia,  infra  decennium,  extra  castra  vel  villas.  Verum  si  aliqua 
castra  vel  municiones  caperentur  a  d°  procuratore  vel  hominibus 
suis  vel  reddentur  eis  de  terra,  quam  tenebat  W=  de  Pictavia 
tempore  mortis  sue,  illa  debcnt  tradi  supramemoratis  tuloribus 
et  d^  Flote  et  fîHo  ejus  Ad.;  facta  autem  composicione  vel  pace 
inter  dictos  tutores  et  d"am  Flotam  et  filium  ejus,  ex  una  par- 
te, et  A.  Pictavîensem  ex  altéra,  et  guerra  esset  inter  dominum 
procuratorem  Valent,  et  A.  Pictavîensem,  illud  quod  dnus  Wus  procu- 
rator  posset  auferre  A»  Pictaviensi,  vi  vel  aliquo  ing-enio,  non  tene- 
retur  reddere  eis,  ratione  seu  occasione  hujus  supradicti  pacti.  Et  si 
A.  de  Brissiaco  haberet  guerram,  propter  predictam  composicionem, 
in  terra  sua,  d^  procurator  tenetur  eum  juvare  et  manutenere,  et 
si  aliquis  homo  caperetur  a  dno  procuratore,  vel  ab  aliquo  alio  de 
suis  unum  castrum  vel  castra  possent  haberi,  dnus  procurator 
tenetur  eum  liberare  infra  duos  menses,  si  voluntas  fuerit  tutorum 
vel  dne  Flote.  Elapsis  duobus  mensibus,  non  tenetur  dnus  procura- 
tor liberare  eum,  si  non  vult.  Medietatem  vero  redempcionis  debent 
habere  tutores  prefati  et  domina  Flota,  si  sui  homines  essent  ad 
capiendum  illum.  Si  vero  procurator  Valent,  per  se,  vel  homines  sui 
caperent  aliquem,  tota  redempcio  erit  dicti  procuratoris.  Et  si  pre- 
dicta  faceret  dominus  procurator  eum  hominibus  tutorum  predicto- 
rum  vel  Flote,  très  partes  habebit  dominus  procurator,  et  quartam 
tutores  et  domina  Flota  Et  si  in  aliquo  loco  dampnum  datum  fuerit 
domino  procuratori,  vel  hominibus  suis,  vel  tutoribus,  vel  Flote,  vel 
hominibus  suis,  vel  illis  qui  pro  ipsis  essent  pro  dno  scilicet  pro- 
curatore, vel  pro  tutoribus,  vel  pro  Flota,  et  lucrum  in  eodem 
die  factum  esset,  dampnum,  quod  solet  emendari,  de  eodem  com- 
muni  lucro  débet  resarciri  ,  et  residuum  partiri  débet  ,  sicut 
superius  est  expressum.  Sane  pro  ista  manutenencia  et  valore  et 
pro  utilitate  dicti  Ademareti,  filii  quondam  W'  de  Pictavia  ,  ne 
terra  sua  posset  alienari  vel  ius  suum  deperire  ab  A.  Pictaviensi 
vel  uxore  sua,  Ademarus  de  Brissiaco,  de  voluntate  et  consilio 
Eraclii  de  Montelauro,  contutoris  sui.  et  domine  Flote,  accipit  in 
feudum  francum  duo  castra  Upian  et  Montayson  a  dno  W°  procu- 
ratore Valent,  et  successoribus  suis  episcopis  et  electis  Valent.,  et 
donat  eidem  XXV  milia  solidorum  viennensis  vel  valentinensis 
monete,  et  XX  milia  solidorum  pro  militibus  ,  quos  incarceratos 
tenet  dominus  procurator,  et  obligat  illa  idem  A.  de  Brissiaco  tutor, 
de  voluntate  et  assensu  Eraclii  de  Montelauro  et  tutoris  sui  et 
dne  Flote  domino  procuratori  pro  illis  pretaxatis  XLV  milibus  solidis, 
hoc  tamen  addito  ut  si  aliquis  predictorum  militum  incarceratorum 
se  redimeret,  redempcio  in  solucione  cederet  XX  milium  solidorum, 
et  de  residuo  tenerentur  castra  eum  pretaxatis  XXV  milibus  solidis. 
Verum  supra  memorati  tutores,  vel  domina  Flota,  possunt  redi- 
mere  alterum  de  duobus  castris,  soluta  medietate  pecunie  supra- 
dicte  et  in  obtione  domini  Electi  est  quod    illorum   castrorum  velit 


140  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

retinere  pro  reliqua  medietate  dicte  pecunie,  nec  ipsi  tulores,  nec 
ipsa  Flota  possunt  facere  pacem  vel  composicionem  cum  A.  Picta- 
viensi,  nisi  prius  A.  Pictaviensis  laudaverit  dicta  duo  castra  esse  de 
feudo  episcopi,  vel  electi  Valent.,  vel  successorum  ejusdem,  et  esse 
obligata  domino  electo  et  successoribus  ejus  pro  pecunia  supradicta. 
Et  si  forte  aliquod  castrum,  vel  castra  caperentur  a  domino  electo, 
vel  a  tutoribus,  vel  a  domina  Flota,  vel  redderentur  eis  vel  uni,  débet 
dominus  electus  illud  castrum,  vel  illa  castra,  habere  et  tenere, 
pro  predictis  pactis  observandis,  excepto  Castro  Stelle,  donec  fuerit 
in  possessione  predictorum  castrorum  Upiani  scilicet  et  Montayson. 
Et  si  pax  fieret  inter  dictos  tutores  et  dominam  Flotam,  ex  una  parte, 
et  A.  Pictaviensem,  ex  altéra,  de  terra  quam  tenebunt  tutores,  vel 
domina  Flota,  seu  custodes  terre,  non  débet  dampnum  evenire 
domino  electo,  vel  terre  sue,  vel  hominibus  suis,  usque  ad  decen- 
nium,  non  infra  decennium  prefati  tutores  vel  domina  Flota  vel  filius 
ejus  possunt  impetere  dominum  W.  procuratorem  Valent,  supra 
querelis,  quos  habebat  W.  de  Pictavia  contra  ipsum,  sicut  e  contra 
nec  procurator  Valentin.  eosdem.  Electus  autem  predictus  et  A.  de 
Brissiaco,  tactis  sacrosanctis  evangeliis,  juraverunt  se  observaturos 
inviolabiliter  omnia  et  singula  supradicta.  Actum  est  eciam  inter 
partes  quod  si  quis  supra  premissis  questio  oriretur,  questio  ipsa  per 
G.  Bastet  et  W™  de  Breisseu  valeat  terminari.  Actum  anno  Domini 
M°  CC°  XXVIF,  mense  junii,  in  estris  episcopalibus  Valent,  respi- 
cientibus  Rodanum  ,  presentibus  et  ad  hoc  vocatis  testibus  et 
rogatis  domino  B(ertrando)  episcopo  Diensi,  R",  vicario  Valent., 
G.  Bastet,  magistro  Artaudo,  magistro  llugone  Bellicensi,  Poncio 
vicario,  Hugone  de  Stella,  B,  priore  Montilisii,  G.  de  Urre,  W.  de 
Breisseu.  Eodem  anno  et  mense,  apud  Cristam,  in  domo  A.  Picta- 
viensis, domina  Flota  hoc  factum  supradictum  laudavit  et  concessit 
et,  sacramento  corporaliter  prestito,  confirmavit,  in  presencia  domini 
B.,  Diensis  episcopi,  magistri  Artaudi,  B.,  prioris  Montilisii,  R., 
vicarii,  G.  de  Vrre,  Aynardi  de  Chabrilla  et  G.  Bastet.  Ut  autem 
supradicta  omnia  robur  habeant  firmitatis  dictus  A.  de  Brissiaco  et 
domina  Flota,  communi  consensu  et  unanimi  voluntate,  hanc  pre- 
sentem  cartam  sigillorum  suorum  munimine  roborarunt.  (i). 

Le  curieux  document  que  nous  venons  de  reproduire,  nous  a 
fait  connaître  jusque  dans  les  moindres  détails  les  conditions  d'un 
de  ces  traités  d'alliance ,  alors  fréquents  entre  seigneurs  ,  pour 
repousser  les  attaques  d'un  ennemi  commun.  Nous  n'avons  mal- 
heureusement aucune   donnée   précise  sur  la  guerre  que  soutinrent 

(i)  Archives  dép.  de  la  Drome.  Fonds  de  l'Evcchc  de  Valence.  —  Pour  que  le 
lecteur  puisse  aisément  se  rendre  compte  de  l'importance  des  sommes  mentionnées 
dans  cette  pièce,  nous  dirons  que  d'après  les  savantes  recherches  de  M.  (lucrard 
cl  de  M.   Lcber,  la   livre  viennoise  avait  au  XIII"   siècle   une  valeur  absolue  de  19 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE,  I4I 

Tévêque  et  ses  alliés  à  la  suite  de  cet  acte  (i);  mais  à  en  juger  par 
un  document,  que  le  lecteur  trouvera  plus  loin,  on  ne  saurait  douter 
qu'elle  n'ait  été  d'une  extrême  violence.  Columbi  nous  assure  que 
Guillaume  de  Savoie  déploya  toute  son  habileté,  toute  son  énergie 
pour  faire  respecter  les  droits  de  son  protégé.  Du  reste  nou^  allons 
avoir  l'occasion  de  recueillir  des  témoignages  contemporains  sur  les 
talents  militaires  de  l'élu  de  Valence  et  sur  son  courage  dans  les 
combats. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

Jules  CHEVALIER. 

francs  environ,  et  relative  au  pouvoir  d'aujourd'hui  de  114  fr.  Elle  se  divisait  en 
20  sous,  valant  chacun  0,95  cent.,  ou  actuellement  5  fr.  70  c.  Le  sou  se  subdi- 
visait en  12  deniers,  équivalant  à  0,08  c.  environ,  soit  aujourd'hui  à  o.<^2  c.  Les 
45,000  sous  que  Flotte  et  les  tuteurs  s'engageaient  de  payer  à  l'évêque  représen- 
teraient donc  aujourd'hui  une  somme  de  256,000  francs. 

(i)  En  1228,  Adémar  de  Bressieu,  Astorge  de  Chambaud  et  Hugues  de  Balasta, 
en  qualité  de  tuteurs  du  jeune  Aymar  de  Poitiers,  confirment  à  Bertrand  de  Saou  la 
châtellenie  d'Etoile  et  le  droit  d'exiger  un  péage  de  2  sétiers  de  sel  sur  chacune 
des  barques  chargées  de  sel  qu'on  mène  sur  le  Rhône  ;  ils  reconnaissent  avoir  reçu 
de  Bertrand  de  Saou,  pour  les  droits  d'investiture  la  somme  de  30  livres  viennoises, 
ce  qui  représenterait  3.420  fr.  de  notre  monnaie.  «  In  nomine  Domini.  Anno 
incarnationis  ejusdem  M°  CC"  XX°  VIII°,  Ademarus,  dominus  de  Breissaco,  et 
Austorgius  de  Chambau  et  Vgo  de  Balasta,  tutores  testamentarii  Ademarii;  filii 
quondam  domini  W  de  Pictavis,  de  commuai  consensu  donaverunt,  laudaverunt 
et  concesserunt  Bertrando  de  Sao  et  ejus  heredibus  ac  legitimis  successoribus 
villicationem  castri  de  Stella,  cum  omni  suo  jure  et  pertinentiis,  redditibus  atque 
proventibus  et  insuper  duo  seslaria  salis  in  singulis  navigiis  que  trahuntur  per 
Rodanum  in  mandamento  de  Stella,  volente  et  annuente  quod  ipsam  villicationem 
cum  omni  suo  jure  perpetuo  quiète  possideat,  profitentes  et  quod  XXX  libras 
viennensium  ab  ipso  Bertrando,  investiture  nomine,  receperunt  eosque  in  necessita- 
tibus  Ademari  dicti  exsolverunt...  «  (^Archives  de  l'Isère,   B,    3519). 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 


DU 


CANTOOE  LA  CHAPELLE-EN-eCORS 

(DROME). 

(Suite). 


Les  édifices  religieux  surtout  étaient  vers  1590  ou  ruinés  ou  dans 
un  état  voisin  de  la  ruine.  Sans  parler  ici  de  ceux  des  autres  parois- 
ses, dont  nous  aurons  plus  loin  à  déplorer  l'affreux,  délabrement, 
constatons  qu'à  la  Chapelle,  le  10  juin  1604  ,  quand  Mgr.  de 
Léberon  vint  faire  sa  visite  pastorale,  il  n'y  avait  pas  de  tabernacle 
ni  de  ciboire  pour  les  malades.  Le  prélat  était  réduit  à  ordonner  aux 
«  peroissiens  de  faire  parachever  l'église  enlrecy  et  St-!\lichel,  et 
de  faire  couvrir  les  fonds  babtismales  ,  fournir  lad.  église  d'une 
croix,  de  calice  et  ornements  nécessaires  à  ce  que  le  divin  servisse 
y  »  fût  «  deuemant  cellebré.  «  Le  service  de  la  chapelle  de  la  Made- 
leifie  fondée  dans  l'église  n'était  pas  fait  ;  la  chapelle  de  Saint- 
Claude,  bâtie  hors  de  l'église,  était  «  entièrement  ruynée  et  des- 
molye  par  l'injure  et  malheur  des  troubles  passés.  » 

Du  reste,  tous  les  détails  que  nous  avons  sur  l'état  du  pays  à  la 
fin  du  XVI'=  siècle  et  au  commencement  du  XV' II*,  sont  dune  élo- 
quence lugubre. 

Un  registre  de  protocoles  de  1593  à  1595  de  Pierre  Chalvet, 
notaire  à  la  Chapelle  et  protestant,  seul  registre  des  notaires  de  la 
localité  que  l'on  aie  de  1569  à  1654,  ne  contient  guère  de  testaments 
et  de  contrats  de  mariages  si  ce  n'est  de  testateurs  et  d'époux  pro- 
lestants. Bien  plus,  on  y  indique  seulement  dune  manière  fort 
vague,  dans  les  ventes  d'immeubles,  c]uels  en  sont  les  seigneurs 
directs  et  les  charges  censitaires. 

En  1591,  la  commune  de  Saint-.Marlin  était  criblée  de  dettes. 
Celles-ci  provenaient,  en  grande  partie  du  moins,  d'impôts  forcés, 
comme  celui  de  12  ccus  40  sols  6  deniers  que   la  commune  eut  à 


DE    LA    CHAPELLE-EX-VERCORS.  I43 

payer,  le  21  juillet  1591,  à  «  Chorot,  commis  à  la  recepte  des  troys 
«  escus  impozés  pour  la  fortification  de  Grenoble.  »  Ne  sachant 
comment  sortir  d'embarras,  cette  pauvre  commune  songea  à  vendre 
«  un  quinzain  de  tous  ses  grains.  »  Le  parlement  l'y  autorisa  le  23 
septembre  1591,  et,  après  plusieurs  encans,  le  quinzain  fut  adjugé, 
le  II  novembre  suivant,  à  «  Mathieu  Mailhet,  marchant  de  Dye,  » 
pour  750  écus,  soubz  reachept  perpétuel.  »  Puis,  <>■  lad.  commune, 
«  se  voyant  despeuplée,  et  que  la  continuation  de  la  levée  dud. 
«  quinzain  desgoutoit  tous  ceulx  quy  estoint  en  volonté  d'y  venir 
«  habiter,  »  s'en  racheta  le  23  juin  1593.  Et  cela,  avant  même  que 
toutes  ses  dettes  fussent  payées  ;  car  le  6  novembre  suivant,  son 
consul  Penon  livrait  à  Louis  Romey,  de  la  Chapelle,  13  écus  «  en 
«  déduction  de  plus  grand  some  à  luy  deue  par  la  comune  dud. 
«  St-Martin,  pour  despenses  et  vacations  par  luy  faictes  et  par  luy 
«  suportées,  pendant  que  le  capitaine  Jan  Rolet  l'a  faict  détenir 
«  prizonier  à  Chabeuilh,  pour  raison  du  debte  que  le  mandement 
«  de  Vercors  luy  debvoit  (i).  « 

Et  cependant,  les  exactions  et  fournitures  de  toute  sorte  conti- 
nueront encore  longtemps  à  être  imposées  à  nos  malheureuses 
communautés.  Qu'on  en  juge  par  cet  ordre  de  logement  pour  le 
régiment  du  sieur  de  la  Roche,  ordre  choisi  entre  cent  du  même 
genre. 

«  Le  seigneur  Desdiguières,  gouverneur  et  lieutenant  gênerai  du 
Roy  en  Piedmont  et  Savoye,  et  commandant  generallement  en 
Daulphiné  pour  le  service  de  Sa  .Majesté  :  estant  bien  nécessaire 
de  pourvoir  au  soulagement  des  villages  quy  ont  logé  le  régiment 
du  sieur  de  la  Roche  despuys  le  dernier  establissement,  nous 
ordonnons  que  les  consuls  et  communautées  soubs  nommées 
fourniront  logis  et  vivres  au  susdict  régiment  à  la  forme  que 
s'ensuit,  scavoir  :  La  Chodière,  Saint-Benoit  et  Rimond,  logeront 
la  compagnye  du  sieur  de  la  Roche  ;  La  Chapelle  en  Vercos, 
Saint-Martin,  Saint-Jullien,  Saint-Agnan,  logeront  la  compagnye 
du  cappitaine  Rousset  ;  Vassieu,  Rencurel  et  le  Plan  de  Bays, 
logeront  la  compagnye  de  Monsieur  de  la  Touche  ;  Hespenel 
et  Véronne  logeront  la  compagnye  du  cappitaine  la  Cloche. 
A  tous  les  soldats  duquel  régiment  sera  fourny  par  les  sus- 
dicts  consuls  et  communautés  pour  chascun  et  pour  chasque 
jour   trente   onces    de    pain,  une    livre  chair   et   un    pot   de    vin, 

XX 

(i)  -Minut.  cit.,  protoc.  Chalvet,  n"  93,  ff.  Ixij-iiij  et  iiij  iv. 


144  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

«  et  ce  durant  huict  jours  ,  qu'il  sera  autrement  ordonné  à 
«  commencer  du  jour  que  lesdites  compagnyes  seront  logées  . 
«  Deffendant  aux  cappitaines  de  chasque  compagnye  de  permettre 
«  que  les  soldats  tiennent  davantage  que  d'un  laquais  de  quatre 
«  en  quatre,  n'y  qu'il  soit  payé  pour  tout  droict  des  membres 
«  que  vingt  payes  à  la  forme  de  nos  règlements  en  nostre  pre- 
«  cedente  ordonnance,  ny  qu'il  soit  commis  aucun  abus  ny  desor- 
«  dre  sur  les  susdicts  villages  à  peyne  de  nous  en  estre  responsables 
«  de  leur  vie. 

«  Faict  au  conseil  tenu  à  Grenoble,  ce  premier  demay  1598. 

0   Lesdiguières. 

«   ChoUier.   » 
(Sceau). 

Le  17  juillet  1593,  les  dîmes  du  Vercors  sont  affermées  ;  mais  les 
quantités  en  sont  minimes,  et  la  ferme  est  passée  par  «  noble  Just 
Dubayle,  segneur  de  Lambres,  »  agent  «  de  Monsegneur  de  Ba- 
lany,  »  lequel  «  prend  et  a  accoustumé  prendre  »  les  «  dismes  »  au 
«  mandement  dud.  Vercors.  »  Un  acte  du  lendemain  nous  explique 
qu'il  s'agit  des  «  dismes  que  mon  segneur  l'Evesque  de  Dye,  ou, 
«  pourluy,  mon  segneur  Balany,  a  accoustumé  prendre  »  aud.  lieu- 
C'est-à-dire  que  les  temps  étaient  alors  encore  bien  orageux  ; 
l'évêque  en  fuite  devant  les  ravages  et  les  incendies  des  religionnai- 
res,  ne  pouvait  faire  administrer  que  d'une  manière  bien  imparfaite 
ses  revenus  du  \^ercors  et  de  ses  autres  terres.  11  crut  devoir  en  con- 
fier le  tout  ou  une  partie  à  son  cousin  Jean  de  Montluc,  seigneur 
de  Balagny,  qui  était  militaire  et  bien  vu  du  roi.  De  son  côté,  le 
seigneur  de  Lambres,  noble  Just  du  Bayle,  était  un  homme  énergi- 
que, ayant  la  confiance  de  Balagny.  On  le  trouve  châtelain  de 
Vercors  en  juin  1594. 

Cependant  le  service  divin  reprenait  alors  dans  la  région.  Le  i*"" 
septembre  1591,  noble  Michel  de  Chafardon  se  chargeait  de  celui 
de  Vassieux  (\).  A  la  Chapelle,  l'évêque,  en  visite  le  10  juin  1604, 
trouvait  l'église  «  soubs  le  vocable  de  la  bcnoicte  et  sacrée  vierge 
Marie  »  dans  l'état  que  nous  avons  dit  ;  mais  il  y  avait  un  curé, 
nommé  l'^rançois  Bouchaton  (2).  Le  prélat  enjoignit  à  ce  dernier  de 

XX 

(i)  Minutes  cit.,  rcg.  protoc.  de  Pierre  Chalvet,    71"  93.  (ï.  Ixvij  et  ixx. 
(2)  Encore  curé  de  la  Chapelle  en  juin    1609.  (Arch.    cit.,   fonds  de  la  Ciiapellc- 
en-V.) 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  I45 

bien  remplir  sa  charge  et  de  tenir  registre  des  baptêmes,  mariages 
et  sépultures.  Il  ordonna  aux  habitants  «  en  la  personne  de  Gabriel 
Romey  vichastelain,  Gaspard  Blanc,  Estienne  et  François  Allard,  » 
de  «  faire  parachever  l'église,  »  de  faire  couvrir  les  fonts  baptis- 
maux et  de  fournir  une  tabernacle,  un  porte-Dieu,  une  croix,  un 
calice,  etc. 

Hélas  !  les  habitants  ne  satisfirent  guère  à  l'ordonnance  épisco- 
pale.  Le  dimanche  23  juin  1614,  Jean  Varnier  vicaire  général,  visi- 
tant cette  église,  dont  Jean  Revil  était  curé,  dut  prescrire  aux  consul 
et  conseillers  l'acquisition  de  nappes,  d'un  «  tabernacle  pour  reposer 
le  St-Sacrement,  »  d'un  «  ciboire  pour  le  porter  aux  pauvres  malades 
avec  plus  de  vénération,  »  et  d'une  «  custode  pour  honorer  la  pro- 
cession du  jour  et  feste  du  précieux  corps  de  Notre-Seigneur.  »  De 
son  côté,  le  curé  eut  ordre  de  fournir  des  corporaux  «  honnestes  » 
pour  la  messe,  «  d'orner  son  autel  d'un  tableau  à  l'honneur  de  la 
glorieuse  Vierge  Marie,  soubs  le  vocable  de  laquelle  est  sacrée  lad. 
églize,  de  faire  blanchir  le  choeur  d'icelle  église,  et  ouvrir  de  façon  la 
fenestre  dud.  chœur  qu'elle  donne  sufllsamment  de  jour  sur  led. 
autel.  »  L'église  était  d'ailleurs  •  en  assez  bon  estât,  »  et  le  cimetière 
bénit  de  la  paroisse  la  touchait  (i). 

Un  des  soins  les  plus  attentifs  de  nos  évêques  dans  le  cours  de 
leurs  visites  au  XVIl"  siècle,  fut  de  faire  respecter  les  choses  catho- 
liques par  les  protestants  et  de  ramener  ceux-ci  au  giron  de  l'Eglise. 
Grâce  aux  facilités  que  leur  donnait  ledit  de  Nantes,  ces  pauvres 
frères  égarés  furent  d'abord  fort  à  l'aîse  au  Vercors.  Le  14  décem- 
bre 1606,  le  consistoire  de  Die  délibérait  sur  la  conduite  de  Liotard, 
ancien  de  l'église,  qui,  au  retour  du  colloque  de  la  Baume-Cornil- 
lane,  où  .il  avait  été  député,  avait  «  joué  aux  cartes  au  Vercors  et 
perdu  six  écus  et  les  papiers  qu'il  portait.  »  Heureusement  que,  s'é- 
tant  aperçu  de  la  disparition  de  ces  derniers,  Liotard  les  avait  fait 
crier  et  retrouvés  (2).  De  tous  les  protestants  du  Vercors  il  se  forma 
une  église  rangée  dans  le  colloque  du  Viennois.  On  leur  trouve  pour 
ministres  en  1609  Daniel  Monin,  de  1610  à  161  3  Pierre  de  Bonniol, 
de  161 3  à  1617  Jean  Bonnet,  de  i6ig  à  16:^0  Abraham  de  Colignon. 
Mais  le  nombre  de  ces  protestants  alla  en  diminuant  de  plus  en 
plus  (3).  Le  2  juillet  1644,  l'évêque  trouvait  seulement  à  la  Chapelle 

(i)   Arch.  de  la  Drôme,  fonds  de  Die,  visites, 

(2)  Arch.  cit.,  D,  55 . 

(3)  Bulletin  archéol.   de  la  Drôme,  VIII,   389. 

Bull.  VIII,  1888.  11 


146  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

«  4  familles  huguenotes,  v  à  côté  de  140  familles  catholiques.  Parmi 
celles-là  était  la  famille  de  Daniel  Chalvet,  notaire  du  lieu,  lequel, 
dans  son  testament  du  ^o  juin  1652,  élisait  sépulture  «  au  cimetière 
de  ceux  de  la  religion  réformée,  de  laquelle  il  faisait  profession  (i).  » 

En  1658,  Daniel  de  Cosnac  trouve  150  familles  catholiques. 
«  n'ayant  que  6  de  la  r('eligion)  p(rétendue)  r(éformée),  auquel  le 
ministre  du  Pont  en  Royans,  par  usurpation,  vient  parfois  prêcher 
dans  des  maisons  particulières.  »  il  y  avait  donc  quelque  augmenta- 
tion du  protestantisme  ;  mais  celle-ci  était  tout-à-fait  accidentelle, 
à  moins  qu'il  ne  faille  l'attribuer  à  l'action  d'un  certain  De  Fassion, 
ministre  au  Vercors  vers  ce  temps.  Quoiqu'il  en  soit,  la  Chapelle 
reprit  si  bien  sa  marche  vers  l'unité  religieuse,  que  la  révocation  de 
l'édit  de  Nantes,  en  1685,  y  passa  presque  inaperçue,  et  qu'un  Etat 
de  1706  signale  dans  la  paroisse  «  680  paroissiens  »  tous  «  anciens 
catholiques,  »  sauf  «  7  ou  8  nouveaux  convertis,  et  seulement  deux 
«    personnes  »  n'ayant  pas  fait  d'abjuration  (2).  » 

Ce  précieux  résultat  fut  l'œuvre  d'une  administration  féodale,  civile 
et  judiciaire  qui  s'inspirait  des  sentiments  catholiques  des  seigneurs 
du  Vercors,  surtout  de  ceux  de  l'évêque,  haut-seigneur  de  ce  pays. 
Il  fut  aussi  lœuvre  de  ces  confréries  du  Très-Saint-Sacrement  et  du 
Saint-Rosaire  qui,  en  affirmant  hautement  la  foi  antique  de  l'Eglise 
à  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie,  et  la  dévotion 
du  peuple  chrétien  envers  la  Mère  de  Dieu,  étaient  une  protestation 
vivante  et  continuelle  contre  les  fantaisies  des  hérétiques.  Mais  il  ne 
fut  pas  moins  l'œuvre  du  zèle  que  pasteurs  et  fidèles  mirent  à  rele- 
ver le  culte  et  les  édifices  religieux,  et  dont  voici  les  faits  principaux 
à  partir  de  1630. 

Vers  cette  date,  l'évêque  avait  pour\u  des  fonctions  curiales  de  la 
Chapelle  François  de  Vaucoret,  docteur  en  théologie,  que  nous  trou- 
vons curé  du  lieu  en  mai  1633,  ^^  ai'bitre  en  1634  d'un  différend  pour 
les  dîmes  de  Feugey  entre  les  Minimes  de  Saint-Jean-en-Royans  et 
le  cure  d'Oriol.  Vaucoret  avait  encore  la  cure  de  la  Chapelle  en 
août  1641.  Mais  en  juillet  1644  le  curé  pourvu  était  M""  Pierre  de  la 
Motte,  et  le  curé  commis  M*^  Guillaume  Boursier  ;  Lazare  de  Vauco- 
ret, «  estranger,  »  détenait  et  «  se  jactait  d'emporter  hors  de  cesle 
province  un  calice  et  patène  d'cslain,  le  livre  des  baptesmes,  »  qu'il 
détenait,  ainsi  que  les  titres  de  ladite  cure,  de  la  chapelle  de  Jouve- 

(i)  Minut.  cil.,  proloc.  P.  Gauthier,  rcif.  G,  f.   118-22. 

(2)  Arch.  cit.,    Visites  de  Die  cl  fonds  de  la  Chapclie-en-Vercors. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  147 

Pertuis  et  d'autres  «  bénéfices  dont  feu  M"  François  de  Vaucoret 
avoit  esté  pourveu,  »  et  le  prélat  en  prescrivait  la  restitution  dans  le 
délai  de  huit  jours.  Le  chœur  de  l'église  était  alors  «  voûté,  blanchi 
et  planché,  »  et  la  nef  «  lambrissée,  planchée  et  blanchie.  »  Il  y  avait 
un  tabernacle,  i  ciboire  d'étain  doré,  i  calice  et  sa  patène  d'argent 
doré,  outre  le  calice  détenu  par  Vaucoret  ;  sur  le  coin  du  chœur 
était  «  une  niche  à  laquelle  »  se  trouvait  une  cloche  d'environ  300 
livres  ;  sur  la  porte  était  une  tribune  pour  les  Pénitents. 

Le  1"  mai  1653,  "  noble  Flotard  de  Moret,  sieur  de  Chanront, 
prévost  de  l'esglise  St-André  de  Grenoble,  prieur  curé  de  Nostre 
Dame  de  la  Chapelle  en  \  ercors,  »  chargeait  Louis  Armand,  curé 
de  St-Agnan,  d'arrenter  les  fonds  et  revenus  de  ladite  cure  de  la 
Chapelle,  et,  le  29  juin  suivant,  Armand  arrentait  en  effet  ceux-ci, 
pour  un  an,  à  Benoit  Bodin,  vichâtelain  du  Vercors.  Cependant, 
Pierre  Buissarat,  prêtre  de  Grenoble,  curé  de  la  Chapelle,  avait  fait 
résignation  de  cette  cure  à  «  Fransois  Moret,  cler  de  Grenoble,  » 
et  cette  résignation  était  admise  en  cour  de  Rome,  le  7  février  1654. 
Le  30  avril  suivant,  Reynaud,  vicaire  général  et  officiai  de  Die, 
donnait  le  forma  dignum,  et  le  surlendemain,  2  mai,  François 
Moret  était  mis  personnellement  en  possession  de  la  cure  «  par 
l'entrée  et  sortie  de  l'esglise  de  la  Chapelle  sous  le  vocable  de  l'As- 
somption Nostre  Dame,  »  et  d'autres  cérémonies.  Puis  le  4  du  même 
mois,  le  nouveau  curé  arrentait  pour  4  ans  les  revenus  de  son  béné- 
fice à  Jacques  Gautier  La  Chau  et  André  Boulhane  de  St-Agnan. 
Claude  Rolland  était  alors  «  vicaire  »  de  la  Chapelle.  Moret  était 
encore  curé  de  la  Chapelle  en  mai  165O  (ij. 

Le  18  septembre  156S,  Daiiel  àt  Cosnac  faisait  sa  visite  canoni- 
que à  la  paroisse.  Michel  Boutavin,  curé  titulaire,  était  malade. 
L'église  contenait  un  autel  garni  d'un  tableau  et  surmonté  d'un 
petit  tabernacle  en  bois  sans  pavillon.  Le  tableau  peint  à  l'huile, 
représentant  l'Assomption  et  sans  cadre,  était  «  attaché  à  des  aix  » 
servant  de  ciel  audit  autel.  Le  sanctuaire  et  la  nef  n'étaient  pas  blan- 
chis ;  la  fenêtre  du  côté  de  l'épître  était  sans  barres  ni  vitres  ;  il  n'y 
avait  point  de  lampe,  quoique  la  communauté  dût  30  livres  pour  le 
luminaire  «  au  moyen  d'un  petit  disme  »  pris  dans  la  paroisse  ;  la 
communauté  faisait  «  travailher  à  réparer  le  clocher.  »  L'évêque 
prescrivit  aux  habitants   d'acheter  un   ciboire  en  argent  et  de   faire 

(i)  Arch.  cit.,  fonds  de  la  Chapelle-en-V.  et  de  Saint-Jean-en-Royans,  et  Visites 
de  Die  ;  —  Minut.  cit.,  reg.  de  Gautier  coté  I,  f.  77-8,  et  K,  f.  26-31. 


148  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

«  parachever  le  clocher,  »  au  curé  de  fournir  l'huile  pour  la  lampe, 
moyennant  les  30  livres  qu'il  recevait  annuellement  pour  cela,  et  au 
prieur  de  faire  blanchir  le  chœur.  Un  don  de  75  livres,  destiné  à 
l'achat  d'ornements  et  fait  par  Pierre  Paulet,  trouvait  à  point  son 
emploi. 

A  Hippolyte  Chovin,  «  curé  commis  »  de  la  Chapelle  en  1662  et 
en  1666,  avait  succédé  en  1676  Jean-François  Royannez,  remplacé 
lui-même  par  «  Jean  de  Nevache,  prebtre  de  Bardonnenche  en 
Briansonnois,  »  qui  était  au  Vercors  eu  décembre  1677  et  fonction- 
nait en  octobre  168 1  comme  «  curé  de  la  Chapelle.  »  Cependant  on 
trouve  vers  i66g  Dimonier,  prieur  de  Vercors,  aumônier  du  duc  de 
Lesdiguières  et  recteur  de  la  chapelle  Sainte-Catherine  de  Crest, 
lequel  n'est  peut-être  autre  que  Jacques  Dimonier,  du  diocèse 
d'Orange,  curé  delà  Chapelle  en  1687  et  alors  âgé  de  40  ans. 

Ce  fut  ce  dernier  qui,  le  4  août  i68g,  reçut  .-Vrmand  de  Montmorin, 
vicaire  général,  officiai  et  évêque  nommé  de  Die,  faisant  sa  visite 
canonique  à  la  Chapelle.  La  paroisse  avait  alors  800  communiants  ; 
l'église  était  assez  bien  ornée,  mais  pas  assez  grande  ;  le  sanctuaire, 
voûté  en  forme  de  coquille,  était  éclairé  d'une  fenêtre  vers  l'épitre,  et 
partagé  par  une  cloison  d'ais  contre  laquelle  se  trouvait  «  placé  l'au- 
tel de  paroisse  ;  celui-ci  était  en  maçonnerie,  avait  4  pieds  de  long 
sur  2  et  1/2  de  large,  et  était  surmonté  d'un  «  tabernacle  avec  ses 
gradins  doré  très-propre,  au-dessus  duquel  »  était  «  un  tableau  peint 
en  huile  représentant  l'Assomption  de  la  Ste-Vierge,  enchâssé  dans 
un  cadre  d'esculpture  doré.  »  La  sacristie,  située  derrière  le  maître 
autel,  était  bien  pourvue  en  vases  sacrés  et  ornements.  La  nef  était 
lambrissée  proprement  et  «  planchée  de  bois  sapin  ;  »  au  bas,  à 
main  gauche  en  entrant,  étaient  les  fonts  baptismaux,  dont  la  cuve 
en  pierre  était  couverte  d'une  porte  en  sapin  hérissée  de  pointes  de 
fer  par  le  haut.  La  tribune,  assez  propre  et  avançant  de  18  pieds  dans 
la  nef,  était  trop  grande  et  rendait  la  nef  trop  obscure.  La  toiture 
était  en  «  essendons.  »  Enfin,  à  côté  du  chœur  s'élevait  le  clocher, 
a  d'une  figure  carrée  »  et  «  dont  l'éguile,  »  aussi  bien  que  le  reste, 
était  «  de  massonerie  ;  »  au-dedans  était  une  clcjche  d'environ  6 
quinlau.x.  Le  couxert  de  ce  clocher  demandait  réparation  (i  ). 

(1)  Arch.   cit.,  visites  cit.  cl  B,  212,   1091  ;  —  Minut.  ch.,  passim. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

L.  FILLET. 


MARIE   DE   MONTLAUR 

MARÉCHALE  D'ORNANO 

ET    LE 

Relèvement  du  Culte  Catholique 

DANS  LA  VILLE  D'AUBENAS 

(Suite). 


II 

Le  lecteur  aura  remarqué  que  la  somme  de  312  liv.  10  s.  affectée 
par  la  veuve  du  Maréchal  d'Ornano  à  la  pieuse  fondation  dont  nous 
venons  de  parler  est  dite  la  moitié  de  la  pension  due  par  les  habi- 
bants  et  la  communauté  d'Aubenas  à  la  comtesse  de  Montlaur.  A 
quelle  occasion  cette  dette  avait  elle  été  contractée  et  que  devint  la 
seconde  moitié  de  la  susdite  pension  ?  La  réponse  à  ces  questions 
nous  est  donnée  par  deux  délibérations  du  conseil  général  d'Aube-" 
nas  et  nous  y  retrouvons  encore  de  la  part  de  la  baronne  du  lieu 
un  acte  de  charité  d'abord,  puis  une  pieuse  fondation  pour  le 
relèvement  du  culte  catholique. 

On  se  souvient  de  l'état  malheureux  où  avait  été  réduite  la  ville 
d'Aubenas  après  les  guerres  de  la  prétendue  Réforme,  la  ville  aux 
abois  eut  recours  à  Marie  de  Montlaur  et  lui  emprunta  la  somme  de 
dix  mille  livres  avec  charge  d'une  pension  annuelle  de  625  liv. 
Voilà  l'origine  de  la  pension  mentionnée.  Mais  pour  bien  apprécier 
et  l'affreuse  pauvreté  du  temps  et  la  difficile  position  de  la  ville 
d'Aubenas,  pour  bien  comprendre  par  suite  le  service  rendu  en 
cette  occasion  par  la  Maréchale,  il  est  bon  de  lire  les  considérants 
de    la  délibération  tenue  à  cet  effet  le  i"  avril  162g  (i).  Il  y   est  dit  : 

(i)  Nous  donnons  ici  le  début  de  cette  délibération    du   conseil  d'Aubenas,  parce 
qu'on  y  lira  avec  intérêt  les  noms  des  principaux  habitants  de  la  ville  en  1629. 
«  L'an  1629  et  le  i"  jour  du  mois  d'apvril,  environ  midy,  dans  la  maison  de  ville, 


1,0  .MARIE    DE    MONTLAUR    ET    LE    RELEVEMENT 

«  Les  sieurs   Régents   ont   proposé   comme  ils    sont  poursuivis   au 

«  pa3'ement  de  la  somme  de   cinq  mil  livres  et   interests  d'icelle  au 

«  dixiesme   denier  dès  le  second  octobre  dernier  en  quoy  les  précé- 

«  dents  Régents  se  sont  obligés  au  sieur  Jean  Chirac  marchand  de 

«  Lyon   le  2  juin    1628  pour  mesme  somme  de  cinq  mil  livres  que 

«  ledit    sieur  Chirac   a  emprunté  pour  à  la  banque   dudit  Lyon  au 

«  cours  de  la  place  et  change  audit  prix,  comme  aussi   ils  doibvent 

«  plusieurs  sommes  à  plusieurs  particuliers  de  la  dicte  ville  qui    les 

«  pressent  et   poursuivent    en   justice    de  payement,  comme  encore 

«  ils  sont  pressés    et  poursuivis   pour   le  payement    de    la    somme 

«  549  livres  12  s.  3  d.  dont  ils  ont   receu  la  mande  long  temps  y  a 

«  du  19  mars  dernier  1629  pour  le  payement  des  garnisons  de  Baix 

«  et  le  Pouzin  laquelle  somme  et  mande  il  est  nécessaire  de  promp- 

«  tement  imposer  et  payer  ce  que  lesdits   Régents  ne  peuvent  faire 

«  du  leur  attandu  leur  misère  et  nécessité  de   leurs  affaires  et  que 

par  devant  M""  M'  Louys  de  la  Faye  docteur  en  droict,  juge  en  la  baronnie  d'Aube- 
nas,  estant  illec  assemblés  en  conseil  général  et  à  son  de  cloche  M"'  M'  Joffré  Le 
Meur  docteur  en  médecine,  ^\'  Jean  Desserres  notaire  royal  et  sire  Jacques  Lissi- 
gnol  marchand,  régents  modernes  de  la  dite  ville,  avec  noble  Anthoinc  de  Torlon 
sieur  de  Mortessaignes,  Capitaine  Jean  Pierre  \'incent,  François  Valelon  sieur  de 
Baruze,  Pierre  Colombier  tieur  de  la  Ginestiere.  M"'  M'  Michel  Blachiere  Rodeyron 
advocat,  M''  M"  Pierre  Simon  médecin,  sieurs  Pierre  de  Monslier,  Jean  du  Breton, 
Philip  Blachiere,  Mestre  Pierre  du  Serre,  Mardochée  de  la  Grange  Notere,  sieur 
Jean  Veyrenc,  Henri  Niclot  sieur  de  Fons,  M'  Jacques  Barthélémy  apoticaire,  sire 
Jean  Brun,  Reymond  Pauzier,  Jean  la  Teule,  Claude  Chibran  marchand,  M°  Marin 
Brousse  notaire  royal,  M=  Pierre  Raphel,  Jean  Arnaud,  Philip  Faure,  Jean  Dupuy, 
Alexandre  Albenc,  Jean  Boiron,  Claude  Deliere,  Abraham  et  Pierre  Almeyrac, 
Pierre  Marchand,  Antoine  et  Daniel  Perges,  Pol  Martin,  Pol  Colomb,  Pierre  Ran- 
chel,  Claude  Lussi,  Jean  Coronnel,  Pons  Chaniol,  Claude  la  Garde,  Constantin 
Ferin,  Jean  Cathon,  Pierre  Félix,  Pierre  Vidal,  Jacques  la  Crotte,  André  Cailhol, 
Jacques  Fraisse,  Jean  Jouard  jeune,  Blaize  Nojarel,  \idal  Coronnel,  Estienne  du 
Bois,  Jacques  Grivel,  Jacques  Chastagnon  bouchier,  Claude  Montaigne,  Jean  Gui- 
gon,  François  Vincent,  François  Cornut,  Maurice  Vernol,  Pierre  Blachiere,  Louys 
Lissignol  vieux,  Jean  Sevenier,  Louys  Chastagnon,  Pierre  Vincens,  Anthoine  Jouve, 
Jean  Salomon,  Jacques  Philibert,  François  Recepveur,  Louys  Ililaire,  David  Re- 
genge,  Anthoine  du  Sault,  Jacques  Achard,  Pierre  Marion,  Anthoine  Cuol,  Jean 
Vigier,  Louys  Avond,  Jean  Regenge  mareschal,  Louys  Roux,  Anihoine  Charbonnier 
tailheur,  Vinson  Vincens,  Isaac  Doriol,  Estienne  Faugier,  Jacques  \'ernol  chirur- 
gien, Pierre  Blanc  jeune,  Pierre  Corbier,  Robert  Crotlc,  Claude  Chadanet,  M° 
Pierre  de  Broa  cordonnier,  Claude  Jauffien,  Jacques  Pascal  fils  de  Pierre,  Louys 
Chapus,  Jacques  Pascal  fils  de  Jacques,  Jean  Ferrier,  Jean  Chamhon,  Anihoine 
Chambon,  Jean  Jouar  vieux,  tous  manants  et  habitants  de  ladite  ville  d'Aubenas  et 
son  mandement,  représentant  la  plus  grande  cl  saine  partie  d'icellc  auxquels  les 
sieurs  Régents  ont  proposé,  etc..  » 


DU    CULTE    CATHOLIQUE    A    AUBENAS.  15I 

«  pour  leurs  impositions  faictes  durant  ceste  aimée  et  celle  de  leur 
«  Régence  ils  ne  peuvent  tirer  aucun  payement  des  tailhes  deubes 
«  par  les  particuliers  de  ladite  ville  et  son  mandement  pour  la  pau- 
«  vreté  d'iceux  qui  est  si  grande  par  les  malheurs  de  la  guerre  qu'il 
(I  n'est  possible  de  plus.  La  pluspart  desdits  habitants  et  son  man- 
«  dément  ayant  estes  bruslés  et  pilhés  par  les  désordres  et  guerres 
«  des  Huguenots  et  rebelles  et  en  sorte  que  lesdits  Régents  sont  en 
«  demeure  envers  le  Recepveur  du  pays  desdites  impositions  de 
"  plus  de  cinq  mil  livres  dont  ils  reçoivent  tous  les  jours  des  frais 
«  et  despences  par  les  commissaires  qui  leur  sont  actuellement  sur 
«  leurs  bras  et  leur  ont  desja  faict  plus  de  600  liv.  de  despence  pour 
«  laquelle  ils  seront  nécessités  de  demander  le  remboursement 
ft  envers  les  particuliers  débiteurs  desdits  Régents  et  cottizer  en 
«  leurs  Rolles  soubstcnu  que  des  impositions  faictes  l'année  der- 
«  nière  ou  présente  il  en  est  deub  au  Recepveur  par  ladite  commu- 
«  nauté  plus  de  dix  mil  livres  tant  leur  nécessité  et  misère  est 
«  grande.  ,» 

Là  dessus  le  conseil  délibéra  d'avoir  recours  à  la  Baronne  d'Au- 

benas  pour  tirer  la  ville  de   cette   extrémité.   Toujours  généreuse  et 

charitable  celle-ci  consentit  à  prêter  à  la  communauté  la  somme  de 

.  dix  mille  livres  à  raison  d'une  pension   de  O25  liv.  que  lui  ferait    la 

ville  à  elle  et  à  ses  successeurs. 

Mais  cette  pension  devait  être  convertie  par  la  pieuse  Maréchale 
en  fondations  destinées  à  relever  le  culte  catholique.  Nous  avons  vu 
à  quoi  fut  affectée  la  première  [moitié  des  625  liv.,  la  délibération 
du  24  juin  1629  acceptant  la  fondation  dont  nous  avons  parlé  nous 
donne  en  même  temps  l'emploi  que  Marie  de  Montlaur  fit  des  512 
liv.  10  s.  seconde  moitié  de  la  pension. 

Lorsque  le  26  août  1562  les  huguenots  décidaient  de  vendre  les 
meubles  et  ornements  de  l'Eglise  Romaine  ils  chargeaient  aussi 
certains  forcenées  de  fortifier  ou  de  détruire  les  divers  couvents  et 
sanctuaires  situés  dans  la  ville  ou  près  des  remparts.  De  fait  les 
communautés  religieuses  souffrirent  beaucoup,  la  commanderie  de 
St-Antoine  se  releva  lentement,  et  l'abbaye  de  Ste-Claire  pleinement 
ruinée,  les  revenus  en  furent  donnés  au  collège  d'Aubenas  ;  toutes 
les  Eglises  de  la  ville  furent  rasées  comme  nous  le  confirme  l'acte 
que  nous  avons  cité,  y  compris  la  très  ancienne  Eglise  de  Notre- 
Dame  des  plans  située  sous  Aubenas  et  dans  laquelle  florissait 
depuis  plusieurs    siècles  une  pieuse  Confrérie.  Marie   de    Montlaur 


152  MARIE    DE    iMONTLAUR    ET    LE    RELEVEMENT 

résolut  de  prendre  part  à  la  résurrection  des  Ordres  Religieux.  Elle 
consacra  nous  dit  la  délibération  du  24  juin  1629  les  trois  cent 
douze  livres  qui  restaient  de  la  susdite  pension  «  à  augmenter  le 
«  revenu  du  couvent  St-Dominique  et  pères  prescheurs  d'Aubenas 
«  pour  s'y  pouvoir  entretenir  six  Religieux  célébrants  Messe  ou  il 
«  y  a  peine  d'en  nourrir  quatre  qui  sont  à  présent  audit  couvent 
«  du  revenu  qu'il  y  a.   » 

Ce  don  généreux  fut  accepté  avec  reconnaissance  par  la  ville  qui 
se  chargea  de  payer  au  couvent  des  Dominicains  la  pension  que  lui 
transportait  la  donatrice. 

Ajoutons  en  passant  que  Marie  de  Montlaur  avait  favorisé  de  tout 
son  pouvoir,  deux  fondations  de  religieuses  faites  en  1624,  l'une  à 
Tournon,  l'autre  à  Viviers  sous  le  nom  de  Notre-Dame  du  Rhône. 
En  novembre  1624  elle  reçut  de  concert  avec  frère  Louis  Dupont, 
chanoine  et  commandeur  de  St-Antoine  d'Aubenas,  le  R.  P.  Etienne 
Gérard,  prieur  de  St-Laurent  du  Puy.  Ce  religieux  se  rendait  à 
Viviers  sur  la  demande  de  l'Evêque  Louis  de  la  Beaume  de  Suze  et 
des  consuls  de  cette  ville,  afin  d'examiner  la  très  ancienne  église, 
autrefois  paroissiale,  de  Notre-Dame  du  Rhône,  située  sous  le  châ- 
teau. Cette  église  était  en  ruine  et  le  chapitre  de  Viviers  la  donnait 
à  la  ville  ainsi  qu'une  terre  qui  en  dépendait.  Sur  le  rapport  du 
R.  P.  Gérard,  le  T.  R.  Père  François  Guidi,  provincial  de  la  pro- 
vince du  Puy,  permit  que  Ion  retirât  cinq  religieuses  Dominicaines 
du  monastère  de  Notre-Dame  du  Puy,  pour  fonder  à  Viviers  un 
nouveau  couvent  sous  le  nom  de  Notre-Dame  du  Rhône.  Ces  cinq 
religieuses  furent  :  Jeanne  Croupes,  prieure  ;  Jeanne-Marguerite  de 
Laval,  Thérèse  de  Ligne,  Gabrielle  de  Hautefort,  religieuses  de 
chœur  ;  enfin  la  sœur  Catherine  Rousson.  Elles  s'établirent  à  Notre- 
Dame  du  Rhône  le  19  janvier  1625. 

Un  des  motifs  qui  poussa  Marie  de  Montlaur  à  favoriser  ces  fonda- 
tions fut  l'intérêt  même  des  Demoiselles  d'Aubenas  qui  pouvaient  y 
trouver  un  refuge  dans  ces  temps  d'agitation  et  de  guerres  civiles 
où  souvent  les  dispositions  testamentaires  de  leurs  parents  leur  lais- 
saient à  peine  le  nécessaire. 

La  fondation  de  Tournon  eut  pour  but  particulier  l'éducation  de 
la  jeunesse  avec  une  classe  gratuite  pour  les  pauvres. 

Nous  n'avons  aucun  acte  nous  indiquant  la  part  pécuniaire  que 
prit  à  ces  œuvres  la  pieuse  M"'*'  d'Ornano,  mais  nous  savons  qu'elle 
s'occupa  très  activement  de  la  réussite  de  ces  fondations  et  tout  ce 


DU    CULTE    CATHOLIQUE    A    AUBENAS.  I53 

que  nous  connaissons  de  sa  générosité  ne  permet  guère  de  croire 
qu'elle  se  contenta  d'encourager  et  de  protéger  ces  nouvelles  mai- 
sons religieuses.  Du  reste  ce  fut  sous  son  influence  que  les  Etats 
du  \'ivarais  (i)  réunis  à  Aubenas  en  1624,  votèrent  500  1.  pour  les 
Dominicaines  de  Notre-Dame  du  Rhône. 


111 

Les  autres  établissements  religieux  ou  charitables  d'Aubenas 
reçurent  aussi  de  la  châtelaine  d'abondants  secours,  mais  le  plus 
favorisé  d'entre  eux  fut  sans  contredit  le  collège  des  Jésuites,  dont 
Marie  de  Montlaur  devint  comme  la  seconde  fondatrice. 

Après  la  reprise  d'Aubenas,  le  père  de  la  Maréchale,  Guillaume 
Louis  de  Montlaur,  marquis  de  Maubec,  avait  remplacé  les  profes- 
seurs laïques  employés  au  collège  d'Aubenas  (fondé  en  1574,)  par 
des  Jésuites  que  le  i"  Régent  avait  installés  dans  leurs  fonctions, 
(1587).  A  la  prise  de  la  ville  par  les  Huguenots  le  P.  Salles  et  le 
fr.  Sautemouche  furent  indignement  assassinés,  consacrant  ainsi  de 
leur  sang  le  berceau  de  ce  nouveau  collège  de  la  compagnie. 

Malgré  les  édits  du  parlement  de  Paris  et  les  défenses  d'Henri  IV, 
les  Jésuites  restèrent  en  général  dans  leurs  collèges  du  midi  de  la 
France  grâce  aux  édits  contraires  des  parlements  de  Toulouse  et  de 
Bordeaux.  Aussi  malgré  quelques  troubles  les   Jésuites  d'Aubenas 

(1)  Il  est  curieux  de  voir  le  Vivarais  conserver  encore  ses  Etats  à  cette  époque. 
Leur  existence  est  constatée  au  XIV=  siècle  mais  leur  fondation  remonte  bien  plus 
haut,  car  au.x  Etats  du  Languedoc  leurs  représentants  occupaient  le  premier  rang. 
Douze  barons,  puis  quinze,  représentés  par  leurs  baillis  concouraient  à  former  ces 
Etats  que  présidait  le  baron  de  tour,  c'esl-à-dire  que  chaque  baron  présidait  à  son 
tour  cette  assemblée  de  baillis.  Les  plus  anciennes  délibérations  qui  soient  parve- 
nues jusqu'à  nous  sont  de  la  première  moitié  du  XVI=  siècle  et  nous  montrent  comme 
très  étendue  les  pouvoirs  de  ces  assemblées  du  pa'.s.  Sous  Louis  XIV  nous  les 
voyons  encore  établir  eux-mêmes  l'impôt,  le  répartir,  choisir  les  agents  chargés  de 
le  percevoir,  régler  son  emploi  et  s'en  charger  eux-mêmes.  Ils  font  encore  à  cette 
époque  des  règlements  d'administration  publique  et  s'en  réservent  l'exécution,  etc.. 
Le  Roi  a-t-il  une  guerre  à  soutenir,  il  demande  aux  Etats  un  certain  nombre  de 
troupes,  et  ceux-ci  en  les  fournissant,  les  arment,  les  équipent,  choisissent  eux- 
mêmes  les  officiers,  fixent  la  solde  et  la  payent  jusqu'à  la  limite  du  Vivarais.  Ce- 
pendant absorbés  peu  à  peu  par  les  Etats  du  Languedoc,  ceux  du  Vivarais,  si  en 
1789  ils  avaient  encore  le  nom  d^Etats,  n'étaient  plus  en  réalité  que  des  assem- 
blées chargées  d'asseoir  l'impôt,  avant  pourtant  conservé  un  simple  droit  de  re- 
montrance comme  souvenir  du  passé. 

(Docl.  Francus,  Voyage  au  pays  Helvien,  chap.  Vil,  passitn.) 


154  AlARIE    DE    MONTLAUR    ET    LE    RELEVEMENT 

continuèrent-ils  d'enseigner,  quoique  sans  autorisation,  dans  le 
collège  de  cette  ville.  Mais  ce  n'était  point  là  une  fondation  solide. 
Tant  dep'ersonnes  s'étaient  jetées  dans  le  parti  de  la  Réforme  qu'un 
établissement  définitif  des  Jésuites  dans  le  collège  rencontrait  une 
opposition  qui  pour  être  sourde  n'en  était  pas  moins  tenace.  Rentré 
en  maître  dans  sa  ville  Guillaume  de  INlontlaur  triompha  de  tout  par 
son  énergique  constance.  Il  avait  fait  vœu  de  mettre  les  Jésuites  à  la 
tête  du  collège  s'il  gagnait  un  procès  important  et  se  sentait  fort  de 
son  crédit  à  la  cour,  de  l'appui  du  Parlement  de  Toulouse  et  de  celui 
des  Etats  du  Languedoc.  Aussi  traita-t-il  avec  les  fils  de  S'  Ignace 
par  acte  du  12  février  1603,  en  présence  des  consuls  d'Aubenas  qui 
s'obligèrent  à  concourir  à  l'exécution  des  engagements  pris  par  leur 
seigneur.  Celui-ci  ne  fit  aucune  dotation  fixe,  ni  en  biens  fonds,  ni 
en  capitaux,  mais  se  chargea  de  faire  donner  aux  Jésuites  un  secours 
annuel  de  1500  liv.  pour  l'entretien  de  dix  religieux  de  leur  Ordre 
mis  en  résidence  au  collège  dans  le  but  d'enseigner  les  belles-lettres 
et  de  travailler  à  la  conversion  des  âmes.  Là  vint  prêcher  saint  P'ran- 
çois  Régis,  l'apôtre  du  Vivarais,  et  l'on  conserve  encore  à  Aubenas 
la  chaire  dans  laquelle  ce  Saint  annonça  la  parole  de  Dieu. 

Le  cardinal  François  de  Joyeuse,  archevêque  de  Narbonne,  donna 
à  ces  Pères  une  maison  dans  laquelle  logeaient  déjà  ceux  d'entre  eux 
qui  étaient  à  Aubenas  depuis  quelques  années.  Les  familles  catho- 
liques de  la  ville  y  joignirent  une  autre  maison  contiguë  à  celle  du 
cardinal.  De  son  côté  Jean  deL'Hostel,  Evêque  de  Viviers,  appliqua 
au  collège  les  revenus  de  l'abbaye  de  Ste-Claire  ruinée  par  les  pro- 
testants en  1562  et  dont  les  religieuses  étaient  dispersées.  Enfin  par 
lettres  patentes  du  mois  de  sept,  de  la  même  année  1603,  Henri  IV 
permit  aux  Jésuites  de  résider  dans  les  lieux  où  ils  étaient  établis 
avant  l'édit  de  bannissement  de  1 594  et  dans  le  nombre  de  ces  éta- 
blissements fut  compris  le  collège  d'Aubenas. 

Pierre  de  Chalendar  de  la  Motte  amena  plusieurs  milliers  de  per- 
sonnes à  l'installation  solennelle  des  Jésuites  du  collège  ;  son  exem- 
ple et  son  zèle  contribuèrent  à  la  conversion  de  beaucoup  d'Albéna- 
cicns.  Cette  foule  pieuse  était  venue  en  procession  à  Aubenas  et  ce 
spectacle  avait  touché  le  cœur  de  bon  nombre  de  calvinistes. 

Cependant  ce  n'était  encore  là  qu'un  commencement,  il  était 
réservé  à  notre  pieuse  Maréchale  de  fonder  pour  ainsi  dire  à  nouveau 
ce  collège  et  de  le  transformer. 

Déjà  son    mari  Alphonse  d'Ornano  avait  fait,  probablement  sur 


DU   CULTE    CATHOLIQUE  A   AUBENAS.  I55 

son  invitation,  une  pension  annuelle  de  600  liv.  Il  est  vrai  qu'en 
16 17  il  la  réduisit  à  300  liv.,  mais  ce  fut  parce  que  les  revenus  des 
Jésuites  venaient  de  s'augmenter  de  ceux  du  prieuré  de  Ste-Croix 
située  à  peu  de  distance  de  la  ville,  du  côté  de  St-Pierre-le-Vieux. 
Ce  prieuré  relevait  au  temporel  de  Marie  de  Montlaur,  les  posses- 
seurs lui  devaient  un  hommage  annuel,  aussi  pensons-nous  que  ce 
fut-elle  qui  inspira  au  général  des  Jésuites  de  demander  ce  bénéfice 
à  Paul  V  qui  le  lui  accorda  ponr  le  collège  d'Aubenas.  Cela  paraît 
d'autant  plus  probable  que  ce  prieuré  et  l'hommage  dû  aux  Sei- 
gneurs d'Aubenas  sont  formellement  mentionnés  dans  un  document 
dont  il  nous  reste  à  parler. 

Tout  le  monde  sait  dans  le  Bas-Vivarais  que  la  Maréchale  d'Or- 
nano  fit  construire  l'église  et  les  bâtiments,  du  collège  dont  nous 
parlons,  mais  une  pièce  importante  nous  révèle  plus  clairement  et 
d'une  manière  plus  précise  la  munificence  de  Marie  de  Montlaur  à 
l'égard  des  Jésuites  d'Aubenas.  Nous  voulons  parler  des  Lettres 
patentes  envoyées  le  28  juin  1644  à  la  Maréchale  d'Ornano  par  le 
T.  K^  Père  Mutins  Vitelleschi  général  de  la  Compagnie  de  Jésus. 
Après  avoir  dit  que  le  collège  d'Aubenas  fut  commencé  par  Louis 
de  Montlaur,  et  augmenté  par  le  Maréchal  J.-B.  d'Ornano,  le  géné- 
ral des  Jésuites  ajoute  qu'outre  le  sol  et  les  revenus  déjà  accordés 
à  ce  collège,  la  Dame  du  lieu  à  donné  un  très-ample  espace  de 
terrain  pour  y  construire  plus  commodément  une  église,  des  classes 
et  les  autres  édifices,  assignant  en  outre  libéralement  à  l'établisse- 
ment la  somme  de  trente  mille  livres.  «  Praeter  antiquum  solum  et 
«  reditum  a  praedictis  domnis  datum  et  procuratum,  ipsa  Dornna  de 
«  novo  per  amplum  spatium  ad  templum,  scholas  cœteraque  aedifi- 
«  cia  commodius  extruenda,  et  triginta  librarum  millia  ad  censum 
0  tuto  collocata,  liberaliter  assignaverit  ac  donaverit  donatione  inter 
«  vivos.  »  La  comtesse  de  Montlaur  exemptait  en  outre  le  collège  de 
toutes  charges  et  redevances  afin  de  faciliter  l'éducation  de  la  jeu- 
nesse, exception  faite  toute  fois  de  l'hommage  dû  pour  le  prieuré  de 
Ste-Croix  et  pour  la  directe  et  censé  annuelle  que  payaient  quelques 
maisons  ajoutées  au  corps  principal  de  l'établissement.  Des  actes 
du  17  sept.  1638,  du  4  mai  1640  et  du  23  sept.  1640  sont  mention- 
nés comme  réglant  les  conditions  des  susdites  donations.  Nous 
savons  en  outre  que  l'église  et  le  collège  s'élevèrent  sur  ce  nouvel 
emplacement  grâce  aux  libéralités  et  aux  encouragements  de  la 
pieuse  veuve.  Aussi  après  avoir  loué  la  piété  et  le  zèle  de  cette  Dame 


156  LE    TRIÈVES    PENDANT 

pour  le  salut  de  ses  sujets,  le  P.  Vitelleschi  accepte-t-il  la  donation 
et  déclare-t-il  donner  à  Marie  comtesse  de  Montlor  le  titre  de  fonda- 
trice du  collège  d'Aubenas  avec  toutes  les  prérogatives  et  tous  les 
privilèges  accordés  aux  fondateurs  des  collèges  de  la  Compagnie. 
On  peut  voir  encore  aujourd'hui  dans  le  château  d'Aubenas,  devenu 
la  -Maison  Communale,  le  portrait  de  la  Maréchale  qui  se  conservait 
au  collège  des  Jésuites  et  qui  porte  cette  inscription  :  Fondatrice  du 
collège. 

Ce  collège  vit  pendant  20  ans  au  nombre  de  ses  professeurs  le 
R.  P.  de  Rouville  arrêté  à  Aubenas  et  décapité  pendant  là  Révolu- 
tion dans  la  ville  de  Privas,  où  son  tombeau  est  demeuré  en  grande 
vénération  (i). 

H.  JAUBERT. 
(La  suite  au  prochain  numéro). 

(i)  Voir  l'intéressante  notice  publiée  naguère  sur  le  R.  P.  de  Rouville  par  le 
R.  P.  François  Rousset,  S.  J. 


LE  TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

d après  des  documents  officiels  et  inédits. 

(Suite) 


Les  délégués  durent  trouver  la  journée  bonne,  car  ils  rapportèrent 
fièrement  une  paire  de  vieux  pistolets,  et  une  épée  que  M.  Alexan- 
dre Leblanc  de  Prébois,  ancien  capitaine  d'artillerie,  avait  jadis 
teinte  du  sang  des  ennemis  de  la  France.  Leur  victoire  facile  les 
enivra  cependant  d'une  joie  délirante,  et  ils  revinrent  en  poussant  de 
grands  hourras  (  i  ). 

Le  mois  daoùt  et  les  suivants,  jusqu'en  juillet  1794,  furent  em- 
ployés surtout  à  poursuivre  les  prêtres  rêfraclaires.  Dans  celle  cliasse 

(i)  Souvenirs  conserves  clans  le  pays. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  I57 

à  l'homme,  là  garde  nationale  de  Mens  eut  le  triste  mérite  de  se  dis- 
tinguer. Sa  plus  brillante  expédition  fut  à  Tréminis. 

Le  vénérable  M.  Beau  était  dans  cette  paroisse,  où  des  parents 
chrétiens  avaient  attendu  son  arrivée  pour  faire  baptiser  leurs  en- 
fants qu'ils  lui  apportaient  en  cachette.  11  vaquait  à  ce  saint  exercice 
dans  une  maison  du  Serre  quand  tout  à  coup  des  gardes  nationaux 
et  des  gendarmes  survinrent  et  s'emparèrent  de  lui. 

On  avait  pris  un  prêtre,  celui-là  même  que  le  directoire  de  Gre- 
noble traitait  de  «  bête  féroce  du  Trièves  »  en  recommandant  aux 
agerits  de  la  force  publique  de  le  sur\^eiller  et  arrêter  le  plus  tôt  pos- 
sible ;  certes  la  capture  était  importante  et  il  fallait  la  célébrer  sur 
les  lieux  mêmes.  Gendarmes  et  gardes  nationaux  se  mettent  à  table 
et,  pour  que  leur  prisonnier  n'échappe  point,  l'enferment  dans  une 
cave  située  sous  l'appartement  où  ils  se  trouvaient.  Cette  circons- 
tance fut  cause  de  sa  délivrance  ;  la  cave  avait  une  petite  ouverture 
donnant  sur  le  chemin  qui  traverse  le  village.  A  l'aide  d'une  presse 
en  fer  apportée  par  deux  femmes  pendant  que  d'autres  faisaient  le 
guet,  M.  Beau  démolit  le  cadre  de  la  croisée  en  mauvais  état  et  il 
s'enfuit,  mais  pour  revenir  plus  tard  continuer  ses  visites  et  s'expo- 
ser aux  mêmes  dangers  pour  le  salut  des  âmes  (i). 

M.  Liotard,  vicaire  de  Clelles,  se  cacha  pendant  dix-huit  mois  dans 
le  grenier  à  foin  de  son  beau-frère,  Jean-Baptiste  Charrot,  alors 
maire  de  St-Michel-les-Portes,  et  il  continua  d'aller,  la  nuit,  admi- 
nistrer les  sacrements  et  visiter  les  malades.  11  disait  souvent  la 
messe  à  Toranne  dans  un  bouquet  de  pruniers  sauvages,  dont  le 
feuillage  épais  dissimulait  un  modeste  autel  dressé  contre  un  ro- 
cher (2). 

De  son  côté  M.  Testou  n'était  point  inactif  et  à  l'abri  des  pour- 
suites. Il  fut  arrêté  plusieurs  fois,  mais  toujours  délivré.  Peu  après 
la  dénonciation  qu'avait  envoyée  contre  lui,  en  juillet  de  l'année  pré- 
cédente, la  municipalité  de  Mens,  un  détachement  de  la  garde  na- 
tionale se  saisit  de  sa  personne,  un  matin,  dans  la  cure  de  Cordéac 
et  se  mit  en  route  pour  le  conduire  à  la  Mure.  Arrivé  au  pont  de 
Cognet,  le  chef  du  détachement,  M.  Demaffé,  dit  à  son  prisonnier: 
«  Je  pense  que  vous  n'avez  pas  besoin  de  nous  pour  vous  rendre  à 
Grenoble,  allez  vous-même  vous  présenter  à  la  prison.  »  Puis  il 
lui  attacha  les  cheveux  comme  les  portaient  alors  les  simples  citoyens 

(1)  Souvenirs  conservés  dans  plusieurs  familles. 

(2)  Réponses. 


158  LE    TRIÈVES    PENDANT 

et  répondit  à  quelques-uns  de  ses  hommes  qui  proposaient  de  jeter 
le  vénérable  prêtre  dans  le  Drac  plutôt  que  de  le  laisser  aller  ainsi  : 
«  Ne  souillons  pas  l'eau  que  doivent  boire  les  vrais  patriotes.  Il 
vaut  mieux  qu'il  aille  en  prison.  »  M.  Testou  marcha  dans  la  di- 
rection de  la  Mure,  tant  que  purent  l'apercevoir  les  auteurs  de  cette 
assez  singulière  arrestation  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  revenir  sur  ses 
pas  et  se  rendit  à  Cordéac,  où  sa  cachette  ordinaire  était  chez 
M.  Gros,  de  la  Grange  de  Morges.  Il  se  trouvait  un  jour  chez  ce  der- 
nier, quand  des  gardes  nationaux  investissent  tout  à  coup  la  maison. 
Dubordeaux,  le  commandant,  veut  rassurer  le  proscrit  ;  il  entre  seul 
dans  l'appartement  où  était  dissimulé  le  bon  prêtre  en  un  petit  ré- 
duit ;  il  se  fait  servir  à  boire  et  ordonne  à  ses  hommes  de  fouiller 
tout  le  reste  de  la  maison  pour  se  saisir  «  du  sacré  calotin  «.  On  ne 
soupçonna  point  que  M.  Testou  était  dans  l'appartement  même  où 
buvaient  Dubordeaux  et  le  propriétaire  et  on  se  retira  sans  avoir  rien 
découvert.  Ces  deux  faits  honorent  d'autant  plus  MiM.  Demafié  et 
Dubordeaux,  que  tous  deux  étaient  protestants  (i). 

Malgré  les  vives  instances  qui  lui  en  furent  faites,  M.  Testou  ne 
voulut  jamais  laisser  par  écrit,  ni  même  raconter  d'une  manière  sui- 
vie les  actes  de  son  existence  à  cette  époque  troublée;  aussi  connais- 
sons-nous de  lui  peu  de  faits,  recueillis  un  peu  partout.  Il  fut  le 
plus  ferme  appui  de  la  religion  dans  le  Trièves  pendant  la  tour- 
mente révolutionnaire.  Actif,  courageux,  dévoué  jusqu'à  l'excès,  il 
encourageait,  parmi  les  prêtres  et  les  fidèles,  ceux  qui  étaient  restés 
debout,  et  s'efforçait  de  relever  ceux  qui  avaient  faibli  devant  l'orage. 
Quand  les  recherches  étaient  trop  actives  contre  lui  à  Cordéac  et  à 
Morges,  il  parcourait  le  reste  du  canton  et  les  paroisses  de  celui 
de  Clelles.  Son  refuge  ordinaire,  à  Mens,  était  dans  la  maison 
Echevin,  où  il  avait  un  appartement  au  troisième  étage  ;  à  Cornillon 
dans  la  famille  Ripert  ;  à  St-13audille  dans  le  château  de  Mont- 
meilleur,  habité  alors  par  les  MM.  Fluchaire.  Mgr.  d'Aviau,  arche- 
vêque de  Vienne  et  administrateur  de  Die  en  ce  moment,  lui  donna 
les  pouvoirs  de  vicaire-général.  11  voyageait  ordinairement  la  nuit, 
sous  le  déguisement  d'un  mendiant  ou  d'un  marchand  colporteur. 
C'est  travesti  de  la  sorte  qu'il  arriva,  un  soir,  à  Nantes-en-Ralier  :  il 
allait  rendre  visite  à  son  vénérable  ami,  M.  Col  (2),  qui  s'y  était 
caché   chez   son  très  proche  parent,   .M.  l'^-omcnt,  maire  de  la  com- 

(i)  Récit  de  Magl.  Brochicr  el  Réponses. 
(2)  Depuis  curé  du  Bourg-d'Oisans. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  I ÇQ 

mune.  Ce  brave  homme  donnait  alors  à  souper  à  plusieurs  de  ses 
voisins.  Tous  se  levèrent  avec  joie  pour  accueillir  le  faux  mendiant 
et  le  faire  asseoir  à  la  première  place.  On  s'était  remis  à  table  de- 
puis quelques  instants,  quand  des  gendarmes  heurtent  à  la  porte  et 
demandent  si  l'on  n'a  pas  vu  passer  un  prêtre  déguisé.  «  Citoyens, 
leur  répondit  le  maire,  ne  descendez  pas  de  cheval  ;  les  moments 
sont  précieux,  profitons  de  celui-ci  pour  trouver  le  réfractaire.  Vous 
viendrez  ensuite  trinquer  le  verre  en  famille.  Je  vais  moi-même  pren- 
dre ma  canne  et  vous  accompagner.  »  Ainsi  fut-il  fait,  mais  quand 
les  gendarmes  revinrent,  M.  Testou  était  allé  se  cacher  dans  un  pré 
qu'on  lui  avait  désigné,  et  il  put,  après  leur  départ,  reprendre  sa 
place  à  table  (i). 

Pendant  les  plus  mauvais  jours  de  la  terreur,  MM.  Vette,  Bou- 
rillon  Clément,  Liotard,  Audemard,  Berthon,  Baud  montrèrent  un 
dévouement  semblable  et  purent,  du  moins  quelques-uns,  échapper 
à  toutes  les  recherches.  Faire  l'histoire  de  l'un  d'eux,  c'est  raconter 
le  zèle,  la  charité  et  les  bons  combats  de  tous  les  autres.  Les  catho- 
liques fidèles  veillaient  à  leur  sûreté  ;  les  patriotes  les  pourchas- 
saient avec  rage,  tout  en  les  admirant,  et  Dieu  comptait  leurs  pas  et 
leurs  souffrances  pour  les  en  récompenser  un  jour. 


CHAPITRE    V. 

ANNÉE     1794. 


La  municipalité  de  Mens  ne  fut  jamais  en  retard  pour  exécuter  les 
ordres  impies  de  l'Assemblée  nationale,  de  la  Convention  et  du  Di- 
rectoire de  Grenoble.  Souvent  même  elle  les  précéda  par  des  arrêtés 
ou  éclatent  la  plus  absurde  tyrannie,  la  plus  sotte  ingérence  dans  les 
affaires  religieuses. 

Telle  la  lettre  suivante  adressée  au  curé  constitutionnel  (iq  nivôse 
an  II)  :  a  Nous  te  prévenons,  citoyen,  que  tu  ne  pourras  à  l'avenir 
dire  la  grande  messe  que  le  jour  de  la  décade.  Bien  entendu  que 
tu  ne  feras  sonner  les  cloches  que  le  jour  cy-dessus  indiqué.  Tu 

(i)  Ibidem  et  témoignages  de  plusieurs  familles. 


l60  LE    TRIÈVES    PENDANT 

voudras  bien  commencer  dès  demain,  jour  de  la  décade,  et  te  saluons 
très  fraternellement  (i).  » 

Ainsi,  de  par  cet  ordre,  le  dimanche  n'existait  plus  à  Mens;  le  jour 
du  décadi  seul  devait  être  sanctifié,  de  par  la  même  autorité.  Le 
malheureux  intrus  refusa  pourtant  d'aller  plus  loin  dans  la  voie  des 
concessions  ;  le  2  ventôse  (20  fév.  ),  il  écrivit  au  district  de  Grenoble 
pour  donner  sa  démission  et,  le  9  du  même  mois,  à  la  municipalité 
pour  l'inviter  à  venir  faire  l'inventaire  des  objets  servant  au  culte  et 
appartenant  à  l'église  qu'il  abandonnait  {2).  Le  même  jour,  la  muni- 
cipalité recevait  un  arrêté  du  district  de  Grenoble,  auquel  elle  répon- 
dait immédiatement  :  «  Nous  avons  reçu  votre  lettre  de  ce  jour, 
votre  arrêté  de  même  date  portant  invitation  de  retirer  des  mains 
dès  concierges  les  clefs  des  maisons  destinées  aux  cultes  catholi- 
que et  protestant  et  faire  publier  au  son  du  tambour  que  le  temple 
ne  pourra  désormais  servir  qu'aux  réunions  de  la  société  populaire. 
Après  avoir  mûrement  examiné  votre  invitation,  un  membre  a  dit 
que  la  société  populaire  dans  sa  dernière  séance  avait  pris  un  arrêté 
relatif  à  l'installation  que  vous  nous  faites  par  votre  susdit  arrêté,  et 
quelle  avait  chargé  son   comité   de  nous  en  faire  part. 

«  Nous  attendons  le  vœu  de  la  société  populaire  pour  prendre  une 
détermination  sur  cet  objet,  ce  dont  nous  vous  ferons  part  (3).  » 

Qu'était  cette  société  populaire  dont  il  vient  d'être  parlé  ?  Son 
titre  semblerait  indiquer  qu'elle  était  composée  de  la  plus  grande 
partie  des  habitants,  et  cependant  elle  comptait  à  peine  une  qua- 
rantaine de  membres  exaltés.  Elle  s'était  formée  à  l'instar  des  clubs 
des  grandes  villes  et  avait  aussi  ses  orateurs.  C'était  elle  qui  prenait 
l'initiative  de  toutes  les  mesures  qu'exécutait  le  conseil. 

L'une  de  ses  séances  les  plus  orageuses  fut  celle  où  un  membre 
proposa  la  fermeture  du  temple  et  de  l'église.  Les  protestants  vou- 
laient que  celle-ci  leur  servit  pour  se  réunir;  les  catholiques  deman- 
daient le  temple.  L'orage  tournait  à  la  tempête  et  déjà  les  menaces 
retentissaient  de  tous  les  cotes,  surtout  lorsqu'on  eut  parlé  de  laisser 
l'église  ouverte,  pour  que  les  membres  de  tous  les  cultes  pussent  s'y 
assembici-  librement  et  y  honorer  Dieu,  quand  le  promoteur  de  la 
proposition,  cause  de  la  discorde,  se  ravisa.  Il  comprit  que  le  mo- 
ment n'était  pas   encore  venu  pour  les  protestants  de  s'emparer  de 

(1)  Lettres  de  la  municipalilé  en    ijQ]  et  9./  ,  caliicr  n"    i,   Mens. 

(2)  Ibidem.  Reg.  des  délib . 

(3)  Lettres,  cah.    i. 


LA    GRANDE    RÉVOLUTION.  l6l 

l'église,  et  il  présenta  un  ordre  du  jour  portant  que  la  fermeture  des 
édifices  religieux  regardait  la  police  municipale  et  que,  si  celle-ci 
voyait  du  danger  à  les  laisser  ouverts  plus  longtemps,  elle  prendrait 
les  mesures  que  sa  sagesse  lui  inspirerait  (i  j. 

Voici  ce  que  cette  sagesse  dicta  à  la  municipalité,  le  1 1  ventôse  : 
«  Le  conseil,  considérant  qu'il  est  de  son  devoir  de  faire  jouir  tous 
les  citoyens  de  cette  commune  de  la  plus  grande  tranquillité,  et  de  la 
leur  maintenir  quand  ils  en  jouissent  ;  que  si  on  ne  prenait  pas  des 
mesures  efficaces  dans  des  moments  aussi  orageux  que  celui  où 
nous  nous  trouvons,  il  pourrait  arriver  quelle  fût  troublée  par  la 
diversité  d'opinions  existant  dans  la  commune;  pour  tous  ces  motifs, 
il  arrête  que  l'église  servant  au  culte  catholique  et  le  temple  ser- 
vant au  culte  protestant,  seront  fermés  ;  que  la  société  républicaine 
et  populaire  continuera  cependant  à  s'assembler  dans  ce  dernier, 
toutes  les  fois  qu'elle  le  jugera  à  propos.  Arrête  aussi  qu'il  est  fait 
défense  à  tous  les  ministres  des  cultes  et  autres  citoyens  de  former 
des  rassemblements  dans  les  dits  édifices,  ni  dans  la  campagne, 
sous  prétexte  d'exercer  leur  culte,  ni  même  dans  des  maisons  parti- 
culières, sans  permission  du  conseil,  à  peine  d'être  poursuivis 
comme  perturbateurs  du  repos  public  et  traités  comme  tels. 

«  Arrête  en  outre  que  la  sonnerie,  en  cas  d'incendie,  sera  la  même 
que  par  le  passé,  c'est-à-dire  qu'on  sonnera  les  deux  cloches  ensem- 
ble, et  que,  pour  avertir  les  citoyens  de  l'heure  où  se  tiendront  les 
assemblées  de  la  société,  on  sonnera  la  petite  cloche  à  la  volée. 

«  Le  conseil  déclare  qu'il  a  enti'e  les  mains  les  vases  servant  au 
culte  protestant  et  consistant  en  deux  coupes  et  deux  plats  en 
argent  et  deux  coupes  en  étain. 

«  Arrête  enfin  qu'il  sera  fait  une  proclamation  aux  citoyens  de 
cette  commune  sur  le  champ,  pour  leur  donner  connaissance  du 
présent  arrêté,  afin  qu'ils  aient  à  s'y  soumettre.  Payan,  maire, 
Beaup,  Richard  aîné,  Jean  Borel,  Fluchaire,  Pellat  officier  municip. 
Berton  ag.  nat.  (2)  » 

Le  pasteur  Bérenger,  le  même  que  nous  avons  vu,  sous  le  nom 
de  Pierre  Combe  (3),  prédicateur  si  ardent  de  la  religion  réformée 
jusqu'en  1787,  cet  homme  condamné  deux  fois  à  mort  pour  ce  fait 
et  exécuté  en  effigie,  avait  lui-même  apporté  les  vases  servant  à  son 

(i)  Reg.  des  délib.  Ibidem. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Voir    Voir  le  Tiièves  et  son  passé. 

Bull.  VIII,  1888.  12 


102  LE    TRIÈVES    PENDANT 

culte  et  que  le  conseil  déclarait  avoir  entre  les  mains.  Le  23  ventôse, 
il  apporta  encore  tous  ses  registres. 

Le  même  avait  prêté  un  peu  auparavant  le  serment  d'égalité  et 
de  fraternité,  et  il  le  prêta  de  nouveau  le  27  vendémiaire  an  VI, 
«  et  ce,  est-il  déclaré  dans  le  procès-verbal  qui  en  fut  dressé,  en  sa 
qualité  de  ministre  du  culte  protestant  (i).  »  Il  se  rencontre  d'é- 
tranges contradictions  dans  la  conduite  de  ce  pasteur,  que  les  pro- 
testants   aiment  à  nommer  le  martyr. 

L'agent  national  Berton  requit,  bientôt  après  la  fermeture  de 
l'église,  l'administration  municipale  de  faire  expédier  à  Grenoble  les 
vases  sacrés  de  toutes  les  églises  du  canton  avec  ceux  de  Mens, 
pour  être  remis  à  la  monnaie  par  le  directoire  du  département. 

Vers  le  même  temps,  la  municipalité  de  Tréminis,  sur  la  proposi- 
tion de  son  procureur,  procédait  aussi  à  la  spoliation  de  l'église  de 
cette  paroisse.  Les  membres  protestants  applaudissaient  ;  les  catho- 
liques, après  s'être  d'abord  refusés,  cédaient  ensuite  par  crainte 
d'une  dénonciation. 

Un  vieillard  presque  centenaire  nous  a  raconté  que  des  femmes 
en  grand  nombre,  témoins  de  l'opération  sacrilège,  pleuraient  en 
s'élevant  contre  cette  profanation.  Comme  pour  se  rire  de  leur  dou- 
leur si  légitime,  deux  membres  de  la  municipalité,  mais  ils  n'étaient 
pas  catholiques,  prenaient  les  vases  sacrés  dans  leurs  mains,  les 
montraient  à  ces  personnes  consternées  auxquelles  ils  adressaient 
d'ignobles  plaisanteries,  puis  les  jetaient  pèle-mèle  dans  une  caisse 
où  ils  les  enfermèrent.  Dès  ce  jour,  le  déshonneur  est  entré  dans 
leur  famille  pour  n'en  plus  sortir. 

Parmi  les  objets  appartenant  à  l'église  et  relatés  avec  soin  dans 
l'inventaire  qui  en  fut  dressé,  nous  trouvons  un  calice,  un  ciboire  et 
un  ostensoir  en  argent,  des  croix  et  des  chandeliers  en  cuivre,  deux 
aubes,  deux  surplis,  cinq  nappes,  sept  chasubles,  une  chape,  deux 
dais,  des  chandeliers  en  bois,  deux  tabernacles,  etc.  Le  tout  lut 
livré  contre  un  reçu  à  un  voiturier  de  Mens,  Dard,  qui  se  chargea 
de  le  transporter  à  Grenoble  (2). 

Pendant  que  la  municipalité  procédait  à  ce  haut  fait,  une  bande 
de  forcenés,  parmi  lesquels  trois  catholiques,  abattaient  la  croix  du 
clocher,  brisaient  celle  du  cimetière  et  détruisaient  l'oratoire  de 
Rochasset,  qui  s'élevait  au  lieu  même  où  l'on  voit  maintenant,  sur  le 
chemin  de  St-Daudille,  une  gracieuse  croix  en  pierre.  Le  soir  étant 

(i)  Regist.  des  délit.  Mens. 

(2)  Reg.  des  délibérations,  —  Archives  de  la  fabrique. 


LA    GRANDE    REVOLUTION  IÔ3 

venu,  les  mêmes  brûlaient  enfin  les  gros  rneubles,  les  bancs  et  les 
autels  de  l'église,  en  criant  que  le  catholicisme  avait  vécu  (i). 

A  Clelles,  on  fit  aussi  un  inventaire  des  vases  et  ornements 
sacrés,  dont  on  donna  décharge  (26  ventôse)  au  curé  constitution- 
nel, Gaymard.  Dès  le  lendemain,  l'intrus  vint  déclarer  à  la  munici- 
palité qu'il  cessait  toutes  les  fonctions  curiales. 

Ajoutons  que  la  fin  de  ce  malheureux  a  été  consolante  ;  il  put  se 
repentir  de  ses  fautes  et  en  demander  pardon  à  Dieu  et  aux  hommes, 
avant  de  paraître  devant  son  juge.  Cependant,  si  les  objets  apparte- 
nant à  l'église  furent  inventoriés,  ils  ne  furent  du  moins  jamais 
livrés,  malgré  les  réclamations  du  directoire  du  département,  et  on 
sut  les  garder  pour  des  jours  meilleurs  (2). 

A.  LAGIER. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 

(i)  Voir  nos  Notes  historiques  sur  Tréminis,   et  les    Délib.  des  26  et  27  ventôse 
an  II,  30  brumaire  an  III,  Tréminis. 
{2)  Reg.  des  délibérât.  Clelles. 


MÉLANGES 
RÈGLEMENT  ET  STATUTS 

DE 

L'HOPITAL     DE     MORESTEL    [^  ^50 

(fin) 


Le  dixiesme  est  que  tous  les  pauvres  qui  demanderont  estre 
albergies  pour  amour  de  Dieu,  que  le  dit  hospitalier  soit  tenus 
de  les  recepvoir  deux  ou  trois  nuicts,  si  les  dis  pouvres  viennent 
de  bonne  heure  non  suspecte  ou  de  jour  ou  de  nuict  ;  item,  après 
deux  ou  trois  nuicts,  que  le  dit  hospitalier  ne  soit  point  tenus  de  les 
recepvoir,  mais  quils  sen  aient  aultre  part,  senon  quils  fussent 
en  telle  nécessite  casuele  quil  ne  sen  peussent  aler  ;  lesquels  a- 
doncques  puissent  demorer  jusques  a  tant  quils  haient  conva- 
lescence daler.  Item  durant  la  dite  nécessite  que  Ion  leur  me- 
nistre  leurs  nécessites,  des  biens  du  dit  hospital,  selon  les  facultés 


164  '  MÉLANGES. 

et  qualité  des  malades,  se  autrement  non  de  quoy  culx  soubstenir. 
Laquelle  qualité  des  dits  malades  ou  daler  ou  de  demorer  arbi- 
tera  le  dit  hospitalier. 

Le  onzeyme  est  que  du  dessus  dit  statu  soient  excentes  les 
niuits  (i),  ceulx  qui  sont  fols  et  dehors  du  sens  sans  entendement, 
qui  ne  sont  autrement  périlleux  de  leurs  personnes.  Car  selon  la 
conscience  du  dit  hospitalier  ou  plus  ou  moins  de  deux  ou  trois 
nuicts,  mon  dit  seigneur  a  commande  que  le  dit  terme  se  puissent 
augmenter  ou  modérer  sans  préjudice  du  dit  hospital  et  de  la 
ditte  ville  de  Morestel. 

Le  douzeisme  est  que  Ion  doibvent  recepvoir  ou  dit  hospital 
femmes  grosses,  prochaines  de  enfanter,  et  que  la  chambre  or- 
donnée por  femmes  grosses  leur  soit  assignée,  en  laquelle  puis- 
sent demourer  par  ung  mois  accomply,  et  non  plus,  senon  quelles 
fussent  malades.  En  quel  cas  et  aussy  durant  la  jassigne,  que  Ion 
leur  subvienne  en  leurs  nécessites,  selon  les  facultés  du  dit  hos- 
pital. 

Le  trezeysme  est  que  se  aventure  avient  que  Ion  exportent  ou 
exposent  aulcuns  enfants  qui  vulgament  sappellent  enfants  trou- 
ves, que  Ion  les  doibvent  recepvoir  ou  dit  hospital  et  nourir  deux 
ans  et  demy,  se  les  facultés  du  dit  hospital  ils  suffrent,  autrement 
que  alez  nourir,  le  dit  prieur  avecques  mon  dit  seigneur  ou  son 
successeur  avenir  soient  tenus  de  les  alimenter  et  nourir  a  leurs 
propres  despens  durant  le  dit  terme  de  deux  ans  et  demy,  a  quoy 
faire  mon  dit  seigneur  a  enchargie  les  consciences  des  dits  prieur 
et  Mgr  du  Bochage  son  successeur  avenir. 

Le  quatorzeysme  est  sus  peine  de  la  indignation  de  Dieu  que  le 
dit  hospitalier  ne  doivent  recepvoir  en  une  couche  le  mascle  avec 
la  femelle,  senon  que  l'un  ou  l'autre  (2  fussent  maindre  de  sept 
ans,  ou  qu'ils  fussent  maries  ;  sur  quoy  mon  dit  seigneur  a  en- 
charge  leurs  consciences  ei  de  Ihospitalier;  item  que  se  le  dit  hos- 
pitalier expressément  et  de  sa  science  volait  faire  le  contraire,  que 
Ion  le  puisse  priver  de  sa  admenistration. 

Le  quinzyeme  est  que  ou  dit  hospital  Ion  ne  doibvent  point 
recevoir  convers  ne  rendux,  adrin  quils  ne  dependont  point  les 
biens  députes  a  la  utilité  du  dit  hospital  et  des  pauvres,  senon 
quils  fussent  quelque  bonne  personne  riche  qui  donnasi  tous  ses 
biens  ou   dit   hospital,   desquels    tout    son    temps  puisse    bien  sup- 

(1)  Les  muets. 

(2)  La  copie  latine  ajoute  :  ou  tous  les  deux  :   \'c'l  ulcrqiic. 


MÉLANGES.  165 

porter  sa  vie,  ou  aultrement  quils  fussent  tellement  profitable  ou 
dit  hospital  pour  servir  les  pouvres,  ou  aultrement  porter  proffit, 
que  faire  le  contraire  fust  dommaige  ou  dit  hospital. 

Le  seseysme  est  que  ou  dit  hôpital,  ou  lieu  plus  commun  se 
doibt  maintenir  une  lampe  ardente  ou  plusieurs  selon  qui  sera 
nécessaire  es  dits  pouvres,  et  selon  les  cas  et  les  qualités  des  per- 
sonnes. Laquelle  chose  mon  dit  seigneur  entent  estre  observée 
selon  les  facultés  du  dit  hospital. 

Le  dix-septysme  est  que  le  dit  hospitalier  pour  soy  ou  pour  sa 
famille  ou  aultrement  pour  les  serviteurs  du  dit  hospital  lacent  ou 
faicent  faire  et  reparer  les  cuches  des  dits  pouvres  tous  les  jours 
et  une  fois  le  jour;  item  que  tous  les  ans,  ou  mois  doctobre,  que 
Ion  doive  nettier  les  littières  et  mettre  dehors  la  paille  vieille,  se  la 
chose  se  peut  faire  profitablement,  et  aussvqui  soient  nécessaire. 

Le  dix-vuityesme  est  que  le  dit  hospitalier  soit  tenus  de  muer 
ou  faire  muer  de  troys  sepmaines  en  trois  sepmaines  les  linceux 
des  couches,  senon  quil  eussent  rayson  pour  quoy  deussent 
lessier  les  dits  linceux  plus  loingtemps,  ou  plus  brief  ;  laquelle 
chose  de  muer  les  dis  linceux  mon  dit  seigneur  entent  les  trois 
semaines  davoir  à  estre  compiles  continuelment,  ou  equipoUcnt 
par  intervalles  de  jours. 

Le  dix-neufysme  est  que  le  dit  hospitalier  tous  les  soirs  doivent 
laver  les  pies  des  pouvres  deau  tiède  se  les  dis  pauvres  le  voellent 
supporter  ;  autrement  que  a  ceulx  qui  se  vouldront  laver  que 
leur  doivent  appareiller  et  admenistrer  deaue  a  leur  plesir. 

Le  vintysme  est  que  se  les  dis  pouvres  demeurent  ou  dit  hos- 
pital, ou  femmes  gisans  es  cas  dessus  dit,  ciue  Ihospitalier  soit 
tenus  de  leur  menistrer  mantils,  tovalliers  et  panne  mains  (i),  et 
de  les  blanchir  et  muer  par  intervalle  de  jours,  de  quinze  jours 
en  quinze  jours. 

Le  vint  ungysme  est  que  le  dit  hospitalier  soit  tenus  de  recom- 
mander es  dis  pouvres  tous  les  jours  la  bonne  intention  de  mon 
dit  seigneur  le  fondeur  et  sa  félicité,  et  que  priant  Dieu  pour  luy 
et  pour  tous  ceulx  pour  qui  est  tenus  de  prier,  specialment  pour 
tous  les  siens,  et  après  qui  défaillira  par  son  ame,  et  aussy  que 
les  dis  pouvres  doivent  prier  Dieu  pour  les  menistres  du  dit  hos- 
pital, et  pour  tous  leurs  bienfaicteurs,  pour  tous  les  habitans  de 
cette  noble  ville  de  Morestel,  et  pour  comprehendre  toutes  cestes 

(i)  Mouchoirs,  tabliers  et  essuie-mains. 


l66  MÉLANGES. 

prières,  tant  pour  les  vifs  comme  pour  les  mors,  que  le  dit  hospi- 
talier exorte  et  ammoneste  les  dis  pouvres  que  le  plus  dévote- 
ment quils  porront  que  ils  disent  ung  pater  noster  et  une  ave 
maria. 

La  XXII^  est  que  en  la  chapelle  de  la  sacristie  du  dit  couvent 
des  Augustins  Morestel  sen  tiennent  a  la  utilité  du  dit  hospital 
une  bonne  et  forte  arche  fermant  à  deux  clefs  diverses,  desquelles 
le  dit  Mgr  le  prieur  aura  une.  et  l'autre  ung  homme  de  bien  des 
habitans  de  Morestel,  tant  quil  plaira  a  mon  dit  seigneur  le  fon- 
deur ou  a  Mgr  du  Bochaige  son  successeur  avenir,  et  en  son 
absence  ou  chatellain  du  dit  Bochaige  qui  sera  pour  mon  dit 
seigneur;  en  laquelle  arche  se  tendra  tout  argent  appartenant  au 
dit  hospital,  tous  instrumens  et  terriers,  recognoissances,  privi- 
lèges, indulgences,  desquels  a  ce  que  sera  nécessaire,  Ion  puisse 
prendre  la  coppie  pour  recouvrer.  Laquelle  'gardera  lospitalier  la 
ou  luy  plaira. 

La  XXI Ile  est  que  ou  dit  hospital  Ion  ne  puisse  eslire  ne  mettre 
à  tous  temps  point  de  hospitalier*  ne  aultre  recteur,  mais  que 
quant  le  dit  hospitalier  faudra  ou  aultrement  sera  delinque,  que 
mon  dit  seigneur  ou  son  successeur  avec  le  dit  prieur  li  puissent 
interdire  toute  amministration  ou  aultrement  de  tout  priver,  et  ung 
autre  preudomme  eslire,  laquelle  chose  mon  dit  seigneur  a  volu 
estre  estendue  à  tous  les  aultres  serviteurs  qui  failliront. 

La  XXII 11"^  est  que  mon  dit  seigneur  a  crée  et  ~fait  ses  deffen- 
seurs,  protecteurs  et  conservateurs  du  dit  hospital,  cest  asscavoir  ; 
Mgr  du  Bochaige  son  successeur,  Messeigneurs  les  officiers  ei 
Mgr  le  curé  de  Morestel,  ou  en  son  absence  son  vicaire,  esquels 
mon  dit  seigneur  prie  quil  leur  plaise  de  donner  ayde  et  faveur  au 
dit  hospital,  a  faire  observer  ces  présens  status,  et  que  le  dit 
prieur  avec  le  dit  hospitalier  leur  demanderont  ayde  quil  leur 
plaise  en  charité  de  avoir  pour  recommande  le  dit  hospital  ;  pour 
laquelle  chose  mon  dit  seigneur  a  ordonne  qui  soient  pariicipans 
des  biens  qui  se  feront  a  cause  du  dit  hospital,  et  aussy  tous  les 
autres  bienfaicteurs. 

La  XXV'=  est  que  se  le  cas  avient  que  le  dit  hospital  vacque  de 
hospitalier,  ou  par  mort  ou  aultrement,  par  cession  ou  privation, 
que  celuv  qui  sera  subrogue  en  son  lieu  soit  tenus  de  prendre  les 
dits  biens  du  dit  hospital  par  inventoire  ;  et  lospitalier  qui  lais- 
sera le  dit  hospital  rende  compte  ou  dit  prieur,  avec  deux  frères 
du    dit  couvent  et   le  dit  Mgr  le  curé,   présent  celuy    que   mon    dit 


MÉLANGES.  167 

seigneur  et  le  seigneur  du  Bochaige  son  successeur  vouldra  dé- 
puter, et  que  Ion  ne  relaisse  point  les  biens  du  dit  hospitalier 
avant  quil  ait  rendu  ses  comptes. 

La  XXVI*^  est  que  quant  Ion  ara  tait  provision  de  nouveaulx 
hospitalier,  que  le  dit  prieur  ou  aultre  pour  luy  doivent  déclarer 
et  faire  entendre  ces  présens  status  et  ordonnances  ou  dit  hospi- 
talier, et  aussy  tant  de  foys  que  se  rendent  ses  comptes,  adfin  que 
les  auditeurs  plus  pleinement  cognoissent  que  doivent  approuver 
et  reprouver, 

La  XXV II -^  est  que  Hj  Ion  prendra  hospitalier,  que  le  prieur 
dessus  dit  luy  doivent  defferir  seurment  a  bien  observer  et  bien 
garder  ces  presens  status  ,  lequel  seyrement  luy  soit  donnes 
avant  quil  soit  confermes  ou  dit  office,  lequel  selon  Dieu  et  sa 
bonne  conscience  promettra  de  loyalment  exerciter. 

La  XXVI 11"^  est  que  mon  dit  seigneur  a  ordonne  que  de  ces 
presens  status  se  faicent  deux  instrumens,  desquels  lung  se  gar- 
dera en  la  dessus  dite  arche,  et  lautre  gardera  mon  dit  seigneur 
ou  le  seigneur  du  Bochaige  son  successeur,  desquels  se  puissent 
faire  tant  de  coppies  qui  seront  nécessaires. 

La  XXIX*^  est  que  une  des  deux  dessus  dites  coppies  se  escrip- 
vent  en  francois  abreviee,  avec  l'autre  en  latin  du  loing  escripte, 
lesquelles  sen  doibvent  lessier  et  tenir  en  la  dite  chapelle  du  dit 
hospital,  afin  que  les  bonnes  gens  soient  informes  en  quoy  se 
devront  convertir  cela  qui  donneront  ou  dit  hospital. 

La  XXX'^  est  que  se  ou  dit  hospital  convient  personne  en  tant 
grant  nécessite,  qui  par  detîault  puist  tomber  en  péril,  ou  aultre- 
ment  que  en  demandant  par  la  ville  ne  trouvast  rens,  que  en  icel 
cas  Ion  puisse  prendre  de  largent  du  dit  hospital  sil  en  y  a,  ou 
aultrenient  des  biens  meubles  engaigier  premièrement,  et  que  se 
Ion  ne  trouvoit  a  qui  engagier,  que  Ion  puisse  vendre  des  dits  biens 
meubles  pour  secourir  ou  dit  indigent  en  sa  extrême  nécessite. 

La  XXX [2  est  que  se  le  cas  advioit  de  la  dessus  dite  nécessite, 
et  le  temps  puissent  attendre  dilation,  que  le  dit  hospitalier  doi- 
vent recourir  ou  dit  prieur,  qui  avisera  la  meilleure  fasson  qui  se 
porra  donner  remède  ;  autrement,  se  la  nécessite  est  si  importune 
qui  ne  puissent  recourir  au  dit  prieur,  le  dit  hospitalier  qui  a- 
donc  de  ce  qu'il  aura  despendu  et  de  la  dite  nécessite,  soit  tenus 
de  faire  foy  ou  dit  prieur. 

La  XXXI I-^  est   que  de  largent  du  dit  hospital  Ion  ne  doit  point 

(i)  Ajouter  quant. 


l68  MÉLANGES. 

acheter  pensions  de  bled,  si  ne  sont  perpétuels,  senon  qui  fussent 
rentes,  censés  et  directes  perpctueles  ;  si  se  trouvent  aultrement, 
que  le  dit  argent  se  puisse  convertir  en  achet  de  possessions  im- 
mobles.  comme  terres,  colibes,  prés,  vignes  et  bois  portans  proffit; 
et  se  personne  du  monde  donnent  povn  des  dites  pensions  non 
perpetueles  au  dit  hospital,  mon  dit  seigneur  est  bien  comptent 
que  Ion  les  prengne,  et  quant  sera  faite  la  rédemption  dicelles, 
que  Ion  nachete  point  dautre  temporale  pension. 

La  XXXI ll«  est  que  a  la  utilité  du  dit  hospital  se  fâche  ung 
livre  ouquel  se  escripront  par  main  publique  toutes  les  receptes 
et  les  choses  données,  et  aultres  obventions  faites  pour  maintenir 
le  dit  hospital  ;  et  oussi  ou  dit  livre  Ion  escribve  largent  qui  aura 
le  dit  hospital,  les  rentes,  les  possessions,  les  censés,  les  biens 
mobles  et  immobles  ;  et  le  dit  livre  se  gardera  en  une  arche,  la- 
quelle se  tendra  en  la  dite  chapelle  de  Mgr  St-.Tacques  le  maiour. 
de  laquelle  le  dit  Mgr  le  prieur  gardera  la  clef,  et  le  dit  hospitalier 
gardera  'la  clef  de  la  dite  chapelle. 

La  XXXIIII'^  est  que  Ion  doibvent  avoir  et  faire  ung  aultre  livre, 
lequel  soit  bien  gardes  avec  lautre  en  la  dite  arche,  ouquel  livre 
mon  dit  seigneur  a  ordonne  que  l'on  escripve  toute  la  despense  du 
dit  hospital,  et  oussi  la  levé  et  celle  que  Ion  prendra  en  larche 
de  la  sacristie,  et  cella  qui  sera  livre  pour  les  dis  pouvres  ou 
pour  le  dit  hospital. 

L'hôpital  de  Morestel,  à  partir  de  sa  fondation,  n'a  pas  d'his- 
toire spéciale. 

Nous  savons  seulement  que  divers  e'dits  de  nos  rois  ont  supprimé 
tous  les  petits  hôpitaux  de  la  province  pour  en  réunir  les  immeu- 
bles, les  revenus  et  les  charges  aux  hôpitaux  existant  dans  les 
grandes  villes.  Celui  de  Morestel  fui  réuni  à  l'hôpital  de  Vienne 
vers  l'an  lOoo  probablement.  Nous  avons  pour  preuve  du  fait 
lui-même  un  acte  public  du  -jS  décembre  l'jdo,  par  lequel  l'hôpi- 
tal de  Menue  albergea,  aux  enchères  publiques,  a  M^'  Joseph 
Giraud  /'/'-■'■  du  nom),  notaire  roj^al  à  Morestel,  l'hôpital  de  ce 
lieu  et  ses  dépendances  contigues.  La  chapelle  de  St-Jacques 
n'existait  plus. 

La  maison  Giraud,  reconstruite  à  neuf  au  commencement  de 
ce  siècle,  occupe  donc  l'emplacement  de  l'ancien  hôpital  de  Mo- 
restel,  fondé  par  Gabriel  de  Rossillon. 

AUVERGNE. 


QUARANTE  ANNÉES 


DE 


L'HISTOIRE  DES  ÉVÊQUES  DE  VALENCE 

AU     MOYEN      AGE 

(1226    à     1266) 
^ 


«  Nobis  pleraque  cligna  cognitu  obvenere, 
quamquam  ab  aliis  incelebrata.  » 

Tacitus,  dinnal.   lib.  VI,  cap.  VII. 


Dans  nos  provinces,  qui  reconnaissaient  la  suzeraineté  de  l'em- 
pire, le  régime  municipal  ne  s'était  développé  qu'avec  une  pénible 
lenteur,  et  il  fallut  des  années  de  luttes  ardentes  pour  que  les  villes 
pussent  conquérir  le  droit  de  s'administrer  elles-mêmes  sous  certai- 
nes conditions  stipulées  dans  des  chartes  de  libertés.  Plus  d'une  fois 
le  pouvoir  impérial  s'efforça  d'intervenir  contre  cette  révolution  (i), 
et  les  évêques  de  leur  côté,  ne  voyant  dans  leurs  bourgeois  que  des 
sujets  rebelles,  bien  loin  de  favoriser  leur  affranchissement,  les  tin- 
rent sans  cesse  en  échec.  Cet  état  d'antagonisme  ne  pouvait  man- 
quer d'amener  des  désordres,    de  sanglants  conflits.  Valence,  Die, 


(0  En  1178,  Frédéric  1='"  défendait  aux  habitants  de  Valence  de  faire  entre  eux 
des  ligues  ou  conjurations  :  «  Cives  comnnunitatis  nullum  faciunt  juramentum,  nec 
aliquam  jurent  societatem,  sine  arbitrio  et  consensu  episcopi.  »  J.  Ollivier,  Essai 
hist.  sur  la  ville  de  Valence,  p.  242.  Quelques  années  plus  tard  Philippe  de 
Souabe  leur  réitérait  cette  défense.  Columbi,  p.  267. 


Bull.  VIII,  1888. 


13 


lyO  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

Gap  et  Embrun  furent  les  villes  de  notre  région  qui  se  signalèrent 
le  plus  sous  ce  déplorable  rapport  :  leurs  évêques  furent  souvent 
obligés  de  fuir  loin  de  ces  cités  rebelles  lançant  contre  les  habitants 
des  sentences  d'excommunication  (i). 

Sous  l'administration  de  Guillaume  de  Savoie,  éclata  tout  à  coup 
à  Valence  un  de  ces  soulèvements  populaires,  alors  si  fréquents,  et 
dont  les  conséquences  pouvaient  être  désastreuses.  Les  bourgeois 
se  plaignaient  hautement  de  n'avoir  encore  pu  obtenir,  comme  plu- 
sieurs de  leurs  voisins,  le  droit  de  gérer  leurs  propres  affaires  ;  il  est 
bien  certain,  en  effet,  que  la  commune  de  Valence  ne  jouissait  alors 
que  d'une  liberté  fort  restreinte  ;  elle  était  bien  moins  favorisée  sous 
ce  rapport  que  la  cité  épiscopale  de  Die,  dont  les  habitants  possé- 
daient déjà  une  organisation  municipale  à  peu  près  indépendante  du 
pouvoir  de  l'évèque,  leur  légitime  seigneur.  Aussi  profitant  de  l'em- 
barras et  des  difficultés  sérieuses,  au  milieu  desquels  se  trouvait 
engagé  Guillaume  de  Savoie  pendant  sa  lutte  avec  Aymar  de  Poi- 
tiers, les  bourgeois  de  Valence  voulurent  saisir  l'occasion  de  secouer 
le  joug.  De  nouveau,  ils  forment  entre  eux  des  ligues  ou  associatioJis 
jurées,  mettent  à  leur  tête  un  chef  ou  syndic,  lui  adjoignant  un  cer- 
tain nombre  de  conseillers.  Comme  dans  toutes  les  révolutions,  le 
parti,  qui  venait  d'obtenir  ce  facile  triomphe,  ne  sut  se  préserver  des 
excès  qui  accompagnent  d'ordinaire  les  victoires  du  peuple.  Les  offi- 
ciers de  l'évèque,  les  chanoines  et  les  clercs  qui  refusèrent  d'entrer 
dans  le  mouvement  reçurent  l'ordre  de  quitter  la  ville  et  les  maisons 
de  quelques-uns  d'entre  eux  furent  bientôt  saccagées,  renversées  par 
une  populace  en  délire.  Giraud  Bastet,  seigneur  de  Crussof,  qui 
était  alors  universellement  estimé  pour  son  courage  et  pour  la  sa- 
gesse de  ses  conseils,  n'avait  pu  faire  entendre  aux  Valentinois  le 
langage  de  la  raison  (2). 

Guillaume  de  Savoie  n'hésita  pas  un  instant  sur  le  parti  qu'il  avait 
à  prendre.   Après    avoir  lancé  l'excommunication  contre  ses  sujets 

(i)  En  1222,  un  cvcque  de  Die  périt  dans  une  émeute  populaifc.  \'oir  notre 
Essai  hisl.  sur  l'Eglise  et  la  ville  de  Die,  t.  I,  p.  306.  Robert,  évoque  du  Puy,  et 
Pierre,  évêque  de  Glandèves,  furent  assassinés,  le  premier  en  1220,  et  le  second 
en  1225,  par  quelques-uns  de  leurs  diocésains.  Kaynai.di,  Annales,  ad  an,  1220, 
n"  27,  et  ad  an.  1225,  n°  2.4.  Ces  épouvantables  crimes  peuvent  nous  laisser  en- 
trevoir l'état  de  surexcitation  des  esprits.  Les  excommunications  ne  parvenaient  pas 
toujours  à  ramener  les  coupables;  les  armes  spirituelles  n'inspiraient  plus  alors  au 
grand  nombre  une  terreur  salutaire. 

(2)  CoLUMùi,  p.  267. 


ÉVÊQUES    DE    VALENCE    AU    MOYEN    AGE.  I7I 

révoltés  et  mis  leur  ville  en  interdit,  il  rassembla  une  petite  armée  et 
se  présenta  sous  les  murs  de  \'alence,  bien  résolu  à  ne  pas  s'éloi- 
gner avant  d'avoir  tiré  des  rebelles  une  éclatante  vengeance.  Si  le 
peuple  prête  toujours  une  oreille  facile  à  la  voix  de  ses  tribuns  et  se 
porte  à  la  révolte  avec  un  irrésistible  entraînement,  il  se  décourage 
bien  vite,  quand  il  sent  devant  lui  une  autorité  forte  et  décidée,  s'il 
le  faut,  à  répandre  le  sang  pour  rétablir  Tordre.  Quand  les  citoyens 
de  Valence  étroitement  bloqués  et  abandonnés  à  eux-mêmes  eurent 
compris  que  leur  prélat  n'était  pas  homme  à  céder  devant  leurs  me- 
naces et  qu'une  plus  longue  résistance  pouvait  attirer  sur  leurs  têtes 
d  incalculables  malheurs,  ils  résolurent  de  se  soumettre  et  proposè- 
rent à  Guillaume  de  s'en  rapporter  pour  la  solution  des  difficultés 
qu'ils  avaient  ensemble,  à  la  sentence  que  prononceraient  des  arbitres 
choisis  par  les  deux  partis.  L'évêque  accepta  et  choisit  pour  défendre 
ses  intérêts  Guillaume,  comte  de  Genevois,  Raymond  Bérenger  et 
Roger  de  Clérieu  ;  le  syndic  de  la  ville,  Jean  Béroard,  au  nom  de  la 
commune  de  Valence,  désigna  Pierre  de  Botéon  et  Pierre  Durand. 
Voici  le  texte  d'un  document  inédit,  rédigé  à  Tournon,  le  29  sep- 
tembre 1229,  qui  nous  fera  connaître  les  garanties  que  se  donnèrent 
mutuellement  l'évêque  et  les  habitants  de  V'alence,  pour  assurer  la 
complète  exécution  de  la  sentence  qui  allait  être  prononcée. 

Manifestum  sit  omnibus,  presentem  paginam  inspecturis,  quod  an- 
no  Domini  M.CC.XXIX",  IIP  kalendas  oclobris,  cum  dominus  W"% 
procurator  ecclesie  Valent., pro  se  et  capitulo  ejusdem  ecclesie  et  pro 
omnibus  suis,  ex  una  parte,  et  Jo.  Beroardus,  sindicus  universitatis 
Valent,  et  procurator  singulorum  de  dicta  universitate,  ex  altéra, 
compromisissent  in  dominum  W.,  comitem  Gebenensem,  R.  Beren- 
garium,  R.  de  Clariaco,  P.  de  Boteon,  P.  Durantum,  super  omni- 
bus controversiis,  que  inter  se  facerent  vel  moverent,  sicut  in  forma 
compromissi  continetur,  facto  dicto  compromisse,  d.  dominus  W"% 
procurator  ecclesie  Valent.,  promisit  per  solempnem  stipulationem 
dictis  arbitris  seu  arbitratoribus  et  mandatoribus  et  J.  Beroardo, 
dicto  sindico  et  procuratori,  quod  excommunicatio  vel  interdictum 
scu  excommunicationis  et  interdicti  exceptio  ex  parte  sua  nullo  modo 
opponeretur  ad  veniendum  contra  dictum  compromissum  vel  ali- 
quid,  quod  in  compromisse  ageretur,  vel  aliquid  de  mandatis  dicto- 
rum  arbitratorum,  dicto  Jo  Beroardo,  sindico  vel  universitati  Valent., 
nec  alicui  de  dicta  universitate,  non  arbitris,  non  alicui  dictorum 
arbitratorum,  non  aliquibus  personis  eis  in  compromisse  necessa- 
riis,  ut  puta  conquerentibus  vel  ad  testimonium  vocatis  vel  aliis  ne- 
cessariis  alia  ratione,  et  si  forte  a  dicto  domino  W°,  procuratore  Va- 
lentino,  vel  a  parte  sua  excommunicationem  vel  interdictum,  seu  ex- 


172  QUARANTE  ANNEES  DE  L  HISTOIRE    DES 

communicationis  vel  interdicti  exceptionem  opponi  contingeret  et  in 
eo  perseveraret,  sic  quod  ad  mandatum  seu  ad  voluntateni  dictorum 
arbitrorum  seu  arbitratorum,  vel  mandatorum,  vel  majoris  partis 
non  desisteret,  voluit  et  concessit  quod  pena  II  milia  marcharum,  iu 
compromisso  adjecta,  J.  Beroardo  dicto  sindico  et  procuratori,  et 
universitati  \'alentine  committeretur,  et  ipsam  possent  exigere,  omni 
exceptione  et  defensione  remota,  et  quod  R.  de  Clariaco  pignora 
sibi  tradita  et  commissa  a  parte  domini  \\'',  dicti  procuratoris  eccle- 
sie  \^alentine,  videlicet  castrum  Montis  Veneris  et  domum  castri 
Pisansiani,  que  est  Arberti  de  Chabeolo,  occasione  pêne  et  securita- 
tis  que  in  dicto  compromisso  continetur  dicto  Jo  Beroardo  et  uni- 
versitati Valentine  restituere  et  tradere  teneretur,  et  dictus  Jo  Be- 
roardus  et  universitas  Valentina,  tandiu  dicta  pignora  tenercnt  et 
haberent,  donec  eis  in  pena  commissa  esset  plenarie  satisfactum. 
In  eadem  penitus  forma,  J.  Beroardus,  sindicus  universitalis  Ya.- 
lent.  et  procurator  singulorum  de  dicta  universitate,  pro  se  et  pro 
dicta  universitate,  et  pro  singulis  de  dicta  universitate ,  promisit 
per  sollempnem  stipulationem  dictis  arbitris  seu  arbitratoribus  et 
dicto  domino  W°,  procuratori  ecclesie  Valentine,  quod  excommu- 
nicatio  ,  vel  interdictum ,  seu  interdicti  vel  excommunicationis 
exceptio  ,  ex  parte  sua,  nuUo  modo  opponeretur  ad  veniendum 
contra  dictum  compromissum,  vel  aliquid  quod  in  compromisso 
ageretur,  vel  diceretur,  seu  ad  compromissum  pertineret,  vel  ad 
veniendum  contra  mandata  vel  aliquid  de  mandatis  dictorum  ar- 
bitratorum dicto  domino  W",  procuratori  ecclesie  Valentine,  vel 
parti  sue,  nec  arbitris,  nec  alicui  arbitrorum  nec  aliquibus  personis 
ei  vel  parti  sue  in  compromisso  necessariis  ut  puta  conquerentibus..., 

et  si  forte  {tit  supra  mulatis  mutandis) pena  II  milia  marcharum 

in  compromisso  adjecta  dicto  domino  W"  procuratori  committeretur 
et  ipsam  posset  exigere et  quod  R.  de  Clariaco  pignora  sibi  tra- 
dita et  commissa  a  parte  J.  Beroardi  et  universitatis  Valentine,  sci- 
licet  castrum  de  Belvezer,  occasione  pêne  et  securitatis,  que  in  dicto 
compromisso  continetur,  dicto  domino  W'^,  procuratori  ecclesie  \'al., 
restituere  et  tradere  teneretur.  et  dictus  dominus  ^^'''^  procurator 
ecclesie  \^al.,  tamdiu  dictum  pignus  teneret  et  haberet  donec  ei  in 
pena  commissa  esset  plenarie  satisfactum.  Ad  hec  R.  de  Clariaco, 
consensu  et  voluntate  utriusque  partis,  persolempnem  stipulationem, 
bona  fide  promisit  et,  tactis  sacrosanctis  evangeliis,  corporaliter  iura- 
vit  tam  dicto  domino  W°  procuratori  ecclesie  Val.,  quam  Jo  Beroar- 
do, dicto  sindico  et  procuratori,  quod  si  aliquarum  partium  contra 
predicta  et  formam  prescriptam  venire  contingeret,  pignora  illius 
partis  que  contra  predictam  et  formam  prescriptam  veniret  alteri 
parti  restitueret,  omni  exceptione  et  occasione  exclusa  penitus  et  re- 
mota. Actum  est  hoc  in  Castro  Turnonis.  Testes  autem  fuerunt  A., 
filius  comitis  Sabaudie,  G.,  dominus  Turnonis,  G.  Lîastet,  A.  de 
Chambau,  A.  de  Comieris,  W.  de  Clavaiso,  L.  de  Valle,  A.  Monis. 
V.  de  Castro  Novo,  W.  de  Belregart,  B.  de  Lange,  G.  Barba,  R.  de 
I^lanter,  P.  de  Castro  Bucco,  et  A.  de  Mola.  In  huius  aulem  rei  tes- 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  ly^ 

timonium  et  firmitatem  habendam,  de  consensu  et  voluntate  et  spe- 
ciali  mandate  utriusque  partis,  presens  carta  fuit  sigillorum  presen- 
tium  munimine  roborata  (i). 

Quelques  jours  après,  les  arbitres  rendaient  leur  sentence  à  la 
Roche  de  Glun,  le  23  octobre  1229.  Les  bourgeois  de  Valence  fu- 
rent condamnés  à  raser  la  maison  de  la  confrérie,  qui  était  le  lieu  de 
leurs  assemblées,  à  s'abstenir  dorénavant  de  toute  réunion  munici- 
pale sans  une  autorisation  préalable,  à  livrer  au  prélat  les  sceaux  de 
la  ville  et  enfin  à  lui  payer  une  amende  de  6,000  marcs  d'argent. 
Cette  somme,  considérable  pour  l'époque,  fut  réduite  l'année  sui- 
vante par  l'évêque  lui-même  à  6,ooû  livres  viennoises  (2). 

Après  avoir  conclu  la  paix  avec  les  habitants  de  Valence,  Guil- 
laume retourna  en  Savoie,  et  à  partir  de  celte  époque,  les  documents 
nous  le  montrent  de  plus  en  plus  étranger  à  son  diocèse,  tout  entier 
aux  affaires  du  siècle  et  secondant  de  tout  son  pouvoir  les  rêves  de 
grandeur,  que  ne  cessaient  de  former  les  membres  de  sa  famille.  Le 
20  février  123 1,  il  était  à  Pierre-Châtel  où  il  prenait  l'engagement, 
de  concert  avec  ses  frères,  de  ne  pas  s'opposer  aux  donations  que 
son  père,  le  comte  Thomas,  voulait  faire  au  monastère  de  Haute- 
combe  (3).  Ce  fut  dans  cette  même  localité,  quelques  mois  plus  tard, 
le  9  octobre  123 1,  qu'il  fit  avec  Aymon,  sire  de  Faucigny,  certaines 
conventions  particulièrement  intéressantes  pour  l'histoire  de  nos 
pays. 

Nous  avons  vu  plus  haut  qu'une  guerre  avait  éclaté  en  l'année 
1227,  après  la  mort  de  Guillaume  de  Poitiers,  entre  Aymar  II,  comte 
de  Valentinois,  et  Flotte  de  Royans,  qui  de  concert  avec  les  tuteurs 
de  son  fils  réclamait  l'administration  des  biens  laissés  par  son  mari. 
Guillaume  de  Savoie  s'était  déclaré,  comme  nous  l'avons  dit,  en 
faveur  de  la  mère  du  jeune  Aymar  de  Poitiers,  tandis  qu'Aymon, 
sire  de  Faucigny,  avait  pris  le  parti  de  l'aïeul  et  guerroyé  quelque 
temps  pour  soutenir  ses  intérêts.  Après  une  série  d'hostilités  réci- 
proques, dont  l'histoire  n'a  point  conservé  les  détails,  un  accord 
afvait  été  conclu  entre  les  contendants.  La  paix  fut  entièrement  réta- 
blie entre  le  vieux  comte  et  sa  belle-fille  ;  un  mariage  vint  encore 
cimenter  cette  union.   Aymon  de  Faucigny,  qui  était  veuf  de  Beatrix 

(i)  Bibliothèque  de  la  ville  de  Grenoble,  R,  5801.  Original,  28  lignes.  Les  cinq 
sceaux  qu'avait  primitivement  cette  charte  ont  disparu. 

(2)  COLUMBI,   p.  268. 

(3)  WuRSTEMBERGER.  Peter  der  Zv:eite,  t.  IV  (probationes),  n='  76. 


174  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

de  Bourgogne,  demanda  et  obtint  la  main  de  Flotte  de  Royans, 
dont  il  avait  naguère  combattu  les  prétentions.  Cette  dame  apportait 
en  dota  son  nouvel  époux  20,000  sous  viennois,  que  feu  Guillaume 
de  Poitiers  lui  avait  reconnus  par  testament,  et  4,000  sous  qui  lui 
étaient  dus  à  raison  des  dépenses  faites  par  elle  durant  la  dernière 
guerre,  entreprise  au  nom  du  jeune  Aymar  son  fils.  De  son  côté 
Aymon  réclamait  16,000  sous,  à  titre  d'indemnité  pour  frais  de 
guerre.  C'était  donc  une  somme  totale  de  40,000  sous  à  laquelle  le 
sire  de  Faucigny  avait  droit,  et  pour  laquelle  la  terre  du  jeune  Aymar 
se  trouvait  engagée.  En  garantie  de  cette  dette,  Aymon  de  Faucigny 
fut  autorisé  par  le  comte  de  Valentinois  à  se  mettre  en  possession 
du  château  de  Crest  et  de  ses  revenus.  A  raison  de  la  distance,  il 
devenait  dillicile  au  sire  de  Faucigny  de  garder  cette  terre  et  d'y 
exercer  efficacement  ses  droits  ;  aussi  par  un  acte,  daté  de  Pierre- 
Châtel,  le  q  octobre  1231,  céda-t-il  son  lieu  et  place  à  Guillaume  de 
Savoie,  élu  de  Valence,  ce  dernier  s'engageant  à  lui  payer  dans  un 
délai  déterminé  les  40,000  sous  viennois,  dont  le  jeune  Aymar  de 
Poitiers  lui  était  redevable.  Pour  sauvegarder  les  droits  de  cet  en- 
fant, il  fut  du  reste  soigneusement  stipulé  dans  l'acte  qu'a/i  bout  de 
trois  ans,  celui-ci  pourrait  recouvrer  sa  terre,  en  remboursant  bien 
entendu  à  Guillaume  la  somme  avancée.  Enfin  cet  accord  devait  re- 
cevoir la  sanction  de  Flotte  de  Royans  (i). 

Le  2  mars  1232,  nous  retrouvons  encore  à  Pierre- Châtel  l'élu  de 
Valence  ;  il  y  est  témoin  des  donations  faites  par  son  père  à  l'abbaye 
de  liautecombe  (2).  Le  lendemain,  il  prend  part  à  une  assemblée, 
tenue  à  Chambéry  et  à  laquelle  plusieurs  grands  personnages  avaient 
été  convoqués  :  Thomas  de  Savoie  accorde  aux  habitants  de  cette 
ville  une  charte  de  libertés  et  promet  avec  serment  d'en  respecter 
toutes  les  clauses.  Le  nom  de  l'élu  de  Valence  figure  avec  ceux  des 
archevêques  de  Vienne  et  de  Maurienne,  et  de  l'évêque  de  Belley, 
appelés  comme  témoins  de  ces  solennels  engagements  (3).  Quelques 
jours  après,  le  comte  Thomas  achetait  à  Berlion  de  Chambéry  tous 
les  droits  féodaux  que  celui-ci  pouvait  avoir  sur  ce  bourg  et  ses  dé- 
pendances, (juillaume  et  ses  frères  souscrivirent  à  l'acte  rédigé  à 
cette  occasion  ("4). 

(i)  Original,  parchemin,  50  lignes.  Bibliotiièquc  de  M''  Ciiaper,  à  Grenoble. 
Cf.  notre  Essai  liisl.  sur  l'Eglise  et  la  ville  de  Die,  t.  I,  p.   372. 

(2)  WuKSTEMriF.RGER,   op.  cit.,  n°  80. 

(3)  WURSTEMBERGER,    Op.    cit.,    n"    8l. 

(4)  WURSTEMUEKGER,    Op.    cit.,    n"    8^. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I73 

Le  comte  Thomas  de  Savoie  mourut  l'année  suivante,  et  le  i'^"' 
mars,  il  eut  pour  successeur  son  fils  Amédée  IV  (1233-125  3).  Celui- 
ci  confirma  les  donations  faites  par  ses  ancêtres  à  l'abbaye  de  St- 
Pierre  de  la  Novalaise,  par  un  acte  daté  de  Pierre-Châtel,  le  23  mai 
1233,  et  souscrit  pour  ses  frères  Guillaume,  élu  de  Valence,  Boniface, 
élu  de  Belley,  Aymon,  Pierre,  prévôt  d'Aoste,  et  Philippe  (i).  Ce 
fut  en  cette  même  année  que  notre  prélat  offrit  sa  médiation  pour 
arriver  à  mettre  fin  à  la  guerre  désastreuse  que  se  faisaient  mu- 
tuellement Aymon  de  Savoie  et  l'évêque  de  Sion,  Landri  de  Mont. 
Le  principal  sujet  du  litige  était  la  construction  d'une  forteresse  par 
Aymon  de  Savoie  sur  des  terres  que  l'évêque  prétendait  appartenir 
à  l'église  de  Sion.  Guilllaume  réussit  à  pacifier  ce  différend,  par  un 
traité  conclu  le  18  mai  et  ratifié  solennellement  par  les  deux  parties 
sur  les  bord  de  la  Môgia  (2). 

Cependant  l'élu  de  Valence  semblait  avoir  oublié  son  diocèse. 
Son  attention  se  concentre  sur  tout  ce  qui  est  de  nature  à  procurer 
l'agrandissement  de  sa  famille.  On  ne  saurait  guère  douter  que  ce 
ne  fût  par  ses  conseils  et  grâce  à  son  influence,  que  se  conclut,  au 
mois  de  février  1234,  le  mariage  de  Pierre  de  Savoie,  son  frère,  avec 
Agnès,  fille  d'Aymon,  sire  de  Faucigny.  Nous  avons  vu  quels  rap- 
ports d'intimité  l'unissaient  avec  ce  seigneur,  un  des  personnages 
les  plus  importants  de  la  contrée.  Cette  alliance  devait  apportera  la 
maison  de  Savoie  de  grands- avantages,  et  rien  ne  fut  négligé  pour  en 
assurer  les  heureux  résultats  qu'on  s'était  promis.  Aymon  s'engagea, 
sous  forme  de  testament,  dans  le  cas  où  il  n'aurait  point  d'héritier 
mâle,  à  laisser  à  sa  fille  Agnès  les  terres  du  Faucigny.  De  son  côté 
Pierre  de  Savoie  donnait  par  testament  la  totalité  de  ses  biens  aux 
enfants  qui  naîtraient  de  son  futur  mariage  avec  Agnès.  Guillaume 
de  Savoie  fut  non  seulement  témoin  de  ces  promesses,  mais  encore 
déclaré  de  part  et  d'autre  exécuteur  testamentaire  (3). 

Ll:i  événement  considérable  vint  cette  même  année  éveiller  toute 
l'ambition  de  la  famille  de  Savoie,  dont  les  membres  pauvres  et  re- 
muants cherchaient  volontiers  à  l'étranger  les  richesses  que  ne  pou- 
vaient leur  donner  leurs  âpres  montagnes  ;  nous  voulons  parler  du 
mariage  de  S'.  Louis  avec  Marguerite  de  Provence,  l'aînée  des  qua- 
tre filles  de  Raimond  Bérenger,  comte  de  Provence,  et  de  Béatrix  de 

(1)  WURSTEMEERGER,    Op.    cit.,    n°    86. 

(2)  VVURSTEMEERCER,    Op.    clt.,   t.    I,    p.   221,    et  t.    IV,   n°^  85,     86. 

(3)  WURSTEMBERGER,    Op.    Cit.,   t.    IV,    n°=   9I    et   g2. 


176  QUARANTE    ANNÉES    DE    l'hISTOIRE    DES 

Savoie.  Cette  jeune  princesse,  que  Blanche  de  Castille  avait  choisie 
pour  épouse  à  son  fils,  se  trouvait  être  la  nièce  de  l'élu  de  Valence. 
Guillaume  et  ses  frères  durent  songer  aussitôt  à  exploiter  à  leur 
profit  une  alliance,  qui  unissait  leur  famille  à  la  royale  maison  de 
France.  Ce  n'est  certainemetit  pas  les  traiter  avec  injustice  que  de 
leur  prêter  cette  intention  ;  les  événements  que  nous  avons  encore 
à  raconter  nous  révéleront  plus  d'une  fois  le  fond  de  leurs  pensées. 
Guillaume  n'eut  garde  de  manquer  l'occasion  de  paraître  à  la  cour 
de  France.  On  le  voit  assister  au  mariage  de  sa  nièce,  qui  fut  célébré 
à  Sens,  le  27  mai  1234,  et  le  registre  des  dépenses  de  la  Qour  nous 
fait  connaître  les  sommes  qui  lui  furent  accordées,  ainsi  qu'à  ses 
compagnons,  pour  frais  de  voyage  et  de  séjour  tant  à  Fontainebleau 
qu'à  Sens  (ij.  Il  ne  dut  pas  tarder  à  s'apercevoir  qu'en  France  il  y 
avait  peu  à  espérer  pour  lui  et  pour  les  siens.  Blanche  de  Castille, 
avec  sa  haute  intelligence,  sa  connaissance  profonde  des  hommes  et 
des  choses,  veillait  avec  un  soin  jaloux  à  soustraire  son  fils  à  toute 
influence  étrangère  (2).  Guillaume  se  hâta  de  quitter  la  cour  et  revint 
en  Savoie. 

Ses  frères  du  reste  étaient  alors  divisés  et  son  autorité  était  néces- 
saire pour  rétablir  la  paix.  Le  partage  de  la  succession  du  comte 
Thomas  avait  amené  ce  conflit.  On  guerroyait  déjà  de  part  et  d'au- 
tre. Aymon  et  Pierre  se  montraient  particulièrement  animés  contre 
leur  frère  Amédée  IV.  Dans  cette  délicate  affaire,  Guillaume  déploya 
toute  son  habileté  et  mit  tout  en  œuvre  pour  conjurer  un  orage  qui 
menaçait  de  devenir  terrible.  11  rétablit  la  concorde  entre  les  mem- 
bres de  sa  maison,  par  un  traité  conclu  le  23  juillet  1234  (3). 

D'heureuses  nouvelles  vinrent  bientôt  faire  oublier  ces  querelles 
domestiques  et  causer  à  Guillaume  et  à  ses  frères  une  joie  aussi  vive 
qu'elle  était  inespérée.  Deux  lettres  arrivaient  d'Angleterre  ;  elles 
étaient  écrites  par  le  roi  Henri  III,  le  22  janvier  1235  et  adressées 
l'une  à  l'élu  de  Valence,  l'autre  au  comte  Amédée.  Le  monarque 
anglais  les  informait  de  son  dessein  d'épouser  Eléonore,  leur  nièce, 
la  seconde  fille  de  Raimond  Berenger,  comte  de  Provence.  Ce  ma- 
riage disait-il,  rendrait  plus  étroits   les  liens   d'amitié  qui  unissaient 

(i)  Bouquet,  Recueil,  l.  X.XI,  p.  2.]  5  :  «  Elcctus  Valcntinus  pro  vadiis  apud 
Fontem  Bleaudi  XII  I.,  teste  magislro  Ilubcrto,  »  et,  p.  246  :  «  Pro  vadiis  KIccti 
Valentincnsis  et  sociorum  suorum,   -^  XVI  1.  (256  1.).  » 

(2)  Cf.  BouTARic,  Marguerite  de  Provence.  Son  caractère,  son  rôle  politique  ; 
dans  :  Revue  des  questions  historiques,  t.   III,  (1867),  P-  "1  '  7  ^'  suiv. 

{3)    WUKSTEMUERGKR,    Op.    cit.,    t.    IV,    n"'    93    Ct  96. 


ÉVÊQUES    DE    VALENCE    AU    MOYEN-AGE.  I77 

déjà  la  maison  de  Savoie  à  celle  des  Plantagenets,  et  il  rappelait  à 
cette  occasion,  aux  deux  frères,  que  son  père  avait  autrefois  nourri 
le  projet  d'une  alliance  avec  Alix  de  Savoie,  leur  tante  (i).  Guillaume 
et  ses  frères  voyaient  enfin  venir  à  eux  cette  fortune  tant  désirée,  et 
les  rêves  qu'avaient  pu  former  leur  ambition  allaient  en  effet  bientôt 
se  réaliser. 

L'élu  de  Valence  dut  prendre  une  part  active  à  la  conclusion  de  ce 
mariage.  C'est  lui  qui  fut  chargé  de  conduire  en  Angleterre  la  jeune 
Eléonore  et  qui  représenta  la  parenté  maternelle  de  cette  princesse 
à  la  célébration  des  noces,  qui  se  fît  avec  une  pompe  extraordinaire 
à  Cantorbéry,  le  12  janvier  1236,  lendemain  de  l'octave  de  l'Epipha- 
nie (2).  Guillaume  reçut  les  prémices  des  faveurs  dont  les  Plantage- 
nets  devaient  se  montrer  prodigues  envers  les  membres  de  la  famille 
de  Savoie.  En  homme  prudent  et  avisé,  il  ne  lui  fut  pas  difficile  de 
gagner  la  confiance  du  roi,  dont  le  caractère  faible  ne  parvenait  point 
à  échapper  à  la  domination  d'un  esprit  supérieur  et  habile.  La 
noblesse  et  le  clergé,  qui  se  maintenaient  en  face  du  trône  dans  une 
indépendance  dégénérant  parfois  en  désordre,  s'alarmèrent  bientôt 
de  l'influence  que  prenait  sur  Henri  III  l'oncle  de  la  jeune  reine  : 
ainsi,  commençait  déjà  cette  opposition  contre  les  envahissements  de 
la  Savoie,  dont  nous  n'aurons  ici  qu'incidemment  à  nous  occuper, 
et  germait  cette  haine  nationale  contre  l'étranger  qu'on  voit  se  mani- 
fester avec  tant  d'énergie  dans  l'Histoire  de  Mathieu  de  Paris,  le 
grand  chroniqueur  anglais  du  treizième  siècle.  Des  murmures  se 
firent  entendre  à  l'occasion  d'un  parlement  tenu  à  Londres,  le  28  avril 
1 2 3Ô, dans  lequel  le  roi  agit  visiblement  sous  l'impression  des  conseils 
donnés  par  Guillaume  :  «  La  reine  de  France,  disait-on,  n'est-elle  pas 
également  la  nièce  de  l'élu  de  Valence  ?  N'est-elle  pas  l'ainée  de  notre 
reine  ?  D'où  vient  donc  qu'il  veuille  se  mêler  de  nos  affaires  plutôt 
que  de  cêîies  de  nos  voisins  ?  »  Ce  commencement  d'orage  fut  sans 
doute  le  motif  qui  détermina  Guillaume  à  ne  pas  prolonger  davantage 
son  séjour  en  Angleterre  (3).  Le  25  juin    1236,   il  était  à  Chillon,  en 

(i)  Rymer,  Foedera,  conventiones,  HLterx  et  cujuscunque  generis  acta  publica  in- 
ter  reges  Anglicé  et  alios  quosvis  imperatores,  reges,  pontifices,  etc.  Hagae  Comitis, 
1739,  in-f°,  t.   I,   la  parte,  p.  118. 

(2)  Rymer,  op.   cit.,  p.  122. 

(3)  WuRSTEMBERGER,  daos  UD  chapitre  de  son  bel  ouvrage  sur  Pierre  de  Savoie, 
a  résumé  les  principaux  événements  de  la  vie  de  Guillaume  du  Savoie  (t.  I, 
p.  220-7)  •  ^Vilhelm  von  Savoyen,  ervmhlter  Bischof  von  Valence,  Winchester  und 
Luttich.  Son  récit  est  puisé  aux  meilleures  sources  et  nous  nous  appliquons  à  le 
fondre  tout  entier  dans  notre  travail. 


178  QUARANTE    ANNÉES    DE    l'hISTOIRE    DES 

Savoie  et  approuvait  la  fondation  de  l'hospice  de  Villeneuve  faite  par 
Aymon,  son  frère  (i). 

Esprit  aventureux  et  inquiet,  Guillaume  ne  pouvait  se  résigner  à 
demeurer  en  repos  dans  son  diocèse  et  à  plus  forte  raison  au  milieu 
des  montagnes  delà  Savoie.  Les  quelques  jours  passés  en  Angleterre 
avaient  fait  naître  en  lui  un  vif  désir  de  retourner  au  plus  tôt  dans 
ce  royaume  et  de  reconquérir  auprès  de  sa  nièce  cette  haute  situation 
à  laquelle  il  était  un  instant  parvenu  et  qui  répondait  si  bien  à  ses 
rêves  de  grandeur.  Dès  l'année  suivante  1237,  nous  le  retrouvons 
auprès  de  Henri  III.  II  figure  parmi  les  témoins  du  traité  que  ce 
prince  conclut  cette  même  année  avec  Alexandre  II,  roi  d'Ecosse  (2_). 
II  redevint  bientôt  le  favori  du  monarque,  fut  admis  au  conseil  et  sut 
si  bien  manœuvrer  qu'il  eut  une  part  prépondérante  dans  l'adminis- 
tration des  affaires  de  l'Etat.  Les  barons  firent  de  nouvelles  remon- 
trances ;  mais  Henri  calma  leur  colère  en  augmentant  de  trois  per- 
sonnes le  nombre  des  membres  du  conseil,  pris  dans  les  rangs  de  la 
noblesse.  Si  l'histoire  nous  a  dépeint  Guillaume  de  Savoie  sous  les 
traits  d'un  prélat  ambitieux,  elle  a  aussi  plus  d'une  fois  mis  en  lumière 
son  intelligence  et  son  habileté.  Vers  ce  temps-là,  l'élu  de  Valence 
eut  l'occasion  de  rendre  à  l'Angleterre  un  service  signalé.  L'affaire 
était  particulièrement  délicate.  Toujours  facile  à  s'enthousiasmer 
pour  les  étrangers,  Henri  venait  de  donner  sa  confiance  à  un  jeune 
chevalier  français,  Simon  de  Montfort,  et  telle  était  son  affection 
pour  ce  nouveau  favori,  qu'elle  l'avait  porté  à  lui  donner  en  mariage 
une  princesse  du  sang  royal,  Eléonore,  sa  sœur,  veuve  du  comte  de 
Pembrok.  Cette  mésalliance  ou  plutôt  l'influence  exercée  sur  le  faible 
monarque  par  ce  chevalier  français  provoqua  une  indignation  géné- 
rale ;  cette  fois  les  barons  se  montrèrent  énergiquement  résolus 
d'obtenir,  au  besoin  par  la  force,  l'éloignement  de  l'étranger  qui  leur 
portait  ombrage.  Richard,  frère  du  roi,  non  seulement  appuyait  leurs 
demandes,  mais  ne  craignait  point  de  se  déclarer  le  chef  des  mécon- 
tents. La  situation  du  roi  devenait  de  jour  en  jour  plus  critique. 
Ce  furent  les  conseils  de  Guillaume  de  Savoie,  aussi  bien  que  ceux 
du  légat  Otton,  cardinal  diacre,  du  titre  de  Saint-Nicolas  in  carccre 
TiiUi.-ino,  qui  le   déterminèrent   à   donner   quelque    satisfaction  à   la 

(1)  W'URSTEMBERGEU,    op.    cit.,    n"   Io8. 

(2)  WuRSTEMBERGER,  Op.  cil.,  t.  I,  p.  223.    Cf.    RwNAi.Di,  Aiiuaks,  ad  an.    1237, 
n»'  38-57, 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  1 79 

noblesse  et  à  conjurer  ainsi  un  orage  qui  aurait  pu  dégénérer  en  une 
guerre  fratricide  (ij. 

Ces  événements  se  passaient  au  mois  de  janvier  1238.  Peu  de 
temps  après,  Guillaume  quittait  l'Angleterre  pour  ne  plus  y  rentrer  ; 
nous  allons  le  voir  sur  un  autre  théâtre  déployant  tout  à  la  fois  ses 
vertus  guerrières  et  ses  talents  de  diplomate. 

Au  mois  de  septembre  1237,  l'empereur  Frédéric  II,  revenu  en  Italie 
pour  combattre  la  ligue  lombarde,  obtenait  de  brillants  succès  :  la 
reddition  de  Mantoue,  la  bataille  de  Corte-Nuova,  la  soumission 
rapide  de  Lodi,  de  Verceil,  et  de  plusieurs  autres  villes  jetèrent  la 
ligue  dans  un  profond  découragement  (2).  Pour  obtenir  un  complet 
triomphe,  l'empereur  avait  besoin  d'une  armée  nombreuse  :  il  fit 
appel  à  ses  alliés  et  à  ses  feudataires,  et  bientôt  arrivèrent  de  toute 
part  au  camp  impérial  des  troupes  nombreuses.  Le  roi  d'Angleterre 
envoya  un  certain  nombre  d'hommes,  entretenus  à  ses  frais  et  placés 
sous  le  commandement  de  Henri  de  Trubleville,  selon  Mathieu  de 
Paris  (3J.  Un  autre  chroniqueur,  Mathieu  de  Westminster  dit  que 
les  contingents  anglais  marchèrent  sous  la  conduite  de  l'élu  de 
Valence  (4).  Il  est  possible  que  ces  troupes  aient  passé  sur  le  conti- 
nent et  traversé  la  France,  ayant  à  leur  tête  Guillaume  de  Savoie  ; 
mais  ce  qui  est  bien  certain  c'est  que  les  documents  vont  nous  mon- 
trer l'évêque  de  Valence  franchissant  les  Alpes  avec  d'autres  compa- 
gnons de  guerre.  Arrivé  sur  le  territoire  de  sa  famille,  il  aura  sans 
doute  laissé  les  Anglais  poursuivre  leur  marche,  tandis  qu'il  se  joi- 
gnait aux  contingents  fournis  par  la  Savoie  et  par  les  diverses  prin- 
cipautés des  royaumes  d'Arles  et  de  Vienne. 

Frédéric  en  effet  n'avait  eu  garde  d'oublier  ces  dépendances  de 
l'empire  et  des  lettres  impériales  adressées  aux  évêques  et  aux  grands 

(1)  WURSTEMBERGER,    Op.    cit.,    t.    I,    p.    223. 

(2)  Huillard-Bréholles.    Introduction    à    l'histoire    diplomatique    de    Frédéric  II, 

P-   453- 

(3)  Matth.cus  Paris,  Historia  major  Attglia:.  Londini,  i68-|,  in-f",  p.  470  : 
«  Cumque  audiret  electus  Valenticc  quod  profecturus  esset  talis  exercitus  in  Italiam, 
caute,  quasi  dux  eorum  associavit  se  domino  H.  de  Trubleville  et  cum  eo  iransfre- 
'■avit.  »  Plus  bas  le  même  auteur  dit  encore  :  «  Sub  illis  quoque  diebus,  electus 
Valentinus  videns  nuUi  placere  moram  suam  in  Anglia,  sponte  vel  inviius,  caute 
••amen,  quia  clitellis  suis  refertis  et  equis  oneratis  auro  et  argento  et  vasis  regalibus, 
transfretavit.  » 

(4)  Matth.cus  Westmonasteriensis,  Flores  historiarum.  Londini,  1570,  in-f°, 
p.  299.  Cet  auteur  dit  que  les  troupes  anglaises  passèrent  en  Italie  «  sub  ducatu 
Gulihelmi  electi  Valentini,  Henrici  de  Trubleville  et  Gulihelmi  Hardel  clerici.» 


l8o  QUARANTE    ANNÉES    DE    l'hISTOIRE    DES 

seigneurs  de  nos  contrées  leur  avaient  enjoint  d'amener  au  camp  le 
contingent  de  leurs  troupes.  Ces  lettres  rappelaient  en  même  temps 
aux  vassaux  et  généralement  à  tous  les  sujets  des  évèques  qu'ils 
étaient  tenus  de  subvenir  aux  frais  de  route  des  prélats  se  rendant  à 
la  cour  impériale,  ainsi  qu'aux  dépenses  nécessitées  par  l'entretien 
des  soldats.  Nicolin  Spinola  délégué  ou  vicaire  impérial  dans  les 
royaumes  d'Arles  et  de  Vienne  avait  été  chargé  de  veiller  à  l'exécu- 
tion des  ordres  du  prince  et  de  conduire  au  delà  des  monts  les  trou- 
pes levées  dans  nos  pays.  Pour  stimuler  le  zèle  des  feudataires, 
Frédéric  remettait  en  vigueur  la  vieille  tactique  impériale  :  il  distri- 
buait de  nombreux  privilèges  à  tous  ceux  qui  se  montraient  dociles. 
Au  mois  de  mars  1238,  étant  à  Alba,  il  accordait  à  la  dauphine 
Béatrix  et  à  son  fils  Guignes  un  péage  dans  le  Viennois  ;  le  mois  sui- 
vant, se  trouvant  à  Turin,  il  les  confirmait  dans  la  possession  d'un 
atelier  monétaire  à  Cézanne,  au  pied  du  mont  Genèvre,  dans  le 
Briançonnais.  Il  confirmait  en  même  temps  les  droits  régaliens  des 
églises  de  Vienne  et  de  Grenoble.  Au  mois  de  juin,  c'était  le  tour  de 
la  ville  d'Embrun,  dont  les  coutumes  et  les  franchises  furent  solen- 
nellement sanctionnées  (1).  Cette  tactique  réussit  pleinement.  On  vit 
la  plupart  des  évêques  et  des  seigneurs  des  royaumes  d'Arles  et  de 
Vienne  affluer  auprès  de  l'empereur  et  protester  à  l'envi  de  leur 
fidélité. 

Vers  le  milieu  du  mois  d'août  1238,  Guillaume  de  Savoie,  évêque 
élu  de  Valence,  Amédée,  comte  de  Savoie,  son  frère,  le  marquis 
de  Lancia  et  le  sénéchal  du  Dauphine  se  mirent  en  route  pour  l'Ita- 
lie avec  deux  cents  soldats.  Ils  arrivèrent  le  22  août  à  Crémone,  ville 
qui  tenait  le  parti  de  l'empereur  et  dès  le  surlendemain  ils  signalèrent 
leur  entrée  en  campagne  contre  les  confédérés  par  un  important 
succès,  qui  eut  alors  un  grand  retentissement  et  dont  les  chroniques 
du  temps  nous  ont  transmis  l'écho.  Depuis  le  commencement  d'août 
Frédéric  II  s'acharnait  au  siège  de  Brescia,  pendant  qu'autour  de  lui 
Guelfes  et  Gibelins,  en  d'autres  termes  ses  ennemis  et  ses  amis  se 
faisaient  une  guerre  désastreuse  et  s'épuisaient  dans  de  stériles  com- 
bats. Or  il  arriva  qu'une  petite  troupe  de  gens  armes,  sortis  de  Plai- 
sance, ville  dévouée  à  la  Ligue  s'étaient  portés  dans  les  environs  de 
Crémone,  durant  la  nuit  qui  précéda  la  fête  de  saint  Barthélémy. 
Après  avoir  incendié  les  maisons,  ravagé  les  campagnes,  ces  bandits 

(i)  IIuillauu-Bréiiolles.  Ilistoria  Jiplomalica  l'iiJerici  II,  t.  V,  p.  179,  186, 
192,  210. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  ICI 

retournaient  dans  leurs  foyers,  chargés  de  butin,  lorsque  tout  à  coup, 
vers  l'heure  de  none,  ils  rencontrèrent  l'évêque  de  Valence  et  les  deux 
cents  hommes  de  sa  suite,  qui  s'apprêtèrent  aussitôt  à  leur  disputer 
chaudement  le  passage.  Un  terrible  combat  s'engage,  les  compa- 
gnons de  l'évêque  rachètent  leur  infériorité  numérique  par  la  valeur 
et  la  discipline.  Le  prélat  donne  l'exemple.  11  est  au  premier  rang. 
Un  moment  le  péril  est  extrême.  Guillaume  voit  son  cheval  percé  de 
coups  ;  lui-même  est  renversé  par  terre,  mais  ses  compagnons  le  relè- 
vent et  tous  ensemble  se  précipitent  sur  l'ennemi  aux  cris  répétés  de 
Valence!  Valence!  Le  chroniqueur  Philippe  Mousquet,  qui  s'étend 
avec  une  complaisance  marqué  sur  les  exploits  guerriers  de  l'évêque 
de  Valence,  dit  que  dans  cette  journée  mémorable  personne  n'eût 
pu  soupçonner  que  Guillaume  fût  un  homme  d'Eglise,  tant  étaient 
surprenantes  et  sa  bravoure  et  la  vigueur  des  coups  qu'il  portait  (i). 
Les  Guelfes  de  Plaisance  ne  purent  résister  à  la  charge  impétueuse 
de  nos  compatriotes  et  se  débandèrent.  Dans  leur  fuite  précipitée, 
quelques-uns  d'entre  eux  furent  massacrés  ;  d'autres  tombèrent  aux 
mains  des  vainqueurs.  La  chronique  de  Plaisance  affirme  que 
90  cavaliers  et  300  fantassins  furent  conduits  à  Crémone  par  l'évê- 
que et  ses  compagnons  d'armes  pour  y  être  constitués  prisonniers 
de  guerre  (2). 

(i)  Philippe  Mousquet,  Chronique  rimée,  dans  Bouquet,  t.  XXII,  p.  68.  Cet  auteur 
nous  apprend  que  dans  cette  affaire  Beaudoin  III,  comte  de  Guines,  en  Flandre,  com- 
battit à  côté  de  l'élu  de  Valence  et  que  tous  deux  eurent  les  honneurs  de  la  journée. 

Tantost  com  il  les  ont  perclus,  Mais  H  quens  de  Gisne  l'en  guie  ; 

Escus  et  hiaumes  ont  reçus.  Remonté  l'a  sa  compagnie. 

Des  palefrois  es  cevaux  montent  ;  Là  fu-il  cevaliers,  non  clers. 

Leur  escuier  lances  lor  donnent.  A  armes  tos  seurs  et  fers. 

Qui  dame  ama  ne  demoisièle,  En  aus  refiert,  crie   Valence, 

Son  cuer  de  bien  faire  en  oisièle.  Del  branc  lor  carge  grief  pénence. 

Gisnes  escrient  et  Valence  !  Li  quens  de  Gisnes  i  rebroce. 

Autre  conte  ne  autre  tence  Bien  les  ataint  bien  les  aproce  ; 

N'i  eut  ;  seure  lor  sont  courut  ;  Gisne  au  conte  les  esmaie  : 

Des  leur  furent  bien  secorut.  Mious  amasent  estre  a  Nimaie. 

Là  valu  bien  cel  jor  Valence,  La  u  il  torne  son  ceval, 

Sor  les  Plaisentins  de  Plaisence.  Les  fait  tous  enbroucier  aval  ; 

Sous  lui  ocisent  son  ceval,  Chevaliers  prent,  cevaus  gaagne 

Et  li  eslius  caï  aval  ;  Bien  s'i  prouva  cèle  compagne. 

(2)  Chronicon  Placenlinum  (édité  par  Huillard-Bréholles,  Paris,  1856,  in-4°), 
p.  174-5  •  "  Dum  autem  imperator  in  ipsa  ossidione  permaneret,  contigit  quod 
nocte  précédente  festum  Beati  Bartholomei,  milites  Placentini  cum  ballistris  et  illis 
de    Florenza    et   castro  Arquarto  et    Vigoleno    apud    Gibellum   et    Polixium   terras 


l82  QUARANTE    ANNEES    DE    l'hISTOIRE    DES 

Quelques  jours  après,  Guillaume  de  Savoie  arrivait  au  camp 
impérial,  sous  les  murs  de  Brescia.  Frédéric  lui  fit  un  accueil,  qui 
laissait  clairement  entrevoir  les  espérances  qu'il  avait  fondées  déjà 
sur  la  bravoure  et  les  talents  militaires  de  notre  évêque.  Il  voulut  le 
garder  auprès  de  sa  personne.  Le  nom  de  l'élu  de  Valence  figure 
dans  un  certain  nombre  de  diplômes,  émanés  à  cette  époque  de  la 
chancellerie  impériale,  notamment  dans  la  bulle  impériale,  datée  du 
mois  de  septembre  1238,  par  laquelle  Frédéric  confirmait  à  Humbert, 
évêque  de  Die,  qui  était  venu  lui  aussi  grossir  la  cour  de  ce  prince, 
les  anciens  privilèges  de  son  Eglise  (i).  Guillaume  profita  de  la  cir- 
constance pour  solliciter  à  son  tour  une  semblable  faveur,  qui  lui  fut 
accordée  avec  empressement,  l'empereur  se  montrant  prodigue  de 
ces  sortes  de  privilèges,  par  lesquels  il  s'efforçait  de  rattacher  à  son 
empire  les  vassaux  éloignés  de  ses  royaumes  d'Arles  et  de  Vienne. 
La  bulle  qui  co;ifirma  toutes  les  anciennes  concessions  impériales 
faites  à  l'église  de  Valence,  est  datée  de  Crémone,  au  mois  de  novem- 
bre 1238.  Après  avoir  rappelé  qu'il  a  accueilli  l'élu  de  Valence  avec 
les  honneurs  dus  à  son  mérite  et  à  sa  dignité,  il  déclare  lui  donner 
l'investiture  de  toutes  les  possessions  et  de  tous  les  droits  régaliens 
appartenant  à  son  siège,  confirmant  du  reste  de  la  manière  la  plus 
étendue  la  bulle  de  privilèges,  accordée  à  cette  église  le  13  novembre 
1 157  par  son  illustre  aïeul,  PVédéric  I",  roi  des  Romains  tenant  alors 
sa  cour  à  Besançon,  L'empereur  cnumère  ensuite  les  différentes  attri- 
butions, dont  l'ensemble  constituait  les  droits  régaliens,  reconnus  à 
l'évèque  (2),   ainsi  que  les  châteaux  et   les   terres   qui   formaient  le 

Cremr)ncnsium  iter  diri.xerunt,  comburcnles  domos  et  villas  illius  contrate.  El  in- 
icrim  circa  horam  none  cum  Placentini  rcverterenlur  a  guastis,  electus  de  Valenlia 
fraier  comilis  Savolie,  marchio  Lancea,  et  senescalcus  Dalphini  cum  CC  militibus  qui 
in  Cremona  preterita  die  accesserant  causa  eundi  ad  excrcilum  imperaloris,  per 
Arginem  de  Buxeto  venientes  fuerunt  obviam  iilis.  Placentini  vero  captis  armis  ini- 
micis  se  obviam  prebuerunt.  Et  quia  predicti  milites  forenses  in  districtis  partibus 
et  nemoribus  intraverant,  quidam  ex  PJacentinis  nominc  Ubertus  Surdos  et  alii  ad 
signiferos  clamaverunt  ut  cédèrent  eis  campum,  qui  signiferi  statim  rétro  seceden- 
tcs  plurcs  ex  ipsis  signiferis  fugam  ceperunt.  Ceteri  vero  capta  fuga  multi  ex  PJa- 
ccniinis  per  nemora  discurrentes  errare  ceperunt.  Ceteros  vero  electus  et  marchio 
Lancea  cum  eorum  militibus  inscqucntes  ceperunt  ex  ipsis  militibus  LXX.\.\  mili- 
tes et  CGC  pcdites  et  ballistros  quos  direxerunt  Cremonam.  Et  Placentini  ceperunt 
ex  ipsis  militibus  quinque  milites. 

(i)  IIuif-LARD-BRÉiiOLLES.  Histotia  dipl.  Fridiiiici  II,  t.  V,  p.  232,  236. 

(2)  Gallia  chiistiana,  t.  XVI.  Instrum,  c.  i  i.^  :  «...  concessimus  prefato  elccto... 
civitatem  Vaicntinam,  cum    suburhiis  suis  et  tcrritoiiis  et  quidquid  infra  cjus  ambi- 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  183 

domaine  épiscopal.  C'est  ainsi  que  nous  apprenons  que  la  juridic- 
tion seigneuriale  des  évêques  de  Valence  s'étendait  sur  les  châteaux 
et  les  terres  d'Alixan,  de  Montélier,  de  Montléger,  de  la  Baume,  de 
Fiançayes,  de  Livron,  de  Loriol,  de  Châteauneuf,  de  Châteaudouble, 
de  Montvendre,  d'Etoile,  d'Allex,  de  Saoû,  d'Urre,  d'Upie,  de  Péla- 
fol,  de  Chabeuil  (?),  d'Hostun,  de  Mirmande,  de  Conflens  et  de 
Lésignan  (i).  11  est  dit  dans  cet  important  document  que  l'évêque  a 
seul  le  droit  d'établir  ou  de  lever  des  péages  dans  les  territoires 
qui  s'étendent  depuis  l'Isère  jusqu'à  A4ontélier  et  depuis  Crest  jus- 
qu'à Soyons.  Les  droits  que  l'évêque  peut  percevoir  sont  ensuite 
spécifiés  :  pour  la  charge  d'un  cheval  ou  mulet,  soit  par  terre  soit 
par  eau,  12  deniers  ;  pour  la  charge  d'un  âne,  6  deniers  ;  pour  une 
saumée  de  sel,  4  deniers,  etc.  L'empereur  interdit  de  la  manière  la 
plus  formelle  aux  habitants  de  Valence  de  former  des  ligues  ou 
associations  jurées,  sans  l'assentiment  de  l'évêque.  il  est  défendu 
aux  barons  ou  feudataires  de  l'évêque  d'aliéner  leurs  fiefs,  comme 
aussi  de  construire  de  nouveaux  châteaux  ou  bâties  dans  le  diocèse. 
On  rappelle  ensuite  aux  sujets  de  l'évêque  ,  que  toutes  les  fois 
que  leur  prélat  est  mandé  à  la  cour  impériale,  ils  doivent  subvenir 
aux  frais  du  voyage  et  fournir  l'argent  nécessaire  à  l'entretien  des 
soldats  réclamés  par  l'empereur.  Enfin  quiconque  serait  assez 
téméraire  pour  oser  inquiéter  l'évêque  de  Valence  dans  le  libre 
exercice  de  son  autorité  et  des  droits  qu'il  tient  de  l'Empire,  encour- 
rait l'indignation  du  prince  et  serait  en  outre  condamné  à  une 
amende  de  cent  livres  d'or  fin,  dont  une  moitié  appartiendrait  à  la 
chambre  impériale  et  l'autre,  à  l'élu  de  Valence  ou  à  ses  successeurs. 
A  l'époque  où  nous  sommes  arrivés,  le  pape  Grégoire  IX  n'avait 
point   encore  ouvertement  rompu    avec  l'empereur   ;    mais   il   était 

tum,  et  extra  in  toto  episcopatu  Valentino  continetur,  comilatum  videlicet,  eccle- 
sias,  abbatias,  monasteria  cum  omnibus  possessionibus  eorum  vel  quasi,  forum,  mer- 
catum,  duella,  nonetam,  extratam,  naulos,  theloneum,  pedagia,  castra,  castella, 
villas,  vices,  areas,  servos,  ancillas,  tributarios,  décimas,  campos,  prata,  pascua, 
terras  cultas  et  incuhas,  et  commune  forum  agentium  et  sustinentium  causas  tam 
civiliter  quam  criminaliter...» 

(i)  Ibid.  «  Castrum  videlicet  Alexiani  cum  appendiciis  suis,  castrum  Montilisii 
cum  appendiciis  suis,  castrum  Montis  Lagerii...,  castrum  Balme...,  villam  Fian- 
ciacii..,,  castrum  Liberonis...,  c.  Aurioli...,  Castrum  Novum...,  Castrum  Duplum, 
cast-um  -Mentis  veneris,  castrum  de  Stella,  castrum  Alexii,  castrum  Saonis,  castrum 
de  Urre...,  castrum  Upiani...,  castrum  Pallafoli...,  castrum  Coperii(?),  castrum 
Agustidini...,  castrum  Mirmande...,  bastiam  de  Confluencio. . .,  bastiam  de  Lesi- 
gnano...» 


184  MARIE    DE    jMONTLAUR    ET    LE    RELÈVEMENT 

décidé  à  ne  bientôt  plus  garder  aucun  ménagement  envers  ce  prince, 
un  des  plus  redoutables  ennemis  que  l'Eglise  ait  jamais  rencontré 
sur  sa  route.  Il  n'attendait  qu'une  occasion  pour  l'excommunier 
avec  éclat  et  le  déclarer  déchu  du  trône.  C'était  donc  à  une  lutte  pro- 
chaine qu'il  fallait  se  préparer.  La  renommée  dont  jouissait  alors 
l'élu  de  Valence ,  son  influence  à  la  cour  d'Angleterre  et  les 
alliances  de  sa  maison  firent  désirer  au  pontife  d'attirer  dans  son 
parti  un  personnage  aussi  considérable  et  dont  l'exemple  pourrait 
entraîner  les  indécis  et  les  mécontents  :  il  songeait  même,  nous 
disent  les  chroniqueurs,  à  en  faire  le  chef  d'une  armée  pontificale. 
Les  circonstances  parurent  tout  d'abord  servir  ses  projets. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 

Jules  CHEVALIER. 


MARIE  DE  MONTLAUR 

MARÉCHALE   D'ORNANO 

ET   LE 

Relèvement  du  Culte  Catholique 

DANS   LA  VILLE  D'AUBENAS 

(Fin). 


IV 

Cependant  la  veuve  du  Maréchal  d'Ornano  ne  se  sentait  plus  à 
l'aise  au  milieu  du  monde,  malgré  les  -bonnes  œuvres  qu'elle  ne 
cessait  d'accomplir,  il  lui  fallait  quelque  chose  de  plus.  Elle  résolut 
de  tout  quitter  et  de  renoncer  à  ses  titres  comme  à  ses  biens  en  se 
retirant  pour  le  reste  de  ses  jours  dans  une  maison  religieuse.  Elle 
n'alla  pas  chercher  bien   loin  le  pieux  asile  dans  lequel  elle  voulut 


DU    CULTE    CATHOLIQUE    A    AUBENAS.  185 

terminer  sa  vie  et  ce  fut  à  Aubenas  même,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Benoit  que  Marie  de  Montlaur  demanda  une  place.  L'abbaye  de 
Saint-Benoît  n'était  autre  que  celle  de  la  Villedieu  transférée  à 
Aubenas  au  commencement  du  XVII"  siècle.  Les  guerres  de  religion 
avaient  ruiné  la  Villedieu;  du  reste  les  religieuses  n'eussent  pu  y 
vivre  en  sécurité  au  milieu  des  troubles  incessants  de  cette  époque. 
Cette  translation  avait  eu  lieu  en  lôio. 

Plusieurs  motifs  durent  engager  Marie  de  Montlaur  à  choisir  pour 
sa  retraite  le  monastère  des  Bénédictines  d'Aubenas.  D'abord  elle 
désirait  que  son  corps  reposât,  après  sa  mort,  avec  celui  du  Maré- 
chal, dans  le  mausolée  élevé  par  elle  à  la  paroisse  (i);  ensuite,  en 
se  retirant  à  Saint-Benoît,  elle  ne  s'éloignait  pas  de  la  dépouille 
mortelle  de  celui  qu'elle  pleurait  et  pour  lequel  elle  ne  cessait 
d'offrir  et  de  faire  offrir  des  prières.  En  outre,  Marie  d'Ornano,  sa 
nièce,  sœur  aînée  d'Anne  d'Ornano  dont  nous  allons  parler,  était 
abbesse  de  ce  monastère,  conservant,  comme  toutes  les  abbesses  de 
Saint-Benoît  le  titre  d'abbesse  de  la  Villedieu.  La  veuve  du  Maré- 
chal pouvait  donc,  tout  en  quittant  le  monde,  demeurer  dans  sa 
ville  d'Aubenas,  avec  une  de  ses  nièces,  et  surveiller  encore,  sa  vie 
durant,  l'accomplissement  de  ses  fondations. 

Ce  fut  entre  1645  et  1652  que  la  fille  des  Montlaurs  entra  à  Saint- 
Benoît.  Avant  de  quitter  le  monde  en  effet,  elle  renonça  au  Comté 
de  Montlaur  et  transmit  ce  titre  ainsi  que  la  baronnie  d'Aubenas  à 
sa  nièce  Anne  d'Ornano  qu'elle  institua  son  héritière.  Or,  Anne 
d'Ornano,  fille  de  Marguerite  de  Montlaur,  sœur  de  la  Maréchale, 
avait  épousé  en  1645  ^^  Prince  d'Marcourt,  et  celui-ci  présida  en 
1653,  en  qualité  de  Comte  de  Montlaur,  les  Etats  du  Vivarais  réunis 
à  Aubenas.  D'autre  part,  nous  voyons  Marie  de  Montlaur  agir 
comme  Dame  d'Aubenas  jusqu'en  1645.  Ce  ne  peut  donc  être 
qu'entre  1645  et  1652  qu'elle  renonça  à  ses  titres  et  entra  chez  les 
Bénédictines.  Se  retira-t-elle  simplement  dans  ce  monastère,  où  y 
fit-elle  profession  monastique  ?  L'acte  de  renonciation  dont  nous 
venons  de  parler  porte  à  croire  qu'elle  se  consacra  à  Dieu  par  les 
vœux  de  la  religion.  On  a  cru  que  la  veuve  d'Ornano  avait  été 
abbesse  de  Saint-Benoît,  mais  il  n'en  est  rien.  Il  n'y  a  eu  qu'une 
Marie  d'Ornano,  abbesse  de  cette  abbaye,  et  c'est  la  nièce  de  la 
Maréchale  qui  occupa  le  siège  abbatial,  jusqu'en  1682,  où  Marie  II 
Adhémar  de  Monteil  de  Grignan  lui  succéda.  Du  reste  dans  l'acte 

(i)  Voir  plus  haut  la  fondation. 

Bull.  VIII,  1888.  14 


l86  MARIE    DE    MONTLAUR    F.T    LE    RELÈVEMENT 

de  sépulture  de  la  Maréchale  dont  nous  donnerons  une  copie,  il 
n'est  nullement  fait  mention  de  son  titre  d'abbesse. 

iMaintenant,  dans  quelle  proportion  l'ancienne  Dame  d'Aubenas 
vint-elle  en  aide  au  monastère  de  Saint-Benoît  ?  Il  serait  difficile  de 
le  dire  exactement,  mais  il  est  hors  de  doute  que  la  maison  reli- 
gieuse dans  laquelle  se  retira  Marie  de  Montlaur  dût  avoir  une  large 
part  à  ses  libéralités,  d'autant  plus  qu'à  cette  époque,  les  difficultés 
par  lesquelles  passait  l'abbaye  ruinée  transférée  à  Aubenas  devaient 
ressembler  en  bien  des  points  à  celles  d'une  fondation.  Tout  le  monde 
peut  voir  encore  à  Aubenas  l'église  des  Bénédictines,  qui  sert  de 
halle  aux  grains  ;  elle  est  plus  vaste  que  celle  du  collège  des  Jésui- 
tes, mais  construite  sur  le  même  plan,  du  moins  dans  les  lignes 
générales,  et  les  deux  coupoles  ne  diffèrent  entre  elles  que  par  les 
proportions.  Le  style  commun  des  deux  églises  et  les  dates  si  rap- 
prochées de  leur  construction  respective  ne  permettent-elles  pas  de 
penser  que  la  même  main  généreuse  les  éleva  toutes  deux,  l'église 
de  St-Benoit,  aussi  bien  que  celle  du  collège  des  Jésuites  ?  Pour 
nous,  nous  croyons  volontiers  qu'après  avoir  répandu  autour  d'elle 
tant  de  bienfaits  de  toute  sorte,  la  veuve  d'Ornano  dota  l'abbaye 
renaissante  de  St-Benoit  d'une  Eglise  digne  du  culte  divin  auquel 
sont  vouées  les  Bénédictines. 

Terminons-là  ces  quelques  notes  sulfisantes  pour  montrer  le  rôle 
que  joua  la  baronne  d'Aubenas  dans  le  relèvement  du  culte  catholi- 
que au  sein  d'une  population  si  tourmentée  par  les  guerres  de  reli- 
gion. Si  les  rares  documents  échappés  aux  ravages  du  temps  et  des 
révolutions  nous  montrent  cette  pieuse  veuve  si  généreuse,  que  ne 
nous  diraient  pas  les  actes  perdus  ou  inconnus  .?  Pour  ne  mention- 
ner qu'un  exemple  :  Nous  voyons  Marie  de  Montlaur  en  relations 
dans  la  première  moitié  du  XVIl"  siècle  avec  les  Commandeurs  de 
St-Antoine  d'Aubenas  (i),  alors  que  ceux-ci  relèvent  l'Eglise  de  leur 
commanderie.  11  est  clair  que  la  Dame  du  lieu  ne  se  contenta  pas 
d'encourager  cette  réédification,  mais  qu'elle  y  contribua  pour  sa 
part.  Ainsi  dût-il  en  être  pour  bien  d'autres  bonnes  œuvres. 

De  tout  ce  qui  précède  il  résulte  que  non  seulement  la  veuve  du 
Maréchal  J.-B.  d'Ornano  administra  sagement  sa  baronnie  d'Aube- 
nas et  fut  pleine  de  douceur  et  de  charité,  exhortant  autour  d'elle  à 

(i)  Mss.  de  feu  M.  Deydier. 

D'  Francus,  Notes  sur  la  commanderie  des  Antonins  d'Aubenas. 


DU   CULTE    CATHOLIQUE  A   AUBENAS.  187 

la  concorde  et  à  la  paix  (i),  mais  encore  qu'elle  eût  un  véritable  zèle 
pour  la  religion  catholique  et  contribua  puissamment  à  en  relever  le 
culte  dans  ses  domaines  et  spécialement  dans  la  ville  d'Aubenas. 
Par  ses  soins  l'Eglise  paroissiale  fut  relevée  et  dotée  de  vases  sacrés 
et  d'ornements  ;  deux  prêtres  vinrent  augmenter  le  personnel  du 
clergé  et  permettre  de  chanter  chaque  jour  l'office  divin  dans  l'Eglise 
de  St-Laurent  ;  par  ses  soins  le  couvent  des  Dominicains  d'Aubenas 
fut  augmenté  de  deux  religieux  et  la  fondation  des  Dominicaines  de 
N.-D.  du  Rhône  comme  celle  des  religieuses  de  Tournon  furent 
favorisées. 

On  peut  la  regarder,  avec  le  P.  Vitellesci,  comme  la  fondatrice 
véritable  du  collège  des  Jésuites  d'Aubenas.  Enfin  elle  se  retira, 
durant  les  vingt  dernières  années  de  sa  vie,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Benoit  qui  eut  certainement  part  à  ses  largesses. 

Ce  fut  là  qu'en  janvier  1672  elle  rendit  son  âme  à  Dieu  devant 
lequel  elle  parût  les  mains  pleines  de  bonnes  œuvres.  Son  corps  fut 
transporté  à  la  paroisse  d'Aubenas  et  inhumé,  conformément  à  ses 
désirs,  à  côté  de  celui  du  Maréchal,  dans  le  Mausolée  de  Marbre 
élevé  par  ses  soins  et  sur  lequel  les  deux  époux  sont  représentés  à 
genoux,  dans  l'attitude  de  la  prière. 

Nous  avons  vu  que  Marguerite  de  Montlaur,  sœur  de  Marie,  avait 
épousé  Henri-F'rançois  d'Ornano,  frère  de  J.-B.  d'Ornano.  Marie 
d'Ornano,  abbesse  de  la  Villedieu,  et  Anne  d'Ornano  qui  épousa  le 
prince  d'Harcourt  étaient  leurs  enfants.  L'exemple  du  Aiaréchal  et 
de  la  Maréchale  d'Ornano  fut  suivi  par  leur  famille.  François  d'Or- 
nano était  seigneur  de  Mazargues,  près  Marseille  ;  le  17  novembre 
1644,  il  fonda  un  couvent  de  Carmes  dans  cette  localité,  de  concert 
avec  son  épouse,  Marguerite  de  Montlaur.  Nous  n'entrerons  pas  ici 
dans  le  détail  de  cette  fondation.  Nous  dirons  seulement  que  ce 
couvent  dura  jusqu'à  la  Révolution  et  que  l'on  voit  encore  à  Mazar- 
gues l'église  et  le  couvent  affectés  à  des  particuliers  et  n'ayant  du 
reste  aucun  caractère  architectural.  La  terre  de  Mazargues  entra 
dans  la  famille  de  Grignan  par  le  mariage  de  Marguerite  d'Ornano, 
fille  aînée  de  François  d'Ornano  et  de  Marguerite  de  Montlaur,  avec 
Louis-Gaucher  Adhémar  de  Monteil,  comte  de  Grignan.  Quant 
aux  baronnies  de  Montlaur  et  d'Aubenas,  le  prince  d'Harcourt  ne 
les  perdit  point  au  lansquenet ,  Melchior  de  Vogué  acquit  la  pre- 
mière en  169g  et  la  seconde  fut  achetée  par  Cérice  de  Vogué,  avec 

(i)  Lettre  de  1614  aux  Consuls  de  Vais,  publiée  par  M.  Henri  Vaschalde. 


lôO  MARIE    DE    MONTI.AUR    ET    LE    RELEVEMENT 

le  château  d'Aubenas  et  la  baronnie  de  St-Remèze  ,  le  4  avril 
I7f6  (ij. 

Voici  l'acte  de  sépulture  de  la  Maréchale  d'Ornano  extrait  d'un 
registre  conservé  à  la  Mairie  d'Aubenas  : 

L'an  mil  six  cents  septente  deux  et  le  28  janvier  par  moy  curé 
soubsigné  a  esté  enterrée  haute  et  puissante  Dame  Marie  Comtesse 
de  Montlor  mareschale  d'Ornano  (âgée  de)  quatre  vingts  et- huit  ans 
étant  décédée  le  vingt  septième  desdits  mois  et  ans  ont  été  présants 
à  la  sépulture,  Messieurs  Jehan  Félix  et  Duchon  prêtres  et  Messieurs 
Pierre  Veyssière  prêtre  et  vicaire  et  Aymé  Boufard  prêtre  et  curé  de 
St-Deydié  tous  demeurant  à  Aubenas  et  soubsignés  avec  moy. 

Valvariès  Curé  etc.. 

Lettres  patentes  du  R.  P.  Mutius  Vitellescus,  général  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
du  28  juin  1644  par  lesquelles  Madame  la  Mareschalle  d'Ornano  est  recognue  pour 
fondatrice  du  Collège  des  R    P.  Jexuistes  du  Collège  d'Albenas. 

Mutius  \'itellescus  Societatis    Jesu 

Prœposilus  Generalis, 

Omnibus  in  quorum  manus  hse  lilterœ  vencrint, 

Salutem  in   Domino  sempiternam. 

Cum  ill™»  et  excell"^'^  Dna.  D.  Maria  Comitissa  de  Montlor  pro  sua  pietate,  et 
salutis  subditorum  suorum  zelo,  ac  singulari  erga  nnslram  socictatcm  propensione, 
perficere  cupiens  fundationem  et  dolationem  CoUegii  nostri  in  ejus  urbe  Albenacensi 
a  piissimo  quondam  et  nobilissimo  ipsius  parente  D.  Ludovico  Guillelmo  Comité 
de  Montlor,  Equité  torquato,  pro  juventutis  illarum  partium  instilutione,  et  hœreti- 
corum  conversione  cum  Régis  placito  inchoati,  et  subinde  a  nobilissimo  itidem  et 
religiosissimo  Dno  D.  Joanne  Baptista  d'Ornano,  Galiias,  dum  viveret,  Marescallo, 
ipsius  Dna;  viro,  adaucti  ;  in  hiinc  finem  pro  quinque  humaniorum  litterarum  scholis, 
et  sccta  philosophiœ,  quolibet  biennio  excurrenda:,  prœter  anliquum  solum  et 
reditum  a  prasdictis  Dnis  datum  et  procuratum,  ipsa  Dna  de  novo  peramplum  spa- 
tium  ad  templum,  scholas,  cœieraque  ;eclilicia  commodius  extiuenda,  et  triginta 
librarum  millia  ad  ccnsum  luto  collocata,  liberaliter  assignavcrit ,  ac  donavcrit, 
donatione  inter  vivos  :  Cum  plena  etiam  et  perpétua  exempiione  et  immunitate, 
tam  personarum,  quam  totius  situs  dicli  Collegii,  a  iege  caducaria,  et  ab  omnibus 
tributis,  laudcmiis,  obsequiis  aliisque  oncribus,  instar  caiterorum  Societatis  Coile- 
giorum,  exceptis  duntaxat,  eidemque  Dno;  donatrici  et  ipsius  successoribus  reserva- 
tis,  homagiû  pro  prioratu  S""  Crucis  prœstari  solito,  et  directo  dominio  cum  cen- 
sibus  annuis  quarumdam  domorum  cocmptarum,  eidemque  Collegio  adjunctarum  ; 
Et  cum  hoc,  quod  si  forsan  ipsamet  Dna,  ejusve  successorcs  alla  bona  qualilatis, 
et  conditionis  convenientis,  ac  ejusdcm  omnino  valoris,  et  reditus  annui,  mille  scili- 
cct    et  octingcntarum    sexaginta  quinque  librarum  in  annos  singulos,  dclractis  om- 

(i)  Mss.  de  M.   Dcydicr. 


DU    CULTE    CATHOLIQUE    A    AUBENAS.  I OÇ 

nibus  oneribùs,  reipsa  dederint,  aut  procuraverint  eidem  Collegio,  propriis  ipsorum 
sumptibus  et  expensis,  eo  nimirum  casu  Reclor  ipsius  Collegii  debeat  illis  earum- 
dem  triginta  millium  librarum  summam,  seu  illarum  assignationem,  aut  fundum  re- 
trocedere  ;  et  alias  prout  in  tribus  publicis  desuper,  et  relative  confectis  instrumen- 
tis,XVIIscilicet  Sept.  MDCXXXVIII.  —  IV  Mail  MDCXL.  — XXIII  Sept.  MDCXLIII. 
dicitur  latiùs  contineri.  Hinc  Nos,  prae  111™*  et  Excel'"«^  Dnas  pietati  et  in  nostram 
Societatem  propension!,  quoad  in  nobis  est  respondere  cupientes,  cum  in  dicta 
Urbe  Albenacensi  sedem  nostris  ministeriis  idoneam  expert!  simus,  prœdictam  assi- 
gnationem et  donationem,  cum  ea  qua  par  est,  gratiarum  actione,  tum  nostro,  tum 
noslrorum  successorum  nomine,  omni,  quo  possumus,  melioi'i  modo  admittimus  et 
acceptamus  :  idemque  solum.  silum  et  triginta  millium  librarum  summam  et  pro- 
ventum,  ipsimet  Collegio  Albenacensi  nostrae  Societatis,  pro  ejus  fundationis  et 
dotis  augmento  addicimus  et  applicamus  ;  ipsam  vero  D.  Mariam  Comitissam  de 
Montlor,  in  ejusdem  Collegii  fundatricem,  cum  omnibus  praerogativis  et  gratiis  a 
nostra  Societate  Collegiorum  fundatoribus  tribui  solitis,  agnoscimus  et  recipimus, 
Deum  opt.  precantes,  ut  de  inexhausto  dilecti  filii  sui  meriiorum  thesauro  nostram 
inopiam  supplens,  eamdem  Dnam  fundatricem  multis  in  hac  vita  meritis  auciam, 
ejusque  antecessores  et  successores  œlernae  gloriœ  corona  rémunérât.  In  quorum 
fidem  bas  litteras  manu  nostra  subscriptas,  et  sigillo  nostrœ  Societatis  munitas  (i) 
dedimus  Romœ,  die  XXVIII  Junii  MDCXLIV. 
Mutius  Vitellescus. 

\incentius  Puinisius,   Secretarius. 

(i)  L'original  en  parchemin  orné   est  chez   M.    Frédéric  Combler  à  Aubenas,  le 
sceau,  renfermé  dans  une  boite,  pend  à  un  ruban  de  soie. 

H.  JAUBERT. 


CORRESPONDANCE 


Nous  recevons  la  rectification  suivante  au  sujet  de  la  version  adoptée 
par  dom  Jaubert  (p.  io6)  sur  la  mort  du  maréchal  d'Ornano  ( i)  : 

En  1879,  j'eus  l'honneur  de  présenter  au  Congrès  archéologique 
de  France,  tenu  à  Vienne,  un  mémoire  sur  le  Tombeau  du  Maréchal 
d'Ornano,  monument  historique  de  l'Ardèche  (2)  relégué  dans  une 
vieille  sacristie  sombre  et  délabrée  de  l'église  paroissiale  d'Aubenas. 
où  personne  ne  peut  le  voir,  et  je  protestais  contre  l'oubli  absolu 
dans  lequel  on  l'avait  plongé  depuis  quelques  années. 

(i)  Voir  encore  une  note  de  M.  A.  Lacroix  dans  le  Bull,  de  la  Soc.  d'Archéol.  de 
la  Drôme,  1873,  ^-  ^^A  p-  20-j-8,  et  un  art.  de  M.  Vaschalde  lui-même  dans  la 
Rev.  du  Dauph.,  18'jj,  t.  l,  p.  18-22. 

(2)  XLVI^  session,  Paris  1880,  page.  474. 


igO  CORRESPONDANCE. 

Mon  mémoire  se  terminait  ainsi  :  «  Dans  un  article  publié  en  1844 
par  le  Prooressif.  journal  de  la  Corse,  nous  lisons  ce  qui  suit  :  En 
1782,  on  exhuma  le  corps  du  Maréchal  du  précieux  tombeau  qui  le 
renfermait.  M.  Teissier  père,  avocat  d'Aubenas,  qui  assistait  à  cette 
opération,  nous  a  assuré  que  le  corps  d'Ornano  était  bien  conservé. 
La  barbe  avait  poussée  d'un  sixième  de  mètre  environ  ;  les  bande- 
lettes qui  enveloppaient  le  corps  étaient  bien  conservées  et  exhalaient 
une  odeur  aromatique  provenant  de  l'embaumement.  M.  Teissier 
nous  a  assuré  que  la  tête  était  bien  adhérente  au  corps  :  par  consé- 
quent, c'est  à  tort  que  l'on  a  prétendu  qu'il  avait  été  décapité. 

«  Voici  maintenant  ce  que  nous  avons  relevé  dans  les  Notes  de 
M.  Henri  Deydier  :  «  Jean-Baptiste  d'Ornano  ne  fut  pas  empoi- 
sonné dans  le  sens  absolu  du  mot,  comme  le  bruit  en  courut  en  1826, 
ce  fut  son  cachot,  privé  d'air,  qui  causa  sa  mort  comme  il  causa  celle 
de  Puvlaurens  en  1635.  Aussi  M"''  de  Rambouillet  disait-elle  que 
cette  chambre  valait  son  pesant  d'arsenic. 

«  Quelques  personnes  ont  cru  que  d'Ornano  avait  été  décapité 
en  prison,  mais  cette  erreur  fut  démontrée  en  1793,  quand  ses  restes 
furent  arrachés  du  mausolée  où  ils  reposaient,  à  Aubenas.  L'abbé 
Martel,  professeur  d'humanités  au  collège,  assista  curieusement  à 
cette  exhumation,  et  s'assura  que  la  tête  n'était  point  séparée  du 
tronc  (1).  » 

«  On  le  voit, les  auteurs  sont  bien  divisés  sur  les  moyens  employés 
par  le  cardinal  de  Richelieu  pour  se  débarrasser  du  Maréchal 
d'Ornano. 

«  Nous  sommes  en  mesure  de  pouvoir  éclairer  d'un  grand  jour  ce 
point  obscur  de  l'histoire  de  l'infortuné  iMaréchal.  En  1859,  en  rem- 
plaçant les  dalles  de  l'église  d'Aubenas,  le  caveau  de  d'Ornano  fut 
ouvert  en  présence  d'une  commission  dont  faisaient  partie  M.  l'abbé 
Pie,  curé,  M.  le  Maire  et  x\l.  le  docteur  Tailhaud.  On  put  s'assurer 
que  le  corps  était  parfaitement  conservé  et  que,  contrairement  à 
l'assertion  de  AL\L  Teissier  et  Henri  Deydier,  la  tête  ne  tenait  au 
corps  que  par  un  fil  d'or. 

«  Le  maréchal  d'Ornano  a  eu  la  tête  tranchée  à  Vincennes  ;  le 
fait  est  incontestable. 

«  Il  fallait  que  le  vindicatif  Cardinal  eût  un  intérêt  à  cacher  cette 
décapitation  pour  que  les  historiens  ne  l'aient  jamais  connue  d'une 
manière  certaine.  » 

Ainsi  se  termine  notre  mémoire,  publié  par  la  Sociétc  française 
d'archéologie,  la  Revue  du  Dauphiné  et  du  Vivarais  et  la  Revue  de 
Marseille. 

Le  vénérable  curé  Pie  m'a  lui-même  raconte  le  fait  de  Touverture 
du  caveau  en  1859. 

La  constatation  de  ce  fait  historique  est  consignée  par  une  note 
écrite  de  la  main  de  M.  Frédéric  Combier,  sur  les  Notes  de  M. 
Henri  Deydier,  son  beau-père,  à  l'article  Ornano. 

Henry  VASCHALDE. 

(i)  Henri  Deydier,  Notes. 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 


DU 


mm  DE  LA  CHAPELLE-EN-VERCORS 


;drome). 

(Suite). 


Vers  ce  temps,  le  Vercors  et  le  Royans  furent  distraits  de  l'archi- 
prêtré  de  Crest  pour  former  à  eux  seuls  un  cinquième  archiprètré 
du  diocèse  de  Die,  Tarchiprêtré  du  Verco?-s,  lequel  fut  divisé  en 
deux  sections  pour  les  conférences  ecclésiastiques.  La  première 
section  comprenait  les  ecclésiastiques  du  Vercors  même.  Elle  avait 
pour  président  le  curé  de  Saint-Agnan,  pour  secrétaire  celui  de  la 
Chapelle,  et  pour  simples  membres  les  curés  de  Saint-Martin,  de 
Saint-Julien  et  de  Vassieux,  et  les  vicaires  de  Saint-Agnan  et  de  la 
Chapelle.  Les  curés  de  Chàtelus,  d'Echevis  et  de  Laval-Saint- 
Mémoire  faisaient  partie  de  la  section  et  conférence  du  Royans  (i). 

A  Jacques  Dimonier,  encore  curé  de  la  Chapelle  en  1701,  succéda 
Philippe  Badouleau  de  Luat,  qui  fut  curé  de  ce  lieu  et  en  remplit 
les  fonctions  de  1703  à  1706.  Dans  un  Etat  de  la  Chapelle  en  Vercors 
signé  de  sa  main  le  2g  mai  1706,  il  se  dit  «  âgé  de  31  ans  et  demi, 
originaire  du  diocèse  de  Lisieux  en  Normandie,  travaillant  depuis 
3  ans  et  3  mois  dans  le  diocèse  de  Die.  »  11  ajoute  que  la  Chapelle 
n'a  point  de  v'icaire,  mais  que  «  il  en  est  extrêmement  besoin,  la 
paroisse  étant  la  plus  difficile  à  desservir  du  royaume,  n'y  ayant  que 
douze  maisons  autour  du  clocher,  tout  le  reste  étant  dispersé  par 
hameaux,  dont  il  j  en  a  plusieurs  à  plus  d'une  lieue  dans  les  mon- 
tagnes. »  11  avait  pour  oncle  Philippe  Badouleau  de  Luat,  né  en 
1637  et  pourvu  du  doyenné  de  Saint-Appolinaire  de  Valence  en 
1692.  Il  en  fut  institué  héritier,  ainsi   que  Charles-François  Badou- 

(i)  Ordon.  synod.  du  dioc.  de  Die...,  Grenoble,  1698,  pp.  40  et  56  ;  — 
Bull,  cit.,  VIII,  458. 


192  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

leau,  sieur  de  la  Mésangère,  autre  neveu  du  doyen  (i),  et  eut  pour 
successeur,  vers  1808,  Jean-Louis  Colas  qui  apparait  constamment 
secondé  par  un  vicaire. 

Des  nombreux  actes  où  tîgure  le  nouveau  curé  ou  qui  concernent 
les  choses  religieuses  de  son  temps,  nous  mentionnerons  seulement 
ici  une  nouvelle  clôture  faite  au  cimetière,  et  le  testament  de  ce  curé. 

Le  26  février  1741,  le  consul  Claude  Gautheron  donne  à  prix  fait 
à  Pierre  et  François  AUègre-Perin  et  à  leur  neveu  Pierre  AUègre- 
Perin,  «  de  faire  une  muraille  crue  au  cimetière.  «  On  doit  la  pren- 
dre au  niveau  de  «  la  muraille  qui  est  au  deçà  du  degré  dud. 
cimetière  qui  est  devant  la  porte  de  la  cure,  «  et  «  la  faire  jusques  à 
l'estation  qui  est  vis  à  vis  de  la  maison  de  s'  Malsang  conseigneur, 
laquelle  muraille  sera  faite  à  ligne  droite  et  de  Tautheur  de  lad.  sta- 
tion. »  Lesdits  maçons  «  fairont  encore  la  muraille  à  prendre  près 
de  lad.  station  jusques  à  la  porte  quy  se  doit  faire  pour  entrer  dans 
ledit  cimetière,  quy  sera  au  devant  la  porte  de  l'église,  laquelle 
muraille  sera  de  l'épaisseur  de  deux  pieds  et  demy,  faite  à  droite 
ligne  et  de  l'autheur  de  cinq  pieds.  «  Ils  «  fairont  lad.  porte  et 
jambage  d'icelle  de  pierre  taillé  ;  il  y  aura  à  l'entour  d'icelle  porte 
trois  pieds  de  massonnerie  et  chau  et  sable,  lesdits  jambages  de 
l'autheur  de  cinq  pieds.  »  Ils  «  fairont  abattre  l'entienne  muraille,  et 
relèveront  la  terre  dans  le  cimetière  à  leurs  fraix,  remettront  aussy 
les  loses  à  prendre  depuis  ladite  porte,  tirant  à  droitte  ligne  jus- 
ques au  milieu  du  bâchas  ou  bassin  de  la  fontaine  qui  est  du  costé 
de  bize  dud.  cimetière,  en  bonne  et  deue  forme;  »  ils  «  mettront 
aussy  en  estât  les  loses  et  murailles  à  prendre  depuis  led.  bâchas 
jusques  à  la  muraille  qui  a  esté  nouvellement  faite.  »  Tout  cela  pour 
la  somme  de  129  livres.  En  outre,  la  communauté  payera  120  livres 
pour  «  la  croix  de  pierre  de  choin  »  que  lesdits  maçons  «  ont 
promis  de  faire  et  la  poser  au  cimetière  dud.  lieu.  » 

Le  17  juin  de  la  même  année,  Jean-Baptiste  Apaix,  consul,  donne 
à  prix  fait  à  Pierre  et  François  AUègre-Perin  «  une  muraille  à  chaud 
et  sable  du  cimetière  dud.  lieu  et  du  costé  de  bise  d'icelluy,  à  pren- 
dre tout  proche  et  joint  à  la  muraille  que  lesdits  Perin  «  ont  récem- 
ment faite,  «  et  à  teste  du  bâchas  de  la  fontaine,  jusques  auprès  de 
la  porte  de  la  chapelle  des  Pénitens.  »  On  construira  «  ladite 
muraille  au  lieu  et  place  de  celle  quy  a  esté  faite   cidevant  par  feu 

(1)  Arch.  cit.,  fonds  de  la  Cliapcllc  cl  B,  10g.),  i  147  ;  K,  694-5.  —  Muiric  de 
la  Chapelle,  Reg.  de  cathol. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  193 

Henry  Guillot  dud.  lieu,  sans  élargir  ny  retirer  le  chemin  quy  est 
vis  à  vis  et  aboutit  à  lad.  muraille.  »  Celle-ci  aura  5  pieds  de  haut  du 
côté  du  chemin,  et  «  l'épaisseur  de  celle  nouvellement  faite.  »  La 
«  muraille  antienne  sera  démolie  par  lesdits  Alegres.  »  Tout  cela 
pour  la  somme  de  66  livres. 

Le  16  septembre  1748,  «  M'''  Jean-Louis  Colas,  prieur  curé  de  la 
Chapelle,  »  sain  d'esprit  et  de  corps,  élit  sépulture  dans  l'église  de 
ce  lieu  ;  il  laisse  ses  obsèques  et  ses  œuvres  pies  à  la  discrétion  de 
son  héritière  universelle,  «  damoiselle  Marianne  Roze  Deville,  sa 
nièce,  fille  de  feu  sieur  Claude  et  de  demoiselle  Marianne  Colas.  «  Il 
lègue  à  «  M""*  Jacques  Colas,  son  frère,  chanoine  au  Montélimard,  » 
et  «  à  tous  ses  parens  et  prétendants  droits  à  son  hereditté,  au 
chacun  cinq  sols.  >'  Furent  témoins  du  testament  «  M'=  Joseph  Minis- 
tral,  prêtre  de  Valrias,  vicaire  dud.  la  Chapelle,  et  Pierre  Foron, 
étudiant  en  philosophie  à  Grenoble,  natif  dud.  la  Chapelle  (i).  » 

Colas  mourut  bientôt  après.,  et  des  lettres  de  provisions  de  sa 
cure  étaient  données,  le  29  octobre  suivant,  à  Charles  Desandrés, 
prêtre  du  diocèse  de  Die,  recteur  de  la  chapelle  Saint- Jacques  de^ 
Rafins,  fondée  dans  l'église  paroissiale  de  la  Motte-Chalancon, 
pitancier  du  prieuré  de  Saint-Julien  de  Guinaise-lès-Chatillon,  et 
prieur  curé  de  Saint-Jacques  de  Charens.  Le  nouveau  titulaire  fut  mis 
en  possession  le  8  novembre  de  la  même  année. 

Après  diverses  formalités  faites  en  vue  d'obtenir  une  amélioration 
de  son  logement,  Desandrés  finit  par  convenir,  le  12  septembre 
1754,  que,  moyennant  1000  livres  à  lui  payer  par  la  communauté, 
il  se  chargeait  de  tout  l'ouvrage.  Celui-ci  consistait  à  faire  une  cui- 
sine et  un  salon  sur  le  terrain  communal,  à  l'endroit  où  étaient  l'écu- 
rie et  le  grenier  à  foin  «  et  au  plein  pied  du  côté  du  midi  ;  «  de  les 
ajourer  du  côté  de  la  basse-cour  et  du  jardin,  et  de  faire  au-dessus 
une  chambre  logeable,  munie  d'une  cheminée  ainsi  que  le  salon  ; 
d'accorder  le  tout  avec  la  maison  attenante  prise  en  pension  du 
recteur  de  la  ^Madeleine  et  servant  depuis  longtemps  de  logement 
curial  ;  de  construire  à  côté  des  salon  et  cuisine  une  écurie  et  un 
grenier  à  foin  (2). 

Cet  acte  et  plusieurs  autres  que  nous  omettrons  ici,  montrent  que 
notre  curé  s'entendait  très  bien  en  affaires  ;  mais  le    sixain   suivant, 

(i)  Arch.    cit.,    fonds   de  la   Chapelle,   visites  de  Die,  et  B.   1149,  11 56,    1181, 
1203.  —  Minutes  cit.,  passim . 
{2)  Minutes  cit.,  reg.  Billeiey  de  1749-50,  f.  i  1-2,  et  de  1731-5,  f-  38-41. 


194  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

qu'il  adressait  le  12  janvier  1756  à  Monsieur  Bernard,  curé  de  Saint- 
Julien-en-\'ercors,  ne  le  fera  jamais  ranger  parmi  les  poëtes  de 
premier  ordre  : 

«   Monsieur  Bernard,  je  l'espère, 

«  Excusera  son  confrère  : 

«  La  goutte  et  le  mauvais  temps 

«  Font  enrager  les  absents. 

«   Et,  pour  finir  mon  rôlet, 

«  Suis,  ma  foi,  bien  son  valet  [i).  » 
Desandrés  était  à  la  Chapelle  depuis  bientôt  18  ans,  quand  tout  à 
coup  nous  le  voyons  nommer,  par  acte  du  6  octobre  1766,  un  pro- 
cureur pour  résigner  entre  les  mains  du  pape  lad.  cure  de  la  Cha- 
pelle «  avec  ses  droits  et  appartenances  quelconques,  en  faveur  néan- 
moins de  M'"  Jacques-François  Roux,  prêtre  de  la  ville  de  Crest, 
curé  décimateur  des  Nonières,  diocèse  de  Die,  et  non  autrement  ou 
d'autres  personnes.  »  Le  i"'' décembre  de  la  même  année,  l'évcque 
de  Die  nommait  Roux  au  prieuré-cure  de  la  Chapelle,  «  led.  prieuré- 
cure  étant  vaccant  à  cause  d'incompatibilité  et  attendu  que  mondit 
sieur  Desandrés  »  avait  «  pris  possession  du  prieuré-cure  de  Jon- 
chères,  même  diocèse,  »  le  S  octobre  1765,  et  qu'il  le  possédait 
depuis.  Par  suite,  le  11  décembre  1766,  Roux  se  faisait  installer 
curé  de  la  Chapelle  (2). 

Cependant,  «  M"""  François  Bontoux,  prêtre  du  diocèse  de  Gap, 
bachelier  en  droit  canon,  curé  d'Aoste,  recteur  de  la  chapelle  de 
Sainte-Catherine  à  Rousset,  diocèze  d'Embrun,  avait  été  pourvu, 
par  le  vice-légat  d'Avignon,  de  cette  même  cure  de  la  Chapelle, 
obtenue  par  dévolu,  le  28  octobre  1766,  «  contre  sieur  Charles 
Desandrés  détenteur  injuste  de  lad.  cure  vacante  de  droit  par 
incompatibilité.  «  Le  29  décembre  suivant,  Bontoux  demandait  son 
visa  à  M.  l'abbé  de  Costemore  ;  mais  celui-ci  l'ayant  renvoyé  au 
28  janvier  1767  »  pour  être  procédé  à  son  examen,  «  la  longueur  du 
délai  engagea  le  dévolutaire  à  demander  au  sénéchal  de  Valence 
la  permission  de  prendre  possession  civile  du  bénéfice.  Un  décret 
conforme  du  30  décembre  1766  l'y  ayant  autorisé,  Bontoux  alla  à  la 
Chapelle,  où,  le  7  janvier  suivant,  il  se  fît  mettre  par  le  notairs 
Billercy  en  ladite  possession  civile  (j). 

(i)  Original,  trouve  dans  les  anc.   rcg.  de  calhol.  de  Sl-Martin-en-Vercors. 

(2)  Minutes  cit.,  protoc.  Dillcrey  de  1765-C),  ff.  ^  i  S-'î  et  377-H;  —  Arch.  de  la 
Dr.,  3,593. 

(3)  Ibid.,  protoc.de  1766-b,  f.  9-10. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  I95 

Mais  Roux  l'emporta,  et  la  paroisse  eut  à  s'applaudir  de  le  con- 
server ;  car  il  fut  un  curé  instruit,  zélé,  surtout  ferme  dans  son 
devoir.  Aussi  le  trouvons-nous  dès  1787  revêtu  de  la  dignité  d'archi- 
prêtre  du  Vercors.  Il  porta  un  jour  plainte,  de  concert  avec  Arnaud 
consul  et  Rochas  notaire,  devant  la  justice  mage  de  Die,  contre  les 
cabareticrs  de  la  Chapelle  qui  n'observaient  pas  les  règlements  sur 
la  fermeture  des  auberges.  Il  sut  faire  respecter  les  prairies  de  son 
bénéfice  contre  le  passage  indu  d'un  nommé  Magnan-Margot.  Mais 
il  ne  sut  pas  moins  se  sacrifier  dans  les  jours  difficiles.  Il  eut  le 
tort  de  prêter  le  premier  serment  exigé  de  lui  par  les  hommes  de 
la  Révolution  ;  mais,  quand  on  lui  demanda  en  1791  le  second 
serment,  bien  plus  coupable,  celui  d'adhésion  à  la  Constitution 
civile  du  Clergé,  il  le  refusa  énergiquement  (i).  Destitué  de  son  titre 
et  de  ses  fonctions,  il  ne  tint  de  cette  destitution  que  le  compte  qu'elle 
méritait.  Souffrant  et  atteint  d'ulcères,  nous  dit  la  tradition  locale, 
il  fut  arraché  de  force  de  son  presbytère  et  trainé  dans  les  prisons 
de  Valence  ;  il  y  mourut,  ou  plutôt  y  pourrit,  par  suite  de  l'absence 
de  soins  où  on  le  laissa  malgré  ses  ulcères  et  ses  souffrances.  Des 
documents  du  temps  confirment  sur  ce  point  la  tradition  locale  (2). 

Parmi  les  prêtres  qui  prêtèrent  le  secours  de  leur  ministère  pen- 
dant la  Révolution,  il  faut  compter  M.  Blanc,  ancien  aumônier  du 
dernier  évêque  de  Die.  Le  7  mars  1797,  il  écrivait  à  M.  Fédon, 
administrateur  du  diocèse  :  «  ...  Je  suis  décidé  à  me  retirer  au  plus 
«  tôt  chez  une  sœur,  dans  le  diocèse  de  Grenoble,  hormis  que  vous 
«  ne  trouviez  à  propos  que  je  ne  travaille  dans  les  paroisses  du 
«  Vercors  où  il  n'y  a  pas  de  prêtre  résidant,  telle  que  La  Chapelle 
«  ou  la  succursale  de  Rousset.  La  première  est  presque  au-dessus 
«  de  mon  âge  par  son  étendue...  »  Le  27  du  même  mois,  il  écrivait 
encore  à  M.  Fédon  qu'il  avait  eu  l'avantage  de  faire  faire  les  Pâques, 
à  La  Chapelle,  à  plus  de  40  personnes,  dans  deux  jours  qu'il  y  avait 
passés.  A  propos  de  poste,  il  désirait  Rousset.  «  La  Chapelle,  dit-il 
«  encore,  est  trop  pénible  pour  mon  âge.  »  Et  puis,  il  ne  voulait  pas 
être  chargé  de  l'administration  de  La  Chapelle,  parce  qu'il  y  avait 
«  beaucoup  de  parents,  et  des  plus  endurcis  (3).  » 

D'Echevis,  M.  Darêne  rendit  aussi  quelques  services  (4). 

(i)  Arch.  de  la  Dr.,  fonds  de  St-Agnan,  et  B,  642,  1095  ^^  1276. —  Minut.  cit., 
passim. 

(2)  Arch.  de  la  Drôme,  fonds  Fédon  ; —  Bull,  d'hist.   relig.  de   Val.,  I,   141. 

(3)  Bull,  cit.,  I,   135-6. 

(4)  Arch.  de  Tégl.  d'Echevis,  reg.  de  cathol. 


igà  HISTOIRE    DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS. 

La  tradition  porte  encore  que  M.  Foron,  curé  de  Gresse,  exerça 
le  saint  ministère  à  la  Chapelle,  se  cachant  et  disant  la  messe  quel- 
quefois aux  Poncets  chez  Blanc-Giraud ,  quelquefois  aux  Bernards 
chez  Bernard-Môme.  Mais  les  registres  de  catholicité  du  lieu  nous 
le  montrent  y  baptisant  et  mariant  plus  ou  moins  publiquement  de 
septembre  1798  à  novembre  1802  Engelfred,  curé  de  Vassieux,  y 
baptisa  aussi  en  1799  et  en  1800. 

Dès  le  I"  janvier  1803,  les  fonctions  saintes  sont  faites  à  la  Cha- 
pelle par  Denis  «  Perrier,  curé  provisoire,  »  qui  y  fut  curé  définitif 
de  juillet  1802  au  21  février  1805  (i). 

Après  la  démission  de  Denis  Perrier,  la  paroisse,  qui  avait  titre  de 
cure  de  seconde  classe,  a  eu  successivement  pour  curés  MM.  Joseph 
Actorie  (1805-1818),  Cluze  (1818-1833),  Alphonse  Bossand  (1833- 
1834),  Chosson  (1836-1840J,  Joseph  Gaude  (1841-1861),  Pierre- 
Auguste  Blaïn  (1861-1865),  Louis-Henri  Bodin  (1865 -1870)  et  Jean 
Thomé  (1870-1887),  que  l'âge  et  les  infirmités  ont  amené  à  se  dé- 
mettre de  sa  cure.  M.  Thomé  a  rendu  son  âme  à  Dieu  le  12  mars 
1888.  M.  Ferdinand  Pourret  l'avait  remplacé  en  septembre  1887.  Tous 
ont  été  archiprêtres  du  canton  et  secofidés  par  un  vicaire. 

En  1856,  l'église  paroissiale,  d'ailleurs  non  voûtée,  mal  lambris- 
sée, trop  étroite,  en  mauvais  état  et  à  refaire,  devint  la  proie  des 
flammes.  Le  clocher  seul  échappa  au  désastre.  On  fut  réduit  à  célé- 
brer les  saints  offices  dans  une  salle  humide  et  basse,  contenant  à 
peine  le  tiers  des  habitants.  M.  Blaïn,  à  peine  arrivé  à  la  Chapelle, 
se  préoccupa  de  l'érection  d'une  nouvelle  église.  Les  ouvriers  allaient 
se  mettre  à  l'œuvre,  quand  la  Providence  appela  le  zélé  pasteur  à 
diriger  l'œuvre  de  la  Mission  du  Diois.  M.  Bodin,  son  successeur  à 
la  Chapelle,  vit  s'élever  l'église  tant  désirée,  qui  a  eu  M.  Epailly 
pour  architecte  et  a  coûté  environ  68,000  francs.  Elle  fut  consacrée 
par  Mgr  Gueullette,  le  11  août  1868. 

Cette  nouvelle  église,  en  forme  de  croix  latine,  s'élève  à  la  place 
de  l'ancienne,  mais  est  beaucoup  plus  vaste  ;  elle  est  dominée  au 
midi  et  servie  par  l'ancien  clocher.  Elle  a  été  munie  de  trois  beaux 
autels,  d'une  chaire  monumentale,  et  d'un  mobilier  presque  complet 
grâce  à  la  générosité  des  paroissiens  et  au  zèle  de  son  excellent  curé 
M.  Thomé.  M.  Pourret,  curé  actuel,  est  en  voie  de  compléter 
l'ameublement. 

(i)  Arch.  des  cl;1.   delà  Chapelle  et  de  Sl-Martin-en-V. 

(La  suite  au  prochain  numéro).  L.   FILLET. 


LE  TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

d'après  des  documents  officiels  et  inédits. 

(Suite) 

La  municipalité  de  Mens  était  de  force  à  mener  plus  d'une  affaire 
de  front  ;  elle  faisait  la  guerre  aux  prêtres  réfractaires  et  à  tous  ceux 
qui  n'avaient  pas  ouvertement  et  avec  enthousiasme  embrassé  les 
idées  du  jour;  elle  la  faisait  aussi  aux  communes  environnantes. 
Le  9  ventôse,  elle  dénonçait  à  l'agent  national  du  district  les  maires 
et  procureurs  de  Tréminis  et  de  Prébois  (i).  Des  lois,  comme  on  le 
sait,  avaient  été  faites  contre  les  accapareurs  et  obligeaient  les  agri- 
culteurs à  porter  leurs  denrées  aux  marchés  établis.  Mens  possédait 
l'un  de  ces  marchés  et  entendait  qu'il  fût  toujours  alimenté  par  les 
populations  environnantes.  Ses  administrateurs  avaient  fixé  la 
quantité  de  blé  que  chaque  commune  devait  fournir  fi),  sans  même 
s'informer  si  la  chose  était  possible.  Les  municipalités  de  Prébois, 
dont  les  terrains  n'étaient  que  peu  ou  mal  cultivés  alors,  de  Trémi- 
nis, qui  ne  fournissait  que  le  quart  du  blé  nécessaire  à  ses  habi- 
tants, furent  l'objet  des  poursuites  du  comité  de  salut  public  du 
Trièves  et  dénoncées.  Leurs  maires  et  agents  nationaux  mandés  peu 
après  à  Grenoble  furent  condamnés  par  le  district  à  quelques  jours 
de  détention. 

Ici  se  place  un  petit  incident  bon  à  raconter.  Sortis  de  prison,  le 
maire  de  Tréminis,  le  sieur  Prayer  Jean,  et  Benoît,  son  procureur, 
en  attendant  le  lendemain  pour  reprendre  le  chemin  de  leurs  mon- 
tagnes, vont  demander  un  logement  à  l'hôtel.  Avant  de  se  mettre 
au  lit,    Prayer  à  genoux   faisait  une  courte  prière,  quand   Benoit, 

(i)  Lettres  de  la  municipalité  de  Mens,  2°  cahier. 

(2)  Cette  quantité  était  de  trente  quartaux,  ou  sept  hectolitres  et  demi  pour 
Lavars,  quarante  pour  Belle-Combe  (St-Maurice),  trente  pour  Prébois,  quarante 
pour  Vallon-libre  (St-Sébastien  et  Cordéac),  vingt-cinq  pour  Tréminis,  quarante 
pour  Cornillon,  quarante  pour  le  Monêtier-du-Percy,  trente  pour  le  Percy,  vingt 
pour  Mi-Coteau.x  (St-Genis).  —  Ibidem,  lettre  du  6  fructidor  an  II. 


198  LE    TRIÈVES    PENDANT 

entre,  enfle  sa  voix  et,  pour  faire  une  simple  surprise  à  son  compa- 
gnon, menace  de  le  dénoncer  comme  fanatique  et  réfractaire.  Saisi 
de  crainte  par  ces  paroles,  dont  il  ne  reconnaît  pas  l'auteur  tout 
d'abord,  et  effrayé  surtout  par  la  pensée  d'une  nouvelle  réclusion, 
le  pauvre  homme  sent  une  fièvre  ardente  s'emparer  de  tout  son 
être  et  entre  dans  un  espèce  de  délire  violent.  On  par\int  à  le 
calmer  à  force  de  soins;  mais  il  contracta  par  suite  une  maladie  c]ui 
lentement  le  conduisit  au  tombeau  (i). 

Un  mois  et  demi  plus  tard,  le  blé  commençait  seulement  à  rever- 
dir sous  le  souffle  du  printemps,  à  Tréminis  et  à  Prébois,  mais  les 
greniers  étaient  vides  en  attendant  la  moisson. 

Les  marchés  de  Mens  ne  recevaient  toujours  rien  de  ces  deux 
communes,  malgré  la  peine  infligée  à  leurs  administrateurs.  Aussi 
le  24  germinal  an  II  Ci  3  avril),  Payan  dicte  à  son  secrétaire  la 
lettre  suivante  pour  les  officiers  municipaux  de  ces  deux  pauvres 
communes  :  «  Citoyens  collègues,  il  est  bien  étonnant  que  le  sort 
éprouvé  par  le  maire  et  l'agent  de  votre  commune  ne  vous  rende 
pas  plus  sages.  Vous  connaissez  toute  la  rigueur  des  lois  contre 
les  municipalités,  qui  ne  défèrent  pas  aux  réquisitions  concernant 
l'approvisionnement  des  marchés,  et  cependant,  vous  y  êtes  réfrac- 
taires.  Nous  voulons  bien  vous  prévenir  encore  pour  la  dernière 
fois,  que,  si  vous  ne  remplissez  pas  la  réquisition  en  bléd  que  vous 
devez  faire  apporter  au  marché  de  Mens,  nous  serons  forcé  de  vous 
dénoncer  de  nouveau  à  l'administration. 
<'   Salut  et  fraternité  (2).   » 

Quels  furent  les  résultats  de  cette  sommation  impitoyable  faite  au 
nom  de  la  fraternité?  Nous  l'ignorons  ;  mais,  entre  temps,  Payan  et 
ses  aides  trouvaient  encore  des  occupations  nouvelles.  «  Les  livres 
de  chant,  qui  servaient  à  notre  ci-devant  église,  écrivait-il  à  l'a- 
gent national  du  district,  le  6  floréal  (25  avril),  sont  tous  scellés. 
Tout  ce  qui  pouvait  blesser  les  principes  de  l'égalité,  de  la  frater- 
nité et  de  la  liberté   a  été    livré   aux   flammes c'est-à-dire,    les 

terriers  et  tout  ce   qui  pouvait  constater  les  droits  féodaux  (3).   » 

Les  églises    avaient  été    pillées  et    fermées ,   les    cures   et  leurs 

(i)  Récit  de  son  petit-fils. 

(2)  Lettres  de  la  municipalité  de  Mens,  2"  cahier. 

(3)  Ibidem.  Il  oubliait  de  mentionner  les  cris,  les  chants  frénétiques  et  les  ric;o- 
dons  des  patriotes  du  lieu  autour  de  l'auto-da-fé  en  question,  lequel  eut  lieu  au 
Champ-de-.Mars. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  IQQ 

jardins  ne  tardèrent  pas  à  être  loués  :  ce  qui  eut  lieu  pour  Lalley, 
Monêtier-du-Percy,  le  Percy,  Prébois  et  Tréminis,  le  26  thermidor 
(11  aoûtj  (i),  et  le  10  prairial  an  III  (2g  mai  1795)  P<^u^"  Clelles  (2). 
La  chose  avait  été  faite  de  bien  meilleure  heure  à  St-Baudille  (24  ger- 
minal an  II)  (3). 

Dans  cette  dernière  commune,  on  souffrait  d'une  disette  d'un  nou- 
veau   genre,   que  la   délibération  suivante  de  sa   municipalité  nous 

fera  connaître  (\6  prairial,  4  juinj  :    « Le  citoyen  Giraud,    agent 

national,  a  dit  que  depuis  longtemps  il  existe  dans  le  canton,  une 
disette  de  cuirs  si  considérable,  que  la  plupart  des  habitants,  leurs 
femmes  et  leurs  enfants,  sont  sans  souliers  et  ils  ne  peuvent  s'en 
procurer,  quelque  réquisition  qu'ils  ayent  faite  au  cordonnier.  Ce- 
lui-ci ne  peut  se  procurer  du  cuir  au  lieu  où  il  s'en  fabrique,  sous 
prétexte  qu'il  n'y  en  a  pas.  De  cette  sorte,  les  habitants  ne  pourraient 
pas  s'occuper  aux  travaux  utiles  de  l'agriculture,  faute  de  souliers. 
Requiert  en  conséquence  le  conseil  de  délibérer  qu'il  sera  adressé 
une  pétition  au  district  à  l'effet  de  le  prier  de  faire  procurer  à  la 
commune  le  cuir  qu'il  sera  nécessaire,  selon  le  nombre  de  la  popu- 
lation, pour  être  fabriqué  en  souliers  pour  l'usage  des  habitants, 
avec  pouvoir  de  requérir  les  cordonniers  de  Mens  pour  en  faire  la 
fabrication  (4).   « 

Un  fléau  plus  terrible  que  le  manque  de  souliers  vint  encore 
éprouver  cruellement  la  population  de  St-Baudille.  Le  24  prairial  et 
le  19  messidor,  ses  récoltes  et  ses  champs  furent  ravagés  par  une 
grêle  affreuse,  suivie  d'une  inondation  qui  emporta  les  digues  et 
les  ponts,  arracha  les  arbres,  abima  plus  d'un  tiers  des  terrains  cul- 
tivés et  coupa  tous  les  chemins  (5). 

Peu  importait  à  la  municipalité  de  Mens  si  ses  commettants 
avaient  des  souliers  ou  non  ;  des  soins  plus  importants  fixèrent  son 
attention.  Elle  écrivait  à  l'agent  national  près  le  district  de  Grenoble 
(25  germinal  an  II j  (6)  : 

«  Citoyen,  nous  ne  sommes  point  en  retard  pour  planter  l'arbre 
de  la  liberté  ;  nous  l'avons  fait  plusieurs  jours  avant  de  recevoir  ta 
lettre.  Nous  ne  serons  jamais  des  derniers  à  exécuter  les  décrets  de 

(i)  Reg.  des  délit.   St-Maurice. 

(2)  Ibidem,  Clelles. 

(3)  Ibidem,  St-Baudille-et-Pipet. 

(4)  Ibidem. 

(■5)   Délibérations  des  2y  prairial  et  20  messidor,  Ibidem. 
(6)  Cahier  i  des  Lettres  de  la  municipalité. 


200  LE    TRIEVES    PENDANT 

la  Convention...,.  »  Elle  voulait  en  outre  faire  accepter  la  célébra- 
tion du  décadi,  oublier  celle  du  dimanche  et  son  repos,  et  se  heur- 
tait à  une  résistance  plus  générale  et  plus  forte  qu'elle  ne  s'y  atten- 
dait. Espérant  la  vaincre,  elle  prit  l'arrêté  suivant  :  «  Du  quinze 
floréal  an  II  (3  juin)  de  la  république  française,  une  et  indivisible,  à 
Mens,  dans  la  maison  commune,  le  conseil  municipal  publique- 
ment assemblé,  présents  les  citoyens  Payan,  maire,  Richard,  Borel, 
Beaup,  Fluchaire,  offi.  municip.,  Berton,  agent  national  provisoire. 

«  L'agent  national  a  dit  que  le  bien  public  exigeait  que  les  jours 
connus  ci-devant  sous  le  nom  de  dimanche,  ne  fussent  pas  consa- 
crés à  la  débauche  et  employés  uniquement  au  cabaret.  Il  requé- 
rait en  conséquence  qu'il  fût  inhibé  à  tous  les  cabaretiers  et  auber- 
gistes de  donner  à  boire  et  à  manger  à  qui  que  ce  soit,  ce  jour-là, 
à  moins  que  ce  ne  soit  un  jour  de  décadi.  Requérait  enfin  de  déli- 
bérer et  signait.  Berton,  ag.  nat. 

«  Le  corps  municipal,  faisant  droit  au  réquisitoire  ci-dessus, 
arrête  : 

Article  premier. 

«  Qu'aucun  cabaretier  ne  pourra,  sous  aucun  prétexte,  donner  à 
boire  et  à  manger  à  qui  que  ce  soit,  les  jours  de  dimanche,  à 
moins  qu'ils  ne  concourent  avec  le  décadi,  à  peine  pour  le  contre- 
venant de  vingt-cinq  livres  d'amende. 

Article    deuxième. 

«  Il  est  défendu  sous  la  même  peine  de  jouer  aux  boules  les  dits 
jours. 

«  Le  conseil  municipal  invite  tous  les  citoyens  à  dénoncer  tous 
ceux  qui  contreviendraient  à  la  présente  ordonnance  ;  arrête  au  sur- 
plus que  la  présente  sera  lue,  publiée  et  affichée  au  son  du  tam- 
bour, aux  endroits  accoutumés,  et  l'agent  national  est  chargé,  sous 
sa  responsabilité,  de  veiller  à  son  exécution  (i).   » 

Ces  bons  patriotes  défendaient  la  débauche  et  la  fréquentation 
des  cabarets,  les  jours  de  dimanche,  comme  chose  criminelle  ;  mais 
ils  permettaient  tout  cela  les  jours  de  décadi.  On  se  demande 
comment  les  mêmes  choses  de  coupables  devenaient  ainsi  subite- 
ment honnêtes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  mesure  souleva  à  Mens  l'indignation 
générale  et  les  plaintes  de  tous.   Aussitôt  une  pétition  demandant 

(i)  Registre  des  délib.,  Mens. 


LA    GRANDE    REVOLUTION,  201 

qu'il  fût  permis  à  chacun  de  se  comporter  comme  il  l'entendrait,  les 
dimanches  et  décadis,  se  couvrit  de  signatures.  Fort  embarrassés 
alors  des  suites  de  leur  zèle  antireligieux,  les  conseillers  eurent 
recours  à  l'agent  national  près  le  district  et  lui  écrivirent  (21  du 
même  mois)  :  «  Nous  avons  fait  et  faisons  tous  les  jours  tous  nos 
efforts  afin  d'engager  les  citoyens  à  choisir  le  jour  du  décadi  pour 
leur  jour  de  repos.  Nous  avons  même  défendu  le  jeu  et  le  cabaret 
les  jours  du  ci-devant  dimanche,  et  nous  voyons  avec  regret  que  les 
derniers  sont  toujours  ceux  que  le  peuple  choisit  pour  son  repos. 
Que  devons-nous  faire  .?  D'un  côté  on  nous  oppose  la  liberté  ;  nous 
avons  nous-mêmes  à  leur  opposer  la  circulaire  du  28  germinal. 
Juge  de  notre  embarras.  Nous  t'observons  cependant  qu'on  se  rend 
assez  au  temple  de  la  Raison  pour  entendre  la  lecture  des  lois,  les 
jours  de  décadi,  et  que,  après,  la  plupart  se  rendent  à  leurs  travaux 
ordinaires,  surtout  les  cultivateurs,  et  si  nous  sommes  obligés  de 
faire  des  dénonciations,  il  faudra  dénoncer  les  trois  quarts  des 
habitants  du  pays.  Tu  voudras  bien  nous  aider  et  de  tes  conseils 
et  de  tes  lumières  dans  cette  circonstance,  et  nous  tracer  la  marche 
que  nous  devons  suivre,  (i)  » 

Nos  hommes  attendaient  impatiemment  une  réponse  qui  n'arri- 
vait pas  et  ils  la  réclamaient  en  vain,  pendant  que  les  plaintes 
allaient  grandissant  autour  d'eux.  Dans  l'espoir  de  les  faire  cesser, 
ils  ordonnèrent  de  placarder  sur  les  murs  de  Mens  la  proclamation 
suivante,  où  transpire  le  secret  de  leurs  angoisses  :  «  Citoyens,  la 
municipalité  a  prévenu  les  justes  plaintes  contenues  dans  votre 
pétition  sans  date,  et  a  fait  part  à  l'administration  des  difficultés 
qu'elle  éprouve  à  faire  choisir  de  préférence  aux  citoyens  le  décadi 
pour  le  jour  du  repos,  et  elle  attend  sa  réponse  pour  prendre  les 
mesures  qui  lui  seront  dictées  par  sa  sagesse. 

«  La  municipalité  est  bien  étonnée  de  voir  refuser  l'exécution  des 
lois  ou  règlements  par  les  citoyens  (2).   » 

Leur  langage  avouait  une  déconvenue  :  ils  l'eurent  complète.  A 
Mens,  on  méprisa  leur  arrêté,  et  ils  eurent  la  douleur  de  se  voir 
abandonnés  par  l'administration,  qui  les  laissa  honteusement  échouer 
au  milieu  des  difficultés  qu'ils  s'étaient  créées  eux-mêmes. 

La  municipalité  de  Tréminis  avait  essayé  de  marcher  elle  aussi 
dans  la  même  voie   que  sa  voisine  de  Mens  ;   longtemps  elle  avait 

(i)  Lettres  de  la  municipalité  de  Mens,  2=  cahier. 
(2)  Ibidem. 

Bull.  VIII,  1888.  15 


202  LE    TRIEVES    PENDANT 

hésité  et,  pour  elle  comme  pour  la  population  entière,  le  décadi 
n'existait  que  de  nom.  Un  pareil  état  de  choses  ne  plaisait  point  à 
quelques  personnages  remuants  et  ambitieux.  Sur  leur  dénonciation, 
les  conseillers  reçurent  (le  4  vendémiaire  an  II)  une  lettre  du  citoyen 
Hilaire,  agent  national  du  district  de  Grenoble.  Celui-ci  leur  repro- 
chait, entre  autres  choses,  leur  peu  de  zèle  pour  la  république  et  les 
décrets  de  l'Assemblée  nationale  ;  il  leur  recommandait  de  sortir  de 
leur  torpeur,  «  sans  quoi,  ajoutait-il,  je  vous  regarderai  comme  des 
magistrats  prévaricateurs  et  j'invoquerai  contre  vous  l'exécution  de 
la  loi  révolutionnaire  du  14  frimaire  dernier.  »  Pressé  par  les  termes 
de  cette  lettre  le  conseil  fixe  ainsi,  au  décadi,  la  lecture  des  lois  et  dé- 
crets. «  Les  lois  seront  lues,  chaque  décadi,  par  l'un  des  officiers  mu- 
nicipaux, dans  la  maison  commune  sur  les  deux  heures  de  relevée,  et, 
dans  le  cas  où  les  citoyens  n'y  assisteraient  pas  les  jours  de  première 
et  deuxième  décade  qui  suivra,  la  dite  lecture  sera  faite,  le  dimanche 
suivant,  attendu  que  le  peuple  a  toujours  fait  son  jour  de  repos  de 
ce  jour,  sans  pouvoir  l'en  détourner  aucunement  (i).  » 

Cette  résolution  de  la  municipalité  de  Tréminis  en  amena  d'autres 
plus  conformes  aux  désirs  des  puissants  du  jour  ;  son  procureur  l'aida 
à  les  prendre,  en  se  servant  lui  aussi  de  l'intimidation.  «  Citoyens, 
dit-il  un  jour  aux  conseillers,  une  responsabilité  étonnante  pèse  sur 
nos  têtes  ;  le  comité  de  surveillance  nous  trouve  négligents.  Tâchons, 
les  uns  et  les  autres,  de  nous  mettre  à  l'abri  de  tout  reproche.  Exé- 
cutons les  lois  avec  plus  de  promptitude  que  nous  ne  l'avons  fait 
jusqu'ici  et  tout  ira  bien.  »  Puis  il  propose  de  transformer  l'église  en 
temple  de  la  raison.  On  le  lui  accorda  aussitôt  (30  thermidorj.  Mais 
les  catholiques  ne  voulurent  point  participer  à  la  profanation.  Plus 
d'une  fois,  le  décadi  au  matin,  le  tambour  retentit  dans  chaque 
village,  personne  ne  se  leva  à  son  appel,  pour  venir  entendre  la 
lecture  des  lois  et  décrets  ;  le  procureur  et  les  conseillers  seuls  y 
assistaient.  Le  dimanche  au  contraire,  les  familles,  les  habitants, 
d'un  même  village  se  réunissaient  pour  prier  et  personne  ne  consen- 
tait à  travailler,  malgré  les  railleries  et  les  mauvais  exemples  des 
protestants  (2). 

Une  lettre  du  30  floréal  (19  mai)  nous  fait  connaître  par  quelles 
pieuses  lectures  la  municipalité  de  Mens  édifiait  les  fidèles  de  la 
déesse  raison  :  «  J'ai  reçu,  disait  l'agent  national  à  celui  du  district, 

(1)  Registre  de  dél.  Trcminis. 

(2)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  203 

le  rapport  de  St-Just  sur  la  police  générale,  sur  la  justice,  le  com- 
merce, la  législation  et  les  crimes  des  factions.  Je  me  propose  d'en 
faire  lecture,  demain,  décadi,  au  temple  de  la  raison.  Il  renferme  des 
principes  qu'on  ne  peut  trop  faire  connaître  »  ([). 

D'autres  fois  c'était  mieux  encore,  et,  à  iMens,  St-Maurice;  Monê- 
tier-du-Percy,  Roissard,  la  feuille  ignoble  du  père  Duchêne  servait 
à  l'instruction  des  adeptes  du  nouveau  culte  (2^ 

A  la  suite  d'un  décret  de  l'Assemblée  nationale,  plusieurs  nobles 
du  Trièves,  résidant  à  Grenoble,  avaient  dû  quitter  cette  ville,  comme 
étant  une  place  forte,  et  étaient  venus  se  réfugier  à  Mens.  Voici  leurs 
noms  que  nous  trouvons  dans  une  lettre  des  ofliciers  municipaux  de 
cette  localité  au  comité  du  salut  public  de  la  Convention  nationale 
(ig  floréal  an  II,  8  mai)  :  «  Citoyens,  en  conformité  du  décret  de  la 
Convention  nationale  sur  la  police  générale  de  la  République,  nous 
vous  adressons  l'état  des  ci-devant  nobles  qui  habitent  depuis  long- 
temps Mens  et  de  ceux  qui  s'y  sont  rendus  en  suite  du  dit  décret  : 

0  Le  citoyen  André-César  de  Bardonenche,  âgé  de  septante-sept 
ans,  sa  femme,  deux  filles  et  un  fils  âgé  de  dix  ans. 

«  Le  citoyen  Alexandre  Leblanc-Prébois,  ancien  capitaine  d'artil- 
lerie, âgé  de  soixante  trois  ans,  et  sa  femme. 

«  La  citoyenne   Dehières,  veuve  de  André  Durand-Lamolinière. 

«  La  citoyenne  Louise  Demaffé,  veuve  de  André  de  Magnin  et  sa 
fille.  Elle  a  un  fils  au  service  de  la  République  depuis  le  départ  de  la 
première  réquisition. 

«  La  citoyenne  Leblanc-Prébois,  fille,  qui  a  quitté  Grenoble  depuis 
le  décret  qui  enjoignait  aux  ci-devants  nobles  de  quitter  les  citadelles 
et  places  fortes. 

«  Constamment  occupés  à  déjouer  les  intrigues  et  les  factions, 
nous  ne  négligerons  jamais  rien  de  ce  qui  pourra  accélérer  la  mar- 
che de  la  République.  (3)  » 

Transportons-nous  pour  quelques  instants  à  Grenoble,  dans  la 
salle  des  délibérations  du  district,  dont  tous  les  membres  sont  pré- 
sents et  silencieux,  l'air  morne,  se  préparant  à  frapper  un  grand 
coup.  La  république  était  en  danger  et  il  fallait  la  sauver  par  un 
exploit  digne  de  passer  à  la  postérité.    En  effet  à   Cordéac,  dans  le 

(i;  Lettres,  2=  cahier. 

(2)  Témoignages  de  vieillards  et  notes  marginales  d'un  numéro  de  ce  journal 
trouvé  à  Roissard. 

(3)  Reg.  des  délib.  Mens. 


y 


204  ^^    TRIEVES    PENDANT 

Trièves,  les  cloches  avaient  été  sonnées  pendant  un  orage,  un  fat  de 
croix  était  resté  debout  près  d'un  chemin  :  tels  étaient  les  crimes  qu'il 
était  nécessaire  de  punir,  afin  d'inspirer  une  crainte  salutaire  aux 
habitants  de  ce  pays  coupables  de  rester  fidèles  à  leur  religion.  C'est 
sur  ce  point  important  que  les  juges  méditaient  en  attendant  que  la 
séance  fut  ouverte.  Mais  laissons  parler  le  registre  lui-même  des 
délibérations. 

«  Ce  jour  26  messidor,  an  II,  Présents  les  citoyens  Denantes  prési- 
dent, Boisvert,  Cros,  Périer,  Point,  Pouchot,  Balmet,  Marcel,  Palais, 
Bigillon,  l'Agent  national  provisoire  et  le  secrétaire. 

«  Est  entré  Jean  Turc,  maire  de  Cordéac,  en  suite  de  l'arrêté  du 
district  du  17.  L'agent  national  dudit  Cordéac  ne  s'étant  pas  rendu 
quoique  mandé,  lecture  faite  de  la  délibération  du  comité  de  surveil- 
lance de  Cordéac  et  de  l'arrêté  du  district,  Jean  Turc  a  été  interrogé 
comme  ci-après  : 

D.  —  «  Prends-tu  soin  de  faire  exécuter  les  lois  dans  ta  commune  ? 

R.  —  «  Oui,  à  mesure  qu'elles  sont  reçues,  elles  sont  lues  dans  les 
assemblées  décadaires,  publiées  et  affichées. 

D.  —  «  Le  fanatisme,  n'arrête-t-il  pas  la  marche  révolutionnaire 
ainsi  que  le  développement  de  l'esprit  public  ? 

R.  —  «  Plusieurs  sont  fanatisés,  chôment  les  fêtes  et  dimanches  ; 
fort  peu  de  personnes  se  rendent  aux  assemblées  décadaires.  Je  fera 
tous  mes  efforts  à  l'avenir  pour  empêcher  qu'on  ne  chôme  désor- 
mais, les  fêtes  et  dimanches,  et  pour  qu'on  se  rende  aux  assemblées 
décadaires,  à  la  lecture  des  lois  ;  nous  punirons  en  municipalité  les 
contrevenants  et,  en  cas  de  récidive,  nous  les  ferons  fermer  comme 
suspects. 

D.  —  «  Pourquoi  as-tu  laissé  subsister  une  croix  à  ta  porte,  toi 
qui  devais  donner  l'exemple  de  la  soumission  aux  lois  ? 

R.  —  «  Je  l'ai  fait  sans  mauvais  dessein  et  pour  garantir  un  arbre 
à  fruit,  comme  un  chasseroue,  le  passage  des  voitures  étant  fréquent 
à  cette  croisière;  sitôt  que  le  comité  de  surveillance  s'en  est  forma- 
lisé, j'en  ai  fait  enlever  le  croison. 

D.  —  «  Tu  aurais  dii  la  couper  à  hauteur  d'appui,  si  tu  n'avais 
pas  voulu  la  retenir  par  esprit  de  fanatisme  . 

R.  —  Je  n'ai  point  eu  cette  précaution  ;  mais  je  n'ai  point  eu  de 
mauvais  dessein. 

D.  —  «   Pourquoi  la  cloche  fut-elle  sonnée  à  volée  dernièrement? 

R.   —  «  Nous  étions  tous  à  l'assemblée  populaire  de  St-Sébastien 


LA    GRANDE    REVOLUTION  20$ 

lorsque  cela  arriva  ;  ce  fut  un  Parlantier  qui  monta  au  clocher  par 
une  échelle,  pour  sonner  pour  le  temps  ;  d'autres  citoyens  lui  dirent 
qu'il  s'exposait  et  le  firent  descendre. 

D.  —  «  Pourquoi  n'avez-vous  pas  fait  punir  ce  citoyen  ? 

R.  —  «  Je  l'ai  dénoncé  au  citoyen  Prin,  juge  de  paix  de  Cordéac. 
C'était  à  lui  à  faire  son  devoir.   » 

A.  LAGIER. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 


MÉLANGES 

"^ 

Guillaume  de  Poitiers,  Jils  unique  d'Aymar  II,  comte  de  Valenti- 
nois,  était  mort  dans  les  premiers  mois  de  l'année  7227,  ne  laissant  de 
Flotte  de  Royans,  son  épouse,  qu'un  enfant  en  bas  âge,  qui  devint  plus 
tard  le  comte  Aymar  III.  L'administration  des  biens  de  cet  enfant,  que 
réclamèrent  à  la  fois  le  vieux  comte  et  sa  belle-fille,  donna  lieu  à 
une  vive  querelle,  dont  les  populations  ressentiretit  le  contre-coup.  La 
paix  ayant  été  rétablie  au  sein  de  la  maison  de  Poitiers,  Flotte  de 
Royajis  convola  à  de  secondes  noces  et  épousa  Aymon  II,  sire  deFau- 
cigny.  Ce  fait,  qui  n'a  été  signalé  par  aucun  historien,  nous  est  révélé 
par  un  document  (en  possession  de  M.  Eugène  Chaper,  qui  a  bien 
voulu  nous  le  communiquer),  qui  renferme  plusieurs  autres  par- 
ticularités intéressantes  pour  l'histoire  de  nos  contrées.  On  peut 
y  remarquer  notammeiit  les  efforts  de  Guillaume  de  Savoie,  évêque 
élu  de  Valence,  pour  acquérir  de  nouveaux  droits  sur  le  château 
et  h  terre  de  Crest.  Ce  nom  éveille  le  souvenir  d'une  guerre  qui 
éclata  entre  les  évcques  de  Valence  et  les  comtes  de  Valetitinois,  et 
qui  pendant  plus  de  cent  ans  fit  la  désolation  de  nos  malheureux  pays. 
Or  la  charte  de  i2yi,  que  nous  publions  ici,  nous  reporte  au  début  de 
ces  luttes  fameuses  qui,  comme  on  le  sait,  ne  devaient  prendre  fin  que 
par  le  traité  de  iy^6. —  Original  parchemin,  haut.  427  mill.,larg.  J22  ; 
^o  lignes,  sceau  disparu.  Au  dos  (écrit,  contemp.)  Carta  dotis  do- 
mine Flotte  ;  (XVPsj  Conventions  entre  Aymon  seigneur  de  Foci- 
gni  et  Aymar  de  Poictiers,  du  7  octobre  1231. 


206  MÉLANGES. 

Ego  Ay  mo),  dominus  Fuciniaci,  universis  presentem  paginam 
inspecturis  rei  geste  memoriam  cum  salute.  Noverint  universi  pré- 
sentes litteras  inspecturi  quod,  cum  domina  Flota,  uxor  quondam 
W  illelmi  de  Pictavia,  cum  me  Avmone,  domino  Fociniaci,  con- 
traxerit  matrimonium,  ipsa  domina  Flota  viginti  milia  solidorum 
Viennensis  et  Valentinensis  monete,  quos  eidem  dictus  W.  de 
Pictavia,  quondam  maritus  suus,  in  sua  reliquerat  ultima  volun- 
tate,  et  quatuor  milia  solidorum  ejusdem  monete,  quos  in  ne- 
gociis  et  propter  négocia  terre  quondam  W.  de  Pictavia  supradicti, 
post  mortem  ejus,  expenderat  bona  lide,  mihi  Aymoni  domino 
Fociniaci  dédit  et  concessit  in  dotem,  libère  et  absolute,  et  pro 
hiis  supradictis  vigintiquatuor  milibus  solid.  supradicia  domina 
Flota  mihi  Aymoni,  domino  Fociniaci,  dédit,  cessit  et  concessit 
omnes  petitiones  et  rationes  et  omnia  Jura  et  omnes  actiones, 
utiles  vel  directas,  personales  et  reaies  et  mistas,  civ(il)es  et  pre- 
torias,  annales  sive  temporales  et  perpétuas,  ordinarias  et  extraor- 
dinarias,  quas  habebat  vel  habere  quocumque  modo  poterat  sive 
de  Jure  sive  de  facto  in  bonis  singulis  et  universis,  mobilibus  et 
immobilibus  vel  se  moventibus,  quondam  W.  de  Pictavia  supra- 
fati,  vel  contra  quoscumque  possessores  vel  detentores  eorumdem. 
Post  contractum  vero  matrimonium  inter  me  Aymonem,  domi- 
num  Fociniaci,  et  dictam  Flotam  dominam,  ego  Aymo  dominus 
Fociniaci  promissi  nobili  viro  Adhemaro  de  Pictavia  eidem  dare 
consilium  et  auxilium  ad  recuperandam.  terram  prenominati  W. 
de  Pictavia  quondam,  filii  sui,  et  ipsi  Adhemarus  de  Pictavia  jam 
dictus  promissit  mihi  Aymoni,  domino  Fociniaci,  per  scriptionem, 
de  omnibus  expensis,  quas  facerem,  vel  in  guerra'vel  in  placitis, 
pro  recuperatione  dicte  terre,  usque  ad  summam  sexdecim  milium 
solidorum  Vienncnsium,  me  conscrvare  indempnem  et  simplici 
verbo  meo  credere,  absquc  omni  alia  probationc,  et  castrum  de 
Crista  mihi  Aymoni  domino  Fociniaci  tenere  et  habere  concessit 
et  permissit,  quousque  de  dote  uxoris  mee  domine  Flote  supra- 
dicte  et  de  expensis,  usque  ad  summam  supradictam,  mihi  vel 
mandato  meo  esset  plenarie  satisfactum  :  sepedicta  uxore  mea  hec 
expressim  laudante  et  consencienie.  Ego  autem  Aymo  dominus 
Fociniaci  confiteor,  recognosco  et  assero  me  expendisse  et  in  veri- 
tate  expendi  sexdecim  milia  solidorum  Vienncnsium  et  plus  in 
placitis  et  guerris,  quas  habui  de  voluntate  nobilis  viri  Adhemari 
de  Pictavia  sepedicti,  pro  recuperatione  terre  jam  dicti  W.  quon- 
dam filii  sui,  et  ita,  tam  rationc  dotis  mee  quam  ratione  expen- 
sarum  prout  dictum  est  factarum,  est  mihi  Aymoni  domino  Fo- 
ciniaci obligata  terra  quondam  W.  de  Pictavia  ci  casirum  de 
Crista  pro  quadraginta  milibus  solid.  Vienncnsium.  Cum  auiem 
mihi  Aymoni,  domino  Fociniaci,  non  expedirci  cnsirum  de  Crista 
et  aliam  terram  quondam  W.  de  Pictavia  tencrc,  uim  propter  loci 
remotionem,  tum  propter  alia  [U'i-icula  «.pic  indc  posscnt  emer- 
gere,  idcirco  W.,  Dei  graiia  clccio  Valcniino,  cl  suis  successo- 
ribus,  pro   quadraginta    milibus  solid.  Vienncnsium   liiulo   pigno- 


MELANGES.  207 

ris  obligavi  castrum  de  Crista,  cum  suis  pertinenciis  universis, 
et  quicquid  juris  habeo  in  alia  terra  dicti  W.  de  Pictavia,  pro  su- 
pradicta  pecunie  summa  mihi  obligata,  absque  aliqua  contradic- 
tione  aut  retentione  ;  et  hoc  feci  non  vi,  non  metu,  non  errans, 
non  coactus  nec  aliquo  modo  seductus  vel  circumventus,  sed 
volens  et  spontaneus,  et  pro  utilitate  mea  et  uxoris  mee,  dando, 
cedendo  et  concedendo  jam  dicto  domino  electo  Valentino  et  suc- 
cessoribus  suis  omnes  petitiones  et  rationes  et  omnia  jura  et 
omnes  actiones,  personaies  et  reaies,  mistas,  directas  vel  utiles, 
civiles  vel  pretorias,  annales  sive  temporales  vel  perpétuas,  ordi- 
narias  vel  extraordinarias,  quas  unquam  habui,  vel  quocumque 
modo  habiturus  sum,  ratione  dotis  mee  supradicte  vel  ratione 
expensarum,  prout  jam  dictum  est  factarum,  vel  quocumque  alio 
modo  in  castro  de  Crista,  vel  in  Castro  de  Ulpiano  et  de  Charpeio, 
et  in  villa  Sancti  Desiderii  et  de  Besaies,  et  in  omni  alia  terra 
quondam  W.  de  Pictavia,  vel  contra  possessores  vel  detentores 
ejusdem  terre,  vel  contra  nobilem  virum  Adhemarum  de  Pictavia 
supradictum  ;  et  jam  dictum  dominum  W.,  electum  Valentinum, 
in  predicta  summa  pecunie  vel  successorem  ejusdem  constituo 
procuratorem  in  rem  suam.  ut  predicta  terra  vel  pertinenciis 
ejusdem  possit  modis  omnibus  agere  et  excipere  utiliter  et  directe, 
et  aliis  modis  supradictis,  et  ubi  opus  fuerit  de  calumnia  jurare 
et  supradictum  nobilem  virum  Adhemarum  de  Pictavia  jure  meo 
convenire,  actionibus  contra  eumdem  Adhemarum,  vel  terram 
suam,  vel  possessores  sive  detentores  ejusdem,  mihi  quocumque 
modo  competentibus  cessis  jamdicto  domino  electo  Valentino  et 
successoribus  suis  universis.  Hanc  autem  obligationem,  prout 
superius  est  expressa,  ego  Aymo,  dominus  Fociniaci,  libère  et 
absolute  laudo  et  conhrmo,  et  ipsam  me  ratam  et  tirmam  habi- 
turum  in  perpetuum  et  nunquam  aliquo  modo  contraventurum 
bona  fide  promitto,  renuncians  expressim,  spontaneus  et  ex  certa 
sciencia,  omni  beneticio  legum  et  canonum  et  omni  juri  scripto 
vel  non  scripto,  statuto  vel  statuendo,  per  quod  predicta  obligacio 
posset  a  me  vel  a  successoribus  meis  vel  ab  uxore  mea  in  aliquo 
irritari.  Cunventum  est  autem  inter  me  dominum  Fociniaci  et 
dominum  electum  Valentinum  supradictum,  ut  de  quadraginta 
milibus  solidorum  supradictorum  mihi,  vel  mandato  meo,  medie- 
tatem  persolvat  a  proximo  festo  Omnium  Sanctorum  in  annum, 
et  aliam  medietatem  in  kalendis  maii  subsequentibus  ;  antequam 
vero  aliqua  solutio  predictorum  mihi  fiât,  ego  teneor  procurare 
quod  domina  Flota,  uxor  mea,  jam  dictam  obligationem  a  me 
factam,  prout  superius  est  expressum,  laudet  et  ipsam  ratam  et 
firmam  habeat,  prestito  super  hoc  corporaliter  juramento.  Si  autem 
ad  hoc  domina  Flota  supradicta  induci  non  posset,  ego  Aymo, 
dominus  Fociniaci,  promitto  vobis  domino  W.,  electo  Valentino, 
et  per  vos  successoribus  vestris  et  ecclesie  Valentine,  me  prestitu- 
rum  vobis  sufficientem  cautionem,  quod  super  predicta  obliga- 
tione    vos  et    successores   vestros  et  ecclesiam  Valentinam  usque 


208  MÉLANGES. 

ad  summam  viginti  milium  solidorum  predicte  monete  conser- 
vabo  indemnes.  Actum  est  etiam  inter  me  Aymonem,  dominum 
Fociniaci,  et  dictum  electum  Valentinum  quod  Adhemarus  tilius 
quondam  W.  de  Pictavia,  elapso  triennio  post  factam  mihi  do- 
mino Fociniaci  solutionem  predictorum  et  non  ante,  si  consensus 
meus  expressus  intervenerit,  possit  redimere  supradictam  terram 
a  prefato  electo  Valentino  vel  successoribus  suis  vel  ab  ecclesia 
Valentina,  sede  vacante,  et  ipsi  eam  restituere  teneantur,  solutis 
tamen  prius  eidem  domino  electo  Valentino,  vel  mandato  suo, 
vel  successoribus  suis,  vel  ecclesie  Valentine,  quadraginta  milibus 
solidorum  supradicte  monete,  et  solutis  usuris  pro  summa  pecu- 
nie  supradicta,  prestitis  et  expensis  inde  factis;  que  tamen  expense 
et  usure  infra  triennium  supradictum  summam  quindecim  milium 
solidorum  Viennensium  non  excédèrent,  et,  facta  satisfactione 
ipsi  domino  electo,  vel  successori  suo,  de  omnibus  in  quibus 
sepefatus  electus  vel  successor  suus  posset  convenire  dictum 
Adhemaretum  vel  dictum  Adhemarum  de  Pictavia,  avum  ejus. 
Verumptamen,  si  dictus  Adhemaretus  ante  redemptionem  dicte 
terre  forte  decederet,  sepedictus  dominus  electus  Valentinus  pro- 
missit  mihi  Aymoni,  domino  Fociniaci,  jam  dictam  terram  resti- 
tuere, prius  tamen  facta  eidem  vel  mandato  suo  plenaria  satisfac- 
tione in  quadraginta  milibus  solid.,  et  si  sumptus  in  dicta  terra 
facti  vel  usure  pro  predicta  summa  pecunie  prestite  excédèrent 
fructus  vel  obventiones  inde  perceptos  in  predicta  summa  sump- 
tuum  vel  usurarum  cum  supradictis  quadraginta  milibus  solidorum, 
teneor  refundere  usque  ad  summam  dcccm  milium  solidorum  ; 
si  vero  fructus  percepti  dictos  sumptus  vel  usuras  excédèrent, 
quod  residuum  esset  débet  cedere  in  solutum.  In  omniuni  autem 
predictorum  tirmitatem  et  memoriam,  ego  Aymo,  dominus  Foci- 
niaci, presentem  paginam  feci  sigilli  mei  munimine  roborari. 
Hoc  adjuncto  quod  si  forte,  post  redemptionem  supradicte  terre 
a  me  factam,  ipsa  terra  jam  dicta  per  me  forte  deveniret  (ad) 
Adhemaretum  supradictum,  ego  et  successores  mei  satisfacere 
teneremur  supradicto  domino  electo,  vel  ecclesie  Valentine,  prout 
de  sepedicto  Adhemareto,  si  ipse,  in  propria  persona,  jam  dictam 
terram  redimerct,  cautum  est  superius  et  expressum.  Hoc  eciam, 
ad  declarationem  predictorum,  adjungo  quod,  sive  Adhemaretus 
vivat  sive  decedat,  elapso  triennio  post  factam  mihi  solutionem 
in  prefatis  terminis  predictorum,  quandocunque  voluero  ex  tune 
ego  possim  redimere  gageriam  supradictam.  Actum  in  ecclesia 
Sancti  Mauricii  juxta  pontem  Pétri  Castelli,  presentibus  et  ad  hoc 
vocatis  testibus  et  rogatis  Petro  preposito  Augustensi,  Alberto  de 
Compeis,  Jacobo  Grassa  de  Aha  villa,  militibus,  W.  de  Clusel, 
presbitcro,  magistro  Galtero  scriptorc  domini  elccii  supradicti, 
anno  gratie  M'\CG".XXX  primo,  VII  idus  octobris. 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 


DU 


CiTON  DE  LA  CHAPELLE-EN-VERCORS 


;DROMEj. 

(Suite). 


III.    —     CHAPELLES. 

Sainte-Marie-Madeleine.  —  Par  testament  du  2  novembre  i486,  fut 
fondée  dans  l'église  de  la  Chapelle-en-\'ercors  et  sous  le  vocable  de 
Sainte-Marie-Madeleine,  une  chapellenie  dotée  par  son  fondateur 
de  biens  de  quelque  importance  et  à  condition  de  messes  à  y  célébrer. 

Des  actes  de  i56i,de  1644,  de  168g  et  de  i735i  £"  nous  rappelant 
que  cette  chapelle  était  dans  l'église  même  du  lieu,  nous  apprennent 
qu'elle  se  trouvait  «  à  main  droicte  en  entrant,  »  mais  consistait  sim- 
plement en  un  petit  autel.  En  1689,  cet  autel  avait  un  tableau  repré- 
sentant sainte  Madeleine,  et  était  «  enchâssé  dans  un  cadre  peint  en 
racine  de  noyer  chargé  de  filets  d'or.  »  Par  devant,  étaient  «  un 
parement  de  ligature  rouge  et  blanche,  et  une  petite  lampe  d'estain 
fin.  »  Au-dessus,  outre  deux  nappes,  se  voyaient  deu.K  gradins  sur- 
montés «  d'une  châsse  fort  propre  et  doré  »  et  de  «  4  chandeliers 
de  loton.  »  En  1735,  l'évêque  trouvait  l'autel  en  bois  et  sans  pierre 
sacrée,  et  prescrivait  au  recteur  de  le  remplacer  par  un  autel  en  ma- 
çonnerie et  de  fournir  une  pierre  sacrée 

Quant  au  patronage,  en  1604  l'évêque  ordonne  «  aux  patrons  »  de 
produire  leurs  titres  ;  en  161  3  le  vicaire  général  en  fait  autant.  En 
1706,  le  curé  dit  qu'il  est  lui-même  collateur,  sur  la  présentation  du 
consul.  En  1729,1e  recteur  dit  que  le  patron  est  l'évêque,  par  qui 
il  a  été  nommé,  et  tous  les  actes  plus  récents  s'accordent  à  attribuer 
à  l'évêque  toute  nomination  et  provision. 

Bull.   VIII,  1888.  16 


2IO  HISTOIRK    RELIGIEUSF.    DU    CANTON 

Parmi  les  recteurs  ou  chapelains,  on  trouve  .  Raymond  Breyton, 
en  1516  ;  Barthélémy  Arier,  en  1550  et  1 552  ;  «  Pierre  Garenc  dict 
Grate,  prebtre  de  la  Chapelle  de  Vercors,  «  en  1561  ;  François  de 
Vaucoret,  curé  du  lieu,  en  1635  et  164 1  ;  «  le  sieur  de  Lauras,  »  en 
1544  ;  Gaussinel,  «  conseiller,  aumosnier  ordinaire  du  roi,  »  en  1654, 
1656  et  1658;  Venaud,  d'Avignon,  en  1687;  Reynaud,  en  1689, 
1697  et  1706  ;  François  Aymar,  prêtre  et  curé  de  la  ville  de  Crest, 
en  1719  et  1729;  Aymar  (peut-être  le  même),  curé  d'Aouste,  en 
1735.  Enfin,  après  des  actes  de  1742  et  de  1748  prouvant  que 
«  Monsieur  Boyer  »  était  alors  «  recteur  des  chapelles  de  Sainte 
Marie  Magdelaine  à  la  Chapelle  en  Vercors,  et  de  Sainte  Marie  la 
Rousse  à  Aoste,  »  nous  trouvons  le  protocole  original  de  la  mise 
en  possession  de  la  première,  par  Louis  Malsang,  vicaire  de  Vas- 
sieux,  de  «  Jean-Joseph  Boyer,  prêtre,  originaire  du  lieu  de  Torame 
Basse,  dioceze  de  Senès  en  Provence,  prieur  curé  de  la  paroisse 
de  Vercheny,  diocèze  de  Die,  »  le  9  avril  1759.  Ce  dernier  avait  été 
«  nommé  et  pourvu  recteur  de  la  chapelle  de  Sainte-Marie-Magde- 
leine,  »  par  l'évêque  de  Die,  le  7  du  même  mois. 

Le  rôle  de  la  décime  de  15 16,  où  la  chapellenie  de  Sainte-Marie- 
Madeleine  de  la  Chapelle-en-Vercors  est  cotisée  2  florins,  tandis  que 
la  cure  de  ce  lieu  est  cotisée  16  florins,  montre  que  cette  chapellenie 
avait  alors  des  biens  assez  importants.  Parmi  ceux-ci,  figurent  en 
1550  une  maison  au  bourg  de  la  Chapelle,  et  en  1561  des  pensions 
en  argent,  notamment  celle  de  2  florins,  due  par  Louis  Magnan,  et 
«  un  chasal  assiz  »  au  dit  bourg,  et  confrontant  au  couchant,  «  avec 
la  maison  de  lad.  chappellanye  de  lad.  Marye  Madalleyne  ung  dey- 
tel  »  entre  deux,  chasal  échangé  le  4  juin  1561,  par  Garenc  recteur, 
moyennant  autorisation  de  l'évêque,  avec  Lamit  notaire,  contre  un 
jardin  tout  proche.  Les  8  florins  10  sous  et  8  deniers  auxquels  «  la 
Madelleyne  »  est  cotisée  pour  les  décimes  en  1570,  tandis  que  la 
cure  est  cotisée  à  58  florins  8  sous,  font  supposer  que  cette  chapelle- 
nie conservait  encore  ses  biens  ;  mais  les  guerres  de  cette  époque 
fournirent  aux  gens  rapaces  l'occasion  de  s'en  emparer,  et  un  acte 
de  1630  nous  assure  que,  par  suite  des  vols  commis  par  les  protes- 
tants, il  ne  restait  plus  alors  à  la  Madeleine  qu'une  maison  avec 
jardin  au  bourg  de  la  Chapelle  en  très-mauvais  état.  Cependant 
dès  1635  François  de  Vaucoret  faisait  reconnaître  diverses  pensions, 
et  en  1644  la  chapelle  valait  8  écus.  Le  15  novembre  1656,  le  recteur 
en  cédait  les  immeubles  à  la  communauté  pour  l'usage  du  curé  et 
moyennant  la  pension  annuelle  de   18  livres.  Depuis  une  convention 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  211 

de  17 19  avec  le  recteur,  la  communauté  imposait  annuellement  14 
livres  pour  payer  au  recteur  la  jouissance  des  revenus  de  la  chapelle, 
revenus  consistant  «  en  une  maison  et  à  g  ou  10  livres  de  petites 
pensions  délies  par  divers  particuliers.»  Cela  durait  encore  en  1757. 

Aux  revenus  correspondaient  des  charges.  Celles-ci  consistaient 
dans  l'entretien  de  la  maison  et  de  la  chapelle,  dans  le  service  reli- 
gieux à  y  faire,  et  dans  le  payement  des  décimes.  En  1Ô54,  on 
comptait  6  livres  par  an  pour  l'entretien  de  la  maison,  dont  le  recteur 
fut  ensuite  déchargé,  décharge  qui  explique  la  réduction  du  revenu 
total  à  14  livres  dès  17  19.  Le  service  divin  à  faire  consistait  en  des 
messes,  qui  n'avaient  guère  été  célébrées  depuis  plus  d'un  siècle, 
malgré  des  ordonnances  épiscopales  de  1604,  de  161 3,  de  1644  ^t  de 
1658,  quand,  le  6  septembre  1689,  l'évcque  de  Die,  renouvelant 
l'ordre  de  faire  ce  service  et  dans  l'église  paroissiale,  conformément 
à  l'intention  du  fondateur,  le  réglait  à  i  messe  par  mois.  Cependant, 
en  1706  le  curé  dit  que  la  Madeleine  est  chargée  de  2  messes 
par  semaine,  et  en  1729  le  recteur  Aymar  se  reconnaît  chargé  de 
24  messes  par  an.  Quant  aux  décimes  de  diverses  sortes,  nous  avons 
vu  ce  que  furent  celles  de  15 16  et  de  1570  ;  celles  du  XVIII"  siècle 
ont  singulièrement  varié  (ij. 

Saint-Claude.  —  La  fondation  de  cette  chapelle  est  due  à  Claude 
Audeyer,  prêtre  delà  Chapelle-en-Vercors,  suivant  l'acte  même,  qui 
est  du  20  septembre  1546  (2).  Aux  termes  de  celui-ci,  le  revenu  dont 

[i)  Arch.  de  la  Drôme,  fonds  de  la  Chapelle-en-Vercors,  visites  et  rôles  de  déci- 
mes de  Die.  —  Minutes  cit.,  passim. 

(2)  ('  La  personne  de  M=  Claude  Audeyer,  prebtre,  »  fut  victime  d'un  «  omicide 
commis  par  Loys  Arier,  escuyer.  »  Le  17  mars  1747,  à  la  requête  «  de  Loys  Au- 
deyer, de  la  Chapelle,  »  agissant  «  comme  frère  et  heretier  universel  de  feu  M" 
(i  Claude  Audeyer,  prebtre,  joinct  à  luy  le  procureur  d'office,  »  fut  «  donné  »  sen- 
tence «  par  defFaulx  et  contumasses  à  l'encontre  de  Michel  Gauthier,  »  de  St-Agnan, 
«  par  laquelle  led.  Gauthier  »  était  «  attaint  et  convainqu  d'avoir  accisté  et  favorizé 
Loys  Arier,  escuyer,  de  Tomicide  »  susdit,  et,  «  en  son  absence,  banny  perpétuelle- 
ment du  terroir  et  jurisdiction  dudict  Vercors,  et  condempné  en  25  livres  tournois 
d'amende  envers  le  procureur  d'office  et  en  15  livres  tournois  envers  ledict  Lovs 
Audeyer  partie  civille.  »  Plus  tard,  Gauthier  fut  «  appréhendé  et  mené  aux  prizons 
de  Dye,  »  et  une  autre  sentence,  du  19  mars  1549,  en  ordonnant  que  la  première 
serait  exécutée,  condamnait  Gauthier  à  10  livres  tournois  d'amende  envers  ledit 
procureur  d'office  et  aux  dépens,  pour  contravention  à  cette  première  sentence. 
Gauthier  paya  tout  et  fut  «  eslargy  desdictes  prizons.»  Plus  tard,  il  obtint  même  du 
duc  de  Guise,  gouverneur  du  Dauphiné,  des  lettres  de  grâce  pour  le  bannissement. 
Le  20  novembre  1561,  Louis  Audeyer,  vu  le  payement  par  Gauthier  des  amendes 
et  dépens,  consent  à  l'entérinement  desdites  lettres  par  le  parlement  de  Grenoble. 
(Minutes  cit.,  protoc.  Chalvet,  reg.  coté  n°  47,  f°  Ixxx.xiiij-v.) 


2  12  HISTOIRE    RF.LIGIEUSE    DU    CANTON 

la  chapelle  fut  dotée  devait  être  employé  pour  un  prêtre  qui  dirait 
2  messes  chaque  semaine,  une  le  mercredi  In  nomme  Jesu,  l'autre 
le  vendredi  de  Quinqiie  Plagis.  Quant  à  l'édifice  matériel,  il  fut 
construit  sur  l'éminence  découverte  située  au  sud-ouest  du  bourg 
de  la  Chapelle,  au  midi  du  chemin  allant  de  celui-ci  aux  Bernards, 
éminence  que  son  site  avait  fait  appeler  Serre-beau.  Aussi  la  chapelle 
Saint-Claude  fut-elle  souvent  appelée  de  Serre-beau. 

Ce  cher  petit  édifice  fut  ruiné  pendant  les  guerres  du  protestantis- 
me ;  car  en  1604  l'évêque  trouve  à  la  Chapelle  une  «  chappelanye 
fundée  hors  »  de  l'église,  soubs  le  vocable  de  St-Claude,  «  et  constate 
que  l'église  de  lad.  chapelanye  est  entièrement  ruynée  et  desmolye 
par  l'injure  et  malheur  des  troubles  passés.  »  Le  prélat  enjoint  au 
recteur  de  la  faire  rebâtir,  afin  d'y  faire  faire  le  service  porté  par  la 
fondation,  et  permet  que,  en  attendant,  ce  service  soit  fait  dans 
l'église  paroissiale. 

En  161  3,  le  vicaire  général  Varnier  constate  les  mêmes  choses,  et 
enjoint  «  de  faire  faire  le  service  porté  par  la  fondation,  au  grand 
auteir»  de  l'église  paroissiale  jusque  à  ce  que  le  recteur  «  en  ait  érigé 
un  autre  en  icelle  à  l'honneur  de  S'  Claude.  >> 

L'édifice  ne  fut,  parait-il,  jamais  relevé  ;  car  rien  ne  nous  le  prouve, 
et  un  acte  de  17JQ  portant  «  qu'il  n'y  a  que  les  mazures  de  lad. 
chapelle  bâtie  en  Serrebaud,  »  est  confirmé  par  le  procès-verbal  de 
visite  épiscopale  de  1735,  disant  que  cette  chapelle  «  est  tombée  en 
ruines,  "  et  qu'il  «  n'y  a  d'autres  vestiges  d'elle  que  quelques  mu- 
railles. » 

Aujourd'hui  Serre-beau  garde  à  peine  quelque  vestige  de  construc- 
tion ;  mais  la  tradition  veut  que  la  chapelle  ait  occupé  le  penchant 
méridional  et  non  tout-à-fait  le  sommet  du  monticule. 

Du  reste,  un  autel  ou  chapelle  fut  élevé  à  S'  Claude  dans  l'église  ; 
car  en  1697  l'évêque  ordonne  «  qu'à  la  chapelle  de  St-Claude...,  il 
seroit  fourni  un  crucifi.x,  2  nappes,  une  pierre  sacrée,  un  cadre  pour 
le  devant  d'autel,  et  fait  un  marchepied  ;  c]ue  le  daix  de  lad.  cha- 
pelle, étant  tout  rompu  et  brisé,  seroit  osté  ;  »  et,  en  1738,  Armand, 
ayant  obtenu  lu  chapelle,  sa  prise  de  possession  a  lieu  dans  «  l'église 
paroissiale,  où  se  trouve  lad.  chapelle  et  hôtel  sous  le  \ocable  de 
St-Claude  de  Serrebaud.   » 

En  1644,  les  Odeyers  Serrebaux,  de  la  Chapelle-en-Vercors,  se 
disaient  patrons  de  la  chapellenie.  En  1720,  Etienne  et  Jean  Audeyer, 
père  et  fils,  prétendaient   à  leur  tour,  pour  eux  et  leurs  descendants, 


UE    LA    CHAFELLE-EN-Vt.RCORS.  21  3 

au  juspatronat,  en  vertu  de  l'acte  de  fondation  de  1546.  Cependant, 
l'évèque  pourvut  simplement  par  lui-même  de  ladite  chapelle  Mey- 
nier  vers  17  13  et  Armand  en  1738. 

Comme  recteurs,  nous  trouvons  :  en  1604  «  M'"  Jan  Audeyer, 
clerc  ■»  ;  en  161 3,  M'"'^  Pierre  Audeier,  clerc,  ayant  son  frère  pour 
tuteur  ;  depuis  1644  jusqu'à  1697,  M''"  Antoine  Vial,  prieur  d'Aix  en 
1687  et  1697;  vers  1700,  du  Pilhon  d'Angelles,  qui  démissionna  et 
fut  remplacé  vers  1 7  i  3  par  P'rançois  Meynier,  encore  recteur  en  1 729  ; 
en  1735,  Molière  ;  en  1738,  Antoine  Armand,  docteur  en  théologie, 
alors  chanoine  de  la  cathédrale  de  Die,  mais  devenu  chanoine  de  la 
cathédrale  de  Grenoble  avant  septembre  1754;  en  1754  et  1760, 
Pierre-François  Lagier  (fils  de  François-Ignace  Lagier,  notaire  à 
Die),  chanoine  de  la  cathédrale  de  Grenoble  en  février  1760. 

Les  biens  consistaient  en  terres  et  en  pensions.  Dès  1550,  il  y 
avait  au  territoire  de  la  Chapelle,  vers  le  Martoret,  des  «  terres  de  la 
chapelle  de  Serre  bciu,  »  situées  au  nord-est  des  «  hermes  de  Serre 
bail.  »  Un  acte  de  1594  mentionne  les  mêmes  terres  «  de  la  chape- 
lanye  de  Serrebau  ;  "  et  divers  actes,  de  1O74,  de  1714,  de  1729,  de 
1754  et  de  1760,  montrent  «  le  fond  de  terre  dépendant  de  lad.  cha- 
pellenie  de  St-Claude  de  Serrebaud,  scitué  au  lieu  de  la  Francon- 
nière,  contenant  environ  trois  sestérées,  »  donné  en  ferme  par  les 
recteurs  pour  le  prix  annuel  de  10  livres  en  1674,  de  27  livres  en 
17 14,  de  36  livres  en  1754  et  1760.  Il  y  avait,  en  outre,  des  pensions 
qui  en  17 14,  dues  par  18  particuliers,  montaient  ensemble  à  41  livres 
5  sous  par  an.  Le  revenu  annuel  total  indiqué  est  de  30  écus  en 
1644,  d'environ  100  livres  en  1658,  de  75  livres  en  1687,  de  68  livres 
5  sous  en  17  14,  et  de  33  livres  4  sous  en  1729. 

Les  charges  étaient  :  i"  le  service  divin,  consistant  encore  en  2 
messes  par  semaine  en  1644,  en  1658  et  en  1706,  mais  «  réduit  à 
moitié  I)  avant  1729  à  cause  de  la  modicité  du  revenu,  et  coûtant 
alors  16  livres  12  sous;  2°  les  décimes,  proportionnées  au  boni  du 
revenu  (i). 

Notre-Dame  du  St-Rosaire.  —  Elle  était  dans  l'église  paroissiale, 
à  main  gauche  en  entrant. 

En  1Ô89  son  petit  autel  avait  2  gradins  surmontés  d'une  «  chasse 
fort  propre  et  doré,  »  et  de  4  chandeliers  de  laiton,  2  nappes,  et  au 
devant  un  parement  de  ligature  rouge  et  blanche  et  une  petite 
lampe  d'étain  fin.  Un  «  tableau   enchâssé   dans    un   cadre  peint  en 

(i)  Arch.  cit.,  fonds  et  visites  cit. —  Minut.  cit. 


214  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

ressine  de  noyer  chargé  de  filets  d'or,  »  et  «  représentant  la  Ste- 
Vierge  »  complétait  la  décoration. 

En  i6q7,  Mgr  du  Ploûy,  évèque  de  Die,  ordonne  «  que  le  raizeau 
qui  est  autour  du  daix  sera  osté,  qu'il  sera  fourni  deux  chandeliers 
de  léton,  deux  nappes,  que  la  pierre  sacrée  du  grand  autel  y  sera 
mise,  qu'il  sera  fait  un  cadre  au  devant  d'autel,  et  le  marchepied 
rétabli.  » 

En  17^5,  l'évèque  trouve  la  pierre  sacrée  «  sans  v^estige  de  consé- 
cration »  ;  il  l'interdit  et  veut  qu'il  en  soit  acquis  une  en  règle,  aux 
frais  des  confrères  et  sœurs  du  Rosaire,  à  qui  sert  l'autel. 

Des  dons  et  legs  faits  à  cet  autel  ou  chapelle,  nous  signalerons 
seulement    celui  de  3  livres  léguées  en  1745  par  Jean  Borel,  du  lieu. 

Après  cette  chapelle,  un  rapport  de  visite  épiscopale  de  1729  en 
mentionne  une  seconde,  dédiée  «  à  l'Annonciation  (i).  »  N'y  aura- 
t-il  pas  eu  confusion  avec  celle  de  Sainte-Madeleine,  que  des  rap- 
ports de  i68q  et  de  1735'mettent  vis-à-vis  de  celle  du  Rosaire? 

Chapelle  des  Pénitents.  —  En  1644  et  en  1658,  les  Pénitents /otî- 
saient  leur  office  à  la  tribune  qui  était  «  sur  la  porte  de  l'église  » 
paroissiale.  Mais,  plus  tard,  ils  eurent  «  une  chapelle  assez  vaste, 
construite  derrière  le  chœur  de  l'église  paroissiale.  »  Etait-elle 
construite  en  17 15,  quand  Jean  Magnan-Puissat  voulait  qu'il  fût 
«  dit  une  grand  messe  en  la  chapelle  de  la  confrérie  des  Pénitens 
le  jour  de  son  enterrement  »  et  donnait  une  livre  à  cette  chapelle  ? 
L'était-elle  même  quand,  en  17 19,  un  autre  léguait  à  celle-ci  «  une 
lampe  de  lotton  apretiée  à  quinze  livres?  »  En  tout  cas,  elle  l'étaît 
en  1729,  et  le  vicaire  général  la  trouvait  alors  «  très-propre  et  bien 
ornée,  »  mais  sans  fondation.  Elle  servait  aux  Pénitents  pour  y 
réciter  leur  office;  mais  en  1735,  Daniel-Joseph  ^^  Cosnac,févèque 
de  Die,  en  trouvait  l'autel  en  bois,  la  pierre  sacrée  non  enchâssée, 
le  crucifix  rompu  ;  il  n'y  avait  «  point  de  Te  igitur  ny  tablettes  ;  » 
le  prélat  prescrivit  que  l'autel  serait  remplacé  et  un  crucifix  décent 
fourni,  ainsi  qu'un  Te  igitur  et  des  tablettes,  le  tout  au.\  frais 
des  Pénitents. 

Nous  trouvons  ensuite  en  1740  un  des  Pénitents  ordonnant  qu'on 
dise  après  sa  mort  12  messes  de  Requiem  dans  cette  chapelle,  dont 
une  porte  débouchait  immédiatement  sur  la  rue  en  1741,  et  à 
laquelle  deux  habitants  du  lieu  léguaient  chacun  la  somme  de  4 
livres  en  1744  (2). 

(i)  Ibid. 

(2)  Arch.  cit.,  visites  de  Die.  —  Minul.  cil. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  21 5 

Chapelle  de  Lossence.  —  Le  nom  de  ce  quartier  peut-être  formé 
de  l'article  le  élidé  avec  le  mot  breton  och,  uch  (élevé),  ou  avec  le 
mot  bas-latin  oc/ze,  ouche  (entaille),  ou  encore  avec  le  vieux  mot 
français  aiicha  (enclos  labouré)  (i).  Quoiqu'il  en  soit,  nous  trouvons 
ce  nom  écrit  en  patois  de  1349  del  La  Censa  (2),  en  latin  de  1465 
Aussencia,  ei  en  françaisde  1550  e?!  l'Oiiscence.  Des  actes  de  1561 
portent  l'Aiisence  et  l'Aucense,  mais  dès  1609  on  mettait  déjà  l'Os- 
sence  ou  Lossence. 

Le  quartier  de  Lossence,  qui  a  fait  partie  de  temps  immémorial 
du  mancfement  et  de  la  paroisse  de  la  Chapelle,  avait  déjà  des  habi- 
tants, notamment  Pierre  Tronet,  en  1465  :  mais  sa  chapelle  est  de 
date  assez  récente.  Elle  n'existait  pas  en  1689,  puisque  le  procès- 
verbal  de  cette  année,  si  détaillé  pour  tout,  ne  la  mentionne  pas  ; 
mais,  le  13  juillet  1722,  une  femme  delà  Chapelle-en-\'ercors  donne 
'<  à  la  chapelle  de  Laussance,  mandement  dudict  lieu,  un  encens- 
soir  qu'il  (sic)  charge  son  heretier  d'achepter  incontinant  apprès  son 
décès.  »  Le  14  janvier  1732,  François  Magnan-Puissat,  «  de  Los- 
sence, paroisse  de  la  Chapelle  de  Vercors,  «  lègue  «  à  la  chapelle 
de  Lossence  la  somme  de  treze  livres  et  un  quartal  cosseal  que  Jean 
Roux,  de  ce  lieu,  lui  doit,  quy  seront  employées  aux  réparations  de 
lad.  chapelle.  » 

Le  24  août  1735,  l'évéque  étant  en  visite  pastorale  à  la  Chapelle- 
en-Vercors,  Pourcel,  curé  de  Vassieux,  est  commis  pour  se  trans- 
porter «  au  hameau  de  Lossance  »  et  y  faire  «  la  visite  d'une 
chapele  construite  »  dans  ce  hameau.  Il  rapporte  qu'étant  entré 
dans  cette  chapelle,  il  a  trouvé  qu'elle  était  sous  le  vocable  de  St- 
Claude  ;  que  le  calice  n'est  pas  doré  en  dedans,  qu'une  chasuble 
de  satin  n'a  pas  de  manipule  ni  de  bourse  assortie  ;  qu'il  n'y  a  pas 
de  bourse  assortie  à  l'ornement  noir  ;  que  la  voûte  de  la  chapelle 
est  fendue  près  de  l'autel  ;  que  les  degrés  pour  entrer  dans  la  cha- 
pelle sont  en  très-mauvais  état.  Celle-ci  a  3  fenêtres  à  œil-de-bœuf 
sans  châssis,  et  2  autres  fenêtres  dont  les  châssis  sont  très-mauvais. 
La  muraille  du  côté  de  l'évangile,  en  dehors,  a  besoin  d'être  recré- 
pie. Le  couvert  du  côté  de  l'évangile  est  en  paille  et  a  besoin  d'être 
refait.  L'évéque  fait  des  prescriptions  en  conséquence. 

Les  dons  continuent:  en  1743,  François  Revol,  «  des  Rougnins,  » 
hameau  de  la   Chapelle-en-V.,  lègue  à  la  «    chapelle  érigée  à  Los- 

(i)  Bullet.  archéol.  de  la  Drôme,  V,   153-4. 

(2)  Arch.  de  la  Dr.,  fonds  des  Minimes,  cop.  du  XVII"  s. 


2l6  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

sence  »  la  somme  de  3  livres,  payable  «  au  trésorier  d'icelle.  pour 
les  ornements  et  réparations  nécessaires  »  ;  en  1752,  Claudine 
Mazet,  «  habitante  à  TOssence,  »  veut  que  son  héritier  universel 
«  achette  un  encensoir  pour  servir  à  la  chapelle  érigée  audit  Los- 
sence.  à  laquelle  elle  en  fait  don  (i).  » 

En  17'^ 5,  les  habitants  de  Lossence  pr^entent  à  Tévêque,  pour 
obtenir  l'érection  d'une  église  succursale  dans  leur  hameau,  une 
requête  qui  est  «  répondue  «  le  20  juin  de  ladite  année.  Ensuite, 
diverses  formalités  sont  faites  à  ce  sujet,  et  l'évêque  porte  l'ordon- 
nance suivante  : 

«   Gaspard  Alexis  etc. 

«  Vu  le  contract  d'arrentement  des  dixmes  de  Lossence,  etc. 

«  Le  St-Nom  de  Dieu  invoqué,  après  en  avoir  conféré  avec  des 
personnes  de  piété  qui  connoissent  la  situation  des  lieux,  tout 
mûrement  considéré,  Nous  ordonnons  que  le  vicaire  de  la  Chapelle, 
sans  discontinuer  ses  fonctions  dans  toute  l'étendue  de  la  paroisse, 
résidera  annuellement  au  hameau  de  Lossence  depuis  le  premier 
décembre  jusques  au  second  dimanche  après  Pâques  inclusivement, 
d'abord  qu'il  lui  aura  été  pourvu  d'un  logement  convenable  et  que  la 
chapelle  dudit  hameau  se  trouvera  fournie  d'ornements  nécessaires, 
décents  et  convenables  au  service  divin.  Sera  notre  présente  ordon- 
nance exécutée,  monobstant  appel,  opposition  et  autres  empêche- 
ments quelconques,  et  sans  y  préjudicier. 

«  Donné  à  Die,  dans  notre  Palais  épiscopal,  sous  notre  seing  et 
contreseing  de  notre  secrétaire,  le  vingt  six  mars  mil  sept  [cent]  qua- 
tre-vingt sept. 

«  -J-  Gapd.  Alx.,  Ev.  et  comte  de  Die. 

«   Par  Monseigneur, 

"  Testou,  secrétaire.  » 

Les  habitants  de  Lossence,  des  Revoullat  et  de  la  May,  ne  furent 
pas  contents  de  cette  ordonnance  ;  ils  en  appelèrent  comme  d'abus 
à  la  Cour,  à  raison  de  ce  que  le  service  ne  leur  y  était  accordé  que 
pour  l'hiver.  Ils  offraient  de  fournir  le  logement  prescrit,  et  voulaient 
qu'en  attendant  l'issue  du  procès,  le  service  accordé  leur  fût  fait.  Le 
curé  de  la  Chapelle,  M.  Roux,  n'en  fit  point  faire,  et  les  habitants 
refusèrent  la  dimc.  Le  curé  les  fit  assigner  ;  de  là  complications  et 
procès,  encore  pendant  en  janvier  1790  (2). 

(i)  Arch.  de  la  Dr.,  fonds  du  Vercors  ctvisites  de  Die.  —  Minut.  cit.,  passim. 
h)  Arch.  cit.,  fonds  delà  Chapellc-en-V.,  orig. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  2I7 

Nous  ne  savons  quelle  issue  eut  cette  affaire  ;  mais  depuis  1803, 
Lossence  fait  simplement  partie  de  la  paroisse  de  la  Chapelle.  Tou-, 
tefois,  sa  chapelle  est  bien  tenue  et  pourvue  des  ornements  néces- 
saires pour  un  service  divin  accidentel.  Aussi  le  clergé  paroissial  y 
va  dire  la  messe  quelquefois,  particulièrement  le  jour  de  Saint- 
Claude,  et  le  2  juillet,  fête  de  la  Visitation.  On  y  va  même  en  pèleri- 
nage, surtout  le  jour  de  la  Visitation.  On  y  demande  principalement 
à  Marie  la  conservation  de  la  vue  et  la  guérison  des  maux  d'yeux 

Saint- Antoine.  —  Il  s'agit  ici  de  la  jolie  petite  chapelle  qui  s'élève 
au  milieu  du  monticule  rocheux  couvert  de  pelouse  et  séparant  le 
bourg  de  la  Chapelle  du  vieux  village  en  ruines  de  la  Bâtie. 

Elle  n'existait  pas  en  1689,  car  le  rapport  détaillé  de  visite  de  cette 
année  ne  la  mentionne  pas  ;  mais  «  l'un  des  deux  autels  »  de  la  nef 
de  l'église  paroissiale  était  alors  «  dédié  à  St-Antoine  »  en  même 
temps  qu'  «  à  Sainte-Magdeleine.  » 

Notre  chapelle  fut  élevée  peu  d'années  après,  car  le  14  janvier 
1732  François  Magnan-Puissat  léguait  la  somme  de  3  livres  «  à  la 
chapelle  du  Calvaire,  «  qui,  nous  le  verrons  bientôt,  était  la  même, 
et  que  l'évêque,  la  visitant  le  24  août  1735,  trouvait  «  construite  au- 
dessus  du  vilage  de  la  Chapele  »  et  «  en  bon  état.    » 

En  1740,  Pierre  Bellier  lègue  "  à  la  chapelle  du  Calvaire  errigée 
audit  la  Chapelle  sous  le  vocable  de  St-Antoine  la  somme  de  dix 
livres,  applicable  aux  ornements  les  plus  utilles  de  ladite  chapelle 
du  Calvaire.  » 

Cette  dernière  dénomination  vient  apparemment  de  ce  que  cette 
chapelle  aura  été  au  terme  d'un  chemin  de  croix  dont  une  «  esta- 
tion  »  couverte  «  de  lose  »  et  située  près  du  cimetière  en  1741,  sup- 
pose l'existence. 

Au  surplus,  les  donations  «  à  la  chapelle  du  Calvaire  continuent. 
En  1745,  Jean  Borel  lui  lègue  6  livres  pour  son  entretien  ;  en  174g, 
Jean  Bellier  lui  en  lègue  3  ;  en  175 1,  dame  Françoise  Rochas,  femme 
de  M'=  Jean  Malsang  notaire,  lui  en  lègue  40,  «  aplicables  à  ce  qui 
sera  jugé  nécessaire  par  Monseigneur  l'évêque  et  comte  de  Die  (i).» 

Aujourd'hui,  tout  calvaire  a  complètement  disparu  ;  mais,  propre, 
convenablement  ornée  et  munie  d'une  petite  cloche,  la  chapelle  de 
St-Antoine  est  le  but  d'un  assez  considérable  concours  de  monde  le 
13  juillet,  jour  de  saint  Antoine  de  Padoue,  où  on  y  célèbre  la 
sainte  Messe. 

(i)  Arch.  et  visties  cit.;  —  Minul.  cit.,  passim. 


2l8  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

Saint- Joseph  —  En  1745  Jean  Borel  et  en  1749  Jean  Bellier  lèguent 
«  à  l'autel  de  St- Joseph  érige  dans  l'église  dudit  la  Chapelle  »  cha- 
cun 3  livres,  payables  «  à  qui  il  appartiendra  pour  l'entretien  et  orne- 
ment dudit  autel.  »  En  1768,  Marcelline  Rolland,  femme  Rochas, 
lègue  6  livres  «  pour  l'entretien  de  la  chapelle  de  St-Joseph  fi).  » 

Ajoutons  qu'aujourd'hui  les  bras  du  transsept  de  la  nouvelle 
église  ont  chacun  un  magnifique  autel,  l'un  dédié  à  la  Ste-\^ierge  et 
l'autre  à  St-Joseph. 

IV.    —    CONFRÉRIES. 

Confrérie  du  Saint-Esprit.  —  En  une  foule  de  localités  du  Dau- 
phiné  existaient  des  confréries  du  Saifit-Esprit.  Sans  suivre  des 
statuts  de  tout  point  uniformes,  elles  avaient  du  moins  un  but  et  un 
esprit  communs.  Elles  étaient  à  la  fois  essentiellement  religieuses  et 
charitables.  Elles  avaient  des  exercices  religieux  particuliers,  possé- 
daient des  biens  et  des  revenus  propres,  étaient  gouvernées  par  des 
chefs  propres,  et  faisaient  le  jour  de  leur  fête,  c'est-à-dire  à  la  Pente- 
côte, une  aumône  générale  à  tous  les  pauvres  qui  se  présentaient. 
Nous  trouvons  de  ces  confréries  à  Grenoble  et  à  Saint-Martin-le- 
Vinoux  vers  1444,  à  Montchenu  en  1463,  à  Alixan  en  i486  et  en 
1520,  à  Saint-Nazaire-en-Royans  et  à  Saint-Lattier  en  1500;  à  Saint- 
Bonnet-de-Valclérieux  de  15 18  à  1732,  à  Saint-Marcel  près  Die  en 
1548,  à  .Mirabel-en-Baronies  en  1597,  etc.  {2). 

En  I  399,  la  Chapelle-en-Vercors  avait  déjà  sa  confrérie  du  Saint- 
Esprit.  Celle-ci  possédait  tout  près  de  l'église  paroissiale  une  maison 
dans  laquelle  instrumenta  le  notaire  de  l'acte  qui  nous  en  a  conservé 
le  souvenir  (3). 

La  même  confrérie  continuait  d'exister  au  XVI'  siècle.  Sa  maison 
servait  encore  souvent  alors  d'abri  aux  notaires  pour  faire  leurs 
actes,  ou  du  moins  pour  prendre  leurs  notes.  Nous  avons  plusieurs 
actes  de  1550  et  de  (551  qui  furent  faits  par  Lamit,  notaire,  «  au 
bourg  de  la  Chapelle  de  Vercors,  dans  la  maison  de   la  confrairie 


(1)  Minul.  cit. 

(2)  Arch.  cit.,    E,  3  1  7,  2  1  29,  2  1  5 1,  2229,    3496,  ^ 061  ;   —    Docum.  communiq. 
par  M.  U.  Chevalier;  — Aniiuaiie  de  la  Cour  roy  de  Grenoble,  pp.  44-6,  51-2  et  75. 

(3)  «...  in perrochia  Capelle   Vercorcii,  in  domo  confrairie  Sancti  Spiritus  dicti.loci 
Cappelle  Vercorcii-. ■  »  (Arch.  cit.,  fonds  de  St-Jean-cn-F<.,  orig.  parch.) 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  2IQ 

dudict  lieu  (i).  »  L'acte  de  1399  lui-même  appelle  simplement  en 
deux  endroits  la  maison  de  la  confrérie  (domus  confratrie)  celle  dont 
nous  avons  parlé,  et  qu'il  indique  ailleurs  en  termes  plus  explicites. 
En  1550  comme  en  1399,  il  n'y  avait  sans  doute  qu'une^confrérie, 
celle  du  St-Esprit,  et  toute  spécification  était  presque  superflue. 

Confrérie  des  Pénitents  du  St-Sacrement.  -  En  1644,  les  Pénitents 
occupaient  la  tribune  existant  sur  la  porte  de  l'église,  et  un  rapport 
de  1658,  constatant  encore  la  même  chose,  explique  que  cette  tri- 
bune servait  «  aux  Pénitents  pour  faire  leur  office  (2).  »  Mais  ensuite 
rien  ne  nous  parle  de  pareille  confrérie  jusqu'au  testament  de  Jean 
Magnan-Puissat,  de  la  Chapelle,  qui,  le  4  juin  17 15,  donne  une 
livre  à  «  la  chapelle  de  la  confrérie  des  Pénitents,  »  où  il  veut  qu'on 
dise  une  grand'messe  le  jour  de  son  enterrement.  Mais,  depuis 
lors,  les  actes  la  concernant  sont  fréquents.  En  1720,  François 
Magnan-Chabert  lègue  «  à  la  confrérie  du  Très-Saint- Sacrement  de 
l'authel  quy  est  érigée  dans  l'esglize  de  la  Chapelle,  la  somme  de 
douze  livres  payable  deux  mois  après  son  décès  au  recteur  de  lad. 
confrérie,  qu'il  veut  qu'il  soit  employé  à  l'achep  de  deux  fallots  et 
deu.K  enssenssoirs  pour  le  service  de  lad.  confrérie  ;  »  et  en  1724, 
deux  legs,  dont  l'un  de  6  livres  et  l'autre  de  4,  sont  faits  à  celle-ci 
pour  l'achat  de  ses  ornements  les  plus  nécessaires. 

Dès  lors  les  Pénitents  étaient  donc  érigés  en  confrérie  du  Saint- 
Sacrement  ;  ils  se  munissaient  de  tout  ce  qu'il  fallait  pour  rendre  à 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ  dans  le  divin  Sacrement  le  culte  public 
de  respect,  d'adoration  et  d'amour  qui  devaient  réparer  les  outrages 
de  l'hérésie  et  de  l'impiété.  Ils  avaient  leur  recteur,  leur  trésorier, 
et  les  autres  officiers  requis.  Mais  leur  ferveur  était  déparée  par  une 
regrettable  indépendance,  à  laquelle  le  vicaire  général  de  Die  remé- 
diait, le  7  octobre  1729,  par  l'ordonnance  suivante  : 

«  Sur  ce  qu'il  nous  a  esté  représenté  que  la  confrairie  des  Péni- 
tents tenoit  ses  assemblées,  et  particuUièrement  celle  de  l'éllection 
des  officiers,  sans  apeler  le  s""  curé,  contre  leurs  statuts  et  règlements  : 
ordonnons  qu'à  l'avenir  lesdits  Pénitents  se  conformeront  aux  statuts 
et  règlements  de  leur  établissement,  et  particulièrement  en  ce  qui 
concerne  leur  élection,  où  ledit  s''  prieur  doit  présider  :  et,  en  cas  de 
désobéissance,  déclarons  dès  à  présent  leur  chapele  interdite,  et 
leur  défandons,  dans  ledit  cas,  de  s'y  assembler  ny  pour  office  divin 
ny  pour  autre  chose...   » 

(i)  Minutes  cit.,  protoc.  Lamit,  passim. 
(2)  Arch.  cit.,  visites  de  Die. 


220  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

Les  dons  continuèrent  si  bien,  que  le  12  juillet  1785,  la  confrérie 
prêtait  à  Jean  Guillot  la  somme  de  cent  livres  pour  un  an  et  avec 
«  interest.  » 

Mais  elle  eut  bientôt  où  employer  son  argent  ;  car  le  24  août 
1735,  l'évêque  trouvait  la  chapelle  construite  derrière  le  chœur  et  où 
les  Pénitents  récitaient  leur  office,  munie  d'un  autel  à  changer  à  leur 
frais.  Le  prélat,  d'ailleurs,  s'informa  «  du  sieur  prieur  curé  et  de 
plusieurs  confrères,  du  tems  de  l'érection  de  lad.  confrérie,  des 
règlements  et  statuts  d'icelle,  et  du  brevière  »  dont  ils  se  servaient  ; 
et  on  lui  rapporta  que  la  confrérie  avait  été  «  érigée  par  permission 
de  Mgr  Gabriel  de  Cosnac,  par  conséquent  depuis  1702,  et  que  les 
confrères  se  servaient  «  des  statuts,  règlements  et  brevière  imprimés 
à  Grenoble  en  17  17,  à  l'usage  de  la  confrairie  du  Très-Saint-Sacre- 
ment. »  On  ne  sut  dire  l'année  de  l'érection,  les  titres  étant  sous 
scellés  dans  la  maison  Hu  recteur,  décédé  depuis  peu.  Le  prélat 
ordonna  de  lui  communiquer  les  titres  d'érection  quand  les  scellés 
seraient  levés,  et  de  continuer  à  se  servir  des  statuts  et  bréviaire 
susdits. 

Enfin,  divers  testaments  nous  apprennent  quelques-uns  des  usages 
delà  confrérie.  Ainsi,  Jean  Audeyer,en  1740,  veut  qu'on  dise  pour  lui- 
même  une  messe  de  Requiem,  tous  les  mois  pendant  un  an,  dans  la 
chapelle  des  Pénitents  auxquels  il  est  agrégé  ;  il  lègue  10  livres  à  la 
confrérie,  «  au  moyen  de  quoy  il  prie  les  confraires  d'aller  prendre 
son  corps  où  il  désèdera,  et  l'accompagner  jusques  au  lieu  où  il  sera 
inhumé,  avec  les  prières  et  cérémonies  ordinaires.  »  En  174s,  Jean 
Borel  lègue  9  livres  «  moyennant  quoi  il  prie  les  Pénitents  d'aller 
prendre  son  corps  à  sa  maison,  s'il  y  décède,  et  l'accompagner  à  sa 
sépulture,  il  leur  sera  fourny  des  cierges  par  son  héritier  ce  qui  sera 
convenable.  »  En  1649,  Je^'i  Bellier  lègue  6  livres  et  veut  qu'on 
fournisse  un  cierge  à  chacun  des  Pénitents  assistant  à  son  enterre- 
ment (  I). 

Confrérie  des  Pénitentes  du  St-Sacremenl.  —  Etablie  en  faveur  des 
femmes  comme  celle  des  Pénitents  l'était  pour  les  hommes,  elle 
existait  et  avait  sa  rectrice  avant  1722,  année  où  une  femme  de  la 
Chapelle  léguait  «  à  la  confrérie  des  Pénitantes  trois  livres  »  à 
employer  «  au.x  ornements  les  plus  nécessaires  de  l'authcl  du  Sainl- 
Rozaire.  » 

En  1735,  une  femme  lui  lègue  3  livres  payables  à  <>    la  rectrisse  » 

(i)  Arch.  et  visites  cit.  ;   —   Nlinut    cit.,  p.issim. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  22  1 

et  pour  les  ornements  les  plus  nécessaires  de   la  confrérie,  et   Louis 
Gonne  lui  en  lègue  autant. 

La  même  année,  Tévêque  trouve  que  dans  l'église  paroissiale  «  il 
y  a  une  confrairie  des  Pénitentes  du  St-Sacrement,  lesquelles  se 
serA^ent  d'un  petit  office  imprimé  à  Grenoble  par  les  soins  des 
Pères  missionnaires  capucins  à  l'usage  des  Sœurs  du  Très-Saint- 
Sacrement  de  l'autel  :  »  il  ordonne  aux  sœurs  de  continuer  à  se 
servir  de  ce  petit  office. 

Quelques  testaments  nous  renseignent  en  outre  sur  divers  usages 
de  cette  confrérie.  Ainsi,  en  1747,  Marguerite  Revol,  veuve  Bellier, 
lègue  «  aux  Pénitentes  du  St-Sacrement  dud.  la  Chapelle  trois  livres  » 
payables  à  la  rectrice,  et  prie  «  les  dites  Pénitentes,  au  moyen 
de  ce,  d'accompagner  son  corps  à  sa  sépulture,  sans  exiger  des 
cierges,  eu  égard  à  sa  pauvreté,  désirant  parla  avoir  part  aux  prières 
qui  se  font  dans  cette  confrérie.  »  En  1749,  Elisabeth  Bellier  femme 
Borel  lègue  6  livres  à  la  confrérie  des  sœurs  Pénitentes,  où  elle  est 
enrollé,  »  priant  celles-ci  «  de  venir  prendre  son  corps  à  la  porte 
de  sa  maison  d'habitation  et  l'accompagner  à  sa  sépulture.  »  Ces 
sœurs  allaient  aussi  à  l'enterrement  des  hommes,  car  en  1749  Jean 
Bellier,  en  leur  donnant  6  livres,  aussi  bien  qu'aux  Pénitents,  veut 
qu'on  fournisse  un  cierge  à  chacun  et  à  chacune  desdits  Pénitents 
et  Pénitentes  qui  assisteront  à  sa  sépulture.  »  Nos  derniers  actes 
sur  elles  sont  celui  par  lequel  Marie-Claudine  Magnan-Chabert  leur 
lègue  6  livres,  en  1760,  et  celui  par  lequel,  en  1768,  Marcelline  Rol- 
land, femme  Rochas,  leur  lègue  6  livres,  avec  6  autres  livres  «  pour 
les  cierges,  les  priant  d'assister  »  à  sa'sépulture  et  "  prier  Dieu  pour 
le  repos  de  son  âme  (i).    » 

(i)  Ibid. 

L.  FILLET. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 


>Si3S}30cesSSe- 


LE  TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

if  après  des  docuincnts  ojficicls  ci  inédits. 


(Suite) 


«  Ouï  le  dit  Turc  et  ses  réponses. 

«   Ouï  l'agent  national  provisoire. 

«  Le  conseil  de  district,  considérant  que  le  fanatisme  règne  à  Cor- 
déac  et  dans  le  Trièves  ;  que  les  autorités  constituées  en  donnent 
l'exemple  au  lieu  de  celui  de  la  soumission  au.x.  lois  ;  que  l'action 
révolutionnaire  y  est  partout  entravée  par  le  mauvais  esprit  des  au- 
torités ;  qu'il  est  temps  d'y  remédier  ;  que  ce  que  l'administration 
n'a  pu  obtenir  jusqu'ici  par  l'amour  du  devoir,  elle  doit  l'attendre  de 
la  crainte,  de  l'application  des  peines  portées  par  la  loi  ;  qu'il  n'y  a 
que  deu.x  moyens  pour  faire  agir  :  l'amour  du  bien  public  et  la 
crainte  des  peines. 

«  .\rrête  que  Jean  Turc,  maire,  ainsi  que  l'agent  national  de  Cor- 
déac  seront  mis  en  détention  pendant  un  mois,  par  forme  de  correc- 
tion fraternelle.  Il  leur  est  enjoint,  ainsi  qu'à  la  municipalité,  de  faire 
exécuter  les  lois,  d'arrêter  les  progrès  du  fanatisme,  de  faire  tra- 
vailler, les  jours  de  dimanche  et  fête,  tous  les  citoyens,  de  les  faire 
assister  aux  assemblées  décadaires,  de  punir  en  police  ceux  qui 
affecteront  de  contrevenir,  et,  en  cas  de  récidive,  ils  porteront  les 
contrev^enants  sur  la  liste  honteuse  des  gens  suspects  ;  ils  les  feront 
fermer  et  séquestrer.  L'agent  national  est  chargé  de  faire  traduire 
l'agent  nat.  de  Cordéac  dans  la  maison  de  détention  pour  y  rester 
un  mois  ;  il  écrira  au  juge  de  paix  de  Cordéac  une  lettre  d'improba- 
tion  de  sa  conduite,  pour  avoir  négligé  de  faii'c  punir  le  sonneur  qui 
lui  fut  dénoncé (  i  ).  » 

(i)  Archives  départ.  —  Actes  du  dislricl. 


LA    GRANDE    RÉVOLUTION*  22^ 

Le  comité  de  surveillance  nommé  dans  ce  procès-verbal  et  auteur, 
par  ses  dénonciations,  du  châtiment  infligé  au  maire  et  à  l'agent  de 
Cordéac,  était  composé  en  entier  de  protestants  de  St-Sébaslien 
Dans  ce  village,  les  ennemis  acharnés  des  prêtres  et  de  tout  ce  qui 
de  près  ou  de  loin  se  rattachait  au  catholicisme  pullulaient.  Nous 
les  verrons  encore  à  l'œuvre  plus  loin. 

Un  mois  plus  tard,  Robespierre  tombait  honteusement,  et  avec 
lui  les  plus  fougueux  ennemis  du  catholicisme  et  de  l'ordre  social 
(lo  thermidor  an  II,  28  juillet  1794J.De  tous  les  points  de  la  France 
on  applaudit  à  la  chute  de  ces  hommes  sanguinaires.  Le  pouvoir 
passa  au.x  mains  des  modérés  :  on  rapporta  les  décrets  qui  avaient 
constitué  le  régime  de  la  terreur,  et  les  prisons  furent  ouvertes  au.K 
malheureux  suspects  qui  avaient  échappé  aux  tribunaux  révolution- 
naires et  à  l'échafaud. 

L'Eglise  se  hâta  de  jouir  de  la  paix  relative  qui  lui  était  accordée 
pour  quelques  jours,  afin  de  réparer  les  ruines  faites  par  la  persécu- 
tion en  France.  Après  bien  des  tristesses,  causées  par  la  défection 
de  plusieurs  de  ses  enfants,  elle  allait  pouvoir  se  réjouir  du  retour 
de  ces  nouveaux  prodigues.  L'exemple  du  relèvement  et  de  la  répa- 
ration fut  donné  dans  le  Trièves  par  un  prêtre  que  la  vue  des  folies 
et  des  excès  rapportés  plus  haut  fit  rentrer  en  lui-même. 


CHAPITRE    VI 


DEUX    ANNEES    DE    REVOLUTION. 


M.  Joseph  Accarias,  ex-chanoine  de  Die,  après  avoir  prêté  serment 
à  la  constitution,  était  devenu  secrétaire  de  la  municipalité  de  Mens. 
La  crainte  seule  avait  motivé  sa  conduite  ;  car  toujours  il  avait  été 
prêtre  vertueux.  Depuis  son  serment,  il  n'avait  pu  goûter  un  moment 
de  repos  ;  à  tous  les  instants  sa  conscience  lui  reprochait  cet  acte  de 
faiblesse  (i).  Voulant  enfin  mettre  un  terme  à  ses  angoisses  et  ré- 
parer le  scandale  qu'il  avait  causé,  il  envoya  au  maire  la  déclaration 

(i)  Lettres  en  possession  de  l'auteur. 


224  "-^    TRIÈVES    r-ENDAXT 

suivante  :  «  Je  sousigné,  Joseph  Accarias,  déclare  que  ma  qualité 
de  prêtre,  dont  je  veux  faire  les  fonctions,  étant  incompatible  avec  la 
place  de  secrétaire  de  la  commune,  je  donne  ma  démission  de  secré- 
taire et  rétracte  purement  et  simplement  le  serment  que  j"ai  prêté 
de  maintenir  la  liberté,  ce  serment  étant  contraire  aux  principes  reli- 
gieux que  je  professe.  A  Mens,  ce  23  ventôse  an  III  de  la  répu- 
blique française  (i).   » 

Cet  exemple  était  suivi,  deux  jours  après,  par  deux  anciennes  reli- 
gieuses, Suzanne-Sylvie  de  Bonniot  et  Julie-Agathe  de  Bardonnen- 
che.  La  première  dit  :  que  désirant  <>  prouver  son  attachement  invio- 
lable aux  principes  de  la  religion  et  de  l'Eglise  catholique,  aposto- 
lique et  romaine,  dans  laquelle  elle  veut  vivre  et  mourir  dans  la 
grâce  de  Dieu,  ainsi  que  sa  fidélité  aux  engagements  solennels  et 
sacrés  qu'elle  avait  contractés  en  entrant  en  religion,  dans  le  monas- 
tère de  Sainte-Ursule,  elle  déclare  par  la  présente,  qu'en  prêtant  le 
serment  de  liberté  et  d'égalité  par  devant  la  municipalité  de  Mens, 
elle  n'avait  jamais  prétendu  y  apporter  la  moindre  atteinte,  et  qu'au 
moyen  des  modifications  qu'elle  y  avait  insérées,  elle  a  cru  mettre  à 
couvert  tout  ce  qu'elle  doit  à  sa  foi  et  à  son  état.  Néanmoins,  mieux 
éclairée  sur  la  nature  du  dit  serment. elle  déclare  le  rétracter  purement 
et  simplement  comme  irréligieux  dans  son  principe  et  ses  conséquen- 
ces. En  foi  de  quoi  elle  a  signé  (2).  » 

A  son  tour,  Julie-Agathe  de  Bardonnenche  rétracta  presque  dans 
les  mêmes  termes  son  serment  prêté  pour  «  toucher  la  pension  qu'elle 
avait  sur  les  économats  (3J.    » 

Ces  rétractations  et  bien  d'autres  moins  éclatantes  furent  puissam- 
ment aidées  par  M.  Testou,  dont  rien  n'arrêtait  l'intrépidité  ;  par 
M.  Aubert,  revêtu,  ainsi  que  M.  Testou,  des  pouvoirs  de  vicaire  géné- 
ral et  qui  signait  «  Trébua  »,  en  retournant  son  nom,  afin  de  mieux 
échapper  aux  recherches  ;  par  M.  Berthon,  M.  Liotard  et  un  prêtre  de 
l'Ain  dont  le  nom  ne  nous  est  pas  connu  (4).  A  ces  courageux  ouvriers 
vinrent  successivement  s'en  ajouter  d'autres  qui  quittaient  la  terre 
étrangère  pour  retourner  dans  les  paroisses  aftligces  de  leur 
absence.  Parmi  ces  derniers  il  faut  citer  MM.  Allemand,  Galfard, 
Bourriîlon,  oncle  et   neveu,  Audiffret,  Alexandre   Galfard,   Ollagnier 

(i)  Reg.  des  délih.,  Mens. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ibidem. 

f4)  Archives  départ.  3""°  volume  des  délib.  du  district  de  Grenoble. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  225 

curé  de  St-Guillaume,  auxquels  Mgr  d'Aviau,  archevêque  de  \'ienne 
et  administrateur  de  Die  après  la  mort  de  Mgr  du  Plan  des  Augiers, 
donne  par  lettres  datées  de  Rome  f^i  mars  1795)  ^^^  pouvoirs  très 
étendus  (i).  Rien  ne  prouve  mieux  le  zèle  de  ces  saints  prêtres  et 
les  heureux  effets  de  leur  travaux  que  la  délibération  suivante  du 
district  de  Grenoble  : 

«  Ce  jour  3  germinal  an  III  (27  mars).  Les  citoyens  Boivert  vice- 
président,  Fontaine,  Ferrand,  Berriat,  lagent  national  provisoire  et 
le  secrétaire  présents  ; 

«  L'agent  national  a  dit  que  les  nommés  Liotard,curé  des  Portes, 
Berthon,  curé  de  Trésanne,  Aubert,  curé  de  Prébois,  et  un  prêtre 
du  département  de  l'Ain,  non  assermentés,  remplissent  dans  le  Triè- 
ves  la  mesure  de  l'audace,  de  l'hypocrisie  et  du  fanatisme.  Ils  pro- 
phétisent une  prochaine  contre-révolution,  damnent  publiquement 
ceux  qui  ont  acquis  des  biens  nationaux  ou  d'émigrés  à  moins  qu'ils 
ne  restituent,  ceux  qui  ont  rempli  des  places  dans  la  République, 
ceux  qui  lui  ont  fait  serment  de  fidélité  ;  ils  ont  refusé  d'absoudre  le 
citoyen  Corréard,  de  Prébois,  greflier  de  cette  municipalité,  qu'il 
n'eût  quitté  cette  place.  Les  municipalités  gardent  le  silence  sur  ce 
scandale  séditieux. 

«  Sans  doute,  il  faut  compatir  à  l'erreur  ;  mais  la  sédition  doit  être 
réprimée.  Liotard,  curé  des  Portes,  trouve  asile  chez  la  Chenicourt, 
mère  d'émigré.  Quand  il  craint,  on  le  cache  au  jardin  d'hiver.  Il  est 
allé  prêcher  à  Chichilianne. 

«   Le  prêtre  de  l'Ain  est  à  Mens. 

«   Berthon,  curé  de  Ti-ésanne,  est  à  Gresse. 

«  Aubert,  curé  de  Prébois,  est  aux  environs  de  Prébois,  quelques 
fois  à  Mens.  C'est  lui  qui  a  amené  dans  le  pays  le  prêtre  de  l'Ain. 

«  Il  s'agit  d'envoyer  la  gendarmerie  à  la  poursuite  de  ces  prédica- 
teurs incendiaires,  de  les  mettre  en  arrestation  et  de  les  dénoncer 
ensuite  au  comité  de  sûreté  générale  et  à  l'accusateur  public, qui  fera 
prendre  des  informations  sur  les  faits,  sans  l'intermédiaire  des  mu- 
nicipalités ni  des  juges  de  paix,  qui  laissent  impunis  de  pareils 
désordres 

«  Ouï  le  réquisitoire  de  l'agent  national  : 

«  Le  directoire  arrête  que  les  nommés  Liotard,  curé  des  Portes, 
réfugié  chez  la  Chenicourt,  à  St-Martin-de-Clelles,  le  prêtre  de  l'Ain, 

Cl)  Pièces  en  possession  de  Tauteur. 

Bull.  VIII.  1888.  17 


220  LE    TRIÈVES    PENDANT 

réfugié  à  Mens,  Berthon,  ex-curé  de  Trésanne,  réfugié  à  Gresse,  et 
Aubert,  ex-curé  de  Prébois,  réfugié  aux  environs  de  Prébois  seront 
recherchés,  pj-is  et  traduits  dans  la  maison  de  détention  de  Greno- 
ble, par  un  détachement  de  la  gendarmerie  de  Grenoble,  Vizille,  la 
Mure,  et  le  Monêtier-de-Clermont,  et  qu'extrait  du  présent  arrêté 
sera  adressé  au  comité  de  siàreté  générale  et  à  Taccusateur  public, 
qui  fera  prendre  des  informations  sur  les  faits  énoncés  au  réquisi- 
toire de  l'agent  national,  un  autre  extrait  au  commandant  de  la 
gendarmerie  (i).    » 

Au  reçu  de  cet  arrêté,  la  force  publique  se  hâta  d'entrer  en  cam- 
pagne ;  quatre  de  ses  détachements  se  rendirent  aux  lieux  où  l'on 
soupçonnait  la  présence  des  prêtres  dénoncés.  Trois  d'entre  eux 
échappèrent  à  toutes  les  recherches  ;  mais  M.  Liotard,  arrêté  à  St- 
Martin,  fut  conduit  aussitôt  à  Grenoble  et,  le  17  germinal  an  III 
(6  avril  1795),  ^'  comparaissait  devant  les  administrateurs  du  distiict 
pour  y  subir  un  interrogatoire,  dont  voici  le  procès-verbal  : 

«  Présents  les  citoyens  Boivert,  vice-président,  Imbert,  Fontaine, 
Ferrand,  Gros,  administrateurs,  l'agent  national  provisoire  et  le 
secrétaire. 

«  Est  entré  le  nommé  Liotard,  détenu  à  la  conciergerie  de  Greno- 
ble, conduit  par  la  garde  nationale  de  Grenoble,  auquel  il  a  été  fait 
par  le  président  les  questions  suivantes  : 

D.  —   «   De  ses  noms,  prénoms,  âge  et  profession  > 

R.  —  «  Qu'il  s'appelle  Augustin  Liotard.  qu'il  est  prêtre  et  âgé 
d'environ  trente-deux  ans. 

D.   —   <'    S'il  connaît  les  causes  de  son  arrestation  ? 

R.    —   «   Et  dit  que  non. 

D.  —  «  S'il  était  simple  prêtre  ou  employé  à  la  desserte  de  quel- 
que ci-devant  cure  ? 

R.   —   «   Qu'il  était  vicaire  de  la  ci-devant  paroisse  de  Clelles. 

D.   —  «   Où  il  a  résidé  depuis  le  mois  d'août  1792  ? 

R.  —  «  Qu'il  a  résidé  chez  ses  parents,  dans  la  commune  de 
St-Michel-les-Portes. 

D.  —   <»   S'il  avait  prêté  serment  à  la  constitution  ci\ile  du  clergé  ? 

R.   —   «  Qu'il  l'avait  prêté  avec  restriction. 

D.  —  «   Si  la  restriction  était  mentale  ou  écrite  > 

R.   —    «   Qu'il  ne  s'en  souvient  pas. 

D.    —    <i   Depuis  quand  il  a  quitté  le  vicariat  de  Clelles  ? 

(1;  Archives  dcparlement.  —  3"""  \olumcs  des  Jélib.  du  dictrict. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  227 

R.   —  «  Qu'il  y  a  environ  trois  ans. 

D.  —  «  S'il  a  prêté  le  serment  prescrit  par  la  loi  du  14  août  1792 
sur  le  maintien  de  la  liberté  et  de  légalité  ? 

R.  —  «  Et  nie,  en  observant  que,  depuis  cette  époque,  il  s'est 
même  presque  toujours  tenu  caché. 

D.  —  «  S'il  a  eu  connaissance  de  la  loi  du  2Ô  août  1792  et  de 
celle  du  23  avril  1793  > 

R.  —    «  Et  nie  parce  qu'il  se  tenait  caché. 

D.  -  «  Quel  motif  le  faisait  tenir  caché  puisqu'il  ne  connaissait 
pas  les  lois  ? 

R.  —  «  Qu'il  connaissait  une  loi  qui  condamnait  à  la  déportation 
les  prêtres  qui  avaient  refusé  de  prêter  le  serment. et  que  c  était  pour 
se  soustraire  à  cette  peine. 

«  Il  lui  a  été  présenté  un  portefeuille  trouvé  sur  lui  lors  de  son 
arrestation,  et  demandé  sil  connaissiait  le  dit  portefeuille  d'étoffe  de 
soie  et  peinte,  fond  blanc  et  bordé  en  galon  d'or  faux  et  en  mauvais 
état  ? 

R.   —   «   Qu'il  reconnaissait  le  portefeuille  pour  lui  appartenir. 

«  Dans  le  portefeuille  il  s'est  trouvé  1°  cinq  lettres  à  l'adresse  du 
citoyen  Irère,  qu'il  a  reconnu  pour  lui  avoir  été  écrites,  et  un  billet 
sans  adresse  qu'il  reconnail  aussi  lui  avoir  été  écrit  ;  2°  une  lettre  à 
l'adresse  du  cit.  Accarias-Benevant  à  Chàtillon,  lettre  qu'il  écrivait 
lui-même  et  qu  il  devait  faire  passer  à  son  adresse;  3"  un  discours, 
pour  la  première  communion  des  enfants,  qu'il  a  reconnu  aussi  lui 
^/appartenir  ;  4"  les  lettres  d'approbation  pour  confesser,  qui  lui  ont 
été  données  par  le  ci-devant  Evéque  de  Die,  le  30  décembre  1788, 
qu'il  a  aussi  reconnu  lui  appartenir;  5°  irois  demi-feuilles  de  papier 
timbré,  sur  lesquelles  sont  inscrits  huit  actes  de  baptême  ;  6"  un  petit 
carnet  de  papier  blanc,  où  il  y  a  quelques  notes  ;  7°  un  calendrier  de 
la  Rép.  Franc,  pour  la  troisième  année  ;  8"  un  petit  linge  blanc 
appelé  corporal- 

«  Toutes  les  lettres  ont  été  paraphées,  ainsi  que  les  papiers  par  le 
vice-président  et  ensuite  remis  avec  le  petit  linge  dans  le  portefeuille, 
lequel  a  été  enveloppé  d'une  feuille  de  papier  sur  leqnel  a  été  apposé 
le  cachet  de  l'administration,  en  présence  du  dit  Liotard,  qui  n'a  pas 
voulu  lui-même  parapher  les  dites  lettres  et  papiers. 

D.  —  «  Si  ces  lettres  qui  sont  à  l'adresse  du  citoyen  Irère  étaient 
pour  lui  > 

R.    —   «   Et  convient. 


228  LE    TRIÈVES    PENDANT 

D.  —  «  Pourquoi  elles  n'étaient  pas  à  l'adresse  de  son  véritable 
nom  ? 

R.  —  «  Qu'il  se  nomme  Liotard-Irère,  et  que  si  on  ne  lui  donnait 
le  premier  nom,  c'était  pour  qu'il  ne  fût  pas  reconnu,  étant  obligé  de 
se  tenir  caché,  ainsi  qu'il  l'a  ci-devant  observé. 

«  Lecture  faite  des  dits  interrogats  et  réponses  au  dit  Liotard,  a 
dit  que  ses  réponses  contiennent  vérité,  a  persisté  et  signé:  Liotard. 

«  Vu  les  réponses  ci-dessus. 

«   Ouï  l'agent  national  provisoire. 

0  Le  directoire  arrête  qu'extrait  de  la  délibération  du  directoire 
du  sept  de  ce  mois,  ainsi  que  des  réponses  ci-dessus,  sera  envoyé  à 
l'accusateur  public  du  tribunal  correctionnel  du  département  de 
l'Isère  pour  être  par  lui  procédé  contre  le  dit  Liotard,  conformément 
à  la  loi.  Comme  aussi  qu'il  lui  sera  envoyé  le  procès-verbal  d'arres- 
tation du  dit  Liotardj  ainsi  que  son  portefeuille  (i  ) » 

M.  Liotard  ne  resta  pas  longtemps  en  prison  :  l'une  des  nombreu- 
ses personnes  de  sa  connaissance,  dans  la  ville,  lui  fit  tenir  une 
corde,  au  moyen  de  laquelle  il  descendit  par  une  fenêtre  et  échappa 
ainsi  à  la  déportation. 

Il  parait  qu'après  son  évasion  il  séjourna  pendant  quelque  temps  à 
Grenoble.  On  le  pria,  un  jour,  d'aller  à  l'hùpital  administrer  une 
moribonde.  La  chose  était  difficile,  mais  la  charité  rend  industrieux. 
Déguisé  en  militaire,  il  se  présente  à  la  porte.  «  Camarade,  dit-il  au 
«  factionnaire,  je  suis  de  passage  dans  cette  ville  ;  tu  sais  que  nous 
«  autres,  soldats,  nous  aimons  à  boire  la  goutte  ;  mais  nous  n'avons 
«  guère  la  bourse  garnie.  J'ai  une  parente  à  l'hôpital,  et  je  voudrais 
«  bien  en  tirer  quelque  chose  ;  si  tu  avais  l'obligeance  de  me  laisser 
«  entrer  pour  lui  parler,  je  t'en  serais  reconnaissant.  » 

La  demande  fut  agréée  et  M.  Liotard  put  administrer  la  malade. 
«  Eh  bien  ?  camarade,  lui  cria  le  factionnaire  en  le  voyant  sortir, 
«  as-tu  fait  de  bonnes  affaires  ?  —  Excellentes,  je  te  remercie, 
«   adieu.   »  répliqua  le  faux  militaire  (2). 

On  lui  annonce,  un  autre  jour,  qu'un  jeune  homme  malade  dési- 
rait se  confesser,  mais  que  son  père  et  sa  mère  étaient  ennemis 
acharnés  des  prêtres.  L'abbé  Liotard  ne  considère  point  le  péril 
auquel  il  va  s'exposer  en  se  rendant  auprès  dy  malade,  mais  le 
prix  d'une  âme  à  sauver  ;    il  se   revêt   d'un  manteau  et  se  présente 

(1)  Ibidem. 

(2)  Réponses  aux  questions  Je  l'Ordu  de   i8^y. 


LA    GRANDE    RÉVOLUTION.  229 

comme  médecin  à  la  maison  indiquée,  où  il  est  introduit.  Il  interroge 
le  malade  sur  ses  souffrances,  lui  tâte  le  pouls,  puis  sous  prétexte  de 
remèdes  à  administrer,  fait  sortir  les  personnes  qui  remplis.sent  la 
chambre  et  propose  au  jeune  homme  de  le  confesser.  Celui-ci  ne  veut 
d'abord  en  entendre  parler;  il  consent  cependant  à  la  fin,  mais  ne 
peut  recevoir  dans  le  moment  le  saint  \'iatique  et  l'Extrême-Onction. 
M.  Loitard  lui  promet  de  revenir  et  va  se  retirer,  quand  la  mère  du 
malade,  qui  avait  découvert  sa  qualité  de  prêtre,  lui  dit  :  «  Oh  ! 
«  Monsieur,  vous  avez  du  bonheur  que  mon  mari  n'y  soit  pas  !  — 
«  Eh  bien  1  dites-lui  qu'un  tel  jour,  à  telle  heure  je  serai  ici.  »  Il  y 
fut  en  effet  :  mais  Dieu  voulut  que  son  courageux  dévoûment  tou- 
chât le  cœur  du  père.  Celui-ci  le  laissa  paisiblement  administrer  son 
fils  (i). 

Malgré  bien  des  fluctuations  dans  la  politique  et  dans  ses  procédés 
à  l'égard  du  clergé  catholique.  la  Convention,  depuis  la  mort  de 
Robespierre,  semblait  revenir  lentement  à  un  système  moins  oppres- 
sif et  moins  cruel.  Elle  permit  par  là  au  peuple  de  faire  connaître  ses 
vœux  ardents  pour  le  libre  exercice  du  culte.  Ces  vœux  amenèrent 
les  décrets  des  trois  ventôse  an  III  (?,  i  février  1795)  et  ^^  prairial 
(30  mai)  reconnaissant  à  tous  les  citoyens  le  droit  de  célébrer  leur 
culte  et  leur  permettant  l'exercice  de  ce  droit,  à  condition  qu'ils  ne 
feraient  aucune  cérémonie  extérieure  et  que  le  gouvernement  n'au- 
rait à  fournir  aucune  subvention.  Enfin  il  était  permis  de  rendre  les 
églises  non  aliénées  ;  mais  des  déclarations  préalables  devaient  être 
faites  à  l'autorité  pour  obtenir  ces  faveurs. 

Les  catholiques  du  Trièves  s'empressèrent  de  profiter  de  ces 
concessions.  Le  18  ventôse  (18  mars),  un  huissier  de  Mens,  Pierre 
.A.chard,  alla  déclarer  à  la  municipalité  qu'il  avait  loué  un  apparte- 
ment de  la  «  citoyenne  Arthaud,  pour  que  les  fidèles  pussent  y  venir 
prier  Dieu,  les  dimanches  et  jours  de  fête.  »  Le  même  jour,  un  mar- 
chand, Jean  Beaup,  fait  une  déclaration  semblable  pour  sa  maison, 
où  l'on  s'assemblait  de  huit  heures  du  matin  à  quatre  heures  du 
soir.  Bernard  Berthon,  le  24  floréal  (13  mai),  prévient  qu'il  a  loué 
une  salle  de  la  cure,  où  les  catholiques  venaient  prier.  Enfin,  le  23 
brumaire  (14  novembre),  Pierre  Achard,  Pierre  Vernet  et  Antoine 
Bec  annoncent  au  maire  que  les  citoyens  du  culte  catholique  s'as- 
sembleront désormais  dans  l'église  pour  l'exercice  de  leur  reli- 
gion (2).  Et  ces  catholiques  accouraient  nombreux  et  souvent  pour 

(i)  Réponses. 

(2)  Reg.  des  délib.  Mens. 


230  LE    TRIEVES    PENDANT 

prier  dans  cette  même  église  et  y  assister  à  la  messe  qu  y  célébrait 
tous  les  jours,  M.  Joseph  Accarias. 

Ce  prêtre,  en  effet,  après  une  rétractation  et  une  assez  longue  pro- 
bation,  avait  obtenu  de  ses  supérieurs  d'exercer  de  nouveau  les  fonc- 
tions du  saint  ministère.  11  se  dévoua  tout  entier  dès  lors  au  bien 
des  âmes.  Le  23  thermidor  (  r  i  juillet)  disent  les  registres  des  délibé- 
rations «  comparait  devant  la  municipalité  Joseph  Accarias,  prêtre, 
«  lequel  déclare  qu'il  se  propose  d'exercer  le  ministère  du  culte 
«  catholique,  apostolique,  romain,  dans  l'étendue  de  celte  commune 
«  et  a  requis  qu'il  lui  soit  donné  acte  de  sa  soumission  aux  lois  de  la 
«  république  française,  pour  tout  ce  qui  est  uniquement  du  ressort 
«  de  la  puissance  temporelle  et  ce  qui  ne  peut  blesser  sa  foi  ni  sa 
«  conscience.  De  laquelle  déclaration  il  lui  a  été  donné  acte,  confor- 
«  mément  à  la  loi  du   11  prairial  dernier  (ij,   » 

Clelles,  le  Percy,  Lalley  et  plusieurs  autres  paroisses  suivirent 
l'exemple  de  Mens,  et  leurs  habitants  purent  se  réunir  dans  leurs 
églises,  si  longtemps  fermées  ou  profanées,  et  le  culte  divin  recou- 
vra, sinon  toute  sa  liberté,  du  moins  tout  ce  qu'il  semblait  possible 
d'espérer  en  fait  de  tolérance,  après  une  si  cruelle  persécution. 

Le  nombre  des  prêtres  augmentait  chaque  jour;  car  les  exilés 
revenaient  successivement  dans  leur  paroisse,  où  leur  présence  en- 
courageait les  fidèles,  M.  Brudon,  par  son  retour,  fit  verser  bien  des 
larmes  de  joie  à  ceux  qui  avaient  pieusement  conservé  le  souvenir 
de  ses  recommandations.  Il  fut  accueilli  lors  de  son  entrée  à  Trémi- 
nis  par  le  vénérable  M.  Jossaud,  accouru  joyeux  afin  d'embrasser 
son  ami  (2).  Ce  dernier  aurait  pu  lui  raconter,  si  l'humilité  ne 
l'en  eiJt  empêché,  le  dévoùment  et  le  courage  qui  lui  firent  par- 
courir le  Trièves  entier  avec  des  habits  rouges,  en  marchand  de 
bœufs  de  Provence.  Il  venait  ainsi  partout  où  sa  présence  était 
réclamée.  Il  fut  un  jour  arrêté  au  Monêtier-du-Percy  par  des  gen- 
darmes qui  paraissaient  furieux  contre  lui  et  l'attachèrent  au  pied 
même  de  la  table,  où  ils  t^e  rafraichirent  ensuite.  Ils  le  conduisirent 
à  une  certaine  distance  en  l'accablant  d'outrages  tant  qu'ils  eurent 
des  témoins  ;  mais  quand  ils  furent  arrivés  dans  un  endroit  solitaire, 
ils  lui  demandèrent  pardon  et  le  laissèrent  aller  en  liberté,  après 
l'avoir  supplié  de  ne  jamais  parler  de  ce  qui  s'était  passé.  M.  Beau 
eut  une  aventure  presque  semblable  :  il  fut  conduit  à  Grenoble  par 

(1  )  Ibidem.. 

(2)  Tradition  locale. 


LA    GRANDE    REVOLUTION".  2^\ 

un  détachement  de  la  garde  nationale  de  Mens  ;  mais  le  geôlier 
refusa  de  le  recevoir,  parce  que  la  prison  était  pleine  (i). 

Pour  remplir  publiquement  leurs  fonctions,  les  prêtres  étaient 
tenus,  d'après  le  décret  du  1 1  prairial,  de  faire  une  déclaration  de 
soumission  aux  lois  de  la  République,  déclaration  qu'avait  donnée 
M.  Accarias.  La  joie  que  ce  décret  avait  causée  chez  les  fidèles,  en 
ouvrant  les  églises,  fut  assombri  dans  l'esprit  du  clergé  par  un  sen- 
timent de  défiance  trop  justifié  par  le  passé.  On  craignait  un  piège 
caché  sous  les  mots  :  «  soumission  aux  lois  de  la  République,  »  et 
on  se  demandait  s'ils  n'impliqueraient  pas  une  adhésion  contraire 
aux  lois  divines  et  ecclésiastiques.  Du  reste  le  décret  portait  que  les 
églises  se  rouvriraient  pour  servir  successivement  à  tous  les  cultes  ; 
or.  de  là  que  d'inconvénients,  de  profanations,  de  rixes,  de  dangers 
de  séduction  pouvaient  résulter.  On  comprend  dès  lors  pourquoi  les 
prêtres,  dans  le  Trièves,  attendirent  presque  tous,  pour  prendre  une 
décision,  qu'une  voix  autorisée  eût  parlé.  Mgrd'Aviau,  archevêque  de 
'Vienne  et  administrateur  de  Die,  adressa  le  23  août,  à  tous  les  prê- 
tres soumis  à  sa  juridiction,  une  circulaire  pour  les  inviter  à  faire 
l'acte  de  soumission  porté  par  la  loi  du  1 1  prairial.  «  Le  peuple, 
ft  disait-il,  attend  de  nous  cet  acte  comme  un  témoignage  de  nos 
«  sentiments  et  de  notre  horreur  pour  tout  ce  qui  ressentirait  l'es- 
«  prit  de  trouble  et  d'anarchie  »  Les  prêtres  du  Trièves  se  confor- 
mèrent aux  désirs  du  pieux  prélat  et  purent  publiquement  et  libre- 
ment vaquer  à  leur  saint  ministère  pendant  quelques  mois. 

Mais  si  les  églises  étaient  momentanément  rendues  aux  fidèles,  il 
n'en  était  point  de  même  pour  les  presbytères.  Ceux  de  Mens,  St- 
Baudille,  Lavars,  Cornillon  étaient,  le  26  floréal  an  IV  (15  mai  1796), 
transformés  en  maisons  d'école  (2).  Les  prêtres  ne  restaient  point 
pour  cela  sans  abri  ;  partout  ils  recevaient  une  généreuse  hospitalité 
de  leurs  paroissiens.  Leur  présence  dans  une  famille  était  un 
honneur  recherché  presque  par  tous.  Les  moins  aisés  étaient  sou- 
vent les  plus  empressés  à  offrir  de  partager  leur  pain  noir  avec  le 
ministre  de  Dieu  (^). 

L'apaisement  religieux  était  d'ailleurs  grandement  favorisé  par 
l'établissement  d'une  seule  municipalité  par  canton  (4),  composée  de 

(1)  Récit  de  Magl.  Brochier  et  Réponses. 

(2)  Reg.  des  délit.  .Mens. 

(3)  Traditions  locales. 

(4)  Loi  du  29  vendémiaire  an  IV. 


232  LE    TRIEVES    PENDANT 

l'adjoint  et  d'un  délégué  de  chaque  commune.  Cette  mesure,  qui 
avait  soulevé  bien  des  réclamations,  froissé  bien  des  susceptibilités, 
contribua  beaucoup  à  la  tranquillité  des  prêtres  :  car  si  les  représen- 
tants de  quelque  localité  proposaient  contre  eux  et  contre  l'exercice 
du  culte  catholique  des  mesures  de  répression,  ils  les  voyaient  pres- 
que toujours  repousser  par  une  majorité  de  collègues  plus  modérés. 
Grâce  à  cet  état  de  choses,  joint  au  dévoûment  général,  le  clergé 
put  avec  des  précautions  échapper,  dans  le  Trièves,  à  presque  toutes 
les  mesures  de  proscription,  prises  contre  lui  pendant  la  petite 
terreur. 

Le  gouvernement  permettait  l'exercice  du  culte,  mais  se  montrait 
mesquin  dans  ses  mesures  à  l'égard  de  ce  même  culte  ;  c'est  ainsi 
que  le  commissaii'e  du  pouvoir  exécutif  de  l'Isère  écrivait,  le  8  prai- 
rial an  m,  aux  municipalités  pour  leur  enjoindre  d'enlever  les  batans 
des  cloches,  afin  qu'on  ne  pût  s'en  servir.  A  cet  ordre,  la  municipa- 
lité du  canton  de  St-Maurice  répondit  qu'elle  était  d'avis  de  ne 
point  sonner  les  cloches,  mais  qu'elle  demandait  le  maintien  des 
batans  pour  pouvoir  donner  les  signaux  nécessaires  dans  les  cas 
d'incendie  très  fréquents  dans  la  contrée,  où  toutes  les  maisons 
étaient  couvertes  en  chaume  (i).  Rien  ne  doit  nous  surprendre  en  ce 
temps  de  contradiction  ;  à  chaque  pas  on  rencontre  les  mesures  les 
plus  opposées,  se  détruisant  les  unes  les  autres  en  quelques  jours. 

Le  temps  de  calme  dura  peu  et  la  Convention  ne  tarda  pas  à 
revenir  au  système  de  rigueur  qu'elle  n'avait  que  trop  longtemps 
suivi.  Dans  un  décret  du  7  vendémiaire  an  IV  (29  septembre^,  elle 
exigea  des  prêtres  de  reconnaître  en  principe  la  souveraineté  du 
peuple  et  de  confirmer  par  le  serment  cette  profession  de  foi.  Le  3 
brumaire  suivant  (25  octobre),  elle  ordonnait  la  déportation  contre 
les  prêtres  réfractaires  ;  mais  ceux-ci  ne  se  laissèrent  point  intimider 
et  ne  diminuèrent  rien  de  leur  zèle.  A  Mens  cependant,  M.  .Xccarias 
crut  devoir  cesser  de  célébrer  les  offices  dans  l'église,  afin  de  ne 
point  attirer  sur  les  autorités  locales  les  coups  de  l'administration 
supérieure. 

La  lettre  suivante  du  procureur  syndic  de  Grenoble  au  ministre 
de  la  police  à  Paris,  nous  édifiera  sur  l'esprit  de  la  population  et  sa 
noble  conduite  dans  ces  temps  de  malheur  . 

('  J'ai  reçu  avec  votre  lettre  du    18  de  ce  mois,  une  autre  lettre  du 

(1)  Registre  des  délibérations.  Lallcy. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  2^3 

25  mars  1796,  timbrée  de  Grenoble  et  signée  Monier,  qui  donne  la 
clef  des  menées  clandestines  des  prêtres  dans  le  Trièves.  Il  y  a  long- 
temps que  j'en  étais  prévenu,  j"ai  envoyé  successivement  dans  ces 
contrées,  d'abord  un  commissaire,  puis  un  détachement  d'artillerie, 
ensuite  un  détachement  de  gendarmerie  qui  s'y  trouve  encore,  dans 
le  double  objet  d'arrêter  les  déserteurs  de  la  réquisition  et  les  réfrac- 
taires.  J'ai  de  plus  chargé  dans  ces  contrées  les  commissaires  du 
gouvernement  et  autres  fonctionnaires  de  confiance  de  fournir  aux 
commandants  de  ces  détachements  les  indications  nécessaires.  Mais 
cette  partie  du  département  est  fanatisée  au  point  que  la  masse 
recèle  ces  perturbateurs  avec  tant  de  mystères  qu'on  n'a  pas  encore 
pu  parvenir  à  découvrir  leur  repaire.  On  apprend  quelquefois  où  ils 
étaient  la  veille,  mais  on  ne  peut  savoir  où  ils  sont  le  jour,  ni  le 
lendemain.  On  m'a  demandé  souvent  des  perquisitions  domiciliaires 
la  nuit,  en  me  donnant  l'assurance  de  les  trouver  ;  mais  fidèle  obser- 
vateur de  la  Constitution,  je  m'y  suis  refusé.  Hilaire  (i).  » 

Il  fallut  la  révolution  dite  du  18  fructidor  an  V  (4  septembre  1797), 
pour  réveiller  le  feu  de  la  persécution  dans  cette  contrée,  et  y  pous- 
ser quelques  hommes  à  dénoncer  et  pourchasser  les  prêtres.  Quel- 
ques habitants  de  St-Sébastien  acquirent  alors  une  triste  réputation 
de  cruelle  intolérance  par  la  guerre  acharnée  qu'ils  firent  à  M.  Tes- 
tou  et  aux  catholiques  de  Cordéac. 


(I)  Archives  départ.  —  Actes  du  district. 
(La  suite  au  prochain  numéro). 


A.  LAGIKR. 


RECHERCHES 

SLR    LES 

INSCRIPTIONS 

du  Vivarais 


AVANT-PROPOS 


Les  monuments  épigraphiques,  a  dit  un  auteur,  sont  l'une  des 
sources  les  plus  intéressantes  et  les  plus  sûres  de  l'histoire.  Ils 
constatent  de  petits  événements  locaux,  fixent  des  dates,  font  connaî- 
tre des  noms,  rappellent  des  usages,  en  un  mot  projettent  un  grand 
jour  sur  différentes  particularités  de  nos  chroniques.  Quelques  mots 
gravés  sur  la  pierre  ou  sur  Tairain  offrent  quelquefois  toute  une 
révélation. 

C'est  ce  qui  nous  a  donné  l'idée  de  recueillir  toutes  les  inscriptions 
de  l'Ardèche. 

Le  !"■  octobre  1880,  nous  adressâmes  à  tous  les  curés  du  départe- 
ment la  lettre-circulaire  suivante  : 

«  Lorsque  les  savants  bénédictins  dom  \'ic  et  dom  Vaissete  eurent 
conçu  le  plan  de  leur  immortelle  Histoire  Générale  de  Languedoc,  ils 
s'adressèrent  à  tous  les  curés,  officiaux  et  prieurs  de  cette  province 
pour  avoir  les  matériaux  nécessaires  à  la  réalisation  de  leur  vaste 
projet.  Aujourd'hui  on  peut  voir  à  la  Bibliothèque  Nationale  plus  de 
60  gros  volumes  in-fol.  formés  de  la  correspondance  de  MM.  les 
curés  avec  dom  Vie  et  dom  Vaissete,  collection  précieuse  qui  fait  le 
plus  grand  honneur  au  clergé  du  Languedoc. 

«  Le  souvenir  de  cette  correspondance  a  donné  l'idée,  non  pas  à  un 
bénédictin,  mais  à  un  modeste  travailleur  qui  aime  beaucoup  son 
pays,  de  recourir  à  votre  extrême  obligeance,  Monsieur  le  Curé,  pour 


RECHERCHES  SUR  LES  INSCRIPTIONS  DU  VIVARAIS,  2^5 

avoir  quelques  renseignements  dont  il  a  besoin  pour  terminer  un 
important  ouvrage  qu'il  poursuit  depuis  longtemps. 

«  J'ai  déjà  publié  vingt-sept  ouvrages  sur  notre  cher  pays  et  j'en 
ai  encore  plusieurs  en  préparation,  entre  autres  la  Biographie  de 
l'Ardèche  (Panthéon  du  Vivarais),  8  vol.  in-^"  illustrés.  Je  travaille  en 
ce  moment  à  ÏÉpigraphie  du  Vivarais  :  tel  est  le  titre  de  mon  nou- 
vel ouvrage,  qui  contiendra  toutes  nos  Inscriptions  romaines,  gallo- 
romaines.,  du  moyen  âge,  en  langue  vulgaire,  etc..  etc. 

«  Dans  l'intérêt  de  l'histoire  du  Vivarais,  je  vous  serai  très  obligé. 
Monsieur  le  Curé,  de  vouloir  bien  me  faire  connaître  les  Inscriptions 
que  vous  pouvez  avoir  dans  votre  paroisse  ou  ses  environs.  Per- 
sonne mieux  que  vous  ne  peut  me  renseigner  à  ce  sujet.  » 

D'un  autre  côté,  \e  Bulletin  de  l'Instruction  primaire  de  l'Ardèche, 
n°  3  —  i88i,  contenait  cette  lettre,  que  nous  avions  adressée  à 
M.  l'Inspecteur  d'Académie',  à  Privas,  le  17  janvier  1881  : 

«  Connaissant  tout  le  zèle  et  le  dévouement  de  MM.  les  institu- 
teurs, pour  les  choses  de  la  science  et  de  l'histoire,  j'ai  pensé  que 
leur  concours  me  serait  précieux  pour  avoir  les  renseignements  qui 
me  sont  nécessaires  pour  terminer  un  ouvrage  auquel  je  travaille 
depuis  longtemps,  et  qui  aura  pour  titre  Epigraphie  du  Vivarais. 

«  Cet  important  ouvrage  contiendra  toutes  nos  inscriptions  romai- 
nes, gallo-romaines,  du  moyen  âge,  en  langue  vulgaire,  etc.,  etc. 

«  Je  désirerais  connaître  exactement  toutes  les  inscriptions,  tant 
anciçnnes  que  modernes,  qui  peuvent  se  trouver  dans  les  égli- 
ses, les  châteaux,  les  maisons  particulières,  sur  la  voie  publique, 
etc.,  etc. 

«  Je  vous  serai  reconnaissant,  Monsieur  l'Inspecteur,  de  vouloir 
bien  me  faciliter  les  moyens  d'obtenir  de  MM.  les  instituteurs,  si 
c'est  possible,  les  renseignements  dont  j'ai  besoin.   » 

Au  bas  de  notre  lettre  se  trouve  cette  recommandation  de  M.  l'Ins- 
pecteur : 

«  M.  Henry  Vaschalde,  directeur  de  l'Etablissement  thermal  de 
«  Vais,  n'est  pas  un  inconnu  pour  les  membres  du  corps  ensei- 
«  gnant;  plusieurs  d'entre  eux  en  traitement  à  Vais,  n'ont  eu  qu'à 
«  se  louer  de  ses  bons  procédés.  Chacun  voudra  donc  l'aider  dans 
«  ses  recherches  d'une  haute  importance  pour  l'histoire  de  notre 
«  contrée.   » 

Sait-on  combien  de  personnes  ont  répondu  à  notre  appel  ?  Neuf 
curés  et  sept  instituteurs  seulement  ont  daigné  nous  écrire  pour 
nous  donner  des  renseignements. 


2^6 


RECHERCHES    SUR    LES 


C'est  peu  encourageant,  et  pourtant  nous  savons  qu'il  existe,  dans 
bien  des  communes,  des  inscriptions  très  intéressantes. 

En  attendant  que  nous  puissions  publier  V Epigraphie  du  Vivarais, 
qui  formera  un  beau  volume  grand  in-8°,  quelques  amis  nous  ont 
engagé  à  en  détacher  une  partie,  —  assurément  la  plus  curieuse.  — 
Ce  premier  essai  nous  amènera  peut-être  quelques  communications. 

Que  les  seize  obligeants  curés  et  instituteurs  qui  ont  bien  voulu, 
dès  la  première  heure,  nous  prêter  leur  concours,  reçoivent  ici  l'ex- 
pression de  notreprofonde  gratitude. 


1.     —     ÉPOQUE    ROMANE. 


Roiîlieniaure.  —  Au-dessus  de  la  porte  du  chœur  de  la  vieille 
église  de  St-Laurent,  qui  appartenait  aux  chanoines  de  St-Ruf,  on 
aperçoit,  incrustée  dans  le  mur,  une  plaque  en  pierre  de  Cruas 
de  22  centimètres  de  hauteur,  sur  37  de  largeur,  où  l'on  peut 
lire  la  curieuse  inscription  suivante,  en  caractères  de  l'époque  ro- 
mane bien  conservés,  sauf  pourtant  ceux  du  mot  Girot,  qu'on  lit  à 
peine. 


S 

A 

T 

0 

R 

A 

R 

E 

P 

0 

GIROT     • 

T 

E 

N 

E 

T 

VM 
BERT 

0 

P 

E 

R 

A 

ME  FECIT 

R 

0 

T 

A 

S 

Cette  singulière  inscription,  que  nous  avons  relevée  en  septembre 
1885,  en  compagnie  de  notre  ami  le  peintre  Mallet,  a  intrigué  bien 
des  savants,  depuis  1837  qu'elle  fut  publiée  pour  la  première  fois, 
par  M.  Pierquin  de  (iembloux,  inspecteur  de  l'Académie  de  Grenoble. 

Dans  une  lettre  adressée  à  M.  de  Coston,  et  publiée  dans  le 
Courrier-  de  l'Isère  (i),  l'auteur  reconnaissait  dans  cette  bizarre 
inscription,  qu'il  appelait  Monument  de  Théologie  Arithmétique  «  un 

(i)  N°  du  .\  février  1837. 


INSCRIPTIONS    DU    VIV^ARAIS.  237 

«  abraxas  monumental,  talisman  ou  amulette  émané  de  la  théologie 
«  arithmétique  et  dressé  par  Mumbert  Girot » 

Quelques  jours  après  (i),  dit  M.  G.  Vallier,  à  qui  nous  emprun- 
tons ces  détails,   le  même  journal  publiait  une  réponse  à  l'article  de 

M.  Pierquin.  M.  fl l'auteur  ne  voit  «  dans  la  mystérieuse  inscrip- 

<i   tion   de   Rochemaure,  que  la   simple  et   spirituelle  enseigne  d'un 
Cl  charron  de  village.  » 

M.  Léon  Régnier  est  convaincu  que  cette  inscription  n'est  qu'une 
table  de  jeu,  une  sorte*  de  damier  destiné  à  quelque  jeu  inconnu 
dans  le  genre  des  dames  ou  des  échecs. 

Les  nombreuses  recherches  auxquelles  nous  nous  sommes  livré, 
pour  notre  Epigrap/iie  du  ]ivarais,  nous  ont  appris  que  l'inscription 
de  Rochemaure  n'est  pas  unique,  il  en  existe  une  à  Valbonnais 
(Isère),  une  autre  à  Annonay,  et  enfin,  une  troisième  à  Loches  (Indre- 
et-Loire),  à  peu  près  semblables. 

Dans  celle  de  Valbonais,  les  mots  se  trouvent  dans  le  sens  contraire 
de  celle   de  Rochemaure  :   rotas,    opéra,   tenet,  arepo,   sator. 

M.  Edmond  Gauthier,  auteur  d'une  Etude  historique  et  archéolo- 
gique sur  le  château  de  Loches,  où  se  trouve  notre  inscription  dit 
qu'elle  «  est  composée  de  mots  qui  n'ont  aucune  liaison  logique  les 
uns  avec  les  autres,  mais  qui  peuvent  se  lire  de  droite  à  gauche 
et  de  bas  en  haut.  Il  n'y  voit  que  ce  qu'on  a  appelé,  au  moyen  âge, 
un  carré  magique,  avec  les  idées  mystiques  et  religieuses  qu'on 
attribuait  à  cette  combinaison  bizarre.   » 

Le  D""  Francus  (2)  croit  que  l'auteur  inconnu""  de  l'inscription  a 
voulu  donner  par  elle  une  image  du  monde  :  Dieu,  figuré  par  l'N  du 
milieu  et  par  le  grand  carré  de  Scitor,  formant  à  la  fois  le  centre  et 
les  limites  de  toute  chose.  La  croix  soutenant  l'humanité  ;  enfin  la 
grande  loi  de  justice,  que  chacun  est  traité  selon  ses  œuvres-  (opéra) 
apparaissant  précise,  éclatante,  de  quelque  côté  que  l'on  retourne  ce 
microcosme.  » 

Au  milieu  de  toutes  ces  incertitudes,  le  Magasin  pittoresque  (3) 
nous  parait  donner  la  véritable  interprétation  de  l'inscription  de 
Rochemaure.  «  Elle  est  beaucoup  moins  mystérieuse  qu'elle  a  l'air 
de  l'être  ;  c'est  simplement  une  de  ces  puérilités  auxquelles  s'amu- 
saient les  savants  du  moyen  âge.  Elle  consiste  en  une  devise  de  trois 

(1)  N°  du  21  février  1S37. 

(2)  Voyage  aux  pays  volcaniques,  page  37. 

(3)  Année  1854,  page  248. 


238  RECHERCHES    SUR    LES 

mots  :  Sator.  Opérai,  Tenet,  disposés  de  manière  qu'en  les  lisant 
alternativement  de  gauche  à  droite  et  de  droite  à  gauche,  les  deux 
directions  étant  données  successivement  à  Tenet,  on  arrive  à  trouver 
toujours  la  même  phrase  :  et  le  résultat  est  encore  le  même  en  lisant 
de  haut  en  bas  et  de  bas  en  haut. 

i>  Quant  aux  sens  de  Sator  Opéra  Tenet,  on  peut  l'expliquer  ainsi  : 
«   Le  semeur  possède,  par  conséquent  récolte  —  ses  œuvres.  » 

On  disait  au  moyen  âge  :  Comme  on  sème  oji  cueille.  C'est  un 
équivalent  de  la  sentence  :  A  chacun  selon  ses  œuvres  :  sentence  très 
bien  placée  sur  la  porte  d'une  église,  qu'il  aurait  fallu  rendre  intelli- 
gible à  tout  le  monde,  plutôt  que  de  la  mettre  en  rébus.  » 

M.  G.  Vallier  possède  un  jeton  qui  nous  paraît  donner  raison  à 
l'auteur  de  l'article  du  Maoasin  pittoresque.  Voici  la  description  de 
ce  curieux  jeton,  que  nous  empruntons  à  la  Revue  de  .Marseille  et 
de  Provence  (année  1879)  dans  un  article  intitulé  :  De  quelques 
curiosités  et  bizarreries  littéraires  M.  Vallier  n'a  pas  oublié  l'inscrip- 
tion de  Rochemaure  ;  c'est  par  elle  que  commence  son  article. 

«  Anépigraphe.  Dans  le  champ,  et  entouré  de  fleurons  sur  trois 
côtés,  le  carré  magique  portant  l'inscription  relatée  plus  haut. 

Au  bas,  75  entre  deux  quatrefeuilles. 

R.  Sablier  entre  deux  autels  allumés  et  surmonté  d'une  tête  de 
mort,  placée  elle-même  entre  deux    quatrefeuilles.   A    l'exergue    es. 

WIRT   AL    —    S'     GLICH. 

Laiton.  —  Module  :  24  mill. 

Il  paraît  que  la  légende  est  en  bas-allemand  et  voudrait  dire  en 
français  :  Ça  m'est  égal!  Ce  serait  là  une  sorte  d'indifférence,  d'in- 
souciance ou  même  de  résignation  devant  la  mort.  Mais  alors,  pour- 
quoi l'association  de  notre  inscription  avec  la  légende  allemande  et 
le  type  qu'elle  accompagne  ?  » 

M.  Vallier  pense  que  son  jeton  est  <<  un  simple  méreau  de  confré- 
rie religieuse  destiné  à  rappeler,  à  ceux  qui  le  recevaient  les  devoirs 
du  chrétien  et  la  pensée  de  la  mort.  »  A  chacun  selon  ses  œuvres. 


nunmi».  —  Lmpreinles  de  tuiles  conservées  à  la  sacristie  de 
l'église  paroissiale  et  provenant  du  toit  de  la  chapelle  l'omane  de 
Notre-Dame  de  Pomiers. 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS. 


239 


Communication  faite  par  M.  l'abbé  Canaud,  curé  de  Gravières, 
le  5  octobre  1880,  d'après  les  croquis  de  M.  l'abbé  Martin,  alors 
vicaire  de  Ruoms. 

N»   I. 

En  vain  se  une  baguai 
que  d  ai  mer  a  nestre  pas 
aymé. 

Drôle  d'inscription  !  réduite  à  une  meilleure  ortographe,  ne  pour- 
rait-on pas  la  lire  ainsi  / 

Enfin  !  c'est  une  badaude  que 

d'aimer  à  n'être  pas  aimée. 
N"  2 

Chiôroi 
N»  3  _ 

fait  par  niov 


II 


Xhueyts-  —  Maison  Sercourt  au  hameau  de  Serrecourt, 
Inscription  en  langue  romane  gravée  sur  la  pierre  qui  forme  la  clef 
de  la  grande  cheminée  —  Haut,  o""  236  ;  larg.  o'"  200. 

Estampage  de  M.  Biscara,  instituteur  communal   (lettre  du  g  avril 


R    E   G   U 

CE     QUE 

ARDA     Q 

POT     T  E    1 

l   F  A  R  A  S  . 

VENIR.    / 

\    G  0  M  T  A 

R  E  G  A  R    / 

\    EN    TOU 

D  A     la/ 

\    C  A  S 

fin/ 

240  RECHERCHES    SUR    LES 


IV.    —    DOUZIÈME    SIÈCLE. 


Mêlas.  —  Obit  gravé  sur  une  petite  pierre.  Estampage  fait  par 
M.  l'abbé  Hébrard,  curé  de  la  paroisse,  membre  de  la  Société  fran- 
çaise d' Archéologie. 

Hauteur  :  o""  085  —  largeur,  o""  156. 

OBIIT  :   PETRVS  ;  PBR 
W  \     KL  ;     IVNII  •: 

Obiit  Petriis  presbvter  sexto  kalencias  junii. 


\.   —    1400 

Icurzet.  —  Sur  l'un  des  piliers  de  l'église,  on  lit  l'inscription 
suivante,  gravée  en  lettres  gothiques  :  (  i) 

^nno    ^\\\    m"    cccc    tint    mci' 
]jla    jjrns    ccca    p    ^^clni 

t^CcUliomS     l't     t^tlIUlildl     p 

.'i i iir 1 1-) 0 1 0 nu' lî    <^! mut n i] d l 

l't    ctl'rttti'^ium    1<(.Mmati 

Anno  Domini  i.foo,  fuit  incepta  presens  ecclesia  per  Pelnini 
Octembonis  et  continiiata  fer  Barlholomeuin  Innnngat  et  Claiidium 
Aymali. 

Cette  inscription  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  date  précise  de  la 
fondation  de  l'église  de  Burzet. 

\M.    —    1403. 

S»int-I.<aurent-leS"1KstinH.  —  Sur  le  chœur  de  l'ancienne 
église  de  cette  paroisse,  on  voit  l'inscription  suivante    —    Hauteur, 

(1)  Ovide  (Je   Vai,gokge.  Souvenirs  de  V Aidèche.  t.  II.  p.    102. 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS, 


241 


o"  49,  largeur  o"'  45.  Les  lettres  sont  en  creux,  l'église  et  le  bœuf  en 
relief. 


À 


î) 


m. 


(.!.(.(. 


t      I       l 


n 


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fo 


D 


(ici  un  bœuf) 


^e 


li  tt  r  \  c  [  0 


An7io  Domi7ii  millesimo  quatercentesimo  tertio,  hœc  ecclesia  œdifi- 
cata  fuit  per  dominum  de  Bove,  de  Bitrzeto. 

Comme  on  le  voit,  cette  inscription  est  tout  simplement  la  date 
de  la  construction  de  l'église  de  St-Laurent-les-Bains,  en  1403,  mais 
elle  a  ceci  de  particulier  que  l'artiste,  au  lieu  d'écrire,  comme  on  le 
fait  ordinairement  hœc  ecclesia  fuit  œdijicata,  a  dessiné,  avec  son 
ciseau,  l'église  sur  la  pierre,  de  même  qu'il  a  figuré  son  nom,  Debos, 
par  un  bœui  (bovej. 

Il  faut  lire  ainsi  cette  inscription  figurative  et  parlante  :  «  L'an  du 
Seigneur  mille  quatre  cent  trois,  cette  église  a  été  bâtie  par  Debos 
de  Burzet. 

Cette  curieuse  inscription  nous  a  été  communiquée  le  12  octobre 
i88o,  par  M.  l'abbé  Chenivesse,  le  vénérable  curé  d'Antraigues,  qui 
a  été  pendant  16  années,  curé  de  la  paroisse  de  Saint-Laurent-les- 
Bains. 

VII.   -    1404 

Largentîère-  —  Château,  aujourd'hui  l'hospice.  —  Sur  le 
linteau  de  l'une  des  portes  extérieures,  celle  qui  se  trouve  dans  la 
salle  d'asile,  construite  en  1862  ou  63.  on  lit  l'inscription  suivante. 
Elle  est  en  lettres  gothiques,  gravées  en  creux  et  sur  deux  lignes. 
Des  badigeons  successifs,  dont  on, a, eu  la  sottise  de  la  recouvrir  à 
peu  près  chaque  année,  l'ont  rendue  presque  illisible. 

(il   m.    c;c:.    au.   ci';-.t    la    ijiu'     n.^    v\\\\mo 


comccrt    HUA]    s. 'S    copdicjno'o 

L'an  mille   quatre  cent   quatre,  c'est  l'an  que  maître  Raymond  com- 
mença avec  ses  compagnons. 

Bull.  VIII,  1888.  18 


242  RECHERCHES    SUR    LES 

YUl.   —  Quinzième  siècle. 

Satillieu.  —  Autour  d'un  bénitier  en  bronze,  du  commence- 
ment du  quinzième  siècle,  ayant  appartenu  probablement  à  la 
collégiale,  qui  occupait  le  château  de  Satillieu,  on  lit  cette  inscrip- 
tion, en  lettres  gothiques  et  en  relief: 

5^     fv     (T.     fro 

ccco.  .    cl    XXX    saciuOo 
.    X     ujn     eu     n     ili 

Me  Prior  Guillelmiis  Fieri  Fecit  Atuio  Domini  millcsimo  CCCC  ? 
Clerici  A'.YA'  Sacerdotes  X  Hvjvs  Capituli  Nostri  lin  Famulantiir 
(X'").   Le  mot  X'°  est  remplacé  par  l'image  du  Christ  en  croix. 

Cette  inscription  nous  a  été  communiquée  par  .M.  l'abbé  Salcon, 
curé  de  Satillieu. 

Dans  sa  lettre,  il  nous  signale  également  un  bassin  en  cuivre 
argenté,  représentant,  dans  le  fond  en  bosse,  le  mystère  de  l'Annon- 
ciation, autour  duquel  est  une  inscription  en  allemand,  qu'il  n'a  pu 
comprendre. 

IX.  —    1456. 

I*OMrg-Saînt-An<léol.  —  Inscription  en  marbre  blanc. 
Longueur  :  o"  76  cent.;  largeur:  o'"  29  cent.  (Estampage  de  M. 
Chiron,  instituteur). 

TIS  ECC 

.NO....    OM.   STOR  FV 

PRO  VNA  MISSA   C^LEB'AD   PER 
PRIORE  ET  CANCOS   REGLES  DES 
OSTAT  INOSTRO  .M.    NOTA  S 
PETRV  RIFFARD  NOtARIV   P.... 
ANNO   D. M.  CCCC  LVIII 
IPE   PRIO    DONAVIT   STR.    E 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS.  243 

QDA   BRACIO  ARGET 
ALiMATICIS  PANI....   VELV 
CASVBELA  ET  ALMATICIS 
COOIS.  AC  DE  ALIA.   C 
C  SEI  DAiMACII  NIGRI    FIGV 
FIGVRATI  ALBI  ACDP 
DAMACII  VIRID   FIGVRA 
RATI   RVBEI  NEC  NO  DVO 

ALIA  BONA  P ECCLIjE  L 

OATE  DVM  P.    IP   DC  EDO 

L'estampage  de  cette  belle  inscription  nous  fut  envoyé  par  l'inter- 
médiaire de  M.  l'Inspecteur  d'Académie.  Dans  sa  lettre  d'envoi,  du 
21  juillet  1881,  M.  Chiron  nous  disait  :  «  Cette  inscription  est  gravée 
sur  du  marbre  blanc  ;  elle  est  très  bien  conservée  comme  vous 
voyez  (i). 

«  Elle  n'est  pas  connue  et  jamais  personne  ne  l'avait  ni  lue  ni 
estampée. 

«  La  plaque  de  marbre  est  chez  Coulomb  boucher  et  sert  de 
marche  d'escalier  pour  se  rendre  dans  une  autre  chambre  qui  est  un 
peu  plus  élevée  que  les  autres.  Il  n'y  a  que  cette  seule  marche.  On 
ignore  comment  elle  a  été  placée  là,  car  il  y  a  très  longtemps.  » 

A  l'aide  de  notre  savant  ami,  M.  E.  de  Vaissières,  qui  était  en  ce 
moment  à  Vais,  nous  fîmes  une  première  lecture  de  cette  inscription 
que  nous  adressâmes  en  communication,  avec  l'estampage,  à 
M.  l'abbé  Paradis,  ancien  élève  de  l'école  des  Chartes  et  curé  de 
Sainte-Marguerite  à  Paris. 

Le  21  février  1882,  notre  éminent  compatriote  nous  envoya  sa 
première  lecture. 

«  Je  suis  très-heureux  d'apprendre,  nous  disait-il,  que  cette  ins- 
cription vient  du  Bourg.  Elle  complète  la  collection  que  j'eus  la 
chance  de  publier  en  1863,  dans  les  Annales  de  l'Ecole  des  Char- 
tes. Il  est  fort  remarquable  que  toutes  ces  pièces  constituent  ce 
que  l'on  appelle  des  chartes  lapidaires.  Et  jusqu'à  présent  on  n'en 
a  trouvé  un  vrai  gisement  que  dans  la  région  des  deux  rives  du 
Rhône  qui  avoisine  le  Bourg,  Viviers,  d'un  côté,  et  Montélimar, 
Die,  Valréas,  de  l'autre.   » 

(i)  Il  y  a  une  cassure  à  droite  qui  a  fait  perdre  une  partie  deTinscription. 


244  RECHERCHES    SUR    LES 

M.  l'abbé  Paradis  a  publié,  il  y  a  deux  ans,  dans  la  Bibliothèque 
de  l'Ecole  des  CAar/es,  quelques  nouvelles  inscriptions  chrétiennes, 
parmi  lesquelles  se  trouve  celle  de  la  maison  Coulomb,  que 
voici  un  peu  améliorée.  Il  a  eu  soin  de  transcrire  en  italiques  les 
abréviations  et  de  placer  entre  crochets  les  textes  supposés,  qu'il 
ne  garantit  nullement. 

[Anno  Do;nmi  MCCC...  obiit. 

prior  ?  quondam  presen] 

tis  ecclesix  et  fuit  sepultus  ant  [e  altare  ?  capelle  in  ho] 

norem  omnium  sanctorum  fundate.  D[edit...] 

pro  una  missa  celebranda  [quotannis,  in  die...,  per] 

priorem  et  canon^cos  regnlares  de  sanc\to  Rufo  sicut  ] 

constat  instrH;?7£?nto  in  nota  su[scepta  per  magistrum] 

Petrum  Riffardi  notariu;n  presentis  [ville  Burgi  Sancti  Andeoli] 

anno  Dommi  MCCCCLVI  [die...  mensis ] 

ipse  prior  donavit  st[ ] 

quodam  brachio  argenti  pa[nnis ] 

almaticis  pannis  velu[ti ] 

chasublia  et  almaticis  [ ] 

coloris  ac  de  alia  c[hasublia cro] 

ceis  damacii  nigri  rigur[ati ] 

figurati  albi  ac  de  p[anno ] 

damacii  viridi  figura[ti figu] . 

rati  rubey  necnon  devo[vit ] 

alia  bona  presenù  ecclesie  l[ibens...  dédit ] 

Orate  Deum  pro  ipso  dicendo[ ] 

La  rédaction  de  cette  inscription  nous  reporte  à  un  acte  passé 
chez  maître  Pierre  Riffard  ou  Riffardi,  notaire  très  connu  de  cette 
époque. 

M.  l'abbé  Paradis  considère  cette  inscription  comme  «  un  des 
plus  beaux  échantillons  de  ces  sortes  d'actes  lapidaires  et  de  cette 
belle  capitale  gothique  usitée  dans  la  région  qui  nous  occupe.  Chose 
vraiment  remarquable,  elle  mentionne  une  donation  de  l'an  i.^^ô, 
elle  est  donc  au  moins  de  la  fin  du  XV'  siècle,  de  cette  époque  plei- 
nement gothique  et  même  du  style  gothique  final.  Et  cependant 
lettres, ponctuations,  abréviations,  encadrements,  etc.,  tout  est,  à  peu 
de  détails  près,  exécuté  en  la  manière  des  inscriptions  précédentes 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS.  245 

des  XII^  et  XIII'  siècles.  Voilà  une  preuve,  entre  plusieurs  autres,  de 
ce  principe  qu'il  faut  appliquer  à  chaque  instant  en  archéologie  dans 
cette  région  de  la  vallée  du  Rhône,  à  savoir  que,  sauf  quelques  res- 
taurations de  détails  qui  greffèrent  accidentellement  le  gothique  sur 
le  roman,  les  guerres  des  Albigeois  et  les  autres  bouleversements 
qui  désolèrent  ce  pays  empêchèrent  le  style  gothique  d'y  fleurir  et 
même  d'y  apparaître  avec  suite  et  ensemble,  d'y  faire  époque,  comme 
ailleurs,  en  sorte  que,  entre  les  monuments  romans  et  ceux  de  la 
Renaissance,  il  y  a  là  une  lacune  à  peu  près  complète  dans  l'art 
religieux  ;  les  écoles  d'architecture  et  d'accessoires  lapidaires  conti- 
nuèrent, sans  grandes  modifications,  de  faire  des  écoles  de  l'époque 
romane.  » 

X.  —   1477 

mêlas.  —  Sur  un    des  murs  intérieurs  de    l'église    paroissiale, 
est  encastrée  l'inscription  suivante    en  capitales  gothiques. 

Communication  faite  par  M.  l'abbé  Hébrard,  curé  de   la  paroisse. 

ANNO  ;  dÔ  :  M  ; 
cccc  :  LXXVÎl  ;  F 
VIT  ;  facta;    ista  ; 

CAP  :  P  ;  IHÔEM  : 
DE  :    L-  :  JHS  ;  M  ; 

Anno  Domitii   millesimo  quatercentesimo  septuagesimo  septimo  fuit 
facta  ista  capella  per  Johannem  de  Crtice^  Jhesiis  Maria. 

Johannem  de  Criice  est  le  nom  de  l'architecte  ou  maître  maçon. 
Dans  le  petit  croquis  que  M,  l'abbé  Hébrard  a  bien  voulu   nous 
envoyer,  il  y  a  : 

ANNO  ;  DO  :  M  :  cccc  ;  lxxun, 

ce  qui,  d'après  lui,  voudrait  dire  147 1.  Un  de  nos  amis,  à  qui  nous 
avons  communiqué  cette  inscription,  nous  assure  qu'il  doit  y  avoir  : 

LXXVII  (1477)- 


24Ô 


RECHERCHES  SUR    LES 


XI. 


1490 


L.î»i*geiitîère.  —  Sur  les  panneaux  de  la  belle  chaire  de 
l'église  paroissiale  de  cette  ville,  on  lit  l'inscription  suivante,  en 
caractères  gothiques  admirablement  gravés  : 


i'"^  panneau 


la    m  -  un  -  Ixxxx 
c    II'    l'i)    i^Ottolirc 
liu'ii  *    ^'Picri't' 
('înarmi'r 


2'  panneau 


3'  panneau 


4'  panneau 


t)i'   colcns   ap 
î^onat  *  (Ujui' 
5.(11    cl)ai>u'ra 
al'cOPi't  ■  i'i)Ui' 


L'an  mil  quatre  cent  quatre  vini^t  dix  et  le  sept  d'octobre,  hieu 
Pierre  Guarnier  de  Colens  apdonat  aquesta  chadiera  al convent  eque.... 
1490.  P.  G. 

Voici  quelques  détails  intéressants  sur  l'origine  de  la  chaire  où  se 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS.  247 

trouve  cette  inscription,  précieux  monument  épigraphique  de  la 
langue  d'oc. 

On  voit  encore  à  Largentière,  les  ruines  du  couvent  des  Cordeliers 
qui  fut  détruit  parles  calvinistes  en  1562.  Ce  couvent,  fondé  vers 
l'an  1236,  dix  ans  après  la  mort  de  saint  François,  était  un  des  plus 
importants  de  l'ordre,  si  l'on  en  juge  par  les  détails  contenus  dans 
un  mémoire  laissé  en  1781  par  un  père  Cordelier. 

Le  couvent  ayant  été  pillé  et  incendié,  les  religieux,  au  nombre  de 
près  de  cent  cinquante,  avec  un  évêque  in  partibus  pour  gardien, 
furent  obligés  de  se  retirer  chez  eux  ;  un  petit  nombre  resta  à  Lar- 
gentière avec  le  gardien,  dans  une  maison  appartenant  à  ce  dernier 
et  qui  devint  le  petit  couvent  des  Cordeliers. 

C'est  dans  les  archives  de  ce  couvent,  détruit  à  la  Révolution,  que 
l'on  trouva  l'intéressant  mémoire  dont  nous  venons  de  parler  (i). 

Ce  précieux  manuscrit  contient  la  description  très  détaillée  du 
grand  couvent  détruit  en  1562.  Voici  quelques  détails  sur  l'église  et 
la  sacristie. 

«  De  ce  même  costé  étoit  aussi  la  sacristie,  lieu  où  se  mettoient 
les  ornements  de  l'église.  Elle  étoit  fort  riche,  ayant  un  nombre 
de  vases  sacrés,  car  on  y  comptoit  onze  calices,  au  nombre  desquels 
étoit  un  d'une  grandeur  prodigieuse,  une  forte  croix  d'argent  pour 
l'usage  des  processions  ;  elle  avoit  aussy  des  beaux  et  riches  orner 
ments  en  chasubles. 

(i)  Ce  Mémoire  appartenait  à  M.  Roure,  avoué  à  Largentière  ;  il  passa  plus 
tard  dans  les  mains  de  M.  Pellier,  notaire  à  Joyeuse. 

(La  fin  au  prochain  numéro). 

Henry  VASCHALDE 


TABLE  DES  MATIERES 

DU    TOME   HUITIÈME 

Ci88j-8). 

Auvergne  (chanoine),  Règlement    et  statuts   de  l'hôpital  de  Mores- 
tel,  pp.   124-8,  163-8. 

Chaper  (Eug.),   Charte    Valentinoise  du  9    octobre   i2yi,   p.    20=5-8. 

—  [fistallation  du  curé  de  la  Mure  en  1806.  p.  47-8. 
Chevalier  (abbé  Jules),  Mémoires  des  frères  Gay  pour  servir  à  l'his- 
toire des  guerres  religieuses  en  Dauphiné  au  XV t  siècle,  p.  ^i-gô. 

—  Quarante  années  de  l'histoire  des   évêques  de  Valence    au  moyen 
âge  (1226  à  1266),  pp.  129-41,  169-84. 

Chevalier  (chan.   Ulvsse),   Mystère   des   Trois   Doms  :   vov.  Girauu 

(P.-E.) 
Comité   de   Rédaction,  Chronique  du  diocèse  de   Valence,  p.  j-.xxiv. 
FiLLET  (abbé  L.j,    Histoire  religieuse  du  cant07i  de   la    Chapelle-en- 

Vercors,  pp.   49-60,  89-103,    142-8,  191-6,  209-21. 

—  Notice  sur  les  reliques  possédées  par  l'église  de  Grignan,  p.  5-1 1. 
Francus  (D"^),  Notes   sur  la  commander ie  des  Antonins  à  Aubenas, 

en  Vivarais,  x>-  12-28. 
Giraud  (Paul-Emile),  Mystère  des   Trois  Doms,  joué   à    Romajis   en 

/509,  p.  61-73. 
Jaubert  (dom   H.),   Marie  de  Montlaur,    maréchale  d'Ornano,   et  le 

relèvement  du  culte  catholique  dans  la  ville   d' Aubenas,  pp.   104-1  r. 

149-56,  184-9. 
Lagier  (abbé  A.J,  Le   Trièves  pendant  la  gratide  Révolution,    d  après 

des  documents  officiels  et  itiédits,  pp.  29-46,  74-85,    i  12-23,  '56-63, 

197-205,  221-33. 
Riant  (comte  P.),  Voyage  et  oraisons  du  Mont-Calvaire   de  Romans, 

p.  86-8. 
Vaschalde  (Henry),  Correspondance,  p.  189-90. 

—  Recherches  sur  les  inscriptions  du  Vivarais,  p.  234-47. 


MEMOIRES  DES  FRERES  GAY 

SECONDE  PARTIE 

HISTOIRE  GÉNÉALOGIQUE 

DE  LA  FAMILLE  GAY 

PAR    LES    FRÈRES    GASPARD    ET    ANTOINE    GAY 


N.   Pour  éviter  toute  confusion^  nous  avons  mis  entre  crochets  la  partie  de 
cette  histoire  généalogique,  due  à  la  plume  d'Antoine  Gay. 


=^=3Q'3;  jQ>3U»iii=- 


nostre  commancement  soyt  au  non  de  dieu,  quy  a  fayct 
le  ciel  et  la  tere,  ainsin  soyt  yl. 

Cet  le  livre  de  memoyre  de  la  maizon  des  Gays  en  cette 
VILE  I  DE  Die  coumancé  par  moy  Gaspard  Gay,  filz  de  An- 

THOYNE   I   BOURGEOYS   d'iCELE,    EN   l'aNNÉE    MIL    CINQ  CENTS    NO-. 
NANTE    SINQ,    et  de    mon  I   EAGE  LA    TRANTE    QUATRYESME,  AN  CE 
OU    EST    CONTENU    LA    PREMIERE    ORIGINE    |    ET    TIGE    DE    NOSTRE 
MAYZON,  ET  SUYVANT  APPRÈS  DES  UNGS  AULZ  AULTRES  |   AVECQUE 
LE     MEMORYAL     DES     CONTRATZ      PACEZ      EN     LEUR     FABVEUR      ET 
PLUZIEURS  I  AULTRES    MEMOYRES  TRES  NESESERES  AUZ  SUSESEURS 
d'iCELLE,    lequel   I  JE  DESIRE  ETRE    POURSUYVY  DE    PERE  EN  FILS 
ET  SUPPLYF:,  AU   I   NON  DE  DyEU,  NOSDICTS  SUSESEURS  DE  LE  CON- 
TINUER I  AINSIN  qu'il  EST  COUMANCÉ,  LEQUEL  JE  PRYE  |   NOUS  FERE 
LA  GRACE  d'y  MULTYPLYER    |   A  SA  GLOYRE,  JUSQUES  A  CE  Qu'yL   ( 
LUY  PLARA  NOUS   APELER  |   AU    REPOS    ETERNEL   |   LEQUEL    NOUS   | 
PRIONS  DE    I    NOUS    Y  |  VOLOYR  |   COn|du|ir|E,   |    ET    JUSQUEZ   A    CE 
NOUS  ACOMPAGNER  ET  NOUS  CONDUYRE  EN  TOUTES  |   NOUS   ACTYONS 
AU  NOM  DE  SON  FILZ  BYEN  AYME.   AyNSIN  SOYT  IL.    j 

1595 

La  devize  de  la  maizon  des  Gays  est  : 
en  diev  svis  gay. 


2  MEMOIRES 

(Aureve}-sduf".)\  [C'est  le  livre,  auquel  est  contenu  toutes  les 
[  mémoires  de  la  maison  des  Gays,  dans  la  ville  de  Dye,  depuis 
[  Catherin  Gay  premier  venu  en  icelle  habiter,  en  l'année  mil 
[  quatre  cents  soixante ,  icelluy  estant  natif  de  la  ville  d'Orgellet 
[  en  la  Franche  Comté  de  Bourgonne,  et  ses  successeurs  y  ont 
[  laissé  mémoires  de  tous  les  contrats  faicts  en  leur  faveur,  avec 
[  les  descendants  de  père  en  tils  depuis  ledict  Catherin  jusques 
[  a  Gaspard  fils  d'Anthoine  foisant  la  quatriesme  génération,  et 
[  par  moy  Anthoyne  fils  du  susdict  Anthoyne  et  frère  dudict 
[  Gaspard  ay  poursuyvi  ce  livre,  en  ce  qui  est  durant  ma  vie, 
[  après  la  mort  d'icelluy.  Je  prye  celuy  de  mes  enfans  qui  aura 
[  cedit  livre  de  le  poursuyvre]. 

Première  génération   de  la   maizon  des^  Gays 

EN  CETTE  VILE  DE  DyE. 

Le  premier  de  la  maizon  des  Gays  en  cete  vylle  de  Dye  fut 
Katherin  Gay,  quy  cy  vint  habyter,  étant  natif  de  la  vyle 
d'Orgellet  l,  en  la  Franche  Compté  de  Bourgougne,  au  desus 
de  Lyon  dix  lyeues,  en  l'année  mil  quatre  cents  soysante  huyt, 
estant  de  sa  profection  notere.  En  ladite  année,  ung  septyeme 
du  moys  de  julhet,  il  espouza  Margueryte  Crestyn,  fylhe  de 
Jaques,  marchant  de  Dye,  de  laquelle  heut  ces  enfants,  savoyr 
et  :  Petrony  et  Barthélémy,  Thomas,  Gabryel,  Estyenne  et 
deus  filles,  l'une  noumée  Claude  quy  fut  maryée  a  Louys 
Vergeyer  de  cete  ville,  l'autre  Marguerite  qui  fut  femme  de 
Vidal  Durant,  de  la  Mote  Chalancon.  Voyla  les  enfants  de  la 
première  generasion,  despuys  qu'yls  hont  été  transportés  de 
Bourgougne  a  Dye,  par  la  venue  dudyt  Katheryn,  quy  y  a  vescu 
fort  honorablement  durant  sa  vye,  exersant  Testât  de  notere 
et  reseu  de  fortz  beaus  conptrats  en  son  temps  et  fct  de  très 
beaus  regestres,  lequel  estant  parvenu  en  vyelhesse,  ayant 
ataint  l'eage  de  septante  huyt  ans  et  veu  a  byeu  et  honneur 
ses  enffens  ,    aquys   une   boune   et  belle  réputation   d'home 


t.  Orgelet,  cit.  l.  de  canton   du    dcp.    du  Jura,  à  jo  hil.  S.  de  Lons-le- 
Saunier, 


DES    FRERES    GAY.  3 

d'houneur,  et  decedé  a  la  tour  de  Saincte  Aprathe,  hiy  aparten- 
nent  et  y  fayzant  sa  quarantayne  de  la  peste,  en  l'année  mil 
cynq  cents  dix  et  sept,  qu'on  dizoit  l'année  de  la  mourtauda,  1 
et  le  dernyer  jour  de  sa  quarantayne,  et  fut  enteré  au  temple 
de  S'e  Agate  ^.  Ledict  Katheryn  estoyt  home  de  belle  estature 
et  grande  blonde  de  chevelure  luy  traynant  jusques  sur  les 
espaulles,  car  alors  on  la  pourtoyt  fort  grande,  avecques  des 
bounetsa  la  coucarde  d'escarlate.  Sa  premyere  mayzon  fut  en 
la  grand  rue,  au  devant  de  la  fontayne  de  S'  Piere,  puys  en 
achepta  une  en  Vylle  Neufve  ,  que  confrontoyt  mayzon  des 
Davyds  et  la  mayzon  des  Malsangs,  que  Anthoine  Gay  mon 
père  a  du  despuys  achepté  et  y  fyt  quelques  aquyzisions , 
desquels  ay  mys  la  memoyre  cy  desoubs,  de  celles  que  j'ay  peu 
recouvrer,  et  en  suytte  la  dessandance  et  estât  auquel  sont 
parvenus  ses  enfentz,  coume  sera  cy  après  veu. 

Memoyre  des  cgntratz 

FETZ    EN    LA    FABVEUR    DE    KaTHERIN    GaY    A    DyE. 

Mariage  de  Katherin  Gay,  notere  de  cete  vyle  de  Dye.  passé 
avecq  Margueryte  Crestin,  filhe  de  Jaques,  marchant  dudict 
Dye,  en  l'année  myl  quatre  cents  soysante  huyct  et  le  septyeme 
de  julhet,  resseu  par  M*^  Guylhaume  Blayn,  notere  en  icelle: 
1468. 

Dounassion  de  Margueryte  Crestin,  veufve  de  feu  Katerin 
Gay,  ressue  par  M'=  Guylhaume  Marye  ou  Anthoynne  Charen- 
cy,  noteres  de  cete  vylle,  laquele  et  en  leur  lyvre  Q,  au  feulh 
194. 

Eschanges  fets  entre  Katerin  Gay  et  Yves  Culheyron,de  Dye, 
de  leurs  maysons,  baydhant  ledit  Gay  la  syenne,  assize  en  la 
grand  rue,  au  ledit  Culheyron,  et  ledit  Culheyron  la  sienne 


1.  Sur  la  peste  de  i^i~  en  Dauyhiné.  voir  :  de  Coston,  Hist.  de  Mon- 
télimar,  t.  II,  p.  i3^. 

2.  L'église  du  prieuré  de  Sainte- Agathe  du  Chastel.  dépendance  du  prieuré 
de  Sainte-Croix  de  Quint,  était  située  dans  la  partie  élevée  de  la  ville  de  Die. 
près  de  la  Tour  Sainte- Agathe.  Voir  notre  Essai  hist.  sur  la  ville  de  Die, 
t.  7,  p.  446. 


4  MEMOIRES 

asize  en  Vileneufve,  juste  la  mayzon  de  Jaques  Davyd  et  son 
estable  au  viol  des  Roubers,  comprins  aveq  ladite  mayzon  ; 
apert  contrat  reseu  par  Michel  du  Puy,  notere,  en  Tan  1469, 
en  son  lyvre  E,  folyo.  .  . 

Instrument  de  Katerin  Gay,  resseu  par  ledit  Marye  ou  Cha- 
rensy  en  leur  papyer  :  G,  folyo  217. 

Achept  dndit  Katerin,  reseu  par  ledit  Marye  ou  Charensy  et 
eschanges  en  leur  lyvre  B,  a  feulh  177. 

Quytance  ou  espulsion  de  deux  flourins  pansion ,  fête  par 
ledit  Caterin,  reseu  par  lesdyts  Marye  ou  Charensy  noteres  de 
cete  vyle  de  Dye  et  couchée  en  leur  lyvre  ou  coutet  :  A,  au 
feulh  127. 
Ce   sont  les  enfens  de   la   premyere  generasion   ysus  de 

Katerin  Gay  et  Margueryte  Crestin  maryés  des  l'anée 

1468  FINS  en  l'année  1517. 

Petrony. 

Petrony  Gay  fut  le  fils  aysné  de  Katerin  Gay,  lequel  fut 
prestre  en  resglice  Notre  Dame  de  Dye,  auquel  temple  il  fit 
beaucop  de  chozes  remarcables,  car  il  estoyt  home  d'espryt, 
fort  sublyl.  Entre  aultres,  il  transcryvyt  de  sa  main  tout  le 
Vyeulx  et  Nouveau  Testement  en  parchemin,  lequel  estoyt 
histoyryé  et  figuré  en  or,  azur  et  aultres  bêles  et  esquizes 
painturesenlumynées.  et  fit  des  heures  de  NostreDame.coume 
on  dizoyt,  dans  lesquelles  il  se  paygnyt  et  figura  luy  mesme, 
pourtant  une  robe  de  couleur  de  poulpre,  aveque  ung  bouquet 
des  œuylhets  et  aultres  fleurs,  lesqueles  yl  aymoyt  fort.  Yl  sa- 
voyt  mervelheuzement  byen  escripre  et  payndre.  Il  mourut  a 
my  eage,  s'estant  aquys  et  conservé  en  une  trcs  bounc  réputa- 
tion, et  fut  encepvely  aveque  sa  robe  de  pourpre,  qu'yl  avoyt 
apourtée  de  Roume,  laquelle  en  son  vivant  ne  pourtoyt  que 
les  dymanches  et  festes  solennelles.  Voylla  en  soume  ce  que 
j'ay  peu  rcculhii'  de  la  vye  dudit  Peti-ony. 

Barthélémy 

Barthélémy  Gay,  segond  fils  de  Katerin,  fut  notere  coumc 
son  père,  et  de  luy  et  sortye  la  segonde  generasion.    Il  fit  en 


DES   FRERES   GAY.  5 

son  temps  des  beaus  lyvresde  notera,  car  yl  escrivoyt  byen,  i 
et  estoyt  bon  grammeryen.  Il  quyta  quelque  temps  de  devant 
sa  mort  son  estât,  a  l'ocazion  des  abus  qu'on  i  coumetoyt,  et 
defandyt  a  ses  enfens  de  ne  le  fere  point.  Il  estoyt  de  moyenne 
taylhe  et  heut  a  femme  Philipe  Poudrel  de  cete  vyle,  de 
laquelle  il  heut  sinq  enfents,  savoyr  :  Pierre,  Anthoyne,  et 
Estyene,  Catheryne  et  Jeannete,  et  vequyt  envyron  l'eage  de 
quatre  vingts  ans,  ayant  dyspozé  de  ses  byen  en  fabveur  de 
Piere  et  Anthoyne  Gay,  ses  enfents.  Voyla  en  soume  ce  que 
j'ay  peu  reculhir  de  ce  quy  a  esté  de  luy. 

Thomas 

Thoumas,troyziemeenfent  de  KaterinGay, fut  moynne, sacres- 
tain  et  chamaryer  2  de  l'abaye  de  S'  Marsel  les  Dye  •'5,  de  l'ordre 
de  Cluny  et  pryeur  de  Rouzans  ^.  Ce  fut  ung  home  fort  preud- 
homal  et  amateur  des  pouvres,  espesialement  de  ceuls  de  son 
sang,  desquels  en  dota  et  vercheyra  troys  ou  quatre.  Il  s'aquyt 
et  conserva  une  boune  réputation  e  estoyt  fort  pecunyeus.  Il 
fist  bastyr  une  mayzon  de  playzir  a  l'Oumet,  et  y  aquyt  des 
teres  et  byen,  qu'yl  ne  pouvoyt  aqueryr  que  au  proffit  du 
couvent  :  il  le  fit  tumber,  par  subtyl  moyen,  entre  les  mayns 
de  Anthoynne  Gay, son  nepveu, auquel  le  luy  donna.  Il  fit  aussy 
bastir  a  ces  despans  deus  chambres  dans  le  cloytre  dudit  cou- 
vent, dans  lesqueles  il  habitoy t.  Vequyt  envyron  quatre  vingts 
sinq  ans,  et  fut  empoysonné  pour  avoyr  les  offices.  Voyla  en 
soume  ce  que  j'ay  peu  reculhir  de  la  vye  dudit  Thomas. 

Gabryel 
Gabryel  Gay,  quatryesme  enfent  de  Katerin  Gay,  futnotere 


1.  //  existe,  dans  les  archives  de  3/""=  de  Félines,  un  terrier  de  la  famille 
Reynard,  merveilleusement  écrit, sur  un  rouleau  de  parchemin, par  Barthélémy 
Gay,  notaire.  2.  Le  chamarier  était  l'économe  du  monastère. 

3.  Saint-Marcel  de  Die,  important  prieuré  dépendant  de  Cluny.  Il  était 
situé  à  VEst  de  la  ville,  dans  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  le  clos  Vallentin  : 
l'abside  de  l'ancienne  église  est  en  partie  conservée.  Voir  notre  Essai  hist. 
sur  la  ville  de  Die,  t.  1,  p.  g6,  226  et  43j. 

4.  Rosans,  ch.-l.  de  canton  du  dép.  des  Hautes-Alpes, 


6  MÉMOIRES 

et  coherytier  des  byens  de  son  père  aveq  Barthélémy  Gay  son 
frère.  Tl  se  fit  appres  chanoyne  de  l'esçlize  catedralle  Notre 
Dame  de  Dye,  coume  par  force.  Pour  ce  que  on  (ne)  le  voloyt 
estre  reseu,  il  playdoya  contre  les chanoynnes  et  fit  deux  voyages 
a  Roume,  d'où  il  apourta  sa  réception  l.  II  fit  ausy  le  voyage 
de  Nostre  Dame  de  Laurette,  et  en  rapourta  en  se  pays  le 
modelle  diceluy  temple,  et  en  fit  fere  a  ces  despans  ung  de 
mesme  fason,  dans  les  cloytres  de  la  grand  esglize  de  Dye, 
tout  paint  de  rouge  au  dedens  et  le  dehors  eveque  de  lignes 
blanches  aveq  une  grosse  croys  de  pierre  blanche  enlevée  a 
personnages,  laquele  sortoyt  aultant  dehors  le  couvert  dudit 
temple  coume  elle  estoyt  dedens,  prennant  son  fondement  dans 
tere.  Il  fit  fere  deux  puyts  vers  la  tour  Saincte  Agathe  aveque 
des  vouttes  soubs  tere  de  la  longueur  de  cent  pas  pour  avoyr 
une  fontayne,  de  laquelle  il  fit  ung  beau  peschier  audit  S""- 
Agathe,  avec  une  garenne  [de  lapins  et  un  beau  pigeonyer  2. 
Il  fit  entourner  de  muralhes  une  vigne  de  trante  homes  qu'yl 
y  avoyt,"  aveq  pluzieurs  aultres  singularytés,  car  il  estoyt  home 

1.  Eft  i433  les  chanoines  de  Die,  d'accord  avec  leur  évêque  Louis  de  Poi- 
tiers, avaient  fait  un  règlement  pour  déterminer  les  conditions  que  devaient 
remplir  les  nouveaux  chanoines  ;  ce  règlement  fut  approuve  par  Eugène  IV 
en  i43^.  Ils  avaient  décidé  que  pour  entrer  dans  le  chapitre  de  leur  cathé- 
drale, il  fallait  être  noble,  docteur  en  théologie  ou  au  moins  bachelier,  et  de 
plus  citoyen  de  Die.  Les  bourgeois  de  la  ville,  enrichis  par  le  commerce,  pro- 
testèrent contre  cette  exclusion  et  il  en  résulta  une  sorte  de  procès  qui  n'était 
point  encore  terminé  à  Vépoque  oi(  Gabriel  Gay  sollicita  son  entrée  dans  le 
chapitre. 

2.  Une  transaction  passée  le  i o  juin  /.s-^/  entre  Gabriel  Gay,  chanoine 
et  Pierre  Gay,  prêtre,  son  neveu,  nous  fait  connaître  la  nature  des  propriétés 
du  chanoine  Gabriel  Gay;  nous  y  lisons  :  Gabryel  Gay,  débiteur,  oblige  et 
yppothcquc  .  .  aucl.  mcssire  Pierre  Gay  .  .  tous  et  chascung  ses  biens 
meubles  et  immeubles  .  .  .  spécialement  et  expressément  un  sien,  dud. 
messirc  Gabriel  Gay  débiteur,  tenement,  maison,  tour,  colombier,  vinhe, 
et  jardin,  ensemble  assis  dans  la  présente  cité  de  Dye,  lieu  dit  en  Sainte- 
Agathe,  confrontant  juxte  les  barris  de  lad.  cité,  juxte  le  cimetière  et  terre 
de  Sainte-Agathe,  juxte  la  vinhe  de  Jean  Engilboud  marchand,  juxte  la 
terre  de  Pierre  Tier  laboureur,  appelé  le  champ  de  la  foere,  et  aussy  sa 
maison  qu'il  tient  en  lad.  cité  assize  au  marché  de  la  Pierre,  confrontant 
juxte  la  rue  de  la  Pierre,  du  devant,  juxte  la  maison  de  messires  Sebastien 
et  Gabriel  Gresse  .  .  . 


DES    FRERES    GAY.  7 

d'esprit  fort  subtyl.  Il  parloj^t  et  escripvoyt  du  tout  byen  , 
estant  home  de  belle  prezance  et  grand'  estature.  Voylla  en 
soume  ce  que  j'ay  peu  reculhir  de  sa  vye. 

ESTIENE 

Estyenne  Gay ,  sinquyesme  fils  de  Katerin ,  fut  de  sa  profession 
de  l'ordre  des  Jacoupins  de  Dye.  Il  fut  fort  savant  home  e  doc- 
teur en  teologie,  et  prescha  la  croyzade  i  par  pays,  mesme  a 
Lyon  et  Avignon,  et  en  beaucop  d'aultres  lyeus,  ou  il  avoyt 
presché  aussi  le  caresme.  Il  fit  bastyr  un  beau  cors  de  lougis  a 
ces  despans,  dans  ledit  couvent.  Il  fît  fereaussy  les  muralhes 
qui  envyronoynt  tous  les  édifices,  teres,  vignes  et  jardins  desdit 
Jacopins  a  ces  despans.  Il  se  mesloyt  de  fere  l'alquemye,  car  il 
estoyt  d'espryt  fort  subtyl.  Il  fut  home  grand  et  de  très  belle 
corpuiance  et  byen  morigyné.  Il  morut  en  Tannée  myle  cinq 
cents  sinquante  huyt,  eagé  d'envyroncentans.  Voyia  en  soume 
ce  que  J'ay  peu  reculhir  de  sa  vye. 

Glaude 
Glaude  Gay,  filhe  de  Kateryn,  fut  maryée  à  Loys  Vergeyer 
surnoumé  le  Digne  de  cete  vylle.  De  elle  heut  deux  filhes. 

Marguerite 
Marguerite  Gay,  segonde  filhe  et  septyeme  enfantdeKaterin, 
fut  femme  de  Vydal  Durant  de  la  Mote  Chalanquon,  duquel 
elle  heut  deux  fils,  desquels  l'un  fut  apotiquere  e  l'autre  home 
d'esglize. 

Ce  sont  les  enfens  de  la  segonde  generasion  isus  de  Bar- 
thélémy Gay  et  Philipe  Poudrelle,  de  cete  vyle  de  Dye, 
sa  femme. 

Katerine 

Kateryne  Gay  fut  le  premyer  des  enfens  de  Barthélémy. 
Elle  fut  femme  de  Jean  Roux,  duquel  le  père  estoyt  natif  de  la 
vallée  d'Uyzant  2  en  Dauphiné.  Elle  estoyt  de  moyenne  taylhe, 

1.  //  s'agit  de  la  croisade,  projetée  au  concile  de  Latran  en  i sn  st  pro- 
clamée par  Léon  X  le   i3  mars    1518.  Raynaldi.  Annales  ad  an.    1517, 

2.  La  vallée  de  VOisans.  Les  paroisses  de  Clavaus  et  de  Misoéns  furent  les 


8|  MÉMOIRES 

femme  fort  vertueuze  et  religieuze  et  boune  conversasion. 
Elle  heut  dudit  Rous  quatre  enfents,  savoyr  :  Pyere,  Loudys, 
Madelaynne,  et  Philipe.  Elle  mourut  eagée  d'envyron  soysante 
six  ans. 

PlERE 

Pyerre  Gay  fut  le  segond  enfend  de  Barthélémy  et  le  pre- 
myer  des  fils.  Yl  fut  prestre  habytué  en  l'esglize  catedralle 
Nostre  Dame  de  Dye.  Il  fut  des  premyers  de  la  religion  refor- 
mée en  cete  vylle  et  fit  ung  voyage  a  Paris,  au  retour  duquel  yl 
apourta  des  lyvres  touchant  les  prinsipauls  points  de  ladite 
religion,  d'où  l'oficyal  de  monsegneur  l'evesque  estant  averty 
le  1}  L  constituer  prizonnyer  coume  luteryen,  et  eut  hon  beau- 
cop  de  peynne  de  le  sourtyr,  car  de  ce  temps  la  on  brusloyt 
et  mai  tirizoynt  fort  lesdit  de  la  religion  i.  Il  estoyt  d'un  natu- 

premièrcs  de  ce  petit  pays  à  embrasser  le  Calvinisme.  B.  Fonnat  écrivait  de 
Grenoble.,  le  i  2  mars  1362,  à  Calvin  pour  le  prier  de  leur  envoyer  des 
ministres. 

1.  L  évéclié  de  ^Jeaux,  où  iéveque  Guillaume  Briçonnet  avait  groupé  autour 
de  lui  un  certain  nombre  de  lettrés  imbus  des  doctrines  de  Luther,  peut  être 
considéré  comme  le  premier  foyer  du  protestantisme  français.  En  /53  5,  pen- 
dant la  captivité  de  François  /<=',  la  réaction  catholique  contre  les  progrès 
de  l'hérésie  occasionna  le  supplice  de  plusieurs  protestants  ;  quelques  années 
après,  en  1^28,  François  F",  jusque-là  protecteur  des  hérétiques,  entra  dans 
le  mouvement  de  réaction,  et,  chose  étrange,  pendant  qu'il  s'alliait  au-dchors 
avec  les  protestants  d'Allemagne  et  les  Turcs,  il  affectait  au  dedans  un  grand 
\èle  pour  défendre  la  foi  :  on  le  vit  poursuivre  les  hérétiques  de  ses  Ftata  avec 
une  rigueur  impitoyable.  Comme  on  le  sait,  ce  fut  Calvin  qui  donna  au 
protestantisme  français  sa  forme  définitive.  Il  publia  en  i ^36  à  Bâle  son 
Christiana;  religionis  institutio  (in-H",  ^i^-  pp.)  et  en  i s^l  son  Inslruction 
et  confession  de  Iby  dont  on  use  en  Lcgiise  de  Genève  (Sans  nom  de  /., 
J2/  d'imp.,  et  sans  date  ;  in-12,  46  feuillets  chiffrés).  L'apparition  de  ces  deux 
ouvrages  marque  le  début  d'une  nouvelle  époque  dans  l  histoire  de  la  secie. 
Pierre  Gay  apporta  sans  doute  de  Paris  ce  dernier  ouvrage,  plus  connu  sous 
le  nom  de  Catéchisme  de  Calvin.  Quoiqu'il  en  soit  ce  petit  ouvra^^e  se  répan- 
dit promptement  en  Dauphiné.  En  1  ^4j ,  Henri  II,  après  quelques  hésitations, 
redoubla  de  rigueur  contre  les  protestants.  Le  parlement  de  Grenoble  nomma 
des  commibsaires  pour  parcourir  la  province  et  Jaire  leur  procès  aux  ennemis 
de  la  foi.  C'est  à  cet  état  de  choses  que  fait  allusion  notre  manuscrit  quand 
il  dit  que  de  ce  temps-là  un  brusloyt  et  martirizoynt  fort  lesdit  de  la 
religion.  Les  archives  de  la  Dronie  (E,  J/y^J  ren/erment  les  expéditions 
originales  du  quatre  arrêts  du  parlement  de  Grenoble^  rendus  a  la  suite  dij  la 


DES   FRERES    GAY.  9 

rel  fort  subtyl  a  enter  et  ediffier  arbres,  grand  mesnager,  n'es- 
tant aulcLinement  entaché  de  mondanyté  ou  ambysion,  aultre 
qu'a  byen  fere  a  ces  parans.  Son  père  le  fit  héritier  par  moy- 
tyé  aveq  Anthoynne  son  frère,  par  ung  codicylle  :  lequel  du 
despuys  fit  héritier  sondyt  frère,  tant  des  byens  qu'yl  avoyt  heu 
de  son  perre,  que   de  beaucop  d'auitres,   qu'yl  avoyt  a  luy 

wission  de  Jean  Baronat.  commissaire  délégué  par  lettres  du  24  août  i  ^-f-q. 
Ces  documents  ont  une  réelle  importance  pour  l'histoire  d:s  premiers  temps  de 
la  Réforme  en  Dauphiné.  Le  3  décembre  i  =^4g.  la  cour  de  Grenoble  jus^eant 
Françoise  Colombier,  dite  Brus'a.  examinées  les  missives  envoyées  par 
ladite  Colombier  a  Jayme  Chappuys.  son  mary,  demeurant  a  Romans, 
escriptes  de  Genève  du  17  de  septembre  an  dessus,  et  autres  missives  du 
18  de  septembre  1049  contenant  plusieurs  propos  séditieux  et  scandaleux, 
la  condamne  par  contumace  à  être  brûlée  vive  et  en  effigie  en  attendant. 
Benoît  Poignard  est  condamné,  le  J  6  décembre  i^4q.  à  faire  amende  hono- 
rable et  à  être  fouetté  pour  blasphèmes  proférés  à  Romans  et  à  la  Roc  lie  de- 
Glun.  Dans  un  autre  arrêt,  nous  lisons  qu3  Jehan  Baronnat,  conseiller  du 
roy  .  .  commissère  député  .  .  par  commission  a  luy  donnée  par  lad.  cham- 
bre du  24'=  jour  d'aoust  d'icy  passé,  par  laquelle  estoit  commis  pour  es 
villes  de  Romans  et  du  Monthelimar  et  leurs  environs  informer  sccrette- 
mcnt  contre  les  sectateurs  et  suspects  contre  les  erreurs  de  la  saincte 
foy  catholicque  et  la  doctrine  de  nostre  mère  saincte  Esglise  et  pour  se 
saisir  des  personnes  qu'il  trouveroit  chargées  desdits  cas,  instruyre  et 
faire  leurs  procès  jusqu'à  sentence  diffinitive  .  .  .  ayant  informé  .  .  'il) 
auroit  faict  saisir  au  corps  Jehan  de  Comier.  dit  Charmes,  musnier  de- 
meurant aud.  Romans,  chargé  dud.  crime  d'hérésie,  a  la  requeste  des 
consuls,  mariants  et  habitants  dud.  Romans,  qui  se  .=eroient  rendus 
parties,  joinct  à  eux  le  procureur  gênerai  du  Hoy  .  .  .  .  ,  la  cour  pour  la 
réparation  desdits  crimes  a  condempné  et  condempne  led.  Jean  de  Co- 
miers  dit  Charmes,  a  suyvre  la  procession  qui  sera  faicte  un  jour  de 
dimanche  de  l'esglise  Saint-Barnard  jusques  au  lieu  du  Mont-Calvaire 
et  ce  teste  et  pieds  nus,  portant  une  torche  de  cire  de  deux  livres  ardente, 
et  au  retour  de  lad.  procession,  devant  la  grand'porte  de  lad.  Eglise,  de- 
mander a  haujte  voix  pardon  a  Dieu,  au  Roy  et  a  justice  de  ce  qu'il 
auroit  follement,  témérairement  et  indiscreteinent  parlé  des ymages  faictes 
pour  la  représentation  des  saincts  et  sainctes  du  paradis  .  .  .  Donné  a 
Grenoble,  en  parlement  le  seizième  jour  de  décembre  l'an  mil  cinq  cens 
quarante  neuf.  —  Enfin,  dans  un  quatrième  arrêt,  après  avoir  rappelé  que 
Jean  Baronnat  auroit  faict  saisir  et  prendre  an  corps  Antoine  Tavernol 
et  Jehanne  Mailhette  mariez,  demeurant  aud.  Romans,  trouvés  chargés 
dud.  crime  d'hérésie  .  .  .  ,  la  cour,  pour  avoir  heu  par  lad.  Mailhette  en 
sa  maison  d'habitation  et  devers  elle  le  livre  intitulé  :  La  forme  des  prières 
ecclésiastiques ,  avec  la  manière  d'administrer  les  sacrements   et  célébrer  le 


10  MÉMOIRES 

aquys  i.  Il  estoyt  de  forme  grand,  de  corps  maygre  et  vizage 
fort  blonde  et  de  fort  bon  et  gracyeus  rencontre.  Il  mourut 
en  l'année  myl  cinq  cents  sinquante  quatre,  eagé  de  quarante 
sinq  ou  six  ans,  de  maladye.  Voyla  en  soume  ce  que  j'ay  peu 

reculhir  de  sa  vye. 

Antiioyxe 

Anthoynne  Gay  fut  le  troyziemme  enffent  de  Barthélémy  et 
le  segond  fils.  Il  fut  bourgeoys,  ne  fayzant  aulcun  trafiq,  mes 
vyvoyt  de  son  byen.  Il  se  maria  en  l'eage  de  vingt  ans  a 
damoyzelle  Jeanne  Brunele ,  filhe  de  noble  Vinsent  Brunel, 
segneur  de  S'  Maarisse  en  Triesves,  de  laquelle  heut  troys 
enfents,  savoyr  Thomas,  Claude  et  Glaude.  Il  aryva  en  troys 
ans  de  suyte  audit  Anthoynne  troys  ynconvenyens,  savoyr  : 
le  premyer,  la  mort  de  Piere  Gay  son  frère,  la  cheute  de  sa 
mayzon,  et  la  mort  de  sadite  femme.  Il  fit  rebâtir  sa  mayzon, 
myeulx  qu'elle  n'etoyt  auparavant,  y  fayzant  fere  des  belles 

mariage  et  la  Visitation  des  malades,  et  le  livre  dict  Le  catéchisme  de  Ge- 
nesve,  faict  par  Jehan  Calvin,  qui  sont  reprouvés  comme  contenant  pro- 
positions hérétiques,  a  condempné  et  condcmpne  lad.  Mailhette  a  suyvre 
pieds  nuds  et  tenant  une  torche  ardente  du  poids  de  trois  livres  la  proces- 
sion ordonnée  a  faire  par  arrest  par  lad.  cour,  donné  entre lesd.  consuls  de 
Romans,joinct  aeux  le  procureur  gênerai  du  Roydemandeurs  en  correction 
de  crimes  et  excès  d'une  part  contre  Loyse  Arnauldc,  dite  Garanetle.  de 
l'esirlise  deS'  Barnard  de  Romans  jusques  au  i\lont-Calvaire,  estant  hors 
de  lad. -ville  et  a  assister  a  la  messe  qui  la  se  dira  et  a  l'amende  honorable 
de  lad.  Garanette,  et  lad.  amende  honorable  faicte  aud.  AlontCalvaire 
mettre  le  feu  en  un  fagot  de  boys  qui  sera  la  mis  a  ces  fins,  et  sur  iceluy 
fagot  bruslés  entièrement  lesdits  livres  défendus,  de  quoy  elle  demande 
pardon  a  Dieu,  au  Roy  et  a  justice,  et  luy  a  lad.  cour  defïendu  de  doré- 
navant tenir  semblables  livres  ou  aultres,  et  d'enseigner  aulcunes  filhes  en 
sa  maison  ou  ailheurs,  le  tout  sur  peine  de  la  harder,  et  quant  aud.  Ta- 
vernol.  la  cour  l'a  condempné  et  condempné  d'assister  esdites  processions 
et  amende  honorable,  teste  nue,  et  en  dix  livres  d'amende  envers  le  Roy, 
et  en  oultrc  a  condempné  lesd.  Tavernol  et  Mailhette  es  dépens  .  .  .  Donne 
a  Grenoble,  en  parlement  le  seiziesme  jour  de  décembre  mil  cinq  cens 
quarante  neuf. 

1.  Les  registres  du  notaire  Charrenci,  que  nous  avons  entre  les  mains,  ren- 
ferment un  bon   nombre  d'actes  faits  en  faveur  de   Pierre   Gai/.    C'était  un 
homme  avant  tout  pratique  :  les  controverses  doctrinales  ne  l'absorbaient  pas 
au  point  de  lui  faire  perdre  de  vue  ses  intérêts  temporels. 


DES   FRÈRES   GAY.  11 

voultes  et  ung  avyer  de  piere  de  taylhe.  L'ocazion  de  la  cheutte 
de  ladite  mayzon  avynt  pour  la  faulte  des  massons,  lesquels 
batisant  n"avoynt  byen  retenu  ung  soyr,  de  laquelle  bon  sourtit 
pour  la  crainte  de  se  quy  aryva,  et  fit  en  cette  nuyct  ung 
telorage  de  vents  et  mesme  ung  sy  horible  tonnere  qu'esbran- 
lant  les  ponchers,  desquels  bon  avoyt  retenu,  la  myt  par  tere. 
En  cete  mesme  nuyt  le  pont  de  S'  Marsel  tumba,  quy  du 
despuys  fut  rediffiè  par  ung  mason,  qu'on  apeloyt  l'Alement, 
quy  estoyt  ung  très  eselent  ouvrier,  et  se  maria  en  ceste 
vyle  1 .  Ledit  Anthoynne  fit  rebâtir  fort  dilygement  sa  mayzon 
paternelle,  quy  est  en  la  rue  Vyleneufve,  aveq  celle  qu'yl 
avoyt  aquys  des  hoyrs  de  Martyn  Malsang  -,  que  confinne  des 
deux  coûtés  les  mayzons  des  Davyds  ^  et  des  Bertrands,  et  du 
du  devant  ladite  rue.  du  dernyer  le  vyol  des  Cordelliers,  ou  il 
fit  tere  des  salles,  chambres,  cabynets,  le  tout  byen  proprement, 


1.  Le  2  I  juin  i  55^,  les  consuls  entretinrent  le  conseil  de  la  ville  de  la  chute 
du  pont  Saint-Marcel. 

2.  La  famille  Malsang  était  une  bonne  famille  de  marchands.  Antoine  Mal- 
sang, marchand  de  Die  acheta,  le  26  nov.  i ^-f-i,  de  Sibile  du  Perrier.,  femme 
de  Charles  Masse.,  un  pré  sur  les  bords  de  la  Drame.,  i<oisin  de  celui  de  Chris- 
tophe du  Perrier,  écu\er.  Il  avait  épousé  Marguerite  .Masse,  sœur  de  Charles. 
et  en  eut  :  Jean.,  Jourdan  et  Marguerite  Malsang.  Cette  dernière.,  après  la 
mort  de  son  père,  épousa  le  6  sept.  i^4^,  Pierre  Clerc,  marchand  de  Die; 
devenue  veuve.,  elle  se  remaria.,  le  s  novembre  i  ^ss  0^- s.)  à  Antoine  fils  de 
feu  Louis  Roy,  marchand  de  Die  :  Antoine  était  le  neveu  de  Jacques  Roy 
doyen  de  Die  et  de  Claude  Roy,  chanoine.  Ce  dernier  ayant  pour  agréable 
ce  mariage,  assura  à  son  neveu  la  propriété  de  sa  maison,  située  au  mandement 
de  la  Pierre,  près  de  celle  de  Gaspard  Faure  de  Vercors.  Jourdan  Malsang 
entra  che^  les  Dominicains  de  Die  et  fut  un  des  huit  religieux  de  cet  ordre 
qui  apostasièrent  à  Die  en  i ^62. 

3.  Antoine  David,  chanoine  de  Die,  testa  le  1 1  juillet  i4-S  :  il  choisit  pour 
le  lieu  de  sa  sépulture  la  chapelle  de  Sainte-. Marthe  dans  la  cathédrale,  oîi 
reposaient  ses  ancêtres,  et  fit  plusieurs  fondations  pieuses  en  faveur  des  com- 
munautés religieuses  de  la  ville  ;  nous  citerons  entre  autres  la  suivante  : 
Item  do  et  lego  conventui  supra  dictorum  Fratrum  Fredicatorum  unum 
prandium,  anno  quolibet  dicto  conventui  lîendum,  die  festi  beati  Tho.ne  de 
Aquino,  religiosis  viris  dicti  conventus  honorifice  per  heredes  meos  infra- 
scriptos  et  in  dicto  prandio  eisdem  religiosis  providere  de  pane,  vino  et 
edilio  bene  et  decentcr,  perpetuis  temporibus.  //  institua  pour  héritier  uni- 
versel Jacques  David,  son  neveu,  bachelier  en  droit. 


12  MÉMOIRES 

selon  sa  qualyté.  Il  se  fît  ausi  bastir  deux  estableryes  pour  le 
bestaylh,  l'une  en  l'Aulmet,  l'autre  au  Martouret,  ausquelles 
granges  il  fit  pluzieurs  aquyzisions,  et  notament  il  s'aquyt  un 
deveys  en  S'-Cor,  vers  la  roche  de  Romeyer,  aveq  son  frère 
Piere  Gay,  duquel  heurent  beaucop  de  poyne  de  conserver, 
pour  ce  qu'en  cete  anée  les  habitans  desfricherent  et  ruynarent 
tous  les  aultres  boys  et  deveys  du  teroyr  de  Dye,  coume  on 
voloytaussy  fere  de  celuy-la,  mes  il  playdoyerent  fort  et  ferme 
et  furent  condamnés  les  poursuivans,  car  il  fut  prouvé  qu'yl 
avoyt  plus  de  deux  cents  ans, par  en  queste  quy  en  fut  fête,  que 
s'etoyt  ung  deveys  et  n'en  a  point  d'aultre  au  teroyr  de  Dye  1. 
Sa  premyere  femme  estant  morte  par  le  moyen  d'une  saignyé, 
que  Caterin  Segond  sirurgien  de  cette  vylle  luy  fît  mal  a  pro- 
pos, iine  anée  après  se  remarya  a  damoyselle  Jeane  Faure, 
filhe  de  noble  Jourdan  Faure  -,  consegneur  de  Vercors,  de 


1.  Un  devès  est  un  pâturage  réservé  et  défendu. 

2.  La  famille  Faure  de  Vercors  est  une  ancienne  et  noble  famille  du  Diois^ 
qui  a  joué  un  rôle  considérable  dans  notre  ville  de  Die.,  au  XV"  et  au  XVI° 
siècle.  Le  24  septembre  i36o  Guillaume  F .  fondait  une  chapellenie  dans  Vé- 
glise  de  Luc.  En  i433  Nicolas  F .  était  recteur  de  plusieurs  chapellenies  et 
en  i44-^  Hugues  F.,  sacristain  de  Die,  recevait  diverses  reconnaissances. 
Dans  une  révision  des  feux  de  la  ville  de  Die,  ordonnée  en  i4^o  par  Vév. 
Louis  de  Poitiers,  on  voit  que  la  famille  Faure  était  alors  divisée  en  plusieurs 
branches;  Vune  avait  pour  chef  Guigues  F.  :  Guigo  Fabri  .  .  de  nobili  pro- 
genic  et  est  notarius  ;  l'autre  était  représentée  par  deux  frères  Aynard  et 
Marcel  F.  :  nobiles  et  nobiliter  vivcntes  et  acccdiint  ad  mandatum  do- 
mini  (episcopij  in  armis.  Dans  une  pièce  de  i4^2,  ces  derniers  sont  qualifiés 
de  neveux  de  Guigues  F.,  notaire  ;  ce  sont  probablement  les  fils  d'un 
Guillaume  F.,  notaire  à  Die  en  :42-j.  Le  ig  mai  i4~,3,  Guillaume  F.,  doc- 
teur es  lois,  épousait  dans  l'église  des  Frères  Prêcheurs,  devant  l'autel  de  St- 
Sébastien,  noble  Claude  Perdrix,  fille  de  Pierre,  seigneur  de  la  Beaume-des- 
Arnauds,  qui  avait  une  dot  de  8 oo  florins.  A  ce  mariage  furent  présents  Jean, 
évéque  de  Laon  et  abbé  de  Valcroissant,  Bertrand  d' Urre,  doyen  du  chapitre, 
Jean  Roux,  prieur  de  St-Marcel,  Girard  Lautier,  gardien  des  Frères  mi- 
neurs, Guigues  Faure  de  Vercors,  notaire.  —  Le  2H  avril  i4^i,  Guigues 
Faure  de  Vercors,  citoyen  de  Die,  passait  procuration  à  ses  fils  Guillaume, 
Jean,  et  Chabert,  pour  réclamer  les  biens  laissés  par  feu  Barthélémy,  leur 
frère,  chanoine  de  Die,  qui  venait  de  mourir  à  Toulouse,  durant  le  cours  de 
ses  études.  —  Le  1 6  novembre  i4^4,  Jean  Roux,  prieur  de  St-Marcel,  dimi- 
nuait le  cens  que  payait  au  prieuré  noble  Jean  Raynard.  Dans  ce  document 


bES    F-RERËS   GÀY.  iS 

cete  vylle,  et  de  damoyselle  Daufine  de  Prelles,  tilhe  de  noble 
Joachin  de  Prelles,  segneur  de  Montgros  et  des  Peschiers  en 
Vyvares,  de   laquele  heut  d'enfens.  savoyr  au  bout  de  neuf 


figure  Jordan  Faure  de  Vercors.  camerarius  dicti  prioratus  et  prior  de 
Petra,  Vapincensis  dioecesis.  —  Par  acte  passé  devant  Jean  de  Poncia, 
notaire,  le  25  octobre  i464,  Jourdain  F.,  coseigneur  de  Ravel  et  de  Rousset, 
aux  montagnes  du  \'ercors.  habitant  de  Die,  épousait  n.  Pliilippa  Chabert. 
fille  de  n.  Jean  Chabert,  de  Curson  ;  Vépouse  avait  pour  sœurs  Jannette  Cha- 
bert, mariée  à  noble  Antoine  d'Arces,  de  Curson.  et  Fleurie  Chabert,  mariée 
à  Antoine  Richarme  de  Vassieux,  au  mandement  de  Morestel.  En  1 306,  Jour- 
dain F.,  qualifié  le  Vieux,  n'avait  point  encore  retiré  toute  la  dot  de  sa  femme 
Philippa  Chabert  :  il  chargea  son  fils  Antoine  de  terminer  cette  affaire.  En 
garantie  de  la  somme  de  248  florins  qui  était  due  à  ses  parents,  celui-ci  se 
saisit  d'une  maison,  située  à  Romans,  rue  Pailleret.  Enfin  le  1  février  1^08 
(n.  s.),  pour  mettre  un  terme  à  un  état  de  choses  qui  occasionnait  beaucoup  de 
frais,  Jeannette  et  Fleurie  Chabert^  avec  le  consentement  d'.A.ntoine  Faure, 
eur  neveu,  vendirent  cette  maison  de  Romans  à  Guillaume  Forest,  marchand 
de  cette  ville,  pour  le  prix  de  4oo  florins.  C  est  ainsi  que  les  Faure  purent 
entrer  en  possession  des  sommes  qui  leur  étaient  dues.  (Escoffiek,  «o<.  à  Ro- 
mans.)—  En  i4Hg.  Lanthelme  F.,  protonotaire  apostolique,  chanoine  de  Die, 
de  concert  avec  Jean  F.,  son  frère,  demande  grâce  pour  leur  neveu  Jourdain, 
qui  avait  outragé  les  consuls  de  Die.  Ce  Jourdain  est  qualifié  le  jeune.  — 
Guillaume  F.  de  V.  achète  en  i  ^36  des  terres  à  Souchet  et  Lacondamine.  — 
Dénombrement  fourni  le  12  août  i  ^4o  devant  le  vice  sénéchal  de  Crest,  par 
noble  Antoine  F.,  coseigneur  de  Vercors,  habitant  à  Die,  qui  déclare  posséder 
ez  mandement  de  Quint  et  Pontaix,  et  Sainte-Croix  des  censés  directes, 
en  grains,  poules  et  argent,  valant  environ  25  florins  de  revenu,  mou- 
vantes du  fief  et  hommage  du  roi  Dauphin:  plus  au  mandement  de  Ver- 
cors, des  cens  en  grains,  poules  et  argent,  indivises  avec  n.  Jourdan  F., 
son  cousin,  valant  compris  la  juridiction  et  hommes  justiciables  qu'ils 
avaient  aud.  lieu  pour  sa  part  environ  80  florins  de  revenu,  qu'il  tenait 
en  fief  de  lévêque  de  \'alence.  (Inv.  de  la  chambre  des  Comptes  de  Gre- 
noble.j  —  Antoine  Faure,  coseigneur  de  Vercors,  fit  son  testament  à  Die  le  2 
janvier  7552  (n.  s.).  Il  choisit  sa  sépulture  dans  le  cymetiere  de  l'église  ca- 
thédrale Nostre  Dame  de  Dye.  en  la  chappelle  de  Saint  Maurice,  ou  gisent 
et  reposent  ses  parents  trépassés,  soubs  la  lampe  d'icelle  chappelle.  Ses 
oeuvres  pies  sont  fort  nombreuses  et  offrent  beaucoup  d'intérêt  :  il  veut  à  sa 
sépulture  trei:je  pauvres,  dont  huyt  porteront  huyt  brandons  cere  pesant 
chescung  dymie  lyvre.  et  lung  d"iceulx  pauvres  portera  treze  antorches 
pesant  chascune  deux  livres  cere,  lesquelles  seront  distribuées  comme 
s'ensuit  :  premièrement  deux  aux  frères  prescheurs,  deux  aux  frères  cor- 
deliers,  une  a  S'-Pierre  et  une  a  Saint-Marcel,  lesquelles  seront  alumées 
incontinent   faisant  l'office  de  sadicte   sépulture,  lesquelles   seront  em- 

BULLETIN  f/HIST.  ECCL.   .   .  DE  VaI  ENCE.  'J 


14  MÉMOIRES 

moys  qu'elle  fut  maryèe:  Gasparet  puys  Danyel,  Jean,  Marye, 
et  Anthoyne,  Ester  et  Marte  ;  laquele  yl  espouza  en  l'anée  myl 
cinq  cents  sinquante  neut.  Ledit  Antlioyne  fut  eleu  capitenne 

ploiées  pouralumer  le  précieux  corps  nostre  seigneur  et  en  seront  alu- 
mies  deux  devent  corpus  domini,  aultre  deux  devent  Tymage  de  nostre 
daine  incontinent  estre  arrivé  et  porté  son  corps  dans  l'église  et  ce  pen- 
dant qu'on  fera  l'office  de  sa  sépulture.  Plus  sera  balhé  une  desdites  an- 
tor;h-s  au   prebstre  qui  gouverne  la  chapelle    de    S'  Maurice,  laquelle 
servira  pour  alluaier  le  précieux  corps  nostre  Seigneur,  quand  on  lèvera 
a  la   messe  led.  précieux  corps  de   n.  s.,   et  les  aultres  deux  antorches 
ordonnées  estre  balhées  au  procureur  de  la  confrérie   de  Corpus  Domini 
pjar  pjrter  au  devent  de  Corpus  Domini  quant  on  portera  es  malades. 
Eu  en  ouicre  doa.ie  a  la  confrérie  d^  la  saincte  Trinité  de  lad.  église  de 
D/&  une  livre  cere  pour  la  luminere  de  la  messe  de  lad.  confrérie  pour 
uuw  fois.  Itc.n  vjult  et  ordonne  que  desdits  treze    pauvres,  qui    seront 
cnoysii  des  plus  pauvres  que  l'on  porra  trover  en  la  ville  par  son  héritier 
et  exeqateur,  quatre  porteront  sondict  corps  a  la  ecclésiastique  sépul- 
ture et  feront  la  fosse  de  sa  cepulturc  et  a  chescung  desd.  treze  pauvres 
sera  oalhé  et  expjdié  de  ses  biens  une  robe  de  drapt  de  pays,   jusques  a 
deu  c  aulnes  et  dymie,  faictes,  et  ôultre  ce  donne  et  lègue  aux  dits  quatre 
pauvres,  qai  le  pjrteront,  un  tlorin  ec  leur  disner  ou  soper,  ordonnant 
en  oultre  que  sond.  corps  soit  gardé  après  son  dessès  vingt  quatre  heures 
en  sa  maison,  sans  qu'il  soyt  ensepvdli.  Item  veult  et  ordonne  que  bien- 
lost  après  sond.  dessés  soyt  dict  lepsaultier  par  quatre  prebstres  lesquels 
trestous  diront  dévotement,  comme  il  apartient,  en  rémission  de   ses  pé- 
chés, de  ses  parents  dessedés,  et  sera  livré  a  chascung  desd.  prebstres  six 
sols  pour  une  foys.  Item  .  .  detfend  que  il  ne  soyt  faictes  ne  portées  sur 
sond.  corps  ne  es  antorches  aultres  armes  que  le  nom  de  Jehsu  Maria. 
//  veut  qu'on  convoque  à  ses  funérailles  tous  les  prêtres  séculiers  et  réguliers 
de  la  ville,  qu'on  fasse  aux  pauvres  des  aumônes  en  miches  et  en  argent.  Il 
veult  que  il  soyt  dite  perpétuellement  une  messe,  tous  les  vendredis  de  la 
sepmene, . .  des  cinq  playes  de  N.  S.  Jhesu  Christ  en  l'autel  de  S'  Nycolas 
en  la  chapelle  de  S'  Maurice  de  lad.  église  de  Dyc,  pour  laquelle  payer 
a  ordonné  oalher  .  .  six  ilorins  monnaie  courante  de  pension  annuelle  que 
faict  EsLienne  CoUin  de  Dyeaud.  testateur.  Après  avoir  réglé  les  messes  et 
les  prières  qui  devront  être  dites  immédiatement  apri's  son  décès  et  lors  de  son 
anniversaire,  il  fait  un  legs  de  trois  florins  de  pension  annuelle  à  l'hôpital  de 
la   Croix  et    d'un  florin   de  pension  a  chescung  des  hospitaulx   de  porte 
Englene  et  de  Sainct  Marcel  de  lad.  ville,  .  .  et  ce  pour  acheter  du  boys 
es  pauvres  desd.  hospitaulx  pour  se  chauffer.  Item  et  en  remission  desd. 
péchés  de  sesd.  parents  trépassés  veult  et  ordonne  estre  dicts  deux  tran- 
tenaires  gregoriaulx  par  vénérable  frère  Eynard  Malsanc  religieux   du 
couvent  des  frères  mineurs  et   messire  Pierre    Durin   prebstre  curé   de 


DES    FRÈRES    GAY.  15 

des  esleiis,  que  le  Dioys  mandoyt  en  Piemond  pour  le  servyce 
du  Roy,  lesquels  y  conduyzant  tumba  malade  a  Brianson  et  luy 
falut  retourner.  Il  heut  en  son  temps  de  très  belles  charges  et 


l'église  cathédrale  n.  D.  de  Dye.  dans  l'an  de  sond.  dessès  et  a  chescunfi' 
desd.  religieux  et  curé  sera  offert  .  .  .  cinq  florins  monnaie  courante.  Jl 
prescrit  ensuite  certaines  dist'-ibutions  à  faire  aux  pauvres  dans  les  paroisses 
de  St-JuUien.  St-Martin.  la  Chapelle  et  St-Agnan  de  Vercors,  et  dans  celle 
de  Mention.  Il  lègue  cinquante  florins  à  Bonne  Vergère,  sa  chambrière,  to 
autres  florins  à  Philippe  Vergère,  son  autre  chambrière,  sœur  de  la  précé- 
dente, et  1 0  autres  florins  à  Madeleine  Blayn,  fille  de  Gaspard  Blayn,  afin 
d'aider  ces  ti^ois  pauvres  filles  à  se  ma>-ier.  porveu  que  icelles  filhes  soyent 
sages  et  vivantes  en  filhes  de  bien.  //  l?gue  a  chescune  des  malaptières 
de  Die,  pour  une  foys,  ung  florin,  payables  icontinent  après  son  dessès. 
chargeant  iceulx  pauvres  des  malaptières  prier  Dieu  pour  son  ame.  // 
donne  à  demoiselle  Jehanne  Chastilhone.  femme  a  Claude  Chypre,  scuycr 
de  Chastilhon.  filhe  a  feu  damoizclle  Magdaleine  Faure,  fille  dud.  testa- 
teur, cent  florins  monnaie  courante,  a  Jehan  Chypre  cscuyer  et  Claude, 
fîls  et  filhe  de  feu  demoizelle  Charlote  filhe  en  son  vivant  de  lad.  demoi- 
zelle  Magdaleine  Faure  de  Vercors  filhe  dud.  testateur,  a  chescung  d'eux 
la  somme  de  cinquante  florins  .  .  .  Il  donne  et  lègue  à  demoizelle  Loyse 
de  Beauchastel  sa  femme,  vivant  viduelement,  .  .  douze  sestiers  froment 
mesure  de  Dye  payables  tous  les  ans  a  chescune  fcste  de  S'  Laurens.  plus 
six  charges  de  bon  vin.  du  vin  du  creu  de  ses  vinhes  bon  et  recepvable, 
deux  charges  du  premier  venant  de  ses  tines  payables  tous  les  ans  a  sad. 
femme  en  temps  de  vinéson  .  .  .  :  en  oultre  tous  les  ans  troys  bannastés 
noys.  une  charge  pomes.  une  charge  poires,  quant  en  aura  a  son  vergier 
près  la  porte  S'  Marcel  et  un  fays  de  femme  raysins  pour  prendre  tous 
les  ans.  .  .  //  assigne  à  sa  femme,  pour  son  habitation,  et  sad.  vie  durant, 
vidualement  comme  dict  est  vivant,  tout  le  ault  de  la  mayson.  que  fut 
de  feu  messire  Gaspard  Faure  son  frère,  avec  la  botique  dicelle,  assize 
en  la  présente  cité  de  Dye,  au  mandement  de  la  Pierre,  jonhant  a  la  rue 
publicque  du  devant,  la  mayson  de  messire  Claude  Roy,  chanoine,  la 
mayson  de  Jordan  et  Jehan  Malsanc.  avec  son  entrée  et  sortie  que  poura 
faire  sad.  femme  par  la  grand'porte.  Enfin,  il  institue  pour  son  héritier  uni- 
versel Gaspard  Faure  de  Vercors,  ccuy^er,  son  fils  naturel  et  légitime,  auquel 
il  substitue,  en  cas  de  mort  sans  postérité,  Jacques  Chypre,  fils  de  Claude 
Chypre  scuyer  et  de  damoizelle  Jehanne  Castilhonne,  sa  mère,  fîlhe  a  feu 
Magdeleine  Faiire,  filhe  en  son  vivant  dud.  testateur,  et  sera  tenu  led. 
s.  Jacques  Chypre  substitué,  le  cas  advenant,  venir  habiter  a  Dye.  en  la 
mayson  dud.  testateur  et  porter  les  surnoms  et  armes  dud.  de  Vercors, 
aultrement  la  substitution  n'aura  point  de  lieu,  et  si  led.  Jacques  Chypre 
substitué  descede  .  .  sans  enfants  masles  légitime  et  de  légitime  ménage 
procréés,  substitue  l'aultre  enfant  masie  qui  sortira  desd.  Claude  Chypre 


16  MÉMOIRES 

ofices ,  notament  il  fut  coryer  sinq  anées  de  Monsieur  de 
Valance  en  cete  vyle,  sergent  majour  six  années  en  deux  foys, 
gouverneur  deux  anées  a  Espenel,  soubs  l'autorité  de  monse- 

scuyer  et  Jehanne  sa  femme,  plus  vieulx  :  et  si  led.  enfant  plus  viculx 
dcsd.  Chypre  et  Jehanne  sa  femme  meurt  sans  enfant  masle  légitime  .  .  . 
substitue  le  survivant  enfant  masle  desd.  Claude  Chypre  et  Jehanne 
Chastilhone  sa  femme,  et  cas  advenant  que  iceulx  Claude  et  lad.  Jehanne 
ne  heussent  aucuns  enfant  masle,  substitue  en  tous  sesd.  biens  Jehan 
Chypre  fils  de  Frances  Chypre  scuyer  et  de  Charlote  Chastilhonne  son 
aultre  niepce  descedée  avec  les  conditions  susdites  .  .  Il  désigne  pour  ses 
exécuteurs  testamentaires  Jean  de  Beauchastel.  chanoine,  et  Jordan  Faure 
de  Vercors  écuyer,  coseignew  et  parier  du  Vercors,  son  cousin.  (Charency, 
not.f"  g^  v'-i0  2.  Archives  de  M.  de  Félines,  à  Die).  Gaspard  Faure  de  V. 
mourut  sans  enfant  ;  c'est  lui  sans  doute  qui  fut  tué  le  4  novembre  i  S7-^'  frè* 
de  Saillans  (Voir  plus  haut,  p.  ^y).  —  Jourdain  Faure  de  V.,  cousin  d'An- 
toine, dont  nous  venons  de  donner  le  testament,  avait  épousé  Eléonore  Blayn. 
Le  :4  mars  153.^  (n.  s.),  il  transigeait.,  au  sujet  des  biens  de  sa  famille,  avec 
son  frère  Jean,  qui  s'était  fixé  à  Tarascon.  Antoine  F.  de  V.,fils  de  Jourdain, 
était  consul  de  Die  en  1571.  avec  Jean  de  la  Morte  ;  nous  avons  un  registre 
de  reconnaissances  passées  en  sa  faveur,  en  1374.  Il  parait  être  mort  avant 
l'année  i  ^g4.  De  sa  femme  Philippe  de  Sauvain  du  Cheylard.,  il  laissa  Lu- 
crèce, épouse  de  Gaspard  de  Reynier,  et  Jean  Faure   de  V.,  qui  épousa,    le 

17  septembre  i6or,  Melchionne  de  Reynier,  fille  de  David,  sieur  de  Cha- 
rens.  Jean  F,  de  V.,  mourut  vers  1650,  laissant  :  i'  Gaspard,  sieur  de  St- 
Agnan  ;  «>•  Jean  :  3*  Louis-Antoine,  qui  épousa  Françoise  Hugon  ;  4°  Daniel, 
sieur  de  la  Chapelle  ;  5°  Alexandre,  qui  suit  ;  6»  Hortense,  qui  épousa  vers 
1660,  Jean  de  Reynard.  sieur  de  St-Auban.  Alexandre  F.  de  V.  épousa  vers 
167s  Hélène  de  Ro^et,  de  Genève,  et  en  eut  trois  fils,  morts  sans  postérité,  et 
une  fille,  Marthc-S  ira,  qui  hérita  de  ses  frères  :  celle-ci  épousa  César  de 
Jouven.  sieur  de  la  Blachette,  et  fut  mère  de  Claude- Alexandre  de  Jouven, 
chevalier,  capitaine  au  régiment  de  Tallard,  vers  lyi^o.  (Archives  de  la 
Drame,  B,  io43,  /118,  1127,,  "'-^'J^  i  i4g  ;  E,  787,  2646,  etc.  Cf.  Fihhnr. 
Essai  hist.  sur  le  Vercors,  dans  Bullet.  de  la  soc.  arch.  de  la  Urômc,  t. 
XX  (18^6),  p.  =^6-60  ;  i8o-4.)  —  Jourdain  F.  de  V.,  époux  de  Dauphine  de 
Presle,  fut  père  de  :  i"  Gaspard  F.  de  V.,  qui  épousa  Claude  de  la  Tour- 
rette  ;  il  transigea  le  3  août  1  ^^'^^  ai'ec  Bonaventure  Clotereau,  Jean  et 
Gaspard  Guillet,  meunier,  au  sujet  des  moulins  qui  étaient  sous  les  murs  de  la 
ville  de  Die;  —  2-  Jeanne  F.  de  V.,  épouse  d'Antoine  Gay  ;  3'>  Louise,  qui 
épousa  Claude  Cati,  avocat,  fut  mère  d'Anastase  Cati,  chanoine  de  Die,  de 
Pierre  Cati,  avocat,  époux  de  Blanche  dWrces  et  de  Louise  Cati,  épouse  de  Da- 
vid Roy  ;  ~  4"  Madeleine,  épousa  André  Frayse,  eut  une  fille  Jeanne  Frayse, 
épouse  de  Louis  Fscoffier,  not.  à  Die.  —  La  fatnille  Faure  de  \'e)cors  avait, 
paraitil,  quelques  brançhçs  fixées  dans  le  Vivarais  \  elles  venaient  peut-être 


DES    FRÈRES    GAY.  t7 

gneur  le  Prince  de  Condé,  procteteur  des  esglizes  reformées 
de  la  France,  et  monsieur  de  Montbrun  gênerai  d'icelles  en 
Daufiné.  Il  fit  le  voyage  de  Guyenne  en  l'armée  des  princes 


de  ce  Jean  F.  de  V..  que  nous  avons  vu  établi  à  Tarascon.  i>ers  le  milieu  du 
XV'I''  siècle.  Quoiqu'il  en  soit,  le  3i  mai  i8o^_,  nous  trouvons  un  arrêté  de 
compte  entre  Pierre-Etienne-Armand  Faure  d'Esparre,  ancien  militaire,  de- 
meurant à  la  Palud,  et  Louis-Justin  Faure  de  Vercors,  son  frère,  demeurant 
à  Pierrelatte.  en  présence  d'Etienne  Faure  leur  oncle,  demeurant  à  Bollène  ; 
ils  étaient  fils  de  Louis  Faure,  juge  royal  à  Pierrelatte,  en  tjS^,.  Louis  Jus- 
tin F.  de  V.,  époux  de  Marie  Boschier.  avait  à  Pierrelatte  un  domaine  de  8% 
hectares,  appelé  le  grand  Frevcinet,  qu'il  vendit  en  rS23,  cent  trente  et  un 
mille  francs,  en  grande  partie  délégués  à  ses  créanciers.  Son  fils,  Etienne- 
Gustave  F.  de  V.  avait  épousé  à  Lvon,  en  182^,  N.  Mistral.  Un  nommé 
Faure  de  Vercors,  qui  habitait  Saint- Montant,  est  mort  vers  1880.  laissant 
un  fils,  né  vers  iS-f'S.  employé  dans  les  chemins  de  fer.  Enfin  une  branche  des 
F.  de  V..  celle  des  marquis  de  Satilieu  et  de  St-Sylvestre  était  fixée  en  Vi- 
varais.  (Cf.  de  la  Roqle.  1^'  suppl.,  p.  2^.)  —  Cette  note  sur  les  Faure  de 
Vercors,  déjà  trop  longue,  demeurerait  néanmoins  fort  incomplète,  si  nous  ne 
disions  quelques  mots  d'un  personnage  de  cette  famille,  qui  jouit  un  moment 
d'une  triste  célébrité  :  nous  voulons  parler  de  Jean  Faure  de  Vercors,  de  Die, 
religieux  de  l'ordre  de  St  Benoît,  abbé  de  St-Jean  d'Angély,  qui  fut  accusé 
d'avoir  empoisonné  Charles  de  Guyenne,  frère  du  roi  Louis  AI  :  on  sait  que 
ce  jeune  prince  mourut  à  la  fin  de  mai  r4j2,  d'un  mal  que  les  médecins  du 
temps  ne  connurent  point.  Dans  ce  temps  là,  dit  M.  de  Barante  (Hist.  des 
ducs  de  Bourgogne,  t.  17,  p.  2j6),  il  était  rare  losqu'un  prince  mourait, 
qu'on  crût  que  c'était  de  mort  naturelle  :  ils  avaient  une  telle  haine  les 
uns  pour  les  autres,  si  peu  de  foi,  des  serviteurs  si  corrompus  et  si  dé- 
loyaux, une  volonté  si  absolue,  une  dévotion  si  idolâtre,  qu'on  pouvait 
sans  leur  faire  un  grand  tort  leur  attribuer  les  plus  méchantes  actions. 
Le  roi  Louis  XI  ne  fit  peut-être  pas  mourir  son  frère,  mais  personne  ne 
pensa  qu'il  en  fût  '\Tica.pah\c.  Se  faisant  l'écho  des  rumeurs  publiques,  les 
chroniqueurs  racontent  que  Louis  XI,  pour  commetttre  ce  fratricide,  se  servit 
de  l'abbé  de  St-Jean-d'Angély  et  d'un  certain  Henri  de  la  Roche.  Thomas 
Basin  iHistoriarum  Ludovic!  XI  liber  tertius.  Edit.  de  la  soc.  de  l'hist.  de 
France,  p.  286)  s  exprime  en  ces  termes  :  Volcns  fratri  sui  obsistere  cona- 
tibus  eumdemque  impiis  nimium  atque  sceleratis  actibus  prœvenire,  de 
extinguendo  eumdem  dominum  Carolum  vencficio  cogitavit.  Corrupit 
cnim  duos  de  ejusdcm  fratris  sui  domesticis  qui  prœ  cœteris  omnibus  ei 
familiares  erant  et  de  quibus  plurimum  confidebat.  Quorum  alter  appel- 
labatur  Jordanus  Faure,  dictus  Vercors,  monachus  ordinis  sancti  Bene- 
dicti,  oriundus  de  civitate  Dyœ  in  Delphinatu,  cui  idem  dominus  suus 
obtinere  solemnem  eam  abbatiam  Sancti  Joannis  Angeliaci  et  eleemosi- 
narium  suum  eum  fecerat.   cum  quo  ctiam  quotidie  horas  canonicas  le- 


18  MÉxMOlRES 

volonterement,  ou  il  demeura  deux  ans  II  souffryt  beaucop  de 
travauls  et  despances  pour  la  guère  et.  a  vescu  tousjours 
prcudhomalement  et  sens   reprehension,    set   fet   une  belle 

g-ebal  ;  alteri  nomcn  eral  Henricus  de  la  Roche,  qui  scutifer  erat  coquiiiae 
cjusdem  Domini.  Hos  quippe  duos,  velut  idoneos  tam  nefando  opori  mi- 
nistres, promissis  alquc  muneribus  rcx  pellexit  ut  benignissimum  domi- 
num  suum,  adhibitis  quibusdam  sortilegiis  et  male'nciis  arlibus,  veneno 
extinguereni  :  quemadmodum  et  fecerunt.  Dans  un  manifeste  daté  du  camp 
devant  Beauvais,  le  i6  juillet  i4-2,  Charles   le   Téméraire  n'hésitait  pas  à 
rendre  Louis  XI  responsable  de  la  mort  de  son  frère  \  nous  y  lisons  :   Notre 
dit  frère  de   Bretagne  et  autres  nous    ont  signifié  .  .  .  mondit   sieur  de 
Guyenne  n'avoir  pas   seulement   été   destitué  de  sa  duché  de   Guyenne, 
mais  aussi  de  sa  vie  piteusement,  par  poison,   maléfices,  sortilèges  et  in- 
vocations  diaboliques,   ainsi  que  frère  Jourdan  Faure,  dit   de  Vercors, 
religieux  de    Tordre  de   St-Benoît,  natif  de    Dye   au  païs  de   Daulphiné. 
conseiller  et  aumosnier  de  feu    mondit  sieur  de  Guyenne  et  Henry  de  la 
Roche,  écuyer  de  cuisine  d'iceluy  fou  seigneur,  l'ont  en  jugement  connu 
et  confessé  au  lieu  de  Bordeaux  par  devant  l'archevesque  dud.  lieu,  frère 
Roland  le  Croisic.  inquisiteur  de   la  foi.  .  .  .  Brantôme  et  une  foule  d'écri- 
vains ont  reproduit  ces  récits,  en  v  ajoutant  mille  détails  plus  invraisemblables 
les  uns  que  les  autres  :  du  reste  ils  se  contredisent  en   bien  des  points.  L'un 
raconte  que  Vabbé  de  St-Je.in- d'.imj^éh-  se  servit  d'une  pèche  empoisonnée  : 
comme  elle   était  plus  empoisonnée   d'un  côté   que  de  Vautre,  c'est  pour  cela, 
dit-il.  que  Colite  de  Chambes.   la  maîtresse  de  Charles  de  Guyenne,  qui  en 
manfcea   avec  son  ammt.   ninurul   la    pronière.   et   celui-ci    cinq    mois  après. 
L'autre  narre  deux  anpoisonnjments  successifs,  cehii  de  Colette,  et  quelque 
temps  après,  ceiii  du  prince.  D'après  celui  ci  la  scèn?  se  serait  passée  à  Saint- 
.Jean  ;  d'après  celui-là  à  St-.Sever.  Ce  qui  est  cjrtain.  c'est  que  les  deux  incri- 
minés furent  arrêtés,  interrogés  à    Bordeau.w  et.  lors  de  l'occupation   de    la 
Guvjnne  par  le  roi,  transférés  à  .\ant.'s.  oii  le  duc  de  B'-eta^^ne  fit  continuer 
leur  procès.  L'instruction  n'amenai  a  icune  découverte.  .Jourdain  Faure  mou- 
rut en  prishn  ;  le  sort  de  Henri  de  l  j   Roche  est  resté  inconnu.    DWrsçentré 
dans  son  Histoire  de  Bretagne,  et  B)uchet,  dans  ses  Annales  d'Aquitaine, 
disent  que  l'abbé  de  St  Jean-d'Angély  fut  enfermé  dan^  la  fjçrosse  tour  de 
Santés  et  que  le  s^eôlier  donm  avis  que  depuis  que  cet  abbé  était  dans  cette 
tour,  on  y  entenialt  toutes  l:s  n.tits  des  bruiis  hn-rib!es.  .  .  Ces  deux  auteurs 
ajoutent  qu'une  nuit  le  tonnerre  étant  tonbé  sw  Li  lour.  l'abbé  fut  trouvé  mort 
le  lendemain,  éteniu  dans  la  pLice  oii  il  coicliiit,  la  tête  et  le  visao^e  enflés, 
noir  conme  un  charbon  et  la  linjue  hors  de  la  boiched'un  djmi  pied  de  long. 
Cela  veut  dire  qu'il  fut  étranpçlé.  Anjourd  hui  to  tt  concourt  à  établir  que  l'in- 
fortuné .Jourdain  Faure  de   Vercors  n'est  qu'une  victime,  parmi  tant  d'autres, 
de  iignorance  et  de  la  perfidie  de  .wn  siècle.  L'accusation  a  retenti  long- 
temps dans  l'histoire,  dit  M.  Dareste  (Hist.  de  France,  III,  22^).  Elle  a 


DES    FRÈRES    GAY.  19 

generasion  et  aquys  des  byens  pour  vivre  honestement.  Ice- 
luy  fut  de  riche  taylhe,  nerveus,  maygre,  fort  blonde  en  sa 
cheveleure  et  barbe,  de  complesion  for  colérique  et  de  naturel 
robuste  et  grand  travaylh.  Il  se  trouva  aus  bataylhes  de 
Vovriaset  Montcontour,  Jarnaqet  en  pluzieurs  aultres  factions 
de  guère.  Il  naquyt  en  l'anée  myl  cinq  cents  treze,  coume  il 
m'a  aseuré,  et  est  decedé  le  jeudy  xi  du  moys  de  mars  en  l'an 
myl  cinq  cents  nouante  neuf,  ayant  ataint  l'eage  de  quatre 


été  adoptée  et  propagée  par  des  écrivains  légers,  comme  Brantôme,  qui  y 
a  trouvé  matière  à  plaisanter  sur  ce  qu'il  appelle  la  gentille  industrie  de 
Louis  XI.  Au  fond  elle  est  discréditée  par  sa  propre  invraisemblance  ;  le 
manifeste,  publié  par  le  duc  de  Bourgogne,  était  une  machine  de  guerre 
et  l'opinion  ne  paraît  pas  s'en  être  émue,  au  moins  sur  les  terres  du  roi. 
Colette  Je  Chambes  ne  se  crut  pas  elle  mime  empoisonnée,  et  surtout  par 
Jourdain  Faure,  puisqu'elle  le  nonuna  un  de  ses  exécuteurs  testamentaires. 
Ce  ne  fut  qu'après  la  mort  du  duc  de  Guyenne  que  l'auteur  du  prétendu 
crime  fut  poursuivi.  Enfin  dans  le  Bulletin  de  la  société  des  archives  hist. 
de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis  (t.  IV.  i8S3,  p.  l'/i).,  nous  lisons  un  curieux 
et  savant  article  du  D'  E.  Turner  qui  réhabilite  la  mémoire  de  Jourdain 
Faure  ;  il  se  termine  par  une  note  sur  la  nature  du  mal,  dont  se  trouvait  at- 
teint Charles  de  Guyenne.  Voici  cette  note  :  Mon  ami  le  D'"  E.  Brissaud, 
dans  une  note  fort  bien  faite  de  la  Gazette  hebdomadaire  de  médecine  et 
de  chirurgie,  (1882,  p.  199,)  est  porté  à  supposer  que  cette  maladie  de 
langueur  n'était  autre  que  la  vérole,  et  que  Mad.  de  Thouars  (Colette  de 
Chambes}  aurait  bien  pu  avoir  le  même  mal.  Il  cite  d'une  part  ce  passage 
de  la  relation  de  l'entrevue  de  Charles  duc  de  Bourgogne  avec  l'empereur 
Frédéric  IIl  à  Trêves,  en  1473,  par  Arnold  de  Lalaing'Germanicarum  re- 
rum  scriptores  de  Marquardus  Freherus.  Argentorati,  1717,  t.  II,  f"  305), 
qui  est  reproduit  dans  le  t.  III,  p.  261  des  Mémoires  de  Philippe  de  Com- 
mines  (1747,  in-4°/  :  «  Ipse  frater  (Ludovici  XI)  proximis  annis  miseranda 
peste  consumptus  mortem  obiit.  /Egrotabat  graviter  et  morbi  ignoto  gé- 
nère ;  decidere  ungues,  capillique  detluerc  .  .  »  ;  et  d'autre  part  cette 
phrase  d'un  rapport  transmis  au  roi  et  contenu  dans  la  collection  de  Bé- 
thune,  sur  ce  qui  se  passait  dans  la  maison  du  duc  de  Guyenne,  au  com- 
mencement d'octobre  1471  :  «  L'un  des  serviteurs  de  mond.  seigneur  dit 
que  tous  les  huit  jours  il  convient  de  saigner  la  dame  de  Thouars  du 
dedans  des  banlysvres  (basses  lèvres)  et  que  son  sang  est  le  plus  mauvais 
du  monde.  »  Cette  maladie  d'un  genre  inconnu  à  cette  époque  et  qui 
avait  pour  symptômes  apparents  la  chute  des  ongles  et  des  cheveux  était 
bien  probablement  une  des  manifestatians  isolées  du  tléau,  qui  devait 
vingt-cinq  ans  plus  tard  exercer  ses  ravages  à  la  fois  sur  l'Allemagne,  la 
France,  l'Espagne  et  l'Italie. 


20  MÉMOIRES 

vingts  six  ans,  et  damoyzelle  Jeanne  Faure  sa  femme  et  ma 
mère  deseda  le  mardy  auparavant  ix  dudit  moys  de  mars  et 
audit  an  1599,  ayant  ataint  l'eage  de  soixante  troys  ans  et  les 
ay  fet  inumer  au  simentere  S'-Piere,  hors  la  vylle,  l'un  jou- 
gnant  l'autre.  Dyeu  leur  aye  fet  paix. 

Est Y EN E 

Estyenne  Gay  fut  le  quatryesme  enfent  et  le  troyziesme  des 
fils.  Il  fut  fet  moynne  et  du  despuys  sacristain  et  chamarier 
de  fabaye  de  S'  Marcel  les  Dye,  de  l'ordre  de  S'  Benoyt  de 
Cluny .  Après  avoyr  poursuyvy  le  cours  de  ces  estudes  au  colege 
de  S'  Martyal  en  Avignon,  ala  paser  ses  ordres  a  l'abaye  de 
Clugny,  d'où  leur  ordre  et  resortisant,  fut  du  despuys  prieur 
de  Rouzans.  Il  estoyt  home  de  petite  stature,  barbe  chastagnée, 
et  le  poyl  de  la  teste  noyr,  maigre  et  composé  d'un  bon  et 
subtyl  espryt,  bon  grandmayryen,  s'aymant  fort  a  l'agricul- 
ture, étant  fort  entendu  a  planter  et  enter  arbres  de  pluzieurs 
fasons.  Le  plus  grand  playzir  qu'on  luy  pouvoyt  fere,  s'etoyt 
de  l'employer  a  quelque  choze  et  notament  a  enter,  ou  il  s'apli- 
quoyt  d'un  bon  cœur.  Il  estoyt  de  complesion  fort  mélancolique, 
home  payzible,  debonnere,  de  bon  rancontre,  parlhant  peu, 
pasiant,  soyprizantpeu,  tousjours  vêtu  fort  honestemeut  selon 
son  ordre,  prizant  sa  vocation,  menant  vye  austère,  sans  deles- 
ser.  Il  mourut  en  l'année  myl  cinq  cents  huytante  six,  au  moys 
d'aoust,  d'une  peste  quy  fut  en  cette  vylle  et  generalle  au  Dau- 
finé,  de  laquele  mourut  la  moytyè  du  peuple  et  en  cete  vylle 
byen  de  quatre  a  sinq  mylle  personnes,  et  oultre  ce  la  guère  et 
famyne,  quy  estoyt  par  tout  le  rouyaum.e,  ayant  ataint  l'eage 
de  soysante  sept  ans,  et  vescu  sans  reprehension  tout  le  temps 
de  sa  vye,  s'en  ala  a  Dyeu.  Voyla  ce  que  j'ay  peu  reculhir  de  sa 
vye. 

Jeanete. 

Jeanete  Gay  fut  le  sinquyesme  enfent  et  la  segonde  filhe  de 
Barthélémy  Gay.  Ele  fut  belle,  de  fase  blonde  et  de  moyenne 
grandeur.  Elle  fut  maryce  a  Jame  de  Coursanges  1,  blanchier 

1.  Le  3o  octobre  i  ^4').  Gabriel  Gav.  chanoine  de  ré^l.  catliéd.  \.-D.  de 


DES   FRÈRES   GAY.  21 

de  sa  profesion  en  cete  ville,  de  laquelle  il  heut  troys  enfens, 
savoyr  :  Juh'e,  Jean-Anthoyne,  et  Jaques.  Elle  vesquyt  en  son 
vevage  fort  honestement,  ayant  ataynt  l'eage  de  sinquante  six 
ans  mourut  de  maladye,  en  sa  mayzon .  en  la  rue  de  l'Armelerye. 

Marguerite 
Marguerite  Gay  fut  le  sixième  enfent  de  Barthélémy  Gay  et 
troyzieme  filhe,  laquelle  fut  maryée  a  la  Mote  Chalancon.  ou 
elle  mourut  de  la  peste,  aveq  son  mary  et  tous  ces  enfents,  sans 
qu'yl  demeura  aulcun  de  leur  generasion. 

Memoyre  des  contrats  fets  E^•  LA  fabveur  de  Barthélémy 

Gay  a  Dye. 

Mariage  de  M' Barthélémy  Gay  et  Phelipe  Poudrel  i,de  Dye, 
resseu  par  M"  Anthoynne  Gharensi  ou  Guylhaume  Marye 
noteres  de  cette  vylle  en  l'année  et  couché  au  lyvre  D,  a 

feulh  44. 

Dounasion  de  M^  Barthélémy  Gay  resseue  par  M"  Anthoynne 
Charensy  ou  Guylhaume  Marye  au  lyvre  Q,  folio  187. 

Instrument  en  la  fabveur  dudit  Gay,  resseu  par  les  quy  desus 
en  leur  lyvre  Q,  folyo  82. 

Quytance  ex  expulsion  de  sinq  flourins  pansion,  fête  par 
GabryelGay,  frère  dudit  Barthélémy,  au  chapitre  Nostre  Dame 
de  Dye,  expulsée  par  ledit  Barthélémy,  causion  dudit  Gabryel, 
de  la  tour  et  vigne  de  S'*  Agathe,  resseue  par  M*^  Anthoyne 
Charensy,  en  l'an  1545,  f»  224,  1.  M. 

Die,  reconnaît  eslre  tenu  de  payer  a  discret  homme  Jame  Corsanges, 
mercier  habitant  a  Dye  ...  la  somme  de  cinquante  cinq  florins,  monnaye 
petite  courante  d'onze  sols  pour  florin  et  quatre  liards  pour  sols  comp- 
tés. Il  consent  à  ce  que  cette  somme  soit  hypothéquée  sur  son  tenement,  co- 
lombier, tour,  vinhe  et  jardin  jonhant  ensamble,  assis  dans  les  muralhes 
dud.  Dye,  lieu  dit  en  Saincte  Agathe,  confinant  juxte  lesd.  muralhes  de 
lad.  ville  de  Dye,  juxte  l'église  et  cymetiere  et  terre  dud.  prioré  de  Saincte 
Agathe,  juxte  le  champ  de  la  foere,  juxte  les  vinhes  de  Jean  Engilboud. 
Charrency,  not.  Louis  Coursanges  fut  un  des  dominicains  de  Die,  qui  en 
j  562  abandonnèrent  leur  ordre  et  passèrent  au  calvinisme. 

1.  La  famille  Poudrel  fut  une  des  premières  à  embrasser  la  Réforme.  Elle 
avait  pour  chef  en  1 50g  Antoine  Poudrel,  et  a  fourni  un  siècle  plus  tard  un 
professeur  à  Cuniversité  protestante  de  Die. 

Bulletin  d'hist,  eccl.  .  .  de  Valence,  3 


22  MÉMOIRES 

Codicylle  dudit  M'  Barthélémy  Gay,  fayt  en  la  fabveur  de 
Piere  Gay,  son  fils,  reseu  par  M'  Gaylhaume  Maryedu  4'=  jour 
du  moys  de  septambre,  anée  1537. 

Tranzation  et  acort,  fet  et  pasé  entre  Barthélémy,  Petrony 
et  Gabryel  Gays,  frères,  des  byens  et  héritage  de  feu  Katerin 
leur  père,  resue  par  M'  Gaspard  Reymond  notere  de  cete  vylle 
de  Dye,  le  22  de  mars,  anée  1509 

Achept  d'une  terre,  aquyze  par  M'=  Barthélémy  Gay  notere, 
située  au  Martoret,  aquyze  de  Jean  et  Anthoynne  Fournier 
frères,  qu'et  leur  tenement  audit  Martouret,  consistant  en  teres, 
prés,  boys,  vignes  et  hernies,  situés  au  Martouret  ou  la  Gelyne, 
resseu  par  M^  Humbert  Morel,  notere  de  Dye,  du  23'=  de  aoust 
1536. 

Testement  de  M'  Barthélémy  Gay,  notere  en  son  vyvant  de 
cette  vylle,  resseu  par  M=  Guylhaume  Marye,  du  3'  jour  du 
moys  de  septambre  1537. 

Instrument  de  fundassion  de  mese,  fayt  par  dom  vénérable 
Thomas  Gay,  sacrestain  et  chamarier  du  prioré  St-Marcel  les 
Dye,  au  profit  des  religieus  nous  servent  a  ToGazion  du  tene- 
ment du  grangeage  de  l'Aulmet,  rescu  par  M'  Anthoynne  Cha- 
rensy,  notere  de  cete  vylle,  le  8"  nouvambre  1541 . 

Achept  de  M^  Barthélémy  Gay  d'une  vigne  en  Beqausel  ou 
Larenyer,   delà  le  pont   S'  Vynsant,   aquyze  de  feu  Gateryne 
Masse,  femme  de  Fransoys  Grossy,  confrontée  en  l'instrument 
resu  par  M'=  Balthezar  Grymaud,  notere  de  cete  vylle  de  Dye, 
du  12'  jour  du  moys  de  janvyer,  1530. 

Ce  sont  les  enfens  de  l.\  troyzieme  generassion  ISUS  DE 
Antoynne  Gay  et  Jeanne  Brtinel  au  premyer  lyt  et  de 
Jeanne  Faure  au  second  lyt  ses  femmes  et  expouzes 

Thomas. 
Thomas  Gay  fut  le  premyer  des  enfents  de  Anthoynne  Gay, 
de  la  troyzieme  generasion,  et  naquyt  en  le  monde  le  28''  de 
may  1547.  Il  fut  batizé  au  comansemcnt  de  juin.  Son  paryn 
fut  domp  Thomas  Gay,  sacrestain  et  chamaryer  du  pryeurc  S' 
Marcel  les  Dye  ;  sa  marynne  fut  dame  Margueryte  Bruyère, 
femme  du  sire  Fransoys  Bertrand.  Il  heut  pour  presepteurs  en 


DES   FRÈRES   GAY,  23 

son  temps  M'  Pancrasy  Aimeras  de  Rouzans,  M*  Jean  Baron, 
de  Gascongne,  et  M'  Ervens.fransoys  de  natyon  l ,  etserandyt 


1.  Dans  le  registre  des  conclusions  de  la  ville,  7ious  voyons  sous  la  date 
du  j  2  juillet  iS57i  qu'on  prit  pour  maître  d'école  Jchd^n  Baron,  d'Avignonet, 
près  de  Tholose,  aux  gages  de  cent  florins.  Il  parait  que  celui  ci  était  déjà 
imbu  des  nouvelles  doctrines.  Au  mois  d'août  i $5^,  le  vicaire  général  de  Vé- 
véque  s'émut  de  certaines  réunions  tenues  à  l'école.  Dans  le  registre  cité.,  nous 
lisons  au  28  août  :  Ont  dit  comme  messieurs  des  écoles  huy  lesoient 
une  lecture  a  l'escolle  ou  il  y  avoit  plusieurs  gens,  et  avoir  dict  monsieur 
le  vicaire  l'a  envoyé  quérir,  et  il  luy  a  dict  qu'il  avoit  presché  l'epistre  : 
sur  quoy  (le  consul)  a  dict  avoir  faict  appeler  le  conseilh  pour  scavoir 
quel  ordre  on  y  doibt  donner.  (Le  conseilh)  arrête  que  led.  recteur  des 
escolles  lise  a  ses  escolliers  come  bon  luy  semblera  et  qu'il  ne  permecte 
qu'aultres  y  alhent,  et  que  l'on  le  luy  dye,  et  en  prendre  acte  pour  eulx 
servir  come  de  raison.  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  le  râle  des  maîtres 
d'école  dans  la  révolution  religieuse  du  XVI«  siècle.  Au  mois  d''octobie,  le  dif- 
férend entre  le  vicaire  général  et  le  maître  d'école  n''était  point  apaisé  ;  celui- 
ci,  fort  de  l'appui  du  conseil  devenait  de  plus  en  plus  audacieux  :  le  conseil 
intervint  de  nouveau.  Le  2 1  octobre  :  ont  parlé  des  propos  tenus  entre  M. 
de  Pennes  (vie.  gén.)  et  le  maistre  des  escolles  et  quel  ordre  on  pourrait 
donner  pour  les  appoincter  .  .  .  (Le  conseil)  conclud  d'eux  prendre  garde 
du  maistre  des  escolles,  et  s'il  ne  faict  ce  qu'il  doibt  d'en  faire  prendre  in- 
formations et  que  M.  de  Pennes  se  doibt  contenter  de  ce  qu'il  dit  ne 
lavoir  desmenti.  Cette  solution  n'était  pas  de  nature  à  contenter  le  vicaire 
général.  L'année  suivante.,  le  28  avril,  les  écoles  de  Die  furent  confiées  à  An- 
dréas Pomet  aux  gages  de  cent  florins  ;  le  conseil  décida  qu'il  aurait  un  se- 
cond, que  ceulx  de  la  ville  ne  payeroient  rien  et  que  les  étrangers  payeroient 
deux  sols  par  mois.  Les  écoles  à  Die,  comme  dans  plusieurs  autres  villes  de  la 
province,  continuèrent  à  être  le  foyer  des  nouvelles  doctrines.  En  i  =^60,  le  6 
avril,  le  conseil  se  réunit  :  aussy  a  esté  proposé  par  messieurs  les  consuls 
des  assemblées  qu'on  faict  a  Valence,  a  Crest  et  aultres  lieux,  et  qu'ils 
ont  somé  le  maistre  d'école  de  ne  recepvoir  aulcungs  estrangiers  ne  ceulx 
de  la  ville,  ormis  les  escolliers,  et  hier  avoir  somé  monsieur  le  juge  et 
luy  présenter  toute  ayde  et  fabveur  au  nom  de  la  ville  et  de  luy  révéler 
toutes  assemblées.  Et  luy  le  sieur  juge  leur  a  parlé  du  maistre  des  es- 
colles de  luy  balher  congé.  Les  conseillers  ont  dict  ne  scavoir  aulcunes 
choses  pour  estre  contre  led.  maistre  d'escoUes  et  que  M''  le  juge,  s'il  verse 
mal,  qu'il  le  fasse  connaistre,  come  de  raison.  Jean  Baron,  que  nous  avons 
vu  priver  de  son  emploi  de  maître  d'école  en  1 558,  n'avait  point  quitté  la 
ville,  oit  il  faisait  une  active  propagande  en  faveur  des  nouvelles  doctrines  ; 
le  1 1  février  1 561,  le  conseil  décide  de  l'expulser  de  la  ville  :  ont  parlé  de 
se  prendi-e  garde  qu'on  ne  fasse  point  d'assemblées  illicites  de  nuyt,  ne  de 
jour,  et  comis  a  messieurs  les  consuls  de  parler  aud.  Baron  et  au  beaufils 


24  MÉMOIRES 

aveq  eus  bon  grameryen.  Il  fat  mys  chés  le  sire  Anthoynne  de 
la  Biulme  i  et  sire  Jean  Martig-naq,  en  l'eage  de  seze  ou  dix 


de  Dorier  de  leur  enjoindre  de  vuider  la  ville  en  bricf.  Les  conseillers  se 
décidaient  enfin  à  cette  mesure,  dans  la  crainte  de  recevoir  la  visite  de  La 
Motlie-Gondrin.  Ces  curieux  détails,  que  nous  pourrions  multiplier,  suffiront 
pour  nous  faire  entrevoir  comment  le  calvinisme  s'est  infiltré  dans  notre  ville. 
1.  Un  curieux  travail  serait  de  dresser  la  liste  des  marchands  dauphinois 
du  A'F/«  siècle,  qui,  parvenus  à  la  fortune,  ont  fait  souches  de  gentilshommes. 
Antoine  de  la  Baume,  marchand  de  Crest,  avait  épousé  Jeanne  de  Broc;  il 
laissa  :  /»  Pierre  delà  B.,  reçu  conseiller  au  parlement  de  Grenoble  le  y^'" 
juillet  I  ^g4,  qui  eut  pour  fils  autre  Pierre,  reçu  conseiller  an  même  parlement 
le  3o  décembre  162g.  i'"  Gabriel  qui  suit.  3'  Bon  de  la  B.,  baptisé  le  12 
novembre  i s^^t  dont  le  parrain  fut  Bon  de  Broë,  conseiller  du  roi,  président 
aux  enquêtes  du  parlement  de  Paris,  et  la  marraine,  Anne  Coste,  femme  de 
Pons  Bruyère,  autre  marchand  de  Crest,  dont  les  descendants  furent  anoblis. 
Il  fut  juge  royal  et  épiscopal  de  Grenoble,  et  reçut  en  janvier  161^  des  lettres 
portant  concession  de  noblesse  en  sa  faveur.  D'Isabeau  Basset,  sa  femme,  il 
laissa  :  Alphonse,  conseiller  au  parlement  ;  Ignace,  qui  testa  en  i6SS  ;  Pierre 
chanoine  de  Die,  et  Françoise,  épouse  dWntoine  de  Dorne.  4"  Marguerite, 
baptisée  le  26  décembre  i ^84.  ~  Gabriel  de  la  B.  épousa  le  4  avil  i6o4 
Catherine  de  Pluvinel,  fille  unique  de  Jean  de  Pluvinel  et  nièce  du  célèbre 
Antoine  de  Pluvinel  (Rochas,  t.  I,  p.  255-7;.  ^' /"^  maître  ordinaire  en  la 
chambre  des  comptes  et  mourut  le  22  octobre  i  64i , père  de  :  1°  Antoine,  qui 
suit  \  —  2^  Louis,  prêtre,  avocat  en  la  cour,  conseiller-clerc  au  parlement  de 
Grenoble  (lettres  de  Meaux  i633),  prévôt  de  la  collégiale  de  Crest,  abbé  de 
Valcroissant,  prieur  de  St-Vallier,  doyen  de  Végl.  cath.  de  Die  (i644j.  Il 
testa  le  12  octobre,  mourut  le  2 y  septembre  i6y6,  à  Grenoble;  et  fut  ense- 
veli à  Saint-Sauveur  de  Crest.  Il  avait  voulu  assurer  la  fondation  d'un  sémi- 
naire pour  les  jeunes  clercs  du  diocèse  de  Die  :  le  21  septembre  i6j6,  il  avait 
passé  à  cet  effet,  devant  iV/«  Lavorel,  not.  à  Grenoble,  des  conventions  avec 
les  pères  de  l'Oratoire.  Voici  la  partie  saillante  de  ce  document  :  Comme 
ainsy  soyt  que  messire  Loys  de  la  Baulme  Pluvinel,  presLrc,  doyen  de 
lesglise  cathédrale  N.  D.  de  Dye  et  conseiller  du  Roy  au  parlement  de 
Uaulphinc,  ayc  résolu  de  faire  une  fondation  pour  l'iniitrucLion  des  ecclé- 
siastiques du  diocèse  de  Dye,  du  peuple  et  de  ceux  qui  font  profession 
de  lu  Religion  P.  R.  dans  led.  diocèse,  et  ayant  jeté  les  yeux  sur  les  ré- 
vérends pères  de  l'Oratoire  de  Jésus,  comme  des  personnes  très  capables 
pour  l'exécution  de  son  dessein  et  pour  procurer  l'advancement  de  la 
gloire  de  Uieu  dans  led.  diocèse,  il  en  auroit  communiqué  avec  le  R.  P. 
Jean-Louis  de  la  Mirande,  supérieur  de  l'Oratoire  et  du  séminaire  de 
Grenoble,  lequel  sous  le  bon  plaisir  du  général  de  lad.  congrégation  et 
de  son  conseil,  auroit  accepté  ses  bonnes  intentions  .  .  .  ISV'  Loys  de  la 
Baulme  . .  .  donne  a  lad.  congrégation  la  maison  qu'il  a  dans  la   ville  de 


DES    FRÈRES    GAY.  25 

sept  ans.  a  Crest,  pour  aprandre  l'estat  de  marchand  de  drabs 
de  soj'e,  ou  ayant  demuré  deux  ans  survint  la  segonde  guère 
cyvylle  en  France,  en  laquelle  il  print  les  armes,  en  la  com- 
pagnye  de  noble  Joachin  Faure  de  Vercors  et  se  trouva  asiegé 
aveq  les  troupes  de  la  religion  refourmée  dans  la  Cotte 
S'  André,  ou  ils  endurèrent  deux  asaults,  batue  de  six  canons, 
puys  quiterent  la  vyle.  Puys  fit  le  voyage  en  Guyenne  aveq 
Anthoynne  Gay.  son  père,  en  la  troyziemme  guère  cyvylle,  ou 
il  se  trouva  a  la  bataylhe  de  Montcontour,  ou  il  fut  prizon- 
nyer,  puys  ce  sauva,  et  en  pluzieurs  aultres  factions  de  guère. 
Il  compoza  ung  lyvre  de  ce  quy  c'etoyt  passé  audit  voyage, 
aveq  la  figure  des  vylles  quy  furent  asiegés  et  prinzes  audit 
voyage,  pourta  ausy  les  armes  a  la  quatryeme  guère,  après  les 
masacres  quy  furent  fets  aParys  en  Tannée  1572  en  cete  prou- 


Crest,  balcon  et  chapelle  en  dépendants,  confrontant  la  maison  et  jardin 
de  M""  Pourroy,  ci- devant  vice-senechal  dud.  Crest,  du  levant  maison  du 
sieur  Jean  Cresal  chirurgien,  la  rivière  de  Droume  du  vent  et  la  grande 
rue  de  bize  .  .  .  ,  lad.  maison  acquise  par  le  donateur  des  hoirs  du 
sieur  Loys  Roche,  procureur  au  siège  de  Crest  .  .  .  Lesd.  R.  Pères  sont 
tenus  instruire  les  ecclésiastiques  du  diocèse  de  Die,  catechizer  le  peuple, 
procuj-er,  autant  que  leur  sera  possible,  la  conversion  de  ceulx  de  la  R.  P. 
R..  à  l'effet  de  quoy  lad.  congrégation  sera  tenue  d'entretenir  trois  ou 
quatre  prestres  dicelle,  résidant  dans  lad.  ville  de  Crest  .  .  .,  sans  que 
néanmoins  lesd.  prestres  de  l'Oratoire  de  Jésus  soient  tenus  de  nourrir, 
ne  loger,  les  ecclésiastiques  du  diocèse  de  Dye,  ny  autres,  qu'en  payant 
ce  qui  sera  jugé  raisonnable.  Fait  à  Grenoble  en  Thabitation  du  conseiller 
de  Pluvinel,  quartier  Trois  Cloistres,  en  présence  de  M""  Pierre  de  Vignon 
de  Tarnesieu,  chanoine  et  sacristain  de  lad.  cathédrale  de  Dye.  (Archives 
de  3/"'«  de  Félines,  à  Die).  3'  Gabriel,  trésorier  desfnances  du  Daiiphinc.  — 
Antoine  de  la  B.  prit,  ainsi  que  ses  frères,  le  nom  de  Pluvinel  pour  obéir  à 
une  clause  du  testament  de  Jean  de  Pluvinel  son  aïeul  maternel.  Il  se  quali- 
fiait seigneur  de  la  Vallée  de  Quint,  Pontaix.  Egluy,  la  Rochette  et  autres 
places,  gouverneur  pour  le  roi  de  la  ville  et  château  de  Crest.  Il  épousa,  le 
23  février  i64r),  Lucrèce- Alexandrine  de  Raffelis,  fille  de  Jean  de Raffelis  de 
Tertulle,  marquis  de  la  Roque,  et  de  Lucrèce- Dupuj-  Montbrun  ;  il  en  eut  : 
Joseph  de  la  B.  en  faveur  de  qui  Louis  XIV  érigea  la  terre  d'Egluy  et  ses 
dépendances  en  marquisat  sous  le  nom  de  Pluvinel,  par  lettres  données  au 
camp  de  la  Capelle  d'Herlaimont,  juin  i6g3.  Cest  de  ce  dernier  que  descend 
Charles-Alexandre-Séraphin-Victor,  marquis  de  la  Baume  Pluvinel ,  né  à 
Paris  le  3i  mars  i8jy,  chef  actuel  de  la  famille. 


26  MÉMOIRES 

Yince  du  Daulphinné.  Leva  après  boutique  de  son  estât  et 
s'aquvt  une  boune  réputation  au  coumansement,  laquelle  il 
se  conserva  jusques  a  la  fin. 

Il  estoyt  home  de  moyenne  taylhe.  blonde  de  barbe  et  che- 
veulx,  maygre,  debonnere  et  playn  d'un  fort  subtyl  et  bon 
espryt.  Il  compoza  ung  lyvre  de  la  quatrième  guère  fette  en 
Daulphiné.  Il  fut  conselhier  en  la  mayzon  de  vylle  et  du  con- 
sistoyre.  Il  espouza  en  l'an  1579  Madelenne  Valensan,  filhe  de 
Jean  Valensan  1,  de  cete  vylle,  de  laquelle  il  heut  :  Jeanne, 
Elizabet,  et  Auguste. 

II  est  mort  en  l'eage  de  quarante-troys  ans.  au  moys  d'aoust 
myl  cinq  cents  quatrevingts  et  six,  de  la  peste  quy  fut  gene- 
ralle  en  cette  prouvince  du  Daulphiné  et  fort  grande,  de  laquele 
morut  la  moytyé  du  peuple  et  plus,  et  en  cette  vylle  de  quatre 
et  sinq  mylle  personnes.  La  myzere  i  fut  si  grande,  qu'on  vit 
en  cette  année  les  homes  par  cette  contagion  forcennés  et 
beaucop  desexperés  et  hors  de  sens.  Il  se  trouva  jour  être 
mort  cent  ou  six  vingts  personnes,  et  ne  savoyt  hon  plus  que 
fere  pour  les  enterer,  car  tous  les  galoupins  2  mouroyt.  Se 
mal  estoyt  cy  contagieus,  que  d'ausy  tôt  qu'une  personne  en 
estoyt  surprys  il  mouroyt,  et  s'et  veu  des  homes  crainte  de 
n'estre  incepvelis,  coume  une  infinyté  quy  mouroyt  et  demeu- 
royt  sans  sépulture  par  le  teroyr,  fayzoyt  leurs  fosses  et  ce 
metoyt  dedens.  Je  l'a)-  ouy  dire  a  pluzieurs  et  notament  a  ung, 
c'on  noumoyt  Jean  Chapaiisfrut,  quy  me  dyt  avoyr  fet  la 
sienne  rezolu  a  la  moit,  et  demeura  dedens  atandant  la  myze- 
ricorde  de  Dyeu,  ayant  la  peste  neuf  jours,  de  laquelle  ilgue- 
ryt.  Aultre  forcené  de  mal  ce  metrc  nu  dans  un  monceau  de 
chau  furée  et  mouryr  la.  Pire,  sa  femme  estant  morte  luy 
ayant  layssé  ung  entent,  le  geter  de  forceneryc  dans  le  tum- 
beau  vyvant  sur  les  aultrcs  cors  morts.  Ung  aultre  fere  sa 
fosse,  envoyer  apeller  son  frère,  luy  dyt  :  «  Frère,  j'ay  fet  ma 


1.  Jean    Valleiisan  était  marchand  et  habitait  dans  la  grande  rue.  Il  fut 
trésorier  de  la  ville  en  i  ^yj . 

2.  0«  désignait  sous  ce  nom  les  employés  à  gages,  qui  avaient  pour  mission 
d'enterrer  les  morts. 


DES   FRÈRES    GAY.  27 

«  fose,  craygnand  de  demeurer  a  ensevellyr,  j'ay  mon  argent 
«  caché  en  une  telle  part,  lequel  pourés  prandre  et  venyr  de- 
«  main  icy,  ou  vous  me  trouvères  mort,  aveq  une  corde  au 
«  pied,  en  laquelle  aura  au  bout  une  gance,  en  laquelle  pourés 
«  paser  ung  croq  de  boys  et  me  tyrer  dans  ma  dyte  fose  ou 
«  vous  me  couvrirés.  »  Se  quy  se  trouva  du  lendemain  tout 
ainsin  qu'y!  luy  avoyt  dyt.  Aultres  de  furye  se  presepiter  des 
fenestres  en  bas.  Aultres  couryr  par  le  teroyr  tous  nuds,  de- 
zesperés  de  mal.  Aultre,  qu'etoyt  mètre  Piere  Telmas,  taintu- 
ryer  de  draps  de  cete  vylle,  que  lors  quy  se  sentyt  féru  du 
mal  desendyt  au  bas  de  ses  degrés,  rezolu  a  la  mort,  pour  ne 
donner  poyne  aus  galoupins  le  jeter  mort  des  fenestres  en  bas 
ou  l'on  le  trouva  a  genous  les  mains  jointes,  coume  s'il  heut 
dourmyt,  mort  en  pryant  Dyeu.  Voylla  ce  que  j'ay  peu  remar- 
quer de  plus  signalé  en  cete  contagion  i. 

Je  vous  dyrey  coume  ledit  Thomas  mourut,  en  la  grange  de 
Laumet  de  AntoyneGay  son  pei^e,  et  i  fut  ensevelly.  Il  fit  une 
du  tout  belle  et  patyente  mort,  car  ung  peu  avant  qu'yl  mou- 
rut, il  apella  Glaude  Gay,sa  seur,  et  Madelenne  Vaulensan,  sa 
femme,  Jean  Brun  et  sa  femme  quy  estoint  retirés  dans  ladite 
grange,  séparés  de  luy,  pour  leur  remonstrer  coume  il  estoyt 
mort  et  qu'yl  n'y  avoyt  plus  d'espérance  de  vye  en  luy,  qu'yl 
les  avoyt  envoyés  suplier  de  venyr  la  pour  leur  dire  adyeu  et 
aveqs  eulx  prier  Dyeu.  Ce  que  s'etant  mys  en  debvoyr  de 
fere  et  mys  a  genous,  il  fit  une  très  belle  prière  a  Dyeu,  e 
estant  au  mylieu  de  sa  croyance  luy  randyt  l'ame,  laysant  pour 
son  suseseur  Auguste  Gay,son  fils  naturel  et  legityme,  Elizabet 
et  Jeanne  Gay  estant  cy  devant  decedées.  Il  fut  home  de  subtyl 
espryt,  fort  religieus  et  se  mesloyt  pour  playzir  de  la  painture, 
et  n'et  mys  pour  père  en  la  quatriesme  generasion,  pour  ce 
que  il  s'esmancypa  de  la  puysance  paternelle  et  ne  suceda  en 
l'eritage,  s'estant  contante  d'un  légat.  Voylla  en  soume  tout  ce 
que  j'ay  peu  reculhir  de  sa  vye.  Dyeu  luy  aye  fet  payx  et  my- 
zericorde.  au  non  de  son  fils  Jezus  Crist. 


1.  M.  de  Coston  a,  dans  son  Hist.  de  Montélimar,  t.  H,  p.  4^o-^,  accu- 
mulé de  fort  curieux  détails  concernant  cette  peste  de  i  586,  qui/ut  générale 
en  Dauphiné.  Voir  plus  haut,  p.  211. 


28  MÉMOIRES 


Claude 


Claude  Gay  naquyt  après  ledit  Thoumas  et  tôt  après  mourut 
au  berseau.  Je  n'ay  peu  savoyr  l'an  ny  le  jour  qu'yl  naquyt,  ne 
son  trespas,  ne  basteme.  qu'et  l'ocazion  que  je  pase  soumere- 
ment  le  discours  de  ce  quy  a  esté  de  luy. 

Claude 

Claude  Gay,  fil  he  et  troyziemeenfentduditAnthoynne,  naquyt 
au  moys  d'avryl  en  l'année  myl  cinq  cents  cinquante.  Son 
parin  fut  dom  EstyenneCay,  son  honcle,  sacrestain  du  prieuré 
S'  Marcel  les  Dye.  et  sa  marynne  damoyzelle  Claude  de  la  Tou- 
rette,  femme  de  noble  Caspar  Faure,  consegneur  de  Vercors. 
Elle  fut  maryèe  en  l'année  myl  cinq  cents  soysante  quatre  a 
honorable  cappitaine  Louys  Apays  i,  bourgeoys  de  cette  vylle, 

1.  La  famille  Appais  était  une  des  meilleures  familles  bourgeoises  de  la 
ville.  Vers  la  fin  du  A'F^  siècle,  Jean  Appais  était  dominicain  ;  il  publia  en 
75/ S  les  ouvrages  de  son  oncle  maternel  Jean  Reynard,  également  domini- 
cain et  vicaire  général  de  Vévéque  de  Die,  Gaspard  de  Tournon.  Raymond 
Appais  fut  consul  de  Die  en  15^7  ;  il  habitait  te  quartier  de  Ville-Neuve.  Il 
fut  un  des  premiers  à  embrasser  la  Réforme.  Pierre  Appais  fit  ses  études  théo- 
logiques à  Genève,  où.  il  est  inscrit  comme  étudiant  en  i sgô  \  il  fut  successi- 
vement pasteur  de  Quint  vers  1600,  de  Die  i  601-8,  de  Chastillon  i6og-2(j, 
de  Pontai.v  i63o-4.  Sur  les  plaintes  de  Vévéque  de  Die  et  à  la  suite  de  vio- 
lences commises  par  les  protestants,  lorsqu'en  1627  on  rétablit  le  culte  catho- 
ligue  à  Pontaix.  comme  aussi  pour  avoir  prêché  hors  du  lieu  de  sa  résidence, 
il  fut  arrêté,  mais  bientôt  après  mis  en  liberté.  Lorsquen  i6o3  on  fonda  Va- 
cadémie  protestante  de  Die,  Pierre  Appais  en  fut  nommé  recteur.  Le  2g  juin 
1622,  il  assista  en  qualité  de  député  de  réalise  de  Die  au  synode  de  Ponten- 
Royans,  oii  fut  prise  entre  autres  la  résolution  suivante  :  Quelques  colloques 
de  ccstc  province  n'ayant  point  faict  nomination  de  ceux  qui  recucilie- 
roicnt  les  mémoires  des  églises,  touchant  les  faicts  mémorables  arrives 
en  iccllcs  despuis  la  Réformation,  selon  ce  qui  en  avoit  été  ordonné  par  le 
synode  précédent,  a  été  dict  que  chaque  colloque  nommera  le  sien  et  a 
cest  cffcct  ont  été  eslus  et  choisis  le  sieur  Félix  pour  le  colloque  du 
Viennois,  le  sieur  Murât  pour  le  Valentinois,  le  sieur  de  la  Croze  pour  les 
Baronnies,  le  sieur  Conel  pour  l'Emhrunois,  le  sieur  de  la  Colombicrc 
pour  le  Gapencois,  le  sieur  Guerin  pour  le  \'alcluson  et  le  sieur  Appaix 
pour  le  Diois,  auxquels  leurs  colloques  feront  tenir  dans  trois  mois  préci- 
sément tous  les  mémoires  qu'ils  pourront  recueillir  en  leurs  églises,  de 
quoy  les  dits  autres  pasteurs  rendront  compte  au  synode  prochain.  T., a 


DES     FRÈRES    GAY.  29 

duquel  elle  heut  troysfils  et  deuxfilhes,  savoyr:  Jean  et  aultre 
Jean,Piere,Philipeet  Madelenne.  Ils  demeurarent  vingt  et  sept 
ans  ensemble,  et  puys  ledit  Louys  mourut  de  la  peste  en  sa 
grange  du  bourg  de  Quint,  ou  il  se  retyra  et  y  fut  ensevelly, 
ayant  ataint  l'eage  de  quarante  sept  ou  quarante  huyt  ans, 
ayant  vequ  le  durant  de  sa  vye  fort  vertueuzement,  s'estant 
trouvé  en  pluzieurs  combats, durant  les  quatre  gueres  cyvylles, 
quy  furent  en  ce  royaume,  a  l'ocazion  des  religions,  ou  il  se 
pourta  tousjours  vaylhement  et  en  home  d'honneur.  Ladite  Gay 
demeura  veufve,  ne  se  voulut  remarier,  a  l'ocazion  de  l'amytyé 
qu'elle  avoyt  a  ces  entens.  Elle  estoyt  de  petite  estature,  blonde 
des  cheveuls,  femme  diligent  et  vertueuze,  playnne  de  grand 
amytyé  envers  les  siens  et  devotieuze  en  sa  religion.  Elle  avoyt 
lors  que  sond.  mary  mourut  ataynt  l'eage  de  trante  huyt  ans 
et  [  est  morte  en  l'année  1634  le  vingt-huit  de  janvier  a  dix 
[  heures  de  nuict,  toujours  priant  Dieu  et  requérant  ses  amis  de 
[  prier  Dieu  pour  elle,  a  ce  que  Dieu  la  retira  en  son  paradis.  ] 

Gaspar 

Gaspar  Gay, fils  de  Anthoine,  naquyt  ungjour  de  lundy,  huy- 
tieme  de  septambre,  en  l'année  myl  cinq  cents  soysante,  entre 
quatre  et  sinq  heures  du  matin.  Son  paryn  fut  noble  Gaspar 
Faure,  consegneur  de  Vercors,  et  sa  marynne  damoyzelle 
Louyze  Faure,  sa  tante  maternelle,  femme  de  monsieur  M^ 
Claude  Caty,  docteur  et  avocat  de  cete  vylle.  Yl  fut  batizé  en 
l'esglize  roumaynne,  dens  le  temple  de  S'  Jean,  quy  estoyt  dans 
l'enclos  de  la  grand  esglize  Notre  Dame  de  Dye,  et  après  noury, 
ayant  ataint  l'eage  de  sinq  ans,  son  père  le  mena  a  Granne  l,ches 
son  honcle  le  sire  André  Frayse,  quy  avoyt  expouzé  damoyzelle 
Margueryte  Faure, seur  de  sa  mère, ou  ildemeuraquelqueanée, 
et  après  retourna  en  cette  vylle. 

France  protestante,  t.  I  (18/7),  colon.  2g4,  signale  l'ouvrage  suivant, 
tout  en  le  déclarant  introuvable  :  Deux  homélies,  l'une  des  miracles  du 
Christ  au  ventre  de  la  sainte  et  glorieuse  vierge  sa  mère,  l'autre  de  l'ex- 
trême cheute  et  merveilleux  relèvement  du  roy  Manassé  ;  item  les  fruicts 
divers  d'une  muse  chrétienne,  par  le  sieur  Pierre  Appaix,  Daulphinois, 
759S,  in-S". 
1.  Grasse,  ch.-l.  de  canton  de  Varrond,  Je  Valence. 


30  MÉMOIRES 

Luy  fut  baylhé  pour  son  premyer  précepteur,  en  l'année  1566, 
mestre  Jean  Roubert,  natif  de  Gresse,  en  Triesves,  quy  estoyt 
bon  latin  et  grand  mayryen,  lequel  demeura  deus  ans  en  cete 
mayzon  pour  Tinstruyre  aveqs  Danyel  Gay  son  frère,  lesquels 
pasés  survint  au  moys  de  septembre  1568  la  troyziemme  guère 
cyvylle,  en  laquelle  falut  que  seus  de  Prouvance  de  la  religion 
refourmée.  du  Dauphiné,  Languedoq,  Vyvarés  et  Auvergne, 
Forets  et  Beaujoioys  lisent  une  armée,  laquelle  ils  dreserent,  et 
fut  le  peuple  lors  de  ladite  religion  sy  abruty  et  horsde  sens  que 
les  princes  de  Condé  et  amyraylh  ne  leur  ayant  demandé  que 
dix  mylle  homes,  s'en  trouva  plus  de  trante  et  la  moytyé  et  plus 
des  personnes  inutiles  au  combat,  lesquels  aryvés  en  Guienne 
près  desdits  princes,  furent  estouncs  de  voyr  une  telle  foulle 
de  peuple.  Car  le  zelle  de  religion,  quy  estoyt  plus  abondant 
qu'a  ce  jourdhu}',  i  pourta  jusques  aus  viens  de  soysante  et 
septante  ans,  les  jeunes  de  dix  et  douze  ans,  les  boyteus  et 
mal  dispozés  de  leur  personne,  et  en  tel  nombre  qu'yl  sortyt 
de  cete  ceule  vylle  plus  de  sept  cents  personnes,  desquelles 
n'en  retourna  deux  cents. 

La  vylle  donq  abandonnée  fut  sayzie  par  le  segneur  de 
Gordes,  lyeutenent  de  roy  pour  Ihors  en  cete  prouvince,  ou  luy 
mesme  vint  en  personne  et  i  myt  garnyson.  Ledit  M=  Roubert 
s'en  fuyt,  car  il  estoyt  de  la  religion,  et  se  retira  en  Grese,  a  la 
mayzon  de  son  père,  ou  ma  mère  nous  envoya  en  l'anée  1569 
en  may,  et  i  demeurâmes  six  moys.  Du  despuys  nous  mena  a 
Rouyssas  l  en  Triesves,  ou  mondit  frère  et  moy  demeurâmes 
deux  ans  coumysauls  en  la  mayzon  de  sire  Claude  Rouland, 
dit  le  Baron. 

La  payx  de  l'année  1570  estant  fête,  nous  retyrames  a  Dye 
dans  la  mayzon  de  nostre  père,  quy  estoyt  de  retour  de  son 
voyage  de  Guyenne,  ou  fusmes  mys  a  l'escolleaveq  M'^Giraud, 
régent  par  lors  en  l'escolle  de  cette  vylle.  En  l'année  1572  il 
mourut,  et  lors  les  masacres  de  Parys,  Rouan,  Lyon  et  aultres 
villes  se  firent  sur  ceuls  de  la  religion,  ou  fut  monsieur  l'amy- 
raylh  tué  aveqs  beaucop  de  noblesse,  et  par  toute  la  France  fut 

1.  Roissar-en-Triève,  com,  du  cant.  de  Mens. 


DES    FRERES    GAY.  31 

masacré  plus  de  trante  mylle  personnes.  Ce  bel  acte  se  coumyt 
durant  le  règne  de  Charles  de  Valoys  neufiesme  de  se  nom, 
quy  aporterent  une  grande  ruyne  en  ce  rouyaume,  et  furent 
contraints  les  troys  parts  de  seuls  de  ladite  relygion  d'alhera 
la  messe.  Leurs  afFeres  estoit  par  lors  byen  bas.  Dyeu  y  prou- 
veut  fort  myraculeuzemeiit,  car  aveq  une  pougnée  de  gents 
quy  estoyt  encor  demeurés,  il  redressa  les  ruynes  de  son  es- 
glize.  En  cette  anée  et  les  deux  suyvants,  nous  heumes  pour 
précepteurs  M'^Nycolas  Sageryns,  italien  de  nasion,  et  du  des- 
puys,  monsieur  Fortys  fransoys. 

En  l'année  1573  les  armes  pour  la  quatryeme  guère  furent 
levées  en  cete  prouvynce  par  les  segneurs  de  Montbrun.  de 
Myrebel,  de  Lesdiguieres,  Morges,  Champoulyon  i,  Blaconds, 
Comps,  Gouvernet,Vercoyran  et  le  Poyt,  gentilzhomes  de  cete 
prouvincede  la  religion  reformée,  soubs  l'autoryté  du  roy  de 
Navare  et  prince  deCondé,  quy  estoyt  protecteur  des  Esglizes. 

En  cete  année,  Monsieur  de  Myrebel,  aveq  ses  troupes, 
donna  l'escalade  en  cete  vyle,  vers  la  tour  de  Baumes  2,  ou  il 
fut  repoussé  par  le  capytene  Mayres  et  les  abitans  de  cete 
vylle. 

En  l'année  1574,  au  moys  d'octobre,  le  dit  sieur  de  Myrebel 
entra  par  escalade  dans  Dye,  y  ayant  unne  entreprinse,  laquelle 
estoyt  fette  par  ung  capporal  Brignole  et  son  frère  et  ung  nou- 
mé  Barachin  leur  compagnon,  prouvensauls.  Ils  furent  re- 
pousés  et  sortys  dehors  par  l'eschelle  qu'yls  estoint  antres, 
vers  la  Tour  de  Ste  Agathe,  ou  le  dit  Brignole  etoyt  de  garde, 
par  noble  Claude  de  Lhere,  segneur  de  Glandage,  gouverneur 
par  lors  de  ladite  vylle,  et  le  segneur  de  Vercors,  honcle  ma- 
ternel du  dit  Gaspar,  qui  estoyt  Ihieutenent  du  dit  sieur  de 
Glandage  et  habitans  de  la  dite  comunaulté.  Il  pleut  toute  sete 

1.  Giraiid  de  Bérenger  de  Morges,  seigneur  de  Tréminis,  Le  Monestier  de 
Percy,  Revel,  etc.,  capitaine  de  -,0  hommes  d'armes,  Jils  de  Jean  et  de  Olive 
Odde  de  Bonniot  ;  //  épousa  Georgette  de  Bérenger  du  Gua  etmourut  en  i^Sy. 
—  Albert  Martin,  seigneur  de  Chatnpoléon  et  d'Orcières,  capitaine  de  §0 
hommes  d^armes,  Jils  de  Georges  et  de  Françoise  Gombert  ;  il  épousa  Made- 
leine de  Bérenger  de  Gua,  sœur  de  Georgette. 

2.  La  seconde  tour  au-dessus  de  la  porte  S'-Pierre, 


32  MÉMOIRES 

nuyt,  qu}''  fut  cauze  que  le  dit  sieur  de  MjM'ebel  ne  peult 
randre  grand  combat.  Il  y  perdit  une  ving-tayne  de  ses  gents  ; 
de  seus  de  la  vylle,  i  mourut  le  capitenne  lesOuches  l,  ensegne 
du  sieur  de  Glandage,  Monsieur  de  Poumyer  serg'cnt  majour, 
le  sire  Francoys  Bertrand,  marchand  de  cette  ville,  M''  An- 
thoynne  Lambert  notere  et  secretere  de  la  mayzon  de  vylle, 
et  le  chanoyne  de  Pennes  et  troys  ou  quatre  aultres.  Ledit 
Brignolle  et  son  frère  se  sauvèrent,  et  Barachin  fut  prizonnyer 
et  pendu,  quy  acuza  fausement  Jean  Reymond ,  fils  du 
Margnaud,  marchand  drappier  de  cete  vylle,  quy  fut  injuste- 
ment executté. 

Nous  demeurions  par  lors  vers  M^  Guylhen  Barnaud,  paintre 
et  escryvein  de  cete  dite  vylle,  ou  nousapprennyons  d'escripre 
et  d'arymetyque. 

Au  coumancement  de  l'année  1575,  le  dyt  Gaspar  ala  trou- 
ver son  père,  quy  estoyt  gouverneur  soubs  le  segneur  de 
Montbrun  en  Espennel,  ou  il  coumansa  de  porter  l'arquebuze 
et  fere  sentynele,  ayant  d'eage  de  quatorze  a  quinze  ans,  ou 
demeurarent  deux  ans.  La  paix  fette,  sondyt  père  se  retira  et 
luy  ausy  en  cete  vylle. 

La  sinquyeme  guerre,  quy  vint  en  Tannée  1577,  son  père  le 
donna  pour  page  a  noble  Claude  de  Laryviere,  segneur  de  Ste 
Marye,  Bruys  et  Montrnorin,  et  par  lors  capitenne  d'une  com- 
pagnye  de  gents  de  cheval  et  mareschal  de  camp  en  cete  prou- 
vinse,  ou  il  demeura  quinze  moys.  En  cete  année  fut  veu  au 
siel  unne  grand  estoylle  chevelue,  quy  dura  ung  moys  et  suy- 
voyt  la  lune. 

La  payx  fête  en  France,  il  fut  envoyé  a  Crest,  au  couman- 
sement  de  l'an  1579,  pour  aprandre  Testât  de  marchand  dedraps 
de  soye,  fut  mys  chés  le  sire  Piere  Barbeyer,  marchand  de  la  dite 
vylle,  ou  il  demeura  deux  ans,  desquels  donna  sinquante  deux 

1.  La  terre  des  Hoches,  dans  le  7'rièves,  appartenait  alors  à  une  famille 
de  ce  pays,  nommée  Jouven.  Guignes  de  Jouven,  écuyer,  seifçneur  de  Roissas, 
au  diocèse  de  Die,  vers  l'an  i $oo  épousa  Jeanne  des  \'ieux,  et  laissa:  Georjxes 
de  Jouven  qui  fit  sa  sœur  héritière  ;  et  Jeanne  de  Jouven,  mariée  en  i  ^44  à 
Ilumbert  de  la  Tour,  écuyer,  seigneur  de  la  Saigne,  en  présence  de  noble 
liait hasar  de  Jouven, 


DES   FRÈRES   GAY.  33 

escus.  Après  il  fit  un  voyage  a  Genève,  ou  il  demeura  prés 
d'ung  moys,  puys  fit  ung  voyage  a  Marselhe,  ou  il  demeura 
aultant,  puis  se  rezolut,  par  l'advys  de  ses  parants,  d  alher 
servyr  a  Lyon,  ou  il  alla  et  y  demeura  en  l'année  1581  jusques 
en  l'année  1582,  anvyron  quinze  moys,  chez  le  sire  Claude 
Noyrat,  marchand  des  draps  de  soye,  demeurant  en  la  rue 
Mersiere,  audevent  de  l'ensegne  de  l'escu  de  Basle.  Il  luy  falut 
quyter,  a  cauze  de  la  peste,  et  y  vyt  en  l'an  1582,  le  roy  Henry 
de  Valoystroyzieme,  à  la  place  des  Gordelliers  et  dans  l'esglize 
des  Selestins  audit  Lyon  :  s'estant  retyré  en  la  mayzon  de  son 
père  et  y  demeuré  quelques  anées,  dans  lesquelles  Monsieur 
le  duq  de  Mayene  et  le  sieur  de  Maugiron  firent  bastyr  une 
cytadelle  dans  Dye  i,  contre  le  gré  et  volonté  de  la  plus  grand 
partye  du  peuple  estant  à  la  pays,  pour  tenyr  bridés  les  ha- 
bytans  de  ladite  vylle  et  i  coumyrent  noble  Hugues  de  Lere, 
segneur  de  Glandage,  pour  gouverneur,  lequel  y  ayant  de- 
meuré jusques  en  mars  1585  ce  desclera  devant  le  temps  et  mai 
a  propos  du  party  de  la  ligue  de  messieurs  de  Guyze,  quy 
tendoyt  a  oter  la  couronne  de  la  mayzon  de  Valoys,  Henry  HI 
regnand,  pour  la  transpourter  a  la  leur,  ce  que  Dyeu  a  myra- 
culeuzement  empesché  ;  lequel  de  Glandage  se  sayzit  de  vive 
force  de  la  personne  de  noble  Jean  de  Gramont,  segneur  de 
Vachières  -,  et  de  sertains  ses  domestiques,  quy  pasent  par 

1.  Voir  plus  haut,  p.  iSg.  Nous  avons  dit  qu'on  avait  songé  d'abord  à 
fortifier  la  maison  de  Chabestan.  Quelques  notes  compléteront  les  détails  que 
nous  avons  donnés.  Cette  maison,  appelée  autrefois  la  maison  d'Aix  fut  ven- 
due par  Louis  Artaud  de  Montauban,  seigneur  de  Recoubeau  et  d'Aix,  à  noble 
Pierre  Bergier,  qui  en  fournit  un  dénombrement  en  i S'^^-  ^^  dernier  fit  son 
testament  à  Die,  devant  André  Masseron  notaire,  le  4  mai  i  ^43  et  mourut 
peu  de  temps  après.  De  sa  femme,  Catherine  de  Pennes,  il  n'avait  laissé 
qu'une  fille,  Jeanne,  mariée  à  noble  Jean  de  ReviUiasc,  seigneur  de  Chabestan, 
en  Gapençais  :  il  avait  désigné  pour  son  héritier  universel  son  petit  fils  Jean- 
François  de  Revilhasc. 

2.  Jean  de  Grammont,  seign.  de  Vachères,  était  fils  de  Guillaume,  seign, 
de  Vachères,  St-Benoit,  Rimont,  La  Chaudière,  et  de  Claire  de  la  Beaume- 
Suze.  Il  était  capitaine  de  ^o  hommes  d'armes,  fut  membre  du  conseil  de  jus- 
tice établi  à  Die  en  r^Sj,  et  mourut  vers  J 5g2,  sans  laisser  d'enfant.  Sa 
veuve,  Jeanne  de  Budos  de  Portes,  se  remaria  Vannée  suivante  avec  le  conné' 
table  de  Montmorency.  La  seigneurie  de  Vachères  passa  à  Louis  de  Grant- 
mont,  frère  de  Jean. 


34  MÉMOIRES 

cette  vylle,  pour  sen  aller  a  Gap,  vers  le  segneur  de  Lesdi- 
guieres,  fut  par  luy  aresté  et  fet  prizonnyer,  mené  en  la  cyta- 
delle,  quy  estoyt  vers  Sainte  Agathe,  aveq  pluzieurs  habytans 
de  la  vyle  acuzés  de  ce  vouloyr  sayzir  de  la  vylle.  Tous  ceuls 
de  la  religion  furent  en  cete  vyle  en  ung  fort  grand  dangier  de 
mort  et  de  sacage,  par  la  temeryté  du  dit  de  Glandage,  quy 
estoyt  fort  inconcyderé  :  mes  Dyeu  y  prouveut  par  le  moyen 
de  certains  catoliqs  des  princypauls  de  cette  vylle,  gents  de 
byen  quy  l'en  empescherent,  aveq  l'ayde  Dyeu.  Il  fut  eauze 
d'ung  grand  byen,  non  seulement  pour  cette  provinze,  mes 
pour  toute  la  France  ;  car  il  descouvryt,  avant  le  temps,  l'em- 
teprinze  de  Mesieurs  de  Guyze,  quy  estoyt  de  s'aproprier  la 
couronne  et  randre  reclus  et  moyne  le  roy  et  extermyner  la 
religion  refourmée  en  France.  Dyeu  par  voyes  incougnues  aus 
homes  y  a  sagement  prouveu. 

Cella  fut  cauze  que  les  armes  furent  myzes  debout,  par  ceulx 
de  ladite  religion,  quy  se  tyndrent  sur  les  gardes, et  coumansea 
la  sixième  guère  cyvylle  en  France  le  premyer  d'avryl  en 
l'anée  mil  cinq  cents  huytante  sinq. 

En  cette  dyte  anée,  au  moys  de  Janvyer,  je  fus  resseu  archer 
aus  gardes  de  Henry  de  Bourbon,  roy  de  Navarre,  et  heus  mes 
letres  signées  et  celées,  ne  peus  alher  servyr,  a  l'ocazion  de  la 
guère  quy  a  longuement  duré  et  pourté  de  ruyne  et  domage 
en  se  pouvre  rouyaume,  car  en  touttes  les  aultres  gueres  ne 
s'etoyt  tant  fet  de  mal  au  peuple  qu'en  celle  cy,en  laquelle  s'es- 
tablyt  une  telle  tyrannye  par  certains  de  la  noblesse,  ayant 
coumandement  de  guère,  que  après  avoyr  cytadellé  toutes 
les  vylles  du  Daulphinô,  ils  prindrent  d'une  telle  fason  sur  le 
peuple,  qu'yls  ruynèrent  tout,  et  ce  trouva  anée  avoyr  levé  sur 
le  pouvre  Tiers-Estat  ung  mylion  cinq  cents  myle  escus  et  plus. 

En  may  en  l'année  1585,  le  dit  de  Glandage  fut  mandé  par 
les  Princes  de  la  Ligue  et  partyt  de  cete  vylle  aveques  troupe 
pour  sen  alher  les  trouver,  coume  il  fit,  en  France.  Il  laysa 
pour  gouverneur  en  la  ville  et  cytadellc  le  segneur  de 
Veaulne  l  aveq  troys  compagnyes  de  gents  de  pyed,  lesquels 

1.  Jean  de  Fay  de  Soli^nac,  seigneur  de  Veaunes,  près  de  Curson,  écuyer^ 


DES   FRÈRES    GAY.  35 

entrèrent  eu  quelque  dyvyzion  et  fut  tué  ung-capitenne  d'eulx 
a  la  place,  quy  cauza  une  telle  disension  parmy  euls  qu'yl  falut 
qu'yls  quytasent  la  vylle,  laquelle  du  despuys  fut  gardée 
quelques  moys  par  les  habitans,  le  sieur  de  Veaulne  y  cou- 
mandant,  et  pour  ce  que  la  guère  n'etoyt  encor  fort  desclarée 
contre  ceulx  de  la  religion,  car  il  ne  se  parloyt  alors  que  de 
royalistes  d'un  party,  et  de  l'aultre  Guizards,  et  que  ceulx  de 
la  religion  tenoyt  le  party  du  roy.  Ceulx  delavylece  rezolurent 
de  tenyr  le  party  du  Roy  et  envoyèrent  queryr  ceulx  de  la  reli- 
gion de  la  dite  vylle, quy  estoyt  a  Pontays,  Menglon  etaylheurs 
portans  les  armes  s'en  estant  sortys,  après  l'eslargisement  du 
segneur  de  Vachieres,  pour  la  crainte,  d'envyron  troys  cents 
homes  pourtans  les  armes,  leur  promettent  de  garder  la  vylle 
pour  le  roy  aveques  eulx,  ils  vyndrentet  entrèrent,  mes  doub- 
tant  que  ce  ne  fut  pour  les  atrapper,  ils  se  tyndrent  armés 
sur  leurs  gardes,  et  ayant  quelque  avertisement  se  bariquerent 
contre  la  cytadelle  etans  coumandés  les  dits  habitans  par  les 
capitennes  Chabanas  et  Marye  et  certains  aultres.  Cetoyt  au 
moys  de  juihet  1535,  que  j'estoys  ensegne  d'une  compagnye 
de  cent  homes  de  pied,  soubs  le  segneur  de  Soubreroche,  pour 
le  servyce  du  roy  ou  je  vins  acompagné  de  sinquante  arque- 
buziers,  tous  de  cete  vylle  et  par  lors  de  nostre  compagnye. 

il  aryva  en  cete  vylle  deux  conselhers  de  la  cour  de  Parle- 
ment de  Grenoble  aveq  ung  secrettere  pour  enjoindre  quon 
heut  a  mettre  bas  les  armes.  Je  fus  coumys  alhors  pour  alher 
trouver  monsieur  de  Lesdiguyeres  et  mesieurs  de  la  noblesse, 
asamblés  a  Rouzans,  et  les  supplier  de  nous  asister,  ce  quyls 
firent.  Car  ils  comyrent  alhors  d'entreus  les  segneurs  de  Gou- 
vernet  et  Dupoyt  pourvenyr  parlher  et  trayter  aveques  les  dits 
conselhiers,  aveq  lesquels  ils  ne  peurent  convenir,  et  je  vyns 
aveq  eulx.  Lesdits  conselhiers  s'en  retournèrent  à  Grenoble 

était  d'une  très  ancienne  famille  du  Vivarais.  Il  eut  de  Françoise  Payn  trois 
enfants  :  i"  Antoine,  d'abord  homme  d'armes  deja  compagnie  de  Clermont, 
puis  capitaine  d'une  compagnie  de  200  hommes  à  la  solde  des  habitants  de 
Romans  et  commandant  pour  le  roi  en  cette  ville  (i ^82-4)^  enfin  gouverneur 
de  Die  (i  ^86-qo)\  — 2<>  Justine,  qui  épousa  Antoine-Pierre  d'Albignac,  sieur 
de  St-Muris;  —  3"  Jean,  sieur  de  Cherinet  et  de  Veaunes, 


36  MÉMOIRES 

en  seurté,  et  nous  nous  rendismes  niestres  de  la  vylle,  asiea- 
geames  la  cytadelle,  laquelle  dans  troys  jours  se  randyt,  et  fut 
après  convenu  la  razer.  se  qu'on  fit  aveq  une  telle  impetuozité 
et  fureur  de  peuple,  que  jusques  aus  femmes  et  petits  enfents 
y  acoururent,  de  fason  que  myraculeuzement  ce  quy  c'etoyt 
basty  aveq  grand  despance  en  deux  ans,  fut  ruyné  en  deux 
jours.  Vray  exeubple  aus  tirans  pour  voyr  qu'yl  n'y  a  ryen  de- 
stable au  monde,  et  ce  qu'on  estyme  fere  pour  longtemps  est 
byen  souvent  ruyné  dans  ung  ryen  par  des  moyens  incougnus  ; 
car  cette  sitadelle  estoyt  capable  de  tenyr  troys  ans  sans  canon 
et  dans  troys  jours  elle  fut  randue  et  razée  par  le  peuple.  Il 
n'y  a  ryen  parmy  les  peuples  quy  soyt  tant  aymé  que  la  lyberté 
et  au  contrere  tant  hay  que  la  servytude.  Donq  le  vray  moyen 
pour  s'aqueryr  et  mayntenyr  les  peuples  et  de  les  cheryr  et 
aymer  et  ne  les  aservyr,  car  celluy  quy  ryt  aujourdhuy  pleure 
demain  et  fet  mauves  estre  hay  du  peuple. 

La  sitadelle  donq  randue  et  promys  par  lesdits  segneurs  de 
Gouvernet  et  du  Poyt  de  n'y  en  rebastir  a  l'advenir  aulcune,  il 
fut  querelle  entre  eux  du  gouvernement  :  d'où  pour  les  sortyr 
de  différent  firent  fere  asemblée  generalle  du  peuple,  d'où  le 
sieur  de  Gouvernet  empourta  le  plus  de  voys  et  fut  esleu  pour 
gouverneur,  et  maie  pro  }io{bi)s. 

Mon  père  fut  sergent  majour  i  soubs  luy  et  non  guyeres 
longtemps.  Au  moys  après  nous  alasmes  a  l'exsecusion  de  la 
prinze  du  Monthelymar,  quy  fut  emportée  par  troys  coups  de 
pétard  qu'on  douna  a  la  porte  S'^  Martin.  Nous  y  fusmes  as- 
siégés par  le  segneur  de  Maugiron  et  batu  de  deux  canons.  Le 
siège  fut  levé  et  nous  gardasmes  la  ville. 

L'année  suyvant  myl  cinq  cents  huytante  six,  au  moys  de 
juin,  la  peste  don  j'ay  parllé  sy  amplement  cy  devant  y  fut 
recougnue.  laquelle  fut  fort  grande. 

Le  sieur  de  Gouvernet,  le  segond  de  juin,  partyt  de  Dye,  et  le 
sieur  de  Soubrerocheet  moy  son  ensegne  aveques  nostre  com- 


1.  Le  sergent-major,  choisi  par  le  co)iscil  de  ville,  était  chargé  de  veiller 
au  bon  ordre  de  la  cité  ;  on  le  frenail  oi-dinaironoil  parmi  les  capitaines  de 
la  garde  bourgeoise. 


DES   FRÈRES   GAY.  37 

pagnye  et  les  trouppes  du  segneur  de  Lesdiguieres  asieagearaes 
Guyihestre,  ou  nous  demeurasmes  quinze  jours,  et  ne  la 
peusmes  prandre.  Ayant  quyté  le  siège,  alames  au  devant 
de  Gap  ou  demeurasmes  quinze  jours  et  y  fismes  le  gast, 
après  retourney  à  Chastillon,  ou  ayant  demeuré  ung  moys, 
servant  et  aydent  des  vyvres  a  mon  père,  quy  fayzoit  sa  qua- 
rantaynne  au  Martouret,  en  sa  grange  aveq  sa  famylhe,  en 
nombre  de  douze  ou  quinze,  ou  il  se  prezerva  myraculeuzement 
aveq  l'ayde  de  Dyeu  de  mal  luy  et  les  siens,  sans  qu'yls  heussent 
jamés  aucun  mal  en  leurs  personnes.  Il  y  heut  peu  de  fa- 
mylhes  a  Dye  desquelles  il  ne  mourut  quelquun  fors  qu'en  la 
sienne.  La  peste  s'estant  myze  a  Chastilhon,  nostre  compagnye 
ce  desbanda  et  je  quytys  et  allis  fere  ma  quarantayne  a  Bar- 
nave,  ou  ayant  demeuré  envyron  ung  moys  je  fus  mandé  par 
le  sieur  de  Gouvernet,  lequel  j'aley  trouver  et  me  ranger  en  sa 
compagnye  de  gendarmes,  ou  demeurey  six  moys  ;  puys  a  la 
iin  de  janvier  15B7  m'envoya  a  Dye,  pour  savoyrsy  tout  estoyt en 
bon  estât  et  s'il  y  avoyt  a  craindre.  Je  l'avertys  que  tout  y  estoyt 
byen  et  quyl  pouvoyt  venyr  en  aseurance,  ce  quyl  fit  etaryvé, 
me  douna  la  charge  de  sergent  majour,  que  j'eszercey  durant 
les  anées  1587  et  88  et  89  et  90  et  91  jusques  au  coumen- 
cement  d'aoust  que  je  quittey  et  me  retirey  a  nostre  ménage. 
En  ladite  anée  1587  et  le  20  avryl,  je  fiancey  Louyze  Engil- 
boud,  filhe  de  feu  sire  Jean  Engilboud  l,  bourgeoys  de  Dye,  et 

1.  Jean  Engilboud,  marchand  de  Die,  avait  embrassé  la  Réforme  ;  il  fut 
consul  avec  Guillau>ne  de  Vaulserre  en  l'année  i  •,68.  Pendant  la  durée  de 
sa  charge,  la  ville  fut  menacée  d'un  démantellement  \  le  2g  juillet,  Etienne 
Charrency  se  présentait  au  conseil  apportant  une  lettre  de  messieurs  les 
commissaires  a  faire  desmantelier  les  villes  et  que  quelques  uns  ont  dict 
et  rapportés  auxdits  commissaires  que  la  ville  ne  veult  permectre  le 
desmantellement,  ains  qu'ils  veulent  endurer  le  coupt  de  canon  et  qu'ils 
feront  venir  les  compagnies  de  Roma.ns.  Le  4  mars  /S52-,  il  avait  acquis 
aux  enchères  publiques  une  partie  des  biens  de  feu  Jacques  Gayte,  notaire, 
que  Claude  Gayte,  tuteur  du  jeune  Hercule  Gayte,  fils  de  Jacques,  avait  mis 
en  vente.  Jl  fut  père  de  Louise  Engilboud,  qui  épousa  par  contrat  du  2 ^  février 
755/  (n.  s.)  Jean  Lambert,  de  Lesches.  et  fut  dotée  de  3oo  écus  d  or  sol,  et 
de  Hercule  Engilboud.  Celui-ci  fut  anobli  en  160S  et  acquit  plusieurs  terres 
et  droits  féodaux  :  la  parerie  de  Muret  à  Vassieux  et  celle  des  Gironde,  de 
Die  ;  Charles  Artaud  de  Montauban  lui  vendit  peu  de  temps  après  la  seigneu- 
Bulletin  d'hist.  eccl.  ...  de  Valence.  4 


38  MÉMOIRES 

de  damoyzelle  Marye  Reynarde,  filhe  de  feu  noble  Gaspard 
ReyiiardjSsgaeur  de  Saint  Aulban  etVauldroume,et  l'espouzey 
le  26  du  moys  de  septembre  soubs  l'aie  du  marché,  ou  pres- 
choyt  monsieur  Barbyer,  mynistre  natifde  cete  vylle,  qui  nous 
espouza. 

En  l'anée  1590  et  le  8  de  febvryer,  nous  eusmes  nostre  l^'- 
fils  Hercules,  duquel  sera  cy  après  parllé. 

Le  VI  du  moysdemars  lo93,monseg'neur  Charles  de  Leberon, 
eveque  et  conpte  de  Valance  et  Dye  me  donna  la  chargée  de 
coureyer  l.  qu'est  le  segond  olicyer  qu'il  aye  au  dit  Dye,  que 
j'exersey  les  troys  ans  lymytés  a  tenyr  ladite  chargre,  car  on 
ne  la  peult  tenyr  davantage  pour  ce  qu'elle  et  trianelle  coume 
celle  de  juge. 

En  ladite  anée  me  survint  deux  forts  grands  et  mesme  troys 
aflictions.  La  premyere  fut  ugne  fort  grand  maladye  qui  survint 
a  ma  femme,  estant  en  couche  de  son  premyer  fils,  de  laquelle 
il  pansa  mouryr  et  ne  luy  tenoyt  hon  plus  de  vye.  La  segonde, 
la  mort  de  HercuUes  Gay,  nostre  fils.  La  troysierne,  la  mort  de 
Danyel  Myelon,  soldat  de  sette  vylle,  quy  fut  tué  par  moy  par 
une  fort  grand  disgrâce,  le  15  de  nouvambre  t59D,  moy  estant 
coreyer  et  serjent  majour,  de  laquelle  j'eus  grâce  du  Roy 
Henry  de  Bourbon,  quatriesme  de  se  non,  Roy  de  France  et 
de  Navare,  laquelle  je  interyney  a  Crest.  Je  reseus  une  fort 
grand  tristesse  de  la  mort  dudit  Myelon  et  me  pansa  de  tris- 
tese  couttcr  la  vye.  L'atfere  en  vint  de  cete  fason.  Danyel 
Myelon,  estant  soldat  en  la  compagnye  du  capitenne  Jean  de 
Chabanas,  mon  beau  frère,  a  l'ocazion  de  ce  qu'il  a  expouzé  la 
seur  uteryne  de  Louyze  Engilboud  ma  femme,  l'ayant  servy 
l'espace  de  cinq  ou  six  moys,  n'ayant  heu  aulcun  payement,  se 


rie  de  Boule  et  sa  parerie  de  Soubreroche,  moyennant  20,000  livres.  IJélénj 
Artaud,  sa  veuve,  constituait  en  16 3.^  une  pension  de  12  livres  au  consistoire 
de  Die,  et  en  même  temps,  noble  René  d'Engilboud.  son  fils,  seigneur  de 
Boule,  eoscigneur  de  Vassieux,  en  constituait  une  de  20  livres  au  même  con 
sistoire.  René  n'eut  qu'une  fille,  Melchionne,  qui  épousa  vers  idi/o,  Alexandre 
Bardonenche,  conseiller  au  parlement. 

1.   OJicier   de  justice,   dont   les  fonctions  répondaient  à  celles  qu'exercent 
aujo.ird  hui  dans  les  tribunaux  les  procureurs. 


DES    FRÈRES    GAY.  39 

seroyt  ataqué  audit  Chabanas  le  luy  refuzant,  cy  que  l'ayaat 
aquetté  a  la  porte  S'  Pierre,  ledit  Chabanas  sortant  seul  dehors 
l'auroyt  suyvy,  luy  dizant  que  s'il  ne  le  payoit,  il  luy  couteroyt 
la  vye,  et  qu'yl  n'entreroyt  jamès  dans  la  vylle  que  cela  ne  fut, 
jurant  tout  oultre  quyl  le  tueroyt  ;  ce  que  estant  ouy  par  ung 
Jean  Coquet,  notere  de  ceste  vyle,  et  Charles  Boys  seruryer,  l'en 
voulerent  destourner  et  fere  retourner  a  la  vylle,  ce  que  ne 
pouvant,  vindrent  avertyr  la  garde  quy  estoyt  par  lors  a   la 
porte  d"y  acouryr, lesquels  metindrent  ausyavertys  de  se  qu'en 
estoyt.  C'etoyt  sur  les  troys  heures  après  mydy,  que  je  me  pre- 
paroys  pour  donner  les  cartiersaus  gardes  de  la  nuyt  et  povre 
heure  et  povre  avertissement  pour  moy,  car  des  lors  entendent 
le  raport  du  dit  Couquet  et  Boys  je  m'y  achemyney,  pour  em- 
pescher  le  desain  dudit  Myelon,  aveq  une  alebarde,  tant  a  To- 
cazion  de  se  que  j'etoy  beau  frère  du  dit  Chabanas  que  aussi 
pour  le  debvoyr  de  mes  charges,  savoyr  de  celle  de  sergent 
majour,  quy  me  coumandoyt,  le  dit  Chabanas  étant  lyeutenant 
de  gouverneur,  de  luy  asister,  et  de  coureyer,  ofice  en  la  jus- 
tice, quy  me  coumandoyt  le  sayzir  au  corps  pour  le  constituer 
prizonyer,  s'ataquant  et   menasant  de  tuer  son  capitenne  ;  ce 
quel'ayant  trouvéetprinsaucouliet,craignantquene  le  vousise 
offancer,  se  saysit  de  mon  alebarde,  laquelle  ne  me  voulant 
quyter,  fus  contraint  mètre  la  mayn  au  pougnal  pour  luy  fere 
peur,  et  tenant  la  main  avec  ledit  pougnal  bas,  nous  serant 
l'un  contre  l'autre,  mon  pougnal  luy  piqua  la  quysse  gauche, 
ou  il  entra  envyron  deux  doigts  dedens,  ataygnyt  la  veyne  cave, 
de  laquelle  blesure   il  escoulla  de  sang,  et  le  fayzant  panser, 
moy  y  estant,  ala  a  Dyeu  dans  dymy  heure  après  sa  blesurre,  a 
mon  grand  regret  et  desplayzir.  Je  ne  reseus  jamès  une  telle 
afliction,car  nousn'avyons  jamèsheu  aucunedisputte  ensemble 
et  mesme  nous  avyons  demeuré  longtemps  a  l'escoUe  jeunes 
garsons.   Dyeu  me  fabvoriza  grandement   en   cet   affere,  car 
j'avoy  d'enemys  quy  deziroyt  de  me  troubler.  Je  fis  une  belle 
enqueste  justificatyve  pour  moy.  Il  me  coûta  troys  cents  escus, 
mes  le  desplezir  que  j'eus  de  cet  afere  me  fut  plus  grand  que  la 
despance.  J'ay  mys  cete  afere  ycy  en  rang,  non  pas  pour  en  fere 
gloyre,  mes  pour  fere  voyr  aux   myens  l'inconvenyent  quy 


40  MÉMOIRES 

m'arryva  et  le  desplayzir  et  regret  que  j'en  eux  et  pour  leur 
dyre  que  jamès  ung  sage  home  ne  doybt  mettre  la  main  au 
couteau,  car  a  telle  heure  vous  aryve,  ny  panssant  point,  que 
quelque  grand  mal  y  survyent.  Le  souverain  remède  et  pour 
son  pouvoyr  garder,  pryerDyeu  et  fuyr  mauvezes  compagnies, 
n'être  quereleux,  ny  mutin.  J'ay  pryé  Dyeu  et  prye  me  par- 
donner cette  ofance. 

Au  moys  de  Novembre  1590,  je  me  trouvey  a  la  prinse  de 
Laperiere  et  S'  LaurensdeGrenoble;  lavylle  fut  prinse  quelques 
jours  après  par  le  segneur  de  Lesdiguieres  contre  l'opinion 
de  pluzieurs. 

Je  quytey  après  en  l'année  1591,  au  moys  d'aoust,  la  charge 
de  sergent  ma]our  ;  je  rendis  les  clefs  de  la  vylle  au  segneur 
de  Gouvernet,  lequel  ne  vouloyt  que  je  quytasse  et  tant  a  To- 
cazion  de  ce  qui  m'etoyt  venu  a  l'ocazion  de  la  dite  charge  que 
pour  aultres  ocazions  que  icy  avoy,  et  me  retirey  en  nostre 
mesnage  ;  d'où  je  ne  bougey  sinon  quand  Monsieur  de  Mau- 
gyron  randyt  Vienne  au  duq  de  Nemours  et  S'  Marcellin,  ou  je 
tus  aveq  l'armée  du  segnor  Goronel  Alphonce  d'Ornano,  lyeu- 
tenant  du  roi  en  cete  prouvince,  qui  estoyt  compozée  aveq 
les  troupes  du  segneur  de  Lesdiguieres  et  Gouvernet,  de  sinq 
a  six  mylle  personnes.  Nous  asieageames  S'  Marsellin  et  le 
prismes,  et  alasmes  a  la  Cotte  S'  André  soubs  espérance  de 
donner  bataylhe  au  duq  de  Nemours,  quy  estoyt  au  Pont  de 
Beauvezin  aveq  son  armée,  compozée  d'environ  douze  myle 
homes,  ou  nous  demeurasmes  huyt  ou  dix  jours,  estyment 
quil  vint.  Mes  il  n'oza  james  paretre.  J'etoy  achevai,  volontere 
aus  troupes  du  sieur  de  Gouvernet.  Le  sieur  de  Nemours  ayant 
congedyé  ses  troupes,  nous  nous  retirasmes.  Voylla  tout  ce 
quy  ce  fit  en  ce  voyage. 

Cepandant  les  troys  ans  de  ma  charge  de  coreyer  expirèrent, 
et  je  fus  après  constitué  conselher  au  conselh  particulier  de  la 
mayzon  de  vylle  en  l'année  1592,  au  consulat  de  Paul  Avond  et 
Lanteaulme  Vigne  1,  qui  fut  en  l'année  1595.  Je  lis  comanser  un 

1.  Paul  AvonJ,  fut  plusieurs  fois  consul  de  Die.  Il  s'était  fait  protestant, 
et  quelques-uns  de  ses  descendants  eurent  à  soujfrir  pour  leurs  croyances 
religieuses:   Paul  Avond  fut  en  •0)-é   aux  galères,  et   Daniel  fut  retenu  en 


DES    FRÈRES    GAY.  41 

bastyment  nour  habyter  en  nostre  grange  du  Martouret.  Jy 
avoy  fet  auparavant  bastir  ung  estable  pour  le  bestaylh  et  ung 
nays  qui  me  coutta  tout  envyron  six  cents  escus,  car  tout  etoyt 
fort  cher  en  ce  temps  la.  J'aquys  en  Laulmet  et  Martouret 
vingt  et  sinq  seyteyrces  de  tere.  coume  sera  veu  par  les  contrats 
sy  après  contenus  par  rolle  et  inventere,  en  la  ligne  de  la  4'  ge- 
nerasion,  laquelle  coumense  en  moy,  a  Toccazion  de  se  que 
mon  père  m'a  donné  par  mon  contrat  de  mariage  sa  mayzon 
paternelle  aveques  l'estable,  jardin  dans  Dye  et  son  tenement 
du  Martouret,  consistant  engrange,  prés,  terres,  vignes,  her- 
mes  et  boys,  le  tout  au  teroyr  de  Dye. 

En  l'année  1594  je  fus  contynué  en  ma  dyte  charge  de  con- 
selhier,  au  consulat  de  Monsieur  M'  Anthoyne  Rambaud, 
avocat  de  cette  vyle,  et  honeste  Danyel  Gay,  mon  frère. 

En  cete  anée  1594,  le  26  julhet,  naquyt  nostre  segond  fils  : 
Fransoys  Gay.  lequel  mourut  byen  tost,  coume  sera  cy  après 
veu. 

En  l'année  1595,  je  fus  contynué  en  la  mayzon  de  vylle  pour 
conselhier  et  esleu  par  le  peuple  juge  coumys  de  la  police  , 
setoyt  au  consulat  du  sire  Eynard  Bernard  est  Heustachy 
Gontier. 

Il  survint,  aus  anées  de  ses  troys  consulats,  une  grande  con- 
tansion  entre  les  habitans  de  cete  vyle  de  Dye,  à  l'ocazion 
d'une  revyzion  et  nouvelle  estimasion  du  teroyr  et  man- 
dement du  dit  Dye,  quy  cauza  des  grands  divizions  entre  les 
habitans.  Car  les  ungs  la  vouloyt,  les  aultres  non,  et  ces  par- 

prison  à  Valence,  en  i68y  ;  Abraham  fut  plusieurs  fois  assisté  à  Genève  entre 
les  années  i  yo-j-i  yog.  Un  membre  de  cette  famille.  Jacques  Avond,  abjura 
le  protestantisme  et  devint  curé  de  Mirabel  en  Diois,  oie  on  le  trouve  en  1628, 
et  16^4  :  il  est  auteur  d'un  petit  poème,  mentionné  dans  la  Biogr.  du  Dauph., 
t.  1.  p.4j.  —  La  famille  Vi^ne,  aujourd'hui  encore  représentée  à  Die,  est  très 
ancienne  dans  notre  ville.  Ennemont  Vigne,  presbtrc  curé  de  Tesglise  N.-D. 
de  Dye  se  présente  le  2H  octobre  /  s  5-^  devant  le  conseil  et  dict  comment 
messieurs  del'esglise  du  chapitre  ontprins  le  calice  d'argent  appartenant 
à  la  vile  et  audit  curé,  comme  il  a  dict  apparoir  par  le  rôle  des  relicqucs, 
qu'on  faict  toutes  les  années,  et  qu'ils  luy  en  veullent  tailher  ung  d'estaing 
au  grand  deshonneur  de  la  ville.  Antoine  Vigne,  religieux  dominicain  du 
couvent  de  Die.  se  fit  protestant  en  1^62. 


42  MÉMOIRES 

tialités  aveq  les  grandes  contrybusions  et  charges  qui  regnoyt 
par  lors  les  firent  endebter  de  vingt  et  sinq  mylle  escus  et  plus. 
La  source  et  origine  de  tous  ces  malheurs  avyndrent  par  le 
moyen  de  certains  nouveaus  venus  habyteren  cette  vylle,  quy 
nous  geterent  a  ung  tel  labirynte  de  confusion,  quy  pansa 
ruyner  Testât  de  cette  communaulté,  et  sans  la  prévoyance  des 
vieuls  origineres  et  habitans  de  cete  dyte  vylle  les  afferes  sen 
aloint  geter  en  ung  myzerable  estât  et  en  une  totale  ruyne. 

En  ce  temps,  le  sieur  de  Gouvernet,  contre  la  promesse 
qu'yl  avoyt  fête  au  peuple,  fit  bastir  une  sytadelle  vers  S"' 
Agathe,  contre  la  volonté  du  peuple  quy  le  suporta  fort  impa- 
siement.  Le  temps  luy  fut  fort  favorable,  a  l'ocazion  de  nous 
divizions  et  partyalytés,  sans  lesquelles  ne  l'ut  ozé  entre- 
prendre. Les  foulyes  des  peuples  sont  l'establissement  des 
grands.  J'ay  mys  cet  afFere  icy  a  celle  fin  de  fere  voyr  a  nous 
suseseurs  ou  nous  folyes  et  divizions  nous  portèrent,  quy  leur 
poura  servyr  de  myroyr  et  patron  en  leur  temps,  et  leur 
donner  ocazion  d'estre  plus  sages  que  nous  autres,  afin  de 
n'apeller  ung  tyran  pour  leur  conduyte,  L'unyon  maintient 
les  cytés,  la  dezunion  les  ruyne,  et  ny  a  telle  forteresse  que 
l'unyon  d'une  cyté.  Dyeu  seul  y  prouoye  et  face  la  grâce  a  nous 
suseseurs  d'y  estre  plus  advizés  que  nous. 

En  cete  dyte  anée,  au  mo\s  de  septambre,  il  fut  député  par 
le  corps  de  ceste  communaulté  aveq  le  sieur  Heustache  Gon- 
tier,  consul,  et  Monsieur  M"=  Anthoyne  Rambaud  avocat,  pour 
alher  a  Lyon  aveq  tous  les  deputtés  des  troys  ordres  de  la 
prouvince,  requeryr  au  roy  solagement  pour  le  peuple,  quy 
estoyt  tellement  chargé  et  opresé  par  contribusions,  que  ser- 
tains  de  la  noblesse  levoyt  sur  euls  quyls  ne  pouvoyt  plus,  et 
la  fut  pryc  le  roy  jurer  les  libertés  de  la  prouvince,  coume  il  fit 
Nous  luy  fismes  jurer  ausy  les  nostres  de  cete  ville  de  Dye  i  ; 
c'etoyt  au  règne  de  Henry  de  Bourbon,  roy  de  France  et  de 
Navare,  quatryeme  de  se  non,  prince  ties  valheureux  et  de- 
bon  nere. 

1.  Les  lettres  de  Henri  IV,  confirmant  les  privilèges  de  Die  furent  données 
à  Lyon,  au  mois  de  septembre  1 59  s  ;  il  y  est  dit  que  ce  fut  à  la  demande  des 
députés  de  cette  ville  :  Eustaclie  Guntier,  consul,  Antoine  Rambaud,  docteur, 
Gaspard  Gay,  capitaine.  Hercules  Engilboud,  conseiller. 


DES    FRERES    GAY. 


43 


En  la  mesme  anée  ung  peu  auparavant,  je  lys  un  voyage  en 
cour,  a  Dijon,  en  Bourgogne,  pour  avoyr  grâce  pour  le  couzin 
André  Escouffier.  quy  avoyt  tué  Jean  Du  Gros  •,  de  Dye,  la" 
quelle  j'aportey  et  corus  de  grands  hasards  pour  les  chemins 

1.  La  famille  Diicros.  de  Die,  enrichie  par  le  commerce,  a  joué  un  rôle 
asse^  considérable  dans  le  XVII'  siècle.  Marcellin  Ducros,  marchand,  frère  de 
Jean,  dont  il  est  ici  question,  testa  le  i  o  janvier  i6io  et  mourut  le  5  novembre 
suivant,  laissant  Charles,  René,  Jean  et  Jeanne  Ducros.  René  fut  avocat  et 
mourut  sans  postérité  ;  Jeanne,  morte  avant  1  61  0, avait  épousé  Claude  Poudre!, 
avocat  à  Die,  et  fut  mère  d'Antoine  Poudrel.  Charles  et  Jean  hé'-itèrcnt  par 
égales  parts  de  leur  père  et  laissèrent  une  postérité,  dont  nous  allons  établir 
la  filiation.  Les  Ducros  furent  de  ^élés  protestants.  —  Charles  Ducros  fut 
d'abord  avocat  à  la  cour  de  Die.  En  1605  les  églises  réformées  le  députèrent 
à  rassemblée  de  Chatellerault,  où  il  fut  élu  un  des  trois  députés  généraux. 
Henri  IV  V anoblit  par  lettres  du  i4  avril  1608,  vérifiées  par  arrêt  du  1 S 
juillet  suivant.  Il  fut  nommé  président  en  la  Chambre  de  l'Edit  de  Grenoble 
par  lettres  du  18  mars  i6o().  Lesdiguières  l'envoya  en  161 2  à  l'assemblée  de 
Sommières  et  en  i6ig,  à  la  cour.  En  1622,  ayant  été  envoyé  à  Montpellier 
pour  traiter  de  la  paix  avec  le  duc  de  Rohan,  Charles  Ducros  fut  assassiné 
dans  une  émeute  excitée  par  le  ministre  Suffrein,  dans  la  nuit  du  22  février. 
Il  av.iit  testé  une  première  fois  le  2  juillet  16 17  et  une  seconde  fois  le  8  sep- 
tembre 1621 .  De  sa  femme,  Jeanne  Bertrand,  de  Die  (qui  mourut  le  22  octobre 
16^1,  à  rdge  de  J2  ans,  16  jours)  il  eut:  Pierre  Ducros,  conseiller  au  par- 
lement de  Grenoble,  par  lettres  du  22  juillet  1622,  qui  acheta  la  seigneurie 
de  Recoubeau.  Comme  son  père,  il  périt  d'une  manière  tragique  ;  il  fut  tué  à 
Valence,  le  i4  août  i6-f-4,  dans  une  émeute  de  femmes,  occasionnée  par  la 
cherté  des  vivres  [Voir  /'Album  hist.  et  arch.  du  Dauphiné  par  Champol- 
LioN-FiGÉAc  et  BouEL  d'H AUTERi VEs).  Dé?  5ti  /e/«>«e  Magdeleine  de  Philibert 
de  Venterol,  il  eut  :  i"  A  le.vandre,  qui  suit  ;  2»  François,  tué  en  Catalogne  ;  — 
3'"  Anne,  mariée  à  )t.  Is.iac  de  Chabrières  ;  4'  Marguerite.  —  Alexandre, 
sieur  de  Recoubeau  et  de  VAube,  mourut  vers  i6g4,  ayant  eu  de  sa  femme 
Gabrielle  de  Berger,  deux  fils  :  Charles,  décédé  le  2-j  a  vril  1  6^8,  et  A lexandre, 
sieur  de  l'Aube,  qui  se  convertit  à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  et  épousa 
en  l'Eglise  catholique,  le  15  décembre  170^,  Anne  Bonnard,  dont  il  n'eut 
pas  d'enfant.  Il  mourut  en  1726,  laissant  une  succession  des  plus  embarrassées, 
qui  fut  partagée  entre  François  d'Armand,  sieur  du  Périer,  N.  de  Caritat.  et 
François  Bertrand,  procureur  à  Die.  Son  domaine  de  Chamarges,  fut  adjugé 
aux  enchères  publiques  à  Gabriel  Vigne,  chanoine  de  la  cathédrale  ;  il  fut 
acquis  dans  la  suite  par  les  Gallien  de  Chabons  (Voir  Le  siège  de  Cha- 
marges par  les  dames  de  Die  en  juin  I66I.  In-8",  17  pages.  Extrait  du 
journal  de  Die,  janvier  187g).  —  Jean  Ducros,  troisième  fils  de  Marcellin 
Ducros,  épousa  Catherine  de  Reynier.  Il  testa  devant  David  Amoux,  not.,  le 
/5   mars    [633  ;  puis  il  fit  un  second  testament  en  i64o,  devant  Girin,  not., 


44  MÉMOIRES 

Dyeu  me  conserva  et  rendyt  a  la  mayzon,  après  avoir  veu  le 
roy  au  dit  Dijon  et  pluzieurs  belles  vyles  en  Bourgougne,  aveq 
tout  le  contanten:ient  quon  pouroyt  dezirer,  après  avoyr  fet  ou 
au  alher  que  retour  cent  soysante  lues  de  chemyn,  estant  con- 
traint de  passer  au  plus  long,  a  l'ocazion  de  Tizi,  Toyssè, 
Chalon  etSeure  ^,  quy  tenoyt  lors  pour  la  ligue. 

En  l'année  1596,  au  moys  de  janvyer,  je  me  fis  portrere  au 
vif  et  armé  a  ung  paîntre  flament,  quy  estoyt  en  cete  vylle,et 
en  payey  quatre  escus. 

Au  dit  an  et  dix-neuf  dudit  moys,  naquyt  de  Louyze  En- 
gilboud  et  de  moy  Danyel  Gay,  nostre  troyzieme  fyls;  coume 
aussy  en  cete  anée,  a  Telection  des  Iconsuls  de  cete  vylle,  le 
segneur  de  Gouvernet,  gouverneur  d'icele,  en  haynne  du 
voyage  que  je  fis  a  Lyon  par  devers  le  roy,  que  aussy  me  voyant 
directement  bandé  a  soustenyr  le  byen  publiq  contre  sa  vo- 
lonté, craygnant  que  je  fusse  esleu  consul,  brigua  sertains  mau- 
ves habitans  et  des  prinsipaux,  lesquels,  uns  de  crainte  et 
aultres  de  mauveze  volonté  au  soutyen  du  byen  publiq,  en  es- 
lirent  d'aultres,  et  mesme  pour  luy  fere  playsir  ne  fus  mys  du 
conselh  de  vylle.  Voylla  l'ingratitude  du  peuple,  quy  est  ung 
anymal  a  pluzieurs  testes,  ne  recougnoysant  le  byen  quand  bon 
le  luy  fet  et  quy  neanlmoins  ne  doybt  desgouter  les  gents  de 
byen  a  s'employer  jusqu'à  la  mort  pour  le  byen  du  publiq, 
lequel  nous  doybt  tousjours  estre  pour  recoumandé. 

En  cete  année,  au  moys  de  julhet,  fut  veu  au  cyel  une  cs- 
toylle  chevelue  durant  huict  jours  quy  randit  estonnés  plu- 
zieurs personnes. 

En  l'an  1597,  contre  la  volonté  du  segneur  de  Gouvernet  et 
au  consulat  des  sires  Danyel  Boys  et  Hector  Segont  2^  je  fus 

testament  qui  fut  ouvert  le  22  janvier  it)4ù,  époque  de  sa  mort.  Il  laissait 
deux  filles  :  /"  Catherine.,  épouse  de  noble  François  Odde  de  Bonniot,  sieur  de 
Prébois,  qui  mourut  en  sa  maison  de  la  Salle.,  le  6  mat  i64o,  mère  de  Charles 
Odde  de  Bonniot,  sieur  de  Lautaret  ;  celui-ci  épousa  en  165S  Marie  de  La- 
morte.  2"  Lucrèce  Ducros  épousa  noble  Daniel  Lafrier,  sieur  de  la  Motte, 
conseiller  du  roi,  contrôleur  des  gabelles  du  sel  en  Dauphinc  ;  elle  mourut  le 
10  octobre  /65  V,  mère  de  Paul  Lagier,  sieur  de  Pluviane. 

1.  7'hi^y,  chef-lieu  de  cant.  du  dép.  du  Rhône.  —  IVwissey,  ch.-l.  de  c.  du 
dép.  de  l'A  in.  —  Seurre,  ch.-l.  de  c.  de  la  Côte-d'Or. 

'2.  Daniel  Bois,  avocat,  ancien  du  consistoire  de  Grenoble,  en  jfjuJ. 


DES    FRÈRES   GAY.  45 

esleu  par  le  peuple  du  conseylh  gênerai  et  du  particulier  et 
crée  juge  coumys  de  la  police. 

Le  dernyer  jour  du  moys  de  janvyer,  ung  vendredy,  a  sept 
heures  du  soyr,  le  14«  jour  de  la  lune,  il  s'aparut  au  siel  une 
estoylle  flamboyante,  qui  mena  une  grand  clarté,  laquelle  fut 
suyvie  de  deux  gros  tonneres  ;  le  cyel,  la  lune  et  les  estoylles 
estant  fort  cleres,  d'où  plusieurs  furent  fort  estounés  pour 
n'avoir  jamès  veu  une  semblable  choze,  [cela  fut  veu  de  plu- 
[zieurs  parts  et  oui.  Dieu  conduise  toutes  chozes  selon  sa  s'« 
[volonté  etconvertisse  se  grand  et  remarquable  signe  a  quelque 
[choze  de  bon  pour  le  repos  et  soulagement  de  son  povre 
[peuple  gémissant  soubs  la  tyrannie  de  ses  opresseurs  dès 
[39  ans.] 

Ledst  Gaspar,  fils  d'Anthoynne,  estoyt  home  de  grand 
estature  et  de  six  pieds  d'aultheur,  gresle  de  corps,  gros 
d'espaulles  et  ma.ygre  de  face,  le  poyl  et  barbe  fort  espaysse  et 
blonde,  grand  nés  et  petits  yeux  noyres,  et  home  fort  actif  en 
toutes  chozes,  grand  chemyneur  et  aymant  fort  le  travaylh 
des  champs  et  l'agryculture,  se  playzant  fort  a  lyre  histoyres  et 
escripre,  étant  eagé  lorsquil  fit  cecy  de  trante  quatre  années  et 
quelques  moys,  et  afin  qu'on  recongnut  sa  signature  quyl 
fayzoit  ordynerement  en  chozes  d'impourtance  la  insérée  icy, 
afin  quelle  serve  si  le  temps  le  requerovt. 

G.  Gay. 

Le  dyt  Gaspar  est  decedé  de  cette  vye  pour  aller  a  la  gloyre 
céleste  de  paradys,  ainsin  qu'yl  a  toujours  pryé  et  espéré  en 
Dyeu  luy  en  fere  grâce,  au  nom  de  son  fils  bien  aymé  Nostre 
Segneur  Jezus  Christ,  le  [troisième]  du  moys  [de  juin]  année 
mylle  [six  cents  six];  ayant  attaint  l'eage  de  [46]  anées.  Dyeu 
luy  face  myzerycorde.  Amen. 

Danyel 

Danyel  Gay  naquyt  ung  jour  de  mercredy,  le  19'=  de  may 
année  myle  cinq  cents  soysante  deux,  entre  huytet  neuf  heures 
de  matyn.  Son  paryn  fut  hon.  André  Fraysse  de  Greine,  son 
honcle.  Il  n'eut  point  de  marynne.  Il  a  esté  le  premyer  des 
Gays  en  cete  vylle  batizé  a  l'esglize  reformée,  dans  le  grand 


46  MÉMOIRES 

temple  Nostre  Dame  de  Dye,  par  ung  mynystre  du  lyeu  de 
Chastilhon  1.  Il  fut  instruyt  a  Tescolle  aveq  moy  par  mesmes 
presepteuis.et  ayant  ataint  Teage  de  vingtans.il  fut  mys  a  Gre- 
noble ches  M'NycoUet,  procureur  en  la  cour  de  Parlementdudit 
Grenoble,  ou  il  demeura  quelques  années  pour  aprandre  Testât 

1.  l'o/cî  une  lettre  écrite  à  Die.  le  6  janvier  j  ^62,  par  le  ministre  Guil- 
laume Bermen\  elle  renferme  de  fort  curieux  détails  sur  les  progrès  du  pro- 
testantisme dans  nos  contrées.  Nous  la  reproduisons  d'après  le  Thésaurus 
epistolicus  Calvinianus  r/îr;/)ist'jo'^,  in-4',  11  volumes.  1S72-1  Syc)),  tio363~ . 
L'autographe  est  à  la  Bibliothèque  de  Genève,  vol.  CIX,  fol.  99. 

A  AVonsieur  Colladon  ou  a  son  absence  a  Monsieur  Calvin,  ministres  de 
la  parolle  de  Dieu  a  Genève. 

Salut  par  nostre  seigneur  Jesus-Christ. 
Monsieur  et  frère,  l'occasion  par  laquelle  vous  escriptz  la  présente  est 
que  ce  porteur  nommé  Michel  Malsang,  jadis  jacopin,  prêchant  en  habit 
de  moyne  a  Valdroume,  village  proche  de  la  présente  cité  de  Dye  d'envyron 
six  lieues,  inspiré  du  Sainct  Esprit  délibéra  laisser  l'habit  de  moynerie, 
come  despuys  a  faict  a  tant  que  je  me  transpourtis  audit  \'aldrome  por 
illec  fonder  esglise  chrestienne,  cognoissant  qu'il  y  avoit  gentz  craignantz 
Dieu,  lesquels  despuys  esleurent  por  leur  ministre  ledit  Mahang  come 
leur  étant  agréable  et  estanz  familiez  de  la  parolle  de  Dieu,  de  sorte  que 
ledit  Malsang,  sont  huy  huict  jours,  en  présence  de  trois  ministres  noz 
frères  et  de  moy,  proposa  aux  fins  d'estre  receu  au  ministère  de  la  parolle 
de  Dieu  (après  ce  que  fort  bon  rapport  fust  faict  par  l'assemblée  de  ses 
bonnes  vie  et  conversation).  Laquelle  proposition  faicte  fust  résolu  qu'il 
allast  estudicr  cncores  deux  ou  trois  moys.  Au  moyen  de  quoy  il  s'en  va 
a  ces  fins  la  hault,  avec  ung  sien  compagnon,  nomé  Gaspard  de  la  Mer, 
natif  de  Gisteron,  demeurant  pour  pédagogue  audit  Dye,  bien  modeste, 
morigcnéet  de  médiocre  scavoirtant  en  lettres  divines  que  humaines,  qui 
parciliicment  est  esleu  por  ministre  en  l'csgiise  de  Chastilhon,  village 
proche  dudit  Dye  de  deux  lieues.  Lesquelles  deux  églises  de  Valdrome 
et  de  Chastilhon  envoient  a  leurs  despens  esludier  lesdictz  Malsang  et  de 
la  Mer,  lesquels  (a  ce  que  ic  cognois  et  que  m'ont  promis)  diligenteront 
grandement  a  leur  estudc.  l'arquoy  vous  prie  en  paiticullier,  come  aussi 
généralement  font  ceulx  desdictes  esglises,  leur  voulloir  ayder  et  vous  en 
prendre  garde  mcsme  aux  choses  que  concernent  la  correction  et  discipline 
scholasliquc.  Puys,  quant  leur  scavoir  pourtera  d'estre  receuz  audict  mi- 
nistère, vous  plaira  les  fere  présenter  devant  messieurs,  et  estre  qu'ilz 
seront  rcccuz  audict  ministère  les  envoyer  de  par  de  ca,  le  chascun  res- 
pectivement en  son  esglise  et  non  alhicurs,  actendu  ladicte  ellection  et 
qu'elles  les  entreticncnt  (come  sus  est  dict^  la  hault  a  leurs  despens. 
Joinct  une  aultre  raison,  qu'elles  sont  si  faméliques  de  la  parolle  de  Dieu 


DES     FRÈRES    GAY.  47 

de  pratisien.  Après,  demeura  ung  long  temps  a  Ayx  en  Prou- 
vence,  poursuivant  le  cours  de  sa  pratique,  dans  lequel  survint 
la  guerre  sizieme  en  l'année  1585,  en  laquelle  il  pourta  quelque 
temps  l'arquebuze,  en  la  compagnye  de  Monsieur  de  Soubre- 
roche,  en  laquelle  j'etoys  ensegne  ;  après,  se  remy  t  arquebu- 
zier  a  cheval  en  la  troupe  du  segneur  de  Gouvernet,  durant  le 
temps  que  alors  survint  la  peste  en  cetteannée  1586,  en  laquelle 
il  quyta  et  fit  sa  quarantayne  au  Martouret,  aveq  mon  père 
ou  ils  demeurèrent  quatre  moys  et  plus.  La  vylle  ayant  entrée, 
il  se  retyra  et  expouza  Jeanne  Plante,  filhe  a  feu  bon.  Jean 
Plante  t,  marchand  en  son  vyvant  de  cette  vylle,  vefve  de  syre 
Charles  Caty,  laquelle  il  fit  son  héritière.  Ce  fut  en  l'année 
1587.  De  laquelle  il  heut  Phelipe.  Jeanne.  Margueryte,  Gaspar. 
et  Lucresse,  Madelayne  Gay ,  ses  enfens.  Il  fut  [trois  fois]  consul 
de  cette  coumunaulté  en  l'année  myl  cinq  cents  quatre  vingts 


que  rien  plus,  comc  asses  le  faict  le  démontre.  Et  en  ce  faisant  nous  tous 
vous  serons  grandement  redebvables  et  prierons  nostrc  bon  Dieu  le  vous 
rendre,  vous  priant  de  salluer  nûz  frères  en  mon  nom  et  de  leur  recom- 
mander lesdictz  Malsang  et  de  la  Mer,  lesquels  vous  pourront  rappourter 
de  la  prospérité  de  nostre  esglise  et  comme  dernièrement  nous  avons 
cellebré  la  cène. 

Ma  femme  vous  sallue,  ensemble  toute  nostre  chère  Esglise,  nous  recom- 
mandans  a  voz  prières  et  de  toute  vostre  esglise,  et  aultant  en  sera  faict 
de  nostre  part.  De  Dye,  ce  vi^  de  janvier  1;J62. 

Le  tout  vostre  frère  et  humble  obéissant  Guill"^  Bf.rmen,  ministre  de 
la  parolle  de  Dieu  a  Dye. 

1.  Jean  Plante,  marchand,  dont  le  nom  se  rencontre  fréquemment  dans  les 
registres  consulaires,  habitait  la  rue  de  l'Armellerie  \  il  fut  consul  en  i -^66 
avec  François  de  Gironde^  écuyer.  Ce  fut  un  ^élé  protestant  En  i  579.  //  fit 
partie  de  la  députation,  chargée  de  demander  au  conseil  robservation  des 
édits,  touchant  les  points  favorables  à  la  nouvelle  religion.  Les  noms  des 
membres  de  cette  députation  nous  feront  connaître  quels  étaient  alors,  dans  notre 
ville,  les  chefs  des  principales  familles  protestantes  :  Raymond  Appai.x, 
Jehan  Plante.  Jehan  Engilboud,  Jehan  Combel.  Claude  Grimaud,  Claude 
Gayte,  Pierre  Malhefaud,  Pierre  Telmas,  Anthoyne  Jourdan,  Guignes 
Corsanges,  Antoine  Poudrel,  Antoine  Garcin,  Jordan  Girin,  Bertrand 
Malhefaud,  Claude  Chion,  Guigues  Timond,  James  Foulhas.  Jehan  Malhe- 
faud, Jehan  Gilbert,  André  Bonier,  Jehan  André  et  Nicolas  Estre.  En 
1600,  un  Plante  était  notaire  à  Die.  Louis  Plante,  avocat,  fut  consul  en  1668. 
Pierre  Plante,  chirurgien,  vivait  en  lôgS. 


48  MÉMOIRES 

et  quinze,  avecques  monsieur  m«  Anthoyne  Rambaud,  avocad 
de  cete  \'ylle,  et  le  sire  Jean  Coulomp  leur  trezoryer  [et  en 
[l'année  avec  M*  Daniel  Roman  procureur  et  la  dernière 

fois  en  Tannée  avec  M'  Jean  Masseron  procureur.  Il  alla  de  ce 
[monde  en  paradis  le  unze  d'aoust  1620,  ayant  leyssé  ung  fils 
[et  trois  filhes  après  luy.  Ledit  fils  estoit  advoucat  nommé 
[Gaspard,  Phelippe  femme  de  sire  Jean  Richard,  Jeanne  femme 
[de  s.  Jean  Ripert  l,  et  Marguerite  n'estant  pas  maryée  aussy 
[le  susdit  sieur  avoucat  Gay,  qui  mourut        ]. 

Ledit  Danyel  fut  home  de  bonne  taylhe,  moyenement  gros, 
yeux  petits  voyres,  le  poyl  et  barbe  blonde,  home  traytable  en 
apointemens,  ou  il  estoyt  souvent  employé,  aymant  l'agrycul- 
ture  et  fort  diligens  en  les  afïeres,  muny  de  grand  memoyre 
[et  ayant  attaint  l'aage  de  58  ans,  est  allé  de  ceste  vie  a  la  gloire 
[céleste  de  paradis,  le  xi'  du  moys  d'aoust  année  1620]. 

Jean. 
Jean  Gay  naquyt  ung  Jour  de  vendredy,  le  douzième  octobre 

1.  Du  mariasse  de  Jeanne  Gay,  fille  de  Daniel,  avec  Jean  Rippert  naquit 
Daniel  Rippert  et  Isabeau  Rippert,  qui  épousa  Jacques  Gros,  médecin  de  Die. 
Jeanne  Gay  testa  le  i  g  février  i6s7  '•  elle  veut  être  ensevelie  a.u  cimetière 
de  ceulx  de  la  relligion  refformée  de  ceste  ville,  de  laquelle  elle  fait  prof- 
fcssion,  au  scindic  desquels  pauvres  de  ladicte  relligion  ladicte  testatrice 
a  donné  et  lègue  pour  une  seule  fois  la  somme  de  vingt  livres,  payable 
aud.  scindic  un  an  après  son  deces  ;  elle  donne  à  sa  fille  Isabeau  Rippert, 
femme  de  m"  Jacques  Gros.,  médecin  de  Die,  la  somme  de  cent  livres,  outre  ce 
qu'elle  lui  a  donné  en  contrat  de  mariage  ;  elle  lègue  à  Daniel,  Jean  et 
Jacques  Gros,  ses  petits-enfants,  cent  livres  à  chacun  d'eux,  et  à  Jeanne  et 
Marie,  ses  petites-filles,  deux  cents  livres  à  chacune  ;  elle  lègue  à  A  ntonie 
Vallentin.  de  Barnave,  sa  servante,  la  somme  de  i  o  livres;  elle  institue  enfin 
pour  héritier  universel  Daniel  Rippert.  son  fils,  avocat  Ce  derjiier  épousa 
Catherine  \icolas  et  eut  trois  enfants  :  Daniel,  avocat,  Louis  et  Catherine 
Rippert.  Catherine,  mariée  en  lôg"  à  Giraud  Long,  marchand  de  Die.  fut 
mère  d'Antoine  Long.  Celui-ci  naquit  en  i6gS,  suivit  la  profession  de  son 
père.,  et  de  sa  femme  Marie  Imbert  eut  François  Long,  notaire,  qui  épousa  le 
q  février  /77.V  Marie  Lucrèce  Lagier,  fille  de  Louis  Lagier,  avocat  à  Die 
et  de  Françoise  de  La  Morte-Félines.  François  Long  fut  pcrc  de  :  1°  Louis- 
Antoine  François,  né  le  26  novembre  177 3;  mort  le  12  juillet  iS4S:  — 
!■•  Jean-Denis  Long,  docteur  en  médecine,  né  le  3  octobre  1776  et  décédé  le 
jj  mai  1S66  [Voir  plus  haut,  p.  i3.  —  C'est  dans  ses  papiers  de  famille  que 
se  trouvaient  les  manuscrits  originaux  des  Mémoires  des  frères  Gay);  -- 
.V»  Marie-Rose,  née  le  .V  octobre  lySi. 


DES    FRÈRES    GAY.  49 

myl  cinq  cents  soysante  sinq.  Son  paryn  fut  noble  Claude  de 
Chippres.  segneur  de  Soubreroche,  du  lyeu  de  Chastilhon  ;  sa 
maryne  fut  danioyselle  Clere  de  Sauvaing,  filhe  du  seg-neur 
du  Ghaylar.  Il  fut  batizé  en  l'esglize  reformée  par  monsieur 
Gerome  l,  ministre  en  cete  esglize  de  Dye,  au  lyeu  ou  et  la 
grand  boucherye  de  la  vylle.  Il  aprint  Testât  de  marchand  de 
draps  de  soye.  lequel  lorsque  j'ay  fet  secy  Tavoyt  exercé  en  cete 
dyte  vylle  l'espace  de  sinq  années  [et  avoit  print  les  armes 
[durant  la  guerre  de  la  Ligue  es  années  1585,  1586  et  1587,  et 
[depuis  avoit  dressé  boutique  de  marchandise.  En  l'année 
1599  il  expousa  Claude  d'Eurre  2^  laquelle  mourut  environ 
[ans  après,  luy  ayant  laissé  ung  fils,  et  après,  en  l'année  1602, 
[il  se  remaria  avec  Madeleine  Marye  ^.  En  l'année  1632  et  le 
[30  janvier, ayant  demeuré  huit  jours  mallade,  fit  sontestament, 
[receu  par  m^  David  Planel  notaire  hereditere  de  ceste  ville, 
[par  lequel  fit  héritier  son  frère  cappitaine  Anthoyne  Gay,  et 
[légua  a  sadite  femme  tous  les  meubles  de  sa  m.aison,  et  le 
[vin  de  sa  cave,  et  vingt  une  livres  aux  pauvres].  Ledit  Jean 
fut  de  bonne  tailhe,  gresle  de  cors,  plain  de  face,  yeux  roux. 


1.  Cf.  Arnaud.  Hist.  des  protestants  du  Dauphiné,  t.  III,  p.  J27. 

2.  C'était  probablement  une  petiie-fUle  d'Aimé  de  Glane-d'Eurre,  sieur  de 
Cugy,  gouverneur  de  Die,  à  qui  la  famille  Gay  demeura  toujours  très  dévouée. 
Ce  capitaine  huguenot,  qui  eut  un  moment  de  célébrité,  testa  le  7  mai  i  ^S6, 
et  laissa  d'Antoinette  des  Massues  de  nombreux  enfants:  Daniel,  David,  Jean, 
André.  Esther,  Honorée  et  Françoise  (voir  plus  haut,  p.  ^4,  et  archives  de 
la  Drame,  E,  12^2  et  suiv.J. 

5.  Elle  appartenait  à  une  famille  de  notaires,  qui  embrassa  le  protestantisme 
et  a  joué  un  certain  rôle  dans  notre  ville  au  XVI^  siècle.  Guillaume  Marie, 
notaire,  a  été  plusieurs  fois  consul,  ainsi  que  Jacques  Marie.  Dans  la  querelle 
qui  divisa  les  gentilshommes  protestants  du  Dauphiné,  après  la  mort  de  Mont- 
brun,  le  capitaine  Guillaume  Marie,  de  Die,  ainsi  que  les  capitaines  Gay  et 
Appais,  s'attacha  au  parti  des  Désunis,  qui  ne  voulaient  point  de  Lesdiguieres 
pour  leur  chef.  Le  28  juillet  1 580,  Lesdiguieres  écrivait  de  Gap  au  conseil 
de  Die  pour  leur  faire  entendre  que  le  capitaine  Marie  et  ceux  de  sa 
faction  luy  auroient  déclaré  se  vouloir;,  si  leur  est  permis  par  led.  sieur, 
se  retirer  en  cette  ville  (de  Die)  en  leurs  maisons  et  y  demeurer  en  neu- 
tralité, ce  que  led.  sieur  treuve  fort  étrange,  et  n'estoit  d'advis  qu'on  le 
receut  en  cette  qualité.  Guillaume  Marie  mourut  vers  i sgo  ;  sa  veuve, 
Louise  Gruely  fille  de  Jacques.^  se  remaria  avec  noble  MaximiUen  de  Gironde, 


50  MÉMOIRES 

poil  et  barbe  chastagnèe,  ayment  fort  le  trafique  de  la  mar- 
chandise et  peu  l'agriculture  et  le  travaylh  champestre  et[ayant 
[eu  plusieurs  enfants  qui  sont  morts  advant  luy,  est  decedé  le 
[premier  de  febvrier  1632,  après  quatre  heures  après  midy  et  a 
[esté  ensevelly  le  jour  de  Nostre  Dame  la  Chandelleuse  l.] 

Marye 

Marie  Gay  naquyt  un  jour  de  mercredy,  le  sixième  julhet 
myl  cinq  cents  soixante  huyt,  entre  quatre  et  sinq  heures  de 
matin.  Son  paryn  fut  noble  Ponson  de  Bergeron,  sieur  de 
Chanteloube  2,d'Aouste;  samarynne  fut  damoyzelleLouyze  de 
Beauchastel  <".  Il  fut  batizé  par  monsieur  de  Luzi  '^,  mynystre 

i.  Le  2  février,  fête  de  la  purification  de  la  Très  Sainte  Vierge. 

2.  Chanteloube  est  le  nom  d'une  maison  forte  sur  le  territoire  d'Alixan. 

7>.  Elle  était  fille  de  François  de  Beauchastel  et  de  Madeleine  Reyne,  qui 
testa  le  i  j  avril  /  ^54  à  Die.  Elle  avait  trois  frères:  Gaspard,  qui  fut 
plusieurs  fois  consul  de  Die;  Jean,  chanoine,  puis  doyen  de  Die,  qui  apostasia, 
présida  lui-même  à  Vincendie  des  archives  du  chapitre  et  des  reliques  de 
>)'■  Etienne  sur  la  place  de  la  cathédrale  en  i j^62  et  finit  par  se  marier;  et 
Louis,  reçu  habitant  de  Genève  le  12  octobre  1556.  Cette  famille  n'était  pas 
établie  dans  notre  ville  depuis  fort  longtemps.  Le  notaire  Charency  nous  a 
laissé  l'inventaire  des  meubles,  que  garda  che:^  elle  Louise  de  Beauchastel, 
veuve  d'Antoine  Faure  de  Vercors  ;  cet  inventaire  est  daté  du  22  janvier 
7532  (n.  s.)  et  nous  fait  connaître  quel  était  le  mobilier  d'une  grande  dame  à 
Die,  au  XV I^  siècle.  Premièrement  deux  formes  lictz  de  boys  blanc,  avec 
leurs  constres  bien  bonnes  de  plume  et  deux  cuyssins  plume.  Plus 
dedans  lesd.  lictz,  deulx  linceulx  pour  garde  palhe.  Plus  la  garniture  de 
cortines  a  chescung  troys  linceulx,  en  l'ung  a  deux  corraux.  Plus  deux 
couvertes  et  une  vanne  en  ung  lict  bien  bonne.  Plus  deux  couvertes  en 
l'aultre  lict.  Plus  une  douzaine  et  dymie  linceulx,  quinze  grands  et  troys 
petits.  Plus  deux  arches  lombardes,  tenant  chescune  huyts  sesticrs  ou 
environ.  Plus  ung  buffet  de  noyer  menuisé  a  deux  armeres,  avec  les 
serrures  et  clefs,  et  deux  chieres  de  noyer.  Plus  une  table  ronde  de  sapin, 
ung  banc  tout  de  noyer  a  deux  armeres  dessoubs.  Plus  une  table  longue 
et  deux  trateaux  de  sapin.  Plus  deux  scabelles,  deux  landiers  de  fer.  Plus 
une  arche  de  noyer  menuizce,  avec  la  serrure  a  doblc  ressort  et  avec  sa 
clef.  Une  petite  palle  fer  pour  le  foyer.  Plus  une  chiere  lombarde,  que 
n'a  point  de  derrier,  qui  se  plie.  Plus  ung  cumaclc  fer  a  deux  branches 
et   douze  cheynons.   Plus  ung  aultre   cumascle  a  troys  branches  et  sept 

cheynons.  l^lus  un  tapis  de  tapissaric  de  l'iandres  pour  la  table 

'u  Jean  de  Lusi,  pasteur  à  Dieuleflt  de  j 5O1  à  7362  et  à  Die  en  1568, 


DES    FRÈRES   GAY.  51 

de  Dye,  et  au  moys  de  nouuambre  myl  cinq  cents  huytante 
quatre  fut  maryée  a  sire  Piere  Valensan,  apotiquere  de  cette 
vyle  de  Dye  Ele  fut  de  boune  taylhe,  blonde  de  cheveuls, 
petits  yeux  noyrs,  femme  fort  devotyeuze  en  sa  religion  re- 
fourmèe,  aymentet  fréquentant  les  predicasions,  et  heut  tant 
de  son  patternel  que  matternel  que  sinquante  escus,  que  son 
paryn  luy  donna  en  son  dernier  testement  quatre  cents  escus 
de  doyre.  [Après  la  mort  dud.  sire  Vallensan,  qui  fut  en  l'année 
IbOl  et  au  bout  de  l'année.  Il  se  remaria  avec  monsieur  M^ 
[Samuel  Benoit  1,  médecin,  natif  de  Seyne,  environ  trois  ans 
[après  la  mort  dud.  s.  Vallensan.  Elle  mourut  en  l'année 
[et  fît  héritier  led.  s.  Benoit.] 

Anthoyne. 

Anthoyne  Gay  naquytung  jour  de  vendredy,  lepenultyeme 
jour  de  juin,  myl  cinq  cents  septante  ung,  a  troys  heures  après 
mydy.  Son  paryn  fat  le  sire  Jean  Barbyer,  marchant  de  cete 
vylle,  et  sa  maryne  fut  damoyselle  Jeanne  Fraysse,  sa  couzine, 
femme  de  M'^  Louis  Escouffier,  notere  de  Dye.  Il  fut  batizi  au 
château  d'Ayx  par  monsieur  M"'  Chabran  '^,  ministre  par  lors 
de  Dye,  ou  l'on  n'ozoit  prescher  a  l'ocazion  d'un  esdyt  que  le 
roy  Charles  neufvieme,  roy  de  France,  avoyt  fet.  Il  fut  instruyt 
aus  escoles,  ou  il  aprint  a  lyre  et  escripre,  et  ayant  ataint  l'eage 
de  dix  et  huytans,  il  print  les  armes  en  la  sixième  guère,  et 
fut  par  lors  arquebuzier  a  cheval  aus  gardes  de  noble  Fransoys 
de  Bonne,  segneur  de  Lesdiguieres,  et  y  receut  deux  arque- 
buzades  en  sa  personne,  dont  Tune  luy  demeura  dans  le  cors, 


1.  Samuel  Benoit,  docteur  en  médecine,  qui  épousa  Marie  Gay,  veuve  de 
Pierre  Vallensan,  apothicaire,  était  le  second  fils  d'un  réfugié  dauphinois  de 
Genève,  Georges  Benoit  et  de  Salomée  Cop,  de  la  famille  des  savants  de  Basles. 
Il  fut  professeur  à  l'académie  de  Saumur  et  grand  humaniste:,  on  a  de  lui 
une  traduction  en  vers  latins  de  la  seconde  semaine  de  Du  Bartas,  imprimée 
à  Lyon  en  i6og.  Il  exerça  la  médecine  à  Die  et  à  Grenoble.  Cf.  La  France 
prolestante,  t.  II  (1881)  col.  277-81  ;  Rochas,  t.  I,  p.  102. 

2.  Il  s'agit  sans  doute  de  Jean  Ckabrand.,  ministre  à  Sisteron  en  1  ')6 1 ,  réfugié 
à  Genève  à  la  Saint-Barthélémy  et  admis  à  rhabitation  dans  cette  ville  le 
/5  septembre  f=i72. 


52  MÉMOIRES 

laquelle  il  heut  a  la  desfette  que  monsieur  de  Lesdiguieres  fit 
a  Esparon  en  Prouvance  sur  ceux  de  la  Ligue.  Il  se  trouva  en 
plusieurs  factions  de  guère,  tant  en  Prouvance,  Piemond, 
Savoye  et  Daufîné,  tousjours  suyvant  le  segneur  de  Lesdi- 
guieres,  segneur  tenu  en  réputation  de  luy  des  plus  vaylH'ants, 
sage  et  heureux  de  la  France,  et  quy  a  fet  des  exploits  mer- 
veiheux,  en  son  temps.  [Et  pour  lors  estant  gênerai  de  l'armée 
[du  roy  en  Dauphiné,  Piemond  et  Savoye,  ce  fut  en  l'an  1590, 
[sur  la  fin  d'octobre,  au  lieu  de  Vif,  qu'il  se  remit  au  service 
[des  gardes  dud.  segneur,  qui  dud.  lieu,  s'en  ala  tenyr  les  Estats 
[de  ceste  prouvince  a  Voiron  et  iceulx  tenus  alla  prandre  les 
[rues  de  Grenoble  nommés  de  S'  Laurent  et  La  Periere,  et 
[donna  ung  coup  de  pétard  a  la  porte  du  pont  de  l'Isère  qui 
[passe  entre  lesdites  rues  et  lad.  ville,  qui  enfonça  lad.  porte, 
[mais  le  cladat  de  fer  de  lad.  porte  abatu,  ne  se  fit  pour  ce 
[jour,  autre  chose.  Mais  fit  venir  son  armée  et  six  canons  pour 
[batre  la  dite  ville,  laquelle  fut  rendue  par  composition  et  le 
[gouvernement  donné  a  M.  de  Morges.  La  compagnie  dud. 
[segneur  entra  la  première  dans  lesd.  rues  de  S'  Laurens  et  de 
[la  Perière,  et  après  celle  des  gardes  de  laquelle  ledit  Anthoine 
[estoit,  commandé  par  mons.  des  Orres  l.  Quelques  jours  après 
[mons.  de  Gouvernet  avec  cinq  cents  reistres  et  environ  deux 
[cents  arquebusiers  a  cheval  tant  des  gardes  que  autres  alla 
[en  Savoye  a  S'  Bardot  i^,  ou  estoyt  logé.  .  Renvoyé  au  feuil. 
[52,  ou  est  descrit  ce  que  led.  Antoine  a  durant  sa  vie  veu  de 
[notable.]  Ledit  Anthoyne  fut  de  la  grandeur  de  Gaspard  son 
frère  et  luy  retyroyt  fort  de  fasse  et  poyl  et  barbe  blonde,  actyf 
et  plain  d'amytié,  aymant  fort  l'agriculture  et  les  armes  et  a 
lyre  histoyres. 

ESTHER 

Esther  Gay  naquyt  ung  vendredy  sinquyesme  jour  de  dé- 
cembre myl  cinq  cents  septante  huyt,  a  deux  heures  du  soyr. 
Son  parin  fut  M'=  Claude  Dupuys,  notere  de  cete  vylle  ;  ses 
marynnes  furent  damoyselles  Honorée  et  Fransoyze  de  Glane, 

1.  La  terre  des  Orres,  au  diocèse  d'Embrun. 

2.  Saint-Baldolph^  en  Savoie,  cant.  et  arr.  de  Chambéry. 


DES    FRÈRES   GAY.  53 

filhes  du  segneur  de  Cugie.  par  lors  gouverneur  de  Dye  et  fut 
batizee  a  l'esveché  par  monsieur  Ennemond  de  la  Combe->'^, 
ministre.  Elle  mourut  de  briesve  maladye  eagé  d'envyron  deux 
ans.  Voyla  en  soume  ce  quy  c'et  passé  d'elle. 


^7.  Voir  plus  haut.  p.  ijj.  Nous  donnerons  ici.  d'après  le  Thésaurus  e.p\9,- 
tolicus  Calvinianus,  n*  36 ^-f-.  une  lettre  adressée  à  Calvin  par  Pierre  Bise . 
pasteur  à  la  Côte-Saint- André,  le  i6  décembre  i s6 f  ;  on  y  trouvera  de  fort 
curieux  détails  sur  les  origines  du  protestantisme  à  Romans  et  sur  le  ministre 
Lacombe. 

Au  très  fidelle  serviteur  de  Dieu,  mon  très  honoré  seigneur  et  docteur, 
monsieur  Calvin. 

Nostre  Seigneur  Jésus  vous  soit  pour  salut. 

Mon  très  honoré  seigneur,  considérant  Testât  de  Tesglise  de  Romans 
et  la  moisson  copieuse  qui  y  est,  ie  ne  puis  moins  faire  que  la  vous  re- 
commander au  nom  du  Seigneur,  afin  que  par  vostre  faveur,  aide  et  con- 
seilh  elle  soit  assistée.  J'appercoy  la  famine  très  grande  de  la  pasture 
céleste,  l'ardeur  de  la  recevoir,  quand  le  Seigneur  leur  présente  le  moyen. 

Ouyant  la  clameur  de  ce  grand  troupeau,  voyant  la  diligence  des  diacres, 
le  soing  des  anciens  et  expérimentant  le  zèle  en  l'œuvre  de  Dieu,  leurs 
regrets  et  soupirs,  causant  la  longue  absence  de  la  Comba,  leur  ministre 
(preste  en  une  extrême  nécessité  a  ceux  d'Oranges,  comme  serez  ample- 
ment adverty  par  ces  deux  notables  personnages)  ie  suis  contraint  de 
soupirer  avec  eux  et  me  complaindre  a  vous  du  tort  qu'il  me  semble  leur 
cstre  faict  par  lesdits  d'Oranges  et  la  Comba,  contre  l'intention  du  synode 
tenu  a  Dye  et  la  permission  desdits  de  Romans.  Car  si  ceux  d'Oranges  ne 
se  sont  voulu  pourvoir  de  ministre,  comme  leur  avoit  esté  cnioinct,  re- 
grettans  encores  (comme  verres  par  leurs  lettres;  leur  Greg.  Cornélius 
receu  par  eux  sans  vocation  et  ordre  légitime,  et  si  ledict  La  Comba 
n'avant  résisté  audit  Romans  iusques  a  la  prison  et  au  sang  se  trouve 
plus  commodément  et  a  son  aise  avec  lesdits  d'Oranges,  si  sa  femme  nou- 
vellement espousée  lui  est  un  empeschement  ou  lui  est  plus  chère  que 
l'Esglise  du  Seigneur,  de  laquelle  par  nécessité  il  a  esté  en  charge,  qu'en 
peut  mais  ce  pauvre  troupeau  affamé  et  désolé,  duquel  il  rendra  comte. 

Je  vous  supplie  donc,  au  nom  du  Seigneur,  leur  tendre  la  main,  de 
sorte  qu'ils  aient  occasion  d'estre  au  double  redevables  envers  vous.  Il 
seroit  du  tout  nécessaire  qu'a  vostre  instance  M'"  Merlin  y  tit  un  voyage  : 
car  ie  say  qu'il  y  sera  receu  comme  un  ange  de  Dieu,  avec  un  fruict  ines- 
timable. Ils  ont  conceu  cette  espérance  que  mondit  sieur  Merlin  leur  fera 
ce  bien  et  grâce  de  les  venir  remettre  en  ordre  (afin  que  ie  ne  dise  en  vie), 
a  leur  grande  consolation.  le  me  tiens  desia  pour  résolu  de  la  facilité  et 
devoir  envers  les  siens,  auquel  l'en  eusse  escry  si  l'eusse  heu  le  loisir.  A 
tant  je  prierav  nostre  bon  Dieu  et  père  vous  faire  prospérer  en  son  œuvre. 
Bulletin  d'hist.  f.ccl.  .  .  de  Valence.  5 


34  MÉMOIRES 


Marthe 


Marthe  Gay  naquyt  ung  lundy  vini;-t  et  troyzieme  avryl  my. 
cinq  cents  huytante  deux,  entre  sept  ou  huyt  heures  du  soyr, 
Son  parin  fut  Thomas  Gay,  son  frère,  et  sa  marinne  fut  Glaude 
Gay,  sa  seur,  femme  de  syre  Louys  Appays.  Elle  fut  batizée  par 
monsieur  Vytal  Lhaurens  ',  lors  mynystre  de  Dye,  dens  la 
cour  du  jardin  et  estableryes  de  sire  Pierre  Bertrand,  près  des 
courdeliers,  ou  l'on  preschoyt  par  lors,  a  ToGazion  de  ce  que 
l'on  n'avoyt  point  encore  basty  de  temple  pour  prescher.  [Il 
[fut  marié  en  premières  nopces  a  sire  Pierre  Advond  et  en  heust 
^deux  enfans  qui  moururent  quelque  temps  après  la  mort  de 
[leur  père.  Elle  se  remaria  a  S""  Pol  Chappot  ^,  lequel  aussy 
[mourut  et  leyssa  la  susdite  Marthe  Gay  avec  ung  malle  et 
[deux  filhes  :  Tainée  maryée  avec  Gaspard  PouUat,  nommée 
[Bonne,  et  l'autre  Louyse  mariée  avec  Pierre  Lambert  notera, 
[et  ce  après  le  deces  dud.  Pol  Chappot.  Lad.  Marthe  Gay  est 
[decedée  le  vingt  huyt  octobre  1640,  a  quatre  heures  après 
[midy,  jour  de  dimanche,  ayant  jusqu'au  dernier  période  de  sa 
[vie  recours  a  la  miséricorde  de  Dieu  et  sans  apreander  la 
[mort,  après  avoir  esté  exortée  et  consolée  par  monsieur  Eus- 
[tache  ^\  ministre,  est  decedée  et  leyssé  héritier  Charles  Chap- 

assister  a  ses  povres  et  désolées  esglises,  vous  Ibrlitier  et  eonscrver  en 
bonne  santé,  longue  et  heureuse  vie,  me  recommandant  très  humblement 
a  vos  sainctes  prières  et  bonne  grâce,  sans  oublier  mondit  sieur  Merlin 
et  mes  honorés  seigneurs,  vos  IVeres  et  compaignons.  De  Romans,  ce  IG 
de  décembre  ]i)(31 . 

Pour  autant  que  ceux  de  Beaurepairc,  Moras,  St-Valier  et  autres  es- 
glises désirent  d'avoir  ministres,  ie  vous  supplie  admonester  un  M«  Pierre 
Bisson,  iadis  apoticaire  a  Yverdun  qu'il  se  prépare  :  car  ie  délibère  en 
brief  l'envoyer  querre,  si  le  trouvez  propre.  Sa  pieté  et  saincte  conversa- 
tion m'est  assez  notoire  de  long  temps. 

Vostrc  très  humble  serviteur  et  disciple  a  iamais. 

BiSK. 

1.  M'^  Arnaud  l'appelle  Laurent  Vitel  (t.  II,  p.  3-jjj. 

2.  //  était  peut-être  parent  de  Pierre  Chapot,  dauphinois,  qui  fut  exécuté  à 
Paris  en  1 546  pour  avoir  introduit  dans  la  ville  des  livres  hérétiques,  qu'il  avait 
apportes  de  Oenève.  Cf.  La  France  protestante,  /.  ///,  col.  loH^-G. 

7).  David  Eustache  a  été  successivement  ministre  à  Corps,  à  La   Terrasse, 


DES    FRÈRES   GAY.  55 

[pot,  son  fils,  par  son  dernier  testament,  receu  par  m.  Jean 
[Mailhefaud,  notere,  du  jour  que  dessus  elle  mourut.] 

Memoyre  des  contrats  fets  et  pasés  en  la  fabveur  de 
Anthoynne  Gay,  bourgeoys  de  Dye, auquel  coumance  la 
troyzieme  generasion. 

Mariage  de  Anthoynne  Gay  bourgeoys  de  Dye  et  de  damoy- 
selle  Jeanne  Brunel,  filhe  de  noble  Vinsent  Brunel,  segneur  de 
S*  Maurisse,  Laie  et  le  Serre  en  Triesves,  et  habytant  dudit 
S'  Maurisse,  reseu  par  m«  Guylhaume  Brunel,  notere  de  Laie, 
mandement  dudit  Saint  Maurisse,  du  vingt  et  six  nouvambre 
myl  cinq  cents  quarante  deux.  -■  154^  — 

Mariage  dudit  Anthoynne  Gay  avec  damoyzelle  Jeanne 
Faure,  filhe  de  noble  Jourdan  Faure.  segneur  de  Vercors  de 
cete  vylle  de  Dye,  resseu  par  mètre  Anthoynne  Charensy,  nc- 
tere  dud.  Dye,  en  l'année  myl  cinq  cents  sinquante  et  neuf. 
—  1559. 

Dounasion  de  m*  Gabryel  Gay,  chanoine  de  l'Esglise  cate- 
dralle  Notre  Dame  de  Dye,  fet  en  fabveurde  Jourdan  Malsang. 
et  nous  servant,  reseu  par  m'  Gabryel  de  Savignes,  notere  de 
Dye,  du  vingtyeme  mars  myl  cinq  cents  quarante.  —  1540. 

Testement  de  vénérable  messire  Piere  Gay,  prebstre  de  l'es- 
glise  Nostre  Dame  de  Dye,  faysant  en  fabveur  de  Anthoyne 
Gay,  son  frère,  reseu  par  m=  Anthoynne  Lambert,  notere  de 
Dye,  du  vingtyeme  jour  du  moys  de  janvyer  année  myl  sinq 
cents  sinquante  sinq.  —  1555. 

Instrument  d'apointement.  fet  entre  led.  Piere  Gay  et  Ga- 
bryel Gay.  son  honcle,  reseu  par  m*  Anthoyne  Charensy,  de 
l'année  J  contenue  aud.  instrument. 

Achept  de  vingt  et  ung  flourins  pension,  faysant  pour  led. 
Anthoynne,  contre  Jourdan  Malsang,  reseu  par  m^  Anthoyne 
Lambert,  notere  de  Dye,  le  vingt  de  julhet  myl  cinq  cents 
sinquante  quatre  —  1554. 

à  La  Mure,  à  Die  (de  i638  à  lô-Pi)  et  à  Montpellier.  Il  soutint  plusieurs  dis- 
putes tliéologiques  avec  des  docteurs  catholiques,  notamment  avec  le  P.  Fichet, 
jésuite.  Rochas,  t.  1,  p.  3^8-6o  ;  —  Arnaud,  Notice  sur  les  controverses 
relig.  en  Dauphiné,  p.  3g,  4o,  4^. 


56  MÉMOIRES 

Arest  provizionel  de  la  cour  de  Parlement  du  Daufyné,  séant 
a  Grenoble,  contre  Leonarde  Roustagne,  vefve  a  feu  Jourdan 
Malsang,  pour  vingt  et  ung  flourins  pension,  du  14*  décembre 
1531,  signé  Albarestier. 

Aultre  arest  définitif  contre  lad.  Rostagne,  pour  les  vingt  et 
ung  tlourins  pension,  sy  dessus  mentionnés,  donné  aud.  Gre- 
noble le  douzième  du  moys  de  may  1583,  signé  Bertrand. 

Achept  d'un  tenement  de  deveys,  fet  par  m"^  Piere  Gay,  situé 
au  teroyr  de  Dye,  lyeu  dyt  en  S'  Corp,  près  la  Roche  de  Rou- 
meyer,  au-dessous  la  rivière  de  Meyrosse,  et  du  coutté  de  la 
vylle  les  vignes  de  la  Gueyre,  reseu  par  M'=  Mourel,  notere  de 
Dye,  du  unzieme  febvryer  1537. 

Enqueste,  fette  pour  led.  deveys  par  Pierre  et  Anthoynne 
Gay  frères,  en  ung  procès  contre  eus  intanté,  pour  l'abolition 
dud.  deveys,  par  Dysdyer  Daumas  dyt  Fassy,  fette  par  M« 
Guylhaume  de  Rodon,  juge  de  cete  vylle,  et  mestre  Jacques 
Mailhefaud, son  greffier, dutreze  jour  du  moys  de  décembre  1549. 

Nomynasion  en  amy,fayzant  pour  led.  Anthoynne  Gay,  d'une 
tere  aus  Myelons,  qu'yl  a  du  despuys  eschangé  a  M.  Bertrand 
Malhefaud,  couturyer  de  cete  vyle,  pour  une  aultre  au  sere  du 
Martouret,coume  apert  par  M'  Antoyne  Lambert,  notere  de 
Dye.  1564. 

Mariage  de  André  Courbiere  de  Lyvronet  damoiselle  Jeanne 
Faure,  de  Dye,  servent  en  cette  mayzon,resu  par  M'  Anthoine 
Charensy,  notere  de  Dye,  du  septyeme  jour  du  moys  de  juin 
1556. 

Achept  du  tenement  de  Puergnon,  consistant  en  mayzon  et 
coulombyer,  jardin,  tere,  pré  et  vigne  par  Piere  Gay,  de  Piere 
Charensy  de  cette  vyle,  resu  par  M^  A  nthoyne  Lambert,  notere 
de  Dye,  avec  ratificasion.  le  tout  reseu  par  led.  Lambert,  sa- 
voyr  l'achept  le  vingt  et  deux  julhet  1554,  et  la  ratificasion  le 
six  mars  1555. 

Achept  de  Anthoyne  et  Pierre  Gay  d'une  tere  en  Saueyra, 
aquyse  de  jean  Brun,  boulangier  de  Dye,  que  confronte  le  rif 
de  Saveyra,  juste  le  beal  de  leygage,  tere  et  pré  de  Claude 
Vignon,  tere  et  pré  de  Hilaire  Sausine,  resseu  par  M'  Claude 
Boyery,  notere  de  Dye,  du  dix  neuf  décembre  1550. 


DES    FRÈRES   GAY.  57 

Achept  dud.  M'  Pierre  Gay  d'une  terre  en  l'Aulmet,  acquyse 
de  Jean  et  Mychel  Brunels,  alias  Pascallet,  confrontant  la  terre 
des  frères  prescheurs,  le  beal  de  leygage  au  mylieu,  tere  de 
Fransoys  Plannel  et  tere  desdits  prescheurs  du  dessus,  l'eceu 
par  M'  Barthelenny  EscoufRer  notere  de  Dye  du  unzieme  jan- 
vyer 1538. 

Achept  de  M'  Pierre  Gay  d'une  tere  en  l'Aulmet,  aquize  de 
Laurans  et  Fransoys  Perynets  de  Dye,  confronte  la  tere  de 
Fransoys  Pascallet,  le  tenement  de  teres,  grange  dud.  achep- 
teur,  terre  de  M"  Anthoyne  Pelhon  et  aultre  dud.  Paqualet, 
tere  du  prieuré  de  S'  Marcel,  ung  rif  mort  entre  deus, 
resseu  par  M'  Anthoyne  Charency,  de  Dye,  du  quatorzième 
avryi  1541. 

Achept  de  Anthoynne  Gay  de  cent  huyt  pas  tere  de  longeur 
et  cinq  pas  de  largeur  au  Martouret,  aquys  de  Genefvieve  Ty- 
baude,  juste  et  long  la  tere  dud.  Gay  de  long  et  de  deus  coustés, 
et  tere  de  lad.  Tybaude,  tere  dotale  de  M'  Guy  Brun,  le  rif  au 
pied,  deslivrée  à  l'inquand  du  douzième  nouvambre  1557,  re- 
seu  par  M^  Esprit  Dermenon  greffier  et  notere  de  Dye. 

Transaction  de  Jacques  Fabryer  et  Claude  Pynoud,  pour  ley- 
gage du  Martouret  nous  servent,  reseu  par  M*  B'ransoys 
Achart,  notere  de  Dye,  en  l'année  1505. 

Achept  de  Pierre  et  Anthoyne  Gay  frères  d'une  vigne,  asize  en 
Beq  au  sel,  syse  en  Loysette  ou  l'Arenyer,  aquise  de  Estienne 
Masse,  que  confronte  le  chemin  publiq  alhand  en  Beq  au  sel, 
et  vignes  desd.  acheptenrs,  ung  rif  mort  entre  deux,  reseu  par 
M«  Anthoyne  Lambert,  notere  de  Dye,  du  sixième  avryl  1549. 

Achept  d'une  tere  en  l'Aulmet  aquyse  par  les  susdits  Gays 
de  Louys  Richaud,  dyt  Sausine,  et  Claude  Malsang,  maryés, 
que  confronte  la  terre  de  Pierre  et  Reymond  Margnauds,  res- 
seu par  M'  Claude  Boyery,  de  Dye,  du  15  may  1551. 

Apensionement  d'un  tenement  en  l'Aulmet  ou  Saueyra,  et 
consistant  en  grange,  mayson,  terres  et  prés,  feten  fabveur  de 
M«  Pitre  Gay,  par  don  Thomas  Gay,  son  honcle,  sacrestain  du 
prieuré  de  S'  Marcel  les  Dye,  avec  ses  confronds,  reseu  par  M^ 
Guylhaume  Marye,  notere  dud .  Dye,  du  sixième  jour  du  moys 
de  setembre  1538. 


5.3  MÉMOIRES 

Ratification,  recougnoysance  et  investiture  dud.  tenement, 
fet  aud.  Gay,  par  le  pryeur  de  S'  Marcel,  reseu  par  led.  Marye, 
du  vingt  troysieme  juin  1539. 

Achept  de  dix  tlourins  de  pansion,  que  le  susdit  tenement 
de  l'Aulmet  faizoit  au  prioré  de  S'  Marcel  les  Dye,  reseu  par 
M'  Barthélémy  Escouffier,  en  datte  du  jour  et  année  i  con- 
tenus. 

Achept  de  M'  Piere  Gay  d'une  tere  en  l'Aulmet,  aquyse  de 
Laurûns  Chapaiis.  laboureur  dud.  Dye,  que  confronte  la  tere 
dud.  vendeur  du  coutte  de  la  vylie,  juste  le  chemin  alhand  a 
Roumeyer,  reseu  par  M"  Anthoynne  Charensy  du  six  et  neuf- 
vieme  du  moys  d'octobre  1544. 

Achept  de  Anthoyne  Gay  d'une  mayzon  dans  Dye,  asize  en 
la  rue  de  Vileneufve,  qu'yl  a  heu  a  l'inquand  publiq  des  hoirs 
de  Martin  Malsang,  que  confronte  lamayzon  dud.  Gay,mayson 
des  hoirs  de  George  Bertrand,  passé  par  devant  M'Guylhaume 
Roudon,  juge,  et  M'  Jacques  Mailhefaud,  greffier,  du  15  julhet 
1551. 

Quytance.consedée  aud.  Gay  par  Jean  Roux  etCateryneGay, 
maryés,  parles  droyts  de  légitime deubs a  lad.  Cateryne,  sur  les 
byens  de  Barthélémy  Gay  leur  père,  reseu  par  M'  Anthoyne 
Lambert,  notere  de  Dye,  du  douzième  julhet  1566. 

Espulsion  de  douze  sols  pension,  que  led.  Anthoynne  Gay 
fayzoyt  aus  pauvres  lépreux  de  la  maladiere  desus  vylle,  reseu 
par  M'  Fransoys  Garcin,  notere  de  cette  vylle  de  Dye,  du  4* 
febvrier  1581. 

Aquyt  concédé  a  Anthoynne  Gay,  par  Thomye  Gay,  filhe 
naturelle  de  feu  M*"  Pierre  Gay,  et  Joachin  Amblard,  son  mary, 
du  Montelhymar,  reseu  par  M'  Claude  Vallete,  notere  du 
Monthelymar,  du  17  janvier  1566. 

Aquyt  concédé  a  Anthoynne  Gay  par  Oudix  Roux,  sa  niepce, 
filhe  de  Cateryne  Gay,  pour  tous  les  afferes  passés,  qu'yls  ont 
heu  ensemble,  reseu  par  M'  Pierre  Cartyer,  not.  du  Crest,  du 
18'  juin  1576. 

Eschanges,  fets  entre  led.  Anthoynne  et  Anthoyne  Garsin, 
dit  Patu,  d'une  pièce  de  tere  au  Martouret,  que  confronte  la 
tere  de  Claude  Vyeron  et  la  vigne  de  M'  Paul  Dermenon  et  le 


DES    FRÈRES    GAY.  59 

chemin  alhand  a  Ouson,  baylhée  par  led.  Garsin,  et  une  pièce 
de  tere  en  l'haulmet,  baylhée  aud.  Garsin  par  led.  Gay,  reseu 
par  M*  Eynard  Chabert.  notere  de  Dye,  du  8  septambre  1578, 
sur  ung  registre  au  feulh.  xxiiii. 

Eschanges,  passés  entre  AnthoynneGay  et  Bertrand  Malhe- 
faud  et  Caterynne  Fabvyer,  maryés,  d'une  tere  au  Martouret, 
baylhée  par  lesd.  Malhefaud  et  Fabvyer  aud.  Gay,  pour  une  tere 
aus  Myelons,  que  led.  Gay  leur  a  baylhé,  reseu  par  M.  Eynard 
Chabert,  notere  de  Dye,  couché  sur  ung  reg.  au  feuilh.  lxxi, 
en  l'année  1566. 

Achept  de  tere,  fet  par  Piere  et  Anthoyne  Gay,  frères,  reseu 
par  M"  Anthoyne  Charensy,  en  l'an  1544. 

Eschanges,  fets  par  lesd.  Gay  aveq  Jean  Faure  dit  Pase- 
rat  d'une  vigne  en  la  Gelinne,  que  led.  Faure  leur  a  baylhé, 
reseu  par  M"  André  Maseron,  le  premyer  jour  de  may  année 
1545. 

Achept  desd.  Gay  d'une  terre  au  Martouret,  aquyse  de 
Jacques  Fabvyer  de  Dye,  reseu  par  M^  André  Maseron  du  15 
jour  du  moys  de  juyn  année  1546. 

Achept  desd.  Gays  d'une  vigne  en  la  Gelynne,  aquyse  de 
Goudon,  reseu  par  M'' Esprit  Dermenon,  not.  en  1548. 

Achept  de  Pierre  et  Anthoynne  Gays,  frères,  d'une  pièce  de 
vigne  en  Beq  au  sel  ou  l'Areynier,  aquyse  de  Estienne  Masse,  et 
reseu  par  M*'  Anthovne  Lambert,  noiere  de  Dye,  en  l'année 
1549. 

Achept  d'une  vigne  en  la  Gelynne  ou  tere,  aquyze  par  lesd. 
Piere  et  Anthoyne  Gays.  frères,  de  Jacques  Vyal,  resseu  parM*" 
Anthoynne  Lambert,  not.  de  Dye,  en  1  année  1552. 

Achept  dud.  Anthoyne  Gay  d'une  vigne  en  la  Geline,  reseu 
par  M"  Esprit  Dermenon,  not.,  en  l'ann.  1550. 

Instrument  faysant  en  la  fabveur  de  Pierre  Gay,  reseu  par 
M.^  Anthoyne  Charensy  ou  Guylhaume  Marye  noteres  de  cette 
vylle  en  leur  lyvre  G.  folyo  14. 

Achept  de  M**  Pierre  Gay,  prestre  del'esgiise  Notre  Dame  de 
Dye,  d'une  tere  en  l'Aulmet,  qu'yl  a  aquys  de  Perynnet,  reseu 
par  M"^^  Guylhaume  Marye,  not.  de  Dye,  en  l'année  1540. 

Achept  de  M'=  Pierre  Gay  d'une  tere  en  l'Aulmet,  aquys  des 


60  MÉMOIRES 

Chapaiis,  reseu  par  M^  Guylhaume  Marye,  notere  de  cette  vylle 
en  l'année  1543 

Achept  dud.  M"  Pierre  Gay  d'une  tere,  aquyse  des  Gal- 
vaguets,  reseu  parM°  Maurely,  not.  de  cete  vylle,  en  l'an  1534. 

Transation  et  appointement,  passés  entre  Anthoyne  Gay, 
bourgeoys  de  Dye,  et  Thomas  et  Glande  Gays,  sesenfans,  tant 
de  leurs  droyts  paternels  que  maternels,  aveq  les  paches  et 
conventions  entre  euls,  coume  a  plain  et  contenu  au  contrat 
dud.  apointement,  reseu  par  M' Davyd  Lambert,  not.  de  Dye, 
du  23"  mars  1585. 

Aquyt,  concédé  par  le  sire  Jean  Valensan,  marchand  de  cette 
vylle,  père  de  Piere  Valensau,  a  Anthoynne  Gay  beau  père  dud. 
Piere,  de  la  soume  de  cent  sinquante  escus  sol  et  une  robe  de 
sarge  de  Flourance,  en  diminusion  de  dot,  constytué  a  Marye 
Gay,  femme  dud.  Piere  et  filhe  dud.  Anthoyne,  reseu  par  M" 
Gaspard  Chabert,  not.  de  Dye,  du  vingt  et  sizieme  mars 
année  1585. 

Espulsion  et  quytance  de  quarante  deux  sols  pention  d'un 
coutcé  et  dix  huyt  sol  de  l'autre,  de  laquelle  Barthélémy  Gay 
s'etoyt  rendu  caution  pour  Gabryel  Gay  son  frère,  envers 
messieurs  de  l'esglise,  comme  apert  aquyt  donné  a  Anthoyne 
Gay  par  M''  George  Marselhe,  chanoyne  de  lad.  esglise,  et  ins- 
trument, le  tout  reseu  par  M'  Authoynne  Charensy,  du  22 
julhet  année  1557. 

Aquyt  concédé  a  Anthoyne  Gay  par  sire  Louys  Apays,  mary 
de  Glaude  Gay,  sa  filhe,  pour  la  soume  de  310  escus,  payés  en 
diminusion  du  dot  de  lad.  Glaude  aud.  Apays,  reseu  par  M» 
Anthoyne  Lambert,  not.  de  Dye,  du  17  julhet  1565. 

Aquyt  concédé  a  Anthoynne  Gay  par  Thoumas  Gay,  son  fils, 
de  la  soume  de  deux  cents  trante  troys  escus  vingt  sols,  a  luy 
légués  en  son  contrat  de  maryage  par  led.  Anthoynne,  reseu 
par  M'  Gaspard  Chabert  not.  de  Dye,  du  dixième  décembre 
1580. 

Achept  de  Anthoynne  Gay  d'une  tere  au  Martouret,  aquize 
de  Guylhaume  de  Byerre,  de  Dye,  que  confronte  le  rif  du  Mar- 
touret, reseu  par  M*"  Claude  Boyery,  not.  dud.  Dye.  du  9* 
juin  1550. 


DES    FRÈRES    GAY.  61 

Testement  de  Anthoynne  Gay,  fet  en  fabveur  de  Gaspard  Gay, 
son  fils,  le  12=  d'aoust  1586.  reseu  par  M®  Louys  de  Rodon, 
notere  de  Dye,  vers  le  pont  d'Aurelhe,  a  l'ocazion  de  la  grand 
contagion,  quy  fat  a  Dye  en  cette  année  1586. 

[Testement  d'Anthoyne  Gay,  reçu  par  M*'  Pierre  Chalvet, 
[  notaire,  le  50  décembre  1587,  ou  il  fait  Gaspard  Gay,  son  fils, 
[  héritier,  et  ou  led.  Gaspard  decederoit  sans  enfant  ou  ses 
[  enfants  decederoient  sans  enfans  substitue  Antnoyne  Gay 
[  son  frère  et  les  siens  ]. 

Cet  la  quatryeme  generasioîj  de  la  maizon  des  Gays,  a 
Dye,  de  laquelle  Gaspar  fyls  d'Anthoynne  ce  trouve  le 
premyer,  byen  que  Thomas  fut  son  aysné,  a  l'ocazion  de 
ce  que  led.  Thomas  s'esmancypa,  et  par  ainsin  led.  Gaspard 

ce  trouve  HERITIER,  DUQUEL  S'ENSUYT  LA  GENERASION  ET  CE 
QUI  EN  A  ESTÉ.  DyEU  NOUS  FASE  LA  GRACE  d'y  MULTYPLIER  A  SA 
GLOYRE. 

Gaspar  Gay,  fyls  d'Anthoynne,  a  coumancé  la  quatryesme 
generasion  et  sont  sourtys  de  luy  et  de  Louyse  Engilboud  sa 
femme  des  le  vingt  avryl  myl  cinq  cents  quatre  vingts  et  sept, 
que  leur  mariage  fut  reseu  par  M*^  André  Gilbert  ',  notere  de 
Dye  et  expouzerent  le  vingt  six  septambre  myl  cinq  cents 
quatre  vingts  et  sept  soubs  l'aie  du  marché.  Monsieur  Bar- 
byer  -,  mynystre  de  cete  vylle  les  espouza.  Ladite  Engilboud 
heut  troys  mylle  six  cents  lyvres  de  doyre,  que  son  perc  le  sire 
Jean  Engilboud,  bourgeois  de  Dye,  luy  avoyt  donné  par  son 
dernyer  testement,  ou  Herculles  Engilboud,  son  frère,  a  sa 
constitutyon  de  dot.  Elle  estoyt  de  moyenne  staturedegrandeur 
yeux  roux,  grand  front  et  poyl  chastaing,  femme  devotyeuse  et 
de  peu  de  paroles,  bonne  mesnagere  et  propre  tant  en  habyts 
quen  aultres  chozes.  Elle  naquyt,  a  ce  que  j'en  ay  peu  reculhyr, 
au  moys  de  nouvambre,  en  l'année  mil  cinq  cents  soysante. 


1.  C'est  probablement  à  cette  famille  de  Die  qu'appartenait  Louis  Gilbert. 
qui  fut  ministre  protestant  et  se  convertit  au  catholicisme  en  i6S^.  On  sait 
qu'il  est  auteur  d'une  vie  de  S'  Etienne,  éveque  de  Die.  Rochas,  t.  /,  p.  422. 

2.  Louis  Barbier,  successivement  ministre  à  Die  eu  r  §88,  à  Saillans  en  iboji, 
à  Pontaix  en  i6o4. 


62  MÉMOIRES 

Elle  estoyt  de  mon  eag-e  et  n'avoys  qu'un  moys  plus  qu'elle. 
Nous  demeurasmes  deux  ans  et  quelques  moys  maryés,  sans 
avoyr  enfens,  et  du  despuys  eusmes,  en  Tannée  myl  cinq  cents 
quatrevingts  et  dix,  le  premier  D'elle  donq  et  de  moy,  sont 
issus  :  Hercules  et  Fransoys,  [Danyel],  ,  desquels  la 

natyvytté  sera  cy  après  descripte  au  long. 

Hercules. 

Hercules  Gay  naquytun  jour  de  jeudy,huyctieme  defebvryer, 
année  myl  cinq  cents  quatrevingts  dix,  le  synquiesme  jour  de 
la  lune  nouvelle,  entre  neuf  et  dix  heures  du  soyr.  Son  paryn 
fut  honorable  HercuUes  Engilboud,son  honcle,  frei'c  de  Louyze 
Engilboud  sa  mère,  et  sa  marynne  damoyzelle  Fransoyze  de 
Chappot,  couzine  germaynne  de  lad.  Engilboud,  et  fut  batizé 
le  septyeme  mars  en  l'année  susrhte,  au  temple  de  nouveau 
basty  vers  Saint  May  l,  par  monsieur  Davyt  -,  mynistre  de 
Pontays,  preschant  lors  ycy,  ou  se  fayzoyt  une  asamblée  de 
mynistres,  et  Dyeu  le  retyra  a  luy  le  dixyeme  mars  myl  cinq 
cents  nouante.  Se  vouUant  servyr  des  premyers  fruyts  qu'yl 
nous  avoyt  donné.  Dyeu  nous  face  myzericoi'de  et  nous  envoyé 
ce  qu'il  cougnoyt  nous  estre  nesessere,  au  nom  de  son  fils 
Jésus  Crist.  Amen. 

Fransoys. 

Fransoys  Gay,  segond  fils  de  Gaspar,  naquyt  ung  jour  de 
mardy,  vingt  six  de  julhet  mil  cinq  cents  nouante  quatre, 
entre  quatre  et  sinq  heures  du  matyn,  la  lune  estant  nouvelle 
de  neuf  jours.  Son  paryn  fut  noble  Fi'ansoys  de  Perdeyer  ^, 


1.  Ce  temple  fut  démoli  par  arrêt  du  Conseil  d'Etat,  le  3o  juillet  i68^, 
comme  étant  bâti  dans  une  ville  cpiscopale.  La  cloche  que  les  protestants  y 
avaient  placée  avait  été  saisie  le  i  avril  de  la  même  année  par  le  juge  Gaspard 
Collet,  sieur  d' Anglefort  et  le  consul  Boudra.  «  Elle  avait,  lisons-nous  dans 
une  note  de  M"  Long,  une  largeur  de  3  pieds  moins  un  pouce  en  bas  et  autant 
en  hauteur  en  dedans.   Ecusson  aux  armes  de  France.  Salvatoki  xpo  reli- 

GIONIS     REI-OK.MA  lAE   AVCl  ORl     ET     PROIECTORI    DIENSES   CIVES    DD  ANNO    IGl'i. 

2.  Auguste  David,  ministre  de  Pontaix. 

3.  LafamilU.  Perdeyer  ou  Pt,rdier  est  originaire  d'.  Mcnglon.  Claude  Perditr 
est  nommé  parmi  les  nobles  de    cette  localité  dans  une  révision   de  feux  de 


DES    FRERES    GAY. 


63 


syeur  de  S'  Martin,  et  sa  marynne  damoyselle  Izabeau  de 
Vercors,  ma  couzine,  et  a  esté  batizé  au  temple  de  nouveau 
basty  vers  S*  May,  par  monsieur  Guylhaume  Vallyer  1,  my- 
nystre  de  la  parole  de  Dyeu  a  Dye,  un  jour  de  mardy,  tran- 
tyesme  d'aoust,  anée  myl  cinq  cent  quatrevingts  et  quatre. 
Et  Dyeu  l'a  retyré  de  cete  vye  pour  le  mettre  en  la  gloyre  éter- 
nelle, le  premyer  jour  du  moys  de  septambre,  en  la  susdite 
année.  Dyeu  nous  face  mysericorde.  au  nom  de  son  fils  Nostre 
segneur  Jezus  Crist.  Amen. 

Danyel. 
Danyel  Gay,  nosti-e  troyzieme  fils  et  de  Louyze  Engilboud, 
naquyt  ung  vendredy,  dix  neuf  janvyer,  mil  cinq  cents  nonante 
six,  entre  sinq  et  six  heures  du  matyn.  Son  paryn  fut  hono- 
rable Danyel  Gay,  mon  frère,  son  honcle,  et  sa  marynne 
damoyselle  Jeanne  de  Brunel.  femme  du  capitaine  Jean  de 
Chabanas,  seur  utérine  de  Louyze  Engilboud,  sa  mère.  Et  fut 
batizé  au  temple  vers  S^  May,  par  monsieur  m«  Guylhaume 
Vallyer,  ministre  de  la  parole  de  Dyeu  en  cette  vylle  de  Dye, 
le  jeudy  vingt  cinquyesme  janvyer,  audit  an  myl  cinq  cents 
quatrevingt  seze.  Dyeu  Juy  face  grâce  et  a  nous  pour  le  fere 
instruyre  en  sa  craynte,  au  non  de  son  fils  byen  aymé,  nostre 
segneur  Jezus  Crist.  Amen.  [Decedé  en  1650  et  le         ]. 

i4y8.  François  de  Perdeyer,  marié  à  Françoise  de  Chapot,  sieur  ae  Saint- 
Martin  sur  iVlenglon,  habitait  Die  :  sa  fille  et  unique  héritière  Madeleine  fut 
baptisée  le  i  ^  avril  i  sg2;  elle  épousa  en  i62-f-  Hercule  de  Chabestan,  seigneur 
de  Montobscur  et  en  eut  Antoine  de  Chabestan  ;  elle  mourut  le  8  avril  j6^8. 
Claude  de  Perdeyer,  frère  de  François,  capitaine  et  gouverneur  des  châteaux 
et  vallées  de  Queyras  avait  épousé  le  8  avril  i  ^go  Madelein?  de  Chypre  ;  cette 
dernière  étant  morte  le  2/  décembre  /592,  il  se  remaria  le  20  août  i  sg-f-  avec 
Claude  de  S^Ferréol.  N'ayant  eu  qu'une  fille,  Jeanne  de  Perdeyer,  qui  avait 
épousé  Henri  de  Philibert,  seigneur  de  Venterol,  il  testa  en  faveur  de  Henri 
de  Philibert,  son  petit  fils,  à  la  condition  qu'il  porterait  son  nom  et  ses  armes  ; 
il  fit  des  legs  à  sa  femme,  à  Madeleine  de  Philibert,  sa  petitefille.,  et  à  Fran- 
çois, son  autre  petit-fils.  Il  mourut  vers  1624.  Henri  de  Philibert  de  Per- 
deyer, seigneur  et  baron  de  l'Argentière,  épousa  Françoise  d'Agoult,  fille  de 
Charles,  seigneur  de  Piégon  ;  il  testa  en  16S0  :  ses  enfants  étaient  Charles, 
François,    Henri,  Claude  et  Françoise  de  Philibert  de  Perdeyer. 

1.  Guillaume  Vallier,  né  à  Cervières,  élève  de   l'académie  de  Genève,  fut 
ministre  à  Die  de  i ^g3  à  i6og,  époque  de  sa  mort. 


64  mémoires 

Memoyre  des  contrats,   fets  et   passés  en   la  fabveur  de 
Gaspar  Gay,  marchand  de  cette  vylle  de  Dy'e,   auquel 

COUMANCE  la  QUATRIESME  GENERASION. 

Mariage  fet  et  passé  entre  Gaspar  Gay,  marchant  de  Dye,  fils 
d'Anthoynne,  et  Louyze  Engilboud,  filhe  de  feu  sire  Jean  En- 
gilboud,  bourgeoys  dud.  Dye,  reseu  par  m'  André  Gilbert,  no- 
tere  de  Dye,  ung  lundy,  vingtième  jour  d'avryl,  myl  cinq  cents 
quatre  vingts  et  sept,  et  insygnué  a  Crest  par  devant  monsieur 
m«Jean  Daryer,  dyt  Bounet,lyeutenant  partyculyer  et  m"  Por- 
tefays,  grefier  aud.  siège,  le  vingt  troys  may  en  lad.  année  1587. 

Achept  d'une  tere.  fet  par  Gaspar  Gay,  aquize  des  lioirs  a  feu 
Pierre  Vyeron,  laboureur  de  Dye,  asize  au  Martouret,  aveq 
une  grange  y  estant,  contenent  envyron  quatre  seyteyrées,  que 
confronte  de  deux  couttés  les  teres  de  Anthoyne  Gay  mon 
père  et  du  desoubs  le  chemyn  quy  va  a  Ousson,  deslyvrée  aud. 
Gay  a  Tinquant  publiq,  pour  le  prys  de  soysante  deux  escus, 
par  noble  Jean  Brunel,  mon  beau  frère,  quy  me  nouma  enamy. 
Apert  par  m»"  Pierre  Guylhet,  greffier,  et  la  remision,  reseue 
par  m*"  Davyt  Lambert,  notei'e  de  Dye,  du  vingtyeme  julhet 
myl  cinq  cent  huytante  sept. 

,  Aquyt  du  sire  Piere  Vallensan,  mon  beau  frère,  en  ma  fab- 
veur, de  la  soume  de  septante  escus  a  luy  payés  en  dymynusion 
de  dot  de  Marye  Gciy,  sa  femme,  resseu  par  m«  Pierre  Picyer, 
notere  de  la  vylle  de  Crest,  du  6«  de  nouvambre  15B7. 

Aquyt  a  moy  concédé  par  Louyze  Engilboud,  ma  femme,  de 
la  soume  de  sinquante  escus  d'or,  pour  les  joyauls  a  elle 
donnés  en  son  mariage,  reseu  par  m"  André  Gilbert,  notere  de 
Dye,  et  led.  aquyt  par  m^  Picyei',  notere  de  la  vylle  du  Crest, 
habitant  en  celé  vylle  du  6'"  ntjuvambre  année  1587. 

Aquyt  a  moy  constdé  par  syre  Danyel  Gay,  mon  frère,  de  la 
soume  de  sinquante  escus  a  luy  payés  en  dimynusion  de  ses 
droyts  paternels,  reseu  par  m"'  Picyer,  notere  du  Crest,  le 
vingt  et  sinquyeme    nouvambre  1587. 

Aquyt  a  moy  concédé  pai*  André  Brunet,  marchand  de  cette 
vylle,  exacteur  d'un  rolle  des  vingt  taylhes  perequées  en  feb- 
vrier  1587,  en  la  rue  de  Vyllcncufve,  payé  pour  mon  perc  de 


DES     FRÈRES   GAY.  65 

mes  denyers,  montants  septante  et  troys  escus  quarante  sols, 
resu  par  m^  Piere  Picyer  notere  du  Crest,  du  dernyer  dé- 
cembre 1587. 

Achept  d'une  tere  au  Martouret,  par  moy  aquise  de  m*  An- 
thoynne  Lyotard,  pour  pris  de  sinq  escus,  contenent  une  sey- 
teyrée,  confrontant  tout  a  l'entour  les  teres  de  AnthoyneGay, 
mon  père,  resseu  par  m*'  Pierre  Guilhet,  notere  de  Dye,  du 
29  avril  1588. 

Aquyt  de  Anthoyne  Amblard  exacteur  de  sinq  taylhes.  pere- 
quées  en  tebvryer  1588,  montant  dix  neuf  escus  sinquante  sinq 
sols,  payés  pour  Anthoyne  Gay,  mon  père,  de  mes  propres 
denyers,  reseu  par  m*^  Labarme,  notere  du  Crest,  du  12'aoust 
1588. 

Quytance  en  ma  fabveur  de  la  sou  me  de  19  escus,  55  sols 
payés  a  Lantheaume  Vigne,  exacteurde  sinq  taylhes,  perequées 
en  julhet  1588,  reseu  par  M«  Jean  de  la  Barme,  not.  du  Crest, 
le  15  octobre  1588. 

Achept  d'une  terc  en  TAulmet,  que  j'ay  aquys  a  l'inquand  a 
la  place  de  cete  vylle,  des  hoirs  de  feu  Jacques  Chion,  contenant 
deuxseyteyrées  et  eymyné,pour  prys  de  seze  escus  quinze  sols, 
reseu  par  m*"  Piere  Guylhet  greffier  de  cete  vylle  du  14^  feb- 
vryer  1589. 

Achept  d'une  tere  vigne  et  mayzon  au  Martouret,  aquyse  des 
hoirs  a  feu  m^  Esprit  Dermenon,  confrontant  les  teres  de 
Anthoyne  Gay,  mon  père,  contenant  le  tout  dix  seyteyrées, 
pour  prys  de  cent  trante  deux  escus,  coume  apert  par  contrat 
resseu  par  m*"  Thomas  Dupuys,  notere  de  cete  vylle, du  17*^  du 
moys  d'octobre  année  1589. 

Achept  d'une  tereau  Martouret,  aquize  de  honorable  Herculles 
Engilboud,  mon  beau  frère,  confrontant  la  susdite  tere  de 
Dermenon  et  tere  de  Jean  Brun,  le  rif  et  le  chemyn  aland  a  la 
grange  de  mon  père,  contenant  sinq  seyteyrées,  pour  prys  de 
quatrevingts  escus,  reseu  par  m"  Thomas  Dupuys,  notere  de 
Dye,  du  23  nouvambre  1589. 

Aquit  en  ma  fabveur  de  la  soume  de  cent  sinquante  escus,  y 
estant  comprins  aquyt  pour  mon  père  de  la  soume  de  troys 
cents  septante  quatre  escus,  payés  a  mon  frère  Danyel  Gay, 


66  MEMOIRES 

coume  estant  tuteur  de  Auguste  Gay,  fils  a  feu  Thomas,  nostre 
frère,  tant  pour  les  droyts  paternels  que  maternels  dud. 
Thomas,  fayzant  l'entier  payement  de  tout  ce  que  luy  estoyt 
deub,  revenant  le  tout  a  sinq  cents  vingt  et  quatre  escus,  resseu 
par  nV  Pierre  Picyer,  notere  du  Crest,  du  quatryeme  février 
1590. 

Achept  d'une  tere  au  Martouret,  que  j'ay  aquys  a  Tinquand, 
a  la  place  de  cette  vylle,  des  hoyrs  de  feu  Claude  Blanq,  con- 
frontant tere  de  m*"  Jean  Malhefaud,  terede.noble  Jean  Faure, 
mon  cousin,  tere  du  sieur  d'Oursiere.  tere  de  Jourdan  Escoufier, 
tere  qu'ay  heu  de  HercuUes  Engilboud.  mon  beau  frère,  le  rif 
entre  deux,  contenant  troys  seyteyrées,  pour  prix  de  26  escus 
15  sols,  reseu  par  m'"  Pierre  Guylhet,  greffier  de  Dye,  pasé 
devant  m"*  Louys  Piere,  juge,  le  19  avryl,  anée  1590. 

Aquyt  en  ma  fabveur  de  la  soume  de  deux  cents  escus, a  moy 
consedée  par  honorable  Anthoynne  Gay,  mon  père,  et  fayzant 
aussy  en  fabveur  de  noble  Claude  Brunel,  resseu  par  m^'  Pierre 
Picyer,  notere  du  Crest  du  4''  de  febvryer  1590. 

Aquyt  en  ma  fabveur  de  la  soume  de  sinquante  escus,  payés 
a  Suzanne  Malsang,  d'une  hobligation  que  mon  père  luy 
debvoyt  par  hobligation  ,  laquelle  j'ay  retyree  et  canselée,  reseu 
led.  aquyt  par  m*^  Piere  Guylhet.  notere  de  Dye,  du  5'  du  moy 
de  juin,  anée  1590. 

Apensionement  d'une  mayzon  en  S'  Vi usent,  que  j'ay  du 
despuys  vendue  a  Jaume  Arnaud,  dit  Jainylhon.  fet  en  fabveur 
des  chanoynesde  l'esglize  nostre  Dame  de  Dye,  pour  deux  escus 
chascune  année,  payables  a  une  chascune  fête  S'  Piere  et  Pol, 
coume  de  se  apert  contrat  resseu  par  m''  André  Gilbert  notere 
de  Dye,  du  30  octobre  1590. 

Aquyt  en  ma  fabveur  de  la  soume  de  53  escus  36  sols  payés 
pour  les  areyrages  d'une  pansion  de  vingt  et  ung  flourins 
pension,  que  mon  père  fet  a  noble  Veransy  de  Genin  l.segneur 
de  Pennes,  a  Jacques  Davit  et  Lanteaulme  "Vigne,  ses  rantyers, 
reseu  par  mcstre  Piere  Guylhet,  notere  de  Dye,  du  18'  dé- 
cembre 1590. 

1.   Venancc  de  Jour,  seigneur  de  Pennes.   Voir  p.  64. 


DES    FRÈRES    GAY.  67 

Remision  fette  a  noble  Jean  Faure  segneur  de  Vcrcors  mon 
couzin  des  teres  du  couvent  bas.  situéesvers  le  pont  de  S'  Vin- 
cent l,  que  j'avoys  apensionné  pour  six  escus  pension,  chascune 
année,  de  frère  Arnaud  Artaud,  gardyan  et  yconome  des  cor- 
delyersde  cete  vylle  de  Dye,  coume  en  apert  par  contrat  resseu 
par  m''  Piere  Picyer,  not.  du  Crest,  randu  aud.  Faure,  laquelle 
remysion  me  sert  de  descharge  et  garantye  pour  lad.  pansion 
envers  lesd.  Cordeliers,  laquelle  a  este  reseue  par  m^  Mouryer, 
notera,  demeurant  a  Oste,  le  3^  janvyer  année  1592. 

Aquyt  que  j'avoys  oublyé  de  mètre  en  son  rang  fet  en  ma 
fabveurdela  soumede50  escus,  que  j'ay  deslyvréde  mes  deniers 
a  Jean  Gay,  mon  frère,  sur  le  tout  moins  de  sent  escus  que  nostre 
père  luy  a  légué  sur  mon  maryage,  lequel  aquyt  a  este  reseu 
par  M.  Piere  Picyer  le  1  nouvambre  1588. 

Ratiûcasion  de  tranzation  si  devent  passée  par  Thomas  et 
GlaudeGaya  Anthoyne  Gay,  leur  père,  laquelle  avoyt  ete  ressue 
par  m*^  David  Lambert,  en  Tanée  1585,  aveq  aquyt  du  deub  en 
icelle  fette  par  Glaude  Gay  a  sond.  père  et  servent  a  Gaspar 
Gay  son  frère,  reseu  par  m"  Danyel  Roman,  notere  de  cete 
vylle  le  23  aoust  1596. 

1.  On  désignait  alors  sous  le  nom  de  couvent  bas,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  p.  ij8,  remplacement  de  l'ancien  couvent  des  Cordeliers.  Ce  cou- 
vent ayant  été  détruit  en  majeure  partie  vers  la  fin  du  AVl^*'  siècle  et  les  re- 
ligieux ne  trouvant  plus  asse:^  de  sécurité  en  dehors  des  murailles  de  la  ville, 
obtinrent,  après  de  lon-^ues  querelles  avec  les  autres  religieux  de  Die,  de  venir 
se  fixer  dans  V intérieur  de  la  cité.  Leur  monastère  fut  de  nouveau  dévasté 
pendant  les  guerres  de  religion  \  la  chapelle,  qui  existe  encore  aujourd'hui  sert 
de  remise,  a  été  bdtie  en  i6S^,  co>nme  l  atteste  rinscription  suivante  : 

MESSIRE  ISIDORE  DE  MASSOT  CHEVALIER 
BARON  DE  PELLISSIERE  MESTRE  DE  CAMP 
D'YN    REGIMENT    DE    CAVALERIE    CHE 
VALIER  DE  L'ORDRE  DE   NOSTRE  DAME 
DV  MONT   CARMEL   DE  S.   LAZARE   DE 
lERVSALEM    COMMANDEVR    DVD.    OR 
DRE  AV  GRAND  PRIEVRE  DE  LANGVEDOC 
A    POSE   CETTE    PIERRE  POVR   RETABLIR 
CETTE    ESGLISE    CE    18    MAY    1685 


68  MÉMOIRES 

Achept  d'une  piesse  de  vigne  au  Martouret,  par  moy  aquyze 
de  m^GasparCharensvet  Marguerite  Roux  safemme, contenant 
envyron  troys  seyteyrées  de  tere,  que  confronte  la  vigne  que 
j'ay  heu  des  hoirs  de  m«  Espryt  Dermenon,  vigne  de  Barthé- 
lémy Cret,  le  rif  du  Martouret  et  le  chemin  alhand  en  Ousson, 
pour  prys  convenu  entre  nous  de  65  escus,  que  luy  ay  payé, 
coume  apert  par  l'instrument  d'achept  resseu  par  m''  Piere 
Guylhet,  not.  de  ceste  vylle,  le  21  janvyer  1597. 

Aquyt  et  vente  fette  a  sir  Jean  Gay,  mon  frère,  d'une  piesse 
de  tere,  asize  au  Martouret,  que  j'avoy  aquyse  des  hoirs  de  feu 
Glaude  Blanq.  laquelle  luy  ay  baylhé  pour  le  prys  de  40  escus 
en  dymynussion  des  cent  escus  a  luy  légués  par  AnthoyneGay 
nostrepereen  mon  contrat  de  mariage  aveq  Louyse  Engilboud, 
desquels  avoyt  reseu  ci  devent50  escus  apert  par  aquyt;  lequel 
aquyt  et  vente  a  esté  resseu  par  m'"  Davyd  Grymaud,  not.  de 
cete  ville  le        janvyer  1597. 

Ici  se  termine  la  rédaction  de  Gaspard  Gay.  Suivent  trois 
feuillets  blancs,  XXXVII,  XXXVIII  et  XXXIX;  le  feuillet  XL 
a  été  enlevé.  Au  feuillet  XLI  recto,  commence  la  rédaction  d'An- 
toine Gay  ;  elle  est  d'une  écriture  asse^  mauvaise.  L'auteur  a 
pris  soin  de  mettre  en  tête  cette  note,  suivie  de  sa  signature: 
Signet  que  fesoit  Anthoine  Gay  aux  chosses  d'importance.  Fait 
en  1631.  G.\^.  Tout  ce  qui  suit  est  entièrement  de  sa  main. 

C'est  une  branche  de  la  quatrième  geniîration  des  Gays, 

CONTINUÉE   EN  AnTOYNE   GaY,  FILS    d'AnTOYNE,  AVEC  ISABEAU 

Galland  au  premier  lict  et  Louyse  Bernard  au  second. 

Louyse 

Louyse  Gay  naquit  ung  dimanche,  dixième  d'aoust,  mil  six 
cent  trois,  entre  huit  et  neuf  heures  de  matin.  Son  parin  fut 
sire  Daniel  Gay,  son  honcle,  et  sa  marine  Louyse  d'AUian,  son 
aveulie  maternelle.  Elle  fut  batissée  au  temple  par  monsieur 
m'"  Pierre  Appays,  minisire  de  l'esglise  de  ceste  ville,  le  qua- 
torzième d'aoust,  dicte  année.  Elle  fut  de  taille  grande,  blonde 
et  belle  lilie  ;  la  petite  vérole  luy  gasta  ung  peu  la  fasse.  Elle  fut 
mariée  en  l'année  mil  six  cent  dix-neuf  avec   m''  Theophille 


DES   FRÈRES   GaY.  69 

Chabannas,  notaire  et  procureur  de  cette  ville.  Leur  contrat  de 
mariage  fut  reçu  par  m^EstiennePej^rol,  notaire  de  ceste  ville. 

Pierre. 

Piere  Gay  naquit  le  neuviesme  dexembre  mil  six  cents  cinq, 
jour  de  la  consesion  (lise^  conception)  Nostre  Dame  et  le  van- 
dredy  a  quatre  heures  du  matin.  Son  parin  fut  m''  Pierre 
Chion  1,  son  oncle,  notaire  et  procureur,  et  sa  marine  Madel- 
leine  Appays,  sa  cousine  germayne,  femme  de  m^  Pierre  Lam- 
bert, aussy  notaire  et  procureur,  et  a  esté  bâtisse  au  temple, 
le  jour  de  Noël,  vingt-cinquième  dud.  mois  et  année  susdite, 
par  monsieur  m*^  Piere  Appays,  ministre  de  ceste  esglise  et 
son  cousin  germain.  En  l'année  1621,  led.  Pierre  Gay  print  les 
armes  et  s'en  ala  avec  son  père,  qui  avoit  une  compagnie 
aux  troupes  qui  s'estoit  dressé  en  Dauphiné  soubs  le  com- 
mandement de  Monsieur  de  Montbrun.  Et  après  avoir  quité  et 
mis  bas  les  armes,  il  ala  demeurer  a  Grenoble  deux  années 
pour  aprandre  la  pratique,  et  après  fut  tout  ung  temps  qu'il 
demura  vers  mestre Daniel  Roman,  procureur  aud.  siège  deDye 
et  fut  reçu  procureur  aud.  siège  le  1634,  par  commis- 

sion etlettresqui  lui  en  furent  donnéespar  monseigneur  de  Val- 
lance  et  Dye,  n'en  reservant  aud.  siège  aucun  des  lieutenant 
dud.  seigneur  depuis  qu'il  a  esté  evesque  et  comte  de  Dye.  En 
l'année  1656  et  le  premier  de  juilhet,  il  espousa  Suzanne  Pey- 
rol,  fille  de  s.  Daniel  Peyrol,  beaufrere  de  son  père,  et  luy  fut 
constitué  deux  mil  deux  cents  livres  par  Marie  Nicolas,  sa 
belle  mère,  tant  pour  le  droit  paternel  que  de  lad,  Nicolas.  En 
1637,  il  eut  ung  fils,  que  Anthoyne  Gay,  son  père,  fit  batiser  a 
ladite  Marye  Nicollas,  sa  belle  mère,  et  luy  fut  mis  nom  An- 
thoine.  Il  est  mort  le  17  octobre  1633.  Lad.  Suzanne  Peyrol  est 
decedée  en  l'année  1646  et  le  may,  ayant  laissé  Daniel,  Ma- 
rye, Philibert  et  Philippe  Gay  ses  enfants.  Led.  Daniel  est  dé- 
cédé le  17  septembre  1650,   ayant  une  fièvre,   laquelle  dans 


1.  Cf.  sur  les  différents  personnages  de  ce  nom,  tous  dauphinois,  La  France 
protestante,  t.  IV  (j883j,  col.  .Ssg-Si.  Pierre  Chion  et  Jacques,  son  fils, 
étaient  notaires  à  Die  (i6oo-S5)- 

Bulletin  d'hist.  eccl.  .  .  de  Valence.  G 


70  MÉMOIRES 

quinze  jours  luy  causa  la  mort,  estant  eagé  d'environ  douse 
ans  :  il  estoit  admiré  aux  leture  et  dans  la  gentillesse. 

Jeanne. 

Jeanne  Gay  naquit  ung  jeudy  a  cinq  heures  du  matin,  unze 
de  juin  mil  six  cents  neuf.  Son  parin  fut  monsieur  m*^  Piere 
Appays,  ministre  de  la  parolle  de  Dyeu,  en  ceste  esglise  de  Dye, 
et  sa  marine  fut  Jeanne  Gay,  sa  cousine  germaine,  fille  de  sieur 
Daniel  Gay.  Elle  fut  batisée  par  monsieur  m^  Guilhaume  Val- 
lier,  ministre  en  lad.  esglise,  le  dernier  dud.  moys  de  juin. 
Elle  fut  de  taille  assez  grande,  blonde  et  belle  fille.  Elle  a  esté 
maryé  avec  Guillaume  Nicollas,  dict  en  son  nom  de  guère 
Sere,  qui  est  le  lieu  de  sa  naissance.  Le  contract  de  leur  ma- 
riage a  esté  reçu  par  m^  Pierre  Lambert,  notaire  de  Dye  et  son 
cousin  germain,  en  l'année  1646,  au  moys  d'avril  et  le 
Elle  a  heu  ung  fils,  le  vi  septambre  1647  ;  fut  présenté  au  ba- 
teme  par  moy  Anthoine  Gay,  avec  Isabeau  Ripert,  ma  nièce, 
femme  de  monsieur  m^  Jacques  Gros,  médecin,  le  13*^  dud. 
moys,  et  luy  ay  mis  nom  Anthoine.  Estant  né  le  septième  moys, 
il  estoit  fort  petit,  et  ne  croiet  pas  qu'il  vequit  long  jour.  Dieu 
le  veuilhe  bénir  et  luy  donner  sa  crainte.  Jeanne  est  decedée  le 
17  septembre  1650  entre  six  et  sept  heures  après  mydi,  ayant 
esté  une  année  dix  jours  dans  le  lit  et  a  fait  testament  reçu  par 
M*^  Joseph  Bonnet  not.  et  proc.  habitant  de  ceste  ville. 

Madeleyne 

Madelleyne  Gay  naquit  le  vingt  neuf  de  juin,  environ  trois 
heures  du  matin,  mil  six  cent  unze.  Son  parin  fut  sire  Sébas- 
tian Marthin,  son  cousin,  habitant  de  la  Mure,  et  Madeleyne 
Marie,  sa  tante  et  femme  de  sire  Jean  Gay,  fut  sa  marine.  Elle 
fut  batissée  en  l'esglise  de  ceste  ville  par  Monsieur  m^  Guilhaume 
Vallier,  ministre  en  icelle,  le  dix  de  julhet  susdite  année.  Elle 
fut  fort  longtemps  malade  et  mourut  le  vingt  neuf  de  janvier, 
mil  six  cent  quatorze,  n'ayant  que  deux  ans  et  sept  moys  lors 
de  son  deces. 

N. 

Le  dix  de  décembre  mil  six  cent  trezc,  ung  mardy,  environ 


DES    FRÈRES   GAY.  71 

les  six  heures  du  matin,  est  né  Gay  n'ayant  este  batisée 

causant  l'absence  de  noble  Jean  Faure  de  Vercors,  qui  la  devoit 
présenter  en  batesme  ;  estant  tombée  malade,  le  vendredi  troi- 
ziesme  janvier,  mil  six  cent  quatorze,  je  la  voulois  fera  batiser 
le  dimanche  et  icelle  fere  pourter  a  monsieur  le  sire  Jean  Gay, 
son  honcle,  et  a  ma  seur  Marthe  Gay,  sa  tante,  femme  de  sire 
Pol  Chappot,  et  mourut  le  susdit  dimanche,  cinquiesme  de 
janvier,  a  trois  heures  du  matin,  ce  qui  causa  une  grand  tris- 
tesse a  sa  mère  et  a  moy.  Je  prie  Dieu  qui  le  nous  aye  pardonné 
et  n'est  bon  de  dillayer  en  ces  affaires  et  pour  quelque  consi- 
dération que  l'on  aye,  n'ayant  cela  proucedé  pour  autre  consi- 
dération que  d'atandre  led .  parin  qui  estoit  absent  en  ce  temps, 
l'on  ne  batizoit  que  aux  prédications,  et  maintenant  l'on  batize 
aux  prières  du  soir  et  du  matin,  et  ce  depuis  quelques  années 
seulement,  ce  30  janvier  1637. 

Antoyne  Gay 

Antoyne  Gay  naquit  le  lundy  quatorzième  avril  mil  six  cent 
quinze,  environ  les  huit  heures  du  matin.  Son  parin  fut  noble 
Jean  Faure  seigneur  de  Vercors,  mon  cousin  germain,  et 
damoizelle  Catherine  Plante,  ma  mère,  fut  sa  marine,  veufve 
de  capitaine  Jean  Appays.  Il  fut  batisé  dans  le  temple  le  dix  de 
may  année  susdite,  par  Monsieur  m''  Jean  Scharpius  l,  pro- 
fesseur en  théologie  en  l'académie  de  ceste  ville.  Il  pourtoit 
mon  nom  et  estoit  l'image  et  resemblance  de  mon  visaige  et 
poil.  Il  tumba  en  Purgnon  d'ung  agrioutier,  qui  se  rompit  ou 
dilloucat  ung  ners  de  l'espine  du  dos,  et  ne  nous  en  dict  rien 
que  six  ou  sept  moys  après  que  lad.  rompure  commença  a  se 
grossir  coume  une  noix.  Sa  cheute  fut  en  l'année  1623  et  en 
l'année  1624  il  fut  fort  malade  et  faillit  a  mourir  au  moys  de 

1.  Jean  Scharpius  était  un  ministre  écossais,  qui  vint  en  France  en  i6o4, 
pour  échapper  aux  rigueurs  de  Jacques  i*"".  //  s'établit  d'abord  à  la  Rochelle, 
puis  à  Die  oit  il  occupa  avec  distinction  la  chaire  de  théologie  dans  l'univer- 
sité. Il  soutint  de  vives  polémiques  en  1612  contre  les  jésuites  de  cette  ville  et 
le  juge-mage  Antoine  Rambaud.  Il  fit  un  voyage  en  Angleterre  eti  1618  et 
revint  bientôt  reprendre  sa  chaire  à  Die,  où  il  demeura  jusqu'en  162g.  Cf.  Ar- 
naud, Hist.  de  Vacad.  prot.  de  Die.  Paris,  iSj2,  in-8",p.  38-4i. 


72  MÉMOIRES 

may  et  en  juillet,  aoust,  septambre,  jusques  au  quatriesme  fut 
travaillé  d'une  piere  qu'il  avoyt  a  la  vessie ,  l'empeschant 
d'uriner,  laquelle  il  sortit  en  urinant  estant  de  la  grosseur  d'une 
fève  lombarde  et  vesquit  encore  jusqu'en  octobre  mil  six  cent 
vingt-cinq, etle  quatriesmeoctobre, avec  beaucoup  de  discours 
de  pieté  et  crainte  de  Dieu  pour  son  eage  ;  n'ayant  ataint  l'eage 
de  dix  ans  entier,  randit  l'ame  à  Dieu. 

Daniel 

Daniel  Gay  naquit  le  treze  d'octobre,  jour  de  la  saint  Giraud, 
mil  six  cent  vingt,  environ  midy,  ung  mardy.  Son  parin  a  esté 
sire  Daniel  Peyrol,  son  oncle  maternel,  et  sa  marine  Phelippe 
Gay,  sa  cousine  germaine  et  femme  de  sire  Jean  Richard .  A  este 
batizé  le  huitième  novembre  dicte  année  au  temple,  par  mon- 
sieur m^'  Estienne  Blanc  l,  docteur  et  professeur  en  langue 
hébraïque  en  l'académie  de  ceste  ville,  et  soubs  led.  sieur  Blanc 
estudie  en  théologie. 

Marie. 

Marye  Gay  naquit  ung  vandredy,  troiziesme  de  mars,  entre 
neuf  et  dix  heures  de  nuict,  en  l'année  mil  six  cent  vingt-trois. 
Son  parin  a  este  monsieur  maistre  Gaspard  Gay,  docteur  et 
advoucat  et  son  cousin  germain,  et  sa  marine  demoizelle 
Lucrèce  Gilbert,  fille  de  monsieur  m^  Estienne  Gilbert.  Elle  a 
este  batisé  le  neuf  d'apvril  susdite  année,  par  Monsieur  m'' Jean 
de  Saignes  '^,  ministre  en  ceste  esglise  et  dans  le  temple   Elle 

1.  Etienne  Blanc  était  élève  en  philosophie  de  Vacadémie  de  Die  en  1610. 
Après  avoir  été  successivement  pasteur  à  Château-Dauphin  en  1  6 14,  et  à  Oulx 
en  1616,  il  devint  professeur  de  théologie  à  Die  en  ;6.?7.  Nous  avons  de  lui 
quelques  écrits  (La  France  prot.,  t.  Il,  col.  600-1).  Il  mourut  vers  165^1  l'his- 
sant un  fils  Jean,  qui  alla  faire  ses  études  en  théologie  à  Genève,  et  qui  lui 
succéda  dans  la  chaire  d'hébreu  au  collège  de  Die.  En  j664,  ce  collège  avait 
pour  principal  Antoine  Crégut,  professeur  en  théologie  ;  la  philosophie  y  était 
enseignée  par  Alexandre  Vigne,  et  Bertrand  OUiagaray.  Les  classes,  au 
nombre  de  sept,  avaient  pour  régents  :  la  /'«  Antoine  Gresse .  la  2',  Pierre 
Netion  ;  la  3",  Samuel  Tetel  ;  la  4',  Antoine  Poudrel  ;  la  5»,  Antoine  Mon- 
dor  ;  la  6«,  Guillaume  Damas;  la  j',  Jean  André,  dit  Patton. 

2.  Jean  de  Saignes  fut  successivement  pasteur  à  Crest  de  1600  à  i^c^,  à 
Beaufort  de  160^  à  16 j y,  et  à  Die  de  1620  à  1624,  époque  de  sa  mort. 


DES  FRÈRES  GAY  73 

s'est  mariée,  en  l'année  1646,  avec  Monsieur  messire  Bertrand 
de  la  Margue,  ministre  du  saint  Evang-iiie  en  l'esglise  de  Frey- 
siniereset  Brienson,  led.  sieur  delaMargue  estant  natif  de  Ville- 
franche  de  Lauraguaisen  Languedoc.  Et  ayant  esté  preste  par 
messieurs  du  synode  tenu  au  Pont  de  Royans,  pour  une  année, 
a  Tesglise  de  Boffre  et  la  Bastie,  esglise  du  Vivarais.  Elle  y  a  en- 
fanté d'ung  fils  le  novembre  1647,  et  a  esté  présenté  en  ba- 
teme  par  monsieur  des  Fonds,  l  de  Vallance  et  mademoiselle 
de  Jarjaies,  sa  fille,  et  mis  son  nom  Anthoine.  Monsieur  de 
Vinay,  ministre  de  l'esglise  d'Anonnay,  aud  pays.  Ta  batisé 
aud.  lieu  de  Boffre.  Dieu  lui  face  la  grâce  de  voir  tousjours  sa 
crainte  et  de  vivre  longues  années  en  icelle. 

Jean-Anthoyne. 

Jean-Anthoyne  Gay  naquict  ung  dimanche,  douse  de  jan- 
vier mil  six  cent  vingt  cinq,  environ  les  six  heures  après  midy. 
Il  a  esté  présenté  en  batesme  par  son  frère  Pierre  Gay  et 
par  sa  seur  Jeanne,  le  treze  d'apvril  susdite  année.  Monsieur 
m«  Estienne  Blanc,  professeur  en  langue  ebraïque  en  l'acade- 
mye  de  ceste  ville  l'a  batisé  dans  le  temple.  Il  a  coumansé  a 
pourter  les  armes  en  l'année  1647  et  au  moys  de  juin  estant 
allé  a  l'armée  d'Italie  avec  monsieur  de  S'  Martin  de  Vercors, 
capitaine  au  régiment  de  Dauphiné  ou  de  Sault. 

Après  avoir  donné  ces  quelques  notes  sur  ses  neuf  enfants  (dont 
les  six  premiers,  Louise,  Pierre,  Jeanne,  Madelaine,  N.  et  An- 
toine sont  du  premier  lit,  et  les  trois  derniers,  Daniel,  Marie  et 
Jean- Antoine  sont  du  second),  Antoine  Gay  le  capitaine  a  écrit 
son  autobiographie.  Elle  commence  au  feuillet  LU  recto  et  se  pour- 
suit sans  interruption  jusqu'au  feuillet  LXXVII  verso.  C'est 
par  ce  travail  que  se  termine  le  manuscrit  original  des  frères 
Gay. 


1.  La  terre  des  Fonts  en  Vivarais,  ancienne  propriété  de  la  famille  Gal- 
bert,  passa  par  le  mariage  de  Catherine  de  Galbert  avec  Etienne  Reboulet, 
gentilhomme  protestant  de  Valence,  en  t ^j6,  dans  cette  dernière  famille. 
Alexandre  Reboulet  de  Galbert,  écuyer.  sieur  de  Ronchol,  épousa  Jeanne  Ti- 
nel,  fille  d'Antoine  Tinel  et  de  Jeanne  de  Glane. 


74  MÉMOIRES 


Antfioine. 


Anthoine  Gay.  qui  est  nomme  au  ving-t  deuxième  feuillet  du 
presant,  ayant  prins  le^  armes  en  Tannée  1590  et  en  o:t<)bre, 
fut  des  g-ardes  de  monsciîrneur  de  Lcsdi2:uieres  :  ce  fut  au  lieu  de 
Vif  et  de  la  alla  led.  sei2:neur  aux  Estats.  qui  furent  tenus  au 
lieu  de  Voiron.  duquel  il  partit  lesdits  estats  achevés  et  alla 
prandre  les  rues  de  la  Periere  et  S'  Laurans,  et  fit  donner  un 
coup  de  pétard  a  la  porte  de  la  tnuv  du  pont  pour  entrer  dans 
la  vill  j  de  Grenoble  :  mais  la  porte  enfoncée,  le  dadas  de  fer 
estant  au^sito^t  abatu  par  ceulx  qui  estoit  en  i2:arde  dans  lad. 
tour,  ne  peurent  entrer  dans  la  ville,  laquelle  il  assies:ea,  et  fit 
aussistost  venir  son  armée  et  six  canons,  lesquels  estant  en  ba- 
tcrie,  compositerent  et  sourtit  le  sieur  d'Albig^ny,  qui  en  estoit 
c:ouverncur  avec  la  garnison,  la  veille  de  Noë  et  entra  le  seigneur 
de  Lesdiguieres  avec  son  armée  dans  la  ville.  Monsieur  de 
Morgcs  heut  le  gouvernement  du  roy.  Aussy  avoit  le  dit  sieur 
de  Morgcs,  avec  sa  compagnie,  entré  premier  par  escallade  dans 
les  rues  de  la  Perrière  et  S'  Laurent,  et  après  entra  la  compagnie 
des  Gardes  que  ledit  Anthoyne  en  estoit.  commandée  par  Mon- 
sieur des  Orres.  d'Ambrun.  Et  six  ou  sept  jours  après.  Monsieur 
de  Gouvernet,  avec  cinq  cents  retres  et  deux  cents  arquebu- 
siers a  cheval  alla  fere  une  course  en  Savoye  et  a  ung  lieu  nom- 
mé S'  Bardot  î,  ou  estoit  logé  la  compagnie  du  Baron  de  Bal- 
lansion,  et  par  la  tout  autour  estoit  Tarmée  du  duc  de  Savoye, 
qui  se  preparoi'  pour  secourir  Grenoble,  laquelle  compagnie 
fut  presque  ton'  •  desmontée  et  quelques  imgs  tués,  et  se  retira 
le  sieur  de  Gouvernet  et  sa  troupe,  sans  que  les  ennemis  Po- 
sassent attaquer.  Le  dit  anthoine  y  gaigna  ung  cheval. 

Quatre  moys  après,  le  roy  manda  a  M""  de  Lesdiguieres  d'aller 
avec  son  armée  en  Prouvance  joindre  Monseigneurde  la  Vallette, 
pour  aller  advitailler  Bere.  que  le  duc  de  Savo\'e  tenoit  assiégé 
par  des  fors  qu'il  y  avoit  faict  ^.  C'est  ung  sallin  ou  le  roy  tire 
de  ,i:-rands  revenus.  Estants  lesdits  seigneurs  avec  leurs  armées 
joincts,  arrivées  au  lieu  de  Vinon,  heurent  advis  que  le  duc  vc- 

1.  S^-Daldoph,  près  de  Chambéry.] 

2.  VlDF.L,   p.    I  IQt 


DES   FRÈRES    GAY.  75 

noit  avec  son  armée  et  despartirent  le  lundi  de  Pasques  r^gi  du 
siège  (de)  Vinon.  et  estant  en  veue  d'ung  village  nommé  Espa- 
ron,  leurs  courriers  descouvrirent  la  riere  garde  de  TariTiée  du 
duc,  qui  despartoit  et  en  avertirent  lesdits  seigneurs,  qui  après 
avoir  tenu  le  conseil  fut  résolu  de  les  aller  attaquer,  et  se  reti- 
rèrent les  ennemis  dans  le  village  qu'ils  avaient  barrique,  ex- 
cepté la  cavallerie  Provençalle,  qui  se  retira  au  grand  galop. 
L'on  commanda  quelques  régiments  avec  les  deux  compagnies 
des  gardes  du  seigneur  de  Lesdiguieres  pour  les  attaquer,  ce 
qu'ils  firent  ;  mes  estant  entrés  dans  leurs  bariquades  et  ayant 
recogneu  qu'estions  peu  de  gents  n'estant  secondés,  nous  firent 
une  charge  si  rude  qu'il  nous  contrenirent  a  en  sourtir,  et  fut 
'e  dit  Anthoyne  blessé  de  troys  arquebuzes,  l'une  au  cousté 
droit  qui  luy  rompit  deux  costes  et  la  balle  traversa  de  bas  en 
hault  son  corps  et  alla  se  loger  en  l'espaulle  gauche.  Il  est  et  a 
toute  sa  vieesté  sans  qu'elle  l'incomode.  Les  aultresau  bras  droit 
et  cuisse,  ne  rompoint  aucun  os.  Il  y  mourut  et  furent  blessés 
plusieurs  des  nôtres,  mais  nondesgentilshommesetcappitaines. 
Les  ennemis  ayant  tenu  jusques  au  mercredy,  voyant  que  le 
duc  de  Savoye,  qui  estoyt  logé  avec  le  reste  de  son  armée  a 
Barjous,  distant  dudit  Esparon  d'une  petite  lieue,  ne  les  secor- 
roit,  se  rendirent  ;  scavoir  les  estrangiers  la  vie  sauve  et  baston 
blanc,  les  francoys  a  discrétion,  qui  fut  d'estre  mis  aux  galleres 
comme  furent  environ  1500  et  tous  les  capitaines  prisonniers  de 
guère,  tous  nous  blessés  furent  pourtés  par  les  dits  estrangiers 
a  Riez,  estant  environ  en  nombre  de  120  blessés. 

Estant  guéri  le  dit  Anthoyne.  s'en  alla  treuver  le  seg.  de  Les- 
diguieres au  Pont  de  Beauvesin ,  frontière  de  Dauphiné  et 
Savoye,  ou  il  estoit  pour  empescher  que  l'armée  de  don  Ollivary 
n'entra  dans  le  Dauphiné,  et  laquelle  au  moys  de  septembre  de 
lad.  année  il  deffit  a  Pontcharraet  demeura  sur  la  place  environ 
3000  morts  et  plusieurs  prisonniers  et  ung  grand  butin.  Il  y  fut 
gaigné  deux  cournetes  et  vingt  et  deux  drapeaulx  quil  envoya 
au  roy.  Il  n'y  mourut  que  deux  hommes  des  siens  et  quelques 
blessés  1.  Il  accompagna  le  dit  seigneur  en  Piémont  aux  entre- 

1.  ViDEL,  p.  z  ig-23. 


76  MÉMOIRES 

prinses  de  Pignerol  et  Suze  et  a  tous  les  exploits  de  guère  que 
ledit  seig^  y  fit,  comme  a  la  défaite  de  Vigon,  combat  de 
Gressillane,  Conose,  de  Racomier,  advitaillementde  Carno  a  la 
barbe  du  duc  et  de  son  armée  et  jusques  a  la  retraite  quil  fit  du 
Piémont,  estant  toujours  dans  ses  gardes. 

L'an  1 5Q^  le  duc  de  Savoye  assiégea  le  château  de  Exsilles, 
quil  bâtit  fort  rudement,  y  ayant  tiré  dix  mille  coups  de  canons 
et  après  heut  une  belle  composition  n"ayant  pas  esté  secouru  1. 
Le  dit  seig'  de  Lesdiguiéres  avec  son  armée  demeura  durant 
le  dit  siège  a  Oure,  qui  n'est  qu'a  deux  petites  lieues  du  dit 
Exsilles  et,  quelques  jours  après  la  place  rendue,  défit  a  Chaleber- 
taud  don  Roderic  de  TouUede  qui  demeura  sur  la  place  avec 
environ  600  des  siens  2. 

Il  reprit  une  année  et  demy  après  le  dit  Excsilles,  sans  y  tirer 
plus  de  500  coups  de  canons,  a  la  barbe  du  duc,  qui  avec  20,000 
hommes  et  4  canons  le  vouUoit  secourir,  ce  qui  ne  peut  fere,  et 
après  la  perte  de  beaucoup  des  siens  se  retira,  et  du  lendemain, 
le  château  fut  rendu  a  composition,  la  vie,  armes,  tambours 
bâtants  et  les  enseignes  desployées  ^. 

En  l'année  1596,  il  accompaigna  le  dit  seigneur  en  cour,  qui 
mena  cent  gentilshommes  et  sept  de  ses  gardes  ^^  ou  il  demeura 
dès  le  moys  de  Juilhet  jusques  a  la  fin  de  septembre,  qu'il  vint 
fere  une  demy  quarantaine  en  la  grange  de  Lhoumet,  a  cause 
de  la  peste  qui  estait  a  Paris  et  partout  ces  quartiers,  et  mourut 
ung  de  ses  compagnons  de  la  peste  a  Romans. 

En  1597,  le  dit  seigneur  dressa  une  armée  pour  la  guerre  de 
Savoye  î5  et  donna  au  dit  Anthoyne  l'enseigne  du  quadet  de 
Braguard  dans  le  régiment  de  Monsieur  de  Bonne  et  se  trouva 
aux  prinses  de  la  Murienne  et  aultres  places  que  ledit  seigneur  y 
print  comme  aussy  aux  attaques  et  escaramouchesdes  MoUetes 
qui  a  esté  la  plus  grande  qui  se  soit  faict  de  notre  temps.  Les  en- 
nemis y  furent  bien  battus,  notament  le  dernier  jour  qu'ils  nous 
attaquèrent.  Monsieur  de  Crcqui,  colloncl  de  toute  son  infan- 


1.  ViDEL,  f.  i3g.  —  2.  ViiJEL,/?.  i42.  —  3.  Videl,  p.  i ^4-8 

4.  Videl,  p.  i6g.  Le  roi  était  alors  à  Lyon. 

5.  Videl,  p.  180  et  suiv.  —  De  Thou,  t.  XIII,  p.  i44  et  suiv. 


DES    FRÈRES    GAY.  77 

terie,  5^  fust  blessé  au  bras  et  tesmoigna  et  son  courage  et  son 
experiance  aux  ■  rmes.  Le  duc  fesoit  treiner  quatre  piesses  de 
campaigne  qu'il  fist  tirer  contre  nous  bariquades  tout  le  long 
du  combat  ou  contre  nostre  cavalerie,  mais  bien  assailli,  bien 
défendu,  le  duc  se  retira  après  avoir  laissé  sur  la  place  beaucoup 
des  siens,  et  dura  le  combat  du  segond  jour  environ  6  ou 7  heures, 
rafreychissant  de  temps  en  temps  ceulx  qui  estoient  aux  tranchées 
en  baricades.  Du  lendemain  l'armée  du  duq  se  retira  et  alla 
loger  a  Baraa  et  Chapareilan,  et  la  nostre  a  Pontcharra  qui  est 
vis  a  vis  de  Barau,  la  rivière  de  l'Isère  entre  deux.  Il  y  fist 
commanser  a  bastir  ung  fort  le  jour  de  S'  Barthélémy.  Dés 
l'aube  du  jour  fit  fere  une  grand  escopeterie,  tirer  force  coups 
de  canons,  et  nouma  le  dit  fort  S'  Barthélémy  l.  Ledit  seg"" 
de  Lesdiguieres,  ayant  seu  quil  fesoit  le  dit  fort,  dit  :  «  il  tra- 
vaille pour  nous,  car  après  quiU'aura  faict  nous  le  prandrons;» 
comme  il  a  foict  6  ou  7  mois  après.  Il  se  retira  et  manda  partie 
de  son  armée  assiéger  une  petite  ville  appelée  Allos,  commandé 
par  messieurs  des  Crotes  et  de  Bonne  avec  deux  canons,  qui 
ayant  salué  de  30  ou  40  coups  se  rendit  ^.  Ledit  Anthoyne 
alla  de  la  part  de  M'  de  Bragard  demander  le  gouvernement, 
qui  luy  fut  accordé  et  fut  de  retour  avant  que  les  canons 
fussent  arrivés  et  fut  commandé  avec  la  compagnie  du  sieur 
quadet  de  Braguard  de  fere  les  approches  a  la  dite  ville,  ce 
qu'il  fit.  Estant  entré,  il  fut  malade  de  fièvre  chaude.  Ils  demeu- 
rèrent quatre  années  en  garnison,  jusqu'en  l'année  1601  que 
le  roy  de  france  et  le  duc  firent  eschange  du  marquisat  de 
Saluées  avec  la  Bresse. 

La  paix  faicte,  le  dit  Anthoyne  se  retira  a  Dye  et  se  maria 
avec  Isabeau  Galland,  fille  de  feu  M''  M^  Jean  Galland,  notaire 
et  procureur  de  Dye  ■",  en  la  dite  année,  le  jour  de  Noë.  Leur 


1.  ViuEL,  p.  iq6.  — 2.  ViDEL,  p.  jg>,. 

3.  Quatre  registres,  i)i-S°,  des  minutes  de  Jean  Galland  sont  déposés  aux 
archives  de  la  Drôme  (E,  223o-3)  ;  elles  concernent  les  années  i  ^33-i  ^86. 
Il  y  avait  à  Die  plusieurs  familles  de  ce  nom  :  le  i4  avril  1  ^-jq,  Claudine 
Galland,  fille  de  feu  Claude,  habitant  de  Die,  épousait  A  ntoine  Bouffier,  fils 
de  feu  Jean- Antoine  Boufiîer,  laboureur  de  Valdrôme  (Archives  de  la  Drôme, 

E,   223l). 


78  MÉMOIRES 

mariage  fut  reçu  par  m'  Pierre  Lambert,  notaire.  Ils  heurent 
six  enfants,  deux  maies  et  quatre  filles. 

En  l'année  1602  et  en  may,  par  le  commandement  du  roy, 
le  seigneur  de  Lesdiguieres  remit  sur  pied  sa  compagnie  de 
gendarmes  l,  et  heut  ledit  Anthoyne  place  de  gendarme, 
ou  il  demeura  jusques  en  l'année  1610,  que  le  dit  seig""  ayant 
commandement  de  fere  levées  pour  la  guerre  de  Milan  2, 
luy  commanda  de  prendre  la  lieutenance  de  la  compagnie  de 
gens  de  pied,  que  le  sieur  de  Vercors  son  cousin  faisoit  au 
régiment  de  Monsieur  de  Verdun  3,  de  S'  Marcellin,  son  beau- 
père,  qui  estoit  la  1"'  compagnie  du  dit  régiment. 

La  susdite  année,  le  dit  Anthoyne  estoyt  consul  de  Dye,  avec 
le  s""  Jean  Ducros,  fils  a  sieur  Marcellin. 

En  la  dite  année,  il  arriva  ung  des  grands  malleurs,  qui 
pouvoit  arriver  a  la  France  ;  ce  fut  l'assassinat  de  notre  roy 
Henry  le  Grand,  par  ce  maudit  Ravaillac.  Ce  fut  le  14«  may. 
La  reyne  fut  cré  régente,  le  malheur  estant  arrivé,  et  com- 
manda au  dit  seigneur  de  Lesdiguieres  de  fere  mettre  sur  pied 
les  troupes,  que  le  feu  roy  avoyt  destinés  pour  la  guère  de 
Millan  ;  lesquelles  il  lougea  par  les  villes  et  places  du  Dauphiné, 
et  fut  le  régiment  du  dit  sieur  de  Verdun  logé  six  compagnies 
a  Romans  et  quatre  a  S'  Marcellin,  ou  ils  demeurèrent  jusques 
au  commensement  d'aoust,  que  les  dites  troupes  furent  con- 
gédiées, toute  la  France  demeurant  par  la  sage  conduite  de  la 
reyne  et  de  son  conseil  en  paix.  Ladite  année,  monsieur  de 
Gouvernet,  gouverneur  de  Dye,  créa  cinq  capitaines,  pour 
commander  les  habitans  de  la  ville,  fit  fere  une  revue  générale 
a  tous  les  habitans,  capables  a  pourter  armes,  et  nouma  pour 

1.    ViDEL,  p.    2  1  g.  —  2.    VlDICL,  p.   24s. 

3.  Jean  de  Gilbert,  sieur  de  Verdun,  d'une  famille  de  S^-Marcellin,fut  gou- 
verneur de  Barraux  et  de  Livron,  sous  Lesdiguieres  \  il  avait  épousé  Fran- 
çoise de  Glane  de  Cugie,  dont  il  eut  Augustin  de  Gilbert,  gentilhomme  ordi- 
naire de  la  chambre  du  roi  en  1626.  Celui-ci  fut  l'aïeul  de  Jean  de  G., 
seigneur  de  Verdun,  qui  se  distingua  dans  les  armes  vers  1668  et  ne  laissa 
que  deux  filles:  Olympe,  femme  d'Octavien  Fcrrand,  conseiller  au  parlement, 
et  Marguerite,  qui  épousa  Henri  de  Guaragnol,  dont  la  famille  n'avait  cessé 
de  posséder  la  charge  de  vt-bailli  de  5'  Marcellin  depuis  l'année  1 56=^.  Cf. 
BuiSARD,  Hist.  j^cnàal.  de  la  maison  de  Bcaumont,  t.  I,  p.  J95. 


DES   FRERES   GAY.  79 

la  rue  de  l'armellerie,  capitaine,  Vincent  Terrasson  l  ;  a  la 
place,  le  dit  Anthoyne  Gay  ;  en  Villeneufve,  sieur  Louys  David  ; 
en  la  grand  rue,  capitaine  Pierre  de  la  Morte  2  ;  et  en  S'  Mar- 
cel, sieur  Claude  Gilbert,  dict  de  Peouilhane. 


1.  Vincent  Terrasson  est  sans  doute  l'aieul  de  Jeanne  Terrasson,  qui  nous 
a  laissé  un  récit  des  souffrances  qu'elle  a  endurées  à  la  suite  de  la  révocation 
de  redit  de  Nantes.  Ce  récit  commence  à  l'année  i68^  \  on  sait  que  le  3o 
juillet  de  cette  même  année,  un  arrêt  du  conseil  du  roi  ordonnait  la  démolition 
du  temple  de  Die.  (Claparède  et  Goty.  Deux  héroïnes  de  la  foi.  Blanche 
Gamond  —  Jeanne  Terrasson.  Récits  du  XVII'^  siècle.  Paris,  iS8o,  in- 12, 
3g7  pp. 

2.  La  famille  de  Lamorte  est  depuis  le  XVI^  siècle  une  des  plus  impor- 
tantes de  Die.  I.  Jean  de  Lamorte  achetait  en  i  SS^  une  maison  dans  la  rue 
Villeneuve-.,  il  fut  consul  en  i S7  f  1  ^^  laissa  pour  fils  :  II.  Jean  François  de 
Lamorte.  Celui-ci  épousa  Marguerite  d'Armand,  fille  de  Reymond,  seigneur 
de  Lus,  et  en  eut  :  Jean,  qui  suit  ;  2°  Pierre,  tige  des  Lamorte-Félincs  ;  3° 
Jacques,  tige  d'une  troisième  branche  des  Lamorte,  notaires  à  Die  ;  4"  Claude, 
qui  n'eut  pas  d'enfant  d'Anne  Magnan  et  mourut  après  1660.  —  Branche 
DE  Laval.  IîI.  Jean  de  Lamorte,  trésorier  provincial  de  l'extraordinaire  des 
guerres  au  gouvernement  de  Dauphiné  par  lettres  du  g  septembre  i  ^g8,fut 
attobli  par  lettres  du  mois  de  juin  1606,  vérifiées  en  novembre  i6oj.  Il  avait 
épousé  le  6  avril  lôoj  Magdelaine  de  Bérenger  de  Pipet.  Il  en  eut  :  i*  Pierre-, 
qui  suit  \  2"  François,  capitaine  au  régiment  de  Vernatel,  qui  de  Marie  Li- 
vache,  sa  ftmme  n'a  laissé  qu'une  fille  :  Marie,  née  en  i6-f-2,  mariée  le  2  ^ 
août  1658  à  Charles  Odde  de  Bonniot,  sieur  de  Lautaret  ;  elle  mourut  en 
1714,  mère  de  Jean  de  Bonniot  et  de  Marianne  de  Bonniot,  qui  épousa  le  18 
avril  168 1,  son  cousin  Jean-François  de  Lamorte,  de  Die.  3"  Jean-François, 
seigneur  de  Martorans,  qui  franchit  Vun  des  premiers  la  brèche  de  Rouffach 
en  Alsace;  4°  André,  mort  en  i63^  des  suites  des  blessures  qu'il  reçut  au 
siège  de  Rouffach,  où  il  se  distingua;  50  Alexandre,  seigneur  de  Malissole, 
capitaine  major  au  régiment  de  Turenne,  gentilhomme  du  roi  par  lettres  du 
12  mai  16=^1,  maréchal  de  bataille  en  1652,  mort  des  suites  d'une  blessure  au 
siège  d'Arras ;  6'  Henri,  mort  en  Hollande  dans  un  combat.  IV.  Pierre  de  La- 
morte, seigneur  de  Laval  et  de  la  Motte-Chalencon,  qui  dès  l'dge  de  dou^e 
ans  embrassa  la  carrière  des  armes  et  fut  successivement  enseigne  de  mestre 
de  camp  au  régiment  de  Turenne,  capitaine  au  régiment  de  Vermatel  et  dans 
celui  de  Normandie,  puis  maréchal  de  bataille  en  16^3.  Il  mourut  en  j68^, 
père  de:  V.  Charles,  seigneur  de  Laval  et  de  la  Motte-Chalencon,  qui  épousa 
Almade-Alexandrine-Justine-Renée  de  la  Tour-la-Chaux-Montauban,  et  en 
eut  :  VI.  Jean-René  de  Lamorte,  né  en  janvier  1^33,  lieutenant  de  dragons 
au  régiment  de  la  reine,  qui  ne  laissa  qu'une  fille  Marie-Thérèse,  mariée  à 
François,  marquis  de  Chdtelard.  —  Branche  de  Félines.  III.  Pierre  de 
Lamorte,  capitaine,  servit  au  siège  d'Ostende,  et  mourut  en   1627.  Il  avait 


80  MÉMOIRES 

En  l'année  1614  et  en  may,  Messeigneurs  de  Lesdiguieres, 
lieutenant  du  roy  en  Dauphiné,  de  Saint-André,  premier  pre- 


épousé  Marguerite  Zacharie,  qui  testa  en  i6=^8  (Giri>i,  notaire)  et  mourut  la 
même  année.  De  ce  mariage  naquirent  :  /•  Jean-François  qui  suit  ;  2*  Henri, 
tué  dans  un  combat  contre  les  Turcs  ;  S""  Henri,  tué  au  siège  d'Orbileto  ;  4' 
Hercule  ;  5°  Jeanne,  qui  épousa  le  i  2  mai  r6>,~  André  Serre,  ministre  pro- 
testant :  en  i683,  elle  fut  obligée  de  quitter  la  France,  pour  suivre  son  mari 
expulsé  du  rovawne,  comme  ayant  prêché  dans  des  lieux  défendus  aux  ministres 
par  les  édits.  IV.  Jean-François  de  Lamorte  épousa  Judith  Romey,  dont  la 
famille  possédait  des  biens  dans  le  Vercors,  à  Saint- Agnan  et  à  La  Chapelle  ; 
Judith  était  veuve  en  lôg-f',  dgé  alors  de  76  ans.  De  ce  mariage  naquirent  : 
/»  Jean  François  de  Lamorte.  qui  suit  ;  2°  Alexandre,  dont  la  postérité  sera 
donnée  après  celle  de  son  frère  et  qui  fut  la  tige  des  Lamorte -Félines  de  Die\ 
3°  Esther,  qui  épousa  le  1  7  novembre  167S  Aman  Gras,  de  Dieulefît  ;  4»  Ju- 
dith, qui  épousa  Alexandre  Vernet,  avocat,  et  mourut  en  ij32.  V.  Jean- 
François  de  Lamorte  posséda  des  biens  à  La  Chapclle-en-  Vercors;  il  fut  anobli 
le  28  octobre  ijo3  et  mourut  en  iyo6  à  Vâge  de  64  ans.  Il  avait  épousé  en 
168 1  Marie  Anne  de  Bonniot,  fille  de  Charles  Odde  de  Bonniot,  sieur  de  Lau- 
taret  et  de  Marie  de  Lamorte  :  on  lui  donna  par  contrat  le  Franconière  et 
la  coseigneiirie  de  Vercors.  Marie  Anne  de  Bonniot  était  née  le  j o  juin  i66g  : 
elle  avait  eu  pour  parrain  Paul  Lagier,  sieur  de  Pluviane  et  pour  marraine 
dame  Anne  du  Cros,  femme  de  noble  Isaac  de  Chabrière,  conseiller  à  la  cour. 
Daniel  de  Bonniot,  sieur  de  la  Salle,  son  frère  émigra  à  l'époque  de  la  révo- 
cation de  lEdit  de  Xantes.  De  ce  mariage  naquit  :  !•>  Charles,  mort  sans  pos- 
térité en  173g  et  2»  :  VI.  Jean-François  de  Lamorte,  coseigneur  de  Vercors, 
qui  épousa  avant  174^  la  fille  d' Etienne  Guillet  de  l'Isle,  négociant  à  Die,  qui 
avait  acheté  dès  1730  la  seigneurie  de  Charens,  près  de  Luc,  et  quelques  an- 
nées auparavant,  en  17 18,  la  maison  dite  le  château,  située  au  nord-est  et  au 
pied  du  rocher  de  la  Bâtie,  en  Vercors.  Il  fut  père  de:  VU.  Etienne  de  La- 
morte Charens,  à  qui  son  aïeul  Etienne  Guillet  légua  ses  biens  du  \'erco>s.  Il 
fut  nommé  conseiller  maître  ordinaire  en  la  Chambre  des  Comptes  par  lettres 
du  22  avril  1760  et  mourut  à  Die  vers  178^.  De  Diane  Olympe  Isoard,  d'une 
famille  qui  a  fourni  des  conseillers  à  la  Chambre  des  Comptes,  il  a  laissé  : 
I'  Jean-François  de  Lamorte-Charens,  conseiller  maître  en  la  Chambre  des 
Comptes,  qui  eut  de  K.  d''Artaud,  N.  de  Lamorte-Charens,  officier  dans  la 
garde  royale,  marié  en  182S  à  .l/"«  de  Margiot,  dont  il  n'a  pas  eu  d'enfant. 
Il  était  fixé  au  château  du  Guà,  près  de  la  Tour-du  Pin.  2'  VIII.  Etienne  de 
Lamorte-Charens,  chevalier  de  S'  Louis,  officier  au  régiment  de  Lorraine  in- 
fanterie, du  I"  avril  1771,  siégea  aux  Etats  généraux  de  1788,  émigra,  fit 
la  campagne  de  I7g2  à  l'armée  des  princes  et  celle  du  régiment  de  Morte- 
mart  oit  il  entra  en  /yg-f,  à  la  formation  du  corps,  en  qualité  d'officier.  Il 
épousa  à  Valence,  le  6  mars  1806,  Adélaïde  Bergeron  et  mourut  en  i83t 
laissant  un  fils  :  IX.  Paul-Etienne-Charles  de  LamorteCharens-de  Franco- 


DES    FRÈRES   GAY.  81 

sident  en  la  cour,  Charles  du  Gros  président  en  la  chambre  de 

nière,  né  en  1808,  général  de  brigade,  grand  officier  de  la  Légion  d'honneur, 
premier  aide  de  camp  de  son  A.  I.  le  prince  Napoléon,  décédé  à  Saint-Marcel- 
lès-Valence  le  12  juin  i8y4,  sans  laisser  d'enfant  de  sa  femme,  iV/''^  Quiot, 
fille  du  général  baron  Quiot  du  Passage.  —  La  Mortç-Félines,  de  Die. 
V.  Alexandre  de  Lamorte,  né  en  1662,  est  le  premier  qui  ajouta  à  son  nom 
celui  de  Félines.  Il  épousa  le  10  mai  16g s  Elisabeth  de  Lamorte,  fille  de 
François  de  Lam.,  notaire,  et  de  Jeanne  Gros.  Il  mourut  le  22  février  ij32, 
père  de  :  i*  Jeanne,  née  le  3o  mars  i6g6  ;  2"  Jean-François,  qui  suit  ;  3'  Ma- 
rie-Anne, née  en  Ijol,  qui  épousa  le  28  novembre  1-24  Alexandre  Morin, 
de  Poyols  ;  4-  Charles,  né  le  8  avril  i~i2,  marchand  à  Die,  qui  épousa  Anne 
Pupin,  et  fut  la  tige  des  Lamorte-Pupin.  VL  Jean-François  de  Lamorte- 
Félines,  né  le  I2  décembre  lôgj,  épousa  le  Ij  février  7722  Anne-Marie 
Boudra.  Il  mourut  le  22  avril  i-jg,  laissant  :  1'  Françoise,  née  le  24  juillet 
172  fi,  qui  épousa  le  Ig  janvier  t-  ^0  Louis  Lagier  de  la  Condamine,  avocat, 
fils  de  Louis  Lagier  de  la  Condamine.  aussi  avocat,  et  de  Marie-Anne  de  La- 
morte (fille  de  Jean-François  et  de  Marie  Anne  de  Bonniot).  C'est  de  ce  ma- 
riage que  naquit,  entre  autres  enfants,  Marie-Lucrèce  Lagier.  qui  épousa  le 
g  février  iT/3,  François  Long,  notaire  à  Die,  père  de  Jean-Denis  Long,  né  le 
3  octobre  iyj6.  docteur  en  médecine,  dans  les  papiers  de  qui  nous  avons, 
retrouvé  les  Mémoires  des  Frères  Gay.  2»  Jean-François,  qui  suit  ;  3»  Antoine 
né  le  21  décembre  iy33.  VIL  Jean-François  de  Lamorte-Félines ,  né  le  g 
janvier  ijSj ,  mort  le  ij  mai  1806.  Il  avait  épousé  le  ij  février  i-j  >(,g  Louise 
de  Lamorte-Charens,  sa  cousine,  qui  mourut  le  17  nivôse  an  XIII,  âgée  de  66 
ans.  Elle  lui  donna:  /•  Louise  Catherine,  née  le  25  novembre  1762,  qui  épousa 
le  jg  octobre  1784  Pierre  François  Accarias,  notaire  et  receveur  des  domaines 
à  Mens.  2'  Etienne-François- Anselme,  qui  suit  ;  3'  Alexandre -Frédéric,  né 
le  8  novembre  1773,  mort  le  4  août  18 §3,  tige  des  Lamorte-Félines,  de 
Serres;  4°  Marie,  qui  épousa,  le  i'^  juillet  1788,  François-Pierre-Antoine 
Morin,  notaire  à  Poyol,  mort  en  i83^  ;  ç°  Antoiyie-Justin,  né  le  1 3  avril  1777 
et  mort  le  g  novembre  i83g.  VIII.  Etienne-François- Anselme  de  Lamorte- 
Félines,  né  le  22  avril  177 r,  mort  le  6  mai  18^2.  Il  avait  épousé  le  1 7  mai 
1781  Marthe-Josephe  de  Lamorte-Charens,  sa  cousine,  dont  il  eut  :  l»  Mélanie 
Louise-Joséphine,  née  le  5  mars  1792,  qui  épousa  le  5  décembre  1810  Louis- 
François  Bonnefoy,  négociant  à  Montélimar,  décédé  le  9  novembre  1857  ; 
2*  Caroline-Camille,  née  le  15  ventôse  an  II,  qui  est  morte  à  Die,  le  S  mars 
1883,  sans  avoir  été  mariée  ;  et  3»  IX  Adrien-Jean-François  de  Lamorte 
Félines,  né  le  18  ventôse  an  IX.  Il  épousa  le  30  octobre  1826  Marie-Julie- 
Célina  Planel  et  en  eut  :  h  Alfred,  qui  suit  ;  2"  Emile-Etienne-Antoine-Joseph, 
né  le  28  août  1830,  qui  a  épousé  le  4  avril  1853  Marie-Anne-Hermine 
Conneau,  dont  il  a  eu  deux  filles:  1"  Marie-Julie-Célina-Eugénie-Hortense, 
née  à  Die  le  6  septembre  1854  et  2^  Jeanne-Françoise- Juliette,  née  à  Mont- 
pellier le  16  juillet  1856,  décédée  Vannée  suivante.  X  Alfred-Jean-François- 
Gaston  de  Lamorte-Félines,  juge  de  paix  à  Die,  né  le  17  août  1827,  épousa 

Bulletin  d'hist.  eccl.  . .  de  Valence,  7 


82  MÉMOIRES 

l'esdit,  (Claude)  Expilli,  procureur  du  roy  au   parlement  de 

le  14  décembre  185S  Louise- Mathilde-Paide  Marty,  née  à  Valence  le  6 
janvier  18  35.  Il  est  mort  ne  laissant  qu'une  fille  Claire-Marie-Josèphe- Adélaïde, 
qui  a  épousé  le  17  janvier  1882  Anatole  Heurard  de  Fontgalland,  et  qui  est 
décédée  à  Die  le  17  décembre  1884,  à  l'dge  de  25  ans,  mère  de  deux  enfants  : 
Humbert  et  Pierre  de  Fontgalland.  —  Branche  des  Lamorte,  notaires  a 
DiF.  III  Jacques  deLamorte,fils  de  Jean-François  et  de  Marguerite  d'Armand, 
étudiait  à  l'académie  protestante  de  Die  en  1626;  il  est  qualifié  docteur  et 
avocat  dans  une  donation  de  7  livres,  10  sols  de  pension,  qu'il  fit  au  consistoire 
de  Die,  en  1633.  Il  possédait  des  biens  à  Vassieux  et  à  S'-Martin-en-  Vercors. 
Il  mourut  en  1661,  laissant  de  sa  femme,  Marie  d'Alléoud  (décédée  le  20 
décembre  1672):  IV François  de  Lamorte,  né  vers  1647  et  mort  le  25  novembre 
1724.  François  était  greffier  de  la  judicature  mage  de  Die  en  1673,  notaire  et 
procureur  aux  cours  de  Die,  en  1683.  Il  avait  épousé  au  mois  de  janvier  1673 
Jeanne  Gros,  fille  de  Jacques,  docteur  en  médecine  à  Die,  et  d'Isabeau  Ripert  ; 
Jeanne  mourut  le  12  août  1704.  De  ce  mariage  naquirent  :  1'^  Judith,  née  en 
1676,  qui  épousa  le  22  octobre  1693  Daniel  Isoard, procureur  àDie;  2''  Louise - 
Alexandrine,  née  le  22  octobre  1677 ,  qui  épousa  le  10  octobre  1698  Etienne 
Guillet  de  Lisle,  marchand  à  Die,  dont  la  fille,  comme  nous  l'avons  vu,  se 
maria  avec  Jean-François  de  Lamorte,  son  cousin,  et  lui  apporta  la  seigneurie 
de  Charens;  Louise- Alexandrine  mourut  le  15  juin  ij2i  ;  3°  Marie,  née  le 
16  janvier  167g,  décédée  le  9  septembre  i6go  ;  4"  Elisabeth,  qui  épousa  le 
10  mai  i6gS)  son  cousin  Alexandre  de  Lamorte-Félines  ;  y  François,  qui 
suit  ;  6°  Anne,  née  le  16  avril  168 3;  7°  Théophile,  né  en  /6S5:  8'  Marie, 
née  en  1686,  morte  en  lyo^  ;  g"  Jean,  né  le  16  juin  1688,  décédé  en  i6g6. 
V.  François  de  Lamorte,  né  le  24  janvier  1682,  fut  notaire.  Il  était  consul 
de  Die  en  1718.  Il  mourut  le  6  mai  ijSg.  De  son  mariage  avec  Catherine 
Terrisse,  naquirent  :  /•  Anne,  née  le  16  février  lyog,  qui  épousa  le 
4  juin  ï']3-j  François  Brunel  ;  2"  Jean-François,  qui  suit;  S^-ô"  Daniel, 
Jean-François,  Etienne  et  Louis,  qui  moururent  en  bas  dge  ;  7°  Joseph, 
officier  de  Saint-Louis,  qui  n'eut  point  d'enfant  de  Catherine  Agnès ,  sa 
femme.  Il  testa  le  3o  août  ijgo,  en  faveur  de  son  frère  Jean-François  et 
mourut  le  2  juin  ijgi.  VI  Jean-François  de  Lamorte,  notaire,  né  le  20  fé- 
vrier [j  10  et  mort  le  24  mai  1758.  Il  eut  de  Françoise  Gaymar,  sa  femme, 
quator:{e  enfants;  i"  Françoise  ;  2»  Antoine;  3"  Catherine  ;  4<>  Jean-François, 
notaire,  né  en  i73i,  maire  de  Die  en  1786,  député  aux  Etats  généraux  de 
178S,  mort  le  8  fructidor  an  VI;  il  avait  épousé  le  3 0  janvier  1761  Anne 
Plante.  5**  Jean-Louis  ;  6°  Anne  ;  7"  François  ;  8'  Elisabeth  ;  g«  Joseph,  qui 
fut  père  de  Thérèse  de  Lamorte,  décédée  le  17  avril  1801  et  de  Paul-Joseph, 
né  le  28  juin  18 16  qui  épousa  Suzanne  Bérenger  et  mourut  le  3  décembre  18^2; 
ce  dernier  avait  eu  un  fils,  Joseph-Marius,  qui  mourut  le  i s  juillet  i843; 
10"  Charles,  secrétaire  du  Directoire  du  district  de  Die,  qui  de  Jeanne-Bonne 
Pascal,  eut  :  Anne-Elisabeth;  Jean-François  ;  Joseph;  Denis  ;  Pierre-Henri, 
j  I'  Pierre,  praticien  à  Die  en  i7go;  12'  François  ;  13' André;  14'  Jean,— 
Les  autres  branches  sont  étrangères  à  Die. 


DES    FRÈRES    GAY.  H5 

Dauphiné,  commissaires  du  roy  pour  l'observation  des  Esdits  l, 
furent  au  dit  Dye  et  ordonnèrent  quil  seroit  établi  ung  conseil 
de  80,  qui  auroit  toute  la  conduite  de  la  dite  ville  ;  scavoyr 
64  conseilliers  de  la  religion  refourmée  et  16  de  la  religion 
catholique.  Il  fut  nommé  pour  ung  des  64  consellers  de  la  reli- 
gion ;  les  aultres  habitans  n'ayant  plus  voix  au  conseil,  sinon 
que  par  la  mort  de  Tung  des  quatre  vingts  que  l'on  nommoit 
a  la  création  des  consuls  et  advant  icelle. 

En  1615,  mourut  Izabeau  Galland  le  17  oct.  Peu  avant,  il 
perdit  deux  de  ses  filles,  et  lui  restoit  Anthoyne  Louyse  et 
Jeanne. 

En  1616,  en  novembre,  il  receu  lettre  de  Monseig""  de  Lesdi- 
guieres  de  prendre  la  lieutenance  d'une  compagnie  de  pied, 
que  Monsieur  de  Nions  2^  fils  a  Mons.  de  Gouvernet,  dresoit  au 
régiment  du  dit  seig'^  Desdiguières,  pour  la  guerre  de  Piémont. 
Le  dit  seign""  de  Gouvernet,  estant  arrivé  a  Dye,  l'en  fit  prier  et 
luy  en  parla  après,  car  n'eust  été  cela,  il  n'eut  pas  entreprins 
le  vouyage  et  quité  ses  enfans  a  cause  de  leur  jeunesse,  lesquels 
il  recommanda  a  son  frère,  sieur  Daniel  Gay. 

Estant  a  Grenoble,  allant  prendre  congé  du  dit  seig'"  de  Lesdi- 
guieres,  la  nouvelle  de  la  mort  de  Monsieur  de  Chambaud  3, 
ariva,  qui  fut  cause  que  Monsieur  de  Gouvernet  ne  voulut  que 
Monsieur  de  Nions  alla  avec  la  dite  compagnie  en  Piemond,  et 
le  dit  Anthoyne  y  alla  comme  son  lieutenant,  auquel  voyage  il 
demeura  environ  sept  moys.  70  de  ses  compaignons  y  mou- 
rurent de  malladies  et  trois  ou  quatre  a  la  guère,  et  n'en  revint 
que  une  tranteine  tous  mallades.  Le  dit  Anthoyne  n'y  heut 
aucun  mal. 

Il  fut  comandè  par  le  prinse  majour  de  Savoye  d'aller  for- 

1.  Cf.  Vie  d'Artus  Prunier  de  Saint-André,  publiém  d'après  un  mss.  de 
Chorier,  par  Vellot.  Paris,  i88o,  in-8',  p.  27g. 

2.  Jean  de  la  Tour-Gouvernet,  seigneur  de  Montmorin  et  de  Mirabel,  gen- 
tilhomme ord.  de  la  chambre  du  roi,  gouverneur  de  Nyons,  mourut  avant  1 63o. 

3.  René  II  de  la  Tour-Gouvernet,  vicomte  de  Privas,  baron  de  Chambaud, 
par  son  mariage  avec  Paule  de  Chambaud.  Il  fut  aussi  baron  d'Aix,  conseiller 
du  roi,  sénéchal  du  Valentinois  et  Diois,  député  de  la  noblesse  du  Languedoc, 
aux  Etats  généraux  de  i6i4.  Il  fut  tué  en  Piémont  en  16 1 6  à  la  tête  de 
cinq  régiments. 


84  MÉMOIRES 

ser  une  Eglizc  ou  2  ou  300  hommes  de  la  vallée  de  Scechia  s'es- 
toint  banques,  à  l'entrée  de  lad.  vallée,  avec  cent  hommes  du 
régiment  de  M.  de  Lesdiguieres,  soutenus  par  200  h.  des  régi- 
ments de  Messieurs  de  Sausy  et  de  la  Passa,  eulx  les  condui- 
sants et  en  la  présence  du  dit  prince  majour,  lesquels  après 
avoyr  faict  ung  salue  de  mousquetades  contre  la  troupe  quil 
comandoit  quiterent  et  les  suivit,  mais  il  heut  comandement 
de  se  retirer.  Il  fut  commandé  avec  deux  autres  capitennes  du 
mesme  régiment  et  deux  cents  hommes  d'aller  donner  i'asault 
a  une  des  bresches  dci  Crevacore  et  le  régiment  de  M""  de  Seisy 
a  une  autre  bresche,  ils  entrèrent  après  avoir  faict  quelque  ré- 
sistance et  se  retirèrent  au  chasteau,  il  y  avoit  de  700  a  800 
Tranteins  ou  Toudesques. 

Il  print  prisonnier  ung  jeune  homme  fils  du  potesta  du  dit 
Crevacore  qui  est  ce  que  nous  appelons  en  ce  pays  juge,  qui  luy 
promit  200  pistoUes,  ayant  esté  mené  avec  les  autres  prison- 
niers a  Turin,  le  prinse  majour  ne  luy  en  fit  bailler  que  200 
ducatons. 

Il  se  retira  sur  la  fin  d'apvril  a  Dye  en  l'année  1617. 

En  l'année  1619,  au  moys  d'Aoust  mourut  Monsieur  de 
Gouvernet  l,  gouverneur  de  Dye  et  Dyoys,  qui  avoit  esté 
gouverneur  depuis  l'an  1585en  Juilhet.  Ce  fut  le  comansement 
de  nous  maulx  que  sa  mort,  car  il  aymoit  le  peuple  de  la  ville 
et  n'avions  durant  sa  vie  et  gouverne  heut  tant  de  malleurs 
qu'avons  heu  après. 

Après  luy,  Monsieur  le  baron  d'Aix  2,  son  fils,  fut  gouver- 
neur, qui  estoyt  aussy  fort  aymé  du  peuple  et  fort  bon 
seigneur. 

En  la  dite  année  et  en  septembre,  le  dit  Anthoyne  se  remaria 
avec  Loyse  Bernard,  fille  de  sire  Eynard  Bernard  et  veuve 
de  Jean  Pouffier  de  Montmor  ;  yi  en  a  heu  trois  enfants,  scavoir  : 
Daniel,  Jean,  Anthoyne  et  Marie  Gay. 

1.  René  I  de  la  Tour-Gouveniet,  baron  de  Montauban^  Mevouillon,  Aix, 
la  Chaux,  Cornillon,  Val  d'Otille,  seigneur  de  Nyons,  Montmorin,  Mirabel, 
Quint^  Pontaix,  Laborel,  Val-Gaudemar,  Cornillac,  etc.^mourut  àDie  en  1 6 ig. 

2.  Charles  I  de  la  Tour-Gouvernct,  bon  d'Aix,  d'Auberives,  seig.  de 
Chatillon,  Quint,  Pontaix^  Barsac,  etc.,  né  à  la  CItarce  en  1376,  testa  en  i643. 


DES   FRÈRES    GAY.  85 

En  l'année  1621 ,  partie  de  ceulx  de  la  relligion  s'armèrent  l  ; 
en  Dauphiné  fut  faict  général  Monsieur  de  Montbrun.  Le  dit 
Anthoyne  fit  une  campagne  au  régiment  de  Monsieur  de  Lus, 
mais  Monseigneur  de  Lesdiguieres  estant  arrivé  dans  la  pro- 
vince, mirent  armes  bas. 

Il  fut  député  avec  Monsieur  Laurens,  l^r  consul,  et  Mons'" 
d'Engilboud  pour  aller  fere  la  reverance  a  Monseig^  Desdi- 
guieres  a  Baix.  et  le  fellixiter  de  ce  que  meritoirement  le  roy 
luy  avait  donné  l'espée  de  connétable,  et  iceluy  faict  conné- 
table ce  fut  a  Lauriol. 

Le  dit  Anthoyne  estoit  fort  souvant  depputé  pour  les  affaires 
de  la  ville. 

En  l'année  1623  Monseigneur  le  comte  de  Soissons  2^  gou- 
verneur de  la  prouvince  estant  arrivé  a  Grenoble  et  les  estats 
convoqués,  il  fut  député  avec  Mons'  de  Vercors  pour  se  treu- 
ver  aux  dits  Estats  de  la  part  du  conseilh  de  ville. 

Le  gouvernement  de  Dye  fut  osté  par  le  roy  passant  par  le 
Dauphiné  a  M""  de  Gouvernet,  moyennant  30,000  livres,  quil  luy 
donna  comme  aussy  furent  le  Montellimar  et  Nions,  moyen- 
nant une  bonne  somme  de  deniers;  le  roy  donna  le  gouver- 
nement de  Dye  a  Monsieur  de  S'  Feriol  qui  estoit  gouverneur 
de  Romans  5. 

En  l'année  1626,  ledit  Anthoyne  fut  nommé  l^^"  consul  de 
Dye  et  avec  luy  S""  Daniel  André  et  Pierre  Poyte  tresaurier. 

Estant  a  une  assemblée  du  pays,  il  fut  député,  avec  Monsieur 
de  Monteyson,  l'ung  des  comis  du  pays,  pour  aller  conduire 
jusques  en  Piemond  les  compagnies  de  chevaulx  legiers  de 
Messieurs  de  Condé,  Montpansier  et  de  Cluye  (sic)  et  cavaliers. 
Mon  dit  seigi"  le  connestable  a  son   despart  de  Grenoble  luy 

1.  Cf.  Arnaud,  Hist.  des  protestants  du  Dauphiné,  t.  II,  p.  8-26. 

2.  Louis  de  Bourbon,  comte  de  Soissons,  né  en  i6o4,  mort  en  i6-f-i. 

3.  Les  Sibeud  de  S^-Ferréol,  qui  ont  joué  à  Die  un  certain  rôle,  descendaient 
d'un  notaire  de  Vif,  Lancelot Sibeud,  gui  vivait  au  milieu  du  A'F«  siècle.  Jean 
Sibeud,  son  fils,  ayant  acquis  du  chapitre  de  Die,  le  3  novembre  i48^,  le  fief 
de  S^-Ferréol,  en  prit  le  nom  et  le  transmit  à  ses  descendants.  Hercule 
Sibeud,  seigneur  de  S^-Ferréol  et  Divajeu,  avait  été  gouverneur  de  Romans 
en  i  sgj  ;  il  fut  nommé  à  Die  en  1622.  De  Suzanne  Giraud,  dame  de  Divajeu, 
il  laissa  Alexandre  Sibeud,  dont  il  sera  question  plus  loin. 


85  MEMOIRES 

dit  :  «  Allés  a  Lauriol  treuver  les  troupes  qui  y  sont  logées, 
et  acompagnés  les,  avec  Monsieur  de  Monteyson,  jusques  en 
Piemond,  et  sy  elles  sont  battues  par  les  gens  de  Monsieur  de 
Montauban,  perdes  vous  avec  elles.»  Estant  a  Dye,  eurent  advis 
qu'ils  les  attendoint  en  chemin,  entre  la  Baume  et  Luc.  Elles 
passèrent  au  col  de  Meney. 

Le  sieur  de  Monteyson  s'en  retourna  a  Dye  et  le  dit  Anthoyne 
alla  jusques  a  la  frontière  de  Piemond  avec  les  dites  troupes,  et 
a  son  retour  alla  treuver  Monseig''  le  connétable  qui  luy  avoit 
escript  de  l'aller  treuver  a  Valence. 

Et  en  la  dite  année  et  au  moys  d'aoust,  morut  au  dit  Vallance 
Messire  François  de  Bonne,  seig""  de  Lesdiguieres  et  connétable 
de  France,  en  l'eage  de  82  ans  i  ;  il  fut  pourté  a  Grenoble  et 
son  cœur  y  fut  enterré  et,  les  cérémonies  de  son  enterrement 
faictes,  l'on  pourta  son  corps  au  château  de  Lesdiguieres.  Le  dit 
Anthoyne  fut  député  par  le  Conseil  a  Monseig''  le  maréchal 
Crequi,  auquel  ayant  dit  qu'il  estoit  de  la  part  de  la  ville  pour 
luy  offrir  service  et  luy  tesmoigner  le  desplaisir  que  nos  habi- 
tants avoient  de  la  mort  dudit  seigneur,  la  response  que  fit  le 
dit  seigneur  :  «  ils  ont  bien  raison  d'en  avoir  du  desplaisir,  car 
il  aymoit  les  habitants  de  vostre  ville  et  vous  particulière- 
ment. » 

Environ  ung  moys  après,  mourut  aussy  a  Dye  Monsieur  de 
S' Feriol,  nostre  gouverneur  2.  Le  roy  donna  a  son  fils  le  gou- 
vernement. Ce  fut  ung  grand  desplaisir  aux  habitans,  car  c'es- 
toit  ung  bon  gentilhomme  et  qui  ncdesiroit  que  de  conserver 
la  place  et  bien  servir  le  roy.  La  ville  y  perdit  beaucoup.  Es- 
tant arrivé  a  Dye  il  appela  a  la  citadelle  Monsieur  de  Vercors 
et  les  capitaines  des  cartiers,  pour  leur  dire  quils  continuassent 
de  comander  et  réduisit  les  cinq  compagnies  en  quatre,  leur 

1.  ViDEL,  p.  4j3.  Lesdiguieres  mourut  le  2S  septembre  1626,  à  Valence, 
dans  la  maison  du  chanoine  Rousset,  située  à  la  côte  des  Chapeliers.  C'est 
dans  cette  maison  que  La  Motte- Gondrin  avait  été  assassiné. 

2.  Alexandre  Sibeud  de  S^-Ferréol,  fils  d'Hercule.  Il  avait  épousé  le 
18  août  162  5,  Catherine  de  Moretonjille  de  Jacques,  seigneur  de  Chabrillan, 
et  de  Guigonne  d'Urre.  Catherine,  devenue  veuve,  fit  un  testament  le  23  juil- 
let 1678. 


DES    FRÈRES    GAY.  87 

disant  qu'il  n'avoit  autre  désir  que  de  servir  le  royet  de  garder 
les  abitans  de  tout  son  pouvoir,  a  ce  qu'ils  ne  fussent  foullé. 

En  1627  Messire  Charles  Jacques  de  Leberon,  evesque  de 
Dye  et  Vallanse  luy  (à  Antoine  Gajy)  donna  la  charge  de  cour- 
eier  pour  trois  ans,  comme  est  de  coustume  et  fut  a  sa  bonne 
grâce. 

En  l'année  1628,  arriva  a  Dye,  environ  pasques3000  hommes 
de  pied  et  la  compagnie  de  gendarmes  de  Monseigneur  le  Ma- 
reschal  de  Crequi,  qui  durant  dix  jours  vesquirent  a  discrétion 
sur  les  paouvres  habitans,  et  furent  desarmés  ceux  de  larelli- 
gion,  et  leurs  armes  balhées  au  sieur  de  S'  Feriol  et  mises 
dans  la  citadelle. 

Il  fut  député  par  Monseigneur  de  Vallance  a  Turin  vers  Mon- 
seigneur le  Mareschal  de  Crequi,  sur  quelque  dispute  qu'arri- 
va entre  ledit  seigneur  et  Monsieur  de  S'  Feriol  gouver- 
neur 1. 

Ce  fut  en  l'année  1629,  le  roy  de  France  Louys  XIII  en  reve- 
nant de  Piemond  coucha  a  Dye  '^  ;  et  huict  jours  après  passa 

1.  Le  récit  de  ces  discussions  entre  l'évéque  et  le  gouverneur  de  Die  est  un 
des  épisodes  les  plus  curieux  de  l'histoire  de  notre  ville  au  X Vil"  siècle.  Nous 
ne  pouvons  entrer  ici  dans  des  détails  que  nous  donnerons  dans  notre  histoire 
de  Die.  Nous  nous  contenterons  défaire  connaître  que  le  j  février  1 6  3o  un 
arrêt  du  Conseil  du  roi  réservait  au  roi  le  jugement  de  cette  affaire,  et  nous  y 
lisons  que  Vévêque  et  le  chapitre  poursuivaient  le  gouverneur  pour  raison  de 
concussion  .  ;  pour  avoir  commis  un  attentat  sur  la  vie  du  suppliant 
(l'évéque)  la  veille  de  noël  dernière  au  devant  de  la  principale  porte  de 
l'Esglise  cathédrale,  adsisté  d'aulcuns  de  ses  chanoines  et  domestiques, 
ayant  non  seulement  tiré  l'espée,  mais  ensemble  quinze  ou  seize  de  ses 
adhérants^  la  plupart  de  la  religion  prétendue  réformée,  qui  tous  por- 
tèrent Tespée  tant  contre  le  suppliant  que  contre  son  vicaire  gênerai  et 
ses  domestiques,  deux  desquels  auroient  été  blessés  .  .  .  (Livre  blanc 
de  Vévêché  de  Die.  fol.  cj4.  MSS  aux  archives  dép.  delà  Drôme.  Fonds  de  Die, 
non  encore  classé). 

2.  Louis  XIII  se  rendait  au  siège  de  Privas.  Il  était  à  Die  le  4  mai  et  en  partit 
le  lendemain,  pour  aller  coucher  à  Crest.  Le  6,  se  trouvant  dans  cette  dernière 
ville,  il  acceptait  d'être  le  parrain  de  deux  enfatits.  Voici  ce  que  nous  trouvons 
dans  les  registres  de  catholicité:  Le  sixième  may  de  ladite  année  (1629)  a 
esté  baptizé  Louis  Chion,  fils  a  M«  Claude  Chion,  bourgeois  de  ceste  ville 
et  de  demoiselle  Marguerite  Granon  (?).  Parin  a  esté  sa  Majesté  très 
chrestienne,  laquelle  commanda  a  i\l«  Philibert  de  Mont.  .  .  ,  baron  de 


8q  MEMOIRES 

Monseigneur  le  cardinal  de  Richelieu,  qui  y  coucha  deux 
nuicts.  Ils  logèrent  a  l'evesché. 

La  dite  année,  les  catoliqs  et  le  seigneur  evesque  nous  firent 
appeler  par  devant  le  conseil  du  roy,  ou  ils  demandoint  plu- 
sieurs choses,  et  lesquels  ils  obtindrent  presque  toutes  et  entre 
autres  :  que  le  conseil  de  la  ville  seroit  composé  de  24,  douze 
catholiqs  et  douze  de  la  religion  refourmée  ;  le  1"  consul  seroit 
catholiq  et  le  2"  de  la  religion  refourmée  et  le  trezourier,  créé 
corne  a  la  coustume,  mais  non  desdit  24  ;  le  secretere,  catho- 
liq roumain.  Comme  aussy  fut  inibé  de  ne  lever  plus  aucung 
argent  sur  le  poys  a  farines  et  iceluy  abouly.  L'affere  concer- 
nant les  revenus  des  paouvres  de  l'hospital,  renvouyée  au  par- 
lement de  Grenoble.  Et  pour  le  temple,  qu'il  seroit  informé  sur 
ledit  dans  troys  moys. 

En  l'année  1631,  fut  comansé  a  establyr  le  conseil  de  24,  en 
présence  du  S'  Passieu,  juge  de  Dye  et  commissere  a  cest 
effaict.  Le  conseil  des  80  estant  mandé,  ou  après  plusieurs  dis- 
cours sur  led.  changement, les  catholiqs  qui  estoient  là  présent 
n'ayant  volu  nommer  leurs  douze  conseillers  s'excuzants  sur 
le  petit  nombre  d'eulx,  fut  procédé  a  la  dite  nomination 
d'office,  par  le  susdit  Passieu,  juge.  Et  par  ceulx  de  la  relligion, 
furent  nommés  pour  conseillers  :  nobles  Jean  Faure  de  Ver- 
cors,  Reyné  d'Engilboud,  Mons»"  M^  Estienne  Gilbert,  Estienne 
Chastel,  André  Perinet,  Anthoyne  Poudrel,  David  Chalvet, 
M""  M^  Daniel  Roman,  Jean  Trophe,  Daniel  Avond,  Jean  Co- 
quet et  Jean  Gros  procureurs.  Sur  laquelle  nomination  le  sieur 
Hugon  requit  que  autre  nomination  seroit  faicte  par  lesd .  sieurs 

de  Ber  ...  et  gouverneur  de  B  ...  de  faire  le  reste  des  cérémonies  audit 
marrine,  madame  Marie  de  Montlor,  femme  de  M.  d'Ornano,  gouverneur 
de  ceste  ville.  vSad.  Majesté  luy  ayant  donne  le  nom  de  Louis.  —  Le 
mcsme  jour,  les  mesmes  cérémonies  ont  esté  administrées  et  le  nom 
donné  par  sa  majesté  très  chrétienne,  a^ant  faict  son  entré  en  lad.  ville  le 
jour  d'avant,  à  Louis  d'Eurre,  fils  de  (Jacques)  d'Eurre,  seigneur  de 
Brette  et  seigneur  d'Eurre  et  de  Magdclcine  Mistral.  Sad.  Majesté  com- 
manda a  M.  Cézar  de  Choiseul,  baron  du  Plessis-Praslin  et  Madame 
Marie  de  Montlor  a  faire  le  reste  des  cérémonies,  ayant  esté  baptisé  a 
Eurre,  par  M«  Forest,  curé  dud.  lieu,  pour  causes  a  luy  cognues.  a  ce 
qu'il  m'a  dict.  (Note  communiquée  par  M.  Brun-Durand^  de  Crest.) 


DES     FRÈRES   GAY.  89 

de  la  religion,  causant  ce  que  les  susdits  estoient  tous  docteurs 
ou  procureurs,  et  après  plusieurs  procédures  faictes  de  part 
a  autre,  fut  aussy  procédé  par  le  sieur  juge  aux  nominations 
de  ceulx  de  la  religion  a  ung  aultre  conseilh,  scavoir  noble 
Reyné  d'Engilboud,  Messire  M'=  Estienne  Gilbert,  Estienne 
Chastel,Izaac  Escoffier,  M'"  Pierre  Guilet  et  Daniel  Roman  pro- 
cureurs, le  sire  Anthoyne  Gay,  Izaac  Lenfrey,  Danyel  Peyrol, 
Jeremye  Vernet,  Pierre  Romey  et  Jean  Lagier.  Pour  consuls. 
Monsieur  M'  François  Vial,  pour  premier  consul,  et  sire  Pierre 
Romey  pour  second.  Jean  Bertrand,  dit  Poudrel,  pour  tréso- 
rier et  M'  Anthoyne  Brunel  pour  secrétaire. 

Les  douze  conseillers  catholiqs  estoint  Monsieur  m=  Anas- 
thaze  Cati,  Jean  Varinier,  le  sire  Vial,  M'»  Achille  David, 
Claude  Arnaud,  Jean  Dumont,  Estienne  Marcel,  Francoys 
d'Argenses,  Pierre  Poyte,  Jean  Talluote,  Estienne  Rouyer  et 
Jacques  Begoin  ;  lesquels  exerserent  leurs  charges  jusques  au 
moys  de  mars,  que  la  cour  commit  le  Visenechal  de  Crest, 
pour  venir  procéder  a  nomination  dudit  conseil,  scavoir  : 

Pour  les  catholiqs  les  douze  catholiqs,  et  pour  ceulx  de  la 
religion  les  douse  de  la  relligion. 

Et  furent  nommés  pour  consuls  :  Monsieur  M'=  Jean  de 
CouUet,  pour  premier  consul,  et  Anthoyne  Poudrel,  pour  se- 
cond. 

Jean  Bertrand  Poudrel  continué  pour  tresourier  et  Anthoyne 
Brunel  pour  secrétaire. 

Et  pour  conseillers  de  la  relligion  furent  només  par  le 
peuple  :  Noble  Jean  Faure  de  Vercors,  Philibert  Phelipes  de 
Giliers,  Messieurs  Mes  Estienne  Gilbert,  André  Perinet,  David 
Laurans,  David  Chalvet,  Sieurs  Jean  Ducros,  Pierre  Bertrand, 
Jeremye  Vernet,  M'*  M''*'  Daniel  Roman,  et  Jean  Coquet,  pro- 
cureurs. 

Et  des  catholiques  :  Monsieur  M^  Gaspar  Rambaud  et  Anas- 
taze  Cati,  chanoine,  Monsieur  M«  Jean  Armand  et  Jean  Peyrol, 
Mes  Cezar  Imbert ,  Pierre  Poyte,  Anthoyne  Lafaurie,  Jean 
Talluote,  Estienne  Rouyer,  François  d'Argense,  Jacques 
Begoin. 

En  la  dite  année, survint  plusieurs  malleurs  en  ce  rouyaume, 


9Ô  MÉMOIRES 

comme  la  peste  qui  recomansa  a  fere  de  pointes  en  plusieurs 
lieux,  et  continuant  ce  que  depuis  trois  ans  il  avoit  comansé, 
une  excessive  cherté  de  vivres,  notaniment  du  pain  ;  car  le 
pain  blanc  a  valu  en  des  endroits  de  la  France  cinq  sols  la 
livre  ;  mais  en  ceste  ville  a  valu  trois  sols  et  demy,  et  deux  sols 
neuf  deniers  le  pain  bis  ;  car  sur  la  fin  le  sestier  de  froment 
valoit  douze  livres  six  sols.  La  livre  de  la  cher  de  mouton  trois 
sols,  et  deux  et  demy  la  livre  de  bœuf.  Le  pot  d'huile  d'olive 
20  sols,  celuy  de  noix  dix  huit  sols,  et  deux  œufs  pour  ung 
sou.  Et  avec  tout  cela  plusieurs  nouveaulx  offices  establis,  a 
la  surcharche  et  ruine  toutale  du  peuple  de  cette  province  ;  et 
pour  comble  de  tous  les  maulx,  grand  nombre  de  gents  de 
guerre,  qui  estoit  logé  dans  ledit  rouyaume  et  particulièrement 
en  ceste  province  et  ville,  où  il  y  a  heu  de  grands  logements 
et  longs,  qui  ont  faict  que  la  ville  s'est  engagée  d'environ 
130,000  livres  et  oultre  le  particulier  en  des  aultres  bonnes  et 
notables  sommes. 

Sur  la  fin  de  l'année  1630,  il  arriva  deux  présages  de  tous 
les  malleurs  que  j'ay  dict  cy  devant  estre  a  ruine  en  ceste 
ville,  ce  fat  que  la  tour  de  la  maison  de  ville  tumba  et  la  cloche, 
qui  sonoit  pour  l'exercice  de  ceulx  de  la  religion  et  de  la  mai- 
son consulaire  du  dit  Dye  estoit  logée  en  icelle,  sans  se  rompre 
tumba  parmy  ce  débris  ou  ruyne,  qui  abatit  partie  de  la  salie 
ou  le  conseilh  de  ville  se  tenoit  et  acrasa  la  garde  robe  ou  es- 
toient  les  papiers  de  la  dite  ville.  Dieu  préserve  les  abitans  et 
la  ville  de  plusieurs  aultres  malheurs,  qui  la  menassent,  et  face 
que  nous  humiliant  a  luy,il  nous  pardonne  et  nous  fasse  revoir 
les  abitans  d'icelle  en  toute  sorte  de  bon  repos,  comme  avions 
vescu  durant  le  passé  de  trante  et  tant  d'années. 

En  Allemaigne  arriva  la  guerre,  par  la  venue  aux  pays  du 
roy  de  Suéde,  qui  s'estoit  mis  en  campaigne  avec  40,000 
hommes  pour  le  service  de  Dieu  et  soustien  des  princes  op- 
pressés par  l'empereur  et  le  roy  d'Espaigne  aux  pays  d'Alle- 
maigne,  ou  il  fit  de  grands  progrès  et  faicts  d'armes  et  ayant 
demeuré  quelque  temps  aux  pays,  manda  ung  ambassade  au 
roy  de  France  Louys  XIIF'  de  ce  nom,  pour  l'assurer  de  son 
dessein  et  luy  tesmoigner  qu'il  estoit  en  volonté  de  se  tenir  en 


DES   FRÈRES    GAY.  91 

son  amitié  ;  et  fut  entre  lesd.  deux  roys  de  PVance  et  de  Suéde 
faict  ligue  avec  beaucoup  des  aultres  princes  d'Allemaigne  et 
estats  de  Flandre,  pour  s'opposer  a  l'empereur  et  roy  d'Es- 
paigne  et  aultres  princes  et  estats  qui  estoint  de  leur  parti  ; 
c'estoit  es  années  1631,  1632,  1633. 

Le  dit  Gay  avec  S""  Moyse  Vial,  furent  nommés  pour  assis- 
ter les  consuls  de  Dye  pour  extimer  les  biens  du  clergé  et  de 
la  noblesse,  ce  qu'ils  firent,  et  environ  lequel  temps,  ou  com- 
mansement  de  1634,  ledit  roy  de  Suéde  mourut  en  une  bataille 
ou  combat,  duquel  il  fut  victorieux  sur  ses  ennemis  par  la  pru- 
dence et  couraige  des  chefs  de  son  armée  et  valeur  de  ses 
soldats. 

L'on  croyoit  que  les  armées  dudit  roy  de  Suéde  après  sa  mort 
seroit  aussitôt  dissipées,  mais  par  la  grâce  et  asistance  de 
Dieu  ils  continuèrent  le  dessein  du  dit  feu  roy  et  ce  avec  l'ad- 
sistance  et  bon  conseilh  que  le  roy  de  France  leur  donna,  car  il 
leur  fournit  bons  conseils  et  bon  nombi^e  de  ses  troupes,  tant  de 
cavalerie  que  d'infanterie,  quil  leur  envoya,  et  permit  a  ses 
subjets  d'y  aller  les  assister.  Et  par  ce  que  le  duc  de  Lorraine 
avoir  promis  a  sa  majesté  d'estre  de  son  parti  et  après  print 
celuy  de  l'Empire  et  du  roy  d'Espaigne  et  aultres  princes  de 
leur  faction  ou  ligue,  il  s'en  alla  en  son  pays  de  la  duché  de 
Lorraine,  laquelle  il  conquit  et  mit  des  bonnes  garnisons  aux 
places  fortes  pour  son  service,  et  s'en  retournant  en  France 
laissa  sur  la  frontière  d'Allemaigne  et  aux  pays  des  Grisons  les 
armées  conduites  par  Monseig»"  de  Rouan,  le  seig''  mareschal 
de  la  Force  et  aultres  seigneurs,  tant  pour  adsister  aux  armées 
du  défunt  roy  de  Suéde  que  défense  de  ses  alliés  des  cantons 
de  Suisse  et  conservation  de  la  duchée  de  Lorraine. 

Il  declaira  la  guerre  ou  roy  d'Espaine  et  empereur,  en  l'an- 
née 1635,  faisant  des  esdits  par  lesquels  il  défend  a  ses  subjets 
le  traffic  et  commerce  d'Espaigne  et  desclaire  les  Espaignols 
et  biens,  qui  sont  dans  ses  roiyaumes  et  terres,  acquis  a  soy  et 
tous  confisqués.  Luy  declairant  la  guerre,  il  faict  mander  le  ban 
et  riere-ban  a  sa  noblesse  et  commande  aux  gouverneurs  des 
provinces  et  aux  cours  de  ses  parlements,  juges  royaulx  et 
aultres  officiers,  de  fere  tenir  prests  tous  les  subjets,  pour  par- 


92  MÉMOIRES 

tir  avec  armes  au  premier  commandement  qu'ils  en  auront  ; 
donne  commandement  a  Monseigneur  le  duc  de  Crequi  de 
s'en  aller  en  Italie  avec  15000  hommes  de  pied  et  deux  mille 
cavaliers  avec  tout  Tatirail  necessere  a  une  armée  de  ce  grand 
roy  de  France. 

En  l'année  1634  et  sur  la  fin  de  may,  il  fut  donné  arrest  en 
son  conseilh  sur  le  différent  des  trois  ordres  de  la  province 
de  Dauphiné,  pour  raison  des  tailhes  et  aultres  charges  que 
l'ordre  du  Tiers  Estât  suportoit,  par  lequel  plusieurs  qui  avoit 
obtenu  par  faveur  et  dans  la  minorité  du  roy  des  lettres  de 
noblesse  et  prétendants  reabilitacion  d'icelles  furent  cassées  et 
ce  depuys  l'an  1602  et  le  cadastre  introduit,  et  a  cet  effet  fut 
comis  et  député  par  sa  majesté  de  Talion,   con- 

seiller en  son  conseilh  privé,  commissaire  et  surintendant  de 
la  justice  aux  provinces  de  Daulphiné,  Prouvence  et  Lyonois. 
et  comis  pour  l'oservation  du  cadastre  et  examen  du  dit  ar- 
rest. Il  ordonna  que  tous  les  papiers,  parcelleres,  cadastres, 
luy  seroient  exibés.qu'a  ses  fins  tous  les  habitans  de  la  province 
de  Dauphiné  donret  parcelle  de  ses  biens  et  fonds  aux  consuls, 
chastellains  et  aultres  a  ce  commis  des  lieux  ou  les  dits  biens 
seroint  situés.  Et  après  luy  estre  remis  et  pourtés  aux  lieux  ou 
il  leur  seroit  enjoint. 

Et  fut  pour  exécuter  ce  commandement  au  regard  de  la  ville 
de  Dye  commis  et  députés  les  sieurs  :  Cezar  Imbert,  Jean  Gros 
consuls,  Mons""  M''  Estienne  Gilbert.  André  Périnet,  Jean  Pey- 
rol  et  le  sieur  Brunel  secrétaire  de  la  ville,  et  le  dit  Anthoyne 
Gay  pour  aller  a  Crest  et  là  au  nom  de  la  dite  ville  informer  de 
tout  ce  que  par  le  dit  seigneur  de  Talion  nous  seroit  deman- 
dé, fere  dresser  Testât  qu'il  conviendroit  fere.  En  effet  de  quoy 
ils  despartirent  de  la  dite  ville  avec  tous  les  papiers  qui  leur 
estoint  necessere,  et  s'en  allèrent  en  celle  de  Crest,  tous  les 
susnommés  et  commis  par  le  conseilh  de  la  dite  ville  de  Dye, 
excepté  M''^  M"=  André  Pcrinetet  Jean  Peyrol  qui  se  treuverent 
n'estre  desputés  pour  s'y  acheminer  avec  les  aultres  nommés, 
qui  ne  laysserent  a  fere  tout  ce  qui  estoit  necessere  pour  le  bien 
de  leur  dicte  ville.  Et  ayant  demuré  pour  ce  fere  7  ou  8  jours, 
ils  s'en  retournèrent  avec  tous  leurs  papiers  et  livres  du  par- 


DES   FRÈRES   GAY.  93 

cellere  et  perequere.  Ce  fut  en  febvrier  1635,  sur  la  fin  du 
moys.  Le  roy  envoya  a  la  Province  d'imposer  sur  les  habi- 
tants d'icelle  la  somme  de et  ce  en  suite  de  l'arrêt 

donné  en  son  conseilh  le  dernier  may  1634,  par  lequel  il  est 
pourté  que  tous  les  anoblissements  sur  de  reabilitacions  obte- 
nues despuis  l'année  1602  estoint  cassés  et  lesdits  prétendants 
nobles  tirés  aux  tailhes,  et  que  tous  les  biens  acquis  par  les  an- 
ciens nobles  depuis  le  l^r  janvier  1628en  deçà  payeroient  latailhe. 

La  dite  ville  ayant  receu  le  dit  mandement  et  lanson,  le  con- 
seil fut  assemblé  et  par  icelluy  conclu  quil  seroit  adjoint  aux 
consuls  anciens  et  modernes,  secrétaire  et  tresourier  de  ladite 
ville,  quelques  ungs  des  conseilhers  de  la  maison  consulaire 
pour  les  adsister,  attendu  qu'il  falloit  mètre  dans  la  dite  tailhe 
tout  ceulx  qui  avoient  esté  anoblis  par  lettres  ou  otfices,  et 
furent  nommés  pour  ce  Monsieur  M*-'  Anthoyne  Poudrel  et  le 
dit  Anthoyne  Gay,  pour  fere  la  dite  péréquation  et  fut  trouvé 
expédient  de  fere  et  lever  neuf  tailhes  pour  le  payement  de 
sept  mille  sept  cents  ...  et  pour  les  droits  de  recepte  de  péré- 
quation, non  valeurs  et  aultres  frais  qui  revenoienta  neuf  mil 
deux  cents  et .  .  .  (sic). 

En  l'année  1636,  Monsieur  le  Comte  de  Sault  commandant 
en  ceste  province  de  Dauphiné,  fit  fere  une  levée  de  2,  000 
hommes  aux  10  villes  de  la  province,  avec  l'adsistance  des 
bourgs  et  villages,  ayant  escript  aux  gouverneurs  des  villes  et 
consuls  de  chacune  d'icelles  de  mètre  sur  pied  200  hommes  et 
donner  a  ceste  ville  de  Dye  pour  ayder  le  despartement  de  Dye, 
Mens,  Vif  et  Vauboneys,  pour  fere  la  levée  et  ce  dans  le  20 
janvier  susdite  année  qu'il  falloit  que  lesdits  200  hommes 
fussent  prêts  a  partir  et  s'en  aller  en  l'armée  du  roy  aux  Itallies, 
et  servir  de  crue  aux  régiments  de  Monseig""  le  comte  de  Sault 
et  a  celuy  de  Monsieur  de  Richemond  d'Enrichemond. 

Le  sieur  de  S'  Ferreol,  gouverneur  de  Dye  et  Messieurs  du 
conseil  de  la  ville  ayant  reçu  le  dit  commandement,  s'assem- 
blèrent le  10  de  janvier  susdite  année,  et  attandu  le  peu  de 
temps  qu'il  leur  restoit,  pour  fere  la  dite  levée  et  pour  aller 
inthimerlesditslieusqui  y  devointcontribuer, députèrent  ledit 
Anthoyne  Gay  pour  aller  vers  mon  susd .  Seig"  le  comte  de  Sault 


94  MÉMOIRES 

pour  le  supplier  de  leur  donner  plus  de  temps,  n'ayant  le  dit 
temps  pour  n'avoyr  estes  advertis,  ne  leur  demeurant  que 
sept  ou  8  jours  du  temps  qu'il  leur  estoit  enjoint  de  fere  mar- 
cher les  dits  ^00  hommes,  et  tere  inthimer  le  bour  de  Vif, 
chef  de  despartement,  et  fere  que  leur  dict  despartement  mis- 
sent sur  pied  leurs  hommes,  conformément  a  l'ordre  de  mondit 
seig""  le  comte,  et  fut  envoyé  aux  lieus  de  Mens  et  de  Vaubo- 
neys  sieur  Jean  François  de  la  Morte,  pour  leur  inthimer  la 
susdite  ordonance.  Il  luy  fut  donné  par  mon  dit  seigneur  le 
comte  de  Sault  comission  d'aller  conduire  les  susdits  200 
hommes  en  Itahe,  en  l'armée  du  roy,  pour  les  remetre  a  M''  le 
duc  de  Crequi,  qui  com.mandoit  la  dite  armée  ou  autres  ayant 
charges  du  roy  de  la  recepvoir. 

La  troupe  ne  fut  preste  que  le  21  de  febvrier  de  la  dite  année, 
qu'il  partit  de  Dye  avec  172  hommes,  et  allèrent  coucher  a 
Luc  et  de  là,  suyvant  la  route  jusques  sur  la  frontière  de 
Piemond ,  furent  reçus  a  Brianson  et  enroulés  les  susdits 
hommes  par  Monsieur  de  Charencie,  comissere  des  guerres  et 
contreroulleur  desdits  gents  de  guerre,  et  de  la  passé  le  mont 
Genevre  les  ay  remis  an  lieu  de  Bousson  a  Monsieur  de  la 
Passa,  capitenne  au  régiment  de  mon  dit  seigneurie  comte  de 
Sault  ;  la  plus  part  des  dits  soldarts  l'ayant  quicté  en  chemin 
ne  voulants  passer  en  Italie  tant  pour  ce  qu'ils  y  alloint  la 
pluspart  contraints  par  les  communaultés  que  pour  la  crainte 
de  maladies  que  les  françois  ont  en  Italie.  Le  nombre  desdits 
soldarts  qu'il  remit  estoit  de  cent  hommes. 

A  mon  retour  fut  faict  ordre  par  mon  dit  seigneur  le  comte 
de  Sault  le  18  de  mars,  que  les  lieus  qui  n'avoit  fourni  leurs 
hommes  les  fourniroit  et  que  ceulx  qui  avoint  quité  se  reme- 
troient  dans  deux  jours  après  la  publication  d'iceluy,  a  peyne 
de  la  vie,  et  fut  pendu  quelques  ungs  de  ceulx  qui  s'en  estoint 
retournés,  et  les  communaultés  des  lieux  d'où  estoint  ceulx 
qui  s'en  estoint  retournés  contraints  a  en  bailhcr  des  autres 
en  leurs  place, aux  despens  desdits  soldarts.  Et  les  dits  hommes 
estant  prest  a  partir  furent  bailhés  a  quelques  capitaines  des 
régiments  de  Sault  et  de  Richemond  qui  les  conduisirent  en 
l'armée. 


il 


DES   FRÈRES   GAY  95 

En  l'année  1638  et  le  21  septembre,  il  fut  député  par  Mes- 
sieurs de  la  ville  de  Dye  d'aller  vers  Monseig""  le  duc  de  Lesdi- 
guieres,  commandant  en  Dauphiné  pour  le  service  du  roy, 
pour  obtenir  route  pour  loger  les  hommes  que  la  ville  avoit 
mis  par  son  ordre  sur  pied,  attandu  que  les  aultres  nomé  par 
l'élection  du  Montellimar  estoint  despartis  ;  lequel  seigneur 
luy  auroit  accourdé  et  encor  chargé  diceulx  conduire,  luy  ayant 
acourdé  deux  hommes  de  pied  pour  l'acompaigner  et  ayder  a 
faire  la  dite  conduite  jusques  a  Suze  et  de  la  prandre  nouvel 
ordre  du  comisere  que  le  roy  y  avoit,  avec  charge  qu'il  eut 
de  les  fere  bien  équipera  la  dite  ville  et  pendant  le  temps  que 
l'on  faisoit  fere  leurs  habits  et  preparoit  tout  ce  qui  estoit 
necessere,  il  y  eut  contremandement  et  ne  desparlirent  du 
dit  Dye. 

La  guerre  d'Itallye  continuant  et  en  Tannée  1640,  fut  encore 
enjoint  aux  communaultés  de  ceste  province  de  Dauphiné  de 
dresser  ung  homme  pour  fere  et  ordonner  que  les  dix  villes  de 
la  province  de  Dauphiné  eliroint  la  chacune  quatre  capitaines, 
quatre  lieutenants  et  quatre  ensegnes  pour  commander  et  con- 
duire, le  chascun  des  dits  capitaines  cent  hommes,  il  auroit  esté 
requis  de  prendre  le  soin  de  la  conduite  d'une  des  compagnies 
par  Messieurs  les  consuls  et  conseillers  de  la  dite  ville,  qui  iuy 
prometoint  luy  fournir  la  somme  de  600  livres  pour  s'équiper  et 
mettre  en  estât  pour  ce  fere  ;  quoiqu'il  estoit  eagé  de  69  ans, 
il  s'y  estoit  résolu,  mes  pour  ce  que  ceulx  qui  luy  en  avoit 
parlé  de  la  part  de  la  ville  luy  avoint  nomé  troys  personnaiges 
qui  devoint  prendre  la  mesme  charge  que  luy  et  après  la  ville 
en  nouma  a  leur  refus  d'aultres,  le  dit  Gay  ne  volut  prendre 
la  dite  charge  et  se  parier  avec  ceulx  que  la  ville  noumoit  et 
n'y  vollut  point  aller  et  ne  fut  noumé  que  deux  capitaines  de  la 
ville  pour  conduire  les  hommes,  que  la  ville  et  villages  du 
Dyois  fournissoit  l. 

1.  Les  3  folios  de  garde,  que  Gaspard  Gay  avait  laissés  en  blanc  à  la  tête 
de  l'histoire  généalogique  de  sa  famille,  ont  été  utilisés  par  son  frère  A  nloine, 
qui  y  a  transcrit  de  sa  main  quelques  curieuses  notes,  que  nous  reprodui- 
sons ici. 

J'ay  mis  les  mémoires  cy  après  escrites,  qui  ont  esté  tirés  d'un  livre 


96  MÉMOIRES 

de  noble  Charles  de  Jouanny,  seigneur  de  Pennes,  abitant  en  ceste  ville 
de  Dye,  par  sire  Gaspard  Gay,  mon  frère,  pour  informer  a  l'advenir  nos 
sucseseurs  de  ces  antiquités  et  choses,  survenues  en  ceste  ville,  comme  : 

137-4.  Anno  Domini  milesimo  tresentesimo  sept(!<^g'e5)imo  quarto  et  die 
décima  mensis  septembris,  venit  bastardus  de  Cliclinocum  multisBrita- 
nibus  ante  Diam  et  peciere  reducere  villam  et  vituallia.  Fuit  eis  contra- 
ditum  et  quod  non  aberent  vinum,  neque  aliud,  et  sic  redierunt  versus 
vallem  Sancte  Marye,  unde  venerunt  ibi,  ilicque  dominus  Olivarius  de 
Cliclino  (Olivier  de  Clisson,  né  en  i336,  gouverneur  de  Bretagne  en  i36q,  de 
de  Guyenne  1 3jo,  connétable  de  France  i3So,  mort  en  i4oj)  cum  omnibus 
societatibus  Britaniarum,  qui  erant  de  numéro  quatuor  decem  milia  et 
vigenti  bassineti,  in  quibus  erant  decem  mille  equitum  et  quam  plurimi 
pilhardi  et  esterunt  circam  villa,  tam  in  burgis  quam  in  grangiis,  sexde- 
cim  dies  et  in  decem  et  septimo  die  receserunt,  redem(ptione)  prius  ha- 
bita a  villa  et  apresi(<3^i3)  très  mile  florenorum,  et  hinc  fuerunt  destructi 
burgii  qui  erant  circa  villam  et  civitatem  Diensem,  régnante  domino 
Ludovico  de  Villars,  episcopo  comiteque  Diensis  et  Valentinensis,  et  erat 
ibidem  cappitaneus  ville  dominus  Odetus  de  Villars  miles  et  cum  ipso 
erat  dominus  Guilhermus  de  Lerz  miles  et  potens  de  Brissino  domina- 
[ba)\.\iv  et  (erant)  multi  alie  gentis  armigeri.  Item  predictus  potens  de 
Brissino  remansit  ibidem  cappitaneus  postmodum  per  magnum  tempus 
et  multum  bene  se  habuit  in  fortificationes  et  reparationcs  ville  et  recesit 
cum  magno  honore  et  cum  laude  patrie. 

Oultre  ce  que  dessus  led.  Gaspard  Gay  a  tiré  des  livres  domeniaux  de 
Saint  Pierre  (le  prieuré  de  S'-Pierre,  aux  portes  de  Die)  ce  que  cy  après  : 

Anno  Domini  milesimo  trecentesimo  quadragesimo  octavo  fuit  morta- 
litas  magna  universalis  per  totum  mundum,  et  fuit  Die  circa  principiuui 
mensis  Mayi  et  duravit  circa  finem  mensis  septembris  et  obierunt  de  ec- 
clesiasticis  septuaginta  quatuor,  videlicet  de  canonicis  quindccim,  de  su- 
percoreariis  triginta  et  de  suhcorreariis  vigenti,  de  clericis  novem. 

Ce  que  cy  dcssoubs  estoit  autour  de  la  cloche  de  la  rologe  : 

SANCTE  CHRISTOPHORE  ORA  PRO  NOBIS  CHRISTVS  VINCIT 
CHRISTVS  REGNAT  CHRISTVS  AB  OMNI  MALO  NOS  DEFEN- 
DAT  lESVS  MARIA  lOSEPH  AN.  1530. 

Les  colloncs  qui  soutiennent  lad.  cloche  furent  montées  Van  1603. 

Pour  le  commentaire,  que  réclameraient  ces  dernières  notes,  nous  renvoyons 
le  lecteur  à  notre  Essai  historique  sur  l'Eglise  et  la  ville  de  Die,  dont  le 
premier  volume  est  publié  (Montélimar,  108B,  in-8»,  xii  et  500  pages). 


BULLETIN 

D'HISTOIRE    ECCLÉSIASTIQUE 

E  T 

D'ARCHÉOLOGIE   RELIGIEUSE 


IMPRIMERIE    JULES     CÉAS     ET     FILS 

c4    VALENCE 


BULLETIN 

D'HISTOIRE    ECCLÉSIASTIQUE 

ET 

D'ARCHÉOLOGIE  RELIGIEUSE 

DES     DIOCÈSES     DE     VALENCE 

GAP,   GRENOBLE  &  VIVIERS 


TOME    NEUVIÈME 


ROMANS 

AU     SECRÉTARIAT     DU     COMITÉ    DE     RÉDACTION 
1888-Q 


PUBLICATIONS     DU     COMITE     DE     RÉDACTION 
"DÉPÔT  cAU  SECRÉTARIAT,  cA  "ROMANS 

Bulletin  d'histoire  ecclésiastique el. {'archéologie  religieuse,  i""",  2=  et  3"  années, à,.    10  fr. 

—  —  —  —  —       4'',  5*,  6=,  7'  et  8=  à      5  — 

TIRAGES  A  PART  DU  BULLETIN  (in-8°) 

AuEANÈs    (J.-H.),    Histoire    des    évêques    de    Saint-Paul-lrois-Châteaux    au 

XI V^  siècle,  corrections  et  documents 3  50 

Bellet  (CharlJ,  U^otes  pour  servir  à    la  géographie  et    à  l'histoire  de  l\in- 

cten  diocèse  de  Grenoble,    i  "=  part 2  50 

—  Histoire  du  cardinal  Le  Camus 8     » 

Blaïn,  Louise  ou  la  sainte  de  Venterol 1  25 

—  t\Iémoires  de  J.-B.  'Brun,  curé  d'cAouste,  sur  les  événements  de  son 

temps,  de  iy()2  au  Concordat  (1802) 2     » 

Blanchard,  Un  épisode  de  l'histoire  des  Camisards  dans  VcArdéche  (ijo-f)  .  1  50 
Chaper  (Eug.)  S^îgr.    Le    Camus,    cardinal,   évéque   de  Grenoble  de  767/  à 

lyo'j,  notes  pour  servir  à  sa  biographie,  écrites  par  lui-même.  »  75 
Chevalier  (Jules),  U^otes  et  documents  pour   servir  à    l' histoire  des    doyens 

de  l'église  de  'Die  au  X  Vl^  siècle 2     » 

—  'Passage  delà  compagnie  des  Ecossais  dans  le  Diois  (i^ijO).  1  25 

—  'Procès-verbal  de  la  visite  pastorale  de  Jacques  de  Tournon, 
évéque  de  Valence  et  de  'Die,  a  Die  et  à  Crest  (  i ^ )  1  )  .     .     .     .  1  50 

Chevalier  (Ulysse),  Compte  de  -liaoul  de  Louppy,  gouverneur  du  'Dauphiné 

de  i]6j  à  J ]6ç 3     » 

—  Itinéraire  des  'Dauphins  de  la  troisième  race  {An<ie,Ilumbert  l", 
Jean  II,  Guigues  Vil  et  Humbert  II) 2 

—  [Mystère  des  trois  Doms,  joué  à  Romans  en  i^og.  Docu- 
ments relatifs  aux  représentations  théâtrales  en  Dauphiné  de 
1400  à  I )  ^).     .     .     ■ 3     » 

Chosson  (Luc),  La   1i.    5\/.    'Damascène    -Buisson,  supérieure  générale  des 

religieuses  Trinitaires.     .  1     » 

Feraid  (J.-J.-M.),  Fêtes  de  la  canonisation  de  S.  François  de  Sales  el  de  la 
béatification  de  Jeanne-Françoise  Frémiot,  baronne  de  Chantai, 

à  Digne,  en  lôby  et  i'/$2 4     » 

Fillet(L.),  'Donzére  religieux,  notice  historique 2  50 

—  Echevis  religieux,  notice  historique 1  25 

—  Histoire  religieuse  de  Pont-en-Royans  (Isère) 5     » 

—  S^antbrison  religieux,  notice  historique 1  50 

—  police  historique  sur  les  paroisses  de  Colon^^elle  et  CMargerie  .     .  2     » 

Guillaume  (Paul),  U^otice  historique  et  documents  inédits  sur  le  prieuré  de 

Samt-André  de  Gap »  75 

—  Origine  des  Chevaliers  de^lalte  et  •I\ôlc  des  donations   de  la  cum- 

manderie  de  Gap  )XI-XI1''  siècles) 2  50 

—  Pielations  de  Louis  XI  et  Charles   VIU  avec  Gap  et  Embiun.  »  50 

Lacier  (A.)  zAbbaye  de  N.-D.  de  Laval-'Bénite  de  -Bressieux 1  75 

Mazet  (V.)  Pierre  Fédon  et  le  diocèse  de  'Die  pendant  la  'Révolution  ...  2  25 
Ko.MA.N  (J.)  Visites  faites  dans  les  prieurés  de  l'ordre  de  Cluny  du   Dauphiné 

de  j  2do  à  I ]0] 1  25 

TouPiN  (H.-C),  U^otice  sur  le  serviteur  de  'Dieu    Jean  Sérane,  projès   de  la 

Compagnie  de  Jésus  {ij 1 2-1  y 8-1  ) 3     w 

—  Justine  de  la  Tour-Gouvernet,  baronne  de  'Poët-Célard,  épisode 
des  controverses  religieuses  en  'Dauphiné  durant  les  vingt 
premières  années  du  XVIP  siècle 3  50 


QUARANTE  ANNÉES 


DE 


L'HISTOIRE  DES  ÉVÊQUES  DE  VALENCE 

AU      MOYEN      AGE 

(1226    à    1266) 

(Suite) 


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Pierre  des  Roches,  évèque  de  Winchester,  était  mort  le  9  juin  123)^ 
Pour  remplir  le  siège  épiscopal  devenu  vacant,  le  roi  Henri  jeta 
aussitôt  les  yeux  sur  Guillaume  de  Savoie  :  il  avait  conservé  pour 
l'élu  de  Valence  l'affection  la  plus  grande  et  il  souhaitait  ardemment 
de  le  fixer  en  Angleterre  d'une  manière  définitive.  Mais  les  chanoines 
de  Winchester  ne  partagèrent  point  ses  vues  :  soit  pour  des  raisons 
particulières,  que  l'histoire  a  négligé  de  nous  apprendre,  soit  à  cause 
de  cette  antipathie  naturelle  aux  Anglais  contre  tout  étranger,  ils 
refusèrent  celui  que  désignait  le  roi  et  nommèrent  Guillaume  de 
Raie,  un  de  ses  plus  intimes  amis,  espérant  que  ce  choix  ferait  ou- 
blier à  Henri  ses  premières  instances.  Le  roi  prit  très  mal  cette 
manière  d'éluder  ses  recommandations  ;  il  cassa  l'élection,  et  pour 
témoigner  de  son  mécontentement,  il  éloigna  Guillaume  de  Raie 
de  son  entourage  et  de  son  conseil.  Le  clergé  toutefois  ne  se 
montrait  point  disposé  à  céder.  On  procéda  à  une  nouvelle  élection 
et  les  chanoines  donnèrent  leurs  voix  à  Rodolphe  Névil,  chancelier 
royal  et  évèque  de  Chichester.  Henri  ne  sut  alors  contenir  sa  colère  : 
non  seulement  il  annula  l'élection  et  priva  Névil  de  la  chancellerie  ; 


6  QUARANTE  ANNEES   DE  L  HISTOIRE   DES 

mais  encore  il  envoj-a  un  fondé  de  pouvoirs  en  cour  de  Rome  pour 
faire  approuver  sa  conduite  et  solliciter  une  bulle  nommant  Guillau- 
me de  Savoie  au  siège  de  Winchester.  Le  pape  saisit  avec  empres- 
sement l'occasion  de  se  montrer  agréable  au  roi  et  à  l'élu  de  \'a- 
lence  fi).  Mais  les  démarches  faites  au  nom  du  roi  n'étaient  point 
encore  terminées  que  déjà  les  désirs  de  Guillaume  prenaient  une 
autre  direction.  Pour  notre  ambitieux  prélat,  l'évêché  de  \\' inchester 
demeurait  maintenant  à  l'arrière-plan. 

Une  vacance  venait  en  effet  de  se  produire  à  Liège,  principauté 
ecclésiastique  riche  et  indépendante  :  le  prince-évêque  Jean  de 
Rumigny  était  mort  le  i"  mai  1238.  Les  revenus  de  l'évêché  de  Liège 
valaient  à  eux  seuls  beaucoup  plus  que  ceux  des  évêchés  de  Valence 
et  de  Winchester  réunis.  Guillaume  convoita  ardemment  cette 
Eglise.  Il  se  promettait  de  réussir,  grâce  à  l'appui  que  ne  manque- 
rait pas  de  lui  prêter  son  frère  Thomas  de  Savoie,  devenu  depuis 
peu  comte  de  Flandre.  Les  chanoines  toutefois  se  montrèrent  peu 
disposés  à  se  donner  un  tel  maître  et  quelques-uns  d'entre  eux, 
ayant  à  leur  tête  le  prévôt  du  chapitre,  frère  du  duc  de  Nancy,  lui 
opposèrent  Otton,  prévôt  de  l'Eglise  de  Trêves.  Le  légat  du  pape 
en  Angleterre,  le  cardinal  Otton,  écrivit  au  chapitre  pour  lui  recom- 
mander la  candidature  de  Guillaume  de  Savoie.  Le  23  juin,  veille  de 
la  lête  de  saint  Jean-Baptiste,  les  chanoines  de  Liège  se  réunirent 
pour  procéder  à  une  élection  :  les  voix  se  trouvèrent  partagées.  La 
majorité  pourtant  des  suffrages  s'était  réunie  sur  Otton,  prévôt  de 
Trêves.  Le  comte  de  Flandre,  peu  satisfait  de  ce  qui  avait  eu  lieu, 
prit  les  armes  pour  soutenir  les  intérêts  de  son  frère  ;  pendant  que 
son  compétiteur  trouvait  de  son  côté  dans  Walram.  comte  de  Lim- 
bourg,  un  ami  dévoué  qui  s'offrit  de  combattre  pour  sa  cause.  Les 
hostilités  commencèrent  ;  mais  heureusement  pour  les  populations, 
qui  avaient  tout  à  souffrir  dans  ces  misérables  querelles,  l'empereur 
intervint  :  Frédéric  et  son  fils  Conrad  n'avaient  point  caché  leur 
préférence  pour  le  prévôt  de  Trêves.  Thomas,  comte  de  Flandre, 
fut  contraint  de  mettre  bas  les  armes  et  de  cesser  toute  violence 
contre  Walram.  Cette  conduite  de  l'empereur  à  l'égard  de  Guillaume 
de  Savoie,  dans  un  moment  où  celui-ci  combattait  en  Italie  sous 
l'étendard  impérial,  irrita  Ciuillaumc  et  le  dispf)sa  à  répondre  aux 
avances  que  ne  de\ait  point  larder  à  lui  faire  la  cour  romaine. 

(i)  .MATTii.iius  Paris.,  op.  cit.,  p.  7^. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  7 

Vers  la  fin  de  l'année  1238,  Guillaume  de  Savoie  se  rendit  à  Rome 
pour  plaider  sa  cause  et  soutenir  les  droits  qu'il  prétendait  avoir  au 
siège  épiscopal  de  Liège.  Il  y  reçut  du  souverain  pontife  et  de  son 
entourage  un  accueil  qui  dépassa  toutes  ses  espérances.  Conrad,  que 
'es  chanoines  de  Cologne  avaient  élu  pour  évêque,  se  trouvait  alors  à 
Rome,  où  il  était  venu  faire  confirmer  son  élection.  Il  fit  les  plus 
grands  efforts  pour  combattre  les  prétentions  de  Guillaume  et  défen- 
dre la  validité  de  l'élection  du  prévôt  de  Trêves.  Grégoire  IX  demeura 
sourd  à  toutes  ses  raisons  ;  il  cassa  l'élection  du  prévôt  Otton,  pro- 
clama solennellement  évêque  de  Liège  Guillaume  de  Savoie.  Quant 
à  Conrad,  qui,  parait-il.  avait  résisté  aux  désirs  du  pape,  on  lui  fit 
entendre  qu'il  n'obtiendrait  ses  bulles  pour  Cologne  qu'à  la  condi- 
tion de  reconnaître  Guillaume  pour  évêque  de  Liège  et  de  soutenir 
désormais  ses  intérêts.  Mais,  non  content  de  donner  à  notre  pré- 
lat cette  marque  de  haute  bienveillance,  il  l'autorisa  encore  à  gar- 
der l'administration  des  Eglises  de  Valence  et  de  Winchester  (i). 

On  ne  saurait  douter  que  l'abandon  du  parti  impérial  n"eût  été 
demandé  à  Guillaume  en  échange  de  tant  de  faveurs.  Mais  Guillau- 
me de  Savoie,  grand  feudataire  de  l'empire,  ne  pouvait  rompre 
ouvertement  avec  Frédéric  sans  encourir  son  indignation  et  se  voir 
dépouillé  des  prérogatives  et  des  droits  régaliens,  qu'il  tenait  de  la 
couronne.  Il  fallut  donc  attendre  que  les  circonstances  parussent 
contraindre  notre  évêque  à  déserter  le  camp  impérial  pour  passer  au 
service  de  l'Eglise  romaine. 

Le  20  mars  1239,  l'excommunication  était  prononcée  au  Latran 
contre  Frédéric  II.  La  lutte  entre  le  sacerdoce  et  l'empire  s'engagea 
avec  une  violence  inouïe;  des  paroles  insultantes  furent  échangées  des 
deux  côtés  et  les  actes  répondirent  aux  paroles.  Quoique  Frédéric  se 

(1)  .Mattii.eus  Paris.,  op.  cit.,  p.  488.  —  Matth.eus  Westmonasteriensis,  op. 
cit.,  p.  299.  —  Aluerici,  monachi  Trium  Fontium,  Chronicon,  ad  an.  1238,  dans 
Bouquet,  t.  XXI,  p.  622  :  «  Inter  haec  autem  electus  Valentiae,  antequam  sciret 
de  electione  Leodiensi,  erat  in  praesidium  in  Cremona  pro  parte  imperatoris  contra 
Lombardos  et  cum  suis  Burgondionibus  disconfecit  Placentinos,  ita  quod  muiti  ex 
cis  inierfecti  et  vulnerati  sunt  et  plus  quam  mille  capti  fuerunt  ;  et  hac  occasione 
regalia  sua  habuit  ab  imperatore  auro  sigillata,  ubicunque  in  Imperio  eligerelur, 
sine  loco  determinato.  Ambo  isti  electi  Romam  profecti  sunt,  similiter  et  electus 
Conradus  Coloniensis.  Summus  aulem  pontifex  Trajectensem  Ottonem  cassavit  ; 
electum  Vaientiœ,  Guillelmum,  in  Leodiensem  electum  confirmavit.  Coloniensis 
electus  aliter  gratiam  papas  habere  non  potuit,  nisi  illum  Trajectensem  abjuraret 
et  electo  Valentiœ  assensum  et  gratiam  et  auxilium  suum  efficaciter  accommodaret 
quod  ita  factum  est,  licet  ille  Trajectensis  diu  restiterit  et  repugnaverit. 


8  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

fût  décerné  à  lui-même  cet  éloge  magnifique,  «  qu'il  gouvernait  l'em- 
pire avec  tant  de  douceur  et  de  justice  que  depuis  Charlemagne  au- 
cun autre  prince  ne  pouvait  lui  être  comparé  «,  les  défections 
commencèrent  parmi  les  Gibelins,  et  dans  cette  campagne  de  1239, 
il  ne  fit  aucun  pro||rès  (i).  Plusieurs  princes  de  l'Europe  témoignè- 
rent alors  du  désir  de  travailler  à  une  pacification  d'où  dépendait  le 
bonheur  de  tant  de  nations;  mais  au  fond,  ni  l'empereur,  ni  le  pape 
ne  songeaient  sérieusement  à  la  paix,  parce  que  ni  l'un,  ni  l'autre  ne 
voulaient  rien  concéder.  Le  roi  de  France  fut  un  des  premiers  à  offrir 
sa  médiation  :  dans  ce  but,  il  envoya  à  Rome  Robert,  évêque  de 
Langres,  et  l'un  des  membres  de  son  conseil.  La  chronique  d'Albéric, 
moine  des  Trois-Fontaines,  signale  en  même  temps  à  Rome  la 
présence  de  Guillaume  de  Savoie  :  d'après  la  rumeur  publique,  il  y 
serait  venu  lui  aussi  pour  travailler  de  concert  avec  les  députes  de 
Louis  IX  au  rétablissement  de  la  concorde.  Ce  c]ui  est  bien  certain, 
c'est  qu'il  fit  alors  un  long  séjour  à  Rome,  et  si  l'histoire  ne  nous  a 
pas  conservé  le  souvenir  de  ce  qu'il  entreprit  pour  le  bien  général  de 
l'Eglise,  elle  a  pris  soin  de  nous  apprendre  qu'il  n'oublia  ni  ses 
intérêts,  ni  ceu.x  de  sa  famille.  Il  commença  par  obtenir  de  Grégoire 
IX  que  l'administration  de  l'Eglise  de  Valence,  dont  il  consentait  à 
se  démettre,  passât  à  un  de  ses  frères  (2)  ;  puis  il  entama  ces  négocia- 
tions qui  devaient,  trente-cinq  ans  plus  tard,  aboutir  à  la  fatale  union 
des  diocèses  de  Valence  et  de  Die.  Mais  quelques  explications  nous 
paraissent  ici  nécessaires. 

Les  événements  que  nous  venons  de  raconter  ont  pu  déjà  faire 
soupçonner  au  lecteur  dans  quel  misérable  état  devait  languir  le 
diocèse  de  Valence,  privé  depuis  plusieurs  années  de  la  présence  de 
l'évêque,  son  chef  naturel.  Deg  documents  récemment  mis  au  jour 
nous  montrent  le  peu  d'estime  et  quelquefois  le  mépris  qu'inspirait 
alors  la  conduite  d'un  certain  nombre  de  grands  dignitaires  du 
clergé,  qu'on  voyait  plus  attentifs  à  la  poursuite  des  richesses  et  des 
honneurs  du  siècle  qu'à  l'accomplissement  des  devoirs  de  la  charge 

(i)  Huii.i.ARD-BrîKHOi.i.KS,  Introduction  à  l'hist.  dipl.  Je  Frédéric  II,  p.  .156. 

(2)  Alfserici  Chrouicon,  dans  Bouquet,  t.  XXI,  p.  623  :  «  Misil  Romam  rcx 
FrancicC  episcopum  Lingonenscm  Robcrtum  et  dominum  .\dam,  mililcni  de  consilio 
suo,  ad  lemperandum  Summi  Pontificis  animum  et  animum  imperatoris,  si  aliqua 
posset  inter  eos  reperiri  pacis  et  concordiœ  forma.  Ilac  ctiain  de  causa  noslcr 
electus  Leodiensis,  ille  de  Valentia  a  domino  papa  confirmatus,  moram  fccisse 
dicitur  in  eisdem  partibus  ;  qui  etiam  a  domino  papa  obiinuii  ui  unus  de  tValribus 
ejus  sit  pro  co  electus  in  Valentia.  » 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  Q 

pastorale  (i)\  ils  nous  apprennent  encore  que  nos  malheureuses 
populations,  si  souvent  tourmentées  par  le  fléau  des  guerres  civiles, 
se  virent  menacées  à  cette  époque  d'une  sorte  de  décomposition 
religieuse  et  sociale,  et  qu'elles  eurent  à  se  défendre  contre  une  foule 
de  sectes  hérétiques  qui  travaillaient  avec  ardeur  au  renversement 
de  l'ordre  établi  (2).  Les  débris  des  sectes  albigeoises,  chassés  du 
midi  par  la  guerre  et  l'inquisition  étaient  venus  demander  un  asile 
à  ces  régions  montagneuses  qui  formaient  les  diocèses  d'Embrun, 
de  Gap  et  de  Die  :  de  là,  comme  d'une  forteresse  inexpugnable,  des 
adeptes  zélés  se  répandaient  dans  les  pays  environnants.  Cette 
propagande  de  l'erreur,  plus  ou  moins  active,  selon  les  circons- 
tances, continua  durant  des  siècles,  jusqu'au  moment  où  le  protes- 
tantisme recueillit  les  fragments  épars  de  ces  vieilles  hérésies  (3).  Le 
diocèse  de  Valence  reçut  bien  des  fois  la  visite  de  ces  missionnaires 
de  l'erreur  ;  mais  à  l'époque  qui  nous  occupe  ce  furent  surtout  les 
Vaudois  du  Lyonnais  qui  eurent  le  triste  privilège  d'^y  semer  leurs 
pernicieuses  doctrines. 

L'ordre  de  S'.  Dominique,  opposé  par  la  Providence  comme  une 
digue  puissante  au  torrent  de  l'hérésie,  rendit  alors  d'inappréciables 

(i)  Chrojiicon  Placenlinum. ..  edidit  Huillard-Bréholles,  Parisiis,  1856,  in-4'', 
passim. 

(2)  Nous  trouvons  dans  quelques  lettres  de  Frédéric  II  l'énumcralion  de  ces 
diverses  sectes.  Huill.\rd-Bréholl,es,  Hist.  diplomatica  Friderici  II,  t.  II,  p.  4  : 
('  Porro  Catharos,  Patarenos,  Speronistas,  Leonistas,  Arnaldistas ,  Circumcisos  et 
omnes  hasreticos  utriusque  sexus  quocunque  nomine  censeantur  perpétua  damnamus 
infamia,  difïinimus  atque  bannimus.»  —  Op.  cit.,  t.V,  p.  280  :  «  Patarenos,  Speronis- 
tas, Leonistas,  Arnaldistas,  Circumcisos,  Passaginos,  Joseppinos,  Garattenses,  Alba- 
nenses,  Franciscos,  Bagnarolos,  Comistas,  Waldenses,  Runcarolos,  Communellos, 
Warinos  et  Ortolenos,  cum  illis  de  Aqua  Nigra  et  omnes  haereticos..  » — Quand  on  se 
rend  compte  de  la  tendance  générale  de  ces  sectes  hérétiques,  on  s'explique  la 
vigueur  avec  laquelle  la  société  au  moyen  âge  se  défendit  contre  les  envahissements 
d'un  mal  qui  pouvait  avoir  les  plus  terribles  conséquences.  «  Le  catharisme  au 
«  moyen  âge,  dit  M.  Dulaurier  (Cabinet  historique,  1880,  p.  158),  fut  une  doctrine 
«  aussi  radicale,  aussi  dangereuse  que  celle  qui  de  nos  jours  proclame  l'égalité 
«  absolue  des  conditions,  l'abolition  de  la  famille  et  la  communauté  des  biens.  La 
«  société  d'alors  avait  le  droit  de  se  défendre,  comme  elle  l'a  aujourd'hui  contre  les 
«  théories  subversives,  parce  que  ce  droit  est  inhérent  à  sa  constitution  et  est  la 
«  condition  même  de  son  existence.  » 

(3)  De  bonne  heure  on  donna  le  nom  générique  de  Vaudois  à  tous  les  hérétiques 
cantonnés  dans  les  Alpes  Dauphinoises  et  Piémontaises.  Il  résulte  des  enquêtes  qui 
furent  faites  à  leur  sujet  dans  le  XV°  siècle  que  leur  culte  ne  consistait  qu'en  cer- 
taines pratiques  superstitieuses  et  diaboliques.  Voir  notre  Histoire  généalogique  de 
la  maison  de  Rabot,  Valence,    1886,  in-8°,  p.  II. 


10  QUARANTE    ANNÉES    DE    L  HISTOIRE    DES 

services  à  la  double  cause  de  l'Eglise  et  de  la  civilisation.  En  l'an- 
née 1235,  un  dominicain,  qui  joignait  au  zèle  apostolique  le  talent 
de  la  parole,  parcourut  dans  tous  les  sens  le  diocèse  de  \''alence  : 
il  se  nommait  Etienne  de  Bourbon.  Peu  de  temps  après,  le  rôle 
d'inquisiteur  lui  ayant  été  confié,  il  fut,  par  le  fait  même  de  sa 
mission  pénible  et  délicate,  mis  plus  directement  en  contact  avec 
les  hérétiques  de  nos  pays,  sur  les  mœurs  et  les  doctrines  desquels 
il  fut  ainsi  à  même  de  pouvoir  recueillir  quantité  de  détails  parfaite- 
ment authentiques.  Plus  de  quarante  années  de  sa  vie  s'écoulèrent 
dans  les  rudes  labeurs  de  l'apostolat.  Devenu  vieux  et  retiré  au  fond 
de  son  cloître  à  Lyon,  il  employa  ses  dernières  années  à  écrire 
quelques-uns  de  ses  souvenirs.  Dans  ses  récits,  d'une  valeur  histo- 
rique considérable,  sa  plume  a  plus  dune  fois  retracé  des  faits 
concernant  le  diocèse  de  \'alence.  Nous  pensons  qu'il  ne  sera  peut- 
être  pas  sans  intérêt  pour  le  lecteur  de  trouver  ici  quelques  extraits 
du  curieux  ouvrage  de  ce  religieux  zélé  et  savant  (1). 

«  A  l'époque  où  je  prêchais  dans  la  ville  de  \'alence  fen  Tannée 
«  12;; 5),  écrit-il,  ne  connaissant  point  encore  à  fond  l'hérésie  des 
«  \'^audois,  attendu  que  je  n'exerçai  que  quelque  temps  après  les 
«  fonctions  d'inquisiteur,  un  catholique  me  raconta  qu'il  avait  en- 
ce  tendu  des  maîtres  de  l'erreur  commenter  ainsi  ce  texte  de  la 
<<  Genèse  :  c  Dieu  forma  l'homme  du  limon  de  h  terre  et  lui  inspira 
0  un  soulJle  de  vie.  »  Dieu,  disaient-ils,  façonna,  avec  de  l'argile 
«  molle,  une  certaine  forme  humaine,  comme  font  les  enfants,  et  la 
«  plaça  ensuite  au  soleil  pour  la  faire  sécher.  Or  il  arriva,  étant 
»  complètement  desséchée,  que  toutes  les  rides  ou  fentes  produites 
«  par  l'action  des  rayons  solaires,  se  remplirent  de  sang  et  devinrent 
«  des  veines.  En  dernier  lieu  il  souffla  sur  la  face  de  cette  statue  et 
«  lui  communiqua  son  esprit  :  c'est  ainsi  que  l'homme  fut  fait  âme 
«  vivante.  Toutes  les  autres  âmes  proviennent  de  la  même  source 
«  et  ont  été  communiquées  de  la  même  manière.  Presque  tous  les 
«  Vaudois  s'accordent  pour  dire  que  l'àme  de  tout  homme  juste  et 
«  bon  n'est  autre  que  l'Esprit-Saint  lui-même,  qui  est  Dieu  et  que  le 

(1)  Anecdotes  historiques,  légendes  et  apoloi^ues.  tirés  du  recueil  inédit  i/'Etienne 
i>K  lîOL'RiiON,  dominicain  du  XIH'  siècle,  publiés  pour  Li  société  de  l'histoire  de 
l'rance  par  X.  Lecoy  me  l\  .Marche.  Paris,  1878,  in-S".  .\L\III  et  .i'>b  paijes. 
Etienne  de  Bourbon,  né  à  EiclIcvillc-sur-Saonc  entre  i  190  et  1195,  mort  à  Lvon 
vers  1271.  Cf.  QiÉTiF  et  Ecn\i<t).  Scriptores  ordinis  Prxdicatorum,  t.  I,  col.  184- 
Oj  ;  —  Hist.  littéraire  delà  France,  t.  .\i.\,  p.  27-^^  :  —  Ltcov  de  la  .Marche,  La 
chaire  française  au  moyen  âge,  p.   106-12. 


ÉVÈQUES    DE    VALENCE    AU    MOYEN-AGE.  Il 

«  juste,  tant  qu'il  demeure  tel,  ne  peut  avoir  une  autre  âme  que 
«  TEsprit-Saint.  qui  est  Dieu.  S'il  pèche,  l'Esprit  sort  et  le  diable 
«^  prend  sa  place...  Ils  enseignent  qu'ils  n'y  a  de  peines  expiatrices 
('  que  dans  le  temps  présent,  et  que  par  conséquent  tous  les  suf- 
«  frages  de  l'Eglise,  comme  toutes  les  œuvres,  ne  servent  de  rien 
«  aux  défunts.  Ils  disent  que  tous  les  bons  sont  prêtres  et  que  tout 
«  homme  bon  peut  absoudre  des  péchés  aussi  bien  que  le  pape,  selon 
«  notre  doctrine  :  toutefois  quand  ils  expliquent  sur  ce  point  leur 
«  croyance,  ils  enseignent  qu'il  n'y  a  en  réalité  que  Dieu  qui  puisse 
«  absoudre,  et  que  si  les  justes  le  font,  ce  n'est  que  parce  que  Dieu, 
«  qui  habite  en  eux,  agit  par  eux.  Ils  n'ont  que  du  mépris  pour  les 
«  absolutions  et  les  excommunications  de  l'Eglise,  parce  que,  disent- 
«  ils,  il  n'y  a  que  Dieu  qui  puisse  excommunier.  Un  de  leurs  maîtres 
<i  les  plus  célèbres  et  qui  s'était  acquitté  pour  des  intérêts  de  la  secte 
«  de  divers  emplois,  me  faisait  un  jour  cette  distinction  :  11  en  est,  me 
«  disait-il,  qui  ne  sont  ordonnés  ni  par  Dieu,  ni  par  les  hommes. 
«  comme  les  mauvais  laïques  ;  il  en  est  qui  sont  ordonnés  par  les 
«  hommes  et  non  par  Dieu,  comme  les  mauvais  prêtres  ;  il  en  est 
«  enfui  qui  sont  ordonnés  par  Dieu  et  non  par  les  hommes,  comme 
«  les  bons  la'iques,  qui  observent  les  commandements,  qui  ont  le 
«  pouvoir  de  lier  et  de  délier,  de  consacrer  et  d'ordonner,  s'ils  pro- 
«  noncent  les  paroles  sacramentelles.  Me  parlant  de  ces  derniers, 
«  quelques-uns,  me  disait-il  encore,  enseignent  que  les  hommes  seuls 
«  peuvent  exercer  les  fonctions  sacerdotales  ;  tandis  que  d'autres  n'é- 
«  tablisent  sur  ce  point  aucune  différence  et  soutiennent  que  la  fem- 
«  me  elle  aussi,  si  elle  est  bonne,  peut  être  prêtre.  J'ai  vu  une  femme 
»   hérétique,  qui  fut  brûlée,  qui  se  servait  d'une  sorte  de  coffre  en 

«  forme  d'autel  et  qui  faisait  les  cérémonies  de  la  consécration 

a  Ces  hérétiques  tournent  en  ridicule  les  indulgences  accordées  par 
«  le  pape,  les  absolutions  et  les  clefs  de  l'Eglise  ;  ils  ne  respectent 
«  pas  davantage  les  dédicaces  ou  consécrations  d'églises  et  d'autels, 
«  appelant  ces  cérémonies,  les  fêtes  d'un  tas  de  pierres.  Toute  la 
«  terre,  disaient-ils,  a  été  par  Dieu  consacrée  et  bénite  ;  aussi  n'ont- 
«  ils  aucun  respect  pour  les  cimetières  et  les  églises  des  chrétiens... 
«  Ils  disent  encore  que  nos  clercs  et  nos  prêtres,  qui  ont  de  l'argent 
«  ou  des  terres,  sont  fils  du  diable,  enfants  de  perdition  ;  c'est  péché 
«  que  de  leur  donner  les  dîmes  et  les  offrandes;  c'est,  disaient-ils  par 
«  manière  de  moquerie,  vouloir  engraisser  du  lard.  Ils  se  moquent 
«  des  cierges  qu'on  allume  devant  les  images  des  saints  :  ils  se  mo- 


12  QUARANTE    AWEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

«  quent  de  nos  rites  sacrés  et  de  nos  chants,  demandant  si  Dieu  n'en- 
«  tendrait  pas  nos  demandes,  lors  même  que  nous  ne  chanterions 
«  point...  Ils  disent  que  l'Eglise  Romaine  est  la  Babylone,  la  grande 
«  prostituée  de  l'apocalypse...  Ils  disent  qu'il  n'y  a  pas  de  péché  à 
«    violer  les  jeûnes  et  les  abstinences (i)  » 

Ces  quelques  lignes  suffiront  pour  montrer  quel  désordre  régnait 
alors  dans  les  esprits,  et  à  quels  dangers  était  sans  cesse  exposée 
la  foi  de  nos  populations.  'Voici  maintenant  un  autre  e.xtrait  du  livre 
d'Etienne  de  Bourbon,  non  moins  curieux  et  instructif  que  le  pré- 
cédent. On  y  rappelle  un  acte  de  brigandage  d'un  de  ces  petits 
tyrans  féodaux  ,  qui  attaquaient  de  préférence  les  clercs  et  les 
moines,  ordinairement  moins  préparés  à  résister  à  leurs  coups. 
C'est  une  peinture  des  mœurs  de  l'époque,  qu'il  est  bon  de  recueillii". 
«  Lorsque  je  prêchais  dans  le  diocèse  de  Valence,  écrit  notre  au- 
«  teur,  je  passai  un  jour  auprès  d'un  certain  village  fortifié,  bâti 
«  sur  une  éminence  ;  les  maisons  en  étaient  vastes  et  construites  en 
«  belles  pierres.  Je  croyais  qu'il  y  avait  là  de  nombreux  soldats  et 
«  des  gens  riches  ;  les  campagnes  environnantes  semblaient  très 
«  fertiles.  Les  habitants  de  la  région  me  dirent  que  ce  village  était 
«  abandonné  et  désert,  et  comme  je  leur  en  demandais  la  cause,  il 
«  me  fut  répondu  qu'un  certain  seigneur  de  ce  lieu,  homme  superbe 
«  et  arrogant,  qui  se  permettait  de  dévaliser  les  voyageurs  sur  les 
«  voies  publiques,  arrêta  une  fois  un  légat  du  saint  siège,  lui  en- 
«  leva,  ainsi  qu'aux  gens  de  sa  suite,  chevaux  et  bagages,  et  ne  les 
«  laissa  partir  qu'après  les  avoir  complètement  dépouillés.  Pour  ce 
«  fait,  le  seigneur  fut  excommunié  ;  sa  terre  et  ses  gens,  frappes 
«  d'interdit  ;  mais  ils  ne  se  soucièrent  point  d'obtenir  l'absolution 
«  des  censures.  Or  il  arriva  que,  sans  essuyer  aucune  guerre,  le  sei- 
«  gneur  et  les  habitants  de  ce  village  tombèrent  dans  la  dernière 
«  indigence  et  se  virent  réduits  à  quitter  leurs  demeures...  (2)  « 

Guillaume  de  Savoie  exposa  au  pape  Grégoire  IX  la  situation  lamen- 
table dans  laquelle  gémissait  cette  Eglise  de  Valence,  dont  il  aban- 
donnait le  gouvernement  :  elle  était  entourée  d'ennemis  nombreux, 
et  les  dettes  énormes  dont  elle  était  accablée  la  mettaient  dans 
l'impuissance  de  se  relever.  Ce  fut  lui,  sans  doute,  qui  suggéra  au 
souverain  pontife  un  moyen,  qui  d'après  les  calculs  de  la  prudence 
humaine,  devait  porter  remède  à  tant  de  maux  :  ce  moyen  consistait 

(i)  Annaioles  liisloriques,  p.   29.1-7. 
{2)  Anecdotes  liislorL-jues,  p.  261. 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  13 

dans  l'union  des  deux  diocèses  de  Valence  et  de  Die  ;  l'évêque  qui 
prendrait  en  main  l'administration  de  ces  deux  Eglises,  trouverait  de 
la  sorte  des  ressources  qui  lui  permettraient  de  se  défendre  et  de 
reconquérir  le  terrain  perdu.  Les  circonstances,  ajoutait-on,  sem- 
blaient elles-mêmes  réclamer  cette  union  et  la  rendre  facile  :  à  Die, 
les  bourgeois,  avides  d'indépendance,  venaient  de  s'insurger  contre 
l'évêque,  qui  se  vo3^ait  contraint  de  demeurer  exilé  de  sa  ville  épis- 
copale  (i).  Grégoire  IX  ne  voulut  rien  décider  par  lui-même  tou- 
chant l'union  qu'on  lui  proposait  :  c'était  là  en  effet  une  mesure 
grave,  dont  les  conséquences  pouvaient  être  plus  désastreuses  que  les 
maux  eux-mêmes  auxquels  elle  était  destinée  à  porter  _  remède.  II 
ordonna  une  enquête  et  chargea  les  archevêques  de  Vienne  et 
d'Embrun  d'étudier,  et,  s'ils  le  jugeaient  nécessaire,  de  régler  définiti- 
vement cette  délicate  affaire.  La  lettre  qu'il  écrivit  à  ce  sujet  aux 
deux  prélats  débute  par  un  exposé  des  droits  et  des  prérogatives  de 
l'Eglise  romaine  sur  toutes  les  autres  Eglises,  puis  elle  continue  en 
ces  termes  : 

(I  D'après  les  relations  qui  ont  été  adressées  à  ce  siège  apostolique, 
«  les  Eglises  de  Valence  et  de  Die  souffrent  grandement  de  l'insu- 
«  bordination  des  nobles  et  des  gens  du  peuple.  Ces  hommes  sont 
«  arrivés  à  un  tel  degré  d'audace  qu'ils  n'ont  pas  craint  de  se  révol- 
«  ter  ouvertement  contre  leurs  pasteurs  :  dans  les  deux  diocèses  de 
«  Valence  et  de  Die,  à  des  époc^ues  différentes,  le  père  s'est  vu  con- 
«  traint  de  prendre  la  route  de  l'exil  pour  se  soustraire  à  la  rage  de 
«  ses  enfants  ;  l'Eglise  a  éprouvé  les  plus  graves  dommages  de  la 
«  part  de  ses  fils  rebelles.  Mais  il  serait  trop  long  de  vous  énumérer 
«  ici  en  détail  tous  ces  tristes  événements.  Bien  que  la  crainte  des 
«  châtiments  qui  les  menacent  ait  parfois  aiTêté  quelques  instants 
«  ces  insensés,  au  fond,  leur  fureur  ne  s'est  jamais  apaisée  complè- 
«  tement.  Vu  ce  déplorable  état  de  choses,  on  nous  a  humblement 
«  supplié  de  vouloir  bien  unir  ces  deux  Eglises  voisines  et  dépen- 
«  dantes  de  la  juridiction  d'un  même  archevêque,  afin  que,  leurs 
«  forces  et  leurs  ressources  étant  mises  ensemble,  elles  soient  en 
«  mesure  de  réprimer  l'insolence  des  révoltés.  Chacune  de  ces  Egli- 
;<  ses,  abandonnée  à  elle  même,  est  dans  l'impuissance  de  se  défen- 
«  dre.  Malheur  à  celui  gui  est  seul,  avait  dit  autrefois  Salomon, 
«  parce  que  s'il  vient  à  défaillir,  il  naura  personne  pour  lui  venir  en 

(i)  Voir    notre    Essai  historique    sur   l'Eglise  et    la  ville  de  Die,  t.  I,  p.    325    et 
suiv. 


14  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

«  aide.  On  demande  de  notre  autorité  apostolique,  que  l'un  des 
»  deux  prélats  donnant  sa  démission  ou  bien  venant  à  décéder,  l'au- 
«  tre  soit  constitué  le  chef  unique  de  ces  Eglises.  Comme  dans  une 
«  affaire  aussi  grave,  nous  ne  devons  agir  qu'avec  une  sage  lenteur, 
«  nous  ordonnons  à  votre  fraternité  d'examiner  jusqu'à  quel  point 
«  est  utile  l'union  demandée.  Si  vous  jugez  que  cette  mesure  soit 
((  pour  le  bien  de  lune  et  de  l'autre  de  ces  églises,  en  vertu  de  notre 
«  autorité  apostolique,  vous  les  unirez,  et  nonobstant  tout  appel, 
«  vous  frapperez  des  censures  ecclésiastiques  tous  ceux  qui  vou- 
«  draient  s'opposer  à  cette  union.  Donné  au  Latran,  le  1 1  des  ides  de 
«   mai  (14  mai),  la  treizième  année  de  notre  pontificat  (1239)  (i).  » 

Nous  avons  raconté  ailleurs  les  événements  qui  ne  permirent 
point  qu'il  fût  donné  suite  à  cette  enc|ucte  (2). 

Sur  la  fin  d'octobre  123g,  Guillaume  de  Savoie  quittait  Rome, 
pour  aller,  comme  disent  les  chroniqueurs  anglais,  prendre  posses- 
sion de  ses  deux  sièges  de  Winchester  et  de  Liège,  muni  des  bulles 
qui  confirmaient  sa  double  élection  ;  mais  la  mort  l'attendait  sur  la 
route:  elle  vint  tout  à  coup  anéantir  les  rêvées  de  grandeur  qui  avaient 
rempli  son  existence  et  qu'il  voyait  sur  le  point  de  se  réaliser. 
Arrivé  à  Viterbe,  il  tomba  subitement  malade  et  mourut  après  de 
courtes  souffrances.  Comme  l'accusation  d'empoisonnement  était  à 
la  mode  dans  ce  temps-là,  on  ne  manqua  pas  de  dire  que  la  mort 
de  Guillanme  était  due  au  poison,  et  les  soupçons  tombèrent  sur  un 
anglais,  maître  Lawrence,  qui  sut  personnellement  se  justifier  (3). 
Guichenon,  suivant  la  chronique  française  de  Savoie,  raconte  que 
Guillaume,  à  son  retour  de  Rome,  tomba  entre  les  mains  de  ses 
ennemis  et  fut  empoisonné  durant  sa  captivité  (4).  Par  ordre  de 
Pierre  de  Savoie,  le  corps  de  Guillaume  fut  transporté  à  Haute- 
combe,  où  il  reçut  les  honneurs  de  la  sépulture  le  5  mai  1240  (5). 

(1)  Gallia  christiana,  t.  XVI,  Instrum.,  p.    116. 

(2)  Voir  noire  Essai  hist.  sur  l'Eglise  et  la  ville  de  Die,  t.  I,  p.  329. 

(3)  Alberici  chronicon,  dans  Bouqi'et,  t.  .\XI,  p.  623...  Mac  ctiam  de  causa 
nosler  electus  Leodiensis,  ille  de  Valentia  a  domino  papa  confirmatus,  moram 
fecisse  dicitur  in  eisdem  partibus,  qui  eliam  a  domino  papa  obtinuit  ut  unus  de  fra- 
tribus  ejussit  pro  eo  eleclus  Valcnliœ.  Unde  cum  Leodicnses  de  die  in  diem  expec- 
tarent  et  desiderarent  succursum  illius,  cum  omnis  regio  graviter  vastaretur  a  vicinis 
principibus,  imo  prccdonibus,  illc,  sicut  Deo  placuit,  mense  octobri,  obiit  in  redilu 
itineris  romani.  — Cf.  Wuste.mberger,  op.  cil.,  l.  I,  p.  22O  el  229. 

(4)  GuiCHENO.N,  Hist.  de  Savoie,  t.  I,  p.  25b. 

(5)  La  date  de  la  sépulture  de  Guillaume  donne  occasion  à  \N'urstcmbcrgcr  de 
publier  une    inléressanlc    note  (p.    229),   que  nous    traduisons:  «  Guichenon  (I,  p. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I5 

La  mort  de  Guillaume  de  Savoie  causa  un  profond  chagrin  au  roi 
d'Angleterre  et  à  la  reine  Eléonore.  Mathieu  de  Paris  nous  repré- 
sente ce  prince  se  laissant  aller  à  des  manifestations  de  douleur 
qu'on  aurait  pu  prendre  pour  des  accès  de  folie  et  de  désespoir  :  il 
avait,  ajoute-t-il,  l'habitude  d'exagérer  ses  sympathies  comme  ses 
antipathies,  et  il  se  laissait  conduire  plus  par  les  sentiments  de  son 
cœur  que  par  les  calculs  de  la  politique.  «  Le  pape  Grégoire,  ajoute 
le  chroniqueur  anglais,  regretta  aussi  vivement  Guillaume,  mais 
pour  des  motifs  plus  intéressés  ;  il  perdait  en  effet  dans  ce  prélat  le 
général  habile  dont  il  avait  eu  la  pensée  d'utiliser  les  talents  mili- 
taires pour  la  défense  de  l'Eglise  romaine  (i).   » 

«  256),  cile  une  inscription  tumulaire  d'après  laquelle  le  corps  de  Guillaume  aurait 
«  été  transporté  de  la  cour  papale  et  déposé  à  Hauiecombe  :  111  nonas  maii 
«  M. ce. XXXIX  ;  mais  Mathieu  de  Paris  fixe  d'une  manière  très  précise  la  mort  de 
«  Guillaume:  Omnium  Sanclorum  imminente  festivitate,  en  Tannée  1239.  Gui- 
«  chenon  a  donc  mal  lu  l'indication  de  l'année  sur  la  pierre  tumulaire,  qui  du  reste, 
«  comme  il  le  dit  lui-même,  n'existe  plus  qu'en  partie.  Mathieu  de  Paris  raconte 
«  encore  quelques  faits  de  Guillaume  qui  eurent  lieu,  en  juin  1239.  Guichenon 
«  rapporte  que  Guillaume,  à  son  retour  de  Rome,  tomba  entre  les  mains  de  ses 
«  ennemis  et  fut  empoisonné  pendant  sa  captivité;  il  s'appuie  sur  la  chronique 
«  française  de  Savoie  ;  mais  les  deux  chronologistes  anglais  ne  parlent  point  de 
«  cela.  Voyez  aussi  Pingon,  f°  291,  qui  dit  que  le  comte  de  Savoie  avait  ordonné 
«  que  la  sépulture  de  son  frère  Guillaume  eût  lieu  à  Hautecombe,  le  5  mai  1239. 
«  La  chronique  de  Hautecombe  (Monumenta  Hist.  patrix,  Scriptores,  t.  I,  col.  673): 
«  Anno  Domini  m.cc.xxxix  delatus  fuit  de  curia  romana  illustrissmus  vir  dominus 
«  Guillermus  de  Sabaudia,  electus  Valencie,  qui  inde  Guillermus  per  inclite  ac  pie 
«  recordationis  Dominus  Petrus  comes  Sabaudie,  et  venerabilis  pater  Dominus 
«  Burchardus,  abbas  Alte  Cumbe,  tertio  nonas  maii  fuit  hic  honorifice  sepullus. 
«  Requiescat  in  pace.  Amen.  Le  sens  de  ce  passage  assez  barbare  de  la  chronique, 
«  qui  ne  fut  écrite  que  deux  siècles  après  la  mort  de  Guillaume,  est  sans  doute 
((  celui-ci  :  Guillaume,  mort  en  l'année  1239  à  la  cour  romaine,  fut  porté  à  Haule- 
«  combe  et  y  fut  enseveli  le  5  mai   1240.  » 

(l)    WURSTEMBERGER,    loC.    cit. 

Jules  CHEVALIER. 


(La  suite  au  prochain  numéro). 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 


DU 


CmnELACHAPELLE-EN-eCORS 

(DROME). 

(Suite). 


Confrérie  du  Rosaire.  —  Elle  existait  dès  1687,  comme  l'affirme 
un  Estai  de  la  paroisse  de  cette  année,  et  avait  dans  la  nef  en  1689 
un  autel  «  dédie  à  Notre-Dame  du  Rosaire,  »  dont  nous  avons 
parlé. 

En  1721,  elle  reçoit  un  legs  pour  ses  ornements,  et, le  20  janvier 
1724,  Marguerite  et  Louise  Riston  lui  lèguent,  celle-là  6  livres, 
celle-ci  2  livres  6  sols,  payables  «  à  la  retrisse  de  ladite  confrérie 
pour  estre  employés  aux  ornements  les  plus  nécessaires  d'icelle.  » 
Puis,  en  1730,  Françoise  Bérard,  P  Audeyer,  lui  donne  6  livres  pour 
la  même  destination. 

Enfin,  le  24  aoiàt  1736,  l'èvêque  prescrit  la  fourniture,  «  aux  frais 
des  confrères  et  sœurs  du  Rosaire,  »  d'une  «  pierre  sacrée  pour 
leur  autel  (i).  » 

Cette  confrérie  avait  disparu  depuis  longtemps  quand  Al.  Blaïn, 
curé-archiprêtre  delà  Chapelle,  en  établit  une  sous  le  même  vocable, 
vers  18Ô3,  pour  les  femmes  mariées  ou  veuves.  Favorisée  et  déve- 
loppée par  M.  Thomé  et  par  M.  Pourret,  curé  actuel,  elle  contribue 
puissamment  à  la  gloire  de  Dieu,  à  l'honneur  de  Marie  et  au  bien 
des  âmes. 

Confrérie  de  f  Immaciilée-Conccplion.  —  Etablie  depuis  quelques 
années  en  faveur  des  jeunes  personnes,  elle  fait  de  son  côté  parmi 
ses  membres  un  bien  qui  rejaillit  heureusement  sur  toute  la  paroisse. 

(1)  Ibid. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  I7 

V 

INSTITUTIONS    ET     PRATIQUES    DE    BIENFAISANCE. 

La  bienfaisance  charitable,  que  nous  avons  principalement  en  vue 
ici,  est  fille  de  la  Religion  catholique.  Voilà  pourquoi  après  les 
articles  relatifs  aux  faits  et  à  l'état  religieux  de  la  Chapelle,  nous  en 
mettons  un  sur  les  institutions  et  pratiques  de  bienfaisance  et  de  cha- 
rité de  cette  localité. 

Nos  pères  du  moyen-âge  étaient  au-dessus  de  l'état  où  des  écri- 
vains modernes,  aveuglés  par  l'esprit  de  parti,  les  supposent.  Avec 
des  ressources  physiques  et  médicales  moins  avancées  que  celles  de 
nos  jours,  ils  luttaient  contre  les  misères  de  leur  temps  d'une  manière 
à  peu  près  aussi  efficace  qu'on  le  fait  aujourd'hui.  Les  ressources 
matérielles  étaient  sans  doute  moins  grandes  ;  mais  l'esprit  chrétien, 
la  charité  trouvait  dans  ses  généreux  élans,  pour  soulager  des  frères 
en  Jésus-Christ,  des  moj-ens  qu'un  certain  esprit  moderne  ne  sait 
trouver  et  ne  remplace  guère. 

Isolée,  d'un  chiffre  de  population  fort  restreint,  sans  aggloméra- 
tion importante,  la  Chapelle  n"a  pu  être  le  théâtre  d'autant  de  misè- 
res qu'en  offrent  d'autres  lieux.  Il  serait  donc  inutile  d'y  chercher 
des  institutions  importantes  de  bienfaisance ,  qui,  eussent-elles 
existé,  resteraient  facilement  inconnues,  faute  de  documents  un  peu 
complets  pour  l'époque  antérieure  au  XVIL  siècle. 

Recueillons  cependant  ce  que  l'on  peut  trouver  sur  cet  intéressant 
sujet. 

Dès  139Q,  il  y  avait  à  la  Chapelle  en  Vercors  une  confrérie  du 
Saint-Esprit.  Nous  en  avons  déjà  parlé,  à  raison  de  son  caractère  de 
confrérie  religieuse  ;  mais  il  y  a  lieu  de  se  rappeler  ici  les  détails 
que  nous  avons  donnés  à  son  sujet,  car  son  caractère  et  surtout  son 
but  étaient  autant  bienfaisants  que  religieux,  peut-être  plus. 

L'été  de  1508  se  signala  au  Vercors  par  un' fléau  redoutable.  La 
peste  sévit  notamment  dans  les  paroisses  de  la  Chapelle,  de  St- 
Martin  et  de  St-Julien.  Aussi  le  conseil  de  la  ville  de  Die,  réuni  le 
25  septembre  de  ladite  année,  conclut-il  que.  vu  cet  état  de  choses, 
on  ne  laisserait  entrer  dans  cette  ville  aucun  habitant  du  Vercors, 
jusqu'à  ce  qu'il  y  eût  lieu  de  revenir  sur  cette  mesure  (ij,.  Que  firent 

(i)  Mairie  de  Die,  délibér.  municip. 

Bull.  IX,  1888.  2 


l8  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

les  autorités  de  la  Chapelle  pour  atténuer  les  maux  causés  par  le 
fléau  ?  Elles  prirent  probablement  les  mesures  que  nous  avons  vu 
prendre  ailleurs  en  pareille  circonstance.  Mais  comment  trouver  des 
renseignements  là-dessus  dans  des  archives  locales  dont  il  reste  à 
peine  quelques  épaves  pour  les  XVII"  et  XVIII''  siècles. 

Grâce  à  des  protocoles  de  notaire  du  XVI%  nous  sommes  mieux 
renseignés  sur  la  manière  dont  s'exerçait  la  charité  privée  à  l'égard 
des  pauvres.  Ainsi,  des  testaments  de  1550  et  des  années  suivantes 
nous  montrent  que  toute  personne  non  indigente  tenait  à  laisser  aux 
pauvres  un  certain  nombre  de  sétiers  de  blé  distribuables  en  pain. 
La  distribution  devait  ordinairement  être  faite  à  la  porte  de  la  mai- 
son des  testateurs,  quelquefois  le  jour  de  leur  sépulture,  mais  sur- 
tout au  bout  du  mois  et  au  bout  de  l'an.  Aux  XVI"  et  XVlb'  siècles, 
l'usage  reprit,  quoique  d'une  manière  moins  générale  (1). 

Cependant  la  ressource  la  plus  constante  pour  les  pauvres  de  la 
paroisse  était  dans  la  2^"  de  la  dîme. 

D'après  le  Lévitique,  la  dixième  partie,  décime  ou  dime  des  fruits 
de  la  terre  devait  être  consacrée  à  Dieu  et  à  ses  lévites,  qui  ne 
pouvaient  posséder  autre  chose.  Dans  les  six  premiers  siècles  du 
christianisme,  on  exhortait  les  fidèles  à  donner  à  l'Eglise  la  dixième 
partie  de  leurs  revenus  :  «  Donnez  votre  bien  aux  pauvres,  disait 
«  saint  Augustin,  et  offrez-en  une  partie  aux  ministres  de  la  nou- 
«  velle  loi  ;  vous  n'êtes  pas  obligés  à  la  dime  comme  les  Juifs  ;  mais 
«  vous  devez  imiter  Abraham,  qui  la  payait  avant  la  loi.  »  En  525, 
le  2"  concile  de  Màcon  prescrit  le  paiement  de  la  dime,  et  les  capitu- 
laires  de  Charlemagne  y  contraignent.  Depuis  lors,  la  dime  fut 
payée,  en  France  du  moins,  jusqu'en  1789. 

Mais  l'Eglise  du  vrai  Dieu  a  toujours  eu  l'amour  et  le  soin  des 
pauvres.  Dès  les  premiers  siècles,  encore  pauvre  elle-même,  elle 
faisait  déjà  trois  parts  des  ofh-andes  qu'elle  recueillait:  la  première 
était  pour  l'entretien  de  ses  ministres,  la  deuxième  pour  l'acquisition 
et  l'entretien  des  édifices  et  des  objets  sacrés,  la  troisième  pour  les 
pauvres.  «  Les  biens  que  les  fidèles  offrent  au  Seigneur,  disait  le 
«  pape  saint  Urbain,  ne  doivent  être  employés  qu'aux  besoins  de 
«  l'Eglise,  des  chrétiens  et  des  pauvres  ;  car  ce  sont  les  vœux  des 
«  fidèles,  la  rançon  des  pécheurs  et  le  patrimoine  des  pauvres.  » 
Dans  les  siècles  derniers,  nous  trouvons  encore  le  re\  enu  des  béné- 
fices ecclésiastiques  employé  à  cette  triple  destination,  et  la  part  des 
pauvres  était  la  24"  de  ce  revenu. 

^1)  Minut.  cil.,  passim. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  IQ 

C'est  ainsi  qu'à  la  Chapelle,  la  24'=  des  pauvres  était  payée  anté- 
rieurement à  1644.  Cependant  le  procès-verbal  de  visite  épiscopale 
de  cette'  année  même  constatait  qu'il  en  était  «  deûb  quelques  arey- 
rages;  »  au  surplus,  comme  le  curé  seul  s'occupait  de  la  distribu- 
tion à  en  faire,  ce  qui  n'était  pas  selon  les  règles,  l'évêque  ordonna 
que  désormais  a  la  24''  partie  des  pauvres  >>  serait  «  distribuée  sans 
support  par  celuy  qui  fera  les  fonctions  curiales,  châtelajn,  consuls 
et  autres  principaux  habitants  de  ladite  paroisse.  » 

De  nombreux  documents  nous  prouvent  que  cette  redevance  sacrée 
fut  désormais  payée  fort  régulièrement  par  les  décimateurs. 

Nous  avons  des  baux  à  ferme  de  la  part  de  dime  du  curé  à  des 
particuliers,  des  années  1653,  1724,  "1742,  !758,  1766  et  1768  ; 
partout  il  est  fait  mention  de  la  24"  des  pauvres,  que  les  fermiers  se 
chargeaient  de  payer  en  sus  du  prix  annuel  de  la  ferme.  Nous  avons 
aussi  des  baux  à  ferme  de  la  part  de  dime  de  l'évêque,  des  années 
174g  et  1766;  pai'tout  les  fermiers  sont  expressément  chargés  de 
payer  la  24"  des  pauvres,  en  sus  de  leur  ferme  (i). 

La  Révolution,  en  enlevant  la  dime  au  clergé,  priva  les  pauvres 
d'un  très-précieux  secours. 

Quelques  donations  généreuses  ont  permis  depuis  à  l'administra- 
tion de  la  Chapelle  de  fonder  un  bureau  de  bienfaisance.  Le  revenu 
annuel  de  celui-ci  était  de  396  francs  en  1S83. 

De  plus,  il  a  été  créé  depuis  quelques  années  une  Société  de  Se- 
cours mutuel. 

VI 

INSTITUTIONS    SCOLAIRES. 

L'instruction  et  les  connaissances  humaines  sont  d'une  haute 
importance  pour  le  bien  individuel  et  social  autant  que  pour  l'acqui- 
sition et  le  développement  des  connaissances  religieuses.  Aussi 
l'Eglise  a  toujours  travaillé  de  tout  son  pouvoir  à  l'établissement  et  à 
la  diffusion  de  l'enseignement  parmi  le  peuple.  Il  y  a  des  rapports 
immédiats  et  directs  entre  l'Eglise  et  les  institutions  scolaires,  comme 
entre  l'instruction  religieuse  et  l'instruction  purement  humaine.  .Aussi 
devons-nous  aux  notions  précédentes  joindre  celles  que  nous  avons 
recueillies  sur  les  écoles  de  la  Chapelle. 

(i)  .\rch.  cit,,  visites  cit.  ;  —  .Minutes  cit.,  passmi. 


20  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DU    CANTON 

Nous  n'avons  aucun  document  positif  montrant  un  établissement 
scolaire  quelconque  à  la  Chapelle  avant  le  XVIP  siècle.  Mais  ne  peut- 
on  pas  voir  l'indice  d'une  école  existant  en  ce  lieu,  dans  le  testament 
de  «  honneste  homme  Nycolas  Algo,  du  bourg  de  ladicte  Chapelle 
de  Vercors,  »  du  15  septembre  159g  ?  En  effet,  ce  testateur  ordonne 
que  "  Abran  Algo,  »  son  fils  et  héritier  universel,  «  entretienne  à 
<i  Tescolhe  durant  le  temps  et  terme  de  troys  ans,  aulx  despens  » 
dudit  Abran  «  le  ou  les  postumes  malhes  »  que  pourrait  avoir  ledict 
Nicolas.  Ces  trois  ans  «  commencent  quand  ces  postumes  seront  en 
âge  de  dix  ans  ;  et  là  où  lesd.  postume  ou  postumes  ne  voulusiont 
aller  à  TescoUe  pour  apprendre,  audict  cas  veut  »  que  cet  héritier 
«  soyt  tenu  le  mectre  à  maistre  durant  le  terme  de  trovs  ans  pour 
aprendre  l'art  et  le  mestier  que  leur  sera  conseilhé  pour  son  here- 
tier  »  susdict  «  et  de  ses  parans  et  amys.  »  Mais  le  testateur  ne  s'in- 
quiète pas  de  l'instruction  des  filles  posthumes  qu'il  poun-ail  avoir. 

Quoiqu'il  en  soit,  on  trouve  un  procès-verbal  de  visite  épiscopale 
de  1644  constatant  qu'  «  il  y  a  maistre  d'escole  »  à  la  Chapelle,  ce 
qui  n'empêche  pas  le  prélat  d'exhorter  \t  curé  0  d'enseigner  les  petits 
enfants  qui  luy  seront  envoyés  à  défaut  de  mestres  d'escole  catholi- 
que. »  Le  rapport  de  visite  de  1658  dit  qu'il  y  avait  alors  «  un  mais 
tre  d'escolle  catholique,  »  et  un  Esliil  de  1Ô87  constate  que  celui-ci 
était  payé  30  livres  par  la  communauté.  En  1706,  les  enfants  étaient 
«  assés  assidus  au  catéchisme  et  à  l'école,  mais  seulement  pendant 
six  mois,  scavoir  de  Toussaint,  à  Pâques,  les  pères  et  mères  les  occu- 
pant le  reste  du  temps  à  la  garde  des  troupaux.  »  Il  y  avait  un  maî- 
tre à  qui  on  donnait  25  ou  30  écus  pour  6  ou  7  mois;  il  avait  quitté 
cette  fonction;  «  ainsi,  écrivait  le  curé,  s'il  s'en  présentait  un  bon,  la 
paroisse  serait  fort  obligée,  si  onle  lui  procurait.  » 

Puis  figurent  successivement  avec  le  titre  de  «  précepteur  de  la 
jeunesse»  de  la  Chapelle:  en  171g  et  1720,  Pierre  Morand;  en 
1734,  Jean  Brunet  ;  en  1738  et  173g,  Jean  Corréard  ;  en  1742,  Jean- 
Jacques  Billerey,  qui  fut  ensuite  notaire  au  même  lieu  de  1743  ^ 
1773;  en  1754,  Jean  Gautier;  en  1755,  Pierre  Gillet  ;  de  1757  à 
1759,  Jean  Gautier;  en  1765,  Erançois  Bérard  ;  en  17O4,  Antoine- 
André  Morand,  fils  de  I^ierre  ;  en  1774,  Joseph  Faure,  «  originaire 
de  Servière  en  Briançonnais  (ij.  » 

En  notre  siècle,  outre  l'école  de  garçons,  tenue  par  un  instituteur 

(i)  Arch.  cit.,  visiles  c'w..  et  Tonds  de  la  Chapelle.  —  .Minutes  cit.,  passim. 


DE    LA    CHAPELLE-EN-VERCORS.  21 

laïque  aidé  d'un  adjoint,  et  l'école  de  filles,  tenue  par  une  institutrice 
laïque  aidée  d'une  adjointe,  écoles  qui  sont  au  bourg  et  depuis  long- 
temps, il  existe  au  hameau  de  Lossence  une  école  mixte  laïque,  et  à 
la  Jarjatte  une  autre  école  laïque  tenue  par  une  institutrice. 

Gardons-nous  d'oublier  le  collège  libre  ecclésiastique  qu'il  y  eut 
pendant  quelques  années  à  la  Chapelle,  sous  M.  Cluze,  curé-archiprê- 
tre,  vers  1830. 


CHAPITRE  III. 
SAINT-AGNAN-EN-VERCORS 


I.     —      BÉNÉFICE. 


La  paroisse  de  Saint- Agnan  est  certainement  bien  antérieure  à 
1318,  date  du  premier  acte  qui  la  nomme  expressément  (i).  Comme 
à  la  Chapelle,  on  n'y  trouve  aucun  prieur  proprement  dit,  aucune 
colonie  religieuse.  Le  pouillé  de  décime  papale,  rédigé  vers  1375,  y 
place  seulement  un  curé  ou  chapelain. 

Si  haut  que  nous  puissions  remonter,  l'évêque  de  Die  était  colla- 
teur  de  la  cure  (2).  Il  percevait  sur  elle  une  pension  annuelle  et  per- 
pétuelle de  6  livres  de  cire  et  de  12  deniers  (c'est-à-dire  i  souj  d'ar- 
gent (3).  Cette  pension,  reconnue  le  2  août  1410  par  M"  Etienne 
Brète,  »  curé  de  Saint-Agnan,  devant  Faure  notaire,  le  fut  de 
nouveau  le  22  juillet  15  12  par  Louis  Châtillon,  curé,  devant  Agrivol 
notaire.  Elle  était  encore  payée  aux  derniers  siècles  ;  car  Jean  Desai- 
fres,  curé,  la  reconnaissait  le  19  octobre  1678  devant  Brunet,  notaire 
à  Die,  et  le  curé  Pierre  Joseph  de  la  Cour  la  reconnaissait  à  son  tour 
le  I  !  décembre  1758,  devant  Billerey,  notaire  de  Vercors.  Le  terme 
en  était  à  la  Saint-Luc  (4). 

(i)  Arch.  de  la  Dr.,  fonds  de  TEv.  de  Die,  cop.  (XVII"  et  XVIII°  s,)  d'un  vidiuius 
de    1508. 

Un  acte  de  1282,  qu'on  trouve  dans  le  Cartulaire  de  Léoncel  (publié  par  M.  U. 
Chevalier),  p.  251,  nous  parle,  il  est  vrai,  d'un  Saint-Agnan  ;  mais  le  contexte  ne 
permet  guère  d'y  voir  Saint-Agnan-en-Vercors,  et  M.  Brun-Durand  nous  apprend 
qu'il  s'y  agit  de  Saint-Agnan  sur  la  commune  de  Chabeuil. 

(2)  Arch.  cit.,  fonds  de  Die,  visites  de  150g. 

(3)  Arch  et  fonds  cit  ,  Estât  des  revenus  de  Vévéché  de  Dye,  rédigé  vers  1475, 
fî.  14  v"  et  I  5  v°. 

(4)  Minut.  cit.,  protoc,  Billerey  de  1755-9,  f-  407- 


22  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

Le  prélat  jouissait  encore  à  Saint-Agnan  de  la  moitié  de  la  dime 
perçue  à  la  cote  16"  pour  les  grains,  et  à  la  12'^  pour  les  agneaux.  Le 
curé  avait  l'autre  part.  Ainsi,  en  1550,  «  M*"  Michel  Gone,  prebtre 
dud.  Sainct-Agnan,  et  Jehan  Glenat,  marchant  du  Pont  en  Royans,  » 
sont  «  rentiers  du  disme  des  grains  que  Monseigneur  l'Evesque  et 
comte  de  Dye  et  Valence  et  le  curé  de  Sainct  Agnian  en  Vercors 
preygnent  et  sont  en  costume  de  prendre  par  commun  et  indivis  en 
\'ercors.  »  Mais  ils  ont  sous-arrenté  à  Claude  et  Antoine  Faure,  de 
la  Pêne,  paroisse  de  Saint-Agnan,  et  à  Pierre  Gone,  de  la  même 
paroisse.  Le  5  novembre  de  la  même  année,  ceux-ci  sous-arrentent 
à  leur  tour,  et  «  à  la  forme  de  l'arrentement  à  eulx  faict  »  par  Michel 
Gone  et  Jean  Glénat,  à  Jean  Algoud-Magnan  et  Blay  Berard,  de 
Saint-Agnan,  et  à  Barthélem}'^  Odibert,  de  Die,  «  le  disme  de  tous 
et  chacuns  grains,  tant  yvernant  que  tramés,  que  mond.  seigneur 
l'évesque  »  et  «  Monsieur  le  curé  dud.  St  Agnian  pregnent  et  ont 
coustume  prendre  par  commun  et  indivis  :  Premier,  en  la  pée  de  la 
Bernardiêre,  paroisse  de  Sainct  Agnian,  aux  arrestz  vieulx  accostu- 
més  ;  item  plus,  la  disme  de  tous  grains  que  mond.  seigneur  l'éves- 
que et  led.  curé  de^  Sainct  Agnian  pregnent  et  son  en  costume  de 
prendre  par  commun  et  indivis  en  la  pée  de  la  Rivière,  paroisse  de  la 
Chappelle  de  Vercors,  aux  arrestz  et  limites  vieulx  acostumés.  »  Le 
sous-arrentement  est  fait  «  pour  le  terme  et  spasse  de  deux  ans  et 
deux  prises,  »  et  moyennant  «  la  quantité,  por  ung  chescun  an  desd. 
deux  ans,  »  de  23  «  sestiers  blé  froment  »  et  17  «  sestiers  segle  me- 
sure de  Vercors,  bon  blé  recepvable,  lequel  blé  froment  et  segle  ont 
promis  lesd.  Jehan  Algoud,  Blay  Berard  et  Barthélémy  Odibert,  tous 
troys  ensamble  et  ung  cheseun  por  le  tout,  poier  ausd.  Claude  et 
Antoine  Faure  et  Pierre  Gone,  »  à  chaque  fête  «  de  Toussainctz  (i).  » 

En  1593,  la  portion  de  l'évêque  était  affermée  à  part.  Noble  Just 
Dubajde,  seigneur  de  Lambres,  agent  de  Balagny,  cousin  lui-même 
du  prélat,  arrentait,  «  suivant  les  deslivranccs  faictes  à  lestaing  de  la 
chandelle,  »  le  17  juillet  de  la  même  année,  à  Gabriel  Romey  «  les 
dismes  de  l'Algoyre,  Rivière  et  Bernardiêre,  »  et  à  Baptiste  Foron 
a  ceulx  de  la  pée  de  Sainct-Agnan  et  la  Breytière,  jouxte  leurs  an- 
ciennes limites.  »  L'arrentement  était  pour  un  an,  et  moyennant 
16  sétiers  moitié  froment  moitié  seigle  pour  l'Algoyre,  la  Rivière  et 
la  Bernardiêre,  et  5  sétiers  3  quartaux  froment  avec  17  sétiers  i  quar- 
tal  seigle  pour  St-Agnan  et  la  Breytière  (2). 

(i)  Minut.  cil,,  proloc.  Lamil,  reg.  colc,  n"  i.ff>,  I.   \.\\|.\  1  -i.\  r  . 
(2)  Minul.  cit.,  rcg.  P.  Chalvel  de  1593-5,  f-  Ixvij-viij. 


SAINT-AGNAN-EN-VERCORS.  2  3 

En  1646,  «  Jean  François  de  La  Morte,  »  Jan  Brusset,  notaire 
de  Die,  Jacques  «  de  La  Morte,  »  avocat,  et  Antoine  Neston,  aussi 
de  Die,  rentiers  des  droits  épiscopaux  du  Vercors,  sous-arrentent 
pour  4  ans  les  dimes  des  grains  perçues  par  l'évêque  dans  le  lieu  et 
mandement  de  Saint-Agnan,  à  4  particuliers  de  ce  lieu,  pour  le  prix 
annuel  de  454  livres  ;  ces  particuliers  doiv(Mit  donner  une  fois  pour 
les  quatre  ans  2  sétiers  légumes,  moitié  pois  et  moitié  lentilles,  et  se 
chargent  de  payer  la  24''  des  pauvi"es  en  sus.  En  1728,  la  moitié  de  la 
dime  des  grains  et  agneaux  rapportait  à  l'évêque  557  livres  net,  la 
24"*  des  pauvres  étant  à  part  et  en  sus. 

Mais  cette  24"  des  pauvres  n'était  pas  la  seule  charge  pesant  sur 
le  revenu  de  l'évêque  à  Saint-Agnan.  Celui-ci  devait  encore  la  décime 
papale,  une  part  de  contribution  aux  édifices  religieux  et  au  mobi- 
lier de  l'église,  l'impôt  des  décimes  roj'ales  (i). 

Outre  l'autre  moitié  de  la  dîme,  le  curé  a  eu  l'intégrité  d'une  dime 
spéciale,  quelques  censés,  des  fonds  et  son  casuel. 

La  dime  spéciale  produisait  au  curé  442  livres  en  1728. 

Les  censés  ou  pensions  produisaient  à  la  même  époque  une 
dizaine  de  livres  par  an. 

Les  fonds,  consistant  en  1728  en  «  quatre  faucheurs  de  pré  », 
produisaient  7^^  livres. 

Le  casuel  consistait  en  1728:  i"  en  une  pension  fondée  par  les 
auteurs  de  AL  de  la  Tour  «  pour  être  mis  aux  prières  perpétuelles  et 
dire  8  messes  par  an,  »  et  valant  6  livres  par  an  ;  2°  en  une  «  pen- 
sion de  Jean  Algoud-Magnan,  chargée  de  6  messes  par  an,  »  et 
valant  3  livres  ;  3°  en  autre  casuel,  évalué  à  100  livres  en  1728. 

Le  revenu  total  du  curé  était  de  200  florins  en  1509,  d'environ 
800  livres  fnon  comprise  certaine  dîme  usagère)  en  1658,  de  iioo 
livres  en  16S7,  de  iigi  livres  en   1728. 

Les  charges  à  supporter  sur  ce  revenu  ont  été,  avec  la  part  des 
pauvres,  la  décime  papale,  qui  s'élevait  vers  1375  à  13  livres  10  sous 
et  en  15  16  à  19  florins;  la  procuration,  qui  montait  à  4  florins  en 
141 5  et  en  145 1  ;  le  traitement  du  vicaire,  qui  était  de  (oo  livres 
avec  la  table  en  1724  ;  l'impôt  des  décimes,  montant  à  19  florins  en 
15 16,  à  69  florins  8  sous  en  1570,  et  à  206  livres  en  1728  ;  une  part 
de  l'entretien  du  chœur  de  l'église  et  des  ornements  sacrés  ;  la  cul- 
ture des  terres  ;  la  censé  des  prés,  montant  à  5  livres  15  sous  (2). 

(i)  Alinut.    cit.,    reg.    de    Gauthier    n"  2,    f.  162-4  ;  —  Arch.  cit.,  fonds  de  St 
Agnan,  orig.  pap. 

(2)  Arch.  cit.,  fonds  de  Die  et  de  Saint-Agnan  ;  —  Minut.  cit.,  passim  ;  —  Che- 
valier, Po^y/j^.  cit.,  n°  152. 


24  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

II 

ÉGLISE    PAROISSIALE    ET    CURÉ. 

A  une  époque  qu'on  ne  peut  déterminer,  un  sanctuaire  fut  élevé 
sur  une  sorte  de  monticule  commandant  à  la  fois  à  la  traversée  de 
la  vallée  principale  du  Vercors,  et  au  passage  de  celle-ci  au  plateau 
de  la  Chapelle-en-Vercors,  en  venant  de  Die  et  du  levant.  Il  fut 
dédié  au  grand  saint  Agnan,  qui,  né  à  Vienne  en  Dauphiné,  était 
devenu  évêque  d'Orléans,  s'était  illustré  par  ses  miracles  et  avait 
quitté  la  terre  pour  le  ciel  en  453. 

Le  lieu  était  érigé  en  paroisse,  avec  Saint-Agnan  pour  patron  et 
pour  vocable,  bien  longtemps  avant  13  18  ;  et  cependant  le  premier 
document  qui  en  fasse  nominativement  mention  est  un  acte  de  cette 
année,  indiquant  divers  biens  possédés  en  la  paroisse  de  Saint-Agnan 
(in  parrochia  S^i  Agniani).  Celle-ci  est  ensuite  nommée  dans  des 
actes  rédigés  en  1338,  en  1374,  vers  1375,  et  en  1399-,  mais  sans 
autres  détails  se  rattachant  à  l'histoire  religieuse  que  ceux  qui  ont 
été  donnés  plus  haut  à  propos  des  droits  du  prieuré  de  Saint-Jean- 
en-Royans  dans  la  localité  (\). 

Le  premier  curé  connu  est  Etienne  Brète,  qui  reconnut  en  1410  la 
pension  de  l'évêque.  En  14 16,  les  4  florins  de  procuration  de  la  pa- 
roisse furent  payés  par  les  tnains  de  Santon  Ciller,  vicaire.  Le  rôle 
de  procuration  de  145 1  dit  que  la  taxe  fut  payée  en  trois  fois  par  le 
curé,  mais  ne  donne  pas  le  nom  de  ce  dernier,  et  il  nous  faut  venir 
jusqu'au  procès-verbal  de  visite  pastorale  et  d'ordonnance  que 
l'évêque  Gaspard  de  Tournon  fit  à  Saint-Agnan  le  19  septembre 
1509,  pour  apprendre  avec  détails  un  peu  amples  ce  qu'était  la 
paroisse. 

Après  nous  avoir  rappelé  c]ue  Saint-.Agnan  est  une  simple 
paroisse,  d'un  revenu  curial  de  200  florins  et  ayant  pour  curé  Benoit 
de  Châtillon  [Benedictus  de  Castilhone),  cet  acte  énonce  les  articles 
de  l'ordonnance  comme  il  suit:  «  Qu'on  munisse  de  cr)rporaux  le 
vase  où  repose  le  saint  Corps  du  Seigneur,  et  que  celui  de  dessus 
ait  une  queue  pour  le  retirer  ;  qu'on  purifie  le  vase  du  saint  Chrême  ; 
qu'on  étiquette  les  Reliques  et  qu'on  les  ferme  à  clef;  qu'on  répare 

(i)  Arch.  de  la  Dr.,  E,  2226,  et  fonds  du  Vercors  et  de  Sl-Jcun  en-R.  ; —  Arch. 
.Morin-Pons,  notes  Moulinet;  -r-  CiiKVALiiiK,  Polypt.  cit.,  n°  15J. 


SAINT-AGNAN-EN-VERCORS.  25 

le  calice  d'argent  et  sa  patène  ;  qu'on  approprie  le  vase  pour  porter 
le  Corps  de  J.-C.  aux  infirmes;  qu'on  répare  la  grande  fenêtre 
vitrée  du  sanctuaire  et  qu'on  y  en  fasse  une  petite  neuve  ;  qu'on 
mette  au  missel  une  autre  couverture  sans  poils  ;  qu'on  mette  des 
reliques  sous  l'autel  et  qu'on  mure  celui-ci  ;  qu'on  fasse  un  graduel 
neuf  et  qu'on  achète  un  psautier  neuf  imprimé,  de  grandeur  moyenne; 
qu'on  aplanisse  l'entrée  de  l'église  ;  qu'on  mette  des  vitres  neuves 
tant  au  pied  de  la  nef  qu'aux  autres  fenêtres.  »  Le  prélat  termine  en 
disant  qu'absolution  est  accordée  à  tous  les  paroissiens  qui  seraient 
excommuniés  à  cause  des  dîmes,  l'accord  ayant  été  fait  à  la  Cha- 
pelle pour  l'année  {quia  fuit  facta  concordia  in  Capella  de  anno). 

Benoît  de  Châtillon  eut  pour  successeur  «  A'P  Louis  Châtillon,  » 
curé  en  15  i3  (i).  Puis,  de  tout  le  XVl"  siècle,  nous  ne  connaissons 
d'autre  ecclésiastique  dans  la  paroisse,  que  «  M'^  Michel  Gone, 
prebtre  dud.  Sainct-Agnian,  »  qui  en  1550  était  rentier,  avec  «  Glc- 
nat,  marchant  du  Pont,  »  de  la  dîme  en  grains  de  l'évêque  et  du 
curé  dans  le  lieu,  et  qui,  ayant  sa  maison  au  bourg  de  St-Agnan 
en  155  I,  y  était  «  viccaire  »  et  y  achetait  un  pré  le  7  novembre  1561. 
Rien,  en  effet,  ne  nous  dit  que  «  M"  Michel  Breyton,  prebtre  de 
Sainct-Agnian  »  en  1550,  y  ait  eu  quelque  charge  (2). 

Arrivent  les  guerres  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  à  propos  de 
l'église  de  la  Chapelle.  Nous  avons  d'autant  moins  à  en  refaire  ici  le 
récit,  que  celui-ci  ne  nous  offre  aucun  détail  particulier  à  l'église  ou 
au  bourg  de  Saint-Agnan.  Mais,  pour  savoir  tout  ce  que  ceux-ci 
eurent  à  souffrir  en  cette  triste  époque,  il  suffira  de  savoir  en  quel 
état  les  édifices  religieux  se  trouvaient  à  la  fin  du  XVP  siècle.  Or,  le 
clocher,  situé  au  levant  de  l'église  et  attenant  à  celle-ci,  avait  «  esté 
démoly  ;  »  la  «  masure  qui  y  »  était  encore,  suffisait  tout  juste  pour 
rappeler  le  vandalisme  dont  il  avait  été  l'objet,  la  place  qu'il  avait 
occupée,  l'épaisseur  et  la  largeur  de  ses  murs.  L'église  était  de  bout, 
mais  dans  un  état  déplorable  et  veuve  de  son  mobilier  le  plus 
nécessaire.  La  voûte  du  sanctuaire  avait  beaucoup  souffert  et  man- 
quait de  solidité.  «  Noble  Guillaume  Ducros,  déjà  prieur  de  Saint- 
Agnan  et  doyen  de  Sainte-Croix  de  Montélimar  en  novembre  1592, 
était  curé  de  Saint-Agnan  en  1604,  année  où  l'évêque  visita  l'église 
de  cette  dernière  paroisse.  Mais  alors   son   autel  était   encore    sans 

(i)  Minut.  cit.,  fonds  de  Die  ;  —  Minut.  cit.,  reg.   Billerey  de  1755-9,  f.  407. 
.    (2)  Minut.  cit.,    protoc.  Jan   Chalvet,    n"   1.46,  ff.    .x.\xix-xl,    Ixiij,cxxv  et  clxxix  ; 
n°  4y,   f.  Ixxix. 


20  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

tabernacle  ;  il  n'y  avait  pas  de  «  siboyre  pour  pourter  le  Corps  du 
Seigneur  aux  malades  ou  en  procession,  «  pas  de  fonts  baptismaux  ; 
le  mobilier  et  les  ornements  étaient  insuitisants  ;  le  cimetière  n'était 
pas  clos  i'  de  murailhe,  »  ou  ne  l'était  que  fort  mal.  Le  prélat  fit  les 
prescriptions  nécessaires,  tant  au  curé  qu'aux  «  consuls,  manants 
et  habitants  d'illec,  en  la  personne  de  Jan  Breyton  consul  et  Estienne 
Bastet  son  conseiller.  » 

Les  ruines  morales  se  réparaient  peu  à  peu.  En  164411  ne  restait 
plusà  Saint-Agnan  que  12  familles  huguenotes  à  côté  de  160  familles 
catholiques.  En  1O58,  le  curé  avait  600  communiants,  et  une  seule 
famille  restait  hérétique.  En  16S7,  cinq  familles  de  nouveaux  con- 
vertis servaient  Dieu  de  concert  avec  les  anciens  catholiques,  et  en 
1706,  le  curé  constatait  qu'il  y  avait  dans  sa  paroisse  800  paroissiens, 
dont  600  communiants,  tous  anciens  catholic]:ues,  e.Kcepté  deux 
familles  qui  faisaient  très  bien  leurs  devoirs.  L'hérésie  avait  donc 
bien  entièrement  disparu. 

Ce  résultat  était  l'œuvre  d'une  législation  et  d'une  administration 
temporelle  profondément  catholiques  ;  mais  il  était  aussi  celle  du 
zèle  intelligent  des  curés  de  la  paroisse.  «  Messire  Pierre  Ilugon,  » 
pourvu  du  bénéfice  curial  vers  1632  et  encore  curé  le  2  juillet  164-), 
n'a\"ait  encore  jamais  résidé,  dit  un  procès-verbal  de  visite  épisco- 
pale  dudit  jour  ;  mais  il  était  alors  suppléé  par  Guillaume  Jaubert, 
qualifié  tantôt  curé  commis,  tantôt  vicaire  du  lieu,  et  l'église  était 
«  en  estât,  sauf  qu'elle  «  n'était  «  pas  lambrissée,  ')  et  que  «  le 
cœur,  »  petit  et  «  faict  en  coquille,  »  n'était  pas  blanchi.  L'autel 
était  muni  d'un  rétable  et  d'un  tabernacle.  On  avait  «  ciboire,  calice, 
patène,  4  chandeliers  et  crémières  d'estain,  croix  de  leton  »  et  les 
autres  choses  indispensables  ;  mais,  le  clocher  était  toujours  en 
ruines,  et  «  sur  la  porte  «  de  l'église  même  étaient  une  cloche  d'en- 
viron 200  livres  et  une  autre  d'environ  30  livres,  «  sur  du  bois.  » 

Saint-Agnan  continua  à  être  desservi  par  de  simples  curés  com- 
mis ou  vicaires.  Nous  y  trouvons  avec  ce  titre  en  1645  J^^"  Chovin, 
et  en  1646  Jcan-Frailçois  Ponts.  Quant  à  Pierre  Ilugon,  qui  figure 
en  165 1  et  en  1654  comme  «  prestre  et  docteur  en  saincte  théologie, 
chanoyne  de  l'esglise  colégiale  St-André  de  Grenoble,  il  était  rem- 
placé avant  le  7  janvier  1650  dans  la  cure  de  Saint-.\gnan,  par 
Louis  Armand,  «  prestre,  docteur  en  saincte  théologie,  »  qui  résida 
et  remplit  lui-même  les  fonctions  curiales. 

Ce  curé,  que  de  nombreux  actes  qualifient  d'  «  aumosnier  ordinaire 


SAINT-AGNAN-EN-VERCORS.  27 

du  Roy  »  à  partir  de  1652,  fut  un  vrai  restaurateur,  un  habile  orga- 
nisateur. Ainsi,  il  avait  déjà  obtenu  de  la  commune  la  restauration 
et  l'agrandissement  de  la  maison  curiale,  mais  l'œuvre  n'était  pas 
terminée  quand,  le  27  février  1650,  il  fit  avec  Jean  Bec,  consul, 
assisté  du  vichàtelain  et  d'habitants  du  lieu,  un  contrat  intéressant. 
La  commune  donnera  au  curé  30  livres  15  sols  tournois,  et  le  curé 
tient  la  commune  quitte  de  tout  ce  qu'elle  devait  faire  bâtir,  et  en- 
tretiendra lui-même  à  l'avenir  la  maison  curiale.  Bien  plus,  «  en 
considération  de  la  bonne  volonté  à  quoy  icelle  communauté  a  esté 
portée  à  son  endroit,  iceluy  sieur  »  curé,  «  meu  de  charité  envers 
icelle,  veu  que  l'esglise  paroissielle  n'est  pas  meublée  d'ornementz 
nécessaires  pour  la  célébration  du  divin  office,  »  il  lui  donne  de  son 
gré  et  irrévocablement  :  un  calice  d'argent  avec  la  patène,  une  cha- 
suble avec  étole  et  manipule,  une  aube,  deux  amicts,  des  corpo- 
raux,  des  purificatoires,  «  un  missel  doré  couvert  de  basane  rouge,  » 
une  pièce  de  satin  à  fleurs  dont  il  fera  faire  une  chape,  et  enfin  un 
tableau  de  St-Ale.x.is  pour  Rousset.  Le  curé  se  charge  de  fournir  sa 
vie  durant  tous  les  ornements  pour  le  maître  autel,  le  luminaire  pour 
le  service  divin  et  pour  la  lampe  du  Saint-Sacrement,  et  l'encens 
pour  les  fêtes  solennelles  ;  de  faire  sonner  la  cloche  pour  «  la  saluta- 
tion angélique  soir  et  matin,  les  messes  ordinaires  et  extraordi- 
naires et  vespres,  pour  les  mortuères  baptesmes  et  espousaillisses, 
et  pour  l'injure  du  temps,  à  tous  jours  et  heures  que  besoin  sera. 
Pour  lequel  luminaire  et  office  de  marguillier,  »  la  communauté 
payera  au  curé  21  livres  tournois  par  an.  En  signant  l'acte,  Armand 
proteste  qu'il  entend  que  la  communauté  lui  fournira  une  garde- 
robe  pour  tenir  les  ornements,  ce  à  quoi  le  consul  et  autres  sous- 
crivent. 


L.  FILLET. 


(La  suite  au  prochain  numéro). 


■•^- 


LE  TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

if  après  des  documents  officiels  et  inédits. 


(Suite) 

CHAPITRE  VII. 

ANNÉES      1797      ET      I  7  ()  8 


Avant  que  la  persécution  de  la  petite  terreur  vint  de  nouveau  les 
attrister,  les  habitants  du  Trièves  éprouvèrent  une  grande  joie. 
D'après  une  lettre  du  ministre  de  la  police  générale  (4  germinal,  an 
V  —  24  mars  (797J  et  les  ordres  du  commissaire  du  pouvoir  exécu- 
tif, les  cloches  purent  enfin  être  sonnées,  le  matin,  à  midi  et  le  soir, 
comme  avant  la  révolution,  pour  annoncer  les  heures  des  travaux 
dans  la  campagne.  Aussitôt  les  battants  et  les  cordes  dont  ces  clo- 
ches avaient  été  dépouillées  depuis  une  année  leur  furent  rendus 
avec  un  empressement  qu'on  met  rarement  à  exécuter  les  ordres  du 
gouvernement  (i).  Des  vieillards  racontent  avoir  entendu  dire 
à  leurs  parents  que  tous  pleuraient  en  entendant  sonner  pour  la  pre- 
mière fois  ces  vieilles  amies,  dont  la  voix  rappelait  à  leur  creur  tant 
d'émouvants  souvenirs  du  passé. 

Un  événement  important  était  venu,  au  printemps  de  la  même 
année,  ranimer  le  courage  des  ouvriers  évangéliques.  Mgr  d'Aviali 
avait  quitté  Rome,  au  mois  de  mars,  et  était  arrivé  par  le  Mont- 
Genèvre  et  Gap  dans  le  Diois.  Aussitôt  les  prêtres  de  cette  contrée, 
depuis  longtemps  déjà  soutenus  et  éclairés  par  ses  lettres  au  milieu 
des  jours  périlleux,  s'empressèrent  de  se  rendre  auprès  de  cet 
cminent  prélat  à  St-.Martin-de-Clelles.  Avec  une  bonté  paternelle, 
il  dissipa  leurs  doutes,  renouvela  les  pouvoirs  extraordinaires  que 
déjà  il  leur  avait  envoyés  de  Rome,  et  s'efforgu  d'unifier  leur  conduite 

(1)  Re^.  des  di'lih.  de  .Mens,   13  llorcal  an  V'I. 


LA    GRAXDE    REVOLLTIO.X.  29 

pour  la  réhabilitation  de  ceux  qui  étaient  tombés  et  avaient  prêté 
serment  à  la  Constitution.  Après  avoir  passé  deux  jours  avec  eux,  il 
les  laissa  pleins  d'une  nouvelle  ardeur  pour  les  luttes  de  l'avenir  (i). 
Cette  entrevue  eut  lieu  dans  le  château  de  M™""  de  Chenicourt  (2). 

La  municipalité  de  Mens  essaya  de  terminer  par  des  fêtes  l'an  V 
de  la  République  et  arrêta  que,  les  derniers  jours  complémentaires, 
il  serait  exécuté  des  chants  patriotiques,  sur  la  place  de  la  mairie  ou 
dans  la  salle  de  la  maison  commune,  suivant  le  temps  (3);  mais 
personne  ne  s'y  rendit  (4). 

Les  protestants  n'avaient  point  cherché  à  profiter  des  faveurs  que 
leur  octroyait  le  décret  du  1 1  prairial  an  111,  pour  réclamer  de  faire 
alternativement  avec  les  catholiques  usage  de  l'église  ;  mais  lors- 
que la  persécution  se  fut  rallumée,  que  le  toit  de  leur  temple,  où 
personne  n'avait  songé  à  les  troubler,  menaça  de  s'effronder  et  que 
M.  Accarias  eut  cessé  de  célébrer  la  messe  publiquement,  ils  chan- 
gèrent de  manière  d'agir.  Le  pasteur  Déranger,  que  nous  avons  vu 
livrer  les  objets  de  son  culte,  se  présenta,  le  1 7  vendém.  an  VI,  devant 
la  municipalité  «  pour  y  prêter  le  serment,  et  ce  en  sa  qualité  de 
ministre  du  culte  réformé  (5J.  »  11  accomplissait  cet  acte  parcequ'il 
voulait,  de  concert  avec  ses  ouailles,  obtenir  l'église  pour  lieu  de 
leurs  réunions  religieuses.  Ils  en  avaient  fait  la  demande,  qui  leur  fut 
accordée  par  les  autorités  municipales  et  départementales  (6). 

Ponsard,  commissaire  exécutif  près  l'administration  municipale 
du  canton  de  Cordéac,  fut  le  premier,  dans  le  Trièves,  à  se  rappeler 
pour  les  mettre  en  pratique  les  conseils  du  Directoire  contre  les 
prêtres  fidèles.  «  Désolez  leur  patience,  avait  écrit  celui-ci  à  tous  ses 
agents  après  le  18  fructidor  ;  environnez-les  de  votre  surveillance; 
qu'elle  les  inquiète  le  jour,  qu'elle  les  trouble  la  nuit.  Xe  leur  donnez 
pas  un  moment  de  relâche.  Désolez  leur  patience  !  » 

Aveuglé  par  la  haine,  il  essaya  de  faire  tomber  tout  le  poids  de  sa 
fureur  sur  ^L  Testou,  auquel  la  population  catholique  de  Cordéac 
était  si  attachée  et  sur  lequel  elle  veillait  avec  la  plus  grande  sollici- 


(i)  Réponses  et   tradition  locale.    — On  conserve  à  St-Martin  un  missel  dont  se 
servit  le  vaillant  évêque  pour  célébrer  le  saint  sacrifice. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Délib.  du  i"  complémentaire  an  \". 

(4)  Lettre  au  district  du  5  vendémiaire  an  VI. 

(5)  Délibération  du  dit  jour. 

(6)  Délibér,  du   1 3  thermidor  an  X. 


30  LE    TRIEVES    PENDANT 

tude.  Depuis  la  mort  de  Robespierre,  ce  prêtre  courageux  disait  la 
messe  dans  son  église  et  refusait  énergiquement  de  prêter  le  ser- 
ment de  soumission  aux  lois  de  la  république  et  de  reconnaître  la 
souveraineté  du  peuple,  ainsi  que  l'exigeait  le  décret  du  28  septem- 
bre 1795.  ^^  ^^^  pour  ce  motif  dénoncé  par  Ponsard,  et  aussitôt, 
Hilaire,  procureur-syndic  du  district,  ordonna  au  juge  de  paix  de 
Cordéac  de  lui  interdire  de  célébrer  à  l'avenir  dans  l'église  et  de  le 
faire  arrêter,  s'il  continuait  malgré  cette  défense.  M.  Testou,  mal 
informé  à  dessein  par  la  personne  chargée  de  le  prévenir  et  aidé  par 
le  consentement  tacite  du  juge  de  paix  et  des  membres  de  la  muni- 
cipalité résidant  à  Cordéac,  continua  publiquement  les  fonctions  de 
son  ininistcre.  Son  persécuteur  essaya  alors  de  le  faire  arrêter  par 
un  détachement  de  la  garde  nationale,  dont  tous  les  hommes  étaient 
protestants  et  de  St-Sébastien.  Les  deux  procès-verbaux  suivants 
nous  édifieront  sur  ce  qui  se  passa. 

«  Du  17  vendémiaire,  an  VI  de  la  République  française,  une  et 
indivisible  (8  oct.  1797). 

«  Au  lieu  de  Macerange,  ensuite  des  ordres  que  j'avais  donnés 
au  citoyen  Gérard  en  date  du  16  du  courant,  conformément  à  la 
loi  qui  me  charge  de  faire  arrêter  tous  les  curés  insermentés,  il 
m'a  été  remis  cejourd'hui  par  le  dit  Gérard  un  procès-verbal  par 
lequel  il  est  constaté  que  les  citoyens  et  citoyennes  de  la  commune 
de  Cordéac  se  sont  rendus  rebelles  à  l'exécution  des  ordres  dont  le 
dit  Gérard  était  porteur,  à  l'effet  d'arrêter  le  nommé  Testou,  curé 
réfractaire.  Malgré  les  représentations  et  soumission  aux  lois  que 
le  porteur  de  l'ordre  à  faites,  il  se  sont  permis  de  l'assaillir  à  coups 
de  pierres.  Plusieurs  même  parmi  eux  étaient  munis  d'armes  à 
feu.  Grâce  à  la  prudence  mise  par  le  dit  Gérard  à  contenir  les 
citoyens  qui  étaient  conduits  par  lui,  il  est  parvenu  à  dissiper  ces 
attroupements,  sans  qu'aucune  goutte  de  sang  ait  coulé,  malgré 
qu'il  fût  une  heure  avant  le  jour.  Une  telle  chose  ne  devant  pas  res- 
ter impunie  à  l'égard  de  la  conduite  qu'ont  tenue  les  citoyens  et 
citoyennes  de  la  comniune  de  Cordéac  ;  d'ailleurs  presque  tous  les 
habitants  souffrant  ces  rassemblements  clandestins  et  y  assistant, 
il  est  temps  de  mettre  un  terme  aux  menées  de  ces  perturbateurs 
publics  et  principalement  de  l'attroupement,  qui  sont  les  nommés 
Manuel  Rogier  aine  et  son  fils  aine,  réquisilionnaire,  de  même  que 
sa  femme,  sa  fille  et  son  fils  cadet. 

«  A  cet  effet,  je  requiers  le  citoyen  Prin,  juge  de  paix  du  canton. 


LA    GRAXDE    REVOLUTION.  ^r 

de  faire  assigner  les  témoins  qu'il  jugera  convenables,  pour  in- 
former contre  les  dénommés  ci-dessus,  conformément  à  la  loi.  Et 
me  suis  signé,  les  jours  et  an  que  dessus,  après  avoir  dressé  le 
présent  procès-verbal.  Ponsard  commissaire  (i).  » 

«  Au  lieu  de  Doissonas,  hameau  de  la  commune  de  Cordéac, 
vers  les  cinq  heures  du  matin,  en  suite  de  Tordre  à  moi  remis 
par  le  commissaire  exécutif  de  ce  canton  à  Teltet  de  faire  arrêter 
le  nommé  Testou,  curé  réfractalre,  jai  commandé  vingt-quatre 
citoyens  de  la  garde  nationale  de  la  commune  de  St-Sébastien 
pour  arrêter  l'individu  dénommé  ci-dessus,  et  étant  arrivé  en  ce 
lieu,  au-devant  de  la  maison  des  nommés  Antoine  et  Jacques 
Gauthier  frères,  les  citoyens  et  citoyennes  de  cette  commune  de 
Cordéac  se  sont  rassemblés,  armés  de  pierres  et  armes  à  feu.  Je  les 
ai  invités,  au  nom  de  la  loi  et  du  bien  public,  à  se  dissiper  et  se 
retirer  paisiblement.  Ils  se  sont  à  l'instant  reverchés  à  mes  repré- 
sentations. Nous  avons  reconnu  entre  autres  le  citoyen  Manuel 
Rogier  de  Ribayre,  sa  femme,  son  fils  et  sa  fille.  Alors,  voyant 
qu'on  nous  assaillait,  j'ai  ordonné  de  les  repousser,  et  ma  garde 
nationale  a  arrêté  le  nommé  Antoine  Serviset,  ayant  un  fusil  double 
à  la  main  ;  et  au  même  moment  j'ai  invité  le  citoyen  agent  muni- 
cipal de  se  transporter  ici  pour  maintenir  les  citoyens  rebelles  de 
sa  commune  et  voir  faire  la  visite  chez  les  nommés  Gauthier  frères. 

«  En  foi  de  quoi  nous  avons  dressé  le  présent  procès-verbal  pour 
être  remis  à  la  diligence  du  commissaire  exécutif  pour  en  faire 
des  poursuites,  et  nous  nous  sommes  signés,  les  jour  et  an  C[ue 
dessus.  Gérard,  Morel  ,  Girard,  Louis  Garcin ,  Maillet,  Pierre 
Arnaud  (2).  » 

M.  Testou,  malgré  tout  ce  déploiement  de  force,  échappa  à  la 
fureur  de  ses  ennemis  ;  aussi,  trompé  dans  son  attente,  Ponsard  fit-il 
retomber  les  effets  de  sa  colère  sur  ceux  qui  ne  l'aidaient  point  dans 
ses  projets  de  vengeance  et,  le  lendemain,  18  vendémiaire,  il  écrivit 
la  lettre  suivante,  où  se  révèle  tout  son  dépit  : 

«  A  Macerange,  ce  i8  vendémiaire  an  VI  (9  octobre  1797). 

«  Le  commissaire  exécutif  près  l'administration  municipale  de 
Cordéac  à  celui  près  lad.  du  dép.  de  l'Isère. 

«  Vu  la  loi  du  7  vendémiaire  an  IV,  titre  3  ;  vu  aussi  le  Bulletin 
des  lois,  n*^   142. 

(i)  Arch.  départ.  Actes  du  district  de  Grenoble. 
(2)  Ibidem. 


32  LE    TRIEVES    PENDANT 

«  J'avais  pris  toutes  les  mesui'es  possibles  pour  faire  arrêter  le 
nommé  Testou,  curé  réfractaire  et  homme  le  plus  dangereux, 
mettant  depuis  longtemps  la  division  et  semant  la  discorde  dans 
ces  cantons.  A  cet  effet  j'avais  chargé  le  citoyen  Gérard,  de  St- 
Sébastien,  celui  en  qui  j'avais  le  plus  de  confiance,  de  cette  opé- 
ration. Il  se  transporta  donc  à  Cordéac  avec  vingt-quatre  citoyens 
de  la  garde  nationale  de  cette  commune  dans  la  nuit  d'hier,  vers 
trois  heures  du  matm,  [à  Cordéac]  pour  se  saisir,  dans  l'église  de 
cette  paroisse,  du  curé  réfractaire  en  fonction.  Et  à  la  vérité,  cette 
démarche  n'aurait  pas  été  inutile  s'il  n'avait  été  des  citoyens 
qui  l'on  fait  évader.  Ayant  eu  connaissance  qu'il  pouvait  s'être 
réfugié  dans  la  maison  du  nommé  Gauthier,  de  la  Doissonard,  le 
dit  Gérard  s'y  transporta  avec  ses  citoyens. 

«  Mais  il  n'y  fut  pas  arrivé  qu'un  rassemblement  des  habitants  de 
la  commune  de  Cordéac  s'y  transporta,  s'opposa  aux  ordres  dont 
Gérard  était  porteur  et  ne  voulut  pas  absolument  consentir  que  ce 
dernier  attendit  le  jour  pour  faire  sa  visite  chez  Gauthier.  Toutes 
ses  représentations  et  invitations  à  la  soumission  aux  lois  ne  reçu- 
rent aucun  succès.  On  finit  par  se  rebeller.  De  tout  quoi  on  a  dressé 
procès-verbal  que  je  joins  ici  à  celui  que  j'avais  fait  pour  que  le  juge 
de  paix  fit  des  informations  contre  les  rebelles  ;  mais  ce  dernier  s'y 
est  refusé  en  présence  de  beaucoup  de  témoins.  Une  telle  conduite 
tenue  par  ces  rebelles  ne  doit  pas  rester  impunie,  ni  les  menaces 
qu'ils  ont  proférées,  tout  le  jourd'hui,  contre  les  habitants  de  la  com- 
mune d'icy.  C'est  donc  à  vous  que  je  m'adresse,  afin  C[ue  vous  vou- 
liez prendre  les  mesures  les  plus  courtes  pour  faire  poursuivre,  con- 
formément aux  lois,  tous  ceux  qui  ont  pu  avoir  cette  lâcheté  ;  car  si 
vous  n'apportez  un  remède  prompt  à  ces  maux,  je  vous  déclare  que 
je  demande  ma  démission  dès  ce  jour,  plutôt  que  de  voir  journelle- 
ment l'insoumission  aux  lois  et  les  patriotes  opprimés  et  maltraités. 

«  J'espère  que  vous  voudrez  bien  donner  une  lettre  au  porteur  de 
la  présente,  pour  que  je  puisse  rassurer  les  habitants  de  cette 
commune  que  justice  leur  sera  rendue. 

«   Salut  et  fraternité.  —  Ponsard  (ij.  » 

La  lecture  de  ce  factum  et  des  deux  précédents  nous  montrent 
l'attitude  si  différente  des  deux  paroisses  de  Cordéac  et  de  Sl- 
Sébastien.  La  première  était  catholique  et  entendait  le  restera  tout 
prix  ;   elle  gardait  ses    prêtres  et  savait  les  défendre  ;  la  seconde 

(i)  Ibidem, 


LA    GRANDE;REVOLUTION.  33 

était  protestante  et   ne    pouvait    souffrir   la  fidélité   de    sa    voisine, 
qu'elle  cherchait  à  opprimer  et  à  terroriser. 

C'est  dans  le  sein  de  cette  dernière  que  se  trouvaient  et  Ponsard, 
et  Gérard,  et  ses  gardes  nationaux,  criant  à  l'oppression,  se  décla- 
rant menacés  après  avoir  eux-mêmes  tenté  d'opprimer  et  menacé 
leurs  voisins  :  conduite  ordinaire  des  persécuteurs,  qui  cherchent 
par  là  à  étouffer  les  justes  plaintes  de  leurs  victimes. 

L'administration  du  département  fut  troublée  par  la  lettre  de 
Ponsard  et  ordonna  l'arrestation  de  M.  Testou.  Au  dos  de  l'écrit 
de  Ponsard  Milaire  ajouta  ce  qui  suit  : 

«   Requis  la  gendarmerie  de  la  Mure  d'arrêter  Testou. 

n  Ecrit  au  commissaire  de  Cordéac  et  à  celui  de  la  Mure,  à  l'accu- 
sateur public  et  au  ministre  de  la  police,  à  Paris,  et  envoyé  à  tous 
deux  extrait  des  verbaux,  lettres  du  commissaire  de  Cordéac,  l'ar- 
rêté du  département  (i).  » 

A  son  tour,  le  Directoire  lui-même  s'émut  de  ce  qui  se  passait  à 
Cordéac,  et  des  ordres  de  déportation  furent  lancés  contre  M. Testou. 

«  Paris,  13  brumaire  an  VI  (3  novembre  1797). 

«  Le  Directoire  exécutif,  après  avoir  entendu  le  rapport  du  Minis- 
tre de  la  police  générale. 

«  Vu  les  pièces  officielles  transmises  par  l'administration  centrale 
du  département  de  l'Isère  et  l'arrêté  de  la  même  administration  en 
date  cU)  20  vendémiaire  dernier. 

«  Considérant  qu'il  résulte  de  ces  pièces  que  le  nommé  Testou, 
prêtre,  s'est  permis  d'exercer  les  fonctions  de  ministre  du  culte, 
sans  avoir  prêté  le  serment  de  haine  à  la  royauté  et  à  l'anarchie, 
prescrit  par  l'article  25  de  la  loi  du  19  fructidor  ;  qu'il  est  le  prin- 
cipal auteur  des  mouvements  séditieux  qui  ont  éclaté  dans  la 
commune  de  Cordéac,  ainsi  que  des  attroupements  et  désordres 
qui  s'en  sont  suivis. 

«  Arrête,  en  vertu  de  l'article  24  de  la  loi  du  19  fructidor: 

«  Art.  I".  Le  nommé  Testou,  ministre  du  culte  catholique,  sera 
déporté. 

«  Art.  2'"^  Le  ministre  de  la  police  générale  est  chargé  de  l'exé- 
cution du  présent  arrêté,  qui  ne  sera  point  imprimé. 

«  Pour  expédition  conforme,  le  président  du  Directoire  exécutif. 
Signé  :  L.  M.  Lareveillère  Lépeau. 

«   Certifié  conforme,  le  ministre  de  la  police  générale. 

«  Sotin  (2).  » 
[i)  Ibidem.     —    (2)  Ibidem. 

Bull.  IX,  1888.  3 


34  LE    TRIEVES    PENDANT 

«   Paris,    i6  brumaire,  an  VI. 

«  Le  ministre  de  la  police  générale 

«  Au  commissaire  du  pouvoir  exécutif  près  l'administration  cen- 
trale de  risère. 

«  Je  vous  adresse,  citoyen,  ci-joint  un  arrêté  du  Directoire  exé- 
cutif qui  ordonne  la  déportation  du  nommé  Testou ,  prêtre  réfrac- 
taire. 

«  Vous  voudrez  bien,  aussitôt  la  présente  reçue,  donner  des  ordres 
pour  le  faire  mettre  en  état  d'arrestation  et  conduire  sous  bonne 
et  sûre  garde  à  Rochefort,  pour  être  déporté.  Je  n'ai  pas  lu  sans 
indignation  les  détails  que  vous  me  donnez,  par  votre  lettre  du 
20  vendémiaire  dernier,  sur  les  troubles  survenus  dans  la  commune 
de  Cordéac,  et  je  fais  part  au  ministre  de  la  justice  des  faits  qui  con- 
cernent le  juge  de  paix  de  ce  canton,  et  je  l'invite  à  prendre  les  me- 
sures convenables  pour  qu'il  soit  poursuivi  et  jugé  aux  termes  de 
l'article  26  de  la  loi  du  19  fructidor, 

«  Je  ne  puis  qu'approuver  les  mesures  sages  et  énergiques  que 
vous  avez  provoquées.  Je  dois  cependant  vous  observer  que  vous 
auriez  pu  prévenir  les  fâcheux  événements  qui  les  ont  nécessitées, 
si  vous  aviez  été  plus  exact  à  me  faire  prévenir,  conformément  à 
la  demande  que  je  vous  avais  faite,  la  liste  de  tous  les  prêtres 
turbulents  dont  la  présence  altère  la  tranquillité  publique  de  votre 
département.  J'espère  que  vous  me  l'adresserez  sans  délai,  avec  les 
renseignements  nécessaires  sur  chacun  des  individus  qui  y  seront 
portés. 

«  Salut  et  fraternité,  «   Sotin  (i).  » 

Cette  lettre  stimula  encore  le  zèle  d'IIilaire,  qui  fît  mettre  sur 
pied  toute  la  gendarmerie  de  la  contrée  et  les  commissaires  des 
cantons  de  la  Mure  et  de  Cordéac  (2).  Mais,  malgré  tant  d'efforts  et 
la  peine  que  se  donnèrent  Ponsard  et  les  patriotes  de  St-Sébastien, 
M.  Testou  ne  fut  point  arrêté.  Il  s'éloigna  pour  quelque  temps  de 
ses  chers  paroissiens,  afin  de  ne  pas  attirer  sur  eux  de  nouveaux 
désagréments.  Il  pa-ssa  dans  le  Diois  (3),  où  il  allait  souvent,  caché 
sous  divers  déguisements.  Un  des  plus  ordinaires  était  celui  de 
muletier.  11  s'entendait  à  cet  effet  avec  un  excellent  catholique  de 
Mens,    qui  faisait   habituellement  le  voyage   de   Châtillon   pour  en 

(i)  Ibidem. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  35 

rapporter  du  vin.  Quand  celui-ci  partait,  il  se  présentait  à  lui  avec 
de  g-rosses  bottes,  une  blouse  recouvrant  une  mauvaise  veste  et  un 
fouet  à  la  main,  et  lui  offrait  ses  services  toujours  acceptés  pour 
conduire  les  mules.  C'est  ainsi  qu'il  allait  à  Chàtillon,  Die  et  même 
Crest  administrer  les  sacrements  et  revenait  ensuite.  Les  fidèles 
de  ces  divers  lieux  l'avaient  en  si  grande  vénération  et  estime,  que 
le  procureur  de  Crest  en  dénonçant,  le  15  fructidor  de  l'an  III,  son 
zèle  apostolique  et  celui  de  M.  Aubert,  ajoutait  :  «  On  soulèverait  le 
peuple  si  on  essayait  de  les  poursuivre  (i).  » 

De  Die,  ou  du  moins  des  environs  de  cette  ville,  M.  Testou  écri- 
vait la  lettre  sui\ante  à  son  persécuteur:  «  Au  citoyen  Ponsard, 
commissaire  du  Directoire  exécutif  près  l'administration  municipale 
du  canton  de  Cordéac. 

«   Citoyen, 

ft  J'ai  appris  par  la  voie  de  plusieurs  personnes,  que  l'une  des 
principales  raisons  qui  vous  ont  porté  à  me  dénoncer  et  à  me 
poursuivre  avec  tant  de  chaleur,  c'est  parce  que  vous  vous  êtes 
imaginé  que  depuis  longtemps  j'avais  entrepris  de  vous  braver  et 
même  de  vous  susciter  quelque  mauvaise  affaire  auprès  des  auto- 
rités constituées,  en  donnant  lieu  à  quelqu'un  de  vous  dénoncer 
comme  ne  veillant  pas  assez  pour  l'exécution  des  lois.  S'il  y  eût 
eu  plus  de  sûreté  pour  moi  à  vous  aborder,  il  y  a  plus  de  six  mois 
que  je  serais  allé  moi-même  me  justifier,  auprès  de  vous,  d'une 
imputation  aussi  fausse  qu'elle  est  odieuse  et  contraire  à  tous  mes 
principes  et  à  tous  mes  sentiments.  J'aurais  au  moins  pris  le 
parti  de  vous  écrire,  si  je  ne  m'étais  fait  une  règ-le  d'abandonner 
à  la  Providence  le  soin  de  me  blanchir  de  toutes  les  calomnies 
qu'il  plaît  à  certaines  gens  d'inventer  contre  moi.  D'ailleurs,  je 
pouvais  craindre  que  cette  démarche,  si  légitime  ne  fût  reg-ardée 
comme  une  bravade ,  qui ,  au  lieu  d'assoupir  la  persécution 
suscitée  contre  moi,  n'aurait  fait  que  l'allumer  plus  fDrt  ;  et  ma 
religion  me  défend  de  m'attribuer  moi-même  la  persécution,  en 
même  temps  qu'elle  m'ordonne  de  souffrir  patiemment  si  je  suis  per- 
sécuté sans  me  l'être  attiré. 

«  Mais  aujourd'hui  que  je  me  suis  éloigné  du  quartier  où  quel- 
ques esprits  inquiets  et  ombrageux  ne  peuvent  entendre  parler  de 
moi,  je  n'ai  plus  rien  à   craindre   des   suites  d'une    lettre  telle    que 

(1)  Pierre  Fédon  et  le  diocèse  de  Die  pendant  la  révolution,  par  .M.  .Mazet,  p.   24. 


36  LE    TRIÈVES    PENDANT 

j"ai  eu  souvent  l'idée  de  vous  l'écrire.  Je  vais  même  jusqu'à  me 
flatter  que  vous  ne  trouverez  rien  que  d'honnête  et  de  légitime 
dans  cette  démarche.  Voici  donc  en  peu  de  mots  ma  justification. 

«  Je  vous  assure  que  je  n'ai  jamais  eu  en  vue  de  vous  narguer, 
ni  vous,  ni  qui  que  ce  soit  ;  que  je  n'avais  d'autre  but,  dans  le 
temps  où  ma  conduite  vous  faisait  tant  d'ombrage,  que  de 
remplir  le  devoir  de  mon  ministère,  devenu  bien  pénible  par  la 
rareté  des  ouvriers  évangéliques  et  par  les  entraves  continuelles 
que  les  nouvelles  lois  y  ont  mises.  Je  me  suis  prêté  aux  circons- 
tances autant  qu'il  m'a  été  possible  ;  je  ne  me  suis  étendu  qu'à 
mesure  que  j'ai  vu  qu'elles  me  le  permettaient  et,  malgré  mon 
désir  de  faire  un  plus  grand  bien,  j'ai  préféré,  dans  les  moments 
orageux,  de  me  resserrer  plutôt  que  de  compromettre  qui  que  ce 
fût. 

«  Qui  peut  accuser  mes  discours  publics  ?  et  qui  osera  soutenir 
que  j'ai  tenu  un  autre  langage  en  particulier  que  dans  les  assem- 
blées nombreuses,  qu'on  ne  devrait  pas  tant  redouter  s'il  est  vrai 
qu'on  craint  des  complots  et  des  conspirations  de  notre  part? 

«  Ai-je  jamais  prêché  autre  chose  que  la  paix,  la  patience  et  l'ou- 
bli des  injures,  l'horreur  pour  le  vol  et  pour  toute  injustice,  le 
respect  pour  les  propriétés,  pour  l'ordre  et  le  repos  public? 

«  Ai-je  animé  à  la  vengeance  ?  Ai-je  montré  que  je  voulusse  en 
exercer  moi-même  quelqu'une  s'il  arrivait  que  les  temps  vinssent  à 
changer?  J'en  ai  projeté  une  il  est  vrai  ;  mais  qui  pourrait  m'en 
faire  un  crime,  puisqu'elle  ne  doit  consister  qu'à  montrer  les 
mêmes  sentiments  de  charité  et  d'amitié  à  mes  dénonciateurs  et 
persécuteurs  que  s'il  ne  m'avaient  jamais  voulu  nuire. 

«  Il  est  vrai  que  j'ai  continué  d'exercer  à  l'église  de  ma  paroisse 
quelque  temps  après  une  lettre  du  citoyen  Hilaire  au  juge  de  paix, 
en  suite  d'une  dénonciation  dont  vous  connaissez  bien  l'auteur  et 
les  motifs  ;  mais  vous  savez  aussi,  ou  du  moins  vous  pourrez 
l'apprendre  de  plusieurs  membres  de  la  municipalité,  qui  en  sont 
instruits,  que  la  personne  chargée  de  m'avertir  des  ordres  du 
commissaire  du  département  me  tendit  cette  nouvelle  à  rebours, 
et  me  dit  qu'il  n'y  avait  absolument  rien  à  craindre  en  continuant 
à  faire  comme  auparavant.  Moi,  bien  persuadé  de  cette  annonce, 
devais-je  agir  différemment  et  ajouter  foi  aux  clabaudages  qu'on 
me  répétait  comme  venant  des  cabarets  de  Mens  ?  La  preuve  que 
je  ne  voulais  ni  vous  compromettre,   ni  vous   braver,  c'est  que   je 


LA    GRANDE    REVOLUTION-  37 

discontinuai  aussitôt  que  j'en  fus  averti  par  la  personne  à  qui  vous 
vous  souvenez  d'en  avoir  écrit,  au  commencement  de  juin,  et  que 
je  ne  recommençai  que  lorsqu'on  l'eut  fait  partout  ailleurs,  sous 
les  yeux  des  autorités  constituées. 

«  Vous  qui  lisez  l'Ecriture  sainte,  que  ne  lisez-vous  le  sage  con- 
seil de  Gamaliel  (aux  Actes  des  Apôtres,  chap.  5,  v.  34)  ?  Mais  je 
sais  que  vous  n'êtes  point  le  premier  auteur  des  mesures  violentes 
qui  ont  plusieurs  fois  alarmé  et  troublé  le  canton  de  Cordéac. 
Qui  que  ce  soit,  je  pardonne  de  bon  cœur  et  je  prie  Dieu  de  le 
pardonner  et  de  l'éclairer.  Quant  à  vous,  qui  avez  trop  de  bon 
sens  et  de  raison  pour  ne  pas  voir  où  aboutissent  les  conseils  trop 
fougueux,  et  qui  avez  naturellement  l'âme  trop  honnête  pour  pren- 
dre plaisir  à  voir  inquiéter  des  citoyens  paisibles,  je  ne  désirerais 
que  de  vous  voir  prendre  conseil  de  vous-même  et  de  votre  propre 
cœur,  sans  préjugé  ni  esprit  de  secte  et  de  parti.  Alors  peut-être 
vous  me  donneriez  quelque  part  à  votre  estime  et  vous  me  rendriez  la 
justice  que  je  réclame. 

«  Testou,  prêtre  (i),  » 

Loin  d'être  touché  par  une  semblable  démarche,  Ponsard  envoya 
la  lettre  (5  frimaire  an  VI)  à  l'administration  de  l'Isère,  en  y  ajoutant 
le  renseignement  suivant  :  «  Des  recherches  sont  faites  à  Cordéac 
pour  retrouver  M.  Testou.  On  le  croit  actuellement  aux  environs 
de  Die  (2).  » 

Les  pasteurs  étaient  frappés  les  fidèles  devaient  l'être  aussi. 
Presque  toutes  les  autorités  du  canton  de  Mens  protégeaient  les 
prêtres  ouvertement,  ou  du  moins  fermaient  les  yeux  sur  leur  dévoû- 
ment,  afin  de  ne  pas  avoir  à  les  dénoncer.  Les  administrateurs  du 
départem^ent  ne  pouvaient  souffrir  une  semblable  tolérance  et  prirent 
la  mesure  suivante  contre  elles  :  «  Arrêté  de  l'administration  centrale 
du  département  de  l'Isère  ;  du  6  frimaire  an  VI  (26  novembre 
1797)  de  la  République  française,  une  et  indivisible.  D'après  les 
renseignements  qui  lui  sont  venus  sur  la  question  administrative 
du  canton  de  Mens  et  sur  les  principes  politiques  de  ses  membres. 

«  L'administration  informée  que  cette  administration  municipale, 
loin  de  faire  exécuter  les  lois  relatives  aux  prêtres  réfractaires,  les 
a,  au  contraire,  protégés,  même  dans  l'exercice  de  leur  culte  ; 

«  Considérant  que  la  négligence  des  administrateurs  dans  l'exé- 

(i)  Archives  départ.  —  Actes  du  district. 
(2)  Ibidem. 


38  LE    TRIÈVES    PENDANT 

cution  des  lois  sur  les  prêtres  réfractaires  est  cause  que  non-seu- 
lement le  canton  de  Mens,  mais  tout  le  Trièves  en  est  infesté...; 

«  Considérant  que  les  magistrats  coupables  d'une  telle  négli- 
gence dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  sont  indignes  de  la 
confiance  du  peuple  et  de  celle  du  gouvernement  ; 

«  Les  conclusions  du  commissaire  du  pouvoir  exécutif  entendues, 
on  a  arrêté  et  arrête  ce  qui  suit  : 

«  Article  i".  En  vertu  de  l'article  192  de  la  constitution,  les 
citoj'ens  François  Payan  cadet,  président  de  l'administration  du 
canton  de  Mens,  Joseph  Talin,  agent  municipal  de  la  commune 
de  Cornillon ,  et  Jacques  Pellat,  agent  municipal  de  celle  de 
Lavars,  sont  suspendus  de  leurs  fonctions  (i).  » 

Les  administrateurs,  même  ceux  qui  avaient  les  meilleurs  senti- 
ments, intimidés  par  cette  mesure  qui  frappait  trois  de  leurs  collè- 
gues, s'engagèrent  dans  la  voie  de  la  persécution,  où  nous  allons 
les  suivre. 

Le  22  nivôse,  an  VI  (11  janvier  1798),  la  municipalité  du  canton  de 
Mens,  après  avoir  hésité  longtemps,  dans  la  crainte  de  se  voir  atta- 
quée par  tous,  prend,  à  la  suite  d'une  lettre  envoyée  le  29  frimaire 
précédent  par  l'administration  centrale,  un  arrêté  pour  interdire  la 
sonnerie  des  cloches,  sauf  le  cas  d'incendie,  inondation,  approche 
de  l'ennemi  ou  rassemblement  d'individus  qui  menaceraient  la 
sûreté  et  la  propriété  des  citoyens  (2). 

«  Nous  sommes  en  deuil,  disaient  ensuite  les  populations  ;  mais 
dans  un  deuil  causé  par  des  ennemis  qui  défendent  à  nos  cloches 
de  sonner,  parce  que  leur  voix  les  troublerait  au  milieu  de  leurs 
honteux  excès  (3).  » 

La  paroisse  de  Tréminis  était  heureuse  de  posséder  son  vénéra- 
ble pasteur  de  retour  de  l'exil  ;  mais  craignant  que  sa  présence  ne 
fit  courir  quelque  danger  effroyable  à  la  France,  le  successeur  de 
Payan  cadet  le  dénonça  en  ces  termes  : 

«  Mens,  26  pluviôse,  VL  —  Le  prêtre  Brcdon  (Drudon)  continue, 
à  ce  qu'on  nous  assure,  à  dire  la  messe  à  Tréminis.  Signe  :  Pellis- 
sier.  »  Un  mois  plus  tard,  Imbert ,  l'un  des  administrateurs  de 
l'Isère,  lui  répondit  par  cet  ordre  (7  ventôse  an  VI,  25  février  1798J  : 
«  Vous  vous  informerez,  citoyen,  avec  les  précautions   convenables. 

(i)  Mens,  Re^.  des  délib. 

(2)  Ibidem. 

(■3)  Tradition  locale. 


LA    GRANDE    REVOLUTION. 


39 


de  la  maison  qu'habite  le  prêtre  réfractaire  Bredoti  (Brudon)  à 
Tréminis.  Lorsque  vous  aurez  acquis  quelque  certitude  à  cet 
égard,  vous  donnerez  ordre  à  quinze  hommes  de  confiance  de  la 
colonne  mobile  de  votre  canton  de  se  transporter  dans  la  dite 
commune  de  Tréminis,  pendant  la  nuit,  de  cerner  la  maison  dont 
s'agit.  Cette  précaution  prise,  de  détacher  deux  d'entre  eux  pour 
aller  sommer  l'agent  national  de  les  suivre,  pour  tous  ensemble 
procéder,  dès  le  point  du  jour,  à  la  perquisition  exacte  de  la  mai- 
son et  à  la  recherche  du  dit  Bredon.  Il  sera  dressé  procès-verbal 
de  cette  opération  par  l'agent  national  et  les  membres  de  la 
colonne  mobile.  Imbert  (i)...  » 


(i)  Archives  départ.  —  Actes  du  district. 


(La  suite  au  prochain  numéro). 


A.  LAGIER. 


RECHERCHES 


INSCRIPTIONS 

du  Vivarais 


(Suite) 


«  Cette  église,  fort  belle  et  fort  propre,  étoit  en  grande  partie 
tapissée  d'une  fort  belle  étoffe  de  différentes  couleurs,  appelée  filet 
d'Auvergne,  et  de  filet  de  Flandre.  Une  fort  belle  chière  en  pierre  de 
taille  toute  scultée,  et  d'une  seule  pierre,  faisoit  un  des  principaux 
ornemens.  On  la  voit  aujourd'hui  à  la  paroisse...  » 

Et   dans   l'enquête,    nous    lisons:    «   Loys    FayoUe    dict  qu'il 

deniouroit  pour  travailler  à  ses  journées  avec  Claude  Boriç  et  Pons 


40  RECHERCHES    SUR    LES 

Allamel,  luy  firent  aller  quérir  avec  Jehan  Doms  dict  Piact,  et  quel- 
ques aultres  que  ne  lui  recorde,  une  chière  de  pierre  qu'est  en  l'église 
dud.  couvent,  qu'ils  trouvarent  arranchée  et  mise  en  pièces,  laquelle 
chière  après  Jehan  Serre,  maçon,  redressa  en  l'église  dud.  l'Argen- 
tière.  » 

C'est  sur  cette  chaire,  qui  se  trouve  en  effet  dans  l'église  parois- 
siale de  Largentière,  qu'on  peut  voir  l'intéressante  inscription  lan- 
guedocienne que  nous  avons  exactement  relevée. 

Dans  le  Mémoire  manuscrit,  cette  inscription  est  ainsi  mention- 
née :  «  Autour  de  cette  chière  on  lit,  en  caractères  gothiques,  ces 
mots  :  L'an  MCCCCLXXXX,  VII  octobre,  Jean-Pierre  Garnier  de 
Coulens  (i)  ay  donnât  a  qiiesto  cadiero  al  couvent  das  payres  minours 
de  l'Argentier  a.  » 

On  remarquera  qu'il  y  a  une  petite  erreur  dans  le  Mémoire  sur 
cette  inscription  ;  il  n'y  a  pas  Jean-Pierre  Garnier,  mais  bien  hieu 
Pierre  Guarnier  {moi  Pierre  Guarnier).  L'artiste  de  Coulens  a  voulu 
accentuer  la  donation  de  son  œuvre,  qu'il  a  signée  comme  on  signe 
un  testament  ou  tout  autre  acte  de  grande  importance. 

Maintenant,  l'imagination  de  l'auteur  du  Mémoire  a-t-elle  com- 
plété l'inscription  de  Pierre  Guarnier,  ou  bien  pouvait-on  lire  à  cette 
époque,  sur  le  quatrième  panneau,  complètement  effacé  aujourd'hui  • 
dos  frayres  Minours  de  Largentiera  ? 

Cette  dernière  supposition  ne  nous  parait  pas  admissible  :  le 
troisième  panneau,  sur  lequel  on  lit  :  1490.  PG.,  eût  été  une  solution 
de  continuité  ;  la  phrase  se  serait  trouvée  coupée,  de  façon  à  détruire 
l'harmonie  qui  règne  dans  toute  la  chaire.  Pourtant,  le  dernier  mot 
de  l'inscription,  cquc,  indique  bien  qu'il  y  avait  autre  chose  ;  mais  il 
est  impossible  de  déchiffrer  ce  panneau  ;  tout  a  été  gratté  au  ciseau. 

Aucun  historien  n'avait  signalé  ce  précieux  monument  épigraphl- 
quc  de  la  langue  d'Oc.  M.  Ovide  de  Valgorge,  qui  nous  a  laissé  une 
minutieuse  description  de  l'église  de  Largentière  et  de  sa  chaire,  ne 
dit  pas  un  mot  de  l'inscription. 

VII   —    1503 

Sî»înt-lion»s»în-<le-l.ei*|>.  —  Inscription  artistement  gravée 
sur  une  pierre  molasse  de  la  carrière  d'Antolin,  commune  de  Cham- 

(1)  Coulens  est  un  hameau  de  la  commune  de  Chassiers,  à  3  kilomclrcs  de 
Lari^cnticrc. 


INSCRIPTIONS  DU  VIVARAIS. 


41 


pis,   enchâssée  clans   un   pilastre   sur  lequel     viennent   reposer  les 
arcs-doubleaux  de  deux  voûtes  ogivales  de  l'église  paroissiale  (i) 


'§f  :   aï   :   ^   :   '^!   : 

0 
:     ^i    : 

1 
ï 

;    'J^ui    : 

0             c              a 

ç 

:     1^     :      ^     :     S'!     :     Wmt     : 

rt 
fis: 

—                  a                     a 

:      ^P      :       (•;       :       nu- 1  i      :       cCa'ôal" 

'-^;  0  u  D  a  1  a     :      ^X'     :      "S?  u  n  1 5 1  s     '^"i  m  n  ci     : 

Jésus  Nazaj-enus  Rex  Judœorum. 

Anno  —  JHS  —  Domini 

Millesimo    quingentesimo     Tertio    Fuit 

Prœsens  Capella  Sancti  Romani 

Per  Guillemeti  Casallis  ; 
Fondata   Per    Dunisis  Ameia  : 

«  L'an  du  Seigneur  mil  cinq  cent  trois,  la  présente  chapelle  de 
«  Saint-Romain  (bâtie  ?)  par  Guillaume  Chazal,  fut  fondée  par 
«  Denys  (?)  Ameja,  »  (ou  réciproquement). 

Nous  renonçons  à  expliquer  les  deux  abréviations  qui  sont  en  de- 
hors du  cadre  de  chaque  côté  de  l'inscription.  Peut-être  pourrait-on 
voir  dans  celle  de  droite  les  mots  :  ///  octobris,  ou  le  verbe  inchoata. 


(î)  L'abbé  Garnodier,  Recherches  archéologiques  sur  Saint-Romain-de-Lerp,  [860  , 
p.  126. 


42 


RECHERCHES    SUR    LES 


XIII  -  1505 

Vion.  —  Sur  la  partie  supérieure  de  la  cloche,  on  lit  l'inscrip- 
tion suivante,  en  lettres  gothiques  et  sur  une  seule  ligne.  —  Estam- 
page fait  par  M.  .Martin,  instituteur. 

T    'Slis    ^ana.    «!lri)ns(us    umcit,    t.iCF)ns(iu>    n't]nii(,    éS^l'insfus 

«  •{■  Jésus  Mxiie.  Le  Christ  est  vainqueur,  le  Christ  règne,  le 
Christ  commande,  que  le  Christ  nous  défende  du  méchant  ennemi. 
L'an  du  Seigneur,  mil  cinq  cent  cinq.  « 

XIV  —  1526 

Satillieu.  —  Croix  dont  le  fût,  élevé  de  3  mètres  environ, 
repose  sur  un  socle,  portant  sur  ses  quatre  faces,  dans  des  petits 
carrés,  linscription  suivante,  communiquée  par  .M.  l'abbé  de  Saléon, 
curé  de  la  paroisse  : 


c 

A. 

M. 

V. 

XX 

VI. 

HOC.    OPVS 
l'IERl.    FECIT 


V  I  R  .     D  A  L 
.MAC1\^S.     S 


IN    HOC   su; 

\  O  .     V  1  N  c  c  s 


Anna  millesimo  quingentcsimo  vigesimo  sc.xlo  (1  5 -'6),  hoc  opus  jieri 
fecil  (venerabilis  ?^  vir   Dalmacius  s^acerdos  '^).  In  hoc  signo   vinces. 


INSCRIPTIONS      DU  VIVARAIS.  43 


XV  -  1568 

Saint-Montan.  —  Inscription  gravée  sur  la  clef  d'arceau  de 
la  porte  principale  de  l'ancienne  église  de  Saint-Montan,  dédiée  à 
S'^  Marie-Magdeleine,  sur  l'emplacement  de  laquelle  a  été  bâtie 
l'église  actuelle. 

Hauteur:  o™  22  cent.,  largeur  :  o"'  29  cent.  (Estampage  de  M. 
Chiron,  instituteur). 

IN    DEI    OFT    .MAX    LAVD    PHAN 
HV    L.    A.    PRIOR    R    QVP    VNA    CVM 
CAPELLA    s.    BARTHO.    FVDIT,    ET 
PARTE    PINACL    AC    CAPELLANIS    D.D 
YVE    ET    AHO    NEC    NON    PRŒSBITE 
RI    HERETICORV    SACRA    MEM.MA 
NV    M.    D.     L.    X.    vm    DIRVTA    RVIT 
LOCT    SVP    D.B    RESTITVTA    HACTE 
N.    EXTITIT    .M.D.L.XXX.    APRL 
PERAOCTE    A .    V    j  /  /   ''II//  I /  / 

In  Dei optimi  maximi  laudem  phanum  (pour  /anum)  hiijus  loci  L.  A. . . 
(Antonius)  Prior  R...  QVP...  (probablement  des  noms  de  localités) 
ima  ciim  cappella.  Sancti  Dartholoinei  fundavil  et  parte  pinaciili  ac 
cappellanis  dono  dédit  Yve  et  a  Ho. . .  (deux  noms  propres  probable- 
ment) nec  non  prœsbiterium  hœreticorum  sacrœ  memorice  manu 
M.D.L.X.VIII  (1568)  diriiia  mit,  loct  (?)  sup.  (?)  D.  B  (?)  (trois  noms 
que  nous  ne  pouvons  lire)  Restituta  hactenus  extitit  M.D.L.XXX 
(  1 5  80)   kalendis  aprilis  peraocte  A.  V 

En  l'honneur  de  Dieu  très  bon,  très  grand  A prieur  de 

a  fondé  l'église  de  ce  lieu  avec  une  chapelle  à  St-Barthélemy,  dans 
la  partie  du    pinacle,  et  a    donné   la  chapelle   et  le  presbytère   aux 

chapelains   D.D Cette   chapelle  croula,  détruite  en  1568,  sous  la 

main  des  [hérétiques  de  détestable    mémoire puis  reconstruite, 

elle  a  subsisté  jusqu'à  .ce  jour,  1580,  kalendes  d'avril  dernier. 

XVI  —  1580 

St-Agrèx^e.  —  L'inscription  suivante  se  trouve  à  l'ancien 
château  de  Truchet.  Elle  a  été  copiée  par  M.   Deschomels,  institu- 


44  RECHERCHES   SUR  LES 

teur  à  Lichessol,  près  St-Agrève,  en   iS8i.   Hauteur  :  o"'  50  cent., 
longueur  :  2  met. 

ENL  (0  :  I  580  :  REGNANT  :  HENRI  :  III  :  lE  •  FVS  ■  RVINEE  •  IVSQVES  •  AV. 
FONDEAIENT  :  PAR  [1  lAQVES  •  DE  •  CHAMBAVD  ■  TRES  •  DNGEVS  [-)  :  HV- 
GVEN  (Ot):  KT  :  REMISE  •  LAN  :  I  584  :  PAR  •  .MSReIs)  ||  CLAVDE  •  DE  ■  TRVEHET. 
SEIGNEVR.  DE  •  CHAiMBARLHAC  •  ST  ■  CIERGE  •  CONSEIGNEVR  •  DE  ||  ST  AGRP- 
VE  C^)  :  MON  :  DEGRE  :  DV  .  COSTE  .  DV  LEVANT  :  TOMBE  :  LAN  :  1634  : 
MESRE  (1)  •  FLORlAiOND  :  DE  ||  TRVCHET  •  SON  •  EIL*  (.5)  •  MA  •  MIS  •  EN 
LESTAT  .  OV  .  lE  •  SVIS  •  ET  .  AIOVSTE  •  AVS  •  SEIG"^  .  CI  :  DESSVS  •  LABNE  (6)  || 
DES  P.\RO  {/)  .  A^  CALHOVET.  (8)  MOVPEIRON  (9)  :  DV  .  MARIAGE  .  DE  .  DA- 
ME  .   CATFERI>E   DAVBVSSON   .    SA   :    FK(miTiej. 

Cette  inscription,  aussi  curieuse  qu'intéressante,  rappelle  le  siège 
mémorable  de  St-Agrève,  un  des  plus  terribles  qu'aient  eu  à  sou- 
tenir nos  malheureuses  villes  du  Vivarais  pendant  les  guerres  de 
Religion. 

11  nous  reste  sur  ce  siège  mémorable  un  document  bibliographi- 
que d'une  insigne  rareté.  —  Il  ne  se  trouve  pas  à  la  Bibliothèque 
Nationale  (lo)  et  l'exemplaire  qui  se  trouvait,  à  la  bibliothèque  de 
Lyon  en  a  été  enlevé,  vers  1840,  probablement  par  l'un  de  ces 
écumeurs  de  nos  dépôts  publics,  qui  ne  savent  pas  respecter  l'héri- 
tage commun  des  documents  rares  et  précieux  que  nos  devanciers 
y  ont  amassés.  —  Grâce  à  l'obligeance  du  libraire  Claudin,  un  de 
nos  amis,  M.  Paul  Leblanc,  a  pu  rééditer  cette  plaquette,  un  vrai 
trésor,  dans  ses  Variétés  historiques  et  biographiques  (1  i). 

Voici  son  titre  exact  : 

Le  vray  discouvrs  dv  siège,  prinse  et  totale  rvyne  de  la  ville  de 
Sainct-Agreuc,  pays  de  Languedoc,  par  le  sieur  de  Tournon,gou- 
uerneur  de  Viuerois  et  le  sieur  de  sainct  Vidal.  Avec  le  nombre  des 
morts  et  blessez  durant  le  sicge.  —  Fait  et  escrit  par  Monsieur  du 
F'igon,  secrétaire  de  la  Royne.  A  f^aris,  chez  lean  de  Lastre.  rue 
Sainct-Iean  de  Latran  près  le  collège  de  Cambray,  louxte  la  copie 
imprimée  à  Lyon  par  lean  d'Ogerolles.  1580.  Avec  permission. 

(i)  En  l'an. 

(2)  Dangereux. 

(3)  iMessire. 

{.'\)  Saint-Agrepvc  (ancienne  oilhograplic  ;   le  premier  E  est  supprimé  par  abré- 
viation). 
(S)  Fils. 

(6,  7,  8,  9)  'r  :-  ?  :-. 

(lO/  Lettre  de  M.  Lcopolcl  Delisle.  du  6  mars   1883. 
(11)  Le  Puy,  1885. 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS.  45 

«  La  ville  de  Saint-Agrève,  dit  M.  Paul  Leblanc,  se  trouvait  l'une 
des  portes  du  Velay  sur  le  chemin  du  Vivarais,  du  Dauphiné  et  des 
provinces  méridionales.  Dès  lors,  sa  possession  devait  exciter  la 
convoitise  de  tous  les  partis.  Les  protestants  s'en  étaient  rendus 
maîtres  ;  par  là  ils  avaient  pied  dans  le  Vivarais  et  le  Velay.  Profitant 
d'un  édit  royal  qui  leur  accordait  Saint-Agrève  comme  un  lieu  de 
refuge  momentané,  ils  s'y  étaient  fortifiés  et  rendus  si  redoutables 
qu'il  fut  urgent  de  les  en  déloger.  Vers  les  premiers  jours  de  sep- 
tembre 1580,  les  gouverneurs  du  Velay  et  du  Vivarais,  Saint- 
Vidal  et  Tournon,  reçurent  l'ordre  d'en  faire  le  siège.  L'investisse- 
ment commença  le  i6.  Le  déploiement  des  forces  catholiques  ne 
permit  pas  à  Jacques  de  Chambaud,  homme  de  guerre  consommé  qui 
commandait  les  protestants  du  Vivarais,  de  rentrer  dans  la  place 
pour  secourir  ses  coreligionnaires,  qui  furent  contraints,  après  une 
vive  défense,  de  sortir  furtivement  de  Saint-Agrève  dans  la  nuit 
du  25  au  26  septembre.  » 

Voici  ce  que  nous  écrivait  M.  Deschomels,  le  S  juillet  1881,  au 
sujet  de  cette  inscription: 

«  La  pierre  mesure  six  pieds  de  longueur  sur  un  pied  et  demi  de 
«  largeur.  Elle  contient  six  lignes  :  je  l'ai  copiée  exactement,  pous- 
«  sant  le  scrupule  jusqu'à  laisser  subsister  les  fautes  évidentes  que 
«  la  main  d'œuvre  y  avait  glissées.  Ainsi  dans  le  corps  du  mot 
«  St-Agrèvc  un  P  à  la  place  de  È  (i);  Truchet  écrit  une  première  fois 
«  Truehet.  Les  signes  indiquant  la  séparation  des  mots  ;  les  lettres 
«  intercalées,  tout  a  été  relevé  avec  exactitude.  Quant  aux  quatre 
«  dernières  lettres  de  l'inscription,  j'avoue  n'en  pouvoir  découvrir 
«  le  sens.  » 

En  remerciant  ce  zélé  instituteur  nous  lui  avons  répondu  que  ces 
quatre  dernières  lettres  voulaient  dire  :  SA  FEMME. 

XVII.  —  1597. 

jMeyras.  —  Portail  du  château  d'IIautségure.  Longueur,  i™05; 
largeur,  o™  16.  —  Envoyé  par  M.  Bonnefoi,  instituteur. 


NISI   .   DOMINVS   •  ^DIFICAVERIT   •   DOMVM 
INVANVM  •  LABORAVERVNT  •  QUI  •  .E:DIFICANTEAM 


PS       CXXVI. 
(i)  Voir  la  note  4  de  la  p.  précédente. 


46  RECHERCHES    SUR    LES 

Sur  une  porte  du  rez-de-chaussée  de  la  même  maison,  on  lit  : 


1597 

13    DE 


(cembre) 


et  sur  une  autre  au  i'''  :  1598  zo  (20)  Aovst. 


XVI 11. 


1601. 


Vals-les-Bains.  —  Sur  le  linteau  d'une  des  portes  extérieu- 
res de  la  maison  Pigeyre,  au  quartier  de  Gignac,  on  lit  l'inscription 
suivante,  en  capitales  romaines  : 

INSERE  DAPHNl  PYROS  CARPET  TVA  POMA  NEPOTES 

C'est  tout  simplement  le  50"=  vers  de  la  neuvième  égloge  de  \^ir- 
gile. 

La  maison  Pigeyre  est  très  ancienne  ;  elle  appartenait  autrefois 
aux  de  Justet,  seigneurs  de  Sardiges:  Un  Jean  de  Justet  avait  épousé 
Isabeau  Sabatier,  petite-tille  d'Olivier  de  Serres.  L'immortel  agro- 
nome avait  marié,  le  25  février  1604,  sa  fille  Bonne  avec  Daniel 
Sabatier,  clavaire  du  Roi  à  Villeneuve-de-Berg.  Le  g  août  1694, 
Constantin  de  Serres,  arrière-petit-fils  d'Olivier,  donna  par  codi- 
cille 1000  livres  à  Damoiselle  Marguerite  Justet,  fille  du  seigneur  de 
Sardiges,  à  Vais.  ' 

XIX.  —   160 1. 

Dans  la  même  maison,  il  y  a  quelques  années,  on  lisait  encore 
cette  autre  inscription,  aujourd'hui  détruite  : 

CVRVATA    RESVRGO 

«   Courbée,  je  me  relève.    » 
Sur  le  linteau  d'une  porte,  on  lit  la  date  :    1(301. 


XX. 


1607. 


Nous  avons  relevé  les  inscriptions  suivantes  sur  la  maison  Peillon, 
bâtie  sous  les  ruines  du  château,  qui  dominent  la  Place  Couverte  : 
Sur  le  linteau  d'une  croisée  : 


VIRT\'l    :    O  PRES  SA 
RESVRGO   :    1607 


LE     XXVI I    : 
XBRE     :     1607 


Cette  devise  à  le  même  sens  que  la  précédente. 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS.  47 

XXI.  -    1607. 
Sur  le  linteau  d'une  porte  intérieure  : 

AV     SEVL     DiEV 

SOIT     HOXNEVR     ET     GL(3IRE 

1607, 

XXII.  -    1634. 

Sur  le  linteau  d'une  autre  croisée  : 

fmot  illisible)     APVRIL 
1634. 

La  maison  Peillon  est  une  des  plus  anciennes  de  \'als  ;  c'était 
l'ancien  prieuré. 

XXIII  —  16 17 

Mayre.  —  Maison  de  M.  Déligans  notaire  et  maire.  Les  lettres 
ont  6  centimètres  de  hauteur. 

1617 

lEAN     O     DAVBERT 

N  R 

lE     REÇOIS     TOVS     SINON     ^ 

LE     TRAISTRE     ET     LE     LARRON. 

C'est  une  enseigne  de  notaire  très  curieuse  ;  les  lettres  N.  R. 
signifient  :  notaire  royal. 

Un  ovale  gravé  sur  la  pierre  entoure  une  petite  circonférence 
noire  entre  les  deux  noms  propres  ;  c'est  un  trou  pénétrant  dans 
l'intérieur  de  la  maison.  Les  mots  ne  sont  pas  espacés,  tout  se  tient. 
(Lettre  de  AL  Mazaudier,  instituteur). 

XXIV  -'  1628 

Vîlleneuve-cle-Oerg.  —  Au  dessus  de  la  porte  d'une 
chambre  du  vieux  manoir  d'Olivier  de  Serres,  au  Pradel,  on  lit  cette 
inscription,  échappée  providentiellement  aux  démolisseurs  de  1793  . 

RvS,    DOMVS,    VNDA    FLVENS,    VIRIDARIA,    VINEA,    SYLVA 
PRADELLI    DOiMINVM    PASCVA    RVRA    JVVANT. 

Vignes,  forêts,  champs  et  pâturages,  ferme,  château,  jardins,  eau 
limpide,  font  les  délices  du  seigneur  du  Pradel. 


48  INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS. 


XXV  —  1682 

Ijal>Iaelièi'e,  —  La  pierre  commémorative  de  la  bénédiction 
de  la  chapelle  de  Notre-Dame-de-Bon-Secours,  conservée  dans  les 
archives  du  sanctuaire,  porte  l'inscription  suivante  :  (i) 

+ 

CHAPELLE    .    J  H  S    .    DE 

NOSTRE   .    DAME  .   DE 

BON    .    SECOVR    .    QVI    .    A 

ESTE    .    BENITE    .    LE    22    JMARS    . 

JOUR    .    DE    .    RAAIEAV    .     1682     . 

QVI     A     ESTE     ESTABLIE    .    PAR     S""    JVLlAN    . 

GINESTE     .    s''    DELILLE    .    NOBLE    .    DE    . 

MARIANNE    .    DE    .    PAVLET    . 

FONDATEA'RS    .    DE    .     LADITE    . 

CHAPELLE 

J. 
I 

XXVI  —  1700 

VîIleneuve-cle-Bers.  —  En  1700  les  olTiciers  du  Bailliage 
avaient  fait  graver  en  relief,  au  dessus  de  la  porte  du  palais,  avec 
les  armes  du  roi  l'inscription  suivante  : 

CuRiA    Ballivatvs    Vivariensis 
LuDOvici    Magni   munificentia  restaurata 

a  N  N  O       lAl  .  D  C  C  . 
H.EC    SUNT    prima    SACR.E    TIIEMIDIS    TEMPLA    ET    SALUS    HeLVIS. 

«  Cour  du  Bailliage  de  Vivarais,  restaurée  en  /juo.par  la  muni- 
ficence de  Louis-le-Grand.  C'est  ici  le  premier  temple  de  Thémis  et  le 
salut  de  VHelvie.  » 

Cette  inscription  fut  enlevée  en  179:^  (i). 

(i)  D'  Francus,   Voyage  dans  le  Midi  de  rArdêche,  p.  45. 

{La  fin  au  prochain  numéro.) 

Henry  VASCIIALDE. 


L' 


QUARANTE  ANNÉES 


DE 


E  DES  ÉVÊQUES  DE  VALE 

AU     MOYEN      AGE 

(1226    à     1 266) 

(Suite) 


— >ÈS»Oo<?)Oft^iî<- 


II 

BOXIFACE  DE  SAVOIE 

Elu  ue  Belley.  Archevêque  de   Cantorbéry. 
(1241). 

Columbi  (i),  Mgr  de  Catellan,  dans  les  Antiquités  de  l'Eglise  de 
Valence  (2),  M.  B.  Hauréau,  dans  la  coniinuation  du  Gallia  chris- 
tiana  (3),  et  les  autres  écrivains,  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  de 
notre  Eglise,  n'ont  pas  hésité  à  donner  pour  successeur  à  Guillaume 
de  Savoie  son  frère  Boniface,  le  plus  jeune  des  fils  du  comte 
Thomas.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  Guillaume,  se  disposant  à 
quitter  Rome  pour  aller  prendre  possession  des  évèchés  de  Liège  et 
de  Winchester,  avait  sollicité  et  obtenu  du  pape  Grégoire  IX  que  la 
dignité  d'Elu  de  Valence,  à  laquelle  il  renonçait,  fût  conférée  à  un 
de  ses  frères,  a  domino  papa  oblinuit  ut  unus  de  fratribus  ejiis  sit  pro 
eo  electus  in  Valentia  (4J  ;  mais  le  chroniqueur,   qui  nous  a  conservé 


(i)  Columbi,   Opuscula  varia.  Lugd.  166S,  in-f°,  p.  270. 

(2)  Catellan    (Jean    de),   Les   antiquités   de  l'Eglise  de   Valence.  \'alence,    1724, 
in-4°,  p.  328. 

(3)  Gallia    christiana,  t.  X\'I,  col.  314- 

(4)  Alberici  Chrotiicon,  dans  Bouquet,  t.  XXI,  p.  623. 

Bull.  IX,  1888.  4 


50  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

ce  détail,  ne  nous  a  point  donné  le  nom  de  ce  frère  de  Guillaume, 
et  aucun  document  connu  ne  peut  nous  permettre  d'affirmer  qu'il 
s'agisse  ici  de  Boniface.  Celui-ci  du  reste  n'a  jamais  pris  d'autre 
qualification  que  celle  d'élu  de  Belley,  jusqu'au  jour  où  il  fut  appelé 
au  siège  primatial  de  Cantorbér}-. 

Boniface  de  Savoie,  destiné  par  son  père  à  l'état  ecclésiastique, 
avait  été  placé  de  bonne  heure  dans  un  couvent  de  chartreux.  Prieur 
de  Nantua,  évêque-élu  de  Belley,  il  fut  proposé  en  1240  pour  l'évè- 
ché  de  Durham  par  Henri  III  ;  puis  la  reine  Eléonore,  sa  nièce, 
toujours  appliquée  à  enrichir  les  membres  de  sa  famille,  réussit  de 
concert  avec  le  roi  à  le  faire  nommer  archevêque  de  Cantorbéry  (i). 
Celte  élection  parait  s'être  faite  vers  le  mois  d'avril  1241  ;  mais  la 
mort  de  Grégoire  IX  et  la  longue  vacance  du  saint  siège  empêchèrent 
que  cette  élection  fiât  de  suite  conlirmée;  c'est  seulement  le  17  sep- 
tembre 1243  qu'Innocent  W  le  donna  pour  pasteur  à  l'Eglise  de 
Cantorbéry,  après  l'avoir  déclaré  libre  de  tous  liens  envers  celle  de 
Belley  :  dictum  B.  absolutum  a  procuratione  Bellicensis  ecclesie, 
dictorum  fratriun  commiiniccito  coiisilio,  Cantuariensi  ecclesie  de 
speciali  gratia  coticessiinus  in  pasiorem  (2). Le  même  jour  il  lui  accor- 
da la  permission  de  se  faire  élever,  par  un  de  ses  évêques  suffragants, 
aux  ordres  du  diaconat  et  de  la  prêtrise  (3).  Enfin  il  voulut  de  ses 
propres  mains  consacrera  Lyon,  le  15  janvier  1246,  cet  influent 
protégé  et  lui  marqua  sa  faveur  en  lui  accordant  l'autorisation  de 
porter  le  pallium  en  dehors  de  sa  province  (4).  Boniface  de  Savoie 
mourut  à  Sainte-Hélène-du-Lac,  en  Savoie,  le  18  juillet  1270.  Loué 
sans  mesure  par  l'auteur  anonyme  de  la  chronique  latine  de 
Savoie  (5),  il  a  trouvé   dans  Mathieu   de    Paris  un    irréconciliable 

(i)  WuRSTEMBERGER,  Peter  der  Zweite,t.  II,  p.  21-25. 

(2^  Berger  (Elie).  Les  registres  d'Intiocent  IV,  n°  116.  Voir  l'inlroduclion  de  cet 
ouvrage  capital,  p.  73. 

(3)  Berger,  op.  cil.,  n°  ii6à  118.  —  Boniface,  en  attendant  d'avoir  lait  graver 
son  sceau,  se  servait  de  celui  de  Belley. 

(4)  Berger.  Op.  cit.  Introduction,  p.  74. 

(5)  Chronica  lalina  Sabaudix,  dans  Historié  patricv  monumenta,  Scriptores,  t.  I, 
col.  605  :  «  Fuit  vir  prudens,  probus,  catholicus,  in  theologia  et  decretis  vir  erudi- 
tissimus,  magnus  cl  formosus  inter  omnes,  et,  pre  cunclis  sui  icmporis  viris,  adeo 
quod  pre  nimia  formositate  parvus  Absalon  ab  omnibus  nuncupabalur,...  et  tandem 
Angliam  reversus,  ecclesiam  suam  Cantuariensem  multum  dévote  ac  sancte  guber- 
navit,  et  licet  pre  nimia  pulchritudine  multe  mulicrcs  libidinis  bacula  et  precamina 
ei  parassent,  nunquam  tamen  ois  assenlirc  voluit,  scd  virgo  cunclis  ejus  dicbus 
vixit.  » 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  5I 

détracteur,  qui  n'a  cessé  de  le  poursuivre  avec  acharnement  et  en  a 
fait  un  des  plus  mauvais  prélats  de  son  siècle  (i).  Heureusement 
pour  l'archevêque  de  Cantorbéry,  sa  mémoire  est  demeurée  dans 
son  pays  natal  entourée  du  respect  et  de  la  vénération  des  peuples, 
et  le  i"  septembre  1838,  le  pape  Grégoire  XVI,  sur  la  demande  du 
roi  Charles-Albert,  lui  a  décerné  les  honneurs  du  culte  public.  Dans 
ces  dernières  années  le  diocèse  de  Valence  a  été  autorisé  à  faire 
l'office  de  ce  bienheureux  comme  l'un  de  ses  anciens  évêques  ;  mais 
ainsi  qu'on  a  pu  le  constater  par  les  documents  historiques  que 
nous  venons  de  produire,  l'élection  de  Boniface  de  Savoie  au  siège 
de  Valence  est  un  fait  plus  que  douteux,  et  jusqu'à  ce  qu'une  plus 
grande  lumière  soit  faite  sur  ce  point,  nous  n'hésitons  pas  à  rayer 
le  nom  de  Boniface  du  catalogue  des  pasteurs  de  notre  Eglise. 

m 

PHILIPPE  DE  SAVOIE 

EvÊQUE-ÉLU    DE    VaLENCE.     ArCHEVÊQUE-ÉLU    DI.    LyON. 
(l  242-1  267). 

«  Le  huitiesme  et  dernier  fils  (2)  du  comte  Thomas  fust  nommé 
«  Philippe  et  fust  norris  en  court  de  Rome,  et  sy  estoit  a  la  court 
«  quand  son  frère  monseigneur  Guillaume  de  Savoye,  qui  estoit 
«  evesque  de  Valence,  morut.  Et  tost  après  le  pape  et  les  cardinaulx 
a  firent  confaronnyer  du  patrimoine  de  l'Eglise  monseigneur  Phi- 
«  lippe  de  Savoye,  et  fust  gouverneur  et  cappitayne  gênerai  du 
«  patrimoine,  et  moult  aymoyt  lecercite  du  noble  mestier  darmes  ;  il 
«  estoit  chevallereUx,  preux,  hardys  et  vaillant,  et  nullement  il  ne 
«  vouloit  estre  de  l'Esglise,  mais  pour  le  pouvoir  soustenyr,  ce  non 
«  obstant,  on  ly  ballya  en  commande  levesché  de  Valence  (3).  »   C^es 

(i)  .Matth.eus  Paris.  Hist.  major  Anglix.  Parisiis,  i6^8,  in-f".,  p.  376  :  «  Mona- 
chi  autem  Cantaarienses,  comperientes  papam  et  regem  sibi  vicissim  indulgere  et 
alter  alterius  quibuscunque  precibus  inclinari,  elegerunt  sibi  in  pastprem  anima- 
ru  m  suaru  m,  invocata  Spiritus  Sancti  et  régis  gratia,  Bonifacium  electum  de  Bal., 
hominem  proceras  staturae,  elegantem  corpore,  avunculum  dominae  .\lienor£e,  illus- 
tris  Anglorum  reginœ,  monachis  tamen  praenotatis  scientia,  moribus  et  astate  peni- 
tus  incognitum  et  tantas  dignitati,  respectu  praedecessorum  archipresulum  Cantua- 
riensium,  ut  dicebatur,  insufficientem.  »  Voir  Elie  Berger,  op.  cit.,  Introd.,  p.  75. 

(2)  Quelques  généalogistes  le  donnent  comme  le  septième  des  fils  du  comte 
TKomas. 

(3)  Historiœ  patrix  momimenta,  Scriptores,  I,  p.  147. 


52  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

quelques  lignes,  empruntées  à  un  document  officieux  et  de  date 
relativement  récente,  nous  laissent  assez  bien  entrevoir  le  caractère 
du  singulier  personnage,  dont  nous  avons  maintenant  à  raconter 
l'histoire.  En  digne  frère  de  Guillaume  de  Savoie,  Philippe  gouver- 
na pendant  vin-gt-cinq  ans  le  diocèse  de  Valence  et  pendant  vingt- 
deux  ans  celui  de  Lyon,  sans  entrer  dans  les  ordres  sacrés:  avide 
d'honneurs  et  de  richesses,  peu  soucieux  du  bien  spirituel  de  ses 
peuples,  il  ne  vit  dans  l'état  ecclésiastique  qu'un  moyen  de  sortir  de 
l'obscurité  et  de  parvenir  à  la  fortune. 

Philippe  de  Savoie  apparaît  pour  la  première  fois  dans  l'histoire 
avec  le  titre  de  primicier  de  l'Eglise  de  Metz  :  le  24  février  1240 
(n.  s.J,  de  concert  avec  ses  frères  Amédée  IV,  comte  de  Savoie,  et 
Boniface,  élu  de  Belley,  il  abandonne  à  sa  sœur  Marguerite,  com- 
tesse de  Kibourg,  en  augmentation  de  dot,  les  bourgs  ou  villages  de 
Saint-Maurice  en  Chablais  et  de  Vérauze,  avec  les  différents  droits 
qui  s'y  rattachent,  excepté  toutefois  celui  de  battre  monnaie  (1). 
Quelques  semaines  plus  tard,  les  frères  de  Philippe,  désirant  qu'il 
occupât  un  rang  plus  élevé  dans  l'Eglise  et  que  sa  position  lui  per- 
mît de  servir  les  projets  ambitieux  des  membres  de  sa  famille, 
résolurent  de  le  placer  sur  le  siège  épiscopal  de  Lausanne.  L'histoire 
de  cette  tentative  peint  au  vif  les  mœurs  de  cette  époque  et  nous 
laisse  deviner  en  quelles  tristes  mains  pouvait  tomber  le  gouverne- 
ment d'un  diocèse  (2). 

L'Eglise  de  Lausanne  traversait  une  crise  douloureuse  ;  depuis 
plus  d'une  année  le  siège  épiscopal  était  vacant  et  les  chanoines, 
subissant  des  influences  diverses,  ne  pouvaient  parvenir  à  s'enten- 
dre sur  le  choix  d'un  évêque.  Plusieurs  fois  le  Pape  était  intervenu, 
mais  toujours  inutilement.  Enfin  Geoffroy,  archevêque  de  Besançon, 
et  Robert,  évêque  de  Langres,  furent  nommés  commissaires  ponti- 
ficaux, avec  mission  de  faire  toutes  les  démarches  nécessaires  pour 
décider  le  chapitre  de  Lausanne  à  mettre  un  terme  à  ce  déplorable 
état  de  choses.  En  conséquence,  il  lui  fut  assigné  la  date  du  ^  avril 
1240  pour  avoir  à  se  réunir  et  à  procéder  à  une  élection.  La  réunion 
eut  lieu,  mais  le  résultat  fut  tel  qu'on  devait  l'attendre  d'esprits  pas- 
sionnés et  résolus  à  aucune  compromission.   La  majorité  des  élec- 

(1)  WURSTEMBERGER,    IV,    n"     123. 

(2)  VVurstembcrger  a  consacre  tout  un  chapitre  de  son  ouvrage  souvent  cité  à 
l'histoire  de  la  querelle  qui  s'éleva  au  sujet  des  prétentions  de  Philippe  au  siège  de 
Lausanne  (t.  I,  p.  147-75):  Der  Streit  um  den  lausannischen  Bischofsstuhl. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  5  3 

teurs  se  prononça,  il  est  vrai,  pour  Philippe  de  Savoie  ;  mais  la 
minorité,  composée  de  neuf  dissidents,  donna  ses  voix  à  un  de  ses 
membres,  Jean  de  Cossonav,  chantre  de  l'Eglise  de  Lausanne.  Nous 
n'avons  pas  à  expliquer  ici  les  motifs  qui  déterminèrent  les  délégués 
pontificaux  à  rejeter  l'élection  de  Philippe  et  à  se  prononcer  en  faveur 
de  celle  de  son  compétiteur.  Jean  de  Cossonay,  fort  de  l'appui  des 
commissaires  pontificaux,  s'empressa  de  signifier  au  chapitre  son 
élection,  pendant  que  le  prévôt  de  Lausanne,  à  la  tête  du  parti  op- 
posé, soutenait  dans  une  lettre  adressée  à  l'archevêque  de  Besan- 
çon et  à  l'évêque  de  Langres,  la  validité  de  l'élection  de  Philippe, 
ajoutant  que  le  choix  de  ce  puissant  personnage,  frère  du  comte  de 
Savoie,  leur  paraissait  le  remède  le  plus  efficace  aux  maux  sans  nom- 
bre dont  souffrait  depuis  si  longtemps  leur  Eglise  désolée  (i).  Cette 
compétition  amena  presque  aussitôt  une  lutte  à  main  armée  entre  les 
deux  prétendants. 

Aymon,  sire  de  Faucigny,  que  des  liens  de  parenté  et  que  des  in- 
térêts communs  unissaient  à  la  maison  de  Savoie,  voulut  défendre 
la  cause  de  Philippe.  Non  content  de  protester  devant  le  chapitre  de 
ce  qu'on  ne  prenait  pas  même  la  peine,  dans  une  affaire  aussi  déli- 
cate, d'attendre  la  décision  de  Rome,  il  courut  aux  armes,  et  le  15 
avril,  jour  de  la  fête  de  Pâques,  à  la  tête  de  quelques  soldats,  il 
s'empara  de  la  cité  de  Lausanne  ou  ville  haute,  où  se  trouvaient  le 
château  épiscopal  et  la  cathédrale.  Le  prévôt  et  les  chanoines  pré- 
sents protestèrent  contre  cet  acte  de  violence,  qui  constituait  une 
grave  injure  à  l'endroit  de  l'autorité  du  chapitre  ;  le  sire  de  Fauci- 
gny tâcha  de  calmer  leur  irritation,  réelle  ou  feinte,  par  quelques 
paroles  d'excuse,  mais  n'en  conserva  pas  moins  toutes  ses  positions 
et  se  mit  en  demeure,  si  les  événements  le  demandaient,  de  soutenir 
un  siège.  De  son  côté,  Jean  de  Cossonay  et  ses  adhérents,  au  nom- 
bre desquels  figurait  Amédée  de  Genève,  qui  devait  quelques  années 
plus  tard  devenir  évêque  de  Die,  avaient  pour  eux  les  habitants  du 
bourg  ou  ville  basse.  Le  vendredi  suivant,  20  avril,  le  doyen  de  St- 
Etienne  de  Besançon  et  plusieurs  autres  grands  personnages  offri- 
rent leur  médiation  et  firent  conclure  entre  les  deux  partis  un  pre- 
mier armistice,  qui  dura  à  peine  un  jour,  car  dès  le  lendemain  les 
habitants  du  bourg  appelèrent  à  eux  Jean  de  Cossonay,  qui  arriva  à 
la  tête  de  bandes  armées.  Les  hostilités  commencèrent,  et  une  par- 
tie de  la  cité    fut   incendiée.    Ce   n'était  là   pourtant  que   le  prélude 

(l)    WURSTEMBERGER,  t.     IV,     n°*    [2[,     122,     I24,     I25,     120. 


54  QUARANTE    AWEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

d'autres  désastres  plus  considérables.  Pierre  de  Savoie  accourut 
bientôt  au  secours  du  sire  de  Faucigny,  avec  un  corps  d'environ 
6,000  hommes.  La  lutte  se  prolongea  et  il  n'est  pas  possible,  dit  le 
document  que  nous  anal^'sons,  de  relater  en  détail  les  incendies,  les 
dégâts  et  les  désordres  de  toute  espèce  qu'on  eut  à  déplorer.  Le  lo 
juillet,  on  convint  d'un  nouvel  armistice  (i).  Il  semble  que  cette 
suspension  d'armes  ait  laissé  la  cité  entre  les  mains  de  Jean  de  Cos- 
sonay.  Le  même  jour,  Grégoire  IX  nommait  trois  nouveaux  com- 
missaires chargés  de  faire  une  enquête  et  de  citer  les  parties  à 
comparaître  en  cour  de  Rome.  Le  Pape  était  alors  favorable  à  Phi- 
lippe de  Savoie,  ainsi  que  ses  trois  commissaires,  ce  qui  n'empêcha 
pas  Jean  deCossonay  de  rester  jusqu'à  sa  mortévêque  de  Lausanne. 
On  ne  sait  pas  au  juste  les  raisons  pour  lesquelles  il  obtint  en 
fin  de  compte  la  dignité  qui  semblait  réservée  à  son  compétiteur. 
Le  2g  mai  1244,  Jean  conclut  avec  Amédée  de  Savoie  le  traité 
d'Evian,  qui  mit  fin  aux  suites  qu'avaient  eues  ces  tristes  débats  (2). 
Obligé  de  renoncer  au  siège  de  Lausanne,  si  ardemment  disputé, 
Philippe  de  Savoie  ne  tardait  pas  à  trouver  des  compensations,  capa- 
bles de  lui  faire  oublier  ce  premier  échec.  Il  fut  appelé  au  gouverne- 
ment de  l'Eglise  de  Valence.  A  quelle  époque  précise  eut  lieu  son 
élection  ?  nous  n'avons  pas  les  données  suffisantes  pour  le  dire.  Nous 
le  voyons  figurer  pour  la  première  fois  avec  le  titre  d'élu  de  Valence, 
le  17  juillet  1242  :  il  est  alors  témoin  du  contrat  de  mariage  passé 
par  procureur  à  Tarascon  entre  Richard,  comte  de  Cornouailles, 
frère  du  roi  d'Angleterre,  et  Sanche,  fille  de  Ravmond  Déranger, 
comte  de  Provence,  et  de  Béatrix  de  Savoie  (3).  Au  mois  de  novem- 
bre de  la  même  année,  on  le  trouve  à  Valence,  mettant  fin   par  une 

(i)  WuRSTEMBERGER,  t.  IV,  n°  127:  «  Xon  multo  post  illi  de  burgo  combusse- 
runl  molenclina  civiiatis  et  eadem  nocte  appositus  fuit  ignis  suh  rupe  et  combusla 
fuit  tota  villa  extra  civitatem  et  illis  de  civitate  vix  se  defendeniibus.  Dixerunt  illi  de 
civitate  quod  illi  de  burgo  ignem  apposuerant  et  illi  de  burgo  dixerunt  quod  illi  de 
civitate  fecerant  ignem  apponi.  \'on  mullo  post  venerunt  illi  de  Berno  et  de  Mur 
ad  auxilium  et  fere  cum  M  armatis  et  firmaverunt  unum  castellum  prope  portam 
sancti  .Marii,  scilicet  in  Chablo,  et  projecerunt  ex  ulraque  parte  cum  manganellis  et 
trabichetis  ;  projecerunt  illi  de  burgo  ad  monasterium  et  specialiter  ad  portale  béate 
Marie.  Non  multo  post  intravit  P.  filius  comitis  Sabaudie  cum  VI  M  armatorum 
civitatem.  Insullus,  incendia,  dampna  que  facta  fuerunl  ex  utraque  parte  vix  pos- 
sent  enumerari.  Fuerunt  ex  utraque  parte  occisi  fere  .\.\.\  et  vulncrati  plus  quam 
CGC.  Non  multo  post  fuit  facta  pax  inter  ipsos...  » 

(2)  Berger,  op.  cit.,  introduction,  p.  70. 

(3)  WuRSTEMBERGER,   t.    IV,    P"    154. 


EVEQUES    DE    VALEN'CE    AU    .MOYEN-AGE.  5  5 

sentence  arbitrale  à  des  différends  survenus  entre  l'abbé  de  St-Félix 
et  le  prieur  de  cette  maison.  L'histoire  de  ces  démêlés  peut  offrir 
quelque  intérêt  au  lecteur. 

Après  le  doyen,  le  premier  dignitaire  dans  le  chapitre  de  Saint- 
Apollinaire  de  \'alence  était  l'abbé  de  Saint-Félix  ;  mais  ce  titre 
d'abbé  de  Saint-Félix  donnait  à  celui  qui  le  portait  un  droit  plus 
honorifique  que  réel:  le  gouvernement  de  la  maison  de  Saint-Félix, 
habitée  par  des  chanoines  réguliers,  était  tout  entier  aux  mains  du 
prieur  (i).  Il  est  aisé  de  concevoir  qu'un  tel  état  de  choses  ne 
pouvait  manquer  d'amener  des  difficultés  entre  l'abbé  et  le  prieur, 
celui-là  cédant  parfois  au  désir  de  rendre  son  titre  plus  effectif, 
celui-ci  défendant  naturellement  les  privilèges  de  sa  charge  et  écar- 
tant l'ingérence  du  chapitre  de  Saint-Apollinaire  des  affaires  de  sa 
petite  communauté.  En  l'année  1242,  le  titre  d'abbé  de  Saint-Félix 
était  porté  par  le  chanoine  Artaud  de  Saint-Romain  (2).  D'un  carac- 
tère entreprenant  et  énergique,  Artaud  voulut  avoir  autre  chose  que 
les  hommages  des  chanoines  réguliers  dont  il  était  le  chef  officielle- 
ment reconnu  ;  il  réclama,  en  vertu  de  son  titre,  le  droit  de  procu- 
ration dans  l'abbaye,  toutes  les  fois  qu'il  jugerait  à  propos  de  l'exiger 
pour  lui  comme  pour  toutes  les  personnes  de  sa  suite.  Ce  droit  de 
procuration,  comme  on  le  sait,  était  celui  en  vertu  duquel  les  supé- 
rieurs ecclésiastiques  en  voyage  se  faisaient  héberger  dans  les  mai- 
sons soumises  à  leur  juridiction  (3).  L'abbé  de  Saint-Félix  fondait 
sa  demande  sur  un  usage  immémorial.  Guillaume,  prieur  de  Saint- 
Félix  s'opposa  fortement   aux  prétentions    de  l'abbé,  soutenant  que 

(i)  Gallia  christiana,  t.  X\'I,  col.  343.  —  Brun-Durand,  Lettre  sur  l'hist.  eccl. 
du  Dauphiné,  dans  Bulletin  d'arch.  de  la  Drôine,  t.  IV  (1869),  p-   443- 

(2)  Le  nom  de  cet  abbé  n'a  pas  été  connu  des  historiens  du  prieuré  de  Saint- 
Félix. 

(3)  Le  droit  de  procuration  imposait  parfois  aux  églises  de  très  lourdes  charges. 
Par  un  usage  abusif,  mais  très  répandu,  les  supérieurs  ecclésiastiques  demandaient 
même  à  ceux  qu'ils  ne  visitaient  pas,  des  procurations  pécuniaires,  représentant  les 
dépenses  que  leur  séjour  aurait  pu  occasionner  aux  églises.  -M.  Elie  Berger  (op.  cit., 
Introd.,  p.  200)  cite  un  curieux  passage  de  Thomas  de  Cantimpré  contre  ces  abus  : 
«  Et  qui  sunt  advene  nisi  cardinalium,  legatorum,  archiepiscoporum,  episcoporum 
aliorumque  prelatorum  hospitum  multitudo,  qui  cum  magnis  exercitibus  suis  potius 
quam  familiis,  quasi  non  sit  singulis  numerus  famiiiejure  canonico  definiius,  déser- 
ta heremi,  hoc  est  possessiones  acquisitas  novalium  et  in  ubertatem  versas  come- 
dunt.  Et  ideo  vix  est  monasterium  tantis  diviciis  opulentum  quod  talibus  sufîicere 
valeat  in  expensis.  O  quis  veniet  !  O  quando  venturus  est  summus  pontifex  cujus 
equitate  librata  miseria  ista  corrigatur  !  » 


56  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

celui-ci  n'avait  et  ne  pouvait  avoir  le  droit  de  procuration  :  ses  pré- 
décesseurs ne  lavaient  du  reste  jamais  exercé,  attendu  que  le  droit 
de  visite  canonique,  dont  celui  de  procuration  n'est  que  la  consé- 
quence, ne  leur  avait  jamais  appartenu.  Comme  il  arri\e  en  pareilles 
circonstances,  on  discuta  longtemps  sans  pouvoir  s"entendi-e.  On 
dut  en  venir  à  un  arbitrage  et  les  deux  partis  remirent  la  décision 
du  point  en  litige  à  la  prudence  de  Philippe  de  Savoie,  procureur 
de  l'Eglise  de  Valence.  Le  prélat  voulut  dans  une  affaire  aussi  déli- 
cate et  pour  éviter  de  froisser  les  susceptibilités  de  son  chapitre, 
s'entourer  des  conseils  de  l'archevêque  de  Vienne.  Jean  de  Bernin, 
un  des  hommes  les  plus  remarquables  de  ce  temps-là  et  dont  le 
nom  se  rencontre  dans  un  grand  nombre  de  documents  :  c'était 
dans  la  province  le  pacificateur  de  toutes  les  querelles.  Voici  en 
quelques  mots  la  sentence  prononcée  :  il  est  décidé  que  quand  un 
abbé  sera  nouvellement  investi  de  son  titre  dans  l'Eglise  de  Va- 
lence et  fera  sa  première  visite  à  Saint-Félix,  le  prieur  et  les  chanoi- 
nes de  cette  maison  le  recevront  processionnellement  et  avec  pompe; 
de  plus,  mais  ce  jour-là  seulement,  ils  devront  lui  fournir  le  logement 
et  les  vivres  d'une  manière  qui  soit  en  i-apport  avec  sa  haute  dignité; 
la  suite  de  l'abbé  pourra  être  de  dix  amis  et  de  dix  serviteurs.  L'ab- 
bé n'aura  plus  rien  à  exiger  sa  vie  durant,  pour  le  droit  de  procura- 
tion ;  mais  il  lui  sera  payé  par  là  communauté,  à  titre  de  dédom- 
magement, une  renteannuelle  de  trente  sous,  monnaie  de  Valence  fi). 
Ce  règlement  fut  arrêté  à  Valence,  dans  la  demeure  épiscopale,  au 
mois  de  novembre  de  l'année  1242,  en  présence  de  13.,  prieur  de  la 
chartreuse  du  Val-Sainte-Marie,  d'Arbert,  doyen  de  Valence,  de 
Ponce,  viguier  de  Valence,  d'Aquin,  de  maître  Raymond,  d'.André 
Gautier,  hebdomadier,  de  Bertrand  d'Etoile,  de  Bertrand  de  Beau- 
regard,  tous  chanoines  de  Saint-Apollinaire.  Philippe  de  Savoie, 
procureur  de  l'Eglise  de  Valence,  à  qui  appartenait  l'institution  cano- 
nique de  l'abbé,  Jean  de  Bernin,  archevêque  de  X'ienne,  le  chapitre 
de  Valence  et  .Artaud,  abbé  de  Saint-Félix,  apposèrent  leurs  sceaux 
à  la  charte  (2). 

(i)  Le  sou  d'argenl  de  12  deniers  et  de  20  à  la  livre  avait  alors  une  valeur  in- 
trinsèque de  o  f.,  922  ;  le  pouvoir  de  l'argent  étant,  d'après  M.  Leber,  6  fois  plus 
élevé  au  .\I11'  siècle  qu'aujourd'hui,  les  30  sous,  dont  il  est  ici  fait  mention, vaudraient 
donc,  parait-il,  environ   166  francs  de  notre  monnaie. 

(2)  Archives  dép.  de  la  Drôme  ;  fonds  de  Saint-Ruf.  «.  ..  Nos  autcm  IMiilippus 
de  Sabaudia,  procurator  eccicsie  Valentinensis,  electus  arbiter  seu  arbitrator  . ., 
assistcnle  nobis  vencrabili  patrc  nostro  J.,  sancte  Viennensis  ecclesie  archiepiscopo, 


EVEQUES   DE   VALENCE  AU  iMOYEN  AGE.  57 

Une  charte,  datée  du  6  décembre  de  cette  même  année  1242, 
fait  encore  mention  de  Philippe,  élu  de  Valence:  Aymon,  sire  de 
Faucig-ny,  avait  promis  au  dauphin  Guigues  VII  de  lui  donner  en 
mariage  sa  petite  fille  Béatrix,  fille  de  Pierre  de  Savoie  ;  celui-ci 
ratifia  les  promesses  faites  par  son  beau-père,  et  donna  pour  garants 
de  sa  parole  quatre  de  ses  frères,  Amédée,  comte  de  Savoie,  Thomas, 
comte  de  Flandre,  Boniface,  élu  de  Belley,  et  Philippe,  élu  de  Valen- 
ce (i).  L'année  suivante,  nous  voyons  Philippe  de  Savoie  intervenir, 
à  raison  de  sa  charge  d'administrateur  du  diocèse  de  Valence,  dans 
un  différend,  qui  s'était  élevé  entre  Arnaud,  abbé  de  Léoncel,  et  les 
religieux  de  ce  monastère,  d'une  part,  et  Guillaume,  prieur  de  Saint- 
Félix  et  les  chanoines  réguliers  de  cette  maison,  d'autre  part  :  on 
discutait  sur  la  portion  des  dîmes  et  autres  revenus  que  les  religieux 
de  Léoncel  devaient  abandonner  aux  chanoines  de  Saint-Félix  dans 
la  petite  paroisse  de  Saint-Martin  d'Alamenc  (2).  Bernard,  prieur  du 
Val-Sainte-Marie  de  Bouvantes,  que  les  deux  parties  choisirent  pour 
arbitre,  décide,  le   7  juillet  1243  Q^^  l'église  d'Alamenc  sera  placée 

auditis  hinc  inde  propositis,  scilicet  peiitionibus,  responsionibus...,  ita  statuimus... 
ut  cum  abbas  Sancii  Felicis  de  novo  creatus  fuerit  in  ecclesia  Valentinensi,  cum 
primo  ad  ecclesiam  Sancti  Felicis  venerit,  prior  et  canonici  Sancti  Felicis  eum 
processionaliter  et  honorifice  suscipiani,  et  eadem  die  cum  decem  sociis  et  cum 
totidem  servientibus  splendide  procurent.  Postea  vero,  ex  quo  semel  dictus  abbas 
Sancti  Felicis  de  novo  creatus  receptus  et  procuratus  fuerit  a  priore  Sancti  Felicis, 
ut  prediximus,  idem  abbas  Sancti  Felicis,  nuUo  jure,  nulla  consuetudine,  nulla 
ratione  aliquam  possit  petere  vel  exigere  procurationem  in  domo  predicta.  Imo 
domus  Sancti  Felicis  ab  omni  procuratione  abbati  Sancti  Felicis  facienda,  dum 
abbatiam  tenuerit,  sit  libéra  et  immunis.  Statuimus  etiam  et  diffinimus  et  man- 
damus  ut  dictus  prior  et  successores  sui,  nomine  domus  Sancti  Felicis,  pro  predictis 
rancuris  sopitis  et  determinatis,  prout  superius  est  expressum,  singulis  annis  pres- 
lent  triginta  solidos  Vaientinensis  monete  abbati  Sancti  Felicis  in  festo  Sancti 
Andrée  persolvendis,  prêter    sexagenta  solidos  quos  eidem  abbati   faciunt  in  eodem 

festo Acta  sunt    hec  anno  Domini  M°CC°XL°II,  mense  novembri,  in  domo  pon- 

titîcali,  in  superiori  caméra  turris  que  respicit  aquilonem,  presenlibus  et  ad  hoc 
vocatis  testibus  B.,  priore  V'aJlis  Sancte  Marie,  et  Arberto  decano  Valent.,  et  Pon. 
vicario  Valent.,  Aiqùtno,  magistro  Raimundo,  Andréa  Galterii  ebdom.,  Bertrando  de 
Stella,  Bertrando  de  Belregart,  canonicis  Sancti  Apollinaris  et  pluribus  aliis...  » 

(1)  WURSTKMBERGER,   t.    IV,  n°    159. 

(2)  L'église  de  St-Martin  d'Alamenc  ou  d'Alemenc  existe  encore  ;  elle  est  située 
dans  la  commune  de  Chatuzinges,  au  midi  du  hameau  du  Papelissier.  Cette 
petite  paroisse,  dont  le  nom  se  rencontre  dès  le  X\' siècle  (Cartulaire  de  Saint- 
Barnard,  n°  111),  fut  unie  le  i8  juillet  1293  P^'"  J^^"  de  Genève,  évêque  de 
Valence  et  de  Die,  à  celle  de  Saint-Mamans,  à  la  charge  par  le  prieur  de  celle-ci 
d'y  aller  chaque  semaine  célébrer  la  messe  une  fois  (Cartulaire  de  Léoncel,  p.  284.) 


yo  QUARANTE  ANNEES   DE  L  HISTOIRE    DES 

SOUS  la  dépendance  des  moines  de  Léoncel  ;  ceux-ci  devront  s'en- 
gager en  outre  à  faire  au  chapitre  de  Saint-Barnard  de  Romans  la 
rente  annuelle  de  5  sous  et  d'un  quartal  de  miel,  à  laquelle  l'église 
d  Alamenc  était  tenue,  et  à  donner  annuellement  aux  chanoines  de 
Saint-Félix,  à  raison  des  dimes  de  la  paroisse,  5  sétiers  de  froment 
et  5  sétiers  de  seigle,  mesure  de  Romans.  Philippe  approuva  ce 
règlement  et  y  fît  apposer  son  sceau  (  i). 

Vers  ce  temps-là  Philippe  de  Savoie,  dont  la  science  en  matière 
religieuse  était  fort  superficielle,  eut  la  pensée  de  se  démettre  de 
sa  charge,  afin  de  pouvoir  sans  doute  se  rendre  dans  quelque  grande 
université  et  y  compléter  ses  études.  Il  s'en  ouvrit  au  pape  Inno- 
cent IV,  qui  ne  put  qu'applaudir  à  cette  généreuse  intention  et  écrivit 
du  Latran  le  8  mai  1244  à  l'archevêque  de  Vienne  pour  lui  faire  part 
des  projets  de  l'élu  de  Valence,  l'autorisant  à  le  dégager,  dès  qu'il 
en  serait  requis,  des  liens  qyi  l'unissaient  à  son  Eglise  et  à  permettre 
au  chapitre  de  \'alence  de  procéder  à  une  nouvelle  élection  (2). 
Notre  prélat  ne  donna  pourtant  pas  suite  à  ces  projets  d'étude,  et  il 
faut,  probablement,  chercher  dans  les  graves  événements  survenus 
alors,  les  motifs  qui  le  déterminèrent  à  rester  à  Valence  ;  peut-être 
aussi  cette  ardeur  à  s'instruire  n'était-elle  chez  lui  qu'un  effet  de 
cette  nature  inquiète  et  changeante,  qui  se  manifeste  pour  ainsi 
dire  à  chaque  instant  dans  le  cours  de  sa  singulière  existence. 

Aymar  III  de  Poitiers,  qui  avait  succédé  vers  l'année  1232  à  son 
aïeul  le  comte  Aymar  II,  sut  profiter  des  moments  de  paix,  dont 
l'avait  laissé  jouir  Guillaume  de  Savoie,  pour  accroître  et  consolider 

(i)  U.  Chevalier,  Cartulaire  de  l'abbaye  de  N.-D.  de  Léoncel,  n°  132,  p.  130-1. 
Le  sceau  do  Philippe  se  trouve  encore  suspendu  à  la  charte  :  il  est  ogival  (60  mill.); 
agneau  pascal  à  gauche,  retournant  la  tête,  croi.x  de  résurrection,  dont  la  bande- 
rolle  flotte  à  droite  ;  légende:  f  S.  PHILIPPI  :  PROCVRATORIS  :  ECCE  :  VA- 
LENTIXE.  —  Il  e.xiste  encore  une  bulle  en  plomb  de  Philippe  de  Savoie  ;  on  la 
trouve  au  bas  d'une  charte  de  liouvantes,  datée  de  décembre  1256  (Archives  de  la 
Drôme;  fonds  de  Mouvantes)  ;  elle  mesure  36  millim.  de  diamètre;  on  lit  d'un 
côté  :  PHILIPPVS  :  PROCVRATOR  ;  ECCLIE  :  VALENT  .  ;  on  voit  de  l'autre 
un  ecclésiastique  en  pied,  revêtu  de  l'aube,  tenant  entre  les  mains  appuyé  sur  sa 
poitrine  le  livre  des  Evangiles  :  à  sa  droite  l'alpha  et  à  sa  gauche  l'oméga. 

(2)  Elie  Berger.  Op.  cit.,  n"  650.  —  Pottiiast,  n°  1  13475.  —  Callia  chvisliaiia, 
tom.  XVI,  preuves,  col.  117.  «  Litteric  dilecti  filii  Ph.  de  Sabaudia,  procuratoris 
ecclesiœ  Valentinensis,  quas  solita  benignitate  recipimus,  nobis  cxhibita;  contine- 
bant  quod  idem  cupiens  adipisci  scientia;  margaritam,  adeo  est  litterarum  studio 
et  aliis  negociis  occupatus,  quod  ipsius  curam  ecclesia:)  ncquit  ut  e.xpedit  exer- 
ccre » 


ÉvÊQUES  DE  Valence  au  moyen  âge.  5g 

sa  puissance  dans  nos  pays.  Se  souvenant  qu'il  était- feudataire  de 
l'empire,  il  rendit  visite  à  l'empereur  Frédéric  II,  à  Haguenau,  au 
mois  de  décembre  1235  (i)  ;  il  était  du  reste  désireux  de  se  ménager 
les  faveurs  de  ce  prince  et  d'en  obtenir  de  nouvelles  concessions. 
Quelque  temps  après,  il  resserrait  les  liens  d'amitié  qui  l'unissaient 
déjà  à  son  parent  Raymond  de  Toulouse,  et  s'en  faisait  au  besoin 
un  protecteur:  par  un  acte  du  9  avril  123g,  il  reprenait  en  fief  de 
ce  puissant  seigneur  une  vingtaine  de  châteaux  ou  terres  seigneu- 
riales, situées  au-delà  du  Rhône,  et  que  les  Poitiers,  ses  ancêtres, 
avaient  presque  toutes  possédées  librement  et  allodialement  (2).  Dans 
l'énumération  de  ces  terres  figure  celle  du  Pouzin,  qu'il  avait  ac- 
quise l'année  précédente  d'Arnaud  et  de  Pierre  du  Pouzin,  à  qui  il 
donna  en  échange  les  châteaux  de  Montoison  et  d'Upie  ('^).  Le  10 
avril  1244,  il  s'engageait  à  donner  en  mariage  sa  fille  Philippine  en- 
core enfant  à  Hugues,  fils  aîné  de  Barrai  de  Baux,  et  en  cas  de  décès 
de  celui-ci,  à  Bertrand,  fils  cadet  de  Barrai  (4).  Dès  qu'il  se  sentit 
assez  fort  et  qu'il  jugea  le  moment  opportun,  fidèle  à  la  vieille  po- 
litique de  sa  maison,  il  recommença  la  lutte  contre  les  évêques  de 
Valence,  en  qui  il  voyait  de  redoutables  rivaux,  des  voisins  incom- 
modes, qui  le  gênaient  dans  ses  projets  d'agrandissement  et  d'orga- 
nisation définitive  du  comté  de  Valentinois.  De  nouveau,  les  mal- 
heurs de  la  guerre  furent  déchaînés  sur  le  pays.  On  déploya,  paraît- 
il,  de  part  et  d'autre,  une  égale  violence,  une  égale  opiniâtreté.  Le 
jeune  et  fougueux  Aymar  se  montrait  peu  scrupuleux  observateur 
des  trêves,  que  les  deux  partis,  lors  de  la  lutte,  consentaient  parfois 
à  s'accorder:  l'évêque,  de  son  côté,  au  dire  du  comte,  aurait  refusé 
la  médiation  de  l'empereur.  Nous  reproduisons  plus  loin  le  docu- 
ment qui  nous  fera  connaître  les  reproches  que  s'adressaient  mu- 
tuellement, dans  ces  circonstances,  l'évêque  et  le  comte,  ainsi  que 
les  causes  occasionnelles  du  conflit.  La  cause  première  et  véritable 
était  cette  rivalité  d'intérêts  et  de  puissance  que  nous  avons  signalée. 
Un  événement  imprévu  obligea  tout  à  coup  l'élu  de  Valence  à  sus- 
pendre le  cours  des  hostilités  et,  bien  que  les  chances  de  la  guerre 
fussent  de  son  côté,  il  proposa  la  paix  au  comte  Aymar,  s'en  rap- 
portant pour  les  conditions  d'un  traité  à  la  sagesse  de  l'archevêque 

(i)  Teulet,  Layettes  du  trésor  des  chartes,  n°  2413. 

(2)  Teulet,  Layettes  du  trésor  des  chartes,  n°  2787. 

(3)  Archives  de  la  Drôme,  E,  605. 

(4)  Barthéle.my,  Inventaire  des  chartes  de  la  maison  de  Baux,  n"   313. 


6o  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

de  \'ienne  et  du  prince  d'Orange.  Philippe  de  Savoie  était,  en  effet, 
appelé  en  toute  hâte  en  Italie,  où  Frédéric  II  devenait  de  jour  en  jour 
plus  menaçant  pour  la  papauté  ;  Innocent  IV,  qui  connaissait  les 
talents  militaires  de  l'élu  de  Valence  et  la  haute  influence  que  lui 
donnaient  ses  relations  de  parenté  avec  les  cours  de  France  et  d'An- 
gleterre, voulait  confier  à  son  épée  la  garde  de  sa  personne  et  la 
défense  des  intérêts  sacrés  de  l'Eglise. 

(La  suite  au  prochain  numéro). 

Jules  CHE\'AL1ER. 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 

DE 

8AINT-AGNAN-EW-eC0RS 

(DROMEj. 

(Suite). 


Le  31  mai  1654,  le  consul  Benoît  Duserre  donne  «  à  pri.x;  faict  à 
construire  et  reédifier  les  murailles  du  cimetière  de  l'esglise  parrois- 
sielle  dudict  St-.\gnan,  tout  à  l'entour  d'icelluy,  où  besoin  sera,  à 
Claude,  Jan  et  autre  Claude  Bergiers  ,  mestres  massons  dud. 
lieu,  »  pour  le  prix  de  94  livres  10  sols.  L'ouvrage  sera  fini  avant  la 
Toussaint  suivante.  La  communauté  fournira  toute  la  chaux,  et  les 
«  prifacteurs  toute  sable  et  pierre  nécessaires,  ensamble  de  lauses 
pour  couvrir  icelles  murailles  tout  autour  dud.  cimetière,  qui  seront 
tirées  par  lesdicts  Bergiers,  et  le  charroy  d'icelle  faict  par  la  commu- 
nauté. Mais,  quand  à  celuy  des  pierres  et  sable,  sera  faict  aux  fraix  » 
des  Bergier.  Les  murailles  «  seront  de  l'auteur  de  la  terre  dudict 
cimetière  et  de  trois  demy  pied/,  de  largeur  au  fondement  et  senti- 
nement.  » 

Les  dernières  dates  auxquelles  nous  trouvons  Armand  curé  de 
Saint-Agnan  sont  les  17  et  23  septembre  1658.  Le  17,  l'évêque  visi- 
tait  l'église,  et  son   rapport   nous  dit  en  quel  état  étaient  celle-ci  et 


SAINT-AGNAN-EN-VERCO[{S.  6l 

les  choses  du  culte.  Le  cimetière  était  clos,  la  maison  curiale  restau- 
rée, les  murailles  et  le  couvert  de  l'église  en  assez  bon  état,  la  nef  et 
le  sanctuaire  blanchis,  les  meubles,  vases  et  ornements  sacrés  dans 
un  état  convenable  ;  mais  le  vieux  tableau  de  toile  peinte  représen- 
tant St-Agnan  et  servant  de  devant  d'autel,  n'avait  qu'un  cadre 
rompu  ;  et  les  deux  cloches,  dont  l'une  d'environ  2  quintaux  et  l'au- 
tre d'environ  50  livres,  continuaient  à  attendre,  dans  leur  niche  sur 
la  porte  de  l'église,  que  le  clocher  sortît  de  ses  ruines.  Le  23,  Jean 
Gautier  de  la  Tour,  châtelain  du  Vercors  et  élu  ouvrier  de  l'église, 
requérait  Armand  de  lui  remettre  entre  les  mains  les  ornements  de 
l'église.  L'évêque  avait  bien  donné  à  Gautier  pouvoir  et  ordre  dans 
ce  sens.  Le  curé  répondit  qu'il  s'expliquerait  sui"  cela  avec  l'évêque  ; 
qu'en  attendant,  il  gardait  tout,  sauf  à  s'en  désaisir  quand  il  quitte- 
rait la  cure. 

Le  plus  clair  dans  tout  cela,  c'est  que  l'harmonie  avait  décliné 
entre  le  curé  et  les  gens.  Peut-être  cet  état  de  choses  fut-il  cause  de 
la  disparition  d'Armand  de  cette  paroisse,  où  depuis  1661  jusqu'à 
mars  1664  nous  trouvons  de  nouveau  un  simple  curé  commis,  du 
nom  de  Pierre  Maurensane,  qui  lui-même  avait  cédé  la  place  avant  le 
12  août  1665  à  un  curé  en  titre,  Jean  Desaifres,  prêtre  du  diocèse 
de  Mende,  bachelier  en  droit  canon. 

Ce  nouveau  curé  compléta  l'œuvre  de  restauration  des  édifices 
paroissiaux.  Dès  le  i"  mai  1666,  grâce  à  son  influence,  Jacques 
Gauthier  de  la  Chau,  consul,  exposait  en  conseil  «  comme  il  estoit 
très  nécessaire  de  rebâtir  à  neuf  le  presbitaire  »  fc'est-à-dire  le 
sanctuaire)  de  l'église  «  paroissiele  dud.  lieu,  estant  prest  de  tumber 
en  ruyne,  voire  mesme  rebâtir  le  clocher  d'icele  église,  ayant  esté 
demoly  depuis  sy  longtamps  qu'il  n'en  est  mémoire  d'homme,  ainsin 
qu'il  estoit  et  que  la  masure  qui  y  est  encore  represante,  le  tout 
pour  la  plus  grande  gloire  de  Dieu.  »  Sur  cette  «  remontranse  et 
proposition,  il  fut  conclud  et  délibéré  de  se  faire,  comme  des  bons 
et  fidèles  chrestiens  et  catholiques  romains,  et  d'en  paser  le  prix 
faict  »  à  des  «  mestres  masons  et  architectes  capables  de  se  faire,  à 
qui  feroit  la  condition  meilleure  à  l'utilité  du  publiq  et  communauté 
dud.  St-Agnan.  »  «  Moyse  Dos,  mason  et  architecte  habitant  de  la 
ville  de  Die,  »  s'offrit  pour  faire  l'ouvrage,  et,  le  4  juin  suivant,  par- 
devant  «  Jan  de  Gauthier  de  la  Tour,  capitaine  châtelain  de  la 
valée  du  Vercors  et  Vasieu,  »  le  consul,  «  acisté  de  Messire  Jean  des 
Aifres,  »  curé  du  lieu  et  de  quelques   notables,  convenait  avec  Dos 


02  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

comme  suit  :  «  Dos  relèvera  et  rebâtira  à  neuf  le  sanctuaire  et  le 
clocher  de  leur  église  paroisiele  sise  au  bourg  dudict  St-Agnan.  » 
Il  agrandira  le  sanctuaire  de  2  cannes,  en  fera  la  voûte  bien  et 
dûment,  prendra  «  de  bons  fondemens  de  muraille  à  chau  et  sable 
qui  lui  seront  fournis,  ensemble  tous  autres  matériaux  nécessaires, 
par  led.  sieur  consul  et  communauté,  et  de  l'auteur  de  l'église,  dans 
lequel  il  fera  une  secrestie  et  deux  portes  de  pierre  de  taille,  l'une  des 
quelles  sera  en  dehors  du  costé  du  levant,  avec  une  fenestre  en  voûte 
d'hauteur  et  largeur  convenables.  La  voûte  delà  secrestie  sera  faicte 
en  caréaux,  et  celé  du  choeur  en  rond  et  de  touve  ;  le  couvert  sera 
faict  de  boys  et  essandons.  »  Quant  au  clocher,  Dos  «  prendra  les 
fondemens  sur  les  vieux,  s'ils  sont  en  état  et  de  la  mesme  grandeur 
et  profondeur,  fera  les  murailles  de  la  largeur  des  vieilles  masures  ; 
la  première  voûte  d'icelu}',  la  fera  en  pierre,  et  les  autres  planchers 
seront  de  boys  ;  iceles  murailles  de  l'autheur  de  la  vieille,  à  trois 
courdons,  avec  une  petite  fenestre  en  chesque  courdon,  avec  des 
fenestres  doubles  de  pierre  de  taille  en  chèque  fase  dudict  clocher, 
qui  sont  quatre,  avec  des  degrés  de  boys  en  dedans  pour  aller  aux 
cloches,  qui  seront  posées  par  ledict  Dos.  L'éguille  d'iceluy  clocher 
sera  faicte  de  bois,  qui  demeure  à  faire  par  la  communauté,  à  la 
décharge  du  prix  facteur.  >j  Le  travail  sera  fini  dans  les  deux  ans  à 
courir  depuis  la  Toussaint  prochaine.  Le  prix  est  fixé  à  1200  livres 
»  valeur  de  l'ordonnance.  «  Dos  ne  pourra  se  servir  0  d'aucun 
mason  de  Vercors  pour  la  masOnerie,  attandu  qu'ils  ne  sont  capa- 
bles de  se  faire.  »  Il  pourra  «  prendre  de  pierre  pour  la  taille  là  où 
il  en  trouvera  de  propre,  »  et  elle  sera  charriée  sur  place  par  les 
habitants.  Puis,  on  revient  sur  ce  qui  a  été  dit  de  la  sacristie,  et  on 
convient  que  celle-ci  «  sera  au-dessous  et  au  bas  du  clocher,  et  la 
voûte  qui  y  sera  faicte  servira  pour  icele  secrestie  et  posera  la  fenes- 
tre en  icele  du  costé  du  vant  pour  lui  donner  jour,  qui  sera  de  pierre 
de  taille,  et  se  servira  de  sele  qu'il  trouvera  propre,  et  fera  le  cor- 
don d'en  bas,  qui  est  le  quatriesme,  de  la  mesme  forme  que  le  vieux 
se  trouve  à  présant  ;  »  et,  «  parse  qu'il  y  faut  deux  portes  de  taille, 
luy  »  sera  payé  15  livres  en  sus  des  1200  susdites.  L'acte,  reçu 
Gauthier  notaire,  fut  fait  à  Saint-Agnan,  en  la  maison  curiale. 

Le  tout  fut  exécuté,  et,  le  7  août  1689,  Armand  de  Montmorin, 
visitant  St-Agnan,  y  était  reçu  par  Jean  Desaifres  et  y  trouvait  une 
église  convenable  et  bien  meublée.  Il  y  remarqua  surtout  le  sanc- 
tuaire «  voûté  en  forme  ronde,  »  et  au  milieu  duquel  était  un    autel 


SAINT-AGNA.\-EN-VERCORS.  63 

en  maçonnerie  de  5  pieds  de  long  sur  3  de  haut  et  2  i,  2  de  large, 
corniche  non  comprise  ;  près  du  sanctuaire,  «  une  très  belle  sacris- 
tie avec  une  garde  robbe  pour  tenir  les  ornements,  un  autel  de  bois 
sur  lequel  le  prêtre  »  s'habillait  ;  et  «  le  clocher,  une  espèce  de  tour 
carrée  en  pointe,  parfaitement  beau,  dans  lequel  il  y  »  avait  «  une 
cloche  de  trois  quintalz  et  une  seconde  du  pois  de  30  livres.  »  Il  dut 
cependant  prescrire  de  faire  planchéier  l'église  avec  des  ais  en  sapin 
et  «  enduire  la  pointe  du  clocher  de  la  chau  dure,  d'autant  qu'elle 
menaçait  une  ruine  inévitable  (i).  » 

Après  Desaifres,  Saint-Agnan  eut  Juge  pour  curé  commis  en  1691 , 
puis  Berthon  pour  prieur-curé  (2). 

En  1698,  l'évêque  ayant  créé  un  nouvel  archiprêtré,  celui  de  Ver- 
cors,  divisa  celui-ci  en  deux  assemblées  de  conférences,  dont  la 
première  comprenait  les  paroisses  de  Vassieux  et  du  Vercors,  la 
seconde  les  paroisses  du  Royans.  Or,  le  prélat  établit  le  sieur  de 
Saint-Aignan  pour  archiprêtré  de  \  ercors,  et  la.  première  assemblée 
eut  pour  président  M.  le  curé  de  Saint-Aignan  (3). 

Marc-Antoine  Desaifres,  originaire  du  diocèse  de  Die,  vicaire  de 
St-Agnan  en  septembre  1700,  en  était  curé  titulaire  dès  1701,  à 
l'âge  de  27  ans,  et  y  mourait  après  le  10  octobre  1728.  Puis  François 
Vamberkel,  prêtre,  docteur  en  théologie,  chanoine  de  Die,  vicaire 
général  et  officiai  de  Gabriel  de  Cosnac,  évêque  de  Die,  devenait 
avant  le  8  octobre  1729  prieur  de  St-Agnan,  où  il  était  reçu  lui- 
même,  dans  la  visite  canonique  qu'il  y  faisait  le  dit  jour,  par  Jac- 
ques Champoussin,  prêtre  du  diocèse  de  Glandèves,  et  Jean  Frison, 
prêtre  du  diocèse  de  Senez,  commis  au  service  de  la  paroisse. 

Avant  mars  1733,  Pierre  Armand,  prêtre  du  diocèse  de  Grenoble 
pourvu  du  prieuré-cure,  réside  et  remplit  sa  charge;  puis,  le  2 
juillet  1741,  «  affligé  de  maladie  corporelle,  et  par  la  crainte  de  la 
mort,  »  il  charge  un  procureur  de  &  remettre  et  résigner  entre  les 
mains  de  Monseigneur  le  vice-légat  d'Avignon  »  le  «  prioré-cure  de 
St-Agnan,  »  pour  «  en  être  pourveu  par  mondit  seigneur  le  vice- 
légat  telle  personne  que  bon  lui  semblera.  »  11  meurt  avant  le  i8  du 
mois  suivant. 

Après  un   intérim  fait  par  Marc-Antoine  Algoud,  qui  était  «  curé 

(i)  Minut.  cit.,  passim;  —  Arch.  de  la  Drôme,  E,  6652  ; 'oisi/es  de  Die.  et  fonds 
de  St-Agnan  ;  —  Mairie  de  St-Agnan,  terrier  de  1778,  f.  43. 

(2)  Reg.  de  cathol.  de  St-Martin-en-V.  — Archiv.  de  la  Dr.,  B,  691. 

(3)  Ordon.  synod.  du  dioc.  de  Die  ('Grenoble,   1698),  pp.  40,  56. 


64  HISTOIRE    RELIGIF.USE    DE 

commis»  de  St-Agnan  le  16  août  1741.  «  M''  François  Armand, 
prêtre  du  diocèse  de  Gap,  cy-devant  vicaire  amovible  au  lieu  de  la 
Chapelle-en-Vercors,  prétendait  au  prieuré -cure.  Il  en  avait  été 
pourvu  en  la  légation  d'Avignon,  le  4  juillet  de  ladite  année,  sur  la 
résignation  de  Pierre  Armand  ;  ses  provisions  avaient  été  insinuées 
et  contrôlées  à  Die  le  15  août,  et  un  décret  sur^requête  au  visénéchal 
de  Crest  du  lendemain  lui  avait  permis  de  prendre  possession  civile 
du  bénéfice.  Par  suite,  le  18  du  même  mois,  François  Armand  était 
mis  en  possession  civile  par  Pierre  Ferlin,  notaire.  Mais  M.  de  Zom- 
berghe,  vicaire  général  de  l'évêque  de  Die,  avait,  le  16  juillet  de  la 
même  année,  pourvu  du  prieuré-cure  de  St-Agnan  Pierre  Sclafert  de 
Larode,  prêtre  du  diocèse  de  Limoges,  aumônier  et  secrétaire  de 
cet  évêque,  et  Hugues  Penin,  prieur-curé  de  St-Julien-en-Vercors, 
avait  mis  le  17  le  nouveau  prieur  en  possession  de  son  bénéfice. 
François  Armand  dut  céder,  et  Sclafert  de  Larode  administra  en 
paix  sa  paroisse  pendant  16  ans. 

Celui-ci,  «  estant  dans  son  lict  détenu  de  maladie  corporelle,  » 
le  8  avril  1752,  fait  un  testament  par  lequel  il  «  donne  pour  aumône 
aux  pauvres  dudict  St-Agnan  toutes  denrées  qu'il  se  trouvera  dans 
sa  maison  à  son  deceds  ;  charge  son  héritier  de  faire  dire  inconti- 
nent après  son  dict  deceds  cent  messes  de  Requiem  pour  le  repos  de 
son  âme;  donne...  à  la  fabrique  établie  dans  l'église  dudict  St- 
Agnan,  à  l'authel  de  St-Joseph  et  à  celuy  de  Notre-Dame  dans 
ladicte  église,  la  chazuble  et  autres  asortiments  qui  l'acompagne, 
dauré  des  amdes  en  or,  pour  en  jouir  en  commun  à  perpétuité  ; 
donne  à  la  confrérie  des  Pénitents  dudict  St-Agnan  »  la  somme  de 
24  livres  ;  lègue  «  à  dame  Anne  de  Brunerie  sa  mère,  et  ^à  noble 
François  de  Sclafert  de  Larode  son  frère,  rézidant  dans  la  ville  de 
Turaine  au  Bas-Limozin,  et  par  égalle  par  et  moytié,  tous  les  droits 
qu'ils  peuvent  compctter  audict  testateur,  paternel,  légitime  suplément 
d'icelle  et  autres  en  son  pays,  pour  les  jouir  incontinant.  >■>  Il  fait  son 
héritier  universel  pour  tout  le  reste  Antoine  Bernard,  prieur-cure  de 
St-Julien-en-Vercors.  Il  est  archiprêtre  du  Vercors  en  juin  1755. 

Nous  avons  de  lui  un  testament  postérieur,  du  30  juin  1756.  Il  y 
lègue  à  la  fabrique  de  l'église  30  livres  ;  à  chacune  des  confréries 
des  Pénitents  du  St-Rosaire  et  de  St-joseph,  30  livres  ;  à  Anne  de 
Brunerie  sa  mère  et  à  noble  François  Sclafert  de  Larode  son  frère, 
par  égale  part,  ses  droits  légitimes  paternels.  II  fait  son  héritier 
universel  pour  tout  le  reste  «  l'hôpital  dudict  St-Agnan  »  (i). 

(i)  Arch.  cit.,  B,   1178,   i  197,   i22<),ct  visites  cit..  ;  —  .Minut.  c\\..,  passim. 


SAINT-AGNAN-EN-VERCORS.  65 

Il  eut  pour  successeur  Pierre-Joseph  de  la  Cour,  précédemment 
curé  d'Aurel,  diocèse  de  Die,  et  âgé  de  65  ans,  qui,  pourvu  du  prieuré- 
cure  de  St-Agnan  par  l'évêque  de  Die  le  20  novembre  1757,  en  fut 
mis  en  possession  le  27  du  même  mois  par  Charles  Désandrés, 
curé  de  la  Chapelle. 

Le  nouveau  prieur  résida  aussi  à  St-Agnan  et  y  remplit  les  fonc- 
tions curiales.  Son  testament  du  28  novembre  1761  donne  une  haute 
idée  de  sa  vertu  et  de  sa  charité.  Il  y  élit  sa  sépulture  dans  Téglise 
de  St-Agnan  «  s'il  y  décède.  »  II'  donne  à  la  fabrique  de  l'église  15 
livres;  à  l'autel  de  Notre-Dame,  15  livres  ;  à  celui  de  St-Joseph  15 
livres;  à  celui  des  Pénitents,  15  livres,  «  à  la  charge  par  les  confrères 
dud.authel  d'assister  à  son  enterrement  et  défaire  prier  Dieu  pour  le 
repos  de  son  àme.  »  Il  veut  qu'il  soit  dit  200  messes  basses  pour  le 
repos  de  son  âme  ;  que  son  héritier  donne  «  à  quatre  pauvres,  dont 
deux  de  ceux  qui  sont  dans  l'hôpital  et  deux  de  ceux  de  la 
paroisse,  »  à  «  chacun  une  aune  et  demy  de  drap  de  pays,  lesquels 
pauvres  assisteront  avec  ce  à  l'enterrement  ;  »  qu'il  distribue  une 
aumône  aux  pauvres  de  la  paroisse  le  jour  de  l'enterrement  ou  le 
surlendemain.  II  donne  à  son  ancienne  paroisse  d'Aurel  la  somme  de 
120  livTes  à  employer  pour  une  mission  audit  lieu,  ou  à  une  aumône 
au  choix  de  .l'évêque  ;  et  il  veut  qu'on  célèbre  pour  le  repos  de  son 
âme  un  service  solennel,  à  la  fin  de  la  mission,  dans  l'église  d'Aurel. 
II  lègue  à  Jean-Pierre  de  la  Cour,  son  neveu,  clerc  tonsuré,  la  som- 
me de  60  livres  de  pension  annuelle  et  viagère  ;  à  Marie-Anne  de  la 
Cour,  sa  nièce,  épouse  d'Etienne  Roux,  de  Montguers,  400  livres  ; 
à  Brigide  de  la  Cour  son  autre  nièce,  épouse  d'Antoine  Faraud,  de 
Beauvolsin,  400  livres;  à  Marie-Anne  Serre,  sa  nièce,  de  Rousset 
en  Comtat,  100  livres  ;  à  Marie-Marguerite  Voulet,  sa  nièce,  épouse 
de  Jean-Pierre  Thomé,  de  Saillans,  150  livres;  à  Marguerite  Bar- 
thélémy, sa  servante,  24  livres,  «  sans  rien  déroger  à  ses  gages,  et 
deux  petits  draps  de  toile  de  pays,  et  cela  dans  le  cas  que  la  légua- 
taire  soit  au  service  du  sieur  testateur  à  son  déceds,  et  non  autre- 
ment. »  11  institue  «  pour  son  héritier  général  et  universel  l'hôpital 
dudict  St-Agnan.  »  Fait  à  «  St-Agnan,  dans  la  maison  curialle, 
aux  presances  de  M'' Thomas  Duc,  prêtre  du  lieu  de  La  Roche,  dio- 
cèze  d'Ambrun,  vicaire  dudict  St-Agnan,  Jean-Baptiste  Raillon, 
maréchal,')  etc. 

Le  bon  curé  est  qualifié  d'  «  archiprêtre  du  canton  »  dans  un  acte 
du  26  janvier  1763.  Dans  ce  même  acte  il  fait  d'abord  observer  qu'il 

Bull.  IX, 


66  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

avait  desservi  pendant  34  ans  la  paroisse  d'Aurel,  quand  l'évêque  le 
pourvut  de  la  cure  de  St-Agnan  ;  puis  il  se  dit  «  âgé  de  71  années, 
accablé  de  maladie  et  d'infirmités  que  les  médecins  ont  jugées  incu- 
rables et  qui  ne  lui  permettent  pas  de  sortir  de  sa  chambre  depuis 
13  mois,  qu'il  se  trouve  parla  dans  l'impossibilité  absolue  de  pou- 
voir jamais  remplir  aucunes  de  ses  fonctions  curialles.  »  11  ajoute 
ensuite,  que,  vu  cela  l'évêque  a  dû  commettre  un  prêtre  pour  des- 
servir St-Agnan,  et  a  fait  proposer  audit  sieur  de  la  Cour  de  se 
démettre  de  cette  «  cure  sous  une  pention,  attendu  ses  infirmités  et 
son  long  service  dans  ce  diocèze,  et  qu'il  ne  jouit  d'aucun  autre 
beneffice  que  d'une  chapelle  scituée  dans  la  paroisse  d'Orel,  diocèze 
de  Dye,  qui  ne  lui  produit  que  7  livres  4  sols  chaque  année.  » 
Adhérant  à  cette  proposition,  notre  curé,  par  cet  acte  du  26  janvier 
1763,  constitue  un  procureur  pour  résigner  en  son  nom  «  ladicte 
cure  »  entre  les  mains  du  pape  ou  de  son  chancelier,  et  cela  seule- 
ment en  faveur  de  Jacques  Garnier  des  Hières,  originaire  de  \^er- 
noux,  diocèse  de  Viviers,  curé  de  Mirabel,  diocèse  de  Die,  et  titulaire 
d'une  «  chapelle  sous  le  vocable  de  St-Severain  »,  située  dans  l'église 
paroissiale  dudit  Vernoux,  qui  produit  environ  200  livres  de  rente 
par  an.  Mais  il  se  réserve  sur  les  revenus  de  la  cure  de  St-Agnan 
une  pension  annuelle  et  viagère  de  500  livres,  franche  et  exempte 
de  toutes  charges  ordinaires  et  extraordinaires  imposées  et  à  impo- 
ser par  le  roi  ou  le  clergé,  ou  autres  quelconques.  Cet  acte  fut  fait 
à  St-Agnan,  témoins  «  Jean  Ode  de  Bonniot  de  Latour,  »  sieur  de 
St-Julien  et  «  Thomas  Duc,  deservant  lad.  paroisse  de  St-Agnan  en 
qualité  de  vicaire.  »  Il  fut  reçu  par  Ferlin  notaire  et  signé  par  De 
la  Cour,  qui  mourait  le  21  avril  suivant. 

L'affaire  eut  suite,  et  le  30  mars  de  la  même  année  Garnier  des 
Ilières  voyait  contrôlera  Grenoble  ses  provisions  obtenues  en  cour 
de  Rome.  Le  14  avril  l'évêque  de  Die  lui  donnait  l'institution  cano- 
nique, et  trois  jours  plus  tard,  le  17  avril  1763,  Antoine  Beynier, 
vicaire  de  St-Agnan,  mettait  son  curé  en  possession  du  prieuré- 
cure. 

Le  dernier  acte  connu  du  prieur-curé  Garnier  des  Hières,  qui 
résidait  et  remplissait  par  lui-même  les  fonctions  curiales  (i),  est 
une  reconnaissance  du  10  juillet  1778.  Notre  curé  y  reconnaît  tenir 

(i)  Minut.  cit.,  protoc.  Fer/m,  reg.  de  i  761-2,  f.  106-8;  de  1763-4,  f.  4-6  ;  etc.: 
—  Arch.  de  la  Dr.,  B.  1225,  1277. 


SAINT-AGNAN-EN-VERCORS.  67 

du  fief  et  directe  seigneurie  des  coseigiieurs  du  lieu  les  deux  prés  de 
la  cure  (i). 

Jacques  Garnier  des  Hières  .était  décédé,  et  M.  le  baron  de  Mira- 
val,  son  neveu,  en  avait  hérité,  quand  le  4  janvier  1787  Jacques- 
François  Roux,  prieur-curé  de  la  Chapelle  et  archiprêtre  du  canton, 
pour  remplir  une  commission  à  lui  mandée  le  8  décembre  1786, 
visitait  l'église  de  St-Agnan.  Or,  Roux  y  trouvait  pour  prieur  An- 
toine Oddos-Mazet,  successeur  immédiat  de  Garnier  des   Hières  (2). 

Oddos-xMazet,  né  à  Saint-iM.aunce-en-Trièves,  avait  alors  49  ans. 
C'était  un  fort  bon  prêtre.  Pendant  qu'il  remplissait  avec  zèle  ses 
devoirs  de  curé,  la  Révolution  portait  ses  décrets  iniques  contre  le 
clergé,  et  obligeait  le  curé  de  St-Agnan  à  quitter  sa  paroisse.  Aussi 
le  procureur-syndic  de  Die  portait-il  M.  Mazet  sur  l'état  des  prêtres 
réfractaires,  comme  ayant  disparu  du  pays,  au  27   octobre  1792  (3). 

Un  intrus  prit  la  place  du  vrai  pasteur.  Cet  intrus  était  P'rançois 
Michel,  originaire  de  St-Martin-en-Vercors.  Le  5  mai  1791,  «  prêtre 
et  vicaire  à  Die,  »  il  s'était  joint  à  André  Revol-Arnaud  et  à  Joseph 
Reymond  pour  acheter  des  biens  dits  nationaux  situés  à  St-Agnan 
et  ajdugés  par  le  district  de  Die.  Le  2  juin  suivant,  Revol-Arnaud, 
Reymond  et  Michel  se  subrogeaient  Jean  Jalifîer,  en  l'adjudication  à 
eux  faite,  pour  «  une  terre  et  prairie  jointe  ensemble  scituée  à  St- 
Agnan  et  au-dessous  du  village  de  l'église,  »  dépendant  des  biens 
nationaux  du  même  lieu,  «  sous  la  distraction  de  la  portion  de  ladite 
prairie  revenant.  »  au  curé  de  St-Agnan  «  pour  compléter  son  demy 
arpent  de  terre  à  lui  accordé  par  les  décrets  de  l'Assemblée  Natio- 
nale pour  son  jardin.  »  Puis,  le  12  avril  1793,  Revol-Arnaud  et 
Reymond  subrogeaient  en  leur  «  lieu  et  place  le  citoyen  François 
Michel,  prêtre  et  curé  résidant  à  Saint  Agnan»,  en  l'adjudication 
à  eux  faite,  le  cinq  mai  1791,  par  le  directoire  du  district  de  Die, 
«  d'une  prairie  scituée  aud.  lieu  de  Saint  Agnan  et  terre  y  jointe, 
dépendant  des  biens  nationaux,  »  du  lieu,  »  néantmoins  sous  les  dis- 
tractions de  la  portion  deprairie  scituée  aud.  Saint  Agnan,  au-dessous 
de  l'église,  qu'il  ont  cy  devant  subrogés  à  Jean  Jalifier.  »  Michel 
devait  prendre  possession,  le  jour  même,  desdites  prairies  et  terres, 
et  payer  avec  intérêts  au  receveur  du  district,  à  la  décharge  de 
Revol-Arnaud  et  de  Reymond,  tout  ce  qu'ils  pouvaient  lui  devoir. 

(i)  Mairie  de  St-Agnan,  terrier  de  lyyS,  f.  43. 

(2)  Arch.  cit.,  fonds  de  St-Agnan,  orig. 

(3)  Biillet.  d'hist.  eccl.  du  dtoc.  de  Valence,  I,  i  36. 


68  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

L'acte  fait  à  Tourtre,  fut  reçu  par  Guillot  notaire,  et  signé  par 
«  Michel,  curé(i).  » 

La  paroisse  ne  resta  pas  exclusivement  livrée  à  cet  intrus.  Blanc, 
ancien  curé  de  Jonchères,  y  travaillait  en  1799  avec  l'autorisation 
des  supérieurs  légitimes.  Le  8  mars  de  cette  année,  il  en  écrivait  à 
l'abbé  Fédon,  admistrateur  du  diocèse  de  Die  :  «  Je  ne  dois  pas  vous 
laisser  ignorer  que  j'ai  eu  bien  de  la  consolation  dans  la  première 
communion  que  j'ai  fait  faire  dimanche  dernier.  J'avais  52  enfants, 
dont  4  à  5  de  paroisses  voisines.  Cette  cérémonie  était  si  touchante 
que  non  seulement  eux,  mais  même  une  très  grande  partie  du  peu- 
ple y  ont  versé  beaucoup  de  larmes.  J'avais  une  affluence  étonnante 
de  monde.  Il  en  était  beaucoup  venu  des  paroisses  voisines.  On  se 
disait  les  uns  aux  autres  qu'on  avait  rien  vu  de  semblable  depuis 
plus  de  30  ans.  Dieu  veuille  bénir  ce  travail;  quoique  ce  ne  soit  pas 
à  moi  à  en  faire  l'éloge,  j'ai  cru  ne  pas  devoir  vous  le  laisser  ignorer. 

n  Le  sieur  Michel,  curé  intrus  de  cette  paroisse,  a  annoncé  la 
révocation  des  pouvoirs  de  Messieurs  Aubert  et  Testou,  vos  collè- 
gues. J'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire  que  ce  Monsieur  débitait  ici 
que  M.  Aubert  n'en  avait  jamais  eu;  qu'il  le  tenait  de  M.  Daniel, 
grand-vicaire  de  Grenoble,  à  qui  il  s'est  adressé  pour  sa  réhabili- 
tation. 

«  Comme  M.  Aubert  m'avait  confié  cette  paroisse,  ces  propos 
faisaient  jeter  du  louche  sur  les  mariages  que  j'ai  faits  ou  réhabilités. 
Il  y  a  même  des  personnes  qui  ont  encore  des  doutes.  Il  ne  me  reste 
plus  que  quatre  mariages  à  réhabiliter,  et  qui  le  seraient  sans  les 
propos  de  l'intrus.  Je  vous  demande  donc  des  éclaircissements.  » 

Le  9  avril  suivant,  M.  Blanc  écrit  de  nouveau  à  M.  Fédon  et  se 
plaint  de  l'intrus  Michel  qui,  dans  les  cabarets  du  pays  attaque  la 
légitimité  des  représentants  de  l'autorité  diocésaine.  Le  7  mars  de 
l'année  suivante  1796,  il  écrit  encore  à  M.  Fédon:  «  Je  dois  vous 
prévenir  qu'on  a  loué  le  dessous  de  l'appartement  que  la  Commu- 
nauté me  fournit  à  un  particulier  qui  y  a  élevé  un  cabaret...  J'y  suis 
insulté  à  tout  moment  ;  mes  plaintes  ne  sont  point  accueillies  de 
ceux  qui  pourraient  y  mettre  ordre.  Je  suis  décidé  à  me  retirer  au 
plus  tôt  chez  une  sœur,  dans  le  diocèse  de  Grenoble,  hormis  que 
vous  ne  trouviez  à  propos  que  je  ne  travaille  dans  les  paroisses  du 
Vercors  où  il  n'y  a  pas  de  prêtre  résidant...  » 

Autre  lettre  au  même,  du  28  du  même  mois  :  «  Malgré  toutes  les 

(i)  .Minut.  cit.,  protoc.  Guillot,  rec;.  de  1791-2  et  de  i  793-an  4. 


SAINT-AG1<IAN-EN-VERC0RS.  ÔQ 

peines  que  je  me  suis  données  pour  faire  faire  la  Pâque  dans  les 
paroisses  de  St-Agnan,  qui  expire  après-demain  suivant  la  coutume 
et  l'usage  du  pays,  il  me  reste  beaucoup  d'ouvrage  à  faire,  environ 
la  moitié.  J'espère  et  vous  prie  instamment  de  me  permettre  de  pro- 
roger pour  quelques  jours...  .  Je  vous  envoie  par  mon  neveu  30 
messes  à  12  sous,  faisant  18  francs  ;  lorsqu'elles  seront  acquittées,  je 
vous  en  procurerai  d'autres....  Si  M.  Martin  n'arrive  pointa  Rousset, 
je  vous  supplie  de  me  garder  ce  poste.  On  assure  que  M.  Mazet  est 
en  chemin  pour  reprendre  son  poste...  Vous  pourriez  me  faire  des- 
servir Rousset,  même  par  biscantat,  tout  le  temps  que  vous  dési- 
rerez. Ce  n'est  pas  l'intérêt  qui  me  guide,  puisqu'il  y  a  moins  là 
qu'ailleurs.  Les  habitants  me  désirent.  Si  ces  arrangements  ne  peu- 
vent pas  avoir  lieu,  je  compte  me  retirer,  à  l'arrivée  de  M.  Mazet, 
chez  ma  sœur,  où  je  pourrai  desservir  une  vicairie.  Dans  ce  cas-là, 
vous  aurez  la  bonté  de  m'en  accorder  la  permission....  » 

Poursuivi  à  cause  de  lettres  trouvées  sur  M.  Fédon,  Blanc  fut 
dénoncé  pas  son  propre  neveu,  et  arrêté,  le  22  novembre  1798, 
dans  les  montagnes  de  Sassenage  (i).  François  Michel,  l'intrus, 
quitta  de  son  côté  Saint-Agnan,  puis  renonça  à  toute  fonction 
ecclésiastique  et  devint  juge  de  paix  du  canton  de  la  Chapelle-en- 
Vercors,  ce  qu'il  était  en  novembre  1808  et  resta  longtemps.  M.  Ma- 
zet, revenu  de  l'exil,  rentra  à  St-Agnan,  où  il  exerçait  dès  novembre 
1800  les  fonctions  saintes.  Cependant,  deux  ans  plus  tard,  Jean- 
Baptiste-Louis  Serpeille,  ancien  curé  constitutionnel  d'Allan,  retiré 
en  Italie  sous  la  Terreur,  desservait  Saint-Agnan,  et  M.  xMazet 
mourait  le  27  avril  1803.  On  trouve  dans  les  registres  de  catholicité 
de  la  Chapelle  les  mots  suivants  écrits  de  la  main  de  «  Perrier,  curé 
provisoire  »  de  ce  lieu  :  «  .Antoine  Mazet,  âgé  d'environ  soixante  et 
dix  ans,  ancien  curé  de  St-Agnan,  après  son  retour  de  l'exil  pour 
la  foi,  est  décédé  aux  Chabert,  hameau  de  cette  paroisse,  le  vingt- 
cinq,  et  a  été  inhumé  dans  le  cimetière  de  la  Chapelle  le  vingt- 
sept  avril  mil  huit  cent  trois,  en  présence  de  M'"^..  »  Le  reste  de 
l'acte  est  en  blanc,  et  M.  Perrier  à  même  oublié  de  signer. 

M.  Serpeille  quittait  St-Agnan  vers  la  fia  de  1805  pour  devenir 
curé  de  St-Martin-en-Vercors,  et  était  remplacé  en  1806  par  Michel 
Faure,  précédemment  curé  de  St-Julien-en-Vercors. 

Après  Michel  Faure,  encore  curé  de  St-Agnan  en  18 16,  on  trouve 
à  la   tête  de    cette  paroisse:  en   1826,    Thomas;  en  1836  et    1837, 

(i)  Bull.  d'Iiist.  ecclés.  du  dioc.  de   Valence,   I,   134-6. 


70  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE    SAINT-AGNAN-EN-VERCORS . 

Emery  ;  en  1850,  Mathieu  ;  de  1851  à  la  fin  juin  1878,  M.  Antoine 
Reymond,  aujourd'hui  curé  de  Mantaille  dans  la  \"alloire  ;  du  i" 
juillet  187S  à  1881,  M.  Pierre  \'allier,  et  depuis  1881  M.Victor  Juge, 
curé  actuel. 


m. 


—    CHAPELLES. 


Saint-Claude.  —  Il  y  avait  autre  fois  une  chapelle  fondée  en  l'hon- 
neur de  Saint  Claude  dans  l'église  paroissiale  de  St-Agnan.  Elle  est 
probablement  cette  «  chappelle  de  M''  Michel  Breyton  prêtre,  »  dont 
«  la  maison,  »  située  «  au  bourg  de  Sainct-Agnan  en  Vercors,  » 
servait  d'asile  à  Lamit,  notaire  de  la  Chapelle-en-V.,  pour  rédiger 
un  acte,  le  15  février   1551  (1). 

Saint-Claude  avait  jadis  des  fonds;  mais  ils  avaient  été  usurpés 
bien  avant  1644,  année  où  il  lui  restait  seulement  «  6  livres  de 
rante.  »  C'est  ce  qu'on  lui  trouve  encore  en  1658,  en  1689  et  en 
1728.  A  cette  dernière  date,  ces  6  livres  étaient  «  dues  en  deux 
maisons  du  village  dépendantes  de  la  chapelle  de  St-Claude,  »  et  il 
n'y  avait  pas  d'  «  autres  fonds.  » 

En  1644,  «  noble  César  de  Chypres  s'en  dist  recteur.  »  En  1658, 
il  fait  de  même,  et  jouit  des  6  livres  de  rente.  Un  Estât  de  la  paroisse 
de  1687  la  dit  «  tenue  par  Messieurs  les  chanoines  de  la  Bastie;  » 
mais  en  i68g  elle  était  (*  vacante  par  le  décès  de  M.  de  la  Bastie,  cy 
devant  chanoine  de  la  cathédralle.  »  En  1728,  il  n'y  avait  ni  recteur 
ni  titre,  et  le  curé  tirait  les  6  livres. 

Quant  au  service,  en  1604,  l'évêque  voulait  y  pourvoir  à  la  forme 
de  la  fondation,  et,  dans  ce  but,  il  ordonnait  que  le  patron  ou  rec- 
teur lui  en  montrât  les  titres  de  fondation  et  de  provision  ;  mais  en 
1644,11  n'était  fait  aucun  service,  et  l'évêque  ordonnait  que  «  la  3"^  par- 
tie des  revenus  serait  employée  annuellement  pour  le  divin  service 
d'icelle,  "  qui  serait  fait  par  un  prêtre  diàmcnt  approuvé,  à  défaut  du 
titulaire,  et  que,  à  défaut  de  ce  service,  ladite  3^^  partie  des  revenus 
serait  «  employée  pour  les  ornements  de  cette  chapelle.   » 

(i)  -Minut.  cit.,  proloc.  Lamit,  rcg.  n"  146,  f.  cvj-vij. 

(A  continuer). 

L.  EILLET. 


LE  TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

d'après  des  documents  officiels  et  inédits. 


(Suite) 


Lorsqu'on  se  crut  certain  d'avoir  découvert  la  retraite  de  M.  Bru- 
don,  Pellissier  se  hâta  d'exécuter  les  prescriptions  d'imbert.  Un 
détachement  de  la  garde  mobile  se  transporte  à  Tréminis  et  cerne  la 
maison  où  ce  prêtre  venait  de  célébrer  la  sainte  messe  de  très 
grand  matin  ;  puis,  le  jour  arrivé,  fouille  avec  ardeur  et  met  sens 
dessus  dessous  les  appartements.  M.  Brudon  ne  fut  pas  trouvé  ;  mais 
lorsque  le  dit  détachement,  tout  honteux  se  retirait  en  maugréant,  il 
se  trouvait  sur  le  chemin,  mêlé  à  d'autres  personnes  pour  le  voir  pas- 
ser. Il  était  déguisé  en  bon  paysan  qui,  tenant  un  petit  enfant  par  la 
main,  et  s'appuyant  sur  un  bâton,  riait  sournoisement  du  mauvais 
succès  de  ses  persécuteurs  (i). 

Au  Percy,  les  fidèles  s'assemblaient  dans  leur  église,  suivant  la 
déclaration  qu'avait  faite  en  leur  nom,  à  l'administration  municipale 
du  canton  de  St-Maurice  (14  ventôse  an  \'I),  le  citoyen  Prayer  des 
Blancs  {2).  L'un  d'eux  y  lisait  les  prières  de  la  messe  les  jours  de 
dimanche  et  fête;  ou,  plus  souvent  encore,  un  prêtre  y  célébrait  le 
saint  sacrifice  et  les  encourageait  par  quelques  paroles  édifiantes  (3). 

Les  mêmes  réunions  avaient  lieu  à  St-Baudille,  Lavars  et  Cornil- 
lon,  mais  sans  la  déclaration  exigée  ;  aussi  les  populations  de  ces 
paroisses  furent-elles  dénoncées  ainsi  qu'il  suit  (4  ventôse  an  VI  — 
22févr.  1798):  «  Le  commissaire  du  pouvoir  exécutif  près  l'adminis- 
tration municipale  à  celui  près  l'administration  centrale. 

«  Conformément  à  votre  lettre  du  24  pluviôse  dernier,  j'ai  requis 
par  l'intermédiaire  des  agents   municipaux,   les   citoyens  des  com- 

(i)  Tradition  locale. 

(2)  Lalley,  Reg.  des  délit. 

(3)  Tradition  locale. 


72  LE    TRIEVES    l'ENDAXT 

munes  de  St-Baudille-et-Pipet,  Lavars  et  Cornillon,  qui  se  réunis- 
sent à  l'occasion  du  culte,  de  venir  déclarer  sur  les  registres  de 
l'administration  municipale  le  lieu  de  la  réunion,  ainsi  que  les  heures 
où  elle  se  formait  ;  mais  ils  ont  refusé  de  faire  cette  déclaration, 
malgré  la  réquisition  formelle  que  leur  ont  faite  les  agents.  11  est 
cependant  constant  que,  dans  ces  trois  communes,  on  se  réunit  à 
l'occasion  du  culte  dit  catholique  dans  la  ci-devant  église.  \'euillez 
bien  me  marquer  les  mesures  que  je  dois  prendre  à  cet  égard.  Il 
serait  temps  qu'on  ne  méconnût  plus  la  volonté  du  gouvernement  et 
que  chacun  se  soumît  aux  dispositions  des  lois. 

«  Je  vous  observe  que  cette  déclaration  a  été  faite  par  les  citoyens 
des  deux  cultes  protestant  et  catholique  de  Mens,  et  qu'il  ne  se  for- 
me point  de  réunion  dans  celle  de  St-Genet  (Genis).  — Malvesin  (i).» 

Les  catholiques  de  Cordéac,  Pellafol  et  la  Croix-de-la-Pigne 
agissaient  d'une  manière  semblable  ;  mais  là  aussi  veillait  Giroud 
avec  la  même  sollicitude  que  Malvesin  à  Mens,  et  avec  plus  d'éner- 
gie que  ce  dernier.  Au  lieu  de  consulter  l'administration  centrale,  il 
lui  envoya  simplement  l'avis  suivant  (21  ventôse  an  VI  -  11  mars 
1798)  :  «  Le  citoyen  Louis  Giroud,  agent  national  de  St-Sébastien  et 
Cordéac,  ayant  interpellé  les  citoyens  Antoine  Gauthier,  François 
Bernard,  Glaude  Serviset  et  le  nommé  Fay,  reconnus  être  tous  les 
quatre  régulateurs  des  rassemblements  qui  se  font  dans  l'église  de 
Cordéac,  ceux-ci  ont  refusé  de  se  conformer  à  l'arrêt  du  g  du  pré- 
sent mois,  et  de  suite  la  dite  église  a  été  fermée,  et  défense  leur  a  été 
faite  de  se  rassembler  à  l'avenir  sans  avoir  rempli  les  préalables  des 
lettres  précitées 

«  Dans  la  commune  de  Pellafol,  môme  mesure  ,  l'église  de  la 
Croix-de-la-Pigne  a  été  fermée  (2).   » 

Le  Directoire  et  par  suite  l'administration  centrale  de  l'Isère  ne 
cessaient  de  stimuler  le  zèle  des  Ponsard,dcs  Malvesin  et  des  Giroud 
par  des  recommandations  pressantes  et  des  ordres  réitérés.  C'est 
ainsi  que  le  6  floréal,  d'après  des  sommations  envoyées  par  le  minis- 
tre de  la  police  générale  à  la  date  du  15  brumaire  précédent,  le  com- 
missaire de  l'administration  départementale  écrivait  aux  municipa- 
lités pour  leur  reprocher  de  ne  pas  veiller  avec  assez  de  soin  sur 
les  émigrés,  c'est-à-dire  sur  les  prêtres  revenus  de  l'exil  :  «  Il  faut  les 

(i)  Archives  départementales.  —  Actes  du  district. 
(2)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION  73 

dénoncer  immédiatement,  ordonnait-il  (i).  »  Ce  qui  nous  étonne, 
c'est  qu'avec  de  semblables  excitations,  il  ne  se  soit  pas  trouvé  un 
plus  grand  nombre  de  persécuteurs  des  prêtres  dans  le  Trièves. 

Les  frères  et  les  sœurs  en  quittant  Mens,  au  commencement  de 
1792,  avaient  abandonné  leur  pauvre  mobilier,  respecté  par  tous 
jusqu'au  milieu  de  l'an  VI  comme  le  bien  des  meilleurs  amis  de 
l'enfance  et  un  bien  sacré.  Le  24  floréal,  Frédéric  Bérenger  croyant 
sauver  les  finances  de  la  commune, épuisées  par  de  folles  prodigalités 
pour  des  fêtes  qui  n'amusaient  personne,  proposa  à  la  municipalité 
de  les  faire  vendre  aux  enchères  publiques.  Le  produit  de  la  vente, 
selon  lui,  devait  être  employé  à  réparer  les  bâtiments  communaux; 
cependant  il  voulait  qu'on  réservât  les  lits  :  ce  ^qui  fut  fait.  Malgré 
cette  ressource  trouvée  par  Bérenger,  Mens  resta  pauvre  et  ne  put 
faire  exécuter  les  réparations  projetées  (2). 

Si,  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  le  clergé  dans  le  Trièves 
donna  de  nobles  exemples  de  courage  et  de  fidélité  qui  maintenaient 
les  populations  dans  le  bien,  quelques  prêtres  assermentés,  il  faut 
l'avouer,  persévéraient  dans  le  schisme.  Le  curé  de  St-Genis,  Roi- 
comte,  vécut  tranquillement,  après  la  fermeture  de  son  église,  dans 
le  presbytère  sans  que  rien  pût  éveiller  un  remords  en  lui  (3).  Ce- 
pendant il  renonça  au  schisme  en  1802  et  fut  réhabilité  avant  sa 
mort  (4). 

Cet  homme  a  trouvé  dans  la  suite  quelqu'un  pour  le, louer,  et 
le  pasteur  Blanc  a  été  fier  de  pouvoir,  à  son  occasion,  et  d'après 
des  on  dit.  attaquer  la  fraternelle  cordialité  qui  règne  et  a  toujours 
régné  entre  les  prêtres  (5). 

Les  sieurs  de  Bardel .  ancien  chanoine  de  Vitry-le -Français, 
Antoine  Accarias,  ex-curé  de  St-Priest  et  ex-vicaire  épiscopal  de 
Grenoble,  avaient  prêté  le  serment  pur  et  simple,  puis  livré  leurs 
lettres  de  prêtrise.  Ils  vinrent  encore,  le  25  thermidor  an  VI,  devant 
la  municipalité  de  Mens,  jurer  haine  à  la  royauté  et  à  l'anarchie, 
fidélité  à  la  république  et  à  la  constitution  de  l'an  111  (6).  Pupin,  curé 
du  Monêtier-du-Percy  et  vieillard  presque  impotent,  tint  une   con- 

(i)  .Mens,  Registre  des  délit. 

(2)  Reg.  des  délit,  de  l'an  VI. 

(3)  Lettre  de  la  municipalité  de  Mens  au  District  (22  thermid.  an  III). 

(4)  Lettres  de  communion  (Evêché  de  Grenoble). 

(5)  Lettres  à  Lucie  sur  la  canton  de  Mens,  p.  104. 

(6)  Délit,  du  dit  jour. 


74  LE    TRIEVES    PENDANT 

duite  semblable,  par  procuration,  le  i8  frimaire  suivant  (i).  Le 
peuple  n'avait  que  pitié  et  mépris  pour  ces  égarés  et  leur  en  donnait 
souvent  des  preuves. 

Des  incendies  successifs  apportèrent  la  ruine  et  la  souffrance  dans 
plusieurs  communes.  Le  13  messidor  an  VII,  le  feu  dévora  en 
quelques  instants  le  village  de  Prébois,  n'épargnant  que  quelques 
maisons  situées  à  l'écart.  Les  communes  environnantes  vinrent 
généreusement  au  secours  de  leurs  voisins,  réduits  pour  la  plupart  à 
la  dernière  pauvreté;  le  gouvernement  au  contraire  resta  sourd  à  la 
demande  de  l'administration  municipale  du  canton  de  St-Maurice, 
en  faveur  de  ceux  qui  n'avaient  plus  de  pain  pour  apaiser  leur  faim 
ni  de  toit  pour  s'abriter  (2  >. 

Une  lettre  du  commissaire  près  la  municipalité  de  Mens  au  préfet, 
à  la  date  du  6  fructidor  an  VIII,  fait  connaître  un  malheur  du  même 
genre,  et  plus  terrible  encore,  arrivé  au  Monêtier-du-Percy  :  «Je 
crois  devoir  vous  instruire,  y  est-il  écrit,  d'un  accident  fâcheux  arrivé 
dans  une  commune  voisine.  Le  feu  prit,  le  2  courant,  à  2  heures  de 
l'après-midi,  à  un  village  qu'on  appelle  les  Bailes  ;  il  y  a  brûlé  dix- 
neuf  maisons  et  péri  huit  personnes.  Le  fléau  se  communiqua  bien- 
tôt avec  la  rapidité  de  la  foudre  au  village  du  Monêtier-du-Percy,  où 
il  a  totalement  consumé  cinquante  maisons  avec  tout  ce  qu'elles  con- 
tenaient. Toute  la  récolte  en  foin,  paille,  blé  a  été  la  proie  des  flam- 
mes (^).  » 

C'est  d'une  tout  autre  manière  que,  le  16  ventôse  an  X,  le  maire 
de  Mens  annonçait  un  désastre  semblable  survenu  à  St-Maurice  : 
«  L'incendie  occasionné  à  St-Maurice  par  une  cheminée  en  mauvais 
état,  le  13  de  ce  mois,  à  dix  heures  du  matin,  lequel  a  consumé,  en 
moins  de  deux  heures,  les  bâtiments  de  cinquante  habitants,  presque 
tous  leurs  effets  mobiliers  et  quelques  bestiaux,  doit  exciter  la  sur- 
veillance de  l'administration  (4).  »  On  sent  dans  cette  lettre  la  révé- 
lation du  profond  ressentiment  qui  existait  entre  Mens  et  St-Maurice, 
parceque  cette  dernière  commune  avait  contrarié  les  prétentions  de 
la  première  à  devenir  le  chef-lieu  de  tout  le  Trièves  et  s'y  arroger  le 
droit  de  haute  surveillance,  dès  le  commencement  de  la  révolution. 


(i)  Lalley,  Re^.  des  dilib. 

(2)  Lalley,  Délib    du  25  vendémiaire  an   VU. 

(3;  Lettres  de  la  municipalité  de  .Mens,  cahier  3. 

(4)  Ibidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  75 

Les  communes    elles-mêmes,  comme    les    simples    personnes,  ou- 
blient rarement  ce  qui  froisse  leur  amour-propre. 

Malgré  les  efforts  déployés  par  le  Directoire  et  ses  agents,  la 
France  se  sentait  prise  d'un  dégoût  irrésistible  pour  un  gouvernement 
tyrannique.  La  plupart  des  fonctionnaires  eux  -  mêmes  ne  parve  - 
naient  pas  toujours  à  cacher  leur  mépris  pour  lui,  et  souvent  affi- 
chaient publiquement  leur  indifférence  à  son  égard.  Cet  état  des  es- 
prits se  montrait  à  découvert  dans  le  Trièves  :  nous  en  trouvons  une 
preuve  dans  le  fait  suivant.  Depuis  longtemps  déjà  on  n'avait  pu 
tenir  d'assemblée  décadaire,  faute  d'assistants,  lorsque,  le  lo  nivôse 
an  VII  (30  décembre  1797),  l'agent  national,  pour  y  attirer  quelques 
personnes,  fit  annoncer  des  chants  patriotiques  et  l'inscription  du 
nom  des  fonctionnaires  absents  pour  les  dénoncer  à  l'administration 
centrale  (i).  Cette  menace  ne  produisit  aucun  effet. 


iCHAPITRE  VIII 

ANNÉES     DE      1799     -^      1804 


L'indifférence  que  les  populations  montraient  pour  le  Directoire  et 
ses  ordres  tyranniques  ne  tarda  point,  au  milieu  des  événements 
qui  se  succédèrent  pendant  l'année  179g,  à  se  transformer  en  zèle 
ardent  pour  le  rétablissement  de  la  liberté  et  de  la  tranquillité  publi- 
que. Larevellière-Lépeaux,  Treilhard  et  Merlin,  ses  membres  les 
plus  hostiles  au  catholicisme,  furent  chassés  le  30  prairial  08  juin 
1799)  et  remplacés  par  d'autres  plus  modérés.  Près  de  cinq  mois 
plus  tard,  arriva  le  18  brumaire  an  VIII.  Aussitôt  la  persécution  se 
ralentit,  et  bientôt  Bonaparte,  devenu  consul,  fit  révoquer  les  lois  de 
proscription  et  de  déportation  contre  les  prêtres.  Il  n'autorisait  point 
encore  l'exercice  public  du  culte,  mais  le  tolérait  et  ne  faisait  exiger 
du  clergé,  pour  qu'il  pût  remplir  son  ministère,  que  le  serment  sui- 
vant: «  Je  promets  fidélité  à  la  Constitution.  «  La  réaction  alors  se 
montra  énergique  dans  le  Trièves.  Seuls  quelques  sectaires,  à  l'âme 
pleine  de  fiel  et  d'une  basse  cupidité,  essayèrent  de  protester.  Leur 
voix  discordante  fut  étouffée  par  les  cris  de  joie  de  la  très  grande 

(i)  Rég.  des  délibérations    rfe  Mens. 


76  LE    TRIÈVES    PENDANT 

majorité  de  la  population,  heureuse  de  pouvoir  enfin  se  dire  chré- 
tienne, sans  crainte  des  dénonciations  et  des  prisons.  Ce  mouve- 
ment était  dirigé  avec  prudence  par  les  prêtres  vénérables  nommés 
plus  haut,  et  à  la  tête  desquels  se  trouvait  alors  M.  de  Gassendi- 
Tartonne,  en  qualité  de  délégué  apostolique.  Le  nom  de  ce  coura- 
geux apôtre  se  trouve  à  chaque  page  des  registres  de  catholicité  de 
cette  époque  ;  dans  les  diverses  paroisses  du  Trièves  sa  mémoire 
est  surtout  gardée  par  la  reconnaissance  et  l'admiration  publiques. 

Bon  nombre  d'églises  restaient  encore  fermées.  Les  seules  ouver- 
tes étaient  celles  de  Lallev,  du  Perrier,  du  Percy,  de  Chichilianne, 
de  St-Martin-de-Clelles  et  de  Cordéac.  Les  protestants  jouissaient 
seuls  de  celle  de  Mens.  Les  deux  de  St-Baudille  et  de  Tréminis 
tombaient  en  ruines  ;  dans  cette  dernière  paroisse,  M.  Brudon  disait 
la  messe  dans  une  étable.  A  Lavars,  Cornillon,  Monêtier-du-Percy, 
St-Maurice,  Clelles,  St-Michel,  Pellafol,  St-Jean-d'Hérans  et  Pré- 
bois, elles  portaient  toujours  sur  leur  façade  principale  les  mots  : 
«  Liberté,  égalité,  fraternité,  »  mais  les  fidèles  ne  pouvaient  y  entrer 
pour  prier  (ij. 

Nous  voyons  cependant  les  municipalités  diverses  commencer  à 
s'inquiéter  du  jour  tout  proche  où  l'usage  de  ces  pieux  monuments 
et  des  presbytères  serait  rendu  à  leurs  légitimes  possesseurs.  Elles 
consultaient  l'administration  départementale  sur  les  mesures  à 
prendre  ou  les  réparations  à  faire.  C'est  ainsi  que  le  commissaire 
près  la  municipalité  du  canton  de  Mens  écrivait  au  préfet  (6  fructi- 
dor) au  sujet  des  cures,  qui  avaient  été  louées  dans  la  contrée,  puis 
(8  fruct.)  la  lettre  suivante  sur  l'église  de  Mens  même  :  «  Il  existe 
dans  cette  commune,  disait-il,  un  unique  édifice  qui  est  la  ci-devant 
église.  Elle  a  servi  jusqu'à  présent  aux  assemblées  du  canton  et  de 
commune,  aux  assemblées  décadaires,  de  magasin  pour  les  foins 
requis  dans  ce  canton  ;  enfin  elle  sert  à  la  réunion  des  citoyens  du 
culte  protestant. 

«  Cet  édifice,  citoyen,  a  besoin  de  réparations  très  urgentes.  Le 
toit  étant  très  mauvais  et  percé  en  plusieurs  endroits  fait  courir 
risque,  si  on  ne  le  répare  promptement,  à  la  voûte  de  tomber,  ce 
qui  serait,  pour  la  commune,  une  perte  irréparable. 

«  Je  vous  prie  dortc  de  me  dire  qui  doit  l'entretenir,  de  la  nation, 
du  département,  de  la  commune  ou  des  protestants.  Si  c'est  la 
nation,  je  vous  prie  de  donner  des  ordres  pour  le  faire  faire.  (2)  » 

(i)  Ré/^.  des  délib.  de  ces  diverses  communes. 
(2)  Lettres  de  la  municipalilé  en  l'an  VIII. 


LA    GRANDE    RÉVOLUTION.  77 

La  réponse  ne  se  fit  pas  attendre  et  apprit  à  la  commune  qu'elle 
était  chargée  des  monuments  publics  situés  sur  son  territoire.  Celle- 
ci  se  montra  longtemps  récalcitrante  et,  le  37  germinal  an  XI  seule- 
ment, sur  une  nouvelle  et  menaçante  lettre  du  préfet,  elle  se  décida 
à  ordonner  la  réfection  du  toit,  la  consolidation  des  contreforts,  le 
rétablissement  des  croisées,  le  nettoyage  et  blanchissage  de  l'inté- 
rieur et  les  réparations  nécessaires  à  la  flèche  du  clocher  qui  mena- 
çait ruine  (i). 

La  turbulente  commune  de  St-Michel-les-Portes  désirait  depuis 
longtemps  étendre  les  limites  de  son  territoire.  Elle  jetait  des 
regards  de  convoitise  sur  Torannes,  paroisse  petite  mais  religieuse, 
admirable  dans  son  dévoûment  à  cacher  les  prêtres  persécutés,  et 
persécutée  elle  même.  La  demande  d'annexion  fut  adressée  au  préfet 
par  la  municipalité  de  St-Michel,  en  décembre  1800,  mais  n'obtint 
une  réponse  favorable  que  longtemps  après  (2). 

Bonaparte,  poursuivant  son  oeuvre  du  rétablissement  de  la  reli- 
gion catholique  en  France,  avait  signé  avec  le  légat  de  Pie  Vil  le 
concordat,  le  30  messidor  an  IX  (15  juillet  180 1)  ;  aussitôt  les  églises 
qui,  dans  le  Trièves,  étaient  encore  fermées  s'ouvrirent,  et  les 
fidèles  y  entrèrent  à  la  suite  du  clergé. 

A  la  nouvelle  de  cet  heureux  changement,  le  vénérable  confesseur 
de  la  foi  M.  Galfard  tressaillit  de  joie  sur  son  lit  de  souffrance.  Les 
privations  de  l'exil,  les  angoisses  de  la  persécution  et  les  tortures 
de  la  captivité  avaient  épuisé  ses  forces,  et  il  était  au  moment,  si 
doux  pour  le  juste,  d'aller  à  son  Dieu.  Il  répétait  souvent  :  «  Je  vois 
«nfîn  rendue  à  l'église  la  paix  après  laquelle  j'ai  soupiré  si  ardem- 
ment. Je  puis  demander  au  Seigneur  de  me  rappeler  à  lui  ;  il  m'est 
d'ailleurs  impossible  de  travailler  encore  pour  sa  gloire.  Je  me 
recommande  à  sa  bonté  (3J.  »  Peu  après  il  s'endormait  paisiblement 
du  sommeil  des  justes. 

Muni  du  certificat  si  flatteur,  que  lui  avait  délivré  la  municipalité 
de  Clelles,  le  12  août  1791,  ce  bon  prêtre  s'était  retiré,  sept  mois 
après  seulement  (mai  1792),  chez  son  proche  parent,  M.  Allègre  curé 
d'Omblèze.  Le  15  septembre  suivant,  il  se  présenta  devant  la  muni- 
cipalité de  cette  dernière  commune  et  déclara  que,  pour  se  soumettre 
à  la  loi  du  25  août  précédent  et  à  l'arrêté    du  directoire  de  la  Drôme 

(i)  Délit,  du  27  germ.   an  XI  et  Lettres,  Mens. 

(2)  St-Michel. 

(3)  Paroles  conservées  par  la  tradition  de  Clelles. 


7o  LE    TRIEVES    PENDANT 

du  2  courant,  il  se  rendait  à  Gènes.  Mais  au  moment  de  quitter  sa 
patrie,  les  lieux  témoins  de  son  zèle  et  les  âmes  auxquelles  il  aurait 
voulu  se  consacrer  tout  entier,  son  cœur  fut  rempli  d'une  tristesse 
immense.  Il  tomba  gravement  malade  et  dut  se  faire  transporter  à 
l'hôpital  de  Die,  où  il  fut  soigné  pendant  quelque  temps.  A  peine 
remis,  il  partit  pour  l'exil.  De  Gênes  il  gagna  Rome  et  résida  dans 
cette  dernière  ville  jusqu'au  31  juin  1795.  La  veille  de  son  départ 
pour  rentrer  en  France,  il  reçut  de  Mgr  Laurent  Caleppi,  prélat 
domestique  de  Pie  VI  et  chargé  de  prendre  soin  des  prêtres  français 
réfugiés  à  Rome,  un  certificat  attestaiit  qu'il  avait  passé  dans  la  ville 
éternelle  près  de  quatre  ans,  y  avait  mené  une  vie  édifiante  et  vrai- 
ment sacerdotale.  Il  emporta  en  outre  des  pouvoirs  nombreux  et 
précieux.  Si  Omblèze  reçut  sa  première  visite,  Clelles  et  les  environs 
ne  tardèrent  pas  à  le  revoir  et  à  être  de  nouveau  témoins  de  son 
dévoûment.  Lors  de  la  loi  du  19  fructidor,  il  était  à  Omblèze  et 
reprit  en  pleurant  le  chemin  de  l'Italie.  La  maladie  l'arrêta  comme  la 
première  fois  en  route.  Il  se  rétablit  lentement  et  revint  à  Clelles  ;  il 
ne  se  sentait  pas  assez  de  force  pour  franchir  la  frontière. 

De  ce  moment  à  celui  de  son  arrestation,  il  ne  cessa  de  parcourir 
les  paroisses  des  environs  de  Clelles  ;  son  refuge  était  surtout  à  St- 
Martin.  C'est  entre  ces  deux  dernières  paroisses,  en  se  rendant  de 
la  seconde  dans  la  première,  qu'il  tut  arrêté,  le  9  prairial  an  VIII 
(29  mai  1800),  par  la  gendarmerie  du  Monestier-de-Clermont,  sur 
l'ordre  du  juge  de  paix  du  canton  de  St-Martin.  Ce  magistrat  le 
garda  deux  jours  en  disant  qu'il  voulait  lui  rendre  la  liberté,  si  au- 
cune plainte  n'était  déposée  contre  lui  ;  mais,  le  1 1  du  même  mois, 
les  gendarmes  le  conduisirent  à  Grenoble.  Le  16,  il  écrivait  au  préfet, 
Ricard,  pour  lui  démontrer  son  innocence  et  demander  son  élargis- 
sement. Le  18,  le  préfet  répondit  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  délibérer 
sur  sa  demande.  A  la  fin,  sollicité  par  son  conseiller  Royer,  le  préfet 
fit  mander  AL  Galfard  à  son  hôtel  et,  après  un  court  entretien,  lui 
fournit  le  moyen  de  s'échapper.  Lorsqu'on  jugea  le  fugitif  assez 
éloigné,  on  fit  fermer  les  portes  de  la  ville  et  exécuter  de  nombreuses 
recherches  qui  furent  évidemment  sans  résultat.  On  avait  surtout 
recommandé  au  prisonnier  de  ne  point  se  laisser  reprendre  (20  ther- 
midor 9  août  1800)  (rj. 


(i)  Tous  les    faits  se  rapportant  à    M.  Galfard  ont    été    extrait    des  pièces  en  la 
possession  de  M.  Martin,  curé  de  Clelles. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  79 

La  santé  déjà  ébranlée  de  M.  Galfard  fut  complètement  ruinée  par 
les  privations  et  les  émotions  endurées  pendant  ces  derniers  événe- 
ments. Les  forces  l'abandonnèrent,  une  maladie  de  poitrine  se  déclara 
et  des  souffrances  aiguës  supportées  avec  une  invincible  patience 
complétèrent  le  mérite  de  cette  vie  courageuse.  Le  4  août  1801,  il 
mourait  à  Clelles  même,  dans  la  maison  de  Magloire  Brochier.  A 
cette  nouvelle,  ses  paroissiens  qu'il  avait  tant  aimés  éclatèrent  en 
sanglots  ;  car  ils  savaient  perdre  en  lui  le  meilleur  des  amis,  le  plus 
tendre  et  le  plus  vertueux  des  pères.  Grand  nombre  de  personnes 
portèrent  son  deuil,  comme  celui  d'un  prochie  parent  (i).  Ces  larmes 
et  cette  démonstration  sont  le  meilleur  éloge  qu'on  puisse  faire  de 
ce  saint  prêtre. 

(i)  Tradition  locale. 

(La  suite  au  prochain  numéro)  A.     LAGIER. 


RECHERCHES 

SLR    LES 

INSCRIPTIONS 

du  Vivarais 

(Suite  et  Fin) 

XXVIi  -  1721 

Largeiïtîèl'e.  —  Pierre  encastrée  dans  le  mur  du  rempart, 
rue  de  Sigalières,  maison  appartenant  aujourd'hui  à  Soboul,  bou- 
langer. Elle  est  au  premier  étage,  au  bout  de  l'escalier  qui  part  de  la 
rue  de  Sigalières,  faisant  le  côté  droit  d'une  fenêtre  donnant  sur  la 
rivière. 

DIEU    NOVS 

GARDE    TOVS     DE 

LA     CONT    ION 

1721. 


8o  RECHERCHES  SUR  LES 

C'est  la  date  de  la  peste  de  Marseille,  qui  sévit  dans  une  partie  du 
Languedoc,  et  c'est  évidemment  à  cette  peste  que  l'inscription  ci- 
dessus  fait  allusion. 

La  ville  de  Largentière  fut  préservée  de  la  terrible  épidémie,  tandis 
qu'.à  Laurac,  à4  kilom.,  il  y  eut  37  victimes,  du  5  novembre  1721  au 
9  mai  1722. 

Jean-Baptiste  de  Chanaleilles,  qui  se  trouvait,  au  mois  de  janvier 
1722,  à  Chassiers  (à  2  kilom.  de  Largentière)  chez  AL  de  la  Motte, 
mourut  24  heures  après  l'apparition  d'un  bouton  pestilentiel  sur  son 
épaule.  11  fut  enterré  au  bas  d'une  prairie  avec  toute  sa  literie  et  tous 
ses  vêtements.  Chassiers  fut  bloqué  à  la  suite  de  cette  invasion  de  la 
peste,  qui  s'était  déclarée  à  St-Geniez  au  mois  d'avril  précédent  et 
s'était  étendue  jusqu'à  l'abbaye  des  Chambons,  où  elle  avait  fait 
plusieurs  victimes  (i). 

XXVIII  —  XXLX  —  1725-30 

I>ai*gentîèî*e.  —  Couvent  des  Sœurs  de  la  Présentation.  — 
Pierres  encastrées  dans  la  partie  extérieure  du  mur  qui  fut  jadis 
l'église  des  Pénitents. 

REPARATION 

PAR     LA     CONDVITE 

DE   lEAN   FAYOLLE 

MARCHAND 

1724     ET    25 

L'inscription  suivante,  dont  le  haut  n'est  pas  très  lisible,  constate 
le  nom  des  maçons,  celui  d'un  administrateur  de  la  ville  et  la  date 
de  la  réparation  (2). 

P     P     MAVRIN     A     L 
P     JOSSOV 
P     BIGOT 
FAYOLLE    NAD 
ENTREPRENEVR 
1730 


(i)  L'abbé  .Mollier.  —  Recherches  mr  Villeneuve-dc-Derg ,  p.  374. 
(2)  Communication  de  M.  Léon  Védcl. 


INSCRIPTIONS  DU  VIVARAIS. 


XXX  —  1765 


S^tirgentlère.  —  Cheminée  du  grand  salon  de  la  maison  de 
Valgorge,  démolie  en  mai  1878  par  le  nouveau  propriétaire, 
M.  Roussel,  tailleur.  Sur  le  manteau,  entre  deux  moulures  faisant 
corniche,  et  s'étendant  sur  toute  la  largeur  de  l'appartement,  que 
remplissait  du  reste  cette  cheminée  monumentale,  était  peinte,  en 
lettres  d'un  pouce  environ,  cette  inscription  : 

VIR    SAPIENS    FAVSTIS    SEMPER    REGNABIT 
IN  ARMIS 

«  Dans  renivrement  de  la  victoire,  le  sage  sait  régner  sur  lui- 
même  (ij.  » 

C'est  dans  le  salon  qu'ornait  cette  cheminée  que  fut  tenue,  en 
1785,  une  des  dernières  sessions  des  Etats  particuliers  du  V^ivarais. 

Le  26  mai  1785,  les  Etats  particuliers  et  assiette  du  pays  de  Viva- 
rais  délibérèrent  «  en  la  ville  de  Largentière,  dans  la  maison  et  par- 
devant  noble  Roch  de  Jossouin  de  Valgorge,  seigneur  de  Valgorge. 
Laugères,  Mallet,  Notre-Dame  de  Laboulle,  St-.Martin,  Loubaresse, 
le  Villard  et  autres  lieux,  bailli  d'épée  de  la  baronnie  d'Aubenas, 
subrogé  de  très-haut  et  très-puissant  seigneur  Messsire  César-Fran- 
çois-Melchior  de  Vogué,  etc  ,  baron  des  Etats-Généraux  de  la  pro- 
vince du  Languedoc  et  de  tous  les  pays  de  Vivarais,  etc.  »  (2) 

XXXI 

Gri*avîères.  —  Inscription  que  l'on  voit  sur  la  frise  du  chauf- 
fage du  château  de  la  Tour. 

t     DIEV     SOIT     BENI 

j.     de     l.\      garde     de     .malbos 

Anne    di;     sabran. 

Entre  les  deux  noms  se  trouve  un  écusson  dont  les  hachures  héral- 
diques sont  un  peu  effacées. 

(r)  Ce  vers  se  trouve  au  bas  de  la  gravure  reproduisant  le  fameux  tableau  de 
Lebrun  :  La  famille  de  Darius  devant  Alexandre. 

(2)  Le  Bas-Vivarais  du  25  mai   1878,  article  Léon  Védel. 

Bull.  IX,   1888.  5 


RECHERCHES  SUR    LES 


XXXII 

Sur  la  frise  de  la  cheminée  de  la  salle  de  rancienne  maison  Du- 
mond,  on  lit  l'inscription  suivante  : 

ADORONS    L'ETERNEL 

SON     SAINCT     NOM    BENISSONS 

DIEV     A     FAICT     L'OEVVRE 

PAR      L  E  V  E  S  Q  V  E      DES     MAISONS 

XXXIII  ~    1781 

St-i%.grève.  —  Inscription  qui  se  trouve  sur  le  linteau  de  la 
porte  d'entrée  d'une  belle  maison  de  campagne,  située  au  Beschon, 
près  St-Agrève.  Les  lettres  et  les  encadrements  sont  en  relief  et 
fort  bien  exécutés. 


FONDEE     PAR     PIERRE     BARD     EN     MDCCLXXXI 


^ 


M 


à 


CRAINS    DIEU,    HONORE 


LE     ROY.    AIME    TON 


PROCHAIN     C  O  M  M  E 


rOY  iMEME;  C'EST  MA  LOY 


N" 


\V 


:^^ 


\^^ 


>S^ 


Cette  inscription  a  été  copiée  par  M.  Deschomels,  instituteur  à 
Lichessol,  près  St-Agrève,  en  i88[,  qui  nous  a  déjà  fourni  le  curieux 
monument  lapidaire  du  siège  de  St-Agrève. 


INSCRIPTIONS    DU    VIVARAIS.  83 

XXXIV  -  1785 

Meyras.  —  Sur  le  linteau  du  portail  de  la  basse-cour  de  la 
maison  de  M.  Paul  Giraud,  on  lit  l'inscription  suivante.  Les  lettres 
ont  5  cent,  de  hauteur. 

IX   •    TE   ■    DOMINE  •    SPERAVI     •  NOX   •    CONFVNDAR   •    IN   •  .-ET 
ERNU.M  •  IN  •  lOÂ  ■  ANGLADIVS  ■  MIHI  ■  FORMA  ■  DEDIT  .ETATIS  •  SV.E 

LOVIS  DESARCIS  •    DEBONNETO. 

Sur  la  porte  principale  de  la  même  maison,  on  lit  la  date  :  1785; 
mais  l'inscription  est  bien  antérieure.  (Communiqué  par  M.  Bonne- 
foi,  instituteur). 

XXXV  —  ? 

ï^aînt- Antléol-de-îfcei*g.  —  Voici  une  inscription  fort  cu- 
rieuse relevée  sur  une  pierre  tumulaire  de  l'ancien  cimetière  de  cette 
commune.  Il  faut  la  lire  un  peu  comme  Thébreu  (i)  : 

jM'f  SJOUIR    PENSE   JE    QUAND 

, DORMIR     ou    MANGER,    BOIRE 

OREILLE     MON      A     RAISONNE     II 

.RÉVEILLE    ME    QUI     VOIX    UNE 

:    ÉTRANGEMENT    FORT    DISANT 

MONUAIENT    DU    TOUS     SORTEZ 

, SOMME    VOUS    JE    CO.MPAROIR    DE 

, HOMME    VRAI    EST   QUI    DiEU    DEVANT 

DIFFÉREMMENT      OUÏR      POUR 

.JUGEMENT     DERNIER    VOTRE 

XXXVI 

Banne.  —  Au-dessous  de  la  corniche  du  grand  portail  du  châ- 
teau, détruit  en  1792,  on  lisait  cette  inscription,  gravée  sur  un  fond 
noir  en  grosses  lettres  d'or  (2)  : 

SI    FRACTUS    ILLABATUR    ORBIS    IMPAVIDVM 
FERIENT    RUIN.ï:. 

(1)  L'abbé  Mollier —  Recherches  historiques  sur   Villeneuve-de-Berg,  page   19. 

(2)  Ls  Bas-Vivarais  (17  juillet  1859),  article  Château  de  Banne. 


84 


INSCRIPTIONS      DU   VIVARAIS. 


L»l>astîcle.  (Canton  d'Antraigues).  —  Inscription  qui  se  voit 
surun  rocher,  tout  près  des  ruines  du  château  du  comte  d'Antraigues. 
Ce  rocher  qui  est  absolument  brut  et  informe,  mesure  2  mètres  de 
longueur  sur  i  mètre  70  de  hauteur. 


/"     R  I  U  E 
RIUE     PEIAU 


D 

I    •    RO  R  ••  TI  I 


C'est  par  cette  inscription,  qui  nous  a  été  communiquée  par  M. 
Doize  notaire  à  Antraigues,  que  nous  terminons  notre  travail.  Nous 
laissons  au  lecteur  le  soin  de  l'expliquer. 


APPENDICE 

Inscription     <le     Bt  oc  lie  maure 

Des  circonstances  indépendantes  de  notre  volonté  ne  nous  ont  pas 
permis  d'avoir  le  dessin  du  jeton  de  M.  G.  Yallier  au  moment  où 
nous  en  avons  donné  la  description.  Grâce  à  ce  savant  numismate, 
nous  pouvons  combler  cette  lacune  en  terminant  notre  étude. 

Voici  donc  le  dessin  de  ce  curieux  jeton  qui  contient  Tinscription 
de  Rochemaure  : 


Henry  VASCHALDE 


CORRESPONDANCE 


I. 

M.  Vaschalde  a  cru  devoir  rectifier  une  note  de  dom  Jauhert 
sur  le  genre  de  mort  du  maréchal  d'Ornano  (Bulletin^  t.  VIII, 
p.  loo  et  189). 

M.  Vaschalde  rappelle  qu'il  a  présenté  en  1879,  au  Congrès  ar- 
chéologique de  Valence,  un  Mémoire  qui,  dans  sa  pensée,  a  éclairé 
d'un  grand  jour  ce  point  obscur  de  l'histoire  de  l'infortuné  maré- 
chal. Là  dessus  il  raconte  qu'en  iSSg,  en  remplaçant  les  dalles  de 
l'église  d'Aubenas,  le  caveau  de  d'Ornano  fut  ouvert  en  présence 
d'une  commission  dont  faisaient  partie  le  feu  curé,  M.  Pic,  le 
maire  et  le  docteur  Tailhand.  On  put  s'assurer,  dit-il,  que  le  corps 
était  parfaitement  conservé  et  que,  contrairement  à  l'assertion  de 
MM.  Teissier  et  Deydier,  la  tête  ne  tenait  an  corps  que  par  un  fil 
d'or. 

Et  M.  Vaschalde  conclut  : 

<f  Le  maréchal  d'Ornano  a  eu  la  tête  tranchée  à  Vincennes  ;  le 
fait  est  incontestable.  Il  fallait  que  le  vindicatif  cardinal  eût  un 
intérêt  à  cacher  cette  décapitation  pour  que  les  historiens  ne 
l'aient  jamais  connue  d'une  manière  certaine.  » 

Constatons  d'abord  que  le  bruit  de  la  décapitation  du  maréchal, 
qui  a  pu  courir  dans  les  pamphlets  du  temps  hostile  à  Riche- 
lieu, n'a  jamais  été  accepté  par  aucun  historien  sérieux,  par  la  raison 
bien  simple  que  rien  n'est  plus  contradictoire  avec  le  caractère  de 
Richelieu  que  l'idée  d'une  exécution  secrète.  Tout  le  monde  sait 
que  le  vindicatif  cardinal  aimait  à  frapper  ses  ennemis,  ou  plutôt 
les  ennemis  de  l'Etat,  non  pas  dans  l'ombre  des  cachots,  mais  au 
grand  jour  et  avec  un  appareil  de  nature  à  frapper  l'esprit  des  po- 
pulations. Beaucoup  de  jeunes  seigneurs,  qui  se  croyaient  encore 
au  temps  des  licences  funestes  du  XVL  siècle,  l'apprirent  à  leurs 
dépens. 

Si  le  maréchal  avait  été  décapité,  on  ne  voit  pas  comment  Riche- 
lieu aurait  pu  le  cacher,  surtout  en  faisant  lui-même  rendre,  comme 
il  le  fît,  le  corps  à  la  maréchale,  et  l'on  ne  voit  pas,  d'autre  part, 
quel  motif  aurait  pu  déterminer  celle-ci  à  renfermer  ce  grief  au 
fond  de  son  cœur,  même  après  la  mort  de  Richelieu,  car  la  ma- 
réchale a  vécu  bien  longtemps  après  le  cardinal. 

Aussi  la  plupart  des  historiens,  en  enregistrant  la  mort  du  ma- 
réchal d'Ornano  à  Vincennes,  se  bornent-ils  à  mentionner  cies 
soupçons  d'empoisonnement,  sans  parler  de  décapitation. 

Consultons  l'histoire  d'Aubenas.  Nous  y  trouvons  à  cet  égard 
une  série  de  faits  décisifs,  grâce  surtout  aux  manuscrits  de  M.  De- 
lichères,  exhumés  seulement  cette  année  de  la  poussière  qui  les 
recouvrait  depuis  près  d'un  siècle  au  fond  d'une  bibliothèque  du 
Dauphiné.   M.  Delichères,  dont  nous  avons  eu  l'occasion  de  par- 


86  CORRESPONDANCE. 

1er  ailleurs  (i  ,  était  notaire  à  Aubenas  à  la  un  du  siècle  dernier, 
et  c'était  sans  contredit  l'un  des  hommes  les  plus  lettrés  du  dépar- 
tement. On  n'a  de  lui  imprimés  que  quelques  articles  publiés  dans 
les  Annuaires  de  l'Ardèche  de  l'an  X  et  de  l'an  XI  et  une  brochure 
devenue  fort  rare  sur  l'Hercule  Gaulois  et  le  temple  de  Desaignes  ; 
mais  il  aurait  fait  mieux  que  cela,  à  en  juger  par  les  fragments 
d'histoire  locale  que  contiennent  ses  manuscrits,  si  la  politique 
n'était  venue  l'arracher  à  ses  occupations  littéraires.  Il  fut  procu- 
reur syndic  du  district  d'Aubenas  pendant  la  Révolution,  et  il  est 
mort  président  du  tribunal  de  Privas  en  1820. 

Les  notes  de  M.  Delichères  contiennent  donc  ce  qui  suit,  pro- 
bablement extrait  des  registres  consulaires  : 

«  1626.  —  Le  8  janvier,  Mgr  le  colonel  d'Ornano,  seigneur  d'Au- 
benas et  autres  lieux,  fut  reçu  maréchal  de  France  et,  "le  26  dudit 
mois,  nous  en  avons  fait  les  réjouissances  en  cette  ville. 

«  En  septembre,  le  sieur  Vignon  de  Tarnezieu,  gentilhomme  de 
Mgr,  frère  du  Roi,  agent  général  de  la  famille  d'Ornano,  comman- 
dant pour  S.  M.  du  château  de  Vais,  écrit  à  M.  de  Lantouzet, 
juge  d'Aubenas,  que  Mgr  le  maréchal  d'Ornano  est  mort  au  bois 
de  Vincennes,  après  une  maladie  de  quinze  jours,  d'une  fièvre  et 
dyssenterie  et  d'une  rétention  d'urine. 

«  Au  mois  de  décembre  suivant,  ayant  eu  avis  que  M'"'^  la  maré- 
chale était  arrivée  en  son  château  de  Maubec  et  qu'elle  faisait 
.l'honneur  à  cette  ville  (  d'Aubenas  1  de  lui  donner  le  corps  et 
le  cœur  de  mondit  seigneur,  le  sieur  de  la  Faye ,  docteur  ,  et 
Jean-Barthélemy  Dussaulx,  furent  députés  par  la  communauté 
avec  nous,  Valeton  et  Gaude,  pour  aller  rendre  à  madite  dame  se 
très  humbles  devoirs  de  la  communauté  et  la  remercier  de  l'hon- 
neur qu'elle  nous  faisait  de  choisir  dans  cette  ville  pour  la  sépul- 
ture du  corps  de  mondit  seigneur,  ce  que  nous  avons  fait  ;  et 
ensuite  madite  dame  nous  ayant  commandé  d'accompagner  le  corps 
de  mondit  seigneur  qu'on  conduisait  de  Paris,  nous  avons  rencontré 
le  convoi  à  Vienne  le  lundi  23  décembre  et  sommes  arrivés  à  Au- 
benas le  dimanche  suivant,  où  l'on  a  porté  le  corps  de  mondit  sei- 
gneur dans  une  chapelle  ardente  faite  pour  ce  sujet  au  milieu  de 
la  grande  église  St-Laurent.  Le  lendemain,  le  cœur  fut  aussi  porté 
de  ladite  église  en  celle  des  Jésuites  où  il  fut  enterré  quelques  jours 
après,  y  ayant  eu  très  grande  solennité  pour  l'honneur  dû  à  la 
mémoire  d'un  si  grand  seigneur.  » 

Il  résulte  d'actes  de  Marin,  notaire,  que  les  habitants  de  diverses 
communautés  de  la  baronnie,  par  ordre  du  capitaine  Guidon, 
commandant  d'Aubenas,  furent  obligés  de  payer  les  journées  et 
la  dépense  des  hommes  qui  portèrent  le  corps  du  feu  maréchal  du 
Teil  à  Aubenas.  On  trouve  un  emprunt  de  3o  livres  conclu  dans 
ce  but  par  les  consuls  de  St-Privat.  Les  paroisses  de  Vais  et  d'Ucel 
empruntèrent  également  pour  cet  objet. 

(i)  Voyage  autour  de  Privas,  I,  p.   14. 


CORRESPONDANCE.  87 

On  voit  que  le  maréchal  fut  enterré  à  Aubenas  avec  tous  les 
honneurs  dus  à  son  rang  et  l'on  pourrait  trouver  singulier  que  le 
cardinal,  assez  puissant  pour  imposer  silence  à  la  veuve  d'un  cri- 
minel d'Etat  décapité,  n'ait  pas  trouvé  le  moyen  d'empêcher  des 
funérailles  aussi  solennelles. 

Trois  ans  après,  viennent  les  fondations  qui  attestent  hautement 
aux  veux  des  populations  les  regrets  de  la  maréchale  et  son  vif 
attachement  à  la  mémoire  de  son  mari. 

Le  23  juin  1629,  elle  constitue  une  rente  de  625  livres  sur  la 
communauté  d'Aubenas,  moyennant  le  versement  d'un  capital  de 
10,000  livres.  Ladite  rente,  franche  de  toute  charge  et  imposition, 
est  payable  par  semestre  et  rachetable  en  un  seul  payement , 
moyennant  avis  donné  à  la  maréchale  ou  à  ses  successeurs  six  mois 
d'avance. 

Le  26  juin,  la  maréchale  cède  aux  Dominicains,  pour  toute  les 
dotations  qu'elle  peut  leur  devoir,  3i2  fr.  10  sols  sur  la  pension 
.que  lui  doit  la  communauté  d'Aubenas,  à  charge  de  dire  un  cer- 
tain nombre  de  messes  pour  le  repos  de  l'àme  du  maréchal,  dont 
une  le  2  septembre,  jour  anniversaire  de  sa  mort. 

Le  jour  suivant  (27  juin  ,  la  maréchale  assigne  les  3i2  fr.  10  sols 
restant  de  la  pension  que  lui  doit  la  communauté  d'Aubenas,  pour 
l'entretien  de  deux  prêtres  qui,  dans  l'église  St-Laurent,  seront 
chargés  de  dire  tous  les  jours,  excepté  les  dimanches  et  fêtes,  la 
messe  des  morts  pour  le  maréchal. 

On  voit  dans  l'acte  de  cette  deuxième  fondation  que  le  corps  du 
maréchal  y  était  enterré  ;  qu'il  n'y  avait  plus  dans  la  ville  de  hugue- 
nots depuis  un  an,  tandis  qu'auparavant  toutes  les  maisons  en 
étaient  remplies  ;  que  les  huguenots  avaient  rasé  toutes  les  églises 
de  la  ville  et  surtout  celle  de  St-Laurent  rebâtie  depuis  dix  années 
par  la  charité  surtout  de  la  maréchale  ;  que  celle-ci  avait  fait  don 
de  divers  ornements  et  bijoux  à  l'église  ;  qu'elle  avait  donné  à  prix 
fait  la  réparation  du  clocher  rompu  par  la  foudre,  et  dépensé  2,000 
livres  pour  cette  réparation  ,  pour  une  arcade  ou  pour  le  pa- 
vage, etc. 

Tout  ce  qui  précède  montre  combien  la  supposition  d'une  déca- 
pitation et  même  d'un  empoisonnement  est  invraisemblable.  Mais 
voici  qui  résout  péremptoirement  la  première  de  ces  questions. 

On  sait  que  la  baronnie  fut  vendue  au  commencement  du 
XVI 11^  siècle  à  la  maison  de  Vogué  par  les  héritiers  de  la  maré- 
chale d'Ornano.  , 

En  septembre  1872,  le  marquis  de  Vogué  fut  surpris  par  la  mort 
à  Aubenas,  et  ses  funérailles  y  furent  célébrées  en  grande  pompe  le 
16  de  ce  mois.  M.  Delichères  y  assistait.  C'est  donc  un  témoin 
oculaire  que  nous  allons  entendre. 

«  On  est  arrivé,  dit-il,  à  l'église  St-Laurent  :  le  corps  a  été  posé 
au  bas  de  l'église,  suivant  l'usage,  entre  les  piliers  et  les  bénitiers. 
On  a  dit  la  grand'messe  et  fait  trois  absoutes.  On  l'a  porté  ensuite 
dans  le  caveau  du  seigneur  qui  est  au  haut  de  l'église,  vis-à-vis  le 


CORRESPON'DAXCE. 


maître-autel.  On  Ta  mis  dans  le  cercueil  de  plomb  où  était  le  corps 
embaumé  du  maréchal  d'Ornano  depuis  1626.  On  a  trouvé  étrange 
qu'on  tirât  ce  corps  de  sa  bière  pour  y  en  mettre  un  autre  ;  mais  cela 
s'est  tait  sans  Taveu  des  maîtres  ;  le  cercueil  de  plomb  était  her- 
métiquement fermé.  On  a  tait  dessouder  le  couvercle.  Le  corps  de 
M.  le  maréchal  d'Ornano  était  sain  et  entier:  sa  poitrine  était  ou- 
verte parce  qu'on  l'ouvrit  dans  le  temps  pour  en  retirer  son  cœur 
qui  est  au  collège.  Sa  tète  tenait  à  son  corps  qui  était  sain  et  bien 
embaumé.  Donc  il  n'avait  été  ni  décollé  ni  empoisonné.  C'était  un 
grand  homme  dont  les  épaules  étaient  fort  larges.  Il  y  avait  dans  ce 
caveau  le  corps  de  M.  de  Durand,  oncle  de  M^^  la  marquise  de 
Vogué,  enterré  il  v  a  35  ans,  qui  était  muet;  celui  d'une  demoi- 
selle de  Vogué  morte  fort  jeune;  un  troisième,  etc..  » 

Ce  témoignage,  si  formel,  si  précis,  qu'on  croirait  y  voir  un  pres- 
sentiment du  retour  des  bruits  absurdes  qui  avaient  couru  du 
vivant  de  Richelieu,  concorde  pleinement  avec  celui  de  l'abbé 
Martel  que  cite  M.  Deydier. 

L'abbé  Martel,  ancien  professeur  de  seconde  au  collège  ci'Aube- 
nas,  a  eu  pour  élève  M.  Tailhand,  ministre  de  la  justice  sous  le 
gouvernemeut  de  Mac-Mahon,  et  c'est  de  la  bouche  de  M.  Tail- 
hand que  nous  tenons  le  récit  des  incidents  qui  marquèrent,  en 
1793,  la  seconde  violation  du  tombeau  du  maréchal  d'Ornano. 
L'abbé  Martel,  qui  avait  entendu  parler,  comme  tout  le  monde,  de 
la  prétendue  décapitation  du  maréchal,  voulut  savoir  par  lui-même 
ce  qui  en  était.  Il  donna  une  pièce  de  monnaie  à  un  jeune  garçon 
pour  que  celui-ci  véritiàt,  en  tirant  fortement  la  tête  à  lui,  si  elle 
tenait  ou  non  au  reste  du  corps.  La  tête  resta  parfaitement  adhé- 
rente. Non  content  de  cette  première  épreuve,  l'abbé  Martel  s'ap- 
procha et  s'assura  par  un  examen  attentif  que  la  peau  du  cou,  qui 
était  devenue  par  l'action  du  temps,  semblable  à  du  parchemin, 
n'otiVait  aucune  trace  de  coupure. 

D'   Francis. 

II. 

Pardonnez-moi  de  vous  faire  remarquer  que  l'exergue  dont  il 
est  question  ^Bulletin,  p.  238  ,  est  mal  traduit.  Es  wirt  al's  glich 
est  du  dialecte  alémanique  ou  patois  allemand  de  la  haute  Alsace 
et  veut  dire:  tout  devient  égal;  tous  deviennent  égaux  'devant  la 
mort  ou  par  la  mort).  Il  n'y  aura  de  ditiercnce  entre  les  morts  que 
celle  de  leurs  mérites,  des  mérites  de  leurs  oeuvres.  Sator  opéra 
tenet. 

Cette  explication  n'est  pas  savante,  mais  elle  me  paraît  juste  et 
vraie.  Pour  ça  m'est  égal  ou  tout  m'est  égal,  il  y  aurait  eu  dans 
l'allemand  :   Es  ist  mir  ailes  gleich. 

P.   MiRv,  chanoine  de  Strasbourg. 


QUARANTE  ANNÉES 


DE 


L'HISTOIRE  DES  EVÊQUES  DE  VALEfCE 


AU      MOYEN      AG 

(1226    à     1266) 

(Slite) 


On  sait  que  le  pape  Innocent  IV,  pour  déjouer  les  calculs  de  Fré- 
déric, son  implacable  adversaire,  se  vit  obligé  de  fuir  de  Sutri  à 
fi-anc  étrier.  dans  la  nuit  du  28  juin  1244.  De  Civita-\'ecchia,  il  ga- 
gna Gênes,  sa  patrie,  sur  la  flotte  que  ses  concitoyens  lui  avaient 
envoyée.  Mais  comme  il  était  résolu  de  soumettre  à  un  concile  oecu- 
ménique l'examen  de  ses  démêlés  avec  l'empereur  et  que  Gênes  ne 
lui  offrait  pas  la  sécurité  désirable  contre  un  coup  de  main  de  son 
ennemi,  il  avait  tourné  ses  regards  au-delà  des  monts,  et  c'était  à 
Lyon  quil  avait  décidé  daller  chercher  un  asile.  Cette  ville,  qui  re- 
connaissait alors  l'autorité  immédiate  de  l'archevêque. et  du  chapitre, 
ne  se  rattachait  à  l'empire  que  par  un  lien  purement  nominal  (i). 
Dans  les  circonstances  actuelles,  la  voie  la  plus  sure  pour  gagner 
Lyon  était  celle  des  Alpes  (2),  et  le  pape  avait  compris  que,  pour  un 
tel  voyage,  Philippe  de  Savoie  était  en  mesure  de  lui  rendre  d'inap- 

(  1  >ur  les  motifs  qui  clélerminèrenl  le  pape  à  choisir  Lyon  et  à  y  élablir  sti  rc- 
ï.idence,  voir  Georg  HufFER.  Die  Sladt  Lyon  tiiid  die  Westlialfte  des  Er;^bislhnms 
in  ihren  politischen  Bedehitngen  zum  deittschen  Reic/id  iijid  zur fiautosischeu  Krom. 
-Munster,  1878,  in-8°,  p    8j  et  suiv 

2!  Innocent  IV  ne  pouvait  songer  prutlemment  à  gagner  Lyon  par  la  vallée  du 
Rhône,  ou  les  amis  de  Frédéric  étaient  nombreux  et  pui?sants.  Leur  soumission  et 
leur  dévouement  au  pape  étaient  plus  apparents  que  réels  Raymond  de  Toulouse, 
Barrai  de  Baux  et  ,\ymar  de  Poitiers  avaient  tout  intérêt  à  ménager  Lempereur,  et 
le  moindre  succès  de  ce  prince  pouvait  les  porter  à  rompre  ouvertement  avec  le  pape. 
Bull.  IX,  1889.  ,  7 


L)0  QUARANTE    ANNEES     DK    L  HISTOIRE    DES 

préciables  services  :  les  principaux  passages  de  ces  montagnes  ap- 
partenaient en  effet  au  frère  de  l'élu  de  \'alence.  Le  pape  et  sa  petite 
escorte  quittèrent  Gênes  le  mercredi  5  octobre  1244.  Après  quelques 
haltes  plus  ou  moins  longues,  nécessitées  par  la  maladie  ;  après 
avoir  surmonté  les  obstacles  qu'opposèrent  et  la  nature  des  lieux  et 
l'intempérie  de  la  saison,  Innocent  1\^  arriva  enfin  à  Lyon  le  2  dé- 
cembre (i).  Philippe  de  Savoie,  qui  l'avait  constamment  accompa- 
gné et  protégé  durant  ce  long  et  pénible  voyage  (2),  pouvait  s'at- 
tendre à  être  magnifiquement  récompensé  ;  il  ne  fut  point  dégu  dans 
ses  espérances.  Comme  nous  allons  le  voir,  on  ne  tarda  pas  à  le 
combler  d'honneurs  et  de  biens  et  à  en  faire  un  des  plus  puissants 
et  des  plus  riches  princes  de  l'Eglise. 

Pendant  que  le  pape  jouissait  à  Lvon  dune  sécurité  relative  et 
s'occupait  de  préparer  la  tenue  du  concile  œcuménique,  convo- 
qué pour  le  24  juin  1245.  Philippe  de  Savoie  sétait  rendu  dans  son 
diocèse  afin  de  surveiller  ses  propres  affaires  et  de  terminer  le 
différend  qu'il  avait  avec  Aymar  de  Poitiers.  Barrai,  seigneur  de 
Baux,  et  Jean  de  Bernin ,  archevêque  de  \'ienne,  en  qualité 
darbitres  nommés,  assignèrent  les  deux  contendants  à  comparaître 
devant  eux  à  Romans,  le  16  février  1245.  Philippe  et  Aymar  furent 
fidèles  au  rendez-vous.  Xous  avons  sous  les  yeux  le  procès-\erbal 
de  la  séance,  dans  laquelle  les  deux  parties  furent  in\itées  à  pro- 
duire leurs  griefs  réciproques.  Ce  curieux  document,  que  nous  tra- 
duirons en  partie  et  dont  nous  publions  plus  loin  le  texte  intégral, 
suppléera  au  silence  des  chroniques  et,  en  nous  initiant  à  l'histoire 
intime  des  querelles  de  l'évêque  et  du  comte,  nous  présentera  une 
peinture  assez  vive  des  mœurs  de  l'époque.  «  Tout  d'abord,  lisons- 
«   nous,   l'élu   de  Valence  réclame   à   .Vdémar  de    Poitiers  les    8,000 

(i)  Sur  le  voyage  crinnoceni  IV  à  travers  le^  Alpes  et  la  Savoie,  on  peut  con- 
sulter .•  Mansi,  dans  Baronius,  Annales,  ad  an.  12^^,  n"  j_>.  nota  — Ei.ik  Btrorr, 
Op.   cil    Introd  .   p.  20-5. 

(2)  Annales  prioratiis  de  Dumsiaphia,  dans  Quakd,  Annales  nionastici.  t.  111,  p. 
166:  «  Circa  festum  sancli  Andrée  venit  pp.  Innocencius  I\'  pcr  mullas  tribulatio- 
nes  apud  civitatem  Leonas  auxilio  Baldev.'ini  de  Sauveye,  qui  luit  electus  in  ar- 
chiepiscopum  illius  civitatis.  »  L'annaliste  anglais  a  commis  évidemment  une  erreur: 
il  faut  lire  Philippi  el  non  Bal.ie-inni.  La  chronique  de  Mathieu  de  Paris,  l  VI,  Addi- 
tamenta,  p.  ^4^,  est  ici  plus  exacte  :  m  Iicm  Philippus  electus  Lugdunensis  per 
mulia  viarum  discrimina  et  hostium  pericula  et  insidias  dominum  papam  Innocen- 
tium  IV  a  facie  Frethcrici  fugicntem  du.xit  salvo  Lugdunum,  et  ibi  dum  concilium 
celebrarelur  imnio  dum  papa  ibi  moram  continuaret,  pacem  inviolatam  prudcnter 
servavit.  w 


KVEQUrS  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  QI 

0  marcs  cl"ai-gent    auxquels  avait  été  condamné    par  l'empereur  en- 

(•  \ers   Guillaume,   élu   de  \^alence,  Adémar  de    Poitiers  le   Vieux, 

«  dont  led.   Adémar  est  l'héritier.   De  plus,  il  demande  qu'Adémar 

«  lui  restitue  les  châteaux  de  Montoison  et  d'Upie,   que  Guillaume 

"  d'heureuse   mémoire,  élu  de   Valence,  retenait  en  garantie  d'une 

«  somme  de  i,6oo  livres  due  par  .Adémar  le  Vieux  :   ce  dernier  avait 

«  enlevé  ces  châteaux  à  l'évèque.  De  plus,  il  demande  le  château  de.. 

H  Vaunaveys.  qu'Adémar  le  Vieux  a  jadis  enlevé  à   l'élu  Guillaume 

"  pendant  une  trêve.  De  plus,  il  demande  le  château  de  Gigors,  que 

('  ce  même  Adémar  avait  enlevé  aud.  élu  pendant  la  trêve.  De  plus, 

f  il  demande  qu'Adémar  lui  rende  encore  le  bourg  de   Crest  et  les 

"  deux  châteaux  de  ce   même  bourg,  qui   lui   ont   été  enlevés  à  lui 

0  iPhilippe)  par  led.  Adémar  pendant  la   trêve  :  le  château  le   plus 

«  élevé  appartient  à  l'Eglise  de  Valence,  en  vertu  de  la  donation  de 

«  feu  Silvion  de  Crest  ;  quant  au  château  situé  plus  bas,  Guillaume, 

!■  d'heureuse  mémoire,   le  tenait  en  garantie  dune  somme  de  2,000 

«  livres.   De   plus,    il  demande  encore  qu'Adémar  remette  entre  ses 

<i  mains   le   château   de   Montléger  qu'il  a  ruiné   pendant  la  trêve. 

»  De  plus,  il  demande  à  cire  indemnisé  de  toutes  les  pertes  qu'Adé- 

>■  mar  lui  a  fait  subir  pendant   la  trêve  en  s'emparant  de  ses  châ- 

"  teaux,   en  faisant  des  prisonniers,   en    saisissant  les  animaux   et 

«  autres  biens  de   ses  vassaux,  pertes  qu'il  estime   à    10,000  marcs  ; 

')  il  ne  parle   point  du  massacre    de   plusieurs  nobles   et  manants, 

•<  njême  de  quelques  clercs,  car  des  pertes  de  ce  genre  ne  sauraient 

o  s'estimer  à  prix  d'argent.  De  plus,  il  demande  à  rentrer  dans  toutes 

«  les  dépenses  qu'il   a   faites  à  l'occasion  de  la   trêve   conclue  avec 

«  Adémar,   trêve  que  celui-ci    ne  voulait  pas  sincèrement  :  ces  dé- 

'<  penses,   il  les  évalue  à    20,000  marcs,  et  il  ne  parle  point  de  quel- 

'<  ques-uns  de  ses  hommes  qui  ont   été  tués,   ce  qui  ne  peut  être 

"  compensé  avec   de  l'argent.   De  plus,    il  demande    qu'Adémar  lui 

"  remette  Châteaudouble,  qui  est  un  fief  de  l'Eglise  de  Valence,  que 

•'  le  comte  a  acheté  et  retient  sans  avoir  obtenu  le  consentement  de 

«  lad.  Eglise,  ce  qui  fait  que  ce  fief  est  tombé  en  commise.  De  plus, 

«  il  demande  les  châteaux  de  Gloj-ran,   de  Beauchastel  et  de  Saint- 

«  Marcel,  tombés  également  en  commise,  parce  qu'Adémar  n'a  pas 

('  fait  hommage   pour  les   autres   châteaux  qu'il  tient  en   fief  dud. 

('  évêque  de  Valence.  De  plus,   il  demande  le  château  de  Chalencon 

«  qu'un  jugement   rendu  par  Guillaume  Artaud  et   ceux  qui  l'assis- 

«  tèrent  avait  donné  à  feu  Guillaume,  élu  de  Valence,  à  cause  de  la 

"  contumace  d'Adémar  de  Poitiers  le  A'ieux. 


(-)2  QUARANTE    AXNF.KS    DK    L  HlSTOIHf;    DKS 

('  Quant  aux  griefs  ou  plaintes  quAdémar  de  Poitiers  a  contre 
«  lélu  et  l'Eglise  de  A'alence,  les  voici  :  Tout  d'abord,  Adémar 
«  demande  que  l'élu  et  l'Eglise  de  \'alence  l'indemnisent  des  pertes 
('  de  tout  genre  que  Silvion  de  Crest  lui  a  fait  subir,  soit  qu'il  en  ait 
«  été  la  cause  immédiate,  soit  qu'il  en  ait  été  simplement  l'occasion, 
«  attendu  que  l'élu  et  l'Eglise  de  \'alence  possèdent  actuellement  les 
«  biens  de  Silvion  ou  affirment  être  en  droit  de  les  posséder.  Ce 
«  fut.  en  effet,  avec  l'aide  et  les  conseils  de  Silvion  que  le  comte  de 
«  .Montfort  entra  dans  les  terres  dud.  Adémar  et  y  promena  la  déso- 
<>  lation  :  il  détruisit  le  bourg  de  Crest,  les  châteaux  de  Rochefort, 
<'  de  Saint-Bonnet,  de  Sauzet,  d'Autichamp,  de  la  Roche,  de  la 
«  Baume,  de  la  Rochette,  de  Grane,  d'Upie,  de  Montmeyran,  de 
»  \  aunaveys,  de  Montoison.  de  \'ibie.  »  Xous  énumérons  briève- 
ment les  autres  réclamations  d'Aymar  de  Poitiers.  Une  indemnité 
de  10,000  marcs  lui  revient  pour  l'achat  et  l'occupation  par  l'Eglise 
de  \'alence  du  château  de  .Mirmande,  sans  son  consentement,  et 
pour  la  guerre  que  lad.  Eglise  lui  a  faite  à  cette  occasion.  Guillaume 
de  Savoie  avait  reçu  de  l'argent  pour  protéger  la  personne  et  défen- 
dre les  terres  d'Adémar  jusqu'à  ce  que  celui-ci  eût  atteint  l'âge  de 
quatorze  ans  ;  malgré  cela,  il  s'est  emparé  du  château  de  Chabrillan, 
propriété  de  son  pupille:  il  doit  donc  le  rendre  avec  10,000  marcs 
pour  les  frais  de  la  guerre  soutenue  à  celte  occasion.  Au  moment 
même  où  le  comte  se  disposait  à  accepter  la  décision  d'amis  com- 
muns, de  l'empereur  ou  du  pape,  l'évèque  lui  déclarant  la  guerre  a 
mis  le  siège  devant  le  château  d'Etoile,  qu'il  a  pris  et  gardé  ;  il  a 
détruit  les  châteaux  de  Barcelonne  et  de  Saint-Didier,  et  a  ravagé 
ses  terres,  d'où,  sans  parler  de  la  perte  de  ses  vassaux,  résulte  pour 
lui  un  dommage  de  15,000  marcs.  FùiHn  le  comte  évalue  à  2,000 
marcs  les  rc\enus  que  ré\cque  a  perçus,  et  exige  le  vasselage  de 
Guillaume  de  V'esc  pour  la  parérie  de  Saint-.Marcel. 

Il  est  inutile,  croyons-nous,  de  faire  remarquer  au  lecteur  combien 
doit  être  exagérée  l'évaluation  des  pertes  subies  de  part  et  d'autre; 
nous  sommes  en  présence  de  deux  contendants.  qui  ct')mparaissent 
devant  leurs  juges  et  qui  ont  tout  intérêt  à  grossir  le  plus  possible 
les  torts  de  l'adversaire  (1).   Ce  qui  est  bien  certain   toutefois,  c'est 

(i)  L'évèque  rcclumail  en  loul  -jS.oon  marcs:  le  comte  37,000.  En  admellant 
que  le  marc  d'argent  fût  à  celte  époque  dans  nos  pa\s,  comme  dans  les  Kials  du 
comte  de  Toulouse,  composé  de  iH  sous  1  denier,  le  marc  aurait  une  valeur  intrin- 
sèque de  17  fr.  18c.,  et  relative  au  pouvoir  d'aujourd'hui  de  lo,-  (r.  Les  ^8,000 
marcs  réclames  par  l'évèque  représenteraient  donc  j, 91.:), 000  iVancs  de  notre  mon- 
naie, et  les  37,000  que  demandait  le  comte,   3.81  1,000  francs 


E\"EQUES     [>K    VALENCE    AU    .AIOYE.X    AGE.  q  i, 

que  ks  documents  de  ce  genre  valent  plusieurs  pages  des  meilleures 
chroniques.  \ous  croyons  de\'oir  insérer  dans  notre  Mémoire  le 
texte  de  cette  curieuse  pièce  : 

Xotum  sit  omnibus  presentibus  presentem  paginam  inspecturis, 
quod  dominus  Philippus  de  Sabaudia,  electus  seu  procurator  \^alen- 
tinensis,  consensu  et  voluntate  expressa  capituli  sancti  Apollinaris 
\'alentinensis,  nomine  ecclesie  \'alentinensis,  ex  una  parte,  et  nobi- 
lis  vir  Aymarus  de  Pictavia,  ex  altéra,  promiserunt  per  stipulatio- 
nem  sollempnem  venerabili  patri  j.,  Dei  gratia  Viennensi  archiepis- 
copo,  et  Barralo,  domino  Baucii,  et  sub  pena  duorum  milium 
marcharum  argenti.et  tactis  sacro  sanctis  evangeliis  juraverunt  stare 
sententie  et  mandato,  précepte,  dicto,  diffinitioni,  arbitrio  et  omni- 
mode  voluntati  dictorum  dominorum  archiepiscopi  et  Barrali  de 
omnibus  petitionibus,  querelis,  rancuris,  questionibus,  controver- 
sis,  quas  inter  se  ad  invicem  faciebant.  sive  de  castris  et  munitioni- 
bus,  sive  de  terris,  feudis,  dominiis,  sive  de  hominibus,  pecunia, 
forefactis  et  emendis,  que  sunt  hec.  Primo  petit  dominus  electus  ab 
Aymaro  de  Pictavia  octo  milia  marcharum  argenti.  adjudicata  Vil- 
lelmo.  quondam  electo  Valentinensi,  nomine  ecclesie  X'alentinensis. 
per  dominum  imperatorem  contra  Aymarum  de  Pictavia  seniorem, 
cujus  iste  est  hères.  Item  petit  sibi  restitui  ab  eodem  Alonteison  et 
l^pianum,  que  bone  memorie  Villelmus,  electus  N'aient. ,  habebat 
et  tenebat  sibi  pignora  obligata  pro  mille  et  sex  centis  libris  ab 
.\demaro  de  Pictavia  seniori,  que  castra  idem  Ademarus  senior 
abstulit  eidem  electo.  Item  p'etit  ab  eodem  castrum  de  Vaunavey, 
quod  dictus  Ademarus  senior  abstulit  predicto  Villelmo,  electo 
\'alent.,  in  treuga.  Item  petit  castrum  de  Gigort,  quod  iste  Adema- 
rus abstulit  huic  electo  in  treuga.  Item  petit  ab  eodem  restitui  bur- 
gum  de  Crista  et  utrumque  castrum  ejusdem  burgi .  quod  idem 
Ademarus  abstulit  sibi  in  treuga  :  quorum  castrorum  superius  spec- 
tat  ad  ecclesiam  A'^alentinensem.  ex  donatione  Silvionis  quondram 
de  Crista;  inferius  vero  castrum  habebat  bone  memorie  Willelmus, 
quondam  A^alentinensis  electus  ,  pignori  obligatum  pro  duabus 
milibus  libris.  Item  petit  sibi  restitui  ab  eodem  castrum  Montis'La- 
gerii,  quod  idem  Ademarus  diruit  in  treuga.  Item  petit  restitui  sibi 
ab  eodem  omniadampna,  que  sibi  intulit  idem  Ademarus  in  treuga. 
capiendo  castra  et  homines  ipsius,  predas  animalium  et  spolia  ho- 
minum  abducendo,  que  extimat  decem  milia  marcharum  ,  prêter 
strages  hominum,  nobilium  et  innobilium,  et  etiam  clericorum,  qui 
non  receperunt  extimationem.  Item  petit  sibi  restitui  ab  eodem  Ade- 
maro  expensas,  quas  fecit  occasione  treuge  fracte  ab  eodem  Ade- 
maro,  quia  idem  Ademarus  nolebat  de  treuga  concedere,  quas 
expensas  extimat  viginti  milia  marcharum,  exceptis  hominibus  inter- 
fectis,  qui  non  possunt  extimari.  Item  petit  ab  eodem  Ademaro 
Castrum  Duplex,  quod  est  de  feudo  ecclesie  Valentinensis,  et  sine 
consensu  ejusdem  ecclesie  émit  et  detinet  illud,  unde  incidit  in  com- 
missum.  Item  petit  ab  eodem  castra  de  Gloyran,  Bel   Chastel,    Sant 


04  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

.Marcel,  que  dicitesse  commissa,  quia  idem  Ademarus  non  fecit  hom- 
magium  pro  castris  illis  eidem  ecclesie  \'alentinensi.  Item  petit  cas- 
trum  de  Chalancone,  quod  fuit  adjudicatum  bone  memorie  domino 
\\"illelmo,  electo  Valen.,  a  ^^'illelmo  Arlaudi  et  sociis  suis,  propter 
contumaciam  Ademari  de  Pictavia  senioris.  Rancure  vero  seu  que- 
rimonie,  quas  facit  Ademarus  de  Pictavia  de  domino  electo  et  eccle- 
siaA'alentinensi  sunt  hec.  In  primis  predictus  Ademarus  petit  a  pre- 
dicto  electo  et  predicta  ecclesia  dampna  et  gravamina  que  sibi  intu- 
lit.  sive  quorum  causam  sive  occasionem  dédit  Silvio  de  Crista, 
cujus  bona  predicti  possident,  sive  ad  se  pertinere  dicunt  ;  cujus 
Silvionis  ope  et  consilio.  cornes  Montisfortis  venit  in  terram  pre- 
dicti Ademari  et  eam  destruxit,  scilicet  villam  de  Crista,  castrum 
Rupisfortis  et  Sancti  Boneti  et  Sauzeii,  et  Alti  Campi  et  Roche,  et 
Balme.  et  Rochete,  et  Grane,  et  Upiani,  et  Montismariani,  et  Vau- 
navesii,  et  Montaison,  et  Vibiani,  que  dampna  estimât  viginti  milia 
marcharum  argenti.  Item  petit  castrum  de  Mirmanda,  quod  cum 
esset  de  feudo  s'uo  et  dominationibus,  ecclesia  Valent,  illud  emei'it. 
et  possessionem  ejus,  sine  assensu  ejus,  intraverit,  dicit  ipsum  inci- 
disse  in  commissum  et  sibi  debere  adjudicari,  et  cum  pro  eo  jure  sibi 
recuperando  contenderet,  dicit  sibi  guerram  fuisse  factam  per  eccle- 
siam  Valentinensem,  et  dampna  que  passus  fuit  ipse  et  sui  et  expen- 
sas  ex  illa  guerra  estimât  decem  milia  marcharum  argenti,  que  sibi 
petit  restitui.  Item  dicit  quod  dominus  ^^'illeImus,  electus  \'alent.. 
propter  peccuniam  sibi  ab  eis  datam,  talem  cum  tutoribus  predicti 
Aemari  fecit  conventionem.  quod  ipse  debuit  ipsos  bona  fîde  javare 
et  terram  ejus  defendere  usquequo  predictus  Aemarus  complesset 
quartum  decimum  annum,  et  si  quid  de  terra  ipsius  .\emari  ad  eum 
aliqua  occasione  infra  illud  tempus  perveniret,  debuit  illud  predicto 
Aemaro  reddere  immune  et  quitium,  et  quia, infra  illud  tempus,  cas- 
trum de  Chabreilano  ad  manus  ejus  devenit  et  ipsum  castrum  erat 
predicti  Aemari  et  fuerat  patris  sui,  petit  ipsum  sibi  restitui  et 
dampna  sibi  et  suis,  ob  guerram  inde  culpa  ecclesie  Valent,  ortam 
illaia,  et  expensas  a  se  inde  factas,  que  estimât  decem  milia  mar- 
charum argenti.  Item  dicit  quod  cum  ipse  presentaret  stare  juri,  per 
manus  communium  amicorum  vel  domini  pape  vel  domini  imperato- 
ris,  secundum  quod  ad  unumquemque  ipsorum  perlineret  cognitio 
predicta,  ecclesia  et  dominus  electus  predictus  movit  guerram  contra 
ipsum  et  obsedit  castrum  Stelle  et  ipsum  sibi  abstulit,  sive  causam 
dédit,  et  ipsum  detinet,  et  destruxit  castrum  Sancti  Desiderii  et  Bar- 
cellune,  et  terram  ejus  vaslavit,  que  dampna.  prêter  stragem  homi- 
num  et  expensas  inde  factas,  estimât  quindecim  millia  marchaium 
argenti,  que  cum  predicto  caslro  petit  sibi  restitui.  Item  reddilus, 
quos  predictus  dominus  electus  percipit  de  terra  ipsius,  predictus 
.Aemarus  estimât  duo  milia  marcharum  argenti.  que  petit  sibi  resti- 
tui. Item  dicit  quod  illa  pars  sive  pareria,  quam  ^^'illelmus  de  Vaesco 
habebat  in  castro  Sancti  Marcelli,  erat  de  feudo  sive  dominatione 
sua,  quam  cum  de  ea  ecclesie  ^'allentinensi  de  novo  et  contra  jus 
fueril  facta  recognilio,  petit  eam  sibi  restitui  et  possessores  predicti 


EVEQUES    1)E    VALENCE    AU    .MOYEN    AGE.  95 

feucli  a  predicta  ecclesia  absolvi,  si  in  aliquo  sibi  ob  illam  rccognitio- 
nem  teaebantur.  Et  qualitercunque  predicti  duo  simul  inter  partes 
si  possent  amicabiliter  componendo  vel  de  jure  sententiando  senten- 
tiarent,  mandarent,  preciperent,  interloquerentur,  dicerent,  diffini- 
rent,  ordinarent...  de  omnibus  supra  dictis  petitionibus,  querelis. 
presentibus  utrisque  partibus,  vel  una  présente  et  altéra  absente.... 
non  obstantibus  aliquibus  exceptionibus,  dilacionibus,  declinato- 
riis....  tenere  et  observare  et  contra  nonvenire  predictis  arbitris,  sub 
pena  predicta  et  juramento,  sollemniter  promiserunt,  addentes  quod 
tociens  comittatur  pena  quotiens  contra  factura  fuerit,  in  totum  vel 
in  partem,  a  predictis  partibus  vel  ab  aliqua  ipsarum,...  renuncian- 
tes  in  supradictis  omnibus  dicte  partes  doli,  metus  et  in  factum  ac- 
tioni  seu  exceptioni  et  minori  etati  et  beneficio  juris,...  et  omnibus 
aliis  exceptionibus...  eis  de  jure  vel  de  facto  in  hoc  negocio  compe- 
tentibus.  Fuit  actum  expressum  in  compromisso  quod  de  pena  pos- 
sint  dicti  arbitri  cognoscere  et  eam  parti  observanti  mandata  ipso- 
rum  adjudicare,  nec  hoc  fuir  omissum,  immo  dictum  expresse,  ut 
morte  unius  arbitri  ipsum  arbitrium  finiretur,  et  istud  similiter  de- 
ductum  fuit  in  compromisso  quod  partes  locis  et  temporibus,  a  dictis 
arbitris  assignatis  eisdem.,  veniant,  nisi...  légitime  se  excusent,  nec 
unus  dictorum  arbitrorum  sine  alio  possit  dirimere  questiones,  vel 
eas  examinare,  vel  in  aliquo  procedere  in  negocio  memorato.  Item 
dictum  fuit  expresse  quod  sub  dominatione,  quam  dicit  se  habere 
Guigo  Delphini  in  castris  Stelle,  Criste,  in  parte  tamen  que  fuit  do- 
mini  Silvionis  de  Crista,  Auguste,  Deiajua  et  eorum  appendiciis,  si 
hoc  vel  aliquid  prediclorum  per  pacem  a  dictis  arbitris  factam  ad 
manum  dicti  .\emari  pervenerint  seu  remanserint,  quod  dictorum 
arbitrorum  stetur  cognitioni  et  ordinationi,  et  super  hoc  inter  Gui- 
gonem  Delphini  et  Aemarum  de  Pictavia  orta  contentio,  una  cum 
questionibus  sepedicti  electi  per  dictos  arbitros  sopiatur.  Item  et 
de  questionibus,  quas  habet  Giraudus  Basteti  cum  domino  electo  et 
e  converso,  fuit  in  compromisso  specialiter  dictum  ;  fuit  preterea  ex- 
pressum in  compromisso  quod  de  querimoniis  et  rancuris  valitorum 
utriusque  partis  expressis  possint  arbitri  simul  vel  separatim  cognos- 
cere ac  diffinire.  Ad  hec  deductum  fuit  in  compromisso  quod  pacem. 
quam  inter  partes  facient  arbitri,  pacem  habeant  homines  et  valito- 
res  eorum  ac  dicte  partes  dictis  arbitris  promiserunt,  sub  pena  et 
juramento  predictis.  Pro  predictis  singulis  et  universis  fîdeliter  im- 
plendis.  atendendisetobservandis  cum  pena  et  juramentopredictis,pro 
se,  hominibus  et  valitoribus  suis,  dederunt  fidejussores  juratos  prefatis 
arbi  tris  dicte  partes,  promi  tentes  in  virtuteprestitijuramenti,singuli  pro 
parte  sua,  quod  si  in  dictorum  arbitrorum  sententiis, vel  ordinationibus, 

vel  mandatis  eorum ad  jussum  et  mandata  dictorum  arbitrorum, 

ubi  ipsi  preciperent,  tandiu  tenerent  ostagia  donec  mandata  (fuerint 
expleta).  Xomina  vero  Hdejussorum  sunt  hec,  pro  parte  domini 
electi,  princeps  Aurasice.  dominus  Candiaci,  Ademarus  de  Grai- 
nham,  Hu.  de  Chastillon,  dominus  G.  de  Tre,  \\illelmus  .Armani 
senior,  Petrus  de  Mirmanda.  Silvio  de   Rupe,  Audebertus;    ex  parte 


QÔ  .  QUARANTE    ANNÉES    DE    l'hISTOIRE    DES 

Aernari,  Pon.  de  \'illaiiova,  princeps  Aùrasice,  Giraudus  Basteti, 
Hugo  de  Petragorda,  Amalricus  de  Rupeforti,  Bertrandus  de  Tau- 
linhan.  Arnaldus  Gueelini,  Arbertus  Cornilhan,  Geelinatz.. .  :  tra- 
dentes  nichilominus  dicte  partes  ipsis  arbitris.  pro  predictis  obser- 
vandis  castra  infrascripta...  :  pars  domini  electi,  castra  Alesii  et 
Castrum  Novum  super  Ysaram  ;  pars  vero  Aemari,  castra  de  Pousino 
et  Upianum,  et  communiter  de  mandato  partium  predictarum,  do- 
minus  Aemarus  de  Bressiaco  castrum  suum  de  Alontemirato  ipsis 
arbitris  reddidit  et  se  pro  predictis  arbitris.  juramento  prestito,  se 
constituit  possidere  donec  mandata  dictorum  arbitrorum  perfecte 
fuerint  expleta  ;  de  quibus  castris,  actum  est  expressim  in  compio- 
misso  quod  si  aliqua  predictarum  partium  contra  mandata  predicto- 
rum  arbitrorum,  in  totum  vel  in  parte,  veniret,  vel  totaliter  non 
observaret,  castra  dicta  mandata  non  observantis  alteri  parti  trade- 
rentur  pro  pena  superius  nominata...,  promittentes  partes  ipsis  ar- 
bitris sub  pena  et  juramento  predictis  quod  nichil  dicent  vel  facient. 
per  se  vel  per  alios.  unde  dicta  castra  possint  ammitlere,  donec  ipsi 
arbitri  ordinando  dixerint  ab  ipsis  partibus  plenarie  sit  completum. 
Item  actum  fuit  expressim  in  compromisse  quod  de  castris  vel  terra 
unius  partis  possint  dicti  arbitri  dare  alteri  parti  vel  precipere  quod 
una  pars  accipiat  ab  altéra  de  terra  sua  vel  castris  quantum  dicti 
arbitri  voluerint,  et  quando  voluerint,  et  eo  modo  quo  precepe- 
rint,  et  prcceptum  dictorum  arbitrorum  in  hoc  et  in  omnibus  aliis 
tenentur  dicte  partes  in  omnibus  et  per  omnia  adimplere.  Promise- 
runt  preterea  dicte  partes  dictis  arbitris.  juramento  interposito  cor- 
poraliter,  quod  villam  Romanensem  non  exeant,  donec  mandata 
predictorum  arbitrorum  compleverint.  Hoc  etiam  ex  parte  domini 
electi  juraverunt  Rogerius  de  Rupe,  Petrus  Isoardi,  dominus  de  Can- 
diaco,  Guido  de  Boczosello,  Bastetus,  Humbertus  de  Sancto  Sim- 
phoriano,  Guigo  Argius,  Guigo  prepositus  Valentinensis,  Franciscus 
Durre,  Po.  ,  vicarius  Valentinensis  :  ex  parte  Aemari  Willelmus 
de....,  Giraudus  Basteti,  \\  illelmus  de  Camareto,  Poncius..  ,  Hugo 
de  Petragorda,  iVmicus,  Arnaldus,  Bartholomeus...  (Insuper  actum 
est  expressim)...  quod  compromissum  hoc  sigillis  suis  dicte  partes 
sigillarent  et  castra  supradicta  reddant,  et  universa  et  singula  supra- 
dicta  servent  et  contra  non  venianl.  .  .\ctum  Romanis,  in  domo  ar- 
chiepiscopali,  XIV  kalendas  martii,  anno  Domini  M".  CC".  XL'\ 
quarto.  Ut  autem  omnia  et  singula  supradicta  et  illibata  permaneanl. 
nos  predictus  electus  seu  procuralor  ecclesie  \'alentinensis,  et  capi- 
tulum  ejusdem  ecclesie,  et  ego  Aemarus  de  Pictavia  presens  com- 
promissum sigillamus.  et  nos  J..  Dei  miseratione  Viennensis  archie- 
piscopus,.  et  Barralus,  dominus  Baucii,  sepedicti  arbitri,  ad  preces 
dictarum  partium  hoc  compromissum  duximus  sigillandum  (i). 

<ij  Archives  du  dép.  de  ll.'ière,  B,  55-'!  Original  parch.  de  75  lignes.  Les  cinq 
sceaux  qui  pendaient  à  la  charte  ont  disparu.  —  Autre  original  parch.  de  79  lignes, 
sceaux  égalennent  disparus,  aux  archives  de  la  Drûmc  :  fond>  tle  l'évéché  de  \'alence, 
non  encore  classe. 


EVEQUES    UE    VAEENCi;    AU    MOYEN-AGE.  07 

Trois  jours  aprcs  cette  première  séance,  le  22  fé^  rier,  les  parties 
intéressées  étaient  de  nouveau  convoquées,  dans  une  des  salles  de 
l'habitation  de  larchevèque  à  Romans,  pour  entendre  la  sentence 
qui  devait  mettre  un  terme  à  leur  longue  querelle.  Ce  fut  en  pré- 
sence de  l'abbé  de  Léoncel,  du  prieur  du  \'al-Sainte-Marie  et  d"A- 
démar  de  Bressieu  que  Jean  de  Bernin  et  Barrai  de  Baux  rendirent 
leur  jugement  :  le  comte  conservera  Fitoile,  Chabrillan,  Château- 
double,  mais  il  sera  tenu  d'en  faire  hommage  à  l'évéque  et  de  lui 
payer  annuellement  une  redevance  de  40  chandelles  de  cire  ;  la  pa- 
rérie  de  Crest,  qui  avait  autrefois  appartenu  à  Silvion,  les  terres 
d'Aouste  et  de  Di\"ajeu  demeureront  au  prélat  ;  celui-ci  est  déclaré 
absous  de  la  demande  faite  par  led.  Aymai*  du  château  de  Mir- 
mande,  prétendue  tombée  en  commise  ;  d'autre  part,  Aymar  n'aura 
point  à  payer  les  8,000  marcs  d'argent  réclamés  par  l'évéque.  ni  à 
lui  livrer  les  châteaux  de  Montoison,  d'I  pie,  de  Gigors  et  sa  parérie 
de  Crest  ;  enfin  de  toutes  les  sommes  demandées  par  l'évéque,  à  des 
titres  di\ers,  et  dont  l'exagération  est  évidente,  Aymar  ne  devra 
payer  au  prélat  que  5.000  livres  viennoises  (  1  ). 

i;  Les  5,000  livres  viennoises  reprébcntaient  environ  57(1,000  tr.  de  noire  mon- 
naie.—  Archives  du  dép  de  l'Isère,  B,  3,5-'i  Original  parch.  n...  In  primis  si- 
quidem  precipimus.  .  quod  cl.  Ademarus  caslrum  Stella  et  mandamentum  cum  per- 
tinentiis  suis  recuperet  et  habeat,  sicut  antecessores  sui  pleno  jure,  ita  tamen  quod 
d.  electus  machinas,  maerias,  garnisones  et  omnia  alia  mobilia  vel  se  moveniia,  si 
qua  habet  ibi,  possit'inde  e.xtrahere  et  ea  ubi  voluerit  deportare.  Item  dicte  Ade- 
maro  partem  suam  de  Chabrillan  et  dominium  quod  in  eodcm  castro  et  mandamento 
habebat  precipimus  sibi  reddi.  Castrum  vero  C^-iste,  pro  parle  illa  que  fuit  quondam 
Silvionis  de  Crista,  preposili  Valentinensis,  cum  appendiciis  suis,  que  d.  Aemarus 
tenet  vel  alius  pro  eo,  ad  dictum  electum  libère  revertatur,  ita  tamen  quod  d. 
Aemarus,  si  qua  habel  ibi  mobilia  vel  se  moventia  possit  inde  e.xtrahere  et  ubi  vo- 
luerit deportare.  Item  castrum  de  Deuajua,  cum  pertinenciis  suis  pênes  ipsum  elec- 
tum remaneat,  et  quod  alter  alteri  predicto  restituât  arbitramur.  Si  quid  aulem 
electus  débet  dicti  Ademari  hominibus  vel  Ademarus  hominibus  dicti  electi,  salvum 
sit  eis.  De  questione  vero  seu  rancura  Castri  Duplicis,  taliter  ordinamus,  videlicet 
quod  d.  Ademarus  de  Pictavia  et  successores  sui  teneant  et  habeant  in  feudum  tVan- 
cum  di:tum  Castrum  Duplex,  absque  redditione  casiri  dicto  electo  Valentinensi  et 
successoribus  suis  in  perpetuum...  Item  castrum  Criste  inferius,  obligatum  bone 
memorje  W'uillelmo  electo  \'alen.  pro  duo  millia  libris  ab  Ademaro  de  Pictavia 
seniore,  quod  iste  Ademarus  abstulit  sibi  in  treuga  et  castrum  Montis  Lagerii  quod 
idem  Ademarus  in  treuga  diruit...  ab  his  omnibus  petitionibus,  quequmque  magne 
sint  et  ardue  et  in  eis  d.  Aemarus  excessisse  plurimum  videaiur,  ipsum  Ademarum 
absolvimus,  precipientes  eidem  ut  quinque  milia  librarum  Viennensis  seu  Valenti- 
nensis monete,  in  recompensatione  diciarum  petitionum  et  debitorum.  solvat  electo... 
.Vclum    Romanis    in  domo  archiepiscopali    in    fornello   superiori,  coram  icslibus  ad 


q8  quarante  années  de  l'histoire  des 

L"évéque  et  le  comte  promirent  solennellement  d'observer  ce 
traité.  Par  un  acte  spécial.  Aymar  remit  entre  les  mains  du  prélat. 
en  garantie  de  la  fidélité  de  ses  promesses,  les  chàteau.x  du  Pouzin, 
de  Gigors  et  de  Pontaix  ;  celui-ci,  de  son  côté,  remit  au  comte  les 
terres  de  Saint-Marcel  et  de  Châteauneuf-sur-Isère  (i). 

Après  avoir  terminé  ses  différends  avec  le  comte  de  Valentinois, 
Philippe  s'empressa  de  rejoindre  le  pape  à  Lyon,  où  sa  présence 
allait  devenir  nécessaire.  Le  concile  œcuménique,  annoncé  l'année 
précédente,  s'ouvrit  dans  cette  ville  le  28  juin  1245.  Cent  quarante 
prélats  seulement  eurent  les  moyens  ou  le  courage  de  se  rendre  à 
l'appel  du  pape.  On  s'explique  cette  abstention  de  la  part  du  corps 
episcopal.  Le  conflit  soulevé  entre  le  sacerdoce  et  l'empire  touchait 
aux  dernières  limites  de  la  violence.  Repoussant  les  parole.-^  de  con- 
ciliation que  faisaient  entendre,  au  nom  du  roi  de  France,  l'empe- 
reur latin  de  Constantinople  et  le  comte  de  Toulouse,  Innocent  I\' 
était  bien  résolu  à  porter  les  derniers  coups  à  la  puissance  de  Fré- 
déric, l'implacable  ennemi  de  l'Eglise.  La  situation  faite  aux  évê- 
ques  devenait  des  plus  délicates.  S'attacher  au  chef  de  l'Eglise, 
c'était  s'exposera  toute  l'indignation  de  Frédéric  et  pour  le  moins  se 
voir  enlever  ces  privilèges  temporels,  que  la  plupart  d'entre  eux  te- 
naient de  la  libéralité  impériale.  Pour  s'être  montré  fidèle  au  pape  et 
peu  empressé  à  défendre  les  amis  de  l'empereur,  l'évéque  de  \'iviers 
avait  été  naguère  dépouillé  du  droit  de  lever  des  péages  dans  l'éten- 
due de  son  diocèse  (2).  C'était  là  un  avertissement  donné  à  tous  ses 
collègues.  Du  reste,  nous  ne  devons  point  perdre  de  vue  que  tout 
le  monde  à  cette  époque  n'avait  pas  les  mêmes  sentiments  sur  les  di- 
verses questions  politiques  et  religieuses  qui  se  débattaient  alors  entre 
le  pape  et  Frédéric.  Comme  il  était  aisé  de  le  prévoir,  le  concile  se 
termina,  le  17  juillet,  par  une  double  sentence  d'excommunication  et 
de  déposition  lancée  contre  l'empereur.  Pendant  que  se  traitaient  à 
Lyon  d'aussi  graves  questions,  il  avait  été  nécessaire  de  songer  à  la 
sécurité  du  concile  et  de  prévenir  un  coup  de  main  des  impériaux  ;  le 

hoc  vocaus  et  rogatis.  videlicet  abbate  Lioncelli,  B,  priorc  vallis  sancte  Marie. 
Ademaro  domino  de  Breissiaco,  li,  domino  Candiaci,  Humberto  Pelos  et  jauL-e- 
rando  filio  ejusdem,  W",  priore  sancii  Felicis,  Rogerio  de  Clariaco,  magistro  P. 
Morestel,  Guigone  Arrin,  Arberto  de  Foillans,  sacrista  Diensi,  W'^  de  Camaret,  Ar- 
berto,  decano  Valentinensi,  Guigone,  ejusdem  ecclesie  preposito,  Aquino,  Poncio 
vicario,  Bertrando  de  Stella,  ociavo  calendns  martii  anno  Dni  M".  CC".  XL.  quarto. 
In  quorum  leslimonium...   'i 

'r)  Chorieb,  Hisl.  gèii.  de  liauphiné,  l.   II,   p.    1  .' 1 . 

'2)  Teulet,  Layettes  du  trésor  des  chartes,  n"  3,195. 


EVEQUES  DE  VALENXE  AU  MOYEN  AGE.  9g 

pape  n'avait  eu  garde  d'oublier  les  mesures  de  prudence,  et  ce  fut  à 
Philippe  de  Savoie,  puissamment  secondé  par  les  Hospitaliers  et  les 
Templiers,  que  revint  l'honneur  d'assurer  la  liberté  du  concile  (t). 
Nul  doute  que  l'élu  de  Valence  ne  se  soit  acquitté  de  cette  charge 
avec  dévouement  et  habileté  ;  Innocent  1\'  lui  donna,  en  effet,  dans 
ces  circonstances,  un  témoignage  éclatant  de  confiance  et  de  satis- 
faction. 

Lorsque  le  pape  était  venu  demander  un  asile  à  Lyon,  il  avait 
trouvé  le  siège  métropolitain  occupé  par  un  vieillard  ,  Aimery , 
homme  d'un  caractère  conciliant  et  pacifique.  Ce  digne  archevêque, 
fatigué  sans  doute  par  les  préoccupations  de  toute  sorte  qu'amenait 
la  présence  de  la  cour  pontificale,  ne  devait  point  tarder  à  donner  sa 
démission.  Il  assista  au  concile,  mais  aussitôt  après  la  dissolution 
de  l'assemblée,  il  s'empressa  de  quitter  son  siège  et  d  aller  prendre 
sa  retraite  à  Grandmont  {2).  Quelques  historiens,  comme  les  auteurs 
du  Gallia  chnsliaiu,  ont  prétendu  que  le  Chapitre  de  Lyon  mani- 
festa le  désir  de  voir  la  dignité  métropolitaine  conférée  à  Hugues  de 
Saint-Cher;  ils  ont  même  ajouté  que  le  pape,  a}ant  d'autres  des- 
seins et  voulant  toutefois  répondre  d'une  certaine  manière  à  la  de- 
mande qui  lui  était  faite,  appela  l'illustre  dominicain  au.\  honneurs 
du  cardinalat  (3).  Mais,  sur  ce  dernier  point,  nous  devons  de  préfé- 
rence ajouter  foi  à  Nicolas  de  Curbio,  le  biographe  d'Innocent  W  ; 
il  nous  apprend  que  la  promotion  de  Hugues  avait  eu  lieu  dès  l'an- 
née précédente,  alors  que  le  pape  était  encore  au-delà  des  monts  (4). 
Innocent  IV  voulut  donner  la  place  d' Aimery  à  celui-là  même  qui 
l'avait  escorté  dans  son  voyage  à  travers  les  Alpes,  qui  venait  de 
mettre  son  épée  au  service  du  concile  et  qui  enfin  par  les  liens  d'une 

1  Math.eus  Paris..  I\  ,  p.  \2h:  «  FacLus  est  quasi  princeps  papali?  militie.  el 
cuslos  prœpotens  pacis  in  coniMlio  Lugclunen^i  celebrando.  » 

(2,1  Math.eus  Paris.,  I\'.  p.  429  :  «  Cito  quoque  post,  a^chiepiscopu^  Luydu- 
nensis,  vir  sine  querela  cl  pacificus  et  jam  veigens  in  aitalem  senilem  el  valetudi- 
nariam,  omnia  in  manu  papac  rcsignavit.  »  Aimery  scella  les  rouleaux  dits  de  Clunv. 
que  le  pape  fil  écrire  avant  le  17  juillet  1245  (Cf.  Elie  Berger.  Op.  cit.  Introd. 
du  tome  1,  p.  XLVIII).  Il  avait  résigné  ses  fonctions  à  la  date  du  28  juillet  ij^^, 
ainsi  que  le  prouve  une  lettre  d'Innocent  I\'  au  doyen  de  Limoges  et  au  prieur  de 
Sainie-Radegonde  de  Poitiers  ;  celte  lettre  est  relative  à  la  pensitjn  que  doit  rece- 
voir l'archevêque  démissionnaire.  (Gallia  christiana,  t.   I\',  Inst..  col,   ^o.) 

(3)  Galia  christiana,  t.  I\",  col.    143. 

(4)  rt  C'est  à  Suse.  lorsque  le  pape  franchit  les  Alpes,  que  Hugues  étant  venu  le 
trouver  reçut  de  ses  mains  l'anneau  cardinalice  (Nicolas  de  Corbio.  ch.  XV. ,,  e^  sa 
nomination  est  antérieure  à  la  remise  de  l'anneau.  )i  Eiie  Berger,  op.  cit..  Inlrod' 
du  l.  III,   p.   L.\. 


100  (TUARAXTE    ANXEES    DES    EVEQUES    DE    VALENXE 

étroite  parenté  touchait  aux  trônes  de  France  et  d'Angleterre  :  Phi- 
lippe de  Savoie,  élu  de  \'alence  lut  donc  choisi  pour  administrer 
l'Eglise  de  Lyon.  Par  une  singulière  dispense,  le  pape  l'autorisa  à 
garder  en  même  temps  l'administi^ation  et  les  revenus  du  diocèse  de 
Valence,  les  riches  bénéfices  qu'il  a\'ait  en  Angleterre  et  en  Flan- 
dres, ainsi  que  la  charge  de  prévôt  de  la  cathédrale  de  Bruges  (i  ). 
Comme  on  pourra  s  en  convaincre  par  la  suite  de  ce  récit,  Philippe 
de  Savoie  ne  parait  pas  s'être  douté  un  seul  instant  des  redoutables 
responsabilités  qu'il  assumait  devant  Dieu  et  devant  l'Eglise,  en 
chargeant  ses  épaules  de  tant  de  dignités  à  la  fois.  Ces  titres  furent 
pour  lui  autant  de  moyens  d'augmenter  ses  revenus.  11  persista  dans 
la  détermination  de  ne  pas  recevoir  les  ordres  sacrés,  ne  \oulant  pas 
s'enlever  de  la  sorte  la  possibilité  de  rentrer  un  jour  dans  la  \ie 
civile  et  de  se  marier,  si  l'étoile,  qui  l'avait  si  bien  guidé  jusqu'à  pré- 
sent, le  conduisait  enfin  à  de  plus  hautes  destinées,  il  se  renferma 
de  plus  en  plus  dans  son  rôle  de  politique,  de  guerrier  et  de  cour- 
tisan. Il  prit,  dit-on,  un  coadjuteur  pour  l'accomplissement  des  fonc- 
tions spirituelles  de  sa  charge  dans  le  diocèse  de  Lyon,  et  fit  choix 
d'un  religieux  mendiant,  frèi^e  Guillaume  Pérault,  de  l'ordre  de  saint 
Dominique,  homme  fort  recommandable  par  sa  science  et  pai'  sa 
piété  (2). 

(La  suite  au  prochain   numéro).  Jules   CHE\'ALIER. 

(1)  Math^us  PAras,,  lY,  425-b  :  «  Electus  Valentiae  ipsis  diebus  ad  archiepisco- 
patus  Lugdunensis  promotus  esi  possessionem,  priore  cedenie  ob  causas  dicendas 
{ou  peut-être  discendas).  Qui  tantam  a  domino  papa  meruil  obtinere  dispensatio- 
nem  ut  archiepiscopatus  retenla  cum  huis  commodis  potestate  episcopalu^  X'alenlini 
proventus  perciperet  uberrimorum  reddituum,  quos  in  Anglia  et  Fiandria  possede- 
rat,  quod  plus,  ut  videbatur,  ob  causas  sseculares  fiebat  quam  spirituales,  libère  ac 
licenter  asporlaret,  et  prasposituram  Brugensem  obtinebat.  Hic  igitur  elegans  cur- 
pore  et  arnnorum  peritia  preepollens,  copiosisque  redditibus  saginatus  factus  est 
quasi  princeps  papalis  militiœ...  »  —  «  En  outre  le  pape,  le  9  aoùl  12^7,  permit  à 
Philippe  de  conserver  pendant  cinq  ans  les  bénéfices  qu'il  tenait  de  l'Eglise  de 
Lvon  avant  sa  promotion  au  siège  archiépiscopal.»  Eue  Berger,  n"  3128. 

(2)  Le  dominicain  Guillaume  Pérault  est  mentionné  dans  une  foule  d'ouvrages, 
mais  sa  biographie  est  loin  d'éire  bien  connue.  Le  nom  de  Pérault  lui  vient  du 
lieu  de  sa  naissance,  qui  est  le  village  de  Pérault  dans  cette  partie  du  Languedoc 
qui  dépendait  autrefois  du  diocèse  de  Vienne.  On  peut  consulter  sur  l'histoire  de  ce 
personnage,  auteur  d'une  SujuiulI  de  vitiis  el  virtiiiibus,  ouvrage  de  théologie  mo- 
rale demeuré  longtemps  célèbre  dans  les  école>  :  QuÉrir  et  Echvrd,  Scriptorex 
ordinis  Prxdicalorum,  t.  I  (1719),  p.  131-fi  ;  —  Histoire  littéraire  de  la  i'raiice. 
l.  .\IX  (1838).  p.   307-16  ;   —   RocHAv,  Hio'^raphie  du  Dauphinè.  l.  11,  p.  j  30  :  etc. 


HISTOIRE  RELIGIEUSE 


SAINT-AGNAN-EW-VERCORS 

(DROME,. 

(Suitk).  * 


■- ^i^l-^££^'V£i^  / 


En  1658,  Tévéque  trouvait  la  chapelle  «  sans  ornements,  »  et  César 
deChypresne  faisait  aucun  service.  Le  prélat  prescrivit  à  César 
d'exhiber  ses  titres,  pour  que  le  service  fût  ensuite  réglé. 

En  1687  encore  point  de  service.  I^nfin,  .Mgr  de  Pajot,  faute  de 
recteur  et  de  titre,  «  ordonna  être  dit  12  messes  par  an,  »  que  le 
curé  acquittait,  parait-il,  en  1728,  moyennant  les  6  livres  qu'il 
tirait  (1  j. 

Chapelle  des  Pénitents.  —  Dès  1644,  il  y  avait  «  au  dessus  de  la 
porte  »  de  l'église,  «  une  tribune,  laquelle  s'estandait  par  une  galerie 
jusqu'au  cœur,  et  servait  pour  les  Pénitents,  »  lesquels  pour- 
voyaient à  son  entretien.  En  i68g,  «  la  tribune  de  l'église  servait 
encore  aux  Pénitents  de  chapelle  pour  y  dire  l'office  aux  jours  de 
festes  et  dimanches.  »  Mais  on  ne  tarda  pas  à  faire  construire  une 
chapelle  plus  grande  et  plus  commode.  En  1729,  il  y  avait  «  à  costé 
de  l'église,  à  droite  en  y  entrant,  une  chapelle  où  les  Pénitents  s'as- 
semblaient pour  leur  office  ;  '>  elle  était  fort  propre,  munie  d'un  autel, 
et  sous  le  vocable  du  St-Saa enient.  Mais,  en  1735,  '^^^  autel  étant  en 
bois  et  sans  pierre  sacrée,  l'évêque  prescrivit  de  le  remplacer,  aux  frais 
de  la  confrérie,  par  un  autel  en  maçonnerie  et  muni  d'une  pierre 
sacrée. 

En  1721,  une  veu\e  léguait  une  livre  à  la  chapelle:  en  17^8,  un 
habitant  du  lieu  lui  léguait  3  livres  ;  en  i74<),  un  autre  léguait  6  livres 
à  l'autel,  auquel  une  femme  léguait  une  livre  en  1751,  et  le  curé  De 
la  Cour  i^  en  1761.  Grâce  à  ces  dons  et  à  d'autres  ressources,  l'autel 
et  la  chapelle,  au  haut  de  laquelle  était  celui-là,  se  trouvaient  «  en 
bon  estât  en  1787.  » 

Aujourd'hui  encore,  cette  chapelle  existe,  est  munie  d'un  autel 
convenable,  et  sert  aux  Pénitents  actuels.  Elle  est  à  côté  et  au  midi 

(i)  Arch.   cit.,  visites  cit.  et  fonds  de  Sl-Agnan,  oi'iu'. 


I02  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

de  la  nef  de  réglise,  «  dans  le  même  sens  et  à  peu  près  de  la  même 
longueur,  »  comme  la  trouvait,  en  1787,  l'archiprètre  visiteur  (' 1  ). 
On  y  accède  du  dehors  par  une  porte  ouverte  sur  la  façade,  et  de 
l'église,  par  une  porte  ouverte  dans  le  mur  mitoyen. 

Notre-Dame  du  Rosaire.  —  En  1644,  l'évêque  trouvait  dans  l'égli- 
se, «  sur  le  coin  du  cœur,  à  main  gauche  en  entrant,  l'autel  de 
Nostre  Dame  du  Rosaire,  sans  recteur,  revenu  ni  patron;  »  il  exhor- 
tait les  habitants  faisait  partie  de  la  confrérie  du  St-Rosaire,  <■  ou 
autres  avant  spéciale  dévotion  pour  l'honneur  et  gloire  de  la  Ste- 
Vierge.  de  faire  faire  le  divin  service  ez  lestes  d'icelle  sur  ledit  autel.» 

La  visite  de  165S  constate  à  son  tour  que  c  la  chapelle  Nostre- 
Dame  »  est  *<  sans  revenu,  service  ni  titulaire.  »  Mais,  comme  le 
service  de  la  confrérie  du  Rosaire  s'y  faisait,  cette  confrérie  pour- 
voyait à  son  entretien.  Aussi,  en  i68g,  l'autel  en  maçonnerie  était-il 
«  garni  d'un  tableau  avec  son  quadre  doré,  un  petit  tabernacle  doré, 
quatre  beau.x.  chandeliers  de  letton,  une  croix  de  bois  argentée  avec 
son  crucifi.x,  un  Te  igitur.  quantité  de  nappes  d'autel  et  de  com- 
munion. "  11  était  garni  «  d'un  cadre  de  noyer  au  naturel  et  de 
«  deux  devants  d'autel,  un  de  ligature  double  et  un  de  satin  à  grandes 
fleurs.  >' 

Du  reste,  a  érigée  par  la  piété  des  fidèles,  »  comme  dit  mie 
visite  de  1729,  cette  chapelle  fut  encore  favorisée  de  leurs  dons. 
Nous  voyons  léguer  à  son  autel  en  1724,  par  Jeanne  Gauthe- 
ron,  3  livres;  en  1738,  «  une  livre  cire  »;  en  1745,  par  Jean  .-\lgoud- 
Magnan,  3  livres  ;  en  1749,  6  livres  ;  en  1754,  i  livre  ;  en  1759.  par 
Claude  Breyton,  6  livres. 

Propre  en  1 7 1 3,  cette  chapelle  ne  manquait  en  1735  que  d'une 
pierre  sacrée  convenable,  ce  qui  obligea  Daniel-Joseph  de  Cosnac  à 
interdire  la  vieille,  «  sans  tombeau  de  reliques  et  très  mauvaise,  »  et 
à  prescrire  qu'on  en  acquit  une  bonne. 

L'autel  existait  encore  en  1787.  (2) 

Chapelle  de  St-Josepli.  —  Dès  janvier  1745  nous  trou\ons  une 
confrérie  de  St- Joseph  à  St-.\gnan,  et  cette  confrérie  avait  son  aulel 
ou  chapelle  sous  le  même  vocable.  Cet  autel  recevait  en  1745,  ^^'^ 
Jean  Algoud-.Magnan,  un  legs  de  i  livre  6  sols;  en  1748,  3  livres; 
en  1749,  6  livres  ;  en  i7S4-  '  liNre:  en  1759,  de  Claude  l>re\ton, 
6  livres  (3). 

(i)  Arch.  cit.,  visites  et  fonds  cit.  :  —   Minutes  cit.,  passiiii. 

(2)  Ibid. 

(■^)  .Minutes  cit..  fassiiii. 


SAIN  r-AGNA.\-KN-VERCORS.  IO3 

En  1787,  cet  autel  était  situé  dans  la  nef  ('i). 

Chapelle  de  St- Jean-François  Régis.  -  En  1787.  M.  Roux,  archi- 
prêtre,  trouvait  dans  la  nef  de  l'église  de  St-Agnan,  \ autel  de  St- 
François  Régis  (2). 

Aujourd'hui,  il  y  a  mieux  encore.  On  a  élevé  depuis  de  longues 
années  déjà  à  2  kilomètres  au  levant  du  village,  sur  une  éminenee 
rocheuse,  une  petite  chapelle,  dédiée  à  St-Jean-F'rançois  Régis.  On 
Y  va  en  pèlerinage,  et  on  y  dit  la  messe  le  16  juin,  fêle  du  bon  et 
glorieux  saint. 

Chapelle  de  Notre-Dame  des  Stpl-Doiileurs.  —  Les  habitants  de 
la  Breyiière,  important  hameau  de  St-Agnan,  ont  construit  chez 
eux,  vers  1875,  une  jolie  chapelle,  dédiée  à  Xolre-Dame  des  Sept- 
Douleurs,  et  bénite  en  1877.  On  y  célèbre  la  Sainte  Messe  quel- 
quefois, notamment  le  iq  septembre. 

1\'.    —   CONFRÉRIES. 

Confrérie  du  St-Fsprit.  —  Xous  avons  vu  qu'une  confrérie  sous 
ce  vocable  existait  à  la  chapelle  en  1399  et  plus  tard.  Nous  avons 
dit  en  quoi  elle  consistait,  quels  étaient  ses  caractères  religieux  et 
bienfaisants.  Or,  St-Agnan  eut  aussi,  apparemment  vers  la  même 
époque,  sa  confrérie  du  Saint-Esprit  ;  car  lévêque,  dans  le  procès- 
verbal  de  visite  de  l'église  de  St-Agnan  en  1658,  dit  :  «  11  y  avoit 
autrefois  la  confrérie  du  Saint-Esprit,  laquelle  avoit  des  rantes  et 
une  maison  qui  a  esté  vandue  à  Pierre  Girin.  »  .Mais  c'est  tout  ce 
que  nous  savons  de  la  confrérie  et  de  ses  biens. 

Confrérie  des  Pénitents  du  St-Sacrement.  —  Fondée  antérieure- 
ment au  2  juillet  1644,  année  où  elle  faisait  son  office  à  la  tribune, 
cette  confrérie  est  appelée  la  dévote  congrégation  du  très-auguste 
Sacrement  de  l'autel  clans  un  acte  de  1650. 

Elle  reçut  de  bonne  heure  des  legs  de  plusieurs  habitants  du  lieu. 
En  1651,  Jean  Algoud-Magnan  lui  léguait  3  livres. 

Encore  installée  à  la  tribune  en  1658  et  même  en  1689,  année  où 
elle  avait  environ  60  membres  et  disait  son  «  office  aux  jours  de 
festes  et  dimanches,  »  elle  se  fil  construire  quelques  années  après 
la  chapelle  que  l'on  voh  encore  aujourd'hui  au  midi  de  l'église  et 
contiguë  à  celle-ci. 

(1)  .\rch.  cit.,  fonds  de  Si-Agnan,  orig. 
2)  Ibid. 


104  HISTOIRE     KKl.IGIErSi:     L'i: 

En  1711.  <<  des  troubles  et  de  !a  division  ><  s'élanl  produils  «  parmi 
les  confrères,  »  lévêque  chargea  le  curé  de  Vassieux  de  se  trans- 
porter à  St-Agnan,  dans  la  chapelle  de  la  confrérie  desdits  Pénitents 
pour  prendre  connaissance,  les  confrères  assemblés,  des  causes  du 
mal.  Ce  curé  vint  et  un  procès-verbal  de  l'enquête,  signé  par  tous 
les  confrères  lettrés,  fut  envoyé  en  août  de  ladite  année,  au  prélat, 
qui  déclara  «  l'élection  laite  par  les  susdits  confrères  en  date  du 
16  juin  dernier,  valable  et  légitime,  »  la  confirma  en  tant  que  de 
besoin,  ordonna  au  prieur  de  la  publier  dans  une  assemblée  des 
confrères  en  leur  chapelle,  et  de  veiller  à  ce  que  tels  troubles  et 
«  scandales  »   ne  revinssent  pas. 

Quant  au  règlement  suivi  par  la  confrérie,  l'évéque  en  visite,  en 
1735,  ordonne  «  que  les  Pénitents  »  de  St-.\gnan  se  servant  des 
statuts  et  règlements  ordinaires  de  la  Confrérie»  duConfalon  imprimés 
à  Grenoble  en  17 17,  continueront  à  l'avenir  à  se  servir  du  même 
brevière  et  d'observer  les  mêmes  statuts  et  règlements.  » 

Au  surplus,  les  dons  continuaient.  Outre  ceux  faits  à  sa  chapelle, 
il  est  fait  à  la  confrérie,  en  1724.  un  legs  d'une  livre  10  sols;  en 
1742,  un  legs  de  6  livres  :  en  1744.  un  legs  de  ]  livres  ;  en  1745, 
deux  de  ■;  livres  chaque  ;  en  1747,  un  de  12  livres,  par  Barthélémy 
Rolland,  '«  à  la  charge  que  les  confrères  assisteront  à  son  enterre- 
ment ;  ■>  en  1749,  deux  de  6  livres  chaque  ;  en  1754,  un  de  15  livres; 
en  1755,  un  de  3^  livres,  par  noble  Jean  Ode  de  Bonniot  ;  etc. 

En  1787,  «  la  confrérie  des  F*énitents  du  Confalon  »  existe  toujours, 
mais  elle  est  pauvre  ;  son  trésorier  assure  à  l'archiprêtre  en  visite 
«  que  loin  d'avoir  des  fonds,  il  a  beaucoup  avancé  de  son  propre  ar- 
gent (1).  » 

Elle  disparut  pendant  la  Révolution  ;  mais,  rétablie  quelques 
années  après,  elle  continue  à  faire  aujourd'hui  le  bien  parmi  ses 
membres  et  à  toute  la  paroisse. 

Confrérie  du  Sl-Rosaire .  —  Dès  1644,  l'évéque,  en  visite  à  St-Agnan.. 
y  exhortait  les  menibres  de  cette  confrérie  à  faire  faire  «  le  di\in 
service  »  sur  l'autel  de  .\oire-Dame  du  I^osairc  aux  fêtes  de  la 
Sainte-Vierge. 

Le  service  de  «  la  dévote  congrégation  du  sacre  Ro/aire  »  se  iai- 
sait  encore  en  1650,  en  165'*^.  en  1689,  en  1720  et  !73S'  ^^  ^'^^  autel, 
entretenu  par  la  confrérie  elle-même, 

Outre  les  dons  faits  à  l'autel,  cette   dernièi'e    recevait   des    dons  et 

(i)  .\rch.,  visil.  el  fonds  cil. 


SAINT-AGNAN-EX-VERCORS.  IO5 

legs  pour  ses  divers  besoins.  On  lui  voit  faire  un  legs  en  1651, 
par  Jean  Algoud-.Magnan  ;  un  legs  de  i  livre  to  sols  en  1724;  un 
de  3  livres  en  1742  ;  un  de  6  livres  en  1744.  par  Anne  Rolland;  un 
de  12  livres  en  1747,  par  Barthélémy  Rolland,  «  à  la  charge  que  »  les 
membres  de  la  confrérie  «  assisteront  à  son  enterrement  ;  »  deux  de 
6  livres  chaque  en  1749,  par  Marie  et  Jeanne  Rolland:  un  de  6 
livres  en  [754,  par  Pierre-Joseph  Rolland  ;  un  de  16  livres  et  quel- 
ques sous  en  1755,  par  noble  Jean  Ode  de  Bonniot  :  un  de  30  livres 
en  1756. 

En  1787  cette  confrérie  existait  et  avait  sa  trésorièi-e,  mais  était 
pauvre  (  ij.  Disparue  pendant  la  Révolution,  elle  a  été  rétablie  et 
existe  toujours. 

Confrérie  de  St- Joseph.—  Elle  existait  avant  le  0  juin  1744,  jour  où 
Anne  Rolland  lui  léguait  3  livres;  et  le  testament  de  Louis  Gerin, 
contenant  le  legs  d'une  livre  en  sa  faveur,  dit  positivement  qu'elle 
est  «  établie  dans  l'église  dud  St-Agnan.  »  Puis  viennent  des  legs  de 
12  livres  en  1747.  par  Barthélémy  Rolland,  de  6  livres  en  1749  par 
-Marie  Rolland  :  de  6  livres  en  1734,  de  30  livres  en  1756. 

Cette  confrérie  avait  sa  trésorière  en  1787;  mais  elle  était  sans 
revenus  et  presque  sans  ressources. 

Confrérie  des  Agonisants.  -  Cette  confrérie,  dont  le  but  était  de 
procurer  aux  agonisants  les  secours  spirituels  dont  ils  ont  besoin, 
existait  à  St-Agnan  dès  1755,  année  où  Jean  Ode  de  Bonniot  lui 
léguait  33  livres  1/3.  En  1787,  elle  était  sans  fonds   ni  revenu  {2). 

Confrérie  des  Pénitentes.  —  Etablie  pour  les  personnes  du  sexe 
comme  celle  des  pénitents  l'était  pour  les  hommes  et  jeunes  gens, 
elle  existait  dès  le  4  janvier  1787,  jour  où  une  trésorière  déclarait 
avoir  "  42  livres  pour  le  fonds  actuel  de  la  confrérie  des  Sœurs 
Pénitentes  (3).   >> 

\'.      -     PRATIQCF.S    ET    INSTITUTIONS    DT.    BIENFAISANCE. 

Nous  devons  d'abord  mentionner  ici.  à  cause  de  son  caractère 
aussi  bienfaisant  que  religieux,  la  confrérie  du  Saint-Esprit  qui 
exista  jadis  à  St-Agnan,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

Grâce  à  des  protocoles  de  notaires    mis    à    notre  disposition   par 

(1)  Ibid. 

(2)  Arch.  cit.,  fonds  de  St-Agnan  ;  —  Minutes  cit. 

(3)  Arch.  cit.,  fonds  cit.,  orig. 

Bull.  IX.  1889,  8 


I06  HISTOIRE    RELIGIEUSE    DE 

leur  bienveillant  possesseur,  nous  sommes  en  droit  d  attirmer  que 
dès  le  XVI''  siècle,  les  habitants  de  St-Agnan  exerçaient  généreuse- 
ment la  chanté  envers  les  pauvres.  Il  ne  se  faisait  alors  à  peu  près 
aucun  testament  sans  legs  de  quelque  importance  pour  les  pau- 
vres. Quelquefois  en  argent,  ces  legs  étaient  cependant  plus 
souvent  en  blé  ou  en  pain.  C'était  surtout  aux  funérailles,  au 
bout  de  mois  et  au  bout  de  lan  que  la  distribution  ou  remise 
devait  en  être  faite.  Aux.  siècles  suivants,  cette  excellente  pra- 
tique existait  presque  aussi  généralement.  Ainsi,  Jean  Algoud- 
.Magnan,  dans  son  testament  du  i6  juillet  1651.  "  lègue  aux  pau- 
vres de  Dieu  dudict  St-Agnan  trois  cestiers  bled,  seigle,  mesure 
dudict  lieu,  cuit  et  converty  en  pain,  et  à  eux  distribués  par  »  son  «  hé- 
ritier, la  moytié  le  jour  de  »  la  «  sépulture  >-  du  testateur,  «  et  l'au- 
tre moytié  au  bout  de  l'an  d'icelle.  »  Le  4  janvier  1745,  noble  César 
Odde  de  Bonniot,  sieur  de  la  Tour,  coseigneur  de  Vercors.  résidant 
à  St-Agnan,  au  château  de  la  Toui,  léguait  «  pour  aumône  aux  pau- 
vres dudit  St-Agnan  la  quantité  de  40  sestiers  bled  coussial,  mesure 
de  \'ercorps,')  qu'il  voulait  «  leurestre  distribuée.  sca\oir  la  moytié  le 
jour  de  son  déceds  et  l'autre  moytié  une  année  après,  en  grain  ou 
en  pain  au  choix  de  son  héritier.  (  i  )  » 

Cependant  la  2^"  pari  de  la  dîme  était  une  ressource  plus  cons- 
tante et  plus  assurée. 

A  St-Agnan,  cette  2.f  part  était  payée  antérieurement  à  1044  ; 
mais  elle  était  «  distribuée  sans  le  curé  »,  et  le  2  juillet  de  ladite  an- 
née lévêque  prescrivait  quelle  fût  dorénavant  «  distribuée  sans 
support  aux  plus  nécessiteux  par  celui  qui  »  ferait  «  les  fonctions 
curiales,  châtelain,  consuls,  et  quelques  principaux  habitants  de  la 
paroisse.  » 

Depuis  lors,  nous  voyons  l'évèque  et  le  prieur  spécifiant  générale- 
ment dans  les  contrats  de  ferme  de  leurs  dîmes,  que  les  fermiers 
payeront  la  24"  des  pauvres  en  sus  du  prix  de  ferme.  11  y  a  de  nom- 
breuses clauses  de  ce  genre  depuis  1646  jusqu'à  1775  (2). 

Au  surplus,  la  distribution  de  cette  redevance  fut  à  peu  près  cons- 
tamment faite  d'une  manière  conforme  aux  règlements,  tant  que 
la  Révolution  n'eut  pas  supprime  du  même  coup  la  dime  et  la  j.f 
pari. 

(i)  -Minul.,   cil.,   pioicc.  Gautitr,   reg.  (j.   f.    124-9;   Ffrliit.  de   (74^,  t".    1. 
(2)  Arch.  cit.,  visites  de  Die  de  1644  ;  —  Minut.  cit. 


sai.\t-agnan-en-v?:rcors.  107 

Nous  avons  surtout  à  parler  ici  de  l'hôpital  de  St-Agnan,  dont  le 
principal  fondateur  fut  noble  Jean  Odde  de  Bonniot. 

Né  vers  17  17  et  tiils  de  f>  noble  Cézard  Odde  de  Bonniot,  sieur  de 
La  Tour  «,  lequel  était  <■  conseigneur  de  la  vallée  de  Vercors  »  et 
résidait  à  St-Agnan.  en  son. château  de  La  Tour,  Jean  Odde  de  Bon- 
niot, sieur  de  Saint-Julien,  figure  comme  légataire  de  son  père  dans 
le  testament  fait  par  ce  dernier,  le  4  janvier  1745,  devant  Ferlin,  no- 
taire du  \^ercors.  11  en  reçoit  5,000  livres,  et,  tant  qu'il  vivra  non 
marié,  <■  un  appartement  meublé  dans  le  château  de  la  l'our.  et  du 
bois  pour  son  chauffage.  » 

Le  sieur  de  Saint-Julien  était  un  homme  profondément  religieux 
et  charilable.  Il  aimait  particulièrement  la  société  des  ecclésiasti- 
ques. Aujourd'hui  il  serait  certainement  traité  de  clérical.  Les  regis- 
tres de  catholicité  de  plusieurs  paroisses  en  portent  à  maints  endroits 
la  signature,  à  partir  de  1746.  Pendant  que  ses  frères  prenaient  rang 
dans  l'armée  et  se  lançaient  dans  les  affaires,  il  vivait  lui-même  re- 
tiré et  dans  le  célibat,  et  s'occupait  d'œuvres  de  piété  et  de  charité. 
Le  18  novembre  174Q,  il  dispose  testamentairement  de  ses  biens  en 
faveur  d'un  hôpital  à  ériger  à  St-Agnan,  et  de  manière  à  intéresser 
à  cette  œuvre  deux  personnes  de  l'endroit  animées  des  mêmes  senti- 
ments que  lui.  Après  ses  dispositions  spirituelles,  et  des  legs  insi- 
gnifiants à  deux  jeunes  filleules  et  à  des  membres  de  sa  famille,  il 
institue  pour  ses  héritières  universelles  Marie  Rolland  veuve  Faure, 
et  Jeanne  Rolland,  sœurs,  résidantes  à  St-Agnan,  qui  jouiront  en 
commun  de  l'héritage  ,  mais  sans  «  divertir  nul  des  capitaux.  » 
Ceux-ci,  après  le  décès  de  la  dernière  vivante,  appartiendront  «  en 
<*  plein  à  l'hôpital  qui  va  estre  érigé  >>  à  St-Agnan  «  sous  le  bon 
"  plaisir  et  avec  les  lettres  patentes  de  Sa  .Majesté,  avec  l'agrément 
«  et  l'approbation  de  -Mgr.  l'illustrissime  et  reverandissime  Evêquc 
"  et  Comte  de  Dye,  et,  au  deffaut  d'érection  dud.  hôpital,  aux  pau- 
«  vres  de  lad.  paroisse  de  St-Agnan.  Bien  entendu  que  »  lesd.  héri- 
"  tières  consommeront  les  revenus  de  l'hérédité  «  dans  led.  hôpital. 
('  et  non  ailleurs  (  i).  »  Du  reste,  par  testaments  du  même  jour,  lesd. 
sœurs,  après  des  dispositions  spirituelles  et  pieuses,  et  des  legs  insi- 
gnifiants à  quelques  proches,  se  lèguent  l'une  à  l'autre  leur  héri- 
tage, réversible  après  leur  mort  au  sieur  de  Saint-Julien  et.  après 
celui-ci,  aud.  hôpital  et  aux  pauvres. 

(1)  Minut.  cit.,  protoc.  Ferlin,  reg.  de  1745,  f.  i-j  ;  de  1749-50,  f.  17 1-3;  — 
.Mairie  de  St-Martin,  reg.  Je  cathol.,  1  2  sept,  i  746  et  après  ;  —  .Mairie  de  St-Agnan, 
reg.  de  cathol..  passim. 


lOC  HISTOIRI-    Kl  LIGIEUSE    DE 

Ceux  qui  seraient  curieux  de  connaîti-e  la  fortune  de  M.  de  Saint- 
Julien  pourraient  s'en  faire  quelque  idée  par  un  acte  du  25  mai  1753, 
passé  à  St-Agnan,  «  dans  la  maison  de  l'hôpital  »,  en  présence  du 
prieur  du  lieu.  Par  cet  acte  c  noble  Jean  Odde  de  Bonniot  de  La 
Tour,  sieur  de  Saint-Julien  0,  résidant  à  St-Agnan,  baille  à  ferme 
à  Jean-François  Audrap  le  domaine  que  led.  sieur  de  Saint-Julien 
possède  à  St-Agnan  et  «  qu'il  a  acquis  de  M*"  Jean-François  de  la 
.Morte-Féline,  procureur  à  Die  ».  le  27  septembre  1750.  Led.  Au- 
drap la  déjà  tenu  au  même  titre  de  M*^  de  la  Morte  et  de  M.  de 
Saint-Julien.  Ce  domaine  consiste  en  bâtiments  de  maison,  grange, 
étables.  jardin,  pré,  terres,  etc.,  et  est  affermé  pour  8  ans,  à  7^0  li- 
vres par  an. 

L'hôpital  est  autorisé  par  lettres  patentes  de  mai  1754,  permeltant 
«  d'affecter  pour  partie  des  dotation  et  fondation  les  maisons,  en- 
clos et  domaines  »  y  désignés,  et  un  arrêt  du  parlement  de  Greno- 
ble, rendu  le  19  juillet  1755,  ordonne  l'enregistrement  et  l'exécution 
des  lettres  patentes  (i). 

Le  7  janvier  1755.  .M.  de  Saint-Julien,  détenu  de  maladie  corpo- 
relle, à  St-Agnan,  «  dans  la  maison  de  l'hôpital,  où  il  est  allité  »  et 
entouré  de  plusieurs  curés  du  Vercors,  modihe  son  testament  de 
174g.  Il  lègue  à  Françoise  Achard  entretien  et  nourriture  sa  vie  du- 
rant ;  mais  celle-ci,  en  santé  ou  infirme,  travaillera,  si  elle  peut,  au 
profit  de  Marie  Rolland  veuve  l'aure,  faite  héritière  universelle. 

AL  de  Saint-Julien  guérit  et  eut  la  consolation  de  voir  le  clergé  de 
la  localité  s'intéresser  tout  à  fait  à  l'hôpital.  Ainsi,  le  ^o  juin  1756, 
Pierre  Sclafert  de  La  Rodde,  prieur-curé  de  St-Agnan,  après  quel- 
ques dispositions  spirituelles  et  le  legs  de  ses  droits  légitimes  pater- 
ternels  à  <-  dame  Anne  de  Hrunerie,  sa  mère,  et  à  noble  François 
Sclafert  de  La  Rodde ,  son  frère  «  ,  fait  son  héritier  uni\er- 
sel  pour  tout  le  reste  "  l'hôpital  dud.  St-Agnan,  pour  èti'e  la  susd. 
hérédité  recueillie  et  régie  parles  directeurs  dud.  hôpital.  » 

Avec  tous  ces  testaments,  l'hôpital  restait  sans  ressources  jusqu'à 
la  mort  des  testateurs  et  même  des  légataires  d'usufruit.  M.  de  Saint- 
Julien  et  Marie  Rolland  prirent  à  cet  égard  les  mesures  que  voici. 
Par  donation  entre-vifs  du  18  novembre  1756,  celui-là  cède  à  l'hô- 
pital et  aux  pauvres  tous  ses  biens  meubles  et  immeubles,  principa- 
lement le  «  domaine  par  luy  acquis  de  M.  de  la  Morte  >'.  à  condition  : 

(i;  .\linut..  protoc.  el  reg.  cil.,  ïï.  25-9  et  17^-5  :  reg.  de  1752-3,  ('.  69-70  ; 
protoc.  Rochas,    1"  reg.,  f.  45-îi  ;  —  Arch.  de  la  Dr.,  C.   182. 


sai.\t-ag.\an-k\-vl;rcors.  109 

"  qu'il  sei-a  un  des  administrateurs-nés  dud.  hôpital  •>  ;  qu'il  pourra 
y  habiter  pendant  sa  vie,  conformément  à  l'article  6  des  lettres  pa- 
tentes ;  qu'il  y  employera  les  fruits  de  ce  domaine  au  profit  des  pau- 
vres, sans  obligation  de  rendre  compte  ;  que  «  Jean  Bellier,  masson, 
«  qui  est  actuellement  dans  led.  hôpital,  qui  est  bienfaiteur  d'icelluy, 
«  soit  par  ses  travaux,  soit  par  ses  libéralités,  continuera  d'y  être 
«  nourri  et  entretenu  »,  en  y  travaillant  de  son  pouvoir  ;  que,  im- 
médiatement après  le  décès  dud.  sieur  de  Saint-Julien,  il  sera  célé- 
bré 9  «  messes  de  Requiem  pour  le  repos  de  son  àme  ;  qu'il  sera  recom- 
«  mandé  tous  les  jours  aux  prières  particuUières  de  la  maison,  et 
«  qu'il  sera  dit  toutes  les  années  une  messe  de  Requiem,  aussy  pour 
«  le  repos  de  son  àme  »  ;  qu'on  fera  les  mêmes  prières  et  dira  autant 
de  messes  pour  led.  Bellier;  que  M.  de  Saint-Julien  se  réserve  la 
faculté  de  disposer  de  la  somme  de  300  livres  en  dernière  volonté; 
que  l'hôpital  payera  7,000  liv.  encore  dues  à  M.  de  la  Morte  pour 
reste  du  prix  de  l'immeuble,  et  qu'en  attendant  on  prélèvera  350  liv. 
par  an  sur  les  revenus  de  l'hôpital  pour  les  intérêts  ;  «  que  dans  le 
«  cas  auquell'hôpital  payeroist  le  capital,  il  prélève  aussi  »  350  «  liv., 
"  pour  être  administrées  par  le  Bureau  ainsi  qu'il  appartiendra.  Et 
«  Mgr.  l'illustrissime  et  reverandissime  Gaspard-Alexis  de  Plan  des 
«  Augiers,  Evêque  et  Comte  de  Die,  premier  directeur  né  dud. 
«  hôpital,  ayant  été  averty  de  lad.  donnation  et  avant  oui  lecture  de 
«  tout  ce  que  dessus,  au  nom  des  pauvres  et  dud.  hôpital,  a  ac- 
I'  cepté  »  la  donation  sous  lesd.  conditions  et  réserves.  M.  de  Saint- 
Julien  déclare  que  les  biens  donnés  n'excèdent  pas  la  valeur  de  14 
mille  livres,  savoir:  les  immeubles.  11,000,  et  les  meubles,  3,000. 
L'acte,  reçu  Rochas,  et  passé  à  St-Agnan,  est  signé  de  la  main  de 
.M.  de  Saint-Julien  et  de  celle  de  l'évêque. 

Quant  à  Marie  Rolland,  veuve  Faure.  par  donation  entre-vifs  du 
même  jour,  passée  au  même  lieu,  et  également  acceptée  et  signée 
par  l'évêque,  «  indépendemment  des  libéralités  qu'elle  a  déjà  faites 
«  aux  pauvres  dud.  hôpital,  elle  leur  donne  »  irrévocablement  tous 
ses  biens  «  et  principalement  l'enclos  qu'elle  possède,  scitué  près  de 
('  l'église  de  St-.Agnan,  contenant  environ  »  150  «toises,  et  dans 
«  lequel  est  construit  le  bâtiment  dud.  hôpital.  »  Elle  y  met  les 
charges  et  réserves  suivantes:  i"  conformément  à  l'art.  12  desd. 
lettres  patentes,  elle  pourra  rester  sa  vie  durant  à  l'hôpital,  '<  conti- 
«  nuant  d'y  avoir  soin  de  l'administration  intérieure  de  lad.  mai- 
«  son  ')  ;  2°  elle  y  sera  nourrie  comme  elle  la  été  précédemment  »  ; 
3°  Louise  Malsang,    sa  mère,   y  sera  également  nourrie  sa  vie  du- 


IIO  HISTOIRE    RELIGIEUSE    UL 

rant,  comme  auparavant,  en  travaillant  au  service  des  pauvres  ;  4'' 
sitôt  après  le  décès  de  lad.  Rolland,  il  sera  célébré  9  messes  de  Re- 
quiem pour  le  repos  de  son  àme  :  5°  on  dira  à  la  même  intention  une 
messe  par  an  à  perpétuité,  et  «  on  la  recommandera  chaque  jour  à 
«  perpétuité  aux  prières  particullières  de  la  maison  ;  6'^'  la  donatrice 
«  pourra  disposer  de  100  livres  en  dernière  volonté  (i).    « 

Le  28  novembre  1761,  Pierre-Joseph  de  la  Cour,  prieur-curé  de 
St-Agnan,  après  des  dispositions  testamentaires  pour  sa  sépulture, 
et  quelques  legs  pieux  pour  messes  et  en  faveur  de  ses  proches. 
<i  institue  pour  son  héritier  général  et  universel  l'hôpital  dud.  St- 
«  Agnan.  par  les  mains  duquel  et  de  ses  régisseurs  ou  directeurs 
«  il  veut  que  »  son  héritage  soit  recueilli  et  les  dettes,  charges  et 
legs  particuliers  payés.  L"hôpital  demeure  chargé  «  de  faire  prier 
Dieu  tous  les  jours  annuellement  et  perpétuellement  dans  la  mai- 
«  son  pour  le  repos  de  l'àme  dud.  »  s'  testateur  ;  et  «  de  donner  à 
«  qua.re  pauvres,  dont  deux  de  ceux  qui  sont  dans  l'hôpital,  et  deux 
«  de  ceux  de  la  paroisse  dud.  St-Agnan.  au  chacun  une  aune  et 
«  demv  de  drap  du  pays,  lesquels  pauvi'es  assisteront  avec  ce  à 
«  l'enterrement  »  dud.  curé. 

De  la  Cour  décéda  à  St-Agnan  le  21  avril  1763,  et  l'hôpital  fut  in- 
vité à  recueillir  son  héritage.  Mais,  de  crainte  «  que  l'hérédité  ne  fut 
plus  honnéreuse  aud.  hôpital  que  profitable  »,  on  fît  un  inventaire 
à  la  diligence  de  Jean  Odde  de  Bonniot  de  Saint-Julien,  recteur  et 
syndic  dud.  hôpital,  c  député  du  Bureau  des  pauvres  du  «  même 
hôpital,  par  délibération  du  16  juillet  17O3:  et  tou5  les  intéi'essés 
furent  invités  à  se  présenter.  Enfin,  l'hôpital  accepta  l'héritage,  car 
on  voit  ce  même  recteur  plaider,  la  même  année,  contre  les  parents 
de  «  Delacour  ».  et  passer  quittance,  le  26  mai  \~~  ]■  à  Jean  Caillet, 
de  859  livres  ro  sols  dues  à  «  feu  IVl''  Lacour  «  en  \crtu  d  une  conti- 
nuation de  rente  du   15  décembre  1755  (^2). 

Après  un  acte  du  10  novembre  1762,  où  Marie  Rolland  fut  pré- 
sente et  se  signa  :  Rolland,  directrice  de  l'hôpitai  nous  ne  trou\ons 
plus  cette  fondatrice  de  notre  établissement  :  mais  M.  de  Saint- 
julien,  outre  les  actes  que  nous  venons  de  citer,  figure  encore  fré- 
quemment dans  les  affaires  de  l'hôpital,  à  titre  de  recteur,  de  syndic. 

(i)  .Minul.  cit..  protoc.  Ferlin  de  175.5-6;  pioloc.  Rochas,  i"  reix.,  fF.  .<|5-5i  ; 
—  Arch.  de  la  Dr.,  B.  925. 

(21  .Minul.  cit.,  protoc.  Ferlin,  rep.  de  1761-2,  f.  106-8  ;  cahier  (iris,  à  pitrt  ; 
protoc.  Rochas.   5'  rcp;  ,  f.    i  1-2  ;  —  arcli.  de  la  Dr..  Fi.   1  277, 


SAIXT-AG\AX-tX-VERCORS.  I  I  I 

d'administrateur.  Ainsi,  le  19  janvier  1765,  afin  de  "  s'acquitter  de 
la  somme  de  462  ii\res.  qu  il  a^"oit  emprunté  de  .Marie  Pourroy  »  dès 
le  28  avril  1  754  pour  faire  un  payement  à  M.  de  la  Morte-Félines  sur 
ce  que  l'hôpital  lui  devait  pour  le  domaine  des  Berts,  il  cède  à  cette 
dame  462  livres  à  prendre  sur  ce  que  le  fermier  de  ce  domaine. 
Audrap,  doit  à  cet  hôpital. 

Avec  des  demandes  en  décharge  et  mutations,  présentées  vers  ces 
temps  par  les  directeurs  de  l'hôpital  de  St-Agnan,  on  a  un  état  des 
revenus  de  ce  dernier  établissement  de  la  fin  de  1775  (i),  année  où 
Jean  Cuchet,  docteur-médecin  de  Grenoble,  lui  vendait,  le  9  mai,  un 
ouvrage  de  pharmaceutique  médicale,  qu'on  conserve  encore.  Puis, 
on  retrouve  "  noble  Jean  Oddoz  de  Bonniot,  sieur  de  Saint- Julien, 
«  résidant  au  bourg  St-Agnan  »,  et  agissant  «en  qualité  de  direc- 
«  teur  et  maître  des  fruits  pendant  sa  vie,  des  biens  de  l'hôpital  dud. 
«  St-Agnan  »,  dans  un  acte  reçu,  le  26  juillet  1778,  par  Accarias 
fils,  notaire  à  Mens  et  commissaire  à  terriers.  Par  cet  acte,  M.  de 
Saint-Julien  reconnaît  que  led.  hôpital  tient  «  du  fief  et  directe  sei- 
gneurie de  messieurs  les  co-seigneurs  de  Vercors  »  :  i^»  un  bâtiment 
de  maison  avec  écurie,  four,  jardin,  curtillage  et  terre  à  St-Agnan, 
d'environ  6  quartelées,  autrefois  pré  dit  de  la  Font,  sous  la  censé  de 

1  quarte  et  1/2  coup  de  seigle,  6  quartes  2  coups  i   3  avoine,  et  r  sol 

2  deniers  ;  2'^  un  pré  en  Li  Combe,  d'environ  demi-faucheur,  sous  la 
censé  de  i  coup  seigle,  r  coup  1/4  avoine,  et  i  «  pitte  »  :  3"  sa  part  de 
la  scie  des  Berts,  qui  est  1/3,  «  sous  la  censé  de  4  planches  à  la 
verge  et  i  3  c  cluis  •>  ;  4"  une  terre  aux  Faiires.  dite  le  Petit-Champ. 
d'environ  i  qiiartallée,  «  sous  la  censé  égallée  de  1  denier  23  et  i 
denier  de  plait  ■>  :  5"  terre  <■  de  délai  l'aiguë  ",  d'environ  i  sétérée, 
sous  la  censé  d  i  obole  ;  6"  terre  au  serre  Lioutard,  sous  la  censé  d'i 
obole,  7°  un  ténement  de  maison,  granges,  écuries,  jardin,  terres  et 
prés  aux  Berts,  appelés  Pra  \'alon  ,  las  Condamines,  la  Versanne, 
Champ  Devant  et  Champ  de  Caillet,  d'environ  50  sétérées,  sous  la 
censé  de  i  quarte  3  coups  3/4  froment,  5  quartaux  6  coups  13  1/12 
seigle,  I  quartal  4  coups  i'3  i  12  avoine,  i  geline  1,  3,  3  sols  6  de- 
niers 3  «  pittes  »,  et  I  sol  2  deniers  1/2  de  plait  :  8"  terre  au  Tioulle  ; 
9°  2  terres  à  la  Condamine,  dont  i  appelée  îe  Combal  ;  10"  2  prés  au 
Grand-Pré,  dont  i  appelé  Drametout  ;  11°  terre  au  Phaï\  12°  pré  à 
las  Narses  ;    13"    terre   dite   Petit-Champ   de  Revoux  :   14°  terre   dite 

(i)  Minut.   cit.,    protoc.   Fetitn  de   1765-70,   f.  4.  —  .Vrch.  de  la  Dr.,  c.    182  et 
295. 


112  HISTOIRE    R.LIGIEUSE    DE 

Grand-Champ  de  Revoiix  :  15°  pré  à   Corréard  :   16"  près  du  Roche  et 
du  Pibos  :  17"  pré  «  audit  lieu  appelé  la  Travoyseire.  » 

L'archiprêtre  du  \'ercors.  visitant  la  paroisse  de  St-Agnan.  le  4 
janvier  i  787,  constate  que  les  biens  des  pauvres  consistent  en  1 50  livres 
de  revenus  annuels,  et  quils  perçoivent  «  des  bienfaits  de  M.  de  La 
Tour,  habitant  à  Die.  consignés  dans  son  testament.  >'  Le  rapport  de 
visite  fut  signé  par  «  Jean  Odde  de  Bonniot  de  Saint-JuUien  »  et  par 
Oddos-.Mazet,  prieur-curé  (i).  Si  cette  évaluation  comprend  les  reve- 
nus des  biens  de  l'hôpital,  ceux-ci  durent  augmenter  après  la  mort 
de  AL  de  Saint-Julien,  encore  en  vie  en  1793.  En  effet,  cet  hôpi- 
tal, qui  subsista  à  peu  près  sain  et  sauf  au  milieu  des  orages  révolu- 
tionnaires, et  fut,  dès  le  rétablissement  de  Tordre,  administré  comme 
les  autres  établissements  du  même  genre,  possédait  en  iS^^q  un  re- 
venu de  1,185  f'"-  24  c.  En  1S75,  ce  revenu  s'élevait  à  .;,607  fr..  et 
provenait  principalement  de  son  domaine  des  Berts.  Depuis  lors. 
.M"^  Rolland  a  laissé  à  l'établissement  une  somme  de  10.000  fr.  dont 
l'hôpital  jouit  présentement  et  qui,  mis  en  rentes  sur  l'Etat,  en  ont 
élevé  le  revenu  annuel  à  ^^.iiô  fr.  Ajoutons  que  celui-ci,  faute  de 
malades  dans  la  maison  hospitalière  ordinairement  vide,  est  facile- 
ment absorbé  par  les  indigents  et  malades  de  la  localité. 

\'L  -    Institltions  Scolaires. 

Nous  avons  parlé  ailleurs  (2)  d'une  société,  moitié  morale,  moitié 
facétieuse,  répandue  en  Dauphiné  au  XVL  siècle,  dont  le  but  mis  en 
avant  était  de  fixer  la  concorde  dans  les  ménages,  mais  où  l'on  vou- 
lait avant  tout  rire  et  s'amuser.  Cette  société  ,  qui  s'appelait  la 
Grande  Abbaye  de  Dauphiné,  et  dont  VAbbé  général  était  à  drcnoble, 
avait  donc  quelque  prétention  de  réaliser  le 
Castigat  ridendo  mores 
de  nous  ne  savons  plus  bien  quel  auteur,  c'est-à-dire  d'être  une 
sorte  d'école  de  vertu  ;  mais  en  réalité  elle  \  alait  à  peine  le  théâtre  de 
nos  jours,  cependant,  hélas!  bien  suspect. 

Nous  avons  donné  des  actes  authentiques  témoignant  de  l'at'tilia- 
tion  d'un  certain  nombre  d'hommes  de  St-Agnan  à  cette  société  en 

(i)  .Mairie  de  Sl-Ai,'nan,  Terrier  de  /77S,  f-  i6n-^  ;  —  arch.  de  la  Dr.,  fonds  de 
Sl-Agnan. 

(2)  Revue  du  Dauf^hiné  cl  du   Vivarais,    11^79,  p,   486-1). 


SAI.NT-AGXAN-EN-VERCORS  I  H 

1551.  et  de  leur  organisation  en  corporation  munie  de  tout  l'attirail 
dofficiers  requis  pour  en  exercer  les  pratiques. 

Mais  sans  condamner,  comme  le  païen  Platon,  louie  tragédie  et 
toute  comédie,  nous  n'avons  pu  voir  dans  cette  association  une  con- 
frérie religieuse  ni  une  association  de  bienfaisance.  Nul  ne  peut  son- 
ger à  y  voir  une  école  de  lettres  ou  de  sciences,  et  nous  renonçons  à 
la  compter  parmi  les  écoles  de  vertu. 

Quant  aux  vraies  écoles  du  bien,  nous  n'en  trouvons  pas  trace 
avant  le  XVll''  siècle.  En  1644,  l'évêque  ne  trouve  «  poinct  de  mais- 
tre  d'escole  •),  mais  il  exhorte  «  celui  qui  fera  les  fonctions  curiales  de 
la  paroisse  d'enseigner  les  petits  enfants  qui  luy  seront,  à  défaut  de 
maistre  d'escole  catholique,  envoyés.  «  Les  vœux  du  prélat  furent 
bien  vite  réalisés,  car  en  1645  et  en  1654  «  maistre  Jean  Gauteron  » 
était  1'  recteur  d'escole  »  de  St-Agnan.  Toutefois,  en  1658,  il  n'y 
avait  «  poinct  de  maistre  d'escoUe  »,  et  l'évêque  prescrivait  aux  ha- 
bitants de  s'en  procurer  un  qui  fut  catholique,  avec  «  deffance  de  se 
servir  d'aucun  qui  professe  la  K'^eligion)  Pfrétendue  R(éformée).  " 
Bien  plus,  la  paroisse  était  encore  sans  maître  en  1687. 

Cependant,  en  1706.  le  curé  constate  qu'il  y  a  un  maitre  d'école 
pendant  6  mois  d'hi\er.  il  ajoute  que  ce  maitre  «  serait  inutile  le 
reste  de  l'année  <>,  et  qu"«  on  lui  donne  ordinairement  25  écus.  » 

Enfin,  en  172g,  il  '■  n'y  a  dans  la  paroisse  aucun  maistre  d'école  »  : 
mais  on  trouve  pour  «  précepteur  de  la  jeunesse  «  de  St-Agnan,  en 
17.57  et  1738,  Jean-Jacques  Billerey,  en  1741  Antoine  Giraud.  en 
1742  Jean-Jacques  Billerey,  et  en  1745  Jean  Gauthier  (i). 

Aujourd'hui,  St-.\gnan  a  au  village  une  école  lafque  de  garçons  et 
une  école  de  filles  tenue  depuis  de  longues  années  par  deux  reli- 
gieuses de  la  Providence  de  Gap  ;  et  aux  hameaux  des  Faures  et  de 
la  Breytière,  une  école  mixte  tenue  par  un  instituteur  laïque. 

(i)  Arch.  cit.,  visites  cit.,  tonds  de  St-.\gnan,  el  R,  i  .•05  ;  —  minutes  cit., 
passiiii . 

r.4  continuer j. 

L.  FILLET. 


LE    TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

d'après  des  documents  officiels  et  inédits. 


(Suite) 


Sa  vénérable  mère,  Martine  Bratier,  veuve  Galfard.  après  avoir 
attendu  l'arrivée  d'un  prêtre  fidèle,  M.  Joanès.  cure  provisoire,  alla 
(Q  février  i.'^02;  déclarera  la  municipalité  qu'elle  tenait  à  la  dispo- 
sition du  curé  légitime  et  de  l'église  les  ornements,  vases  sacrés, 
meubles  laissés  par  son  fils,  objets  qu'elle  avait  gardés  depuis  son 
retour  de  l'exil  (ij.  La  municipalité  de  Clelles  en  effet,  malgré  les 
réclamations  réitérées  du  district,  avait  toujours  refusé  d'envoyer  à 
Grenoble  les  ornements  de  son. église.  Elle  avait  même  constaté,  le 
4  germinal  an  1\'  (24  mars  1796J,  l'enlèvement  à  la  sacristie  [2)  de  la 
plupart  de  ces  objets  sacrés  ;  mais  elle  n'avait  pas  ordonné  de  recher- 
ches, sachant  qu'ils  servaient  à  M.  Galfard  pour  la  célébration  des 
saints  mvstères.  Cette  conduite  de  la  municipalité  de  Clelles  est 
d'autant  plus  digne  d'éloges,  qu'autour  d'elle  presque  toutes  les 
autres  avaient  montré  une  coupable  faiblesse. 

Martine  Bratier  vécut  encore  pendant  quelques  années.  Ce  fut  le 
8  août  1809  qu'elle  rendit  paisiblement  son  àme  à  Dieu.  Cette  pieuse 
femme,  enfermée  dans  les  prisons  de  Grenoble  au  moment  de  la 
terreur,  pour  le  motif  unique  »  qu'elle  était  la  mère  d'un  curé.  » 
demeurait  sans  ressources  à  la  mort  de  son  fils.  Recueillie  par  son 
neveu,  M.  Alexandre  Galfard,  elle  mourut  dans  la  cure  de  St-Bau- 
dille,  à  l'âge  de  quatre-vingt  quatorze  ans.  Pendant  les  dernières 
années  de  sa  vie,  elle  répétait  souvent  :  que,  mère  et  belle-sœur  (^"i 
de  prêtres  persécutés,  emprisonnée  elle-même  pour  la  foi,  il  lui  tar- 
dait de  rejoindre  ses  chers  martyrs  (4J. 

d)  Délih.  du  dit  jour. 

(2)  Ibidem. 

(3)  De  M.  Antoine  Galfard.  ancien  curé  de  Si-Raudille,  inori  à  l'hôpital  de 
Grenoble. 

(^)  F<écils  de  SCS  petilb-nevcux. 


LA    GRANDE    REVOLUTION"  II, 

Si.  avant  de  poursuivre  notre  course,  nous  jetons  un  regard  en 
arrière  pour  considérer  les  années  de  la  révolution  et  les  événements 
qui  les  ont  remplies,  l'àme  est  profondément  attristée  Rien  en  effet 
de  plus  affligeant  que  le  spectacle  de  l'oppression  tyrannique  et  de  la 
cruauté  où  peuvent  atteindre  des  hommes  aveuglés  par  leurs  pas- 
sions. Depuis  longtemps  déjà  les  bourreau.x  sont  morts,  .mais  deux 
il  reste  encore  et  l'histoire  de  leurs  méfaits,  et  la  trace  des  ruines 
qu'ils  ont  causées,  et  le  souvenir  des  larmes  qu'ils  ont  fait  répandre. 
Leurs  victimes  leur  ont  pardonné.  La  patience  et  la  fermeté  inébran- 
lables de  celles-ci  demeurent  comme  des  monuments  qui  éveillent 
notre  admiration  et  nous  invitent  à  ne  point  défaillir  nous-mêmes. 

Nous  allons  assister  maintenant  au  relèvement  de  l'Eglise.  Les 
maîtres  du  jour  ont  reconnu  que,  sans  elle,  les  sociétés  se  dissol- 
vent, les  états  périssent,  les  dissensions  et  les  désordres  régnent  de 
toutes  parts,  tandis  qu'avec  elle  on  trouve  la  paix  et  la  tranquillité. 
C'est  pour  ces  motifs  qu'ils  la  protégèrent  alors. 

Le  concordat  fut  enfin  approuvé  par  les  pouvoirs  législatifs,  le  8 
avril  r8o2.  .\  la  nouvelle  de  cet  acte  ardemment  désiré,  la  population 
catholique  de  .Mens  se  prévalut  de  l'article  Xll  et  demanda  instam- 
ment de  pouvoir  enfin  reprendre  possession  de  son  église.  Les  protes- 
tants, qui  s'en  étaient  emparé,  ne  voulaient  point  lâcher  prise  :  de  là 
surgirent  des  disputes  violentes  entre  les  deux  partis  ;  on  craignait 
même  de  les  voir  en  venir  aux  mains.  Pour  calmer  les  esprits, 
l'adjoint.  .\L  .\ccarias,  notaire,  prit  l'arrêté  suivant  (26  germinalj  : 
'<  Nous,  adjoint  de  la  commune  de  .Mens,  informé  que  des  malveil- 
lants tiennent  des  propos  tendant  à  troubler  la  tranquillité  publique, 
sous  prétexte  que  des  citoyens,  qui  exercent  le  culte  de  la  prétendue 
religion  réformée  dans  la  ci-devant  église  de  cette  commune,  ne  la 
rendent  pas  libre  aux  catholiques  romains,  considérant  que  si  bien 
la  loi  organique,  rendue  sur  les  cultes,  ordonne  que  les  édifices 
servant  anciennement  au  culte  catholique  seront  à  la  disposition  des 
évêques  par  arrêté  du  préfet,  cette  loi  n'ayant  point  encore  été  pro- 
mulguée et  les  évêques  par  conséquent  n'étant  point  nommés,  il 
ne  peut,  en  l'état,  être  question  d'icelle  :  voulant  maintenir  la  paix  et 
la  concorde  parmi  les  citoyens,  inhibons  et  défendons  à  toute  sorte 
de  personnes  de  tenir  des  propos  séditieux  et  tendant  à  troubler 
l'ordre,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  à  peine  d'être  poursuivi 
comme  pertubateur  du  repos  public (  r)  » 

(i)  Registre  des  délib.  .Mens. 


1  l6  LE    TRIÈVES    PENDANT 

Les  protestants  furent  heureux  de  cet  arrêté  :  car  ils  espéraient, 
par  le  moyen  de  démarches  actives,  commencées  depuis  près  d'une 
année,  celles  qu'ils  allaient  entreprendre  encore  et  les  hautes  influen- 
ces qu'ils  pouvaient  faire  agir  en  leur  faveur,  rester  en  possession  de 
cette  église,  où  ils  étaient  entrés  grâce  à  la  persécution  religieuse. 
Ils  croyaient,  pour  le  moins  en  jouir  simultanément  avec  les  catho- 
liques. Leurs  prétentions  furent  repoussées,  ainsi  qu'il  apparaît  de 
la  délibération  suivante. 

('  Le  n  thermidor  an  X  fi"''  août  1802),  le  maire  Pellissier  a  mis 
sur  le  bureau  une  lettre  du  préfet  en  date  du  cinq  de  ce  mois,  ainsi 
qu'une  pétition  présentée  par  le  consistoire  de  l'église  réformée,  le 
19  du  mois  dernier,  laquelle  a  été  renvoyée  pour  avoir  l'avis  du 
conseil  municipal.  En  conséquence  il  a  invité  les  membi'es  qui  le 
composent  à  délibérer  avec  le  calme  et  l'impartialité  qui  doivent 
caractériser  les  fonctionnaires  publics  appelés  à  prononcer  sur  les 
réclamations  et  demandes  de  leurs  concitoyens  — 

«  Le  conseil,  considérant  que  la  faculté  réclamée  par  les  pétition- 
naires d'exercer  simultanément  leur  culte  dans  l'église  du  Mens 
entraînerait  de  graves  inconvénients,  attendu  qu'il  pourrait  en 
résulter  des  rixes  et  dissensions  funestes  au  repos  des  citoyens  des 
deux  religions  et  à  la  tranquillité  publique   : 

"  Considérant  encore  que  l'église  restant,  conformément  à  la  loi, 
au  culte  catholique,  il  est  juste  que  le  culte  de  l'église  réformée  ait 
un  local  convenable  à  sa  disposition  : 

«  Que  le  local  qui  convient  le  mieux  pour  l'exercice  du  culte  pro- 
testant est  le  local  qui  fut  destiné  à  cet  usage,  dans  la  maison  du 
citoyen  le  Blanc-Prébois  depuis  17QI  jusqu'à  l'an  VL  époque  à  laquelle, 
le  toit  menaçant  ruine  et  le  plancher  s'étant  écroulé,  les  protestants 
furent  forcés  de  l'abandonner  pour  exercer  leur  culte  dans  l'église, 
d'après  l'autorisation  des  administrations  municipale  et  départe- 
mentale : 

«  Délibère  unanimement  que  le  citoyen  conseiller  d'Etat,  chargé 
de  tout  ce  qui  regarde  les  cultes,  sera  invité  à  procurer  aux  protes- 
tants un  local  convenable  ou  à  faire  accorder  par  le  gouvernement 
des  secours  pécuniaires  destinés  à  l'achat  du  local  réparé.  On  louera 
provisoirement,  au  nom  et  aux  frais  de  la  commune,  pour  l'exercice 
du  culte  protestant,  le  local  situé  dans  la  maison  Prébois,  dans 
lequel  il  se  fixera  dès  que  les  réparations  nécessaires  seront  faites  : 

<<  Invile  enfin  le  gouvernement  à  autoriser  provisoirement  la  corn- 


LA    grandi:    REVOLUTION.  ilj 

mune  à  passer  le  bail  dont  il  saisit  et  à  faire  le  paiement  de  la  rente 
annuelle  qui  sera  convenue — (ij  » 

Au  milieu  de  ces  contestations,  .M.  Testou  avait  été  nommé  curé 
de  Mens  et,  par  ses  conseils,  il  avait  puissamment  contribuée  rendre 
efficace  la  résistance  des  catholiques  aux  prétentions  des  protestants. 
Ses  supérieurs  lui  avaient  confié  la  difficile  et  délicate  mission  de 
relever  les  ruines  causées  par  la  révolution  dans  cette  paroisse  mixte, 
d'apaiser  les  haines  profondes  élevées  entre  les  habitants,  et  tou- 
jours il  sut  s'en  acquitter  avec  zèle  et  prudence.  Le  2  pluviôse 
(7  sept.),  il  alla  faire  devant  la  municipalité   la  déclaration  suivante  : 

«  En  attendant  que  je  me  trouve  dans  le  cas  de  prêter  le  serment 
prescrit  par  l'article  7  de  la  convention  passée  entre  le  gouvernement 
français  et  sa  sainteté  Pie  MI,  je  déclare  promettre  garder  obéissance 
et  fidélité  au  gouvernement  établi  par  la  constitution  de  la  Républi- 
que française.  Je  promets  aussi  de  n'avoir  aucune  intelligence,  de 
n'assister  à  aucun  conseil,  de  n'entretenir  aucune  ligue,  soit  au 
dedans,  soit  au  dehors,  qui  soit  contraire  à  la  tranquillité  publique, 
et  si,  dans  cette  paroisse  ou  ailleurs,  j'apprends  qu'il  se  trame 
quelque  chose  contre  l'Etat,  je  le  ferai  savoir  au  gouvernement  f2).» 

Depuis  la  signature  du  concordat  et  avant  même  son  acceptation 
par  les  pouvoirs  législatifs,  les  catholiques,  privés  de  leur  église, 
se  réunissaient  dans  une  étable  appartenant  à  M.  le  Blanc  de 
Prébois,  où  l'on  avait  fait  quelques  réparations  d'appi-opriation  et 
dressé  un  modeste  autel.  Ce  fut  dans  ce  lieu  que  se  présenta  hum- 
blement M.  Jannais,  l'ex-curé  intrus,  pour  demander  pardon  aux 
catholiques  réunis  du  scandale  qu'il  leur  axait  donné  par  sa  fai- 
blesse Il  supplia  en  même  temps  M.  Testou,  muni  de  pleins  pou- 
voir par  ses  supérieurs,  de  l'absoubre  des  censures  qu'il  avait 
encourues  (3).  Les  témoins  de  cette  scène  si  consolante  louaient 
Dieu  en  pleurant  de  joie. 

Vint  enfin  le  temps  où  les  catholiques  purent  rentrer  en  posses- 
sion de  leur  bien  et  chanter  le  Te  Deum  dans  l'antique  église  bâtie 
par  la  piété  de  leurs  pères.  Ce  bonheur  leur  fût  procuré  par  un 
arrêté  que  le  maire  prit  au  lendemain  même  du  jour  où  M.  Testou 
avait  prêté  son  serment  provisoire.  Yo\c\  cet  arrêté  • 

«   Nous,  maire  delà  commune  de  Mens,  considérant  que  les  habi- 

(i)  Ibidem. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Réponses. 


Il8  LE    TRIÈVES     PENDANT 

tants  de  cette  commune,  qui  exercent  le  culte  catholique,  n  ayant 
aucun  local  pour  s"y  réunir  ;  celui  qu'ils  occupaient  depuis  quelque 
temps,  quoique  peu  convenable  pour  l'exercice  de  leur  culte,  n'étant 
plus  à  leur  disposition,  et  n'y  en  ayant  aucun  dans  la  commune  qui 
puisse  leur  être  assigné,  autre  que  l'église  ; 

«  Considérant  que  les  réparations  à  faire  au  local  où  s'exerce  le 
culte  réformé  sont  presque  terminées  et  que  ceux  des  habitants  qui 
exercent  ce  culte  pourront  désormais  s'y  réunir  sans  aucun  empê- 
chement, arrête  :  i"  Que  les  habitants  de  la  commune  professant  la 
religion  réformée  cesseront  de  se  réunir  dans  l'église  pour  l'exercice 
de  leur  culte  après  la  publication  du  présent  et  que  demain.  22  du 
courant,  cet  édifice  sera  mis  à  la  disposition  du  culte  catholique  ; 
2"  Que  la  grosse  cloche  sera  sonnée  pour  annoncer  l'heure  des 
assemblées  du  culte  catholique  et  la  petite  celle  des  assemblées  du 
culte  réformé  ;  3"  Qu'il  ne  sera  rien  enlevé  de  tout  ce  qui  est  cloué 
soit  dans  l'église,  soit  dans  la  maison  commune. 

«  A  Mens,  le  21  fructidor  an  X  de  la  République  française 
(8  septembre  1802J.   —  Pélissier  fils,  maire.  {2)  » 

La  concession  faite  par  le  maire  à  ses  coreligionnaires  de  pouvoir 
sonner  la  petite  cloche  ne  tarda  pas  à  amener  de  fortes  réclamations 
qui  obligèrent  les  protestants  à  se  pourvoir  ailleurs.  iMais  les  héré- 
tiques savent  bien  s'approprier  ce  qui  appartient  à  l'Eglise  pour  en 
changer  la  destination  à  leur  profit  !  Ainsi  à  Mens,  c'e^t  la  cloche 
de  l'ancienne  paroisse  de  St-Genis  qui  les  appelle  au  temple  {2). 

Si  la  restitution  de  l'église  avait  souffert  de  longues  et  graves  dif- 
ficultés, celle  de  la  cure  et  de  son  jardin  n'en  soulevèrent  pas  de 
moindres,  ce  qui  nous  est  montré  par  la  lettre  de  l'adjoint  Accarias 
au  préfet  :  «  Le  maire  de  cette  commune  vous  a  écrit,  le  24  ventôse 
dernier,  pour  savoir  s'il  pouvait,  à  la  réquisition  du  citoyen  Testou, 
curé  provisoire,  l'envoyer  en  possession  du  presbytère,  dépendances 
et  jardin,  quoique  le  tout  soit  affermé.  Celte  lettre  étant  restée  sans 
réponse,  je  pense  qu'elle  ne  vous  est  point  parvenue. 

('  Le  maire  se  trouve  en  voyage  pour  les  affaires  de  son  négoce 
et  le  citoyen  Testou  me  réitère  sa  demande. 

"  La  régie  de  l'enregistrement  a  affermé  le  presbytère  et  le  jardin 
non  vendus,  et  tout  se  dégrade  faute  de  réparations,  surtout  les 
murs  de  clôture  du  jardin. 

(i)  Reg.  des  délibérations.    Mens. 
(2)   Ibidem. 


LA    GRANDL;    REVOLUTION.  II9 

(<  Comme  le  prêtre  desservant  l'église  catholique  n'a  ni  mai- 
son, ni  jardin,  je  viens  vous  prier  d'envoyer  la  c(jmmune,  et 
par  ce  moyen  le  prêtre  desservant,  en  possession  du  presbytère, 
de  l'écurie  et  dépendances,  et  du  jardin  pour  en  jouir  de  suite  et  se 
prévaloir  des  revenus  à  partir  du  lo  brumaire  dernier,  sauf  à  faire 
règlement  avec  le  fermier  ou  locataire  pour  le  temps  qu'ils  ont  encore 
à  courir. 

«  J'espère  de  votre  justice  que  vous  voudrez  bien  accorder  cette 
demande,  fondée  sur  la  loi  (18  avril  1803)  (^>-  " 

Enfin  au  commencement  de  prairial  suivant,  le  maire,  sur  la 
réponse  du  préfet,  à  la  date  du  10  floréal  précédent,  mit  .M.  ïestou 
en  possession  de  la  cure,  mais  lui  laissa  mesquinement  le  soin  de 
s'arranger  avet  les  locataires  qui  l'occupaient. 

Le  5  juillet  1803,  M.  Testou  se  trouvait  à  Grenoble,  avec  tous  les 
curés-archiprêtres  du  diocèse,  pour  y  prêter,  en  même  temps  c]ue 
les  vicaires  généraux,  le  serment  de  fidélité  prescrit  par  les  articles 
6  et  7  du  concordat.  Tous  les  magistrats  et  fonctionnaires  publics 
de  Grenoble  étaient  présents  à  cette  cérémonie.  Le  serment  prêté, 
le  préfet  de  l'Isère  prononça  un  discours  dont  nous  extrayons  les 
passages  suivants  ;  malgré  l'emphase  de  la  forme,  ils  sont  honorables 
pour  la  Religion,  persécutée  la  veille,  et  glorifient  la  Providence, 
capable  d'opérer,  en  si  peu  de  temps,  dans  l'esprit  et  le  cœur  des 
hommes  de  si  merveilleuses  transformations  : 

'( Allez  Messieurs,  allez  instruire,    former    l'àme  des  citoyens  à 

l'accomplissement  de  leur  devoir  ;  reconciliez  les  haines,  consolez 
l'infortuné,  inspirez  tous  les  sentiments  généreux  et  prévenez  les 
repentirs  amers  que  les  erreurs  ou  les  fautes  entraînent  après  elles  ; 
rendez,  s'il  se  peut,  les  peines  inutiles,  et  ne  laissez  à  l'empire  des 
lois  que  ce  que  la  persuasion  n'aui^a  pu  faire. 

«  Combien  il  est  tionorable  pour  nous  d'avoir  été  choisis  pour 
concourir  au  rétablissement  de  la  fieligion  chrétienne,  de  cette 
Religion  de  nos  ancêtres,  qui  nous  a  reçus  en  naissant,  qui  a  conduit 
notre  enfance,  éclairé  notre  jeunesse,  qui,  indépendamment  de  ses 
prérogatives  éternelles,  a  été  consacrée  par  les  respects  de  tant  de 
génies  illustres,  par  les  vertus  de  tant  de  grands  hommes,  par 
l'adoration  des  siècles,  la  gloire  et  les  lumières  de  tant  de  peuples 
qui  en  ont  fait  la  base  de  leur  doctrine  et  la  règle  de  leurs  mœurs. 

(i)  Lelties  de  la  municipalité  de  Mens.  Cah.   4. 


120  I.E    TRIEVES     l'ENDANT 

('  X'ous  venez  de  faire  entre  mes  mains  une  promesse  solennelle 
au  Gouvernement;  et  moi,  comme  chargé  de  l'administration  civile 
de  ce  département,  je  vous  en  dois  une  autre  ;  je  vous  lai  faite  au 
nom  de  tous  les  pères  de  famille,  de  tous  les  magistrats  qui  parti- 
cipent au  maintien  de  l'ordre,  à  l'exécution  des  lois,  enfin  au  nom 
de  tous  les  citoyens.  Vous  trouverez  dans  l'autorité  publique  tout 
l'appui  que  vous  pourrez  désirer  pour  l'exercice  de  ^'os  fonctions. 
Le  respect  de  la  Religion  est  un  devoir  pour  tous  les  membres  de  la 
société  civile  :  celui  qui  l'outrage  offense  le  gouvernement  qui  lui 
rend  des  honneurs:  il  offense  les  mœurs,  ses  ancêtres  et  ses  contem- 
porains ;  il  nuit  à  la  patrie  et  s'efforce  de  la  blesser  dans  ce  qu'elle  a 
de  plus  cher  et  de  plus  important,  je  vous  le  répète.  Messieurs,  il 
faut,  pour  que  votre  ministère  soit  utile,  que  vous  puissiez  vous 
reposer  sur  l'autorité  publique  du  soin  de  le  faire  respecter. 

«  La  promesse  que  je  viens  de  vous  faire  n'est  pas  moinsformelle 
que  la  vôtre  ;  elle  m'impose  les  mêmes  obligations,  elle  en  est  une 
conséquence  juste  et  nécessaire  fi).   » 

Peu  de  jours  après  (le  29  du  même  mois),  .NL  Testou  prenait 
solennellement  possession  de  sa  nouvelle  paroisse,  en  présence  de 
toutes  les  autorités  locales,  et  Mens  eut  ensuite  le  bonheur  de  le 
posséder  jusqu'en  1^14.  époque  où  la  confiance  de  son  évéque 
l'appela  au  poste  éminent  de  vicaire  général  de  Grenoble.  (2  ). 

Le  24  du  même  mois  de  juillet,  .\L  OUagnier,  ancien  curé  de 
St-Guillaume,  avait  été  installé  aussi  à  (Nielles,  avec  le  concours  de 
plusieurs  de  ses  confrères,  heureux  de  lui  témoigner  dans  cette 
circonstance  l'estime  qu'ils  avaient  pour  lui  (3).  La  population  toute 
entière  était  aussi  présente  à  cette  cérémonie  et  voyait  avec  joie 
l'héritage  de  ^\.  Galfard  échoir  à  un  prêtre,  dont  les  travaux  subsis- 
tent toujours  dans  le  souvenir  de  ceux  qui  l'ont  connu  et  de  leurs 
petits  enfants  auxquels  ils  les  racontent  pieusement  encore. 

A  leur  tour  les  auti'es  paroisses  du  Trièves  furent  pourvues  de 
pasteurs  ;  mais  celle  de  Trésanne  fut  supprimée  et  unie  à  St-Martin- 
dc-Clelles  ;  celle  de  Toranné  eut  momentanément  le  même  sort 
(16  janxier  i8o^).  Le  préfet  écrivait  au  maire  de  celte  dernière 
localité  pour  lui  annoncer  que  sa  commune  était   attachée  à   la  suc- 

(i;  Bibliothèque  de  l'aulcur. 

(2)  Le  Trièves  en  effet,  à  la  suite  du  concordat,  avait  été  attaché  au  diocèse  de 
ce  nom.  Lettres  de  la  municipalité  de  Mens. 

(3)  Reg.  des  délit.  Cleiles. 


r.r;  trieves   pendant  la  granuk   revollitox.  121 

cursale  de  Sl-.Martin.  d"après  la  nouvelle  circonscription  du  diocèse 
de  Grenoble  arrêtée  par  le  gouvernement.  Il  l'invita  en  conséquence 
à  se  trouver  à  l'installation  de  l'ecclésiastique  nommé  pour  desservir 
cette  église  fi  ).  Cette  réuion  ne  changea  rien  à  l'administration  de 
la  commune  (4).  St-Genis  et  St-Sébastien,  qui  ne  comptaient  cha- 
cune que  deux  ou  trois  familles  catholiques,  furent  supprimées  pour 
être  unies,  la  première  à  Mens,  la  seconde  à  Cordéac. 

i L.1  suite  .TU  prochain  numéro). 

A.  LAGIHR. 

(1)  Cet  ecclésiastique  était  le  zélé  .M.  Lioiard. 
(4j  Archives  de  St-.Michel. 


L'abbé    SERPEILLE 

AUMONIER  DE   LA    MAISOX  CENTRALE  DE  POISSY 


Sous  ce  litre  :  Un  prêtre  poursuivi  .sous  la  Terreur.^  le  Bulletin 
a  publié,  il  y  a  quelques  années,  un  curieux  d(X"ument  sur  l'abbé 
Serpeille,  vicaire  à  Saint-Péray  au  moment  où  éclata  la  Révolu- 
tion 1  .  Nous  promîmes  alors,  on  s'en  souvient,  d'autres  rensei- 
gnements sur  cet  ecclésiastique,  qui  a  laissé  parmi  nous  de  nom- 
breuses traces  de  son  passage,  et  dont  les  aventures  extraordinaires 
méritent  bien  de  hxer  quelque  peu  l'attention.  Après  dix  ans  de 
péripéties  inouïes,  l'abbé  Serpeille  se  ressouvint  de  son  caractère 
sacerdotal,  qui  avait  subi  comme  une  longue  éclipse  pendant  la 
tourmente  rcvtjlutionnaire  ;  revenu  à  son  état  normal  de  prêtre 
en  exercice,  il  dut  repasser  dans  son  souvenir  ces  années  qui  lui 
semblaient  un  rêve,  et  étonné  de  vivre  encore  après  avoir  été  si 
violemment  balloté  par  cette  horrible  tempête,  il  jugea,  non  sans 
raison,  que  le  récit  de  son  odyssée  serait  de  nature  à  intéresser 
la  postérité  ;  à  cet  etfet,  il  en  retraça  à  tête  reposée  les  principaux 
traits  .   qu'il    reproduisit    à  plus   d'un    exemplaire,  pour  le  cas  à 

(i)  Bulletin,  t.  IF,  pp.  275-85.  -Livraison  Je  juillet-août  1882 

Bull.  IX,  1889.  9 


L  ABBE    SERPEILLI. 


prévoir  où  Tune  de  ces  copies  venant  a  disparaître,  les  événe- 
ments qui  V  étaient  relatés  ne  fussent  point  perdus  pour  l'histoire, 
mais  qu'il  en  restât  d'autres  pour  en  transmettre  la  mémoire  à  ses* 
petits-neveux. 

On  a  lu.  dans  la  livraison  précitée,  une  première  version  de  son 
autobiographie;  en  voici  une  seconde,  plus  succincte  ;  mais  con- 
tenant quelques  détails  complémentaires  et  quelques  particularités 
que  la  première  ne  mentionne  pas.  Quoique  pour  l'ensemble  elle 
ne  soit  qu'une  variante  de  celle-ci.  nous  la  reproduisons  in  ex- 
tenso, atin  que  le  lecteur  puisse  tout  d'abord  renouveler  connais- 
sance avec  le  personnage  qui  lui  a  déjà  été  présenté,  et  qui  va 
faire  l'objet  de  la  présente  notice. 

«  L'an  1767.  et  le  18  février,  est  né  .lean-Baptisic- Louis  Serpeille. 
à  Valence  Drôme  .  Entré  dans  l'état  ecclésiastique  en  1784,  il 
fut  fait  prêtre  en  1790,  par  dispense  d'âge,  et  nommé  vicaire  à 
St-Péray  Ardèche  la  môme  année  i  .  Vers  la  tin  de  1793,  pour- 
suivi par  l'armée  révolutionnaire ,  que  Grangeon ,  Bonnet  et 
TracoU  habitans  de  St-Péray,  appelèrent  dans  leur  patrie,  où  ils 
tirent  arrêter  les  citoyens  les  plus  paisibles  et  les  pUis  vertueux, 
l'abbé  Serpeille  se  rendit  à  Montélimar,  et  entra  dans  le  bataillon  de 
Dragons-légers-Montagnards,  avec  le  grade  d'adjudant-major,  sur 
la  recommandation  du  conventionnel  Boisset  2  ,  qui  formait  ce 
corps.  Deux  jours  après,  un  mandat  d'arrêt  lancé  contre  lui  le  tii 
arrêter  à  la  tête  dudit  régiment,  et  il  fut  conduit  à  pied  et  en- 
chaîné à  Valence,  le  lendemain  16  pluviôse  an  ll"^  3  .  et  le  même 
soir,  condamné  à  mort,  ainsi  qv\c  Braveix  1  sic  1.  jeune  homme  de  19 
ans  .    tils    de    Bravcix.    notaire    à   St-Pérav    4   ;   Maiso)ineuve-La- 

(i;  La  première  sii^naliire  de  l'abbé  Serpeille  JaiKs  les  registres  de  cailmli- 
cité  de  St  Péray  est  du  4  octobre   1790. 

[2]  On  reir.arquera  que  l'abbé  Serpeille  ne  t'ait  ici  aucune  mention  de  son 
séjour  :i  .\llan  comr.ic  curé  constitutinunel.  Il  nous  apprend  dans  sa  pre- 
mière notice  qu'il  fut  élu  à  ce  poste  a  la  tin  de  171)2,  et  qu'il  \'  resta  jusqu'en 
décembre  1793,  c'est-à-dire  juste  un  an.  Cette  dernière  date,  rapprochée  de 
celle  de  son  arrestation,  nous  montre  qu'il  eut  à  peine  le  temps  de  figurer 
comme  capitaine  adjudant-major  dans  le  régiment  formé  par  Boisset.  — Nous 
avons  donné  sur  ce  personnage  une  note  biograj^Iiique  ilans  la  notice  citée, 
p.   279. 

I'})  4  février  1794. 

(4)  Joseph-François-.\ndré  Bra\ais,  rils  de  l'rançois,  notaire  r^)yal,  ct)m- 
missaire  a  terriers  et  avocat,  et  de  Suzanne  Tcissonnier,  qualifié  secrétaire 
du  district  du  .Mézenc    .\rdèche),  fut  exécute  à  Lyon  le  11  février  1794. 


AL.MOMLFi    DE    POISSY.  .  12  3 

Blache,  géomctre  à  Si-Peray  i  ;  Sellier,  ex-garde  du  corps  de 
Monsieur,  depuis  Louis  XN'III  2  ;  Menet.  maire  de  Charmes,  ci 
l'abbé  Limousin,  curé  du  même  village  de  Charmes  Ardèche  , 
lesquels  ont  été  guillotinés.  Le  curé  Limousin  était  âgé  de  83 
ans  3  .  L'abbé  Serpeille.  protégé  par  Antoine  Fiquet,  maçon,  fut 
remis  en  jugement,  et  condamné  à  avoir  la  ville  de  Valence  pour 
prison,  sous  la  surveillance  du  comité  révolutionnaire,  présidé 
par  Paquet,  avoué  à  Valence.  Dans  l'espoir  de  passer  en  Espagne, 
il  suivit  des  réquisitionnaires  dirigés  sur  Larmée  d'Espagne,  et  ne 
pouvant  réaliser  son  projet,  il  revint  de  Perpignan  en  juin  1794. 
Serpeille  entra  dans  un  bataillon  levé,  cà  cette  époque,  par  ordre 
du  conventionnel  .4 /^/7k';  il  fut  nommé  sergent.  (>e  bataillon  de 
700  hommes  comptait  plus  de  5oo  prêtres,  et  tut  envoyé  à  Tho- 
non,  puis  à  Carouge,  où  il  a  été  licencié  en  novembre  1  794,  par 
suite  de  la  mort  de  Robespierre.  Le  conventionnel  Jean  Debry 
vint  en  mission  à  Valence,  et  y  prêcha  le  massacre  des  terroristes. 
Serpeille  se  tit  remarquer  dans  cette  réaction  par  un  plan  de 
fête  qu'il  rédigea,  dont  il  fut  rappcjrteur  à  la  tribune,  et  qui  n'eut 
d'autre  effet  que  de  tourner    en    dérision    ce    que  l'on  appelait  la 

'  1  ;i  Jacques-Alexandre  AîaisfHiiieuvc,  dit  La  Blache,   secrélaire  de  la    muni- 
cipalité de  St-Péray,  fut  exécuté  le  même  jour,  à  l'âge  de  41  ans. 

2)  Nous  ne  trouvons  pas  le  nom  de  .M.  Sellier  dans  les  listes  des  victimes 
du    tribunal    révolutionnaire    de   Lvnn,    récemment  publiées  par    M.   Fayard. 

Histoire  des  tribunaux  révolutionnaires  de  Lyon  et  de  Feurs,  pp.  257-3o6.) 
Il  ne  figure  pas  non  plus  dans  celle  des  individus  de  la  commune  de  St- 
Péray  inscrits  par  Scévola  Guyon  et  Delau,  le  3  février  1794,  pour  être  tra- 
duits en  jugement  à  Commune-Affranchie.  Bravais  aîné,  ci-devant  officier 
municipal  à  St-Péray,  et  Louis  Debeos  (de  Beaux),  ci-devant  homme  de  loi, 
devaient  être  consignés  dans  leur  domicile  jusqu'à  la  paix  et  soumis  à  une 
taxe  de  2000  livres,  pour  venir  au  secours  des  sans-culottes  dans  le  besoin  ; 
Vermal,  femme  Debeos,  Teissonnier,  femme  Bravais,  et  Laroche  (Constance) 
de\  aient  l'être  dans  l'étendue  de  leur  municipalité;  Bravais,  notaire  à  St- 
Péray,  et  deux  autres  devaient  être  traduits  à  la  maison  d'arrêt  de  Viviers 
pour  y  rester  jusqu'à  la  paix.  etc.  '\'oir  ibidem,  p.  354'. 

3)  Jean-Antoine  Limozin  (c'est  ainsi  que  son  nom  se  trouve  constamment 
écrit  dans  les  registres  paroissiaux)  était  prieur-curé  de  Chai  mes  depuis  42 
ans  (1730)  lorsqu'il  fut  arrêté  par  les  sbires  de  la  révolution,  auxquels  l'avait 
livré  son  clocheron  lui-même,  moyennant  cinq  francs  et  un  jambon,  dit-on. 
L'abbé  Limozin  fut  exécuté  le  i5  mars  1794,  en  même  temps  que  Jean- 
Antoine  Menet,  son  paroissien,  qualifié  homme  de  loi.  Celui-ci  était  âgé  de 
36  ans.  Le  souvenir  du  vénérable  prêtre  martyr  est  toujours  vivant  dans  sa 
paroisse;  on  y  montre  encore  le  lieu  où  il  fut  arrêté,  et  on  y  prononce  avec 
horreur  le  nom  du  traitrc  qui  le  vendit. 


124  L  ABBE    SERPEII.LE 

queue  de  Robespierre.  Goupilleau  de  Montaigu  .  autre  conven- 
tionnel, succéda  à  Jean  Dehry,  et  remit  le  pouvoir  aux  révolu- 
tionnaires. Serpeille.  désigné  à  leurs  poignards,  pour  s'v  sous- 
traire, se  rendit  à  l'armée  des  Alpes,  au  camp  de  Tournoux.  prés 
Barcelonnette.  Il  y  fut  emplové  en  qualité  de  sous-aide-garde- 
magasin  des  fourrages  à  la  suite  de  Tarrnée;  il  y  remplit  plusieurs 
missions,  entre  autre  celle  de  diriger  un  convoi  de  cent  mulets 
chargés  de  farine,  envové  au  secours  de  la  division  gauche  de 
l'armée  d'Italie,  commandée  par  La  Salcettc  i  et  bloquée  par  les 
neiges.  Envové  à  Lvon,  auprès  du  s'  d'Osmoni.  agent  en  chef 
des  fourrages,  il  lui  présenta  ses  états  de  dépenses,  qui  furent 
reconnus  valables  :  mais  il  n'v  avait  pas  d'argent  en  caisse,  pas 
même  des  assignats,  qui.  à  cette  époque,  perdaient  presque  toute 
leur  valeur.  M.  Billion-Desgayères ,  directeur  des  vivres-pain 
dans  l'intérieur,  commissionna  Serpeille  aide-garde-magasin  des 
vivres  au  Puv-en-\'elav.  où  il  se  rendit  charge  de  la  somme  de 
400,000  fr.  en  assignats,  pour  acheter  des  grains.  Ne  devant  être 
pavé  de  son  traitement  qu'en  cette  monnaie,  il  quitta  ce  poste  et 
se  retira  à  Valence,  d'où  il  partit  peu  de  temps  après  pour  re- 
joindre à  Nice  M.  de  Montalivet  père,  en  avril  1796.  Celui-ci  était 
à  Gênes  avec  M.  de  Sucy  2  .  qui  avait  donné  sa  démission  de  com- 
missaire ordonnateur  en  chef  de  l'armée  d'Italie.  Serpeille  s'v 
rendit  par  terre,  et  M.  de  Sucv  le  rit  nommer  commissaire  des 
guerres  a  Saint-Pierre  d'Aréna .  fauboui-g  de  (iènes.  En  juillet 
J798.  il  alla  prendre  les  bains  d'eaux  thermales  à  Aix-en-l^ro- 
vence,  ordonnés  par  la  faculté;  après  lesquels  il  retourna  en 
Italie.  Après  avoir  été  employé  à  Pavie  et  à  Bologne,  il  fut  en^■ove 
à  l'armée  de  Rome-el-Naples .  laquelle  vint  se  battre  pendant 
trois  jours  contre  les  Russes  commandes  par  Souwarow,  qui  avait 
alors  enchaîné  la  victoire,  .\pres  cette  défaite,  Sei'peille  fut  en- 
voyé à  l'armée  des  Alpes,  formée  par  ( -hampionnei.  La  bataille  de 
Marengo  annonça  le  retour  de  la  Religion.  Serpeille  quitta  l'armée 

ij  .Iean-.lacc]ues-Bcriiardin  Colaud  de  la  Saicclio  ,  géiicral  cl  baron  i.\c 
l'Empire,  ne  fut  pas  heureux  dan.s  ceUc  campagne.  Kiivcloppc  pai-  m.ikio 
Turcs  dans  une  petite  place  qu'il  détendait,  il  lut  lait  priMmnicr  ci  cm  beau- 
coup à  soufl'rir  dans  sa  captivité.  Il  recouvra  sa  liberté  en  irSoi,  et  nidurnl  a 
(ircnoblc  en  i'S34,  à  l'âge  de  y.ô  ans.  fCt'.  I^ocuas.  Jil(>L;r.  du  Daupli  .  art. 
Colaud. , 

[2     M.  de    M'Piualivel    el    M.    de  Sucy,    sun    cnusin,  étaient    de  N'aleuce.   'C^l"' 
opus    cit..  p.   j.S-j.,    ■ 


AUMONIER    D1-:    POISSY.  I23 

en  1801.  devint  secrétuire  de  la  sou.s-préfeciure  de  Die  Drome  . 
et  en  i8o3,  cure  dans  le  Vercors  Drome  ;  puis  à  Meyssie;^  i  Isère  : 
en  181  2.  vicaire  de  St-Louis  en  l'Ile,  à  Paris;  en  1816,  aumônier 
de  la  Garde  Royale;  en  i83i,à  Lorient  (Morbihan,  et  curé  à 
Moisenay  (Seine-et-Marne.  En  i832,  aumônier  de  la  maison 
centrale  de  détention  de  Poissy  (Seine-et-Oisei.  » 

Ces  lignes  sont  écrites  de  la  main  de  l'auteur  au  revers  d'un 
tableau  encadre  contenant  un  portrait  lithographie  à  la  manière 
noire,, sans  légende  et  sans  aucune  indication  de  nature  à  taire 
reconnaître  l'identité  du  personnage  qui  y  est  représenté.  Au  bas, 
on  lit  seulement  le  nom  de  l'artiste  qui  l'a  dessiné  :  R.  Vitale 
fecit.  —  Mais  l'autobiographie  inscrite  au  revers  indique  suffisam- 
ment que  c'est  là  le  portrait  de  l'abbé  Serpeille,  qui  a  voulu  ainsi 
léguer  à  la  postérité  non-seulement  le  souvenir  de  ses  curieuses 
aventures,  mais  encore  les  traits  de  son  visage,  lorsque  déjcà  les 
rides  v  avaient  tracé  des  sillons.  A  en  juger  par  l'état  de  sa  phy- 
sionomie, il  parait  avoir  la  soixantaine.  Il  est  représenté  en  buste, 
avec  de  gros  traits,  la  figure  pleine  et  arrondie,  les  cheveux  rares 
et  grisonnants,  dont  une  partie  retombe  négligeamment  sur  le 
front,  un  air  de  bonhomie  plutôt  sérieuse  que  gaie,  mais  qui  ne 
laisse  pas  que  de  laisser  percer  une  certaine  expression  de  malice. 
Le  point  où  se  termine  le  dessin  laisse  soupçonner  une  assez  torte 
proéminence  au-dessous  du  buste;  on  remarque  sur  le  nez,  à 
droite,  une  loupe  qui  a  toutes  les  proportions  d'un  cicéron.  Il  est 
revêtu  d'une  soutane  à  gros  boutons,  que  l'on  prendrait  volontiers 
pour  une  redingote;  on  ne  peut  y  reconnaître  un  costume  ecclé- 
siastique que  grâce  à  un  petit  rabbat  en  gaze,  dont  les  deux  pans 
se  séparent  irrégulièrement.  Ce  portrait  ressemble,  pour  le  genre 
de  composition,  à  celui  de  l'abbé  Martin  de  Clansayes  que  l'on 
trouve  en  tête  de  quelques-unes  de  ses  œuvres,  et  qui  est  pareille- 
ment sans  légende  ;  mais  celui-ci  n'est  qu'un  petit  in-8'\  tandis  que  la 
lithographie  que  nf)us  décrivons  est  un  bel  in-quarto  dans  le  genre 
des  portraits  d'évêques  que  l'on  gravait  à  cette  époque.  La  partie 
dessinée  mesure  o.  i  5  cent,  en  largeur  et  de  12  a  \?>  en  hauteur. 

L'autographe  de  l'abbé  Serpeille,  appliqué  directement  contre 
le  carton,  était  recouvert  d'une  sorte  de  garde  consistant  en  une 
feuille  de  papier  à  lettre  portant  l'en-tête  de  la  Maison  centrale  de 
détention  de  Poissj-,  tixée  aux  quatre  coins  du  cadre,  sans  adhérer 
dans  le  milieu.  Sur  cette  seconde  feuille  sont  écrits  ces  mots,  en 
grands  caractères,  assez  élégamment   peints,   toujours   de   la  main 


126  l'abbé    SERPEILLl 

de  notre  héros  :  «  L'abbe  Serpoille.  aumônici-  de  la  maison  cen- 
trale de  Poissv  Seine-et-Oise  .  — A  sa  très  cherc  et  très  aimable 
cousine,  v^e  Dessenion,  née  Guerbit.  Que  Dieu  répande  sur  elle 
et  sur  sa  famille  ses  bénédictions  les  plus  abondantes.  —  A  Poissv, 
le  2  2  septembre  \S3j.  »  —  Celte  frêle  enveloppe  étant  venue  à  se 
déchirer,  elle  a  laissé  à  découvert  l'écriture  qui  se  trouvait  au- 
dessous,  et  dont  on  ne  soupçonnait  pas  Texistence  fi  . 

Nous  compléterons  les  renseignements  que  nous  donne  sur  lui- 
même  l'abbé  Serpeille  par  quelques  autres  documents  conservés 
aux  archives  de  révèche.  et  qui  sont  relatifs  à  son  C()urt  séjour 
dans  le  diocèse  de  Valence  après  le  rétablissement  du  culte.  Voici 
d'abord  la  supplique  qu'il  adressait  au  cardinal  Caprara,  Icgai  du 
pape  Pie  VII  à  Paris,  peu  après  la  promulgation  du  (Concordat, 
pour  obtenir  sa  réintégration  dans  les  rangs  du  clergé  et  l'abso- 
lution des  censures  qu'il  pouvait  avoir  encourues  par  sa  conduite 
passée.  Nous  trouvons  dans  cette  pièce  un  récit  plus  circonstancié 
de  l'attaire  cie  la  chanson  contre  les  patriotes,  qui  occasionna  la 
condamnation  à  mort  du  malheureux  secrétaire  de  la  municipalité 
de  Saint-Péray.  et  qui  faillit  lui  être  fatale  à  lui-même.  Il  s'en 
accuse  comme  d'un  crime,  et  il  n'v  a  guère  que  celui-là  de  men- 
tionné dans  sa  confession,  qui  est  édifiante  à  plus  d'un  litre.  La 
voici  : 

«   Lvon,  le  i8  juillet  1802    28  messidor  an   lo^;). 
»   Em.^'  (sici. 

■>  Pénétré  des  sentimens  du  respect  le  plus  profond  et  du  repen- 
tir le  plus  sincère,  j'ai  l'honneur  de  soumeiire  à  Votre  Imminence 
un  cas  de  conscience  qui  m'est  personnel,  et  dc>nt  le  souvenir 
redouble  mes  inquiétudes  au  moment  où  je  me  dispose  à  re- 
prendre les  augustes  fonctions  ecclésiastiques,  que  je  fus  force 
d'abandonner  pendant  les  tems  calamiieux  qui  ont  désole  la  Reli- 
gion en  France. 

"  En  1790.  M'"''  les  vicaires  généraux  du  diocèse  de  Valence  me 
nommèrent   vicaire  de    la    p.iroisse  de  St-Pérav.  Vers  celle   même 

' t)  Ce  précieux  ddcumeiu  nou.s  a  ctc  ohligcainiiiciu  cuniniuniquc  pai-  M* 
l"abbé  Louis  Pochon,  de  la  Rochc-dc-Ohm,  ctudianl  en  ihcologic  au  Grand- 
Séiuinairc  de  Romans,  arrière-pelil-fils  d'Aiiiic  Cuicrliv,  veuve  Dessenion,  a 
laquelle  l'abbc  Serpeille  avait  dédie  cet  exemplaire  de  snn  portrait.  Nnus 
n'en  conuaissmis  aucun  autre. 


AU.MONIKR     IJK     HOISSV 


époque,  on  composti  à  Valence  une  chanson  dans  laquelle  plu- 
sieurs patriotes  de  cette  ville  étaient  nominativement  désignés  ; 
elle  me  fut  donnée,  et  je  la  communiquai  au  secrétaire  de  la  mu- 
nicipalité de  St-Péray,  qui  désira  en  avoir  copie  :  il  en  avait 
transcrit  deux  couplets,  lorsqu'il  me  proposa  de  la  continuer,  sous 
le  prétexte  que  j'écrivais  plus  vite  que  lui.  Ne  pouvant  prévoir 
qu'elle  devoit  nous  compromettre,  je  ne  fis  aucune  difficulté  de 
déférer  à  sa  demande. 

"  Comme  plusieurs  autres  personnes  de  St-Péra}'.  ce  secrétaire 
fut  arrête,  au  mois  de  nivôse  an  2'-',  par  ordre  des  délégués  de  la 
commission  temporaire  de  Lyon  en  mission  dans  les  départe- 
ments de  la  Drôme  et  de  l'Ardeche.  Lors  de  la  levée  des  scelles 
apposés  sur  ses  papiers,  on  trouva  cette  chanson  ;  elle  lui  tut  pré- 
sentée comme  un  nouveau  chef  d'accusation.  On  lui  demanda  de 
qui  il  la  tenait  et  qui  l'avoit  faite  ;  il  répondit  que  je  la  lui  avais 
donnée,  et  qu'il  m'en  crovait  l'auteur.  D'après  cette  déclaration, 
un  mandat  d'arrêt  fut  lancé  contre  moi  ;  je  fus  arrêté  dans  la  pa- 
roisse d'Allan,  où  j'étais  curé  constitutionnel;  traduit  dans  les 
prisons  de  'Valence  et  juge  par  lesdits  délégués  de  la  commission 
temporaire  de  Lyon,  qui,  après  avoir  oui  mes  réponses,  tirent 
appeler  le  susdit  secrétaire.  Celui-ci  insista  sur  sa  première  ré- 
ponse, vraie  quant  au  i'-''  chef,  et  fausse  quant  au  2"-'.  —  La  crainte 
de  la  mort  le  guidait  ;  ce  fut  aussi  le  même  motif  qui  me  porta  à 
tronquer  les  faits  pour  les  rendre  plus  favorables  à  ma  cause,  et 
je  ne  fus  pas  moins  condamné  d'abord  à  aller,  avec  lui,  à  Lyon, 
c'est-à-dire  à  la  mort;  car,  en  arrivant  dans  cette  ville,  il  monta  à 
l'échafaud.  Je  ne  dois  mon  salut  qu'aux  démarches  de  ma  mère, 
qui  obtint  de  cette  commission  que  j'aurais  la  ville  de  Valence 
pour  prison,  sous  la  surveillance  du  comité  révolutionnaire.  Cette 
détention  dura  environ  quatre  mois,  au  bout  desquels  on  me  ht 
entrer  dans  un  bataillon  d'infanterie  qui  fui  licencié  trois  mois 
après   le  21  vendémiaire  an  LV''  ,i;. 

»  Quoique,  par  suite  de  cet  événement  malheureux,  je  ne  sois 
pas  réputé  coupable  d'homicide  ou  du  crime  de  faux,  puisque  mon 
jugement  a  eu  lieu  de  nuit,  sans  témoins  à  charge  ni  à  décharge, 
et  en  présence  seulement  de  ceux  qui  s'étoient  établis  nos  juges  ; 
je  crois  nécessaire,  pour  la  sûreté  de  ma  conscience,  de  prévenir 
jusqu'au  moindre  scrupule  qui  pourrait  la  troubler. 

1     12  septembre   1794. 


1  i(S  L  ABBE    S!  RPKILLi: 

»  C'est  dans  ces  inteniioiis  et  au  sortir  d'une  retraite  où  je  viens 
de  méditer  les  vérités  éternelles  que.  prosterné  aux  pieds  de  Votre 
Eniinence.  je  la  supplie  de  ne  pas  repousser  du  sein  de  l'Eglise 
dans  lequel  il  désire  rentrer,  celui  qui,  pénétré  de  la  sainteté  de 
son  état,  demande  avec  sincérité  et  repentir  sa  réhabilitation,  s'il 
est  tombé  dans  quelque  irrégularité;  celui  qui.  mettant  toute  sa 
conriance  en  Dieu,  promet  sincèrement  de  réparer  ses  fautes  par 
tous  les  moxens  que  Votre  Eminence  voudra  déterminer;  celui 
qui,  se  recommandant  à  vos  prières  et  à  vos  bontés,  a  l'honneur, 
etc.  isicl.    » 

On  lit  en  marge  de  cette  pièce,  qui  est  sans  signature,  la  note 
suivante,  écrite  de  la  main  de  M.  Bisson,  secrétaire  de  Mgr 
Becherel  :  ■  11  t'aui  demander  à  M.  l'Evèque  d'accorder  au 
confesseur  de  l'exposant  les  pouvoirs  pour  mettre  à  exécution 
tous  les  brefs  obtenus  par  lui  de  Sa  Sainteté.  Il  s'appelle  Serpeille, 
prêtre  du  diocèse.  » 

Gomme  on  le  voit,  cette  confession  ressemble  singulièrement  à 
celle  du  lion  de  la  fable.  Notre  pénitent  s'accuse  soigneusement 
d'un  acte  absolument  involontaire  dans  ses  conséquences,  et  qui, 
en  lui-même,  fait  l'éloge  de  ses  principes,  et  par  conséquent  ne 
peut  que  tourner  à  sa  louange;  il  ne  trouve  pas  autre  chose  à  se 
reprcjcher,  en  sollicitant  sa  réhabilitation  auprès  du  représeniani 
du  souverain  pontife.  Pour  ce  qui  est  d'avoir  prêté  le  serment 
schismatique,  de  s'être  ingéré  sans  missicjn  dans  l'administration 
d'une  paroisse  à  la  place  du  pasteur  légitime  (i),  d'avoir  laissé  de 
coté  la  messe  et  le  bréviaire  et  d'avoir  persévéré  pendant  dix  ans 
in  statu  laïcali,  ce  sont  là  tout  autant  de  peccadilles  dont  il  croit 
supertiu  d'entretenir  Son   Eminence. 

[ij  L'abhc  Scrpcillc  avait  remplace  à  AUan  un  \crtucux  prêtre  nunimé 
Charles-Etienne  Rcynaud,  qui  avait  été  dénoncé  par  smi  pmpre  \icaire  pour 
n'avoir  pas  prêté  le  serment  constitiiticiuiiel.  (>liassé  de  sa  paroisse  par  les 
patriotes  du  lieu,  appuyés  par  Boisset,  il  se  tint  caché  dans  les  termes  ou 
dans  les  bois,  toujours  traqué  et  poursuivi  par  les  révolutionnaires,  et  re- 
parut de  nouveau  au  milieu  de  ses  pai^ois.siens  en  l'an  \11I,  avant  la  con- 
clusion du  (^rmcordat. 

(1.1  suite  Ml  prochain   innucrn). 

Cvi'uiiN    PEHIUJSSIER. 


QUARANTE  ANNÉES 


DE 


L'HISTOIRE  DES  EVÊQUES  DE  VALENCE 

AU      MOYEN      AGE 

(1226    à     1266) 

(Suite) 


.>^*iOo«>oo«e^— 


Au  mois  de  novembre  1245,  Philippe  de  Savoie,  élu  de  Lyon  et 
de  Valence,  fit  partie  de  la  suite  brillante  de  cardinaux  et  de  prélats, 
qui  accompagnèrent  Innocent  IV  à  Cluny,  où  le  pape  et  le  roi  de 
France  s'étaient  donné  rendez-vous  (1).  Si  l'histoire  a  gardé  le  plus 
profond  silence  sur  la  plupart  des  graves  questions  débattues  alors 
entre  le  chef  de  l'Eglise  et  le  monarque  français,  elle  nous  a  appris 
du  moins  qu'on  s'y  occupa  d'un  projet  de  mariage  destiné  à  faire 
tomber  dans  la  maison  de  France  le  riche  héritage  de  Raymond- 
Bérenger,  comte  de  Provence  et  de  Forcaiquier.  Ce  prince  était 
mort   le   19  août   1245,    laissant  de    Béatrix  de  Savoie,    sa  femme, 

(i)  Le  pape  était  déjà  à  Cluny  le  14  novembre  ;  il  v  séjourna  jusqu'à  la  fin  du 
mois.  Le  Gallia  Christiana  {t.  XVI,  col.  314)  place  au  14  novembre  1245  l'acte 
par  lequel  l'abbesse  de  Soyons  se  mit  sous  la  protection  de  l'évêque  de  Valence  et 
lui  fit  hommage  pour  les  propriétés  de  son  monastère.  Columbi  [Opuicula,  p.  271) 
rapporte  le  même  fait,  mais  sans  indiquer  le  mois  :  Anno  quinto  et  quadragesimo 
accepit  Subdionem  a  Bernarda  abbatissa,  cum  arce  et  cœteris,  prseter  portorii  tertiam 
partem,  et  jura  venandi,  piscandi,  aliaque  paucula.  Anno  secundo  et  sexagesimo 
mutavit  hemina  sextarium  frumenti,  quem  Subdionis  incolas  pondebant  abbatissae 
pro  agrorum  cultura.  —  Cf.  Elie  Berger,  op.  cit.,  introd  ,  p.  CXI;  —  Potthast, 
Regesta,  n°  i  1965. 


Bull.  IX,  1889. 


10 


1^0  QL'ARANTi;    ANNEES    Di:    L  HISTOIRE    DES 

quatre  filles  :  Marguerite,  femme  de  S.  Louis  ;  Aliénor  ou  Eléonore, 
femme  de  Henri  IIl,  roi  d'Angleterre  ;  Sancie,  femme  de  Richard  de 
Cornouaille.  frère  du  roi  d'Angleterre  ;  et  Béatrix,  encore  mineure  à 
la  mort  de  son  père.  Dans  le  dessein  de  prévenir  le  démembrement 
de  la  Provence,  Raymond-Bérenger  avait  par  un  testament,  promul- 
gué à  Sisteron  le  20  juin  1238,  déclaré  la  plus  jeune  de  ses  filles 
héritière  unique  de  ses  états.  Comme  on  le  pense  bien,  les  préten- 
dants à  la  main  de  la  jeune  et  riche  héritière  se  présentèrent  nom- 
breux. Le  roi  d'Aragon,  qui  était  cousin  de  Raymond-Bérenger,  la 
convoitait  pour  son  fils  ;  il  tenta  même  d'enlever  de  vive  force  le 
consentement  de  la  mère  de  Béatrix  à  ses  projets  d'union.  11  vint 
donc  en  Provence  à  la  tête  d'une  petite  armée  et,  s'il  faut  en  croire 
Guillaume  de  Nangis,  ces  dames  durent  chercher  un  refuge  dans 
une  de  leurs  forteresses  pour  échapper  aux  importunités  de  l'Ara- 
gonais.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'aussitôt  après  l'entrevue  de 
Cluny,  Louis  IX  se  hâta  d'envoyer  au  secours  de  sa  belle-mère  une 
partie  des  troupes  qu'il  avait  amenées  en  Bourgogne.  Notre  évêque 
guerrier  ne  manqua  pas  d'accompagner  les  gens  du  roi  dans  cette 
expédition,  et  après  qu'on  eut  ainsi  contraint  le  roi  d'Aragon  à 
lâcher  prise,  ce  fut  lui  qui  se  chargea,  sous  bonne  escorte,  de  con- 
duire ces  dames  à  la  cour  de  France  (i).  Le  côté  romanesque  de  cet 
épisode  de  la  vie  de  l'élu  de  Valence  a  été  parfaitement  saisi  par  les 
contemporains  et,  l'imagination  populaire  aidant,  il  se  forma  bien- 
tôt une  curieuse  légende  dont  le  conteur  Mathieu  de  Paris  ne  pou- 
vait oublier  de  se  faire  l'écho.  On  disait  que  la  jeune  Béatrix  avait 
trouvé  dans  ses  propres  états  un  prétendant;  qu'un  noble  provençal, 
homme  de  petite  fortune  mais  d'un  grand  courage,  l'avait  enlevée  et 
emmenée  prisonnière  dans  un  de  ses  châteaux,  mais  qu'aussitôt  les 
parents  et  les  amis  de  la  princesse,  entre  autres  l'archevêque  Boni- 
face  de  Cantorbéry  et  l'archevêque  élu  de  Lyon,  Philippe  de  Savoie, 
avaient  pris  les  armes  pour  la  délivrer  et  avaient  réussi  â  infliger  un 
juste  châtiment  à  cet  audacieux  seigneur  (2). 

Le  mariage  de  Béatrix  de  Provence  avec  Charles,  frère  du  roi 
S.  Louis,  fut  célébré  le  31  janvier  1246,  en  présence  de  la  comtesse- 
mère  Béatrix  de  Savoie,  du  comte  Amédée  de  Savoie,  de  l'homas 
de  Savoie,  naguère  comte   de   Flandre,   et  de   I^hilippe   de    Savoie, 


d)  Ei.iE  Berger,  Ioc.  cit.,  p.  CXIV-.W'I. 

(j)  Elie  Berger,  Ioc.  cit..  p.   CV.  —  Matii^eus  Paris,  t.    IV,  p.  /^o.^-^. 


EVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I^t 

archevêque  de  Lyon  (ij.  La  même  année,  Charles  reçut  en  apanage 
le  Maine  et  l'Anjou,  puis  se  rendit  en  Provence  pour  prendre  pos- 
session de  ces  états  :  peut-être  fut-il  accompagné  dans  ce  voyage 
par  notre  évéque,  sur  le  dévouement  et  Thabilité  duquel  il  pouvait 
absolument  compter. 

Par  une  bulle,  datée  de  Lyon,  le  i"  septembre  1246,  Innocent  IV, 
suivant  les  traces  de  Grégoire  IX,  autorisa  Philippe  de  Savoie  à 
poursuivre  quelques-uns  de  ses  diocésains  de  Valence,  qui  étaient 
en  retard  pour  le  payement  des  décimes  et,  vu  le  peu  de  ressources 
que  l'évêque  trouvait  dans  les  revenus  de  cette  Eglise,  dont  la  som- 
me totale  n'atteignait  pas  vingt  marcs  d'argent,  à  garder  pour  lui 
la  moitié  de  ces  mêmes  décimes  (2). 

Le  30  octobre  1246,  Philippe  de  Savoie,  en  qualité  d'archevêque 
de  Lyon,  confirmait  la  donation  faite  à  l'Aumône  de  Saint-Antoine 
par  Guichard  de  Condrieu  d'une  maison  sise  à  Lyon,  au  lieu  dit  du 
Sablis,  et  d'un  courtil  à  OuUins  (3).  Au  commencement  de  l'année 
suivante  il  était  dans  son  diocèse  de  Valence,  où  pour  se  conformer 
aux  ordres  adressés  par  le  pape  à  l'archevêque  de  Vienne  et  à  ses 
suffragants,  il  fit  publier  l'excommunication  lancée  dans  le  dernier 
concile  contre  l'empereur  et  ses  adhérents.  Le  12  janvier  1247,  nous 
le  trouvons  à  Valence,  donnant  son  approbation  à  un  compromis, 
que  firent  ensemble  l'abbé  de  Léoncel  et  le  prieur  de  St-Félix,  au 
sujet  de  certaines  redevances  (4}.  Son  séjour  toutefois  ne  fut  pas 
de  longue  durée,  car  dès  le  mois  de  février  il  était  à  Lyon,  auprès 
d'Innocent  IV.  De  graves  événements  se  préparaient ,  de  nouveaux 
orages  allaient  peut-être  se  déchaîner  contre  le  pape  et  ses  cardi- 
naux :  il  était  nécessaire  en  présence  de  ces  périls  que  ceux-ci  fus- 
sent entourés  de  leurs  meilleurs  et  plus  fidèles  défenseurs. 

(i)  GuiLLELMUS  DE  Nangiaco,  Gesta  s.  Ludovici,  dans  Bouquet,  t.  XX,  p.  354: 
Redeunte  interea  illustri  rege  Franciae  ad  propria,  negotio  pro  quo  milites  praedicti 
destinati  fuerant  contra  regem  Aragoniae  potenter  et  celeriter  consummato,  idem 
excellenlissimus  rex  Francorum,  consilio  hinc  inde  habito,  inquisita  prius  predictae 
filicc  comitis  Provinciie  voluntale,  misit  Caroium  fratrem  suum  cum  innumerabilis 
militiœ  venustate,  ut  eidem  puellte  nobili  coram  ipsius  famosissimis  avunculis,  comité 
scilicet  Sabaudiae  et  Thoma  quondam  Flandrensi  comité,  necnon  archiepiscopo 
Lugdunensi  aliaque  ejus  inclita  parenteia,  in  ejusdem  matris  prœsentia  solemni 
matrimonio  jungeretur.  Quantus  honor,  quantave  ketitia,  quantaque  teslivitas  iliic 
sit  habita  non  est  meae  possibiliiatis  evolvere  vel  referre. 

(2)  Eue  Berger,  Registres  d'Innocent  IV,  n"   2080. 

(3)  GuiGUES,  Cartulaire  Lyonnais,  p.  500. 

(^)  C.-U.-J.  Chevai  1ER,  Cartiilaiie  de  Léoncel,  n°   147. 


132  QUARANTE    ANNEES    Di:    L  HISTOIRE    DES 

La  lutte  engagée  entre  la  papauté  et  l'empire,  les  sacrifices  de 
toute  sorte  qu  elle  imposait  depuis  longtemps  à  la  chrétienté  avaient 
amené  un  fâcheux  résultat,  celui  de  créer  un  mouvement  d'opposi- 
tion, d'hostilité  contre  l'Eglise;  mouvement  qui  alla  en  grandissant 
de  jour  en  jour  et  qui  se  présenta  aux  yeux  des  peuples  comme  une 
réaction  nécessaire  contre  les  privilèges  excessifs,  les  empiétements 
du  clergé  dans  l'ordre  temporel.  La  grande  chronique  de  Mathieu 
de  Paris  nous  fait  entendre  un  écho  lointain  des  récriminations  sans 
nombre  que  soulevaient  alors  et  les  excommunications,  et  les  distri- 
butions de  bénéfices,  et  surtout  les  levées  de  décimes  ou  autres 
taxes  de  la  cour  romaine.  Partout  dans  nos  pays,  on  voit  alors  se 
former  des  ligues  entre  les  bourgeois  des  villes  pour  résister  à  l'au- 
torité des  évêques  et  des  clercs  ;  sur  plusieurs  points  on  crie  à  la 
tyrannie  et  l'on  tente  ouvertement  de  secouer  le  joug.  Sur  les  terres 
soumises  à  la  juridiction  du  roi  de  France  et  sous  ses  yeux,  au 
mois  de  novembre  1246,  un  certain  nombre  de  nobles, parmi  lesquels 
on  comptait  les  plus  puissants  seigneurs,  se  confédérèrent  contre  le 
clergé,  sous  la  foi  d'un  serment  qui  les  engageait,  eux  et  leurs 
héritiers.  Dans  un  manifeste,  rédigé  sur  un  ton  fier  et  menaçant, 
ils  s'efforçaient  de  grouper  autour  d'eux  la  noblesse  pour  lutter  con- 
tre les  usurpations  et  le  despotisme  des  clercs,  qu'il  fallait,  disaient- 
ils,  «  ramener  à  l'état  de  l'Eglise  primitive,  afin  qu'adonnés  à  la  con- 
«  templation,  laissant  la  vie  active  à  la  noblesse,  ils  lui  fissent  voir 
«  ces  miracles  qui  depuis  longtemps  étaient  inconnus  au  siècle.  » 
Le  pape  prit  des  mesures  pour  dissoudre  ces  ligues  ou  associations 
dangereuses  ;  mais  l'agitation  était  trop  profonde  pour  qu'il  fijt  pos- 
sible de  i-amener  promptement  le  calme.  Au  mois  de  mai  1247  on 
attendait  à  Lyon  l'arrivée  des  représentants  de  la  confédération  des 
nobles  français,  qui  voulaient  porter  leur  plaintes,  leurs  récrimina- 
tions jusqu'au  pied  du  trône  pontifical,  et  Boniface  de  Savoie, 
archevêque  de  Cantorbéry,  écrivait  à  ce  sujet  à  Pierre  de  Savoie, 
son  frère  :  «  on  ne  sait  ce  qu'ils  doivent  proposer,  mais  on  croit  qu'à 
leur  arrivée  la  curie  ne  rira  pas  (i).  » 

Toutefois  ce  n'était  pas  du  côté  de  la  l-'rance  qu'Innocent  I\' 
voyait  le  ciel  se  charger  des  plus  sombres  nuages.  Frédéric  II 
gagnait  sans  cesse  du  terrain  dans  le  nord  de  l'Italie  et  s'avançait 
graduellement  vers  la  région  des  Alpes.  On  put  se  rendre  compte 
de    ses    progrès    et  de   l'imminence   du    danger,   lorsque  vcis  la  fin 

(i)  Voir  sur  lou.s  ces  cvcncmcnts  :  Li.ii;  HrKGEu,  loc.  cit.,  p.  (>L.\\.\  cl  suiv. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I33 

mars,  le  pape  ayant  envoyé  un  secours  de  1500  hommes  aux  cités 
lombardes,  on  apprit  tout  à  coup  à  Lyon  que  les  défilés  des  monta- 
gnes étaient  gardés,  au  nom  de  l'empereur,  par  le  comte  de  Savoie  et 
que  l'armée  pontificale  n'avait  pu  parvenir  à  destination.  Une  alliance 
en  effet  venait  d'être  conclue  entre  l'implacable  ennemi  de  la  papauté 
et  le  chef  de  cette  maison  de  Savoie,  toujours  remuante  et  disposée 
à  vendre  ses  services  au  plus  offrant  (i).  Le  Dauphin  de  Viennois, 
lui  aussi,  s'était  laissé  gagner  par  de  belles  promesses  (2).  La  l'oute 
des  Alpes  fermée  aux  troupes  pontificales  se  trouvait  donc  du  même 
coup  ouverte  devant  les  impériaux.  Frédéric  résolut  de  profiter  des 
circonstances  et  de  marcher  sur  Lyon.  Dès  le  commencement  de 
mai,  il  fit  savoir  à  ses  vassaux  et  à  ses  alliés  de  venir  le  trouver  en 
armes  à  Chambéry,  dans  les  quinze  jours  qui  suivraient  l'octave  de 
la  Pentecôte. 

La  terreur  fut  grande  à  Lyon,  lorsque  les  projets  de  Frédéric  de- 
vinrent manifestes.  Dans  l'entourage  du  pontife,  on  pouvait  déjà 
constater  quelque  mécontentement.  Soit  manque  de  courage,  soit 
défaut  de  connaissance  du  plan  de  campagne  que  l'empereur  pour- 
suivait avec  acharnement  et  qui  eût  abouti,  s'il  eût  pu  réussir,  à  l'é- 
tablissement d'une  sorte  de  papauté  laïque,  plusieurs  cardinaux 
désiraient  la  paix  et  ne  partageaient  pas  les  craintes  que  faisaient 
éprouver  à  leurs  collègues  l'approche  de  P^rédéric.  Innocent  IV  fut 
héroïque  en  cette  occasion  ;  son  courage  grandit  avec  le  péril  et  on 
le  vit  avec  une  sérénité  pleine  de  grandeur  prendre  les  mesures  né- 
cessaires pour  se  mettre  à  couvert  des  fureurs  de  son  ennemi.  Des 
lettres  furent  expédiées  dans  toutes  les  directions,  à  l'effet  de  provo- 
quer des  dévouements  à  la  cause  de  l'Eglise.  Bientôt  des  troupes  nom- 
breuses affluèrent  à  Lyon  ;  mais  ce  qui  contribua  le  plus  à  faire  renaî- 
tre au  sein  de  cette  ville  le  sentiment  de  sa  propre  sécurité,  ce  fut  la 
"promesse  faite  par  S.  Louis  de  mettre  au  service  de  l'Eglise,  en  cas 
d'attaque,  toutes  les  forces  de  la  monarchie  française.  Le  pape  était 
sauvé.  Du  reste,  les  événements  qui  s'accomplirent  alors  en  Italie, 
comme  la  révolte  de  Mantoue,  obligèrent  l'empereur  à  renoncer  pour 
un  temps  à  ses  projets  d'expédition  au-delà  des  Alpes  (3). 

(i)  Ibid.  —  Huillard-Bréholles,  Introd.  à  l'hist.  diplomatique  de  femp.  Frédé- 
ric II,  p.   468. 

(2)  HurLLARD-BRÉHOLLES,     loC.    clt.,    p.    262. 

(3)  «L'empereur,  dit  M  Huillard-Bréholles  (p.  518),  dans  le  cours  de  sa  lutte 
contre  la  papauté,  et  surtout  à  partir  de  l'année  1247,  tenia  ouvertement  d'établir 
une  église    indépendante  de  Knme,  dont  il  eût  été  le  chef   spirituel  et  Pierre  de  la 


134  QUARANTE  ANNEES   DE  L  HISTOIRE   DES 

Durant  ces  terribles  épreuves,  Philippe  de  Savoie  et  l'archevêque 
de  Cantorbéry,  son  frère,  se  montrèrent  toujours  franchement  dé- 
voués à  la  cour  romaine  :  ils  ne  s'éloignèrent  point  de  Lyon.  Au 
mois  de  novembre  1247,  Philippe,  en  qualité  d'archevêque  de  Lyon, 
confirme  divers  paiements  qui  avaient  été  faits  par  Jean,  prieur  de 
Portes,  sur  une  somme  de  38  livres  de  Viennois,  qui  lui  avait  été 
remise  en  dépôt  par  Guillaume  de  Bérang,  jadis  prieur  de  Saint- 
Sorlin  (1). 

Mais  il  est  temps  de  tourner  nos  regards  vers  le  diocèse  de  \'a- 
lence,  dont  Philippe  de  Savoie  semble  se  désintéresser  de  plus  en 
plus.  Des  événements,  qui  eurent  à  l'époque  un  grand  retentisse- 
ment, y  sollicitent  notre  attention.  L'année  1247  fut,  en  effet,  mar- 
quée dans  les  annales  de  notre  Eglise  par  une  violente  persécution 
contre  les  juifs;  ces  malheureux,  qui  n'étaient  pas  toujours  des  vic- 
times innocentes  de  la  haine  et  de  l'aveuglement,  furent  traqués  de 
toutes  parts  et  impitoyablement  massacrés.  Ceux  qui  parvinrent  à  se 
soustraire  à  ces  horreurs  implorèrent  à  grands  cris  l'assistance  du 
pape  ;  Innocent  IV  éleva  la  voix  en  faveur  des  restes  mutilés  de 
l'ancien  peuple  de  Dieu,  et  ses  accents  sont  dignes  du  vicaire  de 
Jésus-Christ.  Pour  bien  faire  connaître  au  lecteur  ce  curieux  épisode 
de  l'histoire  de  nos  pays,  nous  n'aurons  qu'à  reproduire  le  récit 
qu'en  a  donné  M.  Elie  Berger  dans  la  savante  introduction  des 
Registres  d'Innocent  IV,  travail  où  nous  avons  déjà  largement 
puisé  : 

«  Dans  la  petite  ville  de  Valréas.  qui  avait  alors  pour  seigneur 
Dragonet  de  .Montauban,  sire  de  Montdragon,  une  petite  fille  de 
deux  ans,  Meilla,  disparut  le  26  mars  1247,  mardi  de  la  semaine 
sainte;  ses  parents  la  cherchèrent  d'abord  sans  pouvoir  la  trouver, 
puis  on  la  découvrit,  morte,  dans  les  fossés  de  la  ville.  Le  bruit  cou- 
rait que  cette  petite  fille,  le  jour  où  elle  s'était  perdue,  avait  été  vue 

Vigne  l'administrateur  et  le  vicaire  ;  mais  il  ne  prétendit  rien  innover  quant  au  dogme 
ni  aux  bases  essentielles  de  la  croyance  publique.  De  leur  cflté,  les  papes  poursuivi- 
rent en  Frédéric  H  moins  l'hérétique  endurci  que  le  schismatique  avéré.  Ils  mesurè- 
rent l'énergie  de  leur  opposition  aux  dangers  que  courait  l'Eglise  catholique, 
puisque  la  séparation  religieuse  de  la  Sicile  eût  pu  entraîner  la  défection  de  l'Alle- 
magne et  du  reste  de  l'Occident.  C'est  là  ce  qui  justifie  ou  du  moins  ce  qui  expli- 
que l'obstination  avec  laquelle  ils  se  refusèrent  à  toute  espèce  de  transaction  ;  là 
est  le  secret  d'une  politique  à  outrance  que  S.  Louis  lui-même  ne  pouvait  s'empê- 
cher de  condamner.  » 

(i)  GuiGtiES.  Cartulaire  lyonnais,  p.  s  28. 


EVÊQUES    DE    VALENCE    AU    MOYEN-AGE.  1^5 

dans  la  rue  des  juifs  ;  d'ailleurs  personne  n'avait  de  notions  exactes 
sur  les  causes  de  sa  mort,  mais  on  était  tout  près  de  ces  fêtes  de 
Pâques  à  l'occasion  desquelles  se  célébraient,  disait-on,  dans  les 
communautés  Israélites,  de  mystérieuses  et  sanglantes  cérémonies  : 
il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  que  les  malheureux  juifs  fus- 
sent accusés.  Une  enquête  fut  ouverte  avant  même  qu'on  eût  re- 
cours à  la  juridiction  seigneuriale  par  deux  Franciscains,  Guillem 
Chaste  et  Azémar  ;  elle  amena  l'arrestation  de  trois  juifs,  Bendig, 
Burcellas  et  Durand  ;  après  sept  jours  de  captivité  et  de  tortures,  ces 
infortunés  se  résolurent,  le  4  avril,  à  faire  des  aveux.  L'un  deux  ex- 
pliqua que  le  sang  de  la  petite  chrétienne  devait  servir  à  communier 
le  Vendredi-Saint,  que  cet  usage  s'observait  d'année  en  année  dans 
les  pays  où  les  juifs  étaient  nombreux,  et  surtout  en  Espagne  où, 
en  pareil  cas,  à  défaut  de  chrétien,  on  achetait  un  Sarrasin  ;  un 
autre  confessa  même  qu'à  Saint-Paul-Trois-Châteaux,  on  avait  tiré 
au  sort  le  lieu  où  devait  être  pratiquée,  le  Vendredi-Saint,  une  cru- 
cifixion symbolique  .  Valréas  avait  été  désigné  ;  de  là  venaient  la 
disparition  et  la  mort  de  la  petite  fille  ;  seulement  on  n'avait  pas  pu 
attendre  le  vendredi,  et  l'on  s'était  résolu  à  la  faire  servir  de  victime 
expiatoire.  Ces  aveux  furent  répétés  le  g  avril  devant  Dragonet  de 
Montauban  et  sa  cour,  dans  la  haute  salle  du  château  ;  puis,  le 
même  jour,  dans  une  seconde  séance,  six  autres  juifs  furent  interro- 
gés ;  grâce  à  la  torture,  on  leur  fit  dire  ce  qu'on  voulut  ;  l'un  d'eux 
pourtant  eu  le  courage  de  résister  jusqu'au  bout.  Les  parents  de 
Meilla  déposèrent  le  lendemain  f  i). 

«  L'acte  judiciaire  auquel  nous  devons  ces  détails  ne  dit  pas  quelle 
fut  l'issue  du  procès  engagé  à  \'alréas  ;  mais  deux  bulles  du  28  mai 
1247,  parlent  de  supplices  qui  ajoutèrent  à  l'horreur  de  cette  lugubre 
affaire  ;  d'après  la  plainte  qu'ils  adressèrent  à  Innnocent  I\^  et  dont 
le  pape  donne  le  résumé,  les  juifs,  accusés  d'avoir  crucifié  la  jeune 
Meilla,  auraient  été  dépouillés  de  leurs  biens  et  jetés  en  prison  par 
ordre  de  Dragonet  de  Mautauban,  quoiqu'ils  n'eussent  pas  été  con- 
vaincus, quoiqu'ils  n'eussent  pas  avoué  le  crime.  Quelques-uns 
d'entre  eux  avaient  été  coupés  en  deux,  d'autres  brûlés  vifs  ;  on 
avait  arraché  les  seins  à  des  femmes  et  fait  subir  à  des  hommes  la 
mutilation  ;  les  autres,  vaincus  par  la  torture,  avaient  fini  par  recon- 

(i)  Les  détails  qui  précèdent  sont  consignés  dans  une  enquête  judiciaire,  qui 
a  été  publiée  avec  introduction  par  M.  Molinier  :  Enquête  sur  un  meurtre  imputé 
aux  juij.s  de   Valréas  (12^7).  Paris,  Champion,   1885.  in-8°,    i^  pages. 


136  QUARANTE    ANNÉES    DE    l'hISTOIRE    DES 

naître  en  paroles  des   faits   que  leur  conscience   ne  leur  reprochait 
pas.  préférant  la  mort  à  des  souffrances  intolérables.   Puis  Tévêque 
de  Saint-Paul  Trois-Châteaux  et  le  connétable  de  \'alence  s'étaient 
mis   de   la  partie   avec   plusieurs    nobles   et  hauts   personnages   du 
pays  ;  malgré  la  charte  de  protection  du  saint-siège,  ils  avaient  em- 
prisonné, dépouillé  les  juifs  de  leurs  domaines  et  leur  infligeaient  les 
plus  durs  traitements  ;  plusieurs   juifs  avaient  été  exilés  et  l'on  avait 
de  force  imposé  le  baptême  à  leurs  enfants.  Ainsi  la  crédulité   popu- 
laire et  la  haine  traditionnelle  avaient  dans  cette  contrée  provoqué 
contre  les  juifs  un   mouvement  d'une  extrême  violence,  et  pourtant 
rien  n'avait  démontré  leur  culpabilité,  à  laquelle  le  pape  ne  croyait 
pas.  Innocent  IV  fut  indigné  de  ces  excès  sauvages  :  en  réponse  à  la 
plainte  qu'il  avait  reçue,  il  adressa  le  28  mai   deux  bulles  à  l'arche- 
vêque de  Vienne.  Dans  l'une  d'elles,  il  rappelait  en  termes  fort  éle- 
vés les  devoirs  des  chrétiens  envers  ce  peuple  auquel  Jésus-Christ 
avait  laissé  des  espérances  de  salut;  il   disait  en  terminant  que  nul 
ne  devait   être   puni    s'il    n'avait  commis  une  faute,   ou   contraint   à 
payer  le   crime   d'autrui  ;    ému  de   compassion  envers   ces    hommes 
dont   il   se  considérait   comme    le  protecteur,    il  ne   pouvait  tolérer 
qu'ils  eussent  à    souffrir  pour  des  cruautés  qui,   si  elles  avaient  été 
réellement  commises,  auraient  mérité  un  châtiment.  En  conséquence, 
si  les  faits  rapportés  au  pape  étaient  vrais,    l'archevêque  de  \'ienne 
devait  ordonner  à  l'évêque  de   Saint-Paul-Trois-Châteaux,  au  con- 
nétable de  X'alence  et   aux  autres  de  relâcher  leurs  prisonniers,  en 
les   indemnisant  des  pertes  et  dommages  qu'ils  avaient  subis  et  de 
les  laisser  vivre  sur  leurs  terres.  Le  préambule  de  la  deuxième  lettre 
était  tout  aussi  formel  :   «  La  justice  divine,  qui  n'a  pas  entièrement 
(I  rejeté  le  peuple   juif,  réserve  à   ses   débris  le  salut  éternel.    Aussi 
«   doit-on  blâmer  le  zèle,  condamner  la  cruauté  de  ces  chrétiens  qui, 
«  pleins  de  convoitise  pour  les  biens  des  juifs,  avides  de  leur  sang. 
«   les  dépouillent,  les  mutilent,  les  tuent  sans  jugement:  ils  mécon- 
«   naissent  ainsi  la  mansuétude  de   la  religion   catholique,  qui   les 
«  admet  à  vivre  à  ses  côtés  et  ordonne  de  les  tolérer  dans  l'exercice 
«   de  leur  culte  (i).  » 

Ce  fut  au  mois  de  juillet  1248  que  S.  Louis,  allant  s'embarquer  à 
Aigues-Mortes  pour  la  croisade,  s'arrêta  quelques  jours  dans  nos 
contrées  et  assiégea  le  château  de  la  Roche-de-Clun,  qui  apparte- 
nait à    Roger   de   Clérieu.    Les  chroniqueurs   contemporains,    tous 

(l)    El.fF.    liKRGEK,    loC.    cit.,    p.     21H. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  l^^J 

Français,  s'accordent  à  représenter  Roger  comme  un  méchant 
homme,  qui  rançonnait  impitoyablement  tous  ceux  qui  passaient 
par  là,  sans  en  excepter  les  pèlerins  ;  mais  la  réputation  du  sei- 
gneur de  la  Roche  a  été  naguère  vengée  de  ces  attaques  par  M. 
Emile  Giraud,  et  nous  ne  pouvons  que  souscrire  aux  conclusions 
du  savant  historien  de  Romans  (i).  On  connaît  le  sort  de  la  forte- 
resse de  la  Roche;  elle  tomba  entre  les  mains  du  roi  et  fut  en  partie 
démolie  (2).  Aymar   de   Poitiers   avait  dans  cette  circonstance  porté 

(i)  P.-E.  Giraud,  Essai  /list.  sur  'Fiomans.  Deuxième  partie,  p.  25-7:  «  Le  sei- 
gneur de  la  Roche-de-Glun...  était  dans  son  droit  vis-à-vis  de  son  puissant  adver- 
saire le  roi  de  France  et  son  armée.  En  12^8,  la  maison  de  Clérieu  jouissait  depuis 
près  d'un  siècle  d'un  droit  de  péage  à  la  Voulte  et  à  Confolens,  sur  les  deux  rives 
du  Rhône  et  de  l'Isère...  Le  château  de  la  Roche-de-Glun,  situé  non  loin  du  con- 
fluent du  Rhône  et  de  l'Isère  et  sur  la  rive  gauche  du  Rhône  dépendante  de  l'em- 
pire, était  le  lieu  oij  s'opérait  la  perception  de  ce  péage.  Peut-être  même  ce  châ- 
teau devait-il  son  origine  à  cette  destination.  Lorsque  l'armée  des  croisés  descendit 
le  fleuve,  Roger,  en  vertu  de  sa  concession,  s'apprêtait  sans  doute  à  exiger  le  droit 
de  péage.  Le  roi  de  France  ne  voulut  pas  se  soumettre  ;  on  le  comprend  aisément. 
Outre  le  motif  religieux  de  son  expédition,  qui  pouvait  autoriser  son  refus,  il  avait 
pour  lui  le  nombre  et  la  force,  et  de  plus  le  public,  heureux  de  se  voir  affranchi 
par  son  secours  d'un  impôt  gênant  et  onéreux.  Cependant  les  prétentions  de  Roger, 
que  je  n'ai  pas  à  apprécier  ici  en  elles-mêmes,  reposaient  sur  le  titre  le  plus  légi- 
time qu'il  fût  possible  d'invoquer  à  cette  époque,  sur  un  diplôme  émané  de  l'auto- 
rité impériale.  Depuis  la  charte  de  ir^i,  les  seigneurs  de  Clérieu  avaient  perdu 
Tallodialité  de  leur  fief  et  reconnu  la  suzeraineté  des  Dauphins,  .\ussi  Guigues 
dut-il  en  cette  circonstance  embrasser  la  cause  de  son  vassal.  C'était  une  question 
de  souveraineté  qui  se  cachait  sous  un  débat  en  apparence  peu  important.  Les 
Dauphinois  alors  sujets  de  l'empire  se  trouvaient  en  présence  avec  les  Français.  La 
lutte  était  trop  inégale  pour  durer  longtemps.  Roger  céda,  non  sans  résistance.  » 

{2]  Les  layettes  du  trésor  des  chartes  (t.  111,  p.  41,  n"  3,700)  renferment  un 
document  daté  de  la  Roche-de-Glun,  au  mois  de  juillet  1248,  par  lequel  Trencavel 
de  Béziers  reconnaît  avoir  reçu  en  prêt  de  Louis,  roi  de  France,  une  somme  de 
2c)o  livres  tournois.  —  Voici  les  passages  des  principales  chroniques  du  temps, 
concernant  le  siège  de  la  Roche-de-Glun  par  St  Louis,  événement  qui  a  laissé  dans 
les  traditions  populaires  une  trace  si  profonde.  —  Guillelmus  de  Nangiaco.  Gesta 
S.  Ludovici,  dans  Bouquet,  t.  XX.  p.  556:  »  Transiens  ergo  christianissimus  rex 
Ludovicus  per  Burgundiam  usque  ad  Lugdunum  dominum  papam  Innocentium  ihi 
commorantem  secundo  visitavit.  Indeque  reccedens,  benedictione  ejus  recepta,  venii 
ad  Rocham  quœ  dicitur  doit  Glui.  ubi  erat  cistrum  fortissimum  super  Rodanum. 
Quia  igitur  dominus  castri  illius  a  transeuntibus  per  Rodanum  exactiones  illicitas 
extorquebat  et  eos  bonis  suis  indebite  spoliebat,  rex  illud  obsedit  et  in  deditione 
accepit.  Illud  autem  in  parle  destruens,  postea  domino  dicti  loci,  cautione  illi  facta 
quod  de  cetero  ab  injuriis  et  exactionibus  illicitis  abstineret,  ilhid  restituit.  — •  Jom- 
vii.LE.  Hisl.  de  St  Louis,  ibid.,  p.  210:  «  A  Lvon  entrâmes  ou  Rone  pour  aler  a 
.■^lles    le  Blanc  ;  et  dedans    le  Rone  trouvame   i    chastel  que  l'on  appelle  Roche  de 


138  QUARANTE    ANNÉES    DE    LHISTOIRE    DES 

secours  au  roi  de  France  et  avait  amené  quelques  troupes  au  siège 
du  château.  Le  Dauphin  Guigues  VU  conçut  un  si  vif  ressentiment 
de  l'attitude  prise  par  le  comte  de  Valentinois  contre  Roger  de  Clé- 
rieu,  son  vassal,  qu'il  saisit  la  première  occasion  pour  lui  déclarer 
la  guerre  (i). 

C'était  l'ambition  qui  inspirait  toujours  les  entreprises  d'Aymar 
de  Poitiers.  On  le  voit  sans  cesse  appliqué  à  user  de  tous  les  moyens 
pour  accroître  sa  puissance.  L'Eglise  de  Valence  avait  en  lui  un 
dangereux  voisin,  dont  il  fallait  surveiller  toutes  les  démarches. 
L'éloignement  de  l'évêque  lui  permettait  de  se  montrer  entrepre- 
nant et  audacieux:  chaque  jour,  de  différents  points  du  diocèse,  arri- 
vaient au  chapitre  de  nouvelles  plaintes  sur  les  empiétements  des 
officiers  du  comte.  11  faut  bien  avouer  que  les  droits  féodaux  exercés 
alors  par  les  deux  autorités  rivales  étaient  tellement  enchevêtrés  qu'il 
devenait  parfois  impossible  de  déterminer  les  frontières  de  l'une  et 
de  l'autre  :  des  chocs  plus  ou  moins  violents  devaient  nécessaire- 
ment se  produire.  Dans  les  mois  d'août  et  de  septembre  1248,  les 
rapports  entre  les  officiers  de  l'évêque  et  ceux  du  comte  furent  très 
tendus.  Aymar  percevait  des  droits  de  péage  à  Crest,  ainsi  que  sur 
les  rives  du  Rhône,  entre  Valence  et  Livron  ;  les  sujets  de  l'évêque 
se  plaignaient  d'être  sans  cesse  tracassés,  pressurés  par  les  gens  du 
comte.  La  double  juridiction   seigneuriale  qui   s'exerçait  à  Crest,  au 

Gluy,  que  le  roy  avoit  t'ait  abbaU'e  pour  ce  que  Roger  le  sire  du  chaslel  estoit  criez 
de  desrober  les  pèlerins  et  les  marchans.  — Guillelmus  de  Podio  Laurentii.  His- 
toria  Albigensiam.,  ibid,  p.  771  :  Anno  igiiur  Domini  M".  CC°.  XL".  VIIl"  recedens 
rex  Lugdunum,  dum  iter  agressus  esset,  castrum  quod  dicitur  Rocha  super  Rho- 
danum  obsidet,  quod  Rogerius  de  Cioregio,  dominus  castri  pedagia  levari  jusserat 
super  omnes  perigrinos  in  subsidium  terre  sancte,  et  expugnato  eo  post  paucos 
dies  ipsum  in  deditionem  accepit,  unde  fuit  de  facta  'njuria  peregrinis  plenarie 
satisfactum.  —  Extraits  des  chroniques  de  St-Denis,  ib.,  tom.  XXI,  p.  114:...  Le 
roy  reçut  beneyçon  et  se  parti  de  Lyon  et  vint  a  un  chastel  que  len  appelle  la  Roche 
de  Glin.  Cil  du  chastel  furent  si  outreccuidé  qu'ils  robèrent  une  partie  de  la  gent 
du  rov,  qui  aloient  devant  por  faire  garnison  a  ceux  de  Tost.  Quant  la  nouvele  en 
vint  au  roy.  il  commanda  que  tout  le  chastel  fust  mis  par  terre  et  abatuz  ;  cil  de- 
dans furent  pris  et  mis  en  fer  et  en  liens  et  le  chastel  fu  tout  détruit  et  gastez. 

(i)  «  Ce  Roger  de  Clérieu,  dit  M.  Giraud.  que  les  historiens  de  St  Louis  nous 
peignent  sous  des  couleurs  si  noires,  était,  au  contraire,  un  homme  modéré,  con- 
ciliant, entouré  de  la  considération  publique.  Nos  annales  dauphinoises  nous  le 
montrent  dans  la  plupart  des  querelles  de  notre  temps  comme  amiable  composi- 
teur choisi  par  les  parties  elles-mêmes.  »  Cf.  Chorier.  Hisl.  de  Dauphiné,  t.  II, 
p.  108,  116,  1^3,  etc.:  De  Galmkr,  Essai  hisl.  sur  la  haronnie  de  Clérieu, 
P-  45-7- 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I 39 

nom  du  prélat  et  au  nom  du  comte,  n'avait  jamais  été  clairement  et 
nettement  déterminée  :  c'était  là  la  principale  source  de  disputes 
entre  les  représentants  des  deux  pouvoirs.  Des  difficultés  semblables 
se  rencontraient  sur  d'autres  points,  notamment  à  Alex  et  à  Bési- 
gnan.  Philippe  de  Savoie,  qui  avait  sur  les  bras  de  plus  importantes 
affaires,  voulut  en  finir  au  plus  tôt  avec  une  situation  devenue  into- 
lérable et  il  fut  assez  heureux  pour  amener  le  comte  de  Valentinois 
à  vider  ces  différends  par  des  voies  pacifiques.  Aymar  de  Poitiers 
consentit  donc  à  se  rendre  à  Varence,  dans  la  demeure  épiscopale, 
la  veille  de  la  fête  de  St  Apollinaire  (4  octobre;  1248,  et  là,  en  pré- 
sence de  nombreux  témoins,  il  fit  avec  l'élu  de  Lyon  et  de  \''alence 
un  règlement  fort  détaillé  qui  devait  désormais  prévenir  entre  eux 
toutes  causes  de  conflit  Ce  document,  dont  nous  conserverons  le 
texte  dans  ce  mémoire,  nous  parait  offrir  un  intérêt  historique  réel, 
en  ce  qu'il  nous  permet  de  suivre  presque  dans  ses  moindres  détails 
le  fonctionnement  assez  compliqué  d'une  double  juridiction  féodale 
s'exerçant  dans  le  pays  et  au  sein  d'une  même  ville.  Tout  est  soi- 
gneusement indiqué:  les  denrées  ou  les  objets  soumis  aux  droits  de 
péage,  la  punition  des  délits,  la  condition  des  étrangers  venus  s'éta- 
blir à  Crest,  etc.,  etc. 

Notum  sit  omnibus  presentibus  pariter  et  futuris  quod  cum  ingens 
esset  discordia,  controversia  vel  querela  inter  nos  Ph.,  Dei  misera- 
tione  ecclesie  Lugdunensis  electum  et  procuratorem  ecclesie  Valen- 
tinensis,  nomine  nostro  et  nomine  ecclesie,  seu  capituli  Valentinensis, 
ex  una  parte  et  Ademarum  de  Pictavia,  filium  quondam  ^^  '  de  Pic- 
tavia.  ex  altéra,  super  his  que  ego  dictus  Ademarus  accipiebam  ab 
hominibus  vestris,  scilicet  procuratoris  predicti  et  ecclesie  \'alenti- 
nensis,  occasione  pedagii  vel  guidagii  in  terra  mea,  in  dioycesi  \'a- 
lent.  citra  Rodanum  et  apud  Cristam  et  in  mandamento  ejusdem. 
Item  super  duobus  hominibus  castri  de  Crista,  scilicet  Bontoso  de 
Porta  et  Poncio  Silvestri,  et  super  usagiis  et  consuetudinibus  et 
juribus  dicti  castri  ac  dominationibus  nostris.  Item  super  Chalme 
d'Ales.  Item  super  terris  et  feudo  de  Désigna,  que  quondam  fuerunt 
Wil.,  domini  de  Beldisnar.  De  predictis  controversiis  et  querelis  ex 
certa  scientia  et  spontanea  voluntate,  concorditer,  amicabiliter  et 
unanimiter  inter  nos  taliter  duximus  ordinandum,  videlicet  quod 
homines  nostri,  scilicet  procuratoris  predicti  et  ecclesie  Val.  non 
teneantur  solvere  pedagium  nec  guidagium  in  terra  tua  Ademari 
predicti  in  diocesi  Val.  citra  Rodanum,  nec  apud  Cristam  vel  in  ejus 
mandamento,  de  victualibus  vel  de  omnibus  illis  que  ad  usum  edendi 
vel  bibendi  esse  noscuntur,  excepto  sale,  chargiis  amigdalarum,  pi- 
peris.  zingiberis,  gariofili.  canelle  et  mercimoniorum  que  ad  pondus 


140  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

consueverunt  vendi,  et  nos  dictus  procurator  super  pedagiis  terre 
tue,  Ademari,  que  tu  habes  citra  Rodanum  nolumus  nec  debemus 
per  nos  vel  successores  nostros  te  vel  tuos  successores  impcdire, 
salva  immunitate  hominum  nostrorum  superius  nominata.  Item  ordi- 
namus  quod  homines  nostri,  procuratoris  predicti  et  ecclesie  Ya\., 
eant  et  ducant  predicta  per  stratas  publicas  sine  contradictione  mea 
Ademari  predicti  et  meorum.  De  discordia  vero  dicti  castri  de  Crista 
taliter  duximus  ordinandum  quod  dicti  duo  homines  B.  de  Porta  sci- 
licet  et  Poncius  Silvestri  pênes  me  dictum  Ademarum  remancant  et 
alii  homines  qui  morant  apud  Cristam  in  domibus  vel  in  terris  meis 
vel  in  dominio  apud  me  valeant  remanere  ;  iUi  vero  homines  qui  in 
domibus,  terris  vel  dominio  nostro,  procuratoris  predicti,  morantur 
apud  Cristam,  pênes  nos  remaneant,  nec  alteruter  nostrorum  possit 
homines  alterius  recipere  apud  Cristam,  si  de  loco  ad  locum,  vel  do- 
minio in  dominium  se  voluerint  transmutare  ;  si  vero  alter  se  trans- 
mutaverit,  quilibet  possit  hominem  suum  ,  ubicunque  invenerit, 
tanquam  ligium  repetere  et,  ut  suum,  auctoritate  propria  occupare. 
domino  altero  nullathenus  conquerente  vel  impediente  facere  supra- 
dicta  :  et  in  quocunque  loco,  dominio  vel  nomine  illi  de  Crista  deli- 
querent  infra  castrum  de  Crista  vel  mandamento,  quilibet  nostrum 
in  suum  hominem  jurisdictionem  et  justiciam  exercere  valeat  et  non 
alius,  et  penam  commissam  occasione  delicti  dominus  delinquentis 
possit  totaliter  retinere,  nuUa  alteri  parte  data,  licet  dicatur  in  alte- 
rius tei'ritorio  deliquisse  :  tamen  quilibet  nostrum  habeat  suum  homi- 
nem, si  quem  offenderit,  ad  justiciam  preparatum  :  et  hec  tamen 
intelligimus  si  evenerint  in  dicto  Castro  de  Crista  vel  in  ejus  manda- 
mento. Item  si  apud  Cristam  adventilius  venerit,  quod  ibi  domum 
conduxerit,  nobis  communis  remaneat  ;  si  tamen  propriam  domum 
sibi  acquisiverit  vel  modo  alio  habuerit ,  illius  remaneat  in  cujus 
domo  remanserit  hospilatus.  Item  ordinamus  quod  si  homines  mei 
Ademari  predicti  bannum  usitatum  et  expresse  in  posterum  commil- 
tant  in  dominio  vestro,  procuratoris  predicti,  propter  fructus  vel  se- 
mina  seu  nemora,  ego  Ademarus  vel  mei  compellamus  ipsos  ad 
solvendum  bannario  vel  illi  qui  pro  \obis,  dicto  procuratori,  ibidem 
fuerit,  et  ad  satisfaciendum  illi  in  dampnum  suum  irrogatum,  et 
super  hoc  crcdatur  bannerii  sacramenlo.  Item  statuimus  faciendum 
per  omnia  eodem  modo  et  eadem  forma  de  hominibus  nostris.  pro- 
curatoris predicti  et  ecclesie  \'al..  si  bannum  dictum  commiserunt 
infra  castrum  Criste  vel  in  ejus  mandamento,  in  terra  et  dominio 
tui  Ademari  predicti.  Item  statuimus  quod  clientes,  qui  morantur  vel 
morabuntur  in  castris  seu  fortaliciis  dicti  castri  de  Crista  non  pos- 
sint  orlologia  sive  fructus  accipere  nisi  in  dominio  sue  domus  quam 
possident  vel  qua  forsitan  morabuntur.  Leydi  vero  mercantium,  exer- 
citus  albergamenta  cum  centum  militibus  et  amplius  ,  bannum 
vindemie  et  alia  que  nominata  non  sunt  superius  vel  expressa  rema- 
neant prout  haclenus  extiterunt.  C)rdinalionem  vero  supradictam 
super  negociis  et  usagiis  castri  de  C,i-i,sta,  dominiis  et  jurisdiclioni- 
bus  robur  obtinere  volumus  quandiu  nos  dictus  procurator  ad  manum 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  I4I 

nostram  tenuerimus  castrum  Criste.  Item  ordinamus  de  Chalme 
d'Ales  quod  stetur  carte  sigillate  venerabilium  patrum  domini  J., 
Viennensis  archiepiscopi,  B.,  Diensis  episcopi,  G.,  Valentinensis 
episcopi,  A.  de  Pictavia,  et  Wli  filii  ejus,  in  qua  carta  taliter  contine- 
tur  :  Chalmes  autem  Alesii  per  viros  ydoneos  dividatur  in  très  partes 
et  due  partes  sint  dicti  A.  de  Pictavia  et  successorum  suorum  et  ter- 
lia  pars  domini  G.,  episcopi  et  capituli  Val.  et  successorum  suorum  ; 
illa  feuda  que  feudatarii  recognoverunt  in  preteritum  vel  recognos 
cent  in  futurum  per  sacramentum  se  tenere  a  domino  G.,cpiscopo  et 
capitulo  Val.  et  successoribus  suis  infra  Chalmes  Alesii  sint  domini 
episcopi  et  capituli  \'al.  et  successorum  suorum,  et  illa  que  recogno- 
verunt in  preteritum  vel  recognoscent  in  futurum  se  tenere  per  sacra- 
mentum a  domino  A.  de  Pictavia  et  successoribus  suis  sint  domini 
A.  et  successorum  suorum.  De  illis  vero  que  habet  vel  possidet 
W'us  Arnaldi  de  Grana  infra  Chalmes  Alesii,  si  qua  sunt  que  a  dno  A. 
possideantur,sint  dni  A.  et  successorum  suorum,  nisi  probetur  in  con- 
trarium  ab  episcopo  vel  capitulo  Val.;  si  qua  vero  sunt  que  a  dno  G., 
episcopo  et  capitulo  Val.,  possideantur  sint  dni  G.,  episcopi  et  capi- 
tuli Val.,  nisi  in  contrarium  ab  A.  de  Pictavia  et  successoribus  suis 
probetur.  —  Querela  vero  de  Besigna  fuit  communi  voluntate  et 
concordia  sic  sopita,  scilicet  quod  ego  Ademarus  predictus  dimicto, 
salvo,  quicto  et  desamparo  vobis  dicto  procuratori,  nomine  vestro  et 
ecclesie  Val.,  si  quod  jus,  si  quam  requisitionem,  si  quam  rationem 
habebam  vel  habere  debebam  seu  videbar  habere  in  terris,  possessio- 
nibus  et  feudis,  que  fuerunt  quondam  W'uilhermi,  dni  de  Beldinar, 
in  territorio  quod  vulgariter  nuncupatur  de  Besigna,  occasione  con- 
cessionis  seu  donationis  michi  facte  a  vobis  dicto  procuratore  vel 
ecclesia  \'al.,  et  convenimus  ambo  quod  nuUus  nostrum  debeat  edi- 
ficare  vel  aliquid  innovare  in  predicto  territorio  de  Besigna,  sed  re- 
maneat  in  statu  in  quoest,  quamdiu  nos  dictus  procurator  ad  manum 
nostram  tenebimus  ecclesiam  Valentinam.  Item  statuendo  ordinamus 
ad  invicem  quod  quamdiu  nos  dictus  procurator  ad  manum  nostram 
tenuerimus  dictam  ecclesiam  Val.  non  possimus  nec  debeamus,  nos 
vel  dictus  Ademarus,  facere  aliquam  fortalitiam  vel  bastiam  a  Valen- 
tia  usque  ad  Liberonem,  intra  stratam  publicam  et  Rodanum  supra- 
dictum.  Omnia  autem  universa  et  singula,  prout  dicta  sunt  superius 
et  expressa,  ego  dictus  A.  de  Pictavia  vobis  dicto  dno  Ph.,  procu- 
ratori eccl.  \'al.,  nomine  vestro  et  nomine  dicte  ecclesie,  promicto 
solemni  stipulatione,  interposita  bona  fide,  actendere  et  servare  et 
contra  casu  aliquo  non  venire  de  jure  vel  de  facto,  aliquo  jure  seu 
aliqua  ratione,  tactis  evangeliis  sacrosanctis,  et  nos  Ph  ,  procurator 
predictus,  nomine  nostro  et  ecclesie  Val.,  de  voluntate  et  consensu 
expressa  A.,  decani,  et  capituli  Val.,  vice  versa  et  eodem  modo  pro- 
mictimus  tibi  A.  predicto  omnia  supradicta  actendere  et  servare, 
prestito  ad  sancta  evangelia  sacramento.  Similiter  nos  A.,  decanus, 
et  capitulum  \'al.  predicta  omnia  laudamus  et  confirmamus  et  appro- 
bamus  et  quod  contra  nuUo  tempore  vcniamus  promictimus  bona 
fide,  prestito  ad  sancta  evangelia  sacramento.  Et  super  omnibus  su- 


142  HISTOIRE    DES    ÉVÊQUES    DE    VALENCE. 

pradictis  nos  dictus  Ph.,  procurator,  A.  de  Pictavia,  et  A.,  decanus 
et  capitulum  supradicti  renunciamus,  ex  certa  scientia,  beneticio  mi- 
noris  etatis  et  in  integrum  restitutionis,  et  ornni  alii  juris  beneficio 
quo  contra  predicta  vel  aliquid  de  predictis  per  nos  vel  per  alios  ve- 
nire  possemus.  Item  convenimus  quod  omnes  mulieres  terre  nostre, 
scilicet  procuratoris  ecclesie  V^al.,  sint  immunes  ab  omni  pedagio  et 
guidagio  per  terram  meam,  scilicet  Ademari  predicti,  citra  Rodanum 
in  diocesi  Val.  et  apud  Cristam  et  in  ejus  mandamento,  de  omnibus 
que  portabunt  super  se,  et  hoc  promicto  ego  Ademarus  predictus 
actendere  per  me  et  successores  meos  sub  virtute  prestiti  juramenti. 
De  his  quidem  conventionibus  fideliter  actendendis  dedimus  obsta- 
gios  fidejussores  juratos  nos  dictus  procurator  :  A.,  decanum,  et  Ar- 
taldum,  abbatem  Sancti  Felicis,  Poncium,  vicarium,  Aquinum,  B. 
de  Stella,  canonicos  Valent.  ;  ego  Ademarus  dictus  :  Amalricum  de 
Rupeforti,  B.  de  Tauligna,  P.  de  Tues,  Pon.  Cornillan  de  Monte 
xMairan,  et  Pon,  Cornilla  de  Podio  Sancti  Martini,  milites.  In  defectu 
videlicet  partis  alterius,  quod  absit,  tam  veniens  contra  predicta 
quam  ejusdem  fidem  jussores  tenentur  servare  obstagia  apud  Roman, 
quousque  de  defectu  esset  plenarie  satisfactum.  Acta  sunt  hec  apud 
Valen.,in  domo  episcopali  in  estris  a  parte  Rodani,  in  vigilia  Sancti 
ApoUinaris,  anno  Domini  M°.  CC".  XL"  octavo,  testibus  ad  hoc  vo- 
catis  et  rogatis  magistro  J.  Capelli,  canonico  Vien.,  Pe.  Valencza 
presbitero,  W.  Remundo,  W.  Charfaldi,  Guichardo,  clericis  V'alen., 
P.  de  Arcentio,  Falcone  Barreti  miHte  de  Cornilla,  Ysoardo  de 
Bordellis,  Umberto  de  Quinto,  P.  de  Pradellis,  domicellis,  et  pluri- 
bus  aliis.  In  quorum  firmitatem  et  testimonium,  nos  dominus  Ph., 
procurator,  et  ego  A.  de  Pictavia  sigilla  nostra  apposuimus  huic 
carte  et  apponi  fecimus  sigillum  capituli  Val.  et  sigillum  domini  J., 
archiepiscopi  Viennensis  fi). 

(i)  Archives  de  la  Drôme,  E,  2,472.  Registre  de  julian,  not.  à  Valence,  f°  136 
verso  et  suiv.  C'est  la  reproduction  d'un  vidimus  de  cette  charte,  fait  le  4  novem- 
bre 1483  par  Fortuné  Bonard,  not.,  sur  la  demande  de  Simon  Messe,  doyen  de 
Die,  officiai  et  vicaire  générai  de  Valence. 

fLa  suite  au  prochain  numéro). 

Jules  CHFA'ALIER. 


OLIVIER   DE    SERRES 

ET    LES 

Massacres  du   2   mars  1573 

A    VILLENEUVE-DE-BERG 


Olivier  de  Serres  a  été  un  des  hommes  qui  ont  illustré  le  seizième 
siècle.  Son  Théâtre  d'agriculture  lui  valut,  de  son  vivant  même,  une 
réputation  européenne.  Sa  gloire  déclina  dans  les  deux  siècles  sui- 
vants, et  il  serait  peut-être  tombé  dans  l'oubli  aujourd'hui,  si  notre 
siècle  n'avait  pris  à  tâche  de  le  replacer  sur  son  piédestal.  Dans  ce 
siècle,  en  effet,  on  s'est  efforcé  de  lui  refaire  son  auréole  de  gloire  : 
des  médailles  ont  été  frappées  en  son  honneur  ;  des  statues  lui  ont 
été  élevées,  et  une  foule  d'auteurs  ont  célébré  ses  louanges  dans  des 
pages  dictées  pour  la  plupart  beaucoup  plus  par  le  sentiment  de 
l'admiration  et  de  l'enthousiasme  que  par  celui  de  la  vérité  et  de 
l'exactitude  historique.  Nous  dirons  dans  le  cours  de  ce  travail  ce 
qu'il  faut  penser  des  assertions  et  des  arguments  de  quelques-uns 
de  ses  panégyristes  ;  mais  une  mention  spéciale  nous  paraît  due  au 
dernier  ouvrage  publié  sur  le  célèbre  agronome.  11  a  paru  en  1887 
chez  l'éditeur  Pion  sous  ce  titre  :  Olivier  de  Serres,  seigneur  du  Pra- 
del,  sa  vie,  ses  travaux,  avec  gravures  et  portraits.  L'auteur  est  M. 
Henri  Vaschalde,  de  Vais,  connu  pour  un  certain  nombre  d'écrits 
sur  l'histoire  du  Vivarais.  Il  a  recueilli  et  condensé  dans  ce  livre  ce 
qui  a  été  dit  ou  écrit  avant  lui  sur  le  père  de  l'agriculture  française, 
et  il  n'a  rien  négligé  de  ce  qui  peut  rehausser  la  gloire  de  son  héros. 
Surenchérissant  sur  tous  ses  devanciers,  il  lui  a  décerné  une  vérita- 
ble apothéose  et  s'est  efforcé  de  lui  faire  une  auréole  absolument  im- 
maculée. L'entreprise  était  difficile  pour  un  historien  consciencieux  ; 
car  on  trouve  sur  la  mémoire  d'Olivier  de  Serres  quelques  taches  de 
sang. 

Il  s'agit  du  siège  de  Villeneuve-de-Berg  par  les  protestants,  en 
1573,  et  du  massacre  qui  eut  lieu  à  sa  suite  sur  la  personne  de  nom- 
breux catholiques   et  d'une  trentaine  de  prêtres  qui   s'y  trouvaient 


144  OLIVIER    DE    SERRl.S    HT    LES    .MASSACRES 

réunis  en  svnode.  L'histoire,  en  relatant  ce  triste  épisode  de  nos 
discordes  religieuses,  y  mêle  le  nom  d'Olivier  de  Serres  et  rejette 
sur  lui,  en  grande  partie  du  moins,  la  responsabilité  du  sang  versé. 
Cette  souillure  n'était  pas  sans  causer  quelque  ennui  aux  admira- 
teurs du  grand  agronome.  iM.  Vaschalde  a  voulu  les  délivrer  de  ce 
cauchemar,  et  pour  y  parvenir  plus  ellicacement,  au  lieu  de  s'arrêter 
à  des  demi-mesures,  comme  avaient  fait  avant  lui  tous  les  auteurs 
qui  s'étaient  amusés  à  disculper  Olivier  en  atténuant  sa  participa- 
tion au  meurtre  de  ses  concitoyens,  ou  en  détournant  sur  un  autre  la 
responsabilité  de  ce  fait  odieux,  il  coupe  court  à  toute  difliculté  et 
tranche  la  question  d'une  manière  absolument  radicale,  en  décré- 
tant que  le  fait  même  du  massacre  qui  lui  est  imputé  n'a  pas  eu  lieu, 
que  c'est  là  une  noire  calomnie,  une  fable  ridicule  inventée  après 
coup,  probablement  par  les  Jésuites  ou  par  quelque  écrivain  de  leur 
école,  jaloux  de  la  gloire  du  grand  homme. 

\'raiment,  cela  nous  a  paru  un  peu  fort  !  et  c'est  ce  qui  nous  a  mis 
la  plume  à  la  main.  Que  chacun  demeure  responsable  de  ses  œuvres, 
et  n'allons  pas,  sous  prétexte  d'enrichir  notre  galerie  d'illustrations 
sans  tache,  faire  de  violentes  entorses  à  l'histoire. 

Il  nous  est  impossible  de  souscrire  aux  procédés  historiques  et  aux 
conclusions  optimistes  de  M.  Vaschalde.  Nous  allons  dire  pourquoi. 
Mais,  auparavant,  pour  élucider  la  question,  il  nous  parait  utile  d'en- 
trer dans  quelques  détails  préliminaires. 


Et  d'abord,  pour  que  l'on  ne  nou.s  accuse  pas  de  dénigrer,  de 
parti  pris,  la  mémoire  d'Olivier  de  Serres,  nous  distinguerons  en 
lui  l'agronome  et  le  sectaire  prolestant.  De  l'agronome  nous  dirons 
seulement,  et  sans  approuver  les  exagérations  de  certains  éloges, 
d'un  culte  poussé  jusqu'à  l'apothéose,  qu'il  a  laissé  bien  loin  der- 
rière lui  tous  les  auteurs  qui  avaient  traité  avant  lui  de  la  culture  des 
champs  ;  que  par  son  Théâtre  d'agriculture  il  a  rendu  de  réels  ser- 
vices à  son  pays,  et  que  c'est  à  juste  titre  qu'on  lui  a  donné  le  nom 
de  Père  de  l'agriculture  française 

Nous  nous  occuperons  exclusivement  du  sectaire  ;  nous  cherche- 
rons à  établir  qui  a  dit  vrai,  ou  de  ses  apologistes  qui  veulent  à  tout 
prix,  et  à  l'aide  de  leurs  légendes,  le  donner  comme  un  homme 
«  toujours  pacifique  »,  «  complètement  étranger  aux  massacres  de 


DU    2    MARS     1573    A    VILLENEUVE-DE-BERG.  I45 

Villeneuve  »,  «  ayant  les  mains  pures  de  sang...  »,  ou  de  la  tradi- 
tion et  de  l'histoire  qui  nous  le  montrent,  au  contraire,  comme  pre- 
nant part,  d'une  manière  plus  ou  moins  directe,  mais  certaine,  aux 
événements  qui  ensanglantèrent  sa  ville  natale. 

Villeneuve-de-Berg,  patrie  d'Olivier  de  Serres,  a  joué  un  rôle  im- 
portant durant  les  guerres  religieuses  des  XW  et  XVII^  siècles.  Sa 
position  sur  deux  routes  qui  s'y  croisaient,  en  faisait  comme  la  clef 
du  pays.  De  là  on  pouvait  facilement  surveiller  les  mouvements  de 
l'ennemi,  diriger  les  troupes  de  secours  dans  toutes  les  directions  ; 
aussi  les  chefs  protestants  en  fîrent-ils  comme  leur  quartier  général, 
leur  principale  place  forte  et  le  boulevard  de  leur  domination  dans  le 
bas  Vivarais  ;  et  ils  en  furent  les  maîtres  pendant  près  d'un  demi- 
siècle  (de  1562  à  162  ij;  sauf  l'interruption  de  quelques  mois  (d'oc- 
tobre 1572  au  2  mars  1573),  qu'elle  passa,  sous  M.  de  Logères,  au 
pouvoir  des  catholiques.  Sa  possession  était  donc  pour  les  protes- 
tants d'une  importance  capitale,  et  l'on  comprend  combien  ils  de- 
vaient tenir  à  la  conserver. 

Le  protestantisme  s'établit  de  bonne  heure  à  \'illeneuve-de-Berg. 
Nous  savons  qu'avant  1561,  le  nombre  de  ses  adhérents  y  était  déjà 
considérable,  puisqu'à  cette  époque  ils  avaient  déjà  par  trois  fois  en- 
voyé à  Nîmes  des  délégués,  dans  le  but  d'obtenir  un  ministre  ;  mais 
sans  pouvoir  y  réussir,  à  cause  de  la  rareté  d'iceiix.  Ce  ne  fut  que  le 
15  mars  1561  qu'ils  purent  en  obtenir  un  de  Genève,  grâce  au  con- 
cours très  actif  d'Olivier  de  Serres,  comme  nous  le  dirons  en  son 
lieu.  Les  efforts  et  le  zèle  de  ce  ministre  portèrent  leurs  fruits  ;  car 
cette  ville  tomba  totalement  en  leur  pouvoir  au  mois  de  décembre 
1562.  Nous  disons  totalement,  car  déjà  elle  leur  appartenait  morale- 
ment: les  principaux  habitants,  les  licenciés,  docteurs  en  droits,  no- 
taires... étaient  protestants;  Jacques  d'Arcons,  beau-père  d'Olivier, 
les  d'Olby,  les  Mercoirol,  les  Perrotin  et  autres,  qui  signèrent  l'acte 
de  remise  des  vases  sacrés,  l'étaient  aussi  ;  nombre  de  catholiques 
versaient  dans  le  protestantisme,  attirés  par  la  nouveauté  et  par  la 
morale  facile. 

Le  Pradel,  demeure  d'Olivier  de  Serres,  était  situé  au  nord-est  de 
"Villeneuve  et  à  quatre  kilomètres  environ  de  distance.  C'était  un 
château  fortifié  avec  tours,  ayant  de  hautes  murailles  hors  d'é- 
chelles, de  bonnes  guérites,  une  très  bonne  porte,  et  tout  autour  un 
fossé  plein  d'eau.  Ce  château  a  joué  un  rôle  important  dans  les  guer- 
res de  l'époque.  Le  5  mars  162  i,  il  fut  pris  par  les  troupes  de  Mont- 

BuLL.  IX,  1889.  11 


"I'4Ô  OLIVIER    DE    SERRES    ET    LES    MASSACRES 

morency.  remis  le  7  janvier  1623,  à  Daniel,  fils  aîné  d'Olivier  de 
Serres,  avec  ordre  d'abattre  les  nouvelles  fortifications  que  les  ca- 
tholiques y  avaient  ajoutées.  En  mars  1628,  il  avait  été  remis  en  état 
de  défense,  et  le  duc  de  \'entadour  vint  l'assiéger  avec  quatre  mille 
hommes,  cent  chevaux  et  quatre  pièces  de  canon.  La  défense  fut  vi- 
goureuse: il  ne  se  rendit  que  le  quatrième  jour  du  siège,  après  avoir 
essuyé  soixante-huit  coups  de  canon.  Le  seigneur  du  Pradel,  qui  y 
commandait,  en  sortit  avec  son  enseigne  et  son  sergent  Perrotin, 
l'épée  au  côté,  et  vingt  soldats  sans  armes.  Cette  fois,  le  château  fut 
pillé  et  rasé  ;  il  n'en  resta  qu'une  tour  et  quelques  pans  de  murs. 
Daniel  de  Serres  édifia  plus  tard  sur  ses  ruines  les  bâtiments  qui 
existent  aujourd'hui. 

Tout  cela  démontre  clairement  que  les  seigneurs  du  Pradel  n'é- 
taient pas  étrangers  à  l'art  de  la  guerre,  lis  n'auraient  pas  éié  de 
leur  temps. 

Ce  fut  dans  ce  château  que  naquit  Olivier  de  Serres,  l'an  1539.  11 
perdit  son  père  à  l'âge  de  sept  ans,  fit  de  très  bonnes  études  à  ^'a- 
lence,  disent  quelques-uns  ;  mais,  plus  probablement  à  Toulouse, 
où  les  avocats  du  baillage  devaient  faire  leur  cours  de  droit.  Dès 
l'âge  de  vingt  et  un  ans,  dit  M.  Eugène  Villard,  son  instruction,  son 
intelligence  le  désignaient  comme  le  conseil  et  le  chef  du  parti  cal- 
viniste à  Villeneuve.  M.  'V'aschalde  nous  le  présente  comme  «  en 
étant  un  ardent  soutien  ».  Au  fond,  il  en  était  le  chef  civil,  religieux 
et  militaire  :  sa  présence  à  Privas,  son  souci  des  églises  réformées, 
les  exhibitions  de  comptes,  ses  appels  aux  troupes,  etc.,  nous  le 
montrent  comme  le  président  du  conseil,  avec  les  portefeuilles  des 
finances,  des  cultes,  de  la  guerre.... 

En  février  1561,  à  l'âge  de  vingt-deux  ans,  il  était  diacre  dans 
l'église  de  Berg.  11  fut  député  pour  aller  chercher  un  ministre  à  Ge- 
nève, et  voici  comment  il  raconte  lui-même  sa  mission  : 

;<  Premièrement,  Dieu  par  sa  miséricorde  toucha  le  cœur  de  plu- 
»  sieurs  de  la  présente  ville,  de  s'employer  à  son  service.  Et  pour 
»  ce  fayre  feust  délibéré  par  eux  en  nos  assemblées  de  fayre  li»utc 
»  diligence  à  recouvrer  un  ministre,  po''.  lequel  a\oyr  envoyâmes  à 
»  Nismes  par  trois  fois,  prétendant  y  en  trouver  là  quelqu'un.  Mais 
»  ne  feust  possible  â  cause  de  la  rareté  d'iccux.  au  regard  des  requc- 
»  rants  ;  quoy  voyant,  le  dimanche  quatre  janvier  13O1,  après  la 
»  prière  faite  en  playne  assemblée  d'homes,  les  fèmes  retirées,  feust 
»  arresté  et   délibéré  envoyer  â   Genève  po''.    fa\  rc  tous  nos  efforts 


DU    2    .MARS     1573    A    VILLENEUVE-DH-BERG.  I47 

»  d'être  provisez  ;  po'.  quoy  fayre,  je  lus  député  et  esleu  et  po''.  ce 
»  me  délivrèrent  lettres  escriptes  en  leur  nom  et  argent  (duquel  à 
»  mon  retour  leur  en  rendis  compte  et  preste  le  reliquaj.  Et  estre 
»  arrivé  audit  Genève,  présentai  les  lettres  à  la  compagnie  de  mes- 
»  sieurs  les  ministres,,  assemblés  dans  le  logis  de  mons''  Calvin,  et 
»  les  suppliys,  au  nom  de  notre  église,  nous  pourvoir  d'un  fidèle  mi- 
«  nistre  po^  enseigner  1-a  parole  de  Dieu.  « 

Quel  ton  convaincu,  quel  air  confit...,  presque  édifiant  !... 

Le  ministre  fut  accordé;  mais  Olivier  ne  put  l'amener  avec  lui.  Un 
mois  après,  on  députe  Jean  Tichet  avec  deux  chevaux,  qui  cette  fois 
amène  le  ministre  Béton,  sa  femme  et  sa  fille;  ils  arrivent  au  Pradel 
le  quinze  mars  1561  ;  Olivier  les  loge,  fait  les  avances  du  voyage, 
nourrit  le  ministre  et  sa  famille  jusques  au  quinze  août  suivant,  pour 
la  nourriture  duquel  il  réclamera  plus  tard  quarante-cinq  livres. 

De  plus,  il  fait  des  avances  pour  l'entretien  du  ministre,  de  sa 
femme,  de  sa  fille,  pour  leur  logement  dans  sa  maison  de  Ville- 
neuve ;  il  envoie  des  hommes  à  Nimes,  à  .Vubenas  ;  le  ministre  à 
Privas,  etc.,  etc.  Ses  comptes,  dans  lesquels  il  n'oublia  ni  les  sols, 
ni  les  deniers,  s'élevèrent  à  la  somme  de  deux  cent  soixante  et  dix 
sept  livres,  19  sols,  i  denier  (i). 

Qu'on  dise  après  cela  qu'il  n'était  pas  zélé  protestant  !  Ses  exem- 
ples, ses  conseils,  ses  rapports  fréquents  avec  le  ministre,  une  pro- 
pagande active  organisée  en  commun,  les  prédications  :  tout  devait 
contribuer  à  faire  de  nombreux  prosélytes  et  à  enraciner  profondé- 
ment le  calvinisme  parmi  les  habitants  de  Villeneuve-de-Berg.  Ses 
résultats  le  prouvent  :  deux  ans  ne  sont  pas  encore  écoulés  depuis 
l'arrivée  du  ministre,  que  les  protestants  deviennent  maîtres  de  la 
ville,  prennent  les  rênes  du  gouvernement,  s'emparent  des  vases  sa- 
crés et  autres  richesses  de  l'église  paroissiale  ;  le  clergé  de  Ville- 
neuve dut  s'estimer  heureux  de  pouvoir  célébrer  encore  les  olfices 
dans  l'église  dévastée.  Ceci  se  passait  en  décembre  1562. 

Cette  prise  de  possession  de  la  ville  ne  dut  pas  coûter  de  grands 
efforts,  les  protestants  ayant  déjà  la  majorité  dans  les  délibérations, 
ou  sachant  s'en  passer  au  moyen  de  leurs  notaires  dévoués  :  les 
Barbery,  les  Tailhand,  les  Sabatier  et  autres.  Ce  n'était  pas  l'hôtel- 
de-ville  qui  gouvernait,  mais  l'hôtel  d'Olivier  de  Serres. 

Fit  dix  ans  se  passèrent  ainsi  sans  incidents  :  la  paix  semblait  ré- 
gner entre  les  protestants  et  les  catholiques. 

Il  Vaschalor,  Olivier  de  Serres,  p.  ^.:|. 


148  OLIVIER    DE    SERRES    El     LES    MASSACRES 

Cependant,  par  ordre  du  roi  Charles  IX,  en  octobre  1572,  M.  de 
Logères,  gouverneur  de  Viviers,  vint  prendre  possession  de  Ville- 
neuve sans  coup  férir.  Baron,  qui  en  était  le  gouverneur,  se  retira  à 
Mirabel  avec  ses  soldats  et  les  principaux  protestants,  non  sans  dé- 
pit ;  et  là,  ils  ne  cessèrent  de  s'occuper  des  moyens  de  reprendre  la 
ville. 

M.  de  Logères,  homme  modéré  et  prudent,  sut  maintenir  l'ordre 
et  inspirer  la  confiance,  même  aux  protestants.  Le  culte  catholique 
fut  rétabli,  reprit  quelque  splendeur,  et  la  tranquillité  devint  telle  que 
le  clergé  du  diocèse  crut  pouvoir  s'}-  réunir  en  s\node,  pour  aviser 
aux  moyens  de  subvenir  aux  besoins  spirituels  et  temporels  du  dio- 
cèse, et  en  particulier  d'arrêter  les  progrès  de  l'hérésie  dans  les  limi- 
tes du  possible.  La  réunion  ne  fut  pas  nombreuse,  à  cause  des 
dangers  que  présentait  le  voyage,  et  aussi  à  cause  de  la  rareté  des 
prêtres  :  bon  nombre  de  paroisses  se  trouvaient  sans  pasteur  par 
suite  des  malheurs  de  cette  époque  troublée.  On  s'y  trouva  au  nom- 
bre de  trente  à  quarante. 

Mais  les  chefs  protestants  retirés  à  Mirabel,  épiant  les  occasions 
favorables,  ne  pouvaient  manquer  d'être  instruits  de  tout  ce  qui  se 
passait  à  Villeneuve  et  à  leur  encontre.  Olivier  de  Serres,  dans  son 
château  de  Pradel,  situé  à  égale  distance  de  Villeneuve  et  de  Mirabel 
avec  lesquels  il  avait  des  rapports  journaliers,  était  le  mieux  à  même 
d'être  bien  renseigné,  et  peut-être  le  plus  impatienta  supporter  l'état 
de  choses  actuel.  Aussi  l'histoire  nous  le  montre-t-il  comme  l'agent 
le  plus  dévoué  et  le  plus  actif:  c'est  lui  qui  par  ses  sollicitations  pres- 
santes entraine  presque  malgré  lui  le  capitaine  Baron,  qui  objectait 
toujours  les  difficultés  de  l'entreprise;  c'est  lui  qui  fait  appel  aux 
chefs  protestants  des  environs  et  inspire  à  tous  la  confiance  et  le 
courage. 

Tout  est  prêt  pour  l'attaque.  Dans  la  nuit  du  2  mars  157s,  ils 
viennent  mettre  le  siège  devant  la  ville.  Les  catholiques  sont  sur 
leurs  gardes  ;  mais,  par  la  trahison  d'un  ouvrier  serrurier,  les  pro- 
testants pénètrent  dans  la  ville,  surprennent  la  troupe,  qu'ils  passent 
au  fil  de  l'épée,  et  massacrent  les  catholiques  qui  se  rencontrent  de- 
vant eux.  Les  prêtres  du  synode  s'étaient  réfugiés  dans  l'église:  leur 
découverte  ranime  la  fureur  des  religionnaires  ;  les  uns  sont  égor- 
gés sur-le-champ,  d'autres  horriblement  mutilés,  et  tous  sont  mas- 
sacrés sans  qu'il  en  reste  un  seul,  et  leurs  cadavres  sont  jetés  dans 
des  puits.  Les  protestants  pillent  ensuite  l'église  et  achèvent  de  dé- 


DU    2    MAr<S     [573    A    VILLENEUVE-DE-BERG.  I49 

truire  ce  qui  restait  encore  des  antiques  sanctuaires,  après  les  rava- 
ges exercés  sur  eux  dix  ans  auparavant  (\). 

«  Parmi  les  sièges  soutenus  par  Villeneuve-de-Berg,  dit  M.  Vas- 
»  chalde,  celui  du  2  mars  1573  est  celui  qui  a  laissé  les  plus  cruels 
«  et  les  plus  douloureux  souvenirs.  » 


II 

C'est  ici  que  l'apologiste  d'Olivier  de  Serres  entre  en  campa- 
gne et  part  en  guerre  contre  tous  les  ennemis  et  détracteurs  de 
la  réputation  de  son  héros.  11  commence  par  révoquer  en  doute 
le  massacre  des  prêtres  a  réunis,  dit-il,  en  synode,  d'après  quel- 
ques auteurs  »,  insinuant  ainsi  que  d'autres  historien  ont  bien  pu 
contester  l'existence  du  synode.  Mais  où  sont-ils  ?  Il  ne  les  indi- 
que pas.  Il  pose  ensuite  la  question  en  ces  termes  :  «  Olivier  fut-il 
l'instigateur  de  ces  hon-ibles  massacres,  ainsi  que  le  dit  une  tradi- 
tion mensongère?  «  —  Et  il  donne  immédiatement  la  réponse  :  «  La 
vie  entière  de  cet  homme  et  son  œuvre  protestent  contre  cette  infâme 
calomnie.  » 

Ce  que   nous  connaissons  de   la   vie  d'Olivier  comme   protestant 
tend  à  prouver  précisément  le  contraire.  Ce  n'est  pas  par  de  sembla 
blés  paradoxes  que  M.  Vaschalde   réussira  à  détruire  une  aussi  in- 
fâme calomnie. 

Il  continue  :  «  Deux  chroniqueurs,  de  Thou  et  d'Aubigné,  sont 
»  invoqués  par  ses  ennemis  pour  soutenir  cette  terrible  accusation. 
»  Le  premier  parle,  d'après  Jean  de  Serres,  d'un  capitaine  Pradel  ; 
»  mais  est-il  certain  que  de  Thou  ait  voulu  désigner  l'auteur  du 
»  Théâtre  d'agriculture?  Il  connaissait  bien  Olivier,  puisqu'il  l'ap- 
»  pelle  ailleurs  Serranus,  de  Serres  ?  » 

Tout  le  monde  sait  que,  sous  l'ancien  régime,  les  gens  de  petite  no- 
blesse, comme  étaient  la  plupart  des  chefs  militaires  de  ce  temps-là, 
avaient  deux  noms  :  celui  de  leur  famille  et  celui  de  leur  fief,  et  que 
les  historiens,  surtout  au  XVL  siècle,  les  désignent  indifféremment 
par  l'un  ou  par  l'autre.  Lorsque  de  Thou  parle  d'Olivier  de  Serres, 
il  l'appelle  tantôt  Serranus,  tantôt  Pradelius,  et  pour  quiconque  exa- 
mine de  sang  froid  et  sans  parti  pris  ce  passage  de  Thistorien  pro- 
testant,  il   ne  peut  voir  dans  cette  dernière  expression   autre  chose 

fi)  MoLLiER,  Recfieiçhes  historiques  sur  Villeneuve-de-Berg,  pp.    i  18-127. 


150  OLIVIER    DE    SERRES    ET    LES    MASSACRES 

que  le  seigneur  du  Pradel.  Il  faut  avoir  bien  envie  de  faire  triompher 
un  système,  pour  le  soutenir  au  prix  d'une  aussi  grossière  chicane. 
Et  d'où  viendrait,  s'il  vous  plaît,  ce  capitaine  Pradel  qui  apparaît 
tout  à  coup  sur  la  scène  comme  un  chef  connu  et  accepté  de  tout  le 
monde,  si  ce  n'était  Olivier  de  Serres  en  personne  ?  Pourrait-on 
croire  qu'un  inconnu  ou  un  étranger  eut  eu  le  crédit  de  se  faire  re- 
connaître et  de  se  faire  obéir  par  des  troupes  qui  avaient  précisément 
pour  chef  le  personnage  le  plus  influent  et  le  plus  considérable  du 
pays,  qui  était  en  même  temps  le  plus  actif  et  le  plus  zélé  de  la  con- 
trée pour  la  cause  protestante  ?  Mais  poursuivons  : 

«  Quant  à  d'Aubigné,  ajoute-t-il,  ce  n'est  que  dans  la  2"  édition 
»  de  son  Histoire  universelle  (1626J  qu'on  trouve  une  accusation  for- 
»  melle  contre  Olivier  de  Serres.  Voilà  le  seul  témoignage  qui  puisse 
»  être  invoqué  contre  Olivier  de  Serres  ;  mais  quel  témoignage  ! 
>)  Celui  d'un  historien  très  souvent  convaincu  d'erreur,  qui  dans  une 
»  première  édition  passe  le  nom  d'Olivier  sous  silence,  et  qui  dans 
»  la  suivante  écrit  à  la  légère,  sans  plus  d'explication,  un  fait  inconnu 
»   à  tous  ses  contemporains.  » 

Comme  on  le  voit,  M.  Vaschalde  fait  bon  marché  des  historiens 
dont  le  témoignage  contrarie  ses  théories  humanitaires.  Pour  lui, 
d'Aubigné  n'était  qu'un  écrivain  distrait  et  aveuglé  par  l'esprit  de 
parti.  Pourtant,  d'Aubigné  jouit  d'un  certain  crédit,'  comhie  histo- 
rien, dans  le  monde  savant,  et  de  plus  il  était  protestant  :  double 
présomption  qui  nous  permet  d'accepter  avec  confiance  tout  ce  qu'il 
pourra  nous  dire  sur  un  coreligionnaire  qui  a  été  presque  son  con- 
temporain. .\vait-il  le  moindre  intérêt  à  le  noircir?  Tout  au  con- 
traire. Qu'il  ait  inséré  dans  la  seconde  édition  de  son  ouvrage  le 
nom  d'Olivier  de  Serres,  qu'il  avait  omis  dans  la  première,  il  n'y  a 
rien  là  que  de  tout  naturel,  et  on  ne  voit  pas  quelle  induction  on 
pourrait  raisonnablement  en  tirer  contre  la  véracité  de  l'auteur.  D'or- 
dinaire, une  seconde  édition  est  plus  complète  que  la  première. 

Après  avoir  récusé  les  historiens  contemporains,  M.  Vaschalde  fait 
appel  aux  auteurs  modernes,  plus  dignes  de  foi  probablement.  Le 
premier  cité  est  François  de  Neufchâteau  qui  dans  un  discours  so- 
lennel, prononcé  le  18  septembre  180^,  cherche  à  disculper  Olivier 
du  massacre  en  supposant  que  le  nom  du  capitaine  Pradel,  dont  il 
est  question  dans  de  Fhou,  doit  s'appliquer  à  quelque  parent  d'Oli- 
vier, mais  non  à  lui.  "  Que  ce  soit  son  père,  dit-il,  ou  un  autre,  j'y 
»  consens  ,  mais   qu'on  n'impute  pas  à  Olivier  de  Serres,  sur  une 


DU    2    MARS     157^    A    VILLENEUVE-DE-BERG.  I5I 

)'  équivoque  de  nom,  un  fait  incompatible  avec  tout  ce  qu'on  sait  de 
»  lui  d'une  manière  plus  précise.  » 

L'esprit  de  système  égare  notre  orateur  officiel.  Il  ne  saurait  être 
question  ici  du  père  d'Olivier,  puisqu'il  était  mort  vingt-sept  ans 
avant  le  massacre.  Plus  loin,  François  de  Neufchàteau  interprète  et 
résume  ainsi,  en  quelques  mots,  le  principal  passage  de  de  Fhou  : 
»  De  Thou  parle  d'un  capitaine  Pradei,  ou  la  Pradelle  (en  latin  Pra- 
»  delà),  lequel  en  1573  exerça  sur  les  prêtres  d'un  synode  du  Viva- 
»  rais  les  représailles  du  massacre  de  la  St-Barthélemy.  » 

Ainsi,  à  première  vue  des  faits  accomplis  dans  la  sanglante  journée 
du  2  mars,  l'impression  de  Neufchàteau  a  été  de  voir  dans  Pradela 
«  l'auteur  de  la  surprise  de  "Villeneuve  »,  l'exécuteur  principal  des  re- 
présailles. II  en  est  tellement  convaincu  qu'il  ne  peut  se  résoudre  à 
reconnaître  l'agronome  dans  ce  personnage.  «  Le  capitaine  Pradei 
»  ne  peut  être  notre  Olivier,  dit-il;  il  y  a  là  une  équivoque  denom.  » 

Quelque  temps  après,  sur  la  juste  observation  de  M.  de  Labois- 
sière  et  l'autorité  de  d'Aubigné,  dont  il  ne  récuse  pas  le  témoignage, 
lui,  il  reconnaît  forcément  l'identité  des  deux  noms,  et  en  habile 
avocat  il  changera  de  système  ;  il  fera  tomber  la  responsabilité  des 
massacres,  non  sur  Olivier,  qui  est  le  capitaine  Pradei,  mais  sur 
Baron,  tout  à  l'heure  personnage  secondaire  et  maintenant  person- 
nage principal. 

Toutefois,  l'ex-ministre  du  Directoire  ayant  reconnu  pleinement 
son  erreur,  en  fait  amende  honorable  dans  une  note  insérée  dans  le 
second  volume  du  Théâtre  d'agriculture,  dont  il  a  été  le  dernier  édi- 
teur. «  Je  dois  convenir  que  je  me  suis  trompé,  dit-il,  parlant  de  la 
fausse  interprétation  donnée  par  lui  au  nom  de  Pradei  ;  ce  n'est  pas 
l'aveu  qui  me  coûte  ;  la  vérité  doit  passer  avant  tout.  »  Tournant 
ainsi  ses  batteries  contre  le  grand  homme  dont  il  s'était  constitué 
le  panégyriste,  François  de  Neufchàteau  devient  dès  lors  un  témoin 
à  charge,  et  la  légende  des  deux  Pradei  étant  désavouée  par  son 
propre  inventeur,  tombe  par  là  même  au  rang  des  fables  bien 
constatées. 

Mais  cela  n'empêcha  pas,  en  1858,  le  pseudonyme  Reisnes,  ora- 
teur officiel  envoyé  à  Villeneuve  par  la  préfecture  de  l'Ardèche  et  par 
le  ministre  de  l'agriculture  de  l'Empire,  de  rééditer  cette  bourde  au 
pied  de  la  statue  qui  allait  être  érigée  à  Olivier  de  Serres  sur  la 
place  principale  de  sa  ville  natale.  Depuis  lors,  les  meilleurs  esprits 
s'y  sont  laissés  prendre. 


152  OLIVIER    DE    SERRES    ET    LES  MASSACRES 

Le  docteur  Francus,  dans  son  \^oyage  ju  pays  Helvien,  n'est  pas 
éloigné  d'y  croire  un  peu  :  et  nous  pouvons  lire  ce  qui  suit  dans  la 
nouvelle  Biographie  générale  publiée  par  M.  Firmin  Didot,  au  tome 
43,  article  Olivier  de  Serres  :  «  Quelle  part  prit-il  dans  les  luttes  san- 
glantes qui  désolèrent  le  Vivarais?  —  Probablement  aucune.  Une 
certaine  analogie  de  nom,  disent  MM.  Haag,  a  fait  attribuer  par 
quelques-uns  à  notre  pacifique  agriculteur  ce  que  d'Aubigné  et  de 
Thou  rapportent  d'un  capitaine  Pradelles  ou  la  Pradelle,  qui  avait 
facilité  la  reprise  de  Villeneuve  sur  les  catholiques  en  1573,  en  indi- 
quant le  moyen  de  pénétrer  dans  la  place  par  un  égoût.  » 

M.  Eugène  Villard,  dans  une  brochure  intitulée  :  Olivier  de  Serres 

et  son  œuvre,   publiée  en    1872,    s'exprime  ainsi:  « Nous   le  dé- 

»  clarons  en  toute  conscience,  les  taches  de  sang  qu'un  concours 
»  de  circonstances  fatales  a  fait  rejaillir  sur  Olivier  de  Serres 
»  n'existent  plus  à  nos  yeux.  En  l'absence  de  preuves  formelles, 
»  l'impossibilité  morale  sur  laquelle  nous  fondons  notre  jugement  ne 
»  laisse  aucune  place  à  l'incertitude  dans  notre  esprit.  Si  nous  nous 
»  trompons.  Dieu  nous  pardonnera.  L'erreur  est  sans  doute  regret- 
»  table  ;  mais  combien  plus  lorsqu'elle  condamne  que  lorsqu'elle 
»  absout  !  » 

On  le  voit,  la  foi  de  M.  Villard  en  l'innocence  d'Olivier  n'est  pas 
robuste.  L'impossibilité  morale  sur  laquelle  il  se  fonde  est  une  preuve 
bien  faible,  et  qui  n'est  pas  de  nature  à  influer  sur  l'issue  du  procès. 
Cette  nouvelle  publication  souleva  une  polémique.  Un. anonyme  que 
M.  Vaschalde  insinue  n'être  autre  que  M.  l'abbé  Mollier,  auteur  des 
Recherches  historiques  sur  Villeneuve-de-Berg ,  fit  insérer  une  réponse 
dans  VEcho  de  l'Ardèche  en  1872.  On  ne  pouvait  récuser  sa  compé- 
tence. «  Cette  polémique,  qui  dura  plusieurs  jours,  devenait  pénible 
»  pour  le  lecteur,  dit  M.  Vaschalde  avec  une  pointe  d'ironie;  et 
»  pas  plus  que  M.  Mollier,  le  critique  anonyme  n'apporta  de  preu- 
»  ves  positives  pour  détruire  la  conclusion  de  son  contradicteur,  M. 
»   X'illard.  « 

C'est  peut-être  vrai  ;  mais  il  réduisit  si  bien  à  leur  plus  simple  ex- 
pression les  preuves  de  sentiment  données  par  M.  X'iHard,  que 
celui-ci,  malgré  son  habileté  et  son  incontestable  talent,  ne  put  pas 
rétorquer  le  plus  petit  argument  et  fut  obligé  d'abandonner  le  fond 
du  débat  pour  se  rejeter  sur  des  questions  de  détail. 

La  réponse  de  l'anonyme  ne  fut  pas  sans  produire  quelques  ré- 
sultats. M.    Léon   Vcdel,    dans  son  Olivier  de  Serres  et  le  Pradel, 


DU    2    MARS     1573    A    VILLENEUVE-DE-BERG.  I53 

adopte  indirectement,  si  l'on  veut,  le  sentiment  de  l'anonyme  de 
1872,  lorsqu'il  dit  (page  35)  :  «  Avec  les  admirateurs  du  grand 
»  homme,  avec  François  de  Neufchâteau,  son  panégyriste,  avec 
»  Eugène  Villard,  le  savant  et  consciencieux  auteur  d'Olivier  de 
»  Serres  et  son  œuvre  ,  nous  eussions  voulu  croire  qu'Olivier  resta 
1)  étranger  à  ces  massacres.  Nos  efforts  ont  dû  céder  devant  l'irrécu- 
«  sabilité  des  preuves.  »  Il  cite  Jean  de  Serres,  de  Thou  et  d'Aubi- 
gné,  puis  il  ajoute  :  <(  11  faut  se  rendre  à  l'évidence,  et  cette  évidence, 
»  ce  ne  sont  pas  seulement  les  preuves  presque  matérielles  que  nous 
»  venons  d'indiquer  qui  l'imposent  ;  elle  ressort  encore  de  l'étude 
»  approfondie  de  l'époque,  du  caractère  d'Olivier,  de  la  situation  et 
»  des  entraînements  qui  sont  la  conséquence  de  cette  situation.  » 

Cette  appréciation  a  bien  sa  valeur. 

D'autres  écrivains  modernes  ont  traité  la  question  des  massacres. 
M.  de  la  Boissière,  un  des  notables  habitants  de A^illeneuve,  et  qui 
avait  pu,  par  ses  ancêtres,  avoir  des  renseignements  précis  sur  Oli- 
vier, admet  sa  participation  aux  massacres.  Son  témoignage  est 
complètement  récusé,  sous  prétexte  qu'il  se  trompe  sur  le  nom  du 
père  d'Olivier  :  il  l'appelle  Jacques,  alors  que  son  nom  était  Jean. 
Mais  ce  n'est  pas  là  le  point  contesté. 

M.  l'abbé  Mollier,  dans  ses  Recherches  historiques  sur  Villeneuve- 
de-Berg,  a  étudié  à  fond  la  question.  Il  y  traite  Olivier  de  Serres  en 
historien  impartial,  mais  nullement  en  adversaire.  Ce  chapitre  a 
valu  à  son  auteur  l'appréciation   suivante  d'un  savant  évêque,  que 

nous  n'avons  pas  le  droit  de  nommer  :  « J'ai  particulièrement  re- 

»  marqué  dans  votre  ouvrage  les  pages  que  vous  avez  consacrées  à 
»  Olivier  de  Serres.  Il  est  impossible  de  mieux  présenter  un  sujet 
))  aussi  délicat  et  qui  touche  de  si  près  aux  susceptibilités  du  patrio- 
^)  tisme.  Vous  auriez  voulu  le  trouver  innocent  ;  mais  vous  avez  dû 
»  céder  à  l'évidence  historique  ;  rien  n'est  plus  propre  à  convaincre 
»  que  cette  bienveillante  impartialité.  » 

M.  Mollier  nest  pas  mieux  traité  par  M.  Vaschalde  que  M.  de  la 
Boissière.  Il  en  est  de  même  de  Giraud-Soulavie,  de  M.  Albert  Du- 
bois :  leur  sentiment  sur  Olivier  ne  compte  plus,  dès  qu'il  est  en 
opposition  avec  celui  de  l'auteur  de  la  Vie  d'Olivier  de  Serres.  «  Nous 
>)  avons  toujours  regretté,  dit  encore  celui-ci,  au  sujet  des  articles 
»  anonymes  publiés  par  ÏEcho  de  l'Ardèche  en  1872,  de  n'avoir  pas 
»  eu  cette  à  époque  connaissance  des  documents  intéressants  que 
»  nous  avons  pu  compulser  depuis.  Aujourd'hui,  nous  croyons  être 


154  L  ABBÉ    SI.RPEILLE  , 

»  en  mesure  de  pouvoir  défendre  victorieusement  la  mémoire  d'Oli- 
»  vier  de  Serres  contre  les  terribles  accusations  de  notre  critique 
»  anonyme.  «  Mais  il  n'est  pas  autrement  question  dans  le  cours  de 
sa  dissertation  de  ces  documents  péremptoires,  découverts  heureu- 
sement par  lui.  Comment  donc  a-t-il  pu  oublier  de  les  mettre  en  œu- 
vre dans  son  argumet^tation?  Ils  eussent  assurément  entraîné  notre 
conviction,  comme  ils  ont  déterminé  la  sienne. 

CHENIVESSE. 

(Lcijtn  .m  prochain  numéro). 


L'abbé    SERPEILLE 

AUMOMER  DE  LA   MAISOX  CENTRALE  DE  POISSY 

(Suite) 


Un  état  des  prêtres  du  diocèse  de  Valence  dressé  à  l'époque  du 
Concordat  porte  ceci  :  «  M.  Serpeillc,  prêtre  de  ce  diocèse,  est  à 
Lvon  depuis  environ  un  mois  et  demi,  à  faire  une  retraite,  pour 
y  reprendre  l'esprit  de  son  état.  »  En  supposant  que  cette  liste, 
malheureusement  sans  date,  soit  du  mois  de  Juillet  1802,  époque 
où,  d'après  le  texte  de  sa  supplique,  l'abbé  Serpeille  sortait  de 
retraite,  il  a  dû  y  entrer  au  plus  tard  dans  le  courant  de  mai  pré- 
cédent. Il  ne  resta  donc  que  bien  peu  de  tenips  à  la  sous-préfecture 
de  Die,  puisque,  comme  il  nous  l'apprend  lui-même,  il  ne  quitta 
l'armée  qu'en  1801.  Une  autre  liste  du  cleri^é  de  Valence,  que 
nous  croyons  postérieure  à  la  précédente,  contient  aussi  le  nom 
de  l'abbé  Serpeille,  avec  celte  mention  :  «  Ordonne  prêtre  à  la 
Pàque  de  1790,  a  prêté  les  serments  prescrits  par  la  constitution 
civile  du  clergé  et  celui  de  liberté  et  d'égalité,  et  ne  les  a  pas 
rétractés.  Il  jouit  de  sa  pension  ecclésiastique.  » 

Nf)us  verrons  plus  loin  que  M.  Serpeille  n'eut  jamais  une  con- 
trition bien  vive  de  ses  serments,  et  qu'il  demeura  attaché  d'esprit 
et  de  cfeur  au  parti  constiiLUionnel.  du  moins  tam    que  nous  pou- 


AUMONIER    DE    POISSY.  I55 

vons  suivre  sa  trace.  Malgré  cela,  il  fut  réhabilité,  comme  tant 
d'autres,  et  réintégré  dans  les  prérogatives  et  les  fonctions  de  son 
état,  qu'il  avait  abdiquées  depuis  dix  ans.  Le  premier  poste  qui  lui 
fut  assigné  après  qu'il  eut  été  relevé  de  ses  censures  fut  la  paroisse 
de  St-Agnan-en-Vercors,  où  il  succéda  à  un  vénérable  confesseur 
de  la  foi,  M.  Antoine  Mazet,  lequel  était  revenu,  après  un  long 
exil,  au  milieu  de  ses  anciens  paroissiens;  mais,  obligé  par  ses 
intirmités  à  les  quitter  de  nouveau,  il  se  rendit  à  la  Chapelle  et  y 
mourut,  le  27  avril  i8o3  iii. 

L'abbé  Serpeille  était  à  Saint-Agnan  avant  la  mort  de  son  pré- 
décesseur; nous  avons  des  lettres  de  lui  datées  de  cette  paroisse 
des  21  et  29  avril  i8o3.  Il  a  dû  y  arriver  vers  le  commencement 
ou  aux  environs  de  pàques  de  cette  année-là.  C'est  de  cette  épo- 
que que  date  la  réorganisation  des  paroisses  et  l'installation  des 
nouveaux  curés  nommés  par  Mgr  Bécherel.  Lui-même  avait  été 
chargé  d'installer  son  archiprêtre  à  la  Chapelle-en-Vercors,  comme 
étant  le  plus  notable  et  le  plus  en  vue  des  curés  du  canton  (2). 
Une  autre  preuve  de  la  considération  dont  l'abbé  Serpeille  jouis- 
sait auprès  de  son  évêque,  c'est  le  pouvoir  d'absoudre  des  cas  ré- 
servés, dont  le  prélat  l'avait  investi.  Le  curé  de  Saint-Agnan  en 
avait  fait  la  demande  pour  un  cas  particulier  ;  l'autorisation  lui  fut 
accordée  d'une  manière  générale.  Flatté  d'une  pareille  faveur, 
l'abbé  Serpeille  s'empressa  d'en  témoigner  sa  reconnaissance  à 
Msr  Bécherel  ;  il  lui  disait  entre  autres  choses,  dans  la  lettre  de 
remerciments  qu'il  lui  adressa,  le  26  floréal  an  XI  ii6  mai  i8o3  : 
«  Sensible  autant  que  je  le  dois  à  cette   marque  de  conflance,   je 


(i)  FiLLET,  Histoire  relig.  de  St-Agnan-en-Vercors,  dans  le  Bulletin  de 
novembre-décembre  1888,  p.  69.  Une  note  que  nous  trouvons  relative  à 
l'abbé  Mazet  nous  donne  sur  ce  digne  ecclésiastique  quelques  renseignements 
qui  différent  un  peu  de  ceux  publiés  par  M.  Fillet  :  «  Antoine  Mazet,  né  au 
Monètier-de-Perc}',  âgé  de  62  ans  (en  1802),  ordonné  en  1766,  pourvu  de  la 
cure  de  St-Agnan  en  1783,  ne  s'en  est  éloigné  qu'en  1702.  Réside  à  la  Cha- 
pellc-en-Vercors.  «  , 

(2)  C'est  ce  que  nous  apprend  une  lettre  datée  du  mardi  de  la  b"  semaine 
après  la  Pentecôte  (12  juillet)  i8o'3,  par  laquelle  M.  Denys  Perrier  prévient 
Mgr  Bécherel  que  M.  Serpeille,  désigné  par  lui  pour  l'installer  dans  l'église 
de  la  Chapelle-en-Vercors,  se  trouvant  absent  depuis  le  5-"  dimanche  après 
la  Pentecôte  (on  voit  que  M.  Perrier  n'admettait  pas  le  calendrier  répu- 
blicain), il  s'est  adressé  à  .M.  Rolland,  desservant  de  St-Martin,  qui  a  rempl 
cet  office  à  sa  place. 


156  l'abbé  serpeille 

tâcherai  de  m'en  rendre  digne  par  nion  zèle  et  ma  tidélitc.  »  Il 
demandait  ensuite  ce  même  privilège  pour  un  vieux  prêtre,  son 
voisin,  qui  desservait  l'ancienne  paroisse  de  Rousset,  hameau  de 
Saint-Agnan.  «  Ce  bon  vieillard,  dit-il,  recommandahle  sous  tous 
les  rapports,  et  qui  méritait  un  sort  plus  avantageux,  avait  autre- 
fois le  pouvoir  d'absoudre  de  tous  les  cas  réservés  à  M''  l'Evèque 
de  Die  !  i  i.  » 

L'abbé  Serpeille  ne  fit  qu'un  très  court  séjour  à  Saint-Agnan  (2). 
Dès  juillet  i8o3,  il  v  était  remplacé  par  Louis-Pierre  Bosc,  ancien 
chartreux  ^i,  lequel  déclarait  à  son  évèque,  le  4  ventôse  an  XII  (24 
février  1804',  ^u'il  ne  jouissait  d'aucun  revenu  dans  cette  paroisse, 
pas  même  d'une  cure.  Son  prédécesseur  sans  doute  n'avait  pas  été 
mieux  partagé.  Celui-ci  passa  de  là  à  St-Martin,  la  plus  belle  et 
la  plus    agréable   des  communes  du  Vcrcors,    sans   en  'excepter  le 

(i)  Ce  véncrahle  prctre,  iiominc  Martin,  confesseur  de  la  foi  pendant  la 
révolution  ,  fut  demandé  pour  curé  par  les  habitants  de  Saint-.Iulien-en- 
Vcrcors,  lorsque  l'abbé  Serpeille  eut  abandonne  le  service  de  cette  annexe. 
La  lettre  adressée  à  cet  effet  à  Mgr  Béchcrcl  par  la  municipalité  de  cette 
commune  est  datée  du  i"  juillet  i8o(j. 

(2)  Il  n'existe  aucune  trace  du  passage  de  M.  Serpeille  à  Saint-Agnan  dans 
les  registres  de  cette  paroisse.  Après  un  acte  de  baptême  du  3i  octobre  1802, 
signé  Foron,  on  trouve  une  lacune  de  près  d'un  an,  jusqu'au  2  septembre  i8o'.i, 
où  figure  pour  la  première  fois  le  nom  de  M.  Bosc.  L'intervalle  qui  existe 
entre  ces  deux  dates  comprend  et  au-delà  le  pastorat  de  M.  Serpeille,  qui 
ne  fut  que  de  quelques  mois. 

(3)  L'abbé  Bosc  écrivait  de  Chabeuil  à  M.  Bisson,  le  i"  thermidor  an  XI  (20 
juillet  i8o3)  pour  le  remercier  de  sa  nomination  à  Saint-Agnan  ;  il  fut  installé 
dans  cette  paroisse  le  3o  vendémiaire  an  XII  (23  octobre  i8o3).  Nous  retrou- 
vons son  nom  sur  le  nécrologc  de  i838,  avec  la  qualification  de  prêtre  sans 
fonctions  ;  il  avait  ()b  ans.  Jean-Louis-Pierre  Bosc  était  le  frère  aine  de  Jean- 
Louis  Bosc,  mort  curé  de  Crest  en  i833,  ;t  l'âge  de  62  ans.  Nous  verrons 
l'ancien  chartreux,  en  quittant  Saint-Agnan  en  i8o(),  demander  la  cure 
d'Eurre  :  c'était  pour  se  rapprocher  de  son  frère,  qui  était  alors  curé  d'.Mlex. 
Les  abbés  Bosc  étaient  de  Châtcaudoublc,  dans  le  canton  de  Chabeuil. 

Le  nom  de  l'abbé  Bosc  se  rencontre  souvent  dans  la  correspondance  de 
M.  Serpeille,  qui  paraît  faire  peu  de  cas  de  cet  honorable  successeur.  On 
comprend  aisément  que  les  idées  de  l'ancien  chartreux  ne  cadraient  pas  très- 
bien  avec  celles  de  l'cx-compagnon  d'armes  de  Championnet.  Dans  une  lie 
ses  lettres,  celui-ci  le  charge  de  différents  griefs,  tous  assez  anodins.  Nous  ne 
citerons  de  cette  missive  que  la  phrase  suivante,  qui  caractérise  son  auteur 
sans  faire  beaucou|i  lie  mal  ii  celui  qu'elle  prétend  atteindre  :  "  Ce  qui  le 
justifie  il  mes  yeux,  dit-il,  c'est  qu'il  a  cru  sans  doute  être  encore  dans  le 
cloître,  et  on  sait  que  les  moines  en  général,  en  fait  de  vertus,  ne  connais- 
sent que  la  foi.  » 


AUMONIER    DE    POISSY.  I57 

chef-lieu  du  canton  (i)  ;  et  il  fut  installe  solennellement  dans  cette 
paroisse  le  14 vendémiaire  an  12  14  novembre  i8o3i,  par  M.  Denys 
Perrier,  curé  archiprètre  de  la  Chapelle.  La  cérémonie  se  passa 
avec  pompe,  à  en  juger  par  le  procès-verbal  qui  en  fut  dressé, 
dans  lequel  nous  reconnaissons  le  style  et  Técriture  de  Tabbé  Ser- 
peille  ;  toutefois,  c'est  Tarchiprétre  installateur  qui  est  censé  parler. 
Après  les  préambules  d'usage,  le  document  officiel  s'exprime  ainsi  : 
«  En  vertu  des  pouvoirs  que  nous  avons  reçus  de  Monsieur  Bé- 
cherel,  évêque  de  Valence,  en  date  du  14  vendémiaire  dernier  (5 
octobre)...,  nous  nous  sommes  transporté  à  St-Martin-en-Vercors, 
où  étant  arrivé,  nous  avons  exhibé  nos  dits  pouvoirs  au  dit  citoyen 
Serpeille,  nommé  desservant,  et  au  citoyen  maire,  desquels  ce  der- 
nier nous  a  donné  acte.  —  Ensuite  nous  nous  sommes  rendu  à 
l'église  avec  le  citoyen  Serpeille,  pour  l'installer  desservant  de  la 
dite  succursale,  accompagné  des  citoyens  François  Michel,  Joseph 
Bellier  et  André  Arnaud,  témoins  à  ce  requis.  Revêtus  chacun 
d'un  surplis  et  d'une  étole,  nous  sommes  entrés  dans  l'église  par  la 
porte  principale  et  nous,  désigné  par  Monsieur  Bécherel,  évéquc 
de  Valence,  avons  présenté  de  l'eau  bénite  audit  citoyen  Serpeille, 
et  ensuite,  nous  somnies  allés  tous  deux  au  chœur,  où,  après  avoir 
fait  notre  prière  au  pied  de  l'autel,  nous  désigné  avons  donné  lec- 
ture à  haute  voix  de  la  lettre  de  desserte  dudit  citoyen  Serpeille 
pour  ladite  succursale,  en  présence  d'un  grand  concours  de  fidèles. 
Ensuite  nous  avons  procédé  à  l'installation  dudit  citoyen  Serpeille, 
et  après  avoir  imploré  l'assistance  du  St  Esprit  par  l'hymne  Veni 
Creator,  le  verset  et  l'oraison,  nous  l'avons  fait  monter  à  l'autel 
qu'il  a  baisé  ;  ensuite  il  a  ouvert;  le  tabernacle  et  touché  les  vases 
sacrés  y  renfermés  ;  puis  nous  lui  avons  fait  sonner  la  cloche  ;  en- 
suite à  la  chaire,  où  il  s'est  assis  ;  de  là  aux  fonts  baptismaux,  que 
nous  lui  avons  fait  toucher,  ainsi  que  les  vases  contenant  les  sain- 
tes huiles  pour  le  baptême  ;  puis  au  confessionnal,  où  il  s'est  assis; 
de  là  au  lutrin  que  nous  lui  avons  fait  toucher;  enfin  à  son  (sic/ 
stalle,  où  il  s'est  assis.  Ensuite  nous  l'avons  conduit  dans  la  sa- 
cristie, dont  il  a  été  mis  en  possession  par  la  remise  des   clefs  de 

(i)  Le  village  de  St-Martin-en-Vercors  est  agréablement  situé  au  milieu  de 
riantes  prairies,  à  deux  kilomètres  du  débouché  de  la  route  des  Goulets  sur 
la  vallée  du  Vercors,  et  à  10  kilomètres  au  nord  de  la  Chapelle;  il  présente 
une  agglomération  presque  aussi  considérable  que  ce  chef-lieu.  La  population 
totale  de  la  paroisse,  qui  était  autrefois  de  1,200  âmes,  n'est  plus  mainta- 
nant  que  d'environ  1,000  habitants. 


158        •  l'abbé  serpeii.lk 

ladite,  et  des  coffres  et  armoires  contenant  les  vases  sacrés,  linges, 
ornements,  etc.  appartenant  à  l'église...  « 

Grtlce  à  un  volumineux  dossier  de  lettres  dont  Tabbé  Serpeille 
a  enrichi  les  archives  de  Tévêché,  nous  pouvons  le  suivre  pour 
ainsi  dire  pas  à  pas  à  St-Martin.  Lui-même  nous  y  initie  aux  se- 
crets de  son  administration  et  à  la  plupart  de  ses  faits  et  gestes  ; 
nous  y  trouvons  non-seulement  les  annales  de  son  pastoral,  mais 
encore  celles  du  pays  tout  entier;  il  nous  renseigne  sur  toutes  les 
affaires  grandes  ou  petites  qui  s'agitaient  alors  dans  le  Vercors,  et 
dont  il  était  lui-même  le  principal  instigateur.  Esprit  actif  et  entre- 
prenant, fécond  en  ressources,  plein  de  souplesse  et  d'habileté,  il 
dominait  de  toute  sa  hauteur  ses  modestes  confrères  du  Vercors,  sans 
excepter  son  archiprctre,  M.  Perrier,  qui  avait  cependant  sur  lui  le 
grand  avantage  d'avoir  été  fidèle  aux  jours  de  l'épreuve.  L'abbé  Ser- 
peille, en  un  mot,  était  l'homme  important  du  canton,  et  c'était  lui 
qui  en  était  le  véritable  archiprètre.  Par  une  active  correspondance, 
il  tenait  l'cvcché  au  courant  de  tout  ce  qui  se  passait  dans  le  pays, 
et  le  renseignait  exactement  et  promptement  sur  les  hommes  et  les 
choses.  Quant  à  la  façon  dont  il  faisait  marcher  sa  paroisse  et  ses 
paroissiens,  elle  n'était  rien  moins  qu'onctueuse,  et  se  ressentait 
fort  de  ses  anciennes  habitudes  militaires  et  de  ses  allures  cavaliè- 
res. On  Jugera  plus  aisément  de  la  toui-hure  d'esprit  et  de  la  ma- 
nière de  faire  de  l'abbé  Serpeille  par  quelques  extraits  de  sa  cor- 
respondance ,  avec  laquelle  on  pourrait  écrire  quelques  beaux 
chapitres  pour  servir  de  supplément  à  l'histoire  du  Vercors. 

En  homme  avisé,  le  curé  de  St-Martin  comprit  qu'il  lui  impor- 
tait d'avoir  de  bonnes  relations  avec  l'évêché,  et  d'y  entretenir  des 
amitiés  utiles.  Nous  avons  vu  la  note  sèche  ajoutée  par  l'abbé  Bis- 
son  ,  secrétaire  épiscopal,  à  la  supplique  présentée  par  l'abbé 
Serpeille  au  nonce.  Evidemment,  à  cette  date,  ces  deux  hommes 
ne  s'étaient  pas  encore  ouverts  l'un  à  l'autre  ;  mais  du  moment  <:)ù 
ils  se  connurent,  ils  se  comprirent  et  se  rencontrèrent  dans  une 
parfaite  communauté  d'idées  et  de  sentiments.  L'abbc  Bisson, 
comme  Tabbé  Serpeille,  avait  sacrifié  aux  circonstances  pendant  la 
révolution,  et  comme  lui  il  était  demeuré  attaché  de  cœur  à  un 
parti  où  il  avait  été  autrelois  quelque  chose    i).  Dès  lors,  ces  deux 

(i)  L'abbc  Bisson  avait  ctc  vicaire  cpiscnpal  de  M.  Uéciicrel  ii^  (loutances 
et  l'avait  suivi  à  Valence  lorsqu'il  en  dcvitil  évèquc  légitime.  N'oici  la  note 
pleine  de  complaisance  que  lui  consacre  l'état  du  clcrj^é  de  Valence  dressé  par 


AUMONIER    DE    POISSY.  15g 

inconnus  de  la  veille  devinrent  d'iniimes  amis  et  ne  cessèrent  d'en- 
tretenir Tun  avec  l'autre  les  rapports  les  plus  actifs  et  les  plus  cor- 
diaux. Sur  trente-cinq  lettres  que  nous  avons  de  l'abbé  Serpeille, 
nous  n'en  trouvons  que  six  qui  soient  adressées  directement  à  l'é- 
vêque  ;  toutes  les  autres  portent  pour  suscription:  .4  Monsieur 
Bisson^  chanoine  et  secrétaire  épiscopal,  à  Valence.  Les  premières 
que  nous  trouvons  sont  datées  de  Saint-Agnan,  et  ont  pour  objet 
une  promesse  que  lui  avait  faite  ce  cher  ami  de  le  prévenir  en 
temps  utile  de  l'époque  où  aurait  lieu  la  translation  à  Valence  du 
cœur  et  des  entrailles  de  Pie  VI.  L'abbé  Serpeille  la  lui  rappelait 
en  ces  termes,  le  i^'"  floréal  an  XI  121  avril  i8o3i  :  «  J'attends  tou- 
jours de  savoir  le  moment  où  se  fera  la  cérémonie  pour  le  cœur 
du  pape  Pie  six.  Vous  m'avez  promis  de  m'en  donner  avis;  j'espère 
que  vous  tiendrez  vos  engagements.  »  Hélas  !  le  secrétaire  épisco- 
pal n'avait  plus  pensé  à  sa  promesse;  la  solennité  à  laquelle  le 
curé  de  Saint-Agnan  eût  désiré  d'assister  avait  eu  lieu  près  d'un 
mois  auparavant  (le  3o  mars).  Pour  réparer  autant  qu'il  était  en 
lui  son  oubli  involontaire,  il  s'empressa  d'envoyer  à  l'abbé  Ser- 
peille, avec  ses  excuses  pour  une  si  énorme  distraction,  une  rela- 
tion circonstanciée  de  cette  magnifique  fête,  qui  avait  été  un  vrai 
triomphe  pour  la  religion  et  un  hommage  éclatant  rendu  au  Saint- 
Siège  il).  Celui-ci  lui  écrivit  de  nouveau,  le  8  floréal,  pour  lui  en 
accuser  réception.  «  Je  vous  remercie  bien,  lui  disait-il,  de  votre 
attention  à  m'envoyer  la  relation  de  la  cérémonie  qui  a  eu  lieu  à 
l'occasion  du  cœur  du    Pape,  et  je  vous  prie  de  ne  pas   m'oublier 

les  soins  de  ce  prélat  au  commencement  de  son  administration  :  «  Charles 
Bisson,  secrétaire  de  Monsieur  FEvêque,  ^l")  ans.  Parfaitement  instruit  de  tous 
les  devoirs  de  son  état,  les  remplissant  tous  avec  une  exactitude  qui  lui  mé- 
rite l'estime,  la  considération  et  le  respect  de  tous  ceux  qui  le  connaissent,  et 
la  confiance  entière  de  Monsieur  l'Evêque,  dont  il  est  le  commensal.  —  Ori- 
ginaire de  St-Pierre  de  Coutances.  —  11  a  prêté  tous  les  serments,  sans  en 
avoir  rétracté  aucun.  Etait,  avant  la  révolution,  chapelain  bénéticier  et  vicaire 
perpétuel  de  l'église  cathédrale  de  Coutances,  puis  vicaire  épiscopal  de  ce 
diocèse.»  —  Notre  secrétaire  était  le  neveu  de  Louis-Charles  Bisson,  deuxième 
évêque  constitutionnel  du  Calvados,  né  près  de  Coutances  en  1742.  Celui-ci 
fut  d'abord  vicaire  épiscopal  de  la  Manche,  et  il  céda  la  place  à  son  neveu  lors- 
qu'il fut  élu  évêque  du  Calvados,  en  1799.  L'abbé  Bisson  jeune  disparut  de  Va- 
lence en  même  temps  que  son  patron  et  rentra  dans  son  diocèse  d'origine  en 
i8t5,  époque  de  la  mort  de  Mgr  Bécherel.  Nous  ignorons  la  date  de  la 
sienne. 
(i)  Cf.  ToupiN,  Le  cœur  de  Pie  VI,  2°  édition,  p.   r33. 


i6o  l'abbé  sf.rpeille 

lorsqu'il  se  présentera  quelque  chose  de  nouveau.  Vous  pouvez 
être  persuadé  d'avance  de  l'intérêt  et  de  l'empressement  que  je 
mettrai  à  tout  ce  qui  viendra  de  votre  part.  » 

Dans  toutes  ses  lettres,  le  curé  de  St-Martin  exprime  au  secré- 
taire épiscopal  ses  sentiments  de  chaleureuse  sympathie;  les  ques- 
tions d'affaires  n'y  viennent  qu'en  sous-œuvre  :  ce  sont  surtout  les 
nouvelles  du  pays  et  les  compliments  qui  en  font  l'objet.  Toutes 
débutent  invariablement  par  cette  formule  :  Monsieur  et  ami,  ex- 
primant tout  à  la  fois  le  respect  et  l'affection.  Lorsqu'il  se  présen- 
tait quelque  occasion  pour  Valence,  l'abbé  Serpeille  ne  la  négligeait 
jamais  ;  car  alors  la  poste  coûtait  cher.  Dès  avant  son  installation 
à  St-Martin,  il  écrivait  à  son  fidèle  correspondant,  le  26  vendé- 
miaire an  XII  (19  octobre  i8o3j,  à  la  suite  d'une  lettre  d'affaires  : 
«  .le  me  félicite  de  la  circonstance  qui  me  fournit  l'occasion  de  me 
rappeler  à  votre  amitié,  et  de  vous  assurer  de  la  sincérité  des  vœux 
que  je  fais  chaque  jour  pour  votre  santé  et  celle  de  l'ami  Bouvet  (i), 
vous  embrassant  l'un  et  l'autre  de  toute  la  force  de  mes  bras.  »  — 
Au  lendemain  de  son  installation,  il  lui  écrivait  de  nouveau  :  «  Mon 
«  installation  a  eu  lieu  hier,  dimanche.  M.  le  curé  de  la  Chapelle 
«  a  été  mon  installateur.  La  cérémonie  ne  pouvait  pas  avoir  lieu, 
«  je  pense,  sous  de  plus  heureux  auspices.  Je  ne  désire  mainte- 
«  nant  que  le  plaisir  de  vous  recevoir  dans  mon  presbytère,  et  de 
«  vous  témoigner  toute  mon  amitié  et  ma  reconnaissance.  »  — 
Cette  dernière  expression  nous  autorise  à  supposer  que  ce  fui  à  la 
faveur  d'une  amitié  si  haute  que  l'abbé  Serpeille  dut  sa  translation 
de  la  cure  de  Saint-Agnan  à  celle,  plus  importante,  de  St-Martin. 
Quoiqu'il  en  soit,  il  écrivait  encore  à  l'abbé  Bisson,  au  retour  d'un 
voyage  à  Lyon,  le  4  novembre  i  S04  :  «  Un  solliciteur  de  dispense... 
me  procure  le  plaisir  de  vous  saluer,  .l'aurais  bien  désiré  me  le  pro- 
curer à  mon  retour  de  Lyon  ;  mais  le  terme  était  trop  court  pour 
faire  retour  par  Valence,  et  je  suis  arrivé  par  la  traverse,  malgré  le 
froid,  la  pluie,  la  neige,  les  rochers,  les  forêts  et  les  montagnes...» 
11  terniiinc  sa  lettre  en  l'invitant  de  nouveau  à  venir  le  voir,  puis  il 
la  clôt  par  cette  formule  expressive  :  ccTe  vous  embrasse  tuto  carde 
et  totis  viribiis.  »  Nous  trouverons  plus  loin  d'autres  efl'usions  de 
cœur  de  l'abbé  Serpeille  à  l'endroit  de   son  cher  secrétaire. 

(i)  L'abbé  Bouvet  ctail  un  prcUx-  amène  de  Normandie  par  M^r  l'éclierel  ; 
mais  il  n'a  i^uère  laissé  de  traces  de  son  séjour  à  \'alence.  11  étail  employé  au 
secrétariat. 


AUMONIER    DE    POISSY.  lÔI 

Dans  cette  niC>mc  lettre,  il  lui  raconte  qu'il  a  vu  à  Lvon  Vami 
Toiirnefort.  «  Nous  sommes  allés  ensemble,  dit-il,  chercher  un 
logement  qui  fut  tout  à  la  fois  digne  de  Monsieur  l'Evèque  et  à 
portée  de  la  métropole.  Nos  démarches  ne  furent  pas  heureuses.  » 
Nous  pensons  que  Vami  Toiirnefort^  dont  il  est  ici  question,  qui 
aidait  Tabbé  Serpeille  à  trouver  aux  abords  de  la  cathédrale  de 
Lyon  un  logement  convenable  pour  Mgr  Bécherel,  n'est  autre  que 
l'abbé  Prosper  de  Tournefort,  alors  chanoine  de  cette  métropole, 
qui  fut  depuis  vicaire  général  de  Metz  et  de  Dijon,  et  enfin  évèque 
de  Limoges  en  iSaS  (il  Ferdinand-François  de  Tournefort,  son 
frère,   était  chanoine  à  Valence    12  ,    et  l'abbé   Serpeille   cultivait 

(i)  Mgr  de  Tournefort  était  ne  à  Villes  lA'aucluse),  le  2?  décembre  lylH.  11  est 
HK.rt  dans  sa  ville  épiscopale  le  7  mars  1744.  Un  prêtre  de  son  diocèse  a 
tracé  de  lui  le  portrait  suivant  :  «  !1  était  grand,  bien  fait  ;  il  avait  une  cheve- 
lure blanche  et  abondante  ;  il  avait  des  yeux  bleus.  Il  avait  du  sérieux  et  de 
la  gaité  ;  en  lui  se  trouvaient  les  grâces,  la  simplicité  et  la  noblesse,  la  finesse 
de  l'esprit;  mais  par  dessus  tout,  la  bonté  du  c<eur.  Ses  manières  pleines  d'ai- 
sance en  donnaient  aux  autres.  11  avait  un  air  et  un  bon  goût  dans  ses  actes 
et  dans  ses  paroles,  qui  \ient  du  grand  monde  et  de  la  bonne  compagnie.  Tout 
en  voyant  en  lui  le  bon  évèque,  on  voyait  le  grand  prélat,  avec  cette  exquise 
politesse  de  l'ancien  clergé.  »  (Bei.uze,  Souvenirs  d'un  missionnaire,  page  78.) 

(2)  L'abbé  F.  de  Tournefort  avait  été  recommandé  à  Mgr  Bécherel  par  le 
ministre  des  cultes  Portalis,  qui  écrivait  au  prélat,  le  12  vendémiaire  an  XII  (5 
octobre  i8o'3)  :  «  Permettc/c-moi,  Monsieur  l'Evèque,  de  reccunniander  à  votre 
bien^■eillance  le  cit.  I-"erd.  Tournefort.  (l'est  un  es'.imable  ecclésiastique  dont 
je  connais  la  sagesse  et  la  modération.  11  sollicite  une  place  dans  votre  cha- 
pitre. Vous  m'obligerez  de  remplir  ses  vieux  à  cet  égard.  »  Mgr  Bécherel  n'é- 
tait pas  homme  à  contrarier  les  \  ues  du  ministre  des  cultes;  ses  désirs 
étaient  pour  lui  des  ordres,  comme  ceux  du  maître  qu'il  servait.  L'abbé  de 
Tournctort  fut  doric  compris  dans  la  première  promotion  de  chanoines  qui 
eut  lieu  pour  la  réorganisation,  ou  plutôt  pour  la  création  à  nouveau  et  la 
formation  ab  integro  du  chapitre  de  \'alence.  Le  19  floréal  suivant  (()  mai 
1804),  il  écrivait  de  Paris  à  l'abbé  Bisson  pour  lui  accuser  réception  de  la  no- 
titication  qu'il  lui  en  avait  faite  et  pour  l'en  remercier.  11  eu  avait  déjà  reçu 
avis  par  son  frère.  Le  nouveau  chanoine  est  noté  ainsi  qu'il  suit  dans  l'état 
du  clergé  mentionné  plus  hatu  :  "  C^et  ecclé?.iastique,  quoique  jeune  encore, 
est  plein  de  décence  et  d'esprit,  montrant  beaucoup  de  bonne  voloiué  pour  le 
bien.  D'ailleurs,  le  cit.  Portalis,  qui  l'a  recommandé,  est  plus  à  portée  de 
l'apprécier  que  personne.  Originaire  du  Comtat-Venaissin.  «  —  L'abbé  Fer- 
dinand de  Tournefort  était  né  ;i  N'illes  (Vaucluse),  le  n")  septembre  i7(")8.  Son 
nom  ne  tigure  plus  sur  les  registres  du  chapitre  à  partir  de  1824,  et  on  ne  le 
trouve  pas  sur  le  nécrologe  de  Valence  de  l'année  suivante.  Ce  fut  l'année  où  son 
frère  devint  évèque  de  Limoges  ;  ce  qui  nous  autorise  à  croire  que  celui-ci 
lliittira  auprès  de  lui  dès  son  arrivée  dans  son  diocèse.  L'abbé  F.  de  Tourne- 
fort fut  remplacé  au  chapitre  de  Valence  par  M.  Baborier,  ancien  curé  de  Die. 

Bull.  IX,  1889.  12 


lOa  t.  ABBÉ    SERPEILLE 

aussi  son  amiiié.  l.e  2  avril  i8()5,  aux  approches  des  paques,  celui- 
ci  écrivait  à  Tabbé  Bisson  :  «  Me  voici  arrivé  dans  le  moment  le  plus 
pénible  de  mes  fonctions.  Malgré  tout  le  zèle  dont  je  suis  animé, 
je  trouverais  bien  agréables  les  secours  que  m'apponcraii  un  cha- 
ritable confrère.  Je  ne  réclamerai  pas  les  vcnres  ni  'ceux  de  l'ami 
Bouvet.  Si  jamais  j'ai  le  bonheur  de  vous  voir  chez  moi.  je  ne 
veux  pas  vous  faire  partager  mes  peines;  mais  je  veux  me  battre 
les  flancs  et  me  marteler  la  lète  pour  vous  procurer  une  succes- 
sion de  nouveaux  plaisirs  .  Mais  ne  serait-il  pas  possible  que  M.  de 
Tournefort  sacrifiât  la  monotonie  de  la  plaine  et  les  bruvants  plai- 
sirs de  la  ville  pendant  quelques  jours  pdur  jouir  de  la  variété  de 
nos  vallons  modestement  parlant  et  goûter  la  douce  tranquillité 
de  la  campagne  ?  Il  m'avait  promis  de  me  visiter;  je  désirerais  bien 
qu'il  pût  remplir  sa  promesse  dans  cette  circonstance.  La  personne 
qui  porte  la  présente  ramène  un  cheval  libre,  dont  il  pourrait  pro- 
Hter  pour  venir,  et  qui  lui  servirait  dans  quelques  jours  pour  le 
reconduire...  »  —  L'année  d'après,  à  la  même  époque  (23  mars 
18061,  le  curé  de  St-Martin  priait  encore  M.  Bisson  de  le  rappeler 
au  souvenir  de  M.  Tournefort,  et  d'engager  de  nouveau  celui-ci 
à  venir  le  seconder  de  son  précieux  concours  pour  préparer  ses  pa- 
roissiens au  devoir  pascal.  «  S'il  voulait  me  faire  le  plaisir  de  pas- 
ser ici  les  fêtes  de  Pâques,  écrivait-il,  il  pourrait  proliter  du  retour 
du  voiturier  pour  envover  son  porte-manteau.  »  Malgré  ces  invi- 
tations réitérées,  nous  ne  vovons  pas  que  le  chanoine  de  Valence 
se  soit  jamais  arrache  à  la  monotonie  de  la  ville  pour  venir  con- 
templer les  beautés  du  Vercors.  11  crovaii  moins  peut-être  à  la  sin- 
cérité des  tableaux  que  lui  en  traçait  l'abbe  Serpeille  qu'à  celle  des 
sentiments  qui  les  lui  faisait  peindre  sous  de  si  séduisantes  couleurs. 
Un  troisième  personnage,  pour  lors  non  moins  important,  que 
l'abbé  Serpeille  chercha  à  attirer  dans  sa  moniague.  fm  celui  qu'il 
appelle  respectueusement  le  frère  de  Aîonscignciii-.  dette  expres- 
sion, tirée  de  l'ancien  régime,  ne  se  rencontre  pas  souvent  sous  sa 
plume    I  .    "  Kst-il  toujours  dans  l'iiiieniion  de  visiter  le  Vercors  ? 

(i)  Nous  11c  trouvons  dans  les  lettres  de  cette  époque  le  titre  de  Moiisc-ii^iiciir 
donné  a  l'cvéquc  que  par  les  anciens  pfèlres  qui  n'axaient  en  rien  ti-eiiipé  dans 
le  schisme  constitutitjnnel.  Les  autres,  scrupuleux  observateurs  des  aiticles 
organiques,  rappelaient  Monsieur  l'Evéque.  Mais  dès  nSot"),  l'ancien  usai^e 
commence  à  prévaloir,  et  à  partir  de  iSoS,  la  plupart  des  pi-ètix's,  les  consti- 
tutionnels comme  les  autres,  se  ser\eni  de  l'expression  iéprou\ée  (^ar  l'ap- 
pentlice  tlu  ('oncordat. 


AUMONIER    DE    POISSY.  163 

demandait-il  à  l'abbé  Bisson.  Je  le  désirerais  bien.  Comme  il  doit 
faire  le  voyage  de  Grenoble,  priez-le  de  ma  part  de  vous  faire 
connaître  l'époque;  vous  la  porterez  dans  votre  réponse,  et  je 
m'empresserai  de  m'v  rendre  pour  l'amener  ici  avec  toutes  les  fa- 
cilités possibles.  Je  vous  prie  de  me  rappeler  à  son  souvenir  par 
mes  compliments  les  plus  respectueux,    i     » 

En  arrivant  à  Saint-Martin .  le  nouveau  cure  trouva  toutes 
choses  dans  un  déplorable  état.  En  fait  de  logement  et  de  res- 
sources, il  n'était  pas  mieux  partagé  que  son  successeur  à  Saint- 
Agnan.  La  situation  matérielle  était  lamentable  :  les  biens,  revenus 
et  immeubles  appartenant  à  la  cure  avaient  été  aliénés  ;  le  pres- 
bytère avait  été  vendu,  comme  le  reste,  et  une  maison  louée,  de 
misérable  aspect,  en  tenait  lieu.  Dans  une  lettre  du  23  pluviôse 
(i3  février  même  année,  l'abbé  Serpeille  faisait  entendre  ses  do- 
léances à  son  évêque  et  poussait  vers  lui  un  cri  de  détresse.  «  La 
municipalité,  disait-il,  a  mis  à  ma  disposition  une  maison  pour 
ainsi  dire  en  ruines,  aux  réparations  de  laquelle  j'ai  employé  près 
de  3oo  fr.  pour  la  rendre  habitable.  J'ajouterai  encore  avec  vérité 
que  je  doute  que  cette  somme  puisse  jamais  me  rentrer,  si  le  gou- 
vernement ne  vient  à  mon  secours.  J'espère  que  les  autorités  supé- 
rieures, toujours  justes,  toujours  humaines,  réclameront  pour 
nous  ce  que  le  peuple  croit  inutile  de  nous  accorder,  et  ce  dont 
nous  avons  un  besoin  indispensable.  —  C'est  à  vous.  Monsieur 
l'Évèque,  c'est  dans  votre  cœur  paternel  et  charitable  que  je  dé- 
pose ces  tristes  réflexions.  Je  me  trouve  soulagé  en  les  présentant 
à  votre  sensibilité   2  .  » 

Nous  ne  trouvons  plus,  dans  les  lettres  de  l'abbé  Serpeille, 
aucune  mention  de  sa  cure.  11  faut  croire  qu'il  s'en  accommoda 
après  ravoir  replâtrée  et  rhabillée  de  son  mieux.  Il  ne  parvint  pas 
toutefois  à  lui  donner  une  solidité  qui  lui  manquait;  car  nous 
voyons  son  successeur,  M.  Rolland,  prévenir  son  évêque,  le  i5 
mars  181 1,  qu'il  va  quitter  la  cure,  parce  qu'elle  menace  ruine. 
Mais  ce  n'était  point  là  l'unique  objet  de  la  sollicitude  et  des  gé- 
missements du  curé  de  Saint-Martin  ;  la  voûte  de  l'église  éta/ 
toute  crevassée,  et  présentait  un  danger   réel   pour  les  tidéles  ;   les 


(i)  Lettre  du  10  juin  1808. 

(2)  On  voit  sur  cette  lettre  le  sceau  de  l'abbc  Serpeille  empreint  sur  cire 
rouge  :  il  consiste  en  un  grand  S  gravé  sur  un  écusson  entouré  de  deux  bran- 
ches de  laurier. 


104  I.ABBÉ    SERPEILLE 

murs  latéraux  avaient  cédé,  et  il  était  urgent  de  les  consolider  ; 
tout  rinterieur  demandait  à  être  rafraichi  et  restauré.  De  plus,  le 
cimetière  paroissial  était  sans  clôture,  ouvert  de  tous  côtés  aux 
animaux  et  exposé  à  toutes  les  profanations.  L'abbé  Serpeille  eut 
à  cœur  de  remettre  dans  un  état  convenable  et  décent  ces  deux 
lieux  sacrés,  et  il  dirigea  vers  ce  double  but  toute  son  activité. 
Allant  au  plus  pressé,  il  voulut  commencer  par  réparer  l'église,  et 
à  cet  elîet,  il  adressa  à  ses  paroissiens  différents  appels  qui  demeu- 
rèrent sans  résultat.  Vovant  le  peu  de  succès  de  ses  exhortations, 
il  informa  son  évèque  de  Tétat  des  choses,  par  une  lettre  qu'il  lui 
adressa  directement,  le  6  février  1806.  «  L'église  de  St-Martin, 
dit-il  au  prélat,  est  dans  un  état  de  dégradation  et  de  ruine  à  com- 
promettre l'existence  des  habitants  de  cette  paroisse  d'un  jour  à 
l'autre.  Si  je  n'ai  pas  eu  l'honneur  de  vous  en  prévenir  plus  tôt, 
c'est  pour  avoir  trop  compté  sur  leur  attachement  à  la  religion  et 
à  l'honneur  du  culte.  Maigre  mes  observations,  exhortations  et 
instances  réitérées,  je  n'ai  pu  obtenir  que  des  promesses  qui  ont 
toujours  resté  sans  effet.  Comme  il  importe  essentiellement  à  la 
sûreté  publique  que  les  réparations  que  cette  église  demande  se 
fassent  sous  le  plus  bref  délai,  j'ai  l'honneur  de  réclamer  votre 
autorité  pour  détruire  enfin  l'indifférence  que  les  habitants  de  St- 
Martin  mettent  dans  un  objet  aussi  important.  » 

Mgr  Bécherel  répondit  d'une  manière  conforme  aux  vœux  du 
pasteur,  et  il  prit  une  décision  pour  mettre  les  paroissiens  en  de- 
meure de  réparer  leur  église,  menaçant  de  l'interdire  si  on  n'v 
exécutait  pas  au  plus  tôt  les  travaux  les  plus  urgents  ;  mais,  ni  la 
menace  des  foudres  épiscopales,  ni  les  objurgations  de  leur  cure 
ne  parvinrent  à  tirer  de  leur  apathie  les  paroissiens  de  Saint- 
Martin.  Ils  ne  comprenaient  pas  que  M.  Serpeille  put  trouver  si 
mauvais  un  état  de  choses  que  ses  prédécesseurs  avaient  toléré 
sans  difficuhé;  ils  n'admettaient  pas  qu'un  nouveau  venu  dans  le 
pays  vint  leur  faire  la  leçon  sur  leur  incurie  administrative,  ei  se 
permit  de  trouver  des  lacunes  dans  leur  civilisation.  Ils  s'en  ven- 
gèrent en  dénonçant  leur  curé  auprès  de  l'evèque  comme  négli- 
geant certains  devoirs  de  sa  charge,  et  ne  remplissant  pas  cons- 
ciencieusement   les    fonctions    que    son     ministère    lui     imposait. 

(La  suite  ciu  prochain  mimcro). 

CvPiUKN  PERROSSILR. 


MÉLANGES 


■^•■ 


Le  placard  imprimé  sur  parchemin  dont  je  reproduis  le  texte  m'a 
paru  curieux  à  deux  titres  :  d'abord  comme  spécimen  des  indulgences 
accordées  au  commencement  du  X\  I"  siècle  pour  la  réparation  d'un 
bâtiment  consacré  au  culte  ;  ensuite  comme  un  incunable  O)  encore 
inconnu  de  Valence.  Bien  que  le  nom  de  l'imprimeur  ne  soit  pas  men- 
tionné, les  caractères  de  Jean  ^Belon  sont  trop  caractérisés  pour  qu'il 
puisse  y  avoir  doute. 

L'exemplaire  que  je  copie  est  en  assez  bon  état  :  il  servait  à  recou- 
vrir (avec  un  morceau  d'un  autre  exemplaire  également  sur  velin)  un 
manuscrit  curieux  du  XVL  siècle  renfermant  le  récit  de  la  vie  de  la 
Bienheureuse  Philippe  de  Champ  de  Milaji,  morte  à  Vienne,  en  odeur 
de  sainteté. 

En  haut:  ti  ois  écussons  :  au  milieu,  l'écusson  du  roi  de  hrance, 
j  /leurs  de  lys  2  et  i. —  A  gauche,  celui  du  Pape  avec  les  ôbesants  des 
Médicis,  la  tiare  et  les  clefs  de  S.  Pierre.  —  .4  droite,  celui  de  l'arche- 
vêque de  Vienne  timbré  du  chapeau  de  cardinal.  Suit  le  texte  que  je 
reproduis  en  entier  : 

Déclaration  du  grant  Jubilé  donné  par  nostre  sainct  père  le  Pape 
à  l'Eglise  de  Vienne. 

Nostre  sainct  père  le  Pape  Léo  dixiesme  de  ce  nom  comme  vray 
et  bon  pasteur  désirant  le  salut  des  âmes,  l'exaltation  et  décoration 
de  saincte  mère  église,  mesmement  de  la  saincte  église  cathédrale  et 
métropolitaine  de  \'iennc.  laquelle  pour  Sa  Sainteté  fut  jadis  ordon- 
née et  constituée,  et  de  présent  encores  est  des  Gaules  première 
primace.  Aussi  en  contemplation  de  tresrévérend  père  en  Dieu  Mon- 
seigneur le  Cardinal  de  sainct  Severin,  Archevesque  d'icelle.  Et  affin 
que  la  dicte  église  qui  est  de  grant  sumptuosité  en  édifices  soit  ache- 
vée, réparée  et  maintenue.  Ainsi  que  la  dignité  d'icelle  le  requiert. 
A  voulu,  concédé  et  octroyé  de  sa  grâce  spéciale,  libéralité  et  auc- 
torité  apostolique.  A  tous  et  à  ung  chascun  crestiens  vrayment 
confes  et  penitens  de  quelque  estât  qu'ilz  soient.  Que  durant  trois 
ans  à  compter  de  la  date  de  la  concession  des  lettres  sur  ce  oc- 
troyées la  dominique  de  Quasimodo  despuis  les  premières  vespres 


l66  .-MÉLANGES. 

de  la  veille  jusques  au  soleil  couchant  du  dict  jour  de  Quasimodo 
inclusivement  et  de  la  feste  de  la  Nativité  Nostre  Dame  au  moys  de 
septembre  despais  les  premières  vespres  jusques  au  soleil  couchant 
de  la  dicte  feste,  visiteront  dévotement  la  dicte  église.  Et  pour  la  ré- 
paration, construction  et  manutention  et  fabrique  de  la  dicte  église 
donneront  et  laisseront  de  leurs  biens  selon  leur  bonne  dévotion. 
C'est  assavoir  pour  chascune  foys  planière  indulgence  et  rémission 
de  leurs  péchez  et  offenses  perpétrez  et  commis. 

Item  despuis  nostre  sainct  père  le  Pape  affin  que  tous  bons  chres- 
tiens  plus  facillement  puissent  gaigner  les  ditz  pardons  et  indulgences 
et  faire  bien  àladicte  fabricque  a  par  ces  lettres  déclaré  et  de  nouveau 
entant  que  besoing  seroit  concédé  et  octro^'é  que  pour  plus  facille- 
ment gaigner  et  acquérir  les  ditz  grâce  indulgences  et  planière 
remission,  ceulx  qui  vouldront  gaigner  et  acquérir  par  quinze  jours 
avant  et  trois  jours  après  les  ditz  dimenche  et  feste  pourront  eslire 
confesseurs  suffisans  et  ydoines  qui  oyent  leurs  confessions  les 
pourront  absouldre  de  l'auctorité  de  nostre  sainct  père  le  pape  de 
tous  crimes,  excès  et  délitz  par  eulx  commis  et  perpetretrez  (sic), 
combien  qu'ilz  soient  des  cas  specceilement  réservez  au  Sainct  Siège 
apostolique.  Et  aussi  les  pourront  absouldre  de  toutes  et  chascune 
sentences  d'excommunication,  suspension  etinterdict  et  aultres  cen- 
sures, sentences  et  peines  par  sentence  de  juge  ou  de  droit  à  l'ins- 
tance de  quelque  personne  que  ce  soit  baillez  et  proferez  et  ce  du 
consentement  des  parties. 

Item  plus  a  donné  et  octroyé  licence  et  auctorité  à  mes  ditz  sei- 
gneurs les  doyen  et  chapitre  de  la  dicte  église  par  eulx  ou  leurs 
commis  et  députez  commuer  et  changer  tous  veuz,  exceptez  les  veuz 
de  Sainct  Pierre  de  Romme,  de  Sainct  Jacques,  d'oultremer,  de  reli- 
gion, et  chasteté  tant  seullement,  et  iceulx  convertir  pour  aider  à  la 
construction  et  réparation  d'icelle  église,  et  que  les  confesseurs  des- 
sus ditz  à  ceulx  qui  se  confesseront  à  eulx  auquels  escheira  laire 
restitution  en  enjoignant  icelles  restitutions  être  faictes  à  qui  appar- 
tiendra, se  diceulx  ont  noti  Ç?)  les  biens  par  eux  prins  et  détenus 
tant  prins  et  heuz  par  guerres,  rapines,  usures  ou  ti'ouvez  par  for- 
lune  ou  aultrement  détenus  injustement,  en  les  laissant  à  la  cons- 
truction et  édification  d'icelle,  ou  composant  d'iceulx  avec  les  ditz 
doyen  et  chapitre  ou  leurs  commis  et  députez  des  ditz  biens  prins, 
trouvez  et  détenus  les  pourront  absouldre  et  ne  seront  tenus  à  aultrc 
restitution. 


MELANGES.  I67 

Item  tous  ceulx  qui  visiteront  ladicte  église  et  avderont  à  la  fabri- 
que d'icelle  comme  dessus  est  dit,  seront  participans  en  tous  les 
suffrages,  oraisons  et  bienffaits  qui  se  feront  universellement  en 
toute  saincte  mère  église  par  tout  le  temps  advenir  et  leurs  parens 
trespassez.  Et  auront  et  gaigneront  planière  indulgence  et  remission 
de  tous  leurs  péchez  jouxte  la  forme  des  dictes  lettres  les  ditz  jours 
comme  se  en  propre  personne  eussent  visité  ladicte  église  et  en  fai- 
sant semblable  aulmosne  à  leur  dévotion  à  ladicte  fabricque  pour 
leurs  parens  trespassez  pour  ung  chascun  auront  et  gaigneront 
ladicte  indulgence  per  manière  de  suffrage  en  tant  que  les  clefs  de 
saincte-mère  Eglise  se  eslendent. 

Item  veult,  entent  et  déclare  nostredit  sainct  père  le  pape  les  dites 
grâces  indulgence  et  planière  remission  faculté  et  auctorité  dessus 
dites  par  luy  de  sa  libéralité  et  auctorité  apostolicque  octroyées  et 
concédées  durant  par  trois  ans  commencés  le  septiesme  jour  de  sep- 
tembre l'an  mil  cinq  cens  quatorze  et  avoir  lieu  selon  leur  forme  et 
teneur.  Nonobstant  quelzconques  constitutions  et  suspensions  apos- 
tolicques  ordonnées  faictes  ou  afaire  tant  enfaveur  de  l'Eglise  sainct 
Pierre  de  Romme  que  aultre  lieu  quel  quil  soit.  Par  lesquelles  ne 
veult  aulcunement  aux  présentes  estre  derogué  (sic)  ne  le  faict  d"i- 
celles  estre  empesché. 

Eugène  CHAPER. 


CORRESPONDANCE 


Dans  son  étude  sur  riiistoire  religieuse  du  Vercors  [Bulletin 
de  septembre  dernier,  p.  24  ,  M.  Tabbé  Fillct  indique  la  ville  de 
Vienne,  en  Dauphiné,  comme  le  lieu  de  naissance  de  Saint 
Aignan,  évéque  d'Orléans  dans  le  cours  du  cinquième  siècle  et 
patron  de  la  paroisse  de  Saint-Aignan-en-Vercors. 

Nous  pensons  qu'il  s'est  mépris.  Pour  asseoir  notre  opinion 
de  manière  à  la  rendre  inébranlable,  nous  ne  possédons  pas,  il  est 
vrai,  de  document  positif.  Toutefois  les  raisons  que  nous  venons 
exposer  ne  manqueront  pas  d'impressionner  favorablement  l'es- 
prit de  notre  savant  confrère. 

Disons  d'abord  que  la  légende  du  propre  diocésain  de  Grenoble 
est  moins  affirmative  que  M.    l'abbé   Fillet.   Elle  se   borne   à   dire 


l68  CORRESPOXDANCE. 

que  Saint  Aignan  naquit  in  pai^'u  Mennensi,  dans  le  pays  Vien- 
nois, ce  qui  est  loin  de  vouloir  signifier  dans  la  ville  de  Vienne. 
Or,  le  pays  Viennois  embrassait  la  majeure  partie  de  ce  qui  forme 
Tarrondissement  actuel  de  Vienne  et  s'étendait  jusqu'à  proximité 
de  la  ville  de  Bergushim,  aujourd'hui  Bourgoin. 

En  second  lieu,  il  existe  à  quelques  cents  mètres  de  cette  der- 
nière ville  un  village  c\w\  porte  le  nom  de  Saint-Agnin,  lequel, 
selon  la  tradition  séculaire,  a  toujours  été  considéré  comme  le 
lieu  de  naissance  de  Saint  Aignan.  Son  nom  d'Agnin  n'est  qu'une 
altération  de  celui   d'Aignan,  comme  il  est   facile  de  le  remarquer. 

Cette  tradition,  que  le  temps  n'a  jamais  ébranlée  dans  le  cœur 
des  habitants  de  Saint-Agnin,  se  trouve  consignée  dans  une  no- 
tice manuscrite  sans  nom  d'auteur  et  sans  date,  conservée  à  la 
Bibliothèque  de  Grenoble  ifol.  i()2  du  Reg.  coté  R.  80,  T.  XL. 
L'auteur  v  a  intercalé  diverses  traditions  religieuses  sur  les  pa- 
roisses qui  formaient  de  son  temps  la  baronnie  de  Maubec.  Voici 
comment  il  s'exprime  au  sujet  de  St-Agnin. 

Au  titre  Paleyiin,  autrefois  paroisse,  aujourd'hui  hameau  de  la 
paroisse  de  Maubec,  on  lit  : 

«  Au-dessous  de  ladite  paroisse  de  Paleyzin,  il  y  a  un  bois  ap- 
te pelé  Ratellière,  de  haute  futaie,  dans  lequel  il  y  a  deux  petits 
«  coteaux,  où  il  y  a  eu  autrefois  deux  forteresses,  comme  il  ap- 
te pert  par  de  vieilles  masures  qui  y  sont  encore  et  des  fossés  tout 
«  autour,  chemin  pour  aller  et  le  lieu  où  était  le  pont  levis  appâ- 
te rait,  l'un  desquels  (coteaux  s'appelait  Fay-de-Vaux,  et  l'autre  la 
«  Motte,  et  duquel  Fay-de-Vaux  l'on  dit  avoir  été  né  Saint  Agnin  ; 
«  aussi  ledit  fort  est  situé  sur  la  paroisse  de  Saint-Agnin,  lequel 
«  Saint  Agnin  a  été  évèque  d'Orléans  et  martyrisé  par  les  hugue- 
«  nots  (l'auteur  qui  écrivait,  selon  toute  probabilité,  sous  le  règne 
«  de  Louis  XIII,  confond  ici  les  huguenots  avec  les  hordes  sau- 
'(  vages  d'Attila  ou  les  païensi,  et  quoiqu'il  soit  dit  dans  sa  vie 
«  qu'il  était  enfant  de  Vienne,  ce  qui  est  dit  à  cause  de  la  bassesse 
«  du  lieu  où  il  était  né,  il  est  assuré  qu'il  est  sorti  dudit  lieu  de 
«   Fay-de-Vaux.  Aussi  le  village  porte  son  nom.  » 

Ce  passage  du  nianuscrit  précité  fixe  et  détermine  avec  pré- 
cision le  lieu  qui  vit  naitre  Saint  Aignan  :  ce  fut  dans  la  maison 
forte  de  Fav-de-Vaux,  située  au-dessous  de  la  paroisse  de  Paley- 
zin et  à  proximité  du  village  de  Saint-Agnin. 

Fav-de-Vaux  est  aujourd'hui  un  lien  dit  qui  se  trouve  sur  la 
limite  des  communes  de  Maubec  et  de  St-Agnin.  Le  bois  de  Ra- 
tellière. aujourd'hui  propriété  de  M.  le  cf)mte  de  MetiVay,  est  dans 
sa  partie  intérieure  transformé  en  prairie.  ()uant  au  ton  de  hi 
Motte,  il  devait,  si  nous  ne  nous  trompons,  s'elevcr  au  sommet 
du  monticule  qui  se  dresse  au  liane  (jccidental  du  bois  de  Raiel- 
licre. 

PERRIN. 


OLIVIER    DE    SERRES 

ET    LES 

Massacres  du   2   mars  1573 

A    VILLENEUVE-DE-BERG 


(fin) 


Comprenant  le  peu  de  consistance  des  preuves  intrinsèques  allé- 
guées par  eux,  nos  modernes  apologistes  y  ont  ajouté,  pour  les  ren- 
forcer et  pour  étayer  leur  thèse,  des  motifs  de  convenance  et  des 
raisons  de  sentiment.  Nous  allons  examiner  ce  nouveau  genre  de 
preuves.  Celles  qu'ils  apportent  sont  principalement  les  suivantes  : 

i"  Les  sonnets  encomiastes  de  Jacques  de  Romieu.  —  A  l'apparition 
du  Théâtre  d'agriculture,  en  1600,  Jacques  de  Romieu,  chanoine  de 
la  cathédrale  de  Viviers,  composa  deux  sonnets  à  la  louange  de  l'au- 
teur. Ils  parurent  en  tête  de  la  seconde  édition,  publiée  en  1603. 
M.  Vaschalde,  à  la  suite  de  M.  Villard,  y  voit  un  certificat  de  bonne 
vie  et  mœurs  délivré  à  Olivier  de  Serres  par  un  ecclésiastique,  son 
contemporain,  qui  parait,  de  plus,  avoir  été  son  ami  ;  ce  qui  exclut 
toute  idée  de  meurtre,  surtout  sur  des  prêtres  catholiques.  «  L'auteur 
«  des  sonnets,  dit-il,  manifeste  de  son  mieux  l'estime,  l'admiration 
«  et  la  respectueuse  sympathie  que  lui  inspire  son  illustre  compa- 
«  triote  ;  il  le  caresse,  il  le  choie,  il  l'appelle  mon  Pradel.  Ce  catho- 
«  lique,  ce  prêtre  semble  ravi  de  toucher  cette  main  huguenote, 
«   qui  n'a  jamais  trempé,  quoi  qu'on  en  ait  dit  depuis,  dans  le  sang 

Bull.  IX,   1889.  13 


170  OLIVIER    DE    SERRES    ET    LES     MASSACRES 

«  de  ses  frères,  par  la  raison  que  ces  massacres  n'ont  jamais  existé 
«  que  dans  l'imagination  de  quelques  écrivains  qui  les  racontent 
«  probablement  sans  y  croire.   « 

La  conclusion  paraît  plus  étendue  que  les  prémisses.  On  peut  très 
bien  faire  l'éloge  d'un  livre  sans  approuver  la  conduite  entière  de 
l'auteur.  Le  fait  du  massacre  avait  eu  lieu  près  de  trente  ans  avant  ; 
Henri  1\'  avait  passé  quelque  peu  de  baume  sur  les  blessures;  la 
conciliation  était  plus  que  permise.  M.  de  Ronaieu  avait  publié  un 
livre  intitulé  :  Les  louanges  héroïques  des  grands  hommes  du  \  iva- 
rais  :  pouvait-il  passer  sous  silence  l'auteur  du  Théâtre  d'agriculture, 
son  compatriote?  N'avait-il  pas  quelque  intérêt  à  le  ménager?  Oli- 
vier était  l'ami  de  Baron  dont  le  cruel  souvenir  à  Viviers  était  encore 
dans  toute  sa  force.  Cette  lettre  de  félicitations,  qui  d'ailleurs  n'a 
aucun  rapport  avec  les  massacres,  ayant  été  imprimée  trois  ans  après 
la  mort  de  son  auteur,  on  peut  se  demander  si  elle  était  destinée  à  la 
publicité;  et  en  définitive,  Jacques  de  Romieu,  qui  avait  traduit  en 
vers  les  Sylves  et  Forêts  de  Théodore  de  Bèze,  pouvait  fort  bien 
serrer  les  mains  d'Olivier  et  l'appeler  son  ami. 

2°  Le  style  d'Olivier  de  Serres.  —  Une  page  du  Théâtre  d'agricul- 
ture, dans  laquelle  Olivier  de  Serres  explique  les  motifs  qui  l'ont  re- 
tenu aux  champs  et  lui  ont  inspiré  le  goût  de  l'agriculture,  est  pour 
M.  \'^aschalde  une  preuve  péremptoire,  convaincante,  qu'il  est  resté 
étranger  aux  massacres  fi j. 

Or,  cette  page  n'a  vu  le  jeur  qu'en  1600,  vingt-sept  ans  après  le 
massacre,  en  pleine  paix  ;  Olivier  avait  soixante  ans,  et  à  cet  âge  la 
raison,  le  jugement,  l'expérience,  ont  acquis  leur  plein  développe- 
ment :  les  idées,  les  sentiments  ne  sont  plus  ce  qu'ils  étaient  à  trente. 
Olivier  n'écrit  pas  une  page  d'histoire,  mais  une  page  d'introduction 
à  un  livre  auquel  il  devait  attacher  une  grande  valeur,  car  il  lui  avait 
coûté  un  long  travail  et  de  longues  observations  ;  il  écrivait  pour  l'a- 
venir, pour  les  catholiques  et  les  protestants  ;  il  devait  ménager  tout 
le  monde.  Il  pose  par  conséquent.  D'ailleurs,  dans  son  livre,  il  reste 
dans  un  tel  vague  sur  sa  vie  et  ses  opinions,  qu'on  ne  saurait  dire 
s'il  est  catholique  ou  protestant.  Peut-être  est-il  que  ce  calme  de  la 
campagne,  ces  occupations  variées  et  incessantes,  ces  expériences 
journalières  étaient  pour  lui  un  moyen  pour  faire  trêve  à  ses  remords  : 
un  moyen  à  coup  sûr  pour  faire  oublier  ses  torts  à  l'égard  de  ses 
concitoyens. 

(i>  Loc.   cil.,  p.     17. 


DU     2    MARS     1573    A    VILLENEUVE-DK-BERG.  17I 

3°  Enfin,  l'argument  le  plus  complaisamment  invoqué  en  faveur 
d'Olivier  de  Serres  par  ses  derniers  panégyristes  est  le  fait  du  dépôt 
des  vases  sacrés  de  l'église  de  Villeneuve,  qui  lui  furent  confiés  après 
la  prise  de  la  ville  par  les  protestants. 

M.  l'abbé  Mollier,  dans  ses  Recherches  historiques,  donne  lui-même 
«  ce  dépôt  fait  entre  les  mains  d'Olivier  comme  une  preuve  de  l'es- 
«  time  générale  dont  jouissait  alors  le  seigneur  du  Pradel  auprès  de 
((  ses  concitoyens,  malgré  son  grand  zèle  pour  les  doctrines  nou- 
«  velles.  » 

Après  cette  appréciation  flatteuse  d'Olivier  de  Serres,  appréciation 
confirmée  ailleurs,  et  qui  pour  nous  est  au  moins  exagérée,  nous  ne 
comprenons  pas  comment  M.  Vaschalde  a  pu  traiter  M.  Mollier 
d  accusateur  d'Olivier  de  Serres,  lorsque,  au  contraire,  il  le  traite 
avec  une  extrême  bienveillance  et  s'attache  à  mettre  en  relief  ses 
qualités. 

M.  Vaschalde,  sur  ce  sujet,  dépasse  de  beaucoup  M.  Mollier,  ainsi 
qu'on  pouvait  s'y  attendre  II  voit  dans  ce  dépôt  des  vases  sacrés 
«  un  acte  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  Olivier  et  ajoute,  après 
«  M.  Villard,  que  cette  marque  d'estime  et  de  haute  confiance  suffi- 
«   rait  pour  faire  justice  des  imputations  dirigées  contre  lui.  » 

Cette  remise  prouve  bien,  si  l'on  veut,  l'estime  des  protestants 
pour  Olivier,  mais  nullement  celle  des  catholiques.  Et  d'abord,  y 
avait-il  des  catholiques  parmi  les  déposants?  Sont-ce  leurs  suffrages 
qui  ont  déterminé  le  choix  fait  d'Olivier  de  Serres  pour  être  le  dépo- 
sitaire des  trésors  de  leur  église  ?  C'est  ce  qu'il  faudrait  prouver. 
Cela  fût-il,  il  n'y  aurait  rien  à  en  induire  relativement  au  fait  qui  lui 
est  reproché,  puisque  ce  massacre  n'eut  lieu  que  plusieurs  années 
après.  Ce  point  mérite  d'être  examiné  avec  attention. 

Un  des  premiers  actes  des  protestants  devenus  maîtres  de  la  ville 
fut  de  s'emparer  des  richesses  de  l'église,  et  de  réduire  aux  limites 
les  plus  étroites  le  culte  catholique,  qu'ils  eussent  bien  voulu  abolir 
entièrement.  A  ce  moment,  les  vases  sacrés  et  autres  richesses  de 
l'église  paroissiale  étaient  confiés  à  la  garde  d'un  prêtre  sacriste  ap- 
pelé Michel  d'Olby,  lequel  devait  nécessairement  exercer  cette  charge 
sous  l'autorité  du  curé.  Les  consuls  protestants  jugèrent  à  propos 
d^se  faire  remettre  ces  vases  sacrés  et  ils  en  prirent  possession.  En 
^Ftu  de  quel  droit?  L'église  en  étant  légitime  propriétaire,  on  usa 
Ww  droit  du  plus  fort,  tout  comme  font  les  voleurs. 

Dans  l'acte  de  remise,  on  ne  voit  en  rien  figurer  l'intervention  de 


172  OLIVIER    Di;    SERRES    ET    LES    MASSACRES 

l'autorité  ecclésiastique:  ce  prêtre,  Michel  d"()lhy.  ne  figure  que 
comme  habitant  de  Villeneuve.  Ne  serait-ce  pas  un  prêtre  apostat 
comme  il  v  en  avait  dans  ces  temps  malheureux?  Ou  bien  n'aurait-il 
agi  que  sous  l'impression  des  menaces  et  la  crainte  des  violences  > 
Un  autre  prêtre  nommé  Vidal  y  figure  aussi  ;  mais  au  onzième  rang, 
et  il  n'est  pas  même  qualifié  de  mcssire.  Que  fait-il  dans  cette  assem- 
blée ?  A  quel  titre  s'y  trouve-t-il  >  Ne  serait-il  pas  encore  un  défro- 
qué ?  Les  vases  saerés  livrés  à  des  hérétiques,  et  cela  avec  la  com- 
plicité et  l'assentiment  de  deux  prêtres,  voilà  un  acte  absolument 
irrégulier  et  qu'aucune  hypothèse  plausible  ne  peut  légitimer  ;  si 
c'était  pour  les  garantir  du  vol  ou  du  pillage,  on  pouvait  bien  trou- 
ver quelque  cachette  sûre  chez  quelque  bon  catholique  ;  si  c'était 
pour  les  vendre,  comme  cela  eut  lieu  plus  tard,  on  n'avait  nul  besoin 
ni  d'Olivier,  ni  des  protestants.  Après  s'être  ainsi  emparés  de  l'ar- 
genterie de  l'église,  nos  bons  huguenots  jugèrent  prudent  de  la 
mettre  en  lieu  sûr.  C'est  pourquoi,  le  2  mai  1562,  les  consuls  de  Vil- 
leneuve, assistés  d'un  certain  nombre  de  personnages  marquants  de 
la  secte,  firent  remise  de  ces  vases  sacrés  à  Olivier  de  Serres  et  l'in- 
ventaire en  fut  dressé.  Remarquons  d'abord  que  Villeneuve  était 
d'ordinaire  administrée  par  trois  consuls,  et  à  l'acte  de  remise,  il 
ne  figure  comme  consul  que  le  protestant  Perrotin.  Le  nombre  con- 
sidérable d'articles  dont  se  compose  l'inventaire  indique  que  l'église 
était  fort  riche  et  qu'elle  fut  à  peu  près  dépouillée  de  tout.  Cepen- 
dant, comme  dans  cet  inventaire  il  n'est  question  ni  de  ciboires,  ni 
d'ostensoirs,  il  est  probable  que  l'on  put  sauver  quelque  chose  du 
naufrage,  ou  qu'on  laissa  à  l'église  ce  qu'il  fallait  rigouieusement 
pour  le  culte. 

Parmi  ces  articles,  nous  avons  remarqué  celui-ci  :  «  Item,  autre 
chasuble,  toile  figurée,  comme  sur  le  vert,  a  été  baillée  pour  veslir 
M.  Saboli,  pour  ce  la  faut  demander  (i  )  ».  Ce  Saboli  était-il  un  in- 
digent? Le  titre  de  Monsieur,  qui  lui  est  donné  dans  l'acte  olficiel, 
écarte  absolument  cette  hypothèse.  Du  reste,  pourquoi  ces  gens-là 
auraient-ils  eu  à  se  gêner  ? 

Le  i-i  juin  suivant,  un  mois  et  quelques  jours  après  le  dépôt,  Olivier 
de  Serres  réunit  de  nouveau  les  consuls  ;  il  s'y  en  trouve  deux  celle 
fois,  avec  les  notables  et  ceux-ci  en  plus  grand  nombre  que  la  première 
fois.  Cjlivier  leur  expose  "  qu'à  raison  des  bruits  de  troubles  cl  de  guer- 

(i }  Loc.  cil  ,  p.   \-  2. 


DU     2    .MARS      1)7)     A    VI  LLlLNEUVli-DE-LiliRG .  I73 

«  res  qui  circulaient  dans  le  pays,  il  ne  sait  comment  garder  ces 
«  vases  sacrés  en  assurance  et  sans  dangers  évidents  de  lui  être 
<(  volés  et  emportés,  et  à  l'ombre  d'iceux  violence  lui  soit  faite  en  sa 
«  maison,  personne  et  biens.  »  Allusion  probable  aux  menaces  des 
catholiques  de  les  reprendre,  ou  peut-être  à  l'annonce  de  nouveaux 
troubles.  En  ce  temps  de  discordes  civiles,  les  mois  étaient  souvent 
des  années.  Il  avait  pourtant  son  chàteau-fort  du  Pradel. 

Parles  mêmes  motifs  qu'invoquait  Olivier  de  Serres,  personne  ne 
voulut  s'en  charger.  Or,  par  une  circonstance  fortuite,  trop  heureuse 
pour  n'avoir  pas  été  adroitement  prévue,  il  se  trouve  présent  dans 
l'assemblée  un  sieur  Jean  Barattier,  orfèvre,  de  la  ville  de  Monté- 
limar,  à  qui  on  propose  de  les  acheter.  Celui-ci  accepte,  au  prix  de 
Irais  cent  quatre-vingts  livres  tournois.  Et  il  dut  être  content  de  sa 
journée,  car  ces  honnêtes  prolestants,  qui  avaient  hâte  de  se  débar- 
rasser d'un  dépôt  compromettant  et  d'en  toucher  le  montant,  qui 
ne  connaissaient  même  pas  la  valeur  de  ces  précieux  articles  d'orfè- 
vrerie religieuse,  durent  traiter  à  de  bonnes  conditions  avec  leur 
acquéreur. 

Cette  somme  de  380  livres  fut  laissée  entre  les  mains  d'Olivier  de 
Serres  (i). 

Il  semble  que  si  ces  gens-là  eussent  eu  un  peu  de  bonne  foi,  quel- 
que sentiment  de  justice,  ils  auraient  remis  cette  somme,  bien 
facile  à  garder,  au  curé  de  la  paroisse,  représentant  naturel  des  biens 
de  l'église.  Mais  non  ;  pour  meilleure  garantie  de  la  somme,  voici  le 
moyen  imaginé  par  le  détenteur  : 

Le  20  août  suivant,  deux  mois  après  le  dépôt,  Olivier  présente  à 
la  Communauté  de  \'illeneuve  le  compte  de  l'argent  qu'il  a  avancé 
pour  le  ministre  Béton,  et  pour  autres  affaires  de  l'Eglise  réformée, 
s'élevant  à  420)  livres,  5  sols,  3  deniers  ;  laquelle  somme  est  recon- 
nue légitimement  due;  et,  sur  sa  demande,  les  consuls  et  notables 
lui  allouent  à  titre  d'acompte  la  somme  de  380  livres,  provenant  de 
la  vente  des  vases  sacrés,  reconnaissant  qu'il  reste  encore  dû  à  Oli- 
vier 4g  livres,  5  sols,  3  deniers.  (Page  54.) 

Si  Olivier  avait  voulu  rendre  aux  catholiques  le  montant  des  vases 
îs  lorsqu'il  l'eut  réalisé,  c'eût  été  facile  ;  mais  l'argent  était  plus  facile 

^rder...  Ce  n'était  donc  qu'un  prétexte,  une  ruse  huguenote.  Alors, 
(^mme  aujourd'hui,  on   avait   deux  moyens  de  spolier  l'Eglise:   la 

( I )  Loc.  cit.,  p.    1  74. 


174  OLIVIER    DE    SERRKS    ET    LES    MASSACRES 

force  brutale  et  la  ruse.  Ce  dernier  moyen  convenait  mieux  au  carac- 
tère froid,  fourbe  d'Olivier  de  Serres,  si  semblable  à  celui  de  Calvin, 
son  modèle  et  dont  il  avait  autrefois  serré  la  main.  Les  consuls  et 
notables  navaient  aucun  droit  sur  les  objets  appartenant  à  l'église, 
et  ces  braves  gens  payent,  avec  le  prix  des  vases  sacrés  des  catholi- 
ques, les  dépenses  faites  précisément  contre  eux,  pour  les  combat- 
tre, les  annihiler  et  détruire  leur  religion  ;  c'était  un  bon  tour  qu'on 
leur  jouait  !  Olivier,  en  acceptant  sinon  en  sollicitant,  n"a-t-il  pas 
fait  preuve  d'une  indélicatesse  sans  nom,  indigne  de  tout  vrai  gentil- 
homme ?  11  est  vrai  qu'il  reste  responsable  envers  l'Eglise,  qu'il  ne 
s'approprie  pas  personnellement  cette  somme,  qu'il  en  emploie  le 
tiers  environ  pour  les  affaires  de  la  communauté,  et  le  reste  pour 
les  affaires  de  son  Eglise  réformée  :  voyages,  nourriture,  logement 
du  ministre  ;  mais  cela  suffit-il  pour  le  justifier  complètement?  Ne 
s'approprie-t-il  pas  le  bien  d'autrui  ? 

Et  l'on  se  demande  ici,  avec  indignation,  comment  un  pareil  fait 
peut  être  apporté  à  la  décharge  d'Olivier  de  Serres  dans  sa  coopé- 
ration aux  massacres  qui  eurent  lieu  dix  ans  plus  tard  !  C'est,  au 
contraire,  une  charge  accablante  contre  lui,  et  il  faut  que  ses  apolo- 
gistes soient  bien  à  bout  d'arguments  ou  veuillent  se  moquer  de 
leurs  lecteurs  pour  apporter  un  pareil  moyen  de  défense. 

Si  toutefois,  au  retour  de  la  paix,  Olivier  en  pleine  faveur  auprès 
du  roi  Henri  IV,  alors  que  son  Théâtre  lui  valait  une  réputation 
européenne,  si.  disons-nous,  il  avait  restitué  à  l'Eglise  catholique 
cette  somme,  c'eût  été  un  acte  de  justice  et  la  réparation  d'une  ini- 
quité ;  il  aurait  pu  ensuite  exercer  son  recours  contre  la  commu- 
nauté protestante  qui  dans  le  fait  en  avait  bénéficié  ;  mais  non,  il 
garde  cette  somme  sachant  très  bien  qu'elle  ne  lui  appartient  pas, 
et  il  faudra  que  cent  ans  plus  tard  son  arrière  petit-fils.  Constantin 
de  Serres,  soit  forcé  de  la  restituer  par  une  sentence  du  Parlement 
de  Toulouse,  à  la  suite  d'un  procès  que  lui  intenta  le  clergé  de  Ville- 
neuve. Nous  voyons,  en  effet,  dans  un  document  du  7  septembre 
1658,  que  sur  la  requête  de  MM.  Louis  Terasse  et  André  Teyssier, 
prieur  et  curé  de  Villeneuve,  une  instance  avait  été  formée  en  la  cour 
souveraine  de  Toulouse,  «  contre  damoiselle  Louise  d'Arlempdes  de 
Mirabel  et  noble  Constantin  de  Serres,  seigneur  du  Pradel,  mère  et 
fils,  héritiers  et  bientenants  de  feu  Olivier  de  Serres,  leur  prédéces- 
seur, pour  la  reslilutinn  des  joyaux  el  oineinents  de  l'église  parois- 
siale d'icelle  ville,  desquels  ledit  Jeu  sieur  Olivier  de  Serres  s'est  trouve 


ou     2    .MARS     l^J^    A    VlLLE.NEL'VE-UE-HtRG.  [75 

chargé  dans  l'acte  de  deschargement  couché  au  pied  de  l'inventaire  qui 
en  fut  fait  en  l'année...  (i).  » 

Un  arrangement  intervint  entre  les  parties,  d'après  lequel  le  sieur 
Constantin  de  Serres  dut  payer  la  somme  de  quatre  cent  huit  livres, 
et  le  consul  Chambon,  pour  et  au  nom  de  la  communauté,  celle  de 
deux  cent  quatre-vingt-douze  livres,  moyennant  lesquelles  les  susdits 
requérants  tinrent  quittes  la  dam''"-'  d'Arlempdes  et  le  s""  Constantin 
de  Serres  et  la  communauté. 

Les  apologistes  d'Olivier  de  Serres  ne  pouvaient  être  plus  mal  ins- 
pirés que  de,  réveiller  cette  scandaleuse  histoire  des  vases  sacrés  con- 
fiés entre  ses  mains.  Espérons,  qu'à  l'avenir,  ils  ne  seront  plus  tentés 
de  l'apporter  à  l'actif  de  leur  héros. 

Mais  poursuivons  encore  l'examen  des  assertions  de  M.  Vas- 
chalde. 

Dans  sa  volonté  bien  arrêtée  de  laver  la  mémoire  d'Olivier  de 
Serres,  il  en  vient  jusqu'à  nier  l'existence  du  Synode  et  par  suite 
celle  du  massacre  des  prêtres. 

«  Comment,  dit-il,  Olivier  aurait-il  pris  part  au  massacre  des 

n  prêtres  d'un  Synode,  puisqu'il  n'y  a  pas  eu  de  Synode  ;  et  que,  y 
«  en  aurait-il  eu  un,  ce  qui  est  fort  douteux  pour  le  moins,  il  n'y  a 
«  pas  eu  de  massacres  de  prêtres  ?  » 

«  Le  Synode  n'a  pas  eu  lieu  ;  .Mgr  de  l'Hôtel,  évêque  de  Viviers, 
«  l'aurait  présidé,  et  puis  les  prêtres  manquaient  alors  pour  le  tenir, 
«  puisque  Giraud-Soulavie  affirme  qu'il  n'y  avait  pas,  en  1573,  plus 
0  de  vingt  prêtres  dans  le  diocèse  de  Viviers,  par  suite  de  la  cessa- 
(I   tion  des  ordinations.  » 

Or,  l'histoire  de  l'Eglise  de  Viviers  nous  apprend  Cjue  sa  pratique 
particulière  était  de  célébrer  deux  Synodes  par  an  :  l'un  aux  environs 
de  Pâques  et  l'autre  en  automne,  lorsque  la  chose  était  possible  (2). 
L'Evêque  mort,  absent  ou  empêché,  c'était  le  vicaire  capitulaire,  ou 
^Rii  délégué  qui  présidait  l'assemblée.  L'absence  de  Mgr  de  l'Hôtel  ne 
prouve  donc  rien... 

Le  passage  de  Giraud-Soulavie  invoqué  ne  prouve  guère  plus. 
Cet  historien,  qui  était  assez  intelligent  pour  ne  pas  se  contredire, 
oarle  évidemment  de  l'état  général  du  clergé  après  le  2  mars  ;  et  il 
^Relique  une  nouvelle  cause  de  la  diminution  du  clergé  dans  la  cessa- 
tion des  ordinations.  Il  aurait   pu   apporter  d'autres  motifs  du  petit 

(i)  La  date  est  restée  en  blanc. 

(2)  Précis  historique  du  Synode  tenu  à  Viviers  en  18)  i- 


lyÔ  OLIVIER    DE    SERRES    ET    LES    iMASSACKES 

nombre  des  prêtres  :  l'apostasie  de  quelques-uns,  comme  à  Largcn- 
tière  ;  l'expulsion  des  religieux,  comme  il  arriva  dans  cette  ville  ;  des 
massacres  particuliers,  tels  que  ceux  qui  eurent  lieu  à  Lamastre. 
Quant  au  mot  viuoi,  qu'il  emploie,  assurément  il  ne  saurait  être  pris 
à  la  lettre  :  c'est  une  locution  dont  tout  le  monde,  M.  \'aschalde 
comme  les  autres,  comprend  ici  le  sens,  et  il  faut  être  bien  à  bout 
d'arguments  pour  en  alléguer  un  auquel  l'auteur  lui-même  ne  croit 
pas.  S'il  n'y  avait  eu  que  vingt  prêtres  dans  le  diocèse,  il  eut  été  pro- 
testant dans  son  entier  ;  or  les  catholiques  y  ont  toujours  tenu  tête 
aux  protestants,  et  l'on  sait  que  bon  nombre  de  paroisses  ne  lurent 
jamais  atteintes  par  l'hérésie. 

Le  Svnode  étant  révoqué  en  doute,  n'existant  pas  aux  yeux  de 
M.  ^'aschalde,  la  question  pour  lui  est  résolue.  «  Ces  massacres, 
«  dit-il,  n'ont  jamais  existé  que  dans  l'imagination  de  quelques  écri- 
«  vains  qui  les  racontent  probablement  sans  y  croire,  ou  qui  appor- 
«  tent  au  débat,  ainsi  que  l'a  fait  le  critique  anonyme  de  1872,  un 
«  esprit  d'hostilité  à  la  niémoire  du  grand  agronome.  »  Et  plus 
loin  :  «  Une  pareille  accusation  aurait  eu  parmi  les  auteurs  de  l'é- 
«  poque  un  retentissement  aussi  grand  que  le  massacre  de  Vàssy. 
«  Puisque  les  auteurs  n'en  disent  rien,  il  faut  que  ce  soit  une  fable 
«  inventée  plus  tard,  peut-être  par  les  Jésuites  ennemis  des  frères 
«  de  Serres,  ainsi  que  l'a  dit  François  de  Neufchàteau.  Jean  de 
«  Serres  avait,  en  effet,  écrit  de  1582  à  1586  ses  qmivc  Anli-Jésuites 
«  contre  les  Jésuites  de  Tournon.  ■> 

"Voilà  donc  que  le  fait  du  massacre  n'est  qu'une  pure  légende, 
dont  les  Jésuites  sont  probablement  les  inventeurs.  On  se  serait  peu 
douté  de  rencontrer  les  Jésuites  dans  cette  affaire  ;  mais  de  quoi  ne 
sont-ils  pas  capables  ! 

Tels  sont  les  arguments  de  .M.  Vaschalde.  On  ne  rencontre  dans 
son  livre  que  de  simples  affirmations,  des  appréciations  personnelles, 
des  considérations  morales,  des  inductions  hasardées;  et  ni  lui,  ni 
aucun  des  auteurs  modernes  qu'il  invoque,  n'apportent  au  débat  des 
preuves  décisives,  de  ces  faits  concluants  qui  enlèvent  l'assentiment 
de  tout  homme  impartial. 

IV 

Que  le  Synode  ait  eu  lieu,  que  les  massacres  soient  réels,  c'est  ce 
que  nul  historien  de  bonne  foi  ne  peut  révoquer  en  doute.  Cela  res- 
sort d'une  manière  évidente  et  d'un  examen  tant  soit  peu  attentif 


UU    2    MARS     1573    A    VlLLKNEUVli-DE-BKKG.  I77 

des  documents  contemporains.  On  peut  y  voir  aussi  qu  Olivier  de 
Serres  n'y  demeura  pas  étranger. 

C'est  ce  que  nous  allons  essayer  de  démontrer. 

Et  d'abord,  chacun  sait  que  ce  diacre  protestant  était  un  gentil- 
homme, et  à  ce  titre  il  était  désigné,  comme  tous  les  nobles,  par  le 
nom  de  sa  seigneurie  qui  était  le  Pradel  ;  qu'on  l'appelait  indifté- 
remment  en  français  du  Pradel,  de  Pradel,  Pradel,  comme  en  témoi- 
gnent les  lettres  d'Henri  IV  et  les  sonnets  du  chanoine  de  Romieu  ; 
en  latin  Pradeliiis,  Pradellhis,  Pradela  et  PradcUa  :  que  son  fief  et 
château  du  Pradel  était  situé  dans  la  commune  de  Mirabel,  à  quatre 
kilomètres  environ  de  Villeneuve  ;  qu'enfin  il  était  le  frère  de  Jean 
de  Serres  et  que  tous  deux  portaieiU  le  nom  générique  de  Serranus, 
tandis  que  son  nom  distinctif  à  lui  était  celui  de  du  Pradel,  depuis 
la  mort  de  son  père  arrivée  vers  l'an  1546  (i). 

Voyons  maintenant  quel  est,  au  sujet  de  ces  événements,  le  lan- 
gage de  l'histoire  et  de  la  tradition,  et  quelle  signification  leur  donne 
le  caractère  connu  d'Olivier  de  Serres. 

§  I".  L'Histoire.  —  Voici  d'abord  les  textes  originaux  des  histo- 
riens contemporains  . 

1°  Récit  de  Jean  de  Serres,  frère  de  notre  héros,  qui  fut  le  témoin 
oculaire  des  événements  qu'il  raconte  : 

« Nous   avons  dit   plus  haut  que  Baronet  Pradellius  axaienl 

«  occupé  Mirabel  où  se  retirèrent  les  Villeneuvois  les  plus  attachés 

«  à  la   religion  réformée Un   certain  soldat,  chaudronnier,   qui 

«  était  sorti  depuis  peu  de  Villeneuve,  se  rend  chez  Pradelius  et 
«  l'assure  qu'il  a  trouvé  un  secret  pour  prendre  la  ville...  TCe  secret 
nous  est  connu.  ) 

«  La  chose   rapportée  à  Baron,   homme   de  guerre,   est  tournée 


# 


Le  pasteur  Arnaud  (de  Cre^l).  dans  V Histoire  qu'il  vient  de  publier  des  pro- 
tanls  du  \ivarais  et  du  X'elay,  ne  doute  pas  un  instant  de  l'idendité  de  Pradel 
d'Olivier  de  Serres.  On  lit  dans  son  livre,  t.  I'"",  p.  106:  «  Quelques  auteurs, 
pour  disculper  Olivier  de  Serres,  ^ieur  du  Pradel,  des  excès  commis  à  Villeneuve- 
de-Berg,  se  sont  efforcés  de  prouver  que  le  Pradel  dont  il  vient  d'être  parlé  et  lui 
étaient  deux  personnages  différents;  mais  leurs  raisonnements  ne  peuvent  tenir 
devant  le  témoignage  des  auteurs  du  temps,  et  surtout  contre  le  fait  que  Jean  de 
Serres,  le  propre  frère  d'Olivier,  dans  ses  Commentaires  latins,  trop  peu  connus, 
l^r  les  guerres  de  religion  du  XVI'  siècle,  appelle  Pradel  «  un  homme  renomme 
^Qns  cette  contrée  m  ( Pradalio  noviinato  ad  eain  regionem  viro),  par  où  il  veut 
évidemment  désigner  le  grand  agronome.  Kicn  ne  prouve  d'ailleurs  que  ce  dernier 
ait  ordonné  le  massacre  des  prêtres,  h 


178  OLIVIER    Dli    SERRES    El     LES    MASSACRES 

«  par  lui  en  ridicule  et  accueillie  avec  un  franc-rire  de  soldat.  Ce- 
«  pendant  Pradelius  insistant,  il  est  convenu  qu'on  en  tentera 
«  l'essai... 

ft  Une  nuit  obscure  était  exigée  pour  l'exécution  du  projet.  Baron 
«  continuait  à  le  blâmer  comme  contraire  à  la  prudence  militaire  et 
«  le  regardant  comme  plein  de  péril  ;  plusieurs  mois  s'écoulèrent 
«  ainsi  avant  de  rien  entreprendre... 

«  Enfin,  Pradelius  obtient  qu'au  commencement  de  mars,  après 
«  avoir  réclamé  avec  instance  de  tous  côtés  des  secours.  Baron  vint 
«  avec  les  siens  de  Privas  à  Mirabel.  —  Celui-ci  arriva  sur  le  soir, 
«  quelques  heures  avant  la  nuit...  L'attaque,  qui  devait  avoir  lieu  à 
«  une  heure  après  minuit,  fut  retardée.  De  ce  retard  voici  la  cause  : 
«  Baron,  démontrant  le  danger  de  l'entreprise,  optait  pour  l'absten- 
«  tion,  et  la  plupart  partageaient  son  avis,  convaincus  par  l'autorité 
«  d'un  homme  versé  dans  le  métier  de  la  guerre.  Cependant  Pra- 
«  delius  l'emporta  pour  que  le  plan  fût  au  moins  tenté.  Puis,  se 
«  mettant  à  prier  Dieu  au  milieu  des  troupes,  l'enthousiasme  s'em- 
«  para  tellement  de  tous  les  cœurs,  qu'ils  partirent  comme  pour 
«  aller  à  une  victoire  certaine... 

«  Cependant  les  religionnaires,  profitant  du  silence  de  la  nuit, 
«  s'approchent  de  la  ville,  à  travers  les  anfractuosités  des  petites 
«  collines  qui  l'entoui-ent  de  ce  côté,  y  pénètrent  et  font  main-basse 
«  sur  les  premiers  corps  de  garde,  enfonçant  la  porte,  etc.,  etc.. 
«  Bientôt  les  religionnaires  se  précipitent  avec  impétuosité  à  travers 
«  la  ville,  les  rues  se  remplissent  de  cadavres.  Un  grand  nombre  de 
«  prêtres  sont  massacrés,  qui  étaient  venus  là  même  des  villes  voi- 
«  sines  pour  tenir  le  Synode  (comme  ils  l'appellent)...  (i)  » 

(i)  «...  Mirabcllum  oppidulum  a  liarone  ei  l'radeliio  occupatum  fuisse  diximus, 
«  qu6  è  Villanovatibus  confluunl  religionis  studiosiores...  Pradelium  adit  miles 
0  quidam  faber  aerarius  qui  recèns  Villanovâ  excesserat  :  affirmât  se  invcnissc  ra- 
«  tionem  occupandae  urbis... 

«  Delata  ad  Baronem,  mililarem  homincm,  rcs  militari  joco  irridetur.  Urgente  ta- 
('  men  Pradelio,   communi  sententiâ  aslruitur  rem  esse  tentandam... 

«  Rei  elTiciendœ  quccrenda  erat  nfix  iilunis.  Barone  rem  ut  minime  militari  pru- 
«  denliâ  speciosam  deirectabundo,  et  pcriculum  eonsilii  verente,  aiiquot  menscs. 
«  re  ncc  tentatâ,  pr;ctcrlabuntur. . . 

n  Pradelius  tandem  efllcit,  ut  ad  mensis  martii  initium,  corrogatis  auxiliis,  Haro 
«  cum  suis  Privaco  .Mirabellum  vcnirct  ;  sub  vcspcram  venit,  ita  tamcn  ut  jam  ali- 
«  quot  lucis  hora:  intercédèrent... 

«  Hœc  fuit  causa.  Baro  enim  rei  pcriculum  demonstrans,  censebat  nihil  cssc  Icn- 
"  landum  :  assenliebantur  plerique  miliiarcs   viri  aucloritate  pcrmoti.  Pervicit    tan- 


DU    2    MARS     1573    A    VILLENEUVE-DE-BERG.  1 79 

Ce  témoignage  est  décisif.  Jean  de  Serres  est  connu  comme  écri- 
vain et  comme  historien  ;  ses  talents  ne  sont  contestés  par  personne. 
Ses  Commentaires  sur  l'état  de  la  religion  et  de  la  France  sont  un 
ouvrage  important,  qui  a  été  d'un  grand  secours  à  l'historien  de 
Thou.  Il  connaissait  parfaitement  les  lieux  et  les  personnes;  il  est 
plus  que  probable  qu'il  tenait  ces  détails  de  la  bouche  même  de  son 
frère.  Mais  il  est  probable  aussi  que  cette  coopération  d'Olivier  au  sac 
de  sa  ville  natale  fut  alors  considérée  comme  honorable,  comme  un 
acte  de  courage  et  une  preuve  de  dévoûment  à  la  cause  protestante, 
lui  assurant  un  titre  à  la  reconnaissance  de  ses  coreligionnaires  ; 
comme  un  fait  de  guerre  heureux  qui  remettait  la  ville  en  leur  pou- 
voir et  pour  un  long  avenir.  Pourquoi  donc  taire  la  part  qu'y  prit 
Olivier?  C'est  ainsi  qu'en  aura  jugé  son  frère  Jean  et  tous  ses  con- 
temporains, et  c'est  ce  qui  nous  explique  l'ingénuité  de  son  récit  en 
ce  qui  concerne  le  rôle  qu'y  joue  Pradellius,  honorable  à  ses  yeux, 
mais  odieux  pour  quiconque  l'apprécie  en  dehors  de  tout  esprit  de 
secte  et  de  parti. 

2"  Récit  de  de  Thou,  abrégé  du  précédent  : 

« Baron   s'était  enfui  à  Mirabel...  et  s'en  était  emparé  par  le 

«  secours  de  Pradelius,  gentilhomme  qui  y  possédait  un  domaine. 

« Baron  s'était  retiré  à  .Mirabel  chez  Pradela,  homme  noble... 

«  Pradela,  averti  par  un  chaudronnier  de  la  possibilité  de  prendre 
«  la  ville,  appelle  Baron  et  cherche  à  le  convaincre  qu'il  ne  faut 
«  point  négliger  cette  ouverture  ;  mais  celui-ci,  redoutant  le  danger 
«  et  les  difficultés,  ne  croyait  pas  qu'on  put  songer  à  son  exécu- 
«  tion... 

«  Enfin,  au  commencement  de  mars,  pendant  que  les  troupes 
«  s'assemblaient,  Baron  convoqué  par  Pradela  vint  aussi  sur  le 
«  soir.  .  Entre  les  chefs,  unanimes  d'ailleurs  dans  le  but  proposé, 
«.  mais  différant  quant  à  la  manière  et  à  l'emploi  des  moyens,  une 

^Ê  dem  Pradelius,    uti  res  tentaretur  :  illu  autem  Deum   in  ipso   lurmarum  agmine 
^(  precato,  tanta  omnes  incessit  alacrilas,  ut  tanquam  ad  certam  vicloriam  proficis- 
«  cerentur...    Religiosi  noctis  silentio  per  colliculorum  quibus  iliac  Villanova  sepi- 
«  tur  anfractus,  ad  urbem  accedunt.  . 

«  Jam  in  eos  qui  per  urbem  armati  invenirenlur,  impetus  fit  a  Religiosis,  viasque 
«  cadaveribus  opplentur... 

^(  Sacrificulorum   (terme  de    mépris   qu'on   pourrait    peut-être    traduire  par  petits 
W curés  ou  calotins)  compiures  mactantur,  qui  ex  finitimis  etiam  urbibus  eu  Synodi 
Wi  (quem  vocant)  habendte  causa  convenerant. ..  »  {Commentarii  de  statu  religionis 
et  reipublicj;  in  regno  Gallix,  édition  in-8",  pp.  88,  89  et  90,} 


l8o  ULLIVILK     bl.    SKKKl-S     ET    LES    .MASSACRES 

«  discussion  surgit  qui  vint  entraver  l'affaire  ;  car  Baron,  prévoyant 
«  les  nombreuses  difficultés  de  l'entreprise,  imagine  toujours  quel- 
«  ques  nouveaux  retards.  Enfin  l'ardent  désir  et  l'autorité  de  Pradela 
«  l'emportèrent  pour  qu'on  tentât  l'entreprise,  et  l'on  se  mit  en  mar- 
«  che  vers  la  ville  au  lever  de  l'aurore...  Tous  ceux  qu'on  rencontre 
«  sont  massacrés,  et  surtout  on  égorge  cruellement  les  prêtres  qui 
«   s'étaient  rassemblés  là  pour  tenir  un  Synode...  (  i)  » 

Que  le  président  de  Thou  ait  tiré  ce  fait  soit  du  livre  de  Jean  de 
Serres,  soit  d'ailleurs,  en  le  consignant  dans  son  histoire,  il  s'en 
porte  garant,  le  confirme  par  l'autorité  de  son  nom.  Or,  le  président 
de  Thou  est  grandement  apprécié  comme  historien.  Bayle  proclame 
son  livre  un  chef-d'œuvre  ;  Bossuet  lui-même  l'invoque  sans  cesse 
et  ne  fait  pas  difficulté  de  l'appeler  le  grand  auteur,  le  fidèle  historien. 
De  Thou  mourut  en  1617,  deux  ans  avant  Olivier  de  Serres,  qu'il 
avait  pu  consulter. 

3"  Récit  abrégé  de  d'Aubigné: 

D'Aubigné,  dans  son  Histoire  universelle,  t.  Il,  liv.  1 1,  pp.  60  et  6i, 
édition  de  16 18,  dit  seulement  ceci  :  «  Le  capitaine  Baron  qui  y  (à 
«  'Villeneuve)  commandait  s'était  retiré  à  Mirabel,  entre  les  mains 
«  d'un  gentilhomme  nommé  Pradelle,  son  ami,  par  le  moyen  du- 
«  quel  il  fut  mis  dans  St-Privat.  »  Ce  qui  fait  supposer  que  Pra- 
delle pouvait  bien  être  un  personnage  autre  qu'Olivier  de  Serres  ; 
mais  dans  l'édition  suivante,  celle  de  1626,  il  a  soin  d'ajouter  après 
ces  mots  :  Pradelle,  son  ami,  ceux-ci  :  «  auteur  du  Théâtre  d'agri- 
culture »  :  ce  qui  identifie  de  la  façon  la  plus  formelle  Pradelle  avec 
Olivier  de  Serres. 

Tout  le  reste  du  récit  dans  les  deux  éditions  est  parfaitement  con- 
forme :  «Au  commencement  de  mars,  les  forces  d'Aubenas  et  Baron 
«  (pressé  par  Pradellej  se  rendent  à  Mirabel...  La  froideur  de 
><  Baron  acheva  l'entreprise,  car  on  l'y  traînait  à  l'escorche-cul,  et 
«  pourtant  il  cherchait  toutes  les  difficultés  et  longueurs  qu'il  pou- 
«  vait  inventer...  Pradelle  l'emporta,  et  par  son  désir  et  autorité. 
«  contraignit  l'autre  à  laisser  marcher,  mais  si  tard  par  les  ti'ai- 
«  neries  de  Baron,  qu'ils  n'arrivèrent  qu'au  jour...  Tout  entre 
«  et  tuent  tout  ce  qu'ils  trouvent  en  armes  par  les  rues;  parmi 
«   ceux-là,  force    prêtres  qui  étaient  venus  à  leur  Synode » 

(1)  Acceduiit,...  obvii  qui^ite  Irucidanlur,  et  saceidotes  i)iiprii)ns  ijiii  eo  Syiiodi 
causa  conveneranL,  cnideliler  macLaulur.  (Tiilnnus,  Ilisl.  uiiiv.,  t.  II,  lih.  55,  p.  912, 
cdil.  de  \()ici). 


DU     2    MARS     157^     A    VI LLICN' liU  VK-D  E-BEKG .  iSl 

Ce  témoignag-e  concorde  avec  les  deux  précédents.  D'Aubigné, 
protestant  fanatique,  joua  un  grand  rôle  sous  Henri  IV,  dont  il  fut 
l'ami  et  le  conseil.  11  fut  en  même  temps  guerrier,  théologien  et  écri- 
vain. Sous  ce  rapport,  il  suffit  de  citer  son  Histoire  universelle, 
ouvrage  important  et  curieu.x  comme  histoire  militaire.  Comme  pro- 
testant, il  n'avait  pas  à  charger  la  mémoire  d'Olivier  d'un  fait  odieux 
auquel  il  serait  resté  étranger. 

Ainsi  le  double  fait  du  S3'node  et  du  massacre  des  prêtres  est  plei- 
nement confirmé  par  ces  trois  auteurs  contemporains  :  «  Un  grand 
nombre  de  prêtres,  force  prêtres  venus  au  Synode  furent  massa- 
crés et  ils  le  furent  de  préférence  aux  autres,  imprimis  ;  et  ils  le 
furent  cruellement,  criideliter.  »  Voilà  pour  l'histoire  contempo- 
raine, et  si  ces  trois  auteurs,  bien  à  même  de  connaître  la  vérité  sur 
ces  événements,  se  sont  trompés,  que  faudra-t-il  penser  de  ceux 
qui  sont  venus  longtemps  après  ! 

4"  A  ces  trois  auteurs  contemporains,  il  convient  d'ajouter  l'abbé 
Giraud-Soulavie ,  le  judicieux  historien  du  diocèse  de  Viviers.  Il 
nous  donne  sur  ces  événements  des  détails  complémentaires  qui 
concordent  on  ne  peut  mieux  avec  ce  c]ui  vient  d'être  dit.  M.  Vas- 
chalde  se  demande  où  il  a  puisé  les  renseignements  précis  qu'il  a 
consignés  dans  son  ouvrage  sur  le  nombre  des  prêtres  massacrés  et 
sur  les  puits  où  furent  jetés  leurs  cadavres.  La  réponse  n'est  pas  dif- 
ficile :  c'est  que  cet  historien,  à  qui  on  ne  refusera  ni  la  qualité  d'ob- 
servateur, ni  celle  de  ti'availleur,  avait  recueilli  les  données  de  la  tra- 
dition de  Villeneuve,  et  qu'en  outre  il  avait  pu  et  dû  puiser  dans  les 
archives  et  dans  la  bibliothèque  de  l'évêché  et  du  chapitre.  Ces 
archives  n'existent  plus,  elles  furent  brûlées  en  1793,  dans  la  cour  du 
Grand-Séminaire  (i). 

Après  ces  divers  témoignages,  il  serait  superflu  de  citer  les  au- 
teurs modernes  :  MM.  de  la  Boissière,  Albert  du  Boys,  Mollier, 
Léon  Vedel,  dont  le  sentiment  est  conforme  à  celui  des  historiens 
précités. 
1^  §  IL  La  Tradition  —  Nous  pouvons  encore  invoquer  en  notre 
faveur  la  tradition  constante  et  unanime  de  ^^illeneuve-de-Berg.  La 
gloire  d'Olivier  de  Serres  qui  rejaillit  sur  elle  n'a  pas  pu  l'effacer  ;  le 
souvenir  du  grand  homme  n'y  est  pas  sympathique  ;  le  mot  de  pro- 

M^i)  D'après    une  note   d'un    grand-vicaire,  ces   archives  remplirent    trois    tombe- 
^aux.  C'est  donc    à    tort,   soit    dit    en    passant,  qu'un    auteur  a  dit  que  M.    l'abbé 
Aiollier  avait  pu  les  consulter. 


102  OLLIVIKR    UK    SKRRES    ET    LKS    MASSACRES 

testant  n"y  inspire  que  la  répulsion,  tellement  le  souvenir  de  leur 
domination  est  resté  odieux.  Les  puits  de  la  Placette,  du  Chemin  du 
Fort,  quoique  comblés  depuis  longtemps,  celui  de  Bougette  qui 
existe  encore,  sont  toujours  considérés  comme  des  témoins  muets 
des  massacres.  Malgré  leur  domination  de  cinquante  ans,  les  pro- 
testants n'ont  pas  pu  se  maintenir  à  Villeneuve  :  ou  ils  sont  revenus 
à  la  foi  de  leurs  pères,  ou  ils  se  sont  expatriés,  au  point  que,  à  la 
fin  du  siècle  dernier,  il  n'y  en  avait  pas  un  seul  ;  et  les  quelques  in- 
dividualités qui  s'y  trouvent  aujourd'hui  sont  tous  d'origine  étran- 
gère. Pourquoi  ne  s'y  sont-ils  pas  maintenus  en  nombre  comme  à 
Vallon,  à  Lagorce,  à  Vernoux  et  autres  lieux  ?  C'est  que  leur  domi- 
nation n'v  avait  laissé  que  des  souvenirs  d'oppression  et  de  sang. 

Et  cette  Madone  qui  se  trouve  encore  à  l'angle  extérieur  de  l'an- 
cienne maison  d'Olivier,  dans  une  niche  aux  ornements  délicats  et 
Jinements  ouvragés,  et  respectée  jusqu'à  nos  jours,  n'est-ce  pas  un 
témoin  parlant  de  l'antipathie  que  soulevait  la  mémoire  de  cet 
homme  et  celle  de  ses  descendants  ?  Elle  fut  imposée  à  Daniel  de 
Serres,  fils  aîné  d'Olivier,  par  les  catholiques  comme  une  amende 
honorable  à  leur  culte.  Or  les  catholiques  aui"aient-ils  pu  infliger  à 
cette  importante  famille  et  aux  protestants  cette  humiliation  à  leur 
croyance,  s'ils  n'avaient  pas  eu  des  griefs  sérieux  contre  eux  ?  Et  ceux- 
ci  l'auraient-ils  acceptée  s'ils  n'avaient  eu  des  torts  à  se  reprocher  et. 
à  réparer  ?  Cette  statue  de  la  Sainte  Vierge  dût  être  placée  là  comme 
un  gage  d'oubli  du  passé  et  de  paix  pour  l'avenir. 

M.  Vaschalde  constate  que  le  Livre  de  raison  d'Olivier  de  Serres, 
qu'il  a  pu  consulter,  ne  commence  qu'à  l'année  1605,  et  il  est,  dit-il, 
profondément  regrettable  que  les  feuillets  précédents  soient  perdus  : 
<i  On  aurait  pu  par  leur  témoignage  connaître  la  vie  intime  d'Oli- 
vier. »  Nous  le  regrettons  encore  plus  que  lui,  car  ils  auraient  fait 
connaître  la  part  qu'il  prit  aux  malheureux  événements  qui  se  pas- 
sèrent depuis  son  entrée  dans  les  affaires  jusqu'à  cette  époque. 

Et  ne  serait-ce  pas  là  l'explication  de  leur  disparition,  opérée  par 
une  main  amie? 

Le  souvenir  de  ce  siège  et  de  ce  massacre  du  2  mars  1573  s'est 
perpétué,  constant  et  vivace  dans  l'esprit  des  habitants  de  Ville- 
neuve, surtout  parmi  les  anciennes  familles.  El  ce  souvenir,  cette 
tradition  ne  reposerait  sur  rien  de  réel,  sur  un  mensonge  ?  serait 
une  légende  inventée  par  des  hommes  de  parti  ?  On  l'imposerait  à 
une  population  nombreuse,  témoin  et  victime  du  fait  !  Ce  n'est  pas 
possible.  Tous  les  jésuites  du  monde  n'y  parviendraient  pas. 


DU    2    MARS     i57-i    A    VILLENEUVE-DE-BERG.  183 

Aussi,  toutes  les  fois  que  quelque  orateur  officiel  ou  quelque  écri- 
vain à  gages  a  voulu  affirmer  le  contraire  et  jeter  pour  ainsi  dire  un 
défi  à  la  conscience  publique  au  sujet  de  ces  faits  douloureux,  il  s'est 
rencontré  quelqu'un  pour  lui  répondre,  et  pour  protester  contre 
le  mensonge,  au  nom  de  la  vérité  outragée  ;  elle  a  protesté  par 
M.  de  la  Boissière  contre  François  de  Xeufchàteau  ;  par  M.  Vernet 
contre  le  préfet  Caffarelli  (ij  ;  par  M.  l'abbé  Mollier  contre  Reisne  ; 
par  l'anonyme  de  1872  et  M.  Léon  Vedel  contre  M.  Eugène  Villard  ; 
et  enfin,  bien  que  notre  voix  soit  la  moins  autorisée  de  toutes,  nous 
venons,  à  notre  tour,  protester  contre  les  assertions  de  M.  \'^as- 
chalde. 

§  III.  Le  caractère  d'Olivier  de  Serres.  —  Ce  qui  confirme  encore 
notre  opinion,  c'est  le  caractère  même  d'Olivier  de  Serres. 

Olivier  était  l'aîné  de  sa  famille  ;  à  l'âge  de  sept  ans,  il  perdit  son 
père,  ce  qui  lui  donna  nécessairement  une  certaine  indépendance 
d'esprit  et  de  cœur,  et  l'obligea  de  bonne  heure  à  prendre  la  direc- 
tion des  affaires.  «  Ses  études,  dit  M.  Vaschalde,  furent  solides  et 
«  telles  que  les  faisait  alors  la  jeunesse  protestante  pour  soutenir  les 
«  luttes  ardentes  sur  les  questions  religieuses.  Il  se  maria  à  vingt 
<■  ans.  ce  qui  dénote  la  précocité  de  son  esprit  ;  son  écriture  était 
«  hardie,  très  ferme  et  dénote  une  grande  énergie  chez  son  auteur  ;  à 
«  vingt-deux  ans,  dix-huit  mois  après  son  mariage,  il  était  diacre 
«   de  l'église  :  il  était  appelé  à  faire  un  ardent  sectaire  !  » 

Et  il  le  fut. 

En  effet,  nous  le  voyons  à  la  tête  de  toutes  les  démarches  faites 
pour  doter  Villeneuve  d'un  ministre  II  va  dans  ce  but  à  Genève,  voit 
Calvin.  Le  ministre  obtenu,  il  paye  les  frais  de  son  voyage,  le  nour- 
rit, le  loge,  pourvoit  à  son  entretien,  le  guide,  le  seconde  en  tout. 
Pourrait-on  contester  son  action  puissante  et  l'ardeur  de  son  prosé- 
lytisme? L'hérésie  fait  de  tels  progrès,  qu'en  décembre  1562,  les 
protestants  sont  assez  forts  pour  s'emparer  de  la  ville  et  la  gouver- 
nent pendant  dix  ans  consécutifs,  ne  ménageant  pas  les  avanies  aux 
|É|tholiques.  Dès  le  début,  ils  s'emparent  des  vases  sacrés  de  leur 
église. 

(i)  La  pyramide  de  \illeneuve  élevée  par  M.  Cafarelli  est  environnée  d'une 
grille  surmontée  dune  dizaine  de  pierres  rondes.  Lors  de  son  érection,  M.  Vernel 
pmnonça  ces  paroles  significatives  qui  sont  restées  gravées  dans  la  mémoire  de 
s^compatriotes  :  «  C'eût  été  glus  historique,  si  à  la  place  de  ces  pierres  rondes, 
^  eût  placé  des  têtes  de  prêtres.  » 


184  OLllVli.K     hK    SERRi;-^     HT    LKS    .MASSACRES 

.Mais  en  octobre  1572,  M.  de  Logères  vient  au  nom  du  roi  enlever 
la  ville  aux  protestants.  Ce  coup  dut  leur  être  sensible,  et  les  menées 
pour  la  reprendre  ne  durent  pas  cesser  parmi   eux. 

Cependant  de  Logères,  gouvernant  avec  sagesse,  maintenait  la 
paix  entre  les  catholiques  et  les  protestants.  La  confiance  renais- 
sait. Un  Svnode  composé  de  trente  à  quarante  prêtres  dts  environs 
se  réunit  à  \'illeneuve  pour  s'occuper  d'abord  du  salut  de  leur  âme 
par  une  courte  retraite,  et  ensuite  des  moyens  de  panser  les  blessu- 
res profondes  de  l'Eglise,  comme  c'était  leur  droit  et  leur  devoir. 
Mais  tout  cela  colporté  et  grossi  ne  pouvait  quirriter  profondément 
les  protestants.  Olivier,  dans  son  château  du  Pradel,  ne  devait  rien 
ignorer  de  ce  qui  se  passait  à  Villeneuve,  ni  sur  l'état  des  esprits. 
—  Un  Svnode  de  prêtres  dans  la  capitale  protestante  du  Vivarais  ! 
s'occupanl  à  annuler  les  résultats  acquis  !  huit  mois  seulement  après 
l'horrible  nuit  de  la  Saint-Barthélémy!!!  Quel  bouillonnement  de 
colère,  de  haine,  de  vengeance  et  de  rage  dans  tous  ces  cœurs 
blessés,  aigris,  fanatisés  !... 

Et  l'on  voudrait  que  dans  de  telles  circonstances,  Olivier  de  Serres 
fût  resté  simple  spectateur,  s'occupant  uniquement  de  la  culture  de 
ses  jardins  ou  de  ses  terres  ,  lui  diacre  de  l'église  ,  c  secta- 
teur ardent  »  !  Mais  c'eût  été  renier  tout  son  passé,  c'eût  été  une 
honte,  une  trahison  aux  yeux  de  ses  coreligionnaires,  qui  ne  le  lui 
auraient  jamais  pardonné. 

Aussi  l'histoire  nous  le  montre  t-il  comme  le  principal  agent,  forçant 
pour  ainsi  dire  le  capitaine  Bai'on  à  tenter  l'attaque  contre  Villeneuve  ; 
les  troupes  sont  réunies  et  dans  la  nuit  du  2  mars  1573,  on  se  met  en 
marche  ;  la  ville  est  prise,  une  partie  de  la  garnison  passée  au  fil  de 
l'épée  et  le  massacre  des  prêtres  et  de  nombre  d'habitants  accompli. 

Et  l'on  voudrait  qu'au  nioment  où  cette  troupe  descendait  de  Mi - 
rabel,  rasait  le  pied  des  murailles  du  Pradel,  allait  monter  à  l'assaut 
de  sa  ville  natale,  où  il  avait  tant  d'intérêts  et  tant  d'amis  ;  que  tant 
d'hommes  allaient  périr  pour  une  cause  qui  était  la  sienne;  on  vou- 
drait que  lui,  Olivier,  lui  élevé  dans  un  chàteau-fort,  exercé  au  ma- 
niement des  armes,  à  l'âge  de  trente  quatre  ans.  dans  la  plénitude 
de  la  force  et  du  courage  ;  après  a\()ir  harangué  et  enthousiasmé  les 
soldats,  fût  rentré  paisiblement  dans  sa  demeure  pour  s'y  livrer  au 
repos,  ou  pour  aller  contempler  du  haut  d'une  de  ses  tours  le  mou- 
vement des  troupes,  prêter  l'oreille  au  cliquetis  des  armes,  ou  con- 
templer ses  vignes  et  ses  vergers  !    Lui,  l'âme,  le  promoteur  de  l'ex- 


nn    2     MAR^     1573    A    VILLr:N'F.I'VE-r)E-BERO.  185 

pédition,  le  sectaire  ardent!  -  Cela  est  impossible:  c'est  contredit 
par  son  caractère,  par  son  passé,  par  sa  position,  par  toutes  les  cir- 
constances du  moment.  Il  n'aurait  plus  osé  se  présenter  devant  ses 
coreligionnaires,  ni  même  porter  l'épée  de  gentilhomme. 

V 

Dans  quelles  limites  Olivier  de  Serres  a-t-il  trempé  son  épée  dans 
le  sang  de  ses  frères,  dans  le  sang  de  ces  prêtres  ?  Nous  ne  saurions 
le  dire  ;  mais  il  est  certain  qu'après  avoir  été  l'instigateur  du  siège 
et  des  massacres,  il  aurait  pu  en  diminuer  l'horreur.  Son  influence 
sur  Baron  et  les  autres  chefs,  sur  les  soldats  est  incontestable,  d'a- 
près Jean  de  Serres,  son  propre  frère.  Or,  que  l'on  fît  main-basse 
sur  tous  ceux  que  l'on  rencontrait  en  armes  dans  les  rues,  cela  se 
comprend  :  c'est  le  droit  de  la  guerre,  si  toutefois  la  guerre  civile 
peut  l'invoquer  ;  mais  les  prêtres  renfermés  dans  l'église  n'avaient 
d'autre  arme  que  la  prière  ;  loin  d'être  provocateurs,  ils  ne  pouvaient 
pas  même  se  défendre  ;  c'était  donc  à  leur  égard  de  la  cruauté  à 
froid.  On  sauva  bien  du  massacre  Chalendar.  Pourquoi  pas  les 
prêtres,  du  moins  quelques-uns  > 

On  n'avait  pas  de  vengeances  ni  de  représailles  à  exercer  :  de  Lo- 
gères  avait  pris  la  ville,  mais  le  sang  protestant  n'a\ait  pas  coulé  : 
la  Saint-Barthélémy  n'avait  eu  heureusement  aucun  écl:o  à  \  ille- 
neuve  ;  le  gouvernement  de  de  Logères  avait  été  pacificateur  :  un 
mot  d'un  des  chefs  sur  les  soldats,  un  mot  d'Olivier  sur  les  chefs, 
aurait  épargné,  du  moins  en  partie,  l'hon-eur  de  celte  boucherie,  et 
ce  mot  ne  fut  pas  dit.  La  plus  grande  part  de  responsabilité  de  ce 
sang  qui  a  inutilement  coulé  pèse  donc  sur  Olivier  de  Serres.  Sans 
doute,  Baron  est  loin  d'être  innocent  des  cruautés  qui  furent  exer- 
cées: il  en  était  bien  capable  ;  mais  ici,  il  me  semble  n'agir  qu'en  se- 
cond ;  il  est  dominé  par  Olivier  de  Serres. 

C'est  un  grand  malheur  pour  la  mémoii'e  du  célèbre  agronome,  et 
^|0e  tache  qui  l'amoindrit  grandement  aux  yeux  de  la  postérité.  Assu- 
rément nous  aurions  mieux  aimé  le  trouver  innocent  et  nous  unir  à 
ses  apologistes  pour  le  louer  sans  restriction  :  mais  il  est  juste  qu'il 
subisse  les  conséquences  de  ses  actes.  Les  catholiques  n'ont  pas  à 
le  justifier.  Pour  nous,  nous  n'aurions  pas  pris  la  plume  si  les  écri- 
vq^s  qui  se  sont  constitués  ses  apologistes  s'étaient  contentés  d'ex- 
er,  de  pallier  sa  conduite;  de  laisser  dans  la  pénombre  ses  actes 

Hi:i.L.  IX,    1889.  14 


c^e 


l86  OLLIVIER    hr:     SERRES 

coupables  et  dignes  de  tout  blâme  :  mais  vouloir  le  justifier  complè- 
tement, nier  le  massacre,  accuser  de  faussaires,  de  calomniateurs 
infâmes  des  auteurs  qui  n'ont  fait  que  suivre  l'histoire,  cela  nous  a 
paru  mériter  une  réponse. 

Nous  la  donnons  et  nous  espérons  qu'elle  sera  assez  complète 
pour  clore  le  débat. 

Pour  nous,  Olivier  de  Serres  n'est  ni  un  patriarche,  ni  un  demi- 
saint  ;  nous  avons  attaqué  en  lui  le  sectaire  qui  serait  oublié  depuis 
longtemps,  s'il  n'eût  été  que  cela  ;  mais  non  le  savant  et  l'agronome 
éminent  dont  le  nom  restera  ineffaçable  dans  nos  annales.  Plût  à 
Dieu  qu'il  ne  se  fût  jamais  occupé  d'autre  chose  que  du  Mesiijoe  Jes 
Champs. 

-Mais  qui  sait  si  plus  tard,  en  face  de  la  froide  raison,  lorsque  la 
f<')ugue  des  passions  se  fut  calmée  en  lui,  il  ne  déplora  pas  ce  qu'il 
avait  pu  considérer,  dans  l'ardeur  de  son  fanatisme,  comme  une  ac- 
tion d'éclat  et  un  exploit  honorable?  Qui  sait  si  les  \iclimes  du  mas- 
sacre de  \'illeneuve  ne  se  sont  pas  dressées  devant  lui  comme  un 
remords  ?  Le  charme  qu'il  trouvait  à  cultiver  ses  vergers  et  à  dirigei- 
1  eau  dans  ses  vertes  prairies  ne  fut-il  jamais  troublé  par  le  souvenir 
du  sang  versé?  Nous  aimons  à  croire  que  le  cri  de  la  conscience  se 
fit  entendre  dans  cette  àme  naturellement  bonne  et  généreuse,  el 
lui  inspira  le  repentir. 

jetons  donc  un  voile  sur  ce  passé  d'Olivier  et  disons  qu'il  l'a  ré- 
paré, du  moins  en  partie,  par  ses  travaux-,  par  les  services  qu'il  a 
rendus  à  sa  patrie,  par  les  bienfaits  qu'il  a  répandu^  sur  l'humanilc 
en  élevant  les  travaux  pénibles  de  l'agriculture  à  la  hauteur  d'un  ail 
et  en  la  faisant  aimer,  honorer  par  les  classes  pri\ilcgiées  de  la  for- 
tune Il  a  donc  bien  mérité  le  titre  de  i^ère  de  l'agriculture  françai^^t; 
que  la  reconnaissance  publique  lui  a  décerné.  Sous  ce  titre,  nous  le 
saluons  avec  respect  et  reconnaissance,  et,  en  notre  qualité  de  \  iva- 
rois,  avec  orgueil. 

(:]iF.Ni\'i-:ssE, 


LE    TRIÈVES 

pendant    la    grande    Révolution 

if  après  des  docuinents  officch  cl  inédits. 

(Surrr:). 

CHAPITRE    IX 

A  N  N  K  i:  S       DE      I   8  ()  4      A       {><'),  il  . 


St-Maurice,  si  acharné  naguère  contre  les  prêtres  insermentés, 
se  vit  enlever  son  titre  de  paroisse  :  on  le  rattacha  à  celle  de  Lallev. 
qui  auparavant  dépendait  d'elle;  son  ancien  curé,  M.  Bourillon. 
resterait  encore  le  sien,  mais  résiderait  à  Lalley  même,  dont  il  por- 
terait désormais  le  titre.  L'humiliation  fut  salutaire  à  cette  trop 
remuante  population,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  tard. 

Le  registre  des  délibérations  de  Lalley  nous  fournit  le  détail  de  la 
touchante  cérémonie  par  laquelle  M.  Bourillon  fut  mis  en  possession 
de  son  poste  ,  cérémonie  semblable  d'ailleurs  à  celles  qui  se  iireni 
alors  pour  les  autres  desservants  :  «  Du  i6  nivôse  an^XlI.(7  jan- 
vier 1804)  de  la  République  française,  dans  la  Maison  commune, 
où  s'étaient  rendus  les  citoyens  consuls,  membres  du  Conseil 
municipal,  savoir  :  Jean  F^errier.  Joseph  Gauthier,  .Vmbroise  Borel. 
Jean  Daspre,    Jean  Bonniot. 

«  Le  maire,  après  avoir  fait  part  de  l'objet  de  la  convocation  et 
donné  lecture  de  la  lettre  et  arrêté  du  préiet  annonçant  la  nomination 
et  installation  à  la  paroisse  de  Lalley  de  M.  Bourillon,  qui  a  prêté 
entre  ses  mains  le  serment  prescrit  par  le  concordat,  a  dit  que  ce 
^^•nier,  avec  qui  il  s'était  concerté,  prendrait  possession  par  le 
^loyen  de  l'ecclésiastique  désigné  par  M.  l'Evêque.  En  conséquence 
le  dit  M.  Bourillon,  précédé  de  M.  OUagnier,  curé  de  Clelles,  du 
maire,  des  membres  de  la  municipalité,  du  suppléant  du  juge  de 
paix  du  canton,  a  été  introduit  dans  l'église,  où  se  trouvaient  réunies 
uHfcgrand  nombre  de  personnes.  Les  cloches  sonnaient  et  le  dit  M. 
(Magnier.  ayant  fait  lecture  de  la  nomination  de  M.  Bourillon,  a 
pris  celui-ci   par  la  main   droite,  l'a  conduit  au  maitre-autel,  au  bas 


lS8  LF.    TRIÈVF.S     PENDANT 

duquel  il  a  fait  sa  prière,  lui  a  fait  ouvrir  et  fermer  le  tabernacle  et 
les  fonts  baptismaux,  sonner  les  cloches,  monter  en  chaire  et  faire 
tous  les  autres  actes  possessoriaux  dans  la  dite  église,  et  par  ce 
mo3'en  a  mis  en  possession  réelle,  actuelle,  civile  et  corporelle  de  la 
dite  paroisse  de  Lalley  et  de  ses  dépendances  M.  Bourillon  oncle. 
Celui-ci  a  ensuite  fait  un  discours  de  bon  pasteur,  dans  le  plus  fort 
attendrissement,  pour  la  gloire  de  Dieu  et  de  notre  sainte  Religion. 
Et,  la  bénédiction  du  Très  Saint-Sacrement  ayant  été  donnée,  les 
corps  constitués  ont  conduit  jM.  Bourillon  à  son  pi-esbytère. 

«  De  tout  quoy  nous  avons  dressé  le  présent  procès-verbal  que 
nous  avons  signé  avec  .MM.  Bourillon,  OUagnier  et  les  membres  du 
conseil  municipal.  » 

Les  prêtres  dont  il  nous  a  été  donné  de  raconter  très  incomplète- 
ment l'histoire  pendant  le  cours  des  temps  troublés  d'où  nous  venons 
de  voir  sortir  la  France,  furent  presque  tous  replacés  dans  leur  an- 
cienne paroisse,  ou  du  moins  dans  le  voisinage.  (Vest  ainsi  que  M. 
Joseph-Alexandre  Galfard  revint  à  St-Baudille,  M.  Brudon  à  Tré- 
minis,  .M.  Bourillon  (Clément)  à  St-Jean-d"lIérans  (i),M.  AudiflVei  à 
St-Michel-Ies-Portes,  M.  Beau  à  Pellafol  et  à  la  Croix-de-la-1'igne. 
Le  Percy  échut  à  M.  Robert,  confesseur  de  la  foi  dans  les  prisons 
de  Grenoble  et  les  forteresses  de  l'ile  de  Ré. 

(i)  M.  Bourillon,  avant  cette  nomination,  avait  desservi  la  paroisse  de  St-Hau- 
dillc,  dans  l'église  de  laquelle  M.  P.  Tanon.  acljiiinl  au  maire,  l'avait  inlinduii  par 
la  lettre  suivante  : 

«   La  I<ivicrc,  le  i   llorcal   an   I.\. 
«   Monsieur. 

«  Je  suis  surpris  que  vous  ne  disiez  pas  vos  oiticcs  dans  l'église  de  noire  com- 
mune, attendu  que  dans  toutes  les  villes  de  la  l'^rance  on  v  \a  publiquement.  Si 
j'avais  l'honneur  de  vous  voir,  je  vous  guérirais  de  votre  crainte  ;  vnus  savez  tout 
comme  moi  que  l'esprit  public  est  revenu  de  ses  erreurs  ;  que  le  gouvcrnemeiU 
d'aujourd'hui  est  de  toute  tolérance  ;  qu'il  n'a  malhcureusemeni  que  trop  louché, 
par  le  passé,  à  votre  culte,  ce  qui  n'a  servi  qu'à  pervertir  la  grande  moitié  de  la 
France.  Il  n'est  donc  que  quelques  mauvais  philosophes  qui  aient  pu  adopter  ces 
mauvais  principes,  ou  bien  quelque  homme  de  sang  qui  n'a  lien  à  perdre  ;  car  tout 
propriétaire  a  intérêt  que  les  cultes  soient  exercés  avec  dcMilion,  pour  tenir  le  peu- 
ple dans  le  devoir  de  l'honneur,  sans  quoi  les  piopriélés  ne  seraient  pas  en  siirelé. 
Je  vous  prie  en  mon  particulier,  comme  adjoint  de  la  commune,  et  la  présente  vous 
servira  de  garantie  ,  d'y  aller  au  plus  tôt.  cl  je  pense  que  vous  me  devez  croire 
sincère,  comme  je  vous  prie  de  me  croire  votre  affectionné  concitoyen. 

"   P.   Tanon.  » 

Cette  démarche  est  d'autant  plus  louable  chez  Al.  Tanon, qu'il  était  lui-mcme  pro- 
lestant  ardent  et  convaincu.  —  {Archives  de  l'auteur). 


LA    GRANUK    REVOLUTION.  I  8q 

Ce  prêtre  était  né,  en  janvier  1752,  à  St-Jean-des-V^ertus,  près  de 
Corps,  paroisse  alors  du  diocèse  de  (  lap.  Il  fit  ses  études  de  théolo- 
gie à  Grenoble,  et  sa  famille  garde  encore  précieusement  les  certi- 
ficats où  M.  Sadin,  curé  de  St-Louis,  atteste  d'une  manière  très  élo- 
g-ieuse  la  conduite  exemplaire  et  la  grande  piété  du  jeune  ecclésias- 
tique. Après  avoir  été  ordonné  prêtre  en  1776,  il  fut  successivement 
vicaire  à  la  Salette  et  à  la  Beaume-des-Arnaud.  11  était  curé  d'Argen- 
son,  dans  les  Hautes-Alpes,  quand  arriva  i7''^o.  Des  notes  venues 
de  Tévéché  de  Gap  nous  apprennent  qu  il  refusa  de  prêter  serment  à 
la  constitution  civile  du  clergé  et  qu'il  se  ret-ra  dans  sa  famille,  vers 
le  milieu  de  1791.  De  là,  déguisé  en  muletier,  il  aurait  parcouru  les 
montagnes  du  voisinage  pour  y  administrer  les  sacrements.' 

Un  soir,  que  des  gendarmes,  rencontrés  sur  la  route,  lui  deman- 
daient s'il  connaissait  Robert  le  curé...  il  aurait  répondu  :  «  Mais  ce 
prêtre,  c'est  moi.  » 

Il  fut  aussitôt  arrêté,  conduit  à  Grenoble,  en  compagnie  de  M, 
Bonthoux,  curé  du  Glaizil,  et  enfermé  avec  lui  dans  les  prisons  de 
cette  ville,  le  26  fructidor  an  \'l  (\).  Le  10  vendémiaire  an  Vil,  il  en 
était  retiré  pour  être  conduit  à  l'ile  de  Ré  (2),  où  il  eut  beaucoup  à 
souffrir  et  où  nous  le  trouvons  encore  écrivant  à  l'un  de  ses  neveux, 
le  1  {  février  1802.  Dans  sa  lettre  il  disait  recevoir  chaque  jour,  pour 
sa  nourriture,  une  livre  de  pain  et  une  demi  livre  de  viande  (3). 

Lorsqu'il  fut  arrêté,  il  put,  nous  assure-t-on,  conserver  son  bré- 
\iaire,  que  le  cachot  dépourvu  de  croisée,  où  il  fut  enfermé,  semblait 
de\oir  lui  rendre  absolument  inutile,  mais  il  en  faisait  passer  les 
lignes  les  unes  après  les  autres  devant  le  trou  de  la  serrure,  et,  au 
faible  rayon  de  lumière  qui  s'en  échappait,  il  rendait  à  Dieu  le  tribut 
de  ses  prières. 

De  retour  en  France,  il  administra  jusqu'en  1805  les  paroisses  du 
l^ercv  et  du  Monêtier-du-Percy,  puis  celle  de  St-Martin-de-Clelles, 
où  il  resta  jusqu'à  la  fin  de  181  i,  époque  à  laquelle  il  vint  remplacer 
le  vénérable  M.  Brudon.  Partout  où  ce  prêtre  a  passé,  on  a  gardé  le 
souvenir  de  ses  vertus  et  de  son  héroïque  charité.  L'âge  et  ses  tra- 
fl^x  ayant  épuisé  ses  forces,  il  se  retira,  en  1828,  dans  son  pays 
natal  et  s'y  endormit  doucement  dans  le  Seigneur,  quelques  années 
plus  tard  {4). 

(  i)   Ecroti  desprisoiis. 

l^  Ibidem. 

S^  Lettres  et  autres  papiers  de  .M.  Rnherl  cunservés  dans  sa  tainillc. 

~)  Registres  des  différentes  paroisses  citées  et  loco  jam  cit. 


190  I.E    TRIEVES    PENDANT 

Apres  le  départ  de  .M.  Robert.  St-Martin-de-("lelles.  pendant  près 
de  deux  ans,  fut  desservi  par  .M.  Ollagnier,  qui  y  disait  une  messe 
le  dimanche  ;  mais  le  i  ]  juin  i8n,  cette  paroisse  fut  attachée  à  celle 
de  C.lelles.  Le  2-;  avril  1844  seulement.  Mgr  Philibert  de  Bruillard. 
la  fit  de  nouveau  ériger  en  succursale  et  lui  donna  un  curé  (  i). 

Les  administrateurs  de  la  conmiune  de  Mens  avaient  pour\  u  , 
parce  que  la  loi  les  y  obligeait,  à  ce  que  les  catholiques  eussent  une 
église  et  leur  curé  un  presbytère  ;  le  22  mars  iSo5,ils  procurèrent  les 
mêmes  avantages  aux  protestants  et  à  leurs  pasteurs.  En  effet  :  «  le 
conseil  municipal,  statuant  sur  la  demande  des  membres  du  Consis- 
toire de  la  R.  P.  R.  de  Mens,  à  la  date  du  28  nivôse,  an  Xlll,  et  signé. 
|acques'.-\lloard,  Prein,  Borel,  tendant  à  ce  que  la  maison  dite  des 
Sœurs  fût  accordée  pour  logement  au  pasteur  Morel,  accorde  pour 
ce  pasteur  le  payement  annuel  de  la  somme  de  cent  vingt  francs 
pour  un   logement  qu'il  choisira  où  il  voudra  (2J.  » 

Le  4  avril  suivant,  le  conseil  arrêtait  aussi  de  louer  pour  vingt  ans 
la  maison  du  sieur  Blanc-Ferrière,  de  Prébois,  afin  quelle  pût  servir 
de  temple.  Ces  deux  délibérations  furent  approuvées  par  la  préfec- 
ture (31. 

Quelques  mois  encore  plus  tard  (12  septembre  180^),  l'église  ré- 
formée de  Mens  était  érigée  en  consistoire  par  décret  impérial,  à  la 
réserve  toutefois  qu  aucun  préjudice  ne  serait  porté  au  culte  catho- 
lique pour  les  cérémonies  extérieures. 

Les  catholiques,  de  leur  coté,  ne  restaient  point  inaclils  et  poursui- 
vaient avec  ardeur  le  rétablissement  de  leur  église  en  létat  où  clic 
se  trouvait  avant  la  révolution.  Ils  ne  voulaient  point  avoir,  comme 
les  luifs,  <à  pleurer  sur  les  magnificences  du  temple  saint,  dont  le 
souvenir  seul  leur  resterait.  Ils  obtinrent  un  \icaire  pour  aider  M. 
Testou.  Les  habitants  se  cotisèrent  d'abord  entre  eux  pour  lui  faire 
un  traitement,  car  il  n'était  pas  reconnu  par  l'Etat.  Cette  situation  ne 
pouvait  durer  longtemps  ;  aussi  les  membres  du  conseil  de  fabrique 
joignirent-ils  leurs  démarches  à  celles  de  plusieurs  de  leurs  compa- 
triotes pour  obtenir  du  préfet  de  l'Isère  qu'il  portât  à  cinq  cents  francs 
le  traitement  de  leur  vicaire  et  que  cette  somme  fût  à  l'asenir  prise 
sur  les  revenus  de  la  fabrique.  Leur  demande  lut  agréée,  le  2(j  mai 
1805  (4). 

(1)  .Archives  de  la  labiiquc  de  Sl-.Marlin. 
{2)  Registre  Jes  Jélibcra lions  de  Mens. 
[i)  Ibidem. 
{^)  Ihidem. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  ICI 

Les  habitants  de  St-Maurice  supportaient  avec  peine  de  se  voir 
réduits  à  n'être  que  membre  d'un  village  de  Lalley,  et  comme  com- 
mune et  comme  paroisse  Ils  n'osaient  cependant  faire  des  démar- 
ches qu'ils  savaient  devoir  être  inutiles,  à  cause  de  leurs  fâcheux  an- 
técédents. Ils  prirent  le  parti  de  supporter  d'abord  leur  mal  en  pa- 
tience, en  attendant  que  par  une  conduite  meilleure  ils  se  fussent 
rendus  plus  dignes  de  pardon.  Enfin,  le  24  juin  1809,  ils  crurent  les 
circonstances  favorables  et  adressèrent  à  l'évéque  de  Grenoble  la 
pétition  suivante  :  «  Exposent  les  principaux  habitants  de  St-Mau- 
rice que  cette  paroisse,  avant  la  révolution,  était  chef-lieu  de  com- 
mune :  aujourd'hui  c'est  Lalley  ;  que  l'érection  d'une  annexe  dans 
cette  paroisse  est  d'une  nécessité  absolue,  à  cause  des  distances  et 
des  difficultés  des  communications  ;  toutes  choses  qui  privent  cinq 
cent  vingt-sept  âmes  des  secours  spirituels...  .;  aussi  les  habitants 
viennent-ils  vous  demander  l'érection  d'une  annexe  chez  eux,  sous 
les  conditions  de  payer  annuellement,  chacun  selon  ses  revenus,  une 
somme  de  cinq  cents  francs  au  vicaire  desservant  et  de  se  charger 
de  l'entretien  de  l'église,  de  la  cure  et  du  jardin,  et  de  fournir  tout 
ce  qui  est  nécessaire  au  culte  et  au  mobilier  de  l'église  annuellement 
et  à  perpétuité  (  i  ).    » 

F*ar  un  juste  retenir  des  choses,  St-Maurice  fut  alors  traité  plus 
durement  qu'il  n'avait  traité  Lalley  en  1728  et  1732  ;  car,  appelé  à 
donner  son  avis  sur  la  pétition  que  nous  venons  de  voir,  le  conseil 
municipal,  composé  en  majorité  d'habitants  du  second  de  ces  deux 
villages,  répondit,  le  27  septembre  suivant,  en  ces  termes  :  «  Le  con- 
seil municipal  de  Lalley-St-Maurice,  ayant  de  nouveau  pris  lecture 
de  la  pétition  cy-dessus  énoncée  ;  considérant  que  cette  pétition  est 
pleine  de  mensonges;  que  des  signatures  ont  été  faites  en  partie  par 
d'autres  mains  ayant  signé  pour  les  illettrés  ;  que,  dans  une  même 
maison,  il  y  a  jusqu'à  trois  et  quatre  signatures  ;  que  même  le  nom 
des  enfants  s'y  trouve  ;  qu'une  partie  des  signataires  sont  dans  l'mi- 
possibilité  de  tenir  leurs  engagements,  pouvant  à  peine  payer  leurs 
impositions  annuelles  ;  que  la  cy-devant  cure  de  St-Maurice  est  en 
partie  en  ruine;  que  les  habitants  de  ce  hameau  sont  en  retard  pour 
(^yer  le  sieur  Berton,  curé  desservant  de  Lalley-,  pour  le  biscantat 
qu'il  leur  a  fait  pendant  quelque  temps  ;  que  ledit  M.  Berton  fait 
présentement  celui  de  Prébois  et  des  Petits-Moulins,  éloignés  d'une 
lieue.  Pour  toutes  ces  considérations,  le  conseil,  après  avoir  délibéré, 

m)  Lalley,  Registre  des  délibcralio)is. 


iq2  LE    TRIEVES    PENDANT 

arrête  quil  n"y  a  pas  lieu  d'établir  une  annexe  au  hameau  de  Saint- 
.Maurice  et  qu'un  extrait  de  la  présente  sera  envoyé  à  M.  le  Préfet  (  i  ).  » 

St-.Maurice  souffrit  et  supplia  longtemps,  mais  fut  enfin  pris  en 
pitié.  -M.  Testou,  vicaire-généraK  informa  ses  habitants,  en  183 1, 
qu'une  vioairie  était  disponible  dans  le  diocèse  et  qu'on  pourrait  la 
leur  accorder,  pourvu  que  l'église,  le  cimetière  et  la  cure  fussent  ré- 
parés et  un  traitement  suffisant  assuré  au  vicaire.  On  accepta  ces 
conditions  avec  joie. 

L, 'église  de  Tréminis,  fermée  en  179^  et  laissée  sans  réparation, 
ne  tarda  pas  à  être  une  ruine,  Elle  n'avait  plus  ni  toit,  ni  voûte,  ni 
plancher  quand  la  paix  religieuse  fut  enfin  rendue  par  le  concordat. 
.M.  Brudon  se  vit  obligé  de  réunir  ses  paroissiens  dans  une  étable, 
existant  encore  aujourd'hui.  Tout  y  était  pauvre,  car  les  habitants 
avaient  dû  se  cotiser  entre  eux  pour  acheter  les  objets  indispensables 
à  la  célébration  des  saints  mystères.  Des  personnes  religieuses 
s'étaient  dépouillées  des  étoffes  de  soie  qu'elles  possédaient  et  en 
avaient  confectionné  de  leurs  mains  des  chasubles  et  des  chapes. 
Vainement  ces  pieux  chrétiens  insistèrent-ils,  depuis  r'-'oi,  auprès 
d'un  maire  protestant  pour  obtenir  les  réparations  nécessaires  à  leur 
église  ;  la  plus  insigne  mauvaise  volonté  s'opposa  toujours  au  plus 
ardent  de  leurs  désirs.  .Alors  ils  se  décidèrent,  en  1809,  à  faire  des 
souscriptions  et  à  contracter  des  emprunts.  Mais  citons  à  ce  sujet  les 
paroles  que  M.  Pierre  Mathieu  prononçait  devant  le  conseil  munici- 
pal, le  1^  mai  1826,  et  que  nous  transcrivons  du  procès-\erbal  de  la 
séance  de  ce  jour  :  «  Vous  savez,  .Messieurs,  que,  dans  les  malheu- 
reux temps  de  la  révolution,  notre  église  paroissiale  tomba  presque 
totalement  en  ruines.  Lorsque  le  culte  eut  été  rétabli,  les  catholiques 
avant  conservé  notre  sainte  Religion,  ne  savaient  plus  où  s'assem- 
bler pour  assister  à  la  célébration  de  nos  divins  mystères  ;  aussi  fu- 
rent-ils obligés  de  louer  une  étable.  Ils  sollicitèrent  longtemps  le 
maire,  qui  était  protestant,  pour  qu'il  prit  les  mesures  nécessaires  au 
rétablissement  de  la  dite  église.  Voyant  l'inutilité  de  leurs  efforts,  ils 
résolurent  de  la  reconstruire  à  leurs  frais  et  ouvrirent  une  souscrip- 
tion à  cet  effet.  Chacun,  en  outie,  tint  à  honneur  de  faire  les  charrois 
des  matériaux  nécessaires  et  d'aider  de  son  tra\ail  autant  qu'il  lut 
en  son  pouvoir.  Mais  la  dépense  fut  si  grande  pour  le  petit  nombre 
de  catholiques,  animés  cependant  d'une  bien  grande  foi,  que  la  sous- 
cription ne  put  qu'en  partie  suffire  aux  frais,  .\lors,  les  sieurs  Joseph 

(1)  Ibidem, 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  I93 

\  ï'd\,  André  dauthier,  Jean-Pierre  Mathieu  et  quelques  autres  nota- 
bles, qui  avaient  donné  l'entreprise,  durent  payer  de  leur  propre 
bourse  le  reliquat  des  dépenses,  agissant  ainsi  en  véritables  catholi- 
ques ([).  » 

Ils  firent  de  même  pour  l'achat  d'une  cure  et  de  son  jardin,  en  di- 
sant :  ('  Ne  nous  décourag-eons  pas,  nous  catholiques  ;  allons  tou- 
jours de  ra\ant  pour  notre  sainte  religion.  Quand  l'administration 
de  la  commune  sera  entre  les  mains  des  catholiques,  on  nous  ren- 
dra notre  argent,  dont  le  bon  Dieu,  à  défaut  d'autres,  nous  paiera 
les  intérêts  (2).  >> 

Le  conseil  municipal  désiré  arriva  enfin  :  il  ne  trompa  pas  la  con- 
fiance de  ces  hommes  généreux  et  vota,  le  15  mai  1826,  la  somme 
nécessaire  pour  les  indemniser  ( ^). 

A  l'exemple  des  catholiques,  les  protestants  firent,  à  leurs  frais, 
l'acquisition  d'un  temple  bien  modeste  ;  mais  l'incendie  du  Chàteau- 
Bas  l'ayant  détruit,  en  1825,  la  commune,  sur  la  proposition  d'un 
maire  catholique,  le  reconstruisit  plus  beau  et  plus  vaste.  Quelques 
années  plus  tard,  ils  n'avaient  rien  à  enviera  leurs  voisins;  car  une 
ordonnance  royale  leur  accordait  un  pasteur  (g  mars  1827)  et  ils 
voyaient  leurs  coreligionnaires  de  St-Baudille  unis  à  leur  paroisse. 
Une  année  plus  tard,  ils  avaient  un  instituteur  professant  leur 
culte  (4). 

Ceux  de  .Mens  n'étaient  pas  moins  favorisés.  En  1821,  la  commune 
leur  achetait  pour  temple  l'ancien  château  de  Lesdiguières  (5). 

Après  le  temple,  vint  une  école  modèle,  créée  par  l'arrêté  ministé- 
riel du  28  mai  1834.  Elle  était  destinée  à  former  des  instituteurs 
pour  les  départements  du  Var,  des  Bouches-du-Rhône,  du  Gard  et 
des  Alpes  (6). 

(i)  Registre  des  délib.  Tréminis. 

(2)  Papiers  laissés  par  M.  J.-P.  .Mathieu. 

(3)  Ibidem. 
(/))  Ibidem. 

(5)  Lors  des  réparations  qu'on  y  tit.  la  façade  du  midi  fut  conservée  presque 
dans  l'état  ou  elle  se  trouvait  au  temps  du  connétable,  mais  on  y  ajouta  plus  tard 
unclocher  dont  la  base  sert  de  porche  à  la  porte  d'entrée.  (Registre  des  délibéra- 
nts de  Mens). 

(6)  Ibidem. 

( La  fin  au  prochain  niiniéroj. 

A.  LAGIER. 


QUARANTE  ANNÉES 


DE 


L'HISTOIRE  DES  EVÈQUES  DE  VALENCE 

AU      MOYEN      AGE 

(1226    à     12661 

(Slitej 


Cependant,  au  milieu  des  difficultés  que  lui  créaient  divers  soulè- 
vements en  Italie  et  en  Allemagne,  Frédéric  11  ne  perdait  point  de 
vue  ses  projets  d'expédition  au-delà  des  Alpes.  A\ec  une  infatigable 
opiniâtreté,  il  prépare  ses  moyens  d'attaque.  Pour  s"assin-er  de  plus 
en  plus  des  passages  des  Alpes,  il  resserre  son  alliance  avec  la  mai- 
son de  Savoie  et  s'applique  à  mettre  dans  ses  intérêts  les  petits  sei- 
gneurs de  ces  régions.  C^est  ainsi  qu'au  mois  de  novembre  i  24S, 
Thomas  de  Savoie,  l'ancien  comte  de  Flandre,  fut  nommé  vicaire 
général  de  l'empire  dans  les  pays  situés  au  nord  de  Pavic,  tandis 
que  sa  nièce,  Béatrice  de  Saluées,  se  disposait  à  épouser  Manfred 
Lancia,  bâtard  de  l'empereur  fi).  A  la  même  époque,  Frédéric  se 
trouvant  à  \'erceil  donnait  au  Dauphin  de  \'iennois  un  fief  de  trois 
cents  onces  d'or  à  percevoir  en  sa  Chambre, chaque  année  à  Pâques, 
tant  qu'il  lui  serait  fidèle  :  il  donnait  encore  un  fief  de  quinze  onces 
d'or  au  chambrier  du  dauphin  (2).  Les  craintes  qu'inspiraient  à  la 
papauté  les  menaces  d'une  visite  prochaine  de  son  irréconciliable 
ennemi,  se  manifestèrent  dans  un  concile  qui  se  tint  à  Valence  au 
commencement   de  décembre   et   qu'on   avait   réuni    non   seulement 

(1  '   Ij.ik  Ber(;i:r,  op.   cit.  p.    i8i  :  —  Hi  ni  .\i<I)-Hki' houles,  op.  cit.,  p.  ,468. 

(2]  Huillaru-Bréhoi.les,  Hist.  dipl.  Fridevici  //,  l.  VI,  p.  556.  «  Eramus  ilaquc. 
composiiis  omnibus  el  rébus  succeclentibus  nohis  ad  votum,  jam  ad  iter  accincii. 
quod  predictus  cornes  Sabaudie  et  Delphinus  cornes  Vienne,  dilectus  consanu;uinciis 
cl  Hdclis  nosler,  ac  tideles  alii  ad  pedes  nostros  humili  devotione  prostraii,  pcr  ici- 
ras  suas  nobis  pcroppnrUinum  |)aravcranl  cl  nece.ssariis  omnibus  cdccci'anl  cupio- 
siim.   Il 


ÉVÉQUES    DE    VALENCE    AU    A\OYEN-AGE.  ig^ 

pour  faire  accepter  les  décrets  du  concile  œcuménique  de  L}on. 
mais  aussi  pour  prendre  des  mesures  en  prévision  des  dangers 
auxquels  l'Eglise  allait  être  probablement  exposée. 

I.es  quatre  métropolitains  de  Narbonne,  de  Vienne,  d'Arles  et 
d'Aix,  qui  étaient  les  chefs  de  l'épiscopat  dans  l'ancien  royaume 
d'Arles,  avaient  reçu  l'ordre  de  se  réunir  avec  leurs  suffragants,  le 
^  décembre  1248.  dans  une  localité  du  diocèse  de  Valence,  que  la 
lettre  de  convocation  désigne  sous  le  nom  de  Monlilium,  qui  serait 
Montélimar,  d'autres  disent  Montélier  (1).  Au  temps  marqué,  la 
réunion  se  tint  à  \'alence,  sans  doute  parce  que  celle  ville  offrait 
plus  de  ressources  et  de  sécurité  pour  la  tenue  d'un  concile.  Deux 
légats,  Pierre,  cardinal  évéque  d'Albano,  et  Hugues,  cardinal  prêtre 
de  Sainte- lustine,  présidèrent  cette  assemblée,  qui  compta  quatre 
archevêques  et  quinze  évêques.  Les  règlements  arrêtes  dans  le  con- 
cile de  Valence  forment  vingt-trois  articles  et  nous  révèlent  des 
particularités  très  curieuses  sur  l'étal  politique  et  religieux  de  nos 
diocèses  à  cette  époque  ;  nous  en  donnons  ici  le  résumé  : 

i<^  Les  statuts  de  la  présente  assemblée  doivent  être  observés,  tout 
comme  ceux  qui  ont  été  décrétés  dans  les  synodes  antérieurs  parles 
légats  apostoliques. 

2"  La  paix  sera  jurée  tous  les  trois  ans.  On  ajoutera  actuellement 
à  ce  serment  la  promesse  de. ne  pas  soutenir  le  schismatique  Frédé- 
ric et  de  ne  pas  le  recevoir  s'il  vient  visiter  ce  pays. 

3"  Les  clercs  ne  devront  pas  accepter  de  charges  publiques,  et 
ceux  qui  lès  auraient  acceptées  doivent  les  résigner  dans  le  délai 
d  un  mois. 

4°  Les  chanoines  des  églises  régulières  ou  séculières  et  les  autres 
bénéficiers  doivent  recevoir  les  ordres  du  sous-diaconat  et  delà  prê- 
trise, lorsque  l'évéque  l'ordonne. 

5"  On  observera  au  sujet  des  juifs  les  anciennes  (ordonnances.  Ils 
porteront  un  signe  particulier  et,  s'ils  ne  le  font  pas,  tout  chi-étien 
s'abstiendra  d'avoir  commerce  avec  eux. 

^Md"-^"  Les  anciennes  ordonnances  au  sujet  de  ceux  qui  ne  tiennent 
pas  leurs  serments  seront  remises  en  vigueur  et  rappelées  souvent  au 
public. 

([)  Mansi,  SacrorziOi    concilioium  nova    et   amplissima    collactio .  Venetiis,    1779. 
f,  t.   XXIll,  col.    769-78.  —  Labbe    cl   CossART,    Sacrosancta    concilia.    Lutetia; 
'isiorum,    1671,  in-f°,  l.  .\I,  col.  b()6--jn2.  —  Percin,  Monumenta  conventus  To- 
iWani.  Tolosic,    1O93,  in-t";  Optisculum  Je  liciresi  Albigensium,  p.   5. 


196  QUARANTE    ANNÉES    DE    L  HISTOIRE    DES 

1)°  Celui  qui.  après  avoir  été  admonesté,  n'exécute  pas  la  sentence 
prononcée  par  les  inquisiteurs,  sera  traité  comme  un  protecteur  ou 
un  défenseur  des  hérétiques. 

10"  Si  un  évéque  se  refuse  à  proclamer  ou  à  exécuter  la  sentence 
prononcée  contre  un  pareil  coupable,  l'entrée  de  réalise  lui  sera  in- 
terdite. 

11°  Les  inquisiteurs  ne  doivent  admettre  aucun  avocat  dans  leurs 
procès. 

12"  Les  sacrilésçes  et  les  diseurs  de  bonne  fortune  (sorticirii)  doi- 
\-ent  être  livrés  à  l'évéque,  et  s'ils  ne  s'amendent  pas  ils  seront  murés 
à  tout  jamais  (  1  ),  ou  bien  on  les  punira  suivant  ce  que  l'évéque  aura 
décidé. 

I  ]"  (  -elui  qui  pour  avoir  été  hérétique  est  obligé  de  porter  une 
croix  sur  ses  habits,  ne  doit  jamais  la  quitter  (2J.  Si  après  une  ad- 
monestation il  ne  la  reprend  pas,  on  devra  le  regarder  comme  héré- 
tique. Il  en  sera  de  même  de  ceux  qui  se  seront  enfuis  et  ne  revien- 
nent pas,  nonobstant  l'admonestation  qu'ils  ont  reçue  ;  on  traitera 
de  la  même  manière  ceux  qui  méprisent  l'excommunication.  Si  ces 
derniers  appartiennent  au  ix)yaume  de  France,  on  leur  appliquera  la 
constitution  (hipientcs  et  les  ordonnances  du  synode  de  Pamiers  : 
s'ils  n'appartiennent  pas  au  royaume,  on  les  déclarera  infâmes,  dans 
le  cas  où  ils  s'obstineront  six  mois  dans  l'hérésie,  et  le  pape  seul 
pourra  les  absoudre. 

14°  On  ne  confiera  pas  de  charges  publiques  à  des  excommuniés. 

15°  Si,  pdur  nuire  à  ceux  qui  l'ont  excommunié  ou  dénoncé,  un 
excommunié  promulgue  des  statuts  afin  de  les  exclure  de  l'usage 
des  fours,  des  moulins,  etc.  ;  s'il  lance  un  mandat  contre  eux  et  s'il 
ne  s'amende  dans  le  délai  de  dix  jours,  son  excommunication  s'éten- 
dra à  toute  la  province  et  aux  environs.  Dès  qu'il  sera  en  un  endroit, 
on  cessera,  durant  le  séjour  qui!  y  fera,  de  célébrer  le  service  divin 

(1)  C'était  la  prison  pcrpcluclie.  (^1.  [.i.mii<ii<i:ii,  Ilisloria  liiqt.isitionis.  .\mstcl(i- 
dami,    1692,  in-f°,  p.   3^1. 

(2)  Les  iuifs  étaient  obligés,  quand  ils  sortaient  de  leurs  demeures,  de  porter  sur 
la  poitrine  une  roue  ou  rouelle,  dont  la  circonférence  devait  cire  de  trois  ou  quatre 
doigts.  Ils  en  étaient  dispensés  en  voyage.  Les  juives,  à  partir  de  l'âge  de  douze 
ans,  étaient  tenues  de  porter  des  cornailles  {cornalia).  C'était,  sans  doute,  dit 
Cambis-V'elleron,  des  coiffures  qui  s'élevaient  en  pointes.  Revue  historique,  t.  XII. 
p.  27.  —  Les  hérétiques  convertis  portaient  une  croix  rouge  et,  dans  certains  pays 
un  vêtement  de  pénitence  appelé  saccum  benedictitin.  VA.  Limbokch  ,  op.  cit.. 
P-  3  39- 


KVÊQt:ES  DE  VALENCE  At'  MOYEN  AOE.  IQ7 

et  on  ne  devra  pas  l'absoudre  avant  quil  n'ait  donné  satisfaction  au\ 
églises  et  aux  personnes  de  l'ég-lise  pour  les  dommages  causés. 

i6"-i7°  Si  un  excommunié  obtient  par  intrusion  une  charge  de 
l'église^  il  sera  derechef  excommunié  pour  cela  et  le  pape  seul  pourra 
l'absoudre. 

180  Celui  qui  entretient  de  fréquents  rapports  avec  un  excommu- 
nié sera  exclu  de  l'église  :  si  c'est  un  prélat,  il  sera  puni  par  les  su- 
périeurs selon  les  canons. 

icf  Les  anciennes  ordonnances  touchant  les  meurtriers  des  clercs, 
les  spoliateurs  des  biens  de  l'Eglise,  les  ligues  défendues  (coiijura- 
liones)  sont  remises  en  vigueur,  ainsi  que  les  prescriptions  sur 
l'amélioration  des  moeurs  dans  le  clergé  séculier  et  régulier. 

20"  Nous  dissolvons  toutes  les  ligues  opposées  aux  règlements 
ecclésiastiques,  notamment  la  ligue  conclue  par  la  noblesse  française. 
Quiconque  ne  se  retirera  pas  de  ces  ligues  dans  le  délai  de  deux 
mois,  après  la  publication  du  présent  décret,  sera  excommunié.  Cette 
dissolution  devra  être  plusieurs  fois  promulguée  par  les  prélalè  dans 
leurs  diocèses  et  dans  leurs  synodes. 

2i°-22°  Celui  qui  ne  jure  pas  d'observer  la  paix  sera  excommunié. 
Promulgation  de  l'excommunication  contre  Frédéric,  autrefois  em- 
pereur et  contre  ses  partisans,  conseillers,  etc..  ainsi  que  contre  tous 
ceux  qui  l'appellent  ou  qui  le  font  venir  dans  ce  pavs.  Tous  les  en- 
droits où  il  sera  reçu  seront  frappés  d'interdit. 

23°  Tous  les  prélats  et  tous  les  clercs  qui  lui  porteront  secours 
seront  excommuniés  ;  s'ils  appellent  l'empereur  à  leur  aide,  ils  per- 
dront leurs  bénéfices  et  dignités  et  ne  pourront  être  relevés  de  cette 
sentence  que  par  le  pape  ou  qu'en  vertu  d'une  autorisation  formelle 
du  saint  siège  (i). 

Les  projets  de  P^rédéric,  qui  épouvantaient  tant  la  cour  pontificale 
et  ses  défenseurs,  furent  encore  ajournés.  Les  événements,  plus  forts 
que  toutes  les  colères  de  l'empereur,  obligèrent  ce  prince  à  ne  pas 
quitter  l'Italie  :  pendant  que  son  jeune  concurrent,  Guillaume  de 
Hollande,  envoyait  en  Lombardie  et  en  Toscane  un  vicaire  impérial 
j^fiv  seconder  l'action  des  légats  pontificaux,  il  essuyait  lui-même 
un  grave  échec  au  siège  de  Parme,  et  apprenait  quelques  jours  après 
que  son  fils  Enzo  était  tombé  entre  les  mains  des  Bolonais.  Le 
pape  put  donc  jouir  encore  à  Lyon  d'une  certaine  tranquillité  (2). 

rij^HKFÉLK.  Histoire  des  Cc»»c//es  (Traduction  de  l'abbé  Delarc^.  Paris,  1872, 
in-M  t.  VIH,   41 -1-0. 

(W^  Eur  Hrrger,  op.  cit..  p.    1S5-8. 


iqS  OKARANTE    ANNEES    DE    LHISTOIRE    DES 

Pendant  ce  temps,  que  faisait  l'élu  de  \'alence  ?-  Nous  allons  grou- 
per ici  quelques  notes,  d'une  importance  il  est  vrai  secondaire,  mais 
qui  vont  nous  permettre  de  répondre  d'une  certaine  manière  à  cette 
question.  Les  registres  d'Innocent  ÏV  mentionnent  plusieurs  fois  le 
nom  de  Philippe  entre  les  années  124!^  et  1250.  C'est  ainsi  qu'ils 
nous  apprennent,  entre  autres  détails  intéressants,  qu'à  la  requête 
de  notre  prélat,  comme  à  celles  de  l'archevêque  de  Tarentaise  et  du 
comte  de  Savoie,  le  pape  autorisa,  par  un  bref  du  3  septembre  124S, 
maitre  Guillaume  de  Saint-Amour,  sous-diacre  et  chanoine  de  Beau- 
vais,  à  recevoir  un  second  bénéfice  (r)  :  il  s'agit  ici  du  célèbre  pro- 
fesseur qui  devait  bientôt  après  enseigner  avec  tant  d'éclat  la  philo- 
sophie à  l'école  du  parvis  N.-D.  de  Paris  et  qui  eut  de  si  violents 
démêlés  a\ec  les  dominicains.  Grâce  à  l'intervention  de  Philippe  de 
Savoie,  Guillaume  de  Saint-Amour  avait  déjà  reçu  du  souverain 
pontife  un  premier  témoignage  de  bienveillance  (2).  Vova  le  même 
temps,  1  élu  de  Lvftn  et  de  \'alence  s  intéressait  à  un  autre  person- 
nage :  il  obtint  un  bref  du  30  août  1240  permettant  à  l'évêque 
d'llerfort,en  Angleterre,  de  donner  à  Pierre,  médecin  de  Pierre  de 
Savoie,  comte  de  l'^ichemont,  outre  léglise  paroissiale  de  Riche- 
mont,  un  second  bénéfice  (3J.  Le  9  septembre  1249,  Philippe  était  à 
X'alence  ;  agissant  au  nom  de  ses  chanoines,  il  fit  alors  avec  Guil- 
laume, prieur  de  Saint-1"  élix  et  les  chanoines  de  cette  maison,  divers 
échanges  de  terres  et  de  re\'enus  à  Montélier,  afin  de  faciliter  aux 
deux  chapitres  la  gestion  des  propriétés  considérables  qu'ils  possé- 
daient dans  cette  paroisse  {-\).  L'année  suivante,  le   roi    d'Angleterre 

(1)  Ei.iK  Bergrr,  op.  cit.,  n"   5228. 

(2)  E(,iE  Bkrger,  op.  cit.,  n"  3188. 

(3)  W'rRSTKMiiERGER,  Peler  der  Zvjeile,  t.  I\',  n"  257. 

'  ))  Archives  de-la  Drôme.  Fonds  de  St-Ruf.  «Nos  Philippus,  procuralor  ecclesie 
Valenlinensis,  nolum  facimus  ..  quod...  concessimus  nomine  permulalionis  dilecto 
nostro  magistro  W'illelmo,  priori  sancti  Felicis  Valentini,  nomine  sui  prioratus  reci- 
pienti,  octo  solidos  cen.^uales,  quos  recipiebamus  in  rébus  inferius  adnolatis  et  domi- 
nium  terrarum  carumdem.  Terre  iste  site  sunl  in  inandamcnto  castri  de  Monlilisio. 
in  lerrilorio  de  Gumant,  hoc  modo  :  aratorie  [-"abroti  cohérent  ab  oriente,  cl  aqiii- 
lune  terre  W'illelmi  de  Monlilisio  et  Poncii,  fratris  sui,  domicellorum  ;  ab  ausiio 
terre  Poncii  de  Huppe,  domiceili  ;  ah  occidente,  pralo  sancti  Felicis...  Actum  e^l 
hoc  \'alentic,  in  domo  ponlificali,  in  poriicu  superiorj  versus  orientem,  prcsenli- 
hus...  Lantclmo,  archipresbitero  de  Roianis,  el  W'illelmo  Aalardi,  capellanis  cl 
canonicis  ecclesie  \'al.,  W'illelmo  Loys,  priore  .Montilisii,  W'illelmo  de  llensia,  .\n- 
drca  l'eclinati.  canonicis  sancti  Felicis,  anno  Domini  .\1".CC"..\L"  nono,  \'"  idus 
scplcmbris.  In  cujus  rei  lestimonium  presens  carta  est  .siirilli  noslri  pairocinio  C()m- 
munil  I  el  s'irilli  San;li  Felicis.   » 


F.VEQUES    DF.    VAr.ENCF.    AU    MOYEN    AGE.  I QQ 

donnait  à  Philippe  de  Savoie  une  marque  d"estime  et  de  conlîance 
qui  était  bien  de  nature  à  tlaller  l'ainour-propre  de  notre  prélat  :  il 
lui  écrivaifle  5  mars  1250  et  lui  donnait  ses  pleins  pouvoirs  à  l'elfet 
de  négocier  une  prorogation  de  la  trêve  entre  la  France  et  l'Angle- 
terre pour  une  période  de  seize  ans.  et  pour  plus  longtemps  même, 
s'il  le  jugeait  nécessaire.  Ces  pouvoirs  lui  étaient  renouvelés  au  mois 
de  mai  (i^.  La  même  année  et  le  10  juin,  Philippe  fut  pris  pour 
arbitre  d'un  différend  qui  s'était  élevé  entre  Pierre  de  Savoie,  son 
frère,  d'une  part,  Guillaume,  comte  de  Genevois,  ses  fils  Rodolphe 
et  Henri,  de  l'autre,  au  sujet  des  dommages  éprouvés  par  le  premier 
lors  de  son  arrestation,  nonobstant  la  trêve,  et  pour  les  voies  de  fait 
commises  sur  sa  personnes  par  Rodolphe,  fils  du  comte  (2).  A  cette 
occasion,  Philippe  se  transporta  à  Genève,  où  il  rendit  son  jugement 
dans  cette  affaire  le  28  juin  :  il  condamna  le  comte  Guillaume  et  ses 
fils  à  payer  à  Pierre  de  Savoie  dix  mille  marcs  d'argent  et  pour  sû- 
reté de  ce  payement  adjugea  à  celui-ci,  à  litre  de  gagerie,  la  pos- 
session de  plusieurs  châteaux,  de  celui  de  Genève  entre  autres  (^). 
Tout  absorbé  qu'il  fût  par  des  préoccupations,  des  affaires  de  toute 
sorte,  l'élu  de  Lyon  et  de  Valence  ne  négligeait  point  ses  propres 
intérêts.  En  digne  fils  de  la  maison  de  Savoie,  il  s'est  toujours  mon- 
tré très  attentif  à  profiter  des  moindres  occasions  pour  augmenter  sa 
fortune  et  agrandir  ses  domaines.  Il  nous  reste  encore  un  nombre 
considérable  de  documents  constatant -des  acquisitions  de  terres  et 
de  revenus  qu'il  faisait  pour  nos  propre  compte,  tant  par  lui-même 
que  par  ses  fondés  de  pouvoirs.  C'est  ainsi,  pour  ne  citer  que  des 
exemples  se  rattachant  à  l'histoire  de  nos  pays,  quil  devint  bientôt 
propriétaire  de  la  majeure  partie  des  territoires  de  St-Symphorien- 
d'Ozon  et  de  la  Côte-Saint-André  (4). 

(i)  W'l'rstemberger,  op    cil.,  n"  2.)  5. 

(2)  Regesle  Genevois,   n°  821. 

(3)  Regeste  Genevois,  n°  823. 

(^)  Les  cartons  B,  3603,  3604,  3605,  3606  et  5607  des  archives  départemen- 
tales de  l'Isère  sont  remplis  de  pièce?  originales  constatant  les  achats  ou  les  actes 
flPgneuriaux  de  Philippe  à  Saint-Symphorien  d'Ozon,  à  la  Côte  et  dans  les  envi- 
rons. Plusieurs  de  ces  pièces  sont  d'un  grand  intérêt  pour  l'histoire  des  familles 
dauphinoises.  En  octobre  1250,  Philippe  achète  un  droit  de  péage  à  St-Svmpho- 
rien  de  Guillaume  de  Beauvoir,  damoiseau,  seigneur  de  Fallavier,  moyennant  450 
livres  de  Viennois.  —  Le  25  août  1252,  reconnaissance  passée  par  Dreux  de 
Be^voû-,  chantre  de  l'église  de  Vienne  en  faveur  de  Philippe,  pour  les  fiefs  de 
Jf*»ks  et  tles  environs.  —  Le  1  8  avril  1257,  vente  par  Gilet  de  Boczo/el,  damoi- 
sd^,  tils  de  feu  Humbert  de  Boczozel,  à  Philippe,  de  la  8=  partie  de  ses  droits  sur 


200  QtrARANTF.    ANNEES    DE    E  HISTOIRE    DES 

Au  printemps  de  cette  même  année  1250,  on  apprit  en  Europe  le 
désastre  de  la  Massoure  et  la  captivité  de  saint  Louis.  Le  pape  ne 
larda  pas  à  ressentir  le  contre-coup  de  ce  douloureux  événement.  Des 
bruits  fâcheux,  qui  se  répandirent  alors  dans  le  public  et  dont  il  est 
aisé  de  retrouver  le  point  de  départ,  présentèrent  le  pape  comme  en 
partie  responsable  de  la  malheureuse  issue  de  cette  croisade  :  c'était, 
disait-on,  son  opiniâtreté  à  refuser  tout  arrangement  avec  Frédéric 
qui  avait  seule  empêché  ce  prince  de  joindre  ses  efforts  à  ceux  du 
roi  de  France  et  dassurer  ainsi  le  succès  de  l'expédition.  Ces  bruits, 
habilement  propagés  par  les  ennemis  de  la  cour  pontificale,  trouvè- 
rent créance  et  provoquèrent  en  France  et  dans  nos  pays  un  mécon- 
tentement qui  alla  grandissant  et  créa  bientôt  à  Innocent  IV  une 
situation  des  plus  dangereuses.  Frédéric  était  toujours  en  Italie,  à  la 
tête  de  son  armée,  naltendant  plus  qu'une  occasion  favorable  pour 
franchir  les  Alpes.  Ce  fut  sur  ces  entrefaites  qu'arrivèrent  à  Lyon 
les  comtes  d.Anjou  et  de  Poitiers.  Le  roi,  qui  avait  recouvré  sa 
liberté,  s'était  empressé  de  les  envoyer  en  France  auprès  de  sa 
mère;  il  les  avait,  paraît-il,  tout  spécialement  chargés  de  visiter  le 
pape  et  d'insister  de  nouveau  auprès  de  lui  pour  le  décider  à  iaire  la 
paix  avec  l'empereur.  Mathieu  de  Paris  raconte  cjue  les  deux  princes 
reprochèrent  amèrement  au  pape  d'avoir  nui  au  succès  de  la  croisade 
et  lui  déclarèrent  que  s'il  refusait  de  recevoir  l'empereur  dans  le  sein 
de  l'Fglise,  ils  le  chasseraient  de  Lyon.  <i  Si  l'élu  de  Lyon  et  son 
frère  l'archevêque  de  Cantoi'béry,  en  qui  vous  vous  fiez,  auraient-ils 
ajouté,  entreprennent  de  vous  déferidre,  la  i^rance  entière  se  lèvei'a 
contre  eux  et  elle  nous  trouvera  à  sa  tète.  «  (^ette  menace  inquiéta  le 

le  marché  de  la  Cole-St-André  el  sur  la  leydc  qu'on  y  perçoit,  —  Mars  126^  (n.s.), 
vente  au  même  par  Olivier  de  Torchefelon,  damoiseau,  d'un  bois  appelé  vulgaire- 
ment H  verx  de  Coniella.  quod  nemus  est  de  ipsius  Oliverii  franco  alodio  ;  loutclois 
la  maison  du  Temple  d'Ornacieux  a  le  droit  d'y  envoyer  paître  chaque  année  teiii- 
pore  f,'la)idis  douze  porcs.  Olivier  de  Tnrchcfelon  se  reconnaît  en  outre  le  vassal  de 
Philippe  pour  toutes  ses  possessions  ;  pour  pri.K  de  son  bois  et  pro  beiieficio  Jicti 
feuii,  il  reçoit  250  livres  de  X'iennois.  —  126^  (n.  s  ),  janxicr.  l'.channc  conclu 
entre  Philippe,  d'une  part,  Guillaume,  abbé  de  St-Ruf,  et  Ilumbert,  prieur  de  la 
(>'ile-St-André,  de  Tauire  :  l'abbé  et  le  prieur  cèdent  à  Philippe  toutes  les  posses- 
sions du  prieuré  à  la  Cote  entre  les  confins  sui\anis  :  «  X'idclicct  a  via  que  est  anie 
ecclesiam  B.  M.  de  Costa,  per  quam  itur  versus  l!ri\iacum.  sicul  pnucndiiur  dicta 
via  a  domo  Avmari  Tahri  usque  ad  terram  l'Iamcncorum...  et  ah  cisdcm  via  cl 
terra  protcndendo  rectam  lineam  usque  ad  terram  Porl.ibiaics,  sitam  juxta'  praium 
Rennolli,  et  ab  ipsa  terra  protendendo  supcrius  reciam  lineam  usque  ad  salicem 
silam  juxta  trivium  mf)ntis  Oliverii  »  l']n  échange,  Philippe  leur  abandonne  tous 
SCS  tiriiits  de  su/erainelé  sur  les  biens  du  prieuré  de  la  C''>tc  à  IBoc/o/cl.  Etc.,  etc.. 


EVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  20 1 

pape  assez  sérieusement  pour  qu'il  demandât  au  roi  d'Angleterre  de 
lui  donner  un  refuge  à  Bordeaux  (i).  Tel  est  le  récit  du  chroniqueur 
anglais  ;  mais  il  est  plus  que  probable  que.  selon  son  habitude, 
poursuivant  de  sa  haine  le  pape  et  les  cardinaux,  il  aura  encore  sin- 
gulièrement exagéré  les  faits  ;  aussi  M.  Elle  Berger  n'a-t-il  pas  eu 
de  peine  à  signaler  ici  l'invraisemblance  de  quelques-unes  de  ses 
affirmations  (2).  Ce  qui  est  vrai  toutefois,  c'est  que  les  barons  fran- 
çais et  Blanche  de  Castille  elle-même  nourrissaient  alors  un  vif  res- 
sentiment contre  le  pape,  à  qui  ils  reprochaient  de  se  laisser  absorber 
dans  sa  lutte  contre  Frédéric  au  point  de  paraître  se  désintéresser  du 
sort  du  roi  et  de  ses  compagnons  d'armes.  Innocent  IV  connut  cer- 
tainement alors  de  mauvais  jours,  mais  au  milieu  de  ces  dilficultés, 
sa  grandeur  d'àme  ne  faiblit  point.  Il  se  préoccupait  des  dangers  de 
sa  situation,  lorsque  tout  à  coup  sonna  l'heure  de  la  délivrance.  La 
mort  de  Frédéric  II,  survenue  le  13  décembre  1250,  vint  détruire  les 
plans  de  la  sagesse  humaine  et  imprimer  aux  événements  une  nou- 
velle direction. 

(i)  Mattii.eus  Paris.,  l.  V,  p.  175  ;  «...  el  si  electu>  Luuclunensis  el  frater  eius 
archiepiscopus  Cantuariensis  in  quibus  confidil,  eum  tlefcndanl,  tola  Francia  in 
ipsos  insurgat,  prasviis  magnatibus  memoraiis.  »  —  IbiJ.,  p.    \HX, 

(2)  Elie  Berger,  op.  cit  ,  p.  (]CLI. 

(La  fut   ail  prochain   numéro). 

Jules  CIIEVALIFR. 


Hui,[,.   IX,   1889.  lô 


L'abhc    SERPEILLE 

AUMONIER  DE  LA    MAISON  CENTRALE  DE  POISSY 

(Suite) 


Hàtons-nous  de  dire  que  ce  ne  fut  là  le  fait  que  de  deux  ou  trois 
des  fortes  tètes  de  l'endroit,  froissées  dans  leur  amour  propre  par 
suite  de  Timportance  qu'elles  s'attribuaient  dans  le  pays.  L'ahbé 
Serpeille  était  à  Die,  auprès  de  son  ancien  patron  le  sous-préfet, 
lorsqu'il  apprit,  probablement  par  l'organe  de  ce  magistral,  la  dé- 
nonciation dont  il  était  l'objet.  Sans  retard,  il  écrivit  à  Mgr  Bé- 
cherel  la  lettre  suivante  : 

«   Die,  le  20  août  1806. 

«   Le  Desservant  de  St-Martin-en-Vercors  à  Monsieur  l'I^vèque 
de  Valence. 

'<   Monsieur  l'Kvèque, 

«  Je  suis  informé  qu'il  vous  est  parvenu  des  plaintes  sur  mon 
compte.  Je  ne  sais  quel  degré  de  foi  vous  avez  pu  v  ajouter;  mais 
dans  tous  les  cas,  je  dois  à  la  conriance  que  vous  avez  bien  voulu 
m'accorder  jusqu'à  ce  jour,  à  l'honneur  de  l'Etat  et  au  mien  de 
détruire  jusqu'à  l'ombre  d'un  soupçon  qui  pourrait  m'ètre  défa- 
vorable. 

<'  La  renommée  m'a  appris  qu'on  m'avait  représenté  comme  ne 
catéchisant  pas,  ne  faisant  pas  de  pr(')ne  ni  procession  dominicale; 
en  un  mot,  comme  négligeant  de  remplir  les  plus  importantes 
tondions  du  saint  ministère. 

«  Cette  dénonciation  me  paraît  vague,  l^uir  qci'elle  pùi  inspirer 
quelque  considération,  on  aurait  du  dire  depuis  quel  lems  j'ai 
apporté  cette  insouciance  dans  mes  fonctions,  ou  bien  si  je  me  suis 
toujours  conduit  ainsi,  depuis  mon  arrivée  à  Si-Martin,  (^e  dernier 
cas  n'a  pu  avoir  été  avancé.  On  sait  les  peines,  les  soins,  les  sacri- 
iices  que  je  m'étais  imposé  et  qui  seraient  une  réponse  victorieuse 
et  péremptoire  contre  les  délateurs,  si  je  n'avais  pas  à  parler  de 
moi  ;  mais  ma  modestie  souffrirait  des  détails  que  j'aurais  à 
laire;  la  honte  et  le  mépris  seraient  le  partage  de  mes  ennemis,  et 
sous  CCS  deux  rappr)rts  je  dois  me  taire. 

«   La  question  devait  donc  être  depuis  quel   tems  j'avais  ralenti 


AUMONIER    DE    POISSY.  20^ 

mon  zèle  :  ce  qui  suppose  nécessairement  un  motif.  Lequel  sup- 
pose-t-on  ?  La  méchanceté  seule  pourrait  le  dire.  Lequel  est-il  ? 
Le  voici  : 

«  Depuis  longtemps,  Téglise  de  St-Martin  est  dans  un  état  de 
dégradation  et  de  ruine;  j'avais  eu  l'honneur  de  vous  en  instruire 
l'hiver  dernier,  et  vous  m'aviez  fait  celui  de  m'inviter  à  prévenir 
les  habitans  de  St-Martin  que  leur  église  serait  interdite  si,  à  la 
Trinité,  elle  n'était  pas  réparée).  L'état,  dis-je,  de  l'église  de  St- 
Martin  commandait  de  prendre  des  mesures  sérieuses  et  promptes 
pour  en  arrêter  la  destruction  totale.  Les  habitants  prornettaient 
toujours  de  se  cottiser  et  n'exécutaient  rien  ;  et  le  danger  devenait 
chaque  jour  plus  imminent.  Dans  cet  état  de  choses,  je  transférai 
le  Saint-Sacrement  dans  la  Chapelle  des  Pénitens,  qui  pouvait, 
dans  le  cas  d'un  malheur,  sauver  quelques  personnes  ;  je  prévins 
en  même  tems  les  hdellesque  je  célébrerais  les  saints  offices  dans 
cette  étroite  chapelle  jusqu'à  ce  qu'on  eut  fait  faire  au  moins  un 
éperon  pour  soutenir  deux  piliers  rompus  sur  lesquels  reposait  la 
voûte,  pleine  déjà  de  crevasses  et  d'ouvertures  ;  et  de  plus,  qu'à 
raison  du  danger  qu'on  courait  à  fréquenter  cette  église,  la  pru- 
dence exigeait  qu'on  y  restât  le  moins  possible. 

0  J'ai  su  que,  dés  ce  jour-là,  on  a  recueilli  avec  une  sorte  d'avi- 
dité et  d'empressement,  les  plaintes  de  quelques  particuliers  qui 
auraient  préféré  sans  doute  la  destruction  de  l'église  et  de  beau- 
coup d'habitans  à  la  suspension  de  quelques  cérémonies. 

«  Voilà,  Monsieur  l'Evêque,  l'explication  que  j'ai  l'honneur  de 
vous  soumettre  ;  elle  est  conforme  à  la  vérité.  Je  regrette  seule- 
ment qu'une  affaire  qui.  par  elle-même  n'a  rien  d'essentiel,  ait  pu 
vous  occuper  sérieusement,  vous  ait  été  présentée  comme  un  mo- 
dèle d'impiété. 

«Je  me  repose  entièrement  sur  votre  justice  éclairée,  et  j'ai  l'hon- 
neur de  vous  assurer  de  nouveau  que  je  ne  crois  pas  avoir  jamais 
négligé,  et  que  je  ne  négligerai  aucun  moyen  devons  prouver  com- 
bien je  suis  reconnaissant  des  bontés  que  vous  ne  cessez  de  me  té- 
moigner et  que  je  tâcherai  de  mériter  de  plus  en  plus,  par  le  zèle 
et  l'exactitu  de  que  vousattendez  de  vos  collaborateurs  subalternes. 

«  J'ai  l'honneur  d'être  respectueusement, 

Monsieur  l'Evêque, 

«  Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

«  Serpeille,  prêtre.  » 


204  LABBE    SERPEILLE 

Sur  ces  entretaites,  l'abbe  Bisson  se  décida  à  repondre  aux  ins- 
tances réitérées  de  son  ami,  et  à  accomplir  le  voyage  du  Vercors. 
Il  devait  en  profiter  pour  faire  la  visite  canonique  du  canton,  et 
suppléer  par  là  à  la  tournée  épiscopale,  qui,  à  cette  époque,  ne 
s'étendait  jamais  si  loin.  Il  vint  donc,  au  mois  de  septembre  1807, 
passer  une  huitaine  à  St-Martin,  comblant  ainsi  les  vœux  si  sou- 
vent exprimés  de  Tabbé  Serpeille.  Celui-ci  le  pilota  par  le  Vercors, 
dont  ils  visitèrent  ensemble  toutes  les  paroisses.  De  retour  à 
Valence,  le  secrétaire  épiscopal  Ht  part  à  Mgr  Bécherel  de  ses  im- 
pressions de  vovage,  et  lui  signala  toutes  les  irrégularités  qu'il 
avait  pu  observer  dans  ses  excursions,  notamment  le  lamentable 
état  de  l'église  et  du  cimetière  de  St-Martin.  Voyant  que  ses  pré- 
cédentes sommations  aux  paroissiens  de  l'abbé  Serpeille  étaient 
demeurées  sans  résultat,  et  que  l'autorité  de  ses  ordres  et  de  ses 
menaces  n'avait  pas  suffi  pour  obliger  ces  gens-là  à  s'exécuter,  le 
prélat  eut  recours  à  celle  du  préfet,  et  il  adressa  le  28  septembre. 
à  M.  Dcscorches  de  Sainte-Croix  la  lettre  suivante  : 

((  Monsieur  le  Préfet, 

«  Le  sieur  Bisson,  chanoine,  mon  secrétaire,  à  son  retour  du 
Vercors,  m'a  rapporté  que  l'église  de  St-Martin  avait  besoin  de 
réparations  urgentes,  ainsi  que  le  logement  du  pasteur  ;  que  le 
cimetière  de  cette  commune  était  absolument  sans  cl(')ture  ;  que 
l'église  de  Vassieux  était  dans  un  état  de  ruine  très  prochain  ;  que 
le  cimetière,  ouvert  presque  partout,  était  fréquenté  par  les  bes- 
tiaux ;  que  les  chiens  mêmes  v  avaient  tine  fois  déterre  un  cada- 
vre ;  que  ce  lieu  servait  en  partie  de  champ  de  foire  ;  que  l'é- 
glise de  la  Chapelle  demandait  aussi  quelques  réparations,  surtout 
à  la  couveiiure  ;  que  le  clocher  de  St-Agnan  était  aussi  en  mau- 
vais état.  .l'invoque,  Monsieur  le  Préfet,  votre  autorité  ou  votre 
influence  pour  faire  faire  les  réparations  oti  reconsiruciions  aux 
édihces  précités  et  pour  faire  rétablir  dans  un  état  de  décence 
convenable  les  cimetières  de  ces  églises.  Les  mccurs  auiani 
que  la  religion  réclament  qu'on  fasse  disparaître  le  scandale  de 
voir  traiter  avec  aussi  peu  de  respect  les  lieux  où  sont  déposées 
les  cendres  des  aieux,  dont  le  souvenir  doit  être  cher  à  leurs 
descendants.  Se  vous  recommande  avec  bien  de  la  conriance 
toutes  ces  affaires.   « 

L'intervention  du  préfet  u'clu  guère  plus  de   succès  que  celle  de 


AU.MONIER    DE    POISSY.  2O5 

l'évèque,  et  les  habitants  de  Saint-Martin  paraissaient  absolument 
indifférents  aux  mesures  administratives  prises  à  leur  endroit  par 
Tun  et  l'aiitre  pouvoir.  Ils  semblaient  ne  pas  comprendre  que  les 
ordres  et  les  menaces  fulminés  contre  eux  fussent  à  leur  adresse  ; 
peut-être  se  crovaient-ils  à  une  assez  bonne  distance  de  Valence 
pour  pouvoir  les  braver  impunément.  Quoiqu'il  en  soit,  six  mois 
après  le  décret  épiscopal  sanctionné  par  l'autorité  préfectorale  en- 
joignant, sous  peine  d'interdit,  aux  récalcitrants  de  réparer  leur 
église  et  de  clore  leur  cimetière,  personne  encore  n'avait  bougé 
dans  le  pavs.  Le  malheureux  pasteur,  navré  et  écœuré  d'une  si  stu- 
pide  insouciance,  qui  dénotait  chez  ses  paroissiens  un  manque 
absolu  de  cœur  et  de  sentiments  élevés,  eut  recours  à  celui  qui 
était  son  conseiller  ordinaire  et  le  confident  intime  de  ses  peines 
comme  de  ses  joies.  Il  écrivit  donc,  le  2  avril  1808,  à  l'abbé  Bis- 
son  pour  lui  faire  part  de  ses  ennuis  et  des  déconvenues  que  lui 
faisait  éprouver  la  mauvaise  volonté  et  l'ingratitude  de  ses  parois- 
siens. «  La  décision  et  les  menaces  de  Mgr  l'Evêque  relativement 
aux  église  et  cimetière  de  Saint-Martin  n'ont  produit  aucun  effet  ; 
ils  sont  in  statu  qiio  avant  votre  départ,  grâces  aux  soins  de  M.  A... 
et  de  M.  l'adjoint  de  Saint-Martin.  Je  ne  parle  pas  de  M.  le  maire: 
on  le  saute  à  pieds  joints,  sans  se  gêner;  on  délibère,  on  le  fait 
parler,  on  signe  pour  lui,  tout  cela  sans  difficulté  ;  et  tout  cela  est 
bon,  parce  que  les  autorités  supérieures  n'en  sont  pas  instruites... 
Nous  savons  tous,  et  moi  particulièrement,  combien  il  en  coûte  à 
un  habitant  de  campagne,  et  surtout  de  montagne,  de  faire  le  sa- 
crifice le  plus  modique,  même  en  faveur  de  sa  religion.  Mes  recom- 
mandations pour  les  réparations  de  l'église  et  du  cimetière  furent 
donc  inutiles.  Je  voulus  tirer  parti  d'un  ancien  usage  de  cette  C(jm- 
mune,  qui  était  que,  le  jour  de.s  Morts,  les  habitants  les  plus  voi- 
sins fournissaient  leurs  bœufs  et  leurs  chariots  pour  transporter 
les  matériaux,  et  les  plus  éloignés  payaient  de  leurs  bras  ou  de 
leurs  épaules,  pour  réparer  le  cimetière.  Je  hsà  ce  sujet  une  exhor- 
tation qui  fut  contrariée,  à  l'issue  de  la  messe,  par  un  ordre  des 
personnages  cités,  qui  abusent  à  tout  bout  de  champ  de  la  con- 
Hance  que  des  administrateurs  justes  et  paternels  leur  accordent. 
Les  habitants  de  Saint-Martin  furent  commandés  pour  aller  tra- 
vailler à  un  chemin  de  la  montagne  où  jamais  honnête  homme  ne 
passe.  Si  on  les  eût  fait  travailler  au  moins  sur  le  chemin  de  Saint- 
Martin  à  Saint-Julien,  le  prétexte  eût  été  plausible  en  apparence: 


2o6  l'abbé  serpeille    . 

car  vous  devez  vous  rappeler  qu'on  ne  peut  pas  sortir  d'ici  de  ce 
coté  sans  se  mettre  dans  l'eau  jusqu'à  mi-jambe.  Il  est  vrai  que  la 
plus  grande  partie  des  immeubles  qui  sont  limités  par  ce  chemin 
appartiennent  à  M.  A....  Voilà  les  causes  et  les  effets.  Je  les  sou- 
mets à  votre  jugement  et  j'attends  votre  décision.  » 

Cependant,  à  quelques  jours  de  là  le  22  avril  ,  l'abbé  Serpeille 
donne  de  meilleures  nouvelles  de  la  bonne  volonté  de  ses  parois- 
siens, qui  ont  fini  par  sortir  de  leur  apathie  et  par  se  mettre  à  l'œu- 
vre. «  Je  ne  dois  pas  vous  laisser  ignorer,  écrivait-il  à  son  ami. 
que  j'ai  fait  taire  un  grand  pas  aux  habitants  de  Saint-Martin  pour 
l'honneur  de  la  religion  et  du  culte.  Vos  lettres,  les  menaces  d'in- 
terdiction, mes  exhortations,  tout  avait  été  jusqu'ici  inutile  pour 
les  réparations  de  l'église  et  du  cimetière.  Personne  ne  remuait,  et 
tout  aurait  été  in  statu  quo  jusqu'au  jugement  dernier,  si  je  ne 
m'étais  pas  mis  en  tète  de  courir  les  maisons,  après  avoir  tonné 
dans  l'église:  ce  quia  produit  suffisamment  pour  mettre  l'église 
dans  un  état  sinon  parfait,  du  moins  décent  et  passable.  Quant  au 
cimetière,  je  suis  parvenu  à  pénétrer  les  habitants  du  respect  qu'ils 
doivent  aux  cendres  de  leurs  parents,  etc.  iSic.l  Je  les  invitai  à 
transporter  des  matériaux,  en  les  assurant  que  je  répondais  du  zèle 
des  ouvriers  maçons,  et  j'ai  eu  la  satisfaction  de  voir  qu'on  en  avait 
beaucoup  transporte  pendant  que  j'étais  à  Saint-Julien,  et  le  cime- 
tière sera  bient(")t  en  état. 

En  effet,  les  travailleurs,  une  fois  à  r(euvre,  ne  s'arrêtèrent  plus; 
leur  honneur  était  engage.  Du  reste,  ils  étaient  cimstammeni  sti- 
mulés par  leur  bouillant  pasteur,  qui  ne  laissait  pas  chômer  l'ou- 
vrage et  qui  leur  donnait  lui-même  l'exemple  de  l'activité  et  du 
labeur,  se  mêlant  dans  leurs  rangs,  prenant  part  à  leurs  travaux  et 
dirigeant  l'entreprise  avec  toute  la  cx)mpétence  du  plus  habile  ingé- 
nieur. En  homme  intelligent  qui  connaissait  le  C(ei.n-  humain,  et 
en  particulier  celui  de  ses  paroissiens,  l'abbé  Serpeille  fit  appel  sur- 
U)Ui  à  leur  anKjur  propre,  et  sachant  combien  ce  seniinieni  est  dé- 
veloppé chez  les  gens  de  montagne,  il  eut  recours  à  ce  mobile  ptiis- 
sani  pour  les  mettre  en  mouvement  et  pour  exciter  de  plus  en  plus 
leur  ardeur,  l'ne  autre  lettre  à  l'abbé  Bisson  nous  fait  connaître 
les  industries  que  son  zèle  lui  suggéra  pour  activer  les  travaux,  et 
qui  lui  réussirent  au  gré  de  ses  vœux.  «  Ce  n'est  pas  en  vain,  lui 
écrivait-il  le  14  juillet,  que  je  vous  avais  assuré  que,  par  mes  soins, 
le  cimetière  serait   incessamment   réparé.    Le    dimanche,    nj  jtiin. 


AUMONIER    DE    POISSY.  2O7 

pour  V  décider  mes  paroissiens,  j'épuisai  toute  ma  rhétorique  ice 
qui  n'était  pas  assurément  un  très  bon  titrei  ;  cependant,  j'ai  eu  le 
bonheur  de  réussir.  Ainsi  le  cimetière  de  Saint-Martin  est  mainte- 
nant dans  un  état  décent  et  à  l'abri  de  toute  profanation.  Quoiqu'il 
soit  encore  susceptible  de  quelques  légères  réparati  ins,  je  les 
ajourne  à  un  temps  plus  opportun  que  celui  des  récoltes  de  tout 
genre,  dans  lequel  nous  nous  trouvons.  C'est  beaucoup,  je  crois, 
d'avoir  obtenu  de  ces  gens  qu'ils  aient  clos  le  dortoir  des  chrétiens. 
Il  est  vrai  qu'après  leur  avoir  fait  craindre  les  foudres  de  l'Eglise, 
dont  les  menaçait  justement  M.  l'Evêque,  et  avoir  mis  en  avant  les 
motifs  de  piété,  de  charité  et  de  reconnaissance,  j'ai  tâché  de  pi- 
quer leur  amour  propre.  En  conséquence,  je  les  ai  prévenus  que 
je  rédigerais  le  procès-verbal  de  ce  travail,  que  j'y  consignerais  les 
noms  de  tous  ceux  qui  y  ont  contribué  en  fournissant  leurs  attela- 
ges, ou  par  le  secours  de  leurs  bras,  etc., et  que  M.  l'Evéque  approu- 
vant cette  mesure,  m'autorisait  à  déposer  ce  procès-verbal  dans  les 
archives  de  l'église,  et' qu'un  exemplaire  en  placard  serait  affiché 
sur  la  porte  de  la  sacristie,  à  l'effet  de  perpétuer  le  souvenir  de  celte 
bonne  œuvre  et  de  ceux  qui  l'ont  faite.  »  — ■  L'abbé  Serpeille  prie 
ensuite  son  ami  de  soumettre  cette  mesure  à  l'examen  de  M.  l'Evé- 
que et  d'en  obtenir  la  sanction.  «  .Te  suis  persuadé,  continue-t-il, 
que  s'il  daignait  la  prendre  en  considération,  et  qu'il  m'enjoignît 
de  la  publier  au  prône,  elle  produirait  le  meilleur  effet,  surtout 
d'après  ce  que  j'ai  dû  rappeler  à  cette  occasion  de  votre  voyage  en 
Vercors,  des  vceux  que  fait  notre  prélat  pour  le  bonheur  spirituel 
et  temporel  des  habitants  de  ces  montagnes,  du  regretqu'il  éprouve 
de  ne  pouvoir  les  leur  faire  connaître  de  vive  voix.  » 

La  sollicitude  pastorale  de  l'abbé  Serpeille  ne  se  bornait  pas  aux 
œuvres  matérielles.  Quoiqu'il  soit  vrai  de  dire  que  celles-là  étaient 
plus  conformes  à  son  tempérament,  cependant  il  ne  négligeait 
rien  de  ce  qui  pouvait  être  a  l'avantage  spirituel  de  ses  paroissiens, 
les  instruisant  du  haut  de  la  chaire  par  des  prônes  solides,  que  son 
talent  pour  la  parole  rendait  encore  plus  attrayants  et  plus  fruc- 
tueux, catéchisant  les  enfants,  visitant  les  malades,  passant  des 
journées  entières  au  confessionnal  les  veilles  des  fêtes  ;  son  zèle 
intelligent  pourvoyait  à  tout.  Les  accents  de  la  piété  ne  lui  étaient 
pas  étrangers,  et  il  se  réjouissait  de  voir  le  bien  se  faire  autour  de 
lui.  «  Il  est  enrin  passé,  écrivait-il  en  i8o5,au  sortir  des  travaux 
des  Pâques,  ce  temps  de  miséricorde  pour  les  pécheurs  et  de  pei- 


2o8  l'abbé  serpeille 

nés  pour  les  pasteurs.  Il  m'a  fallu  tout  mon  courage  et  mon  zèle 
pour  le  supporter  et  satisfaire  à  l'empressement  des  tidèles.  Le  com- 
mandement de  l'Eglise  a  été  observé  dans  ce  saint  temps  de  pàques 
avec  une  piété  qui  me  fait  concevoir  l'espérance  la  mieux  fondée 
pour  le  salut  des  habitants  de  cette  paroisse  et  pour  le  mien.  Je 
vous  parlerais  de  l'indisposition  que  j'ai,  et  qui  a  été  le  fruit  de 
mon  zèle  ;  mais  elle  est  légère,  ef  fût-elle  plus  considérable,  je  la 
regarderais  comme  une  faveur  du  ciel,  trop  heureux  de  souttVir 
en  ce  monde,  si  je  dois  être  recompensé  en  l'autre.  » 

Quoique  doué  d'une  intelligence  supérieure,  il  se  délie  de  ses 
propres  lumières  et  consulte  toujours  ses  supérieurs  pour  les  cas 
difficiles  ou  embarrassants.  La  prudence  et  la  circonspection  sont 
la  marque  d'un  esprit  réfléchi  et  d'un  jugement  sain.  Le  2  avril  1808, 
il  écrivait  à  l'abbé  Bisson  :  «  Lors  de  votre  voyage  en  Vercors 
'd'heureuse  mémoirei,  on  vous  entretint  de  cette  secte  de  puristes 
du  Villard-de-Lans  qui  ne  vont  pas  à  l'église,  communient  avec 
une  cerise,  et  ne  reconnaissent  ni  curés,  ni  évéques,  sous  le  pré- 
texte que  le  Pape  n'est  pas  libre.  Plusieurs  de  ces  sectaires  sont 
détenus  depuis  plus  d'un  an  dans  les  prisons  de  Grenoble.  Ma 
par(jisse  se  trouve  empoisonnée  de  deux  partisans  de  cette  secte; 
ils  peuvent  être  dangereux  et  leur  mal  contagieux;  et  comme  je 
vous  disais:  Principiis  obsta,  sera  mcdicina  paratiu\  je  vous 
demande  aujourd'hui  quel  est  le  parti  à  prendre  à  leur  égard.  »  1 1  > 

(i)  Y  aurait-il  quelque  rapport  entre  la  secte  que  dénonce  ici  l'abbé  Serpeille 
et  celle  que  signalait  M.  Actorie,  curé  de  la  Chapelle-en-\'ercors,  dans  une 
lettre  adressée  au  nicnie  abbé  Bisson,  le  3  octobre  1S07  :  »  Il  s'était  tonné 
l'année  dernière  une  société  de  francs-maçons  dans  celte  vallée.  Heureuse- 
ment, depuis  Pàques,  rien  n'annonce  s(mi  existence.  J'aime  à  cmire  qu'il  n'en 
sera  plus  question.  ()uant  aux  sujets  désignés,  je  n'en  a\ais  entendu  nommer 
qu'un.  » 

iLj.   suite  au  prochain    luonéro). 

CvPKiKN  PERROSSIKR. 


QUARANTE  ANNÉES 

DE 

L'HISTOIRE  DES  EVÈQUES  DE  VA 


E 


AU     MOY  E  N      AG  E 

(1226    à     1266) 

(Fin). 


Devenu  libre,  Innocent  IV  résolut  aussitôt  de  regagner  l'Italie. 
Cette  détermination  du  reste  s'imposait  :  Lyon  n'offrait  plus  à  la 
cour  pontificale  les  mêmes  garanties  de  sécurité.  L'orage  grondait 
autour  de  cette  ville  et  devenait  menaçant.  Si  les  barons  français 
s'agitaient,  la  noblesse  de  Provence  était  loin  de  demeurer  en  repos. 
Dans  ce  dernier  pays,  les  partisans  de  l'empire  étaient  nombreux  ; 
fortement  groupés  autour  de  Barrai  de  Baux,  ils  commençaient  à  rele- 
ver la  tête.  Il  .fallait  donc  partir  et  le  plus  tôt  possible.  D'après  le 
témoignage  quelque  peu  suspect  de  Mathieu  de  Paris,  le  pape  aurait 
été  également  bien  aise,  en  quittant  Lyon,  de  s'arracher  à  cette 
sorte  de  tutelle  qu'exerçaient  sur  lai  et  sur  son  entourage  Philippe  de 
Savoie  et  l'archevêque  de  Cantorbéry  ;  la  protection  de  ces  deux  per- 
sonnages aurait  lini,  paraît-il.  par  devenir  un  lourd  fardeau fi).  Quoi- 

(1)  Matth^us  Paris.,  l.  \,  p.  226  ;  «Fréquenter  eiiam  conquesitus  est  papa  quocl 
adeo,  dum  LugJuni  morabatur,  obligatus  exiitit  voluniati  archiepiscopi  Cantua- 
riensis  et  electi  Lugdunensis  quod  cum  quidam  intrusus  in  quamdam  prœbendam 
auctoritate  sua  illius  ecclesiae  appareret,  in  Rodanum  piscibus  praesenlabatur  de 
nocte  submersus,  nec  ausus  fuerat  obmutire.  »  —  Mathieu  de  Paris  nous  a  conservé 
certaines  anecdotes  qui  montrent  que  les  bourgeois  de  Lyon  avaient  souvent  une 
fierté,  une  indépendance  de  caractère  qui  causa  plus  d'un  embarras  à  la  petite  cour 
pontificale.  Nous  ne  citerons  qu'un  fait:  t.  IV,  p.  418  :  «  Eisdemque  diebus,  dum 
quidam  ostiarius  domini  papœ   protervius  cuidam  civium,  introitum  humiliter  pos- 


BuLL.  IX,  1889. 


It) 


2  10  QUARANTE    ANNEES    nE    L  HISTOIRE    DES 

qu'il  en  soit,  Innocent  IV  célébra  encore  à  Lyon  les  fêtes  de  Pâques  de 
l'année  1251  ;  puis  le  mercredi  suivant,  19  avril,  il  s'éloigna  définiti- 
vement de  cette  ville,  qui  lui  avait  servi  de  refuge  pendant  six  ans, 
trois  mois  et  dix-sept  jours.  Philippe  de  Savoie,  qui  l'avait  accompa- 
gné à  son  arrivée,  se  mit  en  route  pour  protéger  son  départ  et  lui 
fît  la  conduite  avec  une  si  nombreuse  suite  de  gens  d'armes  qu'au 
dire  d'un  témoin  bien  informé,  il  dépensa  en  un  seul  jour  mille  livres 
pour  les  nourrir  et  les  payer  (i).  Le  premier  jour,  le  pape  et  sa  suite 
vinrent  coucher  à  Vienne  ,  puis  le  lendemain,  20  avril,  ils  prirent  le 
Rhône  et  le  descendirent  en  bateau  jusqu'à  Valence  et  de  là  ensuite 
jusqu'à  \'iviers.  Là,  on  prit  terre  pour  gagner  xMarseille,  en  passant 
par  Orange  (22  avril)  et  Carpentras  (2).  On  ne  put  traverser  Avi- 
gnon, parce  que  cette  ville  qui  dépendait  tout  à  la  fois  des  comtes  de 
Provence  et  de  Toulouse,  s'était  naguère  érigée  en  république  et 
avait  refusé,  après  la  mort  de  Raymond  VII,  de  reconnaître  l'au- 
torité de  Charles  d'Anjou  et  d'Alphonse  de  Poitiers,  les  protégés  du 
pape  (3). 

Ce  fut  à  Carpentras  que  Philippe  de  Savoie  prit  congé  d'Innocent 
IV.  Pendant  que  le  pape  poursuivait  sa  route,  au  milieu  d'une  foule 
immense  de  peuple,  désireuse  de  voir  le  Vicaire  de  Jésus-Christ, 
notre  prélat  rentra   dans  ses  diocèses,  dont  il  devait  encore  garder 

tulanti,  et  frontosius  quam  deceret  denegaret,  idem  civis  manum  penitus  amputa- 
vit.  Unde  idem  mancus,  cum  coram  domino  papa  gravem  reponeret  querimo- 
niam,  brachium  ostendens  mutilatum,  dominus  papa  secundum  legem  civitatis 
vindiciam  sibi  postulavit  exhiberi.  Quam  Philippus  de  Sabaudia,  cuslos  pacis 
ecclesiasticae,  procuravit  qualiquali  modo,  ut  honor  papalis  saltem  superficialiter 
salvaretur.  »  —  Innocent  IV,  durant  son  séjour  à  Lyon,  contribua  pour  sa  part  à 
l'embellissement  de  cette  ville:  il  aida  à  la  conslruclion  de  la  cathédrale  St-Jean  et 
à  celle  du  pont  du  Rhône  Cf.  Elie  Berger,  op.  cit.,  p.  LXII  ;  —  Huffer,  Die 
Stadt  Lyon,  p.  96. 

(i)  MATTiiiEtJS  Paris.,  t.  V,  p.  248  :  «Die  mcrcurii  in  hebdomada  paschali,  sub 
conductu  et  protectione  Philippi,  elecli  Lugdunen^is.  qui  in  ipso  conductu  e.xpo- 
suit  in  sumptibus  tria  millia  marcarum,  est  profectus.»  —  Ibid.,  t.  VI,  Addit.imenta, 
p.  444  :  0  Et  eumdem  dominum  papam  recedentem  et  multorum  polentum  minas 
et  insidins  formidanlem  per  Rodanumque  descendentem  usque  ad  Carpentoralum, 
poslquam  per  moram  septennalem  eumdem  apud  Lugdunum  protcxerat,  salvo  per- 
duxit.  Unde  secundum  assertionem  magistri  Pétri,  ejusdem  electi  procuratoris,  in 
una  sola  die,  congregatis  omnibus  quos  ad  tuitionem  et  tutamen  atque  ducatum 
domini  papas  et  sui  (summonuit),  in  una  die  mille  libras  cxposuit  in  cibariis  corum- 
dem  et  stipendiis.  » 

(2)  PoTTHAST,  Regesta,  p.    1180. 

(3)  Elie  Berger,  p.  CCLII. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  211 

l'administration  pendant  plus  de  quinze  ans.  Son  existence  ne 
changera  point  ;  les  documents  continueront  à  nous  le  montrer 
travaillant  avec  une  agitation  fiévreuse  à  l'accroissement  de  sa 
fortune  et  à  la  grandeur  de  sa  maison.  De  jour  en  jour  il  devient 
plus  étranger  à  ses  diocèses  ;  de  plus  en  plus  chez  lui  le  prélat 
disparait  devant  l'homme  politique  et  le  guerrier.  Quand  il  s'agira 
d'une  expédition  militaire,  ses  frères  ne  feront  jamais  en  vain  appel 
à  son  épée.  Ils  le  savaient.  Aussi,  le  8  octobre  125  r,  Pierre  de  Savoie 
lui  écrivait-il  pour  le  charger  de  s'opposer  par  les  armes  aux  entre- 
prises des  Fribourgeois,  de  les  faire  prisonniers  et  de  saisir  leurs 
biens  (i).  L'historien  de  Pierre  de  Savoie  croit  que  Philippe  s'est 
dignement  acquitté  de  la  tâche  que  son  frère  lui  avait  confiée,  et  à 
l'appui  de  son  opinion  il  produit  une  lettre  par  laquelle  Hartmann  le 
Vieux  de  Kybourg  et  sa  femme,  Marguerite,  intervinrent  auprès  de 
Pierre  de  Savoie  en  faveur  des  Fribourgeois,  leurs  sujets.  Cette 
lettre  n'est  pas  datée,  mais  elle  paraît  bien  se  rapporter  aux  événe- 
ments auxquels  Philippe  de  Savoie  se  trouva  mêlé  en  125 1  (2). 

Philippe  passa  en  Savoie,  au  milieu  des  siens,  la  plus  grande  partie 
de  l'année  1252.  Nous  le  trouvons  dans  le  courant  de  janvier  à  Brion, 
où  de  concert  avec  Pierre  de  Savoie,  son  frère,  il  se  porte  garant  des 
engagements  pris  par  Simon  de  Joinville  envers  Marguerite  de  Gex, 
sa  belle-sœur,  à  laquelle  il  promettait  de  fournir  pour  sa  dot  une 
rente  annuelle  de  200  marcs  d'argent  et  de  dix  livres  genevoises  (3).  Il 
était  à  Pierre-Châtel  le  22  avril  et  le  9  mai  ;  il  y  fit  divers  règlements 
dans  le  but  de  mettre  un  terme  à  des  difficultés  qu'il  avait  avec  le 
mistral  de  Villeneuve  (4). 

Le  9  avril  1253,  à  Lyon,  Philippe  de  Savoie,  agissant  en  qualité 
d'administrateur  de  l'Eglise  de  Valence,  confirmait  solennellement 
les  privilèges  accordés  par  l'un  de  ses  prédécesseurs,  Humbert  de 
Miribel,   aux   religieux  de   la  Chartreuse  de    Portes  en  Bugey  ;  ces 

'i)  VVuRSTEMBERGER,  t.  IV,  n°28o  :  «  Pctrus  de  Sabaudia  Philippe,  electo  Lugdu- 
nensi.  Révérende  multum  et  amande  frater,  rogamus  vos  quod  si  burgenses  de 
Friburgo  vel  quicunque  alii  ejusdem  terre  contra  voluntatem  nostram  aliquid  fece- 
rint,  resistalis  pro  virili  etvobis  damus  mandatum  et  posse  ut  ipsos  seu  res  ipsorum 
in  terra  nostra  capiatis,  mandantes  omnibus  ballivis  nostris  et  castellanis  ut  vobis 
obediant,  et  ipsi  idem  in  suis  partibus  faciant.  Dalum  Camere,  die  dominico  post 
octavam  festi  Beati  Michaelis  archangeli,  anno  Domini  M'CC-L"  primo.  » 

(2)  WURSTEMBERGER,    t.    IV,   n°    289. 

(3)  WuRSTEMBERGER,    t.    IV,   n°  29O. 

(4)  WURRTEMBERGER,    t.    IV,    n°    292    et    293. 


2  12  QUARANTE    ANNEES    DE    I.  HISTOIRE    DES 

moines  jouissaient  d'une  exemption  complète  de  droits  de  péage 
dans  toute  l'étendue  du  diocèse  de  Valence,  de  telle  sorte  que.  sans 
avoir  rien  à  payer,  ils  pouvaient  librement  y  circuler  et  y  conduire, 
tant  par  eau  que  par  terre,  leurs  bestiaux  et  leurs  denrées  (ij  Comme 
fait  historique  ayant  eu  lieu  dans  nos  contrées,  nous  signalerons  en- 
core le  différend  qui  éclata  cette  même  année  entre  l'élu  de  Valence 
et  Aymar  de  Poitiers.  Des  soldats  deTévêque,  qui  avaient  la  garde  du 
château  de  Pontaix  étant  sortis  de  nuit  et  faisant  quelque  course 
dans  le  voisinage  du  château  de  Quint,  s'étaient  vus  tout  à  coup 
assaillis  par  les  gens  du  comte  ;  une  lutte  assez  vive  s'engagea  entre 
eux  au  pont  Rachas,  et  Mathieu  de.  Chabrillan.  chevalier,  y  fut 
grièvement  blessé.  Cette  affaire,  heureusement,  fut  vidée  par  voie 
d'arbitrage.  Bernard  de  Ventadour,  évêque  du  Puy,  se  trouvant  de 
passage,  fut  pris  pour  arbitre  et  par  son  jugement,  rendu  à  Romans 
le  12  octobre  1253,  il  réussit  à  rétablir  la  bonne  harmonie  entre  l'é- 
vêque  et  le  comte  (2).  Il  ne  fut  pas  difficile,  du  reste,  d'amener  .\y- 
mar  de  Poitiers  à  souscrire  aux  conditions  qui  lui  furent  imposées  ;  il 
avait  besoin  en  ce  moment  de  toute  sa  liberté  d'action.  La  mort  de 
Silvion  de  Clérieu,  arrivée  cette  même  année,  et  le  partage  de  sa 
succession  avaient  déchaîné  sur  le  pays  le  fléau  de  la  guerre  civile  : 
Aymar  se  rapprocha  du  Dauphin  GuiguesVlI  et  conclut  avec  lui  une 
étroite  alliance  (3). 

Cependant  Innocent  IV,  de  retour  en  Italie,  n'a\ait  point  oublié 
Philippe  de  Savoie  et  les  services  qu'il  en  avait  reçus.  Il  songea 
bientôt,  dans  une  affaire  extrêmement  importante,  de  mettre  à  profit 

(i)  GciGUE,  Cartulaire  lyonnais,  p,  62.!;  «  Cum  lelicis  recordaiion  s  Humbertu-, 
quondam  episcopus  Valenlinensis,  predecesbor  noster,  religiose  domui  Porlarum. 
Cartusiensis  ordinis,  in  favorem  religionis  indulseril,  ui  beslie  et  res  predicte  do- 
mus  per  totam  lerram  ecclesie  Valenlinensis  et  aquam  iransiium  facientes  nullum 
pedagium  seu  usagium  solvere  teneantur,  nos  predecessoris  nostii  predicii  veàii- 
giis  inhérentes,  vobis  universis  et  singulis  mandamu-;  qualinus  a  religiosis  predicte 
domus  et  ab  ipsorum  nunciis  pro  bestiis  vei  rébus  eorumdem,  per  terran  Valenti- 
nensis  ecclesie  transitum  facientibus,  nullum  pedagium,  usagium  seu  exaciionem 
quoquo  modo  recipiatis...  » 

(2)  Archives  de  l'Isère,  B.  3523.  «  posuii  obedienciarius  Sancti  Justi  Lugdu- 

nensis  jusjurandamento  suo  quod  Willelmus  de  la  Chalm,  W"' Abonelli,  duo  .Mo- 
reli  iVatres,  Audemarus  et  Humbertus  Fanurelli  exiverunt  de  castro  de  Pontais  ea 
nocte  qua  fuit  vulneratus  .Maiheus  de  Chabrillan  miles  apud  pontem  Raschatz... 
Anno  -M".  CC".  L".  lercio,  die  lune  in  quindena  Beat!  Michaelis...» 

(3)  De  Gallier,  Essai  historique  sur  Li  haronnie  de  Clérieu,  Lvrm,  1883,  in-S", 
p.   92  ;  —  Ansel.vie,  t.  II,  p.   I  86. 


EVEQUES    DE    VALENCE    AU    MOYEN-AGE.  21  3 

ses  talents  de  diplomate  et  surtout  l'influence  qu'il  pouvait  avoir  sur 
le  roi  d'Angleterre,  comme  oncle  de  la  reine  Aliénor.  L'enthousiasme 
avec  lequel-  on  avait  salué  la  rentrée  du  pape  à  Rome  était  vite 
tombé,  et  le  pontife  n'avait  point  tardé  à  s'apercevoir  que  toutes 
ces  démonstrations  de  joie  et  de  fidélité  n'étaient  pas  très  profondes, 
et  que  d'autre  part  ses  ennemis  étaient  encore  nombreux  et  puis- 
sants dans  la  péninsule.  Déconcertés  un  moment  par  la  mort  subite 
de  Frédéric,  ils  avaient  repris  courage  et  les  succès  de  Conrad  IV, 
qui  commença  contre  le  vainqueur  de  son  père  une  guerre  à  mort, 
vinrent  raviver  toutes  les  haines.  Le  pape  résolut  d'enlever  à  la 
maison  de  Souabe  le  royaume  de  Sicile,  qui  était  un  fief  du  saint 
siège,  et  de  le  donner  à  un  prince  qui,  après  en  avoir  fait  la  conquête 
sur  les  impériaux,  y  fonderait  une  dynastie  fidèle  à  l'Eglise.  Des  ten- 
tatives faites  auprès  de  Charles  d'Anjou,  pour  seconder  les  projets 
du  pontife,  aboutirent  à  un  complet  échec,  vers  la  fin  de  septembre 
125^.  Innocent  reporta  alors  toutes  ses  espérances  du  côté  de  l'An- 
gleterre. La  couronne  de  Sicile,  offerte  d'abord  à  Richard  de  Cor- 
nouaille,  fut  enfin  acceptée  par  Edmond,  second  fils  de  Henri  III,  roi 
d'Angleterre-  Le  14  mai  1254,  .-Vlbert  de  Parme,  légat  d'Innocent  I\^ 
donna  l'investiture  de  ce  royaum.e  au  jeune  prince,  et  comme  on  n'a- 
vait point  encore  réglé  les  conditions  auxquelles  le  nouveau  roi  devrait 
souscrire,  tant  on  était  pressé  de  conclure  cette  affaire,  il  fut  con- 
venu qu'on  laisserait  à  un  certain  nombre  d'amis  communs  le  soin 
de  les  discuter  et  de  les  arrêter  pour  le  mieux  des  deux  parties  con- 
tractantes. Philippe  de  Savoie  fut  un  des  personnages  que  le  légat 
choisit  au  nom  de  son  maître  [ij.  Deux  bulles  données  à  Assise  le 
14  et  le  31  mai  ratifièrent  ce  qui  venait  d'être  fait  (2).  Nous  ne  sui- 
vrons point  Philippe  dans  la  série  des  négociations  auxquelles  il  se 
trouva  mêlé  à  la  suite  de  ces  événements.  On  sait,  du  reste,  que 
cette  cession  de  la  Sicile  au  prince  anglais  fut  éphémère  et  n'apporta 
au  pape  aucun  avantage.  Henri  III  n'était  pas  en  mesure  de  chasser 
de  l'Italie  méridionale  les  armées  de  l'empire  ;  il  ne  fit  rien  dans  ce 
sens,  et  les  négociations  auxquelles  Philippe  de  Savoie  fut  associé 
n'eurent  d'autre  résultat  que  de  permettre  au  roi  d'Angleterre  d'a- 
jouter à  ses  titres  celui  de  «  tuteur  d'Edmond,  roi  de  Sicile  (3).  » 
Deux  bulles  datées  d'Assise,  le  21  mai  1254,  nous  apprennent  en- 

'r)    WURSTEMBERGER,   t.    IV,    n°    3  5  7, 

(2)  WuRSTEMBERGER,    t.    IV,    n°^    361    et    363- 

(3)  Voir  Eue  Berger,  p.  CCLXXXV. 


214  QUARANTE  ANNEES   DE  L  HISTOIRE   DES 

core  que  Philippe  de  Savoie  fut  délégué  par  le  pape  pour  recevoir 
en  son  nom  la  démission  de  l'évêque  de  Genève,  Aymon  de  Grand- 
son,  si  celui-ci  était  toujours  dans  la  volonté  de  renoncer  à  sa  charge, 
auquel  cas  il  faudrait  enjoindre  au  prévôt  et  au  chapitre  de  cette 
Eglise  d'avoir  à  lui  donner  un  successeur  dans  un  temps  déterminé. 
Philippe  aurait  ensuite  à  assigner  au  démissionnaire  sur  les  biens  de 
l'Eglise  genevoise  une  rente  annuelle  qui  lui  permît  de  vivre  selon 
sa  dignité  (i).  La  même  année,  l'élu  de  Lyon  et  de  Valence  intentait 
un  procès  à  son  neveu,  le  jeune  Boniface  de  Savoie,  héritier  du 
comte  Amédée  :  il  lui  réclamait  la  cinquième  parcie  de  tous  les  biens 
qu'avait  laissés  le  comte  Thomas,  mort  en  1233.  Ces  prétentions  n'é- 
taient point  fondées,  et  les  gens  d'affaires  de  Boniface  n'eurent  pas 
de  peine  à  le  prouver.  Pour  le  bien  de  la  paix,  les  archevêques  de 
Vienne  et  de  Maurienne  et  l'évêque  de  Belley,  pris  pour  arbitres, 
firent  accepter  aux  deux  parties  une  transaction,  le  16  février  1255  : 
Philippe  fut  autorisé  à  garder  certains  châteaux  ciu'il  tenait  en  Savoie, 
mais  comme  le  comte  Thomas,  son  père,  avait  stipulé  par  testament 
que  le  comté  ne  serait  jamais  démembré,  on  décida  que  ces  divers 
châteaux  relèveraient  du  comte  de  Savoie,  à  qui  l'élu  de  Lyon  serait 
tenu  de  prêter  foi  et  hommage  (2!. 

Les  Annales  de  l'Ordre  des  Chartreux,  écrites  par  dom  Le  Coal- 
teux  dans  les  dernières  années  du  XVII^  siècle  et  qu'on  imprime  en 
ce  moment  pour  la  première  fois,  seront  pour  tous  les  historiens 
dauphinois  une  mine  féconde  de  précieux  renseignements.  Le  qua- 
trième volume,  qui  vient  de  paraître,  nous  permettra  d'ajouter  une 
page  à  notre  histoire  de  Philippe  de  Savoie.  Déjà  depuis  plus  de 
deux  ans  des  divergences  d'opinions  sur  quelques  articles  de  la 
règle  ■  menaçaient  de  porter  le  trouble  dans  la  famille  illustre  de 
S'.  Bruno,  où  florissaient  alors  à  un  si  haut  degré  la  piété  et  la 
science.  On  n'était  point  d'accord  sur  le  lieu  où  devaient  se  tenir  les 
chapitres  généraux,  ni  sur  le  mode  de  discuter  et  d'établir  les  règle- 
ments ou  ordonnances  destinées  à  conserver  dans  leur  pureté  primi- 
tive les  traditions  dé  l'Ordre.  Les  religieux  se  partageaient  en  deux 
camps  :  d'un  côté  se  trouvaient  Bernard,  prieur  général  de  la  Char- 
treuse et  quelques  adhérents  ;  de  l'autre,  la  majeure  partie  des  prieurs 
des  autres   maisons.    Comme  on  ne   par\enait  pas  à  s'entendre,  on 

(i)  Mémoires  et  documents  publiés  par  la  société  d'histoire  et  d'archéologie  de 
Genève,  t.  XVI,  p.   175,  n"  7,  et  p.   176,  n°  8. 

(2)    WURSTE-MBERGER,    t.    IV,   n°    387. 


EVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  21  5 

résolut  de  nommer  une  commission  qui  serait  chargée  d'aviser  au 
moyen  le  plus  convenable  pour  ramener  la  paix  au  sein  de  la  grande 
famille  ;  ce.tte  commission  se  composait  de  trois  délégués,  parmi  les- 
quels nous  relevons  le  nom  de  frère  Riffîer,  prieur  du  Val-Ste-.Marie 
(de  Bouvantes),  homme  pieux  et  savant,  dont  les  Annales  font  le 
plus  bel  éloge  et  qui  ne  devait  point  tarder  à  devenir  prieur  général 
de  l'Ordre  i).  Les  délégués  comprirent  que  le  plus  sûr  moyen  d'en 
finir  avec  ces  contradictions  était  de  soumettre  les  questions  qui  les 
divisaient  au  jugement  d'hommes  sages,  expérimentés  et  étrangers 
à  l'Ordre.  En  conséquence,  usant  des  pouvoirs  dont  ils  étaient  in- 
vestis, ils  choisirent  eux-mêmes  pour  arbitres  et  pacificateurs  Jean 
de  Bernin,  archevêque  de  Vienne,  Philippe  de  Savoie,  archevêque- 
élu  de  Lyon,  Humbert  de  Romans,  maître  général  des  Dominicains 
et  deux  autres  Frères  Prêcheurs,  Pierre  Rochelin  de  Tarentaise  et 
Raoul  Varey.  L'acte  dé  nomination  des  arbitres  est  du  i6  février 
1255  (2).  Quatre  jours  après,  le  samedi  avant  la  fête  de  la  Chaire  de 
S'.  Pierre,  le  20  février,  les  hauts  personnages  que  nous  venons  de 
faire  connaître  se  réunirent  dans  le  couvent  des  Frères  Prêcheurs,  à 
Lyon,  et  y  arrêtèrent  les  termes  d'un  règlement  qui  ne  laissait  place 
à  aucun  doute  sur  les  points  en  litige  :  ils  décidèrent  que  les  chapi- 
tres généraux  de  l'Ordre  devraient  se  tenir  à  la  Grande-Chartreuse, 
et  que  le  soin  d'y  rédiger  les  statuts  ou  ordonnances  serait  dévolu  au 
prieur  général  et  à  un  nombre  déterminé  de  définiteurs  nommés  par 
le  chapitre,  d'après  un  mode  particulier  qui  est  ici  spécifié  dans  les 
plus  minutieux  détails.  Ce  règlement,  qui  reçut  la  sanction  du  pape 
Alexandre  IV,  a  traversé  les  siècles  et  aujourd'hui  encore  il  est  en 
vigueur  chez  les  Chartreux,  ce  qui  témoigne  hautement  de  l'esprit 
de  sagesse  qui  a  présidé  à  sa  rédaction  13). 

Mais,  bien  que  Philippe  de  Savoie  fût  connu  de  son  temps  pour 
un  homme  prudent  et  habile,  ses  vertus  guerrières   lui  firent  toute- 

(i)  Le  Coulteux,  Annales  ordinis  Cartusiensis,  Monstrolii,  t.  IV  (1888),  p.  200; 

«  Vir  liiteris  saecularibus  et  divinis  admodum  eruditus,  ut  legitur  in  Chronico, 

doctrina,  ingenio  et  exhortatione  efficacissimus,  Cartusiensis  Propositi  constitutiones 
ampliavit,  compilavit,  correxit,  pulchroque  stylo  e.xornans  ad  perfectum  usque  per- 

duxit Hujus  operis    gravitaem  illiusque    autoris   eloquentiam    extoUens    noster 

Sutor,  audet  affirmare  tantam  esse  styli  venustatem  gravitatemque,  ut  et  caesareas 
leges  ad  vivum  referre  et  omnes  sui  temporis  scriptores  styli  nobilitate  superasse 
non  dubitetur...  » 

{2)  Le  Coulteux,  Annales,  t.  IV,  p.  164-6. 

(3)  Le  Coulteux,  A7inales,  t.  IV,  p.  166-71. 


2l6  QUARANTE    AWÉES    DE    L  HISTOIRE    DES 

fois  auprès  de  ses  contemporains  une  plus  grande  renommée  (i). 
Les  expéditions  nombreuses  auxquelles  il  avait  pris  part  le  dési- 
gnaient comme  un  des  meilleurs  capitaines.  Les  événements  de- 
vaient plus  que  jamais  le  jeter  dans  cette  vie  des  camps,  pleine  de 
périls  et  d'aventures,  vers  laquelle  du  reste  il  se  sentait  invincible- 
ment entraîné  par  ses  goûts  naturels.  Son  frère.  Thomas  de  Savoie, 
l'ancien  comte  de  Flandre,  avait,  selon  que  l'intérêt  le  lui  dictait, 
tour  à  tour  servi  et  abandonné  le  parti  de  l'empire  ;  après  la  mort 
de  Frédéric  II,  il  s'était  empressé  de  faire  sa  soumission  au  pape  et 
de  reconnaître  Guillaume  de  Hollande,  le  nouveau  roi  des  Romains, 
le  compétiteur  de  Conrad  IV".  Guillaume  lui  avait  confirmé  toutes 
les  concessions  de  fiefs,  qu'il  avait  obtenues  naguère  de  Frédéric,  et 
fort  de  l'appui  d'Innocent  IV,  qui  lui  avait  donné  en  mariage  une  de 
ses  nièces,  il  travaillait  avec  une  âpre  opiniâtreté  à  se  tailler  dans  la 
haute  Italie  une  petite  principauté  (2).  Cette  œuvre,  à  laquelle  il 
dépensait  sa  vie,  lui  avait  créé  des  ennemis  nombreux  et  irréconci- 
liables. Le  23  novembre  1255,  il  s'était  laissé  battre  complètement  à 
Montebruno  par  les  habitants  d'Asti  et  leurs  alliés,  qui  le  fli-ent 
prisonnier  ;  pour  comble  de  malheur,  ceux-ci  le  livrèrent  aux  bour- 
geois de  Turin,  qui  lui  avaient  voué  une  haine  toute  particulière, 
parce  qu'ils  le  considéraient,  non  sans  raison,  comme  le  plus  dan- 
gereux ennemi  de  leur  liberté.  Thomas  fut  jeté  dans  les  fers.  A  cette 
nouvelle,  Alexandre  IV,  le  successeur  d'Innocent,  avait  réclamé  sous 
les' plus  terribles  menaces  la  délivrance  du  prisonnier;  il  avait  écrit 
jusqu'en  Angleterre  pour  ordonner  la  saisie  de  tous  les  biens  des 
marchands  d'Asti  et  de  Turin  ;  mais  ni  les  menaces,  ni  les  anathè- 
mes  ne  parvinrent  à  briser  les  fers  du  malheureux  captif.  Philippe 
de  Savoie,  Boniface,  archevêque  de  Cantorbéry,  et  Pierre  de  Savoie 
résolurent  alors  de  tenter  d'obtenir  par  la  force  des  armes  le  salut 
de  leur  frère.  Le  rendez-vous  fut  donné  â  Lyon,  et  c'est  dans  cette 
ville  que  fut  organisée  la  petite  armée  destinée  à  marcher  contre 
Turin  (3J.   Le   26  mai    I2i56,    Philippe  de   Savoie,   sur   le   point  de 

(i)  Philippe  de  Savoie,  ayant  eu  vers  le  même  temps  à  soutenir  une  lutte  contre 
le  comte  de  Kibourg,  afin  de  défendre  les  intérêts  de  Jean,  comte  de  Bourji-ogne 
et  sire  de  Salins,  ce  dernier  lui  écrivit  le  q  août  1255  ^^  '^  proclama  lui  et  Pierre 
de  Savoie,  son  frère,  les  défenseurs  des  lil->ertés  de  la  Bourgosme.  NN'rRSTEMnRROEP, 
t;  rV,  n"  409. 
'  (2)  Elie  Berger,  p.  CCLVIII-CCLIX. 

(3)  L'histoire  de  ces  événements  est  très  bien  racontée  par  W'lrstembeuger.  i.  I". 
p.  376  et  suivantes. 


EVEQUES  DE  VALENXE  AU  MOYEN  AGE.  2  17 

passer  en  Italie,  crut  prudent  de  faire  son  testament.  Il  donne  en 
usufruit  à  sa  mère  une  rente  de  soi.xante  livres  viennoises  à  pren- 
dre sur  les  revenus  du  château  de  Saint-Symphorien-d'Ozon  ;  il 
donne  à  Thomas,  son  frère,  ce  qu'il  possède  à  Aiguebelle;  il  fait  de 
nombreux  legs  à  des  monastères  et  aux  églises  et  fonde  des  anni- 
versaires, un  notamment  dans  l'église  de  Valence,  pour  le  repos  de 
l'âme  de  Guillaume  de  Savoie,  son  frère,  autrefois  élu  de  cette 
Eglise.  Enfin  il  institue  héritiers  universels  de  tous  ses  biens  Pierre 
de  Savoie,  son  frère,  et  Béatrix,  comtesse  de  Provence,  sa  sœur  ij. 
Quelques  jours  après,  les  trois  frères  franchissaient  les  Alpes  à  la 
tète  de  leurs  soldats  et  venaient  mettre  le  siège  devant  Turin.  Les 
habitants  de  cette  ville  ne  se  laissent  point  intimider  par  ce  déploie- 
ment de  forces  militaires  :  ils  acceptent  vaillamment  la  lutte.  Bien 
qu'ils  aient  eu  la  précaution  de  faire  sortir  de  la  cité  tous  ceux  qui, 
par  leur  infirmité  ou  leur  âge,  étaient  impropres  au  combat,  ils  ne 
tardent  pas  à  endurer  toutes  les  horreurs  de  la  famine,  mais  leur 
résistance  n'en  devient  que  plus  opiniâtre  et  le  sort  de  Thomas  plus 
malheureux.  Les  assiégeants,  multipliant  leurs  efforts,  réussissent 
pourtant  à  s'emparer  du  pont  jeté  sur  le  Pô,  ainsi  que  des  châteaux- 
forts  qui  avoisinent  la  ville.  Rien  n'ébranle  le  courage  des  Turi- 
nois.  La  fortune  bientôt  se  prononce  définitivement  en  leur  faveur  : 
le  désordre  se  met  dans  les  rangs  de  l'armée  savoisienne  et  les  trois 
frères  se  voient  contraints  de  lever  honteusement  le  siège  de  Turin 
et  de    ramener  en   deçà  des    monts    les   débris    de    leur   armée    2). 

(i  W'uRSTEMBERGER,  t.  IV',  n°4^o.  \ous  ti'avons  malheureusement  qu'une  analyse 
de  celte  pièce. 

(2)  GuiLLELiiLS  DE  X.^NGi.^co,  Gcsta  S.  Ludovici,  dans  Bouquet,  t.  XX,  p.  390  ; 
"  .\nno  Domini  .M  CC.LV  ..  Taurinenses  in  festo  Beati  démentis  de  consiiio  As- 
tensium  ceperunt  dominum  suum  Thomam...,  quam   proditionem  Romana   ecclesia 

graviter   l'erens iptos   Taurinenses    et   Aslenses   excômmunicavit Dicta   vero 

Taurinensis  civitas  a fratribus  dicti  Thomas  fuit  obsessa,  non  tamen  capta.  Oc- 

cupaverunt  tamen  pontem  super  Padum  et  castra  vicina,  civitatemque  multipliciter 
afflixerunt.»  —  .Matth.cus  Parisiensis,  t.  V,  p.  548  et  565.  «  Peirus  autem  de  Sa- 
baudia  constantissime  cum  magnatibus  generis  sui,  videlicet  Archiepiscopo  Cantua- 
riensi  et  electo  Lugdunensi  et  aliis  Sabaudiensibus,  urbem  Taurinum  infestât,  ita  ut 
deficientibus  victualibus  nec  poterat  eis  pondu-  proficere  urbem  suam  imbelli  po- 
pulo vacuarent.  Cives  igitur  quanto  plus  arctabantur,  lanto  firmius  comitem  Tho- 
mam lenuerunt  vinculatum  :  ut  si  cives  puniendi   forte   caperentur,  ipse  cornes  qui 

primus  et  ultimus  causam    perturbationis  suscitaverat,    primitus    puniretur »  — 

Cronica  di  yionteferrato,  dans  Moriondus,  Monumenta  Aquensia,  Taurini.  1790. 
in-4°,  t.  II,  col.    191-2.  —  Raynaldi,  Annales,  aà  an.   1256,  n°  29. 


2l8  QUARANTE    ANNEES    DE    l'hISTOIRE    DES 

Quelques  mois  après,  Thomas  s'estimait  heureux  de  racheter  sa 
hberté  au  poids  de  l'or  (i).  Les  bourgeois  de  Turin  et  d'Asti  lui 
imposèrent  un  traité,  les  5  et  27  novembre  1256,  dont  il  se  montra, 
comme  il  nous  sera  donné  de  le  constater,  peu  scrupuleux  obser- 
vateur (2). 

Au  mois  de  décembre  de  cette  même  année  1256,  Philippe  de 
Savoie  se  trouvait  à  Valence.  Riffîer,  le  prieur  du  Val-Sainte-Marie 
que  nous  connaissons  déjà,  très  attentif  à  ce  qui  pouvait  assurer  la 
prospérité  de  son  couvent,  conclut  alors  avec  l'élu  de  X'alence  et  un 
certain  nombre  de  seigneurs  ayant  des  possessions  sur  le  territoire 
de  Montélier,  une  sorte  de  bail,  un  albergement,  comme  on  disait 
alors,  dont  les  clauses  diverses  jettent  une  assez  vive  lumière  sur  le 
mode  d'exploitation  des  terres  au  moyen  âge.  Riffier,  au  nom  de  sa 
communauté,  prit  donc  en  ferme  de  Philippe,  élu  de  Lyon  et  pro- 
cureur de  l'Eglise  de  \'alence ,  et  des  seigneurs  nommés  dans 
l'acte  (3).  pour  le  prix  de  dix  livres,  monnaie  de  Vienne  et  de  Va- 
lence, payables  chaque  année  à  la  Saint-Michel  (29  septembre),  tous 
les  pâturages  du  château  de  Montélier  et  de  son  mandement,  à 
l'exception  des  jardins,  vignes,  prés  et  autres  réserves,  à  moins  que 
les  propriétaires  ne  veuillent  en  accorder  la  libre  entrée,  à  l'excep- 
tion aussi  du  terrain  des  Mantouses,  où  la  maison  du  Val  ne  pourra 
mettre  que  six  bœufs.  Dans  tout  le  reste,  les  chartreux  auront  la 
faculté  d'envoyer  jusqu'à  soixante  trentaines  de  moutons,  de  la  fête 
de  la  Toussaint  à  la  fin  du  mois  de  mai,  et  quatre-vingts  vaches  de 
la  fête  de  Saint  André  au  premier  dimanche  de  carême,  en  com- 
pensant le  retard  à  prendre  possession  des  pâturages  par  une  pro- 
longation de  temps.  De  plus,  trente  chevaux  froncmz'y  y  seront  admis 
en  hiver,  pendant  un  mois  entre  la  fête  de  Noël  et  le  carême,  avec 
pouvoir  de  se  retirer  dans  la  grange  de  la  maison  du  Val.  il  est  bien 
spécifié  dans  l'acte  que  les  gens  de  Montélier  ne  pourront  introduire 
dans  ces  pâturages  aucun  bétail  étranger,  sauf  les  leurs  propres  et 
ceux  qu'ils  tiennent  à  cheptel  (ad  médium  lucrum).  Le  revenu   de 

(1)  WURSTE.MBF.RGER,  t.    I,    p.    416. 

(2)  WURSTE.MBERGER,    t.    IV,    U"    433. 

(3)  Voici  les  noms  des  autres  contractants  :  Odilon,  Pierre,  Ponce  et  Amédée  de 
Montélier,  et  François  d'Eurre,  chevaliers,  Artaud  d'Aouste,  Bertrand  d'Etoile  (au 
nom  de  Chaberte,  son  épouse;.  Ponce  Artaud  de  Montélier,  Odon  d'Aiixan,  Garnier, 
Gontard,  Humbert  Chanavel,  .\rnaud  Girin,  Guillaume  Massa  et  Guillaume  de 
Montélier. 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  210 

cette  concession  sera  partagé  par  moitié  entre  l'évêque  de  Valence  et 
les  autres  contractants  :  la  part  de  chacun  de  ces  derniers  sera  pro- 
portionnelle à  l'importance  de  ses  possessions  affermées.  L'évêque 
de  Valence  accorde  en  outre  au  prieur  du  Val-Sainte-Marie  et  à  ses 
successeurs  la  faculté  de  créer  soixante-et-dix  seterées  de  prés,  sans 
préjudice  des  droits  d'autrui,  avec  possession  exclusive;  le  bétail  des 
chartreux  aura  en  outre  la  faculté  de  séjourner  pendant  une  nuit 
dans  le  mandement  d'Alixan,  tant  en  allant  qu'en  revenant.  De  plus 
Philippe  les  autorisa  à  construire  dans  le  mandement  de  Montélier 
une  grange  destinée  à  remiser  leurs  foins  et  leur  bétail  de  tout 
genre;  ils  pourront  y  faire  un  four  pour  cuire  leur  pain  et  celui  de 
leurs  serviteurs.  Les  contractants  reconnurent  avoir  reçu  du  prieur, 
à  titre  d'introges,  cent  livres  monnaie  de  Vienne  et  de  Valence, qu'ils 
partagèrent  suivant  la  règle  établie  plus  haut.  Ils  promirent  et  ju- 
rèrent sur  les  saints  évangiles  d'observer  à  perpétuité  ce  contrat. 
Arbert  de  Chabeuil,  doyen  du  chapitre  de  Valence,  et  les  chanoines 
de  cette  Eglise  donnèrent  leur  consentement  à  l'acte.  A  leur  tour, 
ces  mêmes  chanoines  affermèrent  au  prieur  du  Val,  pour  le  prix  de 
dix  sous  viennois  payables  annuellement  à  la  Saint-Michel,  tous 
les  pâturages  appartenant  au  chapitre  de  Valence  dans  le  mande- 
ment de  Montélier,  à  l'exception  formelle  du  territoire  de  Pontigat, 
sous  les  clauses  ci-dessus  spécifiées  ;  ils  reçurent  comme  introges 
cent  sous  monnaie  de  Vienne  et  de  Valence.  Pour  transmettre  plus 
sûrement  cet  accord  à  la  postérité,  on  apposa  au  bas  des  originaux 
de  cette  charte  la  bulle  dont  se  servait  Philippe  pour  les  actes  de 
l'Eglise  de  Valence,  le  sceau  de  Saint-Apollinaire  et  ceux  de  Guil- 
laume de  Montélier,  pour  lui  et  son  frère,  d'Odilon,  chevalier, 
d'Artaud  et  de  Bertrand  d'Etoile,  châtelains.  L'acte  fut  passé  à  Va- 
lence, en  présence  de  maître  Gérard  de  Montmaur,  de  Jean  Capel, 
d'Etienne  Chais,  de  Gui  de  Boczozel,  de  Pierre  de  Langon,  che- 
valiers, de  maître  Jean,  officiai,  de  Pierre,  courrier  de  Valence,  des 
frères  Etienne  Bruchet  et  Richard,  chartreux,  et  de  plusieurs  autres 
personnages  dignes  de  foi  (i). 

(i)  Archives  de  la  Drôme.  Fonds  de  la  chartreuse  du  Val-Sainte-Marie.  Voir  : 
C.-U.-J.  Chevalier,  Notice  chronologico-historique  sur  la  chartreuse  du  V.-S.-M., 
dans  Journal  de  Die,  n°  du  dimanche,  27  septembre  1868.  —  L'année  suivante, 
1257,  Bernard,  prieur  général  de  la  Grande  Chartreuse,  ayant  renoncé  à  ses  fonc- 
tions, eut  pour  successeur  Riffier,  prieur  du  Val,  qui,  pendant  dix  ans,  demeura  à 
la  tête  de  l'Ordre.  Sous  son   habile    administration,  les  chartreu.x  prospérèrent  et 


220  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DE? 

La  cession  du  royaume  de  Sicile  au  fils  du  roi  d'Angleterre  occu- 
pait encore  Philippe  de  Savoie,  au  mois  de  juin  1257:  le  prince 
anglais,  sous  le  prétexte  que  les  conditions  imposées  par  la  cour 
romaine  étaient  trop  onéreuses,  renonça  définitivement  à  une  entre- 
prise, à  laquelle  il  voyait  bien  qu'il  ne  pourrait  réussir  i).  Le  1^'' 
octobre  1257,  l'élu  de  Lyon  se  trouvant  à  Saint-Symphorien-d'Ozon, 
dont  il  était  coseigneur,  acheta  de  Girin  de  Saint-Symphorien  la 
portion  de  la  seigneurie  qui  ne  lui  appartenait  point  encore  et  délivra, 
le  même  jour,  une  charte  de  libertés  et  de  franchises  aux  habitants  du 
lieu  (2).  Deux  mois  plus  tard,  la  querelle  des  habitants  de  Turin 
avec  Thomas  de  Savoie  entrait  dans  une  phase  nouvelle.  Thomas, 
comme  nous  l'avons  dit,  avait  été  délivré  de  prison  sous  certaines 
conditions,  donnant  du  reste  des  otages  en  garantie  de  ses  enga- 
gements. Mais  ce  prince,  qui  ne  se  piquait  pas  d'une  grande  délica- 
tesse de  conscience,  à  peine  rendu  à  la  liberté,  avait  oublié  toutes 
ses  promesses.  Les  Turinois,  profondément  irrités  de  ce  manque 
de  parole,  menacèrent  alors  de  livrer  au  dernier  supplice  les  per- 
sonnes laissées  entre  leurs  mains.  Un  des  otages,  l'abbé  du  monas- 
tère de  Saint-Just  de  Suze,  écrivit  le  17  décembre  1257  à  Philippe 
de  Savoie  pour  le  prier  de  faire  comprendre  à  son  frère  Thomas  le 
malheur  auquel  ils  se  voyaient  exposés,  lui  et  ses  compagnons  (31. 
Thomas  de  Savoie  mourut  en  1259  et  Philippe  ne  fut  point  oublié 
dans  son  testament:  le  12  octobre  1262,  Henri,  roi  d'Angleterre, 
écrivait  à  son  chancelier,  de  payer,  sur  la  demande  des  exécuteurs 
testamentaires  d'Amédée,  comte  de  Savoie,  et  de  Thomas,  comte  de 
Flandre,  une  rente  de  tooo  marcs  à  Philippe,  élu  de  Lvon  (4  . 

Le  30  octobre  1260,  Philippe,  se  trouvant  à  Valence,  sanctionna 
un   accord    intervenu   entre   TTuillaume.  abbé  de  Saint-Ruf  et   frère 

fondèrent  de  nouveaux  couvents.  Il  reçut  une  letlre  de  Saint  Louis,  qui  lui  de- 
mandait des  religieux  pour  fonder  un  monastère  près  de  Paris;  il  s'empressa  de 
répondre  aux  désirs  du  monarque,  et  Jocerand,  qui  l'avait  remplacé  comme  prieur 
du  Val-Sainte-.Marie,  homme  du  reste  remarquable  à  tous  égards,  reçut  la  mi,-.sion, 
avec  le  titre  de  prieur,  de  conduire  et  d'établir  à  Paris  la  petite  colonie  de  moines, 
partis  de  la  Chartreuse.  Voir  Le  Cocltel'x,  Annales,  ad  an.  i-'^y,  n"'  I\'  et  \', 
tom.  IV,  p.  194-5. 

(1)  VVURSTE,MBERGER,    t.    IV,    n°    ^57    Ct   46  1  . 

(2)  Mémoires  et  doc.  publiés  par  la  Société  savoisienne    d'hist.  et    d'archéologie. 
Chambéry,  t.  IV  (jH6o),  p.   146-9. 

(3)  WURSTE.MBERGER,  t.    IV,  n"   47  v 

(4)  WrnSTEMBERGER,  t.  IV,  n"    Ç  8  I  . 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  22  1 

Bues,  gardien  des  Frères  Mineurs  de  Valence  :  celait  un  échange 
de  revenus  que  faisaient  entre  elles  les  deuN  communautés  (ij.  Cette 
même  année  Philippe  fait  lui  aussi  un  échange  de  divers  cens  à 
Saint-Symphorien-d'Ozon  avec  A'igUer  (Aigleiùis),  abbé  d'Ainay,  et 
achète  de  Pierre  Rivoire  Revoeri)  tous  ses  droits  sur  le  péage  et  le 
marché  de  la  Côte-Saint-André.  Au  mois  de  février  1261  (n.s.)  il 
achète  encore  de  Bompart  du  Château  tous  les  droits  qu'avait  celui- 
ci  sur  les  personnes  et  les  biens  de  Bernard  et  Aymon  Lambert  de 
Maschevin,  moyennant  60  sous  de  Viennois  (2). 

Seguin  de  Lugny,  évêque  de  Mâcon,  étant  mort  le  19  mai  1262, 
le  chapitre  de  cette  Eglise  lui  avait  donné  pour  successeur  Jean  de 
Damas.  Un  mois  après  les  funérailles  de  Seguin,  le  nouveau  prélat 
reçut  l'onction  épiscopale  des  mains  de  Henri  de  Suze,  archevêque 
d'Embrun,  que  Philippe  de  Savoie,  métropolitain  de  Lyon,  avait 
délégué  pour  cette  cérémonie  (3).  Par  une  charte  datée  de  juillet 
1263,  Philippe  fit  quelques  modifications  au  règlement  des  chanoines 
de  Fourvière  à  Lyon  et  porta  leur  nombre  à  dix  :  ils  n'étaient 
auparavant  que  quatre,  le  prévôt  de  la  cathédrale  de  St-Jean  ayant 
en  même  temps  le  titre  de  prévôt  de  Fourvière  (4J. 

(i;  Archives  de  la  Drôme.  Fonds  de  Saini-Ruf.  «...  Guillelmus,  abbas,  pro  se 
et  conventu  suo  Sancti  Ruti  predicti  et  successoribus  suis  permutât...  dicto  B.,  gar- 
diano,  pro  se  et  fratribus  suis  recipienii...duodecim  denarios  censuales  cum  dominio 
quos  domus  S.  Ruffi  predicti  percipiebat  super  quadam  domo  sita  al  ser,  quam 
fratres  minores  emerunt  a  Johanne  de  Annoniaco,  contigua  ab  una  parle  domui  de 
lia  Guicharde  et  ex  altéra  domibus  diciorum  fratrum  minorum  quas  de  novo  acqui- 
sierunt  et  ex  altéra  vie  publiée...  Dictus  vero  guardianus...  eidem  Guillelmo, 
abbati...  concedit  in  e.xcambium  et  veram  permutationem  pro  predictis  duodecim 
denariis  censualibus  duodecim  denarios  censuales  cum  dominio  ,  quos  dédit... 
Jarento  Herpi,  civis  Valentinensis,  eisdem  fratribus  minoribus,  qui  percipiuniur 
super  quadam  domo^  sita  versus  furnum  episcopi,  quam  tenet  Willelma  Crusola, 
que  quondam  fuit  Symundi  Basterii...  Nos  autem  dicius  Philippus,  divina  misera- 
tione  prime  Lugdunensis  ec•:le^ie  eleclus,  procurator  ecclesie  Valeniine,  dictam  per- 
mutationem... approbamus  et...  cartam  patrocinlo  bulle  nostre  fecimus  communiri... 
anno  Domini  M°.CC''.LX°.,  die  veneris  ante  festum  omnium  sanctorum.  »  —  Les 
Layettes  du  trésor  des  chartes,  n°  45QO,  renferment  le  texte  d'un  document  de  l'an- 
née 1260  (n.s.),  avant  Pâques,  par  lequel  Philippe  et  ses  chanoine:,  de  Lvon  ven- 
dent un  fief  à  Thibaud,  comte  de  Champagne. 

(2)  Archives_de  l'Isère.  B,  3605. 

(3)  De  l.\  Rochette,  Histoire  des  évéques  de  Mâcon,  Mâcon,  1867,  in-S",  t.  11, 
p.  256,  258.  —  Gallia  christiana,  t.  IV,  col.    146. 

(4)  Cahour,  Notre-Dame  de  Fourvière,  Lyon,  1838,  in-8°,  p.  61.  —  Péric.^ld, 
Notice  sur  Philippe  de  Savoie,  archevêque  élu  de  Lyon.  Lvon,  1855,  in-8''  (:6 
pages.',  p.  10. 


222  QUARANTE    AXXEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

Cependant  l'élu  de  Lyon  et  de  Valence,  dont  les  richesses  ne  fai- 
saient que  s'accroître,  se  rapprochait  de  l'objet  vers  lequel  depuis 
longtemps  se  portaient  ses  ambitieux  désirs.  Le  7  juin  1263,  Boni- 
face,  comte  de  Savoie,  à  peine  âgé  de  dix-huit  ans,  suivait  dans  la 
tombe  son  oncle  Thomas  de  Savoie.  Le  comté  appartenait  dès  lors 
à  Pierre  de  Savoie,  que  l'histoire  à  surnommé  le  Petit  Charlemagne. 
Comme  il  était  âgé  et  n'avait  qu'une  fille,  Béatrix,  épouse  du  Dau- 
phin Guigues  VII,  notre  prélat  pouvait  d'un  moment  à  l'autre  être 
appelé  à  gouverner  la  Savoie.  Philippe  ne  manqua  pas  de  prendre 
toutes  les  mesures  pour  que  cette  i-iche  succession  ne  vînt  pas  à  lui 
échapper.  On  le  voit  auprès  de  son  frère,  lorsque  celui-ci  reçoit  les 
premiers  hommages  de  ses  vassaux  (i).  Il  a  soin  d'obtenir  de  sa 
sœur,  la  comtesse  de  Provence,  l'abandon  de  tous  les  droits  qu'elle 
pourrait  avoir  sur  les  terres  du  comté  de  Savoie,  ce  qui  fut  réglé  à 
Lyon,  le  25  août  1263  (2).  L'année  suivante,  au  mois  de  septembre, 
un  testament -du  comte  Pierre  lui  assure  avec  le  titre  de  comte  la 
plus  grande  partie  des  biens  de  sa  famille  (3)  et  le  11  octobre  de 
cette  même  année  1264,  Boniface,  archevêque  de  Cantorbéry,  lui 
lègue  par  testament  les  châteaux  de  Roussillon,  de  Tournon,  de 
Châtelard,  à  la  condition  de  payer  1000  livres  viennoises  à  ses  exé 
cuteurs  testamentaires  (4).  Au  mois  de  mai  1265,  Etienne  de  Rous- 
sillon ,  chevalier ,  châtelain  de  Genève  ,  prend  l'engagement  de 
remettre  aux  mains  de  Philippe  le  château  de  Genève  aussitôt  qu'il 
apprendra  la  mort  du  comte  Pierre  de  Savoie  (5). 

La  chronique  française  de  Savoie,  document  de  date  relativement 
récente,  a  consacré  à  Philippe  de  Savoie,  une  courte  notice,  dont 
nous  avons  reproduit  déjà  les  premières  lignes  :  pour  la  partie  de  la 
vie  de  notre  prélat,  à  laquelle  nous  sommes  arrivés,  c'est-à-dire 
pour  la  fin  de  1265  et  les  premiers  mois  de  1266,  elle  nous  fournit, 
sous  une  forme  très  laconique,  de  curieux  détails;  nous  y  lisons  en 
effet  :  «  Et  tost  après,  il  (Philippe)  s'enala  a  toute  noble  compagnye 

(i)  Regeste  genevois,  n°  960,  126^,  19  août.  Saint-Rambert-de-Joux.  Hommage 
prêté  par  Rodolphe,  comte  de  Genevois,  à  Pierre,  comte  de  Savoie,  en  présence  de 
Philippe,  élu  de  Lyon. 

(2)  WuRSTEMBFRGER,  t.  IV,  n'  620.  «  Aclum  Lugduni,  in  domo  VVillelmi  de  Au- 
ziacOjCiviz  Lugdunensis,  anno  Domini  M°.CC"'.LX''.I1I''.,  VIII"  kalend.  septembris, 
indicione  V"^  .  » 

(3)  WCRSTEMBERGER,  t.    IV,   n°   657. 

(4)  WuRSTEMBERGER,    t.    IV,  H"  665. 

(5)  WURSTE.M0ERGER,  t.    IV,   n"  688. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  22 3 

«  de  gens  d'armes  vers  la  Marque,  qui  estoit  guerroyé  a  l'encontre 
«  du  pape  Clément  1111  par  Conradin,  lequel  (Philippe)  entra  en 
«  Pueillie  'dans  la  Pouillej  et  ly  aserirent  (lui  obéirent;  ceulx  de  Ma- 
«  lestes  en  la  Romanye  et  le  conte  d'Urbin  et  le  signeur  de  Cane- 
ci  min,  lesquels  mons.  Philippe  de  Savoye  mist  après  en  subgeccion 
«  et  les  fist  venir  a  l'obéissance  de  l'Esglise  et  leur  fist  faire  l'omage 
«  et  les  soubmist  au  pape.  Quand  il  eust  mené  a  fin  la  guerre  de 
"  l'Esglise  et  qu'il  eut  mist  a  subgeccion  tous  les  rebelles  de  l'Es- 
«  glise,  il  vint  vers  le  pape,  et  vint  rapporter  ses  affayres,  dont  le 
«  pape  l'ayma  moult  ii)  »  D'après  cette  chronique,  l'élu  de  Lyon  et 
de  Valence  aurait  donc  pris  part  à  la  croisade  prêchée  en  1265 
contre  Manfred,  le  bâtard  de  Frédéric  II,  qui  avait  enlevé  à  Conra- 
din, son  neveu,  le  royaume  de  Naples  et  de  Sicile.  Comme  on  le 
sait,  Charles  d'Anjou,  couronné  roi  de  Xaples,  à  Rome,  le  6  janvier 
1266,  commença  bientôt,  à  la  tête  d'une  nombreuse  armée  de 
croisés,  cette  guerre  qui  devait  aboutir  à  la  ruine  du  parti  de  iMan- 
fred  ;  celui-ci  fut  battu  près  de  Bénévent,  le  26  février  1266  et  périt 
dans  la  mêlée.  Après  cette  victoire,  les  ci-oisés  n'eurent  pas  de  peine 
à  reprendre  les  diverses  places  qu'occupaient  les  troupes  du  jeune 
Conradin,  le  neveu  et  le  compétiteur  de  l'infortuné  Manfred.  Que 
Philippe  de  Savoie  ait  pris  une  part  active  à  cette  croisade,  dont  le 
succès  devait  assurer  un  trône  à  sa  nièce,  Béatrix  de  Provence, 
épouse  de  Charles  d'Anjou,  il  n'y  a  rien  là  que  de  très  probable; 
nous  ne  sommes  malheureusement  pas  en  mesure  de  contrôler  sur 
ce  point  l'exactitudetde  notre  chronique,  mais  là  où  elle  se  trompe 
certainement,  c'est  quand  elle  affirme  que  Clément  IV,  plein  de 
reconnaissance,  «  ayma  moult  «  Philippe  de  Savoie  et  se  félicita  de 
compter  parmi  les  prélats  de  l'Eglise  un  aussi  habile  guerrier.  Voici 
en  effet  ce  que  nous  apprennent  des  documents  dont  le  témoignage 
est  beaucoup  plus  sûr. 

Dès  les  premiers  jours  qui  suivirent  son  avènement  au  pontificat, 
Clément  IV  s'était  vivement  occupé  de  la  triste  situation  du  diocèse 
de  Valence,  où  depuis  plus  de  quarante  ans  les  fidèles  étaient  sans 
pasteur,  car  on  ne  saurait  en  réalité  donner  ce  nom  à  des  hommes 
que  la  naissance  et  la  fortune  seules  avaient  conduits  aux  saintes  et 
redoutables  fonctions  de  l'épiscopat  ;  à  des  hommes  qui  n'avaient 
point  voulu  entrer  dans  les  ordres  sacrés,  afin  de  se  soustraire  aux 

(i)  tMonumenta  historix  patries.  Scriptores,  t.  I,  p.  147. 


224  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

conséquences  d'un  engagement  détinitil  et  qui  paraissent  s'étrè  appli- 
qués avant  tout  à  conserver,  à  augmenter  les  revenus  de  leurs  béné- 
fices. Ce  pontife  vertueux  et  savant  avait  passé  la  plus  grande  partie 
de  sa  vie  en  Languedoc  et  en  Provence,  où  il  remplit  les  plus  hautes 
fonctions  séculières  et  ecclésiastiques  ij:  il  connaissait  donc  parfai- 
tement les  maux  qui  désolaient  nos  Eglises.  Sans  cesse  de  nouveaux 
désordres  lui  étaient  signalés.  Aymar  de  Poitiers,  mettant  à  profit  le 
perpétuel  éloignement  de  lélu  de  Valence,  faisait  des  excursions  à 
main  armée  sur  les  terres  des  églises  et  des  monastères,  les  moines 
de  Saint-Chaffre  se  plaignaient  plus  que  les  autres  de  la  rapacité  et 
des  violences  de  ce  seigneur  (2).  De  son  côté,  le  Dauphin,  qui  tra- 
vaillait sans  relâche  à  l'agrandissement  de  ses  domaines  avait  enlevé 
quelques  châteaux  appartenant  à  Philippe;  il  en  était  résuit '-  une 
guerre,  qui  se  termina  par  un  traité  conclu  à  Vienne,  le  10  avril 
1266(3).  ^^  conscience  du  pape  s'alarmait,  lorsqu'elle  venait  à  con- 
sidérer que  pour  sauvegarder  peut-être  quelques  vils  intérêts  dun 
jour,  on  sacrifiait  le  bien  éternel  des  âmes,  qui  demandaient  un 
évêque.  Il  adressa  à  Philippe  de  sévères  remontrances  pour  l'enga- 
ger à  soccuper  désormais  des  devoirs  de  sa  charge,  après  avoir 
reçu  les  ordres  sacrés,  ou  bien  à  renoncer  définitivement  à  l'état 
ecclésiastique  ;  il  le  menaça  même  des  censures  de  l'Eglise,  s'il 
n'obéissait   point  (4).    Celui-ci  pour  donner   un  commencement   de 

(1)  Raynaldi,  AnnaUs,  ad  an.  1265,  n'.«  1  et  2.  —  Clément  IV  (Guy  le  Gros- 
Fulcodi)  était  né  à  Saint-Gilles.  Son  père  mourut  chartreu.x,  et  lui-même  avait  eu 
un  moment  la  pensée  d'entrer  dans  cet  ordre.  (Le  Coultku.x,  Annales  oïdinis  Car- 
tusiensis,  t.  I\',  p.   25  3). 

(2)  C.-U.-J.  Chevalier,  Documents  inédits  relatifs  au  Daiiphiné.  Grenoble,  1868, 
sixième  livraison,  p.  44. 

(3)  WuRSTE.MBERGER,  t.  I\',  n°   ■joh.  —  GalUa  Christiana.  t.  I\',  col.    146. 

(4)  La  lettre  adressée  par  Clément  IV  à  Philippe  de  Savoie,  le  5  mai  1267,  pour 
lui  enjoindre  de  quitter  le  siège  de  Lyon,  ou  bien  de  se  faire  ordonner,  nous  ap- 
prend que  le  Pape  antérieurement  à  cette  époque,  ne  lui  avait  épargné  ni  les  aver- 
tissements, ni  les  menaces.  Voici  du  reste  cette  lettre  d'autant  plus,  intéressante 
qu'elle  était  toute  personnelle  et  destinée  à  demeurer  secrète  :  »  Dileclo  filio  Lug- 
duncnsi  electo.  .\osii  quantum  et  quam  pacifiée  sustinuimus  negligentiœ  luœ  de- 
fecium,  qui  dudum  ad  sacros  ordines  debuisses  ascendere  et,  munere  consecratio- 
nis  obtento,  intendere  diligentius  s.iluti  crediti  tibi  gregis.  Sane  quod  tania  pa- 
tientia  prœrogata,  tôt  apostoliccC  sedis  gratiis  inculcatis,  ulterius  pati  nolumus  ani- 
marum  d-spendia,  quae  pastoris  diu  regimine  caruerunt,  non  ex  odio  sed  ex  vera 
dilcctione  processit  quam  sic  aJ  te  habere  volumus,  ut  ulililatem  multi^rum  nudo 
tuo  beneplacito  praeferamus.  Cum  igitur  in  du  irum  capite  viarum  dudum  sleteris, 
tempus  est  ut  in  altéra  te   stabilias,   nec  ancipiti  volvaris  proposito,  sed  vel  a  modo 


ÉVÊQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  225 

soumission  aux  ordres  du  pape,  consentit  enfin  à  se  démettre  de  son 
évêché  de  Valence,  gardant  l'archevêché  de  Lyon,  le  plus  riche  de 
ses  bénéfices.  Le  7  juillet  1266,  Clément  IV  écrivait  de  Viterbe  aux 
archevêques  d'Embrun  et  de  Tarentaise  pour  les  charger  d'annoncer 
officiellement  au  chapitre  de  Valence  que  Philippe  quittait  volontai- 
rement le  siège  épiscopal.  Le  mot  volontairement  était  ici  employé 
pour  ménager  la  susceptibilité  du  démissionnaire  (i)  :  Le  pape  délé- 
gua les  deux  archevêques  pour  recevoir  les  comptes  de  l'administra- 
tion de  Philippe  et  pour  enjoindre  aux  chanoines  de  Valence  d'avoir  à 
élire  dans  les  trois  mois  qui  suivront  cet  acte,  quelques-uns  d'en- 
tre eux,  qui  de  concert  avec  la  cour  romaine,  choisiront  un  sujet 
digne  de  l'épiscopat  et  capable  de  gouverner  le  diocèse  dans  ces 
difficiles  circonstances. 

Plus  de  sept  mois  s'écoulèrent  encore  avant  que  la  bulle  de  Clé-» 
ment  IV  fût  mise  à  exécution.  Philippe  voulait  garderie  plus  long- 
temps possible  les  revenus  de  son  bénéfice  ;  du  reste  bien  des 
affaires  l'empêchaient  de  se  rendre  à  Valence.  Au  mois  de  juillet 
1266,  il  concluait  une  ligue  offensive  et  défensive  avec  Albert  de  la 
Tour,  Aynard  de  Clermont,  Artaud  de  Roussillon,  Raymond  de 
Mévouillon,  Hugues  Salvaing  et  quelques  autres  seigneurs  (2).  La 
mort  de  l'archevêque  de  Vienne,  Jean  de  Bernin,  arrivée  le  17  avril 
1266  (3),  donna  lieu  à  de  nouvelles  difficultés,  qui  furent  encore  une 
cause  de  retard  :  les  chanoines  de  Vienne  ne  parvenant  point  à 
s'entendre  sur  le  choix  d'un  archevêque,  avaient  cédé  leurs  pouvoirs 
à  l'élu  de  Lyon,  qui  était  en   même  temps   doyen  de  leur  Eglise,  le 

prœlaium  impleas  vel  ecclesiœ  Lugdunensi  amplius  non  illudas.  Nos  vero  suspen- 
sionis  sententiam,  quam  in  te  olim  lulimus,  ad  tempus  prorogavimus  ad  preces  vene- 
rabilis  frairis  nostri  H(enrici)  episcopi  Osliensis.  Daium  Viterbii,  111°  nonas  maii, 
anno  111°.  » 

(1)  Dans  cette  lettre  du  7  juillet  1266,  qui  devait  être  lue  devant  les  chanoines 
de  Valence,  le  pape  use  de  beaucoup  de  ménagements  à  l'égard  de  Philippe,  et 
lui  laisse  tout  le  mérite  d'une  démission  qui  lui  était  imposée.  Ce  fut,  comme  on 
pourra  le  lire  plus  loin,  Henri  de  Suze,  cardinal-évèque  d'Ostie,  l'ancien  archevê- 
que d'Embrun,  qui  servit  d'intermédiaire  entre  Philippe  et  le  pape  durant  le  cours 
de  ces  pénibles  négociations. 

(2)  Salvaing  de  Boissieu,  De  l'usage  des  fiefs,  Grenoble,  1731,  t.  1,  p.  98. 

(3)  Cet  illustre  archevêque,  qui  gouverna  l'Eglise  de  Vienne  pendant  près  de  cin- 
quante ans  et  dont  le  nom  figure  dans  une  multitude  de  chartes,  mourut  à  Rome  ; 
son  corps,  rapporté  dans  nos  pays,  fut  enseveli  à  Romans,  dans  l'église  St-Barnard, 
qu'il  avait  en  partie  fait  construire.  Giraud,  Essai  hist.  sur  Romans.  IP  partie,  p. 
32.  —  Le  Coulteux,  Annales,   t.  IV,  p.  262. 

Bull.  IX,  1889.  17 


220  QUARANTE    ANNÉES    DE    l'hiSTOIRE    DES 

chargeant  de  faire  lui-même  cette  élection.  Philippe  proposa  Guy 
dAuvergne,  un  de  ses  parents,  prévôt  de  Lille  en  Flandre,  qui 
n"était  pas  encore  sous-diacre  et  qui  possédait,  sans  dispense,  plu- 
sieurs bénéfices  incompatibles.  Le  pape  hésita  longtemps  à  confir- 
mer une  élection  qui  ne  paraissait  pas  promettre  d'heureux  fruits  (r). 
Les  nombreuses  procédures  faites  à  cette  occasion  durent  absorber 
l'activité  de  Philippe. 

Enfin,  le  24  février  1267,  jour  de  la  fête  de  saint  Mathias,  les  cha- 
noines de  \'alence  se  réunissaient  capitulairement,  sous  la  prési- 
dence de  Jacques  fde  Serène),  archevêque  d'Embrun  ;  celui  de 
Tarentaise,  également  délégué  par  le  souverain  pontife,  n'avait  pu 
se  rendre  à  Valence.  Voici  les  noms  des  chanoines  présents  à  cette 
assemblée  :  Guillaume  (de  .Monteilj,  prévôt,  Guillaume  de  Haute- 
ville,  doyen,  Bernard,  abbé  de  Saint-Félix,  Guiffrey,  archidiacre, 
Roger  de  Clérieu,  Pierre  de  Châteauneuf,  Pierre  Rostaing.  Guillau- 
me d'Entraigues,  Hugues  Peloux,  Pierre  de  Lanatio,  Guigues  de 
l'Eparvière,  Guillaume  Charfaud,  Francon  de  la  Motte,  Geoffroy  de 
Chaste,  Etienne  Chaix,  Guillaume  de  Vienne,  Bertrand  de  la 
Voûte,  Bonnet  et  Aymar  de  la  Roche.  Frère  Andrée  Je  Crimeraco, 
gardien  du  couvent  des  Frères  Mineurs  de  Valence,  et  Jean,  prieur 
des  Dominicains  de  cette  ville  assistèrent  à  la  réunion.  L'archevêque 
d'Embrun  notifia  officiellement  aux  chanoines  la  démission  de  leur 
évêque  et  donna  lecture  de  la  lettre  de  Clément  IV,  qui  le  déléguait 
pour  recevoir  cette  démission  et  ordonner  au  chapitre  de  Valence  de 
mettre  un  terme  à  la  vacance  du  siège  avant  trois  mois.  Philippe  de 
Savoie,  qui  s'était  rendu  en  personne  à  l'assemblée,  se  démit  aussitôt 
de  sa  charge  et  présenta  les  comptes  de  son  administration.  Nous 
traduirons  quelques  passages  de  l'intéressant  document,  rédigé  à 
cette  occasion  et  dont  le  lecteur  trouvera  plus  loin  le  texte  complet, 
fidèlement  copié  sur  l'original. 

«  Quant  à  l'état  dans  lequel  se  trouvait  l'Eglise  de  Valence, 
«  lorsque  l'élu  sus^diten  prit  possession,  voici  l'exposé  qu'il  en  a  fait 
«  en  présence  de  ces  mêmes  chanoines.  11  dit,  et  tous  furent  unani- 
«  mes  à  le  reconnaître,  que  cette  Eglise  était  alors  désolée  parles 
«  fléaux  nombreux  que  la  guerre  traîne  après  elle,  et  que  de  plus  elle 
«  était  accablée  de  dettes  qui  ne  faisaient  que  s'accroître.  Elle  était 
«  entourée  de  perfides  ennemis,  et  des  voisins  puissants  pouvaient 

(i)  Balcze,  Histoire  généalogique  de  la  maison  d'Auvergne,  t.  Il,  p.  9^.  —  .Mar- 
TÈNE,   Thésaurus,  t.  II,  p.   409,  452. 


à 


EVEQUES    DE    VALENCE    AU    MOYEN    AGE.  22/ 

impunément  se  ruer  sur  elle.  Il  s'est  donc  vu  dans  la  nécessité 
d'entreprendre  de?  guerres,  et  au  prix  de  sacrifices  pécuniaires 
qu'il  est  à  peu  près  impossible  de  déterminer,  il  a  conduit  avec 
succès  toutes  ces  expédition,  tant  par  lui-même  que  par  ses  capi- 
taines :  l'Eglise  de  Valence  en  a  retiré  et  de  la  gloire  et  du  profit. 
Il  s'est  vu  en  butte  à  la  perfidie  de  créanciers  exigeants  et  pour 
guérir  son  Eglise  de  cette  plaie  qui  la  dévorait  il  a  payé  plus  de 
31,000  livres  de  dettes,  capital  et  intérêts;  dettes  dont  la  dite 
Eglise  était  grevée  à  son  entrée  en  charge.  Il  ne  parle  point  d'une 
multitude  de  petites  sommes,  qu'il  a  encore  payées  et  dont  il  n'a 
point  gardé  le  souvenir.  Pour  justifier  de  toutes  les  dettes  qu'il  a 
contractées  lui-même,  comme  de  toutes  celles  qu'il  a  payées,  il  a 
placé  sous  les  yeux  des  chanoines  tous  les  documents,  tous  les 
actes  rédigés  à  ce  sujet.  Actuellement  l'Eglise  de  V'alence  peut  se 
trouver  endettée  d'environ  2,100  livres,  qu'il  a  empruntées  lui- 
même  à  différents  créanciers,  et  pour  lesquelles  il  a  engagé  pen- 
dant quelques  années  seulement  ou  bien  encore  cédé  à  titre  de 
vente,  certain  revenus  de  l'Eglise  ;  mais  il  n'y  a  aucun  intérêt  à 
payer.  Mais  ce  qui  est  dit  ici  d'une  manière  générale,  apparaîtra 
plus  clairement  dans  le  détail.  Voici  donc  ce  que  l'élu  précité,  en 
présence  des  dits  chanoines,  a  affirmé  avoir  payé  des  anciennes 
dettes  de  l'Eglise  de  \^alence  :  275  livres  au  chanoine  de  Valence 
Aquin,  pour  recouvrer  le  château  d'Alixan  ;  180  livres  à  Raymond 
Ebraud  et  à  ses  frères  pour  recouvrer  les  châteaux  de  Montvendre 
et  de  Beaumont;  1700  livres  pour  recouvrer  les  châteaux  de  Crest 

et  de  Livron  ; pour  le  testament  de  Silvion  de   Crest  environ 

100  livres   à  Bernard  de  Viviers :   Total   des  dettes  payées: 

31,000  livres,  sans  parler  des  dépenses  occasionnées  par  les  guer- 
res, dépenses  qu'il  serait  impossible  d'énumérer.  »  Suit  l'énumé- 
ration  des  diverses  dettes  contractées  par  l'élu  et  qui  sont  encore 
à  payer.  L'archevêque  d'Embrun  continue  ensuite  son  rapport  en 
ces  termes:  «  Total  des  dettes  à  payer:  2,100  livres  environ.  L'élu 
«  précité  pourrait  maintenant  exposer  avec  détails  {qualiter,  in  qui- 
«  bus  et  in  quantum)  toutes  les  améliorations  qu'il  a  apportées  dans 
0  l'état  de  son  Eglise  :  les  revenus  annuels  considérablement  aug- 
«  mentes,  les  châteaux  munis  de  nouvelles  fortifications  et  de  tout 
«  ce  qui  peut  en  assurer  la  défense  ;  mais  sur  tous  ces  points  il  veut 
«  garder  le  silence  pour  ne  point  s'exposer  à  paraître  mendier  des 
«  félicitations  et  des  éloges.  Toutefois  il  ne  peut  s'empêcher  de  faire 


228  QUARANTE    ANNEES    DE    l'hISTOIRE    DES 

«  observer  qu'il  laisse  à  son  Eglise  un  revenu  annuel  qui  dépasse 
«  de  7  à  800  livres  viennoises  celui  qu'elle  avait  quand  il  prit  en 
«  main  la  gestion  de  ses  affaires.  »  La  charte  que  nous  venons 
d'analvser  et  dont  nous  publions  ci-dessous  le  texte,  fut  scellée  par 
Tarchevêque  d'Embrun,  l'élu  de  Lyon  et  le  chapitre  de  Valence. 

Sanctissimo  patri  et  domino  C^lementi),  divina  providentie  cle- 
mentia  summo  pontifîci,  J(acobus)  (i),Dei  et  apostolica  permissione 
suus  Ebredunensis  archiepiscopus,  seipsum  ad  devota  pedum  oscula 
provolutum.  Sanctitatis  vestre  liiteras,  michi  et  venerabili  patri  do- 
mino Tarentasiensi  archiepiscopo  directas,  recepimus  sub  tenore 
inferius  annotato  :  Clemens,  episcopus,  servus  servorum  Dei,  vene- 
rabilibus  fratribus...  Ebredunensi...  et...  Tarentasiensi...  archiepis- 
copis,  salutem  et  apostolicam  benedictionem.  Cum  ecclesiarum 
omnium,  Domino  disponente,  Romana  sancla  mater  sic  eam  preesse 
oportet  in  sollicitudine  universis,  ut  distributis  affectibus,  pro  varia 
necessitate  causarum  et  temporum,  intendat  specialiter,  per  officium 
dispensationis  crédite,  commodis  singularum.  Ex  hujusmodi  siqui- 
dem  materna  sollicitudine, hactenus  dinoscitur  processisse  quod  sedes 
apostolica  necessitatem  ecclesie  Valentinensis,  que  guerrarum  incur- 
sibus  vexabatur  et  hostium,  necnon  gravium  premebatur  onerc  debi- 
torum,  non  sine  amaritudine  cordis  attendens  ac  super  hoc  volens  et 
congruis  remediis  subvenire,  procurationem  illius  dudum  dilecto  filio 
Philippo,  Lugdunensis  electo,  nobilitate  morum  et  generis  redimito, 
commisit,  sicque  dictam  Valentinensem  ecclesiam,  per  industriam 
et  potentiam  ejusdem  electi,  non  solum  ab  hujusmodi  vexationibus 

(1)  Il  s'agit  ici  de  Jacques  de  Serène  .  qui  fut  le  successeur  sur  le  siège  ar- 
chiépiscopal d'Embrun  de  Henri  de  Bartolommei,  de  Suze  ;  ce  dernier,  célèbre 
canoniste,  avait  été  nommé  cardinal-évêque  d'Ostie  et  Velletri  le  g  janvier  1263 
Jacques  de  Serène  était  prévôt  d'Embrun  et  chapelain  du  pape  Urbain  IV,  qui  le 
chargea  en  1263  de  signifier  à  Manfred  les  conditions  auxquelles  ce  prince  serait 
autorisé  à  faire  un  voyage  à  Rome  pour  conférer  avec  le  pape  touchant  les  affaires 
de  Naples  et  de  Sicile  (Raynaldi,  Annales,  ad  an.  1263,  n°  69).  M.  l'abbé  Paul 
Guillaume  a  bien  voulu  nous  faire  connaître  trois  documents  concernant  cet  arche- 
vêque :  1265,  4  décembre.  Vente  par  Rolland  Olivier  et  Hugues  Bérard,  de  Châ- 
teauroux,  «  Venera'-^ili  patri  domino  J.,  Dei  gratia  Ebredunensi  archiepiscopo  »,  de 
tous  les  droits  qu'ils  ont  à  Châteauroux.  —  1267,  15  décembre.  Reconnaissance 
par  Guillaume  Radulphi,  damoiseau,  «  venerabili  patri  et  domino  J.,  Dei  gratia 
Ebredunensi  archiepiscopo.  » —  126S,  8  novembre.  «...  Anno  dominice  incarna- 
tionis  millesimo  CC".  LX°.  Vlll°,  die  VllI  mensis  novembris,  Petrus  Durandi  ven- 
didit  et  concessit  domino  Poncio  Chaulerio,  recipienti  nomine  et  vice  venerabilis 
patris  domini  Jacobi,  Ebredunensis  archiepiscopi,  quamdam  domum  sitam  in  Ebre- 
duno,  in  parrochia  Sancti  Vincencii..,  «  Ces  quelques  notes  permettront  de  recti- 
fier le  Gallia  christiana  qui  laisse  Henri  de  Suze  à  Embrun  jusqu'en  1271,  époque 
où  il  mourut  à  Lvon. 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  229 

extitit  nolius  defensataet  a  debitorum  relevata  v'oragine,  verum  etiam 
gratum  augmentum  in  temporalibus  dicitur  multipliciter  suscepisse. 
Sane  cum  idem  electus,  per  nuncium  suum  et  litteras  spéciales  ad 
venerabilem  fratrem  iiostrum  Hienricum)  Ostiensem  et  Velletrensem 
episcopum  directas,  ab  onere  procurationis  hujusmodi  qua  se  asserit 
pregravari  a  nobis  cum  instantia  relevari  et  absolvi  petierit,  cujus 
administrationem  saltem  pro  quiète  sui  cordis  et  corporis  dimittere 
prorsus  intendit,  Nos  devicti  precum  suarum  et  episcopi  ejusdem  ins- 
tancia,  ipsius  electi  votis  in  hac  parte  fore  decrevimus  annuendum, 
fraternitati  vestre  per  apostolica  scripta  mandantes  quatenus  vos  vel 
aller  vestrum  cum  eodem  electo  ad  predictam  Valentinensem  eccle- 
siam  personaliter  accedentes  resignationem  procurationis  et  admi- 
nistrationis  hujusmodi,  vice  nostra,  liberaliter  admittatis,  audientes 
ab  eo  in  quo  statu  recepit  et  dimittit  ecclesiam  supradictam.  Verum 
licet  nos  eidem  ecclesie  Valentinensi,  tum  quia  electus  ipse  procura- 
tionem  et  administrationem  easdem,  quas  liberaliter  in  nostris  rési- 
gnât manibus,  de  gratia  sedis  apostolice  gessisse  dinoscitur,  tum 
quia  ecclesia  ipsa  diutius  presule  vacavisse  censetur,  tum  etiam  ut  de 
plenitudine  potestatis  apostolice  taceamus,  quia  mera  nostra  provi- 
sio  eidem  ecclesie  forsitan  expediret,  possemus  sine  cujusque  injuria 
de  pontifice  providere,  intendentes  tamen  capitulo  ipsius  ecclesie 
gratiam  super  hoc  facere  specialem,  volumus  vobisque  mandamus  ut 
vos  vel  alter  vestrum,  postquam  hujusmodi  resignatio  ab  eodem 
electo  facta  fuerit  et  a  vobis  admissa,  capitulum,  scilicet  canonicos 
qui  tune  présentes  in  ecclesia  predicta  fuerint  vel  qui  infra  quattuor 
dies  ibidem  esse  poterunt  convocetis,  ac  sibi  resignationem  predic- 
tam et  statum  in  quo  electus  ipse  dictam  dimittit  ecclesiam  estimatis 
ex  parte  nostra,  districte  precipiatis  eisdem  ut  aliquos  ex  ipsis  ydo- 
neos,  quibus  potestatem  plenariam  providendi,  de  nostro  consilio  et 
assensu,  sibi  et  eidem  ecclesie  Valentinensi  per  electionem  aut  pos- 
tulationem  canonicam  de  persona  ydonea,  vel  recipiendi,  vice  om- 
nium, provisionem  salutarem  quam  annuente  Domino  faciemus  ipsi 
ecclesie  de  pastore,  concédant  infra  très  menses  a  die  hujusmodi  ves- 
tri  precepti,  quos  illis  pro  termino  peremptorio  assignamus,  desti- 
nare  procurant.  Nos  enim  decernimus  irritum  et  inane  si  circa 
electionem  vel  postulationem  in  eadem  ecclesia  faciendam  secus  fuerit 
aliquid  attemptatum.  Qualiter  autem  et  quando  ac  etiam  coram  qui- 
bus vos  vel  alter  vestrum  procureritis,  universa  quoque  et  singula 
que  feceritis  et  inveneritis  in  premissis,  nobis  per  vestras  litteras  de 
verbo  ad  verbum  tenorem  presentium  continentes  fideliter  exponatis. 
Datum  Viterbii,  nonis  julii,.  pontificatus  nostri  anno  secundo.  — 
Prefato  itaque  domino...  Tarentasiensi  archiepiscopo  in  remotis 
agente  et  super  hoc  per  suas  litteras  sui  absenciam  excusante,  ego 
cum  prefato  domino.  .  electo  personaliter  ad  ecclesiam  Valentinen- 
sem accessi,  ubi  resignationem  procurationis  et  administrationis 
ecclesie  Valentine,  quam  in  manu  mea  vice  vestra  prefatus  electus 
liberaliter  fecit,  admisi,  audiens  ab  eo,  in  presentia  canonicorum  et 
infrascriptorum  testium,  in  quo   statu  recepit  et  dimittit  ecclesiam 


230  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

memoratam,  sicut  inferius  planius  exponetur,  capitulo  predicte  eccle- 
sie  scilicet  canonicis  qui  tune  présentes  aderant  convocatis,  et  nullus 
aherat,  ut  dicebant,  qui  posset  infra  tempus  vestris  liiteris  compre- 
hensum  expectari  comode  vel  citari.  Quibus  ex  ordine  juxta  man- 
dati  vestri  tenorem  peractis  ex  parte  nostra,  canonicis  eisdem  dis- 
tricte  precepi  ut  aliquos  ex  seipsis  ad  hoc  ydoneos  ad  presentiam 
sanctitatis  vestre  infra  très  menses,  quos  illis  in  eadem  littera  pro 
termino  peremptorio  assignastis  procurent,  quibus  potestatem  ple- 
nariam  providendi  de  vestro  consilio  et  assensu  sibi  et  ejusdem  ec- 
clesie  Valentinensi  per  electionem  aut  postulationem  canonicam 
de  persona  ydonea,  vel  recipiendi  vice  omnium  provisionem  quam 
eidem  ecclesie  faciendam  duxeritis  de  pastore  concédant,  significans 
eis,  lecta  nichilominus  de  verbo  ad  verbum  predicta  sanctitatis  vestre 
littera  coram  ipsis,  quod  vos  irritum  et  inane,  si  quid  circa  elec- 
tionem vel  postulationem  in  eadem  ecclesia  faciendam  secus  attemp- 
tatum  fuerit  decrevistis.  —  De  statu  in  quo  prefatus  electus  recepit 
ecclesiam  Valentinam,  talem,  in  eorumdem  canonicorum  presentia. 
reddidit  rationem.  Dicit  enim,  et  omnes  unanimiter  confitentes,  quod 
ecclesia  ipsa  tune  temporis  variis  guerrarum  discriminibus  vexaba- 
tur,  mullorum  ae  multiplicatorum  premebatur  onere  debitorum,  non- 
nullis  insuper  subjacebat  insidiis  ac  multorum  et  potentium  patebat 
incursibus  vicinorum.  Guerris  igitur  non  sine  sumptu  vix  explicabili 
per  se  et  suos  ad  honorem  et  manifestam  utilitatem  ecclesie  lauda- 
biliter  consummatis,  sic  prêter  usurarum  incommoda  obvians,  nichi- 
lominus malignorum  conatibus  et  pressuris  circa  debitorum  rele- 
vandam  voraginem  laboravit  quod  trigenta  et  unum  milia  libras 
Viennenses  et  amplius  computat  exolvisse,  tam  de  quam  pro  debitis 
in  quibus  invenit  ecclesiam  obligatam,  prêter  minutorum  multitudi- 
nem  oblitorum  de  quibus,  ut  asserit,  vel  per  litteras  super  hujus- 
modi  debitis  contractis  concessas,  redditas  et  incisas  vel  per  instru- 
menta super  facta  solutione  confecta,  aut  in  aliquibus  per  testes  et 
alia  légitima  documenta  potest  hodie  fieri  plena  fides  ;  nunc  enim 
circa  duo  milia  et  centum  libras  debere  potest  ecclesia  Valentinensis, 
de  debitis  per  ipsum  dominum  eleetum  contractis,  pro  quibus  exsol- 
vendis  quosdam  ecclesie  redditus  ad  paucos  annos  diversis  creditoribus 
obligavit,  sivetitulo  venditionis  tradiditin  solutum,nec  debeturaliquid 
sub  usuris.  Ea  autem  que  dicta  sunt  in  génère  seu  in  summaclarius 
specificala  per  pecias  patefiant.  Ilec  sunt  que  memoratus  dominus 
Electus,  in  presentia  eorumdem  canonicorum  computans  asseruit  se 
de  antiquis  debitis  exsolvisse,  videlicet  :  1I<^  LXXV  libras  domino 
Aquino,  canonico  Valentinensi  et  quibusdam  aliis  pro  redemptione 
castri  de  Alexano.  Item,  novies  vigenti  libras  Raymundo  Ebraudi  et 
fratribus  suis  pro  redemptione  castri  Montis  Yeneris  et  Belli  Mon- 
tis.  Item,  mille  et  septingenta  libras  pro  redemptione  castrorum 
Criste  et  Liberonis.  Item,  quadringentas  et  quinquagcnta  libras  do- 
mino Guillelmo  Armandi'pro  redemptione  castri  Mirmande.  Item, 
mille  libras  vel  circa  Rogerio  de  Cleyriaco  et  domino  Silvioni  fiHo 
suo,   pro  redemptione  castri   de  Auriolo  et  de  Castro  Novo  super 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  23 1 

Ysaram.  Item,  octingentas  et  quinquaginta  libras  vel  circa  Petro  Ju- 
liani,  de  Argenteria,  pro  redcmptione  peJagii  Valentinensis.  Item, 
quingentas  quinquagenta  libras  Petro  Cocti  et  Guillelmo  del  Proost 
et  eorum  sociis  pro  redemptione  pedagii  ejusdem.  Item,  solvit  duo 
milia  quingentas  et  quadraginta  libras  Leonardo  Jordans  et  ejus 
societati,  mercatoribus  Senensibus.  Item,  trecentas  et  quadraginta 
marchas  argenti  Chinchio  civi  et  mercatori  Romano  et  ejus  societati. 
Item,  mille  libras  turonens(es)  vel  circa  aliis  mercatoribus  Romanis, 
videlicet  Angelo,  dicto  Albrico  vel  Bochabella,  et  sociis  ejus.  Item, 
ducentas  libras  turonenses  vel  circa  P.  Sarracens,  militi,  de  Roma. 
Item,  Vienne  solvit,  per  manum  Aymonis  Cathene,  circa  sexentas 
libras  in  minutis  debitis.  Item,  ibidem,  circa  septingentas  libras  per 
manum  Antelmi  de  Chinniris,  quondam  cantoris  Viennensis,  in  mi- 
nutis debitis.  Item,  quingentas  libras  Viennenses  Gaufrido  Baudoin! 
civi  Viennensi  pro  redemptione  caparum  ecclesie  \'alentin.  et  porta- 
rùm  aurearum.  Item,  ducentas  libras  Gebennenses  tam  pro  se  quam 
pro  Aymone  de  Gavellyes,  canonico  Gebenn  ensij,  capitulo  Geben- 
nensi.  Item,  trecentas  libras  Gebennenses  domino  Guillelmo  de  Grey- 
siaco.  Item,  ducentas  libras  et  sexaginta  Turonenses  Umberto  Ber- 
tondi  de  Claromonte  in  Gebennesio.  Item,  mille  libras  Viennenses 
domino  Fuciniaci.  Item,  quinquagenta  libras  domino  Umberto  de 
Villete  pro  fidejussione  emendata  nomine  electi  Guillelmi.  Item,  quin- 
quaginta libras  domino  Thome  de  Coflens  pro  eadem  causa.  Item, 
quinquaginta  libras  domino  Bellifortis  pro  eodem.  Item,  quinqua- 
ginta libras  domino  de  Brianzon  pro  eodem.  Item,  centum  libras  do- 
mino Myolani  pro  eodem.  Item,  ducentas  libras  Soneto,  judeo,  de 
Chamberiaco.  Item,  trecentas  L  libras  priori  de  Corbellino.  Item,  du- 
centas et  septuaginta  libras  dominoThorenco  de  Chamburcio,  militi. 
Item,  quinquaginta  libras  domino  Arnaudo  de  Fabricis  pro  fidejus- 
sione emendata.  Item,  quingentas  L  libras  Umberto  et  P.  de  Castil- 
lone,  burgensibus  de  Seysello  ex  una  parte,  et  sexentas  libras  eisdem 
ex  altéra.  Item,  quingentas  libras  Umberto  de  Varey  magno,  civi 
Lugdun.  Item,  quadringentas  XL  libras  Humberto  de  Plastro,  civi 
Lugdun...  Item,  ducentas  libras  abbati  Girino  Athanacen  ..  Item, 
ducentas  libras  domino  Guichardo  de  Condriaco.  Item, ducentas  libras 
Johanni  et  Poncio  Blanchardi,  civibus  Lugdun  .  Item,  centum  libras 
Petro  Ruphi,  civi  Bellicens..  Item,  circa  trecentas  libras  Marroni  civi 
Asten..  Item,  ducentas  libras  Petro  Barlo,  civi  Asten..  Item,  domino 
Galli  de  Gordan  ducentas  libras.  Item,  circa  mille  libras  abbati  Se- 
cusie.  Item,  centum  libras  .Aymoni  Sibille.  Item,  centum  libras  Ay- 
moni  de  Caméra.  Item,  circa  centum  L  libras  domino  Guillelmo 
Beraudi,  militi.  Item,  centum  libras  Grosso  de  Vaudanny.  Item,  cen- 
tum libras  Guidoni  Pallet,  de  Augusta.  Item,  decies'ac  septies^viginti 
marchas  argenti  Johanni  de  Chatedagne.  Item,  circa  quadringentas 
libras  episcopo  Cenoman...  Item,  circa  centum  libras  episcopo 
Uticen...  Item,  ducentas  libras  Guillelmo,  archidiacono":  Vien- 
nensi. Item,  Johanni  de  Briort  et  P.  de  Saypaysi  circa  trecentas 
L  libras.  Item,  quadringentas  libras  Clare,  mercatori  Florentino,  et 


232  QUARANTE    ANNEES    DE    L  HISTOIRE    DES 

ejus  societati.  Item,  quingenias  libras  Jacobo  de  Pontemblo,  militi. 
Item,  domino  Rainco,  senescalco  tune  comitis  Provincie,  centum 
libras.  Item,  ducentas  libras  Anselmode  Sancto  Genesio,  civi  Vien- 
nen..  Item,  centum  libras  Bermundo  Milsont  de  Avignione  et  ejus 
socio.  Item,  centum  libras  cuidam  de  Arelate,  de  cujus  nomine  non 
recolit.  Item,  mille  septingentas  marchas  argenti  militibus  qui  fue- 
runt  in  exercitu  cum  domino  electo  Guillelmo.  Item,  pro  testamento 
domini  Silvionis  de  Crista  centum  libras  Bernardo  de  Vivariis  et 
Avioni.  Item  ,  priori  sancti  Felicis  debitum  quod  debebatur  ei. 
Item  ,  Guillelmo  Seytre  quod  debabetur  ei.  Item ,  quibusdam 
hominibus  de  Dracuta  septem  viginti  libras  Item  ,  Geraudo  de 
Sales  circa  viginti  quinque  libras.  Item,  fratribus  Predicatoribus 
Valentinens.  vigenti  quinque  libras.  Item  ,  Fratribus  Minoribus 
Valen.  XXV'  libras.  Domui  Cartusie  XXV  libras.  Domui  de  Cujis 
XXV  libras.  Domui  Vallis  Sancte  Marie  XXV  libras.  Item,  domino 
Artaudo  de  Rossillon  centum  libras.  Guillelmo  de  Tornon  centum 
libras.  Domino  Anoniaci  centum  libras.  Lamberto  de  Monteil  cen- 
tum libras.  Berengario  de  Bordell  quinquagenta  libras,  ut  tradit. 
Raymundo  Berengario  centum  libras.  Petro  de  Morges  et  Fromondo 
filio  suo  centum  libras.  Summa  solutorum  triginta  et  unum  millia 
librarum  Viennensium  vel  circa,  Turonensibus  et  marchis  argenti  in 
Viennenses  redactis,  prêter  expensas  guerrarum,  quas  numerare 
non  potest  —  Sequitur  videre  quibus  et  super  quo  et  quantum  de- 
betur  de  debitis  tempore  suo  contractis.  Et  est  sciendum  quod  super 
pcdagio  debentur  Bartholomeo  Vincencii  et  fratribus  suis  mille  du- 
cente  libre,  que  debent  solvi  de  proventibus  dicti  pedagii  ab  instanti 
carnisprivio  in  duos  annos.  Item,  debentur  super  Alessiano  ducente 
libre, que  debent  solvi  a  mense  octobri  preterito  in  duos  annos.  Item, 
debentur  super  banno  vini  trecente  libre.  Item,  super  laudimiis  et  fir- 
mamentis  trecente  libre.  Item,  Chaberto  bayle  centum  libre.  Summa 
debitorum  hujusmodi  duo  milia  et  centum  libre  vel  circa.  Qualiter 
autem,  in  quibus  et  quantum  ecclesia  fuerit  suis  temporibus  emen- 
data  in  annuis  redditibus  quam  eciam  augmentala,  castra  firmata 
forcius  et  munita,  hoc  reticet  ne  forte,  quod  patulum  est,  ipso  facto 
quamdam  commendationis  speciem  ex  verbornm  suffragio  mendi- 
caret.  Verumtamen  circa  septengentas  vel  octogintas  libras  Vien- 
nenses et  amplius  potest  hodie  dicta  ecclesia,  in  annuis  redditibus, 
recipere  plus  quam  haberet  tempore  quo  dictus  electus  administra- 
tionem  ejus  recepit.  Actum,  resignatum,  computatum  et  cetera,  ut 
supra,  juxta  mandati  vestri  continentiam,  gesta  sunt  apud  Valen- 
tiam,  in  capitulo,  presentibus  canonicis  infra  scriptis,  videlicet  Guil- 
lelmo, preposito,  Guillelmo,  decano,  Bernardo,  abbate  Sancti  Felicis, 
Guiffredo,  archidiacono,  Rogerio  de  Clariaco,  Petro  de  Castro  Novo, 
Petro  Rostagni,  Guillelmo  de  Interaguis,  Ilugone  Pilosi,  Petro  de 
Larnacio,  Guigone  d'PIsperverio,  Guillelmo  Charfaldi,  Francone  de 
Mota,  Gaufredo  de  (3haste,  Stcphano  Chays,  Guillelmo  de  Vienna, 
Bertrando  de  Voûta,  Boneto  et  Aymaro  de  Rupe.  Interfuerunt  nichi- 
lominus  frater  Andréas  de  Crimeraco,  gardianus  Fratrum  Minorum 


EVEQUES  DE  VALENCE  AU  MOYEN  AGE.  2^^ 

Valent.,  frater  Johannes  de  Rupe,  frater  P.  Johannis,  prior  Fratrum 
Predicatorum  Valent.,  frater  Johannes  Boverii  ejusdem  ordinis,  B., 
obedienliarius  Sancti  Justi  Lugdunensis,  Hugo,  sacrista  Lugdun., 
P.  Marescala,  canonicus  Lugdun.,  Peregrinus,  archidiaconus  Ebre- 
dunen.,  Laurentius,  archipresbiter  Ambron.,  magister  Guillelmus 
de  Monte  Verduno,  dominus  P.  Arfuelo  et  dominus  Umbertus  de 
Palato,  presbyteri,  Asenetus,  Bertrandus  Estevennas,  Guichardus, 
diaconus,  Guillelmus  Don,  deTornon,  diaconus,  P.  Planerii,  subdia- 
conus,  Johannes  Ardenius,  subdiaconus,  et  plures  alii  In  quorum  tes- 
timonium  ego  dictus  Ebredun.  archiepiscopus,  una  cum  sigillis  do- 
mini  electi  et  capituli  predictorum,  sigillum  meum  duxi  presentibus 
apponendum.  Et  ego  Philippus  prime  Lugdun.  ecclesie  electus,  qui 
procurationem  et  administrationem  ecclesie  Valent.,  sicut  superius 
dictum  est,  liberaliter  resignavi  nosque  prefate  ecclesie  Valent,  capi- 
tulum  sigilla  nostra  presentibus  duximus  apponenda  in  testimonium 
veritatis  et  memoriam  rei  geste.  Datum  et  actum,  ut  supra,  anno 
Domini  M°.  CC°.  LX°  sexto,  in  festo  beati  Mathye  apostoli,  IV  kal. 
martis  (i). 

Bien  qu'à  partir  de  ce  moment  Philippe  de  Savoie  devienne  abso- 
ment  étranger  au  diocèse  de  Valence,  nous  ne  pouvions  nous  dis- 
penser de  faire  connaître  au  lecteur  la  fin  de  ce  singulier  personnage. 
Clément  IV  lui  écrivait  le  5  mai  1267  la  lettre  dont  nous  avons  donné 
le  texte  dans  une  note  précédente,  et  par  laquelle  il  lui  enjoignait 
encore  de  mettre  un  terme  à  une  situation  devenue  un  vrai  scan- 
dale, en  renonçant  à  l'archevêché  de  Lyon,' ou  bien  en  acceptant  les 
ordres  sacrés.  Philippe  cette  fois  obéit,  mais  ce  fut  pour  épouser  le 
3  juin  de  la  même  année  Alix  de  Méranie,  comtesse  de  Bourgo- 
gne (2).  Pierre  de  Savoie,  son  frère,  mourut  le  1 6  ou  17  mai  1 268  (3)  ; 
Philippe  lui  succéda  et  gouverna  le  comté  de  Savoie  jusqu'à  la  fin 
de  sa  vie  arrivée  le   16  octobre    1285    (4).  L'histoire  constate   qu'il 

(1)  Archives  de  l'Isère,  B,  3528.  Original,  parch.;  64  lignes. 

(2)  Alix  de  Méranie  était  veuve  depuis  1266  de  Hugues  de  Chalon,  à  qui  elle 
avait  apporté  le  comté  de  Bourgogne;  de  ce  mariage  étaient  nés  cinq  fils  et  sept 
filles.  Elle  épousa  en  secondes  noces  Philippe  de  Savoie,  réservant  pour  l'aîné  de  ses 
fils,  Othon,  le  comté  de  Bourgogne,  dont  il  ne  devait  pourtant  entrer  en  jouissance 
qu'après  la  mort  de  sa  mère.  Wurstemberger  raconte  que  Philippe,  avant  son  ma- 
riage, fit  un  voyage  en  Italie  et  se  démit  entre  les  mains  du  pape  de  son  archevê- 
ché de  Lyon;  il  recommanda  au  souverain  pontife  l'archevêque  de  Tarentaise, 
Rodolphe  de  Valigna,  d'Aoste,  mais  sans  succès.  Wurstemberger,  t.  III,  p.  96. 

(3)  Wurstemberger,  t.  IV,  n°  752. 

(4)  Wurstemberger,  t.  IV,  n°  865.  Ex  Necrologio  Altxcumbx  in  xMonumentis 
historiae  patrias.  Scriptores,  t.  I,  col.  674:  «Anno  Domini  M°.  CC".  LXXXV",  deci- 
mo  septimo  kalendas  novembns  obiit  illustris  ac  inimicis  suis  formidabilis  vir  demi- 


2  34  LE    TRIEVES    PENDANT 

n'eut  ni  l'habileté  ni  l'énergie  de  son  prédécesseur  1. 1  .  Paradin  fait 
au  sujet  de  ce  prince  une  curieuse  réflexion  :  «  Or  fault  ici  que  ie 
«  die  une  chose  qui  se  treuve  de  toute  mémoire  asseurée  et  verita- 
«  ble  et  qui  est  bien  appuiée  et  fondée  en  très  bonnes  raisons,  c'est 
«  que  iamais  homme,  qui  a  porté  l'habit  de  l'Esglise  et  vescut  du 
«  bien  du  crucifix  longuement,  ne  prospère  iamais  et  ne  faict  grand 
«  fruict  après  avoir  laissé  led.  habit  et  estât  ecclésiastique  (2). 

nus  Philippus  decimus,  cornes  Sahaudie,  et  quia  more  predecessorum  suorunn  erga 
Dei  cultores  benevolus  et  devotus  zelator  justicie  fuit,  exurientes  aluit  nudisque  pie- 
buit  vesiimenta,  fuit  cum  eo  Deus  pro  continue,  erat  vir  eminenter  chrisiiane  agens, 
fuit  autem  tumulatus  decimo  quarto  kalendas  mensis  supradicti.  Requiescat  in  pace. 
Amen.   « 

(i)  Sur  Philippe,  comte  de  Bourgogne  et  de  Savoie,  on  peut  consulter:  Forel, 
Regesle  soit  répertoire  chronologique  de  documents  relatifs  à  Vhist.  Je  la  Suisse 
Romande,  dans  Mémoires  de  la  Société  de  la  Suisse  Romande,  t.  XIX,  p.  XCN'II; 
—  G.  Vallier,  dans  Mém.  et  docuin.  publiés  par  la  Société  savoisieniie  d'hist.  et 
d'archéologie,  t.  XIX,  p.  234-45. 

(2)  Paradin,   Cronique  de  Savove.  Lyon,  1552,  in-^",  p.    195. 

Jules  CHEVALIER. 


LE  TRIÈVES 

pendant   la   grande    Révolution 

if  après  des  documents  officiels  et   inédits. 


F 


INl 


Le  sieur  Pélissier,  de  Mens,  avait  fait  construire  à  Tréminis  une 
verrerie,  dont  les  produits  étaient  assez  beaux,  mais  d'un  écoulement 
difficile  à  cause  du  mauvais  état  des  voies  de  communication.  En 
attendant  que  ses  propriétaires  fussent  ruinés,  ils  ruinaient  eux- 
mêmes  le  pays  en  dévastant  ses  magnifiques  forets  pour  alimenter 
les  hauts  fourneaux. 

Dans  la  nuit  du  9  au  10  mars  1825,  un  incendie,  qu'on  crut  avoir 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  235 

été  allumé  par  la  malveillance,  se  déclara  tout  à  coup  aux  bâtiments 
de  la  verrerie.  Bientôt  les  flammes,  activées  par  un  vent  violent  du 
nord,  eurent  réduit  en  cendres  cet  établissement;  mais  là  ne  s'arrêta 
pas  le  fléau.  L'incendie  se  communiqua  rapidement  de  proche  en 
proche  et  détruisit  en  quelques  heures  trente  cinq  maisons  du  village 
du  Château-Bas.  Instruments  d'agriculture,  provisions,  fourrages, 
bestiaux  furent  presque  partout  consumés  avant  même  qu'on  pût 
songer  à  les  préserver.  Les  seules  maisons  du  Château  proprement 
dit  et  deux  ou  trois  autres   furent   préserv^ées  par  leur  isolement  (i). 

Les  habitants  du  pays  et  ceux  des  environs  s'empressèrent  de 
venir  au  secours  des  malheureux  incendiés.  L'administration  fores- 
tière délivra  un  certain  nombre  de  pièces  de  bois  pour  la  construction 
de  leurs  demeures  ;  mais  la  délivrance  en  fut  longtemps  retardée 
par  les  prétentions  des  propriétaires  de  la  verrerie,  qui  voulaient 
eux  aussi  y  participer  pour  une  large  part  et  gratuitement  (2). 

A  la  nouvelle  du  désastre,  le  préfet  envoya  aussitôt  une  somme  de 
trois  cents  francs.  Le  gouvernement  et  les  princes  de  la  famille 
royale,  auxquels  on  s'était  adressé  nominativement,  en  accordèrent 
une  autre  de  treize  mille  fr.  Grâce  à  ces  secours  et  à  d'autres  venus 
un  peu  de  tous  côtés,  les  habitants  du  Château-Bas  reconstruisirent 
leurs  maisons  et  purent  avec  le  temps  réparer  leurs  pertes  (3). 

Un  fait,  que  nous  croyons  bon  de  citer,  nous  prouve  combien  en 
1827,  les  habitants  de  Tréminis  étaient  attachés  aux  pratiques  reli- 
gieuses et  aux  lois  de  la  morale.  Le  13  janvier,  une  soixantaine 
d'habitants  demandaient,  dans  une  lettre  adressée  au  Préfet  de  l'Isère, 
la  révocation  de  deux  conseillers  municipaux  dont  l'un,  cabaretier, 
laissait  son  établissement  ouvert  pendant  les  offices  religieux  et 
n'était  point  réservé  dans  ses  propos,  et  le  second  avait  une  conduite 
scandaleuse  (4).  Bel  exemple  trop  peu  imité  de  nos  jours. 

La  même  année,  le  conseil  municipal  se  souvint  du  renversement 
sacrilège  de  la  croix,  à  l'ombre  de  laquelle  reposaient  les  morts  de 
la  paroisse.  Il  voulut  réparer  le  crime  d'une  autre  municipalité  hai- 
neuse et  vota  l'érection  du  beau  monument,  que  les  connaisseurs 
admirent  encore  dans  le  cimetière  (5). 

(i)  Tréminis,  l^eg,  des  délit.  —  Correspondance  échangée  avec  la  préfecture. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Ibidem. 

(5)  Tréminis.  —  Délit,  de  1827. 


236  LE    TRIÈVES    PENDANT 


CHAPITRE  X 

DERNIERS       ÉVÉNEMENTS 


La  révolution  de  1830  fut  accueillie  avec  joie  par  les  habitants  du 
Trièves,  surtout  par  ceux  de  Mens  et  de  Tréminis,  et  ravènement  de 
Louis-Philippe  célébré  par  des  fêtes  enthousiastes.  Mais  le  peuple, 
qui  avait  désiré  une  nouvelle  forme  de  gouvernement  parce  qu'il 
espérait  y  trouver  une  diminution  des  impôts,  ne  tarda  pas  à  s'aper- 
cevoir que  ses  charges  augmentaient  et  alors  il  devint  indifférent 
pour  ce  qu'il  avait  appelé  de  ses  vœux. 

Nous  ne  ferons  maintenant  que  citer  des  faits  encore  vivants  dans 
la  mémoire  de  ceux  qui  en  ont  été  les  témoins,  tels  que  l'incendie  de 
l'église  de  Tréminis  (18  mars  1838)  ;  l'érection  en  commune  de  la 
section  de  Lalley,  disjointe  de  St-Maurice  ;  l'affaiblissement  de  cette 
commune  par  la  réunion  de  deux  de  ses  villages,  les  Bayles  et  le 
Serre-des-Bailes  au  Monêtier-du-Percy  (14  avril  1841).  Nous  parle- 
rons un  peu  plus  au  long  de  l'affaire  du  Christ  de  Mens, pour  laquelle 
nous  copierons  presque  mot  à  mot  le  récit  du  vénérable  M.  Maître, 
dont  les  protestants  reconnaissaient  la  charité  et  la  tolérance  et  dont 
ils  ont  pleuré  la  mort  comme  les  catholiques  eux-mêmes. 

Au  mois  de  mai  1846,  fut  donnée  à  Mens  une  mission  qui  pro- 
duisit les  meilleurs  résultats.  Le  succès  fut  d'autant  plus  remarqué 
que  les  protestants  avaient  beaucoup  travaillé  à  la  faire  échouer. 
Leurs  pasteurs  avaient  demandé  publiquement,  au  temple,  des  prières 
pour  que  ces  exercices,  qu'ils  qualifiaient  de  fanatiques,  se  termi- 
nassent à  la  honte  des  prédicateurs  et  du  curé.  Le  président  du  con- 
sistoire préparait  une  brochure  contre  la  messe,  afin  d'aider  à  l'in- 
'succès  ;  mais  il  tomba  malade,  le  jour  de  l'ouverture,  et  mourut 
avant  celui  de  la  clôture. 

Pour  perpétuer  extérieurement  le  souvenir  de  la  mission, M.  Maître 
fit  planter,  à  l'entrée  de  Mens,  sur  la  route  qui  conduite  St-Baudille, 
une  croix  ornée  d'un  Christ.  L'érection  s'en  fit  le  21  mai,  jour  de 
l'Ascension,  en  présence  de  tous  les  catholiques  de  la  paroisse  et 
d'un  grand  nombre  de  ceux  des  environs,  tous  répétant  avec  enthou- 
siasme :  «  Vive  la  croix  !  Vive  le  Christ  !  »  La  guerre  éclata  presque 
aussitôt.  M.  C...,  premier  pasteur  de  Mens,  M.  R...,  son  beau-frère. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  237 

parcoururent  les  maisons  du  lieu,  soufflant  partout  la  haine  et 
s'élevant  contre  la  croix.  «  Si  dans  quinze  jours,  disait  R  ..,  ce  Christ 
n'a  pas  disparu,  je  m'engage  à  perdre  mon  nom.  »  Des  blasphèmes 
encore  plus  horribles  sortaient  de  la  bouche  de  ce  malheureux,  qui 
alla  parler  au  préfet,  Pellenc.  Celui-ci  ne  voulut  pas  d'abord  l'écou- 
ter ;  mais  plus  tard,  il  lui  promit  d'exécuter  le  Christ. 

Fidèle  à  sa  promesse,  le  préfet  fit  de  pi-essantes  démarches  auprès 
de  Mgr  de  Bruillard,  pour  qu'il  obligeât  M.  Maître  à  enlever  le 
Christ.  Sur  la  demande  de  son  évêque,  ce  dernier  consentit  à  faire 
transporter  le  signe  de  notre  rédemption  au  cimetière,  dès  que  celui- 
ci  serait  clos  de  murs  ;  ce  qui  ne  devait  pas  avoir  lieu.  Sur  ces  entre- 
faites, des  mains  inconnues  affichèrent  sur  les  murs  de  Mens  des 
caricatures  contre  les  meneurs  protestants,  si  fort  mis  en  émoi  par 
une  croix,  et,  dans  la  nuit  du  26  au  27  octobre,  le  Christ  fut  indi- 
gnement maculé  au  moyen  d'une  mixtion  infecte;  on  lui  attacha  cet 
écriteau  aussi  inepte  qu'impie:  «  J'ai  pris  mon  habit  d'hiver;  pas- 
sant, hâte-toi  de  mettre  sur  ma  tête  mon  bonnet  cornu  ;  il  fait  froid  ! 
Si  tu  ne  m'obéis  pas,  je  retiendrai  à  jamais  ton  âme  dans  mon  empire 
infernal!  Moi  ton  xMaître,  le  Diable.  —  Le  passant  :  Ora  pro  nobis, 
Virgo  sancta  !  ^> 

Les  auteurs  de  ce  sacrilège  étaient  connus  de  toute  la  population; 
une  enquête  fut  ouverte  contre  eux.  Elle  n'eut  pas  de  suite,  grâce 
aux  pressantes  démarches  des  protestants  et  aux  influences  puis- 
santes qu'ils  surent  faire  agir.  Mais  Dieu  lui-même,  à  la  place  des 
juges,  se  chargea  de  punir,  dès  ce  monde  et  d'une  manière  visible, 
plusieurs  auteurs  de  cet  odieux  attentat. 

Non  contents  de  ce  que  nous  venons  de  raconter,  R...  et  les  autres 
chefs  protestants  représentèrent  de  nouveau  et  faussement  au  préfet, 
et  par  lui  au  ministre  des  cultes,  que  la  population  entière  demandait 
l'enlèvement  du  Christ  et  que,  si  ce  désir  n'était  écouté  prompte- 
ment,  de  grands  malheurs,  des  rixes  sanglantes  étaient  à  redouter. 
M.  Maître  sut  tenir  tête  à  l'orage,  faire  luire  la  vérité  au  milieu  des 
mensonges  mis  en  avant.  Fort  de  son  droit,  car  le  terrain  où  était  la 
croix  lui  avait  été  donné,  il  résista  à  toutes  les  administrations  sou- 
levées contre  lui,  et  il  maintint  debout  l'image  vénérée  (i). 

Les  deux  faits  suivants,  connus  aussi  de  tous  et  puisés  à  la  même 
source,  prouvent  encore  que  les  protestants  ont  conservé  l'esprit  qui 
dirigeait  leurs  pères  aux  siècles  précédents. 

(i)  Archives  de  la  fabrique  de  Mens. 


238  LE    TRIÈVES    PENDANT 

Le  15  août  1847,  les  catholiques  célébraient  l'Assomption  de  leur 
bien-aimée  patronne  et  passaient  processionnellement  dans  les  rues 
de  .Mens.  Cette  cérémonie  déplut  sans  doute  au  jeune  et  ardent  pas- 
teur \ogaret,  qui,  le  chapeau  sur  la  tète,  traversa  leurs  rangs  plu- 
sieurs fois  en  tous  sens  et  marcha  même  quelque  temps  au  milieu 
d'eux,  quand  les  trottoirs  lui  offraient  cependant  un  passage  libre  et 
facile.  Si  cette  prouesse  d'un  nouveau  genre  ne  causa  pas  de  désa- 
gréments à  son  auteur,  il  le  dut  aux  démarches  de  M.  le  curé, 
auprès  de  qui  le  premier  pasteur  alla  faire  des  excuses  pour  son 
inférieur.  Jamais  de  mémoire  d'homme,  à  Mens  et  dans  le  Trièves, 
un  catholique  ne  s'est  permis  de  troubler  les  cérémonies  protes- 
tantes ;  les  réformés  eux-mêmes  l'avouent. 

Une  jeune  fille  née  d'une  mère  protestante  et  d'un  père  catholique 
fut,  après  la  mort  de  la  première  et  au  départ  du  second  pour  Mar- 
seille, placée  comme  domestique  dans  une  excellente  famille  de  St- 
Baudille.  Là  elle  put  mettre  à  exécution  le  désir  qu'elle  éprouvait  de- 
puis plusieurs  années  :  elle  se  fît  instruire  de  la  religion  catholique, 
baptiser  et  communia,  pour  la  première  fois,  le  jour  de  Noël  1849. 

Les  parents  de  sa  mère,  apprenant  ce  qui  s'était  passé,  la  retirent 
chez  eux,  l'accablent  d'outrages,  la  traînent  au  temple  et  de  là  à 
l'école  protestante.  Elle  s'en  échappe  pour  aller  trouver  M.  Maître  et 
le  supplier  de  la  placer  ailleurs.  L'âme  du  bon  prêtre  est  attendrie  par 
cette  démarche  et  par  le  récit  des  mauvais  traitements  dont  on  avait 
usé  pour  obliger  cette  pauvre  enfant  à  renier  la  foi  qu'elle  venait 
d'embrasser;  il  l'envoie  aussitôt  à  Grenoble  chez  une  personne  de 
confiance,  en  attendant  qu'elle  puisse  rejoindre  son  père. 

Les  protestants  alors  la  cherchent  partout  sans  succès  ;  le  Patriote 
des  Alpes,  dans  plusieurs  articles  inspirés  par  une  véritable  fureur, 
attaque  la  conversion  de  Julie  Martin,  qu'il  dénonce  comme  clandes- 
tine et  produite  par  une  violence  morale.  La  réponse  à  de  pareilles 
allégations  est  aussitôt  faite  par  M.  Maître  et  d'une  manière  péremp- 
toire. 

Le  pasteur  Cadoret  entre  alors  en  lice  et  annonce  à  M.  le  curé  que 
le  père  de  Julie  déclare  par  lettre  vouloir  tousses  enfants  protestants 
et  déléguer  à  cet  effet  ses  pouvoirs  à  son  beau-frère,  Valtre.  Le 
pasteur  disait  encore  qu'on  donnait  au  curé  cinq  jours  de  délai, 
après  quoi  on  en  référerait  au  parquet  de  Grenoble.  «  Faites  ce  que 
bon  vous  semblera,  répondit  simplement  le  vénérable   M.  Maître.  » 

Or,  une  enquête  faite  par  le  juge  de  paix,  sur  l'ordre  du  procureur 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  2^9 

du  roi,  prouva  seulement  ceci  :  toute  jeune,  l'enfant  avait  témoigné 
un  désir  ardent  d'être  catholique  ;  avant  même  la  mort  de  sa  mère  et 
malgré  celle-ci,  elle  assistait  à  la  messe  ;  pour  ce  motif  les  protes- 
tants la  maltraitaient  alors  quand  ils  la  rencontraient  dans  les  rues. 
La  lettre  du  père,  mise  en  avant  par  le  pasteur  Cadoret,  était  sup- 
posée, car  le  père  de  Julie  avait  déclaré  depuis  longtemps,  et  tout 
dernièrement  à  plusieurs  personnes  de  Mens  envoyées  auprès  de  lui, 
vouloir  que  ses  enfants  fussent  catholiques. 

A  la  suite  de  cette  enquête  le  procureur,  qui  avait  lui-même  inter- 
rogé l'enfant,  songeait  à  laisser  dormir  l'affaire  ;  mais  obsédé  par 
plusieurs  protestants  et  par  le  pasteur  Blanc  surtout,  il  ordonna  à 
\|He  pluchaire,  chez  laquelle  se  trouvait  la  pauvre  persécutée,  de  la 
ramener  à  Mens.  Celle-ci  la  conduisit  au  contraire  à  Marseille  et  la 
rendit  à  son  père.  Cet  homme  pleura  de  joie  de  revoir  en  bonne 
santé  et  heureuse  son  enfant  qu'il  croyait  maltraitée  par  les  catholi- 
ques, d'après  les  faux  récits  envoyés  par  les  protestants,  seuls  à  con- 
naître sa  véritable  adresse.  Il  se  montra  surtout  heureux  de  la  con- 
version de  Julie  et  déclara  la  lettre  à  Valtre  fausse  de  tous  points. 

Le  pasteur  Blanc  ne  se  tint  point  encore  pour  battu  ;  il  écrivit  à 
Martin  une  lettre,  où  il  commençait  d'abord  par  de  violentes  injures 
et  des  menaces,  pour  terminer  par  de  belles  promesses,  s'il  consen- 
tait à  ce  qu'on  employât  la  force  pour  convertir  Julie  au  protestan- 
tisme. Mais  très  mal  accueillie  fut  la  missive  si  peu  apostolique  de 
l'auteur  des  Lettres  à  Lucie,  lequel  ne  craignait  pas,  à  la  honte  de 
son  parti,  de  proposer  un  marché  infâme. 

L'évêque  de  Marseille,  informé  de  ce  qui  s'était  passé,  désira  voir 
l'enfant  et  la  prit  sous  sa  protection.  Peu  après  il  la  faisait  entrer 
comme  pensionnaire  dans  une  maison  religieuse,  où  plus  tard  elle 
prit  l'habit. 

Le  père  Martin  ne  tarda  pas  à  réclamer  ses  trois  autres  filles  et, 
pour  les  obtenir,  passa  procuration  à  un  excellent  habitant  de  Mens, 
Joseph  Sei'vizet,  auquel  il  accorda  le  droit  de  faire  toutes  les  pour- 
suites nécessaires  à  cet  effet  (ii  août  18501.  Un  mois  après  avoir 
reçu  cette  procuration,  Servizet  alla  fii  septembre)  demander  les  en- 
fants à  la  femme  \'altre,  leur  grand'mère.  Celle-ci  le  reçut  en  le  me- 
naçant avec  un  poignard  et  le  mit  à  la  porte. 

Sur  la  plainte  de  Servizet,  le  président  du  tribunal  rendit  une  or- 
donnance pour  confier  à  l'huissier  Cachet  le  soin  de  faire  remettre 
les  enfants  ;  mais  ce  dernier,  sous  divers  prétextes,  renvoya  d'abord 


240  LE    TRIEVES    PENDANT 

l'exécution  de  son  mandat,  afin  de  permettre  au  maire,  Bard,  parti 
secrètement  pour  Marseille,  de  circonvenir  xMartin  et  le  faire  consentir 
à  laisser  ses  enfants  à  sa  belle-mère.  Martin  ne  se  laissa  point  flé- 
chir; mais  Cachet  refusa  formellement  à  la  fin  d'obéir  à  l'ordre  qu'il 
avait  reçu  du  président. 

Le  juge  de  paix  Marcou  fut  alors  chargé  de  ce  soin.  Celui-ci 
accomplit  d'abord  ce  dont  il  est  chargé,  puis  laisse  en  dépôt,  pour 
quelques  jours,  les  enfants  chez  leur  grand'mère,  qui  les  avait  encore 
en  1851,  grâce  aux  ordres  et  contre-ordres  du  parquet, inspiré  par  le 
procureur  de  la  république  Sestier.  A  la  fin  on  exigea  que  Martin 
vînt  lui-même  chercher  ses  enfants,  ce  qu'il  ne  pouvait  faire  à  cause 
de  son  commerce;  aussi  les  choses  en  restèrent-elles  là  (i). 

Cette  violation  des  droits  sacrés  d'un  père  sur  ses  enfants,  ce  re- 
cours au  mensonge  et  à  la  violence  sont  choses  trop  méprisables, 
pour  qu'on  ait  à  les  qualifier.  Nous  avons  cité  les  noms  propres  et 
les  dates,  laissant  à  chacun  la  responsabilité  de  ses  actes. 

L'année  1854  est  pour  le  Trièves  une  de  celles  dont  le  souvenir 
reste  tristement  gravé  dans  les  cœurs  ;  elle  fût  remplie  d'épouvante 
et  de  larmes  ;  car  le  choléra  fit  entrer  le  deuil  dans  un  grand  nombre 
de  familles. 

La  paroisse  de  Tréminis  fut  la  première  atteinte  par  le  fléau,  qui 
sévit  ensuite  à  Lalley  et  dans  le  reste  de  la  contrée.  Chacun  trem- 
blait. Le  mal  frappait  inopinément  ses  victimes.  Plus  d'une  fois  il 
arriva  que,  le  matin,  on  apprenait  la  mort  d'un  parent,  d'un  ami, 
auquel,  la  veille,  on  avait  serré  la  main  en  se  disant  au  revoir.  Sou- 
vent la  contagion  allait  plus  vite  encore  :  à  Tréminis,  une  mère 
venait  de  coucher  son  jeune  enfant,  lui  tendant  les  bras  et  souriant 
à  ses  baisers  du  soir  ;  quelques  instants  après  cette  femme  entend 
des  soupirs  semblables  à  un  râle,  accourt  et  trouve  son  fils  expi- 
rant. 

En  ce  temps,  les  indifférents,  les  impies  mêmes  se  joignaient  aux 
chrétiens  fervents  pour  fléchir  la  colère  céleste.  On  les  voyait  se 
rendre  en  foule  aux  diverses  chapelles  élevées  en  l'honneur  de  saint 
Roch,  se  réunir  dans  les  églises.  Les  protestants  y  allaient  aussi 
nombreux  et,  comme  les  catholiques,  assistaient  aux  processions,  en 
répétant  cette  invocation  à  la  Mère  des  affligés  :  «  O  Marie,  conçue 
sans  péché,  prie/  pour  nous  qui  avons  recours  à  vous  !  »  prière 
qu'ils  mettaient  sur  les  portes  de  leurs  maisons. 

(ij  Archives  de  la  Fabrique  de  Mens. 


LA    GRANDE    REVOLUTION,  24I 

Dans  cette  triste  circonstance,  la  conduite  de  M.  Roux  curé  de 
Tréminis  fut  vraiment  admirable.  A  toute  heure,  on  le  voyait  auprès 
du  lit  des  mourants,  leur  prodiguant  ses  soins  et  les  secours  de  la 
religion.  Il  savait  aussi  rappeler  le  courage  et  l'espérance  dans  les 
cœurs  abattus  et  les  exhortait  à  s'humilier  sous  la  main  irritée  de 
Dieu  qui  les  frappait.  Sa  charité  ne  se  borna  pas  aux  catholiques, 
les  protestants  aiment  à  redire  ses  visites  fréquentes  à  ceux  des  leurs 
que  le  fléau  avait  atteints  et  que  leur  pasteur  avait  abandonnés  pour 
aller  se  réfugier  au  loin.  Les  deux  pasteurs  de  Mens  avaient  aussi 
disparu.  Ils  suivaient  en  cela  l'exemple  de  leurs  confrères  de  Genève. 
Ceux-ci,  dans  un  cas  semblable,  se  réunirent  en  conseil  pour  déli- 
bérer sur  la  conduite  à  tenir  ;  la  conclusion  fut  de  déclarer  qu'ils  n'é- 
taient pas  obligés  d'assister  leurs  fidèles  malades  de  la  peste  ;  après 
quoi  ils  quittèrent  la  ville.  En  effet  le  divin  Maître  nous  apprend  que 
le  mercenaire  fuit  à  l'approche  du  loup  et  abandonne  son  troupeau, 
tandis  que  le  bon  pasteur  donne  sa  vie  pour  ses  brebis  ! 

La  conduite  de  M.  Roux  fut  celle  de  tous  les  prêtres  du  canton. 

A  Mens,  le  vénérable  M.  xMaître  et  son  vicaire,  M.  Nivollet,  ne 
pouvant  suffire  à  la  tâche,  eurent  besoin  d'un  auxiliaire.  M.Bonvallet 
s'offrit  de  lui-même  à  Mgr  l'Evêque  de  Grenoble  pour  aller  secourir 
les  cholériques.  Ce  jeune  prêtre  ne  comptait  point  avec  le  danger 
auquel  il  s'exposait.  Il  fut  lui-même  frappé  par  le  fléau  ;  mais  heu- 
reusement il  échappa  à  la  mort. 

On  ne  saurait  trop  louer  aussi  le  courage  que  montra,  en  ces  tristes 
circonstances,  le  maire  cje  Lalley,  M.  Gauthier,  dont  la  commune  fut 
particulièrement  frappée.  On  le  vit  ensevelir  lui-même  les  morts  que 
la  terreur  faisait  abandonner.  Son  énergie  sut  relever  le  courage  de 
ses  administrés.  Il  alla  chercher  à  Grenoble  des  sœurs  deSt-Vincent 
de  Paul  pour  soigner  les  cholériques.  Avec  elles  il  continua  à  se 
dévouer  et  à  se  prodiguer  jusqu'à  ce  que  le  fléau  eût  cessé  ses  ravages 
à  Lalley,  pour  sévir  avec  fureur  à  Mens. 

Les  sœurs  furent  alors  envoyées  par  leur  supérieure  dans  cette 
localité.  On  les  y  accueillit  avec  des  transports  de  joie.  La  population 
les  acclama  à  leur  arrivée,  ainsi  que  M.  Gauthier,  qui  les  y  avait 
conduites.  Peu  de  temps  après,  le  gouvernement  décerna  une  mé- 
daille de  vermeil  à  ce  dernier,  dont  la  plus  agréable  récompense  est 
l'estime  dont  il  jouit  auprès  de  ses  compatriotes. 

Les  sœurs  se  montrèrent  à  Mens  telles  qu'elles  avaient  été  à 
Lalley,  et,  avec  la  même  héroïque  abnégation,  soignèrent  les  pau- 

BuLL.  IX,  1889.  18 


242  LE    TRIEVES    PENDANT 

vres  à  domicile  et  surtout  dans  une  sorte  d'hôpital,  où  plusieurs 
personnes  catholiques  vinrent  unir  leur  dévouement  à  celui  des  reli- 
gieuses. 

Les  protestants  soignés  à  l'hôpital,  après  avoir  été  témoins  de  la 
joie  et  du  courage  apportés  aux  malades  catholiques  par  la  réception 
du  saint  Viatique,  se  plaignaient  de  n'avoir  rien  de  semblable  dans 
leur  religion  pour  les  fortifier  contre  les  terreurs  de  l'agonie.  Enten- 
dant ces  plaintes,  le  pasteur  de  St-Sébastien,  le  seul,  qui,  dans  toute 
la  contrée,  osât  se  montrer,  demanda,  un  jour,  du  pain  et  un  peu  de 
vin  au.K  sœurs  ;  puis,  ayant  prié  quelques  instants,  les  présenta  à 
une  femme  mourante.  Celle-ci  refusa  l'un  et  l'autre  en  disant  : 
«  Mais,  Monsieur,  vous  nous  avez  enseigné  que  ce  n'était  que  du 
pain  et  du  vin  représentant  seulement  ceux  que  le  Christ  bénit. 
Que  voulez-vous  que  cela  me  fasse?  »  (i) 

Les  effets  apparents  de  la  sainte  Eucharistie  chez  les  malades  fu- 
rent pour  beaucoup  dans  la  conversion  d'une  protestante,  soignée  à 
l'hôpital  après  avoir  été  abandonnée  par  les  siens. 

Pendant  que  le  protestantisme  avait  des  écoles  florissantes,  les  ca- 
tholiques gémissaient  de  ne  posséder  pour  leurs  enfants  que  des  maî- 
tres et  des  maîtresses  qui,  depuis  la  révolution,  se  succédaient  rapide- 
ment et  semblaient  avoir  pris  à  tâche  de  les  lasser  par  leur  incapacité 
ou  parleurs  vices.  Dans  ses  mémoires,  M.  Maître  nous  dépeint  ainsi 
cette  époque  :  «  La  jeunesse  passait  d'une  école  à  l'autre  sans  succès 
et  ne  trouvait  nulle  part  la  nourriture  spirituelle  et  intellectuelle  si 
nécessaire,  soit  pour  dissiper  les  nuages  de  son  intelligence,  sojt  pour 
opérer  la  pureté  de  son  âme,  et  elle  se  livrait  sans  mesure  à  la  plus 
étrange  dissipation.  A  la  vue  d'une  multitude  de  désordres,  qui  nais- 
saient, grandissaient  et  se  fortifiaient  avec  l'âge  par  le  défaut  d'une 
éducation  pieuse,  les  personnes  réfléchies  gémissaient  sur  le  triste 
sort  réservé  à  ces  jeunes  plantes,  déjà  si  flétries,  et  s'empressaient  de 
déserter  la  terre  natale  pour  aller  s'implanter  sur  une  autre  plus  hos- 
pitalière. 

«  Enfin  Dieu,  qui  met  un  terme  à  tout  et  qui  fait  suivre  de  jours 
meilleurs  les  jours  mauvais,  jeta  un  regard  de  clémence  sur  son 
peuple.  (2)  »  En  effet,  un  fervent  catholique  de  Mens,  Joseph  Ser- 
vizet,  fit  construire  à  ses  frais,  en    1840,  une  maison  pour  des  reli- 

(1)  Témoins  oculaires. 

(2)  Les  congrégations  enseignantes  à  Mens. 


LA    GRANDE    REVOLUTION.  243 

gieuses.  Il  ne  lui  resta  rien  après  ;  mais  il  était  heureux  en  voyant 
trois  sœurs  du  pays,  conduites  par  la  main  de  la  Providence  jusqu'au 
couvent,  lui  apporter  le  concours  de  leur  petite  fortune  et  de  leur  dé- 
vouement. Mens  posséda  dès  lors  une  école  pour  les  jeunes  filles, 
avec  une  classe  supérieure. 

En  1865,  M.  Maître  achetait  une  maison,  y  faisait  faire  les  trans- 
formations nécessaires  et,  deux  ans  après,  y  établissait  des  frères  que 
là  population  revoyait  avec  joie. 

Le  vénérable  prêtre,  pleuré  de  tous  ceux  qui  le  connaissaient,  des- 
cendait bientôt  dans  la  tombe  et  allait  recevoir  la  récompense  due  à 
ses  travaux  et  à  ses  vertus  ;  mais  il  léguait  à  sa  paroisse  bien-aimée 
un  héritage  précieux,  la  présence  deè  Frères. 

Tous  connaissent  le  zèle  mis  par  son  successeur  à  perfectionner 
son  œuvre,  tous  l'admirent  et  savent  lui  rendre  grâce,  comme  à 
M.  Maître,  du  bien  que  cette  école,  composée  d'un  externat  et  d'un 
internat,  produit  dans  la  jeunesse  du  pavs  et  des  environs. 

Il  nous  faut  encore  citer  l'incendie  du  village  du  Serre,  àTréminis, 
où  une  femme  allait  périr  d'une  mort  affreuse.  Elle  dut  son  salut  au 
courage  héroïque  du  curé  de  cette  paroisse,  M.  Cuillery.  La  belle 
conduite  de  ce  prêtre  lui  valut  une  médaille  de  sauvetage  et  les  élo- 
ges les  plus  flatteurs. 

Les  populations  du  Trièves  semblent  vouloir, en  plusieurs  endroits, 
se  laisser  guider  par  le  vent  irréligieux  qui  souffle  sur  la  France  et 
se  porter  à  des  mesures  vexatoires  contre  la  Religion.  Usant  de 
moyens  déloyaux  et  désireux  de  venger  son  beau-frère  des  refus  qu'a- 
vaient justement  rencontré  ses  prétentions  orgueilleuses,  un  con- 
seiller municipal  de  Mens  trompait  plusieurs  personnes  et  obtenait 
ainsi  quarante  signatures  pour  demander  la  laïcisation  de  l'école  des 
filles.  Aux  applaudissements  des  méchants,  il  réussit  dans  son  projet 
de  haine,  malgré  une  pétition  contraire  de  plus  de  cent  signatures  et 
de  nombreuses  protestations  motivées.  Les  sœurs  cependant  sont 
restées  comme  institutrices  libres. 

La  commune  de  St-Maurice  ne  tarda  pas  à  suivre  cet  exemple  ;  ce 
qui  étonne,  c'est  qu'elle  ne  l'ait  pas  prévenu.  Celle  de  Chichilianne 
fit  plus  :  ses  administrateurs,  furieux  de  voir  que  les  sœurs,  chassées 
par  eux  de  l'école  communale,  restaient  dans  la  paroisse  grâce  au 
dévoûment  de  personnes  généreuses  et  au  zèle  du  vénérable  pasteur 
du  lieu,  firent  à  ce  dernier  et  aux  cérémonies  religieuses  une  guerre 
acharnée.  Mais  ce  n'est  point  avec  les  ordures  dont  on  couvre  une 


244  L  ABBE    SERPEILLE     - 

porte  ou  les  murs  d'une  maison  qu'il  est  possible  d'arrêter  le  zèle 
d'un  prêtre,  désireux  avant  tout  du  bien  dans  sa  paroisse  ;  ce  n'est 
pas  non  plus  par  des  arrêtés  qu'on  étouffe  la  foi  religieuse  dans  une 
population.  Le  résultat  de  ces  mesures  mesquines  est  de  ranimer  son 
zèle  pour  le  bien. 

Dans  le  reste  du  Trièves,  les  idées  d'ordre,  sauf  quelques  rares  ex- 
ceptions régnent  encore  ;  on  y  aime  la  Religion  et  on  la  défendrait 
s'il  le  fallait.  Cependant  on  sent  l'ennemi  s'agiter  sourdement  et  s'ef- 
forcer de  semer  l'ivraie  dans  le  champ  du  père  de  famille.  Que  résul- 
tera-t-il  de  ces  menées  haineuses  et  hypocrites,  de  ces  trames  sou- 
terraines inspirées  par  d'étroites  ambitions,  de  criminelles  espérances? 
Dieu  seul  le  sait.  Sa  bonté  veuille  nous  épargner  les  maux  qu'un 
sombre  avenir  semble  devoir  nous  apporter  avant  peu  !  Que  les  hom- 
mes de  cœur  et  de  bien  se  lèvent  pour  résister  au  mal.  Leur  lutte 
sera  pour  le  moins  aussi  noble  que  s'ils  s'armaient  pour  repousser 
l'envahisseur  de  la  patrie  ,  car  ils  défendront  les  saines  traditions  du 
devoir,  sans  lesquelles  l'honneur  des  familles  ne  saurait  exister, 
la  paix  et  le  bonheur  d'un  pays  ne  seraient  qu'un  vain  mot.  Et 
quand  nos  adversaires,  rugissant  de  colère,  nous  menaceront,  redi- 
sons la  fîère  devise  du  Canadien  français  :  «  Crains  Dieu  et  va  ton 
chemin  !    » 

A.  LAGILR. 


L'abbé    SERPEILLE 

AUMONIER  DE  LA   MAISON  CENTRALE  DE  POISSY 

(SurTE) 


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Sa  docilité  ci  son  respect  pour  l'autorité  de  son  cvêquc  se  mani- 
festent dans  la  plupart  de  ses  lettres.  Nous  en  avons  vu  déjà  plus 
d'une  fois  l'expression  ;  nous  la  retrouverons  encore.  Le  curé  du 
Villard-de-Lans,  son  voisin  d'au-delà  la  Drômc,  le  prévient  que 
l'évèque  de  Grenoble  doit  venir  administrer  la  confirmation  dans 
sa  paroisse  vers  la  fin  de  mai  (i8o8j,  et  l'invite  à  s'y  trouver.  L'abbc 
Serpeille  fait  demander  humblement  par  son  ami  M.  Bisson  s'il  ne 


AUMONIER    DE    POISSY.  245 

pourrait  pas  faire  d'une  pierre  deux  coups,  et  emmener  avec  lui 
ceux  de  ses  paroissiens  qui  n'ont  pas  encore  reçu  le  caractère  des 
parfaits  chrétiens.  «  Ce  serait,  dit-il,  un  service  à  rendre  aux  habi- 
tants de  ma  paroisse  qui  désireraient  recevoir  ce  sacrement,  d'au- 
tant mieux  qu'il  paraît  impossible  que  M.  l'Evêque  de  Valence 
puisse  jamais  arriver  en  Vercors.  S'il  n'y  avait  pas  d'inconvé- 
nient, je  prierais  M.  l'Evoque  de  me  permettre  d'instruire  quelques 
personnes  de  ma  paroisse  pour  les  disposer  au  sacrement  de  con- 
firmation. Je  ne  hasarde  cependant  cette  observation  qu'autant 
qu'elle  ne  contrariera  pas  les  vues  de  notre  digne  prélat,  et  qu'elle 
est  conforme  à  l'accomplissement  des  désirs  de  mes  paroissiens, 
et  parce  que  la  paroisse  du  Villard-de-Lans  est  limitrophe  de  celle 
de  Saint-Martin  :  ce  qui  ne  nécessitera  pas  un  grand  déplace- 
ment. » 

L'abbé  Serpeille  se  rendit  à  la  solennité  à  laquelle  il  avait  été 
invité,  escorté  probablement  d'un  groupe  nombreux  de  grands  et 
de  petits  paroissiens;  car  la  permission  demandée  ne  dut  pas  lui 
être  refusée,  bien  que  nous  n'en  ayons  pas  la  preuve  sous  les  yeux. 
Quoiqu'il  en  soit,  le  curé  de  St-Martin  eut  un  succès  complet 
auprès  de  l'évèque  de  Grenoble  et  des  prêtres  de  sa  suite;  il  brilla 
dans  cette  réunion  d'élite  par  la  vivacité  de  son  esprit,  la  variété  de 
ses  connaissances,  la  finesse  de  ses  observations,  la  solidité  de  son 
raisonnement  et  la  promptitude  de  ses  réparties.  Ses  manières  se 
ressentaient  des  usages  du  grand  monde,  qu'il  avait  autrefois  fré- 
quenté. Tous  demeurèrent  enchantés  de  sa  conversation  et  char- 
més de  ses  récits,  aussi  variés  qu'intéressants.  Il  pouvait  leur  en 
faire  de  bien  extraordinaires  en  leur  racontant  sa  propre  histoire, 
et  de  bien  plaisants  en  leur  narrant,  avec  l'assaisonnement  de  sel 
gaulois  qu'il  savait  y  mettre,  les  hauts  faits  de  M.  A...  et  de  quel- 
ques autres  gros  bonnets  de  sa  paroisse,  partis  en  guerre  contre 
lui.  Mgr  Simon  l'invita  à  venir  le  voir  à  Grenoble,  et  tous  ces 
Messieurs  l'assurèrent  que  sa  visite  serait  pour  eux  un  grand  sujet 
de  joie.  L'abbé  Serpeille  partit  donc,  le  1 1  juillet,  avec  le  curé  du 
Villard-de-Lans,  pour  répondre  à  une  si  honorable  invitation  (i). 
L'évèque  de  Grenoble  lui  fit  beaucoup  d'accueil,  et  dès  lors,  l'abbé 
Serpeille  put  se  flatter  d'avoir  un  prolecteur  de  plus.  Nous  verrons 
bientôt  que  ce  nouvel  appui  ne  lui  fut  pas  inutile. 

(i)  Lettre  du  4  juillet  1808. 


246  l'abbé  serpeii.le 

Au  mois  d'août  suivant,  le  curé  de  Saint-Martin  célébra  solen- 
nellement dans  son  église  la  fête  de  S.  Venance  1 1  ,  qui  y  attirait  et 
V  attire  encore  chaque  année  un  grand  concours  de  fidèles.  Il  eut 
soin  au  préalable  de  se  munir  de  permissions  de  binage  pour  ses 
confrères  voisins,  afin  qu'ils  pussent  venir  rehausser  de  leur  pré- 
sence la  solennité  de  la  fête,  nonobstant  la  circonstance  du  diman- 
che, et  sans  préjudice  pour  le  service  de  leurs  paroisses  respectives. 
Il  écrivit  à  cet  effet,  du  Pont-en-Royans,  à  l'abbé  Bisson,  le  24 
août: 

«  Arrivé  ici  depuis  une  heure  avec  M.  Michel   2  ,  porteur  de  la 

(i)  S.  Venance,  évèque  de  Viviers,  est  invoqué  dans  les  maladies  des  petits 
enfants.  On  sait  que  ses  reliques  sont  conservées  dans  la  chapelle  de  l'hôpital 
de  Valence,  où  elles  sont  l'objet  d'un  concours  qui  dure  tout  le  mois  d'août. 
Sa  fête  se  célèbre  le  5  ;  mais  dans  le  Vercors,  elle  est  solennisée  le  dernier 
dimanche  dudit  mois.  Il  serait  intéressant  de  rechercher  l'origine  du  culte 
rendu  au  saint  Prélat  dans  la  paroisse  de  St-Martin-en-Vercors.  Une  lettre  de 
l'abbé  Rolland,  successeur  de  M.  Serpeille,  demandant  des  potivoirs  en  vue  de 
cette  fête,  nous  montre  qu'elle  était  encore  célébrée  avec  beaucoup  de  solen- 
nité en  1837. 

(2)  Ce  personnage,  que  nous  trouvons  en  rapports  fréquents  et  toujours  en 
très  bons  termes  avec  l'abbé  Serpeille,  était  un  prêtre  défroqué  qui  habitait 
le  hameau  de  Tourtre,  sur  St-Martin.  Il  y  était  né  le  2g  mars  1764.  Vicaire  à 
Die  au  moment  où  la  révolution  éclatait,  il  en  adopta  les  principes  et  s'em- 
pressa de  prêter  tous  les  serments  exigés  par  la  Constitution  civile  du  clergé. 
Peu  après,  il  renonça  à  l'état  ecclésiastique  et  se  maria.  Lors  de  la  création 
de  la  petite  magistrature  de  campagne,  il  fut  nommé  juge  de  paix  du  canton 
de  la  Chapelle-en-Vercors.  Nous  avons  vu  son  nom  parmi  ceux  des  notables 
qui  figurent  comme  témoins  au  procès-verbal  de  l'installation  de  M.  Serpeille 
à  St-Martin.  Revenu  à  des  sentiments  chrétiens  qui  ne  l'avaient  peut-être 
jamais  entièrement  abandonné,  l'ex-abhé  Michel  demanda  et  obtint  la  valida- 
tion de  son  mariage,  et  commission  fut  donnée  à  l'abbé  Serpeille,  qui  était 
son  propre  curé,  de  le  bénir.  Mais  celui-ci  récusa  cet  office  pour  des  raisons 
de  convenance  qu'il  fit  agréer  à  l'abbé  Bisson  dans  une  lettre  du  i3  bru- 
maire an  XII  (5  novembre  i8o3).  '(  Au  reste,  ajoutait-il,  le  porteur  de  la  pré- 
sente est  M.  Michel  en  personne  ;  il  pourra  vous  communiquer  ses  motifs  ; 
mais  dans  tous  les  cas,  il  ne  convient  pas  que  je  sois  chargé  de  cette  fonc- 
tion. »  Par  suite  de  ce  refus,  notre  juge  de  paix  attendit  encore  six  mois  pour 
faire  consacrer  son  union.  Ce  ne  fut  qu'à  Pâques  de  l'année  suivante,  ii  l'oc- 
casion du  jubilé  accordé  par  Pie  \^II,  que  cette  formalité  essentielle  fm  rem- 
plie, comme  en  fait  foi  le  document  suivant,  où  l'on  ne  voit  figurer  ni  le  nom 
du  prêtre  qui  procéda  à  la  bénédiction  nuptiale,  ni  celui  du  lieu  où  la  céré- 
monie se  fit,  ni  même  ceux  des  témoins  qui  se  portent  garants  du  fait.  Ils 
ont  sans  doute  signé  au  registre  des  mariages  où  cet  acte  fut  inscrit.  Le 
voici  dans  toute  sa  teneur:  «  Nous  soussignés,  certifions  à  qui  il  appartiendra 


AUMONIER    DE    POISSY.  247 

présente,  et  prêt  à  repartir  malgré  la  pluie,  je  n'ai  que  le  temps  de 
vous  prier  de  m'accorder  la  faculté  de  faire  biner  dans  mon  église 
les  desservants  de  St-Agnan,  Vassieux  et  Echevis,  qui  ont  promis 
de  se  trouver  dimanche  au  matin  chez  moi,  jour  de  la  fête  de 
S.  Venance.  MM.  les  curé  et  desservans  du  canton  du  Villard-de- 
Lans  doivent  s'y  trouver  aussi.  Je  demande  par  la  môme  occasion 
l'autorisation  qui  pourra  être  nécessaire,  sans  pouvoir  déterminer 
son  étendue  ;  mais  je  puis  vous  assurer  que  cette  fête  sera  célébrée 
avec  toute  la  pompe  et  la  dignité  que  comportent  les  localités  et 
les  ressources  des  prêtres  des  environs.   » 

L'abbé  Serpeille  eut  lieu  d'être  satisfait  de  sa  petite  fête,  et  tout 
se  passa  au  gré  de  ses  vœux.  Quelques  jours  après  (le  12  septem- 
bre), il  en  rendait  compte  en  ces  termes  à  son  ami,  le  secrétaire 
épiscopal  :  «  Grâce  aux  autorisations  contenues  dans  votre  lettre 
du  26'^  août  dernier,  la  fête  de  S.  Venance  a  été  célébrée  dans  mon 
église  avec  toute  la  pompe  et  la  majesté  que  les  localités  et  nos 
ressources  pouvaient  permettre.  M.  le  curé  du  canton  du  Villars 
officiait  le  matin,  assisté  de  diacre  et  sous-diacre  en  dalmatiques  ; 
après  l'Evangile,  il  nous  donna  un  discours  très  fleuri  et  très  élo- 
quent, sur  la  Religion  ;  il  aurait  produit  un  plus  grand  effet  dans 
une  cathédrale.  Nos  paysans  n'en  sentirent  pas  toutes  les  beautés  ; 
ils  ne  l'ont  guère  jugé  qu'à  la  longueur.  Les  vêpres   n'ont   pas  été 

que  le  citoyen  François  Michel,  prêtre,  domicilie  à  la  Chapelle-en-Vercors, 
paroisse  du  même  nom,  deuxième  arrondissement  communal,  département 
de  la  Drôme,  diocèse  de  Valence,  actuellement  juge  de  paix  du  canton  dudit 
Vercors,  après  avoir  épousé  devant  les  autorités  civiles  pendant  la  révolution 
Victoire  Rolland,  native  de  St-.\gnan  audit  Vercors,  comme  il  conste  par  l'ex- 
trait en  forme  de  son  acte  de  mariage  en  date  du  2f)  fructidor  an  VI  (i5  sep- 
tembre 1798)  qui  nous  a  été  représenté,  a  obtenu,  sur  une  requête  présentée 
à  Son  Emincnce  le  Cardinal  légat,  un  rescrit  d'indulgence  pour  lui  et  son 
épouse,  lequel  rescrit  a  été  renvoyé  à  Monsieur  l'Evêque  de  Valence  pour 
l'examiner  et  y  mettre  son  exequatur,  s'il  le  juge  à  propos  ;  que  cet  exequa- 
tiir  a  été  inscrit  à  la  suite  du  rescrit  et  adressé  à  un  prêtre  approuvé  par  lui 
dans  le  diocèse,  qui  a  reçu  du  prélat  la  faculté  de  les  absoudre  de  toutes  les 
censures  qu'ils  ont  encourues,  de  leur  faire  gagner  le  jubilé  et  de  leur  imper- 
tir  la  bénédiction  nuptiale;  ce  qui  a  été  consommé  ce  jour,  d'après  l'attes- 
tation en  forme  dudit  prêtre.  En  foi  de  quoi  nous  avons  délivré  le  présent 
certificat  auxdits  François  Michel  et  Victoire  Rolland,  pour  leur  servir  et 
valoir  ce  que  de  raison,  et  être  inscrit  par  ordre  de  Monsieur  l'Evêque  sur 
le  registre  des  bénédictions  nuptiales  de  la  paroisse  de  leur  domicile,  avec 
note  dudit  rescrit.  —  A  Valence,  ce  premier  floréal  an  douze  (21  avril  "1804 
de  J.-C.)  » 


248  l'abbé  serpeille 

moins  solennelles.  Nous  avons  chanté  celles  de  la  Feillée^  et  je 
faisais  soins. 

«  Le  lundi,  29,  il  y  eut  une  grand'messe  pour  le  repos  des  âmes 
des  anciens  curés  de  St-Martin  et  des  bienfaiteurs  de  la  paroisse. 
Les  mêmes  prêtres  y  assistaient  en  surplis  ou  aubes.  —  Ainsi 
tout  s'est  passé  avec  la  dignité  et  l'apparat  convenables.  Je  dois 
vous  observer  que  le  concours  n'était  pas  aussi  grand  cette  année 
c|ue  l'an  dernier.  Cependant  la  fête  fut  assez  belle,  et  beaucoup  de 
personnes  qui  n'avaient  jamais  vu  cérémonier  avec  des  dalmatiques 
ont  été  surprises  agréablement  de  cette  nouveauté  pour  elles.  » 

On  peut  voir  par  les  circonstances  relatées  dans  cette  lettre 
que  l'abbé  Serpeille  entretenait  des  rapports  de  bonne  et  franche 
cordialité  avec  ses  confrères.  Plusieurs  occupent  une  large  place 
dans  ses  épîtres  et  la  partie  de  sa  correspondance  qui  les  concerne 
n'est  ni  la  moins  intéressante,  ni  la  moins  caractéristique.  Ce  qui 
en  ressort  le  plus  clairement,  c'est  le  sentiment  de  sa  supériorité 
sur  ceux  qui  l'entouraient,  et  surtout,  un  choix  extrêmement  signi- 
ficatif dans  la  distribution  de  ses  sympathies:  elles  étaient  toutes 
pour  les  plus  notoirement  attachés  au  parti  constitutionnel,  dont 
il  était  lui-même  le  coryphée  dans  la  région. 

A  son  arrivée  à  St-Martin,  il  avait  trouvé  pour  voisin  à  St-Ju- 
lien(i),  Magloire  Perret,  qui  faisait  le  service  de  cette  commune 
sans  qu'il  y  eût  un  titre  de  succursale.  Les  prêtres  qui  se  trouvaient 
dans  cette  condition  étaient  à  la  charge  des  habitants,  et  n'étaient 
rétribués  que  faiblement  et  d'une  manière  irrégulière.  A  titre 
d'avancement,  ils  devenaient  vicaires,  puis  ils  arrivaient  au  grade 
de  succursalistes.  Comme  le  nouveau  curé  de  St-Martin  était  fort 

(i)  La  commune  de  St-Julien-en-Vercors  n'avait  pas  de  succursale,  et  elle 
ne  pouvait  avoir  un  prêtre  qu'en  prenant  à  sa  charge  son  entretien.  Le  18 
floréal  an  XI  (8  mai  i8o3),  le  conseil  municipal  adressa  une  requête  à  Mgr 
Bécherel  pour  le  prier  d'y  envoyer  un  desservant,  lui  déclarant  qu'il  a  fait  dis- 
poser un  logement  très  convenable  pour  le  recevoir,  et  qu'un  traitement  de 
5oo  fr.  était  assuré  à  celui  que  le  prélat  enverrait.  Les  officiers  municipaux 
expriment  en  même  temps  le  désir  que  ce  soit  M.  Blanc,  prêtre  sexagénaire, 
précédemment  nommé.  Comme  celui-ci  ne  put  venir,  le  maire  et  l'adjoint 
s'adressèrent  de  nouveau  à  l'évéque  pour  lui  demander  le  ciioyen  Magloire 
Perret,  natif  du  Villard-de-Lans.  «  Dans  ces  derniers  temps,  disent-ils,  il  a 
desservi  ladite  commune  (de  St-Julien);  antérieurement,  il  a  exercé  les  fonc- 
tions de  vicaire  dans  les  communes  de  Rencurel  et  de  Punt-en-Royans.  Sur 
notre  invitation,  le  sieur  Perret  a  demandé  à  M'  l'Evêque  de  Grenoble  l'au- 
torisation de  sortir  de  son  diocèse.  Cette  autorisation  a  été  accordée.  » 


AUMONIER    DE    POISSY.  249 

et  vigoureux,  on  crut  qu'il  pourrait  suffire  au  service  de  toute  sa 
paroisse,  de  laquelle  dépendait  la  commune  de  St-Julien.  En  con- 
séquence, l'abbé  Perret  fut  nommé  vicaire  à  Chàtillon,  et  M.  Ser- 
peille  reçut  notification  de  ce  changement  pour  avoir  à  se  consi- 
dérer désormais  comme  chargé  de  l'annexe  de  sa  succursale.  On 
avait  cru  peut-être  lui  être  agréable  en  l'augmentant  ainsi  sur  place 
dès  son  entrée  en  fonctions;  c'est  du  moins  ce  que  l'abbé  Bisson 
s'appliqua  à  lui  faire  entendre  en  lui  faisant  part  de  cette  décision 
administrative.  L'abbé  Serpeille  lui  répondit,  le  lo  brumaire  an  XII 
(2  novembre  i8o3i  :  «  Ce  nouveau  témoignage  de  confiance  est  sans 
doute  bien  flatteur  pour  moi  ;  mais  il  m'impose  une  tâche  difficile, 
pour  ne  pas  dire  impossible  à  remplir.  La  paroisse  de  St-Julien 
s'étend  jusqu'aux  limites  du  diocèse  de  Grenoble,  par  des  chemins 
qui  seront  souvent  impraticables  dans  la  saison  où  nous  entrons, 
et  dont  la  rigueur  ce  fait  déjà  sentir  depuis  plus  de  quinze  jours. 
Cependant,  dussé-je  y  succomber,  mon  dévouement  et  mon  zèle  à 
remplir  les  ordres  de  Monsieur  l'évèque  seront  sans  bornes,  com- 
me mon  attachement  à  la  religion  et  au  salut  des  âmes.  —  Per- 
mettez-moi de  vous  rappeler  à  cette  occasion  que  si  M.  l'évèque 
ne  retire  pas  l'ordre  que  vous  avez  intimé  de  sa  part  à  M.  Perret, 
l'amitié  que  nous  nous  sommes  vouée  réciproquement  se  trouve 
pour  ainsi  dire  détruite.  Le  plaisir  et  la  satisfaction  que  j'avais  à 
vous  voir  et  à  vous  exprimer  mes  sentiments  sont  absolument  per- 
dus pour  moi,  attendu  que  mes  autres  confrères  du  canton  sont  à 
une  distance  trop  considérable  pour  me  remplacer  par  le  biscantat 
(le  plus  voisin  est  à  deux  heures  et  demie),  et  ma  présence  devient 
encore  plus  nécessaire  lorsque  vous  saurez  que,  pour  administrer 
et  secourir  les  malades  qui  pourront  se  trouver  au  delà  de  St- 
Julien,  j'aurai  un  trajet  de  deux  heures  et  demie,  ce  qui  ferait  cinq 
heures  pour  mes  confrères  de  St-Agnan  ou  de  la  Chapelle.  —  Je 
n'entrerai  pas  dans  de  plus  grands  détails  de  localités  pour  prouver 
le  besoin  d'un  desservant  à  St-Julien  ;  ils  ne  peuvent  échapper  à 
votre  sagacité.  Je  me  borne  donc  à  vous  prier,  au  nom  de  l'amitié, 
de  laisser  M.  Perret  à  St-Julien,  1°  parce  qu'il  y  jouit  à  juste  titre 
de  la  confiance  de  tous  les  habitants  ;  2°  parce  qu'il  a  fait,  dans  la 
persuasion  d'y  rester  au  moins  un  an,  des  dépenses  dont  il  ne  peut 
pas  demander  le  remboursement, et  qui  sont  au-dessus  de  ses  facul- 
tés ;  3°  parce  que  son  départ  imprévu  a  donné  à  croire  aux  habi- 
tants de  St-Julien  que  je  l'avais   sollicité  ;  40  parce  que  enfin,    je 


250  r.  ABBE    SERPEILLE 

puis  compter  sur  sa  complaisance,  lorsque  j'irai  près  de  vous  sou- 
lager mon  cœur  des  rigueurs  de  ma  solitude  et  du  besoin  de  vous 
embrasser,  et  de  vous  renouveler  de  vive  voix  l'assurance  des  sen- 
ti nients  de  considération  et  de  reconnaissance  avec  lesquels  j'ai 
l'honneur  de  vous  saluer.  » 

L'abbé  Serpeille  insiste  encore  pour  obtenir  le  maintien  de 
M.  Perret  dans  une  lettre  qu'il  écrivait  le  lendemain  de  son  instal- 
lation, cinq  jours  après  la  date  de  la  précédente.  Mais  l'abbé  Bis- 
son  lui  ayant  fait  connaître  que  le  départ  de  M.  Perret  était  néces- 
saire et  qu'il  était  irrévocablement  arrêté,  l'assurant  toutefois 
qu'il  lui  serait  donné  un  successeur,  le  curé  de  St-Martin  entre 
dans  des  considérations  d'un  ordre  plus  élevé  et  répond  à  son  cher 
secrétaire  épiscopal  par  la  significative  missive  suivante,  du  27  bru- 
maire an  XII  (19  novembre  i8o3)  : 

«  Monsieur  et  ami,  —  Votre  réponse  du  19  relative  à  M.  Perret 
me  fait  beaucoup  de  plaisir,  puisqu'elle  m'assure  qu'il  y  aura  un 
desservant  à  St-.Tulien  ;  mais  permettez-moi  de  vous  dire  encore 
un  mot  en  faveur  de  mon  digne  collaborateur.  Quoique  vous  ne 
puissiez  me  communiquer  les  motifs  qui  obligent  M.  Perret  de 
quitter  St-Julien,  on  ne  les  connaît  pas  moins  :  c'est  encore  la 
guerre  des  opinions.  M.  le  curé  du  Villard-de-Lans,  dont  la  pa- 
roisse est  limitrophe  de  celle  de  St-Martin,  quoique  séparée  par 
des  montagnes  presque  inaccessibles,  a  eu  la  maladresse  de  se  flat- 
ter qu'il  poursuivrait  M.  Perret  jusqu'à  ce  qu'il  fût  sorti  de  St- 
.Tulicn  et  placé  dans  un  endroit  assez  éloigné  pour  qu'il  n'en  enten- 
dit plus  parler.  Il  accompagnait  ses  sorties  d'imprécations  contre 
les  prêtres  constitutionels,  ou  plutôt  contre  tout  ce  qui  était  tel.  Il 
serait  bien  malheureuxpour  M.  Perret  qu'il  fût  victime  de  la  haine 
d'un  prêtre  qu'il  a  toujours  accueilli,  pendant  tout  le  temps  qu'il 
a  resté  au  Villard-dc-Lans,  et  d'un  parti  que  le  gouvernement 
veut  éteindre. 

«  Ainsi  la  cause  de  M.  Perret,  dans  cette  circonstance,  étant  la 
mienne,  la  vôtre  et  celle  du  plus  grand  nombre,  je  pourrais  dire 
des  plus  estimables  prêtres  du  diocèse,  il  me  paraît  qu'on  ne  peut 
éloigner  M.  Perret  de  Si-Julien  sans  nous  condamner  tous. 

«  .le  m'arrête,  pour  vous  laisser  le  soin  de  tirer  les  conséquen- 
ces, .le  me  repose  sur  votre  amitié  pour  procurer  à  M.  Perret  un 
résultat  digne  de  ses  principes.  —  Vale  et  scmper  me  ama.  » 

L'abbé  Serpeille  se  révèle  tout  entier  dans  cette  lettre  ;  il  y  pro- 


AUMONIER    DE    POISSY.  25  I 

clame  ouvertement  et  naïvement  ses  sentiments  et  ses  principes, 
qui  sont  tous  en  faveur  du  schisme  constitutionnel  et  de  ses  adhé- 
rents. Il  savait  du  reste  qu'il  s'ouvrait  à  un  ami  de  cœur,  avec  le- 
quel il  était  en  parfaite  communauté  d'idées.  Cela  explique  l'intime 
liaison  qui  se  forma  entre  ces  deux  hommes,  naguère  inconnus 
l'un  à  l'autre,  et  dont  le  premier,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  traitait 
de  haut  le  nouveau  venu  alors  qu'il  ne  voyait  en  lui  qu'un  vul- 
gaire mouton  revenant  au  bercail.  On  y  découvre  aussi  le  vrai 
motif  des  sympathies  du  curé  de  St-Martin  pour  l'abbé  Perret,  et 
les  raisons  pour  lesquelles  il  insistait  tant  pour  qu'on  le  laissât 
auprès  de  lui. 

On  sait  qu'après  la  révolution,  les  anciens  constitutionnels,  dont 
plusieurs  avaient  eu  des  antécédents  plus  déplorables  encore  que 
l'abbé  Serpeille,  entrèrent  le  front  levé  dans  la  nouvelle  Eglise  de 
France,  et  voulurent  être  considérés  à  l'égal  des  prêtres  fidèles, 
sinon  davantage.  Se  sentant  appuyés  par  le  pouvoir  civil,  ils  exi- 
gèrent des  égards  de  la  part  des  supérieurs  et  de  bonnes  places 
dans  la  hiérarchie  en  voie  de  formation.  Ils  avaient  le  verbe  haut, 
et  tandis  que  les  bons  se  tenaient  modestement  à  la  place  qui  leur 
avait  été  assignée,  eux  se  remuaient  et  se  donnaient  du  mouve- 
ment pour  accroître  leur  influence  et  l'imposer  à  tous. 

Le  malheur  des  temps  voulut  que  douze  des  anciens  évèques 
constitutionnels  fussent  admis  comme  évêques  légitimes  dans  la 
nouvelle  organisation  des  diocèses  ;  le  premier  consul  en  avait  fait 
une  condition  sine  qud  non  pour  la  conclusion  du  Concordat.  La 
plupart  de  ceux  qui  furent  ainsi  imposés  de  force  à  l'acceptation  du 
Souverain  Pontife  avaient  conservé  des  sentiments  qu'ils  ne  cher- 
chaient pas  même  à  dissimuler,  en  faveur  de  leur  ancien  parti,  et 
ils  étaient  encore  constitutionnels  dans  le  cœur.  Il  y  eut  dès  lors 
une  division  déplorable  dans  le  clergé  ;  les  constitutionnels  firent 
bande  à  part,  et  quoique  à  peu  près  partout  en  minorité,  ils  eu- 
rent à  peu  près  partout  l'influence.  Le  mot  d'ordre  du  pouvoir 
était  de  ne  faire  aucune  différence  entre  les  uns  et  les  autres  ;  mais 
dans  les  diocèses  gouvernés  par  d'anciens  schismatiques,  cette  me- 
sure déjà  inique  fut  dépassée.  Ces  pasteurs  entrés  dans  le  bercail 
par  une  fausse  porte,  réservèrent  toutes  leurs  faveurs  pour  les  prê- 
tres dont  la  conduite  antérieure  n'était  pas  de  nature  à  les  faire 
rougir  de  la  leur.  François  Bécherel,  ancien  constitutionnel  de  la 
Manche,  devenu  évêque  légitime  de  Valence  par  la  grâce  du  pre- 


252  I.  ABBE    Sl^RPEILLE 

mier  ct)nsul  et  la  condescendance  du  Saint-Siège,  fut  Tun  des 
douze  dont  la  mémoire  est  demeurée  le  moins  chargée.  Cependant 
il  eut  soin  de  former  son  entourage  immédiat  à  l'instar  de  ses  an- 
ciens collègues.  Il  avait  amené  avec  lui  de  Normandie  l'abbé  Bis- 
son,  neveu  d'un  ancien  évoque  intrus,  et  constitutionnel  lui-même, 
qui  avait  prêté  tous  les  serments  ;  l'un  des  grands  vicaires,  l'abbé 
de  Seillans,  était  dans  le  même  cas.  On  voyait  dans  quelques  cures 
de  canton  d'anciens  coryphées  du  parti,  notamment  à  Dieuletit 
l'abbé  Pourret,  qui  faillit  devenir  évêc|ue  de  la  Drôme  à  la  place  de 
Marbos,  et  à  Saint-Donat,  l'abbé  Dideron,  ancien  vicaire  épisco- 
pal  du  susdit  ;  Hyacinthe  Doux,  ancien  vicaire  de  St-Apollinaire, 
qui,  selon  le  style  de  cette  époque,  s'était  complètement  dcpretré 
pendant  la  révolution,  et  qui  était  encore  secrétaire  de  la  commune 
de  Valence  au  moment  du  Concordat,  fut  nommé  archiprêtre  de 
Marsanne,  puis,  en  1807,  curé  de  l'importante  paroisse  de  Saint- 
Jean  de  Valence  (i).  Quant  à  l'évêque  lui-même,  c'était  un  homme 
d'une  extrême  faiblesse,  absolument  nul  comme  caractère,  à  ge- 
noux devant  le  pouvoir  civil,  dont  il  étudiait  attentivement  les  vues 
et  les  tendances  et  suivait  très  docilement  les  inspirations  ;  re- 
cherchant sa  tranquillité  et  la  paix  à  tout  prix,  recommandant  sur 
toutes  choses  à  ses  prêtres  de  ne  pas  se  faire  des  affaires,  et  surtout 
de  ne  pas  lui  en  mettre  sur  les  bras.  Il  avait  recours  à  son  ex- 
collègue  Marbos  pour   connaître   ses  prêtres,  et  le  consultait  pour 

(i)  Le  ministre  des  cultes  Portalis,  qui  était  un  homme  de  bon  sens  sinon 
un  fervent  chrétien,  dut  intervenir  plus  d'une  fois  pour  rappeler  Mgr  Béche- 
rcl  aux  strictes  convenances  dans  ses  nominations.  Une  lettre  qu'il  adressait 
au  prélat  le  7  germinal  an  XI  (29  mars  i8o'3)  est  instructive  à  cet  égard;  il 
lui  reproche  de  faire  une  part  trop  grande  aux  constitutionnels  et  d'ouvrir 
trop  facilement  son  diocèse  aux  étrangers  :  ce  qui  est  une  cause  de  mécon- 
tentement et  de  plaintes  légitimes  de  la  parts  de  ses  prêtres.  «  Il  y  a  trop 
d'assermentés  dans  les  rangs  de  votre  clergé,  lui  dit-il.  On  y  compte  un  grand 
vicaire  ;  parmi  les  huit  chanoines,  trois  l'ont  été  et  un  est  étranger  au  diocèse; 
sur  vingt-huit  curés,  dix-sept  ont  été  constitutionnels  et    trois  sont   étrangers 

au  diocèse Vous  avez  nommé  curé  de  Séderon  le  citoyen  L.,  sur  le  compte 

duquel  j'ai  des  renseignements  très  désavantageux,  et  vous  en  éloignez  l'an- 
cien curé,  le  cit.  Grimaud,  que  tous  ses  paroissiens  demandent,  et  qui,  par 
sa  conduite,  a  mérité  leur  respect  et  leur  attachement.  »  Le  3o  nivôse  au  XII 
(21  janvier  1S04),  M.  Portalis  fait  encore  des  représentations  à  l'évcque  de 
Valence  sur  la  présentation  par  lui  faite  pour  le  canonicat  devenu  vacant 
par  la  mort  de  M.  de  la  Rolière,  tlii  cil.  Louis-Marie  Lcmonnicr,  ex-vicaire 
épiscopal  de  Coutances  et  chanoine  aux  honneurs  dudit  diocèse,  et  refuse 
d'agréer  cette  nomination. 


AUMONIER    DE    POISSY.  25^ 

ses  principales  nominations.  Toutes  ses  circulaires  étaient  dictées 
ou  inspirées  par  la  préfecture,  et  la  plupart  ont  pour  objet  les  vic- 
toires ou  les  hauts  faits  de  l'Empereur.  Aussi  était-il  baron  de 
l'Empire  et  membre  de  la  Légion  d'honneur.  Cela  ne  l'empêchait 
pas,  à  certains  bons  moments,  de  déplorer  ses  erreurs  et  d'en  faire 
les  larmes  aux  yeux  une  confession  publique,  comme  il  fit  à  la 
clôture  de  la  grande  mission  de  Montélimar,  qu'il  présida.  Sa 
mort  acheva  de  réparer  un  passé  malheureux:  elle  eut  lieu  le  21 
Juin  181 5,  entre  les  bras  de  l'abbé  Dévie,  qu'il  avait  eu  le  bon 
esprit  de  prendre  pour  grand-vicaire,  et  qui  lui  fit  faire  à  ses  der- 
niers moments  une  rétractation  solennelle  de  toutes  ses  erreurs. 

L'abbé  Serpeille  connaissait  son  évèque.  Tout  en  professant  les 
mêmes  principes,  il  n'était  pas  homme  à  en  exagérer  l'expression. 
Il  ne  déployait  son  drapeau  qu'à  bon  escient,  et  il  ne  brûla  jamais 
ses  vaisseaux.  Sachant  bien  le  culte  que  professait  Monsieur  Bé- 
cherel  pour  le  grand  Napoléon,  il  avait  soin,  lorsqu'il  lui  écrivait, 
de  ne  jamais  insérer  son  nom  sacro-saint  dans  sa  missive  sans  le 
souligner  trois  fois;  mais  son  caractère  fier  et  indépendant  ne  le 
laissa  jamais  descendre  à  l'adulation.  Il  avait  de  la  franchise  et  il 
n'aurait  pas  dit  ce  qu'il  ne  pensait  pas  :  toutes  ses  lettres  en  font 
foi.    Nous  allons  achever  de  les  analyser. 

Cependant  M.  Perret  s'étant  rendu  à  Chàtillon,  conformément 
aux  ordres  de  son  évèque,  y  reçut  le  meilleur  accueil  du  vénérable 
M.  Maurel,  curé  archiprêtre  de  cette  paroisse;  mais  le  maire  pro- 
testant lui  déclara  qu'il  n'y  avait  pour  lui,  dans  sa  commune,  ni 
logement,  ni  revenu  d'aucune  sorte.  Sur  ce,  il  retourna  à  St-Ju- 
lien,  où  il  avait  laissé  tous  ses  effets,  et  s'y  installa  de  nouveau.  Il 
fit  part  à  l'abbé  Bisson  (le  7  novembre  i8o3)  de  son  voyage 
infructueux  à  Chàtillon  et  le  prévint  de  sa  détermination  ;  il  lui 
exprime  le  désir  de  rester  dans  le  Vercors  et  se  réclame,  pour  en 
obtenir  la  réalisation,  de  la  recommandation  de  M.  Serpeille. 
Celui-ci,  en  homme  habile,  fit  agir  les  paroissiens  eux-mêmes,  qui 
adressèrent  une  pétition  à  l'évêque  pour  lui  demander  le  maintien 
de  l'abbé  Perret  à  St-Julien.  Il  leur  fut  répondu,  le  19  brumaire 
an  XII  (i  I  novembre),  que  l'abbé  Perret  avait  une  autre  destination 
(il  était  nommé  curé  d'Eygluy  et  du  Cheylard)  (i);  mais  que  leur 

(i)  M.  Perret  ne  fit  pas  long  feu  à  Eygluy.  Sa  conduite  irrcgulière  ne  tarda  pas 
à  le  rendre  méprisable  à  ses  paroissiens.  Elle  lui  attira  un  interdit  de  son 
évèque,  qu'il  avait   prévenu  en  quittant   furtivement  sa  paroisse  le        janvier 


254  I.  ABBE    SERPEILLE 

annexe  ne  resterait  pas  sans  titulaire.  Ils  adressèrent  alors  une 
nouvelle  requête  à  Mgr  Bécherel  pour  le  prier  de  leur  envoyer,  à 
défaut  de  l'abbé  Perret,  M.  Michel  Faure,  desservant  de  Choran- 
che,  bien  connu  dans  le  pays,  disent-ils,  comme  ayant  été  curé  de 
la  Chapelle-en-Vercors.  L'abbé  Faure,  en  effet,  avait  été  curé  cons- 
titutionnel de  ce  chef-lieu  de  canton  par  la  grâce  de  Marbos,  évê- 
que  de  la  Drôme  i).  Au  rétablissement  de  l'ordre,  il  était  tombé 
delà  dans  la  petite  commune  de  Choranche,  qui  était  du  diocèse 
de  Grenoble  '2).  Mgr  Bécherel,  prenant  en  considération  la  requête 
des  habitants  de  St-Julien,  l'en  tira,  avec  Tautorisation  de  son  évê- 
que,  pour  en  faire  le  voisin  de  M.  Serpeille.  Par  une  lettre  datée 
de  Choranche   le  19  nivôse  an  XII    10  janvier    1804),  le  nouveau 

1807.  A  partir  de  là,  il  disparaît  entièrement  de  l'horizon  et  nous  ne  retrou- 
vons plus  sa  trace.  M.  Claude  Péron,  qui  lui  succéda  à  Eygluy,  était  origi- 
naire du  département  du  Pô.  Ce  quasi-homonyme  mourut  peu  après  son  ins- 
tallation, le  20  octobre  1808. 

(i)  Michel  Faure  avait  été  nommé  curé  de  la  Chapelle-en-Vercors  le  2  oc- 
tobre 1793,  par  le  citoyen  Boisset,  représentant  du  peuple,  délégué  par  la 
Convention  nationale  dans  le  département  de  la  Drome,  lequel  joignait  à  ses 
fonctions  civiles  les  attributions  de  la  juridiction  ecclésiastique.  Marbos  n'a- 
vait qu'à  ratifier  les  nominations  qui  étaient  faites  par  ce  singulier  adminis- 
trateur apostolique  et  à  conférer  à  ses  élus  l'institution  canonique.  Nous  ne 
pouvons  résister  au  plaisir  de  transcrire  les  lettres  de  pouvoir  délivrées  par 
l'évèque  de  la  Drome  à  l'élu  de  la  Chapelle-en-V'ercors.  Nous  les  trouvons 
relatées  dans  le  procès-verbal  d'installation  et  de  prestation  de  serment  de 
l'abbé  Faure,  daté  du  C)  octobre;  malheureusement  le  chancelier  de  la  mairie 
qui  les  a  copiées  n'avait  pas  l'usage  du  latin,  et  il  en  a  estropié  la  plupart 
des  mots;  il  ne  s'est  pas  senti  non  plus  la  force  d'achever,  et  il  a  laissé  en 
blanc  une  demi-page  pour  continuer  de  les  transcrire  après  en  avoir  étudié 
la  lecture  à  loisir.  Nous  rétablissons  de  notre  mieux  le  texte  conservé,  en 
exprimant  le  regret  de  n'avoir  pas  pu  tout  déchiffrer  :  «  Franciscus  Marbos, 
divind  Provident id  et  electione  popiili,  in  communione  Sanctœ  Sedis  Aposto- 
licœ  -Episcopus  in  partitione  Dromatensi,  dilecto  nobis  in  Cliristo  filio  Micliaeli 
Faure,  presbytero,  salutem  in  Domino....  (Quelques  mots  inintelligibles.)  Ad 
curam  (traduisez:  la  cure)  seu  parochialem  ecclesiam  loci  vulgo  Chapelle-en- 
Vercors,  nostrœ  diœcesis,  assumptus  fuisti  nominatione  civis  Boisset,  è  numéro 
reprœsentantium  populum  gallicanum  in  Conventione  nationali,  et  ab  ed  dele- 
gati  in  supradictd  partitione  Dromensi  et  in  aliis  circumvicinis,  amutentibus- 
que  votis  populi  dictœ  parœciœ  la  Chapelle;  quœ  nominatio  peracta  fuit  se- 
cundd  die  octobris  prœsentis  anni,  pro  tenore  documentorum  quœ  nobis  exhi- 

buisti,  tibi  sufficienti  ac  idoneo  reperto,  et  postquam  in  manibus  nostr »  Cet 

ineffable  document  s'arrête  malheureusement  ici,  sans  même  terminer  le  mot. 

(2)  L'abbé  Faure  était  né  dans  le  diocèse  de  (îrenoble,  peut-être  aux  envi- 
rons du  Pont-en-Royans,  le  11  décembre  1762. 


NOTE  SUR  LE  GRAND  HIVER  DE  I709.  255 

titulaire  remerciait   le  prélat  de   sa   nomination  à  l'annexe  de  St- 
Julien. 

L'abbé  Faurenous  apparaît  dès  l'abord  comme  un  homme  selon 
le  cœur  de  M.  Serpeille,  et  il  s'établit  immédiatement  entre  ces 
deux  hommes  des  rapports  d'intime  amitié.  Le  curé  de  St-Martin 
se  montra  en  toutes  choses  le  défenseur  dévoué,  l'avocat  et  le  pro- 
tecteur zélé  de  son  nouveau  voisin.  11  usa  de  tout  son  crédit  au- 
près du  secrétaire  épiscopal  pour  faire  valoir  ses  mérites,  et  pour 
le  recommander  à  la  bienveillance  et  aux  faveurs  épiscopales.  A 
vrai  dire,  M.  Faure  avait  des  qualités  réelles  ;  il  avait  un  talent  peu 
ordinaire  pour  la  parole  et  beaucoup  de  cœur. 

lA  continuer)  Cvprien   PERROSSIER. 


MÉLANGES 
NOTE  SUR  LE  GRAND  HIVER  DE   1709 

Cette  année  1709  est  remarquable  par  le  grand  froid  qu'il  a  fait 
depuis  le  sixième  janvier  jusqu'au  23  du  même  mois,  et  qui  revint 
encore  après  une  bonace  de  quelques  jours  extrême  dans  le  mois  de 
février,  en  sorte  que  tous  les  grains  ensemencés  advaat  l'hyver,  bled, 
métail  et  autres  sont  morts  en  toute  la  France,  Savove,  Piémont, 
Italie  et  autres  pays  de  l'Europe,  n'en  ayant  resté  que  quelque  peu 
dans  les  montagnes,  qui  a  servi  pour  ensemencer  le  bas  Pays.  Une 
infinité  darbres,  surtout  les  oliviers,  les  noyers  et  les  chatagners  en 
sont  morts,  et  la  cherté  des  grains  a  été  si  grande,  que  le  sétier  du 
bled  fromant  s'est  vendu  aux  mois  d'avril  et  de  may  jusqu'à  50  liv.  et 
tous  les  autres  grains  à  proportion  ;  et  les  vignes  ayant  été  engelées 
n'ont  produit  aucun  fruit,  si  bien  que  le  vin  s'est  vendu  aux  mois 
d'août  1709  et  tout dix  sols  le  pot. 

Registres  de  catholicité  de  Beauregard,  rédigés  par  ^L  Estret, 
curé;  à  la  fin  de  l'année  1708). 

On  voit  plus  loin,  au  i j  février  ijr8,  que  Antoine  Garnier,  décédé 
la  veille,  à  l'âge  du  57  ans,  a  été  enseveli  dans  l'église  de  Beauregard, 
à  cause  du  grand  froid. 

Cyprien    PERROSSIER. 


k 


TABLE    DES   MATIERES 

DU  TOME   NEUVIÈME 

Chaper  'Eug.\  Lettres  d'indidoences  imprimées  à   Valence  vers  i<)i.^, 

p.  165-7. 
Chenivesse  (abbéj,  Olivier  de  Serres  et  les  massacres  du  2  mars  l'^jy 

à  Villeneiive-de-Berg,  pp.   143-54,   169-86. 
Chevalier  (chan.  Jules),  Quarante  années  de  l'histoire  des  évèques  de 

Valence  au  moyen-âge  ( 1 226    à   1266),    pp.    5-15,    49-60,    89-100, 

129-42,  194-201,  209-34. 
Chevalier  (chan.  Ulysse),  Cens  et  rentes   en   Vivarais  du  prieuré  de 

C Ile-sous-Sainl-Vallier,    document  en  langue   vulgaire  de   12S2,  p. 

*2Ô-30. 

—  Manuscrits    et  incunables    liturgiques   en   Daiiphiné  :    Valence, 
p.  *3i-56. 

Comité  de  Rédaction,  Chronique  du  diocèse  de  Valence,  p.  j-xxiv. 
FiLLET  (abbé  L.),  Histoire  religieuse  du    canton  de    la    Chapelle-cn- 
Vercors  (Drame),  p.  16-27. 

—  Histoire  religieuse  de   Saint-Agnan-en-Vercors  (Drame),  pp. 
60-70, 101-13. 

Francus  (D""},  Correspondance,  p.  85-8. 

Lagier  (abbé  A.),  Le   Trièves  pendant  la  grande  Révolution,  d'après 

des  documents  officiels  et  inédits,  pp.  28-39,  71-9,  114-21,    187-93, 

234-44. 
Marcieu  (comte  Humbert  de),  Saincte  vie  et  glorieulx  trespasscment 

de  Jehan  Esmé,  sire  de  SVIolines,  p.  *57-94. 
Mury  (chan.).  Correspondance,  p.  88. 
Paradis    (abbé  Aug.),  Eglises    romanes  du    Vivarais:  Bourg-Saint- 

Andéol,  p.  *i-i^,  planche. 
Perrin  (abbé),  Correspondance,  p.  167-8. 
Perrossier  (abbé  Cyprien),    L'abbé  Serpeille,  aumônier  de  la  maison 

centrale  de  Poissy,  pp.   121-8.  154-64,  202-8,  214-55. 

—  Notes  sur  le  grand  hiver  de  /709,  p.  255. 

Vaschalde  fUenryJ,  Recherches  sur  les   inscriptions  du  Vivarais,  pp. 
39-48,  79-84. 


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1^  d...  Bcrgoiata. 
c  a  b.  Bergoiaia  le  Haut. 
d  c...  Bac  avant  i%jo. 
rr....  J<apides  et  vagues, 
a...  .  Radelier  et  S'-Pilon. 


c S'^-Foy. 

ce  f.  Chemin  des  Tricastint: 
mn.    Pont    nouveau    et    chemin 
nouveau 


S^Monian 


S^fletTe 


y    I  VUûTitardfis  ; 


4  5*  SulplGC. 

f  S^  Jean  ëArUgo^ 
S'idarcel  >^. 


'  tAlfi^    ÇJeqgrnMle 


ÉGLISES  ROMANES 


DU     VI  VA  RAIS 


BOURG-SAINT-ANDÉOL 


Toposraphîe. 


Lorsque  nous  avons  entrepris  l'étude  des  églises  romanes  du 
Bourg-Saint-Andéol  en  Vivarais,  nous  avons  été  frappé  du  rôle 
important  que  jouait  dans  l'histoire  du  pays  lui-même  l'emplacement 
de  ces  églises. 

A  l'époque  de  l'établissement  du  christianisme  en  cette  petite  ville, 
l'intérêt  se  concentre  sur  la  place  où  se  trouvèrent  rapprochées  la 
crypte  et  l'église  St-Polycarpe  TMaison  de  TuUie),  la  crypte  et 
l'église  St-Sauveur  (Prison  et  Temple  de  Mars).  Or  ces  substitutions 
d'édifices  chrétiens  à  des  monuments  payens  amenèrent  une  véri- 
table transformation  de  la  cité  et  de  ses  deux  rives  ;  à  leur  tour  ces 
changements  très  notables  de  la  contrée  influèrent  sur  l'érection 
d'autres  églises  des  temps  mérovingiens  et  carlovingiens.  De  là  la 
nécessité  de  rattacher  notre  étude  au  récit  du  martyre  et  au  culte 
primitif  de  Saint  Andéol  et  de  donner  un  ensemble  de  notions  topo- 
graphiques qui  seront  comme  le  fond  commun  où  se  dérouleront 
nos  dissertations  ultérieures  (ij. 

(i)  Notre  étude  rend  indispensable  la  lecture  :  i°  des  Acta  Sanciorum,  i^''  mai, 
Saint-Andéol,  où  les  Bollandistes  ont  inséré  le  texte  même  sur  lequel  nous  disser- 
tons; 2°  YHistoire  du  Vivarais  (1862),  par  M.  le  chanoine  Rouchier  ;  et  3°  la  Vie 
de  Saint-Andéol,  par  M.    l'abbé    Mirabel    (1868).    Ces  deux    ouvrages  ont    élucidé 


2  EGLISES    ROiMANES    DU    VIVARAIS. 

Ici  l'étude  de  la  topographie  aura  deux  aspects  :  il  faut  examiner 
la  topographie  naturelle  et  physique  comme  partout.  Mais  il  y  a 
aussi  à  reconstituer  la  topographie  de  la  légende  des  Actes  de  Saint 
Andéol,  à  voir  comment  ces  Actes  décrivent  les  lieux  contemporains 
du  martyre  et  quel  intérêt  historique  ressort  de  la  comparaison  de 
l'état  de  la  contrée  au  III"  siècle  avec  son  état  au  temps  où  nous 
sommes.  De  là  deux  paragraphes  :  1.  Topographie  naturelle  ; 
II.  Topographie  historique  ou  des  Actes  de  Saint  Andéol. 

I.  Topographie  naturelle.  ■ 
1°  Bergoiata, 

Les  noms  primitifs  de  lieux  sont  en  quelques  syllabes  (un  mot  ou 
deux  accolés)  la  peinture  de  ces  lieux  mêmes  saisis  dans  un  de  leurs 
traits  les  plus  saillants.  Ici  par  exemple,  le  nom  de  la  ville  est  dans 
l'antiquité  Bergoïates,  Bergogiates,  Burguilas,  Burgias,  etc.  (ij.  Il 
est  évident  que  toutes  ces  formes  sont  les  dérivés  d'un  radical  qui 
est  Berg,  lieu  haut,  éminence. 

Primitivement  donc  ce  qui  ressortait  le  plus  dans  le  paysage,  ce 
qui  frappait  les  yeux,  c'était  la  partie  haute,  la  falaise  de  rocher  qui 
s'avançait  brusquement  dans  le  Rhône,  et  dont  les  prolongements 
inférieurs  le  traversant  en  ligne  droite  soulevaient  violemment  ses 
vagues  déjà  plus  rapides  sur  ce  point  qu'en  aucun  autre  de  son 
cours,  à  partir  de  Lyon.  Ce  rocher  sur  lequel  est  bâtie  la  ville  du 
nord  (le  quartier  St-Michelj,  était  surmonté,  autrefois  (XV*"  siècle 
et  antérieurement)  et  en  surplomb  sur  le  Rhône,  dun  bâtiment 
considérable  qui  se  rattachait  à  l'aile  nord  du  vieux  palais  épiscopal. 
On  en  discerne  les  arrachements  (cheminées,  naissances  de  voûtes), 
et  l'on  peut  juger  par  là  combien  la  roche  qui  le  portait  envahissait 
directement  le  lit  du  fleuve. 

Dans  notre  enfance,  nous  avons  vu  cette  masse  calcaire  plus  pi-oé- 
minente  et   baignant  sa  base  dans   le  courant,   quoique   déjà   bien 

plusieurs   points    qui  nous  servent  de   jalons    sûrs    et    nous    ont    permis   de   dire  , 
croyons-nous,  le  dernier  mot  sur  celte    question   des  origines.  Une   planche    de    la 
vieille  cité  et  de  ses  rivages,  et    une  autre  retraçant  les  routes  qui    la  reliaient  aux 
pays  environnants  aideront  le  lecteur  à  nous  suivre, 
(i)  RoucHiER,  p.  183. 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  3 

réduite  par  le  temps,  les  corrosions,  les  éboulements,  et  aussi  par  la 
main  de  Ihomme. 

Le  plateau  qui  surmontait  ce  rocher  et  qui  confinait  au  couchant 
de  plain-pied  avec  la  voie  romaine  de  Lyon  à  Nimes  convenait  par- 
faitement à  une  population  qui,  fixée  sur  une  frontière  naturelle, 
pouvait  avoir  besoin  de  se  défendre.  De  là  des  vestiges,  à  grand  et 
bel  appareil  antique,  sur  la  pointe  nord  de  cette  falaise,  insuffisants 
toutefois  pour  indiquer  le  genre  du  monument,  temple,  tour  ou 
éperon  de  fortification.  Les  documents  du  moyen  âge  (Archives  de  la 
ville,  vieux  actes  notariés)  indiquent  sur  ce  point  une  grande  tour  et 
une  sorte  de  place  d'armes,  qui  se  trouvaient  ainsi  en  état  de  com- 
mander à  la  fois  le  fleuve  et  la  grande  route  au  nord  de  la  cité. 
Mais,  comme  le  pays  était  aussi  bien  situé  pour  servir  d'entrepôt 
entre  le  fleuve  et  les  Cévennes  en  temps  ordinaire,  les  habitants 
échelonnèrent  leurs  maisons  sur  la  pente  insensible  que  la  colline 
forme  au  midi  jusqu'au  rivage  plus  accessible  et  plus  propice  à 
rétablissement  d'un  port.  Le  fleuve  venait  battre  contre  le  bas  de  la 
falaise  dans  toute  sa  longueur  et,  sur  cette  portion  du  rivage,  tout 
chemin,  même  pour  les  piétons,  était  impraticable.  A  peine  s'y  ha- 
sardait-on sans  barque  par  les  eaux  très-basses.  Au  moyen  âge, 
c'était  le  point  d'amarre  des  moulins. 

En  somme  donc  Bergoïata  était  comprise  et  resserrée  au  cou- 
chant entre  la  voie  romaine  rectiligne,  appelée  chemin  droit,  et  au 
levant  le  cours  du  fleuve  très  agité  en  toute  sa  largeur  vis-à-vis  de 
la  falaise,  mais,  un  peu  plus  bas,  assez  calme  par  l'effet  d'un  certain 
remous  des  eaux  et  de  l'absence  de  rochers. 

Au  centre  de  la  petite  cité  il  y  avait  une  place  (jardin,  préauj,  au- 
tour de  laquelle  on  signale  au  midi  un  temple  de  Mars  élevé  sur  une 
salle  basse  pouvant  servir  de  prison,  et  au  levant  une  maison  ro- 
maine importante,  peut-être  résidence  d'un  fonctionnaire  impérial, 
et  ayant  une  façade  sur  le  fleuve. 

De  cette  place  centrale  partent  les  rues  et  les  chemins.  Une  d'elles 
traverse  la  cité  en  longueur  et  va  rejoindre  au  nord  la  voie  romaine 
pour  dessei-vir  les  villas  de  la  banlieue  dont  on  a  les  traces  au  Chey- 
lard,  à  Clayas,  à  Cousignac,  à  Martinas,  à  Campane,  à  St-Pierre, 
etc.  Une  autre  monte  au  couchant  et,  arrivée  à  la  route,  se  bifurque 
pour  conduire  d'un  côté  sur  les  coteaux  et  dans  la  montagne  et  de 
l'autre  vers  le  val  de  Tourne  et  au  sanctuaire  de  Mithras.  Une  troi- 
sième   aboutit  par   le   quartier   des  Trives  (Triviœj    à   la  porte    du 


4  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

midi  (j)  vers  le  point  où  la  voie  romaine  franchit  sur  un  pont  le 
ruisseau  de  Tourne.  Enfin  les  autres  rues  au  levant  descendent  di- 
rectement au  fleuve,  en  sillonnant  le  quartier  bas  dit  Briançon  (2). 
L'écoulement  des  eaux  du  coteau  se  fait  par  le  milieu  de  la  cité  où 
une  dépression  d'abord  légère  s'accuse  fortement  dans  la  région  des 
Trives  et  de  Briançon,  et  finit  comme  une  sorte  d'égout  à  ciel  ou- 
vert se  déversant  dans  le  Rhône. 

A  une  petite  distance,  au  couchant  et  au  midi,  la  ville  a  un  fau- 
bourg dit  de  Tourne,  bâti  sur  les  deux  côtés  d'un  ravin  dont  les 
eaux  jaillissent  de  deux  gouffres  (^)  formés  naturellement  par  les 
flancs  caverneux  d'un  vaste  rocher  sur  lequel  est  sculpté  le  dieu 
Mithras  des  anciens  Perses.  A  la  suite  du  grand  gouffre  on  voit  les 
vestiges  de  la  grotte  des  fées   «   boiiorno  di  fado  »  (4).  On  serait  au- 

(1)  Ce  quartier  méridional  est  appelé  de  Saint-Donnis,  et  non  Saint-Denys  ;  les 
documents  du  moyen  âge  compulsés  par  M.  de  Boislisle  tant  aux  archives  que 
dans  les  actes  notariés  mentionnent  là  le  planinn,  le  portale,  le  cimeterium  Sanct* 
Dompnini,  la  place,  le  portail,  le  cimetière  de  Sainl-Domnin  ou  Donnis.  La  pro- 
nonciation Doiinis  est  usitée  dans  les  diocèses  de  Digne,  dont  St-Domnin  fut  le 
premier  évéque,  et  de  Fréjus.  Toutefois  on  trouve  un  Saint-Domnin  au  9  octobre, 
jour  de  la  fête  de  Saint-Denys,  prononcé  en  Languedocien  Dounis,  ce  qui  a  dû 
augmenter  la  confusion.  (Voir  le  13  février  dans  les  Petits  Bollaniistes.)  Quant  à 
savoir  quel  est  le  St-Domnin  dont  il  s'agit  au  Bourg  St-Andéol,  c'est  une  question 
i  élucider.  La  ville  de  Lamastre  en  Vivarais  a  pour  patron  le  Saint-Domnin  du 
Puy-en-Velay,  mais  ce  culte  ne  parait  pas  remonter  au  delà  de  la  fin  du  16'=  siècle. 
Ce  cimetière  devait  être  celui  de  la  vieille  léproserie  devenue  plus  tard  Thôpital 
jusqu'à  la  Révolution,  et  de  là  transféré  aux  Récollets  actuellement. 

(2)  Quelle  est  l'étymologie  de  ce  nom  du  quartier  rapproché  du  fleuve  r  Nous 
croyons  que  Briançon  est  ici  la  traduction  vulgaire  et  écrasée  du  génitif  Durgen- 
sium,  Bergensium.  La  transformation  est  absolument  pareille  dans  le  nom  de  ville 
Briançon,  venu  de  Brigantion,  avec  la  disparition  du  g  par  la  même  loi  d'écrase- 
ment et  d'élimination.  Ce  quartier  se  peupla  des  bateliers,  pêcheurs,  portefaix, 
entrepositaires,  négociants  ;  il  devint,  par  la  décadence  de  Bergoiata  le  Haut,  le 
quartier  vivant,  le  quartier  des  Burgenses,  des  véritables  citoyens  qui,  aux  yeux 
des  gens  d'affaires,  caractérisaient  la  ville  et  en  portaient  le  nom. 

(3)  Le  mot  gouffre  répond  au  mot  gour  ou  goul  en  usage  dans  le  pays,  qui  dé- 
rive de  gurges.  On  lit  en  effet  dans  les  manuscrits  du  moyen  âge  gour,  gourge  et 
gourgino.  11  y  a  ici  le  grand  goul  et  le  petit  goul. 

(4)  Il  faut  remarquer  que,  en  ce  pays,  on  dit  également  Bouôrno  et  Bâoumo, 
pour  signifier  grotte,  caverne,  quoique  en  son  sens  strict  Bouôrno  soit  ordinaire- 
ment Borne.  Mais  il  faut  ajouter  qu'en  cet  endroit  même,  autrefois,  le  ravin  était 
fort  resserré  et  comme  étranglé  par  de  hauts  rochers  superposés  qui  produisaient 
l'effet  de  Bornes  immenses  suspendues  dans  les  airs.  On  ne  déplorera  jamais  assez 
la  destruction  de  cette  partie  magnifique  du  ravin.  On  avait  presque  dans  la  ville 
un  échantillon  de  ces  solitudes  à    roches  sauvages  et  accidentées  que    les    touristes 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  5 

jourd'hui  tenté  de  commettre  une  erreur  sur  les  grottes  des  fées. 
Depuis  rexploitation  très-récente  des  carrières  contigues  qui  ont 
défiguré  à  cet  endroit  ce  val  si  pittoresque,  plusieurs  s'imaginent 
que  les  grottes  des  fées  n'existent  plus.  Les  mineurs,  il  est  vrai,  ont 
anéanti  en  partie  les  souterrains  naturels  qui  s'enfonçaient  sous  la 
montagne  et  même  sous  le  ravin,  quoique  l'on  puisse  encc're  en 
retrouver  sous  les  décombres.  Mais  on  n'a  pas  touché  au  petit  jardin 
potager  et  fruitier  qui  fait  limite  en  avant  de  la  carrière.  Or  c'est  à 
cette  pointe  du  jardin  et  dans  le  jardin  même  qu'il  y  avait  antique- 
ment  une  véritable  et  grande  grotte  de  plain-pied  avec  le  sol.  Par 
une  inspection  très  attentive  du  rocher  auquel  aboutit  le  petit  mur 
d'enceinte  du  jardin,  on  remarque  qu'il  a  été  entaillé  de  haut  en  bas 
et  qu'on  a  abattu  tout  le  côté  qui  confinait  au  torrent  et  constituait 
une  des  parois  de  la  grotte,  l'autre  paroi  étant  encore  le  rocher  de  la 
montagne.  Il  est  facile  de  reconnaître  la  voûte  naturelle  qui  va  s'a- 
baissant  jusqu'au  niveau  de  la  terre  du  jardin  et  forme  encore  un 
certain  abri  pour  des  outils  ou  objets  peu  considérables.  C'est  à  la 
suite  que  venaient  à  fleur  de  terre  les  diverses  entrées  des  cavernes 
souterraines. 

Ce  quartier  de  Tourne  n'est  rien  autre  chose  que  l'extrémité  infé- 
rieure de  la  vallée  de  Combelonge  qui  descend  du  grand  plateau  du 
Lôou  (t).  C'est  à  Tourne  que  de  tous  temps  se  sont  groupés  les 
meuniers,  les  tanneurs,  les  lessiveurs  et  les  teinturiers.  Mais  à  l'épo- 
que payenne,  ce  morceau  de  ravin  formant,  au  nord  des  gouffres,  de 
Mithras  et  des  grottes  des  fées,  un  vaste  amphithéâtre,  devait  avoir 
un  intérêt  particulièrement  religieux  et  offrir  à  certains  jours  de  cé- 
rémonie publique  un  spectacle  vraiment  grandiose. 

2"  Bergoiata-le-Haut. 

Nous  venons  de  décrire  Bergoiata  sur  la  rive  droite,  la  rive  Hel- 
vienne,  Vivaraise.  Le  lecteur  doit  savoir  qu'à  cette  époque  il  y  avait 
sur  ce  point  du  Rhône  une  double  agglomération  portant  le  même 

vont  à  grands  frais  et  à  grandes  fatigues  contempler  dans  les  montagnes  les  plus 
inaccessibles  et  les  plus  éloignées. 

(ï)  Lôou.  Ce  mot  vient  d'Ouol  (charte  de  M=  Vierne.  1221).  Ouol,  avec  l'article 
L'Ouol,  contracté  Louôou,  avec  le  redoublement  de  l'article  Le  Louôou  ou  Le 
LôDU.  C'est  le  vaste  plateau  des  Bois  du  Bourg-Saint-Andéol. 


Ô  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

nom  Bergoiata  (i),  Bergoiata-le-[Iaut  (rive  gauche,  Tricastine  ou 
Cavarej,  Bergoiata  le  Bas  frive  droite),  à  la  fois  séparées  par  le 
fleuve  et  reliées  par  les  iles  du  fleuve,  surtout  par  une  île  très-impor- 
tante appelée  Largentière.  Bergoiata-le-Bas  (rive  droite)  était,  comme 
nous  venons  de  la  décrire  en  détail,  la  ville  bâtie  sur  le  plateau  de 
la  falaise  et  pouvant  servir  de  refuge  fortifié.  C'est  évidemment  d'elle 
que  venait  le  nom  de  l'agglomération.  Mais  elle  était  difficile  d'accès 
pour  la  navigation,  précisément  à  cause  de  sa  rive  rocheuse  et  des 
gros  coups  des  vents  du  nord  qui  la  fouettaient  sans  obstacle.  Ber- 
goiata-le-Haut  (rive  gauche)  assise  dans  la  plaine,  sur  une  terre 
d'alluvions  en  partie  anciennes,  en  partie  récentes,  était  la  ville  im- 
posée parles  nécessités  de  la  pacification,  du  commerce  et  des  com- 
munications avec  tous  ces  petits  peuples  (2),  compris  entre  les 
Allobroges  et  la  Province  romaine,  de  l'Isère  à  la  Durance,  qui 
avaient  absorbé  si  promptement  et  si  facilement  les  éléments  de  la 
civilisation  romaine,  et  qui  tiraient  un  si  grand  parti  non-seulement 
de  la  grande  voie  romaine  d'Agrippa  (faussement  appelée  Domi- 
tienne)  (3),  mais  de  leurs  rivières  parfois  flottables  (Drôme,  Aygues, 
Ouvèze)  et  surtout  du  Rhône  qui  les  recevait  toutes  et  permettait 
une  pratique  ininterrompue.  Bergoiata-le-Haut,  quoique  station  im- 
provisée, avait  rapidement  acquis  une  importance  supérieure  à  celle 
de  Bergoiata-le-Bas  dans  le  sens  que  nous  venons  d'indiquer.  Elle 
avait  un  port  commode,  dans  une  branche  boisée  et  abritée  du 
Rhône,  servant  d'entrepôt  pour  toutes  les  localités  du  pays  Tricastin. 
Et  telle  est  la  force  des  choses  de  la  nature  qu'aujourd'hui  encore, 
malgré  tous  les  travau.K  multipliés  pour  amener  les  eaux  hautes  vers 
la  rive  droite,  malgré  l'importance  de  la  ville  actuelle  du  Bourg, 
malgré  le  port  artificiel  qu'on  y  a  construit  à  grands  frais,  les  bate- 
liers ont  toujours  préféré  et  pratiqué,  quand  ils  l'ont  pu,  l'abordage 
sur  la  rive  gauche  cependant  déserte  et  abandonnée. 

A  l'époque  dont  nous  nous  occupons,  il  est  facile  de  reconstituer 
le  lit  du  fleuve,  ses  courants  et  ses  rivages.  A  partir  du  détroit  de 
Viviers-Donzère,  le  Rhône  se  bifurquait  en  deux  vastes  courants 
entrecoupés  eux-mêmes  d'une  multitude  d'ilôts  ;  l'un  s'infléchissait 
vers  la  droite,  la  rive  Ilelvienne,  et  ne  quittait  presque  pas  la  haute 
et  vieille  berge   de  la  route   romaine  de  Lyon  à  Nîmes,  effleurant 

(i)  Voir  RoucHiER,  p.    183  cl  suiv. 

(2)  Ségalauniens,  Voconces,  Tricastins,  Cavares,  elc 

(3)  Voir  Ai.LMEK,  Revue  épi 'graphique,   t.  I",  p.    k). 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  7 

Saint-Pierre,  La  Barrale,  Le  Cheylard.  La  Perrière  (branche  de 
Chanabier).  L'autre  presque  rectiligne  le  long  de  la  rive  gauche 
coupait  de  Donzère  sur  Bergoiata-le-Haut,  passait  près  Maloubert, 
Les  Méas,  Sainte-Foy,  Le  Radelier,  et  continuait  sur  Frémigière 
(Formicaria).  Le  courant  de  droite  rencontrant  la  falaise  avancée  de 
Bergoiata-le-Bas  était  rejeté  sur  la  rive  gauche  et  entretenait  ce  bras 
du  fleuve  qu'on  appelait  le  Petit  Rhône  et  qui  visait  précisément 
Frémigière.  Presque  toute  la  navigation  se  portait  dans  ce  bras.  De 
là,  par  le  fleuve  au  nord,  par  le  fleuve  au  midi,  l'importance  du  port 
de  Bergoiata-le-Haut.  Ce  Vicus  occupait  en  terre  ferme  la  plaine 
dont  le  centre  est  la  vieille  chapelle  et  le  domaine  actuel  de  Sainte- 
Foy,  au  nord  et  limitrophe  du  Radelier.  Il  y  a  trente  ans,  on  voyait 
ces  terres  pleines  encore  de  débris  antiques  ;  on  y  déterrait  des 
tombeaux,  des  armes,  des  poteries,  des  marbres,  des  verres,  etc. 
Aujourd'hui  c'est  à  peine  si  on  y  ramasse  quelques  fragments  de 
tuile.  Tout  a  été  peu  à  peu  enlevé,  porté  et  broyé  comme  remblai 
sur  les  chemins  voisins  (i). 

II.  Topographie  des  actes  de  Saint  Andéol. 

En  comparant  cette  topographie  à  celle  de  la  légende  des  Actes  de 
St-Andéol,  on  remarque  les  rapports  d'une  concordance  parfaite  : 
on  peut  encore  aujourd'hui  connaître  et  suivre,  sur  la  configuration 
du  fleuve,  de  ses  rivages,  du  sol,  des  chemins,  des  vieilles  rues  de 
la  ville  (autrefois  sentiers),  les  détails  de  la  narration  du  martyre. 
Les  historiens  ont  discuté  certains  passages  qui  concernent  l'entre- 
vue d'Andéol  et  de  Septime  Sévère,  sans  en  infirmer  l'ensemble, 
mais  il  y  a  deux  points  sur  lesquels  la  véracité  des  Actes  nous  parait 
hors  de  conteste  :  D'abord,  ce  qui  se  rapporte  à  Tullie,  à  son  dia- 
logue avec  les  gens  du  peuple,  à  son  habile  et  salutaire  intervention 
(nous  en  avons  dit  un  mot  dans  la  notice  sur  l'église  St-Polycarpe), 
revêt  une  couleur  locale  qui  établit  précisément  la  réalité  de  l'exis- 
tence de  sa  personne.  En  second  lieu,  le  cadre  topographique  dans 
lequel  ces  divers  événements  sont  comme  enchâssés  est  d'une  telle 
exactitude,  qu'après  dix-sept  cents  ans  la  nature  des  lieux,  la  survi- 
vance des  souvenirs  et  des  traditions,  la  persistance  des  monuments 
eux-mêmes  ne  font  que  leur  assurer  une  valeur  sérieusement  histo- 
rique. 

(i)  RoucHiER,  pp.  i88,  190. 


8  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

1°  Endroit  où  le  corps  saint  aborda. 

Une  première  question  qu'on  aimerait  résoudre  en  lisant  les  Actes 
est  celle-ci  :  A  quel  point  du  rivage  Helvien  (Vivarais)  le  corps  de 
St-Andéol  fut-il  déposé  par  le  fleuve  ? 

La  légende  nous  dit  :  «  Per  fluenta  fluvii  in  citeriori  ripa  rectè 
transiit,  ut  omnes  eum  crederent  ad  locum  ipsum  à  Domino  fuisse 
transmissum.  »  Et  plus  loin  :  «  Maximum  videtur  esse  miraculum, 
cùm  in  hoc  loco  rapidissimi  fluvii  prasgrandia  saxa  aquâ  videantur 
devolvi,  taliter  rectè  corpus  ejus  fuisse  delatum.  » 

Ainsi  le  corps  de  St-Andéol  a  traversé  le  Rhône  premièrement 
tout  droit  et  secondement  à  l'endroit  le  plus  rapide  et  le  plus  agité. 

Pour  résoudre  ce  petit  problème,  il  faut  se  transporter  à  quelques 
années  dans  le  passé,  à  l'époque  où  la  mine  n'avait  pas  joué  dans 
les  eaux  basses,  et  où  les  endiguements  actuels  n'avaient  pas  mo- 
difié les  courants.  11  y  a  une  vingtaine  d'années,  le  lit  du  fleuve  était 
à  l'état  naturel  :  or  à  cette  époque  la  rapidité  et  les  grandes  vagues 
du  fleuve  se  produisaient  entre  la  scierie  de  marbre  au  nord,  et  au 
midi  l'éperon  actuel  du  quai  vertical  où  se  trouve  le  balcon  sur 
arceau  (ancien  moulin)  de  la  maison  dont  la  façade  transversale 
barre  et  termine  le  quai  du  port  et  du  pont.  C'est  entre  ces  deux 
points  extrêmes  fqui  du  reste  constituent  toute  la  longueur  du  quai 
du  nord)  qu'il  faut  tirer  vers  l'autre  rive  Tgauche)  une  ligne  perpendi- 
culaire, et  de  fait  cette  ligne  retracera  presque  exactement  le  banc 
de  rochers  que  nous  avons  indiqué  comme  traversant  sous  les  eaux 
le  fleuve  en  sa  largeur.  Si  l'on  veut  un  point  de  repaire  sur  la  rive 
gauche,  on  a  à  peu  près  le  nord  de  la  ferme  du  Radelier.  Le  point 
vis-à-vis  sur  la  rive  llelvienne  (droite)  sera  le  bas  de  la  descente  dite 
de  La  Poterne  (La  Pousterlo),  ou  plus  exactement  encore,  un  peu 
plus  haut,  à  l'endroit  où  la  rampe  dite  de  Ste-Marie  touche  au 
Rhône. 

Le  martyre  ayant  eu  lieu  sur  la  rive  gauche,  on  aurait  donc  faci- 
lement la  direction  générale  dans  le  sens  de  laquelle  il  faut  chercher 
sur  cette  rive  gauche  le  lieu  du  supplice.  Toutefois  cette  rive  ayant 
été  plusieurs  fois  bouleversée  et  même  emportée  en  large  bordure 
par  les  inondations,  il  est  possible  que  cet  emplacement  ait  matériel- 
lement disparu  :  c'est  ce  qui  semble  résulter  des  documents  relatifs 
au  Saint-Pilon,  à  la  chapelle  du  St-Pilon  (i);  nous  allons  bientôt 
revenir  sur  cette  question. 

(i)  Voir  KoucHiER,  p.  199  et  p.  507. 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  9 

Quant  à  la  station  du  corps  sur  la  rive  Helvienne,  ce  qui  suit  va 
nous  aider  encore  à  en  préciser  l'endroit. 

2°  Endroit  d'où  Tullie  aperçut  le  rassemblement. 

Un  second  problème  de  la  légende  à  résoudre  par  la  topographie 
est  celui-ci  :  Où  était  Tullie  quand  elle  aperçut  le  rassemblement 
autour  du  corps  saint  et  quand  elle  interrogea   les  gens  du  peuple  ? 

Voici  le  texte  :  «  Contigit  matronam  quamdam,  nomine  TuUiam, 
per  aggc'em  publiciim  eodem  die  praeterire  ad  agrum  suum,  ubi  tune 
temporis  villam  cœperat  asdibus  exornare  :  haïc  videndi  gratiâ  pro- 
perans,  ad  istum  pervetiit  lociim,  et  videns  multitudinem  hominum 
circa  corpus  stantem  stari  jussit  carpentum  quo  vehebatur.  Et  ait 
famulis  suis  :  ite...  videte  quam  ob  causam  ad  hiinc  lociim  multi- 
tude ista  convenit  hominum  ,  sed  et  de  astantibus  illic  ad  me 
addiicïte...,  etc.  » 

Ainsi  :  où  est  ce  point  d'arrêt  du  char  désigné  par  ces  mots  "  ad 
istiim  pervenit  locicm  »  ?  Remarquons  bien  qu'il  y  a  deux  endroits 
bien  distincts,  istum  locum,  celui  où  est  le  char  de  Tullie,  hune 
lociim,  le  lieu  de  rassemblement.  Tullie  voyant  la  foule  demande 
qu'on  aille  lui  chercher  quelqu'un  de  ceux  qui  la  composent  pour 
avoir  une  explication  très  catégorique. 

On  peut  émettre  deux  avis  :  D'après  l'un,  la  maison  romaine  de  la 
place  du  temple  de  Mars  (église  St-Polycarpe)  étant  la  maison  de 
Tullie,  cette  dame,  pour  sortir  de  la  ville,  partit  de  ladite  place  et 
suivit  vers  le  nord  le  chemin  qui  coupait  la  ville  en  longueur  et  qui 
constitue  aujourd'hui  les  rues  St-Polycarpe,  du  Collège,  St-Michel 
jusqu'à  la  jonction  de  ces  rues  consécutives  avec  la  voie  romaine 
(devant  le  couvent  actuel)  en  dehors  de  la  ville.  D'après  cette  opi- 
nion, Tullie  aurait  pu  de  son  char  apercevoir  très-bien  le  rassem- 
blement et  même  le  corps  sur  le  rivage  de  La  Poterne  :  Elle  se 
serait  arrêtée  à  peu  près  devant  la  maison  Ramière  ou  le  Collège  ; 
il  est  facile  de  constater  qu'en  supprimant  les  maisons  et  les  terras- 
sements entre  ce  point  et  le  fleuve,  à  cet  endroit  la  pente  vers  le 
fleuve  était  assez  douce  et  laissait  une  échappée  de  vue  très-suffi- 
sante. C'est  encore  la  pente  naturelle  de  la  ruelle  sous  la  voûte  Ra- 
mière. Mais  il  y  a  une  difficulté  :  Le  récit  porte  per  aggeretn  pu- 
bliciim ;  Tullie  suivait  en  char  (carpentum)  la  voie  publique,  la  route 
romaine.  Or  de  cette  route  (aujourd'hui  la   grande  rue)  qui  était   la 


10  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

lisière  extrême  occidentale  de  la  vieille  cité,  il  n'y  a  qu'un  point  qui 
se  rapproche  assez  du  fleuve  pour  permettre  aux  regards  du  passant 
de  voir  le  rivage  de  la  ville  elle-même  (caché  dans  le  reste  de  la  lon- 
gueur de  la  ville  par  la  hauteur  du  plateau  et  de  la  falaisej.  Ce  point 
d'où  précisément  la  pente  inclinée  du  terrain  et  la  vue  du  voyageur 
aboutissent  sans  obstacle  au  bord  du  fleuve,  c'est  le  haut  de  la 
rampe  Ste-Marie  qui  coïncide  avec  la  route  publique  au  sortir  de  la 
ville.  Par  conséquent,  le  point  où  le  corps  était  gisant  est  le  bas 
de  cette  rampe,  sur  cette  plage  d'autrefois  (avant  l'élévation  du  quai) 
très  fréquentée  par  les  baigneurs,  et  comprise  entre  la  falaise  du 
quartier  St- Michel  et  la  scierie  de  marbre,  sous  les  murs  des  jardins 
du  couvent  Ste-Marie  et  de  l'Hospice.  Là,  il  y  avait  réellement  une 
plage  sur  laquelle  le  corps  pouvait,  d'après  le  récit,  être  rejeté  à 
plusieurs  coudées  du  fleuve.  Plus  bas,  le  trajet  du  corps  à  travers  le 
fleuve  n'eut  plus  été  direct,  et  le  corps  n'aurait  pu  aborder,  puisque 
le  rivage  formait  une  falaise  à  pic,  sauf  le  petit  accès  de  la  Poterne 
qui  ne  saurait  convenir. 

En  admettant  cette  solution,  il  faut  supposer  que  Tullie  avait  pris 
son  char  non  pas  à  la  place  du  temple  de  Mars  (place  St-Polycarpe), 
le  char  n'aurait  pu  remonter  la  colline  si  abrupte  au  couchant  de 
cette  place  ;  mais  bien  au  point  de  la  voie  romaine  qui  serait  aujour- 
d'hui la  place  de  Saint-Andéol  sur  le  plateau.  Il  est  possible  que  le 
prœdium.  les  jardins  de  Tullie  s'étendissent  sur  cette  croupe,  sur  ce 
plateau,  jusqu'à  la  voie  romaine. 

3°  Endroit  du  martyre.  —  Le  Saint-Pilon. 

Mais  il  y  a  une  question  topographique  plus  intéressante  encore 
que  les  précédentes  :  En  quel  endroit  précis  de  la  rive  gauche  le 
supplice  a-t-il  eu  lieu  ?  Où  est  la  place  du  martyre  ? 

La  réponse  à  cette  question  a  été  faite  par  les  auteurs  les  plus 
compétents  auxquels  nous  renvoyons  le  lecteur  (i).  Il  résulte  de  leurs 
opinions  que  la  chapelle  du  Saint-Pilon,  construite  en  lôig,  ayant 
depuis  longtemps  disparu,  nous  n'avons  aucun  renseignement  cer- 
tain sur  son  emplacement.  Mais,  si  la  chapelle  a  cessé  d'exister,  le 
Saint-Pilon  lui-même  a  été  sauvé,  et  c'est  le  tronçon  de  colonne 
qu'on  remarquait  encore  vers  1820  sur   un  tertre  de  maçonnerie  de- 

(l)    ROUCHIER,    p.    507;   MlRABEL,    p.    225. 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  I  I 

vant  la  ferme  du  Radelier  à  l'intersection  du  chemin  public  de  Pier- 
relatte  (ancienne  route)  et  d'un  petit  chemin  d'exploitation  ouvert 
directement  devant  la  porte  de  la  ferme  et  allant  vers  le  Rhône. 
Telles  sont  en  résumé  les  conclusions  des  auteurs  précités.  Elles 
sont  fondées  sur  le  Bail  à  prix  fait  de  la  construction  de  la  chapelle 
du  Pilon,  sur  le  Procès-verbal  d'enquête  relative  à  la  découverte  ré- 
cente du  dit  Pilon,  et  sur  la  configuration  et  l'état  actuel  des  lieux 
situés  sur  la  rive  gauche  en  face  de  la  falaise  du  Bourg.  Nous  nous 
empressons  d'y  souscrire.  Et  si  nous  y  revenons,  c'est  pour  les  cor- 
roborer dans  leur  ensemble.  Ces  conclusions  s'appuient  sur  des 
documents  réellement  existants,  et  aussi  sur  les  traditions  orales  et 
locales  qu'elles  ont  introduites  dans  l'histoire.  Or,  en  pareille  ma- 
tière, il  y  a  une  loi  terrible  à  subir,  c'est  que,  lorsque  les  monu- 
ments disparaissent,  les  traditions  qui  s'y  rattachent,  fussent-elles 
séculaires,  millénaires,  subissent  un  affaiblissement  qui,  aux  yeux 
de  certains  esprits  ou  tim.ides,  ou  peu  éclairés,  ou  prévenus,  équivaut 
à  un  doute  et  même  à  une  négation.  C'est  le  sort  qui  semble  me- 
nacer le  monument  du  Saint-Pilon. 

Depuis  le  7  novembre  1823,  jour  où  le  Pilon  et  la  maçonnerie  qui 
le  soutenait  furent  enlevés,  qu'est-il  arrivé  dans  les  sentiments  et 
l'opinion  du  public  ?  Premièrement,  pendant  trente  ans  environ, 
c'est-à-dire  pendant  la  durée  de  la  génération  qui  avait  vu  disparaî- 
tre ce  qu'on  appelait  vulgairement  et  unanimement  non  pas  le  Pilon, 
mais  la  pierre  de  Saint-Andéol  (La  peyro  de  Sent  Andiôou),  on  a 
protesté  tantôt  très-haut,  tantôt  en  silence,  selon  le  degré  de  l'indi- 
gnation et  le  caractère  des  personnes.  Puis  cette  génération  passée, 
on  a  répété  de  ci  delà  ce  que  cette  pierre  attestait,  et  puis  l'on  s'est 
tû,  non  par  dédain  pour  la  cause,  ni  par  lâcheté,  mais  par  crainte 
de  ne  pouvoir  étayer  ce  que  l'on  aurait  favorablement  avancé,  par 
ignorance  personnelle  du  passé,  par  impossibilité  de  produire  et 
étudier  encore  le  monument  lui-même  anéanti. 

Ainsi,  tandis  que  les  générations  antérieures  fréquentant  la  route 
de  Pierrelatte  ne  franchissaient  jamais  cet  amas  de  pierres  surmonté 
du  Pilon  renversé  ou  relevée,  sans  faire  un  geste  respectueux,  sans 
avoir  un  mot  de  souvenir  pieux  fvoilà  la  pierre  de  St-Andéol  !),  notre 
génération  présente  n'a  jamais  eu  l'occasion  de  voir  où  était  cette 
pierre,  et  par  le  tracé  nouveau  de  la  route  actuelle  ies  voyageurs  ne 
passant  plus  au  Radelier,  l'oubli  le  plus  complet  s'est  fait  sur  ce 
monument  déraciné  et  sur  la  tradition  qu'il  gardait  ;  cet  oubli  s'est 
fait  de  nos  jours,  nous  vivants,  sous  nos  yeux.  Notre  génération  ne 


12  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

sait  plus  seulement  s'il  y  a  eu  là  ou  ailleurs  une  pierre  de  Saint- 
Andéol,  ou  une  pierre  quelconque,  une  maçonnerie  quelconque. 

Pour  nous  qui,  fort  jeune,  avons  passé  en  ces  lieux  si  fréquem- 
ment et  en  société  de  parents  et  d'amis,  nous  faisons  appel  à  toutes 
les  personnes  de  notre  âge,  et  nous  les  prions  de  dire  ce  qu'elles 
ont  entendu,  ce  qu'elles  ont  appris,  ce  qu'elles  ont  dit  elles-mêmes 
sur  le  souvenir  qui  subsistait  de  cette  pierre  de  Saint-Andéol  au 
Radelier,  alors  même  qu'elle  n'y  fut  plus  exposée  aux  regards.  A 
plus  forte  raison,  nous  demandons  aux  survivants  des  temps  anté- 
rieurs à  1823  d'attester  ce  qu'ils  se  rappellent  sur  ce  tertre  de  ma- 
çonnerie et  sur  cette  pierre  elle-même  qu'ils  avaient  vus.  Tous 
diront  qu'elle  n'avait  d'autre  nom  que  celui  de  pierre  de  Saint- 
Andéol;  on  n'employait  pas  le  mot  Pilon.  Voilà  pour  la  tradition 
orale,  populaire  et  locale. 

Mais  voici  l'objection  :  On  accorde  que  en  la  place  susdite  il  y  eut 
un  tertre  de  maçonnerie  et  un  tronçon  de  colonne.  Pourquoi  cette 
colonne  ne  serait-elle  pas  simplement  le  fût  d'une  croix,  dont  la  ma- 
çonnerie aurait  été  le  piédestal  ?  Cela  paraît  d'autant  plus  vraisem- 
blable que  l'extrémité  supérieure  de  la  colonne  était  perforé  d'un 
trou  rond  de  o""  06  de  diamètre  et  de  o™  10  de  profondeur. 

Assurément  nous  ne  voyons  aucun  inconvénient  à  accorder  que  le 
Saint-Pilon  ait  servi  à  porter  une  croix.  Mais  cette  croix  et  son  pié- 
destal n'étaient  certes  pas  improvisés  en  cet  emplacement  du  Rade- 
lier. Une  maçonnerie  de  2™  50  de  rayon  qu'on  met  trois  jours  à  dé- 
truire est  un  monument,  dans  les  campagnes  surtout.  Comment  se 
fait-il  que  jamais  ni  dans  un  document  écrit,  ni  dans  le  souvenir,  ni 
dans  le  langage  populaire,  il  n'ait  été  question  de  la  croix  de  Rade- 
lier ?  Jamais,  jamais.  J'en  appelle  encore  ici  à  tous  mes  contem- 
porains soit  pour  leur  propre  compte,  soit  pour  les  générations  an- 
térieures qu'ils  ont  connues  et  entendues,  En  faisant  allusion  à  ce 
fragment  de  colonne,  on  répétait  toujours  et  sans  aucune  variante  : 
La  pierre  de  St-Andéol  an  Radelier.  En  sorte  que,  par  une  permis- 
sion divine ,  la  croix  elle-même  qui  l'aurait  surmontée  semblait 
s'effacer  devant  le  souvenir  de  l'apôtre  qui,  ayant  eu  le  crâne  fendu 
en  forme  de  croix,  l'avait  si  noblement  portée  en  son  immolation. 

Historiquement  donc,  rien  dans  les  documents  écrits,  rien  dans  la 
tradition,  rien  dans  les  prétentions  mêmes  du  propriétaire  du  terrain 
ne  mentionne  l'existence  d'une  croix,  lui  lisant  le  Procès-verbal 
d'enquête  du  Pilon,  jamais  les  divers  personnages  qui  sont  en  scène 
et  en  conversation  ne  parlent  de   croix,  ils   disent  tous  et  toujours  : 


BOURG-SAIiNT-ANDEOL.  I3 

Cette  pierre,  cette  pierre  de  peu  de  valeur  en  elle-même,  mais  si 
précieuse  par  la  foi,  par  le  souvenir  qui  y  est  attaché,  et  qui  remonte 
au  saint  martyr,  à  celui  dont  les  populations  croient  voir  le  sang  y 
suinter  encore.  Or  ces  diverses  personnes,  propriétaires  anciens, 
paysans,  ouvriers  connaissaient  à  fond  ce  que  les  générations  anté- 
rieures, c'est-à-dire  celle  de  la  Révolution  et  celle  qui  avait  précédé 
la  Révolution,  avaient  pensé  et  avaient  dit  de  cette  pierre.  Certes 
nous  ne  nions  pas,  encore  une  fois,  qu'une  croix  y  ait  été  enchâssée 
à  un  moment  (inconnu  toutefois).  iMais  ce  qui  a  fait  la  préoccupation 
constante  et  universelle,  c'est  la  pierre  et  la  pierre  seule,  cette  pierre 
de  Saint-Andéol.  A  la  rigueur  si  l'on  pressait  l'argumentation  au 
sujet  de  cette  cavité  qui  a  fait  penser  à  l'insertion  dune  croix,  il 
serait  très-plausible  de  répondre  que  cette  cavité  avait  été  pratiquée 
pour  y  enfermer  une  relique  du  saint,  surtout  lorsque  en  1619  on  eut 
donné  au  pilon  l'honneur  d'une  chapelle  spéciale. 

Après  avoir  montré  l'importance  de  la  pierre  du  Radelier,  nous 
devons  cependant  la  ramener  à  sa  vraie  valeur  par  une  observation 
restrictive.  Il  est  certain,  d'après  les  termes  du  bail  de  construction 
de  1619  (ij,  que  le  Pilon  n'avait  pas  stvxi  au  supplice  de  Saint- 
Andéol,  mais  que  c'était  une  colonne  qu'on  avait  mise  ultérieurement 
à  la  place  où  le  saint  fut  martyrisé.  Dès  lors  la  croyance  populaire 
qui  prétendait  voir  sur  cette  pierre  des  efflorescences  rougeâtres,  et 
la  sorte  de  vision  qui  faisait  apparaître  aux  yeux  des  maçons  de  la 
chair  saignante  sous  les  denf;  de  la  scie,  cette  croyance  perd  son 
principal  appui  et  risque  de  passer  pour  un  effet  de  l'imagination  ; 
cependant  on  peut  y  voir  un  signe  de  la  permanence  vivace  et  inal- 
térable du  souvenir  du  martyr,  et  aussi  de  la  réalité  de  l'identité  de 
cette  pierre  en  tant  que  Pilon,  Pilon  antique  et  datant  de  l'époque 
rapprochée  de  l'événement.  11  ne  faut  donc  pas  rendre  au  Pilon  un 
culte  exagéré.  Il  est  vénérable  par  son  antiquité,  il  est  vénérable  par 
l'emplacement  qu'il  marque  ou  qu'il  a  marqué,  mais  non  pour  avoir 
jamais  été  en  contact  avec  le  saint.  Aussi,  dit  le  bail  de  construc- 
tion, on  décréta  l'édification  d'une  chapelle  au  saint  lui-même,  en 
l'honneur  de  Saint  Andéol,  au  lieu  du  dit  Pilon.  Ce  n'est  donc  qu'en 
ce  sens  déjà  très  respectable  que  le  Pilon  est  la  pierre  de  Saint- 
Andéol. 

Il  est  temps  de  conclure  à  notre  tour.  De  toutes  ces  considérations 

(i)  Voir  RoucHiER,  p.   510    :   «   auquel  lieu  ou  il  fust   martyrisé,    fust   mist   ung 
pillon,  qui  est  encore  en  nature  de  la  grosseur  et  hauteur  d'un  homme.  » 


k 


14  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS 

il  résulte  d'abord  que  la  pierre  du  Radelier,  la  pierre  de  Saint- 
Andéol,  le  tronçon  de  colonne,  était  et  ne  pouvait  être  que  le  Pilon 
et  non  un  support  de  croix  qui  eut  existé  distinct  et  indépendant  du 
culte  du  samt.  De  plus,  quant  à  l'emplacement,  l'énorme  substruc- 
tion  qui  servait  de  base  à  cette  pierre  était  évidemment  sans  pro- 
portion avec  elle.  On  pourrait  donc  admettre  que  ce  gros  massif  de 
maçonnerie  constituait  les  fondations  d'un  édicule,  de  la  petite  cha- 
pelle de  1619,  renversée  en  un  moment  inconnu.  Et  l'on  aurait  ainsi 
le  lieu  même  du  supplice.  Nous  ne  sommes  pas  éloigné  de  partager 
cette  opinion  :  elle  coïncide  avec  tout  ce  que  nos  pères  disaient  et 
répétaient  sans  hésitation,  ni  variantes.  D'ailleurs  le  chemin  droit 
qui  relie  le  Radelier  a  Ste-Foy  est,  à  n'en  pas  douter,  un  chemin  de 
l'ancienne  cité  détruite  de  Bergoiata-le-Haut,  et  l'endroit  où  il  se 
déverse  dans  le  chemin  qui  reliait  au  Rhône  les  Tricastins  de  Pierre- 
latte  et  de  St-Paul-trois-Châteaux  (i)  convenait  très-bien,  comme 
carrefour,  pour  jeter  dans  le  fleuve  qui  effleurait  ce  point  le  corps  du 
supplicié,  en  présence  d'une  assistance  nombreuse  et  de  l'Empereur 
lui-même.  Or  ce  point  de  jonction  des  chemins  de  Bergoiata  au 
nord  et  des  Tricastins  au  levant  est  précisément  la  maison  du  Rade- 
lier, et  le  point  de  la  vieille  berge  qui  la  porte,  le  plus  voisin  du 
fleuve  et  touchant  le  cours  du  fleuve,  était  à  cette  époque  l'empla- 
cement lui-même  du  Pilon  et  de  sa  maçonnerie,  devant  la  porte  du 
Radelier. 

Toutefois,  eu  égard  au  récit  des  Actes,  à  la  topographie  que  nous 
avons  étudiée  et  établie  d'après  les  courants  du  fleuve  et  d'après 
l'intervention  du  TuUie,  si  l'on  objecte  que  le  souvenir  d'une  cha- 
pelle aurait  dû  persister,  nous  admettrons,  comme  les  auteurs  pré- 
cités, que  la  chapelle  ayant  été  construite  sur  un  terrain  d'ile  et 
d'alluvion  passagère  et  ayant  été  démolie  par  un  événement  inconnu, 
peut-être  une  inondation,  on  ramassa  les  matériaux  et  le  Pilon  re- 
trouvés, et  on  les  rapporta  en  terre  ferme,  le  plus  près  du  fleuve  ; 
on  les  utilisa  comme  fondations  d'un  nouvel  édicule  projeté  qui  n'a 
pas  été  réalisé,  fondations  détruites  en  1823. 

Quelle  que  soit  l'opinion  qu'on  adopte,  il  reste  démontré  pour 
nous  que  la  pierre  de  St-Andéol  dont  nous  avons  encore  la  plus 
grosse  partie  est  le  Pilon  et  non  un  lut  ordinaire  de  croix  ;  que  d'ail- 
eurs  ce  Pilon  n'avait  pas  servi  au  supplice  du  saint,  mais  pouvait 
avoir  reçu  une  croix  ou  une  relique  à  son  sommet. 

(1;  Voir  plus  bas  (p.  16)  ce  que  nous  disons  de  ces  divers  chemins,  rattachant 
Bergoiata  à  la  grande  voie  romaine  d'Agrippa  (appelée  à  tort   Domitienne). 


BOURG-SAINT-ANDEOL,  I5 

4"  Endroits  des  divers  supplices. 

Comme  on  le  voit  par  les  Actes,  le  supplice  d'Andéol  a  eu  lieu  en 
l'espace  de  vingt-quatre  heures  sur  les  deux  rives  du  Rhône.  Rien 
n'est  plus  capable  de  nous  attacher  à  la  configuration  de  ces  deux 
rives  que  les  détails  successifs  de  ce  martyre.  C'est  un  véritable 
drame  en  plusieurs  actes  :  L'avant-veille  du  i'"'  mai,  Andéol  venu 
de  Lyon  en  bateau  s'arrête  le  soir  au  port  de  Bergoiata  de  la  rive 
gauche,  avec  l'intention  de  se  diriger  dès  le  lendemain  par  terre  vers 
Carpentras  lieu  de  sa  mission.  Dès  le  matin  de  la  veille  du  i*"'  mai, 
il  prêche  Jésus-Christ,  et  Septime-Sévère  le  fait  arrêter,  l'interroge, 
le  soumet  aux  tourments.  Le  soir  le  saint  est  porté  sur  la  rive  droite 
pour  être  jeté  dans  la  salle  basse  du  temple  de  Mars  :  il  y  passe  la 
nuit.  Le  matin  du  i"  mai  on  vient  le  reprendre  en  barque,  pour  le 
reporter  sur  la  rive  gauche  où  il  est  mis  à  mort.  Enfin  son  corps 
jeté  au  fleuve  aborde  sur  la  rive  droite  où  il  reste  exposé  mais  res- 
pecté jusqu'à  la  nuit  du  4  au  5  mai,  pendant  laquelle  TuUie  le  fait 
enlever  secrètement  et  ensevelir  au  lieu  de  la  crypte  de  l'église  St- 
Polycarpe. 

On  voit  combien  est  applicable  ici  l'étude  que  nous  avons  faite  sur 
Bergoiata  le  Haut  et  Bergoiata  le  Bas,  et  comment  elle  nous  facilite 
l'intelligence  de  ce  va  et  vient  sur  les  deux  rives  quon  fait  subir  au 
martyr. 

Revenant  donc  à  la  légende,  elle  n'offre  aucune  difficulté  en  ce  quj 
concerne  la  partie  des  événements  qui  se  passent  sur  la  rive  droite. 
Nous  voyons  très-facilement,  comme  si  c'était  aujourd'hui,  le  ba- 
telet  qui,  parti  de  Bergoiata-le-Haut,  c'est-à-dire  dun  point  du  port 
ou  d'une  ile  à  la  hauteur  intermédiaire  de  Ste-Foy  et  du  Radelier, 
vint,  avec  le  captif,  aborder  à  Bergoiata-le-Bas,  au  quai  (du  Ponton) 
vis-à-vis  la  petite  rue  du  Bac  ;  le  temple  de  Mars  et  sa  prison  étaient 
à  cinq  ou  six  pas  au  nord  de  cette  rue  qui  en  était  le  chemin  en 
venant  du  fleuve.  Lorsque  le  lendemain  on  ressaisit  le  prisonnier,  il 
descendit  cette  même  rue,  resta  un  moment  sur  le  même  point  du 
rivage,  attendant  la  barque  qui,  l'ayant  reçu,  dut  être  remorquée 
assez  haut  le  long  de  la  falaise  pour  que,  par  la  traversée  du  fleuve 
si  agité  et  si  rapide  en  cet  endroit,  elle  pût  aborder  sur  la  rive  gauche 
à  peu  près  au  point  de  départ  de  la  veille.  Car  c'était  le  point  où 
l'Empereur  devait  facilement  se  trouver  et  en  finir  avec  le  mission- 
naire chrétien.  Cette  manœuvre  des  barques  traversant  le  fleuve  est 


l6  ÉGLJSES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

exactement  celle  qu'on  pratique  encore  et  qui  de  tout  temps  a  été 
commandée  par  la  force  du  courant,  à  moins  de  supposer  un  bac 
qui  déjà  existât  tel  qu'avant  1830,  et  du  reste  à  la  même  place. 

5°  Intervention  de  t Empereur  Septime-Sévère.  —  Itinéraire. 

Dans  ce  récit  dramatique,  nous  avons  encore  un  véritable  pro- 
blème à  résoudre,  c'est  sur  la  rive  gauche  l'intervention  de  l'Empe- 
reur Septime-Sévère  :  non  pas  l'apparition  de  sa  personne  elle- 
même,  mais  l'explication  de  son  itinéraire.  C'est  ici  du  reste  une 
étude  de  routes  fort  intéressante.  Bergoiata-le-Haut,  dont  le  centre 
correspondait  au  domaine  de  Ste-Foy  et  à  celui  du  Radelier  occu- 
pant tous  les  deux  la  vieille  berge  du  Rhône  (i)  et  confinant  avec 
ces  autres  terres  plus  ou  moins  récentes  que  le  fleuve  laisse  et  em- 
porte à  son  gré,  avait  une  route  pour  communiquer  avec  les  loca- 
lités d'alentour.  Cette  route  a  sa  tête  au  bord  du  Rhône,  à  la  ferme 
du  Radelier,  là  même  où  furent  le  Pilon  et  sa  base  maçonnée.  De  ce 
point  vers  le  midi  un  chemin  suit  l'ancien  bras  du  Rhône  jusqu'à 
Fremigière.  Vers  le  nord  un  autre  passe  à  Ste-Foy  et  poursuit  jus- 
qu'à la  rivière  de  la  Berre,  et  vers  le  levant  un  troisième  s'enfonce 
dans  la  plaine  avec  une  bifurcation,  non  loin  du  Radelier,  dont  une 
branche  se  dirige  vers  Pierrelatte  et  au-delà,  et  l'autre  sur  St-Paul- 
trois-Chàteaux  par  le  domaine  des  Armes  et  le  moulin  du  Bus.  Mais 
pour  atteindre  la  voie  romaine  officielle  (dite  encore  Chemin  J'erre) 
tracée  de  Bollène  à  la  Berre  aux  pieds  des  collines  de  St-Paul-trois- 
X^hâteaux,  il  faut  traverser  la  plaine  en  toute  la  largeur.  Il  est  vrai 
que  Bergoiata-le-Haut,  comme  port,  était  tête  de  route  pour  relier  le 
commerce  du  fleuve  à  la  voie  romaine,  et  que  son  importance,  tra- 
duite plus  tard  par  une  viguerie  du  Comté  Tricastin  (2),  en  faisait  le 
siège  d'une  certaine  magistrature,  de  certains  fonctionnaires  tant 
municipaux  qu'impériaux.  Toutefois,  malgré  cette  supériorité  relative 
de  Bergoiata-le-Haut,  nous  ne  pouvons  nous  expliquer  comment  un 
Empereur,  un  conquérant,  un  chef  préoccupé  d'une  grande  expé- 
dition militaire,  quitte  tout  à  coup  la  voie  romaine  au  point  où  elle 
entre  dans  la  cité  des  Tricastins  et,    au  lieu   de  s'arrêter  en  ce  chef- 

(i)  Même  sur  la  rive  gauche,  dans  la  plaine,  le  lonij,-  du  Rhône,  il  est  facile  de 
reconnaître  la  berge  antique,  diluvienne,  par  ses  terres  plus  denses,  plus  rougeâ- 
trcs  quelquefois,  par  son  niveau  relativement  plus  élevé,  etc. 

(2)  Voir  RocciiiER,  p.   189. 


BOURG-SAINT-ANDÉOL.  ï;'^- 

lieu  offrant  toutes  les  ressources  et  l'organisation  d'une  petite  capi- 
tale romaine,  se  transporte  à  travers  champs  jusqu'aux  bords  du 
Rhône,  à  près  de  huit  kilomètres. 

Nous  devons,  il  est  vrai,  reconnaître  que  la  route  de  Bergoiata  à 
la  voie  romaine  était  très-fréquentée  et  par  conséquent  très-bien 
frayée,  très-bien  entretenue  :  Nous  en  avons  la  preuve  dans  ce  pas- 
sage de  la  légende  qui  nous  montre  Andéol  venant  à  Lyon  s'em- 
barquer dans  le  but  de  descendre  expressément  à  Bergoiata  pour  se 
rendre  de  là  à  Carpentras.  il  y  avait  donc  là  une  voie  officiellement 
reconnue  dans  toute  la  Gaule,  surtout  dans  les  pays  riverains  du 
Rhône,  Cela  ôte  déjà  à  l'excursion  de  l'Empereur  à  Bergoiata  le  ca- 
ractère étrange  qu'elle  aurait  si,  par  exemple,  un  prince  de  ce  rang 
avait  à  la  faire  par  les  mêmes  chemins  dans  l'état  défoncé,  rétréci, 
presqu'effacé  où  ils  sont  aujourd'hui  (je  parle  des  anciens  chemins 
dont  les  tracés  subsistent). 

Mais  cela  n'explique  pas  l'excursion  elle-même.  Plusieurs  hypo- 
thèses peuvent  être  présentées.  Ou  pour  des  motifs  d'organisation 
militaire,  de  recrutement,  d'entrevues  administratives,  etc.,  de  mar- 
ches des  divers  corps  de  l'armée  expéditionnaire,  l'Empereur  a  eu 
besoin  de  se  rapprocher  des  populations  de  la  rive  droite,  de  pren- 
dre des  informations  sur  la  batellerie,  etc.,  de  se  pourvoir  lui-même 
de  renseignements  ou  de  ressources  spéciales  à  cette  région.  Ou  bien 
il  avait  remonté  ou  il  allait  remonter  le  Rhône  en  bateau  à  ce  point, 
soit  par  suite  des  considérations  qui  nous  sont  inconnues,  soit  pour 
éviter  les  cahots  de  la  route  de  terre,  et  adoucir  par  ce  véhicule 
moelleux  les  douleurs  de  la  goutte  à  laquelle  il  était  sujet.  Ou  bien 
son  passage  chez  les  Tricastins  coïncidant  avec  l'arrivée  d'Andéol  à 
Bergoiata,  les  prédications  de  celui-ci  déjà  commencées  dans  la  nuit 
et  continuant  le  matin  furent  ébruitées  par  des  divers  courriers  et 
voyageurs,  même  par  des  délateurs  officieux  ou  officiels  et  portée, 
vers  le  milieu  du  jour,  à  la  connaissance  de  l'Em.pereur.  Par  l'em- 
pressement des  populations  à  venir  l'entendre  ce  jour-là  même,  par 
la  rapidité  avec  laquelle  se  formèrent  les  rassemblements,  il  est 
facile  de  conjecturer  que  l'apôtre  était  déjà  connu,  qu'il  avait  déjà 
évangélisé  ces  pays,  qu"il  y  avait  des  prosélytes,  qu'il  avait  pu  les 
informer  de  son  passage  (ij.  En  un  mot,  quoique  les  Actes  ne  men- 
tionnent que  cette  dernière  prédication  et  les  détails  de  ces  derniers 

(t)  Saint  Andéol,  pendant  quarante  ans,  a  évangélisé  les  bords  du  Rhône  et  de 
ses  affluents,  le  Gier,  la  Drôme,  TArdèche,  la  Durance,  etc. 


I&  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

jours  de  la  vie  du  saint,  il  ressort  de  l'ensemble  du  contexte,  de  la 
sympathie  des  peuples,  de  l'intervention  de  Tullie,  etc.  et  des  tra- 
ditions établies  à  Carpentras,  à  Camaret,  à  Orgon,  etc.  que  Andéol 
ne  faisait  pas  sa  première  apparition  en  ce  pays. 

Il  est  possible  que  les  magistrats  de  Bergoiata,  avertis  du  passage 
de  Septime-Sévère  chez  les  Tricastins,  ayant  le  devoir  et  l'ordre 
d'aller  se  présenter  à  lui,  pailirent  de  bonne  heure  après  avoir  vu 
les  manifestations  matinales  du  rassemblement  favorable  à  l'étranger 
nouveau  venu  et  emportant  de  ce  spectacle  des  impressions  sinistres 
pour  l'ordre  public.  Sur  leur  rapport  alarmant,  dénaturant  l'état  des 
esprits  et  signalant  un  péril, l'Empereur  qui  arrivait  dans  cette  Lyon- 
naise autrefois  dévouée  à  ses  rivaux,  voulut  constater  en  personne 
ce  mouvement  populaire  ;  il  partit  sur-le-champ  pour  Bergoiata. 

Quelques  personnes  ont  avancé  que  l'Empereur  s'était  arrêté  à 
Bergoiata  pour  offrir  des  sacrifices  à  Mithras.  On  peut  conclure  de 
tout  le  récit,  et  particulièrement  de  l'indication  d'une  maison  sur  la 
rive  droite  par  le  soldat  Cérétius,  que  l'Empereur  ne  traversa  pas  le 
Rhône  pour  venir  au  Mithraeum,  et  qu'il  resta  sur  la  rive  gauche  au 
moins  jusque  après  les  deux  jours  du  martyre. 

Quelle  que  soit  l'interprétation,  le  récit  donne  clairemeni  à  suppo- 
ser que,  à  mesure  qu'il  approchait.  Sévère  voyait  des  foules  se  ren- 
dre et  se  concentrer  à  Bergoiata  :  V^idit  in  eoJeni  îoco  turbcis  homi- 
nuin  convenue  ;  pour  entendre  un  homme,  ad  audicndum  dei  homi- 
item  ;  qu'il  ne  connaissait  pas  le  caractère  de  ces  rassemblements  ; 
que  peut-être  il  s'attendait  à  trouver  une  multitude  groupée  autour 
d'un  agitateur  politique  pérorant  dans  le  tumulte  ;  qu'il  fut  surpris 
d'abord  de  voir  dans  la  foule  non  moins  de  femmes  que  d'hommes 
ce  qui  atténuait  ou  même  dissipait  la  crainte  d'un  mouvement  sédi- 
tieux ;  et  qu'enfin  il  constata  que  l'aspect  de  tout  ce  monde  dénotait 
le  recueillement  et  la  piété,  11  est  clair  par  le  texte  que,  à  ce  mo- 
ment, l'Empereur  ne  pensait  nullement  à  une  manifestation  chré- 
tienne. Son  étonnement  le  porte  à  demander  l'explication  de  cette 
double  circonstance  :  «  Interrogans  quam  ob  causam  ibidem  tain  dé- 
volu iitriusque  sexùs  concurreret  multitudo.»  C'est  alors  qu'il  recon- 
naît se  trouver  en  présence  d'un  missionnaire  chrétien.  «  Cognovit 
Andeoluni  Jesiun  Chn'stum...,  voce  publicà...^  omnibus  annuntiare.   » 

Le  duel  commença.  Le  ton  violent  et  l'attitude  brutale  de  l'I^mpe- 
reur  s'expliquent  assez  par  l'exaspération  qui  succéda  à  sa  surprise 
lorsqu'il  constata  lui-même  combien,  jusque  dans  les  campagnes,  on 
faisait  peu  de  cas  de  son  cdit  de  persécution,  et  l'on  sait  que  Sévèi'e, 


BOURG-SAINT-ANDEOI.. 


1-9 


si  bienveillant  envers  les  chrétiens  au  début  de  son  règne,  déploya 
contre  eux,  dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  la  plus  cruelle  et  la 
plus  tenace  rigueur. 

Tels  sont  les  moyens  que  nous  proposons  pour  expliquer  la  pr-é 
sence  d'un  Empereur  romain  très  affairé  sur  une  grève  du  Rhône 
peu  importante  et  assez  distante  de  la  voie  romaine,  et  sa  rencontre 
fortuite  avec  un  apôtre  du  christianisme  dont  le  dessein  bien  arrêté 
était  de  poursuivre  sans  retard  sa  marche  vers  le  midi. 

Nous  avons  averti  le  lecteur  que  la  difficulté  ici  était  dans  cet  iti- 
néraire de  l'Empereur  qui  le  faisait  passer  en  cette  bourgade,  au 
bord  du  fleuve,  et  qu'elle  n'était  pas  dans  la  présence  même  de  sa 
personne  en  cette  région  des  Tricastins,  en  cette  saison  du  prin- 
temps et  en  cette  année  même  du  martyre  de  Saint-Andéol.  En 
effet,  les  détails  de  la  biographie  de  Septime-Sévère  étant  très- 
connus,  il  est  facile  de  constater  que  toutes  ces  dernières  circons- 
tances correspondent  parfaitement  à  l'expédition  qu'il  fît  en  Calé- 
donie.  Parti  au  printemps  de  l'an  208,  il  mourut  à  York  le  4  février 
211.  Le  passage  d'un  prince  si  illustre  chez  les  Tricastins  avait  trop 
d'éclat  et  de  notoriété  en  ses  moindres  détails  pour  que  les  rédac- 
teurs sacrés  eussent  risqué  le  fait  énorme  de  sa  rencontre  avec  le 
saint,  si  les  traditions  les  plus  solides  et  les  documents  ou  monu- 
ments les  plus  positifs  n'en  avaient  établi  l'authenticité.  Plus  on 
relit  les  actes,  plus  on  trouve  dans  le  récit  et  dans  ses  accessoires 
historiques  et  géographiques  le  reflet  d'un  événement  séculairement 
reconnu,  incontesté,  et  les  éléments  d'une  conviction  favorable  à  la 
sincérité,  à  la  véracité  du  narrateur. 


Procès-verbal    d'enquête     sur     la     recherche    du     monument 

APPELÉ    LE    Pilon    SIS    EN    LA    TERRE   DU    RaDELIER. 

L'an  de  l'Incarnation  de  Notre-Seigneur  1860,  le  dimanche  sei- 
zième jour  du  mois  de  septembre,  après  vêpres,  vers  trois  heures  et 
demie, 

xMM^"  N...,  N...,  N...,  N...,  N...,  N...,  ont  pris  avec  eux  le  sieur 
Joseph  dit  d'Entremeaux,  journalier,  demeurant  au  quartier  de  la 
Rochette,  âgé  d'environ  50  ans,  et  se  sont  rendus  au  domaine  dit  le 
Radelier,  sur  la  rive  gauche  du  Rhône,  en  face  du  quai  supérieur  du 
Bourg  St-Andéol,   afin  de    savoir  et   reconnaître  positivement  s'il 


20  ÉGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

restait  encore  quelques  débris  du  monument  appelé  vulgairement  le 
Pilon  de  St-Andéol,  qu'une  foule  de  personnes  de  la  génération 
actuelle  se  rappellent  avoir  vu  à  l'angle  du  chemin  de  Pierrelatte  (an- 
cien grand  chemin)  et  du  chemin  qui  conduit  de  la  porte  du  domaine 
directement  vers  le  Rhône. 

Ledit  Joseph  était  manœuvre  du  maçon  appelé  Chamoulet,  que 
tous  ont  connu,  il  y  a  quelque  années,  et  ils  travaillaient  au  Radelier 
pour  y  faire  les  constructions  qui  sont  au  midi  de  la  cour  d'entrée, 
lorsque  Al.  X...,  petit-fils  par  sa  mère  de  M.  Y...,  ancien  propriétaire 
du  Radelier,  leur  ordonna  d'employer  les  pierres  qui  soutenaient 
encore  le  Pilon.  Ledit  Joseph  fut  employé  pendant  trois  jours  à 
déterrer  ce  tas  de  pierres  formant  un  tertre  circulaire  dont  la 
base  avait  eu  2*"  50  de  rayon  et  sur  le  sommet  duquel  le  Pilon 
était  planté  à  environ  o,  40  c,  de  profondeur,  la  partie  qui  en  ressor- 
tait ayant  à  peu  près  o,  80  c.  de  hauteur  ;  c'était  un  fût  de  colonne  de 
o,  20  c.  de  rayon  ayant  à  sa  base  supérieure  un  trou  de  o,  06  c.  de 
diamètre.  Dans  ce  trou  et  tout  autour  se  trouvaient  des  taches 
rouges  que  tout  le  monde  a  vues  et  qu'on  appelait  des  taches  du 
sang  du  martyr  :  au  i"  mai  elles  prenaient  un  plus  vif  éclat,  ainsi 
l'affirment  tous  les  témoins  du  temps. 

Ledit  Joseph  et  ledit  Chamoulet  enlevèrent  le  Pilon  et  le  séparè- 
rent des  pierres.  Avec  celles-ci  ils  construisirent,  sur  l'ordre  de  AL 
X...,  le  pilier  d'un  hangar  destiné  à  abriter  la  grande  auge  qu'on 
voit  encore  près  du  puits  dans  la  cour.  Le  soir  même  de  cette  cons- 
truction, deux  équipages  (attelages  de  chevaux  pour  remonter  les 
barques  du  Rhône)  étant  arrivés  au  Radelier,  quand  on  fit  sortir  les 
60  ou 80  chevaux  de  l'écurie  orientale  pour  les  abreuver  à  l'auge  sus- 
dite, ils  se  mirent  à  piaffer,  à  bondir;  aucun  ne  voulut  approcher  de 
l'auge  ni  du  pilier,  et  les  mariniers  tempêtant  et  blasphémant  contre 
leurs  animaux,  les  menèrent  boire  au  Rhône.  M.  X...  fit  venir  Joseph 
et  lui  dit  :  «  Il  te  faudra  sur  le  champ  démolir  ce  pilier.  »  —  Ce  sera 
facile,  répondit  Joseph,  il  est  encore  tout  frais.  «  Et  prenant  un 
levier,  il  le  renversa  sur  le  sol.  Dès  le  matin  les  chevaux  burent  à 
l'auge,  comme  à  l'ordinaire. 

Les  pierres  du  pilier  furent  disséniinées  dans  les  constructions  ; 
elles  servirent  particulièrement  à  élever  le  mur  méridional  de  la  pe- 
tite cour  des  établcs  à  pourceaux  qui  longe  au  levant  les  bâtiments 
du  midi. 

Quant  au  Pilon,  on  le  coupa  en  deux  parties  ;  le  fût  supérieur  qui 
avait  le  trou  rond  et  profond  d'environ  10  centimètres,  fut  morcelle 


BOURG-SAINT-ANDEOL.  21 

et  confondu  avec  les  matériaux  de  ce  même  mur  de  la  cour  des  pour- 
ceaux. 

Le  reste  fut  scié  en  sa  longueur  par  Chamoulet  et  Joseph.  Pen- 
dant qu'ils  le  sciaient,  Reynaud  Baratier,  homme  grand  et  robuste 
qui  avait  eu  la  confiance  de  la  maison  de  M.  Y...,  s'approcha  et  dit  à 
Chamoulet:  «  Comme  les  choses  changent!  Si  M.  Y...  te  voyait 
scier  cette  pierre,  il  t'aurait  bientôt  descendu  de  là  avec  sa  seringue 
(son  fusilj.  »  Chamoulet  répondit  :  «  Que  voulez-vous  ?  Les  maîtres 
me  l'ont  ordonné.  A  maître  qui  veut,  valet  doit  obéir.  —  Hé  bien  ! 
dit  Baratier,  pour  une  pierre  de  trente  sols,  il  perd  trois  journées  de 
travail  et  s'expose  à  quelque  grand  malheur  !  » 

Ici  Joseph  ajoute,  avec  affirmations  réitérées,  que  Chamoulet  lui 
dit  pendant  qu'ils  sciaient  :  «  Ne  vois-tu  rien  ?  »  Joseph  lui  répondit 
et,  comme  nous  en  étions  étonnés,  il  nous  a  affirmé  encore  plusieurs 
fois,  avoir  vu  sous  la  scie  la  pierre  devenir  semblable  à  de  la  chair 
qui  sue  des  goutelettes  de  sang,  comme  lorsqu'on  s'écorche  et  qu'on 
s'enlève  la  peau. 

Les  deux  parties  une  fois  séparées,  on  en  fit  les  chambranles  de  la 
porte  des  latrines  qui  sont  encore  dans  le  jardin  entre  les  lapinicres 
au  midi  de  la  grange. 

C'est  là  que  nous  sommes  venus  les  chercher.  Nous  n'en  avons 
trouvé  qu'une  seule  :  le  jambage  de  gauche  en  entrant  dans  les 
latrines  ;  la  partie  cylindrique  était  engagée  dans  la  muraille.  Trois 
jours  auparavant,  M.  l'abbé  Rouchier,  chanoine  honoraire,  M.  l'abbé 
Marquet,  curé  du  Bourg  St-Andéol,  M.  Auguste  Paradis,  diacre, 
M.  Placide  Paradis,  ancien  trésorier  de  la  fabrique,  étaient  venus 
avec  Tardieu  et  sa  femme,  grangers  du  Radelier,  et  avaient  un  peu 
décrépi  les  murs  pour  voir  les  contours  de  cette  moitié  longitudinale 
du  Pilon. 

Quant  à  l'autre  jambage,  nous  avens  constaté  qu'il  a  disparu  et 
qu'il  a  été  remplacé  par  des  morceaux  de  pierres  liées,  avec  un  mor- 
tier plus  récent,  et  parmi  lesquelles  nous  avons  reconnu  encore 
un  fragment  arrondi  de  même  nature  que  le  Pilon. 

Cela  constaté,  nous  nous  sommes  rendus  sur  l'emplacement  pri- 
mitif du  Pilon.  M.  Placide  Paradis,  Tardieu,  sa  femme,  son  fils  et 
sa  fille,  enfin  Joseph  nous  ont  dit  qu'il  était  à  peu  près  à  8  ou  lo  mè- 
tres de  l'angle  le  plus  saillant  que  fait  la  maison  sur  le  chemin  au 
sortir  de  la  cour  à  droite,  et  qu'il  était  à  2  "  50  du  chemin  qui  conduit 
au  Rhône,  à  peu  près  à  la  place  du  petit  mûrier  qui  est  à  cet  angle 
de  la  terre. 


22  EGLISES    ROMANES    DU    VIVARAIS. 

Le  petit  massif  qui  est  dans  le  fossé  et  qui  a  servi  à  faire  une 
petite  écluse  d'irrigation,  a  été  aussi  construit  par  Joseph  avec  les 
pierres  du  tertre  qui  soutenait  le  Pilon. 

(Nous  présumons  que  ces  pierres  sont  les  débris  et  substructures 
de  la  chapelle  construite  en  1624  autour  du  Pilon  et  qui  déjà,  à  l'épo- 
que de  la  Révolution,  avait  cessé  d'exister,  détruite  sans  doute  par 
quelque  inondation  du  XVllP  siècle.) 

Tout  ceci  se  passe  le  7  novembre  dix-huit  cent  vingt-trois.  Joseph 
avait  alors  de  12  à  14  ans.  Il  affirme  qu'entre  eux  (Reynaud  Baratier, 
Chamoulet  et  lui)  il  fut  un  instant  question  que  peut-être  un  jour 
on  reviendrait  chercher  cette  pierre  du  Pilon. 

Toute  cette  enquête  a  été  faite  par  les  signataires  ci-dessous, 
accompagnés  de  la  femme  en  secondes  noces  de  Tardieu,  deson 
fils  et  de  sa  fille,  grangers  au  Radelier,  Tai"dieu  étant  absent  ;  il  était 
allé  la  veille  chercher  du  blé  de  semence  à  Caderousse. 

Quant  à  la  parole  de  Reynaud  Baratier,  voici  ce  que  disait  Ma- 
dame X...,  devenue  veuve,  à  Joseph  qu'elle  aimait  à  emplovcr  aux 
travaux  de  sa  maison  : 

«  Depuis  que  nous  avons  détruit  cette  pierre,  notre  maison  n'a 
pas  cessé  d'aller  en  déclinant.  » 

Enfin,  pour  ce  qui  est  de  l'existence  du  Pilon  en  face  du  Radelier, 
outre  les  mentions  qui  en  sont  faites  dans  les  vieux  actes  écrits  ou 
imprimés,  outre  la  dénomination  de  terre  du  Pilon  qui  est  restée  à 
cet  endroit  dans  les  anciennes  vies  du  saint  martyr,  nous  attestons 
qu'une  foule  de  personnes  de  l'âge  mur,  et  à  plus  forte  raison  les 
vieillards,  nous  ont  affirmé  avoir  vu  ce  tronçon  de  colonne  et  avoir 
entendu  dire  à  tous  et  avoir  répété  eux-mêmes  que  les  taches 
rouges  qu'on  voyait  au  sommet  étaient  les  traces  du  sang  du  glo- 
rieux St-Andéol. 

Dans  ce  procès-verbal,  nous  nous  sommes  contentés  de  transcrire 
le  récit  des  témoins,  tel  qu'il  nous  a  été  présenté,  après  avoir  maintes 
fois  insisté  sur  les  particularités  surprenantes  qu'il  renferme  ;  nous 
avons  évité  de  rien  interprêter,  laissant  aux  dépositions  leur  valeur 
littérale  et  historique. 

En  foi  de  quoi  et  de  tout  ce  qui  est  écrit  ci-dessus,  nous  avons 
signé  l'an  mil  huit  cent  soixante. 

Signés  : 

Les  six  témoins. 


CENS   ET   RENTES 

£,V    VIVARAIS   DU 

PRIEURÉ  DE  LILE-SOUS-SÂINT-VÂLLIER 

Lociiment  en  langue  vulgaire 
de   1282 


(Fin) 


Peire  del  Noyer  III.  den.  per  lo  vignon  d'AuIagnej^  josta  lo  claus 
Père  Athenout  de  i^  part  e  josta  la  terra  Gaudenger  del  autra. 
Item  V.  sol'  per  la  vigna  de  Champagnola,  josta  la  vigna  Boniot  de 
la  part  et  la  vigna  Albert  Guinamer  del  autra.  Item  XVI.  den.  per 
la  pesca  de  terra  en  Champagnola,  josta  lo  claus  touchent  dels 
Feugers  de  la  part  e  josta  la  vigna  de  Humbert  Maistre  del  autra. 
Item  I.  quartal  de  froment  ad  men(sura)  bassa  e  V.  den.  per  la 
mota  Charbonella,  josta  la  terra  Peron  Giraut  de  i^  part  e  josta  la 
terra  Gaudenger  del  autra.  Item  fai  I.  quartal  de  froment  ad  men- 
(sura)  bassa  per  la  vigna  de  Champagnola,  que  se  tocha  de  i^  part 
alla  vigna  Humbert  Maistre  e  del  autra  part  alla  vigna  Estaven  de 
Barayssan  ;  e  fai  dobla  cessa  de  plait  per  la  mota  Charbonella,  e 
dels  XVI.  den.  que  fai  per  la  vigna  de  Champagnola  fai  dels  VIII. 
den.  plait  de  dobla  cessa,  e  del  quartal  del  froment  plait  a  dobla 
cessa. 

Arnautz  Boniotz  fai  XVI.  den.  per  I.  huert  que  a  allas  Andrevas, 
josta  la  vigna  Peron  Giraut  de  la  part  e  josta  la  terra  Aymaret  del 
Flache  del  autra.  Item  XVI.  den.  per  la  pessa  de  terra  que  a  allas 
Andrevas,  josta  la  terra  Guigon  del  Noier  de  la  part  e  josta  la  terrB 
Aymaret  del  Flache  del  autra. 

Guillelme  Boniotz  V.  sol'  per  1  a  vigna  que  a  en  Champagnolal 
josta  la  vigna  Poucet  del  Fau  de  la  part  e  josta  la  vigna  Peron  de, 
Noier  del  autra.  (F°  X) 

Peire  Athenoutz  II.  sol'  per  l'uert  desotz  la  maison  Arnaut  Bo- 


24  CENS    ET    RENTES    DU    PRIEURE 

niot,  que  fo  Xivolel,  de  i»  part  e  josta  la  vigna  del  dit  Arnaut  del 
autra.  Item  XMII.  den.  per  la  vigna  de  Champagnola,  josta  le  te- 
nement  dels  Feugers  de  la  part  e  la  terra  que  fo  Estrevel  de  l'autra. 
Item  XII.  den.  per  i^  vigna,  que  est  desotz  son  claus  d'Aulagney  de 
i''  part  e  josta  la  vigna  Peron  del  Noier  de  l'autra. 

Père  Athenoutz  e  Estevens  de  Baraissan  tenont  i»  vigna  que  dit 
hom  en  Champagnola,  de  que  devont  faire  XVIIJ.  den.  Quos  solvit 
Jacobus  Lucii  (i). 

Peronetz  Bailles  e  leu  fraire  VIIII.  den,  per  la  vigna  josta  lo  claus 
Peret  Athenout  de  la  part  e  josta  la  via  d'Aulagnei  d'autra.  Item  II, 
sol'  per  la  vigna  de  Bruas,  que  dit  hom  alla  Masa,  josta  las  vignas 
Matheu  del  Port  de  i  ui  partz.  Item  I.  sester  de  fro(ment)  ad  men- 
suram  Sancti  Valerii,  per  lo  champ  de  la  lista  del  Perer  de  Chasser, 
josta  la  terra  Petit  Bover  de  la  part  e  josta  la  terra  Martin  Bramant 
de  l'autra,  e  plait  a  dobla  cessa  a  muament  de  tenementer.  Item  I, 
chapon  de  III.  ob'  per  la  vigna  del  Perer,  que  fo  Micholau,  que  se 
tocha  alla  vigna  Arnaut  Boniot  de  i a.  part  e  al  chamin  reyal  del 
autra,  e  plait  de  XII.  sol'.  Item  fant  mais  II,  sol'  VI  den.  per  la  terra 
de  Mont  Uscla.  Item  II,  den.  per  lo  sauzey  qe  fo  a  la.  dona  del 
Molar,  e  doblo  playt.  Item  I.  conil  per  la  chasa  qe  se  tint  a  la 
chasa  Matheu  del  Port. 

§  Aymaretz  del  Flache  per  lo  tenemcnt  de  las  Andréas  II.  sol'  e 
X.  den.  Item  per  lo  mas  de  xMont  Uscla,  josta  la  terra  que  soliant 
tenir  Père  Bailles  e  Richartz  Bailles,  e  per  la  vigna  de  la  Branella, 
josta  lo  claus  Poncet  d'AurioI  e  la  vigna  Peron  Athenout,  I.  sester 
de  segla  ad  men(sura)  bassa  (2)  e  la  souma  de  vin  e  I»  gallina  (3). 
Item  per  la  maison. Blancha  e  per  l'uert  e  per  la  vigna  del  Fier,  I. 
quartal  de  froment  e  III.  den.  e  la  gallina.  Item  II.  den.  per  lo  sauzei  e 
playt  e  dobla  cessa,  quos  débet  modo  P.  Bajuli.  (  V°) 

Peronella  del  Trueyl  I.  quartal  de  froment  ad  mensura  bassa, 
per  la  vigna  que  est  en  Champagnola,  josta  la  vigna  Père  del  Noier 
de  la  part  e  josta  la  vigna  Père  Giraut  d'Esclazan  del  autra, 

Guillelma  li  Semensana  I,  sest.  de  froment  ad  mensura  bassa,  per 
la  pessa  de  terra  al  vignal,  josta  la  terra  Maria  Disdeira  de  la  part 
e  josta  la  terra  Jo.  de  Feugeiras  del  autra  ;  e  V.  sol.  de  plait, 
Dicit  Boisus  quod  Johannes  Med'ci  facit  dictum  sestarium  frumenti,  prout  superius 
in  tertio  folio. 

(i)  Paragraphe  cancellè. 

(2)  En  inlcrligne  :  pro  manso  de  Monlchucla. 

(3)  En  interligne  :  pro  vinca  de  la  Branella. 


DE    L  ILE-SOUS-SAINT-VALLIER.  2^ 

Li  dita  Guillelma  Semensana  e  Peronetz  d'Albairon  e  Lourens 
SOS  fraires,  fîlh  de  ladita  Guillelma,  faut  cuminalment  III.  eminas  de 
froment  conpraut  e  vendent,  ad  mensura  Saint  Valer,  per  la  terra 
de  Cer  Costans,  laquai  lor  a  acessa  moseu  Joufreys,  e  dobla  cessa 
a  muament  de  tenementer.  Dicit  Boysus  quod  Johannes  Medici  facit  dictas 
m.  eminas,  prout  est  scriptum  superius  in  tercio  folio  (i). 

Matheus  del  Port  V.  sol'  per  la  vigna  Longi  e  per  la  vigna 
Reonda  ;  item  XII.  den.  per  la  maison  Veylla  ;  item  II.  sol.  I^^  gallina, 
per  la  maison  de  Vesvent  e  per  l'uert  que  se  ten  al  Eyra  ;  item  II. 
sol'  per  la  vigna  que  fo  Robout  Eubruias  ;  item  II.  sol.  P  gall.  per 
lo  vignal  ;  item  VI.  den.  per  la  pessa  de  terra  que  est  entre  Rosset 
e  champ  Ranconeys  ;  item  III.  sol.  per  la  vigna  del  Triaor;  item  IIII. 
den.  perlo  bosc  de  Mont  Falcos;  item  IIII.  den.  per  lo  costerc;  item 
un.  sest.  de  Iroment  e  I.  quartal  de  huerce,  per  lo  champ  Ran- 
coneis  e  la  terra  del  Triaor  e  la  planta  de  Bruias  e  lo  champ  d'Al- 
bairon et  in  campo  de  Chier  Martin  II.  sest.  de  frument  ;  item  II.  seSt.  de 
froment  per  la  condamina  ;  item  I^  emina  de  froment  per  la  vigna 
de  Lumenanda  ;  item  XII.  den.  pro  nanserii  medietate.  (F"  XJj 

§  Aput  Revirant  et  aput  Sylonem. 

Dominus  de  Revirant  X.  sol'  annuales. 

Item  Stephanus  de  Jampras,  qui  moratur  aput  Sylonem,  III.  sol'  pro  prato  et 
saliceto  suo,  situm  justa  portum  Silonis  en  Landucha  ex  una  parte  et  ex  alia  con- 
frontatur  prato  Bernardi  de  Silone. 

§  A  Heras. 
Le  priors  de  Heras  fai  X.  sol'  per  la  gleisa  de  Heras. 

§  De  Saint  Valer. 

Li  Reina  I.  sester  de  froment  ad  mensura  bassa,  per  la  terra  dels 
vignals,  josta  la  terra  Albairon  de  I''  part  e  josta  la  terra  Johanet 
Metge  del  autra,  e  V.  sol'  de  plait. 

Guigos  Vials  XII.  den.  per  lo  bosc  de  Mont  Falcos. 

Guillelmetz  Breissencz  VIIII.  den.  per  la  soa  partia  del  mas  Saint 
Valer  que  près  en  Varcheira  ab  sa  moiller,  josta  lo  pra  de  Champlas 
de  la  part  e  josta  la  vigna  de  Champlas  del  autra  ;  item  fai  mais  XII. 
den.   per  l'uert  de  sotz  la   font  del  Boysson,   quem  vendidit  Guilielmo 

Teulerii  de  portu  Sancti  \'alerii. 

Peros  TEcofers  de  Saint  Jiure  deil  I.  den.  de  cessa  d'un  pra  délies  Quintes,  que 
achatet  de  J.  del  Forn  e  de  son  frare,  le  quatz  pras  et  entre  les  does  peces  del 
priol  de  Vion  en  les  Quintes.  (V°J 

(i)  Addition  barrée. 


26  CENS    ET    RENTES    DU    PRIEURE 


§  A  Cerkas. 


Peronetz  Bo3^ssos  fai  XXII.  den.  0)  per  lo  tenement  dels  Bov- 
sons;  item  XXII.  den.  per  l'uert  Pomart  ;  item  \\.  den.  per  l'uert 
del  Fayart  ;  item  II.  sol'  per  lo  tenement  de  Nehehum. 

Item  Nicholaus  Bouysas,  filius  dicti  Peroneti,  I.  emina  frumenti  ad  mcnsuram 
Sancii  Valerii,  pro  terra  del  Ceris  et  XII.  den. 

Peronetz  d'AIbairon  de  Cerras  I.  sest.  de  froment  ad  mensuram 
Saint  \'aler  e  la  gall"  per  la  vigna  e  la  terra  del  Vignal,  que  fo 
arrapa  josta  la  vigna  de  la  Reina  de  la  part  e  josta  lo  chamin  reval 
del  autra  ;  e  plait  a  dobla  cessa  a  muament  de  tenementer. 

Johanetz  Trenayls  de  Cerras  I.  sest.  de  froment  ad  mensura 
Saint  Valer  e  XII.  den.  per  l'essart  de  Chambon  de  Nehehum,  e 
dobla  cessa  a  muament  del  prior  de  Saint  Valer  e  de  tenementer. 

Peronella  de  Cormen,  relicta  Boysse  de  Cerras,  II.  sol"  per  la 
vigna  de  sotz  Revirant,  josta  la  vigna  Clemencet  de  I^  part  e  josta 
l'uert  Guillelme  Gauter  del  autra. 

Bertholomeus  de  Cremeyllan  I.  sest.  de  froment  ad  mensura 
bassa  per  la  costa  de  Cremeyllan;  item  11^  gall"  per  II.  huertz  que  a 
a  Cremeillan  ;  item  deit  tascha  per  la  pessa  de  terra  de  Cremeyllan, 
en  que  solia  aver  vigna  de  que  solia  faire  la  gall";  item  ten  de  la 
maison  del  Islla  sa  partia  del  bosc  de  Cerf  Constans,  de  que  fait 
lia  gair   per  plait  a  muament  de  tenementer  e  VI.  den.    de  cessa 

quolibet  anno. 

Item  pro  pedis  nemoris  V.  sest.  siliginis  ad  mensuram  Sancti  Walerii  ; 
de  quibus  débet  I.  sest.  Stephanus  Gobini  ;  item  Johannes  Teraval 
I,  sest.;  item  Nicolaus  dictus  Boisus  1.  emina  ;  item  Martinus 
Munerii  I.  em.;  item  Chaynellus  I.  em.;  item  Bertrandus  del  Truel 
I.  em.;  item  A(njdreas  de  Ansai  I.  em.;  item  Andréas  Frugerii  I. 
cm.  (/•'"  A7/; 

Giraudos  de  Cerras  II.  sol'  per  la  pessa  de  terra  que  dit  hom  al 
Plante,  josta  la  terra  Lourens  Gauter  de  la  part  c  josta  la  terra 
Guillelme  Gauter  del  autra;  item  I.  quartal  de  noiels  a  la  niosuia 
decizait,  per  la  soa  partia  del  oscha  josta  lo  ruif  de  Merdariuf  de  la 
partia  de  la  bisa,  e  entre  los  II.  chamis  de  \'es  las  aulras  part/.. 
Item  fait  mais  I.  den.  per  I.  pcci  de  terra  que  a  achata  de  Juon  del  l'orn,  delluna 
part  se  tint  alla  terra  monsen  Amblrat  e  dellautra  alla  terra  .Michel  délies  Coutz. 

Peronetz  Giraudos  de  Cerras  I.  quartal  de  froment  comol  per  la 
soa  partia  de  la  dita  oscha  entre  los  II.  chamis. 

(i^   Chan'^-é  en  :  II.  soT. 


UE    L  ILE-SOUS-SAINT-VALLIER.  27 

Berthdlomeus  Moutos  de  Cerras  X.  den.  e  la  gall"  per  l'uert  josta 

lo  riu  de  Merdariuf  ;  item  I.  emina  de  froment  de  Trimillan  alla  mesura  Saint 
Valer,  que  orunt  d'Arnaut  de  Saint  Vitor  ;  item  III.  cartautz  de  froment  alla  me- 
sura Saint  Valer  de  part  Andreuda  (i  ». 

Li  enfant  Durant*Guafenc  II.  sest.  de  segla  a  la  mesura  Saint  Valer, 
per  lo  molin  Soveyran  ;  item  II.  den.  per  l'esclausa  ;  item  I.  sest'  sigi- 

linis  pro  nemore  ;  item  III.  den.  pro  prato. 

Bertholomeus  Girartz  de  Cerras  II.  sol'  II.  den.  per  sa  maison  e 
per  son  curtil  e  per  son  huert  de  Cerras. 

Nicholaus  Boysses  de  Cerras  XII.  den.  e  la  gall'  per  sa  maison  e 
per  son  huert,  josta  lo  curtil  Bertholomeu  Girart  (2). 

Lourens  Gauters  VIII.  den.  per  sa  maison,  josta  la  maison  Ber- 
tholomeu Girart  e  josta  la  maison  Micholau  ;  item  fait  mais  II.  den.  per 

la  cort  de  Micolau. 

Le  chapellans  de  Cerras  VI.  sol'  per  la  gleisa  de  Cerras. 

Bertolomeus  Motons  deit  III.  cartautz  de  froment  alla  mesura 
Saint  Valer  de  part  Andreu  dal  Bairon,  per  la  partia  deisart  Cotant  Chai- 
neutz  fait  X.  den.  per  la  maison  que  achatet  de  Micolau  (i). 

Guillelmeta  Girarda  fait  I.  gallina  per  l'uert  de  jota  la  maison 
Peron  Juannin  e  jota  l'uert  Bertolomeu  Moton  dellautra  part.      (¥<") 

Richartz  Symeons  de  Cerras  per  la  soa  partia  de  la  terra  del  quart 
de  Champ  Au  e  de  I.  pra  e  del  oscha  e  del  huert  en  Champ  Hau 
IIIl.  sol'  e  l'^  emina  de  civa  conprant  e  vendent  e  1.  demei  quartal 
de  segla  ad  mensuram  bassam  ;  item  IIII.  sol"  VI.  den.  per  sa  partia 
del  bosc  de  Champ  Hau. 

Item  I.  caseum  pro  pasquerio  e  II.  soF  super  lo  quaterone  pasquerii  quando 
conducitur  seu  loquatur.  Item  in  dicto  manso  seu  territorio  de  Champau  habemus 
omnimodam  juridictionem,  et  merum  et  mistum  inperium,  bannum  et  venationem 
et  alia. 

§    A    Ch.\.MP    H.\U. 

Leutardos  de  Champ  Hau  VIII.  sol'  e  I.  sest.  de  civa  ad  men- 
suram de  Saint  Valer,  e  la  gallina  per  las  terras  del  quart  e  per  III. 
oschas  que  a  en  Champ  Hau  :  item  I.  quartal  de  segla  ad  mensura 
bassa  de  Brassatge  per  aquin  mesmo  ;  item  IIII.  sol"  VI.  den.  per 
la  soa  partia  del  bosc  de  Charnp  Hau. 

Guigos  Latgers  de  Champ  Hau  per  la  soa  partia  de  la  terra  del 
quart  de  Champ  Hau  e  per  la  oscha  e  per  1.  pra,  IIII.  sol"  e  h»  emina 
de  civa  conprant  et  vendent,  e  la  demeia  gallina,  e  1.  demei  quartal 

(i)  En  marge  :  Non  compulavi. 
(2)  Paragraphe  cancellé. 


28  CENS    ET    RENTES    DU    PRIEURÉ 

de  segla  ad  mensura  bassa,    e   de  plait   \'III1.    sol"   a  muament  de 

tenementer.  Item  aliam  eminam  avene  ad  mensuram  Sancti  \"alerii  Amandus 
ejus  filius. 

Juoonz  Girarz  de  Sololomeu  deit  X.  den.  de  cessa  per  la  maison  qui  fo  Micolaus 
Boisais. 

Chaineutz  deit  II.  sol.  e  II.  den.  per  la  maison  que  tint  en  gago  deutz  efanz 
Bertolomeu  Girart.  (F°  XIIJ) 

§    A    FORANI. 

Bertholomeus  de  Forani  I.  quartal  de  segla  ad  mensuram  An- 
noniaci,  per  son  huert  de  Forani. 

A  Albon, 

Iperos  Bailes  e  si  frare  fant  11.  sol'  e  \'l.  den.  per  la  terra  de  Muntucla  ;  item 
VIIII.  den.  per  la  vigni  desotz  lo  claus. 

Item  per  II.  vignes  de  Bruias,  II.  sol. 

Item  per  lo  champ  del  Perer,  I.  sest.  de  froment  alla  mesura  Saint  \'aler,  a 
dobla  cessa  a  muament  de  tenementer. 

Item  per  la  vigni  qui  fu  Micholau  I.  chapon  ;  item  XII.  sol.  de  plait. 

Item  I.  cunil  per  la  chaci  qui  se  tint  alla  chaci  Mateu  del  Port  alla  cima  de 
Monfalcos  (i). 

Ilgm  per  la  coa  del  Sauzei  II.  'len.  a  dobla  cessa. 

Item  devont  per  la  chassi  qui  fu  alla  Fauressa  desure  lor  maison  V!l.  den.  a  dobla 
cessa. 

§  Apud  Campaniam.  VIII.  sest.  frumenti  ad  mensuram  Ano- 
niaci.  rP  XIIIJ  v") 

Anno  Doniini  M"CC"LXX.\"VI",  die  lune  in  fesio  beati  Matie 
apostoli  {24  février  12S y)  apud  Andonciam,  coram  me  Belengario  et 
testibus  infra  criptis,  presens  Michaletus  Teins  de  Andoncia  facit  et 
recognovit  se  velle  tenere  a  domino  priore  Insuie  Sancti  ^^llerii  II. 
solidos  et  VII.  denarios  per  in  vigna  de  Saint  Baor,  jota  la  vigna 
Peron  del  Triuel  de  in  part  e  jota  la  vigna  Dargon  dellautra  ;  item 
per  in  autra  vigna  qui  est  al  davant  dit  terraor  de  Sambaor,  jota  la 
vigna  Peron  Berbier  de  Balaiec  de  una  part  e  jota  la  vigna  Bargon 
dellautra  ;  item  per  I.  boc  qui  se  tint  iqui  mémo  al  teraor  de  Sam- 
baor ;  item  fait  mais  I.  plen  baral  de  vin  pur  per  in  vigna  qui  est 
iqui  mémo  al  teraor  de  Sambaor;  item  fait  mais  fa)  r'  emina  de 
froment  e  I.  dimei  cartal  alla  mesura  d'Anonai,  per  1.  peci  de  tera  al 
teraor  de  Sambaor,  jota  la  terra  Juannan  Sauneiri  del  una  part  e 
del  autra  part    jota  la  terra  Scmion  de  [5alaiec. 

(1)  Et  vide  libre  B,  fol"  xvj". 

(2)  /.'h  iitlerli^ne  :  Bcrlolomeus   Olbcrti. 


DE    L  ILE-SOUS-SAINT-VALLIER.  2g 

Presens  Juanna  Sauneiri  fait  V.  den.  per  la  vigni  que  hom  dit 
al  sotol  de  Sambaor,  jota  la  terra  deutz  Sauteutz  delluna  part  e  jota 
la  terra  Michalet  Tems  del  autra. 

Item  Petrus  Sauners  fai  V.  den.  per  la  vigna  e  per  lo  boc  que  dit 
hom  al  sotol  de  Sambaor,  jota  la  vigna  e  lo  boc  de  la  dita  Juanna 
Sauneiri.  Item  fait  mais  P  gallina  per  P  vigna  que  a  en  les  oches 
de  Sambaor,  que  dit  hom  en  la  vigna  de  Muel  jota  la  vigna  Blan- 
chon  la  muiller  al  Alvernatz. 

Presens  Andreus  de  Blesceuf  (i)  faut  I.  cartal  (2)  de  froment  alla 
mesura  d'Annonai  per  I'^  peca  de  terra  a  Sambaor,  jota  la  terra 
(7°-YV^Joannan  Sauneiri  d'una  part  et  jota  la  terra  Seilmvuon  Baigier 
del  autra,  e  jota  la  terra  deut  Bocharensz  ;  item  fait  cuminalment  H. 
sol.  per  P  vigna  el  teraor  de  Sambaor,  jota  la  vigna  Peronet  Beroart 
Loros  d'una  part  e  jota  la  vigna  Juanet  Gleisa  del  autra  e  jota  la 
v(i)gna  Andreu  Bolenga  del  autra  ;  e  per  un  petit  de  vigna  el  davant 
dit  terraor,  jota  la  vigna  Andreu  Bolenga  del  una  part  e  jota  les 
Sautel  del  autra. 

Item  cliclus  .Andréas  débet  dimidiam  quartam  frumenli  ad  mensuram  de  \onai  et 
quartam  partem  alterius.  Item  Slephanus  de  Bleceuf  facit  solvere  XII.  den.  pro  vi- 
nea  que  fuit  dicto  Andrée.  Ilem  Phelipon  Brisonet  débet  dimidiam  quartam  et 
quartam  partem  alterius. 

Item  Juanetz  Blans  fai  V.  sol'  per  P  peci  de  terra  e  per  I'  vigna 
qui  est  al  teraor  de  Sambaor,  jota  la  vigna  Guillelmo  Blain  d'una 
part  e  jota  la  vigna  Jaquemet  délia  Borga  del  autra  e  jota  la  terra 
Michalet  Tems  del  autra. 

Presens  Berthonus  deutz  Oubertz  fait  XII.  den.  per  1.  boc  que  a 
en  Sambaor,  jota  la  terra  Bargon  d'una  part  e  jota  la  terra  Michel 
Tems  del  autra. 

Item  .Matheus  deutz  Oubert/  fait  XII.  den.  per  I.  boc  que  a  en 
Sambaor,  jota  lo  dit  boc  del  dit  Bargon  d'una  part  e  jota  la  terra 
del  Chalmeils  de  Talanceu  del  autra. 

Item  Colomba  Girauda  et  Vincens  sos  filz  fant  X\'III.  den.  per 
lo  boc  de  Sambaor,  jota  lo  boc  Michalet  Tems  d'una  part  e  jota  la 
terra  Guillelmo   Blain  del  autra. 

Item  Hugo  Sautels  fait  XII.  den.  per  P  peci  de  terra  en  Sambaor, 
jota  la  terra  Juanan  Sauneiri  d'una  part  e  jota  la  terra  Peronet  Be- 
roart Loros. 

(i)  En  interl.  :  e  Eteventz  de  Bleceu. 
(2)  En  interl,:  e  dimei. 


30  CENS    ET    RENTES. 

Item  Bertholonieus  de  Lerueis  fait  A'IIII  cartautz  de  vin  pur  perla 
vigna  de  Sambaor,  jota  la  vigna  Arnaut  de  V'ergn  d'uria  par  et  jota 
lavigna  Pérou  Berbier  dellautra. 

Absens  Aruautz  del  Vergn  de  Balaiesc  fai  il"'  saumas  de  vin  e 
III.  cartas  per  la  vigna  de  Sambaor,  jota  la  vigna  Peronet  Beroart 
d'una  part  (f"  XIII J)  et  jota  Guillelmo  Beroart  dellautra. 

Absens  Jaquemet  délia  Borga  fai  II.  sol.  e  III.  den.  per  V  vigna  que 
a  en  Sambaor,  jota  la  vigna  Jaquemet  lo  moner  de  1"  part  e  jota  la 
vigna  Juannet  Blanc  del  autra. 

Presens  Peros  Clemencons  de  Saint  Désira  fait  \'I111.  den. 
per  I"  vigna  el  terraor  de  Colomber,  jota  la  vigna  Peronet  Chairal 
de  Saint  Désira  de  I"  part  e  jota  la  vigna  Guigon  Truant  der  autra  ; 
item  fait  mais  I.  sest.  de  froment  a  la  mesura  d'Anonai,  per  I"  peca 
de  terra  que  dit  hom  als  vertz  de  C^hampainna,  jota  la  terra  Guillelma 
Chirona  de  una  part  e  jota  la  terra  délia  Fauressa  del  autra. 

Absens  Guillelmos  Truant  de  Saint  Désira  fait  VIIII.  den.  per  I' 
vigna  qui  est  el  claus  de  Colomber,  jota  la  vigna  deldil  Peronet 
Clemencon  de  una  part  e  jota  la  vigna  Guigon  Truant  del  autra. 

Juannet  le  filz  Peron  délia  Maira  fait  VIIII.  den.  per  P  vigna  qui 
est  el  dit  claus  de  Colomber,  jota  la  vigna  Guillelmo  Truant  de 
una  part  e  Juannet  Eermen. 

.Michaletz  Matheus  fai  VIIII.  den.  per  I'  vigna  iqui  mémo,  jota  la 
vigna  deldit  Juannet  délia  Mura  del  1^  part  e  del  autra  jota  la  vigna 
Guillelmet  Sarder  e  Jo.  Brun. 

Jouens  Blans  Bartz  de  Saint  Esteven  fai  Xllll.  den.  per  I' vigna 
de  Saint  Esteven,  jota  la  \-igna  Rotainnan  de  I'  part  e  jota  la  vigna 
Juon  Volosan  del  autra. 

Absens  Jacotz  Aters  d'Olsas  fait  II.  sest.  e  III,  den.  per  1  '  vigna  qui 
est  en  Sambaor,  jota  la  vigna  Simeon  de  Balaiec  d'una  part  e  jota 
lo  vigna  Jaquemet  délia  Borga  del  autra.  f/o  O  i"') 

Matheus  .Milol  de  Saint  Vitor  deit  vi.  den.  de  cessz,  délia  terra 
de  .Maragil. 

v^  Item  est  sciendum  quod  inquisita  veritate  cum  domino  Gaufrido 
de  Porta,  predecessore  nostro,  omnes  tcnementarii  nosiri  ubicum- 
que  sint  debent  placitum  de  marci  in  mutacione  lenemcnlariorum, 
exceptis  tenementeriis  castri  de  Alsone  et  Ripei-ie  suptus  .\lsone  et 
de  Sancto  Baur,  qui  debent  tantum  duplicem  censum,  cl  e.vceptis 
illis  quorum  placitum  est  tacyatum  infcrius. 


MANUSCRITS    &    INCUNABLES 

LITURGIQUES 

DU       DAUPHINÉ 


VALENCE 

(Suite). 

4°  Missel  de   1450  environ. 

Ce  superbe  manuscrit  en  vélin,  malheureusement  incomplet  et  dérelié, 
est  conservé  dans  la  bibliothèque  du  couvent  des  Capucins  de  Crest.  La 
hauteur  des  pages  est  de  775  millim.  et  leur  largeur  de  280  :  il  appar- 
tient donc  à  la  classe  des  grands  formats  (  ij.  L'écriture,  en  rouoe  et 
noir,  à  deux  colonnes,  mesure  255  millim.  sur  iG-].  Les  six  premiers 
feuillets,  qui  r enfer jnaietit  le  Calendrier,  n  étaient  points  paginés  ;  ce- 
lui de  tète,  lequel  manque  actuellement,  comprenait  les  mois  de  janvier 
et  février. 

Au  f'  6"  :  Sequitur  régula  quibus  diebus  et  temporibus  malrimo- 
nia  per  Ecclesiam  fieri  conceduntar  :  —  ibid.'^  :  Quomodo  01  ationes 
debent  finiri. 

F"  j"  :  In  nomine  Domini,  amen.  Incipit  Missale  secundum  usum 
Valentinensis  ecclesie.  Dominica  prima  Adventus  Domini.  La  pre- 
mière lettre  de  l'Introït  (Ad  te  levavij  est  inscrite  dans  une  grande  et 
belle  miniature,  qui  renferme  des  armoiries,  très  probablement  celles 
du  destinataire  et  propriétaire  du  volume.  En  voici  la  description  : 
écartelé  :  aux  1  et  4,  d'azur  à  six  besants  d'argent  3,  2,  i,  au  chef 
d'or  :  qui  est  de  Poitiers  ;  aux  2  et  3,  emmanché  en  fasce  de  sable  à 
quatre  pièces  d'argent  ;  et  sur  le  tout  de  gueules  à  la  croix  d'argent. 
Elles  sont  d'autant  plus  précieuses  que  c'est  le  seul  indice  qui  permette 

(i)  L.  Delisle,  dans  Biblioth.  de  l'Ecole  des  Chartes,  2"  sér.,  t.  III.  p.  280  {à 
pari,  p.  4J. 


32  MSS.    ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

de  fixer  assez  approximativement  la  date  de  ce  manuscrit  :  les  caractè- 
res paléographiques  porteraient  à  le  croire  un  peu  plus  ancien  et  indui- 
raient en  erreur  ceux  qui  oïdTlient  que  notre  contrée  était  toujours  en 
retard  d'u>i  demi-siècle  sur  les  provinces  du  nord.  Il  s'agit  évidemment 
d  un  cadet  de  la  famille  des  comtes  de  \  alentinois,  postérieurement  à 
leur  alliance  avec  les  Ruffo  (coupé  emmanché  d'argent  et  de  sable). 
Louis  de  Poitiers,  baron  de  Sérignan,  abbé  de  St-RuJ'et  de  Romans, 
prévôt  de  Valence,  puis  évêque  de  \  alence  et  de  Die  en  1448,  avait 
pour  armes  sur  son  sceau  plaqué,  au  témoignage  du  P.  Anselme  (t)  : 
écartelé  au  i.  et  4.  de  Poitiers,  au  2.  des  croisettes,  au  3.  un  chef 
emmanché,  sur  le  tout  un  écusson  qu'on  ne  peut  distinguer.  Louis 
était  fils  de  Charles  II  de  Poitiers,  seigneur  de  Saint-]  allier,  et  de 
Polixène  de  Ruffo,  dame  de  Sérignan,  sa  seconde  femme .  C'est  à  lui, 
de  l'avis  de  M.  le  marquis  de  Rivoire  la  Bâtie,  qu'il  faut  attribuer 
récusson  en  question  :  la  date  du  volume  est  ainsi  fixée  au  milieu  du 
XV'  siècle. 

Des  initiales  peintes,  de  moindre  grandeur,  se  trouvent  cn/.v /"'"  .v//' , 
xiiif  ,  Ixxv*^ ,  cij" ,  cxix'' ,  cxxiif ,  cxxxj" ,  cx.vxij" ,  clxxiij" ,  cl.wxxxij'' , 
clxxxxviif ,  ce'',  ccxv'\  ccxviif' ,  ccxxxv'' ,  ccxliiif  ,  ccliiij''  et  cclxiij'' . 
Elles  résument  le  mystère  de  chaque  fête  principale. 

Il  est  à  noter  qu'il  n'y  a  de  prose  à  aucune  fêle,  pas  même  à  celle  du 
Corpus  Christi.  Etaient-elles  copiées  ensemble  dans  la  fin  qui  nous 
manque  ?  je  ne  le  crois  pas. 

F"  clvj"  :  Iste  oraciones  dicantur  a  sacerdote  antequam  accédât  ad 
al  tare. 

F"  clvii}"  :  Post  incipitur  offîcium  misse  :  Gloria  in  excelsis. ... 

Après  le  f"  clxiiij  deux  grandes  peintures  à  pleine  page  se  faisant 
face  :  d'un  côté  la  scène  du  Crucijiement  ;  de  l'autre  le  Père  Eternel, 
ces  deux  sujets  traités  d'après  les  types  traditionnels  des  Missels  du 
?noyen  âge.  Au  bas  de  chacune  de  ces  peintures,  les  mômes  armoiries 
de  Louis  de  Poitiers  décrites  plus  haut. 

F"  clxxiij"  :  Incipit  Sanclorale.  in  festo  sancti  Slephani  protho- 
martyris.... 

F"  cclxxv''  :  Incipit  Commune  sanctorum  non  habentium  officia 
propria.  In  vigilia  unius  apostoli 

Suivent  divers  offices.  Il  manque  un  quaternion  après  le  f"  cclxxxxij. 
Sur  le  dernier  se  trouvait,  selon  toute  probabilité,  une  souscription 
analogue  à  celle  qui  Jigure  à  la  fin  du  Missel  de  M.  Giraud  (voir  Bul- 

(1)  Histoire  généalogique  de  la  Maison  de  l'rancc,  7727,  /.  //,  p.  202. 


DU    DAUPHINE    :    VALENCE.  33 

letiii,  /.  VII.  p.  iS^-6):  .ivl'C  le  nom  certain  du  propriétaire,  nous  \ 
recueillerions  le  nom  de  l'artiste  qui  a  copié  et  enluminé  ce  beau  volu- 
me :  puissç-i-il  se  retrouver  !  Une  étude  sur  les  vestiges  de  l'influence 
des  seigneurs  de  la  niaison  de  Poitiers  sur  les  arts  dans  le  ]  alenlinois 
au  moyen  âge,  ne  laisserait  pas  d'o[]'rir  de  l'intérêt. 

5°  Bréviairi:  de    1473. 

< ^e  manuscrit,  acheté  dans  une  vente,  en  bloc  avec  d'autres  volumes, 
par  M.  le  marquis  de  Villeneuve  (de  Marseille),  cédé  par  lui  en  échange 
d'un  autre  ouvrage  à  M.  Wtschalde  (de  Vais),  est  entré  au  même  titre 
dans  la  bibliothèque  (j'allais  dire  le  musée]  du  bibliophile  émérite  du 
Dauphiné,  M.  Eug.  Chaper.  Dans  la  superbe  reliure  (en  peau  de  truie 
à  compartiments)  dont  il  l'a  fait  revêtir  par  Chambolle-Duru,  les  pages 
ont  lO]  millim.  de  haut  sur  1 1^  de  large.  Ilien  qu'un  relieur  du.W  II" 
siècle  ait  indignement  rogné  les  marges  supérieures,  le  texte  là  2  col.i 
n'occupe  que  loS  mill.  sur  <'<<>.  Les  lignes  sont  invariablement  au  nom- 
bre de  70. 

Comme  Bréviaire,  ce  nis.  est  très  précieux,  parce  qu'il  est  absolu- 
ment complet  et  qu'il  fournit  tous  les  renseignements  désirables  sur  son 
propriétaire  et  son  copiste.  Le  mieux  est  de  reproduire,  sans  attendre 
la  fin  de  cette  description,  la  souscription  qui  nous  instruit  à  cet  égard 
(f"  cccxliij'f)  : 

^  Presens  liber  ad  usum  ecclesie  V'alen^linensis)  fuit  scriptus  per 
me  subscriptum  Michalem  Baudonis,  loci  de  Chalan''cone)  0),  Ani- 
ciensis  diocesis,  anno  Domini  M".II1  j"'  .LXXII}",  et  completus  dicto 
anno  et  die  viij"  mensis  decemhris,  pro  et  ad  utiliiatem  venerabilis 
viri  domini  Ludovici  Cassardi,  corarii  ecclesie  cathedralis  Valen- 
(tinensis)  priorisque  Béate  .Marie  de  \  ssamolenco  21,  diocesis  \iva- 
riensis,  juris  utriusque  bacallarii  dignissimi  ;  pro  quo  scribendo  va- 
cavi  vj.  mensibus  et  feci  bonum  chérubin  3  cum  eodem  domino  Cas- 
sardi, tam  in  dicto  suo  prioralu  quam  in  sua  domo  Valen(tiej  suis 
sumptibus.  Inde  pro  pena  scribendi  nigrum  tantum  solvit  sex  scuta 
nova.  Unde  dicentes  horas  in  eodem,  quia  pium  est  orare  pro  de- 
functis,  orate,  si  placet,  pro  dicto  domino  Ludo(\'i^co  ;  et  pro  scrip- 
toris  pena,  si  placet.  dicatis  Ave  (Maria 

Et  me   .M.   B. 

i)   Ch.ilancon,  coiir.tiunc  de  St-Amiré  de  Cli.ileiicon,  cant.  de    Bas  [llaiile-Loire). 
(2)   hsamoulenc,   ceint,  de  St-Pierreville,  air.   de  Privas  {.Ardèctic). 
(])  Bonne  cliève  (voir  du  Cange,  Glossar.  latin.,  éd.  Didol,  t.  Il,  p.    ]2y''). 


34  ^'^ISS.    ET    IN'CUNABLES    LITURGIQUES 

Les  huit  premiers  feuillets  ne  sont  pas  compris  dans  Li  pagination 
générale.  Le  texte  commence  au  verso  du  premier  : 

ANnus  habet  menses  xij,  septimanas  lij.  et  unam  diem,  dies 
ccc.Lxv.  et  sex  horas  minus  octo  mementis,  s(cilicet)  quintam 
partem  unius  hore  :  xl"  momenta  laciunt  horam,  xxiiij"'"  hore  diem 
naturalem.  f  Lbi  inveniuiitur  in  isto  kalendario  ista  duo  verba, 
s(cilicet)  banda  scriptum  pro  unico  B,  dicuntur  iij.  lectiones  et  preces 
longe  ad  primam  tantum  sine  psalmo  Miserere  :  et  classicum  scrip- 
tum pro  unico  C,  dicuntur  iij.  lectiones,  Te  Deum  et  preces  brève 
ad  primam.  f  Omnia  festa  de  ruheo  scripta  in  isto  kalendario  sunt 
colencia  secundum  usum  Valen(tinensisJ  ecclesie,  et  festum  patroni 
cujuslibet  saltim  in  ejus  parrochia,  ^ 

Suit  le  Calendrier  des  douze  mois  de  l'année.  Au  r"  du  8'  feuillet,  note 
sur  la  concurrence  des  fêtes  et  la  conclusion  des  oraisons.  —  Au  /'"  j"  : 

IN  nomine  Domini  |  nostri  Jhesu  Xpisti.  Amen.    |    Incipit  breuia-  | 
rium    ad    usum  |  ecclesie  Valeuftinensis)  per  anni  circulum.  Et 
primo  sciendum  est   quod  diebus  dominicis  ab  octavis  Penthecostes 
usque  ad  sabbatum   Adventus  Domini  et  a  dominica  post  Epypha- 
niam  usque  ad  sabbatum  LXX"  dicuntur  invitatorium.   .... 

L'initiale  (j)  ne  se  prêtant  pas  à  un  dessin  intérieur,  l'enlumineur  a 
réservé  son  talent  pour  le  verso.  Dans  un  B  (initiale  du  /*'''  psaume, 
Beatus  vir  il  a  représenté  un  personnage  en  prière,  agenouillé,  la  tête 
découverte,  les  mai^is  jointes,  revêtu  d'un  manteau  :  les  traits  sont  assez 
nettement  accusés  pour  laisser  croire  à  l'intention  de  l'artiste  de  repro- 
duire ceux  de  Louis  Cassard  ;  cette  conjecture  est  conjirmée  par  la  pré- 
sence, au  bas  de  la  même  page  (toute  entourée  de  fleurs  et  d'animaux), 
de  ses  armoiries  :  de  gueules,  au  lion  d'or  ;  au  chef  de  sable,  chargé 
de  trois  T  de  gueules.  Le  même  écu,  entouré  d'ornements  analogues, 
se  retrouve  auxf""  Ixxvij  r"  et  ccviij  r" .  D'autres  initiales  peintes,  mais 
sans  aucune  signif  cation  mystique,  se  rencontrent  aux  f' xj" ,  xvif' , 
xxiif ,  xxix",  xxxvij^,  xlv" ,  liif ,  xc"  ,  xcv^ ,  cxl'' ,  clv'' .  clx",  clxvif ,, 
cclxj^ ,  cclxxvif ,  cclxxxvf ,  cccxxvij"  et  cccxliv" . 

A  l'égard  des  peintures,  M.  Alph.  Nugues  m'a  fait  remarquer  qu  elles 
étaient  probablement  de  deux  artistes  différents  :  l'un  (celui  des  grandes 
initiales)  encore  attaché  aux  traditions  du  XIV' siècle  ;  l'autre  (celui 
des  dessins  qui  entourent  les  pages)  très  sympathique  aux  innovations 
de  la  Renaissance . 

F"  Ixxiiif'  :  Incipit  leiania  major.  On  y  invoque,  en  dehors  des  saints 


DU    DAUPHINE    :     VALEN'CE.  35 

communs  j  toute  l'Eglise  :  Line,  Clete,  Clemens,  Sixte.  Corneli, 
Cypriane,  Prisce,  Juliane,  Félix,  Fortunate,  Achillee,  Andochi,  La- 
zare, Tyrce,  Félix,  Feruci,  Ferreole,  Blasi,  Xpistofore,  Georgi,Yrenee, 
-Maurici,  Dyonisii,  Eustachi,  Léo,  Apollinaris,  Hylari,  Marcialis, 
Avite,  Mamerte,  Juste,  Bernarde,  Trophime,  Egidi,  Restitute,  Georgi, 
Honorate,  Pétrone,  Marcelle,  Sulpici,  Venanti,  Florenti,  Philiberle, 
Maxime  ;  Anna,  Martha,  Feliciias,  Perpétua,  Margarita,  Galla,  Fi- 
des,  Consorcia,  Tullia,  Syria,  Blandina,  Columba,  Genovefa.  Au 
f°  Ixxvf  finit  le  Commun  du  temps. 

F"  Ixxvij"  :  Sabbato  intrante  Adventus  Domini.  Ad  vesperas 
afntiphonye  et  ps  alm  i  feriales  :  c'est  le  Propre  du  temps  qui  com- 
mence. 

F"  ccviij^  :  ^  In  nomine  Domini  nostri  Jhesu  Xpisti,  incipit  Sanc- 
torale  seu  officia  sanctorum  proprietatem  habencium.  ^  Quando  au- 
tem  contingent  in  officio  alicujus  sancti  vel  sanctorum  deficere  man- 
dare,  capitulum,  hymn.,  vers.,  responsorium  seu  alia  quecumque, 
recurratur  ad  commune  sanctorum,  ubi  plene  omnia  continentur. 
^  Et  primo  in  festo  sancti  Stephani  prothomartyris.. .. 

L'encre  change  subitement  et  devient  plus  pâle  au  v°  du  f  ccxxvj, 
ce  qu'explique  le  colophon  reproduit  plus  haut  et  d'après  lequel  le  livre 
a  été  écrit  en  deux  endroits  différents.  Le  copiste,  soigneux  et  exact,  a 
commis  peu  d'omissions.  Si  l'addition  du  f"  ccxxiij''  est  de  la  main  de 
Louis  Cassard,  elle  donne  une  idée  peu  avantageuse  de  sa  calligraphie. 
—  F"  cccxxvj  v°  : 

^  Sequuntur  preces  dicende  in  matutinis  ante  lectiones. 

Et  primo  die  dominica,  feria  ij"  et  v*  : 

Exaudi,  Domine  Jhesu  Xpiste,  preces  servorum  tuorum,  qui  etc. 

Ad  gaudia  paradisi  perducat  nos  misericordia  Jhesu  Xpisti. 

Benedicat  nos   Pater  et  Filius,  et  illuminet  nos   Spiritus   Sanctus. 

Creator  celi  et  terre  conférât  nobis  gaudia  vite. 

•  Feria  tercia  et  sexta  : 

Suscipe  deprecationem  nostram,  Domine  Jhesu  Xpiste,  qui  etc. 
De  sede  majestatis  benedicat  nos  dextera  Dei  Patris. 
Emundet  nos  Dominus  ab  omni  malicia  et  repleat  sanctificatione 
perpétua. 

Faciat  nos  Dominus  despicere  terrena  et  amare  celestia. 

•  Feria  inj*  et  sabbato  : 

Miserere  et  parce,  Domine  Jhesu  Xpiste,  tua  morte  redemptis, 
qui  etc. 


^6  .MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

Quando  leg-itur  Evang-elium,  dicitur  :  Evangelica,  elc. 

Q.  non  1.  E  ,  d.  :  Ignem  sui  amoris  accendat  Dominus.  elc. 

Mundi  Creator  et  rector  sit  nobis  adjutor  et  protector. 

Omnipotens  Dominus  nos  benediccre  et  adjuvare  dignetur. 

F"  cccxx.wij"  :  Incipit  Commune  sanctorum  non  habencium  officia 
propria.  Si  festum  unius  apostoli  sabbato  evenerit  et  pro  ipso  non 
sonetur  nisi  bauda,  dicuntur  secunde  vespere  de  dominica  nisi  ma- 
jus  festum  ix.  lectionum  vel  de  classico  evenerit  in  crastinum,  et  non 
fit  commemoratio  de  festo  transacto  ;  et  sic  de  singulis  evenientibus 
in  communi.  In  vigilia  unius  apostoli 

F"  cccxxxix"  :  ',  Sequntur  commcmorationes  consuele  ad  usum 
ecclesie  ^'alentine.  Et  primo  die  dominica  ad  matutinas 

F"  cccxl''  :  ^  Mec  sunt  commemorationes  ad  devotionem  dr)m'  Eu- 
dovici  Cassardi,  facientis  scribere  presentem  Bri\iarium  ad  sui  utili- 
tatem,  prout  in  fine  fibri  lacius  scribitur.  El  prnno  commem.  de  an- 
gelis.... 

F"  cccxHj''  :  •[  Item  succedens  in  diclo  libro,  si  placent,  facial  com- 

memorationem  defunclorun-i  ut  sequitur Un  seul  des  propn'claires 

siiccessi/s  de  ce  Bréviaire  nous  est  connu  ;  il  a  inscrit  très  nettement  ce 
qui  suit  en  haut  du  f"  j  r"  :  lohannes  Sesterius  Sacrista  et  canoinicus) 
huius  breuiarii  verus  ac  iustus  possessor  exislit.    15 78. 

b'"  cccxliif  :  Finito  libro,  sit  laus  et  gloria  Xpisto.  Amen,  per  M.  B. 
Suit  la  longue  souscription  reproduite  p.  3'j>.  Le  volume  n'est  cepen- 
dant point  Jini  :  la  dévotion  de  Louis  Cassard  réclama  un  appendice 
dont  la  pagination  suit. 

L"  cccxliiij"  :  ^    Incipit   oHîcium    parvum    per   anni   circulum    beale 

Marie  virginis  ad  ecclesie  ^'alentinensis  usum.    Domine,   labia — 

F"  cccxlviif  :  Oratiù  bcati  .Augustini  anle  missam  dicenda.  — • 
F"  ceci''  :  ^  liée  orationes  très  cjue  secunlui"  per  presbyterum  dix' 
debent  ante  cclcbralionem  misse.  —  i^"  ccclj'-  :  (^)uando  quis  vull  con- 
fiteri  peccata  sua  dicat)  islam  orationem.  —  Ibid  :  Sequitur  mémento 
quod  dicitur  ante  missam,  quod  sanctissimus  pater  dominus  noster 
dom.  Urbanus  papa  V'"  composuit,  primo  pro  se....  —  Oratio  post 
missam.  —  Ordo  ad  itincrandum.  --  l'^xorcismus  salis  seu  ad  facien- 
dum  aquam  benedictam. 

La  pagination  n'a  f^as  été  continuée  au-delà  du  f"  ccclj  ;  le  texte 
s'arrête  en  réalité  au  r"  du  j^O''  ,  sans  compter  deux  //'.  restés  blancs, 
pour  recevoir,  le  cas  échéant,  de  nouvelles  additions. 


DU    DAUPHINE    :    VALENCL.  3  7 

6°  Bkéviaihi:  de  la  fin  du  XV"=  siècle. 

La  dtscription  de  ce  manuscrit  nous  arrêtera  peu  :  on  le  croirait  co- 
pié sur  le  précédent  :  un  type  commun  a  du  moins  servi  aux  copistes  de 
l'un  et  de  l'autre  :  la  liturgie  Valentinoise  était  alors  fixée  dans  ses 
moindres  détails.  C'est  un  Bréviaire  de  cabinet,  comme  l'indiquent  ses 
dimensions  f22  cent,  sur  765  mill.j.  Il  provient  de  la  bibliothèque  des 
Capucins  de  Chambéry  et  fait  aujourd'hui  l'admiration  des  amateurs 
dans  celle  de  M.  Chaper,  qui  l'a  rehaussé  d'une  splendide  reliure  (par 
Gruell  en  cuir  de  Russie  à  compartiments,  avec  application  de  fers  à 
dessins  et  fermoirs.  Le  texte.,  à  2  colonnes,  mesure  757  mill.  sur  1 1 'j  : 
les  lignes  sont  au  nombre  de  yr  à  la  page  ;  l'écriture,  rouge  et  noue, 
est  semée  d'initiales  alternativement  bleues  et  rouges. 

Les  six  derniers  fuillets  {non  paginés)  renferjnent  le  Calendrier. 
Comme  il  est  un  peu  plus  complet  que  celui  du  Bréviaire  de  1473  et 
que  certaines  mentions  additionnelles  de  celui-ci  sont  ici  de  la  mam 
primitive,  il  y  a  lieu  de  lui  attribuer,  indépendamment  des  caractères 
paléographiques,  une  date  postérieure. 

F"  j"  :  In  nomine  Domini  noslri  Jhesu  |  Xpisti,  amen.  Incipit  bre- 
uia  I  rium  ad  vsum  ecclesie  Valen  tinensis  |  per  anni  circulum.  Le 
procédé  signalé  plus  haut  a  fait  renvoyer  au  verso  une  grande  initiale, 
qu'on  a  malheureusement  enlevée  en  déchirant  le  parchemin  :  dans  les 
dessins  de  cette  page,  à  signaler  un  archer  lançant  une  fèche.  Au  bas 
des  armoiries  peintes,  sans  doute  celles  du  propriétaire  comme  d'habi- 
tude. Elles  sont  peu  distinctes  (elles  le  sont  moins  encore  aux  [j .  Ix.xj  r" 
et  clxxxxij  r"  ,  oii  l  enlumineur  les  a  répétéesj  :  d'or,  au  chevron  ren- 
versé de  sable  ;  au  chef  de  gueules,  chargé  d'une  rose  d'argenl  l'H. 
M.  le  marquis  de  Rivoire  la  Bâtie  les  rapprocherait  de  celles  des  \'ial 
SI  la  date  postérieure  •lOoo-cjo)  de  la  situation  nobiliaire  de  cette 
famille  ne  la  faisait  tout  d'abord  écarter .  D'autres  initiales  peintes  cor- 
respondent aux  endroits  indiqués  pour  le  Brév.  de  1473  ;  l'usage  en  a 
fortement  éteint  les  couleurs. 

F°  lix"  :  Lcta.n\a.  ;  aucune  variante,  sa»/' Barnarde  au  lieu  de  Ber- 
narde,  la  répétition  de  Restitute  au  lieu  de  Pétrone  et  l'nmission  de 
Genovefa. 

F°  Ix.x''  :  Secuntur  preces  dicende  in  matutinis  anle  lectiones. 

F"  Ixxf  :  Sabbato  intrante  Adventus  Domini  ;  Propre  du  temps. 

F°  clxxxxij"  :  In  nomine  Domini  nostri  |hesu  Xpisti,  incipit  Sanc- 
turale  seu  ollicia  sanctorum  proprielatem  habencium. 


38  MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

F"  cccxii'' :  In  nomine  Domini  nostri  Jhesu  Xpisti,  incipit  Com- 
mune sanctorum  non  habencium  officia  propria. 

F°  cccxxj^  :  Sequuntur  commemorationes  ad  usum  ecclesie  \'alen. 

F"  cccxxiif  :  Incipit  officium  béate  Marie  virginis.  Cet  office  n'est 
imparfait  que  d'une  douzaine  de  lig7îes,  insaites  sur  le f"  cccxxviij  qui 
manque. 

Comme  texte,  ce  ms.  est  moins  soigné  que  le  précédent  ;  on  y  relève 
des  erreurs  et  des  omissions. 


7°  Bréviaire  de   1526. 

//  était  difficile  à  croire  que  le  chapitre  de  Valence  n'eut  pas  donné 
comme  pendant  à  son  Missel  de  1504  iBull.,  t.  VII,  p.  iSy)  un  Bré- 
viaire imprimé.  Le  catalogue  manuscrit  de  la  bibliothèque  Sainte-Ge- 
neviève à  Paris  porte,  en  effet,  sous  la  cote  BB.  1  2j^,  un  Breviarium 
Valentinense  comme  sorti  de  presses  Lyonnaises  en  1^26.  Par  malheur 
cet  exemplaire,  quand  je  le  demandai,  ne  put  se  retrouver  :  il  était  déjà 
marqué  en  déficit  lors  du  dernier  recolement.  Ce  n'est  pas  sans  doute 
le  même  qui  figure  dans  la  bibliothèque  liturgique  de  M.  le  comte  de 
Villafranca.  Voici  la  reproduction  des  pages  que  lui  a  consacrées 
M.  Aies  dans  le  catalogue  de  cette  incomparable  collection  (/)  ; 

Breviarium  secundum  usum  et  consuetudine/n  ecclesie  Valen- 
t'\nensis. 

In  fine  :  Breviarium...  summà  cum  diligentia  emendatu?n.  Impres- 
sum  Lugduni  per  Dionysium  de  Harsy ,  F'eliciter  explicit.  Anno 
Virgi-  I  nei  partus  1526,  die  XV  Februarii. 

In-S"  goth.  à  2  col.  r.  et  n.  jig. 

Bréviaire  bien  conservé,  formé  de  ^<j^  ff.  fS-jfSù)  et  illustre  de  qua- 
tre figures  :  une  Sainte-Trinité  à  Prime  ;  une  Salutation  angélique  a 
/'Avent  ;  un  Saint  litienne  dès  le  Sanctoral,  et  un  Saint  Apollinaire 
sur  le  titre.  Celle-ci  est  curieuse  pour  sa  composition ,  qui  est  toute 
naïve  :  on  voit  le  patron  du  diocèse  donnant  la  confirmation  à  un  jeune 
garçon  ;  de  la  bouche  de  celui-ci  s'échappe  un  diablotin  noir  ;  c'est  un 
énergumène  converti,  ou  plutôt  délivré  du  démon  par  saint  Apollinaire, 
et  le  nom  Alimphus  inscrit  sur  sa  tunique,  est  le  sien;  on  trouve  le  fiait 
dans  les  Bollandistes.  Au-dessous  de  cette  figure  est  la  prière  S.  Apol- 
linaris,  ora  pro  nobis.  —  Le  bas  du  titre  est  garni  des  armes  de  l'Eglise 

(jj  186^,  p.  404-6. 


DU    DAUPHINÉ    :    VALENCE.  39 

Valehtine  {celles  de  la  ville,  moins  l.i  tour)  avec  ces  mois  à  gauche  : 
Insigiiia  Valent.,  et  ceux-ci  à  droite:  Ecclesie,  1526. 

(Suit  le  texte  des  vers  Egyptiaques  inscrits  en  tête  de  chaque  mois  du 
calendrier  :  on  les  trouve  publiés  en  maints  endroits). 

Remarques.  —  Le  dernier  feuillet  donne  seulement  la  marque  de 
Harsy  au  recto.  —  Collationné  sur  le  registrum.  —  Les  feuillets  rji 
et  -^^8  sont  à  tort  numérotés  yy^  et  ij-^f.  —  Le  Sanctoral  commence  sur 
un  verso.  —  La  partie  inférieure  (le  quart  à  peu  près)  de  l'avant-der- 
nier feuillet  a  été  ejtlevée. 

Signature  :  f  a-z,  A-Z,  aa-pp  ;  —  y  y  lignes  par  page  ;  titres  cou- 
rants rouges,  chiffres  en  minuscules  romaines  noires,  précédées  de  Fo, 
de  I  à  ^§5  .•  —  la  souscription,  sur  l' avant-dernier  verso,  est  suivie  du 
registre  et  d'exhortations  en  vers  latins  ;  —  ni  réclames.,  m  repères.  — 
Premiers  mots  ou  réclames  de  quelques  feuillets  :  75,  quia  in  eo  ;  55, 
speravit  ;  i^o,  auferri  ;  kjij,  supra  feria  ;  261.  adversus  ;  ^2j,  carnis 
liber;  -ySj,  miserando  ;  ^50,  laudibus  ;  ^/6'^,  ut  mater. 

Dimensions  :  lyg  sur  95  ;  marge,  i  }. 

S°  Bréviaire  du  XVI'  siècle. 

//  s'agit  de  nouveau  d'un  manuscrit.  Je  l'ai  emprunté  à  la  bibliothè- 
que du  Grand-Séminaire  du  Puy  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  alors 
que  je  ne  me  doutais  nullement  d'entreprendre  un  jour  les  recherches 
qui  m'occupent  en  ce  moment  ;  mon  objectif  principal  était  d'y  transcrire 
intégralement  les  offices  de  nos  saints  locaux,  travail  dans  lequel  je  fus 
aidé  par  mon  obligeant  confrère  et  ami  l'abbé  Fillet.  Ce  n'était  point  la 
première  fois  que  ce  volume  prenait  le  chemin  de  Romans.  On  l'avait 
emprunté  précédemment  pour  la  rédaction  des  Officia  propria  publiés 
par  Mgr  Chalrousse  en  18 y  j,  mais,  au  dii e  de  M.  l'abbé  Boissonnet 
(ce  dont  il  est  facile  de  se  convaincre  par  la  comparaison),  on  le  ren- 
voya sans  en  avoir  tiré  aucun  profit  ! 

Le  volume  (en  papier)  est  encore  dans  sa  reliure  originale,  en  veau  à 
compartiments  sur  ais  en  bois,  avec  trace  de  deux  fermoirs.  Au  dos 
iXVIL  s.)  :  Breviarium  manuscriptum  ecclesie  Vale.ntinensis  ;  on 
verra  par  divers  indices  subséquents  que  ce  titre  n'est  pas  absolument 
exact  :  il  s'agit  en  réalité  d'un  bréviaire  de  l'église  du  Bourg-lès- 
Valence.  Au  plat  intérieur  :  Sem.  Aniciensis.  Les  pages  mesurent  20 
cent,  en  hauteur  sur  75  en  largeur  ;  chacune  a  yo  lignes  tracées  à  l'en- 
cre rose.  Les  initiales  sont  en  rouge  :  quelques  grandes  sont  en  rouge 
et  bleu. 


40  .MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

En  tète  de  la  /'''  f'-tge  fXVlt  s.)  :  Brevl\riu.m  \\\lentinu.m.  Le  texte 
commence  brusquement  au  milieu  d'une  phrase  par  le  mol  {ovcxorwm, 
qui  se  lit  au  k/ verset  du  XXXIV^  Psaume,  c'est-à-dire  dans  les  ma- 
tines du  lundi.  Le  volume  est  donc  incomplet  d'un  cahier.  Il  est  provi- 
soirement paginé  par  quaiernions  i  tous  de  24  pages,  sauf  deux)  dési- 
gnés par  les  lettres  A  à  Z  et  A  A  à  IIIL  A  la  suite  du  Commun  du 
temps  1 1 1  se  trouvent  tes  cantiques  (G.  10 j  et  les  bénédictions  (G  r.f)  : 
le  Propre  du  temps  commence  avec  le  i""^  dimanche  de  l'Avent  à  IL  75. 
//  se  poursuit,  sans  autre  interruption  que  la  fête  Corone  Domini 
^A'.  7<S',  xv^'  posl  Pascha).  A  T.  ^  :  Incipit  Sancluriale  (2)  ;  FF.  <9  ; 
Incipit  commune  sanclorum  et  sanclarum  ;  GG.  16:  Incipiunt  com- 
memoraciones  dicende  diebus  ferialibus  ad  matulinas  et  vesperas 
secLindum  oi'dinem  et  consuetudinem  ecclesie  Burgi  Valencie  ;  GG. 
21  :  Incipit  Ottîciuni  beale  Marie  secundum  usum  Burgi  Valencie  ; 
HtL  7  ;  OKicium  mortuorum  ;  ////    /.^.  ;  In  dedicacione  ecclesie. 


Ces  arides  descriptions  ne  rendraient  que  peu  de  services  à  la  science 
liturgique  :  il  y  a  lien  d'extraire  de  ces  quatre  manuscrits  les  pai  ties  les 
plus  importantes,  celles  du  moins  les  f^lus  spéciales  à  notre  ancien  dio- 
cèse. On  les  trouvera  dans  les  trois  appendices  qui  suivant,  oii  le  Missel 
de  i.q^o  est  désigné  par  la  lettre  ,1,  le  Bréviaire  de  i^jy  p^ir  B,  celui 
du  XV"  siècle  par  C,  et  celui  du  WI''  par  D. 

Le  i"  appendice  renjérme  la  nomenclature  des  saints,  non  communs 
à  l'Eglise  universelle,  honorés  jadis  à  Valence.  Cette  liste  a  été  obtenue 
en  fondant  ensendile  les  calendriers  et  les  ofices  du  Proprium  sancto- 
rum.  Une  étoile  précède  les  mentions  qui  ne  se  trouvent  nulle  part  en 
écriture  primitive. 

Le  2''  offre  le  texte  (toujours  inédit)  des  hymnes  tellement  spéciales  à 
l'église  de  Valence  qu'on  ne  le  rencontre  dans  le  Bréviaire  d'aucune 
autre  église  de  la  chrétienté.  On  peut  dire  que  c'est  de  la  poésie  litur- 
gique du  cru  (sauf  la  dernière  pièce  ?)  :  elle  ne  donnera  pas  sans  doute 
une  haute  idée  du  talent  poétique  des  hymnographes  de  la  contrée. 
M.  l'abbé  Missel  a  bien  voulu  revoir  ces  épreuves  et  plus  d'une  heureuse 
conjecture  lui  est  due.  Comme  je  l'ai  dit,  les   mss.  H   et  C  sont  ahsolu- 

Ci)  Au  f"  C.    21,  une  iiole  :   L'an    1  5.42  et  le    if)"  de  mai 

(j)    Des  prosclli,  ^]ue  je   )i'ai   p.is    eu   Li  bonne  pensée  Je   capter,    se  trauvenl   aux 

[f.  m:.  /8,  22.  2.1  (bis),  ce.  I,  ICI-:.  11.  i-'i\  -■. 


DU    DAUPHINÉ    :    VALENCE.  4t 

ment  identiques  (i).  Dans  le  Bréviaire  du  Bourg-lès-V,  on  avait  sup- 
primé les  hymnes  relatives  xiux  Jêtes  de  :  saint  Sulpice  (Magnae  dies 
lastitiae,  Hymnum  laudis  eximias),  saint  Hugues  de  Bonnevaux  (Alys- 
terium  eximia,  Vere  plenus  munditiâ),  saint  Jean  Porte-Latine  (Fi- 
del is  custos  Virginis,  Praerogativâ  gratiâ),  la  Dédicace  (Ecce  libi, 
Christe,  clara  semperj  (2),  saijit  Jérôme  (Laude  laudet  laxa,  Cœlesti 
doctus  lumine,  Splendent  codi  sediliaj  (3),  saint  Apollinaire  de  Va- 
lence (Exulta  cleri  coiitio,  O  quam  felix  sufossio)  (4),  sainte  Ursule  et 
les  onze  mille  vierges  (Virginali  contioni,  Virginibus  prudentibus), 
saint  Lazare  (Veni,  creator  siderum,  Martyr  ad  hune  qui)  (5).  Par 
contre  D  offre  en  plus  des  hymnes  spéciales  pour  les  Jêtes  de  :  sainte 
Agathe  (Martyris  ecce  dies  Agathae  ,  saint  Didier  (Solemnizet  mater 
Ecclesia,  Jejuna  fulget  spiritalisy  (6),  saint  Claude  (Jam  Christus  da- 
ter munerum,  Impleta  sancto  Spiritu)  (7),  saint  Apollinaire  de  \'al. 
(Hymnum  dicamus  rhythmicum,  Psallat  chorus  fidelium)  (8),  saint 
Maxime  de  Riez  (Gaudet  chorus  fideUum,  Ad  diem  festum  hodie)  (8). 
Le  y"  appendice  n'est  qu'un  spécimen.  L'office  de  saint  Liarnard,  tout 
entier  (sauf  les  leçons)  en  vers,  se  retrouve  dans  d'autres  Bréviaires 
(Saint-Barnard  de  Romans  naturellement  et  Die).  //  y  avait  d'autant 
moins  lieu  de  le  donner  que  je  me  propose,  s'il  plaît  à  Dieu,  de  réim- 
primer complètement  (les  parties  spéciales  s'entend)  le  Bréviaire  de 
Saint-Barnard,  à  l'instar  des  sociétés  savantes  (protestantes)  de  l  An- 
gleterre, qui  ont  reproduit  avec  un  soin  pieux  les  anciens  Bréviaires  et 
Missels  d'Aberdeen,  Hereford,  Salisbury,  York,  etc.  Les  réimpressions 
de  ce  genre  sont  autrement  utiles  à  la  science  ecclésiastique  qu'une  foule 
d'autres  qu  onj'ait  journellement.  La  J été  de  l'union  des  églises  de  Va- 
lence et  de  Die  (en  1 2j^)  n'offre  que  des  textes  scripturaires  appliqués  à 

(  1)  Ce  qui  le  prouve  péremptoirement,  c'est  l'omission  commune  d'un  vers  à  la 
pièce  Virginali  concioni. 

(2)    Variante  de  l'hymne  du  Bréviaire  .Mozarabe  :  Ecce  te,  Christe,  tibi  chara  sem- 
per.   Cette  pièce  n'a  été  copiée  qu'à    Valence.  ' 

(y)  Ces  trois  hymnes  ne  se  retrouvent  que  dans  le  Bréviaire  des  Olivéïains  de  752/. 

(4)  Ces  deux  hymnes  étaient  communes  au  Bréviaire    de   Die  (ijfgS  et  i)]2); 
on  les  retrouve  à   Valence  dans  les  Officia  propria   de  1664. 

'())  Se  trouvent  dans  les    Bréviaires  d'Aix,  Apt,    Embrun,  Grasse  et  Lérida  (voir 
Pellechet,  Livres  liturgiques  d'Autun,  etc.,  pp.  269  et  2^8) ■ 

(6)   Ne  se  retrouvent  nulle  part  ailleurs  et  je  regrette  de  nen  pouvoir  donner  le 
texte. 

(y)  Conservées  dans  les  Bréviaires  d'Apt  (i ^  yz)  et  de  Saint-Barnard  de  Romans 
(1^18-1612);  la  seconde  ailleurs  encore. 

(8)  Même  remarque  que  pour  les  hymnes  de  saint  Didier. 

3* 


42  iMSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

la  circonstance,  par  exemple  :  Hodic  nobis  de  celo  pax  vera  descen- 
dit  ,  hodie  illuxit  dies  redemptionis  nostre,    preparationis  antique, 

felicitatis  eterne  ;  tout  le  morceau  est  dans  ce  ton.  Voici  du  moins 
l'oraison  :  Deus,  qui  diversitatem  gencium  in  confessione  tui  nominis 
adunasti,  Valencie  et  Diensis  ecclesie  unionem  perpétua  tranquil- 
litate  conserva,  ut  famuli  tui  digne  servientes  in  eis  cuni  sanciis  tuis 
in  celestibus  glorientur,  per.  Donnons  pour  finir  celle  de  saint  Resti- 
tut  :  Omnipotens  sempiterne  Deus,  qui  propter  mérita  beati  Resti- 
tuti,  confessoris  tui  atque  pontificis,  a  multorum  occulorum  dolori- 
bus  sanas  et  visum  clarificas,  presta,  quesumus,  ut  per  ejus  suffra- 
gia  a  nostris  occulis  et  mentibus  omneni  morbum  repellas  et  corrup- 
tionem,  per. 


Januarius.  io,  Pauli  primi  heremite  i  . —  13,...  Ilarii  2  epis- 
copi  et  confessoris,  reservatur.  —  14,  Hic  fit  Ilarii  12)  e.  et  c.  —  15, 
Boniti  atque  Ysidori  episcc.  — ■  i7,...Marcelli  Dyensis  i^j  e.  c.  —  23, 
Barnardi  e.  et  c.  —  25,...  Prejecti  martyris  14I  :  fit  commemoratio  in 
missa  matutinali  (51.  —  26,  Sulpicii  e.  et  c.    6;  Policarpi...  :  reserv. 

—  27,  Ilic  fit  Polie.  —  31,  Translatio   martyrum  Felicis,    Fortunaii 
et  Achillei. 

Febroarius.  I,   Pauli  e.  et  c.  171.  Inacii  e.  18).  Brigide  virginis  (g). 

—  4,  *Aldoandricii  m.  —  5 ,...  Aviti  e.  etc.:  reserv — 6,  Hic  fit  Aviti. 

—  9,  Octava  béate  xMarie.  —   10,   Scolastice  v.    10). —  15.  *Quinidi 
e.  et  c.  —  16,  *Juliane  v.  m.  —  19,  *Desiderii  m.  —  24, 

Bisextum  sexte  martis  tenuere  kalende, 
Posteriori  die  celebrantur  festa  (iij  Mathie. 
Martius.  I,  Albini  e.  et  m.  12  .  —  6,  *Thome  de  Aquino.  —  8, 
*Perpetue  et  Felicitatis.  —  9,  Invencio  capitis  s'  Nycholay.  —  18, 
Principium  mundi  retinet  G.  tercia  martis  113  ,  —  19,  *Joseph  c,  — 
20,  *Joachim  c.  14  .  —  23,  Hic  sol  et  luna  facti  fuerunt  et  .\dam 
creatus  est  (14).  —  25,  Ilic  mutanlur  anni  ab  Incarnatiune  et  Pas- 
sione  Domini  (14).  —  26,  *Johannis  eremite  (kj). 

Aprilis.  I,  Hugonis  e.  et  c.  (15),  —  2,  Feria  ij",  iij''  et  iiij"  ante 
Ascentioncm  fiunt  processiones  Rogationum  14).  —  3,  In  xv"  die  Pas- 
che  celebralur  festum  Corone  Domini.  —  4,  Ambrosii   e.  et  c.  ''16). 

—  10,  MIebrardi  e.  et  c.  (141.  —  15,  Diebus  martis  et  mercurii  ante 
Rogationes  et  predictis  diebus  post  festum  beati  Luce  evang.,  sancta 


I 


UU    DAUPHINE    :    VALENCE.  43 

synodus  celebratur  in  ecclesia  \'alentina  141.  —  20,  Marcellini  e.  et 
c.  ■  17  .  —  2:;,  Felicis,  Fortunati  et  Achillei  marlt.,  duplex  nij"""  can- 
toruni.  Georgii  m.  :  reserv,  —  24,  Hic  fit  Georgii  m,  —  Ab  Asceu- 
sione  usque  ad  octa\"as  Corporis  Xpisti  sonatur  C.  (18). 

Maius.  I,...  Andeoli  m  ,  commem.  in  missa  matut.  —  5,  *Nicetii 
e.  et  c.  (13).  —  7,  Egressio  Noe  de  archa  (14).  —  9,  Translatio  s' 
Nicholay  e.  et  c.  —  11,  Mamerti  atque  Maioli  episcoporum  et  c.  ;ig  . 

—  14,  Inicium  diluvii  ,181.  —  15,  Descensio  Spiritus  Sancti  super 
apostolos  14;.  — ?  Marie  ad  martires.  —  i9,*Yvonisc.  Festum  Cor- 
poris Xpisti  est  duplex...  et  per  ejus  octabis  :=;  o-bas  sonatur 
Classicum    13).  —  23,  Desiderii  atque  Desiderii  mm.    20  . 

JuNius.  I,  *Nicomedis  m.  14  .  —  6,  Claudii  e.  et  c.  121,.  —  7, 
Syrie  V.  22  .  —  8,  Medardi  e.  et  c.  23.  —  16,  Cirici  et  Julite  m. 
Ferreoli  24  et  Ferrutionis  (25  m.  :  reserv.  —  17,  Translatio  s'  Apol- 
linaris  e.  et  c  26  .  —  ^Translatio  s'  Maximi.  —  20,  Hic  fit  Ferruoli 
et  Ferrutionis  m. —  2 1 ,  *Acacii  sociorumque  ejus  x.  milia  mart.  (27j_ 

—  22,  Albani  m.  (28).  Consorcie  v.  (29)  :  commem.  ubi  reservatur 
vel  fit  B.  —  25,  *Eligii  e.  et  c.  (30).  —  28,  Irenei  (31)  et  sociorum 
ejus  m.  —  30,...  Marcialis  e.  et  c.  (32J  :  commem.  in  missa  matun. 
tantum,  nisi  reservetur  et  tune  B. 

JuLius.  4,  Translatio  s'  Martini  e.  et  c.  :  commem  vel  reserv.  (33) 
et  tune  B.  —  7,  Translatio  s'  Thome  archiep.  Canturiensis  et  m.  — 
II,  Translatio  s'  Benedicti  abbatis.  —  13,  Cleti  r34)  pape  et  m.  — 
16,  Domnini  m.  (35 j.  —  17,  Alexii  c.  —  21,  Victoris  m.  (36).  —  27, 
*Octave  b''  Margarite  (14J. 

AuGUSTUs.  4,  Hic  fiunt  octave  b*"  Marthe.  —  5,...  Venancii  e.  et 
C-  (37J-  —  8,.,.  Severini  c.  (38J.  —  12,  Inventio  reliquiarum  Valen- 
tinensis  ecclesie.  —  18,...  Donati  c.  —  19,  Ludovici  e.  et  c.  (39).  — 
20,  Philiberti  ab.  —  21,  Privati  e.  et  m.  —  25,  Genesii  atque  Gene- 
sii  mm.  —  27,  Ruffi  m.  Cesarii  e.  et  c.  —  28,...  Juliani  m.  :   reserv. 

—  31,  Paulini  e.  et  c. 

September.  f,  Prisci  m.  Egidii  ab.  —  2,  Antonini  m.  ;  Justi  e.  et 
c.  —  3,  Hic  fit  Juliani  m.  —  4,  Marcelli  m.  —  11,...  Emiliani  e.  et  c. 

—  13,  Hic  fi(ni)unt  dies  caniculares,  secundum  Papiam.  —  i-i---- 
Cornelii  et  Cipriani  m.  — 

Dat  crux  Lucia,  cineres  karismata  dia. 

Ut  sis  in  angaria  iiij^  sequens  feria.  —  17,  *Lamberti  e.  m.  —  18, 
Ferruoli  m.  —  22,  Mauricii  sociorumque  ejus  m.  —  23.  Unio  eccle- 
siarum  \'alentinensis  et  Diensis.  —  24,  Andochii,  Tyrsi  et  Felicis  m. 


44  MSS.    ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

f  Hic  innovantur  indictiones.  —  25,  *Lupi  e.  et  c.  —  28,  Anemundi 
e.  et  c. 

OcTOBER.  I.  Germani  et  Remigii  episcc.  et  c. —  2,  Leodegarii  m.; 
Dedicatio  Sancti  Stephani,  duplex.  —  5,  Apollinaris  e.  et  c,  duplex 
nij"""  cant.  et  per  octavas  C.  —  6,  Fidis  v.  —  12,  Octava  s'  Apollina- 
ris. —  13,  Geraldi  c.  —  17,  Florencii  e.  et  c.  —  20,  Capracii  m.  — 
22,  *Cordulle  V.  —  23,  Theodoriti  m.  —  25,  Crispini  et  Crispiniani 
m.  ;  Frontonis  e.  et  c.  —  26,  Vedasti  et  Amandi  episcc.  et  c.  —  2q, 
Theuderii  ab.  —  31,  Quintini  m. 

NovEMBER.  I,...  Cesarii  m.  —  2,...  Eustachii  sociorumque  ejus  : 
reserv.  —  3,  Hic  fît  Eustach.  — 4,  Amancii  e.  et  c.  —  6,  Leonardi  c. 

—  7,  Restituti  e.  et  c.  —  10,  Georgii  e.  et  c.  —  12,  Evodii  sociorum- 
que ejus.  —  13,  Bricii  e.  et  c.  —  14,  Ruffi  e.  et  c.  —  16,  Galle  v.  ; 
Eucherii  e.  et  c.  —  17,  Aniani  e.  et  c.  —  18,  Octava  s'  Martini  ;  Ro- 
mani et  Theofredi  mm.  :  reserv.  quia  fit  de  octava.  —  19,  Severini, 
Exuperii  et  Feliciani  mm.  —  20,  Hic  fit  Rom.  et  Theof.  m.  — 
2i,Columbani  abb.  —  25,...  ^  Saltus  lune  (13J.  —  26.  Lini,  pape 
et  m.  —  27,  Maximi  e.  et  c.  ;  Agricole  et  VMtalis  m.  —  28,  Cilee 
apostoli.  —  29,   Saturnini  atque  Saturnini  mm. 

December.  i,  *Eligii  e.  et  c.  (13).  —  2,  Octava  b"  Katherine; 
*Leodegarii  m.  (i  3). —  4,  *Barbare  v.  et  m.  —  5,*Sabe  v.  (■=  ab.)  (i  3J. 

—  7,  Octava  s'  .Andrée.  —  8,  Conceptio  b.  Al.  V., duplex  et  per  oct. 
C.  —  10,  Eulalie  v.  —  i  i,*S'  Vitorici  c.  (13).  —  12,  Hic  fit  de  octava 
s'  Nicholay.  — ■  14,  *Nichasii  e.  c.  (13).  —  15,  *Octava  Conseptio- 
nis  (13).  —  17,  Lazarii  e.  et  m.    —  29,...  Trophimi   e.  et  c.  :  reserv. 

—  30,  Hic  fit  Trophimi  e.  et  c. 


(i)  Fixé  au  jour  même  de  sa  mort,  tandis  que  dans  la  liturgie  Romaine  actuelle 
on  l'honore  le  i),  à  V'iffet  de  laisser  absolument  libre  l'octave  de  l'Epiphanie. 

{2)  C  Ylarii.  —  (3)  B  D  om.  —  (4)  Evêque  de  Clermont.  —  (5)  C  reservatur. — 
(6)  Evêque  de  Bourges.  —  (7)  Evêque  de  Trais-Châteaux.  —  (8)  B*.  —  (9)  B  om. 
—  fio)  B'  le  /-.  —  (11)  B  celebrabis  festum.  —  (12)  Saint  Aubin,  evêque  d'An- 
gers. —  (i  3)  i4  C  D  om.  —  (14)  CD  om.  —  (is)  Evêque  de  Grenoble. —  (16)  Jour  de 
sa  mort,  honoré  aujourd'hui  à  l'anniversaire  de  son  sacre  (y  déc).  —  (17)  Evêque 
d'Embrun.  —  (18)  B  C  D  om. —  (19)  Evêque  de  Vienne  et  abbé  de  Cluny. —  (20)  Evê- 
ques  de  Langres  et  de  Vienne.  — (21)  Evêque  de  Besançoti.  — (22)  De  Troyes. — 
(23)  Evêque  de  Noyon.  —  (24)  B  Feriuoli.  —  (^5)  C  Ferrucii.  —  (26)  Evêque  de 
Valence.  —  {2-])  A  B  D  om.  —  (28)  D'Angleterre.  —  (29)  En  Provence.  —  (30)  Evê- 
que de  Noyon.  —  (31)  Evêque  de  Lyon.  —  (32)  Evêque  de  Limoges.  —  (33)  A 
cause  de  l'octave  des  Apôtres.  —  (34)  Pas  Anaclet.  —  (35)  D<;  Candé.  —  (36)  De 
Marseille.  —  (37)  De    Viviers.  —  (38)  Saint  Sévère  de  Vienne.  — (39)  De  Toulouse. 


DU    DAUPHINE 


45 


B 

JOHANNIS    APOSTOLI     ET    EVANGELISTE. 

1 .  Hymne  de  Matines. 

AGITE,  chori  modulantis  cleri, 
Laudes  ad  celos  mittite  Johanni. 
Moribus  castus  decenter  (ij  ornatus, 
A  Xpisto  cunctis  amplius  amatus, 
Pectore  cujus  recumbens  magistri 
Orbe  spaigenda  bibit  et  fluenta. 
Laus  Patri  summo  pariterque  nato, 
Paraclitoque  sancto  stat  per  secla.  Amen. 

2.  Hymne  de  Landes. 

ExiLiATO  Johanni,  dum  rediret  (2), 
Occurrit  gaudens  populorum  turba. 
Hujus  {])  adventu  diu  fatigata 
Mortua  fertur  nobilis  matrona. 
Virginis  jussu  Drusiana  (4)  surgit, 
Tantum  convivam  receptura  vadit. 
Laus  Patri 


Anthonii   abbatis. 
7,.  Hymne  de   Vêpres  et  Matines. 


Exultet  celi  curia 
Pro  confessore  fulgido, 
Qui  nos  sua  clementia 
Servet  ab  igné  fervido. 
Puer,  in  puericia  (5) 
Fugiens  puerilia, 
Deum  incepil  colère 
Corde,  verbo  et  opère. 


Perfectam  sequens  regulam, 
Bona  sua  distribuit 
Firmamque  mentem  sedulani  (6) 
Deum  amare  studuit. 
Honor  Deo  et  gloria, 
Qui  superna  polencia 
Sublimavit  Anthonium, 
Confessorem  eximium.  Amen. 


(O  C  docenter.  —  (2)  B  reddiret,  C  reddit. 
(5)  B  puricia.  —  (6)  B  C  cedulam. 


(.3)  C  Cujus.  —  (4)  B  Druciana. 


46 


.MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 


4.  Hymne  de  Laudes. 

EXULTENT  gentes  gaudiis,  Precibus  et  vigiliis 

Quem  corruscantur  variis 
Miraculorum  titulis 
Et  virtutum  miraculis. 
Sanctus  signis  emicuit, 
Virtutibus  effloruit, 
Effugando  demonia, 
Spernens  eorum  prelia. 


Et  cyborum  jejuniis 
Effectus  Deo  placidus, 
Mundum  vincit  intrepidus. 
Honor  sit  tibi,  Domine, 
Percorruscus  lumine  (i), 
Data  mundi  victoria, 
\'ictor  fulget  in  gloria.  Amen. 


SULPICII     EPISCOPI. 

5.   Hymne  de   Vêpres  et  Matines. 


MAGNE  dies  leticie 
Nobis  illuxit  celitus  : 
Thronum  conscendit  glorie 
Sulpicius  vir  inclitus. 
Hic  presul  beatissimus, 
Virtutum  fulgens  titulis 
Ac  mentis  clarissimus, 
Cunctis  refulsit  populis. 


Glerus  ValentinensiuiTi 
Felici  gaudet  gloiia, 
Qui  ducem  tam  egregium 
Habet  in  celi  curia. 
Trino  Deo  laus  débita 
Reddatur  atque  gloria, 
Qui  nos  per  hujus  mérita 
Ducat  ad  celi  premia.  Amen, 


6.  Hymne  de  Laudes, 

HYMNUM  laudis  eximie,  De  mercede  reposila 

Dulci  productum  cantico, 
Hic  chorus  canat  hodie 
Sulpicio  premagnifîco  (2). 
Hic  per  laborum  mérita 
Celestem  intrans  curiam, 

Trino 


Summam  habet  leticiam. 
Hujus  sequi  vestigia 
Da  nobis,  Xpiste,  jugiter 
Et  ipsius  suffragia 
Nos  habere  perhempniter. 


HuGONIS    EPlSCOPI    (!)     ET    CONFESSORIS. 

7.   Hymne  de  Vêpres  et  Matines. 

MiSTERiUM  eximia  Sola  fruens  hec  gracia, 

Deitatis  signaculum  Profert  Ilugonem  flosculuni 

Ilugonem  dat  Valencia  Castri  Novi  milicia, 

\'ite  valentis  (3J  spéculum.  Castris  Dei  primipulum. 


(i)    Versjaux  ;  lire  in  lumincr  —  (_>)    Vers  faux,  à  moins  de  ne  compter  Sulpiciû 
:}iie  pour  trois  syllabes  ;  lire  simplement  mai^nifico  r  —  (3)  B  C  valetis. 


DU    DAUPHINE    :    VALENCE.  47 

Vates  post  ab  (i)  infancia  Ad  se  trahit  Burgundia, 

Hug-o  petit  avunculum,  Hugonem  Xpisti  famulum. 

Lugdunensis  ecclesia  Sit  Trinitati  gloria, 

Doctrine  prestat  pabulum  (2).  Unitatique  cumulum 

Misterium  hoc  (3)  nescia  Honoris  et  preconia 

Tanti  fructus  manipulum  Demus  per  omne  seculum.Amen. 

8.   Hymne  de  Laudes. 

VERE  plenus  mundicia,  Sic  magi  providentia 

Cisterciensem  tibulum  Bona  Vallis  hune  calculum 

In  domo  Miratoria  Sibi  sumit  ex  filia 

Sumit  Hugo  vestibulum.  Hugonis  gubernaculum. 

Pastores  dant  consilia,  Rogemus  (ut)  de  patria 

LeoncelU  capitulum  Gratie  mittat  rivulum, 

Firma  fratrum  (4)  concordia  Quibus  digna  presencia 

Offert  Hugoni  baculum.  Juge  monslrat  miraculum. 

Sit  Trinitati 

FeLICIS,      FoRTUNATI      ET      ACHILLEY. 

9.  Hymne  de  Vêpres  et  Matines. 

FiDELiUM  devotio  Verus  largitor  venie, 
Sonet  hymnum  cum  laudibus      Donum  (5)  superne  gracie 

Cruciatis  martyribus,  Dona  nobis  per  meritum, 

Claro  paschaU  gaudio.  Deus,  tuorum  miHtum. 

Qui  truncantur  crudeUter  Sit  tibi  laus  (6)  et  gloria, 

Precepto  ducis  fervidi,  Pro  quo  ceduntur  famuH 

Introducti  féliciter  Et  passi  sunt  martyria, 

Ad  cenam  Agni  providi.  Jhesu,  salvator  seculi.  Amen. 

10.  Hymne  de  Laudes. 

SPLENUOR  paterne  gloric,  Sunt  in  pénis  fortissimi 

Per  martyrum  suffragia  Dei  lide  qua  vivimus. 

Confer  in  celi  requie  Impetrate  nos  vivere, 

Beata  nobis  gaudia.  Qui  regnatis  in  ethera, 

Viri  Dei  sanctissimi,  Ut  possimus  attingere 

Quorum  firmus  est  animus,  Eterna  Xpisti  munera.  . 

Sit  tibi  laus 

(i)  B  C  ad.  —  (2)  B  papulum.  —  (3)  B  C  hac.  —  (^)  C  fratrem.  —  (5)  C  domu 
—  (6)  B  Sit  laus  Patri. 


m. 


48 


MSS.    ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 


EXULTA  cleri  concio 
In  martyris  solempnio, 
Quem  coronavit  hodie 
Magne  Deus  potencie. 
Tormentorum  sevicias 
Ac  tyran  ni  nequicias 
Exsuperans  viriliter, 
Vivit  regnans  féliciter. 


GeORGII     MARTYRIS. 

1 1 .    H  y  m  n  e    d  e    M -i  tin  es. 

O  martyr  invictissime, 
Qui  certasti  légitime, 
Semper  in  adjutorium  (i) 
Intende  supplicantium. 
Prestel  hoc  nobis  Deitas, 
Gui  est  summa  bonitas, 
Cum  qua  régnât  superius 
Félix  miles  Georgius.  Amen. 


12.  Hymne  de  Laudes. 


X piste,  redemptor  omnium. 
Sanctificans  Georgium, 
Perdue  nos  ad  celestia 
Per  ipsius  suffragia. 
Salvavit  régis  filiam 
A  draconis  voragine. 
Convertens  Alexandriam 
iMairem  baptismi  sanguine. 


Magum  fortem  exsuperans, 

Quem  felici  martyrio 

Gonfortavit  de  premio, 

Gelos  eidem  reserans  (2). 

Aperi  nobis  januam, 

Deus,  celi  pro  meritis 

Dilecti  tui  militis, 

Dans  coronam  perpetuam.  Amen. 


J  o  H  A  N  N  I  s      A  N  T  E      P  O  R  T  A  AI       L  A  T  I  N  A  M  . 

13.   Hymne  de   Vêpres  (et  Matines). 


FiDELis  custos  \'irginis, 
.Matris  Dei  et  hominis, 
Quam  (^)  moriens  crudeliter 
Tibi  dédit  fideliter. 
Diligenter  custodiens 
Honoris  reverencia, 
Sibi  prestans  obsequia, 
Ei  dévote  serviens. 
Supra  pectus  dominicuni 
Recubuisti  dormiens, 


Bibens  fontem  mirificum, 
Fontis  fluenta  capiens. 
Drusianam  resuscitans, 
Reversus  ab  exilio, 
Domum  ejus  inhabitans, 
Dato  tibi  convi\  io. 
Deo  Patri  potencia, 
Filio  sapiencia, 
Flamini  sancto  bonitas, 
Tribus  est  una  Deitas.   Amen. 


(i)  C  a-m  mcum.  —  [2)  C  rescrvans.  —  {3)  B  C  Quem. 


DU    DAUPHINE    :    VALENCE. 


49 


PREROGATivA  gratia 
Dilecte  (i)  pre  discipulis, 
Largire  patrociiiia 
Tuis  devotis  famulis. 
Gemmas  fractas  incredulis 
Reintegrasti  populis. 
Austo  veneno  poculo. 
Facto  crucis  signaculo  . 
Intromissus  in  dolio 
F*leno  ferventis  olei. 


14.   Hymne  de  Laudes. 

Pro  firmitate  fidei 

Caret  (2)  doloris  tedio. 

O  Johannes  aposlole, 

Te  deprecamur.  lecole 

Ut  tuo  patrocinio 

Celi  fruamur  gaudio. 

Deo  Patri  et  Filio 

Sit  laus  individua  (3;, 

Sancto  Flamini  tercio 

Detur  virtus  perpétua.   Amen. 


Margarete    virgims. 
15,    Hxmne  de    Vêpres  et  Matines. 


E terne  Xpiste  Domine, 
Qui  natus  es  de  Virgine. 
Intende  nostris  laudibus 
Xunc  Margarete  (4)  precibus. 
Ut  (5)  qui  hanc  tuo  lumine 
Gentili  data  semine 
Signas  (bj  ejus  obteiilibus 
Nos  levés  in  celestibus. 
Hec  est  pro  tuo  lîomine 
Passa  mundi  dulcedine 


Scripta  in  cruciatibus 
Orans  pro  peccatoribus. 
Superno  fulta  lumine, 
Derrisit  in  certamine 
Sibi  insidiantibus, 
Tuta  celi  conventibus. 
Gloria  tibi,  Domine, 
Patri,  nato  cum  flamine  ; 
.Vdsis  qui  orbi  regibus 
Dominaris  et  omnibus.  Amen. 


CARCERis  est  caligine 
A  draconis  voragine 
Erepta.  ex  demonibus 
V'ictis  duobus  hostibus. 
Ducta  e.x.  obumbramine 
Cum  gladii  vibramine 
Capite  plexa,  cetibus 
Aggregatur  celestibus. 
Ergo  qui  tuo  numine 
Cor  scrutaris  in  homine. 


16.    Hymne   de   Landes. 

Da  veniam  petentibus 

Ejus  orationibus. 

Fac  nos  precamur.  Domine. 

Tali  florere  {- )  germine. 

Lt  curati  criminibus 

Crescamus  in  virtutibus. 

Gloria  tibi,  Domine, 

Patri,  nato  cum  flamine  ; 

Adsis  orbi  qui  regibus 

Dominaris  et  omnibus.  Amen. 


[i)  B  Cdilecti.  —  (2;  Lire  cares  r  —  (j;  Vers  faux. 
—  (6)  B  C  signât.  —  (7)  C  floree. 


4)  C  Mirgarite.  —  (=,)  C  Et. 


5P 


•AISS.     ET    INCUNABLES     LITURGIQUKS 


Undecim    MILIA    VIRGINUM. 
17.    Hymne    de    Vêpres    et    Matines 

ViRGiNALi  concioni 
Deferamus  pariter, 
Cujus  laudem  vox  sonora 


VICTOR  férus  ferrum  rubrat. 
In  membra  virginea 


Nunc  decanlet  dulciter, 
Hostem  dirum  quem  devicit 
Decertando  fortiter. 

ISTOS  flores  redolentes 
Gravis  hyemps  corruil. 
Insignitas  fide  Xpisti 
Mundus  fremens  rhorruit). 
(  ),  dux  honorum. 

Atrociter  obruit. 


Discecatur  et  procumbit 

nia  seges  florida, 

Quam  festine  Xpistus  translert 

Ad  régna  syderea. 

Jam(i)  béate  concionis 

Nos  addat  collegio 

Ipse  Pater  rex  virtutum 

Cum  dilecto  Filio. 

Cujus  virtus  et  laus  ma  net 

Semper  sine  termino.   Amen. 


V 


18.   Hymne  de  Laudes. 
iRGiNiBus  prudentibus,  Cesa  (2)  cervice  gladio  (3;, 


Pro  Xpisto  decertaniibus, 
Ereclis  sursum  mentibus. 
Letis  psallamus  vocibus. 
Pro  summi  régis  filio 
Se  dedere  periculo. 


In  regni  (4)  gaudent  solio. 
Sit  laus  perpes  Trinitati, 
Compar  honor  L'nitati, 
Que  nos  choro  virginali 
Jure  jungat  eternali.   Amen. 


S 


CONFESSOR     EPISCOPUS. 

19.    Hymne    de    Laudes, 
ANCTE.  tu  prebe  miseris  misertus 


Lacrimas  juges,  gemitus  profundos 
Et  tuis,  per  te,  meritis  resurgant 

Quos  sua  premunt. 
Credimus,  Xpiste,  precium  laborum 
Premium  justis  studiis  dédisse, 
A  quibus  arlus  etiam  solutos 

Morte  bearis. 
Gloria  Xpisto  patulo  canamus 
Ore,  prestanti  sibi  servienti, 
Tanta  qui  pollet  Deitate  simplex 

Trinus  et  unus.   Amen. 


(0  B  CNam.  —  (2)  B  Sesa.  —  (3)  B  cladio.  —  (4)  C  régi. 


DU  DAUPHIXE 


(0 


[\  FESTO  SANCTI  A  PPOLL!  N'ARIS. 

Ad  Vesf'ei  .is  .1  ntiphonel  super  ps-xlmos.  Inter  célestes.  Cap.  Ecce 
sacerdos  magfnjus.  qui  in  diebus  suis  placuit  Deo  et  inventus  est 
justus,  et  in  tempore  iracundie  factus  est  reconsiliacio. 

2  o .   f-fy  m  nus  . 

Hymnum  dica'm  us  rithmicum.        Dies  recurrens  annuus 
Melos  danles  armonicum  :  Det  gaudium  colentibus  : 

AppoUinaris  gloria  Appnllinare  gaudeat 

Nos  provocat  ad  lalia.  Qui  vult  ut  Xpisto  placeat. 

Qui  diadema  presulum.  In  paradisi  sedibus 

Exemplar  et  fidelium,  Ut  dux  pollet  pulcherrimus. 

Corruscat  ut  sol  radiis.  Primatibus  consimilis 

Emicuit  miraculis.  Et  sancti  plenus  neumatis. 

Ejus  déclarant  meritum  Sit  Genitori  gloria 

Fugate  pestes  demonum,  Cum  Genilo  perpétua, 

Necne  procelle  fluminum  Amborum  quoque  Flamini 

Et  fîrma  salus  languidum.  Regna(n)ti  jure  perpeti.  Amen. 

V.  Amavit  eum.  Ad  M.ign.  a'  et  triumphatur.  Ave,  presul  gloriose, 
ave,  AppoUinaris  Xpisli  dilecte  ;  qui  régnas  féliciter  in  celi  arce, 
adesto  nobis  semper  te  colentibus,  ut  tuis  adjuti  precibus  liberemur 
a  criminum  sordibus.  —  Oratio  :  Deus,  qui  es  perhennis  gloria  sanc- 
torum.  meritis  beati  AppoUinaris  confessoris  tui  atque  pontificis, 
nos  semper  letifica,  ut  qui  ejus  letamur  sollempnitate.  per  ipsum  ad 
te  valeamus  pervenire,  per  Do. 

fnvilaloriuin.  Uni  et  vero  Deo  jubilemus  corde  devoto,  qui  beato 
Appollinari  gloriam  contulit  celestis  regni.  Hymnus  ut  supra.  In  pri- 
mo nocturno  a  .  Insigni  gloria  tune  nobilis  splenduit  Vienna,  cum  ad 
mundi  gaudium  ApoUinarem  edidit  beatissimum.  Ps.  Beatus  vir. 
A' .  Cujus  mens  spiritali  accensa  fulgore,  pervigili  mente  litterarie  in- 
hesit  doctrine.  P.  Quare  fre.  A' .  Erat  denique  tune  temporis  Valen- 
cia  valens  et  gloriosa,  situ  pulcherrima  divinoque  cultu  dignissima. 
Ps.  Domine,  quid  multipli.  y.  Amavit  eum. 

(i)  D'après  D  seul. 


52  MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

Quantum  omnium  vita  sanctorum  beatis  actibus  sacrisque  virtuti- 
bus  non  solum  présent!  clarificavit  in  seculo,  sed  eternitatis  quoque 
litulis  extulit  in  future.  i\.  Letcntur  omnes  fidèles  Xpisti,  magne  sol- 
lempnitatis  gaudium  sancto  persolventes  Appollinari,  qui  lampade 
fidei  corruscans  diademate  signorum  extitil  gloriosus.  y.  Honor  fes- 
tivus  mundum  exornat  et  presul  AppoUinaris  coram  Xpisto  trium- 
phat.  Qui.  — Tantum  fidelium  sensibus  reatum  abusionis  exhibent. 
i^'.  .\d  honorera  summe  rehgionis  presul  eligilur  AppoUinaris  ;  tri- 
pudiat  Xpisti  ecclesia,  felix  exultât  Valencia,  sede  sublimatur  pon- 
tifical! quem  jam  sublimaverat  gracia  Xpisti.  y.  Fidelium  mentes  fir- 
mat  triumphalis  devocio,  quia  celestis  gemma  nitet  in  mundo.  Sede. — 
Igitur  beatus  AppoUinaris,  Valencie  urbis  episcopus,  apud  Viennam 
et  institutus  est.  r.  Presul  Deo  dignus  AppoUinaris  et  magnificus, 
Deum  esorans  celorum  non  formidabat  terreni  régis  imperium, 
sed  Xpisti  resistens  inimicis  stabat  fide  semper  inexpugnabilis. 
y.  Non  poterat  enim  facile  superari  quem  solida\-ei-at  petra  perfecte 
fidei.  Sed  Xpisti, 

[n  secundo  nocturno  a  .  Pugnavit  fides  presulum  in  Stephaiium 
sacrilegum,  regali  qui  fiducia  commiserat  illicita.  P.  Cum  invoca. 
.4'.  Dampnatur  incestus  anathematis  ictibus  :  Avilus  et  Apollinaris 
odium  incurrunt  régis.  P.s.  Verba  mea.  A\  Cumque  regius  furor  im- 
mineret  nimium.spontaneum  subierunt  exilium.  P.  Domine  Dominus. 
y.  Justus  ut  palma  tlo.  —  Qui  nobilis  generis  ortu  conspicuus.  na- 
talium  titulos  mentis  fatigatione  sublimans.  dum  pastoris  cura  gre- 
gem  sibi  creditum  paterna  gubernacione  foveret,  multis  eum  constat 
emicuisse  virtutibus.  ii.  Fidelis  locus  exilii,  in  quo  clai^uerunt  mira- 
cula  Xpisti  :  denegavit  haustum  Rodanus,  prebuit  aquam  fons  pu- 
rissimus,  declaravit  oracio  qualis  erat  presul  in  merito.  y.  Invocalo 
nomine  sancte  Trinitatis.  Declaravit.  —  Quas  pro  inmensilate  gesto- 
rum  preterire  maluit  inpei'ita  prcsumpcio.  n".  Celestis  vindicta  mox 
percussit  regem,  qui  dire  febris  passus  est  ardorem,  nam  cruciaba- 
tur  sancte  qui  sanctum  presulem  tractaverat  inique,  y.  Cognoscebat 
enim  se  illicita  perpétrasse,  tolerando  penas  sibi  celitus  datas.  Nam 
cruci. —  Ne  tanti  viri  mérita,  indignis  agressa  suffragiis.  non  tantam 
mandarentur  dictis  quam  verborum  confunderentur  injuriis.  \{.  Ad- 
voluta  regina  pedibus  beati  AppoUinaris,  lacrimis  flebat  amarissimis. 
plangens  dolorem  languentis  régis,  qui  morti  proximus  erat  et  spem 
vite  perdiderat.  f .  Rogantis  fides  obtinuit  quod  humiliter  quesivit  : 
fidelis  supplicatio  régis  fuit  salvatio.  Qui  morti. 


DL"    DAUPHINE    :    VALENCE.  5^ 

« 

In  111°  nocturno  a.  O  quantum  virtutis  prebet  gracia  celestis  suis 
dilectis,  quorum  virtus  resplendet  in  mundo  velut  sydus  in  celo. 
P.  Domine  quis.  .4'.Transmititur  régi  pontificalis  cuculla,  cujus  po- 
sicione  fugata  est  doloris  angustia.  P.  Domine  in  vir.  A'.  Reddunlur 
Xpisto  et  AppoUinari  laudes,  dum  rex  efficitur  sospes;  predicabatur 
hec  passim  virtus  et  veneratur  sanctus  pontifex  ab  omnibus. P.  Domini 
est  terra  y.  Justum  dedu.'^it  Dominus  per  vias  rectas.  — Tamen  quod 
mundane  vite  propinquante  jam  termine  eum  egisse  recolimus. 
R,".  Honor  triumphalis  meritis  erigitur  .\ppollinaris  ;  clamât  Sigismun- 
dus  :  peccavi,  sancte  presul,  in  te  deliqui,  jam  precor,  miserere  féli- 
citer supplicanti.  y.  Amplectens  pedes  sancti  antisti  tijs,  affectum 
mentis  talibus  designabat  dictis.  Jam  precor.  — Ut  precandis  actibus 
exemplisque  gloriosis  emulacione  laudabili  posteritas  e.\itetur. 
a.  Laudabilis  est  et  celebris  virtus  tam  gloriosi  presulis,  cujus  insi- 
gne imperium  furentem  sedavit  Rodanum  et  demonio  (ugato  reddi- 
tur  salus  Alimphio.  y.  Talia  enim.  Xpiste,  miracula  tua  sunl  dona, 
te  duce  facit  Appollinaris  quod  egisti  in  fluctibus  :  maris  naiifragium 
pellitur,  navigantes  salvantur  Et  demonio. —  Atqueaccidit  ut  quidam 
ex  officio  régis  Sigismundi,  nomine  Stephanus,  qui  super  omnem 
dominacionem  fisci  principatum  gerebat.  vÇ.  Festiva  splendent  gau- 
dia,  triumphet  nunc  \'^alencia,  chorruscans  sublimissimis  Appolli- 
naris titulis,  civilis  plebs  refloreat,  colentum  fides  polleat,  reddunt 
celi  mellifluum  festo  presenti  jubilum  :  nos  exultemus  inclitis  con- 
centibus  et  modulis  y.  Fiat  nobis  propicius  Appollinaris  inclitus. 
expurget  nostra  sceiera  benigna  sui  gracia,  adimpleat  que  poscimus. 
accipiens  quod  psallimus.  Nos  ex    —  Te  Deun-i  laudamus. 

In  laudibus  a  .  Inter  célestes  cives  beatus  Appollinaris,  paradisi 
lactus  hères,  perhenni  triumphal  gaudio.  régnât  féliciter  cum  Xpisto. 
.4'.  Vir  Dei  Cesarius  sanctissimi  .Appollinaris  adventu  valde  est  ga- 
visus,  quia  erant  unanimes  in  Xpisto  et  choruscantes  sanctitatis  me- 
rito.  .4'.  Mirabilis  exultacio  in  Arelatensi  diffunditur  populo,  exul- 
tant affines  et  amici,  divites  facti  desiderio  desiderati  viri.  .l'.Pre- 
bentur  opes  maxime  de  propinquorum  munere,  sed  manus  sancti 
presulis  p^uperibus  lit  dapsilis..4'.Sancto  perunctus  oleo  puer  adduc- 
tus  Dei  viro,  loquele  modulos  percepit  et  demonium  non  ulterius 
sentit.  Cap.  Ecce  sacerdos. 


54 


MSS.    ET    INCUNABLES     LITURGIQUES 


2  1 .  Hvmniis. 


Psallat  chorus  fidelium, 
Festum  revolvens  annuum. 
In  quo  gemma  pulcherrima 
Celi  con''s)cendit  ardua. 
Appollinaris  inclitus. 
Confessor  et  episcopus. 
Xpistum  qui  toto  pectore 
Dilexit  omni  tempore. 
Nunc  laureatus  emicat 
Cum  sanctis  ac  tripudiat. 
Cernens  Patrem  cum  Filio 
Et  Spiritu  paraclito. 


AppoUinari  obtime, 
Te  poscimus  assidue. 
Regem  pro  nobis  obsecra 
Tua  benigna  gracia. 
Ut  tribuat  largilluum 
Suum  nobis  auxilium, 
Quo  celsa  poli  proinde 
Mereamur  conscendere. 
Sit  Trinitati  gloria. 
Sit  decus  et  victoria. 
In  Unilate  solida 
Per  seculoium  secula.  Amen 


Ad  Bened.  a 
O  virtus  admirabilis 
Et  admodum  laudabilis 
Presumpcionis  alapa 
Lenitur  paciencia. 


Immolus  herel  Jectulo 
Turbavit  quem  presumpcio  : 
Langor  et  démon  pellitur 
Dum  sancta  manus  tenditur. 
Oratio  ut  supra. 


Ad  horas  ut  unius  episcopi  et  confessoris,  sed  dicitur  propria  oracio. 
Deus,  qui  meritis  beati  Appollinaris  hodiernis  mundum  decorasti 
preconiis,  aufer  a  nobis  tenebras  tocius  erroris,  ut  tu,  qui  verus  es 
dies,  luceas  semper  in  cordibus  nostris,  per. 

Ad  Vesperas  a  V  de  Laudibus  per  ordinem.  Alléluia,  justus  germi- 
nabit  sicut  lilium  et  florebit  in  eternum  ante  Dominum.  Ad  magni- 
ficat a  et  triumphatur.  Ilodie  celestis  splendor  mundum  perlustrat, 
hodie  paradisi  turba  organis  dulcifluis  Xpisto  jubilât,  clerus  exultai. 
-Appollinaris  spargit  spiramina  divini  odoris  .  célestes  splendenl 
cerei  columpnis  celeslibus  nixi,  scandit  Dei  amicus  celum  obsequiis 
angelorum,  ubi  se  ducente  mereamur  regem  regum  videre.  Oratio 
ut  supra.  Per  oct.  Ilfl"''  signa  et  fit  ut  unius  episcopi  et  confessoris,  sed 
dicuntur  hymnus,  iÇ.  ut  in  Jcsto.  Ad  bened.  et  ad  magnificat  a'  Insi- 
gni  gloria  nocturnalcs  per  nrd.  Oratio  ut  in  festo. 


du  dauphine   :   valence.  55 

Sanctorum   Felicis,    Fortu.nati    et   Achilei    MARTYKU.M. 

Ad  v\is  a  siipei-  p'os  fei  ïales  Hiis  audilis,  toliiin  qiiere  in  laudibu^ ^ 
Cap.  Hymnus  Fideliiim,  :]uere  post  presentem  ojficiuin.  y  pliirimorum 
martyriun.  Athletis  Xpisti  fortissimis  Felici.  Fortunato  et  Achileo  in 
divinis  operibus  constitutis,  cepit  àntiquus  humani  genen's  inimicus 
graviter  in  eos  incrassari  et  per  inmania  tormenta  adepti  sunt  régna 
siderea,  alléluia,  alléluia,  alléluia.  Bonum  certamen  certaverunt,  cur- 
sum  consummaverunt.  Xpisto  Domino  fidem  servaverunt  et  per  in- 
mania. Gloria  Patri.  Athletis.  Ad  magnificat  vt'. Post  gloriosum  Domi- 
nice  Ascensionis  triumphum,  per  beatum  Yreneum,  secundum  Lug- 
dunencium  archiepiscopum,  vera  lux  mundi  Gallicis  gentibus  gloriose 
refulsit,  alléluia.  Ad  onines  horas  diei  Oracio  :  Deus.  cujus  splendore 
caritatis  beati  martires  Félix,  Fortunatus  et  Achileus  tormentum 
mortis,  coniento  persequtore,  devincerunt,  concède  propicius  ut  om- 
nes  qui  eorum  mérita  veneramur.  precibus  eorum  ac  =  ab)  elernis 
géhenne  incendiis  liberemur,  per. 

Invitaloriinn.  Martirum  Dominum  regem  Xpistum  venite  fidèles 
adorare  devoli,  alléluia.  Venite.  Hymnus  Fidelium,  quere  post  pre- 
sentem officium.  In  nocturno  a  .  Sanctus  Domini  pontifex  Yreneus, 
plurimorum  gestiens  prodesse  saluti,  tribus  eque  beatis  viris  ex  dis- 
cipulis  suis  Valenciam  comisit  urbem  regendam,  alléluia.  Beatus 
vir.  Quibus  ingressis,  tantam  Dominus  athletis  suis  contulerat  gra- 
ciam,  ut  illa  paganorum  multitudo  ultro  se  sacre  fîdei  subdidisset, 
alléluia.  Quare  iVe.  Flumana  facundia  ennarrare  non  sufficit  quantas 
virtutes  quantaque  signa  Dominus  noster  Jhesus  Xpistus  per  eos 
gentibus  declarabat,  alléluia.  Domine,  quid.  Tempore  quodam,  sum- 
mus  sacerdos  et  martir  ecclesie  Lugdunensis,  sanctus  Yreneus,  Feli- 
cem  presbiterum,  Fortunatum  et  Achileum  diacones  ex  suo  latere. 
Quadam  nocte,  dum  se  beati  viri  Félix  presbiter,  Fortunatus  atque 
Achilleus  dyacones  sopori  dédissent,  vidit  beatus  Félix  in  visione 
divina  se  et  cum  discipulos  suos  gloria  martirii  insigiiiri,  alléluia, 
alléluia.  Quo  viso  sacerdos  gaudio  perfusus,  cepit  fratribus  suis  quasi 
ore  presago  veraciter  contestari.  Sedet  cum  disci.  Quibus  eam  in- 
gressi  Dominus  servis  confitere  dignatus  est,  ut  ad  martirii  perveni- 
rent  coronam  et  illa  pa^ga  norum  multitudo  qui  jacebatur  (!)  in  tene- 
bris  eos  plenissimo  affectu  deligeret.  Quinque  agnos  vidi  sine  ma- 
cula mandos,  candore  splendidos.  lilia  depascentes  et  audivi  vocem 


56  MSS.     ET    INCUNABLES    LITURGIQUES 

terribilem  dicentem  :  venite.  Yrenei  discipuli,  intrate  in  gaudium 
Domini  Dei  nostri,  alléluia,  alléluia.  Et  quia  veraciter  egistis  in  sta- 
dio  veritatis,  jam  venite,  digni.  Intrate.  Erat  in  eis  mirabilis  Xpisti 
gracia,  vultu  placidissimi,  profusi  in  verbo  et  dum  corpore  videntur  in 
terris  sursum  corda  suspendentes  habitu,  vultu  et  societate  resplen- 
debant  in  celis.  Cumque  sancto  Ferreolo  celitus  eadem  ostensa  fuis- 
sent, Felici,  Fortunato  atque  Achilleo  ila  licteris  mandare  curavit  : 
credo,  fratres  sanctissimi,  quia  nos  Dominus  ad  martirii  coronam 
invitavit,  alléluia,  alléluia.  Vigilemus  et  adoremus,  spiritu  ferventes, 
ne  diabolus  veniens  furetur  thesaurum  nostrum,  quia  nos.  Te  Deum 
laudamus. 

Hiis  audilis,  beati  miKitjes  Xpisti  uno  ore  dicebant  :  gracias  tibi, 
splendor  eterne  glorie,  qui  nos  letificare  dignatus  es  nec  promis- 
sione  tua  fraudasti,  alléluia.  Nunc,  Domine  rex  regum,  reple  nos 
servos  tuos  consolacione  celesti,  ut  digne  consequi  passionem  va- 
leamus,  quos  verbum  tuum  anu(n  ciando  testes  tuos  esse  voluisti, 
alléluia.  Compléta  oratione,  psalmis  et  hymnis  jugiter  Jhesum  Xpis- 
tum  Dominum  laudare  eternum,  quem  solum  decet  hymnus  in  Syon 
et  cui  reddetur  votum  in  jherusalem,  alléluia.  Cumque  de  carcere 
educti  fuissent,  interrogati  sunt  a  tiranno,  si  ydolis  inmolare  con- 
sentirent ;  dixerunt  :  nosmet  inmolamus  Deo  vivo  et  vero,  alléluia. 
\''idens  autem  tirannus  quia  beatos  martires  nuUa  toi-mentorum  in- 
manitale  superare  posse,  jussit  eos  gladio  interfici  et  ita  victores 
effecti  martir(i  um  gloriosissime  compleverunt,  alléluia.  Ca/).,//y;??- 
nus,  y.  pluriiuoi  um  in.irtiruiu.  Ad  Bened.  a  .  Annuam  festivitatem 
sacratissime  sanctorum  passionis  martirum  festivis  veneremur  obse- 
quiis  Felicis  iherarchie  Domini  ac  levitarum  Fortunati  et  Achilley, 
in  qua  Xpisto  tormenta  horrifica  spernentes  felices  polum  pecierunt, 
alléluia.  Ad  horas  ut  pluriinorum  martirum.  Ad  vas  a'  v  de  laudibus. 
Alléluia,  te  martirum  candidatus  laudat  exercitus,  Domine.  Hymnus 
Sanctorum  meritis.  Exultent  justi.  Ad  magnificat  a.  O  mira  Dei  pie- 
tas  atque  ineslimabilis  bonitas,  cum  invicti  martires  diutissime  car- 
nificum  manibus  torquereniur,  nichil  doloris  senciebant,  sèd  Xpis- 
tum  Dominum  leti  magnificabant,  alléluia.  Oratio  ut  supra. 

Isli  hymni  pertinent  sanctis  jamdictis,  primus  ad  matntinas  et  uira^- 
que  vesperas.  secundus  in  l.iudibus  diei  per  ordinem  /voir  p.  ^'j>. 


Saincte   Vie    et    Glorieulx    Trespassement 


JEHAN     ESMÉ 


Sire  de  Mo  Unes. 


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l 


Que  dire  ou  escripre  les  saincles  actions  est  les  multiplier  et 
adoncques  chose  aggréable  à  Dieu. 

Se  les  excellentes  et  sainctes  actions  sont  par  juste  preheminance 
veue  aggréable  devant  toutes  autres  à  l'ueil  de  Dieu,  en  ce  que  par 
durant  le  tems  de  l'humaine  vie  elles  répandent  en  telz  lieux  qu'elles 
habitent  le  byen  faict  de  vertu  et  sa  précieuse  semence, en  laquelle  est 
l'yncitacion  à  lymitacion  d'icelluy.  ce  n'est  toustesvoyes  chose  que 
ne  luy  doie  estre  apareillement  aggréable,  non  obstant  que  soit  à 
mendre  degré,  la  reproduction  fertilisante  qui  puet  estre  dicte  multipli- 
cacion  d'icelluy,  par  predicacion  ou  escripture  ;  quoy  fesant  icelle  inci- 
tation à  l'ymitacion  susdite  ne  sera  plus  confinée  aus  tesmoings  de  la 
dicte  vie,  mais  yra  par  dellà  porter  et  conserver  si  vertueulx  souvenir 
et  tant  glorieulx  exemple  aus  descendans  d'yceulx  qui  ont  produict 
telles  sainctes  actions  et  les  exhorlei-  à  aproprier  les  leurs  pareilles, 
se  debvant  tousjours  ediffier  la  postérité  et  enseigner  en  ses  actes 
des  vertueulx  préceptes  et  utilles  leçons  que  nous  sont  transmises  de 
noz  pères  et  prédécesseurs. 

I  I 


Qui  a  meu  l'auteur,  encore  que  ne  soit  expert  en  tel  science, 
d'entreprendre  le   présent  discours   de   la  saincte   vie  et 


5»  SAIXCTE    VIE    ET    TRESPASSEMENT 

glorieulx  trespassement  de  très  noble  seigneur  de  bien 
heureuse  mémoire  Jehan  E>mé.  sire  de  MoHines,  chevalier 
très  chrestien. 

Et  adoncques  me  suis  mys  en  voye.  encores  que  ne  soye  grant 
euvrier  se  expert  en  tel  science  de  discours  que  mestier  seroit,  de 
colleger  et  mectre  en  euvre  en  ce  présent,  touz  les  enseignemens  des- 
quelz  exactement  procèdent  les  excellens  faiz.  verlueuK  gestes  et 
prouffitables  exemples  que  a  léguez  par  plus  préciculx  hériiaiges  que 
sont  terrestres  richesses  aux  descendans  présens  de  son  lignaige  et 
à  touz  aultres  chrestiens  fidelles  amoureux  de  vertu  le  très  noble,  ver- 
tueulx  et  redoubté  seigneur  de  pieuse,  vénérable  et  bien  heureuse 
mémoire  Jehan  Esmé,  sire  de  Mollines,  chevalier  très  chrestien, 
lequel  après  que  il  eust  passé  ses  jours  en  pure  et  entière  sainteté  en 
fina  les  derreniers  soubz  telle  couronne  de  saincleté  si  pure  et  escla- 
tante  que  jà  sembloit  elle  la  divine  couronne  à  ycelui  réservée  au 
ciel. 

III 

Du  jour  que   trespassa  le  dit   sire. 

Alors  que  trespassa  bénissant  et  bien  fesant  à  touz  quelxconques 
parens,  amys  et  serviteurs,  la  veille  de  la  Thiephaine  de  l'an  de  nos- 
tre  Seigneur  CGC  et  cincquante  nuef,  parmi  le  dueil,  douleur  et  lar- 
mes de  chascuns  de  ses  famille  et  ostel. 

IV 

Qu'à  l'auteur  est  encores  cause  particullière  de  piété  à  l'en- 
droict  dudict  sire. 

Et  ne  failliray  oncques  à  me  ramentevoir  et  resjouir  en  mon  cuer 
l'affinité  spirituelle  qu'ayant  eu  par  fortuné  voulloir  de  la  saincte  pro- 
vidence ou  dict  glorieulx  sire,  lequel  se  ayant  voullu  condescendre  à 
me  présenter  indigne  aux  saincts  fons  de  baptesmc,  me  en  a  esmergé 
purgé  de  toute  impureté  et  souilleure;  et  n'estant  à  luy  suffisant  de  me 
avoir  ainsy  allaicté  de  telle  première  et  précieuse  nourriture  de  l'âme 
et  de  m'y  avoir  insufflé  le  meilleur  en  lieu  du  pyre  quy  précédem- 
ment y  estoit,  ne  me  a  par  aultre  généreuse  faveur  voullu  abandon- 


DE    JEHAN    ESME,    SIRE    DE    MOLINES.  50 

ner  en  la  vie  de  mon  esperit  et  de  mon  corps,  et  retenu  de  son  ostel 
et  famille,  où  du  tems  que  croissoit  le  dict  corps  en  force  et  bonne 
norriteure,  s'esclarcissoir  mesmemenl  le  dict  esperit  et  demouroit 
imbus  de  science  clérical,  que  m'a  esté  de  tel  confort  et  ayde  pour 
parvenir  en  mon  honneur  et  estât  en  nostre  saincte  Esglise. 

V 

De  quoy  luy  est  pieulx  resentiment  à  chascun  jour  que  dist 
les  patenostres  que  luy  a  donez  le  dict  glorieulx  sire  à 
l'eure  de  son  trespassement. 

Et  de  telz  et  si  grans  bienfaicts.  en  quoy  le  dict  glorieulx  sire  n"a 
failli  persévérer  en  mon  endroict,  n'est  dangier  que  tumbe  la  mémoire 
en  oubly,  m'estantde  pieuse  coustume  Tévoquier  et  rappeler  chascun 
jour  au  service  de  matines  durant  que  dis  mes  patenostres  d'embre 
que  me  voullu  donner  le  dict  glorieulx  sire  à  l'eure  de  son  trespas- 
sement, me  priant  de  les  dire  de  mon  amour  chascun  jour  pour  le 
salut  de  son  âme  et  que  Dieu  l'absoille,  de  quoy  ne  seroit  risque  du 
contraire,  estant  jà  la  dicte  saincte  âme  en  la  céleste  compaignie  de 
touz  les  sains  du  Paradis,  aincoys  prie  à  elle  que  me  soye  au  ciel 
autant  favorable  protectrice  et  bienveillante  comme  sur  ceste  terre 
me  l'a  esté  le  dict  sire. 

VI 

De  l'origine,  lignaige  et  descendance  desquelz  estoit  yssu 
ycellui  glorieulx  sire. 

L'origine  de  la  maison  et  lignaige  d'icelluy  glorieulx  sire  estoit  de 
prime  face  d'une  moult  ancienne,  puissante  et  noble  maison  de  la 
riche  cité  de  Venise,  de  laquelle  ung  nommé  Anterpian  Esmé,  qui 
estoit  très  renommé  guerrier  de  mer,  ayant  eu  cause  de  fere  bon  et 
loyal  service  à  l'empereeur  qui  alors  vivoit,  luy  furent  par  le  dict  em- 
pereeur  oclroiez  et  concédez  pluseurs  chasteaulxet  signories  es  terres 
'du  dict  Eimpire  et  es  marches  deDalphiné,  lesquelles  signories,  pour 
estre  tousjours  le  dict  Anterpian  vaccabond  en  estranges  contrées, 
ne  les  occuppa  luy  mesme,  mais  en  donna  investiteure  à  son  tiers 
fîlz,  duquel  les  deux  ainsnez  frères  demeurèrent  à  Venisse  en  toute 


60  SAIN'CTE    VIE    ET    TRESPASSE.MENT 

honneur  et  estât  persévérant  de  leur  maison  et  lignaige.  lequel  de 
présent  y  verdit  et  porte  toute  fleur  de  noblesse  et  de  chevallerie.  Et 
ne  s'est  davantaige  séché  ne  dégénéré  en  villenie  le  rameau  diverti 
du  tronc,  aincoys  tout  au  contraire  a  t  il  poussé  biaux  branchaiges  et 
telz  fruictz  que  nous  avons  vuz,  et  en  est  de  présent  yssu  ung  bel 
arbre  protecteur  des  petiz,  et  aussi  eslevé,  errogant,fort  et  gracieulx 
à  tous  que  nul  aultre  du  vergier  de  noblesse  en  cestuy  pays. 

Vil 

Et  premièrement  du  premier  du  lignaige  d'Esmé  qui  se  de- 
portast  en  celluy  pays  de  Dalphiné  et  estoit  seurnommé 
Aymoin  et  fust  le  premier  seigneur  de  la  seignorie  de 
Moiines,  laquelle  par  avant  estoit  de  l'Empire, 

Or  avint  que  le  premier,  que  ainsy  avons  dict  avoir  prins  pié  en 
celluv  pays  de  Dalphiné  et  estre  deveneu  souche  d"honneur.  preu- 
dommie  et  vertu,  estoit  dict  Aymoin  de  son  seurnom,  tierz  filz  du  dict 
Anterpian  Esmé,  et  en  avoit  receu  investiteure  des  dictes  seignories 
donnez  par  le  dict  empereur  à  sen  dict  père,  entre  lesquelles  estoit 
la  dicte  seignorie  de  Moiines,  laquelle  par  avant  estoit  terre  de  l'Em- 
pire et  est,  si  comme  on  scet.  seignorie  moult  noble,  puissante  et  du 
tout  excellente  sur  les  aultres.  et  la  gouverna  le  dict  Aymoin  par 
certain  tems,  après  lequel  alla  de  vie  à  trespassement,  délaissant  la 
dicte  terre  bien  amendée  et  acreue  de  bons  héritaiges  à  luy  aveneues 
d'une  sienne  alliance,  laquelle  avoit  prinse  au  lignaige  de  Réveil  et 
lui  en  avoit  de  grans  biens,  lesquelz  par  heritaige  délaissa  à  son 
ainsné  filz  Estienne,  duquel  ensuivrons  le  discours. 

VI  I  I 

Ensuict  le  discours  du  noble  seigneur  Estienne  Esmé , 
deuxiesme  seigneur  de  Moiines,  lequel  fust  ou  tems  de 
sa  vie  chevalier  très  vertueulx  et  loyal. 

Et  scet  on  que  le  dict  noble  seigneur  Estienne  fust  ou  tems  de  sa 
vie  chevalier  vertueu'lx  et  loyal,  pour  avoir  esté  moult  imbut  de  piété 
relligieuse  et  généreuse  libéralité   à  l'endroict  de  la  saincte  Esglisc, 


DE    JEHAN    ES.MÉ,    SIRE    DE    MOLINES.  ÔI 

laquelle  il  docta  de  biens  nombreux  à  son  povoir  et  tant  belles 
possessions  que  peust  ;  et  s'y  voit  on  encores  en  Tesglise  de  Molines 
la  sépulture  du  dict  Estienne,  laquelle  est  de  belle  pierre  dure,  et 
est  au  derrière  d'iceile  une  autre  pierre  tout  debout  addressée  au 
mur,  en  laquelle  v  lict  on  le  nom  du  noble  seigneur  Ferrs',  pour  le 
tems  de  sa  vie  frère  du  dict  Estienne  ;  et  y  est  aussi,  à  ycelle  pierre 
accostée,  pareille  pierre  de  la  noble  dame  lors  dicte  vefve  du  dict 
Ferry  ;  et  estoit  une  aultre  pierre,  laquelle  estoit  tout  à  plat  posée. 
longeans  celle  du  dict  Estienne,  et  estoit  de  la  femme  du  dict  Es- 
tienne, en  laquelle  pour  estre  brisée  et  comme  pilée  n'est  plus  de 
présent  possible  de  veoir  le  nom  de  la  dicte  femme,  qui  fait  que  n'en 
parleray  pas,  mais  estoit  certes  de  belle  et  grande  maison  et  glo- 
rieulx  lignaige  pour  avoir  esté  eslue  à  compaigne  par  le  dict  Es- 
tienne, lequel  nous  avons  veu  si  vertueulx  et  bon  chevalier  qu'il 
estoit. 

IX 

Du  noble  seigneur  Jehan  Esmé,  qui  fust  le  tiers  seigneur  de 
Molines. 

De  cestuy  ci  ne  feray  long  discours,  pour  n'avoir  sceu  le  détail  de 
ses  gestes,  se  n'est  que  eust  à  femme  une  noble  damoiselle,  fille 
puisnée  du  sire  de  Glan,  avec  laquelle  est  ensepveli  en  la  dicte  esglise 
de  Mollines. 

X 

Est  ensuivant  parlé  du  très  noble  et  vertueulx  chevalier  Jehan 
Esmé,  dict  le  Viel,  lequel  fust  quart  seigneur  de  Molines 
et  en  grant  honneur  ou  temps  de  sa  vie. 

Or  plus  amplement  porrai  je  discorir  dudit  très  noble  et  vertueulx 
chevalier  Jehan  Esmé,  qui  nommé  fust  le  \'ieil  pour  ce  que  ung  sien 
filz  mesmement  du  nom  de  Jehan  estoit  dict  le  Juene.  et  ainsi  d'aage 
entre  eulx  estoit  seule  différencie,  mais  non  de  vertueulx  couraige, 
lequel  estoit  nemoings  grant  du  père  que  du  filz;  aincoys  eurent  ilz 
tel  rare  bonheur  et  gloire  de  s'ensauver  et  dellivrer  l'ung  Taullre  en 
ung  cas  que  cy  après  dyrai. 


02  SAINCTE    VIE    ET    TRESPASSEMENT 


XI 


Comment  avint  que  le  très  noble  seigneur  Jehan  Esmé.  dict 
le  Vieil,  saulva  de  grant  péril  Jean  le  Juene,  son  filz, 
et  comme  en  fust  pareillement  saulvé. 

Le  dict  cas  fust  tel  que  ung  serviteur  du  dict  noble  seigneur  Jehan 
le  Vieil,  que  l'en  nommoit  Pierre  le  Doulx,  fust  treuvé  mort  en  ung 
champ  ung  dimanche  après  la  Saint  Jehan  Baptiste,  et  n'eust  on  peu 
scavoii"  quel  maltaicteur  le  avoit  ainsi  occis,  se  n'est  que  fust  treuvée 
ung  pou  plus  tard  une  espée  toute  nue,  laquelle  avoit  esté  gectée  et 
comme  muciée  en  ung  champ  prochain  d'icelluy  ou  quel  estoit  le 
dict  Pierre  estendu.  Et  estoit,  celle  espée  celle  d'un  seigneur  voysin 
du  dict  Jehan  le  Vieil,  seurnommé  Anthoine  de  Sainct  Andrieu,  le- 
quel estoit  seigneur  renommé  envieulx  et  malfaisant,  et  se  efforçant 
voluntiers  chascun  jour  faire  desplaisir  et  guerre  au  dict  noble 
seigneur  Jehan  et  à  ceulx  de  son  ostel  ;  et  s'escrièrent  tout  à  l'instant 
les  serviteurs  du  dict  ostel  que  n'estoit  aultre  que  le  dict  Anthoine 
de  Sainct  Andrieu  qui  avoit  perpétré  ce  fait.  Quoy  oyant  le  dict  no- 
ble seigneur  Jehan  le  Vieil,  esmeu  de  chaut  sanc  et  indignacion  ver- 
tueuse de  tel  odieux  et  exécrable  forfait,  se  departist  de  son  ostel  en 
compaignie  de  pluseurs  ses  variez  et  du  dict  Jehan  le  Juene,  son  filz, 
lequel  le  voult  convoier  pour  plus  grant  seureté,  comme  byen  luy  en 
print  par  le  faict.  Et  estans  adrivez  devant  l'ostel  du  dict  sire  de 
Sainct  Andrieu,  aperceurent  ycellui  qui  descendoit,  auquel  le  dict 
noble  seigneur  Jehan  le\^ieil,  s'advançant  à  la  teste  de  sa  dicte  com- 
paingnie,  dist  doulcement  :  <'  Sire  de  Sainct  Andrieu,  veez  doncques 
«  ceste  espée  se  elle  est  vostre  ou  moye.  »  A  quoy  moult  troublé  ne 
respondist  riens  dès  abord  le  dict  sire  de  Sainct  Andrieu,  mais  tost 
après  dist  que  ce  n'estoit  en  la  présence  de  tant  de  villains  que  se  deb- 
voit  esclarcir  telle  chose  et  offrist  finablement  ausdits  sires  JehanVieil 
et  Juene  de  le  visiter,  que  ne  voulant  iceulxreffuser, n'estant  encoresque 
suspeçon  du  dict  faict,  laissèrent  leurs  gens,  et  mesurant  l'honneur  et 
loyauté  du  dict  sire  à  la  leure,  se  consentirent  à  le  suire  en  son  hostel, 
où  estant  le  dict  meschant  sire  les  eslongna  l'ung  de  l'autre  soubz 
faulz  prétextes  et  par  surprinse  enferma  chascun  en  une  chambre, 
puis  se  mist  en  peine  d'aler  quérir  ses  variez  pour  revenir  à  grant 
force  tuer  les  dits  Vieil  et  Juene,  que  n'eust  osé  affronter  à  chascun 


i  DK    JEHAN   .ESMÉ,    SIRE    DE    MOLINES.  Ô^ 

seul;  mais  avint  que  ledit  Jehan  le  Juene,  s'essaiant  d'ung  bade- 
laire  qu'il  avoit,  en  rompi  et  froissa  la  serreure  de  l'uis  en  la  chambre 
où  estoit  détenu;  et  s'estant  à  la  noise  du  rompement  de  la  dicte 
serreure  escrié  et  seurvenu  ung  des  serviteurs  du  dict  meschant  sire, 
le  print  d'ung  poing  à  la  gorge,  disant  que  se  ne  se  taisoit  du  bade- 
laire  qu'avoit  ouvert  cest  huis,  luy  en  ouvriroit  ung  autre  en  son 
corps  pour  chasser  sa  villaine  âme,  et  pour  ce  que  le  dict  serviteur 
nesedesportoitde  crier,  luy  donna  tel  cop  du  pommel  de  son  badelaire 
parmi  le  front  que  Tabatist  à  terre  comme  buef.  Et  ne  délayant  appella 
son  père,  et  aiant  descouvert  ou  quel  lieu  repairoit  défonça  l'iais  et 
le  tira  dehors,  et  ce  advenant  veirent  ledit  meschant  sire  de  Sainct 
Andrieu,  lequel  revenoit  ardent  à  mal  faire  avecques  grant  com- 
paingnie  de  meschans  comme  luy,  tous  guarniz  d'espées,  haches  et 
aultres  armes,  qui  les  repoussèrent  en  l'intérieur  de  l'ostel.  Quoy 
véans  lesdits  bons  sires  Jehan  le  Vieil  et  Jehan  le  Juene.  necuidans 
espérer  bonne  issue  à  tel  combat  se  inesgal  de  deux  contre  tel  nom- 
bre, recommandèrent  à  Dieu  leurs  âmes  et  se  estant  estroictement 
embrassez  entrèrent  en  bon  debvoir  de  se  deffendre  chèrement  l'ung 
l'aultre  ;  et  sur  ce  faict  les  aultres  invaissans  comme  torrent  et  effor- 
çans  de  ruer  et  férir  lesdicts  bons  sires,  iceulx  bons  sires  se  ruèrent  en- 
tre tous  de  commun  effort  et  de  telle  furie  que  transversèrent  la  dicte 
foule, estendans  desdiz  assaillans  sur  leurpassaige  comme  espizsoubz 
lafaulx,  et  se  reculans  aux  cops  à  leurpovoir  l'ung  à  l'aultre  adossés, 
deffendans  l'ung  l'aultre  contre  les  diz  invaisseuis,  lesquelz  s'effor- 
çoient  tousjours  de  les  affoler  et  occire,  se  commencèrent  à  retirer, 
mais  ne  se  povoit  promptement  fere  estans  tous  deux  chargiez  de 
griefves  et  dures  plaies,  par  où  chéoit  le  sanc  en  habondance  ;  et  de 
telle  douleur  de  veoir  ainsi  navré  son  père,  le  bon  Jehan  le  Juene, 
saisi  et  comme  transporté  hors  de  son  ordinaire  sens,  se  rua  de 
tel  effort  puissant  sur  le  sire  de  Sainct  Andrieu,  lequel  estoit  au  mil- 
lieu  de  ses  gens,  les  encourageant  du  faict  et  de  la  voix,  que  de 
prime  face  l'actaignist  et  luy  gecta  si  grant  cop  sur  la  fontayne  de  la 
teste  que  le  fist  cheoir  à  terre,  occis  du  dict  cop,  si  que  le  sanc  li 
sailloit  par  les  oreilles,  yeux  et  bouche.  Et  cependant  s'estoit  autour 
d'icelui  bon  petit  Jehan  refermez  lesdiz  invaisseurs,  l'estreingnans 
en  ung  cercle  de  cops  qu'ilz  gectôient  de  toutes  pars.  Quant  ce  veant 
le  bon  Jehan  le  Vieil,  esmeu  de  ce  feu  de  couraige  et  furie  duquel 
Dieu  a  enflammé  le  cuer  de  la  lyonne  contre  les  desrobeurs  de  son 
lyoncel,  se   précipita    enmy    ceste    tourbe,  et   ruant  ung  desespéré 


04  SAIXCTE    VIE     ET    TKESPASSEMENT  * 

cop  sur  ung  des  variez  qui  le  plus  oppressoit  son  dict  filz  le  desga- 
gea, tonnant  de  la  voix,  escriant  :  «  \'ela  le  maistre  occis,  sanc  et 
mort,  nul  varlet  n"eschapera  à  mon  lignage  ne  plus  voz  famJlles  se 
cop  de  plus  est  doné.  »  Quoy  oyant  lesdiz  variez  et  veans  leur  sei- 
gneur ainsi  du  tout  occis,  s'en  commencèrent  à  fouyr  et  issirent  de 
Tostel  tous  fouyans  ;  et  avint  que  l'ung  d'eulx  requérant  grâce  et 
pardon  otïrist  reconfort  aus  dits  paouvres  bons  sires  en  si  piteable 
estât,  et  depescha  ung  sien  enfant  porter  advertissement  aux.  gens 
des  dits  bons  sires,  lesquelz  se  commençoient  à  esmouvoir  en  grant 
inquiétude  de  ne  veoir  revenir  leurs  seigneurs;  et  tout  promptement 
accorurent  moult  dolens,  indignez  et  eschauffez  de  vengeance,  de 
quoy  les  appaisa  le  noble  Jehan  le  Vieil,  disant  que  le  maistre  estant 
mort  et  six  avecques  luy,  le  reste  n'en  valoit  poine,  et  offrant  ung 
d'eulx  d'aler  quérir  lo  mire  à  Molines,  ne  volut  le  dit  sire,  mais  bien 
beurcnt  tous  deulx  quelque  pou  de  vin,  disans  que  Dieu  qui  les 
avoit  ainsi  sauvez  feroit  si  bien  le  reste.  -Et  feurent  remenez  en 
grant  honneur  et  triumphe,  et  plus  grant  encore  de  joie  reconnois- 
sance  estoit  et  chantoit  en  leur  cueur  d'avoir  ainsi  sauvé  le  père  le 
filz  et  le  filz  le  père,  l'ung  aiant  donné  double  foiz  la  vie,  l'aultre 
l'aiant  peu  rendre  une.  Ledit  noble  Jehan  le  Vieil  eust  oultre  le 
dict  Jehan  le  Juene  ung  aultre  filz,  lequel  estoit  l'ainsné,  seurnommé 
Guillaume,  et  fust  seigneur  de  Mollines,  et  estoit  la  femme  du  dit 
noble  Jehan  le  Vieil  de  la  noble  maison  de  Bellecumbe  et  s'appeloit 
Ysabeau  de  son  nom. 

X  1  I 

Du  noble  seigneur  Guillaume   Esmé,  lequel  fust  cinquiesme 
seigneur  de  Mollines. 

Fust  celluv  noble  seigneur  Guillaume  cinquiesme  seigneur  de 
Molines,  et  y  adjousta  pour  sa  part  grand  accroissement  de  biens, 
desquelz  ne  fust  espargné  en  faveur  de  nostre  saincte  Esglise,  mais 
luy  fist  nombre  de  dotacions  et  espécialment  à  l'esglise  de  la  dicte 
seignorie  de  Mollines,  laquelle  feisl  en  partie  reedifier  pour  ce  qu'elle 
estoit  quasi  ruinée  en  quelques  endroicts,  et  y  fist  fere  edifficacion 
meylleure.  .Après  quoy  la  docta  de  beaux  et  riches  aornementz  pour 
la  grant  révérence  qu'il  portoit  à  nostre  Seigneur  et  y  fere  célébrer 
plus  honnorablement  son  divin  service,  et  entre  aultres  y  feist  fonda- 


I)i:    JIHAN"     F.SMÉ,     SIKK     UF.    .^\OI.I^•r.S.  6, 

cion  d'une  lampe  ardante  pour  le  salut  de  l'àme  de  sa  très  noble 
dame,  laquelle  on  appeloit  Jehanne  du  Montgardin  ,  etestoitla  dicte 
lampe  en  une  certaine  chappelle  au  dessus  de  la  sepulteure  delà 
dicte  dame,  en  laquelle  chappelle  estoit  cousiume  de  dire  et  célébrer 
chascun  jour  une  messe  ;  pour  la  doctacion  de  laquelle  le  dict  noble 
seigneur  Guillaume  avoit  prins  soin  de  assigner  et  asseoir  à  la  dicte 
esglise  trente  libvres  de  reveneue  annuelle  et  perpétuelle. 


XIII 

Est  ici  parié  du  très  noble  sire  Jehan  Esmé,  sixiesme  seigneur 
de  Molines,  lequel  engendra  nostre  très  vertueulx  et  bien 
heureux  sire  Jehan,  dont  ferons  Tespécial  discours. 

Le  dict  noble  sire  Jehan  Esmé,  si  comme  est  dict  sixiesme  seigneur 
de  Molines,  ne  peust  esviter  que  n'eust  quelques  desbas  et  descors 
avecques  le  noble  seigneur  Jacques,  son  frère  mensné,  lequel  dès 
son  juene  aage  estudia  es  droiz  et  se  rendist  considérable  en  ceste 
science,  laquelle  se  est  buisson  protecteur  à  Tencontre  des  invaisse- 
mens  n'est  aussi  comme  on  voit  despourveue  d'espines,  esquelles 
paouvres  brebis  délaissent  mainctes  fois  de  leur  layne  et  les  plus 
prouches  voisins,  voire  mesmement  amis  et  parenz,  s'affoUent  et  pi- 
quent leurs  doiz  :  mais  ce  n'est  pour  ce  regart  et  fust  ce  différent 
en  brief  tems  paccifié  par  bonne  et  facille  volonté  du  dict  noble 
sire  Jehan  ,  lequel  octroia  à  son  dict  frère  ce  que  pretendoit 
au  partage.  Et  avoit  le  dict  noble  sire  Jehan  eslu  à  compaingne  une 
très  noble  damoiselle  issue  de  la  noble  et  ancienne  maison  de  la 
Balme  ;  et  ne  debvoit  estre  moins  que  telle  doulce (i  ,  pour  par- 
venir à  production  de  si  noble  généreulx  et  excellent  fruict  comme  fust 
le  dict  glorieulx  sire  Jehan,  mien  bon  père  en  Dieu  et  bienfaicteur. 
bien  vueillant  de  touz  et  de  touz  bien  voulu,  comme  en  avoit  acquis 
tant  juste  meritte  à  grant  somme  et  force  de  vertuz,  vaillence,  pru- 
dence, preudomie,  loyaulté,  libéralité  et  innumérables  aultres  belles 
et  louables  quallités  que  desduirons  chascune  en  leur  lieu. 


(i)  Mot  gratté. 


00  SAINCTE    VIK     KT    TRI  SPASSKiMENT 

XIV 

Du  tems  que  naquist  en  ce  monde  le  dict  glorieulx  sire  Jehan, 
mien  bienfaicteur  de  bonne  et  saincte  mémoire,  et  ce  que 
se  tire  du  nombre  sept. 

Encores  que  ne  saiche  avec  entière  ne  précise  certitude,  pour  n'en 
avoir  peu  trover  le  juste  enseingnement,  en  quel  jour  ledict  glorieulx 
sire  Jehan  Esmé  naquist  pour  l'onneur  et  félicité  des  siens  et  eddi- 
iication  de  tous  bons  et  iidelles  chrestiens,  toutesvoies  est  il  seure- 
ment  establi  que  ce  fust  en  l'an  de  grâce  CGC  et  sept  ;  et  est  à 
remarquer  et  moult  curieusement  considérer  que  ce  nombre  sept, 
lequel  si  merveilleusement  sadjousta  à  Tannée  de  la  naissance  d"i- 
celluy  glorieulx  sire  en  ce  siècle,  luy  estant  mesmement  septiesme 
seigneur  de  Mollines,  feust  tousjours  nombre  de  préexcellence,  pru- 
dence et  vertu  merveilleuses,  car  scet  on  qu'aux  anciens  tems  estoient 
nombrées  les  sept  merveilles  du  monde  au  dict  nombre  de  sept,  et 
que  ces  hommes  prudens  et  préexcellens,  lesquelz  par  dessus  tous 
aultres  furent  aus  mesmes  anciens  tems  renommés  merveilleusement 
saiges,  estoient  esgalement  aflixés  au  dict  nombre  de  sept.  Ce  quy 
desabord  sembloit  prophétiser  à  l'endroict  du  dict  glorieulx  sire  que 
seroit  merveille  de  sagesse,  ce  que  n'a  esté  desmenti  par  la  suicte  de 
sa  vie,  mais  bien  au  contraire  amplifié  en  réels  effects  par  la  pré- 
cieuse grâce  de  nostre  Seigneur. 

XV 

De  la  révérence  que  le  dict  glorieulx  sire  avoit  à  nostre 
Seigneur  et  tout  aussi  tost  après  à  ses  père  et  mère. 

Le  dit  glorieulx  sire  estant,  si  comme  il  est  dict,  filz  ainsné  des- 
cendu du  noble  et  ancien  lignaige  que  nous  avons  cy  dessus  des- 
duict  ^par  directe  procréation  du  noble  sire  Jehan  lîismé,  duquel 
avons  prouchainement  devisé,  avoit  esté  dès  sa  première  fleur  d'en- 
fance excellement  appris  à  révérer  par  dessus  tout  et  en  premier 
lieu  de  tout  nostre  Seigneur  Dieu,  lequel  est  Roy  des  roys  et  préfé- 
rable à  tous  terrestres  créateures  comme  est  juste,  estans  de  tous  uni- 
que créateur.  .Après  quoy  avoit  esté   instruici  de  révérer,    aimer  et 


DE    JEHAN    ESMÉ,    SIRE    DE    MOLINES.  67 

servir  devant  tous  autres  ses  père  et  mère,  lesquelz  non  seulement 
luy  avoient  infusé  la  vie,  mais  bien  encores  place  en  tel  héritaige  de 
noblesse  et  d'onneur,  non  comprinses  faveurs  de  tous  biens  et  aul- 
tres  terrestres  advantaiges. 

XVI 

Que  estant  filluel  du  noble  sire  de  Montalban,  il  fust  premiè- 
rement eslevé  en  la  famille  d'icelluy  et  y  appris  aux  armes, 
et  d'une  prédiction  que  fust  despuis  vérifiée. 

Ayant  esté  le  dict  glorieulx  sire  présenté  à  la  saincle  source  de 
salut  par  le  très  noble,  très  excellent  et  puissant  sire  de  Montalban, 
fust  receu  en  la  famille  d'icelluy  dès  que  vint  aage  de  ce  fere,  pour  y 
estre  appris  aux  armes,  et  ne  povoit  on  trover  meilleure  et  plus  no- 
ble famille,  ayncois  estoit  précieuse  terre  à  fere  germer  le  bon  grain 
de  naissance,  lequel  germa  bien  souffisamment  comme  se  veist  par 
si  bons  effects  et  espis  de  vertu.  Et  avint  que  ung  soir  sur  le  tart, 
entre  chien  et  leu,  le  dict  glorieulx  sire  estant  lors  juene  enfant  de 
l'aage  de  dix  ou  douze  ans,  s'esjouant  en  une  cour  se  rua  de  telle 
force  à  l'encontre  d'ung  pal  de  charrette  et  illec  tel  cop  receut  que 
esperoit  on  quasi  mieulx  sa  mort  que  sa  vie,  se  n'eust  esté  que  une 
vieille  femme,  laquelle  estoit  de  commun  bruict  au  pays  suspeçonnée 
d'estre  sorcière  et  devineresse,  l'apareilla  et  frocta  de  tel  unguent  de 
remède  que  tout  en  brief  fust  le  dict  glorieulx  sire  en  voye  de  gue- 
rison.  Et  ce  pendant  adjouxta  ce  dict  on  la  dicte  vieille  femme  que  de 
ce  fore  avoit  mission,  ne  dict  de  qui,  et  qu'à  tel  enfant  ne  seroit  fin 
obscure  mais  lumineuse,  ce  que  feust  despuis  vérifié  en  la  dicte 
couronne  de  saincteté  de  laquelle  s'esclaira  le  trespassement  du  dict 
sire. 

XVI  1 

Par  quel  cas  de  forteune  le  dict  glorieulx  sire,  lors  estans 
juene  escuier,  aians  porté  bon  ayde  au  sire  de  Ventemont, 
tira  de  grant  péril  la  suer  d'icelluy  sire  et  à  ceste  occasion 
l'esposa. 

Il  seroit  acertes  trop  longue  chose  d'esnumérer  tous  les  gestes  du 
dict  glorieulx  sire,   lesquelles  par  durant  son  enfance  et   première 


08  SAI.NCTK     vu:     i;  T    TIU:SPA.SSK.Mi:.\T 

jeunesse  desmontrèrent  ses  belles  inclinacions  à  bien  1ère,  et  me  sera 
t  il  soutfisant  daftermer  que  nulle  n'en  feust  que  ne  feust  vertueulx 
acheminement  à  telle  excellence  de  perfection  que  actaingnist  en  la 
suite.  Et  pour  ne  m"eslendre  que  aux  principaulx  gestes  d'icelluy  glo- 
rieulx  sire,  si  dirais  je  cornent  avint  que  portant  ayde  et  secours  au 
bon  sire  Garin  de  \^entemont,  se  trova  en  passe  de  tirer  d'urgent 
péi'il  la  noble  suer  d'icelluy  sire  et  de  faict  ung  pou  plus  tartl'esposa. 
Or  ainsi  ce  fust  il  que  cheminant  ung  soir  le  dict  glorieulx  sire  en 
ung  destroict  entre  deux  hayes,  fust  empeschié  par  tropeaulx  de 
chievres  que  les  pasteurs  chassoient  à  grant  haste  et  luy  dist  ung 
que  estoit  par  paour  des  larrons,  lesquelz  estoient  ou  pays  et  en  ve- 
noit  de  passer  une  baade  touz  guarniz  de  bâtons  invasibles,  que  se 
promecioient  de  mesfere  à  l'ostel  du  sire  de  Ventemont  et  le  em- 
porter par  force,  estant  le  dict  sire  pour  lors  absent  d'illec  et  seule- 
ment sa  suer  ou  dict  ostel.  Quoy  oyant,  nostre  dict  glorieulx  sire,  du 
dangier  que  menassoit  le  dict  sire  de  Ventemont  et  sa  dicte  suer 
esmeu  de  vertueulx  couraige,  se  hasta  vers  le  dict  ostel,  duquel  quant 
-approucha  oit  grant  bruict  et  clameur,  et  s'eschappant  ja  clere  flam- 
me veist  tout  dolent  que  les  dicts  larrons  y  avoient  boulé  le  feu,  et 
du  dict  ostel  descendoient  serviteurs  esplorés,  lesquelx  à  haulte  voix 
escrioient  à  l'aide  pour  rescourre  ledict  feu,  et  le  plus  tosl  qu'il  pot  se 
rua  le  dict  sire  exortant  de  bon  exemple  ceulx  qui  se  assembloient 
aus  dicts  cris,  lesquelz  durant  que  rescourroient  les  biens  du  dict  ostel 
et  destaingnoient  le  feu,  fust  escrié  que  ne  veoit  on  en  nulle  part  la 
damoiselle  de  Ventemont  et  que  ne  cuidoit  on  qu'elle  fust  a  sauveté. 
ausquelz  criz  et  évocation  de  la  quérir  ou  dict  ostel  ainsi  du  tout 
enflammé  nulz  ne  respondoit  ne  soffroit,  fors  nostre  dict  glorieulx 
sire,  lequel  s'offrist  disant  :  «  Si  feray  »  ;  et  hastivement  se  gectant 
au  dedans  de  l'ostel,  en  despit  d'icelluy  feu  quy  de  chascun  costé  ar- 
doit  et  fermoit  yssues,  parvint  en  une  haulte  chambre,  en  laquelle  la 
dicte  damoiselle  s'estoit  mise  à  refuge  et  estoit  quant  à  ceste  eure  ja 
toute  desnuée  de  sens  ;  et  l'ayant  le  dict  sire  enchargiée  dessus  luy. 
actaingnist  lieu  de  refuge  ou  quel  mist  la  dicte  damoiselle  à  sauveté, 
aiant  pour  ce  1ère  aftronté  si  grant  dangier  de  mort  que  ne  povoit 
estre  plus;  et  feust  de  chascun  de  ce  tesmoings  regardé  le  dict  faict 
comme  miracle,  et  en  actribua  mesmemenl  nostre  dict  sire  le  seur- 
prenant  mérite  à  l'intercession  de  la  benoiste  \'ierge  Marye,  laquelle 
il  soupplioit  tout  alanl  de  luy  estre  pileable  et  à  la  dicte  damoiselle.  Et 
en  ensui.  comme  ay  dict.  mariaige  dudict  gloiieulx  sire  à  la  dicte  da- 


DE    JfclHAN    ES.MÉ,    SIKli    DE    .MOLINES.  6g 

moiselle,  dont  les  nosses  en  feurent  faictes  au  chaslel  deMollines,  cl 
feurent  faictes  les  dictes  nosses  à  grant  joie,  esbatemens,  frais,  des- 
pens  et  soulagemens  des  paouvres  gens.  Et  mesmement  feurent  à 
ceste  occasion  par  le  dict  glorieulx  sire  affranchis  tous  ceux  de  serve 
condicion,  lesquelz  estoient  du  fief  dou  dict  .Molines,  ce  que  ne  feusl 
sans  grant  louange. 

XVII  I 

Du  vertueuix  faict  d'armes  du  dict  glorieulx  sire  à  la  jornée 
de  Cassel,  et  quelle  bonne  besoingne  il  y  feist. 

Despuis  lors  estant  avenu  que  le  très  noble  et  puissant  Dalphin 
Guigues  et  le  dict  très  noble  sire  de  Montalban  se  feussent  en  alez  à 
aidier  le  très  redoubté  roy  Phelippe  ou  faict  de  ses  guerres,  s'estro- 
vèrent  à  la  jornée  que  l'en  dict  de  Cassel,  en  laquelle  adriva  grant 
deffaicte  des  Flamens  ;  et  y  feirent  les  dicts  très  nobles  Dalphin  et  sire 
de  Montalban  très  grant  et  bon  debvoir,  et  soubz  le  dict  sire  de 
.Montalban  ne  faillist  nostre  dict  glorieulx  sire  de  pareillement  fere 
grant  et  bon  debvoir,  tellement  que  luy  en  fust  grant  honneur  et  luy 
en  demoura  bonne  famé  d'excellent  et  \ertueulx  couraige,  que  loin 
que  se  desmentist  ne  feist  que  croistre  despuis. 

XIX 

Du  propos  que  feist  nostre  dict  glorieulx  sire  estant  de  retour 
au  Dalphiné,  pour  n'estre  forcié  à  combatre  le  conte  de 
Savoye,  de  convoier  en  Honguerie  le  très  excellent  sire 
Ymbert,  lequel  despuis  fust  Dalphin. 

S'estant  le  dict  glorieulx  sire  ratourné  du  dict  voyaige  en  Dalphiné, 
avint  que  recommencia  discort  entre  les  dicts  seigneurs  Dalphin  et 
corne  de  Savoye,  ouquel  pour  le  debvoir  que  luy  avoit  nostre  dict 
glorieulx  sire  en  aiant,  lui  et  ses  antecesseurs,  receu  moult  dons  et 
faveurs,  pour  ce  qu'il  ne  se  voulsist  combatre  ne  de  mesme  tems  résis- 
ter à  la  volenté  du  dict  Dalphin,  prinst  propos  de  convoier  en  Hon- 
guerie le  très  excellent  sire  Ymbert,  lequel  despuis  fusi  Dalphin  et  se 


70  SAINCTE    VIE    ET    TRESPASSE.MENT 

rendoit  lors  ou  dict  voiaige  de  Honguerie,  lequel  sire  ^  mbert  avoil 
grant  affection  à  nostre  dict  glorieulx  sire  pour  la  commune  révé- 
rence qu'avoient  tous  deux  à  nostre  Seigneur  et  mesmement  à  nostre 
saincte  mère  TEsglise. 

XX 

Du  voiaige  que  teist  nostre  dict  glorieulx  sire  en  la  com- 
paingnie  du  dalphin  Ymbert  et  de  la  singulière  atîection 
que  luy  avoit  icelluy  Dalphin. 

Au  dict  voiaige  que  feist  le  dict  très  excellent  sire  Ymbert,  lequel 
fust  depuis  lors  Dalphin,  si  convoia  comme  dict  est  nostre  dict  glo- 
rieulx sire  et  le  accompaingna  aus  divers  pays  que  visita  le  dict  sire 
Ymbert,  c'est  assavoir  es  pays  de  Honguerie,  de  Secile  et  en  la  saincte 
ville  de  Roume,  ouquel  voiaige  donna  nostre  dict  glorieulx  sire  telles 
occasions  de  congnoistre  par  appropinquance  continuelle  l'estendue 
de  ses  vertuz  et  merittes  que  en  fust  du  tout  ediffîé  le  dict  Dalphin 
Ymbert,  lequel  print  si  grant  affection  à  nostre  dict  sire  que  ne  se 
povoit  davantaige  et  en  toute  occasion  luy  requeroit  ayde  et  conseil 

XXI 

D'un  jeu  de  danseurs  et  balladins  ou  quel  nostre  dict  glo- 
rieulx sire  ne  volut  adsister. 

Lors  estant  nostre  dict  glorieulx  sire  en  la  cltté  de  Napples,  avint 
que  le  dict  très  excellent  sire  Ymbert  luy  requistse  voloit  prendre  plesir 
à  grant  jeu  de  dansseurs  et  balladins,  lesquelz  se  debvoient  esbatre 
en  présence  de  tous  ceulx  de  l'ostel  du  dict  sire.  Lors  s'estant  enqui^ 
nostre  dict  glorieulx  sire  de  Teure  en  laquelle  commenceroit  telle 
feste,  respondist  que  actendant  la  bone  volenté  de  son  dict  seigneur 
préféreroit  le  service  de  vespr(e)s,  lequel  Tinciloit  aux  louanges  de 
Dieu  que  tel  dive(r)tissement  qu'estoit  souventes  foys  occasion  de 
cheute,  qu'oiant  le  dict  vertueulx  sire  Ymbert  n'y  volt  pareillement 
aler,  mais  b(  ie)n  fust  doné  le  dict  jeu  sans  que  il  y  vinst  ne  le  dict  glo- 
rieulx sire  Jehan;  et  tous  deuxs'esjouirent  au  dict  service  de  vespres. 
célébrant  et  chantant  de  concert  l'osanna  de  nostre  Seigneur. 


UE    JEHAN    I.S.ME,    SIRE    DE    .MOLIXES. 


XXI  I 


Comme  estant  en  la  dicte  citté  de  Napples,  il  ne  voult  con- 
courir en  une  jouste  que  lors  se  faisoit  et  pour  quelle 
cause. 

Avint  que  ung  jour  qu'estoit  la  teste  delà  Magdelène,  estant  lors  le 
Roy  de  Honguerie  en  la  dicte  citté  de  Napples,  luy  volut  on  offrir  le 
divertissement  d'une  jouste,  en  laquelle  se  consentist  à  jouster  le  dict 
excellent  sire  Ymbert,  requérant  à  nostre  dict  glorieulx  sire  Jehan 
que  luy  voulsist  estre  second,  lequel  glorieulx  sire  en  fusl  tout  d'a- 
bord moult  triste  et  piteux,  et  enquis  de  la  cause  respondist  que  se 
seroit  bien  volu  excuser  de  la  dicte  jouste.  et  lors  demandant  le  dict 
sire  Ymbert  comme  par  amicale  mocquerie  se  estoit  que  il  redoubtast 
de  n'y  estre  vainqueur,  respondist  que  non  estoit,  aincoys  que  plus 
seroit  dolent  et  courroucié  en  son  cueur  d'estre  vainqueur  en  ceste 
jouste,  pour  ce  quepovant  plus  par  les  armes  ne  les  employroit  sinon 
à  tel  inutille  jeu  durant  que  les  sains  lieus  estoient  encores  villenes 
des  infîdelles  ;  ce  queoyant  le  dict  très  vertueulx  et  très  excellent  sire 
Ymbert,  luy  tumbèrent  larmes  des  yeux  et  distà  nostre  dict  glorieulx 
sire  :  «  Sire  Jehan,  meilleur  estes  vous  que  ne  suis,  mais  me  veulz 
«  amender  à  vostre  modèle  et  le  voirez  bien  tost  après.  »  Et  par 
effect  dès  ce  moment  se  mist  en  poine  le  dict  excellent  sire  Ymbert 
de  son  voiaige  en  terre  saincte  et  estant  au  Dalphinc  de  retour  feisl 
interdiction  des  dictes  joustes. 

XXI  II 

De  Texcusacion  de  nostre  dict  glorieulx  sire  en  ceste  jouste 
tournée  à  mocquerie  et  comment  s'en  vengea. 

Aiant  esté  la  dicte  excusacion  de  nostre  dict  glorieulx  sire  ainsi 
veneue  à  congnoissance  de  ceulx  qui  lors  estoient  assistans  en  ces 
fe&tes,  fust  par  les  uns  d'entre  eulx  grandement  loée  et  admirée,  por 
ce  que  congnoissoient  bien  le  grant  cueur  et  couraige  de  nostre  dict 
glorieulx  sire,  mais  de  ceulx  qui  ainsi  ne  le  congnoissoient  aulcuns 
feurent  qui  cuidèrent  ce  estre  défaillance  de  sa  part  ;  de  quoy  ung  en- 
tre aultres.  lequel  estoit  ung  chevalier  de  Secille,  seurnommé  Mateo. 


72  SAINCTE    VIE    ET    TRESPAï>SE.ME\T 

se  volant  esjoir  el  cuidant  que  ce  estoit  occasion  de  se  prévaloir  aus 
despens  du  dict  glorieulx  sire  et  prenre  à  honneur  ce  que  à  icelluy 
eust  esté  deshonneur,  le  feist  deffier  quasi  jusques  à  injure.  De  quoy 
bien  corroucié  nostre  dict  glorieulx  sire  comparut  en  propos  de  le 
combatre,  mais  de  telle  oultrance  que  méritoit  icelle  injure  et  debvoit 
estre  le  vaincu  à  mercy  mesmenient  de  la  vie  :  que  ayant  esté  accordé 
du  Roy  et  convenu  des  jeuges,  feust  donné  le  combat  et  veoit  bien 
chascun  quant  commença  ledict  combat  que  resteroit  force  au  bon 
droict,  estant  nostre  dict  glorieulx  sire  de  si  belle  et  noble  conte- 
nance que  rien  que  en  tel  geste  et  prestance  se  monstroit  la  victoire  ; 
et  ne  luy  fust  elle  comme  estoit  juste  longuement  à  conquérir,  mais 
rudement  abatit  son  dict  adversaire  à  terre  tôt  à  plat,  lequel  sescria 
merci,  à  quoy  se  consentist  nostre  dict  glorieulx  sire,  ordonnant  à 
haulte  voix  que  ledict  Mateo  s'en  iroit  avecques  bonne  compaingnie 
bien  souffisamment  armée  combatre  contre  les  infidelles  et  à  ce  dé- 
pendroit  jusques  à  la  moictié  de  son  bien,  adjoustant  que  illec  pour 
seur  seroit  plus  heureux  en  ses  armes  :  ce  que  fust  grandement  de 
tous  loé  et  admiré,  et  en  fust  nostre  dict  glorieulx  sire  en  plus  grant 
honneur  et  estime  encores  que  par  avant,  aiant  monstre  preuve  de 
telle  prudence,  modéracion  et  patiente  vertu,  joinctes  à  si  grant  et 
vaillant  couraige. 

XXIV 

Comment  estant  tesmoino-  d'unç  desbat  entre  le  dict  très 
illustre  Dalphin  et  sa  très  noble  dame,  respondist  à  une 
demande  que  luy  faisoit  vcellui  Dalphin. 

Mesmement  estant  en  la  dicte  citté  de  Napples,  nostre  dict  glo- 
rieulx sire  en  l'ostel  et  famille  du  dict  très  excellent  et  illustre  Dal- 
phin Ymbert,  avint  que  sesleva  luy  tiers  quelque  desbat  entre  le 
dict  Dalphin  et  sa  très  noble  dame,  duquel  se  volant  nostre  dict  glo- 
rieulx sire  rctrairc  par  discrette  prudence,  et  saichant  bien  que  ne  se 
doibt  laisser  prenre  la  main  entre  arbre  et  escorce,  se  misl  à  consi- 
dérer moult  actentivement  une  caige  en  laquelle  gissoit  unes  paires 
de  collombes,  lesquelles  la  dicte  dame  ainsi  guardoit  pour  son  esba- 
temcnt  et  plesir.  Et  en  ung  intervalle  du  dict  desbat  se  apparceust 
finallement  le  dict  noble  Dalphin  de  quelle  actenlion  se  icndoit  nos- 
tre dict  glorieulx  sii-e  vers  cette  caige,  pour  quoy  luy  dist  :  «  Hé,  sire 


IJE    JEHAN    [-.S.ME,    SIRE    DE    MOLIXES.  7  3 

«  de  MoUines.  que  ainsi  veez  doncques  en  ceste  caige  que  y  sem- 
"  ble  vostre  esperit  tout  enclos  ?»  ;  à  quoy  se  respartisl  nostre 
benoict  sire  Jehan  :  «  Là,  bien  noble  sire,  y  considère  ymaige  de  la 
«  paix  et  bon  amour  bien  douk  ».  Oyes  lesquelles  parolles  com- 
print  par  icelles  le  très  noble  sire  Dalphin  que  ne  se  debvoit  en  telle 
sorte  laisser  aler  à  descort,  et  fust  tout  aussi  tost  le  dicl  desbat  es- 
tainct. 

XXV 

Du  grant  pjesir  dont  s'esjouissoit  nostre  dict  glorieulx  sire  à 
l'audicion  de  sainctes  orgues. 

Du  mesmc  tems  aussi  que  sejornoit  nostre  dict  glorieulx  sire  en 
la  dicte  citté  de  \apples  prenoit  grant  et  aggréable  plesir  en  l'audi- 
cion des  sainctes  orgues,  lesquelles  sont  fort  belles  ou  pays  d'Itallie, 
et  pour  ceste  cause  hantoit  frequement  les  esglises  du  dict  pays, 
s'esjoissant  à  telle  musicque  que  sembloit,  disoit  il,  porter  comme 
nuage  son  esperit  et  prières  es  haultes  régions  cellestes,  ou  pié  du 
trône  du  très  hault  Seigneur,  et  plus  prouchainement  le  adorer;  et  de 
ce  luy  venoit  belle  affection  au  maistre  des  orgues  du  dict  sire  Dal- 
phin, lequel  estoit  bon  et  honneste  clerc,  bien  expert  en  son  art  et  y 
versé  de  relligieux  cueur,  et  souventes»  foys  luy  faisoit  présens 
aggréables. 

XXVI 

Des  doctacions  et  fondacions  de  libéralité  pieuse  esquelles 
se  complaisoit  nostre  dict  glorieulx  sire. 

Fois  nestoit  que  feust  ou  povoir  de  nostre  dicl  glorieulx  sire  de  ferc 
aus  esglises  doctacions  et  fondacions  pieuses  que  ne  les  feist,  et  en  a 
a;nsi  faict  de  moult  belles  à  Molines,  disant  que  c'estoit  d'aultant 
deschargier  les  os  de  ses  pères  et  antecesseurs.  lesquels  estoienl  ou 
dict  lieu  ensepvelis,  que  de  les  enchargier  de  eu\  res  pies  et  bienfaicts  ; 
et  en  feist  oultre  ce  à  nombre  daultres,  ne  seullement  en  ses  pro- 
pres seigneuries,  mais  en  tous  aultres  lieus  que  le  povoit  fere.  Et 
souventes  foiz  l'en   reprenoit  le  dict  très  noble  sire  Dalphin,  lequel 


74  SAi.NCTE   \n:   et  trespasse.men  r 

estoit  tant  bien  entencionné  à  ce  fere  et  quy  tant  prodiguoit  pieux 
bienfaicts  de  telle  sorte,  le  menassant  du  doit  tout  riant  de  doulce 
amitié  et  disant  à  faincte  rigueur  :  «  Hé,  sire  de  MoUines,  ne  faictes 
«  tant  le  Dalphin.  ce  n'est  au  serviteur  à  délaisser  le  maistre  ar- 
«  rière.  »  Aincovs  luv  en  estoit  de  laict  mieulx  vueillant  encores  et 
remodioit  du  sien  propre  aus  despens  de  nostre  dict  sire  quant  trop 
largement  en  ce  despendoit. 


XXVI  1 

Que  disoit  le  vénérable  sire  abbé  de  Bonnevaulx  des  sei- 
gneurs de  Mollines  et  espécialment  de  nostre  dict  glo- 
rieulx  sire. 

Sy  me  fust  rapporté  par  iîdelle  personne  que  estant  parolles 
entre  le  sire  Dalphin  et  le  vénérable  sire  abbé  de  Bonnevaulx,  que 
mestier  seroit  de  ediffier  bon  et  fort  chastel  affin  de  guarder  encon- 
tre tous  la  dicte  vénérable  abbaye,  laquelle  est  es  pays  de  marches, 
fust  en  conversant  d'amicale  gayeté  dict  par  le  dict  sire  abbé  à 
l'entencion  du  dict  benoist  sire  Jehan,  lequel  estoit  présent,  en- 
semble pluseurs  aultres  chevaliers  de  la  compaingnie  Dalphinale  : 
«  Vêla  bon  chastel  et  rempart  fier  et  dur  au  dehors  encontre  nos 
«  adversaires,  et  au  dedans  bien  seur  et  rempli  de  touz  biens  et 
«  tousjours  fleuri  pour'  nous.  >'  Desquelles  parolles,  bien  que  dictes 
par  manière  de  gayeté  ainsi  qu'il  est  dict.  ne  se  pot  tenir  le  dictglo- 
rieulx  sire  que  ne  rougist  d'onneste  honte  de  ce  qu'estoient  ainsi 
décelez  ses  bienfaictz. 

X  XV  11  l 

De  paouvres  i^ens  bien  durement  foullés  par  le  chastellain 
du  Bel  Repaire,  lesquelz  vinrent  à  reffuge  au  dict  glorieulx 
sire,  et  ce  qu'en  avint. 

Et  vers  le  dict  temps  s"esle\oit  grant  meurmeure  à  l'endroict  du 
chastellain  de  Bel  Repaire,  lequel  estoit  moult  dur  et  haultain  man- 
geur de  la  sustance  des  paouvres  gens  et  estoient  d'icelluy  chascun 


DE    JEHAX     tS.ME.     SIRE    UE    .MOEINEî^.  75 

jour  en  adventare  d'estre  bien  durement  traictiez  ;  et  se  vinrent  ung 
jour  aulcuns  d'eulx  complaindre  à  nostre  dict  glorieulx  sire,  à  luy 
suppliant  qu'il  voulsist  ordonner  à  tel  mal  et  prester  a\  de  et  confort 
auz  petiz.  Desquelles  plaintes  moult  touschié  le  dict  glorieulx  sire, 
n'aiant  riens  receu  de  satisfaction  du  dict  chastellain,  lequel  per- 
severoit  en  haultaines  parolles,  chevauchia  le  dict  benoict  sire 
tout  droict  vers  le  très  excellent  Dalphin,  lequel  luy  respondi  moult 
doulcement  et  amiablement  :  «  Bien  faict  à  vous,  bon  sire,  alez 
«  et  remectez  tout  en  son  deu.  selonc  vostre  raison  et  voUoir,  de 
«  quoy  vous  despars  plaine  puissance  sur  tous  mes  justiciers.  « 
Et  s'estant  le  dict  glorieulx  sire  ou  dict  chastellain  retorné,  le  de- 
gecta  de  son  office  ;  et  de  ce  aiant  au  dict  sire  Dalphin  rescript  que 
avoit  faict,  lui  fust  par  icelluy  très  noble  sire  moult  amiablement 
respondu  que  n'estoit  souffisamment  d'avoir  chacié  le  meschant 
se  ne  mestoit  le  bon  en  sa  place,  et  que  nul  ne  savoit  qui  bon  fust 
aultant  que  icelluy  glorieulx  sire  Jehan  :  parquoy  luy  fust  force  à 
icelluy  mandement  obéir  et,  deurant  tout  le  tems  que  tinst  le  dict 
office,  le  feist  se  justement  que  n'estoit  possible  plus.  Et  ne  volut 
oncques  fere  telle  pillerie  comme  faisoient  les  aultres  de  la  sustance 
des  paouvres  gens,  ayncoys  quant  ce  veoit  fere  en  donnoit  bon 
advertissement  au  dict  noble  sire  Dalphin,  lequel  en  feist  bonne 
justice  ;  et  de  ce  présentement  encores  est  loé  le  nom  de  nostre  dict 
benoict  sire  Jehan  es  lieus  que  feurent  par  luy  sy  doulcement  et 
bien  humainement  gouvernez. 


XXIX 

Pourquoy  fust  reti'usanl  de   prenre  Fesbattcment  de  la  chace. 

Comme  eust  le  dict  très  noble  sire  Dalphin  rigoreusement  def- 
fendu  que  nul  ne  s'avisast  en  certain  tems  chacier  aus  bestes , 
mais  eust  à  nostre  dict  glorieulx  sire  gracieusement  offert  que  l'ex- 
:eptast  de  telle  deffense,  fust  très  doulcement  respondu  par  nostre 
dict  glorieulx  sire  que  de  ce  fere  n'avoit  mestier  pour  sa  substen- 
tacion,  qu'adoncques  ne  seroit  à  luy  que  plesir  et  que  ne  luy'  sem- 
bloit  vray  moyen  de  loer  Dieu  que  destruire  ses  euvres,  nécessité 
ne  contraignant  et  estans  moult  aultres  plesirs  que  a  nulz  ne  mes- 
fesoient. 


70  SAINCTt    VIE    ET    TRESPASSEMENT 


XXX 


De  la  visitacion  que  le  dict  très  noble  sire  Dalphin  feist  au 
très  redoublé  Roy  de  France  et  de  la  compaingnie  qu'il 
eust  de  nostre  dict  benoict  sire  Jehan  en  ceste  visitacion. 

Aianl  aud.  très  redoublé  Philippe,  roy  de  France,  ensemble  au  dict 
très  noble  sire  Dalphin  convenu  que  pour  bien  de  paix  se  entreveis- 
sent  et  garder  l'amour  que  debvoient  avoir  l'ung  à  Taultre,  se  misl 
aus  champs  le  dict  très  noble  sire  Dalphin  pour  s'en  venir  à  Paris 
où  là  debvoit  visiter  le  dict  Roy,  et  feust  par  icelluy  eslu  nostre  dict 
glorieulx  sire  ung  de  ceulx  de  sa  compaingnie.  Et  estans  illec  adrivez 
ne  se  volust  nostre  dict  glorieulx  sire  accomoder  aus  riches  abits 
que  avoient  acoustumé  de  vestir  ceulx  de  la  compaingnie  du  dict  sire 
Roy,  mais  bien  ordinairement  s'en  aloit  il  vestu  de  bonne  robe  de 
cuir  de  cerf,  ses  houseaulx  et  espérons  chauciez,  et  avoit  en  tel 
esquipaige  si  belle,  fière  et  haultaine  mine  que  ne  s'avisoit  nul  d'y 
trover  à  mesdire,  se  ne  feust  ung  juene  seigneur  tôt  mugnau  de 
son  faict,  qui  de  ce  se  ralloit  en  legières  parolles,  auquel  dist  ung 
sien  voysin  meu  de  sens  et  prudence  :  «  Tais  te  et  ne  feras  que  tost 
"  et  bien,  ce  est  chevaliers  comme  montaingne  de  son  pays,  aspre 
«  a  veue  et  touchier,  et  ne  chault  te  semble  de  la  plaine  à  tel  front 
"  hault  et  froid,  mais  gardes  à  ce  que  parfois  en  devalle.  »  Et  ainsi 
estoit  nostre  dict  glorieulx  sire  de  tous,  mesmement  du  Roy,  tenu  en 
grant  et  belle  estime,  estans  pluseurs  bien  recors  de  ses  bons  et  ver- 
tueulx  gestes  d'armes  ou  voiaige  de  Flandres. 

XXXI 

Que  convint  au  marchis  de  Salluces  faire  entrevenir  en  ses 
besoingnes  nostre  dict  glorieulx  sire. 

Fellement  scavoit  ung  chascun[combien  le  très  noble  sire  Dalphin 
"t  mbert  avoit  nostre  dict  glorieulx  sire  en  belle  considéracion  et  toute 
estime,  que  se  adressoient  moult  à  luy  pour  obtenir  à  son  instance 
les  faveurs  dont  estoit  besoing  ;  et  mesmement  avint  que  le  très  no- 
ble marchis  de  Salluces  en\oia  messaigc  à  nostre  dict  glorieulx  sire, 


Di:    JF.HAX     i;S.MÉ,     SIRi:    DE    MOI.INF.S.  77 

lors  estant  à  Mures,  pour  le  prier  que  il  eust  recommandées  ses  be- 
soingnes  et  les  tinst  telles  pour  sortir  bon  effect  auprès  du  dict  très 
noble  sire  Dalphin,  ce  que  nostre  dict  glorieulx  sire  ne  failli  à  fere. 
aiant  au  dict  marchis  de  Salluces  grant  considéracion  et  amour. 

XXXIl 

Du  ferme  propos  qu'avoit  tousjours  esté  en  icelluy  nostre 
benoict  sire  Jehan  de  aler  combatre  oultre  mer  encontre 
les  infidelles  pour  le  soullagement  des  saincts  lieux. 

Despuis  toute  première  jounesse  avoit  tousjours  esté  en  icelluy 
nostre  benoict  sire  Jehan  ferme  propos  et  singulier  désir  de  aler 
combatre  encontre  les  infidelles,  detempteurs  des  saincts  lieux,  en 
espoir  de  soullager  et  délivrer  les  dicts  saincts  lieux.  Et  comme  sou- 
ventes  foys  estoit  commun  bruict  que  se  feroit  quelque  générale  le- 
vée de  chevaliers  chrestiens  pour  tel  voiaige,  se  y  estoit  de  longtems 
presparé  et  avoit  en  ce  regart  engagié  es  mains  des  Lombars  la 
terre  et  seigneurie  d'Aguilles,  laquelle  estoit  de  bon  revenu  et  val- 
loit  grandement,  et  de  cest  argent  ne  voloit  user  se  non  pour  telle 
saincte  fin  de  son  propos. 

XXXI  I  1 

De  ce  que  fist  quant  tust  soubztraict  le  previlége  des  dicts 
Lombars. 

Seur  entrefaictes  estant  avenu  que  l'en  retrahist  le  previlége  des 
dicts  Lombars,  ne  voulust  le  dict  glorieulx  sire  user  de  tel  bénéfice, 
mais  respondict  à  aulcuns  qui  Tenhortoient  à  ce  fere.  que  seulement 
son  honneur  et  non  acte  d'aultruy  povoit  dellier  ce  que  son  dict 
honneur  avoit  lié  ;  par  quoy  luy  feust  tenu  en  estime  aultant  et  da- 
vantaige  que  sacrifioit  du  sien. 

XXXIV 

Que  le  très  noble  et  excellent  sire  Dalphin  Ymbert  estant 
dellibéré  se  croiser,   nostre  dict   benoict  sire  Jehan  feust 


76  SAINCTE    VIK    ET    TRESPASSEMF.XI 

tout  apareillié   d'aler  quant  et  luy,  et  que  le  volust  fere  à 
ses  propres  coustz. 

Or  estant  avenu  que  le  très  noble  et  très  excellent  sire  Dalphin 
Ymbert  s'estant  dellibéré  croisier  en  terre  saincte,  nostre  benoict 
sire  Jehan,  lequel  de  si  longtemps  actendoit  à  ce  fere,  se  trova  du 
tôt  appareillié  et  à  poinct,  et  dès  longtems  estoient  prestz  ses  har- 
nois  de  voyaige  et  moyens  de  sustentacion  ;  ce  que  fust  cause  que 
le  dict  très  noble  sire  Dalphin  disant  à  nostre  dict  benoict  sire  que  le 
vouloit  mectre  des  chevaliers  de  son  veu,  luy  fust  par  nostre  dict  glo- 
rieulx  sire  resparti  que  sur  aultre  reversastceste  faveur  et  bien  vueil- 
lance,  et  qu'encores  que  feust  joyeulx  à  merveilles  d'avoir  tel  chief 
comme  le  dict  très  noble  sire  Dalphin,  voloit  mieulx  estre  chevallier 
de  son  propre  et  particulier  veu  que  non  de  aultre.  A  quoy  respondist 
le  dict  noble  sire  Dalphin,  tôt  esmeu  de  piété,  que  se  en  avoit  eu  plus 
aultre  fois  semblables  au  dict  benoict  sire  Jehan,  ne  seroit  plus  à  cest 
eure  besoing  de  fere  telle  entreprinse. 

XXXV 

De  la  galée  du  très  noble  Dalphin  Ymbert,  en  laquelle  estoit 
nostre  dict  glorieulx  sire,  que  prime  foiz  se  departist  de 
Marselles  et  y  ratorna,  ce  que  ne  fut  cuidé  de  bon  pres- 
sentiment. 

L'eure  estant  venue  de  se  despartir  de  Marselles,  nostre  dict  glo- 
rieulx sire  monta  en  compaingnie  du  dict  très  noble  et  très  excellent 
Dalphin  Ymbert  en  une  gallée,  laquelle  estoit  moult  plus  grant  et 
mieulx  appareillié  que  les  aultres.  Et  de  ceux  que  avecques  soy 
avoit  nostre  dict  glorieulx  sire,  est  assavoir  deux  escuiers  et  troiz 
variez,  ne  pot  que  ung  seullement  des  diz  variez  guarder,  pour  ce 
que  n'estoit  si  grant  place  en  icelle  dalphinale  galée,  oultre  ceulx  que 
avoit  eslu  le  dict  très  noble  sire  Dalphin  de  son  especial  et  plus  afec- 
tionnée  famille.  Et  s'estant  desparlie  assoir  la  dicte  galée,  ne  lui  dura 
vent  favorable  senon  jusques  lendemain,  que  devint  si  fort  et  con- 
traire que  convint  au  governeur  de  la  dicte  galée  arrières  ralorner,  et 
a  tumbancte  nuict  adrivèrent  aux  isles,  desquelles  feurent  derechief 
jusques  à  .Marselles  :  ce  que  ne  feust  veu  de  bon  pressentiment,  ayn- 


DE    JEHAN    ESME.    SIRE    DE    MOLIN'ES.  79 

coys  estoient  aulcuns  qui  cuidoient  mal  de  Tentreprinse  et  bailloient 
advis  de  la  délaisser,  à  quoy  ne  volut  consentir  le  dict  très  noble 
Dalphin,  et  aussi  Tenhorta  nostre  dict  glorieulx  sire  à  ne  délaisser 
la  dicte  entreprinse,  disant  que  tel  inconvénient  estoit  diabolique  es- 
preuve,  à  laquelle  debvoit  bon  chrestien  résister  de  tant  plus  joyeux 
cueur  que  ne  se  feust  le  dyable  efforcé  à  eslongner  telle  entreprinse 
se  ne  deust  avoir  bonne  et  vertueuse  fin  ;  qui  fust  loé  de  tous  et 
maintenist  chascun  en  son  couraige. 

XXXVl 

Comment  icelle  galée  que  portoit  le  dict  très  noble  sire 
Dalphin  Ymbert  et  nostre  dict  benoict  sire  Jehan  se 
departist  finallement  de  Marselles,  et  de  tempeste  qui 
seurvint. 

Finalement  adoncques  se  departist  la  dicte  galée  de  Marselles 
et  n'estoit  plus  que  une  aultre  galée  avecques  elle,  n'estant  en- 
semble les  aultres  ratornez  et  avoient  persisté  en  leur  voye,  dont 
n'estoient  novelles  ;  et  le  tiers  jour  avint  que  s'esleva  grosse  tem- 
peste et  estoit  chascun  saisy  de  grant  esmoy,  mesmement  les  plus 
garnis  de  force  et  couraige,  mais  ne  pot  ce  nostre  dict  glorieulx  sire 
esmouvoir,  lequel  se  sentoit  soubz  la  main  de  Dieu  et  agissant  pour 
le  service  d'icelluy  Seigneur  et  benoist  protecteur  ;  ayncoys  lui  es- 
toient doulces  poines  dès  qu'en  estoit  traveillié  pour  tel  divin  amour. 
Et  estoit  aussi  le  dict  très  noble  et  excellent  sire  Dalphin  très  ras- 
seuré  en  son  couraige  et  à  icelluy,  ensemble  à  nostre  dict  glorieulx 
sire  n'estoit  mestier  de  se  gecter  en  démesurées  supplicacions  en- 
vers le  ciel,  ainsi  comme  veoient  fere  aux  aultres,  pour  ce  qu'estant 
chascun  jour  tout  apareilliés  pour  la  mort  ne  la  redoubtoient  à  nul 
poinct. 

XXXV  1  I 

De  l'adrivée  de  nostre  dict  glorieulx  sire  en  la  citté  de 
Venize  et  ce  que  là  luy  avint. 

Estant  la  dicte  galée,  en  laquelle  estoient  le  dict  très  noble  et  très 
excellent  sire  Dalphin  et  nostre  dict  benoict  sire  Jehan,  abbordée  en 


So  SAiNCTP.   vir:   i:t   tri  s  pas  si;. mi. \t 

la  noble  citté  de  Venize,  feut  devers  le  dict  noble  sire  Dalphin  des- 
péchiée  grantatïluence  de  gens  avecques  grant  estât  et  honneur,  les- 
quelz  le  conduisirent  emmi  la  dicte  citté,  faisant  moult  fesies  et 
honneurs  ;  et  feust  nostre  dict  glorieulx  sire  ensemble  le  dict  très 
noble  sire  Dalphin  admené  en  la  présence  du  très  noble  Duc  de 
Venize,  lequel  après  que  il  eust  reveremment  complimentié  et  moult 
festoyé  le  dict  très  noble  sire  Dalphin  en  sa  veneue,  félicita  mesme- 
ment  nostre  dict  glorieul.x  sire,  luy  disant  que  bien  veneu  estoit  en  la 
dicte  citté  de  Venize,  que  retroveroit  por  luy  ancienne  et  bonne  mère 
et  que  le  tenoit  en  telle  estime  et  honneur  que  avoit  à  ceulx  du  dict 
nom  d'Esmé  estans  en  la  dicte  citté  de  Venize.  et  estoit  là  au- 
près du  dict  très  noble  Duc  ung  juene  seigneur  du  dict  nom 
d'Esmé,  lequel  avoit  seurnom  Jehan  et  estoit  nepveu  du  chief  de  la 
dicte  maison  d"Esmé,  à  cest'eure  reteneu  de  malladie  en  son  ostel  ; 
le  dict  très  noble  Duc  Toffrist  à  nostre  dict  glorieulx  sire,  lequel  le 
accola  de  tout  amour  d'affinité  et  généreuse  affection,  disant  à  icelluy 
juenc  Jehan  questoit  heureux  de  veoir  de  prime  face  si  juene,  vail- 
lant et  gracieux  parent  comme  il  estoit  et  teneu  en  si  bonne  es- 
time du  dict  très  noble  Duc.  A  quoy  lui  fust  respondu  par  le  dict 
juene  sire  que  estoit  à  lui  mesme  tout  revenu  de  plesir  et  honneur, 
et  qu'estoit  à  son  dict  oncle  grant  désir  et  impatience  de  recevoir  et 
accoUer  nostre  dict  glorieuL^  sire,  et  que  le  soupplioit  qu'il  ne  delayast 
à  le  voloir  acompaingner  en  leur  ostel  :  que  promeist  fere  nostre 
dict  glorieulx  sire  si  tost  après  que  il  auroit  convoie  son  dict  noble 
seigneur  Dalphin  en  l'ostel  que  lui  avoit  esté  baillé  et  auroit  du  dict 
noble  sire  receu  congié  de  se  départir  d'avecques  luy.  que  feist  il  pou 
après. 

XXXVII  I 

Du  très  noble  et  excellent  sire  Nicholas  Esmé  et  du  recueuil 
que  feist  à  nostre  dict  glorieul.x  sire  en  grant  affection  de 
parent  et  mesmement  amour  de  père. 

Et  aiant  nostre  dict  glorieulx  sire  convoie  le  dict  juene  et  gracieux 
sire  Jehan  jusques  à  l'ostel  du  très  noble,  très  excellent  et  vertueulx 
sire  Xicholas  Esmé,  oncle  du  dict  juene  Jehan  et  à  ce  tems  chief  de  la 
dicte  noble  maison  d'Esmé  en  la  citté  de  Venize,  voulust  tout  d'abord 
le  dict  noble   sire   Xicholas  veoir  nostre  dict  glorieulx   sire,  encore 


UE    JEHAN'    ES.MÉ,    SlRE    DE    .MOLINES.  8l 

que  comme  est  dict  feust  deteneu  de  malladie,  et  le  veant  le  em- 
brassa par  deux  fois  et  tout  esmeu  de  amour  et  d'affinité,  et  luy  dist 
qu'à  luy  estoit  licitte  chose  et  doulce  de  le  appeler  sien  filz  et  que  à 
tel  tiltre  de  père  povoit  à  son  endroict  prétendre,  tant  par  l'ancien 
aage  ouquel  estoit  que  pour  cause  de  naturelle  amour  qu'avoit  à 
tous  ceulx  de  son  nom,  que  le  faisoient  valloir  mesmement  en  es- 
trangé  pays  d'aussi  grant  cueur  et  en  tel  estât  et  honneur  que  sca- 
voit  l'avoir  faict  nostre  dict  glorieulx  sire,  et  que  de  ce  le  mercioit 
grandement  ou  nom  de  lui  et  de  ses  antecesseurs  propres  et  aultres 
prédécesseurs  communs  à  tous  deulx  de  leur  ancien  lignaige.  Aus- 
quelles  parolles  respondict  moult  gracieusement  et  esmeu  en  son 
cueur  nostre  dict  glorieulx  sire,  qu'adoncques  estoit  plus  heureux  que 
nul  aultre  qui  eust  vescu,  puisque  se  jà  est  grant  heur  d'estre  docte 
d'ung  si  bon,  vertueulx  et  vaillant  père  comme  avoit  esté  le  sien  pro- 
pre, estoit  double  cest  heur  de  en  estre  docte  d'ung  second,  lequel  à 
l'aultre  pareil  en  honneur,  vertu  et  vaillance  à  icelluy  succédoit  en 
affection,  et  par  espécial  bienfaict  de  Dieu  lui  estoit  baillé  à  l'eure  que 
l'aultre  recepvoit  jà  en  la  céleste  cour  remuneracion  de  ses  vertueulx 
gestes  et  euvres  de  bonté  que  avoit  parfaicts.  Et  ainsi  par  certain 
temps  persistèrent  en  propos  d'amitié  et  aggréables  et  amiables  pa- 
rolles, et  durant  tel  tems  que  nostre  dict  glorieulx  sire  repaira  en 
l'ostel  et  compaingnie  du  dict  très  noble,  excellent  et  vertueulx  sire 
Nicholas  Esmé  fust  continué  entre  eulx  tel  eschange  d'honnestetés; 
et  avoit  cure  le  dict  très  noble  sire  Nicholas  que  ses  amis  charnels 
et  son  dict  nepveu  convoiassent  nostre  dict  glorieulx  sire  emmi  la 
ville,  ne  le  povant  lui  mesme  fere  pour  cause  de  la  malladie  dont 
estoit  deteneu  en  son  dict  ostel.  Et  avoit  à  nostre  dict  glorieulx  sire 
delaissié  meilleure  partie  de  son  dict  ostel,  ouquel  estoit  ung  pertuis 
espécial  pour  s'en  yssir  en  liberté  icelluy  glorieulx  sire  et  ses  es- 
cuiers,  variez  et  gens  de  sa  compaingnie.  Et  quant  advint  tems  de 
se  remectre  en  la  mer,  soupplia  nostre  dict  glorieulx  sire  que  son  dict 
nepveu  voulsist  prenre  de  sa  compaingnie  et  avoir  recommandé  en 
toute  entreprinse  :  à  quoi  se  accorda  voUentiers  nostre  dict  benoict 
sire  Jehan  et  dist  que  à  icelluy  juene  Jehan  veilleroit  comme  à  frère 
mainsné,  de  quoy  fut  grandement  contenté  en  son  cueur  pour  faveur 
et  advantaige  de  son  dict  nepveu  le  dict  très  noble  sire  Nicholas  et 
aussi  le  dict  nepveu,  lequel  avoit  jà  bon  appétit  de  guerre  comme 
convenoit  à  si  noble  et  vertueuse  race  dont  estoit. 


82  SAINCTE    VIE    ET    TRESPASSEMENT 


XXXIX 


Du  despartement  de  nostre  dict  glorieulx  sire  de  la  dicte 
citte  de  Venize  en  la  compaingnie  du  dict  juene  Jehan, 
son  parent,  et  de  leur  adrivée  en  la  citté  de  Smirnes. 

Or  s'estant  accordée  l'excellence  du  dict  très  noble  Dalphin  que 
nostre  dict  glorieulx  sire  se  departist  de  sa  compaingnie  en  laquelle 
avoit  esté  jusques  alors,  pour  cause  de  l'adjunction  que  s'estoit  faicte 
icelluy  glorieulx  sire  du  juene  Jehan  Esmé,  son  parent,  avecques 
toute  sa  maisoniée,  laquelle  estoit  moult  riche  et  bien  du  tôt  appa- 
reilliée,  esconvint  que  ilz  se  rangeassent  aux  offres  du  très  noble 
sire  Duc,  lequel  leur  voult  mesnager  passaige  en  une  nef  que  avoit 
esté  guarnie  aux  cous  et  despens  de  la  dicte  noble  citté  de  Venize, 
et  en  icelle  estoit  chief  des  gens  d'armes  Venissians  ung  très  noble 
seigneur,  lequel  avoit  esposé  une  suer  du  dict  juene  Jehan  et  leur 
fust  moult  bienvueillant  et  tousjours  en  cure  que  de  riens  ne  leur 
manquast.  Et  ne  avoit  pareillement  nostre  dict  glorieulx  sire  en 
icelle  nef  par  discrette  retenue  amené  que  ung  sien  varlet,  ainsi  que 
ja  avoit  faict  en  la  gallée  du  dict  très  noble  Dalphin,  et  lui  faisoient 
tout  service  le  dict  juene  Jehan  et  ses  gens;  et  de  telle  sorte  adrivè- 
rent  en  la  citté  de  Smirnes,  en  laquelle  estoit  assemblée  des  gens 
d'armes  chrestiens. 

XL 

D'une  jornée  que  fu  donnée  encontre  les  Turs  et  du  ver- 
tueulx  effect  que  y  feirent  nostre  dict  glorieulx  sire  et  le 
dict  juene  Jehan  de  son  nom  et  lignaige. 

Seurveneu  cas  que  en  une  isle  que  l'on  appelle  Enbron  aient  esté 
les  chrestiens  qui  là  estoient  assiégez  des  Turs,  lesquelz  estoient 
descendue  à  grant  force  de  galées,  fust  en  brief  illec  depeschié 
bon  confort  de  chrestiens  croisiez,  en  nombre  desquelz  estoit 
nostre  dict  glorieulx  sire  et  le  dict  juene  Jehan,  lequel  ou  faict 
de  la  guerre  se  estoit  ja  en  plusieurs  rencontres  essaie  à  son  hon- 
neur et  contentement  de  nostre  dict  benoict  sire,  que  luy  avoit  baillé 
se  bon  exemple  et  ayde.  Et  aians  couru  sus  les  dicts  chrestiens  aus 


I)E    JEHAN    ESMÉ,    SIKE    Dl.    AIOLINF.S.  83 

Turs,  se  emparèrent  de  leurs  dictes  gallées  et  en  icelles  boutèrent  le 
feu,  que  véans  les  diz  Turs  leur  fu  force  que  se  retrahissent  en  ung 
chastel,  lequel  se  prinrent  les  diz  chrestiens  assiéger.  Et  advint  que 
en  une  foiz  que  s'estoient  les  diz  Turs  ruez  hors  du  dict  chastel, 
ung  d'entre  eulx,  lequel  estoit  homme  moult  redoubté  et  bien  dressé 
aux  armes  et  puissant  de  son  corps,  ayncois  villain  traytre,  lequel  avoit 
renié  nostre  Seigneur  Jhcsu  et  nostre  saincte  Esglise,  advisa  le  dict 
juene  Jehan,  lequel  avoit  soupplié  à  nostre  dict  glorieulx  sire  que  lui 
confîast  sa  bannière,  pour  ce  que  aus  deux  estoit  une  et  pareillement 
chère;  et  se  ruant  le  dict  villain  traistre  à  l'encontredu  dict  juene  Jehan, 
lequel  estoit  juene  escuier  et  non  encores  tel  que  il  peust  soustenir  l'ef- 
fort de  si  puissant  et  redoubté  homme  de  guère,  luy  gecta  cestui  ci  si 
grant  cop  d'une  massue  qu'il  tenoit  que  l'abati  à  terre,  et  illec  le  pilant 
de  son  pié  parvint  esracher  la  bannière  de  nostre  dict  glorieulx  sire,  la 
deffendant  et  retenant  icellui  povre  juene  Jehan  de  tel  cueur  que  ne 
s'en  ala  telle  sanz  sa  dernière  force  et  congnoissance  de  vie  ;  et  s'es- 
crioit  ja  le  dict  traistre  avecques  moult  orribles  juremens  et  maugre- 
mens;  «  Veez  le  ci  l'aignel,  je  le  tiens  de  par  le  deabla  »  ;  ce  disant 
par  mocquerie  et  dérision  de  la  dicte  bannière,  esquelle  estoient  assa- 
voir ymagiées  l'aignel  ensemble  testes  de  toreaux  que  sont  armes 
de  ceulx  du  lignaige  d'Esmé,  et  se  mectoit  le  dict  traistre  en  voie  de 
se  retraire  avecques  telle  capcion,  quant  ce  oyant  nostre  dict  glo- 
rieulx sire,  lequel  advenoit  à  l'aide  à  grant  haste  tout  eschauffé  de 
douleur  et  furie,  assailli  de  sa  toute  puissance  le  dict  villain  traistre 
qui  ja  s'enfouyoit,  en  gectant  contre  luy  d'une  grant  hache  de  guerre 
que  en  tel  main  ne  pesoit  guères  tel  cop  que  transversa  lo  bassinez 
qu'avoit  en  sa  teste  le  dict  traystre  et  luy  fendist  sa  dicte  teste  jusques 
aus  dens,  s'escriant  nostre  dict  glorieulx  sire  en  mesme  tems  par 
response  à  la  mocquerie  du  dict  traistre  :  «  Bien  l'aignel,  traistre 
«  villain;  mais  le  torel  n'avoitil  cornes  ?  »  Et  cependant  à  l'enlour  du 
dict  povre  juene  Jehan,  lequel  pou  à  pou  rentroit  en  ses  esperits,  se 
condouloit  presse  de  gens  ausquelz  crioit  il  tout  plorant  :  «  Sus  !  sus  à 
la  bannière  !  «  et  que  on  le  delaissast  pour  y  corir  sus  et  que  voulsist 
mieulx  que  morut  que  ne  feust  par  luy  deshonorée  toute  sa  lingnée. 
Et  estoit  comme  tout  forsené,  maudissant  que  luy  eust  deffailli  la 
force,  et  se  voloit  dresser  obstant  tous  et  retumboit  à  terre  tôt  blecié 
et  débilité  qu'il  estoit.  Auquel  s'en  revint  nostre  dict  glorieulx  sire 
rapportant  la  dicte  bannière  et  le  embrassa  par  trois  fois  esmeu  d'a- 
mour et  pitié,  lui  disant  de  consolant  cueur  :  «  Biau  cousin,  nul  ne  a 


.S^  SAlNCTi:     \II.     1.1      IRKSPASvSKMLN  I 

«  miex  t'aict  que  vous  en  ceste  jornée,  par  quoy  retenez  nostre  ban- 
«  nière;  n'est  meilleure  touaille  à  estanchier  la  bleceure  que  avez 
«  eue  pour  elle,  et  adoncques  y  avés  velu  par  tel  généreulx  sanc 
«  adjouslcr  la  bende  rouge  de  noz  cousins  de  Venisse.  »  Et  à  tel 
amiable  et  plaisant  condouloir  ne  se  puet  tenir  le  dict  povre  juene 
Jehan  que  ne  plorast  de  joye  que  ne  feust  cheu  en  l'estime  de  nosire 
dict  glorieulx  sire,  mais  bien  y  eust  creu  ;  et  baisoit  moult  ardem- 
ment la  dicte  bannière  revenant  en  son  sens,  et  luy  fu  de  ceste  jor- 
née grant  honneur  et  non  adcertes  mendre  à  nostre  dict  benoict  sire. 


XL!- 

De  la  capcion  du  chastel  d'Enbron  et  ce  que  advint  du  bon 
traictement  que  teist  nostre  dict  glorieulx  sire  aux  Turs 
que  illec  feurent  prins. 

Estant  finalement  le  dict  chastel  d'Enbron  invahi  des  dicts  chres- 
tiens  croisiez  et  y  estant  entré  ung  des  premiers  nostre  dict  glorieulx 
sire,  fu  par  luy  illec  trové  moult  de  Turs  tout  epovantés,  lesquelz 
s'escrioient  à  mercy  et  qu'ilz  se  voloient  rendre,  et  estans  aulcuns 
des  dicts  chrestiens  croisiez  qui  à  la  dicte  merci  ne  voloient  entendre, 
se  mectant  en  demoure  de  gecter  les  dicts  Turs  du  hault  des  murs 
du  dict  chastel  et  en  avoit  on  ja  gecté  ung  dune  des  tours,  tant 
pria  et  s'esclama  de  plainctes  et  menasses  nostre  dict  benoict  sire 
qu'en  cessa  le  propos,  disant  que  ne  estoit  faict  de  chrestiens  de 
ainsi  esgorgier  gens  que  ne  se  povoient  deffendre,  et  que  debvoient 
estre  receuz  à  merci  et  seroit  ainsi  meilleur  acheminement  à  paix 
finale  et  soullagement  des  chrestiens  en  povoir  des  diz  ennemis; 
oyant  quelles  parolles  le  chieftaine  des  diz  Turs,  remectant  son  espée 
au  sien  fourrel,  la  rendist  à  nostre  dict  glorieulx  sire,  disant  que  à  nul 
plus  digne  ne  la  povoit  rendre  et  que  miex  seroit  défendu  luy  et  les 
siens  par  tel  loyal  cueur  que  par  sa  dicte  espée.  Et  adjousta,  parlant 
à  nostre  dict  benoict  sire  en  son  oreille,  que  à  luy  seullement  vouloit 
enseingner  ung  sien  trésor  que  nul  n'aroit  peu  descovrir.  A  quoy  se 
accorda  nosire  dict  benoict  sire,  et  aiant  emmené  le  dict  trésor  qui 
moult  estoit  riche  et  précieux,  quant  feurent  parvenus  en  Rodes  le 
rendist  au  dict  chieftaine,  disant  que  n'cstoit  à  lui  et  que  riens  n'en 
voloit,  mais  que  de  tel  trésor  «'emploiast  le  dict    Turc  pour  l'amour 


DK    JEHAN'     ES.Mf:,     SIRE    DE    AlOLINMS.  8^ 

d'il  qui  lui  avoit  conservé  la  vie  à  appaisier  à  son  povoir  les  misères 
des  chrestiens  estans  en  la  main  des  aultres  Turs  ses  frères,  et  que 
s'enfioitensonhonneur.  Surquoy,  toutesmeu,  respondist  ledict  Turc 
que  tel  bien  par  lui  receu  ne  seroit  perdu  aux  chrestiens  et  que  seur 
son  honneur  leur  profîteroit  mieulx  qu'eust  faict  toute  aultre  chose, 
de  telle  libéralité  et  grant  cueur.  Et  pou  après  en  pot  le  dict  Turc 
commencier  à  tesmoingnier  à  nostre  dict  benoict  sire,  car  y  aiant 
asseurement  de  trièves  et  aiant  oy  dire  à  nostre  dict  benoict  sire  que 
nul  plus  grant  heur  ne  lui  porroit  advenir  que  povoir  fere  peleri- 
naige  aux  saincts  lieux,  seoffrist  le  dict  Turc  de  l'y  convoieren  toute 
seureté  d'amis  et  l'y  sauf  guarder  contre  tous.  A  quoy  tout  esmeu 
d'espoir  se  assentist  nostre  dict  sire,  et  tout  aussi  tost  que  feust  gari 
le  dict  juene  Jehan  de  sa  bleceure  se  departist  en  la  compaingnie 
du  dict  Turc  nostre  dict  glorieulx  sire,  luy  sixiesme  de  chrestiens,  et 
feurent  jusques  en  la  citté  d'Alixandre  en  une  nef  que  ceulx  de  l'Os- 
pital  envoioient  en  ayde  et  confort  au  l^oy  d'Ermenie.  et  debvoit 
avoir  le  dict  Turc  toute  saufveté  de  conduicte  une  fois  adrivez  à 
Babyloine. 

X  L  11 

Du   voiaige    que   Hst    nostre   dict  glorieulx   sire   de   la   citté 
d'Alexandre  en  la  citté  de   Babyloine. 

S'estant  nostre  dict  glorieulx  sire,  ensemble  le  dict  juen®  Jehan  et 
les  aultres  de  sa  compaingnie  guarniz  de  quelques  victuailles  et  les 
convoiant  le  dict  Turc  et  ses  serviteurs  de  sa  loy,  prinrent  chemin 
vers  Babyloine,  transversant  de  prime  face  les  sables  de  Tebaides, 
esquelles  ou  tems  jadiz  repairerent  tant  saincts  et  benoicts  heremi- 
tes.  et  s'estant  nostre  dict  glorieulx  sire  recommandé  et  rappelé  en 
leurs  mérites,  le  dict  chemin  faisant  adrivèrent  en  une  ville  en  la- 
quelle se  debvoient  commencier  à  voguer  dessus  le  flueve  Nilus, 
lequel  est  moult  grant  et  merveilleux  flueve  que  tôt  le  pays  fertilise 
et  oultre  ce  les  femmes  qui  beurent  de  son  eaue  ;  et  a  sa  source  et 
origine  le  dict  flueve  jusques  au  Paradis  terrestre,  ainsi  que  le  veil 
nostre  dict  glorieulx  sire  en  ung  aggreable  et  divin  songe  que  luy 
voult  bien  la  saincte  Vierge  Marie  permectre  fere  pour  le  affermir 
en  son  pieux  dessein  et  duquel  en  son  lieu  parlerai.  Et  ayant  le  dict 
Turc  alloé  une  barge  et  passé  marchié  selon  la  coustume  du  pays 


86  SAIXCTE    VIE    ET    TRESPASSE.MENT 

avecques  le  governeur  d'icelle  barge,  s'enquist  de  assembler  telle 
substentacion  que  vequisseiit  par  l'espace  de  six  ou  sept  jours  que 
debvoient  sejorner  dessus  le  dict  flueve,  ne  debvant  passé  la  nuictiée 
naviguer  par  double  du  nauiVaige  ne  descendre  es  rivaiges  par  grant 
paour  des  maulvais  compaingnons  que  d'aguet  appensé  se  y  mussent 
pour  cause  de  robber  etferirtous  ceulx  que  puèvent  saysir.  Et  quant 
fu  eschevée  la  première  jornée  fu  chanté  ung  chant  moult  aggréable 
en  tel  lieu  par  ung  de  la  compaingnie  de  nostre  dict  glorieulx  sire, 
lequel  faisoit  faict  de  menestrandié  et  le  avoit  encontre  nostre  dict 
glorieulx  sire  à  Rodes  et  avecques  lui  emmené  pour  ce  que  scavoit 
moult  de  chants  sacrez  bien  doulx  et  aggréables  à  oir,  et  avoit  dict  le 
dict  Turc  que  en  emmenant  icelluy  nostre  dict  glorieulx  sire  ne  feroit 
que  saige.  Et  s'estant  nostre  dict  glorieulx  sire  enveloppé  en  une 
pièce  de  drap  de  Camelin,  après  avoir  dict  oraison  en  l'onneur  de 
nostre  Sauveur  Jhesu  Crist  et  de  monseigneur  sainct  Loys,  roy  de 
France,  de  bien  heureuse  mémoire,  lequel  fist  telz  glorieulx  gestes 
en  icelle  terre,  se  appareilla  pour  dormir,  esquel  tems  eust  ung  songe 
ainsi  que  premier  avons  dist. 


X  Lll  I 

D'une  sonue   que  eust   nostre  dict  glorieulx   sire  durant  sa 
première  nuictiée,  en  la  barge  sur  le  flueve  Nilus. 

Adoncques  estant  nostre  dict  glorieulx  sire  en  la  première  nuictiée 
que  passast  emmi  la  dicte  barge  dessus  le  flueve  Nilus,  eust  tel 
songe  que  lui  sembloit  la  dicte  barge  tout  prestement  naviguer  pre- 
nant chemin  vers  la  dicte  origine  du  dict  flueve.  et  estoient  anges 
qui  en  manière  de  vent  souftloient  de  bon  voulloir  dans  les  voilles 
d'icelle  barge;  et  d'abord  estoient  comme  nuict  et  que  n'y  veoit  on  pas 
bien  cler,  et  tost  après  aparceust  nostre  dict  glorieulx  sire  une  belle 
lumière  qui  grandement  luisoit  comme  grant  nombre  de  palmes  ver- 
tes, et  s'estant  enquis  qu'estoit,  ça  lui  feust  respondu  qu'esloit  le 
Paradiz  terrestre  et  que  ci  aloit  il  le  veoir  ;  de  quoy  s'esmerveillant 
nostre  dict  glorieulx  sire  se  signa  d'ungbon  signe  de  croix,  et  cepen- 
dant veist  ung  moult  gracieux  et  bien  vueillant  personnaige,  vestu  en 
manière  de  guerre  se  non  que  portoit  en  sa  teste  une  couronne,  le- 
quel venoit  avecques  grant  compaingnie  daultres  personnaiges  au  de- 


DE    JEHAN    ESMÉ,    SIKE    DE    MOLINES.  87 

vant  de  la  dicte  barge,  laquelle  se  estant  arrestée  en  descendit  nostre 
dict  glorieulx  sire  et  alors  recongneust  que  estoit  le  dict  bien  heureux 
monseigneur  sainct  Loys,  lequel  avoit  prié  en  son  oraison  et  disoit 
icelluy  bien  heureux  monseigneur  de  doulce  voix  :  «  Bien  veneu 
«  soyés  cy,  sire  chevalier,  et  véez  ou  de  rechief  viendrez  quant  aurés 
«  fine  vos  pieuses  espreuves  et  que  aurés  refraischi  vostre  ame  aux 
«  sains  lieux  que  voult  eslire  à  lieux  de  souffrance  et  trespassement 
«  nostre  divin  Saulveur,  et  jà  sont  cy  pluseurs  voz  pères  et  bien 
«  suiront  si  digne  leur  enfant  de  leurs  veux  et  prières  en  tel  périlleux 
«  voyaige  que  faictes  présentement.  »  Oyant  quelles  parolles  se  sen- 
toit  nostre  dict  glorieulx  sire  comme  tout  pénétré  et  refreschi  d'es- 
poir et  joie,  et  se  retraiant  le  dict  bien  heureux  monseigneur  sainct 
Loys  avecques  sa  dicte  compaingnie,  fust  dict  à  nostre  dict  glorieulx 
sire  par  ung  des  dicts  anges  avecques  lui  descendeu  de  la  barge  que 
ne  povoit  les  suire  ;  et  les  veoit  nostre  dict  glorieulx  sire  s'esloin- 
gner  doulcement  emmi  moult  merveilleux  arbres,  curieuses  bestes  et 
aultres  estonemens,  et  estoient  vestus  à  l'entour  d'une  doulce  lu- 
mière, et  veist  lors  nostre  dict  glorieulx  sire  aulcuns  de  la  dicte 
saincte  compaingnie  qui  arrières  demouroient  tornant  la  teste  et  les 
bras  en  apparence  de  le  bénir,  et  lui  dist  le  dict  ange  qu'estoient  ses 
diz  pères  occis  en  terre  saincte  et  qu'estoit  bien  faict  à  luy  de  mar- 
cher à  leur  ymitacion  ;  et  estans  remontez  en  la  dicte  barge  fust  elle 
ramenée  ou  paravant  estoit,  et  s'esveilla  de  tel  songe  nostre  dict  glo- 
rieulx sire,  merciant  Dieu  de  ceste  divine  faveur  et  comme  tout  trans- 
porté de  céleste  espérance. 

XLIV 

De  l'adrivée  de  nostre  dict  glorieulx  sire  en  la  citté  de 
Babyloine  et  de  la  visitacion  que  feist  à  la  fontayne  de 
Nostre  Dame. 

Or  estant  adrivé  nostre  dict  glorieulx  sire  en  la  citté  de  Babyloine 
se  print  le  dict  Turc  à  quérir  tous  bons  saufs  conduictz,  que  ayant 
euz  au  sien  désir  convoia  nostre  dict  glorieulx  sire  à  la  visitacion 
d'une  fontayne  lez  la  dicte  citté  de  Babyloine,  en  laquelle  nostre  bien 
heureuse  Dame  la  benoicte  Vierge  Marie  lavoit  les  nappes  et  linceuls 
de  nostre  Seigneur,  son  chierfilz.  En  quelle  fontayne  est  telle  suave 
odeur  de  saincteté  que  est  mesmement  aus  infidelles  quasi  en  si  grant 


88  SAINCTE    VIE    ET    TRESPASSEMEXT 

estime  et  vénéracion  comme  est  aux  chrestiens  :  et  se  estant  nostre 
dict  glorieulx  sire  gecté  en  oraisons,  le  dict  Turc  moult  dévotement 
le  vmita,  se  faisant  moult  révérencieuse  ablution  de  l'eaue  de  la  dicte 
fontayne,  et  estoit  chascun  jour  le  dict  Turc  plus  afectionné  à  nostre 
dict  glorieulx  sire  et  plus  admirateur  de  ses  vertus,  et  n'eust  esté 
son  infidelle  loy  le  eust  receu  nostre  dict  glorieulx  sire  en  parfaicte 
amitié  et  estime,  lui  veant  prenre  de  luy  tel  cure  comme  plus  n'en 
eust  prins  ung  père. 

X  LV 

Du  chemin  que  prinst  nostre  dict  glorieulx  sire  par  les  désers 
de  la  sabloneuse  Arabye  tendant  vers  Jherusalem. 

Quant  veist  nostre  dict  glorieulx  sire  la  grant  orreur  des  sablo- 
neuz  désers  que  convenolt  transverser  avant  que  gaigner  Jherusa- 
lem, luy  print  doUent  regret  et  double  en  son  cueur  de  se  estre 
accordé  que  le  dict  juene  Jehan  le  acompaignast  en  tel  périlleux  tra- 
gect  et,  tout  recors  de  ce  que  avoit  promis  au  dict  très  noble  sire 
Xicholas  Esmé  qu'auroit  de  cure  à  Tentour  de  son  dict  juene  nep- 
veu,  estoit  tendrement  actaint  d'aussi  doloureuse  poinc  et  pictié  que 
feust  Jacob  quant  lui  fust  force  envoier  en  Egypte  son  chier  filz  Bien- 
jamin  par  ces  sauvaiges  désers,  encores  que  feust  convoie  par  ses 
frères.  Ayncois  remembrant  nostre  dict  glorieulx  sire  que  ne  moins 
a\oit  faict  cest  voyaige  nostre  divin  Rédempteur  estant  encores  si 
juene  et  feble,  et  ne  aiant  ànoute  saulve  guarde  que  une  juene  vierge, 
rentra  en  son  couraige  et  se  fyant  à  nostre  Seigneur  Dieu  tout  puys- 
sant  se  remist  du  tout  à  la  vollenté  et  saincte  protection  d'icelluy  : 
et  se  estoit  le  dict  Turc  muni  de  nombre  de  chalmaulx,  que  sont 
moult  bons  animaux  pour  chevauchier  en  telz  désers  et  sus  eulx  es- 
toit enchargiée  la  substentacion  de  toute  la  chevauchiée,  n'estant  du- 
rant presque  quinzaine  que  puel  durei-  telle  Iransversée  aultre  veue 
que  du  ciel  et  de  sables,  se  non  de  quelques  puis  csquelz  estoit  eaue 
tarit  orde  et  puante  que  à  poine  le  povoit  on  boire  sans  grant  sole- 
vement  de  cuer  :  mais  se  ne  fust  telle  nécessité  de  suef  en  les  deux 
premières  jornées  que  costoièrent  le  flueve  Xilus  n'estant  d'icellu\ 
distanciez  que  d'une  lieue,  advint  aultre  péril  de  tel  vesinaige  que 
trop  torna  à  augment  d'onneur  de  nostre  dict  glorieulx  sire  pour 
que  me  en  doibve  taire. 


Dr.    .IF.HAN    ES.Mi:.     SIKK     Dt;    .MOI. INES. 


XLVl 

Du  moult  périlleux  combat  que  sustint  nostre  dict  glorieulx 
sire  lez  le  flueve  Nilus  et  du  grant  onneur  que  lui  en  feust 
faict  en  la  suicte. 

Finant  la  deuxiesme  jornée  du  dict  pelerinaige  advint  que  se  deb- 
vant  on  finalement  esiongner  du  dict  flueve  Nilus,  convint  à  ceul.x  de 
la  compaingnie  de  nostre  dict  glorieulx  sire  que  guarnissent  de  fres- 
che  eaue  aulcunes  piaux  de  chievres  esquelles  avoient  ilz  en  costume 
la  tenir  et  pourter  ;  durant  quelle  besoingne  s'escria  de  pitéables  cris 
le  dict  menestrier  de  nostre  dict  glorieulx  sire,  lequel  se  estoit  eslon- 
gné  avec  deux  des  variez  du  dict  Turc  et  se  ondeoient,  et  de  telz  cris 
se  escrioient  ilz  veans  ung  effroable  croquedil,  lequel  leur  courroit 
sus  :  et  à  telle  lamentable  dolléances  se  accourust  nostre  dict  glo- 
rieulx sire  n'aiant  que  une  demie  lance,  laquelle  tenoit  lors  en  sa 
main  en  manière  d'appui,  et  fust  tout  premier  de  y  accourir  et  par- 
vint jusques  au  menestrier  à  telle  presse  d'eure  que  aloit  il  estre  at- 
tainct,  et  se  ruant  prestement  nostre  dict  glorieulx  sire,  à  grant 
péril  de  sa  vie,  avecques  se  feble  arme  invasible  que  se  povoit  facil- 
lement  briser,  feri  le  dict  croquedil  de  si  seure  main  et  a  tel  ayde  de 
Dieu  en  telles  places  desporveues  d'escailles  que  finallement  le  par- 
vint à  occire,  non  sans  estre  attainct  luy  mesme  de  griefve  bleceure. 
Et  estoit  toustevoies  ung  des  diz  Turs,  lequel  avoit  ung  petit  coffret 
engaingné  dans  ung  estuy  de  cuir,  doù  print  onguent  et  linge  pour 
appoinctier  ceste  plaie,  et  d'icelle  ne  se  douloit  icelluy  glorieulx  sire, 
mais  du  delay  que  en  advenoit  en  son  voiaige  ;  et  ne  voult  le  dict 
Turc  reprendre  la  voie  que  nostre  dict  glorieulx  sire  ne  fust  guari, 
que  bien  tost  advint  avecques  la  divine  grâce.  lù  adjoterais  je  pour 
Tonneur  que  du  dict  combat  advint  à  nostre  dicl  glorieulx  sire,  que 
estant  icelluy  glorieulx  sire  de  retour  en  Rodes  et  séant  ung  jour 
en  présence  du  très  glorieulx  sire  Dieud^nnc  de  Gosson,  lequel  le 
tenoit  en  grant  estime,  avint  que  parla  t  on  au  dict  glorieulx  sire 
Dieudonné  du  combat  qu'estant  juene  che\alier  avoit  soustenu  à 
rencontre  d'ung  monstre  de  Rodes  et  l'en  glorilîoit  on  haultement  à 
son  mérite  :  à  quoy  respondict  le  dict  noble  Dieudonné  que  à  luy 
seul  n'estoit  tel  honneur,  mais  que  là  présent  estoit  ung  noble  che- 


go  SAINXTE    VIE    ET    TRESPASSEMENT 

valier  avecques  lequel  volenliers  eschangeroit  il,  car  se  cestuy  che- 
valier avoit  pareillement  sostenu  combat  contre  monstre  à  luy  in- 
congneu,  n'estoit  ce  pour  effort  de  gloire  et  conqueste  de  renommée, 
ayncois  obscurément  au  desceu  de  tous  et  en  seule  veue  de  bien  et 
d'humaine  pitié,  aiant  icelluy  offert  sa  vie  à  saulveté  de  celle  d'ung 
simple  varlet,  et  disant  ce  rapporta  le  faict  du  dict  croquedil  que  na- 
guères  luy  venoit  de  narrer  ung  escuier  de  nostre  dict  glorieulx  sire 
à  cesl'eure  aussi  là  présent.  Lequel  escuier  veant  icelluy  glorieulx 
sire  moult  trublé  en  son  visaige,  luy  dist  d'amiable  menasse  et  tout 
traveillé  de  modestie  :  «  Hé,  traytre  Guigue,  debvais  je  de  toy  acten- 
0  dre  telle  baverie  !  » 


XLVII 


De  la  finalle  adrivée  de  nostre  dict  glorieulx  sire  en  la  saincte 
citté  de  Jherusalem. 


Aiant  nostre  dict  glorieulx  sire  delaissié  arrières  la  citté  de  Gadra 
et  partie  du  désert  de  Bersabé,  ouquel  fust  tant  traveillé  de  suef 
Ismal,  fîlz  de  Hagar,  parvint  fînallement  au  Judéen  terrouer,  lequel 
véant  se  dévalla  de  son  chalmel,  et  tôt  à  plat  prosterné  sur  la  dicte 
saincte  terre,  la  baisa  avecques  moult  larmes,  gémissemcns  et  priè- 
res, tout  esmeu  en  son  sanc  et  en  son  cueur,  et  pareillement  baisè- 
rent la  dicte  saincte  terre  le  dict  juene  Jehan  et  le  demourant  des 
chresliens  qui  estoient  en  la  compaingnie  du  dict  glorieulx  sire,  et 
par  la  favorable  entremise  du  dict  Turc  estans  certain  temps  après 
entrez  en  la  dicte  saincte  citté  de  Jherusalem  se  print,  dès  le  mesme 
jour  de  la  dicte  entrée,  nostre  dict  glorieulx  sire  à  visiter  les  diz  sains 
lieux  en  toute  contrition  et  dcvocion  de  cueur,  et  si  lui  sembloit  que 
du  sainct  Sépulcre  ne  se  porroit  esracher,  et  estoit  avecques  telles 
larmes  et  prières  que  se  faisoient  telles  visitacions  par  nostre  dict 
glorieulx  sire  que  en  esmoToit  jusques  aus  Turs,  lesquelz  le  con- 
voioient  en  chascun  lieu  du  mandement  de  leur  dict  seigneur,  en 
doubte  que  à  nostre  dict  glorieulx  sire  ne  feusl  faicte  quelque  malc 
injure  en  tele  barbare  assemblée  d'infidelles. 


DE    JEHAN    ESME,    SIRE    DE    xMOLINKS.  Çî 


XLVIII 

Du  despartement  de  nostre  dict  glorieulx  sire  de  la  dicte 
saincte  citté  de  Jherusalem  et  des  sains  lieux  que  veist  en 
soy  retornant. 

Or  disant  le  dict  Turc  que,  ois  certains  promeurmures,  seroit  à 
eulx  saige  fere  de  ne  sejorner  par  lonc  tems  en  la  dicte  citté  de 
Jherusalem,  en  double  et  paour  que  par  quelques  advis  et  pires  vol- 
lentez  seurvenans,  mesmement  rompeures  de  triefves,  ne  feussent  re- 
traictés  et  hannilées  les  seuretés  que  lui  avoient  esté  baillez,  ne  se 
voult  nostre  dict  glorieulx  sire  estre  cause  que  de  telle  rare  loyalté 
et  libéralité  qu'icelle  du  dict  Turc  lui  avenist  nul  desplesir,  et  adonc- 
ques  se  resolust  à  prestement  se  départir  d'illec  ;  et  aiant  en  ses  veste- 
mens  mucié  quelques  sainctes  relliques  recueillies  èsdiz  saincts  lieux, 
prinst  la  voie  pour  se  en  aler  en  Joppé,  et  pou  après  l'entrée  en  la 
dicte  voie  veist  nostre  dict  glorieulx  sire  la  vallée  en  laquelle  le  juene 
pasteur  David  occist  le  moult  orgueilleux  et  errogant  Golias,  et  se 
estant  quelque  pou  arrestc  en  la  citté  de  Rame,  d'illec  finallement 
parvinst  au  port  de  Joppé,  ouquel  le  dict  Turc  aiant  convenu  mar- 
chié  avecques  le  governeur  d'une  nef  pour  luy,  nostre  dict  glorieulx 
sire  et  leur  entière  compaingnie  porter  en  Rodes,  se  despartirent 
d'icelle  terre  saincte  assoir  de  la  tierce  jornée  de  leur  sejornement 
en  Joppé,  n'aiant  nul  des  leurs  delaissié  ne  perdu  es  dangiers  de  si 
grant  et  périlleuse  voie,  se  non  ung  des  variez  de  nostre  dict  glo- 
rieulx sire,  lequel  estoit  natif  de  la  ville  de  Mure  en  Daulphiné  et 
trespassa  lez  la  citté  de  Gadra,  traveillié  de  llus  de  ventre,  à  grant 
tristesse  et  douleur  du  demourant  des  dits  chrestiens;  et  ne  feust 
sans  moult  amères  et  doloureuses  larmes  que  s'estaingnit  à  nostre 
dict  glorieulx  sire  la  veue  de  la  dicte  saincte  terre,  laquelle  deslais- 
soit  ainsi  se  tristement  gissante  es  povoirs  dinfidelles. 


92  SAINCTE    VII,     ET    TRESPASSF.MENT 


XLIX 


Que  nostre  dict  glorieulx  sire  se  despartist  de  Rodes  à 
grant  regret  et  estime  de  tous  et  ce  que  feist  quant  feust 
retorné  en  Dalphiné.  ^ 

Estant  sur  telles  entrefaictes  advenu  es  dictes  parties  le  très  noble 
sire  de  Sassenaige,  lequel  estoit  despechié  pour  les  besoingnes  de 
très  noble  et  très  excellent  sire  Dalphin  Ymbert.  fust  par  lui  telles 
choses  dictes  à  nostre  dict  glorieulx  sire,  que  tenoit  en  grant  amitié, 
que  clérement  comprint  nostre  dict  glorieulx  sire  qu'estoit  mesticr 
que  retornast  en  son  ostel.  Et  lui  aiant  de  ce  baillé  licence  le  dict 
très  noble  Dalphin,  lors  en  voie  de  longues  triefves  et  final  accomo- 
dement,  feist  paccion  nostre  dict  glorieulx  sire  avecques  le  maistre 
d'une  nef  Prouvensale  que  se  en  aloit  touchier  droict  à  Marselles  :  et 
aiant  delaissié  le  dict  juene  Jehan  es  mains  du  très  noble  et  vertueulx 
sire  Justinian.  ainsi  que  avoit  esté  avecques  le  dict  très  noble  sire 
Xicholas  Esmé  conveneu  par  avant  leur  despartement  de  Venisse,  se 
eslongna  nostre  dict  glorieulx  sire  du  dict  lieu  de  Rodes,  que  dclais- 
soit  plein  de  généralle  estime  à  Tendroict  de  ses  vaillance,  preudom- 
mie  et  merveilleuses  vertus  chrestiennes  ;  et  n'estoit  derrenier  à  icellcs 
admirer  le  dict  Turc,  ayncois  disoit  que  s'il  eust  congneu  deux  che- 
valiers chrestiens  pareils  seuUement,  ne  se  seroit  tenu  que  n'entrast 
en  nostre  loy.  Et  estant  nostre  dict  glorieulx  sire  rentré  en  son  dict 
ostel.  trova  que  estoit  bruict  au  pays  que  sen  puisné  filz  monseigneur 
Jehan  derrenierement  trespassé.  que  Dieu  absoille  1  avoit  par  sa  foy 
juré  que  esposeroit  une  joune  damoiselle,  laquelle  estoit  moult 
preude  femme,  mais  n'osoit  ja  le  dict  sire  Jehan  ainsi  la  prenre  à 
espose,  doubtant  que  ne  s'y  voulsislassentir  son  dict  père  pour  ce  que 
n'estoit  la  dicte  damoiselle  de  noble  lingnée,  par  quoy  souppliant 
honoré  maistre  Jehan  Bernart,  père  de  la  dicte  damoiselle,  à  nostre 
dict  glorieulx  sire,  que  ne  voulsist  soffrir  et  laissier  en  desonneur 
telle  lingnée  qui  jamais  n'avoit  encoru  par  avant  blasme  ne  vitupère, 
m.anda  nostre  dict  glorieulx  sire  mon  dict  seigneur  Jehan  son  fil/  : 
auquel  aiant  dist  que  encores  que  fust  dollent  de  telle  derogeance. 
laquelle  oncques  n'estoit  ja  advenue  en  leur  lignaige,miex  valoit  en- 
cores pureté  de  vertu  que  de  noblesse,  et  deffault  à  l'escu  que  à 
l'rmneur.   et  que  puis  que   mon  dict   seigneur  Jehan  avoit  juré  pro- 


bi:    JEHAN     KSME,     SIHK    DK    .MOLI^■^.^i.  9^ 

messe  par  sa  foy,  ne  y  debvoit  faillir;  et  en  feist  tost  après  les  espo- 
sailles  à  commune  loange  de  tous,  et  continua  nostre  dict  glorieulx 
sire  à  ainsi  fere  moult  aultres  belles  vertueuses  et  chrestiennes 
actions  tout  tant  que  vesquit  jusques  au  jour  que  sainctement  tres- 
passa.  comme  jà  a  esté  par  cy  devant  dict. 


L 

De  l'espérance  en  laquelle  demoure  Taucteur  d'avoir  escript 
ce  discours. 

Si  demoures  je  en  espérance  que  tel  discours,  par  moien  duquel 
ai  volu  conserver  et  perpétuer  souvenir  de  si  grant  bonté,  vaillance 
et  merveilleuses  vertus  chrestiennes  de  nostre  dict  glorieulx  sire,  les- 
quelles ont  encores  racines  es  esperit  et  remenbrance  de  pluseurs 
que  tesmoings  en  ont  esté  et  présentement  encores  scurvivent  en  ce 
siècle,  à  aulcuns  adviendra  que  soye  en  plus  grant  po.voir  que  moi 
de  poursuivre  à  effect  recongnoissance  de  telle  digne  saincte  vie, 
laquelle  en  brief  adviendroit  se  tous  les  cuers  estoient  au  mien  et 
veoient  tous  esperits  ce  que  mien  esperit  voit  et  pense.  Et  que  par 
ce  toutesvoyes  à  mon  juene  et  bien  amé  présent  seigneur  tel  dis- 
cours et  exemple  proficte  et  a  bien  le  mène  quant  adrivera  en  aage, 
et  qu'allaité  de  telles  vertus  paternelles  ne  croisse  et  succède  à  si 
vertueulx  et  glorieulx  ta  von  meins  vertueulx  et  noble  filz. 


Ll 


De  l'ommaige  que  Taucteur  estant  en  la  noble  citté  de  Venize 
feist  de  ce  présent  livre  au  très  noble,  excellent  et  géné- 
reulx  sire  Georges  Esmé,  parfaict  exemple  de  chevallerie 
et  chrestienne  vertu. 

Et  estant  moy  sus  dict  paouvre  euvrier  en  tel  euvraige  de  dis- 
cours en  ceste  noble  citté  de  Venisse,  ai  je  du  présent  livre  tant  osé 
me  prévalloir  qu'en  ay  faict  hommage  à  très  noble,  très  excellent  et 
très  généreux  sire   Georges  Esmé,  parfaict  exemple  de  chevallerye 


Ç4  VIE    ET    TRESPASSE.MEXT    DE    J.    ES.ME. 

et  chrestienne  vertu,  lequel  y  porra  veoir  les  beaux  et  nobles  gestes 

des  siens  et  en  daignera  t  il  guarder  tel  bon  gré  au  dict  povre  aucteur 

que  en  aura  icelluy  faict  guarder  bon   et  chier  souvenir  aux  aultres 

à  venir. 

AMEN. 

Archives  du  château  du  Touvet,  registre  dérelié,  composé  de  quatre  quaternions 
de  parchemin  (le  i"  de  6  feuilles,  le  2"  et  le  y"  de  ^,  le  dernier  d'une  seule),  for- 
mant 2<)  feuillels  :  ce  nombre  impair  provient  de  la  disparition  du  1"  feuillet,  sans 
doute  blanc  comme  le  dernier.  Le  manuscrit  mesure  2g/  millim.  en  hauteur  et 
26  cent,  en  largeur  ;  la  justification,  précisée  à  la  pointe  et  tracée  à  l'encre,  mesure 
2iy  mill.  sur  18 y.  L'écriture  est  celle  de  la  deuxième  moitié  du  XI V'  siècle  :  abré- 
viations ordinaires,  multipliées  pour  les  mots  qui  reviennent  souvent  ;  difficulté  fré- 
quente de  distinguer  les  voyelles  o  et  e  ;  sommaires  des  chapitres  (non  numérotés)  à 
l'encre  rouge  ;  grandes  initiales  au  texte  de  chaque  chapitre.  Le  titre  donné  à  la 
présente  publication  est  extrait  du  titre  du  2°  chapitre.  Cité  plusieurs  fois  (voir  U. 
Chevalier,  Choix  de  documents  historiques  inédits  sur  le  Dauphiné,  1874,  p.  96), 
cette  bien  curieuse  et  très  édifiante  biographie  n'avait  jiifuais  été  publiée  intégrale- 
ment. 

Les  mêmes  archives  du  Touvet  possèdent  une  copie  sur  papier  timbré,  delà  main 
de  M.  de  Stadler,  qui  l'a  fait  suivre  de  l'attestation  suivante  : 

Nous  soussignés,  archivistes  paléographes,  anciens  élèves  pension- 
naires de  l'Ecole  Royale  des  Chartes,  certifions  en  vertu  du  Diplôme 
qui  nous  a  été  conféré  par  .M.  le  iMinistre  Secrétaire  d'Etat  au  r3épar- 
tement  de  l'Instruction  publique,  la  présente  copie,  par  nous  trans- 
crite et  collationnée,  conforme  à  l'original  sur  parchemin  appartenant 
à  -Monsieur  le  Marquis  de  Marcieu. 

Paris,  le  2  juillet  1846. 

A.  Teulet.  E.  a.   de  Stadler. 

Vu  par  nous,   Maire  du  neuvième   arrondissement  de  Paris,  pour 
légalisation  de  la  signature  de  M.  Teulet  apposée  ci -dessus. 
Paris,  le  3  juillet  1846. 

(Signature  ill is ih le .  1 

(Timbre  de  la  mairie  du  c/  arrondissement). 

Nous  tenons  l'original  de  cette  attestation  et  une  photographie  de  l'original  lui- 
même  à  la  disposition  des  hypercriliques  (s'il  s'en  trouve)  qui  éprouveraient  des  scru- 
pules sur  l'authenticité  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  véracité)  de  ce  docu- 
ment. Nous  demanderions  seulement  quelle  portée  peuvent  avoir  ces  doutes  après  la 
déclaration  formelle  de  professeurs  émérites  de  l'Ecole  des  Chartes,  comme  MM. 
Teulet  et  de  Stadler. 


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