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LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
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SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS
DE BELGIQUE.
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BRUXELLES,
M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
1864.
É BULLETIN
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1864. — No 1.
CLASSE DES SCIENCES.
——_—_—
Séance du 9 janvier 1864. .
M. ScHaar, président de l’Académie.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. d'Omalius d’Halloy, Wesmael, Stas,
De Koninck, Van Beneden, de Selys-Longchamps, le
vicomte Du Bus, Gluge, Nerenburger, Melsens, Liagre,
Duprez, Poelman, Dewalque, E. Quetelet, membres ; La-
marle, associé; Steichen, Montigny, Coemans, correspon-
dants.
# M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste
- à la séance. |
2° SÉRIE, TOME XVII. il
2
7
CORRESPONDANCE.
M. De Vaux fait connaître que, retenu par une bron-
chite intense, il regrette de ne pouvoir assister à la séance
du jour.
— M. Schaar, en prenant les fonctions de directeur pour
l’année courante, exprime les regrets de la compagnie de
ne pas voir M. De Vaux assister à la séance, et de ne pou-
voir lui témoigner la reconnaissance de la classe pour la
direction donnée à ses travaux pendant l’année précédente.
— M. le secrétaire perpétuel donne lecture d’une lettre |
ministérielle qui fait connaître que $S. M. le Roi a désigné
M. Schaar comme président de l’Académie pendant l’année |
courante. Des applaudissements accueillent cette lecture.
— La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient
de faire par la mort d’un de ses membres, M. François
Cantraine, professeur à l’université de Gand et membre
de l’Académie, décédé le 22 décembre dernier.
La classe prend également connaissance de la mort de
M. Willem Vrolik, l’un de ses associés et secrétaire dé
l’Académie royale des sciences d'Amsterdam.
— M. Ernest Quetelet exprime sa reconnaissance pour
l'honneur qué la classe lui à fait en inscrivant son nom
parmi ceux de ses membres. —-
À .
— La Société royale des sciences de Stockholm et la
(5)
LA s
Société royale des sciences d’Upsal remercient l'Académie
pour l'envoi de ses publications. La Société d’Upsal fait
parvenir, en même temps, ses derniers travaux.
La Société impériale géographique de Russie envoie les
procès-verbaux de ses dernières séances.
M. Van Beneden communique le discours qu’il a pro-
noncé, à Louvain , le 27 février 1863, comme doyen de la
faculté des sciences , après les obsèques de M. Martin Mar-
tens, professeur à l’université de cette ville et membre de
l’Académie royale de Belgique.
La classe remercie pour ces différents envois.
— M. Bernardin, professeur à Melle, près de Gand,
envoie les résultats de ses observations faites sur les phé-
nomènes périodiques du règne animal pendant l’année
1865. M. Leclercq, de Liége, fait parvenir également ses
observations météorologiques recuellies pendant la même
année.
— M. Catalan remercie l’Académie pour la résolution
qu’elle a prise d'imprimer, dans son recueil de Mémoires,
le travail par lequel il a exposé ses recherches relatives
aux lignes de courbure du lieu des points dont la somme des
distances à deux droites qui se coupent est constante.
* — M. le secrétaire perpétuel présente différents mé-
moires manuscrits qui ont été soumis à l’Académie :
1° Une notice de M. le marquis de Caligny, contenant
une nouvelle rédaction de sa note sur le mouvement des
vagues. (Commissaires : MM. De Vaux et Timmermans.)
2° Une notice de M. Édouard Dupont sur le marbre
noir de Bachant (Hainaut français). (Commissaires
MM. d'Omalius et Dewalque.)
(4)
3° Sur les tremblements de terre en 1862, mémoire de
M. Alexis Perrey, de Dijon. (Commissaires : MM. Duprez
et Ad. Quetelet.)
4° Quelques mots à propos des aérolithes tombés dans
le Brabant, le 7 décembre 1863, notice par M. Armand
Thielens. (Commissaires : MM. Duprez, Ad. Quetelet et
Van Beneden.)
—_— 1 —
NOMINATIONS.
La classe procède ensuite, par la voie du serutin, à la
nomination de son directeur pour l’année 1865; M. le
général Nerenburger est élu à la majorité des suffrages
et vient prendre place au bureau.
RAPPORTS.
Sur un projet de recherches paléontologiques dans les
grottes du pays; par M. Edouard Dupont, docteur en
sciences naturelles.
Happorë de M. Van HBeneden.
« Personne n’ignore aujourd’hui le haut intérêt scien-
tifique qui s'attache à l'étude des grottes et des cavernes.
Si les diverses couches de la croûte Lerrestre forment,
avec les débris fossiles qui les renferment, les feuillets
du grand livre, qui est toujours à sa première édition, les
cavernes forment autant de musées où la main du temps
0 )
a donné à chaque objet une grande valeur et une haute
signification.
Ici, l’on trouve des ossements qui portent encore les
traces des coups de dents du carnassier qui a entrainé sa
proie dans le repaire ; là, les débris organiques remplissent
la retraite jusqu’à la voûte ; là encore des ossements hu-
mains sont jetés pêle-mêle au milieu de restes d'animaux
détruits.
En Europe, ces cavernes renferment surtout des osse-
ments d'ours et d’hyène; en Amérique, ce sont surtout
des édentés; en Australie, ce sont particulièrement des
marsupiaux; mais partout on trouve des animaux d’une
plus forte taille que ceux qui vivent encore actuellement,
et ils portent, les uns comme les autres , le cachet de leur
région géographique. :
Plusieurs cavernes des environs de Liége ont été ex-
plorées avec le plus grand soin par Schmerling. On peut
voir cette belle collection paléontologique des cavernes au
musée de l’université de Liége.
Dans la province de Namur, il existe un nombre plus
considérable encore que dans la province de Liége, de
grottes et de cavernes, et presque toutes sont encore
inexplorées : elles attendent leur Schmerling.
Un jeune géologue, M. E. Dupont, docteur en sciences,
ui s’est fait connaître si avantageusement à l’Académie
par ses beaux travaux sur le calcaire carbonifère de la
Belgique et du Hainaut français et qui habite Dinant,
veut bien se charger de l’exploration scientifique de quel-
ques-unes de ces cavernes ; il s'adresse à cet effet à l’Aca-
démie et désire commencer cette entreprise sous ses aus-
pices.
Nous sommes d'avis que l'Académie doit accepter avec
66)
empressément cette proposition ; et comme il y a des ques-
tions d’une haute portée scientifique qui pourraient rece-
voir leur solution, et que ces fouilles exigent des dépenses
assez notables pour déblayer lentement et avec soin le sol
qui a été si longtemps foulé par ces grands carnassiers,
nous proposons de demander au Gouvernement qu’il veuille
bien, par un subside, mettre M. E. Dupont à même de
conduire ces explorations à bonne fin.
Nous hésitons d'autant moins à recommander M. Dupont
à la bienveillance du Gouvérnement, qu’il s’est engagé
spontanément à déposer au Musée paléontologique de
l’État tous les objets qu’il recueillera pendant ses travaux. »
Beapport de MI. d’'Omalius.
« Je pense aussi-que lexploration des cavernes de la
province de Namur pourrait être très-utile à la science, et
les travaux que M. Ed. Dupont à déjà communiqués à
l’Académie me portent à croire que personne ne pourrait
mieux que ce jeune homme se livrer à ces recherches d’une
manière fructueuse. m
Je me joins en conséquence à mon savant confrère,
M. Van Beneden, pour engager la classe à prier M. le
Ministre de l’intérieur d’accorder des fonds pour que
M. Dupont puisse faire les recherches dont il s’agit avec
l'obligation, ainsi qu'il s’y est engagé, de déposer dans les
Musées de l’État tous les ossements qu'il reeueillera et les
autres objets qui pourraient intéresser la science. »
Lé
CL)
Etapport de M. &. Dewalque.,
« Je partage entièrement l’opinion de mes savants con-
frères, MM. Van Beneden et d’'Omalius-d'Halloy, sur la
grande importance de recherches méthodiques dans les
cavernes à ossements de notre pays, et puisque M. Ed.
Dupont se montre disposé à les entreprendre, je crois que
ce Jeune géologue, qui est très-capable de les mener à
bonne fin, mérite les encouragements de l’Académie.
Je me joins done volontiers à mes collègues pour pro-
poser à la classe de demander au Gouvernement qu'il
veuille bien accorder à M. Ed. Dupont un subside indis-
pensable pour des explorations aussi dispendieuses. Il est
convenu, d’ailleurs, que les objets recueillis seront dé-
posés dans un des musées de l'État. »
M. Kickx se rallie aux conclusions de ses confrères,
et la classe décide que la communication de M. Dupont
sera insérée dans les Bulletins et qu’un subside sera de-
mandé au Gouvernement, qui recevrait en échange, pour
ses collections, les produits recueillis dans les excursions
scientifiques projetées. |
———————
CONEOURS DE 13864.
. La classe adopte, dès à présent, pour le concours de
cette année, les questions suivantes :
PREMIÈRE QUESTION.
Déterminer et montrer en quoi consiste la supériorité
: :
relative des méthodes géométriques sur les méthodes ana-
lytiques et réciproquement.
DEUXIÈME QUESTION.
Exposer la théorie probable des étoiles filantes, en l’ap-
puyant sur les faits observés.
TROISIÈME QUESTION.
Les recherches effectuées, dans ces dernières années,
sur la composition chimique des aciers ont fait naître des
doutes qu’il importe d’éclaircir : l’Académie demande qu'on
établisse, par des expériences précises, quels sont les élé-
ments essentiels qui entrent dans la constitution de l’acrer,
et qu’on détermine les causes qui impriment aux différents
aciers, produits par l’industrie, leurs propriétés caracté-
risliques.
QUATRIÈME QUESTION.
Établir, par des observations détaillées, le mode de dé-
veloppement, soit du Petromyzon marinus, soit du Pe-
tromyzon fluviatilis, soit de l’Amphioxus lanceolatus, soët
des anguilles.
CINQUIÈME QUESTION.
On demande la description du système houiller de la
Belgique.
Le prix de chacune de ces questions sera une médaille
d’or de la valeur de six cents francs.
Pour la troisième question, M. le Ministre de l’intérieur a
joint, au prix de l’Académie, un prix extraordinaire de huit
cents francs; la récompense à décerner au lauréat s’élèvera
par conséquent, à la valeur de mille quatre cents francs.
Les auteurs des mémoires insérés dans les recueils de
l’Académie ont droit à recevoir cent exémplaires particw-
| CE
| Jiers de leur travail. Ils ont, en outre, la faculté de faire
| tirer des exemplaires en payant à l’imprimeur une imdem-
nité de quatre centimes par feuille.
Les mémoires devront être écrits lisiblement en laün,
français ou flamand, et ils seront adressés, francs de
port, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel, avant le
20 septembre 1864.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les ci-
tations; les auteurs auront soin, par conséquent, d'indi-
quer les éditions et les pages des ouvrages cités. On n'ad-
mettra que des planches manuscrites.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage,
mais seulement une devise qu’ils répéteront dans un billet
cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Les mé-
moires remis après le terme prescrit ou ceux dont les au-
teurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit,
seront exclus du concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que,
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils
sont déposés dans ses archives comme étant devenus sa
propriété. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre
des copies à leurs frais , en s'adressant, à cet effet, au se-
crétaire perpétuel.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur la mortalité pendant la première enfance; par M. Ad.
Quetelet, secrétaire perpétuel de l'Académie.
+
Les premières notions statistiques remontent à des
temps reculés : on peut en voir la preuve dans la Bible
même , et y trouver des détails sur la èrandeur de la popu-
(10)
lation juive et sur la manière dont se pratiquaient les re-
censements.
Mais ces travaux ne ou véritablement réunis en corps
de doctrine que depuis deux siècles environ. L’astronome
Halley fut un des premiers à tracer la route; et, par sa
table de mortalité, il sut fixer l’attention des savants. L’An-
gleterre, la France, l'Allemagne comprirent successive-
ment l'utilité de ces travaux : l’on vit surgir une seience
nouvelle dont les plus grands génies mathématiques prirent
soin d'assurer les bases.
On en sentit généralement l'utilité: mais on laissa de
côté la partie mathématique qui devait leur servir d'appui,
et en assurer les avantages. L’attention se fixa particuliè-
rement sur ce que l'on convint de nommer la statistique
administrative, la statistique médicale, la statistique com-
merciale, la statistique financière, etc.: on perdit de vue
les principes sur lesquels on devait s'appuyer; et la plu-
part des nouveaux statisticiens, sans se douter même des
difficultés que présentait cette science nouvelle, se trou-
vèrent parfois dans le cas d’en faire des applications
inexactes.
Laplace et Fourier, deux des esprits les plus éminents
que la France ait eus dans ces derniers temps, firent des
ouvrages spéciaux sur cette admirable branche de la science
nouvelle. L'illustre Gauss, l'esprit mathématique le plus
distingué que l’Allemagne ait produit à la même époque,
n’a pas occupé un rang moins distingué dans cette science :
la théorie des probabilités, qui était la véritable base de ce
genre de recherches, exerca de la manière la plus active ces
génies féconds.
IL est curieux de voir, dans les tables fournies par les
différents pays, combien les nombres relatifs à la morta-
lité varient, surtout vers l’époque de la naissance. La dif-
(11)
férence de ces nombres est telle que plusieurs statisticiens
exercés ont cru ne devoir faire commencer leurs tables de
population qu'à partir de l’âge de quatre à cinq ans. Les
résultats qui précèdent cette époque diffèrent effectivement
d’une manière extraordinaire, soit par le défaut de soins
nécessaires à la première enfance, soit par l’insouciance
des parents, soit par les difficultés locales qu’on rencontre
encore pour inscrire exactement la mortalité des premiers
âges.
_ Ces causes et leurs effets avaient attiré mon attention, en
rédigeant l’article Tables de mortalité dans le Dictionnaire
d'économie politique de France (1).J’avaiseu soin d’mdiquer
les différences considérables qu’on peut y trouver, surtout
dans la mortalité de la première enfance, si l’on prend toutes
les classes de la société ensemble, ou si on les sépare sous
le rapport des professions , des degrés d’aisance, des sexes
ou des pays. Il y a de l'intérêt alors à vérifier l'opinion
qu'exprimait le célèbre Gauss sur le même point. On
trouve l’homme habitué à l'exactitude, et prompt à se
transporter dans ses recherches sur le terrain qui le séduit.
Il est intéressant surtout de lui voir faire l’examen des
nombres fournis par notre pays, dont il croit, et avec
raison, les documents réunis avec tout le soin désirable.
C’est un point, je pense, qu’on peut lui accorder pour tout
ce qui concerne les naissances, les mariages et les décès :
peu d'Etats ont des chiffres aussi exacts et aussi complets.
Les nombres officiels que j'ai reproduits méritaient donc
la confiance que cet habile observateur a bien voulu leur
donner. Voyons les conclusions qu'il en a déduites :
——
(1) DICTIONNAIRE DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE , article Tables de mortalité,
tome IT, pages 700. et suivantes, in-8°. Paris, Guillaumin et Cie, 1855,
(12)
« J'ai pris la liberté, dans ma lettre au conseiller intime
Collin, d'exprimer quelques vœux , notamment que la mor-
talité des enfants dans les premiers âges püût être partagée
en périodes plus courtes. J’ai été amené à exprimer ce
vœu par la remarque que j'ai faite depuis longtemps que
la table donnée par Ad. Quetelet (dans son Annuaire de
1844, page 1953, et de 1846, page 185) peut la représenter,
pour les six premiers mois, par une formule avec une pré-
cision presque merveilleuse. J’ai ajouté dans la lettre une
autre proposition , que je pourrais modifier un peu, parce
que je ne sais pas précisément sur quels faits reposent les
données de l’auteur. Après que j'avais déjà fini et cacheté
cette lettre, je trouvai dans l’ouvrage de Quetelet sur
l’homme, page 144 de la traduction allemande de Rieke,
des nombres relatifs à la Flandre occidentale, qui parais-
sent avoir servi de base aux chiffres de l’Annuaire. Je n’ai
cependant pas voulu rouvrir et changer ma lettre (1).
» Peut-être verrez-vous avec intérêt cette formule, si
Je la joins ici. Le dernier membre est représenté, pour les
six premiers mois, par l'expression
3
10000 — Al»
(où log À — 3,98275 et n représente le nombre de mois); elle
est donnée avec un degré d’exactitude que l’on ne rencontre
pas dans les tables ordinaires de mortalité. Ensuite, de un
à quatre ans, la formule donne plus que la table; au con-
traire après cinq ans, elle donne moins. J’expliquerais la
(1) Briefwechsel zwischen C.-F. Gauss und H.-C. Schumacher. Cor-
respondance de Gauss et Schumacher, publiée par C.-A.-F. Peters, 5me vol.,
p. 925, in-8°, 1863. Altona.
(15 )
srande précision pendant Îles six premiers mois, dans le
cas où elle se rencontrerait aussi dans d’autres pays (bien
entendu avec d’autres constantes), par ce fait que, pen-
dant cette période, il y a comparativement une moindre
complication dans les causes de décès ; ensuite l’excès du
cas de mort de la formule sur le nombre de morts réelles
s'explique par l'introduction de nouvelles causes de décès,
maladies d'enfants, qui ne commencent à se montrer que
dans la deuxième demi-année. Enfin l'écart en sens con-
traire, à partir de cinq ans, me parait simplement une
preuve que cette formule ne représente pas la loi natu-
relle (1), mais se rapproche seulement beaucoup de cette
loi, pour les petites valeurs de n.
« Au reste, je remarque que Moser à donné une formule
semblable à celle ci-dessus, mais qu’elle a une racine
bicarrée au lieu d’une racine cubique. Alors sans doute on
peut obtenir une exactitude suffisante pour une plus lon-
gue suite d'années, mais la belle coïncidence de la première
demi-année est perdue. »
Ces réflexions, émises par un des plus grands mathé-
maticiens des temps modernes, prouveront assez que la
construction des tables de mortalité n’est pas aussi facile :
que le vulgaire le pense communément. En réunissant les
données statistiques sur les différents États de l’Europe,
dont je prépare la publication avec M. Heuschling, je fus
désireux de faire connaître par anticipation, au congrès
statistique de Berlin, combien les tables générales de mor-
talité qui nous sont parvenues des divers pays, présen-
(1) Il est assez curieux que la formule donne cent ans sept mois pour
Ifmite de la vie, mais cette circonstance n’a pas de signification par suite
de la remarque de Gauss. (Note de l'éditeur allemand, M. C.-A.-F. Peters).
2
MAT)
tent de rapport ensemble. L'accord apparent a lieu sur-
tout à partir de eng ans : avant cèt àge les discordances
entre la mortalité des différents pays sont extrêmement
fortes; on pourra en juger par le tableau suivant, dans
lequel je me suis borné à prendre les principaux àges.
Durée de la vie probable pour les deux sexes.
e
SUEDE. | ANGLET. |BELGIQUE.| PAYS-BAS. | FRANCE(1).| BAVIÈRE. | MOYENNE
Ages.
M. Berg. M. Farr. |M.Quetelet.| M. Baum- | M. Legoyt.| M. de Her-| générale.
hauer. man.
Naissance. Ë ! 58,7
> ans. ) ) 53,0
49,7
41,8
54,3
26,5
19,2
12,8
7,0
4
3,8
(1) Les résultats de la France ne sont pas déduits, comme ceux des autres pays, d’une
table de mortalité; les nombres sont calculés directement sur les chiffres mortuaires de
chaque année, ce qui ne présentait aucun inconvénient pour les résultats obtenus Les
nombres dont nos calculs sont déduits paraîtront bientôt dans l’ouvrage que je prépare
avec M. Heuschling ; on y trouvera tous les détails qui confirment nos recherches.
On remarque d’abord que la mortalité, au moment de la
naissance, est très-différente selon les pays. En supposant
les nombres réunis avec toute la précision désirable, la
Suède aurait l’avantage, puisqu'elle ne perd qu'un enfant
sur cinquante et une naissances, l’Angleterre arrive en-
suite, elle perd un enfant sur quarante-cinq naissances:
et la Bavière, située à l’autre extrémité de l’échelle, perd
(15 )
un enfant sur vingt-sept naissances ; ce qui fait à peu près
le double de la mortalité en Suède.
La mortalité moyenne, à l’époque de la naissance ct
pour les six pays que nous citons, est de un sur trente-
neuf environ : elle est, par conséquent, un peu plus forte
que pour la Belgique, où elle est de un sur quarante et un
environ. |
Dès l’âge de cinq ans, les mégalités disparaissent à peu
près dans les six pays que nous citons : la mortalité dans
les Pays-Bas est de un sur cinquante, d’une part, et,
de l’autre, de un sur cinquante-six pour la Suède : la
moyenne est de un sur cinquante-trois, que l’on trouve en
Belgique comme en Bavière. On voit que les conditions de
ce dernier pays, si funestes pour les enfants naissants, se
modifient bientôt, et que, dès l’âge de cinq ans, la Ba-
vière se trouve à peu près à la moyenne des cinq autres
pour da valeur de la mortalité. Cette perte considérable
sur les enfanis naissants est d’ailleurs connue et tient à
des circonstances que nous n’avons pas à discuter ici.
La différence de mortalité, dans les pays que nous
citons, diminue ensuite considérablement ; elle devient à
peu près uniforme pour l’individu entièrement conformé
dans ces mêmes pays. Cette différence, disons-nous, est
remarquable ; elle appelle particulièrement lattention des
statisticiens. à |
Il conviendra, en outre, de se rappeler que les tableaux
. que nous donnons sont déduits, chacun, des résultats de la
nation entière et ne concernent pas telle ou telle autre classe
d'individus, ni l’un des sexes en particulier. Nous avons
des raisons de croire même que la concordance des tables,
pour les valeurs des nombres qu’elle renferment, ne fera
qu'augmenter avec les moyens de communication entre
(16)
les différentes nations, moyens qui se multiplient encore
chaque jour et qui tendent à opérer une fusion et une har-
monie plus complètes.
Av premier abord, il semblerait aussi que les remarques
de Gauss, que nous avons citées précédemment, ne sont
pas tout à fait conformes aux résultats observés dans les.
autres pays; mais il suffira de se rappeler à ce sujet ce que
cet illustre savant dit dans le cours de sa lettre : « J’expli-
querais la grande précision pendant les six premiers mois,
dans le cas où elle se rencontrerait aussi dans d’autres pays
(bien entendu avec d’autres constantes), par ce fait que,
pendant cette période, il ya comparativement une moindre
complication dans les causes de décès. »
a
Sur la hauteur de l'atmosphère, sur notre système pla-
nétaire et sur les éléments magnétiques à Christiania;
lettre de M. Chr. Hansteen, associé de l’Académie, à
M. Ad. Quetelet.
Votre dernier article sur les étoiles filantes et leur lieu
d'apparition m'a particulièrement intéressé, à cause de
l’idée émise par vous et approuvée par sir John Herschel,
H.- A. Newton et Aug. de la Rive que, en dehors de l’at-
mosphère inférieure dans laquelle nous vivons (appelée
par vous atmosphère instable) il en existe une deuxième
supérieure , trois fois plus élevée (que vous nommez altmo-
sphère stable), d’une composition différente « plus légère
et pour ainsi dire plus ignée. » C’est dans cette dernière
seulement que les étoiles filantes et les aurores boréales
se manifestent comme corps lumineux.
ie Les lunettes nous montrent sur la lune des contrées
ID
montagneuses et brillantes , des plaines sombres, peut-être
d'anciennes mers ou des marais, mais nulle part des traces
d’eau ou d’atmosphère. Sur Jupiter nous voyons deux ban-
des de nuages parallèles à son équateur, et par suite l’exis-
tence de mers et d’une atmosphère importante. Saturne
montre de même des traces d’atmosphère et des vapeurs.
Sur Mars on voit des régions sombres de figure invariable,
environnées par la surface plus brillante du reste de la
sphère, que l’on peut se représenter comme une mier
qui environne les différentes parties du continent solide.
Très - probablement la terre vue de Mars présenterait le
même aspect. On pourrait, par conséquent, se représenter
la lune comme un corps mort; la terre Comme étant dans la
force de l’âge ; Mars comme se trouvant dans la jeunesse,
et enfin Jupiter et Saturne comme continuant une enfance
non développée encore. Si ces hypothèses de l’imagination
contenaient quelque chose de vrai, elles nous donneraient
un aperçu sur le passé et sur l’avenir de notre terre et de
ses habitants.
L’atmosphère supérieure dans laquelle les aurores bo-
réales et les étoiles filantes apparaissent comme corps
lumineux, pourrait alors ne pas être autre chose qu’un
hydrogène raréfié, qui est très-léger et très-inflammable
(plus léger et plus igné d’après sire John Herschel). Le
temps de révolution de la comète d’Encke, qui diminue de
- de jour à chaque révolution, suppose une résistance du
milieu que l’on explique par la présence d’un certain éther,
mais dont on ne connaît pas la nature. Cet éther pour-
rait fort bien être cet hydrogène très-raréfié, répandu dans
l'espace.
Pendant les cinq dernières années qui viennent de
_ * 27€ SÉRIE, TOME XVII. 2
(18 )
s’écouler, mes observations magnétiques donnent les va-
leurs suivantes pour Christiania. H représente l’intensité
horizontale, : l’inclinaison, T l'intensité totale.
t H î 4e
1859,5 1,5754 71°21/82 4,6719
1860,5 1,3712 91,39 4,6730
1861,5 1,5737 19,94 1,6561
1862,5 1,5748 19,24 4,6534
1863,5 1,5746 18,94 4,6566
Il paraît en résulter que H augmente encore un peu, : dimi-
nue annuellement de 0’7 et T diminue également. Il est
à remarquer que l’inclinaison est la moyenne des obser-
vations d’au moins quatre jours de chaque mois de l’année,
tant à l’époque du maximum diurne, vers 10° du matin,
qu’à l’époque du minimum un peu avant le coucher du
soleil ; elle est ainsi le résultat d’au moins quatre-vingt-
seize observations. L’intensité horizontale, au contraire,
n’est pas observée chaque mois de l’année, mais cependant
toujours à 10° du matin et un peu avant le coucher du
soleil; les deux observations d’inclinaison et d'intensité
horizontale ne se font pas simultanément. Il peut en ré-
sulter une petite incertitude sur Lo totale calculée
d’après ces deux éléments.
Sur un aérolithe tombé dans les environs de Tirlemont,
le 7 décembre 1863.
M. Quetelet donnelecture de la lettre suivante que M. Haiï-
dinger, de Vienne , associé de l’Académie, lui a écrite au
sujet de l’aérolithe tombé dans les environs de Tirlemont
et dont l’observation a été signalée, dans la séance précé-
(19 )
dente, par MM. Van Beneden, de Selys-Longchamps, De-
walque et quelques autres membres. Le savant naturaliste
allemand, qui s'occupe spécialement de ce genre de phéno-
mènes , est parvenu à former une collection importante de
fragments des météores recueillis dans différents pays,
collection qu’il désire augmenter encore. S. E. le baron de
Hügel, ambassadeur d’Autriche à Bruxelles, a bien voulu
exprimer au secrétaire perpétuel le même désir en faveur
de M. Haidinger. Voici la lettre relative à cet aérolithe et
à d’autres météores semblables, particulièrement à celui
observé en Grèce et dont il a été parlé déjà à la séance du
7 novembre (1).
« Je me préparais à vous écrire ces lignes sur le mé-
téore de M. Schmidt d'Athènes, mais je viens de recevoir
un nouveau mémoire dont je donne iei les principaux ré-
sultats sur les directions de l'orbite et les véritables hau-
teurs du phénomène. M. Schmidt a combiné ses propres
observations et celles de M. A.-N. Botzis, lieutenant à bord
du vaisseau de guerre grec Glaukos, stationné au port
Gythium ou Marathonisi, sous 36°45 lat. N. et 22°35'40”
long. E. de Greenwich. Le météore devint lumineux perpen-
diculairement au-dessus de Canéa en Crète, à une hauteur
de 2,2 milles géographiques (136 kilomètres), passa dans
une direction NO. au-dessus de Cerigo et d'Elaphonisi,
se tint à l’ouest de Gythium et de Sparte, et s’éteignit à
une hauteur de 1,6 mille (11,8 kilomètres ) à l’ouest d’Au-
dritz, auprès de Tsourtsa et de la rivière de la Neda. Sa
vitesse moyenne était de 2,842 mille (21 kilomètres) par
seconde, ou 0,69 en nommant 4,0 la course moyenne de
(1) Voyez le n° 41 des Bulletins de l'Académie royale de Belgique,
séance du 7 novembre 1865, tome XVI, page 401.
(20 )
la terre dans son orbite. D’après les considérations bien
probables de M. Schmidt sur l’influence de l’irradiation, le
diamètre vrai des deux plus grands corps du bolide se ré-
duirait à trente-trois pieds, 11 mètres à peu près, celui
des plus petits à trois pieds et !/2. La distance des queues
des orbites des deux plus grands corps était au moins de
onze pieds (3,57 mètres).
» Mais voici encore de bonnes nouvelles. On m’apporte
dans ce moment un extrait de l’Indépendance belge du
48 décembre, relatif à une vraie chute d’aérolithes qui a
eu lieu entre Tirlement et Cumptich, pendant la semaine
qui précède cette date. Sans doute vous avez déjà pris
connaissance du fait et obtenu quelques aérolithes. Dans
ce cas, je vous prie d’avoir la bonté de réserver quel-
ques fragments pour notre Musée impérial de minéra-
logie. Je ne tarderai pas non plus à en donner des nouvelles .
à M. Hôrnes.…… (1) ;
» M. Stoliezka, ancien membre de notre Institut géo-
logique , attaché dans ce moment à l’Institut géographique
des Indes, à Calcutta, m'a donné des détails sur la chute
d’un aérolithe d'à peu près cinq livres, qui à eu lieu le 11
du mois d'août 1863, entre onze heures et midi, près de
Dacca, dans le Bengale. J’ai donné un petit mémoire à ce
sujet à notre Académie, le 17 décembre dernier. »
(1) M. Van Beneden a bien voulu disposer d'un fragment de cet aérolithe
en faveur de notre honorable associé. A. (.
(21)
Sur la hauteur et l’origine des étoiles filantes; fragment
d’une lettre de M. A. Secchi, directeur de l'observatoire
du Collége romain, à M. Ad. Quetelet.
Œ.: Puisque vous êtes si bienveillant, je vous dirai
mon opinion sur l’atmosphère : Les étoiles filantes obser-
vées à Rome, il y à trois ans, avec le télégraphe, ont
donné, en valeur approchée , une hauteur de quatre-vingts
kilomètres au moins. Vous pourriez voir les observations
originelles dans le Bulletin météorologique de l’année
dernière. Cela conduit à une hauteur d’atmosphère plus
grande qu’on ne l’admet communément. Mais quelle est la
composition de cette atmosphère ? Cela est impossible à
définir. — Les phénomènes d'électricité ordinaire, étudiés
avec soin , pourront peut-être nous éclairer lors de l’appa-
rition des aurores. Mon opinion est d’accord avec l’idée
qu'on commence à admettre, que l’aurore dépend des
décharges d'électricité atmosphérique dans les hautes ré-
gions, et alors il sera d’un grand intérêt de déterminer la
hauteur de ce phénomène dans les lieux qui en sont voi-
sins, en employant aussi le télégraphe.
» J'ai vu vos intéressants travaux actinométriques (1)
et j'en parlerai dans un article prochain : mais je ne trouve
pas le résultat d’une manière si nette que celui obtenu par
le thermomètre à boule noire. Hier, par un ciel très-beau ,
J'ai obtenu 15° : ce qui est rare, même au méridien pen-
———
(1) Les expériences ont été faites à Bruxelles, pendant treize années,
au moyen de l’actinomètre d’'Herschel. (Voyez les publications de l’Aca- ‘
démie et les Annales de l'Observatoire de Bruxelles, où les observations de
chaque jour sont inscrites et discutées.) À. (.
(22)
dant l’été. Je crois que cela tient beaucoup au climat de
Rome, où le ciel est si beau.
» Nous avons eu, le 23 décembre dernier, une bour-
rasque très-caractéristique. Le baromètre est tombé en
vingt-quatre heures, de 762%" à 747,5; et après 1l est
remonté avec une égale rapidité. Je serais désireux de
savoir si cette bourrasque a eu lieu chez vous, et à quelle
heure s’est présenté le minimum atmosphérique (1) ?
Apparition du Syrrhapte hétéroclite en Belgique; par
M. de Selys-Longchamps, membre de l’Académie.
Le genre Syrrhaptes, créé par Illiger aux dépens des
Tetrao de Linné, est fondé sur le Tetrao paradoxus de
Pallas, qui fut découvert par ce voyageur en 1771, dans
le gouvernement d’Orenbourg. C’est certainement le plus
extraordinaire des gallinacés, à cause de ses pieds tridac-
tyles et poilus, dont les trois doigts antérieurs sont soudés
ensemble, caractère qui ne se retrouve dans aucun autre
oiseau, excepté chez une seconde espèce du genre ob-
servée dans le Thibet et nommée S.fhibetanus par Gould.
Le $S. paradoxus appartient à la famille des gangas
(Pteroclidae) et vit en troupes dans les steppes de la Tar-
tarie et d’une partie de la Sibérie occidentale. Il est com-
mun entre la mer Caspienne et le lac d'Aral.
Jusqu'en 1859, aucun exemplaire n’avait été signalé
dans les limites géographiques de l’Europe, et lorsque le
(1) Un abaissement du baromètre a eu lieu à Bruxelles, mais il était
peu sensible, et très-probablement il n'avait rien de commun avec l’abais-
sement observé à Rome. A. Q.
(25 )
prince Bonaparte, de regrettable mémoire, l'avait compris
dans le Catalogue des oiseaux d'Europe, j'avais cru devoir
proposer de l'en éliminer, avec fondement sans doute,
puisque cet éminent naturaliste et ami a reconnu publique-
ment, en 1857, dans une publication ultérieure, le bien-
fondé de ma critique.
Mais en zoologie comme en botanique, avancer que
telle espèce ne se trouve pas dans telle contrée veut dire
seulement qu’on ne ly a pas rencontrée jusqu'ici : ce qui
élait exact en 1857 ne l’est plus depuis 1859.
Le prince Bonaparte disait en riant : « Il n’y a peut-
être que l’autruche et ses congénères qu’on ne fera pas un
jour passer pour oiseaux d'Europe, parce qu’elles ne volent
pas. » |
Quant au Svrrhapte, qui a des ailes très-longues et
pointues, il a été observé pour la première fois en Europe
en 1859. Cet oiseau de l’Asie occidentale poussa ses mi-
grations jusqu’en Angleterre, en laissant des victimes sur
son chemin, ainsi que le constatent les captures faites à
Sarepta en Crimée, à l’île fortunée d’'Helgoland , si célèbre
par le grand nombre d’espèces erratiques qu’y a observées
M. Gaetke, et enfin en Hollande, d’après une notice publiée
par notre honorable confrère le docteur Schlegel. D’autres
exemplaires furent recueillis dans le Jutland, en 1861;
enfin, en 1865, il doit s'être fait en Europe une migration
considérable, d’après les renseignements nombreux re-
cueillis depuis juin jusqu’à la fin d'octobre. L'oiseau a, en
effet, reparu en Allemagne, en Danemark, en Angleterre
et dans une grande partie de la France, s’arrêtant de pré-
férence dans les bruyères, les terrains incultes , les landes
et les dunes, en un mot, dans les localités qui offraient de
l’analogie avec les steppes asiatiques, sa véritable patrie. La
>=
(24)
migration a été, notamment, observée en Champagne, en
Bourgogne et dans le nord, l’ouest et le sud-ouest.de la
France, surtout vers les côtes depuis Dunkerque jusqu’à
Bayonne.
Je n’entrerai pas, relativement au passage de 1865,
dans de plus grands détails, qui ne seraient que la compi-
lation des renseignements fournis par MM. le docteur de
Montessus (de Châlons-sur-Saône), Marchand (de Chartres),
Berthemieux (de la Rochelle), Gratiolet, Darracq (de
Bayonne), de Turtigny (de Saint-Quentin), etc. Ces ob-
servations se trouvent consignées dans les numéros 9, 10
11 et 12 de la Revue et Magasin de zoologie de 1865.
M. Sclatter se propose, dans son excellent journal anglais
V’Ibis, de réunir ce que l’on sait des dernières migrations
du Syrrhapte en Europe. Un tel travail sera lu avec un vif
intérêt , et, afin de le compléter, 1l invite les ornitholo-
gistes à lui faire connaître les captures qui ont été faites.
C’est pour répondre à son appel que j'ai annoncé à
l'Académie, dans sa dernière séance, que le Syrrhapte
doit être ajouté à la liste des aiseaux qui sont de passage
accidentel en Belgique, d’après ce qui m’a été communiqué
par M. Miedel, conservateur des collections de l’Université
de Liége, naturaliste instruit et soigneux qui a l'habitude
louable de tenir note des observations qui viennent à sa
connaissance.
Il a préparé un individu femelle pris aux filets à Ro-
cour près de Liége, le 12 octobre 1863, et qui fait partie
de mes collections.
Un peu auparavant il avait également préparé un mâle
adulte tiré, le 24 septembre, dans les bruyères du Brabant
septentrional, près de Weert (Hollande). Ce mâle qui fait
partie de la collection de M. Dukene, à Schaen près de
( 25 )
. Maestricht (Limbourg), se trouvait au milieu d'une com-
pagnie de six autres individus de la même espèce.
Enfin M. le professeur Poelman, de Gand, notre con-
frère, me communique qu’un mâle, en apparence de l’an-
née, a été tué isolé le 4 janvier 1864, à deux kilomètres
sud-ouest d’Ostende, par M. Henri Serruys, avocat. La
gelée venait de se faire sentir fortement. C’est, je suppose,
l’'exemplaire observé le plus récemment en Europe.
Il serait intéressant de savoir si le Syrrhapte n’a pas
niché dans quelques parties de l’Europe au printemps de
1863. Peut-être que, laissé en paix dans les landes qui
ressemblent à sa patrie, il aurait pu réaliser une acclima-
tation naturelle aussi intéressante qu’utile, car c’est un
gibier excellent.
Projet de recherches paléontologiques dans les grottes de
la Belgique. Lettre adressée à la classe des sciences, par
M. Edouard Dupont, docteur en sciences naturelles, à
Dinant.
Les découvertes d’ossements fossiles et surtout celles
. de-restes humains faites par Schmerling dans la province
de Liège, il y a trente ans, nous ont appris combien sont
grandes les richesses paléontologiques de nos cavernes.
Naguère encore, pendant l’excursion de la Société géolo-
gique de France dans notre pays, M. Alb. Gaudry a re-
cueilli, dans une seule fouille de quelques heures, à la
caverne d’Engihoul, un grand nombre d’ossements ap-
partenant à des espèces dont la variété est réellement
incroyable.
C’est nous montrer tout ce qu’il reste à faire en Bel-
(26)
gique dans ce genre de recherches. Le nombre de cavernes
est en effet plus grand encore dans la province de Namur
que dans la province de Liége, et parmi celles-là, se trouve
la plus spacieuse de tout notre pays, la grotte de Han.
Aucune de ces cavernes n’a encore été fouillée, à l’ex-
ception de la grotte de Freyr, qui a eu un commencement
d'exploitation : on rapporte que, quelque temps avant sa
mort, Schmerling, en passant par Dinant, visita cette
dernière caverne et y recueillit une tête de rhinocéros.
Des recherches tentées dans les environs de Dinant et
de Rochefort auraient donc de grandes chances de succès.
Les environs de Rochefort nous montrent trois vastes ca-
vernes, celles de Han, d’Éprave et de Wamme. Sur la
Meuse, nous citerons les belles grottes de Freyr, de Montfat
et de Chauvaux; nous pourrions y mentionner encore un
grand nombre d’autres souterrains, plus petits à la vérité,
mais qui présentent par là même plus de facilité pour les
premières fouilles. Parmi ceux-ci se placent avant tout deux
grottes de cinquante mètres environ de profondeur, s’ou-
vrant, l’une au nord, l’autre au sud, dans la vallée des
Fonds de Leffe près de Dinant. Elles paraissent se prêter
parfaitement à des recherches méthodiques.
Ces fouilles pourraient avoir deux résultats principaux :
4° Collection d’ossements;
2° Détermination des niveaux fossilifères et des cir-
constances qui ont présidé à la réunion des ossements.
Le premier point, d’après ce qui vient d’être dit, ne
peut guère être douteux. Les ossements doivent se trouver
réunis dans ces cavernes de la province de Namur avec
autant d’abondance que dans celles qui ont été exploitées
dans l’autre province.
Quant au second point, 1l tient aux problèmes les plus
(27)
obscurs qui occupent profondément la science dans le
moment actuel, et nous avons tout espoir que des recher-
ches entreprises sur une échelle un peu vaste pourraient
éclaircir quelques-unes de ces questions, si débattues et
dont la connaissance intéresse tant le monde savant.
Les notions que nous possédons sur les phénomènes
qui ont présidé à l’accumulation des ossements et à leur
enfouissement dans les cavernes restent toujours très-
imparfaites.
M. Gaudry, en constatant, à Engihoul, d’une part, la réu-
nion d'espèces si variées qui semblent indiquer un vaste
remaniement, de l’autre, l’état des sédiments qui entou-
rent les ossements, a déclaré que ces phénomènes étaient
à peine explicables actuellement et que des études très-
suivies et faites avec le plus grand soin pouvaient seules
amener la solution de ce problème difficile.
Il serait donc à désirer que ces recherches fussent faites.
Mais, par leurs difficultés et par les nombreuses connais-
sances qu’elles exigent, il nous paraît qu’elles ne peuvent
être exécutées que sous les auspices de l’Académie.
Si l’Académie veut bien me confier cette mission, j'en-
treprendrai cette tâche avec la confiance d’y apporter tous
mes soins. Je réclamerai de sa bienveillance de daigner
m'aider de ses conseils dans le cours de mes travaux. Je
prendrai engagement, de mon côté, de déposer dans les
musées de l’État tous les objets que ces fouilles me four-
niront, et de rendre successivement compte à l’Académie
du résultat de mes investigations.
(2 |
Note sur quelques perfectionnements apportés aux appa-
reils chronographiques; par M. Gloesener, correspon-
dant de l’Académie.
Depuis la présentation de mon chronoscope à cylindre
tournant et de mon chronoscope - pendule à l’Institut de
France et à la Société d'encouragement pour l’industrie
nationale de Paris, j'ai apporté quelques modifications à
ces appareils. Après leur exposition à Londres en 1862,
ayant continué mes recherches à ce sujet, J'ai imaginé
divers perfectionnements que je crois également utile
de signaler à l’Académie. Tel est l’objet de cette note.
1° J'ai construit deux enregistreurs qui rétablissent le
courant dans le multiplicateur et le transmettent de cible
en cible au moyen d’un râteau.
Dans le premier, cet organe, qui fait partie intégrante du
chronoscope, est commandé par l’extrémité inférieure de
l’aiguille extérieure de droite. Lorsqu'elle s’incline légère-
ment à la rupture du courant, son extrémité inférieure
fait tourner un petit axe horizontal par l'intermédiaire
d’un levier; le cliquet du râteau se soulève et un ressort
de laiton convenablement adapté déplace le râteau, dont
l'index horizontal, fortement doré à son extrémité, glisse
sur quatre, cinq ou six goupilles de cuivre fixées dans une
pièce d'ivoire. Ces goupilles sont très-proches les unes des
autres et communiquent respectivement avec la première,
la deuxième cible, etc. Le pôle d’une pile est en rapport
avec un bout du multiplicateur, et l’autre bout de celui-ci
est relié à l’axe de l’index. En conséquence l’appareil fonc-
tionne de la manière suivante : le courant passe de la pile
par le multiplicateur, par l’index, par la première goupille
(29)
dans la première cible et retourne à la pile. Si la première
cible est rompue, les aiguilles. s’inclinent, l'index passe
sur la seconde cible et s’y arrête, parce que le courant est
rétabli, etc. |
Le second enregistreur est disposé de la manière suivante:
À son axe assez long sont fixés deux bras de levier dont
la course est réglée par deux petites vis d'arrêt ; l’un, hori-
zontal, forme vis et porte un contre-poids mobile; l’autre,
vertical, s'engage entre deux lamelles soudées à un axe
horizontal auquel est ajusté le cliquet double du râteau;
celui-ei est adapté à un cercle horizontal dont l’axe vertical,
muni d’un ressort, porte un levier doré à un de ses bouts.
Ce levier glisse sur plusieurs goupilles de cuivre qui sont
très-rapprochées et qui communiquent respectivement avec
les diverses cibles, comme dans le premier enregistreur.
Chacun de mes chronoscopes possède un de ces enre-
gistreurs;
2° J’ai fait différentes expériences qui m'ont démontré
qu’un seul enregistreur peut remplacer plusieurs multipli-
cateurs, pour indiquer des temps d'événements successifs
excessivement courts. Un pistolet Flobert et un revolver
Lefaucheux ont brisé les fils de cibles placées à six, cinq,
quatre et à trois mètres les unes des autres : les aiguilles
avaient le temps de tomber, de marquer et de se relever.
Ce jeu s’exécutait en moins de {/100 de seconde.
5° Si, dans un cas tout à fait exceptionnel, les fils à briser
par un projectile étaient tellement rapprochés que le mul-
tiplicateur unique n’eût pas le temps de remplir ses fonc-
tions, j'ai indiqué un moyen pour y suppléer. Il consiste à
placer près du cylindre un autre multiplicateur recevant le
courant d’une autre pile. Toutefois le style marquant de-
vrait être mobile, afin qu'il ne restât pas en contact avec
( 50 )
le cylindre. Ce second multiplicateur pourrait aussi être
interposé dans le circuit du multiplicateur unique.
4° J'ai ajouté à mon chronoscope à cylindre une dispo-
sition consistant en un petit chemin de fer qui se meut
parallèlement à l’axe du cylindre et qui porte l’enregis-
treur. Les traits marqués dans le noir de fumée par ce der-
nier forment une courbe héliçoïdale. C’est pour la facilité
de ceux qui préfèrent ce mode d’enregistrement que J'ai
fait cette adjonction, car mon chronoscope est établi de
telle façon qu’il n’est jamais nécessaire de recourir à ce
moyen.
5° Dans mon chronoscope à cylindre, le cercle vertical
qui sert de contrôleur et qui indique pendant quel tour du
cylindre un trait a été produit sur celui-ci, est actuellement
ajusté de façon 1° qu’il ne se déplace que d’une seule
division chaque fois que le cylindre fait une révolution
entière; 2° qu'il décrive cinquante divisions pendant un
tour du cylindre, si une roue que porte l’axe de ce cercle .
est désengrenée d’un pignon, au moyen d’une vis.
6° J’ai fait porter l’axe de mon chronoscope-pendule sur
des pierres d’agate, afin de faire osciller le balancier beau-
coup plus longtemps que si l’axe reposait dans des trous
pratiqués dans des pièces de cuivre.
7° J'ai fixé la lentille du pendule de manière que le balan-
cier batte très-exactement des tiers de seconde.
8° J’ai disposé la tige de l’aiguille qui trace des traits
dans les enregistreurs de telle manière que le premier trait
diffère des traits suivants et puisse, par conséquent, servir
de point de repère. A cet effet, je compose la tige traçante
de deux tiges minces, dont l’une est fixe et marque toutes
les fois que l’aiguille tombe et dont l’autre, à bras inégaux,
est mobile sur un petit axe horizontal. À la première
(51)
chute de l'aiguille, les deux tiges marquent en même temps,
ce qui forme un trait large, puis celle qui est mobile tourne
en s’inclinant et se maintient dans cette position, en sorte
que les traits de l’autre, agissant seule, sont diminués de
moitié.
9° J’ai composé mon enregistreur de trois aiguilles, dont
l’une est placée à l’intérieur et les deux autres aux deux
faces extérieures de gauche et de droite, à la suite de
nombreuses expériences qui m'ont prouvé que le multi-
plicateur devient notablement plus sensible avec trois ai-
guilles qu'avec deux.
(32)
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 11 janvier 1864.
M. M.-N.-J. Leczerco, président de l’Académie et direc-
teur de la classe.
M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le baron de Gerlache, Gachard,
David, De Decker, Snellaert, Baguet, Faider, Arendt,
Ducpetiaux, Chalon, Mathieu, membres ; Nolet de Brau-
were Van Steeland, associé; Thonissen, Defacqz, Wauters,
correspondants.
M. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-
arts, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. Leemans, associé de l’Académie et directeur du
Musée de Leyde, fait parvenir la vingt-deuxième livraison
Der Ægyptische Monumenten, publiés par cet établissement.
M. Firmenich-Richartz, de Berlin, fait hommage d’un
travail intitulé : Germaniens Volkerstimmen, avec un sup-
(35)
plément sur la langue allemande et les autres langues qui
y appartiennent, en y comprenant la langue flamande.
M. de Ram, membre de l’Académie , transmet, de son
côté, l'Annuaire de l’Université catholique pour 1864,
ainsi que le n° 57 des Analectes pour servir à l’histoire de
cet établissement. |
Des remerciments sont adressés aux donateurs de ces
ouvrages et des nombreuses publications que l'Académie a
reçues de divers corps savants. |
— M. Hegewald, de Nancy, fait parvenir différentes
notes manuscrites sur des objets d’antiquité. (Commis-
saires : MM. David et Roulez.)
— M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu'un con-
cours a été institué pour une histoire des anciennes assem--
blées de Belgique, depuis le règne de Philippe le Bon. Il
_ pense que le jugement de ce concours pourrait être déféré
à un Jury, en fixant le nombre des membres à einq. Il de-
mande, en conséquence, que la classe des lettres lui pré-
sente, dans un délai aussi rapproché que possible, une liste
des candidats en nombre double. La nomination de ce jury
est fixée à la prochaine séance.
———
ÉLECTIONS.
M. le président conformément à l’ordre du jour fait pro-
céder à la nomination du directeur pour l’année 1865.
Treize membres sont présents, et l’unanimité des suf-
frages désigne M. Grandgagnage, qui remplira les. fonc-
tions de vice-directeur pendant l’année courante.
QI
2€ SÉRIE, TOME XVII,
( 34 )
CONCOURS POUR LES PRIX DE STASSART.
Le baron de Stassart avait fondé deux prix, dont le
terme fatal était fixé à la fin de l’année 1863 : l’un de six
cents francs pour une Biographie nationale; l’autre de
trois mille francs pour une question d'Histoire nationale.
Un seul mémoire a été reçu par l’Académie pour le prix
de six cents francs, demandant une Biographie de Van
Helmont avec un exposé critique de ses découvertes et de sa
doctrine.
Pour la question d'Histoire nationale, la classe n’a recu
qu'un ouvrage manuscrit, portant la devise : Un épisode
des troubles à Bruges sous Philippe le Bon ; de plus, deux
ouvrages imprimés lui ont été envoyés : l’un contenant le
récit de la persécution endurée par les séminaristes du
diocèse de Gand, en 1813 et 1814, par S. Vandermoore,
un volume in-oetavo; l’autre retraçant l'Histoire de la
ville de Tirlemont, par P.-V. Beets, vicaire, deux volumes
in-octavo.
La classe statuera sur ces concours dans la prochaine
séance.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Le problème de la peine de mort avant Beccaria; par
M. Thonissen, correspondant de l’Académie.
Des publicistes et même des jurisconsultes s’imaginent
que les discussions relatives à la légitimité de la peine de
(3)
mort datent seulement du jour où Beccaria publia son cé-
lèbre opuscule Dei delitti e delle pene (1). C'est une erreur
grave, qui dénote chez ceux qui la commettent une
étude très-superficielle du développement historique des
idées sociales. L'esprit humain ne procède pas avec cette
spontanéité absolue. La loi du progrès est avant tout une
loi de travail, de méditation et de patience. Les idées ont
leur filiation comme les hommes; elles germent, croissent
et se développent pour ainsi dire à travers les générations
successives, pour s'épanouir, dans tout l'éclat de leur fé-
condité, à l'heure marquée par la Providence. Aussi bien
dans l’ordre intellectuel et moral que dans l’ordre maté-
tériel et politique, une chaîne mystérieuse nous lie à ceux
qui nous ont précédés.
Il en est de la peine de mort comme de tous les grands
problèmes de politique et de législation agités dans les
écoles modernes. À toutes les époques, avant comme de-
puis Beccaria, une foule d’esprits distingués ont conçu des
doutes, sinon sur la légitimité, du moins sur l'efficacité de
l’effusion du sang des coupables. Grâce à une intelligence
plus lucide et plus complète des principes fondamentaux du
droit pénal, ces doutes prennent actuellement une forme
scientifique; mais ils ne datent pas d'aujourd'hui. Sans
remonter jusqu'à l'antiquité, on peut citer toute une série
de princes qui, à des degrés divers, se sont déclarés les
adversaires du dernier supplice : dans l'empire d'Orient,
Anastase, Maurice et Isaac l’Ange; en Russie, les fils de
Jaroslaf I‘, puis, sept siècles plus tard, les impératrices
(1) La première édition du traité Det delitti e delle pene parut à Mo-
naco en 1763. La première traduction française, faite par HonClets fut
jure: à Lausanne, en 1766.
(36 )
Élisabeth et Catherine IF; en Angleterre, Alfred le Grand
et Guillaume le Conquérant; en Autriche, Joseph Il; en .
Toscane, le grand-duc Léopold ; dans le pays de Bade, le
margrave Charles-Frédéric; dans le duché de Brunswick,
le duc Charles-Guillaume; en France, le roi Louis-Phi-
lippe (4). À côté des princes, on rencontre des législateurs,
des jurisconsultes, des philosophes, des hommes d’État,
qui professent la même doctrine et qui, tous, reculent
devant l’effrayante responsabilité de faire prononcer une
peine irréparable par des juges faillibles. L’honneur qui
revient à Beccaria , — honneur très-grand sans doute, —
c'est d’avoir imprimé un nouvel et vigoureux essor à des
problèmes de justice et d'humanité que les praticiens de
son temps semblaient avoir complétement perdus de vue;
c’est surtout celui d’avoir fait surgir une glorieuse pléiade
de publicistes et de jurisconsultes qui, sans nier d’une ma-
nière absolue la légitimité du dernier supplice , ont réduit,
dans une proportion énorme, le nombre des crimes capi-
taux dans tous les codes de l’Europe civilisée (2).
(1) Béranger rapporte à ce sujet une conversation très-intéressante
qu’il eut avec le roi des Français. (De la répression pénale, p. 434; au
t. IX des Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques.)
(2) Sous ce rapport, l'effet fut immédiat et, surtout dans la Grande-
Bretagne, beaucoup plus considérable qu’on ne le pense d’ordinaire. En
1765, Blackstone écrivait déjà : « L’effusion du sang de nos semblables
» est un objet qui réclame la plus extrême modération..., car la vie est un
» don immédiat de Dieu à l’homme. » Cette pensée généreuse servit de
point de départ à cette longue série de réformes pénales qui, en moins
d’un siècle, réduisirent, sur le sol anglais, le nombre des crimes capitaux
de deux cent quarante à deux, l’assassinat et là haute trahison. Dès 1795,
Bradfort ( General Observations upon the punishment of death) émit le
vœu qui fut enfin réalisé en 1861 : « Nous nous croyons autorisé, disait-1l :
» à engager le législateur à supprimer cette peine affreuse dans tous les
(37)
Nous espérons pouvoir publier un jour le long catalogue
de ceux qui, sur leurs trônes, dans leurs chaires ou dans
leurs livres, ont fait entendre des protestations plus ou
moins énergiques contre l'intervention du bourreau dans
l'exécution des lois destinées à garantir la sécurité sociale.
Pour le moment, nous nous contenterons de détacher de
nos recherches une page renfermant le récit d’une contro-
verse théologique , à laquelle la légitimité de la peine de
… mort donna naissance à la fin du seizième et au commen-
cement du dix-septième siècle. On y verra que les théolo-
giens catholiques et protestants qui, à cette heure, croient
devoir élever le dernier supplice à la hauteur d’un dogme
religieux, ne font que répéter les arguments surannés d’un
jurisconsulte allemand contemporain des empereurs Mat-
thias et Ferdinand I (1).
Au milieu de ces deux vastes courants d'idées qu’on dé-
signe sous les noms de Renaissance et de Réforme, dans
» cas, sauf ceux de la haute trahison et de l'assassinat. » (Montagu, Opi-
nions of different authors upon the punishment of death, t. 1, p. 252:
London, 1816.) Voyez notre brochure sur La prétendue nécessilé de la
peine de mort, 2me édit. p. 21.
(1) Il n’est pas rare de rencontrer en Belgique des ecclésiastiques et des
laïques qui soutiennent sérieusement qu'il n’est pas possible de se pro-
noncer contre la peine de mort sans nier l'inspiration divine de l’'Écriture .
c'est-à-dire l’une des bases essentielles du christianisme. Il en est de
même à l'étranger. Partout la croyance que la peine de mort découle
d’un précepte divin exerce une influence considérable. Il y a quelques
années, M. Mittermaïer, visitant la prison centrale d'Édimbourg, entendit
sortir de la bouche du gouverneur cette singulière affirmation : « À mes
» yeux, la peine de mort est complétement inefficace comme moyen d’in-
» timidation; mais elle doit être maintenue parce qu’elle constitue un pré-
» cepte de la Bible. » (Die Todestrafe, p. 151, en note).
(58)
ces luttes ardentes du seizième siècle qui virent mettre en
question toutes les institutions religieuses et politiques,
les grands problèmes qui se rattachent à l’origine et aux
limites du droit de punir furent loin d'occuper la place
qui leur revient dans la vie des peuples. Le droit pénal
n'avait guère profité de l’ardeur généreuse avee laquelle, à
partir du douzième siècle, une multitude d'hommes d'élite
s'étaient voués à l’étude du droit civil. Sur le terrain de
la théorie, des essais plus louables qu’utiles avaient été
tentés en Italie; mais partout ailleurs, dans les chaires et
dans les livres, on se contentait de l’explication superfi-
cielle de quelques fragments du Digeste et du Code, avec
addition d’un certain nombre de formules empruntées aux
coutumes locales et aux édits des-souverains. Nulle part
on ne s'élevait à ces principes générateurs, toujours 1m-
muables, mais toujours féconds, d’où la science découle
comme d’une source constamment abondante et pure.
Parmi les novateurs les plus audacieux, les uns accep-
tèrent machinalement la législation criminelle de leur
pays, sans même se douter de ses lacunes, de ses cruautés
et de ses vices; les autres, moins éclairés encore, se con-
tentèrent de nier brutalement les droits imprescriptibles
de la justice répressive.
A celte dernière classe appartenait Fauste Socin, qui,
à côté de ses erreurs théologiques , enseignait des erreurs
sociales.non moins dangereuses (1).
Exagérant jusqu’à l'absurde la doctrine de mansuétude
(1) I y aurait un beau livre à faire sur les erreurs sociales qui, à toutes
les époques, se trouvèrent mêlées aux erreurs religieuses enseignées par
les hérésiarques : c’est un vaste sujet d’études que les historiens modernes
ont beaucoup trop négligé.
(.39 )
et de pardon qui constitue l’une des bases de la morale
évangélique, Fauste Socin en était venu à nier non-seule-
ment la légitimité de la guerre, mais encore celle de toute
magistrature pouvant avoir pour conséquence l’accomplis-
sement d’un acte de violence. À ses yeux, le fidèle dé-
nonçant aux magistrats une infraction commise à son
préjudice exerçait un acte de vengeance mcompatible avec
la pratique vraie et généreuse de la morale chrétienne. I]
déduisait cette conclusion du remarquable fragment du
sermon sur la montagne , où Jésus disait aux Juifs : « Vous
» avez appris qu'il a été écrit : OEil pour œil, dent pour
» dent. Mais moi je vous dis : Ne résistez point au mal;
» mais si quelqu'un vous frappe à la joue droite, pré-
» sentez-lui aussi l’autre (1). »
… Cette singulière transformation d’un simple conseil en
précepte inflexible, cette interprétation littérale incompa-
tible avec les traditions religieuses et sociales de tous les
siècles chrétiens, renfermait en germe la proscription de
la justice répressive, et surtout l'exclusion de la peine
capitale. Aussi les disciples de Socin s’empressèrent-ils
d'enseigner hautement cette doctrine. Sur le terrain du
dogme et de la discipline ecclésiastique, ils se livraient à
d'innombrables disputes; mais, quelles que fussent la di-
vergence et l’ardeur de leurs querelles théologiques, ils
restaient unanimes à réclamer le renversement de l’écha-
faud dans la société chrétienne. Tous semblaient avoir ac-
(1) Matth., V,38, 39. — Voy. Quod regni Poloniae et Magni Ducatus
Lithuaniae homines, vulgo Evangelici dicti, qui solidae pietatis sunt stu-
diosi, omnino deberent se illorum coetui adjungere, qui in iisdem locis
falso aique immerild Arriani atque Ebionilae vocantur ; cap. III. (Bi-
bliotheca fratrum polonorum, t. I, p. 696.)
( 40 )
cueilli, comme l'expression suprême de la morale évangé-
lique , ce célèbre passage de Lactance, où l’apologiste du
quatrième siècle, plus de mille ans avant la naissance de
Fauste Soc, enveloppait déjà la guerre et la dénonciation
des délits dans une proscription commune : « Quand Dieu
nous dit : « Vous ne tuerez point » , il ne nous défend
pas seulement de faire ce qui est prohibé par les lois
positives, mais même ce que le vulgaire envisage comme
licite. L'homme juste ne peut pas exercer le métier des
armes, sa milice à lui devant consister dans l'exercice
de la justice elle-même. Il ne peut pas davantage accuser
son prochain d’un crime capital; car, le fait même de
tuer étant prohibé, il est indifférent de donner la mort
par le glaive ou par la parole. Le précepte divin ne
comporte aucune espèce d'exception. Tuer un homme
est toujours un méfait; car Dieu a voulu que l’homme
fût un étre sacré (1). »
Ostorod, l’un des théologiens les plus habiles de la secte,
enseigna hardiment que le magistrat chrétien commet un
crime en faisant répandre le sang des malfaiteurs. « Qu’on
»
»
>»
>»
»
»
ne dise pas, s’écriait-il, que la peine de mort se trouve
sanctionnée dans le texte de l’Ancien Testament. Cette
allégation est manifestement inefficace, puisque l’Évan-
gile nous fournit des raisons sans réplique en faveur de
la thèse contraire. L’Ancien Testament doit céder le pas
au Nouveau, comme ce qui est imparfait doit s'évanouir
en présence de ce qui a atteint le dernier degré de la
(1) Lactantii Divin. Instit., 1. VI, e. 20 (Kdit. Migne, t 1e, pp. 707 et
708). — Déjà cette doctrine avait été proclamée par les Anabaptistes, mais
d'une manière plus indécise et avec moins de persistance.
(41)
» perfection (1). » Schmaltz accepta cette doctrine, en y
ajoutant une considération nouvelle. Le magistrat chré-
tien, disait-il, doit d’autant plus abhorrer l’effusion du
sang que, très-souvent, la mort naturelle du coupable
peut avoir pour conséquence la perte éternelle de son
âme. Pourriez-vous, demandait-il, imaginer un acte plus
diamétralement opposé à la charité fraternelle qui doit
être pratiquée sous le Nouveau Testament (2)? Weigel,
Vune des lumières du socinianisme, prit à tâche de faire
pénétrer ces opinions dans les masses, au moyen de ses
Explications familières des Évangiles. « Les membres des
» fausses Églises, écrivait-il, ne conservent pas les prin-
» cipes juridiques qui leur ont-été donnés par le Christ.
» Îls s'adressent à Justinien pour lui demander s’il leur est
» permis de pendre le voleur, de tuer le pécheur. Et Jus-
» linien, en vrai paien, leur répond qu’ils n’ont qu’à le
» faire; c’est-à-dire qu'ils ne doivent pas obéir à la loi de
» Dieu, mais, au contraire, punir le mal et effacer le péché
» en torturant le corps (3)!... Le Christ, ajoutait-il, nous
» a-enseigné la véritable jurisprudence. Soyons donc juris-
» consultes selon le Nouveau Testament, et rejetons,
» comme antichrétiennes, toutes les formules païennes
» compilées par Justinien… Tuer le pécheur, c’est agir en
(1) In Instit., cap. 28, p. 185 et sqq.
(2) Schmalz, Contràa Frantz. disp. post. 6 in Augustanam confes-
sionem, p. 389. Cité par Carpzov, Practica crim., t. NI, p. 4.
(3) In Post. Explic. Evang. dominic. 22 post Trinitatem. En rappor-
tant ces paroles, Carpzov (loc. cit., p. 4) relève avec vivacité la double
erreur d'histoire et de droit qu’elles renferment. « L’enthousiaste , dit-il,
» se trompe doublement : Justinien n’était pas un païen, et chacun sait
_» que, selon les lois de ce prince, les voleurs ne sont pas punissables du
» gibet, »
: (42)
» paien et non en chréuen; c’est fermer les yeux à la
» lumière de la nature. Justinien veut qu’on punisse le mal
» par la corde, le glaive ou le feu. Le Christ veut que le
» pécheur vive et se convertisse (1). »
Il est complétement imutile d’allonger la liste de ces ei-
tations. Nous pouvons nous borner à rappeler que tous les
docteurs de la secte touchèrent, plus ou moins directe-
ment, au redoutable problème de la légitimité du dernier
supplice. Tous cherchèrent avec avidité des textes propres
à prouver que, sous le règne de paix, de charité, de man-
suétude et de pardon inauguré sur le Calvaire, l’effusion
du sang humain est interdite à tous, sans en excepter les
princes et leurs délégués. Ils mvoquèrent les paroles de
Jésus blàmant sévèrement le serviteur sans entrailles qui,
au lieu d’avoir pitié de son compagnon d’infortune, le fit
traîner en prison, parce qu'il se trouvait dans l’impossi-
bilité de payer ses dettes (2). Ils citèrent l’ordre donné par
le Christ à Pierre : « Remets ton épée en son lieu; car
» ceux qui prendront le glaive périront par le glaive (3). »
Ils virent la condamnation expresse, évidente, de la peine
‘capitale dans la conduite de Jésus à l’égard de la femme
coupable d’adultère, erime que la législation des Hébreux
punissait du dernier supplice (4). Ils soutinrent que, si
l’on ne voulait pas répudier la doctrine de saint Paul, les
armes du chrétien devaient être des armes spirituelles,
et nullement le gibet et le glaive (5).
1) In Explic. Evangelii die virid., p. 48.
2) Matth., XVIII, 23-35.
3) Matth., XXVI, 52.
(4) Joann. VIF, 5-11 ; Lévitique, XX, 10; Deutéronome; XXIL, 22-24.
(>) Paul. Ia ad Corinth, X, 4; ad Ephes., VI, 11.
(
(
(
é
28 et
(45 )
Ainsi qu'on devait s’y attendre, les théologiens catho-
liques et protestants ripostèrent avec vigueur. Ils prouvè-
rent que le système d'interprétation suivi par leurs adver-
saires consistait à isoler les textes, à confondre le conseil
avec le précepte, à faire disparaître toute distinction entre
Pordre momentané et la règle immuable ; mais il ne semble
pas que leurs arguments produisirent un grand effet. Par-
tout où pénétrèrent les erreurs des sociniens, en Trans-
sylvanie, en Pologne, en Allemagne , en Hollande et même
en Angleterre, le droit suprême de la magistrature erimi-
nelle fut sérieusement contesté par leurs adeptes.
Un jurisconsulte célèbre, un criminaliste très-distingué
pour son époque, crut devoir à son tour entrer en lice,
pour se constituer le défenseur de la peine de mort, au
double point de vue de la société civile et de la société
religieuse.
Ce jurisconsulte était Benoît Carpzov, né à Wittemberg
en 159, décédé à Leipzig en 1666 (1).
Sous le rapport des droits souverains de la société po-
htique, Carpzov n’entrevit pas même la hauteur où la
science pénale est parvenue au dix-neuvième siècle. Sa
théorie n’est autre chose que le vieux système de l’intimi-
dation, poussé jusqu’à ses conséquences les plus rigou-
reuses. À son avis, le but principal, sinon unique de la
peine consiste à jeter l’effroi dans l’âme des pervers. La
peine de mort est le préservatif indispensable des liens
sociaux; il faut retrancher le coupable du milieu de ses
concitoyens ; aux grands maux il faut de grands remèdes,
et le remède souverain gît dans l’échafaud : telles sont ses
(1) Voy. H. Witten, Memoriae jurisconsultorum nostri saeculi clarissi-
morum renovalae, pp. 458 et sqq. Francof., Hallervord , 1676.
x (44 )
maximes favorites, à l’appui desquelles il invoque Fau-
torité de Cicéron, d’Ovide, de Sénèque, de Plutarque,
d’Ulpien, de saint Augustin et d’une foule de personnages
modernes, entre autres d’un roi de France, Louis XIL (1).
Parfois l’âme honnête et douce du chrétien se montre sous
l’endurecissement systématique du praticien; mais, presque
toujours, ses maximes inexorables rappellent ce cantique
du fatalisme et de l’immobilité, qu’un sectateur de Brahmà
entonna sur les rives du Gange, plusieurs siècles avant la
naissance de Jésus-Christ : « Le Chätiment est un roi plein
» d'énergie; c’est un administrateur habile, c’est un sage
» dispensateur de la loi... Le Châtiment gouverne le genre
» humain, le Châtiment le protége; le Châtiment veille
» pendant que tout dort; le Châtiment est la justice...
» C’est par la crainte du Châtiment que le monde peut se
» livrer aux jouissances qui lui sont données... Partout
» où le Châtiment, à la couleur noire, à l’œil rouge, vient
» détruire les fautes, les hommes n’éprouvent aucune
» épouvante (2)! » Bien mieux que la plupart de ses con-
temporains , l’illustre professeur de Leïpzig connaissait les
fragments du droit romain, les édits des princes, les maxi-
mes des auteurs et les règles du droit canonique relatifs
aux délits et aux peines; mais, nous l'avons déjà dit, il
manquait de ces vues larges et profondes que la connais-
sance exacte des principes générateurs de la science peut
seule fournir au eriminaliste.
Cette simple réflexion suffit pour prouver que, même
sur le terrain théologique, Carpzov n’était pas en mesure
(1) Practica criminalis, pars INF, quest. CL. (1635).
(2) Lois de Manou, liv. VII, v. 17-25. Trad. de Loiseleur Deslong-
champs. Édit. Migne (Livres sacrés de toutes les religions, t. 1, p.292.)
(45 )
de fournir une réfutation complète et péremptoire de
toutes les difficultés soulevées par ses antagonistes. Si les
idées qu'il préconisa n’attestaient pas que, depuis 1635,
date de la publication de sa Practica criminalis, les théo-
logiens qui prônent la peine de mort n’ont pas fait un
seul pas en avant, elles mériteraient à peine d’être re-
cueillies.
Avant d'aborder à son tour la sphère des idées reli-
gieuses, Carpzov commence par résumer, avec autant de
précision que d’exactitude , les objections des sociniens les
plus célèbres; puis, étalant une grande érudition biblique,
11 s'efforce de prouver que la peine capitale se trouve jus-
üfiée par le commandement exprês de Dieu (1). À cette
fin, 1l énumère longuement tous les textes de l’Ancien
Testament où le dernier supplice se trouve comminé par
le législateur inspiré des Hébreux. Il rappelle que, dans
lExode, le Lévitique et le Deutéronome, la peine de mort
est prescrite pour le meurtre (2), l'assassinat (3), les coups
donnés au père ou à la mère (4), la malédiction jetée aux
ascendants (5) , les actes de violence ayant amené la mort
instantanée de l’esclave (6), l’adultère (7), l'inceste (8),
(1) Sous le rapport de la connaissance du texte sacré, peu de savants
pouvaient rivaliser avec Carpzov. Il avait lu cinquante-trois fois la Bible
avant d'écrire sa Practica criminalis.
(2) Lévit., XXIV, 17.
(3) Exode, XXI, 14.
ed. XXI, 15.
CM RXXI;, 17.
(6) Zd., XXI, 20.
(7) Lévitique, XX, 20. — Deutéronome, XXII, 22-24.
(8) TRE NEX A =19:
( 46 )
l'idolâtrie (4), la magie (2) et certains attentats aux
mœurs (3). [l ajoute que des rois et des prophètes agis-
sant, eux aussi, à la suite d’une inspiration divine, ont
fait maintes fois couler le sang des coupables; et, à ce
sujet, il cite Moïse donnant l’ordre d’exterminer les ado-
rateurs du veau d’or (4), Josué procédant de même à
l'égard d’un soldat coupable de sacrilége (5), Salomon
recourant au glaive pour châtier les chefs d’une révolte (6).
Il prétend que le jus gladii, avec toutes ses prérogatives
et toutes ses rigueurs, se trouve formulé, à l’état de pré-
cepte immuable et éternel, dans ce verset de la Genèse :
« Que l’homme répande le sang de celui qui à fait couler
» le sang humain (7). »
Malheureusement toute cette érudition n’était -pas de
nature à produire le moindre effet sur les théologiens et
les jurisconsultes qui, à l'égard de la légitimité de la peine
capitale, avaient adopté les idées religieuses des sociniens.
Tous savaient et avouaient que la mort était largement
comminée dans la législation criminelle de Moïse; mais,
ainsi que nous l’avons vu, ils prétendaient que, depuis
l'ère chrétienne, c'était le texte du Nouveau Testament
qui devait décider de la controverse. Bon gré, mal gré,
Carpzov se vit obligé de les suivre sur ce terrain.
Ici l'embarras du jurisconsulte de Leipzig devient vi-
sible. Il avoue qu’on chercherait en vain, dans toutes les
(1) Deutéronome, XIIT, 6-18. — Lévitique, XX, 2-5.
(2) Exode, XXIT, 18.
(3) Idem, XX, 13-14.
(4) Idem, XXXII , 27-50.
(5) Josué, VIT, 24-26.
(6) 1er liv. des Rois, II, 25, 31, 46.
(7) Genèse, IX, 6.
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(47)
parties du Nouveau Testament, une seule phrase autori-
sant formellement l’application de la peine capitale; mais
ilajoute aussitôt que le Nouveau Testament ordonne au
chrétien d’obéir aux puissances, et que, dès lors, il suffit
que le dernier supplice soit prescrit par les lois humaines,
telles que le Digeste et l’Ordonnance criminelle de Char-
les V. Toutefois, suivant un usage à peu près général parmi
les jurisconsultes allemands de son siècle, il essaye de dé-
couvrir quelques passages qui, au moins indirectement,
pourraient être invoqués à l’appui de sa thèse. À cette fin,
il se prévaut de la défense faite à Pierre de tirer l'épée
contre les envoyés des sacrificateurs (1). « Le jus gladüi,
» dit-il, appartenant de droit divin à la puissance publique,
» et Pierre n’étant pas magistrat, Jésus lui défendit de
» tirer l'épée. C’est la confirmation et non l’anéantissement
» du pouvoir suprême de la magistrature. » Il cite dans le
même dessein un fragment de l’Épitre de saint Paul aux
Romains, où l’apôtre ordonne aux fidèles de respecter les
édits des souverains : « Le prince est le serviteur de Dieu
» pour ion bien ; mais, si tu fais le mal, crains; parce qu'il
ne porte pas en vain l’épée. Il est le serviteur de Dieu,
ordonné pour faire justice en punissant celui qui- fait
mal (2). » Il termine en prouvant, — et cette fois
sa démonstration est sans réplique, — que les paroles de
Jésus et de saint Paul commentées par les sociniens n’ont
aucun rapport avec le droit du législateur et du juge d’in-
fliger la peine capitale, quand celle-ci est établie par la
loi et réclamée par l'intérêt collectif de la nation (3).
Ÿ
Ÿ
(1) Matth., XXVI, 52.
(2) XII, 4.
(3) La dissertation de Carpzov est intitulée : An Poenas capitales faci-
(48 )
Eu dernier résultat, cette longue et vive discussion resta
sans influence dans le vaste domaine de la pratique. Quel-
ques esprits solitaires, quelques philosophes méditant si-
lencieusement sur les mystères de l'avenir, conservèrent
leurs doutes sur la légitimité de la peine capitale; mais
les princes, les criminalistes et surtout les juges s’arrêtè-
rent à la théorie de l’intimidation par le supplice, si erû-
ment exposée par Carpzov et, près d’un siècle avant lui,
par le Brugeois Damhouder(1). Dans tous les pays de l'Eu-
rope, un vaste système de gibets, de roues, de büchers,
de fers , de ténailles, de tortures de toute espèce, demeura -
le droit commun des nations chrétiennes!
Cet insuccès ne doit pas nous étonner. De part et
d'autre, la question était mal posée et, par suite, mal ré-
solue: Les adversaires des sociniens, comme les sociniens
eux-mêmes, ignoraient le caractère nettement déterminé
de la mission que la nature des choses et les principes im-
muables du droit assignent au législateur criminel.
Carpzov s’exprimait à peu près dans les mêmes termes
que certains théologiens de nos jours. Son raisonnement
est au fond celui-ci : « La législation mosaïque, inspirée
» par Dieu, renferme la peine capitale. Il n’est donc pas
» possible de nier la légitimité de cette peine, sans nier
» en même temps l'inspiration divine de la Bible, c’est-à-
» dire, sans répudier l’une des bases essentielles du chris-
» tianisme. » Cela serait vrai, si l’on proclamait l’illégiti-
mité absolue de la peine de mort; en d’autres termes, si
l’on soutenait que, quelles que soient l’énormité du crime
norosis hominibus irrogare liceat Magistratui christiano? Tome IIT,
pp. 1-8. (Edit. de Francof., 1677.)
(1) Praxis rerum criminalium. Antverpiae, Bellerus, 1555; in-4°.
(49 )
et les exigences de l’état social, la vie du coupable doit tou-
jours être réputée inviolable et sacrée. Mais tel n’est pas,
tel ne sera jamais le terram choisi par un jurisconsulte
éclairé. Si le dernier supplice des grands coupables est
nécessaire au jeu paisible et régulier des forces sociales;
sil'échafaud , malgré les inconvénients inséparables de son
existence, présente le caractère d’une véritable nécessité
pour le maintien de l’ordre et le développement des inté-
rêts généraux, rien ne s'oppose à ce que le législateur cri-
minel aille, au besoin, jusqu’à la rétribution du mal par
un mal identique. Or, dans la situation où se trouvait Moïse,
cette nécessité était manifeste. La suppression de la peine
de mort suppose, indépendamment d’un certain degré de
culture intellectuelle , un vaste ensemble d'institutions pé-
nitentiaires qui n’existaient pas dans les vallées de la
Palestine et moins encore dans les gorges sauvages de
l'Arabie pétrée. Pour contenir une race énergique, tur-
bulente, avide, vindicative, toujours prête à se révolter
contre ses maîtres et même contre son Dieu, une légis-
lation draconienne était indispensable. Mais s’ensuit-il que
la peine de mort, reconnue nécessaire chez les Juifs, doive
l’être éternellement chez tous les peuples, à toutes les
époques , à tous les degrés de civilisation ? S’ensuit-il sur-
tout qu'il faille continuer à appliquer cette peine, là même
où elle cesse d’être utile? Poser ainsi le problème, c’est
le résoudre pour tout homme désintéressé dans la contro-
verse. Les adversaires de Carpzov se trompaient , en donnant
à quelques textes de l’Écriture une portée manifestement
exagérée ; mais le jurisconsulte de Leipzig se trompait à
son tour en élevant l’échafaud à la hauteur d’un dogme
immuable du christianisme. A ce compte, il faudrait main-
tenir à jamais, non-seulement la peine de mort, mais en-
2e SÉRIE, TOME XVII. 4
( 50 )
core la pratique rude et primitive du talion, car ce dernier
se trouve tout aussi formellement écrit dans les lois de
Moïse : « Vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, pied
» pour pied, brûlure pour brûlure, plaie pour plaie, meur-
» trissure pour meurtrissure (1). » Et comment concilier
cette dernière prétention avec les paroles de Jésus-Christ
citées ci-dessus ?
Le dogme est iei complétement hors de cause. Il s’agit
d’une question de fait, d’une question de nécessité; car,
aujourd’hui comme au dix-septième siècle, tout consiste à
savoir si la société, en usant avec vigueur des autres
moyens de répression et d’amendement dont elle dispose,
peut renverser l’échafaud sans redouter un péril sérieux
pour la conservâtion de la sécurité publique. En supposant
cette question résolue dans le sens affirmatif, la peine de
mort devient une véritable iniquité sociale. Le législateur
n’a pas le droit de punir, pour se procurer le plaisir eruel
et barbare d’étaler sa puissance. Si la peine d’un degré in-
férieur suffit, la peine du degré supérieur doit disparaître.
Il est vrai que ces notions, qui nous paraissent si sim-
ples, manquaient à peu près complétement aux crimina-
listes du seizième et du dix-septième siècle. Les beaux et
utiles travaux de Welker, de Feuerbach, de Weber, de
Schneider, d’Abegg, de Carmignani, de Mittermaïer, de
Rossi et d’une foule d’autres esprits éminents, — parmi
lesquels nous sommes heureux de pouvoir eiter notre sa-
vant confrère M. Haus, — ne devaient paraître que beau-
coup plus tard.
(4) Exode, XXI, 23-925.
CLASSE DES BEAUX -ARTS.
Séance du 7 janvier 1864.
M. M. Ed. Féris, directeur.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
… Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, F. Fé-
üs, Guillaume Geefs, Hanssens, Madou, Navez, Eug.
Simonis, Van Hasselt, Joseph Geefs, Ferdinand De Brae-
keleer, Fraikin, Partoes, Edm. De Busscher, Portaels,
Alph. Balat, Aug. Payen, le chevalier Léon de Burbure,
membres.
M. Nolet de Brauwere van Steeland , associé de la classe
des lettres, assiste à la séance.
qe
CORRESPONDANCE.
————
M. le Ministre de l’intérieur transmet le tome III et der-
nier du Manuel de l’histoire de la peinture par M. Waa-
gen, associé de l’Académie ; ainsi que le dessin d’une table
de marbre, destinée à être placée dans l’église de Chimay
et à recevoir une inscription en l'honneur du célèbre com-
(52)
positeur de musique , Guillaume Dufay. D’après la demande
de M. le Ministre, M. Fr. Fétis est invité à communiquer
son opinion sur la nature de l'inscription à graver sur
cette table.
— La commission administrative de l’exposition géné-
rale des beaux-arts de 1863 fait parvenir une somme de
mille cinq cents francs soixante-quinze centimes, prélevée,
en faveur de la Caisse centrale des artistes belges, sur le
produit de la vente des œuvres d'art faite par les soins de
la commission. — Remerciments.
— M. Alvin fait hommage d’un exemplaire de son rap-
port imprimé sur les expositions des travaux graphiques
et plastiques de l'Allemagne et de la France, qu'il a fait
en collaboration avec M. Chauvin et qui a été présenté à
M. le Ministre de l’intérieur.
M. Ad. Quetelet présente l'Annuaire de l'Observatoire
royal pour l’année 1864 : c’est le trente et unième depuis
la création de ce recueil.
M. Franck fait hommage d’une gravure de sa compo-
sition représentant la Vierge au Lis, d’après le tableau de
Léonard de Vinci.
M. Galimard communique une brochure imprimée sur
les peintures murales de l’église Saint-Germain-des-Prés,
de Paris.
La classe remercie les auteurs de ces différents ou-
vrages.
— M. de Coussemaker, associé de l’Académie, fait par-
venir un mémoire manuscrit intitulé : Étude sur la musique
harmonique et sur les musiciens harmonistes du douzième
et du treizième siècle ; 1l annonce en même temps qu'il en-:
(55 )
verra, quand on en sera à l’impression, les notes de cet
ouvrage et les différentes pièces de musique qui doivent
l'accompagner.
M. le directeur fait remarquer qu'aux termes du règle-
ment, il n’y a pas lieu de nommer des commissaires jusqu’à
» ce que le mémoire soit complété.
ÉLECTIONS.
D’après son règlement, la classe avait à nommer, dès à
présent, son directeur annuel pour 1865; au premier tour
de scrutin, la majorité des voix se prononce en faveur
de M. Alvin, qui est nommé directeur pour la prochaine
année.
M. Braemt, membre de la commission administrative
pour la classe des beaux-arts, est invité à continuer ses
fonctions; 1l reçoit les remerciments de ses collègues pour
les services qu'il a rendus précédemment.
— La classe s'occupe ensuite des élections pour rem-
placer un de ses membres et cinq associés qu’elle a perdus
successivement.
Pour la section de gravure, en remplacement de
M. Érin Corr, la majorité des voix se réunit en faveur de
M. Franck. Cette nomination, d’après le règlement, sera
soumise à l’approbation du Roi.
La classe avait perdu deux membres dans la section de
peinture, MM. Eugène Delacroix et Horace Vernet : elle :
nomme successivement, pour les remplacer, MM. Flandrin
et Robert Fleury, de Paris.
Dans la section de sculpture, en remplacement de M. De
Bay père, la classe nomme M. Cavelier, de Paris.
(54)
Dans la section d'architecture, deux places étaient de-
venues vacantes par la mort de MM. Caristie et Cockerell,
de Londres. Ces artistes sont remplacés par MM. Hittorf,
de Paris, et Leins, de Stuttgard.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
———
M. Van Hasselt communique une notice nécrologique
sur M. T. Suys, que l’Académie a perdu pendant le cours
de l’année 1861. Cette notice sera insérée dans l'Annuaire
de l’Académie pour 1864. Le même membre annonce le
prochain envoi de la notice qu’il a bien voulu se charger
de rédiger sur la vie et les travaux de M. Bruno Renard.
— Des remerciments sont adressés à M. Van Hasselt.
Roger Van der Weyden et les Tapisseries de Berne; par
M. Alexandre Pinchart, chef de section aux Archives
du royaume. | 3
L'hôtel de ville de Bruxelles, l’un des plus beaux monu-
ments que le moyen âge nous ait légués, fut commencé en
1401 ou 1402 : quelques années plus tard, l’aile orientale
de l’édifice était terminée. Antérieurement à 1422, neus
‘avons la preuve que le magistrat avait déjà fait décorer
de riches peintures les salles du nouveau bâtiment. Dans le
compte de la ville d’Alost, même date, on lit que les bourg-
mestre et échevins de cette localité traitèrent avec le peintre
Nicolas Poulette, leur concitoyen, « de l'exécution d’un
( 59 )
tableau représentant le Jugement dernier, dont la valeur
artistique devait être égale ou supérieure, à celui qui se
trouvait dans la- chambre des échevins, à Bruxelles (1).»
L'œuvre jouissait done d’une grande réputation. Déjà au
mois de mai 1456, Roger de la Pasture, dit Van der
Weyden, artiste tournaisien établi depuis peu de temps
dans la cité brabançonne, avait obtenu le titre de peintre
officiel de la ville. C’est vers cette époque qu’il entreprit
de peindre les quatre grandes compositions qui ornaïent
encore dans les dernières années du dix -huitième siècle
une des salles de l’hôtel de ville de Bruxelles, de ce palais
communal dont la richesse intérieure correspondait à l’élé-
gance extérieure. Nous possédons à cet égard un témoi-
gnage digne de foi : Schascheck, auteur d’une narration
du voyage de Léon de Rozmital, beau-frère du roi de Bo-
hème, dans l'occident de l’Europe, rapporte que son maître
(1) « Ziem, so heift de voorschreven scrinemaker j berd ghemaect,
omme ’t oordeel van pourtraituren inghemaect t’ hebbene, coste : vj liv.
» vjst.
» litem, ende dit oordeel es bestaet te werkene an Claus Poulette, ende
» es voorwaerde dat hy ’t maken sal, alse goed of beter alse ’t oordeel es te
» Brussel, in de camere van scepenen, so de voorwaerde inhoud, ende
» salre af hebben : xxxvj liv. parisis.
» Îlem, ende daer dit oordeel bestaet was, was verteert in lyfcope
» lij st. parisis; derof betaelden de voorschreven Claus d’eene heilt ende
» de stede d’ander heïlt, dat draecht : xxvj st. » (Registre n° 30886 de la
chambre des comptes, aux Archives du royaume.)
Cette note nous a été signalée par notre collègue, M. Edmond Vander-
straeten.
Nous ne devons pas négliger de faire remarquer ici que, par le mot fla-
mand oordeel (jugement) , lorsqu'il n’est accompagné d’aucune autre dési-
gnation, il faut toujours entendre le dernier jugement. Nous consignons
cette observation pour prévenir tout rapprochement entre ce mot et les
actes de justice reproduits sur les tableaux de Roger Van der Weyden.
LA
(56)
el sa nombreuse suite parvinrent à Bruxelles dans le eou-
rant du mois de janvier 1467 (n. st.) (1), où Philippe le
Bon lui fit grand accueil. Il rapporte que, « dès le lende-
main de leur arrivée, on les conduisit à l’hôtel de ville, et
qu'ils en visitèrent toutes les salles : ils virent, dans un
vestibule, d'excellentes peintures, dont il ne croit pas pos-
sible de trouver les pareilles (2). » Ce témoignage est pré-
cieux, et, quoique les tableaux de Roger Van der Weyden
ne soient pas ici explicitement désignés, on peut sans
hésiter admettre que l'éloge de Schascheck s'adresse en
grande partie à ces œuvres célèbres, dont la perte est in-
finiment regrettable.
Albert Dürer parle, dans son Journal de voyage, des
tableaux de Van der Weyden qui ornaient de son temps la
salle principale de l’hôtel de ville : c’est lui qui , le premier,
(1) M. Aug. Scheler à inséré une traduction des parties de ce voyage qui
concernent la Belgique dans le Bulletin et annales de l'Académie d'archéo-
logie de Belgique (Anvers, 1844, 2me année, p. 104); mais il n’a pas re-
marqué que les lettres patentes de sauf-conduit de Philippe le Bon et de
Charles le Téméraire, délivrées au prince bohémien, sont datées des mois
de janvier et février 1466, et que la coutume de la cour du duc de Bour-
gogne était de commencer l’année à Pâques. Une traduction latine de la
narration de voyage de Schascheck a été publiée en 1577 : elle a été réim-
primée , en 1844, dans le t. VIT de la Bibliothek des literarischen Vereins
in Stuttgart. Voy. encore , au sujet de ce voyage, le Bulletin du bibliophile
belge, t. XI , p. 278.
(2) « Inde pervenimus Bruxellam , quae quatuor milliaribus a Mechlinia
» distat. Ea est caput Brabantiae. Ibi invenimus ducem Burgundiae. Altera
» die, postquam eo ventum esset, ducti sumus in Curiam, et omnia Con-
» clavia ejus perlustravimus. In atrio quodam sunt excellentes picturae ;
» si usquam ullo in loco inveniri possunt. Postea ascendimus turrim ejus-
» dem curiae, ex eaque totius urbis situm spectavimus. Nam turris est
» structura elegans, et insigni altitudine in aura prominens , cum ipsa
» Ccuria in umbilico urbis posita. » (Bibliothek, etc., citée, p. 23.)
n Pre
(91)
nous à transmis le nom de leur auteur. « J'ai vu, — dit-il,
— à Bruxelles, dans la chambre dorée de la maison com-
munale, les quatre peintures du grand maître Roger (1). »
On sait que le grand artiste de Nuremberg vint aux Pays-
Bas en 1520. Son Journal ne renferme malheureusement
que des notes très-laconiques, et rarement il formule par
un mot, par une expression louangeuse, un jugement sur
les œuvres artistiques qu’il a vues.
Don Calvete de Estrella, qui fit imprimer à Anvers, en
1559, la narration du premier voyage de Philippe IT dans les
Pays-Bas, nous a conservé une description assez détaillée
des tableaux en question (2). Le jeune prince s’était rendu
à l’hôtel de ville de Bruxelles, pour prêter le serment, car
le voyage qu'il avait entrepris en 1549 avait pour but de
l’inaugurer comme héritier présomptif de Charles-Quint
dans toutes nos provinces. La cérémonie achevée, Philippe
s’amusa à voir entre autres choses una maravillosa pin-
tura, selon lexpression de l’auteur espagnol, qui se trou-
vait dans la salle du conseil. Nous allons traduire aussi
textuellement que possible ce qu’en dit cet écrivain; «il a
consigné, — écrit-il, — les détails qui suivent dans son
livre pour servir d'exemple à ceux qui sont chargés de l’ad-
ministration de la justice.» Voici comment il s’exprime (3):
(1) « Ich hab gesehen zu Prüssel, im Rathhausz, in der Gulden Kammer,
» die 4 gemalten materien, die der grosz Meister Rudier gemacht hat. »
(Camre, Reliquien von Albrecht Dürer, p. 88.)
(2) El felicissimo viaje del muy alto principe don Phelippe, pp. 91 v°
à 94 re.
(5) « Acabado el juramento, el principe se recreé y entretuvo un poco
» por la casa en ver las claras fuentes que ay en lo alto y baxo d'ella, las
» quales son doze y de la mejor agua de toda la villa, y en ver una ma-
» ravillosa pintura, que està en la sala d’el consejo, que por ser digna de
(58 )
« La peinture est placée sur le côté de la salle, en
face de l'endroit où les bourgmestres, les auditeurs et les
conseillers se tiennent pour traiter de la justice et des
affaires publiques; elle est divisée en quatre grands ta-
bleaux, qui remplissent tout ce côté de la salle.
» Sur le premier est peint l’empereur Trajan, vêtu de
son armure et à cheval, marchant à la tête de son armée,
arrêté, au moment de partir pour la guerre, dans une rue
de Rome par une veuve. De l’autre côté on voit comment
on coupe la tête à un soldat, et aussi comment il était
armé. La légende est écrite en lettres d’or sur la parte
inférieure du cadre. |
» Dans un compartiment du deuxième tableau se voit
la figure de saint Grégoire, pape, à genoux, devant l’autel
de Saint-Pierre; et dans l’autre, le même saint, en pied,
auquel on montre la tête de l’empereur Trajan, dont la
langue est encore aussi fraîche que s’il était vivant (1).
memoria me parecié sacarla y ponerla en este libro, para exemplo de los
que tienen cargo y administracion de justicia. Està puesta la pintura al
un lado de la sala, en frente, donde los burgomaestres, oydores y conse-
‘ jeros se assientan à tratar de justicia y de negocios de la republica, y est
repartida en quatro tablas grandes, que toman todo aquel lado de la sala.
» En la primera tabla estä pintado el emperador Trajano armado sobre
un cavallo, que caminando con su exército, que delante del yva à la
guerra , la detenia en la calle de Roma una muger biuda : y està de la
otra parte pintado como cortan la cabeça à un soldado, assi como estava
armado. La historia d’ello estä escrita de letras de oro al pié de la tabla
en el largo de la moldura, como se sigue. »
(1) « En la segunda tabla estä à un cabo la ymagen de san Gregorio,
papa, puesto de rodillas, delante del altar de San Pedro, y en el otro”
estä el mismo en pié, mirando la cabeça del emperador Trajano que le
» muestran con la lengua tan fresca como si fuera bivo. Declarava esto la
» letra de la moldura, como se sigue. »
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1408)
» Sur le troisième tableau est représenté un malade
[Herkinbald] nu dans un lit, qui de la main gauche tient
un jeune homme par les cheveux, et de la main droite un
couteau, avec lequel il lui coupe la tête; et aux pieds du
lit le sénéchal ou alguazil très-épouvanté qui le regarde (1).
» Le quatrième tableau reproduit le même Herkinbald,
à la dernière extrémité, montrant la sainte hostie qu'il
lient entre les dents à l’évêque placé près de son lit;
celui-ci l'avait confessé, et, voyant qu'il ne déclarait pas
la mort de son neveu, n'avait point voulu l’administrer ni
lui donner le saint sacrement du corps de Notre-Seigneur
Jésus-Christ; l’hostie était alors sortie miraculeusement de
la custode, et elle était entrée dans la bouche de Herkin-
bald (2). »
À la suite de chacune de ces descriptions, don Calvete
de Estrella rapporte les textes latins qu’il a copiés sur les
cadres , et qui se rapportent aux sujets légendaires repré-
sentés dans chaque tableau, et il les fait suivre d’une tra-
duction. Fur |
Continuons l’examen des auteurs qui mentionnent les
(1) « En la tercera tabla estä pintado un enfermo sentado en la cama y
» desnudo, que con la mano yzquierda tiene de los cabellos un mancebo,
» y con la derecha-un cuthillo, con que le cortava la cabeça, y à los pies
» de la cama el senescal o alguazil muy espantado mirandolo, y en la mol-
_ » dura de la tabla assi dezia. »
(2) « En la quarta tabla esté el mismo Herkinbaldo pintado muy al cabo
» ya de su vida, mostrando al obispo, que con él estava junto à su cama,
» como que tenia entre los dientes la sagrada hostia, por que aviéndole
» confesado, y viendo que no manifestava la muerte del sobrino, no le
» quiso el obispo ministrar, ni dar el santissimo sacramento del cuerpo
» de Nuestro Señor jesu Christo, antes la misma hostia milagrosamente
» salié de la custodia y.se entré en la boca de Herkinbaldo, como pôr estas
» palabras escritas en la moldura de la tabla parece. »
( 60 ).
peintures de Roger Van der Weyden dans leurs ouvrages.
Guicciardini publia la première édition de sa Descrit-
tione di tutti à Paesi Bassi, à Anvers, en 1567; mais il est
regrettable qu’il ne nous ait laissé aucun souvenir sur les
œuvres d'art dont les hôtels de vilie, les églises et les cou-
vents étaient alors abondamment pourvus, puisqu'il rédigea
son livre en 1560, avant les malheureux actes de vanda-
lisme commis en 1566 et 1567. Il appartenait à un peintre,
à Charles Van Mander, de nous conserver à la fois la mé-
moire de tant de tableaux perdus par suite de cette célèbre
révolution du seizième siècle, et celle d’une pléiade d’ar-
tistes dont nous ne saurions aujourd’hui apprécier le mé-
rite. Guicciardini ajoute, en citant Roger Van der Weyden
parmi les artistes célèbres des Pays-Bas : « qu’il a peint
entre autres choses, les quatre superbes tableaux d’his-
toires merveilleuses, pour servir d'exemple de justice,
qui se voient au palais des magistrats, dans la chambre
même où se jugent les causes (1). »
Vasari, dans la seconde édition de ses Vite de’i pittori,
scultori, etc., imprimée en 1568, semble avoir copié l’écri-
vain dont nous venons de païler, et dit qu’au palais des
magistrats existent quatre très-beaux tableaux de Roger
Vander Weyden peints à l’huile, de sujets ayant rapport à
la justice (2). Van Mander est plus explicite, et son Schilder-
boeck, qui a vu le jour en 1604, renferme les détails qui
(1) «Il quale fra le altre cose fece le quattro degnissime tavole d’ammi-
» randa historia, a proposito et esemplo del far’ giustitia, che si veggono
» in detta terra di Bruselles, al palazzo de’ signori, nella propria stanza
» ove si consultano et deliberano le cause. » (P. 98.)
(2) « En el palazzo de’ signori quattro tavole a olio bellissime, di cose
» pertinenti alla justizia. » (Édition de Florence, t. XIII [1857], p. 147.)
(OR)
suivent (1) : « De ce peintre (Van der Weyden), — écrit-il,
— à perpétuel souvenir, sont à voir à Bruxelles, dans la
maison communale, quatre pièces<très-célèbres reprodui-
sant des actes de sagesse ou de justice réunis. L’un d’eux
Surtout est remarquable et représente un vieillard, ma-
lade et alité, qui coupe le cou à son fils coupable. On y
voit parfaitement la sévérité du père, qui serre les dents,
et exécute sans pitié aucune un jugement aussi sévère.
Il y a d’autres tableaux encore, où sont peints un père
et son fils, auxquels on crève un œil, dans le but de con-
server la justice en honneur. »
Dans l'édition de l’ouvrage de Thomas de Cantimpré,
intitulé : Bonum universale de apibus, publiée à Douai,
en 1627, à laquelle George Colvener, le célèbre professeur
à l’université de cette ville, ajouta de nombreuses notes.
On rencontre parmi ces gloses une mention de l’œuvre
qui nouskoccupe. Au chapitre XXXV du livre IT, Thomas
traite de la justice bonne et mauvaise (de perversa et justa
Justitia); Colvener a rapporté en note, à ce propos, le texte
de César de Heisterbach, où il est question de l’histoire
de Herkimbald, et il ajoute que « ce texte est reproduit
sur le tableau représentant l’anecdote que peignit autrefois
(1) « Van hem, tot eeuwighe ghedachtenis, zyn te sien te Brussel op
» het raedthuys, seer vermaerde stucken, wesende vier historien, of het
» gherichte oft justicie by een ghebracht. Daer is voorneemlyck een uyt-
» nemende en mercklyck stuck daer den ouden vader te bedde cranck
» ligghende, zynen misdadighen soon den hals afsnydt : waer seer ey-
» ghentlyck de ernsticheydt des vaders is te sien, die bytende op zyn
» tanden, met onghenadighe handen, soo grouwsaem recht aen zyn
» eyghen kint bedryft. Voorts isser daer den vader en den soon om ’trecht
» in eeren te houden, beyde elck een ooghe worden uytghesteecken. »
(Édition de 1618, p. 129 vo.)
/
(62) :
Roger Van der Weyden, très-célèbre peintre, dans la maison
de ville de Bruxelles, et que l’on à coutume de faire voir
aux étrangers ». Colvener.ne manque pas de dire qu'il
tient ces détails d’Aubert Le Mire (1).
Toutes les relations de voyages faits dans nos provinces
sont loin d’être publiées, et cependant 1l n’en est aucune
qui ne contienne quelques particularités intéressantes.
Parmi celles qui sont restées inédites, il faut signaler l’Iti-
néraire germano-belgique, écrit, en 1617, par Pierre Ber-
geron, avocat de Paris, et dont M. Gachard a publié des
extraits dans la Revue de Bruxelles, en mai 1839. Ber-
geron visita deux fois la Belgique; il y était venu en 1606;
il ne passa à Bruxelles que vingt-quatre heures, en 1617,
quand il y revint pour la seconde fois ; Bergeron a néan-
moins consacré quelques lignes à l’hôtel de ville, « où 1l
» ya,—remarque-t-il, — force salles et belles peintures;
» entre autres, il y a une histoire peinte, en quatre pièces
» diverses, d’un Archambaud | Herkinbald], duc de Bra-
» bant, qui, estant au lit malade, estrangla de ses mains
> son propre neveu qui avoit violé une fille; puisilya
» d’autres peintures, etc. » Il semble, d’après ce qui
précède, que notre voyageur ait consigné cette note de
mémoire, car les descriptions de Calvete de Estrella, Van
Mander, etc., sont d’accord.sur ce point que le coupable a
eu la tête coupée.
Un autre voyageur français, Balthazar de Monconys, qui
(1) « Caesario in relatione pene consentit ab verbum inscriptio sub
» tabula rem gestam exprimente a Rogerio Van der Weyden, celeberrimo
» pictore, in aedibus senatoriis Bruxellae olim depicta, quae solet externis
» conspicienda monstrari. Ex hac descripsit Autberius Miræus, et ad me
» transmitti curavit. » (P. 109.) De
Co").
parcourut divers pays’et visita les Pays-Bas en 1665, a laissé
une narration de son itinéraire, dont la publication n’eut
lieu qu’en 1695. Son livre est une source précieuse pour
Phistoire des arts : c'était un grand amateur, et 1l parle de
nombreuses visites qu'il à rendues en Hollande aux ar-
tistes de ce pays. De Monconys arriva à Bruxelles au mois
de juillet 1665. IL fait la remarque que la maison de ville
est « d’une architecture antique, à la flamande, avec une
_» infinité de luquernes sur le toit. Je fus dedans, — con-
» tinue-t-1l, —où je ne vis rien de beau que quatre tableaux
» dans une chambre, faits par Rogerius Weidenus, d’un
» jugement de Trajan, de la prière que fit pour lui saint
» Grégoire pour avoir fait mourir un duc, et la personne
» de son neveu pour avoir violé, et le miracle de Fhostie
» qui vint dans sa bouche, l’évêque la lui ayant refusé,
» parce qu'il n’accusoit pas ce péché, disant qu'il Pavoit
» fait par zèle (1). » De Monconys a confondu les sujets et
attribue à l’empereur Trajan toutes les actions représentées
dans les compositions du grand peintre tournaisien que la
commune de Bruxelles avait pris à ses gages.
Jean Ray, auteur du Travels trough the low-countries,
Germany, Italy and France, dont le voyage date de la
même époque que celui de l’écrivain précédent, n’a pas
remarqué les peintures de l'hôtel de ville de Bruxelles;
il se contente de noter comme souvenirs de son passage
les petites charrettes traînées par des chiens, et un écho
alors très en renom. Nous avons du reste rencontré ces
mêmes particularités dans plusieurs narrations de voyages
(1) Les voyages de M. de Monconys en Angleterre et aux Pays-Bas ; |
Paris ; suite de la 2me partie, p. 492.
(64)
faits par des Anglais, telles que celle d’Édouard Brown,
écrite en 1682, et dont une traduction hollandaise parut ja
même année à Amsterdam (1). Ray fut un des naturalistes
les plus savants et les plus féconds du dix-septième siècle,
et son livre est une source pour les personnes s’occupant
de botanique.
Blaeu, qui a consacré un grand volume in-folio à la des-
cription des provinces belgiques, magnifique ouvrage publié
en 1649 (2), se contente de rapporter que les chambres de
l’hôtel de ville de Bruxelles sont ornées d'œuvres des prin-
cipaux peintres, et ne cite qu’un Jugement de Salomon, |
qu'il attribue à Rubens et qui avait été commandé à Michel
Van Cocxyen, en 1552 (3). On y voyait effectivement un
tableau du chef de l’école flamande, mais il représentait
le Jugement de Cambyse, et avait été exécuté en 1622 (4).
L'erreur de Blaeu à été puisée dans l'Ulysses belgico-gal-
licus, de Gülnitz (5), dont l’apparition remonte à 1651 :
elle a été reproduite, au dix-septième siècle, dans plusieurs
éditions de la Description des Pays-Bas de Guicciardini;
en 1649, par Zeiller, dans sa Topographia Germaniae in-
ferioris (6), et par le père Adam de Boussingault, dans
l'édition de 1672 de son livre intitulé : La Guide univer-
selle de tous les Pays-Bas. « Les sales [de l'hôtel de ville]
» sont garnies de peintures des plus excellens maîtres, —
(1) Naukeurige en gedenkwaardige reysen van Ed. Brown; traduc-
tion par Jacques Leeuw.
(2) Novum ac magnum theatrum urbium Belgicae regiae.
(3) Henne et Wauters, Histoire de Bruxelles , t. I, p. 46.
(4) lbidem.
(5) P. 124.
(6) P. 46.
4 rer
(65 )
» écrit ce dernier (1), — et entre autres du Jugement de
» Salomon, qui est un chef-d'œuvre de Rubens, où il s’est
» surmonté lui-même. » Tous ces ouvrages ne citent point
les tableaux de Van der Weyden.
Les Voyages de M. Payen, qui ont été imprimés à Paris,
en 1667, renferment des détails curieux sur les statues et
les tableaux du palais de Bruxelles(2), dont la presque tota-
lité a été détruite par l'incendie de 1734, à propos duquel on
trouve d’intéressantes particularités dans les Mémoires du
baron de Pollinitz (3) : quant à l'hôtel de ville, l’auteur ne |
parle que de la beauté de la flèche (4). À quelques années
de là, en 1673, le comte Galeazzo Gualdo Prierato a fait
paraître à Vienne son Teatro del Belgio, mais il se borne,
comme Payen, à dire quelques mots de Bruxelles (5), où il
signale « parmi les édifices remarquables le palais ducal et
le palais communal orné de très-belles peintures (di bel-
lisime pitture). » L'auteur du Mercure de la Gaule bel-
gique, édité à Cologne, en 1682, cite également l'hôtel de
ville de Bruxelles parmi les plus somptueux palais de la
capitale, et se contente de dire qu’il est « très-beau et
curieux » (6), expression copiée de la première édition de
La Guide universelle de tous les Pays-Bas, du père Bous-
singault, qui date de 1665 (7). Quelques relations de
voyages anonymes, faits en France, en Flandre, Bra-
(HP 215.
(2) P. 30.
(5) Ge voyageur visita Bruxelles en 1732; voy. l'édition de ses Mémoires
publiée en 1747 , t. III, pp. 130 et suiv.
(4) P. 27.
(5) P. 6.
(6) P. 80.
(HEP:161.
2e SÉRIE, TOME XVII.
Or
( 66 )
bant, etc., et qui ont vu le jour dans la seconde moitié du
dix-septième siècle, sont entièrement muettes.
Le dernier livre dans lequel nous avons trouvé une des-
cription des tableaux en question est l’Académie des
sciences et des arts (1), par Jacques Bullart, vaste compi-
lation assez indigeste, mais qui renferme pourtant de pré-
cieux renseignements. Cet ouvrage fut imprimé en 1682.
Bullart y consacre un article à Roger Van der Weyden, et
dit en parlant des peintures que cet artiste exécuta pour
le magistrat de Bruxelles, qu'il « eust pu difficilement
» choisir en toutes les histoires des sujets plus dignes de
» son pinceau, et plus capables de porter les esprits à la
» révérence de la justice; et l’on eust pu, — ajoute-t-il, —
» difficilement trouver parmy tous les peintres un peintre
» capable de les représenter si parfaitement que luy. »
Tel est le jugement de l’écrivain qui décrit les sujets des
tableaux de la manière suivante. Quelque long que soit
cet extrait, il est nécessaire de l’insérer pour mettre sous
les yeux du lecteur toutes les pièces du débat que nous
avons entrepris de décider. Voie le texte de Bullart :
« L'on voit dans le premier de ces tableaux une action
» juste que l’empereur Trajan fit lorsqu'il marchoit, à la
» teste de son armée, contre les Daces. Tout ce que la
» douleur à de plus sensible semble plaider en faveur
» d’une femme, qui, prosternée à ses pieds, luy demande
» justice contre un soldat qui a tué son fils. La sévérité
» rend le visage de ce prince redoutable : il se laisse pour-
=» tant fléchir aux importunitez de cette mère affligée, et
» fait venir le soldat meurtrier, qui porte l’image de son
» crime et celle de la mort empraintes sur son visage :
(A) T. IL, p. 388.
ce
le bourreau s'approche de luy avec une mine farouche,
et se prépare à exécuter l'arrêt de mort prononcé contre
ce criminel.
-» Le sujet du second tableau est tiré du livre de saint
Jean Damascène. Le pape saint Grégoire le Grand est
à genoux devant un autel, tenant en ses mains la teste
de ce prince équitable, que l’on à ürée de son urne, et
qui à encore les lèvres vermeilles et entières : il prie
avec ferveur pour sçavoir la raison de cette merveille,
et apprend, par révélation, que cette conservation mira-
culeuse a esté accordée à Trajan pour récompense de
sa justice. Il est accompagné de quelques prélats, qui
ne paroïissent pas moins étonnez de ce prodige.
» On diroit que le peintre a réservé ses derniers efforts
_ pour mettre dans le troisième tableau tout ce qui peut
inspirer l'horreur d’un crime. Vous voyez sur un lit de
pourpre un homme, qui, à la pâleur de son visage et à
son corps exténué, témoigne d’estre affoibly par la ca-
ducité de son âge et par une longue maladie : néant-
moins la colère doñnant force aux membres débiles de
ce vieillard , il se soulève à demy nud, et tient, empoi-
gné par les cheveux , un jeune homme de bonne mine,
qui paroist estre en la vigueur de ses années : ses yeux,
qui sont peints des couleurs de la mort, n’ont point
d'autre feu que celuy de. son indination : il grince les
dents, et son action donne de l’effroy : car 1l enfonce
avec violence un couteau dans la gorge de ce malheu-
reux ; et l’on voit bien que la blessure est mortelle,
parce que, quelques efforts qué ce jeune homme fasse
pour parer ce coup de sa main, il ne peut empêcher
qu'il ne luy traverse le gozier, et qu’il ne luy tranche le
passage de la respiration. Il n’y a personne qui, à voir
»
(087)
cette catastrophe , ne pense d’abord que ce vieillard 1m-
pitoyable est le criminel, et que celuy qui succombe
sous sa main meurtrière est l’innocent et l’oppressé;
mais voicy la vérité de l’histoire. Archambaut, prince de
Brabant, ayant appris que son neveu et son successeur
avoit violé une jeune fille, ordonna aux juges de luy
faire son procez et de le punir selon la rigueur des
loix ; mais ces hommes foibles et corrompus dissimulè-
rent ce crime, parce que le criminel estoit l’unique héri-
tier de l’Estat, et sur le point de succéder à son oncle.
Cette impunité fut si sensible à Archambaut, qu'après
avoir caché son indignation quelques jours, sentant qu'il
tiroit à sa fin, il fit venir le jeune prince auprès de son
lit, comme pour luy parler de sa succession, et Le saisis-
sant par les cheveux, luy coupa la gorge pour expier
par son sang l’énormité de son crime.
» Le quatrième tableau est un miracle de l’art, qui re-
présente un miracle de la grâce. Un évêque paroist
auprès du lit du mesme Archambaut, revêtu des orne-
mens sacerdotaux, et accompagné de quelques prestres :
il conteste avec ce prince mourant, et luy refuse le via-
tique, parce qu’il ne veut point se repentir du meurtre
de son neveu: vous diriez mesme, par un certain dé-
tour qu'il fait, qu’il veut sortir de la chambre; mais il
est retenu par un domestique du prince, pour voir la
sainte hostie qu'Archambaut luy montre sur sa lan-
gue : l’évêque interdit ouvre le ciboire, et voit avec
admiration qu'elle en est sortie miraculeusement pour
passer en la bouche de cet homme juste, en signe que
le ciel approuve la justice qu’il a exercée. »
Telles sont les appréciations que nous avons trouvées
consignées dans les livres du seizième et du dix-septième
( 69 ):
siècle : elles sont, on le voit, unanimes quant au mérite
des œuvres de l’artiste. Quant aux sujets, 1s ont été re-
produits fréquemment par les peintres du moyen âge et de
la renaissance : c’est ainsi que la confrérie du Saint-Sacre-
ment, établie dans l’église Saint-Pierre, à Louvain, fit
exécuter, en 1515, par un haute-lisseur de Bruxelles , une
tapisserie représentant l’épisode de Herkinbald, d’après
le carton d'un peintre de la même ville (41). Cette ten-
ture est conservée aujourd’hui au Musée d’antiquités, à
Bruxelles (2).
En classant, il y a peu de jours, des notes qui doivent
servir à compléter notre mémoire sur l'histoire de la tapis-
serie de haute lisse, il nous vint dans l'esprit de confron-
ter les descriptions que les écrivains nous ont transmises
des quatre tableaux de Roger Van der Weyden, avec Îles
tapisseries de Berne publiées en gravure, en 1838, dans
l'ouvrage de M. Achille Jubinal, intitulé : les Anciennes
tapisseries historiées, et dont quelques sujets sont éga-
lement tirés des histoires légendaires de Trajan et de Her-
kinbald. Nous fûmes frappé des rapports existants entre
ces reproductions et les textes de Calvete de Estrella, de
Nan Mander et de Bullart. Les tapisseries, au nombre de
dix, que possède la cathédrale de Berne, proviennent en
partie des dépouilles dont les Suisses se sont emparés dans
les batailles de Granson et de Morat, en 1476, sur Charles
le Téméraire et son armée. Ces trophées célèbres sont
gardés comme de saintes reliques dans la sacristie de
(4) Van Even, Louvain monumental , pp. 180 et 312.
(2) M. A. Wauters en a donné la description dans sa notice intitulée :
Roger Vanderweyden, ses œuvres , ses élèves et ses descendants. Bruxel-
les, 1856, p. 69.
(70 )
l’église : ce sont de vastes et magnifiques tentures. Trois
d’entre elles reproduisent les tableaux de Roger Van der
Weyden : elles ont ensemble vingt-six pieds de longueur
sur treize pieds six pouces de hauteur. Dans le haut de
chaque tapisserie se voit un écusson coupé d’azur et d’ar-
gent, ou peut-être d'argent au chef d'azur, ce qui doit faire
supposer qu’elles ont appartenu à quelque riche et puissant
seigneur de la cour de Bourgogne, et non pas au due lui-
même (1). Nous n’avons pas du reste trouvé la moindre
mention de ces tapisseries ni dans les comptes des officiers
de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, n1 dans les
inventaires des meubles de ces princes.
Nous n’avons pas vu les tentures de Berne, nous pour-
rions les décrire d’après les gravures de l'ouvrage de
M. Jubinal, mais la description qu’en a faite sur place cet
écrivain sera toujours de beaucoup préférable à la nôtre
par l'élégance de la forme et certains détails d'appréciation
que la vue des originaux peut seule inspirer. Nous em-
pruntons done à M. Jubinal les APE suivants :
» Sur le premier plan, nous voyons à gauche la femme
» dont parle la légende, aux genoux de Trajan. Elle est
» vêtue comme l’étaient les femmes du peuple du quin-
» zième siècle, c’est-à-dire qu’une espèce de capuchon
» couvre sa tête. Devant elle est Trajan à cheval, la
» couronne d’empereur en tête. Ce prince est couvert
» d’une armure en fer battu et chaussé à la poulaine. Il
(1) On trouve dans Maurice, le Blason des armoiries de tous les cheva-
liers de l’ordre de la Thoison d'or ; 1667, p. 134, que la famille allemande
Lupff ou Lupfen portait un éeu coupé d’azur et d'argent. Il est peu pro-
bable qu'il s'agisse ici d'elle. M. Jubinal dit aussi avoir fait d’inutiles
recherches pour retrouver à quelle famille appartinrent ces armoiries :
nous n’AVONS pas été plus heureux que cet écrivain.
»
»
CE)
porte de longs éperons dont la mollette est très-grosse.
Son cheval est très-richement harnaché.
» Derrière lui, à cheval également, est une troupe
nombreuse de soldats, tous armés en guerre, la tête
» couverte du casque appelée bourguignote et revêtus
d'armures. Il faut remarquer dans leur accoutrement
plusieurs choses, savoir : absence d’oreillères à leurs
casques ; ensuite la présence, pour tout panache, d’une
plume flottant au-dessus de leur tête, ce qui prouve
qu’on ne portait pas encore les énormes plumets retom-
bant jusqu’à la moitié du corps dont on se chargea plus
tard ; enfin le gorgerin qui, chez la plupart d’entre eux,
est en fer battu , chez quelques-uns pourtant en mailles.
» Dans le lointain, sur le dernier plan de la tenture, on
aperçoit quelques maisons, quelques forteresses entou-
rées d'arbres.
» La droite de notre tapisserie est occupée par la se-
conde scène que décrivait la légende, c’est-à-dire par la
justice sommaire de l’empereur. ie
» Trajan est descendu de cheval; 1l est debout, tenant
une hache à la main. Derrière lui se voient deux sol-
dats qui lui servent de gardes; l’un est armé d’une
longue hache, l’autre d’une large épée. Sur le premier
plan, l’auteur de la mort injuste du fils de la veuve est
à genoux, les yeux bandés, les mains liées, la tête dé-
pouillée de son casque qui gît à terre à son côté. Le
bourreau est là aussi, vêtu de cet habit étriqué et cou-
leur de sang qui marque sa profession. Il tient à la main
une longue épée et s'apprête à faire tomber la tête du
coupable. :
» Autour de ceite scène sont groupés un assez bon
nombre de spectateurs, qui tous sont fort saisis de terreur
(72)
» ou de pitié. Plusieurs, qui semblent être des conseil-
» lers de Trajan, portent le costume civil, c’est-à-dire une
» sorte de tunique richement ornée et décorée d’hermines
» aux hanches, au col et à l'extrémité inférieure. Leur
» chaussure consiste en souliers à la poulaine ,’et à la
» ceinture de l’un d’eux pend un poignard dont la garde
> est richement ciselée.
» Les cavaliers qu’on aperçoit derrière ce groupe mon-
» tent des chevaux enharnachés avec luxe, et portent pour
» armes de longues lances dont quelques-unes sont ornées
» de flammes. Au milieu de la tapisserie, on voit également
» un drapeau sur lequel est peinte l'aigle à deux têtes.
» Notre planche 3 offre, en deux compartiments,
» séparés par une colonnette, la suite de lhistoire de
» Trajan. Dans la première partie, nous voyons le pape
» Grégoire à genoux, priant Dieu dans une église devant
> une image de saint Pierre, posée au-dessus d’un autel;
» dans la seconde, nous retrouvons le même personnage,
» suivi de cardinaux, accompagné de prêtres et d’un
» jeune seigneur en manteau fourré d'hermines, se faisant
» apporter sur un plat la tête de Trajan, qui, malgré le
» long espace écoulé depuis la mort de ce prince, avait
» conservé sa langue intacte, parce que celle-ci avait été
» le principal acteur dans la belle action tant admirée par
» le pape Grégoire. Il faut remarquer dans cette portion
» de la tapisserie, outre le type particulier des physiono-
» mies, la richesse de l'architecture et la beauté de l’or-
» nementation qui surmonte l’église. »
La première de ces compositions est formée de vingt-
sept figures, dont huit sont à pied. En comparant l’expli-
cation du sujet représenté dans la seconde partie de cette
tenture avec la description de Calvete de Estrella, on voit
(78)
que, tout en décrivant exactement la scène, l’auteur es-
pagnol ne l’a pas comprise. La seconde composition com-
prend quatorze figures. On ne saurait trouver une analogie
plus complète, plus exacte entre les descriptions des ta-
bleaux de Van der Weyden dont les textes sont insérés
plus haut, et les scènes de la vie de Trajan reproduites en
tapisserie.
Nous continuons à extraire du livre de M. Jubinal le
passage relatif à la troisième tapisserie : « Notre planche
»
>»
>»
>»
»
»
»
n° 4, bien que formant la troisième partie de la deuxième
tapisserie de Berne, offre un sujet différent de celui qui
précède, et n’ayant rapport à aucun trait de Trajan. Il
s’agit d’un certain Herkinbaldus, dont le neveu avait violé
une jeune fille. Herkinbaldus avait ordonné de mettre à
mort le coupable; mais ses officiers, craignant d’être
plus tard victimes de son courroux, s'ils exécutaient cet
ordre, avaient seulement fait cacher le jeune homme.
Au bout de quelques jours, croyant la colère de son
oncle apaisée, celui-ci se montra. Herkinbaldus, qui
était malade et au lit, sembla lui pardonner. Il appela
par de douces paroles; mais lorsque le coupable se fut
approché de lui, le vieillard l’ayant saisi par les che-
veux, le fit périr de sa propre main.
» Tel est le trait que représente la première partie de
notre planche. Il faut remarquer 1ei combien les physio-
nomies sont expressives. Celle du vieillard, celle de la
femme qui pleure auprès du lit, enfin celle d’un officier
qui parait épouvanté de l’action d'Herkinbaldus, sont
rendues avec vérité. Les ornemens des colonnes, ceux
du parquet, ceux du lit, et enfin les longs souliers à la
poulaine que portent les personnages, sont également
dignes d’attention. »
(74)
Îl faut ajouter à ces détails que, dans le fond, par une
fenêtre, un homme et une femme assistent à la tragédie.
Cette première scène de la légende de Herkinbald se com-
pose de cinq figures et la seconde de neuf. Celle-ei est
séparée de la première par une colonnette et représente
la suite de l’histoire. Herkinbald est au lit, à l’article de
Ja mort. Près de lui, suivi de son clergé, se tient un
évêque venu pour lui administrer les derniers sacrements.
Le malade montre au prélat, qui lui a refusé la commu-
nion, l’hostie miraculeusement sortie de la custode pour
aller se placer dans la bouche du moribond. Sur lavant-
plan se tiennent une femme assise et un jeune homme
qui porte la main à son chaperon : il ne retient pas l’évêque
comme l’a eru Bullart. On ne peut omettre de dire ici, pour
compléter la description de M. Jubinal, que, dans la pre-
mière scène, le vieiilard serre effectivement les dents,
selon les témoignages de Van Mander et Bullart; que de la
main gauche 1l tient le jeune homme par les cheveux, et
de la droite lui tranche le cou à l’aide d’un couteau; enfin
qu'aux pieds du lit, on voit un officier dans l'attitude d’un
homme très-épouvanté, détails parfaitement conformes au
texte de Calvete de Estrella. Si l’on tient compte de quelques
phrases inutiles ou amplifications dans le texte de Bullart,
on ne peut s'empêcher de retrouver dans les tentures de
Berne la reproduction fidèle des tableaux de l'hôtel de
ville de Bruxelles. Nous ferons remarquer que les deux
sujets empruntés à la légende de Herkinbald formaient,
dans l’œuvre de Van der Weyden, deux tableaux séparés,
tandis que les deux sujets sont figurés sur une seule tapis-
serie. Pour faire servir à cette fin les compositions créées
par l'artiste, on aura probablement introduit quelques petits
changements dans le dessin et dans l’espace qu'occupait
chaque personnage mis en scène.
F Ï
at tt 3 CAC do ot LS D à dés de GS SX
2
“
L
4
Î
e.
(75)
Ce qui achève de nous convaincre que les trois tapisse-
ries de haute lisse conservées dans la sacristie de la cathé-
drale de Berne reproduisent les tableaux de Van der
Weyden , c’est que les textes latins explicatifs que Cal-
vete de Estrella a copiés d’après les bordures de ces ta-
bleaux et publiés dans son livre avec une traduction
espagnole, sont tout au long et mot pour mot répétés
sous la partie inférieure de chaque tenture, ce dont on
peut s'assurer en confrontant ces textes avec l'ouvrage de
M. Jubinal.
L'écrivain français n’hésite pas à attribuer ces tapisse-
ries au règne de Charles VIT, roi de France, et en effet,
à en juger par les costumes, on ne saurait rejeter la com-
position des scènes. qui sont représentées au delà de l’an-
née 1445.
Les tableaux de Roger Van der Weyden ont vraisem-
blablement été détruits par le bombardement de 1695.
Depuis cette époque, on n’en trouve plus de mention dans
les écrivains. Le Guide fidèle, qui fut publié en 1761, con-
tient un assez long article sur l'hôtel de ville de Bruxelles,
mais il ne dit rien des peintures qui le décoraient. La
méme année, le peintre Mensaert fit paraître son Guide de
l'amateur des tableaux : il décrit (1) les œuvres d’art dont
l'hôtel de ville est orné, « qui ne sont, — dit-il, — que
» les tristes restes des anciens tableaux que l’on y admi-
» roit avant les révolutions et les guerres des Pays-Bas,
» et-surtout avant le bombardement de cette ville, lequel
» a détruit par les flâmes ce que l’on y conservoit de
» nos anciens et fameux peintres. »
EE ——————
(1) Page 112.
( 76 )
Nous ne pouvons abandonner ce sujet sans mentionner
à l'attention des archéologues et des écrivains qui s’occu-
pent de l’histoire artistique, une quatrième tapisserie de
haute lisse, de douze pieds carrés, existante à Berne et
gravée dans l’ouvrage de M. Jubinal. On y retrouve tissés ,
dans la partie supérieure de la tenture, deux écussons
semblables à ceux que l’on voit sur les trois autres tapis :
cette dernière a done appartenu au même propriétaire, et
sans nul doute elle date de la même époque; elle est peut-
être aussi du même artiste. Voici ce qu’en dit l’auteur du
bel ouvrage sur les Anciennes tapisseries historiées :
« Elle représente l’Adoration des Mages. Vers la gau-
» che, on aperçoit devant la crèche, où se repaissent
» l’âne et le bœuf de l’Écriture, un ange à figure gra-
» cieuse, vêtu d’un superbe manteau. Il semble prononcer
» ces mots tracés auprès de lui : Non redietis ad Heroden.
> Aumilieu de cette composition, la Vierge, assise sur son
» lit, tient dans ses bras l’enfant Jésus. Marie porte pour
» coiffure une espèce de capulet adapté à son riche man-
» teau qui lui couvre le corps tout entier et retombe jus-
» qu'à terre. L'ensemble de sa physionomie est plein de
» grâce et d'aménité. La mère de Dieu porte sur son front
» toute la pudeur de la terre et tous les charmes du ciel.
_» Debout, à côté d'elle, sur le plan le plus éloigné, on
» voit un personnage occupé à recevoir les présens que
» lui offre un des rois mages. C’est probablement Joseph.
» Sa physionomie est noble et calme. Il porte une barbe
» assez longue qui contribue encore à donner à sa figure
» une expression de dignité. Quant à l’enfant Jésus , il est
» entièrement nu, une auréole entoure sa tête, et sa phy-
» sionomie est celle d’un gracieux nouveau-né. Il semble
» étonné de voir à ses genoux un vieillard à figure véné-
CR
» rable, vêtu d’un costume éblouissant de dorures, de
» pierrerles, et occupé à lui baiser pieusement- la main.
» Ce vieillard est un des trois Rois. Les autres person-
» nages qui se iennent debout derrière lui, et dont l’un
est coiffé d’une espèce de turban, sont ses compagnons.
Tous deux offrent des présents à Joseph. L'artiste a
essayé de leur donner une physionomie et une attitude
orientales. Le vêtement du premier surtout, qui consiste
en une large robe, non serrée à la‘taille, dénote cette :
intention. »
En terminant nous formons un vœu : que l’administra-
tion communale de Bruxelles fasse calquer avec soin et
reproduire en couleur les tapisseries de Berne, et qu’elle
place ces copies dans une des salles de l'hôtel de ville pour
servir tout à la fois d’ornement et d’objet d'étude. On pour-
rait y ajouter les deux vers qui étaient inscrits, au quin-
zième siècle, au-dessus des œuvres de Roger Van der
Weyden et qu'un religieux de Groenendael nous a con-
servés :
D'ART IN) VON
Corpore defunctum conservet fama Rogerum
Ars cujus post hinc non habitura parem (1).
M. Édouard Fétis exprime ses remerciments à la classe
pour le concours sympathique qu’elle lui a accordé pen-
dant ses fonctions de directeur, et il cède ses fonctions à
M. De Keyser, qui, en prenant place au fauteuil pour 1864,
(1) Voy. la Revue d'histoire et d'archéologie, t. IV, p. 349. Note publiée
par M. C. Ruelens.
(78)
propose des remerciments au directeur sortant; cette pro-
position est vivement accueillie.
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Quetelet (Ad.). — Annuaire de l'Observatoire royal de
Bruxelles, 1864, trente et unième année. Bruxelles, 1863;
in-1 2.
De Ram (P.-F.-X). — Analectes pour servir à l’histoire de
l’Université de Louvain ; n° 27. Louvain, 1864; in-12.
1b.— Annuaire de l’Université catholique de Louvain, année
bissextile 1864. XXVIII®* année. Louvain ; in-192.
Van Beneden (P.-J.). — Discours prononcé à la salle des
promotions le 27 février 1865, après le service funèbre, cé-
lébré en l’église primaire de Saint-Pierre, pour le repos de
l'âme de M. Martin Martens. Louvain, 4863; in-12.
Alvin (L.) et Chauvin (Aug.). — Expositions des travaux
graphiques et plastiques exécutés dans les écoles de Bavière,
de France et du royaume de Wurtemberg, rapports adressés
à M. Alph. Vandenpeereboom, Ministre de l’intérieur. Bruxel-
les, 1863 ; in-8°.
Morren (Édouard). — Remacle Fusch. Sa vie et ses œuvres.
Bruxelles , 1864; in-8°.
Mailly (Ed.). — Essai sur les institutions scientifiques de la
Grande - Bretagne et de l’Irlande, IV. Bruxelles, 1864; in-192.
Scheler (Auguste). — Études étymologiques, 2° et 4e ar-
ticles : Le verbe marcher et les mots français saison et cha-
peler. Bruxelles , 1863 ; in-8°.
Jacobs (Pierre-François).— Etudes anatomiques de l’homme;
dessinées à Rome, publiées et lithographiées par D. Meu-
(79 )
lenbergh. Cinquante planches avec texte en regard. Bruxelles,
1861 ; in-folio.
Belinfante (Isidore) junior. — Histoire populaire de S. M.
Léopold I‘, roi des Belges, résumé. Bruxelles, 18653; in-8°.
Est-il vrai : 1° que des dépenses d'exploitation du chemin
de fer de l’État soient prélevées sur les fonds votés pour la
construction du railway; 2° que l’exploitation des chemins
de fer administrés par le Gouvernement belge ne produise
pas plus de 6,50 p. Jo du capital du premier établissement.
Réponse aux critiques et aux observations du Moniteur des
intérêts matériels. Bruxelles, 1864; in-8°.
Congrès périodique international d’ophthalmologie. Comptes
rendus des sessions de Bruxelles (1857) et de Paris (1862);
publié, au nom du bureau , par le D' Warlomont. Paris, 1858-
1865; 2 vol. in-8°.
. Collection de mémoires sur l’histoire de Belgique. À VIIT"*
soècle : — Galesloot (L.). — Procès de François Anneessens,
doyen du corps des-métiers de Bruxelles, publié avec notice
et annotation, tome second. Bruxelles, 1863; in-8°.
Comanissions royales d’art et d'archéologie. — Bulletin
T° année, septembre à décembre 1863. Bruxelles ; 2 broch.
in-8°.
Revue de l’administration et du droit administratif de la
Belgique, 10° añnée, tome X, AOme, 41m et 19° livr. Liége,
1865 ; in-4°.
Annales de médecine vétérinaire, XIXI"* année, À à 5 ca-
hiers. Bruxelles , 1864 ; 5 broch. in-8°.
Le progrès par la science, journal politique, industriel et
. commercial, 2° année , n° À à 51. Bruxelles, 1864 ; 51 feuilles
in -4°.
Revue trimestrielle, publiée sous la direction de M. Eugène
Van Bemmel. Deuxième série, 1% volume. Bruxelles, 1864;
in-12. |
( 80) |
L’Abeille, revue pédagogique publiée par Th. Braun, IX”°
année, 10° à 12%: livr. Bruxelles , 1865 ; 2 broch. in-8°.
Société d’émulation pour l’étude de l’histoire et des antiquités
de la Flandre. — Annales, tome XII, 2% série, n° 1. Bruges,
1862-1863; in-8°.
Journal historique et littéraire, tome XXX, liv. 10. Liége,
1864; broch. in-8°.
Exposition universelle de Londres en 1862. Documents et
rapports, tome IT, 2°° partie. Bruxelles, 1865; gr. in-8°.
Annales de l’électricité médicale ; publiées sous la direction
du docteur H. Van Holsbeek, IV*° volume, 4°° année, n°‘ 10
à 12. Bruxelles, 1864; 5 cah. in-8°.
Annales de la Société médico-chirugicale de Bruges, 2° sé-
rie, t. XI, décembre. Bruges, 1863; broch. in-8°.
Annales de la Société de médecine d’Anvers, XXIV”:° année,
novembre et décembre 1865. Anvers, 1865; in-8°.
Tijdschrift voor entomologie, onder redactie van prof. J.
Vander Hoeven , M. S. C. Snellen van Vollenhoven en D" J. A.
Herklots. VI deel, 5-6 stukkes. Leide, 1863; in-8°.
Aoust (l’abbé), — Recherches sur les surfaces du second
ordre, 1"° partie. Marseille, 1863 ; in-8°.
Chatel (Victor). — Recherches sur la nature et les causes de
la maladie des pommes de terre en 1845, pes P. Harting.
Caen, 1864; in-8°.
Morin (A.-S.). — Dissertation sur la mie Virgini pari-
turae d’après laquelle les druides, plus de cent ans avant la
naissance de Jésus-Christ, auraient rendu un culte à la vierge
Marie et lui auraient élevé une statue et consacré un sanc-
tuaire sur l’emplacement actuel de la cathédrale de Chartres.
Paris, 14863; in-8°.
re,
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1864. — No 2.
6 E—
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 6 février 1864.
M. ScHaar, président de l’Académie.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Wesmael, Kickx, Stas, De Ko-
ninck, Van Beneden, de Selys-Longchamps, le vicomte
B. Du Bus, Nyst, Gluge, Nerenburger, Melsens, Liagre,
Duprez, Brasseur, Poelman, Dewalque, Ern. Quetelet,
membres; Schwann, Lamarle, associés; Morren, corres-
pondant.
M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste
à la séance. |
2° SÉRIE, TOME XVII. 6
82)
CORRESPONDANCE.
L'Académie apprend avec douleur la mort de M.le baron
Plana, l'un de ses associés. Ce géomètre distingué est
décédé à Turin, le 20 janvier dernier, dans sa quatre-
vingt-troisième année.
— M. Kickx communique, pour l'Annuaire de l’Aca-
démie de 1864, les paroles qu’il a prononcées sur la tombe
de son confrère , M. Cantraine, et fait espérer, pour le pro-
chain Annuaire, une notice plus détaillée sur la vie et les
travaux du savant que la Compagnie vient de perdre.
— M. le Ministre de l’intérieur à transmis, depuis la
dernière séance, l’arrêté royal qui approuve lélection faite
par la classe de M. Ernest Quetelet comme membre titu-
laire.
— La Bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg pro-
pose à l’Académie un échange de publications, qui est
accepté.
— L'Académie pontificale des Nouveaux Lyncées de
Rome envoie le programme de son concours pour la fin de
mars 1865. Elle pose, entre autres, la question « Sur les
lignes isothermiques de litalie, de ses mérs et des îles
adjacentes. » -
— M. de Selys- Longehamps, membre de l’Académie,
présente ses observations sur les phénomènes périodiques
du règne animal, faites à Waremme et à Liége en 1863.
_M. Kickx dépose les observations semblables, faites à la
( 85 ) :
. même époque , à Ostende , par M. Ed. Landszweert; M. Ri-
gouts Verbert transmet ses observations pour Anvers, et
M. Alf. Wesmael pour Vilvorde.
— M. Liagre, membre de l’Académie, présente une
note Sur une question du jeu du domino. (Commissaires :
MM. Lamarle et Schaar.)
M. Gilbert, professeur à l’Université de Louvain, adresse
une notice Sur l’intégration des équations de la dynamique.
(Commissaires : MM. Timmermans , Lamarle, Schaar.)
— La classe des lettres demande à la classe des sciences
d’adjomdre deux membres à la commission, déjà com-
posée de MM. Snellaert, de Ram et De Smet, pour juger
la question du concours de Stassart, relative à la biogra-
phie de Van Helmont et à l'exposé critique des travaux
de ce savant.
La classe des sciences désigne MM. Stas et Spring.
RAPPORTS.
Note sur les tremblements de terre en 1862, avec sup-
pléments pour les années antérieures; par M. Alexis
Perrey. k
apport de PA. Peprez,
« M. Perrey continue à s'occuper activement de tout ce
qui concerne les tremblements de terre, et il est secondé
-dans ses efforts par un grand nombre de savants. Le mé-
moire qu'il présente aujourd’hui à l’Académie en est une
( 84)
nouvelle preuve; on y trouve tous les renseignements qu’il
a pu recueillir. sur les tremblements de terre ressentis en
1862, et sur ceux qui se rapportent aux années anté-
rieures et qui n'avaient point été indiqués dans ses pré-
cédents catalogues. Je pense que ce travail du savant
Français a un intérêt scientifique réel, et j’ai l'honneur
d'en proposer l'insertion dans un des recueils de l’Aca-
démie. »
Rapport de M. Ad. Quetelet.
« Depuis une vingtaine d'années, l’Académie a favora-
blement accueilli les mémoires de M. Perrey sur les trem-
blements de terre. Elle a encouragé cette étude pémible
et facilité à ce savant habile les, moyens de se mettre en
relation avec les principaux physiciens qui s'occupent de
ce genre de phénomènes sur les points les plus importants
du globe. Les matériaux que M. Perrey a réunis avec tant
d'activité et de talent permettront sans aucun doute d’étu-
dier plus facilement quelques problèmes encore peu con-
nus sur les mouvements intérieurs de notre globe, et l’on
verra avec reconnaissance l’appui que l’Académie a donné
à la publicité de ces utiles travaux. Je me joins à mon col-
lègue, M. Duprez, pour demander à la classe de continuer
à prêter ses moyens de publication à l’auteur, dans un in-
stant surtout où l'attention des physiciens est tournée vers
les grands problèmes de la structure de notre univers. »
Conformément aux conclusions des deux rapports qui
précèdent, le travail de M. Alexis Perrey sera imprimé
dans la collection in-octavo des Mémoires académiques.
(85)
Sur quelques propriétés des polygones réguliers, par
"M. Vander Mensbrugghe.
HBapport de M. Timmermans.
. « Depuis longtemps on avait fait la remarque que la
somme des projections sur un axe des côtés d'un polygone
quelconque fermé est égale à zéro. M. Vander Mens-
brugghe a cherché à généraliser ce théorème en l’étendant
à la somme des puissances d’un ordre quelconque de ces
mêmes projections, dans le cas d’un polygone régulier et
d’un axe renfermé dans son plan. Ses recherches l’ont con-
duit à plusieurs résultats intéressants et d’une extrême
simplicité. Ainsi il fait voir
1° Que la somme des carrés des projections est indé-
pendante de la position de la droite et qu'elle est égale à
la moitié du carré de l’un des côtés multiplié par le nom-
bre des côtés ;
2° Que la somme des puissances impaires D lonques
de ces projections est toujours nulle;
3° Et que la somme des puissances paires #» des projec-
tions des côtés d’un polygone régulier de n côtés est égale
au rapport du produit des nombres impairs inférieurs à #2,
au produit des nombres pairs jusqu’à » multiplié par le
nombre de côtés et par la puissance » de ce côté.
La démonstration de ces résultats et de quelques autres
qu'il indique dans sa note sera lue avec plaisir par les
personnes qui s'occupent d'analyse géométrique, et J'ai
l'honneur de proposer à la classe de l’insérer dans ses Bul-
letins. »
D'après ces conclusions, appuyées par M. Brasseur, se-
( 86 )
cond commissaire, la note de M. Vander Menshrueess
sera insérée dans Fe Bulletins.
Quelques mots à propos des aérolithes tombés en Brabant,
le 7 décembre 1863, par M. Armand Thielens.
HBapport de M. Dupr'ez.
« L'auteur commence sa note par un aperçu historique
de la première chute d’aérolithes que l’on à constatée; 1
parle successivement de l’aspect et de la forme générale
que présentent les pierres météoriques, de leur compo-
sition chimique, des phénomènes lumineux qui accompa-
gnent souvent leur apparition, des hypothèses que l’on a
faites sur leur origine, et il termine en rapportant les
renseignements qu'il a recueillis au sujet de la chute des
aérolithes dans le Brabant, le 7 décembre 1863.
Si l’on excepte ces derniers renseignements, la note de
M: Thielens ne renferme, à mon avis, aucun fait qui soit
de nature à être imprimé par l’Académie. Tout ce qu’il dit
_de la forme, de la composition chimique et des autres phé-
nomènes des pierres météoriques en général n'étant que
la reproduction de ce qui se trouve dans la plupart des.
ouvrages de météorologie. En conséquence, j'ai l'honneur
de proposer à l’Académie de remercier l’auteur pour sa
communication. »
Les deux autres commissaires, MM. Ad. Quetelet et Van
Beneden, partagent le même avis. Conformément aux con-
clusions des rapporteurs, la notice de M. Thielens sera
( 87)
déposée aux archives , et des remerciments seront adressés
A
à l’auteur pour sa communication.
D’après un rapport verbal de MM. Schaar, Brasseur et
Lamarle, on imprimera, dans les Bulletins, une notice de
M. Lindelof, professeur à l’université d’Helsingfors, con-
cernant la manière de distinguer le maximum et le mini-
mum dans les problèmes du calcul des variations.
Détermination de la quantité de potasse et de soude conte-
nue dans les potusses du commerce, par M. P. Esselens.
Rapport de MF. J.-S. Slas.
« Pour peu qu’on soit au courant de l’analyse minérale,
on ne sait que trop quelles difficultés présente le dosage
exact du potassium et du sodium, lorsque ces deux mé-.
taux se trouvent mélangés à l’état de carbonates, de sul-
fates et de chlorures métalliques. Ces difficultés expliquent
le grand nombre de méthodes successivement recomman-
dées par les chimistes pour la détermination de la quantité
de ces bases dans les potasses du commerce.
Dans la note que M. Esselens soumet au jugement de
l’Académie , il mentionne la plupart de ces méthodes, en
indiquant ce qu’elles laissent à désirer, soit sous le rap-
port de la facilité de Pexéeution, soit au point de vue de
l'exactitude du résultat auquel elles conduisent. I fait con-
naître ensuite un nouveau moyen de détermination qu'il a
( 88 )
imaginé et que depuis longtemps déjà il a soumis à l’ex-
périmentation. Ce moyen repose sur la transformation du
potassium en tartrate monopotassique (crème de tartre), à
l’aide d’une solution saturée de tartrate monosodique et
de tartrate monopotassique. L'idée de doser le potassium
à l’état de tartrate monopotassique n’est pas nouvelle;
mais on sait que le moyen conseillé pour opérer cette con-
version échoue dans son application. En effet, lorsqu'on
précipite à l’aide d’un excès de solution alcoolique d’acide
tartrique la solution d’un mélange d’un composé de po-
tassium et de sodium, le tartrate monopotassique produit
renferme toujours du tartrate monosodique. Le poids de la
crème de tartre obtenue est donc toujours trop considéra-
ble; mais il n’y à aucun motif pour que cette cause d’erreur
se présente dans la méthode telle que M. Esselens la décrit :
dans sa note. Une seule erreur peut se produire, et celle-
ci l’auteur la signale en donnant en même temps le moyen
de la corriger. Elle provient de ce que la solution des com-
posés alcalins qu'il s’agit de transformer en tartrate mono-
potassique n’est pas saturée de ce sel, tandis qu'après sa
transformation, elle l’est aux dépens d’une partie du tartrate
.monopotassique qui a pris naissance. Du reste, le seul moyen
équitable d'apprécier une méthode d’analyse consiste à la
soumettre à l’épreuve de lexpérience : c’est le parti que
j'ai pris. |
A cet effet, J'ai dissous 4,123 de chlorure de potas-
sium pur dans 15 centimètres cubes d’eau. Après le refroi-
dissement du liquide jusqu’à 6°, J'ai additionné la solution
de 250 centimètres cubes de solution saturée à 6° de tar-
trate monosodique et de tartrate monopotassique. Après
dix-huit heures de repos dans un lieu dont la température
avait varié de 5° à 6°, J'ai filtré le liquide, dont la tempé-
( 89 )
rature était 5°,8 , au travers d’un tampon de coton feutré
contenu dans un long tube effilé; le poids du tube effilé
et du coton séché avait préalablement été déterminé. J'ai
lavé ensuite, à dix reprises différentes et par décantation,
la crèmé de tartre avec une solution saturée à 6° du même
sel pur, en faisant passer chaque fois le liquide de lavage
au travers du coton. Enfin j'ai imtroduit le sel dans le tube
même, où je l’ai lavé le plus soigneusement possible par
la même solution. Le lavage accompli, le poids-du tar-
trate monopotassique humide a été de 15%,625,5. Séché
d’abord à 100° et ensuite à 110°, son poids stationnaire a
été ramené à 105,409. Il s’est donc volatilisé 55,216,5
d’eau, qui, d'après la courbe de solubilité déterminée par
M. Esselens, ont dù laisser 0%,018,5 de crème de tartre
avec celui provenant du chlorure de potassium. Retran-
chant ce poids de 10°",409 constaté, 1l reste 105",390,5 de
tartrate monopotassique produit par les 4,193 de chlo-
rure de potassium soumis à l’expérience. Mais, d’après le
caleul, cette quantité de chlorure représente 10%,399 de
crème de tartre; il n’y a done entre la quantité trouvée et
la quantité calculée que = de différence, ce qui est une
approximation très-grande et que bien peu de méthodes
d'analyse permettent de réaliser.
Il est donc certain que le moyen de dosage du potassium
imaginé par M. Esselens peut donner d’excellents résultats
entre des mains exercées. Mais, il faut le reconnaître, ce
moyen offre un côté délicat, comme c’est d’ailleurs le cas
pour tous les procédés d'analyse reposant sur l’emploi de
liqueurs saturées. La sursaturation à laquelle celles-ci sont
sujettes constitue , en effet, une cause d’erreur que les plus
habiles ne sont pas toujours certains d'éviter.
Cependant, quelque délicat que soit son emploi, cette
(90 )
méthode, appliquée à la détermination du titre des po-
tasses du commerce, fournira plus promptement des ré-
sultaits exacts que n'importe quel procédé actuellement
employé. Elle à surtout le grand avantage d’être appli-
cable au mélange de tous les sels solubles de potassium
et de sodium, tandis que le seul moyen rigoureux connu
aujourd’hui, la transformation du potassium en chloro-
platinate, exige impérieusement la conversion préalable à
l’état de chlorure de tous ces sels mélangés. Or la conver-
sion, sans perte de poids, du sulfate de potassium et de
sodium en chlorure, est une opération des plus chanceuses.
Au point de vue de la détermination du titre des po-
tasses qui est, du reste, le seul problème que M. Esselens
a tenté de résoudre, la méthode qu’il à trouvée constitue
un perfectionnement réel et important. Son travail d’ail-
leurs dénote une connaissance parfaite des difficultés qu'of-
frent les recherches analytiques effectuées sur les alealis.
En conséquence de ce qui précède, j'ai honneur de
proposer à l’Académie d'imprimer le travail de M. Esse-
lens dans le bulletin de la séance, et de lui voter des re-
merciments. » j
Rapport de M, De Koninck.
« Je me joins à mon savant confrère, M. Stas, pour
proposer à l’Académie l’impression de la note de M. Es-
selens et pour demander qu’elle lui vote des remerciments
pour la communication de ce travail. »
Conformément aux conclusions des commissaires, la
note de M. Esselens sera imprimée dans les Bulleisié et
des remerciments seront adressés à l’auteur. x
(EM)
Notice sur le marbre noir de Bachant, par M. Edouard
Dupont.
Rapport de M, d’'Omalius d’ EH alloy.
« L'Académie se rappellera que M. Dupont lui a présenté,
en 1862, un mémoire dans lequel il annonçait existence,
dans le calcaire carbonifère de notre pays, de six assises
successives qui se distinguent par leurs faunes et, jusqu'à
un certain point, par leurs caractères minéralogiques. Parmi
les appréciations locales contenues dans cet intéressant
travail, il y en avait une qui ne s’accordait pas avec la
manière de voir consignée dans le savant mémoire de
M. Gosselet sur les terrains primaires de la Belgique, etc.
Notre jeune compatriote, sentant qu’il était nécessaire de
s'éclairer à ce sujet, a étudié de nouveau le gîte qui avait
donné lieu à cette divergence d'opinions, et il a reconnu
qu’elle n’était qu'apparente, attendu que les marbres noirs
exploités à Bachant appartiennent à deux assises (celle
n° 2 ou d'Avesnelles , et celle n° 5 ou de Namur); or, cette
distinétion avait échappé aux premières observations des
deux géologues, et tandis que M. Gosselet n’avait remarqué
que l’assise n° 5, l’assise n° 2 avait seule été reconnue par
M. Dupont. Celui-ei donne à cette occasion de nouveaux
détails qui forment le complément de son premier mé-
moire, de sorte que je n'hésite pas à proposer à la classe
d’ordonner l'impression, dans les Bulletins, de la notice
qui fait le sujet du présent rapport. »
(92)
Htapport de M, &. Deualque.
« Je me Joins volontiers à M. d'Omalius pour proposer
l'insertion aux Bulletins de la notice de M. Ed. Dupont,
mais Je dois dire que je ne suis nullement convaincu de
l'exactitude générale de sa doctrine des lacunes, et que le
travail que je viens de lire a plutôt fortifié mes doutes. »
Conformément aux conclusions des rapports qui pré-
cèdent, la notice de M. Dupont sera imprimée dans les:
Bulletins.
Sur un chronographe électro -balistique, Mémoire de
M. P. Le Boulengé, lieutenant d'artillerie.
FBapporti de M. Melsens.
« Le mémoire de M. Le Boulengé que la classe a renvoyé
à notre examen est redigé en termes simples, nets et
concis; il est précédé d’une courte introduction dans la-
quelle l’auteur commence par rendre justice à M. le major
Navez. Cet officier en effet a donné, le premier, à l’artllerie
un appareil remplissant toutes les conditions exigées pour
être utilement employé aux recherches balistiques : on
sait que les essais faits en Angleterre, en France, en
Allemagne par des savants illustres, par des militaires
distingués, aidés d'ingénieurs et de fabricants habiles,
avaient laissé sans solution pratique la question de la dé-
terminalion des vitesses des projectiles pour tous les cas
possibles, tant pour les armes portatives que pour les
armes de fort calibre turant sous des angles variables.
(95 )
Ce fut en 1848 que M. le major Navez proposa son ap-
pareil, et, dès 1849, il fut adopté par notre artillerie, dont
l'exemple fut suivi par celle de la plupart des puis-
sances étrangères. Le mérite de la découverte de notre
savant compatriote a été assez apprécié pour que nous
puissions nous dispenser d'appeler lattention de l’Aca-
démie sur son remarquable appareil; qu'il nous suffise de
dire qu'il est encore aujourd’hui le seul instrument dont
l'artillerie se sert avec confiance, malgré les tentatives
nombreuses, remarquables même, faites dans divers pays.
À notre connaissance du moins, rien n’a été publié au
point de vue de la pratique, seul terrain sur lequel on doit
se placer dans cette difficile question. |
Le cadre de ce rapport ne nous permet pas de compa-
rer entre eux les divers systèmes de chronographes, et
nous sommes obligé d'éviter d'entrer dans des détails sur
les chronographes à mouvement d’horlogerie munis d’ap-
pareils électro-magnétiques avec ou sans l'intervention de
l’étincelle d’induction; celle-ci a été appliquée à l’appareil
de M. Navez; l’étincelle d’induction et le diapason réunis
ont été proposés; mais si quelques-uns de ces appareils
marchent , les résultats de tir n’ont pas encore été publiés;
nous devons, en attendant, nous borner à rendre hom-
mage aux tentatives et aux travaux des expérimentateurs
habiles qui s’en occupent.
Une liste bibliographique assez complète des travaux
qui ont trait à la mesure de temps très-petits, et particu-
lièrement à cette mesure en vue des travaux balistiques,
est jointe à notre rapport.
(94)
Appareil de M. Le Boulengé.
Il suffit de lire dans le mémoire de M. Le Boulengé la
description de toutes les pièces de l'appareil pour en com-
prendre parfaitement l’ensemble et le jeu, et voir com-
ment du mouvement connu de la chute libre d’un corps
on déduit exactement un temps infiniment petit. Il ne
s’agit, en effet, que de mesurer exactement la distance
entre deux traits qui se marquent sur l'appareil, et l'on
peut éloigner ceux-ci à volonté , de facon à lire un temps
très-court sur une échelle amplifiée.
Une tige d’acier, portant deux cartouches de papier
fixés à frottement et placés à une hauteur repérée, est sus-
pendue à un électro-aimant qu’active le courant d’une pile
de quelques éléments de Bunzen; les pôles de cette pile
sont réunis par des fils conducteurs de cuivre tendus sur
un premier cadre-cible ; le projectile en passant par ce
cadre ouvre le courant, et la tige n'étant plus soutenue,
tombe librement. Si la chute de la tige que nous appel-
lerons le chronomètre se produisait instantanément, lors
de la rupture du circuit, nous aurions toujours le moment
exact de l’origine du mouvement; mais il n’en est malheu-
reusement pas ainsi : l’énergie de la pile peut changer d’un
instant à l’autre; la résistance que les fils, de longueur,
de diamètre et de nature différents, opposent à la désai-
mantation fait varier ce temps en plus ou en moins, dans
des limites telles que sa détermination est impossible la
nature du fer doux de l’aimant, qui garde plus ou moins d’ai-
mantation à chaque rupture du courant, complique encore
les erreurs dont 1l est, du reste, impossible de tenir compte.
Dans cet état, l'expérience donne des résultats tout à fait
erronés. M. le major Navez l’a parfaitement prouvé.
"ve
(95 )
Pour parer à cet inconvénient, M. Le Boulengé opère
avec un électro-aimant sur lequel sont enroulés deux fils
en sens inverse. Le premier fil communique à l’électro-
aimant un pôle positif très-énergique, tandis que le second
lui communique un pôle négatif faible , et le chronomètre
n’est mamtenu que par le magnétisme prédomimant du
premier courant ou du premier fil. Lorsqu'on ouvrira le
Circuit du premier fil la désaimantation se fera brusque-
ment, l’électro-aimant changeant de pôle dans des con-
_ ditions toutes particulières. Pour se mettre à l'abri de la
réglementation des courants, opération difficile, minu-
tieuse, capricieuse, provenant de deux piles, M. Le Bou-
- lengé emploie la même pile pour obtenir les deux courants.
A cet effet un fil dérivé en communication avec les pôles
de la pile, active le courant dérivé que nous nommerons
courant inverse; de cette façon, au moment de la rupture
du premier circuit, toute l’énergie de la pile se portant
sur le fil du courant imverse, le pôle de celui-ei acquiert
une énergie d'autant plus grande pour détruire le premier
état que ce premier état était plus énergique lui-même ; 1
résulte de ces dispositions que si le premier courant est
de nature à laisser le contact subsister plus longtemps, par
suite du magnétisme rémanent, le courant inverse aura
une énergie relative exactement plus forte pour le détruire.
Le chronomètre de M. Le Boulengé, c’est-à-dire l’arma-
ture de lélectro-aimant, est en acier et possède un pôle
magnétique permanent; l'extrémité, destinée à être mise
en contact avec l’électro-aimant , conserve un pôle de nom
contraire à celui que la pile produira, lors de la rupture
du courant direct occasionnée par le passage du projectile
à travers la cible. Ces conditions nouvelles et très-heu-
reuses, le remplacement du fer doux par l'acier, déjà uti-
(96 )
lisées dans les télégraphes par notre collègue, M. Gloesener,
favorisent les conditions de la chute du chronomètre; car
il ya lieu de croire que la désaimantation suffisante, qui
permet au chronomètre de tomber, se produira toujours,
dans un temps constant, après la rupture du courant
direct, car l’effet du magnétisme rémanent tend à être dé-
truit par le courant inverse provenant de la même pile, et
ce courant inverse utilise toute l’énergie de la pile et com-
munique instantanément à l’électro-aimant un pôle de nom
contraire. Bien plus, ce pôle de nom contraire agit par
répulsion sur le pôle de même nom du corps qui doit
donner le temps par sa chute. Nous admettrons provisoire-
ment qu'il y a lieu de croire que la chute se fera toujours
dans les mêmes conditions, quels que soient l'état, l’éner-
| gie, ete., de la pile; nous admettrons aussi que l'effet de
répulsion entre les pôles de nom contraire ne modifiera
pas sensiblement la vitesse du chronomètre, dont la chute
se fera d’après les lois de la pesanteur.
Le second organe de l’appareil de M. Le Boulengé est
constitué par un petit poids d'acier, aimanté comme le
chronomètre et soutenu par un électro-armant double
monté comme le premier, c’est-à-dire ayant des courants
directs et inverses provenant d’une seconde pile analogue
à la première, composée du même nombre d'éléments et
chargée par les mêmes liquides. Tout ce que nous avons
dit du chronomètre est donc applicable à ce second or-
gane, destiné à donner le temps 0// ou l’origine. Les con-
ducteurs de cette seconde pile passent sur un second
cadre-cible , éloigné de trente à quarante mètres de celui
qui correspond au chronomètre : c’est le temps que le
projectile met à passer du premier cadre-cible au second
qu’il s’agit de déterminer, et l’espace entre les cadres
6978)
divisé par le temps, donnera la vitesse cherchée du pro-
jectile. F
Les deux électro-aimants destinés à soutenir le poids
et le chronomètre sont fixés solidement sur un montant
vertical qui porte au bas une détente à réssort munie
d’un petit couteau en acier trempé : le tout est disposé de
telle manière que le ressort est maintenu ou bandé par un
levier à griffe, dont l’un des bras est disposé de façon à
recevoir le choc du poids destiné à le débander ; le chro-
nomètre en tombant passe vis-à-vis et à une petite dis-
tance du couteau, tandis que la chute du poids, déban-
dant le ressort, projette le couteau sur le chronomètre, et
laisse une trace nette et permanente sur l’un des cartou-
ches que celui-ci porte.
Il faut nécessairement avoir deux traces pour déduire
le temps par la mesure de leur espacement sur le chrono-
mètre. Comme l’expérience est impossible, il faut se con-
* tenter de deux traces obtenues dans deux expériences
successives. C’est en effet ainsi qu’on procède au moyen
d’un appareil appelé le disjoncteur. Le rôle du disjoncteur
consiste à produire sémultanément la rupture des deux
circuits qui activent les électro-aimants soutenant le chro-
nomètre et le poids.
Cet effet est obtenu, dans l’appareil de M. Le Boulengé,
par une disposition aussi simple qu’'ingénieuse et d’une
précision remarquable, car elle se fait sans aucun mé-
canisme. Les pôles positifs (charbons) des deux piles qui
activent les électro-aimants sont réunis par un conduc-
teur métallique; un gros fil de cuivre ‘partant de ce con-
ducteur vient se rendre à une poupée de cuivre disposée
sur le montant de l'appareil. Cette poupée est munie d’une
2e SÉRIE, TOME XVI. F7
(98 )
lame d’acier; les courants des deux piles passent par cette
lame lorsqu'elle touche le cuivre; mais en appuyant sur
le bouton qu’elle porte, les deux courants directs qui acti-
vent les électro-aimants sont rompus simultanément,
tandis que la pièce de cuivre permet encore le passage des
courants inverses ; l'appareil sans aucun mécanisme donne
donc une disjonction instantanée et incontestablement
simultanée dans les courants directs; cet effet se produirait
si le projectile rompait les fils des deux cadres-cibles simul-
tanément, c’est-à-dire s’il était animé d’une vitesse infinie.
Mais dans lexpérience de tir, la rupture des deux circuits
ne se fait que successivement, lorsque le projectile passe
dans le premier et ensuite dans le second cadre-cible.
Remarquons très-particulièrement que le chronomètre
et le poids se détachent et tombent dans l’expérience de
la disjonction par suite de l'ouverture simultanée des cou-
rants directs des deux piles; le poids vient buter sur la
queue du levier, le ressort agit, et le couteau, frappant le
cartouche du chronomètre, y laisse un trait net, visible,
dont la distance à un point repéré se prend très-aisément
au moyen d'un compas à coulisse donnant le dixième de
millimètre. Ce premier trait représentera le temps O, cor-
respondant à une hauteur de chute connue et bien dé-
terminée. |
L'expérience prouve que, pour les mêmes conditions,
ce temps se marque toujours de la même facon, ou que
les différences observées sont négligeables dans la plupart
des cas. M. Le Boulengé discute la valeur de cette erreur
dans son mémoire; elle ne s'élève guère qu’à 0°,50 à 1"
“au maximum sur les vitesses initiales d'environ 350".
Faisons maintenant une deuxième expérience encou-
(99 )
pant successivement le premier et le second courant par
un projectile traversant les cadres-cibles, et disposons
ceux-ci de manière à faire tomber le chronomètre le pre-
mier;, en passant par le premier cadre-cible, le projectile.
ouvre le cireuit du chronomètre, et celui-ci tombe; mais,
lorsque le deuxième cadre est traversé par le préjectile, le
poids tombe à son tour, et rencontre dans sa chute le levier
du couteau à ressort, qui se débande et laisse sa trace sur
le deuxième cartouche; cette trace est en retard sur celle
obtenue dans l'expérience de la disijonction de tout le
temps que le projectile a mis pour passer du premier au
second cadre-cible.
On remarquera que la question la plus importante à
résoudre consiste précisément à obtenir toujours, dans les
expériences de disjonction qui doivent être faites immé-
diatement avant le tir, un temps 0 exactement le même
_ dans les mêmes circonstances.
Sans me préoccuper de la théorie physique de l'appareil,
abstraction faite des expériences de tir au canon exécutées
en ma présence, avec l'appareil de M. Le Boulengé, au po-
lygone de Brasschaet, et que je résumerai plus loin, j'ai
fait de nombreuses expériences, avec et sans la coopéra-
tion de l’auteur, en présence de notre collègue M. Liagre.
M. le major Navez nous a fait l'honneur d'assister à une
_ de nos séances; toujours les résultats obtenus dans des
conditions réglementaires, décrites dans le mémoire, ont
été d’une netteté et d’une exactitude si remarquables, que
je n'hésite pas à dire que l’exemplaire mis par l’auteur à la
. disposition de vos commissaires réalise en tout point les
exigences délicates des expériences balistiques. L’Acadé-
mie a, du reste, pu juger elle-même que la construction
( 100 )
de ce modèle laissait à désirer, quant à la forme, et que, .
si les soins d’un constructeur habile ne sont pas absolu-
ment nécessaires, un appareil mieux exécuté n’y perdra
rien. Je m’autorise, pour avancer ce que je dis, d’expé-
riences dans lesquelles j'ai changé le chronomètre de M. Le
Boulengé et son poids, sans que les résultats aient été
modifiés.
Toutes ces expériences, faites à des intervalles de temps
plus ou moins rapprochés et souvent répétées, confirment
l’ensemble des données du mémoire de M. Le Boulengé.
Je ne crois pas devoir les décrire en détail ; je pense pou-
voir me contenter de les résumer. Les conclusions qui
suivent sont déduites de moyennes générales :
1° Les disjonctions, la détermination du temps 0 en un
mot, sont toujours sensiblement les mêmes, lorsqu'on
opère avec soin, en suivant les prescriptions de l’auteur,
ce qui, du reste, est simple et facile.
2° Si, après avoir obtenu quelques disjonctions au
moyen du disjoncteur de l’appareil, on coupe simultané-
ment, par une balle en matière isolante, les fils qui ferment
les circuits des deux piles, le nouveau trait obtenu corres-
pond très-sensiblement aux premiers. On peut faire Pex-
périence en coupant, par une balle de plomb vermissée,
ces mêmes fils isolés mais juxtaposés; dans tous ces cas,
les traits se trouvent à la même distance du point repéré
sur le chronomètre.
Le temps O ou l’origine est donc parfaitement déter-
miné.
5° Placçons les cadres-cibles, c’est-à-dire les deux fils qui
ferment les circuits du chronomètre et du poids, à une
très-faible distance l’un de l’autre, 0,100, par exemple,
(101 )
-et coupons-les successivement par une balle de pistolet,
dans l’ordre dans lequel je viens de les citer, nous obtien-
drons un nouveau trait ; mais celui-ci, au lieu de se trouver
dans le même plan que ceux obtenus dans les expériences
précédentes, s’en trouve écarté et platé un peu au-dessus
d’une quantité qui représentait environ ‘/2000"° de seconde
dans nos essais. L'opération, répétée plusieurs fois de
suite, aurait pu servir à déterminer assez exactement la
vitesse moyenne de la balle de pistolet; mais cette ex-
périence à outrance laisserait nécessairement à désirer.
4° J'ai renversé les données de cette dernière expé-
rience en faisant marquer un temps négatif, et dans ces
conditions nouvelles, les résultats, souvent répétés, n’ont
rien laissé à désirer : ils sont trop importants et trop re-
marquables pour ne pas être mentionnés très-particuliè-
rement; car 1ls font ressortir l'exactitude de l'appareil de
facon à ne laisser aucun doute sur la valeur réelle des
vitesses accusées par l’appareil, lorsqu'on opère dans les
conditions réglementaires.
Remarquons d’abord que le trait qui doit donner l’ori-
gine ou le zéro du temps ne se marque sur le cartouche
du chronomètre qu’un certain temps après la rupture des
courants; il est en retard d’une fraction de seconde ; mais,
peu importe, pourvu qu'il soit prouvé que ce retard est
toujours très-exactement le même dans l'expérience de la
disjonction et dans l'expérience du tir. Si cette condition
est remplie, elle n’exercera aucune influence sur la déter-
mination de la durée du passage du projectile entre les
cadres-cibles.
Dans l'appareil qui nous a servi, ce temps est représenté
par 0”,50 environ : c’est le temps de là disjonction, ou,
( 102 )
pour mieux me faire comprendre, je l’appellerai le temps
mort. k
Ce temps mort, dans l’appareil de M. Le Boulengé,
comprend : |
1° Le temps de la désaimantation suffisante, qui permet
la chute libre du chronomètre et du poids après la rupture
des circuits ;
2° Le temps employé par le poids pour frapper en tom-
bant la queue du levier qui agit sur le ressort à griffe;
3° Le temps employé à vaincre l’inertie de ce ressort ;
4 Le temps employé par le ressort armé du couteau
pour se débander, atteindre le chronomètre et y marquer
le trait.
Or, si la disjonction est constante, c’est-à-dire si, pour
les mêmes circonstances, le trait se marque toujours sen-
siblement dans le même plan horizontal sur le cartouche,
le temps mort, ou la somme des temps cités ci-dessus, est
constant pour les mêmes conditions : de nombreuses ex-
périences me l’ont prouvé pour l’appareil que j'ai examiné;
les cartouches que je mets sous les yeux de l’Académie en
donnent la preuve matérielle.
Remarquons toutefois que l’on peut faire varier à vo-
lonté le temps dû à la hauteur de chute du poids, en faisant
varier la distance verticale des extrémités des deux élec-
tro-aimants et la distance entre l'extrémité de l’électro-
aimant qui porte le poids à la queue du levier, le poids
lui-même pouvant varier de longueur et de masse.
Pour prendre le temps du passage du projectile sur le
temps mort, il suffit de placer les cadres-cibles, comme je
J'ai dit plus haut, page 9, n°3, en disposant l’expérience
de façon que le circuit du poids soit le premier atteint
( 103 )
et rompu par la balle du pistolet, et ensuite seulement le
circuit du chronomètre; ce qui est l'inverse de ce qui doit
se faire dans les expériences ordinaires.
Le temps du passage du projectile entre les deux
cadres se déterminera par un trait nouveau, qui se trou-
vera, non plus au-dessus des traits de la disjonction ou de
la rupture simultanée des circuits, mais au-dessous de ces
traits; ce temps, bien que réel, sera cependant marqué né-
gativement sur l'appareil. |
L'expérience à prouvé que non-seulement ce nouveau
trait se trouve placé au-dessous, mais que sa distance aux
traits produits par le premier tir et aux traits obtenus
dans les ruptures simultanées est telle que ces derniers
partagent l’espace total en deux parties égales: en d’autres
termes, les temps marqués positivement et les temps mar-
qués négativement sur le chronomètre, à partir de l’origine,
sont égaux ; remarquons toutefois que le temps du passage
du projectile dans cet espace a toujours été tel qu'il y
aurait eu une très-légère erreur en moins sur la vitesse,
erreur qui ne s'élèverait pas à un mètre sur une vitesse
de 350 mètres par seconde, déterminée dans les condi-
tions ordinaires des expériences en polygone.
Cette expérience remarquable me paraît à elle seule de
nature à confirmer tout ce que M. Le Boulengé dit dans
son mémoire, et à justifier les expériences qu'il a faites
avec son contrôleur. |
Controleur.
Nous n'avons malheureusement pu faire que quelques
expériences avec cet appareil, dont la construction laisse
( 104 )
à désirer, comme l’auteur l’a fait remarquer à vos com-
missaires. |
M. Le Boulengé discute et signale dans son mémoire
les expériences faites avec cet appareil, et se propose d’en
faire de nouvelles avec des contrôleurs autrement dis-
posés.
Anciennes expériences praliques.
C’est la pratique de l'artillerie seule qui devra déter-
miner le parti qu’elle pourra tirer de l’appareil soumis à
votre appréciation, c’est à elle seule qu’incombe naturel-
lement la tâche d’en signaler les avantages et toutes les
données; mais il m’a paru nécessaire de justifier par des
données pratiques la haute et bienveillante approbation
que vos commissaires demandent à l’Académie.
J’ai examiné de nombreuses séries d'expériences faites
en France, en Russie, en Angleterre et en Belgique, avec
l'appareil de M. le major Navez. Cet habile expérimenta-
teur maniait lui-même son appareil pour les essais belges:
on peut donc les considérer comme des types ou des mo-
dèles d’exactitude et de vérité. On en trouvera les détails
dans les documents suivants :
Rapport adressé à M. le lieutenant général de Liem,
inspecteur général de l’artillerie, sur des expériences faîtes
à Liége, en 1850, au moyen d’un appareil électro-balis-
{ique.
Rapport sur les expériences balistiques faites à Liège,
en 1851-1852.
Instruction sur l'appareil électro-balistique, du capi-
taine Navez. Arsenal de construction. Anvers, 1858.
( 105 )
Expériences de balistique exécutées en Russie dans le
courant de 1858, publiées par M. Navez. Paris, 1859.
Report on experiments with Navez’s electro-balistic
apparatus, by cap. Andrew Noble. London, 1862.
Report on balistic-experiments, by W. H. Noble, lieut.,
KR. A. London, 1865.
Les écarts dans les vitesses initiales des armes de l’ar-
tillerie sont bien supérieurs aux écarts des tirs que M. Le
Boulengé donne dans le tableau annexé à son mémoire.
Nous ne pourrions cependant pas conclure de ces faits
que l’appareil proposé donne des résultats plus exacts que
l’appareil Navez; en effet, la poudre, les projectiles, les
armes, les circonstances sont différentes; les premières
expériences ont été faites alors que l’appareil Navez
w, n’avait pas encore reçu tous ses perfectionnements; mais
tous ces faits nous amènent à admettre que l’appareil :
Le Boulengé donne des résultats très-réguliers avec les
armes de notre arüllerie, et que celles-ci se-trouvent dans
* des conditions qui paraissent bien supérieures aux canons
lisses ordinaires et même aux canons rayés si réputés de
sir William Armstrong, preuve que l'appareil est meilleur
ou que les vitesses sont plus régulières en effet.
Un doute peut s’élever dans l'esprit des officiers d’ar-
tillerie.
L'appareil Le Boulengé donne-t-il la vitesse réelle?
N’est-il pas affecté par des erreurs constantes? Le mou-
vement du corps qui tombe librement suit-1l bien exacte-
ment les lois de la chute des corps? Le magnétisme
rémanent est-il absolument sans effet? La répulsion
entre les pôles de nom contraire ne modifie-t-elle pas la loi
de la chute? Ne devrait-on pas tenir compte de la résis-
( 106 )
tance de l'air? de la dilatation du chronographe? La dis-
jonction nouvelle est-elle bien certaine? Les résultats
accusés par l'appareil ne sont-ils pas affectés par ces cir-
constances ? |
Le temps, une installation convenable, plusieurs mo-
dèles de chronographe, etc., ont manqué à votre rapporteur
pour qu’il pût remplir, comme il aurait désiré le faire, as-
sisté par l’auteur qui s’est toujours rendu à son appel avec
- beaucoup de zèle, cette partie de la tâche que vous lui avez
fait l'honneur de lui confier ; mais l’Académie l’excusera si
elle réfléchit que l’expérience pratique en polygone doit
dominer toute la question. Il y a lieu de croire que l’auteur
d'un mémoire si intéressant, après avoir heureusement
résolu le problème pratique, la tiendra au courant de ses
travaux, et qu'il lèverait toutes les difficultés, comme il
écarterait toutes les objections, s’il s’en présentait : j'en
ai la conviction. Elle me perméttra de me tenir sur le ter-
rain de la pratique, et je demande de pouvoir justifier
l’opinion si favorable que je me suis faite de l’appareil, en
complétant les données du tableau que l’auteur a inséré
dans son mémoire.
Expériences pratiques avec les deux appareils de
M. Navez et de M. Le Boulengé.
Quelques préliminaires historiques ne. seront pas dé-
placés.
En 1840, notre honorable secrétaire perpétuel commu-
niquait à l’Académie (1) une notice sur la télégraphie élec-
(4) Bulletins, t. X, p. 131.
(: AO)
trique, au nom de M. Wheatstone, l’illustre professeur de
King's College ; cette notice comprend la phrase suivante :
L'auteur compte aussi employer ses procédés pour me-
surer, avec une précision qu’il croit pouvoir porter à un
centième de seconde, la vitesse des projectiles. » Cette
simple phrase constitue pour M. Wheatstone un titre irré-
cusab à l'invention du principe de l’application de l’élec-
tricité à la détermination des vitesses des projectiles.
Malgré les travaux si remarquables de M. Wheatstone,
l'inventeur, malgré les travaux de savants, de militaires
et d'artistes distingués, MM. Breguet, de Constantinoif,
Hartman, Hoffmann, Hipp, Léonard, Martin de Brettes,
Pouillet, Siemens, Wrede, etc., l'honneur de donner un
appareil pratique à l'artillerie était réservé à un officier
distingué de notre armée, M. le major Navez, huit ans
seulement après que Wheatstone en eût posé le principe;
aujourd’hui encore, 1864, c’est-à-dire après vingt-quatre
ans, nous ne connaissons que l’appareil Navez qui soit
capable de rendre des services au point de vue pratique.
Les résultats des chronoscopes proposés par MM. Gloe-
sener, Martin de Brettes, Schultz, n’ont pas, à ma con-
naissance, été livrés à l'impression; or, tout en rendant
justice aux efforts de ces savants, tout en appréciant leur
mérite, persuadé qu’ils apporteront des éléments impor-
tants dans les travaux balistiques, nous ne pouvons cepen-
dant établir nos comparaisons que sur des tirs et des faits
pratiques de l’expérience en grand. |
Les noms des savants et des militaires distingués que je
viens de citer nous promettent des appareils remar-
quables, mais nous sommes forcé d’attendre des résul-
tats d'expérience pour nous déterminer à exprimer une
( 108 )
opinion, ou à chercher d'avance à faire un choix théorique
motivé pour préférer l’un quelconque de ces appareils.
On voit d’après tout ce qui précède, qu’il y a un intérêt
très-particulier à comparer les données de l’appareil de
M. Le Boulengé avec celui de M. le major Navez. |
En septembre et octobre 1863, j'ai été autorisé par M. le
Ministre de la guerre à faire un tir au polygone d& Bras-
schaet avec des poudres de nature , de fabrication, de do-
sage, etc., très-différents; l’expérience était disposée de
façon à prendre la vitesse du même projectile à trente-cinq
mètres de la bouche à feu, au moyen des deux appareils
fonctionnant simultanément. A cet effet, chacun des cadres-
cibles portait une double rangée de fils tendus sur ses deux
faces , ces fils correspondaient avec les deux appareils.
Le tableau suivant renferme les vitesses moyennes pour
chaque poudre, l'écart moyen et l'écart maximum, une
dernière colonne donne la différence des vitesses entre
l'appareil Le Boulengé et l'appareil Navez.
Les appareils étaient maniés par MM. le lieutenant Le
Boulengé, le sous-lieutenant Delbruyère, le sous-lieute-
nant élève de l’école d'application Theunis, pendant les
expériences de septembre, et par MM. les lieutenants Le
Boulengé, Bremer et Kemppe, dans les expériences du
mois d'octobre.
Les moyennes sont en général prises sur cinq ou six
coups; on a enlevé pour les deux appareils quelques coups
très-peu nombreux, par suite d'anomalies inévitables dans
une longue série d'expériences de ce genre.
L’arme employée était le canon rayé de quatre en acier.
DÉSIGNATION Appareil Navez. Appareil Le Boulengé.
EE
des E ITESSE
TES ECART | ECART F É ECART | ECART
initiale initiale
poudres. moyen. | maxim. moyenne.
moyen.
moyenne.
Du polygone.
St-Ponce.
Metz. . .
Angoulême .
Sommes . 4169.3
Moyennes. 366 9
Il résulte de l'inspection de ce tableau que les écarts
sont sensiblement moins forts pour les résultats de lap-
pareil de M. Le Boulengé que pour l'appareil de M. Navez,
et que les vitesses sont renfermées dans des limites si
rapprochées que leur exactitude dépasse notablement celles
consignées dans les travaux que j'ai cités plus haut.
On remarquera aussi que les vitesses accusées par l’ap-
pareil Le Boulengé sont en général moins fortes que celles
données par l'appareil de M. Navez; la différence maxi-
( 110 )
mum s'élève à 9°,5 en moins pour le premier; une seule
fois sur treize séries de cinq ou six coups chacune, la dif-
férence est nulle; mais une fois l'appareil Le Boulengé
accuse une vitesse plus forte de deux mètres. La diffé-
rence moyenne générale des treize séries est de moins
de quatre mètres.
Il y a donc une cause d’erreur, à la vérité assez faible,
dans l’un ou l’autre des appareils et peut-être dans chacun
d'eux, auquel cas, tout nous montre qu'elle est de signe -
contraire; mais faisons observer toutefois que les différences
extrêmes accusées par la poudre n°8 et la poudre d’Angou-
lême prouvent qu'il y a là une question délicate à trancher
dans l’avenir.
Comparaison entre les données du pendule balistique de
l’appareil de M.-le major Navez et du chronographe de
M. Le Boulengé.
Il faut avoir étudié le remarquable travail du major
Navez (1) avec tout l’intérêt et l'attention qu’il mérite; il
faut suivre l’habile et patient officier dans ses essais si
variés, si nombreux; il faut apprécier les difficultés de
tout genre qui arrêtent des savants illustres et assister
avec sympathie et admiration au développement de son
appareil pour comprendre l'importance de son œuvre,
pour faire voir avec quelle circonspection et quelle hési-
tation, je dois parler ou prendre une conclusion quel-
* conque. À ce titre, l'Académie me permettra d'entrer dans
quelques nouveaux détails.
(1) Applications de l'électricité à la mesure des vitesses des projectiles.
(AU)
Le pendule balistique était, en 1848, le meilleur instru-
ment connu pour la mesure des vitesses des projectiles.
Ce ne fut qu'après une longue et minutieuse étude que
M. le major Navez put conclure de ses expériences que :
les écarts moyens des vitesses accusées par son appareil
sont moins considérables que ceux des vitesses accusées par
le pendule balistique de Robins. Gn sait que le pendule
balistique donne des variations accidentelles qu’on ne peut
Corriger, qu'il est impossible d’atténuer ou de détruire;
dans cet appareil les vitesses se déduisent de la quantité
de mouvement qui est communiqué par le projectile au
récepleur; mais une partie de la force vive est détruite
par différentes causes; il doit donc accuser des vitesses
plus faibles que les vitesses absolues ou réelles. La vitesse
moyenne est d'autant plus exacte que le nombre de coups
servant à la calculer à été plus considérable.
L'appareil électro-balistique Navez, au contraire, doit
accuser des vitesses trop grandes; car toutes les résis-
tances, comme le fait remarquer M. le major Navez lui-
même (frottement de l’axe du pendule sur les pivots,
résistance de l'air contre le système oscillant, attraction
d'un grand électro-aimant central), tendent à diminuer
l'arc qui donne le temps, et cette diminution correspond
à une vitesse plus grande. .
M. le major Navez a déterminé avec le plus grand soin
le rapport des vitesses entre son appareil et le pendule
balistique pour la balle de la carabine à tige ; son appareil
accuse une vitesse de 345",83 quand le pendule Robins
ne donne que 340",t1" : le rapport de ces vitesses est
donc 52555 — 4m 01.
34011
Les deux vitesses moyennes 345",85 et 340",11 peu-
(442)
vent donc, ajoute ensuite M. le major Navez, être admises
comme des limites entre lesquelles la vitesse réelle se trouve
renfermée, et puisque le rapport de ces vitesses est petit,
on doit en conclure que les moyennes accusées par les deux
appareils sont exactes à peu de chose près.
Si l’on fait une comparaison analogue entre les vitesses
accusées dans le tableau ci-dessus par l’appareil Navez et
par l'appareil Le Boulengé, on obtient exactement le même
rapport : en effet, 555% — 1,01. De ce chiffre nous pen-
sons pouvoir conclure , comme M. le major Navez, que les
moyennes accusées par les deux appareils sont exactes à
peu de chose près.
Des expériences nouvelles et nombreuses diront où est
la vérité absolue ; car la question peut être définitivement
tranchée expérimentalement.
Sans nous prononcer, nous croyons devoir faire observer
que l’appareil de M. Le Boulengé est d’une grande sim-
plicité; ses données sont basées sur une loi naturelle
parfaitement connue; aucun méçanisme ne complique l’ap-
plication de cette loi; son installation est simple; son
maniement est facile; il n’y à aucun frottement, aucune
résistance passive.
L'appareil de M. Navez, indépendamment des causes
signalées par l’auteur, qui tendraient à fournir des vitesses
un peu trop grandes, nécessite la détermination de la
durée des oscillations de son pendule, opération qui est
délicate.
En définitive, l'appareil de M. Le Boulengé donnerait
des résultats en tout semblables à ceux du pendule balis-
tique de M. Robins, d’après les expériences citées.
( 113 )
Partie physique de l’appareil de M. Le Boulenge.
Je me suis contenté de constater l'indépendance rela-
tive des courants, tels que M. Le Boulengé les dispose.
Un galvanomètre ordinaire, comme on en emploie pour les
usages des télégraphes , est à peine affecté, lorsque, placé
dans l’un des cireuits directs, on vient à rompre le second
circuit : on sait, en effet, que plusieurs courants disposés
sous différents angles, marchant en sens contraire ou dans
le même sens, lorsqu'ils sont parallèles, mais provenant
de piles différentes, sont indépendants, et nous pensons
pouvoir admettre sensiblement l'indépendance des piles
disposées comme le fait M. Le Boulengé.
Mais peu importe, du reste, je désire éviter la discus-
sion de la partie purement physique de l'appareil, qui
m'entraînerait au delà des bornes de ce rapport; 1l me
suffira d'indiquer les divers points de cette discussion,
pour justifier mon silence vis-à-vis de l’Académie. J'ai
préféré faire une dernière série d'expériences, qui, je le
pense, permet de trancher les questions qui se rattachent
aux organes électriques et magnétiques de l’appareil.
Il y a cependant un point sur lequel je dois m'arrêter
à propos des courants, c’est la nécessité absolue des cou-
rants inverses. En effet, quand on les enlève, il devient
impossible d'obtenir une disjonction régulière; la déter-
mination du temps 0 offre des irrégularités telles qu’au-
cune expérience ne donnerait le même résultat : en les
replaçant, la régularité se manifeste tout de suite.
La détermination de l’origine du temps O est encore 1ir-
régulière lorsqu'on emploie deux piles d’un nombre inégal
d'éléments de Bunzen. Il faut donc employer des piles
2% SÉRIE, TOME XVII. 8
( 114)
composées d’un même nombre d'éléments semblables,
chargées des mêmes liquides homogènes puisés dans le
inème vase. Les fluctuations que ces piles peuvent offrir
ne sont pas de nature à troubler les résultats; elles n’af-
fectent pas sensiblement les disjonctions; on peut même,
pendant les expériences, aciduler l’une des piles plus for-
tement que la seconde, ou soulever une partie des char-
bons et des zincs en dehors des liquides, sans altérer les
disjonetions; mais 1l est convenable de suivre les preserip-
tions de l’auteur.
Les cartouches que nous. mettons sous les yeux de
l’Académie prouvent parfaitement ce que nous avançons;
nous ferons cependant observer que les disjonctions accu-
saient des différences plus grandes que dans les cas or-
dinaires, lorsqu'on acidulait fortement l’une des deux
piles qui avaient marché pendant plusieurs heures et qu’on
laissait la seconde dans son état primitif; il est donc utile
de ne pas négliger absolument les précautions indiquées
par l’auteur. |
Il peut arriver aussi que les disjonetions deviennent
moins régulières, lorsqu'on introduit des résistances con-
sidérables de longs fils minces de cuivre dans les circuits;
dans ce cas, on n’obtient plus aussi nettement les expé-
riences relatées aux pages 8 à 12 :-les traits de la dis-
jonction par l'appareil et ceux des tirs se juxtaposent
parfois.
Lorsque les disjonctions sont peu régulières, il faut
examiner les contacts, vérifier si le poids et le chrono-
mètre sont fortement attirés quand tous les circuits sont
fermés, et s'assurer que les courants inverses, agissant
seuls, soutiennent parfaitement le test de fer doux.
(115)
Questions qui se raltachent aux courants activant les
deux électro-aimants.
Nous aurions dû examiner l'intensité et la force relative
des courants inverses et directs, eu égard aux résistances
variables qu'ils doivent vaincre dans différentes circon-
stances de tir. |
Nous aurions à déterminer avec soin l'influence de ces
courants les uns sur les autres, lors de la rupture simul-
tanée et de la rupture successive des cireuits du chrono-
mètre et du poids.
Nous devrions apprécier pour chaque cas la force élec-
tro-magnétique exercée par chacune des doubles bobines,
d’abord pour les courants directs puis pour les courants
inverses pris isolément; et enfin, pour les deux courants
agissant simultanément; en un mot, nous aurions dû dé-
terminer le poids qu’ils peuvent supporter. |
Nous aurions à nous rendre compte de la force magné-
tique relative des bobines, du poids du chronographe,
dans les diverses conditions de courants, de longueur de
circuits, de résistances dans les circuits, etc, etc.
Il serait curieux de connaître toutes les données des
électro-aimants : nombre de spires à gros fil, à fil fin,
diamètre du fer doux, longueur du fer doux, afin d’appré-
cier s'il n’est pas convenable de leur donner une forme
particulière. On sait, en effet, que pour chaque électro-
aimant, il y a un maximum d’aimantation dans le voisinage
duquel les variations deviennent insensibles, soit par l'in-
tensité du courant, soit par le nombre des spires des
hélices, le diamètre des fils, la nature , les dimensions, la
forme du fer doux et des armatures, le poids et le chro-
nomètre.
( 1167)
On peut se demander quel rôle joue la coexistence des
deux états magnétiques dans l’appareil de M. Le Boulengé,
alors qu’on sait que le fer possède une aptitude particu-
lière à être aimanté avec plus de facilité ou plus d'énergie
par un courant marchant dans le sens dans lequel ce fer
a déjà été aimanté, tandis qu’il s’aimante avec moius de
facilité par un courant dirigé dans un sens contraire à cette
première aimantation. L'analyse de ces conditions nous
amènerait à voir dans les électro-aimants en fer doux,
employés par M. Le Boulengé, des électro-aimants agis-
sant comme si leur fer doux était un barreau d'acier
aimanté. Déjà, sur le modèle actuel, nous avons reconnu
un état d’aimantation permanente dans le fer des bobines.
L’extra-courant qui se développe à chaque rupture des
circuits n’exerce-t-il aucune influence sur le phénomène
de la chute du poids et du chronomètre? L'effet instantané
de lextra-courant qui équivaut aux #5 du courant direct
ne doit-il pas tendre à contrarier ou à rendre irrégulière
l’action des courants inverses, si nécessaires dans l’appa-
reil de M. Le Boulengé ?
Ne serait-il pas convenable dé remplacer le fer doux
par des barreaux plus longs ou plus courts ?
Pourquoi n’a-t-on pas fait usage de faisceaux de fil de
fer doux au lieu de simples barreaux ? |
Pourquoi ne pas interposer entre l'électro-aimant et ses
armatures des lames minces de corps non magnétiques,
en cuprant ou en dorant les extrémités qui se touchent?
L'ensemble de cet examen pourrait nous conduire à
choisir les conditions dans lesquelles, en définitive, les
effets du magnétisme rémanent seraient réduits à un mi-
nimum , Où au moins seraient régularisés de telle sorte que
le retard dans la chute des corps se ferait toujours de la
(-FE7)
même façon dans la disjonction et dans le tir qui suit im-
médiatement cette première expérience.
Je pense qu'après cette étude nous n’aurions pas un
appareil meilleur, pour le but auquel il est destiné, que
lexemplaire actuel de M. Le Boulengé. Il aurait fallu faire
des appareils nouveaux, ce qui était impossible, ou dé-
composer le modèle qui doit servir de terme de compa-
raison avec ceux que l’auteur doit faire construire.
On peut dire que tout est arbitraire dans le modèle mis
sousles yeux de l’Académie , mais il fautajouter tout de suite
que ce défaut n’est qu’apparent; car cet appareil donne
des résultats très-exacts, comme le prouvent les dernières
expériences dont il me reste à rendre compte. Les pre-
miers électro-aimants venus, capables de retenir fortement
le chronomètre et le poids, munis de courants inverses
assez forts pour soutenir un test ( poids d’épreuve) de fer
doux, suffisent; mais, pour opérer avec certitude, il faut
suivre les prescriptions que l’auteur donne au dote JT
de son mémoire.
Les effets du magnétisme rémanent ne sont pas annihilés
dans l’appareil de M. Le Boulengé.
Je veux aller au-devant des objections que l’on pour-
rait faire à priori, en les levant par des expériences qui ne
laissent rien à désirer et qui constatent de la façon la plus
rigoureuse la netteté des résultats et leur comparabilité
absolue, alors même que l’on se place dans des ecircon-
stances très-diverses.
Commençons par constater que les électro -aimants
doubles placés dans les circonstances de tir soutiennent
des poids différents, lorsqu'on les active 4° par les courants
( 118 )
directs seuls, 2° par les courants inverses seuls, 3° par les
deux courants agissant simultanément. Nous croyons inu-
tile de donner des nombres. En outre, il est facile de s’as-
surer que les effets du magnétisme rémanent ne sont pas
anmihilés complétement, et de ce fait nous concluons que
la répulsion produite par les courants inverses ne paraît
pas de nature à altérer les lois de la chute du poids et du
chronomètre, par suite d’une répulsion entre des pôles
magnétiques de même nom. -
Pour s'assurer des effets dus au magnétisme rémanent,
on commence par prendre quelques disjonctions, et quand
on a constaté qu'elles sont régulières, on couche l'appa-
reil dans une position horizontale, puis on dispose le poids
et le chronomètre de façon que, suspendus à un long fil
sans torsion, ils se trouvent vis-à-vis de leurs électro-ai-
mants, à une distance égale pour tous les deux et telle
qu’ils ne se précipitent pas sur ceux-ci, lorsque les circuits
sont ouverts. Au moment de la fermeture des circuits, le
poids et le chronomètre se précipitent sur les électro-
aimants; la rupture des courants directs, la disjonction
par l’appareil, laissent souvent le poids et le chronomètre
attachés aux électro-aimants, et, loin d’une action répul-
sive , il reste un effet attractif encore assez énergique. On
sait, en effet, que lorsqu'un aimant puissant agit sur un
aimant faible, il peut y avoir un renversement des pôles
magnétiques : deux pôles qui se repoussent à une distance
donnée peuvent s’atlirer lorsque la distance diminue. En
écartant l'appareil avec prudence, les électro-aimants
finissent par se détacher du poids et du chronographe; cet
effet s'obtient aussi en interposant des feuilles de pa-
pier, des lames minces de cuivre, etc., entre les éleetro-
aimants et le poids ou le chronographe avant la fermeture
(119)
des circuits: ils exigent chacun qu’on interpose un plus
ou moins grand nombre de feuilles pour qu’ils se détachent
ensemble au moment de la rupture des circuits directs ; ce
qui conduirait à conseiller de garnir les extrémités de
corps ou de métaux non doués de la propriété magné-
tique. |
Si Loutes ces expériences prouvent que l’action du ma-
gnétisme rémanent n’est pas annihilée, les expériences
qui suivent démontrent que les dispositions de l'appareil
de M. Le Boulengé sont efficaces et que tout semble pra-
tiquement régularisé. En effet, il suffira de changer la
masse du poids et du chronomètre, de donner une forme
nouvelle à leur point de contact avec les électro-aimants,
pour se placer dans des conditions d’attraction et de répul-
sion magnétiques très-différentes, et on serait porté à con-
clure a priori que les résultats devront être affectés ou
changés dans ces conditions nouvelles; or.cela n’a pas
lieu , l'expérience suivante le prouve.
Expériences de contrôle.
Deux fils écrouis de cuivre rouge sont fortement tendus
entre deux montants solides; ils sont rompus par un cou-
teau de bois dur tombant librement; aux extrémités du
couteau sont suspendues deux masses de fer de cinq kil.
environ; ces masses ont la forme d’un cône dont le sommet
tourné vers le sol permet de diminuer la résistance du
reste très-peu considérable de l'air. La distance de l’arrête
du couteau au premier fil est de 0",539, celle du second
fil est de 0",927; le temps du passage du couteau entre
les fils serait donc égal à 0”,103234, s’il tombait librement
sous l’action de la pesanteur, si les fils n’opposaient aucune
(1208)
résistance appréciable, s'ils étaient rompus au moment
même où le couteau les touche, et s'ils ne fléchissaient pas.
Ce temps se rapproche de celui que met un projectile lancé
par un canon rayé pour franchir l’espace de trente-cinq
mètres qui sépare ordinairement les cadres-cibles; la vitesse
Vitesse
Disjonction. Contrôleur. Temps. Vitesse,
moyenne,
EEE A
mm. mm. S
PRE 841.8 0//,102555 341.5
416.6 846.8 0'/,103775 SSH
476.6 844.9 0’,103512 538.8 ne.
416.6 843.5 * 0,//102968 338.9
476.2 842.0 0/’,+02733 540.7
416.7 845.5 0'’,103429 338.4
188.3 863.7 0’’,104102 536.2
489.8 861 0 04 ,102963 339.9
487.6 857.5 0’’,102820 340.4 358.3
188.6 865.7 0’/,104002 536.5
482.3 852 5 0”’,103317 338.8
481.8 852.8 0/’,103347 338.0 338.6.
482.3 852.0 0’/,105195 339.2
497.3 872.2 0//,103269 338.9
497.5 872.5 0//,103277 338.9 339.0
497.5 872.0 - 0”,103221 539.0
On employait quatre éléments de Bunzen, et, sans rien
changer aux piles, on a fait usage de quatre dispositions
dont les détails se trouvent dans la colonne des observa-
tions du tableau.
On n’a éliminé aucun coup; la hauteur des disjonctions
a varié de 0",4762 à 0",4975, c’est-à-dire qu'il y a eu
(12)
cherchée dans ce cas serait done 5 — 339",056.
La moyenne générale de quatre séries d'expériences de
trois, quatre et six coups, calculée de la même façon, a été
de 558",800, soit une différence entre le calcul et l’expé-
rence de 0",256 comme le montre le tableau suivant :
et le poids de M. Le Boulengé.
: Écart
Écart Écart de la vitesse moyenne
UE Observations.
À au chronographe
moyen maximum. Sur celle
du contrôleur.
m. m. m. . : Ve $
4.9 02 =S Le chronomèêtre employé est une longue tige
2 2 ae CE d’acier de 0"95 de longueur ; il pèse 258 gram-
| mes. Le poidsest long, à tête plate et pèse 305".
t
1.89 4 19 — 0,075 On emploie le chronomètre et le poids de
M. Le Boulengé. Le chronomètre pèse 124515.
| Le poids pèse 175"35.
0.42 1.45 — 0,40 | On emploie le chronomètre de M. Le Bou-
è lengé et un poids de 256'2, à tête large.
0.04 0.10 | — 0,0% On emploie le chronomètre de93 centimètres
une différence de 0",0213 entre les traits extrêmes don-
nant l’origine.
Ce tir a été fait avec le concours de l’auteur et de
M. E. Husson, mon répétileur, qui m'a constamment aidé-
dans les expériences relatées dans ce rapport.
Je crois aussi devoir faire remarquer très-expressément
4
*
AS J
4 ; de ñ
À 2 ne
À tx
(120 )
résistance appréciable, s'ils étaient rompus au moment
même où le couteau les touche, et s'ils ne fléchissaient pas.
Ce temps se rapproche de celui que ae un projectile lancé
par un canon rayé pour franchir l’espace de trente-cinq
mètres qui sépare ordinairement les cadres-cibles; la vitesse
Contrôleur. Vitesse,
Disjonction:
:
176.6 SAS 0/,102553 341.5
476.6 846.8 0/,105775 531.3
476.6 844.9 0”,103512 338.8
416.6 843.5 * 0,/102968 358.9
476.2 842.0 0//,+02733 340.7
476.7 845.5 0'’,103429 358.4
188.5 863.7 0/,104102 336.2
489.8 861 0 04/,102963 339.9
487.6 857.5 0’’,102820 340.4
488.6 863.7 0//,104002 336.5 |
482.3 852 5 0/,103317 338.8
481.8 852.8 0//,103547 358.0 |
482,3 832.0 0//,103195 339.2
497.3 872.2 0//,103269 338.9
497.5 872.5 0/,103277 338.9 |
497.5 872.0 0/,105221 339.0
On employait quatre éléments de Bunzen, et, sans rIen
changer aux piles, on a fait usage de quatre dispositions
dont les détails se trouvent dans la colonne des observa-
tions du tableau.
On n’a éliminé aucun coup; la hauteur des disjonctions
a varié de 0,4762 à 0",4975, c’est-à-dire qu'il ÿ à ©
Vitesse
moyenne,
338:6.
339.0
Écart
moyen.
1.89
0.42
(12)
cherchée dans ce cas serait donc
sos — 339" 036.
La moyenne générale de quatre séries d'expériences de
trois, quatre et six Coups, calculée de la même façon, a été
de 558",800, soit une différence entre le caleul et l'expé-
rience de 0",2356 comme le montre le tableau suivant :
Écart
Écart de la vitesse moyenne
donnée F
à au chronographe OUservations.
maximum. Sün'celle
du contrôleur.
ni. m.
4.02 0.35 Le chronomètre employé est une longue tige
FRS: d'acier de 0"95 de longueur; il pèse 258 gram-
| mes. Le poidsest long, à tête plate et pèse 5082,
4 19 — 0,075 On emploie le chronomètre et le poids de
M: Le Boulengé. Le chronomètre pèse 124514,
| Le poids pèse 17655,
|
115 — 0,40 On emploie le chronomètre de M. Le Bou-
lengé et un poids de 2562, à tête large.
5 = % On emploie lechronomètrede95 centimètres
0.10 0,0% et le poids de M. Le Boulengé.
une différence de 0",0213 entre les traits extrêmes don-
nant l’origine.
Ce tir a été fait avec le concours de l’auteur et de
M. E. Husson, mon répétiteur, qui m'a constamment aidé
dans les expériences relatées dans ce rapport.
Je crois aussi devoir faire remarquer très-expressément
( 122)
que Jj'insiste bien plus sur la régularité que sur la valeur
absolue des données expérimentales obtenues dans le ta-
bleau; l'expérience ayant été faite en vue de constater que
des chronomètres et des poids de masse et de forme diffé-
rentes n’affectaient pas les expériences.
Les chiffres de ces tableaux peuvent se passer de com-
mentaires; mais nous ferons remarquer cependant qu'un
chronomètre de masse considérable et un poids lourd ou
ne touchant l’électro-aimant que sur une très-petite sur-
face, constituent les conditions qui ont donné les expé-
riences les plus régulières.
Ici finit notre tâche, et nous pouvons résumer notre .
rapport en quelques mots, en disant que l’appareil soumis
à votre haute appréciation mérite à tous égards votre
approbation.
Il est si simple qu'on ne voit guère la possibilité d’en
avoir de plus simples encore : il est facile à manier; il
n'est pas susceptible. de se déranger; aucune résistance
passive ne vient compliquer ses résultats, qui se déduisent
de la loi naturelle la mieux connue, celle de l'attraction
terrestre, la pesanteur ; 1l ne nécessite aucune expérience
préalable : deux points repérés sur une tige d’acier, voilà
tout ce qui doit être déterminé d’avance.
Propositions.
1° Que le travail soit imprimé dans l’un des recueils
de la compagnie ; F
2 Que la classe adresse des remerciments à l’auteur:
3° Que le travail soit recommandé à l'attention bien-
veillante de M. le Ministre de la guerre. »
La classe adopte ces propositions qui lui sont présentées
( 123 )
par M. Melsens et auxquelles se rallient MM. Nerenburger
et Liagre, et elle décide que le travail de M. Le Boulengé
sera imprimé dans les Mémoires de l’Académie.
BIBLIOGRAPHIE.
TRAITÉS GÉNÉRAUX.
Esame della polvere, da Alessandro Vittorio Papacino d’Autoni. Turin,
1765.
Traité de télégraphie électrique, par M. l'abbé Moigno. Paris, 1852.
Traité d'électricité et de magnétisme par MM. Becquerel et E. Bec-
querel. Paris, 1855.
Exposé des applications de l'électricité, par M le vicomte Th. Du
Moncel. Paris, 1856.
Traité de balistique, par le général Didion. Paris, 1860,
Traité général des applications de l'électricité, par M. Gloesener, Paris
” et Liége, 1861.
14845. Siemens. — Poggendorff’s Annalen,t. LXVI.
1850. Hipp.— Chronoscope électro-balistique avec mouvement d’horlo-
gerie (Dingler’s Polytechnisches Journal, T. 114)
1852. Decher. — Bestimmung der constanten des Hippschen Chrono-
scop’s (Dingler’s Polytechnisches Journal, T. CXXV.)
1855. Kuhn. — Anwendung des Hippschen Chrononcop’s für Feuer-
waffen von geringer Tragweite ( Dinglers’ Polyt. Journal, T. 156)
Résultats de quelques expériénces faites à Woolwich avec un pendule
balistique. ( Annales de chimie et de physique, t.V. — Extraits d’un mé-
moire de Olinthus Gregory, inséré dans les Transactions of the philoso-
phical Society of London.
Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences de Paris :
Tome XIX. — Pouillet.
Tome XX. — Jacobi
Id. — Breguet et Konstantinoff.
Id. — Wheatstone.
Tome XXV et tome XLIII. -— Martin de Brettes.
(12% )
Martin Debrettes : 1819. Mémoire sur un chronographe éleetro-balis-
tique. Paris, 1849.
— 1854. Études sur les appareils électro-magnétiques. Paris, 1854.
— 1858. Appareil chrono-électrique à induction. Paris, 1858.
— 1859. Journal des armes spéciales, t. IL.
— 1861-1863. Instruction pratique sur le M à induction.
(Journal des armes spéciales.)
1848 à 1865. Résumé des travaux du polygone de Brasschaet.
1862. Report on experiments with Navez’s electrobalistic apparatus,
by captain Andrew Noble, late royal artillery.
1863. Report on balistic experiments by W. H. Noble. M. A. lieut. R.
À. associate member ordnance select committee. London. — Ce travail con-
tient un aperçu historiqne.
1853. Application de l'électricité à la mesure de la. vitesse des projec-
tiles; par M. Navez, capitaine commandant de l'état-major de l'artillerie.
Paris, 18553.
1854 à 1857. Revue de technologie militaire de M. le colonel de Lobel.
1856. Chronographe de M. Gloesener, présenté à l’Académie des
sciences , le 27 octobre 1856. (Analyse de ce mémoire, par M. Despretz.)
1858. Instruction sur l'appareil électro-balistique du capitiane Navez.
Arsenal de construction. Anvers. |
1859. Recherches et résultats d'expériences relatives à la mise en ser-
vice des chronoscopes électro-balistiques , par A. Vignotti. Paris.
1859. £. Schultz. — Mémoire sur un projet de chronographe électrique
fondé sur l’emploi du diapason. Paris, 1859.
1859. E. Schultz et Lissajous. — Présentent le chronographe élec-
trique fondé sur l’emploi du diapason. Cet appareil a été construit par Fro-
ment. (Bulletin de la Société d'encouragement, t. IX, n° de janvier 1862.)
1861. Rapport de M. le comte Th. Du Moncel sur les chronographes
électriques de M. Gloesener. ( Bulletin de la Société d'encouragement,
1, VII, 2: série.)
1862. Rapport sur le chronographe électrique à pendule conique de
M. Martin de Brettes, par M. le vicomte Du Moncel. ( Bulletin de la Société
d'encouragement, t. IX, 2e série.)
*
Renseignements qui se rattachent à la détermination des vitesses ou
l'appréciation de temps très-courts. — Enregistreurs.
1807. Young. — A course of natural philosophy, vol. [, p.190. London.
— Cite M. Whitehurst, comme ayant construit une machine capable
d'apprécier le 100me de seconde et destinée à prendre mesure du temps de
la chute des corps. — Décrit une machine analogue à celle de M. Duha-
mel, et montre que les corps vibrants peuvent servir parfaitement à la
mesure de temps infiniment petits. ;
Wertheim. — Annales de chimie et de physique, t. XIF , 5e série.
— Rappelle les travaux de MM. Morin, Poncelet et Duhamel.
1822. Eitelweyn. — Observation sur les effets et l’application du bélier
hydraulique , p. 114. Paris.
Breguet. — Chronomètre à deux aiguilles. (Annales de chimie et de
physique, t. X, 1re série.) |
Ce chronomètre a été modifié par M. Breguet lui-même et Rieussec.
1845. Massey. — Repertory of patent inventions , t. V. — Compteur
pour la marche des vaisseaux, avec enregistreur électro-magnétique.
1847. Crosland. — Mechanics Magazine , t. XLVII — Emploi des
étincelles.
1847. Rowland. — A new and practical method of ascertaining the
velocities of projectiles. Mechanic’s Magazine, t. VI, 1847. — Projet d’ap-
pareil fondé sur les lois de la chute des corps.
1852. Deniel. — Notice sur un tachomètre destiné aux conducteurs
des machines à vapeur. ( Annales des mines, t. I.)
1854. Liais. — Mesure des très-petites fractions de temps. — Méthode
graphique à pointage. (Mémoires de la Société de Cherbourg , t. IL.)
1856. Sang. — Moyens d'observer les petites fractions de seconde.
(Bulletin de la Société d'encouragement, t. LIX.)
Pour la détermination de la vilesse de la lumière, de l'électricité
et de l’étincelle électrique. .
Fizeau. — Vitesse de la lumière. ( Comptes rendus, t. XXIX.).
M. Léon Foucault. — Sur les vitesses relatives de la lumière dans l'air
et dans l’eau. (Annales de chimie et de physique, 3me série, t. XXXXI,
p. 129. — Rappelle les travaux d’Arago et de M. Wheatstone.
( 1% )
Léon Foucault. — Idem. (Comptes rendus, t. XXX. )
Vitesse de l’étincelle et de l'électricité.
Wheatstone. — Fizeau et Gounelle. Voir Exposé des applications de
l'électricité, par M. le vicomte Th. Du Moncel.
La régence de la ville de Bruxelles avait envoyé à la
classe, depuis sa dernière séance, deux rapports de
MM. Lippens et Sacré, sur l'établissement d’un paraton=
nerre pour la flèche de l’hôtel de ville et pour l’entrepôt;
“elle avait exprimé le désir, en même temps, que l’Académie
voulût bien lui faire connaître ses vues relatives au meil-
leur mode à adopter. Ces différentes pièces ont été trans-
mises successivement à MM. Liagre, Melsens et Duprez,
qui les ont examinées avec soin. La classe, après avoir
pris connaissance de leur jugement, a décidé qu’il en serait
fait part à la régence.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Melsens donne communication de la première partie
d’un mémoire sur l’iodure de potassium dans les intoxi-
cations mercurielles et saturnines; il annonce en même
temps l'intention de communiquer la fin de ce travail
dans une prochaie séance.
Memoire sur les relations qui existent entre les étoiles
filantes, les bolides et les essaims de météorites; par
M. Haidinger, de Vienne , associé de l’Académie.
Le titre du travail que j'ai honneur de communiquer
à l'Académie pourrait paraître quelque peu prétentieux,
et, en effet, il exige une plus ample explication. La ques-
tion si les étoiles filantes, les bolides, qui ont disparu sans
laisser de traces à là surface terrestre , et les météores
proprement dits, suivis de chutes de fragments de fer
natif ou de substances pierreuses, appartiennent tous à
une seule-et même classe de phénomènes, a souvent fixé
l’attention des naturalistes les plus éminents. Toutes les
fois qu’un observateur signale un brillant phénomène de
ce genre, cette question surgit de nouveau, et celte fois,
c'est l’apparition que M. Jules Schmidt, directeur de l’ob-
servatoire d'Athènes, vient de signaler à lattention du
monde savant, dont je crois pouvoir me prévaloir pour
discuter derechef la question devant l’Académie (1).
J'ai fait remarquer, dans la séance du 5 novembre 18653,
que des exemples de météorites apparaissant en essaims
se retrouvent fréquemment parmi les relations que nous
possédons sur les phénomènes de cette nature. Les ex-
cellentes observations de M. Jules Schmidt viennent de
fournir la preuve que les météores eux-mêmes peuvent éga-
lement se montrer sous la forme d’essaims. Les chutes de
(1) M. Haiïdinger à donné la description de ce phénomène dans le Bul-
letin de l'Académie royale de Belgique, 2° série, tome XVI, p. 401.
( 128 ) |
Quenggouk en Pégu, du 27 février 1857 (1), et de Goruk-
pour, du 12 mai 1861 (2), ont prouvé que des masses mé-
téoriques pouvaient éclater immédiatement avant leur
chute et toucher la surface de la terre sous forme de frag-
ments 1solés.
Je crois, du reste, avoir réussi à prouver que, dans
certains cas, tels que la chute des météorites à Stannern,
en Moravie, le 22 mai 1808 (3), ce morcellement, au
lieu d’avoir été le résultat d’une explosion arrivée au mo-
ment final du passage de la trajectoire cosmique à tra-
vers l’atmosphère terrestre, avait déjà existé avant ce
moment. Ce n’est que par suite de la pression exercée par
l'atmosphère résistante dans le sens opposé à la direction
de chaque météorite pendant tout le temps de son trajet,
que l’enduit fondu à sa surface peut former ces arêtes
caractéristiques, saillantes, rebroussées vers le point de
départ.
Tant que des groupes de fragments déjà séparés traver-
sent des espaces privés d’atmosphère , 1ls se meuvent tous
avec une vitesse égale. Rien ne pourrait motiver leur sé-
paration selon leur volume plus ou moins considérable,
et rien n'empêche, non plus, de supposer que plusieurs
d’entre eux ne fussent de dimensions minimes, ou même
à l’état de poussière. Ce groupe rencontre-t-1l l'air atmos-
phérique s’opposant à son mouvement progressif, les frag-
(1) Comptes rendus de l'Académie de Vienne, t. XLIV, p. 637, séance
du 5 décembre 1861.
(2) lbid., t. LV, séance du 15 mai 1862.
(3) lbid., t. XL, p. 525, et t. LV, séances du 9 avril 1860 et du 22 mai
1862, p. 79.
{ 4199)
ments volumineux, favorisés par le rapport de leur masse
à leur surface, auront à vaincre une résistance beaucoup
moins grande que celle qui fait obstacle au mouvement
d’autres corps de moindres dimensions; ils progresseront
donc plus rapidement, en laissant derrière eux les frag-
ments plus petits. Les chutes de l’Aïgle, de Slannern et de
New-Concord sont venues, depuis longtemps, à l’appui de
cette assertion. Chaque fragment isolé produit, pour son
compte propre, l'enveloppe lumineuse, résultant de la
résistance que l’air comprimé oppose à son passage. Îei se
présente naturellement la question suivante : Quels seraient
les phénomènes que présenteraient des groupes de frag-
ments entrant dans les limites de l’atmospère terrestre sous
la forme de corps de très-petites dimensions ou sous celle
de substance plus ou moins pulvérulente? Sans doute, ces
phénomènes ressembleraient à ceux qu’offent les étoiles
filantes : d’abord un mouvement commun progressif sous
une enveloppe lumineuse, et, au terme du mouvement,
une dispersion plus ou moins dépourvue d'évolution de lu-
mière.
M. Alexandre Herschel, digne successeur de son père
et de son grand-père, tous les deux à jamais immortels
dans les annales de la science, à adopté la même manière
de voir et l’a énoncée ainsi dans une lettre datée de Col-
lingwood, 25 octobre 1863, et adressée à M. l'abbé
Moigno : « On se demande, naturellement, quelle est la
» nature de ces corpuscules planétaires qui percent l’at-
» mosphère dans les régions élevées et qui sont détruits
» dès qu’ils parviennent dans des couches de densité sen-
» sible. fl me paraît nécessaire de distinguer les aérolithes
» de la classe des bolides et des étoiles filantes, à cause
2e SÉRIE, TOME XVII. 9
( 130 )
» de la différence des phénomènes de lumière et de pe-
» santeur. Les étoiles filantes d'août dernier avaient un
» éclat remarquable, mais la hauteur de la disparition à
» été plus grande que jamais. Or, si les étoiles filantes
» d'août dernier étaient des corps solides, les plus bril-
» lantes eussent été celles qui pénétrèrent plus bas dans
l'atmosphère, et cela n’a pas lieu. Il me semble done
» qu’elles doivent être classées avec les bolides, comme
» étant composées d’une matière pulvérulente renfermant
» rarement quelques grains de sable tout formés au centre
» de la masse. Une telle agrégation de matière, sans
» agglutination, explique d’une manière satisfaisante la
> hauteur constante des disparitions, les extinctions sou-
» daines, les étoiles filantes enveloppées, etc., et les
» morceaux fondus qui accompagnent la cessation de la
» flamme (1). »
Dans le cours de l’été de 1863, M. Ad. Quetelet, membre
correspondant de notre Académie de Vienne et une des
grandes autorités dans la question des étoiles filantes, à
consulté plusieurs savants sur leur manière de considérer
les rapports mutuels entre les météores ignés, les étoiles
filantes, les bolides et les chutes de masses météoriques.
M. Quetelet a publié les réponses qui lui sont parvenues,
conjointement avec ses propres vues et ses observations,
ainsi que les rapports sur les phénomènes d’août 1863,
dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 2 sé-
rie, t. XVI, n°9.
- Le même savant à publié un aperçu analogue dans
Ÿ
(1) Les Mondes, ire année, t. 11,4 livraison, 5 novembre 18635.
EL
(151)
le n° 41 des Bulletins et a bien voulu m'en adresser des
tirés à part. Cet aperçu embrasse, outre les observations
. de son auteur, les communications qui lui ont été adres-
sées par MM. Duprez, de Gand; Sir John Herschel et
Alex. Herschel, de Hawkurst; Bianconi, de Bologne;
H.-A. Newton, de New-Haven; Le Verrier, de Paris; Poey,
de la Havane; et par M°° Catherine Scarpellini, de Rome.
On y trouve également quelques-unes des communications
que J'ai faites à M. Quetelet, et spécialement dans le n° 11,
ma relation du phénomène du 18 octobre 1860, d’après
les observations de M. Jules Schmidt, d'Athènes.
Le savant astronome de Bruxelles se rallie entièrement
à l’opinion de sir John Herschel, qui attribue à tous ces
phénomènes une origine cosmique({). L’explication des phé-
nomènes ne saurait être fournie qu’en supposant que notre
globe, dans son mouvement de translation annuelle, ren-
contre un anneau de corps quelconques tournant autour
du soleil; explication qui, il est vrai, laisse encore beaucoup
à désirer, mais qui, néanmoins, suffit aux deux conditions
fondamentales du problème (2). Quant à la grande altitude
au-dessus de la surface terrestre, à laquelle on a observé
ces phénomènes, elle pourrait conduire à l'hypothèse d'une
seconde couche atmosphérique entourant notre atmo-
(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, t. XVI, 2e série, p.186,
1863. |
(2) J'avais cru remarquer, dit M. Ad. Quetelet , avec regret que notre
honorable associé (en parlant de moi) ne se rapprochaïit pas des idées que
j'avais émises sur ce genre de phénomènes : je suis trop heureux d’ap-
prendre que je m'étais mépris, pour ne pas m’empresser de m’excuser, et
de m'applaudir de voir mes idées d’accord avec celles d’un savant de son
mérite.
4.
(132 )
sphère aérienne et d’une nature pour ainsi dire plus
ignée que celles-ci (1).
M. H.-A. Newton ne se prononce pas moins explicite-
ment en faveur de l’origine cosmique des météores. Le
savant astronome de New-Haven relève surtout la pério-
dicité des courants météoriques et leurs coïncidences avee
les époques de l’année stellaire.
J'avais mentionné, dans le premier des aperçus en
question, les vues de M. E.-G. Herrick, de New-Haven (2);
en acquiesçant à leurs généralités, c’est-à-dire à ce que les
étoiles filantes, les bolides et les météores sont tous d’une
origine astronomique identique. M. Herrick a fait obser-
ver, de plus, que ces corps, de même que ceux d’origine
terrestre, peuvent différer entre eux quant à leur état
d’agrégation et leur constitution chimique. Ma seconde
communication a pour objet les observations de M. Schmidt,
sur le météore du 18 octobre 1863, auxquelles je n'ai
ajouté aucun commentaire. -
M. Ad. Quetelet, dans son introduction à son second
apercu, discute derechef la question de l’origine cosmique
ou atmosphérique et celle de la hauteur de l’atmosphère
terrestre. |
L'identité des trois classes de météores ignés me parut
indubitable en partant d’un point de vue général; toute-
fois, Je ne me crus pas autorisé à me prononcer définiti-
vement sur la hauteur et la constitution de l'atmosphère.
M. Quetelet en conclut (3) que je ne partage pas ses
vues, quant à une hauteur plus grande que celle qu'on
(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 2e série, t. XVI, p. 520.
(2) Zoid., t. XIII, p. 127, etc.
(5) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, t. XVI, 2: série, p. 401.
( 135 )
. est convenu d'admettre jusqu'à présent. Je me crois done
. autorisés sans encourir le reproche d’avoir usé de trop
de présomption, de prononcer ici ma pleine adhésion à
ses vues, tant pour la hauteur, qu'on doit supposer plus
considérable qu’on ne l’admet généralement, que pour
la composition de deux couches de nature différente,
dont l’inférieure (atmosphère instable), participant au
mouvement rotatoire du globe terrestre, est sujette à des
courants et à des variations de toute espèce, tandis que
la couche supérieure (atmosphère stable), d’une densité
très-faible, persiste dans un état d’immobilité relative. Sans
aucun doute, cette dernière suit le globe dans son mouve-
ment de translation annuelle; sa participation, superposée
comme elle est à la couche inférieure, au mouvement de
rotation diurne, doit encore rester indécise. Le caractère
de stabilité qui lui est attribué, pourrait en faire douter,
au moins dans de certaines limites. M. Quetelet, dans
son important ouvrage sur la Physique du globe, publié
en 1861 (p. d), désigne ces couches par les noms d’atmo-
sphère mobile ou dynamique, et d’atmosphère immobile
_ ou stable Les considérations, publiées par M. Benjamin
V. Marsch, dans le journal américain du professeur Silli-
man (1) ont une grande importance, relativement à l’exis-
tence de deux couches atmosphériques de nature diffé-
rente.
Il serait plus désirable de prendre en considération,
chacune isolément, les deux questions sur l’origine des mé-
téores, de la hauteur et de la constitution de l’atmosphère
terrestre, si les phénomènes eux-mêmes ne prouvaient pas
(4) Remarks on the Luminozity of Meteors, ab affected by latent heat :
Tue AMERICAN JourNaL, 24 series, vol. XXXVI, july 1863, p. 92.
(134)
qu’elles influent constamment l’une sur l’autre. Je me se-
rais borné ici à la première de ces questions, si lespassage
que J'ai cité plus hautne m'imposait l nbeaten de formuler
mon opinion à ce suJet.
La supposition émise par M, Alexandre Herschel me
semble réunir en un cadre parfaitement circonserit les
rapports existants entre les météores à contenu matériel,
les bolides et les étoiles filantes.
On ne devrait jamais perdre de vue que les matières
parcourant l’espace sont essentiellement de nature frag-
mentaire. Ces fragmeñnts peuvent être :
1° Des masses isolées de fer ou de substances pier-
reuses;
2 Des agrégations de fragments différents de vo-
lume ;
5° Des agrégations de fragments minimes, jusqu’à être
réduits à l’état de poussière impalpable.
Les fragments 1° et 2°, une fois entrés dans le domaine
de l’atmosphère terrestre, se terminent par la chute de
météorites, tantôt isolés, tantôt en essaims.
Lorsque les agrégations 2° et 3° atteignent la limite
supérieure de-l’atmosphère terrestre, la résistance qu’elles
ont à vaincre dès ce moment opère une séparation : les
fragments les plus volumineux laisseront derrière eux
ceux qui le sont moins. Il est impossible d'admettre que
jamais une explosion puisse avoir lieu dans ce moment;
elle se prépare pendant que les substances solides traver-
sent l’atmosphère et coïncide avec le terme du parcours
cosmique du météore.
On conçoit facilement que des agelomérations de par-
ticules pulvérulentes réunies en globe, ou passant par les
couches supérieures de l’atmosphèie, provoquent d’abord,
( 159 )
dans leur ensemble, des phénomènes lumineux ; mais elles
doivent bientôt se résoudre en poussière; de sorte qu'il
n'existe plus rien de ce qui pourrait provoquer un dévelop-
pement de lumière, dès que ces particules ont atteint les
couches atmosphériques inférieures. On se rappellera ici
un fait, fort inattendu en lui-même, que M. Jules Schmidt
a cité dans ses communications sur les météores ignés (1);
c’est que, généralement, les météores les plus lumineux
semblent s’allumer à des hauteurs plus considérables,
tandis que ceux d’un éclat moins intense apparüennent
déjà à des régions moins élevées, ainsi que le démontre les
quatre observations suivantes :
Météore de 1re grand. : Altit. 16.2 milles géograph., moy. de 14 observ.
— de 2m — 0 199 — — de20 —
— de jme — RAS — Te 240
hdeiime : Les, 8.5 —— — de21 —
Les différents modes de diffusion de lumière peuvent
être attribués au plus ou moins grand volume des parti-
cules. Les plus petits grains de poussière émettent de la
lumière dès qu’ils ont atteint les couches supérieures, et
s’éteignent tout aussi promptement, parce que, après un
court trajet, ils sont dissipés par suite de la résistance de
l'atmosphère. Les particules moins déliées parcourent un
chemin plus long, mais s’éteignent aussi Fear à
des hauteurs considérables (2).
+
(1) Comptes rendus de l’Académie des sciences de Vienne, séance du 6
octobre 1859, t. XXXVIT, p. 803.
(2) Ce n’est pas sans raison que M. Quetelet appuie sur le fait « qu'il
» n’est aucun observateur qui puisse dire avoir touché une étoile filante,
» ou même avoir vu sa substance. » ( Bulletins de l'Académie royale de
Belgique, 2e série, t. XVI, n° 9 p. 37.)
( 136 )
Les nombreux météores lumineux qui s’éteignent dans
les couches inférieures, après avoir apparu dans des régions
plus élevées, sans se terminer par une chute de substances
solides, ne pourraient bien être que des agglomérations re-
lativement volumineuses de substances pulvérulentes, et tel
était peut-être le phénomène si extraordinairement brillant
d'octobre 1854, à cinq heures du soir, que sir John Hers-
chel a décrit dans la première de ses relations adressées
à M. Quetelet. Le diamètre apparent de ce météore était
plus du double de celui de la lune. Arrivé au zénith, on
l’a vu distinctement tourner autour de son axe, et très-
probablement sa longue et brillante traînée, restée visible
pendant toute la durée de son apparition , était formée des
particules pulvérulentes lancées dans tous les sens par
suite de la rotation de la masse agglomérée. Le fameux
météore du 18 août 1783, dont l’apparition eut lieu à neuf
heures onze minutes de soir, observé à Windsor, et qui est
resté visible pendant soixante secondes, présente une res-
semblance frappante avec celui décrit par sir John Her-
schel (1).
Les météores dont la chute a lieu en plein jour mon-
trent parfois une traînée sous forme de nuage ou de fumée.
Je crois devoir rappeler ici une observation importante
concernant le météore qui a été vu le 15 novembre 1859, à
neuf heures et demie avant midi, dans une partie de ’Amé-
rique du Nord. Selon les données fournies par M. Ben-
jamin V. Marsh (2), ce météore prit sa course à peu près
(1) Schmidt, Comptes rendus de V Académie de Vienne, t. XXXVIL, p. 815.
(2) Collection of observations on the daylight meteor of nov. 1859,
with remarks on the samen. By Benjamin V. Marsch. From the Journal
ofthe Franklin Institute, p. 10.
(457)
vers l’ouest et s’abaissa vers le sol à environ quatre milles
anglais de Dennisville, cap May-County, New-Jersey , sous
un angle d'environ 35 degrés. Une colonne de fumée,
d’un diamètre d'environ mille pieds, et dont la base était
située à une élévation d'à peu près huit milles anglais,
resta visible. |
Lorsqu'on observe des météores lumineux, on doit
nécessairement tenir d'autant plus compte des effets de
l'érradiation que leur éclat est plus intense. Cette cause
d'erreur n’existe pas ou très-peu pour une colonne de
fumée, de brouillard ou de nuages, vue en plein Jour.
Probablement la masse du météore du 15 novembre, ac-
compagné d’ailleurs de phénomènes acoustiques intenses,
sans toutefois se terminer par une chute de substances,
solides, se composait d’une agglomération de matière pul-
vérulente, dissipée par la suite en forme de nuage.
Rapport sur lPechantillon du météorite de Beauvechain,
(Tirlemont, Tourinne-la-Grosse); par M. Haidinger, de
Vienne, associé de l’Académie.
Une chute de masses météoriques ne manque jamais de
faire sensation et de fournir un nouvel aliment à lesprit
d'investigation de ceux qui ont fait de ces phénomènes
l’objet de leurs études spéciales, surtout à l’époque ac-
tuelle, où , plus peut-être que jamais, les météores ignés
et leurs résultats matériels occupent l'attention et la saga-
cité de tous les savants. |
Une chute météorique eut lieu en Belgique, le 7 décembre
1863, vers onze heures et demie du matin. Le journal PIn-
dépendance belge, dans son numéro du 18 décembre 1863,
(138 )
que M. le chevalier Charles de Hauer à bien voulu me
communiquer, indiquait comme localité de la chute les
environs de Tirlemont, la contrée entre Tirlemont et
Cumptich, le plateau de la Hesbaye. En même temps que
J'envoyai à M. Ad. Quetelet une traduction des communi-
cations que m'avait faites M. Jules Schmidt, je lui adressai
ma demande de vouloir bien obtenir, pour notre Musée
impérial, la cession d’un où de plusieurs fragments de ce
météore, qui, ainsi que je le supposais, devaient avoir été
mis à sa disposition. Je crus devoir réclamer simulta-
nément, et dans le même but, la bienveillante interven-
tion de S. Exec. M. le baron de Hügel, ministre d'Autriche
près la cour de Bruxelles, et je reçus, le 20 de ce mois,
une lettre de celui-ci accompagnée d’une notice de M. Ad.
Quetelet et d’un échantillon du météorite de Beauvechain,
envoyé par M. Van Beneden : cet échantillon pesant 63,438
grammes , long de 65, large de 39, épais de 195 milli-
mètres, était recouvert aux trois quarts, sur une des faces
aplaties, d’une croûte d’un noir mat d'environ un demi-
millimètre d'épaisseur. C’est un fragment d’une masse plus
considérable, dont le poids total a été estimé à douze kilo-
grammes. M. le professeur Van Beneden avait envoyé à
M. Quetelet, le surlendemain de la thute, une notice sur
le phénomène en question, en même temps qu’un frag-
ment du météorite lui-même, dont s’est enrichie la collec-
ton du Musée impérial de Vienne. Cet échantillon avait
été montré d’abord à l’Académie royale de Belgique.
Au moment de la chute, le ciel était entièrement sans
nuages. Un bruit Imsolite et perceptible à une grande dis-
tance , semblable à quatre ou cinq coups de canon, fut suivi
pendant quelques minutes d’un craquement continu. La
localité exacte de la chute est le village de Beauvechain, à
PPT TE TERRES
( 139 }
| proximité de Tourinnes-la-Grosse. Le météorite, tombé
sur un pavé qu'il cassa, s’était brisé lui-même par la vio-
lence de sa chute. Une petite fille, qui voulut en ramasser
les fragments, les trouva encore tellementéchauffés, qu’elle
ne put les tenir dans la main. On attend encore des relations
plus détaillées sur ce phénomène, et M. Armand Thielens,
de Tirlemont, a annoncé, dans une lettre adressée à M. Se-
noner, bibliothécaire de l’Institut impérial de géologie de
Vienne, qu’il avait transmis à M. Ad. Quetelet un travail
étendu sur la chute de « deux aérolithes. »
M. Florimond, de Louvain , a publié, dans le journal Les
Mondes (1) une notice assez détaillée sur un météorite du
poids de plus de six kilogrammes et complétement en-
croûté, qui serait tombé dans une forêt, où il aurait abattu,
à 2,23 mètres au-dessus du sol, un sapin de vingt-six cen-
timètres de circonférence. Le second météorite aurait été
brisé en fragments. M. Florimond en a déterminé la densité
== 3,18. :
Les habitants de Beauvechain partagèrent- entre eux
les fragments du météorite du 7 décembre. Néanmoins,
M. L. Saemann parvint à acquérir sur place le plus grand
de ces fragments, du poids de 1,300 grammes, exhibé plus
tard par M. le professeur Daubrée à PAcadémie de Paris
(séance du 4 janvier 1864), et acheté pour la collection
du Muséum d'histoire naturelle. M. Saemann a acquis, en
outre, un certain nombre de fragments pesant ensemble
1,500 grammes. D’après les comptes rendus de la séance du
4 janvier 1864 de l’Académie des sciences de Paris, le mé-
téorite aurait frappé un arbre dans sa chute et serait tombé
#
(4) XXIe livr., 24 décembre 1865.
( 140 )
de branche en branche sans faire d'autre dégât que d’en-
lever l'écorce sur son passage. M. Saemann en infère avee
raison qu’il ne peut être arrivé à terre avec une vitesse pla-
nétaire, ni même avec celle d’un boulet de canon (1,400
pieds par seconde), ou celle du son (1,015 pieds par se-
conde). Une vitesse de 1,000 pieds par seconde représen-
terait la vitesse finale d’un corps tombant d’une hauteur de
15,385 pieds pour la 32,26"° seconde de son mouvement
descendant. Une vitesse de 800 pieds correspondrait à une
hauteur de 8,566 pieds et à la vitesse finale de la 25,81"%°
seconde. Ces valeurs , quoique énoncées en décimales, ne
sauraient passer que pour des approximations. Elles n’en
concourent pas moins à prouver que la résistance de l’at-
mosphère à dû annuler entièrement la vitesse cosmique de
l’aérolithe.
La formation de la croûte appartient à l'orbite cosmique
du météorite, non pas à son orbite tellurique, accom-
pagnée de phénomènes acoustiques résultant de lirruption
subite de l’air ambiant dans un espace vide, et auxquels
le nom de détonation convient mieux que celui, assez
généralement usité, d’explosion.
La masse du météorite de Beauvechain est telle que l’a
caractérisée M. Daubrée , de même que dans la plupart des
autres météorites connus, un mélange de silicates dans
lequel sont disséminés des grains minimes de fer sulfuré et
de fer nickélifère. Elle se range, par le ton de ses teintes,
dans le second groupe de M. Reichenbach, et par sa struc-
ture tufoïde à granules isolés, ronds ou anguleux, parmi
les « météorites-chondrites » de M. le professeur G. Rose.
L'échantillon donné au Musée impérial par M. Van Bene-
den montre uné&masse empâtée de fer sulfuré (troïlite de
Haïdinger) d’un quart de pouce en long et autant en large.
!
( 14 )
Des plans spéculaires, d’une certaine étendue, existant à
côté de la cassure imparfaitement conchoïde, semblent
indiquer ou un clivage ou une agrégation régulière.
Grâce à l’attention particulière que, depuis quelques
années, on accorde aux phénomènes dont nous nous oc-
eupons ici, les collections de masses météoriques ont pris
un développement vraiment inattendu. Âu commencement
de 1859, celle du Musée impérial comptait des échantillons
recueillis dans cent trente-sept localités; le 30 mai 1865,
elle en comptait près de deux cents, et, en ce moment,
ce dernier chiffre est déjà dépassé.
La collection du Musée britannique, confiée aux soins
éclairés de M. Maskelyne, comptait soixante et quinze lo-
calités en 1859; le 12 décembre 1865, elle en comptait
deux cent dix-neuf. Celle de l’Université de Berlin , dirigée
par M. le professeur Rose, possédait, selon linventaire
dressé le 9 avril de l’année passée, cent einquante-trois
échantillons; celle de l’Université de Gôttingue, formée
par les soins de M. le professeur Wôhler, possédait, le 1°°
janvier 1864, pas moins de cent trente-sept localités,
parmi lesquelles se trouve celle de Tirlemont, chute du 7
décembre 1863. Le catalogue du Muséum d'histoire natu-
relle de Paris, récemment publié par M. Daubrée, qui donne
des soins particuliers à cette spécialité tant soit peu né-
gligée dans ces dernière années, énumère quatre-vingt-six
localités.
Parmi les collections particulières, les plus riches sont
celles de M.Shepard. (cent quarante-deux localités, d’après
le dénombrement du 29 juin 1860, cent cinquante et une,
d’après M. Buchner, dans sa publication sur les collections
de météorites), de M. R. P. Greg (cent quatre-vingt-onze
localités) et de M. le baron de Reichenbach (cent soixante
( 142 )
et seize). Les chiffres doivent s'être notablement augmentés
dans les derniers temps.
Les astronomes et les observateurs ne sont pas restés en
arrière des minéralogistes, des géologues et des collection-
neurs. MM. Quetelet, sir John et Alexandre Herschel, Heis,
Jules Séhmidt, H.-A. Newton, Secchi, Bianconi, Neu-
mayer, Poey, B.-V. Marsh, Pohit, Coulvier-Gravier, Lyman,
Évans, Lawrence Smith, Grey, M"° Scarpellini, sans
compter le défunt Herrick et un grand nombre de colla-
borateurs, ont donné une impulsion toute neuvelle à l'étude
des météores ignés, dans l'intérêt de laquelle Association
britannique à constitué un comité spécial. M. Quetelet, au
moyen de ses rapports insérés dans les publications de
l’Académie royale de Belgique, contribue essentiellement
aux progrès de ces importantes études, en tenant le monde
scientifique au courant de leurs résultats.
Il ne me reste plus qu’à faire une observation concer-
nant un passage du dernier de ces rapports, que M. le
baron de Hügel a bien voulu me faire parvenir, en même
temps que léchantillon du météorite de Beauvechain.
M. le directeur Heiss, qui a joint, pendant de longues
années, ses travaux à ceux de M. Jules Schmidt, avait men-
tionné que, dès 1849, il avait énoncé, dans son ouvrage
sur les étoiles tombantes périodiques, l'hypothèse d’après
laquelle un grand nombre d'étoiles filantes seraient com-
posées de substances à l’état pulvérulent (1).
Le fait est incontestable, puisque, à la page 39 de cet
ouvrage, le savant auteur parle expressément de « fer
pulvérulent, de nuages météoriques, de soufre pulvéru-
(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique , 2 série, n° XVI, p. 7.
( 143)
lent, ete., » et certainement l'éclaireissement d’un grand
nombre de faits importants devient plus facile dès qu’on
suppose des corps ou des groupes de corps pulvérulents
animés d’un mouvement commun à travers les espaces
cosmiques. Néanmoins, ces assertions ne sauraient être
considérées comme étant la base unique des vues énoncées
par M. Alexandre Herschel, qui, seules, nous conduisent
à concevoir une relation intime et nécessaire entre les trois
formes fondamentales des météores ignés : Les étoiles fi-
lantes proprement dites, les bolides et les météores à noyau
solide, qui se terminent par la chute de substances li-
thoïdestou métalliques.
Notice sur le Pararparaus iNsiGnis; par MM. P.-J. Van
Beneden et L. De Koninck, membres de l’Académie.
Les poissons appartiennent déjà aux premières époques
de l’histoire du globe, et si nous ne trouvons pas parmi
les vertébrés de ces époques ces formes célèbres connues
sous les noms de Labyrinthodon, de Plesiaures ou de Mas-
todontes, leur histoire , pour être plus ignorée, n’en offre
pas moins un très-haut intérêt scientifique. Les poissons
ont continué paisiblement leur existence à travers toutes
les époques géologiques, et à chaque période ils ont affecté
une forme et un cachet particulier. Nous voyons les Ga-
_noïdes régner d’abord en maîtres jusqu’à la fin de l’époque
Jurassique, puis les Placoïdes jusqu’à l’époque crétacée,
“et enfin nous voyons paraître les T'eleostei.
Des découvertes importantes de reptiles, de batraciens
( 144 )
et de poissons ont été faites, dans ces derniers temps, dans
le terrain carbonifère. Parmi les reptiles et les batraciens,
nous pouvons citer l’Eosaurus acadianus de M. O.C.Marsh,
trouvé à la Nouvelle-Écosse (1), les Archegosaurus de
Saarbruck (2), qui coassaient probablement entre les pal-
miers de cette époque comme le font les grenouilles au
milieu de nos jones; les Dendrerpeton de Sir Ch. Lyell et
J. W. Dawson (3) et les Hylonomus de ce dernier (4).
Parmi les poissons, nous citerons le gigantesque Edestes
vorax, dont le fragment connu est un piquant (Owen) ou
un fragment maxillaire (Leidy) (5) et le Xenacanthus De-
cheni, Beyrich, de Rüpersdorf (Bohême), si remasquable
par ses rayons comprimés et garnis d’épines des deux côtés,
qu'il portait probablement derrière la tête.
Ainsi on connaît déjà quelques animaux vertébrés du
terrain carbonifère, mais en général on n’a pu se faire
une idée de la forme du corps des poissons cartilagineux
que par les seuls piquants que l’on en possède. C’est donc
(1) Descript. of the remains of a new Enaliosaurian (Eosaurus Aca-
DIANUS) from the coal formation of Nova Scotia. AMERIC. JOURNAL OF
SCIENCE AND ARTS, VOL. XXXIV. July 1862.
(2) Goldfuss , Leonh. und Bronn, NeuEs Jaure., 1847, p. 400, et Beitr.
zur vorweltlich. Fauna des Steinkohlengebirges. Bonn , 1847, in-40. —
Burmeister, Die Labyrinthodonten aus dem Saarbrücker Steinkohlenge-
birge. Berlin, 1850. — H. v. Meyer, Leonh. und Bronn, NevEs Jaxrs.,
1835, p. 68; 1859, p. 242, et Mémoires de la Soc. d’hist. nat. de Stras-
bourg, t. IT, 3e livraison.
(3) Sir Ch. Lyell and Dawson, On the remains of a reptile (DENDRERPE-
TON ACADIANUM).... in the coal measures of Nova Scotia. Quarr. Journ.
GEoL. Soc., vol. IX.
(4) Proceedings of the Geolog. Soc. of London, 1859.
(5) Jos. Leidy, m. d., Description of some remains of fishes from. the
carboniferous and devon. formations, of the Unit. St. JourN. OF THE
ACAD. OF NAT. SOC. OF PaiLADELrPHIA, 2 ser., vol. III, 1856.
(145)
une découverte fort intéressante à signaler qu’une tête
presque entière d’un de ces poissons, qui permet de se
faire une idée complète de la forme de l’animal.
Il y a quelques années, un fragment de tête d’un grand.
poisson a été découvert dans le caleaire paléozoique des
bords de la Meuse, par M. d’Otreppe de Bouvette, prési-
dent de l’Institut archéologique de la province de Liége ;
il nous à été confié par l’intermédiaire de notre honorable
collègue M. le baron de Selys-Longchamps, afin de l’exa-
miner et de le décrire.
Plusieurs circonstances, qu’il est inutile de faire con-
naître nous ont fait retarder jusqu’à présent la publication
de cette notice.
Cette tête a été moulée en plâtre par les soins de l’un
de nous, et un exemplaire en a été communiqué à notre
ami Paul Gervais, sous le nom de Palaedaphus insignis,
Van Beneden et de Koninck. Le savant membre de l’In-
stitut a profité de notre offre pour le faire figurer dans sa
Zoologie et paléontologie françaises, pl. 77, fig. 17.
Depuis cette époque, l’un de nous, M. De Koninck, est
parvenu à dégager davantage le fossile de la roche qui
l’enveloppait en partie et à faire mieux ressortir ses carac-
tères : c’est ce qui expliquera la différence entre les figures
qui accompagnent cette notice et celle qui a été publiée
par M. Gervais (1).
Notre Palaedaphus appartient sans contestation à l’ordre
des PLAGIOSTOMES et au sous-ordre des SQUALIDIENS.
Il n’est pas aussi aisé d'indiquer avec certitude-la famille
naturelle dans laquelle il doit être rangé.
(1) P. Gervais, Zoologie et paléontologie françaises, pl. LXXVII, fig. 17.
2m SÉRIE, TOME XVII. 10
( 146 )
Quoique par la forme du museau, il se rapproche des
SQUATINIDES, il est néanmoins probable qu’il appartient
aux CESTRACIONTES.
Cette opinion est basée sur la forme de la charpente
osseuse de la mâchoire supérieure, qui paraît bien plus
propre à recevoir quelques rangées de dents aplaties qu’à
porter des séries plus ou moins nombreuses de dents co-
niques ou tranchantes.
En effet, le maxillaire supérieur est composé de deux
parties osseuses assez allongées, mais dont la partie posté-
rieure ayant été brisée , nous est inconnue. Ces os sont lé-
gèrement arqués en sens inverse; leurs bords sont subpa-
rallèles et leur largeur est d'environ sept centimètres; ils
sont terminés en avant par un prolongement anguleux,
et réunis par une suture médiane, qui se transforme posté-
rieurement en une gouttière assez large; l’angle antérieur
de tous cés os est d'environ 45°; chacune de leurs sur-
faces buccales est chargée de quatre tubercules allongés
subparallèles entre eux, et parallèles en même temps à la
suture médiane; la base de ces tubercules est d’un et demi-
centimètre à peu près de diamètre, et ils sont plus sail-
lants en avant qu’en arrière, où ils s’effacent insensible-
ment; ils laissent entre eux des sillons assez profonds
ayant deux à deux centimètres et demi de large.
La partie postérieure des deux os réunis est fortement
évasée et laisse supposer une cavité buccale très-consi-
dérable.
La forme de ces os et la place qu’ils occupent pourraient
fort bien , au premier aspect, les faire confondre avec des
dents; mais en les étudiant avec un peu de soin, on par-
vient facilement à éviter cette erreur.
Il serait étrange toutefois de rencontrer chez un plagios-
( 147 )
tome une dent unique de chaque côté de la bouche, ayant
plus de vingt centimètres de long sur sept centimètres de
large. Néanmoins, comme cette disposition ne serait pas ab-
* solument impossible, c’est sur d’autres considérations que
nous fondons notre opinion. Celles-ci se portent sur la na-
ture même des organes observés et sur leur structure in-
time. En examinant à la loupe une section de ces os, on n'y
rencontre pas la moindre trace d’émail ; toute leur masse
est composée d’un tissu spongieux uniforme, parfaitement
identique avec celui du museau auquel ils servent de base.
Cette structure nous semble devoir exclure toute idée qui
tendrait à les faire considérer comme des dents proprement
dites; mais il paraît en même temps assez rationnel d'ad-
mettre qu'ils ont pu être recouverts d’une membrane plus
ou moins épaisse dans laquelle auraient été logées des
dents analogues à celles des Psammodus , des Helodus ou
à celles d’un poisson d’un genre voisin de ces derniers,
c’est-à-dire à racines peu développées.
Le museau lui-même, dans lequel se trouve logée la
partie osseuse que nous venons de décrire, est très -dé-
primé, limité par des côtés en forme d’un $ très-allongé,
et terminé en avant par une partie courbe dont la corde a
quatorze centimètres d’étendue et dont le rayon est d’en-
viron douze centimètres. Ce museau, plus mince dans sa
partie centrale que sur les côtés, a le bord antérieur très-
arrondi et présente l’apparence d’avoir ‘été produit par un
prolongement de la partie supérieure, replié sur lui-même,
ainsi que la forme de deux cornets joints obliquement
entre eux par leur extrémité pointue.
__ Cette disposition fait que de chaque côté du museau il
existe une ouverture ou cavité assez large, mais peu pro-
fonde, en communication directe avec un sillon latéral,
( 148 )
qui se prolonge de chaque côté, à huit centimètres en ar-
rière de la limite antérieure du museau, et se trouve creusé
dans l’os même qui constitue celui-ci. Ces ouvertures laté-
rales ont probablement correspondu aux fosses nasales de
l’animal. Cependant nous croyons devoir faire observer
que la roche qui remplit ces ouvertures étant très-dure
et très-cassante, nous n’avons pas osé la creuser très- .
avant, de crainte de compromettre l’échantillon unique
qui nous a été confié, nous ne pouvons donc rien dire à
l'égard de la terminaison interne de ces ouvertures et as-
surer, d’une manière positive, que leur usage ait été celui
que nous supposons et qui est si bien indiqué par la place
même qu’elles occupent. La lèvre inférieure du museau est
déprimée, d’une largeur moyenne de trois centimètres et
à bords presque parallèles. Un sillon assez profond, large
d'environ un centimètre , la sépare sur toute son étendue
du maxillaire supérieur, à la partie supérieure ou interne
duquel elle paraît être soudée intimement.
Cette disposition nous paraît fort importante pour l’ap-
préciation des affinités; en effet, si nous comparons sous
ce rapport les Squarinés avec les RanDés, nous trouvons
que, dans ces derniers seuls et particulièrement dans les
genres si remarquables des Céphaloptères et des Mylio-
bates, cette même disposition se reproduit. Sous ce rap-
port, comme sous d’autres éncore, le Palaedaphus est plus
voisin des raies que des squales.
La surface externe de la tête est lisse, d’une apparence
écailleuse et brillante, comme si elle avait été recouverte
d’une peau cornée, mais la couche de matière qui lui
communique ce brillant est extrêmement mince et assez
dure.
De toute cette description, que nous nous sommes
( 149 )
eflorcés de faire aussi exacte que possible, et qui sera
rendue plus intelligible par l’imspection des figures ci-
jointes, il ressort à l’évidence que notre Palaedaphus ne
ressemble en rien aux espèces de PLAGIOSTOMES ac-
tuellement connues, et qu’il ne présente aucun des carac-
tères des divers genres qui ont été groupés dans cet ordre.
Quoique la localité dans laquelle le Palaedaphus à été
découvert ne nous soit pas exactement connue , nous n’hé-
sitons pas à croire qu'il provient du calcaire carbonifère,
identique à celui de Dinant et de Tournay, qui est si avan-
tageusement exploité, dans un grand nombre d’endroits,
sur les bords de la Meuse. :
La nature de la roche, l’impression d’un article de Pote-
riocrinus que nous y avons observée, ainsi que la fré-
quence beaucoup plus grande des Cestraciontes dans ce
terrain, sont les principaux motifs qui ont servi à nous
convaincre de l’exactitude de cette détermination. C’est
dans un calcaire de la même époque que M. Wincqx,
sénateur et maître de carrières , a découvert dernièrement
un échantillon d’un Ichthyodorulite qui n’a pas moins de
quarante centimètres de longueur.
En général, on ne connaît les poissons des terrains an-
ciens que par les seuls débris qui se conservent, les dents
et les piquants, et nous considérons comme une circon-
stance fort heureuse, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
de pouvoir signaler ici la forme véritable d’un de ces
animaux.
Si nous considérons la disposition des dents et des mà-
choires pour l'établissement des affinités des palaedaphes,
nous voyons ces curieux poissons se rapprocher ‘d’un côté,
des Chimérides, de l’autre des Cestraciontes et des Squa-
tinides.
( 150 )
La forme de la tête les rapproche des derniers, qui sont
vraiment des formes transitoires des squales aux raies,
tandis que les dents en vastes plaques en font plutôt des
chimères ou des cestraciontes. D'un autre côté, la peau,
qui semble avoir été lisse et unie, les rapproche plus des
chimères ou des raies en général de l’époque actuelle.
Nous ne trouvons malheureusement pas de traces d’yeux
pour nous assurer si, sous Ce rapport, ils se rapprochent
plus des squatinides que des cestraciontes; s’il est vrai
que les narines s'ouvrent en dehors du crâne à chaque
angle, ce qui n’est guère douteux, nous trouvons là une
disposition qui éloigne Tanlonton les M de
tous les genres connus.
Nous pouvons résumer ainsi les caractères du genre
Palaedaphus :
La forme du corps est celle des squalides en général, et
en particulier celle des squatines qui survivent encore ac-
tuellement ; les dents sont plutôt celles des Chimérides, par
leur disposition en plaque continue , tandis que les maxil-
laires qui les portent sont avant tout des maxillaires de
véritables plagiostomes.
Il est probable que les ichthyodorulites que l’on a trouvés
dans le même terrain leur appartiennent, ce qui les rap-
procherait par un caractère de plus de la famille des chi-
mérides.
Ainsi il n’est pas douteux qu’à l’époque où vivaient ces
nombreux mollusques et polypes, à l’étude desquels lun
de nous a consacré plusieurs années de recherches, de
vrais reptiles à respiration aérienne foulaient le sol, en
même temps que des poissons ganoïdes de la forme des
poissons osseux, et des placoïdes de la forme des squales,
remplissaient la mer. A côté de ces reptiles vivaient même
vi
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. NanBeneden et de Koninck.
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Palædaphu s in sign is. Vanben
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Me P
(454)
déjà des mollusques pulmonés terrestres, et sans doute
aussi des mollusques fluviatiles.
EXPLICATION DES PLANCHES.
n
Planche I. — Échantillon de Palaedaphus insignis, de grandeur natu-
relle, vu en dessus. |
Planche II. — Le même, vu en dessous.
Nota. — Ce fossile à été généreusement offert par M. d’Otreppe, au
musée de l’université de Liége.
Sur la distribution des sources minérales en Belgique;
par G. Dewalque, membre de l’Académie.
Dans une excursion où J'eus l’honneur d'accompagner
M. Ch. Sainte-Claire-Deville aux environs de Liége, ce
savant géologue me fit remarquer que la source ther-
male de Chaudfontaine et les pouhons, ou eaux acidules
ferrugineuses de Spa et de Malmédy, se trouvaient alignées
sur la imnême droite, ce qui semblait indiquer une ligne
de dislocation. Ayant depuis lors examiné ce sujet de plus
près, je crois opportun de faire connaître quelques faits
qui ne sont pas sans intérêt pour la connaissance de notre
pays et pour les recherches que l’on peut entreprendre en
différents points. Je donne ci-dessous un petit tableau in-
diquant la direction et la longueur de lignes menées d’une
source à une autre, en distinguant par des caractères ita-
liques les directions comprenant plusieurs sources. J'ai
pris ces directions sur la carte au ‘/20000 publiée par
(192 )
NI. Vander Maelen, en comptant les degrés du nord au sud
par lest :
Chaudfontaine -Sauvenière (Spa) . . . . 121°— 21kil.
Sauvenière-Malmédy (Prusse) . . . . . 124 — 12
Chaudfontaine-Malmédy. . . . . . . 122 —55.
Géronstère (Spa)-Blanchimont . . . . . 121 — 8
Harre-Rahier. : 4 se Et ATOS
Rahier-Hourt.:., men eu AA A0
HArre HOUrE MERE CRE 20
La ligne Chaudfontaine-Sauvenière passe à 800 mètres
environ au sud de la source de Wisselez, près Theux, in-
signifiante, et que je ne connais pas personnellement.
J'avais pensé à y rattacher la source sulfureuse de Grive-
gnée ( Grivegnée-Chaudfontaine —142° — 4 kil.); mais je
la considère comme une eau d’arène, c’est-à-dire comme
provenant d’une ancienne galerie d’exhaure d’une houil-
lère voisine.
Plusieurs sources ne sont pas mentionnées dans ce ta-
bleau : pour les unes, je n’ai pas encore eu l’occasion de
relever leur position exacte; d’autres paraissent isolées
sur une ligne de dislocation hypothétique, ou bien se rat-
tachent à un système d’accidents stratigraphiques différents.
C’est assez dire que je n’entends pas assigner à toutes nos
sources minérales une disposition unique, mais simple-
ment attirer l’attention sur un ordre spécial de considéra-
tions et indiquer le cas qui m'a paru le plus net et le plus
fréquent.
La direction moyenne des alignements rapportés ci-
dessus est d’un peu plus de 122° ; on la retrouve dans plu-
sieurs cours d'eau de la même région. Je ne puis m’em-
pêcher de faire remarquer que cette valeur ne diffère que
de 1° en moins de celle du système du. Thürmgerwald et
( 153 )
du Morvan, rapportée à notre pays. Ce n’est pas, d’ail-
leurs, la première fois que l’on indique dans cette région
des traces de ce système de soulèvements. Dans un inté-
ressant Mémoire sur la direction et la grandeur des sou-
lèvements qui ont affecté le sol de la Belgique (1), un de
nos confrères, M. Houzeau, partant de simples données
hypsométriques, a montré l’existence d’une ride, partant
du Palatinat, passant par les sommités de la Hardt, de
l'Idarwald, et traversant l'Eifel obliquement pour venir
se terminer aux Hautes-Fanges, au voisinage de Spa. Cette
arête, dont l’exhaussement est d'environ 200 mètres, a
pour direction calculée 126°2', concordant, à 3 degrés
près, avec celle du système du Thüringerwald transporté
en Belgique.
Sur quelques propriétés genérales des polygones réguliers ;
par M. G. Vander Mensbrugghe, répétiteur à l’École du
génie civil à Gand.
On sait que la somme algébrique des projections des
côtés d’un polygone fermé sur une droite menée à volonté
est toujours égale à zéro; je me suis proposé de chercher
les sommes des carrés, des cubes, et, en général, des
puissances quelconques , entières et positives, de ces pro-
Jections, mais en supposant que le polygone soit régulier
et que l’axe de projection soit situé dans le plan de ce
(1) Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers de l'Aca-
demie de Belgique, t. XXIX ; 1854.
( 154 )
même polygone : les résultats auxquels j'ai été conduit
présentent peut-être quelque intérêt, à cause de leur
grande symétrie et de la loi très-simple à laquelle ils se
trouvent soumis; c’est pourquoi, bien que Je ne sois pas
sûr que ces résultats n'aient déjà été publiés, je me
suis décidé à en faire l’objet d’une communication à l’Aca-
démie. |
Soient n le nombre des côtés du polygone régulier, a
leur valeur commune, « le supplément de l’angle de deux
de ces côtés et x l’angle que fait un côté quelconque avec :
l’axe de projection situé d’une manière arbitraire dans le
plan du polygone; les autres côtés formeront évidemment
avec ce méme axe des angles respectivement égaux à
L+a, X + La, x + Do, X + (n — l)x où x + 27 — «a,
et les projections des n côtés seront :
a COS X, a COS (x + a), a COS (x + 2a) .…, a COS [x + Ar — a};
or, la somme de ces projections que Je représenterai par
Si, sera, comme on sait,
x +27
Si US TONCOS 0:
Il s’agit maintenant de trouver la somme $, des carrés
de ces mêmes quantités. À cet effet, remarquons que l’on a:
à de 2H à
COS XL — 9 . = COS 2x;
d’où l’on üre :
S, = «? (cos? x + cos? (x + à) + …. + cos? [x + (n — 1)«])
CORRE RE
PR OI NE CL RS CP TT Je LT 4 mn
Res JE 1 ar
(155 )
or, le calcul des différences fait voir que
% T
se cos 2x
est nul; donc
na?
Es >)
D
-9 5
formule qui est l'expression de ce théorème très-général :
La somme des carrés des projections des n côtés d’un
polygone régulier sur un axe quelconque situé dans son
plan est constante et égale au demi-produit du nombre des
cotés par le carré de l’un d'eux.
Pour obtenir la somme S; des cubes de nos projections,
rappelons que l’on à
Pr
3 &
COS$ X — — COS X + — COS 5X,
4 %
et conséquemment aussi :
4
s+27
x+27
5 — as DR
5 bé
COS x — aÿ Ë De COS © + 5 >. cos 3x |;
£
mais ces dernières sommes sont toutes deux nulles; donc
Sz — {) ;
c'est-à-dire que la somine des cubes «es projections des
côtés d’un polygone régulier est égale à zéro.
De même, pour la somme S, des quatrièmes puissances,
on aura successivement
|
COSË x = — COS? X + Fi 4x + cos 2x ).
& | O1
(156)
9 Su” ce |
+ x+27 $ T 27 ©
S,= ax, 7 costx—— 3," cos x
| V
a* x+27
+ — 2 (cos 2x + cos 4x);
8 x 2?
Da n
remplaçant la première somme par sa valeur > , et obser-
vant que la seconde est nulle, on obtient
sna*
8
Si —
Par des calculs analogues , on pourrait chercher directe-
ment les sommes des puissances cinquièmes, sixièmes, etc.;
mais cette méthode est bien longue, et, de plus, elle ferait
connaître difficilement la loi que suivent les différentes
sommes. Pour découvrir cette loi, recourons à la formule
qui donne le développement de cos"x, m étant entier et
positif, en fonction des cosinus des multiples de l’arc «;
cette formule, démontrée dans les traités de calcul diffé-
rentiel (1), est la suivante :
cos"x — — (cos mx + m cos (m—2)x
or
mn (nm — 1)
+- (on — 4) x + + cos (— mx)) … (*)
Distinguons le cas où le nombre » est impair de celui
où 1l est pair : |
1° Si m est impair, chaque terme du développement se
trouve répété deux fois, et, par conséquent, nous pouvons
(”) Voir, par exemple, le Traité de M. Timmermans, chap. II, n° 65.
. (1487)
écrire dans ce cas
_:#5R | ” m (in —1)
EDS" x — cer COSMX + M COS (mi — 2) x +- pate CE (nm — 4) x + ….
— 1
m (m — 1)... (m — Are 4)
nr COS x |
EN
CARS :
| HS
mi (mm “reel
TT [eos MX + M COS (Nm — 2) x + …, + AT cosæ)
Paie ù
le second membre est donc une fonction des cosinus de
multiples de l’arc x, sans aucun terme indépendant de
cette variable. D’un autre côté, on a toujours
+27
D est — 0,
p étant un nombre entier quelconque. Par conséquent, on
obtient
4 ne
+27 (4) x+27T
DUT. COS "Tr — = 2 COS MX a — 0;
c’est-à-dire qu’en général,
La somme des puissances impaires des projections des
cotés d’un polygone régulier sur un axe quelconque silué
dans le même plan est toujours nulle.
2° Quand » est pair, chaque terme du second membre
de l’équation [1] est répété deux fois, excepté un seul, le
terme moyen, dont le rang est © + 1; dès lors cette
(158)
équation donne
| | COS MT + M COS (Im — 2) x + . …
| cp — 1
m
+ m(m—1). {mn nee 1] +1
om A RU RS ut "GITE COS 2%
COS m
PrDr Fe — 1 |
©) |
m
m (m— 1)..." (im — — +1
; 1
lose à _
| | 0 D ces SE
2)
ou bien
{
uen | COS IX + M COS (M — 2) x + …
1) (” Te ,
mm — 1)... |-
2
ms CODEN
mn L
1.2.1) =
2
COST —
—-
Cela posé, pour connaitre la somme des puissances
paires de nos projections, remarquons, comme ci-dessus,
que si p est entier, la somme
x + 27
F
> COS pr
est égale à zéro; conséquemment, pour 2 pair, on aura
m
, Mfim—1).….|—+1 si
ë na” . LE na
5 Fee é RS 0
(459 )
Cette expression est remarquable en ce qu’elle montre
que la somme des puissances paires de toutes les projec-
tions est entièrement indépendante de la direction de l’axe
de projection; de plus, nous voyons se manifester très-
clairement la loi qui régit les sommes successives S:, $;,
… S,. Mais la formule peut encore se mettre sous une
forme plus simple : en effet, cherchons comment la somme
S,, est liée à celle qui la précède, S,,_,; pour avoir celle-ci,
nous n'avons évidemment qu'à remplacer # par m — 2
dans la valeur de S,, ; nous obtenons ainsi
(mi — 2) (im — 5)...
na”? D TE
Se —— 9 F
M — in — À
de Do le
si nous divisons maintenant S,, par S,,_2, Il vient
Faisons m successivement égal à 2, 4, 6 .….. m; nous
aurons
|
Sa = : na?
: ASS
> na
-æ 2.4
PRE LE
D — na
SH "ee
PNENO NT ES
L3 20 > 00)
D eu or à AE
t D AGE SE LAN
d'où il suit qu’en général,
La somme des puissances paires m des projections des
côtés d’un polygone régulier sur un axe quelconque situé
dans son plan, est égale au rapport de la série des nom-
bres impairs jusques et y compris m — À, à la série des
nombres pairs jusques et y compris m, multiplié par le
nombre des côtés et par la puissance m°"° de l’un d'eux.
Dans tout ce qui précède, il n’a été question que de pro-
jections orthogonales; s’il s’agit de projections obliques,
il suftit d'écrire partout —— au lieu de a, à étant l’angle
que forment les lignes projetantes avec l’axe de projec-
tion ; sauf cette restriction , tous les résultats trouvés plus
haut restent encore vrais.
Je ferai remarquer encore que je n’ai parlé jusqu'ici que
des polygones réguliers convexes ; néanmoins les deux
théorèmes généraux, et même la marche de leur démon-
stration, s'appliquent aussi aux polygones réguliers étoiles,
pourvu, bien entendu, que l’on donne à a, « les valeurs
qui conviennent à ces polygones, et que l’on prenne les
sommes > entre les limites assignées par la nature de
chacun d’eux. Ainsi, par exemple, dans le décagone régu-
lier étoilé, a vaut le côté du décagone régulier convexe
augmenté du rayon R du cercle circonserit,
( 161 )
et les limites des sommes > sont x et x + Gr. Pour le do-
décagone étoilé,
NE
a — 2R sin re — 1,9518R, a—— —
et les limites des sommes > sont x et x + 10 7.
Pour terminer cette note, je vais signaler quelques for-
mules d'analyse qui découlent immédiatement de ce qui
précède.
Nous avons trouvé plus haut que
. n
z+27T
E, COS?X — = Ù
; ; , 27 A
n étant égal à —;0rona de même
2 . 9 | 1 n
D sine = > |, cor | 2,
2 2 D
et si dans ces sommes on fait x —«, on a les deux séries
très-élégantes
Ex n
COS? x + COS? 2x +. COS? a + …… + COS? Nu is
ES
L] L] LI (9 ° n L1
SinZ x + Sin? 24 + SIN? 34 + … + CHE
on suppose toujours, du reste, que # soit entier et que
na — 27.
Si nous nous reportons aux deux théorèmes généraux,
nous en tirons aussitôt
x +27
2. cos — 0
2e SÉRIE, TOME XVI. 11
quand #» est pair.
Comme ces équations sont toujours vraies, quelle que
soit la différence «, pourvu que l’on ait n« — 2r, on doit
avoir également les deux intégrales
x4-27
f cos"x dx —0, [m impair],
3
4 : m
banni Nl
: ) 27 [m pair].
DATE.
Ces résultats sont effectivement identiques avec ceux
que fournissent les procédés du calcul intégral.
Examen critique d’une méthode récemment proposée pour
distinguer le maximum et le minimum dans les pro-
blèmes du calcul des variations; par M. L. Lmdelôf,
professeur de mathématiques à l’université de Helsing-
fors.
Dans le tome XIV des Mémoires couronnés et autres
mémoires publiés par l’Académie royale, qui nous est par-
venu depuis quelques jours seulement, nous trouvons un
Mémoire sur le calcul des variations, par M. Steichen,
ayant pour objet d'établir les vrais caractères distinetifs
entre le maximum et le minimum. Suivant l’auteur, « les
tentatives faites jusqu’à ce jour pour résoudre les difficultés
de ce sujet ont été peu heureuses; car le procédé de trans-
(1635)
formation imaginé par Legendre, Lagrange, et perfectionné
même par Jacobi, est presque toujours illusoire dans l’ap-
plication et souvent peu exact. » En revanche, M. Steichen
propose une méthode simple, « entièrement nouvelle, »
_ qu’il croit infaillible et à l’abri de toute objection. Voici
en quoi elle consiste.
Il s’agit de déterminer y en fonction de x, de manière
à rendre maximum ou minimum l'intégrale définie
S—f ir,
dans laquelle
dy
pepe:
Faisons pour abréger
AU dV dN
dy da
On sait que la première variation de l'intégrale doit être
nulle, d’où l’on déduit l’équation indéfinie
RS ON ——0,
a) .
Pour que la valeur de y, obtenue par l’intégration de
cette équation différentielle, donne réellement la solution
du problème, il faut, en outre, que la seconde variation
A HV dev CEXBAAN
PS — fl dx (TE opt + 9 EN syap à Pa +)
Fa : dy? 2 Lors Ain dp? ”
soit constamment positive ou constamment pal quelle
( 164 )
que soit la variation dy. Le maximum a lieu, si la variation
seconde est toujours négative; le minimum, si elle est
toujours positive.
L’équation (1) une fois intégrée, donne une relation
entre x, y, p, à l’aide de laquelle on peut exprimer à vo-
lonté p par x, y, ou y par x, p. Soit N, ce que devient N,
quand on y remplace la dérivée p par sa valeur en xet y;
et soit P, ce que devient P, quand on y remplace la varia-
ble y par sa valeur en x et p. On aura évidemment
ON ls jo ne
er VE 1 dp P
On à d’ailleurs
NE dN : dN 5 SU dP à dP :
= ED SR
Or, l'équation N — N, étant identique, si l’on considère
dans N la quantité p comme une fonction de y donnée par
l’équation (1), M. Steichen en conclut qu’on doit avoir aussi
ON —ON,, et de même dP — dP,, c’est-à-dire
aN aN dN
Pret Lee = dy,
dy 7 ap dy
G D dP Ho
5 % Due di oy de P;
ce qui réduirait la seconde variation à la forme simple
dN; ap,
028 =[X dy? + —— 0p°? | dx
e 1 cs
Pour décider si le maximum ou le minimum à réellement
( 165 )
lieu, on n’aurait donc qu’à examiner les signes des dé-
rivées
dN, dP,
&!
Si toutes les deux étaient négatives dans l’étendu® de l’in-
tésrale, la valeur de celle-ci serait un maximum; elle
serait minimum, si les deux dérivées élaient positives à
la fois; tandis qu'il n'y aurait ni maximum ni minimum,
si elles avaient des signes différents. Le même procédé
s'étendrait facilement à des intégrales renfermant plu-
sieurs fonctions à déterminer et à des intégrales multiples.
Cette méthode est sans doute beaucoup plus simple que
toutes celles qu’on a imaginées jusqu’à ce jour pour distin-
guer le maximum et le minimum; malheureusement elle
manque d’exactitude. M. Steichen aurait pu en être averti
non-seulement par le désaccord continuel où il se trouve
avec les auteurs les mieux accrédités, dès qu’il procède à
l'application de sa théorie, mais encore par les consé-
quences qu'il en déduit.
L'erreur fondamentale de M. Steichen se trouve dans la
première formule même qu'il établit, et sur laquelle re-
pose son procédé tout entier, c’est-à-dire dans la formule
ON — ON,, ou dans l’équation (2), qui lui est équivalente.
Il s'agissait de trouver ce que devient la variation
aN aN
ON—= —— dy + —0p,
dy dp :
quand on y substitue la valeur de p tirée de l'équation (1).
Evidemment on n'avait qu’à substituer cette valeur dans
les coeflicients
aN aN
—_—— et ET a
dy dp
( 166 ) :
Mais on n’a nullement le droit de substituer d’abord la
valeur de p dans la fonction N, pour prendre ensuite la
variation de la transformée N,, comme le fait M. Steichen;
car ceci reviendrait à supposer que p, considéré comme
fonction de y ou de x, n’est susceptible d’autres variations
que celles qui sont compatibles avec l'équation (1); cela
reviendrait, en d’autres termes, à confondre les variations
dy, dp avec les différentielles dy, dp. En effet, N, étant ce
que devient N, quand on y substitue la valeur de p ex-
primée par y, on a par les règles du calcul différentiel
dN, dN dNdÿp.
———— = —
dy dy d dp dy
Substituant cette valeur, l'équation (2) devenue
À aN aN, É aN 0
x) ARR fee Mie
ie dp P dy dp dy
et donnerait entre les variations le même rapport qui existe
entre les différentielles. Ainsi, le procédé de M. Steichen
exclut toute variation de y et de p par laquelle ces fonc-
tions ne satisferaient plus à l’équation (1); de sorte que,
pour vérifier si la fonction y, déterminée par la condi-
tion (1), donne réellement un maximum ou un minimum,
on ne compare cette fonction à d’autres que celles qu’on
déduirait de la même équation (1), en faisant varier les
constantes d'intégration. C’est de cette restriction que pro-
vient la grande simplicité du procédé, mais en même temps
( 167 )
son insuffisance complète. De plus, si l’on considère que
les constantes d'intégration doivent se déterminer par les
conditions aux limites, on comprendra qu’en excluant les
fonctions non comprises dans l'équation (1), on exclut en
même temps toute variation et par suite tout terme de
comparaison.
Si l’on avait le droit de se servir de la relation (1) pour
transformer les expressions N et P avant de prendre leurs
variations, on serait, par la même raison, autorisé à éli-
miner de ces expressions telle variable qu'on voudrait.
Supposons qu’on eûüt éliminé p des deux fonctions N et P,
qui ne contiendraient ensuite que x et y, on réduirait la
variation seconde au seul terme
des L jy da.
Comme ce ne serait là qu’une simple transformation, sui-
vant les idées de M. Steichen, il suffirait d'examiner ce
terme unique, et l’on devrait conclure que l’existence du
maximum et du minimum dépendrait uniquement du signe
aN
de la dérivée — . Mais cette fois M. Steichen en juge au-
trement; car en effectuant (page 26 de son mémoire) la
transformation dont il s’agit, il ne regarde plus comme
_ suffisante la condition qu’elle donne pour l’extrême gran-
deur, mais il trouve nécessaire d'examiner en outre le
ne. ap,
signe de la dérivée Fr
L’espèce de transformation dont il s’agit conduirait na-
turellement à des résultats encore plus étranges. Suppo-
sons, par exemple, qu'en intégrant deux fois de suite
l'équation indéfinie (1), on soit parvenu à exprimer les
valeurs de y et de p par la seule variable de x, et qu’on
(168 )
les substitue en N et en P; prenant ensuite la variation,
on trouverait ON — 0, 9P — 0, et par suite 92S—0, il en
résulterait que la variation seconde est toujours nulle, ce
qui est absurde. |
D’après les principes du caleul des variations, dy est une
. fonction arbitraire de x, dont dp est la dérivée. Une équa-
tion quelconque entre dy et dp serait donc une équation
différentielle qui établirait une forme particulière pour la
variation dy et fixerait ce qui, par la nature de la ques-
tion, doit rester indéterminé. Il s’ensuit qu’une équation
telle que (2) est à priori inadmissible, à moins qu’elle ne
soit une identité. Or, sous la forme (4), on voit que cette
équation n’est identique que dans le cas où
L'équation (3) suppose la même condition
CDS ŒV a
dy dydp
Ainsi le seul cas où le procédé de M. Steichen soit exaet*
AN de RS NUE. Sue : |
est celui où la dérivée ne est nulle, soit identiquement,
soit en vertu de la relation (1). Mais c’est précisément le
cas où la transformation devient inutile, et où la forme
primitive de la variation seconde se prête immédiatement
à la discussion. Aussi le procédé revient-il alors à ne rien
changer à cette forme primitive.
En présence d’une théorie si peu satisfaisante et dont
le principe même est erroné, on ne s’étonnera plus que
l’auteur se trouve en désaccord avec tous ceux qui ont
traité de la même matière avant lui.
( 169)
La critique de l’auteur se tourne particulièrement contre
les applications de la méthode de Jacobi, dans un ouvrage
que nous avons rédigé en collaboration avec M. l'abbé
Moigno (‘). On peut juger par ce qui précède de la nature
de cette critique. Pour faire tomber entièrement les objec-
tions qu’on nous fait, il suffit de les citer.
Dans la note IV (page 115), l’auteur s’occupe du pro-
blème suivant : Faire passer par deux points connus un
arc courbe tel que la surface engendrée par sa révolution
sur un axe donné ait une valeur donnée et que le volume
compris sous la surface soit une extrême grandeur. (Pro-
blème VI de nos Leçons.) Lorsque les deux points, situés
d’un même côté de l’axe de révolution, ont une position
telle que la courbe ne peut atteindre cet axe, sans cesser
- de remplir la condition prescrite relative à l’aire, le volume
a nécessairement une valeur finie, qui ne peut varier
qu'entre certaines limites, c’est-à-dire qu’il y à nécessai-
rement un maximum et un minimum de volume. De plus,
comme la fonction y doit satisfaire, pour toute grandeur
extrême, à la même équation différentielle, le maximum
et le minimum ne peuvent se distinguer que par les va-
leurs de certaines constantes. Ceci est évident à priori.
Mais cela n'empêche pas M. Steichen de dire que le maxi-
(*) Leçons de calcul des variations, par L. Lindelôf, rédigées en colla-
boralion avec M. l'abbé Moigno, ouvrage qu’on trouve aussi inséré dans le
volume IV des Leçons de calcul différentiel et de calcul intégral, par l'abbé
Moigno. Dans un avertissement placé en tête de cet ouvrage, M. Moigno
reconnait, avec une parfaite loyauté, que sa collaboration a consisté seu-
lement dans la forme et nullement dans la matière ou les méthodes. C’est
pourquoi, ces méthodes étant attaquées, je me sens l'obligation de sou-
tenir l'attaque à moi seul, quoique je n'aie pas l'honneur d’être nommé
dans la critique de M. Steichen.
E)
( 170 )
mum est toujours impossible et que le mininum seul peut
avoir lieu moyennant certaines limitations. M. Steichen va
jusqu’à contester la vérité de cette proposition élémentaire,
que de toutes les surfaces de révolution de même are, la.
sphère est celle qui renferme le plus grand volume. Il paraît
. cependant frappé lui-même de ce résultat, car il ajoute :
« Nous voilà donc bien éloignés de ces notions de maxi-
mum et de minimum que l’on a attribuées jusqu’à ce jour
à la sphère. »
À la fin de cette même note (page 120), l’auteur aite
encore notre problème IV : Parmi toutes les courbes de
même longueur, trouver celle qui, par $a révolution autour
d’un axe donne, engendre la plus grande ou la moindre
surface. Ici, comme dans l'exemple précédent, on peut
s'assurer, par un simple raisonnement, qu’il doit y avoir,
en général, un maximum et un minimum, distingués entre
eux par des valeurs différentes de quelque constante. Le
‘calcul nous a donné, en effet, deux arcs de chaïnette, l’un
convexe vers l’axe, pour le minimum, l’autre concave,
correspondant au maximum. De son côté, M. Steichen
arrive à conclure qu’il y a bien un minimum pour la pre-
mière courbe, mais point de maximum pour la seconde.
Ne pouvant pourtant nier tout à fait l’existence évidente
du maximum, il le croit engendré par un périmètre brisé,
uniquement composé de lignes droites, mais qu’il n’a pas
réussi à déterminer. On pourrait, en effet, démontrer par
une analyse élémentaire, qu’un polygone rectiligne ne sau-
rait jamais donner de maximum. Mais cette démonstration
devient superflue , si l’on considère que, par le théorème
de Guldin , le problème proposé revient à donner à un fil
flexible, dont les extrémités sont attachées à deux points
fixes, une position telle que son centre de gravité se trouve
(171)
aussi près ou aussi loin que possible d’un axe donné. Si
l’ordonnée du centre de gravité est minimum, lorsque le
fil est plié suivant une chaïnette convexe vers l'axe, elle
sera évidemment, et par cette même raison, maximum
pour la chaînette renversée ou concave.
On sait que, parmi tous les arcs passant par deux points
donnés, celui qui donne la moindre surface de révolution
est l'arc de chaînette ayant l’axe de révolution pour direc-
trice, ou dont léquation , en FReRaUt cet axe pour celui
des x, a la forme
Une chaïînette donnée ne jouit pourtant de cette propriété
de minimum qu'entre certaines limites, que nous avons
déterminées avec précision dans nos Leçons de calcul des
variations. Nous avons démontré, en effet, que le minimum
cesse d'avoir lieu lorsque les tangentes, menées aux deux
extrémités de l'arc, se rencontrent sur l’axe de révolution
ou au-dessous de lui, et nous avons vérifié ce résultat in-
téressant par des considérations géométriques. Sans dis-
cuter nos explications, qu’il suppose entortillées, et dont
il conteste d'avance l’exactitude, parce qu'il s’est prononcé
_une fois pour toutes contre la théorie de Jacobi avec tout
ce qui en dérive, M. Steichen n’admet point de limites pour
le minimum , mais prétend que la courbe jouit de cette pro-
priété entre deux quelconques de ses points (page 193 de
son mémoire). No:
Si M. Steichen avait connu les belles expériences de
M. Plateau, 1l aurait pu s'assurer matériellement de l’exis-
tence de cette limite. Mais sans recourir à ce moyen empi-
rique, M. Steichen pourra encore se convaincre de son
(172 )
erreur d’une manière directe, s’il veut bien calculer réel-
lement l’aire engendrée par la chaïnette, pour la comparer,
par exemple, à l’aire conique engendrée par la corde ou
la ligne droite entre les deux points. En prenant des points
de plus en plus éloignés sur la même chaïînette, 1l trou-
vera que la première surface, d’abord plus petite que la
seconde , lui devient égale à un certain éloignement des
deux points et que, au delà de cette limite, l'aire engen-
drée par l’arc surpasse même l’aire engendrée par la corde.
Le rapport des deux aires va toujours en augmentant et
croît jusqu’à l'infini. Dans le cas particulier où les deux
points sont à distance égale de l’axe, les deux aires de-
viennent égales pour
x:C—1,87897; y:c—5,34977; y:x—1,78271.
Mais on comprend que les vraies limites du minimum doi-
vent être encore plus resserrées, et nous avons montré,
en effet (Lecons, etc., p. 207), qu’elles correspondent à
x:c—1,19968; y:c—1,81017; y:x— 1,50883:
En cherchant (note VI) l'extrême grandeur du solide de
révolution engendré par un arc courbe de longueur donnée
entre deux points, M. Steichen trouve que le minimum
seul peut avoir lieu en certains cas. Et pourtant il est clair
que le maximum existe aussitôt que la courbe est possi-
ble, puisque le volume ne peut pas croître au delà de toute
limite, tant que la courbe génératrice conserve une lon-
gueur déterminée.
Il y a encore d’autres erreurs dans le mémoire de
M. Steichen ; nous croyons superflu de les signaler.
>
(173)
Détermination de la quantité de potasse el de soude con-
tenue dans les potasses du commerce; par M. P. Esse-
lens.
L'industrie est entrée, depuis quelques années, dans
une voie de précision toute scientifique. Les matières pre-
mières qu'elle emploie doivent être rigoureusement con-
nues et nous pourrions citer tel industriel qui peut, d’après
le rendement, contrôler à un demi pour cent près les
analyses qui ont servi de base à ses achats.
De grossiers essais ne suffisent plus et l'analyse, d’ail-
leurs trop coûteuse, exige une perte de temps que les
transactions commerciales ne peuvent subir.
Aussi voyons-nous des chimistes d’un mérite reconnu
consacrer des années bien précieuses à la recherche de
procédés rapides et rigoureux. Leurs efforts, déjà souvent
couronnés de succès, ont levé en partie la difficulté.
11 reste cependant certains dosages difficiles et lents à
moins qu'on ne se contente d’une grossière approximation.
Le dosage de la potasse et de la soude dans les potasses
du commerce est peut-être de tous celui qui laisse le plus
à désirer, malgré les efforts et les tentatives de plusieurs
chimistes de grand mérite.
C’est le terrain sur lequel nous avons rencontré jour-
nellement le plus de difficultés. Cent fois nous avons eu
recours aux procédés les plus précis mais les plus longs,
sans même que ceux qui devaient en profiter se soient
douté des peines que nous occasionnaient des dosages
garantis au millième. Tous ceux de nos collègues qui veu-
lent être sûrs eux-mêmes des chiffres qu’ils donnent, nous
comprendront, nous en sommes certain; tous ont plus
(AIME)
d’une fois recommencé des analyses pour contrôler un
travail qui les auraït sans cela exposés à induire en erreur
ceux qui avaient mis en eux leur confiance.
Parmi les procédés employés un seul est assez rapide
lorsqu'on se contente d’une approximation, c’est celui de
M. Pesier. Mais la dissolution du sulfate de potasse et
surtout celle des sulfates de potasse et de soude sont si
sujettes à la sursaturation que pour peu que le liquide
se soit trouvé pendant un instant à une température de
un ou deux degrés au-dessus de celle à laquelle on fart
la lecture sur l’échelle du natromètre, une erreur très-
notable peut-être commise; et cette élévation momentanée
de température ne peut même être évitée qu’au prix de
beaucoup de: soins et d’une attention soutenue pendant
plusieurs heures, puisque ce n’est qu'après une agitation
tout aussi longue à une température uniforme, avec un
excès de sulfate de potasse en poudre fine, qu’on peut es-
pérer d'approcher de la saturation, même à un quart pour
cent près. ;
En un mot, le natromètre peut donner une erreur en
moins de £ p. %o ou en plus de 1 à 2 p.%, alors même
que l’on consacre toute une journée d’un travail fastidieux
et machinal à cet essai trop peu approximatif. Inutile
d’ajouter que les erreurs deviennent énormes lorsqu'on.
ne transforme pas le chlorure en sulfate, surtout dans les
essais de salins de betterave.
Le dosage de la potasse par le chlorure de platine, qui
est considéré comme le moins défectueux que possède la
science , laisse cependant beaucoup à désirer. Les lavages
du chloroplatinate de potassium offre les plus grandes
difficultés. S'ils sont exécutés à l'alcool faible on dissout
une quantité considérable du sel double; si lon se sert
( 175 )
d’alcool presque anhydre et surtout du mélange d'alcool
et d’éther, qui paraît donner une garantie réelle contre la
solubilité du chloroplatinate de potassium, on est exposé
à laisser , presque à coup sûr, dans le sel une très-notable
proportion de chloroplatinate de sodium. Nous n’avons pas
même évité cet écueil en employant, au lieu de chlorure
de platine, la dissolution de chloroplatinate de sodium
dans l’alcool, ce qui tendrait à faire soupçonner l’existence
d'un chloroplatinate double de potassium et de sodium,
moins soluble que le chloroplatinate de sodium seul.
L'opération exige, du reste, un temps considérable,
puisqu'il faut, après la pesée de la matière à analyser,
transformer sans perte le sulfate en chlorure, que tout le
chloroplatinate ne se forme pas très-rapidement et surtout
qu'il exige, pour quelques grammes, au moins un litre
d'alcool mélangé d’éther, versé presque goutte à goutte
sur un entonnoir à bord rodé, recouvert de son obtura-
teur après chaque arrosement. Sans ces précautions on
retrouve presque infaillhiblement du chloroplatimate de so-
dium sur le bord supérieur du filtre.
La transformation des deux bases en chlorure et le
dosage du chlore, par une dissolution titrée d’azotate d’ar-
gent, donnent des résultats très-exacts, mais au prix de
quels soins!
Le dosage, par le chlorure de baryum, de l'acide sulfu-
rique nécessaire à la saturation des deux alcalis et à l’ex-
pulsion complète du chlore, conduit à une exactitude
moindre, mais non moins péniblement obtenue.
Gay-Lussac à donné, comme moyen d’analyse, la diffé-
rence de labaissement de température produit pendant
la dissolution des chlorures de potassium et de sodium. Il
prescrit d'opérer sur cinquante grammes du mélange des
( 1767)
chlorures et de les dissoudre dans deux cents centimètres
cubes d’eau. Il prescrit le poids du flacon qui doit se
trouver également refroidi pendant la dissolution, mais il
ne nous indique pas sa composition, verre ou cristal. IL
n'indique pas non plus le poids du thermomètre, verre et
mercure, qui doit être plongé dans le liquide. L'opération
doit être faite dans une pièce dont la température soit
sensiblement la moyenne entre les deux lectures faites au
thermomètre, avant et après la dissolution. Et la main qui
agitera le liquide ne rayonnera-t-elle pas de la chaleur?
Comment espérer qu'une semblable expérience puisse
donner, si ce n’est par hasard, une exactitude de plus
d’un quart de degré, ce qui équivaut à une erreur de deux
ou trois p.°/o sur le chlorure de potassium et sur celui de :
sodium.
Je ne parlerai pas, même pour mémoire, d’une foule
d’autres procédés les uns moins pratiques, les autres tout
à fait insuffisants. ; | |
Nous demandons pardon à l’Académie de nous être
étendu si longuement sur des procédés trop connus, mais
les défauts que nous avons cru devoir rappeler ne sont-ils
pas notre seule excuse, lorsque nous venons réclamer lat-
tention de ce corps savant pour le procédé nouveau que
nous soumettons à son appréciation ?
L’échantillon de potasse que nous voulons analyser est
pulvérisé dans un endroit sec et en l’exposant aussi peu
que possible au contact de l’air. Après un mélange soi-
gneusement exécuté nous pesons une quantité de trente
grammes que nous dissolvons. La dissolution est filtrée. Le
filtre est longuement lavé à l’eau distillée purgée d’acide
carbonique par l’ébullition. Les eaux de lavage sont ré-
duites par évaporation lente, de manière à former avec la
CET
dissolution un volume de 300 c.c., mesurés dans un
ballon jaugé, à col fort étroit, à la même température
à laquelle on mesurera les différentes portions du liquide
pour les diverses opérations de l'analyse.
40 c.c., représentant 4 gr. de potasse, sont neutralisés
par l’acide chlorhydrique ou azotique et concentrés jus-
que environ 20 c.c.; puis on y ajoute 250 c.e d’une dis-
solution de bitartrate de soude saturée de bitartrate de
potasse. Le tout est abandonné jusqu’au lendemain. On
trouve alors toute la potasse à l’état de bitartrate cristallisé,
la majeure partie au fond du vase et quelques cristaux
flottant à la surface. On fait tomber ces derniers en agi-
tant avec une baguette; on décante le liquide, on lave à
huit ou dix reprises la crème de tartre au moyen d’une
dissolution saturée de bitartrate de potasse, soit dans le
vase même soit après l'avoir recueilli sur un filtre. On pèse
le bitartrate humide, on le sèche dans une étuve chauffée
à 105°—115°; on le pèse de nouveau. La différence de
ces deux pesées donne la quantité de dissolution dont le
bitartrate s’est ajouté à la quantité donnée par la deuxième
pesée. On doit corriger cette dernière de ce chef.
La quantité ainsi trouvée exige une deuxième correc-
tion : les 20 c.c. de liquide qui tenaient les sels de potasse
en dissolution, n'étaient pas saturés de bitartrate de po-
tasse et la quantité qu'on à ainsi trouvée en moins est
ajoutée au poids obtenu. Cette quantité varie, mais dans
des limites très-étroites , suivant la composition de la po-
tasse analysée. Elle est de à< de la quantité qui aurait
été dissoute dans 20 c.c. d’eau pure.
Les deux corrections étant en sens inverse , on peut les
faire simultanément, en soustrayant des centimètres cubes
d’eau trouvée dans la masse de crème de tartre humide,
27€ SÉRIE, TOME XVII. 12
(118)
le sixième ou le septième, suivant le cas, des 20 c.c. de
dissolution et en faisant porter la correction sur les centi-
mètres cubes restants.
Cette correction est, en général, assez peu importante (1).
Il ne reste plus alors qu'à multiplier la quantité de
crème de tartre par 0.2508, quotient de l’équivalent de la
potasse divisé par celui de la crème de tartre, pour con-
naître la quantité de potasse (KO) contenue dans quatre
grammes de matière.
Retranchant de cette quantité celle que la suite de l’ana-
lyse nous montre à l’état de sulfate de potasse ou de
chlorure de potassium, on calcule la quantité de carbo-
nate (ou de carbonate et d’hydrate s’il s’agit d’une FOR
d'Amérique ).
Les carbonates de potasse et de + sont dosés aleali-
métriquement , en suivant le procédé et en prenant toutes
les précautions indiquées par M. F. Mohr, mais avec cette
différence qu’à l’acide oxalique nous préférons l’acide sul-
furique au même titre, exactement déterminé au moyen
du carbonate de soude pur et anhydre. Cette préférence
de notre part est basée sur ce que l’acide sulfurique donne |
“une couleur plus tranchée au tournesol et surtout sur la
(4) Courbe de solubilité de bitartrate de potasse.
)
m
Era 1
Fa
ist
fil
4
AOMAAU A2 13 AL AD MESELTUEA
(179 )
facilité d'obtenir un titre rigoureusement éxact par Ja
soude, ce qui est très-difficile sinon impossible par la pesée
de l’acide oxalique, dont le poids varie avec la température
de la dessiceation qu’on lui fait subir.
Le carbonate de soude est obtenu en soustrayant du
nombre de centimètres cubes de liqueur titrée, ceux qui
ont été neutralisés par la potasse préalablement déter-
minée et en multipliant le reste par l’équivalent du car-
bonate de soude.
Si l'analyse démontre la présence de sulfure, de cya-
nure, de sulfocyanure , etc., une dernière correction est
nécessaire de ce chef pour atteindre toute l'exactitude dé-
sirable dans les chiffres exprimant les deux carbonates
alcalins.
Dans ce procédé il est parfaitement indifférent que la
potasse se trouve à l’état d’azotate, de chlorure ou de sul-
fate. C’est ce qui le distingue totalement de l'essai quali-
tatif que l’on fait quelquefois au moyen de l'acide tartrique
qui précipite assez EC la potasse combinée à
des acides puissants.
_ La nécessité de doser le sulfate et le chlorure, pour
obtenir le chiffre du carbonate, n’est pas un inconvénient.
Ïl n’est pas permis de négliger la valeur de ces deux sels,
ou parfois les inconvénients qui résultent de leur pré-
sence.
La seule recommandation que nous adresserons à ceux
qui voudront se servir de ce procédé, c’est de conserver
les flacons contenant la dissolution de bitartrate de soude
et celle de crème de tartre, dans un endroit dont la tem-
pérature varie peu et de se servir de ce même lieu pour
faire cristalliser la crème de tartre à obtenir par l’analyse,
pour éviter l'erreur qui pourrait provenir de la légère
( 180)
différence de solubilité de ce sel à des températures nota-
blement différentes.
Si l’endroit que l’on aurait choisi, comme ayant une
température suffisamment constante, était très-froid , une
glacière par exemple, il faudrait employer plus de 250 c.c.
de notre réactif pour obtenir la précipitation de toute la
potasse contenue dans quatre grammes de matière.
Dans les potasses du commerce , même dans Île salin de
betterave, on ne trouve que de faibles proportions d’am-
moniaque. Mais lorsqu'on veut se servir de ce procédé
pour l’analyse d’une matière potassique quelconque conte- .
nant une forte proportion de sels ammoniacaux, il faut
expulser ceux-ci par la chaleur avant l’analyse, ou bien,
au lieu de peser la crème de tartre obtenue, la carboni-
ser au creuset de platine et doser alcalimétriquement le
carbonate de potasse résultant de la destruction du bitar-
trate.
Nous avons rencontré quelques cas où il nous a été
utile de pouvoir doser d’un même coup et la potasse et
l'ammoniaque contenues dans une matière. Nous nous
sommes servi à cet effet d’une dissolution de bitartrate de
soude saturée de bitartrate de potasse et de bitartrate
d'ammoniaque, et nous avons lavé le sel obtenu avec une
dissolution saturée également des bitartrates de potasse et
d’ammoniaque. La pesée nous donnait la somme des deux
bitartrates; l'essai alcalimétrique nous mdiquait, après
carbonisation et expulsion de l’ammoniaque, la quantité
‘de potasse dont l'équivalent en crème de tartre, soustrait
de la masse trouvée, nous donnait pour reste le bitartrate
d’'ammoniaque. |
Le bitartrate de soude sec est inaltérable. En dissolu-
tion 1l se conserve assez longtemps sans altération, sur-
( 181 ) |
tout dans un endroit frais, si l’on a soin, lors de sa prépa-
ration , de le laver sur le filtre pour lui donner le degré de
pureté désirable.
Notice sur le marbre noir de Bachant (Hainaut français);
par M. Edouard Dupont, docteur en sciences naturelles,
à Dinant.
Les modifications successives que la faune générale a
éprouvées pendant la durée de la période du calcaire car-
bonifère , sont très-sensibles : les recherches sur les restes
organisés que ces roches recèlent montrent des extinc-
tions continuelles d’espèces et leur remplacement par de
nouvelles formes. Peu d’espèces ont, en effet, traversé
toute la série de ces couches, qui ne comptent pas moins
de huit cents mètres de puissance; un grand nombre
d'entre elles ont, au contraire, parcouru toutes les phases
de leur développement pendant une partie du temps qui a
été nécessaire à la sédimentation de ce vaste dépôt.
La faune s’est renouvelée ainsi d’une manière lente,
graduelle et continue. Chacune de ces modifications qu’elle
_ a éprouvées se présente à un niveau constant dans tout
le calcaire carbonifère de notre bassin. On conçoit dès lors
que les mêmes rapports intimes qui existent entre les
caractères stratigraphiques et paléontologiques pour les
étages, existent aussi pour les assises ou portions d’étages.
Quelques faits cependant semblaient faire exception à
cette règle. Le plus important est celui qui nous est offert
par le calcaire de Bachant, dont la faune paraissait être
en pleine contradiction avec la position que lui assignait
( 1822)
la stratigraphie. D'une part, la position et les caractères
minéralogiques de ce calcaire du Hainaut français, com-
parés aux caleaires noirs des environs de Dinant, ne lais-
saient guère de doute sur le synchronisme de ces couches
avec l’assise II d’Avesnelles ; d’autre part, les fossiles qui
y ont été recueillis sont très-différents de ceux qu’on ren-
contre dans cette assise IT, et la stratigraphie locale lais-
sait même assez de latitude sur la place qu’on pourrait leur
assigner dans la série carbonifère. Le massif de Berlai-
mont, dans lequel se trouve le calcaire de Bachant, ne con-
tient, en effet, qu’une série d’assises très - incomplète : ce
calcaire noir se trouve compris entre l’assise I d’Étrœungt
et la dolomie de l’assise V de Namur. Il pouvait donc re-
présenter l’assise II d’Avesnelles, ou l’assise IlT de Tournai,
ou lassise IV de Waulsort, ou enfin la base de l’assise V de
Namur. |
En présence de ces faits, dont quelques-uns sont réel-
lement contradictoires, les opinions sur l’âge relatif du
calcaire de Bachant ne pouvaient être que très-différentes.
M. Gosselet, se fondant sur le second ordre de faits que
nous venons d'examiner, le plaçait au niveau du calcaire
géodique des environs d’Avesnes (1), qui représente po-
sitivement l’assise V de Namur, ainsi que nous le verrons
ci-après.
L'identité minéralogique et stratigraphique de ce cal-
caire noir avec celui des environs de Dinant, nous le fai-
sait, au contraire, considérer comme parallèle aux couches
de l’assise IT (2).
(1) Mémoire sur les lerrains primaires de la Belgique, des environs
d'Avesnes et du Boulonnais. 1860.
(2) Notice sur le calcaire carbonifère de la Belgique et du Hainaut
français. (BuLL. DE L’ACap. ROY. DE BELGIQUE, t. XIV, 2we série.)
( 183 )
Nous avons cru, en conséquence, devoir entreprendre
de nouvelles recherches à ce sujet, et nous avons eu la
satisfaction de constater que la paléontologie et la strati-
graphie marchent de paire, aussi bien pour le calcaire de
Bachant que pour toutes les autres assises de l'étage, et
que la contradiction locale qui avait paru exister entre ces
deux caractères n’est qu’apparente.
Le but de cette notice est de faire connaitre le résultat
de ces recherches et d'établir la place que le marbre noir
de Bachant occupe dans la série des assises du calcaire
carbonifère.
Plusieurs localités de notre bassin présentent des ex-
ploitations importantes de marbre noir. Nous ne nous oc-
cuperons 1c1 que de celles de ces couches qui se rattachent
immédiatement à l’objet de cette note, à savoir : celles
d’Avesnelles et de Bachant, dans le Hainaut français, et
celles des massifs de Dinant et de Falmignoul, pour la Bel-
gique. |
Le calcaire d’Avesnelles est situé dans l’un des petits
ilots de calcaire carbonifère que nous avons réunis sous le
nom de massif d’Avesnes. Il est parfaitement caractérisé
. par sa position stratigraphique et par ses fossiles. Placé,
en effet, entre les assises I et LIT, il forme la seconde assise
que nous avons distinguée dans le calcaire carbonifère.
Voici les espèces que M. Hébert y à fait connaître (1) :
Gomphoceras fusiforme.
Chemnitzia Lefebvrei.
Nerita variata.
Evomphalus oequalis.
(1) Bulletin de la Soc. géol. de France, 2ne sér., t. XII, p. 1179.
(184)
Serpularia serpula.
Dolabra securiformis.
Avicula n. sp.
—: flexuosa.
Pecten Sowerbyi.
— Knockoniensis.
Terebratula pentatoma (pleurodon).
Spirifer mosquensis.
Chonetes papilionacea , var. variolaria.
Productus cora.
— semireticulatus, var.
— Flemingii, var.
— Heberti.
Le massif d’Avesnes présente encore, au-dessus de l’as-
sise IT, des couches de calcaire compacte bleu foncé pas-
sant à la dolomie, surtout dans la partie supérieure, et
renfermant de nombreuses géodes tapissées de cristaux.
Ces couches sont immédiatement recouvertes par l’as-
sise VI à Productus subloevis et à Evomphalus pugilis.
La position de ce calcaire géodique, son passage à la
dolomie et ses relations avec les autres massifs démon-
trent qu'il représente le niveau V dans ce massif. Nous
reviendrons plus loin sur cette question.
Le calcaire géodique nous a fourni, dans les carrières de
Marbaix :
Productus cora , d’Orb.
Spirifer tricornis De Kon. (laminosus, M'C.)
Le Sp. tricornis à d’abord été signalé dans les environs
de Tournai par M. De Koninck. Les environs de Dinant ;
nous l'ont fourni, de leur côté, dans les quatre assises in-
férieures. Son existence dans ce calcaire géodique prouve
qu'il pénètre dans l’assise V, mais il n’a pas encore été
rencontré dans l’assise VI.
( 185 )
Le massif de Falmignoul, qui est le seul de notre bassin
carbonifère où nous ayons observé les six assises, contient
du marbre noir à divers niveaux et principalement au se-
cond et au cinquième. Le plus inférieur, qui est compris,
comme celui d’Avesnelles, entre l’assise I et l’assise HT,
nous a fourni :
| Productus Heberti.
— Flemingii, var. d'Avesnelles.
Conocardium hibernicum.
Chonetes variolata.
Athyris (terebratula) planosulcata.
C'est donc le correspondant exact des couches d’Aves-
nelles, et il constitue, dans le massif de Falmignoul, la
seconde assise.
L'autre marbre noir de ce massif est compris entre l’as-
sise de Waulsort IV et la dolomie de l’assise de Namur V.
Il a vingt-cinq ou trente mètres de puissance, et il passe
du noir au bleu et au gris. Il se lie intimement à l’assise
de Namur, dont les fossiles caractéristiques sont, comme
on le sait :
Evompbhalus serus.
_ oequalis.
— voisin de l’acutus.
Productus giganteus ?
= Cora.
- Chonetes comoïdes.
Cyrtina carbonaria.
Harmodites catenatus.
Parmi ces fossiles , les gastéropodes sont surtout remar-
quables par la taille considérable qu'ils atteignent. Ce ca-
ractère est très-constant; nous l’avons observé, toujours
dans le même niveau, depuis les environs de Chaudfontaine
(Liége) jusqu’à Berlaimont.
(186)
Le marbre noir du massif de Dinant montre, au con-
traire , les relations stratigraphiques suivantes :
Calcaire à crinoïdes. . . . . . . . . . I. Assise d'Étrœungt
Calcaire compacte, dont voici la coupe :
1° Gris violàtre;
20 Noir avec calschistes et phtanites;
3° Noir en bancs plus épais et généralement traversés par des fis-
sures. [Il contient progressivement un nombre plus grand de
couches dolomitiques.
Dolomie à grands évomphales. . . . . . V. Assise de Namur.
Les n° 1 et 2 du calcaire compacte renferment :
Nautilus mutabilis. RR.
Orthoceras calamus. AC.
Chemnitzia Lefebvrei. RR.
Nerita variata. RR.
Evomphalus pentangulatus. R.
Serpularia serpula. R.
Athyris planosulcata. R.
Spirifer mosquensis. AC.
— octoplicatus. AC.
— pinguis. R.
— tricornis. R.
Orthis resupinata, var. voisine de la siriatula. R.
— crenistria. AC.
— Michelini. AC.
Chonetes papilionacea, var. variolaria. RR.
= variolata. R.
Productus semireticulatus, var. concinnus. AC.
— — — antiquatus. RR.
— — — sulcatus. RR.
— pustulosus, var. pividiformis. R.
— elegans KR.
— Heberti. R.
= cora. RR. |
— : Costatus? var. voisine de l’individu figuré dans la Mono-
graphie des Productus , pl. X, fig. 35, e,f, h. RR.
— undiferus. R.
(187)
Productus Flemingii, var. remarquable par son faible prolongement
antérieur, par le nombre de ses plis longitudinaux et par
l’irrégularité de ses plis concentriques. CC.
-- sp.
— Sp.
Pecten Sowerbyi, RR.
— knockoniensis. CC
Conocardium hibernicum. R.
Fenestella fastuosa. R.
— membranacea. R.
Amplexus coralloides. R.
La partie inférieure du calcaire compacte du massif de
Dinant représente donc le calcaire d’Avesnelles, c’est-à-
dire l’assise IL.
La partie supérieure de ce calcaire nous à, au contraire,
fourni :
Evomphalus serus
— oequalis.
Ce sont deux espèces caractéristiques de l’assise V.
L’E. serus ne descend pas dans Passise [V et l'E. oequalis
n’atteint que, dans l’assise V et à la base de l’assise VI, les
dimensions considérables qu’il a montrées dans ce calcaire
noir. Nous devons donc considérer cette partie supérieure,
n° 3°, comme la base de l’assise de Namur.
Il suit de là que le marbre noir du massif de Dinant fait
partie de deux assises bien distinctes, des assises IT d’Aves-
melles et V de Namur.
C’est précisément ce qui a lieu dans le massif de Ber-
laimont pour le calcaire de Bachant.
Il repose sur l’assise d’Étrœungt I et il est immédiate-
ment recouvert par la dolomie de l’assise V de Namur.
Voici d’ailleurs la coupe qu’il présente de bas en haut
(188 )
dans toutes les exploitations situées entre Bachant et
Beaufort :
1° Calcaire compacte gris violàtre ;
2° Calcaire compacte noir avec des calschistes et des bandes de phta-
nites ;
5° Calcaire compacte noir et bleu foncé en bancs généralement plus
gros, contenant des nodules de phtanites et des couches dolo-
mitiques.
Les n°° 1 et 2 n’ont pas encore offert de fossiles, tandis
que le n° 3 renferme des gastéropodes et des céphalo-
podes de grande taille.
Les espèces dont nous donnons la liste proviennent des
carrières ouvertes dans ce niveau à Bachant. Elles ont été,
pour la plupart, recueillies par M. Brochet, de Landre-
cies, qui a mis une grande obligeance à nous faire voir
les nombreux fossiles collectés par lui dans les roches pri-
maires du Hainaut français :
Nautilus subsuleatus ?
Orthoceras Munsterianum.
Cyrtoceras Verneuilianum.
Chemnitzia Lefebvrei.
Nerita ampliata ?
Evomphalus cirroïdes.
— helicoïdes.
— voisin de l’acutus.
— oequalis.
Serpularia serpula.
Bellerophon hiuleus.
— bicarenus.
Dentalium priscum.
Les Évomphales, et particulièrement l'E. acutus et
VE. oequalis, ainsi que la Serpularia serpula, montrent
les mêmes variétés que dans la dolomie de l’assise V.
( 189 )
D’après cela, 1l est évident que le calcaire de Bachant
se rapporte, comme celui de Dinant, à deux assises diffé-
rentes.
En présence de l'identité des caractères pétrographiques
des calcaires non fossilifères À et 2 avec ceux qui ren-
ferment, dans les environs de Dinant, le Productus He-
berti, on ne peut méconnaître leur synchronisme et ne pas
les considérer comme représentant l’assise d’Avesnelles
dans le massif de Berlaimont.
Quant au calcaire n° 3, ses fossiles principaux sont ceux
que nous avons rencontrés dans la partie supérieure du
marbre noir de Dinant et qui sont bien identiques avec
. les espèces caractéristiques de l’assise V. Il rentre consé-
quemment dans cette assise. L'opinion de M. Gosselet sur
lPâge du calcaire de Bachant se trouve ainsi vérifiée pour
: une partie de ses couches.
Le tableau suivant résume les caractères stratigraphi-
ques des couches renfermées dans les massifs de Falmi-
_gnoul, d’Avesnes, de Dinant et de Berlaimont, et rend
plus sensibles encore les relations que nous indiquons
entre les calcaires noirs des quatre localités :
( 190 )
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(191)
.Ces observations ont deux résultats principaux :
1. Le dédoublement du calcaire de Bachant et sa répar-
tition dans les deux assises d’Avesnelles et de Namur font
entièrement disparaître la contradiction qui avait paru
exister un moment entre sa faune et la position qu'il oc-
cupe dans la série des couches du calcaire carbonifère.
Nous y trouvons, au contraire, une preuve des plus posi-
tives de l’accord parfait qui règne entre les caractères stra-
tigraphique et paléontologique pour la détermination des
assises ou portions d’étages dans tout le ARE carboni-
fère inférieur de nos contrées.
Nous ferons aussi remarquer combien le caractère mi-
néralogique des couches se maintient avec ses diverses
particularités sur un espace aussi étendu : les calcaires IT
et V se retrouvent, avec un facies identique, non-seule-
ment dans les massifs de Dinant et de Berlaimont, mais
aussi à Comblaim-au-Pont. Cette distance ne mesure € pas
moins de soixante-quinze kilomètres.
2. Ces observations fournissent aussi une preuve non
moins évidente des lacunes. Nous avons établi, dans une
autre occasion (1), que le calcaire carbonifère, loin de
s'être déposé uniformément dans chacun des massifs où
il existe en Belgique, n’est formé; à une seule exception
près (massif de Falmignoul), que de séries très-incom-
plètes.
Les faits que nous signalons aujourd’hui apportent de
nouveaux arguments dans la question.
Les faunes à Productus Heberti ou faune II et à Evom-
phalus serus ou faune V sont en contact immédiat dans
(1) Notice sur le calcaire carbonifère , etc., lee. cit.
(. 182 |
les massifs de Berlaimont et de Dinant. Elles sont, au con-
traire , séparées dans le massif d’Avesnes par la faune HI
et dans celui de Falmignoul par les faunes HIT et IV.
En comparant ces diverses faunes entre elles, on trouve
que :
Les faunes 11 et FI ont les 0,60 de leurs espèces communes;
Les — HITetIiV — 0,55 — —
Les — IVet V — 0,52 ' — —
Les — Ilet V — 0,54 — —
Ces chiffres montrent que les faunes IT et V ne passent
de l’une à l’autre que par les faunes IIT et IV. Comme elles
sont en contact immédiat à Dinant et à Berlaimont, il est
clair que les faunes IT et IV, et, par conséquent, les cou-
ches qui les renferment, y font entièrement défaut.
L’examen du caractère minéralogique conduit aussi à
cette conclusion.
Nous avons établi que l’assise IT finit et que l’assise V
commence par du calcaire noir compacte. Si les assises EH
et IV n'étaient même représentées que par un simple banc
dans ces deux massifs de Dinant et de Berlaimont, on
devrait y trouver, au contact des assises IH et V, une ligne
de démarcation visible. Or il n’en existe aucune; non-
seulement on n’y rencontre pas de trace des fossiles si
caractéristiques et si nombreux de ces assises II et IV,
mais le passage minéralogique entre les marbres noirs des
assises IT et V y est tellement insensible qu'il est impos-
sible de fixer d’une manière précise leur point de sépara-
tion. C’est la conséquence nécessaire de leur contact.
(193 )
CLASSE DES LETTRES.
st du 1” février 1864.
M. GacHaRD, ur.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le baron de Gerlache, De Smet,
de Ram, Roulez, Borgnet, le baron de Saint -Genois,
David, De Decker, Snellaert, Bormans, Leclercq, Polain,
Baguet, Faider, Arendt, Ducpetiaux, Kervyn de Letten-
hove, Chalon, Mathieu, membres; Nolet de Brauwere
van Steeland, associé; Wauters, correspondant.
M. Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux-
arts, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
a
M. le Ministre de l’intérieur demande l'avis de la classe
sur la composition d’un jury de concours pour une his-
toire des anciennes assemblées nationales de Belgique,
depuis le règne de Philippe le Bon. Conformément à cette
demande, une liste en double de cinq membres est adres-
sée à M. le Ministre.
2e SÉRIE, TOME XVII. 13
(194 )
— M. le secrétaire perpétuel présente l'Annuaire de
PAcadémie royale de Belgique pour 1864 : c’est la tren-
tième année de cette publication. On y trouve une notice
sur Tilman-François Suys et une autre sur Bruno Renard
par M. Van Hasselt, ainsi que deux discours prononcés
aux funérailles de François-Joseph Cantraine et de Martin
Martens, par M. Kickx et par M. Van Beneden.
—_—_
RAPPORTS.
MM. De Decker, le baron J. de Saimt-Genois et Snel-
laert font des rapports favorables sur le complément du mé-
moire de leur confrère, M. Bormans , Fragments choisis de
la chanson de Roncevaux. Ce travail sera imprimé dans la
collection in-octavo des mémoires académiques.
— M. Roulez, nommé commissaire pour l’examen d’une
notice de M. Hegewald, présente le rapport suivant :
« Le manuscrit adressé à l’Académie par M. Hegewald,
de Nancy, ne porte pas de titre général. Au dire de l’au-
teur, dans sa lettre d'envoi, 1l contient « quelques recher-
ches curieuses sur les Gaulois. » Les questions auxquelles
ces recherches se rapportent se trouvent indiquées dans
les quatre titres particuliers suivants : 1° Le type gaulois
étudié dans les médailles et bas-reliefs celtiques ; 2° objets
d’art et d'industrie chez les Gaulois; 3° la religion des
Gaulois étudiée dans les monuments héraldiques ; 4° com-
( 195 )
ment on enterrait chez les Gaulois. Ces indications sem-
bleraient annoncer un mémoire assez étendu; il ne se
compose cependant que de dix pages in-octavo. C’est que
l'auteur n’entre dans aucune discussion, même sur les
points sujets à controverse, et qu'il se borne à énoncer les
opinions d’une manière en quelque sorte dogmatique.
Comme il s’abstient généralement de citer ses autorités, il
est difficile de distinguer les idées qu'il a empruntées à
d’autres de celles qui peuvent lui appartenir en propre,
Un écrit sous cette forme peut intéresser les gens du
monde et trouver sa place dans une revue; mais les sa-
vants ne se contentent pas de simples assertions ; ils exi-
gent qu'elles soient établies par des preuves ou des rai-
sonnements. Or, c’est à cette dernière catégorie de lecteurs
que sont destinés nos Mémoires et nos Bulletins. Je pense,
en conséquence, que la classe ne peut voter que des re-
merciments à M. Hegewald pour sa communication. »
Les conclusions présentées par M. Roulez et appuyées
par M. David, second commissaire, sont adoptées par la
classe.
CONCOURS DE 1864.
La classe des lettres et des sciences morales et politi-
ques avait mis au concours, pour l’année 1864, six ques-
tions sur différents sujets; elle a reçu des réponses à deux
deces questions , savoir:
PREMIÈRE QUESTION.
Rechercher les causes qui amenèérent, pendant le dou-
( 196)
zième et le treizième siècle, l'établissement de colonies
belges en Allemagne. Exposer l’organisation de ces colonies
et influence qu’elles ont exercée sur les institutions poli-
tiques et civiles, ainsi que sur les mœurs et les usages du
pays où elles furent fondées.
La classe à reçu un mémoire portant l’épigraphe :
Grande operae praetium patriae describere fastos.
SCRIVERIUS.
Commissaires : MM. Arendt, David et le baron Kervyn
de Lettenhove.
SIXIÈME QUESTION.
« PRIX D'ÉLOQUENCE FLAMANDE. — Faire l’éloge de
Vondel. »
La classe a recu les trois mémoires suivants :
1° Lofrede op Yoost Van den Vondel.
Épig. : Wien Neerlands bloed in d'aders vloeit
Van vreemde smetten vry.
2 Lof van Vondel. à
Kenspreuk : Hy is en blyft de nachtegaal.
J. VOLLENHOVE.
3° Lofspraak op Vondel.
Kenspreuk : Princeps poetarum. ‘
Commissaires : MM. Snellaert, le baron Jules de Saint-
Genois et Nolet de Brauwere van Steeland.
CES)
La classe avait également mis au concours deux ques-
tions pour deux prix fondés par le baron de Stassart; la
première était :
Un travail sur Van Helmont, comprenant, outre la bio-
graphie de ce savant, un exposé critique de ses découvertes
et de sa doctrine. On désire que les concurrents utilisent,
à cet effet, les documents concernant Van Helmont qui
existent dans les différents dépôts littéraires du pays.
Il à été reçu un mémoire portant la devise :
Et pius est patriae facta referre labor.
Ovie , Trist., lib. ET.
Commissaires : MM. Snellaert, de Ram et De Smet.
Il est convenu qu’on demandera à la classe des sciences
d’adjomdre deux de ses membres aux commissaires dési-
gnés par la classe des lettres pour aider à apprécier la
partie scientifique du travail.
Pour la seconde question, concernant un prix de trois
mille francs à l’auteur du meilleur ouvrage traitant d’une
question d'histoire nationale et publié durant la période
sexennale, ouverte le 1° janvier 1858 et close le 1° jan-
vier 1864, la classe à reçu :
1° Un mémoire manuscrit, portant la devise : L'activité
fait la force et la vie; l’oisiveté, c’est l’anéantissement,
c’est la mort.
2° Un ouvrage imprimé : Histoire de Tirlemont, par
M. P.-V. Bets, 2 vol. in-&e. -
5° Un ouvrage imprimé : Récit de la persécution en-
durée par les séminaires de Gand en 1813 et 18124, etc.,
4 vol in-&°, par J. Vander Moere,
( 198 )
Les juges du concours seront nommés dans la prochaine
séance. | $
ÉLECTIONS.
La classe avait à s'occuper des élections annuelles qui
auront lieu au mois de mai prochain. Les présentations
pour les élections d’un membre et de trois associés se
feront par un comité qui, aux termes du règlement, se
compose de trois membres auxquels s’adjoint le bureau
de la classe. | :
Les membres élus sont MM. Leclercq, Faider et Polain.
( 199 )
CLASSE DES BEAUX -ARTS.
Séance du 14 février 1864.
M. Azvin, vice-directeur.
M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Navez,
J. Geefs, Fraikin, Partoes, Éd. Fétis, De Busscher, Balat,
Payen , le chevalier de Burbure, Demanet, Franck, mem-
bres.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur adresse une expédition de
l'arrêté royal du 25 janvier dernier qui approuve l’élec-
tion de M. J. Franck, artiste graveur , en qualité de mem-
bre titulaire de la classe des beaux-arts.
M. J. Franck remercie la classe pour sa nomination de
membre de la section de gravure.
— MM. H. Flandrin, Robert-Fleury, Jules Cavelier et
Leins remercient également l’Académie pour leur nomi-
nation d’associé de la classe des beaux-arts.
( 200 )
— M. le Ministre de l’intérieur transmet, pour la biblio-
thèque de l’Académie, un exemplaire du recueil d'Études
anatomiques de l’homme, dessinées à Rome, par Pierre-
François Jacobs, publiées et lithographiées par D. Meu-
lenbergh, cinquante planches in-folio, avec texte en regard,
divisées en dix livraisons.
M. le Ministre envoie en même temps dix exemplaires
des Questions et recherches, proposées au nom de la Com-
mission royale des monuments. — Remerciments.
— M. de Coussemaeker, associé de la classe, rede-
mande ses Études sur la musique harmonique et sur les
musiciens harmonistes du XII° et du XILT° siècle, qu'il
avait eu d’abord l'intention de faire publier dans le recueil
des Mémoires de l’Académie. M. le secrétaire perpétuel fait
connaître qu'il a été satisfait au désir de l’auteur.
CONCOURS DE 1865.
La classe avait terminé, dans une séance précédente , la
rédaction de son programme de concours pour 1864; elle
s'occupe aujourd’hui du complément de ce travail, c’est-à-
dire de rédiger ce qui peut faire, dès à présent, l'objet
du concours de l’année suivante. Elle adopte, en consé-
quence, pour 1865, la question :
Rechercher de quelle façon se faisaient les devis estima-
tifs des grands monuments d'architecture au moyen äge;
montrer en quoi ils ressemblaient à ceux qui se font de
nos jours ou en différaient. Rechercher quelle en était la
‘ ( 209
partie qui incombait à l'architecte ou au maitre de l’œuvre
et celle qui était plus spécialement du ressort des hommes
ou corps de métiers.
Rechercher si les évaluations faites à l’époque du moyen
äge étaient exemptes des mécomptes qu’on reproche fré-
quemment à celles de notre temps, et, en cas d’affirmative,
à quelles causes cette différence peut être attribuée.
Rechercher enfin quand et comment ces devis se sont
modifiées de manière à prendre la forme et l’importance
qu'ils ont de nos jours.
INSCRIPTIONS DE MÉDAILLES DE CONCOURS.
M. Roulez, membre de l’Académie, transmet les in-
scriptions suivantes qu'il a rédigées pour les deux médailles
d’or décernées par la classe des beaux-arts, lors du der-
nier concours, à M. Edgard Baes, peintre à Anvers, et à
M. Wiertz, peintre d'histoire à Bruxelles. Les mémoires
couronnés ont pour sujet les caractères constitutifs de l’ori-
ginalité de l’école flamande de peinture :
EDGARDO BAES
OB
ACCURATEM ET PROBABILEM
COMMENTATIONEM
DE PROPRIIS INDIGENISQUE
PICTURÆ VIRTUTIBUS
QUÆ SCHOLAM BELGICAM
A CETERIS DISTINGUANT.
MDCCCLXIIT.
( 202 )
ANTONIO WIERTZ
QUOD
QUIBUS PROPRIIS PICTURÆ
VIRTUTIBUS INCLARUERIT
SCHOLA BELGICA
QUÆ NON ALIA SIT AC RUBENIANA
NON VERBIS TANTUM SED LINEIS
ET COLORIBUS EGREGIE OSTENDIT.
MDCCCEXIIT,
Des remerciments seront adressés à M. Roulez.
CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES.
M. le Ministre de l’intérieur écrit que la classe recevra
une somme de fr. 1500 57 c‘, provenant des retenues
opérées, au profit de la Caisse centrale des artistes belges,
sur le prix des œuvres d’art vendues par l'intermédiaire
de la commission directrice de l'exposition nationale des
beaux-arts de 1863, et conformément à l’article 39 du
règlement de l'exposition. M. le Ministre sera remercié et
il lui sera donné connaissance que la somme indiquée a été
effectivement reçue par la classe.
M. Éd. Fétis, secrétaire du comité directeur, présente
le rapport sur les opérations de la Caisse pendant le cours
de cette année, sur les revenus nouveaux de l'institution
et sur les dépenses qui ont été faites. Ce rapport, approuvé
par la classe, sera inséré dans l'Annuaire de l’Académie.
M. Braemt, trésorier, donne un aperçu de l’état finan-
cier de la caisse, qui compte aujourd hui un avoir de plus
de 100,000 nu
\
L
( 203)
La classe remercie MM. Braemt et Éd. Fétis pour les
soins qu'ils donnent à cette institution.
Sur la demande de M. Alvin, la classe invite M. Éd.
Fétis à vouloir bien reprendre ses fonctions de secrétaire
de la Caisse. Elle le remercie, en même temps que
M. Alvin, qui à rempli les fonctions de secrétaire de la
Caisse pendant l’année précédente.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Note supplémentaire à la notice lue à la séance du 3
décembre 1863, par M. Édouard Fétis, sur le graveur
flamand JEAN SCHORQUENS ou ScHorkeNs; par M. le che-
valier de Burbure, membre de la classe.
Pour remplir les lacunes laissées par M. Édouard Fétis
dans la notice sur le graveur Jean Schorkens, lue à la
classe des beaux-arts le 3 décembre dernier, j'ai fait quel-
ques recherches dans les archives anversoises : elles m’ont
procuré les renseignements suivants :
Jean ou Hans Scorkens ou ScHorkens, le graveur, est
né à Anvers; il y fut baptisé le 26 novembre 1595, à
l'éghse de Notre-Dame. Son père, Georges Schorkens, né
en 1538, et Béatrix Vryen, sa mère, née en 1558, s'étaient
mariés le 24 juillet 1590. +
Jean Schorkens, le troisième des cinq enfants nés de
cette union, eut pour parrain Guillaume Jongelinck, qui
avait aussi servi de témoin au mariage de son père; nous
pouvons en inférer que la famille Jongelinck comptait
parmi les alliés des Schorkens et qu’elle ne fut pas sans
( 204 )
exercer de l'influence sur la carrière artistique de l’un de
ses membres.
En 1610, à l’âge de 15 ans, Jean Schorkens fut admis
dans l'atelier d'Abraham Van Merlen, graveur de talent,
et inscrit en qualité d'élève de ce maître dans la gilde de
Saint-Luc.
Postérieurement à cette inscription, Jean Schorkens
n'est plus mentionné dans les archives de la corporation,
et, son apprentissage terminé, il quitta sans doute son
lieu de naissance pour se rendre en Espagne, où M. Édouard
Fétis constate qu’il a travaillé dès 4618.
Le père de notre graveur mourut le 29 juin 1628, âgé
de 90 ans. Sa mère avait atteint l’âge de 97 ans lors-
qu’elle décéda, le 30 avril 1655. Ils furent inhumés dans
la cathédrale d'Anvers. Outre la pierre tumulaire qui cou-
vrait leur sépulture, et sur laquelle se trouvent relatés en
partie les détails qui précèdent sur leur vie, Jacques
Schorkens, le dernier survivant de leurs enfants, et qui
était prêtre, érigea à leur mémoire, ainsi qu’à celle de
ses frères Georges, Jean, notre graveur, Pierre, et à sa
sœur Élisabeth, un beau monument de marbre, orné des
statues de saint Georges et de sainte Béatrix. Ce monu-
ment était placé dans la cathédrale, près des fonts bap-
tismaux, et fut détruit en 1797. Comme l'inscription latine
qui l’ornait, et qui est rapportée dans les Znscriptions de
la province d'Anvers, ne porte pas de date, 1l n’est pas
possible d'en inférer à quelle époque il fut érigé, et par
conséquent, d’en déduire quand Jean Pounne l'artiste,
avait déjà cessé de vivre.
Quant à ABranam Van MERLEN qui enseigna la gravure
à Jean Schorkens, 1l naquit aussi à Anvers. Son père,
maître Thierry Van Merlen, qui était procureur, était
venu de la ville de Grave, en Hollande, se fixer en cette
( 205 )
ville en 4567 ; il y épousa, en 1573, Marguerite le Grande,
et eut d'elle, entre autres enfants, Abraham, le graveur,
né en 1579, qui fut reçu dans la gilde de Saint-Luc
comme maître graveur sur métaux, en 4600, à l’âge de
21 ans. Outre Jean Schorkens, les registres de la corpo-
ration ne mentionnent qu'un graveur, nommé MICHEL
Van Nocxom (ou Van Ocxom) qui ait fait son apprentis-
sage chez lui.
Abraham Van Merlen épousa Constance Alowyns, fille
de Jacques et d’Élisabeth Hoefnagel (encore un nom
connu dans les arts), qui décéda en 1637; 1l mourut lui-
même en 1660, laissant, entre autres, un fils, Corneille
Van Merlen, dont la descendance existe encore aujour-
: d’hui à Anvers. Abraham Van Merlen grava surtout et
presque exclusivement des sujets de piété de petite di-
mension qu'il imprimait lui-même. Son œuvre n’a pas, que
nous sachions, été décrit jusqu'ici. Ses enfants continuèrent
à exercer aussi la gravure et l’impression en taille-douce.
Les artistes belges. — Jacques DENys et JAcQUES COELEMANS ;
par M. Ed. Fétis, membre de l’Académie.
.
JACQUES DENYS.
La naissance de ce peintre anversois avait été fixée par
certains biographes à l’année 1645 et par d’autres à l’année
1647. Les rédacteurs du catalogue du musée d'Anvers ont
fait connaître, par la publication d’un acte authentique,
que Jacques Denys fut baptisé dans la cathédrale le 29
juillet 1644. Les mêmes auteurs, comparant les brillants
( 206 }
éloges que fait Descamps du talent de Jacques Denys avec
les peintures de cet artiste que possède le musée d'Anvers,
et ne les trouvant pas justifiés, disent que : « Descamps a
eu probablement en vue François Denys, le père de Jac-
ques. » Suivant eux, si les faits cités par le biographe
français sont exacts, 1ls doivent se rapporter non à Jacques
Denys, mais à François, excellent portraitiste dont les
productions approchèrent de celles des grands maîtres du
temps. Nous sommes d’accord avec les écrivains que nous
citons sur ce fait, qu'il y a beaucoup d’exagération dans
les louanges données par Descamps au peintre dont les
œuvres sont au musée d'Anvers; mais nous ne pouvons
point penser avec eux qu’il faille attribuer à François Denys
les particularités rapportées par le biographe. Descamps
avait emprunté ces particularités à Sandrart, qui vivait du
temps de Jacques Denys et qui s’exprimait en homme sûr de
son fait. Richard Collin, le graveur luxembourgeois, qui
avait reçu à Rome les conseils de Sandrart et qui, de re-
tour en Belgique, exécuta des planches destinées à accom-
pagner l’ouvrage de ce dernier, a fait le portrait de Jacques
Denys inséré dans l’Academia nobilissimae artis pictioriae.
Comme 1l résida successivement à Anvers et à Bruxelles,
il doit avoir connu personnellement Jacques Denys, qui
habita également , à la même époque, l’une et l’autre de
ces villes; 1l est probable que le portrait qu'il en a donné
a êté fait d’après nature. La planche sur laquelle figure ce
portrait, avec cinq autres, est signée: R. Collin C. R. (chal-
cographius regius) Sculps. Bruxellae 16853. On verra plus
loin qu’en cette même année 1683, Jacques Denys devait
être à Bruxelles, où 1l éXécutait des peintures dont le prince
de Parme lui avait fait la commande un an ou deux aupa-
ravant. Il n’y à done pas eu d’erreur possible quant à
ÉTTA EE TIRANT à
( 207)
l'identité du personnage. Le Denys dont parle Descamps
d’après Sandrart est Jacques et non François, ainsi que les
rédacteurs du catalogue d'Anvers ont cru pouvoir le sup-
poser. Enfin, et ceci est concluant, l’auteur italien d'une
description de Mantoue, dont il sera fait mention plus loin,
dit, en parlant de peintures exécutées dans un édifice de
cette ville : Sono opere di Giacomo Denys d’Anversa..
Après ce dernier témoignage le doute n’est plus possible,
et il ne reste qu’à signaler, d’après l’examen des deux
tabteaux du musée d'Anvers, l’exagération des louanges
adressées par Descamps à Jacques Denys.
Le catalogue du musée d'Anvers nous fait connaître que
_ Jacques Denys fut inscrit dans la confrérie de Saint-Luc,
comme fils de maître, en 1664, sans faire mention du
peintre dont il reçut les leçons. Certains biographes lui
donnent Jordaens pour maître ; mais Sandrart dit qu’il fut
élève d’Érasme Quellin , et c’est le seul auteur qui nous pa-
raisse bien renseigné sur les faits et gestes de notre artiste.
Jacques Denys, son éducation terminée, partit pour
Pialie; on ne sait pas précisément en quelle année; mais
il est vraisemblable que ce fut aussitôt après avoir été reçu
maître. Il s'arrêta à Venise, à Rome, à Naples, à Bologne,
et doué de cette facilité de pinceau propre aux artistes de
la Flandre, 1l copia les productions les plus remarquables
de chaque école, pour se faire à la pratique des divers pro-
cédés techniques. Ce fut vraisemblablement le désir de
poursuivre les études entreprises dans ce but, qui le con-
duisit à Mantoue, ville où devaient le retenir plus long-
temps qu'il ne l'avait prévu les œuvres du Mantegna, ainsi
que celles de Jules Romain, et où une circonstance égale-
ment immattendue le fixa. Depuis qu’avaient disparu un à
un les disciples de Jules Romain, héritiers et propagateurs
( 208 }
de sa manière, l’école de Mantoue, qui n’était plus d’ail-
leurs qu’un reflet de l'école romaine , avait progressivement
décliné. Comme le fait remarquer Lanzi, les princes qui
régnaient sur le Mantouan n'avaient rien fait pour arrêter
cette décadence et pour favoriser le développement des
talents dont les germes pouvaient se trouver parmi les
jeunes artistes. Ils avaient mieux aimé, et c'était un tort,
appeler à leur cour des peintres étrangers auxquels fut
confiée la tèche de travailler à la décoration des églises et
des résidences souveraines. Jacques Denys fut choisi, à
son tour, pour remplir cette mission. La duchesse de Man-
toue ayant eu l’occasion de voir de ses œuvres conçut pour
son talent une estime qui se traduisit en commandes im-
portantes. La princesse qui accorda sa protection à notre
artiste était Isabelle-Claire d'Autriche, fille de l’archiduc
Léopold, régente pendant la minorité de -Carles IV,
sixième due de Mantoue. Au nombre des peintures exé-
cutées par Jacques Denys d’après l’ordre de la duchesse, il
faut citer en première ligne une série de grands tableaux
qui ornent encore le chœur de l’église Saint-Maurice de
Mantoue, et dont Susani fait mention dans le Nuovo pros-
pelto delle pitture, sculture ed architetture di Mantova.
La duchesse de Mantoue envoya Jacques Denys à Flo-
rence , pour y faire les portraits du grand-duc de Toscane
et de sa famille. L'artiste flamand remplit sa tâche à l’en-
tière satisfaction de Cosme III de Médicis. Celui-ci s’efforça
de le retenir; n’y pouvant point réussir, il le combla de
présents avant de le laisser s'éloigner, et dans son audience
de congé lui remit une chaîne d’or supportant une médaille
à son effigie.
Les biographes nous apprennent que Jacques Denys,
de retour à Mantoue, y fut employé à décorer de peintures
( 209 )
le palais ducal. Suivant Descamps , il n'aurait jamais man-
qué d'occupation à la cour de Mantoue, où chaque jour on
Jui proposait de nouveaux travaux pour le retenir; mais
après quatorze ans de séjour en Italie, l'amour de la patrie
le ramena à Anvers. Le biographe que nous venons de
citer dit qu’à son arrivée il reçut le plus brillant accueil
des artistes et des amateurs qui allèrent en cortége au-
devant de lui. Si cette particularité est exacte, elle témoigne
de la haute position que Jacques Denys avait acquise à
l'étranger. Descamps ajoute que le peintre anversois ne
jouit pas longtemps des avantages que lui assurait la con-
sidération dont il était l’objet, car il mourut peu de temps
après son retour dans sa ville natale. Sandrart s'exprime
différemment : il dit que Jacques Denys ayant fait un beau
portrait du duc de Parme, ce prince l’appela à Bruxelles
et le chargea d'exécuter des peintures dans le palais des
ducs de Brabant (in aula Brabantina), ce qu’il fit de ma-
nière à mériter d'être comparé aux meilleurs maîtres de
son temps. Les anciennes descriptions de ce palais, à deux
reprises ravagé par l'incendie, sont très-incomplètes; nous
y cherchons vainement des indications sur les peintures
qu'y aurait faites Jacques Denys, et pourtant Sandrart est
trop affirmatif, pour que nous puissions supposer que le
fait soit imaginaire.
La particularité rapportée par Sandrart de l'exécution
d'un portrait du prince de Parme par Jacques Denys, lors
de son retour à Anvers, coïncide parfaitement avec l’in-
dication trouvée par les rédacteurs du catalogue du musée
d'Anvers dans les comptes de la caisse de secours de la
confrérie de Saint-Luc, constatant que l'artiste était dans
sa ville natale en 1678-1679. Alexandre Farnèse, prince de
Parme, remplit de 1680 à 1682 les fonctions de gouverneur
27e SÉRIE, TOME XVI. 14
( 210 )
général des Pays-Bas. Jacques Denys était donc rentré de-
puis un an ou deux à Anvers, lorsqu'il fut appelé par le
lieutenant du roi d’Espagne à représenter son effigie. Cette
date de 1678-1679, relevée sur les registres de la caisse
des secours de la corporation de Saint-Luc, est la confir-
mation complète des paroles de Sandrart, suivant lequel
Jacques Denys, après avoir passé quatorze ans en Italie,
demanda à sa protectrice, la duchesse de Mantoue, la
permission de retourner dans son pays. Nous avons dit
que l'artiste partit, suivant toute apparence, pour lItahe
l’année même de son admission à la maîtrise. Cette admis-
sion ayant eu lieu en 1664, et son retour à Anvers étant
fixé à l’année 1678 par le document cité dans le catalogue
du musée d'Anvers, la durée de son absence est de qua-
torze ans, c’est-à-dire conformément à l’indication donnée
par Sandrart. Cette exactitude de l’auteur allemand, dé-
montrée mathématiquement pour un des points de Ja
biographie du peintre dont nous nous occupons, doit in-
spirer une entière confiance sur les autres points. Il est
évident qu'il ne reproduit pas des banalités comme il est
arrivé si souvent à Descamps de le faire; mais qu'il écrit
sa notice au moyen de renseignements puisés à bonne
source.
Leportrait de Jacques Denys, gravé par Richard Collin,
portrait exécuté du vivant de lartiste et dans les lieux
qu’il habitait, ce qui permet de supposer qu’il a été fait
d’après nature, confirme une seconde allégation de San-
drart relative aux incidents du voyage du peintre anver-
sois en Italie : celle qui le montre recevant des mains du
grand-duc de Florence une chaîne d’or supportant une
médaille frappée à son effigie. Jacques Denys est repré-
( 211 }
senté, dans le portrait dont il s’agit, ayant au cou la chaîne
à laquelle pend la médaille. Sa physionomie est fine et spi-
rituelle; il a le chef surmonté d’une volumineuse perruque
à la Louis XIV. :
On à vu que, suivant Descamps, Jacques Denys ne
jouit pas longtemps des avantages que lui assurait la con-
sidération dont 1l avait reçu de brillants témoignages à son
retour à Anvers. Cette assertion est inexacte puisque,
comme l'ont dit les rédacteurs du catalogue d'Anvers, il
remplit en 1693 les fonctions de doyen de la confrérie de
Saint-Luc et peignit, l’année suivante, le portrait du chef-
homme de cette corporation. Quant à préciser l’époque de
la mort de notre artiste, c’est ce qu'il est impossible de
faire, faute de preuves. On à donné arbitrairement la date
de 1708. Quant à celle de 1733, que nous trouvons dans
Zani, il n’y à pas lieu de s’y arrêter
Descamps dit avoir vu trois peintures de Jacques Denys,
lors du voyage qu’il fit dans nos provinces pour rassembler
les matériaux dé sa Vie des peintres flamands. C’étaient :
un Écce homo, dans la manière de Van Dyck; un portrait
vigoureux, traité en façon d’esquisse ; un portrait de femme
ayant pour accessoires des vases de fleurs et de fruits d’un
faire très-achevé. Comme aucune indication n’est donnée
par l’auteur que nous venons de citer sur les collections
où se trouvaient ces productions , il nous a été impossible
d'en rechercher la trace. On ne connaît plus, en Belgique,
que deux tableaux de Jacques Denys. Ils sont au musée
d'Anvers et proviennent de la salle des réunions de la
confrérie de Saint-Luc : l’un est le portrait de Grégoire
Martens, chef-homme de la corporation, peint, comme il
a été dit plus haut, en 1694; l’autre, désigné sous le titre
( 212 )
d'Étude du modèle vivant, est une espèce d’allégorie de
l'intervention de la nature dans la production des œuvres
d'art.
I.
JACQUES COELEMANS.
Les biographes font naître Jacques Coelemans à Anvers
en 1670 et lui donnent pour maître Corneille Vermeulen.
Il y à à une double erreur. Mon savant confrère et ami
M. de Burbure, qui a recueilli tant de documents précieux
pour l’histoire des arts en Belgique, à bien voulu me com-
muniquer des renseignements desquels il résulte que Jac-
ques Coelemans naquit en 1654 à Anvers, ainsi qu'on le
voit par son acte de baptême inscrit dans les registres de
l’église de Notre-Dame, à la date du 23 août. En 1672,
Coelemans entra comme élève dans l'atelier de Frédérie
Bouttats, en même temps que Michel Van der Gucht,
qui. se fixa plus tard en Angleterre. Nous manquons de
renseignements sur ses premiers travaux. Les planches
qu’il a dû exécuter avant son départ d'Anvers ont échappé
à nos recherches. N’avait-il fait jusqu'alors que prêter à
d’autres graveurs l’appui d’une collaboration anonyme ?
C’est une supposition qu’on peut former. Ses premières
œuvres connues sont datées d’Aix en Provence, où il avait
été appelé par un amateur célèbre au service duquel il mit
désormais son burin expéditif.
Le marquis Boyer d’Aguilles, conseiller au parlement
de Provence, s’est fait, par son goût éclairé pour les arts,
une renommée aujourd'hui encore presque populaire à
(213)
Aix. Que de noms ce noble penchant a sauvés de l'oubli!
Combien de magistrats, d'hommes d’État , de financiers, qui
se flattaient de passer à la postérité et qui n’ont laissé
nulle trace en ce monde, tandis qu’on garde le souvenir
de tel amateur dont toute l’ambition fut de goûter les
pures jouissances que fait éprouver la culture des beaux-
arts! Le marquis Boyer d’Aguilles avait une grande for-
tune, qu’il employa tout entière à satisfaire son inclination
favorite. Voici dans quels termes Mariette, le savant icono-
phile français, s'exprime sur le compte de ce magistrat
artiste : « Il était né avec de l’attrait pour la peinture;
mais cette inclination naturelle se changea en peu de
temps en une passion dont il ne lui fut pas possible de
réprimer l’ardeur, lorsque, ayant fait le voyage d'Italie, la
vue des merveilles qu’on rencontre dans ce pays, la fré-
quentation des habiles gens qu’il v connut, eurent achevé
de fortifier son goût et qu’elles eurent multiplié ses con-
naissances. M. d’Aguilles ne se contenta pas de voir et
d'admirer ; il voulut, en quittant l'Italie, se faire un fond
qui püt, en quelque sorte, le dédommager des belles
choses dont il ne lui serait plus permis de jouir. Il re-
cueillit quantité de tableaux, 1l acheta des estampes, des
dessins, des sculptures, qu'il apporta à Aïx et dont il se
fit, pendant le reste de sa vie, un amusement d'autant
plus permis, que son amour pour les beaux-arts, quelque
vif qu'il fût, ne lui fit jamais perdre de vue les devoirs du
magistrat. La sagesse de ses conseils, la justesse de ses
décisions, le faisaient considérer comme l’oracle de son
parlement. » |
Pour loger la riche collection d'objets d’art rassemblée
dans ses voyages, bien plus que pour se loger lui-même,
‘ ( 214 )
.le marquis Boyer d’Aguilles s'était fait construire à Aix
un bôtel magnifique, qu’on aurait pu qualifier de musée.
Intimement lié avec le Puget, il profita des leçons de ce
grand artiste pour se former au jugement et à la pratique
des beaux-arts. Ce n’était pas seulement un fin connais-
seur; il manjait avec une certaine facilité le crayon, le
pinceau et le burin.
Le marquis Boyer d’Aguilles conçut le projet de publier
une collection d’estampes reproduisant les tableaux de sa
galerie. Il chargea de l'exécution d’une partie des planches
qui devaient entrer dans ce recueil Sébastien Barras,
peintre et graveur provençal, qu'il avait envoyé en ltalie
compléter son éducation d’artiste et aux dépenses duquel
il avait généreusement pourvu. Lui-même se mit à l’œuvre.
Cependant il ne tarda pas à reconnaître qu’il ne verrait
pas la fin de son entreprise, s’il n’appelait à son aide un
: burin plus expérimenté que le sien et que celui de son
collaborateur. Mariette nous dit que : « fit venir à Aix,
à ses dépens, un graveur d'Anvers qui, dans un âge peu
avancé, s'était déjà fait un nom. Ce fut Jacques Coele-
mans, élève de Corneille Vermeulen, dont tout le monde
connoît l’habileté. » Nous croyons que Mariette se trompe
lorsqu'il dit que Jacques Coclemans s'était déjà fait un
nom, attendu qu'on ne cite de lui aucune œuvre anté-
rieure à son séjour à Aix, ainsi que nous l’avons fait
remarquer plus haut. Boyer d’Aguilles avait connu à Paris
Corneille Vermeulen, qui avait exécuté une gravure de son
portrait d’après Rigaud. Il aura vraisemblablement écrit à
cet artiste, qui était retourné dans son pays natal, pour le
prier de lui envoyer un graveur capable de remplir la
tâche qu'il lui destinait, et Vermeulen aura jeté les yeux
(215)
sur Jacques Coelemans. La Belgique était alors un grand
foyer de production artistique. Chaque fois qu’on avait
besoin, en France, d’un vaillant pinceau ou d’un burin
expert, on l’empruntait à la Belgique. C’étaient, pour la
peinture : Jacques Fouquières, Philippe de Champaigne,
Vander Meulen, Wleughels, Genoels, Bertholet Fémalle ;
pour la sculpture, Van Opstal; pour la gravure en taille-
douce, Edelinck, Van Schuppen ; pour la gravure en mé-
dalles, Warin, Duvivier, Rottiers, et tant d’autres encore,
car nous pourrions multiplier nos citations.
Quoi qu’il en soit, le marquis Boyer d’Aguilles reconnut
bientôt que Corneille Vermeulen avait eu la main heu-
reuse en choisissant Coelemans. Il ne suffisait pas de faire
bien, il fallait aussi faire vite, pour que le conseiller
du parlement d'Aix eût la satisfaction de voir le projet
qu'il avait formé réalisé de son vivant. Jacques Coelemans
avait une exécution rapide et savait, chose rare de nos
Jours, rendre les effets de la peinture par de larges combi-
naisons de tailles. Après avoir dit (se trompant en cela)
que notre artiste s'était formé à l’école de Vermeulen,
. Mariette ajoute : « La manière de graver du disciple tenait
beaucoup de celle du maître. Elle n’avait pas toute la pu-
retlé de certains beaux burins; mais elle était fondue et
propre à faire de l'effet, surtout lorsque les tableaux
qu’elle avait à rendre étaient bien colorés ou entendus
. de clair-obscur. » On a reproché à Coelemans l'inégalité
des gravures qu'il fit pour M. Boyer d’Aguilles. Quelques-
unes de ses planches sont faibles, nous n’en disconve-
nons pas, et 1l en est même de tout à fait médiocres; mais
il faut tenir compte de l'obligation imposée à l'artiste
d'achever dans un délai fixé un travail auquel on s'étonne
(216)
qu'un seul homme ait pu suffire. Mariette nous fait con-
naître que : « Dix ou douze ans s’écoulèrent avant que
le recueil d’estampes que préparait M. d’Aguilles vit le
jour. » Dix ou douze ans! c'était beaucoup peut-être pour
J'impatience de l'amateur dont le désir était de pouvoir
distribuer ce recueil à ses amis; mais c'était bien peu
pour l'artiste auquel avait été donnée la mission d’accom-
plir une pareille tâche. Les estämpes gravées par Coele-
mans dans cet intervalle de dix ou douze années sont au
nombre de ceñt dix-huit. Il y en a de grande dimension
et beaucoup sont remarquables par la délicatesse du tra-
vail; toutes ou presque toutes se distinguent par le senti-
ment de la couleur et par l’entente du clair-obseur. Inter-
prète 1ntelligent, l'artiste modifia son mode d’exécution
selon qu’il avait à rendre des œuvres de peintres Italiens,
flamands ou français, et s’attacha à reproduire fidèlement
le style de chaque maître. La facilité de son burin ne se
montre pas moins dans Îles /ac-simile de dessins placés à
la fin du recueil, que dans les estampes où l'aspect des
tableaux d’un coloris vigoureux a reçu une excellente im-
terprétation. Jacques Coelemans profita des conseils que
lui donna le marquis Boyer d’Aguilles, dont le goût exercça
une heureuse influence sur le développement de son ta-
lent. C’est un fait que nous atteste Mariette et auquel nous
croyons volontiers. On a exagéré cette Influence lorsqu'on
a dit que Coelemans, étant privé des avis du conseiller du
. parlement d'Aix, vers la fin de sa carrière, n’avait plus
produit que des ouvrages médiocres. La médiocrité de ces
dernières productions tenait, sans doute, tout simple-
ment à ce que l'effet de l’âge se faisait sentir chez l’artiste,
qui n'avait plus ni la même justesse dans le coup d'œil,
ni la même fermeté dans la main.
(247)
Le cabinet du marquis Boyer d’Aguilles était particu-
lièrement riche en tableaux des écoles d'Italie et de l’école
française. On y remarquait aussi des œuvres de quelques-
uns des meilleurs maîtres flamänds : de Rubens, une com-
position de Loth et ses filles, un paysage et le superbe
portrait d’un docteur de Louvain; de Van Dyck, une Sainte
Famille; de Teniers le jeune, un Chirurgien de village pra-
tiquant une opération; de Jean Mielle, une allégorie de
Vénus recherchant l’alliance de Bacchus et de Cérès; de
Finsonius, un magnifique portrait de Malherbe; de Fran-
cisque Millet, une bacchanale et trois paysages.
Il semble que le sort ait voulu donner au marquis
Boyer d’Aguilles la satisfaction de voir achever l’œuvre à
laquelle 1l avait consacré tant de soins et tant d’argent.
Les dernières planches de sa galerie sont datées de l’année
même de sa mort. Toutefois l'ouvrage ne parut qu'après
lui. Jacques Coelemans obtint du fils de son protecteur
l'autorisation de publier ce recueil à l’exécution duquel il
s'était dévoué durant douze années, et 1l ne songea plus
désormais qu'à l'exploitation de cette entreprise. Il forma
de la collection de ses planches un volume intitulé : Le
Recueil des plus beaux tableaux du cabinet de messire
Jean-Baptiste, seigneur d’Aguilles, conseiller au parle-
ment de Provence, à Aix, chez Jacques Coelemans, mar-
_ chand et graveur en taille-douce à la place proche la porte
des Révérends pères Précheurs. La qualification de mar-
chand que se donne notre artiste atteste qu'il n’avait
plus d'autre intention que celle de tirer le meïlleur parti
possible de ses travaux accomplis. Il dut renoncer à revoir
sa ville natale, ou du moins à revenir s’y fixer. Non-seu-
lement il avait pris à Aix ces habitudes de la vie auxquelles
on ne renonce pas facilement à un certain âge; mais son
( 218 ) ;
_ commerce d’estampes le retenait dans la capitale de la
Provence. Le marchand absorba complétement l'artiste
pendant assez longtemps. Celui-ci se réveilla un jour ce-
pendant et voulut se manifester encore. Il était trop tard.
Jacques Coelemans avait perdu l'habitude de manier le
burin, et les portraits qu'il exécuta à cette époque de sa :
carrière n’ont plus rien des qualités qu’on remarque dans
les planches du recueil des tableaux du cabinet Boyer
d’Aguilles. Il était âgé de quatre-vingt-un ans, lorsqu'il
mourut à Aix en 1735.
Après la mort de Jacques Coelemans, Mariette publia
une nouvelle édition de la galerie Boyer d’Aguilles, en
joignant au recueil des planches du graveur anversois une
notice sur l’ancien possesseur de la collection, et l’explica-
tion des tableaux reproduits. Cette seconde édition parut
en 1744. Quelques années suffirent encore pour l’épuiser.
Basan publia une troisième édition , la moins estimée na-
turellement, par la raison que les planches fatiguées ne
fournissaient plus que de mauvaises épreuves.
La galcrie Boyer d’Aguilles est une des œuvres.de gra-
vure les plus considérables qu’un seul artiste ait eu le
courage d'entreprendre et la force de conduire à bonne
fin. Nous sommes heureux de pouvoir en attribuer 1C]
l’honneur à l’un de nos Flamands.
(219)
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Joly (Ed.). — Antiquités celtiques trouvées sur le terri-
toire de Frasnes-lez-Buissenal, arrondissement de Tournai,
province de Ilainaut. Renaix, 1864; in-12.
Stein (Laurent). — De la constitution de la commune en
France, traduit de lallemand par M. le Grand de Reulandt,
2e édition. Bruxelles , 1864; in-12.
Broeckx (C.). — Notice sur Jean-Charles van Rotterdam.
Anvers , 1864; in-8°.
Le progrès par la science, 2° année, n° 52 à 61. Bruxelles,
1861 ; 29 feuilles in-4°. ai
- Revue de la numismatique belge, 4*° serie, tome If, 4°° livr.
Bruxelles, 1864; 1 broch. in-8°.
Messager des sciences, ou archives des arts et de la biblio- :
graphie de Belgique. Année 1865, 4% livr. Gand , 1865; in-8°.
Conseil de salubrité publique de la province de Liége. —
Compte rendu des travaux de Pannée 1865 ; par M. A. Spring.
Liége, 1864 ; in-8°.
Journal des beaux-arts et de lu littérature; publié sous la
direction de M. Ad. Siret, VI" année, n° 1 à 4. Saint-Nicolas,
1864 ; 4 feuilles in-4°.
Annales de l’électricité médicale, publiées sous la direction
de M. Van H. Holsbéek, 4° année, 10% à 19%: livr. Bruxelles,
4864; 5 broch. in-8°.
Annales de la Société de médecine d’Anvers, XXV"° année,
liv. de janv. et février. Anvers, 1864 ; 1 broch. in-8.
= Flora batava. Afbeelding en beschrijving van nederlandsche
gewassen , door wijlen Jan Kops, gevolgd door F.-A. Hartsen,
186 aflevering. Amsterdam, 1865; in-#°.
Mémoire sur les travaux de M. Piroux, directeur-fonda-
( 220 )
teur de l’Institution des sourds-muets de Nancy, pour fuire
commencer l’éducation et l’instruction des enfants sourds-
muets dans les familles et dans les écoles primaires, accom-
pagné de pièces justificatives. Paris, 4864; in-4°.
Revue de l’instruction publique, de la littérature et des
sciences en France et dans les pays étrangers, 25° année,
n° 56 à 45. Paris, 1863-1864; dix feuilles in-4°.
L’Investigateur, journal de l’Institut historique, XXX®°
année, 547%° et 548"° livr. Paris, 1865; gr. in-8°.
Société des antiquaires de Picardie. — Bulletin , année 1863,
n° 5. Amiens; in-8°.
Chrisiener (Chr.). — Die Hieracien der Schweiz (aus dem
Programm der Berner Kantonsschule für 1863). Berne, 1863;
in-4°.
Schweizerischen naturforschenden Gesellschaft. — 46°'°Ver-
sammlung. Lucerne , 1865; in-8°.
Naturforschende Gesellschaft zu Altenburg. — Mittheilun-
gen aus dem Osterlande. Gemeinsehaftlich herausgegeben vom
Kunst- und Handwerksvereine, XV! und XVI‘ Jahrg., 2! und
5° Heft. Altenburg, 1860-1865 ; in-8°.
Künigliche Akademie der Wissenschaften zu Berlin. —
Abhandlungen aus dem Jahre 1862. Berlin, 1863; in-&. .
Physikalische Gesellschaft zu Berlin. — Die Fortschritte
der Physik im Jahre 1861. XVII Jahrg. Berlin, 1863; 2 vol.
in-8°.
Atlas des nürdlichen gestirnten Himmels für den Anfang
des Jahres 1855 ; entworfen aus der kôniglichen Sternwarte
zu Bonn, IIT'° Lieferung. Bonn, 1858; in-folio.
Naturforschenden Vereines in Brünn. — Verhandlungen.
45e Band, 1862. Brünn, 1863; in-8°.
Der zoologische Garten. Zeitschrift für Beobachtung, Pflege
und Zucht der Thiere, V'* Jahrg., n° 1. Francfort A/M, 1864 ;
in-8°.
Université de Marbourg. — Thèses inaugurales et régle-
(12280)
ments académiques, publiés pendant l'année 1863-1864. Mar-
bourg ; 50 cahiers in-4° et in-8°.
Kônigl. bayer. Akademie der Wissenschaften - zur Mün-
chen. — Sitzungsberichte, 1865, Il, Heft 2. Munich, 1865;
in-8°. | |
Würtembergische naturwissenschaftliche Jahreshefte, XIX'*
Jahrg., 1 Heft. Stuttgart, 1863 ; in-8°.
Munch (P.-A). — Kortfattet Fremstelling af den oeldste
nordiske Runeskrift, og den i de oeldste Rune- Iridskrifter
herskende Sprogform. Christiania , 1858; in-8°.
Hansteen (Christoph) und Doe (liutenant). — Resultate
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vegicum, sjette Samling, forste Halvdel. Christiania, 1865;
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andet Hefte, 4579-1588. Christiania, 18653 ; in-8°.
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kole. Udgivet from Program i Anleding af Skolens Udvidelse
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Det kongelige Frederiks universitets. Halvhundredaars-
feest, September 1861. Christiania, 1862; in-8°.
Universitate regia Fredericiana. — Index scholarum 1863.
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hundrede. Christiania, 1863; in-4°.
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Vibe (F.-L.). — Nogle ord til Skoleungdommen. Til Forfk-
jellige tider Udtalte til Christiania Kathedralskoles elever.
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thedralskole for Skole Aarene 1848-49 til 1852-53. Christiania;
1858; in-12.
Moe (N.). — Veiledning til Dyrkning of glaciale, alpinske
og arctiske Planter, saaledes som disse behandles i dit kgl.
Norske Universitets botaniske Have paa toïen ved Christiania. -
Christiania, 18692 ; in-8°.
Taxidermi. Veiledning for dem, som ville Paatagé sig Ind-
samling af naturvidenskabelige Gsenstande for universitetet
og dets Samlinger. Christiania , 1865; in-8°.
Nicolaysen (N.). — Norske Fornlevninger. En oplysende
Fortegnelse over Norges Fortedslevninger, Aeldre end Refor-
mationen og Henforte til hver sit Sted ; andet Hefte. Christia-
nia , 1863 ; in°8°. |
Foreningen til Norske Fortidsmindesmerkers Bevaring
Aarsberetning for 1862. Christiania, 1863 ; in-8°.
Kraft (Jens E.). — Norsk Forfatter-Lexicon, 1814-1856;
sjette Hefte. Christiania, 1863 ; in-8°.
Nyt magasin for Naturvidenskaberne, tolvte Binds, 1-3
Heftes. Christiania , 1863; 2 broch. in-8°. |
Bereining om Bodsfoengslets Virkomhed i Aaret 1862.
Christiania , 1865 ; in-8°.
Lieblim (J.). — Aegyptische Chronologie. Ein kritischer
Versuch. Christiania , 1863; in-8°.
Det Kongelige Frederiks Universitetets. Aarsberetning for
Aaret 1861. Christiania, 1862; in-8°.
Société impériale des naturalistes de Moscou, Bulletin,
année 4863, n° 1 et 2. Moscou, 1863; 2 vol. in-8°.
Sass (Arthur Ferdinand baron von). — Untersuchungen
Fo lin. alt RES
(225 )
über die Niveauverschiedenheit des Wasserspiegels der Ostsee.
Saint-Pétersbourg, 1865 ; in-8°..
Bullettino nautico e geografico. Appendice alla corrispon-
denza scientifica di Roma, vol. IT, n°° 14 et 12. Rome, 1865;
in-folio.
Associazione nazionale italiana di mutuo soccorso degli
scvenziaii litterati ed artisti. — Bullettino, dispensa VI. Na-
ples, 1863; in-8°..
Armeni (Antonio). — Raccolta di poesie edite ed inedite.
Venise, 1865; in-8. =
Academia real das sciencia de Lisboa : — Memorias : Classe
de sciencias, nova serie, tome IT, parteT; — Classe de sciencias
moraes, nova serie, tomo III, parte I. — £Lendas da India
por br Corréa, sob a dirrecçcao de Rodrigo José de Lima
Felner. Livro terceiro, tomo IIT, parte 2. Lisbonne, 1865;
3 vol. in-4°. |
Observations météorologiques faites à l’observatoire de
l’'Infant don Luiz, à l’École polytechnique, année 1863,
feuilles, n° 14 à 27, 29 à 45. Lisbonne; in-folio.
Report of the commissioner of patents for the years 1859-
1861. Mechanics, arts and manufactures and agriculture.
Washington; 5 vol. in-8°.
-
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
Ep ES
27
CLASSE DES SCIENCES.
ee
Séance du 5 mars 1864.
M. ScHaar, président de l'Académie.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. d'Omalius d’Halloy, Wesmael,
Stas, De Koninck, Van Beneden, A. De Vaux, de Selys-
Longchamps, le vicomte B. du Bus, Nyst, Gluge, Melsens,
Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, Dewalque, Ern. Que-
telet, membres; Lamarle, associé; Ch. Montigny, corres-
pondant.
M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste
à la séance.
2e SÉRIE, TOME XVII. 15
”
(2% )
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur transmet, au nom du gou-
vernement néerlandais, un exemplaire de la cent quatre-
vingt-sixième livraison de la Flora Batava.
— La Société impériale géographique de Russie trans-
met les procès-verbaux de ses séances générales du 8 jan-
vier dernier et du 4 décembre précédent.
La Société batave de Rotterdam fait parvenir également
le programme de son concours, dont le terme expire à la
fin de janvier 1865.
— Le Musée public de Moscou, l'Observatoire de Pul-
kowa , l’Institut royal de Milan, la Société d'histoire natu-
relle de Francfort, etc., remercient l’Académie pour l'envoi
de ses dernières publications.
L'Institut royal de Milan fait connaître, en même temps,
qu’il prendra désormais le nom d’Institut royal lombard
des sciences et des lettres, et qu’il sera divisé en deux clas-
ses, celle des sciences mathématiques et naturelles, et
celle des lettres et des sciences morales et politiques.
— M. le professeur Maas, de Namur, transmet les résul-
tats de ses observations météorologiques faites pendant
l’année 1863. :
M. Bernardin, professeur au Collége de Melle, près de
Gand, communique les résultats de l’observation qu'il a
faite d’un beau halo qui entourait la lune, le 21 février
dernier, de 54/2 à 10 1/2 heures du soir.
— M. Rottier, préparateur de chimie à l'Université de
( 29%)
Gand, présente des Recherches sur la conservation du
bois au moyen de l'huile lourde de goudron de houille,
dite huile créosotée. (Commissaires : MM. De Koninck et
Ad. De Vaux.)
La classe reçoit également une notice de M. Henri Van
Heurck sur Un nouvel objectif de microscope construit par
E. Hartnack, suivi de remarques sur la NAVICULA AFFINIS.
(Commissaires : MM. Duprez et Kickx.)
— M. Van Beneden demande à la classe de pouvoir dé-
poser dans les archives un billet cacheté de M. Édouard
Dupont. À
Ce dépôt est accepté.
RAPPORTS.
Sur une notice de M. le marquis Anatole de Caligny rela-
tive au mouvement des ondes et sur une notice du méme
auteur relative au développement de la chaleur dans les
siphons employés au percement du tunnel du Moni-
cents.
Happost de M. À. De Vaux.
« Il résulte des explications données par M. le marquis
Anatole de Caligny à M. le secrétaire perpétuel, sous les
dates des 23 décembre 1863 et 17 janvier 1864, que la
note qu'il avait soumise à notre examen sur le mouvement
des ondes , doit avoir été en partie publiée dans le Jour-
nal de l’Institut. M. de Caligny ajoute, il est vrai, qu'il
. n'y est donné que des extraits suceinets sur ses expériences
et que les nouveaux détails dont il accompagne la pré-
( 2287)
sente notice sufliraient pour constituer un travail distinct
sur la matière. |
Je trouve effectivement du neuf dans quelques-unes des
observations dont il s’agit, mais cette note ne saurait être
reproduite isolément, et ne pourrait offrir quelque intérêt
que comme appendice aux premières publications de M. de
Caligny. Sa place est donc bien plutôt dans le Journal de
PInstitut que dans nos Bulletins.
Quant à la note sur la chaleur, que nous aurions pu ac-
cueillir comme suite à celle que nous avons déjà imprimée
en 1861, M. de Caligny nous met à l’aise en disant que,
« dans la crainte d’en perdre la priorité, il avait en-
» voyée, en substance, quelques jours auparavant à la
» Sociélé philomatique, » qui paraït en avoir gratifié le n°
du 4 novembre 1863 du même Journal de l’Institut.
Je conclus à ce que des remerciments soient adressés à
M. de Caligny pour ses intéressantes communications. »
Ces conclusions, auxquelles se rallie M. Timmermans,
deuxième commissaire, sont adoptées.
— MM. Melsens et Sias, qui avaient été chargés d’exa-
miner une notice de M. Dewilde, Sur le chlorure de broma-
cétyle et le bromure de chloracétyle, faisant suite à une
autre notice du même auteur déjà imprimée dans les
Bulletins de l’Académie, demandent que ce nouvel écrit
soit également inséré dans ce recueil. — Cette impression
est ordonnée.
— En déposant la suite de son mémoire Sur l’emploi de .
l’iodure de potassium pour combattre les affections satur-
hd
( 229 )
nines et mercurielles, M. Melsens entre dans quelques
détails sur le sujet dont il s’est occupé; il en expose l’im-
portance au point de vue médical, et demande que quelques-
uns de ses collègues veuillent bien l’examiner et exposer
Jeurs idées à cet égard. La classe nomme MM. Gluge et
Schwann comme commissaires chargés de faire cet examen.
M. Melsens fait ensuite une communication sur des billes
de bois préparées au moyen du procédé de M. Rottier; il pré-
sente les dessins des expériences qu’il a exécutées d’après
ce procédé. La classe, d’après sa demande, nomme MM. De
Koninck et De Vaux pour l'examen de ces planches.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
mn
Des phénomènes périodiques en général ; par M. Ad. Que-
télet, secrétaire perpétuel de l'Académie royale.
Les mouvements des corps célestes et la variété Imfinie
des phénomènes auxquels ils donnent naissance, forment
une des études les plus attrayantes. Parmi ces phéno-
mènes, 1 en est qui semblent se produire sans cause ap-
parente, et qui s’effacent aussitôt après leur apparition :
d'autres se manifestent sous des conditions plus sensibles ;
_ et si l’on ne peut en fixer exactement les causes ni le
mode d'action, une observation prolongée permet du moins
de les reconnaître et d’en apprécier les principales circon-
stances.
Dès qu'un fait a frappé nos regards, dès que nous avons
pu en constater les effets et reconnaître une similitude
avee un fait analogue qui se reproduit sous les mêmes
( 230 )
aspects, nous sommes naturellement portés à supposer
entre eux une identité. Cette probabilité se change en
certitude, lorsque nous voyons le même phénomène se
présenter successivement dans le même ordre et à peu
près avec les mêmes conditions. En ne le jugeant que par
ses caractères extérieurs, on peut supposer ce phénomène
périodique; mais quand , aidé par la science, on reconnait
qu'il se produit toujours de la même manière et par les
mêmes causes, on possède , outre la conviction physique,
celle qui procède du raisonnement (1).
Cette dernière conviction est quelquefois difficile à ac-
quérir ; ainsi, la durée du jour est le plus apparent de tous
les phénomènes périodiques qui nous concernent : la plus
simple intelligence, depuis le commencement des choses,
a pu en reconnaître la durée et la succession ; mais il n’en
est pas de même de l’hypothèse qui attribue son origme
au mouvement de rotation de la terre autour de son axe. En
1635, Galilée, à l’âge de soixante-dix ans, avouait encore,
bien malgré fui sans doute, qu'il avait pu se tromper en
proclamant ce principe; mais aujourd'hui on peut s’étonner
qu’un phénomène aussi simple fût encore si généralement
ignoré. I importe donc de faire une différence bien grande
entre le fait aperçu et le fait expliqué par la science.
Ainsi, le phénomène du jour, qui exerce une si grande
influence sur la nature physique de l’homme en général,
semble, quand il s’agit d’en apprécier les causes, en pro-
duire bien peu sur son intelligence : il a fallu traverser
des siècles pour arfiver à une explication complète de ce
(1) Voyez , sur les phénomènes périodiques, pages 205 et suivantes ;'et
spécialement à la page 425, leur tableau général , dans les LETTRES SUR LA
THÉORIE DES PROBABILITÉS que j'ai publiées à Bruxelles en 1846, in-8°,
chez M. Hayez.
( 251 )
fait. La durée du jour est peut-être le phénomène le plus
important qui soit soumis à nos méditations; il se repro-
duit par ses effets dans tous les ordres de la nature. Chez
l’homme surtout, il fait partie essentielle de son existence :
la veille et les travaux qui l’occupent, le sommeil qui y
succède, forment un retour périodique et non interrompu
qui partage sa vie entière, et le rendent, à son insu, le
reproducteur continuel des mêmes actions, et l'on pourrait
dire des mêmes pensées.
Les animaux ne sont pas moins sensibles à ces alterna-
tives qu’on retrouve partout dans Îa nature. La plante,
de son côté, après les chaleurs du jour, a son sommeil
ainsi que l’homme, et présente des phénomènes qui va-
rient successivement : la partie inanimée de la création
elle-même, semble prendre part à ce mouvement diurne.
Notre globe, en tournant autour de son axe et en su-
bissant l’influence du soleil, présente une succession pé-
riodique de lumière et d’ombre; 1l jouit alternativement
du jour et de la nuit : cette variation est sensible à tout
ce qui respire. Si l’on consulte le savant, il fera connaître
d’autres phénomènes diurnes qui échappent en général à
l'attention des hommes : il indiquera les phénomènes élec-
. triques et galvaniques, dont l'équation diurne est encore
si peu connue; 1l parlera de la quantité de lumière qu’en-
voient les différentes parties du ciel selon leur distance
angulaire du soleil; il fera connaître la loi de la polarisation
de cette même lumière. On sent déjà que le monde s’agran-
dit et que, par la multiplicité des phénomènes auxquels
cette loi donne lieu, ce sujet semble devenir infini.
. La périodicité diurne est donc fondamentale : elle pro-
duit, dans chaque ordre de faits, des phénomènes pé-
riodiques secondaires, dont quelques-uns donnent lieu à
des études qui commencent à peine à être entrevues, et
( 232 )
qui mérileront, sans doute, une attention toute spéciale,
quand la météorologie aura pris le rang qui lui appartient.
Il est un autre ordre de faits périodiques non moins
intéressants : c’est celui des phénomènes annuels qui dé-
pendent du temps qu’emploie la terre à faire sa révolution
autour du soleil. L’homme les connaît dans leur ensemble;
il a su se faire aux plaisirs et aux peines que lui imposent
les saisons et surtout les chaleurs de l'été et les rigueurs
de l’hiver. Mais le savant qui en apprécie les causes et qui
sait que ces phénomènes dépendent de l’inclinaison de l’axe
de notre terre sur le plan de l’écliptique, peut mieux se
rendre compte de tous ses effets. Il voit cette obliquité
diminuer lentement d'année en année, et il a pu croire
d’abord qu’un jour elle disparaîtrait complétement et que
les saisons cesseraient alors d’avoir leur cours. Mais les
progrès de l’astronomie lui'ont appris, depuis, que cette
diminution de l’obliquité de lécliptique aura ses limites,
et que la terre reprendra sa position primitive.
Si les alternatives de ia période annuelle ont une ac-
tion si puissante sur l’homme, si elles exercent, d’après
les recherches statistiques, une influence marquée sur le
nombre des naissances, des décès et sur tous les faits qui
concernent l’humanité, son action est bien mieux marquée
encore, quand on considère les animaux et surtout les
plantes (4),
(1) Les phénomènes périodiques des plantes et des animaux avaient
d’abord appelé l’attention de Linné. Ce savant crut devoir abandonner en-
suite cette étude. Elle a été reprise plus tard en Belgique, puis en Au-
triche, en France, en Angleterre, dans une partie de la Prusse et de la
Russie, et, en général, dans la plupart des pays où les sciences sont cul-
tivées. Les naturalistes les plus distingués s’en sont occupés, et depuis un
quart de siècle, la plupart ont transmis obligeamment leurs observations
à l'Académie royale de Belgique.
( 233 )
Parmi les animaux, et particulièrement parmi les oi-
seaux, il en est qui reparaissent à certaines époques de
l’année, selon les degrés de latitude et selon la tempéra-
ture des climats. Ce dernier phénomène, qui les avait appe-
lés, leur donne ensuite le signal du départ aux approches
de l’hiver. Nous en dirons autant de ce peuple d'insectes
qui s’attachent à nos forêts et aux plantes en général;
ils reviennent à des époques et à des températures mar-
quées, ils choisissent chacun l'arbre qui leur convient; ils
offrent enfin aux naturalistes l’une des études les plus
attrayantes.
L’homme franchit, vers les pôles de notre globe, des li-
mites que les plantes n’atteignent généralement pas, et
où peu d'animaux réussissent à séjourner.
La période annuelle, de même que la période diurne,
est donc de premier ordre et comprend, comme faits se-
condaires, une quantité de phénomènes que l’homme ne
connaît encore qu'imparfaitement, mais au perfectionne-
ment et à la découverte desquels 1l consacre toute son
existence. Ces deux périodes sont à peu près les seules
connues par leurs effets, mais est-ce à dire qu'il n’en existe
point d’autres qui méritent également notre attention ?
L’astre qui les cause, le soleil, a un mouvement de
rotation sur son axe; il montre successivement ses diffé-
rentes faces à notre terre, et sa rotation complète s'achève
dans l’espace de vingt-emq à vingt-six jours. Mais con-
naissons-nous les effets que produit ce mouvement? Les
astronomes seuls les ont aperçus par le déplacement des
taches qui naissent de temps en temps à sa surface. Ces
taches exercent-elles une action? ou bien telle face du
soleil, abstraction faite des taches, produit-elle des phéno-
mènes qui lui soient particuliers? Ces effets périodiques
(234)
sont encore généralement inconnus : on en soupçonne les
causes, mais il faudrait des études plus approfondies pour
les admettre entièrement. William Herschel supposait que
la présence des taches indiquait des jours plus chauds :
depuis, des expériences ont établi le contraire, et l’on voit
que la science est encore sans notions suffisantes de ce
côté, malgré les observations du célèbre astronome anglais.
Nous sommes également dépourvus de notions positives
sur le mouvement de translation que semble avoir le soleil
dans l’espace, en entraînant, dans son cortége, tous les
satellites qui l'entourent : nos connaissances sont donc
insuffisantes sur les phénomènes périodiques que peuvent
produire, par rapport à nous, ses mouvements de transla-
tion et de rotation.
Si, après le soleil, nous considérons les attractions
qu’exerce sur notre globe l’astre qui l’avoisine le plus,
nous trouverons quelques faits que la science a successi-
vement reconnus, et particulièrement le phénomène des
marées, qui est trop prononcé et trop influent pour qu'on
n'ait pu en apercevoir les causes et les effets : on a re-
connu même que la lune, à cause de sa proximité de
notre terre, est beaucoup plus imfluente que le soleil dans
la production des marées, dont on a calculé les retours et
les hauteurs (1). Des écrivains distingués se sont cepen-
dant prononcés contre ces actions si manifestes, et Ber-
nardin de Saint-Pierre, dans ses Études de la nature, n’a
pas craint de s'élever contre les théories admises. Quel que
soit le mérite de ce grand littérateur, l’action de la lune sur
notre globe a été adoptée.
(1) Des études récentes ont été faites encore sur la nature de ce phé-
nomène ; notre pays y à pris part, par l'intermédiaire de l’Académie royale
et de l'Observatoire de Bruxelles.
—_—
led Ste
( 235 )
On a supposé également que l'influence lunaire peut
exercer de l’influence sur quelques phénomènes physiolo-
giques , et particulièrement chez les femmes; cette action
cependant est restée très-problématique ; elle a été même
rejetée par la science.
Les effets produits par la lune, quoiqu'on ait souvent parlé
de leur influence, ont généralement peu exercé les inves-
tigations des savants; on doit cependant excepter le phé-
nomène des marées dont nous venons de parler. On ne peut
ignorer surtout les secours que donnent, particulièrement
aux navigateurs, les phases lunaires qui se reproduisent
pendant le cours d’un mois périodique, ainsi que les autres
phénomènes astronomiques qui en dépendent.
On sait, d’une autre part, que les corps célestes, en
opérant leur révolution autour du soleil, éprouvent, autant
qu’on a pu en juger, une rotation autour de leur axe. Cette
rotation s'exécute dans l'intervalle d’un jour à peu près
pour les corps qui sont, avec notre terre, dans le voisinage
du soleil; tandis que, pour les grandes planètes, plus éloi-
gnées, telles que Jupiter et Saturne, la rotation est beau-
coup plus rapide, et s’accomplit dans l’espace de dix
heures, malgré leur volume plus considérable.
Les mouvements de ces corps, si intéressants par rap-
port à notre terre, n’ont rien fait connaître de spécial sur
leur mode d'action, qui, du reste, à l'exception des forces
attractives, doit être à peu près nul à notre égard (1).
On à pu supposer une action sensible aux comètes qui
souvent passent dans notre voisinage; mais rien de po-
(1) Nous citerons spécialement le ciel étoilé; ce spectacle mérite toute
notre attention : les phénomènes curieux qu’on y observe appartiennent
autant au physicien qu’à l’astronome. Le mouvement propre des étoiles à,
( 236 |}
-Sitif n’a été reconnu à ce sujet. D'ailleurs les comètes,
à quelques exceptions près, offrent des phénomènes qui
ne pourraient donner lieu à une périodicité, puisqu’elles
ne doivent plus agir sur notre système solaire après un
premier passage. |
On a pensé avec plus de raison que les aérolithes, et,
particulièrement, que les étoiles filantes, supposées ou
étrangères à notre globe, ou formées dans notre atmo-
sphère, ont des retours périodiques, surtout pendant les
grandes apparitions. De semblables phénomènes sont en
effet très-probables, surtout si l’on consulte les apparitions
périodiques du mois d’août, et celles du mois de novembre :
ces dernières toutefois, depuis quelques années, paraissent
éteintes; elles se reproduiront peut-être plus tard. Ce
phénomène, étudié avec plus d'attention dans ces derniers
temps, n'est cependant pas encore suffisamment connu
pour qu'on puisse en présenter une explication complète.
Si nous ramenons nos regards vers la terre, et si nous
les arrêtons sur l’atmosphère qui lui sert d’enveloppe,
nous jugerons qu'il est impossible que cette masse mobile
ne prenne pas une part spéciale aux phénomènes annuels
et diurnes que produit le soleil pendant le cours d'une
année ou d’un jour. | |
Mais il est essentiel, avant tout, de connaître quelle est
la hauteur de cette enveloppe gazeuse dans laquelle nous
vivons. Les opinions admises sont encore partagées à cet
dans ces derniers temps, fait l’objet des études des savants : cette branche
délicate, l’une des plus difficiles de l'astronomie, à fixé toute l’attention de
l'Observatoire royal de Bruxelles. L'étude spéciale qui en a été faite et les
travaux étendus qu’on prépare sur cette partie intéressante, permettront
peut-être de ne pas quitter ce champ de l’observation sans avoir pu ajouter
quelque chose à la connaissance des merveilles qu’il présente.
( 237 }
égard : on ne lui attribue généralement que seize à vingt
lieues; mais plusieurs physiciens , dans ces derniers temps,
lui ont supposé une hauteur trois à quatre fois plus grande,
en se basant sur l’apparition de phénomènes qui seraient
inexplicables sans une hauteur semblable (1). Quoi qu'il
en soit, on comprendra combien les phénomènes atmo-
sphériques peuvent présenter de dificultés dans ce qui
concerne leur explication.
La météorologie comprend tous les phénomènes qui se
manifestent dans les couches inférieures de l’atmosphère,
ou, si l'on veut, dans l’atmosphère entière, par les varia-
tions de température des jours et des nuits; car les idées
sont encore fort partagées à cet égard. La majeure partie
des physiciens supposent, en effet, que les mouvements
périodiques de la couche d’air se manifestent dans toute son
étendue, depuis la surface de la terre jusqu’à la partie la
plus élevée; les autres, au contraire, croient que, dans nos
climats, ces variations ne s'étendent pas d’une manière
sensible au delà de certaines limites; que l’échauffement
et le retournement continuel des couches ne se propa-
gent guère au delà de six à huit lieues de hauteur en
été, et de la moitié de cette élévation en hiver. Toute
la partie supérieure de l’atmosphère se trouverait donc
(1) J'avais émis cette opinion , dans mon ouvrage sur la Physique du
globe, page 314et suivantes, in-4°, 1861. Elle a été soutenue depuis
par plusieurs savants des plus distingués de cette époque, parmi lesquels
je citerai sir John Herschel, Haidinger, H.-A. Newton, De la Rive, Le Ver-
rier, Hansteen, etc., etc.
En 1822, j'avais invité un grand nombre d’observateurs belges, MM. Pla-
teau , Morren, Groetaers, Manderlier, De Bavay, De Man, Vanderlinden,
Crocq, Jaymart, Leclercq, etc., à observer avec moi les étoiles filantes,
pour en reconnaître les principales causes. Depuis cette époque, je n’ai
pas cessé de les observer, surtout vers leurs époques critiques.
(238)
dans un état relativement immobile jusqu’à ses dernières
limites. C’est aux époques des solstices surtout que la
couche mobile subirait des changements assez sensibles.
Le passage brusque d’une partie atmosphérique du nord
vers le sud, et réciproquement, selon la saison , produirait
ces coups de vent et ces bourrasques bien connus des ob-
servateurs (1).
Les phénomènes météorologiques qui concernent la
densité de l'air, la température, l'humidité, les vents,
l'électricité, le magnétisme et toutes les propriétés de l’at-
mosphère doivent donc subir des variations, soit diurnes,
soit annuelles, dont il importe de tenir compte. Ces pé-
riodes cependant ne sont pas entièrement limitées par la
longueur du jour ou de l’année; elles ne dépendent pas
uniquement du soleil; la période lunaire produit aussi son
(1) Pour étudier l’état de l'atmosphère sur une grande échelle, sir John
Herschel avait invité les savants de l'Europe à joindre leurs recherches
aux siennes, pendant son séjour au cap de Bonne-Espérance. Malheureu-
sement les lieux d'observation étaient trop éloignés les uns des autres et les
temps périodiques des observations étaient trop resserrés pour permettre
d’en déduire des résultats utiles. Cet illustre savant, en quittant le Cap,
voulut bien m’engager à continuer en Belgique les observations qu’il avait
demandées. J’invitai successivement, de proche en proche, plus de quatre-
vingts stations de l’Europe à me seconder. Les observations horaires se
faisaient quatre fois par an, aux équinoxes et aux solstices, pendant trente-
six heures : elles ont été continuées durant plusieurs années et ont été im-
primées par l’Académie royale de Belgique (1839 à 1844) dans le recueil
de ses Mémoires, mais le défaut d’aides me força de les interrompre
ensuite. J’ai donné les résultats de ces observations dans mon ouvrage sur .
le Climat de la Belgique. Je montrai dans des tables et des cartes, comme
M. Le Verrier le fait actuellement au moyen de la télégraphie électrique,
la marche des vagues atmosphériques au-dessus de l'Europe entière et
d’une partie de l'Asie, et je pus en suivre la progression que l’on reconnait
mieux aujourd’hui par les perfectionnements apportés à la science. Ce sys-
tème d'observations, qui s’étendait par la Russie jusqu’à la Chine, prouve
l'importance des observations faites sur une grande échelle.
( 239 )
effet, et l’on connaît son action mensuelle et diurne, sur-
tout en ce qui concerne les marées.
Les effets produits par la lune sur notre atmosphère ont
été, malgré leur importance, trop peu étudiés, sous le
rapport météorologique, pour qu’on puisse bien les appré-
* cier; quant aux planètes et aux comètes, leur action a été
jugée généralement trop faible pour qu’on ait cru devoir la
prendre en considération.
Il n’en est pas tout à fait de même des étoiles filantes ;
on ne pourrait guère , par exemple, s’énoncer sur la nature
de celles qui se montrent, chaque jour, en nombre plus
ou moins grand dans l’atmosphère; mais on a pu en re-
connaître qui se reproduisent périodiquement, à certaines
époques de l’année, comme le 10 ou le 11 août, et le 15 ou
le 16 novembre. Leur multiplicité, en des circonstances pa-
reilles, et leur direction à peu près uniforme ont fait sup-
poser une cause spéciale d'existence et d’origine : on les a
considérées comme formant un phénomène périodique qui
se reproduit à la même époque. Généralement, ces étoiles
filantes, d’après les opinions reçues, circulent dans l’es-
pace et viennent se jeter dans notre atmosphère, où elles
s’éteignent sans qu’on ait jamais réussi, malgré leur grand
nombre, à en saisir. une seule et à en considérer la sub-
stance.
Ceux qui attribuent une hauteur plus grande à cette ré-
gion aérienne, ou plutôt qui supposent que, par-dessus
l'atmosphère dans laquelle nous vivons, il s'en trouve une
autre de nature différente, infiniment rare et trois à quatre
fois plus élevée, supposent que les étoiles filantes se mon-
trent en y pénétrant, et s’éteignent après l’avoir traversée.
D'une autre part, c’est aussi vers la partie servant de limite
à ces deux atmosphères que se forment, d’après eux, les
240 |
aurores boréales qui présentent une périodicité surtout
vers les équinoxes.
C’est aussi en agissant à travers l’atmosphère que l’élec-
tricité de l'air produit sur la surface du globe, pendant
le jour et la nuit, des actions satiques marquées qui ont
été étudiées dans ces derniers temps. Les différences sont”
extrêmement prononcées selon les saisons : pendant les
mois de décembre et de janvier, l'électricité statique , à une
heure après midi, est dix à douze fois plus forte que pendant
les mois d'été. Ces observations demandent beaucoup de pré-
cautions, et, pour conditions essentielles, elles doivent être
faites dans un lieu où l'instrument ne puisse être influencé
par aucun bâtiment voisin ni par aucun corps plus élevé(1). .
L’électricité, en agissant sur les nuages, change parfois
totalement leur état normal et produit des orages , surtout
vers les ARÈNES des équinoxes.
(1) Ces observations sont faites régulièrement, chaque jour, sur une des
tourelles de l'Observatoire de Bruxelles, à l'heure de midi et avec l'élec-
tromètre de Peltier (voyez la Physique du globe, page 81). C’est la plus
longue série d'observations qui ait été faite : elle a commencé en 1844 et
continue encore chaque jour, indépendamment des observations supplé-
mentaires que l’on prend en temps d’orage. Des observations semblables
ont été faites à Munich par M. Lamont, et à Kew en Angleterre, par M. Ro-
nalds : les maxima et minima annuels de ces différents lieux arrivent aux
mêmes époques, mais avec des valeurs différentes. Mon confrère, M. Du-
prez, pour éclaircir cette question, a bien voulu faire, à ma prière, des
observations chaque jour, à la même heure, depuis 1855, surle toit de sa
demeure, à Gand,oüilse trouve un peu dominé par une élévation voisine.
Cet obstacle lui donne des valeurs trois à quatre fois moindres que les
. miennes,et nous ont montré combien ces sortes d'observations demandent
de précautions. Les variations diurnes et annuelles de l’électromètre sont
aussi clairement et énergiquement mises en évidence que les variations
correspondartes du thermomètre. Nous ne pouvons que nous étonner des
doutes qui existent encore à cet égard, et qui sont dus sans doute aux
instruments et aux méthodes d'observation qui laissent généralement
beaucoup à désirer.
(241)
On est loin de connaître complétement les lois de l’élec-
tricité statique et celles de l'électricité dynamique de la
terre, bien que, jusqu'à ce jour, des expériences nombreuses
aient été faites à ce sujet. à
On doit à M. Hansteen, directeur de l'observatoire de
Christiania, des calculs précieux sur la durée de la longue
période magnétique qui sépare progressivement la plus
grande de la plus petite déclinaison de l’aiguille. Quelle est
la durée d’une période semblable, et quelles sont les cir-
constances qui peuvent lui donner naissance? Je n’en dor-
nerai qu'un exemple : À Bruxelles, la déclinaison a passé
par son état maximum vers 1814 ; elle était alors positive
et de vingt-deux degrés et demi. Elle diminue mainte-
nant, et, selon le physicien norwégien, elle sera nulle en
1997; l'aiguille alors passera de l’autre côté du méridien,
pour attemdre sa plus grande excursion négative vers l’est;
elle reviendra ensuite vers l’ouest, et dépassera encore Île
méridien pour redevenir positive. Toute la période sera
parcourue en plus de quatre cent cinquante ans : j'ai trou-
vé, de mon côté, une période un peu plus longue. Quelle est
la cause qui motive ce changement ? A quoi faut-il l’attri-
buer ? Peut-on penser que la surface solidifiée du globe ait
un mouvement diurne différent de la partie intérieure pro-
bablement encore liquide, et que cette différence de révo-
lution des temps produit la différence d’action ? Cette dis-
similitude pourrait exister lors même que la partie solide
ne serait pas encore complétement disjointe de la partie
intérieure; c'est entre elles deux que se formeraient les
vapeurs et les laves qui se répandent de temps en temps
pendant les éruptions volcaniques (1). Nous n’insisterons
(1) Pendant qu'avec M. Bravais je m'occupais du problème des éruptions
27e SÉRIE, TOME XVII. | 16
( 242 )
pas à cet égard; nos études sont trop peu avancées pour
que nous puissions exprimer ici une opinion fondée.
Tout récemment encore les physiciens ont reconnu une
période semblable de dix à onze ans pour l’amplitude diurne
du magnétisme. L’aiguille, dans son excursion diurne,
fait des écarts plus grands pendant une partie de la pé-
riode que pendant l’autre : les plus habiles observateurs
se sont prononcés à ce sujet. Mais indépendamment de
cette variation d'amplitude plus ou-moins grande, l'aiguille
semble éprouver encore une variation annuelle qui, pen-
dant onze années, la tient dans un écart continu plus fort
qu’elle ne devrait avoir, pour prendre ensuite un écart con-
tinu moindre, pendant les onze années suivantes. Cet écart
alternativement positif et négatif, embrassant une période
de vingt-deux années, dont les plus fortes déviations de
chaque côté sont de six à sept minutes, se déduit des ob-
servations, faites annuellement à Bruxelles, au mois d'avril
et à l'heure de midi.
Les observations de Bruxelles montrent donc que lai-
guille s’écarte, pendant onze années, d’un côté du mé-
ridien , .puis, pendant les onze années suivantes, elle
s’écarte du côté opposé. La marche moyenne de laiguille
volcaniques, il y a à peu près vingt ans ( Lettres sur la théorie des pro-
babilités, par À. Quetelet, pages 412 et suivantes), nos'idées étaient entiè-
rement tournées vers le double mouvement de rotation de la partie exté-
rieure solide et de la partie intérieure encore liquide de la terre, qui nous
semblaient ne pas devoir être de même durée. Nos relations à cet.égard |
n'avaient rien de confidentiel, et M. Alexis Perrey, qui partageait nos idées,
a bien voulu m'en parler encore dans ces derniers temps. Sans la maladie
imprévue et opiniâtre de mon savant ami, dont la science déplore la perte
récente, je l’aurais engagé à continuer ce sujet intéressant que ses con-
naissances étenduès pouvaient embrasser d'une manière si complète.
( 243 )
aimantée oscille donc régulièrement autour de la sinu-
soïde qu’elle devrait décrire , si sa marche était uniforme.
Cette variation est-elle locale, et alors quelle cause peut
donner naissance à ce nouveau mouvement ? Si la cause
en était connue, il n’y aurait bientôt plus de doute sur sa
durée, malgré le peu d'observations que nous possédons.
Cette période de onze ans (1), pour l’amplitude des os-
cillations de l’aiguille, de même que pour ses écarts de
lun ou de l’autre côté de la sinusoïde, n’est pas tout à fait
nouvelle dans la physique du globe; nous la retrouvons
encore pour les taches solaires, qui se reproduisent, en
nombre plus ou moins grand, selon le même espace pério-
dique de temps; et l’un de ces phénomènes pourrait fort
bien donner naissance à l’autre !
Notre-globe paraît avoir trois espèces de mouvements :
indépendamment de la rotation de la partie solide sur la-
quelle nous nous trouvons, la partie plus ou moins liquide
de l’intérieur, qui en est détachée, ferait sa révolution dans
un temps un peu moins long; de manière que la concor-
dance se rétablirait après quatre siècles et demi environ.
On verrait alors les mêmes phénomènes magnétiques, qui
n’ont pas sensiblement changé dans la partie interne du
globe, recommencer les mêmes mouvements par rapport à
la partie solide sur laquelle nous nous trouvons. De plus,
là partie supérieure de l’atmosphère, disjointe déjà de la
partie inférieure, qui est échauffée par la réflexion des
rayons solaires, aurait aussi sa rotation particulière qui
ne serait pas la même que celle de la partie solide.
(1) M. Rudolf Wolf dit 11 années 1/9; c'était aussi la pensée de MM. Han-
steen, Faraday et de Humboldt; MM. Lamont et Sabine admettent 10 an-
nées 1/, seulement.
244 )
Ces différents mouvements n’ont rien d'extraordinaire :
nous les voyons se reproduire de la même manière sur la
planète Saturne, qui a une révolution indépendante de celle
des deux anneaux qui l'entourent. Ces anneaux, indépen-
dants l’un de l’autre, ont aussi chacun un mouvement
particulier qu’on est parvenu à reconnaitre.
D'après M. Hansteen, les aurores boréales auraient, de
leur côté, une périodicité qui mérite une attention spéciale;
et, de plus, elles se montreraient en nombre plus ou moins
grand pendant le cours d’une année (1).
La rapidité de l'électricité à la surface de la terre est
immense; on varie Cependant beaucoup d'opinion à cet
égard : pour des espaces même assez grands, on peut re-
garder sa marche comme à peu près instantanée. C’est sur
cette belle propriété que sont fondés les télégraphes élec-
triques , qui ont tant excité l’admiration générale depuis
ces derniers temps.
Les phénomènes annuels et diurnes de la météorologie
et de la physique du globe ne cessent pas à la surface de
la terre : les variations de température subsistent encore
à l’intérieur du sol, et même elles s’y transmettent plus
régulièrement qu’à la surface; car les petites variations
accidentelles y disparaissent complétement pour y laisser
prédominer les faits généraux. Ainsi dans nos climats, à
la surface du sol, les températures de janvier et de juillet
diffèrent en moyenne de 16 degrés centigrades; à un
mètre de profondeur, la différence de ces deux mois
extrèmes est de 9 ‘/2 degrés, et, à 7°80, elle n’est plus
que de 1 degré 1} environ; c’est-à-dire qu’elle est à peu
(1) Mémoires de l’Académie royale de Belgique, t. XX, p. 118, an. 1847.
(245 )
près sur le point de s’éteindre. D'une autre part, les dates
de ces extrêmes ne sont plus janvier et Juillet, mais juin
et décembre, c’est-à-dire que le minimum et le maximum
ont employé cinq mois à descendre jusqu’à cette profon-
deur. Ce n’est qu’en descendant de vingt mètres environ
et après une année entière que la température redevient
à peu près uniforme à toutes les époques.
La variation diurne du thermomètre ne se fait pas sen-
tir à des profondeurs aussi grandes. Le célèbre physicien
Fourier, qui a traité admirablement cette branche des
sciences, à fait voir que les profondeurs où les variations
thermométriques cessent d’agir, sont entre elles comme
les racines carrées des nombres qui représentent les du-
rées des périodes de ces variations, et par conséquent:
comme V1 est à V/365, ou comme 1 est à 19 environ.
La période diurne n’exerce donc pas d’effet sensible au-
dessous de 1 mètre. C’est ce que l’expérience confirme en
effet (1).
Mais ce qui mérite surtout notre attention, c’est le
curieux développement des plantes. Pour quelques ré-
gions, le phénomène de la végétation se fait d’une manière
continue pendant tout le cours de l’année; en se rappro-
chant des pôles, on rencontre des pays, et le nôtre est de
ce nombre, où la végétation est arrêtée pendant une partie
de ce temps. Plus on s’avance vers les pôles, où se trouvent
les régions dans lesquelles aucune plante ne peut croître
ni subsister en plein air, plus la durée de leur sommeil
augmente. Ce qui est merveilleux, c’est que toutes les
(1) On peut voir dans les Mémoires de l'Académie royale de Belgique,
tomes X et XIIT, deux mémoires publiés à ce sujet : voyez aussi la Phy-
sique du globe, par A. Quetelet, pp. 53 et suivantes.
( 246 )
plantes ont respectivement leur instant de croissance, de
développement des feuilles et des fleurs, de production
des fruits, qui sont en rapport avec la température de
chaque climat. Il est des plantes qui ne fleurissent point dans
nos régions faute d’une température suffisante; d’autres y
viennent avec abondance et s’arrêtent sur une ligne de dé-
marcation plus ou moins rapprochée du pôle. Cette limite
suit une ligne invariable à la surface de la terre : chaque
espèce de plantes a sa courbe qu’elle ne franchit point. Dans
notre climat, par exemple, nous dépassons la frontière où
mûrit la vigne, et où les raisins ont encore la force néces-
saire pour produire un vin potable; à mesure qu’on se rap-
proche des pôles, ou qu’on s'élève sur les montagnes, les
fleurs diminuent en même temps que les degrés de tem-
pérature : ainsi les sommets des Alpes sont à peu près
dans le même état que des plaines situées dans les régions
boréales. Cet admirable spectacle de la végétation offre un
des phénomènes les plus frappants et les plus séduisants
pour l’homme dont le cœur s'ouvre aux merveilles de la
nature.
Ce ne sont pas seulement les variations annuelles du
règne végétal qui doivent-nous occuper, les changements
diurnes méritent aussi notre attention : il est des plantes
qui s'ouvrent à diverses heures du jour ou qui ferment le
calice de leurs fleurs, selon l’héure plus ou moins avancée
et le degré d’éclairement du soleil. Cet astre, en effet,
semble être leur protecteur et l’agent principal de leur vie :
les fleurs paraissent ne s'ouvrir qu’à regret quand elles sont
privées de sa douce influence, et les fruits avortent ou
n’acquièrent point de saveur. |
Cet admirable concert des plantes est animé par une
quantité innombrable d'animaux de toute espèce. Au re-
( 244 )
tour du printemps, les papillons, les scarabées, les puce-
rons , les oiseaux animent la verdure qui leur sert d’asile :
il semble que chaque espèce de plantes porte ses habitants
particuliers. La vie est tour à tour en pleine activité à la
surface boréale et à la surface australe de notre globe.
Pour la plupart de ces animaux, la période est annuelle:
ils s'éveillent avec les beaux jours, vivent au milieu des
bienfaits que leur présentent les plantes et s’éteignent suc-
cessivement , en laissant les germes qui doivent former la
génération suivante.
Quelques-uns de ces insectes ont une période plus
courte ; les éphémères, par exemple, limitent leur durée
à l’espace d’un jour : tous semblent également reconnaître
cette période diurne. Le lever du soleil, au milieu des
merveilles que cet instant fait naître, doit frapper d’un
charme toujours nouveau l’ami de la nature. L'activité qui
anime les plantes et les animaux divers forme un spectacle
séduisant qui se renouvelle sans cesse. Chaque heure du
jour a ses charmes pour qui sait les apprécier; et le cou-
cher du soleil, bien que l’astre se rapproche de l’horizon
opposé à celui où 1l se trouvait le matin, offre un tableau
tout à fait différent, et répand dans l’âme des sentiments
d’une tout autre nature.
Que dire du spectacle que présente l’homme et de l’in-
fluence qu’exerce sur son être le retour des saisons ou
même la courte durée du jour, qui réveille successive-
ment toute son organisation ? On le voit, pour ainsi dire,
renaître à chaque retour annuel : en lui se renouvellent
aussi les mêmes besoins instinctifs, les mêmes phénomè-
nes du moral et de l’intelligence; on les voit se développer
dans le même ordre, atteindre au même maximum dans le
cours de son existence, maximum plus ou moins reculé,
( 248 )
selon la nature du phénomène. Pour les facultés de l’intell-
gence, par exemple, les nuances sont admirablement ob-
servées : les travaux qui exigent plus spécialement la force
de l’imagination, tels que les produits des beaux-arts, les
grands ouvrages tragiques ou les découvertes mathéma-
tiques naissent vers l’âge de dix-huit à vingt ans. C'est
alors que, livré à toute la fougue de son imagination,
l’homme en montre toute la puissance. On le voit atteindre
ensuite à son point le plus élevé entre trente et quarante
ans; et souvent sa carrière est entièrement terminée avant
que la période s'achève. Ainsi, nous citerons Raphaël,
Mozart, Weber, Pascal et tant d’autres, qui n’ont point
franchi ce degré fatal. C’est alors que commencent plus
particulièrement les ouvrages de raisonnement et de phi-
losophie, qui exigent, soit dans les arts, soit dans les lettres
ou les sciences, des combinaisons profondes et des études
sérieuses que le temps seul peut donner à l’homme: ce sont
ces études austères qui occupent alors ses travaux et qui
couronnent ses derniers instants.
Ce que nous disons de l’homme peut se remarquer en-
core au sujet des villes les plus importantes de l'antiquité,
et même des peuples les plus illustres qu’on ait vus sur la
scène du monde. Les villes comme les nations peuvent
avoir en effet une existence complète : on les voit naître,
et commencer à s’agrandir et à se fortifier, en donnant la
plus grande part à leur activité et souvent au besoin de la
guerre. Les premiers instincts une fois satisfaits, ils tour-
nent leurs regards vers l’intérieur; c’est alors qu'ils don-
nent à leurs plus nobles qualités l’élan le plus rapide. Le
moral s’y établit sur des bases plus fermes; les beaux-arts,
les lettres et les sciences fixent aussi leur attention et sem-
blent annoncer que bientôt le peuple, arrivé à sa complète
( 249 )
maturité, aura terminé son existence, où qu’il commen-
cera une existence nouvelle, en modifiant entièrement son
organisation première.
L'existence la plus longue de l’homme atteint, au plus,
un siècle; pour une ville ou pour un peuple, elle ne dé-
passe guère huit à dix fois cette durée. Les républiques
de la Grèce, l’ancienne Rome, Venise, et tous les centres
principaux de la puissance et de la civilisation n’ont pas
dépassé ce terme. Rome, il est vrai, a pris ensuite une
autre existence sous l’ère chrétienne; elle a recommencé
en quelque sorte sa vie politique; elle s’est créé une langue
nouvelle ; elle a changé complétement ses habitudes, sa
religion et ses mœurs. Elle a étendu une seconde fois son
empire sur toute l’Europe : elle n’a pas brillé seulement
par sa puissance, il est arrivé un instant où elle a dominé
le monde entier comme siége de la religion; puis elle s’est
soutenue à cette hauteur par sa politique, par ses grands
artistes, par ses savants et par le luxe et la splendeur
qu'elle répandait sur tout ce qui l’entourait.
Les autres États de l’Europe ont eu également une puis-
sance qui révélait une existence spéciale; ils ont pris en
général une langue et une constitution particulières. Peut-
être un changement tend-il à s’introduire aujourd’hui dans
les mœurs et les habitudes? Le siècle actuel semble avoir
rompu avec le passé; les dynasties se trouvent déplacées;
les besoins, les travaux ont complétement changé. Nous
ne pouvons plus même assimiler nos mœurs à ce qu’elles
étaient 1l y a deux à trois siècles. La modification, il est
vrai, se fait moins sentir chez un peuple que chez un
autre; mais à l’homme du moyen âge a succédé un homme
nouveau, qui peut encore en conserver les souvenirs,
comme nous avons conservé ceux des Grecs et des Ro-
( 250 )
mains ; mais, quoique rapprochés de nous, ces souvenirs
semblent déjà ne plus exercer leur ancien empire. Qui
pourrait aujourd'hui, par exemple, comparer le peuple
italien à ce qu'il était du temps de Léon X , ou le peuple
français à celui du siècle de Louis XI. |
La période qui limite l'existence d’un peuple est extrême-
ment remarquable : elle mérite, comme la vie de l’homme, :
toute lattention du penseur. On reconnaît que les change-
ments sont dus au renouvellement du cercle des idées; on
comprend les progrès de chaque peuple; on voit ce qui le
distingue à chaque âge de son existence; mais ce qui an-
nonce le mieux la modification qu’il va subir, c’est l’état
plus approfondi des sciences et des lettres. Cet instant le
plus brillant de son existence a quelque chose de solennel},
car il est décisif; et si le peuple n’est pas assez fort pour
le franchir avec dignité, il touche alors à sa fin prochame.
C’est une crise dangereuse: il faut savoir en sortir plus fort
et plus brillant, ou bien y laisser sa nationalité et son
existence.
À plusieurs égards, la vie des peuples tient à la classe des
phénomènes périodiques. Malgré le peu de recherches que
nous ayons faites à ce sujet, on peut, comme nous l’avons
dit, en reconnaître assez bien la durée; on peut établir les
différentes phases de la période et en déterminer l’énergie.
Nous ne parlons ici, bien entendu, que des réunions
d’hommes qui forment véritablementun peuple ; et, en pareil
cas, il faut bien moins consulter leur grandeur et leur puis-
sance momentanée que l’ensemble des phénomènes qui ré-
vêlent la communauté de leur existence et de leurs pensées.
Le désir de suivre le développement de ces idées dans
tout ce qui nous entoure, m’a porté, depuis longtemps, à
étudier les principaux phénomènes périodiques de la na-
( 254 )
ture. Ma curiosité à cet égard m'a conduit plus loin sans
doute que ne le permettaient mes forces; mais j’ai cru qu’on
me pardonnerait au moins l’exposition des réflexions qu’a
fait naître, chez moi, cette étude si vaste, même en se
bornant, comme je l’ai fait, aux limites d’un seul pays. Il
ést intéressant de voir les traces d’une étude semblable; et
peut être, si mes résultats offrent quelque intérêt, y trou-
vera-t-on des motifs pour coordonner et étudier les phé-
nomèênes périodiques sous une forme plus étendue qu’on
ne le fait habituellement.
Il pourra paraître étrange , au premier abord, de rassem-
bler des faits appartenant à des sciences si différentes par
leur objet et par les études qu’elles exigent. On verra avec
quelque étonnement, par exemple, la science des astres
prendre place à côté de celles qui concernent notre terre et
surtout les phénomènes qui se rapportent à l’homme. La
différence doit en effet paraître immense, mais elle provient
en général de l'habitude où l’on est de s’isoler dans la créa-
on et de croire que les lois régulières de la nature ne peu-
vent rien sur nous, ou que l’Étre suprême qui a créé ce
qui nous entoure à été insuffisant pour coordonner ce qui
tient à notre espèce. Nous possédons certainement des
qualités qui nous distinguent, mais ces qualités intellec-
tuelles ne nous affranchissent pas d’être sujets aux lois
physiques qui règlent la nature : dans bien des circon-
stances, au contraire, elles semblent nous en rapprocher
avec plus de force.
Cette étude immense, je n’ai pas craint de l’entreprendre
à un âge qui me permettait peu d’en prévoir les difficultés.
Pendant un demi-siècle, j'ai eu la constance de pour-
suivre activement les travaux qu’elle exige en aidant à
former des associations, dans les différents pays, qui pus-
( 252 )
sent m'en faciliter les moyens. Si je n’af pas atteint com-
plétement mon but, j'ai montré du moins les avantages
qu’on peut tirer des travaux entrepris en commun par de
grandes réunions d'hommes, soit pour les études météo-
rologiques qui aujourd’hui ont pris tant de développement,
soit pour les époques naturelles des plantes et des ani-
maux, soit pour les variations atmosphériques, soit pour
le magnétisme et l'électricité du globe, soit pour l'étude
des étoiles filantes, soit encore pour les travaux statisti-
ques des différents pays de l’Europe entière, et leur étude
générale établie sur une grande échelle.
Le cadre que je me suis tracé comprend plusieurs ou-
vrages : j'ai essayé déjà d’en publier trois : l’un sur la Meé-
téorologie ou le climat dela Belgique, un autre sur la Phy-
sique du globe et un troisième sur la Physique sociale ou
sur l’homme, etc. (1); mais sans faire connaître encore ce
qui m'avait primitivement engagé à les produire, sans oser
même y insérer les idées qui m’avaient préoccupé.
L’ASTRONOMIE devait avant tout fixer notre attention, car
c’est d'elle que dépendent les grands phénomènes pério-
diques qui réclament une étude spéciale. Ces phénomènes,
en tant qu'ils concernent notre système planétaire, sont
généralement soumis à des lois fixes ou périodiques. Quant
aux Corps étrangers, qui ne font que traverser ce système,
tels que les comètes, ou bien ils échappent à nos recher-
ches ultérieures, ou bien s'ils s’associent à notre cortége
céleste , ils doivent en suivre les lois communes et ne ré-
(1) Sur l'honime et le développement de ses facultés, ou essai de phy-
sique sociale , par À. Quetelet , 2 vol. in-8°. Paris, chez Bachelier, 1835.
— Sur le climat de la Belgique, 2 vol. in-4°, et Sur la physique du globe,
1 vol. in-40, dans les ANNALES DE L'OBSERVATOIRE ROYAL DE BRUXELLES.
( 253 )
pandre aucune perturbation dans nos études. Je compte
sur le concours de mon fils, surtout pour l'étude des corps
_ stellaires et des phénomènes curieux et nouveaux qui ap-
pellent notre attention : c’est un travail dont il s’occupe
depuis huit ans, et dont il fera connaître bientôt les pre-
miers résultats (1). On peut, du reste, regarder l’astro-
nomie, et surtout l’observalion des deux grands corps
célestes qui frappent le plus nos regards, comme renfer-
mant l’origine de tous les phénomènes qui méritent de
nous occuper dans nos études.
La mÉTÉOROLOGIE comprend les phénomènes atmosphé-
riques qui tombent plus particulièrement sous nos sens,
tels que la température , la pression atmosphérique, l’état
hygrométrique et l’électricité de l'air, la direction et l’in-
tensité des vents, les orages, les tempêtes, etc. Pour juger
de leur nature, nous devons savoir les dégager des pertur-
bations qui s’y mêlent par une foule de causes qui tendent
à compliquer leur marche naturelle. D’une autre part, aux
phénomènes périodiques que produisent les corps célestes
les plus voisins de nous, viennent se joindre encore des
phénomènes périodiques curieux, qui semblent dépendre
de l’action seule de notre globe et de la réaction de ses
divers éléments entre eux.
La PHYSIQUE DU GLOBE mérite également notre attention :
nous comprenons, dans les phénomènes qu'elle présente,
ceux qui concernent la végétation et le règne animal, de
même que ceux qui se rapportent à l’étude des mers; nous
examinerons les lois intéressantes du magnétisme ter-
(1) Dans ce travail, il est secondé par mes deux autres aides, MM. Mailly
et Horemann; par le premier pour la réduction des astres , et par le second
pour les observations faites au cercle mural.
( 254 )
restre , des températures du sol, et de l’électricité, en tant
qu'elles concernent uniquement notre globe ou qu’elles
dépendent des corps célestes voisins. Nous croyons devoir
y comprendre aussi le brillant phénomène des étoiles
filantes qui, malgré leur origine soit cosmique soit ter-
restre, appartiennent entièrement à notre globe, par les
phases qu'elles manifestent en traversant notre atmo-
sphère.
Quant à la PHYSIQUE socrALE, envisagée sous le point
de vue le plus général, il faudra y considérer, outre l’ac-
tion purement physique de la nature et des lois qui y
appartiennent, ce qui dépend plus spécialement de l’orga-
nisation de l’homme et des faits qui dominent son intelli-
gence. Il se présente ici une classe de phénomènes dont
nous n'avions pas à nous occuper en parlant des corps
bruts, mais qui sont coordonnés avec tout autant de régu-
larité et peut-être avec plus d'ordre encore que ceux de la
nature morte. Que dire ensuite des grandes lois qui appar-
tiennent aux corps politiques en général? J'avais essayé
déjà de traiter des principales parties de cette étude inté-
ressante (1); mais des recherches plus complètes pourront
introduire des vues nouvelles dans cet ouvrage, publié
depuis environ trente ans, et qui alors a attiré l’attention
des savants des différents paÿs, si du moins j'en juge par
les contrefaçons et les traductions qui en ont été faites
dans différentes langues.
La THÉORIE DE L'HOMME ET DE SES PROPORTIONS à été
traitée dans un ouvrage spécial. J’ai eu soin d’y réunir tout
(1) Sur l'homme, etc., par A. Quetelet; 2 vol. in-8°. Paris, chez Bache-
lier, 1855. Voyez aussi les traductions qui én ont été faites en anglaïs, en
allemand, en italien, etc.
( 255 )
ce qui avait été écrit sur le même sujet, chez les différents
peuples anciens et modernes. En le composant, j'ai eu
recours aux lumières de plusieurs de nos artistes et de nos
savants les plus distingués. La conformation physique de
l'homme, dans tous les traités qui ont été publiés jusqu’à ce
jour, n’a point été envisagée, il me semble, d’une manière
générale : on se bornait à tracer les formes les plus belles
qu'on avait eu l’occasion de remarquer. De sorte que la
beauté dépendait plutôt du bon goût de l'écrivain que des
vrais principes de la nature, jugés moins sous le point de
vue scientifique que d’après des vues particulières. L’appli-
cation des moyennes aux connaissances humaines est d’ail-
leurs d’un usage entièrement moderne , et les jugements
sur les proportions de l’homme répugnent encore à en faire
usage, par l'impossibilité qu’on suppose d’assigner un être
moyen qui soit à l’abri des défectuosités qu’on rencontre en
général. J'avoue que cette difficulté m'avait également ar-
rêté au commencement de mes études sur l’homme, et il
me fallut des épreuves répétées sur plusieurs groupes d’in-
dividus régulièrement conformés, pour me montrer com-
bien ces craintes étaient peu fondées. :
Pour rendre mes travaux aussi complets que possible,
j'ai cru devoir les commencer par l'étude même de L’HISTOIRE
de notre peuple, dont je désirais connaître les principaux
éléments constitutifs. Il fallait étudier avant tout si, dès
sa naissance, le Belge avait manifesté une existence spé-
clale portant le caractère de l’unité et accusant un même
type; il fallait aussi reconnaître si les éléments qui com-
posent ce peuple veulent les mêmes institutions et les
mêmes principes, quoique vivant dans des états différents,
ainsi que l'avaient fait les anciens peuples de la Grèce. Sans
cette unité, nos études sur l’ensemble n’avaient aucun
caractère sérieux au point de vue de la science.
( 256 )
Pour l’homme qui s'occupe de l'étude philosophique des
peuples, l'existence de la Belgique, de même que celle de
la Suisse, mérite une considération sérieuse. Situés aux
deux extrémités de la France, mais avec des moyens de
prospérité et de défense bien différents, ces pays ont eu
à subir les mêmes luttes pour se soustraire à des envahis-
sements presque contmuels; mais la Belgique, plus expo-
sée et moins forte par sa position géographique, a perdu
une première fois jusqu’à son existence comme peuple.
Espérons que sur la limite orageuse qui la sépare de plu-
sieurs nations, elle pourra soutenir la position difficile,
mais honorable, qui lui a été faite dans ces derniers temps!
Note sur la grotte de Montfat et énumération des espèces
de mammifères et oiseaux fossiles dont elle renferme
les dépouilles; par M. Van Beneden, membre de :
l’Académie.
J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de la classe
quelques ossements qui m'ont été communiqués par M. E.
Dupont, dans le courant de cette semaine ; ils ont été re-
cueillis, en 1849, dans la grotte de Montfat, orientée à
son ouverture NNO et située dans le rocher qui domine
Dinant. Ces ossements ont été découverts par M. Victor
Lyon, d’Onhaye, le propriétaire de la grotie, qui a bien
voulu les confier à M. E. Dupont.
M. Lyon, comprenant tout l'intérêt qui s'attache à ces
recherches paléontologiques, a eu l’obligeance de donner à
M. E. Dupont toute liberté pour fouiller dans la grotte de
Montfat, et, au nom de la science, nous lui en témoignons
( 257)
ici toute notre gratitude : c’est de bon augure pour le ré-
sultat des travaux dont M. Dupont a bien voulu se charger
et pour lesquels M. le Ministre de l'intérieur a bien voulu
promettre son bienveillant concours.
Voici les noms de quelques espèces que nous avons re-
connues parmi les ossements recueillis par M. Victor Lyon :
Den à Voisin par la taille du chat domestique.
— Un crâne avec deux dents molaires
en place et un humérus.
FELIS SPELÆUS. Un bout de maxillaire inférieur.
— ENGIHOLIENSIs, Schm. Espèce voisine du lynx. — Une dernière
dent molaire.
CaNIS VULPES. Plusieurs os avec maxillaire inférieur. De
la taille du renard actuel. |
DANS 2 . . Plusieurs os d’un animal plus fort et plus
trapu.
MELES TAxUs. Plusieurs os indiquant une taille un peu
plus forte que le blaireau ordinaire.
Ursus SPELÆUS. Plusieurs beaux fragments et quatre co-
prolithes.
RuinNoceros TichorxiNus? Fragments de cubilus, de tibia et d’hu-
mérus avec leur surface articulaire.
ÉODUS. 0... Plusieurs dents molaires. — De la taille
du cheval ordinaire.
CERVUS TARANDUS. Plusieurs fragments de bois, indiquant
un animal de forte taille et un autre
de petite taille.
Bos PRIMIGENIUS ? Épiphyse inférieure de fémur.
15 TERRES Plusieurs molaires d’un bœuf plus petit.
CAPRA PYRENAICA ? Chevilles de deux individus de taille dif-
férente (mâle et femelle.)
TETRAO BOENSIA. Humérus et tibia. Ces os indiquent une
taille qui se rapproche de celle de la
gélinotte vivante.
1
2e SÉRIE, TOME XVI. 1
&
( 258 }
TETRAO AROGALLUS ? Os du tarse.
ANAS SEGETUM. Humérus coracoïde et omoplate. — De
la taille de l’oie sauvage vivante.
On peut voir par cette courte énumération ce que l’on
est en droit d'attendre de fouilles conduites avec soin,
si, dans une seule grotte, un amateur a pu réunir à lui
seul un aussi grand nombre de pièces.
M. Dupont, qui a commencé immédiatement ses recher-
ches sur les fouilles, me donne les renseignements suivants
sur le gisement de ces ossements.
Voici comment il s'exprime :
» Cette caverne-a trois ouvertures principales; l’une
est orientée vers le NNO., les autres vers l’'OSO. Elle est
creusée dans le calcaire carbonifère, assise VI, dont l’un
des principaux caractères, dans notre contrée , est son état
fragmentaire. Ces couches sont en effet traversées en tous
sens par des fissures qui les divisent en blocs, dont les
plus gros ne dépassent guère un cube de vingt centimè-
tres.
» Avant les travaux d’agrandissement qu’on a exécutés
dans la caverne, son sol était recouvert partout d’un
dépôt d'argile, à laquelle se trouvait mêlée une immense
quantité de blocs non roulés de ce calcaire fragmentaire.
» Ce dépôt variait de puissance : il atteignait jusqu’à près
de quatre mètres dans certains endroits. Les os s’y trou-
vaient en plus ou moins grand nombre, mais générale-
ment en pelits fragments, lorsqu'ils étaient gros; les pe-
tits os sont, au contraire, presque constamment entiers.
. Ces observations concordent donc bien avec celles de
Schmerling.
» L'endroit où l’on a rencontré la plupart des ossements
est le pied d’un rocher qui forme un angle rentrant dans
( 259 )
le souterrain. Il est disposé de manière à présenter un
obstacle notable au courant, si ce courant füt venu du
nord. C’est ainsi que j'ai cru pouvoir me rendre compte
de l’accumulation des ossements à cette place.
» Une autre observation qui montre bien, me paraît-il,
combien était grande l’intensité de l’afflux des eaux, c’est
l'argile qui à pénétré dans les fissures du calcaire frag-
mentaire, entrainant avec elle de petits morceaux d’osse-
ments. En outre, les parois de la caverne sont fortement
usées, comme, d’ailleurs, toute la surface de nos escarpe-
ments calcaires.
» Enfin, dans un petit couloir qui est vis-à-vis des ou-
vertures OSO , j'ai reconnu ua fin cailloutis, dont les élé-
ments ressemblent beaucoup à ceux du dépôt catllouteux
qui est à la base de notre diluvium. Je n’y ai pas rencon-
tré d’ossements. Il est immédiatement en contact avec le
sol et surmonté de l'argile à ossements dans laquelle on a
trouvé, directement au-dessus, un fragment de crâne
d'ours et celui d’un gros os semblable à ceux que M. Lyon
m'a confiés. |
» Les faits que j'ai l’honneur de vous soumettre ici
peuvent, ce me semble, se résumer ainsi :
» 1° La grotte de Montfat témoigne de deux inonda-
tions accompagnées de courants impétueux.
» La plus ancienne n’a laissé qu’un faible dépôt de
cailloux tous roulés.
» L'autre se manifeste par un grand amas d'argile avec
de très-nombreux blocs calcaires non arrondis. Les osse-
ments qui y ont été trouvées sont plus ou moins brisés et
roulés ;
» 2° Les ossements recueillis dans cette caverne pro-
viennent tous de ce dernier dépôt. |
( 260 )
Note sur un nouveau scintillomètre; par M. Ch. Montigny, :
correspondant de l’Académie.
Depuis la publication de mon mémoire sur la seintil-
lation (1), M. Andrès Poey, directeur de l'observatoire de
la Havane, m'a demandé des détails sur lun des deux
scintillomètres que j'y ai décrits, celui à lentille excen-
trique en rotation, et cela dans le but de Pappliquer à une
lunette équatoriale qu'il faisait construire chez M. Secre-
tan, à Paris. À celte occasion, j'ai modifié la première
disposition et J'en ai imaginé une seconde, qui offre des
avantages. sous le double rapport de l'effet produit et de
l'exécution. Si l’Académie me fait l’honneur d'accueillir la
description de ces procédés d’observation, dont j'ai fait
l’épreuve, il sera utile, je pense, aux savants et aux con-
structeurs qui voudront les mettre en œuvre de trouver
ici des détails sur certaines conditions optiques que ces
dispositions devront réunir , si l’on veut obtenir tel effet
désiré.
Âvant d'aborder toute description, j’appellerai l’atten-
tion sur un fait concernant la scintillation , afin de mieux
faire saisir l’objet des dispositions imaginées.
Les variations de couleur des étoiles scintillantes, qui
s’observent même à l’œil nu, sont sans contredit la parti-
cularité la plus remarquable qui caractérise ce curieux
phénomène. Ces changements sont beaucoup plus marqués
et surtout plus fréquents lorsqu'on observe l'étoile scmtl-
(1) £a cause de la scintillation ne dériverait-elle point de phénomènes
de réfraction et de dispersion par l'atmosphère? (MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE,
ROYALE DE BELGIQUE, t. XXVIIL.)
( 261 )
lante dans une lunette à laquelle des chocs légers et ra-
pides du doigt impriment un mouvement vacillatoire : alors
l’image stellaire se développe en courbes ondulées qui sont
fractionnées par les couleurs les plus vives et les plus
variées. Au moyen de cet artifice, imaginé d’abord par
Nicholson, l’image se déplace continuellement sur la rétine,
et l'œil perçoit ainsi séparément chaque teinte produite
par la seintillation. Au contraire, dans les observations à
l'œil nu et avec la même lunette immobile, une teinte
perçue résulte souvent du mélange de deux ou de plusieurs
couleurs qui se succèdent au même lieu de la rétine avec
une telle rapidité, que limpression produite par la pre-
mière persiste encore quand les impressions suivantes sont
excitées au même lieu, par là succession des autres cou-
leurs. Si, par exemple, l’image de létoile revêt en réalité
successivement les sept couleurs du spectre en moins de
0,04, l’image conserve la teinte naturelle de l'étoile que
nous supposerons être la couleur blanche; elle éprouve
tout au plus une variation d'éclat. La valeur numérique
que je viens de citer exprime le court intervalle de temps
pendant lequel, d’après mes expériences, la succession des
couleurs du spectre solaire doit s'effectuer au même lieu
de la rétine pour reproduire la lumière blanche (1).
On conçoit ainsi combien, dans la scintillation, le
nombre des variations de couleurs réelles est supérieur à
celui des changements perceptibles à l’œil nu, et combien
il importe, pour létude complète du phénomène, de
rendre distinets les divers changements de couleur. C’est
dans ce but que j'ai régularisé l'expérience de Nicholson
(1) Phénomènes de persistance des impressions de la lumière sur la
rétine. (MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, t. XXIV.)
( 262 )
de façon que l’image de létoile scintillante déerive une
courbe circulaire dans la lunette, au moyen de la dispo-
sition qui a été décrite dans mon mémoire, mais qu'il
importe de rappeler iei en peu de mots pour l'intelligence
de ce qui suivra. Imaginons que l’on adapte une petite
lentille faiblement concave ou convexe entre l’œil et l’ocu-
laire d’une lunette, et que, dans cette position, elle soit
susceptible de tourner rapidement autour d’un petit axe
qui perce excentriquement la lentille à une faible distance
de son centre, cet axe de rotation étant disposé parallèle-
ment à celui de l'instrument et un peu au-dessous de
l’œilleton. Quand un mécanisme adapté à la lunette im-
prime une rotation rapide à la lentille ainsi disposée, par
suite de la persistance des impressions lumineuses sur la
rétine, l’image d’une étoile scintillante déerit dans l’instru-
ment un cercle partagé en arcs colorés. Fai trouvé, au
moyen de cette disposition, que la belle étoile Sirius,
scintillant à 14° au-dessus de l’horizon, éprouvait soixante
et dix changements de couleur par seconde et que, parmi
ceux-ci, le rouge, l’orangé, le jaune et le vert étaient les
teintes prédominantes.
Altin d'éliminer des doutes qui pourraient naître sur ce
mode d'estimation, je rappellerai, comme je lai dit au
su'et de ces expériences sur Sirius, que, dans tout genre
d'observation semblable, chaque couleur perçue sur le
cercle décrit par l’image stellaire pendant une révolution
de la lentille, est le résultat d’une seule impression lumi-
neuse, qui est Indépendante de l’impression exeitée au
même lieu de la rétine pendant la révolution précédente.
Cette indépendance résulte du fait que la durée d’une ré-
volution de la lentille a été 0°,43 dans mes observations
sur Sirius, et qu'elle à ainsi surpassé la durée totale d’une
( 265 )
impression sur la rétine que M. Plateau a estimée valoir
0°,54 en moyenne (1).
Rien ne semble plus aisé que d'adapter en avant de
l’œilleton d’une lunette le système portatif d’une lentille
tournant excentriquement et de son mécanisme moteur;
l'appareil s’appliquerait immédiatement à tout instrument,
sans qu'il fallüt lui apporter aucune modification. Mais,
avec cette disposition, l’œil se trouverait forcément trop
éloigné de l’œilleton, à cause de l'intervalle qui est néces-
saire au jeu de la lentille. Il est incontestablement préfé-
rable d'appliquer le système à un oculaire spécial; et le
mieux consiste à faire tourner excentriquement la seconde
lentille de l’oculaire double, c’est-à-dire celle qui est près
de l’œil. Nous éviterons ainsi l’interposition d’un nouveau
milieu lenticulaire plus ou moins absorbant, et dont le
pouvoir convergent ou divergent troublerait la correction
des aberrations de sphéricité et de réfrangibilité, qui est
réalisée par l’emploi de deux lentilles dans les oculaires
des lunettes astronomiques.
Indiquons d’une manière générale quel sera l'effet pro-
duit par la rotation excentrique de la seconde lentille d’un
oculaire négatif ou de Huygens, dans lequel l’image se
forme entre les deux verres. Représentons par À, fig. 4,
la première lentille de l’oculaire, par B la seconde et par
XY l’axe optique de la lunette; l’axe de rotation mn de la
lentille. B est supposé placé parallèlement à XY et un peu
au-dessous de l’ouverture de l’œilleton. Cet axe perce la
(1) Dans ce genre d’expérience, il convient d'adapter au mécanisme
moteur un frein destiné à modérer la vitesse de rotation de la lentille
excentrique, Car il importe de la limiter jusqu’au point où le cercle décrit
par l’image stellaire est fermé.
(. 264)
lentille à une distance On de son centre optique O qui
mesure l’excentricité du mouvement de rotation. Le tracé
plein B représente la lentille quand son centre optique est
au-dessus de l’axe, et le pointillé B’ quand ce centre O' est
au-dessous. Supposons que l’image de l'étoile observée se
produise en a par le fait des pouvoirs convergents de l’ob-
Jectif et de la lentille A. Il est aisé de démontrer, comme
on le voit ci-dessous (1), que pendant une révolution de la
lentille B, l’image de l'étoile paraît décrire le pelit cercle
a'a” pour l’œil placé en s, près de la lentille tournante B,
(1) Déterminorns d’abord le lieu a’ de l’image virtuelle de l'étoile a
quand on la voit à travers la lentille mobile dans la position B; à cet effet *
traçons, d’une part, le rayon lumineux LaO passant par le centre optique O
de la lentille dans cette position, et de l’autre, le rayon as qui a suivi
jusqu’à la lentille B la direction de l’axe XY. Je ferai remarquer d’abord
que, pendant le mouvement révolutif de la lentille B, son axe optique Of
reste toujours parallèle à XY, tout en décrivant une surface cylindrique de
rayon On autour de l’axe de rotation mn, qui est placé très-près de XY et
parallèlement à sa direction. Il suit de là que le rayon lumineux as, dirigé
suivant XY, sera réfracté par la lentille de manière à passer constamment,
n'importe dans quelle position de celle-ci, par le foyer principal f de la
lentille B, qui est invariable de position sur l’axe optique Of de B pen-
dant sa révolution. Si nous remarquons maintenant que le rayon LaO qui
passe par le centre optique O de la lentille B, la traverse sans éprouver
de déviation, il est évident, d’après les principes connus, que le point
d’intersection a’ de ce rayon avec le prolongement sa’ du rayon fm
réfracté au foyer de B, sera le foyer virtuel de l’image a dans la position
supérieure de la lentille. On trouverait de la même manière que, après une
demi-révolution de la lentille B, le foyer virtuel occupera là position a”.
L'image virtuelle de l'étoile paraîtra décrire ainsi le cercle aa”, et le
rayon sf qui pénètre dans l'œil décrira en réalité une surface conique au-
tour de l’axe de rotation de la lentille.
Pour calculer la valeur de l'angle # ou a/sc sous lequel le rayon a’c du
cercle a'a” sera vu par l’œil placé en s, remarquons que l’on a pour son
égal fsn', tang fsn” —_ Mais fn' étant sensiblement égal à lexcentri-
( 265 )
et que, en outre, si l’on désigne par e l’excentricité On de B
et par f' la longueur focale de cette lentille, l'angle a’sc
ou æ sous lequel l’œil voit le rayon a'c du cercle décrit, se
déduit de la formule :
€
{ang ç — F
Donnons à cette expression une forme plus commode
en partant des règles qui sont ordinairement suivies dans
la pratique (1), et d’après lesquelles on à :
F étant la distance focale de lobjectif et g le grossissement
de la lunette. La formule précédente devient alors :
5 g
t , = — LES
Ange — —e
Il est facile de déterminer à l’avance quelle valeur il
faut donner à l’excentricité e pour que le diamètre du
cité On de B, et mn étant la longueur focale de cette même lentille, si nous
désignons la première par e et la seconde par f”, nous aurons :
e
lang fÿ — — :
f
11 serait aisé de démontrer que la valeur de tang + serait — si l’on se
servait de la première disposition que j'ai indiquée, celle où une petite
lentille concave ou convexe, de longueur focale a, tournât en avant de la
lentille B, alors immobile, avec l’excentricité e.
(1) Voir le Traité de Physique de M. Pouillet, t. IT, p. 261, article
Oculaires.
( 266 )
cercle décrit par l’étoile scintillante, soit vu sous un angle
2o. Afin de bien fixer les idées, supposons que l’on veuille
faire décrire à l’image stellaire un cercle dont le diamètre
soit égal à n fois le diamètre apparent sous lequel la pla-
nète Jupiter est vue dans la même lunette, avec le gros-
sissement g et dans les conditions ordinaires. Le diamètre
moyen de Jupiter à l'œil nu étant 38”,4, il serait vu sous
l'angle 38”,4 x g dans la lunette, avec le grossissement g .
et dans les conditions ordinaires. Pour que le diamètre da
cercle décrit par une étoile seintillante dans la lunette avec
la lentille excentrique en rotation, paraisse sous un angle
2o,n fois plus grand que le diamètre grossi de Jupiter, 1l
faut que l’on ait : |
2 tang + —=n.g tang 58,4 — n.9.0,00018.
Si l’on substitue dans cette expression la valeur précé-
dente de tang ©, on obtient finalement pour l'expression
de lexcentricité :
e == 0,00006 . »..F.
Pour citer un exemple, supposons que l’on veuille fixer
à l’avance la valeur de l’excentricité e de façon que l’image
de l’étoile décrive un cercle d’un diamètre égal à dix fois
le diamètre apparent de Jupiter, la planète étant observée,
comme l'étoile, dans une lunette de 1",10 de longueur
focale : on trouve 0"",66 seulement pour la valeur de
l’excentricité. Avec une excentricité aussi faible, il n’y a
pas lieu de craindre une déformation trop apparente des
images stellaires, déformation qui se produirait infailli-
blement si l’excentricité dépassait certaine limite.
Le moyen de réaliser cette disposition, qui paraît d’a-
bord le plus simple, consisterait à percer la lentille B,
( 267 )
puis à la monter, comme l’indique la figure 2, derrière
l'ouverture O de l’œilieton sur un axe p portant un pignon
que conduirait la roue R du mécanisme moteur. Mais il
est aisé de voir que ce mode d'exécution restreindrait sen-
siblement le champ de vision #0n du côté de l’axe p, à
moins d’éloigner beaucoup celui-ci de l’ouverture de lœil-
leton; cela ne pourrait s'effectuer sans que les rayons
lumineux ne traversassent la lentille plus loin de son centre
que l’excentricité fixée théoriquement ne l’eût indiqué.
Ces inconvénients seront aisément évités de la manière
suivante. Supprimons l’axe de la lentille B, qui ne sera
plus percée, et imaginons que son anneau de sertissure
soit fixé à l’extrémité d’une petite tige AB, figure 3, qui
sera disposée en saillie du côté du tube de l’oculaire au-
quel le mécanisme moteur est adapté. Laissons à la len-
tille et à la tige une certaine liberté de mouvement dans
le tube de l’oculaire. Concevons ensuite que sur l’axe
d'une roue du mécanisme moteur , qui tourne avec rapi-
dité, soit montée une petite manivelle ab de manière à
faire saillie à l'extérieur de la platine du mécanisme que
longe la tige AB. Admettons aussi qu’une tige verticale
mn de certaine longueur et oscillant autour du point "=,
soutienne la tige AB au moyen d’une articulation en n,
milieu de la distance du centre optique o de la lentille et
d'une petite ouverture a percée vers l'extrémité de AB.
De cette manière, la tige AB sera susceptible de recevoir
un double mouvement, l’un de va-et-vient horizontal et
l’autre d’oscillation autour du point n, là où elle s'articule
avec mn. Dans ce double mouvement, la tige et la len-
tille o doivent rester constamment dans le plan perpendicu-
laire à l’axe de la lunette qui passe par le lieu que le
centre de la lentille y occuperait, si elle était immobile.
( 268 )
Quand le pivot de l'extrémité « de la manivelle sera en-
gagé dans la petite ouverture de l'extrémité B, la rotation
rapide de la manivelle imprimera à la tige AB un mouve-
ment tel, que le centre o de la lentille décrira sensible-
ment un cercle 00’ de même rayon que celui de la mani-
velle ab. Si celui-ci est égal à l’excentricité e, calculée
d’après les conditions établies, le problème sera convena-
blement résolu.
Voici une autre disposilion de scintillomètre que j'ai
réalisée, et au moyen de laquelle la révolution circulaire
de l’image stellaire s'effectue sans qu'il y ait déplacement
des lentilles de l’oculaire. Concevons que l’on ait enlevé
momentanément l’oculaire d’une lunette et que, en avant de
sa place ordinaire, c’est-à-dire du côté de l'objectif , on ait
interposé une lame de verre épaisse BC, figure 4, à faces
polies et parallèles, qui soit inclinée obliquement sur l’axe
optique XY de lobjectifO, dont le foyer est en f. Après
avoir traversé la glace, tous les rayons lumineux du fais-
ceau convergent seront déplacés , chacun parallèlement à
sa direction primitive, par phénomène de déplacement la-
téral, et leur point de convergence, qui était primitivement
en f, sera aussi transporté en », en dehors de j'axe op-
tique XY de linstrument. Supposons la lame de verre
taillée circulairement et montée en son milieu sur l'axe
de rotation kv, qui soit parallèle à l'axe XY et situé tout à
fait en dehors du champ de loculaire; quand ia giace
accomplira une révolution complète autour de cet axe kv,
le foyer lumineux » décrira autour de XY un petit cercle
ayant mn pour rayon.
Afin de faciliter la conception de ce mouvement eircu-
laire, remarquons que, si la lame de verre accomplissait sa
révolution autour de XY, au lieu de le faire autour de ke,
( 269 )
parallèle à cet axe optique, l'incidence 7 du rayon lumi-
neux Yé, dirigé suivant l’axe optique, resterait constam-
ment la même par rapport à la lame BC; dans sa réfrac-
tion et à son émergence, le rayon lumineux serait dans
les conditions de tom, comme la figure le représente,
c’est-à-dire que le rayon émergent om conserverait une
direction parallèle à l’axe optique XY. Lorsque la lame
tournera autour de celui-ci, le plan dans lequel se mesu-
rera l’inclinaison y du rayon lumineux, tournera unifor-
mément avec la lame sans que cette inclinaison puisse
changer. Il résulte évidemment de là qu'après sa réfrac-
tion, la partie om du rayon, tout en restant toujours pa-
rallèle à elle-même et à la même distance mn de l’axe opui-
que, décrira une surface cylindrique de rayon mn pendant
une révolution de la lame de verre.
On concevra aïsément que les choses se passent de la
même manière à l'égard du rayon lumineux Yom quand
la lame tournera, non autour de l’axe XY lui-même, mais
autour de l’axe réel kv, qui est parallèle au premier et situé
tout à fait en dehors de sa direction. En effet, dans cette
autre condition relative, qui est celle où la disposition
doit être réalisée , l’inclinaison du rayon lumineux Yt par
rapport à la glace BC, conservera, pendant le mouvement
révolutif de la glace, une valeur constante y, à cause du
parallélisme entre ce rayon et l’axe de révolution kv.
Quant aux autres rayons qui convergeaient primitivement
en /, l'incidence de chacun sur la glace variera pendant sa
rotation; mais, dans une position quelconque de cette
glace, la direction du rayon réfracté, considérée pendant
son déplacement latéral continu, restera toujours paral-
lèle àga direction primitive. Tous les rayons, d’abord con-
vergentis en /, ne cesseront point, pendant ce déplacement
( 270 )
latéral, de concourir sensiblement sur le rayon m0 en un
point » qui est entraîné dans le mouvement révolutif de
ce rayon autour de l’axe XY. Ce point m est placé sur mo
un peu au delà de la position du foyer primitif f sur l’axe
XY, comme la figure 4 l’indique. Il importe de faire remar-
quer que le phénomène de déplacement latéral n’est ac-
compagné d’aucun phénomène de dispersion ou de décom-
position pour les divers rayons; chacun d’eux possède donc
sa couleur propre après comme avant son passage au tra-
vers de la glace à faces parallèles.
Si l’on veut reconnaître l'exactitude de ce-.qui précède
en se bornant à consulter l'expérience, il suffira d’enlever
l’oculaire d’une lunette astronomique dirigée préalable-
ment vers un objet terrestre, et de lui substituer une lame
de verre épaisse à faces parallèles, qui sera ainsi placée un
peu au delà du foyer de l’objectif par rapport à Poil.
Quelles que soient les variations d’inclinaison que la main
imprimera lentement à la lame, l’image de l’objet, ainsi
vue à l’œIil nu et à la distance de la vision distincte, con-
servera toute sa netteté dans ses déplacements.
Nous concevrons maintenant avec facilité que si l’on
dispose près de l’oculaire d’une lunette astronomique ordi-
naire, du côté de l’objectif, un appareil qui sera composé
d’une lame de verre épaisse, circulaire, montée obliquement
sur un axe de rotation parallèle à l’axe de figure de l’in-
strument et en dehors de celui-ci, la révolution rapide de
cette lame fera décrire un cercle à l’image d’une étoile
vers laquelle l'instrument sera dirigé. Ce cercle sera entiè-
rement perceptible et tout à fait fermé, à cause de la persis-
tance des impressions lumineuses sur la rétine, dès que la
vitesse de rotation atteindra certaine limite. Si #étoile
scintille, le cercle paraîtra fractionné en ares colorés. Les
(274)
dimensions de la lame inclinée devront être réglées de
façon à ne point cesser d’intercepter le faisceau de rayons
convergents pendant sa rotation.
Si e représente l’épaisseur de la lame de verre, y son
inclinaison sur l’axe optique et f la longueur focale de la
première lentille de l’oculaire de la lunette, la formule
suivante fera connaître l'angle + sous lequel l'œil verra le
rayon du cercle apparent que l’image de l'étoile décrira
dans l'instrument (1) :
PAL EE:
tang + — 0,80 Î sin ?-
(1) Pour démontrer cette formule, rappelons d’abord que, si un rayon
Y£, fig. 4, rencontre, sous l’incidence +, une lame de verre d'épaisseur e,
ayant un indice de réfraction à, la grandeur mn du déplacement latéral
que subit le rayon est donnée par la formule suivante, connue en physique :
me
mn=esiny (11 } Er
à? — sin? y
Il importe de faire remarquer que le facteur
(1-1 1 — sin? y |
— sin? y
varie peu entre certaines limites de l'angle y; ainsi, pour le verre dont
l'indice est 1,53, ses valeurs qui correspondent à des angles de 10°, 20 et
30° sont respectivement 0,35, 0,37 et 0,41. L’inclinaison + de la lame ne
dépassant généralement pas 30°, nous remplacerons le facteur indiqué
_par le coefficient numérique constant 0,40 dans l'expression de mn, qui
devient ainsi avec une approximation suffisante pour les applications :
mn = 0,40 .e.sin 9-
Supposons l’oculaire placé et considérons quel doit être l’effet de sa pre-
mière lentille A, figure 5, sur les rayons lumineux lorsque, après avoir
traversé la lame de verre BC, ils auront été réfractés par cette lentille.
Ces rayons, qui eussent d’abord convergé en m, se réuniront, par l’effet
( 272 )
Transformons cette formule afin de la rendre propre au
calcul préalable de l’inclinaison y de la lame de verre sur
son axe de rotation. Rappelons d’abord que, d’après les
ie Ne
indications de la pratique, on a FER , F étant la longueur
de celle-ci, en m’, point plus rapproché de A. Le déplacement latéral, qui
primitivement était mn par le seul effet de la lame inclinée, sera réduit à
la longueur mn’. Cette ligne est le rayon du cercle réel que l’image m’
de l'étoile décrit entre la première lentille À de l’oculaire et la seconde len-
tille supposée placée en D. L’image réelle m’ de l'étoile se produit évidem-
ment au point de croisement des rayons réfractés R’ et R, le premier
passant au centre optique 2 de la lentille À sans éprouver de déviation à
travers ce milieu, et le second passant au foyer K de la même lentille,
puisqu'il reste parallèle à son axe optique XY, jusqu’en s, par le fait du
transport latéral. D’après les lois de l'optique, la position des foyers conju-
gués m et m'est donnée par la relation :
1 Î
1
ni mi F
f étant la longueur focale de la lentille A. De la similitude des triangles
min et m'in' on déduit aussi nw'n'—=mn . ï De ces deux équations résulte :
PET, mi
mn = mn —
La valeur de m'i diffère très-peu de n’i dont on connaît la valeur réelle,
car elle est égale à l’excès de la distance Di des deux lentilles sur la lon-
gueur focale Dn’ de la seconde, supposée placée en D. Or, d’après les règles
de la pratique, Di et Dn’ étant respectivement ? fet :f,onaf— m'i=?/f;
par suite de ces diverses expressions, on obtient:
9
9 d
NN — =unn— —.0,40 € sino
à d 3
Désignons, comme précédemment, par y l’angle sous lequel m'n’ sera vu
avec grossissement à travers la deuxième lentille D de longueur focale f’,
m'n' .
nous aurons tang ? — —— Mais f’ ou Dn’ ayant pour valeur À, selon les
règles de la pratique, on obtient finalement :
tang © — 0,80. - . Sin
(214)
focale de l’objectif et g le grossissement de la lunette. Nous
calculerons l’angle y comme nous l'avons fait précédem-
ment, avec la condition que le diamètre du cercle décrit
par l’image de l'étoile scintillante paraisse , dans la lunette,
égal à n fois le diamètre de Jupiter, vu dans le même in-
strument; nous aurons alors, ainsi que plus haut :
2 tang 9 —n.9.tang 38”,4 —n.9.0,00018.
On déduit de cette équation et de l’expression de tang y,
où f aura été remplacé d’ailleurs par 2 = le formule
finale :
F
sin y = #7. — : 0,00022,
( ‘
Supposons que la lame de verre ait huit millimètres d’épais-
seur et que l’appareil soit adapté à une lunette de 1",10
de longueur focale, on trouve que la révolution de la
lame autour de son axe fera décrire à l’image de l'étoile
un cercle dont le diamètre paraîtra être égal à dix fois
celui de Jupiter, vu dans le même instrument, quand
_ l'angle d’inclinaison y de la lame sur son axe sera de
47° 36’. D’après cet exemple, on voit qu'il n’ÿ a pas lieu
de cramdre que l'intensité des rayons lumineux soit nota-
blement affaiblie par leur réflexion sur une surface trop
oblique et plus encore par absorption, ce qui arriverait si
ces rayons traversaient une lame épaisse fortement in-
clinée. TE
Pour réaliser dans la pratique ce dernier genre de scin-
tillomètre, on fera choix d’une lame d’un verre blanc
exempt de stries et d’une certaine épaisseur. Son contour
recevra une forme elliptique telle, que la projection ver-
ticale de son grand axe BC, fig. 6, sera égale au petit axe
2e SÉRIE, TOME XVII. 18
(274)
B'C' de cette ellipse. On conçoit que la forme et les dimen-
sions de la lame de verre étant réglées de la sorte, tous les
rayons du faisceau conique RR' réfractés par l’objectif ne
cesseront pas de la traverser en fotalité pendant sa révo-
lution. Une ouverture centrale percée dans la lame per-
mettra d’y sertir un anneau de cuivre qui en couvrira le
bord intérieur. Dans l'ouverture traversera l’axe de rota-
tion DF dont le pignon sera conduit par le mécanisme
moteur. À la partie de cette traverse seront fixés sur l'axe
deux pivots a et b de direction perpendiculaire à DF ; leurs
extrémités pénétreront dans deux petites ouvertures qui
seront pratiquées à la face intérieure de l’anneau serti
dans l’ouverture centrale. De cette manière, il sera facile
de faire varier l’inelinaison y du disque par rapport à l’axe
de rotation, à cause de la ligne des pivots a, b. L’inclinaison
sera d’ailleurs réglée au moyen d’une vis de pression K qui
taraudera l’extrémité d’une petite pièce de cuivre ET, fixée
perpendiculairement à la longueur de l’axe. Une lame EG
formant ressort, pressera légèrement le disque du côté
opposé à la vis, de façon à la faire appuyer contre sa
pointe.
Quel que soit celui des deux procédés décrits que l’on
emploiera, il faudra régler la vitesse de rotation de la len-
lle excentrique ou de la lame inclinée, de manière que
la courbe circulaire décrite par l’image de létoile soit
fermée. On satisfera aisément à cette condition en réglant
la marche du mécanisme moteur au moyen d’un frein.
D’après ce que j'ai dit plus haut, après avoir cité les obser-
vations sur Sirius , la durée d’une révolution de la lentille
ou de la lame ne pourra guère être moindre que 0°,34.
Désignons par t le temps de cette révolution que l’on dé-
duira aisément de la marche du mécanisme, et par n le
]
, : a s : : ï ù 2 es * ee Me
… Motce sur nouveau scntillametre.. : Pulletin de L'Hcad.2£° serre, AVI P.27#.
_
UE
M
\j
l;
V
B
np. Sinonau él Toovey, Pruxeles - CL. Montigny, deb.
( 275 )
nombre des couleurs qui s’étaleront sur la circonférence
décrite par l’image de l'étoile scintillante avec un éciat
d'autant plus vif que l’objectif de la lunette sera plus large;
le nombre N de changements qu’elle subira en une se-
conde aura pour valeur :
Si le nombre des teintes différentes qui fractionneront
la circonférence est trop grand pour qu’il soit susceptible
d'être estimé avec une exactitude suffisante, il faudra
placer, près du foyer de la seconde lentille de l’oculaire,
un diaphragme qui rétrécisse le champ de manière à ne
laisser voir que la moitié ou le quart de la circonférence
décrite. J'aurai occasion de revenir sur l’idée exacte qu'il
faut se former à l'égard du grand nombre de changements
que subit une étoile scintillante , et cela peut-être au sujet
d’une autre application du phénomène de déplacement la-
téral à l’étude de la scintillation (1).
En terminant cette notice, je ferai remarquer que les
dispositions qui ont été décrites, sont susceptibles d’être
utilisées dans des expériences d'optique où il serait néces-
saire de faire décrire une circonférence à l’image d’un
point lumineux.
(1) Dans cette notice, je n’ai point parlé du second procédé d’analyse
de la scintillation que j’ai imaginé et qui est tout différent du précédent,
car il consiste essentiellement à placer un prisme en avant de l'objectif
de la lunette. L'image de l'étoile scintillante est ainsi transformée en un
spectre coloré dont les diverses teintes subissent des variations et des
trépidations continuelles très-remarquables , ainsi que je l’ai exposé , au
sujet de l'étoile Sirius, dans mon Mémoire sur la scintillation, publié
en 1856.
(276 )
Sur le chlorure de bromacétyle et le bromure de chlora-
cétyle; par M. P. De Wilde, professeur de chimie à
l’Institut agricole de l’État, à Gembloux.
Dans une précédente note (1), j'ai fait connaître un nou-
veau mode de préparation du chlorure de chloracétyle, en
faisant agir du protochlorure de phosphore sur Pacide
monochloracétique.
Cette expérience me fit supposer qu'on obtiendrait le
chlorure de bromacétyle en faisant agir le protochlorure
de phosphore sur l’acide monobromacétique, et le bromure
de chloracétyle par l’action du protobromure de phosphore
sur l’acide monochloracétique.
Une question théorique se rattachait à la production de
ces deux corps isomériques : en effet, il a été prouvé que
le chlorure de chloracétyle est identique avec le chlorure
de glycolyle obtenu par l’action du perchlorure de pho-
sphore sur l’acide glycolique. Comme conséquence de cette
identité, on peut envisager le chlorure de bromacétyle et le
bromure de chloracétyle comme étant des chlorobromures
de glycolyle. Je me suis donc demandé si ces deux corps
sont identiques. |
La présente communication a pour but de faire con-
naître à l’Académie le résultat des expériences qui ont été
tentées pour résoudre ce problème. |
Préparation et propriétés du chlorure de bromaceétyle.
On introduit dans une cornue tubulée, chauffée au bain-
marie, de l’acide monobromacétique; la cornue commu-
(1) Bulletins de l'Académie, 2me série, t. XVI, n° 12.
€
(. 27409
nique avec un réfrigérent de Liebig disposé de manière à
faire refluer dans la cornue les vapeurs condensées.
On y introduit, goutte à goutte par un tube efflé, un
poids égal de protochlorure de phosphore. La réaction se
fait doucement; une certaine quantité d’acide chlorhy-
drique, provenant d’une réaction secondaire, se dégage;
des flocons blancs d’acide phosphoreux apparaissent dans
la cornue. On termine la réaction en chauffant à la lampe,
puis on distille. L’acide phosphoreux reste dans la cornue
mélangé à une matière noire. Par voie de distillation frac-
tionnée, on sépare le chlorure de bromacétyle, qui bout
d'une manière constante vers 427° C. La quantité de pro-
duit obtenu ne dépasse pas la moitié de ce qui est indiqué
par la théorie. La formule suivante rend compte de sa
production :
22
On BB bc — 3 ç2 H? Br 0. c+ 05)
À l'analyse il a donné les résultats suivants :
[. 0.4493 gr. de matière brûlée avec du chromate de
plomb ont donné 0.057 gr. d’eau et 0.247 gr. d'acide car-
bonique (1).
IL 0.771 gi. de matière ee dans de l’eau al-
caline et traitée par l’amalgame de sodium ont donné
1.605 gr. d’un mélange de chlorure et de bromure d’ar-
gent et 0.005 gr. d'argent métallique.
IT. 0.452 gr. de matière traitée de la même manière
(1) Ge corps retient avec opiniàtreté une minime quantité de proto-
chlorure de phosphore, qui provoque un déficit sur le dosage du carbone.
Pour l'obtenir pur, il faut le chauffer-pendant plusieurs heures à 100 dans
un tube scellé avec un peu d’acide bromacétique.
( 278 )
ont donné 0.921 gr. de chlorure et de bromure d'argent
et 0,019 gr. d'argent métallique.
TROUVÉ.
CALCULÉ. I. Il. RTE
G?— 94 — 15.24 15.25 >. »
H? = 2 — 1.97 1.43 » »
©- — 16 = 10.16 4 » » » 6
Cl— 35.5 — 2254 L a
DOS AN RTRONE AE TOS 1 13.89 13.25
157.5 — 100.00
Le corps ainsi obtenu constitue un liquide incolore,
fumant légèrement à l'air, d’une odeur forte et piquante;
ses vapeurs irritent vivement les yeux. Sa densité déter-
minée à + 9° est de 1.908. Il tombe au fond de l’eau dans
laquelle il se décompose lentement. Si l’on en place une
certaine quantité sous une cloche dans une capsule à côté
d’un vase contenant de l’eau, on trouve le lendemain cette
eau acide et précipitant en blanc par le nitrate d’argent ;
on retrouve dans la capsule un acide cristallisé qui com-
mence à distiller à + 180, mais qui passe en majeure
partie vers + 208. C’est donc un mélange d’acide mono-
chloracétique et monobromacétique.
Nous nous sommes assuré, par les deux expériences sui-
vantes confirmant la précédente, que le corps qui nous
occupe est décomposé par l’eau en donnant, d'un côté, les
acides chlorhydrique et bromhydrique, de l’autre, les acides
monochloracétique et monobromacétique , d’après les for-
mules suivantes :
on 2 H2Br -
c.e2 He Br 0-+ 0! = 0 {° ES
EH ǣ2H2C/
Ci cm8 6+0|1—0 H Op
æ
(279 )
1° Quelques gouttes du liquide ont été décomposées
lentement dans de l’eau à la température ordimaire; le li-
quide acidulé par l'acide nitrique à été précipité en blanc
par le nitrate d'argent. 0.5010 gr. de ce précipité réduit
par l'hydrogène ont laissé 0.3650 gr. d'argent métallique.
Ce précipité renferme donc 0.1044 gr. de chlore et
0.0335 gr. de brome. |
2 Quelques gouttes du même corps ont été décompo-
sées rapidement dans de l’eau portée vers + 60° et pré-
cipitées de la même manière ; 0.1260 gr. de ce précipité traité
par le chlore ont laissé 0.1140 gr. de chlorure d'argent.
Le sel renfermait donc 0.0215 de brome et 0.0186 de
chlore. |
On voit que, sous l'influence de la chaleur , la proportion
de brome, transformée en acide bromhydrique , augmente
notablement. Aussi ce précipité avait-il une légère nuance
jaunatre.
\
Préparation et propriétés du bromure de chloracétyle.
Au lieu de faire agir le protobromure de phosphore sur
l'acide monochloracétique, je produis le protobromure dans
l'expérience même par l’action du brome sur le phosphore
rouge. On dispose la cornue comme dans l'expérience pré-
cédente: on y introduitquatre-vingt-quatorze parties d'acide
chloracétique et quinze parties de phosphore rouge. On
fait arriver goutte à goutte dans ce mélange cent soixante
parties de brome au moyen d’un tube effilé ou d’une al-
longe à robinet. Chaque goutte produit une réaction
très-vive accompagnée d’un dégagement abondant d'acide
bromhydrique. On distille; il reste dans la cornue de l'acide
phosphoreux anhydre.
( 280 )
La réaction se fait d’après la formule suivante :
3 0- UN + 2Ph Br5 —5 €? H°C/ 6-, Br + 3H Br + 0-5 fe
Par distillation fractionnée, on sépare un liquide qui
bout d’une manière constante vers + 127° C. On obüent
presque la quantité théorique. C’est un liquide incolore,
prenant une teinte jaunâtre au bout de deux à trois Jours,
fumant à l'air, d’une odeur vive et piquante : ses vapeurs
irritent les veux; sa densité à + 9° est de 1.913. Il se dé-
compose lentement au fond de l’eau. Mis sous une cloche
à côté d’une capsule contenant de l’eau, il se décompose
lentement en acide bromhydrique et un acide qui passe, à
la distillation, vers + 185°; c’est donc de l’acide monochlo-
racétique. En décomposant le bromure de chloracétyle
par l’eau, soit à la température ordinaire, soit à + 60°, on
obtient, par le nitrate d'argent, un précipité jaune formé
exclusivement de broinure d'argent : je m’en suis assuré
en le traitant par le chlore et par l'hydrogène.
Ce corps se décompose donc nettement, d’après la for-
mule suivante :
Br . GK? C0 +0 | à = DR M
L'analyse à donné les résultats suivants :
I. 0.4640 gr. de matière brülée avec du chromate de
plomb ont donné 0.0620 gr. d’eau et 0.2550 gr. d’acide
carbonique.
IL. 0.4365 gr. de matière décomposée par de l’eau al-
caline, puis traitée par Pamalgame de sodium ont donné
0.9150 gr. de chlorure et de bromure d'argent et 0.004 gr.
d'argent métallique; 0.9050 gr. du mélange des sels d’ar-
( 281 )
gent traité par le chlore ont laissé 0.7830 gr. de chlorure
d'argent.
III. 0.3805 gr. de matière traitée par l’eau alcaline et
l’amalgame de sodium ont donné 0.7890 d’un mélange de
chlorure et de bromure d’argent et 0.006 gr. d'argent mé-
tallique.
TROUVÉ.
CALCULE. I. II. II,
21 (h21 14.99 » »
He —= NE LOT 1.48 » » À
= 16 FS 10. 6 » » »
01-0355 9225 2. » 29,57
BND Lg) 0 9 ; a
457.5 — 100.09
Nous voyons donc deux corps ayant la même composi-
tion, les mêmes propriétés physiques, le même point
d’ébullition, très-sensiblement la même densité, ne dif-
férer entre eux que par leur mode de décomposition au
contact de l’eau. Quoiqu’on puisse considérer ces deux
corps comme étant du chlorobromure de glycolyle, on peut
aisément se rendre compte de la différence qui existe entre
leurs propriétés chimiques, si l’on admet que des deux
atomes de chlore ou de brome, dans les corps qui nous
occupent, celui qui faisait partie de l’acide chloracétique
ou bromacétique, occupe une place déterminée dans la
nouvelle molécule et qu'il entre en combinaison plus
intime que l’autre atome.
L'atome de chlore ou de brome introduit en second lieu
dans la molécule par le protochlorure ou le protobromure
de phosphore est en combinaison moins intime.
Il résulte de là que le bromure de chloracétyle donne,
au contact de l’eau, de l'acide bromhydrique et de l’acide
monochloracétique.
( 282 )
Si, dans les mêmes circonstances, le chlorure de bro-
macétyle se décompose d’après les formules indiquées plus
haut, cela s'explique par les affinités moins prononcées du
brome. La plupart des corps iodés possèdent la propriété
de se décomposer spontanément avec mise en liberté
diode. Beaucoup de corps bromés, et celui qui nous oc-
cupe est du nombre, sont dans le même cas. L’atome de
brome tendant à devenir libre, rien d'étonnant que, par la
décomposition au contact de l’eau, le chlorure de broma-
cétyle donne de l'acide bromhydrique en quantité d’autant
plus considérable que la température est plus élevée.
RE D Ce—— ——
( 283 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 7 mars 1864.
M. GacarD, directeur.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le baron de Gerlache, Roulez, le
baron de Saint-Genois, David, Paul Devaux, De Decker,
Snellaert, Leclereq, Polain, Faider, Arendt, Ducpetiaux,
Kervyn de Lettenhove , Chalon, Mathieu, membres ; Nolet
de Brauwere Van Steeland, associé; F. Nève, Guillaume,
correspondants. :
MM. Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux-
arts, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur remercie l’Académie pour
les différents envois qui lui ont été faits au nom de la
commission chargée de publier une collection des grands
écrivains du pays. |
— La Société havraise d’études diverses remercie éga-
lement pour l’envoi des Bulletins et de l'Annuaire qui lui
sont parvenus.
( 284 )
CONCOURS DE 1864.
M. Roulez présente le projet d'inscription suivante, qui
lui avait été demandé pour la médaille d'argent , dé-
cernée au dernier concours à M. Émile de Borchgrave,
de Gand :
Æuizio BORCAGRAVIO
QUOD DE CAUSIS
BELGICARUM COLONIARUM
QUE SÆC. XII ET XIII IN
GERMANIAM TERRASQUE VICINAS
DEDUCTÆ SUNT
QUAMVIS MINUS PLENA
LAUDABILI TAMEN OPERA
DISPUTAVIT.
MDCCCLXII.
La classe remercie M. Roulez pour le soin qu'il a pris
de rédiger cette inscription.
— Le secrétaire perpétuel fait connaître que la classe
des sciences a désigné MM. Stas et Spring pour complé-
ter, avec MM. Snellaert, Desmet et de Ram, la commission
chargée de décerner le prix fondé par M. le baron de
Stassart et ayant cette fois pour sujet la vie et les œuvres
de Van Helmont.
(285 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 3 mars 1864.
M. De Kevyzer, directeur.
M. An. QueTezer, secrétaire perpétuel.
Soni présents : MM. Alvin, Braemt, Fr. Fétis, G. Geefs,
Navez, Jos. Geefs, De Braekeleer, Fraikin, Ed. Fétis,
De Busscher, Balat, Payen, le chevalier L. de Burbure,
Demanet, Franck, membres.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu’il a confié
au sieur Armand Cattier, sculpteur à Ixelles, l'exécution
du buste de feu M. Baron, membre de la classe, destiné à
décorer la salle des séances publiques de l’Académie.
— ]l est donné connaissance de la mort de M. Léon von
Klenze, associé de la section d’architecture, décédé à Mu-
nich, en janvier 1864.
— M. Hittorff, membre de l’Institut de France, exprime
ses remerciments pour sa nomination d’associé dans la
section d'architecture. « Je saisis cette occasion, pour faire
hommage à l’Académie, écrit-1l en même temps, de mon
ouvrage complet sur l’Architeciure polychrome chez les
Grecs, de celui de l’Architecture moderne de la Sicile, de
( 286 )
ma traduction des Monuments inédits de l’Attique, d’une
publication sur la Rotonde des panoramas, exécutée de
1838 à 1839 à Paris, dans les Champs-Elysées, et déme-
lie en 1855, pour faire place au Palais de l’Industrie,
enfin de deux notices bibliographiques sur les célèbres
architectes feu M. Schinkel à Berlin et sir Charles Barry
à Londres. »
M. F.-J. Fétis présente également le sixième volume de
sa Biographie universelle des musiciens et Bibliographie
générale de la musique, qui vient de paraître. — La elasse
remercie MM. Fétis et Hittorff pour ces hommages.
— La ville d'Anvers transmet les programmes de deux
concours qu’elle vient d'ouvrir pour célébrer l’existence
bisséculaire de l’Académie royale des beaux-arts de cette
ville; l’un demande l’histoire de cette Académie jusqu’à
nos Jours, et l’autre, la biographie, basée sur des pièces
authentiques, du peintre David Teniers, le jeune.
RAPPORTS.
ne
La classe avait été consultée par M. le Ministre de l’in-
térieur sur le projet d'inscription destinée à honorer la
mémoire de Guillaume Dufay, dans l’église de Chimay,
petite ville où ce célèbre musicien est né vers 1350.
M. F. Fétis avait été prié par ses confrères de vouloir bien
examiner la question, et il présente le rapport qui lui avait
été demandé. Ce rapport est adopté et sera communiqué
à M. le Ministre.
(287)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. le secrétaire perpétuel fait connaître qu'immédia-
tement après la séance du mois de février, 1l a reçu la
notice nécrologique sur feu M. Bruno Renard, membre de
la classe, notice que M. Van Hasselt avait bien voulu
promettre de rédiger pour l'Annuaire de l’Académie
de 1864.
M. F. Fétis a remis, à la même époque, une notice qu’il
a composée sur notre ancien associé M. Spobr, de Cassel;
elle sera imprimée dans le même recueil.
nm
Les Artistes belges à l'étranger : PIERRE VAN SCHUPPEN ;
par M. Ed. Fétis, membre de l’Académie.
Pierre Van Schuppen est né à Anvers vers 1695. D’après
une indication qu'a bien voulu me communiquer M. L. de
Burbure , il fut inscrit, en 1839-40, comme élève peintre
dans le Liggere de la gilde de S'-Luc. Il donna plus tard
une autre direction à ses travaux, car, en 1651, il fut admis
à la maîtrise comme artiste graveur.
Pierre Van Schuppen avait donc fait toute son éducation
d'artiste dans sa ville natale, et l’habileté de son burin
s'était signalée dans d'excellents travaux, lorsqu'il eut le
désir d’aller visiter Paris où régnait, dans la sphère des
arts, un mouvement qui attirait les hommes de talent et
auquel plusieurs des notices de ce recueil ont prouvé que
nos Flamands ne furent pas étrangers. Nous avons à re-
( 288 )
lever ici une erreur dans laquelle sont tombés tous les bio-
graphes et iconographes qui se sont occupés de notre gra-
veur, erreur qui ne résiste pas à l'examen de ses œuvres.
On dit généralement que Van Schuppen, arrivant à Paris,
devint élève de Robert Nanteuil. On prétend que c’est aux
leçons de cet artiste qu’il fut redevable de son talent. Nous
lisons ce qui suit dans le Manuel d’Hubert et Rost : « Con-
temporain d’'Edelinck, il fut appelé comme lui par Colbert,
et la France semblait avoir le droit de revendiquer un ar-
tiste auquel elle avait donné l’éducation. Élève de Nanteuil,
il a gravé comme son maître nombre de portraits d’après
ses propres dessins. » Il semblerait, d’après ce passage,
que Van Schuppen fût belge seulement de naissance, et
qu’arrivé à Paris sans talent, il fût naturalisé Français par
le fait de l’initiation technique qu’il reçut de Nanteuil.
Rien n’est moins conforme à la vérité, ainsi que nous le
prouverons en examinant les œuvres du graveur anversois,
rangées dans l’ordre chronologique. Non-seulement Van
Schuppen était un artiste entièrement formé lorsqu'il vint
à Paris, mais les leçons qu’il reçut de Nanteuil furent loin,
suivant nous, d'exercer une influence favorable sur son
talent. Quand on nous dit qu’il fut appelé en France comme
Edelinck, nous en devons conclure que son mérite avait
déjà pu être apprécié par les œuvres qu’il avait produites
en Belgique, car il n’y avait aucune raison pour qu’on fit
venir d'Anvers un artiste dont le talent était à former.
Dans tous les cas, ce n’est pas Colbert qui aurait attiré
notre graveur à Paris, attendu qu'il ne devint ministre
qu’en 1661 et que Van Schuppen était établi dans cette
capitale dès 1655 au plus tard. |
Mariette, qui juge en général sainement les choses, est
bien plus dans le vrai lorsqu'il dit, dans ses annotations de
( 289 )
l’Abecedario : « Pierre Van Schuppen, ayant appris l'art
de la gravure à Anvers, lieu de sa naissance, et ÿ ayant
travaillé pendant quelques années, vint s'établir pour tou-
Jours à Paris, où Robert Nanteuil jouissait pour lors de sa
plus grande réputation. Îl s’attacha à ce graveur. Résolu
de suivre le même genre de gravure, il se mit, comme luy,
à faire des portraits, et comme 1l avoit pour le moins une
aussy belle couleur de burin , ce qu’il grava dans ce genre
fut reçu avec le même applaudissement. L'on ne l'appela
plus que le Petit Nanteuil. » Voilà la véritable exposition
des faits. P. Van Schuppen avait appris à Anvers l’art de
la gravure; il avait travaillé plusieurs années dans son
pays; 1l avait done un talent entièrement formé, lorsqu'il
vint à Paris. Il ne fut pas élève de Nanteuil, mais il s’at-
tacha à ce graveur et prit la résolution de travailler dans
la manière qu’il avait mise à la mode, ce qui n’est pas la
même chose. Remarquons ce passage de la note de Ma-
riette : « Comme 1l avoit pour le moins une aussi belle
couleur de burin (que Nanteuil), ce qu'il grava, etc. » En
effet, Van Schuppen avait une plus belle couleur de burin
que Nanteuil, et il eut grand tort de sacrifier cette qualité
flamande au désir de réussir par les moyens qui procu-
raient à l'artiste français une réputation bien méritée d’ail-
leurs. On l’appela le Petit Nanteuil : que n’est-il resté sim-
plement Van Schuppen , le continuateur des traditions de
la grande école de Rubens? !
Mariette nous dit donc que Van Schuppen s’attacha à
Robert Nanteuil, ce qui signifie sans doute qu’à son arrivée
à Paris, il entra dans l'atelier de ce graveur pour le secon-
der dans ses travaux, en attendant le moment où il aurait
pu fixer sur lui l'attention et obtenir des commandes. il
paraïîtrait que ce ne fut qu'à un second voyage qu’il s’éta-
2"€ SÉRIE, TOME XV. 19
( 290 )
blit à Paris. Après avoir visité une première fois cette ca-
pitale, il était retourné à Anvers, où 1l séjourna quelque
temps encore avant de s’expatrier.
Dans les notes de l’Abecedario où il consigne des par-
ticularités intéressantes sur les travaux de notre artiste,
Mariette dit que le premier portrait qu’il grava à Paris fut
celui de Pierre Bordier, intendant des finances. Il ajoute
que cette indication lui fut fournie « par M. Pinsson, qui
avoit fort connu Van Schuppen, » et il est d'autant plus
porté à l’admettre, qu’il n’a rencontré aucune estampe du
graveur anversois portant une date antérieure à celle de
1657, qui est inscrite sur le portrait en question. Cette
date nous vient encore à point pour combattre l’opinion
de ceux qui veulent faire de Van Schuppen un élève de
Nanteuil. |
Né en 16%, notre artiste avait près de trente ans à
l’époque où il exécuta sa première planche à Paris. En sup-
posant qu’il ait attendu fort longtemps cette commandé,
ce qui n’est pas vraisemblable, car il n’y avait pas à Paris
beaucoup de graveurs dont le mérite fût supérieur au
sien, il aurait eu au moins trente ans lorsqu'il alla se
fixer en France. Or ce n’est point à cet âge qu’on entre à
l’école. Tout concourt donc à prouver que Van Schuppen
fut imitateur et non pas élève de Nanteuil,, et que la France
n’est nullement fondée, quoi qu’en disent Hubert et Rost,
à le réclamer.
Quel était ce M. Pinsson qui avait fort bien connu P. Van
Schuppen et qui a fourni à Mariette plusieurs renseigne-
ments sur les œuvres de notre artiste? C’est ce que ne
disent pas les éditeurs de l’Abecedario annoté. Ils se bor-
nent à renvoyer à un passage où Mariette s'exprime ainsi,
en parlant d’une estampe de Claude Mellan : « Il m'est
(2e)
+ passé par les mains une épreuve de ce portrait où M. Pins-
son, qui savoit bien des anecdotes, avoit écrit.…., etc.» Il
est surprenant que MM. de Chennevièves et A. de Montai-
glon n'aient pas cru devoir faire quelques recherches pour
apprendre aux lecteurs de l’Abecedario de Mariette quel
était ce personnage qui savait bien des anecdotes sur lhis-
toire des arts, et dont le souvenir mérite, à ce titre, d’être
conservé. Ce personnage ne pouvait être que François Pins-
son, jurisconsulte très-estimé, bâtonnier de l’ordre des
avocats et procureur du Parlement en 1682, auteur de
traités des Bénéfices ecclésiastiques et des Régales qui fai-
saient autorité, mort en 1691. Van Schuppen a gravé le
portrait de ce jurisconsulte amateur des beaux-arts, avec
lequel Mariette nous apprend qu’il avait des relations per-
sonnelles.
Le nombre des pièces dont se compose l’œuvre de Van
Schuppen s'élève à environ cent cinquante, sans compter
celles qui peuvent avoir échappé aux recherches des 1co-
nographes. Nous n’en dresserons pas ici la liste ; mais nous
mentionnerons celles qui donnent lieu de noter quelque
circonstance digne de trouver place dans sa biographie.
Des cent cmquante estampes connues de P. Van Schuppen,
les trois quarts environ sont des portraits. La beauté de
quelques-unes des gravures dans lesquelles il a reproduit
les compositions historiques de plusieurs peintres fait
regretter qu'il ait négligé cette application de son art, pour
s’adonner presque exclusivement à la pratique plus lucra-
tive du portrait. |
L’une des premières productions de Van Schuppen, dans
la catégorie des pièces historiques, est une sainte Famille
d’après Crayer, qui se trouvait dans l’oratoire de l’archiduc
Léopold à Bruxelles, comme on le voit par la dédicace de
( 292 )
Crayer, inscrite au bas de l’estampe dont les premières :
épreuves portent la date de 1653. Cette pièce a été gravée
par Van Schuppen antérieurement à son départ de la Bel-
gique. Douze ans après, il exécuta une seconde estampe
d’après la même composition, à laquelle il fit subir seule-
ment un changement consistant dans la suppression du
personnage de saint Joseph, qui était à la droite de la
Vierge, et à la place duquel on voit, à travers une large ou-
verture pratiquée dans le mur servant de fond au tableau,
un paysage gravé d’une pointe très-délicate.
L’une des plus belles pièces de l’œuvre de notre artiste,
la plus belle, selon nous, est la gravure du Saint Sébastien
secouru par les anges, d’après Van Dyck. Le tableau, qui
se trouve aujourd’hui au Louvre, faisait partie de la collec-
tion de Louis XIV, et c’est à Versailles que Van Schuppen
a pris le dessin d’après lequel il a exécuté sa planche. Dans
cette belle estampe, l’artiste anversois n’a pas imité Nan-
teuil : son burin a gardé les traditions de l’école flamande
pour reproduire l’œuvre de illustre élève de Rubens. Nous
préférons beaucoup ce travail large, puissant, coloré, à
.l’exécution plus délicate , mais aussi plus sèche, des plan-
ches dans lesquelles il s’est attaché à mériter le surnom de
Petit Nanteuil.
Il était naturel que P. Van Schuppen prêtât le secours
de son burin aux peintres flamands qui s'étaient, ainsi que
lui, fixés à Paris. Il grava plusieurs des compositions de
Philippe de Champagne et de Bertholet Flémalle : de celui-
là, un Saint Paul emporié au ciel et un Jeune Homme
entre la Vertu et le Vice; de celui-ci, le Rot David et Saint
Bruno en prière. Il s’est également rendu l'interprète de
quelques peintres français de son temps. La Sainte Fa-
mille qu'il a gravée d’après Séb. Bourdon est une estampe
( 293 )
d’un travail délicat, mais faible d’effet et froide d’aspect,
et il faut dire que si elle a ces défauts, c'est qu’elle rend
exactement l'œuvre du peintre.
Une seule fois, à notre connaissance, Van Schuppen se
fit l'interprète de l’un des grands maîtres du seizième sié-
ele : ce fut lorsqu'il grava la Vierge à la chaise de Raphaël,
laquelle est une de ses belles productions.
Les iconographes, en décrivant les portraits gravés par
‘Van Schuppen, ont tous passé sous silence ses premiers
essais dans un genre où il devait signaler, par la suite, l’ha-
bileté de son burin. Lui-même n'aurait pas, sans doute,
réclamé contre cette omission, car si les pièces que nous
allons citer sont curieuses comme appartenant au début de
sa carrière et comme étant le point de départ d’un talent
qu'on voit grandir ensuite, elles ne témoignent que fai-
blement de son mérite. Il est vrai qu'ici les défauts des
estampes doivent être beaucoup moins imputés au gra-
veur qu’au dessinateur. Les planches dont il est question
font partie du recueil intitulé : Les Pourtraicts de tous les
souverains, princes et ducs de Brabant, recueilliz de divers
cabinetz et originaux antiques, desseignez par Jean Meys-
sens, peintre, etc. Tous ces portraits sont d’un dessin tour-
menté et surchargés d’ornements de mauvais goût. Les dif-
férents graveurs qui les ont exécutés sont tombés, comme
Van Schuppen, dans des écarts de burin dont le crayon qui
les a guidés est le vrai coupable. Peintre, graveur et mar-
chand d’estampes à Anvers, Meyssens a bien mérité des
amis des arts en publiant un grand nombre d'œuvres de
nos maîtres et en les répandant au dehors par les relations
d’un commerce étendu; mais ce qu’il a lui-même produit
comme peintre, comme graveur ou comme dessinateur est
fort médiocre. Les portraits gravés par P. Van Schuppen
( 294 )
pour la colleetion des Ducs de Brabant sont au nombre de
quatre : 1° Godefroy IT; 2° Jean IE; 3° Anthoine de Bour-
gogne ; 4° Jean IV.
Le portrait de Gilbert de la Marche, évêque de Liége,
gravé d’après Rubens, appartient également aux premiers
temps de la carrière de Van Schuppen; mais il est d’une
exécution supérieure à celle des effigies des dues de Bra-
bant, et cette supériorité tient säns doute à ce que notre
graveur avait pour guide non plus Meyssens, mais Rubens.
Le grand et beau portrait de François Vilain XIE, évêque
de Tournai, d’après Lucas François ou Franchoys de Ma-
lines, montre un progrès considérable dans le talent de
Van Schuppen. Il est un peu postérieur aux œuvres que
nous venons de citer, mais antérieur assurément au départ
de l'artiste pour la France. Van Schuppen n’a plus ces
tailles franches, grasses et vigoureuses, lorsqu'il s’efforce
d’assujettir son burin aux petits détails du genre de gra-
vure mis à la mode par Nanteuil.
Nous avons dit que, d’après le renseignement commu-
niqué à Mariette par Fr. Pinsson, Van Schuppen inau-
gura sa carrière à Paris par le portrait du surintendant des
finances P. Bordier. Depuis lors, il se distingua par une
activité persévérante, en même temps que par le talent
qu'il déploya dans ses œuvres. Ses portraits, comme ceux
d'Edelinck et de Nanteuil, forment une galerie intéressante
des illustres personnages de son temps. En tête de cette
_ galerie se place naturellement Louis XIV. A quatre reprises,
le burin de Van Schuppen reproduisit la royale effigie :
nous la voyons changer, dans son œuvre, avec l’âge et aussi
avec la mode, qui, par le caractère des ajustements, des
colffures surtout, influe sur l’ensemble de la physionomie.
Le premier portrait de Louis XIV, dans l’ordre chronolo-
( 295 )
gique, est celui que Van Schuppen grava, en 1660, d’après
Vaillant. Le jeune roi est en habit de cour; de longs che-
veux bouclés tombent jusqu’à la naissance des épaules ;
mais la tête n’est pas encore écrasée sous le poids de
l'énorme perruque qui ne fera que plus tard son appari-
tion , pour s'imposer à toute la France officielle et au reste
du monde. Ce portrait est une des belles pièces de l’œuvre
de Van Schuppen. Au sommet de l’encadrement, sont les
trompettes de la Renommée qui doivent publier dans l’uni-
vers la gloire du monarque. Les draperies qui ornent ces
trompettes sont parseméés d’yeux et d'oreilles, qui mar-
_quent l’admiration des contemporains à la vue et celle de
la postérité au récit des actions du grand roi. Il est difficile
de pousser plus loin la recherche de la flatterie et la sub-
tilité de l’allégorie. Le deuxième portrait de Louis XEV est
daté de 1662. Dans celui-ci, gravé d’après Nicolas Mignards,
qu’on appelait Mignard d'Avignon (du nom de la ville où
il s’était fixé), pour le distinguer de Pierre Mignard, son
frère, le roi est revêtu d’une cuirasse et coiffé de la per-
ruque historique. Le troisième portrait est d’après Le Brun,
gravé en 1666; le quatrième, d'après Nanteuil, est daté
de 1681. On sait que Nanteuil n’était pas moins renommé
comme peintre au pastel que comme graveur. C’est d’après
une de ses peintures que fut exécutée la planche de notre
artiste, ainsi que le témoigne l’inscription : Nanteuil ad
vivum pinxit. Van Schuppen grava un cinquième portrait
de Louis XIV, dont le modèle lui avait été fourni par deux
peintres : Le Brun pour le médaillon et P. Mignard pour
l'encadrement, formé de génies et de trophées. Il est très-
piquant de voir les noms de Le Brun et P.Mignard ,ennemis
irréconciliables, associés dans une œuvre commune : mais
la faveur royale est un terrain sur lequel peuvent se ren-
( 2967
contrer des ambitions rivales. Les iconographes citent un
cinquième portrait de Louis XIV, gravé par Van Schuppen
d’après Nocret. Suivant une remarque consignée par Ma-
riette dans les annotations de l’Abecedario, ce portrait
n’est pas celui du roi, mais celui de son frère, c’est-à-dire
de Monsieur. Ce portrait étant daté de 1660, la confusion
aurait pu être facilement évitée, car le premier portrait de
Louis XIV, que nous avons cité, est également de 1660,
et l’on n’admettra guère que Van Schuppen ait gravé deux
fois l’image royale dans la même année.
Après Louis XIV viennent, dans la catégorie des images
princières , les portraits de Charles-Gustave, roi de Suède,
et d’Edwige , sa femme; du prince de Condé; d’Anne-Marie-
Louise d'Orléans; de la duchesse de Savoie; le portrait du
pape Alexandre VIF, d'après une peinture exécutée à Rome
par P. Mignard, gravé en 1661 avec cette devise : Unus
Alexandro non sufjficit orbis ; enfin le portrait de Jacques-
Francois-Édouard, prince de Galles, fils du malheureux
Jacques IT, connu plus tard sous les noms du chevalier de
Saint-Georges et du: Prétendant. Ce portrait est gravé en
1692 d’après une peinture de Largillière. Né en 1688, le
jeune prince n’était donc âgé que de quatre ans. Au bas de
l'encadrement se trouve la couronne royale qu’il ne devait
jamais porter, en dépit du présage dont Partiste a voulu
exprimer l’idée.
Parmi les portraits des hommes d’État et des person-
nages de cour, citons d’abord celui du cardinal Mazarin ,
gravé d’après Mignard. Ce portrait est daté de 16614, l'année
même de la mort du cardinal-ministre. Mentionnons en-
core le superbe portrait de G.-N. de Reynie, conseiller du
roi, d’après Mignard; celui de Pierre-Fgnace de Braux, pre-
mier baron de Champagne, d’après Beaubrun ;. François-
( 294")
Michel Le Tellier, marquis de Louvois, gravé en 1666,
l’année même où le célèbre homme d’État fut appelé à la
direction du département de la guerre; Louis-Marie-Armand
Simiane, évêque et duc de Langres, pair de France; Bernard
de Nogaret de Foix, duc de la Valette, colonel général de
l'infanterie française et gouverneur de Guienne, d’après
Mignard. Van Schuppen avait dû graver, sans doute, le
portrait du fameux surintendant Fouquet. Mariette, qui
“donne une liste des dessins de notre artiste qu’il a eu l’oc-
casion de voir, cite un portrait de Fouquet dont la têle
seulement est terminée, dit-il. N’est-il pas permis de sup-
poser que c’est à l'arrestation du surintendant que doit être
attribué l’inachèvement du dessin de Van Schuppen? S'il
en est ainsi, le dessin en question serait presque un docu-
ment historique.
Parmi les portraits de membres du clergé, on remarque
ceux de : Perefixe de Beaumont, archevêque de Paris,
d’après Lefebvre; Ch.-Maur. Le Tellier, archevêque de
Reims; Maximilien-Henri, prince-évêque de Liége, d’après
Bertholet Flémalle; Pierre de Bonsy, archevêque de Nar-
bonne; Arnaud d’Este, cardinal et évêque de Riez. Ce
portrait, gravé par Van Schuppen, d’après un dessin de
lui-même , est une des belles pièces de son œuvre. Il est
daté de 1662. Parmi les portraits les plus intéressants de
notre artiste, dans la catégorie des personnages dont nous
nous occupons ici, il faut mentionner celui d’Armand-
Jean Le Bouthilier de Rancé, le célèbre réformateur de la
Trappe. Citons encore au nombre des portraits de per-
sonnages appartenant aux ordres religieux , celui de Pierre
Mercier, de l’ordre de la Trinité et celui de la mère Marie-
Angélique Arnaud, abbesse de Porte-Royal. Ce dernier,
gravé par Van Schuppen d’après la peinture de Philippe
( 2887)
de Champagne, est une des pièces les plus remarquables
de son œuvre. L’exécution, très-fine dans la tête et très-
sobre dans les ajustements, est admirablement appropriée
au style de la peinture et au caractère du personnage.
L’imitation de Nanteuil ne se montre dans aucune des
parties de cette belle estampe.
Dans une série de portraits de magistrats et de juris-
consultes , se présentent en première ligne ceux du chan-
celier Seguier, d’après Le Brun; de Claude Bazin de Besons,
conseiller d’État, d’après Lefebvre; Henri Godet, sieur des
Bordes, conseiller du roi; Denis Talon, avocat général au
Châtelet à l’époque où Van Schuppen reproduisit son
efligie, désigné d’abord pour instruire le procès de Fou-
quet, mais remplacé pour celte mission comme soupçonné
de trop d'intégrité, nommé enfin dans les derniers temps
de sa carrière à une charge de président à mortier. Il existe
un grand nombre de portraits de Denis Talon, qui était
une des lumières de la magistrature française. On en a
de Poilly et de Nanteuil. Van Schuppen a gravé le sien
d’après un dessin pris ad vivum, comme le témoigne
l'inscription. Mariette cite ce dessin au nombre de ceux de
Van Schuppen qui lui sont passés par les mains. N'oublions
pas de noter ici le portrait de François Pinsson, le juris-
consulte qui eut, comme nous lavons dit plus haut, des
rapports d'intimité avec notre artiste.
Van Schuppen a gravé aussi des portraits d'artistes parmi
lesquels ceux d'Eustache Le Sueur et de Van der Meulen.
Ce dernier est un des morceaux choisis de son œuvre.
Il y a des portraits de notre artiste qui n’appartiennent
à aucune des catégories qui viennent d’être mdiquées. Tel
est celui de Joseph-François Borri, chimiste et naturaliste
italien, plus célèbre par ses aventures que par ses travaux
( 2991)
scientifiques, lequel, après avoir exercé la profession d’illu-
miné qui l’exposa à des démélés avec l’inquisition, après
avoir fait dépenser des sommes énormes à Christine, reine
de Suède, et à Frédéric IT, roi de Danemark, pour la
recherche de la pierre philosophale, termina ses Jours à
Rome , au fort Saint-Ange, où il avait été enfermé à la suite
de circonstances assez extraordinaires qu’il est inutile de
rapporter ici. Quand on examine l’œuvre des portraitistes |
célèbres, la diversité des personnages dont 1ls ont repro-
duit les traits ajoute un intérêt particulier à celui qu’of-
frent leurs travaux sous le rapport de l'art.
Van Schuppen a gravé sept portraits pour Les Hommes
illustres de Perrault. Ce sont ceux de Jérôme Bignon,
avocat général; Achille de Harlay, premier président ;
. Ménage, le philosophe; l’astronome Bouillaud ; le savant
Samuël Bochard; Eustache Le Sueur et Honoré d’Urfé,
l’auteur du célèbre roman de l’Astrée. Beaucoup de por-
traits ont été gravés par notre artiste pour des recueils
moins célèbres que celui de Perrault, ou pour être placés
isolément dans des ouvrages de différents genres. De ce
nombre est un portrait d'Anne Courtenay, dame de Rosny
et de Bontin, femme de Sully. Inséré d’abord dans l’His-
toire généalogique de la maison de Courtenay, ce portrait
a dû être ensuite reproduit dans une collection , car il s’en
trouve à la Bibliothèque royale une épreuve portant un
numéro 41, qui ne se trouve pas sur la planche de l’ou-
vrage qui vient d’être cité, ouvrage dans lequel il n’y a pas
d'autre portrait que celui d'Anne de Courtenay.
L’extrême délicatesse du burin de Van Schuppen se
fait remarquer dans un portrait de femme, la plus petite
pièce de son œuvre. Ce portrait, dans un médaillon ap-
pliqué sur un fond d'ornements d'architecture, est signé,
| ( 300 )
en caractère presque imperceptibles dans la bordure du
médaillon : « Juste pinx. — Pet. Van Schuppen sculp.
1659. En mentionnant ce portrait, Mariette dit que, d’après
M. Pinsson, c’est celui de Charlotte-Marie Daillon de
Lude, duchesse de Roquelaure, au sujet de laquelle Saint-
Simon s'exprime ainsi dans ses Mémoires : « Le roi eut
toujours de la considération et de la distinction pour Ma-
dame de Roquelaure, née aussi, plus que personne que
j'aie connu, pour cheminer dans une cour. » De ce por-
trait mignon rapprochons, par manière de contraste, une
des plus grandes, des plus belles et des plus curieuses
pièces de l’œuvre de notre artiste. Le personnage repré-
senté ne nous est malheureusement pas connu; Pépreuve
de la Bibliothèque royale ne porte pas d'inscription qui
puisse nous renseigner sur ce point, et Nagler n’a pas
été mieux instruit que nous par l’estampe qu’il a eu Pocca-
sion de voir, car il la désigne ainsi : Portrait d’un grand
avec une grande perruque. Le personnage paraît appar-
tenir à la magistrature; la tête est de grandeur naturelle;
elle est chargée d’une énorme perruque dont les boucles,
gravées avec une admirable légèreté, retombent en cas-
cades sur les épaules. Une robe noire et un rabat de den-
telle forment les ajustements. Le portrait est entouré d’une
large guirlande de chêne. On lit au-bas : Offerebat Yvo
Guillelmus Courtial. — P. Van Schuppen sculpebat cum
privilegio regis 1674. — Alexander du Buisson Victo-
rinus pingebat ad vivum. Alexandre Du Buisson était un
moine de l’abbaye de Saint-Victor renommé, à la fin du
dix-septième siècle, comme peintre de portraits au pastel.
Van Schuppen fut reçu à l’Académie le 11 août 1665.
Il n’avait point tardé à être honoré de cette distinction,
puisque, ainsi qu'on l’a vu, sa première gravure, datée de
Le = vil
( 501 )
Paris, est de 1657. Il est vrai que ce court laps de temps
lui avait suffi pour produire un grand nombre de pièces
qui attestaient l’habileté de son burin. Si nous retrouvons
dans ses œuvres l’histoire de sa carrière d'artiste, les faits
= manquent absolument pour sa biographie. Îl est vraisem-
blable. qu'il a revu sa patrie à différentes reprises. Nous
savons, du moins, par une inscription mise au bas du
portrait de J.-B. Christyn, chancelier de Brabant, dessiné
et gravé par lui, qu'il se trouvait à Bruxelles en 1682.
C'était un de ces hommes dévoués à leur art, se consa-
crant exclusivement à leurs travaux et n’ayant guère de
relations avec le monde. Voici ce que Mariette nous dit
de ses habitudes, et ce qu'il tenait sans doute lui-même
de M. Pinsson, l’ami de Van Schuppen : « Il entreprit de
dessiner des portraits d’après nature et 1l le fit avec d’au-
tant plus de succès , qu'ayant été destiné à la peinture dès
sa plus tendre jeunesse, il avoit acquis la pratique de des-
siner avec une grande précision. Personne n'étoit plus
soigneux que lui de son ouvrage; il l’étoit même à l’excès :
chaque planche l’occupoit un temps considérable, et il ai-
moit mieux en graver peu, que de rien laisser sortir de
ses mains où il n’eût pas cru avoir donné l'entière perfec-
tion. Ainsi ses ouvrages semblent peu nombreux par rap-
port aux années qu'il a vécu, et cependant il auroit été
difficile de trouver un artiste plus assidu. On ne pouvoit
le distraire de son travail, et il avouoit lui-même qu’il ne
trouvoit point de plaisir qui ere de celui qu’il goû-
tait renfermé dans son cabinet. |
La fin de cette note nous HUE comment il se fait
qu'on possède si peu de renseignements sur la vie de Van
Schuppen. Un homme qui ne sort pour ainsi dire pas de
son cabinet fournit peu de matériaux à ses biographes.
( 502 )
Nous tirons de la même note des indications intéressantes
pour l’histoire de notre artiste. Le renseignement du livre
de la corporation de S'.-Luc d'Anvers, d’après lequel Van
Schuppen fut d’abord destiné à la peinture, et lorsqu'on
songe à cette particularité de sa carrière, on ne s'étonne
pas que ses gravures soient plus colorées que celles de Ja
plupart des artistes de son temps. Peut-être tous les gra-
veurs devraient-ils se rendre familiers les procédés de la
peinture; ils éviteraient par là de tomber dans la sécheresse
où beaucoup d’entre eux sont entraînés par la pratique ex-
clusive du burin. Nous voyons encore dans la note de Ma-
riette que Van Schuppen était un artiste plein de con-
science, difficile avec lui-même et moins soucieux de la
fortune que de la perfection de ses œuvres. Du reste, le
soin qu’il apportait à ses travaux se voit dans chacune des
planches signées de son nom, il y en a de mieux réussies
que d’autres , selon que notre artiste a eu de plus ou moins
bons modèles ou qu’il les a exécutées à tel ou tel moment
de sa carrière; mais dans aucune 1l n’y a trace de négli-
gence. Ce que dit Mariette du peu d’estampes gravées par
Van Schuppen dans le cours de sa longue existence ne
peut s'entendre que lorsqu'on songe à la prodigieuse fé-
condité du burin des anciens graveurs. Cent cinquante
planches, la plupart de grande dimension, seraient consi-
dérées aujourd’hui comme formant un œuvre considé-
rable. C'était peu de chose autrefois. Gérard Edelinek, le
compatriote et l’émule de Van Schuppen, n’a-t-1l pas laissé
trois cent quarante pièces, Si nous nous en rapportons au
catalogue de Robert Dumesnil, et plus de quatre cents, si
la collection formée par Mariette ne contenait pas de répé-
titions ?
A la note que nous avons transcrite, Mariette en ajoute
une autre que nous citerons également, non qu’elle con-
( 505 )
tienne de nouveaux renseignements sur les travaux de
Van Schuppen, mais parce qu’elle prouve que l’iconographe
français avait été parfaitement renseigné sur tout ce qui
concernait cet artiste, et qu'on peut s’en rapporter à son
témoignage pour les indications qu’il donne sur sa per-
sonne et sur ses œuvres : « Ce graveur, dit-il, étoit d’une
propreté extraordinaire et qui alloit même jusqu’à l'excès.
Il l’étoit non-seulement dans ses ouvrages, mais dans tout
ce qui dépendoit de son travail. Table, burin, pierre à
huile, coussin, tout ce qui étoit chez luy étoit de la der-
nière propreté, ce qui luy prenoit un grand temps, car
avant de se mettre à l'ouvrage, il perdoit beaucoup de
temps à tout arranger de la sorte. » Ces particularités de
la vie privée n’ont pu être données que par une personne
qui à vécu dans l'intimité de notre artiste. Cette personne
était François Pinsson, l’avocat au Parlement, souvent
cité dans les pages qui précèdent. |
L’habitude qu'avait contractée Van Schuppen et à
laquelle il est resté fidèle, d'inscrire au bas de chacune de
ses planches l’année où elle a été exécutée, nous permet
de le suivre pour ainsi dire pas à pas dans sa carrière.
Nous avons dit que sa première planche gravée à Paris est
datée de 1657; ses dernières sont le portrait de Martin de
Barcos, le célèbre janséniste, d’après Philippe de Cham-
paigne, et celui du savant théologien Natalis. Tous deux
portent la date de 1701. Van Schuppen était alors âgé de
soixante-treize ans. Comme il est mort au mois de mars
1702, on peut dire qu’il a manié le burin jusqu’au dernier
moment.
Van Schuppen ne se bornait pas à dater ses estampes;
il les numérotait, pour chaque année, dans l’ordre où
elles avaient été exécutées. Nous voyons ainsi qu’il a gravé
jusqu’à neuf planches dans une même année. Lorsqu'on
( 504 ) ;
sait combien il mettait de soin à son travail, on comprend
que pour produire tant d'œuvres dans un si court inter-
valle, il a dû, comme le dit Mariette, vivre renfermé dans
son cabinet. Nous avons évalué à environ cent cinquante le
nombre des pièces dues à son burin; mais cette évaluation
n’est qu'approximative, car bien que notre artiste ait très-
généralement signé ses estampes, on en connaît pourtant
quelques-unes qui sont anonymes, et il est possible que plu-
sieurs autres de ce genre aient échappé aux recherches des
iconographes. Il faut ajouter ceci que plus d’une fois Van
Schuppen a gravé la tête de portraits dont les ajustements
étaient faits par-d’autres artistes et que son nom ne figure
pas sur ces planches exécutées en collaboration. Mariette
cite plusieurs pièces de ce genre.
Van Schuppen est mort à Paris le 7 mars 1701, comme
le fait connaître une note inscrite sur le registre de l’Aca-
démie. Il eut un fils qu’il destina d’abord à l’art de la gra-
vure, mais qui, placé dans l'atelier de Largillière, à ce que
nous apprend Mariette, se prit de passion pour la peinture
et qui obünt de pouvoir suivre ce qu'il croyait être sa vo-
cation. Nous n'avons pas à nous occuper de Jacques Van
Schuppen qui, né à Paris, n’appartient pas à l’école fla-
mande. Nous dirons seulement qu'il ne fut qu'un portrai-
tiste médiocre; qu'il alla, après la mort de son père, s’éta-
blir à Vienne, où 1l obtint d’être nommé peintré de la cour
et fit établir une académie, imitée de celle de Paris, dont
il fut le chef. Pierre Van Schuppen a gravé plusieurs por-
traits d’après son fils et ce ne sont pas les meilleures
pièces de son œuvre, bien que la tendresse paternelle ait
guidé son burin, on n'en peut pas douter, et lui ait fait
prendre à tâche de corriger les défauts de ses modèles.
hi) EE —
( 305 )
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res
Fétis (F.-J.). — Biographie universelle des musiciens et
bibliographie générale de la musique, 2”° édition, tome VI.
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direction de M. Ad. Siret, 6° année, n° 5 et 6. Saint-Nicolas,
1864 ; 2 feuilles in-4°.
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gang. Gand, 1864; in-12.
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20% année, janvier à mars 4864. Anvers; 5 cah. in-8°.
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née, 58" volume, janvier à mars. Bruxelles, 1864; 3 cab.
in-8°.
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n° À à 5. Bruxelles, 1864; 5 broch. in-8°.
Annales d’oculistique, 27% année, t. LI, 4"° à 3" livr.
Bruxelles, 1864; 2 cah. in-8°.
La Presse médicale belge, 16° année, n°° À à 13. Bruxelles,
1864; 15 feuilles in-4°.
Annales de médecine vétérinaire, 13% année, 1°" à 3"° ca-
hiers. Bruxelles, 1864; 3 broch. in-8°.
Le Scalpel, 16° année, n°° 21 à 30. Liége, 1864; 10 feuilles
in-4°.
Société médico-chirurgicale de Bruges. — Annales, 25° an-
née, janvier et février, 4'° et 2° livr. Bruxelles, 1864; 1 broch.
in-8°.
L’illustration horticole, rédigée par Ch. Lemaire et publiée
par Ambroise Verschaffelt, tome XI, 4'° à 5° livr. Gand, 1864;
3 Cah. gr. in-8°.
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1864, 4"° à 5° livr. Liége ; 3 broch. in-8°.
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Handelingen der jaarlyksche algemeene vergadering , gehouden
den 18% juni] 1865. Leide, 1864; in-8°.
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deel XXIV, 5° serie; deel IV, aflev. 5 en 6; deel V, aflev. 1-6.
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549 livr. Paris, 1865 ; 1 broch. gr. in-8°.
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Guérin-Méneville, 186%, n°° 1 à 3. Paris, 1864; 5 broch. in-8°.
Revue de l’instruction publique, de la littérature et des
sciences en France et dans les pays étrangers, 25"° année,
n® 46 à 52. Paris, 1864; 7 doubles feuilles in-4°.
Revue britannique. — Édition de Paris, année 1864, n° 1,
2 et 5, janvier à mars. Paris ; 5 vol. in-8°.
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linonte, ou l'architecture polychrome chez les Grecs, avec
un atlas. Paris, 1851; in-4° et À vol. in-folio.
Hittorff (J.-I.). — Les antiquités inédites de l’Attique’, con-
tenant les restes d'architecture d'Éleusis, de Rhamnus, de Su-
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über wichtige neue Erforschungen auf dem Gesammtgebiete
der Geographie von Dr. A. Petermann, 1864, I, II und IL
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— Abhandlungen , XI Band. Goitingue, 1864; in-4°. —
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VIILter Band, I‘ Heft. Halle, 1864; in-4°.
Heidelberger Jahrbucher der Literatur, LVIE® Jahrg., I'°-
III‘ Heft. Heidelberg, 1864; 3 broch. in-8°.
Konigl. bayer. Akademie der Wissenschafien zu München.
— Sitzungsberichte, 1863, il, Heft 5-4. Munich; 2 cah: in-8°.
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IX' Jahresbericht. — Anzeiger für Kunde der Deutschen
Vorzeit, 1864, n° 1. Nuremberg; in-4°.
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Sitzung der math.-naturw. Classe, 1864, n°% 1 à 9. Vienne,
1864; 9 feuilles in-8°.
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Medicinische Zeitschrift, IV' Band, 5 und 6'° Heft. Wurz-
bourg, 1863; in-8°.
Académie royale des sciences de Hongrie. — Evkünyver,
kôtet X, darab. 9-14. Pesth, 1862-1865; in-4°. — T'ortenelmr
tar, kôtet. XI-XII. Pesth, 1862-1863 ; 2 vol. in-8°. — Zriesità :
( 310 )
Nyelv-es Osztaly, kôtet Il, szam 2-5. À mathematikai Osztalyok,
kôtet I, füzet 3-4, IIT, füzet 1-2. — Philosophiai osztälyok,
kôtets I, IT, IIT, 1-2. Pesth, 1862-1863; 10 vol. in-8°. —
Küzlemények : Mathematikai, kôtet IL. — Wjelvtudo Mänyi.
kôtet I, IT, füzet 1. — Statistikai, kôtet III. Pesth, 1862-1865 ;
7 cah. in-8°..— Monumenta Hungariae historica : Okmany
tärak, kôtet VIII, IX. — Jrok, kôütet XV. Pesth, 1862-1863;
5 vol. in-8°. — Türük-Magyar-Kori tôrtenelmi emlékek, kô-
tets I, IL. Pesth, 1865; 2 vol. in-8°. — Budapesti Szemle, füzet
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by Samuel Haughton. Dublin, 1859; in-8°.
The American Journal and science and arts. Second series,
vol. XAXXVII, n° 109. New-Haven, 1864; in-8°.
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BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1864. — No 4.
RS -—
CLASSE DES SCIENCES.
nm
Séance du 2 avril 1864.
M. Scxaar, président de l’Académie.
M. Ad. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Wesmael, Stas, Van Beneden,
De Koninck, de Selys-Longchamps, De Vaux, Nyst, Gluge,
Nerenburger, Melsens, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman,
Ern. Quetelet, membres; Schwann, Lamarle, associés ;
Donny, correspondant.
2e SÉRIE, TOME XVII. 21
(314)
CORRESPONDANCE.
—
M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu'il a fait
exécuter en marbre le buste de M. l’ingénieur Simons,
ancien membre de l’Académie, pour être placé dans la
salle des séances publiques de la compagnie.
Ce don est reçu avec reconnaissance.
— L'observatoire impérial de Pulkowa remercie l’Aca-
démie pour l'envoi de ses Bulletins.
— MM. de Selys-Longchamps et Dewalque, membres
de la classe, présentent leurs observations sur l’état de la
végétation à Liége et à Waremme, le 21 mars dernier;
M. Quetelet communique les mêmes observations pour
Bruxelles. MM. Vincent font parvenir, de leur côté, leurs
annotations sur les époques ornithologiques pendant l’an-
née 1863.
— M. Spring, associé de l’Académie, transmet un exem-
plaire imprimé de son Compte rendu des travaux du con-
seil de salubrité publique de la province de Liége pendant
l’année 1865.
— Madame Scarpellini adresse un numéro supplémen-
taire de la Corrispondenza scientifica di Roma, renfermant
l'hommage rendu à Galilée à l’occasion du trois-centième
anniversaire de la naissance de ce savant illustre (le 19 fé-
vrier 1564). |
— La classe accepte le dépôt d’un billet cacheté déposé
( 815 )-
dans ses archives par M. Alfred Bouyet, capitaine d’état-
major.
— L'Académie recoit les communications manuserites
suivantes : |
1° Deux notices de M. Achille Brachet de Paris, Sur les
nombreux perfectionnements qui peuvent être apportés aux
divers instruments d'optique. (Commissaires : MM. Kickx
et Duprez).
2° Une note de M. Edmond Sacré, avec certificats, sur
les paratonnerres qu'il a placés en Belgique. (Commis-
saires : MM. Duprez, Melsens et Liagre).
RAPPORTS.
—
Recherches sur la conservation du bois, au moyen de
l’huile lourde de goudron de houille, dite huile créoso-
tée, par M. Rottier.
Rapport de M. De Koninck.
« Cette notice, contenant la suite des recherches faites
par l’auteur, sur la conservation du bois au moyen de
l’huile lourde de goudron, offre un véritable intérêt pra-
tique. Elle peut servir à mettre l'administration des
travaux publics, et plus spécialement encore celle des
chemins de fer, sur la voie la plus certaine et la plus
économique pour arriver à la conservation des bois dont
elles font un si grand et si fréquent usage.
(316)
Toutes les expériences de l’auteur tendent à prouver
que la matière dont l’action préservatrice est la plus puis-
sante sur le bois, consiste dans un produit qu’il désigne
sous le nom d'huile verte.
A défaut de cette huile, que l’on ne rencontre pas en-
core dans le commerce, il faudra choisir de préférence les
goudrons qui la renferment le plus abondamment.
Je regrette que M. Rottier n’ait pas soumis cette huile,
qui est évidemment un produit complexe, à quelques
recherches spéciales ayant pour but de mieux faire con-
naître la nature et la composition de cette matière.
C’est une lacune qu’il pourra facilement combler et
dont la disparition ne peut manquer de donner à son tra-
vail un intérêt scientifique beaucoup plus marqué. Il eût
été désirable encore d’avoir quelques essais comparatifs,
établis entre l’action préservatrice des goudrons et huiles
lourdes du commerce et de l'huile verte, et celle de quel-
ques autres corps employés isolément ou mélangés aux
premiers, telles que les résines, les matières grasses, etc.,
et enfin celle du sulfate cuivrique.
J'exprimerai, en outre, le vœu que M. Rottier soit mis
à même de continuer ses expériences dans des propor-
tions moins restreintes que celles auxquelles il a généra-
lement dû se borner, et qu'il ne soit pas astreint à agir
sur de simples copeaux de bois; car, malgré tous les soins
avec lesquels il procède, et auxquels je suis le premier à
rendre hommage, il est impossible qu’en ayant recours à
de semblables moyens, on puisse entrevoir autrement que
d’une manière approximative les résultats probables à ob-
tenir, lorsqu'on opèrera sur une large échelle et sur des
pièces de forte dimension.
( Si )
En résumé, j'estime que M. Rotlier mérite les en-
couragements de l’Académie et que sa notice figurera
avantageusement dans les Bulletins de notre compagnie.
Je demande, en outre, que l’auteur soit engagé à
continuer ses recherches et à nous en communiquer les
résultats. » :
Rapport de M. A. De Vaux.
« Me référant à mon rapport du 7 mars 1863, relati-
vement à l'importance que présenterait une connais-
sance plus intime de la nature et de la composition des
huiles vertes, auxquelles M. Rottier attribue un si haut
degré d'efficacité pour la conservation des bois, j’adopte
sans hésiter les conclusions favorables et encourageantes
de notre honorable rapporteur. »
La classe adopte les conclusions des rapports de MM. De
Koninck et De Vaux, et vote l'impression de la notice de
M. Rottier dans les Bulletins.
Conformément à l’opinion favorable des mêmes com-
missaires, une note de M. Melsens, membre de l’Acadé-
mie, sur le même sujet, sera également insérée dans les
Bulletins.
À la suite des rapports présentés par MM. Gluge et
(318)
Schwann , la classe vote également l'impression d’un mé-
moire de M. Melsens, présenté dans la séance du 6 février
et intitulé : Mémoire sur l’emploi de l’iodure de potassium
pour combattre les affections saturnines el mercurielles.
Conformément à la demande de MM. Lamarle et Schaar,
la classe ordonne l'impression d’une notice de M. Liagre,
membre de l’Académie, sur la question suivante : Dans
une partie de domino à quatre, le joueur B se trouve
placé à la droite du joueur À : celui-ci a la pose et doit
faire domino en sept coups, B ayant posé six dés, et les
deux autres joueurs n'en ayant posé aucun.
— MM. Kickx et Duprez avaient été chargés d’exami-
ner une notice de M. Vanheurck concernant la construc-
tion récente d’un nouvel objectif dans un microscope de
M. Harinack. « Cette notice, disent MM. les rapporteurs,
ne nous parait guère présenter d'intérêt scientifique.
Écrite, croyons-nous, de bonne foi, elle n’en serait pas
moins considérée, si elle était insérée dans nos Bulletins,
comme une réclame en faveur de M. Hartnack; nous
croyons donc devoir nous borner à proposer que des remer-
ciments soient adressés à M. Vanheurck et que son travail
soit déposé aux archives. » Cette proposition est adoptée
par la classe.
(319 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
a
M. Van Beneden, membre de l’Académie, communique
un mémoire manuscrit contenant des Recherches sur des
ossements de squalodons provenant du crag d'Anvers, et
dont, à différentes reprises, 1l a entretenu la classe. Ce
mémoire, d’après les usages académiques, est renvoyé à
l’examen de trois commissaires, MM. Poelman, de Koninck
et de Selys-Longchamps.
Deuxième note sur la conservation des bois; par M. Melsens,
membre de l’Académie.
Dans une première note publiée en août 1848 (tome XV
des Bulletins de l’Académie, faisant suite à un billet ca-
cheté déposé dans les archives de la classe en septembre
1844 et ouvert en février 1863) j'ai appelé l'attention sur
quelques faits principaux qui se rattachent à la conserva-
tion des bois par toutes les substances fixes, insolubles dans
l’eau, inaltérables par lair et l'humidité, mais fusibles à
une température inférieure à celle à laquelle les bois se
détériorent. J'ai pris comme types de ces matières les ré-
sines , les bitumes et les produits goudronneux qu’on ren-
conire dans les momies égyptiennes, conservées depuis
une longue suite de siècles.
Pendant l’hiver de 1840-1841, j'avais préparé des blocs
de quarante centimètres de long sur vingt-cinq de dia-
( 320 )
mètre, en y faisant pénétrer du goudron de gaz par des
chauffes et des refroidissements successifs.
. Les figures 1,2 et 3 représentent la coupe de trois
de ces blocs; ils ont été fendus longtemps après l’injection.
On y observe des stries blanches dans lesquelles le gou-
dron n’a pas pénétré ; mais on remarquera que celui-ci suit
partout les sinuosités des fibres ligneuses.
Je n’ai pas tenu une note très-exacte de toutes les cir-
constances dans lesquelles ces bois ont été placés en vue de
provoquer et d'observer leur détérioration. Avant d’avoir
été fendus, ils ont été enfouis dans un coin de jardin,
dans de la terre qui était imprégnée des produits d’un uri-
noir, ils y ont passé environ deux ans; ils furent fendus
et on les trouva absolument intacts. Ils passèrent ensuite
plusieurs années dans la terre ordinaire. Soustraits aux
circonstances de détérioration pendant environ dix-huit
mois, à la suite d’un séjour en France, ils furent plongés
à leur retour pendant douze heures dans la vapeur d’eau à
100° C., refroidis brusquement dans de l’eau et soumis
ainsi à la gelée; ils passèrent dans cet état un hiver à l'air
libre et restèrent absolument intacts; après ils ont été ex-
posés sur un gazon de jardin, sur un sol humide par consé-
quent; ils ont élé placés sur une terrasse en haut d'un bâti-
ment presque complétement isolé; depuis six ans, ils sont
enfouis dans une terre sablonneuse mélangée de mortier
et supportent un tonneau recueillant l’eau de pluie; le
tonneau était tourné vers le midi.
Il me semble qu’il serait difficile de rencontrer une série
de circonstances plus favorables à la détérioration par suite
des alternatives de sécheresse et d'humidité auxquelles ces
bois ont été exposés ; remarquons, pour les dernières, que
toute l’eau puisée dans le tanneau servant à laver des
( 321 )
objets, était déversée au pied de celui-c1; le dessus des
blocs plantés verticalement en terre pouvait donc se dessé-
cher et aspirer l’eau, tandis que le dessous recevait toujours
de l’eau, puisqu'il était plongé dans un sol très-humide.
Toutes les personnes qui les ont examinés l’an dernier
les ont trouvés parfaitement intacts, sans la moindre alté-
ration, et ils sont en expérience depuis plus de vingt ans.
Notre collègue M. Maus et des ingénieurs qui, comme lui,
se sont occupés de la question de la préservation des billes,
me l'ont assuré.
J'ai prié M. Rottier, dont l’Académie a accueilli avec
faveur le mémoire publié l’an dernier, de placer des frag-
ments de ces mêmes blocs dans ses pourrissoirs. Voici ce
que ce jeune savant m'écrivait : « De petits fragments de
» vos pièces de bois se sont détruits dans mes pourrissoirs
» au bout de deux cent quarante jours environ, tandis que
» des morceaux aussi semblables que possible de bois de
» Sapin non préparés, ne se conservaient que pendant cent
vingt Jours environ. »
Je ferai remarquer (voir Recherches sur la conservation
du bois, par M. Rottier, Bulletins de l’Académie, 2"° série,
t. XV), que l'expérience qui offre la plus longue résistance
à la détérioration est celle qui est représentée dans le dia-
gramme de la figure 11 ; la durée de résistance n’y est que
de deux cent vingt jours.
Ainsi les copeaux pris dans mes blocs, qui sont.en voie
de détérioration depuis plus de vingt ans, ont offert, en
définitive, une résistance plus grande que des copeaux
préparés avec tous les soins qu’on peut y donner dans les
laboratoires ; remarquons aussi que mes pièces avaient été
préparées sur une échelle plutôt industrielle que scienti-
fique, et qu'il y à deux essences communes.
Ÿ
| ( 322 )
Des faits pareils méritent, ce me semble, d'attirer l’at-
tention sérieuse des administrations des chemins de fer;
celles-ci ont souvent, me paraît-il, négligé l’étude sérieuse
et suivie de cette partie de leur service; j’en juge, il est
vrai, par des faits qui me sont personnels, et j'ajoute que
malheureusement les résultats d'expériences sur les voies
ferrées ne sont pas toujours rendus publics.
L'administration belge a expérimenté une douzaine de
procédés; mais les travaux d’une commission spéciale,
nommée en vue de déterminer l’état de conservation des
billes ayant reçu des préparations destinées à en prolonger
la durée, « ont eu pour effet d’engager l’administration à
>» s’en tenir exclusivement, dans l’avenir, à l’usage : 1° des
» billes de chêne à l’état naturel ou dont l’aubier aurait été
» soumis à la préparation des huiles créosotées du système
» Bethel; 2° de billes de hêtre ou de sapin rouge prépa-
» rées d’après ce même procédé. »
Il est à regretter que l’on ne trouve pas dans le compte
rendu des opérations du chemin de fer les motifs qui ont
engagé l’administration à renoncer à l’application du pro-
cédé Boucherie dès 1859; les expérimentateurs auraient,
si les motifs de l’abandon étaient donnés, des guides pra-
tiques certains et apprécieraient parfaitement les écueils
qu'ils doivent chercher à éviter dans l’avenir.
. L'administration pourrait encore éclairer les expéri-
mentateurs d’une autre façon. En effet, elle sait que les
remplacements sont plus nombreux pour telle essence de
bois sur telles lignes, et je crois encore aujourd’hurcomme
je le disais il y a quinze ans, « qu’une étude complète de
» toutes les circonstances qui interviennent pour mettre
» une bille hors de service, amènerait infailliblement à la
» solution de cette vaste question, ou au moins que-des
(325 )
» recherches faites avec soin et déterminant le pourquoi
» du mal, rendraient un immense service. » |
La question d’argent est du reste assez importante : en
effet, dans les trois dernières années, il a été mis hors de
service une moyenne d'environ 140,000 billes; en 1860
et 1862 le nombre de billes remplacées s'élevait à plus de
150,000, de façon que l’on n’exagérera pas en disant que,
dans l'avenir, le remplacement portera sur 150,000 billes
qui, à raison de 5 francs, constituent une dépense annuelle
de 750,000 francs ; bien entendu dans l’état actuel de nos
voies ferrées, qui ne renferment encore qu’un bon tiers de
billes préservées; ces chiffres changeront nécessairement
à mesure que le nombre de billes préservées augmentera.
Quoi qu’il en soit, le remplacement total de 1839 à 1862
inclus a porté sur 1,849,781 billes,
Dont 1,081,000 environ à fr. 5 » cs. . . .fr. 5,405,000
et 768,000 environ à fr. 3 75 cs . . . . . 2,885,000
Soit une dépense totale en nombres ronds . .fr. 8,290,000
Mais la question financière n’est pas aussi simple qu’elle
paraît l’être à l’inspection de ces chiffres, et tout ne serait
pas bénéfice avec des billes préservées, eussent-elles une
durée indéfinie.
Notre confrère M. H. Maus a publié à ce sujet une no-
tice très-intéressante dans le t. IV, année 1846, des An-
nales des travaux publics ; sans entrer dans des détails de
chiffres, il me suffira de faire remarquer, d’après M. Maus,
que la dépense annuelle d’une bille comprend deux élé-
ments : intérêt du capital d’abord, et ensuite une prime
ou réserve annuelle qui, accumulée et portant intérêt, doit
reproduire à l’époque du renouvellement le capital néces-
saire à l’achat d’une bille neuve,
( 524 )
Je renvoie au travail si intéressant de M. Maus et au
tableau qui s’y trouve calculé d’après une formule due à
M. Emery, pour tous les détails; faisant remarquer
toutefois que la formule aurait besoin d’être complétée ;
en effet, elle ne tient aucun compte de la valeur de la
bille hors de service dans la vote; les parties saines des
billes de chêne, par exemple, peuvent encore servir pour
être débitées au profit des différents usages des bois dans
les besoins des chemins de fer, haies, coins, barrières,
petits poteaux et combustible. Je tiens du directeur d’un
chemin de fer concédé qu’on a parfois retiré d’une bille de
chène hors de service, achetée dans une année favorable,
une valeur telle qu’elle représentait la valeur d’une bille
neuve; d’autre part, on m'a assuré qu’en général la bille
hors de service est à peu près sans valeur aucune.
J'ai déjà fait remarquer jadis qu’une bille injectée par
du goudron, ne dût-elle servir que comme bois à brüler,
aurait une valeur d'autant plus considérable, comme com-
bustible, qu’elle renfermerait plus de goudron. S'il résulte
de ces observations que les données du tableau inséré
dans la note de notre confrère peuvent n’être pas absolu-
ment exactes, et qu’on soit porté à les considérer comme
des maxima, il reste certain que la différence de prix entre
deux billes d’une durée double est d’autant plus petite que
la durée simple est plus grande. |
Une formule exacte ne pourrait être donnée que par
suite d’une longue expérience, faite par les administrations
des chemins de fer, à même d'étudier la durée dans des
conditions bien déterminées, eu égard aux frais de dépla-
cements et de remplacements, au choix à faire entre les
billes d'essence de valeur et de durée différentes, d’après
la nature des localités calcaires, argileuses , sablonneuses,
( 325 )
sèches et humides, où elles sont enfouies. Les procédés de
conservation devront coûter d'autant moins, dans ces cas,
que le bois naturel dure plus longtemps.
On comprend, par ce qui précède, l’hésitation des admi-
nistrations qui ne datent que depuis une trentaine d’an-
nées, qui ont été obligées de faire des essais par des pro-
cédés nombreux; telle est aussi une des causes pour
lesquelles le nombre des billes ayant reçu une préparation
ne s'élève encore qu’à 37,77 pour cent sur les chemins
de fer de l'État.
Marche du goudron lorsqu'il pénètre dans du bois.
— Explication des planches.
Après ces considérations, je crois devoir faire observer
que la préservation par les procédés que j’ai proposés, peut
être plus ou moins forte, plus ou moins coûteuse par con-
séquent.
Les figures n° 4 à 10 donnent une idée de la nature de
l'injection par le goudron; elles ont été prises sur des
petits blocs de vingt-cinq centimètres environ de lon-
gueur sur quatre à six d'épaisseur, fendus après la prépa-
ration.
On observera que (fig. 1 à 10) le goudron qui pénètre
dans la masse ligneuse suit parfaitement les contours et les
sinuosités des fibres longitudinales, qu'itremplit presque
complétement dans les blocs (fig. 9 et 10); mais dans les
blocs (fig. 4 à 8) qui n’ont reçu qu’une préparation incom-
plète, très-suffisante cependant dans beaucoup de cas, il
est accumulé à toutes les sections transversales, bouchant
ainsi les méats qui donnent accès aux agents de détériora-
tion.
( 326 )
Dans les gros blocs de hêtre et de bois blanc (fig. 1 et 2),
on observe de larges stries dans lesquelles le goudron
n’a pas pénétré, et cependant, après toutes les circon-
stances de détériorations auxquelles ces blocs ont été
exposés, on retrouve le bois parfaitement sain à une très-
faible profondeur.
La large bande centrale non pénétrée de goudron dans
le bloc de sapin (fig. 3) a cependant été préservée par la
couche peu profonde de ce corps aux deux extrémités.
Observons toutefois que, dâns la préparation indus-
trielle, il sera toujours nécessaire ou très-avantageux de
donner au bois la forme sous laquelle il devra servir; les
entailles des coussinets, les ouvertures pratiquées pour le
passage des chevilles qui les fixent, il est bon que tout
soit fait avant l'injection.
Marche des gaz humides dans le chêne.
J'ai fait voir que le bois de chêne acquiert une teinte
brune plus ou moins foncée, lorsqu'il est soumis à l’action
du gaz ammoniac et de l’air humides; ce procédé, très-em-
ployé aujourd’hui pour imiter les meubles antiques, per-
met de décider une des questions qui se rattachent à la
préservation et à la détérioration des bois.
Les figures 11 à 16 représentent chacune trois coupes,
les deux premières dans le sens vertical, la troisième dans
le sens horizontal, faites dans des blocs de chêne simulant
la forme des billes ordinaires de chemin de fer; mais à
l'un des bouts on a placé en travers les trous destinés à
recevoir les chevilles qui maintiennent les coussinets.
Ces figures représentent l’état de l’intérieur des billes
après l’action du gaz ammoniac, prolongée pendant qua-
( 327 )
rante-huit heures; les traits rouges signifient que la bille
_ a été préservée de l’action de l’amoniac sur cette face,
en y appliquant un vernis commun très-épais ; les teintes
foncées montrent comment l'air chargé d'humidité et de
gaz ammoniac pénètre dans le bois, et quelle sera la route
que la. détérioration suivra.
J'ai cherché à réunir toutes les conditions qui montrent
comment une bille peut être mise hors de service par les
agents chimiques, l'air et l’eau.
Je crois pouvoir me dispenser d’entrer dans des détails
que la seule inspection des planches permet d'apprécier, et
qui ont été donnés dans ma première note (Bull., t. XV).
Je me bornerai à faire remarquer que les billes figurées
(planche, fig. 4 à 10) et injectées en tout ou en partie,
offrent la plus grande analogie avec les figures 11 à 16.
L’injection ou la préservation suit exactement la marche
que suivra la détérioration. Aussi quand on examine avec
attention une pile de billes détériorées, on y rencontre des
détériorations telles que les injections et les colorations
dans les figures 4 à 19 et 11 à 16, peuvent être considé-
rées comme des types complets; elles montrent, en effet,
les portions des billes qu’on a le plus d'intérêt à préserver,
c’est-à-dire les méats qui permettent à l’air et à l'humidité
de pénétrer ; elles signalent toutes les conditions qu’il faut
réaliser pour obtenir une préservation plus ou moins com-
plète, et font voir comment et pourquoi une bille enfouie
se détruit, abstraction faite des causes mécaniques de des-
truction. Je laisse celles-ci en dehors, faisant remarquer
toutefois qu’un ingénieur avec lequel je cherchais à fendre
les blocs des tig. 4, 2 et 3, à leur enlever des fragments
ou à y faire pénétrer des chevilles, pensait que les diverses
résistances étaient supérieures à celles du bois vierge ou
( 328 )
au moins égales; nous rencontrâmes de petits clous dans
l'intérieur ; ils étaient intacts, non rouillés, circonstance
favorable et méritant d’être mentionnée particulièrement.
Marche générale de la détérioration dans les bois.
Quelle que soit l’essence du bois, la pourriture, soit
sèche, soit humide, marche vite et loin dans le sens de la
croissance, tandis que ses progrès sont très-lents et peu
considérables dans le sens des rayons médullaires; souvent
les têtes des billes sont pourries alors que leur pourtour
est encore sensiblement intact; j'ai vu souvent des billes
complétement fendues par la pourriture dans le prolonge-
ment des trous des chevilles, quand le bois juxtaposé était
encore parfaitement sain; lorsque les billes ne sont pas
fendues, on remarque pour les essences communes une
traînée plus ou moins longue en voie de décomposition;
quand l’observation porte sur du chêne, les fibres qui se
trouvent dans le prolongement des chevilles sont parfois
teintées en noir par suite de la formation d'encre; le com-
posé soluble de fer emprunté à la cheville rencontre dans
le chêne assez de tannin pour le colorer en noir, par suite
de la formation d’encre; j'ai souvent vu des traïnées très-
longues n’offrir qu’une très-faible déviation latérale. La
traînée, colorée pour le chêne, pourrie entièrement ou
peu consistante pour d’autres essences, n’est pas droite,
elle suit toutes les inflections des fibres ligneuses, c’est-à-
dire qu’elle marche toujours dans le prolongement des pre-
miers vaisseaux allongés atteints, comme cela s’observe
dans toutes les figures des planches.
Toutes les blessures, traits de scie, coups de hache
qui occasionnent une solution de continuité dans les vais-.
(329)
seaux allongés deviennent des causes de pourriture ra-
pide (voir figure 17, coupe).
En 1843-1844, si ma mémoire est fidèle, on enleva
le pavage en bois de la rue Croix-des-Petits-Champs, à
Paris : tous les blocs posés sur champ étaient détériorés
tant au-dessus qu’en dessous ; une injection comme celle
que je propose, füt-elle même incomplète, donnerait un
pavage qui mériterait peut-être d’être essayé dans les pro-
menades, les trottoirs, les cours, etc., sinon pour la voie
publique, où le bois paraît absolument abandonné.
Le goudron de gaz préserve le bois aussi efficacement
que les huiles lourdes ou créosotées.
Dans son travailsur la conservation du bois (Bull., t. XV),
M. Rottier a cherché à déterminer quel est celui des nom-
breux produits, contenus dans les goudrons de houille,
auquel il faut attribuer la propriété d’agir avec le plus
d'avantage pour la conservation; je pense que l'observation
sur les trois blocs (fig. 1,2 et 3) exposés aux agents destruc-
tifs depuis si longtemps, prouve suffisamment la propriété
heureuse du goudron en nature. M. Rottier compte publier
des expériences sur la nature des composés goudronneux
que mes bois conservent encore, les produits les plus vola-
tils ont dû s'échapper nécessairement; mais il n’en reste
pas moins établi que le goudron en nature et toutes les
matières que je signalais en 1843 peuvent parfaitement
servir avec avantage.
M. Fréd. Kuhlmann (Comptes rendus des séances de
lP Académie des sciences de Paris, t. LVI, juin 1863, p. 1066)
a de son côté attiré l’attention sur l’emploi du goudron
dans la conservation de tous les matériaux de construction.
2m SÉRIE, TOME XVII, e
( 9950 )
M. Kuhlmann a fait voir entre autres que le goudron,
et mieux le braï, l’acide stéarique, etc., peuvent se substi-
tuer à l’eau dans le plâtre, et que cette substitution, bien
que résultant d’une action purement physique, est si intime,
que les dissolvants, tels que léther et la benzine, n’enlè-
vent qu'incomplétement le brai aux cristaux de plâtre.
L'action de la chaleur, dans la pénétration exécutée
comme je lai proposée, doit produire quelque chose
d'analogue, car M. Rottier n’a pu décolorer par l’éther de
minces copeaux de mes bois injectés; ceux-ci conservent
une couleur d’un brun foncé. J'avais constaté, à l’aide du
microscope, que la matière ligneuse des cellules végétales
était el restait teintée de la couleur du goudron.
Quoi qu’il en soit, M. Kuhlmann attribue la possibilité de
cette substitution du brai, etc., par l’eau dans le plâtre à la
propriété que ces corps possèdent de mouiller le plâtre; le
mercure et le soufre ne peuvent se substituer ainsi, ils ne
mourilent pas.
Dans les échantillons de bois injectés, présentés à la
classe en 1848, il y avait des bois injectés par le soufre,
le mercure et l es de Darcet.
Il serait curieux d’étudier comment se comporteraient,
sous le point de vue de la conservation pour les construc-
tions maritimes (1) et pour les mines, les bois injectés de
soufre ou de ce corps fondu dans du brai; quant aux bois
imprégnés d’alliage fusible, ils n’offriraient qu'un intérêt
très-secondaire, comme bois de marqueterie.
(1) Les Annales des Travaux publics, t. XIX ett. XX, renferment deux
notes intéressantes à consulter sur la conservation des billes exposées à
l’eau de mer, par M. Crepin, ingénieur des ponts et chaussées. Be t. XIX
contient une note anonyme sur les ravages du taret (Teredo navals).
( 331 )
Tout ceci montre du reste que si le problème de la con-
servation des bois est une question qu’on peut mettre au
premier rang parmi les questions les plus importantes
d'économie publique (Dumas), il n’est pas moins vrai que
le problème est loin d’avoir reçu une solution complète.
Une bille devrait pouvoir résister aussi longtemps qu’une
momie.
Essences sur lesquelles les procédés d'injection réussissent
le mieux.
Les procédés d’injection que je proposais à l’adminis-
tration dès 1845 ne réussissent pas bien sur toutes les
essences; autant que je puis en juger, le chêne, le hêtre, le
sapin et le bois blanc (peuplier), se comportent dans mes
expériences comme ils le font avec l’huile lourde.
Voiei en général ce que j'ai observé en employant indif-
féremment des blocs de bois, en grume, équarris, verts,
desséchés et même en voie de détérioration : l’aune, le
bouleau, le charme, le hêtre et le saule s’imprègnent avec
facilité et parfaitement; le sapin resiste parfois à une
imprégnation complète, les couches du centre de l'arbre
restent blanches; j'ai rencontré des blocs enlevés à des
planches, dans lesquels le goudron ne pénétrait que de
quelques millimètres, quand l'injection était parfaite dans
d’autres; la figure n° 3 comprend les deux cas; le tremble
et Le chêne offrent une très-grande résistance à l’imprégna-
tion; quant au tremble, il y aurait à recommencer : il existe
tant de variétés de bois blancs que mes expériences -ont
pu être faites sur des échantillons mal classés.
Il arrive souvent, pour le chêne, de voir l’aubier ou les
dernières couches complétement injectés, quand, dans les
( 332 )
autres, le goudron n’a pénétré que de quelques millimètres;
et cependant des blocs si peu pénétrés n’absorbaient l’eau
qu'avec la plus grande difficulté, et n’en absorbaient que
très-peu. |
Un gros bloc de chêne très-mal injecté, malgré un séjour
de plus de 24 heures dans du goudron chauffé de 110° C.
à 430° C., avait passé un hiver à l'air; je le fis débiter et
travailler; ouvrier chargé de cette tâche affirmait n’avoir
jamais rencontré de chêne aussi dur ét aussi sec; il avait
été exposé à l'air libre pendant huit mois, et son examen
se faisait au sortir de l’hiver rigoureux de 1847, en avril.
Comme on le voit du reste dans les figures 1 à 3, des
portions parfois assez considérables de bois résistent à
l'injection , et cependant leur détérioration est arrêtée par
suite de l’enduit goudronneux solide qui bouche les méats
sur une certaine longueur, et qui soustrait les fibres li-
oneuses qui se trouvent dans leur prolongement aux
agents de destruction.
Quantités de goudron que les bois peuvent absorber.
—— Effets d’injections peu profondes.
D’après l’essence, d’après la perfection du résultat, les
bois complétement et parfaitement remplis de goudron en
ont absorbé de trente à cinquante pour cent de leur poids,
pris à l’état sec tel qu’on l’obtient en le desséchant à 140° C.
dans le vide; ces chiffres, déduits d’expériences nom-
breuses, dont les détails n’apprendraient rien, paraîtront
entraîner à des frais considérables, mais une injection aussi
complète ne me semble pas indispensable pour la plupart
des usages auxquels les bois préservés sont destinés, et
entre autres pour l’usage de billes de chemin de fer; car
( 92%)
rien n’empécherait de leur faire subir une nouvelle prépa-
ration lorsqu'elles seraient en voie de détérioration.
L'administration belge exige que chaque bille injectée par
l’huile lourde de goudron en absorbe et en retienne 9 litres
25; j'ai peine à comprendre qu’une dizaine de kilogrammes
de goudron ayant perdu tous les produits volatiles sous
150°C. ne rempiiraient pas le même but que l'huile lourde;
tout porte à croire que la préservation faite dans les con-
ditions que j'ai décrites serait même plus efficace.
Dans des expériences spéciales (Annales des Travaux
publics de Belgique, t. XIX) des billes de sapin ont absorbé
en moyenne 22k5 d'huile créosotée pour des blocs de bois
pesant de trente à quarante kilogr. (?)
Les expériences sur lesquelles je me fonde pour croireque
des injections même très-peu profondes, mais produites à
chaud avec des goudrons, agiraient avec efficacité, ont été
faites sur cinquante échantillons ayant la forme donnée dans
les figures 4 à 17 ; ils avaient environ trente centimètres de
longueur sur sept centimètres de largeur et cinq de hau-
teur ; le temps de l’immersion dans les bains préservateurs
a varié de cinq minutes à un quart d'heure; les matières em-
ployées consistaient en goudron ordinaire de gaz, goudron
de gaz débarrassé des produits les plus volatils, brai, huile;
parfois de la colophane était ajoutée à ces matières. Au
sortir du bain chaud, les blocs étaient plongés dans du gou-
dron liquide et froid ; en général, pour finir, on les chauffait
pendant quelques instants dans le bain chaud en vue de
les dessécher; les essences employées étaient le chêne, le
sapin, le hêtre, le charme et le bois blanc (peuplier).
Le bois contenant son humidité naturelle, mais prove-
nant des magasins de l’École de médecine vétérinaire, où
il fait plus humide que dans les magasins ordinaires, ayant
( 334)
|
NE
3%
QE ’ , , Q , 3 , #
été préparé et pesé ensuite, fut placé dans de l'eau bouil- M
lante pendant douze heures, puis abandonné et pesé de È
loin en loin. |
4° Le poids du bois préparé étant représenté par (rap- |
port moyen de vingt expériences) . . . . . . 100 1
2 Après l’action de l’eau bouillante, il s'était élevé à . 120 |
3° Après quinze jours d'exposition au midi . . . . 107 ;
49, ADIÉS IUGRX MOIS AUS 2-20 Le US CN Een RERS 94 Ê
50'ADréS ÆTOIS MDIS ELITE MEME TE UE TUE 89 à
6° Après neuf mois et demi. . . . . .… . . . . 91 :
Les blocs pris dans les mêmes pièces de bois. placés Î
exactement dans les mêmes circonstances, avaient donné 4
les chiffres suivants : |
1° Poids du bois (rapport moyen de cinq expériences) . 100
20 Après l’action de l’eau bouillante. . . . . . . 156
5° Après quinze jours d’exposition à l'air . . . . . 99
40 ADFESIEUX MOIS 20 à. + 0 Ni CUT RSR 86
5° Après trois mois et demi. . . . . . . . . . 84
GriAprès neuf mois'et! demi: | L) JAM OUEN 85 (
La deuxième série, faite dans des circonstances un peu
différentes, donna les résultats suivants :
4° Le poids du bois M (rapport moyen de vingt
expériences) . LT 100
20 Poids après avoir » Élé enfoui nets un mois an
du sable maintenu toujours très-humide et sou-
vent baigné d’eau . . . ait ©
5° Après deux mois, de et août 1847, PR
AU EN NE 97
4° Après six mois de conservation de É bonté
de LÉGole et NN EN PNR EEE 98,5
Des blocs, non préparés, de mêmes formes et dimen-
sions, en tout semblables aux précédents, ont donné les
nombres suivants :
(35)
{ex poids. (Rapport moyen de cinq expériences.) 100
2me » DT ROME PRE Te DRE PAPA EE 127
gme » SE AREA A LEE A LOS RER Aer 5 A
ame » ÉTAOUE EPS EU STE ES CT EP ANEEL SN a ee 91
Ces bois furent enfouis dans un terrain humide, mais
l’inondation de 1851 fit perdre l'expérience; c’est un des
motifs qui m'engagent à éviter les détails des expériences.
Les chiffres qui précèdent montrent que les bois préparés
sans soin, rapidement et n'ayant reçu qu’une injection
très-faible, perdent moins et gagnent moins d'humidité
que les bois naturels, dans des temps égaux et dans des
circonstances identiques.
Quant aux essences différentes, la moyenne d’absorp-
tion et de perte se fait dans l’ordre suivant :
1° Chêne, qui perd et absorbe le moins; 2° sapin;
3° le hêtre et le bois blanc; 4 le bois blanc et le hêtre ont
donné des résultats différents : tantôt l’une tantôt l’autre
de ces essences l’emportait; 1l faut attribuer ce fait aux
différentes espèces ou variétés de bois blanc; 5° le charme.
Quoi qu'il en soit, il résulte de ces expériences que des
injections très-superficielles amènent un changement no-
table dans l’absorption et la perte d'humidité, et qu'il
_ pourrait être utile de faire une série d’expériences basées
. Sur ce principe, sur des billes enfouies , préservées par des
procédés qui sont sans action chimique proprement dite el
soumises aux causes chimiques de détérioration, abstrac-
tion faite des causes mécaniques. |
Autant que je peux me rendre compte des effets pro-
duits par des injections très-peu profondes, faites à chaud
avec des matières qui sont solides à la tempéraiure ordi-
naire, elles me semblent se distinguer cependant parfaite-
ment des simples goudronnages à la brosse. De quelque
( 336 )
façon qu'on opère dans le goudronnage, à moins de pré-
cautions particulières, difficiles à prendre lorsqu'on opère
industriellement, on est toujours exposé à laisser subsister
une très-mince couche d’eau entre la fibre ligneuse et le
goudron ; une expérience familière en rend compte : on
sait en effet qu’un filtre mouillé par l’eau ne laisse pas
passer l'huile, tandis qu’un filtre huilé ne laisse pas passer
l'eau. |
L'examen microscopique permet du reste d'apprécier
tout de suite les différences profondes qui existent entre
les résultats des deux procédés, et le mode d'opérer qui
consiste dans une simple carbonisation extérieure.
Ce dernier procédé a encore été préconisé dans ces der-
niers temps pour les billes de chemin de fer; à mon sens,
il est loin de valoir la carbonisation dans les goudrons,
les bitumes ou les brais, etc., que j'ai proposée depuis
longtemps.
MM. Huitin et Boutigny d'Évreux (Annales de chimie
et de physique, t. XXIIT, 5° série) ont proposé, en 1848,
un procédé qui a quelque analogie avec ceux que je dé-
crivais en 1845. M. Gemini, en mars 1848 (Comptes ren-
dus des séances de l’Académie des sciences de Paris) a
proposé, de son côté, des procédés analogues au mien,
mais en agissant sous de fortes pressions. J’ignore quel a .
été le résultat des expériences faites d’après ces procédés.
On peut résumer en quelques mots les résultats prin-
cipaux et les procédés décrits dans cette note.
Conclusions.
On peut injecter en tout ou en partie des blocs de bois
en grume, secs, humides, équarris, travaillés, ayant été
*.
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LÉ par SET eyres Et AE Acad.
1. Bois blanc (Peuplier.) 2. Hêtre. 3. Sapm.
( 537 )
préparés par des sels et même en voie de pourriture, en
employant la condensation de la vapeur d’eau et la pression
atmosphérique comme force mécanique, et en utilisant la
chaleur comme force dissolvant ou liquéfiant les matières
préservatrices.
Les bois peuvent. être entièrement ou partiellement
imprégnés, et dans les deux cas ils résistent plus ou moins
aux agents qui les altèrent.
La matière préservatrice qu’on injecte suit toujours le
chemin que la détérioration prend dans les bois qui s’al-
ièrent spontanément.
La carbonisation superficielle est plus efficace quand
elle se fait par l'intermédiaire des matières goudron-
neuses, etc., que lorsqu'on se contente de porter le bois
en nature à une température qui en désorganise une
partie.
Lorsqu'on ne produit qu'une injection peu profonde,
il est indispensable que le bois ait reçu avant la prépara-
tion préseryatrice la forme complète sous laquelle il doit
être utilisé, comme le prouvent les expériences des figures
1 à 16. | |
Une bille qui serait complétement pénétrée de gou-
dron, de brai, etc., etc., aurait une existence très-longue,
sinon indéfinie, si elle n’était soumise qu’aux agents ordi-
naires chimiques ; mais il y aura lieu de tenir compte des
causes mécaniques.
(338)
Recherches sur la conservation du bois au moyen de l'huile
lourde de goudron de houille, dile HUILE CRÉOSOTÉE
(suite); par M. Rottier, ingénieur industriel, prépara-
teur de chimie à l’université de Gand.
Dans une première série d'expériences que J'ai fait
connaître à l’Académie, j'ai établi que toutes les parties
des huiles lourdes de goudron de houiile ne s'opposent pas
avec la même énergie à la destruction du bois; j’ai montré
que, parmi les nombreuses substances contenues dans ces
liquides, celle à laquelle on doit surtout attribuer la pro-
priété de conserver le bois est une huile verte, qui se pro-
duit, à une température élevée, dans la distillation du
goudron.
Je prends la liberté de soumettre maintenant à l’appré-
lation de l’Académie la relation de nouvelles expériences :
dans celles-ci, je me suis occupé de l’influence qu'exercent
sur le bois injecté d'huile verte les différents milieux dans
lesquels il est placé. À la suite de ces recherches, j'ai fait
quelques essais sur des bois de grande dimension, préparés
au moyen des huiles de goudron, et qui avaient séjourné
sous terre pendant un temps plus ou moins considérable.
Le résultat de ces recherches tendant à confirmer les con-
clusions que j'ai tirées de mes études précédentes, je crois
utile de présenter au Jugement de l’Académie le résumé
de ces expériences, qui ont été faites dans le laboratoire
de M. Donny, professeur de chimie industrielle à l’'Univer-
sité de Gand.
(339 )
INFLUENCE DES MILIEUX SUR LE BOIS IMPRÉGNÉ
D'HUILE VERTE.
Pour étudier facilement l'influence que les divers mi-
lieux exercent sur le bois préparé, J'ai adopté une marche
analogue à celle que j'avais suivie dans mes premiers es-
sais ; Jai opéré sur des copeaux de bois très-altérabie, des
copeaux d’aubier de peuplier.
Un certain nombre de ces copeaux, préalablement des-
séchés, ont été imprégnés d'huile, puis exprimés entre des
feuilles de papier buvard, jusqu’à ce que celles-ci ne se
colorassent plus sensiblement.
L'huile verte que j'ai employée est celle que j'ai prise,
dans ma première notice, pour type des bonnes huiles de
goudron. Elle à pour densité 1,11 et entre én ébullition
vers 275° C.
1. Action de l’air sec. — Quelques-uns de ces copeaux
imprégnés d'huile verte ont été déposés sur une table dans
une chambre parfaitement aérée.
Dix-neuf jours après, un de ces copeaux a été traité à
diverses reprises par la benzine bouillante, qui lui a enlevé
l'huile dont il était imprégné; le bois a repris, à très-peu
de chose près, sa coloration naturelle.
Des expériences semblables, faites, l’une le trente et
unième jour, et l’autre le centième jour, ont amené des
résultats identiques.
2. Action de l’eau distillée. — Quelques copeaux pré-
parés ont été déposés dans des vases ouverts renfermant
une quantité d’eau distillée trop petite pour noyer com-
plétement les échantillons. On remplacçait l’eau distillée au
fur et à mesure qu'elle s’évaporait.
-Au bout de trente-cinq jours, une de ces pièces a été
( 340 )
retirée de l’eau , séchée à l’air et lavée au moyen de la ben-
zine bouillante, qui a enlevé l'huile contenue dans l’échan-
üllon ; celui-ci a pris une teinte excessivement pâle, qui se
rapprochait beaucoup de celle du bois non préparé.
Vingt jours après, un autre copeau, retiré de l’eau, a
été traité comme le précédent, et a fourni des résultats
semblables à ceux de l'expérience que je viens de décrire.
3. Action de la lumière. — Afin de voir si, dans l’essai
précédent, la lumière exerce une action sur le bois, J'ai
fait une expérience semblable dans l'obscurité : des co-
peaux préparés ont été placés dans un vase ouvert renfer-
mant de l’eau distillée et déposé dans un réduit obscur
ménagé dans une cave. Lorsqu'on lave un de ces échantil-
ons au moyen de la benzine, il reprend à très-peu près
la coloration naturelle du bois.
4. Action de l’eau de pluie, etc. — Un copeau de peu-
plier, préparé au moyen de l'huile verte, a été maintenu
dans une gouttière où l’eau pluviale séjourne presque
constamment, et qui renferme nécessairement une assez
grande quantité de poussières atmosphériques, etc.
Le vingtième Jour, le changement de coloration était
déjà manifeste : une petite portion du copeau, après de
nombreux traitements par la benzine bouillante , avait ac-
quis une teinte fauve assez prononcée.
Quelques jours plus tard, une expérience semblable,
répétée sur un nouveau fragment du même copeau, qui
avait été remis dans la gouttière, amenaiït un résultat ana-
logue ; seulement, la couleur fauve de léchantillon était
beaucoup plus foncée.
Le cent seizième jour de l'expérience, un nouveau frag-
ment du copeau , lavé au moyen de la benzine, était presque
noir.
( 341 )
5. Action de la terre calcinée et sèche. — Dans un vase
renfermant du sable qui avait été maintenu pendant deux
ou trois heures à la température du rouge clair, j'ai enterré
deux copeaux de bois imprégnés d'huile verte.
Cent dix-huit jours après l’enfouissement de ces échan-
üllons, aucune action ne s’est produite; de petits mor-
, eaux de ces pièces abandonnent à la benzine l’huile qu’ils
renferment et reprennent à peu près la couleur du bois
naturel.
6. Action de la terre calcinée et humide. — Il en est de
même pour des copeaux semblables enterrés dans du sable
obtenu comme le précédent, mais mouillé d’eau distillée.
7. Action de la terre ordinaire humide.— La terre qui a
servi aux expériences suivantes présente la composition
moyenne que voici :
RE Le LL AMC CERN TDO0C
MARIÉES NOrBaANnIques. ©... à 4,023
AGIHelCArDONIQUE. 0 J 0 At LU ER. 2,118
Here. heu ire 4, 1781971
ME ISOIU DIE, 22 0. 0,036
LOTS, EN CPE RE RE 0,887
RME MCEDIANE MEN PANNE Men te 1,079
PRO AE AU RU ADR Aie PAATIT
Magnésie RE Nec de Véécheus de 0,556
Sels de potasse, de soude et de lithine. . . 0,335
DE RE NP PEN RENTE STUNT TETE traces.
ÉCRIRE RS UE, RUE ARR A ASS
100,000
La quantité d’eau contenue dans cette terre variait entre
des limites assez étendues; de temps en temps, on y ajou-
tait une certaine quantité d’eau pour remplacer celle qui
s'était évaporée.
Déjà, dans mon premier mémoire, j'ai attiré l'attention
( 342 )
sur les phénomènes de coloration que présentent le bois
et les tissus préparés, lorsqu'ils séjournent sous terre :
d’abord le copeau ne change pas d’aspect ; il conserve la
couleur verte qu’il possédait au moment de la mise en
terre; vers le vingtième jour, quelques petites taches roses,
rousses et brunes paraissent, grandissent, s'étendent et
finissent par couvrir la surface entière de l'échantillon.
Si on lave un de ces copeaux dans la benzine, après
l'avoir desséché au préalable, les taches persistent et se dis-
tinguent très-nettement sur le fond rose sale que présente
alors l’échantillon. Lorsque ces pièces de bois ont séjourné
longtemps sous terre, les taches ont disparu et fait place à
une teinte générale semblable à celle de l'échantillon qui
a été exposé à l’action de l’eau de pluie, dans la gouttière.
8. Action de la terre ordinaire sèche. — La même terre,
convenablement desséchée, n’agit que très-faiblement sur
le bois préparé. AC
Lorsqu'on emploie pour la préparation des copeaux
des liquides dépourvus d'huile verte, les huiles brunes de
houille, par exemple, les taches qui paraissent si facile-
ment avec l’huile verte ne se montrent pas, et les copeaux:
ne changent presque pas d’aspect par un séjour prolongé
sous terre. À la vérité, ces échantillons, traités par la
benzine bouillante, ne reprennent pas non plus la couleur
naturelle du bois; l'huile brune exerce donc aussi une
action sur le bois; mais cette action, d’ailleurs assez faible,
est toute différente de celle de l’huile verte.
On peut conclure de ce qui précède que l'air, l’eau dis-
tillée, la lumière , la terre calcinée sèche et la terre cal-
cinée humide, de même que la terre ordinaire sèche,
n’agissent que très-fatblement sur la matière ligneuse 1m-
( 345 ) |
prégnée d’huile verte; tandis que l’eau de pluie et la terre
ordinaire humide exercent, au contraire, très-rapidement,
sur le bois préparé, une action manifeste. On est donc porté
- à croire que la cause de Paltération réside dans la présence
des impuretés de l’eau de pluie (poussières atmosphéri-
ques, etc.) et des matières que l’application d’une baute
température enlève à la terre ordinaire , et que ce n’est que
sous l'influence de l’humidité que ces matières agissent.
Il est à remarquer qu’au bout d’un temps très-long (trois
ou quatre mois), certaines catégories de mes copeaux finis-
sent par acquérir une coloration plus ou moins intense :
des copeaux, placés dans un vase ouvert, contenant de
l’eau distillée (expérience n° 2), prennent une teinte fauve
- assez prononcée lorsqu'on les traite par la benzine après
cent jours d'immersion dans l’eau distillée. Si l’on exa-
mine à l’aide d’un puissant microscope l’eau qui se trouve
dans ce vase, on y constate la présence d’une grande quan:
tité d'infusoires, de débris d'organismes végétaux et ani-
maux, de fécules , etc., etc., qui proviennent évidemment
de l’atmosphère.
Les échantillons que j'ai déposés dans une cave obscure
(expérience n° 3), n’éprouvent pas les modifications subies
par les copeaux dont je viens de parler. Traités par la ben-
zine, même après cent trente-trois Jours d'immersion dans
l’eau , ils ne conservent qu’une teinte très-pâle qui se rap-
proche beaucoup de la couleur du bois non préparé. L’eau
qui baigne ces copeaux ne renferme pas sensiblement de
matières organiques.
On a vu que des copeaux placés sous terre, et par con-
séquent dans l’obscurité, se modifient très-rapidement; les
effets si différents que l’on observe dans les deux dernières
expériences ne peuvent done pas être attribués à la pré-
( 344 )
sence ou à l’absence de la lumière; il semble que la colo-
ration que le bois préparé éprouve est due surtout à la
présence des poussières que l’air tient toujours en suspen-
sion et qui se sont peu à peu déposées dans les vases en
expérience ; si les copeaux conservés dans la cave se sont
moins colorés que les autres, c’est que l’atmosphère limitée
et tranquille de cette cave n’a pu fournir au bois qu’une
quantité très-faible de poussières organiques.
On à remarqué sans doute que, dans aucun de mes
lavages à la benzine, je ne suis parvenu à rendre complé-
tement au bois sa nuance naturelle; il est probable que la
matière ligneuse, dans toutes ces expériences, s’est co-
Jorée plus ou moins parce que je n’ai pris aucune précau-
tion particulière pour éviter l’accès des substances organi-. -
sées répandues dans l'air.
Dans l'expérience décrite plus haut, sous le n° 7, on
observe que le phénomène qui se manifeste ordinairement
par une teinte générale apparaît. sous forme de taches
irrégulières, lorsqu'on opère sous terre. Le motif de cette
différence d'action me paraît facile à donner : la terre, qui,
dans cet essai, recouvrait les copeaux, n’était jamais tassée
fortement; on la projetait légèrement sur les échantillons
préparés. Dans ces conditions, le bois n’était pas dans
toute son étendue en contact avec la terre humide et ne
la touchait qu’en quelques points, ceux sur lesquels le
phénomène paraissait en premier lieu.
Lorsqu'on retire de terre un échantillon préparé et
couvert de taches, qu’au moyen de la benzine on enlève
l'huile qui s’y trouve encore, et qu’on remet en terre le
copeau ainsi lavé, celui-ci, quoique complétement couvert
de taches, se détruit rapidement; tandis que du bois pré-
DR RS
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ST ENTS
_—
( 345 )
paré au moyen de cette même huile, et qui n’a pas été
traité par la benzine, se conserve parfaitement bien.
C’est donc à la présence de l’huile verte liquide dans le
bois qu’on doit attribuer la propriété que possède celui-ci
de se conserver, et non pas à l’existence de ce composé
insoluble formé aux dépens de l’huile verte.
On observe que l'échantillon préparé abandonne d’au-
tant moins de principes solubles à la benzine, que cet
échantillon a séjourné plus longtemps sous terre; et que,
lorsque le copeau est resté enterré pendant un temps suffi-
samment long, il n’abandonne plus rien à ce dissolvant. Il
est facile de déduire de ce fait une conséquence impor-
tante : le bois, quoique préparé, doit inévitablement com-.
mencer à se détruire alors, puisque ce n’est pas la modifi-
“cation brune qui donne au bois la propriété de se conserver,
mais bien l'huile verte elle-même.
On peut donc, résumant les lignes qui précèdent, poser
l'énoncé suivant : n]
Sous l'influence combinée de l'humidité et de certaines
matières organiques, l'huile verte engagée dans le bois
éprouve une modification particulière : elle devient inso-
luble dans la benzine et colore la matière ligneuse en brun;
aussi longtemps que le bois renferme de l'huile à l’état
liquide, il se conserve; dès que la totalité de l'huile s’est
fixée sur le bois, celui-ci se détruit.
Les phénomènes qui viennent d’être décrits permettent
d'expliquer un fait qui, au premier abord, semble assez
étrange : le bois préparé et enfoui reste parfaitement intact
pendant un certain temps ; puis tout à coup il commence
à s’altérer, et dès que l’altération a commencé, elle con-
tinue avec autant de rapidité que si le bois n’avait pas été
préparé. |
27° SÉRIE, TOME XVII. DURE
ON
( 346 )
Si l’on jette un coup d’œil sur les diagrammes-qui ac-
compagnent ma première note, on se convaincra que cet
effet est constant. Il ne peut pas en être autrement : le
bois qui ne doit sa conservation qu’à la présence de huile
verte liquide, est parfaitement préservé aussi longtemps
qu’il renferme ce corps; mais, par suite de l’altération
qu’elle éprouve, l'huile perd peu à peu ses propriétés
utiles, et lorsqu'elle s’est fixée en totalité sur le bois, ce-
lui-ci commence à se détruire.
Il peut être intéressant de voir si, en préparant de nou-
veau, après un certain temps, une pièce de bois enterrée,
on ne pourrait pas prolonger sa durée; et si, en répétant
convenablement l’opération, on ne parviendrait pas à con-
server le bois pendant un temps indéfini. Je me borne
simplement à poser la question : j'ai tenté quelques expé-
riences dans cette voie et toutes, jusqu'ici, confirment mes
prévisions; mais le temps pendant lequel j'ai opéré ne me
semble pas encore assez long pour que je puisse donner
une solution définitive à la question.
EXPÉRIENCES SUR DES BOIS PRÉPARÉS PRÉSENTANT DE
GRANDES DIMENSIONS.
I. — Traverses de chemin de fer.
Au mois de décembre 1850, cent traverses de chemin
de fer, envoyées de Londres et préparées par M. Bethell,
l'inventeur du procédé de conservation du bois par l’injec-
tion de la créosote, ont été placées, à titre d’essai, sous la
voie belge. Dans le courant du mois de mars 1862, l’admi-
nistration des chemins de fer a fait retirer de terre deux
de ces traverses pour les envoyer à l’exposition univer-
( 3417 )
selle de Londres. Grèce à l’obligeante intervention de
MM. Ch. Andries et Van der Sweep, ingénieurs des ponis
et chaussées, j'ai obtenu la moitié de chacune de ces deux
billes, et j'ai pu de la sorte faire quelques expériences sur
des pièces de bois d’assez grandes dimensions, préparées
au moyen de l’huile lourde de goudron et ayant été en-
fouies sous terre pendant l’espace de onze années environ.
Ces traverses, dont les figures À à 4 font connaître l’as-
pect et les dimensions principales, sont toutes les deux en
bois de sapin. La texture du bois n’est pas la même dans
les deux pièces, dans l’une, À (fig. 4 et 2), les cercles
annuels sont très-serrés et le bois est fort compacte; dans .
l'autre, B (fig. 3 et 4), qui présente une texture un peu
plus lâche et semble s'être injectée plus facilement, la con-
servation est beaucoup plus parfaite que dans la première
qui, en plusieurs endroits, est déjà profondément atta-
quée.
L'examen de ces pièces de bois fait naître les remarques
suivantes :
1° Le bois ne s’injecte pas uniformément; l’aubier a
s’imprégne d’une assez notable quantité d'huile, à laquelle
il doit sa couleur noire, tandis que le bois parfait b ré-
siste à l’injection et conserve la nuance du bois naturel.
Ce fait a été signalé déjà par M. L. Crepin, ingénieur
des ponts et chaussées (1).
2° L’aubier à, la partie tendre du bois, la seule qui
soit injectée, est dans un état de conservation très-satis-
(1) Notice sur des expériences faites sur des bois préparés au sulfate de
cuivre et à la créosote, au point de vue de leur emploi dans les travaux à
la mer, par M. L. Crepin. — Annales des travaux publics de Belgique,
tome XIX, page 121.
( 348 )
faisant. Quant au bois parfait non injecté, s’il est bien
conservé dans la pièce B, il est loin de l'être dans la tra-
verse À; l’altération qu'il a éprouvée dans celle-ci est
déja profonde; en certains endroits, surtout vers le milieu
de la bille, le bois, cédant au moindre effort, se réduit
en petits fragments que l’on peut aisément détacher avec
la main.
Le parfait état de conservation des parties injectées de
la traverse et l’altération profonde qu’on observe sur la
plupart des points que l’huile de goudron n’a pas pénétrés,
doivent attirer toute notre attention. Il serait puéril de
faire remarquer combien cette altération fait perdre de
résistance aux traverses, surtout si l’on se rappelle que
les billes de chemin de fer ne présentent pas toujours les
dispositions si avantageuses de celles sur lesquelles j'ai
opéré : dans celles-ci, en effet, la partie non inmjectée est
très-petite relativement aux zones imprégnées d'huile,
tandis que dans beaucoup de traverses que j'ai vues dans
les chantiers d'injection et le long des voies ferrées en
construction, la partie noire est plus petite que la portion
non injectée. Les figures 5 et 6 donnent une idée de ces
dispositions vicieuses.
Dans le travail que Je viens de citer, M. l'ingénieur
Crepin constate que le bois parfait, la partie non injectée
des traverses en sapin, ne résiste pas complétement aux
attaques des vers marins, des tarets surtout, qui exercent
sur nos côtes de si grands ravages, et il réclame pour les
bois exposés à la mer des moyens d'injection plus puis-
sants que les procédés actuels qu’il trouve, avec raison,
insuffisants. |
L’examen de mes traverses démontre que le mode d’in-
jection dont on dispose aujourd’hui n’est pas plus satis-
( 349 )
faisant pour les billes de chemin de fer que pour les bois
exposés à la mer. Il serait donc très-désirable de voir
adopter les perfectionnements que M. Crepin propose d' in-
troduire dans la préparation des bois.
On peut toutefois se demander si, tout en cherchant à
améliorer ces procédés, il n’y aurait pas quelque avantage,
du moins pour ce qui regarde les traverses de chemin de
fer, à remplacer les bois, comme le sapin, qui sont assez
rebelles à l’injection, par des essences qui se laissent plus
facilement pénétrer. On voit par ce que je viens de dire,
que la partie la plus tendre, la plus altérable du bois de
sapin, l’aubier en un mot, est celle qui se conserve le
mieux, par la raison que c’est la seule qui s’imprègne
d'huile; 1l est donc probable qu’un bois dont la texture,
moins compacte que ne l’est celle du sapin, permettrait
une complète absorption d'huile, résisterait à la pourri-
ture pendant un temps excessivement long:
9° Les parties injectées des traverses sont recouvertes
d’une croute de terre noire, répandant peu ou point d’o-
deur ; cette croûte adhère assez fortement aux traverses
pour qu’il soit nécessaire d'employer le burin lorsqu'on
veut l’enlever complétement.
On peut représenter de la manière suivante la compo-
sition moyenne de cette croûte, que je n’ai pas cru néces-
saire d'indiquer sur les figures ci-jointes :
Sable ferrugineux . . M0 0 66,80
Matières organiques d'origine. med UE 4,60
Partie soluble dans la benzine : pyrène, pa-
ranaphtaline, huile verte, produits rési-
HEURE LCL MM ARTS EUR UN Re AIN 7,00
1 SR CARRE TES PROPERTIES ET EE 1,60
100,00
Épaisseur moyenne 0,005,
( 300 |
En épuisant par la benzine bouillante deux cents
grammes de cette terre, j'ai obtenu une liqueur d’un brun
verdâtre très-fluorescente; je l'ai évaporée à une tempéra-
ture peu élevée, pour éviter autant que possible de perdre
les parties les plus volatiles de l’huile, et j'ai recueilli ainsi
quatorze grammes d’une substance brune très-foncée; ce
corps, liquide à une température peu élevée, se prend en
masse par le refroidissement, et constitue alors un mé-
lange d’une matière liquide et d’une.matière solide faciles
à séparer au moyen de la presse. Ce mélange répand une
odeur dans laquelle on distingue nettement celle de l'huile
de résine et celle de l'huile lourde de houille.
Examen de la partie liquide. — Huile visqueuse d’un:
brun rouge, qui entre en ébullition vers 260° C. et fournit ;
par la distillation, d’abord une petite quantité d’une huile
jaune répandant l’odeur de l'huile de résine, puis, au delà
de 300°, un mélange de pyrène, paranaphtaline, huile
verte, eic.
Examen de la partie solide. — Elle présente l'aspect
d’un gèteau brun qui paraît formé presque en totalité de
pyrène et de paranaphtaline; se dissout intégralement
dans l’éther ; cette dissolution est verte et fluorescente.
Absence de produits résineux et de naphtaline.
J'ai dit, dans la première note que j'ai présentée à l’A-
cadémie sur ce sujet, que dans les traverses de chemin de
fer enfouies pendant un temps même très-long, on consta-
tait facilement la présence de la naphtaline.
Que ces traverses, à cause de leurs grandes dimensions,
retiennent une certaine quantité de naphtaline, cela se
conçoit d'autant plus aisément, que l’huile de houille que
l’on injecte dans le bois est souvent saturée de ce corps;
mais si l’on songe à la facilité avec laquelle cette substance
( 301 )
se volatilise, et si l’on remarque qu’au bout de onze an-
nées les traverses renferment encore une notable quantité
de naphtaline, on doit reconnaître qu’une cause énergique
s'est opposée à sa volatilisation; cette cause est très-pro-
bablement la présence de l’enveloppe compacte dont je
viens de parler, et que le sable forme autour de la bille, en
s’agglomérant avec les parties les moins volatiles de l'huile
qui, par capillarité, est amenée à la surface de la tra-
verse.
Dans mes premières expériences, j'opérais ainsi que je
l'ai fait remarquer, dans des conditions qui ne permet-
taient pas à la naphtaline de rester engagée dans le bois,
et J'ai fait quelques réserves au sujet de l’action de ce
corps. Je crois que, lorsque par une cause quelconque le
bois retient une grande quantité de naphtaline, l’action de
cette substance ne peut être douteuse : son odeur péné-
trante et sa saveur brülante doivent contribuer à éloigner
les insectes xylophages.
4° Après un long séjour sous terre, le bois injecté ren-
ferme encore une notable proportion de principes liquides,
mélange complexe, dans lequel on remarque une assez
grande quantité d'huile verte.
Il est facile de constater que ce bois contient encore
des substances liquides. Il suffit pour s’en assurer de re-
garder au microscope, sous un faible grossissement, une
tranche de bois mince et translucide, récemment enlevée
de la traverse; on voit très-distinctement un liquide brun
foncé se mouvoir dans les fibres ligneuses.
Un essai plus simple encore permet de mettre ce fait en
évidence : en comprimant sur la traverse injectée une
feuille de papier buvard blane, celle-ci, s’'imprégnant du
liquide contenu dans le bois, se colore en brun.
| ( 3529
La substance que renferme le bois injecté est soluble
dans plusieurs liquides et peut, au moyen d’un de ces dis-
solvants, être séparée en totalité du bois. Pour me procurer
une certaine quantité de ce corps, j'ai soumis à l’action de
l’éther cent grammes de bois coupé en petits fragments;
en répétant un grand nombre de fois le traitement par
l’éther, j'ai obtenu 25,8 grammes d’une substance noire
offrant l'aspect d’un gâteau cristallin, mélange de corps
solides et liquides que l’on sépare sans peine à l’aide de
la presse.
Ce mélange présente la composition suivante :
Partie solide blanche ou ie colorée en vert Grammes.
foncé ATEN. RSR Na 9,0
Partie liquide, visqueuse, cars une sun
brune verdätre Dit kite HN PA RL RE RES
25,8
Soumise en vase clos à l’action de la chaleur, la partie
solide fond d’abord, puis entre en ébullition et fournit par
la distillation un mélange de naphtaline, de pyrène, de
paranaphtaline et d'huile verte.
En distillant la partie liquide, on obtient les produits
suivants :
De 80 à 220c C, quelqués vapeurs. . . » »
De 220 à 280° C., naphtaline et huile Eee ; 6,0
De 280 à 3520° C. environ, liquide fluorescent. . 2,8
Au delà de 520° c., substance visqueuse rougeître. 4,6
EST C0 0 ANR AE ES Im SE en men VU ES
16,8
On constate dans la matière extraite du bois préparé
l'absence de Pacide phénique et la présence de plusieurs
( 353 )
corps qui se rencontrent dans l'huile de goudron; je n’ai
dirigé mes recherches que sur les quelques substances
dont je me suis occupé dans mes premières expériences :
la naphtaline, l'huile verte, la paranaphtaline, le pyrène et
le chrysène.
Recherche de l'acide phénique. — Malgré les essais
nombreux auxquels je me suis livré, je n’ai pu parvenir à
découvrir la présence de ce corps dans l’huile extraite du
bois.
Lorsqu'on agite celle-ci avec une solution concentrée
de potasse caustique, et qu’on abandonne ce mélange au
repos, 1l se sépare en deux couches, l’une légère et hui-
leuse, l’autre plus pesante et aqueuse. Si on enlève cette
dernière et si on la neutralise par l’acide chlorhydrique,
aucune huile nouvelle n’est mise en liberté.
Recherche de la naphtaline. — Quand on abandonne à
lui-même le gâteau noir dont j'ai parlé plus haut, on le
voit, au bout de quelques jours, recouvert de paillettes
cristallines, blanches et volatiles de naphtaline.
Lorsqu'on place un fragment de la partie solide du gà-
teau sur une plaque métallique, qu’on le recouvre d’un
petit entonnoir en verre, et qu’on chauffe modérément la
plaque, le gâteau fond et, au bout de quelques instants,
les parois de l’entonnoir se tapissent de paillettes bril-
lantes de naphtaline.
La partie liquide, soumise à la distillation, commence à
bouillir à 220°, en donnant une huile qui se solidifie in-
stantanément dans le récipient, sous forme d’une masse
blanche et cristalline de naphtaline.
Il n’est pas, du reste, nécessaire de se livrer à ces essais
pour acquérir la conviction qu’il y a une grande quantité
de naphtaline dans le bois injecté. Un coup d’œil attentif,
( 394 ) 1
jeté sur une section nouvellement sciée de la traverse,
suffit pour faire voir çà et là quelques petites paillettes
_ miroitantes et irisées; si on examine celles-ci au micros-
cope ou à la loupe, on leur reconnaît aisément la forme
rhomboïdale des cristaux de naphtaline; ces nombreuses
paillettes disséminées à la surface du bois se volatilisent
en entier, lorsqu’on abandonne le bois pendant quelques
heures dans un endroit aéré.
Recherche de l'huile verte. — Je ne connais que deux
propriétés de l’huile verte qui permettent de caractériser
nettement ce corps dans un mélange complexe, comme
l’est la substance extraite du bois préparé.
Ces propriétés sont :
1° Sa couleur; lorsqu'on dissout dans l’éther, dans la
benzine, dans l'alcool et la matière retirée de la traverse
injectée, la liqueur obtenue possède une teinte olive très-
intense qui ne peut laisser de doute sur la présence d’une
notable quantité d'huile verte, seule substance qui, dans
le goudron, offre cette couleur.
2° Les taches qui se manifestent sur le coton et sur le
bois imprégnés d'huile verte; j'ai déjà dit que ce phéno-
mène, qui se produit avec la substance extraite du bois
préparé, ne se remarque pas lorsqu'on emploie des huiles
ne renfermant que des quantités insignifiantes d’huile
verte. On obtient avec ces dernières une coloration uni-
forme, qui varie avec la nuance de l'huile employée, mais
on n’observe jamais de taches.
Recherche de la paranaphtaline. — Lorsqu'on enlève
au moyen d’une petite quantité d'alcool froid les principes
les plus solubles de la partie solide dont il a été question
plus haut, on obtient au fond du vase une poudred'un
blanc jaunâtre. Cette poudre, recueillie sur une plaque
( 355 )
métallique, recouverte d’un entonnoir et chauflée, dégage
des vapeurs qui répandent l’odeur de la suie et se conden-
sent sous forme de cristaux contournés, dans le col de
l’entonnoir : ces deux propriétés appartiennent à la para-
naphtaline.
Recherche du pyrène. — Ce corps se reconnait aisément
à l’aspect dichroïque que présentent ses dissolutions. La
liqueur qu’on obtient en traitant par l’éther la matière re-
tirée du bois, la dissolution de la partie solide, etc., sont
fluorescentes. Dans ces liquides, la couleur particulière
due au pyrène, le bleu, est complétement masquée par la
teinte si intense que l’huile verte lui communique : ces
dissolutions sont dichroïques, mais la couleur de fluores-
cence paraît être le vert.
Pour s'assurer de la couleur de fluorescence du liquide,
il suffit d'étendre la dissolution au point de la rendre
presque incolore et de diriger sur celle-ci, au moyen d’une
lentille bi-convexe, les rayons du soleil; le cône lumineux
qui apparaît alors dans l’intérieur du liquide, présente la
couleur bleue du pyrène avec une netteté remarquable.
Si on fait l'expérience dans une chambre obscure, en
s’'entourant de quelques précautions qu'il serait hors de
propos de détailler iei, le phénomène se produit même
avec des dissolutions qui ne renferment que des quantités
très-faibles de pyrène; le procédé est assez sensible pour
déceler la présence de 0,01 milligr. de cet hydrocarbure.
Aussi ce mode d’analyse permet-il de constater l’existence
du pyrène, non-seulement dans toutes les huiles brutes
du goudron de houille, mais encore dans le naphte du
commerce et même dans les benzines purifiées par plu-
sieurs distillations, dans le goudron de bois, l’alcool mé-
thylique commercial, les huiles de résine, etc.
( 990 )
Je me propose de faire de l’étude de ce procédé analy-
tique, applicable non-seulement à la recherche du pyrène,
mais encore à celle de tous les corps fluorescents, l’objet
d’un mémoire spécial.
Recherche du chrysène, etc. — C’est dans la partie solide
du mélange extrait de la traverse que l’on doit chercher cet
hydrocarbure. Cette partie solide, convenablement débar-
rassée, au moyen de l'alcool, des corps liquides qui l’accom-
pagnent, se présente sous la forme d’une masse pulvérulente
d’un jaune clair et se compose de naphtaline, paranaphta-
line, pyrène et chrysène. Si l’on triture ce mélange avec
une nouvelle quantité d'alcool, ce liquide s'empare de la
naphtaline et d’une petite portion des autres corps et laisse
le chrysène, reconnaissable à sa belle couleur jaune, mêlé
à une certaine quantité de pyrène et de paranaphtaline peu
solubles, comme on sait, dans l’alcool.
Indépendamment des corps dont je viens de signaler la
présence, on trouve, dans l’huile extraite de la traverse,
une assez grande quantité d’une matière brune, visqueuse,
Cette substance paraît être le produit d’une altération
qu’éprouvent au contact de l’air certains corps contenus
dans le goudron de houille. Les huiles obtenues dans la
disüllation du goudron sont toutes, on le sait, imcolores
ou très-faiblement colorées au moment de leur prépara-
tion, et peu d’instants d'exposition à Pair suffisent pour
leur communiquer une nuance jaune qui ne tarde pas à
virer au brun. Ces corps, qui se colorent ainsi en s’oxydant,
semblent répandus en grande quantité dans les produits
de la houille; le goudron, les huiles légères, les huiles
lourdes en renferment, et l’huile verte elle-même n’en est
pas tout à fait exempte. Les dissolutions que l’on obtient
en traitant par l’éther, par la benzine, etc., la substance
-( 897 )
extraite du bois, sont, je l’ai déjà dit, d’une couleur olive
fort prononcée; c’est à cause de cette matière brune que
la teinte due à l'huile verte se trouve ainsi modifiée.
5° Le bois privé, à l’aide de dissolvants, des principes
liquides qu’il renferme ne reprend pas la couleur natu-
relle du bois; il conserve une teinte brune très-foncée.
Cette observation est de nature à confirmer les résul-
tats des expériences que j'ai décrites dans la première
partie de cette notice.
D’après ce qu’on vient de voir, la composition moyenne
du bois injecté peut être représentée de la manière’ sui-
vante : |
Bois présentant une coloration brune très-foncée . . 74,20
Substances solides : naphtaline,
paranaphtaline, pyrène, chry-
s SORA PEU et eu ait: OÙ
Huile. Substances liquides : huiles entrant ei
en ébullition à 2200, huile verte,
Monere brunes 0 tu 2 46,80
100,00
IE. — Piece de bois préparée au moyen du goudron.
M. Melsens a préparé, pendant l'hiver de 1840-1841,
plusieurs pièces de bois au moyen du goudron de houille et
les a exposées, depuis cette époque, à diverses influences,
toutes favorables à la destruction du bois. Il a bien voulu
me confier deux ou trois fragments de ces pièces, pour me
mettre à même de faire quelques expériences sur ce bois.
D’après les renseignements qu’il m’a donnés lui-même,
M. Melsens a préparé ses pièces de bois en les maintenant
pendant quelque temps dans un bain de goudron de gaz
placé dans un vase ouvert et chauffé à 150° C. environ.
Après leur préparation, ces morceaux de bois ont été en-
( 358 )
fouis pendant dix-huit mois à proximité d’un urinoir, puis
dans de la terre ordinaire. Ils furent transportés alors à
Paris où ils restèrent environ dix-huit mois ; à leur retour,
on les soumit à l’action successive de la vapeur d’eau à
100° C., de l’eau froide et de la gelée; ils furent exposés
ensuite sur une pelouse et sur une plate-forme , et passèrent
enfin les six dernières années dans une terre contenant
une certaine quantité de mortier.
Ces diverses pièces de bois, que M. Melsens m'a mon-
trées chez lui, sont dans un état de complète conservation
qui atteste, non-seulement le soin avec lequel la prépa- !
ration a été faite, mais aussi la grande puissance de
conservation que possède le goudron.
Elles ne sont pas enveloppées de cette croûte protec-
trice dont j'ai signalé la présence autour de la traverse de
chemin de fer. La raison de cette différence me paraît
facile à donner : si la traverse est entourée d’une croûte,
c’est parce que, une fois placée, elle n’a plus été dérangée
de sa position pendant une période de plusieurs années, et
la croûte qui s’était formée lentement autour de la bille
n’a pas pu s’en détacher.
Loin d’avoir été abandonnées à un aussi long repos, les
pièces de M. Melsens ont subi de nombreux déplacements;
‘ ceux-ci ont eu très-probablement pour effet de détacher la
croûte qui, selon toute apparence, se sera formée sous terre.
Cette circonstance permet de vérifier une supposition
que j'ai hasardée dans la première partie de ces recher-
ches : j'ai attribué à cette croûte compacte dont la traverse
est entourée, la propriété de ralentir considérablement
l’évaporation de la naphtaline qui se rencontre en assez
grande quantité dans le goudron et dans l’huile de gou-
dron; or, il se trouve précisément que la pièce de bois
( 359 )
préparée par M. Melsens, dépourvue de cette enveloppe,
ne renferme plus que des traces de naphtaline.
On peut donc conclure que l’évaporation de la naphta-
line est considérablement ralentie par la présence de la
croûte compacte qui entoure la traverse injectée.
Ces pièces de bois renferment encore, comme la bille
de chemin de fer, une certaine quantité de principes
liquides. Pour les extraire, je me suis servi des fragments
que M. LS a bien voulu me remettre. Jai soumis
ceux-ci à un traitement semblable à celui que j'avais fait
subir au bois provenant de la traverse.
Cent grammes de bois m’ont donné de la sorte vingt-
six grammes d’une huile brune, très-peu fluide, et le bois,
après cette opération, a conservé une couleur brune assez
intense.
Cette huile, soumise à la distillation, fournit les produits
suivants :
De 70 à 250o C., huile incolore, d’une odeur particu-
lière rappelant celle de la térében-
thine, et naphtaline . . . k 0,6
De 250 à 280° C. , naphtaline et substances Fites : 0,2
De 280 à 520° C. environ, mélange solide, do. et
PxrÈnE EL Are A 4e 0,1
Au delà de 520°, pyrène, chrysène, huile Verte |. 4,8
CRE as DR A RSR A ER ne LT
26,0
À l’aide des procédés que j'ai exposés plus haut, j'ai
constaté dans ce bois l’absence de l’acide phénique et de
la naphtaline, et la présence de l’huile verte, du pyrène,
de la paranaphtaline, du chrysène et de cette substance
brune qui se trouve également dans l’huile extraite . la
traverse de chemin de fer.
, ( 360 )
La composition de ce bois peut s'exprimer de la ma-
nière suivante :
Bois fortement coloré en brun . . . 74
Huile liquide : huile verte, pyrène, paranaphtaline,
chrysène, substance brune, etc. . . 26
100
En commençant ces expériences, j'avais l’intention de
faire quelques recherches sur des bois présentant de
grandes dimensions, préparés et déjà en voie d’altération;
quelque intérêt qu'il y aurait à étudier un pareil bois, J'ai
dû renoncer à ce projet : il m’a été impossible de m'en
procurer. Les démarches nombreuses que MM. Ch. An-
dries, Van der Sweep, Crepin, ingénieurs des ponts et
chaussées, et M. Coisne, chef de section à l’administra-
tion des chemins de fer, ont bien voulu faire à ma de-
mande, ont eu pour résultat d'établir que toutes les tra-
verses créosotées employées en Belgique sont encore dans
un parfait état de conservation.
Dans le but de vérifier sur ces bois les conclusions que
j'ai tirées des expériences que j'avais faites sur des co-
peaux, et qui sont décrites plus haut, j'ai enterré de petits
fragments de ces bois après les avoir complétement dé-
pouillés, au moyen de la benzine, des substances huileuses
qu’ils renfermaient, et j'ai constaté que ces échantillons se
sont détruits avec autant de rapidité que des bois de.même
espèce, non préparés.
Des copeaux, des tissus, imprégnés des huiles qui
avaient été extraites de.la traverse de chemin de fer et du
bois préparé par M. Melsens, ont été enterrés de même et
se sont parfaitement conservés,
( 361 ) :
Ces essais sont de nature à confirmer les résultats des
expériences dont j'ai parlé dans les premières pages de
cette note; ils établissent que c’est dans l'huile que les
dissolvants enlèvent au bois qu’on doit trouver la sub-
stance qui préserve la matière ligneuse.
Cette substance ne peut être l’acide phénique dont il
n’est plus possible de déceler la présence dans cette huile.
Ce n’est pas non plus la naphtaline qui communique au
bois la propriété de se conserver; ce corps, à la vérité, se
rencontre dans la traverse de chemin de fer; mais, comme
le bois que M. Melsens à réussi à préserver de toute alté-
râtion n’en renferme plus que des traces, on est forcé
d'admettre que la naphtaline n’est pas nécessaire à la con-
servation du bois.
Si l’on fait abstraction des corps tels que la lutidine, la
parvoline, etc., que je passe sous silence, parce que le
goudron n’en renferme que de très-petites quantités, et
que leurs propriétés, d’ailleurs, sont fort peu connues, on
voit que la conservation du bois ne peut être attribuée qu’à
la paranaphtaline, au pyrène, au chrysène, à ces sub-
stances brunes dont j'ai parlé ou à l'huile verte, qui seuls
se rencontrent dans l’huile extraite du bois.
La paranaphialine, le pyrène et le chrysène sont com-
plétement dépourvus de propriétés antiseptiques : on se
rappelle, en effet, le résultat négatif des expériences que
j'ai tentées sur ces corps, et qui sont décrites dans mon
premier mémoire.
Les substances brunes paraissent jouir à un faible degré
de la propriété de conserver le bois : on sait que les huiles
de goudron, dépourvues d'huile vefte, préservent pendant
un certam temps la matière ligneuse. Quelque faible que
soit cette action, elle est cependant manifeste et doit être
2° SÉRIE, TOME XVII. | 24
( 362 )
attribuée à la présence de ces matières brunes, répandues
en abondance dans tous les produits de la distillation de
la houille; mais il est impossible d'admettre que cette
substance soit le seul principe antiseptique renfermé dans
l'huile de goudron; en effet, si cela était, les huiles de
houiile, qui toutes sans exception renferment de grandes
quantités de ce corps, devraient conserver le bois à peu
près pendant le même temps, et l'expérience nous apprend,
au contraire, qu'il y a des différences considérables dans
le mode d'action des diverses huiles.
Jl faut donc qu’à côté de ces substances brunes il y ait
un autre principe bien plus puissant qu'elles, et ce corps
ne peut être que lhuile verte que nous rencontrons en
dernier lieu dans la matière extraite du bois.
Ainsi, deux pièces de bois, prises au hasard, préparées
dans des conditions complétement différentes, parfaite-
ment conservées au bout d’une période de plusieurs an-
nées, renferment toutes les deux, à côté d'éléments divers,
nne abondante quantité d'huile verte, qui est précisément
la substance que des expériences antérieures m’avaient
amené à considérer comme le principe antiseptique des
huiles de goudron.
J'arrive donc, par une route différente, à la même con-
clusion que celle de ma première note :
Parmi les corps renfermés dans l'huile de goudron de
houille, c’est l'huile verte qui conserve le bois avec le plus
d'efficacité.
RÉSUMÉ.
J'indique ici, en quelques lignes, les faits principaux
auxquels ces expériences m'ont conduit, et j'insiste parti-
culièrement sur ceux qui sont de nature à intéresser les
praticiens.
( 565 )
Influence des milieux. — L'eau distillée, l'air, la iu-
mière, la terre calcinée sèche et humide, la terre ordinaire
à l’état sec, n’agissent pas sur le bois injecté d'huile verte;
certaines matières organiques contenues dans la terre et
dans l'eau de pluie exercent, sous l'influence de l'humidité,
une modification particulière sur ce bois préparé : cette
huile devient insoluble dans la benzine, l'alcool, l’éther,etc.,
et colore la matière ligneuse en brun. Aussi longtemps
que le bois renferme de l’huile verte à l’état liquide, 1l se
conserve; dès que l’huile s’est fixée en totalité sur le bois,
celui-ci commence à se détruire.
Expériences sur des bois préparés présentant de grandes
dimensions. — 4. Le bois ne s’injecte pas uniformément;
l’aubier du sapin s'imprègne d’une notable quantité d'huile
à laquelle il doit sa couleur noire, tandis que le bois par-
fait résiste à l'injection et conserve la nuance du bois
naturel.
2. L'aubier ainsi préparé se conserve parfaitement bien
sous terre, tandis que le bois parfait non injecté se dé-
truit.
5. On doit donc chercher à augmenter ia puissance des
moyens d'injection dont on dispose, afin de pouvoir im-
prégner complétement les bois que l’on veut préserver,
traverses de chemin de fer, etc.
4. I faut voir s'il n’y a pas avantage à remplacer les
bois durs par des essences de facile injection.
5. Une croûte compacte se forme autour des traverses
de chemin de fer, lorsque celles-ei séjournent pendant un
certain temps sous terre. On doit se garder, lors des répa-
rations à ia voie, ete., d'enlever cette croûte qui protége
le bois.
6. Après un long séjour sous terre, le bois injecté ren-
( 364 )
ferme encore une notable proportion (25 à 26 0/0 pour les
pièces que j’ai examinées) de principes liquides parmi les-
quels on remarque l’huile verte.
7. Le bois, débarrassé, à l’aide d’un dissolvant, des
huiles qu’il renferme, reste coloré assez fortement en
brun.
8, La matière qui conserve le bois avec le plus d’effi-
cacité est l'huile verte. Lorsqu'on injecte des traverses de
chemin de fer, etc., on doit donc préférer cette substance
à toutes les autres huiles de goudron. À défaut de ce
corps qui n’est pas, jusqu'ici du moins, dans le commerce,
on emploiera celles des huiles lourdes, dites créosotées,
qui en renferment le plus.
9. Les traverses de chemin de fer renferment encore
d'assez grandes quantités d'huile pour qu'il soit permis
d'espérer qu’elles se conserveront encore longtemps sous
terre; mais on peut affirmer dès à présent que leur con-
servation ne sera pas indéfinie. C’est à l'ingénieur de voir
s’il est avantageux d'attendre la destruction complète du
bois pour le remplacer par des traverses neuves, ou bien
s’il vaut mieux retirer les anciennes traverses vers l’époque
à laquelle elles commenceront à se détruire, pour les
injecter derechef et leur permettre de servir pendant une
nouvelle et longue période d'années.
EXPLICATION DES FIGURES.
Fig. 1. Section transversale d’une traverse de chemin de fer injectée
d'huile créosotée et ayant été enterrée pendant onze ans sous
la voie belge. Traverse A.
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( 365 )
La section est prise au milieu de la traverse. Largeur totale
245 millimètres. Hauteur 125 millim. L’aubier a est seul
injecté sur une épaisseur de 65 à 70 millim. Le bois parfait
est détruit en grande partie.
Fig. 2. Face inférieure de la moitié de la même traverse A.
cd milieu de la traverse.
ef extrémité de la traverse.
- gg trous servant au passage des boulons qui retiennent les
coussinets.
Longueur 1,140. Largeur à l'extrémité 250 millim. L’injec-
tion ne s’est faite que dans l’aubier même à l’extrémité de la
pièce. Le bois parfait est détruit sur une longueur totale de
950 millim. :
Fig. 3. Section transversale prise au milieu d’une traverse injectée d'huile
créosotée, et ayant été enterrée pendant onze ans sous la voie
belge. Traverse B.
Largeur totale 250 millim. Hauteur 125. L’aubier a est
seul injecté sur une épaisseur moyenne de 70 millim. b bois
parfait. La conservation est complète.
Fig. 4. Face inférieure de la moitié de la traverse B.
Les mêmes lettres désignent les mêmes objets que dans la
figure 2.
Longueur 1,170. Largeur à l'extrémité 250 millim.
A l’extrémité ef, le bois parfait s'est injecté sur une épais-
seur de 5 millim. environ. Conservation parfaite.
Fig. 5 et 6. Sections de traverses de chemin de fer. Exemples de dispo-
sitions vicieuses.
Solution d’une question de probabilités ; par M. Liagre.
membre de l’Académie.
POSITION DE LA QUESTION.
« Dans une partie de domino à quatre, le joueur B se
» trouve placé à la droite du joueur À : celui-ci a la pose
» et doit faire domino en sept coups, B ayant posé six dés,
» et les deux autres Joueurs n’en ayant posé aucun. »
( 366 )
SOLUTION DU COUP.
1° combinaison. — Donnons au joueur A quatre dés
d’une même couleur, renfermant le double
et au joueur B un dé quelconque X, plus trois dés com-
posés ayant les mêmes couleurs variables que ceux de la
distribution (a), et pour couleur constante une de ces trois
mêmes couleurs |
Puis distribuons au premier joueur le trois cinq restants,
et au second les trois as restants
CS UT
se 5? n ee (a)
6210
Les deux jeux pourront donc être représentés par le
iype suivant :
Qriexr |cx
On voit que le jeu de À renferme comme dés variables
la série des sept nombres 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6; et qu'à
exception du double as de A et du dé quelconque de B,
(561)
le jeu de l’an se déduit du jeu de l'autre par la permatation
des deux couleurs constantes. Les deux joueurs ont d’ail-
leurs ensemble tous les dés de ces deux couleurs, et le dé
caractéristique ° se trouve entre les mains de celui qui
doit gagner.
À pose le double us; les deux autres Joueurs passent, et
B doit répondre par un des dés de la distribution (b'),
lequel amènera un cinq de la part de A : les deux autres
Joueurs passent done encore.
Si B ferme l’as, À répond de nouveau par un cinq.
Si B ferme le cinq, ce sera par un des dés de la distri-
bution (b), et À y répondra par un des as de la distribu-
tion (a)... et ainsi de suite, À n’ouvrant que des as ou des
cinq, et B les fermant par des dés qui n'’amènent de la
part de À que des cinq ou des as.
D'ailleurs, B n'aura jamais l’occasion de placer son dé X,
qui ne contient ni as ni cénq; et comme il doit ouvrir suc-
cessivement six couleurs différentes , qui sont précisément
celles que À possède, ce dernier ne passera jamais.
2° combinaison. — Donnons au joueur A trois dés d’une
même couleur renfermant le double
et au second joueur B un dé quelconque X , plus deux dés
composés ayant les mêmes couleurs variables que ceux de
la distribution (a), et pour couleur constante une de ces
deux mêmes couleurs
Puis distribuons au premier les quatre cinq restants , et
( 368 )
au second les quatre as restants : le type de cette nouvelle
combinaison sera
le
a
sa
=>
QI | cr
De cette manière le dé caractéristique . se trouve encore
entre les mains du joueur qui doit gagner; et celui-ci
_ gagnera nécessairement s’il débute par le double as, et s’il
s'impose la condition de ne placer le dé caractéristique que
sur le double cinq de son adversaire.
PROBABILITÉ DE L'ÉVÉNEMENT.
4" combinaison. — Le double as qui entre dans la dis-
tribution (a) étant un dé obligé, on peut achever celle-ci
d'autant de manières qu’il y a de combinaisons possibles
entre les six as restants pris trois à trois : ce nombre
es
Chacun des résultats ainsi obtenus ne peut d’ailleurs
être complété que de trois manières par la distribution
(a); car les trois dés variables de cette distribution sont
obligés, et l’on ne peut prendre pour dé constant que l’un
des trois qui entrent comme variables dans la distribu-
tion (a). |
Comme on peut répéter ce raisonnement en prenant
pour premier double une quelconque des sept couleurs, le
nombre total de jeux distincts réalisant une combinaison
favorable au joueur À sera, dans le cas en question,
6.5.4
1:25
1 + 9 — 490.
( 369 )
2° combinaison. — Le nombre de distributions (x) est
ici 1, et chacune d’elles ne peut être complétée qu’à
l’aide de deux dés constants : le nombre de nouvelles com-
binaisons favorables est donc
6.5
7: — : 2— 910.
12
Par conséquent, le nombre total de combinaisons pro-
pres à faire gagner le joueur qui a la pose est
420 + 210 — 650.
Mais le nombre de combinaisons propres à former un
jeu de sept dés est
DB su 0: 25.29
ROSE
donc la probabilité du jeu de À est
DE Sr 4167
DO a
20 2e: ND 22
À ce jeu correspond pour B un jeu obligé, sauf le dé ar-
bitraire X. Or, avec les vingt et un dés restants, le nombre
de combinaisons sept à sept qui renferment six dés dési-
gnés est quinze; tandis que le nombre total de combinai-
sons possibles est
21.90... 16.15
LÉO ME ENT
la probabilité du jeu de B est donc
a 21.20... 16.15 HO AE. 0.7
1.2.5.4.5.6.7 PORTO. 17.16
( 370 )
D'après la théorie des probabilités composées, la pro-
babilité de la coexistence des deux jeux, c’est-à-dire celle
de l'événement en question, est
(1:205872 RG
— 650 —
16:17: 187060277078
ou à peu près
4
14 569 000
Remarque. — On aurait pu se dispenser d'introduire
la considération des probabilités composées, en observant
qu’à chaque jeu de A correspondent 15 jeux de B, déter-
minés par six dés obligés et par un quelconque des 15 dés
restants. Le nombre de chances favorables à la réalisation
du coup est done 630 X 15.
Mais le nombre total des chances est représenté par le
nombre de manières différentes dont on peut partager
28 dés en deux groupes de 7, ou par
28.971:206.. 17-46-15
41:95:45 06.7 X: 1:01 5004150164
L'événement a donc pour probabilité
so 15e 28:27 -26....17.16 15
5 ; TÉRSRRSE D
PART EE MC
comme ci-dessus; et l’on voit qu'il peut être réalisé de
9450 manières différentes.
(311)
Note sur une pince de homard monstrueuse; par P.-J. Van
Beneden, membre de l’Académie.
Pendant fort longtemps les naturalistes n’ont vu dans
un monstre qu'une difformité, d'autant plus remarquable,
qu’elle s’éloignait davantage des monstres connus.
La zoologie a passé par les mêmes phases que la téra-
tologie. — L'étude des différences parut seule, dans l’ori-
gine, digne de l'attention des savants. — Plus tard elle a
fait place à l’étude des analogies ou des ressemblances. —
L’anatomiste s’est rapproché du zoologiste; aux caractères
différentiels on a substitué les analogies, et une ère nou-
velle s’est ouverte pour la science.
Le mérite de cette nouvelle direction appartient surtout
à Étienne Geoffroy Saint-Hilaire.
Il faudra toutefois, pendant longtemps encore, réunir
toujours des faits : plus il y en a, mieux on généralise et
mieux ils servent de pierre de touche pour apprécier cer-
taines théories. :
Nous ne comprenons pas encore la véritable significa-
tion de l’anomalie que nous avons l'honneur de faire con-
naître aujourd’hui; mais nul doute qu’elle ne vienne un
jour à l’appui de quelque théorie pour expliquer certaines
dispositions normales.
C’est comme un fait, qui recevra plus tard sa significa-
tion, que nous avons l’honneur de communiquer à la classe
le résultat d’une observation faite sur une pince de ho-
mard monstrueuse ; anomalie d’autant plus remarquable
qu’elle a été observée déjà, dans des conditions à peu près
semblables , sur quelques autres crustacés décapodes.
Nous ferons remarquer que la plupart des cas térata-
(372 )
logiques connus dans les animaux articulés se rapportent
aux organes sexuels.
Voici le cas :
Dans un des derniers chargements de homards venant
de Norwége, il s’en trouvait un d’une taille moyenne, dont
la grosse pince, ou la patte antérieure du côté droit, au lieu
d’un dactylopodite simple, pour me servir de la nomen-
clature proposée par M. Milne Edwards, en porte trois,
et ces trois dactylopodites, à peu près de la même taille
et de la même forme, se meuvent comme une seule pièce.
Elles ont toutes les trois un des bords dentelé comme
l’article normal, avec le bout légèrement crochu. Deux
d’entre elles ont les dentelures du même côté et dans la
position normale; tandis que la pièce du milieu présente
ses dentelures en dehors. Si les trois dactylopodites étaient
mobiles, 1l y aurait deux pinces complètes, comme on peut
le voir dans la figure ci-jointe.
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Û
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«
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Ê
Le homard ne présentait rien d’irrégulier dans le reste
( 373 )
de sa conformation, pas plus à l'extérieur qu'à l’intérieur.
Sur plusieurs milliers de homards qui arrivent annuel-
lement à Ostende, cette particularité n’a été remarquée
qu'une seule fois. |
Comme nous l’avons fait remarquer plus haut, on à
déjà observé des aberrations analogues sur des genres
voisins dans les crustacés décapodes.
Jäger a réuni, en 1851, tous les exemples connus Jjus-
qu'à lui de pinces d’écrevisses monstrueuses (1) et il en
signale qui ont été observées déjà , par Rôsel (2) et par
lui-même (3). Il cite également un cas curieux observé
par Tiedemann (4).
M. Herklots a fait connaître, dans sa Notice carcinolo-
gîique, une patte monstrueuse de Lithodes arctica de la
collection appartenant à la société d'Amsterdam : Natura
artis magister. C’est la seconde patte de gauche qui a,
comme notre patte de homard, le dernier article divisé en
trois dactylopodites réunis à leur base et ne formant égale-
ment qu’une pièce unique immobile (5).
Dans le Compte rendu de la Société de Biologie, en
1851 (6), le docteur Rayer fait mention d’un Carcinus
maenas, qui portait à gauche trois petites pinces à la pre-
mière paire de pattes.
(1) Jäger, Vergl. Darstellung der missgebildeten Scheeren des gem.
Flusskrebses (ASTAGUS FLUVIATILIS ).…. Wurtenb. Natur. Jahreshefte.
Stuttgart, 1851, 7e ann., p. 33.
(2) Insectenbelustigung, 3e Theil, Tab. LX et LXI.
(5) Meckels Arch. f. Physiologie, 1826, p. 95, tab. 11 f. 5.
(4) Deuisches Archiv. für Physiologie, Vter Band, 1819, p. 127, tabl.
11, fig. 2.
(5) Notice carcinologique, par J. À. Herklots, fig. B.
(6) Tome LIT, pp. 11-14, 1851.
( 514 )
Nous voyons également un exemple remarquable d’une
semblable anomalie dans Dalyell (4).
Dans la classe des insectes, un cas non moins remarqua-
ble s’est présenté chez un coléoptère (Scarites pyracmon).
La première patte à gauche est triple, c’est-à-dire que du
prothorax naissent trois pattes complètes, toutes parfai-
tement développées et semblables à la patte unique du côté
opposé. Ce cas est rapporté dans Guerin (2).
Un autre coléoptère, l’Helops caeruleus, a présenté son
antenne droite trifurquée vers le milieu de sa longueur.
Les quatre premiers articies sont les mêmes que dans l’état
ordinaire (3). |
Wahlberg cite également un diptère (Eristalis scutel-
lata) dont une antenne est de même trifurquée, tandis que
l’autre est régulière (4).
1 faut attendre un nombre plus considérable de faits
pour donner à l’anomalie que nous signalons dans cette
notice sa vraie signification. Notre but n’est autre que
d'ajouter une observation à celles qui sont connues.
Il est évident pour tous les zoologistes que les crus-
tacés appartiennent au même type que les insectes, dont
ils représentent le degré inférieur, et les diverses paires
de pattes doivent, par conséquent, se correspondre et
offrir la même composition.
D'un autre côté, tous ces appendices, qu'ils appartien-
nent à la bouche, au thorax ou à l'abdomen, doivent éga-
(i) The Powers, vol. 1, pl. LAX , fig 1.
(2) Magasin d'entomologie, pi. XL.
(5) d.-C. Sernige, Notice sur quelques monstruosités d'insectes, lue,
en 1852, à la Société linnéenne de Lyon.
4) Ofvers. Vet. Acad. fürhand, 1847. ,
( 519 )
lement présenter une composition semblable, de manière
que le naturaliste doit chercher les parties analogues au
milieu des plus grandes diversités. C’est là, pensons-nous,
un des motifs pour lesquels on doit annoter avec le plus
grand soin les divers genres d'anomalies. C’est dans ce
désordre apparent qu’on doit découvrir l’ordre.
Une patte complète doit avoir sept articles, et, d’après la
nomenclature proposée par M. Milne Edwards, ces articles
sont : 1° un coxopodite; 2° un basopodite; 5° un ischio-
podite ; 4° un méropodite ou cuisse; 5° un carpopodite ou
carpe ; 6° un propodite ou main, et 7° un dactylopodite ou
tarse.
Dans plusieurs cas signalés plus haut, c’est le dactylo-
podite qui se multiplie, et le nombre trois, qui se répète
souvent, n’aurait-il pas une signification? Ce sont des
pattes trimères par anomalie. Il est vrai, ces articles ne
sont ni mobiles ni placés bout à bout; ils forment plutôt
une empaumure qui serait nuisible à la marche; mais le
nombre y est, et ils pourraient aussi bien se placer bout à
bout qu’à côté les uns des autres.
Nous avons signalé également des antennes et des pattes
d'insectes coiéoptères trifurquées; mais cette aberration
semble avoir une autre signification : c’est un cas analogue
à la poiydactylie qu'on à vu souvent dans les classes su-
périeures.
La classe des crustacés nous présente, du reste, plu-
sieurs particularités remarquables que l’on ne doit pas
perdre de vue. Comme ces animaux croissent pendant
toute la vie et se reproduisent quand ils sont encore loin
d’avoir atteint leur forme ou plutôt leur grandeur, ils
muent aussi pendant toute la vie, et le homard le plus
colossal y est sujet comme celui qui est en voie de for-
( 316
mation. D'un autre ‘côté, les parties mutilées se repro-
duisent toujours : si une antenne ou une patte se casse,
il lui en vient une autre; mais on ignore si la patte nou-
velle reproduit exactement celle qui est tombée, qu’elle
soit régulière ou difforme. On observe également chez eux
divers cas de défauts de symétrie bien remarquables. Dans
le homard, par exemple, les deux pinces sont toujours
dissemblables : celle de droite'est généralement plus courte
et plus forte que l’autre. Mais si les pinces ont été mutilées
à droite , 1l se peut fort bien que celle de gauche devienne
la plus forte; c’est ce que nous espérons confirmer bientôt
par des observations directes.
Essai des huiles; note par M. Fr. Donny, correspondant
de l’Académie.
Ayant été souvent dans le cas d'analyser des huiles, je
me suis servi, à différentes reprises, d’un procedé que Je
crois nouveau et qui offre un certain intérêt, à raison de
sa grande simplicité. Voiei en quoi 1l consiste :
Je suppose qu’il s'agisse de comparer entre eiles deux
espèces d'huiles. On commence par colorer très-légère-
ment en rouge l’un des deux échantillons, ce qui se fait
aisément au moyen de lorcanette. On introduit ensuite,
à l’aide d’une pipette, une petite quantité de cette huile
colorée dans la masse du second échantillon. — Si on
opère avec précaution, l'huile colorée se présentera sous
la forme d’une petite sphère plus ou moins régulière, sus-
pendue dans la masse liquide.
(314)
À partir de ce moment , on observera l’un des trois phé-
nomènes suivants :
Ou bien l'huile dont se compose la petite sphère sera
d’une nature plus dense que le reste du liquide , et alors
la goutte gagnera le fond du vase. Dans ce cas , les deux
échantillons d’huiles ne sont pas de même nature.
Ou bien les deux espèces d'huiles auront exactement le
même poids spécifique , et alors aucun déplacement n'aura
lieu : la sphère liquide ne tendra ni à monter ni à des-
cendre. Ce cas se présente toutes les fois qu’on opère sur
des huiles de même espèce.
Ou bien , enfin, la sphère sera spécifiquement plus lé-
gère que l'huile dont elle est entourée, et alors elle gagnera
Ja surface de la masse liquide. Eei, comme dans le premier
cas, les deux échantillons d'huiles sont de nature différente.
Comme on le voit, ce procédé présente une certaine
analogie avec le procédé Lefevre, car tous les deux sont
basés sur la différence de densité des huiles , et cette nou-
velle manière d'opérer n’offrirait aucun intérêt, si elle
n'était susceplible de fournir des indications là. où l’em-
ploi des procédés ordinaires devient presqu’impossible.
D'abord, elle permet d'opérer sur des quantités minimes
de matière; avantage incontestable, surtout dans le cas
où 1l faut se procurer soi-même un échantillon-type, par
la compression des graines oléagineuses du commerce.
En second lieu, les résultats de l’essai sont toujours les
mêmes, quelles que soient les températures auxquelles on
opère, et on parvient ainsi à supprimer l’emploi fastidieux
du thermomètre; ce qui n’est pas possible quand on établit
les densités au moyen d’aréomètres ou de balances. Il
faut seulement éviter l’action du rayonnement direct d’une
source de chaleur et en général toute variation brusque
me SÉRIE, TOME XVII. 25
( 3178 )
de température; car il pourrait en résulter des courants
ascendants et descendants ou d’autres complications sus-
ceptibles de troubler l'expérience.
=
_— Une note de M. Montigny sur cette question : La
scintillation d’une étoile est-elle la même pour des obser-
vaieurs diversement placés? est renvoyée à l'examen de
MM. Duprez et Plateau.
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 4 avril 1861.
M. GacHaRp, directeur.
M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le baron de Gerlache, de Ram,
_ Roulez, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, David,
Paul Devaux, De Decker, Snellaert, Haus, Bormans,
Leclercq, Baguet, Faider, Kervyn de Lettenhove, Chalon,
Mathieu, membres ; Nolet de Brauwere van Steeland,
associé; Thonissen, Th. Juste, correspondants.
MM. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-
arts, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur fait connaître que, vu la
liste en double des candidats présentés par la classe des
lettres de l’Académie, il a nommé les membres du jury
chargé de juger le concours institué, par arrêté royal, pour
la composition d’une histoire des anciennes assemblées
nationales de la Belgique, depuis le règne de Philippe le
( 380 )
Bon. Ces membres sont MM. Borgnet, le baron de Ger-
lache, Ch. Faider, Gachard et Kervyn de Lettenhove.
— M. le baron Kervyn de Lettenhove dépose le tome IV
des Œuvres de Chastellain, qu'il vient de publier au nom
de la commission académique chargée de la publication
d’une collection des grands écrivains du pays.
— M. le comte de Montalembert, associé de l’Académie,
adresse un exemplaire de la nouvelle édition de l'Histoire
de la guerre d’Escosse, par Jean de Beaugué, gentilhomme
francois, qu’il vient de publier et qu’il a fait précéder d’un
avanti-propos.
M. le docteur Lubach fait hommage.de son ouvrage sur
l’Ethnologie du royaume des Pays-Bas, qui concerne en
même temps plusieurs provinces de la Belgique. |
La Société d’'émulation de Bruges adresse à l’Académie
le complément des mémoires et chroniques qu’elle a pu-
bliés depuis 1841 , sur l’histoire de la Flandre occidentale.
— Remerciments. |
— Le Comité central de publication des inseriptions
funéraires et monumentales de la Flandre orientale de-
mande l’échange des publications de l’Académie , et offre
* de faire parvenir les premières livraisons de son Recueil
d’inscriptions funéraires, ete. Cet échange est accepté.
( 381 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur l'usage des langues parlées en Belgique; par
M. M.-N.-J. Leclercq, membre de l’Académie.
Quel est le droit, quand à l'usage des langues en Bel-
gique, dans les rapports de l'autorité et de l’administra-
tion publiques avec les citoyens, et réciproquement?
En nous demandant quel est le droit, nous nous pla-
çons au point de vue de la souveraineté nationale, appelée,
non à faire le droit, on ne fait pas le droit, 1l existe dans
l’ordre de la nature, mais à le reconnaitre, pour y con-
former son action, à le formuler, pour le soustraire à la
confusion des opinions individuelles et à y attacher une
sanction, pour forcer chacun à s’y soumettre.
L'importance de cette question ne peut échapper à per-
sonne : elle tient à ce qu'il y a de plus intime dans notre
être, la formation et la manifestation de la pensée; elle
touche aux plus graves intérêts de l’ordre moral et de
l’ordre matériel, dont le langage est l'instrument essen-
tiel; elle embrasse tout à la fois sous ce double rapport
et l’homme et le peuple, la dignité humaine et le carac-
tère national; elle agite parmi nous nombre d’esprits
généreux, dont l’inquiète sollicitude craint sans cesse
pour le droit dans ce qu’ils regardent avec raison comme
- l’une des plus précieuses libertés ; elle s’élève enfin dans
un pays que divise la langue , et dont chaque fraction
retrouve la sienne dans un pays voisin.
Grand ést donc le danger de l'erreur; grand aussi est le
>
( 382 )
danger de la passion, qui, en favorisant l'erreur, sépare
les cœurs non moins que les esprits, menace la patrie non
moins que la vérité.
Hâtons-nous d'ajouter, pour ne pas grossir le danger,
sans toutefois le dissimuler, que nos libres institutions
sont la sauvegarde de tous, que sous leur empire la force
appartient en définitive à la raison et à la vérité, que si
l'erreur, l’injustice même, inhérentes à la fragilité hu-
maine, sont parfois possibles, tôt ou tard l’une se dissipe
au grand jour de la publicité, l’autre trouve sa réparation
dans les instruments dont dispose l’opinion publique pour
se faire obéir, et que le droit, en cette matière comme en
toute autre , est le fruit certain du temps et des pacifiques
débats qui le forment.
Cherchons donc sans esprit exclusif, sans prédilection
pour aucune langue, sans autre but que la vérité, quel
est le droit, dont chacun, le public comme l'individu, peut
se prévaloir en Belgique quant à l’usage des langues.
Une règle a déjà été formulée à cet égard par la loi,
qui est le titre commun en vertu duquel tout pouvoir
s'exerce parmi nous.
L'article 23 de la Constitution porte : « L’emploi des
» langues usitées en Belgique est facultatif, il ne peut
» être réglé que par la loi, et seulement pour les actes
» de lautorité publique et pour les affaires judiciaires. »
Telle est la règle.
Nul en Belgique, particulier, pouvoir législatif, exécu-
tif ou judiciaire, qui ne doive s’incliner devant elle.
Cette règle contient à la fois un principe et une excep-
tion : ù
Un principe, en ce qu’elle reconnait la hiberté dans
l'usage des langues ;
( 983 )
Une exception, en ce qu’elle reconnaît la possibilité d’une
limite à la liberté, restreint cette possibilité aux actes de
l’autorité publique et aux affaires judiciaires, et réserve
dans ces termes au pouvoir législatif le soin Le Remuer
au besoin la limite.
L'intelligence du principe ne demande aucune explica-
tion : il est clair par lui-même; qui dit liberté, dit droit
de ne relever que de soi, de sa raison et de sa conscience;
la liberté dans l'usage des langues signifie donc le droit
pour tous, simples citoyens ou hommes publics, de se
servir chacun de la langue qui lui convient, de se servir
de cette langue quelque position qu’il occupe, quelqu’af-
faire qu'il ait à gérer; de ne se voir interdire ni par la loi
ni par l'autorité publique aucune position, aucune affaire
à raison de la langue dont il entend se servir, en un mot,
d’être seul juge de ce que, sous ce rapport, il lui convient
de faire ou de ne pas faire, et de n’avoir à subir de ce chef
ni ordre ni condition de personne.
Ce que nous venons de dire du principe nous devons le
dire de l’exception, elle est également claire par elle-même ;
possibilité, non nécessité, d’une limite à la liberté dans
l'usage des langues; termes de cette limite possible : les
actes de l'autorité publique, les affaires judiciaires; au
. delà, pleine liberté; pouvoir législatif appelé à décider si
une limite doit être apportée à la liberté, et quelle sera
cetie limite; tout cela ne demande aucune explication
pour être compris.
La question ne s'élève que dans les termes de cette
limite (actes de l’autorité publique, affaires judiciaires),
pour ceux-là seuls que touchent ces termes, personnes
appelées ou pouvant être appelées à poser les actes de
Vautorité publique, personnes en rapport avec elle à ce
( 584 )
titre, ou avec leurs actes, personnes mélées ou pouvant
être mêlées dans une affaire judiciaire, civile ou criminelle,
magistrats, officiers publics, avocats, avoués, huissiers ,
parties , témoins, experts.
Quel est le droit pour ces diverses catégories de per-
sonnes en cette matière? Et d’abord , y a-t-il un principe
général , qui les embrasse toutes?
Généralement, de pareilles questions se débatient dans
des pays occupés par deux populations originairement en-
nemies, où l’une à par la conquête imposé sa domination
à l’autre, l’a soumise à ses lois, partiellement ou d’une
manière absolue, et lui a imprimé le caractère propre de
la conquête et de la domination, en fäsant de la langue
du conquérant l’organe de la vie publique du pays, où
l’autre, favorisée par le progrès du temps, a réagi contre
la domination et la conquête, a cherché à recouvrer, si-
non son autonomie complète, au moins une juste et large
participation dans l’État, a. cherché surtout et avant tout
à effacer le stigmate honteux de son abaissement, la
langue des vainqueurs, et a engagé dans ce but une lutte,
dont le principe est l’exclusion, inspiré qu’il est par le
souvenir d’un passé qu’on voudrait effacer, par les pas-
sions et les ressentiments qu’il a laissés après lui.
Il n’y à, Dieu merci, rien de semblable en Belgique; nous
n’y trouvons, quelque loin que nos souvenirs se reportent
ni vainqueurs, nl Vaincus, nous n’y trouvons aucune po-
pulation qui se soit jamais imposée aux autres, nous y
trouvons avec leurs langues diverses des Flamands, des
Wallons, des Allemands, occupant des territoires distincts
sous ce rapport, il est vrai, mais en relations constantes
les uns avec les autres, entraïnés incessamment par ces
rapports à passer les uns chez les autres, à se mêler, à
( 585 )
s’allier, à s'établir d’une partie du territoire dans une
autre, n'ayant qu’une loi, qu’un gouvernement, qu'une
justice, qu’une armée , prenant tous à un égal degré part
en commun à cette vie publique dont l’unité est l’âme
même d’un peuple , habitant ainsi non plusieurs terres,
mais une seule terre, la terre belge, formant non plu-
sieurs peuples, mais un seul peuple, le peuple belge, non
plusieurs ordres de citoyens, mais un seul ordre, les ci-
toyens belges, tous unis dans une égalité parfaite par un
échange continuel de sentiments, de pensées et d’inté-
rêts.
Là, nulle cause de lutte dans un passé humiliant pour
quelques-uns; là n’existe point ce stigmate de la langue,
que le vaincu cherche à effacer et qui le pousse à pros-
erire du sol qu’il habite , la langue du vainqueur; là
n'existent que des concitoyens égaux dans le passé et
dans le présent, usant chacun librement de sa langue
dans la vie publique comme dans la vie privée, se sup-
portant mutuellement, se prêtant, s’accommodant les
uns aux autres, dans cet usage; là doit être repoussé tout
principe exclusif puisé dans les ressentiments du passé;
Jà au contraire le seul principe vrai est l’unité dans la
diversité et dans la liberté; là ce principe doit être puisé
dans la nature et le but du langage combinés avec la na-
ture et le but de la vie publique.
Ainsi, nature du langage, but du langage, nature de la
vie publique, but de la vie publique, voilà les données du
principe organique des limites constitutionnellement pos-
sibles pour l’usage facultatif des langues en Belgique, s’il
existe un principe en cette matière.
La première de ces données, la nature du langage, s’ex-
prime en quelques paroles et les conséquences en sont
( 586 )
claires; un grand écrivain a dit : le style c’est l’homme ;
ce mot est bien plus vrai encore de la langue considérée
dans chaque homme, de la langue maternelle.
Cette langue, la langue dans laquelle un homme s’est,
dès ses plus jeunes ans , habitué à donner un corps à ses
sentiments et à ses pensées, c’est-à-dire, à tout ce qui
fait la vie de l'âme, est par cela même inséparable de
l'âme, elle se confond avec elle, elle est tout l’homme si
l’homme existe principalement par l’âme.
Telle est la nature du langage propre à chaque homme,
formé en lui, développé avec lui; il tient essentiellement
à son âme, il est en réalité une partie de son être et nous
devons en conclure que nul, sans subir la plus affreuse
tyrannie, ne peut jamais être forcé d'abandonner sa langue
maternelle, que nul, sur le sol de la patrie, là où partout,
quelque langue que d’autres y parlent, il est citoyen et il
l’est à un égal degré avec tous les droits inhérents à cette
qualité, nul ne peut être exclu d’une position quelconque
s’il n’abandonne sa langue maternelle, nul ne peut être
forcé d’user d’une autre langue que de sa langue mater-
nelle dans quelque position qu'il se place ou se trouve
placé. Tel est le droit de chacun, au moins à ne voir que
la nature du langage , il en est la conséquence manifeste,
et cette conséquence comprend en principe la liberté et
la diversité.
Mais le but du langage comporte-t-il un droit semblable
dans ce qu’il a d’absolu ? Les hommes doivent s'entendre
quand ils se parlent ; dans ce but existe le langage; quelle
qu’en soit la nature, il n’est rien s’il le méconnaît ; là donc
où le langage diffère entre les citoyens, la nécessité à la-
quelle personne n’échappe commande d’en concilier le but
avec la nature et ses conséquences, la liberté et la diver-
0
pds c'e doté dt Gi
( 387)
sité, et pour les concilier sans violer le droit n'oublions
point que là nous avons devant nous des citoyens d’une
même patrie, égaux entre eux et qui ne peuvent sur quel-
que partie du sol qu'ils se rencontrent s’imposer les uns
aux autres.
Ils doivent conserver chacun leur langue, et néanmoins
ils doivent s’entendre. Comment concilier ces contraires
dans la vie publique qui s'arrête si on ne les concilie?
Comment parvenir en les conciliant à l’unité dans la liberté
et la diversité ?
Ces contraires se présentent aussi nu la vie privée, et
la conciliation s’y fait toujours sans grand effort, sans con-
trainte, ni intervention de la loi ; la raison, le sentiment
des égards réciproques que les hommes se doivent, l’in-
térêt qui s'attache aux relations communes, suffisent à ce
résultat : quand dans la vie privée des personnes parlant
des langages différents se trouvent réunies pour leurs
affaires ou leurs plaisirs, que les unes ne savent que leur
langue maternelle et que les autres y joignent la connais-
sance de celles des premières, jamais elles ne refusent de
communiquer avec elles dans leur langue pour ne pas
momentanément abandonner l'usage de celle qui leur est
propre; ce serait de leur part et à leurs propres yeux
un sot et blâmable orgueil, ou une malveillance non moins
blâmable , ou un sacrifice déraisonnable de leurs intérêts,
et toujours nous les voyons se rapprocher dans la langue
connue de chacun; nul ne s’imaginant faire. acte d’abais-
sement vis-à-vis d'autrui, tout l'honneur au contraire en
revenant à celui, qui peut ainsi rendre sa pensée sous
diverses formes; il en sera de même si toutes ces per-
sonnes sont réduites à leur langue maternelle : elles s’em-
presseront, plutôt que de se séparer et de rompre leurs
( 388 )
relations, de recourir à un interprète, qui leur sera une
langue commune et qu’au besoin tous ou quelques-uns ré-
tribueront suivant que l'intérêt qui les rassemble les tou-
chera tous ou seulement quelques-uns. Ce qui se passe
dans la vie privée ne peut-il se passer dans la vie publique ?
Nous savons bien que, dans la vie privée, les relations sont
volontaires, au moins la plupart du temps, que les actes
qu’elles entraînent le sont également, et qu'on ne peut
en dire autant de la vie publique; que les relations y sont
forcées, que les actes, les communications verbales ou
écrites le sont aussi, que si des citoyens sont en présence
les uns des autres ils n’y sont pas toujours au même titre,
que fréquemment l’autorité, ou des droits émanés de la loi
seule , placent les uns ou dessus des autres ou créent entre
eux des rapports étrangers à cette liberté propre aux rela-
tions de la vie privée.
Mais malgré ces différences n’y a-t-il pas des analogies
qui peuvent nous indiquer la voie qui conduit à une juste
conciliation de la nature et du but de la langue ?
ei nous nous trouvons en présence des deux autres
données du principe que nous cherchons, la nature et le
but de la vie publique :
La vie publique est cette partie de notre vie à tous, qui
embrasse les rapports réciproques de l’homme et de la so-
clété civile, les droits, les obligations, les devoirs, les in-
térêts, qui sont l’objet de ces rapports. qui les engendrent
où qui en naissent, les sentiments , les idées, les opinions,
qui en sont l’accompagnement inséparable, le langage,
qui en est le lien nécessaire comme il est le lien nécessaire
de tous les rapports des hommes entre eux.
L’homme, dans la vie publique, nous apparait sous deux
qualités : lune essentielle, et partant commune à tous,
( 389 )
l’autre, nécessaire en général , ilest vrai, mais ne pouvant
appartenir qu'à quelques-uns; 1l nous apparaît comme
simple membre de la société civile, avec ses droits, ses
obligations, ses devoirs, ses intérêts particuliers et sa
langue maternelle dans laquelle ils se formulent, ou comme
délégué de cette société, chargé d'exercer son autorité et
de gérer les intérêts communs confiés à sa garde, inter-
médiaire entre elle et ses membres, ne cessant point de
compter parmi eux, mais la représentant dans ses rapports
_avéc eux, et dont par conséquent les actes à ce titre sont
ses actes, et la langue dans laquelle ils se formulent est
sa langue.
La société civile n’existe point pour elle-même, elle
n’est qu'un élément de la vie publique; elle existe pour
tous et chacun de ses membres, son autorité est la souve-
raine protectrice des droits de tous; les intérêts qu’elle
gère sont le domaine de tous, quoiqu’ils ne soient la pro-
priété exclusive d’aucun; sa force est la force de tous,
quoiqu’elle ne soit l’attribut exclusif d’ancun; elle est ainsi
dans l’ordre de la nature une partie de notre existence
à tous et nos rapports avec elle, ou, ce qui est la même
chose, avec ses représentants, ces rapports, qui forment
toute la vie publique, considérée dans sa nature et dans
son but, ne sont forcés qu’en apparence; ils ne le sont pas
plus dans la réalité que les rapports de chacun de ses sim-
ples membres entre eux; les uns et les autres naissent des
besoins inhérents à la nature humaine ; ils ont en consé-
quence une analogie qui tient à l’essence de notre vie et
qui, par cela même, repousse toute différence entre eux
dans l’emploi des langues.
Ainsi, que la société civile, ou, ce qui revient au même,
_que des Belges délégués de la société civile et des Belges
( 390 )
simples membres de la société civile se trouvent en pré-
sence pour traiter une affaire de la vie publique ; que leur
langue maternelle ne soit pas la même, et que pourtant
les uns sachent la langue des autres, ne sera-t-il pas dans
l'ordre et par suite n’est-il pas de droit qu'ils traitent cette
affaire dans la langue connue de tous? s’y refuser ne serait-
ce pas le fait d’un sot orgeuil, un acte de déraison digne
de tout mépris et que l’on ne pourrait autoriser sans une
suprême injustice? Dira-t-on que nul ne peut imposer sa
langue à autrui? Certes, mais est-ce là ce qui se fait en
semblable occurrence ? Un Belge sachant le français et le
flamand, et un Belge qui ne sait que le flamand ou le fran-
cais se trouvent en présence, l’un comme homme public et
l’autre comme homme privé, ou tous deux comme hommes
publics, et ils ont à régler une affaire de la vie publique,
c’est-à-dire, qui touche à l’intérêt commun de tous et plus
ou moins directement à l’interêt propre de chacun; sil
s'agissait d’une affaire de la vie privée, le premier s’em-
presserait d'écouter le second et de lui répondre dans sa
langue, sans croire pour cela que celui-ci la lui impose;
comment en serait-il autrement si l’affaire tient à la vie
publique, dont les intérêts sont propres aux personnes
comme les intérêts de la vie privée, et n’en diffèrent que
dans la mesure et dans la forme; où y a-t-il sujétion par-
ce que l’un, qui entend la langue de l’autre, de qui celle du
premier est ignorée, s'explique avec lui dans cette langue ?
Il est impossible d’en voir aucune; on ne peut y voir que
la juste entente prescrite par les rapports de bienveillance
dont la Providence à fait une loi aux hommes, surtout
aux enfants d’une même patrie, et si l’on à pu concevoir
quelque doute à cet égard, il ne peut provenir que d’une
opinion, vraie peut-être autrefois, fausse aujourd’hui, que
(31 )
les circonstances qui lui avaient donné naissance sont
passées, grâce au Ciel; il ne peut provenir que de cette
opinion née de siècles de division et de servitude, et qui
nous fait voir l'étranger et son joug dans ce qui en porte
surtout le signe, dans la langue. Mais le temps d’un pareil
signe est passé; la Belgique est une; son unité est sortie
de son mdépendance, et elle ne relève plus que d’elle-même ;
diverses langues sont parlées sur son sol; aucune n’y est
étrangère ; toutes sont langues des Belges, et quand l’un
parle à l’autre dans. sa langue, quelque position qu’il oc-
eupe, homme public, homme privé, jamais l'étranger ne
parle : des Belges sont en présence et nul ne s’impose à
l’autre, quoique l’un parle dans sa langue maternelle, non
dans celle de son interlocuteur, et que celui-ci l’écoute et
lui réponde dans la même langue.
En sera-t-il autrement dans le cas où la langue de
chacun des deux interlocuteurs est inconnue de l’autre,
si des interprètes , c’est-à-dire, ce qui se pratique dans les
relations de la vie privée, sont appelés pour servir de
langue commune à tous deux? Évidemment non; loin de
là, au contraire :
Dans ce cas en effet, 1l pourra bien y avoir quelque gêne,
il pourra bien y avoir quelque dépense, dont la charge
sera facilement réglée, mais tous s’entendront, 1l n’y aura
ni contrainte n1 lésion pour personne, et cette égalité par-
faite , ce soin d’épargner toute contrainte à qui que ce soit
à cause de sa langue, ne laissera subsister que le désir de
s'entendre sans intermédiaire et la conséquence naturelle
de ce désir, la volonté de savoir la langue des compatriotes
au milieu desquels les circonstances peuvent nous con-
duire, est un lien de plus ajouté par la réalisation de cette
volonté à tous ceux qui les unissent déjà et n’en font qu’un
(592)
seul peuple. Repousser ce moyen hors les cas d’impossi-
bilité, c'est proclamer que les Belges de langue française
et de langue allemande sont exclus de la vie publique à ce
- titre dans les pays de langue flamande, s’ils ne compren-
nent et ne parlent cette langue, et réciproquement qu’il en
est de même des Belges de langue flamande et de langue
allemande dans les pays de langue française, des Belges de
langue flamande et de langue française dans les pays de
langue allemande, si les premiers ne comprennent et ne
parlent la langue française, si les autres ne comprennent
et ne parlent la langue allemande; c’est les exclure respec-
tivement de toutes fonctions publiques , soit politiques
(électorales ou autres), soit judiciaires, soit administratives
dans les pays dont ils ne parlent pas la langue; c’est leur
faire subir une langue à eux étrangère dans leurs rapports
avec les personnes investies de fonctions publiques dans
ces pays; C’est sacrifier ou tout au moins léser leurs intérêts
engagés dans ces rapports; c’est proclamer en conséquence
. Ja division de la Belgique en trois pays, un pays flamand, un
pays français et un pays allemand; c’est diviser le peuple
belge en trois peuples, un peuple flamand, un peuple
français, et un peuple allemand; c’est, en un mot, dé-
truire l’unité nationale conquise au prix de tant de luttes
et de souffrances, et ne plus laisser à sa place que trois
fractions du peuple des Pays-Bas, du peuple français et
du peuple allemand, qui bientôt iront par une attraction
naturelle , leur lien d'unité brisé , rejoindre pour s’y unir
le corps principal, dont ce lien ne les séparera plus.
En vain prétendrait-on échapper à cette conséquence
en restreignant ses prémisses aux fonctions publiques
pour les Belges ignorant la langue du lieu où elles doivent
s'exercer, en les niant pour leurs rapports d'intérêt privé
( 395 )
avec l'autorité publique dans ce lieu et en se prévalant de
l'exemple de la Suisse, tout à la fois allemande, française
et italienne. Les effets de la restriction aux fonctions pu-
bliques sont illusoires ; il n’y en aura pas. moins un pays
flamand avec ses électeurs, ses fonctionnaires politiques,
Judiciaires et administratifs flamands, un pays français et
un pays allemand avec le même personnel français et alle-
mand ; 1l y aura même quelque chose de plus odieux en-
core et de plus propre à creuser la division et à précipiter
la dissolution de l’unité nationale, il y aura un pays fla-
mand avec ses fonctionnaires flamands, et un pays français,
un pays allemand, dans lesquels les Flamands, non con-
tents d'exclure les Français et les Allemands de leur pays
flamand, viendront partager les fonctions publiques à l’aide
de cette nécessité qui les force, pour sortir des limites
étroites de leur idiome thiois , à y joindre l’une des grandes
langues de l’Europe, à la différence des Français et des
Allemands, libres de toute nécessité de ce genre, et qui,
quoi qu’on fasse et même à cause de ce que l’on ferait à
cette fin, sont et seront toujours en général naturelle-
ment peu enclins à apprendre, au point de se familiariser
avec lui, un idiome, mtéressant peut-être, archéologique-
ment et philologiquement parlant , mais d’un usage borné
à un petit coin de la terre et y variant pour ainsi dire de
village à village. Et ce qu’on peut dire des fonctions publi-
ques, on peut le dire également des rapports d'intérêts
privés avec l’autorité publique dans chaque division du
pays : du moment où chacune aura sa langue exclusive-
ment réservée aux affaires publiques, le Belge d’une d’elles
se trouvera dans les autres absolument sur la même ligne
que les étrangers ; il y rencontrera, pour la gestion de
ses affaires , les mêmes embarras et les mêmes difficultés
_ 2€ SÉRIE, TOME XVII. 26
( 594 )
qu'eux, et comme eux il n’aura devant lui, pour en traiter,
que des hommes dont les conditions d’existence publique
n'auront rien du compatriote, au lieu de retrouver con-
stamment dans chaque partie d’un même sol et d’un même
peuple , ce qui fait un sol, un peuple unique, et une
seule patrie, ce mélange des citoyens de toutes les parties
du pays, mélange résultant de ce va et vient continuel
d'hommes, qui trouvent la patrie partout où, avec les
mêmes institutions, 1ls trouvent un même accueil , quelle
que soit leur langue maternelle. |
Le mal reste donc entier, et l'exemple de la Suisse n’y
peut rien, car il n’y à pas là un pays unitaire; 1l y a des
cantons souverains, confédérés entre eux , et dont le lien
fédéral tire sa force de la configuration du pays, de son
indépendance séculaire et du souvenir également séculaire
des ennemis puissants, des dangers imminents contre les-
quels il s’est formé et a depuis été se fortifiant sans cesse.
Nous n’avons rien de pareil en Belgique, et on ne peut
se lasser de le redire : si l’on veut l’unité nationale, si l’on
veut une patrie belge, il faut vouloir un seul sol belge, et
non un sol flamand, un sol wallon et un sol allemand; il
faut vouloir un seul peuple belge, et non un peuple fla-
mand, un peuple wallon et un peuple allemand; il faut,
pour obtenir tout cela, que partout en Belgique, dans quel-
que partie du pays qu’il se trouve, chaque citoyen se sente
chez lui, dans sa patrie, et par conséquent puisse y porter
sa langue et s’y faire accepter avec elle, sans qu’elle soit
un obstacle légal pour quoi que ce soit. Tout autre système
va droit à l’encontre de ce but; il détruit au lieu d’édifier,
il est par cela même antijuridique et doit être écarté pour
faire place au seul principe vrai sur lequel puissent reposer
les exceptions possibles à la règle générale de l’emploi fa-
CAIN Te
|
l
$
( 395 )
cultatif des langues, consacré par l’article 23 de la Con-
stitution ; ce principe dérive de la nature même de notre
établissement national; et, puisé à cette source, il repousse
toute exclusion d’un Belge des rapports de la vie publique
dans une partie quelconque de la Belgique, à raison de sa
langue ; il exige que, de plusieurs Belges, personnes pu-
bliques d’une part, personnes privées d’autre part, ou per-
sonnes publiques des deux parts, si toutes parlent la même
langue, quoiqu’ils aient une langue maternelle différente,
il soit fait usage de la langue commune à tous; si toutes
ne parlent pas la même langue, qu’un interprète, payé par
le trésor public, leur serve d’intermédiaire, hormis dans
les cas d’impossibilité.
Ces cas seuls peuvent être l’objet des exceptions possi-
bles à la règle de l’article 23 de la Constitution.
Ils doivent être recherchés dans les divers rapports
qu'engendrent les affaires judiciaires ou qui donnent lieu
aux actes de l’autorité publique.
Quels sont-ils? Quand y a-t-il impossibilité d'employer
un interprète entre Belges qui ne peuvent s'entendre ?
Quelle marche doit être suivie lorsqu'elle se rencontre ?
Tel est le dernier terme de la question. |
Dans les rapports qu’engendrent les affaires judiciaires,
nous trouvons engagés les magistrats, les officiers minis-
tériels, greffiers, avoués et huissiers; les officiers publics,
notaires, officiers de police judiciaire, les avocats, les par-
ties, les témoins, les experts.
Aucune difficulté ne peut se présenter pour les rapports
des magistrats entre eux ou avec les greffers, les avoués,
les huissiers, les notaires, les avocats, et de ceux-ci entre
eux et avec les magistrats : la nature de leurs études dans
l'état actuel de la Belgique , et cet état ne changera pas, à
( 396 )
moins que la civilisation ne recule, la nature de leurs
éludes crée entre eux une langue commune, la lingue
française, qu’ils connaissent et savent parler; la nécessité
d’un interprète ne peut se faire sentir; suivant le principe
général, ils parleront le français entre eux s'ils ne peu-
vent s'entendre en parlant le flamand ou l'allemand, et
chacun sera libre de parler la langue qui lui convient, si
elle est entendue de ses interlocuteurs. Il ne peut y avoir
plus de difficulté pour leurs rapports avec les officiers de
police judiciaire, les parties, les témoins et les experts, et
réciproquement; s'il n’y a pas entre eux de langue com-
mune, chacun parlera ou écrira dans sa langue, et un
interprète traduira leurs paroles ou leurs actes; il en sera
de même pour les actes que recevront et pour les expédi-
tions d'actes que délivreront les greffiers; ils devront y.
joindre une traduction dans la langue de la partie qui ne
comprendrait pas celle-là seule qu'ils comprennent.
Quant aux rapports des avocats, des avoués, des huis-
siers et des notaires avec les parties, l'intervention d’un
interprète y est impossible, au moins en général, mais la
loi n’a pas à s’en préoccuper : ce sont là des professions
ou des charges professionnelles que ceux qui les embras-
sent n’exercent qu’au gré du public et du libre choix qu'il
fait entre eux, et nul n'ira les embrasser dans des parties
de pays dont il ne connaîtrait pas la langue, sachant bien
que son ignorance l’y laisserait complétement oisif.
Il n’y a que deux cas où, dans les affaires judiciaires,
l'intervention d’un interprète est impossible et où la loi
doit intervenir : le premier est celui d’un jury composé de
jurés parlant des langues différentes. Leurs délibérations
doivent être secrètes ; un étranger ne peut donc leur servir
d'interprête; force est, dans ce cas, d'employer le seul
ET - SE UE PERS
Scuate dans fo ht 2 1 dE.
FE ff à
( 397 )
moyen d’écarter la difficulté : il n’y en à d'autre que de
ramener le jury à une langue unique, et, pour ce faire,
sans en modifier la composition sortie de l’urne plus qu’il
n’est nécessaire à cette fin, il faut dispenser de siéger les
Jurés qui ne comprennent pas la langue de la mayorité, et
les remplacer par un tirage supplémentaire de jurés qui la
comprennent. Dans ce cas, il va de soi que l’avocat plaide
les points de fait dans leur langue : il y a impossibilité
qu'un interprète suive et traduise une plaïdoirie ; l'intérêt
des parties guidera le choix de leurs défenseurs dans ce
sens; la loi n’a pas à y intervenir.
Le second cas est celui où tous les magistrats compo-
sant la cour d'assises ne comprennent pas la seule langue
que comprend le jury, et par suite ne peuvent comprendre
. la plaidoirie de l'avocat sur les points de fait; force est,
dans ce cas, que l’avocat reprenne et résume sa plaidoirie
dans la langue de tous les magistrats appelés à se pro-
noncer sur la culpabilité; mais, dans ce cas encore, il n’y
a aucune difficulté , le barreau et la magistrature ayant
partout en Belgique une langue commune.
Si des rapports qu’engendrent les affaires judiciaires on
passe à ceux qui donnent lieu aux actes de l’autorité pu-
blique, on en trouve peu dans lesquels, à défaut d’une
entente commune par une langue commune , le ministère
d’un interprète et l'emploi d’une traduction soient im-
possibles, et dans ceux-e1 la ligne à suivre est facile à
tracer.
Ces rapports se réduisent à ceux que le service mili-
taire établit entre les membres du personnel qui compose
l’armée.
n’y a rien à dire de l'instruction publique; l'enseigne-
ment, que donne le professeur, n’est pas un acte-de l’au-
( 398 )
torité publique qui tombe sous la disposition exceptionnelle
de Particle 23 de la Constitution. Cet enseignement, qui
d’ailleurs ne peut qu'être recueilli directement de ses
lèvres, est affaire d'organisation pour le plus grand intérêt
de la propagation des lettres, des sciences et des arts;
cet intérêt y domine et y absorbe tous les autres, un seul
excepté, celui de confondre dans un même esprit national
tous les enfants d’une même patrie, en évitant tout ce qui
sans nécessité tendrait à les diviser en autant de peuples
que de langues.
Il n’y a rien à dire non plus de la langue dé laquelle
doivent être publiés les lois et les règlements généraux,
provinciaux où communaux : toujours destinés à des lieux
. qui, quelque resserrés qu’ils soient, peuvent contenir des
Belges appartenant aux trois langues usitées en Belgique,
ils doivent, commeils le peuvent, être publiés partout dans
les trois langues. |
L'armée est la seule institution qui, à défaut de traduc-
tion possible, appelle une règle quant à l'emploi des lan-
gues usitées en Belgique; à cet égard il n’y a que deux
partis à prendre : ou former des corps distincts, composés
exclusivement des hommes parlant une des langues usitées
en Belgique, un corps allemand, un corps flamand et
un corps wallon, ou ne former qu’une armée ayant une
seule langue, flamande, française ou allemande, sauf à
prendre les mesures nécessaires pour adoucir ce que ce
régime peut avoir d’excessif et de pénible pour ceux qui
ne parleraient pas la langue reçue.
Une armée est une unité; une seule volonté et une
seule langue sont les éléments essentiels de cette unité;
elle n'existe pas sans ces éléments.
Il n’y a donc que l’un de ces deux partis à prendre : ou
( 399 )
trois corps distincts, ayant chacun sa langue, ou une
armée ayant la sienne.
Lequel est préférable? Évidemment celui d’une armée
et d’une langue. Ce parti répond seul au but de la défense
nationale, à l'esprit qui doit animer les citoyens appelés
à s’y dévouer, et au caractère de la lutte à laquelle ils
doivent constamment se préparer; seul, en effet, il met la
force publique en rapport avec l’institution de l’État belge,
qui est un, ne comprenant qu’un territoire, un peuple,
une classe de citoyens, le territoire, le peuple et les
citoyens belges, et qui par son unité est exclusif de toute
division en territoires, peuples et citoyens flamands, wal-
lons et allemands; seul, 1l conserve et fortifie l’union, qui
naît du mélange des hommes et de la vie commune, et sans
laquelle il n’y à ni confraternité d'armes, n1 dévouement
à une même cause; seul enfin il les pénètre d’une même
àme et prévient ces pensées fatales d'intérêts distincts,
qui surgissent à l'heure des dangers suprêmes parmi ceux
qui ont vécu séparés.
Cette règle d’une seule armée et d’une seule langue est
tellement dans la nature des choses , que, jusqu’à présent,
sans discussion , sans disposition formelle, elle s’est trouvée
comprise pour ainsi dire d'elle-même dans l’organisation
légale de la force publique belge; mais à cette règle doi-
vent se joindre les mesures les plus propres à adoucir ce
qu'elle peut avoir d’excessif et de pénible pour ceux qui
ne parlent pas la langue reçue; il faut avant tout, et l’ar-
mée entière sans distinction de langues y est intéressée,
il faut qu’à ce point de vue son régime intérieur soit l’ob-
jet de soins constants; il faut que dans la vie faite au
soldat, quel que soit son rang, que dans les rapports de
l’inférieur avec le supérieur, la dignité humaine soit tou-
( 400 )
jours conservée; il faut que jamais on ne perde de vue le
respect dû à tout homme à ce titre seul, à titre de créature
que Dieu a faite à son image, à titre de créature libre et
intelligente, titre qui domine toutes les distinctions socia-
les; il faut qu’on écarte tout ce qui peut tendre à étouffer
ou rétrécir l’intelligence, à inspirer un courage féroce, plus
digne de la bête que de l’homme, et à abaisser les âmes;
il faut qu’on s’attache au contraire à les élever, à les éclai-
rer, à les pénétrer de cette intrépidité calme et inébranla-
ble qui naît du sentiment du devoir et du dévouement à la
patrie; il faut, pour revenir à la langue, qu’à celui qui ne
connaît pas la langue reçue on donne toutesles explications
dont il peut avoir besoin, que jamais on ne le punisse pour
une infraction quelconque au service ou à la discipline,
sans s'être bien assuré qu’il a compris ce qu’on exigeait
de lui; que tout règlement, tout ordre écrit, soit rédigé
dans les diverses langues parlées par les hommes de cha-
que corps ou détachement; que toujours dans chacun il y
ait dans tout grade et dans tout rang des hommes compre-
nant ces langues; que pour l'instruction on réunisse les
hommes parlant une même langue et qu’on récompense,
par l’avancement, par les distinctions honorifiques, tous
ceux qui se prêteront le mieux à ces mesures. Par elles,
et surtout par les mesures générales sur la vie intérieure
des corps, on aura adoucice qu’il y a d’excessif et de pénible
dans l’emploi d’une seule langue pour le service militaire,
comme on aura adouci et même jusqu'à un certain point
compensé par des avantages équivalents ce qu’il y a d’exces-
sif et de pénible dans le service lui-même et dans les sacri-
fices qu’il entraine pour des hommes dont la plupart ont,
malgré eux, été enlevés à leur famille, à leurs habitudes,
à toutes leurs relations sociales, et, ce qu'il y de plus
grave, à leur hberté. |
is ( 401 )
Ces considérations sur l’armée achèvent de résoudre la
question; cette solution se résume dans les propositions
suivantes, qui forment ainsi le commentaire de la règle
constitutionnelle de l’emploi facultatif des langues usitées
en Belgique, et de l’exception possible à cette règle.
Le Belge ne peut subir, à raison de sa langue, aucune
exclusion dans une partie quelconque de la Belgique.
La langue-comprise tout à la fois par deux ou plusieurs
Belges fonctionnaires publics, ou par le Belge fonction-
paire publie et le Belge simple particulier, doit être em-
ployée dans leurs relations.
A défaut d’une langue commune , un interprète doit leur
servir d’intermédiaire aux frais du trésor public.
À défaut d’une langue commune dans un jury, la com-
position doit en être ramenée à la langue de la majorité.
L'avocat est tenu de plaider dans la langue comprise par
le jury, comme dans celle comprise par les magistrats.
Une langue unique doit être employée dans l’armée.
Tel est le droit en cette matière; il dérive et de la na-
ture des choses et de l’existence de la patrie belge. On ne
peut le méconnaître sans briser les rapports qu’engendre
le langage entre les citoyens d’un même pays, sans diviser
ce qui est un, sans créer des nationalités distinctes , trop
faibles pour vivre de leur vie propre, sans créer des frac-
tions de chacun des trois peuples qui nous entourent, et en
qui la patrie belge irait bientôt s’absorber, sans tirer de
sentiments respectables des conséquences désavouées par
la raison , sans se placer sous l’empire de souvenirs d’un
état de choses qui n’est plus depuis longtemps, sans attirer
sur la Belgique des dangers et des malheurs, à côté des-
quels ne sont rien les embarras, les dépenses et les quel-
ques froissements qu'il peut produire.
( 402 )
Les partisans de la division légale de la Belgique en
trois langues se récrieront contre cette solution; ils y ver-
ront l’œuvre d’un ennemi de la langue flamande. Qu'ils se
détrompent. Celui qui, en la donnant, est convaincu de
n’exprimer que la vérité, attache le plus grand prix à cette
langue et à sa connaissance, comme à la connaissance des
langues française et allemande; mais, dévoué à sa patrie,
effrayé des dangers que lui fait courir le système de la
division légale du pays par langue, ne mettant en doute
ni la sincérité des partisans de ce système, ni leur patrio-
tisme, il n’a, de son côté, cherché que ce qui est juste
et ce qui peut contribuer à cette force de cohésion sans
laquelle il n’y a ni peuple ni nationalité; il n’a vu le droit,
il n’a vu cette force que dans la liberté absolue du lan-
gage reconnue sur tous les points du territoire belge, atta-
chée à toutes les positions où peut se trouver un Belge, à
moins qu’elle ne se heurte contre des difficultés insur-
montables, attendant de cette liberté, avec une pleine con-
fiance , et la propagation spontanée de chacune des trois
langues dans toutes les parties du pays où elle est étran-
gère, et la fusion complète des populations de langues
différentes en un peuple uni par des liens contre lesquels
ne prévaudront plus, comme par le passé, des divisions,
dont tant de fois il à été victime.
a
Les Flamings à la bataille de Cassel (1328); par M. le
baron Kervyn de Lettenhove, membre de l’Académie.
Pendant plusieurs siècles, les destinées de la Flandre
furent communes aux populations qui s'étendent depuis
les bords de la Lys jusqu'aux ruines du monastère où
( 403)
expira saint Bertin, jusqu'aux marais où l’on cherche le
Portus-Lltius de César. Issues d’une même race, offrant les
mêmes mœurs, profondément attachées à la même langue,
gardienne de ces mœurs, elles sont fières de pouvoir
revendiquer aussi ies mêmes traditions historiques, et
nous voyons un Comité flamand (1), établi dans le dépar-
tement du Nord, recueillir avec un zèle imfatigable les
pièces inédites et les hymnes populaires qui rappellent
une époque où la Flandre soutenait des luttes sanglantes
pour la défense de sa liberté. Tout récemment encore, un
membre de la Société des Antiquaires de France, M. Man-
nier, honorait la mémoire des compagnons de Zannequin,
en empruntant à un manuscrit de la Bibliothèque impé-
riale de Paris l’état des confiscations prononcées après la
bataille de Cassel.
Ce document porte pour titre : Li livres des inventores
des hirretages des Flamens qui furent tueys en la bataille
de Cassel si avant qu’ils ont esté rapporté par cheus qui
les dis inventores fisent. Il est donc permis de supposer
qu'on s’appliqua surtout à relever les noms de ceux qui
laissèrent des biens sujets à confiscation ; et, d’autre part, .
il faut remarquer que le district d'Ostende, une grande
partie de celui d’Ypres et la ville même de Cassel ne
figurent pas dans cet inventaire. Néanmoins, même mutilé
et tel que nous le possédons, ce document, qui ne constate
pas moins de 3192 confiscations, confirme éloquemment
le magnifique récit. où Froissart nous montre les défen-
seurs de la Flandre tombant où ils avaient combattu, sans
qu’un seul reculàt, et ce n’est pas sans émotion que l’on
(1) Ce comité, dont les publications présentent un grand intérêt, est
présidé par notre honorable et érudit correspondant, M. de Coussemaker.
( 404 )
parcourt cette longue énumération de noms, qui, à chaque
ligne, se termine par cette phrase laconique : qui moru
en la bataille de Cassel. | |
Que de localités, aujourd’hui à peu près ignorées, pleu-
rèrent, en 1398, d’héroïques victimes! On peut en quelque
sorte calculer leur nombre par celui des confiscations.
Après Furnes et Nieuport, les villages qui en comptent
le plus sont Hondschoote, Beveren, Warhem, Odinkerke
(Adinkerke), Steenkerke, Leysele, Wulpen; et en descen-
dant jusqu’au plus modeste village de la Belgique actuelle,
on rencontre trois confiscations à Zoetenaey, où 1l y a
aujourd’hui à peine trente habitants. |
Il est à regretter que M. Mannier ait cru devoir sup-
primer la description des biens, des meubles, des armes,
des ustensiles du foyer domestique, que la confiscation
atteignit : il y eût eu là incontestablement une source de
données intéressantes sur l’état social des populations
voisines de la mer. M. Mannier s’est exclusivement ap-
pliqué à étudier les noms au point de vue philologique, et
c'est sous le même aspect que nous analyserons son tra-
_vail, mais en y cherchant des considérations d’un ordre
tout différent. Ce qui nous y frappe le plus, ce n’est pas
l'étymologie plus ou moins contestable de certaines dési-
gnations, c’est le caractère persistant de la colonisation
saxonne sur les rives du Fleanderland.
Le nom de Karl s'offre le premier. C’est Jacques le
Karel, d'Odinkerke; c’est Laurent le Karel, de Lamper-
nisse. À diverses reprises, selon la forme qui prévalut en
Angleterre, on lit : Karlin, pour désigner un descendant
des Karls. Plus fréquemment encore, on retrouve le nom
de Blavoet qui domine surtout à Pervyse, près du Bla-
voetswal. | |
( 405 )
Là aussi, comme dans tous les pays où Ss’établirent des
migrations septentrionales, les surnoms abondent.
Les combattants de Cassel sont surnommés tour à tour :
le Long (de Langhe),le Rouge (de Rode),le Blanc(de Witte),
. le Brun (de Brune), l'Agile (de Snel); ou bien d’une ma-
nière plus vive : Langhe-tee (Long-Orteil), Lang-Been (Lon-
gue-Jambe) ou Lange-Ore (Longue-Oreille). Cependant le
plus souvent l’épithète exprime ces qualités morales qui
distinguent bien davantage les hommes : le Fier (de Fier), le
Redoutable (de Fel), le Sauvage (de Wilde), ce qui se tra-
duit plus énergiquement dans ces surnoms : le Brigand (de
Roover), le Démon de la chasse (de Jaeghe-Dievel), ou encore
_ par ces autres surnoms empruntés aux armes des Saxons: de
Colve(la Massue), de Hamer (le Marteau), de Byle (la Hache).
Ici un Flaming se nomme Willem Haroep, par allusion à
cet appel à l’appui des amis et des frères qu’on appelait en
Normandie la clameur de haro. Ailleurs, d’autres portent
des surnoms encore bien plus bizarres. Nous rencontrons
Pierre le Soleil (de Zon); Coppin la Lune (de Moen );
Hans l’Aurore (Dagheraet); Jean le Tonnerre (de Donre);
Coppin l’Hiver (de Winter) et Lippin l'Été (de Zomer).
Ceux qui, cachant ieurs cabanes au milieu des dunes, con-
tinuent à lancer leurs audacieux esquifs sur les flots, sont
surnommés : le Poisson (de Visch), le Hareng (de Haring),
ou le Saumon (de Zalm); ceux qui préfèrent , au contraire,
les excursions aventureuses à travers les plaines et les bois,
où se recueille le butin, s'appellent : le Vautour (de Gheer),
le Faucon (de Valke), ou bien l’Ours (de Beer), le Loup
(de Wulif), le Renard (de Vos). Mais voici que le repos des
champs tend à succéder, pour une partie de ces populations,
aux luttes et aux combäts, et nous découvrons le tableau
d’une vie plus paisible dans ces surnoms : de Schaep (le
( 406 )
Mouton) ,de Lam (l Agneau), de Ram (le Bélier), de Coe (la
Vache), de Kalf(le Veau), de Hond (le Chien), de Huen (le
Coq), de Paauw(le Paon), de Vinck(le Pinson), de Sperlinck
(le Moineau), de Duve (la Colombe) (1). Tel était l’usage
de ces temps primitifs où l’on croyait que le nom même
porté par l’homme devait peindre ses mœurs et où l’on
en cherchait l’image dans les quadrupèdes, les poissons
et les oiseaux. |
À une époque plus récente appartiennent sans doute les
noms qui attestent l’introduction du christianisme : de
Pape (le Curé), de Priester (le Prêtre), de Moninc (le
Moine), ou ces autres noms qui peignent le développement
des métiers et des travaux utiles : de Wever (le Tisserand),
de Vulre (le Foulon) , de Koopman (le Marchand).
Au milieu de cette étrange confusion de noms et de sur-
noms, il faut noter avec quelque attention les désignations
qui retracent les anciennes alliances des Francs et des
Saxons, et peut-être aussi l’époque où les ancêtres de
Pepin de Landen, de Pepin le Saxon, comme l’appellent
les plus anciens hagiographes, sortirent d’une tribu ma-
rime de la Frise ou de la Ménapie pour se mêler aux
conquérants de la Taxandrie et de la Hesbaye. Tel est le
nom de Vrancke, qui reproduit la forme primitive du nom
des Franes. S’il y a des Éginhard à Dunkerque, nous dé-
couvrons bien mieux encore à Furnes : c’est le nom même
des Karlman, et, par une étrange association de souvenirs,
le nom de Pierre Durandal, à Warhem, nous rappelle la
célèbre épée de Charlemagne et de Roland.
(1) Unassez grand nombre de sceaux des Karlins du Fleanderland nous
ont été conservés. Voyez notamment ceux qui sont appendust a charte
n° 4129 de la bibliothèque du séminaire de Bruges et qui offrent l’image
d’un loup, d’un chien, d’un coq, etc.
( 407 )
Je ne puis passer sous silence d’autres noms illustres
entre tous ceux du Fleanderland, celui des Schynckele, qui
osèrent lutter avec Baudouin de Constantinople (4), celui
des Sporkin, qui se rallièrent aux communes menacées
par l’armée de Robert d'Artois. Parfois aussi ce sont des
noms étrangers au Fleanderland, mais devenus fameux
dans les mêmes luttes nationales, que les habitants de Loo
ou d'Hondsechoote empruntent avec orgueil. Celui-ci s’ap-
pelle Breydel; celui-là Borluut. Quoi qu’il en soit, l’absence
d’un grand nom, d’un nom qui eût dù figurer le premier
dans cet mventaire, ne se fait pas moins remarquer : je
veux parler de celui de Nicolas Zannequin (2). |
Un mot suffira pour caractériser ces persécutions et ces
rigueurs dont nous avons devant nous la froide énuméra-
tion. Le receveur Vaneguy ou Taneguy qui y préside, est
le fils d’un des usuriers que Philippe le Bel envoya en
Flandre pour diriger d’autres confiscations; mais du moins,
en 13351 pas plus qu’en 1302, après Cassel pas plus
qu'avant Courtray, la cause de la liberté flamande n’est
perdue, et c’est au moment où meurt Zannequin, que
paraîtra Artevelde.
(1) J’ai retrouvé, dansles papiers d’une aïeule de ce nom, quelques notes
assez intéressantes sur l'alliance des Schynckele et des Zannequin. Les
Schynckele avaient présenté parmi les quartiers requis pour entrer au
chapitre de Nivelles, celui de Zannequin. On leur objecta que, selon des
chroniqueurs français, Nicolas Zannequin n'était, en 1328, qu'un mar-
chand de poisson; mais cet argument fut aisément écarté par la production
des documents généalogiques. Selon l'Histoire de France du P. Daniel,
on admettait aussi dans les chapitres les plus difficiles sur les preuves de
noblesse, le quartier d’Artevelde.
(2) Je rencontre seulement Masin Zannequin à Lampernisse.
( 408 )
Séance publique de la classe.
La classe s'occupe ensuite des préparatifs de la séance
publique du mois de mai prochain, ainsi que des élections
qui doivent avoir lieu à la même époque.
( 409 )
CLASSE DES BEAUX - ARTS.
Seance du 7 avril 1864.
M. ALvin, directeur.
M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Braemt, F. Fétis, Guillaume Geefs,
Navez, Van Hasselt, De Braekeleer, Éd. Fétis, De Bus-
scher, Payen, le chevalier Léon de Burbure, Franck,
membres.
CORRESPONDANCE.
La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient de
faire par la mort d’un de ses membres, M. Louis-Joseph-
Adrien Roelandt, architecte honoraire de la ville de Gand,
professeur émérite à l’Université de la même ville, dé-
cédé, le 5 avril dernier, à l’âge de 78 ans et 2 mois.
M. Materlinck-Roelandt, gendre du défunt, en donnant
connaissance de ce triste événement, annonce que les funé-
railles auront lieu, à Gand, le vendredi 8 avril, à 3 heures
de relevée.
Q"e SÉRIE , TOME XVIL. SLT
( 410 )
En l’absence de son directeur, la classe désigne MM. AI-
vin, vice-directeur, Quetelet, secrétaire perpétuel, ainsi
que MM. Braemt, Edm. De Busscher, Guill. Geefs et Payen,
pour la représenter aux funérailles.
M. Alvin exprimera les sentiments de regret de ses
confrères.
— M. le Ministre de l’intérieur adresse, pour la biblio-
thèque, un exemplaire de l'ouvrage intitulé : Inscriptions
funéraires de l’église Notre-Dame du Sablon, à Bruxelles,
recueillies par M. Vander Haeghen.
Le même Ministre fait connaître qu’une demande lui a
été adressée par M. Léon Van Gheluwe, répétiteur au
Conservatoire de musique de Gand, pour être autorisé à
prendre copie de la cantate qu’il a composée sur le poëme
de Paul et Virginie, et qui lui a valu une mention hono-
rable au grand concours de composition musicale de 1863.
Cette demande est favorablement accueillie, et M. le
Ministre sera prié de vouloir bien y donner suite.
_ La classe recoit encore une expédition rectificative de
l'arrêté royal relatif à l’élection de M. Franc comme mem-
bre titulaire de la section de gravure.
— Ïl a été reçu pareillement deux €gantates, avec des
billets cachetés, destinés, paraît-il, à un concours du
gouvernement qui n’est point encore fixé. Ces pièces por-
tent pour titre : L’Aurore et le Triomphe de la paix; elles
resteront déposées dans les archives de l’Académie jusqu’à
l'ouverture du concours triennal des cantates.
( AIT )
PS ANR
Séance générale de l’Académie.
Le secrétaire perpétuel fait observer qu’on approche de
l’époque où doit avoir lieu la séance générale des trois
classes, et qu’il serait important d’examiner dès à présent
quels sont les sujets sur lesquels il importerait d’appeler
l'attention de l'Académie entière. ve 2
Différentes observations sont faites relativement aux
travaux de la classe et à son règlement intérieur, ainsi
qu'aux formalités à observer pendant les solennités pu-
bliques : il est convenu que ces objets seront soumis aux
discussions de l’assemblée générale.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Les artistes belges à l'étranger : LÉoONARD THiRy; par
M. Ed. Fétis, membre de l’Académie.
En poursuivant nos recherches sur les artistes flamands
expatriés, nous rencontrons parfois des énigmes dont le
mot nous échappe, bien que nos efforts, pour le trouver,
ne soient certes pas épargnés. Il y a telle ou telle phase
de la carrière du personnage qui réste enveloppée d’obscu-
rité. Tantôt on ignore l'époque et le lieu de sa naissance,
tantôt on cherche vainement à reconstituer l’histoire de
l’homme, et l’on est obligé de s’en tenir à l’examen des
œuvres du peintre, du graveur, du sculpteur; parfois
enfin, l’incertitude où l’on est sur tout ce qui le concerne
s'étend jusqu’à son nom. Faudrait-il s'abstenir en pareil cas
( 412 )
et ne point s’obstiner à vouloir écrire des biographies dont
on ne possède pas tous les éléments"? Tel n’est pas notre
sentiment. Quand nous sommes parvenu à jeter un peu
de lumière sur des questions obscures et quand nous n’es-
pérons plus pouvoir aller au delà du point où nous ont
conduit nos recherches, nous nous croyons autorisé à pu-
blier ce que nous savons. D’autres, mis sur la voie par ce
que nous aurons fait connaître, découvriront peut-être,
au moyen de nouveaux documents, des particularités que
nous avons ignorées. Tant mieux : c’est ainsi que s’est faite
l’histoire. Que chacun apporte sa pierre, le monument
s’élèvera et il finira par recevoir son couronnement; mais
comment avancerait-il, si d'aucun côté l’on n’apportait des
matériaux ? Si l’on n’osait livrer à la publicité que des tra-
vaux parfaits, 1l serait bien rare qu’on fût autorisé à
rompre le silence, et pour peu qu’on le fit, on serait à
bon droit taxé de présomption.
Cela dit, pour expliquer comment il se fait que nous
donnions la notice d’un artiste dont la vie nous est peu
connue, abordons notre sujet et parlons de Léonard Thiry.
La première chose que nous ayons à faire, c'est de dé-
terminer quel était le véritable nom de l’artiste qui va nous
occuper. On l’a appelé Léon d’Aven, Davent, d'Avesne,
Davene, Davin, Daris, Davis, Danet: ou bien encore
Thierry, Thieri, Therry, Thiry, ete. On a flotté entre ces
deux groupes de noms, suivant qu’on l’a considéré comme
graveur ou comme peintre, car son double talent lui a
valu le privilége d’une double personnalité.
D’après de certains auteurs, Davent et Thierry (nous
prenons ici pour ces deux noms l'orthographe la plus
usitée) auraient été deux artistes différents; selon d’au-
tres, il y aurait eu confusion, et des deux personnages, il
( 415 )
en faudrait faire un seul; mais d’un côté comme de l’autre,
on est resté dans le vague des conjectures. Nous allons
tâcher de mieux préciser les faits.
Voyons d’abord sur quels-témoignages repose l’existence
de L. Davent. Basan, dans la seconde édition de son Dic-
lionnaire des graveurs, cite un certain Christophe-Léon
Davenne, né à Ostie en 1539, et ajoute : « Il fut élève
du Primatice, dont il grava quelques pièces; 1l en a gravé
aussi quelques-unes d’après maître Roux et autres pein-
tres italiens. » Gandellini mentionne seulement, dans ses
Notizie istoriche degli intagliatori, Leone Daven comme
ayant gravé d’après le Rosso, Niccolo dell ’Abate et le Pri-
matice ; mais son continuateur consacre un article à Chris-
toforo Leoni Davene, né à Ostia, en citant d’ailleurs
comme source le dictionnaire de Basan , et en reproduisant
la date de 1539, sans remarquer que le Primatice, étant
venu en France dans l’année 1531, Christoforo Leoni
Davene, qui n'avait que deux ans, ne pouvait pas être son
élève et l’avoir accompagné. Il est assez extraordinaire
qu'un auteur italien emprunte à un écrivain français le
peu de renseignements qu’il donne sur un artiste qui serait
né aux environs de Rome. L’iconographe italien connaît
si peu son prétendu compatriote, qu'il demande si Cris-
toforo Davene n’est pas le même que Christofano Casolano,
peintre de l’école romaine. Aucun biographe italien ne
parle de Cristoforo Davene , dont le nom ne figure pas dans
l’Abecedario d’Orlandi. Leur silence, qui nous paraît assez
significatif, n’a pas empêché plusieurs écrivains d'affirmer
l'existence de ce problématique artiste. Malpé, dans ses
Notices sur les graveurs, nous parle de Daris ou Daven
(Leo), graveur à l’eau-forte et au burin, né à Ostia en
1509, lequel : « après avoir beaucoup travaillé à Rome,
( 414 )
suivit le Primatice que François I‘ avait attiré à sa cour. »
Le changement de la date 1539 en 1509 rendait, du moins,
possible le fait du voyage de Daris ou Daven en France,
à la suite du Primatice. Seulement, comment se pourrait-
il qu’un peintre qui avait beaucoup travaillé à Rome, fût
demeuré inconnu à tous les historiens de la peinture 1ta-
lienne ? Zani a inscrit le nom de Daven dans son Répertoire
des artistes de tous les pays. A la fin d’une longue note où
il cite les différents auteurs qui ont parlé du Daven en
question , il dit avoir emprunté à Malpé les renseignements
sur le lieu et la date de la naissance de l'artiste et n’avoir
pas eu les moyens d’en vérifier l'exactitude, et cependant
les documents ne lui ont pas manqué, surtout pour ce qui
concernait les artistes italiens, car il a puisé à toutes les
sources connues. Le même Zani mentionne Leonardo
Thierry, dit Leonardo Fiammingo, en lui attribuant le
double talent de peintre et de graveur et en ajoutant qu'il
florissait entre 1530 et 1540.
Heinecken à deux articles, dans son Dictionnaire des
graveurs, l’un pour Leo Daris, l’autre pour Léon Daven.
Cependant il déclare que, suivant lui, ces deux graveurs
n’en font qu’un. A l’article Léon Daven, l’auteur allemand
dit: « Il marquait ses pièces d’un L. D., et je n’ai trouvé
jusqu'ici le nom de Léon Daven sur aucune estampe.
Comme sa manière de graver lui est tellement particulière
qu’elle est aisée à reconnaître, je crois que le maître qui
s’est nommé sur une estampe de Vénus Leo Dari est le
même que notre L. D. Quelques-uns le nomment aussi
Louis Danet. » La Vénus dont parle ici Heinecken a été
citée par d’autres iconographes qui lui ont également re-
connu une origine commune avec les pièces signées L. D.,
et qui l'ont simplement comprise parmi les estampes de
(415)
l’œuvre de Léon Daven, sans se donner la peine d'ex-
pliquer la différence de signature, et en se contentant
d'inscrire en tête de leur notice : Daven ou Daris, au choix
du lecteur. Heinecken fait remarquer, avec juste raison,
qu'on ne lit le nom de Daven sur aucune estampe, et c’est
un point sur lequel nous aurons à revenir; mais le nom
de Daris ne se voit pas non plus sur la pièce qu’il cite. Si
Daris eût été le nom du graveur, toutes les lettres eussent
été tracées d’une grandeur égale. Dar est certaine-
ment l’abréviation d’un mot. De petites lettres jointes à de
grandes marquent toujours une abréviation. Entre Dar
et “il y a des lettres sous-entendues, pour former une
inscription dont le sens nous échappe. Daris n’est pas un
personnage moins imaginaire que DAvEN.
Sur une des estampes du même artiste on voit cette
marque L. D. Li®. Il pouvait donc s'appeler Lion tout
aussi bien que Daris. Bartsch à pensé que cela serait beau-
coup de noms pour un même personnage. Suivant lui,
cette inscription fait croire que l'artiste est né à Lyon.
L’estampe dont il s’agit ayant été gravée d’après une pein-
ture de Jules Romain, pour être publiée en Italie, il nous
semble plus naturel de supposer qu’à ses initiales, l’artiste
aura ajouté, en l’abrégeant, le nom de Lionardo ( pour
Leonardo), sous lequel il était généralement connu,
comme on le verra plus loin, au delà des Alpes. Nous di-
rons de Li" comme de Dar, ce n’est pas un mot tracé en
entier dans des caractères de grandeurs différentes ; c’est
une abréviation.
D'où vient le nom de Davent donné par la ue des
iconographes à l'artiste qui nous occupe ? D'une part Hei-
necken assure qu’on ne lit ce nom sur aucune des estampes
du graveur aux initiales L. D.; de l’autre, Bartsch dit :
( 416 )
« [l paraît que son véritable nom était Davent; du moins
c'est de cette manière qu’il s’est désigné lui-même. »
Certes, voilà deux opinions bien contradictoires, deux
affirmations de faits qu’on ne peut concilier. Heinecken a
connu l’estampe dont parle Bartsch; mais il ne pense pas,
sans doute, ainsi que ce dernier, que l'artiste s’y soit dé-
signé , et il a parfaitement raison en cela. L’estampe dont
parle Bartsch est une des quatre feuilles qui offrent, dans
leur réunion, la reproduction d’un tableau de Jules Romain
ayant pour sujet Jésus-Christ et la Vierge, dans une gloire
d’anges, adorés par les apôtres. C’est sur une autre des
feuilles de cette même gravure que se trouve le mot Li,
duquel on a tiré cette conclusion que l’auteur de la pièce
devait être né à Lyon. Au bas de la feuille inférieure de
gauche, on lit L. D. Li®, et au bas de la feuille de droite
DAUENT, 1546. L'ensemble de cette inscription montre
clairement que la conjecture de Bartsch est inadmissible.
Après ses initiales suivies d’un mot qui indique le lieu de
sa naissance (suivant l’auteur allemand), le graveur aurait
donc mis son nom de famille? Cela n'aurait pas de sens.
Notez encore que la première lettre de ce mot davent
n’est pas une capitale. En s’obstinant à vouloir trouver
dans cette inscription énigmatique des indications pré-
cises sur le nom et sur le lieu de naissance du graveur,
Bartsch s’est trompé lui-même et a trompé ceux qui l'ont
pris pour guide. Nous dirons de dauen ou daven comme
de Dar‘ et de Li : ce n’est pas un nom, c’est un mot
abrégé. L'artiste n’aurait-il pas voulu écrire davante ou
davanti (en avant), c’est-à-dire à droite, pour indiquer la
place que -devait occuper la feuille dans l'assemblage des
quatre fragments de l’estampe? Ce n’est qu’une supposi-
tion; mais si nous ne nous faisons pas illusion, elle
( 417 )
présente plus de caractères de probabilité que celle de
Bartseh.
Brulliot à pensé que le mot davent pouvait indiquer le
nom de la cité natale de l'artiste, qui aurait vu le jour à
Deventer (en latin Daventria); mais il n’y a pas lieu de
s'arrêter à cette conjecture, qui n’est nullement justifiée
par l’ensemble de l’inseription, ét qu'aucune autre appa-
rence de témoignage ne vient confirmer.
On a aussi traduit Davent par d’Avesne, et on l’a fait
naître dans la petite ville du Hainaut, dont il aurait adopté
le nom, comme cela se faisait souvent jadis. M. Dinaux
(Archives historiques du nord de la France, 1855) lui
assigne positivement Avesne pour patrie, et le nomme
Léonard d’Avesne. Un singulier hasard a rapproché l’histo-
rien français de la vérité, relativement à la naissance de
notre arüste. Il prend pour point de départ le mot Davent,
qui n’a rien de commun avec le nom de Léonard, et il
se trouve que celui-ci est né dans une localité voisine
d'Avesne, ainsi qu'un document authentique va nous
permettre d’en donner la preuve.
Quoi qu'il en soit, la mention que nous venons de faire
de l’opinion de Brulliot sur le sens du mot davent, nous
servira de transition pour passer de Davent à Thiry, car
nous n'avons encore parlé que de la première des deux
interprétations du nom de l'artiste aux initiales L. D.
Voici ce que dit l’auteur du Dictionnaire des mono-
grammes, après avoir reproduit la marque si diversement
expliquée :
« Diery ou Tuiry, Léonard, peintre et graveur flamand,
sur lequel on ne trouve pas de renseignements : on lui
donnait auparavant les noms de Leo Daven, L. Davesne,
Leo Daris, etc. Cet artiste signait le plus souvent avec les
( 418 )
lettres L. D. et a travaillé beaucoup d'après Primatice et
maître Roux. La preuve que les lettres L. D. désignent
véritablement Léonard Thiry, se trouve dans une suite de
douze paysages avec la fable de Proserpine gravée par cet
artiste, dont la première pièce porte cette inscription :
Leonardo Thiry Belgae pictoris longè excellentiss. invelum.
Quelques autres pièces de cette suite sont marquées des
lettres L. D., mais elles sont si petites, qu’on a de la peine
à les trouver. L'histoire de Léonard Thiry est presque
inconnue, et quoiqu'il fût un artiste renommé de son
temps, les biographes des Pays-Bas n’en font pas mention.
Vasari est le seul, à ce que nous sachions, qui en parle dans
la vie du Rosso, sous les noms de Leonardo Fiamingo. »
Bartsch parle aussi de l’élève du Rosso, cité par Vasari;
mais n'ayant pas connu le recueil cité par Brulliot depuis
la publication de son Peintre-graveur, le rapprochement
qu'il essaie de faire ne le met pas sur la voie de la vérité. :
Voici comment il s'exprime :
« Vasari, en parlant des artistes qui travaillaient avec
le maître Roux à Fontainebleau, cite aussi un flamand
nommé Léonard, qui exécutait très-bien en couleur les
dessins de Roux. Il se pourrait bien que ce prétendu
flamand Léonard de Vasari n’est (sic) personne d’autre
que notre Davent, dont le nom de baptême, désigné seu-
lement par un L., n’est point connu. Celui de Léon, que
quelques auteurs français donnent à Davent, pourrait bien
n'être qu’une abréviation de Léonard, et dans cette suppo-
sition , 1} n’y aurait pas de doute que L. Davent n’eût été
peintre. »
Nous expliquerons tout à l’heure quelle est la significa-
tion de cette dernière phrase, qui se rapporte à une
opinion exprimée un peu auparavant, dans un passage
( 419 )
dont nous aurons à tirer des conclusions favorables à
l’identité du Davent des iconographes et de notre Thiry.
Abstraction faite du mot davent qui n’est pas un nom,
pourquoi Léonard Thiry signait-il L. D.? Il est permis de
supposer qu'il avait pris le nom flamand de Dirck qui est
l'équivalent de Thierry ou Thiri. Peut-être sa famille
était-elle originaire des Flandres. Cette supposition a été
formée, avant nous, par Mariette, qui s’exprime ainsi dans
les annotations de l’Abecedario : « J'ay un pressentiment
que toutes ces gravures qui portent la marque L. D., sont
des ouvrages de Léonard Thiry ou Thiri, mot flamand qui
a la même signification que Diederich. » L’argumentation
philologique est assez gauchement établie dans ce pas-
sage; mais on Comprend ce que l’auteur a voulu dire.
Dans ce passage de Vasari, auquel Heinecken et Bartsch
ont fait allusion, il est dit que les peintres employés par
le Rosso à l’exécution des travaux dont il avait été chargé
à Fontainebleau, furent : Lucas Penni, frère de Jean
François Penni dit &! Fattore; Lionardo Fiamingo, peintre
de grand talent, qui exécutait tout à fait bien en couleur
les dessins du Rosso (püttore molto valente, il quale con-
duceva bene afjato con à colori à disegni del Rosso), etc.
Vasari ne dit pas que le flamand Léonard ait été élève du
Rosso, en Italie; mais Orlandi l'affirme dans son Abece-
dario, où nous lisons : « Leonardo Fiamingo pitiori
molto valente fu scolare del Rosso fiorentino con quale
ando in Francia e l’ajuto nelle gallerie di Fontanablo e
lavoro sopra à disegnti del maestro. »
Ainsi qu’on l’a vu plus haut, des biographes ont dit que
Leo Daven, c'est-à-dire le maître aux initiales L. D., fut
élève du Primatice, qui le conduisit en France. Il y a à ce
fait un fond de vérité, on n’a qu'à changer les noms pour
( 420 |
que la fiction devienne une réalité. Au nom de Leo Daven
substituez celui de Léonard Thiry, au lieu du Primatice
mettez le Rosso, et tout deviendra parfaitement exact.
La présence de Léonard Thiry à Fontainebleau, sa parti-
cipation aux travaux qu'y exécutait le Rosso, sont des faits
qui nous attestent les comptes des bâtiments royaux pu-
bliés par M. le comte de Laborde dans la Renaissance des
arts à la cour de France. Notre artiste est mentionné dans
ces comptes parmi les peintres qui ont besongné dans les
galeries et dans les appartements du palais. On l’appelle
Lyenard ou Lienard Tiry; il reçoit d’abord quinze livres,
puis ensuite vingt livres par mois. Il est à remarquer que
c’est la rétribution la plus élevée qui soit accordée aux ar-
tistes employés à Fontainebleau, cé qui prouve que Thiry
s'était mis, par son talent, au premier rang des collabo-
rateurs du Rosso. Seul, celui-ci est payé à raison de cin-
quante livres par mois comme « maître conducteur des
ouvrages de stucq et peinture. »
Léonard Thiry a donc été le principal interprète du
Rosso à Fontainebleau; il excellait, comme nous le dit
Vasari, à exécuter en couleurs les dessins du maître flo-
rentin qui, par cela même, avait plus de confiance en lui
qu'en aucun autre et lui confiait vraisemblablement les
tâches les plus importantes, les plus délicates. Les compo-
sitions qui ornaient la galerie de François [° et qui repré-
sentaient, sous une forme allégorique, des particularités
de la vie publique et privée du rival de Charles-Quint,
celles qui étaient censées retracer l’histoire d'Alexandre
le Grand, mais faisaient, en réalité, allusion au règne de
François I, étaient de l’invention du Rosso; mais le
peintre qui les exécuta en grande parte fut Léonard
Thiry. On voudrait pouvoir retrouver ces productions du
(421)
pinceau de l’artiste flamand à côté de celles d’Ambroise
Dubois, son compatriote, auquel nous avons précédem-
ment consacré une notice. Malheureusement il n’en reste
plus rien. Les peintures du Rosso à Fontainebleau avaient
subi de profondes altérations. Elles ont été restaurées par
MM. Couder et Abel de Pujol qui ont dû, comme ont l’a
expliqué, s’aider d'anciennes gravures pour rétablir des
. parties entièrement détruites. On imagine ce qui peut rester
de l’œuvre primitive, après une pareille restauration.
L'existence réelle de Léonard Thiry est déjà parfaite-
ment établie sans les preuves qui vont suivre. Les comptes
des bâtiments royaux, où 1l figure parmi les peintres qui
travaillèrent sous la direction du Rosso, confirment pleine-
ment l’assertion de Vasari, qui le désigne comme élève et
collaborateur de ce maître. L'identité entre Leonardo Fia-
mingoet Léonard Thiry ne peut plus être considérée comme
une hypothèse : c’est un fait certain.
Il reste à établir une autre identité : celle du prétendu
Léon Davent avec Léonard Thiry. Les personnes qui
admettent la possibilité de l’existence du premier diront
peut-être qu'indépendamment de Léonard Thiry, élève du
Rosso, il peut y avoir eu un Léon Davent disciple du Pri-
matice, conduit en France par son maître, ainsi que l’ont
dit les iconographes. Si cela était, Léon Davent aurait
certainement été employé aux travaux de Fontainebleau;
or son nom ne figure sur aucun des comptes des bâtiments.
Nous nous sommes assuré, en outre, que parmi les ar-
tistes cités dans les comptes, il n°y en a pas un seul dont
les noms commencent par les initiales L. D. Ce témoignage
négatif nous semble assez concluant.
Dira-t-on que le maître aux initiales L. D. peut fort
bien n'avoir été que graveur? L'examen de ses estampes
(42)
témoigne contre cette supposition. Bartsch a fait la remar-
que très-juste que voici : « Il paraît que Davent a été plu-
tôt peintre que graveur, car dans ses estampes le mérite
du dessin savant l’emporte sur la pratique dans le manie-
ment de la pointe et du burin. C’est ordinairement le cas
contraire dans les productions d’un graveur proprement
dit. » L’iconographe allemand à parfaitement raison; on
reconnaît la main d’un peintre dans les estampes de lar-
tiste aux initiales L. D. Comment supposer que ce pein-
tre, dont les travaux comme graveur ne sont pas assez
considérables pour avoir absorbé tout son temps, n’ait pas
été employé à la décoration du palais de Fontainebleau,
lorsqu'il habitait cette localité ? Quant au fait de sa rési-
dence à Fontainebleau, il est attesté par les inscriptions de
plusieurs de ses estampes où il fait suivre ses initiales du
nom du lieu où il a exécuté son travail : 4 fontenableau,
à fontenebleau, à Fontenableau, etc., avec cette singula-
rité que l’orthographe change à chaque inscription. Non-
seulement ce peintre, s’il s'appelait Léon Davent, n’a pas
pris part aux travaux du palais de Fontainebleau, sous la
direction du maître qui l’avait emmené avec l'intention,
vraisemblablement, d’user de sa collaboration, mais son
talent ne s’est manifesté dans aucune œuvre personnelle.
Savant dessinateur, comme le fait judicieusement remar-
quer Bartsch, il se serait borné à être l'interprète des
idées d'autrui? Voilà ce qu’on ne peut supposer. On va voir
que la même observation ne s'applique pas à Léonard
Thiry dont le mérite, comme inventeur, s’est signalé dans
ses œuvres qui sont parvenues jusqu'à nous. Léonard
Thiry a donc tout ce qui manque à Léon Davent pour
prendre rang parmi les personnages réels. Nous allons re-
tracer les principaux incidents de sa carrière, en nous ser-
( 493 )
vant de ses œuvres et de quelques renseignements puisés
à des sources authentiques, pour établir l’ordre chronolo-
gique de ses actions et de ses travaux. Après ce rapide
exposé, nous ferons connaître les autorités sur lesquelles
nous nous appuyons pour affirmer des particularités pas-
sées jusqu'ici sous silence.
Léonard Thiry est né vers 1500 à Bavay, la Bavacum
des anciens appelée Belges par nos pères. Nous ignorons
où il fit son éducation d'artiste. 11 est très-vraisemblable
qu’il se rendit jeune en ftalie, où 1l fortifia son talent par
l'étude des chefs-d’œuvre de l'antiquité et de la renais-
sance. Sa science de dessinateur suffirait pour prouver qu’il
résida en Italie, lors même qu’on n'aurait pas d’autres
preuves de son séjour dans cette contrée. C’est à Rome
qu’il prit les dessins des compositions de Jules Romain
qu'il a gravés, et celui de son eau-forte reproduisant la
statue antique de l’Apollon du Belvédère; c'est à Rome,
sans doute, qu'il connut le Rosso et qu'il prit des lecons
.de ce peintre dont 1l s'était accoutumé à exécuter les des-
sins en couleurs, comme le dit Vasari, de manière à rendre
la pensée du maître. Nous ignorons si Léonard Thiry se
trouvait au sac de Rome (1527) avec l’artiste florentin et
s’il l’accompagna, deux ans après, dans sa fuite nécessitée
par des démêlés avec la justice pontificale. Ce qui est cer-
tain, c’est qu’il participa aux premiers travaux du Rosso à
M lecbléan, car cela résulte de la mention de son nom
dans les plus anciens comptes des dépenses faites sous la
direction du Rosso; ou bien celui-ci aura amené Léonard
Thiry avec lui, ou bien il l’aura fait venir d’Italie, sachant
qu'il trouverait dans son ancien élève un collaborateur
capable de le seconder. On a eru que Léonard avait fait
un assez long séjour à Bologne, en lisant sur un certain
( 424 )
nombre de ses estampes le mot Bologna près des initiales
L. D. C’est cette inscription qui a fait penser et dire, car
on passe vite de la supposition à l'affirmation, que le pré-
tendu Davent avait été élève du Primatice peintre bolonais.
L’argument était sans valeur, par la raison que le Prima-
tice travaillait depuis six ans à Mantoue avec Jules Romain,
quand il fut appelé en France par le roi en 1551. Le mot
Bologna se rapporte non à la ville, mais à l’artiste qui-en
était originaire, c’est-à-dire au Primatice. Faut-il rappeler
que Bologna ou Saint-Martin de Bologne étaient les noms
qu’on donnait en France au Primatice ? |
Léonard Thiry exerçait à Fontainebleau l’habileté de son
pinceau; mais 1l l’exerçait au profit d'autrui, prêtant aux
compositions des maîtres italiens le prestige de son coloris
et de son adroite exécution. La gravure lui offrait un moyen
de produire des œuvres plus personnelles, car lors même
qu'il se fait l'interprète d’un peintre , le graveur donne à son
travail un cachet d’individualité qui lui crée des droits pres-
que égaux à ceux de l’inventeur. Léonard Thiry consacra à la
gravure les loisirs que lui laissaient ses occupations de pein-
tre à Fontainebleau. La plupart de ses estampes sont gravées
à l’eau-forte, mode d’exécution généralement préféré par
les peintres dont la main, accoutumée à un travail rapide et
libre, conserve toutes ses habitudes dans le maniement de
la pointe. Des soixante-neuf pièces décrites par Bartsch,
neuf seulement sont gravées au burin et encore , ainsi que
le dit l’iconographe allemand : « Elles ne diffèrent presque
en rien de ses eaux-fortes; il y a le même esprit et la
même conduite des hachures. » En un mot, ce sont tou-
jours des gravures de peintre. Au premier abord il paraît
étrange qu’étant élève et collaborateur du Rosso, Léonard
Thiry ait reproduit presque exclusivement, dans ses es-
( 425 )
tampes, les compositions du Primatice. On cesse de s’en
étonner, quand on remarque que toutes les gravures de
L. D. portant une date sont postérieures à la mort du Rosso,
arrivée en 1541. Notre Flamand fut employé par le Prima-
tice, car 1l figure sur les comptes de 1540 à 1550 ; mais il
n’était plus le premier des collaborateurs du maître. C'était
Nicolo dell’ Abate qui occupait ce rang. Nouveau témoi-
gnage à opposer à ceux qui font de l'artiste aux initiales
L. D. un disciple du Primatice. Moins occupé de peinture,
il put donner plus d'activité à ses travaux de graveur. On
conçoit qu’il ait principalement reproduit les inventions
du peintre avec lequel il avait des relations de chaque
jour. Jaloux du Rosso dont il aurait voulu faire oublier la
participation aux travaux décoratifs du palais de Fontaine-
bleau, le Primatice aura vraisemblablement fait en sorte
d’absorber à son profit le talent déployé par Léonard dans
le maniement de la pointe et du burin. Les autres maîtres
d’après lesquels notre artiste a le plus gravé ensuite sont
Lucas Penni, son collègue à Fontainebleau, le Parmesan
et Jules Romain. Nous avons dit que le nombre des piè-
ces décrites par Bartsch sous le nom de L. Davent était de
69. Brulliot dit en avoir rencontré plus de 60 qui ont
échappé à l’auteur du Peintre graveur.
Léonard Thiry était-il destiné, par l'indigence de son
imagination , à ne remplir que le rôle d’interprète? Était-il
incapable d'inventer à son tour ? Il à heureusement laissé
une œuvre qui permet de décider cette question dans un
sens favorable à son mérite. Nous voulons parler d’un
recueil de vingt-six planches, gravées d’après ses dessins
par René Boyvin et publiées avec un texte qui se recom-
mande moins par des qualités littéraires, que par une in-
contestable originalité.
2e SÉRIE, TOME XVII. 28
( 426 )
Livre de la conqueste de la Toison d’or par le prince
Jason de Tessalie, faict par figures avec exposition d’icelles,
tel est le titre de l’ouvrage pour lequel ont été exécutées
les planches dont nous parlons. C’est un singulier livre, et
celui qui le publia est un singulier auteur. Une longue
dédicace à Charles IX fournit de curieux détails sur la ma-
nière dont le sieur Jean de Mauregard, greffier des pré-
vôtés et sous-baillie de Poissy, a concu et exécuté le plan
de son ouvrage : 1l dit au roi qu'ayant consacré le peu de
loisir que lui laissent ses charges et affaires domestiques à
l’honnête récréation de l’histoire, comme à celle que les
anciens ont estimée maitresse de la vie, 1l s’est arrêté à
l'épisode de la conquête de la Toison d’or, pour la repré-
senter par figures aux yeux du monarque. Ce qui le lui a
fait choisir, c’est qu'il l’a trouvé plus illustre qu'aucun
autre, plus rempli d’étranges entreprises, voyages loin-
tains et périlleux de mer, combats de monstres horri-
bles, etc. Comme cette histoire lui paraissait confuse et
embrouillée, il s’est adressé à Jacques Gohory, homme de
lettres natif de Paris, pour l’éclaircir et démêler la f&bulo-
sité d'avec la vérité. « J’en ai faict, ajoute-t-il, desseigner
et pourtraire curieusement les figures par Léonard Tyri
de Belges, peintre excellent (comme l’œuvre descouvre),
et après faict tailler en cuivre par René Boyvin, natif
d'Angers, n’y espargnant ni les frais ni la sollicitude , en
espérance de vous en faire un présent qui pourroit estre
agréable, fust pour la lecture du livre ou par aventure
pour patron de quelque tapisserie à orner un jour les salles
de vos magnifiques palais , à envi de celle que vous y avez
si belle et si riche de la fable de Psyché, ou pour une peim-
ture exquise à enrichir quelque galerie. » Jean de Mauve-
gard entre ici dans de longs détails, que nous supprimons
( 427 )
comme étant étrangers au sujet qui nous occupe. Il résulte
de ce qu’on vient de lire qu'il n’est pour rien dans l’exé-
cution de l’ouvrage qu'il dédie au roi. Il en a choisi le sujet
et il a fait les frais de la publication; c’est là que se borne
sa part de collaboration.
Jacques Gohory, l'homme de lettres auquel s'était adressé
le sieur de Mauregard pour rédiger le texte, très-bref
d’ailleurs, qui sert d'introduction à la série des planches
gravées et d'explications aux sujets représentés, s’occupait
à la fois d’alchimie et de littérature. Son style n’est guère
plus clair que l'exposé des mystères scientifiques qu'il
prétendait avoir pénétrés; mais nous n’avons pas à nous
en occuper. Dans le Livre de la Conquête de la Toison d’or,
ce sont les planches seules qui nous intéressent. Si nous
nous sommes arrêtés à l’épitre dédicatoire de Jean de
Mauregard, c’est qu’il s’y trouve des renseignements pré-
cieux pour l’histoire de Léonard Thiry. Nous y voyons quel
était le lieu de naissance de notre artiste : « Léonard Tyri
de Belges » c’est-à-dire de Bavay. Jean de Mauregard est
vraisemblablement aussi exact en donnant cette indication,
que l’orsqu'il désigne Jacques de Gohory et René Boyvin
comme nés, le premier à Paris et le second à Angers. La
qualification d’excellent peintre jointe au nom de Léonard
Thiry, prouve que bien qu’il eüt prêté, comme nous l’avons
dit, aux maîtres italiens une collaboration anonyme, son
mérite n’était pas resté ignoré. On savait alors quels étaient
les artistes employés à la décoration du palais de Fontaine-
bleau; la part de chacun était connue et lui valait un
renom qui s’est effacé par la suite, laissant au Rosso et au
Primatice seuls une gloire dont leurs contemporains avaient
fait une plus équitable répartition.
L'histoire de la conquête de la toison d’or se déroule
( 428 )
dans une suite de vingt-six tableaux conçus et exécutés
dans le style de l’école de Fontainebleau. Composition,
dessin, accessoires, tout rappelle la manière des maîtres
sous la direction desquels Léonard Thiry avait longtemps
“travaillé. Chaque tableau est entouré d’un encadrement à
compartiments, où se trouvent des épisodes allégoriques
relatifs au sujet et des motifs de fantaisie. Au bas sont
des cartouches gravés sur une lame séparée de la planche
supérieure et renfermant, en quatre vers boursouflés du
sieur Gohory, une explication de l’action représentée. Les
tableaux sont bien composés, dans le goût du temps; les
figures accusent un vrai talent de dessinateur ; une richesse
d'imagination peu commune se fait remarquer dans les
encadrements.
L'édition originale du Livre de la Conquête de la Toison
d’or avait paru en 1563. On fit un nouveau tirage des
planches en 1699; mais soit que l’on n’eût pas connaissance
de la dédicace de Jean de Mauregard, soit qu'on voulut
placer l’ouvrage sous le patronage d’un nom célèbre, on
mit en tête du volume un titre au centre duquel était
gravée celte inscription dans un cartouche : Histoire de
Jason peinte par M. Rous, à Fontainebleau.
Plus tard on fit un nouveau tirage des mêmes planches
retouchées et au titre que nous venons de transcrire, on
substitua celui-ci : « L’on voit en ce livre l’histoire de Jason
et de Médée, ou la conquête de la Toison d’or par S. Martin
de Bologne, peintre de François I”. Son château de Fon-
tainebleau fut illustré par ses fameux ouvrages dont on
voit les fragments. »
Ainsi une première fois Léonard Thiry avait été dépos-
sédé de son droit d'auteur au profit du Rosso, et une seconde
fois on avait paré de ses dépouilles le Primatice qui était
( 429)
assez riche de son propre fonds, pour qu'on püt se dispen-
ser de lui attribuer le bien d'autrui. Mariette lui-même
fut trompé par la fausse indication donnée sur le titre
du deuxième tirage, car dans le dénombrement qu'il fit,
pour l’Abecedario, des œuvres du Rosso, on voit figurer : ”
« L'Histoire de Jason et de la conquête de la Toison d'or,
représentée en 27 pièces gravées au burin en 1563, par
René Boyvin, sur les dessins de Léonard Thiry, Flamand
l'un des disciples de maître Rous en France. » Il est vrai
qu’à l’article de Thiry, Mariette cite la même série de pièces
comme étant de notre artiste, sans expliquer une contra-
diction d'autant plus singulière, qu’en attribuant à Rosso
l'invention des sujets de la conquête de la Toison d’or, il men-
tionne l'édition de 15653, où le véritable auteur est désigné,
comme on l’a vu, d’une manière non équivoque. Enfin les
éditeurs du second et du troisième tirage auraient pu, ainsi
que Mariette, éviter l'erreur dans laquelle ils sont tombés,
s'ils avaient pris la peine de jeter les yeux sur la dernière
planche du recueil où l’on avait laissé subsister ces deux
inscriptions, mises au bas des figures de Vulcain et de
Vénus faisant partie des sujets accessoires de l’encadre-
ment : Leonardus Thiry inve. — Renatus F. Il était,
d’ailleurs, facile de s'assurer s’il existait à Fontainebleau
une suite de peintures du Rosso ou du Primatice représen-
tant la fable de la conquête de la Toison d’or. Le résultat
de la recherche eût été négatif. On aurait reconnu que le
Primatice avait exécuté, sur un des panneaux de la Porte
dorée une seule composition ayant pour sujet l'expédition
des Argonautes. L'attribution à deux maîtres fameux des
œuvres de Léonard Thiry est assurément flatteuse pour ce
dernier; mais elle n’en constituait pas moins une atteinte
à ses droits légitimes.
( 430 )
Nous n'avons pas eu l’occasion de voir la suite des douze
sujets de la fable de l'Enlèvement de Proserpine, inventés
et gravés à l’eau-forte par Léonard Thiry, lesquels offraient
un témoignage de son double talent. Mariette cite ces
” morceaux comme des paysages dans lesquels sont repré-
sentés les épisodes mythologiques, ce qui ferait supposer
que les figures ne sont que l’accessoire. Dans un autre
passage, l’auteur des annotations de l’Abecedario dit, en
parlant de Léonard Thiry : « Il excellait à peindre le pay-
sage, et en cette qualité il aida beaucoup aux peintres qui
étaient employés à orner de peintures le château de Fon-
tainebleau. » Ailleurs Mariette dit encore : « Il estoit habile
pour le temps dans la perspective et ses paysages estoient
estimés. Il y en a quelques-uns de gravés dont on fait en-
core cas, et Du Cerceau grava, en 1565, une suite d’édifices
dont il avait donné les dessins. » Il semblerait résulter
des passages que nous venons de citer que Léonard Thiry
fut un paysagiste plutôt qu'un peintre d'histoire; mais
nous avons trop de preuves du contraire, pour nous arrêter
à cette interprétation des notes de Mariette. Comme la plu-
part des artistes flamands, Thiry avait un sentiment de la
uature qui le rendait supérieur aux peintres italiens et fran-
çais de son temps, dans le paysage; mais il n’en était pas
moins, avant tout, un peintre d'histoire, et c’est comme
tel qu’il prit part aux travaux exécutés sous la direction du
Rosso et du Primatice.
Les dessins de la suite d’édifices dont ‘parle Mariette
comme ayant été donnés par Léonard Thiry à Du Cerceau,
forment, dans l’œuvre du graveur français, une série de
douze planches connue sous le titre de Fragments antiques.
On en tire une nouvelle preuve du séjour que fit notre ar-
tiste dans l'Italie méridionale. Il a paru deux éditions de
( 451 )
ce recueil à Orléans, où habitait Du Cerceau : la première
en 1550, la seconde en 1565. Mariette paraît n’avoir connu
que la dernière. Dans l’avis au lecteur qui occupe le milieu
du titre, le graveur désigne l’artiste auquel il est redeva-
ble des dessins de ses planches : Cum nactus essem duode- ”
cim fragmenta structuræ veteris commendaia monumentis
a Leonardo Theodorico homint artis perspectivæ peri-
tissimo qui nuper obiit Antwerpiæ....... Cette inserip-
tion nous fixe donc sur l’époque et sur le lieu du décès
de Léonard Thiry. Notre artiste venait de mourir à Anvers
quand Du Cerceau publia la première édition de son re-
cueil, c’est-à-dire en 1550, car l’avis au lecteur dont nous
venons de donner un extrait se trouve sur les exemplaires
portant cette date. Dans la suite de l’avertissement, que
nous ne transcrivons pas en entier à cause de son étendue,
le graveur français dit qu’il ne veut pas frustrer l'inventeur
de la gloire à laquelle il à droit, que c’est à Léonard qu'il
faut attribuer l’honneur d’avoir exécuté les dessins origi-
naux, et que pour lui, Du Cerceau, la seule chose qu’il
demande , c’est qu’on lui sache gré de les avoir publiés.
Comme nous lavons fait observer, Mariette n’a connu du
recueil des Fragments aniiques que lédition de 1565.
L'erreur qu’il commet en faisant mourir Léonard Thiry
vers cette même année s'explique parfaitement. On a vu
que le Livre de la conqueste de la Toison d’or parut en
1563. Léonard Thiry avait donc cessé de vivre depuis treize
ans quand cet ouvrage fut mis au jour; mais il avait fallu
du temps à René Boyvin pour graver les vingt-six planches
dont notre artiste avait fourni les dessins.
Nous ignorons quelles sont les circonstances qui rame-
nèrent Léonard Thiry en Belgique. Ce qu’on peut supposer
avec le plus de vraisemblance, c’est que, sentant sa fin
( 432)
approcher, il voulut confier sa dépouille mortelle à la terre
natale. Peut-être était-il venu seulement faire un voyage
en Belgique et se trouvait-il accidentellement à Anvers
quant il fut surpris par la mort. M. de Burbure, auquel
j'ai.eu recours cette fois encore, n’a pas rencontré dans
les registres des églises d'Anvers la mention de son décès.
En revanche, mon savant ami me fait connaître qu’un
certain Lenaert Terey fut inscrit en 1533 dans le Liggere
de Saint-Luc d'Anvers en qualité de franc-maitre, sans
avoir figuré antérieurement comme apprenti dans le même
livre. Ce Lenaert Terey est-il notre Léonard Thiry? Cela
n’est pas impossible, car les noms étaient souvent singu-
lièrement orthographiés dans les registre des corporations;
mais on ne peut pas affirmer qu’il y ait identité entre les
deux personnages. Nous avons dit que Léonard Thiry, qui
avait visité l'Italie, où il était devenu élève de Rosso, fut
conduit en France par celui-ci, en 1531, ou du moins
appelé pour le seconder dans l'exécution de ses travaux,
à Fontainebleau, et qu’il figure dans les comptes des bâti-
ments à dater du moment où le Rosso y paraît lui-même.
Si Lenaert Terey et Léonard Thiry sont un seul et même
peintre, il faut admettre que notre artiste, tout en fixant
sa résidence en France, voulut se faire recevoir dans la
gilde de Saint-Luc d'Anvers, afin de pouvoir, au besoin,
venir exercer son art dans cette ville, s’il lui prenait fan-
taisie de rentrer en Belgique. C’est une hypothèse : les
renseignements ne sont pas assez précis pour qu'il soit
prudent de risquer une affirmation.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1864. — No 5.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 10 mai 1864.
M. ScHaar, président de l’Académie.
M. An. QUETELET, secrélaire perpétuel.
Sont présents : MM. d'Omalius, Timmermans, Wesmael,
Stas , de Koninck, Van Beneden, A. De Vaux, de Selys-
Longchamps, le vicomte Du Bus, H. Nyst, Gluge, Neren-
burger, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, Ern.Quetelet,
membres ; Schwann, Spring, Lacordaire, Lamarle, asso-
ciés ; Donny, correspondant.
M. Roulez, membre de la classe des lettres, assiste à la
séance.
2e SÉRIE, TOME XVII. 29
(434)
CORRESPONDANCE.
M. Cavalier fait parvenir les résultats de ses observations
météorologiques faites à Ostende pendant l’année 1864.
M. de Selys-Longchamps communique le relevé de l’état
de la végétation à Waremme, le 21 avril dernier; M. De-
walque transmet des observations semblables, faites à la
même époque, pour Liége, et Stavelot et M. Bernardin
pour Melle, près de Gand.
— M. Colnet d'Huart, de Luxembourg, adresse à Îa
classe, un ouvrage imprimé de sa composition accompagné
d’une note manuscrite et intitulé : Théorie analytique de la
chaleur. — Remerciments.
— La classe recoit de deux de ses membres les mé-
moires suivants qu'ils soumettent à son examen :
4° Sur un problème curieux du magnétisme, par MPla-
teau. (Commissaires : MM. Lamarle et Duprez.)
2° Stabilité des systèmes liquides en lames minces, par
M. Lamarle. (Commissaires : MM. Plateau et Schaar.)
La classe reçoit également un mémoire manuscrit inti-
tulé : Recherches sur les benzines, nitrobenzines et anili-
cines destinées à la fabrication des couleurs, par M. C.
. Krouber, de Saint-Pétersbourg , étudiant à l’université de
Gand. M. Donny, en déposant cette notice de la part de
l’auteur, y Joint quelques spécimens de recherches faites
par lui-même sur les couleurs. ( Commissaires : MM. Mel-
sens, Stas et De Konimck.)
RAPPORTS.
M. Montigny, correspondant de la classe, avait présenté
_une note sur celte question posée par Arago : La scintil-
lation d’une étoile est-elle la même pour des observateurs
diversement placés? MM. Plateau et Duprez, chargés de
l'examen de cet écrit, en proposent l'impression dans le
bulletin de la séance.
Conformément à leur avis, l'impression est ordonnée.
se
MM. Plateau et Duprez présentent également un rap-
port sur une communication de M. Brachet, de Paris,
relative aux perfectionnements qu’il propose d’apporter à la
construction de quelques instruments d'optique. La classe,
d’après la demande de ses commissaires , ordonne l’impres-
sion des propositions suivantes, qui résument le travail de
l’auteur :
«4° En substituant à l’eau distillée, dans les objectifs-
microscopes à immersion-correction, divers fluides, di-
verses huiles, par exemple, l'huile de castor, on peut
donner à ces objectifs une puissance pénétrante bien plus
considérable, et cette observation porte sur les doublets
dits à simple observation, comme sur le microscope solaire
et le microscope composé.
» 2° En substituant le rubis spinelle ou le grenat incolore
ou très-faiblement coloré, au crown-glas, comme premier
objectif dans les puissants jeux de lentilles, et surtout, en
( 436 )
substituant au crown-glas, dans les trois objectifs qui com-
-posent généralement un jeu de lentilles, du grenat ou du
rubis spinelle obtenus par la méthode d’Ebelmen, on peut
augmenter d'une manière considérable l’aplanétisme des
systèmes-objeclifs.
» 9° En substituant au crown-glas le grenat ou le rubis
spinelle dans les oculaires des télescopes, on peut appor-
ter à cet indispensable instrument d'observation une amé-
lioration considérable. » |
— MM. Schaar et Lamarle, commissaires pour l'examen
d'une notice Sur l’intégration des équations différentielles
de la dynamique, par M. Gilbert, de Louvain, proposent
l’impression de ce travail, qui est ordonnée par la classe.
— L'Académie admet aussi, sur la proposition de ses
commissaires, MM. Poelman, De Koninck et de Selys-
Longchamps, l’impression, dans sa collection in-quarto,
d’un mémoire de M. Van Beneden Sur les Ossements fos-
siles provenant du crag d'Anvers, mémoire accompagné de
quatre planches.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Ernest Quetelet fait une communication sur la valeur
absolue du magnétisme terrestre, pour la déclinaisonr et
pour l’inclinaison de l'aiguille, déterminées, dans le jardin
( 437 )
de l'observatoire de Bruxelles, pendant le mois d'avril
dernier.
L’inclinaison de l'aiguille, d’après trois séries d’obser-
vations, faites entre onze heures et demie et deux heures,
le 7 et le 22 avril, a été de 67°22/0; or, l'aiguille observée à
Bruxelles par M. Quetelet père donnait 68°56'5, en 1828:
la diminution décroît donc d’année en année; elle n’est
plus que de deux minutes par an, elle était de trois mi-
nutes en 1830.
La déclinaison absolue varie davantage : sa valeur était
de 22°28", en 1828. D’après les observations de M. Ernest
Quetelet , faites le 9 avril dernier, elle n’est plus que de
18°4952”. Après les réductions pour obtenir sa valeur
entre midi et trois heures, la déclinaison est de 18°54'34",
ce qui donne moyennement une diminution annuelle de
six minutes environ. Cette différence n’était, en 1828, que
de quatre minutes par année : la diminution a progressive-
ment augmenté, elle est de huit à neuf minutes actuel-
lement.
— Il est parlé d’un phénomène observé à Bruxelles le
9 avril dernier. Un globe lumineux de la grandeur appa-
rente des deux tiers de la lune a été aperçu après dix
heures du soir. Sa hauteur moyenne était d'environ qua-.
rante degrés au-dessus de lhorizon.
Ce bolide a été vu par différentes personnes. M. le colonel
‘ Outies, ajoute M. Ad. Quetelet, m'a dit l’avoir remarqué
également dans la direction du sud. La traînée laissée par
le météore était d’un beau vert d’émeraude. La durée de
l’apparition a été assez courte. Le noyau paraissait en feu
et semblait coloré en vert par les bords. Le météore se di-
rigeait vers le sol, mais il a disparu avant de lavoir atteint.
( 438 )
M. Florimond, de Louvain, a transmis des renseigne-
ments sur le même naine Le météore s’y est pré-
senté sous les apparences d’une boule de feu qui s’est
partagée en plusieurs fragments au moment d’atteindre
l’horizon.
M. Ad. Quetelet donne communication de l'extrait sui-
vant d’une lettre qu'il vient de recevoir de M. Haidinger de
Vienne, associé de l’Académie : |
« Dans la séance du 28 avril dernier de l'Abañétaiel im-
périale de Vienne, j'avais donné quelques détails sur la
chute d’un météore qui a eu lieu le 10 décembre dernier,
trois jours seulement après la chute de Tourinnes-la-
Grosse, à Inly près de Trébizonde. Ce météore est tombé
le matin, vers les trois heures, dans la direction de l’est à
l’ouest. Sa marche n’était pas uniforme : tantôt elle était
plus accélérée, tantôt plus retardée. On l’a vu à Samaro-
nitza (4192/ lat. nord, 37°33/ long. est de Paris), à Hots,
Oxia, Ogly et Inly. Il est tombé dans une forêt près de ce
dernier village. Le bruit était épouvantable, comme celui
de plusieurs centaines de canons. C’est encore M. Jules
Schmidt qui nous à signalé ce fait d’après une note pu-
bliée dans un journal grec. J'ai aussi écrit à M. Schwartz,
médecin militaire en charge à l'hôpital de Péra, et à notre
consul, M. C. Drœgorich à Trébizonde. Celui-ei a bien
voulu nous envoyer quelques fragments de l’aérolithe re-
cueillis à l’endroit où, quelque temps après, a eu lieu la
chute. Cette masse, quoiqu’elle soit d’une nature toute
particulière , est bien loin de ressembler à un aérolithe: elle
est de couleur brun noirâtre, friable et de structure plu-
( 439 )
tôt écumeuse; mais comme je n’ai reçu que sept grammes
de cette substance, je croyais devoir différer une étude
plus approfondie jusqu'à ce que j'en reçusse une masse
plus considérable. |
D’après les renseignements recueillis par M. M. Metaxa,
médecin grec à Trébizonde, ce phénomène a été décrit
comme ressemblant, à son apparition, « à une petite tache
entourée d’une auréole rougeître. Plus le météore s’appro-
chaïit de la terre, plus l’auréole disparaissait, et une lumière
sombre ayant la forme d’une eilipse remplissait sa première
atmosphère, qui à son tour était remplacée par une queue
{rangée et très-noire. M. Metaxa à reçu cette masse con-
sidérée comme météorique et il la transportera à Athènes.
Elle à un diamètre d'à peu près quinze décimètres. Nous
espérons recevoir encore des renseignements plus dé-
taillés au sujet de ce phénomène. »
Sur un célacé échoue devant la ville d'Anvers le 27 avril
1864. Notice par M. Van Beneden, membre de l’Aca-
démie.
Un des points les plus importants aujourd’hui de l’his-
toire des cétacés, est la connaissance des stations et des
routes qu’ils suivent pendant leurs voyages périodiques.
Pour connaître cet itinéraire, il importe d’annoter avec
soin quand et dans quel lieu des individus viennent
échouer, et c’est pour ce motif que nous signalons une
nouvelle apparition d’une espèce qui est venue expirer
dans l’Escaut.
Dans la nuit du 26 au 27 avril dernier, un cétacé
( 440 )
parut dans l’Escaut devant Anvers; et le matin on le
trouva échoué, à marée basse, devant la ville, entre la
tête de grue et un bateau pêcheur. |
Les journaux annoncèrent le jour même, l’un, l’appari-
tion d’un monstre marin que les pêcheurs appellent Tony,
(c’est Tonninck qu'ils ont voulu dire), l’autre, la prise
d’un petit cachalot. |
Je me suis rendu immédiatement à Anvers, et J'ai trouvé
l'animal exposé dans une chambre où il était à voir pour
une rétribution.
L'animal était étendu sur le ventre. Il était du sexe
mâle et mesurait trois mètres soixante-cinq centimètres.
La bouche était béante et faisait voir deux rangées de
dents coniques, espacées, pointues et non usées. J’en ai
compté une dizaine de chaque côté et à chaque mâchoire.
La tête était extraordinairement bombée et semblait sur-
montée d’un casque. Tout le dessus du corps, le côté et
une grande partie de dessous étaient noirs; il n’y a de
blanc qu’un plastron au-devant des nageoires pectorales,
plastron qui est découpé en avant comme un cœur et qui
se termine en arrière, sur la ligne médiane, par une bande
blanche fort étroite.
Toute la peau était lisse, et aucun crustacé n'avait
choisi cet animal comme lieu de résidence.
La nageoire dorsale était assez pointue et recourbée en
arrière; la nageoire pectorale, fort longue et étroite, se
terminant en pointe comme une aile d'oiseau rapace.
L'animal respirait encore quand il a été pris; mais,
quoiqu'il fût encore tout frais le lendemain, il y avait une
odeur telle dans la chambre que tout le monde se bouchait
les narines en entrant. C'était une odeur assez forte, mais
qui ne sentait aucunement le cadavre.
444 )
On a ouvert le ventre en notre présence pour enlever les
viscères, afin de conserver l’animal plus longtemps propre
à être exposé au public. Tout le monde trouvait que le corps
avait conservé encore de la chaleur. L'animal était mort
cependant depuis plus de vingt-quatre heures.
Les viscères, pour autant que nous avons pu les voir,
ne présentaient rien de particulier. L’estomac était ouvert
par des coups de couteau dans divers endroits et semblait
complétement vide. |
Les naturalistes qui s’occupent de ces mammifères au-
ront déjà reconnu, à la forme de la nageoire pectorale et
à la tête, au plastron blanc de la face pectorale et à la
couleur noire de tout le reste du corps, que ce cétacé est
le Delphinus melas ou le Globiceps de Cuvier, le même
animal que les pêcheurs de Heyst ont trouvé mort en mer
en novembre 1859, et que les habitants des îles Féroë, où
il est excessivement commun à son passage des mers po-
laires à l’Atlantique , désignent sous le nom de Grindewall.
Ce grindewall est attendu tous les ans dans ces îles comme
les grives et les bécasses sont attendues dans nos contrées.
Il ÿ à quelques années, le roi de Danemark, visitant ces
îles à l'époque du passage des grindewalls, e’était le 20 juin
1844, eut l’occasion de prendre part à une de ces chasses.
Nous avons l'honneur de mettre sous les yeux de la classe
une gravure très-curieuse de cette pêche singulière, gra-
vure que mon ami Eschricht destinait à l’ouvrage sur les
cétacés qu’il n’a malheureusement pu achever.
Il me semble que l’on n’a pas, jusqu’à présent, attaché
assez de prix à la couleur des cétacés. Les orques sont
couverts de bandes jaunes, tandis que les globiceps sont
tout noirs, ce qui pourrait déjà séparer nettement ces
animaux; et cependant quelques espèces semblent passer
( 442 )
de l’un groupe dans l'autre. Malgré la grande différence du
régime, aux yeux de quelques naturalistes, les orques
et les globiceps ont les plus étroites affinités. On com-
prendra donc que nous attachions du prix à la colora-
tion.
Comme le nom de Blackfish l'indique, le grindewall est
noir, mais est-il uniformément noirâtre sans trace de cou-
leur blanche, comme quelques-uns le supposent ? Évidem-
ment non. L'animal échoué à Anvers portait sur la poi-
trine, comme nous l'avons dit plus haut , un grand plastron
blanc, découpé en avant et qui s’étendait en arrière au
delà de l'insertion des nageoires. Ce plastron était plus
volumineux dans le fœtus que nous avons observé à
Heyst. à
Ce cétacé échoue habituellement par bandes. On en con-
naît plusieurs exemples sur la côte d'Angleterre; mais le
plus curieux est celui qui a eu lieu, en 1812, sur la côte de
Bretagne, à Paimpol , où soixante et dix individus, parmi
lesquels des mâles, des femelles et des jeunes de quelques
mois, vinrent expirer successivement sur la plage.
Le grindewall des îles Féroë a été vu dans le détroit de
Davis; mais Holboll ne l’a jamais vu au delà du soixante-
sixième degré de latitude nord. En France on l’a vu près
de Paimpol (Côtes-du-Nord); on en a vu souvent en Angle-
terre, en Écosse, dans la Manche, sur les côtes de Nor-
wége, de Danemark, de Hollande et de Belgique.
Il y a évidemment plusieurs espèces parmi les grinde-
walls exotiques. Nous avons comparé les nombreux erânes
qui se trouvent au muséum de Paris, et nul doute qu'il n’y
ait là des différences spécifiques assez notables, comme le
D’ Gray l’a dit depuis longtemps.
Quant à la présence de cette espèce dans la Méditer-
( 445 )
ranée, un fait assez curieux vient de se présenter. Voici
lequel : mon ami Paul Gervais m'écrivit, il y a quelques
Jours, de Montpellier, pour m’informer qu'un globiceps
venait d’échouer sur la côte des Pyrénées orientales, et
qu’une bande de onze individus avait été vue en mer, pour-
suivie par les pêcheurs qui en avaient pris plusieurs. J'ai
exprimé des doutes au sujet de cette détermination, et il
m'est naturellement venu à l’esprit que cet animal est peut-
être le Feres de Bonnaterre dont le squelette se trouvait
dans la collection du petit séminaire de Fleurus, collection
qui, malheureusement pour la science, a été dispersée pen-
dant la révolution française.
M. Paul Gervais fera bientôt part, à l’Académie des
sciences de Paris, du résultat de ses observations sur l’ani-
mal qui est venu échouer, et sur un autre qui a été pris
et qu'il me destine. I logeait dans les évents des Anilocres,
qui se rapportent assez bien à l’espèce méditerranéenne.
es
Note sur cette question posée par Arago : La scintillation
d’une étoile est-elle la même pour les observateurs di-
versement placés ? par M. ONG , Correspondant
de l’Académie.
Dans sa belle notice sur la scintillation (1), Arago rap-
porte que Kepler avait conclu d'expériences qu’il fit avec
le concours d’autres observateurs, que tout changement
remarqué par une personne dans la lumière d’une étoile
(1) Œuvres d'Arago, Notices scientifiques, t. IV, p. 28, et Annuaire
du Bureau des longitudes de 1852, p. 401.
(444)
scintillante, est à linstant dénoncé par un observateur
voisin. Arago ne croit pas à la possibilité d’un résultat
précis dans une expérience faite de cette manière. Il pro-
pose le procédé suivant comme moyen d’effectuer le genre
d'observation tenté par Kepler, qui mérite d’être répétée,
ainsi qu'Arago le remarque. « On se servira, dit ce savant,
» non pas d’une lunette ordinaire, mais d’un héliomètre,
» c’est-à-dire d'une lunette à objectif partagé par le mi-
» lieu (1). On aura ainsi, à volonté, deux images d’une
» même étoile vues simultanément : l’image que je suppose
» formée par les rayons qui tombent sur la moitié orien-
» tale de lobjectif, et l’image provenant des rayons qui
» tombent sur la moitié occidentale légèrement déplacée.
» Cela fait, quand des chocs rapides du doigt imprime-
» ront de légères vibrations au tuyau de l'héliomètre, on
» transformera les deux images en deux rubans lumineux.
» Je me hasarde à prédire que les deux images en ruban se-
» ront dissemblables, contrairement au résultat de Kepler,
» et quoique, dans cette expérience, on ait soumis à l’é-
» preuve comparative des rayons séparés originairement,
» non de plusieurs mêtres, mais de quelques centimètres
» seulement. »
(1) On sait que pour obtenir la duplication de l’image d’un astre dans
l’héliomètre , un des instruments les plus ingénieux que l'astronomie pos-
sède, l’objectif est partagé en deux demi-lentilles suivant un diamètre. Ces
moitiés lenticulaires sont disposées de manière que l'observateur peut, à
l’aide d’un mouvement qu’il leur imprime, faire glisser l’un des verres sur
l’autre suivant la tranche diamétrale de section. Il obtient ainsi au foyer de
l’oculaire deux images semblables de l’astre qui sont placées à côté l’une
de l’autre dans l’oculaire; il les écarte ou les rapproche à volonté, selon
qu’il augmente ou diminue la distance des centres des deux demi-lentilles
de l’objectif.
( 445 )
La prévision d’Arago s’est vérifiée dans les expériences
que j'ai faites sur Sirius, c’est-à-dire qu’en transformant
en courbes circulaires, au moyen d’un semtllomètre, les
deux images de cette étoile obtenues dans une lunette,
modifiée à cet effet, les arcs colorés qui fractionnaient ces
courbes ne se sont point montrés constamment identiques
en deux points correspondants des circonférences dé-
crites. |
L’héliomètre étant un instrument de prix très-élevé, qui
ne se rencontre que dans quelques observatoires, j'ai résolu
de la manière suivante la duplication de l’image d’une
étoile au foyer d’une lunette, sans couper son objectif en
deux parties, ni sans interposer un cristal biréfringent
sur le passage des rayons lumineux. Soient A (fig. 1) l’ob-
jectif d’une lunette dirigée vers une étoile et XY son axe
optique ; interposons dans le corps de l’instrument, en
avant de l’oculaire, une petite lame de verre épaisse BC,
à faces parallèles, de largeur suffisante et dont le plan un
peu incliné par rapport à l’axe XY, soit perpendiculaire au
plan vertical passant par cet axe. Tout en satisfaisant à
ces conditions, nous placerons la lame de façon que son
bord latéral ne fasse que toucher l'axe, et qu’elle n’inter-
cepte ainsi que la moitié de droite du faisceau des rayons
lumineux qui convergeaient primitivement au foyer f de
l'objectif. (Nous supposerons pour un instant l’oculaire de
la lunette enlevé). Quand la lame de verre sera légèrement
inclinée par rapport à l’axe optique, comme si elle eût
tourné autour d’une ligne horizontale qui croise l’axe XY,
les rayons lumineux de la moitié de droite du faisceau su-
biront, par leur passage à travers la glace, le phénomène
du déplacement latéral. Ainsi, par exemple, les deux rayons
Rs et Yf qui, avant linterposition de la glace, conver-
( 446 )
geaient au foyer f, se réuniront en #, lorsqu'ils l’auront
traversée, en décrivant les trajectoires brisées Rsum et
Yiom ; les parties déplacées de ces rayons dm et om reste-
ront parallèles à leurs directions primitives respectives. Le
nouveau point de convergence m sera placé dans le plan
vertical de l’axe XY, à une certaine distance mn au-dessus
de ce dernier, si la lame est inclinée comme le montre la
figure 1. Il résulte des développements que j'ai donnés sur
l'application du phénomène du déplacement latéral à un
nouveau scintillomètre (1), que, si l’on exprime par el’épais-
seur de la lame BC, par y son inclinaison relativement à
l’axe XY, on a :
mn —= 0,40 .e.sin >.
Le lecteur comprend déjà que nous obtenons ainsi deux
images de l'étoile, l’une déterminée en m» par la conver-
gence des rayons de droite, qui sont déplacés parallèle-
mént par la lame, et l’autre image en f, qui reste formée
par la moitié de gauche du faisceau lumineux, celle qui
n’a point traversé la glace. Mais il faut remarquer que,
par le fait même du déplacement latéral, l’image # se
trouve un peu plus éloignée de lobjectif que le foyer f;
il serait aisé de démontrer que l'écart fn à pour valeur
0,40 .e.cos y. Les deux images m et f n'étant pas ainsi
formées à la même distance de la lentille qui est proche
de l’œil quand l’oculaire est en place, 1l deviendrait im-
possible de voir ces deux images avec une égale netteté
dans üne même position de l’oculaire. Il est cependant
aisé d'amener l’image f sur le prolongement de mn au-
(1) Bulletins de l Académie royale de Belgique, t. XVII, 2mesérie, p. 260.
( 447 )
dessous de XY et par conséquent à la même distance que
m, dans l’oculaire. Pour cela, nous placerons près de la
première lame de verre une seconde lame B’C’ qui inter-
ceptera la moitié de gauche du faisceau des rayons con-
vergents. Cette lame sera semblable à la première, quant
à sa forme et à sa disposition au même lieu de laxe; seu-
lement, nous inclinerons sa partie supérieure B’ du côté
opposé à l’objectif, contrairement à la position de la même
partie B de l’autre lame, qui est inclinée vers cette len-
tille. Il sera facile, en donnant à la lame B'C' une incli-
paison convenable, d’amener les rayons de la partie de
gauche du faisceau à converger en #', point symétrique
du foyer ». Désignons par y l’inclinaison qui satisfait à
cette condition, et par e’ l'épaisseur de la lame B’C, la
valeur du déplacement sera :
m'n —= 0,40.e’.sin y’.
Au moyen de cette disposition bien simple, nous obte-
nons, un peu au delà du foyer f de l'objectif, deux images
de l'étoile qui sont placées symétriquement par rapport à
l’axe XY et séparées par la distance
mimn'— 0,40 (e sin y + e’ sin y’).
Les deux systèmes de rayons qui forment ces images
après leur séparation à partir des lames inclinées, sont
aussi distincts l’un de l’autre que s’ils avaient traversé les
deux demi-lentilles de l'objectif d’un héliomètre, dont
les centres seraient séparés par le glissement de ces demi-
lentilles suivant leur diamètre de section. Il est évident
que l'effet du système des deux lames inclinées est le même
dans sa grandeur, quel que soit le lieu de l’axe optique où
l'on place les deux lames; seulement, plus elles seront
s ( 448 )
rapprochées de l’oculaire, moins il faudra leur donner
détendue, le faisceau de rayons étant plus étroit près de
celui-ci.
Considérons actuellement de quelle manière l'œil per-
çoit les deux images stellaires dans un oculaire de Huygens
ou négatif que nous supposerons adapté à la lunette astro-
nomique. Soient (figure 2) E la première et F la seconde
lentille de l’oculaire, BC et B’C’ le système des lames incli-
nées; les deux images de létoile, au lieu de se former en
m et m', se produiront en »’ et m’”’ par l'effet du pouvoir
convergent de la première lentille. L’œil verra convena-
blement ces images, lorsque la position de l’oculaire sera
réglée de façon que la distance sn’ de la ligne joignant les
deux images réelles m''m'"” à la seconde lenülle F sera
égale à sa longueur focale. Si l’on a égard à cette condi-
tion et aux règles qui sont suivies dans la pratique pour la
construction de ce genre d’oculaire, on trouve aisément
m'm"" =? mm (1). On déduit de cette valeur et de Fex-
pression précédente de mn :.
mm" — 0,266 (e. sin y + e’. sin y’).
(1) Je me bornerai à rappeler ici les éléments de cette démonstration
que j'ai donnée complétement dans la notice citée plus haut. Si l’on désigne
par / la longueur focale de la première lentille E, par /” celle de la seconde,
on a successivement , selon les règles de la pratique :
1 ra: 2
FRET HET
et, d’après les lois de l'optique :
1 De 4
mi mi ff.
Si l’on a égard à la similitude des triangles mim’ et m'im//'; si, d’autre
part, on remarque que m1 diffère extrêmement peu de #1, on déduit
aisément de ces diverses données : mm” — mn.
Bull.de l'Acad. Roy. Tome XVH 2" Série page 449 :
CMontigry, dei | Gravepar G Severeÿns lth, del Acad,.
( 449 )
Si l’on suppose que les lames BC et B'C’ soient de même
épaisseur et également inclinées, on a plus simplement :
m'm'" = 0,533. e. sin y.
Nous voyons par cette expression, que l’inclinaison y de
chacune des lames est susceptible d’être réglée de façon
que la distance des images, dans le plan vertical de l’axe,
devienne aussi petite qu’on le désire.
Après avoir ainsi obtenu dans la lunette deux images
séparées d’une étoile, comme dans l’héliomètre, j’ai réussi
à faire décrire une courbe circulaire par chacune, au
moyen du second seintillomètre qui a été décrit dans ma
notice. Il se compose essentiellement d’une lame de verre
épaisse, circulaire ou elliptique, tournant autour d’un axe
‘ passant à son centre, et par rapport auquel le plan de la
lame est incliné obliquement. J'ai montré avec extension
que ce scintillomètre doit être placé dans le corps de la
lunette, un peu en avant de l’oculaire, de manière que
l'axe de rotation de la lame soit parallèle à l’axe optique
de l'instrument, et tout à fait en dehors de la direction
de cet axe. Quand un mécanisme imprime un mouvement
révolutif suffisamment rapide à la lame-ainsi disposée,
l’image de tout point lumineux vu dans la lunette y décrit
une petite circonférence de cercle. Le rayon de ce cercle
augmente avec l’inclinaison de la lame de verre sur son
axe de rotation, comme Je l’ai indiqué. Ces faits étant rap-
pelés, il devient évident que quand le scintillomètre S
fonctionne entre la première lentille E de l’oculaire et le
système des deux glaces BC et B'C interposé dans le corps
de la lunette, ainsi qu'il a été dit plus haut et comme le
montre d’ailleurs la figure 3, chacune des deux images
2e SÉRIE, TOME XVII. 30
( 450 )
de l’étoile décrit une courbe circulaire. Ces courbes sont fer-
mées, par suite du phénomène de la persistance des im-
pressions lumineuses sur la rétine, dès que la vitesse de
rotation atteint une limite convenable. Les expériences
que j'ai faites en réunissant le scintillomètre au système
des lames de verre inclinées décrit, ont parfaitement con-
firmé ces prévisions.
Pour décider de la question posée par Arago, il faut re-
marquer que l’inclinaison y des deux lames BC et B'C’
doit être très-petite, afin d’écarter le moins possible l’une
de l’autre les circonférences mo et m'''o’, décrites par les
deux images (1). Il importe, en effet, que ces circonférences
soient le plus rapprochées possible, afin de permettre la
comparaison entre les ares diversement colorés qui se cor-
respondent sur les deux circonférences , et d'établir faci-
lement ainsi leur ressemblance continue ou leur dissem-
blance momentanée. D’après cela, il faut meliner très-peu,
l’un par rapport à l’autre , les plans des glaces BC et BC.
Celles dont je me suis servi consistaient en deux lames
demi-circulaires, coupées, suivant un diamètre, dans un
cercle de verre blanc de trente-cinq millimètres de largeur
et de sept d'épaisseur. Les tranches de coupure ayant été
usées à l’émeri, je les ai collées l’une"contre l’autre, en
inclinant de six degrés environ les faces des deux demi-
cercles. Cette faible inclinaison a suffi pour séparer conve-
nablement les cercles décrits par les images d’une étoile,
dans une lunette astronomique amplifiant quatre-vingt-trois
(1) Afin de faciliter l'intelligence de la marche des rayons lumineux, il
a fallu éxagérer dans la figure 3, comme dans les autres figures pour
divers détails, les rayons des circonférences décrites mo et m0", et
fausser un peu leurs positions vraies.
( 451 )
fois les objets. Les deux lames collées ensemble ont été
fixées, dans la lunette, à quelques centimètres en avant de
la première lentille de l’oculaire, de façon que chaque
demi-glace fût inclinée de trois degrés par rapport à l’axe
de la lunette. La ligne de coupure des glaces étant placée
dans le plan vertical passant par l’axe, les images de la
même étoile, vues dans l’oculaire sans scintillomètre, appa-
raissaient l’une un peu au-dessus de l’autre.
Quand le scintillomètre placé comme je l’ai dit, fonc-
tionna, les images de l'étoile décrivirent deux cercles excen-
triques dont les centres se trouvaient verticalement à une
petite distance l’un de l’autre. Ces cercles, qui se coupaient
suivant une ligne horizontale, se montraient partagés en
arcs diversement colorés, quand la lunette était dirigée vers
une étoile scintillante.
Avant d'exposer les résultats qui permettent de décider
la question posée par Arago, je rappellerai que, d’après
tout ce qui précède, les deux cercles distincts sont dé-
crits, l’un par les rayons lumineux traversant la moitié de
droite de l’objectif, et l’autre par les rayons de l’autre
moitié. Ces deux systèmes de rayons étaient suffisamment
séparés dans une lunette dont le diamètre effectif de l’ob-
jectif est de soixante-dix-sept millimètres. J’appellerai ares
correspondants deux arcs colorés considérés sur les cir-
conférences, à la même distance des sommets de leurs
diamètres verticaux et du même côté de l’observateur. Ces
arcs sont tracés sur la rétine au mème instant, l’un par le
système des rayons de droite et l’autre par celui des rayons
de gauche. Cette simultanéité résulte de ce que, par l'effet
du genre de scintillomètre employé, les images # et m'
partent en même temps, dans leur mouvement révolu-
tif, chacune du Sommet du diamètre vertical, et décri-
( 452 )
vent leurs circonférences avec des vitesses égales et de
inème sens.
Voici les résultats que j'ai obtenus en observant Sirius;
ils ont été confirmés par une personne qui ne pouvait avoir
d'idée préconçue sur les similitudes ou les dissemblances
à observer.
1° Lorsque l’on considère les deux circonférences dans
leur ensemble, les ares diversement colorés qui les frac-
tionnent paraissent le plus souvent identiques et disposés
suivant le même ordre. Cependant, une observation atten-
tive et suivie permet de distinguer parfois des différences
de coloration momentanées, mais caractéristiques, entre
des ares correspondants.
2° Si l’on restreint l'étendue de la partie des circonfé-
rences à comparer, en plaçant préalablement dans l’ocu-
laire un petit écran destiné à cacher au moins la moitié
inférieure du champ de vision; si l’on voile ainsi la plus
grande partie des circonférences décrites derrière cet écran,
de façon à ne laisser voir que les ares supérieurs au-des-
sus du bord horizontal de celui-ci, on distingue aisément,
de temps à autre, des différences de coloration marquées
entre les arcs qui fractionnent les parties des circonfé-
rences encore visibles.
5° Quand on pratique une fente verticale très-étroite
dans l'écran, et que l’on cache entièrement les deux cir-
conférences derrière celui-ci, de manière toutefois à laisser
voir des arcs correspondants à travers la fente étroite, on
distingue mieux encore des différences de coloration mo-
mentanées entre les deux petits ares perceptibles : l’un est
parfois rouge et l’autre vert bleu , par exemple, ou bien lun
des ares étant coloré, l’autre paraît incolore ou jaune blanc.
Ce dernier arc correspond évidemment au moment même
( 455 )
où l’une des deux images stellaires n'éprouve pas de chan-
gement de coloration sensible, par le fait de la scintilla-
tion. | |
4 On sait que, dans les conditions ordinaires, l’ocu-
laire d’une lunette étant poussé hors du foyer, l’image
d'une étoile scintillante est transformée en un disque d’un
certain diamètre sur lequel apparaissent successivement
diverses couleurs: l’apparition de chaque teinte n’a pas lieu
instantanément sur toute l’étendue du disque; elle se pro-
duit à des intervalles distincts sur les diverses parties du
disque. Ces faits rappelés, si, lorsque le mécanisme mo-
teur et le scintillomètre ne fonctionnent pas, on pousse
hors du foyer l’oculaire de la lunette munie du système
des doubles lames BC et B’C’, les deux images de l'étoile
scintillante s’étalent en deux demi-disques voisins. On re-
connaît alors que les changements de couleur, quise voient
sur la totalité ou sur les parties correspondantes de ces
deux images amplifiées, ne sont pas constamment identi-
ques, aux mêmes instants.
Concluons de ces faïts que, selon les prévisions d’Arago,
les changements produits par la scintillation dans l’image
d’une étoile ne sont pas invariablement identiques pour
deux portions de l'objectif d’une lunette. Seulement, je
ferai remarquer que les deux images étalées en courbe
dans la lunette, munie de son scintillomètre, n’ont point
présenté des dissemblances aussi fréquentes qu’Arago le
croyait peut-être; car ce savant dit, eomme nous l'avons vu
plus haut, qu’il se hasarde à prédire que les deux images
déployées en ruban seront dissemblables. Quoi qu'il en
soit, si l’on à égard aux résultats que j'ai fait connaître,
si l’on remarque qu'ils ont été obtenus avec une lunette
dont l'objectif n’a que soixante - dix-sept millimètres de
( 454 )
diamètre, on est en droit de conclure, pour répondre à la
question posée par Arago, que la semtillation n’est point
la même, à tout instant, pour deux observateurs diver-
sement placés (4).
Je me bornerai à citer ici mes expériences sans entrer
dans des développements qui seraient destinés à expliquer
la cause d’un fait décisif qui est contraire aux conclusions
primitives de Kepler.
On peut se demander si le système des dev lames au
moyen duquel j'ai obtenu la duplication de l’image d’une
étoile, n’est point susceptible de remplacer l’héliomètre
dans certains cas, à cause de sa simplicité; et s’il présente
assez d’exactitude pour être appliqué ainsi, dans les lu-
nettes astronomiques, à la mesure du diamètre des planètes
ou de la distance d'étoiles voisines. Dans les lunettes ter-
(1) Il est utile d'indiquer ici un autre mode d'expérience à l’aide du-
quel j’ai déployé la double image d’une étoile scintillante en deux rubans
rectilignes , parallèles et peu distants l’un de l’autre. Imaginons que l’on
ait enlevé le scintillomètre S et qu'on lui ait substitué un prisme de verre
à base carrée, d’un centimètre environ de côté, en le plaçant, en avant
de l’oculaire, de manière que son axe de figure coupe normalement
l'axe XY dans le plan vertical de celui-ci. Quand ce prisme, supposé
monté, d’ailleurs, sur l’axe de rotation du mécanisme moteur, tourne avec
une vitesse suffisante, les deux images d’une étoile se meuvent rapide-
ment dans le sens horizontal par le phénomène de déplacement latéral, et
se déploient ainsi en deux rubans rectilignes horizontaux. Ceux-ci sont
fractionnés en bandes diversement colorées, si l'étoile scintille. J’ai ob-
servé que les parties colorées, placées l’une au-dessus de l’autre sur les
deux rubans, ne sont pas constamment identiques.
Avec ce scintillomètre, remarquons-le, aucun phénomène de disper-
sion n’est produit par le fait du passage des rayons dans un prisme
réfringent à base carrée, puisque les rayons, tout en se déplaçant latéra-
lement à cause du mouvement révolutif du prisme, traversent ce milieu
par des faces d'incidence et d’émergence parallèles.
( 455 )
_restres, ce procédé serait - il aussi utilisé à la détermina-
tion de la distance d’objets dont on connaît la grandeur
absolue, par la mesure de la grandeur de l’image focale ?
Appliqué aux microscopes et aux lunettes, ce système
pourrait-il servir utilement à rapprocher des parties peu
distantes de l’image d’un objet ou d’un astre, tel que le
soleil et la lune, quand on voudra comparer ces parties ?
Avant de se prononcer sur la possibilité d’applications aussi
importantes, 1l faut présenter à l'appui les résultats obtenus
avec des instruments précis, qui seront basés sur cette dis-
position; c’est ce que je me propose de faire.
(456 )
CLASSE DES LETTRES,
ms
Séance du 9 mai 1864.
M. GacHaRD, directeur.
M. An. QUuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le baron de Gerlache, Grandga-
gnage, De Smet, de Ram, Roulez, Borgnet, le baron J. de
Saint-Genois, David, Paul Devaux, De Decker, Snellaert,
Haus, Bormans, Leclercq, Polain, Baguet, le baron De
Witte, Faider, Arendt, Ducpetiaux, le baron Kervyn de
Lettenhove, Chalon, Mathieu, membres; Nolet de Brau-
were Van Steeland, associé; Wauters, correspondant.
MM. Stas et Spring, de la classe des sciences, assistent
à la séance,
er
CORRESPONDANCE.
S. A. R. le Duc de Brabant fait connaître qu'il assistera à
la séance publique de la classe qui aura lieu le 11 de ce
MOIS.
— MM. les Ministres expriment, individuellement, leurs
remerciments pour l’envoi du tome [V des œuvres de
Georges Chastellain, éditées par M. le baron Kervyn de
Lettenhove.
( 457 )
— M. Émile de Borchgrave accuse réception de la mé-
daille qui lui a été décernée pour son mémoire Sur les
colonies flamandes, présenté au concours de 1863.
— M. Van de Weyer, ministre plénipotentiaire de Bel-
gique à Londres et membre de l’Académie, fait hommage
d’un Choix d’opuscules philosophiques, historiques, poli-
tiques et littéraires qu'il vient de publier. M. Chalon,
membre de la classe, présente deux notices imprimées de
sa composition, et M. Th. Juste, correspondant, offre un
exemplaire du nouveau catalogue du Musée royal d’anti-
quités. — Remerciments.
M. Ém. Schoormans fait parvenir trente-six livraisons
du Recueil des inscriptions funéraires et monumentales
de la Flandre orientale, et demande l’échange des publi-
cations académiques.
CONCOURS DE 1864.
ee
Le programme de concours proposé par la classe con-
tenait six questions, 1l a été répondu à deux d’entre elles.
PREMIÈRE QUESTION.
Rechercher les causes qui amenèrent, pendant le dou-
zième et le treizième siècle, l’établissement des colonies
belges en Allemagne. Exposer l’organisation de ces colonies
el l'influence qu’elles ont exercée sur les institutions poli-
tiques el,civiles, ainsi que sur les mœurs et les usages du
pays ou elles furent fondées.
Les commissaires nommés pour examiner le mémoire
reçu en réponse à cette question et soumis au jugement de
la classe, étaient MM. Arendt, David et le baron Kervyn de
Lettenhove. |
HRapport de M, Arendt.
Lorsque, l’année dernière, j’eus l'honneur de rendre
compte à la classe d’un mémoire reçu en réponse à la
question relative aux colonies belges en Allemagne, je me
félicitais que le concours, ouvert seulement depuis un an,
avait déjà produit un travail de nature à fixer notre sé-
rieuse attention et dont le mérite nous a permis de lui
accorder une mention très-honorable. Le mémoire qui est
soumis en ce moment à notre Jugement et qui porte pour
épigraphe : Grande Operae prelium pairiae describere
fastos, me donne lieu à exprimer une satisfaction bien plus
grande et m'autorise à demander pour son auteur une
‘récompense plus élevée encore que celle de l’année der-
nière. Le sujet y est traité d’une façon qui, à mon avis,
laisse peu à désirer et répond de tout point aux intentions
que nous avions en mettant la question au concours. L’au-
teur ne s’est pas contenté de réunir, de coordonner et de
discuter les matériaux compulsés par les savants qui ont
écrit avant lui sur les colonies belges en Allemagne, il s’est
livré aussi à de nombreuses recherches nouvelles, à laide
desquelles il a pu mettre en lumière plusieurs côtés impor-
tants de la question, auxquels ses devanciers avaient peu
touché ou qu’ils avaient négligés tout à fait. Ce n’est pas
tout: dans mon rapport sur le concours de 1863, j'avais
établi que, pour répondre à la juste attente de l’Académie,
( 459 )
il fallait faire des investigations sur les Heux, dans les ar=
chives et autres collections des contrées où existaient les
colonies , et étudier parmi leurs populations et dans leur
histoire locale les traces que la colonisation flamande a
laissées. :
L'auteur à répondu à cette demande, il s’est rendu sur
les lieux et y à entrepris, avec des soins et une intelli-
gence qui doivent lui mériter nos suffrages, les recher-
ches que.je réclamais. Les résultats qu’il a obtenus et dont
il rend un compte détaillé dans son mémoire sont des.
plus intéressants, et présentent pour notre histoire natio-
nale une importance qu’on ne saurait méconnaître.
Pour motiver mon jugement, ainsi que les conclusions
que j'aurai l'honneur de soumettre à la classe, à la fin de
ce rapport, Je demanderai la permission d’analyÿser avec
quelque détail le contenu du mémoire, en insistant plus
particulièrement sur les points , qui, à mes yeux, en con-
stituent le mérite propre, et ont ainsi droit à une mention
spéciale.
L'auteur commence son travail par un aperçu sur les
émigrations des Germains en général et sur celles des
Belges en particulier; 1l distingue les expatriations entre-
prises dans un but de conquête ou de religion de celles
qui présentent un caractère de perpétuité et quisont faites
sans esprit de retour. Il arrive ainsi aux colonies néerlan-
daises qui s’établirent en Allemagne au douzième et au
treizième siècle.
L’auteur montre que déjà avant cette époque, il s'était
formé des colonies belges dans certaines parties de la Ger-
manie,en Hongrie et en Angleterre. Dans la première moitié
du sixième siècle, une tribu belge s'établit, dans un Gau de
l'Altmark, sur la rive droite de l’Elbe , qui reçut d’elle le nom
de Belgesheim. Une autre colonie de travailleurs belges, ori-
( 460 )
ginaires du village de Huysde en Flandre fut conduite par
saint Adélard, entre 822 et 827, dans la Nouvelle-Cor-
bie (1}, et il est fort probable que, peu après, de pareils
établissements, composés de Fiamands des environs de
l’abbaye de Thourout, furent fondés dans son diocèse par
saint Ansgar, archevêque de Hombourg. Les vues ingé-
nieuses que l’auteur développe au sujet des colonies belges
formées en Angleterre, méritent de fixer l'attention. Il en
est de même d’un fait qu’il est le premier à constater, que
je sache, à savoir qu’on ne trouve aucune trace d’émigra-
tion néerlandaise, dans quelque pays que ce soit, de race
latine ou romane.
Après un aperçu bien fait et fort complet des sources
auxquelles nous puisons nos connaissances des colonies
el des principaux ouvrages qui en ont traité, l’auteur en-
trant plus spécialement en matière, expose la situation de
la basse Allemagne, telle que la longue guerre entre les
races germaine et slave lavait faite au douzième siècle;
il donne, d’après les meilleurs travaux allemands modernes,
l’histoire de cette guerre, et montre que le principal moyen
employé par les princes, tant ecclésiastiques que séculiers,
pour guérir les maux sans nombre que la lutte avait pro-
duits et pour rendre à la culture et à la civilisation les terres
dévastées des pays entre le Weser et l’Oder, fut l’appel de
colons belges. Recherchant,en même temps, les causes qui
dans les Pays-Bas, provoquèrent et facilitèrent le mouve-
ment d’expatriation sur une aussi grande échelle, il les
trouve dans l’état social général de l’époque, autant que
dans des événements et des faits d’une nature spéciale et
ed
(1) Ce fait a déjà été relevé par notre savant confrère monseigneur de
Ram, dans sa notice sur saint Adélard, abbé de Corbie en Picardie.
( 46 )
propres à la Belgique , tels que le trop-plein de la popula-
tion, des famines, des inondations, et en dernier lieu dans
la situation politique particulière. Les. développements
que l’auteur donne sur ces différents points témoignent
d’une étude sérieuse des sources les plus variées , et je ne
pense pas que sur ces sujets il ait laissé beaucoup à glaner
après lui. |
Passant ensuite à l’histoire des colonies mêmes, l’auteur
divise celles-ci en deux catégories : colonies fondées par
des prélais sur des terres d’Église et colonies établies par
des souverains et princes séculiers sur des terres à eux.
Cette division est bien choisie et répond à la nature du
sujet, les conditions d'établissement différant la plupart du
temps d’après la position et la qualité du fondateur. La pre-
mière partie comprend les colonies fondées dans l’arche-
vêché de Brême, au Holstein proprement dit, dans les
districts de Wilster, de la Stoer et d’Elmshorn, en Thu-
ringe, dans la Goldne Aue, à Erford et à Naumburg, celles
de la Misnie, du pays d’Anhalt, de l’archevêché de Magde-
burg, de la basse Lusace et de la Silésie. À la seconde
catégorie appartiennent les colonies de la Wagrie (partie
orientale du Holstein actuel), du Brandeburg, des districts
de Jüterbock et de Bitterfeld de l’ancienne Saxe-Électo-
rale, du Meklenburg, du Lauemburg, de la Poméranie,
de l’Ukermark, du duché d'Autriche, du pays de Culm,
de la Prusse au delà de la Vistule et du district de Leubus,
près de Francfort-sur-lOder.
L'auteur apporte un soin particulier à donner, autant
que l’état des sources le permet, l'historique de l’établis-
sement de chacune de ces colonies; il réunit et discute les
textes qui s’y rapportent, commente et explique les chartes
de fondation, examine et résout les questions qu'elles
( 462 )
soulèvent et expose les faits historiques qui s’y rattachent.
Cette partie du travail laisse à mes yeux peu ou point
à désirer. En étudiant les circonstances dans lesquelles
létablissement de chacune de ces colonies eut lieu, l’au-
teur s’entoure des meilleurs travaux de l’érudition alle-
mande et les complète par ses nombreuses et propres
recherches, qui se distinguent souvent par un savoir
étendu et solide, une critique saine, modérée et juste la
plupart du temps. Les investigations que l’auteur a faites
sur les lieux de quelques-unes de ces colonies donnent
à cette partie du mémoire une valeur tout à fait spéciale,
et l'importance et la nouveauté des résultats obtenus me
justifieront, je pense, si j'insiste davantage en mettant
sous les yeux de la classe un résumé succinct de ce
que je considère comme de véritables acquêts pour la
science.
Un des problèmes les plus difficiles à résoudre que
présente l’histoire de la fondation des colonies flamandes,
consiste dans la question de savoir de quelles localités dans
les Pays-Bas vinrent les colons. Les sources sont à ce sujet
tout à fait ou presque tout à fait muettes : on n’y trouve,
quant aux lieux de provenance, que des mentions vagues
qui ne précisent rien, tel que la Flandre, le pays d'Utrechit,
la Hollande, une fois ou deux le Brabant. L'auteur a eu
l’idée ingénieuse, mais dont l’exécution a dû être labo-
rieuse, de relever dans les chartes relatives aux colonies
de la Thuringe tous les noms d’habitants de ces coloniesqui
s’y trouvent mentionnés comme auteurs ou témoins d'actes
avec indication de leur pays natal. Il constate ainsi qu'il y a
eu dans ces colonies des colons originaires d'Anvers, d’Ar-
ras, de Gand ,de Lembeke près de Gand, de Wacken près de
Courtrai, de Diependaele près de Bruges, de Bruges même,
( 465 )
de Lille, de Stockem, de Daelhem, de Velthem, de Do-
restadt, de Moihuysen et d'Herstal près de Liége. La men-
tion de cette dernière localité fait croire que les populations
wallonnes ne sont pas restées étrangères au mouvement
d'émigration et à l’œuvre de la colonisation, et en effet
l’auteur constate la présence de colons assez nombreux de
cette nationalité dans certaines parties de la Silésie ; il rat-
tache assez plausiblement le fait à la mission que reçut du
pape Innocent IV, Jacques, archidiacre de Liége, lequel fut
envoyé,en 1248, comme vicaire apostolique à Breslau, afin
de servir de médiateur dans un différend entre le duc Bo-
leslav IT et l’évêque de Breslau.Il est très-curieux de suivre,
à l’aide des chartes, la carrière brillante que firent deux
de ces Wallons, les deux frères Éverard et Simon, dont
les noms figurent pendant trente ans dans les documents
de différente espèce. En 1261, on les trouve mentionnés
simplement, comme Everard et Symon fratres, Gallici ;
en 1268, Symon est burgrave de Steinau, deux ans
après, castellan à Welun, puis prepositus; en 1274, les :
deux frères sont devenus comites, et trois ans après, Sy-
mon est investi de la dignité de palatinus.
Mais j'ai hâte d'arriver à des faits d’un intérêt plus
considérable. Parmi les études que l’auteur a faites sur
des colonies qu'il a pu visiter lui-même, il y en a deux
que je dois signaler à l’attention toute spéciale de la classe,
ce sont celles sur les colonies de Jüterbock et du terri-
toire adjacent, appelé le Haut-Fläming, et celle de Bit-
terfeld. Je vais résumer, en me servant des paroles mêmes
de l’auteur, les principaux points de ces études, dont la
classe reconnaïtra avec moi le vif intérêt.
(464 )
I.
De toutes les contrées, dit l’auteur, où s’établirent les
Belges, le district de Jüterbock est celle qui renferme les
vestiges les plus intéressants des colonies flamandes. C’est
la seule où l’on trouve des Flamands qui oni, à peu de
chose près, conservé intact l’idiome de leurs ancêtres.
Jüterbock, la célèbre ville des Wendes et leur dernier
boulevard dans la Saxe, devint la conquête d’Albert l’Ours,
vers le milieu du douzième siècle (1147), et il est probable
que dès lors elle reçut sa part des colons néerlandais dis-
séminés par le margrave dans la plupart de ses États. On
ne saurait toutefois fixer avec une certitude complète la
date de la colonisation du cercle de Jüterbock. Torqua-
tus, qui vivait au seizième siècle, dit que l'archevêque
de Magdeburg, Wichmann, fit venir des paysans qu'il
soumit au cens, et que c’est d'eux que le Fläming, qui
entoure Jüterbock, a pris son nom. Il mentionne ce détail
à l’année. 1167 ; mais plusieurs motifs, sur lesquels Je re-
viendrai plus loin, m’engagent à remonter au moins de
quinze ans plus haut. Je me contenterai d’en alléguer deux
pour le moment.
Une ancienne chronique de Jüterbock reporte la colo-
nisation de cette ville à 1163, et son auteur en attribue
le mérite à Albert l’Ours; mais j'ai déjà démontré plus
haut que la colonisation commença vers 1146, et tous les
historiens allemands reconnaissent qu'après 1160, tous les
pays soumis à Albert l’Ours étaient colonisés. Je ne vois
pas pourquoi la ville de Jüterbock, qui tomba au pouvoir
d'Albert l’Ours dès 1147, aurait attendu vingt ans de
recevoir des colons.
En outre, une charte de Wichmann, du 29 avril 1174,
( 465 )
dont je n ai alheureusement pas pu me procurer le texte
original en entier, me fournit une autre preuve. Wich-
mann accorde aux bourgeois de Jüterbock le droit de
Magdeburg, ainsi qu'il en avait la coutume pour toutes
_ les autres villes qui ressortissaient à sa juridiction, les
affranchit du serment avec Vaere et les exempte de tous
droits de douane. Il entre ensuite dans quelques détails sur
la situation de la ville à cette époque, et la dépeint sous
le jour le plus favorable. Plus loin, l'archevêque déclare
qu'il prend à cœur les intérêts « de ceux qui ont iämmigré
dans le pays ou y viendront immigrer, » autant que ses
intérêts personnels. C’est pourquoi il accorde le droit de
pacage tant aux habitants actuels de la ville qu’à ceux qui
viendront l’habiter, sur toutes les prairies qui s'étendent
depuis Jüterbock jusqu’à la montagne voisine de Zinna,
d’une part, et jusqu’au « pont des Flamands » de l’autre.
Cette charte prouve d’abord que les Flamands avaient
déjà étendu leurs établissements à une certaine distance
de la ville, centre de leur colonie, ce qui, on le conçoit,
n'avait pas pu se faire dès le moment d'arrivée. Au sur-
plus, la situation si florissante dont se réjouit l’arche-
vêque n'avait pu naître au bout de trois ou quatre ans,
puisque auparavant la ville était slave et qu'elle avait été
complétement dévastée par la guerre. Au surplus, les
commencements d’une colonie, si protégée qu'on la sup-
pose, sont longs et difficiles : il faut du temps pour accli-
mater les habitants, et il n’y a que la sécurité qui puisse
engendrer la prospérité. C’est donc bien avant 1167 ou
1163 qu'il fäut placer la date d’arrivée de la colonie belge
à Jüterbock.
Une invasion des Lutizes et des Poméraniens ne mit
pas fin à l’œuvre des Néerlandais, s’il faut s’en rapporter
2% SÉRIE, TOME XVII. 51
(466 )
à un autre diplôme de Wichmann (1185), dans lequel il
parle des « manses flamandes. »
Quoi qu'il en soit, les Néerlandais avaient déjà, long-
temps avant cette époque, construit, d’après le désir de
Wichmann, une grande digue qui partait de Jüterbock
pour aboutir d’abord à Nutritz et Dennewitz, et plus loin
à Schweinitz et Wittenberg. Au point d’intersection de la
ville, ils bâtirent une église, un presbytère, un fort pour
l’avoué et ses soldats, et des maisons. Cette agglomération
forma le faubourg de Jüterbock, faubourg auquel ils don-
nèrent le nom de Damme, peut-être en souvenir de la
ville de Damme, leur patrie.
Les historiens ne nous ont conservé que peu ou point
de renseignements sur la position qu’occupaient les Fla-
mands à Jüterbock. Un détail cependant qui me paraît
d’un immense intérêt au point de vue de l’histoire géné-
rale de nos colons, a été heureusement soustrait à l’ou-
bli : les Flamands battaient monnaie à Jüterbock. En 1189,
Wichmann leur céda un bâtiment destiné aux affaires de
leur monnayage, et ils frappèrent des pièces d'argent qui
portérent cette exergue :
MonETA NOVA FLAMINGORUM JUTREBOC.
Pas une de ces pièces ne subsiste encore aujourd’hui.
IE.
Grand Flaeming.
Ce territoire, qui comprend plusieurs lieues d’étendue,
touche à la ville même de Jüterbock, s’étend au nord de
Wittenberg, depuis les villages de Gross- et Klein-Mar-
zahne jusqu’à la ville de Dahme, et forme un plateau qui
sépare l’Elbe du Havel.
( 467 ) .
Une partie de ce territoire appartenait jadis au bail-
liage de Wittenberg; une autre, au comté de Belzig; une
troisième , aux seigneuries de Zahna et Seyda, une qua-
trième , à la seigneurie de Dahme,; la plus grande partie
relevait de l'évêché de Jüterbock. R
Tout ce district, désert à l’époque où les Néerlandais s’y
établirent , fut colonisé par les Flamands. On le divise en
Hohe-Fläming et Nieder-Fläming. Ni les Germains ni les
Slaves n'avaient jamais pu habiter le premier, parce qu’on
y manquait totalement d’eau : les Flamands, puisotiers
expérimentés, creusèrent des sources profondes qu'ils ma-
connèrent et qui servirent à alimenter de petits ruisseaux
qui fertilisèrent un sol naturellement aride. Quant au
second, dont le nom indique la position, ils le desséchè-
rent au moyen de canaux de dérivation, dont on aperçoit
encore les dernières traces. |
Tous les bourgs ou villages du Fläming ne furent ce-
pendant pas originairement fondés par les Belges; mais
ils étaient délaissés. C’est ainsi que les villes de Zahna et
de Seyda eurent des bourgeois flamands et des manses
flamandes ; 1l en fut de même de Rohrbeek, près de Rute-
nitz, de Beïersdorf, près de Kôrbitz, de Wildau, de Went-
. dorf (autrefois Wendendorp), etc.
Les villages de Stolzenhain (Stoltenhagen), de Kalten-
hausen et de Seehausen, tous trois dans le Nieder-Flä-
ming, furent fondés par les Hollandais.
La tradition considère comme essentiellement flamands
ceux de Heinsdorf (autrefois Hinriksdorp), Markendorf
(Marggravendorp), Woltersdorf (Wolterdorp), Gräfendorf
(Grevendorp). :
D’autres localités portent des noms empruntés à des
villes ou villages des Pays-Bas. Telles sont les villes de
Kemberg ou Kemerich, de Brück près de Wittenberg, de
( 468 )
Niemeck, de Genthin, de Gente, de Graifenhainchen,
d'Aken, de Liebenwerda, d'Euper ou Eyper, etc., que
l’on retrouve dans les noms néerlandais de Kameryk
(Cambray), Brugge (Bruges), Nimwegen (Nimègue), Gent
(Gand), Gravenhage (la Haye), Aaken (Aix-la-Chapelle),
Leeuwarden (Leuwarde), Ypern (Ypres), etc.
Tels sont aussi les villages de Mügeln, que les Flamands
prononcent Mecheln ou Megeln; de Welsike (S. O. de
Belzig), de Welsikendorf (près Jüterbock), de Lichter-
felde (près Zinna), et de l’un ou l’autre Werbig (?) que
la tradition du Fläming fait dériver de Mechelen (Malines),
Velsique (S. E. de Gand), Lichtervelde (près Thourout)
et Werwicq.
Heffter rattache Rohrbeck à Roosebeek; mais quoi qu'il
en soit de cette filiation, qui me paraît assez douteuse,
l'histoire locale conserve à Rohrbeck le détail suivant.
Lorsque après la réformation de Luther, on construisit un
nouveau maïître-autel dans l’antique église, on trouva
sous l’autel primitif une tombe dans laquelle reposait le
corps d'un homme enveloppé d’un suaire de drap vert.
Le corps tomba en poussière au contact de l’air. Un cou-
teau de chasse au manche de nacre se trouvait à côté de
l’homme : c'était un chasseur flamand, l’entrepreneur de
la colonie de Rohrbeck.
La tradition de Jüterbock et des environs ne doute
nullement que plusieurs familles du Fläming ne soient
issues des Pays-Bas, comme les de Hake, de Haag (la
Haye); les de Lôwen, de Loven ou Leuven (Louvain); les
d’Arnim, d'Arnhem, etc. Un Henri d’'Eyper (Npres) ven-
dit, en 1921, au cloître de Zinna le village de Wôlmsdorf.
Ce qui me paraît offrir une origine belge plus authen-
tique, ce sont les noms de famille Flemming, Brabant,
Mecheln, etc., qui foisonnent dans le Fläming et à Jüter-
(469 )
bock. En 1395, Hans Holland était conseiller ( Rathmann)
à Jüterbock; en 1451, deux prêtres de cette ville s’appe-
laient Jacob Pulman (Poelman, auj. Pfuhlmann) et Jo-
hann Holland, et, il y a quelques années, figurait encore
parmi les patriciens de Jüterbock le D' Flemming.
ILE.
Après avoir parlé des Flamands d’autrefois, 1l me reste
à dire quelques mots de ceux d'aujourd'hui.
L’habitant du Fläming mène une vie à part, indépen-
dante, qui le distingue des Allemands qui l'entourent.
Ferme en ses propos, 1l est sérieux et pacifique. Il joint à
une grande vigueur corporelle une activité d’esprit qui ne
s'arrête jamais. Religieux par instinct, il a les mœurs aus-
tères : le foyer de la famille lui tient lieu de toute autre
distraction. Il est sobre dans la satisfaction de ses besoins,
tels que la nourriture et la boisson. Il est très-attaché à son
passé et répugne à toute idée d'innovation. On l’accuse de
parcimonie voire même d’avarice; je ne sais jusqu’à quel
point ce reproche est fondé, mais l’accueil que j'ai reçu
chez les Flamands m’a donné la plus haute idée de leur
hospitalité; peut-être ma qualité de Flamand contribuait-
elle quelque peu à cet-excès de générosité.
L’altération la plus sensible qu’aient éprouvée leurs
vieux usages concerne le costume. Celui des hommes n’a
plus rien qui les différencie du reste des Allemands qui
vivent autour du Fläming. En 1693 mourut le juge Düm- .
chen, à Neumark, il fut le dernier qui portât un chapeau
pointu à bords retroussés, coiffure qui existait dans le
Fläming depuis près de six cents ans. Ce chapeau avait
toute l'apparence de ceux de nos anciens paysans flamands
ét hollandais.
( 470
Voici bien une preuve que la mode ne change pas tou-
jours par le fait des femmes, ainsi qu’on le croit com-
munément : les Flamandes du cercle de Jüterbock, à la
différence de leurs maris, ont conservé leur costume tra-
ditionnel. Ce n’est pas pourtant qu’il soit fort élégant! une
jacquette de coton-laine , un jupon court de couleur ba-
riolée et généralement rayé, des sabots ou souliers ferrés,
des bas de laine en hiver : voilà tout leur accoutrement.
Aucune ne va nu-tête ; toutes, enfants, filles, vieilles fem-
mes, portent je ne sais quel bonnet étrange dont les longs
revers plissés se dressent en arrière comme des ailes d’ange
ou de Mercure.
C’est ainsi que Je les ai vues, la hotte sur le dos et le
bâton à la main, se rendre au marché de Jüterbock, le
mercredi seulement, quoique Jüterbock soit leur principal
débouché. On me raconta dans la ville, et j’ai été témoin
que les Flamands ne parlent que lorsque leurs affaires
l’exigent, que, pour le reste , il est impossible de lier avec
eux conversation. Les habitants de Jüterbock ont, du reste,
grand’peine à les comprendre, tandis que je causais sans
difficulté avec eux.
Leur langue est un flamand corrompu ; au nord du Fla-
ming se parle le bas saxon, et, au sud, un mélange de
nieder et de hochdeutsch. é
Les habitants du Fläming, ou, comme on les appelle
partout aux alentours, les Flamands, die Fläminger, for-
ment, si Je puis m’exprimer ainsi, une société à part. Rien
de plus tenace, de plus invétéré chez eux que l'esprit de
caste; rien de plus aristocratique qu’un Flamand los
Jüterbock et Wittenberg.
Les Flamands se divisent eux-mêmes en trois classes,
désignées par trois dénominations dont l’origine remonte
LATE)
sans doute à la fondation des colonies. La première com-
prend les æœconomen ou paysans riches, dont l’exploitation
est presque assez considérable pour former ce qu'on ap-
pelle en Allemagne un petit Réttergut. La plupart habitent
Rohrbeck et les environs; ils ne cultivent en général que
du lin, et leur fortune est telle, que bon nombre d’entre
eux donnent jusqu’à quinze mille thalers de dot à leurs
filles qui se marient.
La seconde catégorie se compose des bauern ou pay-
sans proprement dits. Ils sont plus nombreux que les
œconomen, ont, Comme ceux-ci, quelque bien à eux et
prennent le reste à bail, Ils cultivent les céréales, pommes
de terre, etc. [ls sont généralement loin d’être aussi riches
que Îes æconomen.
Viennent enfin les kossaten ou petits métayers. Ils doi-
vent tout prendre à ferme et n’ont ordinairement aucun
bien propre. C'est parmi eux que se recrutent les ouvriers
agriculteurs et autres artisans. si
Entre les deux premières classes, il se fait de temps
en temps des alliances. Ainsi, une fille de bauer, riche et
jolie, peut espérer de devenir la femme d’un fils d’œco-
nom, et réciproquement. Mais le bauer, tout aussi bien
que l’œconom, refusera inexorablement à son fils l’autori-
sation nécessaire pour épouser une fille de kossate. Si le
fils persiste dans sa résolution, tant que vivent les parents,
il ne lui reste d'autre ressource que de s’expatrier du Fla-
ming et d'aller vivre en concubinage ailleurs. Si, après la
_mortdes parents, il retourne au village natal avec la femme
de rang inférieur qu'il a épousée, il est déchu de la condi-
tion première et ne compte plus que parmi les kossaten. Le
cas ne s’est présenté qu’une fois dans ce siècle (en 1847).
Quant à l'hypothèse contraire, — qu’un fils de kossate
( 472 )
épouse une fille de bauer ou d’œconom,— la pensée n’en est
encore jamais venue à l'esprit du kossate le plus huppé.
J'ai dit que les habitants de Jüterbock, de Witten-
berg, etc., traitent les Flamands de gens parcimonieux et
avares. Peut-être ce reproche s’explique-t-il jusqu’à un
certain point par lusage suivant. Quand des contesta-
tions — et elles sont rares — s'élèvent entre des covilla-
geois, ils ne défèrent pas immédiatement l'affaire au tri-
bunal voisin. Ils s’adressent à trois arbitres, quelquefois
à cinq, pris parmi les plus respectables de la commune à
laquelle ils appartiennent, et la bonne foi qui règne chez
eux leur fait accepter d’avance la décision, quelle qu’elle
puisse être.
J'aurai achevé de dépeindre les Flamands, en disant
que, quoiqu'ils soient luthériens depuis la réformation, — |
circonstance que la proximité de Wittenberg explique fa-
cilement, —ils ont conservé plus que partout ailleurs plu-
siêurs coutumes catholiques, telles que le culte de la
sainte Vierge et des saints, etc., coutumes qui sont défi-
gurées sans doute par l'ignorance et le temps, mais dont
il n’est pas difficile de reconnaître la trace en vivant au
“milieu d’eux.
Voilà, considéré dans son ensemble, l'aspect qu'offre
aujourd’hui la population du Fläming. Si, au bout de sept
siècles , elle est demeurée si pure de tout alliage étranger,
j'ose affirmer que la civilisation ne parviendra pas de si-
tôt à les façonner sur le patron vulgaire du reste des
Européens. |
Je ne crois pas avoir besoin d'insister pour montrer
l'intérêt que présente cette étude sur les colonies fla-
mandes de Jüterbock et du haut Fläming. Les recherches
de l’auteur, sur celle de Bitterfeld ont donné des résultats
(475)
plus intéressants encore en mettant au jour des docu-
ments dont l’histoire de nos institutions profitera certai-
nement. Afin que la classe puisse bien apprécier la
portée de ces résultats, je lui demanderai la permission
de rappeler ce que je disais dans mon rapport de 1863
sur Bitterfeld :
« Il existe encore à l’heure qu'il est dans la petite ville
de Bitterfeld, dans la Saxe prussienne, un dernier reste,
un débris demeuré debout d’une ancienne colonie fla-
mande, fondée selon toutes les probabilités au milieu
du douzième siècle, vers 1154; c’est une société de
propriétaires fonciers qu’on appelle depuis des siècles
les Vlaemische Herren et qui possède en commun, à
l’état d’indivision, une partie du territoire de la com-
mune. Cette société a des archives qui, autant que je
sache, n’ont jamais été examinées; elle a des statuts
manuscrits dont j'ai pu me procurer une copie, dans
lesquels il y à des dispositions d’une grande importance
pour la connaissance du régime de la propriété du sol
dans les colonies flamandes. Tschzoppe et Stenzel, dans
leur Recueil de documents, etc., et M. Langethal, dans
son Histoire de l’agriculture, mentionnent fort au long
la société des Vlaemische Herren de Bitterfeld, et décla-
rent qu’elle mérite un examen approfondi. Voilà certes
un fait de nature à fixer la plus sérieuse attention de
quiconque s'occupe d’études sur l’histoire et le régime
de nos colonies. Quoi de plus intéressant et de plus
commandé à la fois que de faire des recherches sur les
lieux, pour recueilhr les traditions locales (il est cer-
tain qu’il y en a) sur le passé de la colonie et connaître
en détail ce qui a survécu d’elle après les vicissitudes et
. les transformations de sept siècles? »
( 414)
L'auteur s’est conformé avec soin, dans ses investiga-
tions sur les lieux, au programme tracé dans les lignes qui
précèdent. Il a exploré les archives des Vlaemische Herren
et en a rapporté des extraits de chroniques locales, qui,
quoique d’une rédaction assez récente, renferment cepen-
dant de fort anciennes et très-curieuses traditions sur les
origines de la colonie. Il a pris ensuite copie du livre des
statuts des Vlaemische Herren ; il nous donne en outre une
espèce de code pénal de la société et un certain nombre de-
coutumes ainsi que d'anciens usages pratiqués encore au-
jourd’hui par les Vlaemische Herren, qui complètent le
tableau de cette antique institution flamande, laquelle,
sur un sol étranger et à travers les vicissitudes de tant de
siècles, a su conserver bien des traits de sa physionomie
primitive; il fournit ainsi une preuve nouvelle à ajouter à
tant d’autres de cette force native, de cette énergique
vitalité propre aux germes d'organisation sociale et de cul-
ture nés sur le sol belge! Écoutons maintenant son récit.
I. Bitterfeld et le territoire qui l’environne appartinrent
d’abord aux comtes de Brehna, puis aux comtes d’Anhalt,
de la maison d’Ascanie. Ils firent partie de la haute Saxe
jusqu’en 1815, époque à laquelle ils furent incorporés à
la Prusse.
Au milieu du douzième siècle, la plus grande partie de
la contrée était encore au pouvoir des Wendes. Il y avait,
tout près de la ville actuelle, un château (l’Alte-Schloss)
dont les fossés demeurent visibles et dans lequel un prince
wende s'était retranché. Le village nommé aujourd'hui
Altdorf était également habité par les Slaves.
C’est à cette époque qu'immigrèrent dans ces parages
un certain nombre de colons flamands qui s'étaient établis
dans les États d'Albert l’Ours, et, entre autres, dans le
( 475 )
Grand Fläming entre Juterbock et Wittenberg, ainsi qu’au-
près de Kemberg et de Gräfenhainchen. Is bâtirent l’an-
cienne ville de Bitterfeld, à côté de la Mulde, où aujour-
d'hui encore un carré de terre porte le nom de Altestad.
La tradition de Bitterfeld place ces événements à l’année
1153. Les chroniques locales sont unanimes à relater que
des inondations violentes avaient chassé les Belges de leur
patrie. Elles ajoutent que leur nombre s'élevait à plusieurs
milliers d'individus. Ici, comme partout ailleurs, le sou-
venir des colonies saxonnes transplantées dans les Pays-
Bas vit dans toute sa vigueur. « Outre l'invitation qu'ils
» avaient reçue d'Albert l’Ours d’Ascanie, dit une chro-
» nique, c’est à bon droit qu'ils vinrent s'établir dans nos
> parages, puisque leurs ancêtres avaient émigré dans
_» Iles Pays-Bas, après l’an 800, lorsque Charlemagne eut
» soumis la Germanie et qu’ils se refusèrent à embrasser
» le christianisme. »
Il. Voici ce que rapporte la tradition sur l’arrivée des”
Belges dans le cercle de Bitterfeld.
Lorsque les Flamands, que le margrave Albert avait
appelés dans ses États, virent accroître leur nombre, et
qu'ils eurent déjà donné leurs soins à l’agriculture, ils
s’aperçurent avec un certain découragement que Île ter-
rain sablonneux qu'ils avaient défriché ne donnait pas un
rendement digne de leurs sueurs ; ils demandèrent à pou-
-voir cultiver des campagnes plus fertiles et qui pussent
récompenser plus amplement leurs efforts. Le margrave
leur permit de se porter ailleurs, s’ils le désiraient. Alors
ils dépêchèrent un certain nombre, d’entre eux en diffé-
rentes directions. Ces éclaireurs découvrirent un terrain
avantageux et y restèrent. Ils se bâtirent des habitations,
et l’agglomération qui se forma peu à peu reçut le nom de
(476)
Beterveld (Besser Feld), nom emprunté à la nature du
terrain où les colons s'étaient arrêtés.
Cependant Albert l’Ours et les grands vassaux conti-
nuaient leurs guerres contre les Wendes. Ils s’efforçaient
de plus en, plus de les amener à embrasser la religion
chrélienne, ou à partir pour l'exil ou à se voir tailler en
pièces. L'œuvre des princes réussit si bien qu’au bout d’un
certain temps les Wendes ne conservèrent plus qu’un petit
nombre de postes isolés les uns des autres. C’est aisi-
qu’à Niemegk (village à trois quarts de ligue de Bitterfeld),
habitaient déjà des chrétiens, lorsque les Wendes étaient
encore disséminés aux environs. Un prince de cette na-
tion s'était, ainsi que je l'ai déjà dit, retranché dans l’Alte
Schloss dont les fossés sont encore visibles aujourd’hui.
Malgré les nombreuses attaques qu'il avait à subir,
malgré la perte de ses idoles et la destruction de ses rem-
parts, il continuait à se défendre avec la rage du déses-
poir, et ne voulait entendre parier d'aucune capitulation.
Ce furent les Flamands qui, après plusieurs combats san-
glants, emportèrent le fort d'assaut, dispersèrent une
partie de la garnison et passèrent le reste au fil de l'épée.
. L’AlteSchloss fut donné (probablement par Albert l'Ours)
à un chevalier saxon qui s'était bravement battu contre les
Wendes, et qui prit le commandement de la nouvelle gar-
nison, tout entière composée de Flamands. En récom-
pense de ses services, 1] reçut'un bloc de terre d’une
contenance de vingt-cinq charrues ( Hufen), et de là
provient le nom des Rifterhufen actuelles. Quant aux
« soldats chrétiens, » dit la chronique, c’est-à-dire les
Flamands, on leur donna, comme prix de leur valeur,
trente charrues, composées de champs, prairies et bois.
HIT. Les vicissitudes que subit la ville de Bitterfeld, et
(471)
la destruction des archives qui en furent la conséquence,
ne permettent pas de rechercher quelle fut limportance
du rôle joué par les Flamands. Les chroniques nous ap-
prennent que leur nom paraît dans des sources de 1181,
et qu'il figure sur plusieurs monuments de l'époque. Elles
ajoutent qu’ils eurent le droit de battre monnaie, en 1159,
ce qui ne paraît pas extraordinaire puisqu'ils avaient la
même prérogative à Jüterbock.
La ville brüla une première fois en 1473; les habitants
la reconstruisirent à un demi-mille plus loin et lappelè-
rent Bitterfeld (champ amer) par allusion au désastre qu’ils
avaient éprouvé. Un autre incendie détruisit la ville pen-
dant la guerre de trente ans, et de nouveau les archives
devinrent la proie des flammes, de sorte qu’il sera tou-
Jours fort difficile d'écrire une histoire complète de Bit-
terfeld.
Les villages voisins furent également occupés par les
Flamands, tels que Puch et Muldenstein. Le premier est
remarquable par son vieux château dont la terrasse m'a
rappelé celles de Meudon et de Saint-Cloud : les Flemming
- y sont en quantité de temps immémorial. Le second con-
serve les restes du château qui appartenait autrefois à la
famille de Bora, et la petite chapelle — servant aujour-
d'hui de temple, — où Luther vit pour la première fois
Catherine. Le custos, qui me rappelait ces souvenirs et
me montrait le fauteuil où la future femme de Luther ve-
nait s'asseoir pour entendre la messe, ainsi que le vieux
tilleul sous lequel prècha le réformateur, s’appelait, coïn-
cidence bizare, Heinrich Flemming! À Bitterfeld même,
ce nom de famille s’est éteint il y a quatorze ans (1850).
Le nom du village de Niemegk, par son analogie avec
celui de la ville de Nimègue, pourrait faire croire qu’il doit,
( 478 )
à l'instar de cette dernière, son origine aux Néerlandais.
Toutefois l'analogie n’est qu’apparente. Le village de Nie-
megk est d’origine wende. Dans le Chronicon Montis Serent,
il est appelé Numec ou Numic, et existait bien avant l’ar-
rivée des Flamands. Car, en l’an 1089, le comte Thimo de
Wettin y fonda un cloître et, en 1156, l’archevêque Con-
rad de Magdeburg , à la prière de Conrad le Grand, mar-
grave de Misnie, l’éleva au rang d’abbaye. Tout cela pré-
cédait la colonisation néerlandaise. Cependant le village
prit insensiblement le nom de la ville de Niemegk, par
l’arrivée des Flamands, qui l’appelèrent ainsi.
IV. Un dernier reste, un seul débris demeure debout
de la colonie flamande fondée à Bitterfeld : c’est la société
des propriétaires fonciers, dite Flämings Socierär. Les
membres de cette société, appelés Flämische Herren,
possèdent en commun, à l’état d’indivision, les trente
charrues qui furent jadis données aux Flamands, en récom-
pense de leur valeur. A quelle époque cette société a-t-elle
pris, comme telle, naissance ? Aucun document ne le dit
expressément. On peut donc conjecturer que le besoin
laura fait naître. J’y reviendrai tout à l'heure.
La Société a un président, un assesseur, un greflier et
un forestier, tous élus librement par le choix des membres.
Ceux-ci se réunissent tous les ans, le seconde dimanche
de la Pentecôte, en assemblée générale, à l'effet de procé-
der au renouvellement du conseil. Au président élu in-
combe l'obligation , d’après la coutume traditionnelle, de
donner un banquet monstre, appelé le Flämische Schmaus.
Tous les membres, leurs femmes et leurs enfants, y pren-
nent part. Au dessert circule une immense coupe de eris- .
tal, qui contient un peu plus de trois bouteilles de vin.
Autrefois, quand un nouveau membre était admis dans la
( 479 )
société, il devait, sous peine de déshonneur, vider la coupe
d’un trait; puis on la remplissait, et les autres sociétaires
buvaient à tour de rôle à la bienvenue du récipiendaire.
Cet usage fut aboli, il y a quelque vingt-cinq ans, les esto-
macs des Flamands actuels n'étant pas aussi complaisants,
paraît-il, que ceux de leurs pères. Mais la tradition des
gildes se perpétue : la coupe fait encore le tour de la table,
et tous les membres boivent une gorgée de vin pour rap-
peler le principe de l'association et consacrer une fois de
plus la confraternité des affiliés. Le banquet se termine
par une danse patriarcale où tous les âges sont con-
fondus.
Le sceau de la Société porte des armes en équerre : un
pré de sinople au cerf de gueules. Le pré figure les praï-
raies et les champs appartenant à la société; le cerf, le
Flämings Holz. Les mêmes armes ont été empreintes dans
la coupe par incrustation, ainsi que ces mots: Becher einer
lôblichen Societaet der Fleminger, in Bitterfeld, 1587.
Les propriétés de la société se composent de prairies
situées le long de la Mulde, de parcelles de terre sur le
territoire de Bitterfeld et dans un village voisin, enfin du
Flämings Holz, bois remarquablement beau, que les Fla-
mands ont transformé en une charmante promenade et
où le corps des fanfares de Bitterfeld va exécuter des
morceaux de musique les dimanches d’été. Ces propriétés
continuèrent à être cultivées par eux, et l’excédant de ce
qu’il leur faut pour leur propre usage, est vendu aux en-
chères publiques. Les prairies donnent un revenu annuel
de 2000 thalers, et le bois, un revenu de 1500; quant aux
champs, le rendement en varie d'année en année, et il est
impossible d’en fixer le chiffre, chaque propriétaire ven-
dant isolément à des époques différentes. |
( 480 )
La société conserve son ancien Gezetzbuch, dont les
dispositions ont été en quelque sorte réunies par la tra-
dition, et auquel tous les Flamands sont tenus de se con-
former. La rédaction du code actuel date de 1776. Il en
existait un autre qui était en vigueur depuis 1589; mais,
au siècle dernier, les besoins du temps l'avaient rendu
insuffisant. J’en parlerai dans la seconde partie.
Quelques années encore, et la Flämings Societaet aura
disparu comme tant d’autres vestiges des colonies belges.
Le partage des terres (die separation), imposé par les
inspecteurs du cadastre, fera sortir les propriétaires d’im-
division, leur attribuera à chacun une contenance con-
forme à leurs titres, et rendra partant inutile toute asso-
clation ultérieure. Ainsi tout disparaît peu à peu, le
temps efface chaque jour quelque trace du passé et
n’amoncelle que des ruines autour de nous.
Ipsa etiam veniens consumet saxa vetuslas,
Et nullum est, quod non tempori cedat, opus.
La seconde partie du mémoire contient une série
d’études sur l’organisation et le régime intérieur des
colonies. Dans cette partie du travail, la discussion pré-
domine. La plupart des questions que l’auteur doit expo-
ser se rattachent directement à l’histoire et aux institu-
tions du droit germanique, tant privé que public. L'auteur
a compris que, pour traiter ces questions comme il con-
vient , il faut avant tout se mettre au courant des travaux
si nombreux et si approfondis de la science allemande
sur ces matières ; aussi a-t-1l eu soin de se guider dans ses
recherches d’après les meilleurs ouvrages des grands ger-
manistes de notre époque.
Après avoir exposé le mode de colonisation, les diffé-
( 481 )
rentes manières dont ces établissements se formaient, il
aborde leur organisation intérieure en s'appliquant d’abord
à définir les termes de droit hollandais et de droit flamand,
dont, d’après lui, le premier se trouve de préférence dans
les colonies du nord-ouest, tandis que le droit flamand
régit celles du nord-est de l’Allemagne. Le droit hollan-
dais est essentiellement coutumier ; il n’y a pas de traces
qu'il ait existé à l’état de droit écrit. Il n’en est pas de
même du droit flamand. Des textes explicites montrent
que le droit flamand était, en Silésie, rédigé en code écrit,
dont malheureusement aucun fragment authentique ne
s’est conservé. Passant ensuite aux détails, l’auteur établit
que ces droits comprenaient, comme bases essentielles de
l'organisation civile des colonies, le droit de liberté, un
droit de propriété du sol dont il détermine la nature
comme un jus dominio proximum, la juridiction et le
mode d'administration de la justice, le pouvoir admi-
nistratif en général et le régime des successions. Outre
l’intérêt général qu’offrent ces études pour lhistoire du
droit germanique, elles ont encore un attrait particulier
pour nous par les parallèles que l’auteur. établit entre ces
institutions et celles de la mère patrie des colons. C’est
ainsi que le droit dit de Settinke, la vaine pâture, la
bede, se retrouvent dans les colonies, comme ils exis-
taient en Flandre.
À côté de ces droits communs à toutes les colonies fla-
mandes, l’auteur s'occupe encore d’un certain nombre de
droits et d'institutions qui ne se trouvent que dans quel-
ques-uns de ces établissements, et qui présentent ainsi un
caractère tout à fait restreint et local. Aux trois princi-
paux de ces droits et coutumes particuliers, au Kirchgang
dans les colonies de la Thuringe, au serment sans Vare
2e SÉRIE, TOME XVIL. 52
( 482 )
etau Freizinsrecht, l’auteur consacre de véritables disser-
tations, qui seront lues avec fruit par tous ceux qui, chez
nous, portent intérêt à l’étude des anciennes institutions
germaniques.
La troisième partie due mémoire traite de l’influence des
colonies flamandes sur la civilisation de l'Allemagne.
A vant d'aborder ce sujet, l’auteur rencontre une question
en quelque sorte préalable qui l’arrête un instant. « Des
> historiens de mérite , dit-il, mais guidés par un patrio-
» tisme mal placé, à mon sens, ont contesté que les colons
» belges aient exercé une influence quelconque, en quelque
» matière que ce soit, sur la marche de la civilisation en
» Allemagne. » Il combat cette opinion avec énergie et
vivacité, en s’attaquant surtout à un de ses plus savants
représentants, M. le professeur Fabrieius, dont il analyse
et détruit les arguments avec sagacité.
Pour montrer la mesure et le vrai caractère de l’action
que l’œuvre des Flamands à exercée, il reproduit l'appré-
ciation que j'en avais émise dans mor rapport de l’année
dernière. La vraie importance de la coionisation néerlan-
daise consiste dans la révolution qu’elle produisit, en Alle-
magne, dans la culture du sol, en rendant productifs et
” fertiles de vastes territoires; elle prépara ainsi, au sein
des populations germaniques, les éléments d’un dévelop-
pement de civilisation qui mit ces populations à même de
remplir, dans l’histoire de l'Allemagne, le rôle si grand et
si influent que nous leur voyons prendre pendant l’époque
qui suivit celle de la colonisation. Il est hors de doute que
cette dernière a dû agir aussi sur les institutions, sur
l’organisation sociale, mais dans une mesure moindre;
elle a contribué à régler sur des bases nouvelles, plus
larges à la fois et plus libérales, la condition des imdi-
vidus et le régime de la propriété foncière; mais on
( 483 )
méconnaîitrait les faits, on sortirait de la vérité, si l’on
voulait revendiquer pour les colons belges une action
transformatrice sur les institutions politiques de l’Alle-
magne.
Il montre ensuite cette action, en s'appuyant toujours
de faits dans la fondation de villes et de villages et dans
le concours utile et fructueux que prêtèrent les colons
aux efforts des hommes d'Église et des princes pour ré-
pandre et consolider le christianisme dans les territoires
habités naguère par des Slaves idolâtres. À ce dernier
sujet, il établit, d’après les recherches fort bien faites et
fort curieuses d’un savant Allemand, M. Adler, deux
faits qui fixeront l’attention de nos archéologues. Les tra-
vaux de M. Adler ontrendu infiniment probable, on peut
dire certain, que les colons belges ont opéré une révolu-
tion dans l’architecture du nord de l’Allemagne, en y in-
_troduisant la brique cuite, de l’usage de laquelle il n’y a
pas de traces dans ces paÿs avant l’arrivée des colons. Ces
mêmes Flamands y ont importé un style particulier d’ar-
chitecture religieuse, appliqué à la construction d’églises
et dont il existe encore aujourd’hui plus d’un monument
remarquable.
L'étude très-succinete que l’auteur consacre à lin-
flüence que la colonisation flamande a dû exercer sur le
développement de la langue allemande, ne renferme ni
aperçus mi faits nouveaux. L'auteur aurait pu insister da-
vantage, me semble-t-il, sur ce côté peu développé et cepen-
dant fort intéressant de la question. J'aurais surtout voulu
qu'il nous donnèt des échantillons du dialecte parlé à
Juterbock et dans lequel il a reconnu du flamand, cor-
rompu, il est vrai, mais toujours du flamand.
Dans la dernière partie du mémoire, l’auteur a entre-
pris, le premier, et c’est un mérite qui doit être constaté,
( 484 )
d’éclaireir ce que l’on pourrait appeler le côté matériel de la
colonisation. Le but principal des Néerlandais en s’expa-
triant était, dit-il, de coloniser les pays où on les appe-
lait, c’est-à-dire donner à l’agriculture des terrains bas,
humides , déserts, et d’en tirer tout le profit possible. Nous
avons donc à examiner à l’aide de quels procédés techni-
ques les Belges sont parvenus à construire des digues et
à dessécher des marais. Ces intéressants travaux, pratiqués
par eux sur une grande échelle dans la plupart des contrées
où 1ls ont fondé des colonies, devaient être terminés,
afin qu'ils pussent songer à se livrer aux occupations
agricoles proprement dites.
Pour faire apprécier d’une façon plus complète le rôle
que les endiguements et les défrichements ont joué en
Allemagne, et partant l’influence salutaire qu’ils ont exer-
cée sur l’agriculture , l’auteur divise cette étude en quatre
chapitres. Dans les deux premiers, il passe en revue les
procédés usités dans les Pays-Bas et surtout en Flandre
en cetie matière ; 1l cite quelques documents pour prouver
que l’art des endiguements et du défrichement des marais
y était déjà connu et appliqué à l’époque de l’émigration
flamande. Dans le troisième, 1l examine plus spécialement
les faits de cette catégorie propres à la Zélande, à la Hoi-
lande et à la Frise. Le quatrième chapitre enfin s’oceupe
des contrées dans lesquelles existent encore des vestiges
de digues construites par les colons.
La dernière section du mémoire est consacrée à l’agri-
culture. L'auteur examine d’abord, autant que les rensei-
gnements peu nombreux qui se trouvent à ce sujet dans
les sources contemporaines le permettent, l’état de l’agri-
culture en Belgique au douzième et au treizième siècle,
expose ensuite quelques données sur le mode de culture
pratiquée dans les Pays-Bas, d’après une charte de 1264,
(485 )
relatant les anciennes coutumes et les usages agricoles
traditionnels de la maïerie de Crombrugghe, enclavée dans
les paroisses de Dickelvenne et de Meerelbeke, et termine
par un rapide coup d'œil jeté sur les résultats agricoles
obtenus par les colons belges en Allemagne.
Il y a dans ces études, il faut le reconnaître, quelques
parties qui peuvent paraître des hors-d’œuvre, quand on
veut se renfermer strictement dans l’époque que les
termes de la question assignent aux recherches. Mais, à
part cela, elles sont remplies de faits instructifs , nouveaux,
dans ce sens que, avant l’auteur, on les avait généralement
peu ou point relevés, et présentent un ensemble d’investi-
gations qui complète utilement nos connaissances d’une
des parties les plus essentielles de l’œuvre de la colonisa-
tion flamande.
L'auteur. a ajouté à son mémoire un recueil de docu-
ments et pièces justificatives, au nombre de vingt-neuf,
qui tous ont une importance directe souvent capitale pour
les divers sujets qu'il a traités dans le cours de son travail
et parmi lesquels il y en a quelques-uns d’inédits, trouvés
par lui dans les archives belges et allemandes. Une carte
explicative des emplacements des principales colonies
accompagne l’appendice. Sauf quelques incorrections, elle
représente assez bien la répartition des établissements
coloniaux dans les différentes parties de la Germanie.
Un mot sur le style. Il pourrait être plus châtié et sur-
tout plus concis, mais
Ubi plura nitent
Haud ego paucis offendor maculis.
L’exposé que je viens de faire a pu vous convaincre,
messieurs, que nous nous trouvons en présence d’un travail
qui répond d’une manière sérieuse, approfondie et aussi
L
( 480 )
complète que le permet Pétat actuel de la science, à tous
les points essentiels de la question que nous avons posée.
L'auteur, dans les nombreuses recherches propres aux-
quelles il s’est livré, fait constamment preuve de connais-
sances solides, étendues, variées, il ne néglige aucun des
travaux publiés avant lui sur la matière, étudie les sources,
établit les faits et apprécie leur importance avee soin et en
faisant usage d’une critique saine et modérée. Les investi-
gations qu’il a faites sur les lieux de quelques-unes des
colonies donnent à son travail une valeur tout à fait spé-
ciale. Grâce aux documents, aux traditions, aux faits
nouveaux recueillis par lui, l’histoire, l’organisation, le ré-
gime intérieur de ces colonies seront mieux connus qu’au-
paravant; les vestiges de leur existence que les siècles ont
respectés, les débris de leurs institutions qui sont par-
. venus jusqu’à nous et que l’auteur a mis au jour avec un
soin consciencieux, forment comme un supplément à notre
histoire nationale, et surtout à l’histoire de nos institu-
tions, que les amis de celles-ci accueilleront, je n’en doute
pas, avec un vif et reconnaissant intérêt.
J’ai l’honneur de proposer à la classe d'accorder à l’au-
teur du mémoire portant la devise : Grande operae pre-
tium, patriae describere fastos, la médaille d’or et la somme
de mille francs que M. le Ministre de l’intérieur a bien
voulu mettre à notre disposition. »
Après avoir examiné le présent travail, dit ensuite
M. J. David, je ne puis que confirmer le jugement qu’en
porte notre savant confrère M. le professeur Arendt et
m’associer à ses conclusions.
(481 )
Le rapport de mon savant confrère M. Arendt, ajoute
M. Kervyn de Lettenhove, est si complet que je n’ai rien
à y ajouter , et je me borne à en appuyer les conclusions.
. La classe, adoptant les conclusions de ses trois commis-
saires, a par conséquent accordé la médaille d’or de con-
cours, avec la récompense de mille francs donnée par le
. gouvernement, à M. Émile de Borchgrave de Gand, atta-
ché actuellement à la légation belge de la Haye, et dont
_ le billet cacheté joint au mémoire couronné a fait connaître
le nom.
SIXIÈME QUESTION.
PRIX D'ÉLOQUENCE FLAMANDE. — Faire l’éloge de Vondel.
Les commissaires nommés pour examiner les trois mé-
moires reçus en réponse à cette question étaient MM. le
baron J. de Saint-Genois, Snellaert et Nolet de Brauwere
Van Steeland.
Rapport de M, le baron de Saint-Genois.
_ « La classe à reçu trois compositions en réponse au
concours qu’elle avait ouvert pour l’Éloge de Vondel.
Elles portent respectivement pour devise :
1° Princeps poetarum.
20 Hy is en blyft de nachtegaal.
3° Wien nederlands bloed in d’aders vloeit.
Toutes trois sont jetées dans le même moule, accusent
la même méthode d’analyse et aboutissent aux mêmes con-
clusions finales, quoique par des voies différentes. Les
_n* {et ? se distinguent par un style correct, élevé, peut-
( 458 )
être trop pompeux. Il est vrai que la nature du sujet au-
torise ces grands mots, ces considérations enchàssées
dans de grandes phrases qui, à la longue cependant, de-
viennent fatigantes. Le n° 3 laisse davantage à désirer sous
le rapport de la forme; la correction et la pureté du langage
n’y sont pas toujours observées. Dans les trois mémoires
l’illustre écrivain néerlandais est apprécié également bien
comme homme privé, comme citoyen, comme poëte et.
surtout comme créateur de la langue qu'il mamait avec
tant d'art. Nous éprouvons donc quelque difficulté à classer
ces trois compositions littéraires. Toutefois nous croyons
nous rapprocher de la vérité et d’un jugement équitable,
en accordant la palme académique à l’auteur du n° 2, Hy is
en blyft de nachtegaal, dont l’ensemble mieux agencé, plus
net, caractérise heureusement le génie et l'originalité de
Vondel et répond plus complétement aux exigences d’un
prix d’éloquence. »
Rapport de M. Snellaert.
« Les trois mémoires sur Vondel ont chacun leurs mé-
rites. Tous trois l’apprécient au même degré comme le
premier parmi nos grands poëtes : Vondel est le plus noble
parmi les génies littéraires des Pays-Bas, le plus grand
. dramaturge, le plus grand parmi les restauräteurs de notre
langue au dix-septième siècle. Les trois mémoires suivent
à peu près la même voie pour aboutir au même résultat.
Ils diffèrent cependant considérablement entre eux quant
à la forme.
Le n° 1 est écrit dans une prose cadencée, aux allures
libres, mais le style en est trop recherché. L'auteur vise à
un raffinement d'esthétique qui entortille la phrase. Sous le
4
( 489 )
rapport de l’expression, ce mémoire est beaucoup plus pur
que le n° 5, qui pèche à tout moment contre le génie de la
langue. Tous deux sont vivement colorés; ils accusent du
mouvement, et tous deux tàchent d'expliquer, au moins en
partie, l’homme proprement dit, interne, par des causes
prochaines. Le premier se plaît à faire ressortir que le
grand poëte appartient par son extraction à la ville d’An-
vers, par sa naissance et les impressions vives de l'enfance
à Cologne, par son éducation littéraire à Amsterdam. Von-
del est le génie par excellence de ce beau pays qui, du
confluent du Rhin et de la Moselle, s’étend jusqu’à la mer
du Nord et va au delà de l'embouchure de l’Ems, pays ha-
bité par une même race; mais dont les différentes parties
semblent destinées à s’entr’aimer sans jamais avoir une
réunion intime.
Le n°3 nous montre Vondel sous le point de vue catho-
lique. Élevé dans le dogme des Mennonites, le poëte voyait
avec douleur les luttes échangées entre les Gomaristes et
les Arméniens, cultes qui conduisirent Olden-Barnevelt à
l’échafaud et coùtèrent la liberté à Grotius. Cette guerre
intestine entre les disciples de Calvin le fit pencher insen-
siblement vers le dogme qui reconnaît les décisions d’une
autorité supérieure et, en pleine maturité de l’âge, Von-
del fit ouvertement profession du catholicisme.
De ce point de vue l’auteur envisage Vondel comme un
éminent poëte catholique, ce qu’il est réellement. Il aborde
en outre la question de littérature comparée, et il est à
regretter que la forme exigée par le concours l’ait empê-
ché de donner plus de développement à cette partie de son
travail.
Mais, comme nous le disions tout à l'heure, la pureté
de langage fait défaut dans cette œuvre. Sous ce rapport
le n° 5 est inférieur au n° 1, surtout au n° 2.
( 490 )
Avec moins de coloris que ses deux concurrents, l’en-
thousiasme de l’auteur du n° 2 pour Vondel est plus
réfléchi et prouve une étude plus longue et plus assidue
peut-être des œuvres du grand poëte. La dietion de ce tra-
vail est claire et pure, la forme agréable. On voudrait ce-
pendant n’y pas rencontrer un léger vernis de mythologie
qui le dépare. Cette sagesse dans l'exposition, ce calme
dans le jugement, ce langage correct, sévère sans roideur,
en placent l’auteur au-dessus de ses concurrents. »
Je me rallie au jugement porté par le premier rap-
porteur.
Rapport de M. Nolet de Brauwere van Sieeland.
« Je partage complétement l’opinion émise par mes
honorables et savants confrères, MM. le baron de Saint-
Genois et Snellaert, en ce qui concerne le mémoire n° 2 du
concours. L'auteur, bien pénétré de son sujet, considère
le poëte batave au quadruple point de vue de l’originalité,
de l'imagination, du sentiment et de la moralité. En ceci
il paraît s'être inspiré de la division adoptée par le savant
Siegenbeek, qui, lui aussi, traita le même sujet, lorsqu’en
1806 il publia l'éloge de celui qu’il appelle à si juste titre
le créateur du Parnasse néerlandais.
Un style noble et élevé, simple toutefois et sans re-
cherche; connaissance approfondie des œuvres de Vondel;
pureté de langage et choix judicieux dans l'emploi des
termes , tels sont les mérites qui distinguent le n° 2.
De même que mes deux honorables confrères, je pro-
pose à la classe de décerner la médaille d’or à l’auteur de
ce beau travail. »
Conformément aux conclüsions de ses commissaires, la
( 491 )
classe a décerné la médaille d’or à l’auteur du mémoire
portant pour devise : Hy is en blyft de: Nachtegaal.
L'ouverture du billet cacheté joint au travail fait con-
naître qu'il a pour auteur M. le docteur A. de Jager, de
Rotterdam.
PRIX PERPÉTUELS FONDÉS PAR LE BARON DE STASSART.
1° Un mémoire a été présenté en réponse à la question :
Un travail sur VAN HELMONT, comprenant, ouire la biogra-
phie de ce savant, un exposé critique de ses découvertes et
de sa doctrine. On désire que les concurrents utilisent, à
cet effet, les documents concernant Van Helmont qui exis-
tent dans les différents dépôts littéraires du pays.
Les commissaires chargés de faire l’examen de ce mé-
moire étaient MM. Snellaert, de Ram et De Smet. MM. Stas
et Spring, membres de la classe des sciences, ont été ad-
joints pour aider à apprécier la partie scientifique du travail.
LS
Rapport de M. Snellaert.
« La biographie du baron de Stassart faite, le concours
pour le prix qui porte son nom ne pouvait s’inaugurer
plus heureusement que par une appréciation de la vie et
des travaux de J.-B. Van Helmont, cette grande illustra-
tion nationale, qui compte parmi les ancêtres de notre
savant et regretté confrère.
Alors que la médecine se traînait encore dans une
_ ornière pédantesque et sommeillait sur les lauriers du
passé, Van Helmont, né en 1577, se sentit déjà assez
müri par l'étude dans la science qu’il avait choisie avec
Y
( 492 )
prédilection, pour entrer dans une nouvelle voie. Dans les
écoles, on se contentait de commenter les auteurs grecs
et arabes, et l’humorisme de Galien faisait la base des
études. Notre révolution contre l'Espagne, qui avait im-
primé un si noble élan à plusieurs branches des connais-
sances humaines, semblait toutefois devoir laisser intacts
les fondements sur lesquels reposaient depuis des siècles
les doctrines médicales.
Van Helmont, esprit pénétrant, hardi et enthousiaste,
prenant la voie déjà ouverte par Paracelse, attaqua vigou-
reusement les idées régnantes. Il fit son entrée solennelle
dans le monde savant en rompant avec l’école, et appela
son ouvrage l'Aurore de la médecine. D'après ses propres
paroles, 1l écrivit cet ouvrage dans la langue vulgaire,
afin que ses idées ne fussent pas étouffées par les disputes
des savants, et pour que chacun püût les méditer et se les
approprier (1). |
Est-il étonnant que le hardi novateur éveillât la colère
des universités et des savants? qu’il fut dépeint comme
un ignorant, un fourbe, un menteur ? Guy Patin le nomme
« un méchant pendart flamand, qui n’a jamais rien fait
qui vaille. »
(1) « Zck schrijve dit in mijn vaderlandische tael, opdat mijnen
naesten in ’t gemeyn daer af geniete , verstaende dat de waerheyt ner-
gens naeckter en verschijnt, dan daer sy van alle cieraet ontbloot is.
Andersins schrijvende alleen voor de Geleerden , staet te beduchten, dat
naedemael de letter opblaest, mijnen arbeydt mocht gedyen als in me-
nige andere, alwaer de strijdt-reden alles verstroyt. Andere der Geleerde
niet goet vindende , °t welck by haeren toedoen niet en is ter werelt ge-
komen, veroorsaecken dat grovte verborgentheden, hooge nootsaecke-
lijckheden, en veel wetentheden vereyscht , ten welstandt en welvaert,
blijven ten onderen verdruckt. » DAGERAAD, OFTE NIEUWE OPKOMST DER
CENEESKONST IN VERBORGEN GROND-REGULEN DER Nature. Rotterdam, 1660.
(5e édit., préface.)
( 493 )
Retiré à Vilvorde, Van Helmont s’y livra à des expé-
riences de physique et de chimie, dont plusieurs enrichi-
rent le domaine de la science, à la pratique de la méde-
cine, et probablement à celle de la chirurgie, dont il sut
également étendre le domaine (1). Ses théories relevaient
du naturisme d’Hippocrate, rejeté depuis longtemps dans
l'oubli par l’humorisme en vogue. Les lois régissant l’éco-
nomie animale furent présentées par lui de manière que
sa doctrine fut longtemps accusée d’obscurité, accusation
dont on charge ordinairement l'énergie du style. Cette
obscurité trouva d’ailleurs sa cause : d’abord dans la nou-
veauté même des principes émis, ensuite en ce que Van
Helmont n’eut pas l’occasion d'enseigner sa doctrine de
vive voix, et qu'il n’eut pas de disciples pour la com-
menter. La théorie des archées a cessé d’être obscure
depuis que Guislain lui a assigné sa place véritable parmi
les différentes conceptions des vitalistes.
Van Helmont commença sa carrière par des commen-
taires sur Hippocrate et sur Paracelse, écrits connus seu-
lement depuis peu par les soins de notre savant compa-
triote le docteur Broeckx. La médecine d'observation de
lillustre vieillard de Cos, qui prend la nature pour guide,
et la ferme volonté de rompre avec l’école régnante se
révèlent chez Van Helmont par la conception même de
ces écrits. Suivre attentivement la nature dans ses luttes
avec le mal et tout expérimenter par soi-même, telle était
sa règle de conduite.
Mais ce qu’il poursuivait avec le plus de vigueur, c'était
la recherche des lois générales qui ont présidé à la créa-
tion de l’univers et des êtres vivants, lois qui président
(1) Il est l'inventeur de la sonde élastique, qu’il décrit dans le Dage-
raad , page 266 de l'édition citée.
(494)
encore au mouvement et à la vie. C'était la méthode gé-
nérale du haut enseignement qu’il voulait voir changer;
il désirait le raisonnement, le syllogisme remplacé par
intelligence, par le bon sens; il demandait des cours
d’algèbre, de mathématiques, d’ethnographie, de naviga-
tion, d'hydrographie, d'histoire naturelle, de minéralogie,
de chimie, etc., et l’histoire de ces différentes branches
des connaissances humaines (1). |
. Nous avions droit d'espérer que la question sur Van
Helmont aurait été résolue d’une manièré digne de ce
grand homme, la voie à suivre étant pour ainsi dire tracée
depuis que nombre de savants se sont occupés de notre
compatriote, depuis que les pièces qui reposent aux ar-
chives archiépiscopales de Malines, sauvées par notre
honorable collègue M. de Ram, ont été en partie pubhiées
par M. Broeckx. Dans l’état où se trouve actuellement la
littérature helmontienne, il faut étudier l’auteur dans ses
propres travaux, il faut suivre le philosophe pas à pas
dans ses développements, observer les phases parcourues
par cette vaste intelligence, et bien marquer la place qui
lui revient dans le mouvement intellectuel du genre hu-
main. C’est là la tâche qui imcombe à celui qui à choisi
Van Helmont pour sujet de ses études.’ C'était bien aussi
là l’idée de la compagnie en ouvrant le concours qui nous
occupe.
Un seul mémoire lui a été présenté. L'auteur divise son
travail en trois parties : 1° Biographie de Van Helmont;
(1) Ortus medicinae, au chapitre : Physica Aristotelis et Galeni
ignara, À 9. Voir aussi : Sententien en verkortingen van den geleerden
heer, J.-B. Van Helmont, inséré dans le livre : Elk zijn eygen doctor.
Amst., 1699, 1e deel, blz 96.
_( 495 )
2 Van Helmont considéré comme chimiste; 3° Van Hel-
mont médecin.
Pour ce qui regarde la première partie, l’auteur dit naï-
vement que « la plupart des détails sont extraits de Tou-
» vrage intitulé : {es Belges illustres, au chapitre consacré
» à Van Helmont, par Losen de Seltenhof. » Il eût été plus
juste d’avouer que l'emprunt est complet , à part quelques
exclamations et par-e1 par-là un tour de phrase que l’au-
teur original abandonnera facilement à son copiste. Ce qui
plus est, il lui emprunte jusqu’à ses erreurs. C’est ainsi
qu'il cite un livre de Van Helmont, imprimé en 1642,
_ sous le titre : De Ortu febrium, sur lequel , à son dire, 1l
reviendra. Cet ouvrage n'existe pas; mais Van Helmont
publia cette année à Anvers, chez la veuve Cnobbaert,
le livre intitulé : Febrium doctrina inaudita. Une seconde
édition parut, en 1648 , à Amsterdam, chez Louis Else-
vier, conjointement avec l’Ortus medicinae, ce qui ex-
plique l'erreur dans l’article des Belges illustres.
La seconde partie appartient également à Losen de
Seltenhof; mais ici le concurrent n’a pas cru nécessaire
d'indiquer la source. Quant à la troisième partie, qui oc-
cupe le plus grand espace dans le travail, l’auteur a eu
manifestement en vue de la faire passer pour une œuvre
originale, fruit d’études spéciales sur Van Helmont. Il a
cru ne pouvoir mieux faire que d'étudier et de s’assimiler
l'ouvrage de Guislain : La nature considérée comme force
instinctive des organes. Pour vous détourner de la source
où 1l à puisé, il imite le cerf qui s'efforce de faire perdre
sa trace à ceux qui le poursuivent. Si au moins, comme il
Va fait pour la première partie, il avait cité les éléments
de son érudition et de ses efforts d'analyse, il eût pu allé-
guer les peines que lui avait coûtées le remaniement. En
( 496 )
réalité, dans le travail de Guislain, quoique la doctrine de
Van Helmont y trouve une place spéeiale, elle ne fait que
se dessiner entre les doctrines des différents penseurs que
les Sciences médicales invoquent comme des autorités.
L'auteur a donc dû extraire ce que mon illustre maitre
dit de Van Helmont, ainsi que les citations que le profes-
seur de Gand emprunte à celui-ci; il a dû coordonner ce
travail et lui donner un corps. Sa dévotion pour l’ouvrage
de Guislain est telle, qu’il lui emprunte jusqu'au vœu
qu’une statue soit érigée à Van Helmont. Seulement il
diffère de son devancier, en ce que celui-ci désire que le
monument soit placé dans la ville qui fut témoin de ses
études, tandis que l’auteur du mémoire préférerait le voir
ériger dans la ville natale de l’illustre penseur.
Voici quelques affinités entre le mémoire et l'ouvrage
de Guislain :
Memoire.
Pace 39.
« Nous rappelons à l’occasion de ce
court parallèle que, contrairement à ce
qu'Éloy et d’autres ont écrit, Van Hel-
mont ne fut nullement le continuateur
des idées de Paracelse, contre lequel
il lance des critiques très-sévères et
qu’il va même jusqu’à traiter d'homme
versatile et téméraire. En différents en-
droits de ses œuvres, il attaque avec
une causticité mordante et une piquante
ironie les médecins les plus savants de
l’époque , ets’élève avec une méprisante
indignation contre l'ignorance des éco-
les : idiotismum scolarum. »
Guislain.
Pace 167.
« Van Helmont ne fut pas, comme le
prétend Éloy, comme bien d’autres l'ont
dit d’après cet historien , le propagateur
des idées du fougeux Paracelse.
Au contraire, Van Helmont dirige
contre Paracelse des critiques amères,
en le traitant d'homme versatile et téme-
Un certain vernis paracelsique nuit
cependant au coloris de Van Helmont.
L'esprit systématique de ce dernier,
ses accusations si piquantes d’ironie dé-
versées à pleines mains sur ce qu'il
nomme l'ignorance des écoles, idiotis-
mum scolarum , ses sarcasmes, ses em-
portements dirigés contre les somnités
de la science, le présentent parfois sous
un jour peu favorable. »
(497)
Pace 47.
Ainsi Van Helmont place sous le dia-
phragme un centre de vitalité spéciale
qu'occupe l'âme sensitive (1). — Il fait de
l'estomac et de la rate qui, comme nous
l'avons vu , ont pour lui une grande im-
portance, et qui sont étroitement unis,
un duumviral.
Le médecin belge a commis une sin-
gulière erreur en plaçant l’âme dans
l'estomac (2), à moins qu'il n’ait voulu,
à l'exemple de Bordeu, simplement faire
entendre par là que c’est le point d’où
s'irradient dans le reste du corps, les
impressions et les passions.
Il s’est également trompé sur les attri-
buts de la rate, ou plutôt il ne les a
pas connus; mais il a connu et expliqué
l'influence de l’estomac sur le cerveau,
sur les maladies de cet organe et sur les
hallucinations.
(1) Quo constet stomachum undequaque omnique
angulo esse sedem animae.— Jus DUUMVIRATUS.
(2) Somnus ergo in praecordiis suscilutur et in
capite notabiliter se ipsum manifestal. — Somnus
est effectus splenis.
2e SÉRIE, TOME XVIL.
Paces 85-86.
Van Helmont trouva, sous le dia-
phragme, une vie spéciale; il créa un
duumvirat liant la rate à l'estomac :
deux organes, dit-il, dont les fonctions
sont étroitement unies entre elles. Non-
seulement il plaça dans la région épi-
gastrique le siége principal de l'âme sen-
sitive (1); mais, frappé de l'influence
mutuelle entre la tête et l'estomac, il
chercha dans la sphère dynamique de
ce dernier l’âme rationuelle, celle que
toutes les notions placent dans le cer-
veau (2). Malgre ses erreurs sur le
siége des fonctions intellectuelles et sur
les attributs de la rate, Van Ilelmont
cependant à pressenti le véritable attri-
but dynamique des fonctions du tube
digestif; il a démontré l'influence que
l'estomac exerce sur le cerveau , sur les
maladies de cet organe et surtout sur le
développement des hallucinations (3).
Lorsque Bordeu (4) créa le centre
épigastrique , lorsqu'il fit voir l’étroite
sympathie qui lie l'estomac au cerveau,
lorsqu'il plaça dans la région ombili-
cale le point culminant des principaux
courants nerveux, 1l ne fit que repro-
duire une idée fondamentale, puisée
dans la doctrine de Van Helmont qui,
elle-même, appartenait en droite ligne
au Timée de Platon. »
(1) Veritati maxime ést consentaneum quod sa-
pientia carnis et sanguinis quae est ANIMAE SENSI-
TIVAE, Situm suum habeat in viscere omnium
maxime sanquineo. — JUS DUUMVIRATUS.
(2) Quo constet siomachum undequaque omnique
angulo esse sedem animae. — Jus DUUMYIRATUS.
(3) .….— Somimus ergo in praecordiis suscita-
tur et in capîle nolabililer seipsum manifestat. —
Somnus est effectus splenis.
(4) Maladies chroniques.
33
( 498 )
Mémoire.
Pace 57.
« On accordait aux esprits, aux mys-
tères , aux astres et à la magie une grande
importance, eten quelque sorte un pou-
voir surnaturel; les planètes, le feu , les
étoiles jouaient un rôle puissant et oc-
culte dans les maladies; les almanachs
étaient des vade-mecum de l’art de gué-
rir; en un mot on était en présence des
restes des croyances orientales. »
Pace 59.
« Suivant l'expression de Raspail,
son mysticisme est un relour de piété
envers Dieu. Voici , extraite de son traité
de Lithiasi, son invocation à l'Être su-
prême. (Suit la prière.)
PA6e 61.
La théorie de son blas... a aussi été
l’objet des plus vives attaques. « Blas
est mous initium generale. » C’est le
principe du mouvement; le blas huma-
num préside aux mouvements corporels.
Van Helmont a tout simplement voulu
montrer par là qu’il y a dans l’action or-
ganique le pouvoir de l’archée et le mou-
vement. — Tout mouvement pour lui à
besoin d’un pouvoir directeur. Qui ne
reconnaît dans cette conception l’attri-
but fonctionnel que Stahl a désigné plus
tard sous le nom de Ton et Haller sous
celui d’Irrilabilité. »
/
Guislain.
Paces 168 - 169.
« Du vivant de Van Helmont le siècle
présentait encore les derniers restes de
la magie, des lutins, des fantômes 1m-
mortels et du pouvoir astrologique. La
voûte du ciel était encore peuplée d’êtres
imaginaires; un éther occupait encore
toutes les sphères supérieures du ciel...
Chaque homme, chaque viscère avait
encore son représentant sidérique. Les
médicastres considéraient comme indis-
pensable à l’exercice de leur art la con-
naissance du firmament,
Tout cela venait des Orientaux.
Pace 180.
« Son mysticisme, dit Raspail, est un
retour de piété envers Dieu. » (Dans une
note.) « 11 commençait ordinairement
ses expériences et ses recherches par une
invocation à l’Étre suprême, que voici :
‘(suit la prière).
Pace 185.
Van Helmont ,en créant son blas..… a
voulu désigner le mouvement fonction-
nel (1). Par là et suivant les tendances
de l’époque, il a voulu détacher de la
puissance formatrice le principe du mou-
vement proprement dit... Il a donc de-
signé dans l’action organique deux con-
ditions, le pouvoir de l’archeus faber et
le mouvement; pour parler un langage
historique , disons qu’il a désigné d’une
part les âmes des philosophes grecs et
les esprits de Galien; et que de l’autre
il a entrevu le Ton de Stahl, le Spasme
de Hoffmann et l’Irritabilité de Haller. »
(4) Van Helmont, Blas est motus inilium gene-
rale. — Voir: … Blas humanum.
( 499 )
Pace 65.
« Il est incontestable que le prati-
cien flamand avait des idées saines sur
Vinflammation et sur le stimulus qu’il
nomme, sans toutefois nommer la sti-
mulation, et qu’il n’est pas loin de trou-
ver et d'expliquer le phénomène de l’ir-
ritation. »
Pace 193.
« Comme pathologiste, Van Helmont
a eu les notions les plus saines sur l’irri-
tation, sur la potentia excilatrix , sur le
SrmuLus, sur ce qu'il nomme l'érine , la
metaphorica spina. Et ici encore il a re-
cours à une image puisée dans le do-
maine sensitif, afin de se faire compren-
dre. Il connait le stimulus, mais il ne
peut nommer la stimulation; il devine le
phénomène de l’irritation. »
Ce défaut d'étude propre de la vie et des travaux de
Van Helmont n’est racheté ni par une conception tant soit
peu large du sujet, ni par l’ordre dans la composition,
ni par le style, ni par la connaissance historique de
l’époque. Cette étude d'emprunt atteste sous tous les rap-
ports, qu'il a manqué au moins à
l’auteur le temps néces-
saire pour aborder convenablement un sujet aussi sérieux.
Il entre en matière par les lignes suivantes :
« Jean-Baptiste Van Helmont, gentilhomme braban-
» çon, seigneur de Mérode, de Royenborch, d’Oirschot ;
» de Pellines, etc., naquit à Bruxelles, le 25 octobre 1577,
» la même année que Rubens, trente-six ans après la mort
» de Paracelse, et mourut à Vilvorde,
» bre 1644.
le 30 décem-
» C'était alors le règne des archidues Albert et Isabelle,
» qui accordèrent une puissante protection aux sciences
» et aux arts, et qui durent en partie à cette cause et aux
» grands noms de cette époque leur renommée et leur po-
» pularité.
» Le temps d’infortunes pour les Belges, caractérisé
» par de nombreux ébranlements politiques, brila cepen-
» dant d’un vif éclat par le génie des Rubens, des Teniers,
( 500 )
» des Van Dyck, des Juste Lipse, des Vésale, des Bol-
» landus, des Simon Stevens et des Van Helmont.
» Les cruautés et les tyrannies de l'Espagne, qui tenait
» la Belgique sous un joug intolérable, forcèrent beau-
» coup de ses illustres enfants, et notamment des méde-
» Cins, à fuir une terre opprimée et souvent arrosée du
» sang d’innocentes victimes. Tels furent le fameux Vé-
» sale, les médecins Bording, Vander Spieghel, Dodo-
» næus, Van Lom, Smet et d’autres savants étrangers aux
» sciences médicales, qui reçurent dans des pays voisins
» des marques éclatantes d’admiration. |
» Jean-Baptiste Van Helmont honore comme eux la
» Belgique qui l’a vu naître et qui doit à cette grande fi-
» gure la reconnaissance qu’elle mérite. »
Nous le répétons, ce n’est pas en compilant des ouvrages
qu'une bonne monographie de cet homme remarquable
sortira d’une plume, tout adroite qu’elle puisse être.
Nous avons assez de ces idées éparses : 1l faut étudier Van
Helmont dans Van Helmont même. Quant à la vie et aux
destinées de l’illustre Bruxellois, outre le manuscrit précité
de Malines, son Hortus medicinae est encore une source
féconde qu’il sera utile de consulter. De plus, il ne sera
pas sans intérêt d'examiner jusqu'où le hasard ou la malice
des hommes ont confondu J.-B. Van Helmont avec son fils
Mercure, dont la vie nomade n’a que trop prêté à des
accusations malveillantes, quoique Leïbnitz estimât le fils
comme le digne propagateur des idées du père.
Je crois qu’il n’y à pas lieu de décerner le prix, et qu'il
serait à désirer que la question fût remise au concours.
( o01 )
Happort de M. De Simet.
« Comme le comprendront aisément nos honorables
confrères, notre première pensée devait être de nous ré-
cuser comme juge pour le mémoire.sur Van Helmont, vu
notre parfaite ignorance de la chimie et de la médecine,
qui ont valu à cet homme célèbre ses plus beaux titres de
gloire; mais le rapport si lucide et si fortement motivé de
M. Snellaert, dont personne ne contestera la compétence,
a changé notre opinion. Nous pensons juger consciencieu-
sement en adoptant sans réserve ses conclusions. »
Eapport de YE. De Eiam.
« Entièrement étranger aux études spéciales requises
pour apprécier convenablement un mémoire sur la vie et
les travaux scientifiques de Van Helmont, je devrais me
borner à adhérer au rapport de notre honorable confrère
M. le docteur Snellaert, et à m’en référer aux conclusions
qui seront prises par les deux commissaires désignés par
la classe des sciences, MM. Stas et Spring. C’est à eux,
c’est à des juges parfaitement compétents, qu'est réservée
la tâche de nous faire connaître si la deuxième et la troi-
sième partie du mémoire, où Van Helmont est considéré
comme chimiste et comme médecin, répondent aux con-
ditions du concours.
Quant à la première partie, qui renferme la biographie
de Van Helmont, elle est, à mes veux, d’une faiblesse
déplorable. L'auteur se contente d’y reproduire ce qui se
trouve déjà ailleurs, dans des notices peu exactes et peu
( 502 )
complètes. Des détails vulgaires, des assertions hasardées,
quelquefois même ridicules, s’y trouvent étalés dans un
style généralement peu digne d’un éloge historique.
Il s'ensuit que la partie biographique, dans son en-
semble, est dépourvue de cette largeur de conception et
de cette netteté d’expréssion qui dénotent qu’on est maître
de son sujet. Dans les détails secondaires, bien des choses
auraient besoin d’être rectifiées.
Où donc, par exemple, existe la preuve que Van Hel-
mont refusa par modestie le titre de maître ès arts à Lou-
vain? — litre peu -important d’ailleurs, qui s’accordait
après avoir rempli une simple épreuve, à tout étudiant
qui avait terminé ses deux années de philosophie et pris
part au concours pour la promotion générale de la faculté
des aris.
Van Helmont n'avait pas, comme l’auteur du mémoire
paraît le croire, pris à Louvain le grade de docteur en
médecine. [1 n'était que licencié; et quoique ce titre ne
lui donnât pas le droit d’agrégation à la faculté de méde-
cine, il conserva néanmoins des rapports très-suivis avec
les professeurs les plus distingués de l’université, qui ren-
daient hommage à ses talents et à son ardeur pour les
recherches scientifiques. |
Il est connu que le fameux livre De magnetica vulne-
rum_naturali et legitima curatione, publié en 1623, de-
vint pour Van Helmont la cause principale de bien graves
désagréments , et que l’autorité de la science comme l’au-
torité religieuse se mit, à celte occasion, en plein désac-
cord avec lui. La réimpression clandestine de cet écrit,
faite en 1634, attira sur la tête de l’auteur une nouvelle
tempêle; mais où donc a-t-on trouvé la preuve suffisante
pour en rendre responsable le père Roberti et pour lac-
( 503 )
cuser, lui Comme ses confrères, d’une manœuvre déloyale
et d'une basse méchanceté ?
Et puis, au lieu de nous parler assez inexactement de
la position fâcheuse que prit d’abord le célèbre archevêque
de Malines, Jacques Boonen, dans l'affaire du livre Jan-
sémius, — question complétement étrangère à la vie de
Van Helmont, — pourquoi l’auteur du mémoire ne s'est-il
pas attaché à exposer le rôle si bienveillant et si plein de
dignité que ce prélat remplit dans un procès dont il im-
porte de connaître tous les incidents.
Les démélés de Van Helmont avec l’officialité ou la
cour spirituelle de Malines — ce tribunal ecclésiastique que
_ l’auteur du mémoire nomme d’une manière assez baroque
le-vicariat de saint Rombaud , — doivent nécessairement
occuper une place importante dans sa biographie. Mais,
pour l'historien consciencieux, 1l y à autre chose à faire
que de répéter quelques phrases banales au sujet des per-
sécutions cléricales et des tracasseries de l'autorité ecclé-
siastique; il doit aller au fond des choses, produire les
preuves de ses assertions, examiner les circonstances et
exposer les faits sans idées préconçues. Je désire, pour ma
part, que le biographe de Van Helmont étudie sérieusement
le volumineux dossier de son procès que j'ai recueilli, en
1826, feuille par feuille pour ainsi dire, au milieu d’un tas
de papiers humides destinés à la destruction, et qui forme
maintenant, aux archives de l’archevêché de Malines, deux
volumes in-folio sous le titre de Causa Helmontii. Une
analyse exacte de ce dossier constaterait, d’un côté, qu’on
a un peu trop, sans connaissance de cause, chargé le rôle
de l’autorité ecclésiastique dans le procès intenté à Van
Helmont; d'autre part, cette analyse contribuerait à faire
connaitre ses idées purement spéculatives.
( 504 )
Un exposé de ses théories philosophiques et théologi-
ques me semble appartenir essentiellement à un travail
complet sur sa vie et ses travaux. Car, Van Helmont s'était
formulé un système de philosophie et même de théologie
auquel il faut faire attention, si l’on veut se rendre compte
non-seulement des contradictions qu'il éprouva au point
de vue de l’orthodoxie religieuse, mais surtout si l’on
tient à connaître le point de départ d’une série d'idées et
de théories scientifiques que le célèbre novateur a déve-
loppées dans ses écrits avec l’enthousiasme d’un théosophe.
Ce côté de la question, ce point de vue, n’est pas
même soupçonné par l’auteur du mémoire. Je doute que
ses devanciers, qu’il a servilement copiés, y aient pensé
davantage.
M. Snellaert, dans son rapport, a dit avec une haute
raison qu'on doit étudier Van Helmont dans Van Helmont
même. C’est parce qu’on a négligé cela, c’est parce qu’on
n’a pas su mettre en œuvre les publications de M. le doc-
teur Broeckx et d’autres documents, que eet homme ex-
traordinaire , dont la place est marquée dans la galerie de
nos gloires nationales, n’a pas encore une biographie digne
de lui. Au lieu de le suivre dans les diverses phases de son
existence, au lieu d'éclairer, par quelques bonnes et so-
lides recherches, les tendances de son caractère, ses rela-
tions scientifiques, le but et la nature de ses travaux, au
lieu de lui consacrer une sérieuse étude historique et
scientifique, on a jusqu'ici, pour rendre hommage à sa
mémoire, à peine dépassé les limites d’un maigre roman
ou d’une vieille formule biographique. Exoriare aliquis ! »
(505 )
apport de PI. Slas.
« La lecture attentive de l’Étude biographique et cri-
tique sur Van Helmont, que la classe des lettres a soumise
à mon examen, me laisse dans le doute sur le fait de
savoir si Pauteur de ce travail s’est Jamais donné la peine
de lire les ouvrages de l'homme dont il a voulu apprécier
les travaux. Je suis même porté à croire qu’il ne les a pas
parcourus, tant est incomplète l'appréciation qu’il fait du
chimiste et du physicien brabançon. Présenter une œuvre
aussi insuffisante, c’est évidemment méconnaitre la pensée
qui à inspiré l’Académie lorsqu’elle à mis au concours une
étude de la vie et des travaux de Van Helmont. On sait
assez aujourd’hui qu’on lui doit plusieurs découvertes très-
importantes en chimie et en physique; l’immortel Lavoi-
sier lui à rendu pleine justice à cet égard. Mais ce qui n’est
pas établi suffisamment, c’est la part d'honneur qui lui
revient dans la création de la méthode expérimentale à
laquelle en somme nous devons la science moderne. Il y
a telle expérience de Van Helmont qui dénote une sagacité
profonde et un rare esprit d'observation, et qui révèle en
même temps chez lui un système d'investigation bien au-
itrement important que ses plus belles découvertes. Un
des premiers, il a associé l'expérience à l’observation, et
comme moyen, il à fait intervenir la balance, laquelle,
deux siècles plus tard, devait nous dévoiler la véritable
nature des corps. Ce sont là des titres beaucoup plus glo-
rieux, à mon sens, que ses conceptions physiologiques,
médicales, métaphysiques et théologiques, qui ont presque
exclusivement occupé ses contemporains et leurs succes-
seurs qui Pont étudié. C’est cet héritage-là que nous
( 906 )
devons réclamer avec les pièces à l'appui. En insistant
spécialement sur ce côté du génie de Van Helmont, je suis
loin de prétendre qu’il faille négliger ou dédaigner l’exa-
men de ses doctrines ; je crois au contraire que cet homme
illustre n’aura été équitabiement jugé que lorsqu'on aura
apprécié, avec une égale justice, le physicien, le chimiste,
l’alchimiste, le médecin, le métaphysicien et le théologien.
Rien de tout cela n’est convenablement fait dans le mé-
moire soumis à votre jugement.
Je me rallie donc, sans réserve aucune, aux conclusions
des rapports de mes honorables confrères, MM. Snellaert,
de Ram et De Smet, qui sont d'avis que ce travail ne
mérite pas le prix fondé par feu le baron de Stassart. »
Rapport de ME. Spring.
« La partie médicale du mémoire n’a pas plus de valeur
que les parties biographique et chimique. Elle ne se com-
pose que de lieux communs ramassés en courant, dirait-on ,
dans des ouvrages vulgaires, et d'emprunts mal déguisés
faits à Losenvan Seltenhoff et à Guislain. Aucune criti-
que sérieuse, aucune pénétration philosophique, aucune
notion du développement historique des idées en physio-
logie et en médecine.
Et pourtant quel magnifique sujet que la vie et les doc-
trines du médecin-gentilhomme de Vilvorde! Qu'on l’en-
visage au point de vue chrétien ou philosophique, qu’on le
considère comme homme ou comme savant : dans le travail
solitaire d’une intelligence visionnaire ou dans ses rapports
avec la réformation médicale du seizième siècle, toujours
cette figure est grande, et malgré les travaux considé-
( 207 )
rables qu’elle à déjà inspirés, elle alimentera encore la
curiosité des siècles.
Le réalisme moderne ne s’en accommode guère, j'en
conviens; mais c’est précisément une raison de la contem-
pler de plus haut, au point de vue de l’histoire et des ten-
dances éternelles de l'esprit humain. Que nous importent
les aberrations et les singularités de la doctrine auxquelles
des écrivains superficiels s’attachent avec une complaisance
malicieuse ? La Belgique doit à Van Helmont une histoire
sérieuse , et j'espère qu’elle la lui donnera.
J'estime done qu'il y a lieu de remettre la question au
concours , en doublant, peut-être, le prix; et, dans l’in-
térêt du succès, j'ose demander à la classe des lettres si elle
ne juge pas utile de la diviser?
Le programme tel qu’il a été rédigé, en 1862, fait appel
à deux genres d’aptitudes différents, qui se trouvent bien
rarement réunis dans un même homme. Celui qui est en
état de lire avec fruit les documents anciens et de fouiller
aux archives ne saurait être assez au courant des doctrines
physiologiques et médicales pour oser en parler avec auto-
rité. Le monument que l’Académie se propose d'élever à
la mémoire de Van Helmont devrait donc, à mon avis,
être confié à deux architectes, dont l’un serait historien et
homme de lettres et l’autre médecin et homme de science.
Quant au mémoire actuel, je ne puis que me rallier aux
conclusions formulées par mes honorables confrères de la
classe des lettres. »
Conformément à l’avis unanime de ses commissaires,
la classe a décidé qu'il n’y avait point lieu de décerner une
récompense au seul mémoire envoyé en réponse à cette
question.
( 508 )
ÉLECTIONS.
La classe, pendant les séances précédentes, s'était oc-
cupée, conformément à ses règlements, de l'examen des
listes des candidats pour ses prochaines élections : elle
avait à élire un membre ordinaire et trois associés.
Au premier tour de scrutin, M. Thonissen, déjà cor-
respondant de l’Académie, a réuni la majorité des suf-
frages et a été proclamé membre, sauf l'approbation
royale, qui sera demandée conformément au règlement de
l’Académie. |
La classe a nommé ensuite comme associés, M. Bak-
huizen Van den Brink, archiviste du royaume des Pays-
Bas à la Haye; M. le chevalier d’Arneth, vice-directeur
des archives et conseiller d'État à Vienne; M. Benjamin
Disraeli, membre du parlement à Londres.
—
Séance publique.
La classe s’est occupée ensuite du programme de sa
séance publique et de l’arrangement des détails qui s’y
rapportent.
( 509 )
Séance publique du 11 mai 1864.
M. GacHaRD, directeur.
M. GRANDGAGNAGE, vice-directeur.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le baron de Gerlache, de Pam,
Roulez, Borgnet, le baron de Saint-Genois, De Decker,
Paul Devaux, Snellaert, Haus, Bormans, Leclercq, Po-
lain, baron de Witte, Faider, Arendt, Ducpetiaux, baron
Kervyn de Lettenhove, Chalon, Mathieu, membres : Nolet
de Brauwere Van Steeland, associé; Th. Juste, Guillaume,
Wauters, correspondants.
Assistent à la séance : ;
Classe des sciences : MM. Schaar, président de l’Aca-
démie, d'Omalius, Wesmael, Stas, De Koninck, Van Be-
neden , À. De Vaux, de Selys-Longchamps, Nyst, Gluge,
Melsens, Duprez, Brasseur, Poelman, Ern. Quetelet,
membres ; Lacordaire , associé ; Donny, correspondant.
Classe des beaux-arts : Alvin, vice-directeur, Braemt,
F. Fétis, Guillaume Geefs, Navez, Jos. Geefs, De Brae-
keleer, Fraikin, Éd. Fétis, De Busscher, chevalier de
Burbure, Franck, membres; Daussoigne-Méhul, associé.
À une heure, le public remplissait la grande salle de
l’Académie. Au même instant on annonçait l’arrivée de
S. À. R. le duc de Brabant, que le bureau de la classe est
allé recevoir au bas du grand escalier. S. A. R. était ac-
( 910 )
compagnée de M. le comte de Lannoy, grand maître de sa
maison, de M. le général Goethals, son aide de camp, et
de M. le baron de Wykersloot, officier d'ordonnance.
Dans le publie nombreux qui occupait la salle, on re-
marquait particulièrement M. le baron de Hügel, ministre
d'Autriche et l’un des membres de l’Académie de Vienne.
La séance a été ouverte par le discours suivant de
M. Gachard, directeur de la classe :
MESSIEURS,
Cinq années seulement nous séparent du centième
anniversaire de la fondation de cette Compagnie par lim-
pératrice Marie-Thérèse.
Il ne m'appartient pas d'anticiper sur les résolutions
que l’Académie jugera à propos de prendre pour solen-
niser une date qui nous est chère à tous; mais je suis
certain qu’elle aura à cœur de la célébrer d’une manière
digne de la Compagnie, digne de la grande souverame à
laquelle elle doit son existence.
S'il m'était permis d'exprimer un vœu, je demanderais
qu’un concours fût ouvert pour la composition d’un ta-
bleau historique des progrès qui, sous le règne de Marie-
Thérèse, se réalisèrent au sein de notre patrie, aussi bien
dans l’ordre matériel que dans l’ordre moral. Ce serait, à
mon sens, le plus bel hommage qu’on püt rendre à une
princesse dont les Belges garderont toujours la mémoire.
Nos écrivains, il n’en faut pas douter, répondraient à
l'envi à cet appel, qui s’adresserait à la fois à leur talent
et à leur patriotisme. Quel sujet pourrait être plus propre
à les tenter? Trente-deux années d’une paix profonde au
dehors et d’une tranquillité sans exemple jusque-là au
( o11 )
dedans; toutes les sources de la prospérité publique rou-
vertes; l’agriculture florissante; l’industrie et le commerce
se relevant de leur long anéantissement; l’instruction pu-
blique régénérée; les sciences, les lettres, les arts remis
en honneur; la législation améliorée dans ses parties les
plus essentielles, et, par-dessus tout cela, l’accord con-
Stant du pays avec sa souveraine, scrupuleuse observatrice
des libertés qu’elle avait juré de maintenir : n'est-ce pas
là un cadre fait pour exciter l’émulation de tous ceux qui
aiment à consacrer leur plume à nos fastes nationaux ?
En attendant que nous possédions ce tableau des actes
du gouvernement de Marie-Thérèse, je crois me confor-
mer, messieurs, à VOs propres sentiments, en venant vous
parler de cette princesse elle-même.
Dans d’autres occasions, j'ai eu le bonheur d’exciter
votre intérêl, en vous faisant connaître les portraits que
les ambassadeurs de Venise, ces peintres imcomparables,
nous ont transmis de Charles-Quint et de Philippe IT:
laissez-moi placer devant vos yeux, aujourd'hui, celui
que traçait de Marie-Thérèse, quatre années avant qu’elle
montiât sur le trône, et lorsqu'elle en comptait dix-neuf à
peine, l’un des hommes les plus illustres de la république
dans la diplomatie et dans les lettres, Marco Foscarini,
qui venait de la représenter à la cour de Vienne.
« L’archiduchesse Marie-Thérèse — disait Fosearini au
sénat — est telle, selon l’opinion générale, qu’on ne
choisirait aucune autre princesse qu’elle pour recueillir
l'héritage de la maison d'Autriche, si l’on était libre de
chercher l’héritière dans le monde entier, et de donner la
préférence à celle qui se distinguerait le plus par ses
vertus et par ses mœurs. Elle est belle... Son maintien
est modeste, et son regard, quoiqu'un peu sérieux, ne
( 512 )
inanque pas de grâce. On ne saurait dire assez avec quelle
exactitude elle satisfait à toutes les bienséances de la vie
civile, réglant avec une mesure parfaite et son langage et
ses actions. Elle a eu pour gouvernante (1) une dame d’un
esprit fin et d’une admirable sagacité, qui a compris et
cultivé, comme elle le devait, les dispositions de son
élève. Elle a eu des maîtres de grammaire latine, de géo-
graphie, d'histoire, des maîtres de dessin et des profes-
seurs des langues espagnole, française et italienne. Elle
parle en perfection toutes ces langues; elle en possède si
bien la force et la propriété que, selon le témoignage de
M. Spannagel (2), elle est arrivée jusqu’à apprécier, dans
les auteurs latins, les différences de style, et à prendre
parti pour les uns plutôt que pour les autres, en appuyant
son sentiment sur des raisons solides. Mais peut-être le
plus grand mérite de cette princesse réside-t-il dans l’élé-
vation de son esprit, jointe à une certaine force d'âme,
qui la rend capable de faire de grandes choses. Déjà elle
montre qu'elle est au niveau de sa fortune, et, quand
viendra le moment où elle succédera à la couronne, on
peut tenir pour certain que ses conseillers n’exerceront
pas un pouvoir despotique (3). »
(1) La gouvernante (aya) de Marie-Thérèse-était la comtesse Marie-
Catherine-Charlotte Fuchs, née le 14 janvier 1674 et qui mourut le 27
avril 1754.
(2) Spannagel (Godefroid-Philippe) était professeur d'histoire à Vienne.
Il fut nommé, en 1727, conservateur à la Bibliothèque impériale et mou-
rut en 1749. k
(3) « Ella (l’archiducessa) in fatti, a comune giudizio, è tale che niun’
altra che lei si eleggerebbe a sostenere l’eredità di casa d’Austria , se fosse
libero di cercarne l’ereditiera in tutto il mondo, e prescieglierla per me-
rito di virtü e di costumi. Non manca di bellezza..……. Ha il portamento
(515)
Huit années plus tard, un autre envoyé de Venise, Pietro
Andrea Capello, peignait à son tour au sénat la reine de
_ Hongrie et de Bohême. Dans cet intervalle, Marie-Thérèse
avait été mise à de rudes épreuves. Des souverains aux-
quels elle n'avait pas donné le moindre sujet de plainte
l'avaient , au mépris de traités solennels, attaquée à la fois
dans ses états héréditaires d'Italie, des Pays-Bas, d’Alle-
magne, et jusqu'aux portes de sa capitale. Soutenue par
ce courage viril que Foscarini avait deviné en elle, ap-
puyée sur l’amour de ses peuples, elle avait fait face par-
tout à ses ennemis, et conquis l’admiration ainsi que les
sympathies de l'Europe entière.
Écoutons l'ambassadeur Capello :
« Les circonstances dans lesquelles la Reine est montée
sur le trône rendent plus admirables et plus resplendis-
composto e la guardatura inclinante al grave, ma non perd scompagnata
di grazia. Non & da potersi dire abbastanza come adempia esattamente à
tutte le convenienze della vita civile, dispensando le parole e le azioni sue
con misura isquisita. Sorti per altro in educatrice una dama di fino spirito
e di amirabile desterità, la quale conobbe e coltivo, come era d’uopo, le
rare disposizioni della principessa. Ebbe maestri di granimatica latina , di
geografia e di storia, come nell’arte del disegnare, e nelle lingue spa-
gnuola , francese ed italiana. Queste lingue le parla tutte compiutamente,
e ne intende la forza e la proprietà tanto che il signor Spagnaghel mi
attestà che negli autori latini fosse ella giunta a conoscere le differenze
dello stile, e a parzializarsi più per l’uno che per l’altro, adduecendone
buone ragioni. Ma forse il pregio migliore di questa principessa si à l’ele-
vatezza del suo spirilo congiunto ad una certa virilità di animo atto oggi-
mai a trattare faccende grandi. E già mostra di sentire la sua fortuna ; e
quando le avyenga di es$erne in possesso, à da tenersi per costante che
non avranno dispotico arbitrio quelli che le staranno al fianco per consi-
glieri.…. » (Die Relationen der Botschafter Venedigs über Oslerreich im
achtzehntien Jahrhundert, nach den Originalen herausgegeben von Al-
fred Ritter v. Arneth; Vienne , 1865, p.151 )
2e SÉRIE, TOME XVII. 54.
( 514 )
santes encore les facultés insignes de son esprit. Si rien de
ce qui concerne l’histoire et les langues n’avait été négligé
dans son éducation; si les vrais principes de la prudence,
de la clémence, de l'affection pour les sujets, lui avaient
été inculqués avec soin, elle n’avait aucune notion, aucune
idée des affaires publiques (1); aussi jugeait-on qu’elle en
souliendrait malaisément le poids. Mais, dès les premiers
jours, elle fit paraître que la sagacité, le discernement
dans les choses même les plus obscures et les plus ardues,
joints à une application incessante, suppléeraient en elle
au défaut de connaissances et d’expérience, lesquelles,
du reste, avec une facilité merveilleuse, elle sut acquérir
dans le court espace de quelques mois (2)...
» Les fréquentes occasions que j'ai eues de me pré-
(1) Un autre ambassadeur de Venise, Marco Contarini, dans son rap-
port présenté au sénat en 1746, fait la même observation , et il ajoute que
Charles VI n'avait positivement pas voulu instruire sa fille dans l’art de
régner , afin qu’on ne conjecturât point qu'il renonçaïit à avoir un archiduc
pour successeur : « …. Cosa questa tanto più da ammirarsi, quanto che è
» noto che l’imperadore Carlo VI non la volle positivamente istrutta de’
» modi atti al regnare, per non pronosticarsi mancanza di un arciduca in
» successore … » (Die Relationen der Botschafter Venedigs, etc., p. 305.)
(2) « Le circostanze nelle qual iavvenne la Regina alla corona rendono
ancora più risplendenti ed ammirabili le insigni prerogative del di lei
grand’ animo. Abbencbhè fosse stata educata colli più illustri ornamenti di
storia, di lingue e delle vere idee della prudenza, della clemenza e dell
amore verso de’ sudditi, non aveva verun principio ne cognizione degli affari
politici : onde non si poteva prevedere che agevolmente fosse per reggerne
il peso. Ma fece tosto conoscere nel primi giorni che la perspicacia ed il retto
discernimento in qualunque più astruso e diffictle affare, non che l’in-
cessante, assidua applicazione, averebbe supplito all’ innocente difetto
d’informazione o di esperienza, quale in fatti nel breve giro di pochi mesi
seppe con agilità e valore d’ingegno prontamente acquistare.….. » (dbia.,
p. 280.)
t
sn
(515)
senter à ses audiences et d'assister aux réunions de la cour
m'ont donné lieu de me convaincre que la Reine réunit
toutes les qualités qui ontrendu illustres les princes et les
ministres auxquels l’histoire décerne le plus de louanges.
» Parlerai-je du sublime caractère de cette princesse ?
Mais alors je serais obligé de m'étendre sur la suite des
actions si remarquables de son règne, actions dans cha-
cune desquelles elle a déployé les qualités qui distinguent
les grands rois...
» C’est surtout dans la manière de distribuer sa vie
qu'éclatent les vertus de la Reine : car elles y trouvent éga-
lement leur emploi, et l’on voit briller en elle, au même
degré, la piété, la justice, la clémence, l’assiduité à tous
les devoirs de la religion et du gouvernement, fortifiées
d’une résignation parfaite et d’une inébranlable constance ;
aussi a-t-elle supporté, sans altération d'âme, les événe-
ments les plus défavorables à l’égal des plus heureux, ne
paraissant sensible qu'aux maux ou au bien-être de ses
sujets.
» Extrémement vigilante, elle commence ses journées
à la première heure, les répartissant entre les actes de
religion, l'exercice de la justice et l'administration de ses
états d’une manière si bien réglée, qu'elle trouve encore le
temps de se distraire de ses travaux, et de recouvrer les
forces nécessaires pour en soutenir les fatigues.
> Quoiqu’elle aime avec passion à monter à cheval, elle
n’a plus usé de ce plaisir qu'avec modération, dès qu’on
lui en a signalé le danger. Si elle a introduit la promenade
dans les jardins de son palais et le jeu dans les assemblées
à sa cour, elle n’y consacre que peu de temps, les inter-
rompant souvent pour discourir avec ses ministres, ou
pour donner audience à des particuliers: de façon que les
( 16 )
intérêts publies ou privés n’en souffrent ni dommage ni
retard. Il ne faut donc pas s'étonner s’il n’y a aucun de ses
sujels qui ne soit prêt à se sacrifier pour une aussi grande
Reine, et si, parmi les étrangers, même ceux qu’elle compte
au nombre de ses ennemis, il n’en est point qui ne se sentent
surpris et vaincus, quand ils ont l’honneur de l’approcher,
par tout ce qu’il y a de majestueux dans sa personne (1)...
(1) « Le frequenti ocecasioni di presentarmi alle udienze , indi d’interve-
nire all’assemblee, mi hanno somministrati continui argomenti per con-
fermare à V. S'"., negli umilissimi miei dispaccj , che nella Regina sono
raccolti tutti i talenti che rendono illustri i principi e li ministri più cele-
brati dall” Europa e dalla storia medesima..…….
» Se dovessi spiegare il sublime carattere di questa principessa, sarei
necessariamente obbligato a diffondermi sovra la serie delle tanto cospicue
azioni del suo regno, avendo in ognuna rillevate nuove dimostrazioni di
tutte le principali virtü d’ogn’ altro gran monarcha.…….
» Risplendono perd maggiormente nell esercizio e distribuzione della
vita, per cui vengono bilanciate, le tante sue virtù, onde una non impe-
disce l’ altra, ed appariscono nello stesso grado la pietà, la giustizia, la
clemenza e l’assiduità a tutti i doveri della religione e del principato, sopra
i quali appogiando la rassegnazione più perfetta e la più forte costanza,
ha saputo sostenere senza alterazione d’animo tutti gli avvenimenti più
avversi egualmente che i più felici, ne sembra sensible che alle disgrazie
o alle fortune de’ sudditi.
» Vigilantissima, comincCia il giorno neile prime ore, ripartendolo
tra gli atti di religione, l’esercizio della giustizia e l’amministrazione
del regno con tal misura che lascia anche il tempo a distrazione conve-
niente e necessaria ad allegerire le fatiche, o a riprender vigore per sos-
tenerle.
» Abbenchè prediliga l’esercizio del cavalcare, seppe moderarsi quando
gli fu descritto pericoloso, ed abbenchè abbia introdotto il passeggio de’
giardini ed il giuoco nell’ assemblee, poco tempo vi concede , interrom-
pendolo sempre con discorsi a ministri o con audienze a sudditi : onde non
soffrano ne si differiscano li publici o li privati riguardi. Non è dunque da
stupirsi se non vi è suddito che non si sagrificasse per cosi grande Regina,
ne vi & estero, anche nemico, che quando ha l’onore di avvicinarsele, non
CEE )
Tels sont, messieurs, les témoignages que rendent, des
vertus, des talents, du caractère de Marie-Thérèse, des
diplomates renommés pour leur perspicacité, qui avaient
pu observer de près cette souveraine, et dont l’impartialité
est garantie par leur caractère personnel, non moins que
par les principes politiques du gouvernement qu’ils repré-
sentaient. |
Ïl a été publié, à Vienne, dans ces dernières années,
une correspondance privée de Marie-Thérèse avec le duc
de Sylva-Tarouca (1); cette correspondance est infiniment
curieuse. Emmanuel Tellez de Sylva, Meneses et Castro,
des comtes de Tarouca, avait, tout jeune, quitté le Por-
tugal, sa patrie, pour aller batailler en Hongrie contre les
Tures ; 1! avait fait, en volontaire, les campagnes de Peter-
wardein et de Belgrade sous le prince Eugène. L'empereur
Charles VI le prit en affection, l’attacha à son service en
lui conférant des fonctions importantes auprès de sa per-
sonne, et le créa duc (2). Marie-Thérèse, à son tour, le
combla de faveurs (3). Mais ce qui surtout montre l’estime
sia sorpreso e vinto dalle illustri di lei prerogative..…….… » (Die Relationen
der Botschafter Venedigs, etc., p. 282.)
Jai abrégé beaucoup le portrait que l'ambassadeur Capello fait de
Marie-Thérèse, m’étant contenté d’en reproduire les traits principaux.
(1) Maria Theresia und Graf Sylva-Tarouca : ein Vortrag gehalten in
der feierlichen Sitzung der kaïserl. Akademie der Wissenschaften, am
30 Mai 1859, von D: Th. G. von Karajan. Vienne, 1859, in-12.
(2) Il le nomma, par décret du 10 mai 1730, conseiller au conseil su-
prême des Pays-Bas, et, par lettres patentes du 21 janvier 1740, conseiller :-
d'État d'épée dans les mêmes provinces. Son diplôme de duc est du 12 jan-
vier 1735.
(3) Elle le fit successivement président du conseil suprême des Pays-Bas
(décembre 1740), conseiller d’État intime actuel (en 1746), directeur et
surintendant général des palais royaux, président du conseil suprême
( 18
qu'elle avait pour lui, c’est qu’au début de son règne elle
en fit son ministre intime (1), le chargeant de lui donner
son avis sur toutes les matières et toutes les fois qu’il le
jugerait convenable; voulant qu’il lui dit ses vices ou ses
défauts « comme à une simple particulière » (2). Elle avait
alors vingt-quatre ans, et Sylva-Tarouca quarante-cinq.
Je ne sais si, parmi tous les traits qui donnent à la
figure de Marie-Thérèse cet aspect imposant et aimable à
la fois sous lequel elle apparaît à nos yeux, il en est un
qui se puisse comparer à celui-là. Quel autre exemple
l’histoire nous offre-t-elle du chef d’une grande monarchie
qui spontanément se choisit un mentor, et plus qu’un
mentor, un censeur ? Ce seul trait suffirait pour mériter à
l’Impératrice-Reine les hommages de la postérité.
C'était une tâche bien délicate que celle qui était impo-
sée à Sylva-Tarouca; il la remplit, non en courtisan qui,
pour complaire à son maître, est toujours prêt à flatter
ses penchants, mais en serviteur dévoué et sincère, qui
n’hésite point à tenir le langage de la vérité, alors même
— —— = — A Se Re
d'Italie; elle le décora de la Toison d’or (6 janvier 1744); elle voulut que
son fils aîné portât le titre de prince de Sylva-Tarouca (lettres patentes
du 29 mars 1749 ); elle le gratifia (7 avril 1753) de la terre et baronnie de
Turnhout en Brabant, qu’elle venait d'acquérir du roi de Prusse.
(1) Elle le qualifie ainsi dans un billet de l’année 1770. Voy. Maria
Theresia, etc., lett. XL, p. 81.
(2) Maria Theresia, etc., lettres IL et IV, pp. 9 et 21. Dans la lettre IF,
Sylva-Tarouca dit à l’Impératrice: « J’ay prévu et prédit la décadence de
» mon crédit et florissante fortune dez sa naissance, lorsque V. M. m'a
» honnoré du plus délicat, scrupuleux employ que jamais puisse avoir un
» pauvre sujet. Elle m'a commandé, en reyne, de luy dire ses deffauts
» comme à une simple particulière... » Et dans la lettre IV : « Ma tàche
» est odieuse. V. M. m'imposa, il y à dix ans, à Presbourg, de étudier et
» lui dire les vices ou deffauts de son caractère. … »
: Lx Lot +
Rec:
(519)
que ses observations peuvent être désagréables (1). Maric-
Thérèse était faite pour entendre un tel langage : aussi
jamais n'en témoigna-t-elle d'humeur, et elle conserva
jusqu’à la fin à son vieux grondeur (comme Tarouca s'ap-
pelait lui-même) sa confiance et ses bonnes grâces.
Entre les réponses de l'Impératrice aux remontrances
de Sylva-Tarouca, il y en à une à laquelle je crois devoir
donner place ici. Le ministre privé représentait à sa sou-
veraine qu'elle s’enfermait trop dans son cabinet; il lui
rappelait (c'était en 1754) qu’au commencement de son
règne, quoiqu’elle eût beaucoup d’ennemis sur les bras,
avec fort peu d'argent et de secours, cela ne l’empêchait
point de se délasser, de se laisser voir à ses serviteurs,
d'aller à cheval, de danser, jouer, causer, faire de petits
voyages et avoir chaque année un enfant. L’Impératrice
lui répond : «Je suis oberré d’affaires, et ils me coûtent de
» les expédier comme autrefois. Voilà votre thème com-
» batu que je pourrois m’amuser comme ci-devant. Je ne
» suis plus la même chose, et pour moi plus aucuns diver-
» tissements. Il ne faut plus y penser. Tâchons à vivoter,
» et au moins de ne pas faire sentir aux autres combien
» toutes les courses et chasses me sont à charge (2). »
Au mois d'avril 1771, Sylva-Tarouca tomba gravement
malade, et bientôt l’on ne put plus douter que sa fin ne
füt prochaine. Marie-Thérèse voulut consoler cet ancien et
(1) C'est ce qui lui fait dire dans une de ses lettres : «Il y a eu des
» temps où V. M, avec une patience plutôt du cloître que du trône, m'a
» daigné souffrir des représentations qui ressembloient à des réprimantes.
» [l y en à eu d’autres où le dégoût a succédé à cette héroïque pa-
» tience.... » (Lettre Il, p. 9.)
(2) Maria Theresia, ete , lettre V, p. 28.
( 220 )
lidèle serviteur de sa maison, et lui donner une dernière
marque de ses sentiments; elle lui écrivit :
« Vous avez des grands sacrifices à faire, une épouse,
des enfants, des amies qui méritent votre attachement;
mais rien n’est en Comparaison de ce qui nous attens, et
même ce bonheur dont nous Jouissons dans ce monde est
seule de la main libérale de notre divin Créateur, et plus
nous en avons jouit, et plus nous lui en devons faire volon-
tairement le sacrifice. F’emploie vis-à-vis de vous les
mêmes principes que vous m'avez toujours prêchée en
différentes occasions, et desquelles je me suis toujours si
bien trouvée, non que je le crois nécessaire pour vous,
mais pour ma propre consolation, dans ce moment où j'en
ais besoin, en perdant un de mes plus anciens et estima-
bles amis. Il [ne] m’en reste plus de cette sorte! J’en sens
toute l'amertume et attendrissement, et suis toujours
votre bien affectionnée et fidèle amie,
» Marie-THÉRÈSE (1).»
Tout commentaire ne pourrait qu'affaiblir cette tou-
chante manifestation de la piété d’une princesse vraiment
chrétienne et de la bonté d’une grande Reine.
Vous avez vu, messieurs, par la réponse de Marie -Thé-
rèse au duc de Sylva-Tarouca, qu’afin de consacrer plus
de temps au gouvernement des états placés sous son
sceptre, elle en était venue jusqu’à se priver de toute es-
pèce de délassements. Cette application qu’elle donnait
aux affaires, nos archives en fournissent des preuves sans
nombre. Là, en effet, reposent les rapports qui furent
(1) Maria Theresia, etc. lettre XLI, p. 82.
PORT ©
( 521 )
présentés à l’Impératrice sur l’admimistration de la Bel-
gique durant les quarante années de son règne, rapports
excessivement volumineux quelquefois, et l’on peut s’as-
surer, par les apostilles qui s’y trouvent de sa main, de
l'attention qu’elle mettait à les lire, du soin qu’elle appor-
tait dans l'examen des projets ou des actes qui y étaient
soumis à sa décision.
Le plus souvent, l’Impératrice adoptait les propositions
qui lui venaient de Bruxelles : car, je le dis sans crainte
qu'on ne me démente, il n’y avait point, au siècle dernier,
de pays en Europe qui fût mieux régi que le nôtre. La
faveur ni le caprice ne présidaient jamais aux choix qui
étaient faits pour composer les conseils du gouvernement;
le mérite seul y donnait accès. On pourrait citer, parmi les
hommes qui en firent partie, des administrateurs d’une
rare habileté, des jurisconsultes éminents, de profonds
politiques.
* Un des cas où Marie-Thérèse n’accueillit point les idées
du ministère belge, se rapporte au fameux édit du 17 mai
1771 sur l'admission dans les ordres religieux. La plupart
des conseils de justice, entendus par le gouvernement,
avaient exprimé l'avis qu'on interdit aux religieux et aux
religieuses toute pension, toute rente viagère; seul, le con-
seil de Flandre avait trouvé trop dure cette prohibition ab-
solue ; 1! avait demandé qu’on leur permit d’avoir des rentes
ou des pensions jusqu’à concurrence d’une cinquantaine de
florims. Fortement combattue par le conseil privé, lopinion
du conseil de Flandre avait été écariée également par le
prince Charles de Lorraine et par le prince de Kaunitz (1).
(i) Chancelier de cour et d’État, chargé, depuis 1756, de la haute di-
rection des affaires des Pays-Bas.
(1822 )
Marie-Thérèse l’adopta néanmoins : « Les vues du gouver-
> nement me paroissent fort sages, — écrivit-elle sur le
» rapport de Kaunitz (1) — mais je trouve que ce seroit
» aller trop loin, si on retranchoit entièrement toute dou-
» ceur à ces membres de l’État qui embrassent la vie reli-
» gieuse. Nous ne vivons plus selon la règle des anciens
» chrétiens; pourquoi eux seuls devroient-ils [y] être assu-
» jettis? J’approuve en conséquence qu’on permet, selon
» l'avis du conseil de Flandre, les cinquante florins, argent
» courant, comme une rente viagère. On pourra permettre
» moins, mais rien de plus, et on prendra les mêmes pré-
>» Cautions | pour ] que l’on n’en abuse. »
Il n’y eut rien que Marie-Thérèse prit plus à cœur, pen-
dant tout son règne, que de réduire les exemptions d’im-
pôts dont jouissaient les classes privilégiées, au détriment
de la majorité du publie, et c’est à juste titre que, de son
vivant, elle fit placer, sur le mausolée qu’elle se destinait,
celte inscription sublime dans sa simplicité : Tributorum
aequilatem instauravit, elle rétablit l'égalité des charges.
Dans les provinces belgiques, les exemptions d'impôts
étaient excessivément nombreuses. En 1768, le gouverne-
ment des Pays-Bas proposa de restreindre celles qui étaient
en usage à Namur, ville où, selon un document officiel (2),
plus des deux tiers de ceux qui y avaient leur domicile
ne payaient rien, de sorte que le poids des charges publi-
ques retombait. tout entier sur les bourgeois et le petit
peuple. Marie-Thérèse n’approuva pas seulement cette pro-
position, mais elle voulut que des mesures semblables fus-
sent mises à exécution dans toutes les autres villes, pour
(4) En date du 14 mars 1771.
(2) Rapport du prince de Kaunitz du 27 décembre 1768.
( 23 )
les soulager de même; elle désigna expressément, parmi
les immunités qui devaient être supprimées, celles des
chevaliers de la Toison d’or, en faisant connaître que, jus-
qu’à ce qu’elles le-fussent, la Toison ne serait conférée à
aucun Belge (1).
A Bruxelles, la résolution de l’Impératrice parut trop
radicale : le prince Charles de Lorraine, le conseil privé
lui-même , trouvèrent qu’on ne pouvait retirer aux cheva-
liers de la Toison d’or les franchises dont ils étaient en
possession, sans porter atteinte aux priviiéges de l’ordre;
que d’ailleurs ces franchises faisaient un objet de peu de
conséquence. Marie-Thérèse ne se laissa point ébranler par
ces raisons : elle persista à déclarer que tout chevalier
nommé à l’avenir payerait les impôts comme les autres
eitoyens, permettant seulement, par grâce spéciale, que
les deux ou trois qui existaient aux Pays-Bas continuas-
sent d’en être affranchis leur vie durant; et tant que les
choses ne seront pas établies sur ce pied, ajouta-t-elle,
« l'Empereur ne fera plus de chevaliers de nos bons sujets
» flamands (2). »
(1) Voici, littéralement, l’apostille qu’elle écrivit sur le rapport de
Kaunitz :
« Placet en tout point. Mais, indépendamment de ce qui concerne les
chambellans, on pourroit abolir les autres exemptions excessives ou indues
aussi dans tout les autres villes, pour les soulager de même.
» Une des plus onéreuse et forte seroit at abolir, pour les Toisonistes ,
les franchises, n’en jouissant dans aucune autre province de mes états, el
ce qui m’empêchera, tant que cela ne sera changé, de donner cette dis-
tinction aux premiers et possessionez de ce païs-là. »
(2) Je donne encore ici ce qu’elle écrivit, de sa main, sur le rapport du
prince de Kaunitz, du 19 juillet 1769 :
-« La résolution étant prise qu'à l'avenir aucun chevalier de l’ordre de
la Toison aye à jouir des exemtions si- devant usité , de même les cham-
( 24 )
Ce que cette excellente princesse aurait particulière-
ment souhaité, c'était que, dans l'assiette des charges publi-
ques, on s’attachât à ménager l’industrie et l’agriculture.
À la suite d'actes administratifs ayant pour objet de remé-
dier aux abus et de redresser les inégalités en matière
- d'impôts dont les habitants de la province de Luxem-
bourg avaient trop longtemps souffert, le gouvernement
des Pays-Bas lui soumit un projet d'ordonnance afin d’im-
primer à ces actes le caractère de la loi (1). L’Impéra-
trice s’'empressa d'y donner son assentiment, mais en le
faisant suivre de ces paroles significatives : « Je ne re-
» grette que la nécessité de laisser subsister la taxe sur le
» bétail et l’industrie. On tâchera au plutôt d'y substituer
» quelque autre imposition moins nuisible (2). »
Vous connaissez, messieurs, le mémorable billet que
Marie-Thérèse adressa à ses ministres (3), pour leur signi-
fier sa volonté que la torture fût abolie, et pour qu'ils
bellans ou autres qui ne reçoivent pas ces exemtions en titre des gages
doivent finir entièrement le premier de l’année 1770 : on veut pourtant,
pour deux ou trois qui sont actuellement en possession de ces immunitées,
comme Aremberg, Salm et autre chevalier de la Toison, le leurs conti-
nuer encore leur vie durant, comme grâce particulière. Et, tant que l’ar-
rangement ne sera fait selon cette résolution , l'Empereur, qui en est d’ac-
cord, ne faira plus des chevaliers de nos bons sujets flamands. »
Ce fut en vertu de ces décisions de Marie-Thérèse que le gouvernement
des Pays-Bas rendit, le 29 mars 1770, une ordonnance supprimant toutes
les franchises quelconques à l’égard des chevaliers et officiers de la Toison
d'or qui seraient nommés à l’avenir, et toutes les franchises des cham-
bellans, à partir de là date de cette ordonnance.
(1) Cette ordonnance fut promulguée sous la date du 21 mars 1771.
(2) Apostille écrite en marge. d'un rapport du prince de Kaunitz du 17
février 1771.
(3) il a été inséré dans les Procès-verbaux de la commission royalepour
a publication des anciennes lois et ordonnances, t. [er, p. 328.
( 525 )
fissent examiner, par les cours de justice, s’il n’était pas
possible d’abolir aussi la peine de mort, au moins dans la
plupart des cas. Il est triste d’avoir à le dire : d’invincibles
préjugés firent avorter ces vues généreuses ; mais l’histoire
en tiendra compte à la magnanime souveraine, et elle les
consignera dans ses fastes, pour attester aux générations
à venir les sentiments d'humanité de Marie-Thérèse.
Dans la collation des dignités de l’Église, il eût été dif-
ficile de pousser plus loin les scrupules que l’Impératrice
ne le faisait,
Après la mort du comte de Salm-Reïfferscheid, évêque
de Tournay (1), le prince de Salm-Salm, chanoine de Stras-
bourg, de Cologne .et de Liége, lui fut présenté pour le
siége vacant. Il était fils du maréchal duc d’Hoogstraeten,
qui avait servi avec distinction la maison d'Autriche; il
était beau-frère du prince de Starhemberg, ministre plé-
nipotentiaire de l’Impératrice à Bruxelles. Le chapitre de
Tournay l'avait, à l'unanimité et par acclamation, désigné
au choix du gouvernement. Les membres du conseil privé
lui donnaient la préférence sur tous les autres candidats;
ils faisaient le plus grand éloge de ses mœurs , de sa doc-
trine, de son instruction. Le gouverneur général recom-
mandait sa nomination avec chaleur. Mais le prince de
Salm avait à peine vingi-six ans, et il en fallait trente,
selon le concile de Latran, pour pouvoir parvenir à l'épis-
copat; une dispense aurait donc dù être demandée à Rome.
Marie-Thérèse apostilla en ces termes le rapport de son
chancelier de cour et d'État (2) : « Je suis bien aise du bien
(1) 16 juin 1770.
(2) Du 22 novembre 1771.
(026 }
» que l’on dit de Salm, beau-frère de Staremherg. Il est
» élève du Thérésien (1), et les Salm et Staremberg ont
» tout lieu d'attendre de moi toutes les distinctions et
» grâces, tant que ma conscience n’y entre. Je ne saurois
» donc jamais me résoudre de le nommer évêque avant
». qu'il n’aye l’âge requis. »
Mais j'ai hâte , messieurs, de vous signaler une apostille
de notre immortelle fondatrice qui mérite d’être citée
entre toutes. Les états de Brabant, à l’occasion du vingt-
cinquième anniversaire du gouvernement du princé Charles
de Lorraine, résolurent de lui ériger une statue. Au mo-
ment où le statuaire venait d’achever son œuvre, le plus
jeune des fils de Marie-Thérèse, l’archiduc Maximilien, se
trouvait en Belgique. Le ministère de Bruxelles, en sou-
mettant à l’Impératrice les mesures qu'il se proposait de
prendre pour l'inauguration du monument, lui demanda
si son intention était que l’archiduc y assistât. Voici la ré-
ponse de Marie-Thérèse, telle qu’elle est formulée de sa
main en marge du rapport du prince de Kaunitz (2) : « Je
» Vois avec plaisir cette nouvelle marque d’attachement de
» mes peuples des Païs-Bas pour leur gouverneur, mon
» cher beau-frère, qui le mérite si bien. Vous pouvez ex-
» pédier d’abord l’aprobation, souhaitant que mon fils püût
» voir la cérémonie, POUR LUI FAIRE SENTIR LA SATISFACTION
» DE SE RENDRE DIGNE DE L'AMOUR DES PEUPLES, MÊME LA
» SEULE RÉCOMPENSE POUR NOS TRAVAUX. »
Nobles paroles, qui devraient être gravées, en lettres
d’or, sur le piédestai même de cette statue qu’à une
(1) Collège que Marie-Thérèse avait fondé à Vienne , et auquel elle avait
donné son nom.
(2) En date du 23 août 1774.
(Cor)
époque de détestable mémoire, des mains impies osèrent
abattre (1), et que la Belgique de 1830 à relevée, pour
faire voir au monde comment elle se ressouvient des bons
princes !
Oui, l'amour des peuples est la récompense des rois qui
D lient à à les rendre heureux. Et dans quel temps,
. messieurs , dans quel pays, cette vérité reçut-elle une con-
sécration plus éclatante que dans le pays et le temps où
nous vivons? La Belgique n'est-elle pas un des états de
l’Europe dont le bonheur est le plus envié? Le monarque
habile et sage qui préside à ses destinées n’est-il pas le
plus populaire , le plus aimé des rois ?
Lorsqu'on parcourt, dans nos archives, cette immense
série d'actes où la pensée, où les sentiments de Marie-
Thérèse se manifestent d’une manière spontanée, il est
impossible de ne pas demeurer convaincu de l'affection
que lillustre Impératrice portait aux Belges. Nos bons Fla-
mands, nos bons sujets flamands, c’est l'expression habi-
tuelle dont elle se sert en parlant d’eux ; vous en avez eu
tout à l'heure un exemple.
Pendant la guerre de sept ans, la Belgique rendit des
services signalés à la maison d'Autriche, par la bravoure
que ses enfants déployèrent sur les champs de bataille de
l'Allemagne, par les subsides extraordinaires, les dons
gratuits, les secours de tout genre qu’elle s’empressa de
mettre à la disposition de sa souveraine. Quand l'affaire
de la succession de Bavière donna lieu.de craindre que la
guerre ne se rallumût entre l'Autriche et la Prusse , Marie-
Thérèse recourut encore au dévouement des Belges, et ce
(1) Le 23 janvier 1793. Voy. l'Histoire de Bruxelles, de MM. Henne et
Wauters, t. II, p. 450.
(328 )
ne fut pas en vain : des dons gratuits considérables lui
furent accordés par les états de toutes les provinces. Le
rapport du prince de Kaunitz sur ces résolutions des états
est au nombre de ceux qui sont conservés dans nos ar-
chives (1); on y lit de la main de l’Impératrice : « En mar-
» quant au duc gouverneur et au ministre combien je suis
» satisfaite de leurs zèles, ils ne pourront assez faire co-
» noître à nos bons sujets et états belgiques notre satis-
» faction de la continuation de leurs attachements pendant
» tout mon règne; et le prince chancellier, lequel en at si
» grant part, me procurera tout les occasions où je pourrois
» leur donner les marques de ma bienvaillance. »
Il me serait aisé, messieurs, de multiplier ces traits qui
peignent la belle âme de Marie-Thérèse. Mais je vous ai
déjà occupés bien longtemps, et je craindrais de fatiguer
votre attention.
J'en ai dit assez pour vous faire comprendre l’amour
que notre pays portait à la grande Impératrice, et la dou-
leur qui s’empara de la nation tout entière, lorsque se ré-
pandit la sinistre nouvelle que Dieu lavait rappelée à lui.
Le deuil fut universel. F1 semblait que chacun des membres
de la famille belge eût perdu sa mère.
Hélas! messieurs, nous aussi nous avons connu, nous
avons ressenti cette affliction dont nos pères nous ont laissé
le souvenir. Qui de vous ne se rappelle ce jour, à jamais
néfaste, où la Belgique apprit qu’elle venait de perdre sa
Reine adorée, l’auguste compagne de son Roi, la bienfai-
trice du pauvre, l’appui des malheureux ; le modèle, sur le
trône, de toutes les vertus comme de toutes les grâces ?
Pourquoi faut-il que des princes qui devraient vivre tou-
(1) Ce rapport est daté du 17 février 1780.
("929 )
jours pour la félicité des peuples, soient enlevés si tôt à
leur affection et à leur respect ?
Fidèles interprètes de l’opinion publique, (ee états des
provinces belges avaient voulu , du vivant même de Marie-
Thérèse, faire passer à la postérité un témoignage des
sentiments de la nation pour elle; ils avaient demandé
qu'il leur fût permis d'élever un monument à sa gloire
dans le parc de Bruxelles, dans cette magnifique prome-
nade dont la création appartient à son règne, ainsi que
tant d’autres emhellissements de notre capitale (1). N’est-il
(1) Ce furent les états de Flandre qui prirent l’initiative de ce projet.
Par une délibération du 7 février 1780, ils résolurent « d’ériger un monu-
» ment d'hommage à S. M. l'Impératrice douairière Reine apostolique, à
» S. M. l'Empereur, son auguste fils et co-régent, et à l’heureux gouver-
» nement de S. A. R. le prince Charles de Lorraine. »
Le même jour ils écrivirent au prince gouverneur :
« Les états de Flandre, enthousiasmés des bontés de leur souveraine
incomparable, de sa sagesse, de son amour et de son attachement pour
le bien de son peuple, pénétrés également des hautes et éminentes vertus
que l’univers admire dans son auguste fils, ainsi que de ses soins infati-
gables pour le bonheur et l’avantage de la monarchie, ont cru devoir un
témoignage permanent de leur gratitude pour les bienfaits distingués dont
le peuple de Flandre a déjà joui, et dont il espère jouir encore, durant
un règne dont ils désirent de transmettre la gloire aux siècles les plus
reculés. »
Le 19 avril, les états de Brabant accédèrent au projet conçu par les
états de Flandre, mais en demandant qu’un seul monument fût élevé au
nom et aux frais de toutes les provinces :
« Rien n’est si naturel — écrivirent-ils au prince Charles de Lorraine —
que de voir des sujets fidèles et zélés s’efforcer à faire éclater, par tous les
moyens possibles, leur attachement à leurs maîtres; et si des monuments
publics érigés par des peuples à la gloire de leurs souverains, ont été
envisagés dans tous les temps comme des marques caractéristiques des
princes chéris, jamais époque n’a pu exiger de ces provinces une preuve
pareille de leur amour à plus juste titre que la présente.
» Dans ces circonstances, nous avons cru qu’il falloit développer plus
2e SÉRIE, TOME XVI. 55
( 530 )
pas étrange que ce vœu ait rencontré des obstacles là où
l’on pouvait s'attendre qu’il serait le plus applaudi ?-Ce fut
Joseph Il qui, parvenu à la couronne peu de temps après que
les adresses des états avaient été reçues à Vienne, écarta le
projet conçu par eux, trouvant que les sommes nécessaires
pour l’exécuter seraient mieux employées à des ouvrages
d'utilité publique. Décision qui fait voir jusqu'où allait la
rigidité des principes de ce monarque. Décision malheu-
reuse toutefois, car elle indisposa le pays, sans amener le
résultat que l'Empereur avait en vue : les états, en effet,
particulièrement nos sentiments pour Leurs Majestés, et il nous a paru
qu’un seul monument érigé au nom et aux frais communs de toutes les
provinces belgiques de la domination de Sa Majesté , en facilitant à chaque
province les moyens de remplir ses désirs, et offrant à la face de l’uni-
vers l’union des sentiments et des vœux communs de tout le pays, auroit
pu être également plus agréable à Leurs Majestés et à Votre Altesse
Royale. »
Toutes les autres provinces se conformèrent au vœu exprimé par les
états de Brabant. Les états de Luxembourg adressèrent la lettre suivante
au prince deStarhemberg, qui, après la mort du duc Charles de Lorraine,
avait été chargé ad interim du gouvernement des Pays-Bas :
« Monseigneur, nous avons reçu, au commencement de notre assem-
blée, une lettre de M. le président du conseil de cette province, par
laquelle il nous a fait part d’un projet que nous ignorions et que nous
avons appris avec cette sensibilité de cœur qui nous attache à tout ce qui
peut intéresser la gloire de notre auguste souveraine.
» Il nous à informés, avec un empressement digne de son zèle, des
résolutions que les états de Flandre et de Brabant ont prises relativement
à un monument d'hommage et de respect à ériger à Leurs Majestés et à
l’heureux gouvernement de Son Altesse Royale.
» Il ne s’est pas borné à nous exposer simplement ces résolutions, maïs
il nous a détaillé et démontré les motifs qui doivent engager les autres
provinces à se ranger du parti pris par celle de Brabant.
» Nous lui en avons fait nos justes remerciments, et nous nous sommes
empressés à donner à cette occasion une nouvelle preuve du respectueux
dévouement que notre province a toujours eu pour ses augustes maîtres
(531 )
«
ne consentirent point à affecter à une autre destination
l'argent qu'ils avaient Voté, dans un mouvement unanime
de reconnaissance, afin de perpétuer la mémoire d’une
souveraine chérie. |
Les événements qui suivirent le règne de Marie-Thérèse
rendirent encore plus amers les regrets que sa mort avait
causés aux Belges, et plus vif le souvenir qu’ils conser-
vaient des bienfaits de son gouvernement. Tous les fféaux
qui peuvent affliger un peuple fondirent sur notre patrie :
la révolution, les discordes intestines, la guerre, l’inva-
par la résolution que nous avons prise de supplier le gouvernement gé-
néral, non-seulement d’agréer notre concours pour notre quote-part dans
la dépense du monument dont il s’agit, mais encore d’en régler le plan et
de présider à son exécution.
» C’est cette résolution, monseigneur, que nous osons présenter à l’ap-
probation de Votre Altesse, dans la ferme et respectueuse confiance où
nous sommes que la chose lui sera aussi agréable qu’il nous est glorieux,
de même qu’aux autres provinces, de vouloir transmettre à la postérité
un témoignage si éclatant de notre amour, de notre zèle et notre attache-
ment inviolable. »
Les états de Hainaut, en leur assemblée générale du 28 novembre, pri-
rent la résolution suivante :
« Lesdits états, ressentant combien il est doux de vivre sous le gouver-
nement d’une Reine qu’on adore, ont consenti, d’une voix unanime et par
acclamation des peuples, à concourir, avec les autres provinces belgi-
ques, à l’érection d’un monument public à la mémoire et gloire de Leurs
Majestés Impériales…. »
Je citerai encore la lettre des états de Tournaisis au prince de Starhem-
berg; elle est datée du 14 août : à
« Monseigneur, nous ne désirons rien tant que de témoigner notre
reconnoissance des bontés dont Sa Majesté notre grande et auguste sou-
veraine n’a.jamais cessé de nous donner des preuves; et l’occasion étant
favorable pour que nous puissions réaliser notre zèle, par l'association à
l'hommage et à la dépense du monument que les états de Flandre, de Bra-
bant, de Luxembourg et autres de ce pays se proposent d'élever , en obte-
nant la permission d’ériger une statue à Sa Majesté, qui est constamment
( 532 )
sion, et enfin la conquête, où s’engloutit notre antique
nationalité, où périrent les institutions pour le maintien
desquelles nos ancêtres avaient soutenu tant de luttes et
fait tant de sacrifices.
Messieurs, admirons, bénissons les desseins de la Pro-
vidence. Après tant de vicissitudes, la Belgique a recouvré
— pour ne la perdre plus, nous l’espérons fermement —
cette nationalité dont elle est à bon droit si jalouse, avec
l'indépendance qu’elle cessa de connaître pendant trois
siècles. Sous l'égide d’un Roi que trente-trois années d'un
règne glorieux (auxquelles Dieu veuille ajouter de longues
années encore !) ont placé au rang des premiers souverains
de notre époque, elle jouit de tous les biens que peut
donner l’ordre uni à la liberté, de tous les avantages que
lui assignent ses ressources naturelles, fécondées par le
génie de ses habitants. Heureuse du présent, elle envisage
SP
la mère commune de la patrie, nous.supplions Votre Altesse de vouloir
bien recevoir favorablement notre très-respectueuse proposition, en nous
accordant la grâce de nous recevoir dans l'association. »
Les provinces étaient tombées d'accord que le monument dont elles
votaient l'érection serait élevé au Parc de Bruxelles.
Le prince de Kaunitz soumit à Joseph Il les adresses et les résolutions
des états par un rapport du 27 mars 1781, en lai faisant observer qu’ils
regarderaient « comme une faveur toute particulière » son agrément au
projet qui lui était soumis.
L'Empereur apostilla en ces termes le rapport de son chancelier de
cour et d’État :
CE Quant au désir des états d’ériger un monument pour la mémoire
de Sa Majesté, ils ne pourront jamais mieux remplir ses intentions, ni se
conformer à mes principes, qu’en combinant toute pareille démonstration
avec l’objet essentiel de l'utilité publique. Ainsi le creusement de quelque
canal, l'amélioration des ports d’Ostende et de Nieuport, la réparation de
quelques places fortes, ou même la bâtisse d’une bonne caserne pour la
garnison de Bruxelles, qu’on dit être très-mal logée, peuvent être des
objets qui feront autant d’honneur à Ja gratitude des états qu'ils en per-
pétueront l'avantage. » Signé JosErH.
(238)
l'avenir avec confiance : car elle possède une dynastie qui
fait son orgueil et sa sécurité ; elle est fière de contempler,
sur les marches du trône, un prince qui a prouvé déjà
qu'aucune question d'intérêt public ne lui est étrangère,
que rien de ce qui touche à la prospérité du pays ne lui
est indifférent, et une auguste princesse que le Ciel s’est
plu à combler de ses dons. Petits-fils tous deux de Marie-
Thérèse, de cette Marie-Thérèse que nos pères ont tant
aimée, comme elle ils sauront, à leur tour, faire bénir
leurs noms par nos enfants.
———
M. Adolphe Mathieu, membre de la classe des lettres,
donne lecture du morceau de poésie suivant :
NOS INSTINCTS.
+04 Mosfiiuts ls Membics de d'Headenie
soyale de Lespique.
Aussi faut-il dès le premier commencement accoustrer
et former leurs meurs, pour ce que ce premier aage
est tendre et apte à recevoir toute sorte d'impression
que lon luy veut baïller, et s’imprime facilement ce
que lon veut en leurs ames pendant qu’elles sont ten-
dres, là où toute chose dure malaiseement se peut
amollir : car tout ainsi que les seaux et cachets s’im-
priment aiseement en de la cire molle, ainsi se moulent
facilement ès esprits des petits enfans toutes choses
que lon leur veut faire apprendre,
(PLurarque , Sur l'Éducation, trad. d’Amyot.)
Oh! qui m'expliquera quels sentiments divers,
Généreux ou méchants, bienfaisants ou pervers,
L’être humain, misérable et vaine créature, -
Montre, à peine sorti des mains de la nature!
(534)
Je pourrais en citer des exemples nombreux.
Par un soir de janvier, sous un ciel ténébreux
Et froid, un écolier — de ceux qu’à leur naissance
La fortune dota d’une modeste aisance —
Retournait au logis, dûment empaqueté
Dans un ample manteau bien doublé, bien ouaté
Et clos à ne laisser au vent la moindre prise,
Quand il heurte du pied et voit avec surprise
Quelque chose d’inerte au coin d’un carrefour;
C'était un Auvergnat qui pendant tout le jour
Avait en vain cherché du travail par la ville
Et qui, le soir venu, n'ayant pas d’autre asile,
S’était endormi là, faute d’un peu d’argent...
Couvrir de son manteau le corps de l’indigent
Est l'affaire pour lui d’une minute à peine,
Et le voilà qui part, en courant , hors d’haleine.
Il vente, il pleut, il grêle, et le froid, plus subtil,
Le pénètre, qu'importe ! à peine le sait-il!
Pluie ou vent, grêle ou neige, il va, fringant et leste,
Le regard rayonnant d’une flamme céleste.
Grondé, battu peut-être , il est heureux, il sent
Qu'il a bien fait, qu’il faut être compatissant,
Et qu'après tout (c’est là le seul bien à cet âge)
Sa mère au fond du cœur l’en aime davantage.
Un autre …. — J’ai cru voir Shylock encore enfant —
Par un beau jour d'été, sous un ciel étouffant,
Est allé faire au loin l’école buissonnière
Et s’amuse beaucoup, du moins à sa manière.
Jamais, on peut m'en croire, il ne fut plus dispos.
Il porte sous le bras je ne sais quels appeaux,
De la glu, des lacets, un tas de chanterelles
A prendre rossignols, bouvreuils et tourterelles.
Il faut le voir guettant le timide oisillon,
Le cou tors, l'œil ardent comme l’émérillon
(535 )
Ou comme ces bandits, troupe vile et rapace,
Guettant du creux d’un mont le voyageur qui passe.
Sa cage pleime, il part sans attendre le soir
Et d’un air nonchalant à l’écart va s’asseoir
Au bord d’un champ semé de maïs et d’épeautre,
De leur prison d’osier les prend l’un après l’autre,
Sourit à son butin du sourire hébété
Que d’un plaisir brutal donne la volupté,
Déploie en se jouant l'éventail de leurs ailes
Dont le riche duvet s’envole en étincelles,
Et, joyeux d’en jeter les rémiges aux vents,
Se repait du bonheur de les plumer vivants,
Heureux de sa capture et sourd à leur souffrance.
Un autre... — et celui-ci ce fut un roi de France — (1)
* Des prés, des monts, des bois, des plaines, des halliers
Aimait à rassembler des moineaux par milliers
Qu'il livrait en pâture à sa fauconnerie.
Il avait une biche, entre toutes chérie,
Qui familiérement s’en venait à sa voix;
Un beau jour... (c'étaient là des caprices de rois)
Il veut, à lui tout seul, se donner cette fête
De voir de quels tourments une agonie est faite.
La biche à son appel en sautillant accourt;
Il a pris son fusil, larme, s’arrête court,
Ajuste ; le coup part. La bête renversée
Se roule dans le sang cruellement blessée,
Par un suprême effort se traine jusqu’à lui
Et d’un regard plaintif réclame son appui.
Sans doute, la pitié l’étreint au fond de l’âme?
Sans doute, il a rougi de sa conduite infâme?
Regardez : il est calme et va recommencer,
Radieux, les yeux secs et sans plus se presser,
(1) Louis XV, à 10 ans. +
( 536 )
Fier de ce bel exploit, hautain, l’âme contente.
Il arme de nouveau, fait jouer la détente
Et la biche à ses pieds tombe frappée à mort
Sans qu’il ait éprouvé ni trouble ni remord.
Et den Carlos enfant. et tous ceux dont l'Histoire
Grossit comme à plaisir son hideux répertoire,
Monstres que l’on devrait étouffer au berceau
Et qui de l’infamie au front portent le sceau !..
Cette férocité précoce vous effraie ?
Vous repoussez le doigt qui vous montre la plaie
Et passez outre? Soit; eh bien! cherchons ailleurs,
Partout où vous voulez, même entre les meilleurs,
Et voyons s’ils ont tous les mêmes aptitudes,
Si, semblables de mœurs, de penchants, d'habitudes,
De sentiments, de goûts, de pensers, de besoins,
La ressemblance entre eux n’est pas du plus au moins :
Oh! les jolis oiseaux ! oh! le gentil plumage!
S’exclamaient deux marmots à peu près du même âge
En voyant devant eux passer un oiseleur;
Oh! le bel incarnat! oh! la riche couleur!
Que nous serions heureux si... — Voyons, dit leur pére,
Une fois achetés, que pourrions-nous en faire?
Que chacun sur ce point émette son avis.
— Dans une belle cage, en mil, en chénevis,
En graines de pavots abondamment fournie,
Les voir, se délecter à leur douce harmonie...
— C’est très-bien, de ta part je m’en étais douté.
Et toi? — Je leur rendrais, père, la liberté.
—C'est mieux (1).
Ces deux bambins que nous venons d'entendre,
A l’âme douce et bonne, au cœur sensible et tendre,
(4) Tous ces faits sont vrais. Celui-ci m'a éte conté par mon honorable ami
M. Fontainas, bourgmestre de Bruxelles, comme s'étant passé dans sa famille.
( 537 )
Furent-ils donc pétris d’un limon moins grossier
De l’autre différant comme du fer l'acier, -
Le savoir lumineux de l'ignorance, l’homme,
Si dégradé qu'il soit, de la bête de somme,
Le phare de l’écueil, les zéphyrs des autans,
Du torrent le ruisseau, de l’hiver le printemps?
Qu'est-ce donc, Ô mon Dieu, que ce fatal problème
Que le sage médite et se pose à lui-même ?
Toi seul en as le mot et sais pour quel dessein
Ces instincts divergents couvent dans notre sein,
Pourquoi les maux, pourquoi les fautes et les crimes,
Les plus vils appétits mélés aux plus sublimes...
Vaste abime de doute où l'esprit se confond
Effaré, sans jamais en connaître le fond!
L'exemple! va me dire un moraliste austère?
Non, l’exemple n’est pas le mot de ce mystère;
J'en atteste un seul fait que j'ai vu de mes yeux :
Deux enfants, frère et sœur, s’en allaient tout joyeux,
Un matin de dimanche et par un temps superbe,
Chasser aux papillons voltigeant d'herbe en herbe
Le long d’une rivière, au cours limpide et frais,
Dont bientôt les enfants s’approchent de si près
Que l’un des deux, la sœur, en moins d’une seconde,
À trois pas de son frère, a disparu dans l’onde
Qui s’entr’ouvre, bouillonne, en spirale se tord,
Et n’a rendu qu’un son triste comme la mort,
Le frère — il a dix ans au plus, elle en a douze —
Jette bas aussitôt sa casquette, sa blouse,
Plonge au gouffre et n’en sort, allègre, triomphant,
Qu’en ramenant au jour la malheureuse enfant;
La soulève en ses bras, livide, demi-morte,
Et, sans lui dire un:mot, loin du bord la transporte,
( 598 )
La dépose dans l’herbe en un hamac de fleurs,
La presse sur son sein, l’inonde de ses pleurs,
La couvre avec amour d’un regard qui flamboie
Et s’en retourne fou de bonheur et de joie...
Lequel des deux pour l’autre eut-il dès ce moment
Le plus de soins, d’égards, de tendre dévoûment?
Le frère. Il avait fait de sa sœur son idole
Lorsqu’en elle, à quinze ans, oublieuse et frivole,
Ce souvenir déjà s'était presque effacé.
Compulsez à loisir les fastes du passé,
Vous n’y trouverez pas depuis les temps antiques
Deux êtres de penchants et de mœurs identiques.
Les animaux ont-ils tous les mêmes instincts
Et leurs penchants à tous ne sont-ils pas distincts?
Est-ce l’exemple aussi qui lance sur leur proie
Le tigre pantelant et rugissant de joie,
Le lion dont le pas fait trembler les déserts,
Tous les tyrans des eaux, de la terre et des airs
Demandant à la mort leur commune pâture?
N'est-ce pas une loi de la mère nature,
Loi terrible dont Dieu lui seul a le secret,
Devant qui la raison s’annihile et se tait?
Création, abime inextricable et sombre,
Qui pourra pénétrer tes arcanes sans nombre
Et lever un seul pan de la robe d’Isis
Sans qu’à ses yeux d’abord, de vertige saisis,
L’énigme, sphinx obscur, plus triste se révèle?
Tout vit, tout se transforme et tout se renouvelle.
Comment? par quelle loi? par quel étrange sort?
Ne pouvons-nous, hélas! vivre que de la mort!
Comment ce Dieu puissant, dans sa sagesse immense,
Dieu de toute bonté, Dieu de toute clémence,
Des langes au linceul, de l’homme à l'animal
Se plait-il à confondre et le bien.et le mal,
( 539 )
Le beau, le vrai, le faux, le monstrueux, l’immonde,
La vie et le néant... pour nous en faire un monde?
Lui seul le sait. Craignons, à ses lois insoumis,
Hommes, de voir plus loin qu’il ne nous l’a permis,
Mais n’allons pas, fermant les yeux à l’évidence,
Nous croire dispensés de soins et de prudence.
Pour faire converger au bien-être commun,
Comme les qualités, les défauts de chacun.
L'on peut en plus d’un cas reformer la nature.
Que d'arbres, mal venus, changés par la culture,
Qui, dans un temps donné, produisent de bons fruits!
Quels quesoient leurs penchants, bien dirigés, instruits,
Nos enfants finiront bientôt par se convaincre
Qu'il est des passions qu’il leur faut savoir vaincre.
L'exemple aidant alors, nous pourrons espérer
De les voir se refondre et se transfigurer,
Appliquer sagement leurs facultés diverses,
Réprimer dans leur cœur les tendances perverses,
Des vices en leur germe étouffer le levain.
Dieu n’a rien fait de trop, Dieu n’a rien fait en vain;
La science corrige une lande infertile, -
Il n’est pas de poison qui ne puisse être utile,
Et tel que la justice a mis sous les barreaux
Peut-être eût fait un sage, un savant, un héros
Si sa nature ingrate, en naissant amendée,
Par d’habiles conseils eût été mieux guidée.
Toujours un cœur d'enfant est facile à changer,
Mais il y faut des soins, et pour le diriger
C'est au maître à savoir de bonne heure comprendre
Tout ce qu’il est en lui de défauts à reprendre,
De vices qui, d’abord prudemment combattus,
Peuvent avec le temps se changer en vertus,
D’ardentes passions dont les transports fébriles
Pour le mal ou le bien ne sont jamais stériles,
( 940 )
De bonnes qualités dont il aide l'essor
Et qu'un tact délicat rend meilleures encor.
Non, l'enfant n’est pas né versatile à l'extrême
Pour tourner dans un cercle incessamment le même ;
Cette glaise, ductile et malléable, peut
Prendre sous l’ébauchoir la forme que l’on veut
Et, Dieu, table ou cuvette, en sa métamorphose
Devenir pour le moins utile à quelque chose.
Perfectibles en tout, dès les plus jeunes ans
Cherchons à maitriser des instincts malfaisants; -
Que l'éducation, morale orthopédie,
A nos difformités constamment remédie,
Nous donne sur nous même un absolu pouvoir,
Règle nos actions au compas du devoir,
Refrène, guide, éclaire, élève, fasse en somme
De l’aveugle un voyant et de la brute un homme.
Et quel peuple, messieurs, quel autre, a mieux compris
Que la paix, le bonheur, l’ordre n’est qu’à ce prix?
Sous quel règne jamais, sous quelle dynastie,
Les lettres et les arts de plus de sympathie
Ont-ils pu désirer l’efficace concours, -
Mieux sentis, mieux aimés et prospérant toujours?
Où vit-on la science ailleurs plus honorée? |
De plus d’affection la jeunesse entourée ?
L'enfant dès sa naissance objet de plus de soins?
L’instruction de tous, ce premier des besoins,
Éveiller dans les cœurs plus de sollicitude?
Plus d’encouragements accordés à l'étude?
Jusque dans les hameaux plus d'écoles surgir ?
Plus brillant du progrès de l’horizon s’élargir?
Plus de moyens offerts au pauvre comme au riche
De féconder un sol, resté longtemps en friche,
Qui, grâce à votre exemple, à vos doctes lecons,
A déjà vu lever tant de belles moissons…
( 541 )
Témoin ces prix nombreux, ces palmes disputées
Avec un juste orgueil et si bien méritées,
Ces diplômes d'honneur, glorieux parchemins
Que l’État aujourd'hui décerne par vos mains,
L'État qui, le premier, reforme, civilise,
Rend à sa dignité l’homme qu’il moralise,
Voue un culte pieux à tout grand souvenir
Et sème ainsi, messieurs, pour les temps à venir ?
M. Arendt, membre de l’Académie, lit un extrait de
son rapport sur la première question du concours rela-
tive à l’établissement des colonies flamandes en Alle-
magne pendant le douzième et le treizième siècle. ( Voir
page 458.) R
M. le secrétaire perpétuel proclame ensuite les résultats
du concours annuel et ceux des élections faites par la
classe dans la séance du 9 mai.
Sur l'invitation du directeur, M. Bourson est venu, en
dernier lieu, donner lecture du rapport adressé à M. le
Ministre de l’intérieur, au nom du jury chargé de l’exa-
men du concours triennal, institué par le Gouvernement,
pour la littérature dramatique française.
Le jury se composait de MM. Ad. Mathieu, membre de
l’Académie royale de Belgique, président; J. Fuérison,
professeur de littérature française à l’université de Gand,
( 542)
secrétaire, et Ph. Bourson, homme de lettres, rapporteur.
Voici le texte de ce rapport :
€« MonsIEUR LE MINISTRE,
Le jury que vous avez nommé pour l'examen des ou-
vrages dramatiques en langue française, pendant la der-
nière période triennale (1861-1863) a l’honneur de vous
présenter son rapport sur l’accomplissement de sa mission.
Installé au ministère de l’intérieur, le 11 janvier der-
nier, le jury s’est constitué en choisissant pour présider
ses délibérations M. Ad. Mathieu, l’un de ses membres.
Dix-neuf ouvrages dramatiques étaient déposés sur le
bureau. Ils se composaient de six tragédies ou drames his-
toriques en cinq actes, d’un drame historique en quatre
actes, de trois comédies ou drames intimes en cinq actes,
de deux en quatre actes, d’une en trois actes, de deux en
deux actes, de trois en un acte et d’une sorte de prologue
pour l'inauguration d’un nouveau théâtre, soit treize pièces
en prose et six en vers.
Préalablement à la lecture de ces ouvrages, le jury a
cru devoir poser les bases sur lesquelles il aurait à établir
ses décisions, en conformité des arrêtés qui précisaient
l’objet, la forme et les limites de son travail.
Il résulte de l’arrêté royal du 30 septembre 1859 qu’un
prix triennal est institué pour la composition en langue
française d’une œuvre dramatique dont le sujet devra être
emprunté soit à l’histoire, soit au mœurs nationales; que
ce prix, qui ne peut être partagé (arrêté ministériel du
1 décembre 1860), consiste en une médaille d’or de la
valeur de cent cinquante francs et en une somme de.cinq
cents francs au moins et de quinze cents francs au plus,
(543)
à déterminer par le ministre de l’intérieur, suivant les
mérites et l'importance de la pièce dramatique; que l’ou-
vrage couronné sera représenté pendant les fêtes anniver-
saires de septembre de l’année qui suivra la clôture de
chaque période triennale.
Un arrêté royal du 21 novembre 1863 ajoute à cette
dernière disposition que, si la représentation ne peut avoir
lieu, une indemnité de cinq cents à quinze cents francs,
à fixer par le ministre, d’après le mérite et l’importance
de l’œuvre couronnée, sera allouée à l’auteur, à titre de
compensation.
Le jury devait avant tout, pour la direction et la marche
régulière de ses délibérations, déterminer le sens de ces
stipulations diverses.
Le premier objet dont il s’est occupé a été de rechercher
les motifs qui ont pu faire assigner à la somme allouée en
prix une valeur variable. D’ordinaire la somme formant le
prix est fixe ; si elle est accordée, elle l’est mtégralement.
À ce point de vue, ce ne serait pas à proprement parler
d’un prix positif et déterminé, d’une récompense absolue
qu'il s’agirait ici, mais d’une sorte de moyen d’encourage-
ment dont on proportionnerait la valeur à celle de l’œuvre
couronnée.
La conséquence de cette interprétation serait que le jury,
pouvant faire parcourir au prix cette espèce d'échelle de
500 à 1,500 francs , ne devrait pas se montrer trop rigou-
reux, Car, Si aucun ouvrage n'était assez distmgué pour
atteindre le maximum, on en trouverait, sans doute, qui
obtiendrait à juste droit un prix moins élevé.
D'après cette manière de voir, un prix devrait être né-
cessairement décerné après l’époque triennale , et la mis-
sion du jury ne consisterait qu’à faire une proposition en
| ( 044 )
faveur de la plus méritante des œuvres, selon son Juge-
ment.
Il ne faudrait pas pousser cette manière de voir jusqu'à
l'absurde. Si, par exemple, tous les ouvrages présentés
n’offraient qu’un tissu de défectuosités, quant au style, à
la charpente, à la marche de l’action, il n’y aurait sans
doute pas lieu d'accorder le prix; mais si un ou plusieurs
de ces ouvrages se distinguaient par quelques qualités,
sans réunir toutes celles qui constituent une œuvre dra-
matique de bon aloi, le choix du plus remarquable d’entre
eux serait non seulement justifié, mais commandé par
l'arrêté d'institution, sauf à mettre le prix en équilibre,
autant que cela est possible, avec la valeur de l’œuvre.
On peut objecter, il est vrai, que les termes de l'arrêté
s'appliquent à d’autres considérations ; on peut dire que si
le prix pécuniaire varie de cinq cents à quinze cents francs,
c’est que l’on a entendu distinguer entre les différents
genres, qui ne sont pas peut-être également difficiles à
traiter, ou plutôt entre les degrés divers d'importance dans
un même genre : une comédie en deux actes, par exem-
ple, ne serait pas en droit de réclamer la même rémuné-
ration qu'une comédie en €inq actes, en les supposant
toutes deux également dotées de qualités réelles. L’on
comprendrait ainsi la disposition qui alloue une somme de
500 à 1,500 fr., à déterminer par M. le ministre de l’inté-
rieur, suivant l'importance de l’ouvrage.
Mais ne perdons pas de vue que la somme du prix varie,
d’après les dispositions de l'arrêté, non-seulement suivant
l’importance , mais encore suivant les mérites de la pièce.
Tel ouvrage en cinq actes, plus important par son étendue
que tel ouvrage en deux , peut valoir moins que celui-ei;
accordera-t-on au premier , en raison de son importance,
( 545 )
un prix plus élevé qu'on ne l’accorderait au second qui a
plus de mérite?
Que l’on ne se hâte pas de prétendre que ces distinc-
tions ne touchent qu’à de pures subtilités. De la manière
dont le jury envisagerait cetie question devait dépendre
le résultat bien ou mal fondé de ses délibérations. Si,
préoccupé exclusivement du maximum de la somme, le
jury ne trouvait aucun ouvrage qui lui parût digne de l’ob-
tenir , il devait écarter du prix tous les concurrents. Si, au
contraire, dans un autre ordre d'idées, tel de ces ouvrages
se recommandait par certaines qualités, sans mériter d’être
proposé pour le maximum, le jury, en considérant cet
ouvrage comme le meilleur, était obligé, par les termes de
son institution, de le signaler à l'attention du dispensa-
teur du prix. |
Après la discussion que comportait ce sujet, le jury est
arrivé à la conclusion suivante : i
_ « Le prix à décerner sera proposé en faveur de celle des
œuvres présentées dont le mérite sera apprécié à titre de
supériorité relative par le jury. »
Le jury a passé à l’examen d’une deuxième question.
L'arrêté royal du 30 septembre porte : « La pièce cou-
ronnée sera représentée pendant les fêtes anniversaires de
septembre de l’année qui suivra la clôture de chaque pé-
riode triennale. »
De cette disposition résulte que la pièce couronnée doit
être faite dans les formes et les conditions qui supposent
que la représentation en est possible. Si l'ouvrage estimé
le meilleur offrait des difficultés de mise en scène telles
que la représentation ne püût avoir lieu, quelle influence
ce fait devait-il exercer sur le verdict à rendre? Chaque
pièce présentée au concours forme dans son ensemble une
2" SÉRIE, TOME XVIL. 56
( 246 )
conception complète; c’est cet ensemble qu'il s’agit de
juger. Le jury n’a pas qualité pour détacher certains dé-
tails qui, peut-être dans la pensée de l’auteur, seraient
essentiels à son œuvre, ou, du moins, s’y relieraient étroi-
tement pour en assurer le succès. L'œuvre est une pour
le jury, qui doit se prononcer sur un travail fait et non sur
un travail à refaire.
En agissant autrement, on donnerait carrière à de justes
récriminations. « Que ne nous indiquiez-vous, diraient au
jury les autres concurrents, les modifications qu'il aurait
fallu faire subir à notre ouvrage? Peut-être, dans ce eas,
aurions-nous obtenu le prix ! » |
C’est done l’ouvrage tel qu'il est, avec tous ses détaiis,
ses accessoires, ses particularités imaginées, combinées
par l’auteur et auxquels il peut attacher une sérieuse im-
portance, qui se trouve soumis au jurys quant aux chan-
gements à y apporter, le jury n’a pas à s’en expliquer s’il
veut rester impartial envers tous les concurrents.
La question de la possibilité de la représentation ren-
trerait donc dans le cadre des délibérations du Jury et
devrait avoir une influence sur ses décisions. Toutefois
cette question s’est un peu modifiée depuis l'arrêté royal
du 11 novembre 1863, lequel porte que si la représenta-
tion ne pouvait avoir lieu , une indemnité serait allouée à
l’auteur, à titre de compensation.
Il serait facile, nous l’avouons, d’arguer de ce dernier
membre de phrase que Mon ne serait due qu’en cas
d’empêchement par certaines circonstances indépendantes
de l’ouvrage lui-même; mais les termes généraux de ces
dispositions laissant ouverture à des interprétations di-
verses, le jury s’est arrêté à celle qui lui paraissait offrir
le plus d’avantages aux auteurs dont les œuvres, caracté-
( 541 )
risées par un véritable mérite, ne se trouveraient pas ex-
clues ainsi du prix, en raison des difficultés de la repré-
sentation. |
Nous avons donné beaucoup d'étendue, trop sans doute,
à l'exposé des questions dont le jury s’est occupé préala-
blement à l’examen des divers ouvrages soumis à son ju-
gement, mais il nous a paru que nous devions faire con-
naître les règles que le jury s’est imposées pour asseoir
ses délibérations, règles résultant, selon lui, de l'arrêté
qui l’a institué.
En résumé, les conclusions du Jurÿ ont été : |
1° Qu'un prix devait être proposé, à titre de supériorité
_ relative, en faveur d’un des ouvrages concurrents ;
2° Que la question de la possibilité de la représentation,
bien qu'ayant dans le cas actuel une importance dont le
jury doit tenir compte, ne serait pas absolument invoquée
néanmoins contre les ouvrages qui pourraient présenter
de grandes difficultés de mise en scène.
Ces résolutions étant adoptées, les membres du jury se
sont partagé les ouvrages concurrents qu’ils ont lus d’a-
bord à part : ils ont procédé ensuite à leur examen en
commun pendant plusieurs séances.
Le jury s’est occupé en premier lieu des douze comé-
dies et a reconnu avec regret que la plupart accusent une
grande inexpérience des choses de la scène. En général,
l’invention y est faible, le style y manque de couleur, trop
souvent de correction , mais ce qui y fait défaut surtout,
c’est l’intérêt : 11 languit au milieu d’une stérile abondance
de phrases, de conversations oiseuses à travers lesquelles
se rompt le fil du sujet. Ce ne sont point des actions dia-
loguées, ce sont des dialogues sans action. Dans d’autres
de ces pièces on peut relever de nombreuses invraisem-
blances.
( 248 )
Deux comédies néanmoins échappent à la rigueur de ce
jugement. On à applaudi la première au théâtre du Pare,
sous le titre : La Bourse des amis (1), petit tableau d’une
Jolie finesse de touche avec quelques intentions d’un bon
comique, La seconde est intitulée : Où le bât blesse bien
des gens (2); cette comédie, sagement conduite et ne pé-
chant peut-être que par quelques longueurs, surtout au
dénoûment, décèle en son auteur de l'étude, de la jus-
tesse d'observation, de la facilité, du style, de l’habileté
dans l’agencement des scènes et mérite une mention par-
ticulière. On rangerait aussi volontiers dans l’exception
une petite fantaisie scénique , Jeanne (3), dont les vers ont
une allure vive et dégagée.
Mais ce n’était pas seulement au point de vue de leur
mérite littéraire que les comédies devaient être examinées.
Le jury était tenu de s'assurer si elles rentraient dans les
conditions posées par l'arrêté du 30 septembre, cet arrêté
exigeant, comme on l’a vu, que le sujet de l’œuvre dra-
matique jugée digne d’être couronnée, ait été emprunté
soit à l’histoire, soit aux mœurs nationales.
Quant à l’histoire rien de plus simple. Tout ouvrage re-
posant sur un fait historique ou des personnages qui n’ap-
partiennent pas aux annales du pays, se trouverait, par
les termes exprès de l'arrêté, forcément exclu du concours.
Mais n’en serait-il pas de même pour tout ouvrage de pure
imagination qui ne ferait pas entrer dans son cadre la pein-
ture des mœurs nationales?
Ici la tâche du jury devenait plus embarrassante. Ces
(1) Comédie en un acte et en prose, de M. Louis Labarre.
(2) Comédie en quatre actes et en prose, de M. Emile Greyson.
(5) Comédie en deux actes et en vers de M. Charles de Coster.
(549 )
habitudes, ces manières de vivre, ces coutumes dont l’en-
semble à reçu le nom de mœurs nationales et qui ont pu
être vivement accentuées dans le passé, sont-elles encore
assez saillantes pour que la condition imposée soit en état
d’être remplie, par exemple, à l’égard de comédies dont
l’action se passerait de notre temps?
C’est une remarque judicieuse de Fergusson que si les
particularités de races, de climats et de sols impriment à
ces fractions de l'humanité que l’on appelle nations des
caractères spéciaux qui constituent des différences, souvent
fort tranchées, de mœurs et de coutumes, si la civilisation
elle-même, en se développant dans une certaine mesure,
contribue à maintenir ces différences et peut-être à les
rendre, pour un temps, plus profondes, les nations, con-
tinuant d'accomplir leur œuvre, perdent peu à peu ce
qu'elles avaient d’exclusif pour se rapprocher, s'entendre
et se convenir. La civilisation, qui avait favorisé l’essor des
mœurs nationales, devient plus tard la cause même qui
tend à les faire disparaître, lorsque, par l’impulsion de
progrès nouveaux, elle a placé les différents pays sous une
même influence d'idées, sous un même régime d'intérêts,
au milieu de circonstances analogues ou semblables; lors-
que les aspérités des races diverses se sont émoussées par
un incessant contact; lorsque au principe ancien et déchu
de l’exelusion a succédé le fait, bientôt passé à l’état de
principe, de l’extension des rapports mutuels. Dans ce cas
les sociétés obéissent à la loi qui atténue graduellement la
distinction entre les mœurs nationales, pour attribuer à
celles-ci dans leur transformation, ou plutôt dans leur
fusion ,-le caractère plus général de mœurs sociales. Si,
entre les populations qui sont séparées par de longues
distances, persistent des différences encore assez marquées,
( 550 )
il n’y a plus que des nuances entre celles qui vivent rap-
prochées les unes des autres.
Un des membres du jury avait déjà eu l’occasion d’é-
mettre quelques observations sur ce sujet au point de vue
de l’art dramatique. Ses collègues, ayant rappelé l'opinion
que nous venons d'exposer, ont pensé qu’il convenait de
donner place à ces observations dans le présent rapport.
Nous les reproduisons iei :
«… Quant au genre de la comédie, un théâtre national
pour la peinture des mœurs spéciales à une nationalité
est, semble-t-il , assez difficile à établir. Depuis les
grands événements qui ont eu leur origine à la fin du.
dernier siècle, la tendance à une certaine uniformité
s’est partout imposée. La destruction du régime des
classes, le principe d'égalité qui s’est introduit dans les
lois et dans les mœurs, la diffusion des idées et l’homo-
généité sociale qui en a été la conséquence, l’individua-
lité substituée à la catégorie ont enlevé à l’auteur co-
mique une partie de ses plus ordinaires et de ses plus
piquants moyens de succès.
» La même tendance s’est prononcée de peuple à peu-
ple; lorsque chaque population se cantonnait chez elle
et ne recevait que de rares visites de l'étranger, elle
conservait son originalité d’habitudes, de manières et
de costume; 1l y avait là pour l’auteur comique, qui vit
des contrastes, d’amples moissons à recueillir, mais le
mouvement de la civilisation emporte peu à peu tout
cela. Les peuples se pénètrent et se modifient les uns
par les autres; ils prennent sous cette influence une
physionomie générale, qui les rend difficiles à distinguer
entre eux. N'est-ce pas la prétention de la politique
moderne de faire des peuples européens une famille,
( 991 )
quelle que soit la manière souvent étrange et quelque-
fois brutale dont elle s’y prend pour atteindre ce but?
Les chemins de fer, qui mettent toutes les populations
en incessant contact, ne sont-ils pas l’agent le plus puis-
sant de cette politique moderne ? Dans quelque coin
reculé vous trouverez encore des mœurs et des habi-
tudes qui ont résisté à la pression universelle, mais quel
fruit un auteur comique peut-il tirer de cette originalité
presque inconnue et qui va s’éteignant tous les jours ?
» On disait à la fin du dernier siècle que les aristo-
» craties, qui hantaient les diverses cours de l'Europe,
avaient une physionomie semblable; que leurs manières,
leurs idées, leur genre d'existence , leurs habitudes ne
permettaient pas entre elles des distinctions sensibles.
Toutes ces aristocraties s'étaient mises au ton de Ver-
sailles. On peut en dire autant aujourd'hui de Ja bour-
geoisie européenne qui de près ou de loin a vu 89, et
a subi les conséquences de ce grand mouvement. Elle
ne s’écarte pas beaucoup ici de ce qu’elle est là ; elle ne
prête partout à l’auteur comique que des traits à peu
près les mêmes; 1l n’y a que des noms à changer. »
Si ces observations sont fondées, toute une classe de
comédies ou drames intimes faits sur le moule de notre
temps restait en dehors de la condition exigée. Or, aucune
des comédies présentées n’a offert au jury l’occasion de
découvrir ce cachet particulier qui serait l’attribut de
mœurs nationales. Rien dans le choix des sujets, le dessin
des caractères, les détails de l’action qui ait marqué ces
pièces de traits distincts par rapport aux mœurs, aux ha-
bitudes spéciales du pays. Ce n’est pas, en effet, parce que
l’auteur désignerait une commune quelconque de la Bel-
sique pour lieu de la scène ou que les noms des person-
( 992 )
nages rappelleraient par leur forme ceux de quelques-uns
de nos concitoyens, que le problème serait résolu.
Cependant le jury se trouvait obligé de ne pas se départir
de ce que lui prescrivait la lettre de son institution, et, de
même qu’il était tenu d’exclure du concours les tragédies
ou drames historiques qui n’auraient pas un rapport direct
et intime avec les annales belges, de même il était forcé
d'éliminer les comédies ou drames de notre temps, qui ne
présenteraient pas les caractères de nos mœurs nationales,
bien que ces caractères soient peut-être très-difliciles à
déterminer. S'il y avait là une sorte de contradiction dans
les termes, la tâche du jury n’était pas de chercher à la
résoudre par la suppression arbitraire de la condition posi-
tivement exigée. Cette condition , aucune des comédies ne
l’a remplie, peut-être en raison de la difficulté, nous dirions
volontiers de l’impossibilité de la remplir, si nous ne
craignions dé nous exposer au reproche de paradoxe. Or,
par ce moiif, le jury a cru qu’il était dans l'obligation
d’écarter toutes les comédies du concours.
Deux drames historiques dont les sujets n’appartiennent
pas aux annales belges ont partagé le même sort. Les
auteurs, dans des lettres d'envoi, ont cherché à prouver
que leurs pièces se rattachaient au moins indirectement à
notre histoire , parce que, sous l’empereur Adrien, la
Belgique ancienne fut divisée en quatre provinces et que
nos provinces actuelles étaient comprises dans la Belgique
première et dans la Belgique seconde , ou encore parce que
Philippe IT était souverain des pays dits de par deçà. —
Le jury ne pouvait se permettre de faire subir une sem-
blable interprétation aux termes formels de l'arrêté du
30 septembre, mais 1l n’a pas méconnu le talent digne
d'estime de l’auteur de Philippe IT et don Carlos.
( 595 )
Cinq tragédies ou drames historiques se présentaient
dans les conditions déterminées par l’arrêté du 30 sep-
tembre. Examinés au point de vue de leur mérite littéraire,
quatre de ces ouvrages, qui ont paru trop défectueux, soit
par la manière dont les sujets ont été traités, soit par
l’incorrection ou la vulgarité du style, ont été exclus par
le jury. |
Le cinquième drame a dù être, au contraire, l’objet
d’une sérieuse attention.
Ce drame en quatre actes et en vers est intitulé : Les
Gueux. C’est un tableau animé des discordes et des troubles
des Pays-Bas, au seizième siècle, alors que nos provinces
luttaient contre Philippe en réclamant leurs priviléges, et
cherchaient à se soustraire à la sombre domination de
l’'Escurial.
Trois séances ont été occupées par la lecture en com-
mun du drame de M. Charles Potvin, et par la discussion
qui devait suivre cette lecture.
Sans entreprendre de donner ici une analyse détaillée
du drame , nous en ferons rapidement connaître les traits
principaux. |
Un prologue nous fait assister aux derniers moments
de Charles-Quint dans sa monastique retraite de San-
Yuste, et nous prépare, par le langage de l’empereur
mourant, aux scènes qui vont se dérouler devant nous.
Au moment où l’action commence, un mariage doit être
célébré entre Marguerite, petite-fille du marquis de la
Semois, personnage fictif, et Maurice, fils d’un person-
nage bien réellement historique, le fameux baron de Noir-
carmes. Les événements politiques viennent à la traverse
de cet hymen que, plus tard, les deux amants se décident
à conclure en secret. Un enfant est né de cette union clan-
( 554 )
destine. Cependant Maurice et Marguerite avaient vaine-
ment espéré que leur mariage resterait caché. Si l’aïeul de
la jeune femme pardonne, s’il bénit les époux, Noircarmes
craint que son fils ne soit détourné, par l’amour, de son
devoir envers sa foi et son roi, auxquels lui-même est prêt
à tout sacrifier. Il retient Maurice prisonnier dans son
camp devant Mons et fait enlever l'enfant par Herman,
vieux soldat fanatique, sorte de reflet en contre-partie du
Marcel des Huguenots. |
Malgré les dangers qui la menacent, Marguerite se rend
seule au camp pour retrouver son fils. Elle revoit Maurice,
qui avait essayé en vain de se soustraire à sa captivité. La
présence inattendue de la noble femme, de la mère intré-
pide rend le courage à Maurice et lui inspire un nouveau
stratagème. Il se concerte avec Marguerite dont il assyre
le départ, se fait passer pour mort en revêtant de son ar-
mure le cadavre d’un soldat et parvient avec son enfant à
gagner Mons, où il rejoint Marguerite et le marquis. Her-
man, découvrant la fraude, court annoncer à Noircarmes
que son fils passe à l'ennemi.
Mons tombée, ses défenseurs se retirent vers la Hollande.
Le vieux marquis, Marguerite et son enfant, Maurice, La-
marck avec ses Gueux des bois et ses Gueux de mer ar-
rivent au bord de la Meuse, en vue de Gorcum, poursuivis
par Herman et une troupe d’Espagnols. Des barques trans-
portent les fugitifs sur l’autre rive, pendant que Maurice
et ses gens tiennent tête aux assaillants et les mettent en
déroute. Herman, aux prises d’abord avec Maurice, cherche
vainement par ses supplications et ses larmes à le rame-
ner à son père. Maurice lui répond par un énergique refus,
traverse la Meuse et va retrouver à Gorcum sa femme, son
enfant et ses amis.
: (DD )
À Gorcum, Guillaume d'Orange est reçu avec enthou-
siasme par le magistrat et le peuple. Maurice, qui le suit,
exaspéré par les maux qu’il a soufferts, renonce publique-
ment au nom paternel et déclare adopter la nouvelle for.
Guillaume reçoit ses serments, mais Herman est tout près,
caché sous un habit de Gueux. Il s’élance sur Guillaume,
le poignard à la main, Maurice fait au prince un rempart
de son corps, recoit un coup mortel et expire. Marguerite
tombe inanimée.
lei finit l’action. Dans un épilogne qui n’est qu’une
longue cantate, l’auteur suppose que, de nos jours, sur la
place des Nations, faubourg de Cologne, à Bruxelles, on
inaugure un monument élevé aux martyrs du seizième
siècle. C’est par cette solennité, faite avec pompe, que
M, Potvin termine son ouvrage.
L’aperçu, que nous venons de tracer, quoique bien in-
complet, donnera cependant une idée suffisante de l’en-
semble de la pièce.
Parmi les détails que nous avons dû négliger, nous
signalerons une innovation qui aura paru d’une certaine
importance à l’auteur. À l'entrée de chaque acte une toile
historique retracerait aux regards des spectateurs des évé-
nements se rapportant aux scènes qui suivent. C’est ainsi
qu’un rideau d'ouverture représenterait avant le prologue
le tableau de l’Abdication de Charles-Quint, par Gallait ;
qu’au premier acte, on verrait figurer le Compromis des
nobles, d’après Debiefve ou Van Bedaff; qu’au deuxième
on déroulerait une toile représentant, d’après Gallait, les
Derniers honneurs rendus à d’'Egmont et de Hornes; qu'au
troisième , la toile indiquerait la Prise de la Brille, d'après
des gravures du temps, et qu'au quatrième, la Saint-Bar-
thélemy serait retracée d’après le tableau de Comte.
( 596 )
Le sujet ne manque certainement pas d'intérêt. Il se
rattache à l’une des époques les plus saisissantes des an-
nales de la Belgique, et si la fiction, qui est permise à l’au-
dace de tout poëte, quid libet audendi, domine dans cet
ouvrage, elle est non-seulement vraisemblable, mais elle
se lie à l’action de personnages réels.
Dans les grands mouvements le style est énergique,
quelquefois jusqu’à l’àpreté. S'il a de la concision et ajoute
à la force de la pensée par la mâle vigueur de la forme,
on peut lui reprocher de se laisser emporter trop souvent
jusqu’à la déclamation. L'auteur n’est pas toujours heu-
reux lorsqu'il doit exprimer des sentiments doux et ten-
dres : en courant après le naïf on s’expose à rencontrer la
manière; mais il retrouve ses avantages lorsqu'il remue les
pensées politiques et met en présence des caractères al-
üers et fougueux.
Nous reproduirons ici un fragment d’une des meilleures
scènes de l’ouvrage, comme preuve du mérite du style,
quand l’auteur est inspiré.
Les comtes d’Egmont et de Lamarck , le prince d'Orange,
Bréderode, de Hornes et d’autres seigneurs viennent, au
premier acte, complimenter les jeunes fiancés. Noirearmes
paraît ensuite, et bientôt aux affectueuses civilités succè-
dent les débats de la politique. Noircarmes accuse, dans
de violentes paroles, la rébellion, la sédition, l’hérésie.
D’Egmont lui fait observer que la paix est faite, la cour
elle-même reconnaissant que les prétendus rebelles sont
de bons chrétiens et de fidèles sujets.
Voici le fragment que nous voulons citer. C’est un dia-
logue entre Noircarmes, d’Egmont, ireuee et le mar-
quis de la Semois :
( 97 )
NOIRCARMES.
Le roi veut épuiser les trésors du pardon.
Mais êtes-vous chrétiens ? que demandez-vous donc?
Que feriez-vous de plus si vous étiez rebelles ?
Et quoi donc voulez-vous si vous êtes fidèles ?
D'EGMONT.
Nous voulons, les États veulent que l'étranger
Cesse de nous piller et de nous égorger :
Nous voulons que tout homme innocent, quand il prie,
Ne sente pas des fers peser sur sa patrie
Et que dans nos pays, sans redouter le feu,
Selon sa conscience on puisse adorer Dieu!
Nous voulons arrêter le nombre des victimes ;
Qu'on cesse d'inventer toutes sortes de crimes,
Et que, s’il est enfin autant de criminels,
Ils soient jugés d’après nos pactes éternels;
Que la justice soit franche, ouverte, abordable,
Et non pas ce complot aveugle et formidable,
Suspect de despotisme et de corruption
Qui fait haïr le nom de l’inquisition.
NOIRCARMES.
Vous voulez arracher l’hérétique aux supplices :
Vous n’êtes pas chrétiens, vous êtes ses complices.
Qui parle de serment ? C’est parjurer sa foi
Que vouloir entraver la justice du roi.
Quoi! partout l’hérésie est entrée en campagne,
Contre Rome aujourd’hui, demain contre l'Espagne :
Les prêches en tout lieu sapent l'autorité,
Et l’église en tombant türait la royauté ;
Et quand le mal est tel qu’il faut qu’on le réprime,
Vous défendez qui? Dieu? non! Lé roi? non! Le crime!
Et quand le crime en vous trouve d’ardents soutiens,
Vous êtes des sujets loyaux, de bons chrétiens!
( 598 )
Non! forcer la justice à la miséricorde,
C’est changer tous vos droits en brandons de discorde!
Vous gardez les dehors de la fidélité ;
Le peuple ignore encore cette subtilité ;
Lorsque Jâchant la bride à quelque frénésie,
Vous courez aux festins, il court à l’hérésie ;
Le peuple qui vous croit, le peuple est conséquent :
Le pays n’est qu'un prêche, il s’en va faire un camp.
Mais lorsque éclatera l’orage sur nos têtes,
Quels coupables auront fomenté les tempêtes ?
D'ORANGE.
Noircarmes, je ne puis tolérer ces erreurs.
Nobles, bourgeois, manants, sans haine, sans fureurs,
Nous défendons nos droits qu’on attaque, et j'estime
La défense du droit sacrée et légitime.
Ce peuple heureux et libre est paisible entre tous!
Pourquoi le provoquer ? pourquoi lancer sur nous
Des juges, des soldats, des bourreaux, une meute
Qui, renversant les lois, autorise l’émeute?
Le coupable, est-ce nous? Les coupables sont ceux
Qui dans l’oppression poussent Philippe deux.
Quoi! pour sauver la foi, faut-il des sacriléges,
Et pour frapper l'erreur tuer nos priviléges ?
Non! le droit seul est fort, le bourreau n’y peut rien;
Laissez ce peuple libre, il sera bon chrétien.
LE MARQUIS.
Je suis vieux; au devoir ma vieillesse s'applique,
Noircarmes ; je naquis, je mourrai catholique.
Mais je crois au pardon; contre l’égarement
La meilleure justice est un amour clément;
Je maudis l’hérésie et je plains sa victime :
Dans une erreur sincère il n’entre point de crime,
Et s’il faut s'opposer à son invasion
A Dieu la grâce, à nous la persuasion !*
( 559 )
Nulle autre arme ne vaut contre la conscience ;
Stérile est la contrainte, impie est la vengeance!
Aux lois du Christ ainsi je crois me conformer :
Je ne me sens de force au cœur que pour aimer.
Voilà certes un beau langage; on ne refusera paS aux
vers que nous venons de reproduire une force qui s'allie
heureusement à la souplesse et à l'éclat. L'auteur a fait
plus; il a marqué par d’habiles nuances les caractères de
d'Egmont et du prince d'Orange. Tous deux expriment les
mêmes pensées, mais les paroles véhémentes prêtées à
d’Egmont s'accordent avec l'esprit ardent et chevaleresque
du vainqueur de Gravelines, alors étourdi par la popularité
qui le mettait à la tête des mécontents, tandis que le Taci-
turne, toujours maître de lui-même, donne moins à la
passion et s’énonce avec plus de circonspection et de re-
tenue.
L'opposition entre l’aveugle violence de Noircarmes et
les paroles pleines d’onction et de sensibilité du noble et
généreux vieillard, le marquis de la Semois, est d’un puis-
sant effet.
D’autres morceaux pourraient être encore cités avec
éloge, par exemple, une grande scène entre d'Egmont,
d'Orange et de Lamarck.
Mais si le jury rend hommage au talent dont l’auteur a
fait preuve dans les deux premiers actes , il estime que les
deux derniers n’ont pas une même valeur. Cette inégalité
lui a paru sensible et à influé sur son jugement.
De quelle manière, d’ailleurs, le jury devait-il envisager
l'ouvrage ? Le prendrait-il dans son ensemble, avec le pro-
logue, l’épilogue, les toiles historiques, ou pouvait-il ne
s'arrêter qu'aux quatre actes, en écartant les accessoires
artistiques qu'un caprice d’auteur y avait introduits ?
( 560 )
Le jury se trouvait dans cette situation que son juge-
ment pouvait n'être pas le même, s’il portait, d’une part,
sur l’ouvrage entier, ou si, d'autre part, il dégageait le
drame de ce qu’on est en droit de considérer comme hors-
d'œuvre, bien que ce ne soit peut-être pas la manière de
voir de l’auteur.
S'il faut, en effet, s’en rapporter à un exposé de prin-
cipes dans lequel il semble avoir voulu révéler sa poétique,
l’auteur ne comprendrait pas aujourd'hui l’art dramatique
sans l'accompagnement de tous les arts de la mise en
scène. Ce serait donc de parti pris et dans une formelle
intention qu'il aurait créé son drame avec tout l'appareil
qui en constitue l’ensemble, car il fait remarquer ailleurs
que : «le matériel de l’art saisit le public plus vite que
l’idée et le sentiment, » et que, « s’il fallait opter, l’art
de l'écrivain serait peut-être l’élément le moins nécessaire
au succès. » | :
Le drame des Gueux, tel qu’il nous est présenté, serait
donc le produit d’un système. On peut en conclure que ce
singulier épisode, qui nous transporte du seizième au dix-
neuvième siècle, fait, dans la pensée de l’auteur, partie
intégrante de son œuvre, et doit, à ce titre, être l'objet
de l’examen du jury. Mais ce drame ne serait-il pas, à
certains égards, une sorte de fantaisie dramatique qui,
n'ayant à s’étaler que sur le papier, s’y met à l’aise et ne
craint pas de pousser jusqu’à l’étrangeté, sinon quelquefois
jusqu’à l’impossible ?
Au quatrième acte , la scène représente la Meuse devant
Gorcum. Sur l’avant-plan, la rive du côté de la Belgique; au
fond , la ville. Sur cet avant-plan, des troupes de Gueux et
d’'Espagnols se combattent. Sur la Meuse, des barques assu-
rent le salut des fugitifs. Sur la rive hollandaise où 1ls abor-
(561)
dent est Marguerite qui de ses cris appelle son enfant qu’on
lui transporte à la nage. Tout cela se trouve accumulé sur
un étroit espace. — Est-ce conforme à l'optique du théâtre,
qu'un auteur dramatique doit faire entrer dans ses calculs?
L'’imagination a ses droits, mais il ne faut pas qu’elle les
exerce derrière la rampe au delà de ce que le spectateur
peut raisonnablement admettre. L'effet que l’on voulait et
que l’on espérait produire vient se briser sur l’écueil
des difficultés matérielles que l’on aurait dù prévoir.
L'ilusion est beaucoup au théâtre; s’exposer à détruire
l'illusion par l'emploi de moyens qui dépassent les con-
ditions limitées de la scène, c’est appeler quelquefois l’in-
succès.
Discuterons-nous le point de savoir si la mise en scène
telle que la porte le manuscrit d’un auteur n’est qu’une
première indication que les hommes pratiques du théâtre
peuvent modifier? Cet argument ne pourrait s'appliquer
au jury. En effet, le jury n’est pas un directeur de théâtre,
consultant son régisseur et son machiniste, pour deman-
der à l’auteur des changements qui rendent son œuvre
susceptible d’être représentée; les délibérations du jury
sont d’un autre ordre que les répétilions qui font voir que
telle partie de la pièce doit être modifiée pour la mise en
scène.
Toutefois si, en raison de la représentation indiquée
pour les fêtes de septembre, le jugement ne semblait pas
devoir porter sur une sorte de « spectacle dans un fau-
teuil, » sur un poëme dramatique dans les détails duquel
l’auteur prend les libertés dont il lui plaît de se servir,
mais plutôt sur un drame dans les formes que prescrivent
les exigences de la scène, il y avait lieu de ne pas s’as-
treindre avec trop de rigueur à ce dernier point, les con-
2e SÉRIE, TOME XVII. 97
( 562 )
ditions ayant été modifiées par l’arrêté du 11 décembre
1863.
Ces considérations réunies ont dicté au jury son opi-
non. |
Reconnaissant le mérite réel de plusieurs parties impor-
tantes du drame Les Gueux ; s’'empressant de déclarer que
l’on sent souvent dans cet ouvrage le souffle du poëte; que
le style est maintes fois ferme, vigoureux, coloré; qu’il y
a du mouvement dans la conduite de la pièce, de la force
et de la justesse dans le tracé des caractères, le jury dit
qu'à son sentiment, l’auteur s’est bien rapproché du but,
sans complétement l’atteindre. Il regrette qu’un ton décla-
matoire se soit mêlé trop fréquemment à l’énergie de la
pensée; que les deux derniers actes ne soient pas d’une
valeur égale à celle des premiers; que l'imagination un
peu vagabonde de l’auteur ait passé trop librement par-
dessus certaines difficultés de mise en scène qui s'imposent
à tout ouvrage dramatique et qu’elle ait ajouté au drame,
à l’action, des superfluités dont le jury s’est trouvé obligé
de tenir compte, en devant rapporter son opinion à len-
semble de l’œuvre tel qu’il lui était présenté.
Néanmoins, le jury, faisant état de cet ouvrage ei tenant
compte des qualités sérieuses qu’il révèle, a l'honneur de
vous proposer, Monsieur le Ministre, de l’admettre au prix
dans les termes des arrêtés royaux du 30 septembre 1859
et du 11 novembre 1863.
Après la lecture de ce rapport, qui a été accueillie par de
vifs applaudissements, M. Quetelet, secrétaire perpétuel,
communique l'arrêté roÿal sur le concours de littérature
dramatique française.
( 563 )
Cet arrêté royal est ainsi Conçu :
LEOPOLD, Roi des Belges,
À TOUS PRÉSENTS ET À VENIR, SALUT :
Vu Notre arrêté du 50 septembre 1859, instituant un prix
triennal pour la composition d’une œuvre dramatique en langue
française, dont le sujet devra être emprunté soit à l’histoire,
soit aux mœurs nationales ;
Vu le rapport du jury chargé de décerner le prix pour la
période finissant le 51 décembre 1863 et dont il résulte que ce
jury, à l'unanimité, a décerné le prix au sieur Charles Potvin,
pour son drame historique, en vers, intitulé : Les Gueux;
Sur la proposition de Notre Ministre de l'intérieur,
Nous AVONS ARRÊTÉ ET ARRÉTONS :
Arr. 1%. Le prix triennal de littérature dramatique fran-
çaise, pour la période finissant le 34 décembre 1865, est
accordé au sieur Charles Potvin.
Arr. 2. Notre Ministre de l’intérieur est chargé de lexécu-
tion du présent arrêté.
Donné à Laeken, le 9 mai 1864.
(Signé) LÉOPOLD.
Le Ministre de l’intérieur,
A. VANDENPEEREBOOM.
( 564 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 11 mai 1864.
M. ALviN, vice-directeur.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Navez,
Van Hasselt, J. Geefs, De Braekeleer, Fraikin, Éd. Fétis,
De Busscher, Payen, le chevalier L. de Burbure, Franck,
membres ; Daussoigne-Méhul, associé.
———
CORRESPONDANCE.
M. Alvin fait connaitre qu’il a assisté avec MM. De Bus-
scher, Braemt, G. Geefs et Quetelet aux funérailles de leur
collègue M. Roelandt, qui ont eu lieu à Gand, le vendredi
8 avril dernier. Il donne communication du discours sui-
vant, qu'il a prononcé comme interprète des sentiments
de la Compagnie :
« C’est sur nos places publiques, dans nos constructions
» monumentales, dans nos riches musées, dans nos bril-
(565 )
» lantes expositions que l’on doit étudier les glorieuses
» annales des arts plastiques (1). »
» Ces paroles, que notre regretté confrère prononçait,
en qualité de directeur de la classe des beaux-arts de
l’Académie royale de Belgique, dans une occasion solen-
nelle, trouvent ici leur application.
» N'est-ce pas, en effet, sur les places publiques, dans
les constructions monumentales de la ville de Gand que
l’on devra un jour venir étudier les titres de Louis Roe-
landt à l'estime de la postérité et à la reconnaissance de
ses concitoyens ?
» Pendant près d’un demi-siècle, depuis l’âge de trente-
deux ans, 1l n’a point.cessé d’habiter parmi vous, d’y pro-
diguer les créations de son génie et les enseignements de
sa parole.
» Bien qu'ayant vu le jour dans une autre ville (2), il
était réellement un artiste gantois ; il vous appartient par
tous les liens qui attachent l’homme à la patrie. |
» Vingt voix , parmi la foule émue qui entoure cette dé-
pouille mortelle, vingt voix seraient prêtes à revendiquer
l'honneur de prononcer l'éloge funèbre du défunt. Je ne
viens point m’arroger un droit qui leur appartient, et leur
disputer le soin pieux de retracer les particularités de
l’utile et brillante existence qui vient de s’éteindre.
» Désignés par la classe des beaux-arts de l’Académie,
mes collègues et moi nous sommes accourus, à la nou-
velle de la mort d’un confrère, lui rendre ce dernier, ce
triste devoir, entourer un moment sa tombe et lui dire
un suprême adieu. |
(1) Discours prononcé par M. Roelandt, dans la séance publique de la
classe des beaux-arts, le 24 septembre 1553,
(2) M. Roelandt est né à Nieuport,.
( 566 )
» Organe de la Compagnie dans cette douloureuse mis-
sion , je dois me borner à déposer sur ce cercueil le tribut
des regrets de tous les membres qui la composent.
» Assurément, messieurs, il serait téméraire de pré-
tendre faire connaître à la ville de Gand quelle est l’éten-
due de la perte qu’elle vient d’éprouver. Est-il un seul
Gantois qui n'apporte à cette triste cérémonie, avec un sen-
timent de douloureuse sympathie, la parfaite intelligence
des mérites du grand artiste qui vient d’être enlevé à la
patrie ?
» Est-ce à moi de rappeler les brillantes qualités du
professeur, après ce que vient de dire l'organe de la sa-
vante phalange universitaire qui s’honorait de la renommée
d’un tel collègue ?
» Je croirais aussi faire injure à la jeunesse studieuse
qui à profité des leçons d’un tel maître, si Je me chargeais
de payer sa dette envers celui que lui enviaient les plus
illustres écoles.
» C’est à l'artiste éminent, au confrère affectionné que
nous sommes venus dire un dernier adieu. Ma tâche se
bornera à faire connaître suceinctement quelle a été la
participation de Louis Roelandt aux travaux de la classe
des beaux-arts de l’Académie royale de Belgique.
» Lorsque, en 1845, le Roi, voulant que l’Académie fût
bien réellement l'expression de toutes les forces intellec-
tuelles du royaume, adjoignit une classe des beaux-arts
aux classes des lettres et des sciences, Roelandt fut com-
pris dans la première liste des nominations; il était, en
effet, de eeux dont la place est marquée de droit parmi
les sommités de Part.
» Il fut toujours un des membres les plus assidus et les
plus laborieux de la section d’architecture,
( 567 )
» Rapporteur dans tous les concours qui avaient cette
branche de l’art pour objet, il eut aussi plusieurs fois à
examiner et à analyser les mémoires adressés à la Com-
pagnie par des savants étrangers; 1l aida de ses lumières
les commissions académiques chargées, à la demande du
Gouvernement, d'étudier les questions relatives soit à
l’enseignement de l’art, soit à la conservation des monu-
ments. Les annales de la Compagnie sont là pour témoi-
gner de la science, de l’activité et de la loyauté de notre
confrère.
» Élu directeur de la classe des beaux-arts pour l’année
1853, 1l profita de cette occasion pour exposer, dans un
discours remarquable, prononcé le 24 septembre, ses
idées sur la part que les arts plastiques ont le droit de
revendiquer dans les progrès de la civilisation.
» Ce sont là, messieurs, il ne faut point l'oublier, des
travaux qui sortaient du cadre habituel des occupations
de l'artiste; ses œuvres capitales et ses titres principaux
sont ailleurs : car Roelandt était, avant tout, un grand
architecte. Il a pu dire avant de fermer les yeux : Exegi
monumentum.… La trace qu'il laisse après lui ne sera pas
effacée de sitôt. Les édifices qu'il a construits dans la
seule ville de Gand suffiraient à rendre sa mémoire im-
périssable.
» Repose en paix, cher et regretté confrère.
» Après une vie aussi bien employée, tu dois goüter en
ce moment la félicité que le ciel réserve à ceux qui ont
fait un bon usage des dons qu'ils avaient reçus de la
nature.
» Dieu a rappelé l’ouvrier, la tàche accomplie, afin de
lui décerner la récompense. Confiants dans cet espoir,
nous sentons un adoueissement à nos regrets.
( 568 )
» Tu es heureux désormais, Roelandt, reçois cependant
le tribut de larmes que ton départ fait couler des yeux de
ta famille , de tes amis, de tous ceux qui t’ont connu, que
tu laisses ici-bas dans l’affliction.
» Les larmes, un jour, feront place à un tendre et glo-
rieux souvenir; tu vivras dans leur mémoire illuminé du
rayonnement de ta renommée, et dans leurs cœurs avec
toute la douceur de ton affectueuse bonté. »
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Alvin donne lecture d’une notice sur le manuserit
intitulé : Spirituale Pomerium, lequel appartient à la Bi-
bliothèque de Bourgogne et porte la date de 1440. Cette
notice, qui traite du plus ancien monument de la xylogra-
phie revêtu d’une date certaine, sera insérée au prochain
bulletin.
— M. F. Fétis fait une communication verbale au sujet
de la nouvelle édition du Manuel de principes de musique
dont il offre un exemplaire à la classe; il résume, par ses
explications, le caractère de cette publication , les circon-
stances qui l’on déterminé à la faire et le but qu'il a voulu
atteindre. Des remerciments lui sont adressés.
( 569 )
Séance générale des trois Classes.
(10 mai 1864, à 2 heures.)
M. Scxaar, président de l’Académie et directeur de la
classe des sciences.
M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Classe des sciences. — MM. d’'Omalius d’'Halloy, Tim-
mermans, Wesmael, Stas, De Koninck, Van Beneden,
Ad. De Vaux, de Selys-Longchamps, le vicomte B. Du
Bus, Nyst, Gluge, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman,
Ern. Quetelet, membres ; Schwann, Spring, Lacordaire,
associés; Donny, correspondant.
Classe des lettres. — MM. üachard, directeur, Grand-
gagnage, vice-directeur, le baron de Gerlache, de Ram,
Roulez, Borgnet, le baron de Saint-Genois, Paul Devaux,
Haus, Bormans, M.-N.-J. Leclereq, Polain, le baron de
Witte, Faider, Arendt, Ducpetiaux, Kervyn de Lettenhove,
Chalon, Ad. Mathieu, membres ; Guillaume, correspondant ;
Nolet de Brauwere Van Steeland, associe.
Classe des beaux-arts. — MM. Alvin, vice-directeur,
Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Navez, Van Hasselt, J. Geefs,
Fraikin, Éd. Fétis, De Busscher, le chevalier de Burbure,
Franck , membres ; Daussoigne-Méhul , associe.
L'ordre du jour de la séance comprenait trois sujets :
1° Rapport annuel de M. Ed. Fétis sur les travaux de
Ja commission chargée de publier la Biographie natio-
nale.
( 70 })
2° Dispositions à prendre pour obtenir que l’Académie
soit légalement autorisée à recevoir des legs et des dona-
tions.
5° Sur les formalités à observer dans les séances pu-
bliques.
Après une discussion prolongée sur les deux dernières
questions, l’assemblée en a renvoyé l’examen à une com-
mission spéciale, composée de deux membres à nommer
par chaque classe, ainsi que du président et du secrétaire
perpétuel. Elle a ensuite entendu la lecture du rapport
suivant, présenté par M. Éd. Fétis, et en a ordonné l’im-
pression dans le recueil de ses Bulletins.
COMMISSION DE LA BIOGRAPHIE NATIONALE.
Rapport annuel de 1864.
Dans les rapports que nous avons eu l’honneur de vous
présenter jusqu'ici, nous n'avons fait que vous entretenir
des travaux préparaioires de la Biographie nationale.
Nous sommes heureux de pouvoir vous annoncer aujour-
d’hui que nous entrons ‘dans la phase de l'exécution défi-
nitive. Une nouvelle année académique ne s’écoulera pas,
nous l’espérons, sans que vous ayez reçu le premier vo-
lume de l’ouvrage dont vous nous avez confié le soin de
préparer et de diriger la publication. Le peu d’étendue de
ce rapport aura, entre autres avantages, celui de vous
prouver que l’idée de la Biographie nationale est sure
point de passer à Pétat de fait accompli.
(or )
N'ayant plus à s'occuper du plan de l'ouvrage définiti-
vement arrêté après de longues délibérations dont il vous
a été rendu compte, ayant terminé la formation et la ré-
vision des listes comprenant, pour les premières lettres de
l'alphabet, les noms des personnages appelés à figurer
dans la Biographie, la commission n’a plus eu d'aussi fré-
quentes réunions. C’est aux collaborateurs qui ont accepté
la mission de la seconder dans laccomplissement de sa
tâche, qu'il appartient maintenant de faire preuve de
zèle.
Parmi les notices destinées à former le premier volume,
un grand nombre nous sont parvenues déjà, les autres
sont en voie d'exécution. Lorsqu'il s’est agi de répartir le
travail de la rédaction , nous avons commencé, comme
c'était notre devoir, par faire appel aux membres de l’Aca-
démie. N'ayant obtenu que de faibles résultats de l'invi-
tation que nous avions adressée à nos confrères de vouloir
choisir, dans les listes qui leur avaient été communiquées,
les notices qu'ils seraient disposés à rédiger, nous avons
pris le parti de leur indiquer nous-mêmes les personnages
dont nous désirions les voir se charger d'écrire les bio-
- graphies. Ce nouvel appel a été plus fructueux que le pré-
Cédent; les promesses de collaboration que nous avons
reçues nous ont donné l’assurance que la Biographie na-
tionale se présentera au publie avec l’autorité de noms
considérables dans les lettres, dans les sciences et dans
les beaux-arts. Ce n’est qu'après avoir pris les mesures
nécessaires pour que le plus gränd nombre possible de
notices émanât de membres de l’Académie, que nous nous
sommes adressés à la collaboration étrangère, ou pour
mieux dire que nous lavons admise, car aucun écrivain
étranger à la Compagnie n’a pu être chargé de rédiger une
( 72 6
notice, sans une présentation régulière faite par un mem-
bre de la commission.
Dans. la distribution du travail, il est arrivé parfois
qu’un même nom a été choisi par plusieurs collaborateurs.
Les droits de tous-les membres de l’Académie étant égaux,
nous n’avons pas accueilli de préférence telle ou telle de-
mande. C’est la priorité qui en a décidé. En agissant ainsi, :
nous étions certains de ne blesser aucune légitime suscep-
tibilité.
Tandis qu’on se dispute, en quelque sorte, le plaisir de
s'occuper d’un homme célèbre, de retracer son histoire,
de juger ses actions ou d'analyser ses œuvres, il est des
personnages relativement obscurs dont personne ne se
soucie d’avoir à écrire la biographie. S'il y a pour ceux-là
surabondance de collaborateurs, il y a disette pour ceux-ci.
Pour beaucoup de ces hommes qu’une grande célébrité ne
signale pas à l’attention générale, nous avons été obligés
de chercher des biographes de bonne volonté. Il arrivera
souvent que ceux qui auront acceplé par dévouement cette
tâche modeste en seront récompensés par l'attrait du tra-
vail qu'ils auront entrepris. Tel personnage, tombé dans
un injuste oubli, devient soit par son caractère, soit par ses
ouvrages, l’objet d’une étude remplie d'intérêt. On éprouve
une satisfaction aussi grande qu’inattendue , à voir se ré-
véler un mérite dont on ne soupçonnait pas l'importance
et à le remettre en lumière.
Dans les instructions que nous avons adressées aux col-
laborateurs de la Biographie nationale, nous avons dit
combien il était nécessaire que l’étendue des notices fût pro-
portionnée au rôle Joué par les personnages dans la sphère
où 1ls furent placés. Plusieurs des manuscrits qui nous
sont parvenus nous ont donné lieu de reconnaître que les
(573)
recommandations que nous avons faites à cet égard n'étaient
pas inutiles. Malgré nos avertissements, des auteurs dont
le mérite est grand et dont la collaboration nous est pré-
cieuse, ont dépassé les limites dans lesquelles il eût été
sage de renfermer de certaines notices. Pour conserver de
l'unité dans le plan de la Biographie nationale, nous se-
rons obligés de les inviter à vouloir bien faire le sacrifice
des développements qui ne seraient pas rigoureusement
nécessaires. Ces petites difficultés, que la condescendance
de nos collaborateurs nous aidera à lever, devaient se
présenter au début de notre entreprise. Le travail que
nous demandons à nos écrivains est tout à fait nouveau
pour la plupart d’entre eux. On à, chez nous, l'habitude
de composer des monographies dans lesquelles on peut se
laisser aller librement au courant de sa fantaisie; on n’est
point accoutumé à resserrer sa pensée dans les bornes
imposées par le cadre d’un recueil général, encyclopédique
ou biographique. On sait parfaitement développer; c’est
l’art de résumer qui manque, art qui ne se devine pas plus
qu'un autre et que la pratique seule peut faire acquérir.
Cette difficulté que nous indiquons , parce que nous avons
besoin du bienveillant concours de nos collaborateurs pour
la surmonter, n’est que temporaire; elle ne se présentera
plus qu'exceptionnellement , nous en sommes convaincus,
après la publication du premier volume de la Biographie
nationale. Si nous parvenons à donner à chacun des arti-
cles qui doivent entrer dans la composition de ce volume
une étendue en rapport avec la valeur du personnage , ou
du moins avec le rang qu’il occupe dans l’histoire politique
aussi bien que dans l’histoire des sciences , des lettres ou
des beaux-arts, les auteurs auront, pour juger des déve-
loppements qu'ils doivent donner à leurs notices, une base
: (574 )
qui leur manque aujourd’hui, et nous n’aurons plus de re-
commandations à leur faire.
On a poursuivi le dépouillement des ouvrages indiqués
comme pouvant fournir des renseignements utiles pour la
formation des listes alphabétiques, et de nouveaux noms
sont venus se Joindre à ceux qui avaient été premièrement
recueillis. D'une autre part, la commission a continué
l'examen des listes provisoires qui ont été, après une révi-
sion attentive, publiées dans le Moniteur jusqu’à la lettre
E, inclusivement. Différentes observations nous sont par-
venues à la suite de ces publications. On nous a signalé des
lacunes, et en revanche on nous a reproché d’avoir admis
trop légèrement de certains noms.
Il est facile de répondre à cette dernière critique, en
rappelant les principes qui ont guidé la commission dans
la formation des listes. Elle a cru devoir se montrer très-
large quant à l'inscription des noms de toutes les catégo-
ries de personnages sur ces listes, dont le caractère est
essentiellement provisoire, comme l’indique la désigna-
tion qui.leur est donnée, se réservant d'examiner plus
tard les titres des célébrités douteuses et de faire con-
sciencieusement les éliminations jugées nécessaires. Quant
aux lacunes qui nous ont été signalées, nous nous sommes
empressés de les combler, après avoir vérifié la valeur des
arguments produits en faveur des personnages omis. Ces
arguments , il faut le dire, ne nous ont pas toujours paru
concluants, et nous avons plus d’une fois maintenu les la-
cunes qui, relativement à notre manière de voir, étaient
parfaitement justifiées. Citons, à ce propos, un incident
qui nous fournira l’occasion de faire connaître la ligne de
conduite que nous nous sommes tracée et que nous avons
la ferme intention de suivre, relativement au choix des
( 919 )
personvages appelés à figurer dans la Biographie natio-
nale. Nous répondrons par là aux observations qui nous
ont été faites et à celles qui pourraient nous être présen-
tées par la suite.
Une personne de beaucoup d’érudition et de beaucoup
d'esprit, qui a fait une étude approfondie de l’une des
époques les plus intéressantes de notre histoire, a bien
voulu nous communiquer une liste des personnages qui
ont Joué un certain rôle dans les événements de cette
époque. Nous avons admis quelques-uns de ces person-
nages; mais beaucoup sont demeurés exclus de la Biogra-
phie, comme n’ayant pas la notoriété jugée nécessaire
pour y figurer. En effet, il ne suffit pas, pour avoir une
notice dans ce recueil, d’être cité à une page quelconque
de l’histoire religieuse ou de l’histoire politique, pas plus
qu'il ne suffit, s’il s’agit d’un écrivain ou d’un artiste, d’être
mentionné dans les comptes de la maison d’un prince. Il
faut s'être distingué soit par ses actions, soit par ses œu-
vres ; 1l faut s’être détaché de la masse et avoir conquis le
privilége de l’individualité. Comment écrirait-on la biogra-
phie d’un personnage qui n’est cité que pour la participa-
tion collective qu’il a prise à un événement historique, si
l’on ne possède pas de détails sur sa vie, si l’on n’a rien à
rapporter qui lui soit personnel? L'auteur de la notice
fera-t-1l, à l’occasion de ce personnage, le récit des événe-
ments dans lesquels il a, lui dixième ou vingtième, joué
un rôle accessoire ? On verra le même article se repro-
duire dix fois, vingt fois dans le courant de l’ouvrage.
L'auteur se bornera-t-1l à une simple mention? Le but que
nous avons en vue ne serait pas atteint, car une biogra-
phie ne doit pas être un recueil de noms propres. Une
biographie ne fait pas double emploi avec l’histoire poii-
( 976 )
tique, scientifique ou littéraire d’un pays. Tandis que
l'historien cite tous les individus dont la tradition a gardé
le souvenir, le biographe s'attache aux éindividualilés.
Telles sont, Messieurs, les réflexions que nous à sug-
gérées la communication dont nous venons de vous parler,
el que nous avons cru ulile de consigner dans ce rapport,
destiné à la publicité, pour faire bien comprendre pour-
quoi tel nom qu’on rencontre dans nos annales, sera passé
sous silence dans la Biographie nationale.
Est-il besoin d'ajouter que la plus stricte impartialité ne
cessera de présider à nos choix, que jamais des considéra-
tions de parti ou de système ne nous influenceront, que
les mêmes règles enfin seront appliquées indistinetement
à toutes les catégories de personnages et à toutes les épo-
ques de notre histoire ? |
Ea commission s’est encore occupée de la part à faire,
dans la Biographie nationale, aux étrangers qui se sont
fixés en Belgique et qui ont rendu des services à notre
pays. Nous croyons qu’elle a résolu cette question de ma-
nière à satisfaire les personnes qui craignaient qu’en n’ad-
mettant pas les étrangers de cette catégorie au même titre
que les indigènes, nous ne fissions preuve d'ingratitude.
11 a été décidé que le supplément contenant les biographies
des étrangers paraitrait, pour chaque lettre, à la suite du
volume où seront contenues les notices des Belges dont
les noms commencent par cette même lettre, et qu'en
outre les noms des étrangers seront placés dans le corps
de l’ouvrage avec renvoi au supplément.
L'examen des listes sur lesquelles ont été relevés les
noms des personnages étrangers dissipera les craintes de
ceux de nos collègues qui avaient exprimé l'opinion qu’en
ne les admettant pas dans le corps de l’ouvrage, on ne
()71) ,
réduisit à peu de chose la Biographie nationale. La lettre
À, par exemple, renferme quatre cent cinquante-six noms
de Belges et quinze noms d'étrangers seulement. Si,
comme on l’a dit, les chiffres sont entêtés , il faudra bien
se rendre à l'évidence de cet argument et reconnaitre que
l'élément national suffit pour fournir la matière d’un re-
cueil intéressant.
Sur la proposition de la commission, M. le Ministre de
l’intérieur a décidé que la rémunération accordée aux au-
teurs des notices serait fixée à dix francs par page in-
octavo à deux colonnes de cinquante-trois lignes. C’est un
prix convenable, mais que ne trouveront certainement pas
trop élevé ceux qui savent par expérience ce que des tra-
vaux du genre de ceux auxquels donnera lieu la rédaction
des articles de la Biographie nationale exigent de recher-
ches et de soins minutieux pour être faits consciencieuse-
ment. Telle notice de deux pages ou quatre colonnes, et
qui sera payée vingt francs à son auteur, aura coûté à
celui-ci plusieurs jours de laborieuses investigations dans
les bibliothèques ou dans les dépôts d'archives. Certes, il
ne S’enrichira pas à ce prix. Nous parlons de notices de
deux pages; mais il y en aura beaucoup d’une page, beau-
coup d’une colonne seulement. Pour ces dernières, qui ne
rapporteront que cinq francs, il faudra pourtant remonter
aux sources historiques, vérifier les dates, car nous ne
voulons pas que la Biographie nationale reproduise les
banalités et les erreurs qui traînent depuis longtemps dans
les livres de pacotille.
Un membre de la commission avait eu lintention de
proposer que la rédaction des notices de la Biographie
nationale fût gratuite. C'était sans contredit une idée très-
généreuse; mais elle n’a point paru pouvoir être accueillie.
2" SÉRIE, TOME XVII. 38
… (08 )
Il ne faut pas oublier que, d’après une disposition intro-
duite par le gouvernement dans le règlement organique
de la Biographie nationale, les membres de l’Académie
ne seront pas seuls appelés à coopérer à la rédaction de
cet ouvrage. Il y aura des collaborateurs étrangers à la
compagnie : or, on ne peut pas demander à ceux-ei de
faire bénévolement le sacrifice de leur temps. Dira-t-on
que les membres de l’Académie pouvaient renoncer, quant
à eux, à toute rémunération ? Nous répondrons à cela que
c’eût été placer les collaborateurs étrangers dans une sorte
d’infériorité, chose peu convenable et qu’il fallait éviter.
S'il s'agissait d’un travail dont l'initiative appartint à
l’Académie, personne ne songerait à demander une rému-
nération. Notre temps, notre zèle, nos efforts sont toujours
à la disposition de la compagnie; mais la Biographie natio-
nale est un travail dont l’idée première émane du gouver-
nement ; il doit être rétribué. Quand le gouvernement de-
mande à un architecte un plan d’édifice, à un sculpteur
une statue, à un peintre un tableau, il ne vient à l’idée de
personne que les artistes auxquels il s’adresse soient tenus
de le servir gratuitement. Pourquoi l'écrivain serait-il placé
dans une position différente et devrait-il faire l'abandon
pur et simple de son travail? La carrière des lettres n’est
ni assez brillante ni assez productive en Belgique pour
qu’il soit juste d’exiger de ceux qui la suivent l’abandon
du droit que tout auteur a sur son œuvre. Voilà, Messieurs,
pour quelles raisons le principe de la gratuité de la colla-
boration à la Biographie nationale n’a pas semblé pouvoir
être admis.
La commission a définitivement traité avec un éditeur
pour la publication de la Biographie nationale, et le con-
trat qu’elle à passé avec lui à reçu l’approbation de M. le
(909 )
Ministre de l’intérieur. Des différents systèmes qui se pré-
sentaient, relativement à cette publication, celui qui a été
jugé le plus convenable, sous tous les rapports, est la ces-
sion à l’éditeur du droit d'exploiter la première édition de
la Biographie nationale, dont il supportera tous les frais
d'impression.
En échange d’un subside de douze cents francs par vo-
lume, l’Académie recevra trois cents exemplaires tirés sur
beau papier, tant pour ses membres que pour l’envoi aux
sociétés savantes avec lesquelles elle échange ses publiea-
tions. Tous les exemplaires dont elle pourrait avoir besoin
par la suite lui seront fournis au prix de quatre franes par
volume.
La commission a cru devoir déterminer, dans le con-
trat passé avec l'éditeur, le prix maximum auquel celui-ci
serait tenu de vendre l’ouvrage au public. Ce maximum à
été fixé à six francs par volume de cinq cents pages. En
concevant l’idée de la formation d’une Biographie natio-
nale, en chargeant l’Académie de préparer le plan de cette
entreprise et de présider à son exécution, le gouverne-
ment a eu en vue de fortifier le sentiment patriotique par
le souvenir des hommes qui ont honoré la Belgique par
leur génie, ou qui l’ont servie par d’utiles travaux. Son
but a été de réunir en un seul faisceau les éléments de la
famille belge et de placer sous les yeux de la génération
actuelle les exemples tirés d’un passé glorieux. Ce but ne
serait pas atteint, si le prix de la Biographie nationale ne
rendait cet ouvrage accessible qu'à un petit nombre de
personnes privilégiées du côté de la fortune. Des considé-
rations de la même nature ont engagé la commission à
introduire dans le contrat un article d’après lequel l’édi-
teur s'engage à être constamment en mesure de fournir
( 980 )
les exemplaires qui pourraient lui être demandés. Il ne
faudrait pas que l'avantage moral d’une publicité étendue
manquât à la Biographie nationale, parce que l’entrepre-
neur, dans la crainte d’élever le chiffre de ses frais, n’au-
rait fait qu’un tirage insuffisant des volumes imprimés à
ses risques et périls.
Il a été stipulé que l’Académie conserve la propriété
entière de l’ouvrage, et qu’une année après la publication
du volume complémentaire de la première édition, elle
aurait le droit de traiter pour une seconde avec l'éditeur
dont elle trouverait bon d'accueillir les propositions. L’Aca-
démie se réserve la faculté d'autoriser la publication d’une
édition de la Biographie nationale en langue flamande.
Telles sont, Messieurs, les principales dispositions du
contrat passé avec l'éditeur chargé de l’impression et de
la publication de la Biographie nationale. Ainsi'que nous
avons eu l’honneur de vous le dire dans notre dernier rap-
port, il avait été fait appel à la concurrence : la personne
avec laquelle la commission à traité est celle qui a pré-
senté les conditions les plus favorables aux intérêts du
gouvernement. Ajoutons que la question d'économie n’a
pas seule préoccupé la commission. Des spécimens d’im-
pression et de papier, qui lui ont été soumis et qui sont
annexés au contrat, garantissent une exécution typogra-
phique satisfaisante. Il à été, en outre, spécifié que l’im-
primeur fournira autant d'épreuves qu'il sera jugé néces-
saire, avant que le bon à tirer soit (ne par le président
de la commission.
Nous venons de dire que l’Académie se réservait, par
le contrat dont l’analyse vient de vous être donnée, la pro-
priété de ia Biographie nationale. Sur la proposition de
plusieurs de ses membres, la commission a décidé que les
(581 )
auteurs auraient le droit de disposer des notices qu’ils au-
raient fournies à la Biographie, soit pour les comprendre
dans l’ensemble de leurs œuvres, soit pour en former un
recueil spécial. Il leur sera seulement interdit de les re-
produire dans un ouvrage conçu sur le même plan que la
Biographie nationale. Cette réserve devait être faite dans
l'intérêt de l’éditeur, auquel la commission ne peut pas
laisser faire la guerre avec des armes qu'elle aurait four-
nies. »
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Avril 1864.
Van de Weyer (Sylvain). — Choix d’opuscules philosophi-
ques, historiques, politiques et littéraires, précédés d’avant-
propos de l'éditeur. Première série. Londres, 18653 ; in-12.
Spring (A.). — Conseil de salubrité publique de la province
de Liége. Compte rendu des travaux de l’année 1863, présenté
à la séance du 17 mars 1864. Liége, 1864; in-8°.
D’Otreppe de Bouvette (Alb.). — Essai de tablettes liégeoises,
45% livr. Liége, 1864; in-12.
Van der Haeghen (Ph.). — Inscriptions funéraires de
l’église de Notre-Dame du Sablon à Bruxelles. Gand ,1865;in-8°.
L’Abeille, revue pédagogique publiée par Th. Braun;
X"° année, 1"° à 5° livr. Bruxelles, 1864; 35 broch. in-8°.
Société royale de botanique de Belgique. — Bulletins,
tome IT, 2° année, n° 5. Bruxelles, 1864; in-8°.
De Vlaemsche school, X jaarg., bl. 2-8. Anvers, 1864; 7
feuilles in-4°.
( 582 )
La Belgique horticole, rédigée par M. Édouard Morren;
mars et avril 186%. Liége ; in-8°.
Journal des beaux-arts et de la littérature, VI®° année,
n° 6 à 9. Saint-Nicolas, 1864; 3 feuilles in-4°.
Société pour la recherche et la conservation des monuments
historiques dans le grand-duché de Luxembourg. — Publica-
tions. Année 1862, XVIII. Luxembourg, 1864; in-4°.
Lubach (D.).— De bewoners van Nederland. Grondtrekken
eener vaderlandsche ethnologie. Harlem , 1863; in-8°.
Société philotechnique de Paris. — Annuaire, année 1863,
tome XX Ve, Paris, 1861 ; in-12.
Société géologique de France. — Bulletins, deuxième série,
tome XIX"°, feuilles 69 à fin; tome XXI°°, feuilles 1-5. Paris,
1863 à 1864; 2 cah. in-8°.
De Beaugué (Jean). — Histoire de la guerre d'Escosse, avec
un avant-propos par le comte de Montalembert. Bordeaux,
1862; in-1°2. 40
Corblet (l’abbé J.). — Rapport sur le concours de 1863 de la
Société des antiquaires de Picardie : — Histoire de la collégiale
de Péronne, par M. l'abbé Gosselin; — La ville et le château
de Ham, par M. Gomart. Amiens, 1864; in-8°.
Comité flamand de France. — Bulletin, tome II, n° 7,
janvier et février 1864. Lille-Dunkerque, 1864; in-8°. :
Garrigou (F.) et Filhol (H.). — L’âge de la pierre dans les
cavernes de la vallée de Tarascon (Ariége). Paris, 1864; in-8°.
Garrigou (F.), Martin (L.) et Trutat (E.). — Note sur deux
fragments de màâchoires humaines trouvés dans la caverne de
Bruniquel (Tarn-et-Garonne). Paris, 1863; in-4°.
Société impériale d'agriculture de Valenciennes. — Revue
agricole, industrielle, littéraire et artistique, 16% année,
tome XVII", n° 1 à 5. Valenciennes, 1864; 5 br. in-8°.
Société des sciences naturelles de Neuchâtel. — Bulleün, -
tome VI, second cahier. Neuchâtel, 18653; in-8°.
Kônigliche-preuss. akademie der wissenschaften zu Bertin.
( 583 )
— Monatsberichte, aus dem Jahre 1863. Berlin, 1864; in-8°.
The Reader, a review of literatur, science and art, vol. III,
n° 66, 67 et 68. Londres, 1864; 3 doubles feuilles in-4°.
Chemical society of London. — Journal, serie 2, vol. I,
suppl.number, vol. If, n° XIII, XIV, XV. Londres, 1865-1864;
4 cah. in-8°.
Geological survey of India. — Memoirs : Palaeontologica
Indica, 11, 6, IT, 1. Calcutta, 1863; in-4°. — Annual report
for the year 1862-65. Calcutta, 18653; in-8°.
Longo (Giuseppe). — Ricerche storiche sulla ligatura delle
vene e delle arterie da Celso a Dionis. Turin, 1864; in-8°.
Mai 1864.
Fétis (F.-J.). — Manuel des principes de musique, 2° édi-
tion. Paris, 1864; gr. in-8°.
Chalon (R.). — Monnaies rares ou inédites, 6% article.
Bruxelles, 1864; 1 broch. in-8°.
Chalon (R.). — Notice sur un plateau de verre trouvé à
Corroy-le-Grand, dans une sépulture gallo-romaine. Bruxelles,
4864; 1 broch. in-8°. |
Juste (Théodore). — Catalogue des collections composant le
Musée royal d’antiquités, d’armures et d'artillerie (Bruxelles),
précédé d’une notice historique. Bruxelles, 1864 ; 1 vol. in-8°.
Coquilhat. — Percussions initiales produites sur les affûts
_ dans le tir des bouches à feu. Liége, 1863 ; in-4°.
C[apitaine] (U[lysse]). — Nécrologe liégeois pour 1860,
X° année. Liége, 1864; in-12.
Harry Peters. — Het kunstfeest te Antwerpen (17, 18, 19
en 20 augst 1861). Anvers, 1862; in-8°.
De Wachier (le docteur). —Histoire du Collegium medicum
( 584 ).
bruxellense ; par C. Broeckx. Notice bibliographique. Anvers,
1864 ; in-8°.
Van de Putte (l’abbé F.). — Biographie de M. Charles-Louis
Carton. Bruges, 1864 ; in-8°.
Ministère de l'Intérieur. — Caisse de pensions des veuves
et orphelins des fonctionnaires et employés du ministère de
l’intérieur. Compte rendu pour l’année 1862. Bruxelles, 1864;
in-4°.
Commission royale pour la publication des anciennes lois
et ordonnances de la Belgique. — Procès-verbaux des séances,
V° volume, 5° cahier. Bruxelles , 1864; gr. in-8°.
Annales des travaux publics de Belgique, tome XXI,
2° cahier. Bruxelles, 1864; in-8°.
Inscriptions funéraires et monumentales de la Flandre
occidentale, 1*° à 36° livraisons. Gand, 1856-1864; gr. in-4°.
Le progrès par la science, 2° année, n°° 62 à 152. Bruxelles,
1864; 90 feuilles in-4°.
Journal historique et littéraire, tome XXXT, liv. 1. Liége,
1864; broch. in-8°.
Fédération des sociétés d’horticulture de Belgique. — Bul-
letin de 1863. Gand, 1864; in-8°.
L'Illustration horticole, rédigée par Ch. Lemaire et publiée
: par Ambroise Verschaffelt, tome XI, 5"° et 4% livr. Gand,
1864; gr. in-8°.
De Colnet d’Huart. — Nouvelle théorie mathématique de la
chaleur et de l'électricité, 4"° partie. Luxembourg, 1864; in-8°.
Historisch genootschap gevestigd te Utrecht. — Kronijk,
1862, bl. 22-55; 1863, bl. 1-18; — Berigten, VII° deel,
2e stuk, bl. 22-33. Utrecht, 18653; in-8°.
Verhaal van de buitengewone ambassade van Jacob van
Wassenaar-Duivenvoorde, Arnout van Citters en Everard
van Weede van Dijkveld naar Engeland in 1685. Werken
van het Historisch Genootschap gevestigd te Utrecht, nieuwe
serie, n° 2. Utrecht, 1863; in-8°.
( 585 )
De Wicquefort (Abraham). — Histoire des Provinces-Unies
des Païs-Bas depuis le parfait établissement de cet État par la
paix de Munster. Publié au nom de la Société d’histoire à
Utrecht, par M. L. Ed. Lenting, tome I. Amsterdam, 1861 ;
in-5°.
Sloet tot Oldhuis (B.-W.-A.-E.). —Algemeen register op den
inhoud der twintig eerste jaargangen van het tijdschrift voor
staathuis houdkunde en statistiek. Zwolle, 1862; in-8°.
Van der Straeten-Ponthoz (le comte F.). — Les Neuf Preux,
gravure sur bois du commencement du xv° siècle, fragments
de l’hôtel de ville de Metz. Pau, 1864 ; in-8°.
Institut historique. — L’Investigateur, XXXI° année, 550°
et 351: Livr. Paris, 1864; 1 cah. gr. in-8°.
Vincent (A.-J.-H.). — Note sur la messe grecque qui se
chantait autrefois à l’abbaye royale de Saint-Denis, le jour de
l’octave de la fête patronale. Paris, 1864; in-8°.
De Witte (J.) et de Longpérier (Adrien). — Revue numis-
matique, nouvelle série, tome VIII, n° 2 à 6, tome IX°, n° 1.
Paris, 1863-1864 ; in-8°.
École impériale polytechnique de France. — Journal publié
par le conseil d'administration de cet établissement, 38°, 59°
et 40° cahiers. Paris, 1862-1863 ; 3 vol. in-4°.
Société des antiquaires de Ricardie.—Bulletin, année 1864,
n° À. Amiens, 1864; in-8°.
S' Gullischen naturwissenschaftlichen Gesellschaft. — Be-
richt über die Thätigkeit während des Vereinsjahres 1862-
1863. Saint-Galles, 1863; in-8°.
Vereines für Geschichie der mark Brandenburg : — Rie-
del’s Codex diplomaticus brandenburgensis. Bandes XXIV-
XXV. Berlin, 1864; 2 vol. in-4°.
Naturhistorische-medizinischen Vereins zu Heidelberg : —
Verhandlungen, Band III, n° 5. Heidelberg, 1864; in-8°.
Kônigliche bayerische Akademie der Wissenschaften zu
München : — Sitzungberichte, 1864, 1, Heftes 1-2, Munich,
2m SÉRIE, TOME XVII. 39
( 586 )
1864; 2 cah. in-8°, — Abhandlungen der philosophisch-phi-
lologischen Classe, X Band, 1 abth. Munich, 1864; in-4°. —
Ueber die Stellung und Bedentung der pathologischen Ana-
tomie, Festrede von D’ L. Buhl. Munich, 1863 ; in-4°,
Küniglichen Sternwarte bei München, Annalen heraus-
seben von J. Lamont, IV. Supplemenband. Munich, 1865;
in-8°.
Magnetische und meteorologische Beobachtungen zu Prag;
von D' Jos. G. Bôühm, und D" Moritz Allé. XXIV°'® Jahrgang.
Prague, 1864; in-4°.
Schrader (H.-L.). Ueber gallenbildende Insekten in Austra-
lien. Vienne, 1863; in-8°.
Von Frauenfeld (G. Ritter).— Beitrag zur Metamorphosen-
Geschichte aus dem jahre 1862. I und Il. Vienne, 1863;
2 broch. in-8°.
Von Frauenfeld (G. Ritter). — Ueber eine merkwürdige
Verfärbung eines Gimpels. Vienne, 1865 ; in-8°.
Von Frauenfeld (G. Ritts;). — Vorläusige Aufzählung der
Arten der Gattungen Æydrobia Htm. und Amnicola Gld. Hidm.
in der kaiserlichen und in Cuming’s Sammlung. Vienne, 1863 ;
:.1n-8%
Von Frauenfeld ( G. Ritter ). — Bericht über eine Reise
durch Schweden und Norwegen im Sommer 1865. Vienne,
1863; in-8°.
Haast (Julius). — Bemerkungen über Strigops habroptilus
eingesendet aus Canterbury auf Neuseeland , uebersetzt aus
dem Englischen von Géorg Ritter von Frauenfeld. Vienne,
1863; in-8.
Kaiserlich-künigliche zoologisch-botanische Gesellschaft in
Wien. — Verhandlungen, XIII Band. Vienne, 1863; in-8°.
Kaiserlich-künigliche geographische Gesellschaft zu Wien.
— Mittheilungen, VI Jahrgang, 1862. Vienne, 1862; gr.
m-8°.
Kaiserlich-künigliche geologische Reichsanstalt zu Wien.
( 587 )
— Jahrbuch, 1865, XIII Band, n° 5 und 4. Vienne, 1864;
2 cah. gr. in-8°.
Naturhistorische Vereine der preussischen Rheinlande und
Westphalens. —Verhandlungen, HR von Prof. Dr.
C.-0. Weber, XX‘ Jahrg., 1-92! Häfte. Bonn, 1865 ; 2 vol.
in-8°.
Luschka (Hubert). — Die Oenen des menschlichen Halses.
Vienne, 1862; in-4°.
Brauer (Friedrich). — Monographie der Ocstriden. Vienne.
1865; in-8°.
Konigliche physikalische-ükonomische Gesellschaft zu Kü-
nigsberg. — Schriften, IV‘ Jahrg., 1865, 1-2 Abth. Kôünigs-
berg, 1865; 2 cah. in-4°.
Physicalisch-medicinische Gesellschaft in Würzburg. —
Medicinische Zeitschrift. V'* Band, 1 Heft. Wurtzbourg , 186%:
in-8°.
Dôüllen (W.). — Die Zeitbestimmung vermittelst des trag-
baren durchgangs Instruments im verticale des Polarsterns.
Saint-Pétersbourg, 1863; in-4°.
Société impériale géographique de Russie. — Procès-ver-
baux des assemblées générales du 5 février et du 4 mars 1864.
Saint-Pétersbourg , 1864 ; in-4°.
Reale Accademia economico- agraria die georgofili di Fi-
renze. — Rendiconti delle adunanze, Friennio V, anno 1°,
disp. 2°-7° Florence, 1863; 6 broch. in-8°.
[mperiale e reale Istituto Veneto di scienze, lettere ed arti :
— Memorie, vol. X, part. 2-5, vol. XI, part. 1 et 2. Vienne,
1863-1864; 4 cah. in-8°; — Atti, serie terza, tomo VIF,
disp. 3-10, tomo VIII e tomo IX°, disp. 1 a 4. Vienne, 1861
à 1864; in-8°.
Associazione nazionale italiana di mutuo soccorso degli
scienzialt, letterati ed artisti di Napoli : — Bullettino, Dis-
pensa VIII. Naples, 1864; in-8°.
Reale istituto lombardo di scienze e lettere. — Rendiconti.
( 588 ).
Classe di scienze matematiche e naturali. vol. À, fasc. 5, marzo.
Milan, 1864; in-8°. — Classe di lettere e scienzi morali e po-
litiche, volume I, fase. 4 e 2. Milan, 1864; in-8°.
Corrispondenza scientifica in Roma, vol. VIE, n° 6-7.
Rome, 1864; in-4°. |
Socielà italiana di scienze naturale. — Atti, vol. VE, fase. 1,
fogli 4 a 5. Milan, 1864; in-8°.
Società reale di Napoli. — Rendiconto delle tornate e dei
lavori dell Accademia di scienze morali e politiche. Anno
secondo, quaderno di novembre e dicembre 1863. Fos
4865 ; 2 cah. in-4°,
Royal society of London : — Philosophicul transactions,
for the year 1865, vol. 153, part. 2. Londres , 1864; in-4°. —
Proceedings, vol. XIII, n° 58 à 63. Londres, 1865-1864; 6 cah.
in-8°. — List of the members, 50 th. November, 1865; in-4°.
Entomological Society of London. — Transaction, third
series, vol. I, part. 8-9. Londres, 1863-1864; 2 cah. in-8°. |
Geological society of London. — The quarterly journal,
vol. XIX, part. 4; vol. XX, part. 1-2. Londres, 1865-1864 ;
3 cah. in-8°.
Royal asiatic Society of Great Britain et Ireland.— Jour-
nal, vol. XX, part. 5 et 4. Londres, 1865; in-8°.
Royal Dublin Society. — The journal published quarterly ,
n° XXX, Dublin, 1865 ; in-8°.
The american une of science and arts, second series,
vol. XXX VIT, n° 410. New-Haven, 1864; in=8°.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1864. — Nc 6.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 4 juin 1864.
M. ScHaar, président de l’Académie.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Wesmael, Stas, De Koninck, Van
Beneden, À. De Vaux, de Selys-Longchamps, Nyst, Gluge,
Nerenburger, Melsens, Liagre, Duprez, Brasseur, Poel-
man, Dewalque, membres ; Schwann, Spring, associés ;
Maus, Donny, Montigny, correspondants.
M. Ed. Fétis , 2embre de la classe des beaux-arts, assiste
à la séance.
AM SÉRIE, TOME XVIL 40
(590 )
CORRESPONDANCE.
a
M. le baron von Liebig, président de l’Académie royale
des sciences de Munich, fait parvenir un exemplaire de la
médaille commémorative que ce corps savant à fait exé-
cuter pour célébrer le cinquantième anniversaire de la
promotion de M. le docteur von Martius, l’un de ses mem-
bres, comme docteur en médecine. Des remerciments se-
ront adressés à l’Académie de Munich.
— L'Institut des sciences de Venise fait hommage de ses
dernières publications.
— M. le Ministre de l’intérieur soumet à l’avis de l’Aca-
démie lanalyse qui à été faite récemment des eaux d’un
puits artésien creusé à Ostende. MM. De Koninck, Ad. De
Vaux et Dewalque, qui se sont occupés déjà d’une ques-
tion analogue, sont nommés commissaires.
— Le secrétaire perpétuel présente à la classe les tra-
vaux manuscrits suivants : |
1° Note sur un nouveau chronoscope électrique à cylin-
dre tournant, fondé sur l’emploi du diapason, par M. H.
Valérius, professeur à l’université de Gand. — (Commis-
saires : MM. Melsens et Duprez.)
2° Note sur les courbes du deuxième degré, par M. Th.
Lambert , professeur au collége de Dinant. — (Commissai-
res : MM. Schaar et Brasseur.)
3° Élatérides nouveaux, par M. Candèze, correspon-
dant de l’Académie. — (Commissaires : MM. Wesmael et de
Selys-Longchamps.) |
(991)
La classe accepte le dépôt dans ses archives de deux
billets cachetés, présentés, l’un par M. L.Perard , Ingénieur
à Liége, et l’autre par M. H. Valérius, professeur à l’uni-
versité de Gand.
RAPPORTS.
Sur la Stabilité des systèmes liquides en lames minces; par
M. Lamarle, associé de l’Académie.
Æapport de M. Plateau.
Dans la sixième série de mes recherches Sur les fi-
gures d'équilibre d’une masse liquide sans pesanteur, J'ai
établi, partie expérimentalement et partie théoriquement,
les lois relatives aux lames qui aboutissent à une même
arête liquide, et aux arêtes liquides qui concourent en un
même point liquide; j'ai conclu de ces lois, et j'ai essayé
de le confirmer par l'expérience, que tout système lami-
naire d'équilibre dans lequel elles ne sont pas satisfaites,
est un système instable ; enfin, en terminant cette même
série , Je disais :
« Je reviendrai de nouveau sur les systèmes laminaires,
» pour en envisager la théorie sous un point de vue plus
» général. En effet, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer,
» les lames liquides qui les composent peuvent être assi-
» milées à des membranes tendues, et dès lors, on le con-
» çoit, chaque système se disposera de manière que la
somme des surfaces de toutes ses lames soit un mini-
mum. Mais je réserve ce sujet pour une autre série. »
En m’exprimant ainsi, je me proposais simplement de
LA
2
(5927)
prendre comme exemples quelques systèmes laminaires
particuliers, directement accessibles au calcul à raison de
leur simplicité, et de faire voir que, dans chacun d'eux,
la somme des surfaces des lames est un minimum par
rapport à certain mode de déformation; mais je n’avais
nuile intention de traiter le problème d’une manière géné-
rale, car je croyais la chose inabordable. Je comprenais
qu’il existe une dépendance nécessaire entre le principe
du minimum de la somme des aires et mes lois, mais je
ne pouvais saisir cette dépendance, et il me paraissait à
peu près impossible de la découvrir. Or toutes ces diffi-
cultés, M. Lamarle les a résolues avec une merveilleuse
sagacité et un rare bonheur.
Il commence par établir plus nettement que je ne l'avais
fait le principe du minimum ci-dessus; puis, partant de
là, il s'occupe des lames aboutissant à une même arête
liquide. f} imagine un nombre quelconque de lames planes
partant d’arêtes solides et se joignant toutes suivant une
arête liquide commune , et il coupe l’ensemble par un plan
perpendiculaire à celle-ci. La section se composant de
droites partant respectivement de points fixes et aboutis-
sant toutes à un même point, il démontre d’abord, par des.
considérations de géométrie élémentaire, que si les droites
sont au nombre de trois, leur somme sera un minimum
quand elles feront entre elles des angles égaux. Si les
droites sont plus nombreuses, il äémontre, toujours par des
considérations aussi simples, que pour avoir une somme
minima, il faut substituer au point de concours unique
plusieurs points de concours reliés entre eux par des
droites additionnelles, de telle manière qu’à chacun de ces
points il n’y ait que trois droites faisant entre elles.des
angles égaux. Enfin, la diminution de la somme des droites
( 593 )
commençant dès l’origine de ces modifications, c’est-à-dire
dans le cas de plus de trois droites, par exemple, dès que
le point de concours se dédouble pour donner naissance
aux droites et aux points additionnels , il s’en suit que la
démonstration s'applique également à des lignes courbes,
car on peut toujours remplacer celles-ci par leurs tangentes
dans le voisinage immédiat du point de concours. M. La-
marle fait voir alors que tous ces résultats s'étendent aux
lames elles-mêmes, planes ou courbes, dont l’ensemble
est coupé par le plan dont il s’agit; c’est-à-dire que le
minimum de la somme des aires exige que -ces lames se
joignent trois à trois, sous des angles égaux, à chaque arête
liquide. |
Ainsi se trouve complétement démontrée et déduite du
principe du minimum la première de mes lois, savoir que,
dans tout système laminaire stable, à une même arête
liquide n’aboutissent jamais que trois lames faisant entre
elles, à cette arête , des angles égaux.
M. Lamarle passe ensuite à la question des arêtes
liquides concourant en un même point liquide. Pour la
traiter, 1l imagine que des lames liquides planes aboutis-
sent toutes à un même point de l’intérieur du système, et
il cherche les conditions que devront remplir ces lames
pour qu’elles puissent se joindre trois à trois sous des
angles égaux , conformément à la loi précédente. Il con-
sidère le point qui leur est commun comme le centre d’une
sphère, qu’elles viennent ainsi couper suivant des arcs de
grands cercles; on a de cette manière un certain nombre
de pyramides creuses ayant pour sommets un même point,
et, pour bases, des polygones sphériques dont tous les
angles sont de 120°. M. Lamarle fait d’abord remarquer
que ces polygones ne peuvent être que des triangles, des
( 594 )
quadrilatères et des pentagones, ce qui lui fournit une rela-
tion analytique entre les nombres respectifs de ces diffé-
rents polygones et le nombre total des lames; il en trouve
une autre par la condition que la somme des surfaces de
ces mêmes polygones doit représenter la surface totale de
la sphère; enfin tous les polygones dont il s’agit doivent
ètre simplement juxtaposés, sans empiétements des uns
sur les autres en certains endroits et vides entre eux en
d’autres endroits. Au moyen de ces trois conditions, M. La-
marle trouve qu’il n’y à que sept assemblages possibles
de lames partant d’un même point et se joignant trois à
trois sous des angles égaux.
Si, dans chacun de ces assemblages, on remplace les
côtés des polygones sphériques par leurs cordes, on a l’en-
semble des arêtes d’un polyèdre, et les sept polyèdres ainsi
formés sont : le tétraèdre régulier; le prisme triangulaire
droit à base équilatérale, avec un rapport déterminé entre
Ja hauteur et le côté de la base; le cube; le prisme penta-
gonal droit à base régulière, avec un rapport déterminé
entre la hauteur et le côté de la base; deux polyèdres par-
liculiers composés de quadrilatères et de pentagones; enfin
le dodécaèdre régulier. Dans ces polyèdres, les nombres des
arêtes liquides sont respectivement 4, 6,8, 10, 12, 16
et 20. ,
Or M. Lamarle démontre que, pour chacun de ces sys-
tèmes , à l'exception de celui du tétraèdre régulier, on peut
toujours concevoir un mode de déformation d’où résulte,
à partir de son origine jusqu’à une certaine limite, une
diminution de la somme des aires des lames; le système
du tétraèdre régulier, dans lequel il n’y a que quatre arêtes
liquides qui aboutissent à un même point liquide sous des
angles égaux, est donc le seul qui puisse jouir de la stabi-
( 995 )
lité. Ainsi, quand les lames sont planes, les arêtes liquides
qui se joignent en un même point liquide sont nécessaire-
ment au nombre de quatre et font entre elles des angles
égaux. Enfin M. Lamarle fait voir que la même conclusion
s'applique aux lames courbes, et, par suite, aux arêtes
courbes; en effet rien ne limite la petitesse de la sphère
mentionnée plus haut, et conséquemment on est maître
de supposer cette sphère assez minime pour que les por-
tions de lames comprises dans son intérieur puissent être
. considérées comme planes.
Ma deuxième loi, savoir que, dans tout système lami-
naire stable, les arêtes liquides aboutissant à un même
point liquide sont toujours au nombre de quatre et font
entre elles, à ce point, des angles égaux, est donc dé-
montrée par M. Lamarle aussi complétement que la pre-
mière, et également déduite du principe du minimum.
Ajoutons que les modes de déformation supposés par
M. Lamarle, et qu’il parvient, au moyen d’une conception
ingénieuse, à faire rentrer tous dans un même principe,
sont. précisément ceux qui conduisent aux résultats réels,
c’est-à-dire à ceux que donnent les expériences avec les
charpentes en fil de fer. |
En résumé, M. Lamarle a résolu des questions qui sem-
blaient d’une extrême difficulté, et son travail contribue
puissamment à compléter la théorie des lames liquides ;
j'ai donc l'honneur de proposer à la classe l’insertion de
ce travail dans le recueil des Mémoires de l’Académie.
Conformément à ces conclusions, appuyées par le second
commissaire, M. Schaar, le travail de M. Lamarle sera
imprimé dans la collection des Mémoires.
( 596 )
La classe entend la lecture des rapports de MM. Lamarle
et Duprez, relatifs à un mémoire de M. Plateau, membre
de l’Académie, Sur un problème curieux de magnétisme;
elle en ordonne l’impression dans les recueils académiques.
Sur une note de M. Constant Krouber, de Saint-Péters-
bourg, intitulée : RECHERCHES SUR LES BENZINES , NITRO-
BENZINES ET ANILINES DESTINÉES À LA FABRICATION DES
COULEURS.
Rapport de M, Slas.
« La fabrication des couleurs dites d’anilines a pris de-
puis peu d’années une importance très - considérable.
M. A.-W. Hoffmann, le célèbre auteur de Ia découverte de
la rosaniline, à démontré tout récemment que l’aniline de
l’indigo et du benzol , obtenue à l’aide de l’acide hbenzoïque ,
ne produit point de la rosamiline. Ses recherches ont
prouvé de plus que la toluidine n’en forme pas davantage,
mais qu'un mélange d’aniline et de toluidine donne nais-
sance à un rouge magnifique d’un pouvoir tinctorial des
plus intenses. Le benzol et le toluol, qui fournissent lani-
line et la toluidine, sont contenus dans l'huile légère de
goudron de houille. Aussi ces huiles légères sont employées
pour la fabrication de l’aniline commerciale destinée à la
production des couleurs d’aniline. Mais l’expérience indus-
trielle à appris que le rendement en matières colorantes
des anilines, obtenues à l’aide de cette huile légère, est ex-
traordinairement variable: elle à fait connaître en outre
( 597 )
que le pouvoir tinctorial des matières colorantes produites
est également très-variable. M. C. Krouber, de Samnt-Pé-
tersbourg, étudiant à l’école des arts et manufactures
annexée à l’université de Gand, a essayé d'éclairer cette
question ; dans ce but il a recherché la relation qui existe :
1° Entre le point d’ébullition et la densité de l'huile
légère (benzol, toluol, eumol, etc. };
2° Entre le point d’ébullition et la densité des composés
nitrés qui en dérivent ;
9° Entre le point d’ébullition et la densité des amilines
commerciales qui proviennent de ces composés mitrés ;
4° Enfin entre ces anilines et la quantité et la qua-
lité de matières colorantes que celles-ci sont capables de
fournir.
Il résulte des recherches de M. Krouber que l'huile
légère, dont le point d’ébullition est compris entre quatre-
vingt-dix et cent dix degrés, est celle qui fournit les
meilleures anilines destinées à la fabrication des matières
colorantes. Cette conséquence est tout à fait d'accord avec
les observations de M. Hoffmann. En effet, l'huile légère
de goudron de houille bouillant entre ces deux points doit
être presque exclusivement formée de benzol et de toluol,
mélange qui doit fournir l’aniline et la toluidine, qui, à leur
tour, produisent le rouge magnifique connu.
Le travail de chimie appliquée de M. Kroùber est conçu
d’une manière intelligente, et il me parait avoir été exé-
cuté avec soin. d'estime que sa publication sera utile à ceux
qui se livrent à la fabrication des couleurs d’anilines ; à ce
titre, je n'hésite pas a en demander l'impression dans le
bulletin de la séance. Voulant encourager les efforts qu’a
faits M. Krouber dans la voie des recherches, j'ai honneur
( 998 )
de proposer à l’Académie de lui voter des remerciments
pour sa communicalion. »
Conformément aux conclusions de ce rapport, appuyé
par les deux autres commissaires, MM. Melsens et De Ko-
ninck, le travail de M. Krouber sera inséré dans le bulletin
de la séance.
MM. Lamarle et Schaar font connaitre que la lettre
de M. Colnet d’'Huart, pour laquelle ils avaient été nommés
commissaires , est relative à un ouvrage déjà publié sur la
mécanique et que, par conséquent, elle ne peut pas faire
l’objet d’un rapport. L'auteur sera, du reste, remercié pour
son intéressante communication.
M. Melsens demande à l’Académie la permission de pou-
voir ajouter à son mémoire Sur l’emploi de l’iodure de
potassium dans les intoxications mercurielles et satur-
nines, la description des phénomènes que lui ont présentés
les deux malades dont il pensait pouvoir prédire d'avance
la guérison, lors de la présentation de son mémoire. Cette
description sera ajoutée sous forme de notes au travail de
M. Melsens.
( 599 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur la périodicité des étoiles filantes du mois de novembre.
Notice de M. À. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Aca-
démie.
J’ai l'honneur de communiquer à la classe l’extrait d’une
lettre que je viens de recevoir de M. H.-A. Newton, pro-
fesseur à New-Haven, en Amérique, et qui traite de la
marche des étoiles filantes à travers l’espace et de leur
retour, pour la période du milieu de novembre. M. Newton
estime que le cycle de la révolution est de trente-trois ans
et un quart, et il cite plusieurs exemples qu’on a eu l’oc-
casion d'observer depuis l’année 902. Le tableau que pré-
sente le savant américain relate onze retours périodiques ;
il place les résultats calculés à côté des résultats observés,
et 1l fait remarquer le peu de différence qui existe entre
les nombres; il tient compte, en même temps, des per-
turbations qui peuvent avoir été produites par les corps
planétaires et par la lune.
Des conjectures analogues avaient déjà été émises pour
la période d'août, et, après avoir reconnu la périodicité an-
nuelle des étoiles filantes à certaines époques de l’année,
on a recherché si ces apparitions annuelles étaient pério-
diques. L’exemple de la périodicité signalée par M. Newton
serait donc d’un tiers de siècle pour l’apparition de novem-
bre. Ces résultats sont très-intéressants, mais devront
. être démontrés peut-être d’une manière plus concluante.
On sait en effet que le passage de plusieurs comètes dans
le voisinage de corps célestes, sans produire sur ceux-e1 de
( 600 )
perturbations marquées, en ont éprouvé elles-mêmes de si
considérables qu’il a fallu recommencer parfois le caleul
de leurs orbites. Ne peut-on, en pareil cas, craindre éga-
lement un dérangement complet dans la marche des étoiles
filantes, corps infiniment moins considérables ?
Nous pouvons croire, du reste, que la théorie des étoiles
filantes, malgré toutes les difficultés qu’elle présente, a
effectivement fait quelques progrès dans ces derniers
temps, et que l’on s’est mieux rendu compte de l'étendue
de lespace où le phénomène se révèle à l'observateur et où
il peut étudier mathématiquement sa marche.
M. Newton, à la fin de sa lettre, me transmet une nou-
velle intéressante pour l’histoire de la science :
«Je ne sais, dit-il, si Vous avez connaissance que notre
regrettable ami, M. Herrick, a laissé un excellent recueil
d'observations sur les aurores boréales. C'était son habi-
tude , chaque soir, de sortr plusieurs fois, pour reconnai-
tre s’il n’y avait point d’aurore boréale et de faire un rap-
port sur ce qu’il avait observé. Il regardait comme aussi
important de rapporter qu'une aurore boréale avait été
visible, que de constater qu’il n’y en avait point eu. Cet 1m-
portant registre a été tenu pendant dix-sept ans, à l’excep-
tion d’une interruption à l’époque de sa maladie, et on
peut le regarder comme unique dans son genre. L’Aca-
démie des arts et sciences du Connecticut se propose de
publier ce recueil en entier, et de le remettre entre les
mains de limprimeur. »
M. Newton a successivement examiné plusieurs des
caractères principaux que présente le groupe de novem-
bre ; nous citerons les suivants extraits du travail complet
qui ne tardera pas à paraître dans le journal de Silliman :
The American Journal, etc.
( 601 )
1. Longueur de la période annuelle. — On peut consi-
dérer comme époque de la première apparition le 13 octo-
bre de l’année 9092, à cinq heures avant midi, temps local;
la même heure, temps de New-Haven, le 13 novembre
(ou le 1°" novembre, style ancien) de l’année 1833, peut
être considérée comme milieu de la dernière averse d'étoiles
filantes. Entre ces deux dates, il s’est écoulé neuf cent
trente et une années, dont deux cent trente-trois ont été
- bissextiles (en temps ancien); il y avait dix-neuf jours
impairs , et il faut ajouter six heures pour la différence des
longitudes. Cet intervalle renferme ainsi neuf cent trente
et une périodes, dont chacune est de 365,27 jours.
2. Longueur du cycle. — Un coup d'œil jeté sur les dates
montre qu'il existe un cycle d'environ un tiers de siècle,
et que, pendant une période de deux à trois ans, à la fin
de chaque cycle, on peut attendre le retour d’une averse
d'étoiles filantes. Par exemple, les deux averses de 1832
et 1835 montrent que la dernière était à peu près la fin
de cette courte période; de la même manière, les deux
averses de 902 et 934, séparées seulement par trente-deux
années, appartiennent évidemment, la première, à la fin
de cette période, et l’autre, à son commencement. Pendant
les années 902 et 1833, ces apparitions occupent des posi-
tions à peu près correspondantes dans le cycle. L’intervalle
divisé par vingt-huit donne 33,25 années pour la durée
d'un cycle.
3. Le tableau suivant montre plusieurs faits relatifs à
cette période. La première colonne contient le nombre des
phénomènes donnés dans les documents imprimés, la se-
conde montre l’année, et la troisième, le jour et l’heure,
qu’on peut regarder comme la date historique de l’averse,
L'heure est en partie arbitraire. Je suppose que les maxima
( 602 )
des apparitions mentionnées par les annalistes européens
étaient, à cinq heures avant midi, temps moyen de Paris,
ou dix-sept heures à partir du midi précédent. Ceci peut
naturellement renfermer une erreur de plusieurs heures
qui doit être rappelée, en considérant les restes dans une
autre colonne. Quant aux averses signalées dans les an-
nales chinoises, sept heures sont retranchées de dix-sept
pour la différence des longitudes, et, pour les averses
américaines, quatre à cinq heures sont ajoutées. Le n° 8°
a été observé en Europe et en Chine, et le no 6 à Bagdad.
De là, trois heures sont prises sur chaque date; et l’averse
de 1832 ayant eu lieu à l’orient de Paris, une heure
seulement à été retranchée.
Dans la quatrième colonne, la longitude de la terre à
chaque date est calculée d’après les tables de M. Le Verrier
insérées dans les Annales de l’Observatoire impérial de
Paris. Ces longitudes sont représentées approximative-
ment par la formule «a — nt, où a est 117,7, n est 1/7114,
et test le nombre d’années depuis le temps de l’averse
jusqu’au 1% janvier 1850. Les valeurs de a — nt sont
données dans la colonne suivante, et, en les soustrayant
de la longitude correspondante dans la quatrième colonne,
on à les différences qui se trouvent dans la sixième co-
Jonne. :
Nous pouvons supposer un cycle qui commence à une
époque quelconque; mais 1l vaut mieux, croyons-nous , :
considérer le commencement comme rapproché du milieu
d’une courte période pendant laquelle une apparition doit
être attendue. Supposons que ce point soit placé entre les
deux apparitions des années 1832 et 1833. Si l’on suppose
que l’année commence à l’époque d’une averse, cette épo-
que sera indiquée comme étant 1832,50. En soustrayant
( 603 )
maintenant de ce nombre les multiples de 33,25 années,
nous aurons les nombres de la septième colonne pour les
dates des commencements des cycles. Ces nombres sous-
traits de ceux donnés dans la seconde colonne du 1a-
bleau , produisent les différences indiquées dans la huitième
colonne. Chaque reste représente évidemment le nombre
d'années, depuis le commencement d’un cycle jusqu’à
l’instant d’une apparition.
La dernière colonne contient la somme des perturba-
tions lunaires et planétaires de notre globe, d’après sa dis-
tance au soleil, calculées par les tables de Le Verrier.
L’unité est la septième décimale de la distance moyenne
du soleil et représente à peu près quinze kilomètres.
S à en b ) Pertur-
ANNÉE. | Jour et heure. | Longit. | a—nt | Différ. |Fin du cycle.| Difrér. ;
bations.
jours. b.
Oct. 12 17 |24016/6/24018/1|— 1/5] 901,50
25 57,6/25 7,7|+49,8| 934,75
25 31,6/25 12,8/+18,8| 934,75
26 44,827 9,21-24,4| 1001,25
[30 2,4/29 58,6|- 3,8| 1101,00
32 25,5/32 51,4|-—25,9 | 1200,75
37 47,9137 32,0|4-15,9| 1367,00
41 11,7/42 17,8 —66,1 | 1533,25
[44 18,9/44 15,9 + 3,0 | 1599.75 | +2,25
47 20,6/47 0,1/+20,5 | 1699,50 | —1,50
50 1,6/49 52,9/+ 8,7 | 1799,25 | —_0,25 |— 146
50 49,0/50 MUR 0,4 | 1832,50 | —0,50 | 37
50 49,550 51,1|— 1,6] 1832,50 | +0,50 | +316
2: 3. 4. 5. 6. Te S. .
L'auteur à considéré encore : 1° le mouvement moyen
le long de l’écliptique, du nœud de l'orbite du groupe;
( 604 )
2° la longueur d’une partie du cyele durant lequel une
averse d'étoiles filantes peut être attendue ; 3° la question :
Un anneau, autour du soleil, de densité uniforme dans
son circuit, représente-t-1l proprement la nature de ce
groupe ?... etc. Ces questions présentées aux savants exci-
teront sans aucun doute leur examen et feront un nouveau
pas vers la solution d’un des problèmes les plus impor-
tants de la météorologie et l’on peut dire de la mécanique
céleste. |
L'année 1866, dit M. IH. À. Newton, est l’époque pen-
dant laquelle nous avons le plus d’intérêt à observer les
météores, parce que le cycle de 33,25 ans doit être évidem-
ment compté à partir des grandes apparitions de 1832 et
1833. Une grande apparition n’est pas très-probable encore
pendant le cours de l’année actuelle : les temps et les lieux
sont énoncés avec hésitation, pour guider l'observateur bien
plus que nos prédictions.
Sur un DEeLPxINUS EscHriGTI, échoué à Flessinque.
Notice de M. Poelman, membre de l’Académie.
Le 20 du mois de décembre 1863, un dauphin fut pris
vivant par un pêcheur non loin de Flessingue, dans un
endroit appelé het Sloe. Le propriétaire, après lavoir fait
vider, le transporta successivement à Axel, Hulst, Saint-
Nicolas et finalement à Gand, où il arriva le 7 janvier assez
bien conservé.
L'animal avait une longueur de deux mètres trente-sept
centimètres. Le pénis ainsi que les testicules étaient les
seules parties viscérales qui n’eussent pas été enlevées.
La partie inférieure du corps, depuis l'extrémité du bec
( 605 )
jusqu’au delà des orifices des organes génito-urinaires, est
d’un blanc luisant; la partie supérieure du bec et de la tête
est d’un beau noir, et une bande blanche, qui comménce
au-dessous de la nageoire dorsale et qui va jusqu’à la base
de la nageoire caudale, s’étend sur les flancs. Cette bande
présente à sa partie supérieure et postérieure une nuance
jaunûtre et ne se confond pas dans la couleur blanche de
l'abdomen.
Ces caractères suffisaient pour montrer que nous avions
sous les yeux un individu de l’espèce dédié par Schlegel
à Eschricht et connue sous le nom de Delphinus Eschrich-
ti (Schlegel), D. leucopleurus (Rasch) et dont on trouve
des squelettes à Copenhague, Leyde, Francfort et Lou-
vain (1), mais dont aucune peau montée n’existe en Bel-
gique.
L'arrivée de cette espèce sur nos côtes étant assez rare,
nous en avons fait l’acquisition pour le musée de Gand,
et nous avons réussi à conserver le squelette et la peau
montée.
L’individu étant assez bien conservé, grâce au froid qui
régnait alors et qui l'avait complétement gelé, M. le doc-
teur Van Bambeke, préparateur du cours d'anatomie com-
parée , eut l’obligeance d’en prendre exactement les dimen-
sions et la coloration.
Des sept vertèbres cervicales, les deux premières sont
soudées par leurs corps et leurs apophyses épineuses. Les
troisième et quatrième sont libres par leurs corps, mais
soudées par leurs apophyses épineuses avec les deux pre-
mières cervicales.
(1) Van Beneden, Recherches sur les Cétacés, dans les Mémoires de
l'Académie royale de Belgique, t. XXXII, p. 29, 51 et 53.
2e SÉRIE, TOME XVII. A1
( 606 )
Les cinquième , sixième et septième cervicales sont com-
plétement libres. La sixième porte, à la partie inférieure et
latérale du corps, deux apophyses, de forme triangulaire,
d'environ un centimètre et demi de long, dont la pointe
est dirigée en avant.
Le corps des deux premières cervicales réunies a trois
centimètres de haut, tandis que les corps réunis des cinq
autres cervicales n’ont qu’une élévation de un centimètre
et demi.
Les vertèbres dorsales sont au nombre de quinze. Du
côté droit, la quatorzième ne porte pas de côte, mais la
seizième en a une. Du côté gauche, toutes les vertèbres
portent des côtes.
Nous possédons, à Gand, un autre squelette de cétacé qui
présente une anomalie du côté des articulations costo-ver-
tébrales : c’est celui du Pterobalaena minor, qui a appar-
tenu au cabinet Paret, à Slykens, près d’Ostende, et que
j'ai acquis pour le musée de Gand. Chez cet individu, la
première côte est en rapport avec la deuxième vertèbre
cervicale. :
Les vertèbres lombaires, en comptant de la dernière
dorsale à gauche jusqu’à la première vertèbre qui porte
-une hémapophyse rudimentaire, sont au nombre de dix-
neuf, et les caudales au nombre de trente-neuf.
Nous croyons devoir faire observer que, pour la déter-
mination des vertèbres de cette dernière région, nous
avons pris pour point de départ la présence des héma-
pophyses, qui, incomplètes aux six premières caudales,
présentent un anneau fermé à la septième caudale et aux
vertèbres suivantes. À partir de la treizième, les héma-
pophyses commencent à s’atrophier, mais ne disparaissent
complétement qu’à la vingtième caudale.
( 607 )
Le squelette de notre dauphin n'a donc que quatre-vingts
vertèbres, nombre qui diffère un peu de celui donné par
Schlegel pour l'individu envoyé par Eschricht au musée
de Leyde (1) et par notre savant confrère, M. Van Beneden,
pour le squelette qui se trouve à Louvain.
Le squelette de Leyde à quatre-vingt et une vertèbres,
dont vingt-deux lombaires et trente-sept caudales ; celui de
Louvain en à quatre-vingt-deux, dont vingt-quatre lom-
baires et trente-six caudales. La différence porte surtout
sur les deux dernières régions : or, comme c’est l'existence
des hémapophyses qui permet de distinguer ces deux ré-
gions l’une de l’autre , les premières de ces apophyses étant
rudimentaires, ont pu être facilement enlevées pendant la
préparation. C’est probablement la conservation de ces
premières apophyses rudimentaires qui nous fait compter,
sur le squelette que nous avons sous les yeux, trente-neuf
caudales au lieu de trente-six ou trente-sept.
L'état du système dentaire est assez curieux et dénote
un jeune individu. s
En examinant la bouche, on ne compte à la mâchoire
supérieure que de vingt-huit à trente dents de chaque côté;
à la mâchoire inférieure, il n’y à de visible de chaque
côté que de trente et une à trente-deux dents, mais, en
détachant la muqueuse, on en trouve encore plusieurs ca-
chées par cette membrane.
Au côté droit de la mâchoire supérieure, nous comp-
tons trente dents déjà sorties et six cachées par la mu-
queuse , dont deux appartiennent à l’imtermaxillaire; au
côté gauche, vingt-huit dents sont visibles et cinq ne le
(1) Abhandlungen aus dem Gebiete der Zoologie, 1 Heft, 1841 , pp. 25
et 24.
( 608 )
sont pas; une seule correspond à l’intermaxillaire. En tout
soixante-neuf dents à la mâchoire supérieure.
À la mâchoire inférieure, du côté gauche, trente et une
dents: sont sorties et cinq ne le sont pas. Du côté droit, 1l
y en a trente-deux de sorties et quatre cachées par la mu-
queuse ; en tout trente-six dents de chaque côté.
— M. Van Beneden entretient la classe de la découverte,
à Dampicourt (Luxembourg), d’un squelette de reptile plé-
siosaure dont il a pu reproduire et décrire les principales
vertèbres, grâce à l’obligeance de notre confrère, M. Van-
dermaelen , et du directeur du petit séminaire de Bastogne.
M. Van Beneden promet de faire connaître, dans une des
prochaines séances, le résultat de ses investigations.
Observation relative aux rapports qui unissent le sens de
température aux sensations tactiles et douloureuses ; par
À. F. Spring, associé de l’Académie.
Il est des faits médicaux dont l'intérêt se rattache à la
science pure plutôt qu'à la pratique. C’est par cette raison
que je demande la permission de communiquer à la elasse
des sciences une observation relative à l’altération du sens
de température; mais, pour qu’elle soit bien comprise, il
est besoin de quelques notions préliminaires.
Le toucher est plus complexe qu'aucun autre sens. Quel-
que vastes que soient les domaines de la vision et de l’au-
dition, chacun de ces sens, qu’on appelle supérieurs , ne
Se —- € PINOT TT ee
Bull .de { ‘Acad. Aoy . Tome XYH 2" Série page 606.
ER SE ne RE RL
Car Van Pamnbeke ad nat. ae. a Ltb. del'Acad
G Sesgereyns lith. del Acad,
Debphinrs Lschrichhil. She.
("609 )
dispose néanmoins que d’une seule forme d’impressions :
c'est toujours la lumière pour l’un, c’est toujours le son
pour l’autre. Et si les organes olfactif et gustatif se prêtent
chacnn à plusieurs ordres de sensations, c’est précisément
par la raison que, outre les nerfs olfactifs et gustatifs, ils
contiennent en même temps des nerfs tactiles.
Le toucher dispose, en propre, de quatre sensations
simples : sens de contact, sens de température, douleur et
sensation musculaire. Les deux premières siégent exclusi-
vement dans la peau et dans les muqueuses voisines; la
troisième peut être excitée partout où il y a des nerfs tac-
tiles , tandis que la quatrième est propre aux muscles.
C’est en mettant en action, instinctivement et rationnel-
lement , les quatre sensations simples ou fondamentales,
en pratiquant ce que Gerdy a appelé le toucher attentif, que
nous acquérons les notions complexes de forme, de
poids , de densité, de position ; de vibration et de: mouve-
ment des corps.
Les quatre sensations simples qui composent le sens du
toucher sont-elles radicalement distinctes les unes des
autres, ou ne sont-elles que des modifications d’une seule
et même activité, des manifestations différentes d’une fa-
culté unique ? Telle est la question que les physiologistes
ont dù se poser tout d’abord. |
* Pour ce qui regarde le sens musculaire, la question n’en
a pour ainsi dire jamais été une. On a vu contester l’exis-
tence de ce sens; mais tous ceux qui l’admettent, et c’est
actuellement, pensons-nous, tout le monde, sont bien con-
vaincus qu’il est radicalement différent du sens du contact
et du sens de température.
La distinction des sensations douloureuses offre un peu
plus de difficultés. On a pensé que la douleur n’était qu'une
(610)
sensalion exagérée ou morbide, que tout contact, et que
le chaud et le froid devenaient nécessairement douloureux,
lorsqu'ils agissent avec une intensité et dans des conditions
hostiles à l’économie animale. | |
Cependant, quiconque s’est trouvé sous la main du chi-
rurgien aura ressenti, comme moi, le froid de la lame bien
distinct de la douleur déterminée par le bistouri. Ceux qui
sont frappés d’un coup d’épée font la même distinction.
Il y à plus : depuis l'emploi général des inhalations
d’éther et de chloroforme, il n’est pas rare de rencontrer
des individus qui sentent les incisions pratiquées dans leur
peau et dans leur chair sans pour cela souffrir aucune
douleur.
Enfin, M. Beau (1), en 1848, a consacré une étude in-
téressante aux cas, se présentant çà et là à l'observation
médicale, où la sensation de douleur est abolie spontané-
ment avec conservation des sensations tactiles dans les
mêmes points. Toutefois, n’ayant jamais rencontré le fait
contraire, c'est-à-dire la suppression du tact avec conser-
valion des sensations douloureuses, M. Beau à laissé sub-
sister encore un certain doute (2), qui a été levé ensuite par
M. Landry (3). Ce dernier observateur a non-seulement
produit des faits de conservation de la douleur avec aboli-
* (1) Recherches cliniques sur l’anesthésie. ARCHIVES GÉNÉRALES DE MÉ-
DECINE, 4° série, t. XVI.
(2) M. Beau, tout en disant qu'il fallait distinguer en physiologie le
sentiment du tact et celui de la douleur (loc. cit., p. 20), croyait encore
que l’anesthésie du tact entraîne nécessairement avec elle l’anesthésie de
douleur dans les points qu’elle occupe (ibid., p. 19).
(3) Recherches physiologiques et pathologiques sur les sensations tac-
liles. ARCHIVES GÉNÉRALES DE MÉDECINE, 4me série, t. XXIX, p. 257, et .
1. XXX, p. 28 (1852).
(611)
tion du tact, mais 1l a même prouvé que les deux sensations
peuvent être altérées à la fois, dans les mêmes points et
d’une manière complétement opposée; c’est-à-dire qu’il a
vu tantôt le tact exagéré et la douleur supprimée, tantôt
la douleur exaltée et le tact aboli. Aussi, devons-nous
conclure avec lui (1) que les sensations douloureuses et les
sensations tactiles sont essentiellement distinctes et indé-
pendantes les unes des autres.
La distinction à été consacrée dans la terminologie de
la manière suivante : le mot anesthésie conserve son sens
générique ; lPabolition de la douleur avec conservation du
tact s'appelle analgésie; et l’abolition du tact avec conser-
vation de la douleur porte le nom d’apséphalésie proposé
par Eigenbrodt.
Cependant le tact ainsi dégagé. comprend encore deux
sensations fondamentales : le sens de contact ou de pres-
sion et le sens de température. Lorsque déjà Ch. Bell avait
constaté que les muscles sont insensibles à la température
et que les variations de cette dernière ne sont senties que
par les organes tactiles, E.-H. Weber eut le mérite de
démontrer que le sens tactile et le sens de température
siégent exclusivement dans la peau et dans les muqueuses
dites tactiles. Pourtant il n’a osé attribuer à chacun de
ces sens ni un appareil spécial ni une sensibilité spéci-
fique. Sans se prononcer explicitement, le physiologiste de
Leipzig a fait entrevoir leur unité virtuelle, surtout dans
une expérience dont l’intérêt, en tout cas, est très-grand
au point de vue d’une théorie générale du sens de tempé-
rature. Deux corps d’un même poids absolu (cela résulte
(HMPoc- cit. t'XXX p.59.
( 612 )
de cette expérience) donnent une impression de pesan-
teur différente lorsqu'ils se trouvent à une température
différente; le corps plus froid semble peser plus que le
corps plus chaud.
La sensation de température ne serait-elle donc, pour
ainsi dire, qu’un effet de la pression moléculaire ? La con-
traction et la dilatation thermiques des tissus seraient-elles
perçues par les nerfs tactiles de la même manière que leur
compression et leur exonération mécaniques? La sensation
de température ne serait-elle, par conséquent, qu’une ac-
tion plus délicate du tact?
I n’y à pas de doute, ce que nous appelons sensation
de chaud et de froid est un effet composé 1° de l’action
directe de la température extérieure sur les nerfs de la
peau, et 2° des modifications que les degrés de tempéra-
ture produisent nécessairement dans le tissu propre de la
peau. L’habitude, selon Schiff (1), nous donne seule la
faculté de sentir les modifications intimes produites par
la chaleur et par le froid, et voilà pourquoi la peau ap-
précie seule les degrés de température. Exceptionnelle-
ment la même habitude, la même expérience, si l’on veut,
pourrait être acquise par d’autres tissus, notamment par
la muqueuse de l'estomac; sens de la température et sens
de contact seraient donc des facultés identiques. Telle est
l'opinion vers laquelle inclinent à peu près tous les physio-
logistes de l’époque, et les pathologistes en sont tellement
convaincus, que, lorsqu'ils ont à rechercher si un point de
la peau est anesthésié ou non, ils se servent tout bonne-
ment d’une éponge ou d’une compresse trempées dans
l’eau chaude.
(1) Lehrbuch der Physiologie des Menschen. Jahr., 1859, £. E, p. 166.
( 615 )
La communication que j'ai l'honneur de présenter à la
classe tend précisément à faire rejeter l’opinion des uns et
la pratique des autres.”
Le physiologiste anglais Darwin avait déjà eru pouvoir
séparer les sensations de chaud et de froid des sensations
de tact et de douleur; il s'était appuyé sur des observa-
tions faites chez des paralytiques anesthésiés et analgésiés,
avec persistance du sentiment de la température. Mais
aucun fait semblable n'ayant plus été observé jusqu’à
l’époque où M. Landry a publié son mémoire, la distinc-
tion proposée par Darwin était tombée dans l'oubli. Le
pathologiste français donna de nouveau des observations
de sensations de température conservées normales avec
altération des sensations tactiles et douloureuses, et de
sensations de température modifiées seulement alors que
les sensations de taet et de douleur étaient complétement
abolies, et il en conclut (1) en principe que les sensations
de température étaient essentiellement différentes et indé-
pendantes des sensations de tact et de douleur,
Un fait restait cependant à observer : la conservation
du tact avec abolition du sens de température (2). C’est
le nôtre.
(1) Mém.cilé, t.XXX, p 40.
(2) Je dois cependant ne pas passer sous silence le cas du médecin géne-
vois Vieusseux, signalé d’abord par son compatriote Marcet et reproduit
par plusieurs auteurs spéciaux , entre autres, par E.-H. Weber (R. Wagner
Handivoerterbuch-.der Physiologie, t. IT, 2we partie, p. 566). Peut-être
est-il du même genre que le nôtre; toutefois, à défaut de la relation ori-
ginale , je n’ai pu m'en assurer. Le médecin Vieusseux avait perdu la sen-
sibilité générale dans tout le côté droit du corps, tandis que le sens du
Lact s’y était conservé. Il pouvait encore tâter le pouls à ses malades et en
apprécier la fréquence et Ia force, quoiqu'il n'y sentit aucune douleur
( 614 )
Une dame, âgée de soixante ans environ, et souffrant
depuis longtemps d’une hypertrophie excentrique du cœur
avec dyspnée, irrégularité du pouls et bronchite incoer-
cible, fut prise tout à coup, mais à la suite d’un refroidis-
sement, de défaillances sans perte complète de connais-
sance et sans déviation de la langue. A la suite de ces
défaillances, toute la moitié droite du corps, y compris la
face et le sommet de la tête, devinrent et restèrent abso-
lument insensibles à la températuré et à la douleur. La
malade conserva la liberté de tous les mouvements, et la
force musculaire, mesurée au dynamomètre, était même
de deux degrés plus élevée au bras analgésié qu’au bras
resté sensible. Elle sentait le moindre contact dans tout
le côté anesthésié, et elle pouvait avec ses doigts retrouver,
les yeux fermés, une épingle tombée à terre. Le plus léger
chatouillement lui était sensible. Lorsqu'elle se lavait les
mains , elle sentait parfaitement les chocs de l’eau qu’elle
déplaçait, mais ne savait nuliement apprécier si elle était
froide ou chaude. À Pair, en hiver, elle n’avait froid qu’à
gauche, et près du feu, elle ne sentait la chaleur que dans
la même moitié du corps. La température propre de la
peau, mesurée au thermomètre, était normale partout; ou
ne différait que d’un degré du membre malade au membre
sain. On pouvait la piquer avec des aiguilles, on pouvait
lorsqu'on le piquait avec des aiguilles ou lorsqu'on le pinçait avec l’ongle.
L'application d’un vésicatoire et un panaris violent , accompagné de fièvre,
ne lui donnèrent qu’un sentiment de chaleur, de tension ou de démen-
geaison L'eau chaude lui parut froide, et l’eau froide lui parut chaude.
Il y avait donc, à proprement parler, perversion du sens de température
et non son abolition comme dans notre observation. Mais de même que
dans cette dernière, le sens de température avait suivi le sort du sens
douleur et non celui du sens contact.
(615)
pineer la peau fortement, sans occasionner la moindre dou-
leur. Il n’y avait aucune déviation de la face, mais toutes
les nuits il se déclarait une névralgie temporale.
En raison de l'intérêt scientifique qu’offrait cette obser-
vation , j'en fis part à mon savant collègue M. Schwann,
qui consentit à constater par lui-même les phénomènes. Il
vérifia que, sous le rapport du sens du contact et de la
sensation de pesanteur, il n’existait dans le membre ma-
lade aucun affaiblissement, comparaison faite à l’état nor-
mal, ni aucune différence avec le membre resté intact. La
main, reposant à plat sur une table et chargée d’un poids
de cinq cents grammes à sa face dorsale, distinguait encore
une surcharge de deux ou trois grammes. Lorsqu'on lui
{it soulever, les yeux fermés, des poids différents liés dans
un mouchoir, on ne constatait absolument aucune diffé-
rence entre le bras sain et le bras analgésié.
Quant à la distinction des points de contact mesurée à
l’aide du compas, selon la méthode de Weber, ou ce que
j’appellerais volontiers la délicatesse du tact, nous consta-
tàmes que cette faculté était considérablement affaiblie à
gauche déjà, mais davantage encore à droite. Au dos de la
main gauche, il fallait une ouverture de trois centimètres
pour que les deux points donnassent des sensations dis-
tinctes, tandis qu’au dos de la main droite, il fallait, à cet
effet, ouvrir le compas presque de toute la largeur de la
main. :
Environ huit jours après la séance que nous avons eue
en commun avec M. Schwann, la sensibilité à la douleur
revint au bras sous la forme d’un fourmillement très-pé-
nible qui s’étendait jusqu’à l'extrémité des doigts. A partir
de ce moment, tout ce que la malade touchait lui parut
chaud. Quand elle n’en était pas instruite autrement, elle
( 616 )
ne savait pas distinguer l’eau glacée de celle qui était à
cinquante degrés de chaleur.
Cet état persista pendant deux mois, au bout desquels
la malade succomba à une nouvelle attaque d’apoplexie
SE cette fois, affectait aussi la langue et les organes de
la déglutition.
Ainsi, dans le cas ob je viens de faire lg relation, le
sens de température, au lieu de se relier aux sensations
tactiles, avait suivi le sort des sensations douloureuses; il
disparaissait et reparaissait, quoique altéré, avec ces der-
nières. Le sens musculaire était resté parfaitement intact,
et le sens du tact n’était amoindri que dans sa faculté loca-
lisatrice. La cause qui avait amené ces troubles siégeait
évidemment et exclusivement dans les organes centraux
du système nerveux.
Tel est le fait qui m'a paru mériter d’être signalé aux
observateurs futurs. Son explication ne peut pas encore
être tentée. Je comprends fort bien les difficultés qui s’op-
posent à ce qu’on admette l'existence de fibres nerveuses
thermométriques spéciales, comme il y a des fibres opti-
ques, acoustiques , olfactives et gustatives. Mais ce que je
ne comprends pas, c’est que l’on déclare avec Vierordt (1)
les sens de pression et de température comme spécifique-
ment distincts lun de l’autre, et qu’on leur refuse en
même temps des organes périphériques et des fibres ner-
veuses distinctes. Il est bien démontré actuellement que
tout l'appareil nerveux destiné à la vision, à savoir : le
nerf optique, le chiasma, les tractus optiques, les corps
quadrijumeaux, etc., ne sont sensibles à la lumière que
(1) Grundriss der Physiologie des Menschen. Frankfurt SIM , 4860,
p. 236.
(617)
dans le seul cas où cet agent se porte sur la rétine, quoi-
que ces organes répondent, sous l’unique forme de sensa-
tion lumineuse, à toute excitation, qu’elle soit mécanique,
chimique , électrique ou organique. La circonstance que,
_ dans notre cas, la faculté localisatrice du tact a été affai-
blie en même temps que les sens de température et de
douleur ne ferait-elle pas supposer une altération des ap-
pareils périphériques coïncidant avec une lésion de la sub-
stance grise de la moelle épinière ?
Note sur l’intégration des équations différentielles de la
dynamique; par M. Ph. Gilbert, professeur à l’univer-
sité de Louvain.
Les équations différentielles de la dynamique ont été
ramenées par M. Hamilton (*) à la forme :
D à do du dpe ) dH
M 0 dé id «© lodt | dq’
He, ON) dB d AUTE
Nue 0 1 Que 0 Ode 0 0 D,”
sous laquelle elles jouissent de propriétés remarquables,
étudiées spécialement par MM. Poisson , Hamilton , Jacobi,
Liouville, Bertrand et Bour. L’une des plus belles, due à
Poisson, consiste en ce que, si l’on possède deux inté-
grales du système (1),
g (Ë is as ce Qns Pas Pas - D) —*
VAUE us > ce ns Pas Pas ce Pn) = 6,
(") Lagrange, Mécan. analytique, 3° édit. t. Le, notes VI et VIT, p. 413.
— Jacobi, Journal de Crelle , 1. LX, p. 66.
( 618 )
et si l’on adopte la notation suivante :
i=n / dy dy de dy
PAT LE TA }
dq; dp; dp; da:
=:
l'équation :
Co UN conste
sera une troisième intégrale du système (1), en général (").
Cette troisième intégrale pouvant, à son tour, en donner
de nouvelles à l’aide de la même combinaison , le théorème
de Poisson permettrait de tirer, de deux intégrales o —,
—$, la solution complète du problème, si malheureu-
sement, dans un grand nombre de cas, la combinaison
(+, ) de Poisson ne se réduisait pas identiquement à zéro,
ou à une constante numérique, ou à une fonction des deux
intégrales ;, », dejà connues (”), auxquels cas l’équa-
tion (#,%) — const., se réduit à une simple identité et ne
fournit pas une intégrale nouvelle.
Toutefois, dans ces cas d'exception, on peut tirer un
parti avantageux des intégrales trouvées pour simplifier le
problème de l'intégration, comme cela ressort des travaux
de MM. Jacobi et Bour ("”), et la liaison intime de toute
cette théorie avec celle de l'intégration des équations aux
dérivées partielles du premier ordre donne une impor-
tance nouvelle à la recherche des propriétés de la fonction
(+, ») de Poisson.
() Mécan. anal., p.425.
("") Voir Mécan. anal., p.424, et un mémoire de M. Bertrand, Journal
de Liouville, t. XVII, p. 396.
(””") Bour, Mémoire sur l'intégration des équations de la mécanique,
(Savants étrangers de l’Institut de France, t. XIV). — Jacobi, Nova me-
thodus equat. diff. partiales primi ordinis integrandi. JourNAL DE CRELLE,
tr EX? p: 1°
( 619 )
Je me propose d'étudier iei ces propriétés et d'établir
directement une classification remarquable des intégrales _
du système (1) au point de vue de la combinaison de Pois-
son. Partant de là, et de quelques autres propriétés faciles
à établir de la fonction (;, »), j'indique brièvement com-
ment on arrive, par une voie nouvelle et plus rapide, aux
résultats bien connus, qui font de cette théorie une des
plus avancées du calcul intégral.
Je m’appuierai sur le théorème suivant de - soient
p, Ÿ, x trois fonctions quelconques de t, qi,...n, Pa, +. Pn;
si l’on forme les combinaisons :
(+; v); (x ?); (4; X)»
on aura identiquement :
Le (», x) RE [y (%: e)] + [X > (e: ME0
Cette équation se vérifie par de simples différentiations.
J'appelle toujours intégrales du système (1) les inté-
grales de la forme :
AS ia ce. dus DisiDes se Da) — Const.
ce sont celles-là seulement dont les propriétés sont à exa-
miner 1Ci.
$ 1.
On sait que dans toute intégrale :
PUR das = Jo Dis Das - Dale GcOnsts,
du système (1), la fonction + vérifie l’équation aux diffé-
rences partielles :
de “are de dH ii)
£ — 0,
— + — — —
dt i—1
dy; dp. dp; dq:
(62% )
ou, CE qui revient au même :
et réciproquement, dès qu’une fonction # des variables #,
p, q, Satisfait à cette équation, il suffit de l’égaler à une
constante arbitraire pour avoir une intégrale du problème.
Soient :
(2) ee OS Ci LOT NON AG EIOE Pan — ons
les 2n intégrales qui composent la solution complète du
système (1), +, désignant généralement une fonction de #,
us Go ee + Gus Pas Pa + ++ Ps Et &, une Constante arbitraire.
Toute autre intégrale de même forme :
m(l, dis Pi) Te
doit rentrer dans les précédentes, c’est-à-dire que s devra
se réduire à une fonction déterminée de 91, ge,...9an, SANS
quois —7serait une 2n + 1°*° intégrale distincte; mais elle
peut en être une fonction tout à fait arbitraire, sans cesser
de satisfaire aux équations (1), ou, ce qui est la même
chose, à l'équation :
do
Vr + (H, ©) — 0:
Ainsi, toute intégrale du problème est nécessairement com-
prise dans le type :
D(grs pass. fan) En 40)
et réciproquement, quelle que soût la fonction désignée par
s dans celte équation, elle représente une intégrale du sys-
tème (1).
( 621 )
Ces principes rappelés, formons la fonction (:1, 5) de
Poisson.
Nous avons :
— — — —
(#1 5) Se dq; dp, dp, da;
i—1
i=n _ Un td _
ou bien, en considérant s comme fonction immédiate de
Pis 29 - -« Pan) Et reMarquant que (#1, 1) — 0, NOUS aurons :
do do da
(5) (ou m)—= (qu pe) — + (ou ps) — +... + (qu gon) =
ya dos d'éon
Mais, d’après le théorème de Poisson, (41, +2) doit se ré-
duire identiquement à une certaine fonction de +, #2, ... san,
puisque l’équation :
LA
(ou ga) — Const.
serait une intégrale du système (1); il en est de même de
(41, 95), -.. (41, 5m) (). Posons donc en général :
(eu 8) =, (us 92 ee 4m);
d’où :
dl d
(ir SES EN Es + + fon —
do dos
telle est l'expression de (1,7) au moyen des dérivées par-
elles de la fonctions par rapport aux intégrales primi-
tives (2).
_ Cela posé, pour que la fonction (1, sw) se réduise iden-
(") Ces fonctions pourraient d’ailleurs se réduire à zéro, ou à une con-
stante donnée, sans que cela changeât nos conclusions.
2e SÉRIE, TOME XVII. 42
( 622 )
tiquement à zéro, il faut et il suffit que 5 (en fonction de »,)
salisfasse à l’équation aux dérivées partielles :
de
(4) pe re + ee + fon “is = ii);
Fan
et l’on sait par la théorie de ces équations que si l’on in-
tègre le système d'équations différentielles ordinaires :
#, y étant considéré comme une constante, et si l’on dé-
signe par :
mi(g Po Lan ) 5 Do( ei P29 Lan) = 0,
. CAE (UE Pay . ml Van —29
les 2n—2 intégrales de ce système, résolues par rapport
aux constantes arbitraires %1, 72, ... Yan, les fonctions 51,
Gi, ... Gm_+ Seront autant d’'intégrales de l'équation (4),
c’est-à-dire autant de fonctions s de p,, q;, propres à véri-
fier la condition
(go 5) —= 0.
Ces 2n—2 équations sont d’ailleurs, d’après la remarque
faite plus haut, autant d’intégrales du système (1).
Si, au contraire, on assujettit l'intégrale + — const. à
satisfaire identiquement à la condition :
(s1» ) = 1,
ou bien :
ds da ds
à) mr ct 8 Kane . n 1 ,
(623 )
il faudra, comme on sait, née le système d'équations
différentrelles
et toute intégrale de la forme :
F (ou 935 : « . qans ©) —= CONSi:
de ce système fournira une valeur de s en #2, ss... 4m...
propre à satisfaire à l’équauon aux dérivées partielles (5).
Mais on voit de suite que les 2n—9, premières équations de
ce système, sont les mêmes que tantôt, et ne renferment
pas la variable dépendante 5; elles admettront done les
mêmes intégrales, et ne fourniront aucune valeur de 5.
La dernière équation seule, renfermant de, donnera par
quadrature une fonction s des variables &, #3, £m, propre
à vérifier l’équation (5). En sorte que la solution complète
de ces 2n—1 équations serait formée des intégrales sui-
vantes :
Di—=Mo D9— Vase. Do Va oe D — Doy_ 1 (CE Pa9oee Pon )»
et, d’après ce qui précède, l’équation :
D9n—1 CE Pay Can ) — CONSÉ — Vo ;
donnera une nouvelle intégrale du système (1), bien dis-
tincte des précédentes, puisque la fonction 5:,_, vérifie la
condition :
(0 Ce) Fm 4.
Observons actuellement que si l’on substitue à #1, 4, .
e2, leurs valeurs en fonctions de #, p:, q:, dans les fonc-
tions mi, 9, - . . Fu qui se trouveront alors transfor-
f
( 624 )
mées en fonctions de t{, p;, qi, on obtiendra 2n intégrales
du système (1), essentiellement distinctes les unes des au-
tres, SAVOIr :
PM mi an Co Joie miheuners Don —2 — Von—2s Don—1— Von 42
qui en formeront par conséquent la solution complète.
L’une de ces intégrales satisfera identiquement à la rela-
tion :
(ais Sani) = 1;
toutes les autres à la relation :
(ga: 5) = 0.
Or, rien n’empêche de supposer que ces 2n intégrales soient
précisément celles que nous avons considérées d’abord,
les équations (2), et nous avons ainsi le théorème suivant :
THÉORÈME [. — Étant donnée une intégrale quelconque :
ai (ls Qi Di) = &;
du système d'équations (1), il est toujours possible de
compléter la solution du problème au moyen de 2n—1
autres intégrales :
M TN le MORE EE 5
jouissant d’ailleurs de la propriété de satisfaire aux équa-
tions :
(1 PR (sas 95) =0, (ga5 pa) 0, ..: (pipe )—0:
indépendamment de toute relation entre t, p;, q:.
Nous appellerons avec M. Bertrand intégrales conjugées,
deux intégrales entre lesquelles existe la relation :
(gs p) = À, et par suite (4, )—=—1.
RSR NU
.
( 625 )
Toutes les intégrales du problème seront d’ailleurs,
comme on l’a vu, comprises dans. la formule :
D (CIE Pa » C'ACL Gon) — consl.,
d désignant une fonction arbitraire.
Corollaire. — Avec la signification que nous attribuons
maintenant aux intégrales (2), l'équation (3) se réduit à
cette relation remarquable :
ds
(ga 5) CUT
D'où il suit que, pour qu’une intégrale quelconques — cons.,
satisfasse à la condition :
.
(1:35) —0;
: RD : à : :
on doit avoir — 0, c'est-à-dire que la fonction 5, ex-
ans fa ne
primée au moyen des intégrales 91, #,... +», ne doit pas
renfermer la fonction #. Done, l'équation :
c(y; Ds Pro oo Pan) — Const.
s étant arbitraire, est le type général de toutes les inté-
grales du problème qui vérifient la condition :
” (95 5) = 0.
De même, la condition (41,5) — À entraine l'équation :
da
—_— 1,
do
dont l'intégrale générale est visiblement :
D — po + De P3s Pas ve gan) 5
y désignant une fonction arbitraire. Ainsi, lorsqu'on à trouvé
( 626 )
une intégrale conjuguée de l'intégrale = «, on obtient
toutes les autres en lui ajoutant une fonction arbitraire
des intégrales 1, #5, #e, ... pa, qui complètent la solution
et vérifient l’équation : :
(#5 ?,) = 0:
Les intégrales (2), outre les conditions qui constituent ;
le théorème [°", peuvent être supposées satisfaire encore à
celles-ci :
(92) 5) —0; ( ge, pa) = 0, ....($e, gen) —0:
Pour le démontrer, rappelons que toute intégrale du pro-
blème de la forme :
mis vs: was: A Pa CONSt.,
vérifie la condition (1, 5) — 0, et qu'il n’y en a point
d'autre. Cherchons donc, parmi ces intégrales s, celles qui
satisferaient aussi à l’équation aux dérivées partielles :
(ge: 5) —0;
ou, d’après la formule (3), à l'équation :
le He ”
6 Jen) 2 fe JTE RE RES
(6) (9 AE Ar + (go pa) (9
On ; d’abord :
( 9e» gi) = — À.
D'autre part, comme s ne peut renfermer #, l’équation
précédente n’est possible que si les coefficients (9, #5),
(ge, pm) Sont fonctions de 4, #5, #:,.... #2, Seulement. Mais
cette condition est satisfaite, car soit », l’une des fonetions
à à :
(627)
#3, a, .. pa: ON à généralement :
[os (2 e)] > [ ga (#1 ga)] a Le, » CE ge) | = 0
identiquement. Et comme (4, #), (#,m), se rédui-
sent identiquement à l’unité et à zéro, cette relation se ré-
duit à :
EE (+2; 9,)] 05
or, d'après ce qui a été établi plus haut, cela prouve que
(#2, +, ) ne peut dépendre de #2, et est simplement une
fonction de #1, 3; #4, ... ton. Désignons par f, cette fonc-
tion ; on pourra done intégrer l'équation (6), qui devient :
| do ; do f do ‘f de
—= fi Lt... fm —0.
do door
L'intégration de cette équation du premier ordre se ramène
à celle du système :
——— = —— mm ——
ce système admet 2n—-2 intégrales de la forme :
(gas Ps> Pas ce Pan) — CONSt.,
et dans chacune d’elles la fonction s est propre à satisfaire
identiquement à l'équation (6). Ces 2n—2 équations for-
meront donc 2n— intégrales du problème, bien distinctes
les unes des autres, et qui en outre, après la substitution
des valeurs de #1,?:,... en fonction dei, D, q,, satisferont
aux équations :
(gs ) — 0; ( 92» m)— 0.
D'après cela, rien ne nous empêche de supposer que les
( 628 )
2n—2 intégrales :— 4%, 4 —=4,, ... fa—va, Au système (2),
soient précisément ces 2n—2 intégrales que nous venons
de trouver. La solution complète du problème sera donc
formée des 2n intégrales (2) :
Pi Lo Pa Ags « e + Pan — Xon
dans lesquelles les fonctions ; satisfont d’ailleurs aux re-
lations suivantes :
(an) (r,)=0, (9 )=0.
— En attribuant aux intégrales (2) cette signification , l’ex-
pression de (+, 5) se réduit à :
do
(9 B)—=——;
de,
donc, en général, pour qu’une intégrale 5 — const., du
problème satisfasse à la condition (+, 5) = 0, il faut que
5 ne renferme pas #,; et par conséquent, l’équation :
D (ss Pas + + « Fan) — CONSÉ.,
contient toutes les intégrales du système (1) qui vérifient
en outre les conditions :
(m5)—=0, (&,5)—0,
s étant d’ailleurs une fonction quelconque de #5, #:, - : : ga.
Considérons maintenant l'expression (s, 5), dans laquelle
nous supposons s indépendant de 4, # En‘raisonnant
comme dans le premier cas, on à : |
da da ds
(95: mile, = an CE o5) — ae OM ON TUT (#3 Pan reel
dei des deu
( 629 )
On démontre sans peine, comme ci-dessus, que les coef-
ficients (#5; #:); (#5, #5), . .. ne peuvent dépendre ni de
#1, ni de 2; 1l est donc possible de déterminer une fonc-
Uon de ÿ5 #4 + : + #,, qui Satisfasse à l’équation :
fes.) ==10.
L’équation aux dérivées partielles se ramène au sys-
tème : |
de, je des JA fe LEA
(5: 4) (93 gs) (g5 4on)
lequel admet 2n—4 intégrales distinctes, de la forme :
D (cs) Ps .… e Con) — const.
qui seront évidemment, d’après ce qu’on à vu, des inté-
grales du système (1), et dans lesquelles la fonction + vé-
rifiera maintenant les trois conditions : _
(45 DO Co) NO} (és 0) 10;
quels que soient {, pi, qi.
Au contraire, en posant :
(ss, 5) = 1,
on aurait trouvé pour 5 une fonction des mêmes quantités
ÿ5 is +. Fans propre à satisfaire à cette équation : en
V’égalant à une constante, on aura donc une nouvelle inté-
orale du problème, qui remplira encore les conditions :
(n:5)=0, (p»5)=0,
mais dont la combinaison avec +; donnera :
( 630
Ce sera une intégrale conjuguée de z;, et en la joignant aux
On—4 trouvées ci-dessus, puis remplaçant dans ces 2n—3
intégrales du problème #5, #:, - -. #,, par leurs valeurs en
Pi, Qi, t, nous obtiendrons 2n—3 intégrales du système (1),
bien distinctes les unes des autres, et formant avec les
trois premières :
CAN EM ON OR TRE
la solution complète de ce système (1). Rien n'empêche
donc de supposer que, dans le système (2), les intégrales
Pa = Us 5 Ass ce. Pan — x SOÏCNT précisément ces 2n—5
intégrales, et d'admettre, par conséquent, que les 2n inté-
grales, #1 #2; « : », Qui forment la solution complète, vé-
- rifient les conditions suivantes :
(qu pe) 1, (os, ps) 0, (vis pa) 0, + à. à. (£15 Pan) = 0;
(gp; F5) = 0; (22 v)==0, te Loeb e Peieine (pa Pan) =0;
(23 2) = 1, (95 95) 0, (95 ?an) = 0:
On démontrerait ensuite, par une marche analogue, que
l’on peut encore choisir les fonctions +, #6, ... 9m, de Ma-
nière à satisfaire aux relations :
(ga: vs) = D; (9 26) =) 000 (070 Ean ) NO:
Les mtégrales (2) étant supposées remplir toutes les con-
ditions précédentes, on considérera actuellement l’expres-
SION :
Ces» 5),
s désignant une fonction de #, #6, ... #» Seulement, qui,
par conséquent, .égalée à une constante, donnerait une in-
tégrale du problème, vérifiant d’ailleurs les conditions : :
(p55)=0, (p5)=0, (#,5)=0, (45) =0.
( 681 )
Puis on démontrera, en raisonnant comme ci-dessus, que le
système (1) admet 2n—6 intégrales de la forme 5 — const.,
où-la fonction s satisfait à identité :
(#5; 5) — 0,
et une intégrale où la fonction 5 donne (#, 5) — 1; et
continuant ainsi, il est clair que l’on établira ce théorème
général :
THÉORÈME IL. — Étant donnée une intégrale quelconque :
CRUE Qi 2e Qn> Pi > D) &
du système d'équations différentielles (1), il est toujours
possible de former la solution complète du problème au
moyen de 2n intégrales :
DU Ps = vo. EDEN Dole ee |
P2 — A), Pr —= Lg Ste site Ÿ?9n — Ton »
qui soient telles, que les fonctions #1, #2, ... on vérifient
identiquement les équations suivantes :
(par 1» gi) — 0, (us 27) — 0, (ps par) x 0h
(por_1 par ) — À
k, k’ étant l’un des nombres 1, 2, ... n. Les 2n intégrales
seront ainsi conjuguées deux à deux. Elles forment ec
que l’on peut appeler un système canonique.
Cette proposition renferme les théorèmes auxquels.
M. Bour (‘) et Jacobi (”) sont parvenus, comme consé-
quences de leur méthode d'intégration.
(‘) Mémoire cité, t. XIV des Mémoires des savants étrangers, p. 800.
("*) Journal de Crelle, t. LX;p. 58,
( 632 )
Remarquons en effet que le système (1) admet une inté-
grale à vue :
H — const.,
qui n’est autre que l'intégrale des forces vives et qui ne
renferme pas le temps explicitement. On peut la choisir
pour l'intégrale #1 = «, et comme, en vertu de l'équation :
ne le 0) 10
toute intégrale du problème qui vérifie identiquement la
condition : (H,+)— 0, satisfait à celle-ci :
on voit que les 2n—2 intégrales #5 = «5, #: —%,...qui,
jointes à l’intégrale H — «, et à sa conjuguée, complètent
la solution, ne renfermeront pas le temps explicitement.
Quant à la conjuguée ;: — «, de l’intégrale des forces
vives, l'équation :
(H, pa) —= À ,
entraine celle-ci :
da
dt
d’où :
Por l + Age Q2s fn Pi» P2» SDS
la fonction f ne renfermant plus le temps explicitement,
et vérifiant d’ailleurs la condition (H, f) — 1. La conju-
- guée de l’intégrale des forces vives sera donc de la forme :
. f(Qi D) =t+
ass
( 633 )
Ces remarques suffisent pour établir le théorème de Jacobi,
ainsi que le théorème pris par M. Bour comme base de son
travail sur le sujet qui nous occupe ().
& 2.
La fonction de Poisson jouit de deux propriétés qui per-
mettent d'utiliser d’une manière remarquable les intégrales
déjà connues, pour avancer la solution du problème.
Soient +, ?, deux fonctions quelconques des variables
Qi Q2s + ny Pis Pas». Ps EN SOrte que l’on puisse en for-
mer la combinaison (+, +’). Supposons d’ailleurs connues
m intégrales du système (1), savoir :
et de ces » équations, tirons les valeurs de m quelconques
d’entre les variables p;, en fonction des autres, des va-
riables q, , 4, .. Q,, et des constantes arbitraires +, ,«,,, ...;
puis portons ces valeurs dans nos fonctions + et £”, qui
renfermeront alors # variables p de moins qu'auparavant.
Nous désignerons par £, +’, les fonctions + et +’ ainsi trans-
formées, et formant la fonction :
Dh se)
FAR da; dp; dp; dp; ÿ
—4
elle aura 2m termes de moins que (+, #’). Cherchons la
relation entre (+, #’) et (+, +’).
*(*) Mémoire cité, p. 795. — Ce théorème est signalé comme renfermé
dans le travail de M. Bertrand (note VII de la Méc. anal. de Lagrange),
mais il m'a été impossible de l'y découvrir, et c’est en en cherchant la dé-
monstration que je suis arrivé aux résultats qui précèdent.
( 634 )
Or, si dans les fonctions ?, $, on remplaçait les con-
stantes &,,4,,, ..… par les fonctions AIS qui leur
sont égales en vertu des intégrales trouvées, on introdui-
rait de nouveau les variables p éliminées et l’on reprodui-
rail identiquement les fonctions primitives » et +’. D'où 1l
suit que l’on a évidemment :
et ainsi de suite. En substituant ces valeurs dans l’expres-
. ”
sion de (+,%), et observant que (+.,, +, ) — 0, on aura
sans peine :
m M ñ de : de ;
MN) (eee AR en UE de (PES
x 1
de de
mine (ter) ai (#:#,9)
de de de dé
h = Free
a, da. de, de,
| (?, 9? DRE
équation que l’on écrira plus simplement en désignant par
È une somme de termes semblables qui s'étend à toutes
{
d’où substituant :
( 655 )
les valeurs de >, et par > , une somme de termes qui
s'étend à toutes les combinaisons deux à deux de à, 2", ....
Il vient alors :
| - É der de ) ( )
1 À, 1’ da, dan © da., da, Fa Da
— Supposons en outre, au lieu que la fonction ? soit quel-
conque, que l’équation + = « et par suite $ — +, soit une
m + 1° intégrale du problème; et qu’au moyen de cette
intégrale on élimine une variable p de plus dans la fonc-
tion formant ainsi la fonction + ‘. On aura visiblement
m+-1 m m1! m4 1 UD
dé. dé dé dé dé dy dé de.
dg, dy de dy” dpi dp, ds dp
+
an m1 mi ,m-1
\ El
mn mA ) =" | d dy do € £" |
P? g pars i= 1 dg: dp; 3 dp: da:
n+-1 s
m M d D m M
mn de 1 Po PJ»
et comme ce dernier terme est nul :
(8)
_ Il résulte des relations (7) et (8) cette conséquence no-
table que si les intégrales +, = x, , ?,,—4,,,.... salis-
font aux conditions :
m mHi nm m
psp )—=(r» #)
(asser) = 0, (#29, )=0, (4: too: CUBE
( 636 )
on aura simplement :
PP )— (#5)
Il nous reste à montrer brièvement comment ce$ pro-
priétés de Ix fonction (+, +"), jointes aux théorèmes établis
dans le 1° paragraphe, conduisent immédiatement aux
belles propriétés connues que présente l'intégration du
système (1) ().
I. — Supposons, comme première application, que l’on
ait obtenu la moitié des intégrales formant un système
canonique :
Pa Lio 3 — go crue Pan—1 — Xon—19
satisfaisant toutes à la relation (re Pr) = qu’il
s'agisse de trouver les n intégrales qui complètent la so-
lution du problème, et qui sont respectivement conjuguées
aux précédentes :
?a = da 9 Pr —= Ego ÿ 4 0 0.0 ?9n — Ane
Una pourk = 12 5170/ne:
( Par 1, par) = 1,
et au moyen des n — 1 intégrales déjà trouvées (en lais-
sant de CÔtÉ 9%_1 — %»_1), On éliminera les variables p,
sauf l’une d'elles p,, des fonctions +%_1, 923 et l'équation
(7) donnera :
n—1 n—1
CARMEN EN
(‘) En particulier, on en déduit immédiatement les diverses équations
obtenues par M Bour, dans le mémoire cité plus haut.
( 637 )
Puis, tirant p, de la n*" intégrale Pa — %x1, EL SUPPpO-
sant sa valeur substituée dans Po l'équation (8) donnera :
équation qui se réduit visiblement à :
Dci ñn
Pait Par Eee
2 ne ne —
. 7 . . . ; n—1
Mais l’équation qui fournit p, étant 9, — #21, ON à
évidemment :
n—1
den î dp,
se à
dp + day
d’où l’équation précédente se réduit à :
den dp,
(9) an Mia
ga Xp
Cette équation s'applique à chacune des fonctions #,
Ps «.. Fan, leSquelles sont censées maintenant ne plus ren-
fermer que les variables qi, q2, ...qn; et comme 1 — 1,
2,3, ...n;quelesp, sont connus ainsi que leurs dérivées
partielles en «,4:,...., l'équation (9) fera connaître les
dérivées partielles de #:, #:,... en qi, qe, ... qu I suit de
là que si l’intégrale +, = «, est celle des forces vives, on a :
toutes les intégrales #:, #:, .... #, Sont indépendantes du
temps , # est de la forme — t + f(p:, qi), et la solution
9m SÉRIE, TOME XVII. 43
( 638 )
est ramenée à des quadratures, puisque l’on a par l’équa-
tion (9) :
k = 2,5,...n. Pour k — 1, il faut ajouter — # au second
membre. Nous retrouvons ainsi le théorème connu de
Jacobi. |
IT. — Lorsque l’on ne connaît pas n intégrales faisant
partie du système canonique dont H = «, est la première
intégrale, on ne peut plus compléter la solution par qua-
dratures, mais il est remarquable que chaque intégrale
connue fait disparaître deux termes de l’équation aux dé-
rivées partielles qui détermine les intégrales complémen-
taires.
Admettons, par exemple, que l’on connaisse k inté-
grales :
a = H — js Pr Asp eos Por —= Log 40
remplissant toutes la condition (+,, #,, ) — 0; concevons
qu’à l’aide de ces k intégrales connues, on élimme p,,
Puis see Paru d'une fonction inconnue +? qui vérifie
l'équation (H, ;) — 0; éliminons aussi ces variables, sauf
l’une d’elles p, , de H, et formons la fonction (H, +). D’après
les équations (7) et (8), si # désigne l’une des fonctions
Parts P2kZ9 ve Von on aura :
k—1 k
(H,?)—0:
Mais cetté équation se réduit à :
MH de dfd
dp, dq, t—=1
( 659 )
ou bien, comme la variable p, s'exprime au moyen de
k—1
l'équation H—:, en fonction de qi, 2, .. Qu, Pi, Pa, +. Pn-u,
&—1
LASER nee dH |
cette équation divisée par — un devient :
| À.
A
10 mn Hi
49) da; dp; dp; dag:
dé rs jap, dé dp, d? | Lt
dq, i—1
Cette équation, évidemment, renferme deux dérivées par-
tielles de moins de la fonction », pour chaque unité dont
le nombre k des intégrales connues augmente. Elle est sa-
tisfaite en prenant pour + chacune des intégrales :
Porta = Logppas cou Pan 1 = Ton 13
Papa — Lgp+9s co Pan = ons
du système canonique; et ces (2n — 2k) fonctions en for-
ment l'intégrale complète; et comme À y désigne l’un quel-
conque des nombres n, n — 1, ... n —k+1, elle repré-
sente en réalité k équations distinctes aux dérivées partielles
qui admettent ces 2n — 2k intégrales communes. Ce sys-
tème (10) jouit de belles propriétés, connues par les tra-
vaux de MM. Bour et Jacobigon sait que toute fonction
D(Qus Q2s +. Qu Pis Das +. Pn-r) Qui satisfait aux k équa-
tions (10) fournit une intégrale — const., du système (1),
et que si elle vérifie seulement l’une d’elles, par exemple :
dé es ( dé _ dpi à | ol
ag 4 (du an dn dG
les résultats de sa substitution dans les premiers membres
de chacune des autres seront de nouvelles intégrales de
la première, etc., etc...
( 640 )
IE. — Lorsque les intégrales trouvées, appartenant au
système canonique qui à pour première intégrale H = «,
sont conjuguées deux à deux, il n’est plus possible évi-
demment d’en tirer le même parti pour l’abaissement de
l'équation (H, +) — o; toutefois, elles jouissent d’une
propriété remarquable, que l’on pourra utiliser pour chan-
ger les variables indépendantes de cette équation.
Soient :
Pa Us Pa Ugo core Pr = Ayo
D NE lie nse E 7
9k intégrales des équations (1), conjuguées deux à deux
et faisant partie du système canonique de H, de sorte que
Von à :
(H,p)=0, (H,h)=o0, (9, di) —=1.
Soit d’ailleurs + — const., une autre intégrale du même
système, et concevons qu’au moyen des 24 intégrales ci-
dessus, l’on élimine Pa Pn_a5 2e Pair €t que l’on forme
la fonction (H, +). L’équation (7) se réduira 1e à :
: 2k “| di di Le |:
CE EN dd, , dq,
D—1
(H, +) étant nul (si + — const. n’est pas la conjuguée de
H — x). Et comme p,, p,_,, ... p,_;2,4, manquent dans
2k 2%
H, :
#, l'équation se réduit à :
dg; dps dp: dqi)
2% 2% 2k 2% 2k 2%
Me de dH do + | di de dH n)=
db, da, da, db
(1)> :.,
—1
Cette équation renferme encore 2n — 2k dérivées de la
( 641 )
fonction inconnue »; elle n’est donc pas d’un ordre moin-
dre que si l’on avait employé seulement les # intégrales :
Pa Us Pa — os ce Pa Ur)
et éliminé simplement p,, p,_, ... Py_yy1s MAIS On à
changé de variables indépendantes; les à,, b,, jouent le
même rôle que les p;, qg:, précédemment, et, ce qui est
remarquable, c’est que l'équation aux dérivées partielles
a gardé la forme canonique qui jouit de propriétés si re-
marquables, le théorème de Poisson s’y applique, etc., etc.
Si, par exemple, on suppose que n étant pair, k soit égal
, À au n re k : ë
à ;, Het ; seront entièrement débarrassés des variables
Pa; l'équation (11) se réduira à :
À 1 dH d> dE de |
db, da, da, db,
et la fonction », qui ne renferme plus pi, pe, ... p,, sera
déterminée en fonction de &,, b,, par une équation aux
dérivées partielles à n termes.
Recherches sur les benzines, nitrobenzines et anilines des-
tinées à la fabrication des couleurs; par M. Constantin
Krouber, de Saint-Pétersbourg, étudiant à l’université
de Gand.
En m'occupant, dans le laboratoire de chimie appliquée
de l’université de Gand, de la préparation de quelques
couleurs d’aniline, Je suis arrivé à constater, ce qui était
déjà connu du reste, que les anilines du commerce diffè-
( 642 )
rent notablement entre elles et qu’en suivant les mêmes
procédés de virage, tel échantillon donne un rendement
considérable et tel autre ne fournit que des quantités mi-
nimes de couleur.
Pour me rendre compte des différences qui existent dans
la valeur de ces produits, j'ai entrepris, sous la direction
bienveillante de M. le professeur Donny, quelques re-
cherches sur les propriétés des diverses anilines que peu-
vent fournir les huiles légères de goudron de houille.
A cet effet, je me suis procuré de l’huile légère de gou-
dron purifiée par l'acide sulfurique et le carbonate de
soude , par des lavages à l’eau et des distillations répétées.
Ce produit est connu dans le commerce sous le nom de
naphie ou de benzine rectifiée : il est formé par un mé-
lange d’un grand nombre d'hydrocarbures liquides, tels
que la benzine, le toluène, le xylène, le cumène : c’est à
l’aide de ce produit que j'ai effectué toutes mes recherches
que je vais décrire sommairement.
Je me suis occupé d’abord à séparer par des disullations
fractionnées les hydrocarbures ayant des points d’ébulli-
ion différents. J’ai opéré le fractionnement de cinq en
cinq degrés, et J'ai aussi déterminé très-soigneusement les
densités des produits obtenus.
Je me suis également procuré un échantillon de benzine
réelle ou cristallisable à + 4°, mais extraite du goudron,
en soumettant à des cristallisations successives le produit
solide que l’on obtient en refroidissant l’hydrocarbure qui
bout entre 80 et 85°.
Ayant ainsi à ma disposition onze espèces d’hydrocar-
bures différents, je les ai transformés en produits nitrés
connus dans le commerce sous le nom de mirbane ou même
de nitrobenzine. J'ai suivi pour cela le procédé ordinaire ,
e ( 643 )
qui consiste à verser goutte à goutte la benzine ou l’hy-
drocarbure dans l'acide nitrique monohydraté, préalable-
ment chauffé et contenu dans une cornue de verre munie
d’un récipient bien refroidi, afin de condenser les produits
liquides entraînés pendant la réaction, qui est toujours très-
vive. J’ai remarqué que cette réaction s'opère plus tôt et
qu’elle est plus violente encore pour les benzines dont le
point d’ébullition est bas que pour celles qui commencent
à bouillir à des degrés élevés. La réaction étant terminée,
on lave le produit d’abord à l’eau pure, puis à l’eau char-
gée de carbonate de potasse, et enfin une seconde fois à
l’eau pure. Il suffit ensuite de le distiller une ou deux fois;
mais il faut avoir soin de rejeter les premières portions qui
passent , tant qu'elles sont plus légères que l’eau ; car-elles
renferment alors un peu d’hydrocarbure ou de benzine
non attaquée.
Les propriétés de ces nitrobenzines obtenues varient
considérablement, non-seulement sous le rapport de leur
densité et de leur point d’ébullition, mais encore sous celui
de leur couleur et de l’odeur qu’elles répandent : elles sont
d'autant plus pâles qu’elles sont préparées avec des hydro-
carbures plus volatils, en sorte que le dernier échantillon
qui figure sur le Tableau À est d’une couleur rougeitre.
L’odeur de ces mirbanes est d’autant moins agréable qu’elles
ont été faites avec des hydrocarbures moins volatils, à tel
point que celles qui figurent vers la fin du tableau ont une
odeur repoussante.
Ayant ainsi obtenu onze échantillons de mirbane, je les
ai transformés en bases artificielles (aniline du commerce),
en faisant réagir sur eux de l’acide acétique et de la tour-
nure de fer, d’après le procédé indiqué par M. Béchamp.
Les rendements n’ont pas été les mêmes; ils ont varié
( 644 )
dans le rapport de 59 à 74. Les mirbanes semblent four-
nir d'autant plus d’aniline que leur point d’ébullition est
plus élevé. La densité de ces diverses espèces d’anilines
varie également : les hydrocarbures les plus volatils don-
nent les anilines les plus lourdes. Enfin ces anilines n'ont
pas le même point d’ébullition : ce sont les anilines les
plus lourdes qui ont le point d’ébullition le plus bas.
J'avais donc à ma disposition onze espèces d’anilines
différentes; je m’en suis servi pour préparer des rouges
d’aniline par le procédé de M. Gérard. A cet effet, j’en ai
chauffé des quantités égales avec une même dose d’acide
arsénique. Les onze espèces d’anilines m’ont donné onze
échantillons de fuchsine brute qui, à la vue, ne différaient
pas notablement entre elles, mais dont le pouvoir tincto-
rial était loin d’être le même, car il variait dans le rap-
port de 5 à 270.
J’ai poussé ensuite plus loin mes investigations. En
mélangeant de différentes manières les onze espèces d’ani-
lines, je me suis procuré dix nouveaux échantillons de ce
produit plus complexes que les précédents, attendu qu'ils
étaient tous formés par la réunion de deux ou de plu-
sieurs anilines différentes.
J’ai transformé ces dix nouveaux échantillons en fuch-
sine, opérant pour cela exactement comme je l’avais fait
pour les onze échantillons déjà décrits.
Tous ces échantillons m'ont de nouveau donné de la
matière colorante en quantité variable. Le mélange le
moins heureux à fourni une couleur dont la richesse est
exprimée par 160 et le meilleur par 370. Par conséquent
il y a plus d'avantages à opérer sur des mélanges que sur
des produits isolés.
J'ai résumé toutes mes recherches dans les tableaux
qui suivent :
( 645 )
Le Tableau À indique les points d’ébullition des onze
espèces de benzines employées; leur densité; ensuite les
poids spécifiques et les principaux points d’ébullition (1)
des mirbanes et des anilinès fournies par ces benzines; la
quantité d’aniline que donnent 100 parties de ces mir-
banes, et enfin la richesse ou le pouvoir tinctorial de la
fuchsine brute obtenue au moyen de ces diverses espèces
d’anilimes, en prenant 1000 pour exprimer la pureté par-
faite, c’est-à-dire la fuchsine cristallisée.
Le Tableau B indique la nature et la composition de
quelques mélanges d’aniline , ainsi que le rendement de
ces mélanges en matière tinctoriale. Les mélanges étaient
faits par parties égales de deux ou de plusieurs anilines,
en ce sens que là où il est mdiqué « de 80 à 90° » cela
veut dire que le mélange renferme une partie d’aniline faite
avec de la benzine bouillant entre 80 et 85° et une partie
d’aniline faite avec de la benzine bouillant de 85 à 90°.
Le plus compliqué de tous ces mélanges est celui qui est
marqué 80 à 130°; il renferme, par parties égalés, dix
espèces d’anilines faites avec les hydrocarbures n° 2, 3,
4 jusqu’à 11.
Le Tableau C forme le développement de la quatrième
colonne du Tableau À : il indique les températures du
commencement et de la fin de la distillation de chaque
nitrobenzine, en tenant compte du rendement pour cent
de cinq en cinq degrés. Ainsi la mirbane n° 6, provenant
(1) Dans ce tableau, comme dans tous ceux qui vont suivre, les points
d’ébullition des benzines, nitrobenzines et anilines sont exprimés par des
intervalles de température de cinq en cinq degrés. J’ai été obligé de le faire
ainsi, puisque pour tous ces produits le point d’ébullition varie constam-
ment. Il s'élève à mesure que la distillation avance.
LE 2
( 646 )
d’une benzine bouillant entre cent degrés -et cent cmq
degrés, donne à la distillation : entre deux cent cinq degrés
et deux cent dix degrés, trois parties; entre deux cent dix
degrés et deux cent quinze degrés, quatre parties ; entre
deux cent quinze degrés et deux cent vingt degrés, vingt-
huit parties; entre deux cent vingt degrés et deux cent
vingt-cinq degrés, quarante-trois parties ; ainsi de suite,
en tout cent parties jusqu’à deux cent quarante degrés.
Le Tableau D forme, pour les anilines, le développe-
ment de la septième colonne du Tableau À, comme le
Tableau C forme, pour les mirbanes, le complément de la
quatrième colonne du même Tableau À.
Il résulte de ces différents tableaux que les meilleures
anilines pour la fabrication des couleurs ne proviennent
pas des hydrocarbures qui se rapprochent davantage de la
benzine pure, mais que, jusqu’à un certain point, les ren-
dements augmentent avec leur degré d’ébullition. Le plus
beau rendement obtenu se trouve indiqué au Tableau B :
il résulte d’un mélange par parties égales de quatre es-
pèces d’anilines différentes, n° 4, 5, 6 et 7, provenant,
le n° 4, de benzine prise entre 90 et 95°, le n° 5, de ben-
zine prise de 95 à 100°, le n° 6, provenait de benzine re- :
cueillie de 100 à 105°, et le n° 7, de 105 à 110°.
(647)
* nvorqei HIOA (g) — ‘7 neojqey nOA (g) — ‘apqesigpeistio outzuag (7)
‘28n0y O8I 95660 *Do017-C07 FL £601'‘T "DuGET-088 10060 "Do0€1-G3t | TI
‘0500 008 £766°0 "Do012-608 £L T8IL'I *D0G£-0€7 ‘|* 6006‘0 ‘DoSC1-07L | OI
‘28noy 097 CL66‘0 ‘D0607-007 yL L&TI'I "D0088-ST& cc06‘0 ‘Do081-SIT | 6
‘xnroq ) ‘28now 097 6000°L *D0607-007 69 GESL'I | ‘Do0£S-Sec | ££06‘0 ‘DoSIl-OIL | &
-S1L À|‘93noy (44 8100°T ‘D0008-SG6I YL GI£l‘I ‘D06cc-0cc | 8706‘0 "DoOIT-E0T | L
‘28004 0LG 0900°T ‘D000%-S6I £L GOgI'T *D06c&-07c | 1L06‘0 "D6S01-001 | 9
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‘2300 091 6£10‘I "Do061-S8I £9 GyYl‘I ‘DoSIS-017 | O116‘0 ‘0,6 -06 y
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(648 )
B. — TABLE AU qui indique les résultats obtenus dans la préparation
des couleurs rouges avec des mélanges des différentes anilines.
QUANTITÉ
comparative des
couleurs
obtenuesen
prenant pour
type la fuchsine
cristal-
lisée — 1000.
TEMPÉRATURE
NUANCES
DIFFÉRENTS
d’ébullition
des
de
mélanges des anilines.
ces couleurs
hydrocarbures
(Voir tableau À, première colonne.)
correspondants. sur étoffes.
No2+N03. . : : 80-— 900C. 160 Rouge-violet.
NOA= NO 9 ns ne 90-1000C. 170 Rouge.
NO G2E-N07 hs ere 100-1100C. | 320 Rouge.
NoS-ENvIER PC. 110-1200C; 240 Rouge.
NOMLOSEINOMIENN RS UE: 120-1300C. 180 Rouge.
No2ÆHN03+N04+ N°05. 80-1000C. 240 . Rouge.
No4+N05+HN0GHN07. . 90-1100C. 370 Rouge.
N06-+-N°07+N08-N09.. | 100-1200C. 310 Rouge.
N°8-N09-E N0IOHN011. | 110-1300C. 190 Rouge.
N°02 No3 + N°04 No 54 |
NoO6G+N0O7HN08+ N09 | ’
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( 651 )
CLASSE DES LETTRES,
Séance du 6 juin 1864.
M. Gacxar», directeur.
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. de Ram, Roulez, David, Paul De-
vaux, De Decker, Snellaert, M.-N.-J. Leclercq, Polain,
Baguet, Faider, Arendt, Ducpetiaux, Chalon, Mathieu,
membres; Nolet de Brauwere van Steeland, le comte de
Montalembert, associés ; Th. Juste, correspondant.
MM. Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux-
arts, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient de
_ faire par la mort de M. Arthur Dinaux, l’un de ses asso-
clés et l’un des écrivains qui se sont le plus occupés, dans
ces derniers temps, de notre histoire nationale.
— M. Thonissen remercie l’Académie pour sa nomina-
tion de membre; des remerciments semblables sont adres-
sés par M. R.-C. Backhuyzen Van den Brinck et par M. le
chevalier d’Arneth, de Vienne, pour leur nomination d’as-
sociés de la classe.
( 652 )
— MM. Émile de Borchgrave et A. de Jager remercient
la classe pour la distinction accordée à leurs mémoires de
Concours. | |
— M. de Ram, membre de l’Académie, fait hommage
de deux ouvrages de sa composition, l’un intitulé : Hagio-
graphie nationale ou vie des saints, etc., t. [°', et l’autre :
Notice sur la situation financière et administrative de l’uni-
versité de Louvain en 1589. — Remerciments.
— L'Association britannique pour l'avancement des
sciences fait connaître qu’elle se réunira, cette année, à
Bath, le mercredi 4 septembre prochain, sous la prési-
dence de M. Charles Lyell.
—M. Roulez déposeles inscriptions suivantes qui lui ont
été demandées pour les médailles décernées aux lauréats,
lors du dernier concours de la classe :
A DÉ JAGER
ROTERODAMO
OB
ELOGIUM VONDELII
BELGICO SERMONE
CONSCRIPTUM.
—
ANNO MDCCCEXIIL.
ÆMILIO BORCHGRAVIO
OB DOCTAM ET EXIMIO
IN REBUS CONQUIRENDIS
STUDIO COMMENDABILEM
DISSERTATIONEM
DE COLONIIS SÆC. XII ET XIII
E BELGIO IN GERMANIAM
DEDUCTIS.
MDCCCLXHH.
- ( 63 )
La classe lui adresse, à ce sujet, des remerciments par
l'intermédiaire de son directeur.
NOMINATIONS.
MM. Leclercq et de Ram sont nommés membres de la
commission mixte qui, avec M. le président, le secrétaire
perpétuel de l’Académie et quatre membres pris dans les
deux autres classes, sera chargée d’examiner la question
des donations et des signes distinetifs.
CONCOURS DE 1865.
La classe arrête provisoirement le programme de son
concours pour 1865, et décide qu’elle y ajoutera, lors de
la prochaine séance, diverses questions destinées au con-
cours de l’année 1866 ; elle compte alors être en mesure de
décider si le prix extraordinaire de mille francs, sollicité
de M. le Ministre de l’intérieur, peut être ajouté à la mé-
daille académique comme récompense pour la solution de
la première question.
PREMIÈRE QUESTION.
Rechercher les causes qui amenèrent, pendant le dou-
zieme et le treizième siècle, l’établissement des colonies
belges en Hongrie et en Transylvanie. Exposer l’organi-
sation de ces colonies et l'influence qu’elles ont exercée sur
les institutions politiques et civiles, ainsi que sur les
. mœurs et les usages des pays où elles furent fondées.
QE SÉRIE, TOME XVII. 4
(654)
DEUXIÈME QUESTION.
Faire l’histoire du système monétaire élabli par les
Carolingiens, jusqu’à la fin du règne de Charlemagne,
tant sous le rapport de la valeur des monnaies que sous
celui de leurs types.
TROISIÈME QUESTION.
Comparer la condition physique, morale et intellec-
tuelle des classes laborieuses en Belgique, sous le régime
des corporations et à l’époque actuelle.
QUATRIÈME QUESTION.
Faire l’histoire du conseil souverain du Brabant.
CINQUIÈME QUESTION.
Faire l'histoire des relations internationales entre la
Belgique et l'Espagne, principalement au point de vue
commercial, industriel , littéraire et artistique, depuis les
temps les plus reculés jusqu’au traité d'Utrecht. — Les
concurrents ne toucheront à l’histoire politique que pour
autant qu’elle doive servir de liaison entre les faits qu’ils
auront à exposer.
Le prix de chacune de ces questions sera une médaille
d’or de la valeur de six cents francs.
Les auteurs des mémoires insérés dans les recueils de
l’Académie ont droit à recevoir cent exemplaires particu-
liers de leur travail; ils ont, en outre, la faculté de faire
tirer des exemplaires en payant à l’imprimeur une indem-
nité de quatre centimes par feuille.
Les mémoires devront être rédigés en latin , en français
( 65 )
ou en flamand; ils devront être adressés, franes de port,
avant le 1° février 1865, à M. Ad. Quetelet, secrétaire
perpétuel.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les
citations, et demande, à cet effet, que les auteurs indi-
quent les éditions et les pages des livres qu’ils citeront.
On n’admettra que des planches manuscrites.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage ;
ils y inscriront seulement une devise, qu'ils répéteront sur
un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse.
. Faute par eux de satisfaire à ces formalités, le prix ne.
pourra leur être accordé.
Les ouvrages remis après le temps prescrit ou ceux dont
les auteurs se feront connaître, de quelque manière que
ce Soit, seront exclus du concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que,
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils
sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa
propriété. Toutefois les auteurs pourront en faire tirer des
copies à leurs frais, en s’adressant, à cet effet, au secré-
taire perpétuel.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
L'Unité de la langue en Belgique. (Réponse à une notice
présentée par M. M.-N.-J. Leclercq.) Par M. le baron
Kervyn de Lettenhove, membre de l’Académie.
En étudiant l’organisation politique des peuples, il ne
.faut jamais perdre de vue le but qui est assigné à leur
( 656 )
activité et la mission qu’ils ont à remplir. Tandis que les
grands États, armés du glaive , achètent , au prix de nom-
breux sacrifices , le droit de faire entendre leur voix altière
et le plus souvent menacçante dans les conseils où s’agitent
les destinées du monde, il en est d’autres moins puissants,
mais non moins animés d’un sentiment patriotique, qui
demandent aux travaux intellectuels et industriels une
part d'influence et d'estime que notre siècle si éclairé ac-
corde plus volontiers aux progrès utiles qu'aux sanglants
triomphes de la guerre. Si les nations envahissantes et
ambitieuses sentent le besoin d’une énergique centralisa-
tion qui condense toutes les forces au dedans pour les
rendre au dehors plus redoutables, il n’en est pas de
même de celles dont le droit public repose sur la neutra-
lité. Leur nationalité calme et féconde n’est que mieux pro-
iégée , quand elles se rattachent par des liens fraternels à
plusieurs des peuples qui les entourent, et, sans imiter les
grands empires dont l’isolement révèle la grandeur, elles
cherchent surtout à s’appuyer sur des alliances naturelles,
sur des sympathies désintéressées. Tel est le rôle de la
Belgique, et il est permis de s’en féliciter, puisque, après
avoir été longtemps le champ de bataille des luttes euro-
péennes, elle offre aujourd’hui aux nations étrangères une
pacifique arène où elles ne se rencontrent que pour échan-
ger leurs lumières.
Faut-1l souhaiter à notre patrie une unité de langue à la-
quelle on s’efforcerait d’atteindre en introduisant la langue
française dans toute l'administration, de même qu’elle règne
seule dans l’armée? Est-il conforme à ses intérêts d’ar-
river par l’unité de la langue à l’unité des mœurs dont la
langue est toujours. la vigilante gardienne? Cela ne me
paraît ni possible, ni désirable. |
( 657 ) |
Cela n’est pas possible, parce que, dans un pays où ceux
qui parlent le flamand se trouvent vis-à-vis de ceux qui
parlent le français, dans la proportion de quatre à trois, la
majorité ne s’inclinera jamais devant la minorité. En effet,
celte langue de la majorité n’est pas pour elle une curio-
sité philologique ou un souvenir archéologique qui ne se
_développerait que si la civilisation reculait (1). C’est la tra-
dition vivante et perpétuée de génération en génération
de cet esprit libre et fier qui a fondé les institutions de la
Belgique moderne; c’est un legs sacré de nos pères, car
c’est dans cette langue qu'ils ont prêté le serment si bien
gardé de maintenir et de nous transmettre leurs fran-
chises. | |
Cela n’est pas désirable, parce que la diversité des races
et des langues constitue, dans l’ordre intellectuel aussi
bien que dans l’ordre politique, la force et l'honneur de la
Belgique. Touchant à la fois aux races teutoniques et aux
races gallo-romaines, s’enrichissant des trésors de deux
civilisations, en contact incessant avec tout ce qui se pro-
duit de mémorable au sud et au nord, elle remplit la
mission que lui a assignée la Providence en la plaçant entre
l’Escaut et le Rhin sur la frontière de ce grand mouve-
ment de nations qui se heurtent tour à tour par les armes
ou par les idées.
Dans la paix, il appartient à la Belgique de ne compter
partout que des peuples amis; dans la guerre, si jamais
elle avait à redouter une invasion, soit au sud, soit au
nord, soit à l’est, 1l faut que, d’un côté ou de l’autre, elle
trouve toujours dans des sympathies de race et de langue
(1) Ce sont les termes dont s’est servi M. Leclercq, Bull. de l’Aca-
démie , 2° série, tome XVII, pp. 595 et 596.
( 658 )
une protection à opposer à une menace et à un danger.
Tel est, selon moi, le grand principe de notre existence
politique, principe qu'il sérait imprudent de chercher à
affaiblir; et je ne crois pas qu'il y ait lieu de se préoccuper
outre mesure de certaines difficultés d'application.
L'article 23 de la Constitution a proclamé la liberté des
langues, avec cette seule restriction que la loi pourrait en
régler l'usage, en ce qui touche les actes de l’autorité pu-
blique et les affaires judiciaires.
Sur le premier point, il est certain que autpette cen-
trale doit porter les lois et les règlements à la connais-
sance de toutes les parties de la population; d’autre part,
il est évident que les conseils communaux qui ne parlent
que le flamand, ne peuvent délibérer, rédiger les procès-
verbaux de leurs séances et en transmettre les conclu-
sions à l'autorité supérieure que dans la langue qu’ils
comprennent. Comment, s’il en était autrement, pour-
raient-ils s'assurer que leurs décisions ou leurs vœux sont
exactement exprimés ? S'il s’agit de fonctionnaires qui
auront à se trouver fréquemment en contact avec des po-
pulations flamandes, ce ne sera pas en vertu d’une pres-
cription légale, mais d’une incontestable nécessité, qu'ils
seront tenus de parler la langue de ceux à qui ils s’adres-
sent tous les jours.
Est-il admissible, même en fait, qu’il importe peu qu’un
fonctionnaire parle ou ne parle pas la langue de ses admi-
nistrés, et qu'il suffit, à défaut d’une langue commune,
d'employer un interprète comme intermédiaire , aux frais
du trésor public (1)?
(1) Notice de M. Leclercq, loc. cit., p. 401.
( 659 )
N'y a-t-il pas là des obstacles insurmontables, pour em-
prunter l'expression de mon honorable contradicteur (1)?
Il en sera de même dans l’ordre judiciaire, aussi bien
pour l’organe du ministère publie, chargé d'instruire sur
les délits les plus graves, que pour le juge de paix qui
concilie les plus modestes différends, que pour l'huissier
dont le papier timbré fait connaître à l'intimé ce qu'on lui
demande , à quel jour, en quel lieu, devant quel juge.
À quoi serviraient les instructions judiciaires , les essais
de conciliation , les citations, si les parties intéressées n’en
pouvaient rien comprendre ?
L'’interprète, qui ne serait qu’une gêne dans l’ordre ad-
ministratif, ne deviendrait-il pas un danger dans l’ordre
judiciaire? Et ici j'ai à aborder un point trop grave pour
que mes objections ne touchent point notre savant confrère
qui unit à l’autorité dont il jouit à l’Académie celle qu'il
doit à sa haute position dans la magistrature. Est-il mdif-
férent à un accusé dont on discute la liberté, l'honneur ou
la vie, que le procès soit instruit dans telle ou dans telle
langue? Suffit-il que l’avocat plaide dans une langue com-
prise par le jury et les magistrats? Mais qu’arrivera-t-il si
elle n’est pas comprise par l’accusé (2)? Cette hypothèse
n'est-elle pas inconciliable avec ce principe fondamental
du droit criminel qui exige que l’accusé ait une parfaite
intelligence de tout ce qui se fait et se dit devant lui ?
Un ouvrier flamand, conduit par l'espoir d’un salaire
plus élevé dans les usines des bords de la Meuse ou dans
les houillères du Hainaut, est accusé, dès le lendemain
(1) Notice de M. Leclercq, loc. cit., p. 402.
(2) Notice de M. Leclercq, loc. cit., p. 396.
( 660 )
de son arrivée, d’un crime qui coïncide, fortuitement
peut-être, avec sa présence sur les lieux où ce crime s'est
accompli. Il comparait devant un jury formé de citoyens
qui parlent une autre langue que la sienne, et il est lui- -
même défendu par un avocat et interrogé par un président
de cour d'assises, qu’il ne comprend pas et qui ne le com-
prennent pas davantage. On lui donne, il est vrai, un inter-
prète : cet interprète ne peut-il pas être ignorant, inhabile,
isouciant? Si l’on observe que d’une langue à une autre
il n’y a pas de traduction rigoureusement exacte, mails
seulement une assimilation où, à défaut de synonymes, l’on
cherche des termes équivalents, qui affirmera que l’accusé
pourra efficacement contrôler les dépositions des témoins,
les accusations du ministère public et la défense de son
propre avocat? Êtes-vous certain que ses explications les
plus. précises, passant par la bouche de l'interprète, ne
deviendront pas une apologie confuse et embarrassée, quel-
quefois même un aveu ? Triste et intéressante situation qui
explique pourquoi toutes les législations exigent la pré-
sence de l’aceusé et refusent de considérer comme défini-
tive la condamnation du contumax qui se présente plus
tard. En ce cas encore, quelle différence verrez-vous entre
l'accusé absent de corps et l’accusé qui reste moralement
étranger au débat ? Que parfois une impérieuse nécessité
oblige de juger par interprète un matelot de l'Océanie qui,
dans l’un de nos ports, se sera livré à un acte de vengeance,
il faut se résoudre à l'admettre; mais qu’un homme qui
parle la langue de près de trois millions de ses compa-
triotes, soit assimilé au Javanais ou au Malais, qu'il soit
jugé dans son propre pays par interprète, cela ne peut
s'expliquer ni au point de vue de l'égalité des regnicoles,
( 661 )
n1 même au plus simple aspect des notions de justice. Une
seule solution est possible, et je l’indique en deux mots.
Il y a lieu au renvoi d’une cour d’assises à une autre, 1ors-
qu’on craint que des circonstances extérieures, défavora-
bles à l’accusé, répandent un doute sur la liberté d’appré-
clation du jury. À plus forte raison, lorsque, par une
conséquence nécessaire , la langue parlée par l'accusé rend
impossible un débat contradictoire complet et sincère, la
loi doit ordonner également le renvoi devant la cour d’as-
sises d’une province où pas un mot sorti de sa bouche ne
manquera aux éléments de la conviction du jury. Dans
Vun et l’autre cas, la société, qui ne frappe que le cou-
_pable , a le même devoir de s’éclairer loyalement avant de
punir, et l’accusé, réputé innocent jusqu’au verdict du
jury, jouit du même droit dans sa défense, celui d’être li-
brement entendu.
La solution des questions relatives à l’emploi des lan-
gues n’est d’ailleurs pas si difficile qu’on pourrait le croire:
l'usage et la marche naturelle des choses, sans violence,
sans pression, par le mouvement spontané des populations
intéressées , le régleront de la manière la plus utile.
Au centre du pouvoir administratif, pour tout ce qui
concerne les lois et les règlements, le texte flamand est
publié en même temps que le texte français. Partout
ailleurs, dans nos diverses provinces, les langues étant
placées dans la condition d’une égalité parfaite, les admi-
nistrations provinciales et communales choisissent celle
qu’elles préfèrent. Cette question ne pourrait devenir dan-
gereuse que si l’on cherchait à y rattacher, sous quelque
prétexte que ce fût, une pensée de domination d’une partie
du pays sur l’autre; car, il ne faut pas l'oublier, si une
langue imposée par la conquête n’a jamais été subie qu’a-
( 662 |)
près une longue résistance (1), la fraction la plus considé-
rable d’une même nation ne se résoudrait pas davantage
à l’accepter, lorsqu'elle trouverait dans cette obligation la
violation d’un pacte librement consenti. C’est alors seule-
ment que cette question pourrait se transformer en une
cause profonde de division et d’hostilité.
Laissons plutôt à nos provinces ce qui a caractérisé, ce
qui caractérisera encore longtemps leur glorieuse indivi-
dualité. Si chacune d'elles puise dans sa langue et dans
ses mœurs une force qui lui est propre, toutes ces forces
n'en convergent pas moins vers un dévouement incontesté
aux mêmes institutions : peu importe que les voies soient
différentes, lorsque le but est le même. La Belgique ne.
veut d'absorption, ni de contrainte au profit de personne;
elle veut en toutes choses et pour tous l'égalité et la li-
berté, et l’union lui tient lieu d'unité. Telle était la pensée
des générations qui nous ont précédés, quand elles adop-
tèrent pour symbole de la patrie indépendante le faisceau
de flèches étroitement serrées mais non confondues, of-
frant chacune un fer diversement trempé, mais ayant pour
lien commun la même nationalité.
De la position de la langue flamande en Belgique;
par M. Snellaert, membre de l’Académie.
C’est surtout depuis la révolution de 1830 que les po-
pulations flamandes suivent avec un sentiment d’amertume
et de froissement les débats qui s’élèvent continuellement
(1) Notice de M. Leclercq, loc. cit., p. 384.
( 665 )
sur la valeur et sur les droits de leur langue. Il n’y a
pas longtemps qu’on parlait encore avec dédain de ce
pauvre petit idiome qui, disait-on, se baragouine plus ou
moins mal de Nieuport à Turnhout, divisé en autant de
jargons qu’il y a de villages dans la Belgique thioise. Mais
on revint graduellement de ce singulier préjugé; il parut
peu digne, voire même dangereux, de lancer linjure à tout
un peuple à propos de ce qu'il a de plus sacré: —sa langue.
On en vint à un procédé plus poli, plus sociable. On dit :
puisque la Belgique manque d’homogénéité, que plus d’un
idiome lui appartient, et que l’une partie du pays ne com-
prend pas toujours l’autre, prenons pour nos affaires admi-
nistratives une langue intermédiaire, étrangère à nous
tous ; que le français soit le trait d'union entre Wallons,
Flamands et les habitants de la fraction allemande du
Luxembourg belge. C'était au fond, avee moins de bruta-
lité dans l'expression, le même système que le précédent.
Il visait, en outre, à la finesse en ce que, tout en accordant
une place sérieuse au flamand, il tendait à faire croire que
les provinces wallonnes possédent en commun une autre
langue que le français.
Notre honorable confrère M. Leclercq, dans une notice
lue dans la séance du 4 avril dernier et insérée dans le
Bulletin de l’Académie (pp. 381-402), envisage la ques-
tion à un point de vue plus juste; il reconnaît franchement
que les Belges-Wallons ont une langue en commun avec
les Français et que les Belges-Flamands ont une langue
en commun avec les Hollandais, les premiers occupant la
partie du pays située au sud-est, les seconds le territoire
situé au nord-ouest.
Dans sa notice, M. Leclercq rend bien souvent justice
à la cause flamande, et il nous donne la consolation de voir
( 664 )
que tes Belges d’idiome gaulois ne sont pas tous disposés
à nous refuser ce qu'ils réclament pour d’autres peuples,
les droits de la langue.
J'entends par droit de la langue la faculté sacrée et ina-
liénable que possède un peuple de comprendre et d’être
compris sur son sol par l'intermédiaire seul de sa propre
langue, dans toutes ses relations, soit avec ses manda-
taires, soit avec ses gouvernants, principalement sous les
rapports administratif et judiciaire et sous celui de l’instruc-
tion publique. Ce fait est de droit naturel , et la nation qui
en est privée ne se trouve pas dans une condition nor-
male. Pour qu’un peuple subisse une telle humiliation, il
faut que des causes graves aient paralysé ou rompu l’équi-
libre de ses forces vitales, et à moins qu’il nait perdu tout
à fait le sens intime de sa dignité, qu’il ignore son passé
et désespère de lPavenir, un tel peuple, sous quelque forme
politique qu’il soit administré, ne se dira jamais réellement
libre et indépendant.
Personne ne contestera la gravité d’une telle situation.
Aussi partout où pareil état de choses existe, là où la
langue des gouvernés n’est pas celle des gouvernants, il
n’a jamais manqué de prétextes à ceux-ci pour colorer les
empiétements entrepris sur le droit naturel de la nation :
la dignité du maître blessé par la rébellion de sujets im-
traitables , le bien résultant de l’usage d’une langue, plus
parfaite que l’idiome du pays, la prépondérance numérique
d’un idiome sur un autre, la difficulté de préciser la déli-
mitation des races, le prétendu droit séculaire de substitu-
tion , enfin la raison d’État.
La difficulté dans laquelle se trouve la Belgique n’est
pas récente ; elle date de loin, et a pris naissance en Flan-
dre après l'extinction de ses comtes de race indigène. Mais
( 665 )
ce ne fut qu’à la suite de la défaite de Roosebeke (1382),
où le comte de Flandre joua un rôle si peu digne contre
ses sujets, et par suite de laquelle le duc de Bourgogne
se mit en la place du maître, que se manifesta le parti pris
de conquête au moyen de la langue. Les droits de celle-ci
et ceux du glaive vont de pair dans la lutte. Les mêmes
manifestations se font jour sous le due d’Albe : le gouver-
neur général, envoyant ses ordres dans une langue étran-
gère, les états de Brabant refusant d'accepter. Deux siècles
plus tard, les annexionnistes du Midi, passant à pieds joints
sur toutes ces protestations, jettent le pays entier dans la
fournaise ardente de la révolution, pour faire disparaître
peuple et territoire dans l'unité française.
Ce sont là trois époques de calamité publique, de vio-
lence exercée par la supériorité des armes sur la nation. De
tels actes ne sont certes pas justifiables aux yeux de qui-
conque sait se mettre au-dessus des préjugés des passions.
Ces actes, en opposition avec la nature et les vœux réels
de la nation, ne manquèrent cependant pas d'infiltrer
graduellement dans la société l'erreur qui les avait dictés.
Cette erreur se manifesta sous différentes formes. Sous la
maison de Bourgogne une vaine ostentation de mots et de
formes étrangères entrave la liberté de mouvement dans
l'expression et prépare les esprits à ne voir qu'un fait
naturel dans la substitution d’une langue étrangère à celle
du peuple. Sous le due d’Albe et ses successeurs , la langue
vulgaire, le véhicule politique et dogmatique des révoltés
devient de jour en jour plus odieux aux maîtres, et un
obstacle pour les défenseurs de l’ancien état de choses. La
littérature entière, à part quelques innocentes poésies,
manifeste une même réprobation ; et la controverse seule,
sans profit pour l'intelligence humaine, vu labsence du
( 666 )
droit de contrôle, montre encore les restes d’un style vif,
signe de spontanéité. Cette dernière lueur littéraire devait
même nous échapper : le débordement de l'Encyclopédie
et l’apparition du Contrat social mirent une fin presque
subite à la polémique contre le protestantisme, et la lutte
s’engagea Corps à corps contre ce nouveau géant. On chan-
gea également d'arme, se servant pour l'attaque de la
langue de l'ennemi, la langue vulgaire restant plutôt char-
gée du soin de prémunir les masses contre les doctrines
philosophiques que de les combattre à fond.
Cet état précaire n’était pas celui des provinces wal-
lonnes, où on continua de jouir en toute plénitude de la
langue littéraire. Cette différence seule de facilité dans la
culture de lesprit devait porter les Flamands à jeter les
yeux sur les productions littéraires de la France. L’idiome
national fut de plus en plus négligé, au point qu’à la fin du
dix-huitième siècle , alors que la nation prit part au mou-
vement social, les esprits les plus avancés firent de vains
efforts pour se créer un style convenable et digne des
questions qui devaient changer la face de l’Europe.
Était-ce aux partisans de la France à rétablir ce que les
gouvernements précédents avaient négligé? Les septem-
briseurs confondirent la langue nationale avec les prin-
cipes contraires à leurs vues, Justement comme avaient fait
les catholiques, deux siècles auparavant, lorsqu'il s'était
agi d’écarter le protestantisme de nos provinces, à cette
différence près, que les conservateurs du seizième et du
dix-septième siècle respectèrent la langue comme un bien
commun et sacré, tandis qu’à la fin du siècle dermier, les
choses marchaient avec brutalité et le dessein arrêté d’ex-
termination. |
Les arrêtés du roi Guillaume en faveur du rétablisse-"
( 667 )
ment du flamand dans les provinces flamandes furent ac-
cueillis avec une joie réelle par le pays, et l’essor pris
dans le court espace de quinze ans par les sociétés litté-
_raires et les chambres de rhétorique, contraste singulière-
ment avec les protestations faites pendant les dernières
années du règne de ce monarque contre le soi-disant hol-
landais. Guillaume introduisit dans l'instruction et dans
les actes du gouvernement les formes grammaticales usi-
tées en Hollande, et rétablit ce qu’une routine paresseuse
et des vues mesquines avaient négligé. Il fallait d’ailleurs
que, devant les tribunaux, l’accusé et l'auditoire fussent
en état de suivre les débats, en un mot que ceux-ci
fussent réellement publics. 3
Les actes de Guillaume, quant à la langue, furent donc
pour les provinces flamandes d’une haute valeur, en ce
qu’ils étaient frappés au coin de la nationalité, de la soli-
darité, de la véritable démocratie. Guillaume eut bien garde
d'introduire la langue flamande dans l'administration des
provinces wallonnes; cependant on signala certains actes
du gouvernement tendants à imposer à toutes les parties
du royaume l'étude du flamand, afin de créer, à la longue,
une quasi-homogénéité. Cette tendance, réelle ou exa-
gérée, fournit une arme à l'opposition en Flandre, dont
elle se servit adroitement; mais, il faut le dire aussi, avec
déloyauté, en confondant une question purement gram-
maticale pour les uns et nationale pour les autres. Cest
de ce point de vue, c’est en appréciant à sa juste valeur
l'opposition multiforme contre l’usage général du flamand,
rendu odieux, sous le nom de hollandais, dans les diffé-
rentes provinces méridionales du royaume des Pays-Bas,
qu’on se rend compte des préoccupations du législateur
dans la rédaction de l’article 23 de notre pacte fondamen-
( 668 )
tal. Cet article de la Constitution porte : « L'emploi des
langues usitées en Belgique est facultatif; il ne peut être
réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l’auto-
rité publique et pour les affaires judiciaires. »
Cet article, rédigé dans un esprit de sage prudence, était
un moyen de calmer les craintes préventives des Wallons,
si jamais la langue flamande menaçait d’envahir les pro-
vinces wallonnes; d'autre part, il mettait un obstacle à ja
confiscation des droits de la population flamande , droits
déjà fortement lésés par l’arrêté du gouvernement provi-
soire du 16 novembre 1830. Le législateur voulait que le
temps püût débarrasser la question des brouillards dont elle
était alors environnée.
Hormis cette réserve, concernant les actes de l’autorité
et les affaires judiciaires, le législateur paraît reconnaitre
une liberté entière à tous, aux gouvernants comme aux
gouvernés, liberté à tous d'agir et de réagir en faveur
d’une idée, d’un système, libre aux courants divers de
prendre leur direction au risque de se rencontrer. Pour
ma part, je crois qu’il y a eu doute dans l'esprit du légis-
lateur sur la portée réelle du mouvement révolutionnaire
qui a réagi contre la langue des Flamands. I a voulu que le
calme fût rétabli et que l'esprit d'équité püt intervenir
avant qu’on se prononcçât définitivement sur la question.
Si un peuple se dit libre, il est bien entendu qu’il est
de son devoir de se mouvoir dans des limites raisonnables,
compatibles avec la liberté des autres, sans quoi il n°y
a pas de véritable égalité. Le Flamand n’a donc le droit
d'exiger que ce qui respecte le droit des autres. Tant qu'il
est sur son propre sol, il n’a strictement besoin que de sa
langue dans ses relations avec quelque administration,
avec quelque autorité que ce soit : le Gouvernement doit
( 669 )
être pour lui un Gouvernement paternel. Mais il ne peut
plus prétendre à ce droit exclusif du moment qu’il se trouve
sur un sol où le peuple parle une autre langue ; la loi de
légalité l'y suit, il n’y peut forcer personne à le compren-
dre dans son idiome. Quoi de plus conforme à la nature
que les droits qu’une langue possède vis-à-vis d’une autre,
c’est-à-dire le droit de pleine action chez soi, le devoir de
respecter ce droit chez son voisin? Celui qui veut aller au
delà serait, à juste titre, suspecté de prétendre à une
suprématie sur ses égaux. Cela ne s’observe que trop sou-
vent là où on se sait le plus fort : on dirait un instinct na-
turel qui nous y pousse; mais €’est un instinct sauvage et
non raisonné, l'instinct brutal de domination, de vanité,
de hame, de toutes les mauvaises passions qu’un peuple
civilisé doit tàcher de dompter tout aussi bien que l’indi-
vidu. Malheureusement, c’est là encore la ligne de conduite
de tous les Gouvernements, de tous les peuples qui ont la
soif de s’agrandir à tout prix.
Mais, dira-t-on , le Flamand s’est fait lui-même sa po-
sition , et il ne dépend que de lui de se servir sur son sol
de sa langue maternelle. J'ai déjà démontré comment notre
position anormale, maladive, s’est faite dans le cours des
siècles. J'ai dit que c’est l'étranger qui, à la faveur de
la conquête, nous a versé, par la force, un poison qui à
énervé tout le corps. — Au moins, la révolution de 1830
est-elle exempte du reproche, on ne voit là entre Wallons
et Flamands ni vainqueurs ni vaincus; ils ne combattaient
pas même l’un à côté de l’autre , ils se serraient en un seul
faisceau? Cela n’est pas juste à l’égard des langues : le
vaincu du moment était le bien commun du Flamand et du
Hollandais ; cela fut généralement senti, et il y eut des
personnes, parmi les antagonistes de notre langue, qui
29e SÉRIE, TOME XVII. #45
(670 )
eurent la franchise de l'avouer ouvertement. Aussi la tran-
sition d’un gouvernement flamand à un gouvernement
français fut-elle des plus violentes : dans l’administration,
l'employé flamand dut rédiger en français, faute de quoi,
il se vit écarté comme incapable ou comme ennemi du
nouvel ordre de choses; dans l’armée, la langue du lende-
main n’était plus la langue de la veille, et officiers et sol-
dats, tous durent se faire à cette métamorphose. Sur les
bancs de l’école , à l’université comme au collége, il fallait
comprendre tant bien que mal, au risque de ne rien ap-
prendre, de végéter plus tard dans une carrière honorable.
Et quelle est aujourd’hui cette position après une In-
struction française de trente-cinq ans? Où se trouve le
Flamand avec son éducation mixte vis-à-vis du Wallon ?
La différence saute aux yeux, et nos débats publics en font
preuve. Le Flamand, parlant un français plus ou moins
irréprochable sous le rapport de la grammaire, mais étu-.
dié, maniéré, il lui manque cette spontanéité, ces élans
de cœur que le Wallon a rapportés avec lui du foyer, de sa
ville, de son village, armes précieuses qui décideront la
victoire.
Le Flamand aussi possède ces armes et en connait les
ressources, qui feraient vibrer l’âme d’un auditoire compre-
nant sa langue. Mais il paraîtrait impoli en se servant d’une
langue incomprise de ses collègues wallons, et, plutôt
que de le paraïtre, il fait le sacrifice d’un ressort essen-
tiel de ses forces. C’est la vertu de la résignation. Est-elle
soutenable à la longue pour un peuple qui veut vivre?
Mais cette liberté, réclamée pour les employés au nom
de la Constitution, n’est-ce pas plutôt un privilége? Un
Wallon, de profession quelconque , qui se place parmi nous,
le fait à ses risques et périls, et son intérêt le porte à se
( 671 )
mettre en relation avec le public, il apprend le flamand.
Mais l'employé ne jouit-il pas d’un véritable privilége, tout
en invoquant la liberté ? Est-il moins apte qu’un industriel
ou un homme de profession libérale à apprendre notre
langue ? On nous donne des professeurs wallons ne con-
naissant pas le flamand, et partant hors d'état d'utiliser
dans leur enseignement les ressources de la langue du
foyer, source si fertile pour l'étude des langues. Qu’y peu-
vent faire les réclamations des hommes aptes à juger, qu'y
peuvent faire les réclamations des intéressés? Organisez
une instruction libre, flamande. — Vous avez raison. Mais,
entretemps, pourquoi donc subsidions-nous, de nos écus,
un enseignement qui, sous le rapport des langues, n’est
nullement dans des conditions analogues à celles que lui
font les partis politiques qui se succèdent ou s’absorbent ?
On nous adresse la parole par écrit ou verbalement.
Nous ne comprenons pas ou nous faisons la sourde oreille,
ce qui peut être impérieusement exigé par les circon-
stances, ayant quelquefois à sauvegarder et la dignité et le
droit; et la Constitution n’ordonne à aucun Belge de con-
naître deux langues. Que fait-on? On passe outre et on in-
voque la loi pour nous punir, absolument comme on faisait
sous le régime français. Nous demandons un texte officiel
flamand de notre Constitution, de nos lois, comme cela se
pratiquait sous le roi Guillaume à l'égard des Wallons. On
nous le refuse, alléguant que le texte flamand pourrait
parfois se prêter à une interprétation spéciale, comme s’il
y avait grand danger à ce qu’un accusé réclamât le texte
le plus favorable à sa défense !
On nous traduit devant une cour d'assises. Dans le pays
wallon , le choix de l'interprète ne répond pas toujours aux
exigences de l'affaire qui est en cause. Cependant l'affaire
LC
( 672 )
suit son cours et il se peut qu’on condamne à mort et qu'on
exécute. Dans le pays flamand, au lieu d’écarter de la liste
des jurés celui qui est étranger à notre langue, on en éh-
mine le Flamand ne sachant pas ou ne sachant qu'im-
parfaitement le français. C’est ainsi que certains hommes
entendent la faculté qu’ils se donnent de « dispenser de
siéger les jurés qui ne comprennent pas la langue de la
majorité. » L’idiome du pays gênera moins, et on se trou-
vera plus à l’aise : entretemps , le Flamand est averti qu'il
n’est rien, même dans son pays, qu’à condition qu’il con-
naisse dûment le français. Après les débats, le pouvoir
demande à l’accusé, dans sa langue, s’il n’a pas d’observa-
tion à présenter et 1l n’a rien entendu, rien compris! Ces
abus ont été signalés mille fois, et ces abus restent.
Et c’est en face d’un pareil état de choses que nous
sommes invités à user de procédés raisonnables, si nous
ne voulons pas nous voir taxer « d’un sot et blämable or-
gueil, ou d’une malveillance non moins blâmable. » Et où
se trouveraient les limites de ces procédés raisonnables ? :
Car ce système mêne droit à la suppression du flamand
sur le sol flamand même, dans toute délibération publique.
Du moment qu’il prendrait la fantaisie à un homme étran-
ger à notre langue de s’introduire dans un conseil com-
munal , par exemple, il nous serait interdit de nous servir
de notre langue, à moins de vouloir passer pour orgueil-
leux ou malveillants, voire même ignorants, ce qui serait de
plus sûr effet encore sur le commun des hommes. Et des
délibérations officielles le système passerait dans toutes les
assemblées publiques indistinctement. Soyons de bonne
foi, et avouons que, tout débonnaire que puisse être le
peuple flamand, il est fort à craindre qu’il ne reste pas
impassible nn une telle situation.
( 675 )
Dans le but de parer au danger que la question doit
présenter tôt ou tard, notre honorable confrère, M. De
Decker, lorsqu'il fit partie du Gouvernement en qualité de
_ ministre de l’intérieur, nomma une commission chargée
d’énumérer les griefs des Flamands à l’égard de leur langue
et de rechercher les moyens d’y mettre fin.
La commission fut d'avis que le système suivi en Suisse
était le plus simple, le plus équitable et le plus en har-
monie avec ce qui se pratiquait anciennement en Flandre,
dans le Brabant et dans la principauté de Liége, tous pays
où les deux langues étaient parlées par différentes popula-
tions. |
On trouva le système suisse, et partant le système usité
par nos ancêtres, d'application moins heureuse pour la
Belgique actuelle. Au lieu de légalité permanente, ga-
rantie, au lieu de faire un appel à une bienveillance réei-
proque, d'inviter le Wallon à suivre l'exemple du Flamand
qui appred la langue de son compatriote, on veut couper
le nœud gordien en exigeant tout du Flamand, en ne de-
mandant rien au Wallon; celui-ci persistant dans sa répu-
gnance à rompre la grande barrière entre les deux popu-
lations. On rabaisse la cause flamande à une question
d'unité administrative, au lieu de la relever à une question
d'union nationale. C’est en faveur d’un système aussi peu
généreux qu'on invoque le besoin d’un accord parfait, afin
de sauvegarder notre nationalité politique, ce qui revient
à un appel à la raison d’État.
La raison d’État, bien entendue, ne peut prendre sa
source que dans la nature même de la nation; ses actes
doivent correspondre exactement aux besoins traditionnels
d’un peuple. Elle ne peut donc avoir en vue que lintérêt
de la nation et doit s’harmoniser avec son caractère, son
( 074 )
passé , ses aspirations. Si le gouvernement pose un acte en
dehors de ces conditions, c’est qu'il veut faire dévier la na-
tion de sa voie naturelle. Ordinairement, tout peuple est
juste, et ce ne sont que les. vues ambitieuses de ses chefs
qui le portent à des actes contraires au droit commun,
en flattant, en stimulant ce qui domine dans son carac-
tère. C’est ainsi que deux peuples, les Moscovites au Nord,
les Gaulois au Midi, sont parvenus à se rendre redouta-
bles à leurs voisins, s’assimilant par fragments les peuples
les moins ressemblants entre eux par la langue et les
mœurs. On comprend que la France, rêvant peut-être de
nouveau le rétablissement de l'empire de Charlemagne,
aspire à Jouer dans l’Europe moderne le rôle des Romains
dans l’antiquité, qu’elle tâche d’être en contact intime avee
toutes les nationalités environnantes, en s’assimilant par
la conquête ou des transactions mercantiles quelque lam-
beau de peuple.
Si Je me rends compte de l'achat fait par la France
d’une partie de la Flandre, vendue par l'Angleterre comme
marchandise, je comprends moins comment nos hommes
d'État peuvent concilier les intérêts de notre existence po-
litique avec l’état de vasselage de la langue de la majorité,
alors que la nation, jeune encore, est sans consistance
réelle, alors que la législature ne croit pas le temps venu
pour exécuter les stipulations contenues dans l’article 23
de notre Constitution. Le peuple flamand n’appartient en
aucun point à la race française, et il ne peut être dit que
ce serait faire reculer sa civilisation que de lui rendre le
libre emploi de sa langue pour tous les actes de sa vie. Une
telle proposition pourrait être discutée chez un peuple qui
n’a jamais connu une civilisation tant soit peu élevée ; mais
le Flamand , avec une civilisation de plus de mille ans, qui
( 67 )
n’a cessé jusqu'aux derniers temps de se mouvoir dans sa
propre ellipse, qui exprime sa vitalité dans la littérature
comme dans les beaux-arts, le Flamand qui a contribué si
puissamment au mouvement qui forme la base des ten-
dances modernes, est en droit de réclamer une discussion
plus libérale. Croit-on qu’elle ne soit pas sentie cette in-
sulte jetée à la moitié de la nation, cette épithète de retar-
dataire dont elle est menacée, à moins de renoncer à ce
qu’elle doit avoir le plus à cœur, son originalité?
Mais au profit de qui cette transformation devrait-elle
se faire? Ce ne serait certes pas au profit de l’État belge
ou des Flamands. Elle aurait pour seul effet de rendre
moins dure, moins regrettable [a réalisation de la raison
d'État française. Mais , répliquera-t-on, l’idée de conquête
est en désaccord avec nos garanties et avec l’intérêt de nos
alliés. Personne ne se fait illusion à cet égard. Si un jour
l’Angleterre ne croyait plus notre territoire indispensable à
l'équilibre européen, elle pourrait bien traiter toute la Bel-
gique comme elle à traité, 1l y a deux siècles, une partie
de la Flandre maritime, elle nous vendrait au prix de l'or.
Notre gouvernement même le comprend ainsi et le mani-
feste par les soins qu’il donne à nos forces militaires, qui
ne sont nullement en rapport avec notre position de puis-
sance neutre.
Et, tout en se mettant en mesure contre les éventualités
du dehors, on néglige de bon cœur le boulevard par excel-
lence du côté des Flamands. C’est un signe, il est vrai,
qu’on obéit à une impulsion dominante quelconque, mais
cetle impulsion que Wallons et Flamands, tous ceux qui
tiennent à la nationalité, devraient également repousser.
Car une fois ce boulevard disparu, que restera-t-il à ce
peuple flamand étiolé? Rien que l'indifférence. Que lui
( 676 )
unportera sa nationalité lorsqu'il n'aura plus de notions
d'indépendance, de liberté sociale ? Il est triste de le dire,
mais de simples gens croient que la nation est la vassale
de la France : tellement l’idée de langue se rattache à
l’idée de nationalité.
L’entente cordiale, comme on l’entend et l’expose, de-
vrait conduire à la fusion des deux races, ou plutôt à
l'absorption de l’élément flamand par l'élément gaulois,
travail laborieux de siècles, avant l’accomplissement du-
quel la face de la Belgique peut avoir changé bien des fois.
Et d’abord le Flamand ne s’y prêtera pas volontiers. Il
ne restera pas invariablement impassible devant cette
menace continuelle de se voir anéanti avec sa langue, avee
tout son passé, devant cetie menace que l’avenir n’est pas
à lui. Aussi longtemps que dans un État belge indépen-
dant il ne lui sera pas fait Justice entière, le Flamand pro-
testera, il protestera avec autant plus d'énergie qu’il verra
le danger s’aggraver.
Nous avons vu les journaux belges rédigés en français,
accueillir avec complaisance le résumé du mémoire de
M. Leclercq. La presse périodique flamande en a parlé avec
un sentiment de froissement très-prononcé. C’est que les
deux instincts, les différentes aspirations ont été égale-
ment frappés par cette œuvre d’un homme aussi haut placé.
Tous y ont vu, à tort ou à raison, l’idée favorite des hommes
qui président à nos destinées. Espérons que le Gouverne-
ment se laissera mieux éclairer sur les vœux de l’une moi-
tié du pays, vœux qui reposent sur l’appréciation exacte
et sincère de nos intérêts communs.
(6)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 2 juin 1801.
M. De Keyzer, directeur. |
M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alvin, F. Fétis, G. Geefs, Navez,
Van Hasselt, J. Geefs, Partoes, Éd. Fétis, De Busscher,
Payen, le chevalier L. de Burbure, Franck, membres ;
Daussoigne-Méhul , associé.
a — —
CORRESPONDANCE.
M. Demanet, membre de la classe, adresse à titre
d'hommage à la Compagnie un ouvrage qu'il vient de pu-
blier sous le titre : Guide pratique du constructeur, avec
un volume de planches. — Remerciments.
— M. le secrétaire perpétuel fait connaître qu’il a déjà
reçu deux pièces de vers intitulées: L’Auroreet le Triomphe
de la paix, destinées au concours des cantates dont le pro-
sramme ne sera publié que l’année prochaine par le Gou-
vernement. Ces pièces seront déposées dans les archives.
( 678 )
CONCOURS DE 1864.
La classe avait proposé, dans son programme, quatre
questions ; elle n’a reçu qu’un seul mémoire en réponse à
la première question , posée en ces termes :
Exposer, d'après les sources authentiques, de quelle ma-
nière il a êté pourvu, depuis le commencement du quator-
zième siècle jusqu’à la mort de Rubens, à l’enseignement
des arts graphiques et plastiques dans les provinces des
Pays-Bas et le pays de Liége.
Le mémoire envoyé au concours porte pour devise : Nul
bien sans peine. Les commissaires chargés d’en faire l’exa-
men sont MM. Alvin, Van Hasselt et Portaels.
————
MESURES RÉGLEMENTAIRES.
Dans l’assemblée générale des trois classes de l’Aca-
démie, 1l a été convenu de soumettre examen de quel-
ques nouvelles mesures réglementaires à une commission
spéciale formée de huit membres, dont deux à désigner
par chaque classe, et qui, avec le président et le secré-
taire perpétuel de la Compagnie , proposeront les con-
clusions à prendre : MM. Alvin et Fétis père sont désignés
- pour représenter la classe des beaux-arts.
y,
Acad.r0y “de Belyique
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( 679 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
—
Sur le manuscrit intitulé : SPIRITUALE PomERIUM; par
M. Alvin, membre de l’Académie.
_ La Biblothèque royale de Belgique possède un manu-
scrit portant la date de 4440, et dans le texte duquel sont
intercalées douze gravures sur bois, antérieures ou out au
moins contemporaines du texte.
C’est le monument le plus ancien de la xylographie,
auquel on puisse attribuer en même temps une date cer-
taine et un lieu certain de provenance.
Jusqu’à présent les plus anciennes gravures avec date
étaient notre Vierge de 1418 et le saint Christophe de
1493. L’authenticité du millésime de la première a été
contestée, on peut lire celui de la seconde de telle ma-
nière qu’on la rajeunisse de près de quarante ans. Mais
quant aux lieux de provenance de ces deux pièces, ils
sont tout à fait inconnus; on en est réduit aux conjectures.
Il n’en est pas de même du Spirituale Pomerium. Ce
livre et ses estampes proviennent d’un des monastères de
la forêt de Soignes, en Brabant. Les gravures ont été exé-
cutées pour, et peut-être même par l’auteur du texte. Cet
auteur est connu ; la liste de ses cumpees nous à été con-
servée. Au nombre de ceux-ci il s’en trouve un second au
sujet duquel les iconographes ont émis toutes sortes de
suppositions, mais dont, jusqu’à présent, M. Goethals et,
après lui, M. B. Dumortier, avaient seuls révélé l’origine
en l’attribuant à l’auteur du Spirituale Pomerium. Les
( 680 )
assertions de ces savants n’ont pas obtenu créance, parce
qu’elles n'étaient pas accompagnées de preuves suffisantes.
Nous établissons, d’une manière irréfutable ,que l’Exer-
cilium super Pater noster à la même origine et le même
auteur que le Spirituale Pomerium, et que cet auteur est
un moine de l’abbaye de Groenendael.
Henri Vanden Bogaerde, ou plutôt Bogaert (en français
du Verger), tel est le nom qui, latinisé selon l’usage du
temps, est devenu Henricus ex Pomerio. Celui qui porta
ce nom était né à Louvain en 1382; il avait étudié à lPuni-
versité de sa ville natale et obtenu le grade de maître ès
arts. Il ouvrit d’abord à Bruxelles une école, qu’il trans-
porta ensuite à Louvain, et devint secrétaire communal
de cette dernière localité.
À l’âge de trente ans, il éprouva le dégoût du monde
et prit l’habit des chanoines réguliers de l’ordre de Saint-
Augustin, au prieuré de Groenendael, dans la forêt de
Soignes. En 1421, il fut élu prieur du monastère de Sept-
Fontaines, autre maison du même ordre, située dans la
même forêt. Il la gouverna dix ans et y fit régner la fer-
veur et la discipline. Les mêmes religieux avaient une
troisième maison dans la forêt, Rouge-Cloitre; Bogaert
séjourna aussi dans cette dernière, mais beaucoup moins
longtemps que dans les deux autres. En 1431, élu prieur
par ses frères de Groenendael, 1l revint au premier asile
qui l’avait reçu. Il n’y fit pas un long séjour. L'ordre
eut besoin de lui pour une mission délicate où il eut à
déployer son habileté et ses vertus; on lui confia la direc-
tion spirituelle d’un couvent de religieuses de Sainte-Barbe,
à Tirlemont. C’est seulement après avoir dirigé pendant
treize ans cette maison , où il a laissé, comme trace de son
passage, la construction d’une nouvelle église, qu'il revint
( 681 )
au milieu de ses frères à Rouge-Cloitre d’abord, puis à Sept-
Fontaines. Il y mena la vie de simple religieux jusqu’en
1454. Il avait alors soixante-douze ans, 1l n’aspirait qu’au
repos; mais on l’élut de nouveau prieur; il dut accepter
cette charge par obéissance chrétienne. Il ne la garda que
le temps strictement obligé; l’année révolue, il demanda
et obtint des visiteurs de l’ordre la faculté de se retirer
dans sa cellule pour y attendre, au sein de la méditation
et de la prière, que Dieu daignât le rappeler à lui. Il avait
fui le monde quarante ans auparavant et avait demandé
un refuge aux murs du cloître; maintenant, fatigué même
de la vie monacale, il trouve le cloître encore trop mon-
dain, et, en se réfugiant dans sa cellule, il écrit sur la
porte ces vers, que l’historiographe du monastère nous a
COnservés :
Haec cupit Henricus cultorum pacis amicus,
Ut fans rumores stet foris ante fores.
Nec cellam pacis conturbet lingua loquacis,
Hicque vomat nullos subdola lingua dolos.
[LE
La magnifique forêt de Soignes, dont les restes sont
encore aujourd'hui dignes d’admiration, enveloppait au
quinzième siècle, comme d’une ceinture , les deux tiers de
la capitale du duché de Brabant. Les souverains y avaient
plusieurs châteaux et maisons de chasse. Le clergé régu-
lier y avait sa large place aussi. Trois riantes vallées, om-
bragées de hautes futaies, réjouies par des eaux vives,
abritaient les prieurés de Rouge-Cloitre, à une l'ieue du chà-
teau de Tervueren, de Groenendael, qui avait également
pour voisin un donjon ducal, et de Sept-Fontaines, auprès
( 682 )
du village d’Alsemberg. Les abbayes de la Cambre et de
Forest étaient des couvents de femmes.
. Les chanoines réguliers de Groenendael, de Rouge-
Cloïtre et de Sept-Fontaines, procédant des Frères de la
vie commune, institués par Gérard Groot, d’après les le-
çons du vénérable Ruysbroeck, se vouaient encore à l’en-
seignement du peuple, non plus à l'enseignement oral, qui
se donne dans l’école, mais à la propagation des idées et
des doctrines par le moyen des livres. Ils continuaient
ainsi à exercer une influence considérable sur l'instruction
dans les Pays-Bas.
Comme ils s’'adonnaient à la transcription des manu-
scrits, il est permis de supposer qu'ils ont profité de toutes
les innovations susceptibles de simplifier leur tâche et de
rendre leur action plus efficace. N’auraient-ils jamais eux-
mêmes été inventeurs? Avant l'introduction chez nous des
procédés découverts par Guttenberg , ils avaient depuis
longtemps eu recours à l'impression tabellaire. Nous en
trouvons la preuve dans l'ouvrage qui nous occupe en ce
moment, la gravure sur bois y sert d'illustration à un ma-
nuscrit. D’autres traités, destinés aussi à l'édification du
peuple, sortent de la même maison et sont dus au même
auteur. Henri Bogaert se trouvait dans les meilleures con-
ditions pour imaginer lui-même ce moyen d’associer les
arts du dessin aux lettres sacrées ef profanes. D'abord
plusieurs de ses opuscules réclamaient un complément de
figures. Qu'il les ait dessinées et gravées lui-même, ou
qu’il les ait demandées soit à des frères, soit à des artistes,
hôtes du monastère, il importe peu. Les trois maisons
auxquelles il à appartenu, bien qu’à peu près cachées
dans leurs ravissantes solitudes, n'étaient pourtant pas si
éloignées des centres où se développaient les arts. Situées
Li)
( 685 )
à proximité de Bruxelles et de Louvain, cités opulentes,
elles étaient en rapport avec le monde aristocratique, avec
les savants, avec les artistes. Les souverains et les grands
seigneurs les visitaient souvent, des peintres en renom y
venaient faire retraite. Ces cellules abritaient des hommes
d'un mérite éminent, aussi distingués par la culture de
leur esprit et leurs talents que par leur piété. C’est Ruys-
broeck, dont les écrits sont pour la prose flamande ce que
ceux de Maerlant sont pour la poésie; c’est Jean de
Schoonhove, auteur. ascétique, qui se mesura ayec Ger-
son; c’est Arnold Gheyloven, qui a écrit le Gnotosolitos ;
Marc Mastelyn, à qui l’on doit le nécrologe de Grdenen-
dael. co
De Rouge-Cloître sont sortis les écrivains : P. Jean
Gielemans, Arnold Buederick, Gilles de Wilde.
C'est à l’ombre de ces retraites, au sein de ces poéti-
ques demeures, que lillustre peintre Hugo Vander Goes
vint demander le repos et une tombe. Le huitième prieur,
Gérard Gog, 1435-1441, était bon architecte, les trois
galeries du cloître furent construites sur ses dessins. Le :
quinzième prieur, Thomas Wyssen, ou de Vessem (1464-
1485), était un excellent calligraphe et se distinguait par
son amour pour les arts. Le seizième , Frédéric Bezuyens,
d'Anvers, était fort instruit et n'avait point son égal pour
la musique et le chant.
Groenendael possédait de nombreux objets d'art, dont
Sanderus fait l’énumération. Il cite un tableau attribué à
Roger Vander Weyden. On n’a pas de preuve positive que
le peintre du magistrat de Bruxelles ait séjourné dans ce
monastère, mais 1l y a de fortes présomptions qu’il y venait
quelquefois; son nom était tellement en honneur dans ce
lieu que le rédacteur d’un manuel des novices du monastère
(684)
a cru devoir y insérer le texte d’une inscription que la com-
mune de Bruxelles avait consacrée à son peintre, sans doute
sous les tableaux du maître à l'hôtel de ville. Grâce à cette
précaution du moine, l'inscription , qui avait disparu avec
les tableaux, a pu être retrouvée à peu près en même
temps qu'on découvrait des copies en tapisserie de ces
précieuses peintures.
Le prieuré de Sept-Fontaines eut aussi plusieurs hom-
mes remarquables, entre autres Gilles Breedeyck, Henri
Nulaets, Guillaume Cattem, Jean Geylens, etc. Plusieurs
autres sont cités comme habiles dans l’art de la miniature.
De 1409 à 1443, on signale Guillaume Dulkens et Jac-
ques Voetwaters; ce dernier était si passionné pour la
peinture des livres de. liturgie, qu'il y passait tout son
temps, ce qui lui attira plusieurs fois les reproches de son
supérieur. Un certain Gilles Vander Heeken, qui mourut
vers 1550, n'avait pas, dit la chronique , son rival comme
scribe et comme peintre miniaturiste.
LEE.
La vie laborieuse de Henri Bogaert s’est done écoulée
dans ce milieu si favorable à la méditation , dans cette at-
mosphère artistique, littéraire et religieuse. Quoi d’éton-
nant que ses ouvrages reflètent les idées et les objets dont
il vécut entouré, que l’art y ait sa place à côté de la médi-
tation et de la prière? Le catalogue des œuvres du pieux
cénobite nous a été conservé dans un document authen-
tique quasi officiel, écrit au quinzième siècle, en quelque
sorte sous la dictée des faits et intitulé : Gazophylacium
Sognianum, sive historia sacra nemoris Sogniae. Ce
manuscrit fait partie de la bibliothèque royale de Belgique,
( 685 )
où 1l est classé sous le n° 11,974. C'est à celte source que
Sanderus a puisé, comme il le dit lui-même, ses rensei-
gnements sur les monastères de Groenendael. M. Goethals
s’en est aussi servi, sans le citer, pour la biographie de
Pomerius, au deuxième volume de ses Lectures.
Le necrologium Viridis vallis, par Marc Mastelyn, im-
primé à Bruxelles par Meerbeek (vers 1630), donne une
très-courte biographie du prieur Bogaert, cite aussi ses
ouvrages, mais d’une manière plus sommaire et moins
complète.
L'auteur du Gazophylacium étant le plus digne de foi,
puisqu'il à eu entre les mains tous les codices dont il à
donné le catalogue, est celui que nous suivrons.
OUVRAGES DE HENRI BOGAERT.
L Explanationis figuralis super Pater noster des-
criptio. (Exercitium super Pater noster). . Lib. X
IL. Figuralis expositio super eodem . . . . . Lib.lI.
IIL. Expositio figurarum eorumdem. . . . . . Lib. I.
IV. Considerationes 1x super eodem . . . . . Lib. I.
V. Recapitulatio predictorum per distinctionem . Lib.
VL Exercitium coelestis conversationis . . . . Lib. IX.
VII. SÉULUMIMETITALISS MR END ENT CRE ST IbE TE
VIIL. SECHE /CAPIEIS A A US Le cn 2) Lips I
IX. Explanatio salutationis angelicae . . . . . Lib.I.
X. Spiritualis Donatus super Pater noster . . . Lib. I.
XI. Brevis recapitulatio praedictorum. . . . . Lib. I.
XII. Spirituale Pomerium, cum figuris. . . . . Lib. I.
XIIL. Promptuarium spiritualium meditationum . . Lib. E.
XIV: De tribus sertis roseis utrique Johanni convenientibus.
XV. Bemode"diétandi 06 PMR CE CT EID
XVI. Démodo rithmatizandi #10, 00 us 1 ctLibrh
2e SÉRIE, TOME XVII. 46
(686)
XVI M WVäitarsanctae Katherinae® 5 20e ect Gba
XVIII. Horae in laudem ejusdem sanctissimae martyris.
XIX. Questiones ad D. Egidium Carlerium Decanum.
XX. Dialogus inter animam et hominem de passione domini.
XXI. De fine Christinae van Frankenberghe abbatissae Nyvel-
lensis.
XXII De predestinatione epistola I.
XXII. De Vera pace ad D. Egidium de Berlare canonicum.
XXIV. Tabula super scriptis B. Thomae.
XXV. Tabula super excerptis F. Jo. Geylens fratris hujus domus.
XXVI. Vita D. Jo. Ruysbroeck primi prioris Viridis Vallis.
Nous pouvons ajouter à cette liste deux ouvrages que
possède la Bibliothèque de Bourgogne, ouvrages rensei-
gnés d’ailleurs par Sanderus :
XXVII. De origine monasterii Viridis Vallis.
XXVIIT. Vita Joannis a Leeuwis seu Boni-Coci.
Les cinq premiers traités se rapportent à l’oraison do-
minicale. Celui qui est indiqué par les mots explanatio
figuralis était sans doute l’ouvrage complet avec les figures;
les autres traités plus courts n'étaient probablement que
des explications, des variantes du texte. Le IX°, Expla-
natio salutationis angelicae, comme le dit M. Goethals,
mais sans preuve, pouvait aussi être un manuscrit illus-
tré par la gravure. Il en était peut-être encore de même
du X°, Spiriluale Donatus super Pater noster. Quant au
XIE, Spirituale Pomerium, le doute n’est pas permis, nous
p Pas P
en avons la preuve entre les mains. L’original en langue
flamande de l’Exercitium supér Pater noster est à Paris, à
la Bibliothèque impériale, en compagnie d’une reprodut-
tion xylographique du même traité. On sait qu'il provient
du libraire Ermens. Sanderus, dans la Bibliotheca belgica.
»
7
LA
“#
4
+
( 687 )
manuscripta, signale ce livre comme étant encore présent
sur les rayons de la bibliothèque du prieuré de Groenen-
dael en 1641. Enfin le XX°, intitulé : Dialogus inter
animam et hominem de passione Domini, pouvait fort bien
être aussi un manuscrit avec gravures.
L'apparition en Belgique, avant l'année 1440, d’une
série de manuscrits 1!lustrés au moyen de la gravure sur
bois, est un fait considérable. N'est-ce pas l’acheminement
naturel vers l’impression tabellaire de livres entiers, des-
sin et texte? On ne cite nulle part, à une époque aussi
reculée, un fait analogue. Ce n’était pas assurément pour
se contenter d’un exemplaire qu’on avait eu recours à ce
procédé. Les moines de Groenendael , de Rouge-Cloître et
de Sept-Fontaines étaient donc ce que nous nommerions
aujourd'hui des libraires-éditeurs. On parviendra peut-être
un jour à démontrer que c’est de leur officine que sont aussi
sortis plusieurs petits livres xylographiques sur lesquels
d’autres pays appuient leurs prétentions à la priorité de
invention de la gravure.
M. Marie Guichard , qui a publié, en 1840, une descrip-
tion de l’'Exercitium super Pater noster dans le Bulletin du
bibliophile français, ignore le nom de l’auteur, et la date,
et le lieu de provenance. Il est obligé de se contenter de
conjectures. Il penche pourtant en faveur de la Hollande,
à cause du texte qu'il croit hollandais. Il est assez près de
la vérité. Il eût été bien autrement explicite s’il avait eu
sous les yeux notre manuserit du Spiriluale Pomerium,
s’il avait pu le confronter avec le Pater noster et surtout
‘s'il avait eu, pour confirmer les indications que révèle
l'identité des procédés, les affirmations de Sañderus et du
Gazophylacium.
. M. Renouvier en avait vu plus que M. Guichard; mais
( 688 )
il n'avait trouvé à l’appui des assertions de MM. Goethals
et Dumortier qu’un texte pris dans le nécrologe de Mas-
telyn, texte bien moins complet que ceux que nous ci-
tons.
Henri Bogaert est bien à la fois l’auteur du Pater noster
et du Pomerium. A:-t-1l le premier fait usage du procédé
que révèlent ces deux documents? Tant qu'on n’aura pas
trouvé un spécimen de date plus ancienne, nous avons
le droit de le croire. Henri Bogaert a été un novateur, c’est
pour nous un fait incontestable; nous n’en voudrions
d'autre preuve que la persécution dont il a été l’objet,
persécution que nous révèle la chronique du monastère
_déjà citée.
IV.
Voici ce qui lui arriva à propos de la publication de ses
premiers ouvrages illustrés. Les traités sur l’oraison do-
minicale avaiëént fait sans doute une grande sensation; ils
devaient avoir eu de la vogue, puisqu'ils excitèrent la
jalousie de quelques rivaux, de concurrents peut-être;
car le nouveau procédé devait permettre de vendre ces
livres à bas prix et défiait, comme on dit aujourd’hui, la
concurrence. L'auteur fut à ce propos accusé d’hérésie;
et l’opuscule dont on lit le titre au n° VIT du catalogue
ci-dessus transeril, le Scutum veritatis, n’est autre chose
que la défense que Bogaert présente de ses exercices sur
le Pater noster. Ses adversaires en furent pour leurs frais
de méchanceté, et ils durent être bien désappointés lors-
que, au lieu d'obtenir la condamnation des petits traités
du prieur, ils virent le pape Nicolas V faire à ceux-ci un
très-favorable accueil et en ordonner le dépôt dans la
bibliothèque Vaticane.
( 689 )
Bogaert, qui avait de puissants protecteurs et des amis
dévoués, trouva un défenseur dans le chanoine de la
cathédrale de Cambrai, Gilles Carlier, savant théologien,
qui assista au concile de Bâle. C’est à ce même ami qu’il
s'adresse dans les questiones qui forment le n° XIX du
catalogue de ses écrits. |
Ces détails, que nous empruntons au Gazophylacium ,
ont un caractère suffisant d'authenticité; ils sont toutefois
un peu vagues. Si l’on pouvait retrouver le Scutum veri-
latis, on y verrait en quoi consistaient les accusations aux-
quelles ce livre sert de réponse. Espérons que tous les
écrits de Bogaert n’ont point péri et que, grâce aux indi-
cations que nous venons de donner, ceux qui pourraient
encore subsister sortiront de la poussière et de l'oubli qui
les recouvrent depuis plus de quatre siècles. C’est le motif
qui nous à décidé à entrer dans tous ces développements,
afin que les amis de la vérité historique, comprenant
toute l’importance de la découverte de ces précieux docu-
ments, nous aident à les chercher dans les collections
publiques et dans celles des amateurs.
Ve:
Le Spirituale Pomerium, inconnu à Otiley, à Sotheby,
n’a point échappé à MM. Jules Renouvier, Passavant et
Harzen; ces iconographes avaient eu loccasion d’en voir
le manuscrit à Bruxelles, et nous leur avons communiqué
ce qu’alors nous en savions nous-même. On en trouve
une description assez détaillée dans le premier mémoire
de M. Renouvier, intitulé : Des types et des manières des
maîtres graveurs. Montpellier, 1853.
Le même écrivain est revenu sur ce monument, dans
son grand mémoire Sur l’origine et les progrès de la gra-
( 690 )
vure dans les Pays-Bas, elc., couronné par la classe des
beaux-arts de l’Académie royale de Belgique, en septem-
bre 1859. À cette époque, le Gazophylacium n'avait pas
été lu, et l’on n’avait pas attaché assez d'importance aux
renseignements que Sanderus donne sur le prieur de
Groenendael dans sa Chorographia sacra Brabantiae.
Aucune reproduction des gravures du Spirituale Pome-
rium n’a encore, Jusqu'à présent , été placée sous les yeux
des iconophiles. La nôtre sera complète (1), dans ce sens
que nous donnerons les douze pages du manuserit dans
lesquelles les planches sont enserrées. Quant aux pages-qui
n’ont point de gravures, le texte n'offre pas assez d'intérêt
pour mériter d’être conservé; c’est une œuvre littéraire
médiocre. Nous nous bornerons à l’analyser. Nous em-
pruntons d’abord à l’auteur lui-même l'exposition du plan
de son livre :
« Dans ce verger spirituel, dit-il, l’âme dévote est
instruite dans la manière de s’exercer, à chaque heure du
jour, dans des méditations pieuses, afin de reconnaître
chaque jour les bienfaits de Dieu depuis le commencement
jusqu’à la fin du monde. Dieu dit, dans l'Évangile : « Il y
» a douze heures à la journée. » Si l’âme dévote veut mé-
diter avec fruit ces paroles, qu’elle considère J. C. comme
son époux; car c'est comme tel qu’il se présente dans le
cantique des cantiques : « Venez dans mon jardin, Ô ma
» sœur, mon épouse! » À cette invitation, que l’âme entre
donc dans le verger de son époux, afin d'y cueillir, à
chaque heure, les fruits des douze arbres qu’elle y trou-
(1) Ce travail est le résumé de l'introduction que l’auteur a écrite pour
l'article : Spiriluale Pomerium dans la publication intitulée : Monuments
iconographiques et typographiques de la Bibliothèque royale de Belgique.
Librairie ancienne de T.-J.-T, Arnold, rue de l'Hôpital, 12, à Bruxelles.
( 691 )
- vera plantés en ordre. Et en rendant grâces à son bien-
aimé, qu'elle réponde avec joie : « Tous les fruits
» nouveaux et anciens je les ai gardés pour toi, Ô mon
» bien-aimé ! »
» Si l’âme, peu experte dans l’usage journalier de ce
verger, ne trouve pas d’abord la méthode qu’elle doit
suivre, je la prie de considérer que, sous chacun des
arbres, une vierge est occupée à en recueillir trois fruits,
qui feront l’objet de ses méditations à l’heure favorable.
Car ces douze vierges sont douze vertus distinctes ; elles
cueillent un fruit de l’arbre à chaque heure, etc. »
La première de ces vierges, c’est la Sagesse de Dieu.
Les trois fruits que l’âme doit cueillir sur le premier
arbre, dont cette vierge est la gardienne, sont trois pro-
positions résumant les effets de la sagesse divine. Chacune
de ces propositions doit occuper les méditations de l’âme
dévote pendant une heure.
Elles sont formulées en ces termes :
Premier fruit. Dieu créa l’homme en lui-même d’après
son image.
Deuxième fruit. Dieu créa les anges près de lui-même pour
consoler les hommes.
Troisième fruit. Dieu créa les autres créatures au-dessous
de lui-même pour le service de l’homme.
Il y a des esprits paresseux dont les pensées ont besoin
d’être excitées, qui ne savent point méditer sur un texte.
Le chanoine Bogaert leur fournit une sorte de formulaire ;
il prend chaque proposition à son tour, la développe; en
fait sortir des conséquences dans un commentaire mys-
tique dont il nous suffira de donner un spécimen. Laissons
parler l’auteur :
« L'âme dévote pourra avantageusement manger ces
( 692 )
fruits, si dans la considération du premier d’entre eux,
elle veut méditer de cette manière : Qu’elle songe donc,
au premier fruit, combien, au commencement de la créa-
tion, Dieu a donné de dignité à la nature humaine, en
elle-même, en créant l’âme à son image et en l’ornant à
sa ressemblance. Je dis à son image, ainsi que Dieu forme
sous une simple essence une trinité de personnes; ainsi,
par manière d'imitation, l’âme sous une simple essence
possède une trinité de puissance qui sont la mémoire,
l’intelligence et la volonté. C’est par la mémoire que notre
âme imite la propriété du Père qui, comme père, engen-
dre le Verbe éternel. C’est ainsi que la mémoire engendre
le Verbe énternel. Et ainsi qu’on appelle le Fils, la splen-
deur de la gloire paternelle, ainsi l'intelligence est la
splendeur de la mémoire. Ainsi le Verbe du Père, quoique
voilé dans la chair, est rendu visible aux yeux de l’homme;
de même le verbe de la mémoire, voilé dans la voix, est
rendu perceptible aux oreilles humaines. Ainsi encore,
comme nous voyons que le Saint-Esprit procède du Père
et du Fils, ainsi la volonté de l’âme raisonnable est, par
assimilation au Saint-Esprit, considérée comme émanant
de la mémoire et de l’intelligence. La similitude s’aflirme
encore de cette manière. Dieu gouverne librement tout -
l'univers en lui communiquant sa vie et en conservant
ainsi l’essence dans l'être. C’est par sa volonté que toutes
les, parties se dirigent séparément et en ordre vers lui.
C’est pour cela que Dieu est appelé Macrocosme, c’est-à-
dire le plus grand monde ; ainsi de même l’âme....., avant
la chute du premier homme, régnait de cette manière par
son influence vitale et sa prépondérance impériale. Comme
il n’y avait rien du corps qui ne recût sa vie d'elle, tout
était soumis à son pouvoir, ete. »
Les commentaires se suivent, d'arbre en arbre et de
( 693)
fruit en fruit, jusqu’au trente-sixième. On voit que c’est
de la quintessence mystique. À travers les abréviations et
les phrases tortueuses, quoique lPauteur vise à faire de la
bonne latinité, on devine, plutôt qu’on ne comprend, une
_ œuvre d’ascétisme scolastique qui pouvait prêter le flanc
à la critique. Il y a des phrases qui, prises à la lettre,
pourraient paraître audacieuses, et plus d’un théologien
de nos jours y découvrirait du panthéisme. Bogaert a-t-il
eu aussi à défendre l’orthodoxie de ce livre ? Il se pourrait
que le Speculum Caritatis eût servi à la défense du Po-
merium, de même que le Scutum Veritatis est la réfuta-
tion des critiques soulevées par les envieux sur le Pater
noster.
Comme nous reproduisons les douze planches, nous
pouvons nous dispenser de les décrire et de: rapporter ici
le nom de chacune des douze vierges et les propositions
que figurent les trente-six fruits des douze arbres du
verger. Le nom de chaque vierge, ou vertu, est inscrit
dans la banderolle qui passe dans l'arbre. La vierge est
contre l'arbre, tantôt assise, tantôt debout; la banderolle
qui passe derrière elle renferme les mots qu’elle adresse
à son époux. Les inscriptions des autres banderolles ont
rapport à la scène représentée. Les propositions consti-
tuant les trois fruits sont gravées sur trois lignes à la
base de l’estampe.
Chacun des chapitres se divise donc en trois points et
se termine par une prière.
En publiant ce document, nous espérons appeler de
nouvelles lumières sur le débat. Loin de le regarder
comme clos et de formuler un jugement définitif, nous
demandons que l'instruction se poursuive et que de nou-
veaux témoins soient entendus.
Grâce à l’obligeance de l'éditeur des Monuments ico-
( 694 )
nographiques el typographiques de la Bibliothèque royale
de Belgique, nous pouvons joindre à la présente notice,
comme spécimen, un fac-simile de la première planche
du Spirituale Pomerium.
Les artistes belges à l'étranger : ROBERT DE LoNGÉ et PIERRE
VLErick, par M. Ed. Fétis, membre de l’Académie.
18
ROBERT DE LONGÉ.
Le nom de Robert de Longé ne figure pas dans les bio-
graphies d'artistes flamands. Né à Bruxelles vers 1645, ce
peintre a dû quitter très-jeune la Belgique, où il n’est
resté de son existence qu'une seule et faible trace dont
nous parlerons tout à l’heure. C’est en Italie, où 1l se
rendit, à l'exemple d’un grand nombre de ses compatrio-
tes, que nous trouvons les témoignages d’un talent auquel
il à été rendu haute justice par de bons juges.
En retraçant l’histoire de la quatrième époque de l’école
de Crémone, Lanzi eite comme élèves d’Agostino Bonisoli :
« Angelo Massarotii et Roberto La Longe de Bruxelles,
un des nombreux peintres qui ont reçu en Italie le surnom
de Fiammingo, cause d’équivoques dans l’histoire. » Quel
peut être ce Roberto La Longe, appelé ailleurs Uberto Da
Longe, qui serait originaire de Bruxelles et dont sa ville
natale n'a gardé aucun souvenir. Comme le dit Lanzi, le
surnom de Fiammingo, donné en Italie à une foule de
peintres belges, est une cause d’équivoques; mais quand
les Italiens désignent un artiste par son nom, au lieu de
lui donner celui de son pays ou de sa ville natale, ils le
( 695 )
défigurent si bien, qu'il n’y a guère moins d’équivoque.
La première chose à faire, lorsqu'on prend pour point de
départ la citation d’un nom propre par un auteur italien,
_ c’est de chercher comment il peut se traduire ou s’inter-
préter, car il est sans exemple qu'il soit donné sous sa
véritable forme. Zani mentionne de cette façon notre pein-
tre bruxellois : « La Longe o Da Longe non Longi Uberto
o Roberto detto il Fiammingo. » Voilà certes bien des ma-
nières de travestir un nom. Zani cite La Longe comme
peintre d'histoire et de paysage et lui donne la qualifi-
cation de bravissimo, qui forme le degré supérieur de
l'échelle d’après laquelle il mesure le mérite des artistes.
Nous étions fort désireux de tirer de l’oubli un peintre
belge si honorablement noté à l'étranger, et de lui donner
dans la biographie nationale la place à laquelle il a droit;
mais il fallait, avant tout, lui restituer son nom. C’est le
livre de la corporation des peintres de Bruxelles, heureu-
sement retrouvé aux archives générales du royaume, par
M. A. Pinchart, qui nous en a fourni le moyen. Robert de
Longé, né à Bruxelles, fut inscrit, en 1658, dans ce livre
comme apprenti, ayant pour maître Jacques de Potter.
L’admission de Robert de Longé à la maîtrise n'étant pas
inscrite dans le registre, on doit en conclure qu'il ne ter-
mina pas ses études à Bruxelles, ou qu’il voulut du moins,
avant de se faire conférer le brevet de maître, compléter
son éducation technique par un voyage en Italie. Voilà
pour ce qui concerne la naissance et les premiers pas de
Robert de Longé dans la carrière. À dater de ce moment,
nous le perdons de vue et ne le retrouvons plus qu’à Cré-
mone , transformé en La Longe ou Da Longe, et travail-
lant sous la direction de Bonisoli. Il à dùû visiter Venise,
Rome, Florence , Bologne, dernier foyer de l’art italien,
car on ne va pas en Îtalie pour se fixer à Crémone; mais
( 696 )
nous manquons absolument de renseignements sur les @ir-
constances de son voyage.
« Roberto La Longe fréquenta peut-être, dit Lanzi,
l’Académie de Bonisoli et travailla dans le goût du Massa-
rotti, soit à Crémone, soit à Plaisance, où il demeura
longtemps et où il mourut. Il prit plusieurs styles, gardant
toujours cependant la souplesse, l'éclat, l’harmonie et le
moelleux comme caractères distinctifs de sa peinture. Il
semblait qu’il ne fût jamais sorti de la Flandre. Tantôt il fut
l’émule du Guide, comme dans des tableaux dont les sujets
sont tirés de la vie de sainte Thérèse, et qu'il peignit pour
l’église de Saint-Sigismond à Crémone; tantôt il se rap-
procha du Guerchin, comme dans ceux qui représentent
des épisodes de la vie de saint Antoine martyr, et qu’on
voit à Plaisance ; tantôt il eut un mélange remarquable de
délicatesse et de force, comme dans la Mort de saint Xavier,
assisté par des anges, qui se trouve dans la cathédrale de
Plaisance. De beaux paysages rehaussent le mérite des
figures. On désirerait que celles-ci fussent d’un meilleur
dessin et que l'artiste eût, en général, des dégradations
mieux ménagées. »
Ce passage prouve que si Robert de Longé subit jus-
qu'à un certain point l'influence des maîtres dont les
œuvres étaient habituellement sous ses yeux , il ne déserta
pas les traditions de notre école nationale. Lanzi nous dit
qu'il semblait n'avoir jamais quitté la Flandre; il vante la
beauté de son coloris, son talent de paysagiste; en re-
vanche il lui reproche ja faiblesse de son dessin. Le peintre
bruxellois avait done les qualités flamandes et les défauts
flamands. Nous pouvons le revendiquer non-seulement à
cause du lieu de sa naissance , mais encore à cause du
caractère de son talent dans lequel persistaient les traces
de éducation qu'il avait reçue à Anvers.
(Cm
Robert de Longé s’appliqua à la peinture à fresque, dont
un artiste qui voulait résider en ftalie et y obtenir des
travaux, devait se rendre les procédés familiers. Il paraît
avoir conservé pour ce mode d'exécution une prédilection
à peu près exclusive, car nous n'avons trouvé de lui aucun
tableau de chevalet cité dans les catalogues de galeries
publiques ou de collections particulières. Voici comment
ses œuvres principales sont mentionnées dans la Descri-
zione dei monumenti et delle pitture di Piacenza (Parma
1828) : dans la cathédrale de Plaisance, 1° une fresque
représentant la Résurrection de Notre-Seigneur, assez bel
ouvrage de Roberto a Longe detto el Fiammingo; ® dans
la chapelle de saint Corrado (même église), le tableau de
saint François, de même que les beaux enfants qui déco-
rent l’ancienne chapelle sont du susdit Roberto a Longe;
3° dans l’église de Saint-Antoine, le tableau du grand
autel représentant le saint titulaire et saint Victor, pre-
mier évêque de Plaisance est de Roberto a Longe.
Après avoir habité Crémone, Robert de Longé était allé
_ fixer sa résidence à Plaisance. C’est dans cette ville qu'il
a passé la dernière et la plus longue partie de sa carrière ;
c’est là qu’il est mort en 4707, âgé d’environ quatre-vingts
ans, comme on peut le caleuler en prenant pour point de
départ la date de son inseription sur le registre de la cor-
poration de Saint-Luc d'Anvers. Les biographes italiens ne
nous fournissent aucun renseignement sur Sa vie. À part
les quelques indications données par Lanzi, relativement
aux études de notre artiste à Crémone, nous sommes dans
une ignorance complète des particularités qui le concer-
nent. Nous ne sommes que très-imparfaitement renseignés
également sur ses travaux, car il est impossible qu’il n’ait
pas produit, durant les cinquante années qu’il a passées
en Italie, d'autres œuvres que celles qu’on voit encore
( 698 )
aujourd’hui dans les églises de Crémone et de Plaisance.
Si, mdépendamment des fresques que nouS$ venons de citer,
il a exécuté des tableaux de chevalet et des portraits, on est
fondé à croire que ces œuvres, n'étant pa$ signées, auront
circulé sous un autre nom que le sien. peut-être ont-elles
été attribuées à quelque autre Fiammin90 à cause de Ja
confusion établie dans l’histoire de l’art, comme le dit
Lanzi, par l'abus qui a été fait en Jtalie de ce surnom.
Quoi qu’il en soit, Robert de Longé vient grossir la liste
de nos artistes expatriés, et nous croyoñS avoir bien fait
de le restituer à la biographie belge, en attendant que des
travaux semblables à ceux qu'on a entrepris de nos Jours
en Allemagne , en Belgique et en France aient mis en
lumière les documents que doivent posséder les dépôts
d'archives de l'Italie.
IT.
PIERRE VLERICK.
Pierre Vlerick, cité dans plusieurs biggraphies ou his-
toires de la peinture sous le nom d’Ulerick ou Ulrich, à
cause de l’usage où l’on était jadis de confondre l'U et le
V, n’a point passé toute sa carrière à l'étranger; mais il y
a résidé assez longtemps, et le séjour qu'il y à fait a été
marqué par des particularités assez intéresSantes, pour que
nous soyons autorisés à comprendre sa notice parmi celles
des artistes flamands temporairement expatriés.
Né à Courtrai en 1339, Pierre Vlerick était destiné à la
carrière du barreau par son père, qui exercait la profession
de procureur; mais les dispositions qu'il manifesta pour le
dessin lui firent obtenir l'autorisation de céder au penchant
qui l’entraïnait vers les beaux-arts. |
Un biographe a dit, sérieusement et plaisamment tout
( 699 )
à la fois, qu'on le mit en apprentissage chez Guillaume
Snellaert , peintre en batiments. Le placer à pareille école
eût été un singulier moyen de l’aider à suivre sa vocation.
Guillaume Snellaert pratiquait la peinture en détrempe.
C'était un artiste fort ordinaire, mais ce n’était point un
manœuvre. Il enseigna tout ce qu’il savait à son jeune dis-
ciple. Celui-ci reconnut, après moins d’une année, qu'il
ferait désormais peu de progrès sous un tel maître et prit
la résolution d’aller chercher, hors de sa ville natale, des
leçons plus efficaces. Karel van Yper ou Charles d’Ypres,
ear il est connu sous ces deux noms, jouissait d’une cer-
taine réputation. Il avait voyagé en Italie, et l’analogie
qu'offrait sa manière avec celle de Tintoret a fait supposer
qu'il avait reçu des leçons de ce maître. Ce fut auprès de
lui que se rendit Pierre Vlerick. Charles d’Ypres accorda
au Jeune Courtraisien l'entrée de son atelier et lui fit faire
de rapides progrès. Pierre Vlerick sentait combien ce nou-
veau maître était supérieur à celui qu'il avait quitté, et il
aurait voulu pouvoir poursuivre, sous sa direction, des
études dont il recueillait d'excellents fruits; mais l'humeur
fantasque de Charles d’Ypres, dont l’état mental n’était
pas très-sain et qui finit misérablement par un suicide,
ne lui permit pas de prolonger son séjour auprès de lui. Il
retourna chez son père, qui n’était pas la tendresse même,
à ce qu'il paraît, et qui le reçut assez mal, trouvant sans
doute qu'un jeune homme qui préférait la peinture à la
jurisprudence ne pouvait être qu’un vaurien.
Pierre Vlerick déserta la maison paternelle et se rendit
à Malines , où l’on sait qu’il y avait alors de nombreux ate-
liers de peintres. Il ne s'agissait plus seulement, pour lui,
d'étudier, mais de vivre, toute pension lui étant désormais
refusée. Un peintre en détrempe, et non en bâtiments, le
reçut au nombre de ses aides. Moyennant une modique
( 700 )
rétribution quoditieune, Vlerick s’engagea à rendre à son
patron tous les services dont son pinceau serait capable.
Dans de certains ateliers flamands, le travail était divisé
comme il l’est dans les manufactures. Un tableau passait
entre les mains de plusieurs praticiens : celui-ei faisait la
tête, celui-là les mains; un autre les pieds, un quatrième
les draperies, un cinquième les fonds et accessoires. Pierre
Vlerick se résigna quelque temps à louer sa collaboration
au fabricant de ces œuvres de pacotille qui lui avait ouvert
son atelier; mais dès qu’il eut fait quelques économies, il
se hâta de le quitter pour allér à Anvers, où de tous autres
moyens d’études devaient lui être offerts. Ces détails sont
donnés par M. Van Mander, qui avait eu Pierre Vlerick
pour maître, et qui fournit des indications très-précises
sur la partie belge de sa biographie, s’il nous est permis
de nous exprimer ainsi. Nous passerons rapidement sur
cette phase de sa carrière pour le suivre en Italie, puisque
c'est à retracer les incidents de la vie de nos artistes à
l'étranger que nous nous attachons ici particulièrement.
Pierre Vlerick demeura quelque temps à Anvers, où il
fréquenta, suivant ce que nous dit Van Mander, latelier
de Jacques Floris, frère de Frans Floris, et où il exécuta
de nombreuses copies qui formèrent son coup d’œil et sa
main. Le voilà parti pour l'Italie : il traverse la France et
pousse jusqu'à Venise, où il plante sa tente de voyageur.
Il va demander au Tintoret la faveur d’être admis au
nombre de ses disciples. C’est à ce maître que nos Flia-.
mands s’adressaient de préférence, et, quoiqu'il ne tint pas
école ouverte comme d’autres peintres, il les accueillait
bien. Peut-être ses bonnes dispositions pour eux tenaient-
elles à ce qu'il pouvait uüliser un genre de talent qu'ils
possédaient tous, et que ceux de ses compatriotes par les-
quels 1l se faisait seconder dans l’exécution de ses im-
( 701 ) |
menses travaux n'avaient pas généralement au même
degré. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire plus d’une
fois, les artistes flamands, éminemment doués de l’instinet
de la nature, avaient devancé, comme paysagistes, ceux
des autres nations. LeTintoret trouvait en eux d'excellents
auxiliaires pour cette partie de ses tableaux. Titien lui
avait montré le parti qu’on peut tirer de ces fonds em-
pruntés aux splendeurs de la nature ; mais, n’espérant pas
pouvoir lutter avantageusement sur ce terrain avec son
illustre rival, il aimait mieux recourir à la collaboration
étrangère.
Zani nous apprend qu’il reçut ce service de deux pein-
tres flamands Paolo Franceschi (Paul Franchoys) et Martin
de Vos. Il aurait pu Joindre à ces deux noms celui de Pierre
Vlerick. D'une humeur enjouée, gai compagnon, le peintre
courtraisien plut au Tintoret qui non-seulement lui donna
* des leçons et le prit, ainsi que nous venons de le dire,
comme auxiliaire, mais encore le recut familièrement
chez lui.
C'est iei Le lieu de faire mention d’une particularité
qui a été très-diversement rapportée. Van Mander, en par-
lant du séjour de Pierre Vlerick à Venise, et des bonnes
dispositions du Tintoret pour lui, donne à entendre que
s’il n'avait pas eu un aussi vif penchant pour les voyages
et s’il avait pu se fixer à Vemise, il aurait peut-être épousé
la fille de son maître, la charmante Marietta Tintoret dont
les annalistes de la peinture italienne ont célébré les ta-
lents et la beauté. C’est une simple supposition. Elle a
pris, sous la plume de certains écrivains, le caractère de
l'affirmation d’un fait. La Biographie des hommes remar-
quables de la Flandre occidentale renferme deux notices
sur l’artiste dont nous nous occupons, l’une dans le
| gme SÉRIE, TOME XVII. 47
( 702 )
deuxième et l’autre dans le quatrième volume. Voici ce que
nous lisons dans la première : « Arrivé à Venise, il (P.
Vlerick) fit la connaissance de Tintoret qui le prit en
affection, à tél point qu'il lui donna sa fille en mariage.
Vlerick, malgré les instances de son illustre beau-père,
quitta Venise pour aller visiter d’autres villes et pour se
rendre à Rome. » Voilà qui est positif : Tintoret donne sa
fille en mariage à Pierre Vlerick. Dans la seconde notice
on est moins aflirmatif, sans faire connaître toutefois
pourquoi l’on présente les choses sous un nouvel aspect :
« Après avoir müri son {alent par un travail soutenu et
une étude intelligente et réfléchie des bons modèles, Vle-
rick se disposa à visiter les autres villes remarquables de
l'Italie. Le Tintoret, charmé de sa manière de peindre,
des connaissances variées et de l'humeur enjouée de notre
compatriote, s’eflorça de le retenir auprès de lui, en lui
offrant la main de sa fille. Pierre, qui était un agréable
boute-en-train, léger et pétulant, avait courtisé dans ses
moments de loisirs la belle enfant; mais, soit qu’il fût trop
attaché à sa patrie, soit que sa passion des voyages ne fût
pas assouvie par ce qu’il avait vu, 1l laissa là ses amours et
son maître, fit ses adieux au grand peintre qui l'avait
chéri comme un fils, et visita successivement toutes les
villes où il espérait trouver quelque objet qui pût servir à
son instruction.» Trompé par ce récit, où tout est imagi-
naire, M. Siret a dit dans son Dictionnaire historique des
peintres de toutes les écoles : «Il (Vierick }sut gagner l’es-
time du Tintoret, qui voulut lui faire épouser sa fille; mais
le désir de voyager fit que Vlerick repoussa cette propo-
sition. » Ainsi, parce qu’il a plu à un biographe d'inventer
des épisodes qui n’ont aucune apparence de fondement,
dans le seul but sans doute de rendre son héros plus inté-
ressant et d’allonger sa notice, voici la belle Maria Tin-
( 705 )
toret présentée comme une amante délaissée. Le jeune
peintre de Courtrai l’a courtisée dans ses moments de loi-
sir, puis il l’a plantée là, si l’on veut bien nous passer
. cette expression vulgaire. Le Tintoret veut lui faire épouser
sa fille, mais il repousse cette proposition. La belle Véni-
tienne a l’humiliation de se voir dédaignée par un jeune
Courtraisien. Peu s’en est fallu que le biographe n'ait
risqué quelque insinuation attentatoire à sa réputation
d'honnèête fille, sans songer que la calomnie, pour s'exercer
sur les morts, n’en est pas moins de la calomnie. Heureu-
sement pour Maria Tintoret, il est facile de la défendre
contre les allégations au moins légères du biographe. Il
suffit pour cela d’un rapprochement de dates. Pierre Vle-
rick devait avoir environ vingt ans lorsqu'il partit pour
ltalie. Né en 1539, il entreprit donc ce voyage vers 1559,
et, en supposant qu’il ait fait quelques haltes dans les villes
intermédiaires, 1l arriva à Venise au commencement de
1560 au plus tard. C'était précisément l’année de la nais-
sance de Maria Robusti, célèbre quelque vingt ans après
sous le nom de Marietta Tintorella : or, on sait pertinem-
ment que Pierre Vlerick n’est pas resté à Venise assez
longtemps pour voir l’enfant parvenir à l’âge nubile et pour
avoir l’occasion de refuser sa main.
Nous avons insisté sur cet épisode imaginaire de la vie
de Vierick, bien qu'il soit étranger à l’art, parce que nous
voulions montrer une fois de plus comment on écrit trop
souvent l'histoire, et quelles bévues est exposé à commettre
le biographe qui s’attribue les priviléges du romäncier.
Pierre Vlerick quitta Venise sans que la main de Maria
Tintoret lui fût offerte, et sans faire, par conséquent, à
Jacopo Robusti l'affront d’un refus. Il quitta Venise, non
parce qu'il avait la folle passion des voyages, comme ses
biographes l’ont donné à entendre, mais parce qu’il était
( 704
parti pour l’Italie dans le dessein de compléter son édu-
cation d'artiste par l’étude des chefs-d’œuvre des maîtres,
et que son but n'aurait pas été atteint s’il se fût arrêté à
Venise. Aurait-il pu reprendre le chemin de la Flandre sans
avoir vu Rome? Il se dirigea donc vers la ville éternelle et
y fit sa seconde station de pèlerin-artiste. Son temps fut
partagé entre ses études et des travaux rétribués qu'il fal-
lait bien qu’il acceptât et même qu’il recherchât, puisqu'il
n'avait d'autre fortune que son pinceau. Van Mander dit
qu'il dessina merveilleusement tout ce qui s’offrait à lui
d'objets admirables dans Rome : monuments anciens, rui-
nes, productions de l’art moderne. Parmi celles-ci, ce sont
surtout les œuvres de Michel-Ange qui le frappèrent et
qu'il étudia. Il est à remarquer que ceux des peintres fla-
mands qui visitèrent l'Italie et qui subirent l’influence des
écoles méridionales, eurent plus de tendance à s’assimiler
le style de Michel-Ange qu’à imiter celui de Raphaël.
Ils sentaient mieux l'énergie, le mouvement du premier,
que l’exquise beauté dont le second a créé de si parfaits
. modèles. | | |
Indépendamment de ses études d’après les œuvres des
maitres, Pierre Vlerick dessina beaucoup d’après nature;
il prit un grand nombre de vues des différentes parties de
Rome et particulièrement des bords du Tibre. Van Mander
dit que ses dessins étaient touchés avec esprit, dans le
genre de ceux de H. Van Cleef. I s'était mis à pemdre à
fresque, attendu qu’un artiste auquel ce procédé d’exécu-
tion n’était pas familier, trouvait difficilement à s'employer
alors en Italie. Différents travaux de ce genre lui furent
commandés. Girolamo Muziano , de Brescia, qui avait étu-
dié à Venise et qui était venu se fixer à Rome où il jouis-
sait d’un grand crédit, eut l’occasion de voir de ses ou-
vrages, distingua son mérite et le prit pour collaborateur.
( 705 )
C'était, pour notre arliste, une excellente protection.
.Girolamo Muziano avait la surintendance des travaux de
peinture du Vatican, ce qui lui donnait une grande auto-
_rité et rendait son patronage fort utile à ceux qui pouvaient
l’obtenir. Nous avons vu que Pierre Vlerick avait été em-
ployé par le Tintoret à orner ses tableaux de fonds de
paysages. Ce fût une mission tout opposée qu’il reçut de
Girolamo Muziano. Ce maître traitait supérieurement la
figure; mais 1l excellait davantage encore dans les vues
champêtres, ce qui lui avait valu à Rome le surnom du
Jeune homme aux paysages. Il imitait avec succès la ma-
nière de Titien qu'il avait étudiée à Venise. Le goût des
perspectives champêtres dominait alors à Rome; tous les
possesseurs de palais et de villa voulaient avoir des spé-
cimens de ce genre de décoration, et Muziano pouvait à
peine suffire aux commandes qu’il recevait de toutes parts.
Force lui était de prendre des aides, pour contenter ses
nobles clients. Il fit exécuter par Vlerick des figures dans
plusieurs de ses paysages, et notamment dans ceux dont il
orna la célèbre Villa d’Est, près de Tivoli. Le choix qu’un
peintre tel que Muziano avait fait de notre jeune Flamand
comme collaborateur, témoigne assez du mérite de celui-ci.
Pierre Vlerick ne voulait pas plus se fixer à Rome qu'il
n'avait voulu s'établir à Venise, toute fable de mariage à
part. Il alla à Naples où il prit beaucoup de vues d’après
nature, tant dans la ville même que dans ses environs si
riants et si pittoresques; ce fut le terme de ses pérégri-
nations. Fortifié par des études assidues, riche de matériaux
qu'il espérait pouvoir utilement employer dans son pays,
il quitta l'Italie où 1l laissait, comme tant d’autres de nos
Flamands, la trace de son passage, ct reprit le chemin de la
Belgique, se dirigeant cette fois à travers l'Allemagne qu’il
désirait connaitre.
( 706 )
Pierre Vlerick était de retour dans sa ville natale. S'il
faut en croire Van Mander, il n’eut pas lieu de se féliei-
ter d’avoir quitté Venise et Rome pour Courtrai. Nous le
croyons sans peine. Quelles ressources pouvait offrir une
pelite ville de province à un artiste qui venait d'agrandir
la sphère de ses idées par un séjour de plusieurs années
dans un pays riche en monuments de tout genre et fertile
en hommes distingués? Mourir de faim ou périr d’ennui,
telie est l'alternative où le peintre courtraisien se trouvait
placé. Que ne s’était-1l, à son retour, fixé soit à Bruxelles soit
à Anvers, les seules villes de la Belgique où régnât à cette
époque le mouvement des arts? II se maria et ce furent,
sans doute, des raisons de famille qui le retinrent à Cour-
trai. Doué d’un tempérament énergique , il lutta courageu-
sement contre la mauvaise fortune. Tableaux, portraits,
plans de maisons, car il avait acquis des notions théoriques
et pratiques d'architecture, 1l multiplia les preuves de son
talent et de son activité. Ce fut en pure perte. Il resta mé-
connu par ses concitoyens, ou plutôt il subit les effets de
cette espèce d'asphyxie intellectuelle contre laquelle un
homme de mérite se débat en vain dans une petite ville
de province. Van Mander cite de lui pluseurs tableaux exé-
cutés à cette époque de sa carrière et dont il fait l’éloge.
Que sont-ils devenus? On en cherche vainement la trace,
en Belgique et ailleurs. Vlerick paraît être resté l’élève du
Tintoret et avoir continué de peindre dans la manière du
maitre vénitien. C’est vraisemblablement ce défaut d’origi-
nalité qui aura causé la perte de ses œuvres non signées.
On n'aura pu les rattacher ni à son nom, ni à celui d’au-
cun des peintres de l’école flamande, et si elles ne sont pas
anéanties, elles ornent peut-être quelque église de village,
attribuées par l'amateur qui les voit accidentellement à un
Vénitien de la décadence. Telle est la juste punition des
( 707 )
artistes qui ne savent pas garder un cachet personnel.
Vlerick ne faisait pas fortune à Courtrai. Il voulut es-
sayer si son mérite serait mieux apprécié et mieux rétribué
à Tournai. De nouvelles tribulations l’attendäient dans cette
ville. Les peintres de la corporation locale lui interdirent
d'exercer son art avant qu'il eût satisfait aux règlements.
Cela ne lui fut pas difficile, car il s’agissait d'exécuter une
œuvre qui prouvât la capacité du récipiendaire. Il réussit, .
cela va sans dire; il ne réussit que trop, càr sa supério-
rité blessa les peintres tournaisiens qui ne cessèren t de lui
susciter des tracasseries. Nous ne nous arrêtons pas à ces
misères, sur lesquelles Van Mander s'étend longuement,
parce que nous ne voulons pas, comme nous l'avons dit,
sorlir des limites que nous prescrit notre sujet; mais les
Dnnlantés que rapporte la biographie des peintres fla-
mands n’en ont pas moins un certain intérêt DOME l’his-
toire de l’art et des mœurs des artistes.
La fin de la carrière de Pierre Vlerick fut des plus
tristes. Il demeura à Tournai qui se montrait pour lui si
peu hospitalière, fit des tableaux qu’il ne vendit pas et fut
réduit pour vivre, si cela pouvait s'appeler vivre, à prati-
quer la peinture non plus comme un art, mais comme le
plus humble des métiers. Poursuivi pour des dettes qu'il
avait été obligé de contracter, il perdit coup sur coup ses
trois filles et mourut lui-même de la peste en 1581, à l’âge
de quarante-deux ans. Combien de fois ne dut-il pas son-
ger à l'Italie, à l’accueil qu’il y avait recu, à la considéra-
tion qu’on y avait eue pour son talent, aux jours heureux
qu'il y avait passés ?
ee.
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
a
De Ram (P.-F.-X.). — Hagiographie nationale. Vies des
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2e livr.; — Rapport sur la situation de la Société en 1863.
Namur, 1864; 2 cah. in-4.
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Société de pharmacie de Bruxelles. — Bulletin; 8"° année,
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2m SÉRIE, TOME XVII. 48
( 710 )
La Presse médicale belge, 16"° année, n°° 14 à 98. Bruxelles,
1864; 15 feuilles in-4°.
Annales de l’électricité et de l’hydrologie médicales, 5°
année, n° À à 5. Bruxelles, 1864; 3 broch. in-8.
Société de médecine d'Anvers. — Annales, 25° année, liv.
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Socièté de pharmacie d’Anvers. — Journal de pharmacie,
20° année, avril à juin. Anvers, 1864; 5 broch. in-8°.
Société médico-chirurgicale de Bruges. — Annales, 25
année, mars, avril et mai 1864. LEE in-8°.
Le Scalpel, 16"° année, n°° 51 à 47. Liége, 1864; 17 feuilles
in-#°.
Hollandsche maatschappij der wetenschappen te Fiat
— Natuurkundige verhandelingen , 2% verzameling, 18% deel.
Harlem, 1863; in-4°.
Koninklijke natuurkundige Vereeniging in nederlandsch
Indië. — Natuurkundig tijdsehrift voor nederlansch Indié,
deel XXVI, 6% serie; deel I, aflev. 1 en 2. Batavia, 1863;
in-8°.
Laussedat. — Rectification de plusieurs faits consignés dans
le Bulletin de la Société royale astronomique de Londres, à
propos de l’observation des éclipses totales de soleil de 1860
et 1861. Paris, 1864; in-4°.
Guérin-Méneville (F.-E.). — Revue et magasin de zoologie
pure et appliquée, n°% 4 à 6. Paris, 1864; 3 broch. in-8°.
Académie des sciences de l’Institut de France. — Comptes
rendus, hebdomadaires des séances, par MM. les secrétaires per-
pétuels, tome LVIII, n°° 14 à 26. Paris, 1864; 15 cah. in-4°.
Société de biologie. — Comptes rendus des séances et Mé-
moires, tome IV: de la 5”° série, 1862. Paris, 1863; in-8°.
Institut historique de Paris. — L'Investigateur, 32”° année,
382*%°-353"° livraisons. Paris, 1864; gr. in-8°.
Revue britannique, édition de Paris, 40° année, avril à
juin. Paris, 1864; 35 vol. in-8°.
{ 1109
Société académique de Maine-et-Loire. — Mémoires, XI®° et
XIFP*° volumes. Angers, 14862; in-8°.
Académie d'Arras. — Mémoires, tomes XXII, XXIV et
XXV. Arras, 1861-1863; 5 vol. in-8°.
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scientifiques. — Annuaire, 1864. Paris-Caen; in-8°.
Société dunkerquoise pour l’encouragement des sciences,
des lettres et des arts. — Mémoires, 1861-1862, VIII": vol.
Dunkerque, 1862; in-8°.
Institut national genevois. — Mémoires, tome IX"°, années
1862-1863. Genève, 1865; in-4°, — Bulletins, tomes I à XE.
Genève, 1855-1861 ; in-8°.
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moires et Documents, tomes XVIII et XIX. Lausanne, 18635-
1864; 2 vol. in-8°.
Grunert (J.-A.). — Archiv der Mathematik und Physik.
XLIte Theil, 4! Heft. Greifswald, 1864 ; in-8°.
Konigliche buyerischen botanischen Gesellschaft zu Regens-
burg.— Denkschriften, V' Band, 1°° Heft. Regensburg, 1864:
in-4°.
Kaïserliche Akademie der Wissenschaften in Wien. —
Sitzung der math.-naturw. Classe, Jahrg. 1864, n° 10 à 12.
Vienne, 1864; 3 feuilles in-8°.
Æ. K. Gesellschaft der Arzte in Wien. — Medizinische
Jahrbucher, Zeitschrift redigirt von C. Braun, A. Duchek,
L. Schlager. Jahrgang 1864, Il'° und IIT'° Heft. Vienne, 1864 ;
in-8°. — Wochenblatt, n° 20 et 21, 1864. Vienne; in-8°.
Commission impériale archéologique de Russie. — Compte
rendu pour l’année 1862. Saint-Pétersbourg, 1863 ; À vol. in-4°
et un atlas in-folio.
The Reader, a review of literature, science and art, vol. HIT,
n° 69 à 76. Londres, 1864; in-4°.
Numismatic Society of London. — The numismatie chro-
nicle, new series, n° XIII, Londres, 1864; in-8°.
( 1129
Norman Lockyer (J.). — Observations on the planet Mars
read june 12, 1865. Londres, 1863; in-8°.
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FIN DU TOME XVII DE LA 2% SERIE.
BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
TABLES ALPHABÉTIQUES
DU TOME DIX-SEPTIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE.
1864.
TABLE DES AUTEURS.
A.
Académie des nouveaux Lincées à Rome. — Envoi de son programme de
concours pour 1865, 82.
Académie royale des sciences de Munich. — Hommage d’une médaille
frappée en l'honneur de M. de Martius, 590.
Alvin. — Hommage d’un ouvrage fait en collaboration avec M. Chauvin,
52; élu directeur de la classe des beaux-arts pour 1865, 53; remercié
par la classe des beaux-arts pour avoir rempli les fonctions de secrétaire
de la Caisse centrale des artistes belges pendant l’année 1863, 203;
discours prononcé lors des funérailles de M. Roelandt, 564; sur un
manuscrit de la Bibliothèque royale de Bruxelles intitulé Spirituale
Pomerium, 568, 679 ; commissaire pour un mémoire de concours de la
classe des beaux-arts relatif à l’enseignement des arts plastiques, 678;
membre de la commission mixte pour les donations et les signes dis-
tinctifs, 678.
Anonyme. — Présentation d’un travail manuscrit pour le concours de
Stassart relatif à une question d'histoire nationale, 34, 197.
Arendt. — Commissaire pour un mémoire de concours de Ja classe des
2e SÉRIE, TOME XVII. 49
714 TABLE DES AUTEURS.
lettres sur les colonies flamandes établies en Allemagne, 196; rapport
sur ce mémoire, 458.
Association britannique pour l'avancement des sciences. — Annonce de
sa réunion à Bath, en 1864, 652.
B.
Backhuyzen van den Brinck. — Élu associé de la classe des lettres, 508 ;
remerciments pour son élection, 651.
Baes (Edg.). — Inscription rédigée par M. Roulez pour sa médaille de
concours , 201.
Bernardin. — Transmet ses observations des phénomènes périodiques
faites à Melle, en 1865, 3, 434; sur un halo lunaire observé à Melle le
21 février 1864, 226.
Bets (P.-V.). — Présentation d’un ouvrage imprimé pour le concours de
Stassart relatif à une question d'histoire nationale, 34, 197.
Bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg. — Échange de publica-
tions , 82. -
Borgnet (Ad.). — Membre du jury pour le concours relatif aux anciennes
assemblées nationales, 380.
Bormans. — Lecture des rapports de MM. De Decker, le baron J. de
Saint-Genois et Snellaert sur son mémoire relatif à quelques fragments
choisis de la chanson de Roncevaux , 194.
Bourson. — Rapport sur le second concours triennal de littérature dra-
matique française, 541.
Bouyet (Alfred). — Dépôt d’un billet cacheté, 315.
Brachet (A.). — Présentation de notes sur les perfectionnements qui peu-
vent être apportés aux instruments d'optique, 315; lecture des rapports
de MM. Plateau et Duprez sur ces notes et impression des conclusions
du travail de M. Brachet, 455.
Braemti. — Réélu membre de la commission administrative pour 1864,
53; présentation de l’aperçu de l’état financier de la Caisse centrale des
artistes belges, au 1er février 1864, 202.
Brasseur. — Lecture de son rapportsur une notice de M. Lindelôf relative
au maximum et au minimum dans le calcul des variations, 87; com-
missaire pour une note de M. Th. Lambert sur les courbes du deuxième
degré, 590.
C.
Candèze. — Présentation d’une notice sur des élatérides ynouveaux, 590.
Cantraine. — Annonce de sa mort, 2.
TABLE DES AUTEURS. 715
Catalan (Ët.). — Remercîments pour l'impression de son mémoire sur les
lignes de courbure, 5.
Cattier (A.). — Chargé d'exécuter, pour les salles académiques, le buste
de feu Dumont, 285.
Cavalier. — Transmet ses observations des phénomènes périodiques faites
à Ostende en 1865, 454.
Cavelier. — Élu associé de la classe des beaux-arts, 53; remercîments
pour son élection, 199.
Chalon. — Hommage d’un ouvrage, 457.
Colnet d'Huart. — Hommage d’un ouvrage, 434; lecture des rapports de
MM. Lamarle et Schaar sur cet ouvrage, 598.
Comité central des inscriptions de la Flandre orientale. — Échange de
publications, 380, 457.
Commission administrative de l'exposition nationale des beaux-arts de
1865.—Transmet, pour la Caïsse centrale des artistes, une somme pré-
levée sur le produit de la vente des œuvres d’art de cette exposition , 52.
D.
David. — Commissaire pour une note de M. Hegewald relative à quelques
recherches curieuses sur les Gaulois; 33; adhère au rapport de M. Roulez
sur cette note, 195; commissaire pour un mémoire de concours de la
classe des lettres sur les colonies flamandes établies en Allemagne, 196;
adhère au rapport de M. Arendt sur ce mémoire, 486.
D'Arneth (le chevalier). — Élu associé de la classe des lettres, 508; re-
merciments pour son élection, 651.
De Borchgrave. — Inscription, par M. Roulez, pour sa médaille de
* concours remportée en 1863, 284; remerciments pour cette médaille,
457 ; auteur du mémoire couronné au concours de 1864, sur les colonies
flamandes établies en Allemagne, 487 ; remerciments pour la nouvelle
médaille qu’il vient de remporter, 652; inscription, par M. Roulez, pour
cette médaille, 652.
De Burbure (le chevalier L.). — Note supplémentaire à la notice sur le
graveur flamand Jean Schorquens ou Schorkens, lue à la séance du 3
décembre 1863, par M. Éd. Fétis, 205.
De Caligny (le marquis). — Présentation d’une nouvelle note sur le mou-
vement des vagues, 3; rapport de M. À. De Vaux sur cette note et sur la
note relative aux siphons employés dans le percement du mont Cenis, .
297.
De Coussemaker. — Présentation d’un travail manuscrit sur la musique
716 TABLE DES AUTEURS.
harmonique et les musiciens harmonistes du douzième et du treizième
siècle, 52; retire ce travail, 200.
De Decker. — Lecture de son rapport sur un mémoire de M. Bormans
relatif à des fragments choisis de la chanson de Roncevaux, 194.
De Gerlache (le baron). — Membre du jury pour le concours relatif aux an-
ciennes assemblées nationales, 380.
De Jager (A.). — Auteur du mémoire couronné par la classe des lettres
relatif à l'éloge de Vondel, 491; remerciments pour la médaille qu’il
a remportée, 652; inscription, par M. Roulez , pour cette médaille,
652.
De Keyser. — Remerciments au directeur sortant, 77.
De Koninck.— Rapport sur une note de M. Esselens relative aux potasses
du commerce, 90; notice sur le Palædaphus insignis, 145 ; commissaire
pour une notice de M. Rottier relative à la conservation du bois, 227;
rapport sur cette notice, 315; commissaire pour une note de M. Mel-
sens relative à la conservation du bois, 229; lecture de son rapport sur
cette note, 517; commissaire pour un mémoire de M. Van Beneden relatif
à des ossements de squalodon, 319 ; lecture de son rapport sur ce mé-
moire, 456; commissaire pour une notice de M. Krouber sur les benzines,
454 ; adhère au rapport de M. Stas sur cette notice, 598; commissaire
pour une analyse des eaux d’un puits artésien creusé à Ostende, 590.
Demanei. — Hommage d’un ouvrage, 677.
De Montaiemberi (le comte). — Hommage d’un ouvrage, 380.
D’'Omalius. — Commissaire pour une notice de M. Dupont relative au
marbre noir de Bachant, 3; rapport sur cette notice, 91 ; rapport sur
un projet de recherches paléontologiques à faire dans les grottes du
pays , présenté par M. Dupont, 6.
De Ram. — Hommage d'ouvrages, 35,652; commissaire pour le mémoire
présenté au concours de Stassart relatif à l'éloge de Van Helmont, 83,
197; rapport sur ce mémoire, 501 ; élu membre de la commission pour
les donations et les signes distinctifs, 655.
De Saint-Genois (le baron J.). — Lecture de son rapport sur un mémoire
de M. Bormans relatif à des fragments choisis de la chanson de Ronce-
vaux, 194; commissaire pour les mémoires de concours de la classe des
lettres relatifs à l’éloge de Vondel, 196; rapport sur ces mémoires,
487.
De Selys-Longchamps. — Apparition du Syrrhapte hétéroclite en Bel-
gique, 22; transmet ses observations des phénomènes périodiques ob-
servés à Waremme et à Liége en 1865, 82, 514, 434; commissaire pour
un mémoire de M. Van Beneden relatif à des ossements de squalodon,
TABLE DES AUTEURS. 717
319; lecture de son rapport sur ce mémoire, 456 ; commissaire pour une
notice de M. Candèze sur des élatérides nouveaux , 590.
De Smet. — Commissaire pour le mémoire présenté au concours de Stas-
sart relatif à l'éloge de Van Helmont, 83, 197; rapport sur ce mémoire,
Cr oÛt:
De Vaux (Ad.). — Commissaire.pour deux notes de M. le marquis de
Caligny relatives au mouvement des ondes et sur les siphons employés
au percement du tunnel des Alpes, 5; rapport sur ces notes, 227; com-
missaire pour une notice de M. Rottier relative à la conservation du
bois, 227; rapport sur cette notice, 515; commissaire pour une note de
M. Melsens relative à la conservation du bois, 229; lecture de son rap-
port sur cette note, 317; commissaire pour une analyse des eaux d’un
puits artésien creusé à Ostende , 590.
Dewalque. — Commissaire pour une notice de M. Dupont relative au
marbre noir de Bachant, 3; rapport sur cette notice, 92; rapport sur
-un projet de recherches paléontologiques à faire dans les grottes du pays,
présenté par M. Dupont, 7; notice sur la distribution des sources miné-
rales en Belgique, 151; transmet ses observations des phénomènes
périodiques observés à Liége, en 1863, 314, 434 ; commissaire pour une
analyse des eaux d’un puits artésien creusé à Ostende, 590.
De Wilde (P.). — Sur le chlorure de bromacétyle et le bromure de chlor-
acétyle, 276; lecture des rapports de MM. Melsens et Stas sur cette
notice , 228.
Dinaux (A.). — Annonce de sa mort, 651.
Disraeli (B.) — Élu associé de la classe des lettres, 508.
Donny. — Essai des huiles, 376.
Duc de Brabant (S. A. R.). — Promet d'assister à la séance publique de la
classe des lettres, 456.
Dupont (Éd.). — Notice sur le marbre noir de Bachant, 5, 181 ; rapports
de MM. d'Omalius et Dewalque sur cette notice, 91, 92; projet de
recherches paléontologiques à faire dans les grottes du pays, 4, 25; dé-
pôt d’un billet cacheté, 227.
Duprez. — Commissaire pour un mémoire de M. Perrey sur les tremble-
ments de terre de 1862, 4; rapport sur ce mémoire, 85; commissaire
pour une note de M. Thielens sur les aérolithes tombés en Brabant le
7 décembre 1865, 4; rapport sur cette note, 86; lecture de son rapport
sur le mode de placement de paratonnerres, proposé par MM. Lippens
et Sacré, pour l'hôtel de ville et l’entrepôt de Bruxelles, 126 ; commis-
saire pour une notice de M. Van Heurck relative à un nouvel objectif
de microscope, 227; rapport sur cette notice, 318; commissaire pour
718 TABLE DES AUTEURS,
deux notes de M. Brachet relatives aux perfectionnements des instru-
ments d'optique, 515; lecture de son rapport sur ces notes, 435; com-
missaire pour une note de M. Sacré sur les paratonnerres , 315; com-
missaire pour une note de M. Montigny relative à la scintillation, 578;
lecture de son rapport sur cette note, 435; commissaire pour un
mémoire de M. Plateau sur un problème curieux de magnétisme, 454;
lecture de son rapport sur ce mémoire, 596 ; commissaire pour une note
de M. Valerius sur un nouveau chronoscope, 590.
E.
Esselens (P.), — Détermination de la quantité de potasse et de soude con-
tenue dans les potasses du commerce, 173; rapports de MM, Stas et De
Koninck sur cette notice, 87, 90. |
F.
Faider. — Élu membre du comité de présentation aux places vacantes
dans la classe des lettres, 198 ; membre du jury pour le concours re-
latif aux anciennes assemblées nationales, 380.
Félis (Éd.).— Présentation du rapport annuel sur la situation de la Caisse
centrale des artistes belges, 202; les artistes belges à l'étranger : Jac-
ques Denys et Jacques Coelemans, 205; Pierre Van Schuppen, 287;
Léonard Thiry, 411; Robert de Longé et Pierre Vlerick, 694; rapport
sur les travaux de la Commission de la Biographie nationale pendant
l’année 1863-1864, 570.
Fétis (F.). — Commissaire pour une inscription à formuler en l'honneur
de Guillaume Dufay, 52; lecture de son rapport sur ce projet d’inscrip-
tion, 286; hommage d'ouvrages, 286, 568; présentation, pour l’An-
nuaire, d’une notice sur Spobhr, 287; membre de la commission mixte
pour les donations et les signes distinctif, 678.
Firmenich-Richarlz. — Hommage d’un ouvrage, 32,
Flandrin (H.). — Élu associé de la classe des beaux-arts, D9;, remerci-
ments pour son élection, 199.
Fleury (Robert). — Élu associé de la classe des beaux-arts, 53; remerci-
ments pour son élection, 199.
Florimond. — Sur l’apparition d’un globe lumineux, le 5 avril 1864, 438.
Franck. — Hommage d’une gravure, 52; élu membre de la classe des
beaux-arts, 53; approbation royale de.son élection et remerciments
adressés à l’Académie, 199.
TABLE DES AUTEURS. 719
G.
Gachard. — Membre du jury pour le concours relatif aux anciennes assem-
blées nationales , 380; éloge de l’impératrice Marie-Thérèse, 510.
_ Galimard. — Hommage d’un ouvrage, 52.
Gilbert. — Sur l'intégration des équations de la dynamique , 83, 617 ; lec-
ture des rapports de MM. Schaar et Lamarle sur ce travail, 456.
Gloesener. — Note sur quelques perfectionnements apportés aux appareils
chronographiques , 28.
Gluge. — Commissaire pour un mémoire de M. Melsens sur l’iodure de
potassium, 228; lecture de son rapport sur ce mémoire, 317.
Grandgagnage. — Élu directeur de la classe des lettres pour 1865, 33.
H.
Haidinger. — Lettre à M. Ad. Quetelet sur un aérolithe tombé dans les
environs de Tirlemont, le 7 décembre 1865, 18; sur les relations qui
existent entre les étoiles filantes , les bolides et les essaims de météo-
rites, 127; rapport sur l'échantillon du météorite de Beauvechain (Tir-
lemont) déposé au Musée géologique de Vienne,137; lettre à M. Ad. Que-
telet sur la chute d’un météore à Inly (Trébizonde), le 10 décembre
1863, 438.
Hansteen. — Lettre à M. Ad. Quetelet sur la hauteur de l'atmosphère, sur
notre système planétaire et sur les éléments magnétiques à Chris-
uania, 16.
Hegewald. — Présentation d’une note renfermant quelques recherches
curieuses sur les Gaulois , 51 ; rapport de M. Roulez sur cette note, 194.
Hiliorf. — Élu associé de la classe des beaux-arts , 54; remerciments pour
son élection et hommage d'ouvrages, 285.
X.
Institut royal de Milan. — Annonce de sa réorganisation, 226.
J.
Juste (Th.). — Hommage d’un ouvrage, 457.
K.
Kervyn de Lettenhove (le baron). — Commissaire pour un mémoire de
concours de la classe des lettres sur les colonies flamandes établies en
720 TABLE DES AUTEURS.
Allemagne, 196; adhère au rapport de M. Arendt sur ce mémoire, 487 ;
membre du jury pour le concours relatif aux anciennes assemblées na-
tionales, 580; annonce la publication du tome IV des œuvres de Chas-
tellain, 380 ; les Flamings à la bataille de Cassel, 402; l'unité de la langue
en Belgique, réponse à une notice. de M. Leclercq, 655.
Kickæx.— Adhère aux rapports de MM. Van Beneden, D'Omalius et Dewal-
que sur un projet de recherches paléontologiques à faire dans les grottes
du pays, présenté par M. Dupont, 7; communique pour l’ Annuaire de
l'Académie, son discours prononce sur la tombe de M. Cantraine, 82; com-
missaire pour une notice de M. Van Heurck, relative à un nouvel objectif
de microscope, 227; rapport sur cette notice, 518; commissaire pour
deux notes de M. Brachet sur les perfectionnements des instruments
d'optique , 515. RE
Krouber (C.). — Recherches sur les benzines, nitrobenzines et anilines
destinées à la fabrication des couleurs, 454, 64T; rapport de M. Stas
sur cette notice , 596.
L.
Lamarle. — Commissaire pour une note de M. Liagre relative à une ques-
tion du jeu de domino, 83; lecture de son rapport sur cette note, 318 ;
commissaire pour une notice de M. Gilbert, 85; lecture de son rapport
sur cette notice, 456; lecture de son rapport sur un travail de M. Linde-
lôf, 87; commissaire pour un mémoire de M. Plateau sur un problème
curieux de magnétisme, 454; lecture de son rapport sur ce mémoire,
596; présentation d’un mémoire sur la stabilité des systèmes liquides en
lames minces , 454; rapport de M. Plateau sur ce travail, 591.
Lambert (Th.). — Présentation d’une note sur les courbes du deuxième de-
gré, 590. ù
Landszweert. — Transmet ses observations des phénomènes périodiques
observés à Ostende en 1863 , 83.
Le Boulengé (P.). — Rapport de M. Melsens sur son chronographe électro-
balistique , 92.
Leclercq (D.). — Transmet ses observations des phénomènes météorologi-
ques observés à Liége en 1865, 3.
Leclercq (M.-N.-J.). — Élu membre du comité de présentation aux places
vacantes dans la classe des lettres, 198; sur l’usage des langues parlées
en Belgique, 381 ; élu membre de la commission mixte pour les dona-
tions et les signes distinctifs, 655.
Leemans. — Hommage d'un ouvrage, 52.
TABLE DES AUTEURS. 791
Leins. — Élu associé de la classe des beaux-arts, 54 ; remercîments pour
son élection , 199.
Liagre.— Sur une question du jeu de domino, 85, 365 ; lecture des rapports
de MM. Lamarle et Schaar sur cette note, 318; adhère au rapport de
M. Melsens sur le mémoire de M. Le Boulengé relatif à un chronographe,
125; lecture de son rapport sur le mode de placement de paratonnerres
sur l'hôtel de ville et l’entrepôt de Bruxelles, de MM. Lippens et Sacré,
126; commissaire pour une note de M. Sacré sur les paratonnerres, 315.
Lindelôf. — Examen critique d’une méthode récemment proposée pour dis-
tinguer le maximum etle minimum dans les problèmes du calcul des va-
riations , 162 ; lecture des rapports de MM. Schaar, Brasseur et Lamarle
sur ce travail, 87.
Lippens. — Lecture des rapports de MM. Liagre, Melsens et Duprez sur
son mode de placement de paratonnerres probosé pour l’hôtel de ville
et l’entrepôt de Bruxelles , 126.
Lubach (Le d”). — Hommage d’un ouvrage, 380.
M.
Maas. — Transmet ses observations des phénomènes périodiques observés
à Namur en 1863, 226.
Mathieu. — Nos instincts, poésie, 533.
Melsens. — Rapport sur un mémoire de M. Le Boulengé relatif à un chro-
nographe électro-balistique , 92 ; lecture de son rapport sur le mode de
placement de paratonnerres proposé par MM. Lippens et Sacré pour
l'hôtel de ville et l’entrepôt de Bruxelles, 126 ; présentation d’un mémoire
sur l'emploi de l’iodure de potassium dans les intoxications mercurielles
et saturnines, 126, 228, 598; lecture des rapports de MM. Gluge et
Schwann sur ce mémoire, 317; lecture de son rapport sur une notice de
M. De Wilde relative au chlorure de bromacétyle, 228; deuxième note
sur la conservation du bois, 229, 319; lecture des rapports de MM. De
Koninck et A. De Vaux sur cette note, 317; commissaire pour une note
de M. Sacré sur les paratonnerres, 315; commissaire pour une notice de
M. Krouber sur les benzines, 434; adhère au rapport de M. Stas sur
cette notice 598; commissaire pour une note de M. Valerius sur un
nouveau chronoscope, 590.
Ministre de l'intérieur. — Annonce d’un concours pour une histoire des
anciennes assemblées nationales de la Belgique et demande la formation
d’un jury, 35, 195; ouvrages offerts, 51, 200, 226, 410; demande une
inscription en l'honneur de Dufay, pour être placée dans l’église de Chi-
729 TABLE DES AUTEURS.
mai, o1; transmet l'arrêté royal qui approuve l'élection de M. Ernest
Quetelet en qualité de membre, 82; transmet l'arrêté royal qui approuve
l'élection de M. Franck en qualité de membre , 196; remerciments pour
les publications de la Commission de littérature française , 283 ; annonce
l'exécution, par M. Cattier, du buste de feu Baron, 285; annonce l’exé-
eution du buste de feu Simons, 314; transmet la liste du jury chargé de
juger le concours pour l’histoire des anciennes assemblées nationales,
579; demande que M. Van Gheluwe obtienne en prêt sa partition du
concours de composition musicale de 1863, 410; soumet une analyse
des eaux d’un puits artésien creusé à Ostende, 590.
Montigny. — Note sur un nouveau scintillomètre, 260; note sur cette
question posée par Arago : La scintillation d’une étoile est-elle la même
pour les observateurs diversement placés? 378 , 445; lecture des rap-
ports de MM. Plateau et Duprez sur cette note, 435.
N.
Nerenburger. — Élu directeur de la classe des sciences pour 1865, 4;
adhère au rapport de M. Melsens sur le mémoire de M. Le Boulangeé
relatif à un chronographe électro-balistique , 123.
Newton (H.-A.). — Lettre à M. Ad. Quetelet sur la périodicité des étoiles
filantes du mois de novembre, 599.
Nolet de Brauwere van Steeland. — Commissaire pour les mémoires
de concours de la classe des lettres relatifs à l’éloge de Vondel, 196 ;
rapport sur ces mémoires, 490.
P.
Perard(L.). — Dépôt d’un billet cacheté , 591.
Perrey (A.). — Présentation d’un travail sur les tremblements de terre
en 1862, 4; rapports de MM. Duprez et Ad. Quetelet sur ce travail,
83 , 34.
Pinchart (A.). — Roger Vander Weyden et les tapisseries de Berne, 54.
Plana. — Annonce de sa mort, 82.
Plateau.— Commissaire pour une note de M. Montigny, relative à la scin-
tillation, 578; lecture de son rapport sur cette note, 435; présentation
d’un mémoire sur un problème curieux de magnétisme, 454; lecture
des rapports de MM. Lamarle et Duprez sur ce mémoire, 595, commis-
saire pour un mémoire de M. Lamarle sur la stabilité des systèmes
liquides, 434; rapport sur ce mémoire, 591 ; commissaire pour deux notes
TABLE DES AUTEURS. 195
de M. Brachet relatives aux perfectionnements des instruments d'op-
tique, 315; lecture de son rapport sur ces notes , 435.
Poelman. — Commissaire pour un mémoire de M. Van Beneden sur des
ossements de squalodon, 319; lecture de son rapport sur ce mémoire,
456; sur un Delphinus Eschrichtii échoué à Flessingue , 604.
Polain. — Élu membre du comité de présentation aux places vacantes
dans la classe des lettres, 198.
Portaels. — Commissaire pour un mémoire de concours de la classe des
beaux-arts, relatif à l’enseignement des arts graphiques, 678.
Q.
Quetelet (Ad.). — Commissaire pour un mémoire de M. Perrey sur les
tremblements de terre en 1862, 4; rapport sur ce mémoire, 84; com-
missaire pour une notice de M. Thielens sur les aréolithes tombés en Bra-
bant le 7 décembre 1863, 4; adhère au rapport de M. Duprez sur cette
notice, 86; sur la mortalité pendant la première enfance, 9; hommage
- d’un ouvrage, 52 ; présentation de l'Annuaire de l’Académie pour 1864,
194 ; notice sur les phénomènes périodiques en général , 229; présenta-
tion des phénomènes périodiques observés à Bruxelles en 1863, 314;
sur l'apparition d’un globe lumineux à Bruxelles, le 5 avril 1864, 437 ;
sur la périodicité des étoiles filantes du mois de novembre , 599.
Quetelet (E.). — Remerciments pour son élection de membre, 2; appro-
bation royale de cette élection, 82; sur la valeur absolue du magnétisme
terrestre à Bruxelles, au mois d'avril 1864, 456.
R.
Régence de la ville d'Anvers. — Envoi du programme pour le concours
relatif à l’Académie royale des beaux-arts, 256.
Régence de la ville de Bruxelles. — Lecture des rapports de MM. Liagre,
Melsens et Duprez sur le mode de placement de paratonnerres sur l'hôtel
de ville et sur l’entrepôt de Bruxelles, proposés par MM. Lippens et
Sacré , 126.
Rigouts-Verbert. — Transmet ses observations des phénomènes périodi-
ques observés à Anvers en 1865, 83.
Roelandt. — Annonce de sa mort, 409.
Rottier. — Recherches sur la conservation du bois au moyen de l'huile
lourde de goudron de houille, dite huile créosotée, 227, 338 ; rapports
de MM. De Koninck et À. De Vaux sur cette notice, 515, 517.
724 TABLE DES AUTEURS.
Roulez. — Commissaire pour une notice de M. Ilegewald relative à des
recherches curieuses sur les Gaulois , 33; rapport sur cette notice, 194;
inscriptions pour les médailles de concours décernées à MM. Baes et
Wiertz, 201, 202; inscription pour la médaille de concours décernée à
M. de Borchgrave, 284; inscription pour la nouvelle médaille décernée
à M. de Borchgrave et pour la médaille destinée à M. de Jager, 652.
S.
Sacré (Edm.). — Lecture des rapports de MM. Liagre, Melsens et Du-
prez sur son mode de placement de paratonnerre proposé pour l'hôtel
de ville et l’entrepôt de Bruxelles, 126; présentation d’une note sur les
paratonnerres qu'il a placés en Belgique , 315.
Scarpellini (M"° C.) — Hommage d’un ouvrage, 514.
Schaar. — Nommé président de l’Académie pour 1864, 2; remerciments
au directeur sortant, 2 ; commissaire pour une note de M. Liagre rela-
tive à une question du jeu de domino, 83; lecture de son rapport sur
cette note, 318; commissaire pour une notice de M. Gilbert sur l’inté-
gration des équations de la dynamique, 83 ; lecture de son rapport sur
cette notice, 436; lecture de son rapport sur un travail de M. Lindelôf
relatif au maximum et au minimum dans le calcul des variations, 87;
commissaire pour un mémoire de M. Lamarle sur la stabilité des sys-
tèmes liquides, 454; adhère au rapport de M. Plateau sur ce mémoire,
996; commissaire pour une notice de M. Th. Lambert sur les courbes
du deuxième degré, 590.
Schwann. — Commissaire pour un mémoire de M. Melsens sur l’iodure de
potassium, 229; lecture de son rapport sur ce mémoire , 317.
Secchi. — Sur la hauteur et l’origine des étoiles filantes , 21.
Snellaert. — Commissaire pour le concours de Stassart relatif à l'éloge de
Van Helmont, 83; rapport sur le mémoire présenté à ce concours, 491 ;
lecture de son rapport sur le mémoire de M. Bormans relatif à des
fragments choisis de la chanson de Roncevaux, 194; commissaire pour
les mémoires de concours de la classe des lettres, relatifs à l'éloge de
Vondel, 196; rapport sur ces mémoires, 488; notice sur la position de la
langue flamande en Belgique, 662.
Société batave de Rotterdam. — Envoi de son programme de concours
pour 1865, 296. |
Spring.— Commissaire pour le mémoire présenté au concours de Stassart
relatif à l'éloge de Van Helmont, 83, 284; rapport sur ce mémoire, 506;
hommage d'ouvrage, 314; observation relative aux rapports qui unis-
TABLE DES AUTEURS. 725
sent le sens de température aux sensations tactiles et douloureuses, 608.
Stas. — Commissaire pour le mémoire présenté au concours de Stassart
relatif à l'éloge de Van Helmont, 83, 284; rapport sur ce mémoire,
905; rapport sur une note de M. Esselens relative aux potasses du com-
merce, 87 ; lecture de son rapport sur une notice de M. De Wilde relative
au chlorure de bromacétyle, 228 ; commissaire pour une notice de M. Krou-
ber sur les benzines, 454; rapport sur cette notice, 596.
T.
Thielens (A.). — Présentation d’une notice sur les aérolithes tombés en
Brabant, le 7 décembre 18653, 4;rapport de M. Duprez sur cette notice, 86.
Thonissen. — Le problème de la peine de mort avant Beccaria, 54; élu
membre de la classe des lettres, 508; remercîments pour son élection,
651.
Timmermans. — Commissaire pour une nouvelle note de M. le marquis
_ de Caligny sur le mouvement des vagues, 3; adhère au rapport de
M. A. De Vaux sur cette note, 227; commissaire pour une nolice de
M. Gilbert sur l'intégration des équations de la dynamique, 83; rapport
sur la note de M. Vander Mensbrugghe relative à quelques propriétés
des polygones réguliers , 85.
v
Valerius (H.). — Présentation d’une note sur un nouveau chronoscope
électrique à cylindre tournant, fondé sur l'emploi du diapason, 590;
dépôt d’un billet cacheté, 591.
Van Beneden. — Communication du discours qu’il à prononcé lors des
funérailles de M. Martens, 5; commissaire pour une notice de M. Thie-
lens relative aux aérolithes tombés en Brabant le 7 décembre 1863 A6
adhère aux conclusions du rapport de M. Duprez sur cette notice, 86;
. rapport sur un projet de recherches paléontologiques à faire dans les
grottes du pays, présenté par M. Dupont, 7; notice sur le Palaeda-
phus insignis, 143 ; dépose un billet cacheté au nom de M. Dupont,
227 ; note sur la grotte de Montfat et énumération des espèces de mam-
mifères et oiseaux fossiles dont elle renferme les dépouilles, 256 ; pré-
sentation d’un mémoire manuscrit relatif à des ossements de squalodon
provenant du crag d'Anvers, 319; lecture des rapports de MM. Poelman ï
De Koninck et de Selys-Longchamps sur ce mémoire, 456 ; note sur une
pince de homard monstrueuse, 371; sur un cétacé échoué devant la ville
726 TABLE DES AUTEURS.
d'Anvers, le 27 avril 1864, 459; sur la découverte d’un squelette de
reptile plésiosaure, 608.
Vander Mensbrugghe (G.). — Sur quelques propriétés générales des po-
lygones réguliers , 153; rapport de M. Timmermans sur cette notice, 85.
Vander Moore (S.).— Présentation d’un travail imprimé pour le concours
de Stassart relatif à une question d'histoire nationale, 34, 197.
Van de Weyer.— Hommage d'ouvrage, 457.
Van Hasselt. — Présentation, pour l'Annuaire de l’Académie, d'une notice
sur T. Suys et promesse d’une notice sur Bruno Renard, 54; présen-
tation d’une notice sur Bruno Renard, 287; commissaire pour un mé-
moire de concours de la classe des beaux -arts relatif à l’enseignement
des arts graphiques , 678. |
Van Heurck (H.). — Présentation d’une notice sur un nouvel objectif de
microscope construit par E. Hartnack, suivie de remarques sur la na-
vicula affinis, 227; lecture des rapports de MM. Kickx et Duprez sur
cette notice, 518.
Vincent (MM.). — Présentation des observations ornithologiques faites à
Bruxelles en 1863, 514.
Von Klenze. — Annonce de sa mort, 285.
Vrolik (G.). — Annonce de sa mort, 2.
W.
Wesmael (A.). — Transmet ses observations des phénomènes périodiques
faites à Vilvorde en 1863, 83.
Wesmael (C.). — Commissaire pour une notice de M. Candèze sur des
élatérides nouveaux, 590.
Wierlz. — Inscription, rédigée par M. Roulez, pour sa médaille de con-
cours, 202. .
TABLE DES MATIÈRES.
À.
Archéologie. — Rapport de M. Roulez sur une note de M. Hegewald rela-
tive à des recherches curieuses sur les Gaulois, 194.
Arrétlés royaux. — Nommant M. Schaar président de l’Académie pour
1864, 2; approuvant l'élection de M. Ern. Quetelet comme membre de
la classe des sciences, 82; approuvant l'élection de M. Franck comme
membre de la classe des beaux-arts, 199; accordant à M. Potvin le prix,
pour la période de 1861-1865, du concours triennal de littérature dra-
matique française, 565.
Astronomie. — Lettre à M. Ad. Quetelet sur la hauteur et l’origine des
étoiles filantes, par M. Secchi, 21 ; sur les relations qui existent entre
les étoiles filantes, les bolides et les essaims de météorites, par M. Hai-
dinger, 127 ; rapport de M. Duprez sur une notice de M. Thielens relative
à quelques aérolithes tombés à Tirlemont, le 7 décembre 1863, 86;
rapport sur l’échantillon du météorite de Beauvechain (Tirlemont), tombé
le 7 décembre 1863, par M. Haïdinger, 137; sur l’apparition d’un globe
lumineux le 5 avril 1864, par M. Ad. Quetelet, 457; communication sur
le même sujet par M. Florimond, 458; sur un météore tombé à Inly
(Trébizonde) le 10 décembre 1865, par M. Haïdinger, 458 ; sur la pério-
dicité des étoiles filantes du mois de novembre, par M. Ad. Quetelet, 599.
B.
Balistique. — Voir Physique.
Billets cachetés. — Dépôt fait par M. Édouard Dupont, 227; par M. Alfred
Bouyet, 314 ; par M. L. Perard , 591 ; par M. H. Valerius, 591.
Biographie. — Note supplémentaire à la notice lue à la séance du 3 dé-
728 TABLE DES MATIÈRES.
cembre 1863 par M. Éd. Fétis, sur le graveur flamand Jean Schorquens
ou Schorkens, par M. le chevalier de Burbure, 203; les artistes belges
à l’étranger : Jacques Denys et Jacques Coelemans, par M. Éd. Fétis,
205; Pierre Van Schuppen, par le même, 287 ; Léonard Thiry, par le
même, 411; Robert de Longé et Pierre Vlerick, par le même, 694; éloge
de l’impératrice Marie-Thérèse, par M. Gachard, 510 ; discours prononcé
par M. Alvin aux funérailles de M. Roelandt, 564.
C.
Caisse centrale des artistes belges. — Somme prélevée en sa faveur sur la
vente des œuvres d’art de l'exposition nationale de 1865, 52 ; situation
administrative et financière au 1° février 1864, présentée par MM. Ed.
Fétis et Braemt, 202. | ;
Chimie. — Détermination de la quantité de potasse et de soude conte-
nue dans les potasses du commerce, par M. P. Esselens, 173; rapports
de MM. Stas et De Koninck sur cette notice, 87, 90; sur le chlorure de
bromacétyle et le bromure de chloracétyle, par M. P. De Wilde, 276;
recherches sur la conservation du boïs au moyen de lhuile lourde de
goudron de houiïlle, dite huile créosotée (2e partie), par M. Rottier, 538;
rapports de MM. De Koninck et Ad. De Vaux sur cette notice, 315, 317;
deuxième note sur la conservation du bois, par M. Melsens, 319; essai
des huiles par M. Donny, 376; recherches sur les berzines, nitro-ben-
zines et anilines destinées à la fabrication des couleurs, par M. Krouber,
641 ; rapport de M. Stas sur cette notice, 596.
Commission de la biographie nationale. — Rapport sur les travaux de la
commission pendant l'année 1863-1864, par M. Éd. Fétis, 570.
Commissions. — Élection des membres de la commission mixte pour les
donations et les signes distinctifs, 653, 678.
Concours de composition musicale (grands). — M. Van Gheluwe, lauréat
du concours de 1863, est autorisé à copier sa partition, 410; poëmes
reçus pour le concours de 1865, 410, 677.
Concours de la classe des sciences. — Programme pour 1864, 7.
- Concours de la classe des lettres. — Résultats du concours de 1864 et
nomination de commissaires , 195 ; rapport de M. Arendt sur un mémoire
présenté en réponse à la question sur les colonies flamandes établies en
Allemagne, 457; M. E. de Borchgrave remporte le prix pour cette ques-
tion, 487 ; rapports de MM. le baron de Saint-Genois, Snellaert et Nolet
+ de Brauwere van Steeland sur les mémoires présentés en réponse à la
question relative à l’éloge de Vondel, 486, 488, 490; M. de Jager rem-
porte le prix pour cette question, 491 ; programme pour 1865 , 653.
TABLE DES MATIÈRES. 729
Concours de la classe des beaux-arts. — Programme pour 1864, 200;
résultats du concours de 1864 et nomination de commissaires, 678.
Concours de littérature dramatique française. — Rapport de M. Bourson
sur les résultats de la deuxième période de ce concours, 541; M. Potvin
remporte le prix de ce concours, 565.
Concours de Stassart.— Résultats des concours pour l'éloge de Van Hel-
mont et pour une question d'histoire nationale, 34, 85, 197, 284; rap-
ports de MM. Snellaert , De Smet, de Ram, Stas et Spring sur le mémoire
de concours relatif à l'éloge de Van Helmont, 491, 501, 505, 506.
D.
Dons. — Ouvrage par M.Leemans, 32; par M. Firmenich-Richartz, 32; par
M. de Ram, 33; 652 ; par M. le Ministre de l’intérieur, 51, 200, 226, 410;
somme prélevée sur la vente des œuvres d’art de l'exposition nationale
de 1863 et destinée à la Caisse centrale des artistes, 52; ouvrage par
MM. Alvin et Chauvin, 52; par M. Ad. Quetelet, 52; gravure par
M. Franck, 52; ouvrage par M. Galimard, 52 ; par M. Hittorf, 285; par
M.F. Fétis, 286, 568; par M. Spring, 514; par Mme Scarpellini, 314; par
M. Kervyn de Lettenhove , 380 ; par M. le comte de Montalembert, 380 ;
par M. Lubach, 580 ; par M. Colnet-d'Huart, 454 ; par M. Van de Wevyer,
457; par M. Chalon, 457; par M. Th. Juste, 457; médaille par l’Acadé-
mie de Munich, 590, ouvrage par M. Demanet , 677.
E.
Élections et nominations. — M. Schäar nommé président de l’Académie
pour 1864, 2 ; M. Nerenburger élu directeur de la classe des sciences
pour 1865, 4; M. Grandgagnage élu directeur de la classe des lettres
pour 1865, 55; M. Alvin élu directeur de la classe des beaux-arts pour
1865, 55; M. Braemt réélu membre de la commission administrative pour
1864, 53; M. Franck élu membre et MM. Flandrin, Robert-Fleury, Cave-
lier, Hittorf et Leins élus associés de la classe des beaux-arts, 53;
MM. Leclercq, Faider et Polain élus membres du comité de présentation
- de candidats aux places vacantes dans la classe des lettres, 198; nomi-
nation du jury chargé de juger le concours ouvert pour une histoire des
assemblées nationales de Belgique, 579; M. Thonissen élu membre et
MM. Backhuyzen van den Brinck , le chevalier d’Arneth et Disraeli élus
associés de la classe des lettres, 508. ,
Épigraphie.— Demande, par M. le Ministre de l’intérieur, d’une inscription
2% SÉRIE, TOME XVII. 50
730 TABLE DES MATIÈRES.
rappelant le souvenir de Guillaume Dufay dans l’église de Chimai, 91;
lecture du rapport de M. F. Fétis sur cette inscription, 286; inscriptions,
par M. Roulez , pour les médailles de concours décernées à MM. Baes et
Wiertz, 201; inscription, par M. Roulez, pour la médaille de concours dé-
cernée, en 1865, à M. E. de Borchgrave, 284; inscription, par M. Roulez ,
pour les médailles de concours décernées, en 1864, à M. de Borchgrave et
De Jager, 652.
G.
Géologie. — Notice sur le marbre noir de Bachant (Hainaut français) , par
M. Éd. Dupont, 181; rapports de MM. D’Omalius et Dewalque sur cette
notice, 94, 92; sur la distribution des sources minérales en Belgique,
par M. Dewalque, 151.
Gravure. — Sur le manuscrit intitulé : Spirituale Pomerium , par M. AI-
vin, 679.
H.
Histoire. — Les Flamings à la bataille de Cassel (1328), par M le baron
Kervyn de Lettenhove, 402.
Iconographie. — Voyez Gravure.
L.
Littérature française. — Rapport de M.Bourson sur la deuxième période du
concours triennal de littérature française et résultat de ce concours, 542.
M.
Mathématiques. — Sur quelques propriétés générales des polygones ré-
guliers, par M. Vander Mensbrugghe, 153; rapport de M. Timmermans
sur cette note, 85 ; examen critique d’une méthode récemment proposée
pour distinguer le maximum et leminimum dans les problèmes du calcul
des variations, par M. Lindelôf, 162 ; solution d’une question de probabi-
lités relative au jeu de domino, par M. Liagre, 565 ; note sur l’intégra-
tion des équations différentielles de la dynamique, par M. Gilbert, 617.
Météorologie et physique du globe. — Lettre à M. Ad. Quetelet sur la hau-
teur de l’atmosphère, sur notre système planétaire et sur les éléments
magnétiques à Christiania, par M. Hansteen, 16; lettre sur un aérolithe
tombé dans les environs de Tirlemont, le 7 décembre 1863, par M. Hai-
_ dinger, 18; rapports de MM. Duprez et Ad. Quetelet sur la note relative
aux tremblements de terre de 1862, par M. À. Perrey, 85; rapport de
M. Duprez sur la note de M. A. Thielens, relative aux aérolithes tombés
TABLE DES MATIÈRES. 731
en Brabant le 7 décembre 1863, 86; valeur" absolue du magnétisme ter-
restre à Bruxelles, au mois d'avril 1864, par M. Ern. Quetelet, 456.
Musique. — Présentation, par M. de Coussemaker, d’un mémoire manuscrit
sur la musique harmonique et les musiciens harmonistes du douzième
et du treizième siècle, 52; M. de Coussemaker retire ce travail, 200.
N.
Nécrologie. — Annonce de la mort de M. Cantraine, 2; de la mort de
M. W. Vrolik, 2 ; de la mort de M. le baron Plana, 82; de la mort de
M. L. Von Klenze, 285; de la mort de M. Roelandt, 409; de la mort de
M. À. Dinaux, 651.
0.
Ouvrages préseniés. — 78, 219,315, 411, 581, 708.
Optique.— Voir Physique.
P.
Paléontologie. — Projet de recherches paléontologiques à faire dans les
grottes de la Belgique, par M. Ed. Dupont, %5 ; rapports de MM. Van Bene-
den, d’Omalius et Dewalque sur ce projet, 4,6, 7; sur le Palaedaphus
insignis, par MM. P.-J. Van Benedenet De Koninck, 145; note sur la
grotte de Montfat et énumération des espèces de mammifères et oiseaux
fossiles dont elle renferme les dépouilles, par M. Van Beneden, 256.
Peinture. — Roger Van der Weyden et les tapisseries de Berne, par
M. À. Pinchart, 54.
Phénomènes périodiques. — Résultats des observations faites, 3, 82, 314,
454 ; des phénomènes périodiques en général, notice par M. Ad. Que-
telet, 229.
Physiologie. — Observation relative aux rapports qui unissent le sens de
température aux sensations tactiles et douloureuses, par M. Spring , 608.
Physique. — Note sur quelques perfectionnements apportés aux appa-
reils chronographiques, par M. Gloesener , 28 ; rapport de M. Melsens
sur un Chronographe électro-balistique de M. P. Le Boulengé, 92, rap-
port de M. Ad. De Vaux sur deux notices de M. de Caligny relatives
au mouvement des vagues et aux siphons employés dans le percement
du mont Genis, 227; note sur un nouveau scintillomètre, par M. Mon-
tigny, 260; perfectionnements proposés par M. Brachet pour la con-
152 TABLE DES MATIÈRES.
struction de quelques instruments d'optique, 435; note sur cette
question posée par Arago : La scintillation d’une étoile est-elle la même
pour les observateurs diversement placés, par M. Montigny, 443; rap-
port de M. Plateau sur un mémoire de M. Lamarle relatif à la stabilité
des systèmes liquides en lames minces , 391.
Planches. — De M. Van Beneden sur un Palaedaphus insignis, 151; de
M. Montigny sur un nouveau scintillomètre, 274; de M. Melsens sur la
conservation du bois, 337; de M. Rottier sur la conservation du bois,
365; de M. Moniügny sur un scintillomètre , 449 ; de M. Poelman sur un
Delphinus Eschrichtii, 608; de M. Alvin sur un manuscrit intitulé :
Spirituale Pomerium , 679.
Poésie. — Nos instincts, par M. Ad. Mathieu, 535.
R.
Rapports. — De MM. Van Beneden, d’'Omalius et Dewalque sur un projet
de recherches paléontologiques à faire dans les grottes de la Belgique, par
M. Ed. Dupont 4, 6,7; de MM. Duprez et Ad. Quetelet sur la note de
M. A. Perrey relative aux tremblements de terre de 1862, 83; de M. Tim-
mermans sur quelques propriétés des polygones réguliers par M. G.
Vander Mensbrugghe, 85; de M. Duprez sur la note de M. Thielens
relative à quelques aérolithes tombés en Brabant, le 7 décembre 1865,
86; de MM. Stas et De Koninck sur une notice de M. Esselens relative
aux potasses du commerce, 87; de MM. d'Omalius et Dewalque sur une
notice de M. Dupont relative au marbre noir de Bachant, 91,92 ; deM. Mel-
sens sur un chronographe électro-balistique de M. P. Le Boulengé, 92 »
de M. Roulez sur une note relative à des recherches curieuses sur les
Gaulois, par M. Hegewald , 194; de M. Ad. De Vaux sur deux notices de
M. de Caligny relatives au mouvement des vagues et aux siphons em-
ployés au percement du mont Cenis, 227; de M. De Koninck et Ad.
De Vaux sur une notice de M. Rottier relative à la conservation du
bois (deuxième partie), 315,317; de MM. Kickx et Duprez sur une
notice de M. Van Heurck relative aux objectifs du microscope, 318 ; de
MM. Plateau et Duprez sur une note de M. Brachet relative aux perfee-
tionnements apportés à divers instruments d'optique, 455 ; de M. Arendt
sur le mémoire de concours de la classe des lettres relatif à l’établisse-
ment des colonies flamandes en Allemagne, 458; de MM. le baron de
Saint-Genois, Snellaert et Nolet de Brauwere van Steeland sur les
mémoires de concours de la classe des lettres relatifs à l'éloge de Vondel,
486, 488 , 490; de MM: Snellaert, De Smet, de Ram, Stas et Spring sur
TABLE DES MATIÈRES. 733
le mémoire de concours pour le prix de Stassart relatif à l'éloge de Van
Helmont, 491, 501, 505, 506; de M. Bourson sur les résultats de la
deuxième période du concours triennal de littérature dramatique fran-
çaise , 542 ; de M. Plateau sur un mémoire de M. Lamarle relatif à la
stabilité des systèmes liquides en lames minces, 591 ; de M. Stas sur la
notice de M. Krouber relative aux benzines, 596.
S.
Sciences morales et politiques. — Le problème de la peine de mort avant
Beccaria, par M. Thonissen , 54; sur l’usage des langues parlées en Bel-
gique, par M. Leclercq, 381; l'unité de la langue en Belgique, par
M. le baron Kervyn de Lettenhove, 655; de la position de la langue
flamande en Belgique, par M. Snellaert , 662.
Sculpture. — M. le Ministre de l’intérieur confie à M. Cattier l’exécution
du buste de feu Baron, 285; le même fonctionnaire annonce l'exécution
du buste de feu Simons, 314. |
Statistique. — Sur la mortalité pendant la première enfance, par M. Ad.
Quetelet, 9.
Z.
Zoologie. — Apparition du syrrhapte hétéroclite en Belgique, par M. de
Selys-Longchamps, 22; note sur une pince de homard monstrueuse,
par M. P.-J. Van Beneden, 371; sur un cétacé échoué devant la ville
d'Anvers, le 27 avril 1864, par M. Van Beneden, 459; sur un Delphinus
Eschrichtii échoué à Flessingue, par M. Poelman, 604; annonce de la
découverte d’un reptile plésiosaure à Dampicourt, par M. Van Beneden,
608.
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