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OF
COMPARATIVE ZOÔLOGY,
AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS.
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BULLETINS
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
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BULLETINS
DE
L'ACADÉMIE ROY.^LE
DES
SCIENCES, DES LETTRES ET DES ^ËAllX-ARTS
DE BELGIQUE.
QUARANTE-QUATRIÈME ANNÉE. - 2»- SÉR., T. XL.
m
BRUXELLES,
F. HAYEZ, LMPHIMRUH DE l'aCADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
1875
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
187§. — No 7.
CLASSE «ES SCIENCES.
Séance du 3 juillet 1875.
M. Brialmont, directeur et président de TAcadémie.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J.-S. Stas, P.-J. Yan Beneden,
Ed. de Selys Longchamps, H. Nyst, F. Duprez, G. De-
walque, E. Quetelet, H. Maus, M. Gloesener, E. Candèze,
F. Donny, Ch. Moiitigny, Sleichen, Éd. Morren, Éd. Van
Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alb. Briart et F. Plateau,
membres; Th. Schwann, E. Catalan et Aug. Bellynck,
associés; J. De Tilly, F. Crépin, F.-L. Cornet, correspon-
dants.
2"^ SÉRIE, TOME XL. 1
( 2)
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de rintérieur offre, pour la bibliothèque
de l'Académie, un exemplaire de la deuxième édition du
Traité théorique et pratique de la fabrication du fer et de
l'acier, par B. Valerius. — Remercîments.
— La Société géologique de Belgique annonce qu'elle
vient d'ouvrir une souscription pour élever un monument
à feu J.-B.-J. d'Omalius. Elle prie l'Académie de bien vou-
loir désigner un membre de la classe des sciences pour
faire partie du comité d'exécution. La classe nomme
M. P.-J. Van Beneden.
— La Société impériale des naturalistes de Moscou an-
nonce qu'elle se propose de célébrer, le 15 octobre pro-
chain, le cinquantième anniversaire du doctorat de son
président actuel, M. le conseiller privé chevalier Alexandre
Fischer de Waldheim .
Les félicitations de l'Académie seront adressées à ce
savant.
— Le bureau de l'Association française pour l'avance-
ment des sciences annonce l'ouverture de sa quatrième
session à Nantes, le 19 août prochain.
— Le congrès international des Américanistes invite
l'Académie à prendre part à sa première session , qui
s'ouvrira en juillet à Nancy.
— M. Cavalier transmet son résumé météorologique
pour Ostendc pendant le mois de juin 1875.
(5)
M. Catalan fait hommage, au nom de M. Chasios,
associé de la classe, de la nouvelle édition de son mémoire
Sur les méthodes en géométrie, mémoire qui a été cou-
ronné par TAcadémie en 1829 et qui vient d'être réim-
primé par M. Hayez.
M. Schwann offre un exemplaire de sa brochure inti-
tulée : Mein Gutachten iiber die Versiiche , die an der
Stigmatisirten Louise Lateau am ^6. Màrz i869 ange-
stelt ivurden. In-8°.
M. P.-J. Van Beneden fait hommage d'une brochure
intitulée : Un oiseau fossile nouveau des cavernes de la
Nouvelle-Zélande. In-8°,
Des reraercîments sont votés pour ces dons.
— Les établissements scientifiques suivants adressent
leurs dernières publications : Les Sociétés des sciences de
Batavia et de Bordeaux; la Société des Antiquaires de
France, celles d'agriculture et de météorologie du même
pays; la Société des sciences naturelles de Coire, le
bureau de statistique de Pesth, la Société zoologique de
Frankfort S/M, l'Université impériale de Kazan, l'Aca-
démie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, les
Observatoires de Saint-Pétersbourg, de Puikowa, d'Oxford,
de Greenwich et du cap de Bonne-Espérance; la Société
philosophique et littéraire de Liverpool, les Sociétés d'as-
tronomie, de chimie, de géographie, de géologie et de
statistique de Londres, la Société royale d'Edimbourg, les
Sociétés géologiques de Glasgow et de Dublin; le Comité
géologique de l'Inde, l'Institut Lombard de Milan et la
Société des sciences naturelles de la même ville; la Société
de géographie de Mexico, l'Institut géographique de Rio-
Janeiro.
(4)
Les établissements scientifiques et associés suivants
adressent des lettres de remercîments pour le dernier
envoi annuel de publications académiques.
La Société entomologique italienne à Florence; M. Par-
latore, associé, à Florence; la Société de physique et
d'histoire naturelle de Florence; l'Observatoire naval de
Washington, la Smithsonian institution de Washington;
l'Office du Chirurgien général des États-Unis; l'Académie
des sciences de Saint-Louis et l'Institut géologique de
l'Inde, à Calcutta.
— La classe renvoie à l'examen de commissaires les
communications suivantes :
1" Sur le calcul numérique {Fragment II), par J.-C.
Houzeau. — Conmiissaires : MM. Folie , Catalan et Liagre;
2° Sîir quelques plantes fossiles de l'étage du poudingue
de Burnot, par M. A. Gilkinet. — Commissaires : MM. De-
walque, de Koninck et Bellynck.
o° : L — Détermination, dans la surface réciproque d'une
surface S douée de points multiples, du degré de la courbe
double et de celui de la courbe de rebroussement ; IL — Sur
la détermination des singularités de la courbe d'intersec-
tion de deux surfaces qui ont en commun /7. points mul-
tiples, u. étant égale ou inférieure à L, par M. L. Saltel. —
Commissaires : MM. Folie et Catalan.
( ^)
RAPPORTS.
MM. Catalan et Folie donnent lecture de leurs rapports
sur le travail de M. Paul Havrez concernant les transcen-
dantes
X
: y-i
yx
et sur celles qui s'en déduisent. — Communication de ces
rapports sera faite à Fauteur avant de prendre une réso-
lution à l'égard de son travail.
— MM. Folie et Catalan font un rapport verbal sur les
communications suivantes de M. Saltel :
1° Détermination, dans la surface réciproque d'une
surface S douée de points multiples , du degré de la courbe
double et de celui de la courbe de rebroussement;
2° Sur la détermination des singularités de la courbe
d'intersection de deux surfaces qui ont en commun i^ points
multiples , f/ étant égale ou inférieure à L.
Conformément à Tavis favorable des deux commissaires,
ces notes prendront place dans le Bulletin de la séance.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Emm. Liais adresse une note sur la parallaxe du
soleil. [I rappelle qu'il a obtenu, par l'opposition de Mars
observée en 1860 à Rio de Janeiro, la valeur 8",760; il
(6)
fait remarquer l'accord qui existe entre ce résultat, les
valeurs de l'aberration obtenues par Struve, Lindenau,
Peters et Lundahl, et la nouvelle détermination de la
vitesse de la lumière faite par M. Cornu. ïl se propose de
profiter, pour de nouvelles déterminations de la parallaxe
solaire, des oppositions de iMars qui auront lieu cette
année el en 1877 dans des circonstances favorables. Il
croit cette méthode supérieure à celle des passages de
Vénus.
Note S2ir les procédés insecticides du Drosera rotundi-
FOLiA L.; par M. Edouard Morren , membre de l'Aca-
démie.
Depuis la rédaction de ma note sur le Pinguicula lougi-
folia, j'ai observé les procédés insecticides du Drosera
rotundifolia, une des plantes les mieux caractérisées
parmi celles qu'on appelle carnivores. On sait qu'elle croît
en abondance, entre les Sphaignes, autour des ruisseaux
tourbeux de l'Ardenne et de la Campine , mais j'ai pu m'en
procurer sans aller les chercher aussi loin, dans les serres
de M. Oscar Lamarche-de Rossius, à Liège, qui emploie
cette mousse pour l'entretien de la précieuse collection
d'orchidées exotiques qu'il a réunies. Les Drosera mé-
langes aux Sphagnum se plaisent en serre chaude : on
peut faire observera ce propos qu'ils se développent pen-
dant les plus fortes chaleurs de l'année, en plein soleil, et
qu'ils se plaisent dans la température élevée qu'on entre-
tient dans les serres. Les Drosera sont jusqu'à un certain
point des végétaux de la zone tempérée fraîche qu'on
(7)
pourrait ranger dans la catégorie de ceux que M. A. de
Candolle a nommés mégathermes.
Je fis choix d'un beau Drosera rolundlfolia dont la jolie
rosace foliaire s'épanouissait sur un frais tapis de mousse
verdoyante. Deux faibles moucherons, des diptères, avaient
déjà été saisis, emprisonnés et détruits. Le 8 juin , vers
une heure après-midi, je m'emparai d'une petite mouche,
un peu forte, longue de 4 millimètres environ, et, après
lui avoir légèrement écrasé le corselet pour la mettre
hors d'état de fuir, je déposai cette innocente victime de
mon zèle pour la science , sur une feuille bien étalée du
Drosera. On sait que le disque de ces feuilles est arrondi,
un peu creusé en bassin, large tout au plus d'un centi-
mètre quand il est parfaitement développé et tout hérissé
sur les bords et sur la face supérieure de prolongements
minces et déliés qui se terminent par un renflement glan-
duleux; les plus longs atteignent bien trois millimètres:
ce sont ceux des bords qui, à l'état inactif, sont étalés
comme des cils, tandis que les autres sont dressés sur la
feuille. La structure de ces petits organes , entrevue par
Meyen , en 1857 (1), a été mieux élucidée , en i85o , par
M. J. Groenland (2) et par M. Trécul (3) qui en a donné
de belles figures bien détaillées. Elle est si compliquée
qu'on ne saurait les considérer comme de simples poils,
c'est-à-dire comme n'étant autre chose que des dépen-
(1) F.-J.-F. Meyen, Ueber die Sécrétion Organe der Pflanzen, pi. Vï,
fig 16.
(2) J. Groenland , Note sur les organes glanduleux du genre Drosera,
Ann. des sciences nat., 1853, III, 297.
(3) A. Trécul, Organisation des glandes pédicellées des feuilles du
Drosera rotundifolia, dans les Ann. des sciences nat., 1853, III, p. 303-
(8)
dances de l'épiderme : ils sont en communication avec le
réseau vasculaire du parenchyme au moyen d'un faisceau
de trachées qui les taversent de part en part. Ce sont des
glandes pédicellées ou , si l'on veut , des lobes des organes
foliacés des Drosera. Les observations que nous avons
lues sur ces organes ne font pas suffisamment ressortir les
différences qui existent entre eux. On doit distinguer en
effet entre ces glandes marginales, les glandes inter-
médiaires et les glandes centrales.
Les glandes marginales sont les plus belles et les mieux
développées : leur pédicelle s'atténue en un col mince et
délié (fîg. i) : il porte des stomates enchâssés dans son
épiderme, en grand nombre et à large ostiole (fig. 2), et,
de plus, de petits organes papilleux, singuliers, que
Meyen (/. c, fig. 16, litt. a, b, c) et M. Trécul (/. c,
planche X, fig. 3, litt. d) semblent considérer, mais avec
une certaine hésitation, comme des poils rudimentaires, et
sur la nature desquels nous ne nous prononçons pas
encore d'une manière définitive : ils nous ont paru être
béants à leur sommet et, par leur base, ils sont en com-
munication indirecte avec les vaisseaux trachéens qui
parcourent l'axe du pédicelle (fig. 5) : celui-ci, long de
trois millimètres, s'amincit en un col flexible et délié, et
se termine en une glande épaisse, en forme de spatule
allongée, plane, de couleur rouge (fig. 4), sauf la base
qui est verte. L'épiderme est constitué par des cellules
hexagonales remplies d'un liquide rouge et de granules
qui sont teints de la même couleur : à la base seulement
se trouvent des cellules à chlorophylle. A l'intérieur, on
voit un massif de cellules beaucoup plus grandes, de
nature inenchymateuse, c'est-à-dire à paroi épaissie sui-
vant un filigramme élégant et varié (fig. 5), faiblement
(9 )
coloré en rose : ces cellules isolées (lig. 6) font voir des
stries anastomosées ou interrompues, transversales et
claires. Ces glandes sécrètent une humeur hyaline et très-
visqueuse qui les enveloppe : nous avons constaté qu'elle
ne rougit pas ordinairement le papier de tournesol.
Les glandes intermédiaires ont le pédicelle plus court
et moins délié; la glande est plus épaisse et arrondie en
forme de disque (fig. 7). On peut remarquer qu'elles sont
alternes avec les premières ; mais leur structure anato-
mique est, en général, la même.
Enfin, les glandes médianes sont plus courtes encore
(fig. 8) : elles n'ont point de trachées, mais seulement
quelques cellules fines et allongées et leur tête n'est plus
rouge. L'épiderme de la feuille est riche en grains de
chlorophylle qui bleuissent au contact de l'iode : je n'y ai
pas vu de stomates (l).
Les remarquables organes des Drosera sont des dépen-
dances du feuillage. Auguste de Saint-Hilaire et M. Naudin
ont vu , il y a longtemps déjà, en 1840 (2), les feuilles d'un
Drosera produire des bourgeons qui provenaient peut-être
d'une transformation de ces appendices. Les glandes mar-
ginales peuvent s'ouvrir par la rupture de leur épiderme :
ce phénomène serait exceptionnel au dire de M. Groenland
ou bien habituel, s'il faut en croire M. Trécul, et nous
sommes de son avis.
Quoi qu'il en soit , la distance morphologique entre ces
(1) M. G. Smith a fait connaîlre il y a peu de temps la structure des
glandes du D. dichotoma {Gard. Chr^ 1873, 140-2 , c. le.) : elle est essen-
tiellement la même que celle du D. rotundifolia.
(2) Naudin, Noie sur des bourgeons nés sur une feuille de Drosera ,
Ann. des sciences nat., 1840, XIV, p. 14.
( 10)
glandes sétiformes et l'urne glanduleuse et pédicellée des
Népenthes n'est pas aussi grande qu'on pourrait le croire
à première vue : au contraire, l'homologie est frappante :
Griffith (1) et M. J.-D. Hooker (2) ont établi depuis long-
temps « que l'appareil si remarquable qui termine certaines
feuilles, dans les Népenthes, avait pour point de départ
une simple glande située sur un prolongement de la ner-
vure médiane. » Il nous suffît de constater l'unité de plan
pour qu'elle s'impose par la force de l'évidence. D'ailleurs
on aurait tort de se figurer l'ensemble du genre Drosera
par nos seules espèces indigènes : on en connaît mainte-
nant une centaine d'espèces, disséminées sur le globe, sur-
tout dans l'hémisphère austral , au Cap, à Madagascar et
en Australie, où il en est qui sont grandes et caulescentes.
Toutes sont munies des glandes caractéristiques.
Les questions de structure étant ainsi élucidées, reve-
nons à notre mouche que le 8 juin nous avons sacrifiée
sur l'autel de la science et que nous avions posée délica-
tement sur une feuille de Drosera.
L'excitabilité des glandes ne se manifeste pas avec viva-
cité chez nos Drosera indigènes, mais on a eu tort de la
révoquer en doute (5). Au bout d'une heure environ, les
glandes marginales commencèrent à se ployer doucement
de haut en bas : c'est dans le col que se manifeste d'abord
(1) Griffith, Journal of Nalural Hislonj, de Calcutta^ 1843, p. 231.
(2) J.-D. Hooker, Note sur l" origine et le développement des urnes,
dans les Népenthes, Ann. des sciences nat., 1859, XII, p. 222.
(3) L'excitabililé des feuilles de Drosera a été prouvée par Roth,
Beitr. zur Bot., I, 1782, p. 60, et in Roemer et Usler, Mag. fUr die Bot.
il, 2 (1787), p. 27. Elle a été plus récemment étudiée par le D"- Tli.
Nitschke : Ueber die Beizbarkeit der Blaettes von Dr. rotundifolia L. in
Bot. Z ci t., 1860, p. 229.
( H )
la courbure et elle se propage vers la base où elle esl la
plus prononcée : les glandes intermédiaires se mirent plus
lard en mouvement. Le lendemain matin toutes les glandes
étaient couchées sur la mouche : les bords mêmes du limbe
foliaire étaient reployés : la mouche se trouvait empri-
sonnée sous un treillage, comme dans un garde-manger.
Aucun mouvement ne se manifesta pendant deux ou trois
jours, après lesquels, la mouche étant d'ailleurs desséchée,
les glandes se relevèrent petit à petit. Dans l'intervalle, je
déposai de petits fragments de viande ou de blanc d'œuf
sur d'autres feuilles; des mouvements se manifestèrent,
mais, pendant la nuit , des fourmis et des cloportes vinrent
faire rapine et maraude dans mon expérience.
Je laissai les choses dans cet état jusqu'au dimanche
15 juin: ce jour-là, ayant un peu de loisir, je voulus
poursuivre mes investigations microscopiques. J'allais donc
soulever les débris de la mouche, quand je remarquai sur
une autre feuille, un malheureux puceron qui venait
d'être saisi, à la tête, par une glande marginale ; cette
glande, comme une langue papilleuse et gluante, s'était
étroitement appliquée sur Tinsecte, entre ses deux an-
tennes : il pouvait être 11 heures du matin. Observée
sous le microscope, cette lutte offrait un spectacle fantas-
tique et sans exemple. Le puceron se démenait de tous
ses membres, mais le col de la glande ployait sans se
rompre : on aurait dit les mouvements d'une couleuvre.
Bientôt les glandes voisines et celles du deuxième rang se
ployèrent vers l'insecte , le touchèrent de leur tête et le
couvrirent de leur bave qui semble devenir plus abon-
dante pendant cette période d'excitation. Rien ne put
vaincre leur étreinte implacable : vers 2 heures, le
puceron demeura immobile et la victoire était restée à la
( 12 )
plante. Outre les mouvements ondulatoires du col, ce qui
me frappa le plus dans cette observation, furent les mou-
vements de la glande elle-même : on dirait une langue
animale saisissant une proie; elle se courbait et se con-
tournait sur sa face supérieure avec une facilité prodi-
gieuse (fig. 12, 15, 14). Elles constituent, à n'en pouvoir
douter, de véritables organes de préhension et leur moti-
lilé est la plus phénoménale que nous connaissions dans
le règne végétal.
Après avoir joui de ce spectacle bien autrement inté-
ressant qu'une lutte de toréador et avoir mentalement
applaudi au triomphe de la plante, je revins à ma pauvre
mouche. Je me pardonnai à moi-même ma cruauté envers
elle, quand je la comparai aux vaines tortures sous les-
quelles un chétif puceron avait fini par succomber par le
seul jeu des harmonies de la nature. La mouche était
sèche, vide; nulle humeur ne la retenait contre la feuille.
Mais en raclant la surface contre laquelle elle avait reposé
et en observant le produit sous un objectif suffisant, je
constatai la présence de tout un lacis mycélien (fig. 15)
dont les filaments enchevêtrés formaient un réseau arach-
noïde interposé entre l'insecte et la plante (fig. 16).
Le résultat de cette observation est donc le même que
celui auquel j'ai été conduit par le Pinguicula : d'une
part, un appareil insecticide efficace et énergique, une
organisation remarquable par ses glandes, ses larges sto-
mates, ses beaux vaisseaux et,d'un^utre côté, la décom-
position la plus simple et la plus naturelle des insectes,
victimes de cette cruauté qui paraît inutile. En effet, rien
ne nous a fait voir ni digestion , ni absorption des produits
de la décomposition. Ici un obstacle est même interposé
entre sa proie et son bourreau. Il y a là une contradiction
/htl/ei.2',ye7\l.:XL.
-_J
'.Mo7-7'e^^ àle.lz:",^.
^■"'.I^etoUerî-i-xere- utk^.
Drosera rotiiiiclifolia.
( 13 )
sinon dans la nature, au moins dans ce que nous en con-
naissons.
Je n'ai d'ailleurs conslalc ici, non plus que chez les
Pinguicula, nulle relation entre l'abondance de la chasse
et le développement de mes Droscra : je dois déclarer, il
il est vrai, que ceux-ci furent peu nombreux et qu'en
général on trouve beaucoup d'insectes tués sur les feuilles
de nos Drosera indigènes. Dans d'autres espèces , l'excita-
bilité est beaucoup plus active et les formes du feuillage
sont des plus étranges. M. J.-E. Planchon a publié en
1848 (I) une monographie des Droséracées qui contient
les renseignements les plus intéressants sur la structure
des espèces australes.
Relation de coups de foudre; par M. G. Devvalque,
membre de l'Académie.
Au moment où la question des paratonnerres nous
préoccupe à juste titre, j'ai pensé qu'on ne verrait pas sans
intérêt l'exposé de deux accidents sur lesquels j'ai pu me
procurer des informations détaillées.
Coup de foiuhe à Liège.
Un violent orage éclata sur la ville de Liège et les envi-
rons, pendant une averse, le 18 juin 1875, vers cinq heures
et demie du soir. Le coup de foudre dont je viens faire
connaître les effets, est difficile à décrire, dans l'ignorance
(1) J.-E. Planchon, Sur la famille des Droséracées , ânn des sciences
NAT., 1848, t. IX, p. 79 et spécialement p. 81.
(14)
OÙ nous sommes clé la direction qu'il a suivie; je me hâte
de dire que, si la marche que je vais indiquer ne me paraît
point à l'abri de toute contestation, bien qu'elle repose
sur les témoignages recueillis sur les lieux, la circonstance
que le fluide électrique aurait suivi une autre direction
n'influe en rien sur les réflexions que chacun pourra faire
à l'occasion des dégâts constatés.
La foudre est donc tombée à l'angle de la rue des Guil-
lemins et de la place de la Station, sur l'hôlel de Paris, à
environ 4o mètres du bâtiment de la gare, 60 mètres du
paratonnerre de ce bâtiment et 80 mètres de celui qui
surmonte la charpente métallique de la toiture de la gare.
Une horloge électrique se trouve fixée à l'angle de la
maison susdite; le fll conducteur est accroché à un isola-
teur situé à environ 1 mètre en contre-bas du toil. Un
fil de terre, renfermé vers le bas sur plus de o mètres dans
un tube métallique, mettait autrefois cette horloge en
communication avec le sol. Depuis plus d'un an ce fil a
été coupé à peu de dislance de l'horloge (environ 50 centi-
mètres); son extrémité supérieure arrive à la hauteur d'un
store, abrité par une petite toiture en zinc. Une décharge
s'est faite entre ce fil de terre et l'horloge, qui a été mise
hors de service; cette décharge est encore marquée aujour-
d'hui par une large trace noire, et le plâtras formant
l'angle de la maison a été ébréché par le passage de l'étin-
celle. Une autre décharge s'est effectuée sur le zinc for-
mant abri au store; un fragment de cette toiture, de plus
d'un mètre de long, a été brisé et enlevé.
Comment la décharge s'est-elle faite? A ce qu'on dit
généralement, la foudre se serait jetée sur le fd accroché
près du toit; une partie serait descendue sur l'horloge,
puis, par l'ancien fil de terre, dans le réservoir commun ;
( is )
une autre partie, sous la forme d'un globe de feu, dit-on,
aurait suivi le fd conducteur pour produire les dégâts que
nous allons voir.
De l'hôtel de Paris, le fluide électrique suivit le fd con-
ducteur des horloges sur une distance de 7o mètres,
jusqu'à la maison n" 89 de la rue des Guillemins , où ce
fil est accroché à un isolateur placé comme le précédent un
peu au-dessous du toit, puis se détache pour traverser la
rue sous un angle de oO*' et continuer dans une autre
direction. Une partie de la décharge suivit ce fd et alla
mettre hors de service une horloge située à plus de
500 mètres de là. Beaucoup d'horloges furent arrêtées ou
endommagées; je n'entrerai dans aucun détail sur ce point.
J'avais demandé des renseignements à notre honorable
confrère M. Gloesener; il m'a fait savoir qu'il comptait en
entretenir l'Académie aujourd'hui même.
En arrivant à la maison n" 89, une partie du fluide se
jeta sur le tuyau de décharge des eaux pluviales du n" 91 ,
tuyau qui fut mis hors de service sur 1 mètre de long,
environ, entre le toit et le fil de l'horloge. Le reste, conti-
nuant sa roule, arriva à l'autre extrémité de cette maison,
et se jeta tant sur le chenal métallique du toit que sur le
tuyau de décharge. Le chenal fut fortement endommagé et
beaucoup de tuiles de la toiture furent brisées; le tuyau
de décharge fut brûlé en plusieurs points à la hauteur du
fil, et mis hors de service sur 30 centimètres environ. Des-
cendant le long de ce tuyau, la foudre arriva vers le bas du
premier étage de la maison n"" 87, l'hôtel du Midi. A cette
hauteur se trouvait un store relevé, enroulé sur une tige
de fer longeant toute la maison, et soutenu à son bord
inférieur par une autre tige de fer d'un calibre moitié
moindre. Cette dernière se trouvait sans doute plus voisine
' du tuyau : la foudre abandonna ce dernier en y produisant
( 16)
une quantité de petits trous que l'on voit encore, entourés
d'une aréole noire; une petite partie se jeta sur la toitifre
en zinc qui abrite le store, en écornant une brique sur son
passage; le reste se porta sur la tige métallique dont nous
venons de parler, la suivit sur environ 2 mètres, puis se
jeta sur l'autre tige, en traversant? ou 8 doubles de toile,
auxquels elle a fait des trous de plusieurs centimètres de
diamètre et mis le feu. En même temps 7 carreaux de
vitre du rez-de-chaussée volaient en éclats, au grand effroi
des personnes de l'hôtel.
Continuant sa route le long des barres de fer du store,
la foudre arriva à l'autre extrémité de la maison, où elle
trouva le tuyau de zinc servant à la décharge des eaux
pluviales et recevant un petit tuyau venant du balcon,
ainsi qu'un tuyau de fer amenant le gaz de l'intérieur de
l'hôtel à une lanterne fermée par deux grandes glaces
ovales et faisant saillie d'un mètre à peu près sur la rue.
Elle quitta alors les tiges pour se jeter, à une dislance de
15 à 20 centimètres, sur le tuyau de zinc, dont elle emporta
de nombreux fragments. Descendant ensuite environ
50 centimètres, une partie de la décharge contourna
l'angle de la maison en arrachant une bonne partie de
quatre briques qui allongeaient sa route et, se jetant sur
le tuyau à gaz, et de celui-ci sur la cage métallique de la
lanterne, cage à laquelle elle fit un trou rond, de la gran-
deur du doigt, à bords repoussés en dedans, elle fit voler
les glaces en morceaux (1). Le reste de la décharge des-
cendit dans le sol par le tuyau. 11 est probable que le
(1) Les fragments de glace reslés en place muniraient de nombreuses
fêlures rayonnantes. La lanterne , qui avait été peinte en rouge quelques
mois auparavant, fut complètement noircie, mais non cependant sur toute
lepaisseur de la couche de couleur rouge.
( i7 )
fluide électrique, en se jetant sur la garniture métallique
de la lanterne, a donné lieu à une étincelle qui a brisé les
glaces par suite de la dilatation de l'air.
J'ai dit en commençant que la marche suivie par le
fluide électrique était très-dilïicile à déterminer. Je devais
faire un choix pour la clarté de ma relation : la direction
que je fais suivre à la décharge est celle que m'ont indiquée
plusieurs personnes de la localité. Je ne prétends point la
garantir, mais je la crois la plus probable, bien que j'aie
entendu dire que mon savant maître pensait autrement.
En efl'et,jene trouve aucun argument pour attribuer à la
foudre une marche inverse, c'est-à dire la faire tomber sur
le toit du n° 87, descendre par le tuyau de décharge jusqu'à
la hauteur du store, passer par les barres de fer de celui-ci
sur le tuyau de la maison voisine, remonter jusqu'au toit,
et se jeter en passant sur le fd des horloges, tout près du
toit, pour continuer de là, en partie vers les horloges de
l'intérieur de la ville, en partie vers celles de l'hôtel de
Paris et de la station. D'une part, on n'a observé aucune
trace du passage de la foudre depuis le toit du n" 87 jus-
qu'au niveau des barres du store; de l'autre, le trajet ascen-
dant de la foudre le long du tuyau de la maison 89 ne me
paraît pas admissible.
La foudre a écorné deux coins de murs, au n*^ 87 et à
l'hôtel de Paris, et les dégâts sont beaucoup plus marqués
sur le premier point; mais je ne crois pas qu'on puisse
rien en induire, relativement à la marche qu'elle a suivie.
Je serai sobre de réflexions : j'ai eu surtout pour but de
fournir aux hommes compétents la relation d'un cas qui
m'a paru présenter quelque intérêt et que j'ai, en consé-
quence, observé avec soin. Je signalerai seulement quelques
points.
2°"*^ SÉRIE, TOME XL. 2
(18)
1° La décharge qui s'est faite sur le tuyau à gaz n'a
produit à l'intérieur de la maison aucun effet appréciable
pour les habitants ;
2° Le mince fil de terre qui se trouvait à 50 centimètres
de l'horloge électrique de l'hôtel de Paris, a suffi pour
dériver vers le réservoir commun la partie de la décharge
qui a foudroyé cette horloge;
3° La nécessité de relier aux conducteurs des paraton-
nerres les masses métalliques situées dans leur voisinage
me paraît bien démontrée ici ;
4° Le rôle des fils conducteurs des horloges et des télé-
graphes électriques mérite toute attention.
Pour terminer, je crois pouvoir ajouter quelques petits
faits curieux, observés à l'occasion de ce coup de foudre.
On assure que des ouvriers travaillant dans le jardin voi-
sin, ont eu leurs outils arrachés des mains sans éprouver
autre chose qu'une forte commotion. Un monsieur qui se
trouvait à la fenêtre d'une maison voisine, un tire-ligne
métallique à la main , se l'est vu enlever sans qu'on ait pu
le retrouver. M. Pérard, professeur de physique à l'univer-
sité de Liège, m'a rapporté avoir vu des ciseaux et autres
outils de tailleurs de pierres, placés sur une pierre dans
son jardin , se soulever en l'air à la hauteur de 50 à 60 cen-
timètres, comme attirés par un fort électro- aimant, et
émettre des aigrettes lumineuses.
Coup de foudre de Grimonster.
C'est, je crois, en i869, que la foudre frappa le château
de Grimonster (Ferrières), appartenant à M. David-Fisch-
bach-Malacord, dans les circonstances que je vais tâcher
de décrire.
(19)
Le château est muni d'une tour centrale et de deux tou-
relles, qui toutes les trois sont garnies de paratonnerres;
les conducteurs, câbles en fil de fer galvanisé, viennent se
réunir à l'angle du bâtiment, où ils sont mis en communi-
cation avec les chenaux métalliques de la toiture et ils des-
cendent de là dans un puits profond de 2 1/2 mètres ,
environ, ne servant à aucun autre usage, et renfermant de
Teau chaque fois qu'on Ta ouvert. On a affirmé au proprié-
taire qu'on s'était assuré qu'il y avait de l'eau le jour de
l'accident; mais, en tout cas, on peut toujours être certain
que le conducteur se termine dans une terre fortement
humide. Le paratonnerre avait déjà été frappé avant l'acci-
dent que je vais rapporter, et il avait bien fonctionné.
Le point intéressant à noter, pour la disposition des
lieux, est le suivant. En descendant du toit au puits, le
conducteur rencontre à mi-hauteur une plate-forme de
zinc. Le constructeur, M. Jaspar, de FJége, a coudé le con-
ducteur pour le souder à la plate-forme métallique sur une
longueur de 5 mètres environ ; un nouveau coude ramène
le conducteur dans la verticale. A côté de cette plate-forme
se trouve une toiture vitrée, dont la charpente de fer est
en communication vers le haut avec la plate-forme, tandis
que le bas, avec son chenal et un tuyau de décharge, est
appuyé contre un autre bâtiment, renfermant les cui-
sines, etc. Le tuyau de décharge des eaux pluviales
recueillies sur la plate-forme et la toiture vitrée se trouve
situé à l'angle de ce bâtiment. A l'intérieur de celui-ci et
juste en face, séparé par un mur de 0",50, se trouve un
robinet de distribution d'eau , terminaison d'une conduite
en plomb longue de i,100 mètres, qui amène au château
l'eau d'une source du voisinage et qui est constamment
remplie d'eau.
(20)
Voici maintenant ce qui est arrivé. La foudre, étant tom-
bée sur le paratonnerre, alla se jeter sur le robinet de la
distribution d'eau, pour se perdre en terre le long de ce
tuyau. Le trajet suivi est évident : la décharge électrique,
arrivée au niveau de la plate-forme, aura, en tout ou en
partie, suivi cette voie, puis la charpente métallique de la
toiture vitrée et le tuyau de décharge des eaux, au haut
duquel un petit éclat de zinc fut arraché ; elle descendit le
long de ce tuyau et, arrivée en face de la distribution d'eau,
elle se jeta sur elle au travers du mur, sans faire d'ailleurs
d'autres dégâts qu'un peu de ciment enlevé entre les
pierres.
Ce fait se passe de commentaires.
J'ajoute que le constructeur, averti de l'accident, se
rendit sur les lieux et lit raccorder par une tige de cuivre
d'un bon centimètre de diamètre, qui suit le trajet ci-dessus,
la plate-forme, la toiture vitrée et la conduite d'eau.
Sur la direction de r aiguille aimantée à Bruxelles , en i875;
note par M. Ern. Quetelct, membre de l'Académie.
Il arrive fréquemment que des renseignements sont de-
mandés sur la direction de l'aiguille aimantée à Bruxelles.
Je crois donc qu'il peut être utile de communiquer à l'Aca-
démie les résultats obtenus cette année dans le jardin de
l'Observatoire.
L'inclinaison absolue a été déterminée deux fois; l'angle
d'inclinaison a été trouvé égal à
66''o6'6 le 14 avril entre 10 heures et demie et midi et demi.
BôooS'S le 22 mai entre H heures el midi.
(21 ) ■
Pendant les dix dernières années, cet angle a donc
diminué de 22'5 ou, en moyenne, de 2 minutes et un
quart par année.
Trois déterminations de la déclinaison magnétique ont
conduit aux résultats suivants :
17o24'4 le 9 juin entre 11 heures et midi el demi.
IT^SS'l le 25 juin entre 10 heures et demie et 11 heures et demie.
IT^Se'S le 23 juin entre 2 et 3 heures (*).
Le décroissement annuel est ici en moyenne de 8 mi-
nutes el un quart.
Il résulte, d'ailleurs, des données recueillies jusqu'ici que
la déclinaison, dans le jardin de l'Observatoire, surpasse
de 21,7 minutes celle que l'on obtient quand on observe
dans les campagnes aux environs de Bruxelles.
Observations par M. Gloesener, membre de l'Académie.
J'ai lu à la page 487 du Bulletin du mois de mai der-
nier, sous le titre de communications et lectures , une note
dont je n'ai aucun souvenir qu'il ait été question à la
séance de l'Académie, pas plus que de la présentation à la
classe du météorographe de M. Van Rysselberghe. Il
est vrai qu'ayant vu un appareil dans la grande salle et
m'en étant approché, j'ai reconnu cet instrument qui le
lendemain ne s'y trouvait déjà plus.
Dans l'intérêt de la vérité que je ne puis cependant
sacrifier à celui que j'ai toujours et en toute occasion
(*) Cette observation a été faite par M. Hooreman.
( 22 )
hautement et activement témoigné à l'auteur, non plus
que dans celui de la justice à rendre aux travaux anté-
rieurs aux siens, je me vois forcé de faire toutes mes
réserves au sujet de la fin de cette note dont je n'ai eu
connaissance que par le Bulletin , lorsqu'elle était déjà
imprimée, réserves dont je réclame l'insertion dans le
prochain numéro du Bulletin.
M. Gloesener annonce pour la prochaine séance une
note sur certains effets produits par la foudre à Liège le
18 dernier, note qu'il s'était proposé de communiquer à
la séance de ce jour, si le dessin qu'il avait fait faire pour
la clarté du sujet ne lui était rentré trop tard pour ter-
miner à temps ce travail.
Sur la détermination des singularités de la courbe d'inter^
section de deux surfaces qui ont en commun y. points
multiples, fx étant égal ou inférieur à 4 (*); par
M. L. Saltel.
En ayant égard aux trois théorèmes suivants et aux
considérations exposées dans le chapitre II de notre mé-
moire Sur de nouvelles lois générales régissant les surfaces
à points singuliers, chapitre qui traite de la détermination
des points simples communs à trois surfaces, on arrive
facilement, comme on va le voir, à un théorème général
(*) Dans une noie adressée à T Académie des sciences de Paris, séance
du 24 mai 187o, nous avions déjà considéré un cas particulier du cas
général où les deux surfaces ont quatre points multiples communs.
(23)
indiquant le rang de la courbe d'inlcrseclion de deux
surfaces Mi, M^, d'ordres m, , m^j, qui sont les plus géné-
rales de leur espèce (*) et ayant : 1" quatre points com-
muns A, B, C, D respectivement multiples d'ordres («i , a^^
(6, , b.^,{c^ , C2), ((/|, d.^',^'' ( points de contacts ordinaires;
3*' (3 points de contacts stationnaires.
Théorème I. — Si deux surfaces d'ordres mj, m.2 se
coupent suivant des courbes 1|, 12,13, I4... , le rang de
Vune d'elles, de \^ par exemple , est égal au nombre des
points simples que cette courbe Ij a en commun avec une
surface 1 d'ordre mi -+- m2 — 2, moins le nombre des
points simples que cette même courbe Ij a en commun
avec les autres I2, I5, T4
Théorème II. — Si les deux surfaces Mi , M^ en question
ont en commun un point A respectivement multiple d'ordres
a|, 83, la surface ^ a ce niême point pour point multiple
d'ordre aj H- ag — 2.
Théorème Ilï. — Si les deux surfaces M, , M2 ont sur
la courbe Ii, t points de contacts ordinaires, et [3 points
de contacts stationnaires, le rang de cette courbe I^ est
diminué de 2t H- 5(3 unités.
Pour bien préciser le sens du théorème général en
question , il est besoin de rappeler une définition et une
convention.
Définition. — Nous disons que deux points A, B mul-
tiples d'ordres a, 6, appartenant à une surface d'ordre m,
n On dit qu'uue surface d'ordre m salisfaisant à certaines conditions
données, est la plus générale de son espèce, lorsqu'on peut obtenir son
équation en parlant de féqualion la plus générale d'ordre m, et en assu-
jettissant seulement les coefficients de cette équation aux seules conditions
exigées pour que les conditions indiquées soient remplies.
(2i)
forment une combinaison positive d'ordre To*, si dans
l'égalité
a -^ b =m -h T„é,
la quantité T„ô est un nombre positif non nul; la combi-
naison est nulle ou négative si T„i est nul ou négatif;
Convention. — Les formules du théorème général sui-
vant s'appliqueront à tous les cas possibles de fx égal ou
inférieur à 4, si, toutefois, l'on convient de remplacer
par zéro les valeurs des ordres des combinaisons des couples
de points qui pour deux des trois surfaces M i, M2, sou pour
toutes les trois, seraient négatifs dans les cas particuliers
considérés.
Théorèime général. — U intersection des surfaces Mj, Mj
se compose :
r Des six droites AB, AC, AD, BC, BD, CD que Von
obtient en joignant deux à deux les points multiples A, B ,
C, D , ces droites étant d'ailleurs pour les deux surfaces
respectivement multiples d'ordres
(^) {Toiôp T„.2{,J, (Tajcp Ta^cjî (Toidj, In^rf-J) (*6ic,» *4jcJ>
2^ D'une courbe I d'ordre.
ayant les points
A,B, C,D
multiples d'ordres
(B) 6,62 — Tôjnj • Tft^a, — Ti^e, • Ti,c2 — '^^i'*» * '^«•5''* »
(D) c^,f/j — Td,oi • Td.ai — Trfjij • Trfj6o — Trfjci • Trf.^cj »
(2S)
et dont le rang est marqué par V express ion.
Tijcj •Tjjc^ *-b,di ' ^bidi *-cidi • '^c^d^)
(«1 -+- «2 2) [((iCli *-aibi ' Tojft.^ ^aici ' '^ajct ^aidi ' ^aîdt)
— (6, -4-6^-2) {h A - T,^„^ . To,a, — T,^,^ . T,,e. — T,^a, • T,,,,)
— («1-+- «2 — 2)(r/ia2 — T^rfiai • Trf,„j — irfiti'Trf^j.^ — irfjd • Td^cj)
~ 2 « — 5(3.
A^o^a I. — Connaissant Vordi^e^ le nombre de points
stationnaires (3, et le rang de la courbe I, toutes les autres
singularités de cette courbe se calculeront immédiatement
par les formules de M. Cayley.
Nota II. — Si l'on suppose que les deux surfaces Mi,M2
soient uniquement assujetties à avoir les points multiples
communs A, B, C, D, on a « = o, (3 = o; nous allons pré-
senter dans cette hypothèse, trois applications des for-
mules précédentes.
APPLICATIONS.
i" Deux surfaces du sixième ordre ont en commun
quatre points A, B, C, D multiples du quatrième ordre^ et
sont les plus générales de leur espèce; on demande le rang
de leur courbe d'intersection.
Dans ce cas particulier on a
mi = nii = 6 ,
t = o, p = o,
donc la formule [y) donne
56 — 6x4 = 12;
(26)
et la formule (0) donne
i2x 10 — G X4-4 =24.
2° Deux surfaces du sixième ordre ont en commun deux
points A, B multiples du quatrième ordre, et deux points
C, D multiples du second, et sont les plus générales de leur
espèce; on demande le rang de leur courbe d'intersection.
Conformément à la convention, ici on doit poser
T___ 1^ rp __^ rp rp rp rp rp
bidi
Icirfi '^c-idi 0.
La formule [y) donne
56 — 4 = 32 ;
et la formule (0) donne
10 X 32 — 2X0 X 12 — 2 X 2X 16 = 112.
3" Deux surfaces du sixième oindre ont en commun deux
points k, B multiples du quatrième ordre et un troisième c
du second ordre, et sont les plus générales de leur espèce;
on demande le rang de leur courbe d'intersection.
11 n'y a qu'à supposer dans les formules relatives au
problème précédent
r/, = rf^ = 0.
De la sorte la formule (y) donne
36 — 4 = 52;
et la formule (0) donne
10 X 32 — 6 X 12.2 — 2 X 16= 144.
Observation. — Lorsque le mémoire déjà cité Sur de
nouvelles lois générales qui régissent les surfaces à points
singuliers aura été publié , nous aborderons le cas de fx
supérieur à 4.
(27)
Détermination dans la surface réciproque d'une surface S
douée de points multiples , du degré de la courbe double
etdeceluide lacourbe de rebroussement ; par M. L. Saltel.
MM. Salmon et Cayley ont déjà résolu cette question
dans le cas où la surface S est pure de points multiples,
mais j'ignore si les deux illustres géomètres anglais ont
donné une solution dans le cas où la surface S possède des
points multiples d'ordres quelconques. La méthode sui-
vante, que nous proposons, repose : 1° sur la détermina-
tion des points simples communs à trois surfaces qui ont
déjà en commun un certain nombre de points multiples j
problème traité dans le chapitre II de notre mémoire Sur
de nouvelles lois générales régissant la surface à points
singuliers j 2° sur les douze théorèmes suivants :
1° La classe de la surface S résulte de la considération
des points simples qu'elle a en commun avec les deux pre-
mières polaires de deux points arbitraires de l'espace.
2^ Si la surface S a un point multiple d'ordre p, ce
même point est multiple d'ordre (p — 1) pour la première
polaire.
5° Le degré du cône tangent proprement dit ^ , qui a
pour sommet un point arbitraire P et pour base la partie
mobile avec le point P de la courbe d'intersection de la sur-
face S et de la première polaire du point P, est égal à la
classe d'une section plane arbitraire de la surface S.
4** La classe du cône A est égale à la classe de la sur-
face S.
S'' L'ordre d'une section plane du cône A est égal à
l'ordre de ce cône.
6" La classe d'une section plane du cône A est égal à la
classe de ce cône.
( 28)
1° Chaque point multij)le de la surface S donne nais-
sance à un point multiple correspondant dans la section
plane du cône A , point dont on trouve d'ailleurs facile-
ment l'ordre dans chaque cas.
8° Le nombre des points de rebroussement d'une section
plane dxi cône A est égal au nombre des points simples
communs à la surface S, à la première polaire du point P,
et à la seconde polaire de ce même point.
9° Si un point est multiple d'ordre p pour la surface,
ce même point est multiple d'ordre p — 2 pour la seconde
polaire.
10'' Les nombres déterminés par les théorèmes 5, 6, 7, 8
suffisent au moyen des formules de Pliicker pour calculer
toutes les autres singularités de la section plane en question.
\\° Le nombre des tangentes doubles de la section plane
du cône A est égal au degré de la courbe double de la sur-
face réciproque.
42'' Le nombre des points d'inflexion de la section plane
du cône A est égal au degré de la courbe de rebroussement
de la surface réciproque.
APPLICATION.
«s
L'ordre dans lequel nous venons d'énumérer les théo-
rèmes précédents indique suffisamment les recherches
successives que l'on doit faire pour arriver dans tous les
cas à la détermination des deux nombres qui sont l'objet
de cette note. Nous allons en présenter un exemple.
Problème. — Détermination des deux nombres en ques-
tion dans le cas où la surface S est une surface d'ordre 5m,
ayant quatre points A, B , C, D multiples d'ordres 2m.
1° La classe de la surface S est égale ici au nombre des
( 29)
points simples communs à trois surfaces d'ordres 3m,
om — 1 , om — 1, ayant les points A, B, C, D pour points
multiples d'ordres 2m, 2m — 1 , 2m — i. On trouve ainsi
d'après les règles indiquées dans le mémoire déjà cité (*)
m' H- 2m' -t- m.
2** Le degré du cône i^ug^xU proprement dit est
om^ H- om;
on le voit immédiatement en remarquant que les six arêtes
du tétraèdre ayant pour sommet A, B, C, D sont pour la
surface S des droites multiples d'ordre m.
5° Les génératrices du cône tangent proprement dit
qui passent par les points A, B, C, D sont multiples d'ordres
m^ -H m\
on s'en rend compte facilement.
4° Le nombre des points de rebroussement d'une section
plane du cône A est égal au nombre des points communs
à trois surfaces d'ordres 3m, 3m — 1 , 3m — 2, ayant les
points A, B, C, D pour points multiples d'ordres 2m,
2m — 1 , 2m — 2. On trouve ainsi d'après les règles indi-
quées dans le mémoire déjà cité (**)
m^ H- 5m^ •+■ 2m.
5'' Sachant que la section plane du cône A est d'ordre
(*) Voir la note finale de cet article. Ici toutes les combinaisons sont
positives et leurs ordres sont égaux à m pour la première surface et à
m — 1 pour les deux autres.
(**) Voir la note finale de cet article. Ici toutes les combinaisons sont
positives et leurs ordres sont égaux à m pour la première surface, à m — 1
pour la seconde et à m — 2 pour la troisième.
( 50 )
5m^ -\- 3m, que sà classe est m^ -+- Sm^ -+- m, qu'elle a
quatre points multiples d'ordres m2-i-m,etm^H-5m2H-2m
points de rebroussements; on en déduit immédiatement
au moyen des formules de Pliicker :
i^ Que le nombre des points doubles est
— j
2° Que le nombre des points d'inflexion est
V = 4w {m- — 1).
3° Que le nombre des tangentes doubles est
m* H- 4 m** -I- 6 m* — 9 m^ — 4 m^ -4- 8 m
"=— i
U et V sont les deux nombres demandés.
Nota. — Voici le théorème général auquel nous sommes
arrivé dans le mémoire déjà cité, concernant le nombre
des points simples communs à trois surfaces qui ont déjà
en commun (x points multiples (a étant égal ou infé-
rieur à 4) et qui sont les plus générales de leur espèce.
Théorème général. — Le nombre des points simples
cherché est égal au produit des degrés des trois surfaces ,
diminué de la somme des produits des ordres de multipli-
cité de chaque point singulier, cette différence étant aug-
mentée de la somme algébrique des produits des ordres des
combinaisons formées par ces points combinés deux à deux,
pourvu , toutefois^ que Von convienne de remplacer par
zéro tout terme de cette dernière somme qui serait le
résultat d'un produit de deux facteurs négatifs par un
facteur positif, ou bien le résultat de trois facteurs
négatifs.
(5i )
Par exemple, si les trois surfaces d'ordres W2j, m.2, m^,
ont quatre points communs A, B, C, D respectivement
multiples d'ordres
(«1 5 «2 , a^), {fh , 6-2 , 63), (C, , f j, Ts), (/, , rfa , (/s),
formant deux à deux six combinaisons dont les ordres
sont respectivement
l^a,6i> *a.6o) ^ 0363) 5 (trt,«i> laoco^ ^as-^s)' ( ^ iirfi ? To.,^^ , T„^rf^) , -
(AftiCi) *■ biC2 J ^ b-cj i (Tôtrfp Té.rf.^, Tijrf.j, (Tc^rfj, Tgjrf^ , T^.3rf.),
le nombre des points simples communs est marqué par la
formule
N = nii m^ m^ — a, a^ 03 — 6, h^ 63 — Cj c^ c^ — d^ d^ d^
_i-T .T .T -j-T T T
«1*1 0262 O363 "^ OiCi • '■ a.2C~.i ' * 8363
où Ton convient de remplacer par zéro tout terme de la
forme Ta.ti ' Ta.ô^ • T^^^^ qui serait le résultat de deux ou
trois facteurs négatifs.
Remarque. — Cette règle ne souffre d'exception que
s'il arrive qu'il y ait un ou plusieurs groupes de deux
points singuliers donnant pour deux des surfaces des
combinaisons d'ordres égaux à l'unité, et pour la troisième
surface une combinaison d'ordre négatif; dans ce cas il
faut considérer comme nul le produit des ordres corres-
puodants.
Seconde méthode. — Nous profilons de la révision des
épreuves pour développer en quelques lignes une nouvelle
méthode de détermination du degré de la courbe de
rebroussement.
(32)
Le problème peut évidemment être posé comme il suit :
Problème. — En supposant que, pour la surface
donné M, d'ordre m, la courbe de contact du cône des tan-
gentes issues d'un point arbitraire P se décompose en un
certain nombre de courbes Ij, Ig, I5..., invariables avec le
point P, et en une courbe I variable avec ce point, trouver
le nombre des points simples que cette courbe I a en corn-
mun avec VHessien. On sait, d'ailleurs , que si un point P
est multiple d'ordre p pour la surface, il est fnultiple
d'ordre p — 1 pour sa première polaire, et d'ordre 4- p — 6
pour VHessien; en outre le cône tangent en ce point à
VHessien se compose du cône tangent de la surface et d'un
cône d'ordre 5 p — 6.
Nous allons effectuer cette recherche seulement dans
un cas particulier, celui où la surface M possède quatre
points A, B, C, D, multiples d'ordres a, b, c, d, formant
six combinaisons positives d'ordres
rii fTi rwi fTi fT^ np
* a6 5 * ac ) A ad 5 * bei * id 5 -^ ci 5
cette surface étant, d'ailleurs, la plus générale de son
espèce.
D'après le théorème général indiqué dans la précédente
noteswr la détermination des singularités , etc., la courbe
I est ici une courbe d'ordre
K=m(m-i)-T„,(T„,-1)~T„JT„,-i)-T„,(T„,-i)
- T,, (T,, - 1) - T,, (T,, - d) - T., (T,, - d),
ayant les points A, B, C, D multiples d'ordres
(A)a' = a(a-d)-T„,(T„,-1)-T,,(T„,-i)-T„,(T„,-l),
(C) c' = c (c - 1 ) - T,„(T,,- 1 ) - T,, (T., - 1 ) - T., (T,, - 1 ),
(33)
en conséquence, le nombre des points simples que cette
courbe a avec PHessien est égal à 4 (m — 2). K, ce nombre
étant diminué des points confondus en A, B, C, D. Pour
obtenir ce dernier nombre, clierchons, par exemple, le
nombre des points confondus au point A. Si chacune des
a' branches de la courbe I n'avait pas pour tangente une
gén^ératrice du cône tangent en ce point à l'Hessien, elle
rencontrerait seulement en ce point cette surface en
4 a — 6 points , mais puisque cette circonstance se pré-
sente, ce nombre de points doit être évidemment aug-
menté d'une unité. Ainsi le nombre des points confondus
en A est a' x (4 a — 5); on peut donc dire que le nombre
cherché est exprimé par la formule.
(P)...4(m— 2) X K--(4ti— 5)-a' — (46 — 5). b'
— (4c— 5)c'-(4rf— 5).rf'.
Note V\ — Si l'on change m en 3m, et si l'on fait
a = b = c = d=^m, cette formule donne 4m (m^ — j),
ce qui s'accorde bien avec la première méthode.
Note Il^ — La formule (P) convient à tous les cas pos-
sibles qui peuvent se présenter pour une surface ayant
quatre points multiples ou un nombre inférieur, si Ton
convient de remplacer par zéro les valeurs des ordres des
combinaisons qui peuvent devenir négatives dans les cas
particuliers considérés.
SÉRIE, TOME XL.
(34)
CLASSE DES LETTRES.
Séance du o juillet 1815.
M. le baron Guillaume, directeur.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Steur , J. Grandgagnage,
J. Roulez, Gachard, P. Devaux. P. De Decker, M.-N.-J. Le-
clercq, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove,
R. Chalon, Th. Juste, Thonissen, Alph. Wauters, Alph.
Le Roy et A.Wagener,?7îem6res; J.NoIet de Rrauwere van
Steeland, Alph. Rivier, associés; J. Heremans, F. Loise,
Stan. Rormans, correspondants.
MM. Stas et Ch. Montigny, membres de la classe des
sciences, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'intérieur adresse une expédition de
l'arrêté royal du 24 juin dernier qui approuve l'élection
de M. Auguste Wagener, en qualité de membre titulaire de
la classe des lettres.
— Le même haut fonctionnaire envoie une expédition
( ^^ )
de l'arrêté royal en date du 17 juin dernier, qui décerne,
sur la proposition du jury chargé de juger la cinquième
période quinquennale du prix de liltératm-e flamande, le
prix à l'ouvrage intitulé : Ernest Slaas, aclvocaat, schetsen
en beelden door Tony, dii à la plume de feu M. Bergmann,
en son vivant avocat à Lierre.
— M. le Ministre de la justice offre deux exemplaires
du quatrième cahier du sixième volume des procès-ver-
baux des séances de la commission royale des anciennes
lois et ordonnances de la Belgique. — Bemercîmenls.
— MM. A. Tennyson et R. Lepsius accusent réception
de leur diplôme d'associé.
— La Société de statistique de Londres et l'Institut
royal pour la philologie et l'ethnographie de l'Inde néer-
landaise à La Haye, envoient leurs derniers travaux.
— L'université de Saint-Louis (E.-U.) remercie pour le
dernier envoi de publications.
— M. le baron Guillaume, directeur, offre. un exem-
plaire de son discours Sur le mouvement intellectuel dans
Varmée^ prononcé dans la dernière séance publique de la
classe.
M. Ch. Faider, vice-directeur, offre un exemplaire de
son discours Sur Montesquieu et la Constitution belge,
prononcé lors de la même séance.
M. le baron Kervyn de Lettenhove fait hommage du
premier exemplaire du tome XX F des Œuvres de Froissart
(Chroniques, table alphabétique des noms historiques,
(36)
CL-IVR), publiées par la commission académique pour les
travaux des grands écrivains du pays.
M. Alphonse Le Roy présente, au nom de M. Vincenzo
di Giovanni, divers ouvrages de philosophie dont les titres
figureront au Bulletin.
M. J. Nolet de Brauwere Van Steeland présente, au nom
de M. le docteur Wap, un exemplaire de son livre intitulé :
Bilderdijk. Eene bijdrage tôt zijn Leven en Werken. In-S".
Il offre, en son nom personnel, deux brochures : Een
Muizestaartje et Het Menschdoin verlost -h X^^^i- In-8°.
M. Joseph de Leva, président de la faculté de philoso-
phie et lettres de l'université de Padoue, adresse, à titre
d'hommage, les trois premiers volumes de son ouvrage
intitulé iStoria documentaladi Carlo V in correlazione aW
Italia. In-8^
La note lue par M. Nolet de Brauwere au sujet de l'ou-
vrage de M. Wap paraîtra au Bulletin. (Voir communica-
tion et lectures.)
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1877.
La classe complète son programme de concours de celte
année par la cinquième question suivante :
Indiquer les analogies et les différences que présente la
poésie flamande avec la poésie des autres langues d'ori-
gine germanique , ce qu'elle leur doit et V influence qu'elle
a eue sur elles.
(37 )
COMMUiNICATlONS ET LECTURES.
BUderdijk. Eene bijdrage tôt zijn Leven en Werken , door
D" Wap. Leiden, E.-J. BHll, 1874; note par M. J. Nolet
de Brauwere van Steeland , associé de l'Académie.
En publiant la série complète des œuvres poétiques de
Bilderdijk, M. Da Costa éleva un monument à la gloire
littéraire d'un maître, dont il fut le disciple enthousiaste
et le fervent admirateur. Mais Bilderdijk, trop profond
penseur pour devenir écrivain populaire, faisait en outre
étalage de principes monarchiques et d'un piétisme ortho-
doxe, qui lui attirèrent la haine d'implacables détracteurs.
Ne pouvant s'en prendre au génie incontestable du poète,
ils attaquèrent l'homme dans sa vie privée. Son petit-lils
par alliance, M. le pasteur Ten Brummelen Andriesse,
leur fournit ample matière à récrimination en livrant à
une publicité au moins intempestive , la correspondance
particulière de son aïeul. Ces lettres, adressées par le poète
à sa première femme, furent éditées avec des commen-
taires peu obligeants par le docteur Van VIoten et donnè-
rent prise à une malveillance qui devait atteindre Bilder-
dijk dans son honorabilité.
Admis dans l'intimité du grand poêle, à titre de dis-
ciple, d'ami et parfois de commensal, M. le docteur Wap
fut pendant bien des années initié aux joies comme aux
douleurs de cette vie de famille. Il en connut ce qu'on est
convenu d'appeler les petites misères, et mieux que tout
autre sa plume parut appelée à démêler le vrai du faux. Mais
tout en respectant le génie qui se reflète dans les œuvres
( 38 )
du plus grand de nos poètes néerlandais, M. Wap ne
chercha point à atténuer certaines faiblesses, auxquelles
l'imagination exaltée et la nature trop ardente de Bilder-
dijk ne surent pas toujours résister.
A ce double point de vue la publication de M. Wap a
une importance réelle, en tant qu'elle est l'œuvre d'un
témoin oculaire. C'est ainsi qu'un examen historique et
généalogique fort minutieux conduit l'auteur à la conclu-
sion, que si une extrême fatuité formait le signe dislinctif
du caractère de Bilderdijk et fut la cause primordiale de
ses tribulations, il n'en est pas moins vrai que l'allégation,
d'après laquelle le grand poète aurait succombé à des dé-
faillances coupables, n'est nullement établie. Si donc les
découvertes et les nombreuses communications récentes,
touchant la vie intime de Bilderdijk, n'ont pu ternir en
aucune façon le mérite hors ligne du savant et du poète,
M. Wap n'en a pas moins rempli un devoir de justice et de
gratitude, en établissant clairement que Bilderdijk n'a pas
été séduit, plus que de raison, par les grâces de
M"'' Schweickhardt, tant que son mariage avec Catharina
Rebecca van Woesihoven — dont l'amabilité laissait d'ail-
leurs beaucoup à désirer — n'avait été dissous par le tri-
bunal d'Amsterdam.
Tout ceci otTre d'autant plus d'intérêt, que l'auteur
apprécie avec une juste impartialité des situations parfois
fort délicates. Mais si l'on peut regretter la fâcheuse pu-
blicité donnée à une correspondance intime, cause pre-
mière de débats irritants, auxquels M. le docteur Wap a
cru devoir prendre part, on doit savoir gré à ce dernier
de ne point s'être écarté de la règle « Amiens SocrateSy
amicus Bilderdijk, sed magis arnica Veritas, p
(39)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du i"" juillet 4SI 5.
M. Alphonse Balat, directeur.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : ^\l\. L. Alvin , G. Geefs, Jos. Geefs,
C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Aug. Payen,
le chevalier Léon de Burbùre, J. Franck, Gust. De Man ,
Ad. Siret, F.-A. Gevaert, Adolphe Samuel, Ad. Pauli,
membres; Éd. de Biefve, correspondant.
M. R. Chalon , membre de la classe des lettres , assiste
à la séance.
CORRESPONDANCE.
M"' Barye adresse une lettre de faire part de la raort
de son époux, M. Antoine-Louis Barye, associé de la
section de sculpture de la classe , décédé à Paris le 25 juin
1875, à l'âge de 79 ans.
— M. le Ministre de l'intérieur transmet une amplia-
lion de l'arrêté royal du o juin dernier qui modifie les
articles 12 et 15 du règlement d'ordre intérieur de la
classe.
(40)
— M. Abraham Basevi, associé de la section de mu-
sique, à Florence, remercie pour le dernier envoi annuel
de publications académiques.
D'après Tordre du jour de la séance , la classe s'occupe
des modifications demandées par le dernier jury des can-
tates au programme des conditions indiquées aux concur-
rents pour la composition des poëmes français et flamands.
MM. Gevaert, le chevalier de Burbure et Ad. Samuel,
membres de la section permanente des grands concours
de composition musicale, donnent leur opinion au sujet
de ces changements.
La classe adopte les modifications proposées, lesquelles
seront soumises à M. le Ministre de l'intérieur.
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Commission pour la publicatioti d'une collection des grands
écrivains du pays. — Chroniques de Froissart, publiées par
M. le baron Kervyn de Lettenhove. (Tome XXI. Table analytique
des noms historiques, CL — IVR.) Bruxelles, 4875; vol. in-8".
Van Beneden (P-J.). — Un oiseau fossile nouveau des
cavernes de la Nouvelle-Zélande. Liège, 1875; feuille in-8°
avec planche.
Faider (Ch.). — Montesquieu et la Constitution belge.
Bruxelles, 1875; broch. in-8*'.
Kervyn de LtUenhove {Le baron). — La Flandre pendant
les trois derniers siècles. (Ouvrage qui sert de suite à « l'his-
{il )
toirede Flandre » en 4 vol. in-8". ) Bruges , 4875; vol. in-8°.
Guillaume {Le baron G.) — Sur le mouvement intellectuel
dans l'armée belge. Bruxelles, 1875; br. in-8''.
Schwann (Z)^ Th.). — Mein Gutachtcn iiber die Versuche
die an der Sligmatisirten Louise Lateau , am. 26 Marz 1869
angestellt wurden. Cologne-Neuss , 1875; in-8''.
^^olet de Braiiwere Van Steeland. — Een muizestaartje. —
Het menschdom verlost -h X^*,. Bruxelles, mai et juin 1875;
2 broch, in-8°.
Bruijlants (Gustave). — Recberches sur les hydrocarbures
de la formule générale C,. H2„_2. Louvain, 1875; broch. in-8".
Frédéricq [Léon). — Génération et structure du tissu mus-
culaire. (Mémoire couronné. Concours universitaire de 1875-
1874.) Bruxelles, 1875; vol. in-S".
Goebel [Max). — La crise commerciale de la houille 1870-
1874 pour servir de commentaire à la carte de la production,
circulation et consommation des charbons belges en 1875.
Liège, 1875; broch. in-8'' avec carte in-fol.
Heuschling (X.). — Notice sur la statistique ancienne de la
Belgique. Liège, 1875; br. in-S".
Preudhomme de Borre {A.). — Note sur des empreintes
d'insectes fossiles découvertes dans les schistes houillers des
environs de Mons. Bruxelles, 1875; br. in-8".
Royaume de Belgique. — Chambre des Représentants :
Convention conclue, le 20 mai 1875, entre la Belgique £t
différents pays étrangers, concernant la création d'un bureau
international des poids et mesures. Bruxelles, 15 juin 1875;
2 feuilles in-4°.
Commission royale pour la publication des anciennes lois
et ordonnances de la Belgique. — Procès-verbaux des séances,
sixième vol., IV cahier. Bruxelles , 1875; in-8".
Commissions royales d'art et d'archéologie. - Bulletin,
XIV'' année, 1874, n"' 3 et 4. Bruxelles, 1875; in-8".
Bibliothèque royale. — Acquisitions faites pendant l'année
1874. Bruxelles; feuille in-4".
( 42)
Musée de l'industrie de Belgique ^ à Bruxelles. — Bulletin ,
34^ année 1875, n°'4, 5 et 6. Bruxelles, Paris; 5 livr. gr.
in-8».
Société malacologigue de Belgique , à Bruxelles. — Pro-
cès-verbal: séances de mars, d'avril et de juin 1875. Bruxelles;
feuilles in-8°.
Société royale des sciences médicales et naturelles de
Bruxelles. — Journal, 60'"^ vol., ôô"^" année, mars, avril,
mai 1875. Bruxelles ; in-8°.
Société pour la propagation du système de notation sim-
plifiée par la classification numérique des octaves selon la
théorie du diapason. — Projet de prospectus, par M. Meerens.
Bruxelles, 1875; broch. in-8''.
Becueil des rapports dee secrétaires de légation de Bel-
gique , tome II, 10"" livr., juin 1875. Bruxelles; in-8°.
Le Bibliophile belge, 9'^' année, 1875, livr. 11, 12.
Bruxelles; feuilles in-8''.
Annales des travaux publics de Belgique , tome XXXII,
5'"'' cab. Bruxelles , 1874: in-8°.
Moniteur industriel belge, vol. II, n"^ 38 à 48, avril-juin
1875. Bruxelles; 9 feuilles in-4''.
La Presse médicale , 27™^ année ,1875, n°' 1 8-50. Bruxelles;
15 feuilles in-4°.
Anncdes d'oculistique , mai-juin 1875. Bruxelles; liv. in-8°.
Société de pharmacie d'Anvers. — Journal, mars et avril
1875. Bruxelles; 2 liv. in-8°.
Société de médecine d'Anvers. — Annales, mars, avril, mai
et juin 1875. Anvers; 2 «ivr. in-8''.
Ville de Bruges. — Inventaire des archives de la ville :
section l""*. Inventaire des chartes par L. Gilliodts-van Se-
veren. 1'* série, XIII'' au XVP siècle, tome III. Bruges, 1875;
vol. in-4".
Société d'Émulation pour Vétude de Vhistoire et des anti-
quités de la Flandre, à Bruges. — Annales, 5""^ série,
lomeX, n"^ 1 et 2. Bruges, 1875; liv. in-8°.
( 45 )
Vlllustraiion horticole, 5""= série, 0"'' vol., 4'"% 5""= et C""" livr.,
avril-juin 187j. Gand; 5 cali. gr. in-8".
Société royale des sciences de Liège. — Mémoires , 2'"*' série,
tome IV. Bruxelles; vol. in-S".
Société médico-chirurgicale de Liège. — Annales, mars, avril
et mai 1875. Liège; 2 livr. in-8".
Le Scalpel, 27""^ année, avril-juin 1875, n^^ 40-o!2. Liège;
15 feuilles in-4**.
Analectes pour servir d l'histoire ecclésiastique de la Bel-
gique, tome XII, 1873, 1'"'= livr. Louvain, Bruxelles; in-S".
Journal des B eaux- A r ts, XY 11""^ Rnnée, 1875, n°' G-12.
Louvain; 7 feuilles in-4'*.
Cercle littéraire de Verviers. — Bulletin : Manifestation
publique faite le 4 avril 1873 en l'honneur de Th. Bost. Ver-
viers, 1873; in-8°.
Donders [F.-C). — 13'' jaarl. verslag betrekkelijk de ver-
pleging der ooglijders. Utrecht, 1874; in-8°.
Wap (D'). — Bilderdijk. Eene bijdrage tôt zijn Leven en
Werken. Leide , 1874; vol. in-8''.
Institut royal grand-ducal du Luxembourg. — Publica-
tion de la section historique, année 1874, XXIX (VII). Luxem-
bourg, 1873; vol. in-4°.
Ministère des Affaires Étrangères de la République fran-
çaise. — Documents diplomatiques de la conférence du mètre.
Paris, 1873; vol. in-4".
Chasles. — Aperçu historique sur l'origine et le développe-
ment des méthodes en géométrie, particulièrement de celles
qui se rapportent à la géométrie moderne, etc. (Nouvelle édi-
tion.) Paris, 4875 ;vol. in-4°.
Hugo [Le comte Lèopold). — Le valhalla des sciences pures
et appliquées, etc. Paris , 1875 ; broch. in-8°.
Lorin. — Nouveau mode de préparation de l'acide for-
mique très-concentré, au moyen de l'acide oxalique déshy-
draté et d'un alcool polyatomique. Paris, mai 1873; broch.
in-40.
(44)
Le Progrès médical, S-"" année 1875, n°* 14-18, 20-26.
Paris; 12 feuilles in-4°.
Journal de l'agriculture , tome 111, avril-juin 1873 , n°' 512-
319 , 521-524. Paris, 12 cah. in-8°.
Revue britannique , 51'°'' année, avril-juin, 1875, n°^ 4-6.
Parisj 5 demi-vol. in-8°.
Revue de France, tome XIV, n" 42, V"^ année, juin 1875.
Paris ; vol. in-S".
Revue des questions historiques, 55'"*' livr., l*'" juillet,
1875. Paris; vol. in-8«.
Sociétés des études historiques , à Paris. — L'Investiga-
teur. Journal, 41°"^ année, mai-juin, 1875. Paris; fasc. in-8°.
Société d'anthropologie de Paris. — Bulletins, tome X
{ 2'"*' série), 2™' fasc, mars-mai 1875. Paris; in-8".
Société géologique de France, à Paris. — Bulletin, 5"'* série,
tome III , 1875, n" 5. Paris, juin 1875; in-8^
Société météorologique de France, à Paris. — Nouvelles
météorologiques, VIII™* année, juin 1875. Paris; feuilles
in-8^
Horand [le D*" M.-A.). — Recherches expérimentales sur
l'action physiologique de l'hématosine. Lyon , 1875; broch.
in-8°, 2""= édition.
Bulletin scientifique, historique et littéraire du départe-
ment du Nord, 1""" année, n"' 5, 4 et 5, mars, avril, mai
1875. Lille; in-8^
Société archéologique du midi de la France, à Toulouse. —
Mémoires, tome XI, 1*^* et 2"* livr. Toulouse, 1875; in-4°.
Giebel (D'' C.-Q.). — Zeitschrift fiir die Gesammten Natur-
wissenschaften. Neue Folge, 1874, Band IX. Berlin; 10 livr.
in-8".
Naturwissenschaftlicher Verein zu Bremen. — Abhnnd-
lungen , 4. Bd., 2 und 5. Heft. — Beilage zu den Abhand-
lungen, n° 4. Brème, 1874-1875: 2 livr. in-8<' et broch. in-4».
Verein l'iïr Geschichteund Alterlhum Schlesiens,zu Breslau.
— Zeitschrift, Bd. XII, 1. und II. Hefl. — Scriptores rerum
(4S)
Silcsiacarum , IX. Bd. — Codex diplomnliciis Silesiae, VII.
Bd., "2. Thcil. Breslaii, 1874, 1875; :2 vol. in-8° et 2 vol. in-4".
K, iingar. geologisclie Anstalt zii Budapest. — Mitlhei-
lungen, Ili. Band, 1. iind ± Ileft. — A magyar kir. foldtani
intézot Evkônyve : III. kôtet, I., II. fiizct; IV. kotet, I. fuzet.
Budapest, 1874-1875; 5 fasc.; gr. in-8^
Académie des sciences de Cracovie. — Dwa pierwsze pu-
bliczne Posiedzcnia Akadeinii, ete. — Rocznik Zarzadu. Rok,
1875. _ Pamietnik : wydzial filologiczny , lom I , i874 ; wyd-
zial niatematyczno, tom I, 1874. — Rozprawy : wydzial
histor. filozofic., tom I, II, 1875-1874; wydzial matematyc,
tom I, 1874; wydzial filologic., tom I, 1874. — Scriptores
Rerum Polonicarum, tomi I, II. — Starodawne Prawa Pols-
kiego Pomniki, tom III, 1874. — Monumenta Medii Aevi
Historica res gestas Poloniae illustrantia, tomus I, 1874. —
Bibliographia Polska, XIX. Stolecia, tom I a II, 1875-1874.
— Lud : serya , V, VI, Vil, VIII. — Sprawozdanie komisyi
fizyjograficznéj , tom ôsmy a siôdmy, 1875-1875. — Nie-
miecko-Polski Slownik Wyrazôw prawniczych i administra-
cyjnych, 1874. — Dzieje Bezkrolewia po skonie Jana III, tom I,
4874. — A.-Z.Helcla: Pisma Pozostale, tom I. Cracovie; 8 vol.
et broch. in-4° et 7 vol. in-8°.
Verein fiir Erdkmide zu Darmstadt. — Notizblatt : 1 . Folge,
Nr. 41 -46 ; II. Folge , Jarbg. MIL, Nr. 1 -60 , Mai 1 857 bis Juni
4861; III.Folge,l und 2. Heft,Nr. 1-24; 5. Heft, Nr. 145-156.
Darmstad; 7 liv. in-8°.
Die Pollichia. — Nachtrag zum XXVIII. et XXIX. Jahres-
beriebt. — Jahresbericbt XXX-XXXII. Diirkheim a. d. H.,
1872-1874; in-8^
Oberlausitzische Gesellschaft der Wissenschaften, Gôrlitz.—
Neues Lausitzische Magazin : Jahrg. 1854, Bd. XII., heft I, II
und III ; Jahrg. 1854, Bd. XXXI., Heft I-IV; Jahrg. 1865, Bd.,
XLII. Gorlitz; 9 fasc. 111-8".
Badîsche Universilàts zu Heidelberg. — Thèses, lectures
( 46)
et discours universitaires, 1874 et 1875. Heidelberg, 1875;
1 1 broch. in-8°.
Medicinisch-natîiriv. Gesellschaft zu Jena. — Zeitschrift fiir
Naturwissenschaft, neue Folge, Band IL, Heft 2. Jéna 1873;
br. in-8°.
K. Albei'tîis-Universitàt zu Kômgsberg in Pr. — Verzeich-
niss (Winter-Halbjahre, 1873). — Index Lectionum (per
hiemem 1873). Kônigsberg; 2 br. in-4*'.
Archiv der Mathematik und Physik,L\U. Teil, 5. und 4.
Heft. Leipzig, 1873 ; 2 cah. in-8".
Astronomische Gesellschaft, in Leipzig. — Vierteljahr-
schrift, X. Jahrgang, 2. Heft. Leipzig, 1873; in-8^
K. Bayer ische Akademie der Wissenschaften zu Mûnchen.
— Ueber den religiôsen Charakter des griechischen Mythos
von Dr. Conrad Bursian. — Monographie der Sapindaceen-
Gattung Serjania von L. Radlkofer. Munich, 1875; br. et vol.
in-4^
K. h. Akademie der Wissenschaften in Prag. — Sitzungs-
berichte. Jahrg. 1 874. — Abhandlungen vom Jahre 1 874, Sechste
Folge, Band VIL Prague 1874-1875; voL in-8° et vol. in-4^
K, K. Sternwarte in Wien. — \nna\en , iuhr. 1875, dritter
Folge, Band 25. Vienne 1875; br. in-8<'.
Anthropologische Gesellschaft in Wien. — Mittheilungen,
V. Ed., Nr. 1-3. Vienne, 1875, feuilles in-8°.
K. K. geologische Reichanstalt in Wien. — Abhandlungen
Bd. VIIL, Heft 1. - Jahrbuch , Jahrg. 1875, XXV. Bd., Nr. 1.
— Verhandlungen, Nr. 1-3. Vienne 1873; vol. gr. in-i% et
5 feuilles petit in-4*'.
K. Akademie der Wissenschaften in Wien. — Anzeiger
Jahrg. 1875, Nr. I-XVI. Vienne; feuilles in-8^ ^
K. K. central-Anstalt fur Météorologie und Erdmagnetis-
mus. — Jahrbiichcr fiir 1875, neue Folge, Band. X. Vienne,
1873;in-4^
Physikal-Medicin. Gesellschaft zu Wiirzburg. — Verhand-
( ^7 )
lungen, II. Bnnd, Nro. l-u, 14-2^2.— Neiie Folge, VIH Band, 5.
und4. Hcft. Erlangen i 851, 1852 iind VVurtzbourg, 1875; 5 liv.
111-8°.
ffistorischer Verein fur Untcrfrankemind Aschaffcnhurg
zu Wiirzburg. — Archiv. Bd. II, 1854; III, 1855; IV, 1857,
2 und 0. Heft; Bd. V bis X, 1858-1850; Bd. XXIII, Heft I,
1875. Wurtzbourg; 22 fasc. in-8''.
Mendcleeff (D.). — Recherches expérimentales sur l'ëlasli-
cité des gaz, 1*^' vol. S'-Pétersbourg, 1875 ; in-4°.
K. Universiicit in Dorpat. — Meteorol.-Beobachtungen im
Jahre 1874, II. Band, 4. Heft. Dorpat, 1875;in-8°.
Société chimique de S'-Pétersbourg. — Journal, tome VII,
n"' 5 et 6. S'-Pétersbourg, 1875; 2 liv. in-8°. (En russe.)
Motard ( Victor). — La vie et les œuvres de Peter Christen
Asbjoernsen, par Alfred Larsen, suivie d'un aperçu bibliogra-
phique par J. B. Halvorsen. Christiania, 1875; br. in-4".
Bureau géologique de la Suède, à Stockholm. — Carte géo-
logique; liv. 50 à 55, avec les renseignements. — Glaciala
bildningar i Sverige , I. {Gumœlius Otto). — Om Rullstens-
bildningar [Hummel, /).). Stockholm , 1874, 1875; 4 cartes
in-fol. et 6 br. in-8''.
la Cour [Paul). — Note sur un système télégraphique « per-
mettant la production d'un grand nombre de signaux simples
par un fil conducteur unique. » Copenhague, 12 fév. 1875;
feuillet in-4°.
Académie royale des sciences de Lisbonne. — Journal
n° XVIil, juin 1875. Lisbonne ; fasc. in-8°.
Ateneo propagculor de los ciencias naturales de Madrid. —
Reglamento. Madrid, 1874; br. in-8''.
Millier [Albert). — Ein Fund vorgeschichtlicher Steinge-
râthe bei Base!. Bâle, 1875; br. in-4'' avec photogr.
Commission géologique fédérale de la Suisse, à Berne. —
3Iatériaux pour la carte géologique de la Suisse, XIIP liv. 1875:
carte géologique et profils du Sœnlis, 2 feuilles et 2 planches
de profil.
(48)
Société de géographie de Genève. — Le Globe, journal géo-
graphique, t. XIII, liv. 5 et 4, 1874-75. Genève ; in-S**.
Société d'histoire de la Suisse romande à Lausanne. —
Mémoires et documents, tome XXIX. (Documents relatifs à
l'histoire du Vallais recueillis par l'abbé J. Gremaudjt. I, 300-
1255). Lausanne, 1875 ; vol. in-8°.
Gozzadini (Le comte J.). — De quelques mors de cheval
italiques et de l'épée de Ronzano en bronze. Bologne, 1875;
br. in-4°.
Filopanti (Quiriciis). — Indication de quelques nouvelles
idées scientifiques exposées dans son ouvrage « L'Universo. >
Bologne, 1875; br. in-8°.
Mensini (Jacopo). — La Spia Sismica. Firenze, 1875; br.
in-8''.
Brioschi (Francesco). — Sur l'équation du cinquième degré.
Paris ; mars 1875; br. in-4°. — Sopra un nuovo punto di corre-
lazione fra le forme binarie del quarto grado e le ternarie
cubiche. Milan, février 1875; br. ia-4".
Omhoni {Giovanni). — Di alcuni oggetti preislorici délie
caverne di Vélo nel Veronese. Milan, 1875 ; br. in-8°.
Fondazione scientifica Cagnola. — Atti, vol. VI, parte I,
1872. — Sul Caelio Vitellino. Memorie del concordo, 1857.
(Davide Nava e Gio. Francesco Selmi). Milan ; 2 fasc. in-8°.
R. Osservatorio di Brcra in Milano. — Pubblicazioni,n^ 10.
(Suir eclissi solare totale del 5 giugno, 1259.) Pise, 1875;
fasc. in-4''.
Bullettino del vulcanismo ilaliano, anno H, 1875, fasc. 1
e 2, IV eV. Rome, 187o;in-8".
Bullettino nautico e geographico in Borna ^ vol. VI, 1875,
n° 10. Rome ; feuille in-4°.
Corrispondenza scie?iti/ica in Roma , vol. VIII, 1875, n' 24
e 25. Rome; feuilles in-4*'.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
187S. — No 8.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 7 août 1875.
M. A. BiuALMOxM, directeur et président de rAcadémie.
Sont présents : MM. L. de Koninck, P.-J. Van Bene-
den, H. Nyst, Melsens, F. Duprez, G. Dewalque, E. Qiie-
lelet, xAL Gloesener, E. Candèze, F. Donny, Cli. Monligny,
Sleichen, Éd. Dupont, Éd. Morren , Éd. Van Beneden ,
C. Malaise, F. Folie, Alph. Briart et F. Plateau, membres;
Th. Sclnvann, E. Catalan et Aug* Bellynck, associés;
Éd. Mailly et J. De Tilly , correspondants.
2"^ SÉRIE, TOME XL. A
( SO )
CORRESPONDANCE.
M. le directeur annonce que M. le secrétaire perpétuel
Fa prié d*ex primer à la classe ses regrets de ne pouvoir
prendre place au bureau à cause de son séjour à Paris
comme délégué du gouvernement au Congrès international
des sciences géographiques.
— M. le Ministre de l'intérieur adresse, pour la biblio-
thèque de l'Académie : l"* un exemplaire des procès-ver-
baux de la conférence i nier nationale du mèlre ; 2" un
exemplaire du mémoire couronné envoyé par M. Léon
Frédéricq, élève de l'Université de Gand, au concours uni-
versitaire de 1874-1875, en réponse à la question de méde-
cine [matières générales). — Remercîments.
— Le conseil général d'administration des hospices et
secours de la ville de Bruxelles demande l'appréciation de
la classe au sujet des meilleurs moyens de mettre à l'abri
des atteintes de la foudre les bâtiments récemment cons-
truits à l'hôpital Saint-Pierre, rue Haute, en la dite ville, et
notamment en ce qui concerne le nouveau système de para-
tonnerres dont M. le professeur Melsens est l'auteur. —
Renvoi de cette lettre à la Commission des paratonnerres.
— L'Académie des sciences de Cracovie transmet toutes
ses publications et demande l'échange avec celles de la
Compagnie. — Accordé.
— La Société géologique de France annonce qu'elle
tiendra, cette année, sa réunion extraordinaire à Genève
et à Chamounix, à partir du 29 août.
( SI )
— iM. F. Duprez présente le résumé de ses observations
météorologiques faites à Gand, en 1874-. M. Cavalier trans-
met un résumé semblable, pour Ostende, pendant le mois
de juillet dernier.
— L'Académie royale des Lyncées de Rome, l'Académie
royale des sciences de Bavière, à Munich, la Société des
naturalistes du plateau du Rhin « Die Pollichia d, à Durk-
heim, remercient pour le dernier envoi annuel de publi-
cations de la Compagnie.
La section historique de l'Institut luxembourgeois,
l'Université d'Heidelberg, l'Académie royale des sciences
de Bavière, à Munich, le bureau géologique de la Suède, l'In-
stitut royal géologique de Hongrie, à Budapest, et le Musée
public de Buenos-Ayres , adressent leurs derniers travaux.
— M. Melsens présente, au nom de M. G. A. Hirn,
associé, un ouvrage intitulé : Théorie mécanique de la
chaleur {V partie, tome I", Z' édition). In-8\
M. Éd. Morren fait hommage d'une brochure de sa com-
position, portant pour titre : Charles de l'Escluse, sa vie et
ses œuvres, 4526-^609. In-8\
M. G. Dewalque présente la traduction qu'il vient de
publier d'un travail de M. T. Sterry Hunt, intitulé : His-
toire des noms cambrien et silurien en géologie. A cette
occasion M. Dewalque expose les circonstances qui l'ont
engagé à entreprendre cette traduction, et rappelle quel-
ques faits relatifs à l'histoire des terrains anciens de la
Belgique et à la priorité des travaux d'André Dumont.
Ayant exposé, il y a quelques jours, à la Société géologique
de Liège les mêmes considérations, celles-ci paraîtront
dans le Bulletin de cette Société, et il demande seulement
que mention en soit faite dans la correspondance de la
classe. — Accordé.
(52)
M. Dewalque offre ensuite, au nom du D' von Lasaulx,
professeur de minéralogie à l'Université de Breslau, un
exemplaire de son livre intitulé : Elemente der Pétrogra-
phie. ïn-8^
M. L. Saltel adresse un exemplaire de sa note intitulée:
Influence des points multiples sur le degré de la courbe
de rebroiissemenl de la polaire réciproque d'une surface
donnée. In-8°.
M. le D' Gustave Hinrichs , professeur à l'Université de
l'État de lowa (Ïowa-City, lowa, E. U.), offre le n^ 13,
pesant 2,665 grammes, de sa collection de météorites
d'Iowa Counly, du lî2 février 1875.
La classe vote des remercîments aux auteurs des dons
précités. Elle exprime le désir que des renseignements
soient demandés à M. Hinrichs au sujet de la chute de la
météorite qu'il a offerte à la Compagnie.
• — Les travaux manuscrits suivants seront l'objet d'un
examen :
1° Note sur les tremblements de terre en ^872, avec
suppléments pour les années antérieures de i843 à 1874
{XXX' relevé annuel); par M. Alexis Perrey. — Commis-
saires : WM. Malaise, Montigny et Duprez.
2° Sur les propriétés de la surface de contact d'un
solide et d'un liquide. Rectification d'un passage de ma
note précédente; par G. Van der Mensbrugghe. — Com-
missaires : MM. J. Plateau et Duprez.
5° Diagnoses de cucurbitacées nouvelles et observations
sur les espèces critiques, 1" fascicule (nouvelle rédaction),
par M. Alfred Cogniaux. — Commissaires : MM. Morren,
Bellynck et Crépin.
4° Sur un aérostat à voiles, par L.-H.-S. Codron, à Pa-
ris. — Commissaire : M. Montigny.
( S3)
5° Théorie nouvelle pour l'étude de la nature, par
M. Waltier, à Lille. — Commissaires : MM. Montigny et
Ern. Quetelet.
CONCOURS DE 1875.
La classe reçoit, en réponse à la cinquième question
du programme de concours de Tannée actuelle : Faire la
description du bassin houiller de la province de Liège, un
second mémoire manuscrit avec planches. Ce travail , ac-
compagné d'un billet cacheté portant pour devise : Omnia
vincit labor improbus, est également renvoyé à l'examen
de MM. Dewalque, Briart et Cornet.
RAPPORTS.
Nouvelles observations sur la flore des psammites du
Condroz, par M. F. Crépin, correspondant de l'Aca-
démie.
etappoÊ'l de .If. €i. Mfetcalfjuc
« La note dont je viens de rappeler le titre, a particu-
lièrement trait à la controverse élevée enlre M. Gilkinet et
notre honorable correspondant au sujet d'une plante fos-
sile que M, Crépin a décrite sous le nom de Psilophyton
Condrusorum et que M. Gilkinet croit être une fougère
du genre Sphenopleris.
Je n'ai rien à dire du fond, c'est-à-dire des arguments
(54)
que l'auteur fait valoir, sinon pour maintenir sa première
opinion, au moins pour contester le classement de sa
plante parmi les Sphenopteris : ceci est l'affaire des spé-
cialistes; et l'on peut croire que ces arguments seront, s'il
y a lieu, contestés par d'autres et ramenés à leur juste va-
leur. Je me bornerai à faire remarquer que l'auteur, créant
pour cette plante un genre nouveau sous le nom de Rha-
cophytum, a laissé échapper l'occasion de le caracté-
riser.
Mais la note de M. Crépin nous suggère d'autres ré-
flexions. L'article de M. Gilkinet, dont la classe a voté
l'impression dans sa séance de mai , a paru dans le Bulle-
tin vers la lin de ce mois, plusieurs jours avant notre
séance du 5 juin dernier. L'auteur n'y fait pas la moindre
allusion : sa réponse s'adresse, non au contradicteur dont
il a rencontré la note ici, mais à M. le professeur Schim-
per, qu'il a eu l'occasion d'entretenir de la question, le 7
ou le 8 mai. Je me hâte d'ajouter que la note de M. Crépin
porte la date du 12 mai.
Comme on l'a déjà fait observer, on pourrait se deman-
der s'il est bien convenable de donner place dans notre
Bulletin à une controverse qui s'engage à propos d'une
conversation, au sujet de laquelle les arguments de la
personne absente pourraient avoir été mal compris ou
inexactement rapportés, mais je crois inutile d'entrer
dans l'examen de cette question. Je ne chercherai pas
davantage à savoir si M. Schimper est satisfait de l'exposé
public qui est fait d'une conversation privée, ni si l'auteur
n'aurait pas attribué à cet interlocuteur des arguments
présentés par M. Gilkinet, qui accompagnait l'éminent
professeur de Strasbourg dans sa visite à Bruxelles. J'ad-
mets que l'auteur a ses apaisements sur ces points.
(53)
La seule observation qui me semble devoir être présen-
tée à l'Académie est celle-ci : rauleur a été incomplet, ne
fut-ce qu'au point de vue historique. Un correspondant de
l'Académie peut moins qu'un autre laisser dans l'oubli un
travail qui a paru dans nos publications; je suis persuadé
que si son attention avait été portée sur ce point avant
qu'il donnât lecture d'une note rédigée depuis trois se-
maines, l'auteur se serait lui-même aperçu de la lacune.
En conséquence, je crois qu'il verra sans peine la classe
le prier de compléter son article en donnant au travail
publié par son contradicteur la place qui lui revient à tous
égards, d
Rapport €te M. tic Koninck.
« La notice de M. Crépin a pour but, d'une part, de
compléter celle qu'il a présentée à l'Académie au commen-
cement de cette année et, de l'autre, de répondre à quel-
ques observations qui lui ont été faites par M. Schimper,
relativement à la plante fossile désignée par lui sous le
nom de Psilopliyton Condrusorum.
]\J. Crépin, se rendant en partie aux arguments de
Péminent professeur de Strasbourg, admet que la plante
qu'il a décrite n'est pas un véritable Psilophyton et in-
dique les motifs qui l'ont engagé à changer d'opinion. Il
n'admet pas toutefois que ce soit une Sphénopféridée et il
crée pour elle un nouveau genre sous le nom de Raco-
phyton.
Je n'ai pas d'opinion à émettre en faveur ni de l'un ni
de Pautre des champions en présence.
Je me borne à constater que la controverse est faite
en termes convenables et courtois. Je propose l'insertion
de la notice de M. Crépin dans nos Bulletins. »
( S6)
Rnpyoft de M. Ed. Dupont.
« La paléontologie végétale fut longtemps négligée chez
nous. Nos bassins houillers appelaient cependant d'impor-
tants travaux et semblaient promettre une riche moisson
aux botanistes qui en entreprendraient l'étude. Plusieurs
autres de nos terrains contiennent aussi des restes abon-
dants de notre ancienne végétation. On pouvait prévoir
qu'on [rencontrerait dans la série géologique belge de
nombreux matériaux pour la reconstitution des flores fos-
siles, de môme qu'elle a fourni de si importants éléments
pour la paléontologie animale.
Aussi l'Académie a-t-elle accueilli , avec les encourage-
ments les plus bienveillants, les travaux que l'abbé Coe-
mans commença à entreprendre sur cette intéressante
partie de notre géologie.
Lorsque cette science fut, à la mort de notre regretté
confrère, menacée d'un nouvel abandon, M. Crépin, qui
s'était signalé par d'intéressantes études morphologiques
et notamment par sa flore de la Belgique, répondit à l'ap-
pel qui lui fut fait.
L'abbé Coemans avait légué au Musée royal d'histoire
naturelle la collection qu'il avait formée et qui comptait
déjà une riche série d'empreintes houillères. Cette col-
lection servit de noyau à celle qui remplit aujour-
d'hui l'une des galeries de cet établissement. M. Crépin
s'occupait activement à multiplier par de nouvelles et
fructueuses recherches, à préparer et à déterminer ces
spécimens d'une flore qui nous intéresse à tant de titres,
quand son collègue au Musée, M. Mourlon, lui signala
(§7)
d'importants gîtes de végétaux fossiles qu'il venait de
découvrir à Évieux sur TOurthe dans l'étage des psam-
mites du Condroz, c'est-à-dire à la partie supérieure du
terrain devonien. Ces gîtes fournirent à notre savant con-
frère d'abondants matériaux et il crut devoir momenta-
nément interrompre ses recherches sur notre flore houil-
lère pour se livrer à l'étude d'une florule qui, à l'intérêt
d'être entièrement nouvelle pour le pays, joignait celui
d'avoir précédé l'époque où nos bassins houillers se for-
mèrent.
La florule devonienne d'Évieux était composée, d'après
les premières recherches de notre confrère (1), de quatre
types: trois fougères — Palaeopteris hibernica représentée
non par la forme type d'Irlande, mais par une variété iné-
dite à plus petites pinnules; Triphyllopteris elegans déjà
signalée en Thuringe; Sphenopteris flaccida, type inédit
— enfin, une forme étrange que l'auteur rapprocha du
genre Psilop/ujton de Dawson à cause de la disposition
des organes de fructification.
Le rapprochement de cette dernière forme fut contesté
par M. Schimper qui croit y reconnaître un Sphenopten's,
fougère voisine du groupe vivant des Trichomanes. Une
discussion eut lieu entre l'illustre paléontologiste de Stras-
bourg et notre savant confrère. L'opinion du premier fut
présentée récemment à l'Académie par M. Gilkinet dans
une note critique accompagnée de nombreuses citations
bibliographiques et de planches empruntées en partie à
l'ouvrage de Dawson et aux Mémoires de l'Académie de
Vienne (2).
(1) BuU. de rAcalémie roy. de Belgique, îl^ sér., t. XXXVIII, p. 556.
(2) Jbid.. l. XXXIX,p.39S.
(§8)
Celte note, comme on pouvait le prévoir, n'apporte au-
cun contingent nouveau à cette florule.
Dans le travail qu'il nous soumet aujourd'hui, M.Crépin
fait connaître le résultat de ses nouvelles études sur les
importantes collections qu'il a su réunir, et il enrichit la
florule d'Évieux de deux nouveaux types : un Calamités
qu'il ne détermine pas spécifiquement et une Lycopodiacée
qui paraît se rapporter au Lepidodendron nothiim Ung. de
Saaifeld en Thuringe.
Il y examine de nouveau le type aberrant qu'il a décrit
l'année dernière sous le nom de Psilophyion Condnisorum
et cet examen l'amène à rencontrer les objections de
M. Schimper. Il confirme que le mode de fructification
de ce végétal litigieux sur les liges duquel on no voit ni
feuilles ni écailles, n'a jamais été signalé dans le groupe
des Sphoiopferisj tandis que ce mode de fructification ne
difl'ère morphologiquement de celle du Psilophyion que
par des sporanges plus petits;
Que les ramuscules y sont terminés en crochet, ce qui
ne se rencontre jamais dans les Trichomanes dont les
Sphenopteris doivent être rapprochés et où les extrémités
des pinnules sont toujours droites;
Que le premier groupe de ramnles sur les ramifications
secondaires y est inférieur, tandis que dans les Tricho-
manes la première pinnule est supérieure;
Que le premier ramule y est intérieur; dans les Tricho-
manes, la première division des pinnules est extérieure.
Ces faits éloignent complètement celte forme des Sphé-
noptéridées. L'auteur persiste donc à se refuser à y voir
les restes d'une fougère, comme le voudrait M. Schimper.
Cependant la constitution de l'axe de la tige qui est ici
continu , sépare ce type des Psilophyton dont le mode de
(59)
fructificalion le rapproche. M. Crépin se croit dès lors au-
torisé, comme noire éminent confrère, M. de Koninck,
vient de le dire, à lui donner une dénomination générique
propre , celle de Rhacophylon, ce qu'une réserve qu'on ne
peut trop approuver dans les sciences descriptives, l'avait
empêché de faire dans sa première note où il avait cru de-
voir utiliser provisoirement le genre Psilophyton de Dawson.
L'auteur relève aussi, à propos de sa variété niinor du
Palaeopteris hibernica, une aberration qu'a produite une
lecture cursive de son premier travail et qu'on voit à re-
gret ligurer, quoique en partie rectifiée déjà, dans nos
Bulletins au milieu de la note critique prémentionnée.
Tel est en substance l'état de la question que les études
de M. Crépin ont fait naître. Comme nous pouvions nous y
attendre, ces flores anciennes qui sont si différentes de la
nature actuelle et qui ne se présentent en outre qu'à l'état
de débris fragmentaires, ne pouvaient tarder à créer des
divergences d'opinions et à donner lieu à des discussions
entres botanistes.
La note que notre savant confrère nous présente té-
moigne des recherches sérieuses et étendues qu'il pour-
suit et qui ont doté notre pays de la première collection
de paléontologie végétale, digne de nos terrains, qui ait
encore été formée chez nous. J'ai l'honneur de proposer
l'impression de cet intéressant travail dans nos Bulletins. »
La classe décide le renvoi de cette note à l'auteur.
— MM. Dewalque, Dupont et Briart donnent lecture de
leurs rapports sur la proposition de publier une nouvelle
carte géologique du pays, soumise par M. Dewalque, dans
la dernière séance.
(60)
La classe décide, à cause de Timportance du sujet, de
ne se prononcer sur les conclusions des rapports que dans
sa prochaine séance.
Note sur un nouvel instrument astronomique , par
M. Journeaux-Duhanïel.
Rapport de M, Et'u. Qitelelet.
« M. Journeaux-Dnhamel a soumis à l'appréciation de
TAcadémie un instrument construit par lui et destiné à
l'observation des taches du soleil. Cet instrument consiste
en un miroir métallique légèrement concave, mobile au-
tour d'un axe horizontal, d'environ 5 centimètres de dia-
mètre et d'un très-long foyer (plus de 6 mètres). Quand
on reçoit sur ce miroir un faisceau de rayons solaires, il
se produit par réflexion une image du soleil; en plaçant
alors au foyer un écran, on peut aisément étudier le disque
solaire et les taches qui s'y montrent fréquemment.
Ce petit appareil est assez élégant et peut être utile
dans certaines circonstances, mais le principe de sa con-
struction ne peut pas être regardé comme nouveau. J'ai,
en conséquence, l'honneur de proposer à la classe de se
borner à voter des remercîments à l'auteur pour sa com-
munication. »
Mtnppoft fie W. jr. Linyfe.
> a Je me rallie entièrement aux conclusions de mon
honorable confrère M. Ern. Qiietelet. La note de i\L Jour-
neaux-Duhamel ne me paraît pas de nature à être insérée
dans un recueil académique. »
(61 )
Rappot'l de 9t. F. Folie.
« La présentation de mon rapport sur le miroir solaire
de M. Journeaux-Duhamel a été retardée par suite de la
nécessité où je me suis trouvé d'attendre des circonstances
favorables pour l'observation des taches solaires au moyen
de ce petit instrument. Le ciel a malheureusement été fort
souvent couvert tandis qu'il y avait des taches; je suis
parvenu cependant à en distinguer très-nettement pendant
une éclaircie. Dans ces dernières semaines le temps a été
plus beau, mais les taches avaient disparu de la surface
du soleil. Une compensation inattendue s'est présentée
grâce à la présence de deux facules sur le bord occidental
de l'astre; ces facules étaient visibles sur l'image, ce qui
prouve la grande netteté de celle-ci.
Ce petit miroir pourra donc rendre de grands services
dans les cours de cosmographie, dont bien peu ont un
télescope à leur disposition.
Mais là ne réside pas surtout, d'après moi, le mérite
de l'invention de M. Journeaux. Je le trouve plutôt dans
l'idée même qu'il a eue de tâcher d'obtenir, au moyen
d'un miroir unique, une image du soleil suffisamment
grande et nette pour pouvoir être observée à l'œil nu, et
dans la réalisation pratique qu'il a su donner à cette
idée.
On sait les difficultés que présente la taille des miroirs
de télescope, difficultés telles que Gregory, Newton, Hers-
chell et d'autres astronomes ou physiciens célèbres ont
taillé eux-mêmes leurs miroirs; or un miroir télescopique
de 15 centimètres de diamètre et de 2 m. de distance fo-
cale donnerait une image de \ V2 cent., qui serait éblouis-
(62)
santé et brûlerait même un écran de carton; il fallait donc
agrandir cette image en donnant au miroir une courbure
excessivement faible, et un très-petit diamètre pour éviter
les aberrations de sphéricité.
Telle a été l'idée de M. Journeaux, et il Ta réalisée par
lui-même avec beaucoup d'habileté manuelle.
Ses miroirs ont 5 cent, de diamètre, et de 6 à iO m. de
distance focale, ce qui fait varier la grandeur de l'image de
7à9cent.,tout en lui laissant toujours une neltelé parfaite.
L'inventeur parviendra peut-rêtre à tirer parti de son
idée pour doter les amateurs d'astronomie d'un télescope
économique, bon et durable; il rendrait ainsi un grand
service à la vulgarisation de la science.
En résumé l'appareil de M. Journeaux m'a paru neuf,
ingénieux et utile; et j'ai l'honneur de proposer à la classe,
avec mes honorables confrères, d'adresser des remercî-
ments à l'auteur de cette intéressante invention. »
Conformément aux conclusions de ces rapports, des
reraercîments ont été votés à M. Journeaux-Duhamel.
Fragments sur le calcul numérique (2*^ partie);
par M. J. C. Houzeau.
Rappoi't de M, F. Folie.
a Notre savant confrère M. Houzeau s'occupe, dans le
nouveau fragment qu'il vient d'adresser à la classe, du
calcul numérique dans les opérations arithmétiques.
Il les distingue, au point de vue de leur étendue, en
cursives, communes et laborieuses; au point de vue de
(63)
leur nature, en opérations dont le résultat est du même
ordre (addition et soustraction), ou non (multiplication,
division, extraction de racines), que les données. Après
avoir insisté avec raison sur l'importance qu'il y a, dans
ces dernières surtout, à ne tenir compte que des chiffres
utiles à l'obtention du résultat final, il l'ait remarquer que,
selon que l'on veut obtenir les premiers ou les derniers
chiffres avec exactitude, on doit opérer suivant le mode
descendant ou suivant le mode ascendant.
Il donne ensuite un exposé très-complet des différents
procédés d'addition dans les deux modes.
Dans la soustraction, l'auteur, après avoir indiqué un
procédé peu avantageux, selon nous, et qui consistée
inscrire colonne par colonne chaque reste positif ou né-
gatif, puis à transformer le résultat en un nombre positif,
ce qui constitue une double opération, mentionne natu-
rellement aussi le procédé par complément; et, dans celui-
ci, il commet à nos yeux un grave oubli en ne posant pas
cette règle qnhin complément doit être pris mentalement^
et jamais écrit Ç); il est obligé ainsi à perdre du temps à
récriture de ce complément.
Une remarque grammaticale que nous communiquerions
volontiers à M. Houzeau , s'il n'habitait la Jamaïque, est
celle-ci : il emploie le mot soustrahende, comme on dit
(*) Nous avons posé depuis longtemps celle règle dans nos nouvelles
tables des logarithmes des nombres naturels et des lignes irigonomé-
triques et tables inverses, à 4 décimales. Vqir, entre autres exemples,
celui dans lequel nous avons calculé les trois angles d'un triangle et
son aire en n'écrivant qu'une seule fois, en tout, les quatre logarithmes
de p, p — a, etc.
{Mémoires de la Société royale des sciences de Liège , 2^ série , t. P"".)
(64)
multiplicande, dividende; et soustracteur, comme multi-
plicateur, diviseur; nous approuverions ces néologismes si
leur sens était conformée l'étymologie; mais souslrahende
signifie évidemment qui doit être soustrait, sens radica-
lement contraire à celui que lui donne M. Houzeau, et
soustracteur signifie qui soustrait. Nous avons entendu un
mathématicien de nos amis se servir dans le même but
des termes diminuende et diminueur, dont le sens est
tout à fait d'accord avec l'étymologie.
Notre savant confrère a cru bon d'entrer dans les plus
grands détails relativement aux procédés de multiplica-
tion ; nous estimons ces détails fort utiles; mais pour être
complets, ils auraient dû renfermer, dans les exemples de
multiplication à vue, ceux par 5, 2o, etc., et quelques
autres moins utiles, mais curieux ; et en outre le procédé
de multiplication abrégée qui consiste à n'écrire aucun des
produits partiels, procédé usité, à notre connaissance,
dans les maisons de banque, et indiqué, du reste, dans
plusieurs traités.
L'auteur fait quelquefois usage, même en pratique, du
procédé de Cauchy; nous avouons qu'il nous semble com-
pliqué, et l'on pourra juger des difficultés qn'il présente
par l'exemple suivant : 9x7 =11 x 15 = 145 = 63. La
préparation des nombres, et la traduction du résultat nous
semblent occasionner une grande perte de temps.
L'exposé des procédés de division est également très-
complet ; et parmi ces procédés il en est plusieurs, très-
ingénieux, dont M. Houzeau a, pensons-nous, le droit de
revendiquer la paternité.
Dans la division simple, il ne pense pas qu'on gagne
rien à effectuer mentalement les soustractions : nous ne
sommes pas du même avis.
( 6S )
Deux procédés fort avantageux dans certains cas sont
ceux que l'auteur indique sous les noms de division en sé-
rie et de division par approximations successives.
Celui-ci, comme M. Houzeau le fait remarquer, se réduit
au fond à multiplier le dividende par le réciproque du di-
viseur. Pour que ce dernier procédé, ainsi que l'approxi-
mation qu'il fournit, fussent rapides, il faudrait posséder
une table des réciproques des nombres d à 1000. L'auteur
en a construit une qui s'étend de 1 à 100 pour son usage
personnel ; cette table renferme en outre les produits
effectués des réciproques par 2, 5. ...9. Une table sem-
blable qui s'étendrait jusqu'à 1000 rendrait de grands
services.
Un autre moyen, parfois très-avantageux, consiste à
calculer le réciproque en prenant pour premier terme de
la série une puissance entière de 2 ou de 5, de sorte que
le premier terme et son réciproque sont finis; malheu-
reusement le nombre de leurs chiffres significatifs est sou-
vent trop considérable. On le voit par la table de ces
puissances dont les valeurs varient depuis i jusque 9. II
aurait été utile, croyons-nous, de disposer cette table à
double entrée.
Comme le dit l'auteur, tous ces procédés, ainsi que
celui de la division qu'il appelle mixte, sont fort compli-
qués; et c'est avec raison, selon nous, qu'il engage à faire
la division laborieuse en dressant une table des multiples
du diviseur par 2.. ..9.
Ici encore nous croyons devoir signaler une simplifica-
tion très-considérable, et fort en usage dans les observa-
toires lorsqu'un même nombre, le log. cos. de la latitude
du lieu, par exemple, doit être ajouté à d'autres loga-
rithmes donnés par de nombreuses observations ; dans ce
2™^ SÉRIE, TOME XL. 5
(66)
cas on écrit le logarithme constant au bord inférieur d'une
feuille mobile, et on le fait glisser successivement au-
dessus de tous les autres nombres. On procéderait d'une
manière analogue pour les multiples de 1 à 9 du diviseur,
qui ne seraient ainsi écrits qu'une fois en tout pour effec-
tuer complètement l'opération.
Le procédé donné par M. Houzeau pour trouver le
reste d'une division par un nombre rationnel le conduit à
des résultats qui peuvent naturellement s'appliquer à la
recherche des caractères de divisibilité. Nous ferons re-
marquer à ce sujet que nous avons donné, pour arriver (*)
à ces mêmes résultats, un autre procédé d'une généralité
très-grande.
Un dernier paragraphe enfin du travail de notre savant
confrère est consacré à l'extraction des racines laborieuses ;
il préconise avec raison, nous semble-t-il, l'emploi de la
méthode mixte qui consiste à trouver d'abord les 6 pre-
miers chiffres exacts de la racine par logarithmes, puis les
6 chiffres suivants par une division opérée également par
logarithmes, et ainsi de suite.
En résumé, on voit au premier coup d'œil que ce tra-
vail est l'œuvre d'un savant habitué à manier les chiffres,
à discuter avec beaucoup de pénétration la rapidité et la
sûreté des méthodes, et sachant, de plus, en imaginer de
très-ingénieuses. Aussi les calculateurs retireront-ils le
plus grand fruit de la lecture de ces pages. Cest même
pour cette raison, et pour contribuer, dans la mesure de
nos moyens, à accroître cette utilité, que nous nous som-
mes permis d'indiquer ici quelques simplifications que
M. Houzeau avait omis de signaler.
{*) Mémoires de la Société royale des sciences de Liège, 2^ série, t. I^""-
(67)
Nous proposons avec le plus grand plaisir à la classe de
voter, en nieme temps que des remcrcîments à notre sa-
vant confrère, l'impression de son intéressant travail dans
les Bulletins. »
Mtappoi't tie Mt. E. Catalan.
Tout en acceptant les conclusions formulées par M. Fo-
lie, je crois pouvoir présenter les remarques suivantes,
que m'a suggérées la lecture du nouveau travail de notre
savant confrère M. Houzeau.
^P. Vn. Addition algébrique. L'auteur désigne ainsi
une addition dans laquelle les chiffres des nombres donnés
peuvent être négatifs^ ou du moins considérés comme tels.
Exemple (n° 45) :
28 175 940
2Î 173 255
47 200 795
Sauf le cas où il s'agit de logarithmes à caractéristiques
négatives et à parties décimales positives, on ne voit
guère comment l'on peut être (Conduit à de pareilles ad-
ditions.
30. I. Soustraction sans emprunts. Il y a quelque cin-
quante ans, les élèves des petites écoles ne manquaient
pas de dire : « J'emprunte un, qui vaut dix. » J'aime à
croire que cette pratique, mauvaise à tous égards, est aban-
donnée. Peut-être l'honorable et savant auteur eût-il bien
fait de n'en point parler.
30. II. Soustraction transformée {c'est-à-dire, sous-
traction avec compléments). On l'a remarqué depuis
longtemps, l'emploi des compléments a pour résultat de
(68)
remplacer, par une soustraction et une addition, la sous-
traction proposée : au lieu d'une opération, on en fait
deux ! J'ai exécuté beaucoup de calculs numériques ; et
l'emploi des compléments m'a toujours paru désavanta-
geux.
34. Multiplication de Cauchy. Comme l'a fait observer
M. Folie, la simplification proposée par l'illustre Géomètre
est, au fait, une véritable complication. Du reste, il n'y a
pas à s'affliger de ce résultat : avant de passer au cas géné-
ral de la multiplication, l'élève doit savoir, par cœi«r, la
table de Pythagore; et la détermination du produit de
deux nombres d'un seul chiffre chacun ne doit exiger au-
cun travail intellectuel.
40. Division par 9. M. Houzeau s'appuie sur la re-
lation
1 _ 1 1 _|_
9 ~ ÏÔ "^ÏÔÔ"*" 1000 "*
Cette formule, étant un cas particulier de celle qui donne
la somme des termes d'une progression par quotient, ne
peut être démontrée que vers la fin du cours d'arithmé-
tique. Heureusement, elle est inutile. Dès 1840, je ne
manquais pas de faire remarquera mes élèves que, pour
diviser un nombre par 9, on peut commencer par chercher
le reste de la division, puis le chiffre des unités du quo-
tient, puis le chiffre des dizaines, etc.
43. Notre confrère, comme la plupart des arithméti-
ciens, préconise le procédé connu sous le nom de Crible
d'Êratosthènes. Je pense que c'est à tort. J'ai indiqué, il y
a bien longtemps, une simplification notable, dont cette
méthode est susceptible.
46. Division en série. L'exemple choisi par l'auteur
(69)
prouve, me semble-t-il, que cette manière d'opérer est
moins simple que la pratique habituelle. En outre, à
cause des termes positifs ou négatifs, les chances d'erreurs
sont fort nombreuses.
47. Division par approximations successives. On peut
répéter la remarque précédente : le nombre des opérations
auxiliaires est si considérable, qu'elles augmentent peut-
être le travail total , au lieu de le diminuer.
4<Ç. Division par la recherche du réciproque. M. Hou-
zeau s'est donné la peine de construire une table renfer-
mant, avec les réciproques des 100 premiers nombres
naturels, leurs produits par 1 , 2, ....10. Ces tables, si elles
étaient suffisamment prolongées, pourraient servir aux
calculateurs, à la condition d'être portatives, peu coû-
teuses, etc. Pourra-t-on satisfaire à ces diverses condi-
tions? Il est permis d'en douter.
52!. Reste de la division. En représentant par
a-+-iOb-{- lO^c +.... le dividende, et par 10 -h A: le divi-
seur, notre savant confrère trouve que le reste de la division
est R=a— A'6-i- /c^c — Cette formule, que je ne con-
naissais pas, me paraît fort remarquable. Mais la démon-
stration employée par M. Houzeau est très- compliquée :
l'auteur recourt à des développements en séries j à des
transformations de séries, etc. On arrive tout de suite au
résultat, en observant que les identités
donnent
6 (10 + A;) -f- c (10» - fc') -^ d (10' -^k'^)^... =clll) (10 -♦- k)
ou
oH-106-4-10'c-+- lO'd-h... =cfll>(10-+-A)-+-a — fc&H-fe^c
(70)
De cette manière, la curieuse formule de M. Houzeau
pourra prendre place dans les Traités élémentaires. »
La Classe, conformément aux rapports précédents, ainsi
qu'à l'opinion de M. J. Liagre, troisième commissaire,
décide l'impression du travail de M. Houzeau dans les
Bulletins; elle a voté, en même temps, des remercîments
à l'auteur.
Sur quelques plantes fossiles de V étage du Poudingue de
Burnot, par M. Alfred Gilkinet.
Rapport de JU. de MionincH.
a La notice de M. Gilkinet est relative à deux fragments
de plantes qui ont été découverts dans les schistes impré-
gnés de malachite des environs de Rouveroy, appartenant
à l'étage du poudingue de Burnot.
Déjà notre savant et bien regretté confrère Coemans
avait eu l'occasion d'examiner ces plantes et les avait
désignées l'une sous le nom de Filicites piimatus, et l'au-
tre sous celui de Filicites lepidorachis, sans toutefois en
faire une description détaillée, ni un examen critique.
En soumettant ces mêmes échantillons à de nouvelles
recherches, monsieur Gilkinet a pu confirmer que l'une
des deux plantes est réellement une fougère et il est
d'avis que le nom de Filicites pinnatus, Coemans, doit
lui être conservé.
Quanta la seconde, M. Gilkinet, croit qu'elle n'a aucun
des caractères génériques de la première et qu'elle doit
( 71 )
être classée parmi les Lepidodendron. Les raisons que
l'auteur donne pour appuyer son opinion, me paraissent
suffisamment fondées et je m'y rallie volontiers; mais je
différerai d'avis avec lui lorsqu'il s'agira du nom spéci-
fique à donner.
Je viens de rappeler plus haut que Coemans avait dési-
gné l'espèce dont il est ici question sous le nom de Fili-
cites lepidorachis. Or je ne vois aucune raison plausible
pour changer ce nom par celui de Burnotense; cette
manière de faire est contraire aux règles généralement
admises dans les sciences naturelles. On peut (out aussi
bien reconnaître la plante sous le nom de Lepidodendron
(Filicites) lepidorachis, Coemans, que sous celui de Lepido-
dendron Burnotense.
Je terminerai en faisant observer que si mes souvenirs
sont exacts, Toilliez déjà avait recueilli quelques frag-
ments semblables à ceux dont M. Gilkinet s'estservi et me
les a montrés peu de temps avant sa mort. Il serait intéres-
sant de savoir ce que ces fragments sont devenus. On y
trouverait peut-être les éléments d'un nouveau travail.
Je propose l'insertion de la notice de M. Gilkinet dans
nos Bulletins. »
Rapport de M. G. newatque.
c( Lorsque Coemans, notre regretté confrère, se fut
décidé à s'adonner à l'étude des végétaux fossiles de notre
pays, je m'empressai de lui communiquer tout ce que
j'avais recueilli en ce genre, notamment les restes de deux
plantes rencontrées dans les schistes imprégnés de mala-
chite qui ont donné lieu à des recherches assez étendues
et à une concession àRouveroy. Quelques années plus tard,
(72)
lorsque je fis paraître mon Prodrome d'une description
géologique de la Belgique, Coemansme remit une liste des
espèces qu'il avait déterminées, liste' sur laquelle mes
plantes deRouveroy figuraient comme espèces nouvelles,
sous les noms de Filicites pimiatus et Filicites lepidora-
chis ; il me promettait en même temps de les décrire
incessamment, de sorte que je crus pouvoir les faire
entrer, à l'article de l'étage de Burnol, dans les listes de
fossiles par lesquelles je terminais cet ouvrage. Malheu-
reusement notre ami nous fut enlevé avant qu'il eût pu
tenir sa promesse.
Il y a déjà quelque temps, un de nos jeunes docteurs en
sciences naturelles dont l'Académie a déjà couronné les
travaux, M. A. Gilkinet, me demanda des renseignements
sur ces deux espèces nominales, et je m'empressai de lui
remettre les échantillons qui m'étaient revenus après la
mort de Coemans, avec des étiquettes accompagnées de
quelques mots de diagnose. Je priai M. Gilkinet de bien
vouloir s'occuper de ces fossiles, remarquables par leur
ancienneté autant que par la stérilité habituelle du dépôt
qui les renferme. L'étage du poudingue de Burnot con-
stitue, pour presque tous les géologues, la partie la plus
élevée du terrain devonien inférieur, ou système rhénan;
et la présence de deux fougères à cette époque mérite
considération.
Le travail que M. Gilkinet soumet à l'Académie est con-
sacré à l'examen de ces plantes. La première reste dans la
science sous le nom de Filicites pinnatus que Coemans lui
a donné; mais la seconde doit être rapportée, d'après l'au-
teur, non à une fougère, mais à une lépidodendrée , à
laquelle il donne le nom de Lepidodendron Burnotense,
pour rappeler son gisement. L'absence de toute foliole
(73)
dans les nombreux débris dont les échanlillons sont rem-
plis, la dichotomie des ramifications, et surtout la dispo-
sition spirale des coussinets dont ces rameaux sont garnis
ainsi que quelques feuilles lancéolées, et enfin une em-
preinte incontestable de tige de Lepidodendron dans un
échantillon rempli de ces rameaux, nous paraissent jus-
tifier celte manière de voir. La présence d'un large anneau
vasculaire entourant une moelle centrale, et l'absence de
toute trace de la fructification des Psilophylon empêchent
de rapporter notre plante à ce dernier genre.
La note de M. Gilkinet est accompagnée de planches
dessinées soigneusement par fauteur et représentant ces
intéressants végétaux. On peut regretter qu'ils ne soient
pas mieux conservés, mais il faut tenir compte de la grande
rareté des fossiles à ce niveau. Aussi je crois que cette note
intéressera les paléontologistes et j'en propose volontiers
l'insertion au Bulletin, avec les planches qui l'accompa-
gnent. »
Rapport do M. Bellynck.
a Je me rallie à mes deux savants confrères M. de
Koninck et M. Dewalque, pour demander l'impression du
travail de M. Gilkinet, et la reproduction des planches qui
l'accompagnent.
Je crois aussi que les deux plantes en question appar-
tiennent, l'une aux Fougères, l'autre aux Lycopodiacées
[Lepidodendron). Si, dans la ramification de cette dernière,
la dichotomie semble parfois faire défaut, elle peut n'être
que dissimulée; on trouve beaucoup d'exemples d'un déve-
loppement inégal des branches de la bifurcation, ce qui
constitue une dichotomie sympodiqiie. — Basée sur des
( 74)
exemplaires fort défectueux, la détermination spécifique
de ces plantes doit nécessairement se réduire à des con-
jectures. »
La classe, conformément aux conclusions de ces trois
rapports, vote des remercîments à M. Gilkinet et décide
l'impression de sa note dans les Bulletins. »
COMMUNICATIOiNS ET LECTURES.
Fragments sur le calcul numérique j par J.-C. Houzeau,
membre de l'Académie.
FRAGMENT IL
OPÉRATIONS DE l' ARITHMÉTIQUE.
§ G. — Remarques préliminaires.
25. On s'étonnera peut-être qu'il reste quelque chose à
dire sur les opérations de l'arithmétique. Nous espérons
pourtant que la lecture des pages suivantes ne sera pas
dépourvue d'intérêt pour le calculateur numérique.
Décomposées dans leur travail élémentaire, les opéra-
tions de l'arithmétique se réduisent à des combinaisons de
chiffres deux à deux. Un calculateur peut effectuer, en
moyenne, mille de ces combinaisons par heure, embrassant
ainsi la considération de deux mille chiffres individuels. Il
y a toutefois des opérations plus fatigantes et moins ra-
pides que d'autres. La variété des opérations successives
allège la fatigue d'esprit.
(73)
26. Considérées sous le rapport de leur étendue, les
opérations numériques peuvent se ranger en trois classes,
pour lesquelles les procédés les plus avantageux sont gé-
néralement ditïérents. Ces trois classes sont :
• A]. Les opérations à vue ou ctirsives, que la brièveté et
Ja simplicité des nombres proposés permettent d'exécuter
sans transcrire les données, et sans annoter de résultats
partiels intermédiaires.
B]. Les opérations communes, qui embrassent un
nombre modéré de chiffres, et dans lesquelles on par-
vient au résultat final après un intervalle de temps qui
peut s'évaluer par minutes. Tel est, par exemple, le calcul
de la moyenne des passages d'un astre aux cinq ou aux
dix fils d'une lunette. Tel est aussi le calcul d'un côté de
triangle de nos cartes géodésiques. Ces opérations d'étendue
limitée, mais qui exigent l'inscription chiffre à chiffre de
résultats partiels, sont celles qui se présentent presque
constamment au calculateur.
C]. Les opérations laborieuses, dans lesquelles on de-
mande un résultat avec une précision considérable, exi-
geant, par exemple, un nombre de chiffres que les tables
logarithmiques existantes ne sont pas à même de fournir.
On peut regarder comme méritant le nom de laborieuse
toute opération dans laquelle il y a plus de dix rangs signi-
ficatifs aux données, ou plus de dix lignes horizontales au
tableau. Les opérations de cette étendue exigent une atten-
tion toute particulière, et du discernement dans le choix
des procédés à adopter.
27. Considérées dans leur nature, les opérations de
l'arithmétique se partagent en deux genres distincts. Dans
celles du premier genre le résultat est du même ordre de
grandeur que les données, tandis que dans celles du second
(76)
genre ce résultat et Tune au moins des données sont d'ordre
différent.
Au premier genre appartiennent l'addition et la sous-
traction , qui se réduisent à la rigueur à une seule opéra-
tion, l'addition algébrique, c'est-à-dire l'addition dans la- .
quelle on tient compte des signes. La multiplication avec
l'élévation aux puissances, la division et l'extraction des
racines composent le second genre. En effet, un produit,
par exemple, est du second ordre par rapport à ses facteurs.
C'est surtout dans les opérations du second genre que la
présence des nombres complexes introduit des difficultés
immenses.
Dans les opérations du premier genre, le dernier ordre
des données est aussi le dernier ordre du résultat ; il n'y a
donc pas, dans celui-ci, de chiffres qui deviennent incer-
tains par l'effet des procédés de calcul. Il n'en est pas de
même dans les opérations du second genre. Dans ces opé-
rations, le dernier ordre change de rang; il importe, par
conséquent, de se rendre compte du mode de génération
des chiffres-résultats, et de déterminer dans quel rang du
résultat général l'abréviation des données permet à l'erreur
de s'étendre.
Quand nous opérons la multiplication de deux nombres
l'un par l'autre, tous les produits partiels après le premier
laissent des places vides dans les derniers rangs verticaux
à droite, et par conséquent l'addition de ces rangs ne four-
nit pas des totaux complets : les dernières décimales du
produit total sont donc illusoires. De même quand nous
effectuons une division, et que nous ajoutons des zéros
dans les rangs inférieurs du dividende, nous faisons par là
une hypothèse purement gratuite sur la valeur absolue de
ces rangs. Nous aurions été tout aussi fondés à ajouter
( 77 )
des i , ou des % ou des 5, etc.; et les quotients partiels qui
dérivent de toutes ces suppositions deviennent également
illusoires à un certain nnoment.
Jl importe donc de se tenir en garde contre cette admis-
sion de chiffres incertains. D'un autre côté il est désirable
de supprimer la partie du travail qui serait faite en pure
perte, puisqu'elle ne conduirait qu'à des chiffres entachés
d'erreur : or, cette partie inexacte formerait parfois la
moitié ou près de la moitié de l'opération totale, telle qu'on
la prescrit dans les traités élémentaires. Ce sont des con-
sidérations de ce genre qui ont conduit entre autres à l'in-
troduction de la multiplication et de la division simpli-
fiées.
Il est vrai que Tinvenlion des logarithmes, en ramenant
au premier genre les opérations du second, facilite d'une
manière aussi heureuse qu'elle était inattendue la lâche du
calculateur. Cette invention ne nous dispense pas cepen-
dant, d'une manière absolue, d'exécuter des opérations du
second genre. Ainsi, d'une part, toute opération qui peut
se faire à vue l'emporte en rapidité sur l'opération loga-
rithmique, et d'autre part toute opération qui embrasse un
grand nombre de rangs décimaux exige un recours aux
procédés directs.
28. Les traités élémentaires, en parlant du sens dans
lequel ils prescrivent d'effectuer les opérations, semblent
en faire une condition essentielle. Mais les opérations de
l'arithmétique peuvent presque toujours être conduites
dans deux sens différents. On peut traiter en premier lieu
les ordres les plus importants, pour passer successivement
à des ordres moindres : c'est opérer dans le sens descen-
dant, ou de gauche à droite. Ou bien on commence le
calcul par les ordres moindres, pour s'élever de là aux
(78)
ordres supérieurs : c'est opérer dans le sens montant ou
de droite à gauche. L'usage est de conduire la division et
l'extraction des racines dans le sens descendant, l'addition,
la soustraction et la multiplication dans le sens montant.
Toutefois on a presque toujours le choix entre les deux
méthodes, et dans ce cas ii convient de se déterminer
d'après la nature du résultat cherché.
Les opérations descendantes fournissent les termes bu
chiffres de ce résultat dans Tordre de leur importance re-
lative, et permettent, par conséquent, de s'arrêter aussitôt
qu'on atteint le degré requis d'approximation. 11 est donc
logique de calculer en descendant toutes les fois qu'on
cherche un résultat nouveau dans certaines limites fixées.
Toutes les opérations de l'arithmétique se prêtent à cette
marche sans difficulté.
Au contraire, s'il s'agit d'ohtenir,avec une grande exac-
titude, les dernières décimales d'un résultat dont les ordres
supérieurs sont déjà connus, il convient d'adopter le sens
montant. On est libre alors d'abandonner le calcul lorsqu'on
parvient aux rangs déjà connus. Le cas que nous venons
d'indiquer se présente, entre autres, lorsqu'on se propose
d'étendre un résultat déjà calculé, quand on veut exprimer,
par exemple, avec vingt décimales une quantité dont on
connaît déjà les dix premiers chiffres.
11 suffît ici d'appeler l'attention sur ce point: nous re-
viendrons sur le sens des calculs en traitant des opérations
particulières.
§ H. — Opérations du premier genre.
29. Nous appellerons toujours a tableau » l'ensemble
des nombres sur lesquels il s'agit d'opérer, écrits les uns
sous les autres, avec correspondance des rangs verticaux.
( 79 )
Lorsque ce tableau est étendu, et que l'opération est, par
conséquent, laborieuse, l'addition constitue le travail le
plus fatigant du calcul numérique, et présente par suite le
plus de chancesd'erreur. Il existe cependant divers moyens,
soit d'alléger la fatigue mentale qu'entraîne cette opéra-
tion, soit d'accélérer le travail. Nous allons énumérer les
différentes métbodes d'addition, en présentant pour cha-
cune d'elles les remarques que nous croyons utiles.
I. AddUion commune. — C'est l'addition mentale chiffre
par chiffre et colonne par colonne. Il faut se débarrasser
toutefois de ce qu'on a coutume d'appeler le report, en
écrivant intégralement le total partiel de cliaque colonne.
On fait à la tin la somme des totaux partiels, écrits en éche-
lons. On peut, par cette précaution, vérifier toute colonne
particulière indépendamment des autres; on conduit, lors-
qu'on le désire, l'opération en descendant; enfin si l'on
\ient à être interrompu on perd seulement la colonne sur
laquelle on opérait dans cet instant.
II. Addition des comptables. — Dans l'exécution de
l'addition, la fatigue mentale résulte principalement de
l'accroissement continu de la somme partielle, à mesure
qu'on suit la colonne. On soulage l'attention en se bornant
à suivre le progrès des unités dans cette somme partielle.
On met un point ou toute autre marque conventionnelle
sur le tableau, à chaque dizaine obtenue. Arrivé au bas de
la colonne, on inscrit d'abord les unités, et l'on compte
ensuite les dizaines par le nombre des points annotés.
Cette méthode est celle suivie dans la plupart des grands
établissements de banque de l'Europe. On l'a trouvée très-
supérieure, comme sûreté, à l'addition commune.
III. Addition par les dix. — On choisit, dans une même
colonne, pour les réunir en groupes, les nombres dont la
(80)
somme partielle fait 10 ou un multiple de 10. On assemble,
par exemple, un 1 avec un 9, un 2 avec un 8, un 2 et un 5
avec un 5, un 4 et un 7 avec un 9 On compte ainsi par
dizaines entières, dont on retient aisément le nombre; et
l'on pomte ou l'on barre les chiffres à mesure qu'on les
emploie, pour éviter d'y revenir plusieurs fois. Enfin après
avoir formé un certain nombre de dizaines complètes, il
reste ordinairement quelques chiffres qui ne sont pas com-
plémentaires, et qui ne se prêtent pas à la composition d'un
ou de plusieurs dix. On réunit ces chiffres pour en former
un appoint que l'on joint aux dizaines déjà obtenues.
IV. Addition par espèces. — Cette addition consiste à
compter, dans chaque colonne , combien il y a de chiffres
de chaque espèce, c'est-à-dire combien de 1, de 2, de 3, etc.
Le nombre des retours de chaque chiffre est inscrit dans
un tableau particulier. On forme alors, dans une seconde
table, les produits que ces répétitions indiquent. On peut
entreprendre, parce procédé, de former la somme immé-
diate de plusieurs centaines ou même de plusieurs milliers
de nombres. Mais, dans ces immenses colonnes, le compte
des chiffres n'est pas lui-même sans diiTiculté : l'œil et
l'attention se fatiguent. Une des meilleures dispositions
consiste à isoler entièrement de ses voisins la colonne que
l'on considère actuellement, en la comprenant entre deux
règles, ou dans une fente découpée au milieu d'une feuille
de papier
A nos yeux, l'addition par espèces n'est vraiment avan-
tageuse que dans une seule circonstance : pour former le
total des premières colonnes à gauche, dans la recherche
des moyennes. En effet, dans ce calcul, on a souvent
à réunir des nombres dont les premiers ordres varient
peu.
( 81 )
V. Àddilion par deux chiffres. — Un moyen simple et
efficace (raccélércr l'addition a été proposé par l'Américain
Hulchings, qui est doué d'une aptitude particulière pour
les calculs numériques. Ce moyen consiste à prendre les
chiffres à ajouter non point un par un, mais deux par deux.
Tout calculateur fait aisément à vue la somme de deux
chiffres, par exemple 4 + 5 ou 6 -h 9. Au lieu de dire
4 -h o = 7, il dira donc immédiatement 7, et au lieu de
passer par l'expression 6 -+- 9 il emploiera du premier coup
le total 15 de ces deux chiffres. Les quatre nombres cités
4h-3h-6-i-9 se réduiraient alors à l'addition 7+15=22,
l'œil embrassant chaque fois deux chiffres donnés.
VI. Addition de Cauchy. — Afin de diminuer l'impor-
tance croissante des totaux partiels, on peut remplacer,
suivant la proposition de Cauchy, tous les chiffres supé-
rieurs à 5, par leur complément arithmétique surmonté
d'un signe négatif. On assemble les chiffres en tenant
compte de leur signe, et l'on écrit au pied de la colonne
la somme partielle, positive ou négative (dans ce dernier
cas surmontée du signe — ). Cette méthode, qui exige une
préparation des nombres, ne doit pas sans doute être re-
commandée comme usage général; mais elle peut devenir
utile dans les vérifications.
Nous avons à peine besoin de dire qu'en préparant les
nombres pour cette opération, il faut avoir soin d'aug-
menter d'une unité tout chiffre positif qui précède immé-
diatement un chiffre devenu négatif ('). En convertissant
dans le style vulgaire de numération le résultat final ex-
primé par des chiffres les uns positifs, les autres négatifs,
(•) En eflfet, 27=33, vingt-sept égale trente moins trois, et ainsi des
autres.
2°"^ SÉRIE, TOME XL. 6
(82)
on prend le complément de toute partie négative, en dimi-
nuant d'une unité le chiffre qui la précède immédiatement.
L'usage de chiffres des deux signes n'offre rien d'insolite
aux calculateurs habitués aux caractéristiques négatives
des logarithmes.
Les chiffres négatifs sont parfois particulièrement utiles
dans les additions de nombres complexes. Si l'on a, par
exemple, à ajouter à un grand nombre de quantités diffé-
rentes la quantité constante 1"58'49",2, les reports se
présenteront presque constamment, par suite de la valeur
élevée des minutes et des secondes. Mais écrivons 2M'
ï\'\ 2, et les reports se trouveront presque partout évités,
comme dans l'exemple :
44« 7' 28';4
-+- 2. îîî,2
Somme 46- 6- 17,6
VH. Addition algébrique. — C'est celle dans laquelle
les termes sont de signe quelconque. Au lieu de former
séparément la somme des termes positifs, puis celle des
termes négatifs, il est souvent plus simple, surtout quand
le nombre total des termes n'est pas considérable, de
disposer le tout dans un seul tableau, en superposant le
signe — à chacun des chiffres des termes à soustraire. Ici
il n'y a rien à changer aux figures elles-mêmes. On com-
pose ensuite les totaux partiels, colonne par colonne, en
tenant compte des signes des chiffres individuels. On
transforme enfin le total général dans un style entière-
ment positif, d'après la règle de l'article précédent.
Ajoutons même qu'il est extrêmement facile de trans-
former le total dans le style vulgaire, à mesure des pro-
grès de l'addition , sans inscrire à ce total une seule figure
négative. En effet, si la somme d'une colonne donne 8,
(83)
011 peut immédiatement écrire 2, et reporter i à la colonne
suivante. C'est comme si, dans la soustraction, on avait
pour chiffre inférieur un 8, qu'il s'agirait de retrancher
d'un chiffre supérieur 0. Ci-après , dans les exemples du
n° 50, article I, et des n°' 54 et 46, on a d'abord écrit les
chiffres avec leurs signes, puis transformé en second lieu
le résultat. Mais dans ceux des n*"' 48 et 49 on n'a posé
que des chiffres positifs; on a donc opéré la conversion à
mesure qu'on écrivait.
VFIJ. Addition parcellaire. — La principale cause d'er-
reur, dans l'addition , provenant de la longueur des opé-
rations mentales, le véritable secret pour obtenir du
premier coup des additions sans faute , est de scinder le
tableau , et de former la somme séparée de chaque groupe
parcellaire. On peut se borner, par exemple, à considérer
dix lignes horizontales à la fois. Nous en nommons le total
somme décenaire. Réunissant ensuite dix de ces sommes ,
on forme une somme centenaire , contenant le total de
cent nombres du tableau. Au moyen de dix sommes cen-
tenaires, on parvient à une somme millénaire, et ainsi de
suite. L'addition comprend ainsi, d'une manière peu fati-
gante et remarquablement sûre, autant de quantités qu'on
le veut, et les vérifications sont aisées. C'est incontesta-
blement une des meilleures pratiques pour les additions
laborieuses.
IX. Addition au ruban. — Un autre procédé , qui tient
en partie des moyens mécaniques, mais qui est d'une
simplicité extrême, consiste à poser devant soi une règle
divisée en parties égales depuis 1 jusqu'à 9, et à mesurer
sur un ruban qui porte un nombre indéfini de divisions
semblables, autant d'unités à la fois qu'il s'en présente
dans chaque chiffre successif à additionner. On procède
ainsi à une sorte « d'aunage, » qui absorbe une portion
(84)
sans cesse croissante du ruban. On n'a rien à tenir en
mémoire ; la lecture de la dernière division atteinte, à la
lîn de « l'aunage, » fournft d'elle-même le total de la
colonne additionnée.
Ce procédé, employé dans différentes maisons de
banque et de commerce, est un des moins fatigants, et
en même temps l'un des plus sûrs. L'expérience a fait
connaître que la division de la règle et du ruban en centi-
mètres est nn peu petite pour cet usage : le doigt passe
trop aisément d'un centimètre à son voisin. Mais le pouce
ou le double centimètre répondent très-bien aux besoins
de cette méthode. C'est ce procédé que j'emploie depuis
plus de dix ans dans les longues additions , et je ne puis
que le recommander vivement aux calculateurs.
50. La soustraction est un simple cas particulier de
Faddition algébrique dont il a été parlé tout à l'heure.
Outre la soustraction commune, enseignée dans les traités
élémentaires, on peut noter :
L La soustraction sans emprunts, ou si l'on préfère
sans reports. — Ce n'est à proprement parler que l'addi-
tion algébrique colonne par colonne. Lorsque le chiffre
soustracteur est plus grand que le chiffre soustrahende,
on écrit une différence négative, c'est-à-dire un chiffre
surmonté du signe — . On convertit ensuite le reste gé-
néral dans le style vulgaire.
Voici un exemple de la soustraction sans emprunts :
Soustrahende 47 200 795
Soustracteur 28 173 940
Différence chiffre à chiffre 21 173 255.
Différence convertie 19 026 855.
(8S)
Ce qu'il y a de plus particulier dans celte opération , c'est
qu'on peut aussi bien l'exécuter dans le sens descendant
que dans le sens montant.
II. La soustraction transformée. — La soustraction se
transforme en addition si l'on remplace le soustracteur par
son complément précédé d'une unité négative de l'ordre
immédiatement supérieur, c'est-à-dire lorsqu'on met ï de-
vant le complément du soustracteur.
L'exemple précédent, traité de cette manière, donne :
Soustrahende 47 200 795
Complément du soustracteur Î71 82G 060
Somme 19 026 855.
La soustraction est la plus rapide et par conséquent la
plus sûre des opérations numériques , parce qu'elle n'em-
brasse jamais que deux nombres et fournit sans intermé-
diaires le résultat final.
§ ï. — Opérations du second genre. — Multiplication.
51. Dans la multiplication, le premier point est de se ren-
dre compte où l'erreur commence. Les traités établissent
que l'erreur d'un produit est égale au plus grand des deux
produits particuliers obtenus lorsqu'on multiplie les plus
hautes unités de l'un des facteurs par les plus basses
unités de l'autre. On peut aisément en conclure que si
Ton appelle n le nombre des chiffres exacts dans celui des
deux facteurs qui en renferme le moins , Terreur est sus-
ceptible de commencer dans le n""" rang du produit.
On retrouve donc ici une application du principe de l'éga-
lité dans le nombre des chiffres, déjà mentionnée au n" 10.
( 86)
Autant de chiffres exacts seront donnés au facteur, autant
on pourra en avoir au produit , l'incertitude ne commen-
çant qu'à la dernière figure. Réciproquement, si l'on de-
mande de former un produit dont l'erreur affecte au plus
le if"'' chiffre, on prendra n chiffres exacts à chacun des
facteurs.
Il résulte de ce qui précède que dans le produit , formé
à la manière ordinaire, de deux quantités irrationnelles,
exprimées avec un même nombre de chiffres exacts , la
moitié ou près de la moitié des chiffres sont incertains.
N'est-ce donc pas une perte manifeste de travail que d'em-
brasser laborieusement les rangs incertains , dans une
opération qui peut être abrégée de près de moitié sans
toucher aux rangs exacts du produit? C'est pourtant par
ces rangs incertains que l'on commence et que l'on est
forcé de passer, lorsqu'on suit la voie ordinaire.
52. MuUiplication simplifiée, — Afin de faire l'éco-
nomie du travail consacré à former les rangs incertains,
Oughtred avait vu qu'il faut conduire l'opération dans le
sens descendant, c'est-à-dire calculer les produits partiels
en commençant par les chiffres supérieurs du multiplica-
teur, et négliger la partie inférieure de certains de ces
produits. A cet effet, il renverse le multiplicateur, écri-
vant les plus hautes unités à droite et les plus faibles à
gauche, et négligeant à chaque produit partiel un chiffre
de plus du multiplicande.
On peut donner de la multiplication simplifiée les règles
suivantes, que je me permets de reproduire ici parce
qu'elles sont peu connues, ou tout au moins peu appli-
quées :
1« Ramener d'abord les deux facteurs au nombre re-
quis de chiffres exacts, d'après les remarques du n** précé-
(87)
dent, en abrégeant celui ou ceux qui en contiendraient
davantage. Ces deux facteurs sont réduits ainsi à contenir
un même nombre de chiffres significatifs;
2"* Copier le multiplicande, et écrire au-dessous le
multiplicateur en y renversant l'ordre des chiffres, c'est-
à-dire en commençant par le dernier caractère conservé.
Le premier chiffre de ce multiplicateur renversé est placé
sous le premier chiffre du multiplicande, et le dernier
tombe par conséquent sous le chiffre-multiplicande du,
dernier ordre ;
3° Exécuter alors la multiplication, en faisant com-
mencer chaque produit partiel au chiffre du multiplicande
qui est placé au-dessus du chiffre multiplicateur qu'on
emploie. On écrit non pas en échelons, mais dans une
même colonne verticale à droite , le premier chiffre obtenu
dans chacun de ces produits partiels;
Âf"" Faire la somme des produits partiels, et placer la
virgule d'après les principes connus.
On voit que dans cette multiplication on néglige suc-
cessivement un plus grand nombre de chiffres à la droite
du multiplicande, à mesure que l'opération avance, puis-
qu'on ne fait commencer chaque multiplication partielle
qu'au chiffre du multiplicande qui est écrit au-dessus du
chiffre multipliant. Il est bon de forcer s'il y a lieu, par
la pensée, le dernier chiffre conservé de chaque multipli-
cande abrégé.
Au reste s'il est commode de renverser le multiplica-
teur, afin de déterminer d'un coup d'œil à quel chiffre du
multiplicande il faut commencer chaque produit partiel,
cette pratique n'est pourtant pas d'une nécessité absolue.
On peut employer les facteurs tels qu'ils sont donnés, en
abrégeant d'un chiffre le multiplicande à chaque inultipli-
( 88 )
cation partielle. II suffît à cet effet de marquer successi-
vement d'un point chaque chiffre négligé.
33. Multiplication descendante. — Dans la multiplica-
tion d'Oughtred on prend le multiplicateur en descendant,
mais le multiplicande en montant. C'est que la formation
du produit partiel est plus simple et que l'expression en
est plus aisée lorsqu'on emploie les chiffres du multipli-
cande de droite à gauche; car dans ce cas les reports se
joignent aux unités que l'on obtient pour l'ordre suivant,
et qui ne sont pas encore écrites. Il y a cependant quelques
circonstances où l'on peut désirer de pratiquer une multi-
plication entièrement descendante, et de prendre par
conséquent le multiplicande lui-même en descendant. Les
reports se présentent alors après que les unités auxquelles
ils doivent se joindre sont déjà inscrites. Toutefois on
pourrait retenir ces unités, pour les joindre aux dizaines
que va produire l'ordre inférieur, justement comme nous
retenons les dizaines dans la méthode ordinaire. Mais si
l'on préfère, on écrit chaque produit partiel sur deux lignes
horizontales superposées, Tune consacrée aux dizaines, et
l'autre (où les chiffres avancent d'un rang) affectée aux
unités.
54. Multiplication de Cauchy, — Après ce que nous
avons dit de l'addition de Cauchy, on se fera facilement
une idée de la multiplication pratiquée dans un style ana-
logue. On remplace d'abord, dans les facteurs, tous les
chiffres supérieurs à 5 par leur complément surmonté d'un
signe négatif, en ayant soin d'augmenter d'une unité le
chiffre positif qui précède (n° 29, article VI). On ne ren-
contre plus alors de figure dont la valeur absolue est supé*
Heure à 5. Le plus haut produit individuel, au lieu d'être
9 X 9 = 81 se réduit à 5 X 5 = 25. Il y a des produits
(89)
négatifs, dont on surmonte les chiffres de signes — . Après
avoir fait la somme des produits partiels en tenant compte
des signes, on convertit le produit général dans le style
vulgaire ou entièrement positif.
Voici un exemple de cette multiplication :
, , ( 327,43 ^ , , . ( 3 3 3, 4 5
Facteurs donnes j ^^^'^^ Facteurs prépares | j ^ 5 T 2 4
î*' produit partiel (par 4).
2™« « » (par 2).
3™e « » (par î).
4«n« » « (par 5).
5™e » ■ (par 2).
6™« » » (par 1).
î 3 î 1 7 2
6 6 6 8 6
3 H 3 4 3
16 4 3 15
6 6 6 8 6
3 3 3 4 3
Somme ou produit total 32216 1, 6615
Produit total converti 27804 0, 458 8.
55. Multiplication par les tables. — On a proposé d'ac-
célérer la formation des produits partiels, et de les rendre
à peu près indépendants de la fidélité de la mémoire, en
recourant à des tables analogues à la table vulgaire dite
de Pythagore, mais d'une plus grande étendue. On con-
struit, par exemple , une table des produits deux à deux des
cent premiers nombres, qui peut tenir dans une feuille.
On y prend les produits à mesure qu'il s'agit de les former.
Crelle a donné une table des produits deux à deux des
nombres de trois chiffres (*). Chacun de ces produits s'y
compose de deux parties, l'une dépendant du chiffre des
centaines du multiplicateur, et l'autre commune à tous les
(*) Une nouvelle édition de cette Table a été publiée il y a quelques
années par Bremiker.
( 90 )
multiplicateurs qui ont les deux mêmes chiffres à leur
droite.
Il y a enfin des machines à calculer qui donnent méca-
niquement les produits de deux facteurs exprimés avec
un plus ou moins grand nombre de chiffres. Uarithmo-
mètre de Thomas fournit, par exemple, avec seize figures
exactes, les produits entre eux des nombres de huit
chiffres. Mais l'usage de ces machines n'est pas encore
répandu , et jusqu'ici il ne fait peut-être que changer la
nature du travail, sans en abréger la durée (*).
Dans une multiplication par les tables, les différentes
parties d'un même produit partiel sont sujettes à empiéter
les unes sur les autres. Il serait fatigant de retenir de3
reports considérables. Il est donc préférable d'écrire sur
une seconde ligne horizontale les chiffres dont on trouve
les places déjà occupées. C'est ce qu'on a déjà indiqué au
n° 33.
36. Multiplication mixte. — Le grand avantage d'em-
ployer les logarithmes dans la multiplication a conduit à
ce procédé, qui en permet l'application, bien qu'avec
moins de simplicité, dans le cas même où les tables loga-
rithmiques sont insuffisantes pour fournir tout d'un coup,
dans l'étendue requise , un résultat demandé. Il reste en
effet la ressource de calculer ce résultat partie par partie.
L'opération prend un caractère mixte, tenant d'un côté des
procédés logarithmiques, et de l'autre des procédés directs.
(*) Parmi les moyens mécaniques il faudrait peut-être compter le
calcul sur les doigts, quia été pratiqué autrefois avec des développ^^
menls faits pour étonner. Les amateurs de curiosités scientifiques pour-
ront consulter à ce sujet l'ouvrage de Uberti Thesoro univcrsale de
ahacho; Vinegia , 1548, in-S".
(9i )
On forme les produits partiels par parties ou tranches,
au moyen des logarithmes, en prenant autant de chiffres
à la fois que les tables permettent de le faire avec sûreté.
Les tables logarithmiques à sept décimales fournissent
jusqu'à la dernière unité le produit de deux nombres de
quatre chiffres (*). Ainsi , à l'aide de ces tables, on peut
former les produits partiels en prenant à la fois quatre
chiffres au multiplicande et quatre au multiplicateur. Les
tables logarithmiques à dix décimales permettent de former
à la fois les produits de cinq chiffres par cinq chiffres.
Remarquons, en outre, que dans le produit de la der-
nière tranche à droite, on obtiendrait de cette manière un
plus grand nombre de chiffres qu'on n'en doit conserver.
De là les règles suivantes :
On coupe le multiplicande et le multiplicateur en tran-
ches de n chiffres , la dernière tranche à droite pouvant
contenir par exception jusqu'à %i — 1 chiffres; et Ton
abrège le multiplicande de n chiffres à chaque nouveau
produit partiel.
La multiplication mixte est commode, mais elle exige
beaucoup d'ordre dans la disposition des calculs.
37. MuUipUcation laborieuse. — Lorsqu'il s'agit d'une
multiplication qui renferme aux facteurs un grand nombre
(*) Dans un produit de quatre chiffres par quatre chiffres formé par
Taddition de deux logarithmes à sept décimales, il peut y avoir, dans
certains cas, du doute sur la dernière figure. Mais ce doute est sans
aucune importance, et mérite à peine une mention. En effet, on le lève
immédiatement en se rappelant que le dernier chiffre à droite d'un pro-
duit total est le dernier chiffre du produit particulier des deux derniers
chiffres des facteurs. Ainsi le produit de 7 427 par 5 684 doit nécessaire-
ment se terminer par un 8, qui est le dernier chiffre de 28 ou 4 x 7. On
s'assure donc toujours , à vue, du chiffre extrême.
(92)
de chiffres, le meilleur procédé consiste à préparer d'abord
une table des produits du multiplicande par les neuf pre-
miers nombres naturels. On construit cette table de
proche en proche par addition , c'est-à-dire que l'on ajoute
à chaque nombre obtenu le multiplicande lui-même. Si
Ton va jusqu'au dixième résultat, celui-ci sert de vériflca-
lion, car il ne doit être autre chose que le multiplicande,
dans lequel tous les chiffres ont été avancés d'un rang
vers la gauche. La table ainsi formée et vérifiée, on écrit
en les reculant chaque fois d'un rang et en les abrégeant
à l'endroit convenable, les divers produits partiels de-
mandés. On procède enfln à l'addition, qui fournit comme
à l'ordinaire le produit total. 11 y a, dans cette méthode,
peu de calcul mental, et par conséquent peu de chances
d'erreur. Ce procédé réunit de tels avantages qu'on ferait
peut-être bien de l'adopter même pour les multiplications
communes. A coup sûr c'est celui qu'il faut recommander
en première ligne pour les multiplications laborieuses.
58. Multiplication à vue. — On trouve dans les traités
d'arithmétique des remarques sur la formation et les ca-
ractères des produits par les premiers nombres naturels.
Je mentionnerai seulement ici que le produit par 9, re-
gardé par les commençants comme le plus difficile à
former, s'obtient sans effort en retranchant chaque chiffre
de son voisin immédiat du côté droit: en effet 9 ==10 — i.
Pour rendre l'opération possible , on suppose que le chiffre
extrême à droite est suivi d'un zéro. Le produit par H ou
dO -+- 1 s'exécute semblablement en ajoutant chaque chiffre
au chiffre voisin. Le produit par 12 est le double du pro-
duit par 6 et le triple du produit par 4; mais on pourrait
aussi le former en ajoutant à chaque chiffre le double du
chiffre qui le précède.
(93)
Il n'est pas inutile d'avoir une certaine pratique de ces
simples opérations.
59. Multiplication sommaire. — Aux multiplications
cursives se rattache la méthode approximative de former
les produits des facteurs voisins de l'unité. Les facteurs
qui diffèrent peu de 1 se rencontrent fréquemment dans
les applications des sciences physiques. Or, le produit de
ces facteurs entre eux peut être ramené, dans certaines
limites d'approximation, à une simple addition.
Soient A = l + a,B = lH-6, € = 1+ c, des fac-
teurs dans lesquels a, 6, c, sont de petits termes,
positifs ou négatifs; le produit général P a pour expression
P=^i -^- a -h ab -¥• abc ■+■ ... \
-f- 6 -+- «c... > . , . (58)
-f- c -+- 6c . )
Mais un terme du second ordre par rapport à «, 6,.... ne
peut influer que sur un certain rang décimal n, n étant
plus grand que la somme des zéros de position situés à
droite de la virgule dans les deux facteurs considérés. Les
termes du troisième ordre et des ordres qui suivent seront
encore moins influents. Négligeons tous ces termes, le
produit se réduit à
p = l-i-aH-6-4- c...,
ou , en nommant k le nombre des facteurs,
p = A-^B-+-C {k—i). . . .(39)
D'où l'on voit que le produit de k facteurs qui diffèrent
peu de l'unité en dessous ou en dessus, est sensiblement
égal à leur somme diminuée de k — 1.
Ce produit approché peut être réputé exact jusqu'au
(94)
if^' ordre inclusivement à droite de la virgule, n étant
la somme des 0 et des 9 qui suivent immédiatement
cette virgule , dans les deux facteurs qui en renferment le
moins.
Ainsi, par ce procédé, le produit 1,001 6 x 0,999 4
X 1,003 6 serait exact jusqu'au quatrième rang inclusive-
ment à droite de la virgule, c'est-à-dire à 0,000 1 près, et
dépendrait de la simple somme ci-dessous :
1" facteur 1,001 6
2'ne » 0,999 4
3«»« » 1,003 6
Somme — 2 1,004 6 = produit approché.
Les astronomes font usage de la multiplication som-
maire dans les réductions de la réfraction à la température
et à la pression barométrique actuelles.
§ J. — Division.
40. Les plus simples de toutes les divisions sont celles
par les diviseurs d'un seul chiffre. On peut généralement
les effectuer à vue , sans écrire le détail des soustractions
ni des restes successifs. On trouve des remarques sur la
formation de ces quotients dans les traités élémentaires.
Pour calculer le quotient par 9, on peut recourir à un
procédé très-simple, qui n'exige presque pas d'effort mental.
On sait que
1 _ 1 1 _J__
9~~Ï0 "^'ÏÔÔ'*' ÎÔÔÔ"*'
et par conséquent , N étant le nombre à diviser,
N_ N N N
9 ""TÔ "^ÏÔÔ"^ 1000*"
(95 )
Mais les différents termes de ce second membre ne sont
que le nombre lui-même reculé chaque fois d'un nouveau
rang vers la droite. Il est donc facile de voir que les
chiirres significatifs du quotient par 9, en allant en des-
cendant, sont I*' le premier chiffre du dividende, 2° la
somme des deux premiers chiffres de ce dividende ; o" la
somme des trois premiers chiffres, et ainsi de suite.
Ainsi le quotient de 526 742 par 9 se formerait par
addition successive, comme suit :
3 . . . .
5 -♦- 2
5-4-6
11-4-7
18-4-4
22-4-2
. . 5
5
11
18
22
2,4
24-4-0
24-4-0
24-4-0
24
24
24
Somme.
, . . 36 304,666 = Quotieni
Semblablement ^
-étant la
somme de la série
1
—
4
400
1
10
1000 ***'
on a
N
il~"
N
N
100
N
i"*" 1000 *"'
et le même procédé s'applique, en changeant seulement le
signe des chiffres alternatifs.
41. On a souvent besoin de rechercher les diviseurs ou
sous-multiples des nombres, afin de décomposer ceux-ci
dans leurs facteurs. Il n'existe pas à cet égard de méthode
directe, et l'on ne peut procéder que par essais. Si le
nombre est élevé, l'un des moyens les plus expédilifs
consiste à soustraire successivement de son logarithme
(96)
les logarithmes des différents nombres premiers, à com-
mencer par les plus simples. On examine chaque fois si le
reste correspond, dans la table logarithmique, à un nombre
entier.
La règle à calcul est aussi fort utile en pareille cir-
constance. Comme son emploi dans les cas de ce genre est
P^ ^ jyj peu connu , il n'est pas inutile de le
~ Q rappeler ici. On sait que cette Règle
^ ^ "* est une double échelle logarithmique.
Au lieu de la disposer à la manière ordinaire , c'est-à-dire
avec les divisions des deux échelles courant dans le même
sens, retournons bout à bout Tune des réglettes, et pla-
çons les deux échelles MN, PQ, de telle manière que
leurs divisions courent en sens contraire. Le point M dé-
terminera sur l'échelle PQ la même lecture m que le
point P sur l'échelle MN en />, puisque Vm = Mp. Or, un
nombre entier quelconque A étant considéré comme le
produit de deux facteurs a, (3, on a
LA = LaH-L|3.
A insien faisant pM==î??P= LA, tous les diviseurs entiers
de A, tels que a et 3, fourniront des coïncidences entre les
traits des deux échelles, dans l'intervalle PM. Si A = a[3,
on a en même temps A = [3a ; toute coïncidence se repro-
duit donc symétriquement par rapport aux points P et M.
La Règle, disposée comme on vient de le dire, fournit
en peu d'instants tous les diviseurs entiers d'un nombre
donné A. Il suffît pour cela de tirer les échelles jusqu'à
l'indication réciproque de LA, puis de parcourir des yeux
l'espace PM, ou seulement une de ses moitiés, en cher-
chant les coïncidences comme on les chercherait sur un
vernier. On en trouvera autant qu'il y a de manières
( 97 )
différentes de décomposer le nombre donné en facteurs
couplés; et si A est premier, il n'y aura pas deux traits
qui se correspondront exactement dans tout l'inter-
valle PM, sauf les traits extrêmes, qui donnent les fac-
teurs 1 et A.
Ce procédé est extrêmement simple et expéditif II est
vrai que par suite de l'imperfection qui s'attache à tout'
procédé mécanique , il peut s'élever des doutes dans cer-
tains cas. Il y a parfois des appulses, ou rapprochements
de traits, qui pourraient être prises pour des coïncidences
véritables. Il sera toujours facile cependant de distinguer
ces appulses des vraies coïncidences. 11 suffira de faire le
produit des deux chiffres extrêmes à droite, dans les nom-
bres qu'on soupçonne d'être diviseurs. S'il y a appulse
seulement, ce produit fournira un chiffre des unités diffé-
rent des unités de A ; s'il y a coïncidence , on retombera
au contraire sur le chiffre final à droite du nombre donné.
On remarquera en outre que ce procédé peut servir à la
vérification rapide des échelles. Si l'on détermine à l'avance
les sous-multiples d'un nombre, et que l'on tire la Règle à la
division qui correspond à ce nombre, dans la disposition
qui vient d'être indiquée, il faudra que tous les sous-mul-
tiples fournissent des coïncidences exactes dans les traits.
42. Il n'est peut-être pas superflu de grouper ici quel-
ques remarques sur le chiffre final (ou chiffre des unités),
dans un produit entier et ses deux facteurs.
Le 0 au produit exige un 0 ou un o dans l'un des divi-
seurs.
Le 5 au produit exige un 5 au moins aux facteurs.
Les chiffres 1, 3, 7 ou 9 au produit ne peuvent provenir
que des chiffres 1,3, 7 ou 9 comme unité des diviseurs.
Enfin les chiffres 2, 4, 6 et 8 sont engendrés par tous
les caractères sauf 0 et o.
2"^ SÉRIE, TOME XL. 7
(98)
Aucun carré parfait ne se termine par
2, 5, 7, 8.
Tout carré parfait se termine par un de ces 22 nombres
de deux chiffres :
00
01 21 41 61 81
04 24 44 64 84
25
16 36 56 76 96
09 29 49 69 89
43. La difficulté de déterminer les diviseurs d'un
nombre, surtout lorsqu'ils sont élevés, rendait désirable
de reconnaître et de mettre à part les nombres premiers,
qui n'ont d'autres diviseurs qu'eux-mêmes et l'unité, et
dans lesquels tous les essais à la recherche des sous-mul-
tiples seraient infructueux. On n'a pas découvert jusqu'ici
de caractère général qui s'applique aux nombres premiers
et qui permette de les reconnaître directement. Le moyen
le plus sûr de former une table de ces nombres est le pro-
cédé connu sous le nom de crible {cribrum). Il consiste à
effacer successivement de la suite des nombres naturels
les multiples de 2, puis ceux de o, puis ceux de 4 (qui
rentrent dans ceux de 2) , puis ceux de 5 , et ainsi de suite.
Tout nombre qui finalement n'est pas effacé, c'est-à-dire
qui n'est multiple d'aucun autre nombre, est évidemment
premier.
Si l'on veut pousser la table jusqu'au nombre N, il suffit
manifestement de s'arrêter aux multiples de V^N. Ainsi
pour aller jusqu'à 1000, il suffit de marquer les multiples
jusqu'à ceux de 51 inclusivement, ce nombre étant la
partie entière de l/lOOO. Pour pousser la table jusqu'à
10000, il faut continuer de cribler jusqu'aux multiples
( 99)
de iOO inclusivement. Les tables de Buckhardt, qui don-
nent les nombres premiers ainsi que les diviseurs de tous
les autres nombres, vont jusqu'à 2 000 000.
On voit par ces tables que le nombre de nombres pre-
miers est
pour le premier mille 169
« 2«»« » 135
« û™e » 126
» 5™« » 119
» 6"« « 114
» 7"e » j]7
« 8«>e „ J07
» g^ie » JIO
La probabilité de rencontrer un nombre premier est
dans un nombre de 1 chiffre 0,556
» » 2 chiffres 0,233
» » 3 » 0,159
» • 4 » 0,118
Dans les grands nombres, il y a donc une chance de
trouver un nombre premier sur 9 , et cette probabilité va
en diminuant de plus en plus lentement à mesure que le
nombre croît.
M. La division entre nombres rationnels peut se pour-
suivre indéfiniment sans cesser de fournir des chiffres
exacts au quotient. Mais si les nombres donnés ne sont
qu'approchés, s'ils sont abrégés, par exemple, l'exactitude
s'arrête à un certain rang du quotient, comme elle s'arrê-
tait dans la multiplication à un certain rang du produit.
Cette limite dépend évidemment du nombre des chiffres
exacts des données.
Il est facile de conclure de ce qu'on a dit à la multipli-
cation les règles suivantes :
( dOO )
Si Ton nomme respectivement p et q \e nombre des
chiffres exacts du dividende et du diviseur, l'erreur du
quotient commence seulement dans le rang marqué par
le plus petit des deux nombres p on q.
Pour obtenir dans un quotient n chiffres dans lesquels
Terreur porte seulement sur le dernier rang, il sera néces-
saire, mais suffisant, d'exprimer les deux termes de la
fraction avec n chiffres exacts ; mais si l'on veut être sûr
de l'unité du dernier rang lui-même, il faudra prendre,
au dividende au moins, n -f- i chiffres.
A part cette dernière restriction, on trouve encore ici
une application du précepte de l'égalité dans le nombre
des chiffres.
Nous allons, dans tout ce qui va suivre, considérer la
division opérée sur des nombres irrationnels, et par con-
séquent abrégés.
45. Division simplifiée. — Dans cette division , au lieu
d'abaisser des zéros à la manière ordinaire, on abrège
d'un chiffre le diviseur à chaque opération partielle. Ce
précepte n'est d'ailleurs qu'une généralisation de celui sur
lequel Joseph Fourier a fondé sa division abrégée. Les
calculateurs trouveraient avantage à laisser entièrement
de côté le procédé vulgaire. La division serait alors con-
duite d'après les règles suivantes :
V Ramener les deux termes, dividende et diviseur, au
nombre de chiffres exacts déterminé en vertu du n*' pré-
cédent.
2" Exécuter la division dans le sens descendant, mais
après chaque division partielle abréger d'un chiffre le di-
viseur, en forçant (par la pensée) la partie restante, s'il y
a lieu. Le nombre des divisions partielles est donné, dans
ce système , par celui des chiffres du diviseur.
o° Assigner les rangs en vertu de ce principe : la carac-
( m )
térisliqno du premier chiffre significatif du quotient est
celle du rang du dividende sous lequel tombe la virgule du
premier soustracteur partiel.
Comme pratique générale, nous avons toujours trouvé
préférable d'écrire les divers soustracteurs. La soustraction
mentale que l'on en fait immédiatement sans en poser les
chiffres, est non-seulement apte à introduire des erreurs,
mais elle produit une fatigue d'esprit que ne compense
point l'économie presque insensible de temps et de travail.
46. Division en série. — Les difficultés de la division
viennent moins de la longueur du dividende que de l'éten-
due du diviseur. Lorsque ce dernier n'a, par exemple,
qu'un seul chiffre, l'opération s'exécute sans peine. Or, il
est toujours possible, comme nous allons le faire voir, de
ramener le diviseur à un seul chiffre, et de transformer les
opérations partielles suivantes en simples multiplications.
Soient A un dividende, et C-he nn diviseur, C repré-
sentant le terme décimal le plus avancé vers la gauche,
et e le reste du nombre. On trouve, en effectuant la divi-
sion,
A __A A £ A/e^^
C-+- e~'c'~ C ' C "^C \C>
-i(âv...,..,
Cette série est toujours convergente. Le second membre
ne renferme que deux quotients différents ^ et ^, dans
lesquels le diviseur est formé d'un seul chiffre significatif;
le reste de l'opération se réduit à des multiplications suc-
cessives par un facteur constant.
On s'arrête, dans tous ces produits, à l'ordre décimal
que l'on a reconnu d'avance pour limite des chiffres exacts
(plus un rang surnuméraire) ; mais on calcule les termes
de la série jusqu'à ce qu'ils deviennent insensibles dans
cette étendue.
( 102 )
Ayant, par exemple, à diviser 26,96o 478 748 6 par
87 219,429 067, nous poserons
A = 26,965 478 748 6, C = 80,000, e = 7 219,429 067.
On en tire à vue
A e
-= 0,000 337 068 484 35.8, -• = 0,090 242 863 3.4-
G (j
On calcule ensuite les ternies successifs comme on les
voit ci-dessous. Le chiffre placé en exposant près d'un zéro
de position indique le rang de ce zéro par rapport à la
virgule.
1" terme ou^ 0,0 003370684843 5. 8
2me „ ou — 0,03 337 068 484 36 x ^ .... "oO 4T8 02o Î6.9
Sme „ ou -t- 0,03 030 418 025 17 X ^ .... 2 745 009 68.8
4iDe « ou - 0,05 002 745 009 69 X -^ 247 71 7 53.4
5me « ou -f- 0,06 247 717 53 X ^ 2 2 35 4 7 4.0
6ine « ou - 0,0« 022 354 74 X ^ 2 ol 7 3ÏÏ.6
7ine „ OU -1-0,06 002 017 36 X 4 182 05.2
8">e „ OU — 0,09 185 05 X ^ 16 4 2.8
gme „ ou -h 0,0» 016 43 X ^ 1 4 8.2
lOme „ OU — 0,09 001 48 X ^ 15.3
lime „ OU-+-0,0'2 13 X f; 1-2
lâ'ne » OU — o,o»-^oi X ^ T
Somme algébrique 0,0 0 0 3 0 9 1 7 2 2 6 5 7 2.9
Somme convertie 0,0 0 0 3 0 9 1 6 8 25 5 7 1 .1
L'opération est facilitée par ce fait que le multiplica-
teur est partout le même, savoir -- On prépare à l'avance
une table de ses produits par les neuf premiers nombres
naturels.
( i03)
La division en série, réduite à ses deux premiers termes,
sert avec avantage dans les interpolations tabulaires, pour
réduire rapidement les fractions vulgaires en fractions dé-
cimales. Ainsi
26 __ 26_ 26 _I^
48T~ 500 "^ 5ÔÔ^ 5ÔÔ'"'
or les quotients de ces nouvelles divisions s'obtiennent à
vue, et l'on a
26 26 26 19
^ ^— X =0,052 H- 0,05 X0,04-.
481
500
500
500
= 0,052
-*- 0,002
... =
= 0,054...
De
même
576
729
576
' 700
576
700^
29
700
..=0,5c
=
= 0,557
— 0.022
... =
= 0,515..
Mais pour rendre cette méthode plus expéditive, on
simplifiera d'abord la fraction. Il sera inutile de chercher,
dans ce but, le plus grand commun diviseur; il suffit
d'employer un sous-multiple du dénominateur. Ainsi, dans
le dernier exemple, le dénominateur 729 est divisible par
9, d'où Ton conclut
.576 _ 41,78
729^ 81
Je me borne à mettre au nouveau numérateur un chiffre
de plus qu'il n'en existait à l'ancien. Maintenant, par la
division en série,
41,78 41.78 41,78 1 , ^^.^
-^— = — ^x = 0,522 -0,52X0,01 5-
81 80 80 80
= 0,522 — 0,007.. =0,515 ...
( 104 )
Ici on aurait pu pousser plus loin encore la simplifica-
tion de la fraction vulgaire, en posant à vue
41,78 _ 4,642
81 ~~ 9 '
d'où Ton eût tiré, également à vue, la valeur 0,516.
47. Division par approximations successives. — Cette
division a de grands rapports avec la précédente, mais elle
est plus particulièrement adaptée à l'emploi des loga-
rithmes. Supposons le diviseur A décomposé en deux
tranches a', a"; décomposons semblablement le diviseur B
en deux tranches 6', 6"; et cherchons le quotient^ . On a
A a'
a"
1
a' b" a' b"^ \
b' b" ' b" '" J
SI la somme de la première série est S', celle de la seconde
sera ^„
S" = S'— , (42)
en sorte que l'une résulte immédiatement de l'autre.
Dans ces suites infinies, mais rapidement convergentes,
le premier de tous les termes ^- est seul très-grand, et
d'ordinaire il est le seul qui exige une division directe. Les
autres se forment aisément à l'aide des logarithmes. La pre-
mière série étant sommée, jusqu'aux derniers termes sus-
ceptibles d'influer dans les limites fixées, la seconde série
s'en déduit par les logarithmes, d'après la formule (42).
Appliquons celte méthode aux nombres de l'exemple
précédent.
A = 26,965 478 748 6 B = 87 219, 429 067
a' =: 26,965 b' = 87 220
a"=z 0,000 478 748 6 . 6"= — 0, 570 933.
( i03 )
J'exécute une seule division directe, celle |>, dans laquelle
j'abaisse les zéros à la manière commune, le quotient de-
mandé étant celui de deux nombres exacts. J'obtiens ainsi
- = 0,000 309 160 742 94.9 = 1" terme.
b'
Les autres termes se forment à l'aide des logarithmes :
L6" T,756 585 2 —
L6' 4,940 616 1
Différence 6,815 969 1 — = L —
L^ 4,490 184 3
b' J
re somme 9,306 153 4 — 2,023 73.4 = 2»' terme.
2««e sommeH 14,122 12 -t- 1.3 = 3'"nerme.
Somme 0,000 309 162 766 69.6 = S'
La" 4,680 107 5
La' 1,430 800 4
Différence 5,249 307 1 = L ^
LS' 4,490 187 2 "'
Somme. . 9,739 494 3 5 489 01 4 = S"
- ^
S'+S". . . . 0,000 309 168 255 71.0 = -'
On rendrait l'opération un peu plus simple en disposant
de a' de telle façon que ^' soit rationnel, en faisant, par
exemple, dans la division que nous venons d'exécuter,
^'= 0,000 o09 exactement, ce qui, sans changer b', exi-
gerait que l'on posât a' = 26,9o0 98, et par conséquent
a" = 0,014 498 748 6. Les termes de la première série,
qui sont parfois trop étendus pour se prêter aux calculs
logarithmiques, se formeraient alors en peu d'instants par
(*) Cette deuxième somme logarithmique est obtenue en ajoutant à
la somme précédente le Ltt*
( i06 )
multiplication directe, n'étant composés chacun que d'un
nombre fini et même restreint de produits partiels.
48. Division par la recherche du réciproque. — La
division par approximations successives se réduit, au fond,
à la recherche du réciproque de B, par lequel on multiplie
finalement A. Si Ton suppose B composé de deux parties
6' et b", son réciproque 5^ est
par conséquent
i = b'-' — b" b'-' -^- b'" b'-' - . . . . (45)
B
La quantité b' renfermant les ordres significatifs supé-
rieurs, la rapidité dans la convergence de la série (43) dé-
pendra de l'importance de 6".
Si Ton possédait, par exemple, une table des quotients
de 1 par les 1000 premiers nombres naturels, c'est-à-dire
pour b' > 1000 et b" < 10, il est clair que ^serait tou-
jours < 0,01 , et même < 0,00o lorsqu'on s'astreint à
employer la position tabulaire la plus voisine. Il en résulte
que le terme en 6" influerait au plus sur le o'^""' ordre
significatif, et le terme en b"^ sur le 19'^'"'=-
Mais si la table ne s'étend qu'aux 100 premiers nombres
naturels, c'est-à-dire si l'on a 6' > 100 et b" < 10, le
terme en b" peut influer sur le 2''""' ordre significatif, et
celui en 6"*^ influe encore sur le 20'"^'"'.
La table qui suit présente les réciproques des cent pre-
miers nombres naturels, calculés avec vingt décimales,
ainsi que leurs multiples par 1,2,5 9. La plupart de
ces expressions décimales étant périodiques en tout ou en
partie, il est aisé de les étendre au besoin.
( 107
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iSiSi
iSSSi
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444
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0.093 023 255 814
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090 909 090 909
089 887 640 449
088 888 888 889
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086 956 521 739
086 021 505 376
085 406 382 969
084 210 526 316
0,083 333 333 333
082 474 22(5 804
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088 607 594 937
087 500 000 000
0,086 419 753 086
085 365 853 659
084 337 349 398
083 333 333 333
082 352 941 176
0,081 395 348 837
080 459 770 145
079 545 454 545
078 654 685 393
077 777 777 778
0,076 923 076 923
076 086 956 522
075 268 846 804
074 4(58 085 406
073 684 240 526
0,072 946 (566 667
072 1(54 948 454
074 428 574 429
070 707 070 707
Produit du réciproque
par 6.
0,078 947 368 421
077 922 077 922
076 923 07(5 923
075 949 367 089
075 000 000 000
0,074 074 074 074
073 470 734 707
072 289 456 (Î26
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070 588 235 294
0,0(59 767 444 860
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0(58 484 818 182
0(57 415 730 337
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0.065 934 0(55 934
0(55 217 391 304
0(54 516 129 032
063 829 787 234
063 157 894 737
0,0(52 500 000 000
061 855 670 103
061 224 489 796
060 606 0(50 606
Produit du réciproque
par 5.
0,065 789 473 684
064 935 064 935
064 402 564 403
0(53 291 439 244
062 500 000 000
0,061 728 395 062
060 975 609 756
060 240 963 855
059 523 809 524
058 823 529 412
0,058 139 534 884
057 471 264 368
056 818 181 818
056 179 775 281
055 555 555 556
0,054 945 054 945
054 347 826 087
053 763 440 860
053 191 489 362
052 631 578 947
0,052 083 333 333
051 546 391 753
051 020 408 163
050 505 050 505
NOMBRE.
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( 115 )
Voici comment on se servirait de cette table pour calcu-
ler le réciproque du module M des tables logarithmiques,
avec douze figures exactes,
M = 0,434 294 481 903.3.
Prenant pour 6' les deux premières figures significatives
de M, ou b' = 0,45, d'où b" = 0,004 294 481 903, je
tire de la table
6'-» = 2,325 581 395 34.9,
puis en multipliant b" par b'~\ à l'aide des produits pré-
parés par i, 2, 5... 9, j'obtiens d'abord ^;"6'-*== 0,009
987 167 218; puis en multipliant encore une fois par 6'~*
— h" 6'-2. . . . 0,023 2 25 9/ 0 2 7.5,
et ensuite, en multipliant chaque terme successif par b"b'~\
b"^ 6'-3 23 196 1 6 4.8
— 6"3 6'-* 2 3T6 6 3.9
&"* 6'-s 2 3 13.7
— h""^ 6'-6 2 3.Î
6"6 b'-^ .2
Somme 2,302 585 092 99.1 = -.
Mais si Ton exigeait un plus grand nombre de chiffres
exacts, cette marche deviendrait pénible, à cause de la len-
teur de la série (45).
49. Division à l'aide des puissances de 2 et de 5. —
Il est visible qu'on abrégerait considérablement le calcul
du réciproque, si l'on employait une valeur de b' qui four-
( i'i6 )
nît 6'"* avec un nombre fini de caractères. Alors en effet,
non-seulement 6'~' serait limité, mais l'évaluation de 6"6'~*
se ferait rapidement. Or il y a différents moyens d'at-
teindre ce but. L'on sait, par exemple, que 10" = 2"5",
d'où l'on voit que les puissances de même rang du 2 et
du 5 sont respectivement réciproques les unes des autres.
Soit un nombre très- voisin de 2% où n est entier; nous
ferons 6' = 2", et par suite on aura 6'~'==o"10 ", qui se
composera d'un nombre limité de chiffres.
Il n'est pas besoin d'ailleurs de recourir à une puis-
sance de 2 ou de 5 qui soit voisine de B en grandeur ab-
solue : cette condition serait souvent impossible à réaliser.
Il suffit que 2" ou 5" soit voisin de B par les premiers chif-
fres à gauche. On fera dans ce cas
6' = 2" 10*, ou b' = o" 10' . . . . (44)
en transposant la virgule; et l'on aura pour réciproque
6'-* = 5" lO-^-S ou 6'-* = 2MO-"-*. . .(45)
On pourrait par ce moyen rendre b' aussi voisin de B qu'on
le voudrait, en employant une table qui contint un
nombre suffisant de puissances correspondantes de 2 et
de 5. Mais lorsque le rang de ces puissances s'élève, le
nombre des chiffres qui les composent augmente, bien que
restant toujours fini. L'avantage de la méthode se perd
donc bientôt. Nous avons borné la table qu'on trouve ci-
dessous aux puissances de 2 et de 5 dont les réciproques
sont exprimés par dix chiffres significatifs au maximum.
Ces puissances ne sont pas rangées par ordre de grandeur
absolue, mais suivant la valeur de leurs premiers chiffres
de gauche.
{ 117 )
Puissances de 2 et de 5.
PUISSANCES.
Valeurs.
RÉCIPROQUES.
20 = oO
210 10-5
533 10-23
523 10-16
515 10-9
1
1,024
1 164 133 218 269 348 144 331 23
1,192 092 895 507 812 5
4,220 703 123
1
0,976 362 5
0.808 993 459 2
0,838 860 8
0,819 2
53 10-2
2 7 dO- 2
526 10-18
516 10-11
5 6 10- 4
1,23
i;490 116 119 384 763 625
1,325 878 906 23
1,562 5
0,8
0,781 25
0,671 088 64
0.655 36
0,64
2 4 1-1
214 10- 4
529 10-20
519 10-13
5 9 10- 6
1,6
1.638 4
1.862 643 149 230 937 031 23
1.907 348 632 812 5
1,933 123
0,625
0,610 351 562 5
0,536 870 912
0,324 288
0,312
2 1 100
211 10- 3
53-2 10-2-2
522 10-15
312 10-8
2
2,048
2.328 306 436 538 696 289 062 3
2:384 183 791 013 625
2,441 406 25
0,5
0,488 281 23
0.429 496 729 6
0.419 430 4
0,409 6
0 2 10- 1
2 8 10- 2
525 10-17
513 10-10
2.5
2,36
2,980 232 238 769 331 25
3,031 757 812 5
0,4
0.390 623
0,335 544 32
0,327 68
5 5 10- 3
2 s 10- 1
52s 10-19
51s 10-12
5 s 10 - 5
3.123
3.2
3,723 290 298 461 914 062 5
3,814 697 265 623
3,906 23
0,32
0,312 5
0,268 435 456
0,262 144
0,236
2 2 100
! 2'2 10-3
351 10-2"
521 10-14
31 1 10-7
4
4,656 612 873 077 392 378 123
4,768 371 382 031 25
4,882 812 3
0,25
0,244 140 625
0,214 748 364 8
0,209 713 2
0,204 8
5 i 10 0
2 9 10- 2
524 10-16
514 10- 9
! 54 10-2
3
3,12
5.960 464 477 539 062 5
6.103 515 623
6,23
0,2
0,195 312 5
0,167 772 16
0,163 84
0,16
(H8)
Puissances de 2 et de 5 (suite).
PUISSANXES.
RÉCIPROQUES.
2 6 40- «
5-27 40-is
517 40-11
57 40- ■»
2 3 40O
213 40- 3
530 40-20
5-20 40-13
510 40-6
6,4
7,430 580 396 923 828 123
7,629 394 331 23
7,812 5
8
8,192
9.313 223 746 134 783 136 23
9,336 743 164 062 3
9.763 623
0,156 23
0.134 217 728
0,131 072
0.128
0,123
0,122 070 312 3
0,107 374 182 4
0,104 837 6
0,102 4
Dans ce procédé, on forme avant tout 6"6'~', et Ton
dresse une table de ses produits par les neuf premiers
nombres naturels. Lorsqu'on arrive à des termes assez
courts pour les déduire du calcul logarithmique, à l'aide
des tables ordinaires , on cesse de former directement les
termes de la série (43) ; et ô'""^'"'""' = x étant le dernier
de ces termes calculés, on somme tout d'un coup le reste R
delà progression géométrique, en calculant par les loga-
rithmes
X h" h'-'
R = ; (46
C'est ainsi qu'on a formé ci-dessous le réciproque
de TT (rapport de la circonférence du cercle au diamètre),
avec vingt figures exactes.
TT = 3,141 592 655 589 795 238 46.3
b'
Différence.
0,016 592 653 589 793 238 46.3=6".
( H9 )
Comme, par la table, 6' ' =0,52, on trouve
h" 6'-' . . . . 0.005 309 G49 148 7Ô3 836 30.8.
Il vient alors successivement :
6'-* 0,3 2
— 6"6'-2 0,0 01 ÔÛÛ 087 727 594 827 ÔT.9
b"^b'-^ 9 021 559 706 447 9 8.5
— 6"'6'-* 47 90Î 3ÎÛ 8Î5 59.2
6"*6'-s 2 54 339 186 0 5.3
— 6"^6'-<5 î 550 451 8 4.3 = 0?
xb" 6'-»
■ — 7132553
l-h6"6'-'.
Somme. . . . 0,3 18 309 886 183 790 671 5 3.7=-.
La table des puissances de 2 et de 5 rangées d'après
leurs unités de gauche, offre des valeurs beaucoup plus
serrées dans le commencement qu'à la fin. Elle supplée
donc, pour les valeurs faibles, à la table des réciproques
(qui iie sont pas assez serrés dans le commencement). Ces
deux tables se complètent, et l'on y aura recours selon
l'occasion.
Remarquons ici que, quand le réciproque cherché est
celui d'un nombre rationnel N, il est plus simple, au lieu
de diviser l'unité par N, de prendre pour dividende 0,999
999...., en ajoutant des 9 indéfiniment. On arrive alors
tôt ou tard à un reste 0, qui signifie que la période est ter-
minée. Si l'on veut continuer le quotient, il n'y a qu'à répé-
ter la série de figures qu'on vient d'obtenir. Il n'est même
presque jamais nécessaire de pousser l'opération jusqu'à
ce qu'il se présente un reste 0, ou si l'on prend l'unité
pour dividende un reste 1. Car dans la partie périodique
d'un quotient, les chiffres de la seconde moitié de la
( 120 )
période sont, dans presque tous les cas, complémentaires
de ceux de la première. Ainsi lorsqu'on obtient trois ou
quatre chiffres successifs qui sont les compléments d'au-
tant de chiffres consécutifs, placés dans le même ordre,
obtenus antérieurement, on peut arrêter l'opération, et se
contenter de prendre à vue les compléments des chiffres
déjà trouvés.
Cette dernière remarque, qui n'est pas sans importance
pratique, s'étend à toutes les divisions par des diviseurs
rationnels.
50. Division mixte. — Les logarithmes peuvent four-
nir le quotient de A par B par tranches successives, plus ou
moins étendues suivant le développement des tables dont
on fait usage.
Soit x' la première tranche de ce quotient,
A — Bx' = a' (47)
fournira un nouveau dividende, dont le quotient par B
sera calculé à son tour par les logarithmes. Soit x" ce nou-
veau quotient, limité au degré de précision que les tables
logarithmiques comportent. On fera semblablement le pro-
duit de x" par B, et
a' — Bx" = a" (48)
fournira un nouveau dividende, d'oili l'on tirera de même
une troisième tranche du quotient, et ainsi de suite. Enfin
faisant la somme Ix de tous ces quotients partiels, on
aura
2x=^ (41))
Nous appelons cette opération du nom de mixte, parce
( 121 )
qu'on s'y sert à la fois d'opérations logarithmiques et d'opé-
rations directes.
11 y a plusieurs remarques à faire.
i° Les produits Bx', Bx", etc., doivent être formés direc-
tement et s'étendre jusqu'au dernier rang donné du divi-
dende A. Il est bon de dresser une table préparatoire des
multiples de B par les neuf premiers nombres naturels.
2" 11 est nécessaire de faire attention aux signes
des a', a", a'"...., et ces signes déterminent respectivement
ceux du X suivant.
5" Il va sans dire dès lors qu'il faut tenir compte des
signes des x en formant la somme algébrique Ix.
Nous croyons superflu de donner un exemple.
51 . Division laborieuse, — Après avoir pratiqué maintes
fois, dans des opérations où l'on exigeait un grand nombre
de chifïres exacts, les divers procédés que nous venons de
passer en revue, nous devons prévenir que nous les trou-
vons tous fatigants, plus ou moins compliqués, et par
suite d'une sûreté douteuse. Nous ne savons pourquoi les
calculateurs ne recourent pas d'une manière plus con-
stante à une pratique analogue à celle qui est usitée dans
les multiplications laborieuses (n'-' 57). On forme par addi-
tion une table préalable des produits du diviseur par les
premiers nombres naturels, l'étendant jusqu'au dixième
produit qui sert de vérification à la table entière. On prend
ensuite dans cette table les soustracteurs partiels, en abré-
geant chaque fois, dans le rang convenable, le soustracteur
employé.
Ce procédé, remarquable par sa simplicité, n'exige que
fort peu de travail mental, et il est extrêmement facile de
conduire l'opération avec ordre. On ne devrait recourir à
d'autres méthodes que dans des cas très-particuliers ou
( i22 )
dans un but de vérification. Il y a même avantage à con-
duire ainsi nos simples divisions ordinaires. En un mot
cette méthode devrait être prescrite dans les traités élé-
mentaires, et devenir la méthode commune pour la divi-
sion.
$ K. — Reste de la division.
52. Je n'ai pas l'intention d'examiner ici ce que divers
auteurs ont écrit touchant la recherche directe du reste de
la division. Dans les calculs pratiques on n'a guère à faire
cette recherche que pour des diviseurs très-simples,
presque toujours même inférieurs à 20. Je vais me con-
tenter d'indiquer une formule générale, qui permet de
déduire des procédés également et facilement applicables à
ces cas particuliers.
Supposons d'abord le dividende N partagé en tranches
d'un seul chiffre, que j'appellerai, en les marquant d'un
seul accent, a\ b\ c'....; on a
N = a'-i- 10 6' -h 10- c' -4- ...
Demandons le reste Rxde ^ . A cet effet posons a;== 10 -h A-,
ou
N N
"i~"40-+-/c'
et nous trouvons successivement
N N N /
X / k\~ \0\
k'
Par conséquent
N N AN A^N
x~ \0 10' ' 10'
PN
10*
(30)
( ^23 )
Si N est multiple de x, le quotient j sera entier. Dans
le cas contraire, la partie de ce quotient écrite à droite de
la virgule ne sera pas nulle, et cette partie Iractionnaire,
multipliée par x, donnera Rx cherché.
Or la partie fractionnaire F de § est composée de la
somme des parties fractionnaires qui figurent dans chacun
des termes du second membre de (50).
Dans le 1*"' terme — , la partie fractionnaire est — ,
*N k , , ^^.,^
n 2mc « n » — («'-+-106'),
k^ N A:*
r, 3uie „ » » — (a'4-106'-t-10V),
et ainsi de suite.
Maintenant, réunissant les termes qui renferment a',
ceux qui renferment b\ etc., on obtient
\iO' I
et après avoir sommé les différentes progressions géomé-
triques renfermées entre parenthèses, en se rappelant
d'ailleurs que 10 h- A: = x, il vient
a' kh' k^c'
F= ^H ,
XXX
d'où Ton conclut immédiatement
R^=a' — A;6'-+-/c^c' (Si)
Cette expression peut encore s'écrire
R^^a'-k[h'^k(c'...)] .... (52)
( '124 )
On sait d'ailleurs qu'en formant Pu on peut rejeter
toutes les valeurs entières de x. On peut donc aussi reje-
ter X et tous ses multiples, contenus dans les puissances
croissantes k, k^, k^....
55. Voici de premières applications de la formule (51).
I. Soit x = \0; il en résulte k = 0, et par conséquent
Rio = «'; (53)
Le reste d'une division par 10 est le chiffre des unités du
dividende.
II. Soit ^==9; alors A; = — 1 , et
Rg = a' -V- 5' -t- c' . . ., (54)
qui nous ramène à la règle connue : le reste de la divi-
sion par 9 est égal à la somme des chiffres du dividende.
III. Soit a;= 11, d'oùA'=+ 1,
R„ = a'~/y -t- c' — rf' ;. . . .(55)
le reste de la division par 11 est, comme on le sait d'ail-
leurs, la différence entre la somme des chiffres de rang
impair et celle des chiffres de rang pair. Pour faciliter
l'opération on négativera les chiffres de rang pair, en leur
superposant des signes — , puis on fera la somme algé-
brique des chiffres ainsi préparés.
IV. soit i» = 8, d'où k = — 2;
Ra = o' -V- 26' -H 4c' (56)
En effet, à partir de k^ tous les coefficients k"^, k^, P...
renferment 8 et peuvent par conséquent être rejetés. Cette
formule pourrait aussi s'écrire
R3=a' H- 2(6' -h 2c') (57)
( i2o )
On ajouterait à chaque tranche, en commençant seulement
à celle (les mille et comme si tout le reste à gauche était
nul, le double de la somme précédente, jusqu'à ce qu'on
soit parvenu aux unités.
V. Soit X = 12; on a A; = -h 2, et en supprimant 12 et
ses multiples dans les coefticients numériques, il vient,
toujours par la formule (51),
R„ = a'_26' -♦- 4c' — 8 fr H- 4e' ~ 8 /' -4- 4 (/' — 8 /i'...
Les coefficients — 8 et h- 4 forment une période. Rempla-
çant — 8 par son complément à 12 qui est -h 4, j'écris
R,2 = a' — 26' -+- 4 (c' -+- f/' -*- e' . . .)
OU encore, en employant S' pour symbole de la somme
absolue des chiffres, et en indiquant par l'addition de la
lettre c (sans accent) que cette somme doit seulement com-
mencer à la troisième tranche,
R„ = a' — 26' -4- 4S'c (58)
VI. Soit X = 7, d'où k = — 5, il vient en supprimant
tous les 7,
R, = a' -f- 56' + 2c' - d' — 5e' — 2/' -4- ^' -f- 5/i' -+- ^i'. (59)
Les coefficients 1, 5, 2, 1, 5, 2, composent une période.
Coupons le nombre donné en tranches de trois chiffres,
dont nous négativerons les tranches paires. Puis formons
la somme algébrique 2'"a' de tous les chiffres des unités,
celle 2"'6' de tous les chiffres des dizaines, et celle 2'V
de tous les chilfres des centaines, dans ces tranches; nous
aurons
R7== 2'"«' H- ol"'h' -+- 22"'c'. . . . (60)
( 126 )
Soit demandé le reste par 7 de 90 541 726 95o. J'écris
d'abord
N préparé ...90 544 726 955 ,
et j'ai alors, en rejetant les 7 s'il s'en présente,
2'"a' = — 0-+-i— 6-+-5 = 0,
l"'b' = — 9 -+- 4 - 2 -4- 5 = 4 ,
l"'c' = 5—7-1-9 = 5;
d'oii enfin
R, = 0— 5 X 4 -+- 2 X 5 = 0 — 12 -^ I0 = — ^2,
ou mieux, en prenant le complément à 7, R7= 5.
VII. Soit x = 15, d'où k= -hZ; il vient en suppri-
mant tous les 15,
Rj3 = Cl — 56 — 4c' — (/' H- 5e' -f- 4/"' -+- ^' . . .
Les coefficients numériques composent la période, 1,5,4,
— (1,5, 4). Si l'on conserve la notation précédente on a
donc
R,. = v"'tt' _ 3 2:'"6' — 42"V . . .((il)
L'opération est analogue à celle qui précède.
VIII. Soit X = 6, d'où k = — 4,
Rg = a' -+- W ^ 4c' . . . = a' h- 4S'6; . . (62)
le reste de la division par 6 est égal au chiffre des unités
plus quatre fois la somme des autres chiffres.
IX. Soit jc== 14, d'où A;= H- 4,
R,^= a' — 46' -+- 2c' -f- 6(/' -\- 4e' — 2/"' —Gg'.
La période commence au second chiffre 6'. Partageons le
nombre donné en tranches de trois chiffres ta partir de b\
( 127 )
négativons les tranches paires, et formons les sommes
algébriques 2'"6',2'V, II" d' des chiffres qui occupent des
rangs homologues dans les tranches. Nous rejetterons d'ail-
leurs de ces sommes algébriques T' tous les 14, ou même
tous les 7, puisque les coefficients renferment partout le
facteur 2. On voit que
n,^ = a' — 1 (2 fh"- l'"c' — 3 l'^'d') . . (65)
Par exemple le nombre 756 780 526 est d'abord préparé
comme suit :
N préparé ... 75 678 052 6;
puis on tire en peu d'instants 2"'6'==5, 2'"c'=5,2"V/'=6,
et par conséquent, en rejetant les 7 qui se présentent dans
les produits des sommes 2"\
R„ = 6 — 2(6 — 3-t-4)=i6,
ou en retranchant le 14 que cette somme contient encore,
Ru = 2.
X. Soit X =5, d'où A- = — 5; il est évident que tous les
termes de la suite (51) qui renferment k peuvent être re-
jetés, et par conséquent
Rs = a'. ....... (64)
XI. Soit a; = 15, d'où A:= -f- 5;on trouve en rejetant
les 15 contenus dans les coefficients,
R,jj = a' — 56' -t- 10c' — ^d' -+- 10e' ... ;
et en remplaçant le coefficient -i- 10 par son complément
à 15,
R^, = a' — 5S'6;
le reste de la division par 15 est égal au chiffre des unités,
( 128 )
moins cinq fois la somme de tous les autres chiffres. Il
est clair, d'ailleurs, qu'on peut rejeter de cette somme
tous les multiples de 3, en sorte qu'on pourrait écrire
S'b
R,, = a'_3R-^, .... (65)
ù
le reste par lo est égal au chiffre des unités moins cinq
fois le reste que donne la division de la somme de tous les
autres chiffres par 5.
XII. Soit X = 4, d'où k = — 6. Le coefficient A:^ con-
tient 4 exactement, et par conséquent ce coefficient et
tous ceux qui suivent sont divisibles par x. Ainsi
R, = a' -+- i>6' , (6G)
c'est-à-dire le chiffre des unités plus le double du chiffre
des dizaines.
XHl. Soit X = 16, d'où k= h- 6. Le coefficient k\ et
ceux qui suivent contiennent x. La formule (ol) se réduit
donc à
Rjg=a' — 66' -H 4c' — 8(/',
qu'on peut écrire
R,e = a' — 2 {ôb' — 2c' -t- \d'), . . . (67)
et Ton est autorisé à rejeter de la parenthèse tous les 8.
XIV. Soit x = 5, et par conséquent k = — 7;
R3 = a' -♦- 6' -h c' -+- f/' . . . ,
ou la somme des chiffres d'où l'on rejette tous les 3. Or
il est plus aisé de rejeter les 3 des chiffres eux-mêmes,
c'est-à-dire de prendre à vue le reste R'5 fourni par chaque
chiffre particulier. Ces restes particuliers sont d'ailleurs
( 129 )
0, 1 ou T. Leur somme algébrique est le reste cherché.
Exemple :
N 85 C27 377 904,
r; . . . . îT oïl on 001;
Somme de ces R3 1 = R,
XV. Soit X = 17, d'où A; = -h 7 ; on trouve
R„ = a' — Ib' — 2c' — ùd' -^ 4e', . . . (68)
expression dont la période aurait un grand nombre de
chiffres et serait d'une application incommode. Nous ver-
rons plus bas qu'il est plus avantageux de chercher le
reste de la division par certains multiples de 17.
XVI. Soit X = 2, d'où k = — 8; cette valeur de k con-
tenant X, il est clair que le r^te se réduit à
R2 = «' , (69)
XVII. Soit entin a: = 18, d'où A: = -f- 8;
Rj8=a' -1-106' -4- 10c' -V- 10c/'- . . = a' -^ 10(6' -+- c' -\- d'...).
Mais il est visible qu'on peut rejeter les 9 de la somme
entre parenthèses. Il suffit donc de calculer le reste S'6 de
cette somme de chiffres commençant à b'. Ainsi
R.s= a' + IOS'6, (70)
ou le dernier chiffre plus dix fois la somme de tous les
autres.
54. Jusqu'ici nous avons supposé x de la forme
a; ==10 H- k. Mais on pourrait aussi bien admettre
x=100 -h k, ou x = 1000 H- A;; en général x =10" -h A\
Si l'on suit alors le même raisonnement qu'on a employé
au n° 52, on arrive à une formule tout à fait analogue à
2°® SÉRIE, TOME XL. 9
( 130 )
l'expression (51), et qui en diffère seulement en ce que les
tranches sont formées de n chiffres pris à la fois. Nous
mettons autant d'accents aux lettres a, 6, c... que les
tranches renferment de chiffres.
Ainsi avec x == iOO -h k, on a
R, = a" — kb" -^k^c" (71)
où les tranches a\ b'\ c"... sont de deux chiffres. Avec
x= 1000 + A-, on a
R, = a'" — A6'" -^k'c'", .... (72)
où les tranches sont de trois chiffres. Et ainsi des autres.
Toutes ces formules ne sont que l'extension des expres-
sions (51) ou (52) à une forme plus générale
Rj, = a — kb -\- k^ c . . ., )
ou hien [ (75)
R.= «-A'[6-A:(c...)], \
OÙ a, 6, c... (sans accents) représentent des tranches d'un
nomhre quelconque de chiffres.
Pour que les formules (75) soient d'une application com-
mode, il faut presque toujours que k soit petit. Il y a donc
avantage à substituer à x un de ses multiples qui approche
autant que possible d'une puissance de 10. 11 est vrai que
le reste R,,;, ainsi obtenu n'est point celui cherché. Mais
comme R„, se réduit à un petit nombre de chiffres, on peut
alors y appliquer aisément la formule (51), qui se réduit
dans ce cas à un très-petit nombre de termes.
Par exemple, s'il s'agit de chercher R17, nous remar-
quons que 102 on 100 -h 2 est 6 X 17. Nous posons donc
nx == 102, d'où A" = -f- 2, dans la formule (73). Ainsi
R,o2=«"-2i6"-2[c"-2(rf"...)]| . . (74)
( 131 )
On partage donc le nombre N en tranches de deux chiffres,
et l'on ajoute à chacune d'elles le double du terme voisin,
changé de signe. Si ce double donnait des centaines, on
appliquerait à celles-ci le même procédé, c'est-à-dire qu'on
en inscrirait le double (avec son signe) au-dessous du
double des unités et des dizaines.
5o. Le nombre 1001, qui diffère de 10^ d'une seule
unité, renferme les facteurs premiers 7, 11 et 15. Il est
donc parfaitement adapté à la recherche simultanée des
restes des divisions par ces trois nombres premiers.
Il est clair d'abord que
R,ooi = a"' — b'" -t- c'" . . .,
que l'on peut écrire
Riooi = 2"'a (75)
Ayant coupé N en tranches de trois chiffres, on négativera
les tranches paires, puis on fera la somme algébrique des
tranches, comme si elles étaient écrites les unes sous les
autres. Lorsque cette somme a plus de trois chiffres, on la
ramène toujours à trois chiffres seulement, en y appliquant
la même marche.
Quand Riooi est caculé, ses chiffres constituants étant,
de droite à gauche, a, ;3',/, on a par les formules éta-
blies au n° 53 :
R, = a' -4- 3/3' -t- 2r' ,
ou bien, en remplaçant le coefficient -+- 5 par son complé-
ment à 7,
R,==a' — 4P' -H 2r'; (76)
et d'ailleurs Rii= a — P' -t- r' > (77)
R,3=«' — 51B' — 4r' ..... (78)
( 152)
Voici un exemple appliqué au nombre 182 672 456 210
829 901 :
N préparé . . . î 8 2 672 43 6 210 8 2 9 9 0[
Somme des tranches, 4 6 4=336=Riooi'
De ce premier reste, obtenu en peu d'instants, on tire
ensuite
R, =6— 4x5-t-2x5 = 6 — 42-t-6=0,
R,j=6 — 3 -+- 3=6,
R,5 = 6 — 3X3 — 4X3 = 6 — 9 — 1ii== — 15,
ou R]3 = — 2 , aussi R,3 = 11.
Nous donnons ci-dessous quelques diviseurs x, dans
lesquels k ne dépasse pas =f5, et auxquels les formules (75)
s'appliquent avec succès :
97 = 1X97 997=1x997 9 997 = 13x769
98 = 2x7x7 998=2x499 9 998=2x4999
99 = 9X11 999=3x9x37 9 999=9x11X101
101=1X101 1001=7x11x13 10001=73X137
102 = 6X17 1 002= 6x167 10 002= 6x1667
103 = 1x103 1003 = 17x59 10 003=7x1429.
Prenant en particulier 99 = 9 X H, on voit qu'on
peut s'assurer d'un seul coup si un nombre est divisible
par 9 ou par 11, en faisant la somme S" a de ses tranches
de deux chiffres, puis en considérant si cette somme est
elle-même divisible par 9 ou par 11.
Par exemple 8 951 417 515 donne
N préparé. ... 89 31 41 73 15
Somme des tranches. ... 249
qui par le même procédé se réduit à. . . 51 =R99.
Appliquant maintenant les formules particulières (54) et
( ^'^3 )
(55), on trouve
Rg = 5 -f- 1 =(5,
R,,= — 5 + 1 = — 4,ouRh = 7.
On peut remarquer que
299 est multiple de 13,
901 » 17,
399 » 19.
Si donc, dans un nombre donné N, on appelle e les deux
chiffres à droite et C les chiffres à gauche de ceux-ci , de
manière que N == 100 C + e, on a évidemment
R,3 = iC-4-e, (79)
R„ = _iC-^e, (80)
Ri9==iC-4-e (81)
On exécute à vue les divisions de C par 3, 9 ou 4, et s'il y
a un reste, on le réunit à e comme chiffre extrême à
gauche.
S'agit-il, par exemple, de trouver le reste de la division
de 572 928 par 17, j'ai G = 3 729, et par suite R g= 3.
J'écris alors
e [précédé du reste de ■- j . . . . 328
— |G (partieentière) —414
Somme — 86=:Ri7.
Le résultat contient encore des multiples de 17; mais on
peut maintenant les éliminer à vue.
Dans les calculs relatifs au calendrier, on a souvent à
former le reste d'une division indépendam.ment du quo-
tient. C'est ainsi que le nombre d'or v d'une année m est
( 134 )
le reste de *" ^ * . Appliquons la formule (81) à la re-
cherche de y pour l'année m == 1582, qui fut celle de la
réforme du calendrier. Ici N = 1583, C = 15 dont le
R4= — 1, et e = 83. J'écris donc, en mettant R4 devant e
Î83 ou plutôt .... Î7
\C (partie entière) 4
Somme — 13 = Rt9.
Le complément à 19 est la valeur cherchée v = 6.
4,
On a pris 4 et non 3 pour partie entière du quotient
par la raison qu'on avait employé le reste négatif 1.
57. J'ajoute, avant de quitter ce §ujet , que si le diviseur
donné x est le produit yz de deux facteurs, pour lesquels
on a déterminé les restes respectifs Ry et R^ de N divisé
successivement par y et par Zj on peut calculer R^^, ou le
reste de la division par le produit, au moyen de R^ et R^.
Je trouve que toutes les valeurs de Ry^ sont renfermées
dans la suite des valeurs entières du second membre de
l'expression
z — y
où la lettre n représente la suite des nombres naturels.
Or, dans la plupart des applications usuelles, n = 0
ou tout au plus n =\ satisfait déjà au problème. Si l'on
peut supposer n = 0, on voit , par exemple , que
le reste de la division par 6 est égal à 3 fois le reste
de la division par % moins 2 fois le reste de la division
par 3;
le reste de la division par 12 est égal à 4 fois le reste
de la division par 3, moins 3 fois le reste de la division
par 4.
( 155 )
C'est ce qu'on écrirait, dans la notation que nous avons
adoptée,
Re =3R2- 2R3, (83)
Riî = 4R3 — DR4 (84)
§ L. — Extraction des racines.
58. Dans les circonstances ordinaires, l'extraction des
racines s'opère à l'aide des logarithmes. Mais on peut
avoir besoin d'une exactitude supérieure à celle que les
tables logarithmiques comportent; on peut demander, par
exemple, la racine d'un nombre irrationnel, tel que le rap-
port 7: de la circonférence au diamètre, ou la base e des
logarithmes naturels, avec vingt ou trente figures. Dans ce
cas il faut recourir à une opération directe, fort labo-
rieuse.
Il est vrai que l'on se contente d'appliquer les procédés
d'extraction proprement dits aux premiers chiffres r de la
racine. On obtient ceux qui suivent au moyen d'une simple
division. Mais cette marche, tout avantageuse qu'elle
paraisse d'abord , est loin d'être commode en pratique. Si
l'on a déjà dix chiffres, par exemple, il faut pour obtenir
les dix chiffres suivants, former le carré de r, puis effec-
tuer la division d'un nombre de dix chiffres par un divi-
seur de dix chiffres également. Or cette dernière opération
est pénible. Aussi croyons-nous préférable de ne pas cher-
cher plus de sept ou huit chiffres à la fois, et d'exécuter la
division au moyen des tables logarithmiques. On sacrifie
un peu de l'étendue des quotients partiels, et par suite on a
plus souvent des carrés à former; mais en revanche il n'y
a pas à faire une seule division directe. Et si la racine
n'est pas demandée avec plus de trente chiffres, il y a un
( m )
gain évident. En se servant, par exemple, de tables loga-
rithmiques à sept décimales, et en comparant les deux
procédés jusqu'à l'obtention du 14"^ chiffre de la racine,
on voit que le recours aux logarithmes permet de rem-
placer par une simple soustraction la division d'un nombre
de sept chiffres par un autre nombre de sept, tout le reste
demeurant égal de part et d'autre. On ne peut donc élever
de doutes sur l'utilité d'introduire les logarithmes dans
l'exécution des détails de ces extractions.
Ajoutons qu'en formant les puissances r% (r + r')%
(r-hr' -h r'y... des racines calculées par tranches, il n'est
pas nécessaire, généralement, de continuer la multiplica-
tion dans les rangs extrêmes à droite et à gauche. A droite,
on négligera les rangs qui tombent au delà du dernier
ordre du reste p que l'on cherche actuellement (sauf un
rang surnuméraire). A gauche, on s'arrêtera aux rangs
fournis par l'approximation précédente (sauf un rang de
comparaison). Cette remarque s'appliquerait également à
la méthode d'extraction directe ou ordinaire. C'est une
économie de travail que nous signalons aux calculateurs.
Il peut arriver du reste, quand la racine approchée pèche
par excès, que le reste (ou différence) p soit négatif. Il
faudra seulement en conclure que la nouvelle correction
de la racine, qui en dépend, doit porter le signe moins.
59. Les avantages de la méthode mixte, sur laquelle
nous venons d'appeler l'attention , sont d'autant plus
marqués que l'indice du radical est plus élevé. Pour eii
donner une idée, j'extrais ci-dessous la racine cubique du
rapport tt de la circonférence au diamètre, avec vingt
chiffres exacts, en employant des tables logarithmiques à
sept décimales. Dans cette opération , je corrige simulta-
nément, par des procédés analogues, le carré et le cube de
( 137 )
la racine. La correction r'^') du carré est nécessaire , en
effet, pour arriver à la nouvelle approximation du cube.
J'ai d'abord
Lt. . . 0,497 149 9
jLt. . . 0,165 716 6 . . . 1,464 592 = n . 1'* approximatlou
L2. . . 0,501 030 0
Somme. 0,466 746 6 = L2ri
|L?r. . . 0,531 455 2 . . . 2,145 029 = n»
L3. . . 0,477 121 3
Somme. 0,808 554 5 = Lôr^»
Je forme par multiplication directe le carré puis le cube
de r,. Mais comme les sept premiers chiffres de gauche
sont connus, ces opérations seront limitées aux rangs
compris à partir du 8"% plus un rang de comparaison. C'est
ainsi qu'on opère ci-dessous :
Mulliplicandes . .
. 1,464 592
2,145 029 726 464
Multiplicateurs .
. . 1,464 592
. . 2.929 184 (10-'2)
1,464 592
produits partiels.
4 290 059.4(10-13)
1.81528
9.3 052 675.7
2.296 0
7.2 514 865.0
8.568
8.0 118 906.0
5.52
0.1 785 587.6
6.8
1.1 890 585.6
2,
2.9 726 464
Somme ou produit général 9.726 464 (10-'*) = r^^ 9.5 377 141 .5 (10-*^) =r»,
^ 3,141 59 2 655 589.8
Diflférence (changée de signe) — 0 725 551 .5 (10-'2) = Pj.
Les puissances de 10 entre parenthèses indiquent le rang
du dernier chiffre écrit, par rapport aux unités. Le point
( 158)
sépare les chiffres utiles de ceux surnuméraires à droite
et à gauche.
De ce qui précède on tire facilement
Lp^ . . . 7,859 469 4 —
LS/'i^ . . 0,808 554 5
Différence. . . 7,050 9149-. . . — 0,06112 438 5 = r'
L2r,. . . 0,466 746 6
Somme. . . 7,517 661 5 — . . . — 0,06329 352 9 = r'W
2""^ approximation r^-^-r' 1,464 591 887 561 5 = r,
Tj'h- r'(2) 2,145 029 397 1 1 1 1 = r,«.
Les secondes approximations de la racine et de son
carré étant obtenues, on répète une autre série d'opérations
toutes semblables aux précédentes, à l'effet de placer un
nouveau groupe de sept chiffres à la racine.
Multiplicandes. . . 1,464 591 8'87 561 5 2,145 029 3^97110 957 458 50
Multiplicateurs . . 1,464 591 8 87 561 5 1,464 591 8 87 561 5
Produits partiels 732 295 9.5(10-20) 1.072 514 7.0 (10-«0)
1.464 5918.9 2.145 029 4.0
7.875 513 2.8 8.701763 8.2
2.295 945 8.0 2.514 698 5.5
2.143 212 9.2 5.205 779 7.7
7.351004 9.6 2.351768 8 1
3.510 049 2.0 3.517 688 8 0
1.887 5615 9 397 110 9.6
9.880 535 5.739 9861.3
5.780 75 8 555 478 7.5
0.246 0 8.445 829 8.4
3.690 6 657 447 5.4
4 60 4.382 085 4.0
1.5 0.957 458 5.0
Somme ou produit général 0,0^^957 458 5.0 = i\* 9.645 558 9.7(10-'^oj =r,5
Chiffres correspondants de ?r . 9 795 258 4.6
Différence (nombre inférieur moins nombre supérieur) ■+■ 149 699 4.9 (10-20) = p.
( i39 )
Je n'ai transcrit de t^ que les rangs qui correspondent
aux rangs exprimés de rj^ tous les rangs précédents se
trouvant identiques. Cest sur la différence pa ^ue j'opère
maintenant.
Lpa T3,175 220 3 -♦-
LûV 0,808 554 5
Différence. . . . 1,4366 665 8 -♦- . . . . -+- 0,0'«023 263 01 =r".
On conclut enfin, avec les vingt chiffres exacts demandés,
1^^;;^= 1,464 591 887 561 523 265 0.
Sur quelques plantes fossiles de l'étage du Poudingue de
Burnot (dévonien inférieur); par A. Gilkinet, docteur
en sciences.
Le « Prodrome d'une description géologique de la Bel-
gique » de M. le professeur Dewalque mentionne dans la
liste des fossiles de l'étage de Burnot deux plantes nom-
mées Filicites lepidorachis et Filicites pinnatus (1). Dési-
reux de connaître ces plantes qui constituent à elles seules
tous les restes végétaux ou à peu près de cet étage impor-
tant, et n'en découvrant nulle part la description, je me
suis adressé à M. Dewalque qui m'a dit posséder les fos-
siles types, dont il devait la détermination à feu E. Coe-
mans. M. Dewalque a bien voulu me communiquer les
échantillons en question , ainsi que les quelques lignes de
diagnose qui les accompagnent; ces plantes n'ont été ni
(1) Prodromey p. 315.
( i40 )
figurées ni décrites, et comme elles sont renseignées dans
un ouvrage classique pour la géologie de la Belgique, il m'a
paru intéressant de les dessiner soigneusement et de les
décrire, d'autant plus que Tune des deux espèces ne peut
conserver, à mon avis, la place que lui donnait Coemans
dans la classification, et doit être rattachée, non pas aux
Fougères, mais aux Lycopodiacées.
I. — FiLiciTES piNNATus (Coemaus).
Ce nom a été donné par Coemans à l'empreinte repré-
sentée par notre figure 1. C'est une pinne de fougère mu-
nie d'un rachis large, au milieu duquel fait saillie une côte
assez proéminente et assez nettement coupée sur ses deux
côtés; à droite et à gauche du rachis naissent les pinnules
qui paraissent avoir été excessivement serrées les unes
contre les autres, et qui portaient à leur tour les folioles,
ainsi qu'on l'entrevoit dans la partie supérieure de la figure.
Celte fronde n'était certainement pas entièrement déroulée
et l'on peut voir vers la droite du dessin des traces obscures
de la préfolialion circinnée des pinnules. Cette circonstance
explique le rapprochement exagéré des pinnules qui, avec
la croissance ultérieure, se seraient plus ou moins écar-
tées. Elle explique aussi l'aspect particulier de cette em-
preinte qui ressemble, à première vue, presque plus à une
Cycadée qu'à une Fougère. Cette forme, quelque obscure
qu'elle soit, n'en est pas moins intéressante, en ce qu'elle
permet de constater dans nos couches dévoniennes infé-
rieures la présence d'une Fougère hautement organisée.
La Fougère qui nous occupe était certainement tri-ou qua-
dripennée, et devait posséder une taille d'une certaine im-
portance.
( i41 )
Cette plante a élé découverte, ainsi que la suivante, dans
les schistes cuivreux de Rouvroy; la roche et les em-
preintes elles-mêmes sont partiellement transformées en
malachite.
II. — Lepidodendron Buknotense (Mihi).
Filiciles lepidorachis (Coemans).
Coemans désigne sous le nom de Filicites lepidorachis
l'empreinte figurée par nous, figures 2, 5 et 4; c'est, dit-il (1),
« une fronde de Fougère dichotome et très-rameuse, à ra-
chisécaillcux, mais sans folioles. »
Il m'est impossible de me rallier à cette manière de voir
du savant paléontologue; pour moi, les empreintes appar-
tiennent non pas à une Fougère, mais à une plante du
groupe des Lycopodiacées , à un Lepidodendron^ dont
elles constituent les ramifications secondaires.
Et d'abord, dans nos échantillons, nous n'avons rien
rencontré qui ressemblât à une foliole de Fougère, et ce-
pendant nous avons pu isoler des rameaux secondaires sur
une longueur assez considérable (fig. 2); nous n'avons pu
découvrir la moindre trace d'une nervation quelconque qui
aurait survécu à la destruction de la foliole, et les débris
qui remplissent les échantillons proviennent tous de ra-
mules dichotomiques, semblables à ceux qui divergent
de notre rameau principal. Enfin, je dois faire remarquer
que, bien que la ramification dichotomique ne soit pas in-
connue chez les Fougères, elle constitue cependant l'ex-
ception : de plus, les Fougères dichotomes ne revêtent pas
(1) Noie manuscrite de Coemans à M. Devvalque.
( 142)
l'aspect de la plante ci-dessus; elles se divisent le plus
souvent en deux rameaux semblables , de grosseur à peu
près égale, portant l'un et l'autre des folioles et qui réa-
lisent en tous points la dichotomie vraie.
Voici maintenant quelles sont les raisons qui m'ont fait
rattacher ces empreintes aux Lépidodendrées.
L'inspection de notre figure % dans laquelle le cylindre
vasculaire est conservé (1 ), montre une série de petits cous-
sinets proéminents; un examen attentif fait découvrir que
ces coussinets sont disposés en séries spiralées; qu'à de
nombreux endroits ils laissent parfaitement distinguer les
orthostiques et les parastiques, et ceci est vrai non-seule-
ment pour le rameau principal, mais encore pour les ra-
meaux secondaires qui présentent des séries punctiformes
spiralées (2). La spirale génératrice paraît assez compli-
quée, comme c'est du reste le cas chez les Lépidodendrées.
Les coussinets sont dus évidemment aux faisceaux vascu-
laires qui se rendaient aux feuilles à travers la partie cor-
ticale, disparue, mais qui a laissé des deux côtés de l'em-
preinte une trauiée longitudinale également marquée de
petites ponctuations. Enfin, la partie supérieure de notre
échantillon (ûg. 2) porte latéralement l'empreinte de quel-
ques feuilles lancéolées, en tous points semblables à celles
des Lepidodendron. Si l'on s'étonne que les empreintes
que nous faisons connaître ne soient pas parfaitement
(1) Dans tous nos autres échanlillons, ce cylindre est enlevé et ii*a
laissé que la contre-empreinte.
(2) Voici la diagnose donnée par Schiniper des cicatrices des ramules de
Lepidodendron : FoUorum cicatrices in ramuUs rhomheae, parvulae ^
sqimmae formes, conliguae (Schimper : Paléontologie végétale^ t. II,
p. 14).
( 1^5)
dichotomiques, nous ferons remarquer que la dichotomie
vraie n'existe souvent que dans les tiges et les rameaux les
plus considérables des Lepidodendron et des autres Lyco-
podiacées fossiles [Lycopodium , Ulodendron, Kiiorria),ei
que la plupart des ramules se détachent des troncs, et se
subdivisent sympodiquement (1). Le sympode est du reste
faiblement exprimé dans nos échantillons, et les ramifica-
tions de second ordre rétablissent déjà la dichotomie.
Ma conviction au sujet de la place de cette plante parmi
les Lépidodendrées était déjà fermement établie, lorsque
j'entrepris l'étude d'un fragment de tige rencontré avec les
fossiles précités dans les schistes cuivreux de Rouvroy;
cette tige(fig. 5) appartient, à n'en pas douter, à un Lepi-
dodendron d'une taille déjà assez considérable , car le fos-
sile n'a pas même toute sa largeur sur notre dessin; les
deux parties latérales sont enlevées par la cassure de la
roche. La partie corticale est disparue et ne laisse voir que
les cicatrices intérieures; les orthostiques et les parasti-
ques paraissent inclinés suivant un angle à peu près égal ;
il en résulte que les cicatrices affectent presque la forme
d'un losange. Eh bien, l'échantillon dont nous parlons est
rempli de rameaux semblables à ceux que représentent nos
ligures 2, 3 et 4, un peu plus petits, seulement. La partie
postérieure, surtout, en contient plusieurs qui donnent
naissance à des ramifications, et qui sont munis des mêmes
ponctuations spiralées que celles que nous signalions ci-
dessus. On peut voir, sur le haut de notre figure 5 et à sa
droite, deux de ces branches paraissant sortir de la lige du
Lepidodendron. Je dois ajouter que la cassure a reporté
(I) Voir Schimper : Paléontologie végétale, pi. LVII, LVIII, fig. 1 et 2;
pi. LIX, fig. 2 et S; pi. LXIV, fig. 4; pi. LXV, fig. 8, etc., etc.
( 144 )
cette dernière sur un plan un peu intérieur et qu'il n'y a
pas, par conséquent , de communication directe entre elle
et les rameaux; cependant, la disposition de ceux-ci, leur
grand nombre dans le voisinage du tronc principal , l'ab-
sence de toute autre empreinte, et surtout les caractères
des Lepidodendron si bien exprimés dans les ramules suf-
fisent pour donner la certitude pour ainsi dire complète de
la connexion des différentes empreintes entre elles. Les
rameaux présentent bien quelque ressemblance avec les
rameaux du Psilophyton robustius de Dawson, mais cette
ressemblance n'est que superficielle; on peut se convaincre
que notre plante possédait, comme les Lepidodendron, un
réseau vasculaire périphérique entourant une moelle cen-
trale; c'est de ce réseau vasculaire que saillissaient les
coussinets des feuilles. A peine remarque-t-on, principale-
ment au-dessous de l'insertion des ramules, une dépression
étroite qui longe le groupe vasculaire des deux côtés; cette
bordure, Irès-réduite, par rapport au cylindre vasculaire
qu'elle renferme, est l'indice de l'enveloppe parenchyma-
teuse externe. Dans le Psilophyton, au contraire, le cy-
lindre ligneux occupe le miHeu de la tige; il proémine à
l'extérieur, et est d'une largeur peu considérable en com-
paraison de la masse parenchymateuse externe (1); ce
cylindre ne forme, par conséquent, qu'une saillie étroite
au milieu de la tige. Cette distinction , reposant sur une
structure anatomique complètement différente, est d'une
(1) Voici les proportions des figures de Dawson. Dans les figures 134 et
14b, le cylindre central n'occupe que le cinquième de la largeur totale de
a tige; dans la figure 127, il n'en occupe que le tiers (Dawson : Fossil
plants of the devonian and upper siluriaii formations of Canada. Mon-
tréal,! 871).
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ZitJv.'par &. Sever-eyrzs BTuocêUes .
7
>.
Â
\
( l^s )
grande importance. De plus, le caractère principal des
Psilophyton consiste en ce que ces plantes, qui ont une
tige analogue à celle des Lycopodium, possèdent une fruc-
tification complètement différente de celle de ces derniers;
cette fructification est constituée par une espèce de sores
suspendus à l'extrémité de ramules dichotomes; rien ne
rappelle de loin ou de près le cône des Lycopodiacées.
Or, nos échantillons de Rouvroy ne contiennent que des
rameaux; il m'a été impossible d'y découvrir une trace
quelconque de fruits, et cela suffisait, indépendamment
du caractère important relatif à la structure de la tige que
j'ai cité plus haut, pour m'obliger à rejeter toute idée de
Psilophyton.
Le nom de Filîcites lepidorachis donné par E. Coemans
n'est plus admissible, et je ne connais aucune forme de
Lepidodendron à laquelle on puisse rattacher avec certi-
tude la plante de Rouvroy; aussi, je me crois suffisamment
autorisé par ce qui précède à donner aux empreintes figu-
rées (fig. 2-5), le nom de Lepidodendron Burnotcnse. Peut-
être la découverte de nouveaux fragments de la même
plante nous permettra-t-elle de rattacher un jour celle-ci
à quelqu'un des types décrits.
EXPLICATION DES FIGURES.
Fig. 1. Filicites pinnalus Coemzns.
2-4. Rameaux du Lepidodendron Burnotense.
— 5. Lepidodendron Burnotense : tronc ou branche principale.
2"^ SÉRIE, TOME XL. 10
( 146 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 2 août 1815.
M. Ch. Faider, vice-directeur, occupe le fauteuil.
Sont présents : MM. Steur, J. Grandgagnage, J. Roulez,
P. De Decker, M.-N.-J. Leclercq, le baron Kervyn de Let-
tenhove, R. Chalon, Thonissen, Th. Juste, Félix Nève,
Alph. Wauters, Alph. Le Roy et A. Wagener, membres;
Aug. Scheler, Alph. Rivier, associés; S. Bormans, Ch.Piot,
correspo7idants.
M. Éd. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assiste à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le vice-directeur exprime, au nom de MM. le baron
Guillaume, directeur, et Liagre, secrétaire perpétuel, leurs
regrets de ne pouvoir venir prendre place au bureau à
cause de leur absence motivée.
• — M. le Ministre de l'intérieur transmet, pour la Biblio-
thèque de l'Académie, un exemplaire de l'ouvrage de M. le
baron Kervyn de Leltenhove, intitulé : La Flandre pen-
dant les trois derniers siècles, fn-8*'. — Remercîments.
M. L. Delisle accuse réception de son diplôme d'as-
socie.
— La Société pour l'histoire et les antiquités silé-
siennes à Bresiau, la Société historique pour la basse
Franconie et l'Aschaffen bourg à Wurzbourg, le Bureau
communal de statistique de Budapest envoient leurs der-
nières publications.
— M. Aug. Scheler, associé, présente, à titre dom-
mage, un exemplaire de son livre intitulé : Exposé des
lois qui régissent la transformation française des mots
latins. 1875; in-12.
M. Léopold Delisle, également associé, adresse aussi
comme hommage d'auteur, un exemplaire de sa Notice
sur un manuscrit mérovingien contenant des fragments
d'Eugyppius, appartenant à M. Jules Desnoyers, 1875;
in-4°.
M. Alph. Le Roy, membre de la classe, offre, au nom
des auteurs, les deux ouvrages suivants : 1° Système com-
mercial de la Belgique, par M. Ch. Pety de Thozée,
t. II ; in-8*' ; 2° Mémoire sur le texte primitif du 7"* i^écit de
la création [Genèse, Ch. I-II. â), suivi du texte du 2^ récit,
par M. Gustave d'Eichthal. 1875; in-8^
La classe vote des remercîments aux auteurs de ces ou-
vrages et décide le dépôt de ceux-ci dans la bibliothèque
de la Compagnie.
( 148 )
Elle décide l'impression au Bulletin d'une note lue par
M. Alphonse Le Roy, au sujet des ouvrages de philosophie
qu'il a offerts à la classe dans la dernière séance, au nom
de leur auteur, M. Vincenzo di Giovanni, de Palerme.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur les ouvrages philosophiques de M. Vincenzo di Gio-
vanni, de Palerme; par M. Alphonse Le Roy, membre
de l'Académie.
En présentant à la classe, dans notre dernière séance,
au nom de l'auteur, les derniers ouvrages philosophiques
de M. Vincenzo di Giovanni , de Palerme , je n'ai fait que
rapporter en Belgique une tradition qui à certains égards
y a pris naissance, mais qui s'est développée et modifiée au-
delà des monts sous le coup des événements de 1848, pour
y être ensuite aussi violemment combattue qu'elle avait été
chaleureusement accueillie. Je fais allusion à l'illustre exilé
Gioberli, doni M. Quetelet père, je me plais à le rappeler,
apprécia le premier, à Bruxelles, les hautes conceptions
platoniciennes et le patriotisme généreux. Au fort de la
tourmente, Gioberti abandonna tout d'un coup les régions
de la spéculation pure pour descendre dans l'arène poli-
tique, pour tirer les conséquences pratiques des prémisses
qu'il avait posées : ses tentatives échouèrent; mais la nation
( i49 )
italienne ne lui en doit pas moins d'avoir acquis la con-
science claire des aspirations qui Font finalement unifiée,
et Ton peut dire qu'il fut, à côté de Balbo, le véritable pré-
curseur de Cavour. Son séjour parmi nous lui avait donné
l'occasion d'apprécier le fonctionnement régulier de nos
institutions libres, et contribué sans doute à lui faire dé-
sirer pour son pays un régime consacrant à la fois l'indé-
pendance du pouvoir civil et celle de l'autorité religieuse.
Son système de conciliation ou de transition se trouva
bientôt dépassé, dans des conditions qu'il n'avait aucune-
ment pressenties, mais sans pacifier les esprits, bien au
contraire. L'école théologique proprement dite s'est élevée
contre le catholicisme libéral et a décidément passé le
Rubicon .: non-seulement toutes les libertés modernes lui
sont devenues suspectes, mais elle n'admet la philosophie
que comme servante de la théologie , selon la formule du
moyen âge.
Ce revirement, dont il est à craindre que la société euro-
péenne n'apprenne trop tôt à connaître la portée, n'a pas
empêché quelques esprits sincèrement religieux de per-
sister à croire que l'orthodoxie la plus rigoureuse n'est pas
inconciliable avec la liberté spéculative. L'école de Gio-
berti compte encore des partisans, du moins sur le terrain
de la métaphysique. M. l'abbé di Giovanni, notamment, en
a relevé le drapeau en Sicile, avec une modération et une
fermeté qui commandent le respect, surtout si l'on consi-
dère combien une telle attitude est difficile à garder en
présence du tumulte des passions. Paisible théoricien, M. di
Giovanni n'imite point d'ailleurs celui que, sous toutes ré-
serves, il reconnaît pour maître : il ne s'assigne nullement
la mission d'un Savanarole; il ne quitte pas un instant les
( im )
hauteurs où il converse avec Platon et Malebranche ; mais
sa philosophie est celle d'un esprit libre quoique croyant.
Loin d'être passive et désarmée, elle exclut le dogmatisme
aveugle comme l'indifférence et le scepticisme, et proclame
que le premier intérêt et la plus pressante obligation du
penseur chrétien, c'est de mettre la lumière sur le bois-
seau, de quelque part qu'elle vienne.
Il y a du reste, entre Gioberti et M. di Giovanni, plutôt
accord de vues sur la célèbre formule idéale du premier,
que rapport véritable de fdiation. Cet accord s'est révélé
surtout depuis la publication des œuvres posthumes de Gio-
berti, où la théorie platonicienne des idées est interprétée
dans un sens voisin du hégélianisme, en sauvegardant tou-
tefois le principe de la création. Dans ses derniers écrits,
Gioberti se rattache visiblement aux philosophes de la re-
naissance; c'est par là surtout qu'il a séduit le professeur
palermitain. On ne saurait oublier que M. di Giovanni s'est
déclaré, il y a quelques années, admirateur enthousiaste
de Miceli, le fondateur de Vécole de Monreale (fm du
XVÏIF siècle). Or Miceli, dont il a le premier analysé et
publié les œuvres, est un philosophe de la famille du car-
dinal de Cusa et de Giordano Bruus, souvent plus voisin
qu'il ne faudrait de Plotin et de Proclus : on l'a aussi com-
paré au bénédictin Deschamps, c'est-à-dire à un Hégélien
antérieur à Hegel; enfin on l'a rapproché, et non sans
quelque raison, de Schopenhauer. L'écueil de l'émanatisme,
du panthéisme en un mot, est ici bien difficile à éviter : il
est vrai que la personnalité divine est soutenue énergique-
ment par Miceli; mais je dois l'avouer, la personnalité hu-
maine court de grands risques dans son système. M. di
Giovanni lutte de toutes ses forces pour le défendre et
( iDl )
pour repousser le panthéisme; mais il ne fait pas que
Miceli ne côtoie de bien près ce précipice. Dans tous les
cas son éditeur n'y tombe pas : ce que je veux constater
seulement, c'est qu'il y a une affinité secrète entre ses
idées et celles des métaphysiciens dont Miceli relève lui-
même, et par suite une grande complaisance de sa part à
faire bon accueil aux dernières thèses de Gioberti. C'est
ici que, chrétien et catholique convaincu, M. di Giovanni
fait preuve d'une grande indépendance d'esprit. C'est un
libre critique sans peur et sans reproche, exempt de tout
préjugé et de tout parti pris quand il argumente, et ne se
faisant d'aucun nom un épouvanlail. J'essayerai de rendre
raison de ce détachement et de cette sérénité dans la polé-
mique, qualités si rares en général, mais surtout chez les
écrivains qui font une part à la foi comme à la raison.
Aussi ardent patriote que Gioberti, M. di Giovanni reven-
diquerait volontiers pour sa chère Sicile ce Primato que
l'homme d'État turinois a réclamé pour l'Italie. A ses yeux,
la philosophie anté-socratique tire principalement ses ori-
gines de la patrie d'Empédocle, et l'école dite italique au-
rait fleuri en Sicile bien longtemps avant Pythagore. Je
n'ai pas à discuter ici le bien-fondé de ces assertions : je
ferai seulement remarquer que,pour nos deux auteurs, c'est
de l'Italie (ou de la Sicile) que sont sorties les idées philo-
sophiques fondamentales sur le développement desquelles
a vécu et vit encore l'Occident. M. di Giovanni regarde
l'idéalisme ontologique, tel qu'il le conçoit, comme la
grande philosophie de l'humanité, autour de laquelle tout
gravite, et en même temps comme la philosophie nationale
italienne, par excellence. De là, s'il examine les spécula-
lions brillantes des Français, des Allemands et des Anglais
( 152 )
modernes, il u'a pourtant pour elles ni engouement, ni
antipathie, ni dédain systématiques. Son zèle le porte, en
revanche, à exagérer le mérite de ses compatriotes : on
s'en assurera en lisant la belle Histoire de la philosophie en
Sicile qu'il vient de vous offrir ; mais ce zèle excessif le
porte précisément à rabattre quelque chose de nos exalta-
lions à Tendroit des philosophes non italiens. L'observatoire
d'où il porte ses jugements est très-différent du nôtre;
d'autres perspectives s'ouvrent devant lui; de là, rien n'est
plus instructif et souvent plus inattendu que ses distinc-
tions et ses conclusions. Nous ne connaissons pas assez la
philosophie italienne, et pourtant ceux qui la représentent
ont raison de dire que l'Italie n'est pas encore la terre des
morts. Qu'il me soit permis de m'en référer aux deux vo-
lumes de M. Louis Ferri, dont ceux de M. di Giovanni sont
le complément naturel : les uns et les autres nous appren-
dront, non-seulement à nous défier des mots sonores et
des stigmates de convention, mais à rendre plus de justice
que nous ne l'avons fait, par exemple, à des penseurs que
M. Cousin et ses disciples, entre autres, n'ont pas assez ap-
préciés. M. di Giovanni, du moins, s'il est faible pour les
siens, fait comme Socrate : il ne se fâche pas et il respecte
tout le monde. Vous êtes psychologiste n'est pas dans sa
bouche une objurgation comme : vous êtes ontologiste,
dans la bouche de ses adversaires. Pour le dire en passant,
c'est là un des grands avantages de la forme dialogique , si
chère aux véritables philosophes.
M. di Giovanni affectionne cette forme, à l'instar des
platoniciens et des philosophes de la renaissance, et du
grand Leibniz; de plus, comme ses compatriotes en gé-
néral, il sait quel est le prix de la forme littéraire : ses
( ^S5 )
ouvrages, tout sérieux qu'ils sont, procurent une lecture
agréable. Les Serale cnmpesiri, en particulier, mériteraient
les honneurs d'une traduction française. Ce livre a un se-
cond titre qui en exprime plus directement la pensée :
Sofismi e buon senso. Il s'ouvre par une discussion ma-
gistrale sur le panthéisme et sur le matérialisme contem-
porain, entre lesquels l'auteur croit découvrir plus d'un
point de contact : alors se déroulent sept dialogues, où les
représentants des systèmes aujourd'hui portés de part ou
d'autre sur le pavois entrent résolument en lice. La logique
de Hegel , celle de John Stuart Mill , le positivisme fran-
çais, les doctrines matérialistes de MM. Buchner et Mole-
schott, les théories critiques de MM. Vacherot, Renan et
Ausonio Franchi, les illusions des apôtres de la morale
indépendante font tour à tour l'objet de ces entretiens; les
deux dernières soirées sont consacrées au mouvement phi-
losophique italien et à l'histoire fictive d'un penseur qui,
après avoir suivi les sophistes dans leurs égarements, en
revient finalement au bon sens, en consultant le fond de
sa conscience et en apprenant à bien épeler le grand livre
de la nature. Tout cela soutenu par un grand renfort d'éru-
dition, mais sans que l'auteur s'en laisse jamais écraser: il
domine son sujet et sait d'autre part y pénétrer dans
les moindres recoins, avec cette finesse déliée qui est
un des apanages de ses compatriotes. J'estime que son
petit volume, s'il était acclimaté chez nous, rendrait de
sérieux services à la jeunesse lettrée, en la prémunissant
contre l'orgueil scientifique des nouveaux Protagoras.
Quand on fait de pareilles trouvailles, il est bon de les
signaler.
Non moins intéressant est le volume intitulé : Scuola,
( io4 )
scienza e crilîca. J'y ai constaté avec plaisir que notre on-
tologiste reconnaît judicieusement qu'une saine anthropo-
logie est la base véritable du système de l'éducation. Le
reste de l'ouvrage se compose de mélanges : j'y noterai un
travail sur M^' d'Acquisto, qui prend place entre Miceli et
Gioberti; trois bonnes études sur Boëce; d'autres, très-
instructives, sur l'histoire de la théorie des idées arché-
types, puis des considérations de haute esthétique, voire
d'archéologie, celles-ci concernant particulièrement la Si-
cile. J'ai dit tantôt que M. di Giovanni n'est pas seulement
un philosophe, mais un chaud patriote : ce n'est pas seu-
lement de l'amour, c'est de l'adoration qu'il professe pour
la Trinacria. De là ses travaux érudits : il se délasse volon-
tiers de ses méditations en secouant la poussière des bi-
bliothèques et des archives. On lui doit les plus curieuses
découvertes : je ne citerai que ses deux volumes Sur la
philologie et la littérature siciliennes. L'alliance de ces
goûts est plus fréquente en Italie que chez nous : c'est
encore un trait qui rappelle les habitudes d'esprit des
hommes de la Renaissance. Ne m'occupant quant à présent
que des études philosophiques de M. di Giovanni, je n'insis-
terai pas : mon but sera pleinement atteint, si je suis par-
venu à attirer l'attention de la classe sur un développement
d'idées qui ne nous louche pas sans doute d'une manière
directe, mais qui peut gagner singulièrement en impor-
tance générale, en présence du défi actuellement jeté à la
libre spéculation.
( ISS )
Fragment (Vun poëine flamand inédit imité de Li roumans
DE Berte aus gra.xs piés; par M. Ch. Piot, correspon-
dant de l'Académie.
L'écriture du fragment inédit de poésie flamande, re-
produit à la fin de cette notice, appartient incontestable-
ment au premier quart du X\\^ siècle (1). C'est, à n'en pas
douter, une copie faite de main reposée : on n'y remarque
aucune surcharge ni rature, rien enfin qui indique un
manuscrit original. Sous certains rapports il ressemble au
fragment de l'écrit intitulé : Leven van sinte Lufgarde,
et publié dans la Dietsche Warande (2).
A quelle époque appartient le texte original de ce frag-
ment? Précède-t-il le Rouman de Berte ans grans piés?
(1) En 1872, M. Vanderslraeten annonça, dans VEendracht (n» 26), la
découverte faite aux Archives du royaume d'un fragment du poëme de
Flore et Blancheflor, écrit en flamand. Ce fragment sur parchemin servit,
dit-il , de couverture à un manuscrit provenant de l'abbaye de Robermont
près de Liège, et renfermait la vie de saint Éloy.
Après avoir pris connaissance de ce parchemin, nous y reconnûmes cer-
taines analogies des scènes décrites dans le roman français de Berte aus
grans piés. A notre avis il n'avait rien de commun avec le poëme de Flore
et Blancheflor.
Au mois de novembre M. Vanderslraeten inséra dans VEendracht
(n» 9), une rectification de son premier article, et émit quelques idées
générales sur ce poëme, promettant d'y revenir plus tard. Ses occupations
ne lui ayant pas permis de satisfaire à cette promesse , nous avons pris
la décision de publier le fragment de l'assentiment de M. Vanderstraeten.
(2) Tome III, p. 135.
( 156 )
Est-ce une traduction de ce poëme , dont l'auteur Adenés
li Rois naquit en Brabant vers 1240 (1)?
Ces questions, nous allons les examiner.
Première question : A quelle époque appartient le texte
original?
S'il fallait s'en tenir à l'ancienne opinion concernant
l'origine de la poésie flamande, notre fragment devrait
avoir paru après les écrits de Van Maerlant, appelé par
Jean Boetendale, le père de la poésie thioise. Il n'en
est rien. En 1856, feu M. Willems rejeta cette opinion
dont il avait été le défenseur officiel, et après avoir appro-
fondi la question, il démontra par le poëme de Reinaert
de Vos que d'autres poètes flamands avaient précédé Van
Maerlant (2). M. Jonckbloet consacre à la démonstration
de cette thèse tout le chapitre YI de son travail si remar-
quable sur la poésie néerlandaise du moyen âge (3). Cet
écrivain y fait voir d'une manière victorieuse, par le texte
de Van Maerlant lui-même, qu'il a des prédécesseurs.
Aujourd'hui le doute n'est plus permis à ce sujet. Par
les écrits, par la critique, par des dissertations approfon-
dies, il est démontré que des poésies flamandes remontent
certainement au delà du XllP siècle. M. Bormans va plus
loin encore. Ce philologue distingué prétend que les poètes
français ont beaucoup appris de nos Flamands, opinion
(1) Paulin Paris, Li romans de Berte ans grans pies, p. xlv. — Un
texte plus correct et revu avec critique a été publié récemment par
M. Scheler.
(-2) Reinaerl de Vos , publié par Willems, préface, pp. xvi et suiv.
(3) Geschiedenis der Midennederîandsche dicfitkunst, t. I , pp. 174 et
suiv. Voir aussi Snellaert , Verhandelingen over de Nederlandsche dicht-
kunst in Belgie , pp. 42 et suiv.
( 1S7)
dont M. Jonckbloet s'est fait Tavocat dévoué (1). Par
poètes fiançais, nous entendons les Belges qui, faisant
usage de la langue romane, écrivirent pendant le XI IP siècle
des poëmes justement renommés. Liège, le Hainaut, le
Brabant, l'Artois et la Flandre ont produit les poésies
les plus remarquables en langue romane de cette période.
En présence de ces faits, rien ne s'oppose à admettre
l'existence de poëmes flamands avant l'apparition des
écrits de Van Maerlanl. Lorsque cet auteur prit la plume, la
poésie flamande s'était développée d'une manière extraor-
dinaire. Elle jeta un vif éclat pendant le XIIP siècle,
l'époque brillante des communes belges, celle pendant
laquelle le commerce et l'industrie avaient créé dans nos
provinces des richesses inconnues à d'autres peuples.
En examinant attentivement le style et toutes les parti-
cularités de notre poëme, il faut admettre forcément qu'il
appartient à la grande époque de Van Maerlant. Chez cet
écrivain la langue prend, il est vrai, un caractère tout à
fait diff'érent de celle employée par l'auteur de notre frag-
ment : le dialecte de celui-ci semble moins rude; les
formes de son langage sont plus adoucies. Et cependant
le sujet, les expressions et les détails de son poëme n'ap-
partiennent pas moins à l'époque de Van Maerlant. Le ton
chevaleresque de l'épopée, l'amour du merveilleux, une
invention assez originale s'y manifestent d'une manière
évidente et accusent certainement cet âge.
Deuxième question : Notre fragment est-il antérieur au
roman de Berthe ?
Avant d'entamer cette question, tâchons de déterminer
l'âge du roman écrit par Adenés li Bois.
(1) Jonckhloel, ^c, t. I,p 288.
( 4S8 )
Ce ménestrel suivit, d'après les témoignages histori-
ques, Marie de Brabant lorsqu'elle devint, en 1275, l'épouse
de Philippe le Hardi , roi de France. Le voilà attaché à
une cour fastueuse, brillante, protectrice des lettres et
aimant surtout la nouveauté. A titre d'étranger Adenés
devait produire de l'effet, et il dut nécessairement subir
par sa position l'influence de sa nouvelle patrie. Ses œuvres
s'en ressentirent également. Le poëme de Berthe, éminem-
ment français par la facture, les idées et le style, s'étend
avec complaisance sur des détails descriptifs. L'auteur
aime à y transcrire des tirades, des discours très-étendus,
empruntés à l'éloquence du courtisan. Il se plaît à étaler
ses connaissances de la topographie de France, connais-
sances qu'il devait certainement ignorer avant son séjour
dans ce pays. Paris est, dans le roman de Berthe, le centre
vers lequel tout converge. Paris c'est la cour. Paris c'est
tout. Ce roman, dit M. Léon Gautier, réveille toutes les
qualités, tous les défauts d'une civilisation déjà avancée (1).
Ajoutons, pour compléter l'idée de l'auteur, que la civili-
sation était en effet très-développée dans le Midi, tandis
qu'elle revêtait encore à cette époque un certain caractère
de rudesse dans le Nord. Tout semble donc démontrer que
le roman de Berthe a été composé par Adenés postérieu-
rement à son arrivée en France, c'est-à-dire après 127o.
Notre poëme flamand étant une imitation de URoumans
de Berte ans grans pies , — nous le ferons voir plus loin —
il est permis d'en conclure qu'il appartient au dernier quart
du XIII' siècle.
Troisième question : Celte épopée est-elle une traduc-
tion ou une imitation de la Berte d'Adenés?
(I) Épopées françaises , t. Il, p. 10.
( m) )
Les poètes français ne dédaignaient pas, il est vrai, les
compositions flamandes. Grâce à nos richesses, grâce à
nos institutions, l'idiome national avait pris un grand
développement dans notre pays : la poésie surtout} avait
fait des progrès marquants. Sous le rapport de la vogue le
flamand n'avait pas les avantages de la langue française,
laquelle visait déjà à l'universalité. C'est ce qui a fait
dire par M. Jonckbloet : lorsque le copiste et surtout le
traducteur voulaient remplacer le nom de l'auteur par le
sien, qui pouvait découvrir la supercherie? qui aurait
refusé de croire à la priorité de l'écrit rédigé dans une
langue répandue partout ? Il ne serait pas impossible d'ad-
mettre que maint poëme composé en flamand et traduit
ou imité très-tôt en français, soit considéré comme une
production originale de la France (1).
Le fragment, dont nous reproduisons le texte, se trou ve-
t-il dans le même cas ? Nous n'osons pas le croire. Au
surplus, la priorité des versions différentes d'un poëme est-
elle une question si importante qu'on le croit générale-
ment ? Pendant le moyen âge , époque des associations, si
contraires à l'individualisme, les traditions appartenaient
aux nations et non aux écrivains. En s'emparant d'une
saga, le trouvère la racontait selon les idées du peuple
auquel il destinait son récit. Il en faisait des épopées natio-
nales. C'est ainsi que les traditions populaires, ce grand
livre des nations, s'acclimataient dans chaque pays , en y
prenant un caractère spécial. L'antique légende du Cheva-
lier au Cygne, n'a-t-elle pas subi des transformations
dans tous les pays où elle est connue ?
Le poëme français de Berle ans cjrans pies et le frag-
(1) L. et. I, p. 289.
( 160 )
ment flamand que nous publions traitent, sans aucun
doute, le même sujet. Dans l'un et l'autre de ces écrits
Berlhe, fille de Flore et de Blancheflor et femme de Pépin,
subit une disgrâce. Elle erre dans une forêt; puis elle est
retrouvée par les siens.
Dans le poëme flamand les longs détails , les récils traî-
nants sont soigneusement évités. Ils sont remplacés par
des descriptions très-courtes. Les harangues y sont encore
passablement étendues, comme dans le poëme français;
mais le style déclamatoire du courtisan disparaît complè-
tement : il fait place à une grande simplicité d'expressions.
Comme dans le poëme français, Berthe rencontre au milieu
de la forêt Simon chevauchant par monts et par vaux.
A la vue de la belle, son cœur s'enflamme. Elle le repousse
en lui déclarant qu'elle est reine.
Dans toute cette scène il y a une naïveté qui fait com-
plètement défaut dans le roman français. Enfin l'auteur a
écrit un poëme, flamand par la forme, flamand par les
expressions, flamand par les idées. Le roman thiois de
Berteest au roman français du même nom ce que i?emaer^
de Vos est au renard français, ce que le roman de Floris
ende Blancefloer est au roman de Flore et Blancheflor. En
publiant le texte flamand de ce poëme M. Hoffmann von
Fallersleben fait une observation très-juste et applicable
en partie à notre fragment : plus grande, dit-il, est la
part que nous devons attribuer au poëte Thierri d'Asse-
nede; car en remaniant le roman original français, il a
fait de Flore et Blancheflor un poëme nouveau, plus beau
et véritablement néerlandais (1).
(1) fforae Behjicae, part :2, p. ix : Grôsser aber isl der Antlieil, den wir
dem Dichler selbst, Diederic Van Assenede, zu erkennen mùssen, demi er
( 16i )
Un fait nous a frappé en examinant le fragment, dont
nous reproduisons le texte. Nous n'y avons pas vu une
seule mention de localités françaises; laFrancey est nom-
mée une seule fois; tandis que le romande Berteaiis grans
pies est prodigue de noms topographiques appartenant à
nos voisins du Midi. Nous y avons reconnu certaines idées,
des détails de style et d'orthographe semblables à ceux du
roman de Floris ende Blancefîoer, édité par M. Hoffmann.
La versification est facile et naturelle dans l'un comme
dans l'autre de ces deux romans.
Ces ressemblances sont telles, que nous sommes très-
tenté de l'attribuer au même auteur, Thierri d'Assenede,
poëte et clerc de Marguerite de Constantinople et de Gui
de Dampierre de 1262 à 1285(1).
Nous reproduisons ici le fragment , tel qu'il est transcrit
sur le parchemin, dont l'état de conservation laisse beau-
coup à désirer. Bon nombre de mots et de lignes y sont
effacés ou complètement rognés.
Ende scide : willecome , vrient ,
Ghi hebl iegen mi veidiont ,
Dal ic u vrient wespii moet.
Nu segt mi wat Beerte doet,
Hebdi in haer iet bevonden ?
Symoen , die len selven stonden
Seker heit , meen ic niet ,
Mer claer, so welic d:U bediet :
Dal seker es u coninginne.
liât diirch seine Bebandiunge des walschen Originals aus Flore und
Hlanchiflore, ein neues nocli sclioneres, echt hoilàndisches Gedicht, ge-
schaffen.
(1) Voir à ce sujet C A. Serrure, Geschiedenis der Nederlanlsche en
Fransche lelterkunde in Vlaenderen, p. 104.
2"^ SÉRIE, TOME XL. 11
( 162 )
Den coninc worden al sijn sinne
Doen utermaien al le blide.
Symoene nam hi tien tide
Haestelike biiler hanl,
Der hi Blencefloer vant.
Der heefti Symoen scire brocht.
Die coninc was wel bedocht ,
Ende sprac: vriende. . . .
iel ende ons ellinde
we ende al ons zeer
heden nenimermeer
vrouwe seer verblijt
ende dien lijt
Der es van hoger aert
es u vrienl
heefl verdie m
. . waer
Si werven wel
So ic weel in corler stont.
Si seide : vrieiit, nu doe mi conl
Hoe ghi geraket an niijii kint.
Symoen anlwerde met geninl :
Vrouwe, giii SPltH noch wel weten.
Eens morgens wasic op gcselen,
Ende soude comen te woude waeit
Scoone was die dach verbaert.
Op mijn peerl qnamic gereden
Van enen berge toi beneden.
Der so vandic , op die ure ,
( 163
Ene de scoenste créature,
Die ic nie met oeen sach.
Nar minen reise gereden , quam
Een vrouwe , dat ic der vernam ,
Die utermaten was alte scone.
le boot her mine minne te lone.
Si seide dat sijs niet en dade.
Doen leidicse buten pade.
Met mi en wilde si niet gaen ;
Mer si dede mi der verstaen
Dat si was i coninginne,
Die was in minen sinue.
Dat wonder dat sekerlike
Dat ghi segt het es u nichie
Ghi mocht saken seggen iichte,
Die u souden iegen gaen ;
Mer, her weert, doet mi verstaen
Claerlec wie die vrouwe si ,
Ende hoe si heet, dat segt mi.
Ghi moetet mi te wetene doen.
Doen antwerde weert Symoen :
Is mi clair becant
Dat si Beerte es gênant.
Dies es leden . . . v jaer
Dat icse , dats seker waer,
Int wout te verre van hier.
Ic ben foreeslier,
Ende heb enigen lijt gewesen.
Carie Marteel , den coninc vor desen
Die hadde mi lief in waere dinc
Mer niet en sieic desen coninc;
le en sachen noit met ogen;
Der ut weet den prinse vermogen
Nu will horen ende verstaen.
Eens morgens vroe, sonder waen ,
Wasic gpseten op niijn paert,
Ende soude varen in Mans waerl.
( 164 )
Tcleert vander sonne opganc ,
Der gemoelic, sonder wanc,
Jegen wil dese ionc\ rouwe
Makende wel den meesten Irouwe
Die ic sach van min en leven .
Een deel reedic her bel neven.
Si dochte ml so overscone,
Al werl om te dragen crone
Van algade Vranckerike.
Noit en sacli haers gelike.
Waer ic qiiani ... iege slonden,
Aldus was de scoene vonden.
Want was si van coudon doot,
le brocht met haesten groot.
Wi goed . .
Doen si ifier leven
Met vragene wi d — cleven
Hoesi bi namen wert genaeml?
Si seide: Beerle, dais mi befaemt.
Doe wirl Pippin alte blide
Hi seide dus ten selven tide :
Waer bi heb dese niehte gehelen ?
Constant seide : dat suldi weten.
hier so nam . .
Vole
Jagers, ridders ende ioncheren,
Oft si de mouwe al vol eren
lewers hadden ons willen onlleden.
Aldus loe dai wi d . . .
Dat wi der
(26 lignes illisibles. )
In sachse noit fel gemort ,
Oft datsi I. wort mcslcde.
Sies vol der welenlhede,
Ende der toe so overscone ,
Al waert om te spannen crone
( 163 )
Van alden lande van erlerike.
So en wislic hoe properlike.
I baer
Dis es leden wel vi jaer,
Leltel meer ofte min ,
Der houdic in minen sin ,
Dat hier liep i niemare,
Hoe dat i vrouw verloren ware.
Dal hem God vergevene moet ;
Mer ic die raaliede hin der moet
Dat ic was coninginne.
In weel hoet quam in minen zinne.
Anders haddi mi vercracht.
Symoen die scier was bedacht,
Seide : scoeiie, eest dan niel waer ?
Sides mi hier openbaer ;
Wanl die ridder es van danne.
Si sprac : ghetegel mi eens. . . .
Wanl die he . . , so ic verneme ,
En neml die vrouwe niel
Vor den lijt dal hi u siel.
Dal was dat nu de coninc hiet.
Doe seide Florijs : die coninc,
Dats een redelike dinc
Vrouw BlanceÛoer ghi seil der varen.
Doet u gereiden, sonder sparen,
Sonder enege lange beide.
Die vrouwe niet der iegen seide ;
Mer bereide si wat si can.
( 166 )
Maximilien-Emmaniiel de Bavière, comte de Nanmr; par
M. Stanislas Bormans, correspondant de l'Académie.
Après que Jean III eut vendu son comté de Namur à
Philippe le Bon par acte passé à Gand le 15 janvier 1421 ,
le Namurois, administré par des gouverneurs, partagea les
destinées du reslede la Belgique. Marie de Bourgogne, fdle
de Charles le Téméraire, ayant épousé Tarchiduc Maximi-
lienle 18 août 1477, la province de Namur passa, avec
les vastes domaines de cette princesse , sous la domination
de la maison d'Autriche. Elle retourna ensuite avec les
Pays-Bas à Philippe IV, roi d'Espagne, lorsque l'infante
Isabelle, tante de ce monarque, mourut sans enfant le
i" décembre 1633. La souveraineté des rois d'Espagne
dura jusqu'à la paix d'Utrecht (11 avril 1713) qui mit
Charles VI, empereur des Bomains, en possession des pro-
vinces appelées depuis lors les Pays-Bas autrichiens.
Avec la dynastie de la maison de Dampierre finit à pro-
prement parler l'histoire du comté de Namur; avec elle
aussi, l'ancienne capitale, autrefois animée par la présence
d'une cour, tomba subitement au rang de petite ville de
province. Ce fut son rôle pendant les quatre siècles environ
qui précédèrent la révolution française, sauf un moment où
le Namurois, administré directement par son souverain,
devint encore une fois le siège d'une cour princière. Cette
heureuse situation ne dura guère que deux ans; c'était
assez toutefois pour que les habitants de Namur, qui fêtè-
rent avec éclat un événement aussi extraordinaire, conser-
vassent longtemps le souvenir de Maximilien-Emmanuel,
( 167 )
duc et électeur de Bavière, comte de Namur, de fait depuis
le 6 avril 1711 jusqu'au i" décembre 1714, et en droit
depuis le 2 jauvier 1712'jusqu'au 11 avril 1713.
C'est le règne de ce prince que je veux lâcher d'esquis-
ser rapidement. Mais il convient de rappeler d'abord les
faits qui amenèrent cette souveraineté éphémère.
Maximilien-Emmanuel de Bavière, né le 11 juillet 1662,
était fils de Ferdinand-Marie duc de Bavière, électeur du
S*-Empire, et de Marie-Henriette-Adelaïde, fille de Viclor-
Amédée de Savoie et de Christine, princesse royale de
France. Il n'avait que seize ans lorsqu'il succéda à son
père dans l'électoral de Bavière. Quelques années plus tard,
lorsque Vienne fut assiégée par les Turcs, il prit les armes
pour la défense de l'Empire, et contribua puissamment à
délivrer la capitale de l'Autriche; puis il alla combattre
avec gloire en Hongrie, et emporta d'assaut la ville de
Belgrade. Généreux et chevaleresque à cette époque, il ne
se contenta pas de payer de sa personne : il dépensa dans
cette guerre près de cent millions, n'ambitionnant, pour
prix de ce sacrifice, que la satisfaction d'avoir assuré le
salut de la chrétienté.
Le 15 juillet 1689, il épousa Marie-Antoinette archi-
duchesse d'Autriche, fille de l'empereur Léopold I" et
petite fille de l'empereur Philippe FV, roi d'Espagne (1).
Ce mariage pouvait lui donner, à lui ou aux enfants qui
(4) Dès cette époque, le roi d'Espagne fut sollicité de donner ce qui lui restait
des Pays-Bas en dot à l'archiduchesse , pour récompenser l'Électeur des services
qu'il avait rendus dans l'armée impériale contre les Turcs.
( 168 )
naîtraient de l'archiduchesse, des droits éventuels à la
succession de la monarchie espagnole; dès lors, en effet,
on prévoyait que le débile roi Charles II mourrait sans
héritier direct. L'électeur de Bavière se livra tout entier à
l'espérance que faisait naître en lui une telle éventualité,
et à partir de ce moment, il ne négligea aucune occasion
de se rapprocher du but convoité. Il songea d'abord à
s'établir aux Pays-Bas, et fit des démarches à Madrid pour
obtenir l'administration de ces provinces (i). Les ministres
de Charles II, naturellement hostiles à la candidature d'un
prince étranger, combattirent la demande de l'Électeur
qui, insinuaient-ils, \isaii à la domination absolue et ne
larderait pas à se rendre indépendant du pouvoir royal.
Informé de l'opposition qu'il rencontrait, Maximilien écri-
vit, le 9 octobre 1691, au faible monarque une lettre des-
tinée à en paralyser l'effet; il y protestait hautement de
son abnégation, affirmait qu'il n'avait en vue que l'intérêt
de l'Espagne, qu'il voulait défendre les Pays-Bas contre
les convoitises de la France, suppléerait au manque d'ar-
gent par ses propres ressources, et mettrait ses troupes
bavaroises au service du roi (2). Ému par ces promesses,
Charles II écrivit le 29 novembre à l'Électeur qu'il l'in-
vestissait du gouvernement des Pays-Bas en remplacement
du marquis de Castaîiaga (5).
Maximilien fit son entrée à Bruxelles le 26 mars 1692.
Les Belges, fatigués d'être gouvernés par de simples gen-
(4) M. Gachard a publié sur ces négociations de nombreux et intéressants dé-
tails dans les Bulletins de la Commission royale d'histoire, 8^ série, tome VI,
pages 40 et suiv.
(2) Ibidem, \\i6, il.
(3) Les patentes ne furent toutefois délivrées que le 13 décembre 1691.
( 169 )
tilslioinmes espagnols (l), étaient déjà prévenus en faveur
d'un prince dont la bravoure faisait Tadmiration de l'Europe
entière; d'ailleurs, outre qu'il était jeune, bien faitetadroit,
ce qui plaît toujours aux masses, il ne négligeait, par goût
ou par calcul, rien de ce qui pouvait contribuer à le ren-
dre populaire : il recberchait le luxe et les fêtes, entrete-
nait une cour fastueuse et brillante, aimait les sciences et
les arts, protégeait Tindustrie et le commerce, et se pro-
diguait au peuple (2).
Aussitôt qu'il eut pris en main les rênes du gouverne-
ment, il s'appliqua à tirer notre pays de Tétat déplorable
où l'avait plongé l'incurie des gouverneurs espagnols; il
rétablit les finances, réorganisa la justice, réprima les
désordres et la licence des troupes, fil revivre le commerce,
créa le système des chaussées, et, par tous ces travaux,
conquit des titres réels à la reconnaissance des Belges (5).
Dès l'année même de son avènement, le nom de Maxi-
milien-Emmanuel se trouve étroitement lié à divers faits
intéressant l'histoire de Namur.
Entraîné par ses vues ambitieuses, Louis XIV avait, en
1689, déclaré la guerre à la Hollande et à l'Angleterre, et
peu après à l'Espagne. La province de Namur devint aussi-
tôt le principal champ clos où les belligérants vinrent
(i; Gachard, Une visite aux archives et à la bibliothèque royales de Munich,
dans les Bulletins de la Commission royale d'histoire, 3c série, t. VI, p. 60.
(2) Le portrait lithographie de Ft-lecteur de Bavière se trouve dans Y Histoire
de la ville de Bruxelles, par Wauters, tome II, page 123. Il existe aussi, peint
à l'huile, en pied, grandeur naturelle, au musée de la Société archéologique de
Namur. C'est probablement à cette toile que fait allusion l'extrait du compte du
domaine cité plus loin, page 191 , note 2.
(3) Sur l'administration de Maximilien-Emmanuel aux Pays-Bas, voyez dans
les Bulletins de la Commission royale d'histoire, i"-* série, t. XI. un travail
de M. COREMANS intitulé : Miscellanées de l'époque de Maximilien-Emmanuel,
1692-1709, notamment aux pages 669-672.
( 170 )
vider leurs sanglantes querelles (1). Mons étant tombé le
9 avril 1691 au pouvoir du roi de France, on décida de
mettre, dans la campagne suivante, le siège devant Namur.
Cette ville était alors gardée par une garnison hollandaise,
car la cour de Madrid, épuisée d'argent, était dans l'im-
possibilité de la défendre par elle-même. Le 26 mai 1692,
dans la matinée, Louis XIV parut en personne devant la
place. Ce ne fut que dans les premiers jours du mois de
juin que l'électeur de Bavière et le prince d'Orange purent
se mettre en marche pour la secourir; mais le maréchal
de Luxembourg les arrêta sur les bords de la Méhaigne
avec une armée d'observation, et ses habiles manœuvres
permirent à Louis XIV de mener son entreprise à bonne
fin. Le prince de Barbanson, gouverneur de la ville, capi-
tula le 30 juin; ce fut alors que Boileau composa son ode
célèbre sur la prise de Namur (2).
Battus le 29 juillet de l'année suivante à Neerwinden,
l'électeur de Bavière et le prince d'Orange, devenu Guil-
laume IH, roi d'Angleterre, s'apprêtèrent à prendre une
brillante revanche; durant l'hiver 1694-1695, ils formèrent
deux puissants corps d'armée dans le dessein d'enlever
(1) Au mois de juin 1689, la cavalerie de la garnison française de Dinant vient
piller jusque sur les Trienx de Salzhmes, lez-Namur, et y enlève des troupeaux.
Elle reprend ensuite la route de Philippeville à travers la Marlagne. Un détache-
ment de la garnison de Namur attendait les pillards aux Brocleaux. territoire de
Malonne; il tombe sur eux, en tue plusieurs, disperse les autres, les poursuit
jusqu'au manoir et ressaisit le butin enlevé. [Procédures de Malonne.)
[% La garnison française laissée à Nanmr fut employée à réparer et à agrandir
les travaux de fortification; elle reçut de nouvelles pièces d'artillerie après la ba-
taille de Neerwinden. Cette même année 1693, Louis XIV vint à Namur avec le
cardinal de Bouillon, le prince de Condé et toute sa cour. « On y vit pour lors, dit
Galliot. Histoire de Namur, t. V, p. 98, la plus illustre compagnie qui y ait
jamais paru. Le roi était logé au gouvernement; il assista à un Te Deum à Saint-
Aubain et assista à un combat d'échasseurs. »
( 171 )
Namur à la France. Le 2 juillet 1695 ils campèrent à
Corroy-le-Chàteau, et le lendemain ils se présentèrent
devant Namur; mais leurs opérations ne se firent pas avec
une rapidité telle que le marquis de Boufflers n'eût le temps
de se jeter avec quelques troupes dans la place, une heure
avant son investissement complet. L'électeur, qui avait
sous ses ordres le général Cohorn, occupait le quartier
entre la Sambre et la Meuse, avec 24 bataillons et 20 esca-
drons de troupes bavaroises et espagnoles ; jusqu'au
4 août, il logea à l'abbaye de Malonne, et ensuite, au désert
de Marlagne où il occupa les cellules de l'hospice. Après
deux mois d'un siège aussi glorieux pour les vaincus que
pour les vainqueurs, et dans lequel le roi d'Angleterre et
l'Électeur exposèrent plusieurs fois leur vie, la place capi-
tula le 1" septembre; la garnison, réduite de 16,000
hommes à 5,000, sortit par les brèches, le 5 à 7 heures
du soir (\). Un Te Deum solennel , chanté ce jour même à
la cathédrale de S*-Aubain, et auquel assista l'Électeur,
attira toute la population, délivrée de terribles et conti-
nuelles appréhensions, et, en ce temps là, peu sympathique
aux Français. Le soir, des tonnes de poix enflammée, sus-
pendues à deux grands arbres, vinrent illuminer les
façades de S'-Aubain et de l'hôtel du comte de la Motterie
où logeait l'Électeur (2).
(i) Voyez ce siège raconté dans ses plus grands détails par J. Borgnet,
Annales de la Société archéologique de Namur, t. Il, pp. 321 et suivantes,
tome V, pp. 300 et suiv. La ville capitula le 4 août. Le 6, à midi, les Français, au
nombre de 8,000 environ, se retirèrent dans le château. C'est alors que l'Électeur
quitta son quartier de Malonne pour s'installer au désert de Marlagne. Voyez
Jos. Grandgagnage, Le désert de Marlagne, dans les mêmes Annales, t. I , et
l'épître dédicaloire, à Maximilien-Emmanuel, du Solitarius loquens sive confe-
rentiae spirituales habitae a religiosis Carmelitis discalceatis in eremo S'« Jo-
seph in Marlaniae sylva prope Namurcum commorantibus. Liège, 4698, in-4»'
(2) Comptes de la ville de Namur, 1695.
( 172 )
Cependant le maréchal de Villeroi qui, pendant le siège,
s'était en vain efforcé de porter secours à la garnison, était
allé bombarder Bruxelles du 13 au lo août, et y avait
détruit 4,000 maisons. L'Électeur y courut aussitôt; par le
courage, la prudence et le dévouement dont il lit preuve
en celte douloureuse circonstance, il excita l'admiration
et la reconnaissance des bourgeois de Bruxelles; et lorsque
l'ennemi se retira, laissant le sol jonché de ruines, Maximi-
lien ne se contenta pas de diriger lui-même les travaux de
déblai et de reconstruction , il mit encore à contribution
ses États de Bavière pour aider à réparer le désastre (1).
La paix de Ryswick, signée le 20 septembre 1697 entre
la France, l'Angleterre, l'Espagne et les États généraux,
mettant fin aux hostilités, rendit momentanément le calme
à l'Europe; elle restituait à l'Espagne toutes les villes et
places dont Louis XIV s'était emparé dans les Pays-Bas
depuis le traité de Nimègue.
Charles II, voyant la tranquillité rétablie, institua par
testament, pour son héritier universel à tous les États de
la monarchie de l'Espagne et des Indes, le fils de Maximi-
lien-Emmanuel, le prince électoral Ferdinand-Léopold de
Bavière, né à Bruxelles le 27 octobre 1692. Cette mesure
fut en partie déterminée par le traité de partage conclu à
la Haye, le 11 octobre 1698, entre la France, la Grande-
Bretagne et la Hollande; ces puissances, grandement inté-
ressées à ce que les divers Étals qui avaient autrefois obéi
à Charles-Quint ne fussent plus réunis sous un même
(1) Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles, t. U, p. 130. Bulletins de la
Commission royale d'histoire, S^ série, t. VI, p. 73. — Le 9 juillet 1696, le roi
d'Angleterre, le duc de Bavière et son frère Joseph-Clément de Bavière, Électeur
de Cologne, prince-évèque de Liège, arrivèrent à Namur avec une suite nom-
breuse, visitèrent tous les ouvrages de la ville et du château, et retournèrent le
même jour à leur camp de Gembloux. (Galliot, t. V. p. 103.)
( 173 )
sceptre, se flattaient, en en concertant à Tavance le démem-
brement, d'avoir prévenu d'ardentes compétitions et affermi
pour longtemps le repos des nations. Mais un événement
inattendu vint confondre les prévisions de la prudence hu-
maine, en même temps qu'il brisait les espérances de
rÉIecteur : le jeune prince Ferdinand-Léopold mourut à
Bruxelles, d'une mort assez mystérieuse, le 6 février
1699(1). Ce malheur anéantissait les droits de la maison
de Bavière à la couronne d'Espagne, car, d'autre part,
Tarchiduchesse Marie-Antoinette était morte le Î24 dé-
cembre 1692 des suites de ses couches. Profondément
affecté, Maximilien-Emmanuel manifesta d'abord, sous
l'influence de ses premières impressions, l'intention de
renoncer au gouvernement des Pays-Bas. Cette faiblesse ne
dura toutefois qu'un moment ; ses aspirations ne firent que
changer de cours. Mais, à partir de cette époque, on con-
state dans le caractère de ce prince une transformation
étrange. Sa politique, jusqu'ici ferme et droite, devient in-
certaine et changeante. On se demande d'abord quels sont
les motifs qui le font agir, et l'on est bientôt obligé de
reconnaître que l'ambition a remplacé le désintéresse-
ment comme règle de sa conduite. Entraîné dans celte
voie trompeuse, il mène pendant dix ans une vie d'aven-
tures, et se voit enfin déçu dans ses espérances (2).
Charles H, survivant à son héritier, changea ses dispo-
(1) Voyez dans la Revue nationale de Belgique, t. XIII, p. i!29, un article de
M. Théod. Juste intitulé : Le gouverneur général des Paijs-Bas espagnols
MaxiviilieyiEinmnnuel, électeur de Bavière. — Voy. aussi les Mémoires du comte
de Mérode- W ester loo, t. I.
i%) iM. COREMANS, Bulletins de la Commission royale d'histoire, l^e sér., t. XI,
p. o89, tâche de justifier l'Électeur d'avoir abandonné le parti de l'Autriche pour
embrasser celui de la France.
(174)
sitions, et, par leslamenl du 2 octobre 1700, désigna
pour recueillir sa succession , Philippe duc d'Anjou, pelit-
lils de Louis XIV. A cette nouvelle, le roi de France refusa
de reconnaître les conventions de partage auxquelles il
avait pris part, et lorsque Charles H mourut le 1" no-
Yen)bre suivant, il se fit le champion des droits de son
petit-fils. Le duc d'Anjou fut déclaré roi d'Espagne le
24 du même mois à Madrid sous le nom de Philippe V.
Son inauguration comme comte de Namur eut lieu en
1702.
L'empereur Léopold, qui avait à défendre les droits de
sa maison à la succession espagnole, ne pouvait voir avec
indifférence la couronne de Philippe II passer à la maison
de Bourbon; il appréhendait, avec les autres États de
l'Europe, que Louis XIV ne préparât la réunion des mo-
narchies de France et d'Espagne. Les deux puissances
maritimes, poursuivant le but qu'elles croyaient avoir
atteint par le traité de 1698, mais qui leur échappait, se
rapprochèrent de l'Autriche et conclurent avec elle, le
7 septembre 1701, le traité de la grande alliance, par
lequel elles attribuaient l'Espagne et les Pays-Bas à l'ar-
chiduc Charles, fils cadet de l'empereur. Ce fut le signal
d'une guerre désastreuse pour la France qui allait essuyer
de cruelles défaites, et pour les Pays-Bas destinés à
devenir de nouveau le théâtre de la lutte formidable que la
succession d'Espagne suscita entre Louis XIV et Phi-
lippe V, d'une part, l'empereur d'Autriche soutenu par la
Hollande et l'Angleterre, d'autre part.
Dans cet immense conflit, Maximilien -Emmanuel se
vit obligé de choisir entre le parti de l'Autriche auquel il
était attaché par les liens du sang et de la reconnaissance,
et celui de la France qui faisait miroitera ses yeux l'appât
( 173 )
d'une couronne. La cour de Vienne n'aurait pas éprouvé
grande difficulté à s'assurer de lui si l'état délabré de ses
finances avait permis au trésor impérial de rembourser à
l'Électeur les sommes considérables avancées par lui dans
la guerre contre les Turcs; mais elle n'avait que les res-
sources de sa diplomatie, et celles-ci furent insuffisantes.
L'Électeur se jeta dans les bras de la France et fit fêter
splendidement à Bruxelles l'avènement de Philippe V
comme souverain des Pays-Bas (i).
Louis XIV, dont les ordres devaient être exécutés dans
notre pays comme s'ils émanaient de la cour de Madrid
même, lit aussitôt occuper par ses troupes, à titre d'auxi-
liaires, les places où les Hollandais tenaient garnison.
Cette opération se fil par surprise dans la nuit du 5 février
1701 , et le secret des mesures prises par le marquis de
Puységur, d'accord avec l'Électeur, fut si bien gardé, qu'à
Namur, où les Français entrèrent dans le châleau par la
Marlagne, on fut très-surpris, le matin du 6 février, de les
voir circuler dans les rues avant même d'avoir eu vent de
leur approche. La petite troupe hollandaise s'estima heu-
reuse de pouvoir sortir de la ville au lieu d'être faite pri-
sonnière de guerre (2).
(4; L'inauguration de ce prince comme duc de Lothier, de Brabant et de Lim-
bourg eut lieu à Bruxelles le 21 février 1702.
(2j Depuis l'avènement de l'Électeur à la souveraineté des Pays-Bas, les troupes
d'Espagne étaient à la solde de la France. {Résolutions du conseil d'État, etc.,
fol. 58.) L'évêque de Liège, frère de l'Électeur, ayant aussi pris parti pour le duc
d'Anjou, reçut également, malgré l'opposition du baron de Méan, grand doyen du
chapitre de Saint-Lambert, des Français dans ses places, sous le nom de troupes
du cercle de Bourgogne. (Bouille, Histoire de Liège, t. III, p. 5ii.) Ne se
croyant plus en sûreté dans sa ville de Bonn, ni même peut-être à Liège, il s'était
retiré à Namur où il logeait dans le palais du gouverneur absent, et où il tâchait
( 176 )
Les nécessités de la guerre exigeaient la présence de
l'électeur de Bavière dans ses États (fAllemagne qu'il
n'avait plus visités depuis neuf ans. L'intérêt de la France
s'accordait sur ce point avec celui de Maximilien, et
Louis XIV lui fit savoir de remettre le commandement
général des Pays-Bas au marquis de Bedmar. Toutefois,
avant de quitter la Belgique, Maximilien alla conclure à
Versailles, le 9 mars 1701 (l), un traité d'alliance offensive
et défensive par lequel il prenait envers la France l'enga-
gement de combattre tous ceux qui troubleraient Phi-
lippe V dans la possession de ses États. De son côté
Louis XIV, désireux de conserver un allié aussi puissant
que l'Électeur, lui promit la continuation de ses appointe-
ments de gouverneur général des Pays-Bas, et lui fit en-
tendre qu'il obtiendrait l'hérédité de ce gouvernement dans
sa famille.
Maximilien partit de Bruxelles le 25 mars 1701. Le
17 juin de l'année suivante, il recevait du roi de France la
garantie formelle que si, dans le cours de la guerre, il
était dépouillé de ses États de Bavière, Philippe V lui cé-
derait les Pays-Bas pour en jouir en toute souveraineté et
propriété jusqu'à ce qu'il eût intégralement récupéré ses
d'entretenir, par des fêtes, la popularité de son frère. Le 19 décembre 1702, les
Namurois lui donnent le divertissement d'une lutte; les lutteurs, représentant des
géants, étaient montés sur des échasses; ils étaient trente contre trente, les uns
habillés de rouge, les autres de blanc. Chaque parti avait ses trompettes et ses
tambours. Son Altesse leur donna cent ducatons. [Bulletins de la Commission
royale d'histoire, Irc série, t. XI, p. 58o.) M. Gachard [ibidem, 3t" série, VI, 98)
a publié une lettre curieuse sur les passe-temps de l'évèque de Liège pendant son
séjour à Dinant.
(l) Le 13 février 1701 , un traité semblable avait été conclu, à Bruxelles, entre
Louis XIV et l'évêquc de Liège.
( 177 )
domaines héréditaires. Par des articles secrets, signés le
7 novembre suivant, Louis XIV s'engageait en outre à ob-
tenir de son petit-fils la cession des Pays-Bas en faveur
de l'Électeur, avec faculté pour celui-ci de les unir à ses
États de Bavière ou de les ériger en royaume indépendant
pour son second fils (1).
Pendant que Maximilien guerroyait en Allemagne pour
le compte des rois de France et d'Espagne, Philippe V en-
voya, au mois de mai 1702, son frère, le duc de Bour-
gogne, avec le titre de vicaire général aux Pays-Bas, muni
par conséquent d'un pouvoir supérieur à celui de l'Électeur.
Celui-ci se plaignit aussitôt, et comme il menaçait de ne
pas signer l'accord du 17 juin 1702, la patente de vicaire
général fut retirée au duc de Bourgogne pour lui être con-
férée le 10 septembre 1702, le jour même où il s'emparait
de la ville d'Ulm (2).
Dans la lutte qui se poursuivait entre l'Empire et la
France (3), cette dernière puissance, à côté de quelques
(1) Gachard, Recueil des ordonnances des Pays-Bas autrichiens, 3^ série,
tome II, p. 429. Bulletins de la Commission royale d'histoire, 3^ série, t. VI,
pp.To, note, et 94. — Maximilien avait épousé en secondes noces une fille de Jean
Sobieski, roi de Pologne.
(2) Le 8 mai 1702, on arrêta à Namur quelques personnes impliquées dans une
conspiration qui avait pour but de faire proclamer dans cette ville l'archiduc
Charles, souverain des Pays-Bas, et d'y introduire des troupes ennemies. Leur chef
eut la tête tranchée le 12 août suivant sur la place Saint-Remy; cette tête resta
plantée au bout d'une pique sur un bastion du château jusqu'au 10 octobre.
[Bull, de la Comm.roy. d'hist.,\^^ série, t. XI, p. 579; Galliot, t. V, p. 106.) Les
alliés paraissaient toujours vouloir s'emparer de Namur par un coup de main.
Le 9 et le 13 avril 1704 furent pendus, hors la porte Saint- Nicolas, un capitaine et
deux hommes convaincus d'avoir voulu livrer la ville aux ennemis et incendier ICvS
magasins au moyen de fusées. [Bull, cité, p. 615..
(3) Le 12 septembre 1703, Charles VI, second fils de l'empereur Léopold, se fit
proclamer roiJd'Espagne à Vienne, sous le nom de Charles III.
2"^ SÉRIE, TOME XL. 12
( 178 )
brillantes victoires (i), éprouva de cruels revers (2). Le
13 août 1704, Mariborough, les princes Eugène de Savoie
et Louis de Bade mirent en déroute les troupes françaises
et bavaroises à Hochstedt; à la suite de ce désastre, Maxi-
milien-Emmanuel, forcé d'abandonner ses Étals, mis au
ban de l'Empire (5), vint reprendre le gouvernement des
(1) Le 8 juillet 1703, on chanta un Te Deum et on fit de grandes réjouissances
à Namur à l'occasion de la victoire remportée par l'armée des deux couronnes sur
celle des Hollandais à Eckeren. Le 6 octobre, après la défaite des Impériaux sur
le Danube, il y eut à Namur une fête splendide dont l'évéque de Liège fit tous les
frais. On éleva quatre arcs de triomphe en l'honneur des rois Louis XIV et Phi-
lippe V et des deux Électeurs, et on jeta au peuple une prodigieuse quantité de
médailles d'argent représentant les traits de Maximilien avec cette inscription :
Lœsœ (d'autres disent ultimus, ce qui détruit le chronogramme) LIbertatls ger-
ManlCœ Defensor, et où on lui donnait les titres de roi de Bohême, de Franconie
et de Souabe. [Bull, de la Comrn. roy. d'hist., d'e série, t. XI, p. 607.)
(2j Au mois de janvier 1704, le bruit courut que les Alliés se disposaient à
bombarder Namur où se trouvaient les principaux magasins des deux couronnes.
M. de Ximenès, qui commandait la ville, renforça sa garnison et déjoua les projets
de l'ennemi. Plus tard, le l^r mai, l'évéque de Liège y passa en revue neuf esca-
drons, et assista le soir à un banquet magnifique, donné en plein air, au son de la
musique et à la lumière des flambeaux. Cette fête, célébrée avec un éclat inouï,
ne fut terminée qu'à dix heures. {Bull, cité, p. 616.) Pendant que les Alliés bat-
taient les Français à Hochstedt, le comte de Nassau-Ouwerkerke, général des
troupes hollandaises dans les Pays-Bas, fit une expédition contre Namur. Ximenès
elle marquis de Bedmar prirent leurs dispositions pour soutenir le siège. L'ingé-
nieur de Trognée avait promis à Ouwerkerke de réduire Namur en cendres en
vingt-quatre heures. Il ouvrit le feu le 26 juillet à quatre heures du matin. Pen-
dant trois jours les Hollandais lancèrent des bombes et des boulets rouges sans
faire beaucoup de mal. Enfin, canonnés eux-mêmes par les batteries françaises, ils
quittèrent la place le 29 à la pointe du jour. « J'ai ouï dire à un officier hollandais,
dit un contemporain, que la question n'était pas encore bien décidée, à savoir si
les Hollandais avaient bombardé Namur, ou s'ils avaient estes eux-mêmes bom-
bardés devant Namur. » {Annales de la Soc. archéol. de Namur, t. II, p. 32o, et
t. V, p. 461 et suiv.)
(3) Après la bataille de Schellenberg (2 juillet 1704) , remportée par les Alliés,
et qui leur ouvrit la Bavière, le comte de Wratislaw, au nom de l'empereur,
avait entamé une négociation avec Maximilien pour l'engager à rompre son
alliance avec la France. L'Électeur était sur le point de souscrire à un arrangement,
lorsqu'il apprit que 30,000 hommes venaient à son secours. A la suite de la bataille
l 179 )
Pays-Bas. Il fit sa rentrée à Bruxelles le i" octobre (1).
Afin d'empêcher les alliés de transporter dans nos pro-
vinces leurs armes victorieuses en Allemagne, Louis XIV
y envoya, en 1705, le maréchal de Villeroi, pour servir
sous les ordres de l'Électeur (2). Le 23 mai 1706, jour de
Pentecôte, Mariborough les défit complètement près de
Ramillies, village sur les l'rontières de la province de Na-
mur, dans une bataille où Maximilien fit des prodiges de
valeur et révéla un véritable talent stratégique. Celte dé-
faite entraîna pour les deux couronnes la perte de presque
tous les Pays-Bas catholiques; les Alliés s'emparèrent du
Brabant et des Flandres, dont les Français évacuèrent
toutes les places, et où Charles III fut aussitôt reconnu
comme souverain. Les seules provinces qui restèrent au
pouvoir de Philippe V, furent celles de Namur et de
Luxembourg.
de Hochstedt, l'Électeur, obligé de quitter ses États, chargea, le 47 août, sa femme
du gouvernement, l'autorisant à traiter avec ses ennemis. L'Électrice capitula le
7 novembre, remit à l'empereur toutes ses places, avec artillerie et munitions , et
licencia son armée. (Schoell, Cours d'histoire des États européens, l. XXVIII,
pp. 348, 353.)
(1) Gachard, Rec. des ordoun. des Pays-Bas autrichiens , 3^ série, 1. 1, pré-
face, p. XLIX. Ce même jour les États de Namur envoient deux de leurs membres
à Bruxelles pour complimenter l'Électeur.
(2) Le 23 mai 170o, l'évéque de Liège arriva à Namur entre sept et huit heures
du soir pour assister le lendemain, dimanche, à la bénédiction de la chapelle de
Notre-Dame de Lorette qu'il avait fait ériger dans l'église des Croisiers. Il fut
reçu au bruit du canon et complimenté aux portes de la ville. Le 25, il alla
visiter ses troupes campées près du village de Wasseige, revint le soir à Namur,
et partit le lendemain pour Bruxelles. Le 28, son frère Maximilien-Emmanuel
arrive à son tour à Namur, inspecte les travaux du fort et se rend , le 29 , au camp
près de Huy. (Galliot, t. V, p. iiO.) Cette ville tomba, le 10 juin, au pouvoir de
l'Électeur et du maréchal de Villeroi, qui s'emparèrent ensuite de Liège. L'évéque
Joseph-Clément vint une dernière fois à Namur, le 18 mai 1706, arrivant de Dinant
avec un brillant cortège. 11 fit son entrée au bruit du canon, alla loger au gouver-
nement, et assista le soir au salut dans la chapelle qu'il avait fondée aux
Croisiers. [Ibid., p. 1 16.)
( 180 )
Obligé de quitter Bruxelles, Maximilien alla établir son
gouvernement à Mons, où il arriva le 19 octobre et où le
suivirent les plaisirs dont il aimait à s'entourer. Pendant
trois ans, la France parvint à l'y maintenir, ce qui ne lais-
sait pas que d'inquiéter la cour de Bruxelles : le 26 novem-
bre 1708 il alla même bombarder cette ville qu'il avait
autrefois tenté de proléger contre un pareil malheur. Mais
le 20 octobre 1709 les alliés s'emparèrent de Mons, et
Maximilien se retira en France; à partir de ce moment il
cessait réellement d'être gouverneur des Pays-Bas.
Cependant, depuis que Maximilien-Emmanuel avait été
dépouillé de ses États de Bavière par les alliés, il ne ces-
sait de réclamer la cession en sa faveur des Pays-Bas
comme cela lui avait été formellement promis par les rois
de France et d'Espagne (i).
Appuyé par la cour de Versailles, il éprouvait de la
résistance de la part de celle de Madrid qui ne pouvait se
décider à perdre une possession attachée depuis deux siè-
cles à l'Espagne. Le 26 mai 1711, l'Électeur eut une con-
férence intime avec Louis XIV (2), et ce fut sans doute à la
suite des promesses faites dans celte entrevue que le
grand roi obtint enfin le consentement verbal de son petit-
fds à céder à Maximilien la souveraineté de ce que l'Es-
(1) Le 17 avril 1711 , mourut sans postérité l'empereur Joseph I"", successeur
de Léopold, et Charles III succéda à son frère aîné sous le nom de Charles VI
Cet événement, qui allait rétablir la réunion de l'empire à la monarchie espa
gnole, vint déranger les calculs de la politique. L'Angleterre et la Hollande qui
jusque-là, avaient défendu les intérêts de Charles 111, brisèrent l'alliance de 1701
et la France, abattue par ses nombreux revers, se rapprocha de ces deux puis
sauces. Bientôt on convint de conférences el un congrès général entre toutes les
parties belligérantes fut convoqué à Utrecht pour le 1;2 janvier \H±
(2) Mémoires du duc de Saint-Simun, édit. de I8o7, t. VI, pp. 99, 101.
( 181 )
pagne possédait encore dans les Pays-Bas; il fut toutefois
convenu que les quatre places de Namur, Luxembourg,
Charleroi et Nieuport continueraient à être gardées par les
troupes françaises sous l'autorité de leurs chefs ; Maximi-
lien aurait seulement le droit de faire prêler serment aux
magistrats des villes et d'y percevoir les revenus (1).
C'est ainsi que de simple gouverneur de la ville et pro-
vince de Namur qu'il était auparavant, Maximilien-Emraa-
nuel en devint le véritable souverain.
II.
Le désir de remplir ses promesses ne fut pas le seul
motif qui détermina Philippe V à abandonner une partie
de ses États. On peut croire que la considération des
grands sacrilices imposés à l'Espagne pour défendre les
Pays-Bas contre la France, l'obligation d'en faire de plus
grands encore pour arracher aux alliés la partie envahie
de ces provinces, et enfin sa confiance dans la fidélité,
maintenant éprouvée, de l'Électeur, influèrent beaucoup
sur sa détermination.
Chose étrange cependant! Pas un document écrit ne
consacra, du moins immédiatement, une cession aussi
importante que celle de la souveraineté des Pays-Bas;
aucun acte solennel ne fut dressé; point de conditions,
point de réserves. On ignore même comment l'Électeur
fut informé qu'il venait de recevoir une couronne et au-
torisé à prendre possession de ses nouveaux États. Cette
(i) Gachard, Recueil des ordonn. des Pays-bas, 3^ série, t. II, p. 36o, note.
( 482 )
autorisation fut-elle verbale? Émana-t-elle de Louis XIV
ou de Philippe V? On ne le sait (1).
Quoi qu'il en soit, le bruit de la cession ne tarda pas à
parvenir à Namur. Il y excita d'autant plus d'intérêt que,
par suite de l'invasion étrangère, l'Électeur ne pouvak
faire reconnaître son autorité que dans cette province et
dans celle de Luxembourg, et que Maximilien comptait,
disait-on, établir le siège de son gouvernement à Namur.
Dès le 17 juin 1711 , les États, informés de cette déci-
sion, se préoccupent de l'installation du nouveau souve-
rain et ordonnent des changements et des réparations à
l'hôtel du roi « pour être terminés dans douze ou quinze
jours (2). » Le 2o, les députés des trois Ordres délibèrent
sur la réception à faire à l'Électeur. Il est probable que
l'opportunité d'une cérémonie y fut contestée, car dans
une seconde séance qui eut lieu l'après-midi du même
jour, il fut décidé que l'on attendrait, pour en discuter le
programme, une notification officielle de l'avènement
de Maximilien au trôiie des Pays-Bas; que, cependant,
les députés des deux premiers Ordres écriraient à leur
collègue , le marquis de Roisin , à Compiègne , pour
(1) On ne peut admettre, en effet, que Maximilien aurait pris possession des
Pays-Bas sur la simple parole donnée par Louis XIV, sans avoir obtenu le con-
sentement de la Gourde Madrid. (Voy. Louville, Mémoires secrets, t. II, et
l'Europ. Mercurius de 1711.)
(2) « Démolir entièrement un balcon regardant sur la cour, réparer un balcon
deseur la terrasse et, au-dessus, une belle balustrade peinturée à l'huile couleur
de perles; faire une muraille d'alignement à l'angle de la brasserie des religieuses
jusqu'à la tour du Gouvernement; établir des potagers à gauche de la cheminée;
item, 4o0 pieds de joniiers, etc. » [Comptes du domaine, 1711, fol. 271.) Pendant
douze jours, une vingtaine de femmes allemandes, payées à raison de 10 sois par
jour, et six soldats, recevant do sols par jour, sont employés à mettre l'hôtel en
état; les soldats notamment « dérodent les herbes du pavé de la Cour depuis l'en-
trée jusqu'au donjon. » [Ibid., fol. 227 v», 278.)
( 183)
le prier de les informer si Son Altesse Électorale vien-
drait bientôt à Nainur prendre possession de sa souverai-
neté « comme le bruit en courait » (1). Ce fut sans doute
pour répondre à celte lettre, que l'Électeur envoya une
dépêche au comte de Saillant, lieutenant général des
armées de S. M. T. C. et commandant les troupes des deux
couronnes à Namur, par laquelle il l'informait que S. M. C.
lui avait fait cession des Pays-Bas, et qu'il arriverait à
Namur le 6 juillet, vers les 4 heures de l'après-midi; il
exprimait le désir de n'être l'objet d'aucune cérémonie à
son entrée dans IVamur : l'évêque et son clergé l'introdui-
raient dans la cathédrale Saint-Aubain, oij il se rendrait
directement; après le Te Dennij il recevrait à la Cour les
compliments des corps politiques et judiciaires de la ville.
Une lettre à peu près pareille fut adresée à l'évêque; les
autres autorités furent averties verbalement.
Cette prise de possession d'un État non moins indépen-
dant qu'un royaume était bien modeste pour un homme
aussi ami du faste et du cérémonial que l'Électeur. Se trou-
vait-il gêné de ne pas présenter ses lettres de souverai-
neté sans lesquelles, suivant le droit constitutionnel, on
n'était pas obligé de le reconnaître? Il pouvait ignorer, en
effet, dans quelles dispositions on se trouvait à son égard à
Namur; d'autre part, l'entrée en jouissance sans acte de
fîession régulière était chose au moins singulière. Sans
doute il restait là encore certains obstacles à vaincre ou
certains scrupules à surmonter. Quoi qu'il en soit, il faut
avouer que l'absence de titre authentique était de. nature
à rendre la position de l'Électeur assez délicate.
d] Registres des Èiats, n» IX, fol. 168, et n° XXXV, fol. 85.
( i84 )
Cependant on faisait des préparatifs à Namur pour le
recevoir. Dix jours durant, toute une légion d'ouvriers fut
employée jour et nuit à mettre dans un état convenable les
appartements qui lui étaient destinés à la Cour. Ce qu'on
désignait alors sous ce nom, demeure ordinaire des gou-
verneurs de Namur, était un groupe de bâtiments très-
considérable, avec des cours immenses, plusieurs magnifir
ques jardins d'agrément ornés de fontaines, des potagers
et des dépendances dont l'ensemble formait une résidence
véritablement royale (i).
Le 6 juillet, jour fixé par Maximilien pour faire son
entrée, son frère Joseph-Clément de Bavière, électeur de
Cologne, prince-évêque de Liège, arriva à Namur vers
3 heures, avec une suite nombreuse (2). L'évêque et son
clergé, la noblesse, les corps du conseil provincial et du
magistrat, exacts au rendez-vous qui leur avait été donné,
se trouvaient à Saint-Aubain à 4 heures. Ce ne fut toute-
fois qu'à iO 72 heures que Maximilien entra dans Namur
par la porte de Buley, au bruit de tous les canons des rem-
parts de la ville et du château, mais au milieu d'une ob-
scurité profonde, car le magistrat et les habitants, croyant
qu'il arriverait en plein jour, n'avaient pas fait de prépara-
tifs pour illuminer les maisons sur son passage. L'Électeur
alla directement à la cathédrale, s'agenouillla quelques
moments sur un prie-Dieu disposé à la porte, et fut en-
suite introduit par l'évêque dans l'église pour assister au
(i) Il existe deux plans manuscrits de l'ancien hôtel des gouverneurs, avec
légendes explicatives, l'un aux archives de l'État, l'autre au musée de la Société
archéologique. On conserve aussi dans ce dernier dépôt deux petites gravures re-
présentant la vue des bâtiments.
(2) On lui présenta les grands vins à son arrivée, et il prit son logement à l'hôtel
du marquis d'Aiseau, habité, au temps de Galliot. par M">e de Bioux.
( 185 )
Te Deum, qui fut chanté en présence d'une foule nom-
breuse que la curiosité avait tenue sur pied.
Après la cérémonie, et pendant que des flambeaux brû-
laient en signe de réjouissance devant les maisons des
corps exempts (1), Maximilien reçut dans ses appartements
les supérieurs des ordres religieux, la noblesse, le Conseil
provincial et le Magistrat, qui le félicitèrent sur son heu-
reuse arrivée à Namur ; mais personne ne fit allusion à la
souveraineté des Pays-Bas dont on n'avait été informé ni
par écrit ni d'aucune manière officielle. Ce silence frappa
sans doute l'Électeur qui, après avoir reçu ces hommages,
déclara aux personnes présentes que le roi d'Espagne lui
avait fait cession absolue des Pays-Bas. Les États, ayant
délibéré le lendemain dans le lieu de leurs réunions, se dé-
cidèrent à aller faire à Maximilien un second compliment
sur cette souveraineté; les corps du Conseil et du Magis-
trat s'en abstinrent.
Deux jours après, 8 juillet, la ville présenta aux deux
princes-électeurs, devenus souverains de deux États voi-
sins, le spectacle d'un combat d'échasses. Ce divertissement
populaire et si éminemment namurois, se donnait d'ordi-
naire sur la place Saint-Remy; il eut lieu cette fois dans
l'enceinte même du palais (2). Le 1 1 , jour anniversaire de la
naissance de Maximilien, le prince entendit la messe chan-
tée par son frère dans l'église des Croisiers, puis assista,
dans l'après-midi , avec toutes les personnes de sa cour et
de celle du prince-évèque de Liège, à une nouvelle fête
(1) « Au lieu de tonnes lerquées qu'il était d'usage de brûler devant les mai-
sons des corps exempts dans les réjouissances publiques. » [Recez du magistrat
de Natnur.)
(2) Jules Borgnet. Recherches sur les anciennes fêtes namuroises, dans les
Mémoires in-4° de l'Académie, t. XXVIl.
( 186 )
tjui lui fut offerte par le Magistrat de la ville, consistant
en une joute sur la Basse-Sambre (1), près du contluent
de cette rivière et de la Meuse. Un pont de bateaux, garni
sur toute sa longueur de guirlandes de fleurs et de mais de
verdure, ayant son point de départ à VAplé (ancien marché
au poisson) et passant sous la seconde arche du pont de
Sambre, conduisit les illustres personnages à une estrade
élevée sur deux bateaux amarrés près du grand moulin;
une sorte de cabine, dont la charpente était dissimulée
sous des branchages, des bannières et des fleurs, reçut
la foule des seigneurs et des dames de distinction qui
faisaient partie de leur suite.
Après avoir assisté à ce jeu qui, six ans plus tard, devait
intéresser si vivement le czar Pierre le Grand, les deux
princes furent encore conviés à un autre spectacle.
Les bateaux qui avaient servi de pont ayant été enlevés,
ceux qui portaient Teslrade descendirent la Sambre et arri-
vèrent sur la Meuse en face des Récollets (aujourd'hui hos-
pice d'Harscamp) où un feu d'artifice fut tiré au bruit des
canons du rempart. A dix heures, les princes et leur suite
descendirent de bateau en Gravière, où les attendaient les
(1) « Deux escadres, composées chacune de six nacelles ornées de banderolles
et portant des couleurs différentes, se rangeaient aux deux extrémités du bassin
ou de la basse Sambre. Chaque nacelle était montée par six hommes , savoir :
quatre rameurs, un tambour et le jouteur. Ce dernier, entièrement vêtu de toile
bleue, avait des nœuds de rubans rouges aux genoux, aux poignets, aux coudes et
aux épaules, et portait un bonnet blanc orné d'une cocarde rouge. Debout sur une
espèce de tillac, il avait pour armes défensive et offensive, un plastron d'osier qui
lui couvrait la poitrine, et une longue lance dont le fer était remplacé par un
bouton plat. Au signal donné par trois fanfares de timbales et de trompettes, les
deux escadres s'avançaient l'une contre l'autre de toute la vitesse des rames et,
au moment où elles venaient à se choquer, le jouteur de chaque nacelle s'effor-
çait, à l'aide de sa lance, de culbuter dans l'eau le champion qui lui était opposé.
{Ibidem.) \ ^
(187)
carrosses de la cour, et retournèrenl au palais par le mar-
ché de Saint-Remy et la rue de la Croix; sur leur passage,
les maisons étaient illuminées, sfiivant l'usage, par des
chandelles placées à toutes les fenêtres et par un grand
nombre de flambeaux distribués , aux frais de la ville , aux
membres des corps privilégiés.
Le lendemain, 12 juillet, dans la matinée, le Conseil
provincial et le Magistrat, qui s'étaient abstenus de compli-
menter l'Électeur au sujet de son avènement au royaume
des Pays-Bas, reçurent chacun une lettre par laquelle
Maximilien leur notifiait officiellement que le roi d'Espagne
lui avait cédé ces provinces, et leur ordonnait de le recon-
naître comme souverain: le prince ajoutait qu'il comptait
sur leur fidélité, leur zèle et leur attachement à sa per-
sonne, les assurant, en retour, de la bienveillance et de l'af-
fection a auxquelles ont droit tous bons sujets. » Il les
informait en outre qu'il avait choisi Namur comme lieu
de sa résidence, et qu'il y avait établi un conseil d'État
auquel ils auraient à s'adresser pour tout ce qui concernait
son service et le bien de son peuple. Aussitôt après la ré-
ception de cette missive, datée de Namur le 11 juillet 17H,
les corps du Conseil et du Magistrat s'empressèrent de se
rendre à la Cour pour présenter leurs félicitations à leur
nouveau maître.
Maximilien-Emmanuel avait en eff'et créé un conseil
d'État à Namur. Mais comment? On ne trouve à ce sujet
aucune trace d'une ordonnance quelconque; si un décret
fut rédigé, on doit croire qu'il ne fut pas communiqué aux
corps existants, qui n'auraient pas manqué de le faire
inscrire dans les registres de leurs archives. Selon toute
probabilité, l'Électeur crut que sa lettre du 11 juillet était
une communication suffisante.
( 188 )
Ce qui paraît certain, c'est que le conseil d'État fut
réuni pour la première fois le 10 juillet. A cette séance, le
marquis de Roisin prit possession de la charge de conseil-
ler, et Gilles André Lamblel de celle de secrétaire; ils prê-
tèrent serment entre les mains du baron de Zint « comme
le plus ancien conseiller. » Le baron de Groesbeek fut
installé le lendemain en qualité de conseiller. Le registre
du Conseil et les comptes du domaine ne nous fournissent
pas d'autres noms de personnages ayant fait partie du con-
seil d'État, et l'on peut croire qu'il n'y en eut pas davan-
tage. Leurs appointements, qui devaient prendre cours à
partir du 1" juillet 1711, furent fixés à 6,000 florins
pour les conseillers, et à 2,000 pour le secrétaire; deux
huissiers, aux gages de 500 florins, étaient attachés à ce
corps.
Le 11 juillet, le conseil d'État dépêcha aux gouverneurs
et aux commandants des places cédées par le roi d'Espagne,
aux corps politiques de Namur et de Luxembourg, etc.,
quatorze lettres semblables à celles qui parvinrent au Con-
seil provincial et au Magistrat de Namur; puis il demanda
à ce dernier corps quelles étaient les raisons sur lesquelles
on s'appuyait pour demander l'abrogation du placard du
22 avril précédent, publié par Philippe V sur le cours des
monnaies; ce fut la première aff"aire administrative sou-
mise à l'examen du conseil (1).
Le 13, Maximilien partit pour Luxembourg où il fut
inauguré solennellement le 18. Au moment de partir, il
(ij Le 13, à huit heures du matin, le Conseil reçut le serment de fidélité du
comte de Varo, commandant de Charleroy, et de N. de Zweveghem, lieutenant-gou-
verneur des ville, château et province de Namur. (Registre aux résolutions du
conseil d'État de l'Électeur de Bavière à Namur, 10 juillet 1711 au 29 novem-
bre 1714. Reg. de 462 feuillets, aux archives générales du royaume, à Bruxelles.)
( 189)
se lit délivrer à Namur une somme de 25,000 florins des-
tinée à subvenir aux frais de son voyage et aux largesses
qu'il comptait faire à Luxembourg (i).
Pendant l'absence de Maximilien, et cette fois sur ses
ordres, pour donner satisfaction à ses goûts de luxe, on
fit d'importants travaux à son palais; on remarque, notam-
ment, qu'il fit construire une chapelle vis-à-vis de son
cabinet , et démolir une partie des anciens remparts de la
ville dont l'emplacement agrandit les jardins de l'hôtel (2).
A la même époque, le Magistrat recueillit diverses
plaintes l'accusant de n'avoir pas fait à l'Électeur une
réception aussi brillante que celle dont le souverain avait
été l'objet à Luxembourg. ïl voulut réparer cette négli-
gence au retour du prince et fit faire en conséquence des
préparatifs considérables. Mais, tandis qu'on y travaillait,
le Magistrat reçut une lettre par laquelle le conseil d'État
l'informait que S. A. S. E. ne voulait « absolument pas la
D moindre réception, la chose n'estant plus de saison
» puisque Elle a déjà fait son entrée dans cette ville;
» S. A. S. E. ne voulant plus aucune démonstration de
» joie et de libéralité à cette occasion de son avènement
(1) « s. A. S. E. à son avènement à la souveraineté de ces pays, passant par
cette ville pour aller en celle de Luxembourg, trouva la caisse du compteur
épuisée par les assignations du comte de Bergeyck; et souhaitant cependant
d'avoir de l'argent pour ledit voyage de Luxembourg et autres fraix, le compteur
nous at affirmé par serment d'avoir alors fourni à S. A. la somme de 23,000 florins,
laquelle il avait levé ici à fraix. » (Comptes du domaine, 1714, fol. 227 v.)
(2) « Construction d'une muraille, depuis l'angle du bâtiment de la Cour jusqu'à
celle du cabinet sur la rue ; démolition du vieux rempart depuis le jardin du doyen
de Saint-Aubain jusqu'au cabinet qui est au bout de celui du chanoine Godinne. »
Le 21 juillet, on repave à neuf la place d'entrée de la Cour, on pose des bailles
tout du long. Le 4 août on perce une porte spéciale pour l'entrée du méde';ia de
S.-A., etc. [Ibid., 171 1, fol. 271 v» et suiv.)
( 190 )
» à la souveraineté des Pays-Bas, qu'à son temps, et lors-
» qu'elle convoquera les États pour se faire prester les
» serments accoustumez par eux, par le Conseil et par le
» Magistrat. »
Pendant les mois d'août et de septembre TÉlecteur n'eut
pas de résidence fixe : il courait de Namur à Luxembourg
et de Luxembourg à Namur. Par ordonnance du H août,
donnée dans cette dernière ville, il notifla aux conseils de
justice de ses États « rétablissement du Conseil de ses
j> domaines et finances, leur ordonnant d'en donner con-
» naissance, à leur tour, dans toutes les villes et villages
D de leur juridiction (1). » On ne trouve pas plus pour ce
Conseil que pour le conseil d'État de document officiel
d'institution. Les comptes du domaine ne nous font con-
naître, comme membres de ce conseil, que Barthélémy
Thiéry, qualifié « receveur général de Son Altesse, »
Nicolas Pasquet, greffier, et deux huissiers.
Maximilien ne revint définitivement fixer sa résidence
et sa chancellerie à Namur que le 13 octobre. On aura
une idée de l'énorme bagage qu'il traînait après lui lors-
qu'on saura que, pendant quatre jours, six « porteurs aux
sacs i> furent employés à transporter des caisses du rez-
de-chaussée aux greniers du palais. La présence du sou-
verain donna une nouvelle impulsion aux travaux de res-
tauration du palais. Le nombre des états fournis par les
peintres, les sculpteurs, les tailleurs de pierre, les ma-
çons, les vitriers et surtout les menuisiers, est énorme,
et la somme totale des dépenses s'élève à plus de 45,000
(i) Le conseil fonctionnait probablement depuis quelque temps. Ce fut sur sa
requête qu'on résolut « d'écrire lettres d'advertence que ledit Conseil était établi
à Namur. » (Résoluiioiis du conseil d'État, etc., p. 25.)
( 191 )
florins (1). Parmi ces mémoires on remarque des ouvrages
de sculpture fournis par GodelVoid Simon et Meurice
Lejeune, et des tableaux livrés par le peintre Juppin;
d'autres toiles représentant, pour la plupart, des portraits,
lurent apportées de l'étranger (2).
Tandis que ces travaux s'exécutaient, Maximilien posait
dans ses nouveaux domaines tous les actes attributifs de
la souveraineté et faisait, notamment, battre monnaie à
son nom et à ses armes (3). Il semble étrange que ce mode
de prise de possession n'ait soulevé aucune réclamation de
la part des Étals, car évidemment le procédé avait quelque
chose d'insolite. Toutefois rien de semblable ne se pro-
duisit, et le pays accepta son nouveau maître avec la même
docilité que si les choses s'étaient passées de la manière la
plus régulière, et que si, relevés de leur serment de fidé-
lité envers Philippe V, les Namurois et l'Électeur se fussent
(r, Quatre femmes allemandes travaillent pendant cinquante-six jours à coudre
des lapissories et des rideaux dans la grande galerie; des soldats bavarois cousent
également des tapisseries et des chaises. D'autres distribuent dans les jardins
« quarante beignons de grève, de cendre de cuivre, de cendres de briques. » D'au-
tres encore arrangent, avec de la terre glaise, l'allée du jeu de passe, qu'ils bar-
bouillent ensuite, couvrent le jeu de courte-maille, réparent le jeu de boules. On
construit de nouvelles écuries pour les carrosses, etc., etc. Le peintre Juppin
fournit des peintures pour 76 florins 16 sols. [Comptes du domaine, 1711, fol. 286,
287 et suiv.)
(2) « Pour voilure d'une caisse avec des portraits pour la cour de S.- A. »
llbidem, f". 280.) Dans cette caisse se trouvait sans doute le portrait de l'Électeur
auquel il est fait allusion dans ce compte : « 960 florins payés au S»" Vuvenne (?),
peintre de S. A. S. E, à Paris, pour le portrait de S.- A. [Ibidem, 1712, fol. 233 yo.)
(3) 11 fit frapper à Namur des escalins et des demi-escalins, où il se titrait
duc de Bourgogne, de Brabant, de Luxembourg, de Limbourg, de Gueldre,
comte de Flandre, Hainaut et Namur. En 1713 il fit forger des écus, des demi-
écus et des quarts d'écus. Ce furent les dernières monnaies frappées à Kamur.
(Chalon, Les monnaies des comtes de Namur ; Pinchart , notice dans la Revue
de la numismatique belge.)
( 192 )
engagés par les liens légaux et réciproques qui unissent un
peuple et son souverain.
Au reste, Maximilien ne donna pas à ses sujets le temps
de s'interroger beaucoup sur l'origine de son autorité, et
ses actes furent de nature à caresser toutes les espérances.
Faisant, d'un côté, de grandes dépenses, ce qui plaisait
beaucoup au peuple, il apportait, d'autre part, daais l'ad-
ministration du pays, l'activité, l'esprit d'ordre et de mé-
thode qu'il avait déployés comme gouverneur des Pays-
Bas. Il promulgua plusieurs ordonnances et prit un grand
nombre de sages mesures relatives, notamment, au cours
des monnaies (l),aux métiers, aux compagnies militaires,
à la police (2), à la gestion des finances et à la magistrature
communale, où il supprima l'usage d'engager les places
d'échevins, contrairement aux lois constitutionnelles de la
ville, prescrivant que ces fonctions fussent annuelles (3).
(-1) Le registre aux Résolutions du magistrat contient un grand nombre de
pièces « sur la prodigieuse quantité de liards qui circulent dans cette ville et pro-
vince et qui s'augmentent tous les jours par la nouvelle fabrique que les mon-
nayeurs y establis y exercent clandestinement et de nuit, et malgré les réitérées
défenses. » Février 1713.
(2) Maximilien défendit les privilèges des arquebusiers et des escrimeurs contre
les entreprises du magistrat. (Voy Borgnet, Hist. des compagnies militaires de
Namur, pp. 50, b9, 61.) Quant à la police, nous remarquons notamment cette réso-
lution : 8 novembre 17 13. « S.-A. autorise le Magistrat de Namur. sur l'avis de son
conseil d'État, de faire saisir les étrangers qui sont venus s'établir en ville, faisant
profession de tenir chez eux des tilles de médiocre vertu, au grand scandale de
leurs voisins et du public, et de les faire chasser honteusement de la ville au
son du tambour. » [Résoluiinns du magistrat, fol. 131 v».)
(3) Par suite de l'acquisition des fonctions échevinales au moyen d'engagères,
les échevins étaient devenus inamovibles. L'Électeur, décidé à supprimer cet
abus , écrivit le 29 novembre au magistrat : u S. A. S. E. n'ayant pas encore pris
résolution sur le renouvellement ou continuation de la magistrature de la ville de
Namur, a, par avis et à la délibération de son conseil d'État, deffendu comme elle
deffend par cette à tous ceux qui composent présentement ladite magistrature, de
se rendre demain, jour de S'- André, à la chapelle de N-.-D. des Grâces dans
( 193)
(1 laissa en charge les anciens ofticiers et respecta les
institutions qui fonctionnaient à son arrivée : le Con-
seil provincial, le Souverain bailliage, les États; ces
corps, en effet, continuent à siéger et l'on ne constate
aucune interruption dans les registres de leurs archives.
La nouvelle forme de gouvernement que Maximilien éta-
blit pour l'administration publique et financière de la
partie des Pays-Bas qni reconnaissait son autorité, se
borna donc à l'organisation des conseils d'État et des
finances.
D'un autre côté, Maximilien ne négligeait pas les fêtes;
les plaisirs, le faste, les divertissements de toute espèce
étaient pour lui une sorte de besoin. Un de ses premiers
soins fut de faire jouer la comédie à Namur. Les rhétori-
ciens amateurs de la ville, qui jusque-là avaient eu seuls
le privilège de représenter des moralités à la grande joie
de leurs concitoyens, se virent supplantés par des étran-
gers. Et comme il n'y avait pas alors à Namur de salle de
spectacle, on arrangea à cette fin l'École dominicale, non
sans observations de la part des directeurs de cet établis-
sement sur l'inconvenance qu'il y avait de faire servir à un
usage aussi profane une fondation pieuse. L'appropriation
de celte salle coûta près de 6,000 florins; on y travaillait
l'église des PP. Récollets, pour y faire les cérémonies accoutumées à pareil jour,
jusques à ce que S.-A. S.-E. en ayt disposé autrement. Donné en nostre ville de
Namur, le 29 du mois de novembre 1711. » {Résolutions du magistrat.) Une
ordonnance du o mai 1712 , rétablit les fonctions échevinales annuelles comme
auparavant. Cet édit, de même que tous les autres rendus par Maximilien, se
trouve dans le Recueil des ordonnances des Pays Bas autrichiens, publié par
M. Gachard, 8e série, t. II.
2""^ SÉRIE, TOIklE XL. \o
( 194 )
encore en 1712 (1). Aux mois de janvier et de mars
1712, rÉlecteur ût donner aux comédiens 1,800 livres
de France, puis 7,000 livres pour venir jouer devant lui,
à Namur, pendant le reste de Tannée théâtrale, depuis le
15 novembre 1711 jusqu'au carême 1712, « plus encore
D 2,000 livres que S. A. leur a suppléées au défaut de ce
» que la garnison a fait difficulté de s'abonner. » Mais
bientôt il eut une troupe de comédiens attachés à sa per-
sonne. Par ordonnance du 6 juillet 1712, il leur donna un
traitement de 12,000 livres par an, a à tirer hors des
» revenus de ce pays. » Ils furent en oulre logés, aux
frais de l'État, dans une maison qui avait été précédem-
ment mise, par les Jésuites, à la disposition d'une femme
nommée Marie Du Pont, pour apprendre à lire aux en-
fants (2).
Les registres de la commune font mention d'une fête
donnée à l'Électeur le 1 7 novembre 171 1 , on ne sait à quelle
occasion, et qui consistait en un feu d'artifice tiré sur la
place Sainl-Remi. Il y assista du balcon d'une maison qui,
en 1789, fut occupée par la Société patriotique. On lui
offrit ensuite un repas magnifique où il fut servi par les
principaux bourgeois de la ville. Ces fêles, données et
(1) Les directeurs de l'École dominicale ajoutaient que les rues, étant si étroites
qu'un carosse pouvait k peine y passer, on ne pourrait éviter des malheurs. Le
19 juillet, le conseil d'État pensa un instant à la halle au blé, mais il revint ensuite
à son premier projet. L'entrée des voitures fut ménagée dans les allées des mai-
sons des avocats Douchamps et Beaujoz, situées vis-à-vis du collège des Jésuites,
et qui par derrière touchaient à la salle de l'École dominicale. (Résolutions du
conseil d'État, etc., fol. 46.) Cfr. Vander Straeten, Hist. de la musique aux
Pays-Bas, 1. 111.
(2) « 40 florins à Marie du Pont pour dédommagement d'avoir dû déloger d'une
petite maison que les PP. Jésuites lui avaient laissé suivre pour enseigner les
enfants, pour être occupée par les comédiens. [Comptes du domaine, 1711,
fol. 240, 242 V».)
( 193)
rendues, ravissaient les Namurois qui y trouvaient à la
Ibis leur profit, leur délassement et la satisfaction de leur
amour-propre : c'est ce qui (it dire plus tard à l'historien
Galliot, que iMaximilien, a grand et généreux, menait les
» plaisirs dans tous les lieux où il se trouvait , de sorte
» qu'il fit de la ville de Namur un des plus agréables
» séjours de l'Europe. » Toujours entouré de pompe et
de magnificence, il avait, comme les véritables souverains,
de nombreux officiers de cour, un héraut et roi d'armes,
nommé Constantin Bouhellier de Beaulieu, et il ne sor-
tait jamais sans être brillamment escorté par les officiers
de ses gardes; il entretenait à grands frais auprès de
sa personne une compagnie de hallebardiers de la garde
de S. A., une autre d'archers à cheval, gardes du corps de
S. A., et un régiment de gardes à pied, bombardiers et
maîtres des artifices de S. A. Il continuait à faire de la
dépense pour l'entretien et l'ornementation de sa rési-
dence, notamment pour les jardins où il fit établir des jets
d'eau, des pavillons, des charmilles, et où il faisait cultiver
des plantes rares achetées à l'étranger (i).
Depuis près de six moisMaximilien exerçait son autorité
souveraine à Namur et à Luxembourg sur la simple noti-
fication faite par lui aux États et aux Conseils de justice de
ces provinces qu'il en avait été investi par le roi d'Espagne.
;i) Réparation d'un jet d'eau du jardin pour 3,610 fl.; établissement d'un pa-
villon pour oOO fl.; plantation de 680 pieds de charmille pour d,o67 fl.; achat de
cent plantes de zifs; item, d'oignons de tulipes et d'autres fleurs, chez Ancillon,
à Bruxelles, pour 291 fl. [Comptes du domaine, -1712 et 1713, fol. 260 v», 262,
289 v°, 29o \o.) Ma.ximilien se plaisait à encourager l'horticulture et, pendant qu'il
était gouverneur général aux Pays-Bas, il était le chef-prévôt delà corporation des
fleuristes de la paroisse de la Chapelle, à Bruxelles. En 1706 il assista à la fête
des fleuristes, qui se célébra le jour de S'<^- Dorothée, à Bruxelles. [Bull, de la
Comm. roy. d'hist., I« série, t. XI, pp. 624, 630.)
( i9.6 )
Le diplôme d'investiture n'existait pas encore. L'intention
de Philippe V et de Louis XIV, en cédant les Pays-Bas
à l'Électeur, n'était pas d'ériger ces provinces en royaume
définitif et indépendant; ils n'avaient en vue que de con-
stituer à l'électeur un titre efficace pour récupérer ses
états héréditaires d'Allemagne , perdus à leur service. Telle
est, sans doute, la cause du retard apporté à la rédaction
ou à la publication de l'acte qui manquait à l'Électeur. En
effet, aussitôt qu'il fut question d'un accord entre les
puissances belligérantes et que la paix put être consi-
dérée comme certaine dans un avenir plus ou moins rap-
proché, l'acte de cession fut signé. Tandis que les pléni-
potentiaires de la France et des alliés assistaient au
congrès ouvert à Utrecht le 29 janvier 1712, ceux du roi
Philippe attendaient à Paris que la monarchie d'Espagne
eût été adjugée à leur maître, pour les rejoindre et pro-
duire un acte dont ils étaient porteurs, daté du 2 janvier
1712, et en vertu duquel Philippe V cédait, de la manière
la plus formelle, les Pays-Bas à l'électeur de Bavière (1).
Le roi y déclarait ne pas vouloir différer plus longtemps
l'accomplissement de la promesse que Louis XIV, son
aïeul, avait faite, en son nom, a au sérénissime prince
Maximilien-Emmanuel, duc-élecleur de Bavière, son bon
frère, cousin et oncle, vicaire général des Pays-Bas, par-
ticulièrement le 7 novembre 1702, touchant la donation
des Pays-Bas; qu'ayant égard aux liens étroits du sang et
(4) « La restitution de la Bavière à l'Électeur fut décidée dès la première confé-
rence. Comme c'était le moyen le plus sûr de faire rendre à ce prince par voie
d'échange les Étals dont il avait été dépouillé, il ne se contenta pas d'en avoir
pris possession l'année avant, il voulut encore s'en faire reconnaître souverain
avec les cérémonies accoutumées d^Van looy, Histoire métallique des Pays-Bas,
t. V, p. 209.)
( 197 )
d'amilié et aux relevés mérites et services qui se rencon-
trent en sa personne, et à la singulière affection, vigilance
et prudence avec lesquelles il les avait régis en son nom,»
il lui cédait, pour lui et ses successeurs mâles et légitimes,
irrévocablement et à toujours, en pleines propriété et sou-
veraineté, les Pays-Bas tels qu'il les possédait à la même
date du 7 novembre 4702, alin que ledit duc et ses suc-
cesseurs en ligne masculine les tinssent et possédassent
en qualité de princes propriétaires et souverains; il ajou-
tait, comme condition, que ces princes devaient vivre et
mourir dans la foi catholique, et conserver aux provinces,
villes et communautés des Pays-Bas, leurs privilèges, insti-
tutions, offices et dignitaires.
Ce document officiel , qui conférait légalement et légi-
timement la souveraineté des Pays-Bas à Maximilien-
Emmanuel, ne lui donna pas, en fait, plus d'autorité ni
une juridiction plus étendue que précédemment : sauf
celles de Namur et de Luxembourg, les provinces des
Pays-Bas étaient toujours au pouvoir des alliés.
On ignore au juste à quel moment l'Électeur fut mis en
possession de ce titre. Ce qui est certain , c'est qu'on en
connaissait l'existence dans le public avant le o mars. Ce
jour-là, en effet, les députés des trois membres des
États de Namur prirent connaissance d'un compliment
composé par le pensionnaire de la ville pour être lu ou
envoyé à Maximilien. Dans une réunion du A avril , ils
décidèrent de ne pas faire graver de médailles à l'occasion
de son avènement; mais, le A mai, ils revinrent sur cette
décision, et résolurent de faire frapper des jetons en or.
Le 2S avril et le 2 mai ils s'étaient occupés des formalités
à observer au jour de l'inauguration, du modèle d'un dais
pour conduire S. A. depuis la Cour jusqu'à Saint-Aubain,
( 198;
et d'autres détails pour la cérémonie. On était absorbé par
ces préparatifs lorsque l'Électeur communiqua aux États
un extrait de l'acte de cession , accompagné d'une lettre en
date du 7 mai, ainsi conçue :
« A révérends pères en Dieu, vénérables, chers et
» féaux, chers et bien amez les prélats, nobles et dé-
» puttez des États de nostre pays et comté de Namur,
» représentant les trois Étals du pays.
» Sa Majesté Catholique nous ayant fait la cession des
» Pays-Bas, nous vous faisons cette pour vous dire que
» nous avons fixé le jour de nostre inauguration au 17 de
» ce mois, pour faire et recevoir le serment que les princes
» souverains desdils Pays-Bas sont accouslumez de faire
» et recevoir en ce pays et comté de Namur, et que nous
» avons escrit en cette conformité à nostre cher et bien
> amé Pierre Simon du Cellier de Wallincourt, lieutenant-
» gouverneur de nostre ville, château et province de
» Namur, vous requérant de l'ouïr et croire ce qu'il vous
i> dira sur cette matière, dans l'assemblée que vous tien-
D drez à cet effect le 16 de ce dit mois. Attant, révérends
p pères en Dieu , vénérables, nobles, chers et féaux et
» bien amez , Dieu vous ayt en sa saincte garde. Namur,
» le 7 de may 1712(1). d
Dans leur séance du 12 mai, les députés des États déli-
bérèrent sur le rang à observer le jour de la cérémonie;
à ce propos surgit un conflit de préséance entre les dé-
putés et le sieur du Cellier qui prétendait marcher en tète
des trois Ordres en sa qualité de lieutenant-gouverneur,
recevoir le serment du prince et lui jurer fidélité au
(1) Rég. aux résolutions des assemblées générales des États, VII. fol. 34 V".
Annales de la Société archéol. de Namur, t. VIII, fol. 333.
( 199 )
nom des États; ce droit lui était dénié par ces derniers,
à moins qu'il ne fût délégué par eux à cet effet. Le conseil
d'État, consulté sur cet incident, repoussa les prétentions
de du Cellier, et déclara qu'à l'avenir aucun lieutenant-
gouverneur ne pourrait plus émettre une pareille pré-
tention (1).
Le 15 mai , la cour des échevins tint séance à son tour,
et décida de faire frapper des jetons d'argent et de cuivre
pour consacrer la mémoire de l'inauguration de S. A.
comme comte de Namur, et de se conformer à cet égard
à ce qui avait été réglé, en 1696, à l'avènement du comte
de Bruay comme gouverneur de la province.
Suivant Tordre qu'ils en avaient reçu, les États de la
province se réunirent, le 16, en assemblée générale, à
l'hôtel de ville de Namur. Le lieutenant-gouverneur, dé-
légué par l'Électeur, y présenta, de la part de son maître,
ses lettres de créance, donna lecture de l'acte de cession
des Pays-Bas, par lequel le roi d'Espagne relevait ses su-
jets du serment de fidélité qu'ils lui avaient prêlé le 21 février
1702, et annonça que Maximilien avait fixé le 17 mai pour
être solennellement inauguré comme souverain des Pays-
Bas et comte de Namur.
La prérogative de recevoir, dans la cérémonie du len-
demain , le serment du prince, lit surgir un nouveau conflit
entre le mayeur de Hinslin, qui revendiquait le droit de
nommer les députés à cet effet et prétendait pouvoir se
déléguer lui-même, et les trois Membres, qui réclamaient
ce privilège. On en référa d'urgence et séance tenante au
Conseil privé, qui se prononça en faveur des États. Ceux-ci
(1) Reg. aux résolutious du conseil d'État, etc., fol. 53.
( 200 )
s'occupèrent aussitôt de choisir les députés, au nombre
de six (1).
L'inauguration de l'électeur de Bavière eut lieu le jour
fixé dans les formes les plus solennelles; la relation de la
cérémonie qui eut lieu à la cathédrale , ainsi que la des-
cription du cortège, ont été conservés par les soins du.
Magistrat, qui en fit écrire la déduction dans ses registres.
Nous ne pouvons que les résumer.
A neuf heures du matin, les États de la province se
rendirent en corps au palais de S. A. S. E., et vers dix
heures, le cortège, s'étant formé dans les cours, sortit dans
l'ordre suivant : en tête marchaient les quatre jurés de la
ville, puis le lieutenant-mayeur, les bourgmestres, éche-
vins, greffiers et le mayeur. Venaient ensuite les États
nobles, savoir : messieurs les barons de Spontin et le comte
de Groesbeck, députés, accompagnés d'un grand nombre
de gentilshommes de la province et suivis de messieurs
de l'État ecclésiastique; puis les deux hérauts d'armes,
éblouissants de panaches et de broderies, le caducée à la
main.
L'Électeur, sous un dais magnifique de velours bleu
galonnèet brodé d'argent, offert par les États et porté par
les six gentilshommes les plus qualifiés de la province : le
comte de Frezin, le comte de Corswarem-Longchamps,
le marquis deGlimes deCourcelles, le baron deLiedekerke
d'Acre , le comte de Berlo de Sainte-Gertrude et le vicomte
de Namur d'EIzèe.
Autour du dais, les archers nobles et les gardes du
corps. Derrière, les grandes charges de la cour : le comte
(i) Reg. aux résolutions du magistrat de Namur, fol. 98 v».
( 201 )
(le Terring et Zeefeld, grand maréchal, chevalier de la
Toison d'or, le baron de Dobbelstein, maréchal de camp et
colonel d'un régiment de cavalerie, envoyé spécial de
rélecteur de Cologne, suivis des ministres et des officiers
de Son Altesse.
Le cortège se dirigea lentement vers Saint-Aubain, au
milieu d'une double haie, l'une, de bourgeois portant des
flambeau Y de cire blanche à la main, l'autre, des gardes
à pied de S. A., habillés de neuf pour la circonstance, et
« fort proprement. » Les officiers, dans leur uniforme
bleu galonné d'argent, paraissent avoir été splendides et
avoir fait particulièrement impression sur le peuple.
A l'entrée de la cathédrale attendait, debout, Mgr de
Berlo, évêque de Namur, entouré de tout le clergé régu-
lier et séculier de la ville. Arrivé là, l'Électeur se mit à
genoux sur un prie-Dieu et adora quelques instants une
parcelle de la vraie croix qui lui était présentée par
révêque. On entra ensuite dans l'église, toute tapissée de
verdure et d'étotïes, avec force chronogrammes, et où se
trouvaient déjà messieurs du Conseil des finances, du
Conseil provincial et du Souverain bailliage. L'Électeur fut
conduit processionnellement sous un dais de velours rouge
galonné d'or, placé du côté de l'Évangile. On introduisit
les dames, on plaça les musiciens de la chambre de S. A.
avec les trompettes et les timbales, et l'office commença,
célébré pontificalement par l'évêque.
Après la messe, eut lieu l'imposante cérémonie de la
prestation du serment. Les abbés de Moulin et de Géron-
sart pour le clergé, le baron de Spontin et le comte de
Groesbeck pour la noblesse, les sieurs de Glymes-Brabant
et de Kessel pour le tiers État, formèrent le cercle autour
( 202 )
du prince qui, la main sur l'Évangile el les saintes reli-
ques, prononça à voix haute a el d'une manière fort majes-
tueuse, » la formule du serment dressée par le greffier du
Souverain bailliage.
Aussitôt après, le conseiller pensionnaire lut la procu-
ration qui autorisait les députés des États à prêter à leur
tour le serment; l'abbé de Moulin le répéta au nom de tous
ses collègues levant les doigts. A peine eut-il terminé,
qu'un bruit éclatant se fit entendre dans l'église; toute
l'assemblée s'écria : « Vive l'Électeur, vive le comte de
Namur, notre souverain! »
On chanta le Te Deum et, après la bénédiction du Saint-
Sacrement, le cortège se reforma pour rentrer au palais,
au milieu des décharges d'artillerie et des acclamations
populaires.
Pendant que les États présentaient à S.A. les jetons
qu'ils avaient fait frapper pour consacrer le souvenir de
cet événement, des hérauts d'armes précédés d'un timba-
lier et d'un trompette richement vêtus parcouraient la ville,
jetant à pleines mains, au dire des historiens du temps,
des médailles d'or et d'argent au peuple, en répétant le cri:
< Vive le comle de Namur, notre souverain! (1) »
A midi, l'Électeur dîna en public, servi par les seigneurs
de sa cour. Le soir il y eut grand appartement, suivi d'un
souper à douze tables, servies par les officiers de S. A., et
pendant lequel tantôt les timbales et les trompettes, tan-
ci; Les jetons et médailles destinés à perpétuer ces événements furent gravés
par G. de Backer. On en distribua encore le tendemain avant de tirer le feu d'ar-
tifice, et le 27, lors de l'inauguration de l'Électeur à Luxembourg. (Voy. l'article
cité de M, Pinchart, et la liasse des États de Namur, MM, layette 3.)
( 203 )
tôt a une excellente musique » ne cessèrent de se Taire en-
tendre (1).
L'inauguration de l'Électeur fut suivie de fêtes véritable-
ment pompeuses. Durant huit jours ce ne furent que mu-
sique, banquets, bals et chasses royales pour la cour, feux
de joie, illuminations et réjouissances de toute espèce pour
le peuple; le 18 notamment, on joua en plein air, sur les
remparts, la comédie «pour le divertissement des dames »;
le soir on tira un feu d'artifice qui, d'après la description
qui nous en est restée, doit avoir été splendide. Le 19,
Maximilien reçut les étudiants des Jésuites, formés en
pelotons armés, qui «après plusieurs décharges régulière-
ment faites, » lui débitèrent un fort beau compliment en
latin. Le soir eut lieu une nouvelle représentation théâ-
trale, après laquelle l'Électeur parcourut les rues de la
ville pour jouir de l'illumination et lire les nombreux
chronogrammes qui ornaient les maisons et les places
publiques, et qui étaient fort à la mode à cette époque (2).
Le 22 mai, l'Électeur sortit de la porte de Bordeleau
(1) La relation de celte inauguration fut imprimée en 1712 chez Charles Gérard
Albert, à Namur. Van Loon et le registre aux Résolutions du magistrat la citent.
Aujourd'hui on n'en connaît plus un seul exemplaire dans toute la Belgique. On
peut donc la recommander à l'attention des bibliophiles. Elle avait heureusement
été en grande partie transcrite dans les registres de la ville, et c'est d'après cette
copie que l'inauguration de Maximilien a été publiée dans les Annales de la Soc,
arcItéoL de Namur, t. VII, p. 'àii'S.
(2) Les comptes des domaines contiennent quelques détails intéressants de
celte inauguration. « Vaisselle d'argent offerte au S»" Latouche pour les soins
donnés au feu d'artifice, ornement et illumination de l'hôtel de ville. Pour le
théâtre (estrade) dans l'église S'-Aubain. Pour l'arc de triomphe devant l'hôtel de
ville. Pour 60 faix de pecquet et de houx pour garnir l'hôtel de ville. Pour poudre
et mèches livrées aux compagnies bourgeoises. Pour ceux qui ont sonné la grosse
cloche du château et ont carillonné pendant les fêtes. Pour 60 pots de vin de
Bourgogne présenté à S. A. Pour la maison du S' d'Hestroy évacuée pour loger la
princesse de Bergh, dame de Montigny , etc. »
( 204 )
pour tirer Toiseaii avec les confrères du Serment des
arbalétriers. Ayant abattu l'oiseau , comme il avait déjà
fait une fois à Bruxelles, le 1" mai 1698, lorsqu'il était
gouverneur des Pays-Bas, avec les membres de la Société
de l'arquebuse, il fut proclamé roi du Serment et rentra
en ville à pied et en triomphe, portant en main son paci-
fique trophée (1).
A l'occasion de son avènement à la souveraineté des
Pays-Bas, les bourgeois et les commerçants de la ville,
d'une part, en vertu d'une résolution des métiers, et les
États, d'autre part, offrirent à l'Électeur un don gratuit
de 64,000 florins, que des députés lui portèrent le 15 juin,
dans deux bourses distinctes (2). Ce fut vers cette époque
également, que le Magistrat décida la création d'une rue
qui devait être ménagée le long du nouvel hôtel de
ville et porter, en l'honneur de Maximilien, le nom de
Bavière (3).
L'Électeur, mis légitimement en possession de ses États,
continua à s'occuper activement de leur administration;
il édicta un grand nombre d'ordonnances relatives à la
valeur des monnaies, au cours régulier de la justice, à la
{{] Gachard, Rec. des ordonn. des Pays-Bas, 3^ série, t. I, préface, p. III.
.1. BORGNET. Les compagnies militaires à Nainur.
("2) Dans l'assemblée générale de la noblesse des 3 et 4 janvier 1713, l'Électeur
demanda une aide de oO mille florins qui lui turent accordés non sans quelque oppo-
sition. Dans une autre assemblée des 30 et 31 octobre 17 14, une nouvelle demande
semblable fut trouvée exorbitante pour les forces d'une province ruinée par de
longues guerres; on l'accorda cependant « pour marquer l'attachement que les
États avaient pour le service de S. A. » {Reg. des Étals, VII, fol 58 v", 74.)
(3) Le !20 décembre ■17i!2, la cour des échevins décide « de faire incessamment
percer la rue qui, selon le plan d'une nouvelle maison de ville, doit régner le long
de la maison Jean Hobeau, et de faire ériger les prisons conformes audit plan, en
attendantde pouvoir bâtir ladite nouvelle maison de ville. » {Résolutions du magis-
trat, fol. H4.) La rue ne fut percée qu'en 1713.
( 205 )
poursuile des vagabonds, à la réception des chanoinesses
dans les chapitres nobles d'Andenne et de Moustier, à la
police urbaine, à certains droits des arquebusiers, des arba-
létriers et des escrimeurs, à quelques articles des métiers
des tailleurs d'habits et des merciers, et au commerce des
grains (I).
Dans la séance des États qui précéda son inauguration,
l'Électeur s'était borné à leur communiquer un extrait de
l'acte de cession du 2 janvier 1712. Le 4 août de la même
année, le comte de Bergheyck, ministre de Philippe V,
écrivit au baron de Malknecht, un des ministres bavarois
et conseiller intime de Maximilien, qu'il avait reçu à ce
sujet des plaintes de plusieurs officiers et fonctionnaires, et
lui fit observer « qu'il était extrêmement contre l'honneur
et la réputation du roi, que les États, Conseils et Magistrats
n'aient vu qu'un extrait de celte cession , sans aucune con-
dition pour le maintien de leurs droits, privilèges et im-
munités, ce qui fait juger tous les officiers que S. M. les
a entièrement abandonnés par cette cession, ce qui dans
la suite pourrait leur être à tous d'un préjudice irrépa-
rable, dans l'incertitude du sort de ce pays par la poix. »
Cette lettre ayant été communiquée à l'Électeur, celui-ci
se hâta d'expédier de Compiègne , le 12 octobre, une copie
entière deracte,avec ordre d'arracherdes registres l'extrait
qu'il avait d'abord cru devoir suffire, pour le remplacer
(1) En 4713 des conférences tenues à Namur réglèrent les difficultés entre les
pays de Liège et de Namur au sujet de l'impôt du GO*" sur les marchandises namu-
roises passant par le pays de Liège. (Galliot, V. 12o.) II existe au Staats-Archiv,
à Munich, plusieurs liasses de papiers concernant le gouvernement qui fonctionna
à Namur sous l'administration de Maximilien. Mais elles contiennent peu de
choses intéressantes. (Gachard, Notice dans les Bull, de la Coiivn. roy. dhist.,
8c série, t. VI, p. 96 et 97.)
( 206 )
par Fade entier. Le 14, les députés des trois membres
des Étals, ayant pris connaissance de ce document, de-
mandèrent à le confronter avec Toriginal. L'autorisation
leur en fut accordée, et le 20 ils se rendirentchez M. Lam-
bJet, secrétaire du conseil d'État, oij l'original leur fut mis
entre les mains.
Les événements se chargèrent de justifier les prudentes
précautions des États. En effet, les négociations entre les
puissances poursuivaient leur cours, et chaque jour appor-
tait de nouvelles probabilités que la paix générale ne tar-
derait pas à se faire; chaque jour aussi, il devenait plus
évident que le règne de Maximilien ne serait pas de longue
durée et que, remis en possession de la Bavière, il devrait
dans un bref délai abandonner les Pays-Bas. Aussi, à par-
tir de ce moment, prend-il peu d'intérêt à ce qui se passe
dans une province qui lui deviendra bientôt étrangère;
il n'habite plus guère Namur et ne rend plus que de rares
ordonnances. Compiègne devient sa résidence habituelle;
les comptes des domaines nous apprennent même, mais
sans indiquer de date, que sa troupe de comédiens et ses
domestiques le suivirent dans cette ville (1). C'est de là
qu'il écrit le 1" novembre, à son conseil d'État, que le
roi d'Espagne avait nommé François le Danois, marquis de
Joffreville, lieutenant général de ses armées, pour com-
mander ses troupes à Namur et dans l'Entre-Sambre-et-
Meuse, en remplacement du comte de Saillant; il leur fait
savoir en même temps que lui, comme comte de Namur,
a aussi confié à ce seigneur le commandement de la place,
et ordonne au Conseil de le recevoir et de le loger con-
formément aux règlements militaires.
{\) Comptes du domaine, i7i3, fol. 237.
( 207 )
Les apparitions de iMaximilien à Namur n'ont plus lieu
qu'à de rares intervalles. On l'y trouve le 11 juillet 1715,
jour anniversaire de sa naissance, célébré comme précé-
demment par des réjouissances populaires. Le 8 septembre
suivant, il se rend avec une compagnie nombreuse à la cha-
pelle de Notre-Dame-des-Bois, dans la Marlagne, pour as-
sister à la première messe d'une fondation qu'il y avait laite.
Après la cérémonie, il fit servir un banquet champêtre
aux dames et aux gentilshommes de sa cour qui l'avaient
suivi à cheval ou en carrosse. Des tentes, des tables, des
bancs, la vaisselle, une profusion de tapis et de plantes
y avaient été transportés ; les pages de l'Électeur soignaient
le service, et ses musiciens faisaient retentir l'immense
forêt de leur harmonie. C'est la dernière fête de Maximilien
dont les annales de Namur aient conservé le souvenir (1).
C'est de S*-Cloud que sont datées la plupart des ordon-
nances que l'Électeur édicta encore pour les provinces de
Namur et de Luxembourg, dans le courant de l'année
1714.
La conclusion générale et définitive de la paix dans un
avenir prochain était chose certaine ; l'empereur Charles VI,
après avoir refusé de signer le traité d'Ulrecht? conclut
le 6 mars 1714 celui de Rastadt, qui stipulait de nouveau
le rétablissement de l'Électeur dans la Bavière; vint en-
suite le traité de Bade, du 7 septembre, dont l'article 15
garantissait aux Électeurs de Bavière et de Cologne la
réintégration dans leurs États, et attribuait à l'empereur
la souveraineté des villes et comté de Namur, Beaumont
et Chiraay; il ne restait plus qu'à régler la question de la
Barrière entre la Hollande et la France.
(1) Comptes du domaine, 4714, fol. 244.
( 208 )
Le résultat était si peu douteux que, par lettres patentes
du 2 novembre, l'empereur Charles \I chargea le comte
de Kônigsegg de prendre en son nom, après Tissue de la
négociation relative à la Barrière, possession des provinces,
villes et places des Pays-Bas; il assurait déjà du maintien
de leurs privilèges et confirmait dans leurs charges les
conseils, tribunaux, magistrats et oITiciers royaux.
Le traité de la Barrière fut signé le 15 novembre 1714.
Il accordait à la Hollande ce qu'elle désirait depuis long-
temps, à savoir le droit de tenir garnison dans les places,
notamment celle de Namur, qui devaient lui servir de
boulevard contre la France. L'empereur fut forcé de subir
les conditions des États généraux, et tout en recevant
d'eux les Pays-Bas, de leur laisser la garde exclusive de
ces places.
L'Électeur se disposa alors à quitter définitivement le
pays. Le 24 novembre 1714, les députés des États prirent
connaissance d'un ordre qu'il avait envoyé au marquis de
Maffei, de faire charger ses meubles sur des chariots de
la province pour les transporter dans le pays de Luxem-
bourg (1). Toutefois, le renouvellement du magistrat se lit
encore le 50 novembre 1714 au nom de l'Électeur; ce fut
le dernier acte de son administration.
Vers cette époque, le marquis de Maffei reçut une lettre
du comte de Kônigsegg qui le sommait de remettre à
S. M. l. les ville et province de Namur. Comme on n'avait
reçu à cet égard aucune instruction officielle, le conseil
d'État de l'Électeur envoya le receveur général de Namur
à S'-Cloud, pour apprendre de Maximilien ce qu'il y avait
(1) « Le 29 novembre- a été vaqué à faire la répartition de 60 chariots pour
mener le bagage de S. A., et de 42 chevaux harnachés. » {Résolutions des États.)
( 209 )
à l'aire (1). Ce fut sans doute à la suite de cette démarche
qu'il adressa, le 1" décembre, au Magistrat et au Conseil
de JNamur, une lettre par laquelle, en exécution des traités
conclus à Rastadt et à Bade, il les relevait du serment
de fidélité qu'ils lui avaient prêté lors de son inaugura-
tion, et les remerciait du zèle et du dévouement avec
lesquels ils Pavaient secondé dans sa courte adminis-
tration. Six jours après, le comte de KÔnigsegg écrivit de
nouveau au conseil deNamur, pour lui l'aire savoir que
S. M. I. et C. était entrée en possession des ville et pro-
vince de Namur, et pour lui ordonner de ne reconnaître à
l'avenir d'autre souverain que l'Empereur et de n'obéir à
d'autres ordres qu'à ceux qui lui viendraient par son canal.
« En attendant, vous ferez provisionnellement les fonc-
tions ordinaires de vos charges, jusqu'à ce que S. M. I.
et C. en ait autrement ordonné. » Cette lettre fut lue le
12 décembre en séance des députés des États, qui y firent
immédiatement réponse.
Les 8 et 17 décembre 1714 et le 4 janvier 1715, le
Conseil provincial et les trois Ordres écrivirent au comte
de Kôuigsegg et à l'Empereur pour « témoigner leur joie
d'être rentrés sous l'auguste domination de la maison
d'Autriche (2). » Le comte de Kônigsegg mande, le 8 fé-
(1) Comptes du domaine, 4714, fol. 226 v<».
(2) Résolutions des États, IX, fol. 194. Voici la lettre du Conseil provincial au
comte de Kônigsegg :
« Monseigneur, nous avons receu avec beaucoup de joye celle qu'il a plu à
Votre Excellence nous faire l'honneur d'escrire le jour d'hier. Nous ne scaurions
assé témoigner à Votre Excellence la joye que nous ressentons d'être remis sous
la douce et ancienne domination de la très auguste maison d'Austriche, vous
asseui^ant, Monseigneur, que nous exécuterons toujours en très profond respet
et soumission les ordres qu'il plaira à Sa Majesté impériale et catholique vous
donner, et que nous nous attacherons toujours à son service avec tout le zèle et
2"°^ SÉRIE, TOME XL. 14
( 210 )
vrier 1715, aux Étals qu'il a nommé le comte de Lan-
noy administrateur général de la province. De son côté,
Charles VI leur exprime, le 16 du même mois, son con-
tentement des sentiments de fidélité qu'ils expriment et
les assure de son amour paternel, promettant de faire tout
ce qui pourrait contribuer à rendre ses sujets heureux (1).
Afin de ne plus avoir à s'occuper des affaires de la pro-
vince, Maximilien écrivit encore le 12 mai 171 3 à son conseil
d'État, qu'il établissait le marquis de Maffei, gentilhomme
de sa chambre et lieutenant général de ses troupes, en
qualité de gouverneur et souverain bailli de la ville, du
château, de la province et du comté de Namur. On en re-
fidélité possible; suppliant Votre Excellence de nous vouloir accorder l'honneur
de sa protection, et d'être persuadé que nous sommes avec toute vénération,
Monseigneur, de Votre Excellence les très-humbles et très-obéissants serviteurs.
(Signé.) Les président et gens du conseil provincial de Sa Majesté impériale et
catholique, à Namur. — Namur, le 8 décembre 4714. »
Superscription : A Son Excellence le comte de Kônigseî^g , plénipotentiaire de
s. M. 1. et C, à Anvers. [Correspondance du Conseil provincial de Namur,
ITld-lTio^fol. 304.)
(1) Voici la lettre de Charles VI :
« L'Empereur et Roy. Très chers et féaux les députiez de l'État ecclesiasticque,
noble et tiers de notre comté et province de Namur.
» C'est bien avec de la satisfaction et d'aggrement que nous avons receu votre
lettre du 17 du mois de décembre de l'année passée , par laquelle vous vous anti-
cipez pour nous donner une marque de votre fidélité et amour qui corresponde
entièrement à notre attente, vu la fermeté et zelle avec lesquels vous avez tou-
jours étez attaché à vos princes naturels, nos prédécesseurs. En reconnaissance de
quoy, nous voulons bien vous en marquer par celle-cy notre contentement , et
vous asseurer en mesme temps de l'amour paternele et du soin tout particulier
dont nous vous regarderons constament, et tâcherons de vous procurer tout ce qui
puisse rendre contents et heureux de si bons et si fidels sujets . et qui vous puisse
convaincre des efîects de notre clémence et protection. Attant, très chers et
féaux, nous prions Dieu qu'il vous ayt en sa sainte garde. Vienne, le
46 février 1745.
p Signé : CHARLES. Et plus bas : Par l'Empereur et Roy : A. F. KuR. »
{Résolutions du magistrat de Namur, 1708-17:20, fol. loOvo.)
(211 )
venait ainsi à Fancien ordre de clioses, et Namur retombait
sous le régime de la représentation du pouvoir souverain,
comme avant l'arrivée de Maximilien. L'inauguration du
marquis de Maffei eut lieu avec le cérémonial habituel et
fut signalée par des fêtes, des illuminations, la fabrication
de jetons commémoratifs , absolument comme sous la
domination des rois d'Espagne et des archiducs (1).
Le 11 avril 17io fut enfin conclu, entre la France et la
Hollande, le traité d'Utrecht, aux termes duquel Phi-
lippe V renonçait aux Pays-Bas espagnols en faveur de
la maison d'Autriche. Par l'article 9 était révoqué l'acte
du 2 janvier 1712 qui cédait en toute souveraineté ces
provinces à l'Électeur de Bavière. Toutefois, ce prince en
conservait l'administration civile et politique jusqu'au mo-
ment de sa réintégration dans ses propres États. Le gou-
vernement militaire devait être confié à une garnison hol-
landaise, chargée de garder la place au nom de l'empereur
jusqu'à la conclusion de la paix générale.
En exécution de ce traité, l'Électeur remit, le 29 mai,
la ville et le château au commandant de six bataillons de
troupes hollandaises (2).
Cependant Maximilien-Emmanuel était retourné en Alle-
magne dans ses États héréditaires; il y mourut le 26 fé-
vrier 1726, laissant la réputation d'un prince plus aven-
tureux que sage, mais intelligent, brave et magnifique.
Ces qualités, qui excluent généralement l'ordre et le bon
(4) Résolutions du magistrat, fol. 122 et 122 v<». «
(2) Le 2 juin, les échevins de Namur présentent une pièce de Volnay à
MM. Chambrier et de Keppel, commandants des Hollandais, et une demi-pièce au
major Salis, pour les engager à tenir leurs troupes en bonne discipline.— La ville
fait nettoyer les greniers de la halle au blé pour servir à faire les dévotions à la
garnison hollandaise. (Comptes du domaine, 1713, foi. 2o7 v».)
( 212 )
ménage, lui avaient conquis beaucoup de sympathies à
Namur, bien qu'il n'y eût guère passé que comme une
ombre. Il y laissa des regrets trop fugitifs pour résister à
l'action du temps, et peu de Namurois savent aujourd'hui
que Maximilien-Emmanuel de Bavière fut un instant leur
souverain.
Son fils Charles-Albert, qui lui succéda, le 6 août 1697,
dans l'Électorat de Bavière, fut élu empereur le 24 jan-
vier 1742; mais sa couronne impériale fut aussi éphémère
que l'avait été pour son père le sceptre des Pays-Bas, et il
y trouva plus d'épines encore.
( 215 )
CLASSE DES BEAUX- 4 ATS.
Séance du 5 août i875.
M. Alph. Balat, directeur.
Sont présents : MM. L. Alvin, G. Geefs, Jos. Geefs,
C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edra. De Busscher, Aug. Payen,
le chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Gust. De Man,
Ad. Siret, Ernest Slingeneyer, Alex. Robert, membres.
M. R. Chalon, membre de la classe des lettres, assiste à
la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le directeur transmet à ses confrères les regrets qu'ex-
prime M. le secrétaire perpétuel de ne pouvoir venir pren-
dre sa place au bureau à cause de la mission qu'il remplit
en ce moment, au nom du gouvernement, auprès du
Congrès international des sciences géographiques de Paris.
— M. le Ministre de l'Intérieur transmet une copie du
procès-verbal des opérations du jury chargé de juger le
grand concours d'architecture de 1875.
11 résulte de ce document que M. J.-B. De Coster,
d'Anvers, a été proclamé lauréat du concours.
( 214 )
Le deuxième prix a été décerné, en partage, à MM. AI-
lard, de Bruxelles et Oct. Van Rysselberghe, de Minder-
liout (Anvers).
— Le même haut fonctionnaire annonce que M. Dieltjens,
lauréat du grand concours d'architecture de Tannée 1871,
vient d'adresser au gouvernement un Projet de restaura-
tmij en style corinthien, du temple de Vesta, à Tivoli, du
temps de la République. Cet envoi est fait en exécution des
prescriptions de l'arrêté organique du 23 février 1865,
qui impose aux lauréats l'exécution d'une copie.
M. le Ministre désire savoir si cette œuvre peut jouir
du bénéfice de la législation nouvelle des grands con-
cours, en vertu de laquelle et sur l'avis favorable de la
classe des beaux-arts, une rémunération peut être accordée
aux lauréats pour les copies qu'ils exécutent dans le cours
de leurs voyages.
Les membres de la section d'architecture présents à la
séance donnent un avis favorable, lequel est adopté par la
classe et sera communiqué à M. le Ministre de l'Intérieur.
RAPPORTS.
M. L. Alvin donne lecture du rapport qu'il a été chargé
de faire, au nom delà classe, sur les arrêtés royaux du
22 mai 1875, relatifs aux grands concours pour les prix
dits de Rome; il indique en quoi il est satisfait, par les
nouvelles dispositions, aux vœux exprimés à diverses re-
prises par la classe des beaux-arts.
( 213 )
La classe décide que des remercîments seront adressés
à M. le Ministre de l'Intérieur au sujet de cette législation
nouvelle des grands concours.
Elle s'occupera, dans sa prochaine séance, de la nomi-
nation des membres de la Commission qui sera chargée de
dresser la liste des objets d'art qui pourraient être utilement
reproduits par les lauréats pendant leur séjour à l'étranger.
PRÉPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE.
Aux termes de l'article 11 du règlement général de
l'Académie, la classe doit tenir sa séance publique annuelle
dans le courant du mois de septembre.
M. le directeur fait connaître que d'après les renseigne-
ments donnés officieusement par M. Gevaert, président du
jury chargé de juger le grand concours de composition
musicale, le jugement a dû être forcément ajourné, par
décision de M. le Ministre de l'Intérieur, à cause de la ma-
ladie d'un des concurrents.
En présence de cet état de choses qui ne permet plus
de former la partie musicale de la prochaine assemblée
delà classe, celle-ci, appelée à s'occuper déjà des pré-
paratifs de sa séance publique annuelle, décide qu'elle la
tiendra, comme les autres classes, dans la grande salle
des Académies; elle cherchera dans son sein les éléments
littéraires nécessaires pour composer dorénavant le pro-
gramme de cette solennité.
( 2i6 )
CONCOURS DE 1875.
D'après le programme des conditions pour le concours
de sujets d'art appliqué de cette année, le terme fatal pour
la remise des bas-reliefs pour le concours de sculpture,
et des médailles pour le concours de gravure, expire le
1" septembre prochain.
La classe fixe sa prochaine séance au jeudi 2 septembre
pour le jugement des concours. La section de sculpture, à
laquelle sera adjoint M. Fétis, et la section de gravure à
laquelle seront adjoints MM. L. Alvin et Chalon, se réuni-
ront le même jour, à M heures, pour juger les œuvres
soumises aux concours précités d'art appliqué.
OUVRAGES PRESENTES.
Dewalqiie {G.). — Histoire des noms cambrien et silurien
en géologie par T. Sterrij Hunt. (Traduction.) iMons, i875;
vol. in-8°.
Morren (Éd.). — Charles de TEscluse. Sa vie et ses œuvres,
1526-1009. Liège, 1875; vol. in-S".
Scheler {Aug.). — Exposé des lois qui régissent la transfor-
mation française des mots latins. Bruxelles, 1875; vol. petit
in-8».
Devillers (Léopold). — Description analytique de Carlulaires
et de Charlriers accompagnée du texte de documents utiles à
l'Histoire du Hainaut, tome VIP. Mons, 1875; in-8°.
( 217 )
Docx [Le capitaine). — Guide pour l'enseignement de la
gymnastique des filles et Guide pour l'enseignement de la
gymnastique des garçons. Namur, 1875 , 2 vol. in-8°.
Chaton {J.). — La graine des légumineuses. 1" Cellules de la
carapace; 2" Albumen. Mons, 1875; br. in-S".
Inghels (Adhèmar). — Histoire des comtes de Flandre jus-
qu'à l'avènement de la Maison de Bourgogne (805-1384).
Bruges, 1875; vol. in-8°.
Pety de Thozée [Ch.). — Système commercial de la Belgique
et des principaux États de l'Europe et de l'Amérique, tome
second. Bruxelles, 1875; vol. in-8».
Spring (W.). — Hypothèses sur la cristallisation. Liège,
1875;br. in-8«.
Van Elewyck (Le Chevalier), — Rapport officiel sur l'état
actuel de la musique en Italie. Paris, Bruxelles, 1875; vol.
in-8».
Wareg-Massalskî [Urbain). — Recherches sur les acides
chloro-bromo-propioniques glycèriques Cg H3 CI Br — COOH.
(Dissertation, etc.) Louvain, 1875; br. in-8".
Société royale de numismatique de Bruxelles. — Revue
belge de numismatique, 1875, 4* liv. Bruxelles; in-8''.
De Vlaamsche School, Aflevering 1 a 12, 1875. Anvers,
4875; 12 feuilles in-4».
Situation administrative des neuf provinces. — Exposés,
rapports et annexes pour l'année 1875. Anvers, Bruxelles, etc.;
12 vol. et 2 br. in-8«.
Société chorale et littéraire des Mélophiles de Hasselt. —
Bulletin de la section littéraire, 11* vol. Hasselt, 1874; in-8».
De Dietsche Warande y nieuwe reeks, 1'" deel, derde afle-
vering. Amsterdam, 1875; in-8°.
D'Eichthal (Gustave). — Mémoire sur le texte primitif du
1" r(''cit de la création (Genèse, ch. I-IL 4), suivi du texte du
2* récit. Paris, 1875; br. in-8°.
Delisle (Léopold). — Notice sur un manuscrit mérovingien
( 218 )
contenant des fragments d'Eugyppius, appartenant à M. Jules
Desnoyers. Paris, 1875; gr. in-4°.
Marie {Maximilien). — Théorie des fonctions de variables
imaginaires, tome 2^ Paris, 1875; vol. in-8^
Société Linnéenne du nord de la France, à Amiens» —
Bulletin mensuel, 5** année, mai, juin, juillet et août 1873.
Amiens; 4 feuilles in- 8°.
Indicateur de l'Archéologue, n°' '23-24, novembre-décembre
1874. Paris; in-S".
Société de géographie de Paris. — Bulletin, avril, mai et
juin 1873. Paris; 3 fasc. in-8°.
École polytechnique de Paris. — Journal , 44^ cahier,
tome XXVII. Paris, 1874; in-4''.
Société mathématique de France. — Bulletin, t. III, juillet-
août 1873, n*»' 5 et 4. Paris; in-8".
Société d'histoire naturelle de Toulouse. — Bulletin,
IX" année, 1874-1875, 2^ fasc. Paris, juillet 1875; in-S"'.
Hirn {G- A). — Exposition analytique et expérimentale de
la théorie mécanique de la chaleur, ^^ édition, tome V\ Paris
1875; vol. in-8".
Lasaulx {D'' A. von). — Elemente der Pétrographie. Bonn,
1873; vol. in-8°.
Akademie der Wissenschaften zu Berlin. — Monatsbericht,
April 1875. Berlin, 187.5; in-8^
Die Naturforschende Gesellschaft in Danzig. — Schriften ,
Neue Folge, 3. Baud, 5. Heft. Danzig, 1874; pet. in-4°.
Verein fur Erdkunde zu Dresden. — XI. und XII. Jahres-
bericht. Dresde, 1875; fasc. in -8".
Justus Perihes 'Geographische Anstall zu Gotha. — Mit-
theilungen: 1856, I; 1860, XI;18G1,VII; 1862, IX; 1866,
IX; 1875, 19. Bd., VI; 1875, 21. Bd., VII und VIII. - Ergan-
zunsheft, N^ V. Gotha; 9 cah. in-4".
Astronomische Gesellschaft zu Leipzig. — Vierteljahrs-
schrift, X. Jahrg., Drittes Heft. Leipzig, 1875; in-8".
( 219 )
K. h. Akademie der Wissenschaften zu Munchen. — Sit-
zungsbericlite dcr philosop.-philolog. iind hist. Classe, 1874,
Heft IV. Munich, 1874; in-8°.
K. K. Universitàt zu Wien. — Offentliche Vorlesungen im
Winter-Semcster 1873/70. Vienne, 1873; br. in-4*' (2 exem-
plaires).
Deutsche Gesellscha/Î fur Natur iind Vôlkerkimde Osta-
siens. — Miltlieilungen, 7'" Ilcft, juin 1873. Jokohama; in-4**.
Société impériale des naturalistes de Moscou. — Bulletin,
année 1874, n° 4. Moscou, 1873; in-8".
Gôteborgs K. Vetenskaps-och Vilterhets-Samhâlles. —
Handlingar, Ny Tidsfôijd : 15 och 14 Hôftet. Gothembourg,
1874; 2 fasc. in-8°.
Nordiskt Medicinskt Arkiv., Band VII., N^ 6. Stockholm,
1873;in-8°.
Academia de Jurisprudencia y Legislacion, Madrid. —
Revista, ano i-nûm. 1°. — April 1875. Madrid; in-8°.
Leva{Ginseppe rfe). — Storia documenlata di Carlo Vincor-
relazione ail' Italia, vol. I, II e III. Padoue et Venise, 1865,
1864 et 1873; 3 vol. in-8°.
Di Giovanni {Vincenzo). — Il Miceli ovvero dell' Ente uno
e reale. — Il Miceli ovvero l'Apologia del sistema. — Rosario
Gregorio e le sue opère (Discorso). — Storia délia filosofia in
Sicilia da' tempi antichi al secolo XiX, vol. I e II. — Sofismi
e Buon Senso, Serate Campestri, 2" ediz. — Scuola scienza e
Critica. — Degli Eruditi Siciliani del Secolo XV, etc. — Boezio
e il Suo Libro de consolatione Philosophiae. Padoue et Florence,
1864 à 1873; 6 vol. et 2 br. in-8% br. in-4''.
Società entomologica italiuna , Firenze. — Bullettino,
anno 7", trimestre II. Florence, 1873; in-8°.
Reale Osservatorio di Brera in Milano. — Pubblicazioni,
n' IV, V, VIII et IX. Milan, 1873; 4 fasc., gr. in-4°.
Regia Accademia di scienze, lettere ed arti in Modena. —
Meraorie, lomo XV. Modène, 1873; vol. in-4°.
( 220 )
Accademia agraria di Pesai o. — Esercitazioni, anno l'-XI**,
1830-1848. Pesaro;22 fasc. in-S".
Commission géodésique suisse. — Détermination télégra-
phique de la difîérence de longitude entre la station astrono-
mique du Simplon et les Observatoires de Milan et de Neu-
châtel {E. Plantamour et A.Hirsch). Gcnève-Bàle-Lyon, 1875;
vol. in-4".
Institut Egyptien à Alexandrie.— Bulletin, année 4874-
1875, n" iô. Alexandrie; vol. in-8".
Société Kliédiviale de Géographie à Alexandrie. — Statuts
de la Société. — Discours prononcé au Caire à la séance
d'inauguration le 2 juin 1875, par le D*" G. Schweinfurth.
Alexandrie, 1875; 2 br. in-8°.
Saunders (/.). — List of tlie books, memoirs, and miscel-
laneous papers by D^ John Edward Gray, F. R. S. Londres,
1875;br.in-8».
British Association for the Advancement of Science. —
Report of the XLIV"' meeting, held at Belfast in August 1874.
Londres, 1875; vol. in-8°.
Anthropological Institute of Great Britain and Ireland. —
Journal, vol. IV, n° H, april 1875. Londres; in-8^
Royal geographical Society o/'Zo/îrfon.— Journal,vol. XLIV,
1874. — Proceedings, vol. XIX, n\ V, 1875. Londres; vol. et
fasc. in-8°.
Geological Society o f London. — Quaierly Journal,vol. XXXI,
part. 2, n" 122. Londres, mai 1875; in-8°.
Statistical Society of London. — Journal, vol. XXXVIIl,
part II, june 1875. Londres; in -8°.
Institution of Civil Engineers ^ London. — Minutes of pro-
ceedings, vol. XL and XLI, session 1874-75, parts II and III.
Londres, 1875, 2 vol. in-8".
Zoological Society of London. — Transactions, vol. IX,
pts. 1, 2 and 3; — Proceedings, 1874, pt. 4; 1875, pt. 1. Lon-
dres 1875 ; 3 fasc. in-4» et 2 vol. in-8'».
( 221 )
Meleorological Society of London. — Qunrtcriy Journal,
new séries, vol. II, n" 15 and 14, january and april 1873. —
Instructions for ihe observation of phrenological phenomcna.
Londres, 1875; 5 fasc. in-S".
London niathemalical Socieff/. — Proceedings, vol. VI,
n" 79 and 80. Londres, cah. in -8''.
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vol. IX, n" 2. Glasgow, 1875; in-8".
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No. IV, 1874; pt. 1 , No. 1, 1875. — Proceedings, No. 10, de-
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indica : New séries, Nos. 315 and 515. Calcutta, 1874, 1875;
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promoting use fui Knowledge. — Proceedings , vol. XIV, n° 93,
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Missouri Geological Survey , S'-Lonis, Mo. — Report,
vol. 1, 1875-1874, wilh 91 illustrations and atlas. Jefl'erson
City, 1874; vol. in-8° et allas, in-4°.
U. S. Département of agriculture. — Report of the Coramis-
sioner of agriculture for ihe year 1873. — Monthly reports for
Ihe year 1874. Washington, 1874-1875; 2 vol. in-8".
Smithsonian Institution of Washington. — Annual report,
for the year 1873. Washington, 1874; vol. in-8°.
United States Naval Observatory at Washington. — Astro-
nomical and meteorological observations made during the year
1872. Washington, 1874; vol. in-4°.
United States geological Survey of Terrifories at Was-
hington. — Catalogue of the publications, 1874. — iMiscella-
neous publications : No. 1 . Lists of Elévations in that portion of
the United States west of the Mississipi River, 5* édit. 1875
(H. Gannett); n° 2, Birds of ihe Noriwest. A hand-book of ihe
ornithology of the région draincd by the Missouri river and
its Triburies {Elliott Coues). — Report, vol. VI, 1874. Contri-
butions to the Fossil Flora of the Western Territories. The
Cretaccous Flora (Léo Lesquereux). — Map of the Lower
( 223 )
Geyser Bassin. — Map of Uppcr Geyser Basin. — Montana
and Wyoming Territories, einbracing of the counlry about the
sources of the 3Iadison, Gallatin, and Yellowstone Hivers, in
contour-lines. — Map of the Sources of Snake River and its
Tributaries. — PreUminary niap of Central Colorado, Showing
the région surveyed in i 875. Washington ; vol. in-i", vol. et
2 br. in-S"; 6 cartes in-fol.
Mueller [Ferdinand de). — Fragmento phytographiae Aus-
tralise, vol. VI et VII. Melbourne, 18C7-187I; 2 vol. in-8°.
Liste des ouvrages déposés par la Commission royale
d'histoire dans la Bibliothèque de l'Académie.
Ministère de l'instruction publique de France. — Docu-
ments inédits de l'histoire de France : Inscriptions de la
France du V^ au XVIIP siècle recueillies et publiées par M. F.
De Guilhermy. Ancien diocèse de Paris , t. II, 1874; in-4°. —
Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu, par
M. Avenel. Tome VII% 1642; supplément : 1608 à 1642 ; in-4°.
— Lettres du cardinal Mazarin publiées par M. A. Cheruel
(décembre 1642-juin 1644), t. I, 1874; in-4°. — Mandements
et actes divers de Charles V (1304-1580), recueillis par
M. L. Delisle. Paris, 1874; in-4*'. — Mélanges historiques (nou-
velle série), t. I, 1873; in-4°. — Mélanges historiques (Table
chronologique et alphabétique de la l'"'' série, 1841-1848).
Paris, 1874; in-4°. — Rapports au Ministre sur la collection
des documents inédits. Paris, 1874; in-4''. — Dictionnaires
topographiques : d'Eure-et-Loir (L. Merlet); de lYonne (Max.
Quanlin); de la Meurthe (H. Lepage); du Morbihan (Rosenz-
weig); des Basses-Pyrénées (P. Raymond); de la Nièvre (G. de
Soultrail); de l'Hérault (E. Thomas); du Haut-Rhin (G. Sloffel);
du Gard (Germer-Durand); de l'Aisne (Ang. Maiton); de la
Meuse (Félix Liénard); delà Moselle (De Bouteillier); de l'Aube
(Th. Bouliot et Emile Socard). 13 vol. in -4°. — Répertoire
( 224 )
archéologique : de TAube (D'Arbois de Jubainville) ; de l'Oise
(Emm. Woillez) ; du Morbihan (Rosenzweig); de la Seine-Infé-
rieure (L'abbé Cochet); du Tarn (H. Crozes); de l'Yonne (Max.
Quantin). 6 vol. in-4''.
Institut archéologique du Luxembourg. — Annales : t. VU,
atlas; t. Vlll, i" et 2« cahiers. Arlon, 4874; gr. u\-H\
Cercle archéologique du Pays de Waes, à S'-Nicolas. —
Annales, t. V% ^2*^ liv. décembre 1874; 3* liv. juin 1875. S'-Ni-
colas; gr. in-8"'.
Société d'agriculture, sciences et arts de V arrondissement
de Valenciennes. — Revue agricole : t. XXVIl, 1874, n*" 10,
M et 12;t. XXVllI, 1875, n"' 1, 2, 5. Valenciennes; in-8°.
Comité flamand de France à Lille. — Annales t. XII, 1875-
1874; — Bulletin, t. VI, n» 11. Lille, vol. et fasc. in-8°.
Société archéologique de la province de Namur. — Annales,
t. XIII, 1" liv. Namur, 1875; in-8».
' Historischer Verein fur Niedersachsen, Hanover. — Zeit-
schrift, Jahrg. 1873. Hanovre, 1874; vol. in-8''.
Grossherzôchliche General- Landesarchiv zu Karlsruhe. —
Zeitschrift, XXVI. Ed., 4 Heft; XX VII. Ed., 1. Heft. Carisruhe,
1874-1875; 2 cah. in-8°.
Historischer Verein zu Darmstadt. — Archiv fiir Hessische
Geschichte und Alterlhumskunde, XIII. Ed., 3. Heft. Darmstadt,
1874; in-8».
Institut royal grand-ducal de Luxembourg. — Publications
de la section historique, année 1873, XXVIII (VI). Luxembourg,
1874;in-4«.
Schoetier (/.). — Catalogue de la Eibliothèque de Luxem-
bourg. Luxembourg, 1875 ; voL in-8*.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
187S. — N«« 9 ET 10.
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 2 septembre 4875.
M. F.-A. Gevaert, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, L. Gallait, G. Geefs,
Jos. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher,
le chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Gust. De Man,
Ad. Siret, Julien Leclercq, Ernest Slingeneyer, Alex.
Robert, Ad. Pauli, membres.
M. R. Chalon , membre de la classe des lettres , assiste
à la séance.
2"' SÉRIE, TOME XL. 15
( 226 )
CORRESPONDANCE.
M. Balat, directeur de la classe, exprime par écrit ses
regrets de ne pouvoir, pour motifs de santé, venir présider
la séance.
— M. le Ministre de Fintérieur transmet, en conformité
de Tarlicle 15 de Tarrété royal du 22 mai 187o :
i° Le XII' rapport semestriel de M. E. Dielliens, lauréat
du grand concours d'architecture de 1871;
2° Le Vl*" rapport de M. J. Cuypers, lauréat du grand
concours de sculpture de 1872.
Conformément à la demande de M. le Ministre, ces
communications sont renvoyées à l'examen de la commis-
sion chargée de s'occuper de la liste des œuvres d'art
à reproduire par les lauréats pendant leur séjour à
l'étranger.
— Le collège des bourgmestre et échevins de la ville
d'Anvers a invité l'Académie a bien vouloir assister à
l'inauguration du buste du baron GustafWappers qui a eu
lieu le mardi 24 août, à 10 heures du matin , dans la salle
du Musée des maîtres anciens.
— L'Institut royal des architectes anglais à Londres , et
l'Académie agraire de Pesaro remercient pour le dernier
envoi annuel des publications académiques.
— M. le secrétaire perpétuel donne lecture de la lettre
suivante qui lui a été adressée par M. le professeur Thomas
( 227 )
L. Donaldson, de Londres, associé de la section d'archi-
tecture de la classe :
« Désireux d'offrir à l'Académie une preuve de mon res-
pect et de mon dévouement, et de faire connaître en même
temps l'état de la gravure sur acier en Angleterre, j'espère
que vous me ferez l'honneur de présenter à mes confrères
une épreuve avant la lettre de deux planches publiées dans
ces dernières années par V Art-Union de Londres, dont je
suis membre du conseil. J'espère que l'Académie y recon-
naîtra le talent de nos graveurs, qui n'ont que rarement
l'occasion d'en faire preuve depuis la découverte de la
photographie.
» J'ai ajouté à ces pfanches deux brochures qui en don-
nent la description. Je désire à ce sujet appeler votre atten-
tion sur le fait étonnant que nous avons, cette année-ci,
plus de 18,000 souscripteurs payant chacun une guinéeî
ce qui fait une somme d'environ 474,000 francs.
» Vous trouverez à la fin d'une des brochures la situa-
tion des opérations de la Société depuis son commence-
ment. »
La classe décide que l'expression de sa plus vive grati-
tude sera transmise à M. Donaldson au sujet du don des
deux gravures précitées représentant : V La rencontre de
Wellington et de Blûcher à la ferme de la Belle-Alliance ,
le i 5 juin 18 io, d'après la fresque de Daniel Maclisedans
la galerie royale du Parlement à Londres, gravée par Lumb
Stocks en 1872; 2" le Retour de la pèche (Eight coast
scènes), tableau d'A. Willmore, gravé par E.-W. Cooke
en 1872.
Des remercîments sont également votés à M. le cheva-
lier Xavier Yan Elewyck pour l'hommage, fait en son nom
par M. Adolphe Siret, de son ouvrage : De l'état actuel de
( 228 )
la musique en Italie. Rapport officiel adressé à M. le Mi-
nistre (le l'intérieur du royaume de Belgique. In-8°.
— Le comité institué pour célébrer le 4' centenaire de
la naissance de Michel Ange envoie le programme des fêtes
qui seront célébrées à ce sujet à Florence les 12, 15 et
14 septembre prochain. Il exprime en même temps le
désir que l'Académie envoie des délégués.
La classe désigne MM. Fraikin, De Man et Slingeneyer.
Elle décide en même temps que le gouvernement sera prié
de lui prêter son concours dans cette circonstance.
ÉLECTIONS.
Conformément à l'article 17 de l'arrêté royal du 22 mai
1875, réglant l'organisation des grands concours de pein-
ture, de gravure, d'architecture et de sculpture, la classe
procède à la nomination de la commission chargée de dresser
la liste des objets d'art, tableaux, statues, bas-reliefs, etc.,
susceptibles d'être reproduits par les lauréats pendant leur
séjour à l'étranger.
La classe désigne :
Pour la peinture : MM.N. De Keyser et Gallait;
Pour la sculpture : MM. Joseph Geefs et Fraikin;
Pour la gravure ; MM. Franck et Leclercq ;
Pour l'architecture : MM. Balat et De Man.
MM. L. Al vin et Éd. Fétis, de la section des sciences et
des lettres dans leurs rapports avec les beaux-arts, feront
également partie de la commission.
( 2^29 )
Rapport de M. L. Àlviii sur les arrêtés royaux réorganisant
les grands concours du gouvernement pour la peinture,
la sculpture, la gravure et VarcJiltecture. (Séance du 5
août.)
Messieurs et honorés confrères ,
« Vous m'avez fait l'honneur de me charger de vous
faire un rapport sur les arrêtés royaux du 22 mai dernier
relatifs aux grands concours pour les prix dits de Rome et
de vous indiquer en quoi il est satisfait par les nouvelles
dispositions aux vœux exprimés à diverses reprises par la
classe des beaux-arts. Le préambule de ces arrêtés dont il
vous a été donné connaissance, dans la séance du mois de
juin, vise deux délibérations de notre compagnie et rap-
pelle les rapports et les conclusions qui ont été présentés
en son nom au gouvernement, sur l'invitation du départe-
ment de l'intérieur, rapports portant les dates du 5 août
1871 et du 11 novembre 1872.
Après avoir relu ces rapports, je suis d'avis, Messieurs
et honorés confrères, que la classe des beaux-arts doit des
remercîments à M. le Ministre de l'intérieur. Les nouvelles
dispositions arrêtées par le gouvernement font droit, dans
une large mesure, aux vœux qu'elle a exprimés.
Vous avez désiré que les grands concours de peinture,
de sculpture, d'architecture et de gravure fussent réorga-
nisés en prenant pour base le règlement du grand concours
de composition musicale. Il vous avait paru que l'ensemble
de tous ces concours constituant une institution nationale,
ils devaient être tous régis par les mêmes principes.
L'article 1" de l'arrêté royal du 22 mai maintient, il est
( 230 )
vrai, la ville d'Anvers comme le siège des grands concours
des arts graphiques et plastiques; mais il est à remarquer
que l'Académie royale de cette ville est une institution na-
tionale et qu'elle offre d'ailleurs des locaux parfaitement
appropriés aux travaux des concurrents, ce qu'il serait dif-
ficile, pour ne pas dire impossible, de rencontrer dans la
capitale.
L'article o fait droit aux demandes de la classe des
beaux-arts en ce qui concerne le concours préparatoire
des architectes.
Quant à la composition des jurys, il a également été
tenu compte de vos propositions; elles ont servi de base à
la disposition inscrite à l'article 2 d'un autre arrêté de la
même date qui forme le complément du premier.
Par l'article 17, qui règle les obligations des lauréats
durant leur séjour à l'étranger, le gouvernement a encore
donné sa sanction à vos propositions.
Seulement, comme ces arrêtés ne s'occupent que des
concours des arts graphiques et plastiques , les lauréats
des concours de musique n'y sont point compris. Tous
vous rappellerez. Messieurs et honorés confrères, que vous
aviez proposé d'imposer aux lauréats de cette catégorie,
durant leur séjour à l'étranger, certains travaux analogues
à ceux qui sont exigés des autres. Il y a lieu d'espérer que
le gouvernement, s'il juge à propos de reviser le règle-
ment du grand concours musical, tiendra compte de vos
propositions.
Quelques articles m'ont paru devoir donner lieu à des
observations.
A l'article 6, il est dit que trois membres choisis par la
classe des beaux-arts de l'Académie feront partie du jury
chargé de juger le concours préparatoire, mais on a négligé
(231 )
de dire dans quelle catégorie et suivant quels principes
seront choisis les quatre autres.
La même observation peut s'appliquer à l'article 9.
L'article 10 a conserve la disposition en vertu de laquelle
le montant d'une pension non appliquée est réservé, durant
les quatre années, et peut être réparti en encouragements
particuliers à déjeunes artistes de mérite.
On omet de dire par qui et d'après quels principes cette
répartition sera faite.
A l'article 15, on oublie d'indiquer le lieu où se réunira
le jury qui fera subir l'épreuve littéraire et scientifique aux
lauréats avant leur départ pour l'étranger. On ne dit pas
non plus qui présidera ce jury.
D'après l'ancien règlement ces jurys siégeaient à l'Aca-
démie d'Anvers et la présidence était attribuée à un pro-
fesseur de cette institution.
Enfin, l'article lo désigne encore le directeur de l'Aca-
démie d'Anvers comme devant être le correspondant obligé
des lauréats, pendant leur absence du pays, même lors-
qu'ils ont fait leurs études dans une autre école. Votre com-
mission avait critiqué cette disposition de l'ancien règle-
ment.
En résumé les arrêtés du 22 mai dernier ont apporté
de sérieuses améliorations aux règlements antérieurs et,
comme je l'ai dit au début de ce rapport, il y a lieu d'en
remercier M. le Ministre de l'intérieur.
En exécution des dispositions nouvelles, la classe des
beaux-arts aura à intervenir dans plusieurs cas.
Elle devra désigner, dès la iin de la présente année,
trois de ses membres-artistes pour faire partie du jury
chargé de juger les concours préparatoires (art. 6).
Elle aura à dresser une liste des objets d'art, tableaux.
( 252 )
statues, bas-reliefs, etc., susceptibles d'être utilement re-
produits par les lauréats.
Il me semble qu'il n'y a point de temps à perdre pour
désigner la ou les commissions qui seront chargées de cette
besogne. »
JUGEMENT DU CONCOURS ANNUEL.
Sujets littéraires.
La classe avait reçu un mémoire portant pour devise :
La sculpture est l'image ou le miroir de l'univers, en
réponse à la première question de la partie littéraire du pro-
gramme. Cette question avait pour sujet : Faire l'histoire
de la sculpture en Belgique aux XVIP et XVIIP siècles.
Rapport de M. Ad. Sit-et, pi'etniet* contntissait^e.
« L'année dernière la classe des beaux-arts reçut un
mémoire volumineux en réponse à cette question. Le jury
chargé de l'examen vous exprima ses regrets de ce que
l'auteur de ce mémoire eut si mal interprété le sens réel
de la question , en négligeant le côté historique pour ne
s'attacher qu'à la partie biographique. Celle-ci, il est vrai,
était traitée avec un soin et une recherche de travail qui
rendaient plus visible la lacune signalée. Telle était, selon
nous, la valeur de cette partie du mémoire, que nous fûmes
d'avis de décerner à l'auteur une médaille d'argent.
Les considérations développées dans notre rapport de
l'année dernière, à l'effet de justifier la sévérité du juge-
( 255 )
ment porté sur la partie historique de ce mémoire, ont,
paraît-il, frappé Fauteur. Le travail qui est soumis aujour-
d'hui à la classe est de la même main ; il est reconnais-
sable à l'écriture d'abord, ensuite à la division des matières
qui est restée la même. Mais quelle différence entre le
manuscrit de 1874 et celui de cette année! Je ne vais
point. Messieurs, établir de parallèle entre les deux œu-
vres; je me bornerai à esquisser en larges traits le plan et
la marche du mémoire de cette année. En comparant le
rapport actuel avec celui de 1874, on pourra s'assurer de
la différence signalée, différence radicale en effet, car plus
de la moitié du manuscrit d'aujourd'hui doit être consi-
dérée comme le résultat d'une nouvelle inspiration.
L'Introduction prend la chose ab ovo. L auteur établit
d'abord les styles architecturaux, c'est le point de départ
rationnel de son œuvre considérable ; il énumère, par zones,
toutes les œuvres de sculpture proprement dite et de sculp-
ture ornementale éclosessur notre sol; cette énumération,
pour être complète, devait être longue; elle l'est, en effet,
sans qu'on puisse lui reprocher son étendue; l'auteur dé-
termine sobrement, mais exactement, les caractères que
le mouvement civilisateur et social imprime à l'art plas-
tique; il note les œuvres qui ont une valeur consacrée. Du
XIP siècle jusqu'à la Renaissance, il s'attache soigneuse-
ment à préciser ce qui nous appartient en propre, et cette
partie de son mémoire n'est pas la moins instructive.
Arrivé à l'extraordinaire épanouissement artistique qui
caractérise la Renaissance, l'auteur s'étale dans son sujet
avec une véritable béatitude. Les abbayes, les églises, les
monuments civils, les tombeaux, les retables, les orne-
ments, les autels, les mausolées, tout ce qui constitue
enûn l'œuvre d'art par excellence, est passé en revue, et.
( 234 )
à chaque objet, est attaché le nom de l'artiste sans que
récrivaîn paraisse se fatiguer d'un travail dont on ne peut
se faire une idée qu'en en prenant connaissance. Il y a
près d'une centaine de pages consacrées à cette Inlroduc-
tion substantielle. îl est vrai que, vers la fin, l'auteur pé-
nètre déjà dans le vif du sujet qu'il va attaquer de front,
non sans avoir placé entre les deux parties essentielles de
son œuvre une note sur l'institution des Gildes artisti-
ques dont les annales si utiles peuvent être considérées,
en quelque sorte , comme les livres d'or de notre histoire.
L'Introduction s'appesantit avec raison sur les troubles
religieux et politiques du XVP siècle, si funestes à l'art
de la sculpture particulièrement. Jamais le chiffre de nos
pertes d'alors ne sera connu, mais on pourra s'en faire une
idée quand on saura que dans la seule nuit du 4 novem-
bre 1576, nuit de la Furie espagnole, Anvers perdit pour
environ cinquante millions de notre monnaie, d'objets
mobiliers. Si une seule nuit, si quelques heures d'orgie
révolutionnaire ont eu de si calamiteuses conséquences
dans une seule ville du pays, on peut plus ou moins se
faire un tableau du désastre qui frappa les Pays-Bas en-
tiers, à l'exception du pays de Liège, lorsque éclatèrent les
furies iconoclastes. Pendant quarante ans environ, nos
monuments publics, civils et religieux, étaient restés dans
l'état de dévastation oii ils avaient été mis : mutilés et pro-
fanés; pendant quarante ans les beaux-arts avaient subi
une prostration inouïe dans l'histoire, lorsque parut,
en 1614, l'édit des Archiducs qui ordonna la restauration
de tout ce qui avait été détruit, notamment l'ameuble-
ment des églises. Le réveil fut instantané et d'autant plus
radieux qu'il eut pour aube et pour soleil cet astre nommé
Rubens. A la chaleur vivifiante et communicative de cet
( 255 )
immortel talent que les Archiducs eurent l'adresse de fixer
à Anvers, la sculpture aussi reprit son essor, et c'est à
partir de ce moment qu'elle irradia sur nos provinces avec
une extrême surabondance de produits.
Le style de Vlntroduction est simple, concis; il marche
régulièrement, avec assurance et sincérité. L'auteur semble
avoir pris pour devise le mot de Quintilien : Scribiliir ad
narrandum non adprobandum. Ce système a le défaut de
sa qualité, c'est-à-dire que si la prose de notre auteur a le
mérite de la simplicité, elle est veuve de tout lyrisme. On
serait tenté de croire qu'il s'est gardé, comme d'un appât
fatal, de l'enthousiasme qui pourrait lui être reproché.
Dans une œuvre de cette nature la modération n'est point
une faute. Je dirai plus, elle est ici élevée à la hauteur
d'une qualité.
Dans mon rapport de 1874 j'ai reproché à l'auteur de
manquer de sens esthétique. Ce reproche je le maintiens
ici, mais telle est la sérénité avec laquelle nous apparaît
l'œuvre de l'historien , que je ne regrette plus l'absence du
philosophe. Je suis convaincu que le mémoire que nous
avons sous les yeux aurait manqué d'homogénéité si l'au-
teur, pour complaire absolument au vœu exprimé en 1874,
avait voulu introduire dans sa manière des allures qui ne
sont point les siennes et dont, en définitive, les termes du
programme n'exigeaient point la présence. Ne forçons
point notre talent, c'est le cas de le répéter ici.
La seconde partie du mémoire a subi d'importantes
améliorations. C'est encore le même système, c'est-à-dire
le groupement des artistes par régions : chaque localité
importante ou chaque groupe de plusieurs villes réunies
sous une même influence, donne à connaître les artistes
qui y sont nés et les œuvres que ceux-ci ont produites. II
( 236 )
y a là une grande richesse de matériaux et une succession
abondante d'énuinérations d'un réel intérêt. Trois cent cin-
quante pages environ sont consacrées à cette partie de
l'œuvre, partie essentiellement matérielle et dans laquelle
est renfermée toute l'histoire de la sculpture au XVIl^ et
au XVKl'' siècle. Les pages qui concernent Duquesnoy ,
Fayd'herbe, Yerhaegen, Floris, Jonglielincx, Quellyn,
Vervoort, Bauerscheit, Verschaffelt, Delvaux, Grupello,
Sauvage, Cyfflé, Van Poucke, Jean de Bologne, Ledoux,
Leroy, Warin, Cardon et cent autres, sont des pages soi-
gnées qui permettent d'apprécier l'étendue des recherches
et des travaux d'initiative auxquels a dû se livrer l'au-
teur.
L'influence de Rubens sur la statuaire du XVIP siècle,
la prédominance des ateliers de Yerhaegen , de Fayd'herbe,
des Quellyn, des Kerricx, etc., la protection eflîcace et dé-
cisive des corporations religieuses accordée pendant près
de deux siècles à la sculpture en général, le développe-
ment inouï de cet art au sein de nos provinces, avec son
débordement, peut-on dire, sur nos petites localités, tout
cela est noté consciencieusement dans le manuscrit. De
loin en loin, et timidement, un sentiment personnel se
fait jour, de même qu'une critique pondérée, mais, ainsi
que je l'ai dit, sans enthousiasme. Question de tempéra-
ment, sans aucun doute, d'autant plus que chez nous la
postérité ne s'est pas encore définitivement prononcée sur
le quantum ex2LCt du talent de nos sculpteurs. C'est à peine
si nous connaissons^ au juste degré d'admiration qu'elles
méritent, certaines œuvres splendides de Yerhaegen, telle
que la chaire de vérité de Lokeren ; c'est à peine si l'on a
daigné remarquer l'adorable finesse de ciseau et le senti-
ment toujours ému des Kerricx qui ont rempli les églises
( 237 )
(l'Anvers de véritables chefs-d'œuvre. J'en passe et des
meilleurs, mais je le répète, nous n'avons jamais jusqu'ici
accordé qu'une attention trop distraite, je n'ose pas dire
indilTérente, à cette robuste statuaire flamande toute
exubérante de vie et de sentiment. A coup sûr le livre que
j'ai devant moi aidera nos yeux à s'ouvrir et contribuera à
faire disparaître cette souveraine injustice.
Dans cet ensemble considérable de renseignements de
toute nature, au milieu de ces descriptions multipliées et
nécessaires, parmi ce monde historié et décrit, dans cette
seconde partie enlin, consacrée à un sujet qui exige fatale-
ment des formules écrites d'une variété d'allures difficile,
j'ai rencontré de légères imperfections de style et quelques
inexactitudes de peu d'importance, que le bénéfice des
corrections permises fera disparaître. Si j'en parle ici, ce
n'est point pour faire un reproche à l'auteur, mais afin
d'appeler son attention sur la partie perfectible de son
manuscrit. Ceux qui se livrent aux travaux biographiques
et d'énumération, savent que, dans cette matière, l'indul-
gence est acquise de droit à l'écrivain.
Avant d'arriver à mes conclusions, je désire, Messieurs,
présenter une observation qui vous fera mieux encore
comprendre la valeur du verdict que je vais avoir l'hon-
neur de vous soumettre.
Comprend-on que dans un pays comme le nôtre où les
arts sont en si grande estime, dans un pays comme le
nôtre où toutes les branches principales des connaissances
humaines ont eu , depuis plus de trois siècles , leurs histo-
riens spéciaux, comprend-on, dis-je, que l'histoire de la
sculpture n'eût pour pivot, hier encore , qu'une mince et
sèche nomenclature de quelques noms renfermés dans
une légère plaquette due à Baert et publiée en i848 par
( 238 )
le B°" de Reiffenberg! Quel étrange et incompréhensible
ostracisme a donc frappé, depuis quatre cents ans qu'on
écrit et qu'on imprime chez nous, cet art qui peut passer
pour le premier de tous et dont les Grecs ont fait l'éter-
nelle gloire de l'antiquité! La peinture, l'architecture, la
gravure, la musique, ont leurs annales enregistrées dans
des livres que l'on peut perfectionner mais qui ne sau-
raient plus mourir , et la sculpture, elle, en était encore à
se demander si réellement elle a jamais existé en Bel-
gique !
Aujourd'hui, je n'hésite pas à l'affirmer, grâce à la pré-
voyance de l'Académie, cette lacune n'existe plus. Le
manuscrit qui vous est soumis a comblé ce vide inexpli-
cable. Je déclare en même temps que, s'il est le travail
initiatif de l'espèce, je ne veux point prétendre qu'il soit
le dernier mot de la question : il en est le premier, et,
comme tel , je suis convaincu que les travailleurs de l'ave-
nir y trouveront un guide sage, précieux et complet. L'his-
torien a accompli sa lâche. Viennent maintenant les com-
mentateurs et les philosophes, viennent les discussions, le
procès-verbal est fait. »
M. Joseph Geefs, second commissaire, déclare se rallier
à ce rapport.
Rapport de .Vf. C J9e JUan^ tt^oisiètnc comtnissair-e.
« Ce mémoire présenté et soumis déjà l'an passé à
l'examen de la classe des beaux-arts, avait donné lieu à
diverses critiques. L'auteur en a tenu compte, aussi toute
la première partie de son travail , d'abord composé pres-
que exclusivement de citations et d'emprunts faits aux
( -259 )
écrivains qui ont traité de la sculpture aux XVJI" et XVIiJ''
siècles, a été complètement modifiée; L'auteur s'est iden-
tifié avec son sujet; c'est lui qui parle, c'est lui qui raconte
et qui nous initie à tous les faits qu'il a recueillis : son style
est simple, clair et correct.
La seconde partie du mémoire a été maintenue intégra-
lement : elle présente un grand intérêt et les rapports
précédents en ont déjà rendu compte d'une façon très-
élogieuse; aussi je crois inutile d'y revenir.
Jugeant donc de l'ensemble de ce travail colossal, j'es-
time qu'il répond convenablement à la question, jusqu'à
présent négligée, de la sculpture aux XVII" et XYIII*^
siècles.
En conséquence je me rallie à la proposition d'accorder
à son auteur la médaille d'or. j>
La classe, conformément aux conclusions favorables de
ses commissaires, vote, en conséquence, sa médaille d'or à
l'auteur du mémoire précité; l'ouverture du billet cacheté
fait connaître comme étant l'auteur de ce travail, M. Ed-
mond Marghal, secrétaire adjoint de l'Académie.
Sujets d'art appliqué.
La classe avait inscrit à son programme de concours de
cette année quun prix de six cents francs serait accordé
à la meilleure médaille exécutée par un artiste belge depuis
le i^^ janvier i 87 2. Les concurrents devaient soumettre
un exemplaire de leur œuvre avant le 1'" septembre 1875.
Cinq médailles ont été envoyées pour ce concours :
1" Les victoires de l'Allemagne en 1870-1871 ;
( UO )
2° La visite du Izar Alexandre à Londres en 1874;
5° L'alliance des républiques américaines du Sud pour
la défense de Lima.
Ces trois pièces sont l'œuvre de M. Charles Wiener.
4° Le Roi est mort! Vive le Roi! par M. Éd. Geerts;
o° L'inauguration du monument de Cliarlemagne , par
M. Constantin Jehotte.
Le jury, après mûre délibération, propose, à l'unani-
mité, que le prix de six cents francs soit décerné à l'au-
teur des médailles indiquées sous les n°' 2" et 5°.
Le jury signale particulièrement la face de la médaille
du tzar et le revers de l'alliance des républiques de l'Amé-
rique du Sud.
La classe a approuvé ces résolutions. ,.
— La classe avait donné le sujet suivant pour le con-
cours de sculpture de cette année :
On demande un bas-relief pour une frise placée à 3 mè-
tres d'élévation et ayant pour sujet l'Horticulture per-
sonnifiée.
Trois bas-reliefs ont été présentés à ce concours.
Le n'' 1 avait pour devise un triangle;
Le n" 2 les mots : Horticulture, — Pomone et son
cortège ;
Et le n° 5 un trophée d'instruments horticoles.
Après avoir examiné les trois œuvres, le jury a été d'avis
que le n" 2, s'il ne réunit pas les conditions nécessaires
pour mériter le prix, offre cependant assez de qualités
pour qu'il y ait lieu d'accorder à l'auteur un prix d'encou-
ragement consistant en une somme de 500 francs.
La classe a ratifié ce jugement.
( 241 )
L'auteur de ce bas-relief a fait connaître depuis qu'il
acceptait cette récompense. C'est M. Julien Dillens, qui
a remporté un prix d'encouragement de la même somme
l'année dernière pour le carton qu'il avait présenté au con-
cours de peinture.
CAISSE CENTRALE DES ARTISTES.
Sur la proposition du bureau du comité directeur, la
classe accorde la pension ordinaire ainsi qu'un secours
temporaire à la veuve de M. Ch. V..., artiste peintre, qui
faisait partie de l'association et que celle-ci a perdu récem-
ment.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE.
La classe s'occupe des préparatifs de la séance publique
annuelle, laquelle, d'après l'article 11 du règlement gé-
néral de l'Académie, doit avoir lieu dans le mois de
septembre.
Elle fixe cette solennité au jeudi 30 de ce mois, à une
heure, dans la Grand'salle des Académies au Musée.
Elle tiendra la veille, à la même heure, dans la salle
ordinaire des séances, une réunion préparatoire pour la
lecture des pièces qui figureront au programme de la
cérémonie.
2"* SÉRIE , TOME XL. 16
( 242 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 29 septembre 1815.
M. F.-A. Gevaert, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, L. Gallait, G. Geefs,
J. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, De Busscher, Aug.
Payen, le chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Gust. De
Man, Ad. Siret, Julien Leclercq, Ernest Slingeneyer, Alex.
Robert et A. Pauli, membres.
CORRESPONDANCE.
M. Balat écrit que « Tétat de sa santé le retenant éloi-
gné de Bruxelles, il ne pourra avoir l'honneur de présider
la séance publique de la classe, comme c'eût été son de-
voir. Tout en offrant ses regrets et ses excuses à ses con-
frères, il adresse le discours que, suivant l'usage, il avait
préparé pour cette circonstance, afin qu'il puisse en être
donné lecture si la classe l'approuve. »
— M. Jules Devaux , chef du cabinet du Roi, exprime,
par écrit, de la part de Leurs Majestés, leurs regrets de
( 243 )
ne pouvoir se rendre à l'invitation qui leur a été faite d'as-
sister à la séance publique.
M. le général Burnell, aide de camp de S. A. R. Mgr le
Comte de Flandre, exprime des regrets semblables au
nom de LL. AA. le Comte et la Comtesse.
LL. Exe. le baron Gerycjie d'Herwynen, Ministre pléni-
potentiaire des Pays-Bas; sir John Savile Lumley, Minis-
tre plénipotentiaire d'Angleterre, et MM. le comte
d'Aspremont-Lynden, Ministre des affaires étrangères;
Beernaert, Ministre des travaux publics; le baron Lam-
bermont , secrétaire général du Ministère des affaires
étrangères; le baron Snoy, questeur de la Chambre des
représentants, remercient pour leur invitation à la séance
précitée.
— MM. Edmond Marchai , secrétaire adjoint de l'Aca-
démie, et Charles Wiener, artiste graveur, écrivent pour
remercier la classe de la distinction qui leur a été ac-
cordée.
— M. Julien Dillens se déclare l'auteur du bas-
relief n° 2, portant pour devise : V Horticulture^ Pomone
et son cortège, auquel la classe a accordé, à titre d'encou-
ragement, une somme de cinq cents francs.
— M. V. Stiénon , secrétaire de la commission direc-
trice des musées royaux de peinture et de sculpture,
adresse, conformément aux instructions de M. le Ministre
de l'intérieur, le projet de restauration du temple de
\esta, à Tivoli, que M. Dieltjens, lauréat du grand
concours d'architecture de 1871, a fait parvenir au gou-
vernement à titre d'envoi-copie prescrit par le règlement
des grands concours.
( 244 )
— M. Banner, architecte à Paris, demande divers ren-
seignements au sujet du mémoire couronné de M. Pin-
chart relatif à VHistoire de la tapisserie de haute lisse aux
Pays-Bas. — Renvoi à M. Éd. Fétis, qui a été premier
commissaire pour ce mémoire.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. L. Alvin rend compte de la mission académique
qu'il a remplie avec ses collègues MM. Fraikin et Slinge-
neyer aux fêtes du 4-^ centenaire de la naissance de
Michel-Ange, qui ont eu lieu à Florence les 12, 15 et
14 septembre.
Les applaudissement de l'assemblée accueillent cette
relation.
La classe s'occupe ensuite des préparatifs de sa séance
publique annuelle, qu'elle a fixée au jeudi 30 septembre,
à 1 heure, dans la Grand'Salle des Académies au Musée.
Indépendamment du discours de M. Balat, qui sera pro-
noncé, en l'absence de l'honorable directeur, par M. Ge-
vaert, vice-directeur, le programme se composera des
lectures suivantes : Souvenir des fêtes du 4^ centenaire de
la naissance de Michel-Ange, à Florence, par M. L. Alvin;
rapport de M. Ad. Siret sur le mémoire couronné concer-
nant VHistoire de la sculpture aux Pays-Bas pendant les
XVIP et XVIIP siècles ; proclamation par M. le secrétaire
perpétuel des résultats des concours.
( 24S )
CLASSE DES BEAUX- A RTS.
Séance publique du jeudi 30 septembre 1875.
(Dans la Grand'Salle des Académies au Musée.)
M. F.-A. Gevaert, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. LiAGRE , secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, G. Geefs, Jos. Geefs,
C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Payen, le
chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Gust. De Man ,
Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slingeneyer et Alex. Robert,
membres; De Biefve et Stappaerts, correspondants.
Assistaient à la séance :
Classe des sciences : MM. L. de Koninck, P.-J. Van
Beneden, Nyst, Gluge, Melsens, F. Duprez, G. Dewalque,
Gloesener, Ch. Montigny et C. Malaise, membres; Eug.
Catalan, associé.
Classe des lettres : MM. J. Roulez , P. De Decker, de
Witte, Faider, R. Chalon, Juste, le baron Guillaume et
Alph. Wauters, membres; J. Nolet de Brauwere van Slee-
land et Aug. Scheler, associés.
Le bureau de la classe, composé de M. Gevaert, vice-
directeur, remplaçant M. Balat, absent pour motifs de
santé, de M. Liagre, secrétaire perpétuel, ainsi que de
MM. le baron Guillaume, directeur, et Ch. Faider, vice-
( '^4'^ )
directeur de la classe des lettres, s'est installé sur l'estrade
présidentielle, à 1 heure.
M. Gevaert, après avoir déclaré la séance ouverte ,
annonce que M. Balat ne pourra venir présider la solen-
nité.
M. le vice-directeur a bien voulu se charger de donner
lecture du discours de M. Balat conçu, en ces termes :
« Messieurs,
» A l'une de nos séances publiques précédentes, celle
de 1871, le directeur de la classe des beaux-arts, qui était
alors l'honorable M. Gallait, se trouva forcé de formuler
nn regret sur la situation des beaux-arts dans notre pays.
» Il se plaignait qu'au moment même où l'on érigeait ,
à Bruxelles et à Anvers, de véritables palais aux spécula-
tions commerciales et industrielles, les artistes n'avaient
pas même un local convenable pour les expositions pério-
diques de leurs œuvres.
» La lacune en effet était fâcheuse. Sans aborder ici le
grand thème de l'influence morale et sociale de l'art, on
peut dire qu'il ne compte pas moins que l'industrie dans
nos revenus, et qu'il compte peut-être pour plus dans notre
gloire.
» En remplaçant aujourd'hui notre éminent confrère,
je suis heureux d'avoir à constater que la situation regret-
table qu'il signalait va cesser d'exister. Les plaintes peuvent
même faire place à des remercîments.
» Non-seulement la réclamation de l'Académie a été
écoutée, mais elle n'a rencontré partout que l'accueil le
plus sympathique.
( 247 )
» Appuyée tout d'abord par un Souverain que les arts
se sont habitués à considérer comme leur protecteur
naturel, TAcadémica pu s'occuper des moyens de réparer
elle-même le mal qu'elle avait signalé. Son projet a reçu
l'approbation immédiate du gouvernement et a été voté
par les Chambres. L'Académie avait, du reste, rencontré
tout d'abord l'adhésion unanime du public, et elle avait
trouvé sa première récompense dans les remercîments
empressés et enthousiastes qu'une députation d'artistes
était venue apporter à M. Gallait.
» En cette occasion, l'Académie eut un autre mérite:
ce fut de porter la lumière dans une sorte de problème
resté jusque-là insoluble, et de rendre pratique une idée
que beaucoup d'esprits commençaient à reléguer parmi les
chimères : l'érection à Bruxelles d'un palais des beaux-
arts.
» Ce projet, en effet, pendant trop longtemps n'avait
guère été qu'une utopie. On demandait au futur palais
des beaux-arts de réunir et de satisfaire des services si
multiples et si divers qu'ils en étaient presque contradic-
toires. Tout ce qui se rattachait d'une façon quelconque
aux différents arts devait y trouver place et, en poursui-
vant l'idée de ce palais imaginaire, en la développant et
en la compliquant outre mesure, on ne s'apercevait pas
que ce qui manquait surtout aux arts dans la capitale,
c'était, d'abord et fondamentalement, des locaux spacieux
pour les expositions triennales. Il n'était pas moins urgent
d'en avoir pour les solennités publiques. Tels étaient les
deux termes fort simples du résultat à réaliser.
» C'était à cette idée qu'il fallait ramener l'opinion.
L'Académie a formulé son programme en conséquence.
Elle a voulu qu'un seul édifice pût satisfaire à cette double
( !248 )
destination. C'était évidemment le seul moyen de rendre
exécutable le palais projeté et de justifler les frais consi-
dérables de cette construction destinée à nos expositions
triennales : il fallait que, dans cet intervalle de trois ans
qui s'écoule d'une exposition à l'autre , le palais des beaux-
arts pût rendre encore d'autres services.
» L'édifice qui va être érigé rue de la Régence donnera
toute satisfaction à ces légitimes exigences.
» Une condition essentielle pour le succès des exposi-
tions qu'il attend, c'est son emplacement. L'Académie a
été assez heureuse pour rencontrer, pour ainsi dire provi-
dentiellement, un terrain disponible appartenant à l'État,
et tel précisément qu'on pouvait le souhaiter comme situa-
tion, étendue, voisinage, réunissant en un mot toutes les
conditions consacrées par l'expérience.
» Le local définitif de nos expositions dépassera nota-
blement en contenance tous les locaux provisoires qui l'ont
précédé. On peut donc dire qu'il est en mesure de faire
face à tous les développements que peut prendre encore
notre production artistique, surtout si l'on se fait un scru-
pule de n'y admettre que des œuvres d'un mérite réel.
» Dans l'intervalle de nos expositions triennales, il
pourra recevoir d'autres destinations auxquelles il est
approprié d'avance. Une transformation prévue et facile,
dans les dispositions intérieures, permettra de le faire ser-
vir aux solennités publiques, aux distributions des récom-
penses et même à des concerts réunissant un nombreux
public.
» Enhn, et sans contrarier aucun de ces services divers,
une partie de l'édifice pourra être constamment réservée à
des expositions spéciales pour lesquelles les locaux man-
quent encore, exposition d'archéologie, exposition de
( 249 )
tableaux anciens tirés de galeries particulières, exposition
de cartons, exposition des aquarellistes, etc., etc.
D On arrivera ainsi à réaliser une innovation qui semble
amenée par la force des choses, que beaucoup de voix
réclament et dont bien des esprits attendent les meilleurs
résultats: une exposition permanente.
» L'artiste n'a qu'un jour tous les trois ans pour se
montrer, et ce jour-là il faut qu'il se montre dans la cohue
de 1,200 concurrents. La production littéraire, il faut
l'avouer, se fait dans des conditions plus favorables. Le
livre n'attend pas une exposition pour paraître; 2,000 vo-
lumes ne font pas irruption en même temps chez le libraire;
ils paraissent un à un, se lisent séparément et ne se com-
battent pas l'un l'autre. Pourquoi n'en serait-il pas de
même de la production artistique?
» Dans une exposition permanente les tableaux seraient
naturellement moins nombreux, mieux vus et mieux jugés.
Les artistes produiraient alors à leur heure, selon leur
tempérament, et n'en feraient que de meilleurs ouvrages.
7> Ajoutons que la faculté de se produire à l'exposition
permanente permettrait d'être exigeant pour les admis-
sions aux expositions triennales, et que celles-ci, dès lors,
deviendraient véritablement un choix, première condition
pour qu'elles soient une fête et un enseignement.
B Cette exposition permanente, je pense, Messieurs,
qu'elle ne trouvera nulle part un emplacement plus con-
venable et plus digne que le futur palais des beaux-arts,
où on la visitera d'autant plus volontiers qu'elle y sera
placée en dehors de toute spéculation et indépendante de
tout parti pris.
» Le jour où une exposition de cette nature sera ou-
verte, où la coutume sera de la visiter, ce jour-là, l'art
( 2S0 )
deviendra l'aliment quotidien, comme le livre ou le
théâtre.
» Voilà évidemment le plus grand progrès que nous
puissions aspirer à réaliser, car l'art ne sera un besoin
qu'à condition d'être d'abord une habitude. »
— M. L. Alvin a fait ensuite la lecture suivante :
G Messieurs, le public bruxellois, accoutumé à trouver
chaque année, à la suite du discours ofliciel du président
de celte solennité, les attrayantes émotions de la musique,
doublées encore par l'intérêt qu'inspire l'exécution de la
cantate des lauréats du grand concours de composition
musicale, ce public que nous avons un peu gâté, pourrait
n'être guère disposé à accepter, comme compensation du
régal qui lui était annuellement offert, de simples lectures
sur des questions d'art. Nous avons d'autant plus besoin
de son indulgence , nous qui ne pouvons l'entretenir que
des fêtes auxquelles nous venons de prendre part en qua-
lité de délégué de la Compagnie. Le IV' centenaire de
Michelange a été célébré à Florence avec un éclat qui
défie toute description; mais nous espérons que vous vou-
drez bien écouter sans trop d'ennui l'expression des sen-
timents que nous y avons éprouvés et dont nous avons
rapporté la vive impression.
Souvenir du IV^ centenaire de Michelange.
« Honneur aux nations qui , comprenant la valeur de
l'héritage de gloire que leur ont laissé leurs ancêtres,
savent le conserver avec un soin et un respect religieux!
Celles-là seules sont dignes d'un avenir pareil à leur passé.
( 25i )
» Lorsqu'une ville a vu naître dans ses murs deux gé-
nies tels que Dante et Michelange — sans compter tant
d'autres illustrations, — ses magistrats ont de grands de-
voirs à remplir. Pour les peuples , comme pour les familles,
noblesse oblige. La municipalité de Florence se montre
pénétrée de cette vérité, d'abord par la sollicitude dont
elle fait preuve pour la conservation des monuments de
sa splendeur artistique, exposés pendant des siècles aux
ravages du temps, et ensuite par la manière dont elle
bonore la mémoire de ses grands liommes. Je n'en veux
d'autre témoignage que les fêtes splendides du IV^ cente-
naire du génie prodigieux qui, dans le dialecte toscan,
si sonore et si doux, a nom Michelangiolo Buonarroti (1),
fêtes à la fois somptueuses et populaires, nationales et uni-
verselles, auxquelles avaient été conviés tous les corps
artistiques, littéraires et scientifiques du monde entier.
» L'Académie royale des sciences, des lettres et des
beaux-arts de Belgique ne pouvait, sans renier le passé de
la patrie, se dispenser de répondre à cet honorable appel.
Elle a délégué, pour la représenter au centenaire de l'homme
qui a été également éminent dans les arts de l'architecture,
de la peinture et de la sculpture, trois de ses membres :
un architecte, M. G. De Man, un peintre, M. E. Slingeneyer,
et un sculpteur, M. A. Fraikin. Des motifs de santé ayant
empêché le premier de remplir sa mission, j'ai été désigné
pour le remplacer. Je reconnais humblement que je n'avais
qualité pour représenter aucune des branches de l'art
(1) Les invita lions ofticielles portent toutes Michelangiolo. Dans le
recueil des lettres du grand artiste, celui-ci signe Michelagniolo^ troisième
forme du nom.
( 252 )
dans lesquelles Michelange a excellé; je n'en ai pas moins
accepté, entraîné que j'étais par la séduction qu'exerce
la ville de Florence sur ceux qui ont eu le bonheur de la
visiter une fois.
» L'accueil que nous avons reçu a été aussi cordial que
distingué, et nous risquerions d'être taxés d'ingratitude si
nous ne saisissions la première occasion qui se présente de
témoigner publiquement notre reconnaissance pour une
aussi magnifique hospitalité.
IL
» Michelange avait depuis longtemps, dans l'église de
Santa-Croce, son mausolée de marbre , auquel avaient tra-
vaillé concurremment les trois sculpteurs Lorenzi, Cioli et
Gio deirOpera. Quel nouveau monument lui élèvera-t-on,
à l'occasion du IV^ centenaire de sa naissance? Cette ques-
tion a dû préoccuper l'édilité florentine; celle-ci Ta résolue
de la façon la plus heureuse.
» Dominée par un sentiment de modestie, sans doute
exagéré, mais assurément respectable, elle n'a voulu con-
fier à aucun contemporain l'exécution des statues qui de-
vaient décorer la place nouvelle consacrée à perpétuer le
souvenir des vertus civiques de l'immortel artiste. Et pour-
tant elle eût pu trouver chez elle un sculpteur digne de
cette mission. Sur l'emplacement même d'une citadelle
que le génie de Michelange avait fortifiée et défendue
contre les ennemis de sa patrie, sur la colline de San
Miniato, dominant la cité et toute la vallée de l'Arno,
s'étend aujourd'hui une place qui portera à l'avenir le
( 253 )
nom du grand homme. Au milieu, se dresse le David,
œuvre de la jeunesse du maître {voir la note A), dont le
temps commençait à altérer le marbre. Coulée en bronze,
celte statue bravera les siècles. Couchées sur le piédestal,
les quatre figures magistrales qui décorent les tombeaux
des Médicis (également coulées en bronze pour cette desti-
nation) complètent le monument.
ï> C'est ainsi qu'a été réalisée la pensée de l'éminent
syndic, le commandeur Ubaldino Perruzzi :
« Michelange est seul digne de faire un monument à
Michelange. »
» La maison où l'artiste a passé une grande partie de sa
vie, où le citoyen a veillé au salut de la patrie, où l'austère
penseur a mûri ses subligaes conceptions, a été transfor-
mée en un sanctuaire. Elle n'abritera plus désormais que
le souvenir de cette puissante intelligence. Là sont re-
tracés par le pinceau les épisodes principaux de cette exis-
tence si digne, si sévère, si laborieuse; là se conserveront,
ce qu'on pourrait appeler les reliques de l'âme : ses écrits,
ses correspondances, les croquis jetés par lui sur le papier,
aux moments de l'inspiration, et les autographes de ces
sonnets que lui dictait la Muse et qui lui ont mérité le nom
de poète, afln que rien ne manquât à sa gloire. Cet asile
toutefois, qui a pu abriter l'artiste, serait trop étroit pour
contenir son œuvre. C'est dans les galeries de l'Académie
des beaux-arts qu'a été réuni tout ce qu'il a été possible de
rassembler des ouvrages du maître, soit en originaux, soit
en copies, soit en reproductions. On avait fait appel à tous
les heureux possesseurs de ces trésors, et l'appel a été
( 254 )
entendu. Ce musée constitue un ensemble inappréciable ou
les générations futures pourront juger de la puissance de
création que Dieu avait départie à un seul homme.
» Le comité organisateur des fêtes n'a pas même oublié
les absents. A ceux qui n'ont pu et qui ne pourront accom-
plir ce pieux pèlerinage, il offre trois publications qui jet-
tent un jour nouveau sur la vie du grand homme. C'est
d'abord :
» Un Album des dessins originaux de Michelange repro-
duits par la photolilhographie. (Voir la note B.)
» En second lieu, la bibliographie de Michelange com-
prenant, avec la liste des ouvrages publiés sur le grand
artiste ou à propos de ses ouvrages, le catalogue des gra-
veurs qui ont reproduit ses compositions. [Voir la note C.)
» En troisième lieu, — et ce livre est lui-même un mo-
nument, — les lettres de Michelange Buonarroti, publiées
avec les notes et contrats artistiques du maître, par les
soins de Gaetano Milanesi, édition magnifique, petit in-
folio, de plus de 700 pages [voir la note D), ordonnée par
les organisateurs des fêtes du quatrième centenaire de la
naissance de leur immortel concitoyen. On trouve dans ce
livre non-seulement ce qui avait déjà été publié, mais en-
core un nombre considérable de lettres et autres docu-
ments absolument inédits, découverts tout récemment dans
la maison même des Buonarroti.
)) Il faut encore joindre à ces publications les Soicvenirs
de Michelange Buonarroti^ adressés au peuple italien par
M.G.-C. Sansoni, brochure de plus de 200 pages, écrite
au moyen des documents nouvellement exhumés. [Voir la
note E.)
( 255 )
» Enfin, une médaille reproduisant les traits de Michel-
ange a été frappée et distribuée, comme les publications
qui viennent d'être citées, à tous les représentants étran-
gers qui assistaient au centenaire. La médaille porte cette
courte mais significative inscription :
Michel puj che mortal Angel divino.
ni.
» Ce qui frappe surtout dans la ville de Florence, c'est
le grand caractère de ses monuments, la teinte sévère et
profondément religieuse qu'y revêtent tous les arts. L'ar-
chitecture y a conservé la tradition étrusque; celle-ci se
fait sentir jusque dans les constructions de nos jours. Les
palais étaient autrefois des forteresses; exposés à soutenir
des sièges dans les luttes intestines de cette turbulente
république , ils se distinguent par leur majestueuse am-
pleur, leur solidité, leur élévation. L'appareil en est presque
brutal, à peine équarri et rappelant les murs cyclopéens.
Les blocs de granit entassés les uns sur les autres pour
former le soubassement du Palais Pitti, ne diffèrent point
de ce mur étrusque récemment mis à découvert sur l'em-
placement occupé jadis par le berceau de Florence, l'an-
tique cité de Fiesole. Ce qui, partout ailleurs, paraîtrait
lourd et grossier, est ici élégant et harmonieux, grâce à la
magie des proportions. Ce caractère de grandeur s'est com-
muniqué de l'architecture à la sculpture et à la peinture,
deux arts qui, en acceptant la subordination, ont trouvé îe
moyen d'arriver aux effets les plus puissants. Les peintres
et les sculpteurs ont su porter leur pensée à un niveau très-
élevé en la proportionnant à l'espace qu'ils avaient à rem-
plir.
( 256 )
» De l'étude de ces monuments , il ressortait pour nous ,
avec une entière évidence, que Florence a été véritablement
le plus vaste et le plus intense foyer de lumière de cette
époque à jamais mémorable où la civilisation, servie par
Tart, s'est dégagée des langes du moyen âge, en dépouil-
lant la raideur byzantine.
» C'est là que l'art moderne a pris naissance, qu'il s'est
librement développé, s'aidant, il est vrai, des travaux de la
période grecque , nouvellement remis au jour, mais ne s'y
laissant point absorber; cherchant avant tout ses modèles
dans la nature, cette source inépuisable que l'artiste a tou-
jours à sa portée, quand il le veut; source q^ui ne tarit
jamais; car, à la différence des œuvres humaines, l'œuvre
de Dieu, la nature, ne vieillit point; les siècles, au con-
traire, en s'accumulant, la rajeunissent.
IV.
» Quant à nous, que l'Académie avait délégués pour
prendre part à ces fêtes , nous nous sommes efforcés d'y
tenir haut et ferme la bannière artistique de la patrie
belge. En effet, nous ne pouvions nous soustraire à une
émotion mêlée de fierté nationale en retrouvant, sur ce
sol semé de tant de merveilles, la trace du passage des
plus illustres de nos artistes.
» Nous rencontrions à chaque pas les beaux ouvrages
de ce Jean de Boulogne, que l'Italie a adopté pour un des
siens, qu'elle a rebaptisé du nom de Bologna; les pan-
neaux de nos Van Eyck; les triptyques de Roger Van der
Weyden , de Jean de Mabuse et de ce Hugo Van der Goes ,
( 257 )
si peu connu dans sa patrie et dont Florence possède le
chef-d'œuvre {voir la note F). Avec quel plaisir nous retrou-
vions les pages magistrales de Rubens et de Van Dyck sou-
tenant, au palais Pitti, le voisinage des plus belles œuvres
de Raphaël, de Fra Bartolomeo , d'Andréa Del Sarto et du
Titien. [Voir la note G.)
» Jamais nous n'avions mieux saisi les rapports si con-
tinus qui, depuis les premiers temps de la Renaissance, ont
rapproché les Pays-Pas des belles contrées de l'ïtalie et
particulièrement de Florence, cette riante cité qui, sui-
vant l'heureuse expression d'un illustre représentant de
rinstitut de France, « est non-seulement la ville des plus
belles fleurs de la nature, mais aussi la ville des plus belles
fleurs de l'esprit humain. »
» N'étions-nous pas témoins de l'admiration qu'excitent
les œuvres de nos vieux maîtres, même lorsqu'elles se
trouvent rapprochées des merveilles de cet art italien dont
ils ont été les émules et non les copistes?
» Jamais nous n'avions mieux compris de quel secours
les deux écoles ont été l'une pour l'autre, aux époques de
leur commune splendeur, lorsqu'elles échangeaient frater-
nellement leurs idées et leurs enseignements.
D C'est, dominés par ces impressions, que nous nous
sommes mêlés au groupe qui entourait S. A. R. le prince
de Carignan et les autorités florentines, sur les degrés du
monument élevé à la gloire de Michelange; et, lorsque est
venu notre tour de prendre la parole, nous étions heureux
et fiers de pouvoir aflîrmer nos sentiments devant un au-
ditoire sympathique et enthousiaste. »
2"^ SÉRIE, TOME XL. 17
{ 2§8 )
Nous nous sommes exprimés en ces termes :
« Monseigneur, Messieurs,
» Tous les peuples accessibles aux délicates ou aux su-
blimes impressions de l'art ont applaudi à réclatanle ma-
nifestation préparée, avec tant de munificence et de solli-
citude, par l'illustre municipalité de la ville de Florence.
» Notre pays, — si étroit que soit l'espace qu'il occupe
sur la carte de l'Europe , — ne pouvait demeurer sourd à
votre appel : si nous avions négligé d'y répondre, on eût
été en droit de nous le faire sévèrement expier en nous
remettant en mémoire que le petit coin de terre d'où nous
venons a donné naissance à une célèbre école de peinture,
et que le monde entier, d'un consentement unanime, re-
connaît, dans les productions de cette école, l'expression
la mieux caractérisée de l'une des deux tendances princi-
pales de l'art.
» L'école flamande salue en ce jour sa noble sœur,
l'école italienne!
» L'Académie royale de Belgique, qui réunit dans son
sein des représentants des sciences, des lettres et des
beaux-arts, nous a chargés de vous apporter son tribut
d'admiration pour le génie gigantesque dont vous fêtez si
dignement le quatrième centenaire; et le gouvernement
de notre Roi, si sympathique à tout ce qui peut aider au
progrès de la civilisation , s'est associé avec empressement
aux sentiments de l'Académie, en assurant aux délégués
de la classe des beaux -arts l'accomplissement de leur
pieuse mission.
( 259 )
7> En présence de l'inimensiléde Tœuvre de Michelange,
embrassant le triple domaine des sciences, des lettres et
des arts, Timagination demeure confondue. Il y aurait
témérité à hasarder une appréciation qui serait toujours
incomplète, — dût-on y consacrer des volumes. — On est
contraint de se renfermer dans un respectueux silence, de
se borner à l'expression des sentiments les plus sympathi-
ques envers la nation qui a produit de tels hommes.
» La Belgique artistique, scientifique et littéraire se
contentera donc de vous apporter, par notre bouche, le
salut fraternel de l'école flamande à sa noble sœur l'école
italienne.
» Nous ne pouvons nous rappeler sans émotion l'échange
fécond d'idées et d'enseignements qui n'a point cessé entre
elles depuis plus de quatre siècles.
» Ces deux sœurs, — bien distinctes de physionomie,
— se ressemblent pourtant, comme il convient à des
sœurs (1), par quelques beaux et grands côtés : elles pro-
fessent Tune et l'autre le culte de la nature, où le beau
idéal jaillit de l'élude du réel.
» Les deux écoles, malgré tant de rapports intimes, ont
marché constamment dans deux voies parallèles sans se
confondre jamais. Émules et non rivales, elles ont voué
réciproquement une sincère admiration aux chefs-d'œuvre
de l'art, qu'ils eussent pour berceau le Nord ou le Midi.
(1) ^> Faciès non omnibus una
i> Nec diversa lamen. Qualem decet esse sororum.
(P. OviDii ^ASosiSf Metamophoseon. Lib. II, v. 15-14.)
( 260 )
» Si nos musées réservent une place d'honneur aux
toiles et aux marbres de vos artistes immortels, nos pein-
tres et nos sculpteurs ont laissé dans l'Italie d'impérissa-
bles souvenirs, et l'illustre cité qui nous honore en ce jour
d'un si splendide accueil est particulièrement riche en té-
moignages de ces glorieux échanges.
» Aujourd'hui, comme autrefois, les jeunes artistes
belges, suivant une tradition quatre fois séculaire, vien-
nent tremper leur talent aux sources vivifiantes ouvertes
en si grand nombre dans vos riches contrées. Nous nous
rappelons, non sans quelque fierté, que si l'Italie a souvent
trouvé des émules et des imitateurs parmi les nôtres, elle
a aussi quelquefois rencontré chez nous des modèles aux-
quels elle n'a point marchandé ses hommages.
» Salut donc, salut fraternel, à l'Italie artistique, scien-
tifique et littéraire, et daigne la Providence lui réserver,
dans l'avenir, de nouvelles gloires dignes de son passé! »
NOTES.
(A) L'exécution du David est un véritable tour de force. Cette statue
fut commandée à l'artiste en 1501 dans les conditions suivantes. Depuis
près de quarante ans, gisait, dans la cour des ateliers de Sancta Maria
de' Fiori, un bloc de marbre de Carrare qu'on nommait le Géant. Un
sculpteur maladroit l'avait gâté en voulant en faire une statue. C'est cette
masse mal ébauchée que Michelange fut chargé de mettre en œuvre,
besogne à laquelle tous les autres sculpteurs avaient dû renoncer. Le
jeune artiste, l'ayant examinée, jugea qu'il en pourrait tirer une flgure
de David s'apprêtant à lancer avec la fronde la pierre qui devait
abattre Goliath. Il fit d'abord un petit modèle en cire, qui se conserve à la
( 261 }
maison l>uoiiarroli , puis il allaqua résolùmeiU le l)loc, et son ciseau
créateur en fil sortir l'une des plus belles œuvres de l'art moderne.
Le David fut placé en 1504 au lieu même qu'avait occupé la Judith de
Donatello, devant le Palazzo Vecchio. Il vient d'être transporté, après
avoir été reproduit en bronze, dans une cour de l'Académie des beaux-
arts, où un vitrage le protège désormais contre les intempéries des saisons.
(R) Album Michclangioksco clei discgni on'ginali riprodotti in fotoU-
tografia; 1873. Stab. FotoUtografico cl calcografico , P. Smorti e O'^,
Firenze. Folio oblong.
Trente feuilles de dessins à la plume, au crayon noir et au crayon rouge.
Ce sont des études anatomiques, des croquis de quelques-unes des
figures, exécutées à la chapelle Sixtine, soit pour le jugement dernier
soit pour la frise. Enfin quelques idées architecturales pour l'ensemble du
tombeau de Jules II, pour ceux des Médicis et pour la coupole de Saint-
Pierre à Rome.
(C) La Bibliografia di Michelangelo Buonarroii e gli ijisisori
délie sue opère , Firenze coi tipi di M, Cellini e. c. alla Galileiana.
MDCCCLXXV.
Ce volume de 350 pages, grand in-S"^ contient, outre la préface signée
Luigi Passerini, un catalogue alphabétique des livres et autres écrits dans
lesquels il est traité de la vie et des ouvrages de Michelange. Il occupe
environ la moitié du volume. L'autre partie est la liste également alpha-
bétique des graveurs qui ont reproduit des œuvres du grand artiste,
accompagnée de la description de chaque gravure.
(D) Le lettere di Michelangelo Buonarroii pubblicate coi ricordi ed
conlratti arlislici , per cura di Gaelano Milanesi. In Firenze^ coi tipi
dei successori. Le Monnier MDCCCLXXV.
Cette publication, de 721 pages, est divisée en trois parties : les let-
tres, les notes ou souvenirs (Ricordi) et les Contrats artistiques.
Les lettres sont au nombre de 495, dont 341 adressées à des membres
de la famille de l'artiste, à savoir : 45 à son père, depuis l'année 1497
jusqu'en 15^23; quatre-vingt-dix à ses trois frères : Buonarroto, Giovan
Simone et Gismondo; elles vont jusqu'à l'année 1546; et à son neveu
Lionardo, de 1540 à 1565, au nombre de 206. Le reste, 154 lettres, sont
adressées à divers personnages parmi lesquels on distingue les papes Clé-
ment VJI et Paul III; les ducs de Florence, Laurent et Côme de Médicis;
le roi de France, François I"; les cardinaux Jules de Médicis, Bernard
Dovisi, Rodoifo Pio di Carpi; les sculpteurs Donato Benti , et Benvenuto
( 26^2 )
Cellini; les peintres Sebasliano ciel Piombo el Georgio Vasari; Pielro
Arelino, Tarchilecte Guliano de San Gallo et enfin Vittoria Colonna.
Cette correspondance occupe 560 pages. Les éditeurs en ont emprunté
les éléments d'abord aux publications antérieures. Ils ont recherché le
reste dans les collections publiques ou privées qui en conservent les
originaux. Les archives de la famille Buonarroli ont fourni 293 lettres.
Le Musée britannique 165. Les autres ont été puisées à la Bibliothèque
nationale de Florence, aux Archives de rÉiai et de la cathédrale de
Santa Maria de' Fiori de la même ville. Le Musée de Berlin a donné une
lettre importante et élendue adressée à Sébastien del Piombo. Les collec-
tions parliculières d'Ashburnham d'Oltley, de Piuo et du chevalier Palagi
ont aussi été mises à contribution.
On est surpris de ne rencontrer dans ce recueil aucune pièce empruntée
aux diverses collections et archives de la France. Il doit cependant y avoir
dans ce pays plus d'un autographe de Michelange. Il existe , entre autres,
au Musée de Lille , collection Wicar, un recueil de dessins accompagnés
de notes manuscrites attribués par le premier possesseur à Michelange.
Cette attribution, consignée dans le catalogue imprimé en 1856, a été
contestée et définitivement reconnue inexacte à la suite des savantes et
patientes recherches dont M. Benvignat, membre de la Société des
sciences, de l'agriculture et des beaux-arts de Lille, a discuté les résul-
tats dans un rapport inséré dans les Mémoires de ladite Compagnie ;
nmis, indépendamment de cette collection, les autographes de l'immortel
artiste florentin ne peuvent manquer absolument dans un pays qui
compte tant de beaux musées, tant de riches bibliothèques et tant d'ama-
teurs éclairés.
Les notes et souvenirs [Vi.\covà\) embrassent les années 150o à 1563; ils
sont rangés par ordre chronologique. Comme pour les lettres, la majeure
partie provient des archives de la famille Buonarroti; un assez bon nombre
est emprunté au Musée britannique, quelques pièces seulement aux Ar-
chives de l'État à Florence. Ce n'est donc point précisément un registre
tenu par Michelange; le classement appartient à l'éditeur qui, comme on
le voit, a recueilli les notes partout où il a pu les trouver.
Enfin les Contrats artistiques^ au nombre de 66, concernent des
commandes faites à l'artiste ainsi que les conditions d'exécution de
l'œuvre et le prix qui lui sera compté. Le premier en date est du
27 août 1498. Le cardinal de San Dionisio fait à Michelange la commande
de la Pieta qui se voit à Saint-Pierre du Vatican, à Bome: « Un groupe
en marbre, de grandeur naturelle, représentant la Vierge Marie velue,
tenant sur ses genoux le corps de Jésus mort, » lit-on dans l'acte. Le prix
( 263 )
est fixé à 450 ducats d'or, et l'ouvrage doit être exécuté en un an. Grand
nombre de ces contrats ont pour objet l'acquisilion des marbres dont
l'artiste avait besoin pour ses travaux. Ils sont empruntés aux Archives du
Vatican, de l'État à Florence, de plusieurs églises de la même ville, de
la commune de Carrare, et de celles de Massa et de Sienne. Le Musée
britannique a encore fourni sa part à cette division.
(E) MiCHEL.VNGIOLO BuOXARROTl RICORDO AL POPOLO ITALIAXO. Ai Vap-
presentanti che intervengono aile [este centeinarie del grande artista
offre il Comitato. — Ix Firejize, GC. Saxsoni, editore 1875.
Cette publication, destinée à raviver et à perpétuer chez le peuple
italien le souvenir du grand homme, se compose de divers opuscules
dus à la plume de plusieurs auteurs. Après l'avertissement de l'éditeur
Sansoni, vient l'épigraphe dédicatoire signée Cesare Guasti, puis une
notice de G. Milanesi sur les portraits de Michelange; la Vie de l'artiste
par Luigi Venturi; deux appréciations du sculpteur, l'une par G.-E. Sal-
tini, qui s'occupe exclusivement du David et du Moïse, et l'autre de
G. Dupre, qui analyse les tombeaux des Médicis à San Lorenzo. Le peintre
est jugé par G. Mongeri qui traite spécialement de la chapelle Sixtine,
Les œuvres d'architecture du maître sont aussi examinées par des
hommes compétents : l'architecte civil S.-G.-E. traite successivement
de la bibliothèque des Médicis, de la sacristie de San Lorenzo, de la place
et du palais du Capitole et de la basilique de Saint-Pierre. L'architecte
militaire, le capitaine R.-P., étudie les fortifications de Florence à L'époque
du siège de la Cité. Michelange poëte est l'objet d'une étude de L. Venturi.
Enfin G. J. Gavallucci donne un guide pour visiter les œuvres de Mi-
chelange dans la ville de Florence. Le volume est clos par quelques
octaves de E. Frullani : Michelange au lit de mort de Vitloria Colonna.
Enfin les dernières pages sont consacrées à reproduire les inscriptions
du monument de la nouvelle place.
(F) Le tableau principal du triptyque de Hugo Van der Gocs repré-
sente l'Adoration des bergers; sur les deux volets sont les portraits de
la famille de Portinari pour laquelle cette peinture a été exécutée. Jus-
qu'à ces derniers temps, elle était restée dans le chœur de la chapelle de
l'hôpital de Santa-Maria-Nova ; elle vient d'être transportée, après avoir
été restaurée, dans un petit musée installé en face de l'hôpital.
(G) Je dois signaler à l'attention des Belges qui visitent Florence un
grand tableau de Sustermans, représentant le sénat de Florence qui prête
( 264 )
le serment de fidélité à Ferdinand II. Comme celte toile se trouve relé-
guée, au Musée des Offices, dans la salle des Niobides, et qu'elle n'est
pas fort bien éclairée, elle peut facilement échapper aux regards des
visiteurs.
— M. Ad. Siret, inscrit au programme de la séance pour
la lecture de son rapport sur le mémoire de concours en
réponse à la question : Faire l'histoire de la sculpture aux
Pays-Bas pendant les XVII^ et XVI 11^ siècles, a pris
place à son tour sur l'estrade, pour faire cette lecture
(voir Bulletin, page 232).
— La parole a ensuite été donnée à M. le secrétaire
perpétuel pour proclamer les résultats des concours sui-
vants .
CONCOURS ANNUEL DE LA CLASSE.
Sujets littéraires.
La classe avait reçu un mémoire portant pour devise :
La sculpture est l'image ou le miroir de l'univers, en
réponse à la première question de la partie littéraire du
programme. Cette question avait pour sujet : Faire l'his-
toire de la sculpture en Belgique au XVIF et au XVIIF
siècle.
Conformément aux conclusions favorables des rapports
des trois commissaires chargés d'examiner ce mémoire,
la classe a décidé de lui décerner la médaille d'or de la
valeur de mille francs.
L'ouverture du billet cacheté a fait connaître comme
étant l'auteur de ce travail M. Edmond Marchal, secré-
taire adjoint de l'Académie.
( 265 )
M. Edmond Marchai, présent à la séance, est venu
recevoir sa médaille aux applaudissements de l'assemblée.
Sujets d'art appliqué.
La classe avait inscrit à son programme de concours de
cette année qu^un prix de six cents francs serait accordé
à la meilleure médaille exécutée par un artiste belge depuis
le 7^** janvier 1872.
Cinq métailles ont été envoyées pour ce concours :
1° Les victoires de l'Allemagne en 1870-1871 ;
2° La visite du czar Alexandre à Londres en 1874;
5^ L'alliance des républiques américaines du Sud pour
la défense de Lima. — Ces trois pièces sont l'œuvre de
M. Charles Wiener;
4° Le Roi est mort! vive le Roi! par M. Ed. Geerts;
5° L'inauguration du monument de Charlemagne, par
M. Constantin Jehotte.
La classe, conformément à l'avis unanime du jury chargé
de juger ce concours, a voté le prix aux deux médailles de
M. Charles Wiener : la visite du czar Alexandre à Lon-
dres en 1874 et Valliance des républiques américaines du
Sud pour la défense de Lima.
— Le sujet suivant avait été donné pour le concours
de sculpture de cette année :
« On demande un bas - relief pour une frise placée à
» 3 mètres d'élévation et ayant pour sujet V Horticulture
D personnifiée. »
Trois bas-reliefs ont été présentés à ce concours :
Le n" 1 avait pour devise un triangle;
( 266 )
Le n° 2, les mots : Horticulture. — Pomone et son cor-
tège.
Et le n° 5, un trophée d'instruments horticoles.
Le jury, après avoir examiné ces œuvres, a été d'avis
que le n*" 2, s'il ne réunit pas les conditions nécessaires
pour mériter le prix de 1,000 francs inscrit au programme,
offre cependant assez de qualités pour qu'il y ait lieu d'ac-
corder à l'auteur un prix d'encouragement consistant en
une somme de 500 francs.
Ce jugement a été ratifié par la classe. L'auteur du bas-
relief, M. Julien Dillens, s'est fait connaître depuis et a
accepté cette récompense.
GRAND CONCOURS d'aRCHITECTURE DU GOUVERNEMENT.
Conformément aux résolutions du jury chargé, au nom
du gouvernement, de juger le grand concours d'architec-
ture de cette année, M. J.-B. De Coster, d'Anvers, a été
proclamé lauréat.
Le 2^ prix a été décerné, en partage, à MM. Ernest
Allard, de Bruxelles, et Octave Van Rysselrerghe , de
Minderhout (Anvers).
Le sujet du concours, auquel trois concurrents ont pris
part, demandait les plans, coupe et élévation d'un conser-
vatoire royal de musique et de déclamation pour les deux
sexes (environ 500 élèves) en style classique ou dérivé du
classique.
MM. De Coster et Allard sont venus au bureau recevoir
la récompense qu'ils ont remportée.
( 267 )
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 9 octobre 1875.
M. A. Brialmont, directeur et président de rAcadémie.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. B.-C. Du Mortier, L. de Koninck,
P.-J. Yan Beneden, Edm. de Selys Longchamps,
H. Nysl, H. Gluge, Melsens,F. Duprez, G. Dewalque,
Ern. Quetelet, H. Maus, M. Gloesener, E. Candèze,
Cil. Montigny, Steichen , Éd. Dupont, Éd. Morren ,
Éd. Van Beneden, G. Malaise, F. Folie, Alb. Briart et
F. Plateau , membres ; E. Catalan et Aug. Bellynck ,
associés ; J. De Tilly, F. Crépin, P.-L. Cornet et Ch. Van
Bambeke , correspondants.
CORRESPONDANCE.
La classe apprend avec un bien vif sentiment de regrets
la perte qu'elle a faite en la personne de l'un des plus
anciens associés de la section des sciences mathématiques
et physiques, M. Richard Van Rees, ancien professeur à
l'Université d'Utrecht, décédé dans cette ville le 25 août
dernier.
M. le secrétaire perpétuel s'est empressé d'exprimer à
( 268 )
la famille du défunt les sentiments de condoléance de la
compagnie.
— M. le Ministre de l'intérieur adresse, pour la biblio-
thèque de l'Académie, différents ouvrages qui seront men-
tionnés dans le Bulletin de la séance. — Remercîments.
— M. le D' Jules Morel, de Gand, avait invité la com-
pagnie, au nom du comité d'organisation, à se faire
représenter par des délégués à la fête qui a eu lieu à Delft,
le 8 septembre 187o, pour célébrer le 200' anniversaire
de la découverte des infusoires par Leeuwenhoek. Plusieurs
membres se sont rendus à cette invitation.
— M. le général-major Lemaire, directeur du dépôt de
la guerre, écrit que l'intérêt que l'Académie a toujours
porté aux travaux scientifiques du dépôt de la guerre
l'engage à lui communiquer un résumé des déterminations
acquises, tel qu'il a été adressé à la commission perma-
nente de l'Association géodésique internationale. « J'ai
donc l'honneur, ajoute-t-il, de vous transmettre le rap-
port fait dans la séance du 22 septembre, à Paris, et je
l'accompagne du procédé que nous mettons en pratique
pour la compensation du réseau par la méthode de Bessel
et Baeyer, avec prière de bien vouloir le présenter à la
classe des sciences dont l'opinion pourrait nous encou-
rager dans la rude tâche entreprise par l'établissement
sous ma direction.
La classe désigne MM. Liagre, Ern. Quetelet et F. Folie
pour l'examen de ce travail.
— La Société hollandaise des sciences à Harlem com-
munique un exemplaire de son programme de concours
pour 1875.
( 269 )
— Les nouvelles Sociétés de zoologie de Rotlerdam et
des sciences naturelles de Pise envoient les premiers fas-
cicules de leurs publications et demandent l'échange.
Renvoi à la commission administrative.
— Les établissements scientifiques suivants adressent
leurs récents travaux :
La Société des sciences de Harlem, l'Université de Leyde,
l'Institut philologique et ethnographique des Indes néer-
landaises, à La Haye, la Société des arts et des sciences
d'Utrecht, l'Académie de Stanislas, à Nancy, la Société
d'Émulation de Cambrai, l'Institut royal géodésique de
Berlin, la Société de géographie de Dresde, celles des
sciences de Hambourg, des sciences d'Iéna, l'Observatoire
de Prague, l'Institut géologique et la Société anthropolo-
gique de Vienne, l'Académie des sciences de St-Péters-
bourg et la Société de géographie, les Sociétés des sciences
de Dorpat et de Moscou, l'Académie des sciences de
Copenhague, l'Université d'Upsal, la Société des sciences
naturelles de Boston, l'Office géologique et l'Observatoire
naval de Washington, l'Académie des sciences de Madison,
l'Office météorologique du Canada et la Société des sciences
naturelles de Mexico.
La Société des sciences de Middelbourg, l'Université de
Kiel, celles des sciences de Danzig et de géographie de
Stuttgart accusent en même temps réception du dernier
envoi des publications académiques.
— Le congrès scientifique de France annonce que
l'ouverture de sa XLP session aura lieu à Périgueux en
novembre 1875.
— M. Van Rysselberghe adresse à la classe plusieurs
( 270 )
exemplaires d'un diagramme obtenu à Ostende à Taide de
son météorographe enregistreur.
— M. C. Rodenbach, à Gand, demande à pouvoir ren-
trer en possession du manuscrit de son mémoire : VÉtalon
prototype universel des mesures de longueur de Vantiquité,
dont le dépôt a été. ordonné aux archives sur les conclu-
sions des rapports des commissaires.
M. le secrétaire perpétuel a répondu que ce manuscrit
est devenu la propriété de l'Académie, mais que l'auteur
peut en faire prendre copie à ses frais.
— M. J. Cavalier envoie son résumé météorologique
pour Ostende, pendant le mois d'août 1875.
— La classe reçoit les hommages suivants, au sujet
desquels elle vote des remercîments :
Opuscules de botanique^ par M. B.-C. Du Mortier, vol.
in-8"; Hepaticœ Europœ, par le même, vol. in-8°; Sur la
grande Balénoptère du Nord [Balaenoptera Sibbaldiï), par
M. P.-J. Van Beneden, br. in-8% Sur les asymptotes des
courbes algébriques, par M. E. Catalan, br. in-S"; Note
sur les nombres de Bernoullij par le même, br. in-4°; Swr
la constante d'Euler et la fonction de Binet^ id., br. in-4°;
Considérations sur la production et V emploi de l'air com-
primé dans les travaux d'exploitation des mines, par
M. F.-L. Cornet, br. in-8°; Théorie analytique élémentaire
du planimètre Amsler, par M. G. -A. Hirn, br. gr. in-8".
' M. le capitaine d'état-major Hennequin fait hommage
d'une Carte géologique de l'Europe à l'échelle du 8,000,000%
carte établie pour faciliter l'étude de la géologie en général,
et accompagnée d'une note explicative. Des remercîments
sont votés à l'auteur.
( 271 )
— Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à
l'examen de commissaires :
i° Sur le calcul numérique [Fragment III), par
M. J.-C. Houzeau. — Commissaires : MM. Folie, Catalan
et Liagre;
2" Recherches sur les phénomènes de la digestion et sur
la structure de l'appareil digestif chez les Myriapodes
de Belgique j par M. F. Plateau. — Commissaires :
MM. Sclnvann et Éd. Van Beneden;
5° : a, Études sur la planète Mars (8^ notice); b, Sur
r aspect de l'ombre du 21^ satellite de Jupiter, le 25 mars
i874, par M. F. Terby. — Commissaires : MM. Quetelet
et Liagre ;
4° Recherches sur la structure de Vépiderme des cyclo-
stomes , par Alexandre Fœttinger. — Commissaires :
MM. Van Bambeke et Schwann;
5° Sur l'étage dévonien des Psa^nmites du Condroz
dans le bassin de Theux, dans le bassin Septentrional et
dans le Boulonnais, par M. Michel Mourlon. — Commis-
saires : MM. Dewalque, de Koninck et Dupont;
6*^ Orages du 15 septembre ^874 au 15 septembre 4875 ,
qui ont éclaté à Liège et sur la province , par M. D. Leclercq.
— Commissaires : MM. Quetelet, Montigny et Duprez.
— M. P.-J. Van Beneden annonce qu'il s'est rendu à
Delft, où il a rencontré M. Félix Plateau, pour assister
aux fêtes du 200^ anniversaire de la découverte des infu-
soires par Leeuwenhoek. Une réception des plus flatteuses
a été faite aux délégués. M. Harting a prononcé un dis-
cours sur Leeuwenhoek, discours dont la substance a été
en grande partie puisée dans les nombreuses lettres de ce
savant à la Société royale de Londres.
( 272 )
RAPPORTS.
Sur les propriétés de la surface de contact d\in solide et
d'un liquide. — Rectification d'un passage de ma Note
précédente; par M. G. Van der Mensbrugghe.
Mtappot't de M. «F. Flateaw»
G Dans sa Note précédente, l'auteur avait considéré
ceux des coefficients constants de la formule qu'il discutait
qui se rapportent à la surface commune d'un solide et
d'un liquide, comme représentant toujours une force con-
tractile ou tension; or un examen plus attentif l'a conduit
aujourd'hui à reconnaître que cela n'est pas exact d'une
manière générale : dans la Note actuelle, il déduit d'une
formule de Gauss la conclusion que la force dont il s'agit
est, suivant les relations entre les actions moléculaires,
tantôt contractile et tantôt extensive; dans ce dernier cas,
elle tend à étaler le liquide sur la portion libre de la sur-
face du solide.
La classe n'hésitera pas, je pense, à ordonner l'inser-
tion de cette Note additionnelle dans le Bulletin. »
Conformément à ces conclusions auxquelles a souscrit
M. F. Duprez, second commissaire, la classe a décidé l'im-
pression au Bulletin de la note précitée.
( 273 )
Diagnoscs de Cucurbitacées nouvelles et observations sur
les espèces critiques; par M. Alfred Cogniaux.
M9euac4èu»e rapport de MM, Éldottat*d Morren.
« A la suite de mon rapport du 5 juin, dont l'Académie
a bien voulu adopter les conclusions, M. Alfred Cogniaux
a demandé l'autorisation de reprendre son mémoire, auto-
risation qui lui a été accordée dans la séance du 3 juillet.
L'auteur l'a représenté à l'Académie qui, dans la séance
du 7 août, l'a de nouveau soumis à mon examen.
M. Cogniaux a remplacé quatre pages de son premier
manuscrit par douze pages nouvelles : profitant des obser-
vations que j'avais faites il a remanié et complété son tra-
vail ; il a caractérisé les genres qu'il propose en termes expli-
cites et sous la forme scientifique que j'avais demandée ;
il les a comparés entre eux et il a discuté leur valeur ; il a
élagué quelques passages inutiles, en un mot, il a donné
à son travail tout ce qui, à mes yeux, lui manquait d'abord.
J'aurais donc bien mauvaise grâce de ne point louer le
nouveau travail de M. Cogniaux et je le ferais sans réserve,
s'il ne s'y trouvait pas un passage de deux lignes dont je
prie l'Académie d'exiger la suppression (page 45), et sous
cette condition je n'hésite pas à proposer l'impression
dans les Mémoires in-8°. »
Mteuaciènte fappo»*t de Jfi. A. Beïtynch.
« Nous avons examiné les modifications apportées par
M. Cogniaux à ses Diagnoses de Cucurbitacées nouvelles,...
et nous croyons qu'elles sont de nature à satisfaire toutes
les exigences. Nous nous empressons donc de voter de
nouveau l'impression du susdit travail. »
â""^ SÉRIE, TOME XL. 18
( 274 )
Deuaciètne t'appoft fie .W. JFf. Cè'épin.
« Nous partageons entièrement l'opinion de notre sa-
vant confrère M. Bellynck sur le travail deM.Cogniaux et,
comme lui, nous nous empressons de voter de nouveau
l'impression de ce travail. »
La classe vote, conformément aux conclusions de ces
rapports, l'impression de ce travail dans le recueil des Mé-
moires in-8^
— MM. Ch. Montigny et Ern. Quetelet, chargés d'exa-
miner une note de M. Waltier, intitulée : Théorie nouvelle
pour l'étude de la nature, en proposent le dépôt aux
archives. — Adopté.
— Une décision semblable est prise à l'égard d'une
note de M. Codron, relative à un nouveau système aérosta-
tique. M. Ch. Montigny avait été chargé d'examiner cette
communication.
Projet de publication d^une nouvelle carte géologique de la
Belgique, proposition faite par M. Dewalque dans la
séance du 5 juin 1875.
Rapport de Mt. WfettaMqwe»
<r Le 51 mai 1836, un arrêté royal ordonnait l'exécution
d'une carte géologique de la Belgique, aux frais du gou-
vernement et sous les auspices de l'Académie. On sait
avec quel succès notre maître éminent, A. Dumont, s'est
acquitté de ce grand travail. Le succès de sa carte a été
( 275 )
tel qu'elle est épuisée depuis bien des années, et que les
rares exemplaires que Pon rencontre dans les ventes,
atteignent des prix fort élevés. Aussi le besoin d'une nou-
velle carte géologique se fait-il vivement sentir.
D'ailleurs un quart de siècle s'est écoulé depuis l'appa-
rition de l'œuvre de Dumont, et depuis cette époque nos
connaissances sur la géologie de notre pays se sont nota-
blement accrues, au point qu'il est désirable de voir les
modifications figurées sur une carte. Pour ces motifs, et
pour d'autres encore qui ressortiront de ce qui va suivre,
j'ai cru que le moment est venu où il faut s'occuper de la
publication d'une nouvelle carte géologique de notre pays,
et j'ai appelé l'attention du gouvernement sur ce point.
Comme la première carte a été exécutée sous les auspices
et le contrôle de l'Académie, le gouvernement conservera
sans doute à celle-ci cette haute prérogative : à ce seul
titre je me serais fait un devoir d'appeler votre attention
sur les nécessités actuelles, mais j'ai à peine besoin de
dire qu'en portant la question devant vous, j'ai eu en vue
de provoquer une étude sérieuse de la question, afin que, si
vous vous jugez suffisamment éclairés, la haute approbation
de l'Académie puisse recommander à la sollicitude du gou-
vernement telle mesure qu'il conviendra.
Permettez-moi d'ajouter que cette question me préoc-
cupe depuis nombre d'années. Si j'arrive aujourd'hui avec
un système défini, je puis dire que c'est à la suite de
longues réflexions et d'entretiens répétés avec les hommes
les plus compétents du pays et de l'étranger.
La première solution qui se présente à l'esprit est une
nouvelle édition de la carte de Dumont, édition revisée,
bien entendu, et mise au courant de l'état de la science. A
première vue cette solution présente divers avantages, la
célérité et l'économie.
( 276 )
Pour ce qui concerne ce dernier point, une nouvelle
édition de la carte de Dumont ne peut se faire à bon mar-
ché qu'à la condition qu'on puisse utiliser les pierres qui
ont servi à la première; dans le cas contraire, ce serait
peut-être le procédé le plus dispendieux. Pour le moment
je ne puis dire en quel état sont ces pierres, bien que j'aie
certaines raisons de les croire hors de service.
Admettant toutefois qu'elles peuvent servir de nouveau,
je n'hésite pas à dire que cette édition revisée ne peut à
aucun point de vue mériter l'appui de l'Académie et du
gouvernement.
En eiîet, sur cette carte le relief du terrain est exprimé
par des hachures. Ce système de représentation, appliqué
à la carte géologique de formations dont les deux tiers sont
sensiblement horizontales, ne peut soutenir la comparaison
avec celui oii le relief est exprimé par des courbes de ni-
veau équidislantes, soit qu'on se place au point de vue
scientifique, soit qu'on s'attache particulièrement aux ap-
plications. Grâce à la sollicitude du gouvernement et au
zèle éclairé de la brigade topographique du dépôt de la
guerre, nous possédons aujourd'hui des cartes topographi-
ques à diverses échelles, avec courbes de niveau, termi-
nées ou sur le point de l'être : dans ces conditions, aucun
géologue, aucun ingénieur ne conseillera de renoncer vo-
lontairement aux précieux avantages qu'offre le système
de courbes de niveau.
D'autres objections tout aussi puissantes se rencontrent.
En revisant la carte de Dumont pour la mettre au courant
des idées du jour, on doit nécessairement faire disparaître
son caractère distinctif , qui est sa légende. Le terrain
ardennais va changer de nom, le silurien va être introduit,
le rhénan disparaît comme terrain et il est autrement
limité comme système, l'anthraxifère est supprimé et le
( ^277 )
carbonifère vient prendre une partie de sa place, l'autre
partie rentrant dans un terrain nouveau, le devonien. Des
modifications presque aussi profondes seront introduites
dans les divisions de deuxième et de troisième ordre. Voilà
ce qui va arriver de nos trois terrains paléozoïques. Les
modifications de la légende des autres terrains ne porte-
ront que sur les subdivisions ; mais il est probable qu'il ne
restera qu'une très-minime partie des dénominations créées
par Dumont, dénominations utiles, il y a trente ans, mais
généralement considérées aujourd'hui comme devant céder
la place à d'autres. Ainsi, en conservant presque toute la
partie graphique de la carte géologique, on lui donne une
légende qui n'a plus rien de commun avec l'œuvre primi-
tive; et c'est là ce qu'on publierait comme Tœuvre de Du-
mont, seconde édition ! Le respect qui entoure la mémoire
de ce grand géologue empêchera , je l'espère, une pareille
publication.
Je vais montrer maintenant que, par suite de la marche
naturelle des choses, l'échelle de la carte de Dumont a pu
être convenablement choisie, il y a trente ans, mais qu'elle
est aujourd'hui totalement insuffisante, au point de vue
pratique comme au point de vue scientifique.
Nous avons été bien distancés par nos voisins depuis
l'époque où la publication de la carte géologique de la
Belgique au ^/i6o,ooo mettait notre pays au premier rang.
L'expérience acquise, ici et ailleurs, a bientôt montré que
cette échelle est tout à fait insuffisante pour permettre
d'obtenir d'une carte géologique tous les services qu'elle
peut rendre. Sans doute, une carte à échelle réduite a
toujours son utilité propre, soit pour les vues d'ensemble,
soit pour l'enseignement; mais pour tout ce qui concerne
la représentation exacte des détails, il est clair qu'une
( ^278 )
grande échelle peut seule permettre de l'obtenir. Nous en
sommes venus là : les nombreuses subdivisions qui ont été
introduites ou qui le seront sous peu, correspondent souvent
à des bandes de terrain tellement étroites qu'elles exigent
absolument une échelle développée. Il en est de même, au
point de vue des applications, pour les gîtes métallifères,
les affleurements de couches de houille , etc.
L'Académie a vu directement deux exemples de ces exi-
gences de la géologie actuelle. La manière de comprendre
le terrain anthraxifère, avec ses alternances variées de
roches quartzo-schisteuses et calcaires, dans lesquelles ont
été introduites diverses subdivisions dont la plupart ne
paraissent pas avoir appelé l'attention de Dumont, rend
indispensable un nouveau relevé géologique de ce terrain,
dont je m'occupe depuis longtemps. En attendant, M. Gos-
selet nous a présenté la carte de la bande méridionale des
calcaires et des schistes devoniens, depuis le département
du Nord jusqu'à la Meuse. De son côté, notre honorable
confrère, M. Éd. Dupont, a été amené à donner la carte des
environs de Dinant, pour représenter la manière dont il
conçoit la structure géologique de ce district. Tous les
deux ont trouvé l'échelle de la carte de Dumont insufli-
sante. M.Gosselet a pris l'échelle de '/80,ooo, la seule dont il
pût disposer; M. Dupont a choisi la même, qui répondait à
son but.
Je pourrais ajouter que, pour mes études de certaines
régions, j'ai dû demandera la photographie l'agrandisse-
ment au '/io,ooo des cartes dont je me servais; mais j'ai à
citer un autre fait beaucoup plus ancien et plus caracté-
ristique. Les environs de Thenx présentent une constitu-
tion géologique assez compliquée, en même temps que de
riches gîtes métallifères qui n'ont pu être figurés sur la
( 279 )
carte géologique, pas plus que les affleurements des roches
phitoniennes de Spa. Dumont a senli le besoin de montrer
par un exemple rulilité des cartes à grande échelle, et il
nous a donné la carte géologique de Pépinster à Spa , au
*/2o,ooo, c'est-à-dire à une échelle huit fois aussi grande
que celle de la carte géologique de la Belgique.
J'ai dit tout à l'heure que nous avions été bien distancés
par les autres nations : en voici quelques preuves.
La France, dont la carte géologique, une des plus an-
ciennes, est à l'échelle de i/uOO,ooo, a entrepris la publication
d'une carte détaillée à l'échelle du V80,ooo, la plus grande
dont elle pût disposer.
L'Institut impérial et royal géologique d'Autriche a
entrepris la carte de l'empire à l'échelle de Vu4,ooo, qui
était celle de sa carte topographique la plus détaillée. Cet
immense travail est à peine terminé que l'on sent le besoin
d'une carte à plus grande échelle, tant pour la topographie
que pour la géologie : l'état-major a commencé la publica-
tion d'une carte au */73,ooo qui va être utilisée immédiate-
ment pour la publication d'un nouveau relevé géologique.
La Suisse s'est empressée d'utiliser la belle carte topo-
graphique du général Dufour pour la publication de sa
carte géologique. Cette carte est au 7100,000, mais diverses
parties ont dû être publiées au 7^0,000 et même au 723,000.
En Allemagne, le Wurtemberg, Bade, Hesse-Darm-
stadt,etc, ont fait choix du 7^0,000. M. von Dechen, qui a pu-
blié, à partir de 1856,1a carte géologique de la province rhé-
nane et de la Westphalie,en 35 feuilles à l'échelle de 780,000,
m'écrit que cette carte — dont je puis dire que la valeur
est partout hautement appréciée — a servi de preuve que
cette échelle n'est même pas suffisante pour la représen-
tation des accidents géologiques, des subdivisions, etc.
( 280 )
Aussi la Prusse a-l-elle commencé depuis quelques années
la publication d'une carie géologique au 723,000, avec courbes
de niveau.
L'exemple de l'Angleterre n'est pas moins instructif.
Les premières caries du pays de Galles ont été publiées à
l'échelle de 7^ de pouce par mille, mesures anglaises, soit
7253,440, mais on a bientôt senti le besoin d'une carte plus
détaillée et l'on a recommencé la publication à l'échelle
quadruple d'un pouce par mille (703, ôco). Le gouvernement
anglais n'a pas tardé à se convaincre que cette échelle est
trop petite, tant pour la topographie que pour la géologie;
en conséquence, la commission topographique a publié, à
l'échelle de 6 pouces par mille (7io,56o), toute la moitié
septentrionale de l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande. Les
officiers de la commission géologique [Geological Siirvey)
relèvent sur le terrain la constitution géologique à l'aide
des cartes à cette grande échelle; ce travail est ensuite
publié sous ces dimensions pour les districts miniers ; pour
les autres districts, qui ne présentent pas cette importance
économique, le travail est réduit à l'échelle d'un pouce
par mille. Les autres cartes à très-grande échelle sont
également publiées à cette échelle réduite.
Depuis lors, il est arrivé que le manque de cartes à très-
grande échelle a été si vivement ressenti dans le sud de
l'Angleterre que le directeur de la commission lopogra-
phique a reçu l'ordre de lever à nouveau toute cette région,
et que le directeur général de la commission géologique
a été invité à recommencer le relevé géologique de tous
les bassins houillers aussitôt que le travail topographique
le permettra.
Je tiens ces renseignements du directeur général du
Geological Survey, M. Ramsay, qui a bien voulu en même
( 281 )
temps m'envoyer diverses feuilles aux trois échelles ci-
dessus, pour permettre de juger de l'impossibilité de
représenter, même ù l'échelle d'un pouce par mille, tous
les détails qui intéressent l'industrie ou la science. Je lui
exprime volontiers ici ma vive gratitude.
Les considérations qui précèdent, me paraissent plus
que suffisantes pour établir d'une façon pércmptoire qu'il
ne peut plus être question aujourd'hui d'une carte à petite
échelle : l'exemple des autres nations, les avis des hommes
les plus compétents nous engagent à adopter une échelle
très-détaillée.
Avant d'aller plus loin, je dois faire remarquer qu'une
telle entreprise sera singulièrement facilitée chez nous
par cette circonstance que les études géologiques qui ont
été faites dans notre pays, ont été exécutées depuis long-
temps à l'aide de cartes topographiques à très-grande
échelle. Dumont s'est d'abord servi de la carte de Capi-
taine et Chanlaire, au V^o^ooo, puis il a fait reporter ses
observations sur la carte au 1/20,000, en 250 feuilles, que
nous devons à notre zélé confrère, feu Ph. Van der Maelen.
Il s'est exclusivement servi de cette dernière carte à par-
tir de sa publication; toutes les limites de ses subdivisions
sont indiquées sur l'exemplaire dont il se servait et qui est
conservé à l'université de Liège. J'ajoute que l'établisse-
ment géographique de Van der Maelen possède un exem-
plaire de la carte au 720,000 colorié géologiqueraent d'après
les feuilles qui ont servi à Dumont.
J'ai suivi la même voie et, depuis dix-huit ans, j'ai re-
cueilli une foule de données sur cette carte. D'autres, sans
doute, en ont fait autant. Enfin, nous avons maintenant
les planchettes au ^20,000 et les belles cartes gravées , au
7^0,000, que l'on doit au dépôt de la guerre. La publication
( 282 )
d'une carte à l'une de ces deux échelles n'est donc pas une
entreprise aussi considérable qu'elle le paraît au premier
abord, vu les nombreux documents réunis à l'échelle du
720,000 par Dumont et par ses successeurs.
La question se réduit donc à savoir si la nouvelle publi-
cation doit avoir lieu au 720,000 ou au" 7^0,000.
Ne me fiant pas à ma seule appréciation, j'ai consulté
les savants les plus compétents, mais la question princi-
pale qui nous a occupés a été celle d'une grande ou petite
échelle. L'année dernière, je suis allé à Paris étudier l'or-
ganisation du service de la carte géologique détaillée de la
France, et je puis dire que tous les savants que j'ai vus
dans cette capitale, ont été unanimes pour me recomman-
der une carte à très-grande échelle. Dans ces derniers
temps, j'ai demandé des avis en Allemagne et en Angle-
terre, mais en appelant encore l'attention spécialement
sur le choix entre une édition nouvelle de Dumont et une
carte au 7^0,000. Voici quelques passages concluants des
réponses que j'ai reçues et que j'annexe in extenso à mon
rapport.
Le directeur général de l'Institut impérial et royal géo-
logiqued'Autriche,M. le chevalier Fr. von Hauer, me répond
que la science comme la pratique réclame la grande échelle,
qui rend seule possibles les indications des diverses subdi-
visions nécessitées par l'état actuel de la géologie et des
gisements importants pour l'industrie.
M. von Dechen est d'avis « qu'une édition re visée de la
carte de Dumont n'aurait qu'une importance fort secon-
daire et ne répondrait aucunement aux exigences scienti-
fiques qui se sont élevées depuis que Dumont a exécuté
son grand travail, il y a trente ans L'exposition de
Vienne a démontré que les géologues ont pris parti pour
(285 )
la grande échelle — L'échelle de 7^0)Ooo est certainement
la plus petite qui puisse suffire pour la Belgique, dont la
géologie est assez compliquée. Tous les géologues alle-
mands seraient du même avis. »
M. Ramsay « n'hésite pas à dire que l'échelle de la carte
de Dumont est aujourd'hui trop petite pour la science
comme pour l'industrie. » Après avoir exposé ce que j'ai
rapporté plus haut au sujet des échelles de plus en plus
grandes que son administration a successivement adoptées,
il ajoute : a mon opinion personnelle est que beaucoup
des détails nécessaires pourraient être rendus sur une
carte à l'échelle de 5 pouces par mille, qui est à peu près
celle de votre carte au 1/20,000 (qui équivaut à 5p,168 par
mille). L'échelle de Y^o,ooo serait insuffisante pour notre
manière de procéder. »
L'avis des savants étrangers serait donc plutôt en faveur
de la carte au 720,000. Néanmoins, tout considéré, je crois
que l'on peut pour le moment se borner au 7^^0,000. En
voici les raisons :
Il y a d'abord, je l'avoue, la question d'argent. Les di-
mensions superMcielles des planchettes au 1/20,000 étant la
moitié de celles des feuilles au 7^0,000, elles demanderont
environ six fois plus de feuilles.
En second lieu , je pense qu'on s'accorderait à recon-
naître qu'une bonne partie du pays, l'Ardenne, la Campine,
les Flandres, ainsi qu'une partie notable des autres pro-
vinces, peut être représentée d'une façon très-convenable
à l'échelle que je propose. Restent maintenant le Condroz
avec le pays de Hervé, l'Enlre-Sambre-et-Meuse et nos
bassins houillers, pour lesquels une carte au 720,000 présen-
terait sans doute de notables avantages. Toutefois j'estime
que, vu la perfection de ces cartes au 7^0.000, surtout au
( 284 )
point de vue de leur similitude géométrique avec les
cartes au 1/20,000? la plupart des détails pourront y être
rendus.
Si Fexpérience se prononce en sens contraire, il n'y
aura ni inconvénient, ni difficulté à revenir àTéclielle la
plus grande, puisque tous les levés auront été faits à l'aide
de celle-ci.
Au cas de la publication de certaines feuilles au 1/20,000,
je crois qu'il y aurait encore utilité à donner en outre,
comme on le fait en Angleterre, une édition réduite à
l'échelle des autres feuilles.
En résumé, mon opinion, résultat de longues recherches
sur le terrain et de réflexions mûries par le temps, est
donc qu'il est devenu nécessaire de publier une carte géo-
logique détaillée de notre pays, à l'échelle de 1/40,000. Reli-
sant l'arrêté royal de 1856, je lui emprunte , en y ajoutant
le seul mot : détaillée^ ses deux considérants, qui n'ont rien
perdu de leur exactitude, et j'en fais le préambule de
la proposition suivante que j'ai l'honneur de soumettre à
l'Académie :
<i Considérant que l'utilité des cartes géologiques dé-
taillées, tant pour l'avancement de la science que pour la
prospérité de l'industrie, ne peut plus aujourd'hui être
révoquée en doute;
Considérant qu'il convient que la carte géologique dé-
taillée de la Belgique soit exécutée dans le plus bref délai
possible, avec les mêmes soins et dans le même esprit que
les meilleurs ouvrages du même genre publiés dans les
contrées voisines;
La classe des sciences de l'Académie émet l'avis qu'il y
a lieu de procéder immédiatement, aux frais du gouverne-
ment, à l'exécution d'une carte géologique détaillée de la
( 28o )
Belgique, levée au 720,000, au moins, et réduite au 7^000
d'après les cartes gravées, avec courbes de niveau, du dé-
pôt de la guerre.
Cette proposition sera transmise au gouvernement sui-
vant les formes académiques, accompagnée des rapports
des trois commissaires, y
Nous croyons inutile d'ajouter en ce moment aucune
proposition relative aux moyens d'exécution.
Annexes au rapport de M. Dewalque.
Àvis DE M. Ramsay.
London , Jermyn Slreel, 2 juin 1875.
Je regrette que des occupations officielles urgentes m'aient
empêché jusqu'aujourd'hui de répondre à votre lettre.
J'éprouve une grande admiration pour la carte de Dumont,
fondement admirable du relevé géologique de votre pays;
mais, lorsqu'une grande région doit être examinée de nouveau
et qu'on doit exprimer tous les détails requis par la géologie
moderne, je n'hésite pas à dire que l'échelle de cette carte est
trop petite. L'échelle de 7i60,ooo correspond à 0,396 pouce par
mille, mesures anglaises, c'est-à-dire moins d'un demi-pouce
par mille. A une telle échelle, H nous serait impossible d'ex-
primer tous les détails que demandent les applications écono-
miques, affleurements des diverses couches de houille,
failles, etc.; et même, pour beaucoup de questions d'intérêt
purement scientifique, il serait impossible, dans beaucoup de
cas, de relever d'après notre méthode les limites de chaque
( 286 )
sous-forination (dans le terrain jurassique, par exemple), et il
serait encore moins possible de relever et de rendre avec le
soin nécessaire, toutes ces variations du caractère lithologique,
tous les affleurements de roches ignées, etc. de la manière que
nous considérons comme nécessaire à la représentation com-
plète de la géologie des îles Britanniques.
Je vous adresse avec cette lettre 6 feuilles, marquées 1 à 6,
de la carte du pays de Galles, à l'échelle de */^ de pouce par
mille. La région représentée n'a pas été relevée à cette échelle,
mais bien à l'échelle quatre fois plus grande de i pouce par
mille, qui était alors l'échelle des cartes publiées par notre
Bureau topographique {Ordnance Survey), et le relevé a été
ensuite réduit au quart. Beaucoup de détails rendus sur la
grande carte ont dû nécessairement être omis sur la petite ,
comme vous pourrez le voir en comparant avec ces feuilles
les feuilles numérotées 7 à 11 qui représentent une partie du
même district. Il eût été impossible, par exemple, de repré-
senter à la petite échelle tous les affleurements des couches de
houille, qui sont si importants dans notre pays comme dans le
vôtre.
L'échelle agrandie dont vous vous êtes servi dans certains
cas, le ^/io,ooo, correspond à 6,556 pouces par mille anglais.
Notre gouvernement s'est convaincu que l'échelle de i pouce
par mille est trop petite , tant pour la topographie que pour la
géologie, et en conséquence, toute la moitié nord de l'Angle-
terre, à partir des limites méridionales du Lancashire et de
l'Yorkshire, de même que TÉcosse et l'Irlande, ont été publiées
par notre Bureau topographique [Topographical Survey) (ou
sont en voie de publication) à l'échelle de 6 pouces par mille,
qui est seulement un peu plus petite que le Vio,ooo. Les officiers
du Geological Survey relèvent sur le terrain les limites géolo-
giques à l'aide des cartes à cette grande échelle. Ce travail est
ensuite publié à cette échelle pour les districts miniers; pour
les autres districts, qui ne présentent pas cette importance
( 287 )
économique, le travail est réduit à l'échelle de i pouce par
mille. Les cartes à très-grande échelle sont également publiées
à cette échelle réduite.
Les feuilles n"" 14 à IG sont des exemples de noire carte à
l'échelle de 0 pouces par mille. Le manque de caries à cette
échelle pour la moitié méridionale de l'Angleterre a été si
vivement ressenti que le directeur du Topographical Survey
a reçu l'ordre de lever de nouveau cette région à cette échelle
développée, et j'ai reçu l'ordre de recommencer le relevé
géologique de tous les bassins houillcrs du pays de Galles, du
Staffordshire méridional, etc., aussitôt que le travail topogra-
phique sera accompli.
Mon opinion personnelle est que beaucoup des détails néces-
saires pourraient être rendus sur une carte à échelle moitié
moindre, soit 5 pouces par mille, qui est à peu près celle de
votre carte au ^l^20,ooo (qui équivaut à 5,168 pouces par mille).
L'échelle de ^/iOjOOO ou 4,584 pouce par mille, serait, à mon
avis, insuffisante pour notre manière de procéder, particulière-
ment pour la formation houillère.
Je vous envoie aussi cinq feuilles de coupes. Quatre d'entre
elles sont des coupes longitudinales à l'échelle de 6 pouces par
mille, tant pour les hauteurs que pour les longueurs, le relief
du sol ayant d'ailleurs été nivelé avec soin. L'une d'elles tra-
verse le bassin houiller de la Galle du Sud, dont je vous
envoie la carte, sur laquelle sa trace est marquée. Une autre
traverse le bassin de l'Yorkshire, dont une partie est repré-
sentée sur les cartes que je vous envoie.
Les coupes verticales de la dernière feuille sont à l'échelle
de i pouce pour 40 pieds, soit '/^so.
Je vous envoie enfin une légende des couleurs , qui vous
montrera le grand nombre de subdivisions représentées sur
notre carte.
Je puis ajouter que, pour l'exécution de notre relevé géolo-
gique, nous n'avons utilisé les cartes géologiques parues anté-
( 288 )
rieurement (par exemple, celle de Greenough) que d'une
manière très-générale, pour la classification des roches, etc.,
nous y avons ajouté et nous les avons modifiées dans beau-
coup de cas. Pour un travail soigné, de nature à satisfaire la
nation, chaque ligne a dû être relevée à nouveau et tous les
affleurements de couches de houille ou de gîtes métallifères,
toutes les failles et beaucoup d'autres détails ont été repré-
sentés. Des mémoires explicatifs des cartes sont aussi publiés
par le gouvernement.
Je reste,
Monsieur,
Votre très-obéissant serviteur,
Andr. C. Ramsay,
directeur général du relevé géologique du Royaume-Uni.
P. S. Je vous envoie aussi deux feuilles à l'échelle de
1 pouce par mille, pour vous montrer le résultat de notre
travail dans les formations jurassiques, crétacées et tertiaires,
et deux feuilles de légende générale, pour les échelles de
1 pouce et de 6 pouces par mille.
A. C. R.
Avis de M. von Hauer,
Vienne, le 9 juin 1875.
La question de savoir s'il serait plus avantageux de faire
une nouvelle carte géologique de la Belgique au 7^0,000 ou de
publier une nouvelle édition de la carte de Dumont au 7i60,ooo.
me paraît devoir être résolue de la même manière, que l'on se
place au point de vue scientifique ou que Ton se place au
( 289 )
point de vue des applications pratiques. Certainement la
grande échelle mérite la préférence, car celle-ci rend seule
possibles les indications des subdivisions nécessitées par l'état
actuel de la géologie, et tous les gisements importants pour
l'industrie pourront y être indiqués et délimités convenable-
ment.
Des cartes géologiques générales, à petite échelle, ont aussi
leur valeur scientifique, pour l'obtention de vues générales et
aussi pour l'enseignement. Pour la pratique, au contraire, pour
les exploitations minières, pour l'agriculture, comme pour la
construction des routes et des chemins de fer, en un mot,
pour les différentes branches de l'industrie, une carte géolo-
gique est certainement d'autant plus utile qu'elle renferme
plus de détails et qu'elle est à plus grande échelle.
La nouvelle carte géologique de l'Allemagne sera publiée
à l'échelle de 723,000, quoique des cartes d'une grande partie de
l'empire aient déjà été publiées au 7so,ooo.
Si nous avons jusqu'à présent publié nos cartes autri-
chiennes à l'échelle de 7^44,000, c'est uniquement parce que
nous n'avions pas de carte géographique plus détaillée et aussi
parce que les données n'avaient pu être relevées avec assez
d'exactitude pour une carte à grande échelle. Mais maintenant
l'état-major a commencé la publication d'une carte de tout
l'empire à l'échelle de 77S,ooo, et nous allons l'utiliser immé-
diatement pour la publication de nos relevés géologiques.
A côté d'une carte détaillée, il serait certes toujours très-
utile d'avoir une carte d'ensemble , mais pour celle-ci, je
choisirais une échelle notablement plus petite, par exemple,
7250,000.
L'échelle de la carte Dumont avait été fort bien choisie pour
l'époque où cette carte parut : elle répondait aux connaissances
que l'on avait alors de la constitution géologique du pays.
Aujourd'hui, elle me paraît tout à fait inapplicable (icnprak-
2™^ SÉRIE, TOME XL. 19
( 290 )
tisch); elle est trop grande pour une carte d'ensemble, trop
petite pour une carte détaillée.
J'espère, dans l'intérêt de la science que nous cultivons, et
j'ai toute confiance qu'il vous sera donné d'amener votre
souvernement éclairé à choisir cette solution, que je consi-
dèrc sans aucun doute comme une exigence de la science
actuelle.
Fr. von Hauer,
directeur général de l'mstitut I. et R. géologique d'Autriche.
Avis DE M. VON Dechen.
Boon, le 23 mai 1875.
Mon cher et très-honoré ami ,
En réponse à votre aimable lettre du 20 de ce mois, je ne
peux qu'exprimer tout mon assentiment à la proposition que
vous avez faite à votre gouvernement pour l'exécution d'une
nouvelle carte géologique de votre pays. Je suis d'avis qu'une
édition revisée de la carte de Dumont n'aurait qu'une impor-
tance très-secondaire; elle ne répondrait aucunement aux
exigences scientifiques qui se sont élevées depuis que Dumont
a exécuté son grand ouvrage, il y a trente ans. L'échelle de
cette carte, 7i60,ooo, est trop petite pour qu'on puisse y bien
représenter les subdivisions que lui-même et les autres géolo-
gues belges ont introduites. La carte de la province rhénane
et de laWestphalie, dont la publication a commencé en 1856,
est à une échelle double, 78O5OOO : elle a servi de preuve que
cette échelle n'est même pas suffisante pour la représentation
des accidents géologiques, des subdivisions, etc. On a choisi
l'échelle de 7^^0,000 pour le Wurtemberg, Bade, Hesse-Darm-
( 291 )
stadt; et vous savez qu'en Prusse on s'est décidé récemment
pour l'échelle de ^l-2^,ooo et que la nouvelle carte géographique
se publie maintenant à cette échelle , avec courbes de niveau.
L'Exposition internationale de Vienne, dont vous connaissez
les rapports, a démontré que tous les géologues ont pris parti
pour cette grande échelle. Il n'y a pas de doute qu'elle n'ait
remporté le premier prix.
L'échelle de 7*0,000 est certainement la plus petite qui puisse
suffire pour la Belgique, dont la géologie est assez compliquée.
Tous les géologues allemands seraient du même avis.
Le vôtre,
Dechen.
Mtappot'i de .f#. JDttpoitt.
Dans notre séance du 5 juin dernier, M. Dewalque a
déposé une proposition tendant à l'examen de la question
suivante : les cartes géologiques levées et publiées par
Dumoiit étant épuisées, y a-t-il lieu d'en publier de nou-
velles éditions revisées ou bien est-il préférable de recom-
mencer un levé géologique plus détaillé du royaume.
Nulle question, intéressant la science de notre pays,
n'est plus opportune, même plus urgente. Elle a déjà fait,
depuis trois ans, l'objet d'un examen sérieux en d'autres
lieux et le gouvernement y a donné récemment un com-
mencement de solution. C'est en effet depuis plusieurs
années déjà que nos cartes géologiques sont complètement
épuisées; il devient presque impossible, même acciden-
tellement, de s'en procurer un exemplaire.
Dans ces conditions, l'étude de la géologie belge se
( 292 )
trouve dépourvue de sa base naturelle d'opération et les
immenses avantages que le pays devait retirer de la grande
œuvre que Dumont sut mener à bonne fm, sont paralysés,
on pourrait dire annulés. C'est à cette situation qu'il faut
chercher remède.
Pour bien juger cette situation, il est nécessaire, je
crois, de se rendre compte du plan que Dumont avait
conçu, de la manière dont il l'a exécuté, des parties qu'il
a laissées incomplètes, de la valeur que ses cartes ont con-
servée et des services qu'elles pourraient rendre encore.
En 1856, un arrêté royal décréta l'exécution de la carte
géologique de la Belgique sous les auspices de l'Académie.
Dumont en était chargé pour les provinces méridionales ;
sa mission fut, l'année suivante, étendue à l'ensemble du
royaume.
Treize ans après, en 1849, Dumont annonça que sa
carte était terminée. Mais il lui restait à la commenter et
à l'expliquer par une série de travaux complémentaires
qui allaient donner à son œuvre un véritable caractère de
grandeur.
Voici comment il l'avait comprise :
La carte, en neuf feuilles et à l'échelle du 7i60,ooo,
connue sous le nom de carte du sol, en était la partie fon-
damentale. C'est la véritable carte géologique de la Bel-
gique, celle qui répond à la pensée de l'arrêté royal de
1836. Elle figure, comme vous le savez, le sol superûciel
du pays. L'ensemble des couches affleurantes y est divisé
en 53 groupes, en y comprenant les gîtes métallifères, les
filons lithoïdes, la tourbe, les dépôts calcareux et ferrugi-
neux modernes qui sont distingués par des lettres et non
par des couleurs spéciales.
Cette carte demandait avant tout à être expliquée et
( 293 )
interprétée. L'illustre géologue ne crut pas devoir se
borner à y adjoindre un simple texte descriptif.
La Canipine et les Flandres sont recouvertes d'un dépôt
de sable; la moyenne Belgique l'est à son tour d'un dépôt
de limon. Ces terrains superficiels laissent, de loin en loin
seulement, percer quelques lambeaux des terrains ter-
tiaires et crétacés qui constituent le sous-sol de ces ré-
gions. Or, ces terrains tertiaires et crétacés sont à la fois
importants en étendue, variés d'âge et de composition et
agencés d'une manière compliquée. Ils réclamaient donc
une étude particulière.
Dumont distinguait 14- étages dans le terrain tertiaire
et 6 étages dans le terrain crétacé ;
Ces terrains s'étendent sur les deux tiers environ du
royaume;
Enfin le sol superficiel n'en laisse pas deviner les rela-
tions de juxtaposition, parce qu'ils offrent trop peu d'affleu-
rements à travers les dépôts quaternaires.
Ces circonstances ont amené Dumont à exécuter la
carte ordinairement appelée carie du sous-sol. 11 y a tracé
les contours des terrains comme si le pays était dépouillé
des deux nappes juxtaposées de sable campinien et de
limon hesbayen.
Cette carte fut établie sur les pierres de la carte du
sol. Elle est donc également en neuf feuilles et à l'échelle
du 1/160,000.
Malheureusement les procédés précis qu'il employa pour
déterminer les contours souterrains de ces dépôts ne sont
pas connus. A-t-il procédé par sondages ou a-t-il appliqué
des règles spéciales? S'il a fait connaître verbalement sa
méthode ou si elle se trouve contenue dans ses notes, elle
n'a pas été publiée.
( 294 )
Cette seconde carte était donc une première partie de
l'explication de sa carte géologique proprement dite.
Cependant l'éminent explorateur, voulant éviter d'in-
troduire dans son œuvre capitale — la carte du sol — des
éléments hypothétiques et mal assurés , adopta une me-
sure que nécessitait l'état de la science et qui fut d'abord
aussi étrangement que violemment critiquée : il employa
une nomenclature locale pour la plupart des étages. Les
groupes dont l'équivalent étranger n'était pas évident,
reçurent le nom des localités belges où ils sont le mieux
développés.
Sa légende réclamait donc aussi des explications. Au
lieu de se borner à exposer dans des mémoires son opinion
sur le synchronisme de nos terrains avec les régions voi-
sines, comme il le fit toutefois pour le bassin de Londres,
il exécuta sa carte de la Belgique et des contrées voisines
en une feuille et à l'échelle du 7800,000. Elle comprend la
moitié de la partie orientale du bassin de Paris et toute là
région rhénane jusqu'à Strasbourg.
Cette carte atteignait un triple but.
Premièrement, elle remplissait, vu la petitesse de
l'échelle, le rôle de carte d'assemblage;
Deuxièmement, par l'adjonction d'une partie du nord
de la France et des régions rhénanes, elle lui permettait
d'exposer sa manière de voir sur les raccordements de nos
terrains avec ceux de ces pays et notamment d'établir les
rapports d'équivalence entre nos terrains tertiaires et les
terrains classiques du bassin de Paris, c'est-à-dire d'expli-
quer sa légende;
Troisièmement, cette extension géographique le mettait
en mesure de montrer les rapports de répartition entre
nos terrains et ceux des régions adjacentes, de manière à
( 295 )
indiquer la disposition générale de notre sol et son rôle
dans cette partie du continent.
Ces données explicatives, exposées au moyen de cartes,
ne parurent pas encore suffisantes à Dumont. 11 se de-
manda quelles étaient les relations de disposition entre les
terrains belges et ceux de l'ensemble du continent. Réu-
nissant et compulsant tous les documents publiés sur la
géologie européenne, obtenant de plusieurs géologues des
renseignements inédits, suppléant à ceux qui manquaient
en allant les recueillir lui-même jusqu'à Constantinople,
en Sicile et en Espagne, il fit paraître en 1855 à l'Exposi-
tion universelle de Paris, la carte de l'Europe qui eut tant
de retentissement dans la science.
Il restait à ajouter à cette grandiose illustration géolo-
gique de notre pays un texte descriptif.
Dumont en avait commencé la publication en 1848-
18i9 par ses deux volumineux mémoires sur les terrains
ardennais et rhénan avec leurs roches éruptives. Ils ont
paru dans nos mémoires in-4*'.
Cette description fut interrompue parles soins qu'il dut
donner à la publication de ses quatre cartes. Il ne put
résister à cette partie de sa tâche. A peine l'impression des
cartes fut-elle terminée, avant qu'il eût pu reprendre la
publication des mémoires explicatifs qu'elles exigeaient,
l'illustre savant mourait en 1857, à Tàge de 48 ans.
Son œuvre restait donc inachevée : la carte décrétée
par Tarrêté royal de 1856 n'était pas complétée par sa
description. Hélas! tout ce grand ouvrage, l'une des plus
belles œuvres que la géologie ait produites, s'arrêta à ce
point! Le monde savant admira, et notre pays se montra
fier par d'éclatants témoignages de la reconnaissance pu-
blique. Il ne fut rien fait de plus. Non-seulement la des-
( 296 )
cription géologique qu'on attendait ne parut pas, mais
Dumont avait laissé des notes nombreuses; aucune ne fut
publiée. 11 avait laissé notamment — je le sais de source
certaine — un mémoire presque achevé contenant la
description de nos terrains tertiaires; ce mémoire est
resté inconnu. Loin de voir reprendre la suite de cette
œuvre, loin de voir ce que Thonneur du pays et l'intérêt
de la science exigeaient impérieusement, l'exhumation des
riches et importants documents que Dumont abandonnait,
nous l'avons vu oublier et oublier au point que ses cartes
se sont successivement épuisées sans qu'il fût même
pourvu à de nouveaux tirages. C'est seulement depuis quel-
ques mois, 18 ans après la mort de Dumont, qu'à la suite
• de réclamations, la question devient urgente et qu'elle se
pose enfin devant l'Académie.
Je n'ai pas à rechercher ici sur qui retombe cette res-
ponsabilité, non plus qu'à m'assurer si cette situation
découle d'un point de vue systématique ou de l'ordre
même des choses. Ce qu'il importe avant tout, c'est de
prendre sans retard des mesures pour mettre fin à pareille
situation.
Trois solutions se présentent. Les voici :
i° Nouveaux tirages des cartes afin de les remettre à
la disposition des géologues et de l'enseignement. La pierre
de la carte au 78oo,ooo semble être seule en état de servir
encore à cet usage et M. le capitaine d'état-major Henne-
quin, professeur à l'École de guerre, vient d'être autorisé
par le gouvernement à en faire un nouveau tirage. Nous
pouvons être assurés que cet officier distingué saura rem-
plir cette mission à la satisfaction de tous.
Mais comme la science a progressé depuis que Dumont
a fait paraître ses cartes et qu'il est indispensable de leur
( 297 )
faire subir, pour les replacer au niveau des connaissances
actuelles, quelques changements sur lesquels je reviendrai,
cette mesure, destinée à rendre de grands services immé-
diats, n'a évidemment qu'un caractère transitoire.
On est ainsi amené à examiner d'autres combinaisons.
2° Publication de nouvelles éditions des cartes de
Dumont en y introduisant les modifications qui sont re-
connues nécessaires et en y adjoignant une description
complète de nos terrains, de manière à rendre à cette
grande œuvre son opportunité et à lui donner le complé-
ment indispensable qu'elle attend depuis 18 ans.
o** Exécution, à l'exemple de plusieurs autres nations,
d'un nouveau levé de notre sol à grande échelle , en y
faisant entrer tous les éléments qu'une étude détaillée et
approfondie de chaque localité ferait reconnaître.
Celle carte détaillée serait incontestablement des plus
importantes tant pour la science que pour ses applications.
Déjà en 1872, à la demande de notre éminent président,
M. le général Brialmont, j'avais remis à M. le général Le
Maire, directeur du Dépôt de la guerre, une note exposant
les services qu'une telle entreprise pourrait rendre et
les moyens pratiques de l'exécuter.
M. Dewalque vient de reprendre cette proposition et la
soumet aujourd'hui à l'Académie.
Mais c'est seulement sur l'utilité de l'entreprise qu'il y
a conformité d'appréciation.
En 1872, le Département de l'intérieur poursuivait le
but de publier de nouvelles éditions des cartes de Dumont
et de les compléter par leur texte descriptif. Dans ces
conditions, le levé à grande échelle, marchant parallèle-
ment avec ces travaux, était de nature à satisfaire à tous
les besoins.
( 298 )
Mais dès que l'honorable M. Dewalque pose en principe
que les cartes de Dumont doivent être supprimées et qu'il
y a lieu de substituer, non pas seulement à leur continua-
tion, mais même à de nouvelles éditions, ce levé à grande
échelle, je ne saurais trop protester contre une telle propo-
sition dont il importe d'examiner les conséquences.
Le levé d'une carte à grande échelle exigera un temps
très-long. Malgré la rapidité exceptionnelle de l'exécution
à laquelle l'honorable M. Dewalque vient de rendre hom-
mage, Dumont a mis 15 ans à exécuter sa carte et 21 ans
pour la partie de l'ensemble de son œuvre qu'il a menée à
bonne tin. Or, dès qu'il s'agit d'entrer dans les détails
d'un levé géologique, de subdiviser un terrain autant que
le comporte la variété de ses couches, de noter ses acci-
dents stratigraphiques et autres faits qui sont de l'essence
d'une carte détaillée, on peut tenir pour certain que bien
peu d'entre nous en verront l'achèvement, même en sup-
posant qu'un grand nombre de géologues y collaborent et
qu'un véritable Geological Survey soit constitué.
Deux exemples suffiront pour faire apprécier cette
durée.
Lorsque le gouvernement eut connaissance en 1861
des riches découvertes qu'on faisait à Anvers dans les
travaux de la nouvelle enceinte et des forts, il désigna,
sur l'avis de l'Académie, notre honorable confrère pour
dresser la carte géologique des environs d'Anvers. Qua-
torze années se sont écoulées depuis lors; le savant géo-
logue a joui d'avantages exceptionnels, puisque des coupes
de plusieurs kilomètres furent mises au jour et cependant
il n'a pas encore publié cette carte qui comprenait une
surface de quelques lieues.
De mon côté, dans le but de mettre hors de doute la
( 299 )
constitution compliquée du calcaire carbonifère dans les
environs de Dinant, j'ai levé une carie détaillée sur une
superficie d'environ ooO kilomètres carrés et ce travail que
TAcadémie a bien voulu accueillir dans ses Bulletins, a ré-
clamé trois ans pour son exécution.
Nous pouvons par ces données juger approximative-
ment du nombre d'années à employer pour les 50,000
kilomètres carrés environ qui forment la superficie du
royaume.
Depuis une période qu'on peut évaluera iO ans, les
cartes de Dumont sont épuisées et nous ne pouvons éva-
luer la durée du levé détaillé à moins de 20 à 30 ans —
toujours en supposant que le gouvernement proportion-
nera largement les moyens à la grandeur de l'entreprise.
En adoptant la proposition de M, Dewalque nous reste-
rions donc 50 à 40 ans sans carte géologique, quand
nous avons entre les mains les œuvres de Dumont que
bien des pays peuvent nous envier! Pendant qu'on procé-
derait, même laborieusement et activement, à l'exécution
d'une carte qui compte au ^/m.ooo 72 feuilles et au V2o,ooo
456 feuilles, les géologues qui n'y seraient pas attachés et
l'enseignement scientifique auraient à attendre une nou-
velle génération pour profiter des travaux géologiques
exécutés sur le sol belge. C'est une conséquence que
l'Académie ni le gouvernement, nous l'espérons bien,
n'accepteront pas, d'autant plus qu'il semble bien incon-
testable, contrairement à l'avis que vient d'émettre l'ho-
norable M. Dewalque, que les cartes de Dumont sont loin
d'être surannées et hors d'état de fournir une série d'édi-
tions qui feront honneur à notre pays.
C'est le point que je vais avoir l'honneur de traiter.
Premièrement, la légende de la carte du sol se décom-
( 500 )
pose en 53 terrains. Quand on se rappelle, d'une part, que
notre pays n'a qu'une superficie de moins de trois millions
d'hectares ; que, d'autre part, il ne présente ni les terrains
granitiques, ni les terrains cristallophylliens, ni les étages
jurassiques supérieurs à la base du bathonien, ni le terrain
crétacé inférieur, ni l'éocène supérieur, que les roches
éruptives proprement dites y sont réduites au terrain por-
phyrique, que les terrains volcaniques et les dépôts gla-
ciaires n'y sont pas représentés, on est en droit de se
demander si une carte qui signale 55 terrains dans ces
circonstances, ressemble aux ébauches que les autres pays
ont dû supprimer pour leur substituer des cartes détaillées
et s'il est si urgent d'agir de même avec les œuvres de
Dumont. Comparons notamment notre carte au Vi6o,ooo à
celle au V8o,ooo qu'a publiée M. von Dechen dont M. De-
walque a demandé l'avis dans la présente occurrence, et
nous verrons que le savant allemand n'a figuré sur sa
carte à grande échelle que 10 étages pour les terrains
ardennais et devoniens dans les régions où Dumont a an-
térieurement figuré 11 étages. Si la Belgique ne peut
craindre que de semblables infériorités, tout le monde
sera sans doute d'accord qu'elle peut les accepter sans hé-
sitation. La conclusion qui ressort de cet exposé, est que
notre carte géologique est en état de rendre les services
qu'on en attendait sous le rapport du nombre des divisions
renseignées.
Deuxièmement, sous le rapport de la précision des con-
tours, tous les géologues ont été unanimes à reconnaître
qu'elle dépasse ce qu'on pouvait en attendre à priori. On
peut même dire qu'il n'y sera pas apporté de moditications
sensibles.
Troisièmement, sous le rapport des modifications ap-
( 501 )
portées par les travaux postérieurs dans les relations stra-
tigrapliiques des terrains, j'ai la conviction qu'on peut
très-facilement les introduire sans que le caractère de
l'œuvre de Duniont soit dénaturé. Que l'Académie, pour
mieux en juger, me permette d'énumérer ces principales
modifications.
l*' Le terrain ardoisier du Brabant et du Condroz est,
non pas du terrain dévonien inférieur, mais du terrain
silurien qui constitue un nouveau terme dans notre série
géologique. Il y aura donc lieu de donner une nouvelle
teinte à cette partie.
2" Les couches à poudingues, adossées au terrain silu-
rien du Condroz et que Dumont a considérées comme se
rapportant à son étage E', devront probablement se ré-
partir dans les divers étages du terrain dévonien de l'Ar-
denne, d'après les observations de M. Gosselet vérifiées
récemment par M. Mourlon pour la formation de la col-
lection lithologique dn Musée royal d'histoire naturelle.
o° Les petites bandes et îlots calcareux , désignés par
d'Omalius sous le nom de calcaire de Couvin et de calcaire
de Frasnes , doivent être séparés du calcaire à Stringocé-
phales et être réunis les uns aux schistes à calcéoles, les
autres aux schistes de Famenne.
4'' Les couches schisteuses, intercalées dans le calcaire
dévonien de la bande de Rhisnes, doivent être réunies à
ce calcaire.
Ces quatre résultats sont dus à M. Gosselet.
5° A la suite de la découverte de débris de conifères
dans le terrain crétacé inférieur du Hainaut par MM. Briart
et Cornet, l'abbé Coemans a prouvé que ce terrain qui y
montre un petit affleurement, est d'âge bien distinct de
celui d'Aix-la-Chapelle.
( 502 )
6° La meule de Braquegnies et le calcaire grossier de
Mons, découverts par les mêmes géologues, devront figurer
comme nouveaux termes dans notre série.
7° L'étage panisélien semble constituer dans le Hainaut
deux dépôts distincts.
8° M. Nyst a découvert des fossiles scaldisiens dans les
environs de Turnhout, ce qui augmente l'étendue de ce
dépôt.
9° ïl y a lieu d'indiquer dans le Condroz et l'Ardenne
les dépôts de cailloux roulés et de limon quaternaires,
comme Dumont l'a fait dans la moyenne et dans la basse
Belgique.
Il suffirait d'introduire ces modifications dans la carte
de Dumont — et elles peuvent l'être sans difficultés —
pour rendre à cette œuvre toute son opportunité.
Quatrièmement, l'examen de la légende adoptée par
Dumont nous conduit à la même conclusion.
A l'époque où l'illustre géologue leva sa carte, la série
générale des terrains était loin d'être établie avec la pré-
cision actuelle. 11 crut donc devoir adopter une classifica-
tion et une nomenclature locales pour les terrains dont
les équivalents étrangers n'étaient pas évidents. La carte
au 7800^000 devait suppléer à cet inconvénient, en mon-
trant les raccordements qu'il admettait entre les terrains
belges, le bassin de Paris et les régions rhénanes, rac-
cordements qui du reste ne peuvent être tous maintenus.
Aujourd'hui la concordance de notre échelle stratigra-
phique avec la série générale a fait des progrès; on peut
donner à la plupart des étages de Dumont leurs synonymes
étrangers avec assez d'exactitude et suivre la classification
généralement admise.
Ces circonstances peuvent-elles être envisagées comme
( 503 )
le fait l'honorable M. Dewalque qui s'exprime de la ma-
nière suivante dans le rapport que vous venez d'en-
tendre :
« Ainsi en conservant presque toute la partie graphique
» de la carte géologique, on lui donne une légende qui
» n'a plus rien de commun avec l'œuvre primitive ; et
» c'est là ce qu'on publierait comme l'œuvre de Dumont,
i> seconde édition ! Le respect qui entoure la mémoire du
j> grand géologue empêchera, je l'espère, une pareille pu-
» blication. »
Il n'y a en réalité dans ces modifications à apporter à
la légende qu'un changement ou mieux une addition de
mots, un allongement ou une diminution d'accolades.
Placer a côté l'une de l'autre la légende de Dumont qui
exprime les relations précises des terrains belges et leur
localité typique, et une légende indiquant le raccordement
de ces terrains à la série classique, me paraît au contraire
un complément très-avantageux qui ne dénature en rien
l'œuvre du grand géologue et ne fait que lui rendre son
opportunité. Ce serait bien étrangement comprendre le
respect dû à ces admirables travaux que de les supprimer
par crainte de leur donner le complément qu'ils devaient,
par leur nature même, inévitablement recevoir.
Voici donc quels ont été les effets de 25 ans sur la carte
de Dumont :
Elle reste l'une des cartes les plus détaillées de l'Eu-
rope;
Les contours des terrains y sont reconnus extrêmement
précis ;
Quelques changements, faciles à introduire, doivent être
apportés dans les relations stratigraphiques des terrains;
La légende peut être en partie complétée par l'adjonc-
( 304 )
tion (les synonymes étrangers aux noms locaux des
étages.
Est-il beaucoup de travaux d'une pareille étendue et
d'une si grande complexité, qui puissent, après 25 ans,
espérer pareille sanction ? Et ces constatations n'augmen-
tent-elles pas encore notre admiration pour cette grande
œuvre qu'il s'agirait de faire disparaître ?
Que manque-t-il de réellement important à cette
carte? C'est son texte descriptif commencé par Dumont,
pour la confection duquel il a réuni de grandes collections
et laissé de nombreuses notes.
Le traité de géologie de la Belgique de M. d'Omalius,
qui eut en 15 ans trois éditions, le Prodrome d'une des-
cription géologique de la Belgique de M. Dewalque, l'ar-
ticle étendu publié par M. Mourlon dans Patria belgica,
n'ont pu, malgré leur mérite, y suppléer. Des provinces
entières, les deux Flandres notamment, n'ont pas encore
été décrites. Plusieurs étages importants nous sont encore
presque inconnus.
Les travaux de M. Gosselet que je viens d'avoir l'hon-
neur de vous rappeler, donnent à cet auteur une autorité
particulière pour juger l'œuvre de Dumont. Voici la con-
clusion d'une communication qu'il flt à la Société géolo-
gique de France en 1860, en lui présentant son mémoire
sur les terrains, primaires de la Belgique (Bull, de cette
Société, 2^ sér. t. XVIIl, p. 54) : « La carte de Dumont,
» on ne saurait trop le dire, est vraiment admirable par
D ses détails et sa précision, mais il est à désirer que le
» gouvernement belge la fasse compléter par un texte
» explicatif avec coupes, etc., pour qu'elle devienne par-
)) faitement intelligible et qu'elle acquière tout le prix
j> qu'elle mérite. »
( 305 )
Combien ne devons-nous pas déplorer que ce texte des-
criptif ne soit pas encore exécuté, quand tout semblait
réuni pour en dicter impérieusement le devoir et pour en
faciliter l'achèvement.
Si nous abordons Texamen de l'échelle de la carte de
Dumont, nous remarquerons qu'elle a son utilité incon-
testable, et que si l'on supprimait cette carte, soit à cause
de cette échelle, soit pour les motifs que l'honorable
M. Défalque vient de faire valoir, il faudrait en exécuter
une autre sur une échelle analogue. En effet les cartes du
Dépôt de la guerre au 7^0,000 et au 720,000 ont respective-
ment 72 et 456 feuilles et s'étalent sur une surface telle
qu'on ne pourrait par leur moyen, sauf le cas d'une con-
struction spéciale, envisager dans son ensemble la géologie
du pays. Cette circonstance exige la confection d'une carte
dont l'échelle permet l'étalage sur les murs des apparte-
ments ordinaires. Pourquoi dès lors supprimer la carte
de Dumont qui, par son échelle seule, sera toujours né-
cessaire ?
Au surplus, quelle est la signification réelle des avis
donnés par les géologues éminents que M. Dewalque a
consultés.
Elle consiste en ceci :
Si le gouvernement belge fait procéder à un nouveau
levé géologique de notre pays, il est indispensable de
faire choix d'une très-grande échelle, afin d'y indiquer les
nombreuses divisions et les accidents stratigraphiques qu'on
ne peut renseigner sur l'échelle du 7i6o,ooo.
Cet avis me paraît d'une justesse évidente et incontes-
table. Si une nouvelle carte géologique était exécutée, elle
devrait l'être à l'échelle du ^20,000, mais le plus simple
raisonnement nous dit que nous ne pouvons en reste
2"' SÉRIE , TOME XL. 20
( 506 )
dépourvus jusqu'à rachèvement d'une aussi grande entre-
prise.
On pourrait faire l'objection que si la carte au 7ico,ooo
qui, dans l'esprit de l'arrêté de 1856, est destinée autant à
favoriser l'industrie que la science, a été et est encore très-
utile pour les recherches industrielles, elle est absolument
insuffisante pour guider l'exploitation, que la géologie ap-
pliquée réclame des caries à grande échelle et qu'elle ne
doit pas être sacrifiée à la géologie théorique. L'objection
serait fondée et le gouvernement l'a compris dès 18o2,
alors qu'il décrétait l'exécution de la Carte générale des
mines. Le Département des travaux publics fait relever, de
100 mètres en 100 mètres, dans toute l'étendue de notre
terrain houiller,des coupes verticales qui, raccordées entre
elles sur un plan à 156 mètres au-dessous du niveau de la
mer, donneront une carte houillère d'une exactitude aussi
grande que les exploitants peuvent la désirer.
L'échelle de la Carte générale des mines est non pas le
V'iojooo ni le 7^0,000, mais le 7^,000; c'est-à-dire le double
de celle dont M. Ramsay se sert pour les districts miniers
du pays de Galles.
M. l'inspecteur général Jochams a eu l'obligeance de
me remettre les renseignements suivants sur le degré
d'avancement de cette énorme entreprise que dirige
M. l'ingénieur en chef Van Scherpenzeel-Thim.
Le levé du bassin de Liège est à peu près terminé ; on
en attend la carte manuscrite en 1876. Le levé des coupes
de 100 mètres en 100 mètres est en cours d'exécution
dans les bassins du Borinage et de Charleroi.Dansle bassin
du Centre, on a levé les plans de surface, mais les coupes
verticales ne le sont pas encore. Le bassin de Namur n'est
pas commencé.
( 507 )
Le titre de ce grand travail indique assez que ces levés
doivent s'étendre à nos gîtes métallifères.
Sur ce point, le gouvernement a donc pourvu à ce qui
était nécessaire.
En résumé, je suis depuis longtemps convaincu, de
même que l'honorable M. Devvalque, qu'il serait à désirer
qu'une carte géologique à grande échelle fût exécutée.
Mais les cartes de Dumont étant entièrement épuisées
depuis plusieurs années, ses notes n'étant pas publiées et
la description complète de notre sol n'existant pas, je ne
puis me rallier à une proposition qui consiste à supprimer
complètement les cartes de Dumont comme surannées et
à commencer le levé d'une carte détaillée à l'échelle du
7*0,000 ou du 720,000. La première partie de cette propo-
sition repose, comme je viens de le démontrer, sur une
appréciation inexacte, le monument élevé à la science par
Dumont ayant conservé toute son éminente valeur. La
seconde partie causerait un détriment considérable à la
géologie belge, si les cartes de Dumont n'étaient pas re-
mises au préalable et le plus tôt possible entre les mains
des géologues, car à en juger d'après toutes les analogies
que nous possédons, l'achèvement de cette carte détaillée
réclamera au minimum 20 à oO ans.
Dans ces conditions, je me demande si le devoir de
l'Académie n'est pas d'insister auprès de M. le Ministre de
l'intérieur pour qu'il soit pourvu avant tout à l'exécution
de nouvelles éditions des cartes de Dumont et à la publi-
cation du texte descriptif qui devait, dans l'esprit de leur
illustre auteur et suivant le vœu de tous les géologues,
couronner cette grande œuvre scientifique.
( 508 )
Kappoft de MM. Bt'iat't.
La question qui nous est soumise est d'une importance
majeure, que mes deux honorables collègues ont parfaite-
ment comprise et qu'ils ont fait ressortir dans les deux
rapports dont vous avez entendu la lecture. Il faut néces-
sairement une carte géologique à la Belgique, une carte
que chacun puisse se procurer quand il le désire et sans
devoir attendre que le hasard lui en fournisse l'occasion.
Depuis quelques années les cartes de Dumont ne se
trouvent plus dans le commerce, et ce fait, peut-être
unique en son genre, pourrait porter un très-grave pré-
judice à la géologie belge.
Les cartes de Dumont, lorsqu'elles parurent en 1853,
ont placé notre pays à la tête du progrès. L'éclatant succès
qu'elles obtinrent àl'Exposition de 18oo, fut un stimulant
pour les autres nations, qui se sont empressées d'activer
la construction de cartes semblables pour elles-mêmes.
Chez nous, au contraire, tout est resté dans le même état,
comme si, de prime abord, on avait atteint la perfection.
C'est la suite ordinaire des grands succès.
Nous nous trouvons actuellement devancés par nos voi-
sins. Rien ne se fait ici ou presque rien, tandis que dans la
plupart des autres contrées de l'Europe une espèce d'agi-
tation se manifeste, des commissions sont nommées, des
levés géologiques se font avec la plus grande activité, et
bientôt seront complétées des cartes en rapport avec les
progrès de la science, et, généralement, beaucoup plus
détaillées que ne l'étaient celles de Dumont.
Mes deux honorables collègues de la commission recon-
naissent l'impérieuse nécessité de faire cesser, pour la Bel-
( 309 )
gique, un élat Je choses aussi préjudiciable aux intérêts de
la science géologique; mais quant aux moyens à employer
pour atteindre le but, ils arrivent à des conclusions diffé-
rentes, en se basant sur des arguments que je vais essayer
de rencontrer.
M. Dewalque s'étend longuement sur la nécessité de
dresser une carte géologique de notre pays, nouvelle et en
rapport avec les progrès que la science a faits depuis la
mort de Dumont. Il demande de plus que cette carte soit
faite à une échelle beaucoup plus grande, qui permette de
la détailler davantage et d'atteindre à un plus haut degré
de précision.
Il ne me paraît pas nécessaire de revenir ici sur les ar-
guments présentés par notre honorable collègue. Ces argu-
ments reposent principalement sur l'exemple des pays
étrangers qui tous font dresser leurs cartes géologiques à
des échelles beaucoup plus grandes que l'échelle de Du-
mont, et sur des exemples tirés de notre pays même, où
différents auteurs n'ont pu donner des détails assez cir-
stanciés sur la géologie de certains points intéressants
qu'en adoptant une plus grande échelle. Il s'appuie égale-
ment sur l'avis des savants géologues chargés de dresser
les cartes géologiques de l'empire d'Autriche, des îles Bri-
tanniques, de l'Allemagne, etc., qui tous s'accordent à re-
connaître que la carte de Dumont a été dressée à une
échelle trop restreinte, et conseillent vivement, dans le
cas d'une nouvelle carte, d'adopter le '/^o.ooo ou même
le */20,000.
M. Dupont, de son côté, tout en admettant en principe la
grande utilité d'une carte à grande échelle, n'en reconnaît
pas la nécessité immédiate. Il reconnaît à la carte de
Dumont autant de précision et d'exactitude que les besoins
( 510 )
tJu moment peuvent le l'aire désirer, et il conclut en en
demandant une nouvelle édition, revue, corrigée et aug-
mentée, mise, en un mot, à la hauteur des progrès que la
science à réalisés depuis son apparition en 1835.
Je désirerais, Messieurs, remplir ici un rôle de concilia-
tion, rôle que l'Académie attend peut-être du troisième
commissaire qu'elle a nommé pour examiner cette impor-
tante question, entre deux opinions qui paraissent si op-
posées, mais qui , je pense, sont plus près d'être d'accord
qu'on ne le pourrait croire à première vue.
Il y a peut-être un peu de présomption de ma part à
émettre un tel avis, surtout à espérer d'arriver à un moyen
terme qui rallie toutes les opinions; mais il m'a paru que
la chose était loin d'être impossible , que surtout elle était
on ne peut |)lus désirable, et que le moyen le plus simple
et en même temps le plus sûr pour y arriver, était de
rejeter du débat tout ce qui y est étranger, tout ce qui
n'aurait pas du y entrer. Je veux parler ici de la question du
texte descriptif de la carte de Dumont, que notre savant
confrère, M. Dupont, regrette beaucoup de ne pas avoir vu
publier.
Je regrette beaucoup, de mon côté, que cette question
ait été soulevée, et je ne m'y arrêterai que pour émettre
l'avis suivant : si cette publication avait eu lieu, si ce texte
descriptif avait paru, de deux choses l'une, ou il eût été
le reflet exact, la description fidèle de la carte de Dumont,
et dans ce cas il n'aurait tenu aucun compte des progrès
que la géologie de la Belgique a réalisés depuis la mort de
cet illustre géologue, ou bien il eût tenu compte de ces
progrès, et il serait l'argument le plus péremptoire en
faveur de la réforme de là carte de Dumont, ou plutôt de la
confection d'une nouvelle carte géologique.
( 3H )
Pas plus que mes deux savants confrères, je ne veux
amoindrir en rien Toeuvre monumentale de notre grand
géologue, mais je ne puis non plus admettre que ce soit
manquer de respect à cette œuvre, ni vouloir Ja supprimer,
que de proposer la confection d'une nouvelle carte, plus
grande, plus détaillée, et avec les modifications que la
force même des choses est venue imposer. La géologie
est une science naturelle, par conséquent éminemment
perfectible. Les naturalistes les plus éminents ont laissé
des œuvres que le temps a modifiées, et j'ai souvent
entendu déplorer le trop de respect que l'on portait à ces
œuvres, respect qui, par son exagération même, finissait
par entraver les progrès ultérieurs de la science.
Il y a lieu de se demander ici en quoi consiste Tœuvre
deDumont. Je ne veux pas revenir sur le plan conçu par
lui, plan qu'a très-bien développé, du reste, l'honorable
M. Dupont; mais je dois me demander si l'œuvre de Du-
mont consiste dans le format de ses cartes, si cette œuvre
serait atteinte davantage^sijjg)^ Bîtes' à une plus grande
( 512 )
de présenter celte œuvre comme l'œuvre de Dumont; on
ne peut pas dire que celte œuvre n'est pas dénaturée, et
s'il y a suppression, il y a suppression dans un cas comme
dans l'autre.
Du reste, cette expression de supprimer l'œuvre de
Dumont est tout à fait impropre; l'œuvre de Dumont ne
peut pas se supprimer. A-t-on supprimé l'œuvre des Linnée,
des Jussieux, des Cuvier, parce que des naturalistes venus
après eux, profitant des progrès de la science auxquels ils
avaient eux-mêmes contribué, ont modifié les systèmes de
ces illustres auteurs, changé leurs nomenclatures et leurs
classifications et établi de nouvelles subdivisions? Je ne le
pense pas et personne ne pourrait le prétendre. Quel que
soit donc le projet auquel on s'arrête , l'œuvre de notre
grand géologue restera ce qu'elle est, ce qu'elle a toujours
été, un monument impérissable, un sujet d'étonnement et
d'admiration pour tous ceux qui s'occupent de semblables
travaux; en un mot, l'entreprise géologique la plus colos-
sale qu'il art été aon..^ v --»-. j^oaune^eul de tenter.
Il y a donc lieu, selon moi, délaisser ae c6t4 toutes ces
considérations et de rechercher les moyens de pourvoir aux
nécessités du moment.
Deux propositions sont en présence :
L'une consistant à demander la confection d'une nou-
velle carte à une grande échelle (740,000) en y introduisant
les modifications réclamées par les progrès que la science
a faits depuis la mort de Dumont; l'autre à conserver le
format de la carte de Dumont, mais en y introduisant les
mêmes modifications, probablement en faisant subir aux
pierres qui ont servi à l'impression des premières caries,
les changements demandés.
Il semblerait résulter de cette dernière proposition, si
( 515 )
toutefois j'en ai bien saisi le sens, que ces pierres peuvent
encore servir et qu'elles ne sont pas aussi fatiguées qu'on
le croit. Nous y reviendrons plus loin.
L'objection principale, et selon moi la plus sérieuse qui
soit fiiite à la proposition de iM. Dewalque, est celle-ci : le
levé d'une carte à grande échelle exigera un temps très-
long, que M. Dupont estime au minimum à 20 ou 30 ans.
11 me semble que notre honorable collègue exagère
beaucoup ce qui reste à faire. 11 faut remarquer en effet
que tout ici n'est pas à recommencer, et qu'une très-grande
partie du travail est faite. Dumont lui-même s'est servi,
pour les études nécessaires à ses tracés géologiques, des
cartes à grande échelle. On possède même une carte au
720,000 coloriée géologiquement d'après ces études. D'au-
tres géologues venus après lui ont suivi la même voie , et
l'on peut dire que, dans la plupart des cas, il suffirait d'un
travail de révision , de complément, de modifications de
détails, et que dans peu de temps on pourrait mettre la
main à l'œuvre et commencer l'impression.
Mais enfin ce travail demandera du temps, et bien que
la carte au 7*0,000 du dépôt de la guerre, dont on propose
de se servir, soit fort avancée, carte tout à fait convenable
pour un semblable travail, on doit reconnaître qu'il s'écou-
lera encore quelques années avant de voir paraître les pre-
mières feuilles, et pendant ce temps la Belgique resterait
sans carte géologique, ce qu'il faut éviter à tout prix.
L'honorable M. Dupont croit trouver la solution de la
question dans une nouvelle édition des anciennes cartes
de Dumont auxquelles on ferait subir les modifications
nécessaires. Cela pourrait se faire, dit-il, très-facilement.
L'énumération qu'il fait des principales modifications,
énumération très- longue, comme on l'a pu voir, prouve
déjà, selon moi, que la chose ne sera pas aussi facile ni
( 314 )
aussi simple qu'ifle pense, el qu'elle exigera, de son côté,
un temps plus ou moins long. Quant à la prétention d'opé-
rer tous ces changements et de modifier entièrement la
légende sans dénaturer l'œuvre primitive, c'est, je le ré-
pète, une illusion que nous devons laisser de côté.
On se servirait, comme je le pense, pour la réalisation
du projet de M. Dupont, des pierres qui ont servi à la pre-
mière édition des cartes. Je ne suis pas assez compétent
pour juger si ces nombreux changements n'auront pas
pour résultat de les détériorer plus qu'elles ne le sont déjà;
mais il me semble que la chose a assez d'importance par
elle-même pour n'élre tentée qu'après un sérieux examen.
Quoi qu'il en soit, il paraîtrait que ces pierres ne sont
pas tout à fait hors d'usage. C'est ce que je tiens à con-
stater et c'est ce qui fait la base d'une proposition que j'ai
l'honneur de soumettre à l'Académie.
Je demanderai à ce qu'il soit fait, non une nouvelle édi-
tion des cartes de Dumont, revue et corrigée, mais un nou-
veau tirage, pur et simple , qui respecte le tracé graphique
aussi bien que la légende. Nous aurons de cette manière,
il est vrai, les cartes telles que nous les a laissées notre
illustre compatriote, sans les modifications réclamées par
les progrès que la science a faits depuis sa mort, mais cet
inconvénient me semble peu grave en présence de l'avan-
tage incontestable de les avoir immédiatement. Il est, du
reste, peu de personnes, parmi celles qui s'occupent sérieu-
sement de la géologie de notre pays, qui ne soient au cou-
rant de la plupart des modifications réclamées, au moins
de celles que le monde savant admet généralement et qui
ne sont plus contestées. Ces personnes pourront facilement
suppléer à ce que la carte ne leur dira pas, en attendant
mieux, c'est-à-dire, en attendant des cartes nouvelles.
Quelque chose a déjà été fait dans ce sens, ainsi que
(515 )
nous l'apprend M. Dupont. L'autorisation a été donnée de
procédera un nouveau tirage de la petite carte au 7«oo,ooo
de la Belgique et des contrées voisines. C'est déjà un grand
pas de fait, mais l'Académie jugera, sans doute, que ce
n'est pas suffisant, et qu'un nouveau tirage des grandes
cartes ne serait pas de trop, surtout en présence du peu
de frais que la mesure entraînerait.
Malheureusement, il peut se faire, contrairement aux
espérances que l'on nous donne, que les pierres ne puis-
sent plus servir. On se trouverait, dans ce cas, en présence
de la nécessité d'une nouvelle gravure, et la question de
l'échelle à adopter se poserait de nouveau devant nous.
La mesure que je viens de proposer n'est, du reste,
qu'une mesure purement transitoire; elle na qu'un but,
celui de combler une lacune. Dans ce cas comme dans
l'autre, que la tentative réussisse ou ne réussisse pas, je
n'hésite pas à recommander l'étude et l'exécution de nou-
velles cartes à l'échelle du ^/4o,ooo, échelle qui réunit, selon
moi, toutes les conditions désirables pour arriver à un ex-
cellent résultat et satisfaire à tous les besoins.
Je suis heureux de me trouver d'accord en ce point, au
moins quant à la question de principe , avec mes deux ho-
norables collègues. L'adoption de la grande échelle fait le
fond de la proposition de M. Dewalque.
Quant à M. Dupont, bien qu'arrivant à des conclusions
différentes, il est loin de révoquer en doute ce qu'une carte
détaillée aurait d'avantageux pour notre pays.
« Je suis depuis longtemps convaincu, dit-il, de même
» que M. Dewalque, qu'il serait à désirer qu'une carte géo-
» logique à grande échelle fût exécutée. »
Tl dit encore plus haut : « Cette carte détaillée serait
)) incontestablement des plus importantes, tant pour la
» science que pour ses applications. »
( 316 )
Dès le commencement de son rapport il émet une asser-
tion dont la gravité n'échappera à personne: « Cette ques-
» tion a déjà fait, depuis deux ans, dit-il , l'objet d'un
» examen sérieux en d'autres lieux , et le gouvernement
» y a donné récemment un commencement de solution. »
J'ignore si notre savant confrère entend ici faire allu-
sion au nouveau tirage auquel il vient d'être procédé, de
la carte au 7800,000 de la Belgique et des contrées voisines,
ou bien s'il s'agit d'une carte détaillée dont la proposition
a été faite dès 1872; mais, dans tous les cas, il semble-
rait en résulter que, si la première carte de Dumont a été
exécutée sous les auspices et sous le contrôle de l'Aca-
démie, le gouvernement n'en^nd plus, contrairement au
vœu exprimé par M. Dewalque, conserver à ce corps savant
cette haute prérogative. Je désire ardemment me tromper,
et je ne doute nullement que des explications ultérieures
ne viennent éclaircir la situation.
Je conclus, Messieurs, en proposant à l'Académie de
prier M. le Ministre de l'intérieur :
1" De faire procéder, dans le plus bref délai possible, à
un nouveau tirage des deux cartes géologiques de la Bel-
gique dressées par Dumont et connues sous le nom de :
Carte du sol et Carte du sous-sol;
S'' De faire commencer immédiatement l'étude d'une
nouvelle carte géologique à l'échelle de 7^0,000.
La classe remet à la séance prochaine la décision à
prendre au sujet des trois rapports précédents.
(517)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Observations présentées par M. Liagre, membre de
l'Académie.
En rendant compte, dans le Bulletin du mois de mai
dernier, de la présentation faite par M. le professeur Van
Rysselberghe de son appareil enregistreur universel, je
signalais particulièrement les résultats fournis par le ma-
réegraphe installé à Ostende, et je terminais ma commu-
nication par ces mots :
« La possibilité d'enregistrer à distance est donc un
» fait acquis, et c'est à M. Van Rysselberghe que revient
» le mérite d'avoir le premier résolu pratiquement cet
ï> important problème. »
Notre savant confrère, M. Glœsener, a présenté une
réclamation à ce sujet dans le Bulletin du mois de juillet.
« Dans l'intérêt de la vérité, comme dans celui de la justice
» à rendre aux travaux antérieurs à ceux de M. Van Ryssel-
» berghe, il se voit forcé, dit-il, de faire toutes ses réserves
» au sujet de la fin de ma communication, et il réclame l'in-
» sertion de ces réserves dans le Bulletin de nos séances. »
Malgré le vague de l'expression , cette phrase ne peut
avoir qu'un seul sens : celui de contester à M. Van Ryssel-
berghe le mérite que je lui attribuais d'avoir le premier
résolu pratiquement le problème de V enregistrement des
observations à distance. Je suis donc fondé à demander à
notre confrère, dont l'autorité en cette matière est si
grande, qu'il veuille bien sortir d'une réserve dont la
( 318 )
jalousie pourrait s'armer pour chercher à amoindrir le
mérite du jeune professeur d'Ostende, peut-être même
pour l'accuser de plagiat. Il consentira, je l'espère, à citer
les noms des savants qui, antérieurement à M. Van Rys-
selberghe, avaient résolu pratiquement le problème de
V enregistrement à distance; il indiquera les appareils qu'ils
ont employés à cet effet; il signalera enfin les résultats
qu'ils ont obtenus.
Tout cela doit être d'autant plus facile à notre savant
confrère, que les travaux antérieurs dont il parle ne peu-
vent être que fort récents. En effet, dans le rapport très-
favorable qu'il a lu à l'Académie dans la séance du 2 août
J875, il mentionne « le moyen proposé par M. Van Rys-
» selberghe pour enregistrer les indications fournies par
» des instruments placés à une grande distance de
» l'enregistreur. » C'était alors le moment de faire toutes
ses réserves , s'il y avait lieu; M. Glœsener n'en a formulé
aucune. Son opinion a donc subi un changement depuis
cette époque; et l'Académie qui avait, conformément aux
conclusions de son rapporteur, encouragé par ses suffrages
le travail de M. Van Rysselberghe, a le droit de connaître
aujourd'hui le motif de ce changement.
On s'étonnera sans doute, après avoir lu la réclamation
de M. Glœsener, qu'aucun des savants qui, d'après lui,
auraient déjà résolu pratiquement le problème de l'enre-
gistrement à distance, n'ait jugé à propos d'exposer son
appareil et d'en envoyer les résultats au congrès interna-
tional des sciences géographiques, tenu dernièrement à
Paris. Les météorologistes de tous les pays y ont examiné,
avec lieaucoup de curiosité et d'intérêt, Tenregistreur
universel de M. Van Rysselberghe, et aucun d'entre eux
n'a soulevé la moindre question de priorité. Aussi le jury
( 319 )
des récompenses a-t-il accordé, à runanimité, à M. Van
Rysselberghe la plus haute distinction dont ii pouvait dis-
poser: il lui a décerné la lettre de distinction, qu'il avait
réservée aux institutions officielles, ou aux collectivités
ayant exposé des travaux hors ligne; et parmi tous les
exposants, M. de Quatrefages est la seule individualité qui
ait partagé cet honneur avec M. Van Rysselberghe.
En présence d'un pareil résultat, il faut autre chose que
de vagues réserves, pour enlever à notre compatriote le
mérite de son invention.
Étoiles filantes. — Les perséides en 1875. Observations
faites à rObservatoire royal de Bruxelles; communi-
quées par M. Ern. Quetelet, membre de l'Académie.
L'apparition périodique des étoiles filantes du mois
d'août 1875 a pu être observée à Bruxelles dans des con-
ditions assez favorables.
L'observation de ce phénomène a été faite pendant les
soirées du 9, du 10 et du 11 août sur la terrasse de l'Ob-
servatoire.
Les observateurs étaient le 9 août : MM. Ern. Quetelet,
L. Estourgieset A. Lancaster; le 10, MM. Ern. Quetelet,
C. Hooreman et L. Eslourgies; le M, MM. C. Hooreman
et A. Lancaster.
Le 9 août, le ciel étant en partie couvert de cirrhus et
de cirro-cumulus, l'observation n'a duré qu'une heure (de
lO*" 50"' à IT' 30"") pendant laquelle 16 météores ont été
aperçus répartis comme suit : o de la 1'^ grandeur dont
2 avec traînée, 5 de la deuxième grandeur, 7 de la troi-
sième et 1 de la quatrième.
( 320 )
Leurs directions dans le ciel se classent ainsi : 5 vers
le SW., 2 vers le Sud , 2 vers l'Est, 2 vers le NNW.,
i vers le SSW., 1 vers le SSE., 1 vers le NW., 1 vers le
SE. et 1 vers le Nord.
Le 10 août, le ciel , assez incertain au commencement
de la soirée, s'est mis au beau et a permis de suivre le
phénomène à son maximum caractéristique dans de bonnes
conditions.
L'observation, commencée à 9^ So'", a été continuée jus-
qu'à 10'^ 55°^; elle a été reprise ensuite de 11^ 45°^ jus-
qu'à minuit 45 minutes; pendant la l'"^ heure on a compté
51 étoiles filantes; pendant la seconde 59; en tout 90 mé-
téores ont été aperçus parmi lesquels 13 de première
grandeur, 17 de deuxième, 34 de troisième, 15 de qua-
trième et 8 de cinquième; leurs directions se répartissent
comme suit : 36 vers le SW., 9 vers le Sud , 8 vers l'Ouest,
8 vers le SE., 6 vers le SSW., 5 vers le WSW., 3 vers le
SSE., 2 vers le NNW., 2 vers le Nord, 2 vers l'Est,
2 vers le NE., 2 vers le NW., 1 vers le WNW, et 1 vers
PESE.
L'étoile la plus brillante de cette série a paru vers H*^ 1 S""
dans l'Aigle; elle avait un éclat comparable à celui de
Jupiter et laissait une magnifique traînée qui a persisté
pendant 20 secondes.
Onze autres météores ont laissé des traînées plus ou
moins persistantes qui n'ont pas donné d'indices de cou-
rants supérieurs atmosphériques.
Le 11 août, l'éclat du ciel n'a permis de suivre le phéno-
mène que pendant une heure (de 9'» 50"^ à 10^ 50"^) ; 34 mé-
téores ont été observés dont 2 de première grandeur , 6 de
deuxième, 10 de troisième, 8 de quatrième, 7 de cin-
quième et 1 de sixième se dirigeant comme suit : 21 vers
( 321 )
leSW., 4 vers le SSW., 5 vers le Sud, 2 vers le SE.,
1 vers le SSE., 1 vers l'Est et 1 vers l'ESE.
Le relevé général de ces trois séries d'observations
donne comme résultat :
51 météores de la troisième grandeur.
28 — deuxième —
24 — quatrième —
18 — première —
15 — cinquième —
1 — sixième —
Leurs directions suivies se répartissent de la manière
suivante :
63 vers le Sud-Ouest.
14 vers le Sud.
1 1 vers le Sud-Est.
11 vers le Sud Sud- West.
8 vers l'Ouest.
5 vers l'Est.
5 vers le Sud-Sud-Est.
o vers rOuest-Sud-Ouest.
4 vers le Nord-Nord -West.
3 vers le Nord.
3 vers le Nord-Ouest.
2 vers PEst-Sùd-Est.
2 vers le Nord-Est.
et 1 vers l'Ouest-Nord-Ouest,
Le phénomène du mois d'août, signalé il y a quarante
ans par mon père, a donc été assez brillant cette année,
mais on ne peut cependant pas dire que ce soit une année
exceptionnelle. D'après les renseignements reçus, l'appa-
rition a été plus remarquable dans le Sud. En France et
en Italie on a compté un grand nombre de météores.
2"*' SÉRIE, TOME XL. 21
( 322 )
M. Terby, écrit de son côté qu'à Louvain le 10 août un
observateur, regardant le NE de 10'' à minuit, a compté
soixante-treize météores. Ce résultat concorde avec ceux
qui ont été obtenus à l'Observatoire.
U éclipse de soleil du 29 septembre i875; communication
de M. Ern. Quetelet, membre de l'Académie.
Cette éclipse a pu être observée à Bruxelles, quoique
les circonstances atmosphériques fussent assez défavora-
bles. Toute la journée du 28, il avait plu abondamment
et le jour du phénomène astronomique , l'air était très-
ondulant, et des nuages floconneux rapides passaient
fréquemment devant le disque du soleil. Une autre cir-
constance qui rend les nombres obtenus moins sûrs, c'est
que la phase de l'éclipsé était très-petite à Bruxelles, de
sorte que le mouvement apparent de la lune était extrê-
mement oblique. Quoiqu'il en soit, voici les heures qui ont
été annotées pour le commencement et la fin de l'éclipsé.
Commencement, . Ilh58°»29»8 EQ. t. m. Bruxelles.
Fin 12 19,2 H.
— 12 19,4 E.
M. Ern. Quetelet observait à l'équalorial, M. Hooreman
à la lunette de Troughton dans les deux tourelles et M. Es-
tourgies avait sur la terrasse la lunette de Dollond.
( 323 )
Les Pachyacanthus du Musée de Vienne; notice pai'
M. P.-J. Van Beneden , membre de l'Académie.
Avant de publier la description des ossements fossiles
des mammifères marins, que les travaux, exécutés autour
d'Anvers, ont mis au jour, nous avons voulu étudier ceux
que Ton a recueillis en Italie, en Autriche et dans quelques
localités en Allemagne, pour voir les rapports, qui peu-
vent exister, entre les Thalassothériens du sud et du nord
de l'Europe, à l'époque miocène et pliocène.
A cet effet nous avons visité, l'année dernière, les
musées de Turin, de Milan, de Bologne, de Vienne, de
Linz, de Munich et de Stuttgart, qui renferment tous des
restes de Phoques, de Siréniens et de Cétacés souf-
fleurs.
Nous nous proposons de communiquer successivement
à la classe le résultat de nos observations, et nous com-
mençons cette série de communications par une étude
critique du genre nouveau, désigné sous le nom de Pa-
chyacanthus par M. J.-F. Brandt, de l'Académie de Saint-
Pétersbourg (1).
Toute l'importance des recherches paléontologiques
repose sur la détermination plus ou moins rigoureuse des
(1) J.-F. Brandt, Untersuchiingen iiber die Fossilen und SubfossUen
Cetaceen Europa's — Mém. Acad. imp. des Se. de Saim-Pétersbourg,
vile sér., l XX, n" 1, 1875. — Ergdnzungen zii den Fossilen Cetaceen
Europa's, ibidem , t. XXI, n*> 6, 1874.
( 324 )
espèces, et, comme le savant académicien russe s'est spé-
cialement occupé de ces animaux, nous ne croyons pas
pouvoir différer plus longtemps de faire connaître notre
appréciation sur ce nouveau genre.
Cette étude offre d'autant plus d'intérêt , que les céto-
logues ne savent à quoi s'en tenir sur la valeur systéma-
tique des Pachyacanthes; cependant leur détermination
rigoureuse est nécessaire, pour apprécier la topographie,
ou mieux l'hydrographie, de l'Europe à l'époque tertiaire
moyenne.
Le genre Pachyacant/ms est-il établi sur des caractères
d'une valeur véritable et les animaux désignés sous ce nom
appartiennent-ils aux Balénides, aux Cétodontes ou aux
Siréniens? Telles sont les questions que nous allons exa-
miner. La détermination précise des os démontrera si nous
avons sous la main des restes d'animaux pélagiques et de
haute mer, ou des animaux qui ne hantent que les côtes
ou l'embouchure des fleuves.
Qu'il nous soit permis d'exprimer ici toute notre
gratitude pour l'obligeance et les attentions délicates
que MM. Czermak, directeur de l'Hof-Mineralien-Cabinet
de Vienne, et Fuchs, conservateur de ce riche musée,
nous ont témoignées pendant l'étude de ces ossements.
Non-seulement ces savants ont mis tout ce qu'ils possé-
daient à notre disposition , mais ils ont bien voulu nous
envoyer en Belgique les pièces originales et uniques, pour
les comparer avec les ossements d'Anvers. Un jeune natu-
raliste de Vienne, M. Letocha, a bien voulu également nous
envoyer les principales pièces de Pachyacanthes qu'il s'était
procurées pour son musée particulier. L'Institut géologique
el le Musée d'histoire naturelle, si savamment dirigés par
( û25 )
MM. von Helmersen et von Peizelln, n'ont pas mis moins
d'empressement à nous envoyer, en communication, les
objets qui nous intéressaient pour ces études.
Il y a, dans les environs de Vienne, deux localités où
l'on extrait une argile qui n'est pas sans ressemblance avec
notre argile rupelienne et qui renferme, entre autres fos-
siles, des ossements de Cétacés fort intéressants : ces
localités sont Nussdorf et Hernals (1).
Ces ossements se rapportent pour la plupart à des
Cétacés à dents, pour ne pas dire à des Delphinides; mais
il en est aussi parmi eux qui possèdent des caractères par-
ticuliers fort remarquables et qui indiquent un groupe tout
différent; le professeur Brandt en a fait une étude sur les
lieux, mais il a hésité sur la question de savoir s'il fallait
faire des animaux auxquels ces restes ont appartenu, des
Baleines ou des Dauphins. Il a fini par leur donner le nom
de PachyacaîUhus, à cause de l'épaisseur "des apophyses
épineuses de leurs vertèbres, et il leur a assigné le rang
de Myslicète. C'est la forme la plus éloignée des vraies
Baleines parmi les Mysticètes, dit le savant académicien
{Die Gattiing Balaena einerseils, und Pachyacanthus an-
dererseits sind die extremslen imd anomalsten Gattungs-
typen).
Nous ne saurions partager cet avis. Le grand épaississe-
ment des apophyses épineuses est pour nous une disposi-
(1) La couche qui renferme ces ossements est considérée par M. Fuchs
comme étendue jusqu'en Perse et porte le nom de Sarmatique [Untersar-
malische Tegel) Elle renferme , avec les Cétacés et les Phoques, des
Trionyx, des Caranx, des Scorpenoptera et des Gobius. — Ces poissons
ont été décrits par M. Sleindachner dans les Siizungsb. de Vienne, 1859.
( 526 )
tion individuelle, disposition qui est assez propre au
groupe auquel nous attribuons ces os. Les vertèbres et les
côtes proviennent, d'après nous, de Siréniens , c'est-à-dire
d'animaux voisins des Dugongs, des Lamantins et des
Stellères parmi les vivants.
En second lieu, les divers os que le professeur Braadl
rapporte aux Pachyacanthes, proviennent, selon nous,
d'animaux d'ordres différents qu'il représente : le sternum
(pi. XVII, ûg. 10) n'est ni de Sirénien, ni de Balénide,
mais d'un vrai Cétodonte; il en est de même de la nageoire
pectorale (même planche, fig. 12-14), tandis que les ver-
tèbres (même planche, fig. 1-9) et les côtes (pi. XVI,
fig. 4-20) appartiennent à un Sirénien.
En troisième lieu, le Pachyacantfms , désigné sous le
nom spécifique de Trachyspondylus (pi. XVIIl, fig. 1-4),
ne repose, à notre avis, que sur des vertèbres malades,
comme on en trouve assez souvent chez les Cétacés vivants
et fossiles.
Enfin ce sont des vertèbres normales, à apophyses non
épaissies (pi. XIV, fig. 1-5) , qui ont servi, si nous ne nous
trompons, à l'établissement du Cetotherium ambiguum.
Les figures 6 et 7 de la pi. XIV représentent, non pas
un maxillaire de Pachyacanthus, mais un maxillaire de
mammifère terrestre provenant du diluvium.
Nous proposons de conserver le nom de Pachyacanthe
pour désigner le Sirénien auquel se rapportent les vertèbres
et les côtes du Pachyacanthe de Brandt.Nous verrons plus
lard à quel genre de Cétodonte il faudra rapporter le ster-
num et le membre.
Nous allons passer successivement ces os en revue
pour mettre en évidence leurs caractères propres.
( 327 )
A l'exception de la tèlc, nous avons pu éludier toutes
les pièces du squelette alliibuéesau g^emc Pnc/ujacanihiis ;
il existe en effet des vertèbres de toutes les régions,
des côtes nombreuses, un sternum et des membres à peu
près complets.
11 est fort remarquable que parmi tant de débris re-
cueillis, et recueillis même avec soin, il n'y ait aucune
pièce distincte de la tête, pas même des restes de dents
ou de maxillaires. Nous avons trouvé seulement dans une
boîte une caisse tympanique qui lui est attribuée.
11 est vrai, iM. Brandt signale un maxillaire inférieur
qu'il rapporte à ce genre, mais il suffit de jeter les yeux
sur le dessin qu'il en donne (1) pour s'apercevoir que cet os
n'appartient ni à un Cétacé ni à un Sirénide. N'est-ce pas
le bout antérieur d'un maxillaire de bœuf?
En passant en revue les recherches du savant naturaliste
de S^-Pétersbourg sur l'animal de Linz, auquel nous avons
donné le nom d'Aulocète, nous avons remarqué qu'il a eu
l'idée de rattacher cette tête au Pachyacanlhe de Vienne.
Comme nous le verrons bientôt, nous nous sommes as-
suré, après une étude nouvelle de ces ossements, que le
genre Aulocète est réellement un type de Cétacé à fanons,
mais que M. Brandt a eu grand tort de le rattacher aux
Pachy acanthes. VAulocète ou le Stenodon est positive-
ment un Balénide voisin des Balénoptérides d'Italie.
Les deux os les plus importants de tous ceux qui ont été
recueillis sont les deux premières cervicales, l'atlas et l'axis,
que nous avons pu étudier et comparer avec soin.
Nous avons même eu plus d'un allas sous les yeux, et
nous avons pu facilement nous assurer que cet os n'a au-
(1) Planche XIV, figures 6 et 7.
( 328 )
cun des caractères ni de Balénide ni de Delphinide, mais
qu'il présente, au contraire, tous les traits distinctifs des
Dugongs et des Lamantins.
L'arc inférieur de la vertèbre est comparativement
mince et délicate et se distingue surtout par une facette
articulaire assez large, qui loge l'apophyse odontoïde. Le
bord postérieur, en dessous de cette surface articulaire, se
prolonge en dessous de l'apophyse de l'axis, en une espèce
de bec et protège puissamment la seconde cervicale dans
tous ses mouvements.
Dans le Dugong vivant celte surface articulaire est
plane et correspond à la base de l'apophyse, tandis qu'ici
la facette est creusée de manière à loger la tête même.
A la face postérieure de l'atlas, on voit les deux surfaces,
correspondant aux condyles, nettement séparées l'une de
l'autre parla facette articulaire dont nous venons de parler.
L'apophyse transverse supérieure est plus forte que l'in-
férieure et se recourbe en arrière; l'inférieure est à peine
distincte, et ne consiste que dans un tubercule. La partie
supérieure de l'arc manque, non pas qu'elle fasse défaut
dans la vertèbre complète , mais elle a été brisée comme
cela arrive pour la plupart des vertèbres.
L'échancrure au devant de l'arc supérieur est large et
profonde pour loger l'artère vertébrale.
En comparant cet atlas avec celui d'un Sirénide, il n'y
a pas moyen de ne pas reconnaître, à l'instant, qu'il appar-
tient à un animal de cette famille : il en a l'épaisseur, les
apophyses, les surfaces articulaires et surtout la facette
articulaire si bien marquée, qui loge et sert de point d'ap-
pui à l'apophyse odontoïde.
Nous avons trouvé des atlas brisés, mais assez complets,
dans l'Hof-Mineralien-Cabinet de Vienne et dans la collée-
( 529 )
lion particulière de M. Letocha. Dans cette dernière col-
lection il y a un atlas et un axis du même animal, dont
les principales parties sont parfaitement conservées et qui
offrent exactement les mêmes caractères.
L'axis ne se distingue pas moins bien de Taxis de tous
les Cétacés véritables, par le corps, qui est beaucoup plus
épais que dans les autres cervicales et par le grand déve-
loppement de l'apophyse odontoïde. Cette apophyse est
très-large à la base, de forme conique, et présente sur
toute sa partie inférieure une surface articulaire, corres-
pondant à la facette articulaire de Tare inférieur de l'atlas,
dont nous avons parlé plus haut.
A la face inférieure on voit, sur la ligne médiane, un
bourrelet, qui s'épaissit d'arrière en avant et qui fait saillie,
en regardant la vertèbre de face par derrière. Les apo-
physes transverses sont fortes et simples; elles occupent
la même hauteur que les apophyses transverses inférieures
de l'atlas.
La surface articulaire antérieure est, pour ainsi dire,
continue des deux côtés, et ne présente qu'à peine une
ligne de démarcation en dessous et sur le côté de l'apo-
physe odontoïde. Toute la face inférieure de cette apophyse
est transformée en surface articulaire.
Nous avons trouvé dans l'Hof-Mineralien-Cabinet de
Vienne un axis dépourvu de l'arc supérieur (1), avec lequel
il se trouve une troisième cervicale.
La collection de M. Letocha renferme également un
(1) Cet arc manque presque toujours dans toutes les vertèbres de
Cétacés fossiles et nous ne pourrions partager Tavis du professeur Brandi,
en attachant de Timportance à son absence, comme il le fait pour le genre
Cetollierium.
( 350 )
autre atlas, d'un plus jeune animal, avec Taxis correspon-
dant; l'apophyse transverse inférieure est aussi très-forte,
mais brisée dès sa base.
Cette apophyse est beaucoup plus développée que dans
le Dugong.
Ces deux premières cervicales, sous le rapport de leur
union par l'apophyse odontoïde, ne sont pas sans analogie
avec l'atlas et l'axis des Primates; elles sont toutefois plus
massives, l'atlas dans sa partie latérale et supérieure, l'axis
dans sa partie inférieure; ces vertèbres sont même plus
solides que dans les Siréniens vivants et elles indiquent une
mobilité de la tête sur le cou, que l'on ne rencontre dans
aucun Cétacé souffleur.
M. Brandi a figuré ces deux premières vertèbres du cou,
pi. XIV, fig. 8 et 10 , pi. XV, fig. i et 1 A , a, b.
D'après ce que nous venons de dire, ces os ne provien-
nent ni d'un Cétacé à fanons ni d'un Cétacé à dents , mais
ils présentent, au contraire, tous les caractères des Dugong
et des Lamantins vivants.
Indépendamment des deux premières cervicales, on a
recueilli heureusement les quatre vertèbres suivantes, et
il y a tout lieu de croire qu'avec ces six vertèbres cervi-
cales la région du cou est complète.
Elles sont toutes séparées comme dans les Siréniens;
le corps est mince et l'on remarque fort peu de différences
entre elles, si ce n'est que le corps est plus épais en dessus
chez les uns, plus épais en dessous chez les autres.
Dans le Dugong vivant, les quatre dernières cervicales
vont en diminuant d'épaisseur d'avant en arrière, et l'épais-
seur de deux d'entre elles égale l'épaisseur du corps de
l'axis.
Les apophyses transverses occupent toute la hauteur du
( 531 )
corps des vertèbres, ce qui provient de la fusion à la base
des apophyses Iransverses supérieures et inférieures.
Elles ont été figurées par M. Brandt, pi. XV, fig. i a-f,
et fig. 1 A. Les figures 8, 9, 10, 11 et 12, pi. XIV, repré-
sentent également les prenfiières cervicales.
Cette région cervicale est-elle complète avec ces six ver-
tèbres? Nous avons tout lieu de le croire et il est sans
doute inutile de faire remarquer que c'est encore une rai-
son de plus de séparer les Pachyacanthes des Cétacés véri-
tables, puisque les Sirénides sont les seuls mammifères qui
s'éloignent, sous ce rapport, de la disposition générale. C'est
à tort, croyons-nous, que M. Brandt a figuré la vertèbre
fig. 1 a, pi. XV comme une septième cervicale.
Les vertèbres dorsales, lombaires et caudales présentent
toutes des caractères propres des Dugongs et des Lamantins,
aussi bien par la forme du corps que par les apophyses
transverses et épineuses. Ces vertèbres sont plus trapues
et les arcs comme les apophyses plus massifs que dans les
Cétacés ordinaires.
Le corps des vertèbres dorsales est assez long d'avant
en arrière et les apophyses transverses, tant celles des arcs
neuraux que du corps des vertèbres, sont très-peu déve-
loppées. Ces vertèbres sont légèrement carénées à leur
face inférieure, surtout les dernières. Elles portent toutes
et assez profondément, comme les Cétacés herbivores, une
forte dépression correspondant à la tête des côtes.
L'arc et l'apophyse épineuse sont brisés dans les diverses
vertèbres dorsales.
Dans les premières lombaires le corps est un peu moins
épais que celui de l'axis. Il est un peu plus large que haut
et présente une légère carène en dessous. L'apophyse trans-
verse naît autant de l'arc que du corps de la vertèbre, et,
après s'être portée directement de dedans en dehors, elle
• ( 532 )
s'abaisse jusqu'au-dessous du corps des vertèbres. Il n'y a
pas de surface articulaire à voir sur le corps de l'os.
Nous avons trouvé une vertèbre de cette région dans
l'Hof-Mineralien-Cabinet et une toute pareille dans la col-
lection de M. Letocha.
Une lombaire suivante a le corps une demi-fois plus
épais que celui de la précédente; les apophyses transverses,
excessivement larges, s'élèvent de bas en haut et de de-
dans en dehors, présentant au haut de la face inférieure
une large surface articulaire correspondant sans doute à
l'os du bassin. Le canal vertébral est large, son plancher
n'est pas creusé.
Parmi les os que M. Letocha a eu l'obligeance de nous
communiquer, se trouve une vertèbre caudale antérieure
fort intéressante : elle se fait remarquer d'abord par son
apophyse épineuse supérieure, qui présente, d'avant en ar-
rière, une largeur presque aussi grande que le corps même
de la vertèbre. Cette apophyse est en même temps fort
épaisse, dans son milieu surtout; et elle est si peu élevée
au-dessus du canal rachidien, que celui-ci en est presque
obstrué. On dirait que l'apophyse épineuse s'est étendue
dans tous les sens, mais non pas dans le sens de la lon-
gueur.
Cette oblitération du canal rachidien est telle, que la
moelle épinière n'a pu se loger dans sa gouttière sans
éprouver fortement la compression de la voûte de l'arc
osseux (1).
(1) Pour preuve que les apophyses des Pachy^caiithes sont anormales,
c'est que la moelle épinière serait écrasée par Parc osseux qui la recouvre.
On ne saurait passer une lame de couteau dans le canal rachidien. Du
reste M. Letocha a reçu un exemplaire presque complet avec des apophyses
épineuses non gonflées.
( 333 )
. Il ne faut pas, pensons-nous, invoquer d'autres dispo-
sitions, pour démontrer que cet épaississement des apo-
physes épineuses n'est pas une disposition qu'on puisse
qualifier de normale.
Cette vertèbre lombaire est encore remarquable par la
longueur du corps, la largeur des apophyses transverses
et la longueur exceptionnelle des mélapophyses, qui em-
brassent la vertèbre suivante pour donner à l'échiné plus
de solidité.
Ces mélapophyses si fortement développées , sont-elles
dirigées en avant ou en arrière ? Dans le Dugong vivant ce
sont les mélapophyses antérieures qui sont les plus impor-
tantes, tandis que dans le genre qui nous occupe, ce sont
les postérieures. Au milieu de la région caudale , les posté-
rieures ont disparu chez le Dugong, tandis qu'ici les mêmes
vertèbres n'ont plus déjà des mélapophyses antérieures,
mais des postérieures très-fortes.
Ce n'est pas sans élonnement que nous voyons les ver-
tèbres dePachyacanthus,flgurées par M. Brandi, avec leurs
mélapophyses en avant, ce qui fait que les apophyses trans-
verses sont également dirigées en avant au lieu de l'être
en arrière. Toutes ces vertèbres, même celles qui sont
en place, ne doivent-elles pas être retournées?
La vertèbre, pi. XIV, flg. 14, est figurée en place et
montre ses mélapophyses en arrière comme elles doivent
être.
Ce sont ces apophyses épineuses, épaissies extraordinai-
rement dans la région lombaire surtout, qui ont déterminé
M. Brandi à créer le genre nouveau , auquel il a donné le
nom de Pachyacanthus. Il suffît de faire remarquer que
cette disposition ne se trouve pas dans tous les individus,
pour montrer que cette nouvelle coupe générique doit être
( 554 )
établie sur d'autres caractères. M. Letocha a reçu un sque-
lette assez complet avec des vertèbres normalement déve-
loppées et qui, d'après le savant académicien, devrait
prendre place dans les Cetotherium ambiguum.
Une des moyennes caudales avec ses surfaces articu-
laires pour les os en V, a le corps plus épais mais moins
long, les apophyses transverses de forme conique dirigées
directement d'avant en arrière et un peu de dedans en
dehors, les métapophyses encore très-fortes et l'apophyse
épineuse également large d'avant en arrière, très-épaisse
et oblitérant presque complètement le canal rachidien.
Les vertèbres, même les cervicales, ont toutes leurs épi-
physes des deux côtés soudées au corps des vertèbres.
Dans les Siréniens vivants on sait que ces épiphyses font
généralement défaut, mais les Siréniens fossiles de nos
terrains miocènes ont tous leurs vertèbres à épiphyses
comme celles des Pachyacanthes.
Le sternum, attribué par M. Brandt au genre Pachya-
canthe, et dont nous connaissons deux exemplaires, est
formé de deux pièces; l'antérieure est large en avant et
fournit une surface articulaire pour la première paire de
côtes.
La seconde pièce est fort étroite et porte une seconde
paire de côtes en avant et une troisième en arrière.
Les deux appendices qui terminent le sternum sont fort
courts.
La surface externe est toute couverte de granulations.
M. Brandt a figuré ce sternum, pi. XVII, fig. 10 et 11.
Nous ne comprenons pas comment le professeur Brandt
a pu figurer un sternum formé de deux pièces, et ne pas
s'apercevoir qu'un sternum pareil ne peut provenir d'un
animal à fanons. 11 n'appartient pas davantage à un Siré-
( 335 )
nien. Les Dugongs et les Lamantins ont bien deux pièces
dans leur sternum, mais seulement pendant le jeune âge,
et les surfaces articulaires, s'il y en a, sont réunies vers le
milieu de Tos. Il n'y a que le sternum de Delphinide qui
offre ce caractère.
Aussi est-il de toute évidence pour nous que cet os est
propre à un Cétacé à dents, et il appartient sans doute au
même animal que les membres, que M. Brandt a gratuite-
ment attribués au Pachyacanthus.
Il est assez remarquable qu'une ancienne étiquette, qui
accompagne encore ce sternum au cabinet de minéralogie ,
indique la nature de Delphinide. Cette étiquette date de
1859. Notre savant confrère doit l'avoir eue sous les yeux.
Les côtes sont singulièrement grosses et épaisses, dit
Cuvier, en parlant des os de Dugong, leurs deux bords
sont arrondis, et elles sont aussi convexes en dedans qu'en
dehors. Je ne connais aucun autre animal qui ait des côtes
de cette forme, ajoute-t-il.
On ne peut se tromper sur la nature de ces os, les côtes
des Pachyacanthus de M. Brandt ont toutes ce caractère in-
diqué par Cuvier. La tête et le col de la tête sont fort peu
distincts; il en est de même des bords antérieurs et posté-
rieurs ainsi que de la gouttière qui doit loger les vaisseaux
et les nerfs intercostaux; ces côtes sont toutes fort peu
courbées, très-renflées vers le milieu de leur longueur et
perdent toutes leur état spongieux. A voir un fragment on
croirait avoir un éclat de silex sous les yeux. Les côtes sont
les os les plus disposés à la Pachyostose.
Nous pouvons dire que les côtes sont régulièrement
courbées, mais, au lieu d'avoir une surface aplatie et une
autre surface bombée, elles sont complètement arrondies
( 356 )
et d'une épaisseur excessfve, surtout vers leur extrémité
libre. Il n'est pas un cétologue qui, en brisant un de ces
os, ne reconnaîtra immédiatement qu'ils proviennent d'un
Sirénien.
Le membre antérieur est figuré par Brandt, pi. XVIÏ,
fig. 12 à 14. Tous les os qui le constituent accusent un
vrai Cétacé souffleur et il est probable qu'il appartient au
même animal que le sternum.
L'omoplate est fort remarquable; cet os a bien sa forme
ordinaire, mais l'apophyse acromion , qui fait quelquefois
défaut dans les Balénides, a pris ici un développement
comme nous ne l'avons vu dans aucun autre genre vivant
ou fossile ; cette apophyse s'étend comme une trompe en
avant, se recourbant légèrement et se relevant vers son
extrémité libre.
Les deux faces sont assez semblables et l'extérieure ne
nous présente ni épine ni apophyse coracoïde.
Cet os mesure d'un angle à l'autre, c'est-à-dire entre
les angles supérieurs, en ligne droite 11 Ya centimètres.
C'est une même omoplate, qui porte au Musée de Vienne
sur une étiquette écrite, le nom de Cetotherhim priscum;
une autre omoplate figure ensuite sous le nom de Del-
phimis karreri et porte sur l'étiquette, C. 5. Une troi-
sième omoplate est, en tout, semblable aux deux précé-
dentes, rapportée au Pachyacanthiis.
Pour nous c'est la même omoplate qui est rapportée au
Cetotherhim priscum, au Delphinus karreri et au Pachya-
canthus suessii.
Les os du membre antérieur viennent tous de Nussdorf
et portent au Musée les n"' 6, 108 (humérus) 6, 109 (cubi-
tus) 6, 110 (radius) 6, 111 (omoplate).
( 337 )
L'humérus a la forme ordinaire d'un humérus de Céto-
donle. Il est court et robuste et plutôt comprimé qu'ar-
rondi. L'extrémité supérieure de l'os n'est pas formée
par la tête, mais pas le grand tubercule qui dépasse la
hauteur du col. La surface articulaire inférieure forme
un angle fort aigu et l'on ne voit pas la surface, corres-
pondant au cubitus, remonter en arrière pour s'unir à
J'apophyse olécranienne. Cette seconde surface articulaire
est bien plus large que celle qui correspond à la surface
du radius.
Le cubitus a la même largeur dans toute sa longueur.
L'olécrane manque complètement. Au milieu de sa face
interne le cubitus offre une échancrure régulière.
Ces deux os présentent deux surfaces articulaires par
lesquelles ils s'unissent plus étroitement et entre lesquelles
on voit une échancrure formée surtout par le radius.
Le radius se distingue surtout par sa grande surface
articulaire du côté du carpe.
La conformation du membre indique un Cétodonte,
différent de tout ceux que nous connaissons, et il est pro-
bable que nous avons ici un type propre au bassin de la
mer Noire.
Cet animal est remarquable, dit le professeur Brandt,
par l'épaississement des apophyses épineuses des dernières
dorsales, et particulièrement des lombaires et des pre-
mières caudales, l'absence de l'olécrane, ses larges côtes, etc.
[Merkwûrdige Anschwellung der obern Dornfortsdtze der
hintern Rucken, ganz besonders aberder Lenden und vor-
2""^ SÉRIE, TOME XL. 22
( 558 )
dern Schwanzwirbel, den Mangel eines Olecranums, sehr
hreite Rippen..,., etc.).
II se rapproche le plus, dit-il, des Cetotherium, mais il
lient également des Delphinoïdes... {neigt aber unverkenn-
bar auch etwas zu den Delphinoiden hin (1).
Nous avons tout lieu de croire que les os que M. Brandt
a rapportés à l'animal, pour lequel il a créé le genre Pachya-
canthus, que ces os proviennent de deux animaux bien
différents : les vertèbres, aussi bien les cervicales que les
lombaires et dorsales, sont, à notre avis, de Sirénien ; les
membres au contraire et une caisse tympanique , que nous
avons trouvée à côté, et portant la même lettre, ainsi que
le sternum , sont de Cétacé véritable et sans aucun doute
de Cétodonte. Nous trouvons là, comme à Anvers, des
ossements de Cétacés pélagiques mêlés avec des ossements
de Thalassothériens côtiers.
La première erreur semble avoir été commise par un
fragment de maxillaire, que Tonne retrouve plus à Vienne,
mais qui n'appartient évidemment pas à un maxillaire de
Cétacé et encore moins à un maxillaire de Balénide.
La seconde erreur est le résultat d'une fausse interpré-
tation de l'épaisseur des apophyses épineuses. Nous ferons
remarquer que celte hypertrophie de certains os est propre
à tous les Siréniens. Dans presque tous les individus
adultes, si pas dans tous, les côtes non-seulement s'épais-
sissent extraordinairemenl, mais elles prennent une con-
sistance toute particulière, au point de n'avoir plus, dans
leurs fractures, l'aspect d'un tissu osseux. On dirait un
(1) Sitzb. der K. Akad. der Wissensch. 1 Âbth. April Heft. Jabr. 1872.
( 539 )
silex pour certains fragments de cotes par Taspect comme
par le poids.
Ces os épaissis constituent-ils un animal à part, ou
bien, ne sont-ils pas des os modifiés par une espèce
d'hypertrophie osseuse? Ce n'est pas précisément une ma-
ladie des os, ce sont certaines pièces du squelette qui, dans
la plupart des individus d'une même espèce, ont cette ten-
dance anormale. N'en voyons-nous pas des exemples dans
les côtes des Siréniens vivants et parfois même dans le
crâne, comme nous en avons signalé dernièrement dans
l'animal auquel nous avons donné le nom de Crassilherium.
Nous avons trouvé, en effet, depuis la publication de notre
notice sur ce Crassilherium, dans les mêmes terrains, un
animal jeune qui ne nous offre qu'un épaississement du
crâne fort ordinaire.
M. Brandt a fait une seconde espèce de Pachyacanthusj
avons-nous dit plus haut, sous le nom de Trachyspondylus,
Ici nous sommes encore tout aussi éloigné de son avis. Le
Pachyacanthus trachyspondylus est basé uniquement sur
une série de vertèbres malades et dont la surface du corps
est plus ou moins défigurée. 11 n'est pas rare de trouver
cet état pathologique dans les ossements fossiles. Nous en
avons plusieurs exemples à Anvers (Musée de Bruxelles
et Musée de Louvain) ; nous en avons trouvé également
au musée de Turin qui viennent d'Asti ; ce sont quatre ver-
tèbres dorsales de Balénide plus ou moins soudées entre
elles. A Milan nous avons vu également des vertèbres fos-
siles de vraie Baleine soudées les unes aux autres par des
excroissances osseuses.
Cette hypertrophie de certains os, qui a fait proposer le
nom de Pachyacanthus , se retrouve également dans quel-
( 340 )
ques os de poisson comme disposition normale à l'âge
adulte. Un des exemples les plus remarquables est l'hu-
mérus des Gadus œrjlcfîmis à l'état adulte et les apophyses
épineuses des vertèbres d'un poisson , connu sous le nom
de Ephippus géant. M. Steindachner en a signalé divers
exemples dans des poissons fossiles des environs de
Vienne.
En résumé, le genre Pachyacanîhus de M. Brandt est
formé de deux animaux distincts et ni l'un ni l'autre n'ap-
partiennent, comme il le suppose, à un Balénide.
La colonne vertébrale et les côtes sont d'un Sirénien,
le sternum et les membres d'un Cétodonte.
Le Pachyacanîhus trachyspondylus repose sur un état
maladif du corps des vertèbres.
Le Celotherium ambiguum du même auteur est établi
sur des vertèbres normales.
A notre avis il y a donc lieu de supprimer le Pachya-
canîhus suessxi, le Pachyacanîhus trachyspondylus et le
Celotherium ambiguum, d'assigner une place au Sirénien
désigné sous le nom de Pachyacanîhus et d'établir les
affinités du Cétodonte dont proviennent le sternum et le
membre.
Le nom de Pachyacanîhus peut rester à l'animal dont
proviennent les vertèbres et les côtes.
( 34i )
Sur les propriétés de la surface de contact d'un solide et
d'un liquide. — Rectification d'un passage de ma Note
précédente j par M. G. Van dcr Mensbrugghe.
Dans une Note récente (*), j'ai démontré, on se le rap-
pelle, que la théorie de Gauss conduit à admettre Texis-
tence d'une tension à la surface libre d'un liquide , ainsi
qu'à la surface commune à deux liquides qui ne se mêlent
point, et consacre, delà manière la plus complète, l'expli-
cation des phénomènes d'étalement d'un liquide sur un
autre, fondée sur le principe de la tension superficielle.
Après avoir établi l'accord de l'analyse et de l'observa-
tion à cet égard, j'ai conclu, par analogie, que, dans tous
les cas, il existait également une tension à la surface de
contact d'un solide et d'un liquide ; à celte occasion , j'ai
rappelé un fait qui, selon moi, confirmait pleinement cette
assertion. Depuis lors, j'ai reconnu que, d'après la théorie
de Gauss elle-même, ma conclusion n'est vraie que dans
certains cas particuliers, et que d'ailleurs mon interpréta-
lion du fait en question manque à la fois de netteté et de
rigueur. La Note actuelle sert de rectification et de com-
plément à cette partie de mon dernier travail.
Soit un liquide dont F est la force de réunion, ii la sur-
face libre, Hasurface de contact avec une paroi solide, et
i l'angle de raccordement ; la théorie de Gauss fournit
l'expression
gfzdm -+- ¥ît — ¥t cos i,
{') Sur la théorie capillaire de Gauss et l'extension dhm liquide sur
un autre (Bull, de I'Acad. roy, de Belgique, 2^ série, t. XXXIX, p.oTo).
( 342 )
qui doit être un minimum pour que l'équilibre ait lieu.
Pour simplifier les déductions, admettons que la masse
liquide sur laquelle on opère soit assez petite pour qu'on
puisse négliger l'effet de la pesanteur, c'est-à-dire le terme
gCzâm. Pour plus de généralité, remplaçons F cos 2 par
sa valeurs F' — F donnée aussi par la théorie de Gauss;
F' désigne l'attraction du solide pour le liquide. Dès lors
nous n'avons qu'à discuter le binôme
Fm — (2F' — F) l.
Or si la surface xi existe seule , ce qui a lieu lorsque la
masse est abandonnée à elle-même, le minimum du terme
F?« exige que la surlace libre soit aussi petite que possible;
c'est le cas bien connu d'une gouttelette de pluie qui a une
forme sensiblement sphérique, malgré l'action de la pesan-
teur. Ainsi que je l'ai déjà montré , la tension de la sur-
face libre vaut précisément F par unité de longueur.
Mais quelle est la force qui règne à la surface de con-
tact Û Pour le savoir, remarquons que, abstraction faite
de la surface libre w, le minimum du terme — (2 F' — F) i
donnera lieu à des conditions différentes suivant le signe
de 2 F' — F. En premier lieu, soit2F'> F; le terme —
(2 F' — F) ^ sera un minimum pourvu que la surface de
contact soit aussi grande que possible; les choses se passe-
ront donc comme si cette surface de contact était sollicitée,
non plus par une force de tension, mais bien par une force
A' extension , en vertu de laquelle le liquide tend à occuper
sur le solide une portion de plus en plus étendue, si au-
cune autre force n'y met obstacle. En effet, d'après ma Note
précédente, nous pouvons regarder — (2 F' — F) t comme
exprimant l'énergie potentielle de la surface de contact;
( 345 )
or imaginons une plaque solide dont la surface est mouillée
par un liquide sauf sur une portion circulaire de rayon r,
et supposons que sur chaque unité de longueur de la cir-
conférence se trouve appliquée une force E capable d'em-
pêcher l'extension ultérieure du liquide. Si nous donnons
à r un accroissement dr, il y aura évidemment un gain
(2 F' — F) 2nrclr d'énergie potentielle de la surface
mouillée; mais il aura fallu produire- un travail ^n rEdr,
toujours abstraction faite de l'énergie de la surface libre;
on conclut de là que 2 F' — F = E, c'est-à-dire que, numé-
riquement, l'énergie potentielle de Tunité de surface de
contact est égale à la force d'extension de cette surface par
unité de longueur.
En second lieu, soit 2 F' = F ; alors l'énergie poten-
tielle de la surface de contact est nulle , et cette surface ne
tend ni à augmenter, ni à diminuer.
Enfin si 2 F' < F, le terme — (2 F'— F) t devient posi-
tif et n'est minimum que si t est aussi petit que possible;
dans ce cas, la surface commune au solide et au liquide
possède une véritable force de tension, absolument comme
la surface liquide libre; seulement cette force équivaut à
F — 2 F' par unité de longueur.
Il suit de cette discussion que la surface de contact d'un
solide et d'un liquide peut être soumise à l'action d'une
force de tension ou bien d'une force d'extension suivant
la nature des corps mis en présence.
Actuellement il est très-facile de prévoir les phénomènes
qu'on observera dans les différents cas qui peuvent se pré-
senter.
I. Cas où la surface t possède une tension. — Si
2 F' < F, nous venons de voir que la surface t tend à dimi-
nuer autant que possible, si rien ne l'en empêche. C'est
( 344 )
le cas d'un liquide qui ne mouille pas le solide. Pour le
faire voir, on prend un tube capillaire en verre dont une
des extrémités est recourbée à angle droit; on le remplit
de mercure, puis on plonge Tune des branches dans un
vase contenant du mercure, de telle sorte que l'autre
branche du tube soit horizontale et très-rapprochée du
niveau dans le vase; à l'instant même où l'on abandonne
le mercure de l'extrémité plongée à lui-même, le tube se
vide rapidement; c'est que les filets liquides voisins de la
paroi sont tirés par la force de contraction de la surface
de contact, et que, en outre, les autres filets sont sollicités
par les pressions provenant de la tension du ménisque con-
vexe libre.
D'autres faits encore, tels que l'équilibre d'une masse
de mercure sur une paroi de verre, rendent manifeste la
tension de la surface de contact du liquide avec le solide;
je n'y insiste pas, attendu qu'on lésa déjà souvent inter-
prétés comme je devrais le faire moi-même.
II. Cas où la surface de contact est soumise à une force
d'extension. — i*' Supposons d'abord que F' soit plus grand
que F, c'est-à-dire que l'attraction mutuelle du solide et
du liquide soit supérieure à l'attraction du liquide pour
lui-même ; alors le binôme 2 F' — F sera plus grand que
F, ou, en d'autres termes, la force d'extension 2 F' — F
sera plus grande que la tension superficielle du liquide
libre; conséquemment, si nous déposons une gouttelette
d'un liquide convenable sur une paroi solide horizontale,
la force 2 F' — F qui tend à produire l'extension ne pourra
pas être contre-balancée par la tension F de la surface libre
du liquide; la gouttelette s'étalera donc indéfiniment. C'est
ce qui a lieu quand on brise un morceau de verre et que
sur l'une des surfaces mises fraîchement à nu , on dépose
( 345 )
une goutte d'eau distillée; celle-ci s'étend toujours et re-
couvre bientôt en couche très-mince la surface tout entière.
Il suit encore de là que si Ton plonge dans l'eau distillée
un morceau de verre présentant une cassure fraîche, on ne
peut le retirer du liquide qu'avec une couche mouillante
qui occupe uniformément cette cassure.
2'' Soit F' égal à F; alors le binôme 2 F' — F est en-
core positif, et équivaut à F; la force d'extension d'un
liquide sur une couche du même liquide attachée à une
paroi solide est donc égale à la tension de la surface libre;
c'est ce qui explique l'étalement de l'eau distillée sur une
couche du même liquide recouvrant, par exemple, une
plaque solide horizontale ; c'est ce qui fait comprendre éga-
lement pourquoi un liquide s'élève dans un tube capillaire
dont la paroi intérieure est déjà couverte d'une couche du
même liquide. Dans ce cas, la force d'extension coïncide
avec ce que Dupré nomme force de réunion du liquide.
3° Enfin soit F' < F et > |; alors le binôme 2 F' — F
sera toujours positif, mais inférieur à F; cela veut dire
que la surface de contact possédera une force d'extension
2 F' — F, mais moindre que la tension F du liquide ; con-
séquemment une gouttelette liquide déposée sur une lame
solide horizontale remplissant les conditions ci-dessus,
prendra une forme lenticulaire telle que, en chaque point
de son contour, la composante F cos / de la tension de la
surface libre sera égale et opposée à la force d'extension;
nous retrouvons ici bien simplement la formule de l'angle
de raccordement obtenue dans la théorie de Gauss par
l'application du principe des vitesses virtuelles.
Les conditions actuelles se réalisent quand on dépose
une gouttelette d'eau distillée sur une surface horizontale
de verre ordinaire. On voit très-bien maintenant que cette
( 546 )
expérience, citée à la fin de ma dernière Note, ne prouve
nullement, comme je le croyais d'abord, l'existence d'une
force contractile à la surface de contact d'un solide et d'un
liquide, et doit être interprétée ainsi que je viens de l'in-
diquer (*).
Si une lame de verre était en partie plongée verticale-
ment dans l'eau distillée, celle-ci s'élèverait le long de la
lame en vertu de la force d'extension 2 F' — F, et il se
formerait un relèvement capillaire concave qui se raccor-
derait avec la paroi sous l'angle donné plus haut; or les
tensions qui régnent aux différents points de cette surface
concave donnent lieu à une traction dirigée de bas en haut,
et cette traction agit jusqu'à ce qu'elle fasse équilibre au
poids des filets liquides soulevés au-dessus du niveau.
Il suit de là que si l'on pouvait empêcher l'action de la
pesanteur de contre-balancer l'effet de cette force de trac-
tion, le liquide s'étalerait indéfiniment sur la paroi solide.
Pour réaliser la condition dont il s'agit, on prend le tube
capillaire à deux branches, décrit plus haut; l'une d'elles
plonge dans l'eau d'un vase; et l'autre est disposée hori-
zontalement et très-près du niveau du liquide dans le vase;
l'eau s'engage rapidement dans la branche horizontale, et
le ménisque concave qui termine la colonne , atteint bien-
tôt l'extrémité ouverte du tube.
Rappelons ici, à l'appui delà théorie précédente, les
(') Au mois d'août 1874 , j'ai avancé, devaut la Section de physique du
congrès de Lille (voir le comple rendu de ce congrès, p. 237) , que la sur-
face de contact d'un solide et d'un liquide est toujours douée d'une ten-
sion; la Note actuelle fait connaître le cas oîi cette assertion n'est pas
exacte, et, de plus, montre nettement le rôle respectif des forces qui
caractérisent la surface libre d'une part, et la surface de séparation d'un
solide et d'un liquide, d'autre part.
( 347 )
curieuses expériences par lesquelles M. Plateau a montré
que, si Ton neutralise complètement Faction de la pesan-
teur, un liquide monte indéfiniment dans un tube d'un
diamètre quelconque (*).
Dans un prochain travail, j'aurai l'occasion de montrer
combien la considération de la force d'extension est utile
dans les questions capillaires, et jusqu'à quel point elle
permet de résoudre simplement des problèmes en appa-
rence bien compliqués.
— La classe s'est ensuite constituée en comité secret
pour entendre la lecture des listes des candidatures aux
places vacantes arrêtées par les sections des sciences ma-
thématiques et physiques et des sciences naturelles, dans
leur séance du matin.
(*) Statique expérimentale et théorique des liquides soumis aux seules
forces moléculaires, t. T. §§ 22 à 29.
(348)
CLASSE DES LETTRES.
Séance du H octobre 4815.
M. le baron Guillaume, directeur.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. Grandgagnage, J. Roulez, Paul
Devaux, P. De Decker, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq, le
baron J. de Witte, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lelten-
hove, R. Chalon, Thonissen, Th. Juste, Félix Nève, Alph.
Wauters, Érn. de Borchgrave, A. Wagener, membres;
J. Nolet de Brauwere van Steeland , Aug, Scheler, asso-
ciés; Edm. Poullet, Stan. Bormans, Piot, correspondants.
M. Al vin, membre de la classe des beaux-arts, et
M. Ch. Monligny, membre de la classe des sciences , assis-
lent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'intérieur écrit que la 6^ période pour
le prix quinquennal d'histoire nationale , et la 5^ période
pour le prix quinquennal des sciences morales et politi-
ques seront closes le 31 décembre prochain. Il demande
que la classe veuille bien lui adresser la liste double pour
la formation des jurys chargés de juger ces concours.
La classe s'occupera de ce choix lors de la prochaine
séance.
( 3i9 )
— M. le Ministre de l'intérieur envoie, pour la bibliothèque
de r Académie, un exemplaire : 1° de V Histoire des comtes
de Flandre jusqu'à Vavcnement delà maison de Bourgogne,
par Adhémar Ingcls, 865-1384, in-S"; 2" du 11' \olume
du Bulletin de la section littéraire de la Société des Mélo-
manes de Hasselt, in-8°; 3° du tome VII de la Description
analytique des cartulaires et des chartriers du Hainaut,
par L. Devillers, in-8°; 4'' du Nederduitsch letterkundig
jaarboekje voor 1875, 42'" jaargang, in-12; S'' de la
livraison (Gebrek-Geducht) du Woordenboek der Neder-
landsch taal, 3' reeks, 4' aflev., door P.-J. Cosyn en
E. Verwys, in-8°.
M. le Ministre de la justice envoie également pour la
Bibliothèque deux exemplaires : 1° du 4^ cahier du VP vo-
lume des procès-verbaux des séances de la commission
royale des anciennes lois et ordonnances de la Belgique;
2° le tome 5« des coutumes du quartier d'Anvers et le
tome ^^ des coutumes de Bruges, publiés par la même
commission.
— M. Gachard écrit que la Commission royale d'histoire
vient de publier, sous le titre : le Livre des fiefs du comté
de Looz sous Jean d'Arckel, un petit volume in-8'' qui
forme annexe aux Bulletins et qui, par conséquent, doit
être envoyé aux établissements et aux personnes qui re-
çoivent ce recueil. — Cet envoi a été fait.
— L'Académie de Stanislas, à Nancy, adresse le volume
de 1873-1874 de ses Mémoires.
— L'Université de Tienne remercie pour le dernier
envoi annuel de publications académiques.
( 3^0 )
— La direction générale du Willems-Fonds, à Gand,
adresse le programme du concours, en flamand, pour une
histoire de la Pacification de Gand.
— La Société libre d'émulation de Liège envoie le pro-
gramme des questions arrêtées par le conseil administratif
pour le prochain concours, à clôturer le 1" juin 1878.
— La Société littéraire le Parnasse, à Athènes, transmet
ses premiers travaux et demande l'échange avec les publi-
cations de l'Académie.
— Les Sociétés d'histoire de Gratz et d'Utrecht , la So-
ciété royale des antiquaires du Nord, à Copenhague, la
Société d'art et d'antiquités, à Ulm, la Société de littéra-
ture néerlandaise , à Leide , envoient leurs derniers tra-
vaux.
— Les travaux manuscrits suivants seront examinés
par des commissaires :
1° Antiquités de V époque romaine découvertes à Assche,
notice par L. Galesloot, chef de section aux Archives du
royaume. — Commissaires : MM. Wauters et Piot;
2° Notes biographiques concernant Corneille Duplicius
Scepperusj par P. Génard, archiviste de la ville d'Anvers.
— Commissaires : MM. Gachard, le baron Kervyn de Let-
tenhove et Wauters.
— M. le baron Kervyn de Lettenhove fait hommage du
tome XXIP des Œuvres de Froissart, in-8". Ce volume
comprend les lettres J-Q de la Table analytique des noms
historiques cités dans les Chroniques.
M. Th. Juste fait hommage d'un exemplaire de l'ouvrage
(351 )
qu'il vient de publier sous le titre de : Précis de Vhistoire
contemporaine (\%\^'\%1\), i vol. in-i2.
La classe vote des remercîmenls aux auteurs de ces
dons.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Suite à ma notice sur le duc Henri III de Brabant : Les
doctrines des hérétiques du XI 11^ siècle, le duc Henri IV,
les premières années de Jean P^j par M. Alphonse Wau-
ters, membre de TAcadémie.
L
Dans le travail que nous avons consacré au duc de Bra-
bant Henri III, nous avons dit quelques mots des dogmes
hétérodoxes qui, à cette époque, avaient fait des prosé-
lytes dans nos contrées et, en particulier, à Cambrai et à
Anvers. Ce que Ton en savait se réduisait à peu de chose;
en effet, ce n'est que comme en passant que les auteurs
du temps, entre autres Thomas de Cantimpré, en parlent.
Il y a quelques mois, nous avons eu l'occasion de con-
sulter, à la Bibliothèque nationale de Paris, un document
qui permet de combler une lacune dans l'histoire des héré-
sies en Belgique. C'est un fragment perdu dans un recueil
de sermons , recueil formé au XIII'' siècle. Il est intitulé :
<L Voici les hérésies qui furent condamnées chez quelques-
» uns d'Anvers [Hec sunt hereses que fuerant dampnate
contra quosdam de Antwerpia.) » Ces sectaires ne sont pas
des disciples de Tanchelin; ce ne sont pas non plus des
( 552 )
admirateurs de la Bruxelloise Bloemardine; ce sont,
comme l'exposé de leurs doctrines le prouve, les héréti-
ques Anversois dont nous avons déjà parlé (1). En effet,
d'après notre manuscrit, que l'on peut considérer comme
contemporain, ils disaient :
« Les indulgences accordées par les prélats ne profi-
lent pas aux âmes.
)) Il n'y aura plus d'enfer après le jour du jugement.
D Personne ne peut considérer comme une aumône ce
qu'il donne de son superQu.
» Aucun riche ne peut être sauvé et tout riche est
avare.
» Aucun pauvre ne peut être damné, mais tous les
pauvres seront sauvés.
» La fornication simple, pour une personne vivant dans
la pauvreté, ne constitue pas un péché.
» Personne ne peut ni être excommunié, ni excommu-
nier.
» Celui qui possède deux vêtements de la même espèce
ne peut être sauvé.
» Un prêtre ayant commis un péché mortel ne peut ni
confesser ni absoudre, ni lier (c'est-à-dire imposer une pé-
nitence).
» Il n'y a que trois péchés mortels : l'envie, l'avarice
et la prodigalité indiscrète, et le fait d'avoir des relations
avec sa femme quand elle est enceinte.
» Il est licite d'enlever aux riches pour donner aux
pauvres.
» Celui qui invite un riche à un repas commet un péché
mortel, de même que celui qui reçoit l'invitation.
(1) Bulletins de r Académie, 2e série, t. XXXIX , n» 2.
( 5o3 )
» L'inobéissance à un prélat ne constitue pas un péché
si ce prélat n'en sait rien.
D Nul ne peut enlever à un prêtre le pouvoir d'absoudre.
» Ce que Ton appelle le péché contre nature ne constitue
pas un péché.
» Le mari ne peut avoir des relations charnelles avec sa
femme, si ce n'est trois fois par semaine.
» La vérité dans l'Écriture sainte n'est pas toujours
apparente et toute vérité n'est pas bonne à prêcher.
» ]l vaut mieux recevoir le corps du Christ une fois par
an, fût-on en état de péché mortel, que de ne pas le rece-
voir du tout.
» Plus on est élevé en dignité dans un ordre religieux,
plus on doit être pauvre.
» C'est licitement et sans pécher qu'une femme peut
prêter son corps, si elle est indigente, pauvre (1). »
Il ne saurait entrer dans nos intentions d'ouvrir ici une
discussion théologique et morale, de défendre ou de com-
battre ces doctrines. Qu'il nous soit permis seulement d'en
signaler les caractères principaux. Il s'y révèle d'abord
une hostilité évidente contre la richesse. On est exclu du
royaume des cieux par cela seul qu'on est riche, on y entre
de droit quand on est pauvre. A l'indigent tout est permis,
même le vol, même la prostitution , même la fornication.
Inviter à dîner son prochain, lui donner de son superflu ne
constituent pas, pour le riche, des œuvres méritoires. Sous
ce rapport, les sectaires sont implacables. Rien ne vaut
que la pauvreté, et plus on s'élève en dignité dans les
ordres, plus on doit afficher le renoncement.
Sur d'autres points, on prétend à la fois réduire le
(1) Voir Annexe I.
2"* SÉRIE, TOME XL. 23
( 354 )
nombre des genres de péchés et restreindre le pouvoir des
chefs de l'Église. On enlève aux éveques le droit d'accor-
der des indulgences, celui de priver le prêtre du droit de
confesser; on condamne en masse les excommunications;
on permet aux ecclésiastiques de désobéir à leur évéque, si
le fait de leur désobéissance peut lui être caché , et on les
autorise à absoudre, comme lui, toute espèce de péché.
Pour ce qui est de ce dernier, on affiche des opinions dont
l'étrangeté n'a pas besoin d'être démontrée et dont il est
inutile de reparler.
On sait comment l'Église se défendit : elle fut sans pitié
pour ses ennemis, sans parvenir à les empêcher de re-
naître. Ce qui disparut surtout, ce fut la connaissance
exacte de leurs véritables principes, l'exposé complet et
méthodique de leurs doctrines. ïl ne faut pas se le dissi-
muler : les données que l'on possède sur les différentes
sectes hétérodoxes du moyen âge ne brillent pas toujours
par leur fidélité et, si on peut les accepter, ce n'est, pour
nous servir d'une expression consacrée, que sous bénéfice
d'inventaire.
A ce propos, on peut faire la remarque que nous
sommes loin de posséder le texte de toutes les œuvres théo-
logiques et dogmatiques du XUV siècle. Plus d'un travail
datant de cette époque est resté à l'état de manuscrit,
perdu dans d'immenses bibliothèques d'où l'indifférence
moderne ne va plus le retirer; plus d'un nous fournirait cer-
tainement des indications exactes sur les idées, vraies ou
fausses, qui passionnaient les esprits dans cette Belgique
si florissante du XITP siècle.
Il est bon de ne pas l'oublier, de ne pas le méconnaître ,
nos ancêtres ont pris une large part à ces luttes, aujour-
d'hui oubliées, où le clergé séculier, représentée par l'uni-
/ "» V.» V V
( ooo )
vcrsilé (le Paris, et les ordres mendiants et, en particulier,
les frères mineurs et les dominicains, se disputaient la
direction spirituelle. L'historien, appelé à apprécier les
actes des princes de cette époque, doit tenir compte de
cette circonstance, surtout lorsqu'il compare l'influence
considérable, on peut dire toute-puissante, dont les deux
ordres jouissaient à la cour du duc Henri III , à l'afTaiblis-
sement de cette influence du temps du petit-fils de ce
prince. En elTet, dès le commencement de son règne, au
mois de janvier 1295-1296, Jean ÏI, par un privilège for-
mel et spécial, déclara qu'il ne pourrait plus s'établir de
couvent à Bruxelles sans le triple consentement de lui ou
de ses successeurs, des échevins et du chapitre de Sainte-
Gudule (1). C'était évidemment un triomphe pour le clergé
séculier, une garantie contre les empiétements des ordres
religieux.
A l'un et à l'autre des deux camps la Belgique a fourni
des hommes remarquables. Si les frères mineurs ne peu-
vent revendiquer que Guibert de Tournai, mort en 1270;
les Dominicains, plus voués au culte des lettres, citent
avec orgueil, non-seulement Thomas de Cantimpré, mais
encore Guillaume Rubruquis ou de Rubruk ou Ruysbroeck,
mort en 1260, qui nous a laissé une bonne relation d'un
voyage entrepris en Tartarie par ordre du roi Louis IX;
Gérard de Liège, surnommé le Devin, mort vers 1270, de
qui la Bibliothèque nationale possède plusieurs œuvres :
des Sermons (MS. n° 16,485) et la Doctrine du Cœur
(MS. n" 16,496); Henri Kosbein ou de Brabant, l'un des
traducteurs d'Aristote; Guillaume de Moerbeke, dit aussi
Guillaume le Flamand, créé archevêque de Corinthe en
(1) Cet acte a élé publié par Willems , Brahantschc Yccslen, 1. 1, p. 687.
( 3o6 )
1277, et qui traduisit divers auteurs grecs : Hippocrate,
Galien, Proclus, etc.
Les adversaires des frères mendiants comptaient parmi
eux des hommes non moins laborieux. Plaçons au pre-
mier rang le célèbre Henri de Gand, le docteur solennel,
dont la généalogie, difficile à rétablir par suite du long
oubli dans lequel sa mémoire avait été laissée, a été altérée
au XVII' siècle par les panégyristes de Tordre des Ser-
vîtes, et, au X1X% par la publication d'un prétendu bref
d'Innocent IV, où la maladresse des falsificateurs de gé-
néalogies, cette lèpre de l'histoire des familles, se manifeste
par les erreurs les plus évidentes (1). Henri de Gand, après
avoir étudié avec Albert le Grand , puis professé avec éclat
à Paris vers les années 1278 et 1282, devint archidiacre de
Tournai; ennemi de toute exagération, il sut se concilier
les esprits par une modération qui semble empruntée à
l'un des traits distinctifs du caractère national, g Esprit
» d'une rare pénétration, dit Viguier (2), attaché à l'école
(1) CeUe bulle, datée du 3 des ides de mars, au IV du pontificat d'Inno-
cent, ou 13 mars 1247, qualifie Henri de Gand de « Henri Goethals, né à
» Gand dans le diocèse de Tournai , prêtre , maître es arts à l'Université
» de Paris, fils du chevalier (é-guîV/s!) Gerelme (ou Jérôme) Goethals,
»> comarque (! c'est-à-dire seigneur) de la terre de Mude et de Nyeulandt
» près de Gand, et de dame Marguerite de Masmines, arrière-petit-fils de
V la nièce du vénérable Balderic, évéque de Tournai. » Le souverain
pontife ajoute qu'il a nommé Henri protonolaire à cause de son éminente
doctrine, qui lui a valu, lorsqu'il a été promu docteur en théologie, le
litre de docteur solennel, et cela non-seulement pour Paris, mais poiu*
tous les diocèses de la Gaule et aussi celui de Tournai (Voyez Huel,
Recherches sur Henri de Gand, p. 9). Ce dernier trait complète le tableau
et permet de classer avec certitude le bref en question parmi les nom-
breux faux dont est agrémentée T histoire des fabuleux Bonicolli.
(2) Manuel de l'histoire de la philosophie (publié sous le nom de
Cousin), t. II, p. 289 (Bruxelles, édit. de 1857).
( 357 )
D réaliste, il associa aux formes aristotéliques les idées
» de Platon, auxquelles il ailribua une existence réelle,
D indépendante de rintclligence divine. »
A la même école que Henri appartenaient : Odon ou
Eudes, de Douai, l'un des amis de Guillaume de Saint-
Amour et des fondateurs de la Sorbonne; Siger de Cour-
trai, doyen du chapitre de l'église Notre-Dame, dans la
ville de ce nom, de qui la Bibliothèque nationale de France
possède encore les Fallacia et la Summa modorum signi-
ficandi (MS. n° J 6,222); Siger de Brabant, que le Dante
a chanté et qu'il ne faut pas confondre avec l'homonyme
dont nous venons de parler (i), Siger de Brabant, l'auteur
des bnpossibilia (MS. n** 16,297), des Questiones de anima
intellecliva (MS. n° 16,153), etc., orateur fougueux, que
ses adversaires s'empressèrent de classer parmi les infi-
dèles convertis (2); son ami Berner de Nivelles, comme
lui chanoine du chapitre de Saint-Martin, de Liège, comme
lui, à son heure, signalé à l'Inquisition; Godefroid de Fon-
taines, le docteur vénérable, chanoine de Liège, de Colo-
gne, de Paris; Michel de Brabant, plus obscur (3), etc.
Si l'on veut se faire une idée des forces vives qui se
groupaient sous la bannière de l'Université de Paris et qui,
de ce centre d'activité philosophique, agissaient puissam-
ment sur les pays voisins et principalement sur la Bel-
gique, il suffît de consulter le travail que l'un des hommes
les plus savants et les plus laborieux de notre temps.
(1) Comme Tonl fait plusieurs auteurs et, dans le nombre, M. Leclerc
{Hisloire littéraire de France, t. XXi).
(2) Voyez V Histoire littéraire de France, t. XXI, pp. 96 et suiv.
(3) Auteur d'une Summa modorum signi ficandi que Ton trouve dans
le MS. n° 16,222 de la Bibliothèque nationale.
.( 558 }
M. Léopold Delisle, que la classe des lettres vient de s'as-
socier, a consacré au dépôt actuellement confié à ses
soins (1). En traitant spécialement des trésors que la
grande Bibliothèque de Paris a recueillis dans l'héritage
de la Sorbonne, M. Delisle énumère les généreux bien-
faiteurs qui ont légué des livres à cette dernière. Là se
rencontrent, pour le XIIP siècle seulement, bien des noms
mêlés à notre histoire politique et littéraire :
Maître Berner de Nivelles, qui ne donna pas moins de
2d volumes en 1277, et de qiri proviennent les manuscrits
delà Bibliothèque nationale portant les numéros 15,347,
15,348, 15,400, 15,411, 15,531, 15,540, 15,604, 15,611,
15,665, 15,813, 15,905, 16,417.
Maître Gualter ou Walter de Douai, doyen de Tournai ,
donateur du MS. nM5,430.
Maître Henri de Ecclesia ou de l'Église, doyen de Notre-
Dame, de Courtrai, professeur en théologie, donateur du
MS. n^ 16,612, où il est qualifié de « Fleur des Flamands »
(Flos fuit. Flamingorum).
Sire Joseph de Bruges, chanoine de Tournai, donateur
duMS. nM 5,629.
Maître Mathieu Castelet, d'Arras, qui légua à la Sor-
bonne, en l'an 1306, les manuscrits 15,228, 16,270,
16,300 et 16,383.
Maître Michel Herlekin, donateur du MS. n« 15,707.
Maître Michel de Warenghien, évéque de Tournai,
mort en 1291, après avoir légué 20 livres pour la fonda-
tion de deux bourses destinées à de jeunes étudiants de
(1) Nous voulons |)arler de la publication inlilulée : Le cabinet des ma-
nuscrits de la Bibliothèque impériale. Le passage auquel nous emprun-
tons les délails qui suivent est au lome II, pp. 142-178.
( 559 )
théologie, originaires de la partie wallonne (ou française)
de son diocèse.
Maître Nicaise de la Planque (ou Vandcr Plancken), de
Menin, clerc, donateur des MSS. n°^ 16,088 et IG,672.
Maître Nicolas, archidiacre de Tournai, donateur de
quatre volumes, dont il ne reste actuellement que le
MS. n° 15,704, et qui fonda, en octobre i266, des
bourses destinées à des élèves flamands du diocèse de
Tournai.
Maître Pierre de Saint-Omer, maître en théologie,
nommé chancelier de Paris en 1296 et archidiacre de
Brie en 1502, donateur des MSS. n«^ 15,764, 15,774 et
15,792.
Maître Philippe, chanoine d'Arras, donateur du MS.
n« 15,500.
Maître Robert de Douai, mort en 1262, l'un des fonda-
teurs de la Sorbonne, à laquelle il donna 1,500 livres et
légua tous ses livres de théologie, bibles, gloses et œuvres
des pères (notamment le n° 15,220).
Maître Siger de Courtrai, doyen de l'église de Courtrai,
donateur d'une collection des œuvres de Saint-Thomas
d'Aquin en huit volumes, dont il reste les manuscrits
n«' 15,552, 15,787 et 15,790.
Maître Simon de Furnes, donateur des MSS. n*" 15,761
et 15,772.
Maître Simon Widelin, chantre d'Arras, qui donna, en
Tan 1285, le n° 15,750.
Comme on le voit par celte liste, la Belgique comptait
beaucoup d'amis des lettres et des sciences à la même
époque où tant de trouvères célébraient dans leurs chants
les hauts faits des anciens héros et l'amour des dames et
des tournois ou ridiculisaient dans leurs chansons les
( 360 )
vices et les travers de leurs contemporains, à Tépoque où
écrivait Van Maerlant, où naissaient Hocsem, Van Heelu ,
Van Velthem, Boendale ; à l'époque où le premier en
dignité des princes belges, la fleur de la chevalerie, le
vainqueur de Woeringen, se plaisait à imiter l'exemple de
son père et, de même que celui-ci, prenait place parmi
les poètes. Nous traversions alors une de ces belles jour-
nées que les nations rencontrent dans leur existence et
pendant lesquelles éclosent, à l'ombre de la paix, comme
sans peine et sans se compter, ces fleurs de l'intelligence
que le destin refuse à des temps plus agités et plus
sombres.
Tï.
Les écrivains belges, et Ton peut dire que c'est chez eux
un système presque général, rattachent au règne du duc
Jean I" les années qui suivirent immédiatement la mort
de son père, époque de la régence de sa mère Aleyde. Cette
opinion ne constitue pas, à proprement parler, une erreur,
car la duchesse resta la tutrice de ses enfants et, sauf
certaines restrictions, gouverna le pays; toutefois on se
tromperait si l'on croyait que Henri, l'aîné des fils de
Henri III, ne porta pas le titre de duc : il est formellement
décoré de cette qualification dans un acte de son frère
Jean I", daté du 28 avril 1272; celui-ci y approuve le con-
sentement que sa mère et son frère Henri, yac/Zs duc de
Brabanty avaient donné à la cession de l'abbaye de la
Ramée près de Jodoigne, d'un fief situé à Wamont (1).
(1) Voyez AiNNEXES , n" II.
( 361 )
L'histoire de la tutelle de la régente Aleyde est encore
entourée de quelque obscurité. Toutefois, les détails que
Ton a fait connaître et qui sont résumés et groupés dans
notre Mémoire sur le duc Jean /"■, couronné par l'Aca-
démie en 1859, ont éclairci plus d'un point qui était resté
dans les ténèbres. Ainsi l'on sait actuellement que la ma-
nière dont les chroniqueurs brabançons rapportent les ten-
tatives des princes de la maison ducale pour enlever à la
duchesse la régence, n'est pas d'une exactitude absolue.
Henri deGueklre, évêque de Liège, et son frère, le comte
Othon , prirent une part assez active à l'administration du
duché, de 1261 à 1265 (1).L'évêque,qui jouait alors un rôle
très-important en Belgique (2), venait fréquemment en
Brabant. C'est ainsi qu'il se trouva à Ylierbeek près de
Louvain le 22 octobre 1261, lorsqu'il y confirma à l'abbaye
du Parc-les-Dames le don d'une petite dîme et, à Louvain
même, le 28 du même mois, quand il autorisa la commu-
nauté de ce monastère à faire célébrer la messe dans ses
granges ou fermes, chaque fois que l'abbesse, des chape-
lains, des frères ou des sœurs du Parc-les-Dames s'y ren-
draient (o). Il y revint encore le jour de la Sainte-Agnès
1265, 21 janvier 1266, et y ratifia la cession à l'abbaye de
Sainte-Gertrude, de Louvain, du patronat des églises de
Weerde et de Langdorp, près d'Aerschot (4). On pourrait
encore multiplier ces exemples.
L'union étroite que les communes du Brabant contrac-
tèrent dans différentes assemblées qui eurent lieu à Cor-
(1) Voir mon Mémoire , p. 31,
(2) Ibidem , p. 32.
(3) Voyez Annexes , n» III.
(4) Ibidem, n« IV.
( 562 )
tenberg, à mi-chemin entre Bruxelles et Louvain, en 1261
et 1262; Tenipressement avec lequel les Louvanistes de-
mandèrent au pape Urbain lY des confirmations solen-
nelles de leurs privilèges, le premier et pour ainsi dire le
seul exemple d'un pareil recours qui se soit produit en Bra-
bant; l'acte énergique par lequel les bourgeois de Léau
comminèrent, en 1265, des peines sévères contre ceux
d'entre eux qui refuseraient de marcher contre les ennemis
de la commune; le soulèvement des bourgeois de Nivelles
contre l'autorité de l'abbesse de cette ville et la résistance
qu'ils opposèrent, pendant plus de deux années, à la pres-
sion dont usaient à la fois sur eux cette abbesse et son
chapitre et Tévêque de Liège; tous ces épisodes témoi-
gnent d'une sorte de réaction contre la grande autorité
exercée par Henri III. Sous la faible direction d'une étran-
gère, en face de vassaux turbulents et divisés, les bourgeois
essayèrent, dans la mesure du possible, de s'entendre pour
le maintien de leurs droits et de les défendre contre toute
atteinte.
L'intervention de Henri de Gueldre dans les troubles
de Nivelles ne fut peut-être pas étrangère à la rupture qui
ne tarda pas à éclater entre ce prélat et le Brabant. A la
même époque une autre cause de désunion aigrissait les
rapports existants entre les Liégeois et les Brabançons.
L'un des principaux barons parmi ceux-ci, sire Arnoul de
Wesemale, était avoué du chapitre de Saint-Barthélémy, de
Liège, à Lincent. De concert avec son frère, sire Gérard,
seigneur de Wesemael, il ne cherchait qu'à empiéter sur
les droits de l'église. Tantôt ils enlevaient de vive force
les produits de ce domaine, tantôt, par l'intermédiaire de
Quarteloltus, leur officier, ils y défendaient au maire et aux
échevins de rendre la justice et aux habitants de cultiver
( -"îeô )
OU de moissouner les champs, de sorte que les actes de
Iransmission de biens ne se passaient plus et que les ré-
coltes pourrissaient sur place. Ému par les plaintes du cha-
pitre de Saint-Barlhélemy, qui perdait de ce chef plus de
580 muids d'épeautre, le chapitre de Saint-Lambert en-
joignit au doyen du concile de Jodoigne, à l'investi ou
curé de Tirlemont et à Tinvesli de Houtain-l'Évéque d'ou-
vrir à ce sujet une enquête, de mettre à néant les ordres
donnés par les chevaliers de Wesemale, et de faire con-
naître à ceux-ci la mission dont ils étaient chargés, soit à
Lincent, soit à Louvain, où ces chevaliers avaient alors leur
domicile (18 mars 1265-1266). Le 10 avril suivant, les
curés de Houtain et de Tirlemont exécutèrent en effet les
ordres dont ils étaient porteurs; ils constatèrent que les
exigences des Wesemale s'étaient manifestées à Lincent
depuis plus de sept années; mais, n'osant se rendre à Lou-
vain, à cause de l'influence dont ces seigneurs y jouissaient,
ils remirent un double de leur enquête au serviteur de
Gérard de Wesemale et à Quartelottus précité. Peu de temps
après, le pape Clément IV intervint; il ordonna à l'écolâtre
de l'église Notre-Dame, de Maestricht, de sévir contre
les frères de Wesemale (bref, daté du 16 juin 1267) (1).
Peu de temps après fut signé, le 5 août 1267, un accord
par lequel sire Guillaume de Rotselaer, chanoine de Lou-
vain, Amelez ou Ameil, chanoine de Saint-Denis, et le che-
valier Robert de Limont furent chargés de terminer ce
débat; 100 marcs furent déposés par les parties entre les
mains du doyen de Liège et Gérard s'engagea à faire lever
les défenses qu'il avait portées. Après quatre années d'un
régime tout à fait arbitraire, régime qui avait privé le cha-
(1) Voyez Annexes, n^V.
( 36i )
pitre de Saint-Barihélemy de 700 muids de blé et de 100
marcs de Liège, une sentence arbitrale fut prononcée en
faveur de ce corps : les usurpations de Gérard furent con-
damnées, mais on laissa aux parties le soin de s'accorder
au sujet des torts que Tune d'elles pourrait avoir subis
(21 janvier 1267-1268).
Des détails dont il vient d'être donné connaissance, il
résulte que les Wesemael avaient établi leur domicile à
Louvain en mars 1266 et qu'ilsy jouissaient d'une grande
influence. C'est vers ce temps aussi que la guerre éclate
entre la duchesse Aleyde et l'évêque de Liège. Tandis que
celui-ci s'allie aux bourgeois de Cologne, au comte de Ju-
liers, aux évéques de Minden et d'Osnabruk, celle-là se
confédéré avec l'archevêque de Cologne et le comte de
Clèves. Le traité d'alliance d'Aleyde et de l'archevêque de
Cologne a été publié; celui par lequel la duchesse promet
son appui au comte est daté du même jour et renferme des
stipulations analogues. L'un et l'autre sont confirmés, au
nom de la duchesse, par son beau-frère, le landgrave de
Thuringe, les seigneurs d'Enghien, de Malines, de Rotse-
laer, de Wesemael, de Walhain et de Bautersem, et par les
chevaliers Henri Berthout , frère du seigneur de Malines , et
Henri d'Assche (J ). Les espérances d'Aleyde furent détruites
par la funeste bataille de Marienholtz, où l'archevêque En-
gelbert et le comte de Clèves furent faits prisonniers par
les bourgeois de Cologne et leurs alliés , le 1 8 octobre 1 267.
Elle-même avait été attaquée par l'évêque de Liège et, bien
que celui-ci n'eût pas complètement réussi dans son entre-
prise sur Malines, il avait cependant remporté sur les Bra-
bançons des avantages que l'on ne peut dissimuler.
(1) Voyez Annexes, n" VI.
( 365 )
Il faut placer dans les premiers mois de Tannée 1267 la
rébellion du sire de Wesemael contre la régente Aleyde,
qui avait conçu le projet de remplacer par son deuxième
fils, Jean, son fils aîné, Henri, dont Tintelligence et la force
corporelle ne répondaient pas aux nécessités de la dignité
ducale. Les particularités nouvelles manquent sur ce qui
se passa alors, sur la courte lutte qui se livra entre les
Louvanistes et les vassaux de Walter Berthout,sur les
conditions de la réconciliation des premiers avec Aleyde.
Un seul fait dont il a rarement été fait mention s'établit
avec certitude : c'est que le seigneur de Wesemael, Arnoul,
soit zèle religieux, soit dépit d'avoir échoué dans ses des-
seins, quitta le monde et entra, de 1267 à 1270, dans
Tordre du Temple (1).
(1) Godefroid, frère d' Arnoul, était déjà seigneur de Wesemael et ma-
réchal de Brabant en 1270. En cette année, le 1" août ijour de S^-Pierre
es liens), il donna à l'abbaye du Parc-les-Dames, pour la posséder à per-
pétuité moyennant un cens annuel de 6 muids de seigle et de 2 deniers de
Louvain , son moulin de Beverslus, à Wesemael. Le 6 décembre suivant ,
pendant la nuit de la Saint-Nicolas, il approuva toutes les acquisitions
faites par ce monastère du temps du chevalier Arnoul de W^esemale, qui
était alors seigneur de Wesemael (qui tune erat dominus de Wesemalé) ;
ces cessions furent certifiées par les sept échevins de ce dernier village,
qui vinrent à cet effet porter témoignage devant les échevins de Louvain,
et les notables {boni homines) de Wesemael reconnurent en même temps
n'avoir aucun droit sur les biens cédés. Mais dès la Toussaint de 1275,
Godefroid était mort et ce furent alors sa veuve , Gertrude, et son fils Ar-
noul ([ui reconnurent devoir à Tabbaye deTongerloo 150 livres de Louvain,
jadis prêtées à frère Arnoul, chevalier du Temple, ex-seigneur de Wese-
mael {Arnoldus, miles milicie Templi, quoadam dominus de Wesemalé).
Gertrude et Arnoul promirent de rembourser par annuités de 20 livres
cette somme, qui était hypothéquée sur la dîme d'Oelen. Arnoul le jeune
n'ayant pas encore de sceau, ce fut sa mère qui munit cet acte du sien.
Voyez, au surplus, ce que nous avons dit des troubles de Louvain et des
Wesemael dans mon Mémoire déjà cité, pp. 44 et suiv.
566 )
UT.
Les premières années du règne du duc Jean I" passent
presque inaperçues dans l'histoire et il ne s'y trouve que
deux événements sur lesquels on possède réellement quel-
ques détails : l'un appartient aux annales de la race ducale
même: c'est l'épisode du mariage de Marie de Brabant,sœur
du duc, avec le roi de France Philippe lil et la condam-
nation de l'ennemi de Marie, Pierre de La Brosse; l'autre
est plus intimement lié avec les fastes du duché : c'est la
lutte qui a pris le nom de la Guerre de la Vache.
Sans entrer dans l'examen minutieux de l'un ou de
l'autre de ces événements, qui ont occupé maint historien,
nous nous bornerons à éclaircir quelques faits au sujet des-
quels nous avons recueilli des détails inédits. Tel est,
d'abord, le premier mariage du duc.
L'union négociée, dès l'an 1257, entre Marguerite, l'une
des filles du roi Louis IX, et Henri, l'héritier du Brabant,
n'avait pu se conclure par suite de la renonciation de ce
dernier prince au trône ducal et de son entrée dans un
monastère; mais, dès l'avènement de Jean F", ce projet fut
repris à son profit, et son mariage avec Marguerite célébré
au mois de janvier 1270-1271.
Quoique cette alliance matrimoniale n'ait duré que peu
de temps , la jeune épouse étant morte en couches au mois
de septembre de l'année suivante, il ne sera pas sans
intérêt d'analyser et de reproduire ici plusieurs actes im-
portants, tous restés inédits jusqu'à présent et par les-
quels les liens d'amitié, qui existaient déjà entre la
France et le Brabant, furent encore resserrés. Nous les
( -ïC? )
avons copiés à Paris, aux Archives nationales, où les ori-
ginaux existent dans un état parfait de conservation.
Le premier est du mois de février 12G9-1270. A cette
date le mariage fut décidé. Jean I", se trouvant à Paris,
promit alors à son futur beau-père, à ses enfants et à ses
frères une affection toute particulière. Il s'engagea à les
protéger et défendre au besoin , à ne pas permettre que ses
sujets leur causent du préjudice, à ne jamais s'allier avec
leurs ennemis. Il ne fit de réserve que pour ce qui con-
cernait la fidélité et l'hommage qu'il devait à ceux de qui
il tenait en fief son patrimoine. C'était déclarer qu'il en-
tendait ne pas méconnaître ses devoirs de vassal et de
prince de l'empire d'Allemagne (i).
Le roi Louis avait donné en dot à sa fille 10,000 livres
tournois, somme égale, remarquons-le, à celle que le duc
Henri III, dans le codicille que nous avons fait connaître,
avait légué aux mêmes fins à sa fille Marie, qui devint reine
de France. La moitié seulement de cette somme avait été
remise au duc Henri HI, l'autre moitié fut payée à Jean ['%
qui s'obligea à la restituer, dans le cas où sa future femme
mourrait sans avoir d'enfants. II n'y avait pas lieu à
restitution , si Marguerite mourait après avoir eu un
enfant, celui-ci fut-il mort avant elle. Le duc Jean, de son
côté, assigna à sa fiancée, pour son douaire, un revenu
annuel de 6,000 livres de Louvain, dont elle devait jouir
dès l'instant de son mariage et pendant toute sa vie, con-
damnée à être si courte (2). Ce douaire devait être déter-
(1) Voyez Annexes, n» VII.
(2) Charte datée du mois de février 1^69-i'27 0 {Actum Parisius , anno
Domini millesimo ducentesimo sexagesimo nono^ mense fehruario).
Trésor des chartes à Paris , carton n» 323, n" 3.
( 368 )
miné par les soins de Jean de Nesle, comte de Ponthieu,
de Montreuil et d'Aumale, mandataire du roi de France, et
parWalter Berthout, seigneur de xMaiines, mandataire du
duc; en cas de doute, Simon, seigneur de Nesle, était
chargé de terminer la contestation. Les principaux barons
du Brabant : la dame de Gaesbeek [domina de Gazebeke),
sire Henri de Louvain, son fils; Walter Berthout, seigneur
de Malines; Henri, seigneur de Bautersem; Henri Berthout,
et Walter, seigneur d'Enghien, s'engagèrent à faire ob-
server ces conventions et promirent, au besoin, de venir
se constituer prisonniers à Saint-Quentin : le dernier en
se faisan! remplacer par un chevalier, les autres en per-
sonne, jusqu'à ce que leur prince eût satisfait à ces obliga-
tions (1). Les formalités prescrites ne tardèrent pas à être
remplies. Jean de Nesle et Walter Berthout vinrent en
Brabant et désignèrent les biens dont le douaire de la du-
chesse se composerait, après en avoir fait expertiser la
valeur, en se basant sur les chiffres suivants :
Le muid de blé , mesure de Louvain, valait 12 sous de
Louvain.
Le muid d'avoine 5 sous.
Le chapon 6 deniers.
La coupe d'un bonnier de bois 20 sous.
Le produit d'un bonnier d'étang 50 sous.
La duchesse Marguerite acquit le droit d'exercer ou faire
exercer la juridiction dans toute l'étendue de ses nouveaux
.domaines , d'user à son profil des bois qui lui étaient aban-
donnés, de recevoir les reliefs des fiefs compris dans son
(1) Acte daté comme le précédent : Datum Parisiis, etc. Ibidem. —
L'acte émané des seigneurs existe également à Paris , avec la souscrip-
tion : Actum Parisius^ anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo
110710, mense februario.
( 569 )
douaire, à charge, d'autre part, d'entretenir les châteaux
et habitations qui s'y trouvaient. D'après le contrat, ex-
trêmement détaillé , dont nous donnons ici la teneur, les
biens assignés à Marguerite de France embrassaient les
villages situés dans les bailliages de Bruxelles et d'Over-
Yssche (l) et une partie de celui de Louvain, ou, pour nous
faire comprendre plus facilement, dans le pays s'élendant
depuis la Flandre jusqu'à la Dyle, à l'exception toutefois
des franchises des villes de Bruxelles et de Louvain et des
terres où des seigneurs particuliers avaient la justice. Ainsi
Corbeek-sur-Dyle, Neer-Yssche, Winxel , Velthem, Thil-
donck, Hérent, quoique ressortissant à la mairie de Lou-
vain, y étaient englobés. La Hulpe, qui forma depuis une
dépendance du bailliage du Brabant- Wallon , y fut aussi
compris. Les produits de toute espèce que le douaire reti-
rait des villages précités s'élevaient à 5,500 livres. Pour
compléter la somme promise on sépara de la forêt de Soi-
gnes 2,700 bonniers de bois, dont 250 compris dans le
parc du château de Tervueren (2) et qui furent soigneuse-
ment bornés, et 2,450 contigus aux précédents et déli-
mités, d'autre part, par le chemin conduisant de Bruxelles
à Hoeylaert (5).
(1) Le bailliage d'Over-Yssche cessa plus tard d'exister et fut réuni à
d'autres circonscriptions administratives. Le ressort de la recette doma-
niale de Ter-Vueren,Over-Yssche et La-Hulpe,qui fut ensuite annexée à
celle de Vilvorde, en représentait sans doute retendue primitive. Dans les
derniers siècles Ter-Vueren et Over-Ysscbe dépendaient de la mairie de
Vilvorde, subdivision de Tammanie de Bruxelles, et La Hulpe était le
chef-lieu d'une mairie du bailliage du Brabant wallon.
(2) Pour le parc qui existait à cette époque consultez VHisloire des en-
virons de Bruxelles , t. III, p. 384. — Voir Annexes, n" VIII.
(3) Ce chemin est celui qui passe à la chapelle de Notre-Dame de
Willerieken et de là se dirige sur Boitsfort.
2""' SÉRIE, TOME XL. 24
( 370 )■
Les Archives nationales de France possèdent l'acte par
lequel les deux seigneurs ratifièrent cette assignation la
veille du jour où le duc en scella la confirmation ou appro-
bation (1); on y trouve également l'assignation même, où
l'on énumère longuement les biens compris dans le
douaire (2). Voici quelques détails sur les localités que
l'on y mentionne et le produit que l'on en retirait :
Ophemjuxta Vuram. C'est le hameau d'Ophem annexé
actuellement à la commune de Wesenbeek.
Cortbeke et Nederische (Corbeek-sur-Dyle et Neer-
Yssche).
Berghe et Hockensele ( Bergh et Neer-Ockerzeel ).
Bullincshem et Berghe (Bullesom, hameau sous Bergh
et ce dernier village, de nouveau).
Binneberghe , où le domaine levait 9 muids d'avoine.
C'est un champ qui se trouve entre Steen-Ockerzeel etErps.
Woelewe Sancti Bumoldi; on appelait Woluwe-Saint-
Rombaud une partie de Woluwe-Saint-Élienne.
Bimelenghem; Bymelghem , dans ce dernier village,
où il y avait un grand moulin à eau qui produisait un re-
venu de 40 muids de seigle (3).
Bouts fort ou Boitsfort, dont le moulin rapportait, par
an, 21 muids de seigle (4).
(1) La souscription de cet acte porte : « Faite et donée à Le Vure, en
» l'an del incarnation Nostre Segnor milCC. sissantedis, le venredi de-
» vant la Nativitet Notre Dame, el mois de sietembre. » Le sceau de Jean
de Nesie y est encore appendu. L. c, no o'''^
(2) L. c.y n» 5'". Cette pièce est intitulée : Isti sunt rcdditus deputati et
assignati ad dotem domine Margarete , filie excellentissimi Ludovici
Dei gratia régis Francis. Elle est sans date, mais également scellée par les
deux seigneurs précités.
(3) Apud Rimelenghem de molendino siliginis XL modios
(4) Apud Boulsfort de molendino siliginis XXI modios.
( 374 )
Ouderenghem ou Auderghcm , dont le moulin rappor-
tait 18 muids de seigle (1).
Yetterbeke et Elsele (Etterbcck et Ixelles).
Scarenbeke et Ten-iYoîtrfe ( Schaerbeek et Ten-Noode).
Ces deux villages, qui sont transformés en une ville im-
mense, figuraient alors dans les registres du domaine ducal
pour un modeste cens de 50 sous et de 40 muids d'avoine;
on y exploitait des tourbières, pour lesquelles on donnait
30 autres sous, et nos ducs y avaient, déjà à cette époque,
un moulin à eau (l'usine qui fut depuis convertie en une
machine hydraulique), dont le produit était considérable,
sans doute à cause de sa proximité de Bruxelles , et s'éle-
vait à 60 muids de seigle (2).
Ucle ou Uccle, où l'on payait 9 muids de seigle pour
un champ appelé la Culture des enfants de Zeecrabbe (5).
Ce nom, qui s'est conservé jusqu'à nos jours dans celui
à'hof te Zeecrabbe , donné à la propriété de la famille de
Tbysebaert, près de Bootendael, n'est pas indigne d'at-
tirer notre attention. Il provient évidemment des débris
de mollusques et, en particulier, de crabes (crabes marins
ou zeecrabbe), que le sol y recèle. Récemment, lorsqu'on
a construit à proximité de cet endroit une grande tran-
chée pour le passage du chemin de fer de Bruxelles à
Luttre, la pioche en a mis au jour en grande abondance.
Nederdoi^nepe et Usenghem (Neerdorp et Huysinghen).
E/ce/o (Essele , à Tourneppe).
(1) Apud Ouderenghem de molendino siliginis XVIII modios.
(2) Apud Scarenbeke et Ten Noude, de censu XXXII solidos, avene
XL modios. Ibidem de turbonibus XXX sol. Ibidem de molendino siliginis.
LX modios.
(3) Uole. De cullura filiorum Zeecrabbe
( 372 )
Mergihen. Dans le bourg de Merchten, que le duc
Henri II avait érigé en franchise , le domaine possédait
des constructions, un verger et des étangs produisant
20 livres, une halle aux draps produisant 10 sous, des
moulins à vent et à eau dont le rapport s'élevait à 42 muids
de seigle. En outre l'abbé d'Afflighem payait 2 antres muids
et la maceria, c'est-à-dire la taxe sur la fabrication de la
drêche, prélevée tant à Assche qu'à Merchten, valait, par
an, 4 livres et 10 sous (1).
Ascha. Une halle à Assche rapportait 9 sous et les
wastines, c'est-à-dire les bruyères récemment mises en
culture , produisaient 65 muids de seigle (2).
Capella Sancti Nycholai ( Capelle-au-Bois) payait un
cens de oO sous 4 deniers, 24 chapons et 1 poule blanche.
Le droit de congé qui se prélevait dans la mairie de
Bruxelles produisait 15 livres (3).
Une taxe sur les charrues est indiquée comme valant
25 muids de seigle et autant d'avoine (4).
Une étendue d'étangs, comprenant 72 bonniers situées
dans les mairies de Bruxelles et d'Yssche, rapportait 108 li-
vres; le produit des droits de reliefs des fiefs 15 livres,
celui des forfaits , c'est-à-dire des amendes, 550 livres; le
cens de Wambeke et Lombeke (Wambeek et Lombeek-
Sainte-Catherine) 40 livres, les bois d'Assche (le bois dit
(1) De caminagiis, pomerio et vivariis XX libras , de domo pannali
X sol., de moleiidinis venti et aque XLII mod. siliginis, de abbale de
Haffligheu II mod. sil., de maceria in Merhten et Ascha IV lib. et X sol.
(2) Apud Ascha de quadam halla IX sol. Ibidem de wastinis LXVmod.
sil.
(5) La villicatu de Bruxella de venditionibus terrarum XV^ lib.
(i) De blado aratrorum XXV mod. siliginis, avene XXV mod.
( 375 )
de Crevai, dont Jean III donna nne partie à l'abbaye de
Forêt) 100 livres. La plupart des étangs qui ornaient
jadis nos environs ayant disparu, ce n'est pas sans intérêt
qu'on en lira la nomenclature. La voici :
Les étangs voisins de la Maison de Ter-Yueren com-
prenaient 8 bonniers.
L'étang situé plus en aval (en suivant la rivière la Voer,
près du moulin de Vossem) , mesurait 9 bonniers.
L'étang â'Horensele (?), 2 bonniers.
Deux autres étangs contigus, V2 bonnier.
L'étang d'Hertsweghe (à Duysbourg) 1 1/2 bonnier.
Quatre étangs adjacents, 5 journaux.
Dans la vallée d'Yssche, 5 journaux.
L'étang près la Bouverie (?), i 1/2 journal.
L'étang près de Satenberghe (?), 1 bonnier.
L'étang près de Groenendael (c'est la plus ancienne
mention de cette localité depuis si célèbre), 4 bonniers.
L'étang à Vlossee (de F losse vy vers, enire Xuderghem
et Tervueren), 1 bonnier.
L'étang de Stockel , 2 bonniers.
L'étang de Val-Duchesse (à Auderghem), 11 bonniers.
L'étang de la Maison des Veneurs (à Boitsfort), 5 bon-
niers.
Les trois autres bonniers adjacents, 2 bonniers.
L'étang de Ten-Noode, près de Bruxelles , 10 bonniers.
Celui de Gempe (à Winghe-Saint-George, entre Lou-
vain et Diest), 12 bonniers (1).
(1) L'étang de Gempe est la seule propriété dominiale comprise dans le
douaire de Marguerite de France qui fut placée en dehors des limites
dont nous avons parlé, c'est-à-dire à TE. de la Dyle.
i 574 )
Celui d'Obbrussel ou Saint-Gilles, 1 bonnier.
Celui d'Humbeek, 1 V^ bonnier (1).
Tous ces détails géographiques donnent une certaine
importance aux actes qui accompagnèrent le premier
mariage de Jean I". C'est ce qui nous a déterminé à
les analyser et à les publier. Il n'existe, sur le Brabant,
aucun document du même genre qui soit aussi ancien :
les comptes des officiers de justice , soit en rouleaux, soit
en registres ou cahiers, les comptes du domaine, les
comptes des reliefs de fiefs et les rôles de fiefs ne com-
mencent que plus tard. A part leur signification historique,
ces actes ont donc une grande valeur à cause des données
géographiques qu'ils renferment, données dont l'exacti-
tude ne pourrait être contestée.
La mort de saint Louis, qui expira devant Tunis le
(1) Vivaria juxla domum de Vura continent octo bonuaria.
Vivarium inferius, juxla molendinum,...
Vivarium juxla Horenselele...
Ibidem duo vivaria...
Unum juxta Herlsweghe...
Ibidem quatuor vivaria...
In vallede Ische...
Vivarium juxta Beverye...
Vivarium juxta Salenberghe...
Vivarium juxta Grunendale...
Vivarium juxta Vlossee. ..
Vivarium juxta Stokele...
Vivarium juxla Abbatiam ducisse...
Vivarium juxla domum Venalorum...
Ibidem tria vivaria...
Vivarium juxta den Noede, juxta Bruxellam...
Vivarium de Ghenpe...
Vivarium de Obbruxella...
Vivarium de Honebeke...
(575)
25 août 1270, et celle de la jeune Marguerite ne portèrent
aucune atteinte à l'amitié des familles de France et de
Louvain. En l'année 1274 fut signé : le 21 août, au châ-
teau de Vincennes, le mariage de Marie de Brabant et de
Philippe dit le Hardi , fils et successeur de Louis IX, et,
le 8 septembre, à Paris même, un diplôme dans lequel
Jean 1" s'engageait à accompagner son futur beau-frère à
la Terre-Sainte, en déclarant toutefois que si le roi était
empêché de partir, il se considérait de son côté comme
délié de toute obligation (1). On n'ignore pas que les bonnes
relations entre la France et le Brabant se perpétuèrent
pendant tout le règne de Jean I".
La politique qui présida au gouvernement de ce prince,
du moins pendant les premières années, fut surtout une
politique d'apaisement et de modération. A l'intérieur,
Jean 1" s'efforça de rétablir la tranquillité, à l'extérieur il
ouvrit des négociations qui, aidées par des démonstrations
militaires pleines de vigueur, contribuèrent à rétablir dans
nos provinces une paix à peu près complète. Résumons
cette situation aussi brièvement que possible :
La peirsonnalité d'ArnouI de Wesemael n'avait été
étrangère à presque aucune des causes de troubles qui
s'étaient manifestées en Brabant : les privilèges de Lou-
vain ayant été confirmés et étendus par le duc^ cette ville
rentra dans le calme; à Ternath, où un conflit s'était élevé
entre le chapitre de Nivelles et Arnoul, à propos du par-
tage du produit des bruyères récemment défrichées, un
accord fut conclu, au mois d'octobre 1268, entre le duc,
Arnoul et le chapitre, qui se partagèrent ce produit par
(1) Voir Annexes, n» IX.
(376)
tiers, en se garantissant la perception des cens dus par
ceux qui viendraient habiter et exploiter ces bruyères (i).
L'entrée d'Arnoul dans l'ordre du Temple, entrée qui
eut lieu vers ce temps, ne fut pas une disgrâce, car il resta
en relations étroites avec la famille ducale (2). Il eut pour
successeur son frère Godefroid, seigneur de Perck. Quant
à son second frère, Gérard, il s'était déjà réconcilié avec le
chapitre de Saint-Barthélémy, de Liège, au sujet des actes
de violence commis par lui à Lincent (5).
Nivelles, la seule ville où une véritable agitation s'était
manifestée pendant la régence d'Aleyde, regagna insen-
siblement ses franchises, grâce à Fappui que Jean I" lui
accorda, à l'exemple de ses prédécesseurs. La nouvelle
abbesse, Isabelle de Bierbais, vécut peu en harmonie avec
ses chanoinesses, dont l'humeur procédurière ne fut jamais
aussi ardente qu'à cette époque; elle semble s'être mieux
entendue avec la bourgeoisie, à laquelle elle donna quit-
tance, en septembre 1275, de soixante des 100 livres qui
lui étaient dues pour la fondation d'une chapellenie, en
vertu d'une clause de la convention imposée à la ville huit
années auparavant (4).
Marguerite de Constantinople entretint pendant toute sa
vie d'étroites relations avec les ducs de Brabant. Son bien-
aimé lils Guillaume de Dampierre avait été le beau-frère
et l'ami de Henri III ; lorsque Jean I" devint veuf, ce fut
à la postérité de Guy, autre fils de Marguerite, qu'il de-
manda une seconde femme. Elle s'appelait Marguerite
(1) Voyez V Histoire des environs de Bruxelles, t. ï, p. 401.
(2) Voyez mon Mémoire sur le duc Jean I", pp. S7, 39 et 84.
(3) Voyez plus haut, § H.
(4) AMNEXES,n''X.
( -"î?? )
comme son aïeule. Elle et Jean vécurent ensemble douze
années, du mois d'août 1275 au o juillet 1285, date de la
mort de la duchesse, qui paraît avoir joui du douaire pré-
cédemment assigné à Marguerite de France. On liquida à
cette occasion les arriérés du douaire de Béatrix, veuve de
Guillaume de Dampierre, arriérés qui s'élevaient à 5,512
livres en 1268(1).
Deux grands événements qui se produisirent l'année
même du second mariage de Jean I" : la mort de sa mère
Aleyde et l'élévation au trône impérial de Rodolphe de
Habsbourg, apportèrent de notables changements dans la
position de notre duc. La duchesse Aleyde avait exercé de
fait une autorité qui vint alors à cesser et, d'autre part, on
vil se renouer, bien affaiblis il est vrai, les liens qui ratta-
chaient le Brabant à l'empire.
A partir de ce moment, les efforts pour une pacification
générale se multiplient et se développent. Jean 1" fortifie
la petite ville de Thiel, au nord de la Meuse, mais il termine
ses différends avec la Gueldre , qui sont soumis au juge-
ment de six arbitres choisis de commun accord (2). L'en-
tente avec la Hollande est affermie par une déclaration du
bailli Nicolas de Subburch, qui déclare recevoir sous son
sauf-conduit les Brabançons venus en Hollande (o). L'ar-
chevêque de Cologne, Sifroi, alors ami du Brabant comme
l'avait été Engelbert de Fauquemont, son prédécesseur,
demande à Jean 1" d'interposer sa médiation entre lui et
le comte de Juliers, et de plus, sollicite les villes du duché,
et principalement Louvain et Bruxelles, d'appuyer ses
(1) Annexes, n" XI.
(2) En 1274. Voyez Annexes, n« XII.
(3) En 1275. Voyez Ibidem, n° XIII.
( 578 )
efforts dans ce but (1). Partout les villes échangent entre
elles des promesses d'appui contre le soulèvement des
gens du métier et surtout des tisserands et des foulons;
sur tous les points du cours de la Meuse et du Rhin les
grandes cités renouent les rapports étroits qui entrete-
naient l'amitié entre elles avant le fatal interrègne dont
on venait de sortir.
Un seul peuple, le peuple liégeois, reste livré à la fois
aux discordes intérieures et à la guerre étrangère. Après
une réconciliation de peu de durée entre Jean I" et son
parent, l'évêque de Liège Henri de Gueldre (2), le bon
accord cessa, et le duc, profitant du soulèvement des
villes du pays de Liège contre le prélat, se fit recon-
naître avoué de la ville de Saint-Lambert, le 26 no-
vembre 1270. Les deux princes reprirent les armes l'un
contre l'autre, en 1273, pour les déposer bientôt, à la
nouvelle de la mort de la duchesse Aleyde. Enfin, après
que Henri eut été déposé par le pape Grégoire X, à cause
de sa conduite désordonnée, éclata la sanglante guerre
de la Vache qui fit tant de victimes et à laquelle le Bra-
bant ne prit, à ce qu'il paraît, qu'une part médiocre.
Nous nous arrêterons ici dans cette esquisse des pre-
mières années du règne du duc Jean P% de ce règne que
la victoire de Woeringen a immortalisé et pendant lequel
le Brabant, à l'exception de quelques localités situées aux
limites du pays, ne connut ni les misères des discordes
intestines, ni le fléau de la guerre étrangère.
(1) Enl277. /6/dm,no XIV.
(2) En 1268. Voyez mon Mémoire déjà cité, p. 37. — Ce fut pour se for-
tifier contre l'hostilité des Liégeois que Jean le»" détermina, d'une manière
plus précise, la nature du fief que le seigneur de Heinsberg tenait de lui.
A?iNEXEs, n" XV.)
(379)
ANNEXES.
I.
Hec sunt hereses que fuerant dampnate contra quosdam
DE AnTVERPIA.
Dicebant quod indulgencie prelatorum non prosunt ani-
raabus.
Item quod infernura non erit post diem judicii.
Item quod nullus polesl dare elemosinam de superfluo.
Item quod nullus dives potest salvari et quod omnis dives
est avarus.
Item quod nullus pauper potest dampnari, sed omnes sal-
vabuntur.
Item quod siraplex fornicatio non est peccatum, viventi
in paupertate.
Item quod nullus potest excommunicari vel excoramu-
nicare.
Item quod nullus potest salvari cum duplici veste ejusdem
generis.
Item quod sacerdos existens in mortali non potest conficere,
nec absolvere aut ligare.
Item quod non sunt nisi tria peccata mortalia : invidia,
avaricia et prodigalitas indiscreta et cognoseere uxorem suam
irapregnatam.
Item quod licitum est auferre divitibus et dare pauperibus.
Item quod invitans divitem ad convivium peccat mortaliter
et invita tus.
Item quod inobedientia non est peccatum, dum tamen
nesciat prelatus.
( 380 )
Item quod quilibet sacerdos potest absolvere de quolibet
peccato, sicut episcopus.
Item quod nullus potest sacerdoti auferre potestatem ab-
solvendi.
Item quod nullum sit peccatum quod dicitur peccatum
contra naturam.
Item quod nullus vir non potest cognoscere uxorem , nisi
ter in ebdomada.
Item quod omnimodo veritas sacre scripture non est aperta
et quod omniraoda veritas non predicatur.
Item quod melius est accipere corpus Christi semel in anno,
etiam in mortali, quod non accipere.
Item quod quanto aliquis est in altiori gradu ordinis, tanto
plus débet esse pauper.
Item quod bene et sine peccato potest mulier se prestare .
si sit indigens et pauper.
MS. de la Bibliothèque nationale de Paris,
n» 13,954. f«263 v.
II.
Jean, duc de Brahant , approuve l'acte par lequel sa mère et
Henri, son frère, jadis duc, avaient consenti à la cession
d'un fief à l'abbaye de la Ramée.
28 avril 1272.
Nos Johannes, Dei gratia Lotharingie dux, n(otum facimus)
universis quod nos factum karissime domine nostre et matris
ac d(omini) fratris nostri Henrici, quondam clucis Brabantie,
in eo scilicet quod hoc suum adhibuerint consensum et assen-
sum ut Regaldus et Fredebors de Hanut, uxor ejus, septem
( 581 )
bonuaria feodi jacentia apud Wa(mont conlulerint) in elemo-
sinam domui de Ramcia jiixta omncra formam I(ittcrarum
karissime) domine nostre et matris sigillo sigiliaUirum, quas
vidimus et dictae litterarum laudamus, approbamus,
ratara tenemus et confirmamus presentium (teslimo)nio litte-
rarum, recognoscentes etiam quod defuncto Abraham, qui de
diciis bonis homo fuit feudalis, Henricus de Merbeke, dudum
ballivus Geldoniensis, dicta bona de nobis nomine dicte domus
et mandato requisivit et jure feudali roboravit.
Datum anno Domini M. CC. LXX secundo, dominica ante
Ascensionem.
Original , fort endommagé et présentant des lacunes , dans
le charlrier de la Ramée, aux Archives du royaume.
III.
(CONFIRMACIO DOMINI HeNRICI LeODIENSIS EPISCOPI SUPER DECIMA DE
RoTSLAER.) Confirmation, par l'évêquede Liège, Henri, du
don fait à l'abbaye du Parc-les-Dames de la dime de Rot-
selaer.
22 octobre 1261.
Henricus Dei gracia episcopus Leodiensis universis pré-
sentes lilteras inspecturis salutem in Domino. Cum vir nobilis
Arnoldus, dominus de Rotslar, dictus dapifer Brabantie, divine
pietatis intuitu, ob remedium anime sue suorumque prede-
cessorum, decimam majorera et minutam, quam in territo-
rio et parrochia de Rotslaer cum aliis bonis suis a duce Bra-
bantie in feodum possidebat et habebat,de voluntate nobilis
mulieris Beatricis, uxoris sue, consensu, et rectorum loci
interveniente, monasterio Dominarum de Parcho, Cister-
ciensis ordinis, donatione inter vivos in elemosinam contulit
( 582 )
et dictara decimam in manus iliustris matrone, domine Alei-
dis duxisse Brabantie, tutricis légitime terre predicle, et
suorum liberorum, reportavit ad opus monasterii supradieti,
ducissaque jamdicta, ob remedium anime iliustris viri domini
Henrici magne memorie ducis Brabantie , sui mariti , dona-
tioni predicte suum consensum adhibens et assensum, dictam
decimam monasterio predicto in elemosinan contulit, nomine
suo et suorum liberorum et eam in manus abbatisse dicti loci
reportavit, ab ipsa abbatissa et ejus conventu in perpetuum
ut eorum allodium possidendam, prout in litteris desuper hoc
confeetis vidimus plenius contineri. Nos tam pium dictorum
nobilium propositum atque factum laudantes, ratificantes et
approbantes, decimam predictam monasterio supradicto de
Parcho dominarum approbamus et confirmamus ac perpetuo
incorporamus. In cujus rei lestimonium et evidenciam pré-
sentes litteras sigillo nostro duximus roborandas.
Datumin monasterio Fliderbacensi juxta Lovanium, ordinis
sancti Benedicti, feria tercia ante festum beatorum Symonis et
Jude apostolorum , anno Domini M.CC. sexagesimo primo.
Cartulaire de Pabhaije du Parc-les-Dames , fol. 21.
Il existe une autre charte de l'évêque Henri en faveur du
Parc-les-Dames, du même jour, mais datée de Louvain. En
voici la teneur :
(QUOD POSSUMUS IN CURIAS SEU GRANGIAS DIVINA FACERE CELE-
BRARi.) L'évêque de Liège autorise la communauté du Parc-
les-Dames à faire célébrer l'office divin dans celles de ses
fermes où Tun de ses membres se trouvera.
28 octobre 1261.
Henricus Dci gratia Leodiensis episcopus personis religio-
sis suis dilectis in Christo abbatisse et conventui monasterii de
Parco, Cisterciensis ordinis, salutem in Domino. Monasterium
( 585 )
vestrum dileclione speciali amplectentes ac vobis gratiam
facere intcndentes vobis indulgemus et concedimus ut quan-
docunque abbatissam vestram seu ah'quos de capellanis vel
fratribus vel sororibiis veslris vcl aliquas personas vestri or-
dinis ad curias seu grangias vestras dulci (i) contigerit, pos-
sitis ibidem divina facere celebrari.
Datum Lovanii, in die beatorum Siraonis et Jude apostolo-
rum, anno Domini M.CC. sexagesimo primo.
Ibidem, fol. 16 v".
IV.
Henri, évêqiie de Liège, confirme au couvent de Sainte-Ger-
trude, de Louvain, le 'patronat des églises de Weerde et de
Langdorp, près d'Aerschot.
21 janvier 1266.
Henricus, Dei gratia episcopus Leodiensis, universis ad
quos presens seriptum pervenerit salutem in Domino. Prepo-
sito Sancte Gertrudis in Lovanio et canonicis intelleximus ,
referentibus quod jus patronatus de Werde et de Langhedorp
longo tempore de consuetudine pertinebat ad Renerum
militem dictum Cluet et ad dominum Willelmum militem de
Ponte et Jobannem dictum de Pulchra curia et ad alios laicos
pro portionibus contingentibus eosdem. Dicti vero prepositus
etcanonici, veri religiosi et persone ecclesiastice, obtinuerunt
jus patronatus a predictis laicis b'beraliter eisdem donando,
sed cum dicta donatio valere non debeat nisi consensu nostro
accedente, a nobis humiliter supplicaverunt ut consensum
(1) Ily a : dulcL
( 384 )
noslrum eidem donationi adhibercmus. Nos attendentes peti-
tionern eorum esse legitimam et honestam, precibus eorum
inclinati, donationi tali adhibemiis assensum.
Datum anno Domini M.CC sexagesimo quinto, in die béate
Agnetis, apud Lovanium.
Char trier de l'abbaye de Samte-Gertrude,
de Louvain.
(Copia bulle Clemeistis pape quarti qui siandat sententiam
EXCOMMUNICATIONIS LATAM PER CAPITULUM LeODIENSEM CONTRA
- DOMINOS ArNOLDUM ET GeRARDUM DE WeSEMALE INVIOLABILITER
OBSERVAHi.) Le pape Clément IV, sur les plaintes du cha-
pitre de Saint-Barthélémy, de Liège, ordonne à Vècolàtre
de Notre-Dame, d'Utrecht, de faire observer strictement la
sentence d'excommunication portée contre sire Arnoul et
sire Gérard de Wesemale.
16 juin 1267.
Clemens episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio sco-
laslico ecclesie Béate Marie Trajectensis, Leodiensis diocesis,
salutem et apostolicam benedictionem. Dilecti filii, decanus et
capitulum ecclesie Sancti Bartbolomei Leodiensis nobis humi-
liter supplicarunt ut excommunicationis sententiam quara
decanus et capitulum ecclesie Leodiensis, prout ad eos de an-
tiqua et approbata et hactenus pacifiée observata consuetudine
perlinet, in Arnoldum et Gerardum, fratres de Wesemale,
Leodiensis diocesis, pro eo quod ipsi predictos decanum et
capitulum Sancti Bartbolomei quibusdam decimis, redditibus
et rébus aliis contra justiciam spoliarunt, et ab eis moniti
diligenter décimas, redditus et res hujusmodi dilectis decano
et capitulo Sancti Barlholomei restituere contumaciter dene-
garent, cum hoc csset ita notorium quod nuUa posset tergi-
( 58S )
versatione celari, quo circa discrétion! Luc pcr apostolica
scripta mandanius, qualenus scntcntiam ipsam,sicut rationa-
biliter est prolata, facias auctoritatc nostra usque ad satis-
factionem condignam, appellationc reinota, inviolabiliter
observari.
Datum Viterbii, XVÏ kalcnd. julii, pontificatus nostri anno
tercio.
Registres iioirs de la Chambre des comptes,
t. III, fol 24, aux Archives du royaume. —
Tous les actes relatifs à la conlestalion au
sujet du village de Lincent sont en copie
dans ce registre.
VI.
(CONFEDERATIO INTER AlEYDEM, DUCISSAM BrABANTIE, ET COMITEM
Clevensem.) Traité d'alliance conclu entre Aleyde, duchesse
de Brabant, et la comtesse de Clèves.
18 novembre 1266.
Nos Aleidis, ducissa Lotharingie et Brabancie, notum faci-
mus universis présentes litteras visuris, quod nos ab bac die
in antea usqiie ad Pascha proximum venturum et ab eodem
Pascba per quatuor annos immédiate continue subséquentes
promittimus data fide quod nos nobili viro Theoderico, comiti
Clivensi, contra quoscunque, Romano imperio excepto, assis-
temus et eumdem potenter juvabimur et patenter, nos ad hoc
tenore presentium oWigantes, tali apposita conditione quod
si qui hominum terras ipsius comitis hostiliter intrare volue-
rint et idem cornes nos per suas litteras requisierit ut eosdem,
ne terras suas hostiliter seu violenter intrent, impediamus, nos
bona fide pro posse nostro hujusmodi suos adversarios stude-
2"^ SÉRIE, TOME XL. 25
( 386 )
bimusimpedire, terras eorum,si necesse fuerit, hosliliter inva-
dendo. Et si prêter ipso ipse cornes pro defensione terrarum
suarum vel alias ad nocendum suis adversariis, ipsum vel terras
suas impugnare volentibus, nos duxerit requirendum ut homi-
nes nostros in suura miltamus auxilium, nos infra très septi-
manas post raonitionem suara transmittemus eidem in nostris
expensis centura équités cum arrais, tara milites qiiam filios
militum, sibi quamdiu necesse habuerit auxilium prestituros,
hoc adjecto quod si iidera homines nostri in aliqiio conflictu
vel alias in suo auxilio constituti, dampnum aliquod sustinue-
rint vel captivati fuerint, ipse comes non tenebitur dampnum
aliquod nobis aut ipsis nostris horainibus restaurare vel ipsos
ab hujusraodi captivitate liberare. Si vero dicli homines nos-
tri aliquem vel aliquos de adversariis ipsius comitis caplivave-
rint, solis capitaneis exceplis, de illis captivis nostram facient
voluntatem, hoc eliara adjecto quod si diclus comes homines
nostros ultra Renum fluvium duxerit transducendos, extunc
eis in victualibus providebit. Promittimus etiam data fide quod
si aliquod castrum seu munitio ipsius comitis ab adversariis
suis circumdata fuerit vel obsessa, nos ad obsessionem hujus-
raodi propulsandara et defendendara, eidera pro posse nostro
potenter et patenter consilium et auxilium impendemus. Pro-
mittimus etiam quod si qui fidèles ipsius comitis occasione
quod eidem contra nostros astiterint adversarios, iniraicias
incurrerent vel offensas aliquorura, nos eisdera ad defensio-
nera suara efficacitcr assisteraus. Promittimus etiam quod sine
ipso comité et fidelibus suis predictis, nobis cum eo auxilium
prestantibus, nullam cum adversariis ipsorum pacem seu con-
eordiam inibimus aut faciemus, ad hoc fide data nos simi-
liter obligaïUcs. Et ut predictam confederationem seu prorais-
sionera firmius observemus, rogavinius dilectum fratrem
nostrum Henricura, lantgravium Thuringie et dominum Has-
sie, et viros nobiles, fidèles nostros, Walterum, dominum de
Aicnghom ; Walterum Bertolt, dominum Machliniensem;
( 387 )
Henricuiîi, fratrem ejus; Henricuni de Asca, milites; Arnol-
diim, dominum de Rodchelaer; Arnoldum, dominum de Wese-
inale; Arnoldum, dominum de Walehayn, et Ilenricum, domi-
num de Bautershem, ut se per fidei dationcm ad hoc obligent
ut ad observationem omnium premissorum idem frater noster
nobis assistât, et predicti horaines et fidèles nostri monilioni-
bus, exhortationibus etconsiliis nos inducant, et nos Henricus,
Jantgravius predictus, pro dicta domina nostra ducissa ac ejus
liberis, fidedata promittimus eidem domine nostre ducisse ad
observationem predictorum assistere et eam efficaciter adju-
vare. Et nos quoque Walterus, dominus de Aiengbem, Walte-
rus Bertolt, Henricus frater ejus, Henricus de Asca, Arnoldus
de Rodchelaer, Arnoldus de Wesemale, Arnoldus de Walchem
atque Henricus, dominus de Bautershem, predicti, rogati a
domina nostra ducissa predicta, fide data promittimus et ad
hoc nos obligamus quod prediclam dominam nostram ducis-
sam ad observationem omnium premissorum pro posse nostro
monitionibus, exhortationibus et conciliis nostris inducemus.
In cujus rei testimonium nos Aleidis, ducissa predicta; Henri-
cus, lantgravius Thuringie; Walterus , dominus de Aienghem;
Walterus Bertolt, Henricus frater ejus, Henricus de Asca,
Arnoldus, dominus de Rodchelaer; Arnoldus de Wesemale,
Arnoldus, dominus de Walehem, atque Henricus, dominus
de Bautershem, predicti, sigilla nostra presentibus litteris duxi-
mus apponenda.
Dalum anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo
sexto, in octavis beati Martini hyemalis.
Cariulaire de Brabant B, fol 47.
( 588 )
VII.
(LiTTERE JOHANNIS, DUClS LOTHARINGIE ET BrABANTIE, DE CONFEDE-
RATIONIBUS CUM DOMINO REGE LuDOVlCO RATIONE MATRIMONII.)
JeaUj duc de Brabanl , ù l'occasion de son mariage avec
Marguerite de France, promet amitié et appui au roi de
France et à sa famille.
Février 1269-1270.
Universis présentes litteras inspecturis Johannes, dux Lotha-
ringie et Brebancie, saliitem. Cum nos indicat affectio quam
liabemus erga excellenlem dorainuni Ludovicum, regem Fran-
cie illustrem, per contractum matrimonium initum inter nos
et Margaretam , filiam régis ejusdem, ut ipsiim regem, here-
dem suum regem Francie , filios et fratres ipsius favore et
amore specialissimo amplectiamur, concedimus, promittimus
et ad hoc nos specialiter obligamus quod si eis opus fuerit, in
nobis et nostris et terra nostra favorem invenient et araorem
et quod cis non inferemus nec inferri sustinebimus per nos
vel homines nostros morantes in terra nostra violenciara, rao-
lestiam vel gravamen aliquod quoquomodo, salva tamen fide-
litate illorum, quibus fidelitatem vel homagium, racione hcre-
ditatis nostre, tenemur de jure facere et debemus, nec cum
inimicis eorum contra eos confederationem aliquam faciemus.
In cujus rei tcstimonium nostrum sigillum presentibus litteris
duximus apponendum.
Actum Parisius.anno Domini millesimoCC.LX'"'' nono, raense
februario.
Trésor des chartes, aux Archives nationales
de Paris, carlon coté J. 323, n» 4.
( 389 )
VIII.
(LiTTERE DUCIS BhABANTlE DE DOTE MaUGARETE FILIE REGIS LuDO-
vici.) Le duc Jean I'"' ratifie l'assignation de 6,000 livrées
de terres qui avait été faite à sa fiancée, .Marguerite de
France, pour lui servir de douaire.
6 septembre 1270.
Nos Jehans, par le gratie de Deu, dus de Braibant et de Lo-
iherike, faisons savoir à tos cels ki sunt et ki à venir sunt ki
cesle présente chartre verront et orront que nos, par les co-
venances del mariage fait entre nos et haute dame noble, Mar-
gerite, fille au très haut roi de France, avons doné, otroié et
assené à la devant dite Margerile, en non de doaire, sis mil
livrées de terre par an au tornois, assises en Braibant. C'est à
savoir en le Wre et à Yske et es appartenances et as plus pro-
chains de ces deux viles, fors mises les franchises de Brosele et
de Lovaing, lesqueles sis mil livrées de terre par an furent
prisiés et esgardés et assises par nobles homes Jehan de Neele,
conte de Pontiu, de Monsteruel et d'Aubemarle, esleut de par
le roi de France por Margerite, se fille devant nomée, et VVa-
tier Berthaut, segnor de Maslines, por nos, liquel firent lor
prisie et lor assise del doaire devant dit en tel manière :
Premièrement il prisièrent et assisent par loïal pris de terre
et par loïal esgart à Margerite, notre feme devant nomée, por
son doaire, le Vure et les apartenances, Yske et les aparte-
nances, le baillie de Brosele, hors mise le francise de Brosele
et de Lovaing, et li ont assise le baillie d'Yske et partie de le
baillie de Lovaing, desqueles bailliez devant dites les viles sunt
nomées en après. Li non des viles sunt tel : Duzeborch (i),
(1) Duysbourg près de Ter-Vueren.
( 390 )
Moersloe (1), Zaventhines (2), Starbeke (5), Ophein (4), Cort-
beke (5), Basse-Yske (6), la Helpe (7), Holeir (8), Voshem (9),
Levedale ( \ 0), Cortenberghe, Erpse, Campenhout, Berghen (H ) ,
Ockensele (12), Bulchen (15), Berghen (14), Winckensele (15),
Veltliem, Herenlh, Thieldonch, Benswiec (1 6), Nossenghem ( 1 7),
Rennemberghe, Welewe (18), Didenghem (19), Haren (20),
Machle (21), Haert (22j, Rimelghem (25), Welewe (24),
(1) Moorseloo, hameau sous Ter-Vueren et Leefdael.
(2) Saveulhem.
(3) Sleriebeek.
(4) Ophem, hameau à W'esembeek.
(5) Corbeek-Djle.
(6) Neer-Yssche.
(7) La Hulpe.
(8) Hoeylaerl.
(9) Vossem.
(10) Leefdael.
(11) Bergh près de Campenhout.
(1:2) Neder-Ockerzeel. Sleen-Ockerzeel était alors un domaine du cha-
pitre de SaiDt-Rombaud,de Malines, et des Berlhout.
(13) Bullesom, hameau sous Bergh.
(14) C'est probablement une répétition du nom déjà cité.
(lo) Winxel près de Louvain.
(16) Binswyck, localité voisine de la même ville et qui dépendait de la
paroisse de Wilseie.
(17) Nosseghem près de Saventhem.
(18) Woluwe. A en juger par les lieux qui précèdent et qui suivent, ce
doit être Woluwe-Saint-Étienne.
(19) Dieghem.
(20) Haeren.
(21) Machelen-Sainle-Gerlrude.
(22) Peut-être Ham, sous Steen-Ockerzeel.
(23) Le nom de Rymelghem était porté par un grand moulin situé à
Woluwe-SaintÉtienne; il fut longtemps possédé par les habitants d'Erps,
qui le tenaient à cens du domaine.
(24) Ce Woluwe est sans doute Woluwe-Saint-Pierre.
( 391 )
Stocle (1), Watremale (2), Bochcfort (3), Oderghem (4),
Ophem (5), Yetterbeke (G), Elchere (7), Scaircnbeke (8),
Noude (9), Opbrosele (10), Uccle, Nederdorncpc (H), Eise-
ghem (12), Essele (15), Lake (14), Anderlecht, Ganshoren,
Ossenhem (l5),Carnevelt (16^ Wammele (17), Mcrchsten (18),
Slrombeke, labié de Hafllengbem (19), Aske (20), Liesele, Stie-
nufle(21), Maire (22), la Chapele S.-Nicbolai (23),Wolverthem,
(1) Stockel, hameau à Wolume-Saint-Plerre.
(2) Watermael.
(3) Boitsfort, qui forme aujourd'hui une seule commune avec Water-
mael.
(A) Auderghem.
(5) Encore un Ophem. Serait-ce le hameau de ce nom qui se trouvait
entre Saint-Josse-Teu-Noode et Schaerbeek? Voyez V Histoire des envi-
rons de Bruxelles, t. III, p. 32. Est-ce une simple répétition de VOphem
sous Wesembeek , déjà cité.
(6) Etterbeek.
(7) Il faut évidemment lire Elsene, Ixelles.
(8) Schaerbeek.
(9) Saint-Josse-Ten-Noode.
(10) Op-Brussel ou Saint-Gilles.
(11) Neerdorp, hameau à Tourneppe.
(12) Eysinghen, partie delà commune de Biiysinghen.
(13) Essele, à Tourneppe.
(.14) Laeken.
(15) Osseghem, hameau à Laeken.
(16) Careveli, ferme à Molenbeek-Saint-Jean.
(17) Wemmel.
(18) Merchten.
(19) La grande abbaye d'AfiQIghem , à la limite de la Flandre.
(20) Assche.
(21) Steenhufifel.
(22) Malderen.
(25) Capelle-au-Bois, dont Péglise est dédiée à saint Nicolas.
( 592 )
Ophem (1), Copenghem (^), Bettenghem (3), Rekensele (4),
Zemse {^), Wierde (6) et Sordonch (7).
C'est à savoir que les viles devant nomées valent de rentes
en deniers, en menus bos, en vignes (8), en aiguës (9), en
prés, en forfais (10), en reliés (M), en vendages de terres (12),
en chapons, en blés, en avaines, chascun an trois mil livrées
et trois cens livrées de tornois. Après il ont prisié et assis à le
devant dite Margerite, pour deus mil et siet cens livrées de
terre par an au tournois deus mile et siet cens boniers de bos
en notre forest de Soigne, au plus près de le Vure,en quanque
nos avons de bos entre Duseborch et le voie ki va de Holers à
Brosele, hors dou parc, liquels bos vaut en surame, par loïal
mesure, deus mile quatre cens et cincquante boniers de bos,
etpor parfaire le summe de son doaire, il li ont assis dedens
le parc, au plus près de le Vure, deus cens et cincquante
(1) Ophem près de Brusseghem.
(2) Cobbeghem.
(3) Beiteghem, grande ferme à Cobbeghem, qui appartenait à Tabbaye
deSaint-Bavon, de Gand.
(4) Beckerzeel,
(5) Sempst.
(6) Weerde près de Sempst.
(7) Sordonck, ferme située à Hombeek près de Malines et dont nous
avons eu occasion de parler dans notre travail sur le duc Henri III.
(8) Nouvelle preuve qu'aux environs de Bruxelles il y avait alors d'im-
portants vignobles.
(9) C'est-à-dire eaux : étangs, pêcheries.
(10) Forfais ou amendes de justice.
(11) Reliefs, droit de mutation perçu sur les 6efs.
(12) 11 se prélevait, au moyen âge, sous le nom de droit de congé, un
véritable droit de mutation consistant en un dixième ou un vingtième de
la valeur du bien vendu ou hypothéqué; ce droit se percevait au profit
du seigneur de l'endroit.
( 393 )
boniersdebos, mesurés et bonnes (1) en tel manière: li uns des
bonnes (2) est assis à Putdalc, devers le Vure, li antres est assis
sor le voie dou Moulin, li tiers est assis à Chabolfontninne, li
quars est assis à le kiewe dou vivier, li cincimes est assis en le
voie ki soloit aler d'iske à Brosele, li sissimes est assis h le taille
del Goulich, li sietimes est assis en celé taille meismes h quatre
boniers près, li wilimes fu assis dencosle le palich, sor le vies
foss^t del Parc. Les bonnes devant dites firent li devant dit
priseur asseoir devant els en lor présence et par devant bonc
gent. Là furent présent mesire Henris de Ricxentsart (3), me-
sire Willaumes de Liere, chevalier; mesire Pieres de Loher-
raine, chapelains le conte devant nommet; Nicholes de la
Pierre, maistres Jehans de l'Arche, adonc venderes de nos
bos; Jehans de Beudenghen, Jehans Pipeken , eschevins de le
Vure; Jehans de Welewe, Henris d'Yske li clers, Nicholes
d'Ouden, Ernols de Lakeborne, Schavars, Jehans Dantonnai,
mesureur; Amelric la Purpre, Gilles, ses frères; Jehans de
Toulete, canonies d'Abeville, et Jehans, clers monsegneur
Pierron.
Et est asavoir que li priseur devant dit ont prisiet en lor
assise et lor prissie del doaire devant dit, chascun mui de blé
XII s(ous) de Lovegnois, au mui de Lovaing; chascun mui
d'avainne, au mui de Lovaing, cinq s. de Lovegnois; chascun
chapon sis deniers Lovegnois, chascun bonier de bos de le
forest de Sogne vint s. de Tornois, chascun boniers des viviers
trente s. de Lovegnois. Après li devant dit priseur ont dit en
lor prissie et le volons ensi et ottroions que la devant dite
(1) C'est-à-dire abornés.
(2) Ou bornes.
(3) Henri de Rixensart, chevalier, fut l'un des plus fidèles vassaux de
Jean l*»-, à la suite de qui il mourut, en 1283, pendant une campagne
tentée par le roi de France dans le royaume d'Aragon.
( 394 )
Margcrite, notre fcme, aura en toutes les viles, en tos les bos et
en tos les lius devant nomée totes justices hautes et basses et
totes segnories, autretans que nos aviens au jor que nos Tes-
pousaraes. Et porra faire la devant dite Margerite, par le dit
et par l'assise des présentes, et par notre assentement, quite-
raent et en pais, tolc se vie, son porfit et se volentet de tos les
bos en la forest de Sogne et dehors, si cum il sunt devant nomé
et de totela terre qu'il li ont assise pour son doaire, s'il ave-
noit que li doaires li escheist. Et doit la devant dite Margerite,
par le dit et par l'esgart des priseurs devant només, retenir et
sostenir le chastiel de le Vure et les maisons de son doaire, as
us et as costumes du pais. Et doit avoir tos les homages dont
li fief et les tenances sont asis dedens son doaire, par tos les
lius, les viles et les baillies devant dites, ne ne puet le devant
dite Margerite bos essarter, ne faire paistre bestes en bos de-
saagie. Toutes ces choses si comme eles sunt desus escriles, nos
les avons en covent à tenir fermement à le devant dite Marge-
rite et à garantir tote sa vie et nos obligons à ce tôt plainne-
ment et nos oirs ausi,ki après nos venront. Et por ce que totes
ces choses demorent fermes et estables et que nous ci après ne
puissiesmes encontre aler, par nos ne par autrui, ne autres
après nos, si avons nos ceste présente chartre saielée de no
propre saiel, ki fu faite et donëe à le Vure, en Tan del incar-
nation Nostre Scgnor mil CC et sissante dis, le semedi devant
le Nalivitet Notre Dame , el mois de septembre.
Original, muni du sceau du duc, où Jean I"
est vêtu en damoisel. Ibidem , 1. c. n" S*.
( 395 )
IX.
QUALITER DUX BrABANTIE PROMISIT IRE IN TeRRAM SANCTAM CUW
(rege Philippo.) Le duc Jean P'' s'engage, envers le roi de
France, à l'accompagner à la Terre Sainte.
8 septembre 1274.
NousJehans, dus de Brabant et de Loherreine, fesons à
savoir à tous ceus qui sont et qui seront, que nous nous obli-
gons et prometons, par le foi de notre cors, que nous avons
bailliée sur ce, que nous irons avec notre très-haut seigneur,
Phelippe, par la grâce de Dieu noble roi de France, en sa com-
paignie, es parties de la Sainte Terre d'Outremer, se il avient
que il i aille, en tele manière que se il avient par aucun em-
peechement que il ni puisse aler, ou que il ni voist pas, nous
ne voulons estre tenuz ne obligiez en aucune manière par
ceste promesse d'aler es parties desus dites, se nous ne le vou-
lons fere de notre propre volenté. En tesmoing de la quele
chose nous avons fet mettre notre seel à ces présentes
letres.
Données à Paris en l'an de Nostre Seigneur mil deuz cenz
soixante et quatorze, le feste de la Nativité Notre-Dame.
Original, scellé du sceau du duc. Ibidem, I. c, n» 6.
( 596 )
(Lettres de quittanchez al ville de Nivelle d'une somme d'ar-
gent.) Isabelle, abbesse de Nivelles, donne quittance à la
ville de ce nom de soixante livres qui lui étaient dues pour
la fondation d'une chapellenie.
Septembre 1273.
Nous Ysabiaul, par la grasse de Dieu, abbesse de Nivelle,
et le capilles mimes liu , à tous chiaus ki cest lettre veront et
oront salus et cognoistre veriteit. Nos faisons savoir à tos que
nous avons recbuit à le ville de Nivelle LX libres de Lovignois,
de cent libres que li ville de Nivelle devant ditte devoiet, por
faire une cappellerie en l'église de Nivelle, ke li ville eut en
couvent à payer quant om fist pais de débat qui fut entre me
damme Odain, jadis abbesse de Nivelle, et les bourgois de
Nivelle de le commugne. Et nos avons en couvent que se nuls
de bourgois de Nivelle avoet paene ou damage por le paement
des LX libres devant dittes, ki a nos est fais, nos les en deli-
vercriens en quitte pais, et ke nos les renderons por acbateir
rente aous le cappellerie devant dilte. En tesmonage de laqueil
chose, nos en avons donées nos letres saeellées de nos saias, à
le ville devant dilte.
Che fut fait en l'an del incarnation Jhesu-Crist M.CC. et
LXXIII, ou moes de septembre.
Cartulaire du chapitre de Nivelles , f» 266.
( 397 )
XI.
Jean, duc de Brabant, s'engage à payer, à quatre termes
qu'il détermine, la somme de 3,512 livres de Flandre, qui
étaient encore dues à Marguerite , comtesse de Flandre et
de Hainaut, comme arrérages de la dot de Béatrix , dame
de Cour tr ai.
20 novembre 4268.
Joo Jehans, dus de Brebant, fais à savoir à tous ke comme
le convenance du mariage ki fu fais entre noble homme Guil-
laume, jadis conte de Flandres, et ma chiere anle madame Béa-
trix, dame de Courtray, remaignent encore à paier à noble
dame, madame Margheriete , contesse de Flandres et de Hay-
naut, en tout trois mil et chine cens et douze libres de le
monnoie de Flandres a boen conte à venir, li queil denier de
ce mariage estoient deviseit et assenei à payer à li contesse
devant dite de ces trois mil et chine cens et douze livres, ai
en couvent et promis et promet à rendre et à paier à le de-
vant dite contesse ou à son certain commant, comme ma
propre dette, à Gant ou à Alost, as termines ci-après nommés.
Ce est à savoir la première quarte partie de la devant dite
somme à che prochain Noeil, la seconde à la Nativiteit Saint-
Jehan-Bapliste prochainement suiwant après, la tierche à
Noeil suiwant après et la daraine quarte partie à la Nativiteit
Sain-Jehan-Bapliste suiwant, ki sera en l'an del Incarnation
mil deus cens sissante et dys, et se il avenoit que je fuisse en
defTaute de payer aucun de ces paiemens à termines ki num-
meit sunt et le contesse devant dite en a voit cous , ne damage,
ne fcist empruns ou despens pour chose dou jours de paiement
seroit passées, je li ai en couvent et promet ke je li renderai
tout entièrement à son plaint dit, sans à autre provanche et
( 398 )
sans li somme dou paiement ou des paiemens dont je seroie
defaillans a amenri. Et de che tenir, si comme dit est, met je
tous mes biens meubles et non meubles, ke jou ai et aurai en
son abandon, ke elle les puist prendre et faire prendre et
saisier et vendre et despendre en mon boen conduit sens
meffaire, tant ke ele soit plainement payé de la devant dite
somme à boen conte à venir et de cous, de damages et de
despens, se il istoient si avant ke deviseit est.
En tesmoignage de che lettres ki furent faites et douées
en l'an del incarnation Nostre Signeur mil et deus cens et
sissante et wyt , le lundi après les octaves Saint-Martyn
hyeraale.
Cartulaire du Brabant ci lé, fol. 85 v.
XII.
Renaud j comte de Gueldre, promet de faire exécuter la sen-
tence qui sera rendue entre le duc de Brabant et les per-
sonnes accusées de la mort du chevalier René de Hese.
1d avril 1274.
Nos Raynaldus, cornes Gelrie, notum facimus universis
présentes litteras inspecturis, quod nos illustri principi Jo-
hanni, Dei gratia duci Lotharingie et Brabantie et consan-
guineo nostro karissimo, promittimus per présentes quod si
nobilis vir Arnoldus de Wilre, miles, et sui consanguinei et in
terra nostra commorantes recusaverint comparare in festo
beati Jacobi apostoli nunc instante apud Rode Sancte Ode (1),
(1) Sinl-Odenrode , près de Bois-le-Duc.
( 399 )
ubi ad dictuni dicm dictus dominus dux prefixit eisdcm diem,
qiiod de quercla niortis Rciieri de IIcsc, militis , proponant
quod voluerint, ubi ctiam dictus dominus dux pcr se vcl per
alium ad proposita respondcrit, et si volucrit acquiescere sen-
tenciali pronunciationi , quani aliquis nobilium Iiominuin
dicli domini ducis, cui pronuncialionem liujusniodi super pro-
positis et responsis sub debilo prestite fidelitatis comnïiserit
faciendam, vel si forte magis elegerit stare dictis aut ordina-
tionibus Walteri Bertaulb, domini Mechliniensis; Henrici,
domini de Bautersheim ; domini Roberti de Hoesden , Wil-
lelmi, domini de Bronehorst; Gerardi, domini de Batenborch,
et Willelmi, domini de Hernen(l), qui inter dictum dominum
ducem et nos super causis et querelis quibuslibet sunt ordi-
natores et modéra tores statuti, et eorura ordinacioni, quam
sccundum jus inter predictos dominum ducem et Albertum
et suos consanguineos declarabunt parère noiuerint {sic) y nos
extunc dominum Albertum, Jacobum consanguineum suum et
Theodericum de Lente, complices ipsius Alberti, diffîdaviraus
eteos extra terram nostram et nostrum dominium repellemus,
bonis eorum eos privabimus et eadem bona ipso domino nostro
duci vel ei, cui ipse mandaverit, assignabimus et in posses-
sione ipsorum honorum eum tamquam dominus tuebimur et
defendemus. In eujus rei testimonium présentes litteras eidem
domino nostro duci dedimus sigillo nostro munimine robo-
ratas.
Datum anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo
quarto, in dominica qua cantatur Misericordia Domini, apud
Buscum ducis.
Cartuîaire de Brabant cité, fol. 83 v».
(1) Herpen?
( 400 )
XIII.
Nicolas de Suhburch, halli de la Ziiyd-Holland de concert
avec le chevalier Nicolas de Cats , accorde \in sanf'-conduit
aux Brabançons pour venir en Holland.
5 décembre 1275.
Universis presentia visuris Nicholaus de Subburch, ballivus
Zuethollandie, salutem cum noticiam verilalis.NoUim facimus
universis présentes litleras visuris quod nos de pannitione
et discordia habita hue usque inter bomines domini ducis
Branbantic(l), ex una parte, et liomines domini nostri comitis
HoUandie, ex altéra, scilicet de hominibus de HoUandia, de
consilio hominorum dicti domini nostri comitis et precipue
domini Nycbolai de Catse, militis, ae mandati, cum nobili viro
domino Egidio dicto Bertoldo, de aliis hominibus domini
ducis talem de dictis discordiis et panniciis fecimus ordina-
tionem, scilicet quod nos recipimus ex parte domini ducis
comitis et nostra in noslro conductu omnes homines terre
Brabantie in terram Hollandie venientes ac commorantes, re-
deuntes et excientes pro sue libito voluntatis, usque ad festum
beati Johannis Baptiste proximo venturum, et nos predictos
homines Brabantie de nobis et hominibus domini nostri comi-
tis usque ad diem predictum, de omnibus pandiciis assecura-
vimus et nos Nycholaus miles dictus de Catse predictum con-
ductum ratificamus et sicut est suprascriptum observari facie-
mus. In cujus rei teslimonium nos Nycholaus de Catse predictus
miles et nos Nycholaus de Subburgh predictus présentes litte-
(i) Pour Brabantie.
( 401 )
ras sigillonostroduximus roborandas.Supcrscriplura Brabantis
approbamus.
Datum anno Domini millcsimo ducentcsimo septuagcsimo
(juinlo, in vigilia beati Nycholai.
Cartulaire de Brabant cité, fo!. 86.
XIV.
Sifridj archevêque de Cologne, prie les juges, les échevins,
les consuls [oit jurés) et tous les bourgeois de Louvain, de
Bruxelles et des autres villes du Brabant, d'insister auprès
du duc Jean pour la conclusion de la paix avec le comte de
Juliers.
23 février 1277?
Sifridus, Dei gratia Coloniensis ecclesie archiepiscopus, Sacri
Imperii per Ytaliara archicancellarius, judicibus, scabinis, con-
sulis et universis burgensibus Lovaniensis, Bruxellensis ac
aliorum oppidorum Brabantie salutem et sincerum affectum.
Inter alias soUicitudines nostras quibus fréquenter premimiir,
illa specialiter insidet cordi nostro et augit mentein nostram
qualiter vobis aliisque mercaloribus tranquillitatem procure-
mus et pacem,statumqiie patrie qui nimis heu inequalisfuitet
lurbidus, facientibus hoc lalruncuhs et predonibus in villis
latenlibuset in castris,adequaHtatemdebitamdeducamus. Sed
conlra hoc insurgit nobilis vir cornes Juliacensis, hujusmodi
predonum et latronura publicus defensator, nos et ecclesiam
nostram Coloniensem incendiis devastans et rapinis, in hoc
non parceris(l)ordini, sexuiveletati, et quod abomnihumana
(1) Lisez : parciens.
2*"* SÉRIE, TOME XL. 26
( 402 )
ratione prorsus est alienum, munasterium ordinisCysterciensis
hostilileraggreditur, viclu quamquam tenui spoliât et permit-
tit depredari. Porro nos ad counnicendam(l)ejus maliciam ex-
hibuimus quod magnifico viro, domino Brabantie, committere
velleraiis causam nostram, qui quidem dux, tamquam preci-
puus inter alios terre principes magnalos, boni status zelator et
pacis, nuncios suos sollertos, fratrem Wulfardum et nobilem
virum, dominum de Baltersbem, propter hoc ad partes nostras
deslinavit, ut eis mediantibus aliqua posset intervenire pax in-
ter nos etcomitera rnemoratum. Et licet super hoc prudenter
laborarentur, quamquem a nobis haberent potestatera omnia
prout ipsis visum fuissent expediens complanandi, dictus co-
rnes adaliquam pacem se flectere curavit. Universilatem igitur
vestram rogamus quatinus ipsi domini duci grates ex parte
nostra, iramo et nostro, referre velitispro eo quod jam sincère
interponere noluit (2) partes suos, cujus adhuc beneplacitis
et ordinalioni parati sumus stare, scire vos yolentes quod ad
nostra (3) commoda et protectiones semper volumus esse
prompti.
Datum Legonich, VIP kalend. marcii.
Cartulaire de Brahant cité, folio 58.
(1) Pour conviDcendam.
(2) 11 faut évidemment voluit.
(5) Veslra ?
( 403 )
XV.
(Heynsberch.) Thierri , seigneur de Heinsberg, devient le
vassal de Jean, duc de Brabant , pour une rente annuelle
de tOO livres de Louvain, que le duc lui assigne sur le
produit de la halle aux draps de cette ville.
22 juin 1267.
NosTheodericus, dominus de Heynsberghe, notum facimus
universis présentes litteras inspecturis, quod illiistris prin-
ceps Johannes, dux Lotharingie et Brabantie et raarehio Im-
perii, nobis redditus centum librarum Lovaniensium con-
tulit in feodiim et de dictis redditibus nos et nostros heredes,
dominos de Heynsberch , infeudavit, nosque ratione feudi
hujusmodi, nos et nostros heredes, dominos de Heynsberch,
predicto Johanni et ejus heredibus, ducibus Brabantie, ad
homagium astrinximus, servicium et fidelitatem , et cisdem
assistere et servire tenemur et eosdem juvare, qiiemadmo-
dum homo fidelis dominum sunm juvare et eidem assistere
alque servire tenetur. Assignavit autem dictus Johannes nobis
redditus predictos annuatim percipiendos apud Lovanium de
redditibus domus pannorum de ponttol ibidem et clawiren,
tribus in anno terminis : tertiam videlicet partem in festo
Omnium sanctorum et aliam etiam partem ad Pascha, reli-
quam vero terciam partem in festo beatorum Pétri et PauH
apostolorum. Incipiet autem tempus et terminus receptionis
in festo Omnium sanctorum proximo futuro. Poterunt autem
prediclus Johannes et ejus Hber, dominus Brabantie, diclos
redditus redimere et liberare pro mille hbras Lovanienses,
queUbct quinquagenta hbre videhcet pro quingentis liberis (I)
(I) Lisez : libris.
( 404 )
nionete predicte, ita videlicet quod quandocunque quingente
libre Lovanienses nobis vel nostris heredibus fuerint perso-
lute, extunc alie quinquaginla predictariini centum librarum
ad ipsum Johannem vel ejus heredes libère revertentur et
absolute, et sic fiet de reliquis quinquaginla libris. Cum
autem dicta pccunia mille librarum vel quinquagintarum
librarum nobis vel nostris heredibus ab ipso Johanni vel suis
heredibus fuerit pcrsoluta, deponetur eadem pecunia apu4
monasterium Vallis Dei , Cistercicnsis ordinis , Leodiensis
dyocesis, donec de ipsa pecunia bona aliqua ad valorem red-
dituum prediclorum emere poterimus vel comparare, vel de
allodio nostro redditus ad valorem predictam assignare. Et
bona sic empta vel assignata nos vel nostri heredes in manus
Johannis ducis predicti vel qui pro tempore dux fuerit Bra-
bantie, reportabimus et ab ipsis ea in feodum recipiemus.
Debebit autem feodum hujusmodi integrum semper pênes
dominum de Heynsberch permanere, nec ab eo dividi, vendi
vel aliquatenus alio modo poterit alienari, absque volun-
tatem ducis Brabantie et expresse consensum. In cujus rei
testimonium présentes Htteras sigillo nostro duximus robo-
randum.
Datum anno Domini millesimo CC. LXVIl, feria quarta ante
festum beati Johannis Baptiste.
Carluïaire de Brabant cité, fol. 24.
— M. Charles Piot a donné ensuite lecture de la pre-
mière partie d'une notice intitulée : La diplomatie concer-
nant les affaires maritimes des Pays-Bas vers le milieu du
XVr siècle jusquà la trêve de Vaucelles.
Il continuera cette lecture lors de la prochaine séance,
tixée au lundi 8 novembre.
( 405 )
CLASSE DES BEATX-ARTS.
Séance du H octobre 1815.
M. Alph. Balat, directeur.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MiM. L. Alvin, L. Gallait, G. Geefs,
J. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Ed. De Busscher, Aug.
Payeo, le chevalier LéoQ de Burbure, J. Franck, Gust.
De Mail, Ad. Sirel, Julien Leclercq, Ernest Slingeneyer,
Alex. Bobert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel et A. Pauli,
membres; F. Slappaerts, correspondant.
M. B. Chalon , membre de la classe des lettres , et M. Ch.
Piot, correspondant de la même classe , assistent à la
séance.
COBBESPONDANCE.
M. le Ministre de l'intérieur communique un projet
d'arrêté par lequel le conseil d'administration de l'Acadé-
mie des beaux-arts d'Anvers propose de remplacer l'ar-
rêté royal du 28 février 1865 concernant les copies à
fournir par les lauréats des grands concours, arrêté qui
se trouve virtuellement abrogé par le règlement du 24 mai
dernier portant réorganisation générale des dits concours.
La classe renvoie ces pièces à la commission chargée
( 406 )
de dresser la liste des œuvres d'art à reproduire par les
lauréats pendant leur séjour à l'étranger.
— La classe désigne ensuite MM. Balat, De Man, Payen
et Pauli pour examiner s'il y a lieu d'appliquer au projet
de restauration du temple de Vesta à Tivoli, par M. Diel-
tiens , l'article 17 du nouveau règlement des grands con-
cours.
— M. Chalon, membre de la classe des lettres, fait
hommage d'un exemplaire du discours d'ouverture qu'il a
prononcé comme président, le 4 juillet dernier, à l'assem-
blée générale annuelle de la Société royale de numisma-
tique. 11 offre ensuite, au nom de M. le baron Bernard de
Koehne, associé de l'Académie et directeur du Musée de
l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, une notice intitulée : Le
monete ossidionali cli Brescia, brochure in-8^
La classe vote des remercîments aux auteurs de ces
dons.
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1876.
La classe s'occupe de la formation de son programme
de concours de 1876 pour lequel les deux questions sui-
vantes ont déjà été adoptées l'année dernière pour la partie
littéraire :
PREMIÈRE QUESTION.
Rechercher tes origines de Vécole musicale belge. Dé-
montrer jusqu'à quel point les plus anciens maîtres de
cette école se rattachent aux déchanteurs français et an-
glais du XII% du XIIP et du XIV' siècle.
( 407 )
DEUXIÈME QUESTION.
Faire l'histoire de la céramique au point de vue de
l'art, dans nos provinces, depuis l'époque romaine jus-
qu'au XVIII' siècle.
La valeur de la médaille dV, attribuée comme prix à
chacune de ces questions, sera de mille francs pour la
première et de huit cents francs pour la seconde.
La troisième question du programme de 1875 : Faire
l'histoire de l'école de gravure sous Rubens, n'ayant pas
donné lieu à une réponse, formera la troisième question
du programme de 1876. Un prix de huit cents francs
lui sera également attribué.
Conformément à l'article 13 du règlement intérieur,
une commission composée de MM. Balat , Payen , De Man ,
Pauli et Alvin , s'occupera du choix d'une quatrième ques-
tion qui concernera l'architecture.
D'après le roulement établi pour les sujets d'art appli-
qué, la commission s'occupera aussi du soin de choisir un
sujet d'architecture pour cette partie du concours.
MM. Gevaert, le chevalier de Burbure et Samuel pro-
posent comme sujet musical : « une messe solennelle à
quatre voix mixtes, pour le jour de Pâques, avec la prose
Victimœ Paschali et l'offertoire du jour. Le compositeur
tâchera de ne pas dépasser la durée normale du service
religieux.
d La messe devra être entièrement inédite. »
Toutes les dispositions complémentaires et réglemen-
taires concernant ce programme seront prises dans la
prochaine séance.
( 408 )
RAPPORTS.
M. Éd. Félis, chargé d'examiner une lettre par laquelle
M. T. Baner, architecte à Paris, demande divers renseigne-
ments relatifs au mémoire couronné de M. Alexandre
Pinchart, sur la tapisserie de haute lisse aux Pays-Bas,
propose Tordre du jour sur cette communication. —
Adopté.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Quelques lettres de la correspondance de Grétry avec
Vitzihumb; notice par M. Ch. Piot, correspondant de
l'Académie.
Les correspondances des hommes d'élite les font con-
naître, dit-on, dans leur intimité. Celle de Grétry avec
Ignace Vilzthumb a en outre l'avantage de révéler diffé-
rentes particularités concernant les œuvres du célèbre com-
positeur liégeois et le théâtre de Bruxelles.
Vitzthumb, chef d'orchestre de ce théâtre, musicien dis-
tingué et compositeur, avait pris la direction de la scène
de Bruxelles, de concert avec Compain. Les octrois, qui
leur en donnaient le privilège exclusif, datent des 30 juin
1766 et 14 août 1771.
Depuis la concession de ces actes, la cour et le public
( i09 )
étaient devenus très-exigeanls. La tragédie et la comédie
ne les satisfaisaient plus. Il fallait un plus grand nombre
de représentations consacrées à dos pièces mêlées de mu-
sique et à Topera bouffe surtout. On est ici, disait Vitz-
thumb, dans une lettre adressée à Moreau, beaucoup plus
amateur du comique que du sérieux, et de la musique que
delà déclamation. Pour attirer les spectateurs, il fallait de
la musique. Celle de Grétry obtenait dans ce moment toutes
les faveurs des Bruxellois.
Pareilles exigences amenaient nécessairement un sur-
croît de frais, auxquels les directeurs ne pouvaient plus
faire face. Par exemple, pendant les deux premiers mois
de Tannée théâtrale de 1777 à 1778, les comptes consta-
tent une dépense de 1? 18,182-0-1 Vô et une recette
de 17,910-17-4; par conséquent, un déficit de fl^ 271-
2-9 V3.
Pendant une autre année le compte accuse une recette
de fl^ 00,552-5-11 et une dépense de 55,782-10-2, donc
encore un déficit de 251-6-10. Durant Tannée théâtrale de
1772 à 1775 les dépenses s'étaient élevées à un chiffre
bien plus considérable encore. Elles étaient réparties
comme suit :
ActPurs et actrices 38,030- 0-3
Opéra et ballet 27,563- 4-7
Pensionnaires et gagistes .... 6,533-10-9
Personnes sans emploi désigné . . . 4,228-16-3
Orchestre 11,719- 3-9
Total. . . û^ 88,109-13-9
On le voit les dépenses augmentaient toujours (1). Enfin
(1> Nous donnons ici en note les emplois des acteurs et des actrices à
( 410 )
elles surpassaient les ressources des directeurs, artistes sans
fortune, qui avaient été obligés d'emprunter de l'argent
celle époque, avec indication de leurs appointements en livres, au théâtre
de Bruxelles :
Emplois de la comédie.
Livres.
Premier rôle tragique et comique, S'-Fal 6,000
Fort premier, rois, raisonneurs, elc.,Bursai 4,000
Père noble, rois, etc,Vanhove ou N 4,000
Jeune premier, N 3,000
Premier comique, Baltos 7,000
Manteau, financiers, etc.. Pin 5,000
Crispin, marquis ridicules et Poisson, N 5s600
Troisième rôle et à récits, N 2,000
54,600
Mesdames :
Premier rôle tragique et comique, M^ Bursai 4,000
Premier rôle en partage et grande coquette, Goault .... 6,600
Reine, mère noble, eic, N 4,000
Première soubrelle, N 5,600
Premier caractère et deuxième duègne, N 3,600
Deuxième soubrette, N 1,500
Seconds caractères, N 1,500
20,800
Opéra.
Première haute-contre, N : • • 6,000
Seconde haute-contre et Colins, N 3,000
Première bas.se-tail le, Chenaud 4,000
Première en partage, Mees 4,000
Premier Laruelte, Bultos «
Second Laruette, Berger 2,000
Mesdames :
Première chanteuse, Rogier 5,000
Première en double, Schitiiens 2,400
Rôle de Beaupré et Dugazon. Mees 3,000
Première duègne, Goault "^
Total. . . . 84,800
( 411 )
pour faire face aux premiers frais. Ils demandaient en con-
séquence à l'État de pouvoir se retirer de la direction,
moyennant une indemnité raisonnable à leur payer par les
futurs entrepreneurs. Une bonne partie de ces dépenses
ayant été employée à l'embellissement de la salle du
théâtre, ils croyaient leur demande très-bien justifiée. Ils
sollicitaient, disaient-ils, cette somme pour la faire servir à
éteindre leurs dettes. Dans les requêtes qu'ils adressè-
rent à ce sujet au gouvernement, ils firent connaître, en
termes assez vagues, la triste position de l'entreprise, en
se servant de mois peu convenables et de phrases ressem-
blant singulièrement à des récriminations. La cour du
prince Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas au-
trichiens, s'en irrita. De Neny, président du conseil privé,
chargé de diriger toutes les affaires grandes et petites, s'en
montrait très-piqué. Loin d'accorder aux pétitionnaires
leur demande, le gouvernement exigea la mise à exécu-
tion très-rigoureuse du contrat. Ils furent obligés de faire
agréer par la cour les acteurs et actrices engagés, tandis
qu'ils voulaient jouir, sous ce rapport, de la liberté la plus
grande, pour ménager les dépenses. L'orchestre devait être
mieux soigné et avoir, aux représentations ordinaires,
l'importance de l'opéra, afin de pouvoir exécuter, pendant
les repos, des symphonies bien choisies. Burney fait en
effet, dans son livre intitulé : The présent state of music,
le plus grand éloge de ces symphonies et de Vitzthumb,
qui les dirigeait. Le gouvernement fit observer aussi que,
contrairement à leurs obligations, les directeurs accor-
daient souvent des congés aux artistes, ou bien ils dispen-
saient les principaux acteurs de remplir les rôles pour les
remplacer par des sujets peu capables. C'était les résul-
tats des pérégrinations que les directeurs faisaient en pro-
( 412 )
vince avec la troupe, et la suite nécessaire des permissions
qu'ils donnaient aux musiciens de l'orchestre d'assister
aux représentations théâtrales données dans les rési-
dences des grands seigneurs de cette époque (1). La
durée du spectacle prescrite par le règlement n'était
pas même observée. Parfois il finissait avant huit heures,
parfois il durait jusqu'après dix heures sonnées. A cette
époque le spectacle devait commencer, selon les disposi-
tions en vigueur, au plus tard à 6 heures et Vi et ne pouvait
finir avant 8 heures ^/^, ni durer au delà de 9 heures et *k.
(1) Les meilleurs musiciens du théâtre avaient été appelés à embellir une
fête chez le duc d'Areiiberg, à Héveilé. Vilzihumb avait beau écrire pour
les faire revenir, le duc ne voulut pas le leur permettre, et les représenta-
lions restaient en souffrance à Bruxelles. Voici au sujet de celte fêle une
lettre du comte de Figuerola, adressée à Vilzihumb :
J'ai reçu votre lettre, Monsieur, je Tay communiquée à M. le duc; mais
j'avois prévu sa réponse. Il ne m'a pas été possible d'obtenir le retour de
vos messieurs. Il veut absolument les garder icy pendant le lems que sa
compagnie y restera.
Pour moy, je pense, qu'en retardant encore de quelques jours votre
représentation d'Ernelinde, ce relard ne pourra que vous être favorable,
d'autant plus que je crois que les Anglais qui sont icy, s'arrêteront à
Fîruxelles Je suis fâché de n'avoir pu dans ce moment-cy vous donner des
preuves de l'envie que j'ay de vous faire plaisir.
Je suis parfaitement, Monsieur, votre très-humble serviteur.
Le comte DE FIGUEROLA,
Si le comle de Figuerola était le très-humble serviteur de Vitzihumb,
que devaitêtre celui-ci vis-à-vis du duc d'Arenberg? En mai 1 TTôl'orchestre
du théâtre de Bruxelles était à Héverlé chez le duc d'Arenberg pour y
assister aux représentations données par le duc dans son château. Ce qui
empêchait Vilzihumb de donner au théâtre de Bruxelles l'opéra demandé
par le prince Charles de Lorraine. (Lettre de Vilzihumb du 22 mai 1773.)
( un )
Au lieu de faire connaître à la cour le répertoire des pièces
à représenter pendant chaque semaine, ils les choisissaient
à leur guise. Puis ils annonçaient subitement une repré-
sentation nouvelle par abonnement suspendu. Bref le gou-
vernement démontra à l'évidence la non -exécution des
engagements qu'ils avaient pris, et les jugea par conséquent
peu dignes d'une faveur quelconque. Cependant Charles
de Lorraine voulut bien faire, plus tard, quelques con-
cessions. Il se montrait assez disposé à introduire des mo-
difications au contrat en ce qui concerne le ballet, dont
les dépenses étaient élevées. Si le chiffre de ces frais était
réduit, il fallait engager des danseurs d'un ordre inférieur.
Ainsi posée, la question prenait une tournure telle que la
cour n'osa trancher la difficulté de sa propre autorité. Le
conseil privé, chargé d'après l'acte d'institution « de traiter
» les matières de la suprême hauteur et souveraine auto-
» rite de S. M. et choses procédant de grâces tant au civil
» qu'au criminel, » fut consulté sur l'opportunité du main-
tien ou de la suppression des danses et du ballet. Après
avoir pesé gravement le pour et le contre de la question,
le conseil déclara que mieux valait ne pas avoir des dan-
seurs que d'en avoir des mauvais. C'était un argument sans
réplique. Le gouverneur général partagea cet avis et in-
scrivit sur l'extrait du protocole la formule ordinaire : Je
me conforme, en y ajoutant la date : io avril 1773. Les
ballets et les frais en résultant furent supprimés.
Dans la prévision d'une ruine complète, Compain renou-
vela sa demande. Il l'obtint, lorsque mieux informé de la
vraie situation du théâtre, le gouvernement s'aperçut de la
vérité des faits allégués parles directeurs. Tous les droits
au privilège de l'exploitation du théâtre furent résignés
par Compain en faveur de Yitzthumb (19 janvier 1775).
( MA )
Celui-ci resta seul à la direction, sous la condition expresse
de se choisir un associé, agréé par la cour. Cette clause ne
fut pas mise à exécution ; le gouvernement semble y avoir
renoncé tacitement. Il n'en parla plus, sans doute à cause
du caractère honorable de Vitzthumb,dont un acteur fran-
çais disait ingénument dans une de ses lettres : « J'ai
» trouvé en vous une droiture, qui se rencontre rarement
» dans des personnes de notre état (1). » Aveu bien naïf
dans la bouche d'un comédien.
A l'époque vers laquelle Compain résignait ses droits,
commence la correspondance de Grétry avec Vitzthumb.
Croyant pouvoir sauver la situation au moyen de l'opéra,
le nouveau directeur eut avec Grétry un échange actif de
lettres, dont nous publions le texte.
Les lettres des deux artistes ont trait à la partie finan-
cière de l'administration du théâtre et à la partie artistique.
La première concerne le contrat entre Grétry, d'une part,
et Compain , d'autre part , et les modifications que Vitz-
thumb voulait y introduire (2). Ces difficultés furent apla-
(1) Lettre adressée à Vitzthumb par Callais, et datée du faubourg de
St-Germain à Paris.
(2) Voici ce qu'on lit au sujet de cet arraugement avec Compain dans
une lettre qu'il écrivit à Franck , secrétaire du Ministre plénipotentiaire
d'Autriche à Bruxelles :
Paris, 24 février 1774.
J'ai vu M. Grétry ce soir aux Italiens. Nous n'étions pas placés commo-
dément pour parler de nos affaires. Cependant je lui en ai dit deux mots.
Et voici sa réponse : qu'il serait d'autant plus aise de satisfaire nos désires
à l'avenir , en nous procurant tous les opéras manuscrits, qu'il ne vouloit
plus les faire graver. Les répétitions qu'il fait demain et après d'une pièce
nouvelle et auxquelles je lui ai demandé la permission d'assister, m'em-
( 41S )
nies. Les propositions de Grétry devinrent définitivement
pécheront de le voir . mais je ne manquerai pas d'aller chez lui dimanche
matin.
Paris, 12 mars 1771.
M. Grétry, qui a reçu mon billet ce malin, n'étoit pas levé , vient de me
faire l'honneur de me venir voir. Voici l'arrangement qu'il me propose :
nous lui donnerons 26 louis d'or pour nous procurer ses œuvres manu-
scrites à fur et à mesure qu'elles paraîtront à Paris, et nous les enverra le
lendemain de la première représentation, à commencer par la Rosière,
que j'emporterai avec moi. J'attendrai que vous m'ayez répondu pour
donner à M. Grétry une parole certaine et sur laquelle nous puissions
compter. J'attendrai que vous m'ayez répondu pour le prier de faire
copier la Rosière. Il est d'autant plus avantageux pour nous de prendre
cet arrangement avec M. Grétry, qu'il ne veut plus rien faire graver, et
que d'un autre côté, nous sommes à même d'avoir les pièces en même
temps que Paris. Pour Céphale et Procris, il persiste de ne pas le donner
que lorsqu'il le mettra à Paris. M. Grétry s'engage à faire partir pour
Bruxelles toutes ses pièces indistinctement le lendemain qu'elles auront
été jouées à Paris , moyennant 600 livres.
Réponse de Franck.
Bruxelles, 15 mars 1774.
Pour ce qui regarde les propositions de M. Grétry , Vitzthumb croit
que ce n'est pas un bien grand marché que de lui payer 600 livres par
pièce manuscrite indistinctement, comme il le demande. 11 s'agira de faire
avec lui un arrangement par écrit, autant pour sa siirelé que pour la
nôtre; et comme on prendrait toutes les pièces quelconques grandes et
petites et que cet arrangement se ferait pour la durée de notre entreprise,
il semble que M. Grétry pourroit se contenter d'un prix inférieur, tel que
400 à 500 livres , payés au comptant. D'ailleurs M. Grétry se proposant de
venir voir , on pourrait convenir avec lui.
CoMPAiN A Franck.
^ Pans, 27 mars 1774.
J'ay payé ce malin 25 louis d'or à M. Grétry pour la partition manu-
scrite de la Rosière, ainsi que la pièce copiée à la main... J'ai été voir
M. Grétry pour l'engager à se relâcher de ses prétentions, mais il m'a
paru choqué que M. Vilzlhumb et moi nous les trouvassions trop fortes.
Je n'ai pas insisté.
( 416 )
loi entre les parties. Le compositeur liégeois devait tou-
cher 25 louis par partition demandée, peu importe son
étendue. Malgré l'assurance donnée à Compain , de ne
plus faire graver sa partition, Grétry voulait conserver,
contrairement aux propositions de Vitzlhumb, sa liberté
la plus entière. L'abbé Niccoli à Paris devait faire les
payements. Il y eut à ce sujet un malentendu, qui froissa
singulièrement l'amour-propre de G ré iry, toujours pas-
sionné lorsqu'il s'agissait de sa personne ou de ses œuvres.
Au lieu de solder cette somme à l'artiste, l'abbé voulait la
lui avancer à titre de prêt, faute d'instructions suffisantes.
Irrité d'une pareille proposition, Grétry écrivit à Vitz-
lhumb une lettre bien dure. Mais cet incident si désa-
gréable disparut bientôt, par suite des explications données
par le directeur du théâtre de Bruxelles.
La partie la plus intéressante de la correspondance est,
sans conteste, celle concernant les opéras de Grétry.
Par sa lettre du i9 janvier 1775 adressée à Compain,
précisément au moment où celui-ci abandonna la direc-
tion, Grétry lui annonça la prochaine représentation de la
Fausse Magie , dont il avait fait la musique. Cette comédie,
composée par Marmontel en deux actes et en vers mêlés
d'ariettes, fut en effet représentée la première fois, le
i" février 1778, aux Italiens à Paris (1). Malgré le nom de
Marmontel, le libretto de cet opéra ne réussit pas. Ce fut
un des phis mauvais auxquels Grétry travailla. Au moment
de la première représentation de la pièce, le compositeur
ne voulait pas encore souscrire au verdict prononcé par
les Parisiens sur cette production littéraire. Il la jugeait
(1) Grétry, Mémoires, 1. 1, p, 259.
( 4.17 )
avec beaucoup plus d'indulgence que dans la suite : « Je
» ne vous le cache pas, disait-il à Vitzlliumb, les paroles
» ont été fort crilitpiées. On juge racadérnicicn dans un
> 0|)éra houllon, et l'on est bien injuste sur le compte de
> M. Marmontel (I). » Dans ses ménnoires Grétry rcîcon-
naissait néanmoins les graves défauts du librctto écrit par
son ami (2).
Quant à la musique de celte pièce, il la choyait, a F^e
» premier acte; de la Fausse Magie , dit-il , est pent-ètre ce
» qu'il y a de plus essentiel dans nies ouvrages : en n'écou-
» tant que le chant de cet acte, on est tenté de le mettre
» au rang des compositions faciles; mais le travail des
» accompagnements, les routes harmoniques qu'ils par-
» courent, arrêtent le jugement trop précipité; et l'on
» stnt enfin que le caractère distinctif de celte production
» vient d'un certain é(|uilibre entre la mélodie et l'har-
» monie (3). » J.-J. Rousseau partageait, paraît-il , cet
avis (4). La musique de Grélry sauva la pièce; le duo :
Quoi y cest vous qu'elle préfère , eut un succès éclatant.
On le voit par sa correspondance avec Vitzthumb, Grétry
avait un grand faible pour cette partition, qui, à notre
avis, est loin d'avoir les belles qualités de plusieurs de
ses autres œuvres. Il n'en disait pas autant de Cép/iale et
Procris, partition d'un mérite incontestable.
A Paris, disait-il, les accessoires de la Fausse Magie
sont, à tort, très-négligés. Il attendait mieux du théâtre
de Bruxelles. Ensuite il raconte à son correspondant
(1) Lettre du 21 février 1775.
(2) Memoh'es, l I, p. 261.
(5) /6(/.,p 260.
(4) Ibd,21i. .
2"°*= SÉRIE, TOME XL. 27
( 418 )
comment une personne avait proposé de faire exécuter
après le chœur : 0 grand Albert, une pantomime d'om-
bres derrière un transparent, représentant des cérémonies
de magie pratiquées sur un second personnage nommé
Dalin , qui figure sur l'avant-scène. Personne à Paris
n'osait risquer ce coup de théâtre, qui aurait peut-être
réussi s'il avait été dirigé d'une manière convenable. Il
fallait produire un effet de nuit après le chœur, et faire
renaître le jour après le morceau : A^e troublons pas le mys-
tère. Toutes ces opérations parurent très-embarrassantes
à Paris. « Au lieu de faire apporter la glace par M. Dalin,
» continue-t-il , ce sont les Bohémiens eux-mêmes qui
» apportent un miroir magique en cérémonie sur la
» marche; et au lieu de dire : Ayez-moi seulement une
» glace, la Bohémienne dit : Avec ce miroir ayez-moi
» seulement un ruban , etc. » Grétry finit par prier son
correspondant de l'informer du succès de la pièce à
Bruxelles lorsqu'elle y sera représentée (1). Vitzthumb
promit de faire exécuter la pantomime décrite par Grétry,
de manière à en faire espérer la réussite. Il aura soin de
lui faire connaître le résultat de la première représenta-
tion, qu'il comptait donner dans la première quinzaine de
l'ouverture du théâtre. A cette époque les dernières repré-
sentations de l'année théâtrale devaient finir la veille du
premier dimanche de carême. Le théâtre restait fermé
jusqu'après Pâques, lorsque la nouvelle année théâtrale
commençait. Vitzthumb finissait sa lettre en invitant
Grétry à venir voir ses pièces (2).
Les Pâques étaient passées depuis longtemps, et la
(1) Lettre du 21 février 1773.
(2) Lettre du 23 février 1773.
( 419 )
Famse Marjie n'avait pas encore paru sur la scène de
Bruxelles. Impatient de recevoir des nouvelles de sa pièce,
Grélry en écrivit à Yitzthunil) (21 avril 1775). Celui-ci lui
fit savoir que la première représentation était fixée au
10 mai, et qu'il avait été dans l'impossibilité de la donner
plutôt « étant dépourvu d'accessoires, dit-il, et n'osant
» pas risquer. »
Enfin la Fausse Magic fut exécutée. La pièce obtint
beaucoup de succès. Grétry en était ravi. Le 3 juillet 1776
il écrivit à Vitzthumb pour lui annoncer son prochain
passage à Bruxelles en se rendant à Liège. « J'aurai bien
» du plaisir, Monsieur, à vous entendre, dit-il, et vous
» admirer dans mes ouvrages mêmes, que vous savez
» faire exécuter, à ce que dit l'Europe entière, dans la
» plus grande perfection. Je serai surtout content de voir
» la Fausse Magie, que vous donnez, dit-on, mieux qu'à
» Paris (1). » Il introduisit à la partition quelques chan-
gements,-dont il fit l'envoi à Vitzthumb (15 juillet 1776).
Dans la lettre du 21 août 1775 il annonça, pour le
2 mai, la première représentation de Céphale et Procris,
tragédie en trois actes et en vers, par Marmontel. La
pièce telle qu'elle fut représentée à Versailles, en 1773,
à l'occasion du mariage du comte d'Artois, obtint un
succès médiocre. Tout le monde ne voulait pas souscrire
à ce jugement. Le secrétaire Franck, correspondant de
Compain , pendant le séjour de celui-ci à Paris , lui écrivit
de Bruxelles (6 mars 1774): « Je vous conseille d'in-
» sistersur l'acquisition de Céphale et Procris, et je crois
» qu'en promettant à M. Grétry de ne donner cette pièce
(1) Lettre du 3 juillet 1776.
( 420 )
» que 15 jours après qu'elle aura été donnée à Paris, il
» pourra aisément vous céder une partition manuscrite. »
Six jours plus tard (12 mars 1774) Compain répondit :
d Céphale et Procris seront joués immédiatement après
1» l'opéra de M. Gluck (1), et M. Grétry vient de s'engager
» à aller à Bruxelles lorsqu'on le donnera, et sera présent
> aux répétitions. » Tous ces projets furent abandonnés
lorsque Paris confirma (2 mai 1775) le verdict de Ver-
sailles (2). Le succès l'ut médiocre. Pourquoi? Parce que
sorti de l'ornière ordinaire, Grétry avait fait de la musique
dramatique, celle qui parle au cœur, et à laquelle le pu-
blic et les acteurs de celle époque ne comprenaient rien.
Les chanteurs ne voulaient pas même observer la me-
sure (5); les habitiiés du théâtre préféraient l'opéra bouffon.
Parfaitement au courant des goûts des Bruxellois, Vitz-
thumb le comprit lorsqu'il refusa la partition sous prétexte
que ce genre de musique n'était pas goûté à Bruxelles (4).
Mieux que personne, cet artiste était en état de jtiger avec
tact les productions musicales recherchées par son auditoire.
Compositeur lui-même, il avait fait des opéras, des sym-
phonies, des messes, etc. Il avait montré par une de ses
ariettes ajoutées à Annette et Lubin sur les paroles : Non,
non, je ne crains personne, qu'il cultivait la musique
gracieuse avec succès (5). Ce morceau obtint une grande
(1) Cel opéra était : Iphigénie en Aulide, représenté le 19 avril 1774.
(2) Voir au sujet des mérites de la musique de Céphale et Procris un
compte rendu dans V Esprit des Journaux de juin 1775, p. 286.
(3) Grétry, Mémoires y 1. 1 , pp. 27 et suiv.
(4) Lettre du 3 août 1775.
(5) Annette et Lubin, musique de Delaborde, fut représenté à Paris la
première fois le 18 février 176:i, Poisol, Hisi. de la musique en France ^
p. 537.
( i21 )
vogue à Cadix. Bonncville, régisseur du lliéâlre de la cité
espagnole, écrivit (^25 janvier 1774-) qu'il « avait obtenu
» les applaudissements réiléi'és et les acclamations des
» parfaits connaisseurs. » Il ajouta encore : a il a été
» chanté par une de nos basses-tailles. Ce qui (ait désirer
» à l'autre (basse-taille), qui a plus belle voix, de par-
» tager les agréments de celte ariette. Mais le premier,
» jaloux d'un bien si précieux, veut en jouir tout seul et
» priver, par ce moyen, le public de l'entendre aussi
y> souvent qu'il le désire. En conséquence, pour éviter
» les coiUestalious particulières etsatisfaire au goût épuré,
» j'ose me charger de vous la demander telle que vous
» l'avez composée, ses accompagnements et dans le vrai
» ton. »
Les Mariages Samniles, drame en trois actes par De
Rozoi, musique de Gréiry , avaient été représentés la pre-
mière lois chez les Italiens à Paris, le 22 juin 1776. Cette
œuvre ne réussit pas mieux que Céphale et Procrù. Sdon
Grétry le préjugé contribua à la chute. Les spectateurs ne
voulurent pas s'habituera voir, sous le casque, les acteurs
qu'ils voyaient chaque jour dans des rôles conn'ques (I);
Grétry annonça l'envoi de cet opéra à Vilzihumb (13 juillet
1776). « Je vous envoie, dit-il, un changement que nous
» avons jugé nécessaire pour précipiter l'action. A la place
» de l'air : Dans les airs, acte 3, p. 47, nous avons mis
» le dialogue que je vous envoyé. Si vous avez une bonne
» basse-taille , et si vous ne craignez pas les longueurs ,
» comme nous, je vous enverrai l'air qu'on a trouvé très-
B nécessaire de retrancher. » Le changt^ment envoyé par
Grétry étant imprimé dans la seconde édition des Mariages
(l) Mémoire, 1. 1 , p. 288.
( AT2 )
Somnites, il est inutile d'en parler. Grétry termina sa
lettre par annoncer à Vitztliumb son départ pour Liège
vers le 15 août, et son arrivée probable à Bruxelles
le 17 du même mois. <r Si vous êtes en train de répé-
i> ter les Samnites, continue-t-il, et que je puisse vous
» être utile, j'en serai bien enchanté. » Son séjour à
Bruxelles ne devait pas être long. Obligé de reconduire
dans son pays sa sœur la chanoinesse , il se proposait de
passer quelques moments en cette ville; mais il comptait
y faire, en retournant à Paris, un séjour plus long pour
voir les Mariages Samnites et la Fausse Magie. Ce projet
ne se réalisa pas; nous en ferons connaître les motifs
plus loin.
Le départ de Grétry pour Bruxelles était à Paris un évé-
nement auquel ses amis et ses connaissances s'intéressaient
beaucoup. Un Liégeois nommé G. Moreau , qui s'intitule :
ordinaire de l'Académie royale de musique à Paris, se
préoccupait singulièrement de celte excursion. Il en écrivit
à Vitzlhumb une lettre, dont nous avons observé rigou-
reusement l'orthographe, très-peu académique :
« Monsieur ,
» Vous serez peut-être très-étonner qu'après plusieurs
» années , je pense à vous écrire. Soyez persuadés que vous
0 n'avez pas été hord de mon souvenir. La sirconstance est
» qu'ayant appris de M. Grétry qu'il passeroit par Bruxelle en
» allant à Liège et quil auroit le plaisir de voir représenter la
» nouvelle pièce intitule les Mariage Samnite, j'ai commu-
» niquer à ce sujet à M. Dcrozoir (De Rozoi), auteur des
» paroles de ce drame. H m'a parut brûler du désir de voir
» votre spectacle. Je lui ai consciler de vous faire le sacrifice
» de son Richard trois, tragédie qui eut déjà été donné ici si
( ^^23 )
» nos comédiens néloicnt pas aussi lent à lire les ouvrages
» que paresseux à les aprendre. Cette tragédie jouit ici de la
» plus haute réputation, vu que lorsque son auteur fit un
j» voyage à Toulouse, il y fit représenter sa pièce. Le corps
» de ville, le magistrat, l'université lui donnèrent une cou-
» ronne de lauriers en plein théâtre.
» Enfin j'ajoutai de moi-même que vous étiés assé mon
» ami pour que vous vous intéressiez pour cela, et qu'il en
o fit hommage au prince Charle, que je croyoit assurément
» assez généreux pour le dédommager de son voyage. 11 m'a
» aussi prié de vous offrirc, ci il étoit nécessaire à quelque
» chose pour contrihuer à la splendeur d'un spectacle si cé-
» lèhre en Europe comme le sont les Mariage Samnite. Il
» profiterois du même temps pour faire entendre son Richard
» trois. Enfin, mon cher ami, sil m'est encore permit de me
» servire de ces termes, je vous prie de faire pour cela tous
» ce qu'il dépendra de vous. Vous ohligcrez infiniment cclu'
» qui a l'honneur d'être avec respect. »
Votre très-humble et très-obéissant serviteur
»
G. MOREAU,
ordinaire de l'Académie royale de musique,
rue du Sepulchre.
A Paris , ce 30 juillet i 776.
Vitzthumb lui écrivit quelques jours plus tard (3 août
1776). D'après sa réponse : il serait enchanté de voir De
Rozoi réussir dans son projet; mais il n'osait pas lui pro-
nnettre du succès pour deux motifs. Le prince Charles de
Lorraine passe ordinairement l'été à la campagne ; le pu-
blic aime mieux le comique et la musique. Il conseilla
donc à De Rozoi de ne pas risquer sa tragédie dans un
pays où ce genre de spectacle n'est pas goûté. Si tôt ou
( 424 )
lard la pièce venait à enrichir le répertoire de Bruxelles,
il n'épargnera ni temps, ni dépenses pour la l'aire repré-
senter avec toute la pomj)e et l'appareil nécessaires.
Moreau adinetiait ces raisons. Mais ayant ap|)ris de De
Rozoi (|u*il élail décidé à rejoindre Grélry à Bruxelles,
au moment de la représentation des Mariages Samnites,
il proposa à Vilzthuml) une idée. Grélry était, d'après
Moreau, occupé à composer une œuvre musicale, que nous
n'avons trouvée nulle part mentionnée, pas même dans ses
Mémoires. (Tétait PhjmaUon, dont le libretto était dû à
la plume de De Rozoi. Grétry semble y avoir renoncé.
Le 16 décembre 1780, cette pièce est représentée à Paris
sous le nom de De Rozoi, mus'que de Bonesi (I). Voici com-
ment Moreau s'exprime dans une lettre rédigée par un tiers
el signée par lui, au sujet de la musique à laquelle travail-
lait le compositeur liégeois :
« Monsieur,
» Grclry est occupé , dit-il, de mettre en musique Le Pig-
» malion de M. de Kozoi, acte aunoncé ici comme un tableau
» délicieux. Le costume blanc des Mariages Samnites sufïîroit
» pour les habits; et il n'y a, dit-ou , qu'un seul acteur.
» M. Grétry, qui e4 mon compatriote, m'a dit que cet ou-
» vragc ro;'cupoit beaucoup; (piil en porloit la musique à
» Liège, pour ne pas le perdre de vue pendant son séjour en
» celte ville.
» H m'a paru, Monsieur, que ce seroit pour vous un coup
» de parti décisif, si tenant les deux auteurs, vous profiliez
-» de ce moment pour donner, à la ville de Bruxelles, les pré-
(1) ViÀsoi, Histoire de la musique en France, p. 341.
( 425 )
» miccs d'un acte, qui doit èlrc un clief-d'œiivre, vu le sujet
» et In niusi(iuc, que M. Grélry est capable d'y adapter.
» Le souvenir de votre ancienne amitié pour moi, mérite
» bien que dès que mon cœur diète une idée, qui me |)aroîl
» heureuse, je la saisisse aussitôt. Si M. Grétry est parti
» pour Liège avant que vous recevez ma lettre, écrivez lui.
» Ce sera le moyen qu'il se liàle de rassembler ou de finir ces
» morceaux. Lui-même ou vous, iMonsieur, écrivez à M. de
» Rozoi d'envoyer toujour-; le poëme, ce serait un accord
» charmant. Kt je serai enchanté que mon cher compatriote
» doive un nouveau triomphe à mon zèle pour lui er ce
» qu'on en dit ici. Je vous réponds d'un succès aussi brillant
» qu'avantageux. »
» J'ai Lhonneur, etc.
G. MOREAU.
Paris, ce 16 août 1776.
Grétry arriva, en effet, quelques joura plus lard à
Bruxelles. Il fut comblé de prévenances par Vitzlhiunb, et
assista, paraît-il, à une représentation théâtrale, pendant
laquelle on exécuta une de ses œuvres. Tout à coup, au
milieu de l'exécution, il entendit des sons étranges, des
phrases musicales à lui inconnues, des corrections enfin.
Jamais coup de foudre n'avait retenti d'une manière plus
sinistre à ses oreilles. Une main téméraire, ime plume
sacriLége avaient introduit des changements à la partition.
Vivement irritédeceprocédé,Grétry écrivit de Bruxelles,
(21 août 1776) une lettre qui respire le dépit le plus cruel,
un froissement excessif de l'amour-propre. Après avoir
chaleureusement remercié son hôte,Giétry ajoute : a Que
» ne puis-je vous dire autant de ma musique, Mon-
» sieur. Mais elle est loin d'être aussi satisfaite de vos
;> prétendues corrections.... Ne comptez plus sur mon
( 426 )
» retour à Bruxelles, Monsieur... Vous m'avez banni à
» jamais du théâtre de Bruxelles. »
Tel fut Tanathème prononcé par Grétry contre son cor-
recteur et le théâtre de Bruxelles. Désormais leur souvenir
sera condamné. Jamais leurs noms ne seront prononcés
dans ses Mémoires.
Ce fut la dernière lettre écrite par Grétry à Vitzthumb.
Bientôt celui-ci subit le sort de Compain. Moins heureux
encore que son ancien associé, il voulait réparer sa for-
tune en donnant un grand nombre de nouveautés sur son
théâtre; il fit avec sa troupe des pérégrinations coûteuses
en province , organisa l'opéra flamand à Bruxelles et
ailleurs, déploya une grande activité, qui finit par une
déconfiture complète. En 1777 il se retira de la direction
du théâtre de Bruxelles et obtint, comme on disait en
termes de barreau à cette époque, un permis de faire ces-
sion misérable de ses biens. Durant l'année 1784 il signe
encore en tête des musiciens du théâtre de la Monnaie
une pétition tendant à engager les gouverneurs généraux
à les maintenir dans leur ancienne position. Plus tard
(27 décembre 1786) il fut nommé maître de la chapelle
royale à Bruxelles , et ne rentra plus jamais au théâtre.
A M. Compain.
Dans quinze jours au plus lard, Monsieur, je donne aux
Italiens une pièce en deux actes intitulée la Fausse Magie. Les
paroles sont de M. Marmontel. Faites-moi l'amitié de me dire
si vous vous êtes assez bien trouvé de la Rosière pour conti-
nuer notre marché. Si vous voulez bien m'écrire d'abord à la
réception de ma lettre, je pourrai vous expédier mon envoi au
plus tôt. Mandez-moi encore une fois à qui il faut remettre le
( 427 )
paquet. Recevez, Monsieur, les assurances de mon amitié et
de ma parfaite considération , avec laquelle je suis votre très-
humble serviteur.
Grétry.
Paris, ce i9 janvier 1775.
Monsieur ,
A M. Grétry.
Du 24 janvier 1775.
La société qu'il y avait entre M. Compain et moi étant dis-
soute et restant seul directeur, j'ai l'honneur de répondre
moi-même à la lettre que vous lui avez fait l'honneur de lui
écrire le 19 du courant.
Je désirerois beaucoup pouvoir m'arranger avec vous pour
les opéras nouveaux et notamment pour la Fausse Magie; mais
ce seroit à condition que vous ne feriez graver qu'après une
année les opéras dont j'aurois fait l'acquisition. Ce qui n'a pas
été observé pour la Rosière; auquel cas je vous prierois,
Monsieur, de fixer une fois pour toutes tel prix pour les opéras
en un acte, tel pour ceux en 2 actes, tel pour ceux en trois
actes, etc., outre la copie de la partition et du poëme, que je
paierois séparément.
Si (comme je n'en doute point) vos prétentions sont assez
raisonnables, pour s'accorder avec mes intérêts, vous aurez
la bonté de remettre chez M. l'abbé Niccoli , secrétaire de léga-
tion du duc de Toscane au Petit Luxembourg, faubourg
Saint-Germain, tous les envois que je vous prierois de me
faire, et la même personne vous feroit pareillement toucher le
prix de vos honoraires.
Espérant un mot de réponse , qui m'informe de vos inten-
tions à ce sujet, je vous prie de me croire avec la considération
la plus distinguée. Monsieur, votre, etc.
ViTZTHUMB.
( 428 )
A M. Vitzlhumb.
Je reçois la lettre, Monsieur, que vous me faites l'honneur
de m "écrire. Quant aux différenls prix que vous voulez assi-
gner scion le nombre des actes, je crois, Monsieur, que vous
demandez une chose qui vous nuiioit à l'avenir. J'aurois pu
vous proposer, je suppose, de me donner 1:2 louis pour un
acte, ï>5 pour deux et 50 pour trois ou quatre; mais nous
avons pris le milieu de cette somme, et j'élois convenu avec
M. Compain de vous envoyer mes ouvrages indiffércnment,
pour la somme de 525 louis. Céphale et Proeris, tragédie, que
je donne à Topera, à la rentrée de Pàque, éloit dans mes
arrangements. Cependant si (jueiqu'un me demandoil Céphale
seul, eerlaincnient j'exigerois 30 louis. Ainsi, Monsieur, mon
dernier mot sur cet article est de nous en tenir à notre arran-
gement, si vous y trouvez vos intérêts. Quant à ce qui regarde
le tems où je [)uis faire graver, je ne puis là-dessus prendre
aucune entrave. Vous savez qu il vous est impossible de jouer
mes j)iè(es en même temps qu'à Paris, qu'il faut au moins six
mois avant que la gravure vous parvienne. Je ne puis là-dessus
vous en dire davantage, Monsieur. Il arrivera quelques fois que
vous serez fâché d'avoir payé 25 louis pour trois ou quatre mois;
d'autres fois vous serez enchanté d'avoir donné 25 louis pour
un opéra immense et d'en avoir profité huit ou dix mois avant
le })ublic. En tout cas, monsieur, je vous supplie de ne voir
en celte convention que vos intérêts. S'ils ne sont pas bien à
couvert, croyez que je ne désire rien. C est M. Compain qui
m'a proposé cet arrangement, auquel je n'aurais point pensé.
Je me charge de la copie d'une partition. Voilà de quoi nous
étions convenus. Je suis. Monsieur, avec la plus parfaite consi-
dération et un extrême désir d'entendre un jour mes foibles
productions exécutés sous vos ordres,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Grétry.
Paris , ce 29 janvier 1775.
( 429 )
A M. Grctry.
Du 11 février 1775.
Monsieur.
J'ai rrçii la lettre que vous m'avez fait l'honneur de niécrire
le 29 janvier dernier, par où vous me mandez être convenu
avec M. Compain sur le pied de "25 louis pour chaque ouvrage
indi>liuclement, compris la copie de la partition. Je m'en liens
à cet arrangement, pourvu que vous veuillez me prévenir à
tcms de chaque ouvrage que vous aurez envie de me céder. Et
puisque la clause de ne faire graver qu'après une année vos
ouvrages vous paraît trop onéreuse, je n'insisterai point
là-dessus; mais en ce cas josc me promettre, Monsieui-, que
vous aurez soin de me les faire parvenir aussitôt après qu'ils
serontachevés. J'attends avec impatience la Fausse Migic, que
je vous prie de faire remettre chez M. lahbé Niccoli, chargé des
affaires de la cour de Toscane, au Petit Luxembourg, fau-
bourg Saint-Germain. La même personne vous satisfera de
vos honoraires à mesure que je recevrai les envois que vous
aurez la bonté de me faire. Si j'ai quelque jour l'agrément de
vous voir ici, je ferai mon possible pour vous y prouver la
satisfaction que vous désirez.
J ai l'honneur d'être, etc.
VlTZTHUJMB.
A M. Vitzlhumb.
J'ai envoyé, Monsieur , la partition de la Fausse Magie et la
pièce imprimée à M- labbé de Niccoli. Il m'a promis delà faire
partir le même jour. Vous devez bien sentir, Monsieur, que
j'ai refusé les 25 louis que M. l'abbé veut me prêter. Si j'avais
besoin d'argent, c'est à mes amis à qui j'en demandrois. Ils
( 430 )
mériteroient la préférence. Je suis fâché, Monsieur, que vous
m'ayez exposé à cette démarche. Faites-vous connoître, je
vous en prie, pour une autre fois. Je vous envoyé la lettre de
M. Niccoli , afin que vous ne doutiez pas de ce que j'avance.
J'attendrai que M. Niccoli m'envoye dire d'aller tirer cet
argent. La pièce que vous allez recevoir est susceptible de
beaucoup de soin. Paris néglige tous les accessoires, et ils ont
grand tort. Une personne nous avoit proposé d'exécuter une
pantomime d'ombres derrière un transparent. La place étoit
après le chœur : 0 grand Albert. Nous n'avons pas osé risquer
cette plaisanterie, qui peut-être auroit réussi. Le sujet de la
pantomime auroit été en cérémonies de magie exécutées sur un
second Dalin pareil à celui qui est sur la scène. Enfin ce projet
n'a pas été bien digéré. La nuit qu'il aurait fallu faire après le
chœur, le jour qu'il auroit fallu faire revenir au dénouement,
c'est-à-dire au morceau : IVe troublons pas le mistère, tout
cela a paru embarassant. Au lieu de faire apporter la glace par
M. Dalin , c^est les Bohémiens eux-mêmes qui apportent un
miroir magique en cérémonie sur la marche; et au lieu de
dire •.Ayez-moi seulement une glace, la bohémienne dit:
Avec ce miroir ayez-moi seulement un ruban , etc. Vous me
ferez un sensible plaisir, Monsieur, de me faire part du succès
de cet ouvrage. Je ne vous cache pas que les paroles ont été
fort critiquées. On juge l'académicien dans un opéra bouffon,
et l'on est bien injuste sur le compte de M. Marmontel. Je suis.
Monsieur, avec la plus parfaite considération, votre très-
humble serviteur.
Grétry.
Mardi 2i février 1775.
( 431 )
A M. Grétry.
Du 25 février 1775.
Monsieur,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
le 2i du courant. M. l'abbé Niccoli ne pouvoit vous payer les
000 livres en question, n'ayant pu l'en prévenir qu'après la
réception de l'opéra, dont il s'agit.
Je suis fâché de ce malentendu; mais pour obvier à l'avenir
à tout inconvénient, j'aurai soin, dès que je serai informé de
la part de M. l'abbé Niccoli , que vous lui avez remis quelque
ouvrage pour moi, de vous envoyer aussitôt l'assignation du
paiement de vos honoraires.
En conséquence, Monsieur, vous trouverez ci incluse celle
des 25 louis qui vous sont dus pour la Fausse Magie, dont j'ai
reçu la partition et le poëme, et dont M. l'abbé Niccoli vous
paiera le montant.
Quant à cet opéra, j'en ferai exécuter la pantomime indiquée
par votre lettre, de manière à en espérer de la réussite; et
j'aurai soin. Monsieur, de vous mander quel succès en aura
eu la première représentation , que je compte donner dans la
quinzaine de l'ouverture de notre spectacle; la clôture de
cette année devant s'en faire la veille du 1^"^ dimanche de
carême.
Du reste soyez assuré. Monsieur, que j'y emploierai tous
mes soins, et que vous ne sauriez me faire un plus sensible
plaisir que de venir entendre l'exécution de toutes les pièces
de votre composition, goûtées et suivies universellement.
J'ai l'honeur d'être avec la considération la plus distinguée.
Monsieur, votre dévoué, etc.
ViTZTHUMB.
( 432 )
A M. Vilzthumb.
Je suis impatient, Monsieur, d'apprendre le sort de la
Fausse Magie à Bruxelles. Je donnerai le "2 may la I""^ repré-
sentation de Céphale et Procris, tragédie en trois actes. Je
vous prie de me dire s'il faut vous l'envoyer. Après deux
représenlalions, nous serons très-bien convenus de tout mes
changemens. Je vous en ferai tirer une copie, et vous pourez
recevoir cet ouvrage vers la fin de may. Recevez, Monsieur,
les assurances de la parfaite considération, avec laquelle je
suis votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Grétry.
Paris, ce 21 avril 1773.
A M. Grétry.
Du 30 avril.
Monsieur,
Des circonstances particulières m'ayant empêché jusqu'à
présent de donner la Fausse Magie, j'en ai fixé la 1"^^ repré-
sentation à mercredi 10 mai prochain, étant dépourvu d'ac-
cessoires et n'osant pas risquer.
Quant à Céphale et Procris que vous me proposez de pré-
senter au public, c'est un spectacle de ce genre pour lequel il
ne paroît avoir nul goût. Je suis obligé, bien malgré moi, de
renoncer à en faire i'acquisilion.
J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus distinguée ,
Monsieur, votre serviteur,
ViTZTHUMB.
J'aurai soin devons informer, Monsieur, du succès qu'aura
eu la Fausse Magie; et quand vous aurez quelque chose de
( 433 )
nouveau dans le genre comique, je vous prie, Monsieur, de
vouloir bien vous souvenir de moi.
J'ai l'honneur d'être, etc.
A M. Vitzlhuml).
PîH'is. ce mercn^dy 5 juillet 1770.
Les Mariages Samnites, Monsieur, ont eu tout le succès
que j'osois en espérer. Et d'après Icntretien que j'ai eu avec
M. Franck, qui est venu me voir de votre part, Monsieur, j'ai fait
copier la partition que j'enverai cette semaine à M, l'abbé Niccoli.
Si M. Franck vous a rendu un compte exact de notre conver-
sation, il vous aura dit que je préméditois un voiage dans ma
patrie. Quelques circonstances m'empêchent encore de me
décider. Je désire cependant faire ce voiage, et c'est beaucoup
pour un homme libre. Si mon voyage a lieu , comme l'espère ,
j'aurai bien du plaisir, ^Monsieur, à vous entendre et vous
admirer dans mes ouvrages mêmes, que vous savez faire
exécuter, à ce que dit l'Europe entière, dans la plus grande
perfection. J'aurai 1 honneur, Monsieur, de vous informer
dans la huitaine si mon voiage de Bruxelles à Liège aura lieu.
Je serai surtout enchanté de voir la Fausse Magie, que vous
donnez, dit- on, mieux qu'à Paris.
Je suis, Monsieur, avec la plus grande considération, votre
très-humble et très-obéissant serviteur,
Grétry.
A M. Vitzthumb.
Il y a déjà plusieurs jours, Monsieur, que j'ai envoyé à
Monsieur l'abbé Niccoli un paquet qui renferme la partition
des Mariages Samnites, la pièce imprimée et les changements
de la Fausse Magie. Quant à ce dernier article vous en traiterez
avec M. Haubaut, copiste de la comédie Italienne. Je lui ai
2"^ SÉRIE, TOME XL. 28
( 434 )
déjà permis de les envoyer dans plusieurs provinces de France,
et il en retire un petit bénéfice.
Je vous envoie un changement que nous avons jugé néces-
saire pour précipiter l'action. A la place de l'air : Da?ïs les
airs, acte 5*, p. 47, nous avons rais le dialogue que je vous
envoyé. Si vous avez une bonne bassetaille, et si vous ne
craignez pas les longueurs comme nous, je vous enverai l'air
qu'on a trouvé très-nécessaire de retrancher. Je pars le
15 août de Paris, elle M je serai bien près de Bruxelles. Si
vous êtes en train de répéter les Samnites, et que je puisse
vous être utile, j'en serai bien enchanté. Je ne ferai plus long
séjour en arrivant à Bruxelles. Je ramène ma sœur qui est
chanoinesse dans mon pays, et je compte revenir ensuite à
Bruxelles pour voir les Samnites et la Fausse Magie, telle que
vous l'avez donnée jusqu'à présent.
Recevez, Monsieur, les assurances delà parfaite considéra-
tion et des sentiments distingués avec lesquels j'ai l'honneur
d'être ,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur ,
Grétry.
Paris, ce 15 juillet 1776.
Le chef.
C'est moi, oui oui qui les défendrai (les droits de son fils).
Assez j'ai fait parler la loi, il est tems que la nature triomphe.
Oui, citoyens, Agathis oublia l'Etat pour son père; mais son
père alloit périr Il tomba au milieu de la mêlée. Son fils
s'ouvre un passage, l'enlève dans ses bras et bientost oubliant
son père pour la patrie, il retourne au combat, et notre
vengeance est assurée. Citoyens, voudriez-vous condamnera
la douleur le vieillard qui lui-même combattit si souvent pour
vous? Voudriez-vous couvrir d'opprobre sa vieillesse? Et qu'il
dise en descendant au tombeau : mon fils seroit heureux s'il
mavoit moins aimé? Interrogez vos cœurs, et voyez qui de
( 435 )
VOUS, dans un pareil moment, refuseroit d'être ou père aussi
heureux ou fils aussi sensible.
Le choeur.
Agathis, Agalhis.
De ses vertus qu'il ait le prix.
A M. Vitzthumb.
Bruxelles, ce 21 aoust 1776.
Oserai-je vous prier, Monsieur, en cas que l'on vous adresse
encore quelques lettres pour moi, de me les envoyer à 1 Hôtel
de l'Agneau, sur 3Ieuse, à Liège. M. De Viltaneuse et moi,
Monsieur, nous vous prions d'agréer nos remerciements de
toutes les honnêtetés dont nous avons été comblés par vous
pendant notre séjour à Bruxelles. Que ne puis-je vous en dire
autant de la part de ma musique , Monsieur. Mais elle est bien
loin d'être aussi satisfaite de vos prétendues corrections que
nous le sommes, M. de Viltaneuse et moi, de toutes vos honnê-
tetés. Ne comptez plus sur mon retour à Bruxelles, Monsieur.
Je viendrois vous gêner dans vos opérations. Vous m'avez
banni à jamais du théâtre de Bruxelles. Mais l'honnête Mon-
sieur Vitzthumb conservera toujours sur mon cœur les droits
que l'homme de probité obtient si naturellement des âmes
reconnoissantes. Je suis. Monsieur, avec la plus grande et la
plus parfaite estime, votre très-humble et obéissant servi-
teur (1),
Grétry.
(1) Malgré l'absence de l'adresse et la distinction que l'auteur semble
établir entre Monsieur, et M. Vilzlhumb, nous croyons qu'elle lui est
écrite. L'oncle de Grétry et d'autres personnes encore avaient adresse
leurs lettres à Vilzlhumb pourles faire remettre à Grétry pendant son séjour
à Bruxelles.
( 436 )
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Commission pour la publication d'une collection des grands
écrivains du pays. — OEuvres de Froissart, publiées avec les
variantes des divers manuscrits par M. le B"" Kervyn de Let-
tenhove. Chroniques, t. XXIK Table analytique des noms his-
toriques, J.-Q. Bruxelles, 1875; vol. in-8°.
Du Mortier (Darlliélemy, C.) — Opuscules de botanique
(186:2-1875). — Hepaticae Europae. Bruxelles, 1873, 1874;
2 vol. in-8°.
Van Beneden. (P.-J.) — Notice sur la grande Balénoptère
du Nord (Balaenoptera Sibbaldii). Bruxelles; br. in-8°.
Juste {Th.) — Précis de l'histoire contemporaine (1815-
1871). Bruxelles, 1875; vol. in-12.
Catalan [E.) — Note sur les nombres de Bernouilli. — Sur
la constante dEuler et la fonction de Binet. — Sur les Asymp-
totes des courbes algébriques. Paris; 2 br. i\\-¥ et br. in-8".
Cornet (F.-L.) — Considérations sur la production et l'em-
ploi de Tair comprimé dans les travaux d'exploitation des
mines. Mons, 1875; br. in-8°.
Hennequin {Le capitaine d'état-major). — Carte géologi(iue
de l'Europe à l'échelle du 8,000,000'= avec notice explicative.
Bruxelles, 1875; feuille in-pl. et br. in-8°.
ffeuschling {Xavier). — Épidémie typhoïde de Bruxelles,
en 1869. Compte rendu analytique des travaux de la commis-
sion d'enquête. (Extrait du Moniteur belge. Septembre 1875.)
Bruxelles; br. in-8".
Royaume de Belgique. — Recueil des rapports des secré-
taires de légation de Belgique, tome 2,11" liv., août 1 875.
Bruxelles : in-8°.
( ^37 )
Académie royale de médecine de Belgique ^ à Bruxelles. —
Bulletin, 5'' série, année 1875, t. IX, n°* o et 7. — Mémoires
couronnés, in-8% t. III, o'^ fascieule. Bruxelles, 1875; 2 fase.
in-8°.
Cominission royale pour la publication des anciennes lois
et ordonnances de la Belgique. — Recueil des anciennes lois
et coutumes de la Belgique : Pays et comté de Flandre. Quar-
tier de Bruges, tome second {L. Gilliodls-van Sevei-en). —
Pays et comté de Brabant. Quartier d'Anvers, tome 5" {G. De
Longé). Bruxelles, l87o; 2 vol. in-4°.
Commissions royales d\ut et d'archéologie, à Bruxelles. —
Bulletin, XIV« année, 1873, n°^ 5 et 6. Bruxelles. 1875; in-8°.
Association belge de photographie. — Bulletin , 2^ année,
1875, n"M , 2 et 3. Bruxelles; 5 cah. in-8°.
Musée de l'industrie de Belgique. — Bulletin, 34^ année,
4873, t. G8, n"'* 1, 2 et 5, juillet, août, septembre, Bruxelles;
5 cah. gr. in-S".
Moniteur industriel belge, vol. II, 1875, n"^ 49 à 55.
Bruxelles ; 7 feuilles in-4°.
Société royale des sciences médicales et naturelles de
Bruxelles. — Journal, 55^ année; GO" vol., juin 1875; 61^ vol.,
juillet, août et septembre 1875. Bruxelles; 4 fase. in-8°.
Société royale de pharmacie de Bruxelles. — Bulletin,
19*^ année, 1875, n°« 7, 8, 9 et 10. Bruxelles; 4 fase. in-8".
Société malacologique de Belgique. — Procès-verbal :
séances de juillet, août et septembre 1875. Bruxelles; feuilles
in-8°.
Société entomologique de Belgique, à Bruxelles. — Compte
rendu, série II, n"' 15-17, juin-septembre 1875. Bruxelles;
feuilles in-8°.
Société royale de botanique de Belgique. — Bulletin,
tome XI V% n° 1 . Bruxelles, 1 875 ; in-8°.
La Presse médicale belge, 27" année 1875, n"'' 31-43.
Bruxelles: 13 feuilles in-4°.
( 438 )
Annales de médecine vétérinaire, ^li" année, juillet à octo-
bre 1875. Bruxelles; 4 cah. in-8°.
A nnales d'oadistique, 1 ■"% 2% 5'' et ¥ liv.Juillet-octobre 1 875.
Bruxelles; 2 fasc. in-8'.
Le Bibliophile belge, tome X, liv. !, 2, 5, 4. Bruxelles;
feuilles in-8°.
L'Abeille, XXP année, juillet-septembre 1873, 5^ à 1^ liv.
Bruxelles; in-8°.
Biblingraphie de Belgique, n"' 5 à 9, 1" année, mai à sep-
tembre 1873. Bruxelles; feuilles in-8°.
Société de pharmacie d'Anvers. — Journal, 51^ année, mai ,
juin et juillet 1873. Bruxelles; 5 cah. in-8".
Société de médecine d'Anvers. — Annales, XXXV' année,
juillet, août et septembre 1873. Anvers; 2 cah. in-8".
L'Illustration horticole, 5' série, 6^ vol., 7" liv., juillet 1873.
Gand; in-S".
Journal des Beaux-Arts, 17^ année 1873, n"' 15 à 18.
Louvain; 6 feuilles in-4°.
Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut , à
Mons. — Mémoires, 5*' série, tome X^ iMons, 1873; vol. in-8".
Société archéologique de Namur. — Annales, tome Xin%
2' liv. Namur, 1875; in-8».
Société médico-chirurgicale de Liège. — Annales, XIV*"
année, juin et juillet 1873. Liège; cah. in-8^
L'Echo vétérinaire f 3* année, 1873, n°' 3,6 et 7. Liège;
5 fasc. in-8''.
Le Scalpel, 28'' année, juillet-septembre 1875, n"* 1-15.
Liège; 15 feuilles in-4''.
Société hollandaise des sciences à Harlem. — Archives néer-
landaises des sciences exactes et naturelles, tome X, 1"^% 2* et
3* liv. La Haye, 1873; 5 liv. in-8^
Cosijn (A)' P.-J.) en Verivijs (D' E.) — Woordenboek der
Nederlandsche taal. Derde Reeks, Aflevering 4. (Gebrek-
Geducht). La Haye, 1873; in-8°.
( i59 )
A'. InslUuiU voor de Taal- Land- en Volketikunde van
Mederlandsch Indië. — Bijdragen, 3" Volgrecks, Dec! X,
I' Siiik. - Rcislochtcn naar de Gecivinkbaai op Nicuw-Giiinea
in de jaren 1869 en 1870, door C. IL H. von Roscnherc/. La
Haye, 1875; fasc. in-8" et vol. in-4".
Université de Leijde. — Annales Aeademici, 1870-1871.
Leyde, 1875; vol. in-4«.
Maatschappij der Nederlandsche Lelierkunde, te Leiden. —
Nieiiwe werken : I Dl., v Si., 1825; II Dl., 1 en 2 St., 1850;
III Dl., î2 St., 1854; IV Dl.; V Dl., I en t> St. — Nieuwe Reeks
van Werken : I Dl., 1846; III Dl., 1847; VII Dl., i en 2 St..
1852. — Verhandelinojen, 1)1. III, 1" St., 1819. — Ilandelingen,
1827, 1829, 1865, 1872, 1875. Leyde; vol. et fasc. in-8".
Zeeuivsch Genootschap der Welenschappen, te Middelbury.
— WeL — INaanilijst van Directeurcn en Leden. Middelbourg,
1874; 2 br. in-S".
Nederlandsche Dierkundicje Vereeniging , te Rotterdam. —
Tijdschrift, jaargang 1874, 1« Deel, 1% 2% 5^ en 4« Aflevering.
Rotterdam; 5 fasc. in-8°.
Historisch Genootschap, te Utrecht. — Kroniek, 6" Ser.,
IV« Deel, 29'' jaargang, 1875. — Werken, Nieuwe Reeks, n» 20
(Brieven en onuifgegeven slukken van Johannes Utenbogaert.
Derde Deel. Derde Afdeeling, 1650). — Histoire des Provinces-
Unies des Païs-Bas, depuis le parfait establissement de cet
Estât par la paix de Munster. Tome IV [Abraham de Wicque-
fort). Utrecht; 5 vol. in-8°.
Société provinciale des arts et des sciences d'Utrechl.
— Aanteekeningen gehouden in het jaar 1874. — Verslag
gehouden den 30 Juni i874. — Het Kloo-stcr te Windesheim
en zijn invloed, door D"- J. G. R. Àcquoy. — Peintures murales
de l'église St-Jacques, à Utrecht. Utrecht et Leyde; 2 fasc. et
\ol. in-8% vol. in-fol.
Société linnéenne du .Yord de la France y à Amiens. —
( 440 )
Bulletin : 5' année, n° 39 ; 4' année, n° 40. Amiens, 2 feuilles
in-8».
Société des antiquaires de Picardie, à Amiens. — Bulletin,
année 1875, W^ 1 et 2. Amiens; 2 fasc. in-8°.
Société d'Émulation de Cambrai. — Mémoires, t. XXXI11%
V" partie, 1874. Cambrai, 1875; in'8°.
Société savoisienne dliistoire et d'archéologie, à Chambéry.
— Mémoires et documents, tome XV% l*^^ partie. Chambéry,
1875;in-8°.
Académie de Stanislas, à Nancy. — Mémoires, CXXV^ année,
•1874, 4^ série, t. VII. Nancy, 1875; vol. in-8°.
Garcin De Tassy. — La langue et la littérature liindous-
tanies : de 1850 à 18C9 (seconde édition); en 1871, 1872,
1873 et 1874. Paris; 5 vol. in-8°.
Lorin. — Faits relatifs à l'étude des alcools polyatomiques
proprement dits. — Application à un nouveau mode d'obten-
tion de l'acide formique cristallisable, Paris, 1875; br. in-4°.
Neyreneuf (F.) — Sur le rôle, dans les phénomènes élec-
triques, des substances isolantes en contact avec des corps
conducteurs. Paris, 1875; br. in-4*'.
Académie des sciences de Paris. — Comptes rendus,
tome LXXXI, n"' 1-15, juillet-septembre 1875. Paris; 15 cah.
in-4".
Revue politique et littéraire, "i" série, 5^ année, 1875-76,
n"' 1 à 15. Paris; 13 cah. in-4°.
Revue scientipque, 2*^ série, 5^ année, 1875-7G, n*'* 1 à 15.
Paris; 15 cah. in-4''.
Revue britannique, juillet, août et septembre 1875. Paris;
5 demi-vol. in-8".
V Institut, ï\ow\q\\^ série, 3* année, juillet à septembre 1875,
„os |;29 à 141. Paris; 13 feuilles in-4''.
Archives de médecine navale, tome 24% n*" 1, 2, 5, juillet-
septembre 1875. Paris; 3 cah. in-S".
( Ui )
Le Progrès médical, 5'"*= année 1875, n°' 27-39. Paris;
l 5 feu il les in-4".
Journal de ragriculture, tome III, juillet-septembre 1875.
Paris; 15 cali. in-8".
Revue hebdomadaire de chimie, (j* année 1875, n°' i à 38,
juillet-septembre. Paris; 1875; 58 feuilles in-8°.
Société de géographie de Paris. — Bulletin, juillet, août et
septembre 1875. Paris; 3 fasc. in-8°.
Société d'anthropologie de Paris. Bulletins, S'' série : t. IX^
5" fîisc, juillet à novembre 1874; t. X% 3« fasc. mai et juin
1875. Paris; 2 fasc. in-8°.
Société géologique de France. — Bulletin, 3* série : t. H,
1874, n" 7; t. IIl, 1875, n°^ 6 et 7. Paris; 3 liv. in-8°.
Société météorologique de France. — Annuaire, tome XXIP
1874, feuilles 5 à 15 incl. —Nouvelles météorologiques?
8^ année, juillet-octobre 1875. Paris; 6 fasc. in-8*'.
Société centrale d'agriculture de France, à Paris. — Bul-
letin des séances, n"' 4, 5,6 et 7, 1875.— Séance publique an-
nuelle tenue le 27 juin 1875. — Mémoires, année 1875. Paris;
5 fasc. et vol. in-S".
Société mathématique de France. - Bulletin . tome III, n*»' 5
et 6, septembre-octobre 1875. Paris; 2 liv. in-8''.
Société des amis des sciences naturelles de Rouen. — Bul-
letin, 2* série, 11^ année 1875, 1 semestre. Rouen, 1875:
in-8°.
Société d'agriculture , sciences et arts de V arrondissement
de Valenciennes. — Revue agricole , 27^ année 1 875 , t. XXVIIÏ,
n"' 4 à 7. Valenciennes ; 2 liv. in-8°.
Hirn{G.-A.) — Tbéorie analytique élémentaire du plani-
mètre Amsler. Paris, 1875; br. in-8°.
K. P. Akademie der Wissenschaften zu Berlin. — Monats-
bericht, Mai-Juin 1875. Berlin , 1875 ; 2 fasc. in-8°.
K. P. Geodcitische Institut. — Astronomisch-seodâtische Ar-
( 442 )
beiten in den Jahren 1875 und 1874. Berlin, 1875; vol. in -4°.
Bureau central de l'Association géodésique internationale.
— Comptes rendus des séances de la quatrième conférence
i^éodésique internationale pour la mesure des degrés en Europe,
réunie à Dresde du 23 au 28 septembre 1874. Berlin, 1875;
in-4".
Deutsche cheniische Gesellschaft zu Berlin. — Berichte,
VIII. Jahrg, 1875, N' 12, 15, 14 und 15. Berlin , 1875;4fasc.
in-8».
Gesellschaft fur Natur- und Heilkunde in Dresden. —
Jahresbericht, October 1874 bis Mai 1875. Dresde; in-8^
JVeue Zoologische Gesellschaft in Frankfurt A. M. — Zeit-
schrift, XVI Jahrg. Januar-Juin 1875. Francfort S/M; 6 cah.
in-8».
Justus Perthes" Geographische Anstalt zu Gotha. — Mit-
iheilungen, 21. Band, 1875, IX. und X. — Erganzungsheft ,
N'. 45 Gotha; 5 cah. in-4''.
Historischer Verein fi'ir Steiermark zu Graz. - Mitthei-
lungen, XXIII^ Heft , 1875. — Beitrage zur Kunde Steierra.
Geschichtsquellen, 12. Jahrgang. Graz, 1875; in-8°.
Natur wissenschafilicher Verein, Hamburg. — Abhandlun-
gen : V. Band, 4 Abth.; VI. Band, 1. Abth. Hambourg, 1875;
2 fasc. in-4°,
Medicinisch-naturwissenschaftliche Gesellschaft zu Jena.
— Jenaisehe Zeitschrift, IX. Bd., N. F., II. Bd., 5. Heft. Jena.
1875;in-8°.
Universitàt zu Kiel. — Schriften aus dem Jahre 1874,
Band XXI. Kiel, 1875; vol. in-4«.
Archiv der Mathematik und Phijsik, LVIII. Teil., 1. Heft.
Leipzig, 1875; in-8'=.
K. B. Akademie der Wissenshaften zu Miinchen. — Zit-
zungsberichte der philoso.-philolo. und histor. Classe, 1875;
Bd. I., Heft III. Munich, 1875; in-8°.
( 445 )
K. K. Stermvarte zu Prag. — Astronomischc, Magnolische
und Meteorologischc Bcobaclitungen, 55. Jahrgang, 1874.
Prague, 1873; in-4°.
Casopis Léimnir Ceskych, Rocnik XIV, 1875, Cislo 26-31,
53-45. Prague; 17 feuilles in-4^
Verein fur Vaterlandische Naturkunde in Wurltemherg. —
Wurltenibergischc naturwissenscliaftliche Jahresliefte, Jahr-
gang XXI., 1875.S(uUgard, 1875; in-8°.
Verein fur Kunst und Allerthiim in Ulm und Oberschwa-
6ew.— Verbandlungeii, Neue Rcihe, VII. Heft. Ulm, 1875;
in-4".
K. K. Geologische Beichansfall in Wien. — Jahrbucli, Bd.
XXV, N« 2, April , Mai , Juni 1 875. — Verbandlungeii , N° 6-1 0 ,
April-Juni 1875. Vienne; fasc. et 5 feuilles petit in-4".
Antropologisclie Gesellscliaft in Wien. — Mittbeilungen, V.
Band, Nr. 4 u. 5, 6 u. 7, 8 u. 9. Vienne; feuilles in-8'' avec
planches.
Dorpater Naturforscher Gesellschaft. — Archiv fiir die Na-
turkunde, 1. ser. : V, Bd., 1.-4. Liefer.; VII. Bd., 2.-4. Liefer.
— Sitzungsberichtc, III. Bd., V. und VI. Heft, 1873, 1874.
Dorpat, 6 fasc. gr. in-8'' et 2 fasc. pet. in-8^
Kurldnd. Gesellschaft fur Lileratur und Kunst, Mitau. —
Sitzungs-Berichte aus denj Jahre 1874. Riga, 1875; in-8°.
K. Upsala Universitets. — Arsskrift , 1874. (vol. in-8°). —
Fôrelâsningar ocb Ofningar (2 br. in-8°). — Nagra Bidrag till
Upsala theologiska fakultets historia, I., II., III. (C. A. Corné-
lius).— Slatistisk undersôkning rôrande Valdsamma dôdsfall
i Sverige, 1. [Klas G. Odén) in-4°. — Thèses académiques, 65
br. in-8° et br. in-4''.
Académie Royale Danoise des Sciences et des Lettres, à Co-
penhague. — Bulletin, n°2, mars-septembre J 874. — Mémoires ,
classe des lettres, 5* série, vol. IV, n° 11. Copenhague; fasc.
in-8° et fasc. in-4*'.
Société Royale des Antiquaires du Nord, à Cope?ihague. —
( 444 )
Aarbôger for Nord. OEdk. og Historié, 1874. — Tillœg, aar-
gang 1873. — Mémoires, nouvelle série, 1875-1874, feuilles 7
à lô. — Islendinga Sôgur, III. vol. 1875. — Njala, 1873. —
Kongehôiene i Jellinge og deres ivndersôgelse efter kong Fre-
derik VU'' befaling i 1801. {J. Kornerup). Copenhague; 5 vol.
et feuilles 10-8"; vol. in-4°.
Société Vaudoise des sciences naturelles, à Lausanne. — Bul-
letin, 2^ série, vol. XllI, n° 74. Lausanne, mai 1873; in-8".
Société de géographie de Genève. — Mémoires et Bulletin,
tome XIV, liv. 1 à 5, 1873. Genève, Baie, Lyon;in-8°.
Mensini [lacopo). — La Spia ortosismica. Nuovo apparecchio
avvisatore dei terremoti sussultori. Florence, 1873: br. in-8°.
Orsoni (Francesco). — I microfiti ed i microzoi délia cbi-
mica organica. Noto, 1873; br. in-4".
Pessina{Enrico). — Appunli interno al nuovo schéma di
codiec pénale per il regno d'Italia e lezioni sulla pena di morte.
Naples, 1875: vol. pet. in-8°.
/?. Comitato geologico d'Italia. — BoUettino, anno 1875,
n". 5 e 4, 5 e 6. Rome, 1873; 2 fasc. in-8".
Socielù Toscana di Scienze Naturali, Pisa. — Atli, vol. 1 ,
fasc. 1 e 2. Pise, 1873; "1 fasc. in-8«.
Nature, vol. XI, 1873, N- 282-^287, vol. XII, N«* 288-309,
april-september 1875. Londres, 1875; 28 cah. in-i".
Iron, New Séries, vol. VI, 1875, N°' 129-143. Londres: 13
feuilles gr. in-4''.
Royal geographical Society of London. — Proceeding-',
vol. XIX, N"' Vil and VIII. Londres , 1875; 2 fasc. in-8".
Meteorological Society of London. — Quarterly Journal,
july 1875. Londres: in-8'\
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX- ARTS DE BELGIQUE.
1875. —NMl.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 6 novembre 4875,
M. A. Brialmont , directeur et président de l'Académie.
M. LiAGRE, secrétaire perpétueL
Sont présents : MM. J.-S. Stas, L. de Koninck, P.-J. Van
Beneden, Edm. de Selys Longchamps , H. Nyst,
H. Gluge, Melsens, F. Duprez, G. Dewalque, Ern. Que-
telet, H. Maus, M. Gioesener, E. Candèze, F. Donny,
Ch. Montigny, Steichen , Éd. Dupont , Éd. Morren ,
Éd. Van Beneden, G. Malaise, Alb. Briart et F. Plateau,
membres ; T. Schwann , E. Catalan et Aug. Bellynck ,
associés; Éd. Mailly, F. Crépin, et Ch. Van Bambeke,
correspondants.
2"°" SÉRIE, TOME XL. 29
( 446 )
CORRESPONDANCE.
La classe a perdu, le 20 octobre 1875, sir Charles
Wheatstone , I'uq de ses associés de la section des sciences
mathématiques et physiques, décédé à Paris à l'âge de
74 ans.
— La Société impériale des naturalistes de Moscou
remercie pour les félicitations académiques qui lui ont été
adressées au sujet du 50^ anniversaire du doctorat de son
président, M. le conseiller privé Alex. Fischer de Wald-
heim. Elle annonce en même temps qu'elle fera part de
ce témoignage lors du jour de la fête jubilaire.
— L'Institut royal des sciences, des lettres et des arts,
à Venise, adresse le programme de ses concours pour les
années 1875, 1876 et 1877.
— M. le professeur Bernardin envoie ses observations
sur le règne végétal faites à Melle le 21 octobre dernier.
M. J. Cavalier adresse son résumé météorologique
pour Ostende , pendant les mois de septembre et octo-
bre 1875.
— L'Académie nationale des sciences exactes de l'Uni-
versité de Cordova, l'Académie physio-médico-statistique
de Milan et la Société photographique de Toulouse en-
voient leurs récentes publications et demandent l'échange.
— Les Sociétés zoologiques de Londres et de Francfort-
( 417 )
sur-Mein et la Société asiatique du Bengale, à Calcutta,
envoient également leurs derniers travaux.
— M. Edouard Morren, membre de la classe, offre les
deux ouvrages suivants : i° Bulletin de la Fédération des
sociétés d'horticulture de Belgique^ 1874; 2° Correspon-
dance botanique. Liste des jardins^ des chaires et des mu-
sées botaniques du monde, 5^ édition.
La classe vote des remercîments pour ces dons.
— Les travaux manuscrits suivants sont envoyés à
l'examen de commissaires :
1° Les dépôts littoraux de l'assise paniselienne dans
les enviroîis de Bruxelles, mémoire manuscrit avec billet
cacheté renfermant les noms des auteurs. — Commis-
saires : MM. Dupont, Nyst et Briart;
2° Les roches réputées plutoniennes des Ardennes fran-
çaises, seconde partie et fin du mémoire couronné de
MM. de La Vallée-Poussin et Renard. — Commissaires :
MM.Dewalque, De Koninck et Malaise;
5** Théorèmes sur les polygones réguliers et sommation
de quelques séries trigonométriques, par M. le capitaine
d'artillerie Beinemund. — Commissaires : MM. De Tilly
et Catalan ;
4" Sur le problème de deux liquides superposés dans un
tube capillaire, par M. G. Van der Mensbrugghe. — Com-
missaires : MM. J. Plateau et F. Duprez;
5" Descriptions de quelques oiseaux nouveaux, par
M. Alphonse Dubois. — Commissaire : M. de Selys Long-
champs.
( us )
RAPPORTS.
Conformément à Tordre du jour de la séance , la classe
est appelée à prendre une résolution sur les conclusions des *
rapports de MM. Dewalque , Dupont et Briart concernant
le projet de publication d'une nouvelle carte géologique de
la Belgique.
Après une longue discussion , à laquelle beaucoup de
membres ont pris part, la classe a décidé de prier M. le
Ministre de l'intérieur de faire faire un nouveau tirage de
la carte de Dumont, en attendant que le gouvernement
donne suite au vœu, que lui exprime l'Académie, de voir
exécuter une nouvelle carte géologique à grande échelle.
L'exécution de cette carte serait confiée à un comité pour
la composition duquel l'Académie réclame le concours des
départements de l'Intérieur, de la Guerre et des Travaux
publics.
Note sur les tremblements de terre en ^872, avec supplé-
ments pour les années antérieures de i843 à ^812, par
M. Alexis Perrey.
Rapport de M. C. MÊataise.
a Le travail de M. A. Perrey comporte 124 pages. C'est
une espèce de statistique des phénomènes séismiques, pro-
venant de la réunion de notes publiées dans les journaux
( U9 )
périodiques, etc., et de communications reçues de diverses
personnes. Ce résumé est-il complet pour chaque année?
Il est permis d'en douter vu les nombreuses annotations
ajoutées sous forme de supplément.
Dans un moment où l'on marchande les subsides accor-
dés à l'Académie, pour l'impression de ses travaux, je suis
à me demander si ce n'est pas grever inutilement notre
budget que de voter l'impression du travail de M. A. Per-
rey dans nos Mémoires. N'y a-t-il pas en France de
recueil où ce genre de travail pourrait tout aussi bien
figurer qu'ici. Et d'ailleurs ne publie-t-on pas en Alle-
magne et en Italie des résumés de tout ce qui se rapporte
aux tremblements déterre et aux phénomènes volcaniques.
J'ai l'honneur de proposer à la Classe le dépôt dans les
archives du mémoire de M. A. Perrey. d
JRappot*t de MM. Ch. .Wontigny.
a En accueillant, depuis 1843, dans ses publications
les catalogues des tremblements de terre réunis par
M. Alexis Perrey, l'Académie a eu l'intention de mettre en
lumière des documents qui sont indispensables à l'étude
de la cause de ce grand phénomène naturel. L'importance
de semblables documents s'était fait sentir depuis long-
temps; aussi plusieurs savants s'étaient-ils occupés de leur
réunion. Arago, entre autres, dès 1817, avait commencé
ce recensement. Forcé d'interrompre cette tâche en 1830,
ce savant se félicita de la voir reprise plus lard par
M. A. Perrey et poursuivie par lui avec un zèle infatigable,
comme Arago le dit lui-même. Un an avant sa mort, il se
plaisait à reconnaître que les catalogues de son continua-
( .450 )
leur étaient plus complets que les siens, et qu'ils présen-
taient l'avantage de s'étendre à un plus grand nombre
de contrées. Il admettait, en outre, les conclusions que
M. A. Perrey avait déduites de ses premiers recensements,
et suivant lesquelles les secousses de tremblements de
terre sont influencées par la marche de la lune (1).
En effet, les principales conclusions que M. A. Perrey
a tirées de ses recherches, qui ont successivement em-
brassé des périodes de temps de plus en plus étendues,
sont les suivantes (2) :
l** La fréquence des tremblements de terre augmente
vers les syzygies;
2"* Elle est aussi plus marquée lorsque la lune est au
voisinage de son périgée.
Ces conclusions sont citées par plusieurs savants , entre
autres par sir Charles Lyell (5). Ce célèbre géologue rap-
pelle, au sujet de ces conclusions, la remarque de sir John
Herschel que voici : « Bien que l'action du soleil et de la
» lune, dit Herschel , soit impuissante à produire un mou-
j) vement de marée dans la croûte solide de la terre, elle
» tend pourtant à le faire, et produirait ce résultat, si cette
» croûte était fluide; et qu'en réalité elle fait donc passer
» alternativement les portions solides de la surface ter-
(1) OEuvres d'Arago, l. XII, pp. 209 et -264. Voir aussi le t. XYIl,
p. CCXLIl.
(2) Propositions sur les tremblements de terre et les volcans formu-
lées par M. Alexis Perrey, professeur à la Faculté des sciences de Dijon,
1863.
(3) Principes de géologie, etc., par sir Charles Lyell, ouvrage traduit
par M. J.Ginestou en 1875, l. II, p. 293.
( 451 )
D restre de Tétat d'extension à celui de compression, d
(Herschel, Familiar lectures on Scientific Subjets, 1866).
Si j'appelle ici l'attention de la classe sur les faits qui
précèdent, c'est sans autre intention que de donner plus de
relief encore aux travaux de M. A. Perrey, en citant des
savants qui ont pris en considération les conclusions qu'il
en a déduites. La science est donc en voie de recueillir des
fruits de la publication des nombreux documents que notre
Académie a insérés dans ses Recueils, et qu'il n'apparte-
nait peut-être qu'à un corps savant de mettre au jour, vu
leur étendue et la spécialité de leur objet.
Je ferai remarquer, en outre, que la coordination si labo-
rieuse d'une statistique des tremblements de terre ne peut
se compléter en peu de temps, les documents pour les an-
nées écoulées n'arrivant que tard et successivement à l'au-
teur. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'être surpris si, dans le tra-
vail que la classe a bien voulu soumettre à mon examen ,
M. A. Perrey a publié un supplément où sont indiquées les
secousses relatives aux années 184^3 à 1872 qu'il n'avait
pu signaler primitivement. Dans l'exposé plus étendu des
mouvements qui ont agité la surface terrestre pendant
l'année 1872, M. A. Perrey me paraît avoir tenu compte
d'une remarque critique de notre honorable confrère
M. Mailly, au sujet des développements trop étendus que
l'auteur avait donnés à plusieurs citations inscrites dans les
catalogues précédents.
En présence des considérations qui précèdent, j'ai l'hon-
neur de proposer à l'Académie l'insertion du nouveau tra-
vail de M. A. Perrey dans le recueil des Mémoires in-8%
et que des remercîments soient également adressés à l'au-
teur. »
( 452 )
BappofI de JUt. Oup»*€z.
« Mon opinion au sujet de l'utilité des recherches sur
les tremblements de terre dont M. A. Perrey continue à
s'occuper d'une manière spéciale, est en tous points con-
forme à celle qui se trouve exprimée dans le rapport de
M. Montigny, et je me joins à notre confrère pour appuyer
l'impression de la nouvelle Note présentée par l'auteur.
Quant à la question financière soulevée dans le rapport de
l'honorable M. Malaise, je me crois incompétent à la traiter,
et j'en laisse la solution à l'appréciation de l'Académie. »
En présence de la divergence d'opinions des commis-
saires et des ressources restreintes dont l'Académie dis-
pose pour ses publications, la classe a dû se borner à voter
des remercîments à l'auteur; elle a, en même temps, décidé
le dépôt de son travail dans les archives.
MM. Folie, Catalan et Liagre, chargés d'examiner le
Fragment III, du travail de M. J.-C. Houzeau, sur le calcul
numérique, donnent lecture de leurs rapports.
Conformément aux conclusions de ces trois commis-
saires, la classe décide l'impression au Bulletin du frag-
ment précité ; elle a voté, en même temps, des remercî-
ments à M. Houzeau.
( 455 )
1" Éludes sur la planète Mars (S'' notice); 2° Sur l'aspect
de l'ombre du 2!' satellite de Jupiter le 25 mars 1874;
notices par M. F. Terby.
Rapport de M. JEfn. Quetetei.
« La notice que M. Terby présente à l'Académie se com-
pose de trois parties distinctes. La première contient les
observations de la planète Mars, faites à Louvain pendant
l'opposition de 1875. Les conditions de distance étaient
favorables, mais malheureusement la déclinaison de la
planète était très-australe. L'auteur a pu cependant réunir
un certain nombre de dessins qu'il a comparés avec soin
aux ligures de Mars obtenues depuis 1864. Il trouve que la
situation des taches sur le disque présente beaucoup d'ana-
logie cette année avec celles des années 1864 et 1858. Or,
dans ces trois circonstances, les observations ont été faites
à des époques voisines des équinoxes martiels : en 1858
et 1875 l'équinoxe du printemps méridional, en 1864,
l'équinoxe du printemps boréal. L'auteur présente une des-
cription détaillée des diverses taches et fait ressortir l'in-
fluence considérable qu'exercent les saisons sur l'apparence
et quelquefois même sur la visibilité de certaines d'entre
elles.
La 2^ partie est un appendice au mémoire intitulé Aréo-
graphie que l'Académie a publié parmi ses Mémoires in4".
L'auteur a reçu communication de quelques ouvrages qu'il
ne connaissait pas à l'époque où a paru son premier travail,
notamment deux mémoires de l'astronome italien Salvator
Serra et un autre de Dominique Cassini. Cette bibliogra-
( lU )
phie mentionne aussi quelques travaux modernes qui sont
comparés avec ceux que M. Terby a déjà fait connaître.
Dans le Bulletin du mois de novembre 1874, M. Terby
avait attiré l'attention des astronomes sur la différence
de teinte qu'avaient présentée, dans la soirée du 25 mars
précédent, les ombres des 2' et 3' satellites de Jupiter pro-
jetées sur le corps de la planète; l'ombre du o*^ lui avait paru
décidément noire et celle du second, grise. M. Flammarion
était parvenu à un résultat analogue. M. Terby, dans la
3^ partie de sa note, rectifie ce qu'il avait dit relativement
à l'observation faite par M. Knobel. Cet astronome a vu
l'ombre du 2^ satellite noire et non pas grise. M. Webb l'a
trouvée également noire. D'après M. Birmingham, l'ombre
était brune et faible et selon M. Buffham elle fut grise pen-
dant */6 du temps du passage. Cette diversité d'appréciation
est d'autant plus remarquable que l'on avait à côté comme
point de comparaison l'ombre du 5*^ satellite que tous les
observateurs semblent s'être accordés à regarder comme
noire. L'auteur se borne à constater le fait sans en cher-
cher l'explication.
Ces notes constituent une suite intéressante aux re-
cherches déjà publiées par M. Terby sur l'aspect des
grosses planètes de notre système et j'ai l'honneur d'en
proposer l'impression. »
Conformément à cet avis partagé par M. Liagre, second
commissaire, la classe décide l'impression au Bulletin des
notes de M. Terby.
( 4SS )
COMMUNICATlOiNS ET LECTURES.
Fragments sicr le calcul numérique, par M. J.-C. Houzeau ,
membre de TAcadémie.
FRAGMENT III.
RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES.
60. Je ne m'occuperai ici des équations qu'au point de
vue des méthodes les plus avantageuses pour le calcul
numérique. Je laisserai de côté la recherche des racines
imaginaires, sauf dans quelques cas particuliers, tels que
les équations du second et du troisième degré. Dans les
applications des sciences physiques on n'a guère besoin,
en effet, que des racines réelles; mais il est important
d'arriver rapidement et sûrement à ces racines.
J'ordonnerai partout les équations numériques suivant
les puissances croissantes des inconnues. Pour les équa-
tions à une inconnue, j'écrirai par exemple :
0 = A -t- Bx -h Cx' - -t- Jx*"-' -+- Kx"-' -t- x"*. . (85)
De cette manière, quel que soit le degré de l'équation,
A représentera toujours le terme connu, R le coefficient
du terme du premier degré, C celui du terme du second
degré, et ainsi des autres. Pour toute équation de degré n,
( 456 )
n étant < m, il suffira d'égaler à l'unité le coefficient de
x", et de rendre nuls tous les coefficients qui suivent.
En outre, lorsqu'une équation de la forme (85) a subi
une préparation quelconque, lorsqu'elle a été par exemple
privée à dessein d'un de ses termes, ou qu'un de ses coeffi-
cients a reçu une valeur voulue, je remplacerai x par y
(nouvelle inconnue), et les capitales A, B, C... par les
lettres basses a, b, c... J'écrirai alors
0 = a -\- by -^ cy^ ... -^jy'^"^ -f- %•""* -<- 2/"* . . (86)
§ M. — Solution trigonométrîque du second degré.
61. La résolution de l'équation du second degré à une
inconnue, par le secours des lignes goniométriques, est
tellement simple, et si bien adaptée au calcul des loga-
rithmes, que l'on doit s'étonner de la trouver complè-
tement négligée. Cette équation est, d'après la notation du
numéro précédent,
0 = A 4- Bx -+- x' (87)
Pour la résoudre par la trigonométrie on considère
séparément deux cas, suivant que les racines sont de
même signe (et par conséquent A positif), ou que ces
racines sont de signe différent (et par suite A négatif),
/*•■ cas, A positif. — Si les racines sont toutes les deux
de même signe, il est permis de les représenter par deux
facteurs tels que
k tang^ f, et A cot | y ,
dans lesquels k peut toujours être pris positivement,
(4S7)
pourvu que le signe de 9 reste à déterminer. Multiplions
X — k tang \ 9 par x — k 001^9, et égalons ce produit à
zéro, nous formerons Téquation du second degré
0 = P — k (tang ^ î? H- cot ^ î?) ar H- x%
ou bien
0=ifc'_A:— x -+- x« (88)
sin ^
Comparant (88) à la proposée (87), on voit que les
coefficients de celle-ci ont respectivement pour valeur
A = A;^B
sm 9
d'où Ton tire d'abord A:=l^A, et ensuite
21/Â UangiyV/Â,) ,^^^
sm«) = —-, et x = \ ^ '[ . 89
^ B (cot if\/I.} ^ ^
2'"' cas, A négatif. — Les racines étant de signe différent,
on peut représenter Tune par k tangl 9, et l'autre par
— A; cot 1-9, A; étant essentiellement positif et 9 d'un signe
à déterminer. Multiplions x — k tang y 9 par oc -h A; cot 4 9,
et égalons à zéro, nous obtiendrons
0 = ~ k^— k (tang if — cot i î») X -4- xS
ou bien
0 = — A:* H- 2A cot ^ . a: H- x^ . . . (90)
qui montre que les coefficients de la proposée ont dans
ce cas pour valeur *
A=— A% B = 2A:cotî);
( 458 )
on en tire d'abord /: = V/-— A, et ensuite
B (tangiî>\/^^)
cotf= =:=, et a;= .y . (91)
21/— A (_cotiy\/— A.)
62. Ces solutions trigonométriques du second degré
fournissent les racines réelles avec une promptitude
remarquable. Les équations de cet ordre se rencontrent
si souvent dans le calcul, que ces procédés tirent de la
fréquence des applications un plus haut degré d'utilité
pratique^
Lorsqu'il s'agira d'en faire usage, on distinguera donc
deux cas, dans la proposée (87), selon que A, qui est
formé du produit des racines, se trouve affecté du signe -+-
ou du signe — .
1° Si A est positif, on prend l'arc auxiliaire
siny = -?^, (92)
et les racines sont
(tangi.l^,)
(cot ifl/Â;S
c'est-à-dire, par le calcul logarithmique,
La;=^LAzpL tang if ... . (94)
Le radical peut toujours être pris positivement , et (p, qui
est de signe contraire à B, s'étend de — 90° à h- 90°.
Le signe de 9 est d'ailleurs essentiel pour déterminer
celui de x.
Si £^ est > 1 , cette valeur ne peut plus convenir pour
( 459 )
un sinus : les racines sont imaginaires. Nous traiterons de
ce cas tout à l'heure.
2° Quand A est négatif, on prend l'arc auxiliaire
tangp= — - — , . . . . (95)
et les racines sont
( — cotiç>l/— A;] ^
c'est-à-dire, parle calcul logarithmique,
Lx(=f) = i L [- a] zp L tang ^f... (97)
Le radical peut toujours être pris positivement, pourvu
que cp s'étende de — OO'' à h- 90% et que cet arc soit du
signe de B.
L'expression ~^ peut, quelle que soit sa valeur, repré-
senter une tangente, et les racines sont toujours réelles.
63. Soit par exemple l'équation
0 = — 1 2,01 9 887 — 6,753 825 x + x* . . (98)
A étant négatif j'applique les formules (95) et (96) :
L2 . . . 0,301 030 0
LV/^^.. 0,539 948 7
coLB.... 1,170 450 2 —
Somme. . . 0,0 11 428 9 — = L tang f ... ~ 45M5'13;'72 = f .
lp= — 22.52.36,86
Ll^^TÂT. . 0,539 948 7
Llanglp. T,625 252 5-
Somme . . . 0,165 2010— . . . . — 1,462 854 = j^i
(-) Différence 0,914 696 4 -♦- .... -+-8,216 681 = a?,.
( 460 )
64. Il est rare que les racines imaginaires soient de-
mandées dans le calcul numérique. Voici cependant com-
ment on peut les tirer d'une équation du second degré,
par voie goniométrique. Une semblable équation, dont les
racines sont imaginaires, peut être mise sous la forme
0 = J^-^2kx-^x' .... (99)
sin^f
On en tire, en la résolvant à la manière ordinaire, et en
faisant attention que \ — sin^ô =cos2£,
x== — kz^—\/-cos'e = — k{\z^coU\/^^) (100)
sine
En comparant (99) à la proposée 0= A + Bac h- x2, on
voit que
k = -iB, et A = --:-^, dou sine = ---=.;
donc, par la substitution dans (100),
a;= — |B(1 qicotel/^^) . . . (101)
Il résulte de là que, dans l'équation (92), lorsque^
est > 1 , il suffit de renverser les termes de la fraction ,
dont on peut d'ailleurs négliger le signe, et de poser
sin£ = -, (102)
21/A
5 compris entre 0° et 90^ Alors les racines sont
a;^_xB(liFcot£l/^) = — lB=FlBcot£l/— 1 (105)
Dans le calcul numérique, sans s'arrêter à chercher
l'arc £, on tire directement des tables son Lcot d'après
son L sin.
( 461 )
§ N. — Nouvelle solution trigonomé trique du
troisième degré.
65. Les procédés ordinaires, employés pour résoudre
l'équation du troisième degré, sont différents suivant la
nature des racines f). Ils exigent donc qu'on reconnaisse
d'abord cette nature. Dans l'équation
0 =a-4- 6t/ -+-2/% (104)
déjà privée du terme du second ordre, il faut par exemple
calculer le binôme Ab^ h- 27 a^ ce qui peut être assez long.
Une solution qui s'applique à tous les cas, sans autre con-
sidération que les signes des termes, est évidemment pré-
férable, pourvu qu'elle joigne le mérite de la simplicité..
Or, toute équation du degré m pouvant être considérée
comme le produit membre à membre d'équations de
degrés moindres, décomposons l'équation du troisième
degré en une génératrice du second degré et une autre du
premier. Dans la génératrice du second degré compre-
nons, ce qui peut toujours se faire, deux racines de même
signe. Nous appellerons celles-ci racines conjuguées , et
c'estévidemment parmi elles qu'il peut se trouver un couple
d'imaginaires. Toutes ces génératrices sont comprises dans
les deux formes
0=k^ — ksiiif.y-^y'^, ou bien 0^=k^sïn^f — ky-^y^]
(*) La solution générale de Tarlaglia, qui passe plus communément
sous le nom de Cardan, et que Bombelli a développée et Albert Girard
simplifiée, est sans doute trop négligée aujourd'hui. Quel qu'en soit le
mérite analytique, elle a toutefois l'inconvénient d'être fort incommode
pour les calculs logarithmiques.
2""^ SÉRIE , TOME XL. 50
( 462 )
Â: et 9 ayant des valeurs dont on peut disposer. Multiplions
membre à membre par une équation du premier degré ,
dont nous nommerons la racine racine singulière^ et telle
que le coefficient du terme eu ?/2 s'annule dans le produit.
On prendra pour cette génératrice
soit 0 = A: sin y H- î/, soit 0 = fc -f- y.
Il vient alors par la multiplication ,
0 = F sin f -4- k^ cos^ ?• 2/ -*- 2/' ? • • (i05)
0 = P sin\ — /c' cos\. 1/ -*- 3/' . . . (106)
Ces deux types représentent manifestement toutes les
équations du troisième degré privées du terme du second
ordre. En les rapportant à la forme générale
0 = a-+- 6î/-f-2/% (107)
on voit que le premier type répond à 6 positif, et le second
à b négatif. Considérons ces cas tour à tour.
Premier cas, b positif. — On tire d'abord, en compa-
rant (105) à (107),
^ sin ç)
V/6"'
,5 «^o3
et
cos"^) ▼ sin y
T Sin o
d'où la racine singulière
t/i = — ksm ^= —Va. sin* f .
On pourrait ensuite résoudre la génératrice du second
degré à la manière ordinaire, et introduire dans l'expres-
sion de y qui en résulte la valeur de A:, ce qui donnerait
pour les racines conjuguées
( 465 )
et comme jr^ est toujours > 1 , on conclut immédiatement
que ces racines sont imaginaires. Appliquons à cette géné-
ratrice les formules (102) et (105) du n" 64. Nous devrons
poser, dans ces relations,
A = /:*, B = — k sin ,?;
et par conséquent
k sin f
sin f = ; — = — i sm '^ ,
''2k
OU aussi bien,
sin e= ^ sin f,
parce que la colangente de s est employée ci-après avec le
double signe. Enfin les racines imaginaires seront
t/ = |Asin'^(izpcott 1/ — i) = iva.sm^f(i zp colfl/ — J).
Deuxième cas, h négatif. — On a d'abord
et la racine singulière
La génératrice du second degré , traitée par les procédés
ordinaires, fournit pour les racines conjuguées,
y = ik{[qzV i - I,sm\) = i\/ ~ {i qzV^i- 4sin';}^
▼ sin f
Il est facile de voir que sin (p = 4 donne des racines égales,
sin 9>4 des racines imaginaires, et sin 9 <4 des racines
( 464 )
réelles inégales. Celte génératrice du second degré devient,
en substituant pour k sa valeur,
0 = — 6tang\ — 2/-»-v'- • • (^08)
COS f
Nous traiterons l'équation (108) par les procédés du
n° 61 , en faisant
A = — 6 tang^ », B = .
COSÇ)
Si les racines sont réelles, l'introduction de ces valeurs
dans la formule (92) nous donne, en appelant 2 v// l'arc
auxiliaire (f de cette expression,
si„2* = Bl^E5l^5îîSl = 2sin, . . (109)
COS f
Maintenant, en vertu de sin2 v/> = 2 sin ;// cos ^ , on trouve
sin v/y COS i// = sincp , et par conséquent
sin <// sin o cos é sin ^
tang^ = =■ — ^, cot<p=-: =-^-^,
COS ^ cos^ ^ sin ^ sin'' ^
et en vertu de tang ^=^,
sin* «// cos' ^
tang^= , cot «/<=-: .
sin f sin ^
Ensuite par la formule (95), en observant que Tare |-9 de
cette formule est celui que nous venons d'appeler 4^ ,
sin'.// ^
1 y r sin 3 V — b (sin'i//,
•^ °^ cos'.// coso /cos>.
sin f
( 465 )
Enfin en remplaçant ^ ou k par sa valeur égale V^, on
peut embrasser les trois racines réelles dans la formule
V sin^^
U
X l sin' h
{ cos' <p.
Si les racines conjuguées sont imaginaires, on renver-
sera les termes de la fraction dans l'expression^, (109), et
l'on écrira, en vertu de la formule (102) du n° 64,
sin e = —
2 sm f
ou aussi bien,
1
smf =^
2siii f
puisque cot z doit être employé avec le double signe. Ceci
fait, il viendra par la formule (103), en prenant B=—/:
y = ^ V/-^ (1 =F cot E v/^).
^ V SlïTf
66. Représentons toujours par
0 == a -\- by -i- y^
l'équation du troisième degré préparée , c'est-à-dire privée
de son terme avant-dernier (vulgairement le second). Sans
avoir à considérer la nature des racines, il suffit de distin-
guer deux cas, suivant le signe de 6.
Si b est positif, on pose
!ilLl=^ (110)
( 466 )
Celte équatioa fournit rapidement Tare auxiliaire <?,
comme nous le verrons tout à l'heure. Cet arc étant déter-
miné, on obtient immédiatement la racine réelle
t/i = — l/a sin^ y (Hl)
Les deux autres racines sont, dans ce cas, toujours imagi-
naires. Posons
sine=^sin,3, (112)
ces racines ont pour expression
y=l^a siiî" f (1 =F cot f \/^^). . . (113)
Si, au contraire, 6 est négatif, on pose
sin^ ç> a
— = (H4)
cos" f l/— 6^
Cette équation fournit l'arc auxiliaire 9, comme nous le
montrerons dans un instant. Si <p<50'' toutes les racines
sont réelles; pour 9 =50° deux de ces racines deviennent
égales entre elles; enfin pour 9 > 50° il y a deux racines
imaginaires.
Lorsque toutes les racines sont réelles on pose
sin2 ^ = 2sinî), (115)
et ces racines sont réunies dans l'expression commune
y=V-rT-X sin^^, . . . (116)
^ \ cos* ^ .
Quand cp est > 50°, on a d'abord une racine réelle
.v. = -V-T-; .... (117)
(467)
puis on pose
sine ==—7—, (H8)
et les racines imaginaires ont pour expression
y = ^V-^0=FCOt.V/^:T) . . (119)
67. Le seul point qui exige maintenant quelque éclair-
cissement, est celui de la détermination de Tare auxi-
liaire (p, d'après les formules (110) ou (114). Comme il est
permis, dans ces équations, de disposer du signe du radi-
cal, on prendra toujours le premier membre positif, et 9
sera compris entre 0" et 90^ On pourrait d'abord remar-
quer que
sin 9? 1 rf^ L cos f
cos' <P 2M d f^
M étant le module des tables logarithmiques. La colonne
des différences troisièmes , dans une table de L cos, fourni-
rait donc immédiatement Tarccp de la formule (110). Malheu-
reusement les tables trigonométriques dont les calculateurs
se servent ne sont pas poussées assez loin pour donner
des différences troisièmes suffisamment étendues. Mais il
est bien facile de préparer directement une table de la
fonction ^^, ou plutôt de L sincp — 5Lcos 9. Semblable-
raent pour la fonction ^^, on calculera 2L sin 9 — 5L
COS9. On voit même que les tables trigonométriques ordi-
naires se prêtent à ces calculs, en passant par quelques
essais. Dans le but d'abréger ces essais, nous donnons
ci-dessous une table des deux fonctions citées. On y trouve
^(c^î,)^^^(c^)'<^^ ^egï*^ à degré, pour le quart de
cercle, avec cinq décimales, et les variations. Celles-ci ne
( 468 )
sont pas les différences entre deux positions tabulaires
consécutives, mais le coefficient de variation se rapportant
aux positions tabulaires vis-à-vis desquelles il figure. On
s'en sert comme des différences, mais en interpolant la
valeur qui convient au milieu de l'intervalle auquel doit
s'étendre l'appoint. Ainsi 149 (du dernier ordre) est la
variation de Lf^jJf^-),pour chaque minute d'accroissement
de y, lorsque 9 = 10°. A 11° cette variation est devenue
157; et si l'on voulait trouver L(^^^) pour lO^SO', il fau-
drait prendre le coefficient de variation 146 qui répond
à 10°io', milieu entre 10°0' et 10°50', c'est-à-dire milieu
de l'intervalle pour lequel on demande d'interpoler. On
trouverait alors que 146 X 30=4 580; et si l'on ajoute
cet appoint à la valeur 2, 499 29, qui est celle de notre
logarithme pour 10°0',on obtient pour ce même logarithme
correspondant à(p=10°50' 2, 545 09.
Fonctions du troisième degré.
?•
\cos3ç>;
VARIATION
\C0S3,J>/
VARIATION
pour 1'.
pour 1'.
Oo
l2
»
ôô
»
i
2,242 05
724
4,483 91
1 448
2
543 61
363
3,086 43
727
3
720 59
243
439 39
484
4
846 76
183
690 35
364
S
945 25
148
885 55
292
6
î,026 39
124
2,045 63
244
7
095 64
107
181 54
210
8
156 30
95
299 85
185
9
210 47
86
404 81
166
1 10
259 62
78
499 29
149
11
r,304 76
72
2,585 35
137
12
346 67
67
664 55
127
13
385 92
63
738 00
118
14
422 96
60
806 64
110
15
458 16
58
871 16
105
( 469 )
Fondions du troisième degré (suite).
1
/si„y|
VARIATION
-^
VARIATION
F-
pour V.
pour 1'.
16o
1,491 81
55
2,932 15
98
17
524 15
53
990 08
94
18
555 36
51
î,045 35
90
19
585 63
50
098 27
86
20
615 09
49
149 15
83
21
f,643 87
47
1,198 20
80
22
672 08
47
245 65
78
23
699 80
46
291 68
76
24
727 12
45
336 44
73
2o
763 06
45
394 39
71
26
1,780 86
44
1,422 70
70
27
807 40
44
464 45
68
28
833 80
44
505 41
68
29
860 11
44
545 68
67
30
886 38
44
585 35
66
31
1,911 04
44
r,622 88
65
32
938 95
44
663 16
65
33
965 33
44
701 44
63
34
991 84
44
739 40
63
35
0,018 50
44
777 09
62
36
0.045 35
45
Ï.814 56
62
37
072 02
46
851 48
62
38
099 75
46
889 09
62
39
127 36
46
926 24
62
40
155 31
47
963 37
62
41
0,183 60
47
0,000 55
62
42
212 29
48
037 80
62
43
241 40
49
075 18
62
44
270 97
49
112 74
62
45
301 03
50
150 52
63
46
0,331 62
50
0,188 55
63
47
362 78
52
226 91
64
48
394 54
53
265 61
65
49
426 95
55
304 73
65
50
460 05
56
344 31
67
51
0,493 89
57
0,384 39
67
52
528 51
58
425 04
68
53
563 96
60
466 31
70
54
600 30
61
508 26
70
55
637 59
63
550 96
72
( 4.70 )
Fonctions du troisième degré (suite).
/ sin ?) A
VARIATION
^ (cOS3y)
VARIATION
?■
\^C0S5 f j
pour 1'.
pour 1'.
560
\
0,675 89
65
0,594 46
73
S7
715 27
67
638 86
75
58
755 79
68
684 21
76
59
797 55
70
730 61
78
60
840 62
73
778 15
80
61
0.885 11
75
0,826 93
82
62
931 11
78
877 04
85
63
978 74
81
928 62
87
64
1,028 13
84
981 79
90
65
079 43
87
1,036 71
93
66
1,132 79
91
1.093 52
96
67
188 59
95
152 62
100
68
246 44
99
213 61
104
69
307 16
104
277 32
109
70
370 83
109
343 82
113
71
1,437 74
114
1,413 41
119
72
508 26
121
486 47
125
73
582 79
128
563 39
132
74
661 83
136
644 67
140
75
745 96
145
730 90
148
76
1,835 88
.155
1,822 78
158
77
932 46
167
2,021 18
170
78
2.036 77
181
027 17
184
79
150 15
197
142 10
200
80
274 34
217
267 69
219
81
2,411 62
241
2,406 24
243
82
565 09
271
560 84
273
83
739 07
310
735 82
312
84
939 91
362
937 52
363
85
3,177 46
434
3,175 80
436
86
3,468 19
543
3,467 13
544
87
843 00
724
842 41
725
S8
4,371 28
1 087
4,371 01
1 087
89
5,274 37
2 174
5,274 30
2 175
90
00
»
00
•
Cette courte table ne peut être évidemment qu'appro-
chée. Mais elle donne (p, en très-peu d'instants, à quel-
( 471 )
ques minutes près, et dans la plupart des cas à 1'. Elle
fait donc connaître à quelle page il s'agit d'ouvrir les tables
trigonométriques. Ainsi guidé, on aura bientôt une valeur
plus exacte de 9, en formant Lsincp — 3 L cos cp, ou
2Lsin9 — 3 L cosç (suivant les cas), dans les tables de
SchrÔn, de Shortrede ou de Vega.
Toute valeur simplement approchée de 9 conduira,
pour ce logarithme X' de la fonction ^,ou de celle ^,
à une grandeur un peu différente de celle demandée X. Il
existera dans ce logarithme une erreur e, savoir
e= \' — X.
Mais soient s la différence des L sin, dans les tables trigo-
nométriques, pour l"et pour la valeur admise de 9, c la
différence relative aux L cos, ces deux différences prises
sans considération de signe. Nommons enfin /*la correction
ou appoint à appliquer à 9 (en secondes), il est facile de
voir que
f== — V f^^^)
s -f- 3c
rendra l'équation (110) satisfaite , et
/•=_ — - — .... (121)
fera évanouir Terreur dans l'équation (114).
On peut d'ailleurs, dans ces formules (110) et (114),
attribuer au radical le signe nécessaire pour rendre le
premier membre positif, et cp sera toujours compris, comme
on l'a dit, entre 0° et -h90^
68. Un exemple facilitera l'application du procédé que
l'on vient d'exposer, et montrera avec quelle rapidité et
quelle sûreté cette marche fournit les racines d'une équa-
( 472 )
tion du troisième degré. Il ne faut pas oublier que, dans
les méthodes ordinaires, outre la nécessité de reconnaître
au préalable la nature des racines, on n'obtient cer-
taines racines réelles qu'après de longues combinaisons de
termes, et en rencontrant aux dénominateurs des diffé-
rences qui peuvent devenir très-petites. Le procédé qui
vient d'être exposé est adapté, au contraire, au calcul
logarithmique.
Soit proposée l'équation
0 = 5 — 7.vH-i/%
qui est du type 0 = a-hby-hy^. Le coefficient 6 étant
négatif, j'applique la formule (114).
La.
sans considération de signe.
Diflférence. . . . 1,209 474 3 = a.
Notre table pour f = 21". î, 198 20
Différence. ... 11 27
Variation pour i' . . . 80
D'où appoint de 9 en minutes = -^-^=14, et 9 approché
=21°14'.
Avec cette valeur, je forme, à l'aide des tables trigono-
métriques à sept décimales, l'expression lT^^) , savoir :
SLsinjp . . .
SLcosp . . .
1,1178176 s = 54,2 2s = 108,4; sans considération
Ï/J08 406I c 8,2 3c 24,6) désigne.
Différence.
î,209 4115 = /' Somme. . . 133,0
î,209 474 3
Différence.
— 62 8 = e Le(-). . . 2,798 -f-
L (2s H- 3c). 2,124
Diff. . . 0,674 H h4';72=A
Donc 9 = 21" 14' 4",72; et de cette valeur de 9 < 30°, je
(473)
conclus que la proposée renferme trois racines réelles
inégales.
Pour déterminer ces racines je pose
L2 . . . 0,301 030 0 \
Lsinp. . 1,558 934 4 I sans considération
I de signe.
Somme. T,859 964 4 =L sin 2^ . . . 46'>25'i;'24 = 24*/
^ = 23.12.30,02
Et ensuite
La . . . 0,477 121 3 -t-
Lsin'p . T,H7 868 8-+-
Diff. . . 1,359 252 5 -f-... Lsin«^ î,191 165 0 +... Lcos» ^ î,926 703 6
l Diff.(- ) . 0,453 084 2 — = Ly^ ; 0,453 084 2 -4- 0,4o3 084 2
Sommes 1,644 249 2 -t- =L7/2; 0,379 787 8 h- = Ly,.
Ainsi, passant aux nombres, les trois racines de la pro-
posée sont
y, = ~ 2,858 469, i/^ = -t- 0,440 808, 1/3= -t- 2,597 661 ;
dont la somme algébrique est nulle, comme elle doit l'être
dans toute équation privée du terme avant-dernier (vul-
gairement le second).
69. Au lieu de calculer cp, comme nous venons de le
faire, par les fausses positions, on pourrait également
l'obtenir par des séries convergentes. On trouvera cepen-
dant que le recours aux tables trigonométriques est géné-
ralement préférable. Aussi ne présenterons-nous rapide-
ment ces séries que dans le but de compléter le sujet.
Occupons-nous d'abord de la fonction ^ , que nous
supposerons toujours positive, ^ étant compris, comme
on l'a vu, entre 0° et 90°. Nous appellerons h la valeur
donnée à laquelle cette fonction doit satisfaire. On peut
écrire le numérateur sous la forme sin ^9 h- sin 9 (i — sin2(p),
( 474 )
ou sin^ç-hsinycos^ç;^ par suite la fonction h devient
sin' © -+- sin o cos' «p sin% sinsî , ,.^^^
h= i -^ ^-= — -^ -+- '- = t&n^f-i- tangf (122)
COS f COS^f COS^)
L'inconnue est maintenant tang ç), quantité susceptible de
passer ici par toutes les valeurs absolues , depuis 0 jus-
qu'à -h 00 .
Mettons l'équation (122) sous la forme
iangf = h — tang' 5?, . . . . (125)
et supposons d'abord tang 9 fort petit; le terme du troi-
sième ordre peut être négligé dans une première approxi-
mation, ce qui conduit à poser
tang f = h, d'où tang' f = h^.
Substituant dans (123) cette valeur de tang^cp, il vient
pour seconde approximation
tang (f = h — /i% d'où tang' f = P — S/i** h
Opérons une nouvelle substitution , qui nous fournira une
nouvelle valeur de tang ^9?, et ainsi successivement, nous
trouvons pour la série cherchée
tang y = A — /i' -+- U' — 12/^' -*- 55/i' — 275A*^ )
-f- 1 428/i^' - 7 752/i'« -f- 45 223A*' )' ' ^ ^
Toutefois la fonction trigonométrique qu'il s'agit d'in-
troduire dans les formules (111) et (115) n'est pas tangcp,
mais sin2(p. De l'égalité ^ = A nous tirons cos2(p=*^;
puis sin2(j)=^— ^^^?. Enfin en mettant pour lang^sa
valeur (124),
sin* f = h^— 5/i* -+- 12/i' — 55/1» -4- ... ,
ou bien , en représentant les coefficients par leurs loga-
(475 )
rithmes,
sinV=/i'— [0,477121 254 7]/t*-4-;[i,07918I24G0]/i« \
— [1,740 562 70] h' -+- [2,456 162 6] /t*° — [5,454 728 2] h'^ i (125)
H- [5,889414] /t**— [4,655 7] h'' + [5,589] /t*« — [6,14] h'' .•• )
Celte série peut servir jusqu'à h=\ ou cp = 15** environ ;
mais il est permis d'en étendre l'usage en sommant empi-
riquement le reste de la suite. En effet la raison des der-
niers termes diffère peu de — 7r"5/i^ en sorte qu'on pourra
prendre pour expression du dernier terme et du reste
[6,d4] h-^o
reunis
•l + [0,75]/i'**
Si au contraire h et tang cp sont très-grands, on écrira
tang' f = h — tang y,
OU tangf = (/i — tangy)^ ,
et en développant le second membre,
1 1 -2 1-5 5 -^
tang? = /i'— -/i nangy— -/i Uang^ f—--h 'tang'^ . (126)
ù y oi
Prenons pour première approximation tang9=/i^, puis à
chaque approximation successive un terme de plus, nous
trouverons, en suivant la marche auparavant développée,
et en représentant immédiatement les coefficients numé-
riques par leurs logarithmes ,
sin' y = 1 — r^ -+- [r,522 878 745 5] h~-^
— [2,091514 981 1]/i-^
— [5,614 595 726 4] IC '-^-t- [4^785 090 O] h~
-^ [4,404 878 7] /i"^
— [5;685 9l] /r^— [F,337 54] /r'^
-^ [MGs] h~^ -f- [6,527] h-^ •"
(127)
( 476 )
Cette série répondrait aux besoins ordinaires pour toute
valeur de h plus grande que ^ou que^, et elle devient très-
convergente pour h >10.
Mais si h diffère peu de \ , au-dessous ou au-dessus, il
est nécessaire de développer la série en fonction des puis-
sances croissantes de h — 1. Avec un peu d'attention, et
en recourant à quelques transformations sur lesquelles il
n*est pas nécessaire de nous étendre , nous avons trouvé :
sin' f =0,517 672 11)6 2 + [17425 595 045 5] (/t— 1)
— [T;065 972 617 4] (/i - df
-t- [2,610 032 726 3] (/i — if
— [4;5264962](/i— i)*-.[2;2952657]{/i— 1)'' \ (128)
-4- [2,453 1506] (/i— if l
— [27451 626 0] (/i — 1)' -+- [2;556 52] [h — \f\
— [2;218 20] {h — 1)^ -I- [2,001] [h — !)•»... \
Cette série servira dans l'intervalle des deux autres.
70. Quant à la seconde des fonctions considérées du
troisième degré, savoir ''^J--, nous la nommerons k, quan-
tité susceptible de prendre ici toutes les valeurs depuis 0
jusqu'à 4- 00 . On peut la mettre sous la forme
1 — cos' y 1 1 , .
k = , — - == — = sec' f — sec îP , (129)
COS" y COS^ (f COS f
relation dans laquelle, A; étant donné, l'inconnue est deve-
nue séc cp. La fonction dont nous aurons besoin ensuite,
pour l'introduire dans les équations (116) ou (1 18) et (119),
est -^; et on reconnaît aisément que -^= 1 H--^,
Après avoir calculé séc 9, c'est l'expression -J^ que
nous formerons.
D'abord si k est petit, séc 9 diffère peu de 1 , et l'on
( 477 )
peut prendre riinité pour première approximation de l'in-
connue. Passant de là aux approximations successives, on
trouve
séc <.-= i ^ -k--k''-^-k''--—t -^- là
2 8 2 428 2
5 005,,
\ 024
et, par conséquent,
1 1 5 5, \ ., 105 3_
k -\-'-k^ 1 -\- -k
(450)
sin
?
A' 2 8 2 428
5 005,,
4 024
OU en remplaçant les coefficients numériques par leurs
logarithmes,
4 4 5
^-v- = !-+-;:— R^.S74 054 267 71 A
-4- [r,C98 970 004 5] k^
— [T,94 5 979 55] P -h [0,4 76 094 26] /c* [ (^ ^^
— [0,467 255 4] A« -+- [0,778 4 54] /c«
— [4,403 55] k"' -t- [4,439 33] k^ — [4,785 8] A;'
-f- [2,4 55] /v^"...
En second lieu, si A; est grand, on prendra d'abord
séc9 = A;3; puis en corrigeant celte première valeur on
trouve la série
14 4 4 4 4 4 4 4
séc o = k
5 4 77
3^1 84 ^1 245^1 6 564 ^¥
4 9 683 ^^ 4,594 525 ,^¥
400 4
"^ 4 782 969 ^"*' i
2'"*= SÉRIE, TOME XL. 51
/ (132)
(478)
et par suite, en substituant aux coefficients numériques
leurs logarithmes ,
_JL = 1 -+- A"^ -+- rr,o22 878 745 51 H \
— [2,091 Dl498H]A;~~'-t-[5;61459D7264]^~^ f
— p,785 090 O] Ir"^ -+- [4^404 878 7] k~~^ l '^^^'
— [5;G85 9l]r^°H- [5,357 54]r^ |
— [6,665j k~~^ -^ [C',527] k''^' ... , |
expression qui diffère seulement de la formule (127) par
les signes de certains coefficients.
Enfin si A: était voisin de + 1 on obtiendrait, en déve-
loppant séc 9 selon les puissances de A: — 1 ,
-7-—= 2,524 71 7 937 2 - [0,057 518 602 9] (k — i)
sin 'f
-+-[0,016 612 550 7] (A- if
— [0,008 459 458 7] (A — 1 f
-4- [0,004 61 9 15] (A -1)*— [0,002 650 95] (A-1)^) (^^^^
H- [0,001 572 mk — if — [0,000 522] {k—if
-+■ [0,000 1 6] (A — 1 )« — ['r,999 9]{k—\f
-+-[î;999 8](A;— If...
Or il est à remarquer que le rapport des derniers termes
de cette suite est très-sensiblement — (A; — 1), en sorte
qu'on peut sommer empiriquement le reste, en rempla-
çant le dernier terme conservé t (k — 1)" par iSÏ:zl>l, Cette
observation permet d'étendre notablement l'usage de la
formule (154).
§ 0. Équation complète du quatrième degré.
71. On se borne, dans les traités généraux, à décom-
poser en ses génératrices du second degré, l'équation du
quatrième degré privée de son terme en x^. Mais comme
( ^^79 )
la préparation de celle équation , exigée par cette méthode,
n'est pas sans être laboriense, nous allons montrer com-
ment on peut traiter immédiatement l'équation complète.
Soit celle-ci
0 = A -+- Bx -4- Cx' -4- Dx^ -+- X*. . . (135)
Il faut distinguer deux cas, suivant le signe qui affecte A.
Premier cas ^ A positif. — Prenons les deux équations
du second degré
0 = l/A_. tang iv^ + (I D -h /c) X -f- x^ I ^ ^ ^ .
0 = 1/a .cot i ^ -f- (i D — A;) X -f- x'. i * ' * ^ ^
OÙ 9 et A; ont des valeurs dont on peut disposer. Multi-
plions ces équations membre à membre, en observant que
tang^cp + cot^cp=;j|^, et tang 3 — coti(p= — 2 cot 9.
Il vient
f'D y^x , . /- ,
0 = A -f- 1 -H 2^l/A.cot9)x
sin j
2 l/Â
-+- i D"^ — F)x' -t- Dx' -4- X*.
sin 'j /
En comparant cette expression à la proposée (I3o), on
établit la valeur des coefficients B et C. Je remplace cot cp
par — *~'y""^ , et j'obtiens pour B
D l/Â ''2k\/ \ y \—~s\n^ «p
B = -^--4- : ^r,
sm y sin »
,, , , B .sine. — DV/Â
doù ^'= — . .... (157)
2 l/A . \/ I — sin^ ^
J'élève cette valeur de k au carré, et je l'introduis pour k-
( 480 )
dans l'expression de C, qui devient ainsi
21/T B'sin^^^ — SBDl/Â.sinç^H- AD^
C • — ; h 3; 1) •
sm ^ 4A — 4A sia-<p
et enfin après réduction, en ordonnant suivant les puis-
sances croissantes de siucp,
0 == — 8 \/Â^ -4- 4AC sin ç + (8 l^A' — 2BD\/Â) sin^ ^
-t- (B^H- AD^ - 4AC)sin'?.. (138)
Cette équation ne renferme plus pour inconnue que
sin cp, et est abaissée au troisième degré. On sait donc la
résoudre. Puis, 9 étant déterminé, on en tire k par (157),
et tout est alors connu dans les génératrices (156), qui
donnent chacune deux racines de la proposée. Tous les
radicaux peuvent être pris positivement, pourvu que l'on
tienne compte du signe de 9, c'est-à-dire que 9 s'étende
de— 90" à 4-90".
Deuxième cas, A négatif. — Prenons dans ce cas pour
génératrices
0 = 1/ — A tang ^ ç; -t- (I D -»- /t) X -+- x%
Multipliant membre à membre, nous obtenons
2/^1/— A
0 =: A — DV— A cot 9 -+- 1 X
(139)
— (21/— A cot y — 1 D^ -+- A^) x^ -+- Dx^ -I- a
puis, par une marche analogue à celle qui précède.
2V/_ A cot ^ H- i D^
B^ -+- 2BD y/— A cot y — AD^ cot^
4A -+- 4A cot^ cp
( 481 )
qui devient après réduclion,
0 =3= (B''' -+- AD- — 4AC) -4- (8 V — A' -+- 2BD V^— ^) cot ?
— 4 AC . col' y -4- 8l/— A\ cot'^ f (1 40)
Telle est, dans ce cas, l'équation du troisième degré
qui fournit l'arc auxiliaire cp, et par 9 on obtient ensuite/:
par la relation
k = — sin y -cos y. . . (141)
21/- A ^
Les deux équations génératrices (139) seront ainsi connues.
Les équations (158) et (UO) étant du troisième degré,
ont chacune en général trois racines. C'est qu'en effet
toute équation du quatrième degré peut être décomposée
de trois manières différentes en deux génératrices du
second ordre. Chacune de ces génératrices peut renfermer
une des combinaisons deux à deux des quatre racines. On
pourrait donc former, dans le cas général, trois couples
d'équations du second degré, contenant toujours les
quatre même racines. Ces combinaisons différentes peu-
vent servir aux vérifications.
Mais si la proposée renferme soit deux soit quatre
racines imaginaires, les racines conjuguées doivent rester
ensemble dans les génératrices respectives du second
degré. Il n'y a donc plus qu'une combinaison possible , et
l'équation en cp ne pourra donner qu'une racine réelle.
Enfin si deux des racines de la proposée sont égales ,
l'une des trois combinaisons du cas général se répétera, et
par conséquent on aura aussi pour 9 deux racines égales.
( 482 )
§ P. — Équations de degré quelconque.
72. Quelle que soit la méthode qu'on se propose d'ap-
pliquer à la résolution d'une équation numérique d'un
degré supérieur au o'"' ou au 4"% il est toujours d'un
Irès-grand avantage de tracer préalablement la courbe par
points. C'est par là que toute recherche devrait commencer.
Soit la proposée
0 = A -+- Bx -1- Cx^ ••■ -\- Jx"-' -+- Kx'"-^ -t- X"*. (142)
Cette équation est un cas particulier de la relation plus
générale entre deux variables
2/==A-+-Bx -f- Cx^. .-+-Jx"»-^-+-Kx'"-^-+-x'". (145)
Or, cette dernière représente une courbe à deux branches
infinies; et les racines de (142) correspondent aux valeurs
particulières de x qui fournissent y = o, c'est-à-dire aux
points de passage de la courbe par l'axe des x. Donc
autant il y a de ces points de passage, autant il y a aussi
de racines réelles.
Prenons comme exemple l'équation
0 = 4,014 127 -+-8,144 291 a; — 7,745 523 x^
-+- 1,410 086 x' -4- X*, (144)
et substituons pour x les valeurs entières contenues entre
5 et H- 5. Pour faciliter ces essais, nous donnons à la fin
de ce § les logarithmes tout préparés des dix premières
puissances des cent premiers nombres naturels. Il suffît
d'ajouter respectivement aux logarithmes de celte table
ceux des coefficients des diverses puissances de x écrits
sur un papier mobile. Les logarithmes de notre table sont
(483 )
préparés avec cinq décimales seulemenl; mais ce degré
de précision est plus que suffisant pour cet usage, parce
qu'il s'agit d'une simple approximation par le graphique,
et que la rapidité fait le mérite de ces essais.
Nous avons, en égalant le second membre de (i44) à
une autre variable y,
-5 . . .
. . .V= -4- 218,41
4
-f- 15,28
3
— 47,19
2
— 38,54
i
— i2,28
0
+ 4,01
4
-+- 6,82
2
-+- 16,59
5
H- 77,80
4
H- 258,90
5
-+- 652,55
La principale portion de cette courbe est tracée ci-contre.
L'échelle des y est ^ de l'échelle des x.
l
\.
. IJO
. 100
ISO
. 100
h
sy
1
-'k
-^
4\3
2
-i^
•M
2.
i ;
-s
+ »
-J
( 484 )
On sait qu'une équation de la forme (445) a toujours
deux branches infinies, lesquelles sont d'un même côté de
l'axe des x dans les équations de degré pair, et de côtés
différents dans les équations de degré impair. Les points
de passage par l'axe des x, tels que M, N, marquent les
racines réelles. De plus ces courbes ont des sommets
(maxima et minima), tels que a, 6, c, en nombre égal à
^n — \, Tout sommet sépare deux racines réelles lorsque,
pour le former, la courbe franchit l'axe des x. Mais dans
le cas contraire, comme pour c, le sommet indique un
couple de racines imaginaires. La valeur de x qui corres-
pond à ce sommet est la partie de ces racines qui n'est pas
affectée du symbole l^ — 1. Celle de y est, au contraire,
le coefficient de V^ — 1. On voit donc que le tracé de la
courbe fournit des valeurs approchées, non-seulement des
racines réelles, mais aussi des racines imaginaires. Si deux
racines étaient égales le sommet viendrait toucher l'axe
des X sans le traverser.
Ainsi l'on peut prendre très-rapidement une idée nette
de la nature et de la grandeur des racines, et trouver
presque immédiatement leurs valeurs numériques appro-
chées, sans recourir à l'application laborieuse du théorème
de Sturm et des tliéorèmes analogues.
75. Les premiers calculs que nous venons d'exécuter
suffisent pour servir de point de départ à la correction des
racines. On peut souvent admettre que, dans une petite
étendue, les variations de x et celles de y sont propor-
tionnelles entre elles. Ainsi en extrayant du tableau pré-
cédent
a?, = — 4, y, =-^ 15,28,
^,, = — 5, ^,,= — 47,19,
( m )
on on conclurait pour la valeur x» qui lournirait ?/o = 0,
x„=x — , ou bicMi 0-0 = j'„ ; (140)
y -y. y^-y>r
d'où l'on lire ici
a\,= — 5,780.
Mais cette valeur, bien qu'approchée, n'est pas exacte
jusqu'à sa dernière décimale, car l'hypothèse des varia-
tions proportionnelles substitue un élément rectiligne à
celui de la courbe donnée, ou en d'autres termes, fait
abstraction des différences du second ordre et des ordres
supérieurs.
On serait toutefois guidé dans de nouvelles supposi-
tions. Nous ferons les suivantes
X =
-5,9
-5,8
— 5,7
qui
donne
y =
-»-
2,137,
7,651 ,
16,150.
La formule (145) fournit ensuite
x„= — 5,879 6,
valeur beaucoup meilleure que la précédente. Continuant
de cette manière on amènerait l'approximation au point
désiré.
Mais au lieu de passer par des essais successifs, qui
supposent deux points connus de la courbe, et un élément
rectiligne qui les relie, rien n'empêche d'introduire immé-
diatement les «- termes de courbure, d et par conséquent
de passer d'emblée de la valeur approchée à la valeur
exacte.
Déjà Newton, au lieu d'interpoler entre deux points
donnés, s'était proposé de passer d'un seul point connu
( 486 )
à la racine, c'est-à-dire d'un point donné près de l'inter-
section de la courbe et de l'axe des x, à cette intersection
même. Toutefois il se bornait au terme du premier ordre.
Or, Joseph Fourier a fait remarquer que dans certaines
parties de la courbe, surtout au voisinage des sommets,
le premier terme est absolument insuffisant, attendu que
les différences du second ordre sont alors comparables et
parfois supérieures aux différences du premier. C'est pour
parer à cet inconvénient que Cauchy a introduit la consi-
dération d'un second terme. Mais il est possible d'em-
brasser tout d'une fois dans le calcul les différences des
divers ordres successifs.
74. Soit F (a;) = 0 l'équation proposée. Pour un point
de la courbe qui n'est pas exactement dans l'axe des x,
c'est-à-dire pour une valeur de x telle que X, un peu
différente d'une racine, la substitution de X dans F(x) ne
donne pas 0, mais une valeur finie -j. Désignons
ê par F' (x),
fl F" (X)
F'"(x),
La valeur X de x substituée tour à tour dans F'(x),
F"(x) ..., donnera des résultats v\ v\ ... qui ne seront
autres que les coefficients différentiels^, -^î, ... relatifs
au point de la courbe qui a pour coordonnées X et v. Or
il s'agit d'annuler l'ordonnée, et par conséquent de faire
varier y de — y.
A cet effet nommons f l'appoint cherché de X, et appli-
( 487 )
quons la série de Taylor, il vient
dy I dhj , 1 dhj ^,
dx \ .îldx'' \ .'l.ù dx''
\ 1
= v' ^ -^- u" t- -t- v" f ... .
1.2 1.2.3
(147)
n s'agit maintenant de trouver 1 à l'aide de u; il faut donc
passer à la série inverse, ce qui donne, toute réduction
faite,
-v' .{^v^ — uu
u' 2 y'' fiu'^^ ^
-^(I5i>"' — 10u'o"u"' -4- ly":^''
24:;"^
[\mu"'—\^^u'v"'v"'-^-\Ov'^v""- ^ (U8)
120:.-
H- lOL»'^ u" j'^ u'^ v")
-(945:."'- 1260 i;'u"^'"
720 u"' j
Cette série fournit la correction t de X dans toute
limite d'approximation désirée. Si l'on se borne au pre-
mier terme
§=-4, (i49)
V
on a la correction de Newton , qui ne fait que donner une
approximation nouvelle.
Supposons qu'après avoir obtenu au n** 73 la première
valeur x = — 5,780, on ait voulu passer immédiatement
à la valeur finale, par notre formule (148). La distance
entre cette valeur de x et la véritable racine était encore
trop grande pour appliquer cette formule avec rapidité.
Mais c'est à dessein que je prends cet exemple dans des
conditions défavorables.
( 488 )
Je forme d'abord le tableau des expressions (146), qui
n'exigent que des multiplications très-simples :
F (x) = 4,014 127 + 8,141 291 x — 7,74o 523 x^-
H- 1,410086x^-4- X*,
F' (x) = 8,141 291 — 15,490 6dOx
~+- 4,250 258 x' -+- 4x% / (' 30)
F" (x) = — 15,490 650 x-t- 8,460 516 X-+- 12 x% l
F"' (x) = 8,460 516 -+- 24 X, |
F'' (x) = 24. '
Les dérivées suivantes sont nulles.
Substituons maintenant dans ces polynômes la valeur
x = — 5,78 Lx = 0,577 491 80 — .
Je prends Lx avec huit décimales, afin d'être sûr de la
septième dans 2Lx, 5Lx, ALx. La substitution dans F(x)
doit être pratiquée avec toute l'exactitude possible. Dans
les dérivées qui suivent on peut négliger chaque fois une
décimale de plus. On trouve sans beaucoup de travail,
pour les résultats de ces substitutions,
V :=— 9,428 85 ,
v' =— 88,9010,
u" =-f- 125,989,
u"' = — 82,26,
v'" =-{- 24,
v" et tous les v suivants. . . nuls.
J'introduis maintenant ces valeurs dans la formule (148).
Les premiers termes sont logarithmiques et faciles à cal-
culer. Le premier seul a besoin d'être exprimé avec toute
la rigueur que les données comportent.
Ce premier terme, ou terme newlonien, donne
= — 0,106 060,
([489 )
correction qui , ajoutée à la valeur admise de x, fournirait
pour la racine
x= — 5,880 000.
Or, cette valeur serait encore éloignée de la vérité,
beaucoup plus éloignée même que n'était notre seconde
approximation du n° 73, savoir :
a; = _ 5,879 6.
Mais si nous calculons les termes suivants de la série
(148), nous trouvons successivement :
Valeur admise de a; 3,780 OÔU.Ô
Série (148) l«r terme 10(3 o60.J
S^^e » 7 844.2
3™e » 976.3
4"*e « _ 147.9
5™c » 24.8
6""^ » 4.5
Somme. . . • . — 3,879 064.6,
OU en retranchant le chiffre surnuméraire et forçant le
dernier ordre conservé ,
0;= — 5,879 005,
exact jusqu'à la dernière décimale exprimée.
Les derniers termes ne sont pas aussi longs à former
que l'étendue des parenthèses dans l'expression (148)
pourrait le faire penser. En effet, il suffit à ces derniers
termes d'un très-petit nombre de chiffres significatifs, et
d'autre part toutes les dérivées d'un ordre su[)érieur au
degré de l'équation considérée sont nulles.
7o. Au lieu de corriger directement la valeur approchée
X, il peut être préférable de corriger LX, puisque l'on
fait usage des multiples de ce logarithme pour calculer les
termes qui contiennent les puissances croissantes de x.
Appelons z la correction à apporter à F^X, et M le module.
( 490
On sait que
X -X z z^ z'
4-
X M 2M^ 2.5M' 2. 3. 4M*
et par conséquent
X"» M 2M' 2 . 5 M' "*'
Les termes successifs de l'équation proposée nous donnent
A _A=0,
„2
/(m-lk (m-ifz^ (m-ifz^
Kx-"-*-KX"-* = KX*'-M- -^ -
M 2 M^ 2 . 5 M'
2 „2 ,,^3 „3
/mz m z m z" \
••» X"* = X"* « -+- ■ ... I
\ M 2M2 2.3M^ j
Sommons ces égalités , après avoir effectué les produits
indiqués, nous arriverons à une expression de la forme
où Ton a posé
p =A-+-BX-+- CX^H- DX^..= F(X),
p' = BX + 2 CX^ -H 3 DX' ... = X F' (X), j
p" = BX-^-2^'CX^-^-3'DX^.., (152)
»"'= BX-f-2^CX^-+-3^DX^.., \
( 491 )
On voit que p n'est autre que F (X), c'est-à-dire la pro-
posée dans laquelle on a introduit la valeur X pour ac, et
p' la première dérivée multipliée par X. Ainsi les deux
premiers coefficients p et p\ qui sont les plus importants,
dépendent des mêmes calculs que v et v du n° précédent.
Pour tirer z de l'équation (151) nous remarquerons que
cette quantité est toujours petite par hypothèse. Nous con-
vertirons donc la série ordonnée suivant les puissances
ascendantes de z, dans la série inverse, ordonnée selon
les puissances croissantes de — p, et nous obtiendrons
^ == _ M R -^ -4, V" + -^ (5/)- - V' p'")
|_p ^p ojo
Y2J-79 (losp"* - mp'p"'p"' -+- 10p>'
15/3'^p" />'" — p'^ p")
-^-^^y(943p '^- 1260p'p">"'-t-280/?'»""
\ (IS^)
Cette série fournira la valeur de j3, et par conséquent
celle de Lx, dans toute limite d'approximation désirée.
Les premiers termes seuls ont besoin d'être calculés avec
le nombre total des figures que les données comportent.
Mais il est bon de partir d'une approximation de Lx qui
n'est pas trop éloignée.
( 492 )
L'exemple du n*' précédent donnerait, avec X =— 3,78 =
[0,577 491 80 — ] ,
p =v = — 9,428 83 ,
j9' =Xv' = -^ [2,5-26 398],
p" = -+-2,107 65,
p"'=-H 10,094,
p'' = -+- 44,294,
p- == -t- 187,000,
p^' = -+- 774,000.
Les deux dernières quantités ne sont calculées qu'avec
trois chiffres exacts , ce qui est suffisant.
Les valeurs p", p" et suivantes se forment plus rapide-
ment que v'\ J"..., parce qu'il suffit de multiplier les C
par 2, les D par 3, etc., dans chaque polynôme succes-
sif (152).
On a maintenant, en mettant en nombres la formule (155),
1er terme 0,012 1^85 G,
2me „ î 072 2,
Soie n 140 7,
4«ie 0 21 y,
5""^ » 5 7,
6'°'= " /,
Somme. . . . -t- 0,011 2Ô5 2 = -.
Ajoutant enfin cette valeur de j3 à LX, il vient
LX -i- z = 0,588 727 0 = Lac.
D'où la racine (qu'on sait être négative)
x = — 5,879 065 ,
identique à la valeur trouvée précédemment.
( 493 )
76. Cette correction du logarithme peut servir de
moyen de vérification. Mais si l'on a déjà une valeur fort
approchée de x, la méthode précédente se simplifie beau-
coup en substituant au calcul de l'expression (lo2) les dif-
férences tabulaires des logarithmes , telles qu'on les prend
à vue. Ce procédé empirique repose sur le raisonnement
suivant.
Dans le calcul logarithmique d'un terme quelconque de
la proposée, le logarithme de ce terme varie seulement en
vertu du changement de x, puisque les coefficients numé-
riques A, B, C , ... sont constants. Les sommes successives
LB + Lx, LC + 2Lac,LD + SLx, ... sont donc affectées
respectivement d'erreurs z, 2^:, 5^, ...js: étant l'erreur de hx.
Les nombres correspondants Ba;, Coc^, Dac^, ... varieront
respectivement de y'z, ^v"z, o/"z..., où /, v", v'"... indi-
quent les différences tabulaires relatives à ces nombres et
rapportées à un même ordre décimal, exprimées par
exemple en unités du dernier ordre. Affectant chacune des
quantités v\ 2^', 3v"'... du signe du terme auquel elle se
rapporte, et nommant T la somme algébrique des valeurs
ainsi obtenues, il est clair que
^ = -| • (1S4)
rendra nul le second membre de la proposée.
Ce procédé suppose constantes les différences premières
v', v\ v" ... des tables, et par conséquent il ne fournit un
résultat satisfaisant qu'autant que z est assez petit pour
négliger les différences secondes et celles des ordres sui-
vants. Ces différences -J , v", y'"... sont celles des tables
antilogarithmiques, où le logarithme est l'argument et le
2°"^ SÉRIE, TOME XL. 32
( 494 )
nombre la variable correspondante. Des tables de ce genre
ont d'abord été préparées par Dodson [Anti-logarithmic
canon) , et sont reproduites dans quelques recueils, notam-
ment dans celui de Shortrede. Mais si Ton ne dispose pas
de tables où le logarithme est l'argument , on pourra par-
venir aisément aux différences inverses , en recourant aux
remarques suivantes.
On sait qu'un logarithme vulgaire étant donnée LN, on
trouve la différence v au moyen de la relation
Lv = LN — LM == LN -t- 0,362 22
d'où l'on conclut
L9v= LN-f- 0,362 22... -t-L^f, . . . (155)
q représentant un facteur numérique.
A mesure que l'on forme les sommes logarithmiques
L(Bx), L(Cx2), L(Dx5) ..., on calculera donc, avec trois ou
quatre décimales seulement.
U =L(Bx )-+-0,d62 2,
L(2j/") =L(Cx')-^0,66d3,
L(3v'") =L(Dx^) -t- 0,839 3,
L(4v") =L(Ea;*)-t-0,964 3,
L(5/) =L(Fa;«)-+-i,06l2,
L(6v") = L(Ga;T -
L(7v-') = L(Hx') -
L(8/"') = L(Ix«) -
L(9v«) =L(Ja:^)
L(10/) ^L[Y^x'')
i,140 4,
1,207 3,
1,265 3, Wl56)
1,316 5, V
1,362 2,
Ce petit tableau permet d'obtenir en peu d'instants les
termes qui entrent dans la composition de la quantité T.
On forme alors la valeur (154) de z, et l'on arrive très-rapi-
dement à corriger Lx.
Ainsi ayant trouvé au n'' 73 une approximation suffi-
( i95 )
samment voisine de la valeur véritable, savoir
X = — 5,879 6 = [0,588 787 0 — ],
je vais corriger celte racine par le procédé qui précède. On
trouve d'abord dans cette hypothèse,
u= -4- 0,054 55 = p.
Maintenant, en calculant les expressions (156) avec quatre
décimales,
W =^,861 7, L(5/") = 2,754 9,
L(2y") = 2,729 9 , L(4v") = 5,51 9 5.
Passant aux nombres et affectant du signe convenable
chacun des termes qui entrent dans la composition de T,
T = — 73 — 537 — 569 -+- 2 087 = -+- 908.
Et par la formule (154)
0,054 35
908
=
— 0,000 059 9;
d'où
enfin
Ix
==0,588 7271,
et
x = — 5,879 065.
Cette méthode de correction, très-simple en elle-même,
est aussi plus rapide que toute autre , et nous la recom-
mandons aux calculateurs. Elle exige seulement de partir
d'une fausse position peu distante de la vérité.
77. Nous terminons ce paragraphe par la table que nous
avons annoncée. Elle abrège et facilite le travail des sub-
stitutions, aussi longtemps qu'il s'agit seulement de valeurs
approchées.
f 496 )
Logarilhiucs des pvi.s.sances croissaiitei
X.
L X.
LxK
Lx-.
I
hx\
L.t3.
■
0,000 00
0,000 00
0,000 00
0.000 00
0.000 00
2
301 03
602 06
903 09
1,204 12
1.505 15
3
477 12
954 24
1.431 36
908 49
2,383 61
4
602 06
1.204 12
806 18
2,408 24
3,010 30
5
698 97
397 94
2,096 91
795 88
494 83
6
0.778 15
1.556 30
2.334 45
3,112 61
3,890 76
7
845 10
690 20
535 29
380 39
4.223 49
8
903 09
806 18
709 27
612 36
315 43
9
954 24
908 49
862 73
816 97
771 21
10
1,000 00
2,000 00
3,000 00
4,000 00
5,000 00
41
1.041 39
2.082 79
3.124 18
4.165 57
5,206 96
12
079 18
158 36
'237 54
316 72
393 91
13
113 94
227 89
341 83
453 77
369 72
14
146 13
292 26
438 38
584 51
730 64
15
176 09
352 18
528 27
704 37
880 46
16
17
1,204 12
230 45
2,408 24
460 90
3,612 36
691 35
4.816 48
921 80
6.020 60
-152 24
18
255 27
510 55
765 82
5,021 09
276 36
19
278 75
557 51
836 26
115 01
393 77
20
301 03
602 06
• 903 09
204 12
505 15
21
1,322 22
2,644 44
3,966 66
5.288 88
6,611 10
22
342 42
684 85
4.027 27
369 69
712 11
23
361 73
723 46
085 18
446 91
808 64
24
380 21
760 42
140 63
520 84
901 06
25
397 94
793 88
193 82
591 76
989 70
26
1 414 97
2.829 93
4.244 82
5.659 89
7.074 87
27
431 36
862 73
294 09
725 46
156 82
28
447 16
894 32
341 47
788 63
235 79
29
462 40
924 80
387 19
849 59
311 99
30
477 12
934 24
431 36
908 49
385 61
31
1 491 36
2,982 72
4,474 09
5,965 45
7,456 81
32
505 15
3,010 30
515 45
6,020 60
525 75
33
518 51
037 03
555 54
074 06
592 57
34
581 48
062 96
594 44
125 92
657 39
33
544 07
088 14
632 20
176 27
720 34
36
1,536 30
3.112 61
4.668 91
6,225 21
7,781 51
37
568 20
136 40
704 61
272 81
841 01
î^
579 78
159 57
739 35
1 319 13
898 92
39
591 06
182 13
773 19
364 26
933 32
40
602 06
204 12
806 18
408 24
1
1
8,010 30
( 497 )
les cent premiers tiombres naturels.
L .rs.
L t1«.
0,000 00
2,107 21
3,339 85
4.214 42
892 79
5,447 06
915 69
6,321 63
679 70
7,000 00
7,289 75
554 27
797 60
8,022 90
232 64
8,428 84
613 -14
786 91
951 28
9,107 21
9,255 53
396 m
532 09
661 48
785 58
9,904 81
10,019 55
-130 11
236 79
339 85
10.439 53
536 05
629 60
720 35
808 48
10.894 12
977 41
11.058 49
437 45
214 42
0,000 00
2,408 24
3,816 97
4,816 48
5,591 76
6,225 21
760 78
7,224 72
633 94
8,000 00
8,331 14
633 45
911 55
9.169 02
408 73
9,632 96
843 59
10,042 18
230 04
408 24
10,577 75
739 38
893 82
11,041 69
-183 52
-14,319 79
450 91
577 26
699 48
816 97
41,930 90
42,044 20
448 44
254 83
352 54
42.450 42
545 64
638 27
728 52
816 48
0,0(10 00
2.709 27
4,294 09
5,418 54
6,290 73
7,003 36
605 88
8.127 81
588 48
9,000 00
9,372 54
712 63
40,025 49
315 45
584 82
40,837 08
41,074 04
297 45
508 78
709 27
44,899 97
42,081 80
255 55
421 90
581 46
12,734 76
882 27
13.024 42
161 58
294 09
13,422 26
546 35
666 63
783 31
896 61
44,006 72
443 82
248 05
319 58
448 54
0,000 00
3,040 30
4:771 21
6,020 60
989 70
4
2
•3
4
7.781 51
8.450 98
9,030 90
542 43
40,000 00
6
7
8
9
40
40,443 93
791 84
44,439 43
461 28
760 94
12,041 20
304 49
552 73
787 54
43,040 30
43,222 49
424 23
647 28
802 44
979 40
44,449 73
343 64
474 58
623 98
774 24
44.943 62
45,054 50
485 44
344 79
440 68
45,563 03
682 02
797 84
910 65
16.020 60
11
42
43
44
45
46
47
48
49
20
24
22
23
24
25
26
27
30
34
32
33
34
35
36
37
38
39
40
( 4.98 )
Logarithmes des puissatices croissantes
Ix^.
L j:3.
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
58
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
74
72
73
74
75
76
77
78
79
80
i,612 78
623 25
633 47
643 45
653 21
4,662 76
672 40
684 24
690 20
698 97
4.707 57
746 00
724 28
732 39
740 36
4,748 49
755 87
763 43
770 85
778 45
1.785 33
792 39
799 34
806 48
842 94
4,849 54
826 07
832 51
838 85
845 10
1.851 26
857 33
863 32
869 23
875 06
1,880 81
886 49
892 09
897 63
903 09
3,225 57
246 50
266 94
286 91
306 43
3.325 52
344 20
362 48
380 39
397 94
3,445 14
432 01
448 55
464 79
480 73
3,496 38
511 75
526 86
541 70
556 30
3.570 66
584 78
598 68
612 36
625 83
3.639 09
652 15
665 02
677 70
3.702 51
714 66
726 65
738 46
750 12
3.761 63
772 98
784 19
795 25
806 48
L .r*.
4,838 35
869 75
900 44
930 36
959 64
4.988 27
5,046 29
043 72
070 59
096 94
5,422 74
448 04
472 83
197 48
224 09
5,244 56
267 62
290 28
312 56
334 45
5,355 99
377 18
398 02
418 54
438 74
5,458 63
478 22
497 53
516 55
535 29
5,553 78
572 00
589 97
607 70
625 18
5.642 44
659 47
676 28
692 88
709 27
6,451 14
493 00
533 87
573 81
612 85
6,651 03
688 39
724 96
760 78
795 88
864 01
897 10
929 58
961 45
6,992 75
7,023 50
053 71
083 41
112 61
7,141 32
169 57
197 36
224 72
254 65
7,278 48
304 30
330 04
355 40
380 39
7,405 03
429 33
453 29
476 93
500 25
7.523 25
545 96
568 38
590 54
642 36
( 499 )
îes cent premiers nombres naturels (suite).
Lx6
Lx-i.
hx^.
L x^.
L xio.
X.
9,676 70
739 50
41.289 49
362 74
12,902 27
985 99
14,515 06
609 24
16,127 84
232 49
41
42
800 81
434 28
13,067 75
701 22
334 68
43
860 72
504 17
147 62
791 07
434 53
44
949 28
572 49
225 70
878 91
532 13
46
9,976 55
11,639 30
13,302 06
14,964 82
16,627 58
46
47
40,032 59
704 69
376 78
15,048 88
720 98
087 45
768 69
449 93
131 17
812 41
48
444 48
831 37
521 57
211 76
901 96
49
493 82
892 79
591 76
290 73
989 70
60
10,245 42
11,952 99
13,660 56
15.368 13
17,075 70
61
52
296 02
12,012 02
728 03
444 03
160 03
345 66
069 93
794 21
518 48
242 76
63
394 36
126 86
859 15
591 54
323 94
54
442 18
182 54
922 90
663 26
403 63
55
10,489 43
19,237 32
13,985 50
15,733 69
17,481 88
56
535 25
291 12
14,047 00
802 87
658 76
57
580 57
344 00
407 42
870 85
634 28
68
625 41
395 96
166 82
937 67
708 62
59
668 91
447 06
225 21
16,003 36
781 54
60
10,714 98
42,497 31
14,282 64
16,067 97
47,853 30
64
754 35
546 74
339 43
131 53
923 92
62
796 04
595 38
394 72
194 06
993 41
63
837 08
643 26
449 44
255 62
18,061 80
64
877 48
690 39
503 31
316 22
129 13
65
40,917 26
12,736 81
14,656 35
16,375 90
18,196 44
66
956 45
782 52
608 60
434 67
260 75
67
995 05
827 56
660 07
492 58
325 09
68
44,033 09
'070 59
871 94
710 79
549 64
388 49
69
915 69
760 78
605 88
450 98
70
14,i07 55
12,958 81
44,840,07
16,661 33
18,612 58
74
443 99
13,001 33
858 66
715 99
573 32
72
479 94
043 26
906 58
769 91
633 23
73
215 39
084 62
953 85
823 09
692 32
74
250 37
425 43
45,000 49
875 55
1 750 61
76
44,284 88
348 94
43,165 70
205 44
45,046 51
091 93
16,927 32
978 42
18,808 14
864 91
76
77
352 57
244 66
136 76
17,028 85
920 95
78
385 76
283 39
181 02
078 64
976 27
79
448 54
324 63
224 72
427 81
49,030 90
80
( SOO )
Logarithmes des ptiissances croissantes
1
X.
L X.
Lx'^.
Lx\
LxA.
L^5.
81
1,908 49
3,816 97
5,725 46
7,633 94
9,542 43
8i2
913 81
827 63
741 44
655 26
569 07
83
919 08
838 16
757 23
676 31
595 39
84
924 28
848 56
772 84
697 12
624 40
85
929 42
858 84
788 26
717 68
647 09
86
1,934 50
3,869 00
5,803 50
7.737 99
9,672 49
87
939 52
879 04
818 56
758 08
607 60
88
944 48
888 97
833 45
777 93
722 41
89
949 39
898 78
848 17
797 56
746 95
90
954 24
908 49
862 73
816 97
771 21
91
1,959 04
3,918 08
5.877 12
7,836 17
9.795 21
92
963 79
927 58
891 36
855 15
818 94
93
968 48
936 97
905 45
873 93
842 21
94
973 13
946 25
919 38
892 51
865 64
9o
977 72
955 45
933 17
910_89
888 62
96
1.982 27
3,964 54
5,946 81
7,929 08
9,911 36
97
986 77
973 54
960 32
947 09
933 86
98
991 23
982 45
973 68
964 90
956 13
99
995 64
991 27
986 91
982 54
978 18
400
2.000 00
4,000 00
6,000 00
8,000 00
10,000 00
§ Q. Recherche des racines d'après leur grandeur.
78. Lorsqu'on s'exerce à la résolution d'équations numé-
riques, on n'est pas longtemps à apercevoir que les racines
substituées dans la proposée F(x), ont, suivant leur gran-
deur absolue, une influence très-inégale sur les termes des
ordres successifs. Si elles sont grandes, les termes des
degrés supérieurs prédominent, tandis que si elles sont
petites ces termes n'affectent pas le résultat d'une manière
notable. Les approximations devraient donc, dans les deux
cas, être conduites de manières différentes. A cet effet nous
( SOI )
es cenl premiers nombres naliirels (suite).
Lj-6.
Lx\
La^s.
Lj-9.
L l'O.
r.
4I,4oO 91
13,359 40
15,267 88
17,176 37
19.084 85
81
■m 88
396 70
310 61
224 32
138 14
82
514 47
433 55
352 62
271 70
190 78
83
545 68
469 96
394 23
318 61
242 79
84
576 51
505 93
435 35
364 77
294 19
85
11,606 99
13,541 49
15,475 99
17,410 49
19,344 98
86
637 l;2
576 63
516 15
455 67
395 19
87
^M 90
611 38
555 86
600 34
444 83
88
696 34
645 73
595 -12
644 51
493 90
89
7^25 46
679 70
633 94
588 18
542 43
90
11,754 "25
13,713 29
15.672 33
17,631 37
19,590 41
91
782 73
746 52
710 30
674 09
637 88
92
810 90
779 38
747 86
716 35
684 83
93
838 77
811 89
785 02
758 15
731 28
94
866 34
844 07
821 79
799 61
777 24
95
11,893 63
13,875 90
15,858 17
17,840 44
19,822 71
96
920 63
907 40
894 17
881 15
867 72
97
947 36
938 58
929 81
921 03
912 26
98
973 81
969 45
965 08
960 72
956 35
99
12,000 00
14,000 00
16,000 00
18,000 00
20,000 00
100
classerons les racines d'après leur valeur absolue. Nous
appellerons
grandes racines celles qui sont sensiblement > i ,
racines moyennes celles qui sont voisines de l'unité,
petites ?'acnzes celles qui sont sensiblement < i.
Nous faisons ici abstraction du signe de ces racines.
Les trois classes vont être envisagées séparément.
79. Soit d'abord x < 1. Les puissances croissantes de
cette quantité vont en diminuant de valeur absolue. On
peut écrire la proposée sous la forme
— A = Bx H- Cx^ -4- Djc' ••• -+- Jx"'-' H- Kx"-* ^ x-, (157)
( 502 )
et considérer le second membre comme une série ordonnée
suivant les puissances croissantes de la variable x < i. La
série convertie fournit x dans une suite développée suivant
les puissances croissantes de A. C'est ce qu'on appelle
quelquefois résoudre une équation par le développement
en série. Voici la formule explicite jusqu'au terme du
sixième ordre inclusivement :
A A' A'
x = :C (2e - BD)
A*
-^(SC — 5BCD-*-B^E)
_:^(i4C*-2lBC'D-4-3B^D'-^6B'CE — B'F)
B
giA
— 7B=^DE— 7B^CF-+-B*G)
(158)
Lorsqu'il existe une petite racine, cette série est dans
la plupart des cas très-convergente. En la poursuivant
suffisamment, elle fournirait cette racine dans toute limite
d'approximation désirée.
Il est vrai qu'à partir du 4°^^ ou du 5""^ terme les poly-
nômes s'étendent; mais les calculs peuvent alors s'exé-
cuter avec trois ou quatre chiffres significatifs seulement.
Enfin l'on peut se contenter d'employer les premiers
termes de la formule (158) à la recherche d'une valeur
approchée de la plus petite racine, et corriger ensuite
cette valeur par les procédés du § précédent.
( 1)05 )
80. Nous réunirons ici les expressions particulières de
la formule (158), pour le second et le troisième degré.
Soit réquation
0 = A -4- Bx-f- a:'; (159)
il suffit de poser dans (158) C = i , D = 0 ainsi que tous
les coefficients suivants. On a dans ce cas ,
A A* A' A* A'^ A«
x = 2- — 5 14 42 —
B B' B» B' B' B»^
A' A^ A' A*"
429 1450-^ — 4 862 —
g.3 * ^ B'» B" B*'
A" A"
-16796--58 786^
Dans réquation du second degré résolue au n° 65 , on
trouverait par le premier terme seul de (160),
x = — 1,78.
Ce serait une première approximation de la plus petite
racine, qui est en réalité x = — 1,46. Mais on voit qu'on
aurait déjà une idée assez exacte de cette racine, bien
qu'elle soit ici > 1.
Dans l'équation complète du troisième degré
0 = A-^ Ba:-+- Cx'h-x', . . . (161)
la formule (158), convenablement étendue, fournit pour
( 504 )
l'expression de la plus petite racine,
-44— C(5e--6BC^-+-!2B^)
_6^(22C«-55BC*+50B^C^_2B^) ^ ^^^^^
— 55 ^„ C(i5 C — 59BC* -\- 50 B^ O— 5 B^)
— 55— (26C« — 9lBe-+-91B2C*— 26B'C--+-B*)
B"
A'"
— 145— C(54C^-i56BC'^-Hi68B2C*-70B^C^-4-7B*)
Et dans cette équation privée de son lerme du second degré
0 = a H- 6?/ -t- î/%
^13 ^15 ^17
_ 1428- +7 732^-45 225-...
(163)
Ainsi dans l'équation
0 =
on trouverait
5-
-7i/
+ 2/%
i'"'" lerme . . .
2«»e « ...
3-e « . . .
4me ., . . .
3me „ . . .
Q^^ t> . . .
. . H- 0,428 571
11 245
885
93
. . 11
1
^omme.
. -\- 0,440 806 = ij
( 505 )
On a ainsi, par des calculs bien faciles, Tune des racines
de la proposée du troisième degré.
Il peut arriver cependant que les séries qui précèdent
ne soient pas convergentes. Dans ce cas , on ne peut pas
conclure généralement à l'absence d'une petite racine,
bien qu'il en soit presque toujours ainsi. On passe alors à
la recherche de racines d'une autre classe.
81. Si le procédé pour la recherche de la plus petite
racine est parfois employé (bien qu'il soit fort négligé des
calculateurs), on manque de guide pour la recherche des
grandes racines et des racines moyennes.
Voici comment on peut arriver à des valeurs approxi-
matives de ces dernières.
Afin de fixer les idées, je supposerai en premier lieu
qu'il s'agisse d'une racine positive, voisine de h- 1. Lors-
qu'une telle racine existe, la somme algébrique S des
coefficients, savoir
S=A-+-B-t- C •• + J-4- K + i,
est peu différente de zéro. Elle peut cependant s'en
écarter dans des limites d'autant plus étendues que les
coeffîc'îents A, B, C ... sont plus grands. 11 faudra donc
comparer S à ces coefficients, ou plus simplement au
coefficient moyen, abstraction faite des signes. Soit M la
somme absolue des coefficients d'une proposée de degré
m, le coefficient moyen a pour valeur ^^^. Nous regar-
dons les procédés qui suivent comme particulièrement
applicables, toutes les fois que S est < ~-^.
Appelons S', S", S'" ... les résultats de la substitution
de H- 1 dans les dérivées différentielles des ordres succès-
( 506 )
sifs. On a
S' =B-+-2C-+- 3D-*.m..,
S" = d . 2 C -+- 2.3D 4- 3.4E...,
S'" = i.2.5D-t-2.5.4E...,' * ' ' ^^^
Ces quantités se forment très-rapidement, les multiplica-
tions étant des plus simples, et n'exigeant pas les loga-
rithmes.
Si la première approximation de x était ■+- 1, la
seconde sera 1 — |f, par Tapplication du terme newto-
nien. Introduisons cette nouvelle valeur dans la proposée
et dans sa dérivée du premier ordre, nous obtiendrons
deux résultats a et o-', savoir :
.' = B.2c(i-|)^ôd(i-|)\..,
Développant, et comparant aux expressions (164) ci-
dessus , on trouve aisément que
_ ___ _ C" C'" _| c«» Cv
2 S'^ 6 S'' 24 S'* 120 S'« "*'
Si S^ 1 s^ i s*
et a' = S' — S"— -4--S'"— S"—, -4- —S'—...
S' 2 S'^ 6 S'= 24 S'*
Enfin, en appliquant un nouveau terme newtonien, la
troisième approximation a pour valeur
_ S (T
qui fournit, en introduisant pour a et o-' leurs valeurs pré-
( 507 )
cédentes, et après réduction,
''"" S''i[(S'*- SS")S'-+-^S*S"']S'-iS'S-jS'... ^^^^^
s étant petit les puissances ascendantes de cette quantité
vont en diminuant rapidement.
La manière la plus commode de mettre en nombres
l'expression (165), est de former tour à tour un terme du
numérateur et le terme correspondant du dénominateur.
On effectue la division. Puis on ajoute de part et d'autre
un nouveau terme, qui ne change pas considérablement le
quotient. Lorsqu'on arrive de cette manière à des quotients
qui ne varient plus de quantités notables, on peut s'arrêter.
On a, dans ce cas, une approximation de x équivalente à
la troisième approximation dans la méthode de Newton.
Au second degré, où S" = 2, et où toutes les dérivées
suivantes sont nulles, il viendrait
§ g'« §
Ainsi l'équation
0 = — 12 -f- 4xH- x',
donnerait
et par suite
. 7 45
qui ne diffère de la valeur exacte -h 2 que par le chiffre
des millièmes, bien que cette racine soit déjà assez éloi-
gnée de H- i.
( 508 )
Au troisième degré , où S'" = 2x3 = 6,
S S'= — iSS'S"-+- 2S'
S'il s'agit d'une racine voisine de — i, la même marche
est applicable , en changeant seulement les signes de tous
les termes qui contiennent des puissances impaires de x.
C'est-à-dire qu'on posera
S =A — Bh-C— D...,
S' = — B — 2C — 5D...,
S" = — i .2C -t- 2.5D...,
et l'on aura ensuite
j|-(S'2 _ s S") S' -+- i S''' S'"] S' — 1 S^ S'^ j S' ... '
82. Le logarithme d'une quantité voisine de l'unité
varie d'une manière rapide, et seulement en fonction du
module. 11 y a donc avantage à déterminer par son loga-
rithme une racine moyenne d'une équation. Ayant calculé
comme ci-dessus les quantités 5, s\ s" ... qui résultent de
la substitution de + i dans la proposée et dans ses déri-
vées des divers ordres, nous introduisons ces valeurs en
place des y, dans la série (148), ce qui donne
S S^ S'
Appelons z la somme de tous les termes qui contiennent
des S, c'est-à-dire posons
X = i -i- z.
(168)
( 509 )
on sait que
[ 2 5
OÙ M est le module. Formons les puissances croissantes
de z en fonction de S, S', S"..., et réduisons, nous trou-
vons
F=-| -S'(^' - S") -i|[2S■»^S'(3S"-S"0-3S'■^
i s*
^CS''^- S'^(12S" — 4S'"-4- S")
-f- S' (1 5 S"^ -- i 0 S" S'") -+- i D S"^]
\ S-''
. — [24S'*-+-S'^(C0S" -20S'" -f- 5 S" — S')
-4- S'' (90 S"^ — 60 S" S'" -+- 1 0 S'""' ■+- i 5 S" S'')
h-S'(IOdS"^— 105S"2S'")-t-'I0SS"*] \ (169)
— — . — ^[120 S'=^ -+- S'* (560 S" — I20S'"
-+- 50S'^ — 6S^-+- S^')
-\- S" (G50 S"^ — 420 S" S'" -+- 70 S'"'
-+- 1 05 S" S" — 35 S'" S'^ — 2 1 S" S^)
-+- S'^(840S"^ — 840S"'S'" h- 280S"S"'' -+- 2I0S"^S")
-H S' (945S"*— i 260S"'S'") -+- 945 S"^]
Telle est l'expression de Lx, dont on peut pousser
l'approximation aussi loin qu'on le désire. Mais les termes
supérieurs au troisième sont laborieux à calculer. Toute-
fois si S est très-petit par rapport aux dérivées suivantes
S', S", S"' ... la formule (169) se simplifie, sans perdre,
dans cette hypothèse, de son exactitude pratique.
Ordonnons le second membre de (169) par rapport aux
puissances croissantes de ^7, puis négligeons dans les
2"' SÉRIE, TOME XL. 35
( 310 )
parenthèses et crochets les termes qui dépendent de S, la
valeur cherchée se réduit à
" 2S'^ ~" 24 S"^ 8 S" '
Mais il est important de se rappeler que cette dernière
formule n'est qu'approchée, et que pour l'appliquer il faut
que S soit très -petit relativement aux dérivées des ordres
suivants.
S'il s'agissait d'une racine voisine de — 1, les séries
(159) et (160) seraient encore applicables, pourvu qu'on
prenne pour s, s', s"... le résultat des substitutions de
— 1, et que l'on écrive pour premier nombre ^■
83. Les grandes racines influent particulièrement sur
les termes supérieurs. On sait, par exemple, qu'on a atteint
la limite des racines réelles, lorsque la substitution d'une
certaine valeur X dans la proposée rend le terme en m
plus grand que la somme de tous les termes de signe con-
traire. Au lieu de considérer cette somme entière, on peut
se borner, dans un premier essai , à son terme le plus
influent Gx", de signe différent de x"'. On a dans ce cas
pour approximation de la plus grande racine
On pourrait aussi isoler les trois termes supérieurs,
Jx"* 'h- Ka'"-' -f- x"\
et les égalant à zéro résoudre l'équation du second degré
0 = J -+- Kj M- x\
oli )
Si celle équation l'ournit deux racines réelles, la plus
Jurande (absolunienl) sera une première approximation de
la plus grande racine contenue dans la proposée. Ainsi
dans l'équation (144) résolue au n" 72 on aurait écrit
0-= — 7,74o 3-2:3 -v 1,410 080 jc + .x%
qui donne
_ I — 5,570 ,
'^~') -^ 2,100.
La première de ces valeurs est une approximation de la
plus grande racine de la proposée, qui est, comme on Fa
vu au n° cité, x = — 3.879 065. La détermination de
cette première valeur approchée, exacte à j:^ près de sa
valeur absolue, n'a coûté que quelques minutes de travail.
Toutefois ce moyen très-simple laisse souvent à désirer.
La marche suivante conduit alors à des approximations
plus resserrées. Si les racines de Féquation 0 = J + Kj
+ .t2 sont réelles, nous avons vu que la plus petite a pour
valeur approchée — ^. L'autre racine (la grande racine
par hypothèse) sera donc x = — K -+- ^ "= — k~-
Introduisons cette valeur dans la proposée et dans sa
première dérivée différentielle, et nommons n et n' les
résultats de ces substitutions. On trouve
(m - 2) J
K
Développons les puissances de J — K^^ réunissons les
termes semblables, puis effectuons la division (hi —n
( 512 )
par n'. Joignons enfin le quolient à la première valeur
approchée, et nous aurons pour seconde approximation,
contenant l'application du terme newtonien;
x = -K-+--:--
J I H -f- J^ G -+- 5 IJ
F -4- ^2J'-+- 4HJ — (m — 5)P
K
(171)
Au second degré I et tous les coefficients précédents
sont nuls; on a donc
a: = — K-t-_-4- — -4-2 — -f- 4 — ...,
K K iv^ K'
OU bien d'après la notation employée plus haut, où A est
le terme connu et B le coefficient de a-,
A A* A' A*
nc= _ B -4- --+-— -4- i> H 4— (17^2)
B B^ B« B' ^ '
Au troisième degré on trouve semblablement pour plus
grande racine (approchée) de 0 = A + Bx -h Cx^ -h x^,
B A B' 5AB 2B^ ^,^^^
c c^ c^ c* e ^ '
84. Les formules qui précèdent sont d'une application
commode lorsque le coefficient du terme avant-dernier ou
en rfii — 1 est grand. Mais il n'en est plus ainsi quand ce
coefficient est sensiblement < i, ou même quand il est
petit par rapport aux autres coefficients. Ces formules
seraient d'ailleurs tout à fait inapplicables quand l'équa-
tion est privée de son terme avant-dernier (vulgairement
le second).
Dans ces différentes circonstances, on résoudra d'abord
l'équation 0 = J h- Ko; + x^, qui fournit pour racine
x = — i K =:f^T+TP^; et comme K et surtout K'^
{ 3i-"i )
sont par hypolhèse pou inniieiUs à côté de J, on pourrait
prendre pour première approximation .x = =f \^ — J, ou
plutôt en négligeant seulement le ternie du second ordre
par rapport à K ,
a; = =Fl/-J-iK (174)
On voit déjà que lorsque K est petit, il n'y a de grande
racine qu'à la condition de J négatif.
Prenant la valeur (174) de x pour première approxima-
tion, et calculant la correction newtonienne, il vient après
réduction,
I 1 K^ \ I
i H -^ - IK— — [m' — 2^i m - 6) K*
± ___
Mais à mesure que les puissances de qz k — J s'élèvent
aux dénominateurs, les termes qui dépendent du carré et
des puissances supérieures de K cessent bientôt d'être
influents. Supprimons, dans les numérateurs, les termes
en R2, K^, K^..., nous obtiendrons
I II 2H+IK G-t-HK
La formule (17o) fournit deux valeurs de x, à cause
des doubles signes qu'elle renferme. D'ordinaire ces deux
valeurs correspondent l'une et l'autre à de grandes racines.
Toutefois la plus grande des deux, qui sera la seule à
laquelle il convienne de s'arrêter, sera presque toujours
celle que l'on obtient en affectant le radical d'un signe
contraire à celui de K.
( ^1^ )
Si l'équation que l'on considère est privée de son ternie
avant-dernier, il suffît de faire K=0 dans l'expres-
sion (175).
85. Les méthodes qui précèdent seront d'un usage com-
mode et souvent fort rapide, pour déterminer dès l'abord
les valeurs approchées des racines. 11 est vrai que ces pro-
cédés peuvent faire connaître au plus quatre racines
réelles : une petite racine, deux racines moyennes (l'une
voisine de + 1, l'autre de — 1), et une grande racine.
Mais cela suffit en pratique; car si l'on détermine une
seule racine réelle, on peut alors abaisser l'équation par la
division, et chercher les racines de l'abaissée. Ici encore
une racine suffirait à la rigueur, et de proche en proche,
en continuant à abaisser l'équation, on obtiendrait toutes
les racines réelles.
Il arrive que les formules relatives à la plus petite
racine et aux racines moyennes ne conduisent qu'à un
seul et même résultat. C'est lorsqu'il n'existe pas de petite
racine proprement dite. Car en l'absence d'une racine
d'une certaine classe, les formules applicables à cette
classe fournissent une approximation, peu sûre il est vrai,
d'une racine d'une classe voisine. C'est ainsi qu'en cher-
chant une grande racine, on peut obtenir pour réponse
une racine qui serait mieux dénommée racine moyenne,
et dont l'approximation serait meilleure par les procédés
applicables aux racines voisines de 1.
Il arrive aussi que certains essais ne sont pas fructueux,
c'est-à-dire que les séries ne sont pas convergentes. Dans
ce cas l'on devra chercher un couple imaginaire, au lieu
d'une racine réelle.
Quant à l'abaissement de Téquation par la division, il
est bon de faire à ce sujet une remarque qui est loin d'être
sans importance dans les calculs pratiques. Il n'est pas
aussi aisé qu'on pourrait le penser, d'abaisser une équation
par la division, sans altérer les rapports de ses coelTicienls
et par conséquent les racines de l'équation restante. La
moindre inexactitude dans la valeur numérique employée
pour X entraîne bientôt, à la suite des soustractions
répétées, des erreurs notables dans les coefficients de
l'abaissée. Il faut donc, au préalable, s'assurer de la par-
faite exactitude de la racine obtenue, avec un chifl're sur-
numéraire au moins. On tiendra compte ensuite' des
remarques suivantes.
Si la racine déterminée r est < l , on eff'ectuera la
division
or"* -+- Kx"'~^ -4- Jx'"----- -4- Cx- -h Bx -4- A
X — ?'
et les nouveaux coefficients, dans l'abaissée
x"' * -h jx"'~^ ... -4- cx' -+- hx -+- « = 0,
seront
j = K -t- r, i = i -\- jr, ... 6= C -+- cr, « == B -t- br, 0= A h- ar. (i 76)
Le dernier est une vérification.
Mais si r > 1, il sera préférable d'ordonner suivant les
puissances croissantes de x et d'exécuter la division
A -4- Bx -+- Cx- ••• H- Jx'"-'^ -+- Kx'"-' -+- X'"
Les coefficients de rat)aissée sont dans ce cas,
A , B — « C— 6 J — ^• K — /
a= . h = ,r= , ...j = , 1 = - -^.(177)
r r r r r
La racine r ligure ici aux dénominateurs. La dernière
égalité est encore une vérification.
On peut tirer un autre enseignement de ce qui précède.
Quand r est grand il est très-difficile d'obtenir v (du n" 74)
( 516 )
avec un nombre de chiffres exacts suffisant pour la cor-
rection définitive de la racine. En effet les puissances supé-
rieures de r et leurs multiples, à substituer dans la pro-
posée, ne sont données par les tables logarithmiques
ordinaires qu'avec sept ou huit figures. Les derniers rangs
des unités sont donc incertains, et comme y(o\iu) est
petit et tombe entièrement dans les rangs inférieurs, on
voit que cette quantité sera très-mal déterminée. Mais
remplaçons la substitution par la division, et formons les
nouveaux coefficients j\ i ...c,b, a, par les formules (176),
la quantité a à laquelle ce procédé conduit n'est autre
que y (ou v). De cette manière on aura u avec autant de
décimales exactes qu'il y en a dans a.
Ainsi en cherchant u au n° 74, par la substitution de
— 3,780 000 0 dans F (a?) , nous n'avons pu exprimer
cette quantité qu'avec cinq décimales, bien que A en eût
six. C'est que nous avons eu à prendre des différences dans
lesquelles entraient des valeurs, telles que Coc^, qui s'éle-
vaient aux centaines, et les sept chiffres certains du loga-
rithme de C ne nous donnaient alors que les cent-millièmes,
auxquels nous avons été forcé de nous arrêter. Le chiffre
des millionièmes eût été illusoire. Mais si nous prenons
la marche qui vient d'être indiquée, nous aurons successi-
vement
rf=D-4- X = — 2,369 914,
c = C -4- dX. = -+- 1,212 948,
/> = B -4- cX = -4- D,5oG 5i7,
a = A -+- b\ = — 9,428 864 --= u.
Dans cette valeur le dernier chiffre est à peine incer-
tain de quelques unités. On est certain de la 5™' décimale,
qui, pour les raisons mentionnées, est préférable ici à
celle du n" 74.
(517 )
5^ R. — Équations transcendantes et équations
à plusieurs inconnues.
86. La marche suivie au n*' 74 s'applique aux équations
iraiiscendantes, et permet de pousser l'approximation tout
d'un coup jusqu'à la dernière décimale demandée. Soit
0 = F(x) une telle équation. Égalons F(x) à une variable y,
et formons ^ que nous nommerons F'(x), ^ qui sera
F"(x), etc. Si maintenant la substitution d'une valeur
approchée X dans F(x) donne e, dans F'(x) ... e', dans
F"(x) ... e'\ et ainsi des autres dérivées, on a
e 1 e^ i e^
X = X — e" (3 e'"— e' e'") ...,
e' 2 e" 6e"^ '
tout à fait analogue à la série (148).
On commencera donc par former les expressions parti-
culières des coefficients différentiels, dans l'équation que
l'on considère. Soit par exemple la proposée
X — sin^x -4-- = 0; (179)
les dérivées successives sont
F' (x) = 1 — 2 sin X cos x = 1 — sin !2x ,
F" (x)= — 2cos2x,
F"' (x) = 4 sin 2 x ,
F'^- (x) = 8cos2x,
par conséquent, en remplaçant v par e dans la for-
mule (147),
2 2^
— e=(l — sin2x)f cos2x.ê^-+- sin2x.t^
1 .2 I .2.5
25
H cos2x.§* (180)
( ^^8 )
Eniin, en convertissant la série,
§ = 1 ros 2x
d — sin2a: (I— siri2a;)^
e"
5 (1 — sin 2 X
-J6cos'i>jc — 2sin2a:(l — sin^x)]... (181)
Cette série donne rapidement la correction de x, quand
on a une première valeur approchée. Or, dans notre
exemple, il est clair que x ne peut avoir de valeur posi-
tive, puisque a:; = 0 donne y = -h 0,5, et que pour toute
valeur croissante de x la différence x — sin -x va en aug-
mentant. Mais un x négatif peut satisfaire à la question.
On reconnaît bientôt, par quelques essais, que l'arc
cherché est très-voisin de — 21° 10', qui répond à
3c = — 0,369 428 05. Cette valeur fournit en peu
d'instants
e = — 0,369 428 05 — 0,1 50 580 29 -+- 0.500 000 00 = -^ 0,000 191 68.
En même temps
1 — sin 2x = 1 — sin (42" 20') = 1 ,073 4 = e' ,
— 2 cos 2x = — 2cos (~ 42" 20') = — 1 ,470 6 = e" ,
De là nous tirons :
Ic"^ terme - 0,000 114 55
2«nc ), -f- 1
Somme . . — 0,000 114 54 = H.
Appliquant cette correction il vient
x = — 0,569 542 37, ou en arc x = — 2IM0'25",65.
87. Lorsque les équations renferment plusieurs incon-
nues, mais sont du premier degré, on peut employer le
calcul des déterminants. Il est bon toutefois d'avertir que
r 519 )
ce calcul exige le plus grand ordre et les précautions les
plus minutieuses, surtout quand le nombre des inconnues
s'élève. Pour la laeilité et la sûreté des opérations numé-
riques, la méthode des coefficients égaux nous paraît mé-
riter la préférence. On sait en quoi elle consiste. On divise
chaque équation par le coefficient d'une même inconnue,
calculant par exemple
b'
c'
p'
X
-t-
ci
h'
y
-+-
a'
c"
• -+-
ci
v"
0,
X
H-
a
;.V
-+-
a"
r
•• -+-
a"
:0,
Puis prenant les différences il vient n — \ équations de la
forme
h\ y -\- c'i z '•■ -f- p\ = 0,
b'i y H- c',' iT ••• -t- /)'/ = 0,
qu'on translorme en
^1 pi
6, b.
On prend de nouveau les différences, et ainsi de suite jus-
qu'à la dernière inconnue. Puis on remonte par degrés
pour déterminer les autres, chaque équation surnuméraire
donnant une vérification.
88. Si les équations qui contiennent plusieurs incon-
nues, renferment des puissances diverses et des produits
de ces inconnues, on ne peut trop recommander le recours
au tracé graphique. Un exemple fera comprendre l'avan-
( 520 )
tage de ce moyen auxiliaire, mieux que de longues expli-
cations.
Soient proposées les équations
a5-4-2î/^ = 1,
(182)
o;y'-+-a:' — 2x?/ = 4. . . . (183)
Je commence par tracer les courbes par points. Dans
l'équation (182) je prends x pour donnée, et je trouve
successivement
pour a: = 0 ...?/ = rp 0,71 ,
X = -4- i ... y = zpO;00,
et pour toutes les valeurs de x ^ -+- \ y serait imaginaire;
pour X == 1 ... î/ r=r zp 1 ,
a:=-2...7/=zF2,l!2,
X = — 5 ... y = qz ô,74,
-10...2/=-f2-2,4.
La courbe qu'on voit en A GBC, dans la figure ci-jointe,
( 521 )
est symétrique par rapport à l'axe des x, et forme bientôt
deux branches presque droites , qui se prolongent à
l'infini.
Dans l'équation (185) je me donne ij, et j'obtiens suc-
cessivement
2,00,
pour y = 0 ... X =
'^ ' 2,00,
V = 0,5...x==)-''^^'
^2,40,
y = -H I ...a:= -t- 1 ,
et pour toute valeur de 2/ > -+- 1 on voit aisément que x
est imaginaire ;
pour y = — ... X = {
■^ U 2,16,
y = — 2 ...X =
y ^= — Z ... X =
— 8,95,
-t- 4,93,
— 15,00,
+ 9,00.
Cette courbe D G E F a deux branches non symétriques,
qui sont aussi bientôt presque droites, et s'étendent à
l'infini.
Ces premiers calculs, qui se font très-rapidement à trois
décimales, suffisent pour tracer l'esquisse des deux courbes;
et l'on reconnaît que celles-ci ont un seul point d'intersec-
tion G. Il n'y aura donc qu'une seule valeur réelle de x et
de y, qui satisfera à la fois les deux équations (182)
et (185).
Pour déterminer approximativement ces valeurs, je me-
( 522 )
sure sur la figure l'ordonnée du point G, et je la trouve
manifestement comprise entre -+- 0,7 et -h 0,9. J'intro-
duis successivement les trois valeurs y ^ -h 0,1 , y = -+-
0,8, y= -\- 0,9 dans les équations (182) et (185), et je
lire X dans chacune de ces hypothèses.
xpar (182).
xpar (183).
Différence.
— -
. .yx<
— ^i^-..
-^--w--^— -
0,7
— 0,27
— 0,95
H- 0,68
0,8
— 0,65
- 0,64
— 0,01
0,9
— 0,85
- 0,18
- 0,67
L'équation (185) fournit pour x deux racines, mais je ne
considère ici que celle qui appartient à la branche GD.
Si les X variaient dans les deux courbes proportionnel-
lement à y, on en déduirait y voisin de 0,798. J'essaie les
trois valeurs 0,797, 0,798 et 0,799, celte fois en em-
ployant des logarithmes à cinq décimales, et je trouve :
y X par (182). x par (183). Différence,
-+- 0,797 — 0,646 7 — 0,6oô 4 -f- 0,006 7
-t- 0,798 — 0,649 2 — 0,649 8 -+- 0,000 6
-+- 0,799 — 0,651 7 — 0,6^6 0 — 0,005 7
On voit par ce tableau que les valeurs véritables sont
voisines de
x= — 0,649 4 et y = -^- 0,798 1 .
Je prendrai ces valeurs pour xeiy provisoires, et j'aurai
par les procédés de la différentiation, en me bornant aux
termes du premier ordre,
^x-r) X -^ 4]/ J/y = - a . . . . (184)
i^y^^y -+- ^2xrîx— =li/ âx — ^x rjij = — b, (185)
( 5^23 )
où ^x et ôy représentent les variations des inconnues, et
a et 6 les seconds membres des équations (182) et (185),
dans la fausse position adoptée, diminués respectivement
des seconds membres donnés -h i et h- 4.
On trouve d'abord, en faisant usage de huit décimales,
x^H- 5?/^ =1,000 062 1, .... (186)
of -f- X- — 2 xij = 4,000 095 î) ; . . (1 87)
d'où
a = —621, et 6 = — 959
du dernier ordre, qui est ici le septième ordre décimal.
Je forme maintenant 1rs équations (184) et (185) en
employant quatre décimales seulement, et j'obtiens
' 1, 265 (?x -4- 3,1 92 c? 7/ = — 621 ,
9,554 c?»/— 1,299 rîx — 1,596 Jx-+- 1,299 c?f/ = — 959,
ou après réduction ,
:^ . . . (188)
1,265 âx -+- 5,192 (??/ = — 621 ,f
10,855 rhj — 2,895 c?x = — 959
De ces équations on lire
âx = — 160, '-^jj = — 131.
Corrigeons de ces quantités les valeurs admises, il
vient
X = — 0,649 416 0, y = -+- 0,798 086 9 ;
c'est la seconde approximation.
Si l'on en veut une troisième, il faut mettre en nombres
les équations (182) et (185) en employant ces nouvelles
( nu )
valeurs, et en se servant de logarithmes à dix ou à onze
décimales. On trouve alors
a;^-i-2î/'=0,999 999 935 7,
5 2^3 H- x' — 2 xy = 4,000 000 069 7 ;
d'où l'on conclut
a = -+- 4(35 , 6 = — C97
du dixième ordre fractionnaire.
Les premiers membres des équations (188) peuvent
servir tels qu'ils ont été calculés plus haut; il n'y a donc à
changer que les seconds membres, et l'on a
1,265 --^x-t- ô,\nây= -\- 463,
10,855 >^y — 2,895 rJx = — 097.
On en tire par les logarithmes à quatre figures,
oX = -+- 510 . f)y = -\- 20.
Appliquant ces corrections aux dernières approximations,
il vient enfin, à une unité près de la dixième décimale,
x = — 0,649 415 9684, y = -\- OJdS 086 902 0.
On voit que même dans ces limites de précision, la réso-
lution des équations proposées n'a pas entraîné des calculs
extrêmement développés ni très-laborieux.
( 525 )
Note sur le Drosera binaïa LabilL, sa siructure et ses
procédés insecticides ; par M. Edouard Morren, membre
de l'Académie.
OROSKRA BiXATA LabiU., Nov, //o//. (1804), p. 78, tab. 405. - D. C, Prodr.
,18^24), I, p. 317. — Bot. Mag., LVIII, tab. 3082. - J. E. Planchon, Sia- la
famille des Droséracées, Ami. des Se. nai., 1849, IX, p. 2C6.— M. G Smith,
The Seusitivc Glands of Drosera in Gard. Cliron., -1873,4). 1403, ic. 284. —
Cil. Darwin, Inscctivorous Plants, 1875, p. 281. — Drosera diehoio)na Manks
et Sol. )nss. ex Smith in Rees cijclop. — Drosera pedata Pcrs., Ench. I,
p. 357. D. C, Prodr. I, 317. — Drosera intennedia Ricli. Cunningh. in Anu.
o/Nat. hist, yol IV, p. 409 (non Hayne) ; Dr. Cunninqhami Walp., Report.,
1, 229.
Les questions relatives aux plantes insecticides excitent
plus que jamais l'intérêt des naturalistes depuis la récente
publication des Insectivorous Plants par M. Charles Dar-
>vin. Dans ce volume, l'illustre naturaliste a particulière-
ment étudié le Drosera rotundifolia et plus sommairement
d'autres espèces du même genre, le Dionaea muscipula,
VAldrovanda vesiculosa, le Drosophyllum , les Pinguicula
et les Uiriciilaria. On peut remarquer qu'il laisse complè-
tement à l'écart les Nepenthes^ les Sarracenia et autres
plantes à urnes.
Ses études sur le Drosera sont un chef-d'œuvre d'ana-
lyse : appelant tour à tour à son aide la sagacité du na-
turaliste, l'observation microscopique et l'analyse chimique,
il scrute la structure des tentacules, selon son heureuse
expression, leurs mouvements, les circonstances et les con-
ditions de leur irritabilité, l'action des matières azotées et
surtout du carbonate d'ammoniaque, l'agrégation du pro-
2™*" SÉRIE, TOME XL. 54
( S26 )
toplasme sous l'influence de ces matières, la dissolulion de
l'albumine coagulée, etc., etc. Il établit l'acidité du fluide
sécrété par les glandes terminales des tentacules et il a
quelques motifs pour croire que cet acide est du groupe
des acides propionique, butyrique et valérianique. Il a
constaté, par exemple, que le contact d'un bout de cheveu
pesant 0"'^000822 suffit pour provoquer le mouvement du
tentacule; que 0'"^00048 de carbonate d'ammoniaque
amènent l'agrégation du protoplasme dans les cellules
supérieures du tentacule. Les phénomènes de relation con-
cernant la transmission des impressions sont étudiés avec
un soin inimitable. Mais à partir de ce point, les démon-
strations deviennent moins péremptoires. M. Darwin admet,
sur de faibles indices, la présence dans ce même suc acide
d'une matière analogue à la pepsine et qui interviendrait
seulement à la suite de l'excitation de certaines substances
peptogènes. Quant à l'absorption de l'albumine dissoute,
elle aurait lieu par les glandes des tentacules, c'est-à-dire
par les organes mêmes qui sécrètent le suc gastrique.
Nous ne nous trouvons pas dans les conditions qui nous
permettraient de pousser, aussi loin que nous le voudrions
l'essayer, les observations sur cet intéressant problème de
physiologie végétale. Cependant nous ne voulons négliger
aucune occasion pour chercher la vérité. 11 faut bien le
reconnaître, si la théorie nouvelle a excité un vif intérêt,
elle a aussi rencontré une certaine incrédulité. Nousavons
exposé déjà maintes considérations théoriques qui militent
en sa faveur, mais nos premières observations, en consta-
tant l'intervention des facteurs ordinaires de la putréfac-
tion, autorisaient le doute en ce qui concerne la digestion
des animaux capturés. Nous avons été heureux de pouvoir
faire de nouvelles observations qui ont donné les résultats
( 5*27 )
les plus élonnanls et en quelques points favorables à la
théorie de la digestion.
Elles ont porté sur le Drosera binala (fig. 1), jolie plante
des environs de Sidney, qu'on rencontre sur divers autres
points des Nouvelles-Galles du Sud, dans la Nouvelle-Hol-
lande. On le signale aussi dans l'île Van Diemen et à la
Nouvelle-Zélande. Il a été rapporté pour la preniière fois
par de la Billardière, dans ses herbiers, au retour de son
grand voyage dans les terres australes et publié dans les
Novae-Hollandiae plantariim spécimen. Maintenant on le
cultive en Europe où il est encore assez rare, bien qu'il
propsère dans un sol humide et tourbeux sous le simple
abri d'une serre tempérée. Il est acaule, mais ses pétioles
étroits, lisses, un peu cannelés, peuvent s'élever jusqu'à
vingt centimètres : le limbe des feuilles, qui se bifurque
une ou deux ou trois fois, selon la vigueur des plantes,
atteint quinze centimètres. Certaines formes ont été prises
naguère pour des espèces distinctes; la plus simple, à
feuilles une fois divisées, a été décrite sous le nom de
Drosera pédala par Persoon ; la plus compliquée, dont les
feuilles se bifurquent deux ou trois fois, sous le nom de
Drosera dichotonia par Banks et Solandre. Ces deux
formes, unies d'ailleurs par le Drosera hitermedia de Rich.
Cunningham, ont été fondues par M. Planchon, dans sa
belle monographie des Drosera, en une seule espèce et
ramenées au Drosera binata (1).
Les divisions foliaires sont longues, étroites comme un
(1) Sur la culture du Drosera binata , on peut consulter : Ed. Otlo, in
Hamb. Gart.-u. Blumenz., 1861, p. U; A. Steizner, id., 1865, p. 49;
E. Mayer, in Gartcnflora, 1868, p. 195; Mac Nab, in The Garden, 1873,
page 4.
( 528 )
cordonnet; légèrement concaves le long de ia iigne médiane,
elles s'épaississent sur les deux bords : la face inférieure,
un peu convexe dans le milieu, est lisse, tandis que les
bourrelets latéraux et la page supérieure sont tout hérissés
de tentacules (fig. 2). Les tentacules marginaux sont
les plus longs, jusque 0"S00o, c'est-à-dire près de deux
fois la largeur des feuilles; les autres vont successivement
en diminuant jusqu'au centre de la feuille oii ils ne dépas-
sent pas un demi-njiliimètre. On en remarque même, de
dimensions moyennes, sur le bord inférieur de la feuille.
Les grands tentacules (fig. 4) du Drosera binala sont
droits, vert pâle, insensiblement atténués de la base au
sommet : leur épidémie est çà et là perforé jjar de vastes
stomates dont l'osliole est largement béante. Jls se termi-
nent en une glande sphérique dont la base est verte et la
plus grande partie d'un rose vif; le centre paraît même un
peu pourpré : elle sécrète un liquide très-visqueux et lim-
pide qui s'accumule surtout à la partie supérieure de la
glande en une gouttelette hyaline. Le tentacule est traversé
d'un bout à l'autre (tig. 5 et 15) par un ou plusieurs vais-
seaux, ordinairement des trachées, quelquefois des vais-
seaux annulaires, qui aboutissent dans un amas de cellules
d'inenchyme occupant le centre de la glande. Les tenta-
cules plus courts ont la même structure, plus ou moins
réduite proportionnellement à leur taille (fig. 6 et 7) : tous
ont le vaisseau central et les cellules à spiricule dans la
glande.
On sait que les feuilles de Drosera ont la vernation cir-
cinale, ce qui suppose, pensons-nous, un accroissement
acrogène. Ces feuilles se déroulent lentement et l'on peut
remarquer que les glandes commencent à sécréter quel-
ques jours seulement après leur apparition. Au sommet
( 5^29 )
aminci des feuilles sont quelques tentacules plus longs et
plus déliés que les autres.
La feuille est formée de parenchyme riche en cliloro-
phylle, sauf dans l'axe des bourrelets marginaux où se trou-
vent les principaux faisceaux entourés de cellules inco-
lores (lig. 5). L'abondance des trachées est remarquable
jusque contre l'épiderme. Celui-ci est sur la face supé-
rieure abondamment pourvu de stomates à grandes ouver-
tures (fig. 8, 9;; il |)orte, de plus, beaucoup de petites
glandes sessiles, formées de 2, 4, 8 on 16 cellules (lig. JO)
et remplies de granules bruns; on en trouve aussi sur
l'épiderme inférieur et même sur les tentacules (fig. 4.).
Cette structure est dans tous les points essentiels la même
que celle de notre Drosera rofnndifoiia : elle avait été très-
sommairement examinée déjà par M. W. G. Smith.
Nos observations ont été faites à la fin du mois d'octobre
sur des spécimens cultivés en serre et en pleine végéta-
tion. Nous les avons rapportés de Hambourg et nous les
devons à l'obligeance de M. Kramer.
Le liquide des glandes, très-gluant, est franchement
acide: il fait rougir instantanément le papier de tournesol.
Nous l'avons essayé à plusieurs heures du jour et de la
nuit, chaque fois avec les mêmes résultats.
A l'état de repos, les tentacules sont droits et diver-
gents (comme il est représenté Hg. 2 et 3) : la glande est
d'un rouge brillant et la gouttelette visqueuse étincelle
à la lumière. Les feuilles hautes d'un pied sont disposées
comme les mailles d'un fdet. Dans cet état, il semble vrai-
ment que la plante, comme une araignée dans sa toile,
guette et attende sa proie.
Au sommet des feuilles se dressent quelques tentacules
encore plus longs que les autres et qui sont là comme en
vedette.
( 530 )
Dans la nature la chasse est abondante, puisque les
feuilles deviennent sales et paraissent défigurées sous les
dépouilles animales (1). Dans une serre, il n'en est pas de
même; au mois d'octobre surtout, les moucherons sont
rares et la plante est d'une fraîcheur exquise avec ses mille
perles irisées et son feuillage à reflets rouges.
Nous lui avons d'abord présenté quelques pucerons
[Aphis), qm, mis en contact avec les glandes des tentacules
marginaux, ont été fortement englués. Immédiatement, ces
tentacules se sont mis en mouvement, et, en se courbant
sur leur face interne ou supérieure, ils ont porté leur
charge sur le limbe même de la feuille. Ce mouvement
de translation s'opère en deux ou trois minutes, presque
toujours deux minutes et demie. Les tentacules demeurent
courbés sur leur proie ; la glande surexcitée, exsude une
surabondance de suc (fig. 11 et 12). Cependant la vie est
lente à s'éteindre dans ces chétives victimes : nous en
avons vu qui ont vécu 24 heures dans cette glu avant leur
immolation définitive. En général les tentacules se relè-
vent après 2 ou 5 jours : parfois ils demeurent plus long-
temps dans cette situation.
Nous avons répété l'expérience avec des fragments
d'albumine coagulée : ils adhèrent fortement, et, presque à
vue d'œil, les tentacules se courbent; ceux du voisinage
s'infléchissent, et tous ensemble portent l'albumine et la
poussent dans le milieu de la feuille : ils restent ainsi
ployés, arc-boutés sur le fragment qu'ils couvrent de
leur sécrétion acide et gluante : quelques heures plus tard,
l'albumine estdevenue transparente , ses angles s'émoussent
et après un jour ou deux, il en reste peu de trace.
(1) Darwin, /. c.,p. 282. — Mac Nab, /, c.
( S3i )
La courbure des tentacules et la translation (Je l'albu-
miii€ se font en deux ou trois minutes, ordinairement en
deux minutes et demie. Il n'y a nulle différence, sous ce
rapport, entre le jour et la nuit.
Des fragments de feuilles coupées au ciseau ont donné,
nous a-t-il paru, des mouvements plus lents, parfois nuls.
Dans ces conditions et à l'obscurité, il arrive que l'albu-
mine est rendue transparente sans avoir été transportée
par les tentacules marginaux sur le limbe même de la
feuille.
La courbure et le mouvement de translation n'intéres-
sent ordinairement que les tentacules d'un seul côté de la
feuille qui se trouve en contact avec l'albumine ou dans
son propre voisinage : le côté opposé demeure indifférent
(fig. H).
Les résultats sont les mêmes avec des moucherons, des
fragments de tipules, de cloportes, de petits limaçons, des
vermisseaux, en un mot, avec des matières azotées. Tou-
jours, en cent cinquante secondes environ, nous avons vu
ces matériaux alimentaires portés sur la feuille, et bientôt
couverts par le suc que sécrètent les glandes terminales.
Nous avons, à l'exemple de M. Darwin, expérimenté l'in-
fluence d'une solution très-faible de carbonate d'ammo-
niaque, et nous l'avons vu provoquer une prompte flexion
des tentacules.
D'un autre côté, nous avons tenté l'expérience avec
le papier, la moelle de sureau, la cire de bougie, etc.,
toutes matières dépourvues d'azote : elles adhèrent bien
aux glandes, mais, chose vraiment étrange, les tentacules
demeurent indifférents, la glande semble même se dessé-
cher de manière à ne point retenir ces substances inu-
( 532 )
tiles; bien plus, les tentacules se réfléchissent quelquefois
vers le dehors et cherchent manifestement à se libérer du
fardeau qui les embarrasse. Il est très-exceptionnel de voir
une légère flexion causée par ces corps inertes : des frag-
ments sont parfois portés jusqu'à un certain point, mais
bientôt le mouvement s'arrête : tous les tentacules, ou la
plupart, se relèvent; en tous cas, la sécrétion tarit et le
vent ou un léger choc contre les feuilles amènent la chute
des matériaux que la plante ne veut pas retenir.
Ainsi donc, le Drosera binata, admirablement organisé
pour la chasse, littéralement couvert d'appâts, attire à
lui, fixe contre ses feuilles légèrement creusées en gout-
tière, la matière animale qu'il peut atteindre. Cette même
plante écarte et rejette les substances inutiles, dont elle
n'a que faire.
La courbure des tentacules s'opère ici avec beaucoup
plus de rapidité que dans le Drosera rotundifolia : elle
n'intéresse pas seulement une partie de l'organe, mais
toute son étendue, puisqu'il prend la forme d'un grand arc
de cercle. Dans celte situation, le microscope ne révèle pas
de modifications dans l'état organique. Nous mentionne-
rons toutefois, non sans une certaine hésitation, quelques
plis transversaux qui semblent se manifester à la paroi
profonde des cellules intérieures les plus proches du vais-
seau central (fig. 15).
Nous avons, à plusieurs reprises, soumis à l'examen
microscopique les fragments d'albumine devenus transpa-
rents, et nous n'y avons constaté ni bactéries, ni monades,
ni aucun des facteurs de la putréfaction. Sous ce rapport,
les résultats de ces nouvelles observations ditfèrent, jusqu'à
présent, de ceux que nous avions constatés naguère. Cette
( 555 )
l'ois nous n'avons, au cours do nos investigations, rencon-
tré qu'un seul filament mvcologique, fixé sur la glande
d'un tentacule : son apparence, assez singulière, rappelle
un peu une conjugaison de Mucorinée (fig. 14). Ce vestige
est d'ailleurs sans importance ici. Mais nous avons, d'autre
part, été frappé de cette circonstance que des pucerons
englués par les tentacules sont demeurés intacts pendant
24, 36 et même 48 heures, sans manifester les phéno-
mènes ni de la putréfaction, ni de la digestion.
Dans nos premières observations sur le Pinguicula et le
Drosera rotundifolia, nous avions rencontré les êtres sapro-
gènes dans les substances animales fixées sur leur feuillage.
Cette circonstance a fait naître en nous quelques doutes
sur la faculté de dissoudre et de digérer les matières albu-
minoïdes attribuée au liquide sécrété par l'extrémité des
tentacules.Cetle fois, nous n'avons point constaté de putré-
faction : l'albumine est réellement rendue transparente ,
comme M.Darwin l'a découvert sur le Drosera rotundifolia.
11 est possible qu'elle soit liquéfiée et transformée en prin-
cipes absorbables. Pendant la digestion animale l'albumine
est modifiée en matières crislalloïdes qu'on appelle pep-
tones : elle éprouve cette modification sous l'influence de
l'acide chlorhydrique et de la pepsine. Ici, on sait mainte-
nant que le suc excrété est acide, vraisemblablement par
la présence d'un acide gras. Quant à la pepsine, son inter-
vention est encore problématique. Mais, on ne saurait
négliger l'extrême viscosité du suc glandulaire; c'est là son
principal caractère : il s'étire au coniact du doigt- en fila-
ments longs d'un centimètre au moins. Ce ne sont ni les
acides gras, ni la pepsine qui peuvent rendre compte de
cette nature gluante. Au contact de l'alcool, sur le porte-
( 534 )
objet du microscope, il prend l'apparence d'un réticule
alvéolaire.
Nous voudrions pousser plus loin les investigations
et déterminer les organes de l'absorption. Quanta la der-
nière question, M. Darwin ne doute pas que ce ne soient
les glandes elles-mêmes, et il en voit la preuve dans l'état
d'agrégation du protoplasme qui est déterminé par les
substances ammoniacales. Il y aurait cependant quelque
chose d'insolite à ce qu'une glande fût en même temps un
organe d'absorption, d'autant plus que son activité sécré-
toire est ici périodique. 11 conviendrait d'ailleurs de recher-
cher le rôle qui peut être dévolu aux énormes stomates
dont toutes les plantes insecticides sont munies, et la signi-
fication des petites glandes sessiles qu'elles portent sur leur
épiderme. Dans le Drosera binata, l'ostiole des stomates
mesure en longueur jusque deux centièmes de millimètre.
La nécessité et même l'utilité des matériaux que les
végétaux insecticides savent se procurer par le singulier
pouvoir dont ils sont doués, ne sont pas établis. En effet,
il semble démontré jusqu'ici que ces végétaux vivent,
grandissent, fleurissent et fructifient en dehors de toute
intervention de matière animale. Nous voulons, l'année
prochaine, nous former à ce sujet une conviction fondée
sur des observations directes.
Nous former une conviction basée sur l'observation de
la nature est d'ailleurs notre seul but en intervenant bien
modestement, dans cette belle et difficile question, traitée
avec tant de mérite et d'autorité par M. Ch. Darwin. Les
quelques notes que nous avons recueillies et publiées jus-
qu'à présent sur ce sujet sont de peu d'importance et ne
concernent que les côtés superficiels du phénomène. Il
Irri^' C Sever-cyns, ^ricxelles.
Drosera binatoL LabUl.
iill.cle l'Acad
'Ul
L ith . par G. uzvgreyns ,Braxe lies .
jDrosera binaia LabiLl.
PL. m.
J
Y
m
F^
-jU
II
W/ à^^il^
T., y»
JO
d
-r
"4
ZitA par G. Severez/Ji^ , Bruxelles .
\
lJro.';cra buiata Labill.
lill.de l'Acad,
PLIV
V
l^âi^c
mmi::^il
Ix ,^i Cl'r^:
^'^ V> ^é^;
\
^
ZitÀ par Gr. uevereiim , Bruxelles .
( 555 )
faudrait une atteulion soutenue et un travail minutieux
et obstiné pour y pénétrer plus avant, pour suivre la voie
ouverte, et surtout pour y ajouter quelque chose de ce qui
lui manque encore pour atteindre le but.
EXPLICATION DES FIGURES.
Fig. 1. Drosera binata Lahill.
— ± Un fragment de feuille avec les tentacules à l'état inactif.
— 5. Coupe transversale d'une feuille.
— 4. Un tentacule marginal.
— 5. Coupe longiluilinale à travers un tentacule.
a. Cellules épidermiques renfermant quelques grains verts
contre la paroi postérieure.
b. Cellules parenchymateuses avec des grains verts pariétaux
c Vaisseaux.
d. Inenchyme central dans lequel aboutissent les vaisseaux.
e. Cellules riches en grains de chlorophylle.
f. Cellules contenant un pigment rouge liquide et granuleux.
— 6 et 7. Tentacules minimes vers le milieu du limbe.
— 8. Coupe dans lepiderme et le parenchyme supérieur à travers un
stomate.
— 9. Stomates avec quelques cellules du derme.
— 10. Glandes épidermiques : «et 6, structure normale; cet d, struc-
tures plus rares.
— 11. Fragment de feuille dont la moitié des tentacules sont courbés
sur un morceau d'albumine.
— 12. Un autre fragment dont les tentacules sont courbés.
— 13. Coupe dans l'axe d'un tentacule courbé ; en a ou voit des plis
transversaux dans la membrane cellulaire.
— 14. Filament mvcélien.
536 )
Les ossements fossiles du genre Aidocète au Musée de Linz ;
par M. P.-J. Van Beneden, membre de l'Académie.
Dans la mollasse des environs de Linz, qne les géolo-
gues placent généralement dans le miocène, on découvrit,
il y a une trentaine d'années, des vertèbres d'un assez
grand Cétacé, et deux ans après on mit au jour, dans la
même localité, un crâne assez complet muni de ses con-
dyles, quelques fragments d'os de la face , des côtes et
des débris de sternum.
Ces os étaient accompagnés de restes de Sqnalodon et
de Halitherium. Avec eux se trouvait une caisse tympa-
nique assez bien conservée et une dent droite, à une seule
racine. M. Ehrlich a figuré ces pièces dans ses Geognos-
tische Wanderungen, publiées à Linz, en 1854 (1).
Cette dent et cette caisse tympanique ont induit plu-
sieurs naturalistes dans l'erreur et, nous l'avouons sans dé-
tour, nous avons été de ce nombre. La caisse tympanique
et la dent ont été attribuées à tort au même animal que le
crâne.
M. Herm. von Meyer à été le premier a étudier ces os (2)
et, le genre Balénodon n'étant que vaguement déterminé
par celui qui l'a proposé, il crut pouvoir désigner l'animal
nouveau, dont ces restes provenaient, sous le nom de
Balœnodon lenzianum. Il avait rapporté, comme nous, la
(1) Planches II , IH el IV.
(2) Balœnodon lenzianum, Herm. von Meyer, Leonard's uiid Bronn's
Jahrbuch, 1849, p. o-i9 et 1850, 2^ Heft, p 201.
( ^^ )
caisse tynipanique, la dent et le crâne à un même aninial.
Après un examen rapide sur les lieux, où nous nous
étions rendu pour étudier le Squalodon, nous avions cru
devoir placer cet animal, d'après la dent et la caisse qui
accompagnaient la tète, dans cette famille de Cétacés car-
nassiers qui comprenait les Zeuglodons et les Squalodons;
mais, ne pouvant adopter le nom de Balénodon, nous
avions proposé de lui substituer celui di'Aulocèle (i), que
nous aurions dû conserver au lieu de le changer en Sté-
nodon (2),
C'est dans une lecture faite à la séance publique de
l'Académie, le 16 décembre 1861, que nous avons em-
ployé la première fois ce nom d'Aulocète, pour désigner
le sillon profond que forme l'occipital de ce Célacé. « L'ani-
mal appelé de ce nom de Balénodon, disions-nous, est un
type nouveau, qui n'a rien de commun avec les Cétacés
trouvés jusqu'à présent dans le bassin d'Anvers. » INous
n'avions pas cru devoir rapporter la caisse de l'oreille et
la dent à un autre animal et nous étions encore sous
l'influence de ce rapprochement, quand nous avons pro-
posé le nom de Sténodon.
Le docteur Brandi visita le musée de Linz en 1871 ; il
rapporta la caisse et la dent à un autre animal que celui
dont provenait le crâne, rapprocha celui-ci des Cetothe-
rium, et éleva le genre nouveau auquel il donna le nom
de Cetotheriopsis, au rang d'une division nouvelle : les
Celothcriopsinœ. La caisse ainsi que la dent sont rapportées
au genre Squalodon. C'est une forme particulière entre les
(1) Bulletin de VAcad. royale de Belgique, 2^ sér. t. XII 1861, p. 481.
{±) Van Benedeo, Recherches sur les Squalodons, Mém. de l'Acad.
ROYALE DE BELGIQUE, l. XXXV, 186-J.
( 558 )
Balénoptères et les Cetotherium , dit le savant naturaliste
de Saint-Pétersbourg, raais plus près, ajoute-t-il , des pre-
miers que des derniers (1).
M. Brandt à raison de rapporter le crâne à un Mysti-
cète, c'est-à-dire à un Cétacé à fanons; mais, contraire-
ment à ce qu'il suppose en dernier lieu, les vertèbres qu'il
attribue à différents Squalodons aussi bien que la cervi-
cale qu'il rapporte à une Halianassa, proviennent, à notre
avis, d'un seul et même animal.
Nous ferons remarquer en passant que les vertèbres
attribuées d'abord par M. Brandt à l'Aulocète (pag. 44)
sont ensuite considérées comme vertèbres de Squalodon
(pag. 555) et plus loin définitivement rapportées au Squa-
lodon E/ir/îc/?u dans l'explication des planches (pag. 554).
Ces vertèbres ont certes une forme bien particulière, mais
n'appartiennent pas moins, à notre avis, à VAulocète.
Pendant un nouveau séjour à Linz, en 1874, nous avons
passé en revue toute la collection d'ossements fossiles du
musée de cette ville, et, grâce au concours obligeant que
nous a prêté son savant directeur, M. Cari Ehrlich , nous
avons pu nous convaincre que la colonne vertébrale attri-
buée en partie à des Squalodons et en partie à une Halia-
nassa est au contraire d'un seul et même animal; cette
colonne, qui est presque complète, se rattache parfaite-
ment à la tête.
Nous avons eu la chance., en arrivant à Linz, de nous y
trouver au moment même où M. Ehrlich venait de rece-
voir, de Saint-Pétersbourg, les ossements qu'il avait com-
muniqués au professeur Brandt, et nous avons pu déballer
(1) Cetotheriopsis^ Bull. AcAd. imp. de Saint-Pétersbourg, novem-
bre 1874. p. 563.
( S59 )
iions-mcme les vertèbres et les autres os qui portaient
encore les notes écrites de la main du professeur de Saint-
Pétersbourg.
Nous allons passer ces divers os en revue, mais résu-
mons d'abord la synonymie avec l'indication des publica-
tions qui ont eu cet animal pour objet.
Balaenoptera mollassica, Juger, foss. sàugclh. Wurtcmb. 1857.
Zeuglodon, Jo/i. MuUer, Die Zeuglodonten , pag. 29.
Balaenodon lentianus, h. von Meyer Jahrhuch, 1850, 2" H., p. 201.
— — Ehrlich. Ucho.r die Nordôstlichen yJlpen,
Linz, 1850.
— — Ehrlich, Geognosiische Wanderungen in Ge-
hiele der Nordôstlichen Àlpen, in-8o Linz, 1856, p. 81.
pi. II, III ellV.
AuLOCETUS, Van Beneden. La côte d'Ostende et les fouilles d'Anvers,
Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 2csér., t.XII,
p. 480, 1861.
Stenodon lentianus. Van Beneden, Recherches sur les SqualodonSy
MÉMOIRES de l'Académie royale de Belgique, t. XXXV,
1865.
Cetotheriopsis linziana, Brandt, Bulletin de l'Académie impériale
de Saint-Pétersbourg, t. XVI, p. 565, et t. XVII, p. 121 ,
Mel. Biol. (t. VIII, p. 196 et 527), Untersitchungen ûber
die Fossilcn iind Sitbfossilen Cctaceen Europa's, 1875, p. 40.
Les premières figures ont été données par M. Ehrlich,
dans ses Geognosiische Wanderungen. Les planches II, III
et IV le représentent.
Dans notre mémoire sur les Sr/im/ocZows, nous avons
représenté le crâne planche IV, d'après un dessin que
M. Ehrlich avait envoyé à Joh. Muller pour son travail sur
les Zeuglodons.
( o40 )
M. Brandi reproduit ensuite la tête, p!. XiX, des ver-
tèbres, pi. XVIll, fig. 5-11, de ses Untcrsuchungcnj et
pi. I, lig. 7-14 et pi. V, lig. 0-12, de ses Ergànzungen.
Le crâne de l'Aulocèle a tous les caractères des Balé-
noptérides du midi de l'Europe et la dent ainsi que la
caisse tympanique que nous avions cru devoir lui rappor-
ter, proviennent, la première d'un Sirénien, l'autre d'un
Squalodon.
Toute la boîte crânienne est conservée avec la plus
grande partie du temporal ; en regardant la tête par des-
sus, on voit que tout l'occipital, au lieu d'être aplati ou
même bombé, est au contraire déprimé, de manière que
les bords se relèvent et forment une crête soutenue laté-
ralement par les pariétaux et les temporaux.
Si l'on place le crâne devant soi à la hauteur des yeux,
et si on le regarde soit du côté de l'occiput, soit du côté de
la face, on reconnaît qu'il présente au milieu un profond
sillon dans toute la longueur de l'occipital.
Le docteur Brandt se demande, la tête du Pachy acanthe
n'ayant pas encore été trouvée, si, par hasard, cette
tête d'Aulocète ne serait pas celle de ce ïhalassothérien.
Dans la dernière note que nous avons lue à l'Académie,
nous n'avons pas hésité à soutenir l'opinion que le Pa-
chy acantJnis est un Sirénien; il ne faut donc pas chercher
la tête de cet animal dans un Cétacé souffleur. 11 ne peut
rien y avoir de commun entre l'Aulocète et le Pachyacan-
thus;\\ y a entre ces deux genres toute la différence qui
sépare le Sirénien herbivore du Cétacé souffleur.
Indépendamment de la boîte crânienne, on a déterré
deux fragments de maxillaire supérieur assez aplatis et
larges et qui, par leur peu de courbure, indiquent une
V Ui )
Ijaloine à courts lauons. Ils sont mal conservés cl l'orl déli-
cats. L'un a presque le double de la longueur de l'aulre.
En 1871, M. Brandt reconnut que ces os sont des frag-
ments de maxillaire supérieur, d'après ce que nous avons
vu écrit sur l'éliquette, encore attachée à la pièce à Linz.
Le maxillaire inférieur est incomplet; les deux bouts
manquent. On reconnaît la nature de cet os plutôt parle
tissu et la direction des mailles que par la forme de l'os.
La caisse tympanique que nous avons figurée dans notre
mémoire sur les Squalodons se distingue, comme nous
l'avons dit plus haut, de celle de tous les Mysticèles, par
son grand développement du côté de l'axe et sa forme
rétrécis en arrière, qui lui donne un aspect propre, tout
différent de celui des Cétacés véritables.
M. Brandt a eu recours aux lumières de ses savants
confrères MM. Steenstrup et Malm pour reconnaître les
affinités de la caisse tympanique, que je croyais appar-
tenir à l'Aulocèle; avec beaucoup de raison, ces savants
ont exprimé l'opinion que cette caisse n'appartient ni à
un Hyperoodon , ni à un Ziphius.
Cette tète a été moulée, mais il n'en existe malheureu-
sement que trois exemplaires : un à Vienne, un autre à
Berlin et un troisième à Gratz. A Vienne il porte encore
le nom de Balaenodon lentianus.
IXous avons comparé le crâne de l'Aulocète avec ceux
des Balénoptérides fossiles de la Bussie méridionale,
d'Autriche , de France , de Portugal et de Belgique et, pour
autant que nous pouvons en juger par la comparaison des
pièces qui sont conservées, il n'existe au fond que peu
de différences entre elles.
Tous ces os proviennent, à l'exception de la Balaena
etriisca de Capellini, de Balénoptères plutôt que de Ba-
2™^ SERIE, TOME XL. 35
( W2 )
leines véritables, comme le montre la largeur et la direc-
tion du frontal aussi bien que la courbure régulière de la
face. L'os frontal se dirige de dedans en dehors et d'arrière
en avant dans les espèces fossiles, tandis que nous le
voyons se diriger d'avant en arrière dans les vivants.
Les os nasaux sont toujours fort allongés, les maxil-
laires supérieurs fort larges, les intermaxillaires très-
effilés en haut, chez tous les Balénoptères fossiles.
Dans les vivants, le pariétal et le frontal ne forment plus
qu'une étroite bande entre le nasal et l'occipital : dans les
fossiles cet espace est toujours fort allongé.
L'occipital recouvre ainsi de plus en plus, depuis
l'époque miocène l'os pariétal et il se termine toujours en
formant un angle aigu en avant.
L'épaisseur des parois crâniennes est toujours fort
grande dans les diverses espèces fossiles.
Dans la mollasse de Baltringen on a trouvé, il y a une
quarantaine d'années, un fragment de maxillaire inférieur,
provenant d'un Cétacé à fanons, et qui se rapporte peut-
être à l'animal qui nous occupe. En tout cas, ce n'est pas,
comme Brandt le suppose, un animal voisin des Pachya-
canthes. Ce fragment a été signalé par Jaeger, dans ses
mammifères fossiles de Wurtemberg (1857).
Nous connaissons heureusement presque toute la co-
lonne vertébrale de l'Aulocète de Linz. Comme nous
l'avons dit plus haut, plusieurs vertèbres ont été attri-
buées par M. Brandt à d'autres animaux.
La première est un atlas qui correspond parfaitement,
par ses surfaces articulaires, aux condyles de l'occipital
(lu crâne attribué au Balénodon. Nous sommes persuadé
que cette vertèbre est non-seulement de cette même
espèce, mais du môme individu. Elle est complète à
( :.-i5 )
l'exceplion de la partie moyenne de Tare neural. Par ce
qui en reste, on peut dire qu'il est faible.
Cette vertèbre mesure en largeur, d'un bout de l'apo-
pbyse transverse à l'autre, 19 centimètres. L'arc inférieur
qui correspond au corps de la vertèbre a 5 centimètres
d'épaisseur.
Cet atlas à tous les caractères de la première cervicale
des Cétacés à courts fanons et non des Zeuglodontes,
comme on l'a supposé à diverses reprises.
ï.a surface articulaire antérieure est séparée sur la ligne
médiane et elle est fort large en avant. L'apophyse trans-
verse est courte et faible. Le canal rachidien est fort large.
F^a seconde vertèbre, qui a été déterrée en même
temps, est une troisième, ou quatrième cervicale; le corps
est fort bien conservé, et les apophyses transverses supé-
rieures et inférieures sont représentées par leur base. Elle
est fort régulière, un peu plus large que haute, légèrement
courbée en dessous, creusée en dessous et mesure en lar-
geur 85 millimètres, en hauteur 65 millimètres et en
épaisseur 50 millimètres.
Cette vertèbre a été regardée par Brandt, comme ayant
appartenu à une Halianassa. Elle n'a pas été envoyée
comme plusieurs autres à S^-Péfersbourg.
Les vertèbres se ressentent presque toutes d'une com-
pression extérieure qui leur a fait perdre leur forme symé-
trique.
Une des premières dorsales se distingue par la parfaite
régularité du contour du corps; le pédicule du cerceau est
large à la base et se porte faiblement de bas en haut et de
dedans en dehors. Nous avons trouvé un Iragment séparé
de la partie supérieure de Parc neural et, sans qu'il
s'adapte à l'apophyse brisée, nous pouvons cependant
( Mi )
reproduire en partie le diamètre du canal qui loge la
moelle. Le corps de cette vertèbre ne porte pas de trace de
facette articulaire pour les côtes. Son épaisseur est de
5 centimètres.
Deux autres dorsales du milieu de cette région ont le
pédicule de leur cerceau beaucoup plus étroit et s'élevant
plus directement. Le corps mesure jusqu'à 6 centimètres
d'épaisseur=
Au Musée de l'iiof- Mineralien - Cabinet à Vienne,
nous avons trouvé une vertèbre, découverte à Pad en
Croatie, et qui porte sur l'étiquette qui l'accompagne,
indépendamment de l'indication des lieux, 18o4, VIF, 7.
Nous la regardons comme une dorsale de l'animal qui nous
occupe. Elle est de la même taille et ne diffère des autres
que par la lace inférieure du corps qui est légèrement
carénée. Ce caractère indique qu'elle appartient à une des
dernières dorsales.
Le même Musée renferme encore une vertèbre du
Leitnakalk des environs de Vienne, qu'il faudrait compa-
rer avec soin.
Nous avons également trouvé une vertèbre au Musée
de Stuttgart, venant de la mollasse marine supérieure de
Oberschwalben (le même terrain qui contenait l'Arionus
de Herm. von Meyer, qui est un vrai Squalodon), et nous
croyons également pouvoir la rapporter à l'Aulocète qui
nous occupe. Cependant cette vertèbre, une des dernières
dorsales, a le corps plus comprimé latéralement, de manière
que, vue de face, elle prend |)lus ou moins la forme d'un
cœur. Elle indique un animal plus grand de taille que
celui de Linz. Le corps mesure près de 15 centimètres
d'épaisseur et 10 Va ^'^ hauteur.
Une des premières lombaires a la surface du corps large
(Je 9 cenlimèli'cs et d'avanl en arrière 10 cenlinièlres et
demi. Elle n'a pas de carène à sa face inférienre. Muth-
masslkh eiitcrder hinteren Lendwirbel von Cetholcriopais,
porte l'étiquelle, et ce dernier mot est écrit de la main
même de Brandi. Celle verlèbre a été envoyée à S*-Pélers-
bourg.
J. Muller avait jugé, d'après les dessins que M. Ehrlich
lui avait envoyés, que les vertèbres caudales provenaient
d'un Zeuglodon.
Une autre vertèbre lombaire, mais plus incomplète
encore, présente les mêmes dimensions dans le corps.
Les vertèbres dorsales ont le corps plus large que haut.
Les vertèbres caudales ont le corps aussi haut que large,
mais les suivantes changent notablement sous ce rapport.
Les trois vertèbres caudales, qui sont figurées dans
Brandt [Foss. Cétac, pi. XXIII, fig. 91-1), sont fort remar-
quables, par le grand développement de leurs apophyses.
Les vertèbres dans cette région de la queue n'ont plus
guère que des rudiments d'apophyses dans les autres Cé-
tacés. Ainsi le corps de la caudale la plus complète est
haut de 11 centimètres, long de 10 '/^^ ^t la zygapophyse
seule à 8 centimètres de largeur au-dessus du canal neu-
ral. Une autre caudale dont le corps a la même hauteur, a
une apophyse transverse, inclinée en dessous, de 8 cenli-
nièlres el demi.
La caudale atlribnée à un Squalodon (Brandi, pi. V,
(ig. 12) (1) est fort remarquable par sa forme comprimée;
le corps a une hauteur de 98 millimètres sur 75""' de
largeur et 95""™ de longueur.
(1) Ergànzungen zu den fossilen Cetaceen Europa's.
( 546 )
Ce sont ces deriiiers os qui caractéiisenl le mieux les
Aulocètes.
Nous rapportons toutes ces vertèbres, non-seulement au
même genre et à la même espèce, mais nous ajouterons
au même individu, tandis que le professeur Brandt, comme
nous l'avons dit plus haut, les rapporte à des animaux fort
divers. Ainsi les vertèbres qu'il figure dans ses Ergdn-
zungen zii den fossilen Celaceen Europa's (1874), pi. V,
fig. 9-12 sont rapportées au Squalodon hypsispomhjlus;
les fig. 5-8 de la même planche au Squalodon incerlus, et
les fig. 15-15 de la pi. IV au Squalodon E/irlichii. Les pre-
mières dont Brandt fait son Squalodon hypsispondijlus
sont des vertèbres caudales; les fig. 5 à 8 dont il fait le
Squalodon iïicerlus , sont des vertèbres lombaires elles
fig. 13-15 de la pi. IV sont également des caudales.
Les fig. 7 à 15 de la pi. l de ses Ergdnzungen sont des
vertèbres d'Anlocète. Brandt pourrait supprimer le signe
de doute qui figure sur la planche.
Cette même planche reproduit un os, fig. 4 à 6, qui n'est
évidemment pas un maxillaire de Célacé et qui provient,
selon toute probabilité, d'un animal terrestre.
On trouve encore deux fragments d'un os plat que nous
croyons devoir attribuer au sternum. Mais ces fragments
sont trop incomplets pour que l'on puisse se représenter la
forme qu'affectait cet os.
On n'a trouvé ou du moins on n'a conservé au Musée de
Linz que deux fragments de côte; l'un est long de 15 cen-
timètres, large de 5, presque droit et tout a fait distinct par
sa forme carrée des côtes des Cétacés vivants. Elle n'est en
effet ni arrondie comme dans les Baleines, ni aplatie comme
dans les Balénoptères et nous avons retrouvé dans le sable
noir à S^-Nicolas des côtes semblables au milieu de restes
de Balénides.
( sn )
L'autre fragnicnl esl im peu plus court et plus mince et
il (lifl'ère du précédent par un côté complètement aplati,
de manière que la coupe représente une ligne dioile d'un
coté, une ligne courbe du côté opposé. L'un et l'autre
morceau indiquent une côte fort solide. Cette côte n'est
pas du tout los que Brandt a ligure sous ce nom, pi. I,
fig. 16 (1).
Nous ne donnons aucune figure de cet animal, par la
raison que les divers os, comme nous l'avons dit plus haut,
ont été sulïisamment reproduits. La première figure en a
été donnée par M. Ehrlich en 1854; ensuite j'ai repro-
duit ces mêmes pièces dans mon mémoire sur les Squa-
loclous et dans ses dernières recherches Brandt a encore
reproduit la tète et les principales vertèbres.
La colonne vertébrale de l'Aulocète est donc représentée
par un atlas assez complet dont Tare inférieur mesure
5 centimètres dans le sens antéro-postérieur et une autre
cervicale qui n'a que la moitié.
Une première dorsale, peut-être la première, a 5 centi-
mètres d'épaisseur et une autre dorsale a 5 centimètres et
demi.
Il y a ensuite cinq vertèbres qui se suivent et qui appar-
tiennent, à la région lombaire; elles mesurent environ
9 centimètres chacune.
La région caudale a sept vertèbres qui mesurent à peu
près 10 centimètres; la dernière, avec un canal neural
complet, mais des apophyses rudimentaires, n'est guère
moins longue que les autres.
On pourrait fort bien, par ces vertèbres, supputer celles
(I) nrganzuntjcn zu dcn fossili'n Celaceen Europa's.
( us )
qui manquent et apprécier la longueur totale de l'animal.
VAulocetus qui nous occupe devait avoir environ 6 mè-
tres de longueur, c'est-à-dire la taille de notre Balenoptera
rostrala.
Brandt ne lui accorde que douze pieds.
Gomme les Balénoptères des environs d'Anvers, TAulo-
cète avait le corps des vertèbres cervicales beaucoup plus
épais que dans les espèces suivantes et les métapophyses
des vertèbres caudales extraordinairement développées.
Ces ossements proviennent, ainsi que nous l'avons dit,
de la mollasse des environs de Linz et ont été trouvés
mêlés avec des ossements de Squalodon et de Haiithe-
rium. Nous avons trouvé au Musée de Linz, à côté d'eux,
des vertèbres de Lamna ciispidala et des dents de Car-
charodon anrjuslidens ^ provenant du même terrain.
Pour donner une idée de la répartition des Thalassothé-
riens dans le bassin de Vienne à l'époqne miocène, nous
devons faire remarquer, que Ton trouve ici, comme en
Italie, en France et ailleurs, des ossements de Sirénides
et de Squalodons, mêlés avec des ossements de Balénop-
térides, c'est-à-dire, des animaux de rivage et d'embou-
chure avec des animaux de haute mer, ce qui semble indi-
quer, que les cadavres flottants ont été poussés par les
vents dominants dans certains estuaires, où les os se sont
entassés et ont été jetés pêle-mêle, pendant un long laps
de temps.
En résumé lo Balénide déterré dans les environs de
Linz, et qui est conservé au musée de cette ville, est repré-
senté par le crâne, des fragments de maxillaire supérieur
et inférieur, des vertèbres de toutes les régions, des frag-
ments de côte et de sternum.
( 549 )
Cet animal est désigné sous le nom de Balcnodon len-
tianus (ISoO), par Herman von Meyer, Avlocclus et Slcno-
don Icntianus, par nous (I8G0), Celotherwpsis leiitianiis ,
parBrandt(I87J).
Il a été découvert dans la mollasse des environs de Linz
(haute Autriche) à côté des Squalodons et des Halianassa,
et de deuxiSquales, bien connus, le Lamna cornubica et le
Carcharodon anguslidens.
Jusqu'à présent on l'a trouvé seulement à Linz; mais
certains ossements trouvés dans le Wurtemberg et en
Croatie peuvent lui être rapportés.
Ëfudes sur la planète Mars (S' notice); par M. F. Terby,
docteur en sciences, à Louvain.
I. — Observations faites a louvain pendant l'opposition
DE 1873, ET REMARQUES SUR DIVERSES APPARENCES QUE
PEUVENT OFFRIR LES TACHES DE CET ASTRE.
La déclinaison australe si prononcée de la planète Mars
pendant son opposition de cette année enlevait presque tout
espoir d'obtenir, dans nos contrées, des résultats utiles.
Cependant l'on ne pouvait se dispenser de tenter quelques
efforts et de profiter de la grande proximité de cet astre,
arrivé en même temps en opposition et dans un lieu voi-
sin de son périhélie, tandis que la terre atteignait ses plus
grandes distances du soleil. Aussi ai-je tâché de poursui-
vre mes observations malgré toutes les circonstances défa-
vorables qui se présentaient en foule, et je suis heureux
( ooO )
de contribuer à empêcher que l'année 187o ne laisse une
lacune dans les recherches sur raspecl physique de celte
planète. C'est dans ce but que j'ai mullipHé les observa-
tions et recueilli le plus grand nombre possible de des-
sins : ils se confirment mutuellement et montrent le degré
de confiance qu'on peut attribuer aux détails qu'ils ren-
ferment; j'ose donc espérer qu'ils seront utiles à consul-
ter. Selon toute apparence, en effet, les observaiions au-
ront été très-peu nombreuses en 1875 comme en 1860,
et il faut attendre les résultats les plus détaillés et les plus
importants des observatoires méridionaux.
Les dessins que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui
à l'Académie continuent l'ensemble des observaiions que
j'ai commencées il y a onze ans, et offrent plusieurs dé-
tails intéressants concernant l'aspect que peuvent prendre
les taches de Mars dans les conditions diverses de netteté.
Il peut paraître singulier, au premier abord, que les cir-
conslances généralement défavorables de cette année aient
précisément conduit à plusieurs conclusions qui ne sont
pas dépourvues d'intérêt, et qui sont capables d'aider
puissamment à l'explication des dessins, soit anciens, soit
modernes, tout en confirmant la permanence des taches,
et en préparant les recherches ultérieures sur la durée de
rotation.
Malgré le trouble presque constant de l'image, il a été
aisé de reconnaître les taches observées pendant les oppo-
sitions antérieures : ce sont celles que j'avais désignées
par les lettres d (Mer de Kaiser et Océan de Dawes) ,
/"(ensemble des Mers de Hook et de Maraldi), b (Océan
De La Rue), c (Détroit d'Herschel 11). La tache a (Mer de
Tycho) était moins marquée qu'en 1871 à cause de la posi-
(S31 )
lion moins inclinée de Taxe rclalivemenl an rayon visuel.
Toutes les lâches, en etret, étaient notablement abaissées
sur le (lis(|ue apparent comparativement aux positions
qu'elles occupaient en 187J ; la mer de Tycho n'atteignait
plus le centre.
L'opposition de 1864 présente beaucoup d'analogie avec
celle de 1875 quant à la situation des taches sur le disque
apparent : j'ai l'ait remarquer ailleurs que l'année 1858
est assez comparable à 1864 sous le même rapport (J). Les
observations de 1858, de 1875 et de 1864 correspondeni,
en effet, à des époques voisines des équinoxes martiels ;
mais 1875 et 1858 se rapportent à l'équinoxe du prin-
temps méridional, tandis que 1864 coïncide avec l'équi-
noxe du printemps boréal. Je rappelle ces circonstances
parce qu'il est intéressant de noter qu'en 1875 la mer de
Tycho a été assez marquée, comme en 1858, tandis
qu'elle a été à peine observée en 1864. En 1875 et en
1858 l'été boréal avait dissipé tous les voiles susceptibles
de cacher cette mer; le contraire avait lieu en 1864 par
l'effet de l'hiver.
Pour permettre la comparaison des dessins que j'ai fails
depuis 1864, j'ai mis en regard les taches identiques dans
le tableau suivant :
(I) \oh' Aréographie, ou étude comparative des observations faites
sur l'aspect physique de la planète 3Iars depuis Fontana {IGoQ) jusqu'à
nus jours (1873); tome XXXIX des Mémoires couronnés et Mémoires des
savants étramjers, pul)Iiés pnr F Académie royale de Belgique , 1875, in-i";
p. 45 et p. 90, en note.
( m )
Taches b et c (Océan De
La Rue et Détroit d'Her-
schcl II).
Tache a [Mer de Tychu).
Tache d [Mer de Kaiser et
Océan de Daives).
Tache f [Mer de Maraldi]
OPPOSITION
de 1S64.
OPPOSITION
de 1867.
OPPOSITION
de iSTl.
OPPOSITION
de 1875.
OPPOSITION
de 1875.
Y VA. 1,13.
lf.I2.18.
Fig. 4, o,
6.8;
fig. 14, 15,
16.
Fig. 18à 23. Fig. 4 à 13 et
I fig. 28, 30.
Fis; 14.
fig. lu à 19:
; fie. 21, 22,
! ^ 29.
: fig.3ià3:;.
Fig. 20, 21 Fig. -1,2;
22 et 23. fig. 10 à 43
fig. 45.
Fig. 45, 16, Fig. 3, 4,
24 et 25. 6,7;
ï\". 44 à 48.
i Fig. 4, 20;
' fig. 23 à 26.
! fig. 36. '
Fi
17
49;
fig. 26.
18.
Fig. 3, 4, 6
7,8,9;
fig. 46 à 22
(•) Bulletins de l' Académie roxjalede Belgique, 2* série, lome XXXI ,p. i7(i.
(2) Id. id. id.
3) Id. id. tome XXXI I, p. 57.
(*) Id. id. tome XXXVI , p. 556.
L'observation des lâches polaires était souvent très-
(iifticile en 1875: c'est à peine si j'ai remarqué la tache
neigeuse boréale avant le 20 juillet; depuis cette date
l'observation en est devenue certaine. Quant à la calotte
polaire blanche australe, elle apparaissait souvent avec
beaucoup de nelteté et spécialement au-dessus de FOcéan
De La Rue et de la partie la plus occidentale de la Merde
Maraldi jusqu'au 10 juillet. Le 20 juillet, elle apparaissait
aussi au-dessus de l'Océan de Dawes. On peut en conclure
qu'elle était plus marquée ou s'étendait beaucoup plus
d'un côté du pôle, dans les régions qui, sur la carte de
M. Proctor, sont comprises entre les longitudes de 170**
et de SeO** environ.
( 555 }
La difliculté crobserver la lâche polaire boréale en 1875
s'explique parfaitement; en effet, l'équinoxe, ou le com-
mencement du printemps pour l'hémisphère sud, avait
lieu le 7 juin (i). Le pôle nord avait déjà subi l'action de
l'été: sa tache blanche était considérablement réduite;
elle était déjà tort petite, quoique bien visible encore, en
1871 et en 1875. Quant au pôle sud, il avait, lors des
observations de 1875, subi les effels de l'hiver : ainsi
s'explique le développement de sa calotte neigeuse.
L'examen des taches polaires dans la série des observa-
lions faites de 1871 à 1875 conduit à des résultats très-
nets et parfaitement en rapport avec les saisons de Mars.
C'est un fait bien connu et bien évident qu'en observant
des oppositions successives de cette planète, on la retrouve
chaque fois dans des positions plus avancées de son orbite,
ou correspondant à des longitudes héliocentriques plus
considérables; l'on assiste donc ainsi à la succession des
aspects dus à l'ordre des saisons, de la même manière que
l'on constaterait cette succession si l'on pouvait observer
la planète d'une façon continue pendant la durée d'une
révolution entière. C'est ainsi qu'en étudiant Mars en 1871,
en 1875 et en 1875, nous voyons cette planète progres-
ser depuis son été boréal jusqu'à son équinoxe d'automne
boréal ou jusqu'à son printemps austral : aussi, en 1871,
la tache neigeuse boréale apparaît-elle constamment : elle
est visible à cause de l'inclinaison de l'extrémité nord de
l'axe vers la terre, mais très-petite à cause de l'action de
Tété. La tache neigeuse australe n'apparaît qu'accidentel-
lement, surtout au-dessus de l'Océan de Dawes, accusant
(1) Monlhly notices ; tome XXXV, p. 506. Ephemeris for phijsical ob-
servations of Mars, by A. Marth, esq.
( mi )
ainsi son immense développement dans une direction prin-
cipale et l'influence de l'hiver. En 1875, la tache horéale
n'est plus visihie aussi constamment et je remarque plus
fréquemment la tache australe. En 1875 entin, cette der-
nière lâche est longtemps seule visible.
Ces phénomènes se produisent évidemment aussi lonâ^
que la planète occupe ces positions successives dans les
limites d'une seule révolution ; l'été boréal réduit de plus
en plus la tache polaire boréale située du côté du soleil,
tandis que la tache australe se développe. L'extrémité sud
de l'axe, en s'inclinant ensuite peu à peu vers nous, favo-
rise de son côté et de plus en plus la visibilité de cette
dernière calotte neigeuse très-étendue d'ailleurs. On peut
s'attendre à voir cette même tache australe en 1877, mais
déjà notablement réduite par l'elfet des rayons solaires.
Détail des observations (1).
Fig. /. Le 31 mai 1875, de 12 h. 25 m. à 12 h. 55 m.
Mars est très-ondulant; on voit l'Océan De La Rue [b] et la
Mer de Tycho («). Celle-ci est bien réduite comparative-
(1) Ces études onl élé faites , comme celles de 18G4, de 1867, de 1871
et de 1873, à l'aide d'une lunelle astronomique de Secretan, ayant 9 cen-
timètres d'ouverture utile; les grossissements employés ont élé de 120,
de 180 et de :240 fois La planche qui accompagne cette notice représente
l'aspect de Mars tel qu'il apparaissait dans le champ de la lunette, c'est-à-
dire que les images sont renversées et que, conliairement à ce que j'a
fait en 1871 et en 1875, je n'ai point placé verticalement l'axe de rotation
la position rigoureuse de ce dernier étant souvent sujette à quelque doute
à cause de l'invisibilité des taches polaires. Le diamètre vertical apparent
au moment de l'observation est donc placé veiticalenunt dans toutes les
ligures. Il sera aisé d'incliner un peu les dessins et de retrouver approxi-
mativement la position de l'axe de rotation i our comparer ces observa-
lions avec celles de 1871 et de 1875.
( Wô )
mciit aux oppositions de 1871 el de 1875(1). L'Océan De
La Riio, au contraire, présente beaucouj) plus de déve-
loppement, effets naturels de la position de l'axe. Les
deux taches polaires sont certaines; la tache neigeuse mé-
ridionale est étendue et très-marciuée; la tache boréale
apj)araît par moments connue une faible blancheur. Au
commencement des observations les deux taches polaires
ne se trouvaient pas sur un même diamètre, mais à 12 h.
55 m. elles sont plus exactement opposées.
Fi(j 2. Le 2 juin, à 12 h. 25 m. iMars est si ondulant
que l'on peut seulement constater la présence de l'Océan
De La Hue (6) et sa forme générale; je ne vois pas les ta-
ches polaires.
J'omettrais de citer cette observation si elle ne me per-
mettait d'apporter une confirmation à l'explication que
j'ai donnée ailleurs d'une singulière anomalie que l'on
rencontre dans les dessins de Schroeter. J'ai insisté déjà,
à plusieurs reprises, sur la présence, dans les Areogra-
phische fragmente^ d'un grand nombre de taches se termi-
nant en pointe du côté du nord, et ne pouvant pas toutes
s'identifier avec la Mer de Kaiser, qu'elles imitent pourtant
ta s'y méprendre (5). Ce fait semble étrange quand on
(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, t. XXXII, p. 57; voirid.
l. XXXVI, p 550.
(-2) Areograpkisc/ie fragmente^ manuscrit et dessins originaux el iné-
dits de raslronome J. H. Schroeier, de Lilienihal, dans les Mémoires cou-
ronnés et Mémoires des savants étrangers, de TAcadémie royale de Bel-
gique, t. XXXVI, pp. 15 à 18. — J'ai la salisfaction d'apprendre à l'Aca-
démie, par la même occasion, que M. Van d(> Sande Bakhuyzen a acquis,
pour la bibliothèque de l'Observatoire de Leyde, le précieux manuscrit qui
lait l'objet de ce mémoire.
Configuration des tâches de Mars à la fin du XVIII^ siècle, d'après
( o56 )
examine la carte de M. Procter et porterait même à ad-
mettre des changements dans la conliguration des taches
de Mars. J'ai émis l'opinion que ces apparences offertes
par les dessins de Schroeter, de W. Herschel et d'autres
observateurs devaient s'expliquer par la présence des
Baies de Dawes, de Béer et du Détroit de Dawes, souvent
confondus ensemble, ou par celle de l'Océan De La Bue;
j'ai même invoqué, à ce sujet, le Détroit de Huggins pour
une autre région. Or, le 2 juin, en observant l'Océan De
La Bue, dont l'image était fort troublée, j'ai cru, par mo-
ments, avoir sous les yeux la Mer de Kaiser. La iig. 2 de
cette notice confirme d'ailleurs cette ressemblance. Mais,
dans les moments de plus grand trouble, la tache que j'ai
dessinée paraissait s'allonger beaucoup plus vers le bas du
disque et une méprise était réellement possible.
Le mauvais temps et la présence presque constante des
nuages à la faible hauteur de Mars empêchent d'observer
avant le 14, et font perdre l'occasion d'étudier le Détroit
d'Herschel II.
Fig. 5. Le iâ juin, à H h. 15 m. L'image est fort
troublée; néanmoins le dessin réussit bien. Je vois la Mer
de Kaiser (d) et la Mer de Maraldi (/"). La nuance sombre
de la tache n'est pas uniforme, mais les ondulations de
l'image empêchent de préciser ces détails. L'aspect rap-
pelle tout à fait la bande coudée d'Arago (I) et, par
moments, on attribue à la tache une forme de croissant.
Schroeter; Bullelins de r Académie, 2' série, t. XXXYl, pp. 175, 176, 179
et suivanles.
Aréographie. Mémoire cité; pp. 41, 6-2, 65, 71, 70, 87, 88, 95, 90.
(1) Mémoires scientifiques de F. Arago, t 2; Mémoire sur Mars,
p. 293,ag. 12, 15.
( •>^7 )
Fig. 4. Le I i juin, de li h. 2o m. à II h. 35 m. Mars
est un pou plus net; j'aperçois par moments la dentelure
m qui doit s'expliquer par la saillie de la Merde Ilook(l);
ce détail reste faible. Avec le grossissement de 180 fois,
je suis frappé de trouver un aspect exactement conforme
à celui que Schroeter dessina le 9 septembre 1798, à 9 h.
55 m. du soir; j'ai reproduit ce dessin de Lilientbal dans
la fig. 5 de cette notice, car il va nous conduire à une
conclusion intéressante; pour le moment, il suffit de con-
stater que la tache visible le 14 juin, à 11 h. î25 m. (en-
semble des Mers de Hook, de Maraldi et de Kaiser) m'ap-
paraissait comme une vaste étendue grisâtre assez pâle, et
munie d'une pointe très-noire qui, seule, attirait immédia-
tement l'attention; cette pointe occupait la région de la
Mer de Kaiser comme dans le dessin de Schroeter (2). De
plus, le peu de développement apparent de la Mer de Kai-
ser vers le nord rend compte de l'aspect attribué par Ma-
raldi à la tache qui lui servit à déterminer la durée de rota-
tion en 1704, et qui devait aussi être cette mer (3).
Fig. 5. Mars observé par Schroeter le 9 septembre 1198,
à 9 h. 55 m. du soir.
Fig. 6. Le H juin, de /^ h. à 4^ h. 5 m. La Mer de
Kaiser, plus rapprochée du diamètre vertical par le pro-
grès de la rotation, apparaît plus nettement que dans les
observations précédentes, et l'ensemble de la tache visible
est encore gris, sauf une région très-noire que l'on recon-
(1) Aréographie, mémoire cité; p. 9o, remarques sur les baies des Mers
(le Hook et de Maraldi.
(2) Areographische fragmente, mémoire cité. p. 12.
(3) Mémoires de V Académie des sciences de Paris^ année 1706, p. 74.
Observalioiis de Mars faiiesen 1704, par Maraldi.
2'"'' SÉRIE, TOME XL. 5G
( 5o8 )
naît immédiatement pour celle dont il a été longuement
question dans mon Aréographie (1). La comparaison de
cette figure avec la figure 4 explique la pointe noire que
contient celle-ci : il devient évident, en effet, que cette
partie très-sombre, la plus marquée de la tache, était seule
visible à 11 h. 2o m. à la faveur de la nuance plus pâle
des régions avoisinantes et de leur plus grande proximité
du bord. Lorsque la Mer de Kaiser arriva plus près du cen-
tre, la véritable configuration de cette tache noire apparut
et son identité avec la région sombre sur laquelle M. Kno-
bel a insisté en 1875 (2), et que j'ai étudiée dans mon
mémoire (3), devint indubitable. La pointe noire observée
par Schroeter, et qui, d'abord, donnait un aspect étrange
à la xMer de Kaiser, était due à la même cause, et l'astro-
nome de Li lien thaï a observé le premier cette région plus
sombre dans une mer de Mars.
Le trouble de l'image, en modifiant légèrement l'aspect
des taches, fournit donc l'explication de beaucoup de dé-
tails singuliers consignés dans les dessins notamment an-
ciens. J'ajouterai aussi que la Mer de Kaiser, vue dans les
moments de grande ondulation de l'image, prenait une
forme simplement triangulaire bien caractérisée, tout à
fait identique avec celle qui a été si souvent décrite.
Pendant ces trois observations du 14 juin, je n'ai pas vu
les taches polaires, bien que j'y portasse une extrême atten-
tion.
Fig. 7. Le 15 juin, de il h. io m. à H h. 25 m. Image
(1) Aréographie, Mémoire cilé, p. 54. Absence d'uniformité dans la
teinle sombre de la Mer de Kaiser et de l'Océan de Davves.
(-2) Monlhhj notices; t. XXXIII. juin 1873.
(5) Aréographie, p b-i.
( 559 )
très-ondulante. Je vois la Mer de Maraldi et la Mer de Kai-
ser. La tache présente par moments la forme d'un crois-
sant bien caractérisé; elle rappelle certaines descriptions
données par Maraldi (1), la bande crochue et le croissant
d'Arago (2).
Fig. 8. Le 19 juin , de 10 h. 55 m. à ii h. ^15 m., et à
H II 41 m. L'image est extraordinairement ondulante. La
Mer de Maraldi est très-marquée, mais il est impossible
d'en voiries détails. La bande se termine brusquement un
peu au delà du diamètre vertical. Ce détail trouvera plus
loin son explication. Je ne vois pas de taches polaires.
Firj. 9. Le 26 juin, de 10 h. 55 m. à H h. 10 m. Tout
l'horizon est vaporeux. L'image de Mars, vue à traversées
légères vapeurs, est très-nette et absolument exempte
d'ondulations. Jamais la couleur rouge du disque ne m'est
apparue aussi distinctement (o); cette teinte contraste
avec la blancheur parfaite de la tache polaire australe. On
ne peut donc, aujourd'hui, attribuer cette coloration si
marquée à la proximité de l'horizon. La bande sombre
(Merde Maraldi) est également très-nette. Je ne vois pas
de tache neigeuse boréale.
(1) Mémoires de l'Académie des sciences de Paris; année 1720 ; p. 1-14.
(2) Mémoires scientifiques de F. Arago; l. 2; pp. 293 à 299.
(5) Je saisis celte occasion pour répondre à une question que M. le
général Liagre m'a posée dans son rapport sur mes observations de 1875.
Le savant secrétaire perpétuel de TAcadémie, après avoir rappelé que
M. Flammarion avait trouvé la coloration rouge de Mars moins intense que
d'habitude en 1875, disait qu'il serait intéressant de savoir si j'avais fait
une remarque analogue. Je déclarerai donc ici que je n'ai pas été frappé
par une diminution de la coloration rouge de Mars en 1875, mais que, mon
attention n'ayant pas été fixée expressément et avec intention sur ce point,
je ne puis ni confirmer, ni infirmer à ce sujet les remarques de l'astronome
français.
( o60 )
Le ^7 juin, de 10 h. 25 m. à 10 h. 55 m. Mars esl un
peu ondulant; néanmoins bonne observation. L'aspect est
si seml)lable à celui du 26 juin qu'il est tout à fait inutile
d'en reproduire le dessin; la bande sombre /"est pourtant
moins large et plus rapprochée du bord du disque (1). Elle
limile encore la tache polaire australe qui est d'un blanc
prononcé. Le restant du disque est d'un rouge moins mar-
qué que le 26.
Fifj. 10. Le 2 juillet, de 9 h. 40 m. à 9 h. 50 m. Mars
est très-ondulant et ne peut être observé qu'à travers de
petites éclaircies. On voit l'Océan De La Rue (b) et la Mer
de Tycho (a); celle-ci est très-pàle. La tache polaire sud
est franchement blanche; la tache neigeuse inférieure-est
faible et douteuse.
Ces détails sont certains malgré les circonstances défa-
vorables de l'observation.
Fig. il. Le 3 juillet j de 10 h. 15 m. à 10 h. 25 m. Mars
est très-ondulant, La division entre les taches /" et 6 est
restée douteuse. La tache «est très-faible. La tache polaire
supérieure est blanche et certaine, l'inférieure douteuse.
Fig. 12. Le7 juillet, de 9 h. 55 m. à 10 h. iO m. L'image
est très-ondulante. La tache polaire supérieure est très-
blanche. On voit nettement le Détroit d'Herschel II (c) et
la Mer de Tycho (a). La bande supérieure (cb) a générale-
ment une forme rectangulaire, mais, par moments, etgrâce
(1) Ce fait s'explique parfaitement : l'on sait, en effet, que la Mer de
Maraldi se rapproche du pôle en s'étendaiit vers l'ouest; le :27 juin, en
observant i)lus lût que le 26, j'avais sous les yeux une région un peu plus
occidentale de la bande sombre; celle-ci devait donc paraître située un
[)eu plus haut sur le disque apparent. On se rappelle que ce phénomène a
conduit Schroeter à admettre que cette bande se déplaçait réellement vers
le sud. Voir Areoyraphische fragmente ; mémoire cité, p. ii.
( SCI )
à un redoublement d'altenlion, on voit les deux inégalités
que j'ai figurées à son bord inférieur; celle de droite (6)
correspond à fOcéan De La Rue, celle de gauche (c) aux
baies du Détroit d'Herschel.
Fig. 15. Le 10 juillet, de 9 h. W m. à 9 h. 30 m. Un
vent violent s'ajoute aux ondulations de l'image pour ren-
dre les conditions de l'observation très-mauvaises. Néan-
moins la présence et la forme générale de la tache sont
certaines; cette tache est très-faible et ressemble à la Mer
de Kaiser; il serait aisé d'être induit en erreur à ce sujet.
Elle ne peut être que le Détroit d'Herschel dont les baies
confondues (c) s'avancent vers le nord, un peu à droite du
centre. Je ne vois pas de taches polaires. Évidemment
Schroeter a pu donner à cette région une forme tout à fait
analogue à celle qu'il attribuait à la Mer de Kaiser, comme
je l'ai déjà fait remarquer (1).
Fig. 14. Le 77 juillet, de 9 h. 5 m. à 9 h. 15 m., éclair-
cies; Mars est très-ondulant; néanmoins très-bonne obser-
vation. Les taches polaires sont incertaines, la limite supé-
rieure de l'Océan de Davves est indécise ; toute la tache
est grise, à l'exception de la région très-noire signalée par
M. Knobel en 1873. La dentelure m est certaine et l'on
soupçonne une strie brillante suivante???.
Fig. 15. Le 77 juillet, de 10 h. 75 m. à 10 h. âO m. Les
deux taches polaires sont presque certaines à la fin de
Tobservalion. Le grossissement de 240 fois confirme
l'existence de la bifurcation en i. Il y a donc trace de la
Mer de Lambert.
J'arrive aux observations du 20 juillet, qui ont été
(1) Aréographie , 1. cil.
( o62 )
faites dans des conditions exceptionnellement favorables
pour cette année :
Fig. 16. Le 20 juillet^ de 8 h. 35 m. à 8 h, 45 m. Je
soupçonne toujours un trait brillant suivant mn; la Mer de
Kaiser, sous forme d'un triangle très-noir (d), rappelle
tout à fait les dessins de M. Gledhill pour 1871 (1); la ta-
che polaire inférieure est certaine, blanche, brillante. Je ne
vois pas de tache neigeuse méridionale.
Fig. n. Le W juillet, de 9 h. 2 m, à 9 h. W m. La
netteté est parfaite et les détails se voient admirablement
bien. Le trait brillant mn paraît certain. La tache sombre
visible est munie de trois pointes se dirigeant vers le nord;
ce sont, en allant de droite à gauche : 1° la Mer de Kaiser
(d), 2° l'origine septentrionale de la Mer de Hook [m), 3°
l'origine septentrionale de la Mer de Maraldi (/").
De 9 h. lo m. à 9 h. 20 m., je commence à voir la tache
polaire méridionale; elle apparaît comme une blancheur
prononcée, mais peu limitée; elle reste visible ensuite. La
tache polaire nord est toujours très-marquée et déborde
même le disque par irradiation.
Fig. 18. Le W juillet , de 10 h. 15 m. à W h. 50 m.
L'image devient ondulante à la fin de l'observation. La
région d est la plus noire; on soupçonne toujours une divi-
sion suivant m n; la pointe m et la petite bande h (Détroit
de Nasmyth) sont certaines. Je vois encore la tache polaire
sud, et, chose très-curieuse, on remarque deux amas blan-
châtres au bord septentrional, au lieu de la tache polaire
si visible pendant les deux observations précédentes. Il
faut noter encore que la grande tache était mal limitée
(I) Aréographie, mémoire cité; voir surtout fig. 41.
( o63 )
supérieurement et que toute la Mer de Kaiser senil)lail
très-noire; la tache sombre partielle si remarquable dans
la figure 6 semblait donc s'être étendue sur toute cette
mer.
Le 2i juillet, j'ai fait deux dessins, le premier de 8 li.
30 m. à 8 h. 35 m., le second de 9 h. 45 m. à 10 h. Je ne
les ai pas donnés dans cette note, parce que les images
étaient moins nettes que le 20, et que le vent troublait
Tobservalion. Cependant ces deux dessins sont assez bien
réussis et confirment tous les détails renfermés dans ceux
du 20 juillet; le premier reproduit le dessin 16, et le
second le dessin 17, à part, nécessairement, une légère
différence de position.
La tache polaire nord a été visible au commencement
de la première observation (8 h. 50 m.) et est devenue
très-douteuse à la fin; elle était, en tous cas, moins pro-
noncée que le 20. A 9 h. 45 m., je n'ai plus réussi à la
voir. Le 20, cette tache polaire s'était comportée d'une
façon tout à fait analogue : visible parfaitement de 8 h.
55 m. à 9 h. 20 m. et remplacée par deux taches blanches
indistinctes de 10 h. 15 m. à 10 h. 50 m.
Quant à la tache neigeuse méridionale, je ne l'ai pas
aperçue le 21 juillet.
Le 23 juillet, à 9 h., j'ai fait un dessin très-incomplet
et très-imparfait à cause des nuages très- fréquents. Je
voyais la mer de Maraldi et la tache polaire inférieure.
Fig. 19. Le 2â juillet, de 8 h. 45 m. à 9 h. Mars ondule
beaucoup, surtout au commencement de l'observation;
néanmoins le dessin est très-bon. Je ne vois pas de taches
polaires; la tache sombre inférieure est très-faible.
L'aspect représenté est dû à la présence du détroit de
Huggins de M. Proctor, et la pointe /"correspond à l'ori-
( 564 )
gine boréale de la mer de Maraldi. Ce dessin offre la même
région que notre figure 8\ il explique pourquoi la bande
sombre de cette ligure, comme celle de la figure 20, est
interrompue avant d'atteindre le bord oriental : cette
apparence correspond, en effet, à Téchancrure profonde
découpée dans la bande sombre à l'orient de la mer de
Maraldi; la bande est rétrécie dans cette région et il en
résulte que sa continuation est invisible près du bord
apparent.
Fifj. 20. Le 26 juillet, de 8 h. 25 m. à 8 h. 45 m. Très-
bonne image; les deux taches polaires sont d'une blan-
cheur prononcée et très-étendues. La tache sombre infé-
rieure est très-faible. La bande f ne touche pas le bord
oriental.
Fiç). 21. Le 26 juillet, de 9 h. 30 m. à 9 h. 40 m.
L'image devient ondulante à la fin de l'observation. Les
taches polaires sont moins nettes qu'à 8 h. 25 m.
Le 28 juillet, j'ai fait deux dessins, l'un de 8 h. 5 m. à
8 h. 15 m., l'autre de 9 h. 5 m. à 9 h. lo m. On voyait la
mer de Maraldi. A 8 h. 5 m. les deux taches polaires
étaient très-blanches et très-prononcées, aussi inexacte-
ment opposées que dans la fig. 22. A 9 h. 5 m. l'image
était excessivement faible et les taches polaires n'appa-
raissaient plus que comme de faibles lueurs, douteuses par
moments.
Fig. 22. Le 29 juillet, de 8 h. 10 m. à 8 h. 15 w.,
très-bonne observation. Les deux taches polaires sont
très- blanches.
En étudiant les observations qui précèdent, on constate
qu'elles renferment des exemples remarquables de la
variabilité d'éclat et d'étendue des taches neigeuses. Cette
variabilité est souvent apparente seulement, et correspond
( 565 )
à diverses positions do la planète par l'effet de la rotation;
en effet, les variations (l'éclat on d'étendue se reproduisent
souvent périodiquement et dans le même ordre. C'est
ainsi que, dans les dernières observations dont il a été
question, on voit les deux taches polaires, très-nettes au
commencement de la soirée, devenir presque invisibles
plus tard. Il y a là évidemment un effet de la rotation.
Les changements de position de l'une des deux taches
polaires par rapport à un diamètre passant par le milieu
de l'autre ont également démontré que les centres de ces
amas ne coïncidaient pas avec les pôles de rotation, et que
l'extension des neiges à partir de ces pôles était très-
variable suivant les diverses directions.
Je terminerai en émettant le vœu que les observatoires
méridionaux nous fournissent cette année de nombreux
dessins, afin d'aider à combler la lacune qui résultera
nécessairement de la position défavorable de la planète
pour les observateurs de nos contrées.
II. — Premier appendice au catalogue général
DES observations PHYSIQUES DE MaRS (1).
Depuis la publication de V Aréog rapine , j'ai pu prendre
connaissance d'un certain nombre de dessins de Mars qui
m'étaient inconnus lorsque j'achevai ce travail. Je crois
nécessaire de les mentionner dans cet appendice, tant
pour appeler sur eux l'attention dès aujourd'hui que pour
témoigner ma reconnaissance aux astronomes qui veulent
bien m'aider dans ces recherches. Les lignes qui suivent
(1) Voir Aréographie ^ mém. cité, p. 6.
( m )
sont donc un complément du catalogue que j'ai donné en
léte de V Aréographie ^ et renferment des détails sur les
circonstances les plus importantes que présentent ces
dessins.
Grâce à l'obligeance de M. Fraissinet, secrétaire de
l'Observatoire de Paris, j'ai pu examiner, dans cet établis-
sement, trois ouvrages relatifs à la planète Mars, et qu'il
m'avait été impossible de découvrir jusqu'ici :
Salvator Serra; 1666; Martis revolubilis observationes
romanae ab affictis erroribiis vindicalae.
Salvator Serra; 1666; second ouvrage portant le
même titre; celui-ci est accompagné du dessin qui a été
reproduit dans les Transactions philosophiques avec ceux
de Cassini et de Campani : cette figure est désignée, dans
les Transactions, par la lettre 0, et donnée comme ayant
été obtenue par des astronomes romains se servant de
verres de Divini. L'un de ces astronomes romains n'était
autre que Salvator Serra (i).
Cassini ; Martis circa axem proprium revolubilis obser-
vationes Bononiae a D. Cassino habitae. — Cet ouvrage
contient deux plancbes dans lesquelles j'ai trouvé, outre
les dessins K , L , M , N , 0 et P des Transactions philoso-
phiques (2), vingt-deux dessins de Cassini qui m'étaient
complètement inconnus.
W. Norle; 1858, 1860, 1862, 1864, 1866, 1869, 1871.
— Le capitaine Noble a eu la complaisance de m'envoyer
une série de beaux dessins dressés à son observatoire de
Forest-Lodge avec une lunette de 4,2 pouces d'ouverture
et de 61 pouces de longueur focale. 11 y a quatre dessins
(1) Phil. Iransact. for 1666 and 1666, p. 242.
(2) Phil. trans., I. cit.
( S67 )
pour 1858, un pour 18G0, trois pour 186:2 , deux exécutés
en 1864, deux en 1866, un en 1869 et deux en 1871.
Les dessins de 1858 et de 1860 sont d'autant plus impor-
tants que, jusqu'ici, Ton ne peut mentionner que très-peu
d'observations pour ces deux époques. Je me contenterai,
pour le moment, de dire que le capitaine Noble a dessiné
les principales taches de Mars. J'aurai l'occasion, plus tard,
de mieux faire ressortir les détails intéressants que con-
tiennent ces observations.
Trouvelot; 1875. — M. A. Searle, chargé de la direc-
tion de l'Observatoire de Harvard-Collège (Cambridge,
E. U.), depuis le regrettable décès de M. Winlock, m'a
l'ait parvenir quatre superbes dessins exécutés en 1875,
dans cet établissement, par M. Trouvelot. Cet astronome a
employé le grand réfracteur de 15 pouces d'ouverture du
collège Harvard et a obtenu de magnifiques résultats. Les
dessins, de 75 millimètres de diamètre, et teintés légère-
ment de rouge, se rapportent aux 25, 24, 26 et 29 mai,
pendant la soirée. Ils sont extraits d'une série de planches
astronomiques publiées par l'Observatoire Harvard. Je
crois utile de signaler ici les importants détails qu'ils ren-
ferment, en répartissant ces données suivant les diverses
régions de la planète que j'ai considérées dans VÀréogra-
phie, et en me bornant aux faits qui peuvent aider à la
solution des questions posées dans cet ouvrage.
I. — Mer de Kaiser et Océan de Dawes.
(Dessins du 26 et du 29 mai.)
Le bord oriental de la grande tache de Mars est garni
d'une zone blanche dans ces deux dessins de M. Trouvelot;
dans celui du 26 mai, ce bord est dentelé et l'on peut,
( 568 )
sous ce rapport, établir une analogie entre robservatioii
de Harvard-Collège et celles de M. Lassell (I). -Les deux
dessins de Cambridge contiennent le Détroit de Nasmyth,
mais il est muni des expansions dirigées vers le sud que
j*ai signalées dans d'autres figures dues notamment à
MM. De La Rue, Secchi, Joynson et Green (2). Ces expan-
sions, qui ne figurent pas dans la carte de M. Proctor,
méritent d'être recherchées et étudiées avec précision.
Dans les deux dessins, le Détroit de Nasmyth est bordé de
blanc du côté septentrional.
II. — Détroit d'Herschel II.
Cette région figure dans les quatre dessins de M. Trou-
velot. Le bord septentrional du Détroit d'Herschel II est
garni, notamment dans les figures du 25 et du 24 mai, de
deux dentelures excessivement marquées. Leur situation
relativement à la Merde Tyclio ne permet d'en identifier
aucune avec la partie la plus méridionale du Détroit de
Dawes, et l'on doit donc y voir la Baie de Béer et la Baie
de Dawes non dédoublée; ces deux dentelures sont bordées
de blanc du côté occidental le 24, détail qui n'est pas
figuré le 25 mai. On trouve des taches blanches analogues
le 26 mai; et le 29 il règne une zone blanche le long du
Détroit d'Herschel, du côté septentrional; mais ce détroit
présente de plus, dans ces derniers dessins (26 et 29 mai),
une dentelure située si près de la Mer de Kaiser qu'on
peut difTicilement l'identifier avec la Baie de Dawes. Cette
circonstance vient donc étayer l'existence d'une baie peu
(1) Aréographie, mém. cit., p. 56.
(2) Idem, pp. 48 et 49.
( 569 )
connue que j'ai appelée Ikiie de J. Sdwndl, et qui
figure notamment dans certains dessins du P. Secchi
pour 1858 (i).
J'ai rattaché à cette région le Continent de Dawes. Dans
Je dessin du 29 mai de M. Trouvelot, on voit, dans ce con-
tinent, une tache sombre isolée; elle ne figure pas sur la
carte de M. Proclor; elle apparaît aussi, quoique dans une
situation légèrement dilTérenie, par suite de la difficulté
de l'observation sans doute, dans un dessin de M. J.Schmidt
qui a servi de modèle à la ligure 17 de V Aréograpliie
(i6 mai i873), et qui présente la ressemblance la plus
frappante avec celui de M. Trouvelot, comme M. Searle
me l'a fait remarquer dans une de ses lettres.
L'étude de cette tache isolée, comparable à celles que
l'on trouve vers les mêmes parages dans les dessins de
M. von Franzenau, de Mâdler, du capitaine Jacob et que
j'ai signalées dans V Aréographic (2), est donc recomman-
dable à tous les astronomes qui disposent d'instruments
puissants, et désirent contribuer à compléter la carte de
Mars : sans aucun doute, une mer nouvelle est à découvrir
dans celte région.
M. Trouvelot n'a pas représenté l'Océan De La Rue ni
la Mer de Maraldi. Je passe donc à la cinquième région.
V. — Mers de Tycho et de Delambre.
Les dessins de M. Trouvelot deviennent ici d'une
extrême importance : ils prouvent encore une fois que si
l'on peut apporter à la carte de Mars des perfectionne-
(1) Aréographie, p. 74.
(H) Idem, pp. 75 et 76.
( 570 )
ments notables, c'est assurément dans la représentation
de ces mers.
Dans le dessin du 25 mai , la Mer de Tycho affecte la
forme que j'avais déduite aussi de mes propres observa-
tions (1): c'est un anneau sombre incomplet entourant un
continent qui, pour M. Trouvelot, est d'une blancheur
évidente (2). La Mer de ïycho semble se recourber ensuite
vers le sud et rejoindre le Détroit d'Herschel, mais en lon-
geant de trop près le bord oriental; c'est une forme ser-
pentante ou ondulée bien caractérisée. On ne remarque
aucune espèce de division dans cette vaste tache. Ajoutons
qu'un espace blanc très-marqué, ressortant sur le fond
rougeâtre, figure aussi au sud de la tache Tycho, sur les
confins des Continents de Dawes et de Màdler. Dans le
dessin du 24 mai, la Mer de Tycho est plus près du bord;
sa limite orientale est très-irrégulière; on voit parfaitement
les deux bandes sombres qui s'en détachent à l'occident et
se dirigent vers la Mer de Kaiser; j'ai longuement parlé de
celles-ci dans VAréographie à propos des dessins de
MM. Jacob, Knobel , etc. (5).
(1) Bull, de l'Acad. roij. de Belgique, 2^ série, t. XXXVI. p. 536;
fig. 20, 21, 2*et 25. Je me permeltrai d'appeler spécialement ratlention
sur l'observation faite à Louvain, le 12 mai 1873, de 8 h. 20 m. à 8h
30 m., et sur l'accord irréprochable qu'elle présente avec le dessin du
23 mai de M. Trouvelol. Gel accord se manifeste spécialement pour la mer
de Tycho et pour les deux baies que j'ai figurées en c, et qui ont élé vues
ideniiquement par l'observateur de Cambridge. On ne s'attendrait pas à
trouver une identité si grande entre des dessins exécutés à l'aide de
deux instruments dont les dimensions offrent des différences aussi
colossales.
(2) MM. Knobel et Green ont observé aussi ct tle blancheur vers la
même épocjue.
(3) Aréugraphic, pp. 100 et suiv.
( S71 )
VI. — Mer de Béer.
Dans les dessins du 26 et du 29 mai, la Mer de Béer est
séparée du Détroit de Nasmyth par une strie blanche,
comme je l'ai fait remarquer plus haut.
Dans les dessins du Collège Harvard, le bord de la pla-
nète est blanc et, le 24 mai, la tache polaire boréale a une
forme très-irrégulière.
Ces beaux résultats obtenus par M.ïrouvelot, à l'aide
du grand équatorial de Cambridge , montrent quel parti
l'on pourrait tirer des instruments gigantesques dont dis-
posent certains observatoires, si l'on voulait les employer
d'une manière suivie à dessiner les apparences de cette
belle planète.
Backhouse; 1867, 1869, 1871, 1875. — Je venais de
terminer cette notice lorsque je reçus, de M. T.-W. Back-
house, six dessins de Mars, exécutés à Sunderland, à l'aide
d'une lunette de 4 1/4 pouces d'ouverture et de 5 pieds
de distance focale. Deux observations ont été faites en
1867, deux en 1869, une en 187J et une en 1873. Je suis
heureux de constater que ces dessins présentent la res-
semblance la plus frappante avec ceux que j'ai obtenus à
Louvain. Ces figures dues à M. Backhouse contiennent
toutes la Mer de Tycho, et confirment ce que j'ai dit anté-
rieurement de cette partie de la surface. Dans le dessin du
22 mars 1871, à 9 h. 55 m. (t. m. de Greenwich) , cette
mer se recourbe vers l'Orient et l'on retrouve une forme
très-analogue à celle qu'ont fournie spécialement les
observations de 1875. La même tendance se manifeste
déjà, pour M. Backhouse, en 1867 et en 1869.
(d72)
Sur l'aspect de l'ombre du 2' satellile de Jupiter le 25 mars
1874; par M. F. Terby, docteur en sciences, à Lou-
vain.
Une circonstance singulière qui s'est produite le 23 mars
1874, pendant le passage des satellites II et ÎII de Jupiter
sur le disque de cette planète, me force à ajouter un com-
plément à l'une des notes que j'ai eu l'honneur de présenter
à l'Académie et qui ont été insérées dans ses Bulletins (1).
Après avoir exposé brièvement, dans ce travail, les ré-
sultats de mes observations de Jupiter faites en 1874, j'ai
donné quelques détails sur ce passage des deux satellites:
l'un des faits principaux sur lesquels je voulais insister
était la différence notable, frappante, de nuance offerte par
les ombres de ces petits corps célestes, celle du 2" m'ayant
paru grise, et celle du o^ complètement noire. Ces deux
ombres se projetaient sur le disque à une très-petite dis-
tance apparente l'une de l'autre, circonstance qui rendait
leur comparaison plus facile et plus instructive. La même
différence a été constatée, comme je le disais, par M. Flam-
marion, qui observait le même soir à Paris (2).
La lecture de ma notice pourrait faire supposer que
M. Knobel, qui a observé aussi le phénomène à Burton-on-
Trent, avait remarqué la différence de nuance des deux
ombres. Je le croyais d'ailleurs à cette époque, et c'est le
préjugé que je veux détruire par la présente note, en in-
sistant sur la singularité de ce fait.
(1) Bull, de VAcad. roy. de Belgique, 2' sér., t. XXXVIII, n" 1 1.
(2) Comptes rendus de rinstitut, 1874.
( 375 )
Le Rév. M. Webb voulut bien m'écrire le premier qu'il
avait étudié les mêmes passages à Hardwick , par un ciel
des plus favorables, et qu'il n'avait pas remarqué la teinte
grise de l'ombre du 2' satellite. Les deux ombres lui ont
semblé parfaitement noires : « both were perfectiy black
j> and round, » écrit-il dans son journal.
Étonné de ce fait, je relus la note de M. Knobel, et, n'y
trouvant en réalité aucun renseignement explicite sur la
nuance des deux ombres, j'écrivis à cet astronome pour lui
demander quelles avaient été ses impressions à ce sujet.
M. Knobel me répondit que l'ombre du 2' satellite lui avait
paru noire et non pas grise. Cet observateur appelle mon
attention sur les remarques que MM. Birmingham etBuff-
ham ont faites pendant le même phénomène. D'après
M. Birmingham, l'ombre du 2^ satellite était brune et
faible, et celle du 5' très-noire. D'après M. Buffham,
l'ombre du 2' satellite fut légèrement grise pendant le
sixième de son passage (1).
Le désaccord entre ces renseignements est d'autant plus
remarquable et d'autant plus évident qu'il s'agissait ici de
comparer deux ombres voisines sur le disque de Jupiter,
et non d'apprécier la nuance d'une ombre isolée. Dans ce
dernier cas, on ne pourrait attacher la même importance
à ces remarques, chaque observateur ayant pu baser son
appréciation relative sur des données différentes; dans le
cas présent, au contraire, tous ont dû se baser sur l'aspect
que leur a invariablement présenté l'ombre du 3^ satellite.
Il serait difficile, croyons-nous, d'assigner à cette ano-
(1) V. Astronomical regisler^ may 1874, et English mechanic, apiil
1874.
2"""' SÉRIE, TOME XL. 57
( 374 )
malie sa cause véritable. Pour tenir compte de la part qui
revient à la puissance des instruments employés, j'indi-
querai ici que M. Flammarion s'est servi d'un télescope à
miroir argenté, ayant 7 pouces anglais, 87 d'ouverture et
armé d'un grossissement de 500 l'ois. M. Webh employait
un télescope de 9 pouces et des grossissements de 212,
de 27o et de 5o7 fois. Quant à M. Knobel , il se sert d'un
miioir argenté de 8 7-2 pouces, dont les grossissements
varient entre 144 et 306 fois. M. Buffham possède un ex-
cellent télescope à miroir argenté de 9 pouces, qui lui a
permis de voir des tacbes blanches sur la planète Uranus
et de tenter la détermination de sa durée de rotation. Je
ne possède pas de renseignements sur l'instrument qu'a
employé M. Birmingham. On sait que la lunette astrono-
mique dont je me suis servi ne présente que 5 '/^ pouces
d'ouverture et était armée d'un grossissement de 180 fois.
Donc l'ombre du 2*^ satellite a paru grise aux observa-
teurs qui se sont servis des instruments les moins puissants
(M. Flammarion et moi); notons pourtant que iM. Buffham
lui attribue la même teinte, mais pour une partie minime
seulement de son passage.
Il faut considérer qu'à Louvain l'état du ciel n'était pas
des plus favorables, puisque des nuages sont venus inter-
rompre les observations; M. Flammarion nous apprend
qu'il a joui d'une bonne atmosphère; quant à MM. Webb
et Knobel, ils ont observé dans des conditions très-favo-
rables.
Mais, en supposant que ces deux circonstances, force
des instruments et état de l'atmosphère, aient ici leur in-
fluence, n'est-on pas en droit de se demander pourquoi
celle-ci s'est exercée seulement, ou à un plus haut degré,
sur l'ombre du 2'' satellite , et non sur celle du 5% qui lui
( m^ )
était contiguë? Il y aurait aussi à tenir compte de la nuance
affectant la partie du disque planétaire sur laquelle se pro-
jetait l'ombre; mais, sous ce rapport, tous les observateurs
se trouvaient en réalité dans les mêmes conditions.
On se demande encore si la petite tache ne peut va-
rier réellement d'intensité pendant la durée d'un passage.
Quoique digne d'attention, cette dernière hypothèse serait
déplacée en présence des faits relatés dans cette note , puis-
que, parmi les observations citées comme contradictoires,
il en est plusieurs qui ont eu lieu simultanément (1).
Il est utile de mentionner ici dt^ux remarques que j'ai
faites à Louvain, en 1875, et que j'extrais de mes notes
sur Jupiter pendant l'opposition de la présente année :
Le 27 avril 1875, à 9^0"" [t. m. de Louvain), j'ai aperçu
Tombre du 2*^ satellite qui effectuait son passage; elle était
petite et faible, généralement assez pâle et grisâtre, mais,
dans les moments de grande visibilité, elle paraissait noire.
Dans un remarquable travail sur les ombres des satellites
de Jupiter, M. Burton relate une observation analogue :
« Le 5 octobre 1870, l'ombre du 2" satellite acquérait
» son maximum d'obscurité quand l'image était très-
» nette (2). »
Le 29 mai 1875, de 9'^15'" à 9^25°^, j'ai observé l'ombre
(1) Voici, en temps moyen de Greenwich, les heures données par les
divers observateurs :
Webb. . . . g^oO-a à \Q^^2^.
Knobel . . . 8h50'»i el 10^.
Flammarion. . 8^56™ à 10''23".
Terby. . . . 8^57"! à 9^12™ et 9''o7™ à lOfalT"".
(-2) Monlhly notices, vol. XXXV, décembre 1874, p. 66. « The shadow
» of II on the pianet was blackest when the défi nil ion ^vas mosl
» sieady. »
( S76 )
(lu 2*^ satellite sur la planète : grisâtre d'abord, elle devint
plus noire à la fin de l'observation.
Pendant ces deux passages de 1875, l'ombre du 2^ sa-
tellite suivait une bande sombre qui servait de bordure à
la calotte polaire septentrionale.
Je me contenterai de soumettre ces faits à l'attention
des observateurs; ils m'ont paru dignes de remarque;
mais je ne chercherai pas, pour le moment, à les expli-
quer d'une manière plus précise.
Pour compléter l'histoire des passages du 25 mars 1875,
j'ajouterai, en terminant, que le diamètre de l'ombre du
2'' satellite a paru à M. Webb plus petit que la moitié de
celui de l'ombre voisine , et que cet astronome a reconnu
facilement le 3"^ satellite dans le point noir f de mon
dessin (1).
— La classe se constitue ensuite en comité secret pour
s'occuper de la discussion des titres des candidats présentés
aux places vacantes, et pour la présentation de candida-
tures supplémentaires, s'il y a lieu.
— Elle s'est également occupée des préparatifs de la
séance publique annuelle qui aura lieu, comme les années
antérieures, le 16 décembre prochain.
(1) Depuis la présentation de cette note, M. N.-E. Green a bien voulu
me transmettre Tobservalion qu'il a faite le 25 mars 1874, à 10*^ SO"»,
t. m. de Greenwich, à Paide d'un réflecteur de 9 pouces et d'un grossisse-
ment de ISO fois. L'ombre du '2" satellite y est moins sombre que celle
du 3«, et le 3*^ satellite lui-même a paru presque aussi noir que l'ombre
du :2<^. Mon point /'était bien le S*" satellite, d'après M. Green.
( 577 )
CLASSE DES LETTRES
Séance du 8 novembre 1875.
M. le baron Guillaume, directeur.
iM. Ll\gre, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. Grandgagnage , J. Roulez, Paul
Devaux, P. De Decker, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq,
Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R Chalon,
Thonissen,Th. Juste, Alph. Wauters, E. de Laveleye,
G. Nypels, Alph. Leroy, Ém. de Borchgrave, A. Wagener,
membres; J. Noletde Brauwere Van Steeland, Aug. Sche-
1er, Alph. Rivier, associés; Edm. Poullet, J. Heremans,
Stan. Bormans, Gh. Piot, correspotidanls.
M. Stas, membre, et M. Éd. Mailly, correspondant de la
classe des sciences, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'intérieur demande l'avis de l'Acadé-
mie sur le vœu qui lui a été exprimé par le dernier jury du
concours triennal de littérature dramatique en langue fran-
çaise que le gouvernement examine la question de savoir
s'il y a lieu de « subordonner encore la victoire à la corn-
(378 )
position d'un sujet national, condition qui pour le genre
de la comédie contemporaine , par exemple, est difficile à
observer. Seulement à mérite égal la palme serait naturel-
lement décernée à la pièce dont le motif appartiendrait en
propre au pays. »
La classe décide l'inscription de cette question à Tordre
du jour de la prochaine séance.
— M. le Ministre de l'intérieur fait connaître que la cin-
quième période du concours triennal de littérature en lan-
gue dramatique française sera close le 51 décembre pro-
chain. II demande que la classe veuillebien lui faire parvenir,
en temps utile, la liste double de présentation pour la com-
position du jury chargé de juger cette période.
La classe s'occupera de la formation de cette liste en
même temps que de celle des jurys quinquennaux d'histoire
nationale et des sciences morales et politiques inscrites à
l'ordre du jour de la séance.
— Le même haut fonctionnaire précité fait parvenir,
pour la bibliothèque de l'Académie, un exemplaire du Car-
tulaire de la commune de Couvin , recueilli et annoté par
M.Stanislas Bormans, 1 vol. in-S".
M. le baron Kervyn de Lettenhove présente à titre
d'hommage de la part de M. Gachard, le tome I" de l'ou-
vrage publié parce dernier dans la collection des chroni-
ques de la Commission royale d'histoire, sous le titre de :
La Bibliothèque nationale à Paris : Notices et extraits des
manuscrits qui concernent l'histoire de Belgique , tome I",
vol. in-4%
M. G. Nypels offre la 7' livraison de l'ouvrage qu'il pu-
blie sous le titre de : Le Code pénal belge interprété. In-8".
( 579 )
M. Rivier fait hommage d'un exemplaire de son discours
[H'ononcé le il oclobre J875 à l'université de Bruxelles
sous le litre de : Une nouvelle histoire du droit; br. in-8".
M. J. Heremans présente une nouvelle livraison de l'ou-
vrage qu'il publie sous le titre de : Werkcn Van Zuster
Hadewijcfi, ï, gedichten 2*'" stuk. ln-8°.
M. Slan. Bormans adresse la i""^ livraison de son livre
intitulé : Les fiefs du comté de Namur (XII P et XIV'^ siè-
cles). In-8°.
M. Garcin de Tassy, de la Bibliothèque nationale , à
Paris, envoie un exemplaire de sa revue : La langue et la
littérature hindoustanies. In-8".
M. Eug. Bernimolin, avocat à Liège, envoie un exem-
plaire de son travail intitulé : L'école populaire et le ratio-
nalisme contemporain. In-8°.
La classe vote des remercîraents aux auteurs de ces
dons.
RAPPORTS.
Antiquités de l'époque romaine découvertes à Assche ;
par M. L. Galesloot.
Rapport de n. Alph. IWautcwa,
a Le travail ci-joint de M. Galesloot complète les com-
munications intéressantes qu'il nous a adressées à plu-
sieurs reprises sur des découvertes d'antiquités romaines
effectuées aux environs de Bruxelles. Sa note contient en
particulier de curieux détails sur le résultat des explora-
( 380 )
lions poursuivies, avec une constance très-louable, par
M. Cricx, à Assche. Elle mentionne, notammant, de petites
figurines en terre, représentant des chevaux; de nombreux
débris de vases, où M. Cricx a lu des noms de potiers encore
inconnus; un petit Mercure en bronze, et enfin, une
statuette en argent, que M. Galesloot dit être d'un travail
exquis. Ces découvertes, ainsi que la mise à jour de ves-
tiges de chemins empierrés, établissent à Tévidence que
le bourg d'Assche était important pendant la domination
romaine.
M. Galesloot, en terminant, tait connaître une inscrip-
tion romaine, restée jusqu'ici inédite et que possédait le
président Roose. Le hasard a lait tomber entre mes mains
une partie des papiers de famille de ce célèbre homme
d'État, qui élail aussi bibliophile et antiquaire. Dans le tré-
sor en argent monnayé qu'il laissa à sa mort et qui était
compris dans le lidéicommis institué par lui, figurent à plu-
sieurs reprises des monnaies anciennes :
« Twee antique goude stucken die moeten worden
» gewegen om die weerde te kennen ende alhier gesup-
» pleert worden. »
« Item 40 antique stucken van munten van den ouden
» tyt. »
« Item 128 antique medaillien van zilver van de Romey-
r> nen{\). »
Roose, comme le dit M. Galesloot, avait reçu une partie
de ses richesses en antiquités d'un autre magistrat, le con-
seiller de Rrabant Georges Uwens, seigneur de Berchem-
(1) Éiat des médailles et pièces d'or faisant partie du majorai, remis
au nommé Catz par le conseiller et général de la iMonnaie, en date du
12 août 1708. Archives de la ville de Bruxelles.
(381 )
Saint-Laurent, qui avait aussi le goût des livres et des
médailles (1). Dans un manuscrit de la Bibliothèque royale,
le 11" 19755-19756, on peut lire le testament par lequel
Uwens, se trouvant sans enfants, disposa, le 51 mars 1645,
de ses biens meubles et immeubles. Nous en extrayons
les passages suivants où nous voyons que l'urne dont il est
parlé dans la note ci-jointe provenait du bourgmestre
Rockox, l'ami de Rubens, regardé, au commencement du
XVJi^ siècle, « comme le premier antiquaire des Pays-
Bas. » Il y est constaté de plus que le conseiller Uwens
possédait, par don ou par achat, non-seulement des mé-
dailles romaines, en or, en argent, en bronze, tant consu-
laires que des empereurs, mais des médailles grecques,
et d'autres antiquités, notamment deux têtes de marbre,
dont l'une représentait Jules César. Les dispositions qui
suivent, copiées dans le testament de Georges Uwens,
nous apprennent en quelles mains passa ensuite cette
collection inestimable.
fi Le livre qui contient les armoiries de tous les cheva-
» liers de l'ordre de la Toison d'Or, avecq quelques
» pourtraits de ducqs et chefs dudict ordre, je laisse et
» donne pour mémoire à monsieur le chef-président
» (lequel j'ay tousjours honoré et aymé doiz ma jeunesse),
» comme aussy un livre intitulé la Finance métallique et
» un aultre livre intitulé le Vrais pourtraits des Roys de
» France. Item laisse audict sieur président les médailles
» qui ont appartenues au feu Archiducq Albert, un coffre
» particulier, item les médailles de douzes premiers empe-
» reurs très-curieusement faittes par le Padrian; item un
» urne de marbre avecq son inscription, pièce très-rare,
(1) Voyez V Histoire des environs de Bruxelles, 1. 1, p. 100.
( o82 )
» qui m'a esté donnée par feu monsieur Rockox, premier
» antiquaire de nostre temps en ses pays.
» A monsieur Laufin, chevalier, conseillier des conseils
» d'eslat et privé de Sa Majesté, mon beau-frère, je laisse
» la tasse d'argent dorée, embellie de belles médailles an-
» ticques, à sçavoir des 24 premiers empereurs de Rome ,
» priant de la vouloir laisser à mon nepveu, le lieutenant
D civil, son lîls aisné...
» iMa bibliothèque (exceptez les livres dont j'ay desjà
» disposé ou pouraye encor disposer) sera partagée par
j> portions esgales entre mon frère le conseillier à Luxem-
» bourg et le collège des pères jésuistesd'icy... les dicts pères
» prendront mémoire et liste pertinente de tous les livres
» qui seront venus de moy, comme aussy des médailles
» antiques que je leur donne et laisse, j'entens toutes les
7) grecques, tant d'argent que cuivre, venues du cabinet,
» de feu monsieur Rockoy (1 ) et par moy achaptées après
5) son trespas, item des autres 60 d'argent, romaines, et
î> semblables 100 de cuivre, qui leur seront aussi données,
» et donne par cette même disposition, à charge de rien
» de tout ce que dict est, pouvoir donner, obliger, ny
» vendre à jamais, soubz quelque prélext que ce soit, et
» à peine de perdre ce légat et estre incontinent appre-
» hendé par mon dict frère, ses enfants masles ou à leur
» défaut par mon nepveu, le S"" Henry Florent Laurin,
» lieutenant civil de Gand, obligeant ses dits pères, en cas
» d'acceptation dudict légat de livres et médailles, dont
» mon dict frère prendra acte et récépissé, de mettre à
» tousjours mon pourlraict en leur bibliotecque, avecq
» mes armoiries et devise comme benefacteur d'icelle, et
(1) Rockox
( d85 )
» ce à peine que dessus, lequel pourtrait fait et tiré d'un
» bon maistre leur sera donné endéans trois mois après
» ma mort en chargeant de ce mon dit frère.
B Mes autres médailles que j'ai fait achapter en la mai-
» son mortuaire du dict feu S' Rockocx, vivant chevalier
» et premier bourgmestre de la ville d'Anvers, et très-en-
D tendu en matière d'anticquilé et médailles, à scavoir
» toutes celles de cuivres et toultes celles d'argent, tant
p empereurs que consulaires, exceptées les grecques dont
j> j'ay disposez cy dessus, je laisse et donne à mon dit
» nepveu, le S' Henry Florent Laurin, escuïer, priant de
» les vouloir avoir en estimes pour estre un trésor fort
» curieux en matière d'anticquité et autant rare qu'il y at
p en ce Pays-Bas.
D Pareillement je laisse aussy à mon dit nepveu quel-
» ques petites urnes avec les lampes et les deux testes de
» marbre dont l'une est asseurement de Jule César et une
D statue de bronse aussi la teste Cléopâtre, luy défendant
» bien expressément de vendre, donner ou obliger les dites
D médailles ou aucunes des dites anticquités, soubs quel
B prétexte que pourroit estre, mais ordonne et veux qu'il
» les laisse toutes à son fils aisné qui ne serat d'église et
» au défaut.des enfants masles à son frère Charles Renon,
» luy défendant pareillement de les vendre, donner ou
» obliger comme dit est, faisant la mesme défense aux
D enfants masles du dict Henry Florent et aux enfants du
D dict Renon, s'ils viennent onques audict Renon.
» Mes médailles d'or anticques, au nombre de vingt et
i> quattre,je laisse et donne à dame Marie de Pecque.
ï> douarière de Reusve, dame de Tildoncq, comme aussy
» touttes mes porcelaines (exceptés les deux éléphans) et
p pareillement mon pourtraict, si ne luy ai donné devant
( 584 )
» ma mort, la priant de laisser après sa mort lesdictes
» médailles à mademoiselle de Lesclatière, sa fille, à qui
» je donne un grand grenadier et un myrlus, suppliant
» l'une et l'autre de prier pour le repos de mon âme.
» Mes autres restantes médailles, tant de cuivre que
D d'argent, partie empereurs, partie consulaires (dont je
» n'ay disposé sy devant), que j'ay ramassé l'espace de
» plusieurs années, venants aucunes du cabinet du feu
» prince de Chimay, autres du cabinet du l'eu marquis
» d'Aytona, aussy fort belles et curieuses, je laisse à mon-
» sieur De Bie, greffier des finances, mon cousin par
» alliance , et au second fils de monsieur le conseillier
» iMalineus, moitié par moitié... n
Il y aurait un beau livre à écrire sur les collections litté-
raires et artistiques qui ont existé dans nos Pays-Bas.
Cette terre féconde ne s'est pas contenté de fournir aux
lettres et aux arts de nombreux adeptes; il s'y est rencontré
aussi, à toutes les époques, de patients et intelligents col-
lectionneurs. En vain les guerres extérieures et les guerres
civiles y ont détruit ou en ont fait fuir les belles toiles et
les manuscrits précieux, en vain l'or de l'étranger y est
venu profiler de nos moments de détresse et de nos heures
d'indifférence, le culte des belles choses n'y a, jamais été
abandonné, et dans ces temps difficiles où la Belgique avait
à lutter à la fois contre ses voisins du Nord et ses voisins
du Midi, c'était avec un soin pieux, avec une sollicitude
pour ainsi dire paternelle, que Rockox, Uwens, Roose,
entre autres, se transmettaient les plus belles de ces épa-
ves de l'antiquité, remises en honneur par la renaissance
des lettres. Sachons gré à M. Galesloot d'avoir appelé notre
attention sur cette particularité intéressante.
Je propose à la classe d'insérer sa note au Bulletin. •
( o85 )
Mtappofi do m. et*, fiot.
« Le travail de M. Galesloot, relatif à des antiquités dé-
couvertes près d'Assche, m'a été remis seulement samedi
dernier. Je n'ai par conséquent pas eu le temps d'en faire
un examen approfondi.
Ce motif m'engage à présenter ici quelques observations
concernant le point principal de la notice : la découverte
des nombreuses figurines en terre de pipe représentant
des cbevaux. C'est, à ma connaissance , le dépôt le plus
considérable de ce genre qui ait été trouvé en Belgique.
Jusqu'ici on en avait recueilli seulement des spécimens
isolés dans des substructions romaines, par exemple à
Elewyt, ou dans des tombeaux.
Les Jahr bûcher des Vereins von Aller thumsfreunden
mentionnent des figurines de chevaux appartenant à des
collections d'antiquités dans les Pays-Bas (1). k Rome on
en a également recueilli de terre cuite. Klemm, dans son
Handbuch der germanischen Aller thiimskunde (p. 365),
constate la découverte de figurines semblables à Prague et
dans un tombeau renfermant des os calcinés appartenant
à un enfant. Lui-même en possédait des exemplaires d'ar-
gent.
Dans les tombeaux païens les figurines de chevaux
étaient des symboles funéraires, comme l'ont démontré
MM. Schultzet l'abbé Cavedoni (2). Des tombeaux païens
ces emblèmes passèrent au même titre dans les sépul-
(1) Livraison VII, p. 61.
(2) Bullel. archéol y 1840, p. 65; Osservat. sopra un sepult. etrusc,
pp. 45, 55; BuUelino delV inslitul. di correspond. archeoL, 1848, p. 174;
Annales de rinstil. archéol. 1847, pp. 218, 259.
( 586 )
tures chrétiennes, peut-être avec une signification diffé-
rente (1).
Toutes les figurines de chevaux n'avaient sans doute
pas la même signification , ni la même destination. Tantôt
elles servaient de symboles de nationalités, par exemple sur
les monnaies, tantôt d'emblèmes funéraires sur les lampes
sépulcrales et les vases, tantôt d'ex-voto. Les chevaux,
vainqueurs dans les jeux des cirques, étaient honorés au
point que leurs images figuraient sur les vases et dans les
bas-reliefs. Leurs noms étaient également rappelés dans les
inscriptions, dont Gruter reproduit un grand nombre (2).
Rome renfermait aussi plusieurs figures de chevaux (5).
Anciennement ils y servaient d'emblèmes, comme chez
les Gaulois et les Germains. Ceux-ci les employaient pour
les augures, ainsi que le démontre M. J'àhns dans son
travail si remarquable intitulé : Ross uncl Reiter in Leben.
uncl Spruche, Glaube iind Geschichte der Deutschen.
Le grand nombre de ces figurines trouvées à Assche
proviennent sans doute, dit M. Galesloot, d'un artisan de
la localité, qui y débitait sa marchandise. Mais, ajoule-t-il,
reste à savoir à quoi elles servirent.
A mon avis c'étaient ou des symboles ou des ex-voto.
Cette dernière hypothèse me semble avoir plus de vraisem-
blance. Caylus constate en etïet l'emploi des figurines de
chevaux à titre d'ex-voto par les campagnards romains (4).
A la suite de sa notice, M. Galesloot mentionne une in-
(1) Desbassyns de Richemoiil, Nouvelles études sur les catacombes
rom.y p. 452; Krar.s, Die romischen katakombi n, p. 228.
(2) Voir la liste de ers chevaux dans Oniuphii Pavinii, de ludis cir-
censibus, lib. II.
(3) Gv'jev'ius, Thésaurus antiquitatum, l. VII, p. 17S4.
(4) Uecueil d'antiquités égyptiennes, étrusques , romaines et gauloises ,
l. Il, p. 321; t. VI, p. 287.
( .''87 )
scriplion romaine et une urne provenant de la collection
numismatique de Pierre Roosc, président duconseil privé,
mort le 27 février 1675. Cette collection, épave de celles
formées en Belgique dès le commencement du XVh siècle,
jouissait d'une grande réputation (1). Goltzius comptait
dans les limites actuelles de la Belgique 110 collections
semblables, dont 22 à Anvers et 25 à Bruxelles ; sur cha-
cune d'elles il fournit des renseignements. A Bruxelles il
cite les cabinets de Charles-Quint, de Philippe n,d'Éléo-
nore d'Autriche, de Marie d'Autriche, de Christine, fille
du roi de Danemark, d'Antoine Perrenot, de Lamoral
d'Egmont et d'un grand nombre d'autres personnages
importants, dont il indique les noms. Le cabinet d'Abra-
ham Van Goerle, à Anvers, était, d'après le témoignage du
professeur Vorstius, un des plus riches du XVP siècle.
A cette époque le goût de la renaissance avait donné
lieu à la formation de plusieurs collections artistiques
d'une grande valeur. Chaque famille importante avait la
sienne.
De même que M. Wauters , j'ai l'honneur de proposer à
la classe d'imprimer la notice de M. Galesloot. d
Conformément aux conclusions favorables de ses deux
commissaires, la classe décide l'impression de la notice de
M. Galesloot au Bulletin.
(1) Voir Hemelaers, Imperatorum romanorum numismata aurea ex-
cellentissimi Caroli ducis Croyi et Arschotani, dont la troisième édition,
qui a paru en 1654, mentionne 180 monnaies nouvelles recueillies par les
soins de Nicolas Rococx. Albert Rubeus y ajouta un long commentaire
explicalif à la demande de Gevartius.
( o88 )
^otes biographiques sur Corneille Duplicius Scepperus;
par M. P. Génard , archiviste de la ville d'Anvers.
Rapport de M. fiachard.
Corneille Scepperus, qui , dans le cours d'une longue
carrière politique et diplomatique, ne cessa de mériter la
confiance de Charles-Quint et de sa sœur la reine Marie,
est appelé, par Sanderus, par Paquot et par d'autres écri-
vains, Cornélius Duplicius Scepperus.
Dans une notice présentée à la Compagnie il y a quelque
trente ans (1), notre vénéré confrère M. le chanoine de
Smet se demanda ce que signifiait le mot de Duplicius.
Fallait-il y voir un prénom? C'était en vain que dans les
Martyrologes les plus complets on cherchait un saint qui
s'appelât ainsi. N'était-ce pas plutôt que les parents de
Scepperus, ayant perdu un premier fils en bas âge, lui
auraient donné le môme prénom de Corneille, en y ajou-
tant l'épithète de second? M. de Smet n'attachait du reste
que peu d'importance à cette conjecture.
Un peu plus tard un autre de nos confrères, que nous
avons malheureusement perdu, M. le baron de Saint-Gé-
nois, fit insérer, au Messager des sciences et des arts de la
Belgique (2), des Recherches sur le véritable nom, le lieu
de naissance, la famille, etc., de Scepperus.
Après y avoir établi que Scepperus avait lui-même pris
le nom de Duplicius dans des lettres revêtues de sa signa-
ture, et que nombre d'actes émanés de Ferdinand I"'" et de
(1) Bulletins. I. X, S*^ partie, p. 67.
(2) Tome XXIV.
( •)89 )
Charles-Qninl le lui donnaient aussi, M. de Saint-Gonois
prenait à lâche de rechercher le nom patronymique du
ministre de Charles-Quint.
11 admettait d'abord, avec Sanderus, que Scepperus,
en flamand de Scipper, le marin, ou de Scepper^ le corsaire,
n'était qu'un surnom ou un sobriquet qui avait été ap-
pliqué à IVieul de Corneille, Jean, lequel s'était rendu fa-
meux dans les guerres navales du règne de Philippe le Bon
et était devenu vice-amiral de Flandre. Le fils de Jean
avait fait usage de ce surnom , et Corneille avait suivi son
exemple. « C'était assez la mode alors — disait M. de Saint-
» Génois, — d'ajouter au nom propre un sobriquet, qui
» passait ainsi dans la suite aux héritiers de celui qui
p l'avait porté le premier. Les noms flamands provenant
j> de sobriquets militaires existent encore en grand nombre
» chez nous »
Quant au nom patronymique de la famille, M. de Saint-
Génois concluait en disant que le vice-amiral s'appelait
« peut-être » DeDobbele, nom très-commun en Flandre et
dont on aurait fait Diiplicius en le latinisant.
M. Génard , conservateur des archives de la ville d'An-
vers, qui a exhumé et mis en lumière tant de documents
historiques intéressants restés enfouis dans cet important
dépôt, y a récemment découvert des pièces qui, à son avis,
changent en certitude la supposition de M. de Saint-Gé-
nois. C'est la communication de ces pièces qui fait l'objet
de la Notice envoyée par lui à la Compagnie.
La première est une lettre, en français, écrite d'Anvers
le 21 avril 1526, par Scepperus, au pensionnaire de cette
ville Adrien Herbouts, pour lui annoncer qu'il va bientôt
aller trouver l'Empereur en Espagne. Celte lettre est signée
CoRMLLE Double, alias Sceppere.
2""^ SÉFUE, TOME XL. 38
( 590 )
La deuxième est une lettre en latin, datée du 28 mai
lo26, à Paris, où Scepperus annonce à son ami Herbouls
son arrivée dans celle capitale et lui donne quelques nou-
velles politiques. Celle-ci esl signée Cornélius Duplicius et
au-dessous Scepperus.
La troisième est une lettre, aussi en latin, que Scep-
perus écrit à Herbouls, de Gènes, le 5 juillet 1527 : il l'y
instruit du danger que le grand chancelier de l'Empereur
(Gattinara) et lui ont couru en venant d'Espagne en Italie,
les navires qui les portaient ayant été attaqués par des
vaisseaux français de beaucoup supérieurs en nombre.
Cette troisième lettre est signée Cornélius Dupl. et au-
dessous Scepperus, eques , etc. Comme les deux précé-
dentes, elle repose en original aux archives d'Anvers.
M. Génard fait connaître, de plus, dans leur texte inté-
gral, deux documents dont le même dépôt possède une
copie.
L'un est une patente en latin de Charles-Quint donnée
à Manloue, le 17 avril 1550, par laquelle il commet Corné-
lius DuPLicius Scepperus pour rechercher, dans l'Alle-
magne et les Pays-Bas, les faux chrétiens [menlitos ac
simulatos christianos) qui se disposaient à s'enfuir en
Orient avec leurs biens, et les marchands qui fournissaient
en secret des armes aux Turcs, saisir leurs personnes et
leurs biens, et les livrer aux officiers et juges ordinaires
des lieux où ils seraient pris, afin que ceux-ci instruisissent
leurs procès : autorisant Scepperus à substituer des com-
missaires, avec un pouvoir égal à celui qui hti était conféré,
dans les provinces des Pays-Bas et de la Germanie où i!
ne pourrait se rendre de sa personne.
L'autre document esl un acte passé à Augsbourg, le
19 juillet 1550, devant le notaire Reyiengger, où Scep-
( 591 )
perus, qui s'y nomme et qualifie Cornélius Duplicius
ScEPPERUs, EQUEs AURATus, clélèguc pouF Ics Pays-Bas
Jean Vuystinck, d'Ulrecht.
De ces faits et de ces documents il résulte, on ne sau-
rait le contester, que Phomme d'État belge dont les succès
diplomatiques nous ont été racontés dans un ample mé-
moire de MM. de Saint-Génois et Yssel de Schepper (1),
porta jusqu'en 1530 le nom de Double ou de Duplicius,
c'est-à-dire celui de sa famille, en le faisant suivre du
surnom de Scepperus.
Quand abandonna-t-il ce nom, qui vraisemblablement
lui parut trop plébéien, trop trivial, dans la position oii il
se voyait élevé? Ce dut être fort peu de temps après : car
nous avons, aux Arcbives du royaume, plusieurs lettres
originales de lui à Charles-Quint, du mois de juin 1551,
où il signe simplement Cornille Scepperus. Et, après
cette époque, il ne prend ni on ne lui donne plus d'autre
nom.
J'ai l'honneur de proposer à la Classe l'insertion au Bul-
letin de la Notice de M. Génard. Cette notice résout la
question qui s'est élevée relativement au nom de famille
de Scepperus; elle contient, en outre, des détails qui étaient
ignorés sur les faits et gestes de ce personnage.
Je conseillerais toutefois à M. Génard de revoir le pas-
sage de son travail où il commente la patente du 17 août
1530, car il me semble qu'il a donné à cet acte de Charles-
Quint une signification à quelques égards erronée. Selon
lui les commissaires délégués par Scepperus auraient in-
tenté des poursuites contre les principaux négociants des
(1) Mémoires de l' Académie, l. XXX, année IbS")
( o92 )
Pays-Bas, et le magistrat d'Anvers aurait fait opposition à
ces juges extraordinaires : or la patente statue, en termes
exprès, ainsi qu'on l'aura remarqué, que les prévenus se-
ront livrés aux officiers et juges ordinaires des lieux où ils
auront été Sirrèlés^ et offîcialibus et judicibus ordinariis lo-
corum in quibus capti fuerunt tradant. M. Génard, je crois,
aura confondu la patente de 1350 avec des ordonnances
de Charles-Quint et de la reine Marie concernant les juifs
portugais qui, après avoir été contraints de recevoir le
baptême, vinrent s'établir à Anvers. Cette patente n'était
pas un acte destiné à prendre place dans la législation des
Pays-Bas; on a vu qu'elle regardait l'Allemagne aussi bien
que nos provinces : c'était une mesure temporaire, qui
avait spécialement pour but d'empêcher que les Ottomans,
contre lesquels la chrétienté avait en ce moment à soutenir
une guerre terrible, ne reçussent des secours des ennemis
de la foi répandus dans les États héréditaires de l'Empe-
reur et dans l'Empire romain. Nous ne trouvons nulle
part de renseignements sur l'exécution qui lui fui donnée
et les effets qu'elle eut : il est assez probable que ceux-ci
furent de peu de conséquence.
Rappot't de .ff. le bat*ott Refvyn de l^etlenhore.
« Deux de nos honorables confrères, l'un dont nous
avons vivement regretté la perte prématurée, l'autre que
nous espérons conserver encore longtemps malgré l'âge
qui n'a point ralenti ses travaux, MM. de Saint-Génois et
De Smet, ont consacré à Scepperus des notices où ils ont
fait ressortir avec intérêt ses nombreux services et les
divers inciflentsde sa longue carrière diplomatique.
Quelques doutes subsistaient sur le nom porté par Scep-
( 593 )
perus. M. Génard, archiviste de la ville d'Anvers, dont les
érudiles recherches ont à plusieurs reprises fixé l'attention
delà classe, à réussi à les lever par des documents authenti-
ques qui de plus ajoutent quelques détails importants à ce
que nous savions déjà de la biographie de Scepperus. Je ne
saurais mieux faire que de me rallier aux observations pré-
sentées par mon savant confrère M. Gachard et de pro-
poser également l'insertion au Bulletin de la notice de
M. Génard. »
Mtappoi't tic .n. Alph. Wattlet's.
<L Je me rallie complètement aux conclusions de mes
honorables collègues, sauf que j'approuve sans réserve le
travail de M. Génard. Outre les détails nouveaux qu'il con-
tient sur le véritable nom de Sc/iepperus, il nous révèle
cette particularité inconnue que celui-ci accepta la mission
de rechercher, de dénoncer, de poursuivre les faux chré-
tiens et autres marchands soupçonnés d'envoyer des armes
aux Ottomans. L'expérience de tous les temps a surabon-
damment démontré l'inutilité et les conséquences funestes
de ces commissions extraordinaires, qui, sans rien empê-
cher, n'aboutissent, comme le fait remarquer M. Génard,
qu'à extorquer des rançons à des accusés. L'archiviste de
la ville d'Anvers nous promet la prochaine publication
d'autres documents sur Schepperus. Je ne puis que l'enga-
ger à donner suite à son projet; il contribuera de la sorte
à jeter du jour sur les causes du mécontentement qui se
manifesta à Anvers, à plus d'une reprise et d'une manière
énergique, pendant le règne de Charles-Quint. »
Conformément à l'opinion de ses trois commmissaires,
la classe a décidé l'impression au Bulletin de la note de
M. Génard.
( 594 )
ÉLECTIONS.
La classe procède, par scrutin secret, à la formation de
la liste double : 1" des jurys pour le prix quinquennal
d'histoire national (6^ période) et pour le prix quinquennal
des sciences morales et politiques (5^ période); 2° du jury
pour le prix triennal de littérature dramatique en langue
française (6' période).
Ces listes seront communiquées à M. le Ministre de Tin-
térieur.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Antiquités de l" époque romaine découvertes à Assche; no-
tice par M. L. Galesloot, chef de section aux Archives
du royaume.
Au mois de février dernier, j'ai eu l'honneur de rendre
sommairement compte à l'Académie, du résultat des
fouilles entreprises, depuis 1871, sur le territoire de la
commune d'Assche par M. Prosper Crick (1). Je disais
dans cet aperçu que M. Crick se proposait de reprendre sa
lâche, cette année, après la récolte. C'est ce qu'il a fait et
non sans succès, ainsi qu'on va le voir.
Je signalerai d'abord un dépôt fort intéressant dont les
explorations archéologiques effectuées dans le pays, n'ont
pas encore fourni d'exemple, que je sache. L'année passée,
M. Crick avait trouvé les fragments de différentes figurines
(1) BuUctins, 2e séné. t. XXXIX, p. -2r
( 39,^ )
tMi terre, dite vulgairement terre de pipe. Son attention
s'était portée sur le champ doù ils provenaient, mais ii
n'eut pas le temps d'y terminer ses recherches. Les ayant
recommencées, il y a quelques semaines, avec un soin
minutieux, il fut assez heureux pour tomber sur un groupe
de ces objets, et exhuma, coup sur coup, dans un étroit
espace, au delà de vingt statuettes , non pas équestres,
mais de chevaux en miniature. Quoique toutes soient mu-
tilées, la trouvaille n'en est pas moins remarquable, car
outre leur nombre, ces figurines offrent certaines particu-
larités qui méritent d'être mentionnées. Elles varient à la
lois d'aspect et de grandeur (J); mais généralement on re-
connaît sous des formes qui laissent certainement à dési-
rer comme fidélité et comme exécution, le type du cheval
tel qu'il est représenté sur les monuments grecs et romains.
Plusieurs de ces petits chevaux, qui semblent tous avoir
été fixés sur des tablettes en guise de socles, sont bridés.
L'un d'eux porte une housse ornementée, avec ses acces-
soires. Ici encore on constate une parfaite concordance avec
les monuments de l'antiquité. Enfin, il yen avait qui étaient
accouplés au moyen d'un joug passé sur l'encolure (2).
(1) La plus haute mesure 14 centimètres des pieds au dos.
(2) Voici ce que M. P. Crick vient de m'écrire à propos de ces objets.
« Je vous transmets, pour ce qu'elles peuvent valoir, les particularités
(jue vous n'auriez pas encore pu observer au sujet des petits chevaux.
» Un seul a la bride complète, avec têtière, mors, rênes, etc. Il a un col-
lier, mais ni housse ni autre partie de harnais.
V Presque tous les chevaux ont une espèce de collier vers le milieu du
cou. Vous connaissez le cheval à la housse. A celui-ci on ne distingue pas
(le bride ; mais les attaches de la hou'^se à l'épaule et à la croupe sont mar-
quées.
n D'après tous les fragments que j'ai trouvés jusqu'ici, je ne remarque
que deux exemplaires qui peuvent avoir été de même forme C'étaient
( d96 )
Les figurines de celle espèce n'étaient pas les seules que
le terrain recelât; il y en avait aussi de génisses, plus un
buste d'homme ou de jeune homme qui m'a paru n'être
qu'une ébauche, et un bouclier oval duquel se détache un
umbo très-prononcé. Il appartenait évidemment à une sta-
tuette de soldat.
Considérée dans son ensemble, la singulière découverte
de M. Crick, vague réminiscence, si j'ose le dire, des bou-
tiques de Pompéi , nous autorise à croire qu'il a mis la main
sur les épaves d'un artisan (ficlor) de la localité, qui y dé-
bitait sa marchandise. Mais il reste à savoir à quoi elle
servait, et ce que signifie celle quantité de quadrupèdes.
Devons-nous y voir autre chose que des objets de fantai-
sie, tels que les mouleurs italiens en colportent encore
dans nos campagnes; avons-nous ici, par exemple, des
fictilia ayant quelque rapport avec le culte, ou des sigil-
/flrmdonl on se gratifiait aux saturnales (1) ? Ces ques-
tions se présentent naturellement à l'esprit. La difficulté
consiste à les résoudre d'une manière satisfaisante. Pour
moi, s'il m'était permis de donner mon avis, je me pro-
noncerais pour la première supposition.
Un autre objet d'art recueilli par l'explorateur est un
deux chevaux accouplés; ils étaient joints ensemble à mi-corps, au-dessus
des jambes de devant et de derrière. Je vous ai montré deux autres che-
vaux qui ont dû être rattachés vers le milieu du cou par une espèce de
joug. Ces exemplaires, quoique des plus achevés, n'ont ni brides, ni aucune
partie du harnais.
» Le tiers environ des chevaux était accouplé. Tous sont percés sous le
corps d'un trou de quelques millimètres, sans doute pour les besoins de
la cuisson.»
(1) V'o//. pour ces mots et celui de ^c/or le Dict. des antiq. grecq. «'l
rom. de Piliscus.
( -^J»? )
petit nicrciirc cmi bronze, d'une exécution fort médiocre.
Le dieu porte deux ailes à la tète. Ses autres attributs et
les pieds lui manquent.
De même que les années précédentes, les fouilles ont
produit une quantité incroyable de tessons de la nature la
plus variée et surtout de vases de terre samienne, d'imita-
tion indigène. Dans le nombre, il y en a d'une grande
ricbesse de dessins et d'une fraîcheur qui étonne. M. Crick
a constaté sur ces débris les nouveaux noms de potiers
que voici : Abiloumii[?) (1), Anali f., Aviti m. a., Off. Cab.,
Cracis m., Curmi..., Duphius f. (2), Jolûmm(?),Jiipini m.,
Marcellij Suommi m. (5).
Deux de ces tessons se recommandent à notre attention
par des graphites. Ainsi, quelqu'un a dislinctement tracé
sur l'un d'eux, à la pointe d'un instrument, le mot ou le
nom de Cimio. On lit sur l'autre fragment Mid, en lettres
bien formées et d'une écriture différente.
Aux antiquités dont on vient de donner une idée, il faut
ajouter, comme produits des opérations de cette année,
cinq lampes en terre cuite, dépourvues de dessins; l'une
d'elles est singulièrement petite; des styles, des fibules,
et des bracelets en bronze, des aiguilles en os ayant servi
à des ouvrages de main, etc., ainsi que différentes mon-
naies dont une de Posthume, le restaurateur des Gaules.
Mais, ce qui surpasse tout ce qu'on a trouvé, en fait
(1) Avec un point au milieu de l'o.
(2) Ph. est remplacé par un 'f grec.
(3) Dans la liste, si consicléral)le pourtant, dressée par M. le conseiller
Schuermans, on ne trouve que deux de ces noms. (Sigles figulins, époque
romaine, dans les Annales de l'Académie d'arch. de Belgique , 2^ série,
t III, pp. Set suivantes.)
( 598 )
d'objets d'art, sur remplacement du bourg romain, à
Assche, est une statuette en argent d'un travail exquis,
malgré ses proportions exiguës (\). Elle paraît avoir
servi d'ornement à un meuble quelconque, car elle est
estampée et n'offre que le devant du corps, de manière à
devoir être fixée ou incrustée. Elle représente une femme
vêtue d'une tunique dont les plis nombreux et délicats
tombent sur les pieds, qu'on aperçoit à peine sous
cette riche draperie. Au-dessus de cette robe elle a un
autre vêtement {amictus) , non moins remarquable par la
manière dont il est traité. Les seins sont nus; les bras, levés
et nus , sont linement modelés; mais il n'en reste qu'une
partie, et, ce qui est plus regrettable, la tête manque
également. L'attitude de cette figure indique clairement
qu'elle portail quelque chose sur la tête, probablement
une corbeille (crtn/s/r«w). D'où l'on peut inférer que nous
avons ici l'image de Cérès, reconnaissable, du reste, à
ses seins exubérants, emblème de la fécondité et attri-
but ordinaire de la déesse. Sans lui, on serait porté à
croire que ce bijou représente une canéphore. En effet,
Anthony Rich,dans son excellent Dictionnaire des anti-
quités grecques et romaines, donne une figure à peu
près semblable (2), d'après un modèle du musée de Dresde.
Celle dont il s'agit était la propriété de M. l'abbé Mertens,
curé à Oetinghen et ci-devant vicaire à Assche , où un
cultivateur, qui l'avait trouvée, la lui remit. Il vient d'en
faire don à M. Crick, qui l'a placée dans son intéressante
collection.
(1) Sept ou huit cenlimèlres, lorsqu'elle était entière.
(2) Au mol Canephora.
( 599 )
Jl me reste à ajouter que ce dernier a déblayé, sur cer-
tains points du terrain qu'il a exploré, des vestiges de
chemins ou plutôt de rues empierrées. Le pavage se com-
posait d'une couche de gros moellons, disposés fort inéga-
lement, mais sur lesquels il parait qu'il y avait une couche
régulière de pierres plus petites. Les travaux incessants
de l'agriculture ont fait disparaître cette deuxième couche,
de même que les fondations des maisons, dont les débris
encombrent toutefois le sol, pour peu qu'on le creuse à
une certaine profondeur.
En résumé, et c'est là un point essentiel, les fouilles
que M. Prosper Crick poursuit avec une persévérance
digne d'éloges, tendent à établir de plus en plus l'impor-
tance de l'agglomération d'habitations qui a existé dans sa
commune natale sous l'empire romain.
Une urne antique du président Roose. — A propos
d'antiquités, je ne crois pas inutile de signaler un fait que
j'ai découvert par hasard, en lisant, aux Archives du
royaume, le testament du chef et président du conseil
privé Pierre Roose, qui prit une part si active aux événe-
ments de son temps (1). Par ce testament, qui est daté du
4 des kalendes d'octobre 1662, le président Roose, pos-
sesseur d'une fortune très-considérable, avait établi un
fidéicommis, dont il régla soigneusement les conditions.
11 y comprit, entre autres, sa collection de monnaies et
une urne, à l'égard de laquelle il s'exprime en ces termes :
€ Numismata quoque mea, aurea, argentea, aerea,
(1) Voy. sa biographie dans VHistoire des lettres, elc, en Belgique,
par feu le bibliothécaire Goelhals, l. I 11, p. 115.
( 600 )
» prisca el nova, fideiconimisso Imic includo, simul et
i> urûani marmoream cui inscriptio (1) :
D. M.
C PONTIUS SODALIS
JULIA CAMPANA
OLL.IE. II.
« Quam urnam, cum parte numismatum, teslaraento
» mihi legavit Georgius Uwens, regius in consilio Bra-
» banliae senator (2), mihi à praetexla Lovanii percarus,
» ob virtutem. »
Comme il arrivait ordinairement, le fidéicommis in-
stitué par le président Roose donna lieu à un grand procès
entres ses descendants (5). J'ignore si ceux qui existent
encore sont restés possesseurs de cette urne antique.
Le tumulus de Saventhem. — Un autre renseignement
puisé aux Archives du royaume concerne la tombe ro-
maine de Saventhem dont l'ouverture , tout au commen-
cement du seizième siècle , excita si vivement la curiosité
publique. Cet intéressant monum.ent a donné lieu à plus
d'une publication. M. le conseiller Schuermans, qui s'en
(1) Celte inscription n'est pas dans le Recueil de Gruterius. Je ne sais
si elle l'est dans celui de Graevius ou dans d'autres de l'espèce.
(2) Il fui nommé conseiller au conseil de Brabanl, en 1621 , et mourut
à Bruxelles , le 29 septembre 1645, a Tàge de 58 ans. Son épitaphe se
irouvail dans le chœur de l'église abbatiale de Coudenberg. {Voy. le
Théâtre sacré de Brabanl, t. I", p. 2'22. )
(3) En 1750 Ce procès fut plaidé devant le conseil de Brabaut. Il néces-
sita l'impression du testament de Pierre Roose (38 pages in-folio). Ce
document est précédé d'une généalogie. A la fin on trouve les noms des
parties en cause. (Archives du conseil de Brabant.)
( 601 )
est occupé le dernier (I), à propos d'un article qui a paru
en Allemagne, a fait suivre ses remarques critiques d'une
note bibliographique, ou comme il le dit, de l'indication de
la litléralure du tumulus. Le sujet paraissait donc épuisé,
quand il m'est venu à l'idée de consulter les registres
aux contrats passés devant les échevins de Savenlhem. J'y
ai trouvé un renseignement qui peut avoir de l'utilité
pour éclaircir le débat soulevé relativement à la date de
l'ouverture, ou plutôt du nivellement du vaste tertre. Il
résulte de ces registres que ce fut le 6 septembre 1504
que Renier Cleerhage, l'explorateur, acquit la terre sur
laquelle il s'élevait. Elle est indiquée dans l'acte de vente
sous le nom Aen die tomme. Le vendeur était Henri Estor,
seigneur de Grand-Bigard , issu d'une vieille souche bra-
bançonne. Le champ de la tombe [tomvelt) est encore
désigné ainsi à Saventhem. Il est situé non loin de l'église,
près d'une vallée et contre un chemin large et profond qui
conduit à la chaussée de Louvain. Nul doute que le per-
sonnage dont la cendre reposait sous ce mausolée agreste,
de plus de cinquante pieds de haut, n'habitât une villa
dans l'endroit qui, sous la période franque apparemment,
reçut le nom énigma tique de Saventhem (2). Les tuiles
romaines abondent dans le voisinage et la contrée était
certainement très-habitée, comme le prouve d'abord l'im-
portant établissement d'Elewyt. A Melsbroeck , qui est
plus près, il y avait une belle villa, à en juger par ses
vestiges. Des Francs s'y étaient établis.
(1) Bull, des Comm. d'art et d'arch., t. XIII, pp. 25-41. (Juin 1873),
(2) Ce nom a peu varié. {Voy. l'Histoire des environs de Bruxelles,
par Alpli . Waulers , t. III , p. 154. )
( 602 )
Notes biographiques concernant Corneille Duplicius
Scepperus; par M. P. Génai d , archiviste de la ville
d'Anvers.
Deux membres de l'Académie royale de Belgique, M. le
chanoine J.-J. De Smet et l'eu M. le baron Jules de Saint-
Génois, qni se sont occupés de la biographie de l'ancien
diplomate belge Corneille Duplicius Scepperus, oni fait des
recherches inutiles pour découvrir le véritable nom de ce
personnage célèbre.
Une dissertation publiée par M. le chanoine De Smet,
dans le tome X, 2*^^ partie, des Bulletins de l'Académie
ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BELGIQUE, Ct
intitulée : Note sur quelques particularités relatives à Cor-
neille Scepperus, vice-chancelier du Roi de Danemarck,
Christian H, contient à ce sujet ce qui suit :
« Dans les livres que nous avons de l'illustre vice-chan-
j> celier de Christierne II et dans l'épitaphe qui orne sa
» tombe, nous ne lui trouvons que le prénom unique de
» Corneille; comment lui serait venu celui de Duplicius
î> (si c'est toutefois un prénom) que lui donnent à la fois
» Sanderus, Paquot et bien d'autres encore? Ou aurait
» beau feuilleter les martyrologes les plus complets, celui
» d'Usnard, par exemple, avec les auctaria si anjples du
» P. Du Sollier, pour rencontrer un saint du nom du Dupli-
jt dus. Il conviendrait toutefois admirablement à un diplo-
» mate, puisque ce titre même a sa racine dans rjnrxôsij
D duplex ou versipcllis et ({u'un croit assez com:nunémenl
r> que les agents politiques des puissances emploient bien
( 603 )
» peu le mot propre. Mais dans cette supposition on n'au-
9 rail pu donner qu'après coup un nom pareil à notre
9 diplomate et Tun ou l'autre de ses savants amis, tel que
» le caustique Erasme, nous en eût dit apparenmient
» quelque chose. 11 est encore aujourd'hui des parents qui,
» ayant perdu un (ils en bas âge, donnent son prénom à
» un enfant qui vient à leur naître plus tard, en y ajou-
» tant l'épithète de second; ne serait-ce pas un motif sem-
» blable qui a valu à Corneille de Sceppere le singulier
» surnom de Duplicius? Cette conjecture est à la vérité
» bien légère, mais la question elle-même heureusement
» a fort peu de gravité. »
M. le baron de Saint-Génois combat l'opinion de M. le
chanoine De Smet dans ses Recherches sur le véritable nom,
le lieu de naissance^ la famille et les armoiries, la sépul-
ture et les écrits de Corneille de Schepper, dit Scepperus,
insérées dans le tome XXIV du Messager des sciences et
des arts de la Belgique :
« Comme pour beaucoup de grands hommes des temps
» anciens, dit M. de Saint-Génois, on ne sait pas même
» au juste quel était le véritable nom de famille de l'habile
j> et infatigable négociateur que nous trouvons, pendant
i> plus de trente ans, voyageant nuit et jour, traitant des
» affaires sans nombre, minutant la plus volumineuse des
» correspondances, arpentant toutes les grandes routes de
D l'Europe comme un véritable courrier de cabinet, allant
D tantôt en Autriche, tantôt en Turquie, tantôt en Suisse
» ou en Italie, tantôt encore en France, en Espagne, en
» Pologne, en Angleterre et surtout en Allemagne pour
j compte de quatre tètes couronnées, célèbres à plus d'un
» titre. La question de son véritable nom nous offre assez
» d'intérêt pour que nous nous y arrêtions un instant.
( 604 )
» M. le chanoine De Smet traite cette question briève-
B ment dans la notice qu'il a consacrée à Scepperus, dans
D les Bulletins de l'Académie royale de Belgique.
D II y examine la signification de ce singulier prénom
» de Duplicius, que nous voyons accolé au nom de ce
D diplomate. Dans son opinion, ce prénom équivaudrait
D au mot secundus, et ne lui aurait été donné que parce
D qu'il était le fils puîné de son père.
» Jl va plus loin et croit que son frère aîné s'appelait
i> aussi Cornille et qu'après sa mort, notre Cornille
j> aurait pris le surnom de Duplicius^ comme si on avait
D x'oulu désigner par là qu'il était le 2^ Cornille de la
3> famille. M. De Smet ajoute que ce nom ne lui a été donné
» que par Sanderus et quelques autres biographes, mais
» que Scepperus ne le prit point lui-même.
» Contrairement à l'assertion de notre savant confrère,
» nous avons de nombreuses preuves que le mot Dupli-
î> dus faisait partie de son nom propre, que lui-même
» l'employait dans sa signature, et que Ferdinand I et
j> Charles-Quint l'ajoutaient la plupart du temps à son nom
» dans les actes et les lettres où il est question de lui;
j) nous citerons entre autres la correspondance de Charles-
» Quint, publiée par Lanz, et le recueil édité par Von
D Gevai sous le titre de Urkunden und Aclenstucke , con-
» cernant les ambassades du roi des Romains à Constan-
» tinople, où le mot Duplicius est souvent joint au nom de
» notre ambassadeur. Nous avouons cependant que Cor-
» nille est le seul de celte famille que nous ayons trouvé
» affublé du prénom de Duplicius. Quoi qu'il en soit, nous
» dirons avec M. De Smet, que ce point onomastique n'a
D pas heureusement d'importance absolue.
» Sanderus le prétend issu de l'ancienne et noble famille
( m )
9 des Duplicii, qu'on a voulu faire dcsceinlre, dil-il, des
» coinles de Flandre; de façon que Scepperus ne serait
i> qu'un surnom, « quasi agnomentum a gente naulica,
» avo ejus Joanni Duplicis datum. »
» Admettant avec Sanderus que Scepperus ou De Scep-
j> per ne serait qu'un sobriquet, nous avons dit ailleurs
» que le vrai nom de notre Cornille pourrait bien avoir
» été De Dobbele, nom qui était très-commun en Flandre.
» Le grand-père de Cornille Scepperus,cité sous le nom
» de Jean Duplicius, par Sanderus, s'était rendu célèbre de
» son temps par la part qu'il avait prise aux guerres navales
D sous Philippe-Ie-Bon contre les Anglais et le duc de
» Glocester. Il avait aussi combattu sur terre contre les
» Français. En récompense de ses services, if obtint la
» dignité de vice-amiral de Flandre.
» Sa profession de marin lui aura attiré, d'après San-
» derus, le sobriquet de De Schipper (le marin), ou peut-
» être même celui de De Schepper (le corsaire). Car,
D comme beaucoup de nos marins de celte époque, Jean
D Duplicius se sera distingué comme corsaire en faisant
» la cbasse aux Anglais, et en écumant la mer au profit du
» duc de Bourgogne.
» C'était assez la mode alors d'ajouter au nom propre
> un sobriquet qui passait ainsi dans la suite aux héritiers
i> de celui qui l'avait porté le premier. Les noms flamands,
D provenant de sobriquets militaires, existent encore en
» grand nombre chez nous ; nous citerons ceux de Brise-
D maille^ Brisetête, Klincspoor , Lanczweert ^ Langer ock^
D Onge7iae, Pylyzer, Spanoghe, Stauthamer, Tayspere et
» Yzerbyter. Le fils du vice-amiral de Flandre aura
» ajouté à son nom de Duplicius ou de Dobbele , le sobri-
ï quet donné à son père, et rien d'étonnant que son
2"'*' SÉHIE, Ï0>1E XL. 59
( 606 )
> pelit-fils Cornille ait continué à le porter dans la suite.
» Nous donnons du reste, dans l'absence de toute preuve
» positive, cette conjecture pour ce qu'elle vaut, et nous
» concluons en disant que le vice-amiral s'appelait peut-
» être De Dobbele, que sa profession le fit surnommer
> De Schipper (le marin) ou De Schepper (le corsaire) et
» que le nom propre réel de notre ambassadeur était
» Duplicius^ forme latinisée du nom flamand De Dob-
» bêle. »
La dernière supposition faite par le Baron de Saint-
Génois semble se vérifier. En etTet, il résulte d'une lettre
conservée aux archives d'Anvers et datée de cette ville du
2! avril 1526, que notre diplomate signait du nom de :
Cornille Double alias Sceppere.
Yoici cette pièce intéressante, relative au procès inlenlé
par le magistrat à Diego de Vaille, frère de l'amman
d'Anvers (1), et qui est comme un jalon dans la biographie
du secrétaire de Charles-Quint :
A Monsieur maistre Adrien (Herbouts), pensionnaire
de la ville d'Anvers.
Monsieur le Pensionnaire,
Je me recommande de bon cueur à vous, faisant sçavoir que
j'ai inicntion de me mestre en chemin vers l'empereur, mou
maistre, de brief. Par quoy je vous prie vouloir dépesccr
l'instruction et les lettres de crédence au plus tost, aflin que je
m'en puisse aller. En ce faisant, me ferez chose agréable,
(1) Toutes les pièces concernanl cet imporlanl procès ont été insérées
(l«ns le Bulletin des Archives d'Anvers, t. VII , pp i46 el suiv.
(607)
laquelle vers vous selon mon povoir déservirai. Et à tant je
prie à Nostre Seigneur vous donner bonne vie et longue. Et
dictes s'il vous plaist à mon serviteur combien il me fauldra
encores ici demourer, car depuis que j'ai entreprins la bcsoigne
je ne la veulx point de ma part délaisser.
Escript en Anvers ce XXI"'* d'avril, l'an XV"= XXVI.
Le vostre bon ami,
CoRXiLLe Double alias Sceppere.
Une lettre flamande également conservée aux archives
d'Anvers et datée de Grenade du 28 septembre 1526,
porte la même signature. Il nous semble donc que la ques-
tion soulevée au sujet du véritable nom du diplomate belge
doit être considérée comme résolue.
Nous venons de voir que le 21 avril 1526, Scepperus
se trouvait à Anvers. Une série de lettres conservées aux
archives de cette ville permet en quelque sorte d'indiquer
les étapes du voyage qu'à cette époque il fit en Espagne.
Le 5 mai, il fut à Malines; le 28 du même mois on le
retrouve à Paris, d'où il adressa au pensionnaire d'Anvers,
Adrien Herbouts, une lettre que nous croyons devoir
reproduire, puisqu'elle contient quelques renseignements
concernant les affaires politiques qui, à cette époque, agi-
taient l'Europe.
Clarissimo Domino Hadriano Herboo, Penslonario oppidi
Antverpiensis , nieo tanquam fratri charissimo.
S. Honorabiliset magnifiée Domine. Postexhibitionem obse-
quiorum meorum XXVII" die mensis Maii, Lutetiam adveni
salvus et incolumis; inde recta iturus in llyspanias et cnraUi-
rus négocia vestra. Quod ad res novas pcrlinet, Rex Francns
( 608 )
adlîuc agit in Vasconibiis Congiaci. Ad hune venit Hugo a
Moncada cum prorege neapolitano. Hic aiunt bellum futurum,
quod omen ulinam falsura sit. Sane negant ducatum Bur-
gundiae restiiutum iri; scd oninia adhuc dubia sunt. Mirum
quod animavcrint hos homines Angli quos profecto arbilrantur
parlibus suis nentiquam defuluros. Scribam ad D. tuam fré-
quenter ex itinere; interea eadeni me Magistratui eonimen-
dabit audactcrque pollicebilur me nihil operae praetermissu-
rum esseinobeundis earum rerum negociisquasmihicommisit.
Lutetiae Parisiorum XXVIII" die mensis Maii,annoM.D. XXVI*.
Tuus ex animo.
Cornélius Duplicius Scepperus.
Le 28 septembre Scepperus était à Grenade; il y était
encore le 7 décembre. Le 5 des calendes de juillet (o juil-
let) de l'année suivante, il était à Gênes, ville d'où il
adressa à Herbouts la lettre que voici :
Ornatissimo viro D. Hadriano Hylherio , oppidi Antverpien-
sis PensionariOj amico tanquam fratri syncere dilecto,
S. ORNATISSIME VIR ,
Jam toties scripsi ad te, ut pudeat iterum reiterare; si qui-
dem nihil unquam a te litlerarum accepi — id quod non reor
culpa tua usu venisse, sed ipsorum vel nebulonum quibus nego-
ciura id commissum fuit — ego lum ex parte mea nihil praeter-
misi quod ad splendorem vestrum attinet; cujus rei,cura
meliorem adducere nequeam, lestem habeo Dominum supre-
mum Cancellarium.
Forsitan neque omnino ignoramus quid vos ab ollicio aver-
icrit. Quod qualecumque est, isque qualiscumque est, sane
vos viros, ut reor, non bonos modo, sed et jirudentes decipere
( 609 )
aut avcrtcrc non clcbuit. Quicqiiid id est, ego sanc non desi-
nam, quacumqiie in parte de vobis bene mereri. Supremus
Dominus Cancellarius atquc ego hcri Genuam applicuimus,
conflictu habito in mari cuni sedccira triremibus francicis,
pugnaviniusque boris septem, cum solum très nobis trirèmes
adessent, cum myoparone uno quem .Bergantinum vocant;
sed hune, cum triginta viris, Galli ex nobis cepere. Nos vero
sani evasimus, paucis ex nobis vuhieratis, pervenirausque in
portum sinum qui ditionisest Genuensium, ab coque postritlie
profeeti, niissis ad nos sex aliis triremibus a duce Genuensium,
Illustri Antonio Jo. Adurno, Genuam pervenimus incolumes.
Id quod ideo tibi significare volui, ut si quid sit quod in rem
vestram efïicere queam, vobis persuadere possilis nibilo me
permotum esse diulurno vestro silentio; id quod nuilius alte-
rius rei gralia scribo quam ut testimonium euloginmque hoc
apud te reliaquam studii mei atquc benevolentiaeerga vos. Cni
tamelsi ne litteris quidem respondere dignali estis, nolui tum
ego ofïicio meo déesse. Bene vnic. Ex Genua, V Kalendas Julias
anno Domini M.D. XXVII».
Tuus ut solet,
Cornélius Dupl. Scepperus, eques, etc.
Dans leur Mémoire sur les missions diplomatiques de
Corneille Duplicius de Schepper, inséré dans le tome XXX
des Mémoires de l'Acadé-uie royale des sciences, des let-
tres ET des beaux-arts DE BELGIQUE, MM. le baroH
J. de Sainl-Genois et (i. A Yssel de Schepper attribuent
au confident de Charles-Quint un rôle de conciliateur dans
les affaires religieuses de celte époque. Ils assurent
qu'avant de rédiger la fameuse confession d'Augsbourg,
Melanchton avait eu une conférence préalable avec lui et
Valdez, un autre secrétaire de Tempereur, qui, tous de\^x
attachaient une grande importance à son opinion.
( 6i0 )
Les savants auteurs que nous venons de citer, semblent
ignorer que vers cette époque, le 17 avril 1530, l'empe-
reur Charles-Quint, par lettres datées de Mantoue, confia
à Scepperus les fonctions de commissaire suprême pour
la poursuite des soi-disant nouveaux chrétiens ou Juifs
baptisés de Portugal ,* accusés d'apostasie , d'intelligence
avec les Turcs ennemis de l'empereur, et, par suite, du
crime de lèse-majesté. Le diplôme était contre-signe par
le même Valdez auquel MM. de Saint-Génois et Yssel de
Schepper ont fait allusion.
De par l'empereur, Scepperus avait le privilège de
nommer un nombre indéfini de sous-commissaires. Le
19 juillet 1530, par acte notarié passé à Augsbourg, il
institua Jean Vuystinck d'Utrecht, comme sous-délégué
pour les Pays-Bas. Nos dépôts publics contiennent de
nombreux dossiers relatifs aux poursuites souvent arbi-
traires dirigées par ces délégués contre les principaux
négociants établis en nos contrées, poursuites qui se
terminaient ordinairement par la mise à la rançon des
accusés. Nous ferons connaître dans le Bulletin des Ar-
chives d'Anvers y l'opposition du magistrat de cette ville à
ces juges extraordinaires, qui prétendaient que les privi-
lèges de la commune ne devaient pas être respectés, puis-
que le crime de « judaïser » n'était pas prévu dans la
Joyeuse entrée des ducs de Bradant j et devait consé-
quemment être jugé, non point par nos échevins, mais
par des commissaires spéciaux envoyés par l'empereur (1).
Pour le moment nous transcrivons en entier les actes
concernant les nominations de Scepperus et de Vuystinck ,
ces pièces présentant un intérêt exceptionnel, tant pour la
(1) Extrail d'une requèle du magistrat d'Anvers à l'empereur.
( 611 )
biographie du secrétaire de Charles V que pour l'histoire
de notre pays (1) :
De commissie van Scepperus aengaende de nieuive kerstenm
comende van Portugal ende van die die lien souden willen
transporteven in Turckyen.
\s ivoMiiVE DoMiNi Amex. Novcriiit unîversi hoc praesens pn-
bliciim instrumentum visuri, lecluri seu audiluri, quod anno
n Nalivitate Ejusdem millesimo quingentesimo Iricesirao, in-
dictione lercia, die niensis JuHi décima nona,hora circiter uii-
decimam anle meridiem, pontificatus Sanclissimi in Christo
Patris et Domini Domini Nostri Cleinenlis, Divina Providentia
Papae septimi anno septimo, in mci Notarii publici testium-
que infrascriptonim, ad hoc speciaUter vocatoruni et rogalo-
riini, praesencia, personahler constitutus magnificiis et spec-
labilis Dominus Cornélius Duplicius Scepperus, Eques auratus,
Sacralissimique et Potentissimi Principis et Domini Domini
Caroli, ejus nominis quinti, Divina favente clemencia Romano-
l'um Imperatoris semper Aiigusti, Germaniae, Hispaniarum,
ulriusque Sicilliae, Jherusalem, etc. Régis, Archiducis Aus-
Iriae, Ducis Bourgundiae et Galliae Belgicae Domini, etc , Cle-
mentissimi Domini Nostri Consiliarius et Secretarius, habuit
et lenuit in suis manibus unum qnoddam mandatum in per-
gameno conscriptum,manu praefati Sacratissimi Caesaris signa-
tnm, et ejusdem Sacratissimae Majeslalis sigillo Imperii ex cera
rubra, in capsulam cerae flavae impresso, dependente, sigilla-
tum, cujus quidem mandati ténor sequitur et est talis :
« Carolus quintus, Augustus, Divina favente clemencia,
Romanorum Imperalor, ac Germaniae, Hispaniarum, utriusque
(1) Fail remarquable, à l'époque où l'empereur Charles V signa cet
éclil contre les nouveaux chrétiens, le pape Clémenl VII, par l'intermé-
diaire (le son légal, le cardinal Benoit de Accollis, admit dans ses Élats les
Juifs, les Turcs et tous les peuples orientaux.
( 612 )
Sicilliae, Hierusalem, iiisularum Baiearium Fortunatarumque
et noyi orbis Indiarum, etc. Rex, Arcliidux Aus(riac,Diix Biir-
gundiae et Galliae Belgicac Dominus, etc. Cum audiaiiius quani
plures Cristiariam religionera simulantes Cristianosque sub
Cristiana specie atque habitu decipientes, parliiii, collectis
rébus suis omnibus atque etiam alienis,fugam in Orientem et
ad Turcarum aliorumque boslium Cristianae fidei dominia et
terras parare, partim, occasionem commodiorem lemporis ex-
pectantes, in dominiis terrisque lam Imperii (juani Galliae Bel-
gicac Germaniaeque heredilariis Noslris dcgere,alios etiam ad
frequenlanda comraercia et coëmenda quae eis ex usu viden-
tur, quaeque poslca transmiltant vcl secum ferant, ad eadeni
dominia jNostra fréquenter commigrare, subditos Xostros deci-
pientes, facultatibus spoliare bisque bostes fidei Nostrae et Nos-
iros clandestine et apcrte eliam juvare, quo sic melius ipsi
tandem ad dictas terras boslium Cristianae fidei et Noslros
commigrare cl se cum suis omnibus conferre possint, prout
multi eorum jam fccerunt niercatore , etiam qujosdam arma
offensiva ad cosdem Turcas secreto mittere, nostraque intersit
in hujusmodi mentitos Christianos mercatore^que, qui arma
offensiva transmittunt, animadvertere cosque meritis poenis
aflicere et punire, probibereque ne Nostram ditionem ac sub-
ditos facultatibus spolient bisque bostes Nostros juvent, de
fide, industria atque dexleritale spectabilis, fidclis, 'Sohïs di-
lecti CoRNELii DuPLicii ScEPPERi. Consiliarii et Secretarii Noslri
plurimum confisi, eumdem Commissarium Nostrum ad eam
rem elegimus , crcavimus ac deputavimus, ac tenore praesen-
tium eligimus, crcamus ac dcputamus, cum facullale ac poles-
tate uninn vel plures Commissarium vel Commissarios ido-
neos,tamen iihi ipse personaliter his exeqtiendis {nteressc
nequiveril, loco sui suhstiluendi, suhrogandi ac snbdelegandi,
qui similem aut alias limilatam habeant poUstaiem ut, vi ar
nomine Xoslro, et lanquam Xoster in hac parte Commissa-
rius aut Commissurii in quuscumque \oslrae ac Romani
Imperii ditionis ac dominiorum Nostrorum Galliae Belgicae
( 615 )
et Gcrwaniae partes se conférant , al(iiie hujusinodi inciilitos
ac siimiliitos Chrislianos, alios cliaiii inoi'calorcs arma offcnsiva
ad ïurcas mittcntcs eorumque incrccs ac hona mobilia et im-
mobilia, si qunc illos liahere coniii;(Mit et qiiacuinque ca fucrint,
iibivis i:çentiijiii repcrlos et reperta, capiaiit seii capi ne earceri-
bus detineri faciaiit, et oftîcialibus ae judicibus ordinariis loco-
riim in quibus capti luerint, Iradanl, ut, in cos sumniaric pro-
cedendo, processus forment, instruant, décidant et expeditam
justiciam , et, si casus id exigere videattir, causa cognita et
juslicia praevia etiam usque ad ultimum supplicium ethujus-
modi bonoruni con/iscalioneni procédant et procedi faciant,
atque alia omiiia et siiigula exequanlnr qiiae in pracniissis et
circa ()racmissa necessaria visa fuerint; mandantes et serio
praeeipienles quibuseiinique locum lenenlibus.Giibernatoribus
et Olïîeiariis Noslris, tani mediatis quam immediatis,seu eorimi
Jocum tenentibiis, in Romano Imperio et aliis dominiis ae pro-
vinciis Nostris lieredilariis, tam in Italia scilieet quam in Gal-
lia Belgiea et Germania, inslitutis vel inslituendis, quoeum-
que nomine nuneupatis et quavis fungantur dignilate, oflîcio
vel auctorilate, atque universiset singulis Principibus tam, ec-
elesiaslicis quam seeularibus, Ducibus,i\Iarcionibus, Comitibus,
Baronibus, Militibus, Capitaneis, Tribunalibus quoque genera-
libus et parlicuiaribus, Consiliariis, Regentibus, Potestatibus,
Burgimagistris, Consulibus ceterisque Magislralibus quarura-
cumque provinciarum, civitaturn, opj)idorum, Jocorum et ter-
rarum alque aliis quibutcumque Nostris et Romani Imperii
subditis, (juocumque nomine nuneupatis et cujuseuraque status,
dignitatis aut condilionis fuerint, ut quotiescumque ab ipso
CoRNELio, Conrmissario Nostro, aut a Commissariis ab eo siib-
delegandis aut deputandis, admoniti, et his litteris Nostris aut
earum auclenlico exemplari requisili fuerint, hujusmodi reos
eapiant, deliiieanl et arreslent scu capi, detineri et arreslari fa-
eiant ; videlicet tam personas eteorpora praefatorum ementito-
rum Cbrislianorum et ad Turcas iter parantium,ae eorum qui
melioremoccasionem eo conferendi se ex[;ectantes,inter Chris-
( 614)
tianos et subditos Nostros, sub habitu et spocie christiana, in
doiiiiniis Iraperii et Galliae Belgicae Gerraaniaeque, heredita-
riis Nostris, degunt vel degere comperti fuerint, aut ad ea do-
niinia, specie ut supra, coëmpturi res necessarias, occulte se
conferunt merca tores, etiam eos qui arma offensiva ad diclos
ïurcas transmittere comperti fuerint, quam bona, tam mobiiia
quam imraobilia, si quae illos habere contigeritet quaccumque
ea fuerint, et merces taliter deiinquentium subditosque Nos-
tros fraudanlium ; quas quidem merces et bona Nobis expositum
est illos sub falsis insigniis extrahere solitos, sarcinas etiam
niercatorum quorumcumque signissignatas, de quibus légitima
informatio erit, quod in eis praefalorum emenlitorum Cbristia-
norumbona contineantur, quae tam diu teneantur, donec con-
sliterit certo ad quos pertineant et quorum sint, utque etiam
illi mercatores,qui talia bona aliquando sub suis marcis et signis
foras misère aut mittere comperti sunt, desuper via juris re-
quirantur coganturque deponere et teslificari veritatem, quid et
quantum sciant, et bona. apud se deposita vel commissa, pan-
dere et in raanus judicum assignare, ubieumque inveniantur
et capi poterunt, et nullo pacto relaxent, donec de hujusmodi
dtlictis alque excessibus constito débite ministretur justicia,
declareturque quid de hujusmodi personis et bonis sic de-
lentis jure praevio sit statuendum et alias ab bis qui, ut prae-
mittitur,capientur, omnibus mediis legitimisetajure permissis
Veritas erualur et passim ab eis intelligatur, etiam per ques-
lionem, si justiciae et indiciorum qualitales id exigere videan-
lur, quid inter se dosignavcrint, quosque hujusmodi conspi-
rationis socios habuerint, qui ejus rei fuerint conseil et, bis
habitis, in alios quoque meritis poenis animadverli possit, bona
autem ita adjudicata serventur et custodiantur fideliler et in-
tègre, eodem in loco ubi sentencia contra illos prolata erit,
neque ad cujusque arbilrium aut voluntatem dimoveantur aut
distrahanlur, donec et quousque, alio Nostro mandato, quid de
illis fieri mandaverimus apparuerit. Et cum hoc, per universum
Romanuin Im})crium ac dominia Nostra hcredifarin Galliae Bel-
(615 )
gicae cl Germanicic vl Ilaliac, ut pracmilliliir, excqui debeanl,
volumus, decernimus et jnboimis ul liis litteris, vel carum auc-
tentico excmplari.ab omnibus et ubiquc parcatur et obediatur,
non obslantibus salvis-eonduclibus, indultis , litteris passagii
et quibuscumque aliis permissionibus, per ipsos falsos et enien-
titos Cristianos, sub Cbristianitatis colore, aut alios praedictos
(raudulenter, subrepticie et obreptive impelratis et quovis
praelextu ab eisdein allegato concessis, ac omnibus aliis in
contrarium facientibus, cessanlibus quibuscumque, quibus
omnibus et singulis, pro bac vice tantum, derogamus et de-
rogatum esse volumus, harum testimonio lilterarum, manu
Nostra subscriplarum et sigilli Noslri Caesarei appensione mu-
nitarura. Datum Mantuae, die XVIP mensis Aprilis, anno Do-
mini millesimo quingentesimo tricesimo, ImperiiNostri decimo,
aliorumque Regnorum decimo quinto.
(Signât mn)
Carolus.
El super plicam :
Ad mandatum Caesareae et Catholicae Màjestatis proprium.
Alph. Valdesius.
Et a tergo : Recepta. Obernburger.
Cujus quidem mandati sive commissionis vigore, praefatus
niagnificus Dominus Cornélius, ut Commissarius in bac parte
generalis, cum in omnibus se praesentem adesse, aut omnia ea
se praesentem obire quae in ipso raandalo continenlur, non
posse diceret, sibisubstituitacsubdelegavit, ac tenore praesen-
tium substituit ac subdelegat, cum poteslate per ipsum subdele-
gatumel subcommissarium etiam subdelegandi et subslituendi
unum vel plures, cum eadem poteslate, subcommissarium vel
subcommissarios, aut subdelegalum vel subdelegatos, si casus
id exigere videatur, in mei Notarii pnblici testiumque infra-
scriptorum praesentia, honestum virum Johannem Vuvstinck,
. ^ 610 )
(le Trajecto, tanqiiam suum in hae parle veruni-, legitiimim et
indubitatiim subcoinniissarium et subdelegatum , per totiini
Romanum Imperium et ubiqiie locoriiiii, prout in mandato
conlinetur; ita tamen quod sibi liberiiin relinqui petit alios
cadem potestate substitnere, iinmn vel plures, quorum subsli-
lutio cl subdelcgatio praesenti subslitutioni non derogelur,
reservans etiam sibi liberam revocalioneni quandocumque sibi
visum fueril vel cxpedire judicavcrit, in quos quidem subcom-
inissarios et subdelegatos suo ; cl eorum queinlil)et ])Otestatem
plenariam ea omnia et singula faciendi et exequendi, irans-
tulit et traiisfudit et, leiiore praesentium, transfert et trans-
l'undit, quani ipse vi praefati mandati sive commissionis a Sa-
eralissima Caesarea et Catboliea Majeslate accepit ; hoe tamen
caulo et expresso, quod, ubi primum ab iisdem snbcommissa-
riis et subdelegalis, aut eorum quolibet, aliquid realiter et
cum effeclu contra reos, nomine ut in mandato, altcntatum
vel exequulum fuerit, teneanlnr et obligenturadeum, tanquam
ad Commissarium in hae parte generalcm, actionuni suarum
rationes referre, eum(iue de omnibus et singulis suis actiscertio-
rcm reddere, voluntatemque et decretnm ipsius expectare,qua
tamen expectalionc non obstante, interea libère possint contra
caplos aut detentos, aut bona et merces, nomine ut supra
arreslatas, juridice proeedere seu procedi facere, etiam usquc
ad dilTinitivam sentenliam ; quibus omnibus ut supra eautis,
praefalum Joannem VuvsTinNCK prosuo vero, Icgiltimo et indu-
bilato subcommissario et subdelegato, cum potestate plenaria
omnia et singula exequendi, ut supra baberi petit, omnemque
ci fidem adbiberi, assistenliam favoiemque impendi quae sibi,
ut in hae parte Commissario generali, ex Sacralissimae Caesa-
reae Majestafis jussu et mandalo adhiberctur et impenderetur;
in eujus quidem subcommissionis, siibdelegationis et transfu-
sionis per eum in j;raefatam per.-onam factae fidcm, robur el
testimonium, praefatus magnificus Dominus Cornélius, Com-
missarius generalis, a me Xolario publico infrascriplo, tanquam
persona auctentica'et fide digna, rogavit, petiit et rcquisivit
(617)
uniim aut pliira, lot quoi forent nrccssarin, publicum scu pu-
blica cdi alqucconUci in-.lrunicnlum aut inslriinicnta.
Acla siint liacc Augustac Vindelicorum, in acdibus Jacobi
Rcylcnggcr, cjiis oppidi civis, anno, indiclione, mcnsc, die,
hora et |)ontiru'atu qiiil)iis siipra, pracsenlibus ibidem Matthia
SiMMERMAN, clerico Treverensis et Cu.vno (?) Algoet, clerico
Tornacensis diocesis, leslibus ad praemissa rogatis atque
requisilis.
Sic signatum :
Alexander Cii. W.
Sic subseriptum :
El quia ego Alexander .... (sic) ab Herborn, Treverensis
diocesis, supradictae Sacratissimae Caesarae et Catbolicae Ma-
jestatis Seeretarius ordinarius, pubh'cus Apostolica aucloritate
Notarius, praediclae substitulioni, subdelegalioni, poteslatis
dationi et reservationi, omnibusque aliis et singuiis, dum sic
fièrent et agerentur, una cum praenominatis testibus praesens
interfui eaque omnia et singula sic fieri vidi et audivi, ideo hoc
praesens publicum instrumentum, manu alterius fideliter
scriptum, evinde confeci et pubiicavi, signoque, noraine et
cognomine meis solitis et consuetis signavi et subscripsi, in
fidem et lestimoniuni omnium et singulorum praemissorura,
rogalus et requisitus.
Recogniliim cum originali instrumento per me
J. DE Keyser (1).
Corneille Diiplicius Scepperiis qui, comme nous l'avons
vu, était constamment en relation avec le magistrat d'An-
(I) Jean de Keyser remplissait, à cotte époque, les fonctions de secré-
taire d'ADver.ç.
( 618 )
vers, revint dans cette ville, vers 1556. D'après le témoi-
gnage de plusieurs auteurs, il y mourut le 28 mars de cette
année, âgé d'un peu plus de 52 ans.
M. Alphonse Le Roy donne lecture d'une notice biogra-
phique sur Adolphe Borgnet, membre de la classe, décédé
à Liège le 15 février dernier.
La classe vole des remercîments à M. Le Roy pour cette
lecture; elle décide, en même temps, l'impression de celle-
ci dans le prochain Annuaire de la compagnie. Cette notice
sera accompagnée du portrait du défunt.
Vu l'heure avancée, la continuation de la lecture de
M. Piot Sur la diplomatie concernant les affaires maritimes
des Pays-Bas vers le milieu du XVP siècle jusqu'à la trêve
de Vaiicelle, est remise à la séance du mois de décembre
qui aura lieu le lundi 6.
M. Alph. Rivier est également iuvscrit à l'ordre du jour
de cette séance pour une lecture portant pour titre : Les
méthodes au XVP siècle. Jean de Drosay,
( 619 )
CLASSE DES BEArX-ARTS.
Séance du 4 novembre 1875.
M. Alph. Balat, directeur.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Al vin, L. Gallait, J. Geefs,
C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Aug. Payen,
le chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Gust. De Man,
Ad. Siret, Julien Leclercq, Ernest Slingeneyer, Alex.
Robert, F.-A. Gevaert,Ad.Samuel,wïem6res;Éd.de Biefve,
correspondant.
M. Chalon, membre., et M. Ch. Piot, correspondant de la
classe des lettres, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. J.-P. Colfs, de Bruxelles, exprime par écrit le désir
de pouvoir disposer du grand vestibule des académies pour
y exposer une découverte archéologique relative à l'art
architectural.
La classe confirme la réponse faite déjà à ce sujet par
M. le secrétaire perpétuel à M. Colfs : « que l'Académie
ne se prononcera naturellement qu'après avoir pris cou-
( 620 )
naissance de la découverte de Tauleur, si celui-ci la lui
communique. »
M. le secrétaire perpétuel annonce que la commission
nommée pour examiner s'il y a lieu d'appliquer l'article 17
du nouveau règlement des grands concours au profit du
projet-copie de restauration du temple de Vesta à Rome,
par M. Dieltiens, s'est réunie le vendredi 29 octobre der-
nier, à 5 heures, au local de l'Académie.
La commission, après examen des quatre plans du pro-
jet-copie, a reconnu que cette œuvre rentre dans la caté-
gorie des travaux prescrits aux lauréats des grands concours
pendant leur séjour à l'étranger.
Elle a décidé, en même temps, qu'il y a lieu d'accorder
une rémunération à l'artiste; elle prend cette décision en
faisant ses réserves au sujet des idées de M. Dieltiens au
point de vue de la restauration du monument, et en consi-
dération du mérite et de la bonne exécution de son projet.
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1876.
La classe a arrêté de la manière suivante son pro-
gramme de concours pour l'année 1876 :
IS1IJET§> E,ITTÉ:nAIRES.
PREMIÈRE QUESTION.
Rechercher les origines de l'école musicale belge. Démon-
trer jusqu'à quel point les plus anciens maîtres de cette
( C2I )
école se rattachent aux décliantcurs français et anglais du
Xlt, du XIII et du XV siècle.
DEUXIÈME QUESTION.
Faire r/iistoire de la céramique au point de vue de l'art
dans nos provinces, depuis Vépociue romaine jusqu'au
XVIV siècle,
TROISIÈME QUESTION.
Faire l'histoire de l'école de gravure sous Rubens.
Donner un aperçu historique sur les édileurs des pro-
duits de cette école et sur l'exploitation commerciale con-
temporaine qui fut faite de ces gravures dans tous les pays.
QUATRIÈME QUESTION.
Déterminer les caractères de l'architecture flamande du
XVP et du XV ir siècle. Indiquer les édifices des Pays-
Bas dans lesquels ces caractères se rencontrent. Donner
l'analyse de ces édifices.
La valeur des médailles d'or, présentées comme prix
pour chacune de ces questions, est de mille /ra^îcs pour la
première et pour la quatrième, et de huit cents francs pour
la deuxième et pour la troisième.
Les mémoires envoyés en réponse à ces questions
doivent être lisiblement écrits et peuvent être rédigés en
français, en flamand ou en latin. Ils devront être adressés,
francs de port, avant le \'' juin 1876, à M. J. Liagre,
secrétaire perpétuel de l'Académie, place du Musée, 1.
Les auieurs ne mettront pas leur nom à leur ouvrage;
ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reproduiront dans
un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse.
2""^ SÉRIE, TOME XL. 40
[ 6n )
Faute par eux de satisfaire à cette formalité, le prix ne
pourra leur être accordé.
Les ouvrages remis après le terme prescrit, ou ceux dont
les auteurs se feront connaître de quelque manière que ce
soit, seront exclus du concours,
L'Académie demande la plus grande exactitude dans les
citations; elle exige, à cet effet, que les concurrents in-
diquent les éditions et les pages des ouvrages qui seront
mentionnés dans les travaux présentés à son jugement.
Les planches manuscrites seront seules admises.
L'Académie se réserve le droit de publier les travaux
couronnés.
Les auteurs des mémoires insérés dans les recueils
ont droit à recevoir cent exemplaires particuliers de leur
travail. Ils ont, en outre, la faculté de faire tirer des exem-
plaires supplémentaires en payant à l'imprimeur une indem-
nité de quatre centimes par feuille.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que
les manuscrits des mémoires soumis à son jugement
restent déposés dans ses archives comme étant devenus sa
propriété. Toutefois les auteurs peuvent en faire prendre
des copies à leurs frais , en s'ad ressaut, à cet effet, au secré-
taire perpétuel.
.«iirjETS D'AUT APPLIQUÉ.
MUSIQUE.
On demande la composition d'une messe solennelle^ à
quatre voix mixtes, pour le jour de Pâques, avec la prose
ViCTFMiE Paschali et l'offertoire du jour.
Le compositeur tâchera de ne pas dépasser la durée
normale du service religieux.
La messe devra être entièrement inédite.
(i^i.l )
ARCFIITECTIJRE.
L'Académie demande un projet de pont monumental, en
pierre, à placer sur un fleuve de iOO mètres de largeur.
Les concurrents pourront faire emploi de statues, de
niches, de galeries et d'arcs de triomphe.
Le projet comprendra les abords du pont, avec rampes
décorées conduisant au (leuve.
Les artistes produiront le plan, la coupe et l'élévation à
l'échelle de 1 centimètre pour i mètre.
Les partitions et les plans devront être remis au secré-
tariat de l'Académie avant le 1" septembre 1876.
Un prix de mille francs, attribué à chacun des sujets
précités, sera décerné à l'auteur de l'œuvre couronnée.
L'Académie n'acceptera que des travaux complètement
achevés, tant sous le rapport de l'exécution que du tracé
graphique.
Le manuscrit de la partition musicale et une reproduc-
tion du projet d'architecture deviendront la propriété de
l'Académie.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage;
ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reproduiront dans
un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse.
Faute par eux de satisfaire à cette formalité, le prix ne
pourra leur être accordé.
Les ouvrages remis après le terme prescrit, ou ceux
dont les auteurs se feront connaître de quelque manière
que ce soit, seront exclus du concours.
( 624 )
COAJMUNICATIONS ET LECTURES.
Particularités inédites concernant les œuvres musicales
de Gossec et de Philidor; par M. Cli. Piot, correspon-
dant de la classe des lettres.
Malgré les critiques amères, dirigées contre l'opéra par
le sire de Saint-Evremont et par Voltaire, ce genre de
spectacle, que défendait si vivement Dufresny, était com-
plètement à la mode dès le XYIP siècle. 11 en fallait par-
tout, peu importe le style, fût-il italien, français ou
allemand. L'Allemagne elle-même ne put résister au cou-
rant. Berlin, Manheim, Dresde, Dusseldorf et d'autres
grandes villes de l'empire germanique avaient des théâ-
tres d'opéras français.
Né en Italie pendant le XVP siècle, l'opéra passa en
France, de là aux Pays-Bas, où il fut pendant la seconde
moitié du XVHP, le principal amusement du public.
Bruxelles, comme la province , avait son opéra flamand
et son opéra français (1).
(1) Burney , The stat. of miisic, t. I, p. 152.
Les coridilioiis imposées aux sujelsaltachés à l'opéra flamand étaient plus
dures queceJles de la troupe française. Voici les obligations que Vitzthumh
voulut imposer à M'i"^ J. Borremans, chanleuse à l'opéra flamand : 1» 11
n'y a ni aura jamais dans l'opéra flamand aucun emploi déterminé; eu
conséquence chaque artiste devra renjplir les rôles qu'il lui assignera;
2o Personne ne pourra se dispenser de chanter dans les chœurs, ni de
paraître sur la scène française, toutes les fois qu'il en sera requis; ô» On
observera rigoureusement le costume prescrit par le directeur pour les
spectacles flamands et français (Lettre du 29 février 1776;.
( C2:; )
Le lliéàlre français de Bruxelles, fréquenté par le gou-
verneur général elsa cour, Pélite de l'aiislocratie du pays el
les hauts fonctionnaires de l'Etat, s'était acquis une grande
réputation à l'étranger. On le considérait généralement
comme une des principales scènes de l'Europe, après celle
de Paris. Burney constate que la salle était une des plus
élégantes au nord des Alpes (l). Par suite d'une bonne
entente, Compain , excellent chanteur, et Vilzthumb,
musicien célèbre, étaient parvenus à imprimer une direc-
tion convenable au goût des Bruxellois. Afin d'y parvenir
mieux encore, et dans le but de faire augmenter les re-
cettes, ils voulaient produire du nouveau.
Compain reçut, à cet effet, la mission d'aller à Paris
engager de bons chanteurs, d'y acheter les partitions des
opéras d'élite et les meilleures comédies à la mode. Pen-
dant son séjour en cette ville, il eut une correspondance
très-suivie avec Franck , secrétaire attaché à la personne
du prince de Starhemberg, ministre plénipotentiaire de
l'impératrice-reine aux Pays-Bas autrichiens, et spéciale-
ment chargé de surveiller le théâtre.
Nous avons puisé dans celte correspondance et dans
celle qu'il eut avec Vitzthumb un grand nombre de ren-
seignements concernant les compositeurs d'opéras établis
dans la capitale de la France et des pièces représentées
aux théâtres de cette ville. Dans cette notice nous parle-
rons seulement de Gossec el de Philidor.
Au mois de février 1774 Compain était à Paris fure-
tant partout, liant connaissance avec les artistes les plus
distingués et les compositeurs les plus en vogue. Précisé-
(1) Burney, /. c, p. 22
( m )
ment à son arrivée on donnait à l'opéra la première repré-
sentation (22 février 1774), d'nne œuvre nouvelle de
Gossec, compositeur célèbre établi à Paris et né à Ver-
gnies, commune appartenant actuellement à la Belgique-
C'était son grand opéra intitulé Sabiniis. Compain assista
à cette représentation et admira le style vigoureux et puis-
sant du créateur de la symphonie en France. Par l'intro-
duction d'instruments non encore employés dans l'orches-
tration , Gossec parvint plus tard à modilier complètement
la musique de l'opéra. De l'avis de Compain, la partition
de Sabinus était délicieuse; mais le libretto était détes-
table, sans liaison aucune. « Il n'a pas, conlinue-t-il, le
» sens commun. De sorte que cet opéra ne fera pas à
» M. Gossec tout l'honneur qu'il mérite. » Le corres-
pondant de Franck admirait les ballets et les costumes de
la pièce et particulièrement la mise en scène du troisième
acte. Quant aux acteurs, ils laissaient, selon lui, beau-
coup à désirer. Nous le comprenons. Au lieu de chanter,
les artistes criaient à tue-tète , pensant par ce moyen pro-
duire un grand elfet et dominer complètement l'orchestre.
A cette époque c'était une manie générale , dont nous
rendrons compte dans la suite.
Le peu de mots écrits par Compain au sujet de Sabinus
suffisaient pour exciter l'enthousiasme de Vitzthumb. Il
voulait absolument faire la connaissance de la partition
de cet opéra , se souciant très-peu de la médiocrité du
poème. De la Place, poète et écrivain français, qualifié par
Quérard de fécond et des plus médiocres du XVIU' siècle,
était à cette époque le factotum littéraire de la scène de
Bruxelles. Il s'était engagé à introduire dans le libretto
de Sabinus les changements jugés nécessaires par Vitz-
thumb, grand amateur de modifications dans les poèmes
et la musique des opéras qu'il dirigeait.
( 627 )
Loin (le partager cet enlhousiasme , Compain jugea la
pièce peu convenable pour la scène de Bruxelles, malgré
le mérite incontestable de la partition. « Quelque belle
» que soit la musique de cet opéra, dit-il, il ne nous
» produira rien. iMais j'attends que M. Gossec, ainsi qu'il
j> me l'a promis, m'indique un jour pour aller chez lui le
I prier de nous vendre les opéras non joués ou non
p gravés qu'il peut avoir en son portefeuille (1). » Vitz-
thumb insistait. Mais l'opéra n'était pas gravé, et Gossec
avait annoncé à Compain qu'à l'avenir le burin ne repro-
duirait plus ses œuvres, si ce n'est par souscription. On
avait aussi supprimé à Paris un des actes. Au lieu de cinq
il n'y en avait plus que quatre. C'est en effet, selon les
biographes de Gossec, un opéra en trois ou quatre actes.
Le cinquième leur semble inconnu. « Je vous préviens,
» ajoutait Compain en faisant part de cette suppression,
» qu'il n'y a ni queue, ni tète à présent. Je vous envoie
» le poëme dont M. Gossec m'a fait cadeau et tel qu'il a
» été joué chez le roi. » Toutes ces objections tombaient
devant la volonté de Yitzthumb. Il voulait posséder la
partition primitive de Sabinus.
Cependant la pièce n'a jamais paru sur la scène de
Bruxelles, si nous devons nous en rapporter exclusive-
ment au Calalofjue des pièces qu'il est permis de repré-
senter sur les théâtres des Pays-Bas autrichiens jusqu'à
ce jour 12 avril 1788.
Pendant qu'il s'opposait de tout son pouvoir à l'acqui-
sition de Sabinus, Compain proposait celle de Périgourdin,
opéra burlesque en un acte , composé par Gossec pour le
(1) Lellre adressée à Franck le 5 mars 1774.
( 628 )
prince de Conti , qui l'avait nommé son directeur de mu-
sique, et joué seulement chez lui. Cette pièce, dont
Hédouin (1), un des biographes les plus consciencieux de
Gossec, ne fait pas mention, était sur le point d'être
représentée aux Italiens, lorsqu'au moment de la répé-
tition une difficulté obligea le compositeur à la retirer.
« Il veut, dit Compain, nous en rendre propriétaire
» moyennant 40 louis d'or. Je l'ai prié d'attendre que
» j'eusse consulté M. Vitzthumb. Ayez la bonté de m'en-
» voyer des instructions à cet égard. Il voulait 50 louis.
» Je l'ai prié de nous traiter en gens à talents. Et il m'a
» dit que sa prétention seroit de 40 louis. Ainsi c'est à
» prendre ou à laisser (2). » Ce prix paraissait encore
trop élevé, et le projet -de monter le Périgourdin fut aban-
donné comme celui de représenter Sabiniis. La fille de
Compain, qui avait assisté à la représentation de la pre-
mière de ces pièces, l'avait déclarée mauvaise (3).
Il fallait cependant du neuf.
A cet effet les directeurs du spectacle de Bruxelles
s'entendirent avec un poète français , nommé Plein-
chesne, ancien capitaine d'infanterie, dont le véritable
nom était Roger-Timolhée Regnard de Pleinchesne. Ce
personnage, sur lequel Quérard fournit des renseigne-
ments très-incomplets, était auteur de quelques pièces
dramatiques (4). A Paris il suivait les théâtres, où il jii-
(1) Hédouin, Mosaïque, peintres^ musiciens^ littérateurs , artistes
dramatiques.
(2) Lettre du 9 mars 1774.
(5) Lettre de Compain à Franck du 14 mars 1774.
(4) France littéraire, t. VII, p. 200, où se trouve une liste de ses
œuvres, qui peut être complétée au moyen de la correspondance que nous
avons sous les yeux. Celle-ci mentionne : 1» Le malentendu , comédie
( 629 )
geait les partitions et les poëmes avec une certaine pré-
tention. Comment était-il entré en relation avec les direc-
teurs de la scène de Bruxelles? Nous l'ignorons. Ce fut
sans doute par suite de la rencontre qu'il avait faite de
Compain, dans l'un des salons de Paris. Il fit pour notre
théâtre une pièce intitulée Bcrthe, comédie héroï-pasto-
rale en trois actes et en vers, mêlée d'ariettes. Le librctto,
imprimé à Bruxelles en 1774, indique Philidor et Gossec
à litre d'auteurs de la musique. Ce qui n'est pas tout à fait
exact; nous le ferons voir plus loin.
Cet opéra, dont nous n'avons pas pu trouver la parti-
tion, n'est indiqué nulle part par les biographes de ces
deux artistes. Le sujet en a été emprunté au roman de
Berte ans grans pies, composé par un Belge, Adenès Li
Rois, après l'année 1275 (1). Aussi peu historien que
poète, Pleinchesne fait remonter, dans son Avant-Propos,
ce poème au XI*" siècle. Il fut composé, ajoute-t-il, par
un nommé Leroy d'Adenaise et dédié à Jean Tristan,
troisième fils du roi Saint-Louis, mort à Tunis en 1270.
Ces contradictions de dates ne lui semblaient nullement
choquantes. Elles ne le gênaient en aucune façon dans la
préface.
française clans le genre italien en 5 actes, jouée à la comédie italienne;
2° La vérité, comédie en deux actes, écrite à la louange du roi et de
la reine; S» Le prince Tiri, id., 4° Le fanfaron, id. ; 5" Le B tiré,
opéra comique, sujet emprunté au comte Menom par Voltaire; 6° L'épreuve
de Maricoux, opéra comique; 7° L'heureux engagement, opéra co-
mique en un acte; 8° Le bon médecin, opéra comique en 5 actes (Lettre
du 23 avril 1773, adressée par Pleinchesne à Vitzthumb).
(1) Voir à ce sujet notre Notice intitulée : Fragment d'un poème fla-
mand inédit, imité de Li romans de Berte aus grands pies (Bulletin
DE l'Académie royale de Belgique , 2^ série ).
( 650 )
Le libretlo, au débit froid et glacial , sans combinaisons
dramatiques, sans intrigue aucune, fut remis par l'auteur
à Gossec pour en faire la musique. Une comaiande sem-
blable ne devait guère flatter l'artiste. Il avait à faire à
un poëte, sur lequel Phiiidor avait prononcé condamna-
lion en le qualifiant d'homme sans ordre. Il devait s'inspi-
rer d'un poëme, sans poésie, parsemé de vers très-singu-
liers, comme par exemple les suivants :
Raimond, peut-on donner ce qui n'est pas à soi?
Pour vous parler votre langage ,
Des maux, dont je vous deuil, je sens le désarroi.
Tous deux même torture en ce tems nous partage.
Pleinchesne se plaignit, il est vrai, dans une lettre
adressée à Vitzlhumb (25 avril 1775) des changements
portés à son libretto. « Par le plus grand hasard du
» monde, dit-il, il m'est tombé entre les mains, en route,
» un imprimé de Berthe, daté de Bruxelles, que je n'ai
» pas reconnu pour être votre ouvrage, ni le mien. On y a
» tellement massacré, défiguré, anéanti à plaisir mon
» dialogue, dont on a si bien ôté toute chaleur et tout
» inlérest, qu'il m'a soulevé moi-même à sa lecture, et
)) que je ne peux pas croire que cette pièce, dans cet état,
» pût obtenir une seule représentation sur un théâtre,
D comme le vôtre. » Selon Yitzthnmb, la faute devait en
être rejetée sur la censure, dont les ciseaux l'avaient forcé
à faire des changements (i). Ce n'étaient pas les seuls.
L'auteur en introduisit à son tour, lorsque son travail
avait déjà été remis à Gossec. Toutes ces modifications
(1) Voir plus loin, dans les correspondances la lettre de Vitzthumb à
Pleinchesne du 11 mai 1775.
( 651 )
paraissent avoir singulièrement contrarié l'artiste. (îossec
traînait; il ne finissait pas l'ouvrage. Lorsque Pleinchesne
lui écrivit pour le [)rier d'achever la partition, Gossec vint
le trouver. « Vous connoissez, dit Pleinchesne, sa simpli-
» cité, son honnesleté et sa modestie, Il m'a l'ait observer
D qu'il était chargé de travaux; que ce qu'il avoit lait jadis
» dans Berlhe ne pouvoil pas servir; que la musique
» depuis ce temps avoit fait beaucoup et de très-grands
» progrès en France; que le genre étoit changé; que
» moi-mérne j'avois l'ait beaucoup de changements dans
» mes paroles; que le tems étoit trop court; et qu'il a eu
» beaucoup de peine à se rendre et à s'en charger. En tin
» à l'orce de le solliciter, je Fai déterminé, et vous trou-
» verez ci-joint sa soumission et les conditions qu'il y a
» mises (1). »
Quelques jours plus tard (22 août 1774) il écrivit de
nouveau à Compain. Selon lui Gossec, occupé à composer la
partition deBerthe, avait envie de se rendre à Bruxelles,
où il se proposait de l'aire exécuter dans l'église Sainte-
Gudule, au 2 novembre, jour des Trépassés, sa célèbre
(1) Lettre du 18 août 1774. Voici ces conditions écrites pour Plein-
chesne et signées de la main de Gossec :
Je soussigné, m'engage et promets à MM. les directeurs du spectacle de
Bruxelles, de mettre en musique le poëme de Topera de Berthe , paroles
de M. Pleinchesne, moyennant la somme de douze cent livres, dont
600 livres me seront paies sur-le-champ à la réception du présent enga-
gement, sans compter mes frais de voyage, si je suis nécessaire pour
l'exécution de la pièce; me réservant la propriété totale de ma musique
tant pour la gravure, que pour le parti que je pourrai en tirer vis-à-vis de
tout autre spectacle que celui de Bruxelles. Je m'engage de plus à fournir
la partition entière, et les parties simples et les rôles à part, le tout d'ici
au premier octobre. Fait et convenu avec M. Pleinchesne, chargé de ce
traité par MM. les directeurs de Bruxelles. — A Paris 17 aoust 1774.
Gossec.
( 632 )
messe de Requiem. « Je suis même occupé , ajoute-t-il , à
j> déterminer mon ami Richer, que vous connaissez cer-
» tainement et qui sans contredit est l'homme du royaume
» qui chante le mieux, à être des nôtres à faire ce voyage
» pour chanter son rôle (sic) dans la messe de Gossec,
» pour venir à nos répétitions, pour donner quelques
» leçons à vos chanteurs dans leur rôle de Rerthe, enfin
» pour donner, lui-même avec Gossec, quelque concert
D de bénéfice, qui le dédommage de son déplacement. »
Aucun de ces heaux projets ne devait se réaliser. Plein-
chesne écrivit le 28 août 1774 : Gossec m'est venu dire
« que l'ouvrage était plus considérable qu'il ne l'avait
j) cru, et qu'il étoit tellement surchargé d'autre besoigne
» àne pouvoir terminer son travail au jour convenu. » Le
poëte engogea finalement Gossec à continuer la partition,
en lui proposant d'en charger un second compositeur, de
diminuer le nombre des morceaux et de les abréger. A cet
effet il frappa à toutes les portes. « J'ai fait, dit-il , des pas,
ï> des démarches, des suppliques vis-à-vis des trois ou
» quatre de nos amphions (sic) qui tous ont fait les diffi-
» ciles et les renchéris, me demandant des sommes. Enfin
î> par un chef-d'œuvre de mon génie et de mon bon génie,
» je suis parvenu à faire exécuter cette entreprise par
» Gossec et notre ami Philidor, que j'ai accroché, ser-
» moné , persuadé, piqué d'honneur, et enfin mis à la
» besoigne, Dieu merci! le tout conformément à la sou-
j) mission que je vous ai envoyée de Gossec, qui dans la
» vérité n'est pas chère. Ils sont convenus de partager
» les 25 louis, que Gossec vous a demandés d'avance ,
» qu'il attend et qui , probablement sont en chemin.
» En un mot ils mettent en communauté tous les béné-
» fices et toutes les charges. J'ai réduit les morceaux de
» musique à 18. Chacun en a pris 9, le morceau d'en-
( 655 )
i> semble et cinq ariettes. Gossec ne me paroît pas aussi
» anlhousiasmé de cette association que Pliilidor et moi. »
A la réception de cetle nouvelle combinaison , les direc-
teurs du théâtre de Bruxelles demeurèrent aussi froids
que Gossec. Jls comprenaient, sans doute, ce qu'il y avait
de singulier dans la position de deux compositeurs ayant
chacun leur style et travaillant ensemble à un même
opéra. A peine répondirent-ils aux lettres si pressantes et
si nombreuses de Pleinchesne. Ils ne s'adressèrent pas
même, par écrit, aux deux compositeurs, pour ratifier la
convention, les remercier ou les engager au travail. La
f)ièce était destinée à embellir la fête du 12 décembre,
anniversaire de la naissance du prince Charles de Lorraine,
et jour de Gala à la cour. Cette fête devait être célébrée
en 1774 avec plus d'éclat que d'habitude, à cause du
séjour de l'archiduc Maximilien à Bruxelles. D'après le
programme les deux princes assisteraient à la messe ; en-
suite ils recevraient les compliments des ministres et de
l'aristocratie. Puis ils iraient dîner chez le ministre pléni-
potentiaire, se rendraient au spectacle du grand théâtre,
à l'issue duquel ils iraient souper chez le comte de Mas-
laing, grand écuyer de la cour. Tout le monde comptait
sur Berlhe pour la solennité. Le jour tant désiré appro-
chait et rien n'était prêt pour l'opéra. Philidor, atteint
d'un accès de goutte, n'avait pas pu travailler. Dès le
mois de juillet il avait proposé de remettre le libretto
à Blanchi, compositeur de mérite, qui se serait fait un
plaisir d'y travailler (i). De son côté, Gossec, peu disposé
à se sacrifier, ne fit pas grand'chose, et songea à se faire
aider par un tiers dans la composition.
(1) Lettre du 50 juillet 1774.
( (oU )
« Ils ont pris, dit Pieinchesne, un musicien pour aide,
B qui est un jeune homme plein de zèle, de talents et de
» docilité. Il joint à ces qualités essentielles celle d'être
» aimable, d'avoir une jolie figure et dans le fait une
» basse-taille fort agréable. » Ce jeune compositeur était
Bolson , artiste sur lequel nous n'avons pu recueillir
aucun détail dans les biographies des musiciens. De l'aveu
de Gossec il avait fait le tiers de la partition (1).
Celle-ci parvint successivement par fragments aux direc-
teurs du théâtre de Bruxelles. A la fin de décembre elle
n'était pas encore complète. Rien n'avançait. Impatients de
ces retards, les directeurs de la scène de Bruxelles firent
prendre des informations. Le Fuel de Méricourt, auteur
dramatique et rédacteur du Nouveau spectateur, leur fit
connaître les causes jusqu'ici impénétrables de cette len-
teur. Pieinchesne ayant touché, chez l'abbé Niccoli,les
sommes dues aux compositeurs, en avait complètement
perdu mémoire, malheur assez fréquent chez les poètes
parisiens de cette époque. Selon de Méricourt , Gossec se
plaignait de n'avoir rien reçu, pas même de lettre, et
faisait prier Vitzlhumb de distinguer sa musique de celle
de Botson (27 décembre 1774).
La lettre de Méricourt fut une révélation pour Yitz-
thumb. Sans retard il en écrivit à Gossec et à Philidor
pour leur faire ses excuses et leur dénoncer la mauvaise
foi de Pieinchesne (5 janvier 1775). A Gossec il recom-
manda de vouloir engager Philidor à terminer l'ouverture
de Berthe, au sujet de laquelle il lui écrirait après la
première représentation « pour vous complimenter ainsi
» que M. Philidor sur la musique, que j'ai trouvée char-
(1) Lettre du 19 janvier 1775.
( 655
T> mante. » Dans sa réponse Philidor enlrelinl son cor-
respondant d'une pièce nouvelle, dont il avait fait la
musique, et intitulée les Wiémois ou les feintes in/ldé'
lifés. « Si, dit-il, la première représenta-tion se passe,
» selon mes désirs, je vous en enverrai une partition sur-
» le-champ aux conditions convenues entre M. Compain
» et moi. J'espère beaucoup de cette pièce, le poème étant
» à faire rire aux larmes et du bon faiseur, c'est-à-dire de
» Sodaine. Point d'embarras, tant pour les décorations
» que pour les comparses. Car il n y a que 6 acteurs en
» tout, et tous les rôles presque aussi bons les uns que
» les autres. Je vous réitère tous mes remercîments pour
D les soins et toutes les peines que vous voulez bien
j> prendre pour mes ouvrages et pour ma réputation
D (13 janvier 1775) (1). »
(I) Voici ce-que nous lisons dans une lettre de Le Fuel de Méricourt
adressée à Vitzthurnb du 21 au 30 mars i775 : on vient enfin de donner
aux Italiens les Rhémois sous le nom des Femmes vengées. J'ai eu l'hon-
neur de vous en parler, Monsieur; mais elle a eu encore un plus grand
succès que je me l'étais imaginé, et ce succès ne peut être momentané.
Sur le ihéâlre il n'est point de pièce plus gaie et d'un meilleur comique.
Tous les gens , même qui n'aiment pas M. Philidor, trouvent que c'est
un chef-d'œuvre, et qu'il n'existe point de musique plus chantante.
J'aurois désiré qu'il vous l'eùl envoyée. Mais il a été piqué de n'avoir
point reçu les 15 louis qui lui sont dus. 11 part demain pour l'Angleterre,
où il restera 5 à 6 mois, et à son retour il la fera graver. Je lui ai dit que
je vous écrirai et il m'a laissé le maître de vous la faire copier à ces
conditions :
Pour copie 2 louis 48 liv.
Pour le prix dont on est convenu ...... 240 —
El 15 louis qui lui sont dus 221 —
509 liv.
La pièce dure i heure et VV Si elle vous plaît , écrivez-moi un mot, et
je donnerai ce qu'il faut à W Philidor.
( 656 )
La réponse de Gossec fut plus intéressante. Il annonça
à Yitzthumb qu'il avait, il est vrai, renoncé à tous les
honoraires et comptait en faire cadeau à Pleinchesne, qui
s'en défendit beaucoup; mais certaines circonstances le
forçaient dans ce moment d'accepter la somme dont on
lui était redevable. Il finissait sa lettre en faisant connaître
à Yitzthumb les morceaux de Berthe, dont il avait com-
posé la musique. Ces morceaux sont les suivants :
i" L'ariette du 1" acte, scène 1 :
Dans la prière
Chaque malin.
2" L'ariette du même acte, scène VI
Onc des yeux on n'a vu
3° L'air du 2' acte , scène III :
Brillante aurore d'un beau jour ,
' Fleur de lys, perle d'Amour.
Primitivement le poème portait , comme l'assure Gossec
luisante aurore.
4° L'ariette du même acte , scène V :
Que j'admire
Le délire,
3° L'ariette du même acte, scène I :
Fils de Vénus , j'éprouve la puissance
Tous les morlels sonl faits
Pour élre les sujets
( 657 )
6° Le chœur du 5'' acte, scène I :
Nous n'avons qu'une âme,
Qu'une même flamme.
Les autres morceaux, dit-il dans sa lettre du 9 janvier
1775, ne lui appartiennent pas. Ceux-ci avaient été com-
posés soit par Philidor, soit par Botson. « J'ai reconnu ,
p répondit Vitzlhumb à Gossec, les vôtres et ceux de
» M. Philidor, comme un connoisseur connoît deux ta-
» bleaux, qui quoiqu'également bons, sont de maîtres
» différents. Et j'ai l'honneur de vous faire à tous deux
9 mes plus sincères remercîments (i). d
Ces lettres sont précieuses. Elles font connaître un
grand nombre de détails inédits concernant les œuvres et
la vie de Gossec et de Philidor. Elles font regretter l'im-
possibilité dans laquelle nous sommes de pouvoir étu-
dier la partition de Berlhe, qui permettrait peut-être de
distinguer le style de Philidor de celui de Botson, et d'in-
diquer les morceaux dus aux inspirations de l'un et de
l'autre de ces deux compositeurs.
Malgré l'absence de l'ouverture , la pièce fut représentée
la première fois au théâtre de Bruxelles, le 18 janvier
1775 (2), lendemain des fêtes qui eurent lieu à l'occasion
de l'inauguration de la statue élevée en l'honneur du
prince Charles en cette ville. « Toute la musique, disait
» Vitzthumb à Gossec, en a été trouvée charmante , et la
» pièce eût eu un succès achevé si le poème, que l'on a
D trouvé un peu froid, avoit été goûté de même. Je n'en
(1) Lettre du 2-4 janvier 1773.
(2) Lettre du 21 janvier 1773 de M. Vilzfhnmb à Gossec.
2"^ SÉRIE, TOME XL. 41
( 658 )
p augure cependant point mal pour cela, d'autant plus
» que les opéras qui plaisent le plus aujourd'hui, sont
» précisément ceux que l'on a le moins accueillis d'abord.
D D'ailleurs une première représentation n'est guères
» qu'une répétition générale... Je suis on ne peut plus
» content des morceaux de musique, dont vous êtes
» l'auteur, et ils ont été parfaitement accueillis du pu-
» blic, ainsi que ceux de Philidor. Il n'y en a pas un dans
j> toute la pièce qui n'ait pas été applaudi (1). »
Deux artistes remarquables, aimés du public et do
l'aristocratie, avaient singulièrement contribué au succès
(le la pièce. C'étaient : Compain, chargé du rôle de Rain-
Iroi, et M"' Angélique, chargée de celui de Berthe. Cette
chanteuse, qualifiée de belle Angélique dans une lettre
de Compain, était très en vogue, et avait été engagée vers
ce temps, par l'administration du théâtre de Bruxelles.
Compain la vitaux italiens, à Paris, où elle était accom-
pagnée du prince de Ligne, le grand seigneur le plus
galant de cette époque, et de M. de Marbais. Il commença
d'abord par faire la cour au prince. Puis il se présenta
chez elle. « J'y ai trouvé, dit-il , M. le chevalier Gluck, qui
» m'a promis de nous donner son Orphée. Je dois dîner
» avec lui ce jour-ci , et je ne manquerai pas de lui rappe-
» 1er sa promesse (2). »
^1) Lollrc (lu 2i janvier 1775 de W. ViUlliumb à Gossec.
(2) Lettre de Compain à Franck du o mars 1774.
Ang('rKiue était lille de Jean-Nicolas Servandoni d'Ilannetaire né à
Grenoble, mort à liruxelles en 1780 et auteur des: Observations sur
Cari du comédien. Ses trois filles, nommées Eugénie, Angélique et
étaient connues à IJruxelles sous le nom des Trois Grâces. C'est à Eugénie
que le prince de Eigne adressa ses Lettres sur les spectacles imprimées
en 1774, cl dont il disait : « Ce ne sont point des lettres d'amour, ma
( C59 )
Après les premières représentations de la pièce il
s'agissait de liquider les sommes dues aux compositeurs
et dont Pleinchesnc était resté en possession. Finalement
le poète s'exécuta. Gossec reconnut le payement de la
dette, et M"*' Philidor, chanteuse au concert spirituel, en
lit autant pendant l'absence de son mari en Angleterre.
Ce payement mit lin à la correspondance des directeurs
du théâtre de Bruxelles avec Gossec et Philidor. Vitz-
Ihumb se décida à ne plus faire paraître sur la scène que
des pièces reçues à Paris. Gossec lui écrivait encore une
lettre pour recommander des artistes français.
Nous reproduisons ici, à titre de pièces justificatives,
les lettres de Gossec, de Philidor et de Vitzlhumb.
Philidor à Compain.
Je vous envoyé, Monsieur, les deux opéras comiques du
Bon Fils et de iHuitre et les Plaideurs. Ce sont mes propres
originaux que je vous remets. Ils sont corrects, quoiqu'un
peu sales. Mais jaime mieux garder les manuscrits de mon
copiste , que j'aurai tout le tems de corriger. J'ai joint à la
chère Eugénie. L'Amour n'a point d'imprimeur. Il s'imprime lui-même
où il peut. » Voici ce qu'il dit d'Angélique : « Votre charmante sœur
fait l'ornement du speclacle. Les sons enchanteurs, sa méthode à pré-
sent et son goût lui attirent la plus brillante répulalion. Sa négligence
même a des grâces; et avec son air honnête et distingué, elle fait un
grand tort à toutes ces actrices, qui jouent, chantent el mâchent toul .
qui s'avancent avec la cadence du grand opéra, qui font des bras partout,
el qui ont l'air de ne chanter que pour le parterre.... La douleur d'Angé-
lique l'embellit encore s'il est possible ; et je l'aime autant désolée dans
Louise que très-gaie et malicieuse sans indécence dans Colombine,elc.
(Lettres à Eugénie, pp. U9 et suiv.) (Voir aussi dans VAnnuaire drama-
tique de ISiO l'arlicje intitulé : Établissement du spectacle français a
Bruxelles, p. 37.)
( 640 )
musique les deux pièces imprimées avec des notes nécessaires
pour l'exécution.
Quant au plaisir que j'aurois de vous donner à dîner,
prenez votre jour lorsque vous serai libre. Faite-le moi savoir
la veille , et le jour qui pourra vous convenir sera toujours le
mien.
J'ai l'honneur, etc.
Ad. Philidor.
Le mercredy 9 mars 1774.
Philidor à Compain.
Monsieur.
J'aurai l'honneur de vous attendre mercredi prochain pour
dinner avec moi, étant le jour qui vous convient. Nous cau-
serons sur le prix que vous m'offrez pour les changements
d'Ernelinde. Je ne puis accepter cinq louis; car il m'en coû-
tera une vintaine d'écus pour le copiste seulement, et il faudra
que je passe une journée pour marquer exactement les ren-
voys sur l'ancienne partition. J'en passerai par où vous vou-
drez; mais je compte sur votre équité.
J'ai l'honneur , etc.
Ad. PHiLmoR.
Ce 13 mars 1774.
Monsieur ,
Compain à Franck.
Paris, ce 22 mars 1774.
J'ai remis hier à M. l'abbé Nicolly Ernelinde et Acajou avec
une seconde brochure d'Ernelinde, sur laquelle il faudra que
M. Vitzthumb fasse recopier toutes les notes qui sont écrites
sur celle que M. Philidor m'a remise.... J'ai donné à M. Phi-
lidor 10 louis d'or. J'ai cru ne devoir pas marchander avec
( 64i )
lui, pour un louis de plus ou de moins. Je n'ai pas reçu de
réponse de M. Gosscc, sur la lettre que je lui ai écrite pour le
prier de nous proeurer la partition manuscrite de Sabinus et
celle du Périgourdin. J'y passerai demain, ou lui écrirai si jo
ne le trouve pas. Je n'ai pas trouvé M. Grétry chez lui hier.
J'y repasserai ce malin, et lui écrirai si je ne le rencontre
pas; car je voudrais bien emporter la Rosière avec moi....
J'ai diné hier chez M. Philidor avec M. Blanchi, italien,
compositeur de musique célèbre. Il m'a promis de nous donner
gratuitement la musique des Sabots, qu'il a faite; mais il
désireroit être témoin de l'exécution de cette pièce et que ce
fut quinze jours ou 3 semaines après Pâques. Je lui ai dit que
dès qu'il aurait envoyé à 31. Vitzthumb sa pièce, on la met-
troit à l'étude, et que quand elle seroit à peu près sçue, je
l'en informerois. Il n'exige d'autres dédommagements que
ceux des frais de son voyage. Cela n'est pas un objet bien
considérable. Quant à moi, je le logerai et le trailerai pendant
son séjour. M. Philidor viendra entendre la i" représentation
de son Ernelinde, et m'a prié de l'en prévenir quand on la
donnera. Il vient demain malin , avec M. Pleinchesne, me lire
la pièce dont je vous ai parlé, Monsieur, et qu'il se propose
de mettre en musique pour le Gala du prince. Je ne me flatte
pas d'avoir fait un voyage bien fructueux
Votre, etc.
COMPAIN DeSPIERRIÈRES.
A Paris, ce 27 juin 1774.
Philidor à Vitzthumb.
Monsieur ,
Je suis on ne peut pas plus sensible et plus reconnaissant
des témoignages d'estime et d'amitié, dont vous voulez bien
( 642 )
m'honorer. Je vais me mettre après la pièce de Berthe, puis-
qu'il me paroît que le poëme est jugé digne d'être représenté
sur votre théâtre.
Je ferai de mon mieux pour que vous puissiez être un peu
content de ma besoigne. Vous me ferai le plus grand plaisir,
Monsieur, de vouloir bien vous charger des danses, connais-
sant mieux que moi les sujets qui sont sous vos ordres, et
peut-être mieux que moi ce genre de musique. Je vous prie
d'assurer Monsieur Compain de toute mon amitié et de me
croire avec l'estime la plus distinguée,
Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur ,
Ad. Philidor.
Philidor à Pleinchesne.
Malgré tous les avantages, Monsieur, que j'avois à faire
votre ouvrage pour Bruxelles , je pense qu'il seroit très-pru-
dent de ne pas faire commencer à travailler aux décorations,
que je ne sois parfaitement certain d'être prêt. Je ne puis dé-
cider cette question que vers la fin du mois prochain. Cepen-
dant si vous avez des engagements à Bruxelles, qui vous
mettent dans l'impossibilité de reculer, je suis très-assuré que
Blanchi, qui est un musicien de mérite, se fcroit un plaisir
de faire un ouvrage qui pourroit lui être lucratif, et je me
ferois moi-même un véritable plaisir de vous faire causer en-
semble.
J'ai l'honneur, etc.
Ad. Philidor,
Ce 30 juillet 1774.
( m )
Vitzthuml) à Gosscc.
Du 5 janvier 1775.
Monsieur,
Je viens d'apprendre de M. Méricourt que vous n'avez pas
encore rien reçu des 000 liv. qui vous restoient dues confusé-
ment avec M. Philidor pour vos honoraires au sujet de la
musique de Berthe. J'en suis d'autant plus étonné, que cette
somme a été comptée par M. l'abbé de Nieolià M. PIcinchesne
aussitôt après que j'eus revu le 3*" acte de cette pièce, et ce
dernier auroit diî vous la payer il y a au moins 6 semaines.
M. Méricourt me mande que M. Pleinchesne a payé 288 liv.
à M. Philidor, qui probablement attend qu'il ait reçu le sur-
plus pour vous en donner avis et vous compter en même tems
ce qui vous en revient pour votre part. Je suis désespéré de ce
malentendu et vais à l'instant en écrire à M. Pleinchesne,
D'une manière ou de l'autre vous ne tarderez pas à élre satis-
lait de vos honoraires, ainsi que M. Philidor, à qui je viens
d'écrire à ce sujet. J'attends de jour en jour l'ouverture de
Berthe. Je vous prie, Monsieur, d'engager M. Philidor à y
travailler et à me l'envoyer incessamment, afin que je ne sois
point dans le cas de donner la pièce sans son ouverture. Je
compte là-dessus.
Pardon, Monsieur, si je ne vous ai point écrit à vous-même
depuis quelque tems. Mes grandes occupations en sont la
cause. Mais si M. Pleinchesne veut vous l'avouer, il n'est pas
de lettre qu'il n'ait reçue depuis trois mois, où je ne me suis
souvenu de vous et de M. Philidor, et où je ne vous assure
l'un et l'autre de mille amitiés. J'altendois, pour vous écrire, la
{"représentation de votre opéra pour vous complimenter,
ainsi que M. Philidor sur la musique, que j'ai trouvée char-
mante, et du succès de laquelle j'ose répondre. J'en suis on ne
( 644 }
peut plus satisfait, et vous remercie, Monsieur des soins que
vous avez bien voulu y donner.
Agréez, je vous prie. Monsieur, mes souhaits d'une heu-
reuse année.
J'ai l'honneur, etc.
ViTZTHUMB.
Vitzthumb à Philidor.
Du 5 janvier 1775.
Monsieur,
Je viens de recevoir une lettre de M. Méricourt, que j'avois
prié de passer chez vous afin de vous , engager à accélérer
l'ouverture de Bertlie; et je suis d'autant plus surpris que
vous n'ayez pas touché en entier les 600 livres que je m'étois
engagé à vous faire tenir pour parfait paiement de notre con-
vention, que celte somme a été comptée à Paris à M. Plein-
chesne immédiatement après que j'eus reçu le 5' acte de
Berthe. Je vous prie, Monsieur, de faire demander à M. Plein-
chesne pourquoi il ne vous a pas payé conformément à mes
instructions. Je lui écrirai moi-même incessamment, et d'une
manière ou de l'autre vous ne tarderez point à être satisfait.
J'espère que cet événement ne retardera point l'expédition de
l'ouverture de Berthe, que je vous prie de m'envoyer assez
tôt pour que je ne sois point dans le cas de donner la pièce
sans ouverture. Je compte sur vous, Monsieur, et j'espère
hien n'être pas trompé dans mon attente.
Pardonnez-moi si je ne vous ai pas écrit depuis quelque
tems.
Jai écrit plusieurs lettres à M. Plcinchesne et l'ai chargé
chaque fois de vous dire de ma part mille choses obligeantes.
Je ne doute pas qu'il ne l'ait fait.
Agréez , etc.
Ce n'est point par négligence, mais ouiie que mes occupa-
( 64d )
tions m'en ont laissé peu de loisir, c'est que j'attcndois pour
le faire une première représentation de votre opéra , afin de
vous complimenter en même tems sur le succès que j'ose m'en
promettre; car toute la musique en est charmante et tous les
morceaux d'ensemble travaillés avec un art et un goût admi-
rable. Je vous suis on ne peut plus reconnaissant de vos soins
ainsi qu'à M. Gossec, à qui j'écris par le même courrier.
De Paris ce 13 juin.
Monsieur.
Philidor à Vitzthumb.
De Paris, 13 janvier 1775.
Monsieur ,
Votre lettre m'a fait un sensible plaisir; car je vous avoue-
rai franchement que je croirois que e'éloit un oubli de votre
part de ne m avoir pas fait toucher les 600 liv. dont nous
étions convenus. C'est avec douleur que j'apprends avec cer-
titude l'abus de confiance de M. Pleinchesne, tant envers vous,
qu'envers moi. Il n'a cessé de me persécuter pour l'ouverture
de Berthe, en me promettant toujours de me satisfaire. Je le
crois dans rimpossibilité de pouvoir effectuer ses promesses,
n'ayant point assez d'ordre dans ses affaires. Ainsy , Monsieur,
je m'en remets à votre honnêteté pour que je ne perde pas le
fruit de mon travail. Je remettrai sous 2 ou 3 jours mon
ouverture chez M. l'abbé Nicoli, pour quïl vous la fasse tenir
au plus vite. La Fausse Magie est toujours retardée par la foible
santé de Clairval. Ce sera mon tour après pour les Rhémois ou
les Feintes Infidélités. Et si la 1'* représentation se passe
selon mes désirs, je vous enverrai une partition sur-le-champ
aux conditions convenues entre M. Compain et moi. J'espère
beaucoup de cette pièce, le poëme étant à faire rire aux
( 646 )
larmes, et du bon faiseur, c'est-à-dire de Sedaine. Point
d'embarras tant pour les décorations que pour les comparses.
Car il n'y a que 6 acteurs en tout, et tous les rôles presque
aussi bons les uns que les autres. Je vous réitère tous mes
remercîments pour les soins et toutes les peines qne vous
voulez bien prendre pour mes ouvrages et pour ma réputa-
tion. C'est avec toute la reconnoissance que j'ai l'honneur
d'être avec estime et considération.
Monsieur,
Votre très-humble serviteur,
Ad. Philidor.
P. S. Dans ma lettre j'oublie de vous marquer que j'ai
reçu de M. de Pleinchesne 12 louis qui font 288 liv. Reste à
payer 512.
Philidor à Vitzthumb.
Monsieur ,
Je viens de remettre à M. l'abbé Nicoli l'ouverture de
Bcrthe. Le courier qui doit partir demain 1 9 doit en être chargé.
Je désire sincèrement que vous puissiez en être content.
J'ai vu M. Gossec ces jours passés, qui me paroît aussi
inquiet que moi sur le payement de ce qui devoit nous reve-
nir. Toutes les apparences sont que M. de Pleinchesne a gardé
probablement l'argent qui nous éloit destiné. Ainsy , Mon-
sieur, nous nous en remettons à votre honnêteté pour nous
faire tenir ce qu'il doit nous revenir selon nos conventions.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Ad. Philidor.
Ce mercredy 18 janvier 1773.
( U7 )
Viizthumb à Pliilidor.
Du 2 1 janvier 1775.
Monsieur,
J'ai reçu, conformément à l'avis que vous m'en donnez par
voire lettre datée du 18 du courant, l'ouverture de Berthe,
que j'ai trouvée très-bien travaillée, de même que la pièce,
dont j'ai donné la V" représentation mercredi dernier. Elle a
eu quanta la musique tout le succès qu'elle mériloit , c'est-à-
dire infiniment , et celui que j'avois lieu d'en attendre, d'après
les soins que vous et M. Gossec vous êtes donnés. Le poëme a
paru un peu froid; mais on ne peut décider du sort d'une
pièce à la 1'^"' représentation, qui n'est proprement qu'une
répétition générale. J'en augure néanmoins d'autant mieux
pour la suite, que les pièces auxquelles on fait d'abord un
foible accueil , sont souvent celles qui dans la suite sont le
mieux goûtées.
Quant à vos honoraires , je vous prie, Monsieur, de n'avoir
aucune inquiétude. Je n'attends, pour prendre un parti à cet
égard, qu'une réponse de M. de Pleinchesne, à qui il ne m'a
pas été possible d'écrire jusqu'à présent. Je le fais raijourdhui,
et j'espère que sous peu de jours vous serez entièrement
satisfait.
J'ai rhonneur d'être,
Monsieur votre, etc.
ViTZTHUMB.
Gossec à Vitzthumb.
Paris, ce 19 janvier 1775.
Monsieur
Sitôt votre lettre reçue, j'ai vu Monsieur Philidor pour
l'engager de bâter l'ouverture de Berthe, que j'ai trouvée
avancée. En conséquence vous la rccevrés sous peu de jours.
{ 648 )
Il est bien vrai, Monsieur, que je n'ai rien touché des
600 livres, qui restoient à payer et pas même des GOO liv. du
premier payement qui fut fait d'avance, laquelle somme fut
distribuée à M. Philidor et à l'auteur d'un autre tiers de
Berthe. Et tout ce que j'avois à prétendre sur les arrange-
raens faits pour cette pièce m'est encore dû. Il est bien vrai
aussi que j'avois renoncé à tout , ne pouvant faire la pièce
entièrement, et que je complois faire présent de mon tiers à
M. Pleinchéne, qui s'en deffendit beaucoup , en m'assurant
qu'il vouloit s'acquiter envers moi, soit par un cadeau ou par
argent. Des circonstances m'obligent à présent d'accepter la
somme due. Et puisque vous voulés bien m'en procurer la
satisfaction, vous m'obligerés beaucoup. Monsieur, de me
la faire payer.
Je suis charmé que la musique de cette pièce vous plaise.
Comme M. Pleinchéne a fait faire une partition au net de mes
airs, je ne sais s'il les a intitulés de mon nom. Comme je
serois bien aise que vous sachiez, 3fonsieur, ce qui m'appar-
tient dans cette pièce, afin de recevoir votre approbation sur
les morceaux qui vous plairont et vos observations sur ceux
qui mériteront votre censure, voici ceux que j'ai faits :
1 Dans la prairie chaque matin. . . . Berthe.
2 One des yeux on a vu Balmon.
3 Luisante aurore Balmont.
4 Que j'admire le délire Rinfroi.
5 Fils de Vénus Pépin.
6 Nous n'avons qu'une âme Chœur.
Je vous prie. Monsieur, de me conserver une part dans
votre estime, et me croire avec la plus parfaite considération,
Monsieur ,
Votre très-humble et très-
obéissant serviteur,
GOSSEG.
( 649 )
Vitzthumb à Gossec.
Du 24 janvier 1778.
Monsieur,
J'ai l'honneur de vous remercier du soin que vous avez
bien voulu prendre d'engnger M. Philidor à accélérer l'ouver-
ture de Berlhe. Je l'ai reçue conformément à l'avis que vous
m'en donnez, mais pas assez tôt pour pouvoir l'exécuter à la
première représentation de la pièce, qui s'est faite le d 8 de ce
mois. Toute la musique en a été trouvée charmante, et la
pièce eût eu un succès achevé, si le poëme, que l'on a trouvé
un peu froid, avait été goûté de même. Je n'en augure cepen-
dant point mal pour cela, d'autant plus que les opéras qui
plaisent le plus aujourd'hui sont précisément ceux que l'on a
le moins accueillis d'abord. D'ailleurs une première repré-
sentation n'est guère qu'une répétition générale. Et je n'épar-
gnerai ni soins, ni peines pour lui donner le succès qu'il
mérite de votre part et de celle de M. Philidor. Je suis on ne
peut plus content des morceaux de musique dont vous êtes
l'auteur; et ils ont été parfaitement accueillis du public, ainsi
que ceux de M. Philidor. Il n'y en a pas un dans toute la pièce
qui n'ait été très-applaudi. J'ai reconnu les vôtres et ceux
de M. Philidor, comme un connoisseur connoît deux tableaux ,
qui quoiqu'également bons, sont de maîtres difîférents. Et j'ai
l'honneur de vous faire à tous deux mes plus sincères remer-
cîmens.
Quant au prix de notre convention, je n'attends qu'une
réponse de M. Pleinchesne pour prendre à cet égard les arran-
gemens convenables. Mes grandes occupations ne m'ayant
point permis jusqu'à présent de lui écrire, je viens de le faire
pour le menacer d'user envers lui de rigueur s'il différoit
davantage à se libérer de ce qui lui reste de 1200 livres qu'il
( 6S0 )
a touchées pour vous satisfaire, ainsi que M. Philidor de vos
honoraires à cause de la musique de Berthe, conformément à
la convention que vous ne tarderez pas à l'être incessamment.
J'ai l'honneur, etc.
ViTZTHUMB.
Gossec à Vitzthumb.
Paris, ce 11 février 1775.
Monsieur,
Ce n'est point au sujet de Berthe que j'ay l'honneur de vous
écrire, quoique nous n'ayons point vu ny entendu parler de
M. Pleinchesne.
C'est pour vous entretenir d'un sujet qui pouroit peut-être
vous convenir dans les rôles de caractères , c'est-à-dire ce que
nous appelions à Paris l'emploi de Cailleau. Il a une fort belle
voix basse- taille, une mémoire très-heureuse et beaucoup
d'adresse dans son jeu, très-bien de figure, gros papa de
bonne mine. Il a eu beaucoup de succès dans la province, où il
a été un an, et on l'a vu à Paris dans les théâtres de société
avec un très-grand plaisir. Et je ne doute point que s'il étoit
sous votre direction. Monsieur, seulement un an, vous en
fériés le plus grand sujet. C'est à un théâtre comme le
vôtre, Monsieur, qu'un acteur peut puiser des talents. Je
crois vraiment que celui-ci vous feroit honneur dans peu ,
attendu qu'il a la plus grande ardeur du travail. II est homme
de bien, on ne peut pas plus rangé, ayant une petite fortune,
dont il avait placé une partie dans le commerce. Souvent les
entreprises ne réussissent point. Pour sauver le reste de celte
petite fortune , il quitte le commerce pour reprendre le parti
de la comédie.
Il est marié et son épouse, qui est bien née, est fort inté-
ressante. Elle remplit avec beaucoup de finesse les rôles de
( 6S1 )
soubrette dans la comédie; mais elle ne chante pas, n'ayani
point de voix. Si l'homme peut vous convenir, c'est ce que
nous désirons. 11 voudroit s'engager pour Pasques. Voies,
Monsieur, si vous pouvez vous en charger et quel traitement
vous pouriés lui faire si vous l'acceptes.
J'oubliois de vous dire qu'il remplit très-bien aussi les rôles
à tablier, c'est-à-dire le bas comique. J'attends votre réponse
à ce sujet, Monsieur, que je vous prie de noter , afin que notre
homme ait le temps de se retourner. Je vous prie, Monsieur,
de me conserver votre estime et de me croire, etc.
GOSSEC.
Rue des Moulins, Butte S'-Roch.
Vitzthumb à Gossec.
Du 20 février t775.
Monsieur ,
Les circonstances ne me permettant point d'engager des
sujets que vous avez la bonté de me proposer, j'ai l'honneur
de vous remercier bien sincèrement de lïntérét que vous
voulez bien prendre à ce qui me regarde. J'ai pour doubler
l'année prochaine l'emploi de Cailleau un sujet de plus que
cette année (M. Compain l'ayant tenu seul jusqu'à présent),
et outre cela deux bons accessoires. Quant à l'emploi des sou-
brettes, l'actrice qui tient celui des Duègnes, tient aussi en
chef remploi des soubrettes, et comme cette femme, d'ail-
leurs remplie de bonne volonté, nous suffît, je serois fâché de
la contraindre à un partage qu'elle paroît vouloir éviter.
J'espère, Monsieur, que cet inconvénient ne me privera
point dans une autre occasion de la préférence dont vous
voulez bien m'honorer en celle-ci, et quand vous aurez à placer
quelque bon sujet, vous voudrez bien songer à moi. J'accep-
( 652 )
lerai avec empressement tout ce qui me viendra de votre
part, à moins que des circonstances contraires ne me rendent
la chose impossible.
J'ai écrit à M. Pleinchesne , et n'en ait point eu de réponse»
Il est plus qu'apparent qu'il ne m'en fera point, et que je seraj
dupe de cet homme de toute façon. Le tems du carnaval ne me
laissant point le loisir de régler cet objet à votre égard. Mon-
sieur, et à celui de M. Philidor, je remets jusqu'au carême à
prendre les mesures convenables pour vous satisfaire.
J'ai l'honneur, etc.
VlTZTHUMB.
M* Philidor à Vitzthumb.
Ce 9 mars 1775.
Monsieur,
Mon mari est appesens pour deux mois, et ille ma charger
de ces affaire en son apessence. Je me praisse de vous faire
scavoir que la faire de M. Piainchene est enfin ter miner. IJle
ma fais le nir treiz louis qui restai, et je lui ei faite un reçus
de 600 liv. Pour la partition des Femmes Vengers , je la fais
copier, et je laremetré sur le chara pour la sommes dont vous
aitte convenue avec mon mari. Je vous prie de croire, Mon-
sieur, que cette pettite la quinne, dont vous netiés pas garans,
na point diminuer la confience que mon mari a toujours eu
en vous. Mais M. dePlainchainenous avoisleurés tous les deux,
et ille ne ma paier que le 9 de ce moi. Je proflîtte de cette
occasion pour vous dire que je suis avec la considération la
plus parfaitte,
Votre tres-humble et tres-obéissante
servante Richer,
F. Philidor.
( 655 )
Vitzthumb à M-^ Philidor.
Du 23 avril 1775.
Madame,
Je suis bien charmé d'apprendre, par la lettre que vous
m'avez fait l'honneur de m'écrire le 9 de ce mois, qucM.Plein-
chcsne se soit exécute vis-à-vis de M. Philidor. Les précautions
que je prendrai à l'avenir en pareil cas me mettront à l'abri
des desagrémcns que j'ai essuyés par sa faute en cette cir-
constance.
Je viens de recevoir la partition des Femmes Vengées. J'ai
Ihonneur de vous remercier. Madame, du soin que vous avez
bien voulu prendre d'en diligenter l'expédition. J'aurai soin ,
Madame, de vous informer ou M. Philidor du succès qu'elle
aura eue ici après la i'" représentation.
J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus distinguée,
Madame,
Votre, etc.
Vitzthumb.
Vitzthumb à Pleinchesne,
Du n mai 1775.
Monsieur,
Sans les plaintes portées contre vous par MM. Philidor et
Gossec sur le manque de payement, dont vous avez touché le
montant, j'aurois ignoré votre existence. M* Philidor m'a fait
savoir que son mari étoit satisfait de la prétention qu'il avoit
à votre charge. Mais je ne sais pas s'il en est de même à
l'égard de M. Gossec, qui ne m'a pas écrit depuis quelque
2"*^ SÉRIE, TOME XL. 42
( 6S4 )
teins. Je ne me serois sûrement pas attendu à un procédé
pareil de votre part, et pour ne pas m'y exposer une seconde
fois, vous permettrez, Monsieur, que je rompe tout com-
merce avec vous. J'ai d'ailleurs été si peu content, des ou-
vrages que vous m'avez fait passer en vertu de notre conven-
tion, que je n'en ai pu tirer aucun parti. Vous les trouverez
tous dans le. paquet ci-joint, ainsi que la musique de Rosalie
et les dessins du costume de Bertlie. La personne qui vous
remettra ce paquet vous payera également vos déboursés ,
montant à 404 liv. Et moyennant quoi, tout est terminé entre
vous et moi , plus à votre avantage qu'au mien.
Quant à Berthe , comme il m'est défendu de représenter un
spectacle quelconque sans en avoir soumis le poëme à la cen-
sure du gouvernement, votre pièce n'a pas pu passer telle
qu'elle étoit en manuscrit. Et ayant fait la dépense de la mu-
sique, décoration et vestiaire, j'ai été forcé d'y faire faire les
changements dont vous vous plaignez, et au moyen desquels
seuls la pièce a pu supporter une représentation. J'ignore si
cette année-ci je pourrai en donner une 2^ , sans y faire encore
d'autres changements. Vous verrez par là que les succès de
votre pièce ne sont ni hrillans, ni assurés, et qu'elle eut été
sans effet si on l'avoit laissée telle que vous me l'avez envoyée.
C'est tout ce que j'ai à répondre à la lettre que vous m'avez
fait l'honneur de m'écrire le 25 du mois dernier. Et j'ai celui
d'être très-parfaitement Monsieur votre , etc.
VlTZTHUMB.
La classe s'est formée ensuite en comité secret pour
arrêter la liste des présentations aux places vacantes sou-
mises par les sections.
( 6S5 )
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Académie royale de Belgique. — Commission royale d'his-
toire. — Collection de Chroniques belges inédites : La Biblio-
thèque nationale à Paris, t. I, publié par M. Gachard. Codex
Dunensis, etc., publié par M. le baron Kervyn de Lettenhove.
— Le Livre des fiefs du comté de Looz sous Jean d'Arckel
(C. de Borman). — Compte rendu des séances, 4"" série,
tome II, VII' Bulletin. Table générale de la 3"« série. Bruxelles,
1875; 2 vol. in-4% vol. et 2 br. in-8^
Gachard {L.-P.). — La Bibliothèque nationale à Paris.
Notices et extraits des manuscrits qui concernent l'histoire
de la Belgique, t. I, 4875. Bruxelles ; vol. in-4''.
Vaîi Beneden P.-J.). — Les Pacbyacanthus du musée de
Vienne. Bruxelles, 1875; br. in-8''.
Chalon (Renier). — Discours douverture prononcé à l'As-
semblée générale annuelle du 4 juillet 1875 de la Société
royale de numismatique de Bruxelles. Bruxelles; br. in-8°.
Morren {Ed.). — Correspondance botanique. Liste des
jardins, des chaires et des musées botaniques du monde,
3™^ édit. Liège, octobre 1875; br. in-8°.
Cornet {F.-L.) et Briart (A.). — Sur le synchronisme du
système hervien de la province de Liège et de la craie blanche
moyenne du Hainaut. — Note sur l'existence dans le terrain
houiller du Hainaut de bancs de calcaire à crinoïdes. Liège;
2 br. in-8°.
Nypels[J.'S.-G.). —Le code pénal belge interprété, 7™' liv.
Bruxelles, 1875; in-8''.
Bivier [Alphonse). — Une nouvelle histoire du droit. (Dis-
cours prononcé le 11 octobre 1875 à l'Université de Bruxelles.)
( 6S6 )
Bruxelles , 1875; br. in-S". — Berichte Burgundischer Agenlen
in der Schweiz von 1619 bis 1629. Zurich, 1873; br. in-8°.
Heremans {J.-F.-J.) en Ledeganck (C,-J.-K.). — Werken
van Zusler Hadewijch. l. Gedichten, S'^* stuk. Gand, 4875;
in-8^
Crépin [François). — Matériaux pour servir à l'histoire des
roses, S""" fasc. — Observations sur quelques plantes fossiles
des dépôts dévoniens rapportés par Dumont à Tétagequartzo-
schisteux inférieur de son système eifelien. Gand, 1874-75;
2 broch. in-8°.
Bormans (Stanislas). — Les fiefs du comté de Namur.
i'^ liv., XIII""^ et XI V""^ siècles. — Cartulaire de la commune
de Couvin. Namur, 1875; 2 vol. in-8°.
Bernimolin [Eug.). L'école populaire et le rationalisme
contemporain, tome L Liège, 1875; vol. in-8°.
Bergmann [Atiton). — Philips van Marnix van S'-Alde-
gonde. 2*^" Druk. — Geschiedenis der slad Lier. — Verspreide
schetsen en novellen. — Ernest Staas, schetsen en beelden.
Liège, Anvers, Gand; br. et 3 vol. in-8°.
Davreux. — Sur la contagion du choléra par les cadavres
des cholériques. Liège, 1875; broch. in-8''
De Polter (Frans), Ronse [Edmond] et Bore {Pieter). —
Geschiedenis der stad en kastelnij van Veurne. Gand, 1875;
vol. in-8".
Génard [P.). — Notice sur la Société royale d'harmonie
d'Anvers. — L'hôtel des monnaies d'Anvers (Mémoire couronné
le 25 février 1872 par l'Académie d'archéologie de Belgique).
— Levensschets vanCornelis van Kiel (Kilianus). — Notice sur
les architectes Herman (le vieux) et Dominique de Waghe-
makere. Anvers; 4 br in-8''.
Hermans [V.). — La vérité sur Op Signorken. Malines,
1875; br. pet. in-8°.
Preudhomme de Borre [A.). — La possibilité de la natura-
( 6§7 )
lisation de la Leptinotahsa Decemfjneata examinée au point de
vue de la concurrence vitale. Bruxelles, 1875; 2 feuillets
in-8°.
Vander Straeten [Edmond. — La musique aux Pays-Bas
avant le XIX^ siècle, t. III. Bruxelles, 1875; vol. in-8".
Van Rysselherghe. — Courbes métcorographiques , gravées
à Ostende en juin 1875, par Tenregistreteur universel. Feuille
volante.
Stad Turnhout. — Verslag over het Bestuur en den Toe-
stand der Zaken. Turnhout, 1875; in-8°.
Académie royale de médecine de Belgique. — Bulletin,
ô*"" série, tome IX, n"* 8 et 9. Bruxelles, 1875 ; 2 fasc. in-S".
Annales des Travaux publics de Belgique, tome XXXÏII,
l"cah. Bruxelles, 1875; in-8^
Aiialectes pour servir à Vhisioire ecclésiastique de la Bel-
gique, tome XII, 1875, 2"^ livr. Bruxelles; in-8°.
Bulletin des archives d'Anvers, tome VII, 2Miv. Anvers,
1875; in-8».
Willems-Fonds te Gent. — Uitgave, n'* 81 , feuilles 11-22.
Gand, 1875; in-8''. — Volks-Almanak , 1876. Gand, br. pet.
in-8^
L'Illustration horticole, 3^ sér., 6 vol., 8^ et 9'' liv., août et
septembre 1875. Gand; 2 liv. in-8°.
Fédération des sociétés d'horticulture de Belgique. — Bul-
letin, 1874. Liège, 1875; vol. in-8«.
Gleichman [J.-G.]. — Het leven van M*" A. Bogaerts (1795-
1870). Amsterdam ; vol. pet. in-4^
Physiologisch Laboratorium der Utrechtsche HoogeschooL
— Onderzoekingen, Derde reeks. III. Aflev. II. Utrccht,
1875;in-8°.
De Dietsche Warande, nieuwe reeks, l^'^'deel, S'^*' Afleve-
ring. Amsterdam, 1875; in-8''.
Institut R. Grand-Ducal de Luxembourg, — Publications
( 6d8 )
de la section des sciences naturelles, tome XV, 1875. Luxem-
bourg; vol. in-S".
Lasaulx {D'" A . Von). — Études pétrographiques sur les
roches volcaniques de l'Auverge, etc. (traduites par F. Gon-
nard). Clermont-Ferraud, 1875; vol. in-8°.
Société d'agriculture , de sciences et d'arts séant à Douai.
— Mémoires, 2^ sér., t. XII, 4872-1874. Douai, 1875; vol.
in-8".
Coussemaker [E. de.). — Fondation de chapelles et de cha-
pellenies. Lille , 4875; br. in-8".
Maire {Le Docteur). — Discours prononcé en la Séance
publique du 29 septembre 1873 de la Société nationale Ha-
vraise d'études diverses. Le Havre 1875; br. in-8°.
Barghon Fort-Rion [F. de). — Étude historique sur S. E.
Jean-André Van der Mersch. Paris, 4875 ; br. in-8''.
Delaborde (Le vicomte Henri). — Éloge d'Auber. Paris,
4875; br. in -4°.
Perrey (A.). — Sur la fréquence des tremblements de
terre relativement à l'âge de la Lune. Paris, 4875 ; br, in-4°.
Catalogue de livres d'histoire naturelle et particulièrement
de géologie et de conchyliologie composant la Bibliothèque de
M. G.'P. Deshayes, avec notice biographique. Paris, 4875;
in-8".
Revue des questions historiques j 40'"'' année, 30 liv., 4"
octobre 4875. Paris; in-S".
Société d'histoire naturelle de Toulouse. — Bulletin,
IX'"*' année, 4874-4875, 3""= fasc. Paris, octobre 4875; in-8\
Société archéologique du midi de la France j à Toulouse. —
Bulletin: feuilles 5, 6 et 7, 4873 ; feuilles 6 et 7, 4875. Tou-
louse; in-4*'.
Krônig. — Das Dasein Gottes und das Gluck der Menschen.
Berlin, 4874; vol. pet. in-8°.
Kihiig. Preuss. Akademie der Wissenschaften zu Berlin.
( 639 )
— Monatsbericht, Jiily und Augiist 1875. — Abhandlungen.
Berlin, 187o; vol. 10-4" cl faso. in-8°.
Rerliner Gesetlscha/Ï fur Anthropologie , Ethnologie und
Urgeschichte. — Vcrhanillungcii , Jalirgang 1875 : Silzung
vom i6 Januar bis 19 Jiini. Berlin, 1875; 0 rah. gr. in-S".
Naturhistorisch-Medicinischer Verein zu Ileidelherg. —
Vcrhandlungen, Ncuc Folge, 1. Bd., 2. fleft. Hcidelberg, d875;
in-8°.
Ferdinandeum fur Tirol und Vorarlberg. — Zeitscbrift,
III. Folge, 19. Heft. Innsbruck, 1875; in-8^
Kommission zur Untersnchung deutschen Meere , in Kiel.
— Jabresbericht, fiip die Jahrc 1872, 1875, II. und III. Jabrg.
Berlin, 1875; gr. in-i".
K. Universitat zu Freiburg i.jB. — Programme pour 1875
et 1876. — Liste du personnel enseignant pour la même année
scolaire. — Dissertations inaugurales. Fribourg en Brisgau;
6br. in-4"ct 18 br. in-8''.
Putzeys {Félix). — Ueber die Abiogenesis Huizinga's. Br.
in-8'' s. 1. n. d.
Schlagintv)eit-Sakûnliinski [Hermann V.). — Einsendung
eines Gescbenkes von Herrn D"" Armin Wittstein. — Angaben
zur Characteristik der Kru-Neger. Br. in-8'' s. 1. n. d.
Archiv der Mathematik und Physik , LVIII. Teil. 2. Heft-
Leipzig, 1875; in -8°.
K. B. Akademie der Wissenschaften zu Milnchen. — Sit-
zungsbericbte der math.-pliysik.-Classe, 1875, Heft II. Munich;
in-8".
Zoologisch-mineralogischer Verein in Regensburg. — Cor-
respondenz Blatt, 6""* année à 20'"' année, 1852-1 806. —
Abbandlungen, X. Heft. Ratisbonne et Munich; 16 vol. pet.
in-S".
Handelmann (Heinrich). — Die prahistorischc Archaologie
in Schleswig-Holstein. Kiel, 1875; br. in-8^
( 660 )
K. Statisticli-Topograpliische Bureau, Stuttgart. — Wurl-
tembergische Jahrbùcher fur Statistik und Landeskunde,
Jahigang 1874, 1. und 11. Theil. — Beschreibung des Oberamts
Rotlweil. Stuttgart, 1875; 2 vol. gr. in-S*» et vol. pet. in-8\
Kaiserl. Universitàt, Wien. — Verwalstungs-und Zustands-
bericht fiir die Studien Jahre 1875/4 und 1874/3. Vienne,
1875; in-8».
Geographische Gesellschafl in Wien. — Mittheilungen ,
XVII. Bd., 1874. Vienne, 4874; vol. in-8°.
Koehne (Bernardo Barone di). — Le monete ossidionali di
Brescia. Br. in-8% 1874.
Société de chimie de St-Pétersbourg. — Journal, tome VII,
n*»" 7 et 8. S'-Pétersbourg; in-8°.
Jardin Impérial de Botanique de St-Pétersbourg. — Tra-
vaux, tome m, n° 2. S'-Pétersbourg, 1875; vol. in-8°.
Société Impériale des naturalistes de Moscou. — Bulletin ,
année 1875, nM. Moscou , 1875; in-8''.
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Mémoires, tome III, cah. I. Odessa, 1875; in-8^
Société royale des sciences à Upsal. — Nova acta, sér. III,
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Nordisld medicinskt Arhiv , Bd. VII,Tredje Haftel. Stock-
holm , 1875; in 8".
Cordeiro [Luciano). — De la découverte de l'Amérique,
Lisbonne, Paris, 1874; br. in-8^
Fuyais de la Bastida {don Vicente). — Historia de la nu-
mération con no vedades de grande importancia universal.
Madrid, 1875; br. ln-12.
Trajford {F.-W.-C). — Amphiora ou la vue du monde,
2'"'= notice. Zurich , 1875; br. in-8^
Schw. Gesellschaft fur die gesammten Naturwissenschaf-
ten, Bern. — Verhandlungen : 47. Versammlung, 1865;
( 661 )
37. Jahrcsversammluug, 1873-1874. Coiie; "1 vol. pet. in-8".
Naturforschende GeseUscliaft in Bern. — Mitthcilungen
nus dcni Jahre 1874, N-" 828-875. Berne, 1875; in-8".
Société de physique et dltisloire naturelle de Genève. —
Mémoires, tome XXIV, 1^" partie. Genève, 1873-1874; vol.
in- 4".
Société des sciences naturelles de Neiichatel. — Bulletin,
tome X, second cahier. Neuehatel, 1875; in-8".
Gatta (Luigi). — La sismologia ed il magnetismo terrestre
secondo le piu recenti osservazioni fatte in Italia. Rome,
1875; br. gr. in-8°.
Genocchi (Angelo). — Interno ad alcune série. Turin , 187o;
br. in-8».
Volpicelli (Paolo). — Sopra un principio eletlrostatico ,
riconosciuto dal sig. D" Palagi (1852). — Lettera del sig.
abate Regnani, diretta al padre Secchi, contro la teorica dell'
illustre fisico italiano Melloni, e risposta del prof. P. Vol-
picelli (1855). — Riflessioni del prof. F. Ratti sullc due
comunicazioni del prof. P. V^olpicelli, relative alla pola-
rità elettrostatica, e risposta dello stesso Volpicelli (1855). —
Comunicazione del prof. F. Ratti sulla seconda lettera del
prof. P. Volpicelli al sig. V. Regnault e risposta dello stesso
Volpicelli (1855). — Sull' epoca délia compléta cecità di Ga-
lileo (18C8). — Di un barometro fotografico e formule per
compensare automaticamente gli effetti délia temjjcratura in
un barometro qualunque (1869). — Opinioni e sperienze
entiche e moderne circa il calore del raggiamento lunare ed
anche stellare (1870). — Formula générale per la variazione
del tono, prodotto dal moto del corpo sonoro, e dell' ascolta-
tore : corollari di questa formula, e considerazioni sul modo,
col quale credesi potei'si spiegare la sposlamento délie righe
di Fraunhofer nello spettro del sole, a motivo del suo moto
rotatorio (1870). — Esposizione del modo col quale per la
( 662 )
prima volta fu applicato il calcolo alla elettrostatica e ne fu
concluso che la elettricita' indotta non tende (1870). — SuUe
variazioni di teinperatiira prodotle, sia dall' urto di una cor-
rente d'aria, sia dall' assorbimento di questa per le polveri; e
formule atte ad assegnare tanto la dispendenza fra la quautita'
di assorbimento, ed il calorico sviluppato in esso, quanto a
tradurre le indicazioni di qualunque terraometro ad aria, in
quelle del terraometro a mercurio (1871). — Sullo scopo del
piano di prova, e sulle cause da cui dipendono gli effetti elet-
trostatici di questo istromento (1871). — Sulle correnti elet-
triche, già dette di flessione (P nota, 1871). — Su talune
trasformazioni di forza viva in calorico e sulla quistione a
cio' relativa tanto fra il gesuita Grassi e Galileo quanto per
l'attrito deir aria (1871). — Soluzione compléta e générale
mediante la geometria di situazione del problema relative aile
corso del cavallo sopra qualunque scacchiere (1872). — Necro
logico cenno relativo al duca Mario Massimo (1875). — Effetti
délia persistenza dei colori sulla retina (1875). — Sur l'in-
fluence électrique (1874). — Dimostrazione di un teorema di
meccanica enunciato e non dimostrato da Poisson (1875). —
Necrologia dell' astronomo G.-B. Donati (1875). — Nécrologie©
cenno relativo ad Augusto de la Rive (1875). Rome; 18 br. et
vol. in-i"; vol. in-8°.
Società entomologîca italiana di Firenze. — Builettino ,
anno 7% trim. III, 1875. Florence; in-8''.
Accademia ftsio-medico-statistica di Milano. — Atti,
anno XXXI, 1875. Milan, 1875; in -8°.
R. Accademia délie scienze di Torino. — Atti, vol. X,
Disp. l'-8% novembre 1874-giugnio 1875. Turin; 8 fasc.
in-8\
Osservatorio delta Regia Università di Torino, — Builet-
tino raeteorologico ed astronomico, anno VIII (1875). Turin.
1875; in-4".
( 6(J3 )
Academia oUmpica di Vicenza. — Alli, vol. VU, 1° e 2° se-
mesl. 1874. Viccnzc, 1874; 2 fasc. in-8°.
Blanford [Hmry F.). — The Winds of Northern India , in
relation to the Température and Vapour-consli(ucnt of llie
Atmosphère. Londres, 1874; in-4''.
Anthropological Jnstitute of Great Brîtain and Ireland.
— Journal, vol. V, n° I, July 1875. — List of the members,
1875. Londres; 2 br. in-8".
Royal asiatic Society of Great Brîtain and Ireland. —
Journal, New Séries, vol. II, pt. IL — Fifty-second annual
Report, 1875. Londres et Hertford , 1875; vol. et br. in-8".
Institution of civil engineers of London. — iMinutes of
proceedings, vol. XLII, session 1874-1875, i)t. IV. Londres
1875; vol. in-8^
Zoological Society of London. — Transactions , vol. IX,
pt. 4,1875. — Proceedings, 1875, pt. II and pt. III. — Revised
listof the vertebrated animais now or lately living in ihe gar-
dens of the Zoological Society of London. (Supplément). Lon-
dres; hv. in-4°, 2 liv. et br. in-8°.
Numismatic Society of London. — The numismatic chro-
nicle, 1875, pt. IL Londres; in-8°.
Chemical Society of London. — Journal, ser. 2, vol. XIII,
may, june and july, 1875. Londres; 3 eah. in-8°.
Lotîdofi mathemaiical Society. — Proceedings, vol. VI,
Nos. 81, 82, 85 and 84. Londres, 1875; in-8».
Asiatic Society of Bengal , Calcutta, — Bibliotheca Indica,
New Séries, Nos. 517, 318,319 and 520 (in-4''); Nos. 310, 511,
316, 321 , 322, 325, 324, 325, 326 (in-8°). — Proceedings,
Nos. VI-VIII, June-August 1875. — Journal : pt. 1, No. II,
1875; pt. II, No. 1 and extra number 1875. Calcutta; 2 br.
in-4° et 14 br. in-8^
American Jour 7ial of science and arts, vol. X, july-no-
vemher 1875. New Haven, 1875; 5 fasc. in-8°.
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The Penn Monthhjj vol. VI . Nos. 67-72, july-decem-
ber 1875. Philadelphie ; 6 fasc. in-S".
Willson {W'-G.). — Meteorological abstract for the year
1874. — Report of Ihe Midnapore and Bardwan cyclone of
Ihe 1 0 th and 1 6 th of october 1874. Calcutta, 1 875 ; 2 vol. in-4«*.
California Academy of sciences. — Proceedings, vol. IV,
1870, pts. II and III. San Francisco , 1870; 2 fasc. in-8^
Geological Survey of Canada. — Rapport des opérations
pour 1875-1874. Montréal, 1875; vol. in-8°.
Sociedad de Geografia y Estadislica de la Repuhlica Mexi-
cana. — Boletin , 5'' epoca , tomo II, n*" 5, 6, y 7. Mexico , 1 875 ;
in-8".
Sociedad Mexicana de Hisloria Natural. — La Naturaleza,
tomo III, entregas 6-14. Mexico, 1875; 9 cah. in-4°.
Inslituto Historico Geographico e Etimographico do Bra-
siL — Revisla trimensal, tomo XXXVII, parte 2^ IV trim.;
t. XXXVIII, parte V, I e II trim. Rio de Janeiro , 1874, 1875;
5 fasc. in -8°.
Académie nationale des sciences exactes de l'Université de
Cordova. — Bulletin, part. IV. Buenos- Aires, 1875; in-8''.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALK DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1875. — N« 12.
CLASSE «ES SCIENCES.
Séance du 4 décembre 1875.
M. A. Brialmoînt, directeur et président de TAcadémie.
M. LiAGBE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J.-S. Stas, P.-J. Van Beneden, Edra.
de Selys Longchamps, H. Nysl, Th. Gluge, L. Melsens,
F. Duprez, Ernest Quetelet, H. Maus, E. Candèze,
F. Donny, Ch. Montigny, Éd. Morren , Éd. Van Beneden,
C. Malaise, F. Folie et F. Plateau, membres; Eug. Catalan
et Aug. Bellynck, associés; Éd. Mailly, J. De Tilly,
F.Crépin, F.-L. Cornet et Ch. Van Bambeke, correspon-
dants.
*2"^ SÉRIE, TOME XL. 45
( 666
CORRESPONDANCE
M. le Ministre de l'intérieur fait parvenir à la demande
de M. le Ministre des Pays-Bas, pour la bibliothèque de
l'Académie, un exemplaire de la 2* édition de la Pinaco-
fjrophia de M.Snellen van Vollenhoven; in-i". — Remer-
cîments.
— MM. les questeurs du Sénat et de la Chambre des
représentants adressent des cartes de tribune réservée
pour la session législative de 1875-1876. — Remercî-
mentSc
— M. le secrétaire perpétuel annonce que la classe des
beaux-arts, conformément à une décision récente de la
commission administrative, a confié à une commission
composée de MM. Balat , Payen, G. Geefs, Fraikin et
Monligny, le soin de s'occuper d'un plan et d'un devis pour
le monument à élever à feu M. Adolphe Quetelet.
— Il donne ensuite communication de la motion faite
par M. Alvin, dans la séance de la classe précitée, au sujet
d'un commencement d'incendie qui s'est déclaré dans le
laboratoire de chimie de rËcole industrielle placée sous
l'Académie et la Bibliothèque royale.
La classe décide qu'elle s'associe à la demande, faite à
ce sujet, par les établissements intéressés, « que des me-
sures soient prises pour le déplacement immédiat de
l'F^lcole industrielle. »
MM. Slas, Melsens et Donny déclarent faire leurs ré-
( ^^>7 )
serves au sujet de cet accident dont «on a, disent-ils,
exagéré l'importance. »
— jM. F. Crépin fait hommage de deux brochures de sa
coniposilion : i° Matériaux pour servir à Vhistoire des
roses, ù' fascicule, in-8°. — 2" Observations sur quelques
plantes fossiles des dépôts déroniens, etc., in-S".
M. de Selys Longchamps présente une brochure im-
primée portant pour titre : D'Omalius d'Hntloy. Biogra-
phie. (Extrait du Journal Franklin). In-12.
M. Melsens présente de la part de M. le D"" P. Calli-
burcès un exemplaire de son mémoire intitulé : Recher-
ches expérimentales sur l'influence exercée par la chaleur
sur les manifestations de la contraclilité des organes.
ln-8».
M. Dove, associé de la classe, offre Tannée 1874 du tra-
vail qu'il publie dans le recueil des publications du Bureau
royal de statistique de Berlin sous le litre de Druck, Tem-
peralur, Feuchtigkeit und Niederschlàge und fiinftàgige
Wdrmemitlel. In-S".
M. M. Mourion adresse, de la part de M. A. von Lasaulx,
professeur à l'Université de Bonn, un exemplaire de la
traduction, faite par M. F. Gonnard, de son travail intitulé :
Études pélrograpfiiques sur les roches volcaniques de
l'Auvergne. ln-8°.
M. F.ouis Gatta, de Rome, fait parvenir un exemplaire
de son ouvrage intitulé : La Sismologia ed il magnetismo
terrestre. Gr. in-8*'.
M. Herman von Schiaginlweit, de Munich, adresse une
brochure imprimée de sa composition : Zur Characteristik
der Kru-Neger. In-8".
Le classe vote des remercîmenis pour ces dons.
( (UicS )
— Les élablissemeDls scientifiques , dont l'énmnératioii
suit, font parvenir leurs derniers travaux.
L'Institut anthropologique de la Grande-Bretagne à
Londres, la Société de pliysique et d'histoire naturelle de
Genève, la Société helvétique des sciences naturelles de
Berne et la Société des naturalistes de la même ville, TAca-
demie impériale des sciences de Vienne, la Société minéra-
logique de Ratisbonne, le Jardin impérial de botanique de
Saint-Pétersbourg et la Société des naturalistes d'Odessa.
La Smithsonian institution de Washington remercie la
classe pour le dernier envoi de publications académiques.
— Les travaux manuscrits suivants seront l'objet d'un
examen :
i" Note sur le second principe delà théorie mécanique
de la chaleur, par M. J. De Tilly, correspondant de l'Aca-
démie.— Commissaires iMiVL F. Folie et Eug. Catalan;
2" Tables de logarithmes à douze décimales, jusqu'à
454 milliards, par M. A. Namur, avec une introduction
rédigée par M. P. Mausion, professeur à l'Université de
Gand. — Commissaires MiM. E. Catalan, F. Folie et Liagre;
5° Sur les dépôts déKoniens rapportés par Diimonl à
iélage quartzoschisteux inférieur de son système eifélietij
par i\L iMichel Mourlon. — Commissaires .>L\L Alb. Briart,
F.-L. Cornet et C. Malaise;
4" Sur la relation qui existerait entre la température de
fusion et le coefficient de dilatation des métaux , par
M. P. De Ileen, ingénieur à Louvain. — Commissaires
MM. M. Gloesener, Ch. Montigny et F. Folie.
( m) )
RAPPORTS.
Sur le problème des liquides superposés dans un tube
capillaire; par M. G. Van der Mensbrugghe.
itnppot't de -fff. J. Pintamt.
« La question des liquides superposés dans un même
tube capillaire a été traitée par Laplace et par Poisson.
Os géomètres sont arrivés, par des méthodes rigoureuses,
à la conclusion que le poids total soulevé est le même que
si le liquide inférieur était seul , et M. J. Bertrand a déduit
de la théorie de Gauss le même résultat. Or Young avait
déjà signalé un fait qui ne s'accorde nullement avec la loi
ci-dessus, et si l'on consulte les expériences de M. Bède,
et surtout celles de M. Quincke, on y trouve de nombreux-
exemples d'un semblable désaccord. Faut-il en conclure
que les illustres géomètres français se sont trompés, mal-
gré une apparente rigueur de leurs théories? C'est ce point
délicat que M. Van der Mensbrugghe aborde dans le Mé-
moire actuel; il admet la complète exactitude des calculs
rappelés plus haut, mais il montre que ces calculs suppo-
sent une condition physique qu'il est impossible de réali-
ser expérimentalement, bien qu'on puisse la concevoir par
la pensée. Cette condition consiste en ce que la ligne
suivant laquelle la surface commune à deux liquides abou-
tit à la paroi du tube, soit parfaitement régulière et parfai-
tement nette, et que, dans les mouvements que peut
prendre la colonne totale, celte ligne se déplace tout d'une
( ^70 )
pièce en conservant sa régularité et sa netteté. Or si l'on
fait l'expérience de manière que le liquide inféiieur monte
d'abord dans le tube et qu'on ajoute un autre liquide par-
dessus, ce qui fera descendre le premier d'une certaine
quantité, celui-ci laissera nécessairement en arrière une
mince couche adhérente à la paroi, couche qui formera
une gaine dans laquelle s'engagera le liquide supérieur; la
surface commune du ménisque n'aboutira donc plus à la
paroi, mais bien à cette gaine. Si, au contraire, comme
dans le procédé de iM. Quincke, le liquide destiné à être le
supérieur monte d'abord dans le tube, et qu'on permette
ensuite à l'autre liquide d'y pénétrer, c'est alors le liquide
supérieur qui abandonne sur la paroi une gaîne dans
laquelle s'engage le liquide inférieur. Dès lors les résultats
de l'expérience ne peuvent plus correspondre à la loi trou-
vée par Laplace et Poisson. On obtient, au contraire, un
accord très-satisfaisant entre la théorie et l'expérience,
quand on cherche la valeur du poids total soulevé en fonc-
tion des tensions de la surface libre supérieure et des sur-
faces communes aux liquides en contact. La formule qui
donne le poids exprimé de cette manière, avait déjcà été
trouvée par Poisson ; seulement ce géomètre ne rattachait
pas les constantes qui y entrent à l'idée des tensions;
M. Van der Mensbrugghe la fait aisément découler aussi
de la théorie des pressions de Laplace et de la théorie de
Gauss. Cette même formule est indépendante de la condi-
tion théorique irréalisable dont j'ai parlé, et voilà pour-
quoi elle fournit des résultats que l'observation vérifie.
Enfin aux expériences citées dans ce qui précède. Tau-
leur en ajoute qui lui sont propres, et qui constituent de
nouvelles confirmations de la formule fondée sur les ten-
sions. On le voit, le travail de M. Van der Mensbrugghe
( «71 )
tend à faire disparaître dans la théorie des phénomènes
capillaires, une difficulté qui semblait inextricable; il a
donc un haut degré d'intérêt, et je ne doute pas que la
classe n'en décide l'impression dans le recueil des Mémoires
in-4^ D
La classe a adopté ces conclusions auxquelles a adhéré
M. F. Duprez, second commissaire.
Théorèmes sur les polygones réguliers et sommation de
quelques séries trig onomé trique s ; par M. le capitaine
d'artillerie Reinemund.
Rapport de JU. Jf. Oc Tilly,
<i Dans le Journal de Mathématiques de M. Liouville
(1" série, t. Xlll), M. Breton (de Champ) a donné l'ana-
lyse d'un Ouvrage publié en 1746 par le célèbre géomètre
anglais Slewart, sous ce titre : « Quelques théorèmes gé-
néraux d'un grand usage dans les hautes mathématiques ».
M. Breton établit que plusieurs des propositions contenues
dans cet Ouvrage sont inexactes, c'est-à-dire qu'elles se
vérifient seulement dans des cas particuliers.
Parmi celles qui sont exactes, l'une des plus remarqua-
bles a pour objet d'exprimer, en fonction de R, de r/i et
de Hj la somme des puissances 2m des distances d'un
point 0, pris sur une circonférence de rayon R, à tous les
sommets d'un polygone régulier inscrit de n côtés (*).
(*) m oi n ont ici la même signilication que dans le Mémoire de M. Rei-
nemund Elles onl la signifiealion inverse dans l'Ouvrage de Stewart et
dans le Mémoire de M. Breton.
( «7^i )
Cette somme s'exprime par
(I) -. ^"'(-2>»-l)...(m-.-i)^..
1 . '2 ... m '
mais la démonstration n'est faite que pour le cas où m est
inférieur à n et la formule elle-même comporte cette
restriction.
Il ne paraît pas que Ton ait trouvé jusqu'ici une solution
plus complète, c'est-à-dire une formule analogue à (I),
présentant à peu près les mêmes facilités pour le calcul
numérique, se réduisant à (1) lorsque m est inférieur à n,
mais indéj)endante, dans sa forme générale, de toute hypo-
thèse sur les valeurs de ces deux quantités.
M. le capitaine Reinemund fait connaître cette formule
générale dans la Note soumise à notre appréciation. ïl en
déduit quelques sommes de séries trigonomélriques, natu-
rellement plus générales aussi que celles que l'on peut
déduire, par une méthode analogue, des formules de Ste-
wart.
L'analyse de Tau leur est exacte. Sa méthode d'investi-
gation me paraît constituer une application ingénieuse et
remarquable des imaginaires à la Géométrie. Ses résultats
sont d'une importance comparable (*) à celle de l'Ouvrage
même de Stewart. Enfin , un exemple bien choisi vient
montrer que le calcul numérique est tacile, au moins dans
une infinité de cas particuliers, qui échappent complète-
ment à la formule du géomètre anglais.
(*) Je dis comparable cl non supérieure, car si la formule de M. Rei-
nemund est plus générale sous le rapport de la valeur de m, celle de
Slewarl l'est davantage sous le rapport de la position du point 0. D'ail-
leurs, l'Ouvrage de Stewart traite d'autres questions encore.
Pour ces motifs, j'ai l'honneur de proposer à la Classe
(le voler l'insertion du travail de M. Reincmund dans le
Bulletin de la séance et d'adresser des rcmercîments à
l'auteur. »
La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est
rallié M. K. Catalan, second commissaire.
Sur r étage devonicn des psammites du Condroz dans le
bassin de Theu.r, dans le bassin septentrional (entre
Aix-la-Chapelle et Ath) et dans le Boulonnais; par
M. Mourlon.
Minppofl tic M. f-i. Ucicalqne.
<i L'auteur rappelle que, dans un iravail antérieur, il a
reconnu que l'étage des psaînmiles du Condroz peut se
diviser en quatre assises, d'Esneux, de Souverain-Pré, de
Montfort et d'Évieux, d'une puissance approximative de
150, iOO, loOet 200 mètres respectivement. Le travail
actuel est consacré à l'extension de ces recherches, d'abord
dans le bassin de ïheux.
Bassin de Theux. — L'auteur y a reconnu les mêmes
assises que sur les bords de TOurthe. Il décrit en détail
la coupe comprise entre Theux et Franchimont.
Bassin septentrional. — Passant ensuite au grand bas-
sin septentrional de notre terrain anthraxiCère, l'auteur
décrit d'abord la coupe des tranchées près de la station de
Montzen-Moresnet, puis les carrières de Montzen^ dans les-
quelles il n'a pu observer les deux assises inférieures.
Dans la coupe de la tranchée de la station de Dolhain, on
( «374 )
peut admettre que Passise de Monlfort fait défaut, [)roba-
blement par suite d'une faille. Entre (a station de Trooz-
Aval et Basse-Fraipont^ et au Fonl-des-Crfjs , à Cfiaud-
fontaine ^ l'assise de Souverain - Pré semble manquer
complètement. La coupe de l'Ourthe à Angleur n'est visi-
ble qu'en partie. Dans la coupe sur le ruisseau au S. E.
d'Engis, l'assise d'É vieux, à son tour, paraît faire défaut.
Dans la coupe de Huj/ , sur la rive droite de la Meuse, les
assises d'Évieux et de Souverain-Pré manquent à la fois.
Dans la coupe de la station de Naninne, où, selon moi, les
roches sont fortement altérées par des émanations geysé-
riennes, l'auteur ne reconnaît pas les assises dEsneux et
de Souverain-Pré (1). .4 Wàpion, sur la rive gauche de la
Meuse, et à Malonne, les coupes sont incomplètes. Celle
en face de Vabbaye de Marche-les- Dames ne montre que
l'assise de Montfort, mais une grande partie est masquée
par des ébouiis; à Warlet, à NamêcheM^ coupes sont aussi
incomplètes; celle des carrières d'Houssoy le sont égale-
ment. Mais l'auteur a obtenu de iM. Gonthier une coupe
détaillée, provenant de la galerie de la mine de Ville-
en-Waret, avec les échantillons à l'appui, dont l'examen
lui permet d'affirmer que l'on ne rencontre dans ce district
que la partie supérieure de l'assise de Montfort. A Gel-
bressée, à Rhisnes , à Isne, à Mielmonl, les coupes sont
également incomplètes, mais on n'observe partout que la
même assise.
Au bois de la Roq (Arquennes), je serais porté a admettre
la présence de l'assise d'Évieux avec colle de Montfort, de
même qu'aux Écaussines. Dans les carrières de Méver-
(1) J'y ai trouvé une Cucullœa que jt^ rapporte, ainsi que d'autres
échantillons du bord nord du bassin, à C. unilaleralis.
( «75 )
gnies et d'Attre, puis d'Alh, on n'observe, suivant l'auteur,
que rassise de Monlfort.
Boulonnais. L'auteur a complété son étude en poursui-
vant ces couches en France, où elles reparaissent dans le
Boulonnais, complètement analogues à celles qu'on vient
de voir en dernier lieu.
Résumé et conclusions. Il résulte de ce qui précède que
les assises établies sur fOurthe par l'auteur conservent
leurs caractères depuis la frontière prussienne jusqu'à la
Manche, mais qu'une ou plusieurs d'entre elles peuvent
faire défaut. Ainsi le bord seplentiional montre deux la-
cunes constantes, la première, constituée par l'absence de
l'assise d'Évieux, la seconde, par le manque des assises
d'Esneux, de Souverain-Pré et de la partie inférieure de
l'assise de Montfort. En même temps la puissance de l'étage
est fortement réduite, des ^//* ou des *-^/io.
Cet intéressant travail est accompagné d'une planche
de coupes, et je propose volontiers à l'Académie de l'im-
primer dans notre Bulletin. Toutefois, en présence de
l'état de nos finances, j'estime qu'il n'y a pas lieu d'impri-
mer les planches en couleur : un choix convenable de
pointillés leur conservera toute leur clarté. »
Rap/tofl do fi. K,. Oo Mionincle.
« Je n'hésite pas à me joindre à mon honorable con-
frère M. Dewalque pour demander l'impression dans nos
Bulletins de l'intéressant Mémoire de M. Mourlon dont-il
a suffisamment fait l'analyse pour que je puisse me dis-
penser d'y revenir.
Mais je ne partage pas son avis relativement à l'exécu-
( 676 )
lion de la planche qui accompagne le travail de M. Mour-
lon.
En effet, ce travail faisant suite à un autre qui a déjà
paru dans nos recueils, il est indispensable que les plan-
ches de l'une et de l'autre représentant des coupes analo-
gues soient exécjilées de la même façon Je crois, au reste,
que l'économie qui en résulterait pour l'Académie serait
fort minime, par suite des soins beaucoup plus minutieux
qu'exigerait la gravure de la planche exécutée d'après les
indications de M. Dewalque. »
Kapfioi't lie 71. Otëpuiêt.
« Au mois d'avril dernier, M. Mourlon a présenté à
l'Académie la description do l'étage des psammites du
Condroz dans leur région typique. Il montrait que les cou-
ches atteignent une épaisseur d'environ 600 mètres dans
la vallée de l'Ourthe et, relevant dans cet endroit l'échelle
stratigraphique de ce puissant étage qu'il divisait en quatre
assises, il en suivait la répartition dans les principales
coupes du Condroz. La série des couches y restait la même,
mais certains groupes tendaient à diminuer d'épaisseur
dans d'assez grandes proportions.
D'après, ce qui avait été observé dans la constitution du
calcaire carbonifèrt', cette diminution d'épaisseur annon-
çait, comme je l'ai fait remarquer, que les groupes réduits
devaient disparaître dans les affleurements plus septentrio-
naux.
La nouvelle note que M. Mourlon nous soumet fait con-
naître ses observations sur la constitution de cet étage
devonien dans le bassin de Theux, dans le bassin septen-
trional entre Aix-la-Chapelle et Ath, ainsi que dans le
i (377 )
Boulonnais. Il décril'cn dclail les couches qui y représen-
tent l'étage. La série se retrouve tout entière à Theux.
Il l'observe moins complète entre Moresnet et CliautHon-
taine, sans pouvoir néanmoins affirmer que des lacunes
réelles s'y présentent. A Angleur, l'assise d'Ëvieux (D) et
la partie supérieure de l'assise de Montibrt (C) sont seules
rep)ésentées.A IIuy,il reconnaît l'assise d'Esneux (A)et les
grès de l'assise de Montfoit (C), séparés de la précédente
par des psammiles rapportables à la partie inférieure de
cette assise C, mais les assises de Souverain-Pré (B) et
d'Ëvieux (D) y l'ont complètement défaut.
A partir de celle coupe jusqu'à Atli et même dans le
Boulonnais, deux lacunes considérables se manifestent
constamment sur les deux bords du bassin septentrional.
L'étage y est réduit aux seuls grès de Montfort, de sorte
que les psammites d'Ëvieux qui devaient les surmonter n'y
existent pas, non plus que les psammiles d'Esneux, les
macignos de Souverain-Pré et les psammites de Mont-
fort sur lesquels ils reposent dans la série normale. Les
groupes slraligrapbiques manquants ont sur l'Ourlbe envi-
ron 500 mètres d'épaisseur! Ces lacunes sont donc très-
importantes et on ne peut douter de leur réalité, puisque
l'auteur les a reconnues dans treize coupes entre Huy et
Ath et dans deux coupes aux environs de Boulogne-sur-
Mer. Le calcaire carbonifère n'en a pas présenté de plus
caractéristiques.
Ce beau résultat est dû à la méthode suivie par l'auteur.
En prenant pour terme de comparaison l'affleurement
où les couches otTrenl le plus d'épaisseur et en y relevant
la série détaillée des couches, il a cherché à y raccorder
successivement les autres affleurements, subdivisions par
subdivisions. Il esl arrivé par ce procédé comparatif à
( 678 )
découvrir (Je son côté la coiislilutioii laxuiiaire de cet étage,
phénomène qui est l'un des traits dominants de nos ter-
rains devoniens et carbonifères.
L'Entre-Sambre-et-Meuse reste maintenant à décrire.
L'étage y est très-développé et y présente de belles coupes,
surtout sur la Meuse. L'auteur nous fera sans doute con-
naître bientôt les observations qu'il y a faites. Les résultats
obtenus jusqu'à présent doivent nous faire espérer que
cette troisième série de recherches ne sera pas moins fé-
conde en faits intéressants.
Je me joins avec empressement à mes deux honorables
confrères pour demander l'insertion aux Bulletins de la
note de M. Monrlon. Je suis de l'avis de M. de Koninck
qu'il serait fâcheux de ne pas colorier les coupes annexées
à cette note. La publication y perdrait beaucoup et l'éco-
nomie résultant de la suppression des couleurs me semble
trop minime pour que l'Académie se départisse de ses
usages en pareil cas. »
La classe a adopté les conclusions favorables de ses trois
commissaires.
Les dépôts littoraux de l'assise panisélienne dans les envi-
rons de Bruxelles.
Êtappor-t tic .W. MMupoitt.
« Le mémoire qui nous est soumis a pour objet l'étude
des couches qui se trouvent le long de la rive droite de la
Senne dans les environs de Bruxelles à la base des sables
jaunes bruxelliens. Son auteur anonyme décrit les coupes
G79 ^
qu'il a observées à Scliaerbeek, à Saint-Gilles et à Uccle,
figure deux d'entre elles et en elle les fossiles.
Parmi ces fossiles, plusieurs espèces caractérisent par
leur aliondance le terrain panisélien d'Anderlecht. Cette
observation et la présence de la glauconie portent Fauteur
à considérer ces couches comme paniséliennes.
D'un autre côté, les cailloux qui se trouvent à la base
du dépôt, leur disparition à l'est des trois localités indi-
quées ci-dessus, le nombre et la variété remarquable des
fossiles portent Tàuleur à considérer ces couches comme
un dépôt de plage. Ce serait, à son avis, des points litto-
raux de la mer panisélienne. M. Vincent a soutenu récem-
ment la môme thèse à la Société malacologique.
Dumont indique dans la légende de sa carte que le sys-
tème bruxellien commence par un dépôt de gravier. Il y a
dès lors lieu de croire que ce dépôt doit être assez con-
stant et se trouver sur un plus grand nombre de points.
Je ne connais jusqu'à présent que les graviers que
M. Mourlon a signalés dans les environs de Bruxelles et à
Nil-Saint-Vincent, localité située à trente kilomètres au
sud-est de cette ville. Ce géologue les considère, à l'exem-
ple de Dumont, comme bruxelliens, à cause des affinités
lilhologiques des couches avec le dépôt qui les recouvre;
Plus récemment, i\l. Vincent, en faisant connaître les
résultats de ses recherches sur le terrain panisélien de la
rive gauche de la Senne, a été amené à y rattacher les
couches caillouteuses de la rive droite et à les considérer
comme l'affleurement extrême de ce système au delà de la
Senne. Ce point de vue s'écarte de celui de Dumont en
raccordant à un terrain inférieur un dépôt considéré jus-
qu'ici comme bruxellien et en plaçant sur la rive droite
de la Senne un affleurement du terrain panisélien que
Dumont arrête complètement à la rive gauche.
( ()80 )
La question paléontoiogique, soulevée par ces recher-
ches, sera examinée avec une haute compétence par notre
honorable confrère M. Nyst, qui a déterminé, l'an dernier,
les nombreux fossiles paniséliens recueillis dans le Hai-
naut. Je me bornerai à faire la remarque qu'il eût été dé-
sirable de connaître les rapports précis qui existent entre
les dépôts caillouteux de Nil-Saint-Vincent et des envi-
rons de Bruxelles avant de formuler l'hypothèse — très-
ingénieuse du reste — du dépôt littoral de la rive droite
de la Senne. 11 semble évident que si ces deux dépôts sont
les mômes, on pourrait difficilement admettre la manière
de voir de l'auteur.
Quoi qu'il en soil, le mémoire envoyé à notre examen
me paraît le résultat de recherches sérieuses et soutenues.
Outre ses détails de stratigraphie positive, il est accom-
pagné d'une liste de fossiles intéressante, mentionnant de
nombreuses formes de poissons, de crustacés, de mollus-
ques, etc., recueillies dans ces gisements. Aussi, quoi-
qu'une partie de ces faits et la coupe théorique à travers la
vallée de la Senne se trouvent déjà dans le mémoire de
M. Vincent, je ne pense pas qu'il y ait double emploi.
J'ai l'honneur de proposer d'insérer ce travail dans les
Bulletins de l'Académie. »
Knppoft «le fi. 1%'yst.
<L Comme mon honorable confrère M. Dupont, je trouve
très-intéressante la notice anonyme intitulée : Les dépôts
littoraux de l'assise panisélienne dans les environs de
Bruxelles.Les listes de fossiles qu'elle renferme se montent
à 158 formes dont l'association est toutefois assez hété-
rogène. On y rencontre des espèces yprésiennes qui sont
probablement roulées ou remaniées, puis des espèces que
( 681 )
nous pouvons considérer comme paniséliennes. Enfin d'au-
tres, et ce sont les plus nombreuses, se trouvent à la fois
dans les systèmes paniséliens et bruxelliens. Je crois que
cette faune a plus de rapport avec celle du mont Panisel
et d'Anderleclit et l'opinion de l'auteur me semble soute-
nable; cependant le caractère vraiment littoral de cette
faune de la rive droite de la Senne ne me paraît pas bien
tranché. On y remarque l'absence des genres lithophages
qui caractérisent surtout celles des plages, sauf le genre
Teredo que l'auteur y indique du reste comme y étant
très-rare.
J'ai l'honneur, Messieurs, de vous proposer l'insertion
de cette notice dans nos Bulletins. »
Rapport de Mt. Alb. MSt'iafl
« Depuis quelques années d'activés recherches, faites
aux environs de Bruxelles, ont amené la découverte de gîtes
fossilifères dans les assises inférieures au système bruxel-
lien ; un peu de lumière commence à se répandre sur cette
partie encore assez peu connue de la géologie de notre pays.
Le travail qui nous est soumis s'occupe de la descrip-
tion de ces assises tertiaires, dans trois localités de la
vallée de la Senne, qui sont : Schaerbeek, Saint-Gilles et
Uccle. ]1 s'occupe principalement de dépôts parfois assez
volumineux, mais généralement assez peu puissants et
quelquefois interrompus, qui, sur la rive droite de cette
rivière, se trouvent intercalés entre l'argile yprésienne et
les couches les plus inférieures des sables bruxelliens.
Cette étude paraît assez complète tant au point de vue
stratigraphique qu'au point de vue paléontologique et les
listes des fossiles, surtout, sont fort intéressantes.
2°"^ SÉRIE, TOME XL. 44
( 68-2 )
Les auteurs concluent de leurs observations que, con-
trairement à l'opinion de Dumont, des dépôts que l'on
doit rattacher à l'époque panisélienne existent sur le ver-
sant oriental de la vallée de la Senne, mais en petite quan-
tité, et qu'ils ne s'étendent pas plus loin à l'est; que ces
dépôts, généralement graveleux, renfermant des dents de
poissons appartenant à d'assez nombreuses espèces et des
débris de crustacés ainsi que des mollusques également
fort abondants en espèces, doivent se rapporter à des
dépôts ou cordons littoraux de la mer panisélienne; et
enfin, discutant la faune de ces dépôts côtiers et celle de
dépôts de la rive opposée qui semblent leur être contem-
porains, mais de formation tout à fait marine, ils sont
amenés à les ranger les uns et les autres dans l'éocène
inférieur et à terminer l'éocène moyen à la partie infé-
rieure de l'assise bruxellienne.
Sans rappeler ici les opinions diverses des auteurs qui
ont traité cette dernière question et sont arrivés à la même
conclusion, je dois faire observer que leur discussion s'ap-
puyait principalement, comme celle du mémoire anonyme ,
sur la liste des fossiles paniséliens publiée, en 1868, par
G. Dewalque dans son Prodrome d'une description géolo-
gique de la Belgique. Or cette liste renferme les espèces
de deux faunes distinctes, celles du panisélien type du
mont Panisel , de Renaix et autres localités du Hainaut, et
celles d'assises inférieures auxquelles nous avons donné le
nom d'argilites de Morlanwelz et que nous avons ratta-
chées à l'assise yprésienne dont elles formeraient le terme
supérieur. (Réunion extraordinaire de la Société géolo-
gique de France à Mons, en 1874. — Lecture d'ouverture
faite par MM. F.-L Cornet et A. Briart.) On ne peut que
s'égarer en raisonnant sur cette liste mélangée, et nous
( G85 )
persistons dans notre opinion, c'est-à-dire à ranger les
couches de Morlanwelz dans Téocène inférieur, en faisant
du panisélien type le terme inférieur de Téocène moyen.
Quoi qu'il en soit, je reconnais avec mes deux honora-
bles collègues que le travail des auteurs anonymes a été
fait avec beaucoup de soin et a nécessité des recherches
étendues; mais je dois faire observer qu'il nous fait con-
naître très-peu de choses nouvelles et qui ne fassent déjà
partie du domaine de la science. En effet, M. Vincent,
préparateur au Musée royal d'histoire naturelle de Bruxel-
les, a publié, dès 1874, dans les Ammles de la Société
malacologiqiie de Belgique, une Note sur les dépôts pani-
séliens d'Anderlecht près de Bruxelles y dans laquelle il
décrit les mêmes terrains, émet les mêmes idées, et arrive
aux mêmes conclusions : ces conclusions sont celles que
j'ai énumérées plus haut et elles sont résumées dans une
coupe théorique transversale de la vallée de la Senne qui
accompagne son travail. Or les auteurs anonymes publient
également une coupe de la même vallée, prise au même
point et à peu près identique à celle de M. Vincent. On n'y
remarque qu'une légère différence , c'est que la couche à
Nummulites planulata se trouve, dans la coupe de M. Vin-
cent, à la partie supérieure de l'assise yprésienne, tandis
que dans celle de nos auteurs elle se trouve reportée un
peu plus bas. Les tableaux des fossiles donnés par ces der-
niers sont, cependant, beaucoup plus complets que les
listes de leur devancier : M. Vincent n'énnmère, en effet,
que quarante espèces, tandis que ces messieurs en don-
nent cent quarante et une.
Ces tableaux de fossiles sont très-intéressants, je le ré-
pète; ils constituent la partie la plus remarquable du tra-
vail , la seule qui soit une nouveauté dans la science. Pour
( 684 )
le reste, il ne présente rien d'absolument nouveau, et ne
me paraît être que l'amplification du travail que je viens de
citer.
M. Vincent disait, du reste , dans sa première Note, en
parlant des dépôts découverts par lui : « Nous nous propo-
sons de faire connaître ces dépôts paniséliens par une Note
spéciale (p. 7). C'est donc qu'il avait l'intention d'en con-
tinuer l'étude. C'est, en effet, ce qui a été fait, si je suis
bien renseigné, et c'est ce que ne pouvaient pas ignorer les
auteurs anonymes.
Je pense qu'il est permis de trouver le procédé peu déli-
cat et de regretter qu'ils aient cru devoir garder l'anonyme
en présentant leur travail à l'Académie.
Dans ces conditions je me suis demandé si je devais me
joindre à mes deux honorables collègues pour réclamer
l'impression du travail, et j'ai dû, à mon grand regret,
me séparer d'eux. Je propose donc à la classe le dépôt du
travail anonyme aux Archives. »
La classe, en présence de la divergence d'opinions des
commissaires, a voté le dépôt du travail précité dans les
archives de l'Académie.
Description de quelques oiseaux nouveaux ; par M. Alphonse
Dubois.
Mtappo»*t de 3M. Edtn. de Selys L.ongcha»nps.
<L M. Dubois continue la détermination et l'étude de la
collection ornithologique du Musée royal d'histoire natu-
relle de Bruxelles.
Chemin faisant, il se propose de signaler les oiseaux qui
lui paraissent inédits.
( 68,^ )
Précédemment, il a présenté à TAcadémie des notices
sur plusieurs espèces ou races nouvelles d'oiseaux de
l'Amérique tropicale, et nous l'avons engagé à persévérer
dans ses recherches.
Aujourd'hui, il s'agit encore d'oiseaux du Mexique; une
Pie bleue [Cyanocilta] et un Troupiale (Icterns) présumés-
nouveaux, enfin de deux variétés de VIcterus xanthorniis
non décrites.
Comme M. Dubois le fait observer, sa Cyanocilta yaca-
tanica et son Icterus virescens ne diiïèrent guère de la
Cyanodtla Beecheyi et de ['Icterus melanocephalus que
par une taille beaucoup plus petite (et un bec légèrement
modifié chez VIcterus),
J'ai examiné avec M. Dubois les sujets du Musée. La
différence de dimensions est vraiment fort notable; mais
l'ensemble est si analogue entre chacune des espèces et
son diminutif, que je suis porté à voir ici des races locales^
plutôt que des espèces tranchées.
Quelle que soit l'opinion définitive qui puisse prévaloir à
cet égard, il n'en est pas moins utile de signaler ces formes
voisines. Ce sont des documents qui peuvent présenter un
grand intérêt pour la question de l'espèce en général, et en
particulier pour l'application de la théorie (quelle qu'elle
soit) aux nombreuses races voisines ou espèces représen-
tatives localisées que l'on observe dans les contrées inter-
tropicales de l'Amérique.
J'engage donc l'Académie à décider l'impression de la
note de M. Dubois. »
Cette impression est ordonnée
( (hS() )
COMMUNICATIOiNS ET LECTURES.
La maturation de l'œuf, la fécondation, et les premières
phases du développement embryonnaire des mammi-
fères diaprés des recherches faites chez le Lapin; par
M. Edouard Van Beneden, membre de l'Académie.
COMMUNICATION PRÉLIMINAIRE.
Il y a dix-huit mois, j'ai communiqué à l'Académie les
résultats de mes recherches sur la formation des organes
sexuels chez les Hydractinies. J'ai établi que chez ces po-
lypes les spermatozoïdes dérivent de Tecloderme; que les
œufs sont des cellules modifiées de l'endoderme, et qu'ainsi
les deux lames cellulaires adjacentes, qui constituent les
parois du corps des Cœlentérés, présentent des caractères
opposés au point de vue sexuel.
Le nom de feuillet mâle convient à l'ectoderme tout
aussi bien que celui de feuillet animal; l'endoderme pro-
duit les œufs en même temps qu'il préside, chez ces orga-
nismes, à l'accomplissement des fondions végétatives ; il
mérite de ce chef le nom de feuillet femelle tout aussi
bien que celui de feuillet végétatif. La fécondation consiste
dans l'union d'une cellule endodermique avec des élé-
ments ectodermiques; elle trouve sa raison d'être dans la
(687)
constitution même de l'organisme : dans la séparation de
ses éléments en deux organes primordiaux, l'ectoderme
et l'endoderme. Me fondant sur l'homologie, tout d'abord
reconnue par Huxley, entre les deux feuillets de l'orga-
nisme des Zoophytes et les deux feuillets embryonnaires
aux dépens desquels se développent non - seulement
les Vertébrés, mais tous les Métazoaires, j'ai généralisé
les conclusions de mes premières recherches. J'ai émis
l'hypothèse que chez tous les Métazoaires le testicule
dérive de l'ectoderme, que l'ovaire prend naissance dans
l'endoderme. M. Semper m'attribue fort gratuitement
l'intention d'élever mon hypothèse à la hauteur d'un
dogme scientifique; M. Semper se trompe à cet égard :
plutôt que de faire du dogmatisme je renoncerais à mon
hypothèse, non sans regret, mais sans hésitation dès
qu'il me serait démontré qu'elle se trouve en contradiction
avec les faits. Mais jusqu'à présent cette démonstration
n'est pas faite. Mes observations sur les Hydractinies ont
été confirmées en tous points par M. Koch et tout récem-
ment M. Fol a constaté la formation des produits sexuels
mâles aux dépens de l'ectoderme et des produits femelles
aux dépens de l'endoderme, chez trois genres de Céphalo-
phores,réparlis dans deux ordres différents de l'embranche-
ment des Mollusques [Creseis, Slyliola subulata et Atlanta
Peronii). a Cette confirmation des vues de M. Éd. Van Be-
neden, écrit M. Fol, est d'autant plus frappante que
j'étais plus sceptique lorsque j'entamai l'examen de la
question, d'autant plus frappante que les Céphalophores,
avec leurs produits sexuels intimement mêlés dans leur
glande hermaphroditique, sont précisément ceux des ani-
maux chez lesquels l'on se serait le moins attendu, à priori,
( 688 )
à voir ces vues se confirmer (I), » Mon hypothèse n'eùl-
elle d'autre mérite que celui d'avoir provoqué les belles
recherches de M. Fol , que je me réjouirais de l'avoir émise.
J'ai entrepris des recherches sur des animaux apparte-
nant à différents embranchements dans le but de faire con-
naître, en me fondant sur l'observation, le mode de "for-
mation des organes sexuels. Dans l'embranchement des
Vertébrés, j'ai choisi comme sujet de recherches le Lapin
domestique. Mais l'étude du développement des organes
sexuels, dans leurs rapports avec les feuillets primordiaux
de l'embryon, est subordonnée à la connaissance exacte
de ces derniers et de leur développement. Or la question
des feuillets embryonnaires des Mammifères est loin d'être
résolue; j'ai dû commencer par ra'éclairer sur ce point. Et
comme à la formation des feuillets se rattachent tous les
premiers phénomènes du développement, j'ai dû prendre
le problème ab ovo et c'est le résultat de ces études préa-
lables que je vais avoir l'honneur d'exposer sommairement.
Depuis l'époque où Bischoff publia ses travaux clas-
siques sur l'embryogénie des Mammifères (Lapin, Chien,
Cochon d'Inde, Chevreuil) aucun naturaliste ne s'est plus
occupe de recherches suivies sur les premières phases du
développement de ces animaux. La raison de cet abandon,
dont les Mammifères ont été l'objet, se trouve avant tout,
je crois, dans la perfection même des travaux de l'éminent
embryogéniste de Munich. Plus je les ai étudiés, plus j'ai
(1) Hermann Fol. Note sur Torigine première des produits sexuels
(archives des sciences de la Bibliothèque universelle. Juin IS75 ; aussi
dans Annals and Magazine ofXaturalhistory. 1875).
( ()89 )
admire comment, avec les moyens matériels dont on dis-
posait alors, à une époque où l'histologie était à peine
fondée, où toute l'histoire des premiers phénomènes du
développement embryonnaire des Mammifères était à faire,
Bischoif a pu pousser aussi loin ses recherches et arriver
à des résultats aussi vrais et aussi complets.
Mais les questions aujourd'hui posées sont différentes
de celles qui préoccupaient les embryogénistes à cette
époque; la science a marché et les méthodes d'investiga-
tion se sont perfectionnées. Aussi de nouvelles recherches
sur les premiers phénomènes embryonnaires des Mammi-
fères étaient-elles devenues un des besoins les plus urgents
de la science actuelle.
Je pourrai faire paraître prochainement un mémoire
étendu accompagné de nombreuses planches, sur les pre-
miers phénomènes embryonnaires du Lapin. Diverses rai-
sons m'engagent à donner dès à présent un résumé de
mes recherches.
Ce mémoire est divisé en six chapitres.
I. Phénomènes de la maturation de l'ovule. Disparition
de la vésicule germinative et formation des corps direc-
teurs. Retrait du vitelluset formation du liquide périvitellin.
JI. Phénomènes relatifs à la fécondation de l'ovule.
III. Formation du premier noyau embryonnaire.
IV. Fractionnement du vitellus et formation d'une Me-
tagaslrula.
V. Formation et développement de la vésicule blasto-
dermique jusqu'au moment de l'apparition de la ligne pri-
mitive.
VI. Multiplication des cellules et des noyaux dans
les feuillets de l'embryon.
( 690 )
CHAPITRE PREMIER.
PHÉNOMÈNES DE LA MATURATION DE l'oVULE.
DISPARITION DE LA VÉSICULE GERMINATIVE ET FORMATION
DES CORPS DIRECTEURS.
RETRAIT DU VITELLUS ET FORMATION DU LIQUIDE PÉRIVITELLIN.
1. La vésicule germinative de l'œuf du Lapin renferme,
indépendamment du nucléole et d'un liquide clair, deux
ou trois petits corps arrondis que j'ai appelés pseudo-nu-
cléoles [Nebemiudeolen, Nebenkernkôrperchen de Flem-
ming) et une substance granuleuse que je désigne sous le
nom de nucleoplasma. Celle-ci affecte fréquemment, dans
la vésicule germinative de l'œuf en voie de développement,
la forme d'un réticulum. Le seul observateur qui, à ma
connaissance, ait signalé ces cordons ramifiés de substance
granuleuse, est Flemming(l). Il a vu chez l'Anodonte et les
Unio un réseau analogue à celui qui existe chez le Lapin et
dont j'ai moi-même constaté l'existence chez les étoiles de
mer [Asteracanthion rubens),
2. Quand l'œuf approche du moment de sa maturité la
vésicule germinative, de centrale qu'elle était, devient su-
perficielle. Elle prend une forme ellipsoïdale, puis s'aplatit
contre la zone pellucide avec laquelle elle se met en contact
par une surface de plus en plus étendue.
5. A ce moment Ion peut distinguer dans le vitellus
une couche corticale et une masse médullaire. La couche
corticale s'éclaircit au contact de la vésicule germinative.
Une matière tout à fait homogène qui paraît être du pro-
(1) Studien in der Entwicklungsgeschichte der Nayaden, page 20.
( <^>91
toplasme cortical dépourvu de granulations vilellines s'ac-
cumule autour de la vésicule et forme avec elle une lentille
biconvexe, que j'ai appelée la lentille cicalriculaire. La
lentille cicalriculaire déprime la masse médullaire.
4. Dès que la vésicule germinative arrive au contact de
la zone pellucide, le nucléole s'accole à la membrane de la
vésicule du côté de la surface de l'œuf, là où la vésicule est
appliquée contre la membrane. 11 s'aplatit contre la mem-
brane et se soude avec elle; sa substance plastique s'étale
en une plaque qui présente d'abord un épaississement
médian. Cette lame je l'ai appelée plaque nucléolaire.
o. En même temps la membrane de la vésicule germi-
native s'amincit partout où elle se trouve au contact du
protoplasme cicatriculaire. Il est probable que la substance
qui constituait cette membrane est attirée vers la plaque
nucléolaire et qu'elle finit par s'y confondre avec la sub-
stance de l'ancien nucléole.
6. Le nucleoplasma avec les pseudo-nucléoles donne
naissance, dans l'intérieur de la vésicule germinative, à un
amas de substance granuleuse, plus ou moins bien cir-
conscrit que j'ai appelé corps nucléoplasmique.
7. Le contenu liquide et limpide de la vésicule germina-
tive se confond avec le protoplasme cicatriculaire, proba-
blement à la suite de la déchirure de la membrane de la
vésicule germinative.
8. En même temps la plaque nucléolaire, grâce proba-
blement à la contractilité inhérente à sa substance , con-
tractilité reconnue par Auerbach pour les nucléoles des
cellules embryonnaires des Muscides et par de la Valette
pour la tache deAVagner, se ramasse en un corps de forme
variable, souvent ellipsoïdal, quelquefois lenticulaire ou
en forme de calotte, que j'ai appelé le corps nucléolaire.
( ()9^2 )
9. F.c moment de la disparition de la vésicule se con-
fond avec celui del'élimination des corps directeurs {Bich-
ttingshlàschcn de Fritz Millier; globules polaires de Robin).
10. Les corps directeurs ne sont pas des parties équiva-
lentes d'un même tout : ils n'ont ni la même composition,
ni la même significalion : l'un est le corps nucléolaire,
l'autre le corps nucléoplasmique de la vésicule germinative
modifiée. Le premier se colore en rouge par le picrocarmi-
nate d'ammoniaque; l'autre ne prend pas la matière colo-
rante.
11. La lentille cicatriculaire, après le mélange de son
protoplasme avec le liquide de la vésicule, devient granu-
leuse et se confond avec la couche corticale de l'œuf.
12. Au moment de la disparition de la vésicule germi-
native commence le retrait du vitellus, qui s'accompagne
de mouvements amœboïdes et consiste dans l'expulsion
d'un li(|nide transparent, qui s'accumule entre le vitellus et
la zone pellucide. Ce liquide je l'ai appelé liquide pêrivi-
lellin. Dans ce liquide se trouvent les corps directeurs.
15. Après le retrait, le vitellus reprend sa forme
splK'rique; on n'y reconnaît plus la division en couche cor-
ticale et substance médullaire; le vitellus [)rend un aspect
particulier; l'œuf redevient un cytode et mérite le nom de
Monerula qui a été donné par Haeckel à l'œuf dépourvu de
sa vésicule germinative.
14. La disparition de la vésicule germinative, la pro-
duction des corps directeurs, le retrait du vitellus et la
cessation de toute séparation en substance corticale et mé-
dullaire sont des phénomènes indépendants de la féconda-
lion. Ils se rattachent à la maturation de l'ovule. Chez le
Lapin ils s'accomplissent dans l'ovaire. Je ne veux pas
affirmer cependant que dans certains cas ils ne puissent se
( 695 )
passer dans l'oviductc. Cependanl je n'ai jamais trouvé
dans roviducte d'œuC pourvu de sa vésicule genninalive.
15. Le dépùl autour de l'œuf d'une couche alhuininoïdc
sciait aussi bien autour de l'œuf non fécondé qu'autour
de l'œuf qui a subi l'action des spermatozoïdes. La ques-
tion de savoir si l'oeuf p(Hit encore être fécondé après que
ce dépôt s'est elTectué reste indécise.
CIIAPITHL IL
LA TKCON DATION.
1. Jamais je n'ai trouvé d'ovule fécondé dans une vési-
cule de De GraaL Jamais je n'ai aperçu de spermatozoïde
ni dans un œuf ovarien, ni dans un follicule. Je ne pense
pas que la fécondation s'acconq)lisse jamais t/a/i.s f inférieur
de l'ovaire.
± Les spermatozoïdes |)énètrent à l'intérieur de l'ovule
en traversant la zoih; pellucide. On en trouve un grand
nombre, dans tout ovule fécondé, en suspension dans le
liquide [)érivitellin, non-seulement au début du dévelop-
pement, mais durant tout le cours du fractioinuMuent et
môme encore quand la vésicules blaslodermique a atteint
plusieurs millimètres de diamètre. Ils s(^ trouvent invaria-
blement, dans ce cas, sous la zone pellucide entre celle-ci
et la vésicule l)lasl()(lermi<iue. J'ai trouvé juscpi'à vingt
spermatozoïdes dans la coupe opti(|ue d'un œuf.
Barry est le premier qui ait vu positivement des sper-
matozoïdes à l'intéiieur de l'œuf des Mammifères. Ses
observations ont été ultérieurement conlirmées par Meiss-
ner, par IJiscbolfcît par moi-même.
3. On trouve toujours aussi des spermatozoïdes entre la
zone pellucide et la couche albuminoïde et dans l'épaisseur
( 694 )
de cette dernière. Il est rare d'en voir engagés dans la
zone pellucide. Cependant j'en ai trouvé quelquefois et dans
ce cas la tête était toujours dirigée radiairement.
4. Les œufs les plus jeunes dans l'intérieur desquels j'ai
pu constater la présence des spermatozoïdes ont été trouvés
11 heures après la copulation.
5. Je n'ai jamais rien observé de comparable à un
micropyle et je suis convaincu que les orifices de la zone
pellucide décrits sous ce nom par Barry, par Meissner, par
Pflijger et par moi-même sont des produits artificiels, des
déchirures accidentelles ou le résultat de perforations pro-
duites par les aiguilles.
6. J'ai observé durant 20 minutes un spermatozoïde
vivant dans un œuf retiré de l'oviducte environ 20 heures
après la copulation. Il se mouvait avec une extrême agilité
et avec assez de force pour déplacer à lui seul le globe
vitellin. Il ne manifestait aucune tendance à s'engager
dans le globe vitellin. Une foule d'autres spermatozoïdes
morts se trouvaient à côté de celui qui parcourait en tous
sens le liquide périvitellin. Dans tous les autres œufs que
j'ai examinés les spermatozoïdes étaient immobiles.
7. Jamais je n'ai observé de spermatozoïde à l'intérieur
du vitellus. J'ai eu sous les yeux des centaines d'ovules,
et toutes les recherches que j'ai faites en employant les
procédés les plus divers pour trouver des spermatozoïdes
à l'intérieur de la masse vitelline ont été infructueuses.
Mais j'ai fréquemment trouvé des spermatozoïdes étroite-
ment appliqués par leur tête contre la surface du globe
vitellin. On en trouve constamment^ occupant cette position,
dans les ovules non encore fractionnés. Leur adhésion est
si intime qu'ils restent accolés au vitellus, quelles que
soient les manipulations que l'on fait subir à l'œuf. On
( 695 )
peut facilement isoler le globe vilellin après l'avoir fait
durcir dans Tacide osmique et le liquide de Millier. Le
globe ainsi isolé montre toujours des spermatozoïdes acco-
lés par leur tête à la surface du vitellus. Je crois donc que
la fécondation consiste essentiellement dans la fusion de
la substance spermatiqne avec la couche superficielle du
globe vitellin.
CHAPITRE III.
FORMATION DU PREMIER NOYAU EMBRYONNAIRE.
C'est Bagge qui le premier a constaté qu'un noyau de nou-
velle formation apparaît dans l'œuf après la disparition de
la vésicule germinative et consécutivement à la féconda-
tion. Mais dans ces derniers temps seulement des obser-
vations précises ont été publiées relativement à la forma-
tion de ce premier noyau. Ces observations émanent de
trois naturalistes qui se sont occupés simultanément de la
même question et d'une manière tout à fait indépendante :
Biitschli, Auerbach et Strasburger.Tous trois sont d'accord
pour affirmer que le nouveau noyau se forme près de la sur-
face du vitellus et qu'il ne vient que secondairement occuper
dans l'œuf une position centrale. Biitschli a vu chez plu-
sieurs Nématodes et ultérieurement chez des mollusques
(Lymneus auricularis et Succinea Pfeifferi) deux ou plu-
sieurs (quelquefois jusqu'à huit) noyaux clairs se former
dans la couche superlicielle du vitellus, gagner progressive-
ment le centre de l'œuf et s'y fusionner pour donner nais-
sance au noyau du premier globe vitellin.
Auerbach a fait également ses observations chez les vers
Nématodes. (Strongijlns auricularis et Ascaris nigro-
venosa).
( 696 )
Il apparaît à chacun des pôles de Tœuf , près de la sur-
face, une vacuole claire, qui s'agrandit progressivement.
Les deux vacuoles s'écartent de la périphérie, s'appro-
chent l'une de l'autre, s'accolent sans se fusionner, exé-
cutent un mouvement de rotation pendant lequel le plan
suivant lequel ils s'accolent décrit un angle de 90 de-
grés; puis ils changent de forme et constituent, par leur
réunion, le premier noyau.
Strashurger a vu chez la Phallitsia mamillata un frag-
ment irrégulier de la couche corticale de l'œuf se détacher
et se porter vers le centre du vitellus pour y former le noyau.
Voici les résultats des recherches que j'ai faites chez le
Lapin pour élucider cette question si importante de la
formation du premier noyau de l'embryon :
l*' Peu de temps après la fécondation, la substance du
vitellus se divise en trois couches que je désignerai, pour
ne rien préjuger relativement à leur signification, sous les
noms respectifs de couche superficielle, couche intermé-
diaire et masse centrale. La couche intermédiaire est gros-
sièrement et irrégulièrement granuleuse; elle est plus
opaque que les deux autres; c'est dans cette couche que
l'on observe, dans beaucoup d'œufs, des grumeaux irrégu-
liers formés par des granules vitellins agglutinés. La sub-
stance centrale est beaucoup plus claire, mais uniformé-
ment granuleuse. La couche superficielle est presque
homogène; elle ne présente que de fines granulations
punctiformes dans une masse fondamentale très-réfrin-
gente. J'ai sacrifié trois Lapines qui m'ont montré le
globe vitellin ainsi constitué et dépourvu de tout noyau.
Ces Lapines sacrifiées, 10 72, 9 et 8 Va heures après le coït,
m'ont donné la première sept, la deuxième cinq et la
troisième onze ovules.
{ 6!)7 )
2" Le phénomène qui prélude à la formation des élé-
ments qui doivent donner naissance au noyau consiste
dans répaississemcnt en un point de la couche superfi-
cielle du vilellus. En ce point apparaît un petit corps
arrondi, homogène, dépourvu de toute granulation, qui a
vraiment l'apparence d'une vacuole. Mais en traitant par
l'acide osmique, la substance claire de la soi-disant vacuole
se fonce et se teinte en gris, tandis que toute la substance
du vitellus se colore en brun. Ce corps que j'appellerai le
profiucleus périphérique ^ ]q l'ai trouvé dans cinq ovules
rencontrés dans une même Lapine que j'avais sacrifiée
\o heures environ après le coït.
3° Le pronucleus périphérique formé dans la couche
superficielle du vitellus s'enfonce; en même temps il
s'agrandit un peu et l'on voit apparaître à son intérieur
plusieurs corpuscules très-réfringents que l'on prendrait
pour autant de nucléoles, si on les observait dans un noyau
ordinaire. Dans la masse centrale de l'œuf apparaissent
simultanément deux ou trois petites masses claires, irrégu-
lières, mais qui se réunissent aussitôt en un corps bosselé à
sa surface. Celui-ci occupe dès l'abord le centre de l'œuf et
son volume l'emporte de beaucoup sur celui du pronu-
cleus périphérique. A voir sa forme et ses caractères phy-
siques, on le prendrait pour un noyau bourgeonnant; ses
contours sont beaucoup moins distincts que ceux du
pronucleus périphérique. Je l'appellerai le pronucleus
central. Tous les œufs (quatre) d'une Lapine sacrifiée
le 27 novembre, 12 7^ heures après le coït, mon-
traient en même temps à quelque distance l'un de
l'autre les deux pronuclei. Cependant, il y avait entre
eux quelques différences qui, indépendamment de l'appa-
rence du vilellus, portaient : 1° sur la distance qui sépa-
2"*' SÉRIE, TOME XL. 45
( 698 )
rait les deux éléments nucléaires; 2° sur les dimensions de
ces derniers; 5° sur la constitution du pronucleus central.
Dans trois œufs le pronucleus central était constitué de
trois ou quatre parties juxtaposées et de dimensions iné-
gales. Dans l'un d'entre eux même, la matière vitelline
séparait positivement l'un de ces éléments des deux au-
tres. Dans le quatrième œuf les diverses portions parais-
saient confondues en un tout unique irrégulier, bosselé
à sa surface. Dans une Lapine sacrifiée le 17 novembre,
14 1/2 heures après la fécondation , j'ai trouvé également
quatre œufs vers le milieu de l'oviducte; tous les quatre
montraient également les deux pronuclei situés à quelque
dislance l'un de l'autre.
4"* Les deux pronoclei se rapprochent l'un de l'autre
au point de se toucher au milieu de la masse centrale du
vitellus. Ils sont tout différents l'un de l'autre. Le pronu-
cleus périphérique est sphérique, ses contours sont régn^
liers, il est notablement plus petit que l'autre. Le pronu-
cleus central a la forme d'une calotte ou d'un croissant
aplati et à cornes émoussées. Par sa concavité, il se
moule plus ou moins sur le pronucleus périphérique,
dont il est séparé au début par du protoplasme cen-
tral renfermant quelquefois une ou plusieurs granu-
lations volumineuses et assez réfringentes. Mais dans
la plupart des œufs, les deux pronuclei se touchent
on ne sont séparés l'un de l'autre que par une couche
imperceptible de protoplasme vilellin. La face convexe du
pronucleus central est tantôt régulière, tantôt bosselée, et
dans ce cas ses bords présentent des échancrures, ce qui
donne à l'ensemble de la masse nucléaire une apparence
lobulée. Dans quelques œufs, j'ai encore trouvé ce dernier
divisé en deux parties de telle manière qu'il y avait en réa-
( 699 )
lilé trois corps clairs réunis. La substance qui constitue le
pronocleus central présente exactement les mêmes carac-
tères optiques que celle du nucleus périphérique. Dans l'un
comme dans l'autre, il existe des corpuscules arrondis, ré-
fringents, de dimensions variables que l'on prendrait pour
des nucléoles. J'ai trouvé dans sept Lapines, sacrifiées de 17
à 21 heures après le coït, des œufs présentant les caractères
que je viens de décrire brièvement. Elles m'ont donné en-
semble trente-neuf ovules que j'ai conservés, en partie, en
préparations permanentes. Le procédé employé pour la
conservation de ces œufs est le suivant : les ovules trai-
tés par Tacide osmique à 1 p. % sont placés pendant deux
à trois jours dans le liquide de Mûller et puis portés dans
la glycérine. De cette façon, les pronuclei deviennent
plus distincts même qu'ils ne l'étaient dans l'œuf frais.
Si on les porte dans de !a glycérine faiblement picrocar-
minatée, les pronuclei se colorent en rose l'un et l'autre.
5° Le pronucleus périphérique grandit rapidement tout
en conservant sa forme sphérique. Le pronucleus central,
qui reste toujours distinct de l'autre et se trouve toujours
appliqué sur lui par sa concavité, diminue de volume.
Les nucléoles sont devenus beaucoup moins apparents.
6° 11 n'existe plus au centre de l'œuf qu'un seul noyau,
formé aux dépens des deux premiers. Je ne pourrais dire
s'il se forme par la fusion des deux pronuclei, ou si l'un
se développe aux dépens de la substance de l'autre. Ce
noyau a des contours très-peu marqués; sa forme est
irrégulière; il est formé d'une substance homogène dans
laquelle on ne distingue plus aucune trace des corpuscules
réfringents semblables à des nucléoles.
Ces dernières phases ont été constatées dans des œufs
non fractionnés trouvés vers le milieu ou dans la moitié in-
(700)
férieure de l'oviducte avec des œufs segmentés en deux
globes.
Dans tous les œufs décrits en dernier lieu (au 4", au 5"
et au 6°), le vilellus présentait une apparence radiée.
Il résulte de ce qui précède que le premier noyau de
l'embryon se développe aux dépens de deux pronuclei,
l'un périphérique qui dérive de la couche superficielle de
l'œuf, l'autre formé au milieu de la masse centrale du
vitellus. Comme j'ai établi que les spermatozoïdes s'ac-
colent à la surface du vitellus pour se confondre avec la
couche superficielle du globe, il me paraît probable que le
pronucleus superficiel se forme au moins partiellement aux
dépens de la substance spermatique. Si, comme je le pense,
le pronucleus central se constitue exclusivement d'élé-
ments fournis par l'œuf, le premier noyau de l'embryon
serait le résultat de l'union d'éléments mâles et femelles.
J'énonce cette dernière idée comme une simple hypothèse,
comme une interprétation que l'on peut ou non accepter.
Le 7 mars 1871 , j'eus l'occasion d'observer un grand
nombre de Chauves-Souris recueillies dans la grotte
Saint-Pierre, près de Maestricht (V. Mnrinus ,\ . Mystaci-
nus , V. Dasycnemus et V. Daiibentonii). Toutes les fe-
melles avaient la matrice et les oviductes distendus par
des spermatozoïdes, qui se mouvaient avec une grande
agilité. Je trouvai un ovule fécondé dans les oviductes
de huit femelles appartenant à différentes espèces. Tous
ces ovules se trouvaient au même état de développement.
Ils renfermaient un globe vitellin unique ayant subi Je
phénomène du retrait; en dehors du vitellus, dans le
liquide périvitellin ilottaient deux globules polaires diffé-
rents l'un de l'autre. Dans le vilellus on distinguait nette-
( 701 )
ment une couche périphérique, une couche intermédiaire
granul(Mise et une masse centrale claire. Dans celle-ci se
trouvaient deux noyaux pourvus chacun d*un nucléole
unique très-rélVingent et assez volumineux. D'après mes
croquis faits il y a environ quatre ans, je crois pouvoir
identifier l'un de ces noyaux avec le pronucleus périphé-
rique, l'autre avec le pronucleus central.
Le 25 mars de la même année, je reçus un nouvel en-
voi de Chauves-Souris. Je trouvai dans les oviductes neuf
ovules tous au même état de développement que les pré-
cédents.
Dans mon mémoire sur la composition de l'œuf, j'ai
figuré un œuf au même état de développement que j'avais
trouvé dans l'oviducte d'un Vesperlilio murinus en mars
i 868 (planche Xn,fig. i).
Le 3 novembre de cette année, j'ai fait prendre encore
une centaine de Chauves-Souris dans la même localité.
J'ai trouvé les organes génitaux femelles gonflés par les
spermatozoïdes. Mais je n'ai pu découvrir aucun ovule, ni
dans les oviductes, ni dans la matrice.
Ces faits me portent à croire que les Chauves-Souris
s'accouplent avant de tomber dans le sommeil hivernal;
que les spermatozoïdes restent vivants dans le corps de la
femelle pendant une partie de l'hiver; que l'ovule arrive à
maturité au début de la saison froide; qu'il est aussitôt
fécondé; mais qu'il ne continue à se développer, que
lorsque les premières chaleurs du printemps commen-
cent à ranimer les organes engourdis durant les froids de
l'hiver.
On sait que Bischoff a constaté un fait analogue chez
le chevreuil. L'accouplement a lieu à la fin de juillet ou
au commencement d'août. Immédiatement après s'accom-
( 702 )
plissent les premiers phénomènes du développement em-
bryonnaire (fractionnement). Mais bientôt le développe-
ment s'arrête pour ne se continuer qu'en décembre.
CHAPITRE [V.
FRACTIONNEMENT ET FORMATION d'uNE MÉTAGASTRULA.
Les changements que l'œuf de la Lapine subit durant la
première période de l'évolution de l'embryon , s'accomplis-
sent dans l'oviducte. L'œuf, au moment d'entrer dans l'uté-
rus, renferme déjà un embryon constitué de deux feuillets
cellulaires; cet embryon est une gantriila modifiée pour la
désignation de laquelle je propose le nom de mélagaslrula.
L'œuf quitte l'oviducte entre le second et le troisième jour.
Le nombre d'heures qui s'écoulent entre le moment de la
copulation et le moment de l'entrée de l'œuf dans l'utérus
n'est pas constant. 11 est en moyenne de 70 heures. Si l'on
sacrifie une Lapine 70 heures après la copulation, on trouve
les œufs dans le voisinage du point de terminaison de l'ovi-
ducte, mais tantôt dans l'oviducte, tantôt dans l'utérus.
D'un autre côté, les œufs que l'on rencontre 70 heures
après le coït ne sont pas toujours exactement au même
degré de développement. Ces différences dépendent proba-
blement : 1° de ce que le point où s'opère la fécondation
n'est pas toujours le môme; â*" de ce que le temps qui
s'écoule entre le moment de la copulation et le moment
de la fécondation est variable. Ces variations quant au
lieu et au moment de la fécondation dépendent elles-
mêmes de l'état des follicules de De Graaf au moment de
la copulation. Les femelles se laissent couvrir tantôt avani ,
tantôt après la rupture des follicules, et, dans le premier
( 703 )
cas, la maturation des ovules peut être plus ou moins
avancée. 11 n'est donc pas exact de dire, comme l'a pré-
tendu M. Reicherl, que la rupture des vésicules a toujours
lieu un nombre déterminé d'heures après raccouplomcnt.
C'est à Bischoff que l'on doit la découverte du fraction-
nement de l'oeuldes Mammifères. Avant lui von Baër et
Barry avaient vu des œufs de xMammifères en voie de seg-
mentation; mais von Baër a employé des grossissements
trop faibles pour qu'il ait pu saisir les véritables carac-
tères de l'œuf segmenté de Chien qu'il a eu sous les yeux
et son observation est restée isolée. Quant à Barry, qui a
vu des œufs à toutes les phases du fractionnement, il a si
mal interprété les faits qu'il est impossible de lui attribuer
le mérite de la découverte d'un phénomène dont il n'a coni-
pris ni le mode ni la signification. Il n'a pas eu l'idée de
ce qui constitue l'essence de la segmentation. Bischoff,
au contraire, non-seulement a décrit fort exactement le
phénomène du fractionnement tel qu'il se passe chez les
Mammifères, mais il a fait connaître certains caractères
essentiels des globes vitellins. Il a reconnu que ces globes
sont dépourvus de membrane, qu'ils possèdent un noyau
clair, et s'il n'a pas compris la portée de la segmentation
au point de vue histogénique, c'est à cause des idées
erronées qui régnaient à cette époque sur la constitution
de laceliuie. Bischoff a vu que les globes de segmentation
se transforment en cellules pour donner naissance à la
vésicule blastodermique; il a reconnu que leur vésicule
claire devient le noyau des cellules blastodermiques; je
ne puis assez admirer l'exactitude de ses observations. Il
est regrettable que les recherches qu'il a faites ultérieure-
ment sur le développement du Cochon d'Inde et du Che-
vreuil l'aient conduit plus tard à élever lui-même un doute
( 704 )
sur ses observations antérieures faites chez le Lapin et le
Chien et à leur donner une portée qu'elles n'ont pas. Dans
ses Neiie Beobachtungen zur Entwickelungsgeschichte des
Meerschiceinchem , il exprime l'opinion que chez tous les
Mammifères il s'opère à la fin du fractionnement une
fusion des globes vitellins en une masse granuleuse com-
mune d'où sortiraient les cellules du blastoderme.
Si les observations de l'illustre embryogénisle de Mu-
nich, relativement tant au fractionnement qu'à la forma-
tion de la vésicule blastodermique, sont marquées au
coin de la plus remarquable exactitude, je dois ajouter
qu'elles sont cependant incomplètes à certains égards.
Des faits importants lui ont échappé; l'attention de Bischoff
n'a été portée ni sur tous les caractères des globes vitel-
lins, ni sur leur disposition relative, ni sur la loi suivant
laquelle s'opère le fractionnement, ni sur la composi-
tion de la masse cellulaire qui se produit à la suite du
fractionnement. C'est ce qui fait qu'une phase importante
de l'évolution de l'embryon lui a échappé; et cette phase
est d'autant plus importante qu'elle est le point de départ
de la formation de la vésicule blastodermique et la clef du
problème de la formation des feuillets de l'embryon.
1. Le fractionnement débute par le changement de
forme du noyau embryonnaire qui, de sphérique qu'il était
d'abord, devient fusiforme, et la production, dans le globe
vitellin primitif, d'une figure karyoîytique semblable à celle
qui a été observée et décrite chez les Néinatodes par Auer-
bach. Je ne puis encore faire connaître mes observations
sur le mode suivant lequel s'opère la division du pre-
mier globe de fractionnement, pas plus que sur la for-
mation des noyaux des deux globes produits à la suite de
la première segmentation. Les recherches que j'ai faites
( 705 )
pour élucider cette importante question sont encore in-
suffisantes. Cependant je puis affirmer que les prétendues
vacuoles que Auerhach fait apparaître dans la figure
karyolytique et qui se voient également chez les Mammi-
fères ne sont pas des éléments de nouvelle formation , mais
des fragments du premier noyau embryonnaire. Ce sont
des corps formés de substance nucléaire; ils se colorent
en rose par le picrocarminate.
2. Au moment où le fractionnement en deux vient de
se terminer, chaque globe présente une forme spbérique
régulière. Il présente alors une tache claire qui, examinée
à de forts grossissements, se montre formée de deux
parties distinctes : l'une arrondie plus petite qui est un
dérivé du premier noyau embryonnaire et que j'appelle
le promicleiis dérivé; l'autre plus volumineuse, bosselée à
sa surface, enveloppant incomplètement la première, que
j'appelle le promicleus engendré. Il n'est que le reste de la
matière claire, homogène et transparente, accumulée dans
le premier globe aux deux pôles du premier noyau, après
que celui-ci a pris la forme d'un fuseau. Cette matière est
une partie diff'érenciée du protoplasme de la cellule en voie
de formation et ne présente aucun lien génétique avec le
noyau du premier globe. Le pronucleus dérivé s'accroît
progressivement aux dépens du pronucleus engendré; il
finit par absorber complètement ce dernier. Le pronu-
cleus dérivé est devenu alors le noyau du globe vitellin.
Ce noyau clair est pourvu de plusieurs nucléoles réfrin-
gents.
Quelque temps après la première segmentation, les
globes perdent leur forme spbérique. Ils s'affaissent un
peu l'un sur l'autre et s'accolent par une surface plus
ou moins étendue. C'est à ce moment que les pronuclei
( 700 )
ont disparu pour donner naissance au noyau unique du
globe.
Généralement les deux globes sont d'inégales dimen-
sions. Sur vingt-neuf œufs que j'ai observés à cet état de
développement, vingt et un au moins montraient des
globes de volumes différents. Je dis au moins parce que je
ne compte dans le nombre vingt et un que les œufs chez
lesquels cette différence était très-manifeste. Le petit globe
présente aussi un peu moins de transparence-, par l'acide
osmique il prend une teinle plus foncée; par le picrocar-
minate il prend une couleur de laque carminée plus accen-
tuée; il se colore plus vite et plus fortement, Ces dernières
différences se reconnaissent même dans le cas oîi les deux
globes ne présentent pas de différences au point de vue de
leurs dimensions.
Je conclus de ces faits que les deux premiers globes ne
sont pas équivalents; qu'ils n'ont ni la même composition
ni la même valeur. La suite du développement démontre
que les cellules du feuillet externe de l'embryon dérivent
toutes du plus grand des deux premiers globes de seg-
mentation; que toutes les cellules de l'endoderme dérivent
du plus petit. Pour ce motif je donne dès à présent au
grand globe le nom de globe ecloder inique; au plus petit
le nom de globe endoder inique.
5. Segmeiilalion en quatre globes. Au moment où la
segmentation vient de s'achever, les quatre globes affec-
tent une forme sphérique. Le noyau de ces globes se
forme aux dépens de deux pronuclei de la même manière
que dans les deux premiers globes. Dans certains œufs les
quatre globes sont disposés de telle manière que leurs cen-
tres se trouvent dans un même j)lan. Ils sont de dimen-
sions inégales : il y en a deux qui sont plus grands et un
( 707 )
peu plus clairs et qui se colorent plus lentement et plus
faiblement par le picrocarminale; deux autres sont plus
petits, un peu plus foncés et se colorent plus rapidement
et plus fortement. Les deux grands globes dérivent bien
certainement du premier globe ectodermique; les deux pe-
tits du premier globe endodermique. Dans la plupart des
œufs segmentés en quatre, la disposition des globes est
différente : les lignes qui joignent les centres des globes
de même valeur sont perpendiculaires entre elles.
Après quelque temps les globes perdent leur forme
spbérique; ils s'affaissent les uns sur les autres; mais les
globes ectodcrmiques s'atïaissent plus tôt et plus forte-
ment que les globes endodermiques. C'est ce qui fait que
Ton voit souvent les deux grands globes plus ou moins
moulés par une légère concavité sur les deux petits qui
ont conservé encore à ce moment leur forme sphérique.
4. Division en huit. Xu moment où ils viennent de se
séparer, les buit globes affectent une forme parfaitement
sphéroïdale. Dans chacun d'eux on distingue deux pro-
nuclei accolés l'un à l'autre; l'un irrégulier et bosselé à sa
surface est d'abord plus grand que l'autre et l'enveloppe
plus ou moins complètement. Ces globes se trouvent dis-
posés sur deux plans : quatre globes plus grands et plus
clairs (globes ectodermiques), de mêmes dimensions, se
trouvent dans un même plan; quatre autres plus petits et
plus foncés (globes endodermiques) se trouvent dans un
autre pian parallèle au premier. Les lignes qui unissent
les centres des globes opj)osés d'un même plan sont per-
pendiculaires entre elles. Mais les croix formées par les
lignes réunissant les centres des globes opposés d'un même
plan forment ensemble une étoile à buit rayons conver-
geant sous des angles de 45 degrés.
( 708 ;
Bientôt la position relative des globes change : l'un des
globes endodermiques devient central; les trois autres
aussi bien que les quatre globes ectodermiques restent su-
perficiels. L'ensemble des huit globes prend alors une
forme sphéroïdale. La surface de la sphère est constituée
par sept globes enveloppant un globe central unique. Les
quatre globes endodermiques forment alors une pyramide
de quatre boulets. Le boulet qui constitue le sommet de
la pyramide est enveloppé par une calotte concave, for-
mée par les quatre globes ectodermiques. Ces changements
dans la position relative des globes sont accompagnés de
certaines modifications que subit leur forme. Ils cessent
d'affecter la forme sphéroïdale, qu'ils réalisaient d'abord,
pour s'affaisser les uns sur les autres. J'ai vu des œufs
dans lesquels cet affaissement était si prononcé, que l'en-
semble des globes paraissait constituer une sphère indi-
vise et seulement sillonnée à sa surface.
Ces changements dans la position relative des globes
vitellins constitue un commencement d'invagination; l'ec-
loderme formé par quatre globes tend à envelopper par
épibolie la masse cellulaire endodermique. Cette tendance
s'accentuera davantage dans les phases ultérieures et aura
pour conséquence le cheminement progressif de l'eclo-
derme autour de l'endoderme d'où résultera la formation
de la métagastrula.
4. Segmenlalion en douze globes. La phase suivante est
des plus instructives : elle démontre que les globes ecto-
dermiques se multiplient plus rapidement que les globes
endodermiques.
Cette phase est caractérisée par l'existence de douze
globes. Elle a été observée par Bischoff chez le Chien et
chez le Chevreuil; chez le Cochon d'Inde elle a été signalée
( 709 )
par Bischoff et par Reichert. Je l'ai observée cinq fois chez
le Lapin. Dans deux Lapines j'ai trouvé simullanément des
œufs divisés en seize et d'autres en douze globes; dans une
autre Lapine j'ai vu simultanément des œufs divisés en
douze globes, d'autres divisés en huit.
Dans les cinq œufs j'ai trouvé huit globes notablement
plus petits que les quatre autres; tous les huit avaient les
mêmes dimensions et le même aspect; tous affectaient une
forme sphérique. Ils provenaient de la segmentation si-
multanée des quatre globes ectodermiques de la phase pré-
cédente. Les quatre autres globes, notablement plus grands
que les précédents, ne sont que les globes endodermiques
de la phase précédente qui se segmentent un peu plus tard
que les premiers. Dans deux de ces cinq œufs l'un des
grands globes était tout à fait central, les trois autres pé-
riphériques. Dans les trois autres œufs la position relative
des globes ne pouvait pas se ramener au type géométrique
décrit au 5°.
5. Division en seize. Au début tous les globes sont
sphériques. La disposition relative des globes ne paraît pas
être toujours la même. En effet, j'ai trouvé quelquefois un
seul, plus souvent deux ou trois globes au centre de l'œuf.
Plus lard, quand les globes se sont affaissés l'un sur
l'autre, on trouve jusqu'à quatre globes au centre. Des
douze périphériques, huit sont alors ectodermiques; ils
sont adjacents et forment par leur réunion une calotte
moulée sur les globes centraux. Cette calotte ectodermique
forme plus de la moitié de la surface de l'embryon. Ces
cellules se distinguent surtout des cellules endodermiques
encore superficielles en ce qu'elles sont plus aplaties et
beaucoup moins convexes du côté externe que les globes
endodermiques; en outre, elles sont légèrement concaves
( 710 }
à leur face interne. Les globes endodermiques superficiels
sont, au contraire, hémisphériques du côté de la surface;
ils se touchent mutuellement par des surfaces planes.
Au point de vue des dimensions, il existe maintenant
moins de différences qu'au début de la segmentation entre
les cellules eclodermiques et les globes endodermiques.
J'ai eu sous les yeux entre cinquante-cinq et soixante
œufs présentant la division en seize globes.
6. Division en vingt-quatre. Cette phase du fractionne-
ment a déjà été constatée par Bischoff qui fait observer que
dans les œufs qui renferment vingt-quatre globes, ceux-ci
sont d'inégales dimensions. Ce qui est essentiel à noter
et ce qui paraît avoir échappé à l'éminent embryogé-
niste, c'est que dans cette phase, comme dans celle décrite
au n" 5, les globes plus volumineux ne sont pas mêlés aux
petits, mais qu'ils sont, au contraire, adjacents l'un à
l'autre et les uns situés au centre, les autres à la surface
de l'embryon.
Les globes ectodermiques sont au nombre de seize;
ils ont une forme sphérique et ils constituent ensemble
une calotte appliquée sur les globes centraux. Le nombre
de ces derniers est variable; j'en ai trouvé trois, quatre
ou cinq. Quelquefois on en trouve un ou plusieurs dans
une position intermédiaire.
J'ai trouvé quelquefois des œufs dans lesquels il n'exis-
tait que vingt-trois et même vingt-deux globes. Dans ces
œufs, la détermination de la partie ectodermiqne et de la
partie cndodermique était difficile, de grands globes se
trouvant placés au milieu des petits. Je pense que ces
cas exceptionnels doivent être attibués à cette circonstance
que tous les globes eclodermiques, à partir de ce moment,
ne se divisent plus simultanément. Les uns se segmentent
( 7H )
un peu plus tôt que les autres et ces différences vont
s'accuser de plus en plus dans la suite, ce qui rend très-
difficile dans certains œufs la détermination de la forme
embryonnaire et de la signification de certains globes.
7. Dans les phases ultérieures du développement, la
détermination exacte du nombre des globes devient elle-
même fort difficile. Ce n'est qu'en rompant les enveloppes
de l'œuf que l'on parvient, dans certains cas, à résoudre
la question de nombre. Dans les phases subséquentes à
celles que nous avons considérées, le nombre des globes
augmente peu à peu et la calotte ectodermique s'étend
progressivement de façon à envelopper de plus en plus
complètement l'amas des cellules endodermiques. Ces mo-
difications successives amènent la formation de la méta-
gastrula, qui se reconnaît déjà fort distinctement quand il
existe environ trente-deux globes, mais qui s'accuse da-
vantage encore quand le nombre des globes est approxi-
mativement de quarante-huit, de soixante-quatre ou de
quatre-vingt-seize. Cette dernière phase est atteinte, en
moyenne, 70 heures après l'accouplement. L'embryon
présente alors les caractères suivants :
La partie périphérique du corps est constituée par une
couche de cellules claires, dont j'évalue approximativement
le nombre à soixante-quatre. A la coupe optique on en
compte de treize à quinze. La masse centrale de l'embryon
est formée par un certain nombre de cellules plus grandes,
plus foncées et polygonales. Si l'on fait rouler l'œuf sur le
porte-objet, on parvient toujours à amener l'embryon dans
une position telle, qu'on distingue nettement, en un point
de sa surface, une dépression que je désignerai sous le
nom de « lieu d'invagination ». Si ce lieu est amené dans
la coupe optique de l'œuf, alors on reconnaîl que la couche
( ■Ji'i )
superficielle de rembryon se trouve interrompue en ce
point par une, deux ou trois cellules dilïérenles des autres
i]ui sont superlicieiles. Ces cellules sont en tous points
semblal)les à celles qui constituent le noyau central de
l'embryon, c'est-à-dire la masse endodermique. Je consi-
dère la solution de continuité qui existe dans la couche
ectodermique au lieu d'invagination comme homologue à
l'anus de Rusconi, réceuiment désigné par mon ami Ray
Lankester, sous le nom de blastopore. Les quelques cel-
lules endodormiques, engagées dans ce trou, constituent le
bouchon de Ecker ou bouchon endodermique.
Les cellules de la couche superficielle ou ectodermique
présentent les caractères suivants : elles ont une l'orme
irrégulièrement cuboïde; elles sont convexes en dehors et
en dedans, planes sur leurs faces latérales. Les cellules qui
circonscrivent le bouchon endodermique ont une l'orme un
peu dilVérente : elles sont plus plates et s'appliquent sur
les celllules endodermiques du bouchon par une surface
régulièrement convexe. Par là elles se distinguent de
toutes les autres cellules de l'ectoderme qui se louchent
mutuellement par des faces planes. Les dimensions de ces
cellules varient un peu de l'une à l'autre. H n'y en a pas
deux qui aient exactement la même forme ni les mêmes
dimensions. Si l'on traite ces œufs par l'acide osmique et
puis pas le liquide de Millier, on obtient de magnifiques
préparations : les cellules ectodermiques restent très-
claires et se colorent très-faiblement en brun; elles pos-
sèdent chacune un beau noyau sphérique pourvu de plu-
sieurs nucléoles; elles sont finement granuleuses; mais
après le traitement par l'acide osmique on trouve toutes
les granulations accumulées dans la région circomnu-
cléaire du protoplasme et comme le noyau occupe une
( 713 )
position excentrique, qu'il se trouve plus près de la sur-
face de l'embryon, la partie externe des cellules ecto-
dermiques se distingue par son aspect granuleux. Au con-
traire la partie profonde est tout à fait claire, transparente,
dépourvue de granulations. Cette circonstance permet de
distinguer avec une extrême netteté la limite de l'ecto-
derme: si Ton observe l'embryon avec un faible grossisse-
ment, on voit une zone claire et limpide entre l'endo-
derme et l'ectoderme. L'ectoderme considéré dans son
ensemble est granuleux dans sa partie externe; il est
clair, hyalin et dépourvu de toute granulation partout
où il se trouve en contact avec l'endoderme.
Les cellules endodermiques dont le nombre est difficile à
délerminer,sont de forme polyédrique; elles se moulent les
unes sur les autres aussi bien que sur les cellules de l'ec-
toderme, de façon à remplir exactement tous les angles
rentrants qui existent entre ces dernières. Ces cellules sont
plus grandes que les cellules eclodermiques ; elles se colo-
rent assez fortement en brun par l'acide osmique et ne
sont guère transparentes. Elles adhèrent fortement les unes
aux autres; si on laisse macérer dans le liquide de Millier
pendant sept à huit jours, et si alors on rompt les enve-
loppes de l'œuf, on parvient à isoler ense servant d'aiguilles
très-fines la masse endodermique toute entière. Les cel-
lules qui la constituent tiennent toutes ensemble, tandis
que l'ectoderme se détache facilement de l'endoderme et
les cellules qui le composent n'adhèrent que très-faible-
ment les unes aux autres. La masse endodermique isolée
affecte la forme d'une petite carafe. Les cellules du bouchon
de Ecker en constituent le goulot. Le nombre des cellules
qui se trouvent au sommet du goulot est souvent de trois;
quelquefois même il n'en existe qu'une seule; dans ce cas,
2™^ SÉRIE, TOME XL. 46
( 7U )
celte cellule se Irouvail en retrait sur les cellules ectoder-
miques voisines; le blaslopore était sur le point de se
fermer.
La forme embryonnaire ainsi caractérisée, constituée
par une masse cellulaire solide, dépourvue de cavité cen-
trale, mais formée d'une couche ectodermique et d'une
masse endodermique, pourvue d'un blastopore et d'un
bouchon endodermique, formée progressivement pendant
le cours du fractionnement par épibolie, je l'appelle Me-
tagastrida ou gastrula modifiée. Il est facile de la ratta-
cher à la gastrula typique formée par invagination, telle
qu'elle se trouve conservée chez l'Amphioxus. Le mode de
formation de la métagastrula des mammifères résulte de la
marche du fractionnement; il se rattache immédiatement à
ce qui a été constaté chez les Batraciens, les Ganoïdes (Es-
turgeon) et les Cyclostomes. Je ne crois pas que l'on puisse
distinguer dans le cours de cette évolution de la métagas-
trula, comme l'a faitHaeckel, une phase de Morula.
CHAPITRE V.
FORMATION DE LA VÉSICULE BLASTODERMIQUE.
Dès que l'œuf a pénétré dans l'utérus, la masse cellulaire
de la métagastrula commence sa transformation en une
vésicule claire et transparente qui s'accroît rapidement et
atteint, au bout de quatre à cinq jours, un diamètre de 8 à
9 millimètres. Une vésicule toute semblable se forme dans
la matrice du Chien; elle a été découverte par R. De Graaf,
observée ensuite par Cruikshank et décrite par von Baér.
Elle a été étudiée depuis par Coste, Barry, Bischoff, Meiss-
ner, Remak et Reichert. Elle est formée d'une membrane
( 7IS )
externe sans structure qui n'est que la zone pellucide unie,
chez le Lapin, à une couche plus ou moins épaisse de ma-
tière albuminoïde, et d'une memhrane interne , le germe
(Keun) de von Baër, la vésicule blastodennique de Coste,
là Keimhaut ou Keimblase de BischofT et de Remak, la
membrane enveloppante [Umhûllungshaut) de Reichert.
Von Baër avait déjà reconnu qu'à la face interne de cette
membrane demeure accolé un reste du vitellus [ein Rest
nicht anfgelôseler Botter siibsfanz). Pour Bischoff etRemak,
ce reste du vitellus est un amas de globes vitellins non
encore transformés en cellules {Dotterresf, Dotterkugel),
mais destinés à subir progressivement cette transforma-
tion au fur et à mesure que ces globes viendront s'inter-
caler entre les cellules de la vésicule blastodermique. Ce
reste vitellin n'auraitaucun rapport avec la tache embryon-
naire (Fruchthof, Keimsc/ieibe) qui apparaîtrait plus tard,
après la disparition du reste vitellin. Remak dit qu'à un
moment de son évolution, la vésicule blastodermique est
formée, sur tous les points de sa surface, par une seule
rangée de cellules. Pour Coste, au contraire, la tache em-
bryonnaire procède de ce reste vitellin, et BischofT émet,
dans son mémoire sur le développement du Chien, une
opinion toute semblable. Mais comment les cellules poly-
gonales de la vésicule blastodermique se comportent-elles
vis-à-vis des globes vitellins? La membrane formée pas ces
cellules se continue-t-elle avec les bords de la tache em-
bryonnaire ou bien recouvre-t-elle ces globes? La ques-
tion est résolue dans un sens diamétralement opposé par
Bischoff et par Reichert. Un grand nombre de questions
relatives à la formation et à la constitution de la vésicule
blastodermique, de la tache embryonnaire et des feuillets
restent encore à trancher. Je veux les résumer ici; les
( 71« )
observations que j'ai faites et qui se trouvent résumées
plus loin ont eu pour but de les résoudre.
1. Comment la vésicule blastodermique se forme-t-elle
aux dépens de la masse cellulaire qui à la fin du fractionne-
ment remplit la cavité de l'œuf et que j'ai démontré être
une métagaslrula?
2. Le reste vitellin [Botlerrest ou Haufen der Dotter-
kiigeln de Biscbotf) disparaît-il et la tache embryonnaire
se forme-t-elle aux dépens du feuillet cellulaire primitive-
ment unique de la vésicule blastodermique (von Baer,
Biscboff (Mém. sur le Lapin) et Remakjou bien contribue-
t-il à la formation de la tache embryonnaire?
o. Cet amas de globes vitellins est-il, oui (Reichert) ou
non (Biscboff), recouvert par une couche de cellules po-
lygonales semblables à celles qui constituent la plus grande
partie de la vésicule blastodermique?
4. A quel moment apparaît la tache embryonnaire pro-
prement dite? N'a-t-on pas donné ce nom à des choses dif-
férentes? Le Friichtfiof que Biscboff fait apparaître très-
tard chez le Lapin est-il homologue à la tache embryon-
naire du Chien (Embryonalfleck, Fruchthof) qui se montre
aussitôt que commence la formation de la vésicule blasto-
dermique?
5. La tache embryonnaire est-elle formée par un seul
feuillet épaissi? résulte-t-elle de l'accolement des parties
épaissies de deux feuillets? ou bien les feuillets ne présen-
tent-ils pas d'épaississement au niveau de la tache et celle-
ci est-elle formée par plus de deux feuillets?
6. La vésicule blastodermique est-elle le feuillet externe
de l'embryon, ou bien n'est-elle qu'une membrane enve-
loppante sans importance pour la formation des organes
principaux de l'embryon (Reichert)?
( 717 )
7. Quelle est l'origine du feuillet inleine?
8. Quand et comment se forme le feuillet moyen?
Vers la fin du troisième jour commence la formation
de la vésicule blastodermique. Dans des embryons de
78 heures environ, on ne trouve plus que fort rarement
des traces du blastopore; l'ectodermeest devenu une vési-
cule close qui se moule exactement sur la masse cellulaire
endodermique. Cette vésicule est formée par des cellules
semblables à celles qui constituent l'ectoderme de la méta-
gastrula. ^lais ces cellules sont plus nombreuses, leur
nombre est difficile à déterminer; on en compte dix-huit à
vingt à la coupe optique. Leur forme et leurs dimensions
varient beaucoup de l'une à l'autre. Au point de vue de la
forme, elles se distinguent surtout des cellules ectoder-
miques de la métagastrula en ce qu'elles sont devenues
conoïdes; la base des cônes est dirigée en dehors; cette
base est très-faiblement convexe. La vésicule ectoder-
mique est constituée par un véritable epithelium conoïde.
La masse endodermique est formée par des cellules
polyédriques de forme variable. Ces cellules sont beaucoup
plus foncées etplusgrandes quelescellulesectodermiques;
leur noyau est proportionnellement plus volumineux.
A côté de ces embryons, on en trouve d'autres qui diff"è-
rent de ceux que je viens de décrire, en ce que la vésicule
ectodermique ne se moule pins sur la masse endodermique:
elle en est séparée par une fente dans laquelle s'accumule
un liquide albuminoïde homogène, clair et hyalin.
La forme des cellules tant ectodermiques qu'endoder-
miques s'est légèrement modifiée à la suite de la production
de cette fente. Les cellules ectodermiques sont maintenant
tout à fait planes à leur surface externe; le contour de
l'embryon est marqué par une circonférence régulière.
( 718)
Du côté de la lente ces cellules sont très-convexes; elles
ont encore une forme conoïde; mais le cône a son sommet
très-émoussé et son axe est très-court. Ces cellules devien-
nent aussi beaucoup plus claires. Si on traite un semblable
embryon par le nitrate d'argent, on remarque que les
contours des cellules ectodermiques se marquent admira-
blement; si, après avoir fait agir le réactif, on examine la
vésicule blastodermique à sa surface, on reconnaît les con-
tours polygonaux délimitant les bases des cellules conoïdes.
Ces bases sont des polygones de toutes formes et de
dimensions fort différentes. Le nitrate d'argent noircit
aussi la substance qui unit entre elles les faces latérales
des cellules ectodermiques : si on examine la coupe op-
tique de l'embryon , on voit entre les cellules de petites
lignes noires dirigées suivant les rayons de la vésicule
sphérique qui forme maintenant la paroi de l'embryon.
La masse endodermique est constituée par des cellules
plus grandes et plus opaques que les cellules ectodermi-
ques. Ces cellules sont polyédriques; mais celles qui dé-
limitent la fente blastodermique sont arrondies et con-
vexes du côté de cette dernière, d'où il résulte que la
masse endodermique est délimitée par un contour assez peu
régulier et presque sinueux. Le nitrate d'argent n'imprègne
pas du tout la substance unissante de ces cellules,
La fente se produit simultanément sur tout le pourtour
de l'œuf, sauf en un point, où la masse endodermique se
trouve encore adhérente à la vésicule cctodermique par
trois ou quatre cellules. Ce point correspond au blasto-
pore. Dans certains œufs on voit en ce point une cellule
endodermique encore engagée entre les cellules ectoder-
miques. C'est probablement à raison de cette union plus
intime qui existe en ce point entre les deux feuillets, que
(719)
la fente blastodermique se produit sur toute la surface de
Fembryon, sauf au lieu d'invagination.
La vésicule blastodermique se distend rapidement; son
diamètre s'accroît et la fente blastodermique devient bien-
tôt une large cavité. C'est déjà le cas dans des œufs de 90
beures. Le diamètre de la vésicule blastodermique a déjà
atteint 0,12 à 0,1 o de millimètre. Celte distension rapide
de la vésicule ectodermique est le résultat de l'aplatis-
sement progressif des cellules de l'ectoderme et de leur
multiplication. De conoïdes, qu'elles sont d'abord, elles
deviennent lenticulaires et plus tard elles se réduisent à
des lamelles minces légèrement renflées seulement à leur
milieu, au point où se trouve le noyau entouré d'une zone
circulaire de protoplasme granuleux. Ces granules formés
par une matière grasse (ils se dissolvent dans l'alcool et
l'éther et noircissent par l'acide osmique) forment autour
de chaque noyau un anneau très-apparent qui avait déjà
frappé von Baër et que Bischoff a décrit et parfaitement
interprété.
Ces cellules se multiplient par division non pas toutes
ensemble, mais successivement. Dans une vésicule blas-
todermique de 0,14 à 0,15 millimètres de diamètre, on
trouve généralement huit à neuf cellules en voie de multi-
plication. Je décrirai plus loin comment s'accomplit ce phé-
nomène.
La masse cellulaire endodermique n'a guère augmenté
de volume; elle reste adhérente au même point de la vé-
sicule ectodermique durant tout le cours de la distension
progressive de cette dernière. Les modifications qu'elle
subit intéressent surtout sa forme et le nombre de ses cel-
lules. Sa forme est d'abord irrégulièrement arrondie; la
( 720 )
masse endodermiquc forme une sphère pleine, à surface
bosselée, emboîtée dans une sphère régulière et creuse
qui est la vésicule eclodermique. Elle ne remplit pas celte
dernière; entre les deux existe la fente blastodermique.
Pendant que la vésicule ectodermique se distend, la masse
endodermique s'aplatit; elle devient lenticulaire, et s'ac-
cole par une surface de plus en plus étendue à la face in-
terne de Fectoderme. En même temps ses cellules se
multiplient; elles diminuent de volume et prennent une
forme arrondie.
Dans des œufs de 92 heures j'ai trouvé la vésicule blas-
todermique qui a atteint 0,17 de millimètre, formée de
deux parties :
d° Sur la plus grande partie de son pourtour la vésicule
blastodermique est constituée, comme l'a montré BischofF
(voir pi. Vïi, fig. 37 de son Mémoire sur le Lapin), par une
seule rangée de cellules ectodermiques. C'est la portion que
j'appellerai monodermique de la vésicule blastodermique.
2° En un point, la masse endodermique, ayant l'appa-
rence d'une lentille biconvexe, est accolée à la face interne
de la vésicule ectodermique. Elle constitue le a Haufen
der Dotterkugein » ou le « Dotierrest » de Bischoff. En ce
point la vésicule blastodermique est formée de deux feuil-
lets cellulaires accolés : un feuillet ectodermique et un
feuillet endodermique. Cette région discoïde caractérisée
par l'accolement des deux feuillets cellulaires qui consti-
tuaient la métagastrula, je l'appellerai le gastrodisque.
Quant à la cavité circonscrite par la vésicule blastoder-
mique, elle n'est homologue ni à la cavité de segmentation,
ni à la cavité digestive primordiale des batraciens On peut
la désigner sous le nom de cavité blastodermique. C'est
une cavité qui n'a pas d'homologue chez les autres ver-
tébrés.
( 7^21 )
OEufs de cent cinq à cent quinze heures.
La vésicule blaslodormique a allcint un diamètre de
0,9 de raillimèlre à 2 millimètres de diamètre. Indépen-
damment de ses dimensions pins considérables, la vésicule
blaslodermique a subi des modifications assez notables
dans la constitution du gastrodisque. La masse cellu-
laire endodermique s'est aplatie; elle a perdu sa forme
lenticulaire pour se transformer en une lame cellulaire
accolée à la face interne de la vésicule ectodermique
et constituer avec elle un gastrodisque beaucoup plus
étendu que celui que nous avons décrit dans la phase pré-
cédente. L'ectoderme est constitué dans les limites du
gastrodisque, aussi bien que sur tout le pourtour de la
vésicule, par une rangée unique de cellules plates ressem-
blant aux cellules endothéliales des séreuses. En traitant
par le nitrate d'argent et ensuite par le picrocarminate ou
l'hématoxyline, on obtient des préparations magnifiques.
Pour étudier la constitution de la vésicule, il est r.éces-
saire de l'ouvrir et de l'étaler en une lame, en pratiquant,
après une incision circulaire suivant un grand cercle ou
équateur de la sphère blastodermique, des incisions conver-
gentes vers les pôles des calottes hémisphériques séparées
l'une de l'autre par la première incision.
On distingue l'un de l'autre et avec la plus grande faci-
lité, après le traitement par le nitrate d'argent, la région
monodermique et le gastrodisque de la vésicule blastoder-
mique. L'ecloderme se colore en brun partout où il n'est
pas doublé par la lame endodermique. Les cellules ecto-
dermiques, dans toute la région monodermique, réduisent
le nitrate d'argent et se colorent en brun; elles n'exercent
( 7^2 )
pas la même action sur le réactif, elles restent claires et
transparentes, dans les limites du gastrodisque. En outre,
le nitrate d'argent délimite avec une extrême netteté, en
colorant en noir leurs contours, les cellules de toute la vési-
cule blastodermique. On reconnaît alors que ces cellules son t
des formes polygonales très-variées; que quelques-unes
sont tout à fait irrégulières et qu'elles ont des dimensions
fort différentes. Je décrirai plus loin leurs caractères et
leur constitution en parlant de la multiplication des cellules
dans les feuillets embryonnaires. Je dois ajouter, cepen-
dant, que chaque cellule a la forme d'une petite plaque à
faces parallèles et épaissie à son milieu. L'épaississement
médian est constitué par le noyau entouré d'un peu de pro-
toplasme granuleux. Il fait saillie à l'intérieur de la cavité
blastodermique. La face externe de ce^s cellules est tout
à fait unie. Comme toutes les cellules ectodermiques ont
cette forme, les cellules en se touchant par leurs bords
circonscrivent entre leur saillie médiane de petites gout-
tières ouvertes du côté interne.
Comme toute la région monodermiqiie delà vésicule se
colore en brun par le nitrate d'argent, que les cellules ecto-
dermiques dans la région du gastrodisque ne réduisent pas
le nitrate, pas plus que les cellules de la plaque endoder-
mique, le gastrodisque apparaît comme une tache claire au
milieu du reste de la vésicule coloré en brun. Celte tache est
irrégulière et lobulée. Au point de vue de sa constitution,
nous devons distinguer la partie centrale du gastrodisque
et sa périphérie. Dans la partie centrale du gastrodisque,
l'endoderme est formé par deux couches superposées de
cellules arrondies, très-petites comparativement aux cel-
lules de l'ectoderme, et plus ou moins serrées les unes
contre les autres. Ces petites cellules protoplasmiques ne
( 7^25 )
se délimitent pas par le nitrate d'argent; elles possèdent
de très-gros noyaux sphériques et leur corps se colore
vivement en rouge par le picrocarminate. Dans la partie
périphérique du gastrodisque, l'endoderme est formé par
les mêmes cellules; mais celles-ci, au lieu de former une
couche continue, se trouvent disséminées une à une à la
face interne de la vésicule ectodermique. Ces cellules
amœboïdes se trouvent toujours et exclusivement dans
les gouttières formées par les cellules ectodermiques.
Dans les préparations au nitrate d'argent on les trouve
invariablement coupées par les lignes noires qui marquent
les limites des cellules ectodermiques.
Il résulte de l'étude des embryons arrivés à cet état de
développement comparés à ceux de la phase précédente,
que la masse endodermique, après avoir affecté la forme
lenticulaire, s'étale en une plaque composée, dans sa partie
centrale d'une double rangée de cellules, tandis que de ses
bords partent en divergeant, et indépendamment les unes
des autres , des cellules isolées, qui cheminent à la manière
d'amibes à la face interne de l'ectoderme. Ces cellules se
multiplient et c'est par elles que se fait l'extension pro-
gressive du gastrodisque.
OEufs de cinq jours.
La vésicule blastodermique a continué à se distendre;
elle a atteint un diamètre de 2 à 4 millimètres dans les
œufs de 120 à 130 heures.
Le gastrodisque s'est considérablement étendu. L'ecto-
derme est toujours constitué de la même manière, tant
dans la région monodermique que dans les limites du
gastrodisque. Les cellules qui constituent ce feuillet ont
( 724 )
les mêmes caractères et les mêmes propriétés que dans les
phases précédentes. Quant à la lame endodermique, elle
a subi des modifications importantes. Les cellules isolées
de la région périphérique, aussi bien que les cellules pro-
fondes de la région centrale du gastrodisque, se sont étalées
et transformées en cellules plates de mêmes dimensions à
peu presque les cellules ectodermiques, de façon à consti-
tuer maintenant une couche continue formée par une seule
rangée de cellules. Celles-ci, dont les contours irréguliers
se marquent faiblement par le nitrate d'argent, forment un
epithelium pavimenteux simple ressemblant beaucoup par
l'irrégularité de ses cellules à l'endothelium des lympha-
tiques. Dans la région périphérique du gastrodisque cet
epithelium, constituant le feuillet interne ou muqueux,
est immédiatement accolé à la couche ectodermique. Si
l'on examine cette partie de la vésicule après avoir traité
par le nitrate d'argent, on reconnaît clairement l'existence
de deux systèmes de lignes noires entre-croisées, indi-
quant la présence de deux epitheliums adjacents, ils rap-
pellent ce que l'on observe si l'on examine un épiploon ou
une portion de mésenihère après le traitement par le ni-
trate. Cependant, tandis que les cellules qui recouvrent
les deux faces d'une lame épiploïque sont semblables
entre elles, les caractères des cellules des deux feuillets
adjacents de notre embryon sont forts différents. Sur les
bords du gastrodisque on trouve encore des cellules isolées,
les unes arrondies, les autres à formes bizarres, rappelant
les formes successives qu'affectent des amibes ou des glo-
bules blancs du sang. Au centre du gastrodisque le feuillet
interne, développé aux dépens de la rangée profonde des
cellules endodermiques, est séparé de l'ectoderme par une
couche de petites cellules arrondies, qui ont conservé tous
( 725 )
Jes caractères des cellules endodermiques de la phase pré-
cédente. C'est cette couche qui est le point de départ de la
formation du feuillet moyen.
Dans leslimitesdugaslrodisque, l'endoderme donne donc
naissance au feuillet interne on muqueux et au feuillet
moyen. Le feuillet interne, constitué par une rangée
unique de cellules plates, est le résultat des modifications
de forme que subissent ces cellules endodermiques qui
circonscrivent immédiatement la cavité blastodermique.
Le feuillet moyen est un reste de cellules non modifiées
de l'endoderme. Ce feuillet moyen n'apparaît que dans la
partie centrale du gastrodisque. Là, la vésicule blastoder-
mique est formée de trois feuillets cellulaires. L'externe et
l'interne sont constitués l'un et l'autre d'une rangée
unique de cellules plates; Texterne est l'ectoderme, l'in-
terne est le feuillet interne ou muqueux. Entre les deux
se trouve une couche formée de petites cellules arrondies;
c'est le feuillet moyen. Cette région du gastrodisque, où il
existe trois feuillets cellulaires adjacents, est l'aire em-
bryonnaire ou région tridermique du blastoderme. Toute la
périphérie du gastrodisque, qui est la partie de beaucoup
la plus considérable, est formée par les feuillets externe
et interne immédiatement accolés. Elle constitue la région
didermique du blastoderme. Tout le reste de la vésicule
blastodermique est formé par une seule rangée de cellules :
c'est la région monodermique du blastoderme. Tous les
embryologistes ont confondu le gastrodisque à son début
avec ce que j'appelle l'aire embryonnaire ou région tri-
dermique du blastoderme. Les mots : tache embryonnaire,
Fruchtlwf, Etnbryonalfleck, Keimscheibe ont été employés
pour désigner tantôt le gastrodisque, tantôt la région tri-
dermique.
( 7^26 )
Œufs de six jours.
La vésicule blastodermique a considérablement grandi.
Cependant le volume des œufs, que l'on trouve l'un à côté
de l'autre dans l'utérus, est très-variable. 11 varie entre
o et 5 Ya millimètres. Le gastrodisque s'est considérable-
ment étendu. Il a envahi environ la moitié de la vésicule
blastodermique. Ses bords sont très-irréguliers. L'aire em-
bryonnaire s'est un peu accrue; elle a l'apparence d'une
tache à peu près circulaire occupant l'un des pôles de la
vésicule. Les principales modifications qu'elle a subies
consistent dans l'épaississement du feuillet moyen, qui
constitue, dès à présent, la plus grande partie de l'épais-
seur de la région tridermique du gastrodisque. Le feuillet
externe et le feuillet interne sont toujours constitués d'une
rangée unique de cellules plates ayant les mêmes carac-
tères et les mêmes dimensions que dans la région dider-
mique. 11 n'est donc pas vrai que le Fruchthof on la Keim-
scheibe soient formés par deux feuillets cellulaires épaissis.
La zone didermique est formée par l'accolement de
Tectoderme et du feuillet interne constitués l'un et l'autre
d'une seule rangée de cellules plates.
La moitié inférieure de la vésicule blastodermique (ré-
gion monodermique) est constituée par une seule rangée
de cellules ectodermiques.
Œufs de sept à huit jours.
La vésicule blastodermique s'est encore beaucoup dis-
tendue. Son axe moyen atteint , dans certains œufs, jusqu'à
7 et 8 millimètres. Elle a pris la forme d'un ellipsoïde de
( 727 )
révolution à axes peu différents. Elle est constituée exac-
tement comme précédemment. Seulement le gaslrodisque
a envahi dans quelques œufs les ^J,, et même les Ys de la
vésicule blastodermique. La région monodermique qui
occupé le pôle inférieur de l'œuf se réduit donc de plus en
plus. La région tridermique, ou aire embryonnaire, s'est
un peu étendue en surface, mais elle s'est surtout nota-
blement épaissie. Cet épaississement dépend exclusivement
de la multiplication des cellules du feuillet moyen. Celui-ci
constitue un véritable disque lenticulaire qui soulève l'ec-
toderme et fait saillie à la surface de la vésicule. L'ecto-
derme est toujours constitué par une seule rangée de
cellules polygonales plates. Mais ces cellules se sont mul-
tipliées avec une grande activité et sont beaucoup plus
petites dans la zone tridermique que dans la région dider-
mique : dans cette dernière, en effet, Tectoderme, aussi
bien que l'endoderme, ont conservé leurs caractères anté-
rieurs. Il en est de même des cellules endodermiques dans
la zone tridermique. L'aire embryonnaire est devenue par-
faitement circulaire et ne montre encore aucune trace de
la ligne primitive. 11 n'existe encore dans les œufs de 7 à
8 jours rien qui ressemble aux villosités que Bischoff a
représentées, pi. VIII, fig. 41. M. Gôtte a décrit [Central-
blatt fur med. Wiss, 1869) une invagination du feuillet
végétatif sur tout le pourtour de la zone sur laquelle se
développe ce feuillet. Le feuillet réfléchi s'accolerait à lui-
même pour constituer une couche cellulaire interne. Il
n'existe absolument aucune trace de ce phénomène qui n'a
de réalité que dans l'imagination de M. Gôtte. Les conclu-
sions qu'il tire de ses prétendues observations ne méritent
pas la discussion.
( 728 )
CHAPITRE VI.
MULTIPLICATION DES CELLULES.
Si l'on traite par le nitrate d'argent la vésicule blasto-
dermique d'un œuf de quatre jours ou davantage et que
l'on étale ensuite sur un porte-objet la région monoder-
mique, en suivant le procédé décrit plus haut, on recon-
naît immédiatement que cette membrane est formée d'une
seule rangée de cellules plates. Les contours de ces cel-
lules sont marqués par des lignes noires souvent sinueuses
ou anguleuses, toujours d'une remarquable netteté. Ces
lignes circonscrivent des polygones irréguliers, de formes
et de dimensions très-différentes. Dans chacun des champs
polygonaux l'on trouve un beau noyau de forme généra-
ment ovalaire dont la dimension variable d'une cellule à
l'autre est en raison des dimensions de la cellule.
Si l'on traite ultérieurement cette membrane par le
picrocarminate d'ammoniaque et qu'on la place ensuite
dans la glycérine picrocarminatée, tous les noyaux se
colorent en rose et la teinte s'accentue de plus en plus au
fur et à mesure que les cellules séjournent depuis plus
longtemps dans la glycérine picrocarminatée. Les noyaux
sont toujours délimités par un contour fort nettement
marqué et assez régulier; ils renferment un nombre con-
sidérable de nucléoles ; on en compte en moyenne six à
dix, quelquefois jusqu'à 18 et 20 dans un même noyau.
Ces nucléoles de forme irrégulière, foncés et formés d'une
substance très-réfringente, se chargent fortement de ma-
tière colorante. Ils paraissent distribués sans aucun ordre
dans la substance du noyau. Le corps de la cellule ne
prend pas du tout le carmin.
( '^^y )
Si, au lieu de traiter par le picrocarminate, on colore par
l'hémaloxyline, les noyaux prennent une belle teinte bleue
violacée pâle; les nucléoles se teintent en bleu foncé.
On obtient aussi de fort belles préparations, en traitant
la membrane blastodermique par l'acide osmique et puis
par le picrocarminate ou Thématoxyline. Les contours des
cellules sont alors beaucoup moins apparents; l'on parvient
cependant avec quelque attention à les apercevoir sous
la forme de lignes nettes, mais très-fines. Dans ces prépara-
lions les noyaux se colorent en rouge vif par le carmin,
en violet par l'bématoxyline, et les nucléoles sont tout
aussi distincts que dans les préparations au nitrated'aigent.
Les corps des cellules pVésentent à leur périphérie une
couche corticale claire dépourvue de granulations et une
niasse médullaire finement granuleuse, dans laquelle on
distingue, indépendamment d'un pointillé très-fin, qui se
remarque dans toute l'étendue du corps cellulaire, des gra-
nules de dimensions assez considérables, très-réfringents,
se colorant en noir par l'acide osmique. ils forment ensem-
ble un anneau irrégulier mais fort apparent autour du
noyau, fis se trouvent toujours à quelque distance du noyau :
la partie du corps cellulaire qui avoisine immédiatement
le noyau est claire et dépourvue de granulations.
Cette composition des celhdes ectodermiques on la re-
connaît même dans des préparations fraîches, surtout si on
les examine dans l'humeur aqueuse légèrement acidulée
d'acide acétique. Par l'alcool absolu on dissout les cor-
puscules réfringents; ce fait, joint à la faculté qu'ils pos-
sèdent de se colorer en noir par l'acide osmique, démontre
leur nature graisseuse. Sauf l'altération résultant de cette
disparition des granules réfringents^ les caractèies des cel-
lules et des noyaux se conservent fort bien dans les pré-
2™*' SÉRIE, TOME XL. 47
( 750 )
paralions à l'alcool. Si Ton veut employer ce procédé il
faut ouvrir la vésicule blastodermique dans l'humenr
aqueuse, avant de traiter par l'alcool. Si on laisse séjourner
la membrane dans le liquide de Mûller après avoir traité
au préalable par l'acide osmique, on obtientaussi au moyen
du picrocarminate et de l'bémaloxyline de fort belles pré-
parations; mais tous les nucléoles disparaissent par un
séjour quelque peu prolongé dans le liquide de Millier el
sous l'influence du picrocarminate les noyaux prennent
alors une belle teinte rose uniforme.
Dans les préparations au nitrate d'argent colorées soil
par le picrocarminate, soil par rbémaloxyline, on remarque
çà et là, au milieu des aulies, ceitaines cellules notable-
ment plus petites, plus ou moins arrondies, dont le corps
granuleux se colore légèrement par les malières coloiantes,
mais qui se distinguent surtout en ce qu'elles possèdent
un petit noyau ovalaire, très-opaque et fortement coloré
en bleu. La teinte de ce bleu est toute diiférente de celle
que présentent les noyaux de la grande majorité des cel-
lules. Ces cellules ectodermiques à caractères particuliers
et qui se distinguent surtout par leur petit noyau vive-
ment coloré, se trouvent toujours accolées deux à deux.
Ensemble elles forment une figure qui lappelle certains
nœuds de cravate. .En cbercliant bien on trouve aussi çà et
là des cellules allongées dans un sens qui, au lieu d'un grand
noyaiî ovalaire, rose ou bleu violacé, renferment deux petits
noyaux en forme de bâtonnets, situés à quelque distance
l'un de l'autre et vivement colorés en rouge ou en bleu.
Ces cellules sont des cellules ectodermiques en voie de
division et les cellules colorées à |)etils noyaux ovalaires
distribuées deux à deux au milieu des autres sont de
jeunes cellules qui viennent d'être produites par division
d'une cellule unique.
( 731 )
La question de la division des cellules et des noyaux esi.
entrée dans une toute nouvelle phase à la suite des récents
travaux de Aueibach, de Biilschli et surtout par les re-
cherches étendues que Slrashurger vient de faire, pour
résoudre cette question, sur une foule de végétaux appar-
tenant aux types les plus divers. Depuis les recherches de
Hofmeister les botanistes admettaient généralement que
le noyau d'une cellule mère ne donne pas naissance aux
noyaux des cellules qu'elle engendre en se divisant; ils
pensaient, au contraire, que les noyaux des cellules en-
gendrées sont des éléments de formation nouvelle. Au
contraire les zoologistes admettaient que le noyau se divise
en s'étranglant circulairement et que la division des noyaux
précède toujours la division delà cellule elle-même.
Bûtschli vient de démontrer que dans l'œuf aussi bien
que dans les globes de segmentation du Cucullamis et
dans les cellules mères des spermatozoïdes de la Blatta
orientaiis la division des noyaux se fait tout autrement
qu'on ne l'avait supposé.
En même temps Slrashurger démontrait que chez les
végétaux les noyaux des cellules se multiplient d'après un
procédé fort semblable à celui que Bûtschli décrivait
d'après des observations faites dans le règne animal.
Slrashurger lui-même a fait des recherches sur la mul-
tiplication des noyaux durant le fractionnement progressif
de l'œuf de la Phallusia mammUlata et il a conclu de ses
observations à l'identité des phénomènes qui amènent la
division du noyau des cellules dans les deux règnes.
D'après les recherches de ces deux observateurs le noyau
commence par s'allonger et prendre une forme de fuseau
(Bûtscbli) ou de tonneau (Slrashurger). Ce noyau présente
alors une striation longitudinale et, suivant la zoneéquato-
( 732 )
riale de ce noyau modifié, on remarque l'existence d'une
couche granuleuse [aequatoriale K'ôrnerzone Bûtschli ;
Kernplatte Strasbûrger ). Cette striation est déterminée
par l'existence de fibrilles qui traversent le noyau d'un
pôle à l'autre. Les granules de la zone équatoriale ne sont
que des épaississements des fibrilles nucléaires (Bûtschli).
La zone équatoriale se divise alors en deux plaques qui
s'éloignent aussitôt l'une de l'autre et finissent par attein-
dre les pôles de l'ancien noyau. Ces plaques sont formées
de granules ou de bâtonnets et des fibrilles (Kernfàden
de Strasbûrger) les relient l'une à l'autre. D'après Bûtschli
il se formerait autour de chaque plaque devenue terminale
un espace clair qui deviendrait le noyau de la cellule fille,
tandis que la plaque elle-même deviendrait le nucléole;
d'après Strasbûrger, au contraire , la plaque elle-même de-
viendrait le noyau dérivé. Quant à la substance qui unit les
deux plaques et qui provient de l'ancien noyau, elle prend
l'apparence d'un ruban, réunissant les deux plaques ter-
minales, et, d'après Strasbûrger, il se forme au milieu de
ce ruban qui , dans quelques cas, s'élargit considérable-
ment, un nouvel amas de granulations qu'il appelle Zell-
platte. Celle-ci donnerait naissance à la cloison de sépara-
tion des deux cellules filles et une partie de la substance
nucléaire, interposées entre les plaques terminales, se con-
fondrait avec la couche corticale (Hautschicht) du proto-
plasme des nouvelles cellules.
Voici en résumé les résultats de mes recherches sur la
multiplication des cellules de l'ecloderme du Lapin.
Les premiers phénomènes qui annoncent la division pro-
chaine d'un noyau ont leur siège en partie dans le noyau
lui-même, en partie dans le corps de la cellule. Le con-
tour du noyau devient très-peu distinct; la forme du
( 753 )
noyau devient irrégulière; peut-être cela est-il du à des
mouvements amœboïdes exécutés par le noyau. Les nu-
cléoles disparaissent. Bientôt la substance du noyau se
divise en deux parties : l'une claire et transparente qui ne
se colore ni par la carmin, ni par l'hémaloxyline, c'est le
suc nucléaire; l'autre, également homogène mais s'imprc-
gnant vivement parles matières colorantes forme, au milieu
du noyau, un grumeau irrégulier: c'est Vessence nucléaire.
Le noyau prend une forme ovalaire et son grand axe
s'allonge rapidement. Le suc nucléaire s'amasse aux deux
pôles de l'ancien noyau; l'essence nucléaire s'accumule
au milieu pour y former une plaque équatoriale [aequc-
toriale Kornerschichl de Biitschli; Kernplatte de Stras-
burger). Celle-ci a des faces bosselées et par conséquent
irrégulières. Elle paraît formée par des globules fort ré-
fringents tantôt ovoïdes, tantôt allongés en forme de
bâtonnets. Cette plaque se colore fortement en rouge par
le picrocarminate; en bleu très-foncé par Thématoxyline
aussi bien après le traitement préalable par le nitrate d'ar-
gent qu'après l'action de l'acide osmique. Elle se voit aussi
très-distinctement dans des préparations faites au moyen
de l'alcool absolu (méthode de Strasburger) ou de l'acide
acétique (méthode de Biitschli). Mais je n'ai jamais vu,
quelle que soit la méthode employée, qu'à ce moment
le noyau fût strié longitudinalement ou traversé [)ar
des fdaments. En même temps que ces moditications
se produisent dans le corps nucléaire, des changements
concomitants ont leur siège dans le protoplasma cellu-
laire. D'abord la cellule s'allonge dans le sens de l'axe du
noyau modifié. En même temps elle s'épaissit et fait saillie
dans la cavité blastodermique; elle devient plus granu-
leuse et se colore légèrement par les matières colorantes.
( 73i )
tandis que le corps des cellules voisines ne se colore pas du
tout. C'est même cet aspect granuleux et cette coloration
qui attirent immédiatement l'attention sur les cellules en
voie de division.
Le noyau devient fusiforme, puis rubané. A ses deux:
pôles s'accumule, dans le corps de la cellule, un peu de
substance claire, très-tinement granuleuse. Est-ce cette
substance que j'ai appelée |)lus haut le pronucleus engen-
dré? Cet amas polaire devient le centre d'une figure étoi-
lée qui se développe dans le protoplasme cellulaire et
indique de la façon la plus manifeste l'attraction exercée
par les pôles de Tancien noyau sur la substance protoplas-
mique de la cellule. Ces figures étoilées ont été observées
dans des globes vitellins en voie de division, par Kovva-
levvsky, par Fol, Flemming, Auerbach, Bûtschli, Schrôn,
QEIIacher et Strasburger. Jusqu'à présent elles n'ont pas
encore été signalées, que je sache, dans des cellules ordi-
naires.
La plaque granuleuse équatoriale se divise maintenant en
deux moitiés, en deux disques nucléaires parallèles, qui
s'éloignent l'un de l'autre, comme s'ils se repoussaient.
Tant qu'ils sont peu distants on voit que les deux plaques
sont reliées entre elles par quelques filaments (A''er«/'«(/en
de Strasburger) qui paraissent être projetés par quelques-
uns des granules qui constituent les disques nucléaires.
Ces granules sont souvent ovoïdes, parfois en forme de
bâtonnets. Quelques-uns sont étirés en un filament à l'un
de leurs pôles. Mais dès que les deux disques s'éloignent
l'un de l'autre, ces filaments sont retirés et se fondent dans
la substance des disques. Ces disques ont leurs faces bosse-
lées, ce qui dépend de ce qu'ils sont formés de granules
agglutinés. Ils ne sont pas non plus fort réguliers.
( ^•">'> )
Pendant que ces phénomènes s'accomplissent le noyau
prend la forme d'une bandelette à bords parallèles. Entre
les deux disques s'accumule le suc nucléaire (très-faible-
ment teinté en rose par le picrocarminate), qui avait
d'abord été refoulé aux pôles du noyau, f.es disques finis-
sent par gagner les extrémités de la bandelette nucléaire
et se mettre en contact immédiat avec le petit amas clair
qui s'est formé aux pôles de l'ancien noyau, au centre des
figures étoilées (pronocleus engendré?). Le corps de la
cellule montre un commencement d'étranglement cir-
culaire. Cet étranglement n'intéresse (pie le corps de la
cellule; il n'envahit jamais la bandelette claire qui est
le reste de l'ancien noyau et qui se constitue maintenant
des deux disques polaires, colorés en rouge ou en bleu, et
d'une pièce intermédiaire peu ou point colorée. Il se pro-
duit au milieu de cette pièce intermédiaire, au niveau de
l'étranglement cellulaire une différenciation de substance.
Le nitrate d'argent y fait apparaître des points noirs de
plus en plus nombreux. Ces points finissent par s'aligner et
par former la cloison de séparation des deux cellules en-
gendrées. Les parties de la pièce intermédiaire adjacentes
à la cloison se confondent de plus en plus avec les zones
corticales des cellules engendrées; la partie adjacente au
disque polaire devient, au contraire, granuleuse et se fond
peu à peu dans la masse médullaire de la cellule. Le disque
polaire devient le noyau de la cellule engendrée; il paraît
s'agrandir aux dépens de la petite masse claire à laquelle
il s'est accolé, dès que les corpuscules qui le formaient
se sont fusionnés en une masse homogène; celle-ci prend
une forme ovalaire de plus en plus régulière ; la substance
qui constitue les jeunes noyaux se colore de moins en
moins par le carmin et par l'hématoxyline au fur et à
( 736 ;
mesure que la cellule grandit; le corps cellulaire ne se
colore bientôt plus du tout. ï.a cellule s'étale et s'aplatit.
Les cellules de l'endoderme se multiplient également
par division et le phénomène suit exactement la marche
que je viens d'exposer en décrivant la multiplication des
cellules de l'ectoderme. Je m'abstiens de faire ici aucune
réfl 'xion sur les faits que je viens de décrire. Je veux me
bornera exposer dans ce résumé les résultats de mes ob-
servations. ^
Le squelette de la Baleine fossile du Musée de Milan ; par
M. P.-J. Van Beneden, membre de l'Académie.
Dans les deux séances précédentes l'Académie a bien
voulu recevoir quelques observations critiijues sur deux
genres de Cétacés fossiles des Musées de Vienne et de Linz,
c'est-à-dire le genre Pachijacanthus et le genre Aulocetus.
Nous avons l'honneur de communiquer aujourd'hui une
nouvelle notice sur une Baleine fossile du Musée de Milan
dont les vrais caractères, à notre avis, avaient été mieux
appréciés par Cortesi et par Cuvier, qui en ont fait men-
tion au commencement de ce siècle, que par les natura-
listes qui s'en sont occupés dans ces derniers temps.
Au mois de novembre 1806 on mit au jour, sur le ver-
sant oriental du monte Puignasco, à une hauteur de 1800
pieds au-dessus de la plaine, un squelette presque complet
d'unCétacé à fanons, qui fut décrit et (iguré avec soin par
Cortesi.
Kn 1816 un autre squelette plus petit fut découvert dans
un vallon moins élevé et décrit par le même naturaliste.
( >'">^ )
Le squeletle de 1806, le plus beau cl le plus complet,
est un tk'S plus précieux ornements du beau Musée de
Milan; le second est conservé au Musée de Parme. On est
resté quelque temps sans savoir ce qu'il était devenu.
Cortcsi a parlaitement apprécié les affinités de ces Ba-
leines, en les comparant aux Balénoptères d'aujourd'hui
et particulièrement à lu petite Balénoptère de la mer du
Nord.
Desmoulins a donné le nom spécifique de B. Cuvierii à
l'espèce dont le squelette est à Milan et qui vient, comme
nous venons de le dire, de Monte Puignasco, et de Bal.
^^jorfesii à l'espèce dont le squelette, aujourd'hui au Musée
de Parme, a été trouvé à Montezago, dans le Plaisantin.
Desmoulins croit que le second squelette appartient à
une espèce distificte parce qu'il est plus petit de taille
(12 V2 pieds au lieu de 21) et que cependant la consoli-
dation des cartilages intervertébraux est complète. Nous
ne croyons pas, à en juger par les ossements fossiles
d'Anvers, que ce caractère ait assez de valeur pour justifier
l'établissement de deux espèces distinctes.
Dans ses Recherches sur les ossements fossiles Cuvier
consacre tout un article à la description de ces Baleines de
Cortesi, et les rapporte comme Cortesi au sous-genre des
Rorquals. C'étaient les seuls Balénides fossiles connus
alors.
Depuis on a mis au jour dans diverses localités en Ita-
lie, même à Malte, de nombreux restes de cétacés à fanons
fossiles, qui sont conservés aujourd'hui dans les Musées
de Turin , de Bologne, de Florence et de iXaples.
Presque partout ces ossements de Balénides sont mêlés
avec des débris de Cétodontes, de Sirénides, de Phoques et
de Squalodons.
( 758 )
En 1865 le professeur Capellini a publié un intéressant
mémoire sur un squelette découvert en 1862 à S. Lo-
renzo in Collina, à 247 mètres au-dessus du niveau de
l'Adriatique, et qu'il a rapporté à l'espèce de Cortesi.
Dans l'Ostéographie des Cétacés vivants et fossiles que
je publie à Paris, avec la collaboration de M. Paul Gervais,
j'ai fait mention de ces fossiles et j'ai cru devoir les rap-
porter au genre Plésiocète, que j'avais établi, pour des
Cétacés fossiles d'Anvers.
Dans ces derniers temps, le Docteur J. -F. Brandt a cru
devoir ériger un genre nouveau pour cette Baleine de Mi-
lan, et il a proposé le nom de Cetoteriophanes. Nous ver-
rons plus loin que c'est une omoplate mutilée qui a induit
en erreur le savant naturaliste de Saint-Pétersbourg.
Le dernier travail sur les Balénides fossiles d'Italie est
du professeur Capellini. Le savant naturaliste de Bologne a
fait du Rorqualus Corlesii l'objet d'un mémoire nouveau
cl il adopte le nom de Cetoteriophanes Capetlinii proposé
par M. Brandt.
Nous allons démontrer dans les pages qui suivent, que
les deux squelettes de Baleine de Cortesi , ainsi que le
squelette de Bologne, décrit par Capellini, ne présentent
point des différences qui justifient l'établissement de plus
d'une espèce; que le genre Cetoteriophanes ne repose
(jue sur une erreur d'observation, et que nous ne voyons
pas de raison de séparer génériquement ces Balénides du
genre Plésiocète.
Le magnifique squelette du musée de Milan, que Cor-
tesi et après lui Cuvier ont décrit el figuré, est à peu près
complet. Dans ces derniers temps, M. Cornalia, le savant
directeur de ce riche musée, l'a fait nelloyer avec une rare
( 759 )
habileté el les divorscs pièces, y compris même la tête,
sont aussi propres à rétudo que si elles provenaient d*un
animal vivant.
On peut en juger par la conservation de la tète dont
nous reproduisons ici la belle photographie, que M. Cor-
nalia a bien voulu faire exécuter à notre demande.
Ce squelette a 21 pieds de long, c'est-à-dire, 6"\ 81 (1).
La tète ressemble beaucoup à celle des Balénoptères
vivantes comme l'ont ditCortesi et après lui Cuvier; toutes
les proportions sont les mêmes, aussi bien celles du
crâne que celles de la face; le maxillaire inférieur même
ne diffère guère et l'on peut dire avec assurance que les
fanons devaient être conformés comme ceux des Rorquals
d'aujourd'hui.
Il y a toutefois une différence dans le volume relatif de
la boîte crânienne; le crâne est plus petit que dans les
espèces vivantes. Comme pour les mammifères terrestres,
le cerveau semble également avoir augmenté de volume
chez ces Thalassothériens, depuis l'époque quaternaire.
L'occipital s'étend en avant jusqu'aux apophyses mon-
tantes des maxillaires; il forme à lui seul toute la voûte
du crâne. Les deux crêtes temporales vont se joindre au-
dessus du frontal, et l'espace qui reste entre elles s'élargit
brusquement en arrière; l'occipital est déprimé sur la
ligne médiane jusqu'au trou occipital, et de chaque côté
il est légèrement bombé. On voit tout le trou occipital
quand la tête est placée debout. La ligure 1 la représente
dans cette situation.
Lescondyles articulaires de l'occipital sont très-saillants
(1) L'autre squelette de Cortesi n'a que 4™ ,05 (12 pieds, 5 pouces) et
celui dePodesta,coDservé égalemenl à Parme, 7'°,50.
( 740 )
et, à côlé d'eux, la surface de roccipital est fort échancrée.
I/occiput se termine en pointe en avant.
Les condyles de l'occipal indiquent que la tête s'articule
aux premières cervicales comme dans les vraies Baleines
en formant un angle avec la colonne vertébrale. Sous ce
rapport les Rorquals fossiles semblent ditïérer plus ou
moins des vivants et se rapprocher davantage des Baleines
à longs fanons.
Les os frontaux sont très-dé veloppés, fort larges en de-
dans et, comme le fait remarquer Cuvier, d'après la figure
de Cortesi, le bord postérieur est en courbe concave tan-
dis que le bord antérieur est en courbe convexe; on peut
dire que dans les espèces vivantes ces bords sont presque
droits, de manière que la partie du frontal, qui forme la
voûte de l'orbite, est tronquée. En arrière et en dehors le
frontal se termine en une pointe arrondie, qui va à ren-
contre du temporal.
Le diamètre antéro-postérieur de la fosse temporale
est plus grand dans ce Rorqual fossile que dans les espèces
vivantes.
Le bord antérieur du frontal forme une courbe convexe,
au lieu d'être droit ou concave; aussi le frontal comme l'oc-
cipital suffiraient-ils pour distinguer ces Balénoptères.
Mais de tous les caractères fournis par le crâne, le
principal, c'est la largeur de la bande du frontal qui sépare
l'occipital des os nasaux, et la longueur de ces derniers. Ces
os, au lieu de former un coin, s'allongent d'une manière
excessive, se perdent en haut entre les maxilliaires et les
frontaux, et s'étendent en avant sur la même ligne que le
bord antérieur des frontaux. C'est dans cette disposition
étroite et allongée des os du nez, que nous trouvons un
des motifs qui justifient leur établissement en un genre
(741 )
particulier. Dans la Balaenoplera rnusculiis le bord anté-
rieur des frontaux s'étend beaucoup au-devant des nasaux.
On peut conclure de la fusion des os dans cette région
et surtout des os du nez, que ces animaux sont parfaite-
ment adultes malgré leur petite taille.
La face inférieure du frontal présente aussi des carac-
tères propres. Dans les espèces vivantes le canal du nerf
optique est placé vers le milieu de l'os, tandis qu'ici il est
situé le long du bord postérieur, ce qui indique que le
point oii le nerf optique prend son origine, est plus en
arrière que le bord postérieur du frontal ; il doit se diriger
d'arrière en avant au lieu de se diriger directement en
dehors.
Le frontal de cette Balénoptère se distingue donc de
celui des espèces vivantes par les courbures des bords anté-
rieur et postérieur, par le prolongement en arrière, ainsi
que par la situation reculée de la gouttière du nerf optique.
Les os nasaux sont fort longs et peu larges; ils se ter-
minent en arrière par des lamelles en dedans de la branche
montante du maxillaire. En avant ces os sont tronqués.
M. Brandt répètece qu'avait dit Cuvier,que les os nasaux
manquent dans le squelette de i^Jilan. On peut voir, au
contraire, que ces os sont en place, dans le dessin que nous
reproduisons ici d'après une photographie.
La tète n'était pas suffisamment nettoyée quand Cortesi
en a donné la description et nous ne sommes pas étonné
que Cuvier ait pu dire, en s'appuyant sur les observations
dunaturaîiste italien, que les os propres du nez avaient dis-
paru. Il les a cru absents, parce qu'ils ne sont pas disposés
tout à fait comme dans les espèces vivantes. Les jugaux
manquent et cela se conçoit aisément, si l'on songe que
le squelette a été couvert assez longtemps par la mer pour
( lit )
que des huîtres aient pu s'y établir et s'y développer cora-
plétenient. Ce squelette étant resté entier avec les mem-
bres et les côtes, il faut en conclure qu'il était échoué dans
une crique, à l'abri des courants et de la dent des grands
carnassiers. Nous avons vu des huîtres encore en place
sur les os.
Les inlermaxillaires qui sont fort distincts se terminent
à la hauteur des os nasaux.
Le maxillaire s'élargit en arrière et, à la hauteur des
nasaux, il forme au-devant du frontal une apophyse qui
rappelle la disposition de cet os dans les vrais Balé-
nides. Le maxillaire s'étend sous le frontal, comme dans
tous les Cétacés à fanons, tandis que dans les Cétacés à
dents il passe au-dessus et se trouve en grande partie
caché.
En avant, le maxillaire se termine en pointe sur Tinter -
maxillaire qui forme seul le bout du rostre. L'intcrmaxil-
laire nous paraît tronqué au bout.
LesditTérencesprincipales,queronremarqueàlabasedu
crâne, résultent de ce que les maxillaires se terminent en
arrière, au-devant du frontal, plus brusquement que dans
les Rorquals vivants; de ce que les frontaux ont, comme
nous l'avons dit plus baut, leur bord externe et posté-
rieur en courbe concave; de ce que la fosse temporale est
plus grande et enfin de ce que l'arcade zygomatique se
recourbe fortement en dehors.
A la face inférieure on voit aussi fort distinctement que
les maxillaires sont un peu plus larges vers le milieu de
leur longueur (jue dans les espèces de la nature actuelle.
Un os important pour la distinction des genres et des
espèces, c'est la caisse tympanique. Il est encore en place
dans le squelette de iMilan. Nous lui trouvons à peu près
( 743 )
les dimensions de la caisse de la Balaenoptera rosfrala.
Elle est de forme ovale, à surface exlerne régulièromenl
arrondie et affeclant l'aspect d'un caillou roulé. Ce n'est
pas une caisse de Baleine, puisqu'elle n'est pas compri-
mée; ce n'est pas non plus une caisse de Balénoptère,
puisqu'elle n'a pas son bord comprimé; elle se rapproche
le plus de celles des Plésiocèles. M. Capellini a donné une
bonne figure de cet os dans son dernier mémoire, pi. If
tig 8.
L'apophyse que nous désignons sous le nom de masloïde,
dont le sillon qui la loge est toujours si bien marquée dans
le temporal, est droite, fort épaisse, un peu élargie à un
des bonis et longue de 7 centimètres à peu près. Nous en
trouvons de semblables parmi les ossements d'Anvers.
M. Capellini a donné une tigure de cette apophyse dans son
premier mémoire, pi. H, fig. 5 et 4.
Un des os les plus importants pour la distinction des
genres et des espèces, est le maxillaire inférieur. Cet os
se termine en avant sans se tordre sur lui-même, et con-
serve une largeur assez grande; celte partie antérieure de
l'os reste dans une position verticale quand il esl en place.
Nous avons compté sept orifices provenant du canal
dentaire le long du bord et deux autres en dehors.
Le maxillaire se termine en avant en présentant l'échan-
crure ordinaire du maxillaire des Myslicètes. Le bord in-
féi'ieur ne présente pas le sillon des Baleines véritables.
En arrière cet os se termine par un condyle, dont la surface
articulaire est séparée par une échancrure profonde pour
le passage du nerf maxillaire inférieur, qui pénètre par
l'orifice postérieur du canal dentaire.
La surface articulaire occupe la partie postérieure du
condyle comme dans Its Balénoptères, plutôt que la partie
( 744 )
supérieure comme dans les Baleines. La capsule articu-
laire, destinée à recevoir ce condyle, doit être placée plus
en arrière et moins verticalement que dans les vrais Mys-
ticètes. L'apophyse coronoïde est développée également
comme dans les Rorquals vivants; elle en a la courbure
aussi bien que la hauteur. Nous ferons remarquer que la
liguredu maxillaire inférieur, publiée par M. Brandt,donne
l'idée la plus fausse des caractères essentiels du condyle.
On pourra s'en assurer en comparant le maxillaire que
nous figurons d'après une photographie, avec le dessin
publié par ce savant.
En résumé, le maxillaire inférieur est fort peu courbé;
il ne se rétrécit guère au bout, ni ne se tord sur lui-même
comme dans les Baleines proprement dites; son apophyse
coronoïde est développée comme dans les Balénoptères
et Ton peut en dire autant du condyle articulaire.
Cortesi figure un maxillaire inférieur fortement courbé
et on peut se demander si cet os provient du même animal
qui a les maxillaires presque droits. On sait que sous ce
rapport il y a des différences notables dans les genres
vivants. Aussi s'il fallait s'en rapporter exclusivement à
cette mandibule, figurée par Cortesi, pi. !V, fig. 1 , fau-
drait-il la rapporter plutôt à une Megaptera qu'à un Plé-
siocète.
La colonne vertébrale est presque complète. !1 y a 41 ver-
tèbres.
Les sept cervicales sont toutes fort bien conservées.
Elles diffèrent peu entre elles par leur diamètre antéro-
postérieur. L'axis est un peu plus fort toutefois que l'atlas,
ainsi que la septième de cette région.
L'atlas mesure en hauteur 18 centimètres, en largeur
i29 centimètres. Ces dimensions sont à peu près celles de
( 743)
l'atlas de la Balaenoptera rostrata. Les apophyses trans-
verses sont étroites et s'insèrent vers le milieu de la hau-
teur de Tarcneural. Le canal spinal est fort large surtout
à sa partie inférieure.
L'atlas du squelette de Parme, dont M. Slrohel a bien
voulu m'envoyer un dessin , a les apophyses Iransverses
plus massives; elles prennent naissance un peu plus haut.
L'atlas du squelette de Milan ressemble plus à celui de la
Balaenoptera rostrata; dans le squelette de Parme l'atlas
est plus semblable à celui de la Balaenoptera borealis.
L'atlas conservé à Turin, et que M. Brandt a figuré plan-
che XXI, figures 7-10 ressemble plus au dernier qu'au
premier. L'atlas du squelette de Bologne est en trop
mauvais état pour que l'on puisse en apprécier les vrais
caractères.
L'axis a près de 40 centimètres d'un bout de l'apophyse
transverse à l'autre; en hauteur il mesure 20 centimètres.
Son diamètre antéro-postérieur est de 5 V2 centimètres;
les ailes formées par les apophyses transverses supérieures
et inférieures sont fort larges et le trou qui les sépare
est relativement petit. La surface articulaire postérieure
mesure en travers 14 centimètres. Cette vertèbre est éga-
lement conservée au squelette du Musée de Bologne; mais
quoiqu'elle soit un peu mieux conservée que l'atlas, on ne
pourrait en reconnaître les caractères principaux. Si nous
avions à comparer cette vertèbre avec l'axis des espèces
vivantes, c'est avec celui de la Balaenoptera rostrata que
nous trouverions le plus de ressemblance.
La troisième cervicale a une épaisseur de 0,034. Le canal
spinal mesure en travers 10 centimètres.
Les apophyses transverses supérieures et inférieures
sont très-délicates.
^""^ SÉRIE, TOME XL. 48
( 746 )
Nous avons pu dessiner tous ces os de grandeur natu*
relie, mais sans leurs apophyses.
Nous comptons de douze à treize vertèbres dans la
région dorsale. Les apophyses transverses de la première
dorsale sont le plus développées et, depuis la seconde dor-
sale, elles diminuent régulièrement en longueur jusqu'à
la sixième. A la septième dorsale les apophyses transverses
s'allongent de nouveau et à la douzième elles ont une
longueur double de celles de la sixième.
La première dorsale a ses apophyses transverses à peu
près horizontales; mais dans les suivantes elles s'élèvent
successivement comme dans les baleines. Le canal spinal
est beaucoup plus large que haut dans les vertèbres de
cette région; mais nous n'oserions assurer que les arcs
n'ont pas subi une pression extérieure après leur enfouis-
sement; ce qui semble démontrer que cette déformation
s'est produite, c'est que le canal n'est plus symétrique
dans quelques vertèbres. Les facettes articulaires des côtes
sont distinctes en avant comme en arrière du corps de ces
vertèbres. On les voit de même à la dorsale suivante dont
le diamètre antéro-poslérieur est de 5 centimètres.
A la huitième dorsale le corps de la vertèbre change de
forme; au lieu d'être plus large que haut comme dans
les premières dorsales, il devient plus haut que large et se
rétrécit notablement en dessous.
Le corps qui n'a que 5 centimètres d'épaisseur à la pre-
mière dorsale, ail centimètres à la huitième dorsale.
Les vertèbres de la région lombaire deviennent carénées
en dessous; elles se creusent au milieu de leur longueur;
le diamètre antéro- postérieur augmente, les apophyses
épineuses sont larges et hautes et les zygapophyses sont
très-développées. M. Brandt figure quelques-unes de ces
( 717 )
vertèbres (pi. XXI, fig. 6-i 1), d'après des dessins que Ini a
envoyés M. Cornalia. Nous ferons remarquer, en passant,
que dans les mêmes vertèbres de l'Aulocèle du Musée de
Linz, les zygapophyses ont également un fort développe-
ment.
On n'a trouvé qu'un seul os du sternum, de forme trian-
gulaire, dit Cuvier en parlant du squelette de Milan. On
sait aujourd'hui qu'il n'y a jamais plus d'un os au sternum
chez les cétacés à fanons.
Le slernum ressemble par la forme à celui de la Balaenop-
teramusctdus vivante et de la Balaenoptera robusta fossile.
11 a trois lobes, deux de côté assez larges et un en arrière
terminé en pointe. Les latéraux sont un peu plus longs que
les autres. Par là le sternum diffère complètement de celui de
la Balaenoptera roslrata, qui a la forme d'une croix latine.
M. Strobel a bien voulu nous envoyer un dessin du
sternum complet du Musée de Parme.
Les côtes sont toutes en place, comme on peut le voir
par la ligure de Cortesi. On en compte douze. Elles ont
toutes leur col depuis la seconde jusqu'à la septième. C'est
la quatrième qui a le col le plus long. La première est
longue de 0,36 en suivant la courbe et large à son extré-
mité inférieure de 0,0o5.
Si nous comparons la côte antérieure à la première de
Balenoptera rostrata , nous trouvons une différence no-
table dans la courbure à la partie supérieure. Cette cour-
bure est telle que la cavité thoracique doit avoir une capa-
cité notablement plus grande que chez la Balaenoptera
rostrata. C'est un caractère qui rapproche l'espèce fossile
plutôt des Baleines que des Balénoptères.
Il nous a paru que la première côte de gauche du sque-
lette de Milan, n'est pas la première; elle n'est pas assez
( 7« )
large et elle porte un prolongement en haut. La pre-
mière côte de gauche serait donc perdue. Il y aurait douze
ou treize côtes. Par le nombre des côtes la Baleine fossile
de Lombardie se rapprocherait le plus des deux petites
espèces vivantes, la Balaenoptera rostrata et la borealis.
L'omoplate a la forme d'un éventail, dit Cortesi, et nous
ajouterons qu'elle a tous les caractères de Tomoplate des
Balénoptères. Ainsi elle est, comme dans ces dernières,
beaucoup plus étendue d'avant en arrière que de haut en
bas; ceci s'observe chez les vraies Baleines. Cette omoplate
paraît avoir été mutilée, dit Cuvier, et il n'est pas possible,
ajoute-t-il, d'en faire une comparaison exacte avec nos
espèces vivantes.
Cette omoplate du squelette de Milan est en effet mu-
tilée et c'est pour n'avoir pas remarqué cette mutilation,
que M. Brandt a commis l'erreur de faire de cet animal le
type d'un genre nouveau. Il n'existe ni acromion ni apo-
physe coracoïde à l'omoplate de Milan, cela est vrai; mais
ces apophyses manquent-elles naturellement? Nous ne le
pensons pas : en examinant attentivement le bord anté-
rieur de l'os, on voit que la moitié de son épaisseur man-
que et, à l'aide d'une restauration habile, on a dissimulé
la disparition des deux apophyses (1).
Les os des membres diffèrent beaucoup de ceux des
Balénoptères vivantes surtout par leurs proportions; l'hu-
mérus n'a pas une fois et demie la longueur des os de
(1, Une omoplate du Musée de Parme est complète. Elle a ses deux
apophyses parfaitement développées, semblables à celles des Balénoptères
vivantes. Comme ces squelettes de Parme et de Milan sont si semblables
pour tout le reste, et que la mutilation de l'omoplate de Milan est évi-
dente, il n'y a pas lieu de douter qae la restauration du bord antérieur a
été faite aveè plus d'habileté que d'exactitude.
( 7i9)
Tavant-bras. Cet os est remarquable par sa forme allongée,
le peu (le développement des tubérosités; il le cède sous
ce rapport aux humérus de tous les genres vivants; il a
37 centimètres de long sur iS de large. Ce sont des me-
sures que le professeur Strobel a bien voulu m'envoyer
d'après l'exemplaire du Musée de Parme (1). On peut voir
dans la figure de Cortesi les proportions des os du bras
comparativement à ceux de l'avant-bras.
L'humérus de tous nos Plésiocètes d'Anvers présente
également une longueur très-grande relativement à son
diamètre et à la longueur de l'avant-bras. Cet os dans plu-
sieurs Mysticètes vivants est presque aussi large que long.
Le radius est droit, fort, massif; il a presque le double
de la largeur du cubitus. Ce dernier présente une apophyse
olécrânienne très-développée comme dans les Balénoptères
vivantes.
Les Métacarpiens et les Phalanges ne nous ont rien
offert de particulier. La main semble avoir atteint la lon-
gueur de l'avant-bras.
Comme nous l'avons dit plus haut, le second squelette
décrit et figuré par Cortesi et dont Desmoulins a voulu
faire le type d'une autre espèce, est déposé au Musée de
Parme.
M. Strobel à bien voulu me donner des renseignements
sur cette pièce intéressante après l'avoir fait nettoyer avec
soin et après l'avoir débarrassée de la roche qui l'encroûtait
encore. Il a eu l'obligeance de m'envoyer des dessins des
(1) Un humérus de Balénoïde du sable jaune de Plaisance, provenant
d'un animal de 25 mètres de long d'après M. Strobel, faisait partie de la
seconde collection de Cortesi.
( 750 )
principales pièces dont quelques-unes sont parfaitement
conservées.
La tête est assez complète. Les maxillaires supérieurs
et inférieurs sont en place ainsi que l'intermaxillaire; les
frontaux sont mutilés près du bord des orbites. Toute la
partie postérieure de la tête est conservée avec le prolon-
gement du temporal, et, en la comparant avec celle de
Milan , il nous serait difficile de dire en quoi elle diffère.
Les maxillaires inférieurs sont aussi droits dans le der-
nier que dans l'autre.
Cortesi assure du reste, et avec raison, que la forme de
la tête du squelette découvert en 1816 (fig. 1 pi. V) est
parfaitement semblable à celle de son premier squelette.
Le professeur Strobel a eu Tobligeance de nous envoyer
également un croquis de la tête du Musée de Parme, appar-
tenant au squelette recueilli par J. Podesta , et il ne nous
est pas possible de trouver des raisons qui justifient l'éta-
blissement d'une espèce distincte. Nous savons que le sque-
lette de Podesta a 7 mètres 50 centimètres.
Nous ferons remarquer, comme nous l'avons dit plus
haut, que le maxillaire inférieur, figuré par Cortesi,
(Saggi..., pi. IV, fig. 1) qui est au Musée de Parme, est
fortement courbé et non pas droit comme plusieurs autres
et particulièrement celui de Milan. Il en est de même du
maxillaire inférieur de Turin (1) que M. Brandt a figuré
pi. XXI, fig. 29. Cette courbure paraît aussi prononcée
que dans celui de Parme.
A Turin, on conserve des ossements de cette même Ba-
leine; ils ont été déterrés à Cortanzone et à San Lorenzo;
(1) Dessins envoyés par M. Gastaldi à M. Brandi.
( m )
les verlèbres ont été mises au jour en novembre i862, à
la Calunga, près de la station de San Domiano. Ces osse-
ments consistent en une tête assez complète, des vertèbres,
comme nous venons de voir, des côtes et des os du
membre. M. Gastaldi a envoyé des dessins de ces pièces à
M. Brandt qui les figure pi. XXI en les rapportant avec
quelques auteurs à une espèce distincte de celle de Milan.
— C'est la taille qui semble avoir décidé ces auteurs et
nous ne pouvons partager cet avis. Après avoir comparé
os par os, nous ne trouvons absolument aucun caractère
qui justifie cette séparation. La pi. XXI, fig. 29, des Re-
cherches de M. Brandt représente deux os maxillaires infé-
rieurs et non des côtes (das vordere Bippenpaar) comme
il est dit dans l'explication des planches.
Le Musée de minéralogie de Turin possède une tête
assez complète avec les maxillaires supérieurs et inférieurs,
une quinzaine de vertèbres qui se rapprochent de la
Balaenoptera rostrata, deux lombaires qui sont voisines
du Plesiocetus Garopii, des vertèbres d'une petite espèce
du même genre, puis des vertèbres malades ûeBalaenula
qui sont soudées entre elles. Ces dernières viennent des
environs d'Asti.
Nous rapportons au même animal le Borqual de Bo-
logne que notre savant confrère Capellini a décrit der-
nièrement, sous le nom de Cetotheriophanes Capellinii.
Quand nous sommes arrivé à Bologne en 1874, le pro-
fesseur Capellini a mis le plus grand empressement a
mettre sous nos yeux les restes de l'animal, qu'il avait
décrit quelque temps auparavant.
Après avoir étudié le squelette de Milan nous étions fort
curieux de pouvoir lui comparer celui de Bologne.
( 752 )
Le crâne est tronqué vers le tiers antérieur de Toccipi-
lal et le professeur Capellini a complété la première figure
qu'il a donnée de cette tète d'après les dessins de Balé-
noptères de Cuvier. Je remarquai de suite une pièce qui
était mêlée avec d'autres débris et je la mis en place pour
compléter la boîte crânienne. C'est la pièce que Capellini
a représentée sur sa nouvelle planche et qui complète le
crâne. Je comprends que le savant professeur de Bologne
n'ait pas songé à mettre cette pièce allongée à sa place,
persuadé qu'il était, que la boîte crânienne devait finir
en avant comme il l'avait figurée sur la planche qui accom-
pagne le premier Mémoire.
Cette portion de crâne étant en place, nous nous sommes
mis ensemble à nettoyer la surface des os pour distinguer
exactement leur forme et leur suture et c'est ce net-
toyage que M. Capellini a continué après mon départ. Il a
fait apparaître les parties du maxillaire, du pariétal et de
l'occipital, qu'il a si bien figurées sur la planche qui accom-
pagne son dernier Mémoire.
Si par la pensée on restaure des deux côtés cette tête
en mettant les frontaux en place, ainsi que les maxillaires
et les temporaux, on reproduit exactement la tête de celui
conservé à Milan. Nous ne ferons qu'une observation au
sujet de cette belle planche de M. Capellini qui représente
la tête du Plésiocète de Bologne, c'est que les maxillaires
inférieurs sont mis un peu trop en avant; il n'y a pas en
arrière une lacune aussi grande pour atteindre la surface
articulaire du temporal.
Les sept cervicales sont également conservées dans le
squelette de Bologne, mais les apophyses transverses
inférieures ont toutes disparu. Les supérieures sont encore
en place dans les vertèbres trois, quatre, cinq et sept.
( 7S3 )
\x corps de ces vertèbres ressemble beaucoup, pour
la dimension surtout, aux cervicales de la Balaenoptera
borealis.
Si maintenant nous comparons les vertèbres de Turin,
reproduites par M. Brandt{pl. XXII) d'après des dessins de
Gastaldi ou celles de Bologne figurées par Capellini, dans
son Mémoire de 1865 avec celles de Milan, il est évident
que nous avons affaire à des espèces qui ont les plus
grandes affinités entre elles si même elles ne sont pas
identiques.
Sous quel nom faut-il désigner cette Baleine fossile dont
Cortesi a le premier fait mention et que Cuvier décrit et
figure en la plaçant dans le sous-genre des Rorquals?
Cortesi, en faisant connaître le squelette du Monte Pul-
gnasco, trouve avec raison que cet animal était voisin de
la Balénoptère à museau pointu de Lacépède, c'est-à-dire,
de la Balaenoptera rostrata des cétologues modernes. On
sait que cette espèce ne dépasse pas trente pieds de lon-
gueur.
Cuvier, sans se prononcer sur ce rapprochement, établit
parfaitement les affinités génériques de l'animal; il agissait
avec sa prudence et son tact habituels en ne se prononçant
pas sur la question de l'espèce. On connaissait si peu, à cette
époque, les Balénides de nos mers d'Europe, que Cuvier
croyait devoir nommer la Balénoptère ordinaire du Nord ,
Rorqual de la Méditerranée. Toutefois si le grand natura-
liste avait proposé un nom il lui serait resté.
Nous avons vu plus haut que le docteur Brandt a créé
un nom générique nouveau pour la Balénoptère de Milan
et qu'il rapporte à des espèces distinctes les squelettes
de Milan, de Parme et de Bologne, sous les noms de
( lU )
Cetotheriophanes Cuvierii, Cortesii et Capellinii^ d'après
des renseignements descriptifs et iconographiques qu'il a
obtenus par correspondance. M. Brandt n'admet pas seu-
lement ces trois espèces, mais peut-être même une qua-
trième, ce qui, dit-il, ne doit pas étonner, puisque le
bassin tertiaire de la Russie méridionale fournit quatre
espèces et le bassin de Vienne à peu près autant. Il fait
mention de six espèces à Anvers.
M. Brandt caractérise ainsi son genre : les cerceaux des
vertèbres non épaissis; le canal vertébral des lombaires
plus haut que large; l'omoplate sans açromion et sans
coracoïde.
Les caractères tirés de l'épaisseur plus ou moins grande
des cerceaux et de l'élévation du canal vertébral plus ou
moins élevé relativement à la largeur, ne peuvent, à notre
avis, jamais servir à former un nouveau genre. Quant à
l'absence des apophyses de l'omoplate, il n'en serait pas
de même. Mais nous l'avons déjà dit, ces apophyses ne
manquent pas plus que dans les autres Balénoptères.
Après un examen rigoureux des deux squelettes deCor-
tesi, nous nous rangeons à l'avis de ce savant naturaliste
italien; nous croyons qu'ils appartiennent à une même
espèce, et nous croyons de plus qu'il n'y a pas lieu d'en
séparer les squelettes de Bologne, de Turin et de Parme.
J'ai déjà dit dans l'Ostéographie des cétacés (p. 242) que
tous ces ossements de Bianconi, Gortesi et Capellini appar-
tiennent à une seule et même espèce, et aujourd'hui que
nous avons pu voir et examiner la plupart de ces os, notre
conviction à cet égard est encore plus complète.
Je ne suis, du reste, pas le seul de cet avis et si Cuvier
avait dû se prononcer à ce sujet aussi bien que Blainville,
ils n'eussent pas hésité à trancher la question dans ce sens.
(755)
On ne trouve vraiment entre ces squelettes que des diffé-
rences individuelles.
Nous réunissons ces Balénoptères d'Italie dans un mênoe
genre avec les Plésiocètes d'Anvers, à cause de leur man-
dibule inférieure, de leurs os propres du nez, de la largeur et
de la conformation du frontal au-devant de l'occipital, de
la forme du tympanal et de l'apophyse mastoïde, de la lon-
gueur de l'humérus, etc.; et quant au nom spécifique, nous
croyons devoir conserver celui de Cortesi. Nous désigne-
rons cet animal sous le nom de
Plesiocetus Cortesii.
Nous pouvons donner la synonymie suivante avec l'indi-
cation du nom des auteurs qui s'en sont occupés et des
ouvrages qui en font mention.
Cortesi, Sugli scheletri d'un Rhinoceronte afri-
cano etd'una Balena... Milano 1809.
Cortesi , saggi geologici, Piazenza 1819.
Cuvier, Ossements fossiles, t. V, 1'"*' part. p. 390. 1832.
Baleine de Cuvier et de Cortesi. Desmoulins, Dictionn.
classique d'hist. nat., art. Baleine, vol. 11, p. 165. 1822.
Rorqualus Cortesii, Capellini, Balenottere fossili, Bo-
logna, 1765.
Plesiocetus Cortesii... Van Beneden et Gervais, Ostéo-
graphie des cétacés, Paris, pp. 242 et 288.
Cetotherium [Cetotheriophanes) Cuvieri, Cortesii, Capel-
linii, Brandt, Untersuchungen ùber die Fossilen und Sub-
fossilen Cetaceen Europa's. S*-Petersburg, 1875.
J. F. Brandt, Ergânzungen zu den fossilen Cetaceen Eu-
ropa's, S*-Peterburg, 1874.
Cetotheriophanes Capellinii , Capellini, sui cetoterii
Bolognesi... Bologna, 1875.
( 7d6)
Ces ossements ont été trouvés dans les couches de
marne bleue, ou de sable jaune que l'on place générale-
ment dans le Pliocène.
Les principales localités où ces découvertes ont été faites
sont : Monte Pulgnasco (1806); Montezago, Castelarquato
(Podesta) près de Chiavenna Rochesta (1816); Prada-
libno (1865); Montelalcone, S. Lorenzo (1862); Briatico,
golfe de Saint-Theophême, à Sienne (vertèbres au Musée
de Pise); Pietra leccese, in terra d'Otranto et enfin dans le
Val d'Arno (Gervais.)
On a signalé également des ossements de cétacés à Malte,
avec des restes de Dugongs et de Phocodon.
On conserve au Musée de Milan le grand squelette de
Cortesi.
A Turin, au Valentino, Musée de l'École d'application
des ingénieurs sous la direction du professeur de géolo-
gie, M. B. Gastaldi, se trouvent les ossements décrits
et figurés par M. Brandt et au Musée de minéralogie,
sous la direction de M. Aug. Sismonda, sénateur du
royaume, on voit une tête et de n?)mbreuses vertèbres de
divers cétacés à fanons.
A Bologne se trouve le beau squelette décrit et figuré
par le professeur Capellini , dans le Musée dirigé par ce
savant.
A Parme, d'après les renseignements que le directeur
Pellegrino Strobel a bien voulu me fournir, le Musée
possède : IMe squelette de Montezago, décrit et figuré
par Cortesi, pi. V, fig. 1-5; 2Me squelette de la marne
bleue de Jean Podesta; 5° un squelette du sable jaune
de Montefalcone; 4** des vertèbres cervicales des Apen-
nins de Plaisance; 5** des parties d'un squelette d'un
( -!^ )
grand animal du sable jaune de Montezago; 6° des restes
d*un squelette d'un petit individu, c'est-à-dire la tête avec
les maxillaires et les intermaxillaires, des sables jaunes
des Apennins du Plaisantin, recueillis par Cortesi; 7° le
corps d'un humérus très-grand du sable jaune des Apen-
nins Plaisantains, trouvé également par Cortesi.
Il paraît qu'à Pise il existe également un squelette de
Balénide fossile, mais qui n'est pas nettoyé.
Le Musée de Florence renferme une quantité d'osse-
ments fossiles de cétacés, que le professeur Capellini est en
train de débrouiller. 11 y a là une région cervicale, qui in-
dique la présence, dans le bassin de la Méditerranée, d'un
vrai Mysticète, très-voisin d'un genre qui n'est connu
encore que dans le sable d'Anvers.
Le Musée de Pise renferme également un fragment de
maxillaire inférieur de Balaena.
Les principaux ossements fossiles de Myslicètes décou-
verts jusqu'à présent en Italie se rapportent aux espèces
suivantes :
Balaena etriisca, région cervicale au Musée de Bologne.
Balaena balsami (1), vertèbres au Musée de Milan.
Balaenula, vertèbres à Turin et à Florence.
Plesiocetus Cortesii, aux Musées de Milan , Turin , Bo-
logne, Parme, Pise.
(1) M. Cornalia a donné ce nom à une Baleine fossile, dont on a trouvé
treize vertèbres dorsales et lombaires et quatre côtes, à Montezago, Pia-
centino, en 1806. C'est une vraie Baleine. Nous ne savons si ces os
viennent de l'argile bleue, Pliocène. Ils n'ont pas le même aspect que
ceux de Plésiocète.
( 7S8 }
EXPLICATION DES FIGURES.
Fig. 4. Tête de Plesiocetus Cortesii, vue par la face supérieure, d'après
une photographie exécutée sous les ordres de M. Cornai ia.
Fig. 2. La même têle vue du côté opposé. Il n'y a que les os jugaux
qui manquent.
A côté on voit le maxillaire inférieur, d'un côté vu par sa face
inférieure, de l'autre côté en profil.
Sur la période de froid du mois de décembre 1875;
par M. E. Quelelet, membre de rAcadémie.
La période de gelée que nous traversons en ce moment
mérite de fixer un instant l'attention. Depuis le 25 no-
vembre il a gelé chaque nuit, et le 2 décembre au matin
la température est tombée à — 7°5; ce froid n'est pas
excessif pour la saison, puisqu'on sait qu'à !a date du
25 novembre la température a déjà atteint à Bruxelles
10%4 sous zéro; mais il s'est présenté précisément à une
époque de réchauffement de l'air et le degré — 7°5 n'a pas
été observé jusqu'ici du 24 novembre au A décembre.
Quand une anomalie remarquable se présente, il est
utile d'étudier les faits analogues qui ont été observés
précédemment : j'ai donc recherché les périodes froides de
quelque importance qui se sont présentées vers la môme
époque. Sur les 42 années d'observation il y en a 15 qui
présentent sous ce rapport quelque analogie avec l'année
1875. Je les ai réunies dans le tableau suivant, en me
bornant toutefois à présenter pour chacune d'elles le
minimum absolu par pentade, c'est-à-dire par période de
cinq jours:
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( 760 ) .
En examinant ce tableau, on reconnaît bientôt que les
températures d'aucune de ces années ne sont comparables
avec celles que nous observons actuellement, mais que les
moyennes ne s'écartent pas trop des nombres obtenus
cette année entre le 2 novembre et le 4 décembre. Si l'on
resserre les limites et que l'on rejette les années où la
somme des écarts avec 1875 est la plus grande, il reste
1844, 1849, 1855, 1869, 1870 et 1874 dont les minima
moyens sont consignés dans l'avant-dernière ligne. La
dernière ligne enfin renferme les minima moyens des
trois années 1844, 1846 et 1855 qui sont les seules qui
demeurent, quand on a éliminé les années dont les écarts
avec 1875 sont les plus grands dans chaque pentade.
Quoique ces trois séries de nombres aient été obtenues par
des combinaisons différentes des minima annuels, elles
concordent assez bien entre elles.
Ce qui est encore particulièrement remarquable dans les
froids de ces derniers jours, c'est que malgré un vent d'Est-
Nord-Est persistant, le baromètre est resté peu élevé et
l'air humide et continuellement nuageux.
( 761 )
Sur l'élage dévonien des psammiles du Condroz dans le
bassin de Theux, dans le bassin septentrional [entre Aix-
la-Chapelle et Atli) et dans le Boulonnais, par M. Michel
Mourlon, conservateur de la section de minéralogie et
de géologie au Musée royal d'histoire naturelle de
Bruxelles.
Dans une première communication sur l'étage dévonien
des psammites du Condroz (1) je me suis attaché à faire
connaître la constitution détaillée de cet étage dans la
région qui lui a valu son nom.
Les psammites de l'Ourthe, entre Esneux et Comblain-
Fairon, m'ont fourni l'échelle stratigraphique de l'étage
en me faisant connaître la succession normale des couches
dont il se compose dans la partie du Condroz où il paraît
atteindre sa plus grande épaisseur.
J'ai évalué approximativement cette épaisseur à 600
mètres.
J'ai montré aussi que ces 600 mètres de couches psara-
mitiques, séparant les schistes de Famenne proprement dits
du calcaire carbonifère (assise 1), peuvent se grouper en
quatre assises ayant chacune leurs caractères minéralogi-
ques, paléontologiques et stratigraphiques qui permettent
de les reconnaître aisément dans tout le Condroz, chaque
fois qu'elles sont ramenées au jour par des plis, comme
sur l'Ourthe et sur les plateaux, entre Chapois (Leignon)
(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, t. XXXIX, Snie série,
p. 602.
2°"^ SÉRIE, TOME XL. 49
(762)
et Courrière, au delà d'Assesse, ou par des failles, comme
sur le Hoyoux.
Ces assises sont, en commençant par la plus ancienne :
A. Assise d'Esneux. (Puissance approximative. . 4oO mètres.
B. Assise de Souverain-Pré . — — . . 400 —
G. Assise de Moiifort. — — . . iSO —
D. Assise d'Évieux. — — . . 200 —
Total. . 600 mètres.
J'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à l'Académie la
continuation de mes recherches sur la constitution détail-
lée des psammites du Condroz :
4° Dans le bassin de Theux.
2» Dans le bassin septentrional
(entre Aix-la-Chapelle et Ath).
> Dans le Boulonnais.
I. — Constitution des psammites du condroz
DANS LE BASSIN DE THEUX.
La vallée où coule le ruisseau de Spa présente, entre
Theux et Franchimont, d'importants affleurements qu'une
étude attentive m'a permis de raccorder avec certitude
aux psammites de TOiirthe.
Ces affleurements s'observent principalement : dans la
tranchée du chemin de fer où j'ai eu la bonne fortune de
retrouver le gîte à végétaux d'Évieux; au sommet du flanc
occidental de la vallée, dans une carrière abandonnée, où
l'on a exploité les psammites à pavés de Monfort, et sur
la montagne de Franchimont dont les ruines célèbres
reposent sur le macigno de Souverain-Pré lequel, à son
tour, est supporté par les psammites d'Esneux.
( /«'^ )
La coupe suivante fera connaître la composition détaillée
de ces alïleurements :
Coupe entre Theux et Franchimonl.
Fig. \.
En suivant la voie ferrée, on rencontre,à quelques cen-
taines de mètres de la station de Theux :
i. Psammite très-micacé, parfois terreux et, passant à un schiste
verdâtre.
2. Psammite schisto-grésiforme pailleté passant à un schiste qui
prend à la surface une teinte blanchâtre assez fréquente à ce niveau.
Ce psammite, en bancs presque verticaux, renferme, notamment en
2', d'abondants débris de végétaux tout à fait semblables à ceux du
gîte dTvieux. J'y ai recueilli aussi des débris de poissons ?
Il alterne avec des bancs à texture terreuse.
3. Psammite grésiforme très-pailleté avec débris de végétaux
semblables à ceux que j'ai rencontrés souvent à la partie supérieure
de l'assise de Monfort.
i. Psammite grésiforme altéré en bancs contournés, inclinés d'en-
viron 4S° S. et à stratification confuse vers le bas.
Sur la rive gauche du ruisseau et à la partie supérieure
du flanc occidental de la vallée on observe une carrière
abandonnée dans laquelle on a exploité un banc de psam-
mite grésiforme gris-bleuâtre, finement pailleté, qui paraît
être incliné de 20° N. et atteindre une épaisseur de 5 à 6
mètres. C'est le gros banc et le blanc banc de Monfort dont
j'ai trouvé, parmi les éboulis de la carrière, les parties ter-
reuses pétries d'abondants Calamités? (traces d'axes assez
volumineux).
5. Macigno noduleux passant à un calcaire à crinoîdes spathiqucs.
( 704 )
Ce macigno s'observe sur la montagne de Franchimont
ainsi que dans son prolongement sur la chaussée de Theux
à Spa où il se montre, à une centaine de mètres du pont,
sous la forme de grands blocs isolés au milieu de la végé-
tation.
Dumont fait mention de ce macigno dans son célèbre
Mémoire sur la constitution géologique de la province de
Liège (1) et l'indique comme un petit ruban de calcaire
subordonné dans le psammite.
6. Psammite d'Esneux avec des parties schistoïdes verdâtres et
un banc de psammite grésiforme intercalé à la partie supérieure.
Ce psammite est bien visible au contact du macigno
précédent, dans la propriété de M. Granjean, au pied de la
montagne de Franchimont. Il s'observe le long de la chaus-
sée de Spa, sur la rive gauche du ruisseau, où on peut le
suivre sur une très-grande longueur, les couches étant
très-peu inclinées et la chaussée prenant une direction S-0.
IL — Constitution des psammites du condroz
DANS LE BASSIN SEPTENTRIONAL
(entre Aix-la-Chapelle et Ath).
Pour faire connaître la composition détaillée des psam-
mites du Condroz dans notre bassin septentrional, entre
Aix-la-Chapelle et Ath, je passerai sucessivement en revue
les affleurements qu'il m'a été possible d'observer : aux
confins de la Belgique et de la Prusse, entre Moresnet et
Montzen; sur la Vesdre et sur les bords (méridional et
septentrional) du bassin, entre Liège et Ath.
(1) Mémoires couronnés de l'Académie, t. VÏII, p. 181; 1832.
( 7(>o )
Coupe des tranchées près la station de Montzen-Moresnet.
Fig. 2.
i. Dolomie gcodiqnc recouverte d'éboulis terreux (assise V,
Duponl).
2. Psammite schistoïde vcrdâlre avec traces de débris de végé-
taux.
Ce psammile est tout à fait semblable à celui que j'ai
rapporté à l'assise d'Évieux dans la tranchée du chemin
de fer au N-0 de Ciney.
Il est en majeure partie recouvert d'éboulis psammiti-
ques sur lesquels se trouvent également des traces de débris
de végétaux, mais toutes différentes des précédentes et se
rapportant plutôt à celles du psammite n° 3, ce qui permet
de supposer que ces éboulis proviennent d'un niveau infé-
rieur à celui qu'ils occupent dans la tranchée.
5. Psammites grésiforme et schistoïde très-micacés gris blanchâtres,
devenant rougeâtres vers le haut, en bancs puissants peu inclinés
(12" N.) renfernant d'abondants débris do végétaux.
4. Psammite passant à un schiste rougeâtre et verdâtre.
Ce schiste rappelle ceux que j'ai rapportés à l'assise de
Monfort dans la tranchée au sud de la station de Natoye ,
en me basant exclusivement sur leur position slratigra-
phique, car je n'avais pas encore rencontré cet aspect rai-
néralogique dans l'étage des psammites.
5. Psammites semblables aux psammites n» 3.
6. Psammite blanchâtre en bancs presque horizontaux devenant
parfois charbonneux par Tabondance des débris de végétaux qu'il ren-
ferme.
( 7(16 )
En suivant, du nord au sud, les différentes tranchées du
chemin de fer de la Société de la Vieille-iMontagne, on
retrouve, avec un beaucoup plus grand développement et
une inclinaison sud , toute la série psammitique de la coupe
précédente.
Cette série de couches correspond à la partie supérieure
de l'assise de iMonfort. C'est celle qui s'observe sur tout
le bord nord du bassin septentrional, jusque dans le Bou-
lonnais, comme on le verra par la suite.
Carrières de Mont zen.
Les carrières ouvertes sur la commune de Monlzen, au
S.-E. de la coupe fig. 2 et au S.-O. de la station, exploi-
tent un banc de 5,80 mètres d'épaisseur constitué par un
psammite grésiforme gris-bleuâtre finement pailleté qui
n'est autre que le gros banc de Monfort.
C'est donc un psammite inférieur à ceux qu'on vient de
voir dans les tranchées du chemin de fer, de chaque côté
de la station de Montzen-Moresnet.
En outre, comme la coupe d'une partie de ces tranchées
signale la présence, entre les couches supérieures de Monfort
et la dolomie carbonifère , d'un psammite à végétaux que je
crois pouvoir rapporter à l'assise d'Évieux, il s'ensuit que
les différents groupes psammiliques mis à découvert par
les tranchées du chemin de fer, comme par les carrières, se
trouvent conserver la même position relative que dans le
Condroz et dans le bassin de Theux.
Quant aux groupes inférieurs de l'étage , il ne m'a pas été
donné de les observer dans cette partie du bassin septen-
trional, soit que la faible inclinaison des couches ne leur
ait pas permis d'affleurer, soit qu'elles y fassent complète-
ment défaut.
( 767 )
Coupe dans la tranchée de la station de Dolliain.
Fig. 3.
i. Schiste grossier, légèrement pailleté, à surface luisante et légè-
rement cannelée.
2. Psammitc verdàtre en bancs fortement contournés; ce psammite
est en partie caché par la végétation, surtout vers le bas où cependant
un banc est bien visible un peu avant d'arriver au macigno n° 3.
3. Macigno schisteux passant à un calcaire à crinoïdes. Ce macigno
ne perce la végétation qu'en un seul point et encore n'ai-je pu m'assu-
rer complètement s'il est bien en place. Aussi n'est-ce qu'avec doute
que je le rapporte à l'assise de Souverain-Pré.
4. Psammite schisto-grésiforme verdàtre avec traces de débris de
végétaux.
Ce psammite est, comme celui de Montzen, tout à fait semblable à
celui qui m'a fourni les mêmes traces végétales dans la tranchée au
N.-O. de Ciney. C'est le psammite d' de mon échelle stratigraphique.
5. Psammite passant au schiste, au calschiste et alternant avec des
bancs à texture terreuse.
La présence du calschiste dominant parmi ces couches m'oblige à
ne les rapporter qu'avec doute à l'assise d'Évieux.
6. Calcaire avec rares crinoïdes spathiques.
7. Calcaire argileux en bancs minces avec crinoïdes peu abon-
dantes, parfois géodique, pétri de fossiles {Strophomenes (Leptœna)
analogna, Phill., Spirifer pinguis^ Sow., etc.) et entouré de calschiste
renfermant les mêmes fossiles.
8. Dolomic entrecoupée de petites failles, à stratification confuse»
mais renfermant en 8' une bande de phlanite noir devenant blan-
châtre par altération, foss'ûUère (Cyathophyllum) et inclinée 6i»N.
L'inclinaison, au nord, de cette bande de phtanite, parait bien
indiquer la présence d'une faille, au contact des assises carboni-
fères I et V.
Les différentes couches de la coupe de Dolhain présen-
tent cette particularité, assez fréquente dans nos terrains
( 768 )
primaires, de se trouver dans une position inverse de celle
qu'elles occuperaient normalement. C'est ce qui s'ex-
prime en disant qu'elles ont été renversées, ou bien encore
qu'elles ont dépassé la verticale.
C'est en vertu de ce phénomène que l'assise des psam-
mites d'Esneux, qui est la plus ancienne de l'étage,
occupe, au contraire, la partie supérieure, tandis que
l'assise d'Évieux, la moins ancienne, est à la base. On voit
donc que, quelles que soient les actions mécaniques qui
ont affecté l'étage des psammites, les différentes assises
dont il se compose, n'en conservent pas moins les mêmes
relations stratigraphiques.
La coupe de Dolhain présente, toutefois, une différence
notable avec les précédentes, en ce que l'on y constate l'ab-
sence d'un groupe de couches tout entier. On ne trouve ,
en effet, dans la coupe de Dolhain, aucun vestige de l'assise
de Monfort et l'espace qui sépare les assises B et D et que
recouvre la végétation est si minime qu'il est permis
d'avancer qu'elle fait complètement défaut en ce point.
C'est là un fait qui n'est pas sans importance si Ton réflé-
chit que j'ai assigné à l'assise de Monfort une puissance de
150 mètres sur l'Ourthe. Toutefois l'absence de cette assise
à Dolhain et le contact anormal des assises B et D qui en
est résulté me paraissent être dus à un accident local pro-
duit sans doute par une faille. Et ce qui me paraît devoir
appuyer cette manière de voir, c'est que l'assise de Monfort
a donné lieu à de grandes exploitations sur la Vesdre et
que, même à peu de distance à l'ouest de Dolhain, on a
exploité des pavés dans un psammite grésiforme en bancs
épais à la base, souvent contournés et inclinés au nord,
qui s'observent un peu au delà des schistes de Famenne de
la Pisseroule, en suivant la chaussée de Verviers à Dison.
( 7«0 )
J'ajouterai que Tassise B paraît réduite à une assez faible
épaisseur dans la tranchée de Dolhain, alors, au contraire,
que l'assise A y présente une grande extension.
Coupe entre la station de Trooz-Aval et Dasse-Fraipont.
Fig. 4.
i. Schiste verdâtre à surface luisante et légèrement cannelée,
comme celui de la station de Dolhain.
2. Psammite verdâtre.
Ce psammite prend un îrès-grand développement sur la
rive droite de la Vesdre qui le traverse sur une assez grande
longueur, à peu près de l'est à l'ouest, dans le sens de la
direction des couches. Les couches supérieures de ce psam-
mite se montrent, comme l'indique la coupe, au commen-
cement de la tranchée du tunnel.
3. Macigno noduleux et caverneux avec Rhynchonella pleurodon
en bancs puissants atteignant jusqu'à 4 et 5 mètres d'épaisseur et
inclinés 20° S.
Le contact de ce macigno avec les psammites d'Esncux est bien
visible dans la tranchée, à l'entrée du tunnel, où de grands blocs
détachés se trouvent à côté de la voie.
i. Psammites à pavés.
Ces psammites sont exploités dans plusieurs carrières
sur les deux rives et surtout sur la rive droite.
On retrouve dans ces carrières toute la série des psam-
mites deMonfort, en bancs peu inclinés. J'y ai retrouvé,
notamment, le niveau à végétaux delà partie supérieure de
l'assise C.
5. Psammite grésiforme, en bancs faiblement inclinés au nord,
dans une carrière abandonnée , sur la rive gauche.
6. Psammite verdâtre rappelant un peu les psammites d'Esneux-
( 770 )
Ce psammite est en majeure partie caché par la végéta-
tion, mais j'ai pu l'observer, sur la rive droite, en deux
points séparés l'un de l'autre de 150 mètres.
7. Psammites à pavés exploites, suivant la direction des couches à
cause du contourncment de la vallée, dans une grande carrière sur
la rive droite.
8. Macigno presque entièrement caché par la végétation et les
éboulis de carrières.
En poursuivant, sur la rive gauche, vers Basse-Frai-
pont, on suit le macigno, dans le sens de la direction des
bancs, sur une assez grande longueur. De grands blocs
de macigno noduleux et caverneux éboulés se montrent
aussi, assez abondamment, au bord de la rivière. On voit
donc, en résumé, que l'étage des psammites présente, dans
cette partie de la Vesdre, la même disposition que sur
l'Ourlhe et dans le bassin de Thcux.
Coupe du Fond de Cry à Chaudfontaine.
Fig. 5.
1. Psammite verdâtre formant un pli synclinal à Pentrée du Fond
de Cry.
2. Schistes de Famcnne à stratification confuse.
3. Calcaire et schiste argileux très-fossilifères (rercôra/u/a concen-
trica; Spirifcr disjunclus; Gomphoccras ; Orthoccras).
4. Calcaire bleu exploité comme pierre h chaux.
Ce calcaire s'observe, au contact des couches n" 3, dans la pre-
mière carrière ouverte sur le flâne oriental du Fond de Cry.
5. Calschiste en partie recouvert de végétation et séparant deux
carrières, le long de la route.
6. Calcaire avec schiste argileux.
7. Calcaire bleu veiné de calcite , exploité comme chaux hydrau-
lique dans de grandes carrières.
(771 )
Il forme un beau pli anticlinal bien apparent sur le flanc occi-
dental du Fond de Cry.
8. Schiste de Famcnnc cache, en grande partie, par la végéta-
tion.
9. Psammite schistoïdc passant au schiste.
10. Psammite verdâtre recouvert d'éboulis de carrières, vers le
bas.
H. Psammite grésiforme en bancs assez épais au contact du psam-
mite précédent.
Vers le sommet du flanc oriental du Fond de Cry on ex-
ploite dans une première carrière à pavés appartenant à
M. Courtois Noirfalize, un banc de psammite grésiforme
gris-bleuâtre, finement pailleté qui atteint , comme \egros
banc de Monfort auquel il correspond , la puissance de
5 mètres. Il est incliné de 62° S.
A un niveau supérieur à ce gros banc on exploite
d'autres bancs qui paraissent correspondre, en tout ou en
partie, à ceux qu'on a tenté d'exploiter vis-à-vis, sur le
flanc occidental du Fond de Cry, dans une petite carrière
abandonnée.
12. Psammite schistoïde foncé avec nombreuses traces de débris
de végétaux.
Ce psammite s'observe, à rétat d'éboulis, dans la petite carrière
abandonnée dont il vient d'être fait mention.
C'est le seul indice qu'il m'ait été possible de recueillir de la pré-
sence de l'assise d'Évieux , en ce point.
15. Psammite à pavés inclinés au nord.
Dans une première carrière appartenant à Bastin Honez
de Ninane on voit le pli synclinal prendre naissance avec
les couches supérieures et l'on retrouve, avec une incli-
naison nord, le gros banc de 5 mètres de la carrière Cour-
( 772 )
lois, lequel est surmonté ici d'autres bancs également très-
puissants.
L'un de ces derniers présente tous les caractères du
blanc banc de Monfort; c'est un psammite grésiforme,
finement pailleté, devenant terreux, géodique et fossilifère
par places et renfermant aussi les mêmes traces d'axes
assez volumineux de Calamités? que sur l'Ourthe.
a. Psammite verdàtre avec Avkula Damnoniensis ?
Ce psammite s'observe, au tournant de la route, en
bancs inclinés au nord, sous le psammite n° 15.
En poursuivant la route vers Ninane, on suit ce psam-
mite dans le sens de la direction des couches, puis on
arrive aux carrières à pavés Etienne et Léonard dans les-
quelles on exploite le prolongement des bancs de la car-
rière Honez.
En résumé les psammites du Fond de Cry conservent
toujours les mêmes relations straligraphiquesque dans les
coupes précédentes. Seulement l'assise du macigno de Sou-
verain-Pré semble y faire complètement défaut, et ce n'est
qu'avec beaucoup de réserves qu'on peut y admettre l'exis-
tence de l'assise d'Évieux.
Les psammites de l'assise de Monfort s'observent encore
au S.-E. de Chaudfontaine, au sortir du tunnel où ils
ont été exploités pour donner du ballast à la ligne de
l'État.
Coupe à Angleur sur l'Ourthe.
En suivant la chaussée de Liège, sur la rive gauche de
l'Ourthe, on rencontre, au delà des schistes houillers, la
( 773 )
coupe suivante dont toutes les couches sont renversées et
inclinées au sud.
1. Dolomie carbonifère (assise V, Dupont), bien visible dans la
propriété de M. le notaire à Angleur.
2. Schistes gris- noirâtres et rougeâtres passant parfois au nia-
cigno.
3. Psammite schisto-grésiforme fortement micacé gris et rouge
en bancsparfois très-puissants, d'autres fois très-feuilletés avec aspect
argentin.
Il passe au macigno dans quelques bancs.
4. Psammite grcsiforme gris-bleuâtre pailleté, devenant schis-
toïde et fossilifère avec débris de végétaux et passant à une espèce
de schiste renfermant les mêmes débris.
Ces roches s'ohservent dans une première carrière aban-
donnée située un peu au-dessus de la chaussée.
5. Psammite grésiforme gris-blanchâtre pailleté , exploité comme
pavé dans une seconde carrière située à côté de la précédente.
Au delà du psammite n° 5 la végétation ne permet pas
d'observer la nature des couches qui séparent ce psammite
des schistes de Famenne.
Jl est aisé de reconnaître dans les couches 1 à 4 les dé-
pôts de l'assise d'Évieux avec ses débris de plantes si ca-
ractéristiques. Quant au psammite n° 5, il me semble devoir
se rapporter à la partie supérieure de l'assise de Monfort.
Coupe sur le ruisseau au S.-E. d'Engis
(commune d'Ehein).
En remontant le ruisseau qui va se jeter dans la Meuse
en face d'Engis, une circonstance favorable m'a permis
d'observer l'étage des psammites, au delà des grandes
( 774 )
carrières ouvertes dans le calcaire carbonifère de Visé et
des Écaussines.
Une petite tranchée qu'on vient de pratiquer, pour la
construction d'une nouvelle route, entre le pont d'Engis
et le village de Neuville-en-Condroz, a mis à nu les psam-
mites qui s'y présentent, en général, à l'état d'éboulis.
Cependant, au commencement de la tranchée, au delà des
éboulis de calcaire à crinoïdes, on remarque quelques
bancs de psammite rouge presque verticaux avec pendage
au nord , comme ceux de la carrière de petit granité qui
précède immédiatement la petite tranchée.
Le psammite grésiforme rouge qui paraît constituer la
majeure partie de l'étage, en cet endroit, est tout à fait
semblable à celui qu'on va voir si puissamment développé
à Huy. Seulement la végétation ne m'a pas permis d'obser-
ver la nature des roches qui séparent ce psammite rouge
du calcaire de Givet qui se montre, à peu de distance de
là, dans le lit du ruisseau.
Tout ce que je puis dire, c'est que je n'ai trouvé aucune
trace des schistes de Famenne qui , d'après la carte de
Dumont, doivent se trouver entre les psammites et le cal-
caire dévonien.
Si le psammite rouge de la tranchée est bien l'analogue
de celui de Huy et correspond, comme ce dernier, à l'as-
sise de Monfort, on peut en conclure que l'assise d'Évieux
fait défaut à Ehein, les éboulis de petit granité y succé-
dant à peu près immédiatement à ceux du psammite rouge.
Coupe à Iluy sur la rive droite de la Meuse.
Fig. 6.
A une centaine de mètres à l'ouest du pont du chemin
de fer du Hoyoux, on peut suivre sur la chaussée, à peu
( 773 )
près dans le sens de leur direction , les couches de psam-
mite dont le pendage est au sud.
1. Psanimite verdâtrc avec traces vcrmiculaires, passant à un
schiste parfois très-fossilifère, notamment en 1' (Modiola {Pullaslra)
complanata? Phill., Wiynchonellapugnus \ar. subdentata? Sow., Spt-
rifer disjunctus, etc.)
2. Psammite semblable au précédent, mais alternant avec des
bancs peu épais de psammite grcsiforme grisâtre, ayant une appa-
rence rosâtre.
Ce psammite devient plus quartzeux et plus foncé à la partie supé-
rieure.
3. Psammites grésiformes rouge et bigarré en bancs très-puissants
atteignant jusqu'à S et 6 mètres d'épaisseur. J'y ai recueilli : Ortho-
ceras ?, Jihynchonella pugnus, etc.
4. Calcaire à crinoïdes (assise I) en bancs épais inclinés au sud,
bien visibles dans une carrière abandonnée sur le flanc de la mon-
tagne.
Les traits les plus saillants de cette coupe sont, d'une
part, la grande extension des psammites rouges et, d'autre
part, l'absence des assises de Souverain-Pré et d'Évieux.
Coupe dans la tranchée au S.-E. de Naninnes.
Fig. 7.
La tranchée du chemin de fer de la station de Naninnes
a mis à découvert, près de celle-ci, des roches blanches,
rouges et bigarrées ayant un aspect tout particulier et que
je n'ai su, pendant longtemps, à quel terrain rapporter.
Notre illustre Maître, feu M. d'Omalius, avec qui j'eus
l'honneur de les étudier sur place, pensa y voir le rhénan
de Dumont. Comme je n'avais jamais observé, jusque-là,
ce faciès minéralogique dans aucun autre terrain, je me
( 776 )
rangeai à l'avis du Maître et je le ferais encore aujour-
d'hui, si je n'avais retrouvé, depuis, des roches analo-
gues dans les psammites du Condroz de la tranchée à l'est
de Courrière (1) et, plus récemment, dans les psammites
du hameau de Wartet dépendant de la commune de
Marche-les-Dames.
Voici la composition détaillée de l'étage des psammites et
des dépôts qui le surmonte dans la tranchée de Naninnes.
1. Psammite blanc légèrement pailleté en voie de décomposition.
2. Psammite rouge le plus souvent bigarré de vert, légèrement
pailleté ayant une tendance à se diviser en feuillets minces et se pré-
sentant parfois en bancs assez puissants, devenant schistoïdes et pas-
sant à une argile collante.
3. Psammite schistoïde jaunâtre et verdâtre.
A. Schiste grisâtre et rougeâtre se divisant en petits parallélipi-
pèdcs et devenant parfois géodique et fossilifère (Spirifer disjmic-
tus, etc.)
5. Dolomie géodique fissurée à stratification confuse et presque
entièrement cachée par les éboulis. Cette dolomie renferme des
traces de galène.
Je rapporte les couches n°' 1 , 2 et 5 de celte coupe à la
partie supérieure de l'assise de Monfort à cause des ana-
logies précitées. Quant aux couches n° 4, je les regarde
comme représentant les schistes de Famenne et les cou-
ches n° 5 le calcaire de Givet. Cette manière de voir est
du reste conforme aux indications de la carte de Dumont.
Les couches de la coupe de Naninnes se trouvent dans
l'ordre inverse de celui qu'elles occupent normalement.
On peut en conclure que les couches de nos assises A et B
et d'une partie de C font défaut en ce point.
(1) Bull, p. 642,pl. Il.tig. 8.
( 777 )
Quant à l'assise D, on ne saurait se prononcer avec cer-
titude à son endroit par la raison qu'il n'existe plus d'af-
fleurements entre la station de Naninnes et la tranchée de
calcaire carbonifère au INE. de Naninnes.
Coupe à Wépioii sur la rive gauche de la Meuse.
Les travaux exécutés, il y a peu de temps, pour la con-
struction d'une nouvelje roule entre Wépion et Saint-Gé-
rard, ont mis au jour une coupe qui montre le contact des
psammites et du calcaire carbonifère. C'est d'abord un
psammile rosâtre très-micacé, puis un psammite schis-
toïde altéré fossilifère {Spirifer^ N. Sp.?) qui finit par
alterner avec les bancs de calcaire à crinoïdes (assise I)
prenant la texture terreuse par altération.
La nature rainéralogique des psammites de Wépion me
porte à croire qu'on a plutôt à faire ici à quelque couche
supérieure de l'assise C qu'à l'assise D.
Coupe à Malonne.
Ce qui vient d'être dit pour les psammites de Wépion
s'applique également aux psammites de Malonne qui sont
constitués par un psammite rouge en bancs alternant
avec un psammite schistoïde très-feuilleté et très-micacé
auxquels succèdent immédiatement le calcaire carboni-
fère des Écaussines, sous la forme de blocs roulants de
calcaire à crinoïdes , comme l'a montré récemment
M. Dupont (1).
Les couches de la coupe de Malonne sont inclinées au
(1) Bulletins de V Académie royale de Belgique , 2^ sér. , t. XXXIX
p. 297, pi. II, tig. 5.
2"* SÉKIE, TOME XL. 50
( 778 )
sud et par conséquent renversées comme celles de Wépion
et de Naninnes.
Coupe en face de l'abbaye de Marche-les-Dames.
Fig. 8.
4. Psammite verdâtre avec traces de débris de végétaux en bancs
peu épais, peu inclinés et alternant avec un schiste verdâtre qui
semble résulter de sa décomposition.
2. Psammite semblable au précédent, mais plus micacé et reposant
sur un calcaire siliceux de teinte pâle, légèrement pailleté et fai-
sant peu effervescence avec les acides.
Ce calcaire a élé mis à nu en creusant dans l'ancien
chemin qui conduit au hameau de Warlet, un peu avant
d'arriver aux éboulis de l'exploitation d'oligiste.
3. Psammite grésiforme gris-verdâtre en bancs épais inclinés,
20" S., s'observe dans une petite carrière abandonnée où il est sur-
monté d'un calcaire siliceux bleuâtre bigarré de jaunâtre. Ce dernier
se désagrège facilement, devient sableux et prend alors une teinte
jaunâtre, quelquefois d'un blanc éclatant et passe à une véritable
brèche à la partie supérieure.
i. Psammite grésiforme gris-verdâtre finement pailleté dont un
banc atteint 0,80 mètres à la base et passe à un psammite schistoïde
renfermant d'abondantes traces de débris de végétaux semblables à
celles des psammiles n» 1 et d'autres fossiles tels que Rhynchonella
pugnus, etc.
5. Minerai d'oligiste oolitique, fossilifère [Spirifer disjunctuSj var.
Arckiaci, Alhyris concentrka, Von Buch), dans un schiste bleu-violet
caché par les éboulis d'exploitation.
6. Schiste verdâtre ayant une tendance noduleuse.
7. Dolomie en bancs massifs fossilifères. {Wi. pleurodon?)
8. Dolomie géodique altérée en partie recouverte d'éboulis dolo-
mitiques et devenant schistoïde vers le bas. Inclinaison i?» S.
9. Dolomie schistoïde à l'état d'éboulis ayant l'apparence d'un
( 779 )
psaiiiniite, à prt'inlèrc vue, mais se préseiilaiil , vei's le bas, en bancs
bien stratifiés, inclines 4-0° S.
10. Calcaire bleu peu foncé alternant avec des bancs dolomitiques
et renfermant d'abondants polypiers dont un banc est presque exclu-
sivement forme à la partie supérieure : Jcervularia Davidsoni ,
M. Edw. et II.
1 1. Roche altérée rappelant la dolomie n" 9.
12. Éboulis dolomitiques.
Toutes les couches de psamraites de la coupe de Marche-
les-Danies sont donc comprises entre le calcaire carboni-
fère (assise 1) et les schistes bleu-violet, avec couches de
minerai oligisle qui constituent un horizon bien défini et
très-constant des schistes de Famenne dans cette partie
du bassin.
Les schistes verdâtres (schistes de Famenne propre-
ment dits) viennent ensuite et sont séparés du calcaire car-
bonifère (assise 1) par un ensemble de calcaires et de dolo-
raies dans lesquels M. Gonthier a parfaitement reconnu
la continuation des couches analogues deRhisnes [\). Seu-
lement, d'après ce géologue, les couches de Rhisnes for-
meraient, en ce point, un pli anticlinal, et toute la série
précédente se reproduirait en sens inverse, au delà de
la dolomie. Une observation attentive m'a démontré, au
contraire, que toutes les couches de la coupe de Marche-
les-Dames sont inclinées au sud et ramenées au jour par
une faille, comme l'indique la coupe fig. 8.
Le fait le plus saillant de cette coupe de Marche-les-
Dames, c'est l'absence des assises A B et D, mais comme
une grande partie de cette coupe est cachée par les ébou-
(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, ^'^ série, l. XXIII,
n«4, 1867.
( 780 )
lis et la végélation je n'ai pas cru pouvoir borner mes in-
vestigations au vallon de Marche-les-Dames et je me suis
rendu, à cet effet, sur les différents points où viennent
affleurer, dans cette partie du bassin, les coucbes corres-
pondantes à celles de la coupe. Je vais passer successive-
ment en revue chacun de ces points :
Carrière et afjieuremenls de Warlet.
En remontant l'ancien chemin de Wartel j'ai retrouvé,
au delà du grand tas d'éboulis provenant de l'exploitation
du minerai oligiste, le calaire siliceux déjà observé en deçà
de cet éboulis et figuré dans la coupe. J'y ai recueilli de
beaux cristaux de calcite et de petits rhomboèdres de
dolomite, dans les parties plus foncées.
Un peu au S.-O. de l'église de Wartet on a exploité,
comme moellons pour bâtisses dans une petite carrière, des
bancs épais de psammile inclinés 20" S. C'est un psammite
se divisant en feuillets minces très-micacés avec parties
terreuses.
A côté de cette carrière on observe, dans le chemin qui
conduit à l'église, un psammite blanc également incliné au
sud et rappelant tout à fait celui de la station de Naninnes
dont il est parlé plus haut.
Carrières de Namèche.
En face du moulin de Wartet, sur la rive gauche du
ruisseau qui fait la limite des deux communes de Marche-
les-Dames et de Namèche et qui se jette dans la Meuse
près des hauts fourneaux d'IIaigneaux, on exploite, comme
pavés, dans plusieurs carrières, un psammite grésiforme
gris devenant rosàtre et parfois très-micacé, incliné 16° S.
( 781 )
Le psammile de Namcclie, de môme que celui de la
carrière de Wartel, correspond à celui qui dans la coupe
de Marche-les-Dames est en majeure partie cachée par la
végétation et les éboulis.
11 n'est pas jusqu'au calcaire siliceux du chemin deWar-
tet qui ne se retrouve un peu au sud des carrières de
Naméche où il a été exploité.
Carrières d'Hoiissoy (Vezin).
Il existe deux carrières au hameau d'Houssoy. L'une
d'elles, située à l'est de l'église de Ville-en-Waret, a fourni,
m'a-t-on dit, les matériaux de construction de l'église nou-
vellement bâtie. Cette carrière est aujourd'hui abandonnée
et en partie comblée, mais on peut encore constater,
néanmoins, le pendage au sud des bancs. La pierre qu'on
y a exploitée et dont on voit encore des tas aux abords de
la carrière est formée d'un psammite grésiforme très-
micacé blanchâtre, devenant rosaire et pétri de fossiles.
On y trouve, en abondance, les Cucullœa si constantes à
ce niveau. J'y ai recueilli les espèces suivantes :
Cucullœa Hardingii, Sow. (irès-coinmune).
— trapezium, Phill.
— amygdalina, Phill. (non Sow).
Ctjpricardia depressa, Phill. (non Sow).
Avicula Damnoniensis , Sow.
Solenopsis sp.?
Orthoceras ? (commun).
Rhynchonella pleurodon , Phill.
Exploitations minières de Ville-en-Waret [Vezin).
Dans son travail de 1867, mentionné plus haut, M. Gon-
thier donne une coupe générale de l'étage des psammites
i 782 )
à Vezin. Cette coupe est celle des couches recoupées par
les galeries de la mine oligiste de Ville-en-Waret.
M. Gonthier a bien voulu m'en communiquer le relevé
détaillé avec les échantillons de roches correspondants et
je crois utile de le reproduire ici intégralement parce qu'il
vient confirmer, et pour ainsi dire démontrer, ce que la
coupe de Marche-les-Dames et les affleurements de Warlet,
de Naméche et d'Houssoy montraient déjà bien nettement,
à savoir que les psammites de cette partie du bassin ne se
rapportent qu'à la partie supérieure de l'assise deMonfort,
et que l'on peut ainsi avancer, en toute sûreté, que, non-
seulement les assises A, B et D y font défaut, mais aussi la
plus grande partie de l'assise C.
L'examen des échantillons de roches correspondant au
relevé de M. Gonthier a achevé de me fortifier dans cette
opinion. En effet, si l'on observe attentivement, par
exemple, le psammite grésiforme n° AS de ce relevé on est
frappé de voir son identité parfaite avec celui qu'on
exploite à Mevergnies près d'Ath, et que l'on aurait pu
cependant prendre à première vue pour l'un des bancs
inférieurs de Mon fort.
Ils présentent la même teinte grise, la même texture et
jusqu'aux mêmes petits cristaux de pyrite jaune dont ils
sont parfois entièrement recouverts l'un et l'autre.
Voici maintenant le relevé, tel que me l'a communiqué
M. Gonthier, des différents bancs recoupés par les galeries
de la mine de la Ville-en-Waret (Vezin).
4. Dolomie du calcaire carbonifère de Namur . .
2. Couche mince de minerais d'iiydroxyde de fer.
5. Argile jaune sablonneuse
A. Couche mince de minerais d'hydroxyde de fer.
0,78
( 783 )
5. Psammites gris-foncc, à grains serrés, très-durs, con-
tenant des paillettes de pyrites et de mica. Petits bancs de
2 à 3 centimètres d'épaisseur 0,20
6. Petits bancs de psammites de O'ï'jOlS à 0,03. Les
grains de quartz n'y sont pas aussi uniformément dissémi-
nés oue dans les précédents. Aspect foliacé parallèlement
aux strates avec alternances de couleurs du gris-pâle au
gris-foncé. Il contient également des paillettes de pyrites et
est très-micacé aux points de stratification 4,60
7. Grès gris-foncé à grains serrés. Deux bancs, ensemble 1,40
8. Schiste gris-bleu, fortement micacé, assez résistant, se
divisant en feuillets assez réguliers de 2 à 4 millimètres
d'épaisseur. Assez alumineux 0,30
9. Psammites gris très-dur, fortement micacé aux joints
des strates. En petits bancs de 0,01 à 0,03 dont les uns
sont massifs, les autres schistoïdes. Se divisent en feuillets
de 1 à 3 millimètres 0,10
10. Même schiste que n« 8 0,10
H. id. psammite que n" 9 0,15
12. id. schiste que n" 8 0,15
13. Grès gris très-dur, à cassure conchoïde. Un banc de
0,60, puis les autres plus minces et de diverses épaisseurs. 5,60
14. Schiste gris-pâle, tendre, fortement mélangé de py-
rites, se divisant en feuillets irréguliers. Puis un banc de
psammite de même nuance, fortement micacé de 5 à 8
centimètres d'épaisseur 0,70
15. Psammite de même nuance que le n° 14, mais à
grains plus fins et plus serrés, fortement micacé. Bancs de
0,05 à 0,06 0,30
16. Psammite gris-pâle, à grains serrés, cassure écail-
leuse coloré par taches zonaires en gris pâle et en brun
pâle; fortement coloré en jaune dans les joints. Plusieurs
bancs d'épaisseurs différentes 7^50
17. Calcaire siliceux à fond gris pâle, nuancé de rose et
de vert, très-dur 4 25
0,67
( 784 )
18. Argile plastique, sablonneuse gris-pâle
19. Calcaire siliceux gris-pâle, nuancé de rose et de
vert; grains serrés, dureté moyenne
20. Argile comme n» 18
21. Calcaire siliceux comme n° 19
22. Argile comme n» 18 /'
23. Grès gris-pâle, dur, plusieurs petits bancs de 2 à 3
centimètres 4,25
24. Psammite gris-jaune assez dur, bancs de 0,04 centi-
mètres 0,10
25. Psammite très-dur, à fond gris-pâle, tacheté de rose
et de brun 0,25
26. Psammite gris-sale, fortement micacé, à grains très-
serrés. L'intérieur des bancs est criblé de cavités milliaires
dont les bords sont tapissés par Thydroxydc de fer. Bancs
de 0,05 0,50
27. Psammite semblable au précédent, sauf qu'il est un
peu plus foncé et que les cavités tapissées d'hydroxyde de
fer affectent la forme de dcndrites traversant toute l'épais-
seur du banc qui est de 0,05. f^es joints de stratification des
bancs 26 et 27 sont tapissés d'argiles ocreuses .... 1,25
28. Psammites gris-pâle, tendre, criblé comme n" 26 de
cavités tapissées en jaune par l'hydroxide de fer. Bancs de
1 à 3 centimètres 1,00
29. Psammites gris-pâle , durs, ayant comme les précé-
dents des cavités tapissées en jaune, mais en plus petite
quantité et d'un jaune beaucoup plus pâle 3,70
50. Psammites gris-violet, fortement micacé, surtout aux
joints de stratification. Bancs de 2 à 4 centimètres . . . 3,70
31. Psammites gris-violet, fortement micacés, dans d'au-
tres endroits, surtout vers la surface; ces bancs ont la cou-
leur jaune-brun. (Principaux bancs à cucuUées) . . . . 1,50
32. Grès gris, un peu coloré par l'hydroxyde de fer,
cassure écailleuse, les joints des strates micacés. Bancs de
0,06 à 0,07 0,85
( 785 )
33. Psammites gris-jaunâlrc, petits bancs d'environ
0,04 centimètres 0,15
3i. Psammite brun-violet, structure grossière, passant au
schiste =t dur micacé. Bancs de 0,02 à 0,04 ccnlimctres . I,i0
5î). Psammites en petits bancs gris-jaune cl gris-violet,
micacé, très-dur i,00
56. Psammites jaunes micacés , =t durs, aspect rubané,
bancs de 0,03 à 0,06 2,00
37. Grès gris-jaune en gros bancs sans stratification
régulière. Dur ^-^O
38. Schistes zonaircs bleu et brun micacé 8,15
39. Psammite gris-brun micacé ± désagrégé, ± tacheté
d'hydroxydc de fer 0,05
40. Schiste comme n" 38 / ^ .^
41. Psammite bleuâtre j
42. Psammite gris-jaunâtre ± désagrégé, micacé. . . 1,40
43. Psammites gris, fortement micacés, bancs de 0,04
centimètres 2,50
44. Grès gris-bleuâtre 4,50
45. Grès gris. Bancs de 0,05 centimètres . . . » . 3,00
46. Psammite bleu, très-dur^ micacé, bancs de 0,03 cen-
timètres , .... 0,03
47. Schiste bleu 4,50
48. Grès gris à grains très-fins. Cassure conchoïde. Un
banc de 0,90 centimètres. Vers la surface ce banc se divise
en deux de 0,40 chaque 0,90
49. Psammite bleu 0,05
50. Schiste bleu 2,00
51. Psammite bleu 0,05
52. Schiste bleu 1,20
53. Psammites bleus très-durs et serrés, banc aquifère. 0,07
54. Schiste bleu 2,50
55. Psammite gris-bleu 0,05
56. Schislebleu 1,65
57. Psammite bleu très-micacé ........ 0,05
( 786 )
Mètres.
58. Psammite bleu, ± durs, alternant comme ci-dessus
avec des schistes 8,50
59. Veinettedc mine, oligistc oolilique 0,05
60. Schiste bleu, plus alumincux à la jonction de la raine. 0,50
Cl. Psammite bleu très-dur 0,08
62. Schiste bleu, très-alumineux 0,20
65. Veinetle de mine oligiste oolitique 0,i2
U. Schiste bleu 1,30
65. Psammite bleu-foncé, très-dur 0,05
66. Schiste bleu 2,50
67. Psammite bleu-foncé, très-dur, se clivant en prismes
de répaisseur du banc. Fortement micacé aux strates, un
banc 0,50
68. Schiste bleu i,S5
69. Psammite micacé bleu-foncé, très-dur 0,10
70. Deux couches de mine oligiste oolitique de 0,20 à
0,50 d'épaisseur chacune séparées par un banc de schiste
dzdur 1,00
71. Schiste bleu divisé comme ci dessus par des couches
de 5 à 10 centimètres de psammite bleu 19,00
72. Schiste bleu rempli de noyaux ovoïdes d'argiles py-
riteuses 0,90
73. Dolomie dure à Spirifer Verneuili. Calcaire de
Rhisnes
Total. . . . 98,61
Affleurements de Gelbressée.
Je n'ai pu observer le psammile de Gelbressée que dans
un chemin du parc dépendant du château de Franc-Waret,
mais c'est toujours le psammile schistoïde, très-pailleté,
blanchâtre et jaunâtre correspondant à celui de Marche-
les-Dames.
( 787)
J'ajouterai que j'ai retrouvé, non loin du psammite,
à peu près à la limite des deux communes de Gelhressée
et de Franc-Waret , au point où l'indique M. Gonthier
sur sa carte, un schiste verdàtre fossilifère (schiste de
Famenne proprement dit) qui a été mis à nu dans une
petite tranchée pratiquée à l'ouest du château et d'une
maison qui en dépend (i).
Afflem^enient de Rhisnes.
Je n'ai pu ohserver le psammite à Rhisnes que sur le
hord du ruisseau, au nord du mamelon dolomitique où se
trouve l'église. Il ne présente rien de particulier.
Carrières d'Isnes.
Le psammite d'fsnes repose, comme on l'a vu jus-
qu'ici dans cette partie du bassin septentrional, sur les
schistes bleu-violet avec couches de minerai oligiste.
M. Dewalque assigne une direction = 85° et une incli-
naison S = il° aux psammites exploités pour dalles et
pavés, dans deux carrières situées un peu à l'est d'Jsnes-
Sauvage (2).
Le psammite des Isnes renferme, comme celui d'Hous-
soy, une grande quantité de CucuUaea Hardingii, Sow.
J'ai distingué aussi parmi les exemplaires de la collec-
tion du Musée : Ciicullaea trapezium, Phill. En outre j'ai
(1) M. ringénieur Gonthier a entrepris de dresser, à Téchelledu 720,000,
la carie géologique détaillée en quatre feuilles des environs de Namur
dont une partie est déjà terminée. M. Gonthier y distingue, par une teinte
spéciale, les schistes bleu- violet avec oligiste des schistes de Famenne
proprement dits.
(-2) Bull, de la Soc. géol. de France, t. XX (1862-1863).
( 788 )
mentionné les espèces suivantes des Isnes dans mes
tableaux (1) :
Orthoceras planiseptaium , Sandb.
Spirifer disjunctus, Sow.
Productus praelonrjus, Sow.
Affleurement de Mielmont.
Les psammites s'observent encore dans la coupe du
Mazy, entre le calcaire de la ferme Fanué et la dolomie
carbonifère, près le château de Mielmont, mais ils ne s'y
trouvent qu'à l'état d'éboulis. C'est toujours, néanmoins,
un psammite grésiforme semblable aux précédents.
Carrière de La Roq (Feluy).
Au bois de la Roq sur la commune d'Arquennes, près de
Feluy, on observe les psammites derrière l'écluse n" 31,
sur la rive droite du canal de Charleroi,dans une carrière
abandonnée dont les bancs sont très-peu inclinés. Ils se
montrent sur une épaisseur d'une dizaine de mètres à l'ex-
trémité septentrionale de la carrière et on peut les suivre,
dans cette même carrière, sur une longueur d'environ
150 mètres du nord au sud. Ils sont formés d'un psammite
grésiforme grisâtre devenant jaunâtre et rougeâtre par al-
tération, en bancs puissants fortement fissurés, surtout à
la partie supérieure, et renferme d'abondants débris de
végétaux (traces d'axes assez volumineux).
Ce psammite alterne avec des bancs à texture terreuse,
d'un jaune pâle devenant parfois très-argileux et renfer-
mant les mêmes débris de végétaux. Un lit charbonneux
(1 ) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, t. XXX IX , "1^ série , pp. C50 à 6o0.
( 789 )
s'observe à l'exlrémilé septentrionale de la carrière et vers
le bas de celle-ci.
M. Malaise a recueilli dans le psammite de la Roq des
débris de poissons rapportés à Vlloloptychus nobilissi-
mus, Ag.
Carrières des Ecaussines.
En allant aux Ecaussines par la chaussée de Nivelles à
Soignies on rencontre une première carrière abandonnée
et envahie par les eaux (au moment où je la visitai, la der-
nière fois, en octobre i875). Une 2' carrière exploite, pour
en faire des meules, des bâches, des crèches, etc., des bancs
épais à peu près horizontaux et très-fissurés de psammite
grésiforme parfois très-pailleté. La pierre n'est pas assez
consistante pour qu'on en puisse faire des pavés.
A la partie supérieure de la carrière apparaît un banc
à texture terreuse tout à fait semblable à ceux de La Roq.
Parmi les éboulis de la carrière se montrent des traces de
débris de végétaux sur un psammite très-micacé. La roche
se montre sur une dizaine de mètres dans cette carrière.
Dans une 5^ carrière la pierre est un peu plus dure , on
en fait des meules et des pavés. — A la partie supérieure
s'observe encore un banc à texture terreuse d'un jaune
pâle avec parties argileuses verdâtres, comme dans la car-
rière de La Roq. — Il y a aussi des traces de débris de vé-
gétaux dans les éboulis.
Je crois que c'est dans cette carrière que j'ai observé,
antérieurement à 1875, que le banc le plus inférieur était
un psammite grésiforme zonaire.
Enfin, dans une 4"^ carrière située au N.-O. des précé-
dentes la roche est plus dure et plus grisâtre et l'on en
fait des pavés. Au-dessus des bancs de psammite grési-
( 790 )
forme exploités s'observe un banc à texture terreuse avec
lit charbonneux et parties argileuses verdâtres. On trouve
aussi dans cette carrière des traces de débris de végétaux
sur les éboulis.
Si le lit charbonneux de cette carrière correspondait
exactement à celui qu'on vient de voir dans la carrière de
La Roq, cela expliquerait pourquoi les travaux ont cessé
dans cette dernière carrière la pierre exploitable s'y trou-
vant à un niveau inférieur au lit charbonneux lequel est
déjà situé au bas de la carrière.
Le contact de l'étage des psammites avec le calcaire car-
bonifère s'observe aux Écaussines dans la carrière à pavés,
aujourd'hui abandonnée, appartenant à M. le comte de
Spangen. M. l'ingénieur Cornet qui a visité, à plusieurs
reprises, cette carrière, a bien voulu me communiquer l'ex-
trait suivant de ses notes au sujet de cette carrière, dont
les couches se présentent comme suit de haut en bas :
« i. Bancs très-réguliers de calcaire siliceux, bleu-grisâtre, à tex-
« ture compacte, très-dur à la taille, se brisant en éclats aigus (comme
» du verre, disent les ouvriers).
r> Ils ont de 0,004 à 0,60 de puissance et alternent avec quelques
r> bancs de calschiste gris.
r> 2. Bancs de calschiste et d'une roche grise assez tendre calca-
» reuse, remplie de géodes cristallines. C'est plutôt un calcaire très-
« argileux qu'un schiste ou un grès calcareux.
» 5. Grès non calcareux, blanc, à grains assez fins, formant un
» banc de 0,60 m. de puissance. Il est tout à fait à fleur d'eau.
» Sous l'eau on voit un banc de psammite bien feuilleté tout à fait
» semblable au psammite exploité dans les autres carrières. »
Le psammite des Écaussines, de 'même que celui de
La Roq et que ceux de Mevergnies et d'Atlre qui vont être
passés en revue, correspond à la partie supérieure de
(791 )
l'assise de Monforl et son contact avec le calcaire carboni-
fère, contact qu'on va voir se reproduire à Mevergnies,
indique bien l'absence de l'assise D sur chacun de ces
points.
Carrières de Mevergnies et d'Attre près d'Ath.
Fig.9.
La principale de ces carrières est située sur la commune
de Mevergnies et appartient à M. Declercq. On y voit le
contact de l'étage des psammites avec le calcaire carboni-
fère et les couches peu inclinées de ces deux terrains sont
recouvertes transgressivemenl par un dépôt tertiaire non
encore mentionné. Voici la coupe détaillée de la carrière
de Mevergnies :
\. Limon quaternaire devenant sableux, plus pâle et stalifîé vers
le bas, où Ton observe un niveau de cailloux anguleux peu abondants
avec les débris d'une roche brunâtre.
2. Sables blanchâtres et jaunâtres , mouchetés de noir, mais géné-
ralement plus jaunes à la partie supérieure.
Ces sables rappellent tout à fait ceux des environs de Bruxelles
que Dumont rapporte à son système tongrien. Ils sont généralement
séparés des roches sous-jacentes, dans la carrière, par un dépôt cail-
louteux formé de débris de phtanite et d'autres roches passant parfois
à une espèce de poudingue.
5. Schistes noirs avec quelques bancs de calcaire à crinoïdes géo-
diques, très-fossilifères.
4. Psammite grésiforme, parfois zonaire et rappelant alors le banc
inférieur de la 5« carrière des Ecaussines. On en fait des pavés. Ce
psammite devient celluleux et fossilifère à la partie supérieure (Or"
thoceres planiseptatwn , Sandb., etc.)
Il est aussi quelquefois entièrement pailleté de petits cristaux de
pyrite.
Les carrières Duchâleau et Cambron situées non loin
( 792 )
de la précédente, mais sur la commune d'Attre, présentent
la même répétition de couches qu'à Mevergnies. Dans la
seconde de ces carrières qui est la plus éloignée, on ob-
serve, sous les sables blanc et jaune, un dépôt caillouteux
variant de quelques centimètres à plus de 0,50 mètres
d'épaisseur et séparé des psammites à pavés par 1,50
à 2 mètres de roches altérées, argileuses et terreuses, pro-
bablement carbonifères.
Les bancs supérieurs des psammites sont fréquemment
à texture terreuse et parfois très-caverneux dans les car-
rières d'Attre.
\ll — Constitution des psammites du Condroz dans le
Boulonnais.
Je n'ai que peu de choses à ajouter à ce qui a été publié
jusqu'ici sur les psammites du Boulonnais et si je leur con-
sacre ici quelques lignes, ce n'est que pour faire ressortir
leur complète analogie avec ceux du bord septentrional de
notre bassin septentrional et montrer ainsi la persistance
de notre grande lacune jusque près de la Manche.
M'étant rendu en août 1874 dans le Boulonnais, j'ai pu
observer les psammites d'abord à l'ouest de Tiennes, sur
la rive droite du ruisseau de la Basse-iNormandie où ils
sont exploités dans plusieurs carrières. C'est un psammite
blanchâtre devenant rosâtre en bancs peu inclinés, le plus
souvent schistoïdes et très-micacés, quelquefois grési-
formes et, dans ce cas, utilisés comme pavés et comme
dalles.
J'ai observé encore les psammites dans la carrière de
S^^-Godelaine où ils sont également exploités comme pavés.
Ces psammites sont tout à fait semblables à ceux qui font.
(795)
dans notre bassin septentrional, l'objet d'une importante
industrie. Cette analogie n'a pas échappé à M. Gosselet
qui, dès 1860, rapportait les psammites du Boulonnais à
ceux des Écaussines (1).
Les psammites du Boulonnais renferment, d'après
M. Godwin-Auslen qui a fait une étude spéciale de cette
contrée (2), les trois espèces de CimiUaea mentionnées
plus haut dans la carrière d'Houssoy.
C'est la présence de ces lamellibranches dans les psam-
mites du Boulonnais qui les a fait appeler Grès à Unio
par Bozet et Grès à Cyprîcardes par M. Du Souich.
D'après ^1. Gosselet , on peut suivre les psammites dans
le Boulonnais depuis le chemin de Landrethun à Tiennes
jusqu'à la ferme d'Eslinghen où ils ont été rencontrés en
creusant un puits. Au delà de ce point ils disparaîtraient
par l'effet d'une faille qui mettrait en contact le terrain
carbonifère et le calcaire dévonien à Spirifer Verneuili.
RESUME ET CONCLUSION.
Il résulte de ce qui précède que l'étage dévonien des
psammites du Condroz présente, dans le bassin de Theux,
dans le bassin septentrional (entre Aix-la-Chapelle et Ath)
et dans le Boulonnais, les mêmes relations stratigra-
phiques que dans le Condroz.
Non-seulement, en effet, chacune des quatre assises de
(1) Mémoire sur les terrains primaires, p. 127; 1860.
(2) Quart. Journ. of. geol. Soc, Lond. t. IX, p. 351.
2""* SÉRIE, TOME XL. 51
( 794 )
l'étage conserve ses caractères dislinclifs, mais chacune des
subdivisions de l'assise et, Ton pourrait presque dire, cha-
cune des couches importantes de ces subdivisions, offre
une constance des plus remarquables dans ses caractères
pétrographiques et paléontologiques.
L'échelle stratigraphique, établie sur les psammites de
rOurthe et vérifiée dans tout le Condroz, reste donc exac-
tement la même sur toute l'étendue du territoire qui fait
l'objet de cette communication. L'une des principales con-
séquences de mes observations Sur les psammites du Con-
droz en Condroz, comme l'a fait remarquer M. Dupont
dans son rapport à l'Académie (1), c'est que certaines as-
sises tendent parfois à s'y amincir dans des proportions
Irès-sensibles. C'est aiubi que j'ai montré, par des coupes
prises en différents points de la vallée du Hoyoux, que l'as-
sise de Souverain-Pré (assise B) n'olfre plus guère, dans
cette partie du Condroz, que quelques mètres d'épaisseur
alors que les trois autres assises d'Esneux, de Monfort et
d'Évieux (A, C et D) présentent, au contraire, une série de
couches au moins aussi complète que sur l'Ourthe et que
l'une d'elles (l'assise de Monfort) donne lieu à des exploi-
tations non moins considérables.
Le même phénomène s'observe dans notre bassin sep-
tentrional oii non-seulement certaines assises diminuent
d'épaisseur, mais, ce qui est beaucoup plus important, dis-
paraissent même complètement et constituent ainsi de
véritables lacunes.
Le tableau suivant est destiné à faire apprécier l'impor-
tance de ces lacunes.
(I) Bull., p. iSi.
(793 )
DÉSIGNATION
des
affleurements de VcUx^e des psammiles du Condroz
dans le bassin de Tlieux , dans le bassin septen-
trional (entre Aix-la-Chapelle et Ath)ctdans
le Boulonnais.
S
a
û
1
<
îi
ASSISB
de Monfort.
ù £
1 i
a 3
1
■M
S
A.
B.
c.
D.
1. Coupe entre Theux et Franchimont. . . .
2. Coupe des tranchées près la station de Mont-
-+-
-\-
-+-
-+-
-h
-+-
-+-
-+-
-t-
-f-
-\-
+
+
-4-
-h
-f-
-+-
+
-4-
-+-
-+-
?
-H
4. Coupe de Dolliain, près de Verviers . . .
o. Coupe entre la station de Trooz-Aval et
-4-
-4-
6. Coupe du Fond de Cry à Chaudfontaine . .
7. Coupe à An"leur sur l'Ourthe
8. Coupe sur la commune d'Ehein, près d'Engis.
9. Coupe à Huy, sur la rive droite de la Meuse .
10. Coupe à la station de Naninnes
H-
?
M. Coupe à Wépion
12. Coupe à Malonne
13. Coupe en face de l'abbaye de Marche-les-
Dames
44. Carrière et affleurements du hameau de
Wartet
lo. Carrières de Namêche
•16. Carrières de Houssoy (Vezin)
17. Exploitations minières de Ville - en -Waret
(Vezin)
18. Affleurement de Rhisnes
■18. Carrières des Isnes
19. Affleurement de Mielmont
20. Carrière de La Roq fFeluy)
21. Carrières des Écaussines
22. Carrières de Fiennes (Boulonnais) ....
23. Carrière de S'«-Godelaine (Boulonnais) . .
Ce qui ressort principalement de l'examen de ce tableau
c'est qu'une lacune considérable affecte, au moins, la plus
grande partie du bassin septentrional. Non-seulement, en
( 796 )
effet, les assises A , B et D y font complètement défaut,
mais l'assise C elle-même ne s'y trouve représentée que
partiellement.
Les psammiles de Marche-les-Dames et de Vezin placés
entre les schistes de Famenne et le calcaire carbonifère
peuvent servir à démontrer l'existence de cette grande
lacune sur le bord septentrional du bassin. En effet, ni la
coupe en face de l'abbaye, ni le relevé détaillé des galeries
de la mine de Ville-en-Waret ne montrent le moindre ves-
tige dé la présence de l'assise d'Esneux, ni de l'assise de
Souverain-Pré, ni de l'assise d'Évieux, non plus que de la
partie inférieure de l'assise de Monfort constituée par le
gros banc, le blanc banc ^ etc., de Monfort exploités dans
tout le Condroz, dans le bassin de Theux, à Montzen , à
OIne, à Chaudfontaine et sur la Meuse.
Or, comme M. Gonthier évalue à 5i,o0 mètres l'épais-
seur totale de l'étage des psaramites à Ville-en-Waret et
que j'ai estimé approximativement à 600 mètres la puis-
sance totale de cet étage sur l'Ourthe, il s'ensuit qu'on
peut évaluer approximativement notre grande lacune à
550 mètres.
Je me bornerai pour le moment à constater l'existence
de cette lacune dans l'étage des psammites parce que c'est
la seule qu'il m'ait été donné de pouvoir suivre sur une
assez grande étendue.
Ce n'est pas à dire pour cela qu'il n'en existe pas d'au-
tres, mais, outre les dilïicultés qu'opposent souvent la vé-
gétation, d'une part, l'altération par les agents atmosphé-
riques, d'autre part, il ne suffît pas qu'un certain groupe
de couches fasse défaut dans un affleurement pour con-
clure à une lacune. Cette absence de couches peut être
due, notamment, à l'existence d'une faille.
Fio- l.Counr mire Thciilx et Krandumon
Mil
■Kea&SfSiMt
Fio- 3. Onipe de i;i Imiirhrc <U' Dolhrtui.
FlCT- 4.. Coupe entre la .Slalion ilc Trooz-A\-al et Bassc-Fraipù/it
Ool/uiin ,Sl<t/ rimnrl
Fi"- ."Coupe du Fond de C ry a Cliaiiclfcnlaine.
-^e^^r^
_y
Fij'tx Coupe à Huv sur la rive droite de la Meuse
Fio-.7.CoDpe dajis la trandifleau SE de Najiinncs
Panlsiirleriiissemi
Fig- 8 Coupe en face de labbave de Marche -Ics-Dames
Entrvc (le CtLh'rte délit.
Fiœ.9.CoiipcJeIa .
LEGE-VOE.
/'sommités <fu tbnffrv'~
[3 lZ] LZ] S ■!
y,.fturf /;/»..•/!«.• ,;:f,.,.w .t»™»» /K- ./.J/iyX JEumi^ i'MiMi/»r «»~j/.»
^ :3 lu
( 797 )
Descriptions de quelques oiseaux nouveaux; par M. Alpli.
Dubois, conservateur au Musée royal d'histoire natu-
relle de Belgique.
1. CYAW(»CITTA YUCATAilICA (s|). nOV.).
Ad.: Nigei-riina; dorso, alis caudaque cœruleis; infrà rectricibus
nigris; tectricibus subcaudalibus nigro-cœruîeis; roslro nigro; pcdi-
bus rufescenlibus,
Jun.: Alba; dorso, alis caudaque g lauco-cœruleis; infrà rectricibus
nigris, apicibus lateralibus albis; femoribus nigris; rostro albicanle;
pedibus rufescenlibus.
L'adulte est d'un noir uniforme, avec le dos, les ailes
et le dessus de la queue d'un beau bleu; dessous des rec-
trices noir; tectrices sous-caudales d'un bleu noirâtre; bec
noir; pattes roussâtres.
Le jeune diffère beaucoup.de l'adulte : toutes les parties
qui sont noires chez ce dernier, sont blanches dans le
jeune âge; dos, ailes et dessus de la queue d'un bleu
légèrement verdàtre; dessous des rectrices noir, mais les
rectrices latérales terminées de blanc; plumes des jambes
noires; pattes roussâtres; bec blanchâtre.
Cet oiseau est très-voisin du C. Beecheii, Vig., avec
lequel il a sans doute été confondu jusqu'ici; mais il s'en
distingue facilement par sa taille beaucoup plus petite. La
différence dans les dimensions de toutes les parties est
tellement considérable, qu'il me semble impossible d'ad-
mettre le C. Yucatanica comme une simple variété ou
race locale. Le bleu des régions supérieures est aussi
moins foncé que chez le C. Beecheii. Voici, du reste, les
( 798 )
dimensions des deux espèces, prises sur des individus
adultes du Musée de Bruxelles.
C. Yucatanica. C. Beecheit.
Longueur totale à partir du front. 310 millim. 370 millim.
— des ailes UO » 480 ^
— de la queue ioO » i90 »
— du bec (en dessus) . . 30 » 30 »
Habitat Yucatan Californie.
Le Musée royal d'histoire naturelle de Belgique possède
cinq individus de cette nouvelle espèce , dont deux jeunes.
Chez l'un de ces derniers, les parties inférieures sont déjà
entremêlées de plumes noires.
Trois de ces oiseaux ont été rapportés du Yucatan par
feu M. Ghiesbreght; les deux autres ont été acquis comme
provenant l'un du Yucatan, l'autre du Mexique sans
indication précise de localité.
2. ICTEKnS YIRESCEXS (sp. nov.).
Ad.: Flavo-virescens , dorso obscurior; capite , jugulo, alis eau-
daque nigris; teclricibus alarum ininoribus et inferioribus luleo-
virescentibus ; roslro subarcuato.
D'un jaune verdâtre, plus foncé sur le dos; tête, gorge ,
haut de la poitrine, ailes et queue noirs; petites couver-
tures des ailes et sous-alaires d'un jaune verdâtre. Bec
assez grêle, légèrement arqué.
Cet oiseau ressemble entièrement , par son plumage, à
VIcterus melanocephalus , dont il est cependant facile à
distinguer.
L'/. virescens est à peu près un quart plus petit que
ce dernier, et son bec est assez grêle et. légèrement arqué ^
( 7Î)9 )
tandis qu'il est droit et conique chez 17. melanocepfialus.
Voici les dimensions comparatives des deux espèces :
i. virescens. I. melanocephalus.
Longueur totale à partir du front. US millim. 220 millim.
— des ailes 82 » 93 »
— de la queue 8o » 400 ■
— du bec n » 20 »
Patrie Mexique. Mexique et Texas.
N'ayant pu rapporter ce Iroupiale à aucune des espèces
décrites, j'ai lieu de supposer qu'il est encore inédit.
Le type se trouve au Musée de Bruxelles et provient du
Mexique.
En étudiant les Ictéridés de notre Musée, j'ai également
trouvé deux variétés ou races de VIcterus xanthorniis, qui
me paraissent trop intéressantes pour ne pas les faire con-
naître.
ICTERKS XANTHORNIJJS (Llll).
Hab.: Guyanes, Venezuela, Nouvelle-Grenade, île de la Trinidad.
Var. a. Dcbcsii (var. nov.?}.
Flavus; loris, gula, jugiilo, alis caudaque nigris; dorso nigro-
guUulato; teclricihus alarum minoribus nigris , flavo marginatis ; tec-
tricihus majoribus et remigibus secundariis exteriùs albo terminatis.
Troupiale jaune; lorums, gorge, haut de la poitrine,
ailes et queue noirs; dos offrant des taches en gouttelettes
noires; petites couvertures alaires noires bordées de
( 800 )
jaune; grandes couvertures et rémiges secondaires très-
légèrement bordées de blanc à leur extrémité et exté-
rieurement.
Hab. : Isthme de Panama.
Longueur totale à partir du front 485 millim.
— des ailes 93 »
— de la queue 78 »
— du bec 21 »
J'ai d'abord cru devoir rapporter cette variété au type
de linné, mais il en diffère par une taille un peu plus
forte, par le liséré blanc des plumes des ailes à peine per-
ceptible, et surtout par la présence des taches noires en
gouttelettes sur le dos, ce qui le rapproche un peu de
VI. puslulaius.
L'un des deux .exemplaires que possède le Musée est
une femelle : les taches du dos sont peu nombreuses, les
petites couvertures des ailes sont d'un jaune uniforme et
la teinte générale est moins orangée que chez le mâle. Ces
oiseaux ont été fournis par M. J. Verreaux sous le nom de
Xanthornus Dubusii, J. Verr. Mais il est probable que ce
naturaliste n'en a jamais publié la description, car je n'ai
trouvé cette dénomination mentionnée dans aucun ou-
vrage.
Var. (3. Margiwai.is (var. nov.).
Flaviis; loris, gula, jugulo, alis caudaque nigris; tectricibus alarum
minoribus fîavissimis ; tectricibus majoribus albo terminatis ; remigibus
secundariis large albo marginatis; speculo alari albo
Hab. : Isthme de Panama.
Cet oiseau se distingue de l'espèce type par une taille
un peu plus forte, par la présence d'un miroir blanc bien
( 801 )
distinct et par les rémiges secondaires très-largement
bordées de blanc.
Longueur totale à partir du front i'iO niillim.
— des ailes 100 »
— de la queue 92 »
— du bec 20 »
Le Musée possède trois exemplaires de cette variété ,
dont deux femelles ou jeunes. Ceux-ci diffèrent du mâle
adulte par le dessus du corps d'un jaune olivâtre, les
petites couvertures des ailes noires bordées d'olivâtre, et
la queue brune; les rectrices sont bordées d'olivâtre et le
blanc des ailes est moins pur que chez le mâle adulte.
Deux de ces oiseaux viennent de l'isthme de Panama;
Torigine du troisième est inconnue.
Théorèmes sur les polygones réguliers et sommation de
quelques séries trigonométriques ; par M. le capitaine
d'artillerie F. Reinemund.
Introduction.
Les calculs qui vont suivre sont basés sur les deux for-
mules d'Euler :
cos z = : ;
sin z =
( 802 )
Pour simplifier, je poserai e^^ =«= «; dès lors :
cos
sinz
21/— 1
1 sin z.
d'où:
a' = cos £ H- l/-
On en déduit :
Q±2n..T ^ (3Qg 2??i TT d= V/I^sin 2m tt = i-
Ce résultat nous sera utile plus tard.
J'appellerai distances d'un polygone régulier, les lon-
gueurs des droites joignant un point quelconque A de la
circonférence circonscrite, à tous les sommets A, , Ag, A3,
... A„_i, A„ de ce polygone, et je les désignerai par : (5, ,
Si le point A coïncide avec un de ces sommets, les dis-
tances s'appelleront cordes.
Théorème général sur les distances.
La somme S^„ des puissances (2m)" des n distances
d'un polygone régulier de n côtés s'obtient par la formule :
2?>i(2m-i)...(m-4-w-f-l)
=h — ^ cos n p
S,„ = /iR^
2wî(2m — 4)...(m-t-l
4.2.3... m
H-(-i
r 9
i . 2 . 5 ... (m — ?i
2m(2w— 1 ) ...(m-h2«-4-l )
1.2.5 ... (m-2/i)
cos2/ip
2w(2«i— i) ...(m-+-0;i-+-l )
=b : — z — = : : COS Slip
\ .2.5... (m — e/i)
Dans cette formule, p désigne l'arc AAi (< Ç), A étant
situé entre A, et A„; R, le rayon de la circonférence; 0, le
( 803 )
nombre entier compris enlre^ ^^ ^ — ^ i^^^^ ^ si m < n).
De plus, les termes entre parenthèses, au second membre,
seront pris positivement ou négativement, selon que le
dernier facteur de leur dénominateur sera pair ou impair.
Démonstration.
Soit X l'angle au centre du polygone. On aura :
p H- (?l \)X
c?, = 2R sin^; â, = 2R sin ^^^—-;â, = '2Rsin^—- — ;
2 2 2
2Rsin
(pi-x p+x\im
/ p+(n-l)=t p + (n-i)x\îm
(, ).. = ^° »-«-.)
ou bien, en développant les puissances et en désignant
par T le terme indépendant de a :
R'"* r ^ 2??i (2m — i) , „,
'■ (-irL 1.2
± T 2wia-("-*'^ H- a- '"M;
2R'"* r 2m(2m — 1)
= cosmp— 2mcos(m— 1)»H cos(m— 2)/)
(_1)-L ^ ^ 1.2 '^
1 .2. 5. ..(m
+ 2 T-]
( 804 )
[â^f"" = /— ;^;„ 1 cos m (/)-+- j") — 2»i cos {m — 1) (p -+- a:) -+-
02R2m
1 .2.5... (m — 1) ^' ^ 2j'
2RÎ- r T-|
(^j)'"» = — cos 7n{p -1- 2x) ~ 2m cos (m — 1) (/> -h 2x) -+- ••• ± - ;
2 R'*" r T-|
(^^)»"'= — CO.S 7)1 [p -\- {n—\ )x] —'2in cos (?n— 1 ) [p-f-(n- i )x] -+- • • • ±-r-
2R''"
")
Faisant la somme de ces n équations, membre à mem-
bre, nous aurons S^^ au premier membre, et au second :
R«'
10)
± .nT.
(-ir
2° m séries trigonométriques dont l'expression générale
est :
2 R'"' . 2m (2m — 1) ... (2;/i — (3 -t- 1) r
.(-i/- ^ ~ -\ cos m — Ê)«
(-\r ^ ^ 1.2. 5. ..[3 L ^ ^^
-i-cos(m— /3)(p-+-x)-i »-cos(j« — (3)[p-t-(n — 1)j;]
OÙ (3 doit varier entre 0 et m — 1 .
En appliquant les formules d'Euler, la série entre paren-
thèses devient :
=i[-
•i3)P
•«'(— /3)- 1
Mais
m-/3) ^_ ^2^(m-^)__ ^ .
r(»n /3) ^^ ^-2;r(m-i5) ^^ ^ .
( SOS )
de sorte que les deux fractions et l'expression générale se
réduisent à 0 et qu'il ne reste en apparence au second
membre que :
± . wT.
(-if
Ici se rencontre toutefois une exception remarquable ;
car si
(m — p) = multiple de 7i = Mn,
on aura :
et chacune des deux fractions de la somme générale pren-
dra la forme ^
Mais il est visible aussi que, sous cette hypothèse,
chacun des termes du développement (y) qui précède, se
réduira à a^'"~'^^''ou a~^"'~^^'^ et par suite l'expression géné-
rale deviendra :
2R2"» . 2m(-2m— I)... (2m - p-t- 1) ra('»-/5)P-4- a-("'-
[—I)- ' ' 1.2. 5. ..(3 L !2
2R^'" 2m(2m — 1) ... (2m — S-H 4)
. n . ^ ^^ ■ cos (m — p)p.
(_i)«-^ 4. 2. 3... (3
Si, comme nous l'avons supposé, 0 est le nombre entier
compris entre ^ et ^ — 1 , réciproquement m est compris
entre Bn et(0 -+- l)w, et par conséquent il y aura G valeurs
de (3, entre 0 et m — 1 , qui rendront m — P multiple
de n : savoir :
m — n , m — 2/i , m — 3w , ... m — 0;i.
Ce résultat est illusoire quand m < n; mais alors aussi
6 = 0, et aucune valeur de (3 ne satisfait à la condition
indiquée.
( 806 )
En remarquant encore que T et ( — 1)"" sont simulta-
nément positifs ou négatifs, selon que 2m est ou n'est pas
doublement pair, on trouvera aisément la formule générale
qu'il s'agissait de démontrer.
Cette formule nous montre que la somme 83^ est coii-
stante, quel que soit le point A , tant que m <^n, car alors
0 = 0, et les termes entre crochets disparaissent, comme
cela a été remarqué précédemment. Ce dernier résultat est
connu.
Applications.
Le point Acoïncidantavec l'un des sommets du polygone,
82;^ est la somme des puissances (2m)" de toutes les cordes.
Comme, dans ce cas, tous les cosinus, au second mem-
bre, deviennent égaux à l'unité, nous aurons :
2m C^m — i) ...{m~{- n-i- \ )'
S,™ = wR'
2m(2/>?. — l)...(m-+-I)
1.2.3... m
■(-If. 2
_^2m(2m-l).
... {m - ?i)
.(m -i- 2/1 -4-1)
i . 2.3.
.(m-2;i)
2m(2m — 1).
.. (??i-+-5?i-+-1)
i . 2 . 3 ... (m — Qn)
Exemple : 834, pour le polygone régulier de 14 côtés.
m =17, n = \A; j?i — w = 3 ... impair.
,,(34.33.32... 19.18
834 = 14 R"
1 .2.3...16.17
= 14 R'* (2 . 333 606 220 -+- 2 . 5984)
= 32 670 654 632 R^*.
r 34 . 33 . 32"!
( 807 )
2°) Servons-nous de la formule précédente pour obtenir
la somme P2,„ des puissances (2m)'' des cordes de rang
pair, quand n est pair. Ces cordes aboutissant aux som-
mets d*un polygone régulier de I côtés, on aura évidem-
ment:
H 2m(2m-i)... m-t-i , ,
__n2m ; î^ i î --4-(— i
' 9^ -^ 1 .2. 3. ..m ^
'.2
2m(2m-i)..
(-:--)"
1.2.5.
2m(2»i-i).
\ 2/
.. (m -t- w -4- 1\
^ 1.2.5.
.. [m - n)
2m(2m-l)..
. m-{ hl
\ 2 /
>•
1 .2.5
•■■(-?)
Exemple : P34, pour le polygone régulier de 14 côtés.
54.35.52...19.18
r 54.55...25 54.33.52-]
L 1.2.5...10 1.2.5 J
1.2.5...16.17
= 7R'* (2 . 555 606 220 — 2 . 131 122 156)
= 14 499 555 536 R^
S**) Pour obtenir, dans le cas de n pair, la somme l2„
des puissances {2m)" des cordes de rang impair, nous
remarquerons que cela revient à chercher la somme des
puissances (2m)" des distances d'un polygone régulier de ';^
côtés, en faisant dans la formule générale p =^, après
avoir remplacé n par|. Comme cos Bnp devient alors
cos Qt:, il sera égal à -h l ou à — 1 , selon que 0 sera
pair ou impair; de sorte que les signes des termes entre
parenlhèses, au second membre de la formule ci-dessous,
( 808 )
résulteront de la combinaison entre eux des deux signes
suivants :
n en , , ,
=t selon que: m , m ~ w, ... ,m sont pairs ou impairs.
± selon que 9 est pair ou impair.
On trouve ainsi :
2m (2m— \)..\m-\---^\\
d.2.5...(m~|)
db
/ 672
2m(2m — 1)... Imn ^\)
± ^^ ?
/ ^n\
1.2.5...(,u-_)
Exemple : I34, pour le polygone régulier de 14 côtés.
On a ;
n
m = 17 — 7 = 10 ... pair (9 = 1 ... impair)
n
m — 2. - = 17 — 14 = 5 ... impair (6 = 2... pair).
j _n ,j2m(2m-l)...(m4-l)^ ^
'" 2 1 1 .2. 5.. .m ^ ^ "
Par suite :
34.53 ...19. 18
r 54.33..26.25 54.35.32-||
^L 1.2.3...9.10 1.2. 3 J)
2 (1.2.3...16.17
= 7R'* (2 333 606 220 -4- 2 . 1 31 1 34 1 24)
= 18 171 121 276 R'*.
Il est clair que, pour un polygone régulier donné, on
doit toujours avoir :
i 809 )
En appliquant celte équation aux exemples que je viens
de traiter, je trouve:
32 670 654 652 R'*= 1 4 499 553 550 R'* -+- 1 8 1 711 21 276 R'*-
c'est-à-dire une identité. Les résultats obtenus sont donc
exacts.
Il est évident, d'autre part, que dans le cas de n impair,
on aura toujours, quel que soit m :
p _i _-^.
'^im *2m „ >
car, à chaque corde de rang pair, correspond une corde
égale, de rang impair.
II résulte de l'inspection des formules trouvées pour l^^
et P2^,que:
2 i . 2 . 0 ... m
quand n est pair, tant que m est < ^ ou 2m < n.
Tant que wî < w, on aura encore :
2m(27>i — 1)... (m -4- i)
S,„ = 7iR^
1.2.5... m
formule trouvée par M. Breton de Champ [Journal de
Mathématiques de Liouville, tome XIII, 1" série, année
1848, page 291).
Observations.
On déduit facilement, de l'expression générale de 83^, la
formule suivante:
2"^ SÉRIE, TOME XL. 52
( 810 )
' 2m (2m - l)...(m -+-n-*- 1)
-f- ^ 1 1- cos n p
n ]2m(2m — l)...(m-i-l)
i .2.5... m
-h(-ir.2
1 . 2 . 5 ... (m - w)
2m(2m-1)...(m-^2n+i)^^^^^^
1.2.3 ...(m — 2/i)
2i>i (2m - 1 ) ... {m -+- e?iH-1
OU
w 2m (2m — i)... (m -\- \)
92"» * 1 . 2 . 3 ... m
1 .2. 5. ..(m
, tant que m < n.
cosôwp
Si, dans la formule précitée, on fait varier p, x et par
suite n, on arrivera à d'autres séries irigonométriques ,
dont la somme peut être obtenue exactement.
Ainsi faisons p = 0; remplaçons | par y et n par|;
y sera l'angle au centre du polygone régulier de n' côtés.
Nous aurons :
(sini/r -^ (sin2i/r -4-(sin oy)'- -*-•••-+- Un \^- '^]y
27}î(27/t— 1)... Im-+- — -t- 1
_ n' J2m(2m-4M
~ 22"»4-M 1.2^ 5 ...
(?ïi -t- !
m
V(-ir.2
1 .2.3 ... m
zh
"2
2m (2»i — i)...(m-^n'H-iI.
1.2.3... (m - w)
/ en'
2m(2m — 1)... (m-^-—
1 .2 .3... (m-— -
ou
92m +
(8H )
2w(2m— d)... (m-t- i)
1.2.5... m
tant que m < —
2
Cette formule ne peut servir que si le nombre n' de
côtés est pair; pour le cas de n' impair, on aura recours
à la formule P^^ == ^ démontrée précédemment, et Ton
trouvera sans aucune difficulté :
(sin 2/f "• + (sin 21/ f" -+- (sin 5y)
,2m
_-n('-4i)J
2»w(2m — j)...(m-4-'l)
Q2m+!
1.2.3... m
r 2m(2m— i)...(m -t- yt' ^ jf
I 1 .2.D...(m— w')
! 2??i(2m— 1)...(m-f-2yt^-f-i)
4.(_1)- 2 ^ .2.5...(m — 2w/;
L"
^m{^m—\)...{m-^dn'-\-i
1.2.5 ...(m — 671')
Ces quelques exemples suffiront pour montrer tout le
parti qu'on peut tirer de la formule générale établie au
commencement de cette Note.
La classe s'est ensuite occupée, en comité secret, des
préparatifs de sa séance publique annuelle, qui aura lieu
le jeudi 16 décembre, à 1 heure, dans la grand'salle des
Académies au Musée.
Le programme se composera du discours de M. le gé-
néral Brialmont, directeur de la classe, sur l'accroisse-
( 812 )
ment progressif des armées permanentes et d'une lecture
de M. Edouard Morren intitulée : Théorie des plantes car-
nivores.
La prochaine séance aura lieu le mercredi 15 décembre,
à 1 heure.
La classe s'occupera, dans cette séance, du jugement
du concours annuel, des élections et des préparatifs de la
solennité du lendemain.
( 813 )
CLASSE DES I.ETTUKS,
Séance du 6 décembre 1875.
M. le baron Guillaume, directeur.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents . MM. J. Grandgagnage, J. Roulez,
P. De Decker, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq, Ch. Faider,
le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, Th. Juste,
Alph. Wauters, A. Wagener, membres; J. Nolet de Rrau-
were van Steeland, Aug. Scheler, Alph. Rivier, associés;
J. Heremans, Rolin-Jaequemyns et Ch. Piot, correspon-
dants.
M. Ch. Montigny , membre de la classe des sciences, et
M. Éd. M2i\\]y ^ correspondant de la même classe, assistent
à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'intérieur avait émis le vœu que la
classe examinât la question de savoir si les arrêtés royaux
relatifs aux concours triennaux de littérature dramatique
dans les deux langues doivent conserver comme conditions
d'admission aux concours, que le sujet des œuvres sera
emprunté soit à l'histoire, soit aux mœurs nationales.
( su )
La classe s'est ralliée à l'avis émis sur ce point par le
jury du dernier concours.
Cet avis avait été formulé de la manière suivante :
G Peut-être y aurait-il lieu de ne plus subordonner la
victoire à la composition d'un sujet national, condition
qui, pour le genre de la comédie contemporaine, par
exemple, est, selon nous, difficile à observer. Seulement,
à mérite égal, la palme serait naturellement décernée à la
pièce dont le motif appartiendrait en propre an pays. »
— MM. les questeurs du Sénat et de la Chambre des
représentants adressent des cartes de tribune réservée
pour la session législative 1875-1876. — Remercîments.
— M. le secrétaire perpétuel annonce que la commis-
sion administrative de l'Académie, dans sa séance du
6 novembre dernier, a décidé que la classe des beaux-arts
serait chargée de confier à une commission composée de
son directeur actuel, d'un architecte, de deux sculpteurs
et de M. Montigny, le soin de s'occuper du projet de mo-
nument à élever à feu M. Adolphe Quetelet.
La classe des beaux-arts a désigné MM. Payen, G. Geefs
et Fraikin pour être adjoints à MM. Balat et Montigny,
comme membres de cette commission.
— M. le secrétaire perpétuel donne ensuite connais-
sance de la motion dont M. Alvin a saisi la classe des
beaux-arts, lors de la dernière séance, motion à laquelle
s'est ralliée la classe des sciences, et qui a pour but de
s'associer à la démarche que la Bibliothèque royale et les
Musées ont faite auprès de M. le Ministre, au sujet d'un
commencement d'incendie qui a eu lieu le 25 novembre
dernier, dans le laboratoire de chimie de l'école indus-
trielle.
( 815 )
La classe approuve la lettre que M. le secrétaire perpé-
tuel propose d'adresser à ce sujet à M. le Ministre de
l'intérieur.
— I/Université de Fribourg en Brisgau adresse des
exemplaires de son programme d'études pour 1 876 et 1 877,
ainsi que plusieurs dissertations inaugurales.
La Société littéraire et artistique de Mitau accuse récep-
tion du dernier envoi annuel de publications; elle trans-
met en même temps le dernier numéro de ses comptes
rendus.
— M. Alphonse Rivier, associé de la classe, fait hom-
mage d'un ouvrage de sa composition, portant pour titre :
Beric/ite Burgundischer Agenten in der Schweiz, von
1619 bis I6W. Tn-8^
M. G.-W. Vreede, associé, fait parvenir, à titre d'hom-
mage, un exemplaire de sa notice intitulée : Onze diplo-
matie^ na de erkenning der onafhankelijkheid van België.
In-8^
M"'*' veuve Bergmann fait hommage à la classe : l°d'un
exemplaire de l'ouvrage de feu son époux, couronné par
le jury du dernier concours quinquennal de littérature
dramatique flamande et intitulé : Ernest Staas, advocaat,
Schetsen en Beelden door Tony. In-8°; 2° d'un exemplaire
des ouvrages suivants du même auteur : Verspreide Schet-
sen en Novellen. ln-8° ; Philips van Marnix van Sint-Alde-
gonde. 2^ druk, in-8°; Geschiedenis der stad Lier. InS"".
M. le baron F. de Barghon Fort-Rion, de Versailles,
envoie, à litre d'hommage, un exemplaire de sa dernière
brochure intitulée : Étude historique sur S. E. Jean-André
Van der Mersch., général brabançon, ln-8''.
La classe vote des remercîments pour ces dons.
( 816 j
PRIX DE SAINT-GENOIS.
Conformément à la volonté du fondateur et à ses géné-
reuses dispositions, la classe offre, pour la première période
décennale de ce concours, un prix de quatre cent cinquante
francs au meilleur travail en réponse à la question litté-
raire suivante :
De belrekkingen aanduiden, die in verschillende tijd^
perken hebben bestaan tusschen de vlaamsche poëzie en de
ontwikkeling van het vaderlandsch en nationaal gevoel,
en den invloed bepalen dien zij onder dit opzicht heefl
gehad.
Indiquer les rapports qui, à diverses époques, ont existé
entre la poésie flamande et le développement du sentiment
patriotique et national, et déterminer l'influence qu'elle a
exercée dans cet ordre d'idées.
D'après les dispositions testamentaires de feu M. de
Saint-Génois, ce travail doit être rédigé en flamand. Il sera
lisiblement écrit et adressé, franc de port, à M. J. Liagre,
secrétaire perpétuel de l'Académie, au Musée, avant le
\'' février 1877.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les
citations; les auteurs auront soin, par conséquent, d'indi-
quer les éditions et les pages des ouvrages cités.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage;
ils y inscriront seulement une devise, qu'ils reproduiront
dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur
( »i7 )
adresse. Faille par eux do satisfaire à celle Ibrmalilé, le
prix ne pourra leiir èlre accordé. Les mémoires remis après
le lemps prescrit, ou ceux dont les auteurs se leront con-
naître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du
concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que,
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils
sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les
auteurs peuvent en faire prendre des copies à leurs frais,
en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
La diplomatie concernant les affaires maritimes des Pays-
Bas^ vers le milieu du XVI" siècle , jusquà la trêve de
Vaucelles, par M. Ch. Piot, correspondant de l'Aca-
démie.
L — INTRODUCTION.
A la suite des découvertes territoriales, faites par les
Espagnols et les Portugais en Asie, en Afrique et dans le
Nouveau-Monde, le commerce maritime avait pris, dans
les Pays-Bas, un développement extraordinaire. Sous le
règne de Charles-Quint il était parvenu au plus haut degré de
prospérité qu'il semblait pouvoir atteindre. Le mouvement
du port d'Anvers, la rivale de Venise , avait de l'aveu même
de l'ambassadeur de cette république hni par surpasser
( 818 )
celui de la métropole du commerce européen. Vers le mi-
lieu du XVP siècle des centaines de vaisseaux , chargés
des produits fournis par tous les pays, abordaient journel-
lement à Anvers et y déchargeaient leurs riches cargai-
sons.
Les habitants des côtes maritimes de Hollande, de Zé-
lande et de Flandre n'avaient pas moins de succès dans la
navigation et par la pêche de mer. Dunkerque, Nieuport,
Ostende, Flessingue, Arnemuide étaient devenus des ha-
vres importants pour la pêche du hareng. Terveere et Hel-
voetsluis avaient pris les proportions de ports de mer con-
sidérables.
Cette grande prospérité porta bientôt ombrage à nos
voisins. Détruire cet état si florissant était un moyen pro-
pre à ruiner les Pays-Bas, un expédient utile pour empê-
cher Charles-Quint de devenir un jour maître de l'Océan.
A cette époque l'empire des mers devait appartenir à l'État
dont la marine marchande serait la plus considérable, à
celui enlin qui pouvait, en cas de guerre, armer le plus
grand nombre de navires de toute espèce (1). L'immense
étendue des côtes de mer appartenant à l'Espagne, aux
Pays-Bas, au nord de l'Allemagne et aux possessions de
l'Amérique semblait pouvoir légitimer des aspirations sem-
blables.
Tous les moyens, toutes les intrigues furent employés
dans le but d'entraver le développement de notre com-
merce maritime et de la pêche, industrie spéciale aux Hol-
landais, aux Zélandais et aux Flamands. Ceux-ci ne furent
pas ménagés, particulièrement par les habitants des îles
(1) Guichardin, Description des Pays-Bas, p. 49; De Jonghe, Geschiedenift
v;(n het yederlandsch zeeivezen, t. I. pp. 8'J et VA^2. note.
( m )
l)rilannique&, malgré \os règlements intervenus en 1528
et 1540 entre les parties (1).
Cette jalousie, primitivement très-occulte, finissait par
se faire jour partout, chez nos amis, comme chez nos
ennemis. Ici, c'était le droit de tonlieu qui servait de pré-
texte à des extorsions (2), là c'était Texercice du culte, qui
arrêtait nos malelots; ailleurs c'était autre chose. Cette
passion si basse était encore attisée par l'inimitié qu'a-
vaient vouée les rois de France à Charles-Quint, par leur
volonté bien arrêtée de lui disputer la prépondérance en
Europe. Tous ces motifs réunis donnèrent lieu à des actes
de piraterie, exercés contre notre marine, puis à des diffi-
cultés sans nombre avec les gouvernements d'Ecosse,
d'Angleterre et de France, et à des réclamations très-vives
faites de part et d'autre. C'est à ces réclamations et aux
correspondances diplomatiques, la plupart inédites, que
nous avons puisé les éléments de ce travail.
II. — PIRATERIES DES ÉCOSSAIS ET DES ANGLAIS.
Pendant la guerre entre la France et l'empereur,
notre commerce maritime fut l'objet d'entraves et de vio-
lences inouïes. Elles continuèrent, malgré la terreur qu'a-
vait inspirée à la marine française la conduite courageuse
de notre flotte commandée par Gérard Van Meckeren ou
par Maximilien de Bourgogne, amiral de nos forces na-
vales. Celui-ci était particulièrement redouté depuis qu'il
l\) Proceeding and ordinatices ofthe privy council of England, t. VIII, p 95.
2) Lettres des 20 septembre et 2o novembre looO (Archives de l'Audience,
liasse 47).
( 820 ;
avait détruit, en 1545, une flottille de navires marchands
dans les eaux de Bordeaux (1). Dès ce moment les atta-
ques directes ne suffisaient plus à la France. Il lui fallait
l'aide des Écossais, toujours prêts à liarceler nos pêcheurs,
jamais rassasiés de pirateries.
En dépit des traités les plus solennels, les Écossais
exercèrent des déprédations inqualifiables. Gui de Dam-
pierre, Louis de Mâle, Philippe le Hardi, Philippe le Bon
avaient voulu en vain intéresser les marchands écossais au
développement du coinmerce, en leur accordant difl*érents
privilèges (2). Pendant Tannée 1530 (15 avril n. st.) un
traité lut conclu à Malines entre Marie de Hongrie, à titre
de gouvernante des Pays-Bas, et l'envoyé d'Ecosse, traité
qui fut confirmé par Charles-Quint (i24 juillet 1551). Dix
ans plus tard (19 février 1541 n. st.) un nouveau pacte
fut arrêté à Binche (5).
Ces actes avaient un but, celui de favoriser la navigation
et le commerce et d'empêcher entre les deux nations la
piraterie, dont Jacques V constate les déplorables résultats
dans une lettre adressée à Charles-Quint (4 mai 1531).
Vains efl'orts. Les vols, les destructions, les pillages ne
continuèrent pas moins de part et d'autre. Ils devinrent
entre les deux nations des motifs de vengeance, par suite
du défaut d'énergie du gouvernement néerlandais. Lors-
(4) Wagenaar, Vaderlandsche historié, t. V, p. 128; Annales de la Société
d'Émulation de Bruges, 2« série, t. VI, p. 321 et suiv.
(2) Actes de 1293, 1317, 1339, 1387, 4420, 14;8, cités par Gachard, Rapport
sur les archives de Lille, pp. ilo 146,118, H9, 140, et dans Du Mont. Corps
diplomatique, t. IV, part. 2. p. 83.
(3) Du Mont, ibid., pp. 83 et 208. V. aussi aux archives du Royaume la liasse
LXIV de l'Audience, intitulée : Diverses pièces concernant la négociation avec
l'Ecosse.
( 82i )
qu'en 1540, par exemple, les États de Hollande voulurent
faire saisir tous les biens des Écossais pour les punir de
leurs pirateries, la gouvernante s'y opposa. Elle préten-
dait que tous ces vols pouvaient être arrêtés par les négo-
ciations diplomatiques (1). En effet elle parvint à faire
signer le premier traité de Binche ; elle parvint même à
obtenir des sauf-conduits en faveur de nos vaisseaux. Mais
le lendemain de la signature de ces actes, ils étaient violés
ouvertement, sous un prétexte quelconque. Pour résister
à ces pillages l'Empereur fut obligé, en 1549, de prescrire
aux vaisseaux marchands un armement, afin de se ga-
rantir contre les agressions des flibustiers (2). De leur
côté les Anglais tirent, sans les observer, les plus belles
promesses de nous débarrasser de ces pirates. Henri VIII
s'engagea à abandonner les Écossais pour les ramener à
la raison (5). Toutes ces promesses tombèrent à néant par
suite de l'abandon dans lequel notre flotte laissa l'Angle-
terre lorsque l'armée navale de ce pays comptait attaquer
celle de la France en 1544. Les capitaines des navires de
guerre impériaux se retirèrent en voyant arriver la flotte
française et l'impossibilité de celle des Anglais de pouvoir
lui résister. Cette retraite produisit sur la cour de Londres
le plus fâcheux effet. Selon une dépêche des ambassadeurs
de Charles-Quint, le duc de Norfolk aurait dit « que ja-
» mais le roy son maistre, de son temps, n'a voit veu
i> ceste honte que le roy de France luy fut en mer supé-
D rieur. ?> En conséquence il demandait aux Pays-Bas de
(4) Wagenaar, /. c, p. 209.
(2) Plac. de Flaud., t. I, p. 337.
(3) Lettre du i9 oct. 4544, adressée par les ambassadeurs belges à l'empereur.
(Corresp. de l'empereur et de Marie de Hongrie avec les ambassadeurs en Angle-
terre, p. 4S.)
( 822 )
lui prêter des bateaux espagnols et hollandais qu'il s'obli-
geait de payer (1). Nulle part nous ne trouvons de trace du
consentement que notre gouvernement aurait donné à un
prêt semblable.
Enfin Gérard Van Meckeren reçut, en 1549, la mission
de commander les navires de guerre destinés à combattre
les Écossais et à protéger la navigation contre leurs pira-
teries. En donnant l'année suivante la chasse aux navires
écossais, il outrepassa ses instructions. Il prit des navires
dans les eaux de la France et en arrêta aussi plusieurs
autres de ce pays qui se rendaient en Ecosse ou venaient
de là (2). Le conseiller Scepperus, chargé spéciale-
ment par le gouvernement de diriger les affaires mari-
times, fut obligé de lui écrire pour faire cesser ces actes
arbitraires, dont la France se plaignait à juste titre.
On a soutenu que l'alliance de Charles-Quint et de l'An-
gleterre, l'ennemie héréditaire de la dynastie écossaise ,
était la véritable cause de nos désastres maritimes. Rien
n'est moins vrai.
En émettant cet avis, les écrivains perdent de vue les
pirateries commises vers cette époque au préjudice de nos
marchands par la France, par l'Ecosse et surtout celles de
la Grande-Bretagne. Lorsque l'empereur eut rompu avec
Henri YIII, roi d'Angleterre; lorsqu'il refusa à ce prince
de l'aider pendant la guerre avec l'Ecosse; lorsque la paix
fut signée entre les deux pays (1" juillet 1545), le pillage
de nos vaisseaux par les Écossais fut-il arrêté? Nullement.
(1) Lettre des ambassadeurs du 46 octobre 1544, ibid., p. 1.
(2) Annales de la Société d'Émulation de Bruges , 2^ série, t. VI, pp. 347,
3ol ; liasse des négociations avec l'Angleterre à propos du tonlieu. (Dans les
archives de l'Audience.)
( 8^25 )
Quand leurs câpres entrèrent, en 1544, au port de Terveere
avec le butin pris sur les Anglais, n'avaient-ils pas arrêté
aussi un grand nombre de vaisseaux Anversois (i)? Le
gouvernement néerlandais poussa la générosité jusqu'à
faire restituer aux marebands de la Grande-Bretagne ce
qu'ils leur avaient enlevé. Et malgré cette conduite si
loyale, les Anglais favorisèrent-ils moins les pirates écos-
sais? Ils les autorisèrent à capturer nos vaisseaux dans les
eaux britanniques. Bientôt ils poussèrent plus loin encore
leurs propensions à la piraterie (2). Durant tout le cours de
(1) Wagenaar, Le, pp. 267,268.
(2) Calauder of State papers, tlie Scottish séries 1867 ài589 ; Instructions don-
nées à Scepperus et François Vander Dilft, ambassadeurs en Angleterre, le
27 sept. 1540. {Dans les négociations d'Angleterre, t. I, p. 176, aux Archives
du royaume); Information du bailli de Flessingue du 41 août 1548, sur le pil-
lage fait, le 9 de ce mois, par deux vaisseaux de guerre anglais d'un navire armé
des Pays-Bas , (/Z>/c/., t. II , p. 189) ; Instructions de Henri II, roi de France,
dont voici un extrait :
Instuction au S^ Danoy, que le roy envoie présentement en Angleterre,
de ce qu'il y aura à faire pour le service dudit seigneur.
Premièrement ira treuver le Si" de Selve, ambassadeur du roy par de là, et luy
dira que aiant icelluy S'' receu la lettre qu'il a escripte du 19" jour de ce présent
moys, par laquelle il lui fayct entendre la prinse de l'admirai et plusieurs aultres
grands S" de delà, et l'occasion d'icelle, semblablement le soupçon en quoy le
protecteur d'Angleterre et aultres estans près la personne du roy d'Angleterre
sont entrez de ceste conspiration. Et pour austant qu'il semble au roy que telles
choses viennent grandement à propos pour accomoder et facilliter ses affaires en
Escosse, et qu'il désireroit bien trouver moyen d'y faire brouiller plus fort les car-
tes qu'elles ne sont, aflBn de mettre dedans ledit royaulme d'Angleterre s'il estoit
possible une guerre civile, et les amuser à se venger les ung des aultres
pour d'austant rendre ses affaires plus faciles, tant du costel d'Escosse, que de
celui de deçà, estimant que une telle entreprinse. si elle est véritable, n'a pu
avoir esté conjurée sans l'intelligence de beaucoup des plus grands, lesquels ne
peuvent avoir esté tous descouvertz, et est impossible qu'il n'y en ait encoires
quelques ungs de cachez, par le moyen desquelx se peult tenir ce feu allumé,
quant ilz se sentiront supportez et auront espérance de treuver quelque reffuge et
appuy si grand, que celluy que l'on leur peult faire de deçà
Et pour austant que le roy a présentement nouvellse que les Anglois ont
( 824 )
Tannée io45, ils s'emparèrent, quand ils le pouvaienl, des
vaisseaux marchands néerlandais et espagnols (1). Les dé-
prédations allèrent tellement loin, que l'empereur fut
obligé, pour les faire cesser, de confisquer les navires et
marchandises des Anglais. Une bonne partie de la corres-
pondance de Charles-Quint et de la reine Marie avec les
ambassadeurs des Pays-Bas en Angleterre roule sur les
prises de mer faites de part et d'autre (2). Les négociations
de Vander Dilft et de Vander Burch à Londres pendant les
années 1544 à 1545, celles Bourbourg en 1545, n'eurent
pas d'autre but.
On le voit facilement, les Anglais, comme les Écossais,
sacrifiaient à la jalousie. L'abaissement de notre marine
était le triomphe de la leur.
En 1550 la guerre faite à notre marine marchande par
les flibustiers écossais eut des proportions plus grandes en-
core, et força le gouvernement des Pays-Bas à prendre des
mesures de rigueur contre un pays livré depuis longtemps
à la merci de la France (3). Les connivences entre les
naguères prins jusques à soixante-dix navires flamants et subjectz de l'empereur
chargez de harens qui venaient à Rouen à la foire de la Chandeleur, dont l'em-
pereur a fait grand démonstration d'estre fort malcontent et fait, pour ceste cause,
saisir et arrestertous les vivres et personnes de tous les Anglois estant dans les
Païs-Bas, chose qui est grandement contraire à ce quelesdits Anglois font publier
l)artout de la grande et seure intelligence qui est entre eulx et ledit empereur
Faict à Saint-Germain en Laiz, le XXVIl jour de janvier mil cinq cens quarante-
huict.
(Signé): Henri.
(1) Wagenaar. /. c, p. 279.
(2) Dans une de ses lettres, datée du 27 juin -1545, l'empereur disait à son am-
bassadeur qu'il avait fait entendre à celui d'Angleterre à Bruxelles : « que le roy
« avait malusé quant aux violences, prinses et arrestz de navires et marchandises
» de nos subjetz. »
;3) Tytler, History of Scotland, t V, pp. 350, 422; Calender of State papers
précité p. 69; Buchanus, De rébus Scutis , p. 611; Robertson. Ilist. d'Ecosse,
( 82ri )
Écossais et les Anglais étaient en outre devenues trop évi-
dentes. De l'avis de la gouvernante il n'y avait possibilité
de les arrêter que par des négociations avec le gouverne-
ment d'Edouard Yl. Scliyfve et Vander Dilft arrivèrent à
Londres (19 mai 1550) à ti(re d'envoyés de l'empereur. Ils
furent immédiatement reçus par le roi et son conseil
(23 mai). Le but de leur mission était de faire des repré-
sentations au conseil concernant les fortifications élevées
t. II, pp. i(i6, 176. 179. Nous reproduisons ici l'instruction donnée par l'empereur
à son envoyé en Ecosse, dans le but de prémunir le gouvernement de ce pays
contre l'influence française :
Vous déclarerez que vous êtes de S. M. envoyé tout expressément audit Escossc
pour luy déclarer laflection que sadicte Majesté a tousiours eu de garder et entre-
tenir bonne paix avec ung chascun etmesme ses anciens alliez, comme sont ceulx
d'Escosse. . . . n'ayans jamais eu querelles entre eulx, tant que les François, en-
vieulx de cestc bonne amytié et alliance, ont entre eulx semé leur zizanie Lesquels,
après avoir mis le pied en Escosse, ne cesseront, tant qu'ilz auront tout le royaulme
en leur pouvoir pour l'incorporer avec France; detenans à ceste fin l'héritière
dudit royaume en leur pouvoir, sans que icelle puist veoir icelluy, ny ceulx dudit
royaulme leur royne et héritière, le tout pour en faire leur prouffit et s'en servir
en leurs dessaings et troubles qu'ils sussitent partout, pour parvenir à la fin de
leur ambition, qu'est de dominer.
Quilz peuvent aussi veoir comment de jour à aullre lesditz François se irapa-
tronnient, envoyant la force d'Ecosse hors le pays, et en leur lieu des François.
Et tout cecy, afin qu'ilz puissent tant plus facilement parvenir à leurs desseings.
Qu'ilz emploient les vaissaulx et subjecîz d'Escosse, qu'ils ont tyré en France,
contre les pays et subjectz de S. M., avec lesquelztoutesfois ilz debvroient, selon le
dernier traicté, demeurer en bonne amytié
(Sans date, liasse XIV des papiers revenus de Vienne en 1862, Archives du
royaume.)
Le gouvernement écossais ne cachait nullement cette influence. David Pavegne,
secrétaire du royaume, arriva en 'lo4o à Bruxelles, muni de lettres de créance,
pour déclarer que si l'ancienne amitié entre les deux pays avait été enfreinte,
« c'esloit par l'importune poursuite de leurs anciens ennemis. » (Lettre de Mario
« de Hongrie à l'ambassadeur d'Angleterre, du 8 mars doio.) V. aussi Teulel.
lielalioiis diplomatiques de la France cl de l'Espagne avec l'Ecosse, t. I.
pp. 119, 1*24, doO et suiv., 176, 179 et Memoirs of his arn life by sir James
Me'vill, lo'fO à lo75.
2"*^ SÉRIE, TOME XL. 55
( 82G )
près de Gravelines, la prise de quelques navires dans les
environs de ce port et certaines contestations territoriales.
Scbyfve seul s'occupa activement des réclamations élevées
par le gouvernement des Pays-Bas contre les machinations
ourdies entre les Écossais et les Anglais en vue de ruiner
notre commerce.
Il écrivit à la reine (6 juin 1530) que , selon la rumeur
publique répandue à Londres, les Anglais faisaient bonne
paix avec les Écossais, à la suite du pacte intervenu entre
l'Angleterre et la France. Celait vrai. Les Anglais et les
Écossais négociaient môme un traité de commerce mari-
time (1). Cette circonstance expliquait parfaitement dans
ce moment la bienveillance des Anglais à l'égard des pi-
rates Écossais. « Je me suis enquis, ajoute-t-il, de savoir
» si le sieur d'Arsquin, ambassadeur d'Escosse, qui fut
» dernièrement icy, seroil retourné, ou quelque autre en
» son lieu , puisque les quarante jours sont jà expirez, en
» dedans quel temps la royne d'Escosse, contenue au traicté
)> entre les François et Anglois, doit prononcer. On dit
» môme qu'un personnage d'Escosse est arrivé à Lon-
» dres » (2). Dans cette lettre l'ambassadeur belge rend
compte de ses démarches auprès du conseil du roi pour
lui représenter comment les Écossais s'emparaient des
vaisseaux néerlandais à l'embouchure de la Tamise, les
amenaient par ce fleuve à Londres, où ils étaient vendus
publiquement à des marchands anglais, très au courant de
la capture illégale de ces navires. « Ceux du conseil, dit-il,
» déclaroient qu'ils estoient en guerre avec les Écossois;
» et cependant quatre navires de guerre anglois avoient
(1) Teulet, Relations politiques , l. c, 1. 1. p. 244.
f!2) Lettre (lu 6 juin iooO, Conseil privé.
( «'^7 )
D passé devant les Kscossois en coiuluisaul leurs commis-
i> saires en France, d En apparence ces laits devaient
sembler contradictoires à notre ambassadeur. La cour de
Londres voulait faire croire qu'elle ne s'entendait nulle-
ment avec ses voisins, tandis qu'elle était en pleine négo-
ciation avec eux. Ces contradictions apparentes s'expli-
quent facilement lorsqu'on saisit bien la politique anglaise
à l'égard des Pays-Bas et de l'Ecosse. Depuis le mo-
ment où la paix fut signée avec la France, l'Angleterre
n'avait plus besoin de l'amitié de l'empereur. Elle pouvait
ruiner à son profit le commerce maritime de nos provinces,
désir auquel la politique et les querelles religieuses n'é-
taient pas étrangères. D'un autre côté elle devait ménager
l'Ecosse, avec laquelle les nécessités du moment l'obli-
geaient à faire la paix et où elle comptait beaucoup d'amis
et de coreligionnaires. Le nombre de ceux-ci avait singu-
lièrement augmenté depuis le moment où les excès com-
mis par les troupes françaises chez les Écossais, leurs
amis et alliés, avaient fait surgir entre ces deux peuples
une haine implacable (I).
Ce n'était pas le seul fait à reprocher à l'Angleterre.
Tantôt des vaisseaux de guerre de ce pays attaquaient les
nôtres (2); tantôt les agents anglais forçaient nos matelots
à suivre les prêches dans leurs ports; tantôt ils poursui-
vaient nos navires sous prétexte de faire payer un droit
(1; Teulet, /. c, t. I, pp. 197, 208, 2^22, 230, 274.
(2) Dans le but d'éviter les méprises, des propositions furent faites pour lixer
les formes des pavillons « les navires ne porteront aultres enseignes ni bannières
que l'aigle , avec celles de l'amiral, à savoir le chevalier de mer tenant ses armes,
et celles du roy d'Angleterre la croix rouge ou la bannière avecq les armes du
roy. » On tirera un nombre déterminé de coups de canon pour se reconnaître.
M s. 13.337 de la Bibl. royale de Bruxelles.)
( 828 )
(Je tonlien, dont ils élaient affranchis en vertu de privi-
lèges; tantôt ces agents laissaient échapper les pirates
écossais dont ils s'étaient emparés pour la forme (1).
Une nouvelle expédition maritime, à laquelle Sccpperus
assista, devenait nécessaire. Elle lut dirigée contre les pil-
lards en juillet 1550. Les résultats ne répondirent pas à
l'attenle. Une brume épaisse assaillit nos navires, dont les
grandes dimensions ne permirent pas de franchir les pas-
sages entre les bancs de sable formés près des cotes de
l'Angleterre. C'était précisément dans ces parages que se
trouvaient les pirates. Après la levée du brouillard, quel-
ques-uns des navires les plus petits furent détachés de la
flotte. Ils visitèrent successivement les rades et les cours
d'eau, dans lesquels s'étaient léfugiés les pillards effrayés
à l'approche de nos bâtiments de guerre. Dès que nos na-
vires entraient dans un fleuve, les ennemis le remontaient
dans leurs barques légères, et échappaient ainsi à toute
recherche, devenue impossible à cause des dimensions de
nos bâtiments (2). D'autres navires de flibustiers s'enfuirent
(1) Lettres de Schyfve des 17 juin et 2ô juillet 1450. (Conseil privé./
(2' Nous transcrivons ici la relation de Sceppcrus sur cette expédition.
Madame,
l'our advertir V. M. du succès et progrès de vostre armée de mer, jjlaise à
icelle sçavoir que avec vent fort contraire nous arrivâmes au primes dimence
passé sur la coste d'Engletcrre, tcnans ensemble grandes et petites navires pour
itî respect que avions aux François et Angiois, si par avanture ilz eussent eu qucl-
([ue nombre de navires ensemble, dont ne sommes appcrcheuz. Et nous eslongeant
(le l'embouchure de la Tamize et des sablons y gisans, fismes nostre cours vers le
noord et courlames nostre marée pour celle nuycl que nous surprint une bruyne
si cspesse, que ne sçavions veoir la proua delà pouppe de nostre navire. Toutes-
fois, Dieu grâces, il nous print si bien, que estant le lendemain ladicte bruyne
avllée. nous trouvâmes l'ung près de l'aultre, que lors prismes conclusion entre
nous que le capitaine Mceckcre, avec les quatre grandes navirs, liendroit la mer
audchors des saidons et plates, dont toute ceste coste est pleine, et que moy, avec
( 8^i9 )
vers le nord, afin d'éviter les poursuites de la marine helge.
Voyant notre impuissance à les alleindrc, les corsaires
quatre les plus petites navires, courreroye la dicte coste par dedens les sablons
entre iceulx et la terre ferme si avant que porroye, pour veoir si ne trouverions
quelques Escossois ou pirates que oousluniièrement se tiennent icyet sont souste-
nuzdes Anglois,voires sont Anglois mesmcs, ayant en leur compagnie un, deuxou
trois Escossois seulement. Et par ainsi séparez les ungs des aultres.je me trou-
vis avec les quatre navires susdictes devant la ville de llervvitz au pays de Zuud-
folck, par où il y a grande entrée pour les pirates et une des principales de ce
quartier. Et délaissant illec trois navires, je m'en alliz avec la quatriesme courir
la coste du pays d'Essex jusques au noord costé de l'issue de la Tamize et cer-
taine entrée des navires entre les sablons nommés de Speidtz que pareillement
est maintenant grand passaige desdits Escossois à l'environ de St-Orsis et
Malden,où suis esté mardi, mercredi et jeudi. Et cependant sont de nuict arrivez
au loing de la terre en ce lieu de Hcrwitz deux pinasses escossoises armées en
guerre avec ung boit de Flandres prins sur les Flamangs qu'ilz ont armé, sans
avoir esté veues des susdites trois navires , dont à mon retour icy fus adverty et
mesmes que lesdits navires, da peur qu'ilz avoientde nous, s'estoyent bouttez bien
avant dedens pays en une petite rivière contre mont, entre ceste ville et la ville de
Ypswitz. De sorte que à noz navires n'est possible de les sçavoir approcher, pour
la petite parfondeur, joinct que ce sont gens de ce quartier. Et est le capitaine
principal demourant audit Ypwitz nommé Jems Greyn de Doude, et est celluy qui
puis naguères en ce mesine lieu a admené et vendu deux navires de Dunckerkes.
duquel aussi les lettres de monsieur l'ambassadeur Scheyf font mention. Et Ont
tous les paysans et manans à leur commandement , comme ceste nuict il s'est
trouvé par noz gens que avec trois sclmtcs j'avois envoyé contre mont ladite,
rivière, pour les descouvrir et veoir leur convenant, et les ont trouvé teliement
appercheuz et préadverti i par les Anglois, qu'ilz ne les ont sceu entamer. Et en
sommes présentement plus en particulier informez par certain garsson que doub-
lons estre envoyé pour espie. Et est venu à bort avec certaine schute angloise,
disant qu'il nous donneroit nouvelles à l'endroit desdits Escossois. Nous regar-
derons ce que en porrons faire, et sy, sans trop esmouvoir le pays , en perrons
venir audessus. Du moins ce nous servira pour tesmoingnage oculaire que contre
le traicté entre l'empereur et le roy d'Engleterre et mesmes contre celluy d'entre
Engleterre et France, les Anglois soustiennent les Escossois en guerre contre les
subjectz de l'empereur, ou pour mieulx dire ce sont eulx mesmes qui font la guerre
à l'empereur.
Madame, quant orés ce des Escossois que dessus ne seroit advenu, si ne po-
vons bouger d'ici si longuement que ceste tourmente, que commença hier. dure.
Et sommes en assez bon lieu, sans que puissions estre offensez, ne de ceste ville,
ny des deux chasteaux situez sur ung sablon à l'entrée du port, places depetile
( 850 )
reprirent courage, et abordèrent sans gène avec leurs
proies en Angleterre et en Irlande. Au nom de la gouver-
nante des Pays-Bas, Schyfve requit Edouard VI d'agir effi-
cacement contre les pirates, qu'elle ne voulait plus tolérer
ni voir favoriser par des Anglais « ou autrement, disait-il,
» pour l'indempnité des sujets de S. M. conviendioit d'user
» de revanche envers lesdits pirates, quelque part que l'on
» pouiroit les ratteindre. » Le conseil protestait de son
ignorance la plus complète de ce qui se passait, protesta-
tions auxquelles l'ambassadeur belge refusa d'ajouter foi,
« attendu, disait-il, que les officiers du roy en tous ports
» et havres le savent. » Convaincu par ce raisonnement si
simple, le conseil promit de lancer un placard contre les
lïibustiers, et de les faire poursuivre. Jusque -Là le duc
de Somerset, protecteur du royaume pendant la minorité
d'Edouard VI, avait conservé son calme. A la lin de la con-
versation il releva vivement le mot de revanche prononcé
j)ar Schyfve, et lui demanda des explications à ce sujet.
L'ambassadeur belge répondit en véritable diplomate :
« que S. M. pour l'indempnité de ses sujets y pourvoiroit
» de remède, de droit et licite, assavoir de poursuyr et
D rateindre ledits pyrates et escnmours de mer, où qu'ilz
» seroient trouvés (1). »
La menace, nous venons de le voir, n'eut pas d'effet.
imporlancc; mais la villo assez raisonnable à veoir de loing. Qu'est ce dont je
sçauroyc advenir Vostre Majesté pour le présent.
A tant, Madame, je supplie le Créateur de donner à Vostre Majesté ce qu'elle
désire le plus en bonne vie et longue.
Du port devant Horwitz. ce vendrcdy iiu'" de jullct XVC cinquante.
De Vostre Majesté,
Très-humble et très-obéissant serviteur.
CORNILLE SCEPPLRUS.
;i) Lettre de Schyfve du 3 juillet lo50.
( H"'« )
Les pirates, parn)i lesquels se trouvaient un grand nombre
d'Anglais et même des Oslendais, reparurent partout.
En présence de ces actes de nouvelles représentations
furent adressées de la part de notre ambassadeui' an
conseil. Celle fois-ci il le requit catégoriquement de
s'occuper des demandes si nombreuses faites par les
marcbands néerlandais, de juger lui-même les contesta-
tions au sujet des prises faites en mer, au lieu de les ren-
voyer devant l'amirauté. Là, disait Schyfve, les procé-
dures trahient eu longueur; les affairesn'y finissent jamais.
Le conseil, on le comprend facilement, devait répudier
une semblable mission, qui dans tous les pays appartenait
à l'amirauté (1). Sinon le gouvernement aurait été mis
directement en cause. « Le conseil, dit Schyfve, refusa.
» Nonobstant, toutesfois ce que dessus, ils persistarent et
» me dirent qu'il estoit bien raisonnable qu'iiz en fussent
p du tout préalablement informés. A quoy adjousta mil-
» lord Werwyck (prenant la parolle devant Sommerset,
» dont il estoit à le veoir peu satisfait), que le roy avoit
» paix et traicté avec les Escossois, et qne partant le roy
» ne les pouvoit traicter aultrement que ne convenoit. Sur
» quoy je leur dis que me sembloit bien que le roy avoit
1) paix avecq lesdis Escossois. Et me coupant la paroîle,
» Paget dict qu'iiz n'avoient paix avec eulx; mais que le
» roy n'estoit tenu devers S. M. d'invader les Escossois ou
» d'exercer quelque hostilité sur iceulx. A quoy leur res-
> pondis qu'il n'y avoit icy question de quelque invasion
» ou hostilité, ains tant seulement s'il estoit permis et
» licite au roy d'entretenir, nourir et favoriser les Escos-
s> sois,ennemys de S. M., fussent pyratesou aultres,mesme
;1) Y. De Jont^he, /. c, 1. 1. pp. 61 et suivantes.
( 832 )
» (Je laisser tellement user ses propres subjectz sur ceulx
» de l'empereur, et que nullement ledit faict esloit pas-
D sable ou escusable; et que c'estoit bien plus que d'im-
» pédier l'entrecours et mutuel commerce, lequel ilz dési-
» rent si grandement, comme l'ambassadeur Cbanibellain
» avoit l'autre jour déclaré à S. M. Sur quoy pariant ledit
» Sommerset et le répétant Paget disrent que l'empereur
» par cy-devant à l'endroit des Escossois auroit bien laict
» le semblable, sans déclairer en particulier quant et com-
» ment. Et lors dirent que S. M. n'avoit oncques failly au
» moindre point de ces troitez... (26 juillet iooO). »
Les termes, si aigres de cette conversation, démontrent,
à la dernière évidence, le désir du gouvernement anglais
de ne pas vouloir agir avec rigueur envers les Écossais.
En dépitdes placards publiés par Edouard VI contre les
flibustiers, les déprédations continuèrent et devinrent
plus nombreuses que jamais. Impossible de narrer ici tous
les dommages portés à nos navigateurs, impossible de dé-
crire toutes les scènes de pilleries. Ces détails, transcrits
dans les correspondances et lés actes officiels, appartien-
nent plutôt à la chronique qu'à l'histoire (1). Nous dirons
(1) V. à ce sujet la correspondance de la reine Marie avec Schyfve, et la nomen-
clature des griefs articulés contre l'Ecosse dans les archives de l'Audience, liasse
LXIV. Ces pièces sont intitulées : Narralio eonon que fjesta su)H et acciderutit
Flandris qiiibusdain ex oppido Bnujensi uavi'jaiitibui ex porta Sti'sensi in
Scotiatri ïitense Augusto aniii XV XLl^; Wemontvancù que fait le commis et
député de l'empereur envoyé de par S. M. devers Monsr le conte d'Arrane; tuteur
et gouverneur de la royne Marie en son royaulme d'Escosse, des prinses et pil-
leries, extorsions, tors et exactions faites aux subjectz de ladite M. par ceulx
dudit Ecosse mesmement depuis le dernier traicté et accort fait en Anvers le
xxviij*^^ jour d'avril l'an XV'^ quarante-cinq, V. aussi dans les Comptes rendus de
la Commission d'histoire 3^" série, t. VHI, pp. 168, 188, 188, iii-9; les Annales
de la Société d'Éuudaiion de Bruges, 2'" série, t. VI. p. 369 et suiv. et Wagnaar
Vaderlandsche historié, t. V.
( 835 )
seulement que rempcrour ordonna (29 mai 1544) la saisie
(les biens et marchandises appartenant à îles Ecossais, et
qu'à Terveere plusieurs individus d(; cette nation furent
arrêtés. Poussés à bout, nos matelots ne manquèrent pas
à leur tour de prendre des vaisseaux écossais. C'est ainsi
que les gens d'un navire hollandais , capturé par des pi-
rates écossais, s'emparèrent du bâtiment de leurs enne-
mis et le ramenèrent à Helvoeîsluis. Une autre l'ois les
nôtres débarquèrent dans une île écossaise, et y exercèrent
les cruautés les plus grandes. Enfin ils finirent par ha-
rasser tellement les ennemis qu'un de leurs plus fameux
flibustiers, nommé James Gryn, fut tout à fait ruiné.
C'étaient toujours les îîoi landais qui se distinguaient par
leur courage et la hardiesse des coups de main. S'ils étaient
souvent enclins à se mutiner, ils étaient pleins d'ardeur
au moment du danger. Ce qui faisait dire par Scepperus
dans un rapport adressé à la gouvernante : « les matelots
y hollandois ne sont rangeables à la raison, ne plusieurs
» des maistres des navires aussy, et signament d'Amster-
» dam et Wateriand, ores que ceulx d'Enchusen ne sont
» en tout excusables, fis sentent mutinerie et sédition, et
» pour telzsont ténuz etreputés en Hollande et par-de-çà;
5) ores qu'aultrement ce soient bons et hardis maronniers,
» ayans bonnes navires et mieulx équipées, que ceulx de
» leur sorte en ont (1). a Ces prédispositions à la muti-
nerie s'expliquent par leur aversion des Espagnols, tou-
jours fanfarons, bien souventaussi pillards et dévastateurs
lorsqu'ils étaient logés dans les villages. Les Hollandais ,
comme les Flamands, vouaient aux Espagnols une haine
(1) Lettre (lu tîO sept. lobA.
( 854 )
implacable, source d'un grand nombre d'émeutes, et l'une
des causes qui ne contribua pas peu au soulèvement de
nos provinces pendant le XVi'' siècle (1).
Cependant l'Angleterre laissa les pirates écossais en
repos sous prétexte qu'elle ignorait complètement leurs
agissements. Elle ferma les yeux sur toutes leurs dépré-
dations, sachant très-bien que, par suite de sa position,
l'empereur ne pouvait rompre ouvertement avec Edouard Vï
et son conseil. Elle n'ignorait pas que , selon la manière
de voir de Charles-Quint, elle était un épouvantail, dont
il faisait usage en temps et lieu contre les Français:
a L'Angleterre, jointe aux Pays-Bas, disait l'empereur
» dans une lettre adressée à Renard, est redoutée par la
» France (2). » Les Anglais se crurent donc autorisés à
faire, sans la déclarer, une guerre clandestine à nos marins.
En une année, ils prirent plus de soixante et dix de nos
vaisseaux. Un autre motif non moins important engageait
Charles à ménager cette puissance. La constitution physique
d'Edouard VI et le testament de Henri Vlil pouvaient
amener un changement complet dans le gouvernement.
Qu'en savait-on? Peul-èire un jour iMarie Tudor, princesse
sur laquelle l'empereur exerçait une 'grande influence,
(i) Lorsqu'en 1333 l'empereur ordonna de faire passer des Espagnols sur la
flotte, ceux-ci furent envoyés dans lîle de Walchcren. A leur arrivée, un soulève-
menf général eut lieu; les campagnards, rangés en ordre de bataille, se présen-
tèrent devant Middelbourg, dans le but d'attaquer les Espagnols. Il fallut toute la
présence d'esprit de Scepperus pour les apaiser. (Leitrc du 16 octobre loo3,
Arch. de TAud.) Dans une lettre du ti décembre 1353, Renard, ambassadeur
belge à Londres, se plaint à l'empereur de l'inconduite des Espagnols, qui, selon
lui, devraient être plus modestes. (Correspondance manuscrite de l'empereur
avec Granvelle, p. 4o5.)
(2) Lettre du 25 nov. 1553. {Corresp. manuscrite de Charles V avec Gran-
velle, ip AU.)
; 85;) )
saisira-l-clle le scoplre de la Grande-Bretagne (i). Et si
cet événement se réalisait, tonte la poliliqnc anglaise ne
j)onvail-ell(^ pas changer de face du jonr an lendemain?
Au lien d'étie un motif de division entre les deux gouver-
nements, la question religieuse deviendrait peut-être la
hase d'une union étroite, et fusionnerait des intérêts com-
muns.
L'empereur était ohligé, par suite de ces considérations
et pour contre-halancer l'influence française, d'entretenir
des relations avec le gouvernement protestant de la
Grande-Bretagne. Les agissements de l'Angleterre contre
notre marine ne lui tenaient pas tant à cœur pour se
hrouiller avec elle. A son point de vue, l'intérêt privé
devait céder devant l'intérêt politique. « Le nouveau roi,
» disait Charles-Quint en parlant d'Edouard VI, et son
» royaume sont sous ma protection, et j'ai avec eux une
» ligue perpétuelle et héréditaire. »
Malgré ces protestations, les deux gouvernements se
méfiaient l'un de l'autre. Charles n'avait pas oublié les
négociations clandestines entamées avec la France par
Henri Vil t. Le conseil d'Edouard VI se souvenait du traité
de Crépy, du refus fait par l'empereur de sauver Boulogne
et d'aider l'Angleterre dans sa guerre avec l'Ecosse.
Grande fut aussi la méiiance du conseil au sujet de l'in-
fluence exercée par Charles sur Marie Tudor. A Londres,
on s'entretenait publiquement de l'expédition maritime de
Scepperus, dont le but fut singulièrement travesti par les
nouvellistes. Selon les Anglais protestants, il voulait se
rendre auprès de la princesse Marie « avec le secrétaire
(1) De Larrey, Histoire d'Angleterre, t. III, p. 893; Lingard, Histoire d'Angle-
terre, t. VII, pp. 81, lo2. Altnieycr, Revue trim., t. XL.
( 856 )
» Dubois, desguysés en maronniers, pour la tirer et amener
» hors du royaulme d'Engleterre, dont ceulx du conseil
» scroient fort scandalisez et peu satisfaits, et la com-
» mune en est bien travaillée, et que à ceste occasion
» ladite dame seroit mandée en court, où que l'entier
» conseil et plein collège de brief se doit assembler. » A
la réception de cette fausse nouvelle, des soldats furent
envoyés dans tous les havres et ports anglais, afin d'em-
pêcher l'évasion de la princesse. Selon John Lingard, une
flotte fut équipée pour intercepter toute communication
entre la côte de Norfolk et le rivage opposé (1). On allait
même jusqu'à prétendre que la princesse était déjà aux
Pays-Bas. Quelle que fut l'absurdité de ces bruits, ils trou-
vaient partoutcréance. L'ambassadeur français, à Bruxelles,
en parla au président du conseil d'Ktat. Pour toute réponse,
celui-ci demanda au ministre quel avantage rempereur
pouvait tirer de la présence de la princesse dans ses pays.
« A quoy il respondit que les Anglois estoient d'opinion
» que si elle csloit auprès de S. M., qu'elle traicteroit le
» mariage d'entre mon seigneur nostre prince et elle, et
» que après Sadite Majesté vouldroit prétendre qu'elle
D fuse vraye royne d'Angleterre, pourceque le roy présent
î> estoit sismatique et procédant d'un père de mesme
» farine, et descendu de femme non ayant esté espousée
» selon l'ordonnance de l'Église romaine, tellement que
» Sadite Majesté feroit avec ceste couleur la guerre. 11
» adjousta d'avantage avoir entendu de l'ambassadeur
» d'Angleterre résident en cesle cour, que l'on tiendroit
» à l'advenir plus de soing à bien garder ladile princesse
(1) Histoire d'Angleterre, l. c, t. Vil, p. 82.
( 857 )
» (|ne l'on n'avoit l'aict par cy-ilevanl, el (ni'il falloil que
» à la longue elle s'accordast à la nouvelle religion intro-
» (luicle par le roy (I). » Ces confidences, Caites dans le but
d'exciter plus que jamais les mélianccs entre les deux
cours de Londres et de Bruxelles, nVurent pas l'eiret
désiré par l'ambassadeur français.
Le démenti le j)lus formel fut opposé à ces bruits
absurdes, qui ont été admis comme vérités par des écri-
vains modernes, malgré l'absence complète de preuves el
l'invraisemblance du fait (2). Nous n'avons trouvé dans les
correspondances, même les plus intimes concernant la
princesse Marie, rien qui justifie de semblables assertions.
Cbarles n'avait aucun intérêt à appeler près de lui une
princesse, dont la place était marquée en Angleterre. La
prudence lui commandait d'attendre les événements et non
de les précipiter au basard.
A toutes ces rumeurs, à toutes ces alarmes vinrent se
joindre des bruits étranges. L'empereur, disait-on, voulait
faire publier les placards contre les hérétiques à Anvers,
lieu de résidence d'un grand nombre d'Anglais, convertis
à la religion nouvelle, et obligés par conséquent de quitter
leur négoce : « de quoy, ajoute Scbyfve, on dit que depuis
» trois ou quatre jours en ça seroient icy retournez dudit
» Anvers dix huytou vingt navires, chargés de plusieurs
» denrées et marchandises de ce royaume et plusieurs
» marchands anglais y retirez. Et joinctz les points cy
» dessus , on croit que la guerre se doit suyvre, dont cha-
B cun icy est fort perplexe. »
Ces bruits avaient pris une consistance telle que Tam-
Archives de l'Audience, liasse 4".
V. Rapin de Thoyras, Uisioirc d'Annleiem:, t.
( 838 )
bassadeur anglais, près de noire cour, crut devoir en
demander des explications. La gouvernante nia formelle-
ment tous les faits relatifs à la princesse Marie et à Vhé-
résie, et pour montrer combien elle était sincère, la flotte
néerlandaise fut rappelée, au grand contentement des
Anglais (i) et des corsaires surtout. Par cet acte de cour-
toisie, ceux-ci obtenaient champ libre, jamais le gouver-
nement britannique ne leur avait rendu meilleur ser-
vice.
Ensuite l'ambassadeur anglais se plaignit des reproches
continuels, adressés à son gouvernement par Schyfve, au
sujet des pirateries. Constamment il nia les faits articulés
par Schyfve avec une précision pour ainsi dire mathé-
matique ; toujours il répudia la responsabilité de son
gouvernement. Ces dénégations continuelles, répétées à
chaque conférence, finirent par fatiguer la reine. Un jour
elle répondit au ministre anglais qu'elle reconnaissait au
conseil du roi assez de pouvoir pour arrêter ces pirateries
s'il le voulait, « mais qu'elle s'apperçut assez que l'on avoit
» tenu peu de soing à exécuter le placard contre les
D pirates, et que encoires depuis peu de jours avoit esté
» prins par iceulx et menés aux ports d'Angleterre un
» navir de par deçà (2). »
Bientôt les Irlandais se mirent de la partie. Après avoir
pris les îles de Farahil et de Hetland, appartenant à
l'Ecosse, ils s'y installèrent et exercèrent de là des actes
de piraterie contre nos pécheurs (5). L'Angleterre s'excusa,
(4) Lettre de St-Mauricedu 24 juillet looO. ^Arch. de l'Audience, n*» 47.)
(12) Lettre de la reine à Schyfve du 3 août iooO.
(3) Lettre de Scepperus du 80 juillet iooO. (Archives de l'Aud'cnce, liasse 47.)
Farahil aujourd'hui Fair isle, et Hetland, aujourd'hui ZetIand(V. Camdcn, finran-
nia or a geograpliical description ofEncjland. t. III. p. 733).
( S39 )
en disant que les Iilamlais étaient des sauvages, dont elle
ne pouvait se l'aire obéir.
On le voit , les relations, en apparence si bonnes entre
les deux cours, étaient fort tendues. Les affaires des pira-
teries prenaient parfois tontes les allures d'une querelle
religieuse, et celle-ci ne contribua pas peu à envenimer les
relations politiques entre les deux pays.
Edouard VI et son conseil voulaient le triompbe du
protestantisme. Charles-Quint voulait précisément le con-
iraire, en mettant néanmoins une certaine prudence dans
la mise à exécution de ses idées.
A Londres, le gouvernement blâma les édils de proscrip-
tion lancés par l'empereur contre les hérétiques, tandis
qu'il défendait à la princesse Marie, restée fidèle au catholi-
cisme, de l'aire dire la messe dans son bôtel par ses chape-
lains (1). Cet ordre, consé(]uence immédiate des innova-
lions religieuses, fut mal vu par l'empereur. Il donna lieu
à différentes réclamations de sa part (2). A Calais, les
agents anglais forcèrent les matelots belges et particuliè-
rement les habitants de la AVest-Flandre à suivre les
prêches des sectaires (5). A Bruxelles, le gouvernement des
Pays-Bas s'irritait des outrages commis contre le culte
dans l'église de Sainte-Gudule et dans celle de Binche par
des gens au service de l'ambassadeur anglais, et obligés de
suivre à la messe la femme de ce ministre, restée catho-
lique (4). C'étaient, de part et d'autre, des réclamations et
(1) Lettre de Schyfve du 3 août 1550. Elle donne la narration de cet ordre et
des détails intimes sur la conduite de la princesse à ce propos. Ils coraplètent
ceux donnés i)ar Lingard.
(!2) John Lingard, /. c, t. VII, p. 80 et suiv.
(3) Lettre de Schyfve du 2G juillet -looO.
(4) Note du président de S'-Maurice du lo août (?) -looO. Selon cette note,
l'ambassadeur affirmait que, malgré ses idées de protestantisme, il laissait à sa
femme pleine liberté de conscience.
( 840 )
(les récriminations continueiles, ol tout cela à propos de
la piraterie.
Toujours préoccupé des relations de famille établies
entre Charles-Quint et la princesse Marie, le gouverne-
ment anglais tenait en suspicion nos ministres envoyés à
Londres. Ceux-ci n'obtenaient rien en ce qui concerne
leurs réclamations contre les pirates.
L'empereur s'intéressait, en effet, depuis 1557, au sort
de sa cousine (1). CY^tait son droit; c'était un devoir; mais
cet intérêt n'avait rien de compromettant pour le gouver-
nement d'Edouard YL Connaissant très-bien la nature
méridionale de la princesse, sa fierté et sa fermeté de
caractère, il lui conseillait constamment la prudence. Par
l'intermédiaire de la gouvernante des Pays-Bas, il pres-
crivit à Schyfve la règle de conduite que la princesse devait
suivre à l'égard de son frère Edouard Yl et du conseil,
tous imbus des idées de la nouvelle religion. Selon cette
lettre, elle devait obéir au roi son frère, se passer de
messe, s'il le fallait, mais ne rien faire de contraire aux
préceptes de l'ancienne Église ; plutôt mourir que d'y
forfaire(2). Dans ces conseils il n'v avait rien de contraire
(d) Larrey, "lîist. d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, t. III, pp. 893, 780 et
781.
(2) Voici le texte de cette lettre si importante au point de vue de l'iiistoire de
l'Angleterre :
Marie, etc.
Très-chier et bien amé. Geste sera pour vous advenir que, avant nostre parle-
ment d'Augs]mrg, l'empereur mon seigneur nous a ordonné vous escripreet man-
der que , à la première commodité, vous veuillez trouver devers madame la
princesse d'Angleterre, nostre cousine, si avant que bonnement et sans donner
irop mauvaise impression à cculx de delà faire le povcz; sinon que le faites
faire par quelcun léal et secret et auquel vous confyez, pour déclairer et faire
entendre à nostreditc cousine comment S. M, I , ayant entendu la crainte qu'elle
a d'estre à ce prouchain parlement pressée d'accepter la nouvelle religion, et que
( 841 )
aux intérêts d'Edouard VI, ni de la nouvelle religion,
comme le gouvernement le soupçonnait. Toutes les phrases
à ceste fin l'on la mandera en court devers le roy d'Angleterre pour la forcer de
déclairer ce qu'elle en sent, et luy ordonner de obéyrà la déclaration dudit parle-
ment; après que S. M. I., avecq nostre participation, a meuremcnt pézé ce que
nostredite cousine nous en a fait déclairer, vous a commandé et expressément
enchargé de vous trouverdevers elle, et luy dire que, en cas qu3 le S"" roy d'Angle-
terre, non obstant toutes graiieuses excuses qu'elle lui a désia fait faire, la voul-
sist encoires presser venir devers lui, de sorte qu'il luy semblast que, en plus
reffusant ou délayant, il ou ceulx de son conseil tacheroyeut, subz umbre de ce,
lui imputer quelque façon de désobéissance ou peu de respect vers iceluy S"" roy,
il ait semb é à sadite M. I. qu'elle ne se doibt ny peult excuser de soy y trouver,
et que mieulx vault qu'elle y voyse voluntairement, que contrainte, comme il fait
à doubter qu'ilz feroycnt, si elle perséveroit à en faire refTuz.
Et si lors ledit S»" roy ou ses ministres venoyent à luy vouloir ester la messe ,
qu'il luy sera force de le comporter, puisqu'elle n'y sçauroit faire résistence,
estant chose forcée et que ne luy pourra cstre envers Dieu imputée, non luy fai-
sant perdre, comme S. M. ne peult croyre, que jamais elle ne fera la dévocion à
icelle messe, ny auront lesdites violences force ny puissance pour la faire en riens
desmouvoir de la foy. Mais s'ilz la vouloyent contraindre ou à consentir à chose
erronnée ou à communier soubz les deux espèces ou à aultre chose, par où elle
contrevint de son fait propre à chose contraire ou répugnante à l'ancienne reli-
gion, que plutost elle debvroit mourir que de le consentir, et qu'elle treuve moyen,
pour évitant 'tant que faire se pourra) les soupçons, nous faire sçavoir ce que pas-
sera, soit par vostre moyen ou aultrement, regardant en qui elle se fyera et la
personne asseurée que S. M. I. luy fera correspondre; et fera tout ce qui sera pos-
sible pour luy donner assistence vers ledit S"" roy et ceulx de son conseil fuitant
tousiours de faire office, qui ou lieu de luy proufliter, luy peult porter dommaige,
et qu'elle continue de parler et respondre au roy et ceulx de son conseil modes-
tement, usant de termes qui les pourront mouvoir, à luy tenir respect comme à
seigneur et roy, et les requérant qu'ilz la laissent es mêmes termes, comme elles
estoit au trespas de feu roy son père, du moins jusques venant ledit S' roy en
plus grand eaige; que lors elle espère il la respectera comnje humble et obeys-
sante servante, et ne la forcera en chose qui la peult mettre hors de repoz de sa
conscience. Etfinablement direz à nostredite cousine que la response, qu'elle a
faite sur ce qu'on l'a interroguyé quelle intelligence elle povoit tenir avec vous,
est impertinente, et si l'on tumbast aux mesmes termes qu'elle vole continuer.
Au surplus, si vous voyez que l'on la voulsist forcer ou contraindre de faire
chose quelconque contre la foy, en ce cas vous requérons et, par charge expresse
de S. M. I., ordonnons que, en qualité et comme son ambassadeur, vous regardez
de y entrevenir et faire les mesmes remonstrances que vostre prédécesseur Vander
Î2™^ SKIilK, TOMi: \L. 54
[ 812 )
do celle dépêche recommandent l'obéissance au roi et la
résignation.
Ces ditTicullés, ces soupçons et ces reproches n'étaient
pas propics à calmer l'irritation des deux gouvernements,
ni à arréler le mauvais vouloir des Anglais contre notre
marine.
Cependant au milieu de ces débals, différentes tenla-
lives avaient été faites dans le but de couper court aux
piraleries, et spécialement en 154-9 (J).
Enfin pressé par ses propres sujets, Henri H, roi de
France, fut obligé de faire cesser les mesures iniques
qu'il avait prises contre le commerce. A cet effet il envoya,
en I5o0, aux Pays-Bas des commissaires chargés de ter-
miner tous les différends à ce sujet (2). Dès ce moment la
Franco n'avait plus d'intérêt à exciter les Écossais au pil-
lage de nos vaisseaux. Dès ce moment aussi la possibilité
d'une en lente avec l'Ecosse devenait probable. Ce royaume
s'était épuisé inutilement, et le gouvernement des Pays-
Bas voyait à regret les États refuser les subsides pour
Oilfi, par charge de S. M., a autresfois faites en cest endroit, et dont des lettres,
qui en sontcsté escriptes, supposons que vous avez le double. Et userez en ceci de
toute dou'ccur et modestie, avec tous bons et convenables nioiens et persuasions
que trouverez servir pour favoriser et assister nostredite cousine et la préserver
de force ou violence, si avant que faire le pourrez. Le tout au nom et par charge
de sadite ]M. I., y faisant le bon office, selon l'entière et parfaite confyancc que y
a\onsen vous; si de ce que en succcdra et pourrez sçavoir et entendre delà
conduite de ceulx de delà à l'endroit de nostredite cousine, nous veuller par
lettres particulières advenir de temps à aultre avecq la mesme dilligence et le
plus souvent que possible vous sera. A tant, etc.
De Bruxelles, le xiiiJ« d'octobre looO.
A Tambassadeur Schyfve.
(1) Henné, Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, t. VIII, p. 348.
(2) Du Mont. /. c. t. IV, Z' part. p. î.
i 81.-) )
continuer la guerre. Chaque province el pour ainsi dire
chaque ville mariliinc innporlanle s'armait pour son pro-
pre compte, sans aucune unilé d'action. Finalement le roi
de France écrivit (15 juillet 15150) à Marie de Hongrie
qu'il avait appris, par son amhassadeur de Bassefonlaine,
le désir exprimé par elle de terminer les différends entre
l'empereur et l'Ecosse. D'après celte lettre, le roi de
France voulait d'abord commencer par faire cesser les
hostilités en autoiisant son ambassadeur à traiter cette
alfaire au nom du gouvernement écossais, lequel promet-
tait de ratifier tout ce que le roi déciderait. Cette propo-
sition ne fut pas acceptée. Il semble, disait le conseil
d'État à la gouvernante, que mieux vaudrait suspendre
la trêve jusqu'à l'anivée très-prochaine des ambassadeurs
écossais; on pourrait alors s'entendre avec eux, après avoir
examiné leurs pouvoirs. Néanmoins si le roi persistait, la
gouvernante devait demander avant tout à connaître la
base sur laquelle il voudrait traiter de la trêve, et à quelles
conditions. Le conseil d'État trouva encore bon nombre
d'autres objections à opposer à la signature de la trêve.
De sorte que les bonnes dispositions, exprimées de part et
d'autre, ne produisirent aucun effet. Toute négociation
aurait été Irès-probablenienl abandonnée, lorsqu'un évé-
nement de peu d'importance vint à l'improviste aplanir les
difficultés.
La reine douairière d'Ecosse s'était proposé d'aller
voir sa fille en Fiance. A cet effet Henri H voulait lui en-
voyer une flotte destinée à Tescorler. Redoutant la har-
diesse de nos marins, le roi désirait, à tout prix, éviter
une attaque dirigée contre la reine d'Ecosse pendant la
traversée. 11 demanda en conséquence un sauf-conduit en
sa faveur. La gouvernante ne pouvait refuser ce que l'An-
( 814 )
gleterre accordait elle-même (1). Sans hésiter elle permit à
la reine douairière (51 juillet 1550) de descendre aux
Pays-Bas, en se faisant accompagner d'un nombre raison-
nable de navires, si la nécessité s'en faisait sentir en cas
de tempête ou par suite de force majeure. Plus tard cette
sauvegarde fut prolongée à la demande de l'ambassadeur
français (2).
Ces procédés si généreux aplanirent entièrement la voie
aux négociations. Un ambassadeur, envoyé par la reine
d'Ecosse, arriva (en octobre) aux Pays-Bas (5). Les confé-
rences ouvertes à Binche présentaient des difficultés telles
qu'elles furent brusquement interrompues (4). Plus tard
[i) Teulet, /. c, p. 239.
(2) Lettre de la gouvernante du 9 sept. i5o0. (Archives de l'Audience.)
(3) L'empereur avait nommé à litre de négociateurs, le 23 août 1550 : Adrien
de Croy, comte du Rœulx, Louis de Flandre, seigneur de Praet, Charles de
Lalaing, Charles, seigneur de Berlaymont, Jean de S'-Maurice et Viglius de
Zuichem. [Négociations d'Angleterre, t. II, p. ISi.)
(4) Lettre de la reine au sire de Bevere, dont le texte suit:
Mon cousin, pour ce que en la dernière communication tenue cejourd'huy avec
l'ambassadeur d'Escosse sur les moyens de la paix se sont trouvées telles difficul-
tez, tant à l'endroit du point des déprédations faites contre les subjcctz de par-
deça que aultrement, que ladite paix est trouvée en rompture, sans que de nostre
coustel l'ayons peu accepter, voyant mesmes le peu de volonté que ceulx d'Escosse
démonstrcnt de faire la justice auxdits subjectz depardeçade si grands domma-
ges et i.illcryes qu'ils ont faites sur iceulx avecq si grande tirannye et contre
leurs propres saulfconduitz, comme est notoire à chacun. De sorte que tenons la
justice et juste querelle de nostre coustel. Je yous ay de ce et dessus bien
voulu advenir, atfin que incontinent le signalez à ceulx des villes maritimes de
Flandre, Hollande, Zellande et aullres hantant la mer, à ce que chacun soit sur
sa garde et pourvoye à rencontre des incursions desdits Escossois, selon que
convient. A tant , etc.
Au S' de Bevere.
Le 8 décembre 1550 de Binch.
(Arch. de l'Audience. 48.)
[ 8-15 }
elles furent reprises; enfin le traité fut signé (15 décem-
bre 1550) (I).
Cet acte termina toutes les difficultés avec l'Ecosse et
mit momentanément (in à une guerre maritime désas-
treuse, qui avait duré, selon la reine de Hongrie, pendant
quatorze ans et même plus longtemps d'après la lettre de
Jacques V, citée plus haut. Le dernier attentat commis par
les Écossais contre notre marine marchande date du 20 dé-
cembre.
Par suite d'une mauvaise interprétation des lois mari-
times les croiseurs arrêtaient tout vaisseau appartenant à
un pays ami et se rendant dans celui de l'ennemi, ou ve-
nant de là. C'était le point d'achoppement que les gouver-
nements rencontraient dans la mise à exécution des règles
prescrites aux corsaires. C'est ainsi qu'en sortant de Nieu-
porl, vers le 22 septembre i5o3, le navire de Jean de
Sotringam, accompagné de soixante barques écossaises,
fut attaqué par les Flamands et essuya une vive canonnade.
Tout son équipage fut blessé et la cargaison pillée ou jetée
à la mer. Pareille violence, disait la reine d'Ecosse en ré-
clamant auprès de la gouvernante, était sans doute faite à
son insu. C'est probable. En tous cas le gouvernement se
prêta à des transactions lorsqu'il s'agissait de faits sem-
blables (2).
ni. — Pirateries de la France.
A peine la sécurité du commerce maritime fut-elle réta-
blie en vertu du traité de Binche, que Henri H, roi de
(1) Du Mont./, c, p. 11.
(2) Aimnlea delà Société d' Émulation, l. c, p. 87.S.
Krance, recommença plus Tort que jamais la piraterie pour
son propre compte. Sans motifs connus, sans déclaration
préalable, il fil arrêter nos vaisseaux marchands, les pilla,
se les appropria sans façon aucune et en fil vendre publi-
quement les cargaisons dans les ports français. C'étaient les
préambules des hostilités qu'il méditait sans motifs avoués.
C'étaient les précurseurs d'une déclaration de guerre, et
les résultats de l'alliance du roi très-chrétien avec les
Turcs et les protestants d'Allemagne.
Cette manière d'agir révolta les habitants des Pays-Bas
au suprême degré. Nos matelots se voyaient assaillis en
pleine paix d'une manière à la fois traîtresse et déloyale.
Craignant le courage fongueux de nos marins, les Fran-
çais employèrent la ruse et la perfidie pour les attaquer.
Lorsque leur Hotte avait en vue un convoi de navires mar-
chands des Pays-Bas, elle tachait de s'en approcher le plus
près possible. Puis elle leur intimait l'ordre de baisser les
voiles, sous prétexte de saluer la présence, sur un des bâ-
timents français, ou de la reine d'Ecosse, ou du roi de
France ou de son amiral. Parfois ils les engageaient à tirer
le canon en signe de salut, auquel ils répondaient par des
boulets.
Sans se douter d'uiîc trahison semblable, les matelots
néerlandais exécutaient les formalités requises. Dès ce
moment, ils étaient perdus. La Hotte française entourait
nos navires, impuissants par suite de la baisse des voiles de
pouvoir manœuvrer, se défendre ou se sauver; elle leur
commandait de se rendre, sinon ils étaient incendiés ou
coulés bas, sans merci, comme sans pitié.
Pendant les mois d'août et de septembre 1551, ces
moyens furent employés avec grand succès sur les côtes
d'Espagne, de France et d'Angleterre. Une chronique
r 8i7 )
/laniîindc et k's corirspoFidaiiccs oihciclles mcnlionnenl
plusieurs rencontres de ce genre (1).
I! est inutile, croyons-nous, de rapporter iei ces scènes
horribles qui se ressemblent toutes. Un de ces épisodes
reproduit en note et raconté par un témoin oculaire, donne
une idée de ces pillages, pendant lesquels la faiblesse du
sexe n'était pas même respectée (2).
(1) Voici conmicnt la gouvernanle des Pays-Bas relate une de ces rencnntres
dans une lettre datée du 9 septembi-e lool : Le Polin. capitaine des navires de
guerre de France, ayant puis naguères prins en mer les navires et marchandises
des subjeciz de l'ompercur navigansvers l'Espaigne, a par finesse mandé par une
jachte à l'une des principales navires de deçà, que la royne d'Escosse passoit en
l'une de celles armées de France, et que l'on feroit bien de, en passant, la saluer
et descharger toute l'artillerie sans boulklz, ceque procédant de bonne foy, i!/
feirent. Et au contraire leditPoulin fit descharger toute la sienne avecq les bouHrf/
et surprint par cette finesse lesdites navires. (Arch. de l'Aud., liasse 54.)
(2) Seigneur,
Je pensoys bien, après mon département d'Anvers, de ne escripre aultre chose
à vous que mon arrivement en bonne heure à Lisbonne. Ceque, selon me semble,
n'a i)leu à Dieu. La présente ne sera sinon pour vous advertir de ma détenue icy.
Je sçay pour vray que, quant la présente recevrez, en aurez là des nouvelles,
assavoir que le xx" jour du mois passé, à une lieue de Falamule, avons esté prins
de unze galeons du roy de France, esquippez à la guerre. Et à l'heure que fusmes
prins, esticmes quatre hulcques ensemble, sgavoir: la hulcque de Frans Janssonc,
quialloit au port de Litsbonne, et une hurgnette qui alloit à Canarie. et aultre qui
venoit chargée de mastes de Noorweghe, et nostre hulcque de Aem Diericqx,
ayans devant prins aultres quinze hulcques de la flote qui estoit parti avecq nous
de Raume, en laquelle flote turent deux vers Laredo , deux vers Valence et deux
ou trois qui alloient vers Calis et la reste à Broaige pour sel. Et icelles navires et
les nostres ont ils prins avec trois et trois et quatre et quatre ensemble avecques
une cannelé, disant que en icelle armée de France venoit la royne d'Escosse et
l'admirai de France qui la conduisoit. nous requirans vouloir amainer les voilles
quant i!z debvoient passer. Elles maistres de navires ne pensant en aucnne trahi-
son ont amainé. Et pendant nous ont environné, et nous disoient que nous nous
rendismes ou nous tireroyent au fond. Et à ceste force de le faire pourceque nous
n'esliemes que quatre hulcques ensemble et point bien pourveues pour combati-e.
Et aprèsquenousfusmesrenduz,ont ammené le maislreetle pilot devant l'amiral,
qui est un grand seigneur en France, et aussi aux maronniers. Et sont entrés ma-
( 848 )
Bien souvent nos navires se rendirent, bien souvent
nussi ils essayèrent une résistance désespérée, mais inutile
contre des ennemis dix fois plus forts qu'eux. Pendant une
ronniers de France au lieu de maistres. Et semblablement avoient faict avecq les
autres navires qui va estoient prias. Et les ont treslous mis en prison et aussi à
Jacques et à Anlhonio Pères, et à Garcia et à moy, et nous avoient détenu aupara-
vant deux jours en une navir de guerre. Et Tilman demeuroit en la liulcque avecq
les femmes, lesquelles estoient malades de la mer. Et si bien à nous comme au
Tilleman et aux femmes nous ontdesrobé tout ce que nous avions. Et nous ontchar-
ché les habillements jusques à la chemise, pour voir si nous n'avesmes argent. Et
nous ont prins ce que aviesmes. Après venans ensemble vers la havere, neuf onl prins
une autre hulcque qui venoit de Broaige, chargée de sel. De sorte que toutes les hulc-
ques qui sont prins sont en tout vingt, savoir: ceux de Lisbonne Frans Janssone et
Acm Dicricqz; et autres deux qui alloient bien à la voille ont échappé, et la nostre,
qui avoit famé de faire bonne voille. 11 me semble qu'il a pleut à Dieu qu'elle
tardoit plus que tous les autres. A ceste cause celles de la compagnie nous ont
délaissé. Et se sont arrivez devant nous plus de vingt lieues là où ilz ont rencontré
à ceste armée de France. Et pourccqu'ilz estoient en grant nombre, les ont délaissé
sans riens faire, et ont prins les derniers. Et nous ont amené icy le jour de
S'-Barihelemy. Et sommes menez en terre. Et en yssant la navire ont prins nos
cappes et tout ceque nous aviesmes, si non tant seulement nous ont lai.ssé les abil-
Icmcns que aviesmes vestus- Et nous ont amené prisonniers devant l'admirai,
qui nous a prins, qui nous commandoit donner une hostellcrie, là où nous tous
ensemble avons esté six jours, là où Anthonio Percz et les femmes sont devenuz
malades des fiebvres et ont .esté fort malades. Je les ay assisté en tout ceque m'a
esté possib'e. Et à tous les maistres, escripvains et maronniers et passagers fla-
mens ont pris et mis en une tour et ne sçavons pourquoy. Après, sçavoir sept jours
que Icsdits unze galeons de France retournoient à la mer, sont retournez hier,
en ammenant autres douze hulcques prisonniers, entre lesquelz sont Jan Jaques
ei Cornélis Fions, qui viennent de Lisbonne, avecque spacrie et beaucoup
aljouffne et autres deux on trois hulcques de S'-Lucas et Cales et autres de
sel, et quatre ou cincq cstrelins. auxquelz Estreîins ont délaissé après avoir des-
chargez les bien qu'ilz avoient appertenans à aultres gens. Lesdites deux hulcques
de Lysbonne et autre de Cadiz ont combattu avecq eulx, et ont tué quinze ou
vingt personnes et ont blessé plusieurs autres personnes, et des Flamens ont esté
tuez aussi beaucoups et toute la reste blessez. Et jamais ne se eurent rendus s'ilz
n'avoient point mis le feu es navires pour les faire brusier, et de telle sorte se
sont rcnduz Des hulcques de Lisbonne ont [)rins tout l'argent qu'ilz emmenoient .
si bien aux maistres comme aussi à trois ou quatre viaenezcs [a] qui emmenoient
(a) Citadins de Portugal, habitués à acheter aux Pays-Bas des marchandises au
comptant.
( 849 )
i\c ces allaqiics brulalt\s cl sournoises, deux navires hollan-
dais se défendirent durant une journée cnlièrc avec un
héroïsme indomptable, tuant et détruisant tout ce qui les
grant quaniité d'argent. Et après l'avoir priiis ont tue deux d'icculx Et c'est uno
pitié grande à vooir si bien auxFlamens, comme les passagiers vcnuz es hulcqucs.
nudz et blessc^z que on Turquie, ne en pays infidèlz ne dcbvroit passer chose sem-
blable. 11 fault avoir paccicnce et aclendre l'ordre du roy. 11 plaise à Dieu qu'il
v'iengne en brief et bonment, comme le désirons trcstous. A tous les maronniers
des hulcqucs derniers ont donné licence pour enaller. Et se sont trestous enallés.
Les maistrcs et escripvains sont prisonniers en une tour. Touclianl les niarchan-
dises de tous Icsdites huicques on pense qu'on ne rendra nulle chose, pourcequc
plus que la moitié y a esté desrobbé ; et ce qu'on trouve s'est mis par commande-
ment du roy en pachus [b). On veult dire que l'empereur a esté cause de toutcecy.
pourcequ'oii dit que ses gens en Pietmont ont prins jiluiseurs argent et tué grand
nombre de gens, lesquelz le roy de France envoyoit à Parma. Et cecy dist-on estre
la cause. Il me semble que sans double aurons la guerre. Et ceulx de ce pays le dé-
sirent (n grande manière pour la grande assistence qu'ilz ont, assavoir avecq le
Turcq, àcui font grand honneur et leaymentfort.Tellementque lesTurcqz en leurs
navirs ont leurs bannières avecq celles de France, et aussi pareillement les Fran-
çois en leurs églises celles des Turques. Aussi dit-on qu'il a alliance avecq le roy
d'Angleterre et d'Escosse et avecq ceulx de Dennemarcques et d'Oislande et avec-
ques aucuns seigneurs d'Allemaigne et avecq les principaulx seigneurs d'Italie.
Et c'est une chose terrible et de merveille le mal qu'ilz vueillcnt à l'empereur
età tous les siens. Dieu aydera l'empereur comme a faict jusques astheure. Je
me suis passé jusques astheure en disant que je suis portugalois. II me semble
que ce a esté le meilleur, combien que toutes fuis est grant le mal qu'ilz veullenl
et monstrent aux Portugalois. Dieu nous envoyera le rem:de que nous désirons.
De la hulcque de Cornélis Floris est apporté à l'amiral grande quantité d'ar-
gent, si bien en or, comme en argent. Et tous les jours on y trouve plus dedens le
seel et entre les sacqz. De tout ceque dist est me semble que vous autres deb-
vrez cesser de faire ammener nulles marchandises d'Espaigne, pourceque ces
navires d'armées et aultres qui nouvellement sont faites et de nouveau se appa-
reillent disent qu'ilz actcnderont en le canal tous les navires qui viendront
vers ce pays; et veu aussi qu'ilz ont assistence des Englois ne les enchault s'il
soit hiner ou leste, pour ce que tousiours arresteront là. Et ceci povez dire à
tous les frères là, et ceulx qui actendent fruict et autres marchandises de la
vendenche et autres marchandises l'cscripvant par terre à Espaigne. Et quant
aux marchandises que envoyerezde là, ferez ce que bon vous semblera, ponrcequt?
(6) Entrepôt.
V 850 )
entourait. Ils ne se rendirent que lorsque les Français
furent parvenus à les incendier.
Averti de ces pillages et surexcité par les relations de
ces attaques perfldes, le gouvernement des Pays-Bas fit
des réclamations auprès de l'ambassadeur français rési-
dant à Bruxelles. Il lui demandait compte de la conduite
déloyale de ses compaîriotes. Après plusieurs conmiunica-
tions verbales, pendant lesquelles de Bassefonlaine protestait
des bonnes intentions du roi, son maître, il finit par décla-
rer (2 sep. iSol), que depuis 17 jours il n'avait plus reçu
de lellres, malgré des réclamations réitérées (1). Enfin,
Henri II donna signe de vie. Il trouvait, disait-il, la nou-
velle de ces atîaques fort étrange. Si elle éiait vraie, tout
s'était passé à son insu ; des explications seront demandées
à l'amiral, qui est obligé de mettre en liberté les navires
arrêtés. C'était, un leurre auquel le gouvernement des
Pays-Bas eut la faiblesse de croire un instant, malgré de
nombreux avertissements et en dépit des nouvelles mari-
times communiquées par Scepperus. D'après ces renseigne-
ments, les officiers de la marine française déclaraient bau-
tement que le roi leur avait donné des lettres de marque;
qu'ils se rendraient, comme ils le firent en effet, dans les
cestuy roy est fort puissant sur la mer, pourccque en ceste havre ayt, avecq icelles
qui sont sorliz passé deux jours, vingt et cinq ou trente galéons d'arnities, qui
tirent six pièces d'artillerie de bronse par chacun costé et tous prez de leane, et
chacun a trois cens et quatre cens hommes de guerre arcabusiers. Et en Diepée.
dit-on, qu'il y a les plus beaux galeons en monde. De tout cequc dibt est pourez
faire ce que vous plaira et de tout aviser à vous les amis et seigneurs de pardelà,
ausquelz me recommande.
Translaté de certaine lettre missive escripte en Havre de Grâce du xtu" {sic)
de septembre (lool). Dirigée à Loys de Seville, marchant espaignart , escript par
son serviteur illecq tenu.
'1) Archives de l'Audieuce, liasse 54.
( 831 )
poris de la Graïulo-IîiTtngnc, el de là, aidés par les An-
glais, ils iraient coniir sus à lous nos vaisseaux (1).
Au lieu d'armer immédiatement la (lotie, la reine écrivit
à Londres nour eniiager le gouvernement britannique à
surveiller les flibustiers oci'upés à dévaliser nos vaisseaux
sur les eùles d' Angleterre. Puis elle se demandait s'il y
avait ou non guerre avec la France, et comiïient il fallait
s y prendre. Cependant, jamais'occasion plus favorable ne
s'était présentée pour porter un coup fatal à la marine
française. Slrozzi, le vaillant Florentin, commandant de la
flotte française, était loin des vaisseaux qui croisaient dans
la mer du Nord. Menacé par les sbires du connétable de
Montmorency, il dut abandonner le parti de la France pour
sauver sa vie. Sa retraite, dit très-bien Sismonde de Sis-
mondi, avait mis lin aux exploits de la flotte française (2).
La gouvernante des Pays-Bas, femme adroite mais
d'une prudence excessive, se contentait de faire dans ses
lettres des récriminations conire la mauvaise foi des Fran-
çais.Dans une de ses missives, écrites au comte de Rœulx,
à propos dune sauvegarde accordée par les Français aux
villes maritimes de Flandre, elle disait : « les François, quel-
» que traiclé, asseurance ou promesse qu'on ayt avec eulx,
» n'observent riens; ains trompent quant ilz asseurent ,
» comme leurs actes ont puis nagaires bien tesmoigné; et
» fait à craindre qu'ilz mectent en avant cesîe seurelé pour
» tant mieulx surprendre ceulx de Flandre, quant ilz ver-
» ront leurapoinl et penseroient estre bienasseurez (5). »
La reine se laissait aller volontiers à des déclamations
(1) Lettre du 11 sept. looi. (ArcJiives de l'Audience, ibid.)
(2) Hist. des Français, t. Xll, p.20o.
(3) Lettre du 29 octobre -Inol. (Archives de l'Audience, liasse oS.)
( 85i )
somblnbles clans ses correspondances parliculières. Quand
ii fallait agir au grand jour, elle y mettait plus de circon-
spection. Dans le but de ménager la France, elle poussait
la prudence au point d'engager clandestinement les parti-
culiers à s'armer en corsaires, et à attaquer les vaisseaux
marebands de l'ennemi (1). De cette manière elle espérait
pouvoir mettre à couvert sa responsabilité en cas de récla-
mations et dérouter les Français. Le contraire eut lieu.
Encouragés par l'inertie apparente du gouvernement néer-
landais et par ses actes de prudence, qui ressemblaient
singulièrement à de l'impuissance, les Français armèrent
publiquement leurs floltes. Jamais ils ne cessèrent de har-
celer noire marine marcbande. De son côté, l'amiral belge
ne parvint pas même à équiper notre flotte, faute d'hom-
mes. Rien n'était prêt au moment de Faction. II fallait
attendre lorsque l'ennemi agissait avec vigueur. Le défaut
de fonds ne contribua pas peu à augmenter la perplexité de
la gouvernante. Et lorsque l'Espagne lui olTril les sommes
nécessaires pour armer 40 à 50 vaisseaux de guerre desti-
nés à purger la mer des forbans qui l'infestaient, elle eut
la faiblesse de les refuser, conformément aux conseils don-
nés par Scepperus, toujours peu disposé à l'aclion et grand
partisan du vieux système de se tenir sur la défensive (2).
Enfin, lorsque la flotte était prête, elle reçut l'ordre
de convoyer nos vaisseaux marchands et pécheurs, selon
la vieille routine (5), comme si l'ennemi se présentait au
(1) De S* -Gcno'is, Missions diplomatiques de Scepperus , p. 96. fDans les
Mlémoires de l'Académie^ t. 39.)
(2) Archives de l'Audience , n» So.
(3) V, les propositions, faites en septembre dool. à la ville d'Anvers par la gou-
vernante. Ces propositions tendaient à faire payer par l'Ëtat le tiers des frais
d'armement des navires de guerre destinés à convoyer les vaisseaux sortis de ce
port (Ms. 17,260 de la Bibliothèque royale de Bruxelles.)
( 855 )
nionieut de la réunion de nos forces navales pour les atta-
quer et voler nos vaisseaux marchands, comme si fexpé-
rience n'avait pas dcmoniré à l'évidence que les Français
agissaient seulement par surprise, frappaient en temps op-
portun, sans accompagner leurs navigateurs et sans se
préoccuper de leur défense.
Nos bâtiments de guerre pouvaient, par suite de cette
négligence, s'emparer sur les côtes de la France d'un assez
bon nombre de vaisseaux marchands appartenant à ce
pays (I). Un de nos marins alla plus loin encore. Adrien
Crol, d'Er)khuizen s'empara, en 1555, près des côtes de
la Normandie, de l'ile de Sark, ou Serk, ou Gers, soumise
à la domination française (2).
{i) Ribier, Lettres et uiémuires d'État, t. II, p, 372; Van Bruyssel, Hist. du com-
merce, t. m. pp. 84, 08; Annales de la Société d'Émulation, l. c, p. 374.
[% Nous donnons ici les extraits de deux lettres très-intéressantes pour l'his-
toire de cette île, et contenant des renseignements que nous avons cherchés en
vain dans les ouvrages anglais. V. pour l'histoire de cette île, qui passa sous la
domination des Anglais pendant le règne d'Elisabeth, Lewis. Dictionary of En-
gland, t. II, p. 278 et Camden, Britannia, t. III, p. 7SI.
Madame,
J'ay le xxiiu'' de ce mois receu les lettres de Vostre Majesté du xviiil-, par les-
quelles icelle m'advertist de la prinse de l'isle de Sercq, faite par Adrien Crol
d'Enchusen, en la sorte et manière que j'ay veu par l'extrait des lettres de mess»"»
les ambassadeurs de l'empereur en Angleterre, contenant bien particulièrement l'as-
siette, qualité et importance de ladite ysle et mesmes les forts. Sur quoy plaise à
V. M. bénignement entendre, que, du temps de ma jeunesse et que j'ay hanté le
pays de Normandie et quelquesfois la mer là entour, ladite ysle de Sercq, comme
deshabitée et dépeuplée de gens, n'estoit d'aucun renom, famé ne estime, non
plus que aprésent est l'isle de Orme (aujourd'hui Herme ) appartenant aux
Anglois, assise entre Garnisey (aujourd'hui Guernesey) et ledit Sercq, sur
le nord dudit Garnisey et zuyd dudit Sercq. Et parainsy n'en ay point oij
parler, si non depuis l'an XV^XLV que lors les Anglois (comme réfusans
accepter la paix faite à Crepy en Valois entre l'empereur et le feu roy de
France), demourans en guerre contre les François, furent d'iceulx anvahi/.
en l'isle de Garnisey par le S'' d'Hennebault avec une grosse armée de
( su
Celle conquête fut immédiatement abandonnée; Adrien
Croî dut se contenter de démolir les foriificalions élevées
mer, consistant en plusieurs navires de guerre, et aussy en galères, tlesqueles
avoient charge Pierre et Lyon Strozzi, Paulin, baron de la Garde, cuydans
lesdits Fran(.'ois légièrement emporter ladite ysle et colles de Jczé (Jerssc) et
Orney. En quoi ilz furent frustrez. Et comme en assaillant ledit Garnisey estant
une des galères principales tellement atournée des coups d'aitil'erye desdits
Anglois. qu'elle ne se sçauroit soustenir sur l'eaue et deux des autres galères
l'eussent attachée et pourvcue aucunement pour la mener en France, lesdits
François ne la sachant conduire plus avani que jusques ladite ysle de Scrcq. lors
déserte, veullans aucunement courir le deshonneur qu'ils avoient roceu en assail-
lant ledit Garnisey, trouvant ledit Sercq de bonne et forte assiete et propice pour
porter dommaige aux Anglois, y firent quelque blochuys eî y laissarent aucuns
compaignons avec l'artillerrye de ladite galère. Et depuis firent raport audit feu roy
de l'opportudité de ladite ysle, telement qu'il y envoya gens et y fist faire les
forts présentement y estans. Au moien de quoy vient à primes en cognoissance
des gens. Et en ont eu les Anglois desdifes yles de Garnisey, Gezé et Orney à
souffrir; mais ne l'ont sceureconquerre, à cause de quoy, et que je n'avoye dicelie
nulle certaine cognoissance. Oblemperans aux lettres de V. M., j'ay fait venir
devers moy divers maistres des navires et capitaines de ceste ville, comme ceulx
qui plus fréquentent ladite coste et ysles que nulz autres. Et ne trenve que ung
vieillard nommé Pieter Jacobssoon Biock, eaigé de LXVJ ans, et un Anglois.
nommé Piobert Wiileby. lesquelz ont esté en hault de ladite ysle, avant toutefois
qu'elle fut occupée des François. Et parlent d'icellc assez conformément à ce
qu'cscrivent mesdits seigneurs les ambassadeurs, sauf qu'dz ne sçaivcnt à parler
du molin d'eaue ne aussy des forts, comme non y aians esté en leur temps. Autres
capitaines aventuriers, comme Robert Schotman, Schoonen Dieric, Hans Kuychel
et Cornelis Cuypper et autres disent souvent avoir esté sur les rades de ladite
ysle, et qu'elle est terriblement haulte et d'horrible regard, sans y estre montez en
hault. Mais que à leur advis le lieu est fort propice pour porter dommaige aux Fran-
çois, empescher et enîerrompre la navigation de Brouaigc, la Piochclle et Cordeaux
vers la Basse- lîretaigne et Normandie. Ce que tous afferment unanimement. Et
est chose toute notoire que les navirs veuilans faire ladite routle, s'ilz ne veul-
lent touppieret se mettre à la haulte mer jusques au canal entre L'xentSarlinges,
sont contraintes passer par certain canal nommé La Ferrière, prenans leur cours
entre ledit Scrcq et Jerzé, ou ledit Sercq et Garnisey près de Orme, afin d'éviter
les roches nommez en nostre vulgaire Le Kiscas et en espaignol Casquete.
Disent aussy que dudit Sercq l'on peult veoir passer toutes lesditcs navires et
leur endominaiger, selon la force que le capitaine commis audit Sercq ou autres
peuvent avoir.
Estre véritable qu'il n'y a nul port, mais bien une creque ou raisseau descen-
( sm )
pjir les Français dans celle île, et de jeter en mer loul ce
qu'il ne pouvait emporter (1). La limidiJé du gouverne-
danl entre les roches; laquelle croque ou ruisseau l'on pourroit approprier ol
élargir avec le temps , en y faisant une mole de pierres, dont illec y a grande
abondance, et ce pour tenir une paire de jaclites ou navires de rymes, allans peu
profond, comme sont celles dont s'est servy ledit Adrien Crol, et que pour autres
navires y a bonne rade contre tous vents à l'enlour de ladile ysle, comme dessus.
Et au pis aller se pourroient Icsdites navires saulver à f.arnisey. distant, d'illec
lieue et demye de Flandres, ou à Gerzé, distant quatre lieues vers l'oost-noord-
oost. et plus près de la cosle de France, ou à Orney, gisant du costé dudil Jerzé
vers le nord environ deux lieues, en cas qu'ils ne sceussent gaigner les rades dudit
Garnisey.
Disent pareillement que la marée est iîlec bien haulte. De sorte que une navire
surgeant sur neuf braches se treuve à la basse eaue sur le secq; mais que le
fons desdites rades est sablonneux et pourtant moins dangereux.
Déposent aussy lesdits capitaines Robert Schotsman et Schoonen Dieric, que
depuis ceste guerre entre l'empereur et le roy de France, les Angiois de Garnisey
leur ont respectivement volu persuader qu'ilz deussent essayer d'occuper ladite
ysle de Sercq; mais comme lesdits Schoonen Dieric, par faulte d'ung pilote an-
glais, perdist son navir soubz l'isle d'Orney, ledit Robert ne se Irouvoit conseillé
de l'emprendre seul.
Quant à la grandeur de ladite ysle, ilz ne la S(;avent bonnement dire, comme
non y ayant pris tel regard; mais de la fertilité disent qu'il y a force conins , et
que du temps dudit Pieter Jacobssoon Block y avait force bestial saulvaige, et ce,
conforment tous , que le lieu est de grant respect comme dessus.
Mais pour respondre à ce que V. M. m'ordonne l'advertir du proufBt que l'em
pereur faisant garder ladite ysle en pourroit tyrer, je ne voy point que pour le
commencement il y sgauroit faire aucun pronffii, jusques à tant que l'ysle seroit
peuplée de gens et les champs cultivez et semez. Ains au contraire fauldra que
S. M. porte la despcnce et y souslicgne quelque nombre de gens et pour le moins
de iiiJ^» à cent hommes pour faire le guet et défendre les forts.
Ladite isle ne peult aussy servir pour les navires marchandes de ce pays,
parceque iceiles ne chercent ce chemin comme trop dangereux, si ce n'est qu'ilz
soient desvoyez par faulte et négligence des pilotes, comme est advenu au capi-
taine Meckere l'année passée en la fin d'octobre, estant desroutté de la flofe d'Es-
paigne avec une grande navire, que se povoit reputer pour miracle qu'il vint à
saulvement; mais seulement peult servir de rcmpare ou refuge aux navires de
guerre de S. M. I. ou de ses subjectz pour porter dommaige à tous passans par
ladite Perrière et Rasblanchart, et tenir en crainte les costesde Seribourg, de la
"Haghe (que es cartes navigatoires s'apelle cabo dellago], de Aurances et aussy du
1) Lettre de Scepperusdu 2 nov ioo3.
( 856 )
ment belge, nous dirons même sa pusillanimité, l'empêcha
de faire ce que fit plus tard le gouvernement britannique.
Bretaigne, en tant que les François n'ont de ce costé moien ne ports pour tenir
aucunes navires ordinaires, et ne pevent empescher le passaige des nostres. Et
parceque dessus peult apparoir le respect , prouffit et apparence de service que
S.*M. en sçauroit tyrer.
Et quant à ce que Yostre Majesté m'ordonne dire mon advis sur la disposition
de cestuy affaire, il me semble. Madame, qu'il ne se fault point arresler au raport
que ledit Crol a fais à mesdits S" les ambassadeurs, ne aussy à ceque les An-
glois disent de ladite ysle de Sercq; mais avant se resouidre de la tenir ou aban-
donner, que l'empereur la pourra envoyer visiter par homme confident
Mais si S. M. treuve qu'elle n'y sçauroit recevoir grand service ne equipollent aux
despens que fauldra mettre, en ce cas S. M. la pourroit donner ou faire vendre
aux Anglois, sans la laisser retomber es mains des François, à condition que
lesdits Anglois seroient tenuz de faire bonne compaignye aux navires des subjeclz
de V. M
J'entens que le capitaine Girard de Meckere cognoit aussy ladite isle, et par
ainsy si tost qu'il sera à terre, je le requéreray me déclairer ce qu'il en scet.
A tant, etc.
De Vlessinghes, ce xxvu* de septembre iooS.
De Votre Majesté très-humble et obéissant serviteur,
CORNILLE SCEPPERUS.
Madame,
En suyvant mes dernières lettres touchant l'isle de Sercq, j'ay parlé au capi-
taine Meckere, luy demandant ce qu'il en sçavoit.Sur quoy il m'a respondu ladite
ysle estre de grosse importance; mais de sa part n'y avoit esté dessus, mais bien
embas sur les rades. Par lettres de quelque homme cogneu, lequel a hanté ladite
ysle, j'ay entendu qu'elle est longue environ une lieue d'Allemaigne et gaires moins
large ; qu'il y soloit avoir trois villaiges et ung monastère, qui sont tousdestruitz,
et que ladite ysle est meilleure qu'on ne pense, comme sur laquelle l'on pourroit
gaigner bledz, qui serviroient pour mille hommes; qu'il y a pareillement bonne
eaue sortant des roches, au moyen delaquelle les habitans soloientmouldre leurs
bledz, ayant le moulin depuis esté deffait et après derechief mis sus parles
François, comme celluy qui m'escrit dit avoir entendu, mais avoir vu les vestiges
du premier moulin
En quatre ou cincq jours partyront de Vlissinghes trois navires aventuriers
bien armées, faisant leur compte daller droit vers ledit Sercq, et illec espyer les
François
A tant, madame, etc.
De la Vere, le second jour d'octobre i5o3.
De V. M. très-humble serviteur.
CORNILLE SCEPPERUS.
( 857 )
En s'cmparant de celle île, les Anglais en firent un
boulevard redoutable, une menace coniinuelle contre les
forces mariiimes de la France. Le gouvernement des Pays-
Bas ne put comprendre, malgré les avis des Anglais, tout
le parti qu'il pouvait tirer de cette conquête. 11 l'abandonna.
De son côté, Henri II ne négligea pas de se faire des
adliérenis dans les eaux de l'Ems pour harceler de là nos
vaisseaux marchands. Des câpres de TOostc-Frise arrêtè-
rent dans ces parages tons les navires en destination des
Pays-Bas (1). Encore une fois, la gouvernante se contenta
de réclamer auprès de la comtesse d'Ooste-Frise, et ne flt
rien contre les flibustiers.
Les premiers mois de Tannée 1554 furent signalés par
Tarmement d'une flotte dans les ports néerlandais. Il ne
s'agissait pas précisément de protéger nos vaisseaux mar-
chands. Ce but était un accessoire. Il fallait une démon-
stration politique pour secourir Marie Tudor, menacée par
la France, qui soutenait en Angleterre une guerre intes-
tine, excilée par les factieux et par les promesses de
Henri II (2). Quatorze vaisseaux de guerre, armés aux
(1) Lettre du magistrat d'Amsterdam , des 16 novembre et 1" décembre 1353.
(2) Voici ce que Renard écrivit à ce sujet à l'empereur :
0 Quant aux advis que le S»" Deylre a reçus de l'apprest de mer du couslel de
» France, il est certain que les François avoient armé et permis aux particuliers
B d'armer quantité de navires pour seccomlerla rébellion de feu Houyet(Wyat?),
« qu'eust hier la teste tranchée , et pour promovoir les praticqiies qu'ilz tenoient
B en Angleterre, mais avoient veu que l'entreprise estoit faillie par la victoire de
» Moulues et iMacquereaux; et ont retenu les grands bateaulx de la Normandie et
» Bretaigne; et n'y a que trois jours que dix d'iceulx .par l'impétuosité du vent,
B furent jectez aux donnes près de Douvres, et le plus grand nombre est à Brest
» en Bretagne, que l'on tient ne fera grand effect, puisqu'ilz sçavent que ladmiral
* d'Angleterre se joinct avec les bateaulx de V. M., qui se parte lundi de ce lieu
» (Londres) et que S. A. sera accompagnée de 430 voiles. Mais il est certain que
» jusqucs à ce ilz ont entendu la deflfaicte de Houyet, ilz avoient armez etretenuz
» les bastcaulx pour l'effect susdit. » (Lettre du 42 avril loSi. Corr. de l'empereur
avec Granvelle. p. 639.) V. aussi ibid. les lettres aux pp. 502, 6U2.
2™^ SÉKIE, TOME XL. o5
( 858 )
Pays-Bas, se réunirent (16 avril i5S4)à la flotte anglaise.
Selon rempcreur, elle devait ôler aux Français tout espoir
de sortir de leurs ports. Il mettait en même temps en mer
six bateaux corsaires bien équipes, destinés à porter des
ravages sur les côtes de la France, et à attaquer tous
les bâtiments naviguant dans ces parages (1). Celait une
réponse faite aux armements nouveaux entrepris par le
roi de France, une représaille des captures exécutées en
mer et dans la Tamise d'un nombre considérable de navi-
res marcliands appartenant aux Pays-Bas (2). Notre flotte,
commandée par le sire de Wacken, amiral généra!, devait
se rendre à Douvres avec une ceriaine oslen talion a(in de
démontrer aux Anglais que la maison d'Autriche voulait
faire des sacrifices pour soutenir la cause de la Grande-
liretagnc (5) .
Ces démonstrations d'amitié n'eurent pas les efl'ets
auxquels le gouvernement des Pays-Bas s'attendait. Les
gentilshommes et soldats de l'amiral anglais se mutinèrent;
les marins de la flotte néerlandaise ne voulaient plus servir
ii cause de la cherté des vivres. Enfin l'amiral de la Grande-
Bretagne trouva notre flotte mesquine (4); les Anglais
désignaient nos vaisseaux sous le nom ridicule de coquilles
(1) Papiers d'État de Granvelle, t. IV, pp. 199. d98, 20i. 218, 231. V. au sujet
de l'équipement de ces vaisseaux, Van lirujssel, Histoire du convnerce, t. III,
p. 40. Annales de la Société d'Émulation, l. c., p. 374. a
(2) V. dans la Correspondance de diarles-Quint avec Granvelle, les pp. 469,
i9B V, 502, 525, où se trouvent les détails de ces armements et de ces prises.
;3) Lettre de l'ambassadeur Renard à l'empereur, du 23 janv. 1554. (Cojveî-
pondance de Charles V avec Granvelle. p. 509.)
(4) Lettre de Renard à l'empereur du 28 avril dooi. « Selon qne j'ai veupar les
lettres qu'il (l'admirai) a escript, il n'est content de l'armée que V. M. a envolée,
disant qu'il n'y a que trois ou quatre navires qui passent cens tonnaulx. Ibid.,
p. 65U.
. 8oi! )
de moules. Lorsque leurs uinrins reueonlraicnt les nôtres sur
terre, ils se queiellaieut, se battaient, bref, ils ne se souf-
fraient pas. Et cependant ils continuèrent à croiser dans la
nier du Nord jusqu'en janvier de rannée suivante (i).
En 1555, le cai-dinal Pôle, légat du Saint-Siège en
Angleterre, entama des négociations de paix entre Henri II
et Cbarles-Quinl. Tous les eiïorts du légat, toutes ses ten-
tatives écliouèrent devant les prétentions des deux parties,
excitées par les intrigues de Catherine de Médicis. Les
hostilités recommencèrent, sans délai, par terre et sur
mer. De nouveau les frontières des deux pays furent sac-
cagées par les belligérants, comme pendant Tannée précé-
dente. Sur mer, lien n'était changé à Télat ancien. Des
navires fiu'ent pris tantôt par les Français, tantôt par les
Néerlandais, sans qu'aucune action décisive pût les faire
songer à la paix. Pareille situation s'explique facilement.
Depuis la retraite de Strozzi, la marine française n'avait
plus pris aucune initiative autre que celle de la piraterie.
Aux Pays-Bas le gouvernement, les provinces et les villes
se tenant sur la défensive, se contentèrent de proléger, par
des forces navales éparpillées, les vaisseaux marchands et
pécheurs, rôle facile depuis le mariage de Phihppe, prince
d'Espagne, avec Mario, reine d'Angleterre (25 juillet 1554).
A partir de cette époque, notre marine n'avait plus rien à
redouter de la part de la Grande-Bretagne, et si par hasard
des sujets anglais commettaient ou laissaient commettre
quelque irrégularité, les représentations du gouvernement
des Pays-Bas étaient écoutées et les torts immédiatement
l'éparés.
Ainsi se réalisèrent, en grande partie, les prévisions de
;i) Ibid., pp. 270, 274.
( 860 )
Charles-Quint : sous plusieurs rapports, les intérêts des
deux gouvernements s'étaient identifiés. Pendant le règne
de Marie Tudor, nous étions loin de la situation créée à
notre marine par le mauvais vouloir du gouvernement
d'Edouard VI. Le droit et la justice, en ce qui concerne
notre pays, avaient fait place à la ruse et à l'arbitraire.
Rien de mémorable, si ce n'est la piraterie habituelle,
n'avait plus été signalé sur la mer.
Tout à coup, nous voyons apparaître dans l'histoire un
fait qui, interprété comme il le fut par des écrivains fran-
çais, aurait été une véritable calamité pour notre pays et
spécialement pour la province de Hollande « Sub id tempus,
» dit de Thou , noslri in Oceano cum Belgicis navibus
» ingenti ac furiali praelio pugnavere (1). » Puis il continue
la relation du combat, en rendant justice à la bravoure des
deux parties. Sans lire le passage entier de de Thou, des
écrivains français concluent à la destruction complète de la
flotte hollandaise et soutienne^, en dépit du texte de cet
historien, que la France remporta une victoire incontes-
table (2).
Les termes dont de Thou se sert nous ont inspiré des
doutes sérieux sur cette grande victoire et sur l'anéantisse-
(1) Thuanus, Historiaruin siii teniporis, libri. CXXXVIII, t. I, p. 556.
(2) Sismonde de Sismondi, Histoire des Français, t. XII, p. 281. — On peut
encore consulter au sujet de ce combat naval: Histoire de la bataille navale
faite par les Dieppois, Paris, V6ol, et sur les différentes éditions de cette relation,
les Antiquités et chronique de Dieppe, X.\\,^.^lo%o\x toute cette bataille est
longuement racontée; Bouvet, Annales de la Marine française, t. II. p, 26; Van
Veer, Hollandscite cfironycke, p. 128; Pontus Heulerus, Rerum austr, //Z>,XIII,
p. 66o:Velius, C/o?i/;^- van Huorn, p. 62; Haraeus, Annales ducatus Brabantiae,
1. 1, p. 680; Daniel, Histoire de France, t. IX, p. 761 ; Wageuaar, Vaderlandsche
historié, t. V.p. 400; l'abbé Cochet, Les Églises de l'arrondissement de Dieppe,
p. 278; baron Kervvn de Leltenhove, Hisl. de Flandre, t. VI, p.l46; Van Bruyssel,
Hist. du commerce, t. III, p. 42.
( 8fii )
ment complet de notre marine. Rien , à notre avis, ne sem-
ble justifier un succès si complet, si inattendu de la pari
de la marine française. Nous avons voulu vérifier les faits
avancés par les écrivains de la France au moyen de docu-
ments émanés du gouvernement des Pays-Bas : Audialur et
altéra pars. Une information, prise par le bailli de iMiddel-
bourg, concernant ces événements, les présente sous leur
véritable jour. D'après cet acte, dont nous reproduisons le
texte en note, Tévénement a du se passer vers le milieu
d'août 15oo et non vers la fin de ce mois, comme le dit de
Thou(1). D'autres écrivains le placent au 11 août, et l'abbé
(1/ Tesmoings examinez par le bailly de Middelbourg en Zeellande, en
présence de Cornille Alters, notaire publique, le 17^ jour d'août
d555.
Cornille Janssone, maet de la hulck, nommée le Sampson, en laquelle estoit
maronnier Nicolas Janssone de Broock (liroek in Waterland: et Vriull Aelbrechts-
zone, batellier sur ladite hulck, eagez de XVIIJ ans ou environ, disent tous deux
estre vray que venans les deposans cestuy dernier voiage avec la hulcke susdite
en la flotte de Calis de Andelosia jusques environ ung lieu nommé Beiverley et
Douveren, ont veu de loing venir xxviij navires, desquelles l'une deschargea ung
coup d'artillerie. Sur quoy leur maronnier dit que c'estoient amis. Toutesfois
que ce nonobstant ilz meissent en ordre les crochetz et qu'ilz délaissassent encoi-
res la grande artillerie dessoubz le overlooper. Mais approuchans ledites xviu
navieres plus près et congnoissans que c'estoient François, leur maistre de gou-
vernail dit : mectez en ordre l'artillerie ; ce sont François. Faisans les basteliers
toute extrême dilligence, pour la mectre en ordre ; mais ils n'ont sceu estre prestz
quant les François sont abordés. Disent aussy que s'ils eussent peu estre plustost
prestz, qu'il leur sembloit qu'ilz eussent peu oultraiger les François, et comme
lèvent estoit grant,les eussent peu mectre au fond ainsi que deux desdites navires
françoises sont esté enfendrées par l'impétueuse entrée des nostres, se noyant l'une
desdites navieres assez près de celle des deposans. Disent davantaige qu'il en y a
demeuré bruslées six de noz hulcques, assavoir celle de Claes Janssone, où
estoient lesdits deposans, celle de Potfer de Broock (Broek in Waterland),de Jean
Lange de Zymerdorp (Zuiddorp en Zelande;, Cornellis Claeyssone de Watergang,
maet, Geertssone de Hulpendam et de Floris Cheyssone de Doryckerdam, et que
cinq autres sont esté prinses; mesmes Melis Claessone visadmiral a esté abordé
le premier, et aiant d'ung coup d'artillerie eu emporté la teste, Paul Symons de
Purmerende, Aem Diericxssone de Lausmar estant chargé d'allun pour mènera
( 8()^ )
Cothel au 2 du même mois, points de chronologie de peu
d'importance, mais qui démontrent combien les auteurs
français sont peu d'accord sur ce sujet, comme sur le
nombre des vaisseaux engagés dans le combat.
Selon cette information, la flotte française, sortie du port
de Dieppe, était montée par des aventuriers extrêmement
hardis, venus d'Ecosse, d'Angleterre, d'Irlande, de Guel-
dre, de Hollande et d'autres provinces des Pays-Bas. Elle
n'aurait pas eu tout le succès qu'on lui attribue en France.
Quant à la flotte hollandaise, ne l'oublions point, ce n'était
pas, à proprement pai'ler, une flotte de guerre. Elle était
composée, de Thou en convient, de navires marchands
armés simplement pour se défendre contre des flibustiers
isolés et non contre une flotte de guerre. Ils étaient chargés
Londres. Jacques Thiemans alias Schuylmaker. Pieter Reygcrtssone de Dorickeu-
dam. Disent- davantaigc que Herinan Hens de Euckhuj-sen, admirai desdiles
hulcques, esloil une fois prinsedes François; mais veans les François le feug par
trop impétueulx en la basanne, l'ont incontinent habandonné. Quoy voiens ceulx
qu'estoient en la hulcque dudit Claes Jans one se sont courruz en celle de Her-
man Hens, habandonnans la leur, que desia estoit en feu et flamme. Interroguez
s'ilz ne cognossoient point ladmiral des François, déclairenl que Schoon Dierick
estoit leur admirai, ainsi qu'ilz avoient ouy compter d-; Ghecrt Dievicxssone de
Serwau, qui dit avoir parlé à luy mesmes, que ledit Schon Dierickx lui crya :
Rendé-vous; car vous estes de tout quiet de vostre navir, et sommes plus puis-
sans que vous austres. Disent en oultre qu'il en y a demeurez s'^pt naviers fran-
çoises, deux enfondrés et cinq bruslécs. La reste s'est partie bien désarmée et
mal en ordre. Déclarent aussi que ledit Schoon Dierick a esté veu mort d'ung
coup d'artillerie, avant que ladmiralle se noya. Aussi dit Cornelis Albrechtssone
qu'il avoit ouy d'une natif d'Amsterdam, banny du pays comme i! disoit. qu'il y
avoit en l'admiralle v<: hommes, et es autres navieres de nu, lU etijc hommes.
Disent que lesdits gens de guerre des navieres françoises esloient vaillens et de
toute nation.si comme Escossois.Anglois, Yrlandois. Geldrois,Ho!landois et autres
de ce Pays-Bas, tous bien en ordre. Déclairent d'avainlage que lesdits François
avoient, en leurs navieres, piques de la longueur de xvuu piedz, que celles de
nostre coustel n'estoient que de xiiu, xv ou xvj pieds, par où les nostres ne se
pouvoientbicn mectre en dcfîensc, si non avec force et grande perle de nos gens.
(Archives de l'Audience, liasse 73.)
( 800 )
do grandes richosscs, inférieurs en nombre à ceux de leurs
ennemis el défendus par un ehiflVe de matelots bien minime
eomparalivemenl à celui de la flolle dieppoise. Le comman-
dant français en convint lui-même. Si nos liulques sui-
virent droit leur cbcmin, sans faire semblant de voir la
flotte ennemie, ce ne fut pas par fanfaronnade, comme le
disent les relations publiées en France, mais parce qu'elles
ignoraient qu'elles avaient aiïaire à des ennemis, à des
pirates, à des voleurs enfin. Notre convoi mareband, com-
posé de vingt-deux bâtiments, selon les relations françaises
ou de dix-buit bulques seulement, selon l'abbé Cocbct, ne
fut pas entièrement détruit, comme Sismonde de Sismondi
l'assure. Six de nos bulques furent brûlées, cinq furent
prises. II en restait donc encore onze. Nous voyons, en
effet, différentes bulques, venant du Midi, arriver successi-
vement dans les ports de la Zélande(l), et Daniel constate
dans son bistoire de France que « la flotte flamande, toute
» délabrée, gagna la Hollande (2). »
En ce qui concerne la flotte française, composée de dix-
buit ou de dix-neuf navires de guerre, portant cbacun 200,
500 ou 400 bommes, elle n'eut pas lieu d'être très-satis-
faite de son expédition. Le commandant Louis d'Espinelle
d'Harfleur, désigné sous le nom de Seboon Dierk par les
matelots interrogés à Middelbourg, fut tué : son vaisseau,
monté par 500 bommes, fut englouti. Plusieurs capitaines
subirent le sort de leur commandant. Deux navires français
furent coulés bas ; cinq devinrent la proie des flammes. De
sorte que des dix-buit ou dix-neuf bâtiments de guerre
ennemis, il en restait encore onze ou douze, qui, très-
fl) Lettre du 24 août lo5o. Archives de l'Audience, liasse 73.
Cl) T. IX, p. 763.
( 864 )
maltraités, se retirèrent en désordre vers Dieppe. Ils ne
purent pas même songer à donner la chasse aux autres
vaisseaux de la flotte hollandaise.
Cette victoire nest donc pas auâsi importante que les
écrivains français le prétendent. De Thou en convient pour
ainsi dire implicitement lorsqu'il raconte la dextérité de nos
matelots à lancer le feu dans les bâtiments ennemis, mon-
tés par des matelots en nombre supérieur aux nôtres. Aussi
finit-il sa narration en faisant remarquer combien les im-
périaux diminuaient l'importance de la victoire.
Quoi qu'il en soit, lerésullat du combat fut glorieux pour
les Hollandais, qui, de l'aveu des Dieppois, s'étaient dé-
fendus comme des lions. Malgré l'infériorité du nombre,
ils ont pu infliger aux Français une rude leçon, laquelle
aurait été plus dure encore s'ils avaient eu le temps de
s'apprêter, et s'ils n'avaient pas eu une aveugle confiance
dans les rassurances, données par un des leurs.
La flotte de Dieppe ne se montra plus, tant elle avait été
maltraitée. Notre marine marchande continua tranquille-
ment ses expéditions lointaines. Bientôt elle put les entre-
prendre avec plus de sûreté par suite de la trêve de
Vaucelles.
III. — Conclusions.
La marine belge , si florissante vers le milieu du
XVP siècle, subit à cette époque, nous venons de le voir,
de graves désastres. Soit jalousie, soit politique, soit guerre
ou querelles religieuses, au nord comme au midi, tout
conspirait contre elle. Les événements s'accumulaient pour
l'anéantir.
Ces résultats sont dus, en partie, au gouvernement par-
( mi )
sonnel de rcmpcrenr. Dans noire pnys la chute des coni-
nriunes, dont Charles écrasa la [)lus forte et la dernière
encore debout, lui permit de suivre le courant des idées
nouvelles qui avaient surgi dès le XV" siècle au sujet
de la monarchie.
Partout s'étaient montrées des tendances à faire prévaloir
un gouvernement fort, centralisateur, l'unité monarchique
appuyée sur les principes du césarisme, les faveurs et les
armées permanentes. Seuls les états de nos provinces ré-
sistaient à ces tendances. Seuls ils empêchaient Charles-
Quint de se rendre complètement maître de la situation.
C'était un pointd'achoppement, une difficulté qui le mettait
dans une position inférieure à celle des rois de France et
d'Angleterre, à peu près maîtres absolus chez eux. Lors-
que le gouvernement des Pays-Bas devait agir, rien n'était
prêt : il fallait des fonds ; et les États, dispensateurs des
aides et subsides, n'étaient pas toujours d'humeur à les
accorder. Delà des discussions et des pourparlers qui en-
traînaient une perte de temps considérable. Lorsque les
États avaient enfin accédé aux demandes de l'empereur,
dans le but de faire sérieusement la guerre, nos forces
maritimes furent éparpillées pour convoyer les vaisseaux
marchands et pécheurs. De son côté l'ennemi agissait d'une
manière diamétralement opposée, il réunissait toutes les
forces, et frappait en temps opportun.
Doué d'un grand génie, Charles-Quint dirigeait tout par
lui-même. Sachant se plier selon les circonstances et les
nationalités, il marchait toujours droit au but avec beau-
coup plus de dignité et de sincérité que les monarques de
son voisinage. Chez eux les mensonges et la duplicité
étaient en matière politique leur arme de prédilection. A
leurs yeux la fausseté était synonyme d'habileté. Le gouver-
( 866 )
ncmcnt belge eut le grand lort d'y ajouter foi, malgré des
avertissemems réilérés et une expérience journalière.
Selon la manière de voir de l'empereur, ses ministres
étaient des instruments, jamais des favoris, mais toule ini-
tialiveleuréiail interdite. Telle était aussi la position qu'il
avait donnée à la gouvci-nanle des Pa)S-Bas.
Quant aux misères du peuple, l'empereur s'en occupait
rarement. Des idées plus vastes absorbaient toute son
attention. Le bien-être matériel et parlant la question du
commerce maritime n'étaient pas toujours l'objet de ses
soins dans les pays soumis à son sceptre; ils devaient céder
le pas aux exigences politiques. Dans les Pays-Cas ces
questions d'intérêt matériel étaient confiées à la gouver-
nante, sans lui accorder cependant les pourvoirs nécessaires
pour prendre des mesures d'initiative.
Cette princesse, aux qualités brillantes, active et douée
d'une intelligence remarquable, n'était pas à la bauteur de
sa mission quand il fallait agir. La diplomatie était son élé-
ment, la prudence un moyen dont elle faisait preuve dans
toutes ses relations. Au moment de l'action ces bonnes
qualités devenaient des obstacles, des causes d'indécision
continuelle. Celle-ci était entretenue par Scepperus, le prin-
cipal et pour ainsi dire l'unique conseiller de la gouver-
nante concernant les affaires maritimes. Diplomate etpoëte
avant tout, Scepperus n'aimait pas mieux l'action que la
reine Marie.
Au lieu d'agir avec vigueur, au lieu de prévenir les
attaques de la flotte française, la gouvernante tergiversait;
elle continuait le vieux système de défense et de protec-
tion accordée à la marine marcbande. Cette protection se
bornait le plus souvent à la publication de placards sur la
matière, à des réclamations diplomatiques et à faire
( 8«7 )
accompagner nos vaisseaux marchands ou pécheurs par
des vaisseaux de guerre, souvent en nomhre insuffisant.
Les mesures législatives prescrivant Tarmcment des vais-
seaux et i'ohligalion de voyager |)ar convois étaient ilhi-
soires lorsque l'ennemi se présentait en masse. Les négo-
ciations diplomatiques, nous Tavons vu, étaient des
leurres. Elles produisaient des promesses mensongères ,
qui déroutaient complètement notre gouvernement lors-
qu'il s'y fiait. Quand l'Angleterre refusait à nos agents
toute justice contre les flibustiers écossais, quand elle
rendait la liberté à ces pillards après les avoir arrêtés pour
la foi-me, elle fit pendre, à la demande de la France, les
corsaires coupables d'avoir atlaipié les vaisseaux fran-
çais (I). L'escorte fournie par rÉlat à nos vaisseaux mar-
chands n'étant pas toujours sufîisante, les Etats et les
villes maritimes en firent armer pour leur propre-compte,
au moyen de deniers provenant de certaines taxes (2), ou
bien ils demandaient à la France des sauf-conduits, dont
les prix exorbitants étaient payés par les marchands (5).
Ceux-ci étaient ordinairement victimes de leur bonne foi.
Les sauf-conduits, de l'aveu de la gouvernante, n'étaient
pas mieux observés que les traités et les promesses de la
diplomatie.
Ce fut le défaut d'initiative et d'action qui perdit notre
marine; ce fut l'initiative et l'action qui créèrent la puissance
(-!) Teulet,/. c, p. 2io.
(2) V. Proposie ghedaen bij den heere van Eecke, aen de gedeputeerde van
Vlaenderen, tlolland en Zeelandt, 24 mey 1553, dans la Kronijk van het
historiacli Genootschap van IJtrecht, 46<= année, -ISSO, p. 53.
(3) Voir le compte de l'armement fait en 15oI, par la ville de Bruges de diffé-
rents bâtiments de guerre, destinés à convoyer la marine marchande. (Ms. 46,838
de la Bibliothèque royale de Bruxelles.)
( 868 )
maritime des Provinces-Unies, héritières de la nôtre. La
république batave mit à profit le génie, le courage, la per-
sévérance et l'esprit entreprenant de ses enfants pour pren-
dre sur mer une posiiion enviée par toutes les puissances.
A son prestige elle ajouta une grandeur nouvelle, en exé-
cutant ce que le gouvernement belge aurait dû Aiire dès le
commencement du XVh siècle. Elle se faisait respecter par
la force, et se méfiait de la diplomatie.
Jean de Drosay, l'un des réformateurs de la science du
droit au XV t siècle; par M. Alphonse Rivier, associé
de FAcadémie.
La réforme de la science du droit, au XVI^ siècle, a fait
naître une multitude de traités, de discours, d'épîlres,
d'espèces diverses et de toutes dimensions, sur la méthode
juridique, sur l'art du droit, sur le moyen de devenir un
parfait jurisconsulte.
On entrait dans une ère nouvelle; il fallait s'orienter, el
remplacer la tradition dont on prétendait s'affranchir.
L
Beaucoup de ces ouvrages avaient simplement pour but
de servir de guides aux jeunes gens des écoles. On en
composait de ce genre dès le moyen âge; tels étaient déjà
la Methodus utriusque juris anonyme, de la première
moitié du XV'^ siècle (1), et les ouvrages ou opuscules
(1) Stintzing, Geschichte derpopulàren Litteratur des rômischen und kano
nischen Rechts, pp. 29, 33.
( 8(il» )
portant le litre De modo atndendi de Martin de Fano, de
Caiiis, de Caccialupus. Ces docteurs exhortaient la jeunesse
à étudier sans cesse, à ne négliger aucun instant ni aucune
occasion , conformément au vieux quatrain déjà cité par
Jean Faber, et répété par Henri de Piro :
Si quis forte vclit juriscoiisultus habcri.
Continuel sludium, velit a quociimque doceri,
Invigilel , nec vincal eum tortura laboris ,
Fortior insurgat cunctisque reccntior /wris{l).
« Toutefois, dit Martin, ne travaillez pas au point de
tomber en mélancolie ou de gagner le mal de poitrine ,
mais prenez du repos de temps à autre et égayez votre
esprit. » Sur quoi Caccialupus remarque : « Pareil avis
est superflu de nos jours, car les livres des écoliers sont
habituellement pleins de poussière, tandis qu'eux circulent
sur les places, bien vêtus et même avec luxe, pour voir et
se faire voir (2). »
(1) Jean dit Faber, de Roucines, en la terre de Montbéron, non loin d'Angou-
lême, est mort vers 1340. M. Eschbach attribuait ces vers au président Antoine
Favre, mort en 1624. J'ai suivi moi-même cette indication erronée dans mon
Introduction historique au droit romain. HENRI VON DEM BiRNBAUM, de Piro,
est mort en 1473,
(2) Martin Cassaro, de Fano, vivait encore en 1272. Jean Jacques Canis ou
A Canibus, professeur à Padoue, est mort en 1490 ou 1494 Jean-Baptiste de
Caccialupis était professeur à Sienne, lorsqu'il écrivit son Hlodus studendi in
utroque jure, en 14117, où il cite fréquemment Martin.
— Subdit Martinus de Fano in dicta cpistola : « nec tantum studeatis quod tris-
tilia ant pectoris dolor vos affligat anxietatibus ♦. recipite requiem, et animum ad
gaudia revocate. » Hoc fuerit supperfluum monere temporibus noslris. Nam libri
scholarium regulariter sunt pleni pulvere, quotidie circumeunt plateas, ut cum
sint bene, imo luxuriose induti, videant et videantur. (Caccialupus, Modus stu-
dendi, document IV.) — Martin donnait aussi des conseils utiles au professeur ;
il exige qu'il ait « vim impressivam, ut exemplis intelligibiiibus instruat quod
ostendit : nec sit in sua lectione pomposus, sed potius utilis et lidelis : et plus
veritati quam truffis et ornamento verborum inhaerens. « (Caccialupus, docu-
ment H.)
( 870 )
lin moment vint où les recommandations des vieux
maîtres purent paraître un peu triviales.
Aux esprits avides de nouveaulé que vivifiait le souffle
fécond de ranliquité classique, il fallait une nourriture à la
fois plus forte et plus raffinée. Nous avons quelque peine
à nous rendre un compte exact du zèle avec lequel on
s enquérait, au temps de h Renaissance, des méthodes les
plus avantageuses pour apprendre et pour enseigner. Les
jeunes gens, souvent aussi des hommes faits, allaient de
ville en ville et d'école en école à la recherche ou à la suite
des maîires en renom. Les adeptes de la science réformée
en étaient les apôtres; considérés non comme de simples
enseigneurs, mais comme des initiateurs, ils étaient con-
sultés de près et de loin par les néophytes qui voulaient être
mis sur la honne voie, guidés, éclairés. Les exemples abon-
dent. J'en prends un dans un document publié naguère, où
figurent deux personnages connus (1). Pierre Lorioz (2),
étant professeur à Bourges, se vit consulté par un étu-
diant d'Orléans, qui fut plus tard le conseiller Maclou
Popon, du Parlement de Bourgogne (5). Lorioz répondit-
avec bienveillance : « Je suis surpris qu'en cette matière
vous me demandiez conseil à moi plutôt qu'à vos profes-
{i) Zeitschr'tfi fur liechlsgeschichte, XI, 319-321. L'original de la lettre de
Lorioz est à Paris, dans le inanuscrit latin 838o. lequel provient du conseiller
Philibert m: laMareJo savant historien bourguignon. J'en dois la connaissance
à M. Aimé Herminjaru. l'infaligàble éditeur de la correspondance des réforma-
teurs.
(2) Pierre Lorio/, Lnriotus, voir mon Introduction historique au Droit
romain, p. 496, et l'étude de M. Villequez sur les Écoles de Droit de In Bour-
gogne.
(3) Maclou Popon, Maclovius Pomponius, mort en 1577 dans sa soixante-
quatrième année, fut l'ami de Jacques de Vintimille, qui a raconté sa vie. Une
lettre autographe de Popon fait partie de la collection de M. Charles Rahf.en-
beek.
(871 )
scurs que vous rencontrez tous les jours. Ce|)en(lant . je ne
veux pns que vous puissiez dire que j'tue manqué à vous
venir en aide. Je vais donc, non pas vous développer mon
opinion, ee que je ferai peul-èlre quelque jour, mais vous
l'indi(pier seulemenl d'une façon sommaire, vu l'exiguïtc
du lemps dont je |)uis disj)oser. » Popon avait demandé le
moyen de se metire prom})tement sur la vraie voie de la
jurisprudence; — alors déjà la jeunesse élait pressée d'ar-
river et désireuse d'abréger l'indispensable apprentissage,
— cliose plus pardonnable jadis qu'aujourd'hui, vu la lon-
gueur démesurée des éludes (!).
Lorioz offre à son jeune ami deux méthodes au choix. Si
Popon veut suivre la plus prompte, il commencera par
mettre de côté les commentaires, pour lire uinquement les
textes, en faisant sur les loisdç chaque titre des -jcpar/r/a(2),
qu'il ordonnera par genres et par espèces, selon son propre
jugement, sans s'aider ni de Placcntin, ni d'Azon, ni de
Zasius. Ce travail achevé, et pour le compléter, il pourra
recourir aux commentaires des docteurs, et de préférence
à ceux qui ont paru récemment à Lyon en trois volumes (5).
(1) Rogas, ut coinpcndiariam libi describam rationeni, qua cito ad veram juris-
prudentiae pcrvenire viam possis. — Lor.iuz, lettre citée, Zeiischrift, p. 320.
{% Voyez sur la notion du xj-py-Tirlc-^, Ménage, Amoenitates juris civilis ,
chapitre XV: Quid sitit ttjcP^zitj.cc. Dans lacceplion primitive, ce sont de sim-
ples annotations de concordance : adiwlare quœ alils in titulis ac locis illiim ad
titulum pertiueutia reperiatUur.
Plus tard, l'on désigna ainsi des sommaires ou brefs commentaires de chaque
titre. C'est dans ce dernier sens que Lorioz entend le mot de xv.pxTLTlov.De
même Drosay.
:8) « Primum (modum adsequi posscm) biennio, dum solas leges rejectis
omnibus iutcrpretationibus praeiegerem et inter legendum singularum legum
paralitla mihi conficerem, illis post modum in gênera et species redaclis. ïloc in
modo nulla Piaccntini, Azonis, vel Zasii indiges opéra, nimirum hi nihil aliud in
suis summis quam somniarunt. Verum cum unius tituli singularum legum para-
( 872;
L'étude du droit, selon celle mélhode, durera deux ans.
L'autre méihode en prendra trois : l'élève lira, sans en
omettre aucun, lous les similia d'Accurse; il en dressera
des lisles; de plusieurs similia, il déduira les règles géné-
rales et les exceptions générales, et les classera dans Tordre
qu'il jugera bon. Il y pourra joindre alors les interpréta-
tions de Bariole, de Jason, de Dccius eld'Alcial (1). On le
voit. Tune et l'aulre de ces mélhodes supposent et exigent
de la part de l'élève un travail original et personnel. Je ne
sais si cette lettre marque le dernier degré du développe-
ment de Lorioz; peut-être ses écrits, comme la tradition, le
montrent-ils plus avancé. Mais ce qui, dans la leltre,
annonce bien Tliomme de la science réformée, c'est celle
indépendance qu'il veut inculquer à l'élève, et ce Irait fut
bien pour quelque chose, sans doute, dans le méconlenle-
ment que lui témoignaient, quelques années plus lard, les
professeurs routiniers de Leipzig(2). Le temps qu'il assigne
litJa habueris, eo quo dixi ordine redacta, poteris his habita seriei tuae ratione
doctorum commentarios annectere, sed potissimum (si rem absolutam velis) in
primis eos adjunges, qui tractatus conscripsere, quos omnes bibiiopola quidam
Lugduni tribus voiuminibus recens compegit. » L. c, p. 321. Je ne sais trop de
quel recueil Lorioz veut parler. L'Oceanus juris, qui a paru à Lyon en io3o, a
neuf volumes.
(!) « Si illius (Accursii) similia (quae ipse vocat) ne uno quidem praetermisso
diligentcr excusseris, facile hune tibi parare modum poteris, modo illa omnia
similia glossatim nullo ne minimo quidem, ut praedixi, contempto percurrcris.
Et ex his omnibus in charta conscriptis nedum allegatis générales régulas tibi
conficias ex pluribus simijibus. Itemque générales exceptiones. Quibus interpre-
lationes, quas praedicti doctores super his simiiibusfcccrunt juxta tuum ordinem
adjungas vel quoque illas praeleges, si fortasse te in tuo conficiendo ordine adju-
vare possint. Hoc pacto tribus annis hune secundum docendi modum absolute
adsequi possem. » — il y a quelque obscurité dans l'énumération des auteurs
que Lorioz recommande; il n'est pas certain s'il les recommande à propos de la
première ou de la seconde méthode.
'2) Comparez Muther, Zeitschrift fur Rechtsgeschichte , IV, pp. 407, 408.
( 873 )
aux éludes n'est pas moins digne de remarque. On y recon-
naît aussi le novateur qui refusait de faire son cours magis-
tralement et à la manière italienne (1). On sait le scandale
qui en résulta. Le sage Melchior d'Osse jugea nécessaire
de s'élever contre ces innovations dans le testament poli-
tique qu'il adressa à l'électeur de Saxe : « Les méthodes
nouvelles, dit-il, égarent les élèves. Elles ne leur servent
d'ailleurs de rien, car ils n'y apprennent ni les gloses, ni les
distinctions; ils n'y aiguisent pas leur jugement; ils étu-
dient bien les lieux communs, mais ils ne savent pas se
défendre lorsqu'un vrai maître les serre un peu (2). Ils
restent ainsi de pauvres bouche-trous, et bien peu d'entre
eux peuvent devenir vraiment doctes... Qu'on établisse
donc pour la jeunesse des docteurs qui professent comme
ont professé les anciens et excellents hommes Reynier,
Bartole, Balde, Cynus, Dynus, Alexandre, Jason, Décius et
autres (5). »
IL
A côté de cette littérature qu'on peut Bp\ie]er pratique ,
on en trouve une autre, plus ambitieuse, dont les auteurs
ne se bornaient pas à mettre l'étude des sources à la place
des énormes commentaires, mais prétendaient remanier
(t) Voyez mon étude sur Nicolas de Bruxelles, Bulletin de l'Académie,
tom. XXXVIII, p. 628.
(2) C'est-à-dire : ils peuvent acquérir la connaissance des arguments, mais ils
ne savent pas s'en servir parce que la dialectique leur fait défaut. C'est ainsi qu'il
faut entendre ces paroles de Melchior : « Werden wohl locales, kônnen aber
das, so sic lernen, . . . nicht vertheidigen. »
(3) Civilistisches Magazin de HUGO, II, 232-237. MUTHER, à l'endroit cité
Doctor Johann Apell, 64, 65.
2™" SÉRIE, TOME XL. 56
( 874 )
les sources elles-mêmes, afin de leur donner une forme
meilleure.
Un passage du traité De oratore (1) devait jouer un
grand rôle dans ces tentatives. Cicéron place dans la bouche
de Crassus les paroles suivantes :
« Si enim aut mihi facere licuerit quod jam diucogito,
mit alius quispiam aut me impedito occuparit aut mortuo
e/feceritj ut primiim omne jus civile in gênera digérât,
quae perpauca sunt, deinde eorum generiim quasi quaedam
memhra dispertiat, tum j)ropriam cujusque vim definitione
declaretj perfectam artem juris civilis habebitis, magis
magnam atque uberem, quam diffîcilem atque obscu-
ram. »
« On crut savoir alors, dit M. Bluhme (2), comment le
droit devait être exposé. On se demanda si les livres de
Justinien répondaient à ce que Ton croyait être autorisé à
exiger, et Ion trouva que non. » Guillaume Budé se pro-
nonça dans ce sens dès Tan lo08. On se mit à critiquer,
soit l'ordonnance des livres et des parties, soit celle des lois
dans chaque titre. On essaya de systèmes nouveaux. Mais
cette tendance rencontra une opposition énergique, dans le
sein même de l'école élégante. Plusieurs des membres de
cette école, et des meilleurs, craignaient que ces innova-
tions ne fissent disparaître les traces du passé, au préjudice
de l'interprétation historique des jurisconsultes; d'autres
prévoyaient que les difficultés provenant des changements
apportés à l'ordre traditionnel et connu feraient tort à
(1) De Oratore I, XLII, 190. — L'ouvrage perdu de Cicéron De jure civili in
artem redigendo a fait l'objet d'un travail excellent de Dirksen (Académie de
Berlin, '1842. Hinterlassene Schriften I, 1871).
(2) Zeitschriftfur geschichtliche Rechtswisseuschaft, IV, p. 379.
( 875 )
l'élude immédiate des sources. Selon d'autres enfin, Jusii-
nien a exécuté de point en point le programme de Cicéron;
sa compilation bien comprise satisfait à toutes les exigences
possibles d'ordre et de méthode; mais il la faut bien com-
prendre (1). Le plus connu, parmi les auteurs qui ont (avec
maintes divergences) soutenu cette thèse, est Joachim
Hoppers (2). L'un des premiers, le premier peut-être, et
probablement le plus enthousiaste, fut un docteur régent
de l'Université de Caen, en Normandie, aussi connu comme
linguiste (5), Jean de Drosay, seigneur de Sainte-Marie,
dont la théorie, développée dans ses leçons, n'a été com-
muniquée au grand public qu'après sa mort.
IIL
Je n'ai de renseignements ni sur la naissance de Jean de
Drosay. ni sur son décès, lequel ne peut être postérieur à
iS4o et n'est pas antérieur à lo43 (4). Je crois sa famille
(-1) Bluhme, à l'endroit cité, p. 381 et suivantes.
(2) Dans l'excellent traité intitulé Seduardus , sive de vera jurisprudentia,
au livre IV. Voyez notamment le titre 14... « Recta ratio videtur, ut prout quisque
liber juris et quo ordine scriptus est, ita sit exponendus. »
f8) On cite souvent ses Grammaticœ quadrilinguis partitiones in gratiam
puerorum Paris , Wecliel, 4544. Il semble qu'il avait aussi composé une
grammaire française . V. p. 'lo4 de la grammaire quadrilingue.
(4) HuET l'appelle Drosay, et c'est ainsi que s'orthographie aujourd'hui le vil-
lage du même nom. D'autres, ainsi La Chesnaye des Bois, appellent cette famille
Drosey, d'autres encore Drossey ou Drozay. Huet ne consacre à notre juriste que
quelques lignes ; la biographie Hoefer, dix ; M. Cauvet, M. Frère moins encore.
SERViN,LECERF,la biographie Michaud ne paraissent pas le connaître. M. Lalanne
le mentionne comme grammairien d'après La Monnoye. Le privilège royal de la
Méthode de Drosay, livre posthume, est du 4 juin 1544. Le titre porte 1545. —
Drosay a daté des Ides de septembre 4542 l'avant-propos de sa grammaire qua-
drilingue. Cette grammaire a paru en 1544; rien n'indique qu'il fut déjà mort
lorsqu'elle a été imprimée.
( 876 ) •
anoblie par office; elle paraît avoir tenu un rang hono-
rable dans sa province (1).
J'ignore où Drosay fit ses études et où il prit ses degrés.
Sa haute culture littéraire est attestée par chaque page de
sa méthode. Sa grammaire aussi en fait foi; il s'y montre
versé dans l'hébreu et le grec, non moins que dans le latin
et le français ; quelques passages écrits en sa langue mater-
nelle ne sont dépourvus ni de style ni de vigueur. J'en
citerai, comme spécimen, la définition de la nature et du
but de la grammaire.
« La grammaire, dit-il, enseigne quatre choses : la façon
» d'escrire, la manière de Hre, la raison de dire et Tordre
» de parler.
» La première partie besongne aux letres ; la seconde aux
» syllebes ; la troisiesme aux dictions et la quatriesme aux
» oraisons.
» Les fins de chascune partie sont bien escrire, plaisam-
» ment lire, sçavoir la propriété des dictions ; et cognoistre
(i) Un Jean Drosey, qui vivait encore avec sa femme en l'an 1428, était notaire
et secrétaire royal. C'est probablement à lui que notre auteur fait allusion en ces
termes : « Mihi jucunda est recordatio avi et proavi mei, quorum hic Carolo
régi VI Magister scrinioae fuit, ille autem Carolo VU, a libellis et sub North-
manniae Seneschatlo praeses Rothomagensis , quorum mihi adhiic sunt domi
libri membranis descripti, singulis i7iitiis aureis litteris illustratis. » Methodus,
pp. 59, 60. Le chartrier de Saint-Pierre-sur-Dives mentionne un Jeau de Drozay,
Ecuyer, Seigneur de Sainte-Marie-aux-Anglais, qui peut avoir été le père du pro-
fesseur ; il siégeait, en 1483, avec le Sénéchal de l'abbaye et d'autres écuyers pour
juger divers criminels. Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie,
VII, I, p. 261. Un autre Jean Drozay, seigneur de Sancey et de Beaucoudray,
épousa, vers 1S30, Marguerite de Murdrac. Ce n'était probablement pas le nôtre,
qui s'intitule Samarianus. Vertot mentionne un Jacques Drosey de Sainte-Marie,
reçu chevalier de Malte, le 30 juillet 1631. La Chesnaye des Bois donne les
armes de la famille Drosey : d'azur au chevron d'argent chargé de six coquilles
de sable et accompagné de trois croissants d'or.
(877)
» l'ordre convenant des oraisons. Le but et ce àquoy tend
» toute la grammaire, est sçavoir bien parler et composer,
» juger de tous autbeurs et les exposer.
» Grammaire doncques, est une certaine raison et ma-
» nière de parler et composer, c'est a scavoir que les
» autbeurs ont gardée. Et est ainsi appellée de lignes ou
» letres premiers comencemens de cest art, pourceque
» aux Grecz ce mot rp^.'^i^'? signifie ligne, et ce mot
» xpa^pa leire.
» Or ceste manière Dieu aidant, sera quasi pourtraicte
» en ce petit livret »
Peut-être Drosay a-t-il assisté aux leçons de médecine
du célèbre Jacques Dubois, avec lequel il avait plus d'un
point de contact en sa double qualité de philologue et de
méthodiste (1).
Il semble que Drosay ait commencé d'enseigner à Caen
en 1529 (2). En effet, dans sa préface De ratione docendi
immiitataf que je crois être de 1558 ou de 1 oo9, postérieure
par conséquent de cinq années au moins au discours de ve-
tere ac noviliajurisprudentia de Bérauld, il dit professer le
(I) « Quemadmodum enim admirabilis ille medicus Jacobus Sylvius, cum
novissime Parisiis Galeni libros exordiutur de sanitate tuenda » (p. 460.)
— « Ut ab Sylvio ipso alias audivi. cum Galeni libros de sanitate tuenda Parisiis
praelegere inciperet. » (p. 69.) — C'était avant le voyage de Dubois à Montpel-
lier, qui eut lieu en lo30. La célébrité de Dubois attirait beaucoup de monde.
L'auteur de la Grammaire quadrilingue devait sympathiser avec l'auteur de
VIsagoge in linguam gallicam et du traité De medicinae ordine et ordinis
ratione. Drosay cite également, dans sa grammaire, la grammaire de Sylvius.
[2j II enseignait le droit civil, c'est-à-dire le droit romain. Les cours de droit
romain avaient été abolis à Caen en 1433, parce que « ledit estude ne serait utile
pour le pays de Normandie, qui est tout réglé par coustumes, » Cf. Bulaeus, Hist.
univ. Paris. V, 426. — Ils avaient donc été rétablis. En l'an do38 ou 1539,
Drosay faisait un cours de droit public (romain). P. io8 : « Hoc autem (anno) quo
publicum jus praelegimus. »
( 878 )
droit civil dans cette académie depuis environ dix ans (1).
Ce fut à ce moment qu'il résolut de changer de méthode,
d'adopter l'enseignement nouveau « qu'a prescrit, il y a
») mille ans, Justinien lui-même, et que développent
y> aujourd'hui dans leurs élégants écrits Budé, Alciat,
» Zasius, Cantiuncula , Nicolas de Lescut, Ferrarius,
» Hegendorphinus, Oldendorp et Baron (2). »
Dans la préface générale, placée en tête du livre, laquelle
me paraît être de 1543, notre auteur dit qu'il est voué
depuis quatorze ans à « cette très-salutaire profession (o). »
Les matériaux de son enseignement, ses cahiers de diver-
ses dates, forment, avec quelques pièces qui y sont inter-
calées, le volume assez indigeste dont je veux essayer de
donner une idée, d'après la première édition, que j'ai
seule sous les yeux. Drosay mourant en avait confié à un
ami le dépôt et la publication (4).
(1) « Cuin autem jus ipsum civile annisjamplus miuus deceni iu hac nostra
florente academia vulgari scholarum more professus fuerim, . . » (p. 159) —
Cette préface est un discours aux étudiants , à l'ouverture du cours sur le Code de
Justinien. Or, il ressort d'un avant-propos adressé au lecteur, que \ Économie des
Pandectes de Baron avait paru au moins trois ans auparavant, et l'Économie est
de 1535.
D'autre part. Drosay dit dans ravant-4)ropos de sa Grammaire quadrilingue .
adressé « Puerorum praeceptoribus », que l'idée lui en est venue eu instruisant
dans les langues ses petits-fils ou ses neveux : « Cum rationem quandam expedi-
tissimam exquirere, qua nepotes cliarissimos in linguis instituerem. » — Si l'on
ne traduit pas nepotes par neveux, il faut admettre que Drosay a commencé tard
l'enseignement du droit.
(12) « Novus autem docendi modus is erit. qnem nobis ante mille anuos orationi-
bus suis plane divinisipse juris author praescripsit, et hodiejam clarissimi multi
viri scriptis suis elegantissimis effinxerunt veluti Budaeus, Alciatus. Zazius, Can-
tiuncula, Nicolaus a Scuto, Ferrarius, Hegendorphinus, Oldendorpius et Aeguina-
rius. » ip. lo9.)
(3i P. 9 : « Et ego huic saluberrimae profession! a quatuordecim jam
annis consecratus sim. »
(4j Épitredédicatoirc d'ANDRÉ GiNOUX, Andréas Ginosius Sauctambrosiensis.
Vovez les notes suivanles.
( 879 )
IV.
Le titre de ce livre posthume annonce clairement la
thèse qui y est posée et soutenue. Le voici, tout au long,
d'après la première édition :
Juris Miicersi Jusiinianea Methodus, olmi a Cicérone
optimo juris artifice praescripta, imnc Dei munere veluti
postliminio revocata, per D. Johmmem Drosaeiim Sama-
rianum, juris utriusque antecessorem , apud Cadomum
celeberrimam Northmanorum Academiam (1).
André Ginoux de Saint-Ambroise donne quelques ren-
seignements sur l'origine de l'ouvrage dans son épître
dédicatoire adressée à l'illustre et infortuné Spifame(2),
et Drosay en refait le récit dans sa préface. Il voyait Justi-
nien se vanter d'avoir rédigé le droit comme Cicérofi
l'avait voulu faire (o). Or, il ne pouvait croire que Justi-
nien se fût vanté sans juste motif. Il s'appliqua dès lors,
de toutes les forces de son esprit, à la recherche de cet
« art » de Justinien et de Cicéron , et n'eut trêve ni repos
qu'il ne l'eût retrouvé. Cet art constitue la vraie méthode,
pista juris docendi ratio, préférable à toutes celles que les
modernes ont forgées. Grande a dû être la colère divine,
(1; Parisiis, apud Maturinum Dupuys, sub signo hominis sylvestris, et insigni
Frobeiiiano,in via ad divum Jacobum, MDXLV. Cum privilegio regio ad quinquen-
nium. — Bluhme ne connaissait pas cette édition lorsqu'il a publié son excellent
travail sur l'ordre des fragments dans le Digeste, Zeitschrifl fïir geschichtliche
Rechtswissenschaft, IV, pp. 207-472. Autres éditions : Cologne, 1564; Paris, 4565 .
(2) Ginoux était alors précepteur des jeunes Hurault, qu'il appelle « Hiiraul-
tios summae spei adolescentes meae curae commissos. » Un de ses élèves est
devenu, si je ne me trompe, le célèbre chancelier Cheverny (1528-1599), qui ne
parle pas de Ginoux dans ses Mémoires. On connaît la lugubre histoire de
Jacques Spifame, qui fut décapité à Genève , en 1566, pour adultère et pour faux.
(3, Épître dédicatoire de Ginoux, p. 6 : ... « Cum Justinianum saepe glorian-
tem legisset, jus se universum in artem quandam redegisse, atque adeo tandem
praestitisse, quod Cicero se facturum reccperat »
( 880 )
qui l'a cachée si longtemps ; grande est la miséricorde
divine, qui l'a enfin révélée pour le plus grand bien de
l'Etat, lequel sera restauré bientôt, et des particuliers,
dont les procès seront décidés dorénavant avec moins de
peine et moins de frais (1)! Drosay déclare avoir été mis
sur la voie de sa découverte par le passage où Justinien
parle de la nature et de la vertu des nombres (2) , et par
un petit traité. De aperiendis studiis, qu'un ami lui avait
donné, traité contenant une méthode très-commode par
laquelle les jeunes gens peuvent, avant d'avoir accompli
leur vingt et unième année, acquérir aisément toutes les
sciences (5). Il entreprit là-dessus la lecture du Code; il en
saisit Tordonnance, avec laquelle il compara celle des Insti-
tutes, des Pandectes et des Novelles. Lorsqu'il écrivait sa
préface générale, quatre ans s'étaient écoulés depuis
(1) i>/e///oc?z<5, pp. 9 à 10 « Magna profecto fuit adversus mortales ira
divina, quod talis hactenus latuerit methodus, a viris in toto orbe dignitate, literis,
et rerum cognitione excellentibus, imperiali auctoritate, sic elaborata : unde
ubique litium tantum incendium accensum est : Respublica pêne interiit, singulis
quae sua sunt tantum curantibus. Contra autem summa Dei misericordia est, pro
qua gralias ei maximas agere debemus, quod eam quoque, ut alias omnes bonas
artes, nostris temporibus revelare dignatus sit, inde spe bona concepta. quod
brevi Respublica instaurabitur, et minoribus posthac inipensis ac laboribus
lites decidentur. »
(2) Constit. Tanta, § 1. Methodus, p. il : « Praeterea JusLiniani locus ille de
natura et arte numerorum, . . . tam alte auimo meo insedit, ut ante non quie
verim, donec ex praelecta Jordanis et Orontii quoque arithmetica, ejus scnsum
aliquem assecutus fuerim » — Oronge Fine, de Briançon, à la fois
homme politique et mathématicien. Sa Protomathesis a été imprimée à Paris en
1382. Les dix livres d'arithmétique de Jordanus, annotés par Lefévre u'Etaples.
ont paru en ii96 ; d'autres ouvrages de lui en lo83-lo36.
(3) Ibid. : « Intcrea cujusdam libellus, qui de apeiiendis studiis inscribitur
ad me amici dono pcrvenit, qui rationem commodissimam aperit, qua possent
adolescentes ante vicesimum primum annum omne genus sibi disciplinarum
facile comparare, si primum earum professorcs horis dislinctis gênera omnia et
species continuo summatim omnibus cxponcrent, dcinde minutiora propriis unus-
quisque discipulis praelegcre.. » Je ne sais quel était ce merveilleux opuscule. Ce
ne peut guère être le Liber de lUterarum ludis rccte aperiendis de Stlrm ;1o39).
(881 )
lors, ce qui s'accorde avec ce que j'ai dit plus liaut (I).
On me dispensera, j'espère, denumérer les étapes par
lesquelles Drosay dit être passé pour arriver à la convic-
tion que Justinien a réalisé, avec un art admirable, le projet
de Cicéron, et que les titres de sa compilation constituent
un traité suivi, composé méthodiquement et didactique-
ment : « titulorum traclatiis perpétuas esse orationes, génère
(UdascaUco compositas (2). » Ces confessions ingénues
peuvent paraître un peu puériles. Cependant, on y voit
poindre le germe de la découverte brillante qui a fondé ,
quatre siècles plus tard , la réputation de Bluhme (3). On ne
peut s'empêcher de respecter le besoin d'ordre, de clarté, de
méthode, de logique qui se trahit partout dans ce livre si
médiocrement agencé; et l'on sait gré à l'auteur de la peine
qu'il se donne, pour peu qu'on réfléchises combien il a fallu
de tâtonnements stériles en apparence pour réaliser des
progrès qui nous paraissent aujourd'hui faciles et naturels.
Je ne suivrai pas non plus Drosay dans les paratitles,
arguments, commentaires qu'il donne, toujours avec l'in-
tention déclarée de démontrer la réalité de sa découverte,
(4) Pp. 41 à 12.
(2) Pp. 10 à 13. « Haec itaque ars est nietliodusque Justinianea, ad Ciceronis
omuino praescriptum elaborata : quam qui probe aperuerit, veluti Cneius aller
Flavius cornicum oculos confixerit, jure sic omnibus pervio reddito (p. -12). « —
P. 227 : ... a Hac imperatoria et Ciceroniana methodo nune Dei gratia veluti
postliminio revocata, quicquid inter duos asseres uno volumine continetur, unico
prendum intuitu exhibemus Quod si seniel videres, in te sui amoreni plane
mirabilem haec juris Idea pulcherrima statim excitaret. Hac via sane regia, et
omnium meo judicio faciilima, juris universum ordinem clarissime dispicias. In
Pandectis originem, in Codice processum, in Novellis consummationem et in
Institionibus omnium summam quandam brevissimam. »
(3) Voir la dissertation de Bluhme dans la Zeitschrift fur geschichiliche
Rechtswissenschaft , citée plus haut. Bluhmk juge bien Drosay : « D. zerarbeitet
sich grossentheils mit vieleni Fleisse an der Ausfuhrung ungeniessbarer
Ideen An einzeluen grundlichen Bemerkungen fehlt es iibrigens nicht. w
A l'endroit cité, p. 385. — Voyez HuGO, Geschiclite des romischen Redits seit
Justinian, p. 277 de la 3« édition.
( 8S2 )
sur les Institutes (1), sur les sept parties ou Wnes du
Digeste, à grands traits et comme à vol d'oiseau, pour
manifester ce qu'il appelle « generum digestio et membro-
rum parlilio (2), » sur les trois préfaces de Justinien (5) ,
sur l'épître d'Haloandre (4) et même sur l'épigraphe grec
de la Florentine (5); puis, en entrant dans le détail, sur
quelques litres des Pandectes (6) ; puis encore sur le Code
en général (7) et sur le prologue du Code en particulier,
avec analyse des diverses périodes oratoires des trois con-
(1) Pp. 46 à 21. Il termine par ces mots : « Haec est Institutionum civilium
œconomia pulcherrima, quam si animo conceptam tenueris Pandectas facillime
intelliges. » — Il recommande, pour les Institutes, un ouvrage absolument ignoré
aujourd'hui: « tabulam D. Ranchicurii subjecimus, ante quinquagiuta annos,
licet huius tabularii recentiores non meminerint, typis excussam, quod ad eam
lectorem in hac methodo saepe remitlimus. » J'ai cherché vainement ce tableau,
qui doit avoir été imprimé vers 1490. L'auteur n'est plus connu. On peut conjec-
turer qu'il s'appelait Ranchicourt. Or, un Pierre de Ranchicourt, fils de
Jean, qui était économe du comte Jean II de Nevers, a été protonotaire aposto-
lique, chancelier d'Amiens, chanoine de Cambrai, archidiacre de Valenciennes ,
enfin évèque d'Arras, oii il est mort en 1499. Peut-être est-il l'auteur de ce tableau,
duquel Drosay dit que les auteurs récents ne le mentionnent plus.
{% Pp.21àoO.
(3) Pp. oO à 61 : « Quarumeîiam œconomiam etvarios usus indicavi , quod meo
judicio studiosis et excitandis et praeparandis maxime conducant et clarissime
Pandectarum methodum aperiant. »
(4) Pp. 61 à 62. ... « Quo doctissimi viri votum sanctissimum et pios labores
studiosi intelligentes, libentius hanc juris resiitutionem am plectantur. »
(5) Pp. 62 à 64: « Ut nihil excitandis studiosis desit ! »
(6; De Justicia et jure, pp. 63 à 76; De Origine juris, pp. 76 à 78; De legibus,
pp. 78 à 88; De Constitutionibus principum, pp. 89 à 90; De statu homiiium,
pp. 90 à 95; De iis qui sui vel alicui juris sunt, pp. 95 à 403 ; De adoptionibus
pp. 403 à 425; puis viennent deux pages et demi d' « accommodation » communes
aux trois titres précédents; puis De divisione re?-MHj,pp. 426 à 428; puis deux
paratitlcs sur tous les titres relatifs aux magistrats, pp. 428 à 432; puis Dejuri-
dictioue, pp. 432 à VAH;Dejure Jisci,^]). 438 à 443; De captivis, pp. 443 à 451;
De castrensi peculio, pp. 454 à 457.
(7) Juslinianei codicis générale argumentum ejusque ad Pandectas pcr sin-
gulas partes co//a^/o, pp. 461 à 465; se terminant par ces mots adressés aux
étudiants : « Hoc générale est argumentum, quod tanquam novae meas rationis
primum spécimen, ideo nunc praemitfere cupicbam. quo librum pulcherrimum,
ac simul utilissimum a me sicutcumque excitati et praeparati, postea legeretis
alacrius, inlellegeretis facilius, et memoria teneretis fidelius. »
( 885 )
stitulions Haec quae neccssai'io, Summa reipublicae et
Cordi (1), sur les deux premiers livres du Code (2), sur le
droit publie confeiui au premier et aux trois derniers (5) ,
enfin sur les livres des fiefs, en dix lignes (4), et sur les
Novelles en deux pages (5).
Je crois mieux faire en me bornant à signaler certains
traits de notre auteur, qui me paraissent caractéristiques :
ils ont plus de prix à mes yeux que les explications érudites
de mots et de choses où il se complaît et qui sont parfois
d'un grammairien plus que d'un jurisconsulte (6). L'un de
ces traits , c'est sa connaissance parfaite des derniers pro-
(1) Pp. 16fi à 184.
(% Pp. 484 à 228 : « Argumenta tam specialia quam singularia. »
(8) Pp. 228 à 237.
(4) P. 237. Il y recommande aux élèves Oldendorp d'aborcl puis, quand ils
seront plus avancés, Zasius, enfin Frédéric Schenck de Tautenberg, dont le
commentaire récemment publié (lo37) avait eu d'emblée un grand succès : « Lege
prinmm Oldendorpium. deinde Zazium, postea dictum Friderichum qui vulgatam
editionem sequutus est. vir alioqui eloquentissimum. »
(3) Pp. 237 à 238. En voici la pensée finale : « Haec de Jusliniani Novellis ad
praesens sufficiant. quibus suprema quasi manus juri civili imposita est, ut in illis
extet postrema constitutionum civilium emeudatio » — Suit un très-bon
répertoire alphabétique.
(6) On lui en faisait le reproche. Il en parle et y répond dans sa préface au
Code de Justinien (p. lo8) « In tyronum autem gratiam uonnuUa conscrip-
simus, quae reserare quidam monebant, quod eorum judicio infra juris doctoris
dignitatem viderentur. At multorum consilio ea nunc relinquere maluimus, ut
Justinianeae compositionis exemplum in posterum diligentius observandum juve-
nes accipiant, et utilitatem quam inde consequi possunt, perspiciant, si hoc modo
periodos, cola, et commata numerantes, et vocabula praecipua discutientes, ora-
tiones universae filum et ordinem dispiciant. Legum materias, ut loquuntur. seu
theoricas ant doctrinas, quas post Accursium copiose tradunt Doctores, a nobis
omissas alii caussantur. At ego juris artem commodissimam, a nemine quem
legerim hactenus tractatem ex ipsis manifesto : quae primum ex ipso textu intégra
scientia ordine suo brevi percipi et Accursium postea at Doctores omnes cum
libuerit, facilius intelligi et memoriae mandari possint. Juris praeterea termines a
me negligi alii falso putant, qui me cum recentioribus caeteris doctissimis viris
légales tantum grammaticos appellant. At nihil ego magis conor, quam ut generum
et membrorum omnium vocabula prius probe explicata juris studiosi habeant,
ut singulorum postea titulorum definitiones facilius percipiant. » Cf. p. 20o.
( 884 )
grès réalisés, surtout par les Allemands, clans Texposition
philosophique et dans la méthode, en quoi il se rattache
aussi au groupe nombreux dont j'ai parlé au commence-
ment de cette notice. Un autre trait, moins original peut-
être, mais non moins intéressant, c'est l'esprit national, le
patriotisme scientifique et juridique de ce connaisseur de
l'étranger et de l'antiquité.
V.
Drosay est un moderne, tout autant que l'était Lorioz
qui écrivait, à peu près à la même époque, sa lettre à
l'étudiant d'Orléans. 11 a reconnu que son enseignement
selon la mode ancienne était peu fructueux, et il l'a changé,
ainsi qu'on l'a vu tout à l'heure (1), dans le sens de la
brièveté, de l'élude des textes et d'une forme élégante et
rationnelle (2). Il témoigne du respect aux Glossatenrs et
(1) « Cum autem jus ipsum civile annis jam plus minus decem in hac nostra
florente academia vulgari scholarum more professus fuerim, labores vero tantos
paucis adeo intelligam profuisse eloquentissimorum nostri foelicis seculi inter-
pretum exemplo provocatus, consuetum docendi modum nonnihil immutare
decrevi. Si enim recentiores ceterarum artium praestansissimi professeras, lin-
guarum et bonarum ariium adjuti cognitione, qua nostri majores temporis
infœlicitate viri alioqui acutissimi erant deslituti, jam suam pêne omnes tradi-
tionem emendarunt, cur nobis quoque jurisconsultis id non licebit, ut saltem
postremi omnium resipiscamus, qui aliorum duces (si authores nosti'os imitare-
mur) esse debueramus ? » p. 439.
(2) P. 228 : « Hanc omnino viam restituere academiis affecto, quam dudum
praescripserunt ordiuatores earum sapientissimi, ut juris quidem tyronibus lectu-
ram alii textualem facerent : iis autem qui jam provecti esscnt, unus aut alter
cum apparatu. Quod cum ignoratione docendi praestare non possent, confusanei
quidam rccitatores verius quam doctores, bonis tamen viris, qui nunc bonarum
litterarum auxilio totis viribus eam conantur adserere, invidia teterrima detra-
here non erubescunt, » — Drosay recommande aussi l'Histoire de Du Rivail et
les Vies des Jurisconsultes de RuTiLius. Il insiste sur la nécessité de connaître
l'histoire, non-seulement de Rome, mais du pays où l'on doit appliquer les lois
romaines, et sur l'utilité de la géographie.
( 885 )
aux Docteurs (1), mais sa philosophie est celle de Mclanch-
thon et de Lefèvre d'Étaples, et les auteurs de droit qu'il
invoque sans cesse, tout en les combattant quelquefois sur
des points spéciaux, sont non-seulement les Français, tels
que Budé, Baron (2), Longueval (3), Nicolas de Lescut (4),
Claude Cotereau (5), mais encore et surtout les Allemands
qui formaient prceiscment alors une élite de grande valeur:
Apell, dont VIsagoge posthume venait d'être publiée (6),
Spiegel (7), Derrer (8), Hegendœrffer (9), Adam Wer-
(1) Pp. d3 à -14 : « Quid igitur inutilia erunt excellentum virorum commentaria?
superfluus item Accursius? Nequaquam pi'ofecto sic nobis visum fuit. . . Boni
certe sunt. ut de lege ait Apostolus, si qnis bene utatur. , . — Nec doctores igitur
nec Accursium destituimus, sicuti nos quidam falso calummiantur : imo magis
stabilimus, viam aperientes, quo ipsis commodissime utaris, sicut nec legem
destruebat Apostolus, cum fidem, qua lex demum impletur, praedicaret. »
(2) Baron, duquel Drosay dit qu'il a découvert Vars juris, a répondu aux
objections de Drosay dans un tout petit opuscule intitulé : Cavillorum quœ
lo-Drosœus moriens in adversariis niiper reliquit adversus aliquot hujus œco-
nomiae locos, dissolutio, qui est imprimé à la suite de VOEconomia, dans l'édition
des œuvres de Baron, Paris, 4598, tome III, p. 318. Baron s'adresse aux mânes
de Drosay : 0 pie Drosaei spiritus ! 0 pii mânes , etc.
(3) Le commentaire de Longueval sur la loi hnperium est de 4539.
(4) Les Actions de Lescut sont de 4537.
(5) Le traité De Re militari de Cotereau est de 4539.
(6) En 4540, à Breslau. La Methodica dialectices ratio ad jiirisprudentiam
accommodata a paru en 4535. Jean Apell est mort en 4536. Voyez sur Apell,
la savante notice de M. Muther, Doc/or Johannes Apell, Kœnigsberg, 4864.
(7) Jacques Spiegel n'est pas mort avant 4546; son Lexique a été imprimé pour
la première fois à Strasbourg en 4538-4539. Voir ma notice sur la Nomenclatura
jurisperitorum àâïis les Bijdragen voor Regtsgeleerdheid en wetgeving^ iSIZ,
p. 249, et suivantes; et le remarquable discours rectoral de M. de Stintzing (4875)
sur le dicton Juristen bôse Christen, n. 6.
(8) Mort en 1544 ; le premier volume de la Jurisprudentia de Derrer, professeur
à Fribourg, a paru à Lyon, en 4540. Voyez sur Derrer : Schreiber, Geschichte
der Albert Ludwigs IJniversitàt zu Freiburg, II, pp. 330 à 332.
(9) Christophe Hegendoerffer, mort en 4540, professeur à Francfort-sur-
rOder de 4535 à 4537. Les ouvrages juridiques de cet homme distingué ont paru
en 4535, 4537, 4539.
( 880 )
ner (1), Oldendorp (2), Kling (5), Lagus (4), Ferrarius (5),
enfin, naturellement, Zasius et Cantiuncula. Drosay est au
fait des productions les plus récentes de tous ces hommes
qui unissaient, dans des mesures diverses, l'esprit philoso-
phique à la science du droit, et qu'on peut qualifier, par
excellence, de jurisconsultes réformateurs. Les Italiens,
juristes, philologues, antiquaires, ne lui sont pas moins
familiers ; il allègue aussi des Anglais, tels que le gram-
mairien Thomas Linacre (6), et des Flamands, tels que
Josse de Clichthove.
Je sais bien que l'unité de langue rendait plus faciles
alors qu'elles ne le sont à présent, les relations entre les
hommes d'étude de nations différentes. Mais il n'y en a
pas moins quelque intérêt à constater combien vaste était,
il y a trois siècles, l'horizon intellectuel d'un modeste pro-
fesseur de Normandie.
VI.
Et Drosay était bien de son pays, aimant ses bonnes
villes de Rouen, de Caen, de Bayeux; sa très- florissante,
très-sacrée et très -chère académie ; sa riche province.
(1) Adam Werner, professeur à Heidelberg de 149d à io37. V. Stintzing,
Ceschichte der populàren Litteratur, p. 176.
(2) Jean Oldendorp, mort en lo67, professeur à Cologne et Marbourg. Son
traité De formula a paru en lo38, ïlsagoge en 1539, les Actions, les Variae, la
Practica en 1340,
(3) Melchior Kling, professeur à Wittenberg,niorten 1S71. Ses Enarrationes
sont de 154± Voyez sur Kling, iMuther , dans la Zeitsclirift fiir Rcchtsyeschichte .
IV, pp. 438, 439."^
(4j Conrad Haas, professeur à Wittenberg, mort en 1346. La pemière édition
de sa Methodica juris iractatio est de 1543.
(5) Jean Eisermann, mort en 15o8, professeur à Marbourg. Ses Commentaires
aux Institutes et au titre de Regulis juris sont de 1336, le traité des Appels, etc.,
est de 1342.
(6) Thomas Lynacer, né en 4460, mort en 1324, auteur du célèbre traité De
emendata structura latini sermouis.
( 887 )
Il évoque avec plaisir les souvenirs de sa famille; les
allusions locales ne manquent pas non plus dans son livre.
La classis Scleucena lui rappelle les flottes de Dieppe et de
Honfleur; il compare les deux métropoles de la Phénicic,
Béryte et Tyr, aux deux sièges épiscopaux de son diocèse,
Caen et Bayeux ; et à propos des primats d'Alexandrie, il
remarque qu on pourrait donner le titre de primats de Nor-
mandie aux citoyens de Rouen (1). Il mentionne, à propos
des Maiumae, la coutume de porter au premier jour de
mai un arbre par la ville (2).
Ces rapprochements, qu'il serait aisé démultiplier, ne
proviennent point d'un caprice, mais, au contraire, d'un
principe, d'un système : c'est que le droit romain ne doit
point être étudié comme un droit mort ou étranger, et qu'il
faut Vaccommoder à l'état et à l'usage de la République (3).
De là des accommodations, qui suivent l'exposé du con-
tenu des titres et dans lesquelles Drosay compare le droit
de Rome à celui qu'il a sous les yeux. Il accommode ainsi à
la France de François 1% les règles du Digeste qui ont
trait à l'état des personnes et il trouve que cette matière a
bien changé : au point de vue de l'état respectif, qu'il oppose
à l'absolu, il constate que tout le monde est suijuris, sauf
les moines, qui sont serfs des abbés, et les enfants légitimes
jusqu'à leur mariage, qui sont soumis à leurs parents; il
(1) Lit. C, X,28: De Alexandriae primatibus. Drosay, p. '234.
(2) P. 235: . . « Error est ergonosti'orum qui existimantillud esse festum, cum
in praescntem cliem quercum Calendis Maji ludentes in urbem juvenes portant. »
(3) 123 : ... « Quoniam ex Ciceronis sententia, juris intcrpretatio ad Rci
publicae formam usumque forensem accommodanda est, et cognitio (ut quidam
aitî ad actionem transferenda »
P. 166 :« Accomodatio vcro, qua leges sic prius expiicatae, ad Rempublicam
postea nostram , usumque forensem accomodantur, et utilis earum usus osten-
ditur. »
( 888 )
constate encore qu'il n'y a pas en France d'adoption, si ce
n'est en une certaine mesure dans le monachisme (1).
Ailleurs il compare les patrices aux pairs de France, le
questeur au chancelier, les duumvirs aux maires et aux pré-
vôts. Il applique aux relations du Roi très-chrétien avec
l'Église et les hérétiques les constitutions du premier livre
du Code (2). Il donne aux élèves quelques conseils pratiques
pour acquérir d'une manière indépendante et sûre la con-
naissance simultanée du droit romain usuel et du droit
français (5). J'ai parlé de son patriotisme; on comprend que
(i) P. 426: « Quod ad respectivum altinet omnes quidem sui jnris esse viden-
tur, praeter monachos, qui serviunt abbatibus : ad quos servorum materiam trahi
posse docet Inxocentius, qui ad eam rem comprobandam plerumque adhi-
betur ; praeter etiam eos qui ex justis nuptiis procrcantur. quousque
ducant uxores quos sub potestate parentum esse hoc evidenter arguit, quod ipsos
parentes et in judicio emancipare soleant, licei talem potestatem in suos liberos
non habeant, qualem olim Romani Et banc sententiam tenebatD.RENATUS
GuAiNERius, doctor Pictavensis clarissimus. Caeterum adoptiones in hoc regno
non permittuntur, praeterquam in mouachismo, ubi reperire est imaginem quan-
dam utriusque adoptiouis : unde ab adoptione ad religionis ingressum argumcn-
tum trahi poterit, ut plerumque faciunt doctores. H une itaque statum in hoc libère
Francorum regno solos arbitror monachos usurpasse, apud quos alios videas tan-
quam serves, et alios tanquam liberos iniques, et dominicam et patriam potesta-
tem abbates habere constat. Quod jus est singulare religionis. » Voyez aussi les
autres accommodations, pp. 482 à 484, 203 à 205.
(2) V. note précédente.
^3) P. 483 : « Sic autem charceum volumen aliquod satis magnum prœparan-
dum consulo, ut primum illud in certos libros secundum rerum civilium, quae
sunt in usu, summa quaedam gênera, instar Justinianis Codicis dividat, deinde
gênera illa in média seu in membra, per titulos quosdam suppartiat. Tum singu-
lis titulis singula capitula, quse in usu esse cognoverit, tam ex jure Romano,
quam ex patrio decerpta supponat. Ita tandem perfectum jus civile proprium
habcbit, sibi magno usui postea futurum.Ita novi licentiatum quendam eruditis-
simum tentasse, qui sub certis titulis undique brèves quasdam sententias sive
conclusiones, tam ex consuetudine et stilo, quam regiis sanctionibus, et patriae
usu non scripto, coUegerat : sed nihil juris scripli redegerat, neque etiam talem
rerum civilium ordinem tenebat, quem nobis Justinianus ostendit. Sic in medicina
periti omnes medici faciunt, qui sub certis rerum medicarum titulis ex universa
medicina decerpunt, quae suae regionis hominibus commoda noverinl : quibus in
omni vita utuntur, senectutis subsidia vocantes. »
( 889 )
je rcmends dans le seul sens possible au seizième siècle.
Je vois chez Drosay un grand adaclienient pour son roi et
pour la France, qu'il appelle « noire libre royaume des
Francs. » Il voudrait la voir amendée et pacifiée et il croit
(pie sa mélliode y pourra contribuer (I).
H émet Tidée d'un Code général pour tout le royaume (2).
Il méditait aussi, dit-il, de faire un système complet, à la
manière de Cicéron et de Juslinien, du droit français, ou
tout au moins du droit normand (5).
Voilà plusieurs bonnes idées, saines, modernes, et qui
me paraissent prouver que, tout illusionné qu'il pouvait
élre, celui qui les a exprimées en un slyle pur et même
élégant, n'était point un rêveur vulgaire.
VIL
Jean de Drosay est presque oublié aujourd'hui. C'est
tout au plus si le patriotisme provincial songe à lui pour
grossir le catalogue des Normands illustres; peu s'en faut
qu'on ne le cherche en vain dans les compilations volumi-
(I) Pp. -169, 161 : « Ita probe rempublicani utramque cognoscentes.atque rerum
omnium civilium species et gênera earumque descriplas ordine naturas tenentes,
promptius multo et salubrius, quœcumque causa consultaliove occurrerit, rcme-
dium dabitis quam si immensa illa et iimumerosa commentariorum juris volu-
mina consueto more legissetis : materiam(ulBuDAEUS ait) accendendarum lilium,
quibus nunc Gallia passim flagrat, incendio quidem vix unquam deflagraluro,
nisi prius meo judicio juvenibus leges in scholis eo quem dixi mjdo tradantur. »
(2 Incidemment, il est vrai, et à titre d'hypothèse, p. 71 : « Unde Justinianum
existimo omnes etiam contudisuenes colligi jussisse, ut operis ministri animad-
vertcrcnt quid ex usu obtineret, aut jam immutatum esset : quemadmodum hodie
faceret Rex noster Christianissimus Franciscus, si jus générale in regno suo con-
dere vellet. »
(.S) P. 12o : « Donec Deo volcnte, jus universum nostrie Gailiae, aut saltem
Northmaniae, Justiniani exemplo in artem redigere valeani. »
2"^ SÉRIE, TOME XL. 57
; 890 )
neuses où de longs articles sont consacrés aux comédiens
qui ont eu leur jour de vogue, aux filles célèbres et aux
hommes de lettres les plus obscurs. Il n'y a rien là qui
doive surprendre. C'est dans Tordre des choses ; de plus
méritants ont eu le même sort.
Pourtant, l'histoire juridique ne rayera pas de ses regis-
tres le naïf docteur de Caen. 11 est vrai que sa méthode ne
vaut guère et que sa découverte est une illusion. Mais il
faut voir en lui le savant loyal, chercheur, laborieux en
des domaines variés, à la fois philologue et jurisconsulte,
possédant sur le droit si morcelé de la France des vues de
synthèse qui n'étaient pas encore banales alors, et au cou-
rant de la science étrangère plus qu'on ne l'est maintenant.
Il faut, encore et surtout, reconnaître et estimer en lui
l'ouvrier de la réforme juridique et l'un des plus indépen-
dants et des premiers. Car il a dû se former à la vieille
école, et lorsqu'il est mort, à peu près en même temps
que Budé, plusieurs années avant Bérauld, Connan et
Baron, les plus grands jurisconsultes du grand siècle, les
Cujas, les Brisson, les Hotman, les Doneau, étaient des
adolescents ou des enfants; Mudée, Viglius, Bauduin dé-
butaient; Denys Godefroi et Antoine Favre n'étaient pas
encore nés. Malgré ses erreurs , Drosay est un de ceux
qui leur ont ouvert et montré le chemin, et au-dessous
de leurs noms glorieux, nous pouvons assigner au sien
une place modeste, mais honorable, dans le Panthéon de
la Renaissance.
( 894 )
CLA8S£ DES BEAUX-ARTS.
Séance du 2 décembre i875.
M. Alph. Balat, directeur.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, L. Gallait, J. Geefs,
C.-A. Fraikin, Éd. Félis, Ed. De Bussclier, Aug. Payen, le
chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Ad. Siret, Julien
Leclercq, Ernest Slingeneyer, Alex. Robert, F.-A. Gevaert,
Ad. Ss^mue]^ membres.
M. Ch. Montigny, membre de la classe des sciences et
M. Chalon membre de la classe des lettres, assistent à la
séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur exprime le désir de con-
naître quelles sont les raisons qui ont déterminé le jury du
dernier concours des cantates pour le grand prix de com-
position musicale, à remplacer le programme des condi-
tions exigées des concurrents pour les poèmes, par la
disposition suivante qui formerait Tun des articles du pro-
gramme des prochains concours :
Les cantates auront pour sujet ou un fait historique ou
( 892 )
une création idéale susceptible de mouvement ou d'expres-
sion dramatique. Elles ne doivent pas dépasser 200 vers.
M. le Ministre a demandé, en même temps, si TAcadé-
mie ne jugerait pas utile de préparer iin nouveau pro-
gramme pour les littérateurs qui prendront part au con-
cours pour le libretlo.
Cette lettre a été envoyée à M. Gevacrl, président du
jury permanent et l'un des membres du dernier jury des
cantates.
— M. le Ministre de Tlnlérieur adresse, pour être déposé
dans la collection de l'Académie , un exemplaire en bronze,
des médailles dont la désignation suit :
Médaille commémorative de l'inauguration de la statue
équestre érigée par la ville et le commerce d'Anvers, en
riionneur de feu S. M. Léopold P% par Charles Wiener;
Médaille commémorative de la visite de la Famille royale
à Anvers , à l'occasion de la démolition de la citadelle du
Sud, par F. Baeles;
Médaille commémorative du mariage de S. A. R. M""" la
Princesse Louise avec S. A. Mgr. le duc Philippe de Saxe,
par Edouard Geerts.
M. le Ministre a été remercié pour ce don.
— MM. les questeurs du Sénat et de la Chambre des
représentants adressent des cartes de tribune réservée
pour la session législative 1875-1876. — Remercîments.
— M. le chevalier Soenens fait parvenir des cartes d'en-
trée personnelle, avec catalogue, pour l'exposition de sa
galerie de tableaux, rue de la Charité, n*' 25, à Saint-Josse-
ten-Noode. — Remercîments.
( 893 )
— M. le chevalier Léon de Burbure envoie la notice
biographique de M. Ch. Bossclet, membre de l'Académie,
qui lui a clé demandée par la classe des beaux-arts pour
le prochain Annuaire.
La classe remercie i\L de Burbure pour celte notice,
laquelle figurera, avec le portait du défunt, dans l'Annuaire
sous presse.
— M. le vicomte Henri Delaborde, associé de la classe et
secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts de l'In-
stitut de France, adresse, à titre d'hommage, un exemplaire
de VÉloge cCAuber, qu'il a lu dans la séance publique
annuelle de l'Académie précitée, du 50 octobre i87o;
1 broch. in-4°.
M. J. Franck, membre de la classe, fait hommage, de
la part de M. Raab, professeur à l'Académie des beaux-
arts de Munich, de sept gravures exécutées par cet artiste.
Elles comprennent la Vierge de Raphaël et les portraits de
MM. Zumbusch, C. von Piloty, Franz Defrcggen, KnabI et
Leubach, professeurs à l'établissement précité.
M. P. Génard, archiviste de la ville d'Anvers, adresse,
pour la bibliothèque de l'Académie, quelques brochures
dont il est l'auteur.
Il annonce en même temps que, dans peu, il aura l'hon-
neur de soumettre à la classe des beaux-arts un mémoire
sur Rubens.
Des remercîments sont volés aux auteurs de ces diffé-
rents dons.
— M. J.-P. Golfs, architecte à Ixelles, soumet le pros-
pectus de son travail sous presse intitulé : Le Génie de
V architecture^ et destiné, selon lui, à faire connaître, entre
( 89i )
autres, les motifs de l'époque précise de la naissance du
style gothique dans nos contrées. Il joint à celte pièce
une façade de cathédrale gothique, selon Técole française.
La dennande de M. Golfs a uniquement pour but d'avoir
à sa disposition la rotonde du Musée, afin d'y exposer le
résultat de ses découvertes archéologiques.
La classe décide qu'elle ne peut se départir des règles
suivies en pareil cas. Elle regrette donc de ne pouvoir
admettre la demande de M. Golfs, laquelle entraînerait
implicitement le patronage de son œuvre par l'Académie.
— M. le secrétaire perpétuel annonce que la commission
administrative s'est occupée dans sa dernière séance, qui
a eu lieu le 6 novembre précédent, du monument à élever
à la mémoire d'Ad. Quetelet.
Il a communiqué, dans cette réunion, la lettre qu'il
avait écrite à M. le Ministre de l'Intérieur au sujet de ce
monument.
M. le Ministre, tout en assurant l'Académie qu'elle peut
compter sur le concours pécuniaire de son déparlement,
ajoute qu'il attendra qu'on lui fasse parvenir quelques
renseignements sur le caractère et l'importance du monu-
ment à élever, pour fixer le chiffre de l'intervention du
Ministre dans la dépense.
D'après le résultat des souscriptions reçues jusqu'au
i" novembre courant, leur montant s'élève à environ
7,000 francs.
La commission administrative, conformément à la délé-
gation qu'elle a reçue de l'asseniblée générale des trois
classes du 5 mai 1874, avait décidé que la classe des
beaux-arts serait chargée, dans sa prochaine séance, de
nommer une commission composée d'un architecte et de
( 895 )
deux sculpteurs, à laquelle seraient adjoints le directeur
de la classe des beaux-arts et l'auteur de la proposition,
M. Montigny, pour étudier le projet du monument en
question. Le devis sera d'environ 12,000 francs.
Le monument sera destiné au Palais-Ducal, que le gou-
vernement s'occupe d'approprier pour l'Académie.
La classe désigne, outre MM. Balat et Montigny,
MM. Payen, G""^ Geefs et Fraikin , comme membres de la
commission.
— La classe a donné ensuite son approbation définitive
au programme de concours pour 1876, rédigé lors de la
dernière séance.
Elle s'occupera bientôt du programme de 1877, au sujet
duquel un appel est fait aux membres pour les questions
qui y figureront.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Alvin rend compte d'une démarche qui a été faite
auprès de M. le Ministre de l'Intérieur, au nom du conseil
d'administration de la Bibliothèque royale, de la commis-
sion directrice du Musée de peinture et de sculpture, ainsi
que de la direction du Musée d'histoire naturelle, à l'occasion
d'un accident survenu dans le laboratoire de chimie de
l'école industrielle, établi immédiatement au-dessous de la
Bibliothèque de Bourgogne et au milieu des bâtiments
occupés par les collections les plus précieuses de l'Étal.
Il demande que la classe des beaux-arts s'associe à cette
( 890 }
démarche et appuie de son autorité la demande qui a été
adressée au Ministre, et qui a pour objet la clôture immé-
diate du laboratoire et la suspension de ce cours jusqu'à
ce que la ville de Bruxelles, de qui dé|)end l'école indus-
trielle, ait procuré un local [)Our y installer le laboratoire.
La classe décide, à l'unanimité, qu'elle s'associe à la
démarche dont elle vient d'être saisie. Elle a lésolu en
même temps que les classes des sciences et des lettres, qui
doivent se réunir dans quelques jours et qui ont autant
d'intérêt qu'elle à la conservation du premier dépôt litté-
raire du pays et des collections des Musées, seront priées
de s'associer à la motion précitée.
— La classe s'est constituée en comité secret, pour
s'occuper de la discussion des titres des candidats présentés
aux places vacantes, lors de la dernière séance, et pour
l'inscription de candidatures nouvelles s'il y a lieu.
Elle a arrêté, d'une manière définitive, la liste des
élections.
( 897 )
CL\SSE DKS vSCIEUCES
Séance du 15 décembre 1875.
M. A. Brialmont, diiecteur, président de l'Académie.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. B.-C. Du Mortier, J.-S. Stas, L. de
Koninck, P.-J.Van Beneden, Edm. de Selys Longchamps,
H. Nyst, Gluge, Melsens , F. Dewalque, Ern. Quetelet,
H. Maus, E. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Éd. Du-
prez, Éd. Morren, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie,
Alb. Brinrt, F. Plateau, membres; E. Catalan, associé; J. De
Tilly, F.-L. Cornet, correspondants.
CORRESPONDANCE.
Par une lettre du Palais , Sa Majesté fait connaître qu'elle
regrette de ne pouvoir assister à la séance publique de la
classe.
S. A. R. M"' le Comte de Flandre fait exprimer des
regrets semblables.
MM. les Ministres de l'Intérieur et des Affaires Étran-
gères remercient de l'invitation qui leur a été adressée
pour cette solennité, et s'excusent de ne pouvoir y
assister.
( 898 )
M. le iMinistredes Travaux Publics et M. le président du
Sénat expriment leurs remercimenls au sujet de la même
invitation.
— M. le Ministre de l'Intérieur communique une lettre
du département de la Guerre faisant connaître que les
pierres qui ont servi à la carte géologique du pays par feu
Dumont nécessiteraient une dépense très-considérable pour
être mises en état de fournir un nouveau tirage. Le dépôt
de la guerre propose de faire usage de la carte en 4 feuilles,
à l'échelle du 7i60,ooo, qu'il vient de publier et sur laquelle
on pourrait ajouter les données géologiques actuelles.
La classe renvoie ces pièces à l'examen de MM. De-
walque,Briart et Cornet.
— MM. F. Putzeys et A.Swaan, de Liège, adressent un
pli cacheté contenant l'exposé sommaire de recherches
toxieologiques qu'ils poursuivent encore, écrivent-ils, et
pour lesquelles ils désirent prendre date.
Ce dépôt est accepté.
— M. Cavalier envoie son résumé météorologique pour
Ostende pendant le mois de novembre 1875.
— M. P.-J. Van Beneden fait hommage d'un exemplaire
de sa notice Sur les Pac/iyacantlius du Musée de Vienne.
ln-8".
MM. F.-L. Cornet et A. Briart font hommage des deux
ouvrages suivants : l"* Sur le synchronisme du système her-
vien de la province de Liérje et de la craie blanche moyenne
du Hainaut; S** Note sur V existence, dans le terrain houil-
1er, de bancs de calcaire à crinoïdes. In-8°.
( 899 )
— La Société littéraire cl philosophique de Liverpool an-
nonce qu'elle a expédié le volume XXIX de ses Proccedings.
L'Observatoire physique central de Saint-Pélersbourg
annonce l'envoi de la 2^ partie du tome IV de son Reper-
torium flir Météorologie.
— La classe renvoie à l'examen de MM. Folie et Cata-
lan le Supplémefit (ou suile) à la note sur le second prin-
cipe de la théorie mécanique de la chaleur, par M. J. De
Tilly , correspondant de l'Académie.
ELECTIONS.
Conformément à l'article 2 du règlement général, la
classe procède aux élections pour les places vacantes en
remplacement d'un membre titulaire et de quatre associés.
Elle s'occupe aussi de l'élection de deux correspondants.
Les noms des élus seront mentionnés au compte rendu de
la séance publique.
JUGEMENT DU CONCOURS ANNUEL
Deux mémoires avaient été envoyés en réponse à la cin-
quième quesùon du programme de concours pour 1875.
Cette question avait pour sujet : On demande la description
du système houiller du bassin de Liège.
Le premier mémoire porte pour devise : Omnia vincit
labor.
( 900 )
Le second , les mots : La science n'est pas œuvre d'ima-
gination, etc.
Rapport de n. G. Octcnlquc.
a Un premier concours ouvert sur cette question nous
avait valu, il y a deux ans, une réponse qui avait reçu Tap-
probation des commissaires, mais le concours fui prorogé
pour permettre à Tauteur de notables corrections et addi-
tions, notamment pour la partie historique, qui était
presque nulle. Cette mesure a réussi, à certains égards,
au delà de nos espérances, car un nouveau concurrent est
entré en lice avec celui que nous avons été sur le point de
récompenser naguère. L'Académie doit s'en applaudir;
mais l'examen de ces volumineux manuscrits et l'étude
comparée des nombreuses cartes et coupes qui y sont jointes
de part et d'autre, ont imposé aux commissaires un labeur
opiniâtre jusqu'à la dernière heure. Certes, en comparant
les opinions des deux concurrents, nous n'avons jamais
pensé à apporter ici un rapport qui précisât de quel côté
est la vérité; mais les divergences de vues des auteurs sont
telles, pour les districts peu connus, qu'il nous a paru indis-
pensable de comparer, au moins pour quelques localités,
les documents fournis par eux avec ceux que nous avons
pu nous procurer. Appliquant celte appréciation à l'en-
semble, nous croyons pouvoir dire que les éludes des deux
concurrents ont été faites avec soin, et qu'elles ne peuvent
venir que d'ingénieurs qui ont étudié à fond notre bassin
houiller.
M. l'ingénieur en chef-directeur des mines, inspecteur
du service de la carte minière, a bien voulu mettre à notre
disposition les nombreux documents accumulés dans son
( 901 >
administration, tant pour faciliter nos études et nos appré-
ciations que pour nous permettre de reconnaître éventuel-
lement les emprunts qui auraient pu lui être faits. Nous
lui en exprimons volontiers toute notre gratitude; et nous
devons ajouter que nous avons trouvé dans ses bureaux
des documents semblables à quelques-uns de ceux (juc le
premier concurrent nous a envoyés il y a deux ans. Ainsi
la grande carte jointe à son mémoire se retrouve dans les
bureaux de la carte minière, mais dépourvue du quadrillé
à l'aide duquel notre carte semble avoir été construite, de
sorte que Texemplaire de l'administration parait être un
calque du nôtre.
Il kul remarquer ici que les résultats obtenus par le
service de la carte minière ont été, par parties, libérale-
ment communiqués aux exploitants intéressés qui en ont
fait la demande. Ce qu'on sait aujourd'hui de la constitu-
tion de notre système houiller est, en partie, l'œuvre de
l'administration, en partie, celle des nombreux ingénieurs
qui, dans nos charbonnages, se préoccupent de la question
depuis nombre d'années; de telle sorte qu'il nous semble à
peu près impossible de reconnaître à qui appartient la
découverte de tel ou tel fait déterminé. Souvent, sans doute,
les auteurs ne chercheront à revendiquer que la première
publication de faits déjà connus.
M. l'ingénieur en chef-directeur a bien voulu ajouter
son appréciation personnelle sur certaines opinions expri-
mées parle travail que nous venons de citer: nous en avons
pris note, mais nous ne croyons pasdevoiren parlerdavan-
tage, vu que nous n'avons pas à nous prononcer sur les pro-
babilités plus ou moins grandes des conjectures qu'il est
permis de faire sur la partie non explorée de notre bassin.
Nous reviendrons sur ce point. Au préalable, nous allons
( 902 )
essayer d'analyser impartialement les œuvres des deux
concurrents.
I.
Le mémoire qui porte pour épigraphe Omnia vincit
labor improbîis, nous est envoyé par l'auteur qui s'était
présenté au concours, il y a deux ans. Le travail soumis
aujourd'hui à notre examen comprend, non-seulement le
volumineux manuscrit, accompagné de quatre feuilles de
cartes et de coupes, qui nous a été présenté à la séance du
7 août dernier, mais encore presque tout le texte du mé-
moire présenté au concours de 1873, ainsi que les deux
cartes et les coupes y annexées. Le temps a manqué sans
doute à l'auteur pour faire une nouvelle rédaction de tout
son travail, ce qui lui aurait donné l'occasion de faire çà et
là d'utiles modifications : je le regrette beaucoup, surtout
en présence d'un concurrent.
Ce mémoire est précédé d'un Avertissement destiné aux
commissaires. L'auteur y expose ce qu'il a fait pour se con-
former aux indications des rapports de 1873, et il fait
remarquer à celte occasion que les nouvelles recherches
qu'il a poursuivies pendant dix-huit mois, ont partout con-
firmé l'exactitude de la synonymie des couches qu'il a
établie le premier, en se fondant sur des horizons minéra-
logiques dont il a, le premier aussi, signalé l'importance.
II ajoute à ce propos que, ses découvertes ayant été exposées
dans les rapports précédents, il croit pouvoir, le cas
échéant, en réclamer la propriété. Nous lui en donnons
acte. Cela dit, voici, d'après cet Avertissement, l'ordre suivi
par l'auteur et l'indication des parties conservées du pre-
mier mémoire :
( 903 )
Chap. 1. Introduction (pages 1 à 3du mémoire de 1873).
Chap. il Description géologique. (Texte nouveau, revu
et complété).
Chap. III. Relations de notre système houiller avec les
bassins allemands de notre frontière Est et Nord-Est.
(Texte nouveau).
Chap. IV. Description minéralogique et paléontolo-
gique. (Chapitre maintenu, pp. 19 à 150, mais précédé
d'une introduction historique).
Chap. V. Recherches sur la synonymie des quatre
groupes du système houiller de la province de Liège.
(Chapitre maintenu, pp. 151 à 261).
Chap. VI. Discussion, au point de vue synonymique,
de la nomenclature des couches adoptée par Dumoni.
(Chapitre nouveau).
Chap. VIL Conclusions. (Texte conservé, pp. 262 à
264).
Les cartes et coupes annexées à ce mémoire compren-
nent, outre les deux cartes et les coupes de 1873 : 1° une
carte au '/so.ooo, indiquant, pour tout le bassin en question,
la coupe horizontale des six horizons de grès caractéristi-
ques par un plan passant par le zéro de la Meuse au pont
des Arches, à Liège; 2° comme appendice à la précédente,
une carte des bassins de Modave, de Bois, d'Ocquier et
d'Aywaille, tout à fait insignifiante; 3° une carte indiquant,
à partir de Visé, le raccordement de notre bassin houiller
avec ceux du Limbourg et de la Prusse, aussi au Vso.ooo et
au niveau de la Meuse ; cette carte pourrait s'ajouter à la
première, si l'on ne redoutait l'inconvénient d'une longueur
trop grande; 4° une planche découpes, se rapportant à
cette dernière carte, dont elle complète les indications.
Nous allons aborder maintenant l'examen du mémoire.
( 904 )
Chap. I. — Introduction.
Je crois inutile de répéter Tanalyse que j en ai donnée
il y a deux ans.
Cette partie est suivie d'une liste bibliographique des
ouvrages cités. Celle liste est peu méthodique et les indi-
cations qu'elle renferme, sont incomplètes : à mon avis,
elle peut être supprimée d'autant plus aisément que la
plupart des ouvrages ne sont cités qu'une fois dans le cours
du travail. Pour les autres, notanmient pour le mémoire
couronné de Dumont, il suffira de donner, à la première
citation, le titre exact et complet, avec toutes les indications
usitées, et expressément recommandées par l'Académie aux
concurrents.
Chap. II. — Description géologique.
J'ai peu de chose à modifier au résumé que j'en ai
donné, il y a deux ans.
L'auteur maintient son opinion que les plis se sont pro-
duits lorsque les couches étaient encore molles, et les cas-
sures, après leur consolidation. Il continue à diviser les
failles en deux classes, « les vérilablcs failles, qui consti-
tuent une rupture de terrain avec interposition de matières
remplissantes et rchoppement, et les cassures avec glis-
sement de l'une des pailies, généralement moins impor-
tantes eu égard au rejet occasionné et qui ne présentent
pas aux joints de rupture des matières remplissantes. »
Je suis loin de prétendre qu'il n'y a pas de distinction à
faire entre une grande et une petite faille; mais je persiste,
de mon côté, à maintenir que l'auleur, sans motifs connus,
( 90o )
s'ccarle de la déflnitioii admise par fous les géologues.
J'ajouterai que le mol de rejet, qui intervient dans sa défi-
nition, me semble pris dans un sens qui n'est pas celui
qu'on lui donne généralement lorsqu'il est question du dé-
placement observé dans une faille; et enfin, que sa seconde
classe n'a pas de nom particulier. On remarquera aussi
que l'auteur, malgré l'importance qu'il semble attacher
aux matières de remplissage, n'en dit pas un mot dans le
cours de son travail, si ce n'est parfois pour en mentionner
l'épaisseur.
Le mot de rehoppement, que l'auteur emploie à celle
occasion , m'amène à protester énergiquement contre l'in-
troduction, dans la langue scientifique, de termes de ce
genre, empruntés à la langue des mineurs, ininlelligibles
pour qui n'est pas bouilleur, et parfaitement superflus, vu
qu'ils ont leurs équivalents bien connus en français. Je puis
ajouter qu'il n'est pas rare de voir des termes de ce genre
n'être usités que dans un district du pays. Je profiterai de
l'occasion pour appeler toute l'attention de l'auteur sur
l'emploi de certaines expressions qui n'ont pas , en français,
la signification qu'il leur attribue, par exemple , enclave
pour surface, territoire, ou qui ne sont que d'affreux néolo-
gismes, comme versage pour versant et postéranéité pour
postériorité.
Revenons aux failles. La carte de l'auteur en indique
quatre principales, qu'il décrit longuement. Trois d'entre
elles sont d'une importance majeure, puisqu'elles servent
de base à la division du bassin. J'ai résumé, il y a deux
ans, les indications de l'auteur à leur sujet : aujourd'hui,
il les prolonge considérablement vers le N.E. Il en est de
même pour la quatrième faille, celle de Hozémont, sur la-
quelle le rapport de mon honorable confrère, ]VL Briart,
2""' SÉRIE, TOME XL. 58
( 906 )
avait appelé son attention, il y a deux ans. Pour moi, je
considère ces prolongements comme extraordinairement
problématiques. Je ne vois, par exemple, aucun motif pour
faire aboutir au calcaire de Montzen la faille eifelienne,
celle de Seraing et celle de Saint-Gilles. Quoi qu'il en soit,
je dirai, sans plus tarder, que, en cas de publication, le tracé
de ces accidents doit être tel qu'on puisse distinguer aisé-
ment la partie hypothétique de celle qui est bien connue.
J'ajouterai quelques réserves pour la faille eifelienne.
J'admets avec l'auteur qu'elle se prolonge au nord -est de
Kinkempois (Angleur), mais les documents que j'ai eu
l'occasion d'étudier pour les environs de Jupille et de
Bellaire, me porteraient à modifier son trajet. En 1873,
l'auteur la faisait passer vers la limite N.N.O. de la conces-
sion des Quatre-Jean; aujourd'hui, elle traverserait cette
concession, dans laquelle elle entre en passante environ
200 mètres au nord de son extrémité occidentale. Selon
moi, au lieu de la déplacer vers le Sud, il eût été plus exact
de la faire remonter vers le Nord, au delà de la couche
Marnette de Herman-Pixherotte.
Nous avons dit que les trois failles principales divisent
notre bassin en quatre parties que l'auteur appelle groupes
du Nord, du Centre, du Sud et des plateaux de Hervé.
Jl y ajoute cette fois la description des petits bassins du
Condroz, qu'il appelle, « une traînée d'épanchement » ex-
pression qui va certainement bien au delà de sa pensée.
L'auteur revient ici sur la production des plis pendant
la période de plasticité, puis des cassures et des failles
après la consolidation. « Dans quel ordre, dit-il, ces grands
» accidents se sont-ils produits, et par quels effets succes-
» sifs ? Beaucoup de théories pourraient intervenir pour
» fournir la solution de ce problème. Je signalerai les faits
( 907 )
« itidisculables pour en déduire les conclusions les plus
» vraisemblables. » Il admet que les plis se sont formés
d'abord, sous Taclion convergente de forces de compres-
sion dirigées du Sud et du Sud-Est vers le centre, le nord
de la formation restant immobile et peu affecté. Quant aux
cassures et aux failles, il rejette toute idée de soulèvement
pour admettre des abaissements. Après l'action de la com-
pression et la formation des plis du système houiller, ainsi
que des selles calcaires de Flémalle et de Ramet, l'en-
semble du bassin houiller, abandonné sans appui, s'est
brisé suivant les lignes les plus accusées de ces plis, les-
quelles constituaient les lignes de moindre résistance.
« Tel serait le prolongement de la lisière eifelienne au sud
» de laquelle le groupe des plateaux de Hervé serait resté
» en place. » En même temps, d'autres fentes se produi-
sent au Nord, et l'abaissement de chaque lambeau inter-
posé dépend du frottement, variable suivant l'inclinaison
de la cassure.
Sans vouloir rechercher ce qu'il peut y avoir de fondé
dans les idées de l'auteur, je me bornerai à faire remar-
quer qu'il arrive ici à cette conclusion, que la formation
des cassures a suivi immédiatement celle des plis, ce qui
ne me paraît guère d'accord avec l'opinion que les pre-
mières se sont produites après la consolidation des roches,
les secondes, pendant qu'elles étaient encore plastiques.
La compression a donc varié d'intensité de l'Ouest à
l'Est; elle a été la plus énergique là où le bassin est le plus
rétréci, notamment entre Horion et les Awirs; elle a été
moindre entre Visé et Forêt. Suivant le conseil qui lui avait
été donné, l'auteur a cherché à déterminer l'étendue d'une
couche replacée horizontalement; il a fait ce calcul pour
trois coupes, les deux premières Nord-Sud, la troisième
N. 56° 0.11a trouvé que les développements de la couche in-
( 908 )
férieure exploitée seraient respectivement de 6.800, de 8.800
vi 22.400 mètres, la largeur du bassin étant 950, 1.200 et
3.700 mètres. On peut conclure de là que la largeur du
bassin houiller a été réduite à 14, 14 et 17 p. % seulement
de ce qu'elle était en ces trois points. Ces rétrécissements
surpassent notablement tous ceux qui, à ma connaissance,
ont été indiqués jusqu'aujourd'hui. Entraîné par ses préoc-
cupations de compression, l'auteur se borne à faire remar-
quer que cette compression a varié suivant les rapports
7,15, 7,53 et 6,05.
L'auteur aborde ensuite la description des petits bassin s
du Condroz, aujourd'hui inexploités; mais il se borne à
rappeler les documents antérieurs. Je me bornerai à ajouter
trois obervations.
D'abord l'auteur, en traitant du bassin de Theux, ne
parlepas de la disposition si remarquable du calcaire carbo-
nifère, qui vient recouvrir le système houiller au Nord et
au Sud, disposition figurée par Dumont sur sa carte de
Pépinster à Spa et reconnue par la Société géologique de
France, lors de sa session extraordinaire à Liège, en 1863.
En second lieu, la nouvelle couche de houille dont il cite
la découverte d'après notre savant confrère, M. De Koninck,
n'appartient pas au système houiller; elle est intercalée
dans le calcaire carbonifère. Enfin, l'auteur considère ces
petits bassins comme formés isolément dans des dépres-
sions du calcaire, lesquelles, à raison de leur peu de pro-
fondeur, n'auraient pu recevoir que les premières assises.
Il y aurait beaucoup à dire en faveur du maintien des idées
reçues; je mebornerai à faire remarquer que la concordance
admise jusqu'ici entre ces dépôts houillers et le calcaire
carbonifère suffit pour faire rejeter cette manière de voir.
En cas d'impression, ce chapitre devrait être supprimé.
Groupe du Nord. — La limite septentrionale de cette
( 909 )
partie est ineoniplétemciit connue et la carrière est large-
ment ouverte aux hypothèses. L'auteur décrit, trop suc-
cinctement peut-être, la disposition du calcaire de Visé,
puis il expose les rapports de lallurc de ce calcaire avec
celle des couches reconnues à l'Ouest, dans les houillères
voisines (Biquet-Gorée), et il en conclut que, probable-
ment, les plaleurcs exploitées entre les plateaux d'Ans et
d'Oupeye, doivent former de nouveaux retours par selles
et fonds de bateau, en concordance avec le soulèvement de
Visé et celui de Horion-Ilozémont. De même, les plisse-
ment du système houiller à Lhonneux et à La Gleixhe lui
paraissent indiquer que le calcaire doit se représenter au
nord de la faille de Hozémont et entourer l'hypersthéniie
(gabbro) qu'on a exploitée dans cette localité. Dans toute
celte argumentation, il se base sur une certaine symétrie
qui règne dans toute la formation carbonifère, et en vertu
de laquelle on doit rencontrer au nord de la faille des mouve-
ments de terrain analogues à ceux qu'on observe au midi.
Je n^ai pas à me prononcer sur les probabilités de l'exis-
tence du système houiller au nord de la grande faille dont
il s'agit, mais je ne puis m'abstenir de faire remarquer que
les raisons que fait valoir l'auteur, me semblent bien peu
concluantes. Il me parait, d'un côté, qu'il simplifie trop
l'allure du massif calcaire de Visé, qui est extrêmement
disloqué et se prête mal à l'observation. Cette allure est loin
d'être ce qu'on pourrait croire à l'inspection de la carte ,
laquelle ne reproduit qu'imparfaitement celle de M. Horion,
dont l'interprétation exige qu'on fasse intervenir des déran-
gements considérables (1). D'autre part, une faille assez
(1) A ce propos, je demanderais à l'auteur de reproduire sur sa carte, non pas
seulement le contour du massif de Visé, mais les détails indiqués à la même
échelle par i\l. Horion.
( 910 )
puissante pour mettre le système houiller en contact avec
le silurien, me parait rendre extrêmement hasardée toute
supposition sur la similitude d'allure des couches situées
des deux côtés de cette faille. Je suis confirmé dans celte
manière de penser lorsque je vois Fauteur amené à consi-
dérer le gabbro de Hozémont comme injecté dans le cal-
caire carbonifère, et postérieur à la formation houillère :
bien qu'on n'ait pu constater jusqu'à présent dans quel
terrain il a fait éruption, je pense qu'on trouvera peu de
géologues disposés a abandonner l'idée qu'il se trouve dans
les schistes siluriens, qui affleurent à proximité, et qu'il est
de beaucoup antérieur à l'époque houillère (1). Pour ache-
ver de rendre ma pensée, je dirai que des considérations
analogues à celles que fait valoir l'auteur, pourraient, à
mon avis, être présentées relativement à ce qui doit se
passer au sud de la faille eifelienne, et aux mouvements
qui doivent y correspondre à ceux des couches du groupe
du Midi, si l'on n'y connaissait suffisamment la présence
du terrain devonien , avec une allure propre.
Avant de quitter ces localités, je dois faire remarquer à
l'auteur que, s'il refuse de considérer comme siluriennes
les couches qu'il appelle rhénanes, il y aurait lieu d'en
donner le motif; sinon, il serait préférable d'accepter la
dénomination généralement usitée aujourd'hui. Ensuite,
(\) L'auteur cite à ce sujet un extrait entre guillemets du cours de Dumont,
d'après lequel ce géologue aurait mentionné la présence de cailloux de roches
porphyriques dans le terrain houiller. Si cette citation est exacte, elle prouve seu-
lement que le cahier est mauvais. Ce n'est pas dans le poudingue houiller que
Dumont a signalé la présence de roches porphyriques, mais dans le poudingue
eifelien ; et il ne s'est pas borné à en parler à son cours, il a fait connaître ce fait
remarquable dans son Mémoire sur le terrain rhénan.
( i»H }
l'auteur donne, à Hozcmont, une coupe dans laquelle je
vois, sous le terrain crétacé et de haut en bas :
'< Lignures » charbonneuses.
Plîlhanite.
Pierre d'avoine.
Grès houiller.
Je ne connais guère le plithanite que superposé directe-
ment au calcaire carbonifère. Cette coupe nous montre une
disposition bien différente : sans la contester, je crois devoir
appeler toute ratlenlion de l'auteur sur ce point, qui mé-
rite quelques développements.
Enfin, à l'appui de ce qu'il vient de dire sur l'existence
probable d'un nouveau bassin houiller au nord de celui
que l'on connaît actuellement, l'auteur s'appuie sur des
documents indiquant la découverte de petits fragments de
houille prés de Landen. Je crois qu'on a fait erreur et
qu'on a pris pour houille du lignite landenien (1).
Groupe du Centre. — L'auteur a ajouté à sa rédaction
première des renseignements sur les alunières du bord mé-
ridional du bassin. Je l'engagerai à réparer un oubli, en
indiquant l'inclinaison de la faille des Awirs; et je signale-
rai ici que les dressants, bien développés dans ce groupe, ont
été exploités pour coke presque jusqu'aux couches les
plus inférieures.
Groupe du Sud, — Je n'ai rien de nouveau à dire. Je
ferai seulement remarquer à l'auteur que son texte indique
que ce groupe ne dépasse « guère » la Chartreuse à
l'Est, ce qui ne me paraît pas tout à fait d'accord avec sa
carte.
(1) Cette opinion me paraît hors de doute pour le cas des fra mentsde charbon
de terre amenés par une source.
l 912 )
Groupe des plateaux de Hervé. — La description de ce
groupe me paraît peu modifiée. Je présenterai seulement
deux observations.
Vers Chèvremonl et la montagne des Krikions (Chènée),
l'auteur attribue au système houiller Tallure du système
Tamennien ou de l'eifelien qui s'observe au contact : la pré-
sence d'une faille puissante dans cette région me paraît
rendre ce procédé peu sur (1).
En second lieu, c'est à tort qu'il indique , au nord d'An-
drimont et de Bilstain , le contact du calcaire carbonifère
et des schistes houillers. Il y a en ce point une faille puis-
sant qui lui a échappé et qui met ces schistes en contact avec
les psammites et les schistes famenniens depuis l'est de la
Haute-Saurée jusqu'au delà de Villers. Une autre faille,
parallèle à la précédente et située à environ 600 mètres au
N.N.O., ramène au jour, par places, le calcaire carbonifère
àBois-le-Dame, aux Quatre Chemins et au coude du chemin
de Villers à IJauvent.
Suivant le conseil donné, il y a deux ans, l'auteur a
poursuivi l'étude de notre formation houillère jusqu'à la
frontière, autant qu'on peut le faire en l'absence d'exploi-
tations et dans une région où l'observation est difficile ou
impossible. Il poursuit cette étude dans le chapitre sui-
vant.
(1) J'ai une autre critique à adresser à la carte au •/■■20.000 de cette partie Faute
d'indications suffisantes de la surface, je n'avais pas remarqué, il y a deux ans,
qu'elle arrive à la montagne des Krikions, où l'auteur figure le passage des cou-
ches de houille. Il y a là une erreur que je ne m'explique pas : la carte de Dumont
montre en cet endroit, c'est-à-dire entre l'Ourthe et la Vesdre, la partie inférieure
de son étage quartzo-schisteux du système eifelien , et la vérification du fait est
tellement simple que l'auteur ne pouvait l'ignorer. De même dans la vallée de la
Meuse . vers Kinkempois, l'auteur fait empiéter le houiller sur l'eifelien. Est-ce à
raison de l'inclinaison de la faille, combinée avec le niveau de la coupe?
( !>ir> )
CiiAP. III. — Relations géologiques entre te système fiouil-
1er de la province de Liège et les systèmes allemands
de notre frontière Est et Nord-Est.
Dans le prolongement du bassin méridional que forment
les couches du groupe des plateaux de Hervé, se trouve
sur le territoire prussien la concession de Sybilla, dans la-
quelle on a reconnu récemment trois couches de houille
terreuse et inexploitable. Le tracé de ces couches montre
l'origine du bassin d'EschAveiler. L'espace compris entre
cette concession et celle de Houlteau est occupé par une
selle stérile qui est la base de la formation houillère, et
des deux côtés de laquelle Tennoyage a lieu vers TEst, en
Prusse, et vers l'Ouest, dans notre pays.
II est digne de remarque — et l'auteur insiste avec rai-
son sur ce fait — que le nombre des couches de houille du
bassin d'Escliweiler est le même que dans le bassin de
Liège. On se rappelle que l'auteur en admet 47 : Clère ,
dès 1*814, en avait reconnu 46 chez nos voisins.
L'auteur cherche ensuite à montrer que le bassin de la
Ruhr (je ne sais si ce nom est exact) est également en
rapport avec le nôtre; voici comment. « Si, dit-il, comme
» je crois l'avoir prouvé, du moins avec de grandes pré-
» somptions, un bassin inconnu existe entre Visé et Horion-
» Hozémont, il est plus que probable que le versant Est
» du soulèvement calcaire de Visé est à son tour le point
» originaire d'assises houillères plongeant en bassin vers
» l'Est, de même que, dans les concessions de Biquet-
» Gorée, elles existent et plongent symétriquement vers
» l'Ouest. »
« Il en résulterait que le Limbourg belge renfermerait
r 9ii )
» dans sa partie orientale la pointe soulevée cl\ni bassin
» dont la richesse se développerait vers le Limbourg hol-
» landais et TAllemagne. Ces prévisions seraient confir-
» mées si, comme on l'a rapporté, des sondages ont fourni
)> dans cette zone la découverte de couches de houille. »
Malheureusement on n'a pu obtenir de renseignements
positifs. Partant de ce qu'on sait, l'auteur explique le tracé
qu'il a représenté sur sa nouvelle carte n"* 2, à laquelle se
rapportent les coupes de la planche n° 3, et d'où résulte,
dit-il, pour le Limbourg hollandais, l'espérance de
richesses en houille qu'il avait pressenties dans son pre-
mier mémoire. Il m'a paru que la manière ingénieuse dont
il explique les résultats des différents sondages connus,
résultats tantôt heureux, tantôt défavorables, mérite toute
considération , et parle en faveur des idées de l'auteur sur
cette région.
A ce chapitre sont en outre annexées une planche repré-
sentant les travaux de Sybilla, avec raccordement et coupe;
puis une coupe horizontale et une coupe verticale du bassin
houillerd'Eschweiler, coupes extraites du grand ouvrage de
Geinitz, auquel, le cas échéant, il sufïirait de renvoyer.
Chap. fV. — Desci'iption minéralogique
et paléontolofjiqiie.
L'auteur ajoute ici à son ancien chap. lU une introduc-
tion historique à l'occasion de laquelle il décrit les diverses
roches qui se rencontrent dans notre système honiller.
Cette dernière partie, extraite presque entièrement du
mémoire couronné de Dumont, ne présente pas un grand
intérêt de nouveauté. On pourrait remplacer l'expression
de quartz grenu par celle de quartzile et indiquer comme
( 915 )
cornets calcaires emboîtés les corps mentionnés par
Dumont comme polypiers (?) clans l'ampclite.
Celle inlroduclion, — dont j'approuve l'addition, —
appelle cependant quelques observations.
L'auteur rapporte assez en détail ce qu'on sait au sujet
des fossiles animaux qui ont été rencontrés dans notre for-
mation houillère. Je crois que cette partie pourrait être
abrégée; mais j'aurais désiré la voir résumée en un tableau
indiquant pour chaque espèce les lieux et les niveaux où
elle a été citée, el les auteurs qui en ont parlé. 11 en est à
peu près de même pour les plantes. La liste de l'auteur
est singulièrement incomplète : il aurait trouvé beaucoup
plus dans VAbrégé de géologie de d'Omalius ou dans mon
Prodrome d'une descriplion géologique de la Belgique. Je
lui conseillerais de reproduire la liste donnée par M. Crépin
dans Patria belgica; et comme il annonce qu'il donnera,
à l'occasion, des renseignements sur le gisement exact de
plusieurs espèces, il ferait chose utile en réunissant ces
indications en un tableau.
L'auteur s'occupe longuement des rognons de sidérose,
sans en séparer convenablement ces grosses concrétions
que nos mineurs désignent sous le nom de cloches et qui
conservent la trace de la stratification des couches qui les
renfermenl, tandis que les rognons sont formés d'éléments
concentriques. Ceux-ci se rencontrent ordinairement au
mur des couches de houille , plus rarement dans les
couches stériles ou au toit, très-rarement sous la couche
de houille elle-même (Macy Veine et laie du mur de
Lairesse). Un tableau réunit tous les cas connus (1).
(1) Pourquoi les numéros de ce tableau ne se suivent-ils pas dans leur
ordre naturel ?
( 916 )
Il semble à l'auteur qu'une loi générale a présidé à la
dissémination de ces rognons. Il attribue leur formation à
des courants thermo-électriques, circulant dans la croûte
solide du globe. Le plus grand nombre se trouve au mur
à cause de circonstances tenant à des déluges diluviens
que je ne comprends pas bien : « Pendant chaque période
» diluvienne correspondant à la formation d'une couche
» de houille, les dépôts inférieurs prenaient une consis-
» lance pâteuse dans un espace de temps relativement
» court, grâce à la pression des dépôts successifs. Ceux,
» au contraire, qui se constituaient à Tépoque terminale
» d'un déluge, conservaient leur semi-fluidité pendant un
» temps plus long. Il en résulte que les phénomènes de
» transport moléculaire précités ne pouvaient se produire
» spécialement que pendant cette dernière période, à
» laquelle correspond le dépôt constituant spécialement
» le mur et accessoirement le toit d'une couche. Nous
» pourrions en conclure que les slampes, autres que le toit
» et le mur, dans lesquelles on trouve également des
» rognons de fer carbonate, signalent, dans la période du
» déluge houiller correspondant, une intermittence. »
Voici pourquoi le fer est à l'état de carbonate : « Les
» dépôts formant limite d'un déluge sont demeurés plus
» longtemps que tous autres exposés aux influences d'une
» atmosphère renfermant en grandes proportions de
» l'acide carbonique... Les parties du dépôt soustraites à
» cette influence ont, au contraire, conservé le métal
D disséminé dans la masse à l'état d'oxyde.
» La rencontre de ces rognons vient corroborer la
» théorie généralement admise sur le mode originaire de
» la houille par déluges périodiques, engloutissant succès-
» sivement des débris de végétaux , recouverts ensuite de
» la vase plus ou moins argileuse ou sableuse. j>
( -^'7 )
Il y a chez Fauteur — on le voit en beaucoup d'endroits
de son travail — une grande propension à chercher la
cause de tout. Je suis loin de l'en blâmer; mais, appelé à
donner un avis sur ces théories, je pense qu'il n'a pas été
heureux dans ses essais d'innovation.
Le dernier paragraphe que je viens de transcrire m'en-
gage à rappeler l'endroit du mémoire précédent où il est
question du mode de formation de la houille. A propos
des variations dans l'épaisseur des couches de charbon de
terre, l'auteur dit que , « théoriquement, il résulterait du
» mode de génération adopté que, sur un grand dévelop-
» pement, tout au moins, une même couche de houille
D doit conserver une puissance et une composition uni-
» forme. »
Cela peut dépendre de la théorie que l'on adopte; pour
moi, cette conséquence n'est point nécessaire. On croirait
à la lecture de ce qui suit, que l'auteur n'a pas d'idée fort
nette de la théorie adoptée, tant certains passages parais-
sent s'appliquer à l'une, tandis que d'autres semblent
s'appliquer à l'autre. Aussi je pense que l'auteur devrait
exposer succinctement, mais nettement, la théorie qu'il
adopte et sur laquelle il s'appuie.
« On a généralement considéré les horizons géologiques
» (?) sur lesquels se déposaient (?) les couches végétales
» qui devaient donner naissance à la houille, comme for-
» mant d'immenses bassins réguliers. On pourrait cepen-
» dant admettre que ces bassins étaient légèrement
» ondulés en une foule de points. Ces ondulations étaient
» le résultat des mouvements en quelque sorte continuels
T> auxquels l'écorce du globe était soumise, à l'origine
» surtout.
» Si donc on suppose que les couches végétales se
( 918)
» soient déposées dans un bassin en quelque sorte mobile,
j> se plissant légèrement en certains points, on en conclut
» que l'épaisseur d'un dépôt isolé, en voie de formation,
» a été plus notable dans une partie déprimée que dans
» une partie surélevée. i> Ceci n'est pas sûr. En tout cas,
ce passage me paraît se rapporter à la théorie du char-
riage.
» D'autre part, la végétation des âges houillers s'ar-
» rétait dès que l'immersion sous le niveau des eaux s'opé-
» rait. » Voilà bien la théorie des tourbières.
» Si les déluges successifs qui ont amené des dépôts
» arénacés recouvrant successivement les couches formées,
» se sont opérés sur des horizons plus ou moins ondulés,
» les phénomènes ci-dessus décrits ont pu se mani-
» fester. »
Je doute que l'auteur trouve beaucoup de partisans de
ces déluges successifs.
Dans son dernier chapitre, Conclusions, il ajoute, à l'oc-
casion des grès que Ton rencontre partout, situés toujours
à une hauteur à peu près égale, d'où l'on peut conclure
que ceux de chaque niveau sont contemporains : « cette
D conclusion vient à l'appui de la théorie ordinaire de la
» formation de la houille. On a pu lui objecter le grand
» nombre de déluges survenus pendant la formation suc-
» cessive de plus de quatre-vingts couches de houille, mais
D ce nombre se réduisant de plus de moitié, l'objection
ï> perd ainsi une partie de sa valeur. »
Pour en revenir à l'introduction de notre chap. IV, la
description minéralogique de nos diverses variétés de
houille vient ensuite, mais tout à fait écourtée; puis
l'auteur rappelle ce qu'on sait des eaux salées qui ont été
rencontrées dans notre formation houillère.
^ ( 919 )
Vient ensuite, pour compléter ce chapitre IV, le cha-
pitre 111 de l'ancien mémoire. Aux observations que j'ai
présentées, il y a deux ans, j'ajoute que l'auteur ferait
chose utile en donnant, dans ses listes de concessions des
quatre groupes, l'indication des communes sur lesquelles
elles se trouvent. En second lieu , l'auteur a joint à son
texte, à l'occasion de la couche Cinq-Pieds, une coupe en
traits bleus, rouges et noirs, laquelle a grand besoin d'ex-
plications, car je dois avouer ({u'elle m'a laissé beaucoup
d'obscurités.
Nous arrivons au chapitre V, l'ancien chapitre IV, Re-
cherches synonymiqiies sur les quatre groupes, \iom lequel
je n'ai rien à modifier dans mon précédent rapport. Vient
ensuite un chapitre nouveau.
Chap. VI. Discussion, au point de vue synonymique, de
la nomenclature des couches adoptée par Dumont.
L'auteur fait d'abord observer qu'à l'époque à laquelle
Dumont publia son remarquable travail sur notre bassin
houiller, on ne connaissait rien des deux branches de la
faille de Seraiug, de la faille eifelienne et du prolongement
de la faille de Saint-Gilles entre Wandre et Cheratte. On
devait donc considérer comme distinctes les mêmes cou-
ches situées de chaque côté de ces dérangements ignorés;
aussi les mineurs leur donnaient des noms particuliers.
Telle est la principale cause du nombre élevé de couches
admis par Dumont. L'auteur donne ensuite le tableau des
groupes établis par cet illustre géologue et des couches
qu'il reconnaissait dans chacun , et qu'il réunissait en trois
étages.
a Si l'on dresse, dit l'auteur, d'après l'opinion qu'il for-
» mule, le tableau de superposition de chacun de ses
» groupes en rangeant ces derniers dans l'étage corres-
( 920 )
» pondant qu'il leur attribue, sans nomenclature ni con-
D cordance synonymique précise, on arrive aux résultats
D suivants. »
« Étage supérieur En tout 51 couches au maximum,
D dont 23 au maximum sont exploitables, c'est-à-dire, ont
» au moins 0™,40. »
c< Étage moyen En tout 21 couches au maximum,
» dont 18 au maximum sont exploitables. »
« Étage inférieur En tout 31 couches dont 25 sont
j> exploitables. »
Donc un total de 83 couches dont 66 sont exploitables.
C'est ce dernier nombre, notons-le bien, que l'auteur a
réduit à 47, et il doit chercher la cause de cette différence.
Il rappelle textuellement comment Dumont a établi ses
calculs. Des faits sur lesquels ce savant s'appuyait, les uns
restent acquis, d'autres sont controuvés, d'autres enfin res-
tent hypothétiques. L'étage supérieur de Dumont est cor-
rect pour le groupe du Nord, mais il doit être modifié dans
le groupe du Centre. En effet, Dumont admettait que la
couche Hareng est la même que la Petite Veine de Mons :
or, l'auteur ayant établi que le grès sous Chaineux (Centre)
est le même que le grès sous Grande Veine des Dames
(Nord), la synonymie acceptée par Dumontest évidemment
erronée, d'où il suit qu'il y a erreur manifeste dans le
nombre de 63 couches admises au-dessus du grès de Flé-
malle.
De même, la couche Grande Dacque est reconnue être
rOlyphon, comme Dumont l'admettait; mais Diamant, de
la Chartreuse, n'est pas l'Olyphon, du Val-Benoît, qui cor-
respond à Poignée d'Or, de la Chartreuse. Le grès sous
Diamant, que Dumont raccordait au grès de Flémalle, est
donc de beaucoup inférieur à ce dernier.
( '^'^1 )
Quant au groupe des plateaux de Hervé, il était si peu
connu en 1850 que les erreurs ne doivent point sur-
prendre.
L'auteur cherche ensuite à prouver que la nomenclature
de Dumont présente de doubles emplois et que l'ordre de
superposition des couches, tel qu'il résulte des tableaux de
ce savant, renferme des inexactitudes. Il m'est impossible
de résumer cette discussion. Je l'ai étudiée avec soin, et je
dois dire que l'auteur me paraît avoir réussi à établir l'exac-
titude de ses vues, au moins dans la plupart des cas.
Il arrive ainsi à établir les tableaux rectifiés des trois
étages de Dumont. Il obtient de la sorte :
Étage supérieur : 22 couches exploitables au lieu de 28 fDumont).
Étage moyen : 14 » » » 18 »
Étage inférieur : 11 » » » 23 »
Total : 47 66
L'auteur donne ensuite les tableaux rectifiés de la suc-
cession des couches dans les 16 groupes de Dumont, tout
en reconnaissant que cette division en 16 groupes n'a plus
d'importance aujourd'hui, la division en quatre groupes,
limités par les grandes dislocations étant suffisante. Il
maintient donc le tableau synonymique qu'il a donné dans
son premier mémoire et qui est tout à fait neuf.
Chap. VIL — Conclusions.
Ce chapitre est emprunté à l'ancien mémoire, et je n'ai
rien à ajouter à ce que j'en ai dit, il y a deux ans.
2"^ SÉRIE, TOME XL. o9
922 )
II
Le second mémoire a pour épigraphe : « la science n'est
» pas œuvre d'imagination , mais d'observation , de calcul
» et de réflexion. » Dans son introduction, l'auteur nous
apprend qu'il conserve la classification de Dumont et donne
à l'expression g système houiller » le même sens que lui
donnait ce savant maître et que nous avions dans l'esprit
lorsque nous avons proposé la question. Nous n'avons pas
à discuter les motifs qu'il fait valoir; nous allons le suivre
dans les diverses parties de son travail.
Le premier chapitre est consacré aux Généralités sur la
formation de la houille et des bassins houillers. Admettant
l'origine végétale de la houille, l'auteur insiste sur les rap-
ports intimes qui relient tous les combustibles fossiles, de-
puis la tourbe jusqu'à l'anthracite, et il reproduit à l'appui
quelques analyses, auxquelles il ajoute certaines considé-
rations plus ou moins fondées sur les relations qui existent
entre cette série de produits naturels et celle des produits
de la carbonisation du bois en vases clos. Il n'y a là rien de
neuf ou de complet.
Examinant de plus près le caractère de la végétation
houillère, l'auteur lui trouve de grandes analogies avec
celle de nos tourbières, puis il énumèreune série de plantes
de notre flore actuelle comme ayant servi à former la
houille. Cette ignorance des lois les plus connues de la pa-
léontologie ne nous a pas médiocrement étonné. Après cela,
on n'est plus surpris de voir l'auteur admettre que cette an-
cienne végétation s'est développée sous un climat analogue
( !>^^"> )
à celui de nos grandes tourbières modernes, soit par une
température moyenne de 6 à 8 degrés.
L'auteur ajoute quelques mots pour repousser la théorie
du charriage, puis pour expliquer la transformation des ma-
tières végétales en houille. 11 s'occupe ensuite de la forma-
tion des couches de houille successives et des couches sté-
riles qui les séparent : les oscillations du sol jouent ici un
grand rôle. U en résulte que les couches étaient originaire-
ment horizontales et que leurs plissements sont postérieurs
à leur formation. D'autre part, les conditions qui ont pré-
sidé à la végétation houillère, expliquent pourquoi ces
anciennes tourbières ne se trouveraient que dans la zone
tempérée. Ici l'auteur est fort incomplètement renseigné
sur l'extension géographique des bassins houillers.
Le deuxième chapitre est intitulé Situation géogra-
phique du bassin de Liège. L'auteur ne voit aucun motif
pour supposer à ce bassin une nouvelle extension au nord
de Haccourt; il conserve donc la délimitation indiquée par
Dumont, sauf qu'il y introduit, pour les environs de Visé,
les indications fournies par la petite carte de M. Horion. Les
trois ou quatre pages consacrées à l'indication de ces limites
ne sont intelligibles qu'à l'aide d'une carte géographique,
et l'inspection de la carte géologique de Dumont en apprend
davantage, de sorte que ces pages pourraient être suppri-
mées sans inconvénient sérieux.
Suivent quelques données sur l'altitude des affleure-
ments du système houiller et de la Meuse, données incom-
plètes, parfois même peu exactes; par exemple, la cote du
zéro du pont des Arches, à Liège, n'est pas 60 mètres,
mais 5o. La profondeur du bassin houiller serait de HOO
mètres en ce point; son épaisseur maximum étant, d'après
( 924 )
les coupes de l'auteur, de 1400 raèlres jusqu'à la dernière
couche exploitable.
Le troisième chapitre a pour titre Généralilés minera-
logiques et géologiques. L'auteur considère la séparation de
l'étage inférieur comme peu nette et peu fondée, ce qui est
affaire d'appréciation, et il signale avec raison son absence
en bien des points. Il expose en détail la disposition géo-
graphique de cet étage; il rapporte une division en trois
assises, par M. Horion; puis il donne quelques renseigne-
ments sur les gîtes métallifères qui sont venus s'intercaler
au contact du calcaire carbonifère, renseignements dépa-
rés, çà et là, par quelques inexactitudes; enfin, il passe à
la description des roches, ampélite, phlhanite, grès ou
quartzile, et des minéraux accidentels, alun de plume,
gypse, chaux carbonalée fétide, etc. A cette occasion,
quelques mots sont consacrés à l'assimilation de cet étage
au milhlone gril des géologuesanglais. L'auteur donne une
analyse d'ampélite alunifère et une autre d'ampélite graphi-
que, variété tout à fait accidentelle, lesquelles auraient été
exécutées au laboratoire de l'École des mines de Paris, il
ne dit pas à quelle occasion; il rapporte au phthanite des
cristaux de quartz enfumé; il admet que le phthanite ne
se décolore pas au feu ; enfin il traite de tous les miné-
raux des ampélites. Il décrit à tort le quartz grenu comme
distinct du quartzite et il fait connaître, sous le nom de
concrétions schisteuses ou calcarifères,les cornets calcaires
emboîtés qui furent jadis considérés comme polypiers.
Vient ensuiie la description des roches de l'étage houil-
1er proprement dit; en premier lieu, le psammite, qui passe
au grès et est plus fréquemment désigné sous ce dernier
nom. Suivant l'auteur, il passerait vers le bas à un conglo-
( Î)2S )
mérat à gros éléments, dérivés de roches antérieures,
gneiss ou granité : il est probable que l'auteur a introduit
ici un passage emprunté à quelque ancien traité de pétro-
graphie, mais nullement applicable au cas présent. 11 a ana-
lysé 26 échantillons de ces grès : il est regrettable de voir
figurer dans ces analyses la rubrique « autres matières, »
sans aucun éclaircissement.
Vient ensuite le poudingue. Ici encore, à propos de la
position des cailloux, l'auteur introduit une observation
que l'on trouve dans les ouvrages de géologie, mais qui ne
peut s'appliquer au conglomérat à petits éléments qu'il a à
faire connaître. I.a description du schiste n'est pas plus
satisfaisante. Tout cela vient de ce que l'auteur entre-
mêle les caractères généraux de ces roches, — ce qu'il
pouvait omettre, — avec les caractères particuliers des
variétés qu'il avait à décrire.
La distinction entre les schistes du toit et ceux du mur
n'est qu'ébauchée; il est probable d'ailleurs qu'il y a ici
une lacune dans la copie.
La description est suivie des analyses de 66 échantillons
de schiste houiller : l'auteur ferait chose utile en les discu-
tant. Ainsi, nous trouvons que, dans ces 66 analyses, la
proportion de silice varie de 65,8 à 95,8 p. "/o; dans 48
cas, elle est comprise entre 69 et 72 p. °/o. De même, la
proportion d'alumine varie de 11,5 à 50,9 p. 7o5 ^^^^
51 cas, elle est comprise entre 28 et 50 p. 7o. Ces résul-
tats semblent indiquer une composition normale corres-
pondant à la formule A|2 0^, 4 Si O^; résultat intéressant,
surtout lorsqu'on le rapproche de la composition des ar-
giles plastiques d'Andenne , que j'ai considérées comme
provenant de la décomposition des schistes houillers, et
dont la composition serait représentée, dans le plus grand
( 926 )
nombre des cas , par la formule Al^ 0^, 5 Si 0-, d'après les
nombreuses analyses rationnelles exécutées par mon ha-
bile collègue, M. le professeur Chandelon, qui a bien voulu
me communiquer ces résultais.
Nous arrivons au paragraphe le plus important, consa-
cré aux propriétés physiques et chimiques de nos houilles.
La description laisse à désirer, surtout au point de vue
de Tordre; mais elle est accompagnée d'une centaine
d'analyses (J), avec dosages du coke et des cendres, plus
une quarantaine de dosages de coke et de cendres, que
Fauteur discute avec soin. 11 en résulte que nos houilles
renferment :
82,87 à 93,90 de carbone,
d,02 à 4,12 d'hydrogène,
i,2o à 7.10 d'oxygène avec azote,
1,22 à 16,00 de cendres.
Le rapport des matières volatiles aux matières fixes est
de 1 : 2,ol pour la variété la plus grasse et de 1 : 24,07
pour la plus maigre.
D'après ces analyses, l'auteur croit pouvoir confirmer la
classification proposée récemment par M. Hilt, qui divise
les houilles de la Worms comme suit, d'après le rapport
entre les parties volatiles et les parties fixes.
1. Houilles maigres anthraciteuses. . . de l : 20 à 4 : 9.
2. » demi-grasses anciennes . . » 1 : 9 » 1 : o.o.
3. » grasses à coke » i : o,5 "1:2.
4. » » nouvelles » 1 : 2 » 1 : 1,5.
o. )' demi-grasses nouvelles . . » 1 : 1,5 » 1 : 4,23.
6. » maigres nouvelles » 1 : 4.25 » 1 : 1,11.
Mais l'ingénieur allemand serait allé trop loin en ajou-
'i) C'est sans doute par inadvertance que. dans les analyses, l'auteur inscrit le
carbone cokéjié : il me paraît qu'il faut lire simplement carbone.
( 947 )
tant que la loi qu'il croit avoir reconnue est suffisamment
constante pour que l'on puisse, dans une même mine, dé-
terminer l'ordre de superposition des couches d'après
l'examen des rapports ci-dessus. A ce propos, l'auteur fait
remarquer que les couches inférieures, qui sont maigres
au nord de la faille de Saint-Gilles, fournissent du char-
bon gras au midi de ce grand dérangement.
Le paragraphe suivant est consacré aux minéraux acci-
dentels, fers sulfurés, limonite, sidérite, quartz, pholé-
rite, chaux carbonatée simple, ferrifère ou manganésifère ,
anthracite. C'est sans doute par erreur de rédaction que le
fer sulfuré est indiqué comme s'enflammantspontanément :
c'est la houille pyriteuse qui est dans ce cas (1). L'auteur
donne diverses analyses , mais sans renseignements sur
l'origine des échantillons analysés. Il y aurait encore d'au-
tres détails à relever snr ce point. Je considère aussi
comme méritant confirmation la présence du quartz hyalin
en lamelles minces entre les lits charbonneux; je n'ai ja-
mais vu que de la calcite.
La plus grande partie des renseignement contenus dans
ce paragraphe paraissent empruntés aux mémoires cou-
ronnés de Davreux et de Dumont, surtout pour ce qui
concerne les formes cristallines des minéraux.
Le chapitre suivant est intitulé Géogénie^ soulèvements,
stratifications sous-jacentes. L'auteur n'hésite pas à consi-
dérer la formation houillère comme étendue primitivement
sur toute la surface occupée aujourd'hui par le terrain an-
(1) Ce qui ne m'empêche pas de croire que, dans beaucoup de cas, l'inflam-
ination spontanée est déterminée par la combustion lente de l'hydrogène carboné
qui se dégage dans un tas de houille.
( 928 )
ihraxifère, et ayant laissé pour témoins de son existence
les petits bassins houillers du Condroz.
Après la formation du système houiller survint le soulè-
vement en masse de l'Ardenne et du Condroz, soulèvement
dont la direction est indiquée par celle des grandes failles
qui affectent ce système ou le limitenl au Sud, comme par
celle des ennoyagesdes plis nombreux que font les couches.
Dans notre province, celte direction est sensiblement.
N.E.-S.O. L'auteur insiste sur la différence d'intensité du
soulèvement depuis l'Ardenne jusqu'à la Meuse, et il
accompagne ses explications de diagrammes qui n'ont pas
réussi à m'en donner une idée parfaitement nette; en
même temps, il me paraît négliger un peu le refoulement
de l'Ardenne vers le Nord.
Ce soulèvement s'accompagna de dislocations considé-
rables, parmi lesquelles il faut citer en première ligne
celle qui, entre Yvoz et Angleur, a mis en contact les
schistes houillers et ceux de l'étage du poudingue de Bur-
not. Deux failles nouvelles (auxquelles l'auteur rattache
plus loin celles qui ont été observées entre Huy et Mo-
dave),partent deBeau-Fraiponl, près Chênée,et de Chaud-
fontaine pour se diriger au Nord-Est et elles partagent le
bassin de Hervé en trois parties. Vient ensuite la faille de
la Vesdre, que l'auteur indique comme reconnue dans les
concessions d'Angleur et du Val-Benoît : sa direction se
rapproche de celle de plusieurs vallées de l'Ardenne, et
Ton serait ainsi amené à la considérer comme posté-
rieure aux failles N. E. dont il vient d'être question et à
la rapporter à la limite entre le terrain triasique et le ju-
rassique.
D'autres rides se sont produites transversalement : la
première sépare, à Samson, notre bassin houiller de celui
( 1)29 )
du Hainant; la seconde est celle de la région comprise
entre la Meuse et la Vesdre, et la troisième se montre à
notre frontière orientale, entre notre bassin houiller et
celui d'Esclnveiler.
L'auteur considère l'aflleurement de la bande silurienne
duCondroz comme un autre résultat du grand mouvement
qui plissa nos terrains anciens à la lin de la période carbo-
nifère, et il fait valoir à l'appui de cette opinion les résul-
tats auxquels notre honorable confrère, M. Houzeau, est
arrivé, il y a une vingtaine d'années.
Une autre faille existe dans la vallée de la Meuse en aval
de Liège et elle a été reconnue en divers endroits. C'est
peut-être le prolongement de la fracture dans laquelle
rOurte coule en aval de Durbuy, et sa direction est sen-
siblement celle du système sardo-corse, dont M. Houzeau
a également signalé Tinfluence dans cette partie de notre
pays.
A Hozémont, le système houiller repose sur un calcaire
que M. Gosselet a rapporté au calcaire à stringocéphales.
On n'y observe guère l'étage inférieur; les phthanites et
quartzites par lesquels commence la formation, doivent
être considérés comme des accidents dus à un métamor-
phisme local.
Enfin le bord méridional de la formation est souvent
renversé.
L'auteur rappelle ensuite que d'Omalius plaçait ce
grand soulèvement de nos terrains anciens à la limite
entre le zechstein et le grès des Vosges, et qu'il insistait
sur le changement de direction de ce soulèvement, de part
et d'autre d'une ligne allant de Namur à Rochefort, vers
rOuest. jusque dans le pays de Galles, vers le Nord-Est, jus-
qu'au Harz.
( 950 )
Vient ensuite un chapitre intitulé : Accidents et déran-
gements affectant les dépôts houille rs. L'auteur y établit
deux sections.
A. — Accidents contemporains de la formation. En pre-
mier lieu viennent les variations des inlercalations schis-
teuses qui divisent souvent les couches de charbon de
terre en plusieurs laies : leur étude est importante au point
de vue de la recherche de la synonymie des couches. Ces
accidents consistent en variation de puissance des inter-
calations, disparition d'un lit schisteux ou production de
nouveaux lits, pouvant aller jusqu'à séparer par plusieurs
mètres de couches stériles une laie de charbon qui devient
ainsi une veinette distincte; remplacement d'une couche
de houille par une série de veinettes; diminution de puis-
sance ou disparition d'une couche. Les étreintes sont de
même nature que ces derniers accidents, mais elles sont
tout à fait locales. L'auteur se borne à indiquer un ou deux
exemples de chaque cas, renvoyant pour le reste aux des-
criptions des diverses couches.
B. — Accidents postérieurs à la formation. Ici viennent
se placer les failles, les brouillages, etc., au voisinage des-
quels la houille est souvent fort altérée. Le soulèvement
qui les a produits s'est opéré à une époque où les roches
étaient déjà suffisamment consolidées pour se briser fré-
quemment dans les plis.
Ce mouvement fut une combinaison de compression
latérale, donnant lieu aux plissements, et de soulèvement,
produisant les failles.
Ces fractures sont générales ou locales. Les premières
ont produit la faille eifelienne, celle de Saint- Gilles, etc.;
les secondes n'ont occasionné que des dérangements acces-
soires, qui, fréquemment, ne se manifestent qu'au voisi-
f 951 )
nage du plan de rupture. On rencontre ces dernières dans
presque tous les cnnoyages, et leur inclinaison, qui est
généralement celle de la bissectrice de Tangle du bassin
ou de la selle, est rarement inférieure à 45". E^nfin, des
fractures dérivées ont été provoquées par Tune ou l'autre
des cassures précédentes, sur lesquelles elles viennent
s'embrancher. Tel est le cas pour la faille de Saint-Gilles,
dont la lèvre méridionale, qui forme le mur, a provoqué, en
se relevant, une série de cassures presque horizontales dans
les couches du toit. A la Minerie, au contraire, une série
de trois à six cassures dérivées verticales vient se grefïèr
sur trois failles secondaires.
Les fractures de toute catégorie sont parallèles à la di-
rection du soulèvement qui les a produites. Les accidents
contemporains sont donc parallèles entre eux; cependant
cette règle est moins générale pour les cassures déri-
vées.
Partant de là, l'auteur reconnaît trois séries de frac-
tures distinctes dans le bassin de Liège :
l*' Accidents produits par le grand soulèvement qui a
suivi la formation houillère et qui est dirigé E.20à 25'' N.
Telles sont les failles eifelienne, de Saint-Gilles, de Se-
raing, des Onhons, de Hervé, de Saint-Hadelin, etc., avec
les cassures dérivées qui s'y rattachent au nord de la faille
de Saint-Gilles, à l'Espérance à Herstal, etc., etc. Leurs
directions s'écartent au plus de 5° de celle du soulève-
ment;
2° Accidents dirigés N.-S. Ce sont les failles de Gaillard-
Cheval, de Brouck, de Gilles et Pirotte, de Rhées, de la
Meuse, de Cheratte-Wandre, de la Minerie. fndépendam-
ment de leur direction , l'auteur les rattache au système
sardo-corse par cette raison qu'on les rencontre seulement
( 932 )
dans la zone parcourue par la ride que M. Houzeau a
reconnue en la rapportant à ce système ;
5** Accidents dirigés vers le S.E. et rattachés au sys-
tème du Thiiringerwald. Ce sont les failles du Val-Benoît
et d'Angleur, dont la direction, reconnue seulement sur
une très-faible longueur, varie de 11o°à ISo*'.
L'auteur rapporte ici la distinction que l'on fait souvent
« entre les failles, nom sous lequel on désigne les cassures
avec écartement des parois et terrain de remplissage, et
les crains, fractures simples, sans écartement. » Je con-
state à ce sujet que la dénivellation des parois, caractère
essentiel de toute faille, existe dans tous les accidents
dont il est question ici; et j'aime à croire que c'est par
inadvertance que l'auteur ne l'a pas rappelée dans la défi-
nition ci-dessus, qui paraît n'avoir en vue que la distinc-
tion à introduire; il y a là une lacune à combler. Quant à
cette distinction entre faille et crain, l'auteur, avec raison,
n'y attache aucune importance; ce qu'on appelle terrain
de remplissage n'est formé le plus souvent que des débris
broyés des couches recoupées par la faille. C'est seulement
vers la surface que ces matériaux incohérents ont pu être
enlevés dans certains cas par des phénomènes diluviens
qui ont introduit des cailloux roulés, des graviers et d'au-
tres matières de remplissage proprement dit. On remar-
quera que cette introduction de matériaux de transport
peut se présenter jusqu'à une profondeur de 100 mètres
et même davantage.
Viennent ensuite quelques détails intéressants sur Tes
transformations opérées dans ces matériaux de remplis-
sage par des infiltrations d'eaux chargées de calcaire, etc.
L'auteur décrit ensuite avec soin les modifications qui
résultent de la multiplicité des cassures, de leur obliquité
( 953 )
variable par rapport aux couches traversées, etc. Ainsi,
telle faille présente une zone bouleversée d'une centaine de
mètres de large lorsqu'elle traverse les couches très-obli-
quement, et se réduit à une cassure nette lorsqu'elle les
recoupe sous un angle fort ouvert. Tantôt le toit, tantôt le
mur est relevé : ce dernier cas est le plus général. Le pas-
sage qui suit, et qui est relatif à l'inflexion des couches au
voisinage de la faille, renferme une faute de copie : la dis-
position indiquée ne peut s'appliquer indifl'éremment à
l'abaissement et au relèvement du toit de la faille.
A propos de ces accidents, l'auteur cite de nombreux
exemples des variations de nature du charbon qui les
accompagnent.
Un fait important à noter, c'est quele relief du sol (dans
les parties non recouvertes de morts-terrains) est en rap-
port avec les failles. La plupart des vallées qui sillonnent
notre système houiller, sont dues, d'après l'auteur, à des
accidents de ce genre. Ainsi le vallon de Toute-Voie est
en rapport avec la faille de Saint-Gilles, et diverses ondu-
lations du sol des concessions de la Batterie et de la
Grande-Bacnure sont en relation avec les accidents souter-
rains qui y ont été constatés. L'auteur insiste avec raison
sur l'importance de ces relations.
Aux failles se rattachent les brouillages, « amas peu
stratifiés de fragments de roc ou de charbon disposés sans
ordre, et provenant sans nul doute de la succession d'une
série de cassures dérivées aux approches d'une fracture
principale. On les rencontre également entre deux frac-
tures principales ou secondaires assez rapprochées. » L'au-
teur en cite des exemples. Viennent ensuite les rétrécisse-
ments et les renflements, accidents corrélatifs, dont la répé-
tition donne lieu à l'allure en chapelet, et qu'il ne faut pas
( 954 )
confondre avec les étreintes, dont l'origine est contempo-
raine de la formation, tandis qu'ils sont le résultat d'une
action dynamique postérieure. Viennent ensuite les queu-
vées ou doublages de veine et les recoutelages^ accidents
qui ne sont guère déflnis, et dont les exemples mérite-
raient quelques figures à intercaler dans le texte.
Enfin un paragraphe est consacré aux altérations qui se
présentent dans les couches de houille lorsqu'elles arrivent
à la surface du sol ou au contact des morts-terrains.
Le chapitre suivant est intitulé Métamorphisme. Les
phéno^nènes métamorphiques sont peu prononcés dans
notre bassin, où l'on ne rencontre pas de roche éruptive.
La chaleur centrale et la pression des couches superposées
sont les principaux agents à considérer ici. On peut leur
attribuer la nature de plus en plus maigre du charbon à
mesure que l'on descend la série des couches, mais cette
loi générale présente beaucoup d'exceptions locales dont
la cause nous échappe. La relation entre ces modifications
de la houille et les dérangements a été signalée plus haut,
mais à titre de coïncidence. L'auteur en cite des exemples
remarquables, puis il recherche si l'observation ne fait
pas constater des zones de métamorphisme. A cet égard
il fait remarquer que la houille devient de plus en plus
maigre à mesure qu'on s'avance vers l'est du bassin (non
compris les plateaux de Hervé); ainsi, la grande veine de
Cortils, très-grasse à la Haye, est devenue entièrement
maigre à la Petite-Bacnure. Stenaye présente une modifi-
cation analogue. Ce n'est pas le résultat d'une différence
de gisement, les couches étant partout en plateures au nord
de la faille de Sainl-Gilles. L'auteur arrive donc à conclure
que le métamorphisme qui a donné lieu aux charbons mai-
(93o)
gres, est à son minimum au centre du bassin, vers Seraing,
et qu'il augmente graduellement, à partir de là, dans les
deux directions, N.E. et S.O.
Il faut remarquer cependant que le métamorphisme dos
couches inférieures est moins prononcé aux extrémités du
bassin que sur son bord septentrional. 11 semblerait donc
être en rapport avec la compression qui a accompagné le
soulèvement du terrain : il serait à son minimum aux
points les moins soulevés et augmenterait progressivement
vers les extrémités du bassin, où le soulèvement a été le
plus considérable. Cette influence de la compression par
soulèvement viendrait s'ajouter aux deux autres, l'ancien-
neté de la couche et la masse des dépôts qui la recouvrent.
L'influence de l'allure des couches tient probablement à
ce que celte action des masses superposées se fait sentir
davantage sur une couche en plateure que sur une couche
en dressant.
En commençant le chapitre suivant, Description des
couches, l'auteur nous apprend qu'il existe dans notre bas-
sin de Liège 55 couches exploitables, et qu'il les numé-
rotera en partant de la plus ancienne. C'est donc six cou-
ches de plus que celles qu'admet son concurrent; mais on
doit remarquer qu'il entend par couches exploitables
toutes celles qui ont donné lieu à une exploitation conti-
nue, tandis que l'ancien concurrent entend par là celles
qui ont au moins 0,"'40 de puissance. Il nous semble que
les deux auteurs sont à peu près d'accord pour Fensemble,
quoiqu'il y ait entre eux bien des divergences sur le détail
des synonymies.
Dans cette analyse, nous ne pouvons suivre l'auteur dans
la description des o5 couches successives dont il traite.
( 936 )
Nous ferons remarquer, d'une manière générale, que l'au-
teur suit, dans un grand nombre de concessions, la couche
qu'il considère comme partout la même et qu'il fait con-
naître'pour chacune sa puissance, sa disposition, etc., et
la nature du charbon qu'elle fournit. Ces descriptions sont
accompagnées de croquis; toutefois nous les trouvons un
peu concises. Ainsi il faudrait à l'occasion indiquer les
houilles dont l'analyse a été donnée plus haut.
Le chapitre suivant est consacré à la Description des
stampes entre les diverses couches : il ne se prête pas mieux
à un résumé.
L'auteur rapporte qu'il a vu souvent le nombre, la puis-
sance et la nature des couches stériles comprises entre
deux mêmes couches de houille, varier dans les plus larges
limites, même pour les bancs les plus caractéristiques et
pour une même concession. On peut juger par là de ce qui
doit arriver si l'on compare deux concessions un peu dis-
tantes.
Je présenterai ici quelques observations en passant. Je
remarque qu'un grès entre les couches 7 et 8 serait rayé
par l'ongle. A propos de la stampe entre les couches 15
et 14, caractérisée par le grès de Stenaye, l'auteur définit
le clavaij silice imprégnée de carbonate de fer; ailleurs le
même nom local de clavai est donné à la sphérosidérite.
Qu'est-ce aussi qu'un numéro, et en quoi diffère-t-il d'une
veinette? Jusqu'à quel point est-il exact de dire que cer-
tains schistes sont très-onctueux au toucher? L'auteur
renvoie souvent aux analyses de schistes qu'il a données;
mais ces renvois devraient être accompagnés du numéro
d'ordre de l'analyse. La stampe entre les couches 17 et 18
est très -caractéristique, tant par sa puissance que par
( 957 )
le grès de Flérnalle, bien que l'auteur ne trouve à ce grès
aucun caractère pétrographique spécial. Je ne crois pas
exact de dire que ces 10 à 12 mètres de grès ne forment
qu'un banc. Dans la description de la stampe entre les
couches 29 et 50, une confusion analogue se remarque
entre les termes banc et assise.
Le sujet du chapitre suivant est la Description des
failles. L'auteur s'attache particulièrement à exposer les
faits connus et se montre beaucoup plus réservé que son
concurrent sur les conjectures que l'on peut faire à l'égard
de ce qui se passe dans les parties encore inexplorées de
notre bassin. Ce chapitre me paraît fort bien traité et mé-
riter l'impression, comme celui que nous avons analysé
plus haut sur l'origine et la classilication de ces dérange-
ments. L'analyse de ces quatre-vingts pages in-folio m'en-
traînerait trop loin et ne présenterait d'ailleurs qu'une
utilité fort restreinte. Je demanderai seulement à faire
remarquer que, pour ce qui concerne la puissance verti-
cale de la faille, l'auteur se borne parfois à donner le dé-
placement normal aux couches, indication qui est insuffi-
sante à elle seule, et qui ne dispense pas de calculer le
déplacement vertical, quand on connaît l'inclinaison des
couches.
Passant ensuite à l'élude de Yallure des couches, l'auteur
aborde la description des coupes verticales qu'il a con-
struites, au nombre de vingt-cinq, réparties sur toute la
longueur du bassin. Leur analyse m'entraînerait trop loin ;
et je supprime, pour abréger, quelques observations sans
portée.
L'auteur nous fait ensuite connaître la manière sui-
vant laquelle il a cru devoir exécuter le Grand pkui d'as-
semblage, an 720.000, qu'il a joint à son texte. Cherchant
2""'' SKitlE, TOME XL. 00
( 958 )
avant tout à rester dans la limite des observations, il lui a
été impossible d'accepter partout un niveau uniforme.
Ce plan, qui représente la coupe du bassin houiller par un
plan horizontal, est divisé en trois zones. Dans la première,
ce plan horizontal passe au niveau de la Meuse : elle com-
prend le bassin de Hervé et l'extrémité S.O.du bassin, vers
Huy; le seconde, pour laquelle le plan de coupe passe à
SO m. sous la Meuse à Liège, comprend la région située au
nord de la faille de Saint-Gilles, jusqu'aux failles de Rhées
et de la Grande-Bacnure à l'Est, et à la ligne de coupe n"9
à rOuest(vers la concession de l'Arbre-Saint-Michel); enfin
la troisième zone, pour laquelle le plan de coupe passe à
200 mètres sous la Meuse, comprend particulièrement le
bassin de Seraing.
A cette grande carte, qui n'a pas moins de 3 '/a mètres
de long, l'auteur a ajouté trois coupes horizontales à
l'échelle du */ioo.ooo, indiquant les limites du système houil-
ler et le trajet des principales failles. F^a première coupe
passe au niveau de la Meuse; la deuxième, à 500 mètres,
et la troisième, à 1000 mètres sous ce niveau. Elles pré-
sentent beaucoup d'intérêt, mais leur reproduction exigerait
trois grandes planches.
Enfin, réunissant les données géométriques, fournies par
ces diverses coupes verticales ou horizontales, à celles que
Ton peut tirer de l'étude pélrographique des couches de
houille et des stampes intercalées, l'auteur a dressé une
Grande coupe de raccorde nienls dans laquelle sont graphi-
quement représentés les principaux faits décrits dans les
chapitres consacrés à l'étude des couches et des roches
stériles interposées entre elles. Ce tableau résume donc la
plus grande partie de ce travail, moins ce qui concerne
les failles.
D'après les recherches de l'auteur, la puissance du sys-
( 939 )
lème houiller chez nous dépasserait 1150 mèlres (nous
croyons avoir lu plus haut 1400), dont la moitié supé-
rieure renferme les couches de beaucoup les plus nom-
breuses, puisque Cbèneux ou Slenaye, qui est la quator-
zième, se trouve déjà à 500 mètres au-dessus du calcaire
carbonifère.
Le chapitre suivant est consacré à la Comparaison de
ces résultats avec ceux auxquels Dumont était parvenu
en 1850. L'auteur passe successivement en revue les
seize groupes que Dumont avait proposés et il explique
pour chacun les divergences entre ses opinions et celles
de notre maître. Deux causes ont surtout contribué à les
produire : la première, c'est que Dumont a compris dans
son énumération des couches non exploitées dont notre
auteur n'a pas tenu compte; la seconde, c'est que Dumont,
par suite de renseignements incomplets, a superposé, sur
une notable partie de leur hauteur, les deux séries situées
au nord et au sud de la faille de Saint-Gilles. En somme,
c'est la même explication que celle qui a été proposée par
l'autre concurrent.
Vient ensuite VExamen des raccordements et des séries
de couches du mémoire présenté an concours de "1873.
Comme c'est surtout par notre rapport que Pauteur a eu
connaissance de ces résultats, nous croyons devoir, à tout
hasard, analyser ici ce cbapitre avec quelques détails, et
signaler les divergences principales que présentent les
recherches des deux auteurs.
Dans le groupe du Nord, le concurrent de 1875 admet
vingt-neuf couches seulement sous Maret; notre auteur en
trouve dix de plus jusqu'à Boulotte, qui est la première
pour lui, tandis qu'elle serait seulement la troisième pour
son concurrent. Dans le groupe du Centre, le mémoire
( 940 )
de 1875 admettait quarante et une couches : notre auteur
en compte quarante-cinq dans la série de l'Espérance
(Seraing), d'Yvoz et des environs de Huy, et quarante-huit,
en y comprenant la série de Wandre, Cheratte, Abhoz et
Biquet-Gorée.
Pour le groupe du Sud, les résultats exposés dans le
mémoire de 1873 ont été trop incomplètement présentés
dans mon rapport pour que notre auteur pût les discuter.
Il signale, entre autres, qu'il y a sept couches sous la
veine du Tunnel (Chartreuse), tandis que son concurrent
n'en comptait que cinq.
C'est dans le groupe des plateaux de Hervé que les
divergences sont nombreuses et importantes. Indépendam-
ment de l'allure générale des couches et des failles, à pro-
pos desquelles l'auteur a déjà constaté de nombreux dés-
accords, il en trouve un grand nombre d'autres dans les
synonymies proposées, il y a deux ans, et maintenues
aujourd'hui. Ainsi, les concessions de Hervé et du Hasard
présentent des couches supérieures à celles de Crahay-
Maireux. Sotte Veine et Veine au Charbon ne sont qu'une
seule couche; Seconde Veine des Champs, à Wergifosse,
n'est autre que Sotte Veine. Au Hasard, plusieurs couches
sont représentées par des veinettes dont il n'a pas été tenu
compte; Jeanne et Camille sont la même couche; Hasard
n'est pas Louise, des Prés de Fléron. Dans cette dernière
concession. Maréchal et Malgarnie ne forment qu'une
même couche, etc.; Angélie n'est pas Bien Venue, des
Onhons, mais bien Grande Onhon. Celle-ci, à son tour,
est Grande Veine, et Xhilette est Quatre Poignées, de
Cowette-Rufin. Dans ce dernier charbonnage, l'auteur con-
sidère comme identiques, respectivement, Quatre Poignées
et Toussaint, Gilles et Dure Veine , Grande Grailette et
Grande Veine. Tandis que le concurrent de 1875 considère
( 941 )
(irande Grailette comme représentant Dure Veine, du
Fond dos Fawcs , notre auteur donne à la première de ces
couches le n*' 14 et à la seconde le n" 21. Celle-ci ne serait
pas Petite Foxhalle, ni Petite Delsemme, pas plus que
Grande Veine ne serait Grande Delsemme ni Grande Veine,
des Steppes: ce serait Beaujardin. La Veine des Puits, de
Trou Souris, serait Mald'accord, de Herman-Pixherotte,
comme Marnelte est la même que Homvent, Petite Cal-
haute qu'Oiseau de Proie, et Pixherotle que Judée. D'autre
part. Grande Veine, de Nooz, représente Beaujardin, de
Trou Souris. La concession de la Basse -Ransy se rac-
corde aux précédentes par une veinette que le canal
d'écoulement de Foxhalle a montrée faisant bassin et
qui est supérieure. Petite Foxhalle est la même couche
que Petite Delsemme. Pour la concession des Steppes,
Grande Veine y représenterait, sauf vérification par des
travaux tout à fait récents. Grande Onhon, desOnhons,
Angélie, des Prés de Fléron et Grande Veine, de Cowette-
Ruhn. D'un autre côté, Bastin- Piquette ou Madame
et Dure Veine, de Macy- Fond -Piquette, ne sont au-
tres que Dure Veine et Grande Veine, du Fond des Fawes.
Enfin, les couches de Melin seraient supérieures à celles
de la Minerie ; la Veine au Sable ne serait pas le n** 8
(Veine du Tunnel), mais len° 10; et Quatre Jean serait le
n° 14, tandis que Douce Veine, de la Chartreuse, serait
len« 12.
Notre auteur n'admet pas, comme son concurrent, l'exis-
tence de six horizons de grès caractéristiques dans notre
système houiller : selon lui, il y a une vingtaine d'horizons
de grès, dont ceux de Domina, de Maret, de Flémalle et
de Stenaye peuvent seuls, jusqu'à un certain point, être
considérés comme caractéristiques.
Lesdeux concurrents s'accordent pour assimiler Grande
( 94^2 )
Veine des Dames à Chêneux et à Stenaye; mais, tandis
que celui de 1873 raccorde à ces dernières Marnette, du
bassin de Hervé, l'autre les rapporte à Beau jardin. De
même, ce dernier ne regarde pas Cor et Houlleux comme
synonymes de iMagneumoxhon et de Grande Veine, des
Kessales; il rejette de même la plupart des raccordements
que j'ai indiqués à la fin du S*" alinéa de la page 21 de
mon rapport précédent.
Le chapitre suivant renferme la Paléontologie de notre
système houiller. Après ce que nous avons dit au commen-
cement de ce rapport, on ne s'étonnera pas de le trouver
tout à fait insuffisant. L'auteur donne d'abord une liste pas-
sable des espèces animales, puis il se borne à indiquer les
genres de plantes dont on trouve des espèces dans le sys-
tème qui nous occupe. Ce qui est plus intéressant, c'est
l'étude de la répartition des fossiles animaux : sur ce point,
les résultats de l'auteur s'écartent quelque peu de ceux
auxquels M. l'ingénieur Malherbe est arrivé. Ajoutons d'ail-
ieursque les gisements connus de ces fossiles sont trop peu
nombreux pour qu'on puisse, suivant l'auteur, qualifier les
niveaux observés d'horizons paléontologiques. Sous le béné-
fice de cette observation, il établit neuf niveaux, conformé-
ment au tableau suivant :
Base de l'étage. Hêtres.
iN« 1, au loil de la couche 6 distance moyenne 200
» 3, »
» 4, »
» 5, »
» 6, ))
» 7, «
jusqu'au sommet de 1 élage 200
15
))
200
17
»
150
28
n
190
50
25
56
80
58
25
42
85
44
55
( 9« )
[.e premier horizon est le loil de la couche de Hervé, à la
iMinerie. On y trouve des rognons analogues à ceux de
Melin.
Les Goniatites Lister i du toit de la Veine Madame à la
Rochette, sont au même niveau, ainsi que, probablement,
ceux du charbonnage de Trou-Souris, où ils provenaient
sans doute du toit de la couche Cinq Poignées. Orthoceras
strigiUatum de Trou-Souris appartient probablement au
même horizon, ainsi que Cardinia lellinaria^ de Juj)iile.
Les rognons fossilifères du Houileux peuvent se rapporter
à celui-ci ou au suivant.
Le deuxième horizon renferme les rognons à Goniatites
Listeri trouvés au toit de Macy Veine à Melin, et probable-
ment Aricula papyracea des schistes de la même localité.
Cardinia acuta, des Grands Makets, appartient à cet
horizon ou au suivant.
Le troisième horizon comprend huit espèces de cardinies
trouvées au toit de la couche Belle-au-Jour dans les con-
cessions du Val-Benoît et du Grand Bac; ainsi que celles des
schistes compris entre Grand' Fontaine et Grande Pouplou-
rou, à Trembleur.
Le quatrième horizon , toit de Veine de Joie, à laHaye,
est marqué par la présence de Mytilus Wesmaelanns.
Le cinquième horizon, toit de Grande Veine des
Champs, à Wergifosse, montre diverses espèces de cardi-
nles.
Le sixième horizon, toit de Plate Veine, à Patience-
Beaujonc a fourni récemment quelques fossiles à M. Firkel.
Le septième, toit de Cinq Pieds, au Gosson, est caracté-
risé par Cardinia antiqua. Les espèces du même genre
signalées dans la concession de la Batterie, appartiennent
à ce niveau ou à l'un des deux suivants.
( 944 )
Le huitième est le toit de la veinette Neppe ou Sar-
lette, que l'on doit rattacher a la formation de Grande-
Veine, de Bonne-Fin et du Horloz; il est caractérisé par
Cardinia omlis, signalée par M. R. Malherbe.
Enfin le neuvième horizon est le toit de la couche Rosier,
des concessions de la Haye, de Bonne-Fin, de la Batterie
et de Gérard-Cloes.
Le dernier chapitre est consacré aux petits bassins du
Condroz; il ne renferme aucun renseignement nouveau, ce
qui n'est pas surprenant, puisque, depuis longtemps, il ne
s'y trouve plus aucune exploitation.
IIL
L'impression générale que laisse l'étude attentive de ces
deux grands mémoires est, comme nous l'avons dit en
commençant, qu'ils sont l'œuvre de deux ingénieurs qui
connaissent bien notre bassin houiller. Si les auteurs
s'étaient strictement renfermés dans la question telle
qu'elle était posée, ils auraient certainement évité la plu-
part des critiques que nous avons dû faire lorsque ils se
sont aventurés dans le champ des spéculations relatives à
la géogénie. D'autre part, nous ne pouvons nous abstenir
d'exprimer le regret de n'avoir trouvé, ni chez l'un ni chez
l'autre, de nouvelles données de nature à nous aider à
établir chez nous une bonne division de cette formation
et à la raccorder sûrement aux formations analogues de
l'étranger.
Il résulte de là que, si nous croyons qu'il y a lieu de
récompenser les auteurs, nous pensons aussi qu'il n'y a
pas lieu de décerner la médaille d'or. Mais, comme une
( 913 )
bonne partie de la récompense, c'est rhonneiirdc la pnbli-
cation, nous avons à présentera ce sujet deux observations
préalables.
Ainsi que nous l'avons vu, les deux concurrents sont
souvent en désaccord, au moins pour ce qui concerne les
portions non encore explorées du bassin; et nous avons
déjà dit qu'il nous est impossible de nous prononcer
entre eux. Nous devons ajouter qu'une des raisons qui
nous en empêche, c'est que les coupes du second concur-
rent sont tracées en traits continus, c'est-à-dire, sans dis-
tinction entre les faits positifs, reconnus par l'exploitation,
et les conjectures plus ou moins probables que l'on peut
faire pour les régions inexplorées. A notre avis, toute
publication de carte ou de coupe doit distinguer avec net-
teté ces deux ordres de faits.
Nous tenons d'autant plus à dégager notre responsabi-
lité — et en même temps celle de l'Académie — qu'il
s'agit ici d'une question intimeinent liée à la fortune
publique. Il doit être bien entendu que l'approbation glo-
bale donnée à ces travaux n'engage les rapporteurs et
l'Académie sur aucun point déterminé, et qu'on ne peut
s'en faire un titre pour lancer dans le public une entreprise
toujours hasardeuse, c'est-à-dire pour laquelle les action-
naires ne sauraient être trop circonspects.
Sous le bénéfice de celte réserve, et après en avoir
conféré avec nos deux savants confrères, nous croyons
devoir proposer la publication partielle de ces deux mé-
moires et des cartes et plans qui les accompagnent. Leur
publication intégrale exigerait des dizaines de milliers de
francs : il faut donc supprimer tout ce qui n'est pas abso-
lument indispensable; mais, quoi qu'on fasse, les frais de
( 946 )
publication seront assez élevés pour qu'il soit impossible à
l'Académie d'y subvenir avec son budget ordinaire.
Il faudra donc demander au gouvernement un crédit
spécial que légitime suffisamment l'importance industrielle
de cette question. Les Chambres n'ont jamais refusé leur
appui à une œuvre exclusivement scientifique : il n'y a pas
de doute qu'elles accorderont l'argent nécessaire pour une
publication attendue impatiemment par l'industrie de
notre bassin houiller.
Cela posé, voici, à notre avis, ce qui devrait être
publié.
Les auteurs n'ajoutant rien à ce que l'on sait des petits
bassins houillers du Condroz, il faudrait supprimer tout ce
qui concerne ces bassins.
Pour le mémoire de l'ancien concurrent, supprimer la
description des roches et toutes les considérations géogé-
niques : les rapporteurs les ont suffisamment indiquées
pour que la paternité de l'auteur ne puisse lui être con-
testée. La publication comprendrait donc la plus grande
partie du chapitre W^descriptiongéologiqxie, le chapitre III,
relations de notre bassin houiller avec les bassins aile-
mands, une grande partie du chapitre IV, description mi-
néralogiqiie et paléontologique , le chapitre VI, discussion
de la nomenclature des couches admises par Dumont, et
le chapitre Vil, conclusions. Quant au chapitre V, recher-
ches sur la synonymie des quatre groupes du système, il
y aurait avantage à le remplacer par un tableau synop-
tique dans le genre de la coupe de raccordements dressée
par l'autre concurrent; ce tableau serait fait à la même
échelle, 7'300.
A ce texte on ajouterait la petite carte au '/so.ooo repré-
( i)47 )
sentant l'allure des six horizons de grès admis par l'au-
teur, qui serait invité à y joindre quelques coupes transver-
sales à la même échelle. Quelques figures à intercaler dans
le texte, ou même quelques petites planches seraient, en
outre, indispensahles, par exemple, pour les travaux de
Sybilla et l'origine du bassin allemand.
Du travail du second concurrent, on imprimerait les
parties suivantes : du chapitre lil, un résumé de la des-
cription des roches, donnant in extenso les analyses et leur
discussion; puis les deux sections suivantes. Géogénie,
soulèvements, et accidents et dérangements; puis le cha-
pitre VI, descriptions des failles. Le chapitre VJl, consacré
à Vallure des couches devrait être remanié et abrégé, parce
que nous sommes obligés de réduire à cinq les vingt-cinq
coupes que décrit l'auteur. Le texte serait terminé par le
chapitre Vllï, Synonymie.
Comme planches, nous conservons cinq coupes verti-
cales sur les vingt-cinq, en ajoutant que l'auteur devra les
réduire au Y^oooo^ tl^ manière que la plus longue ne
dépasse pas les dimensions d'une planche ordinaire, repliée
sur elle-même. Cette réduction d'échelle nécessitera la
suppression du tracé d'un grand nombre de couches, mais
elle ne diminuera pas l'importance de ces coupes comme
exposition de l'allure du terrain. D'ailleurs la question
d'argent ne nous laisse guère de choix : nous ne pouvons
que les réduire ou les supprimer. Pour la même raison
économique, nous renonçons à proposer la publication des
coupes horizontales et du plan d'assemblage au '/20.000; et
nous sommes forcé de demander de réduire de moitié
(soit au 7'3oo) l'échelle des deux feuilles de la coupe de
raccordements, tout en supprimant les couleurs et en les
( 948 )
remplaçant par des hachures convenablement choisies.
Malgré ces coupures, on aurait ainsi tout le fond du travail
de l'auteur, sinon comme arguments, du moins comme
résuUats. Rien n'empêcherait d'ailleurs l'insertion, à l'en-
droit le plus convenable, des passages nécessaires pour
caractériser convenablement les vues que l'auteur a voulu
représenter sur son grand plan d'assemblage : je citerai
pour exemple la partie du groupe des plateaux de Hervé
au sud de la faille de S^-Hadelin, vers la localité de ce nom
et Xhendelesse.
En laissant aux auteurs la liberté de remanier leur tra-
vail, l'un et l'autre trouveront avantage à profiter de cette
latitude, et chacun en profitant, ils n'auront rien à se repro-
cher mutuellement.
Il est nécessaire de rappeler aux auteurs qu'il est indis-
pensable de donner des citations complètes. Le nouveau
concurrent a été on ne peut plus laconique sous ce rap-
port; et je présume en outre qu'un certain nombre des
analyses qu'il rapporte ont déjà été publiées ailleurs. Cette
lacune devra être remplie avec soin pour la publication
académique.
Si l'académie adoptait ces propositions, les trois com-
missaires n'hésiteraient pas à se réunir pour indiquer sur
chaque manuscrit ce qui doit être supprimé, modidé ou
conservé.
Enfin, quant aux récompenses à accorder aux concur-
rents, nous proposons une médaille d'argent à chacun
d'eux, puis (le prix étant de mille francs), une somme de
six cents francs à l'auteur du mémohe Labor omniavincil
iuiprobus, et une somme de quatre cents francs à son
concurrent, d
( 1)49 )
Mta/ipot'l tif .ta. Ut'iat'l.
« La sixième quoslion du concours do 1875 était
conçue en ces termes :
On demande la description du système houiller dn bassin
de la prorince de Liège.
Un mémoire avait été envoyé à TAcadémie en réponse à
cette question.
Bien qu'ayant reconnu assez de mérite à ce travail, vos
commissaires l'avaient trouvé trop imparfait en certaines
parties et trop incomplet pour mériter d'être couronné.
La classe admettant ces conclusions avait également, sur
la proposition des mêmes commissaires, décidé de main-
tenir la question au concours pour 1875 dans l'espoir de
voir l'auteur y prendre part de nouveau.
Cet espoir n'a pas été déçu, on peut même dire qu'il a
été dépassé.
En effet, non-seulement le premier mémoire nous est
revenu complété et amendé, mais un second concurrent est
entré en lice. Comme le travail de ce dernier est parvenu
avant l'autre à l'Académie, je m'en occuperai tout d'abord.
PREMIER MÉMOIRE.
Le premier mémoire a pour devise :
La science nest pas œuvre d'imagination, mais d'obser-
vation, de calcul et de réflexion.
Dans mon rapport de 1875, je disais : « La question
B posée par l'Académie n'est pas une question purement
( 9oO )
» théorique. L'intérêt industriel qui s'y rattache prime de
» beaucoup l'intérêt scientifique. On pouvait donc la con-
» sidérer sous deux faces et l'on devait s'attendre à la voir
» traiter d'une manière toute différente, selon qu'un géo-
» logue ou un ingénieur entreprendrait d'en donner la
» solution. »
Je puis dire du travail que j'examine en ce moment, ce
que je disais du mémoire de 1873, que c'est évidemment
l'œuvre d'un ingénieur; si le géologue s'y montre parfois,
ce n'est pas toujours avec bonheur. Je puis même ajouter
qu'il y est parfois très-malheureux, comme je tâcherai de le
montrer par la suite.
Le travail se compose de deux gros volumes de texte
et d'un grand nombre de planches. Le texte peut se divi-
ser en deux parties : la première, purement théorique,
s'étend longuement sur les phénomènes géogémques qui
ont accompagné et suivi la formation de nos bassins
houillers; la seconde, purement technique, beaucoup plus
étendue, s'occupe de la description des couches et des
stampes stériles qui les séparent et de la recherche de
leur synonymie.
Dans une préface de quelques pages l'auteur expose le
plan de son travail : « Il compte décrire avec l'exactitude la
» plus rigoureuse ce qu'il aura pu voir par lui-même et
» condenser, autant que possible, tout ce que ses prédé-
» cesseursontditjusqu'àce jour sur le sujet à examiner. »
Reprenant ensuite la devise qu'il a mise à son travail,
il dit qu'il n'oubliera pas que « la science nesl pas œuvre
» d'imagination, mais d'obsermtion, de calcul et de ré-
» flexion ; et que l'on fait plus pour elle en exposant des
» faits qu'en inventant des systèmes plus ou moins logi-
» ques , des théories plus ou moins nébuleuses. »
( y^>i )
II ajoute que la géologie surtout est ennemie de ces
théories cl de ces systèmes.
Je crains bien qu'en ce dernier point, lauteur ne se
fasse illusion d'une étrange manière. La géologie n'a que
trop sa part dans les tiiéories et les systèmes qui encom-
brent l'histoire naturelle. Si de ce côté on peut lui repro-
cher une chose, c'est de s'être fait la part du lion. On verra,
du reste, par la suite, que l'auteur lui-même ne se fait pas
faute de produire des hypothèses; mais peut-être a-t-il
voulu, par défiance de ses propres forces, ou par un dé-
dain qui demanderait à être autrement motivé, exposer le
peu de cas qu'il fait de ces théories , le peu d'importance
qu'il y attache, et, comme conséquence, excuser le peu de
soin qu'il a misa les étudier et la manière souvent erronée
avec laquelle il les expose.
Continuant sa préface, l'auteur prétend que l'insuccès du
mémoire présenté en 1875 l'avait presque découragé et lui
avait fait craindre le même sort pour son ouvrage à lui ;
H En effet, dit-il, j'avais des raisons de reconnaître dans
» l'auteur du travail un ingénieur du corps des mines,
» attaché au service de la carte générale, où il a pu puiser
» à pleines mains les éléments de son travail et profiter de
» la collaboration des autres fonctionnaires de l'État (ingé-
» nieurs, géomètres ou dessinateurs) qui depuis vingt ans
» ont entrepris ce grand travail. »
« La lutte n'était évidemment pas égale entre nous...
» N'étais-je pas bien audacieux d'espérer de mes seules
» forces un travail plus digne de vos suffrages? »
D'un autre côté, M. Jules Vanscherpenzeel-Thim écrivit,
dans le courant de cette année, la lettre suivante à M. le
secrétaire perpétuel de l'Académie.
( 952 )
« Monsieur,
» Le compte-rendu de la séance de l'Académie royale de
» Belgique du 5 de ce mois (section des sciences) signale
j» la présentation d'un mémoire en réponse à la question
» concernant la description du bassin houiller de la pro-
» vince de Lièr/e, et le renvoi de ce travail à trois de ses
» membres, MM. Dewalque, Cornet et Briart.
» L'année dernière, l'Académie a eu à s'occuper d'un
» mémoire sur la même question; mais elle n'a pas cru
» pouvoir décerner la récompense promise.
» La lecture des rapports présentés à cette occasion par
» ses commissaires, m'a donné la conviction que certains
» éléments de ce mémoire, notamment les caries y an-
» nexées qui, d'après les rapporteurs, offraient seules de
» l'intérêt, avaient été puisées dans les archives du service
» spécial de la carte générale des mines dont la haute
» direction m'est confiée.
» En conséquence, je viens vous prier de vouloir bien
» informer MM. Dewalque, Cornet et Briart que le Gou-
» vernement fait exécuter une carte générale des mines et
» que je mets à leur disposition tous les plans et docu-
» ments relatifs à ce travail et réunis depuis 1861.
» Ils pourront ainsi apprécier les mérites du mémoire
» dont ils ont été saisis et reconnaître les emprunts qui,
» éventuellement, pourraient avoir été faits aux archives
» de l'administration.
» Veuillez agréer, Monsieur le secrétaire perpétuel, l'as-
» surance de ma haute considération,
» L'ingénieur en chef, directeur des mines.
» (StV/wé); Jules Vanscherpenzeel-Taim. »
( !)55 )
Dès le concours de 1875, je me suis rendu dans les bu-
reaux de la carte générale des Mines pour la province de
Liège, el j'ai eu l'occasion de me convaincre que les prévi-
sions de M. l'ingénieur en chef des Mines sont exactes en
ce qui concerne le concurrent de celte époque, lequel,
comme je l'ai dit, se représente cette année. Je me suis
convaincu que la plupart des matériaux qui ont servi à son
travail, notamment les cartes et les coupes, se retrouvent
dans les bureaux de ce service spécial.
Quant au nouveau concurrent, il n'en peut être ainsi, el
pour qui sait lire entre les lignes, il résulte des passages
que j'ai cités plus haut, qu'il existe entre lui el l'auteur du
premier mémoire un esprit de rivalité, je dirai même d'an-
tagonisme, qui exclut une telle supposition. Cet esprit d'an-
tagonisme ne fait du reste que s'accentuer de plus en plus
dans la suite du travail, et il y a même un chapitre consa-
cré exclusivement à la réfutation de certaines hypothèses
émises par le concurrent de 1873 relativement à la syno-
nymie des couches.
Il pourra probablement surgir, par la suite, des ques-
tions de priorité sur certaines assimilations, certaines dé-
couvertes que les deux auteurs ne sont que trop enclins à
s'attribuer. Il me semble qu'en général ils font trop bon
marché des travaux de leurs devanciers et des ingénieurs
de charbonnages qui explorent le bassin de Liège depuis
lai.t d'années. A ce propos, je citerai l'opinion de M. Burat
relativement à une question semblable soulevée au sujet
du raccordement des couches du bassin de Saint-Etienne.
« Cette classification, dit-il, appartient exclusivement
» aux ingénieurs directeurs de Mines, qui, depuis plus de
» trente ans, ont étudié le bassin de la Loire. Ce sont, en
j» effet, les travaux souterrains qui ont successivement
2'"*^ SÉRIE, TOME XL. 61
( 954 )
» résolu toutes les questions géologiques relatives à la
» structure et à la composition du bassin, et vouloir sat-
» tribuer la propriété de ces résultats, c'est commettre une
» usurpation contre les droits de tous les exploitants. »
(La houille, 1851, p. 368.)
Je ne puis être aussi exclusif, aussi tranchant que Til-
Justre professeur de l'Ecole centrale de Paris, au moins en
ce qui concerne le bassin de Liège. Le mérite des décou-
vertes partielles doit être rendu à ceux qui les ont faites,
mais un mérite non moins grand consiste à les coordonner
de manière à en former un ensemble aussi rationnel que
possible.
Ce n'est, du resle, pas le moment d'examiner ces ques-
tions épineuses; je reprends l'analyse du premier travail
en clôturant ici une digression peut-être déjà trop longue.
L'auteur continue sa préface par des considérations gé-
nérales sur la manière d'étudier les bassins bouillers. Sans
négliger aucun des points de la question il compte s'occu-
per surtout « des gisements des couches de houille, de
» leurs allures, de leur synonymie ainsi que des déran-
» gements qui les affectent, » remettant à un travail pos-
térieur, l'étude si intéressante des rapports entre notre
bassin houiller et les bassins voisins du Hainaul et de
l'Allemagne.
Le corps de l'ouvrage est divisé en dix chapitres. Les
chapitres qui traitent de théorie pure, de géogénie, sont fort
peu recommandables. Les théories admises depuis long-
temps sont fort mal exposées; quant aux idées nouvelles
émises par l'auteur, les unes sont absolument fausses, les
autres demanderaient à être présentées plus clairement et
quelquefois même plus correctement au point de vue du
langage. L'auteur a peine à trouver le mot propre et l'on
( Wd )
voit bien qu'il est peu familiarisé avec des théories qu'il
ne donne, pour ainsi dire, qu'à contre-cœur.
Après avoir rappelé certaines théories surrannées sur
l'origine de la houille, il admet pour celle-ci une origine
végétale. 11 conclut par analogie et d^ une façon presque cer-
taine du mode de formation actuel des tourbières à celui
de nos bassins houillers ; mais il émet, dès le premier cha-
pitre, beaucoup d'idées bizarres dont je me contenterai de
citer quelques-unes.
L'auteur se demande ce qu'a dû être la nature des plantes
houillères et il ajoute : « l'examen des empreintes des nom-
» breuses espèces qui ont été rencontrées dans le terrain
» houiller permet de se rendre un compte assez exact de
» la flore houillère... la flore houillère ofl'rait de grandes
» analogies avec notre flore contemporaine des tour-
» bières et comprenait, comme elle, des fougères, crypto-
» games vasculaires, des gazons, des liliacées, des pal-
» miers, des conifères, des cycadées, des stonolifères à tiges
» traçantes, prèles, joncs, roseaux, des arbustes tels que
» les airelles, les érics, des andromèdes, des pins sylvestres,
» des bouleaux blancs et des sapins rouges. »
Cela prouve bien que l'auteur ne connaît pas le premier
mot de la question. On croirait lire la description des ma-
rais tourbeux du Danemark, et il n'est pas impossible
qu'il n'y ait puisé des inspirations.
Il ajoute plus loin : « Les végétaux (de l'époque houil-
» 1ère) sont identiques dans toutes les formations sous di-
» verses latitudes du globe, dont on peut conclure que la
» température était uniforme. Je crois que cette tempéra-
» turc devait être en général peu élevée. Si j'en juge
» d'après les conditions actuelles de formations des tour-
» bières, elle ne devait pas dépasser 6° à 8". »
( 9o6 )
Voulant expliquer Tabsence de fossiles dans le terrain
houiller il dit que « les îles basses de la période houillère,
» souvent inondées se prêtaient mal à la vie. » et il ajoute :
« une autre raison qui empêche de retrouver les traces de
» la vie animale gît dans la grande quantité de SO^ qui
» devait exister dans les eaux de cette époque et dissoudre
» les coquillages à enveloppes calcareuses. »
Il revient plusieurs fois sur la présence de l'acide sulfu-
rique dans les eaux de la période houillère et paraît même
avoir fait certaines expériences sur la réaction de cet acide
sur les bois et avoir obtenu « un produit bitumineux offrant
» certaines analogies avec le charbon; mais la pression
» manquant, l'expérience n'a pu être plus concluante. »
Je crois pouvoir me borner à ces citations pour donner
une idée de la valeur du premier chapitre.
Le chapitre II a pour titre : Situation géographique du
bassin de Liège.
Les limites adoptées par Fauteur sont celles qui ont été
fixées par Dumont. Il ne croit pas qu'il existe des raisons
suffisantes pour les modifier et il combat une opinion de
son concurrent de 1875 qui caressait volontiers l'idée d'un
retour du bassin houiller au N.-E. de l'îlot calcaire de Visé.
11 en a, dit-il, vainement cherché les traces, soit « dans la
» vallée du Geer, soit dans aucune des petites vallées abou-
» tissant à la vallée de la iMeuse. » Cela n'a rien d'étonnant
puisque ces vallées sont creusées dans les terrains crétacés
ou tertiaires et ce n'est pas là que l'on peut reconnaître
l'allure du terrain houiller sous-jacent.
Le chapitre III intitulé : Généralités géologiques et miné-
ralogiques, est meilleur quoique renfermant encore quel-
ques singularités. Il constate la division du terrain houiller
en deux étages, division proposée par Dumont, qu'il combat
( 9S7 )
mais qu'il finit par adopter comme plus simple et plus
commode.
Il décrit ensuite les espèces minéralogiques et les roches
des deux étages. Je pourrais signaler beaucoup d'imper-
fections dans ces descriptions, mais cela m'entraînerait trop
loin. Ce qu'il y a de plus remarquable dans ce chapitre
ce sont les analyses des différentes roches. Les unes sont
puériles et sans grande utilité, comme celles des psam-
mites au nombre de 26, des schistes au nombre de 66.
Il s'y trouve même une analyse de poudingue. Mais il
n'en est pas de même des analyses des houilles, au nombre
de 154, qu'il traite au point de vue de la densité, du pou-
voir calorifique, de la composition chimique, du carbone
cokefié, des cendres et de la proportion des matières fixes.
Ces analyses peuvent avoir une utilité réelle. Malheureu-
sement, elles sont accompagnées d'idées dans le genre de
celle-ci : « La houille peut absorber jusqu'à 60 p. "/„ de
j> son poids d'eau par la capillarité, en se dilatant et aug-
» mentant de volume. — Le pouvoir calorifique des houilles
» est supérieur au pouvoir calorifique du carbone pur » et
d'un autre côté « la houille qui donne le pouvoir calori-
» fique le plus considérable est celle dans laquelle la pro-
» portion de carbone est la plus forte. »
Plus haut il fait cristalliser le phtanite et compose les
psammites d'un schiste argileux réunissant des grains de
quartz et de feldspath en quantités à peu près égales.
Beaucoup d'auteurs sont cités dans ce chapitre comme
dans les autres parties du mémoire. Faisons remarquer
une fois pour toutes que ces citations sont faites sans autre
indication , ni le titre de l'ouvrage, ni l'année de la publi-
cation , ni la page ne sont indiqués.
Dans une sous-section de ce chapitre, intitulée : Forma-
( 938 )
lion du bassin de Liège, çjéogénie , soulèvements , straiifwa-
tions souS'jacenteSy Fauteur délaye quelques bonnes idées
dans un fatras de théories au milieu duquel il est fort dif-
ficile de s'orienter. 11 y a fort peu d'ordre dans rouvrage,et
Ion est parfois étonné de voir l'auteur revenir sur des théo-
ries ou considérations déjà émises et dont on croyait avoir
fini depuis longtemps.
Je ferai remarquer que jusqu'à présent l'auteur ne
parle pas du grisou et qu'il n'en parle, par la suite, qu'inci-
demment, dans la description des couches, en signalant
celles qui sont plus ou moins grisouteuses.
Nous passerons immédiatement à la partie principale du
travail, à In description des couches , des stampes et à la
recherche de la synonymie.
Le concurrent de 1873 avait admis 47 couches; c'est
encore le chiffre qu'il admet cette année. L'auteur du pre-
mier mémoire reporte ce chiffre à 53. Cette différence, lé-
gère en somme, n'a pas lieu d'étonner ceux qui sont fami-
liarisés quelque peu avec les changements de puissance et
décomposition que subissent les couches, quelquefois sur
des distances relativement faibles. Ce qui ressort principa-
lement de ces deux chiffres, c'est que celui de Dumoni,
donné en 1833, était singulièrement exagéré.
Les couches sont décrites par numéro d'ordre, la couche
n^ 1 étant la plus profonde. 11 attribue ensuite à chacune
d'elles, les noms divers qui lui sont donnés dans les diffé-
rentes parties du bassin. 11 a recueilli à ce sujet, comme il
le dit lui-même, le plus grand nombre possible de rensei-
gnements aux divers points de vue de la composition, de
la nature du charbon, des caractères minéralogiques et chi-
miques et des conditions de gisement. Il accompagne ses
descriptions de coupes représentant à peu près toutes les
( 959 )
couches à réchelle de 1 cent, par mètre et telles qu'elles
se présentent dans les différentes concessions, avec lesinter-
calations schisteuses et les veineltes qui leur sont voisines
et qui doivent leur être rapportées.
Il admet, ce qui est rationnel en de certaines limites,
que chaque couche doit avoir été formée à peu près hori-
zontalement; qu'après chaque formation, l'immersion de la
tourhière,par suite d'un affaissement plus ou moins général,
a amené le dépôt de sédiments qui ont formé les stampes
stériles et que si les épaisseurs des stampes varient et ne
sont pas égales partout, c'est que l'affaissement de la lour-
hière, pour employer son expression, n'a pas été partout le
même. Il reconnaît que les couches principales, servant
d'horizons géologiques , sont espacées d'une manière plus
régulière, même à de grandes distances, et qu'elles réta-
hlissent l'épaisseur normale des stampes que les veines in-
termédiaires tendent à irrégulariser.
Il explique le nombre restreint des couches, relativement
à celui donné par Dumont, 1*" par des synonymies géné-
rales ignorées de cet auteur ou non admises par lui ; 2° par
la réunion en une seule couche ou formation, pour me
servir d'une de ses expressions, de plusieurs lits de charbon
ayant reçu des noms différents.
L'auteur entreprend ensuite la description des stampes
ou assises stériles séparant les couches de houille.
Il eût, peut-être, été préférable de faire les deux descrip-
tions en même temps. Toutes ces descriptions paraissent,
du reste, faites avec le plus grand soin et il est certes éton-
nant que l'auteur soit parvenu, avec ses propres forces,
comme il le dit, à réunir tant de documents. Les descrip-
tions des slampes et des couches de houilles sont complé-
tées par une grande planche les représentante l'échelle de
( 960 )
I p.7oo; celle grande planche, qu'il appelle sa grande coupe
de raccordement y donne les stanipes normales et tient lieu
de ce que l'auteur de 1873 nommait son album mméralo-
gique.
La classe comprendra facilement qu'il est impossible de
se rendre garant de l'exactitude de tant de descriptions.
Je dois à ce propos répéter ce que je disais dans mon
rapport de 1875 : « qu'étranger au pays de Liège, que je
» n'ai visité que de loin en loin, il m'est impossible d'entrer
» dans l'examen de tant de détails et de renseignements. »
Remarquons, pour en finir avec ce chapitre, que l'au-
teur, admettant que la végétation qui a donné naissance à
une couche de houille a été arrêtée par l'immersion plus
ou moins complète de la tourbière, est amené à terminer
définitivement la période houillère de la même manière,
c'est-à-dire par une immersion générale de la contrée.
C'est le contraire qui est généralement admis et son idée
fera peu de prosélytes.
L'auteur passe ensuite à la description des failles qu'il
divise en failles principales, en failles secondaires et en
failles dérivées. Il en fait une très-longue énumération et il
les décrit, les principales surtout, avec beaucoup de détails.
II n'esl pas toujours d'accord avec l'auteur du mémoire de
1873, comme, par exemple, à propos du prolongement de
la faille S'-Gilles à Test et de la faille S*-Adelin à laquelle
ce dernier ne semble guère attacher d'importance. Ce sont,
du reste, de pures hypothèses, plus ou moins étayées de
preuves assez vagues et qu'il est de toute impossibilité de
vérifier dans l'état actuel des choses.
J'ajouterai que l'auteur, en ceci comme en beaucoup
d'autres choses, se laisse aller trop facilement à émettre
des théories souvent fort discutables, sur l'origine ou la for-
( 961 )
mation de ces failles, et inoutre une lendance exagérée à
faire provenir certains accidents de la surface lie cassures
quelquefois fort peu importantes du terrairi houiller.
Tous ces documents sont résumés graphiquement en un
grand plan (V assemblage^ ainsi que l'appelle Fauteur. C'est
une coupe horizontale faite à trois rn'veaux différents pour
trois zones superficielles assez arhitrairement limitées. Les
inconvénients d'une pareille disposition sautent aux yeux,
et ils seraient encore bien plus visibles si lauteur n'avait
pas eu la précaution de choisir, le plus possible, des failles
pour limites de ses zones. Quand il doit recourir à des
limites de concessions, le cas est plus embarrassant, les
traces des couches devant nécessairement y être brus-
quement interrompues, sans que l'on en devine, au pre-
mier abord, le motif. C'est ce qui devrait avoir lieu,
par exemple , à la limite entre les concessions de Sart
d'Avette et de Bon-Espoir, que l'auteur a choisie comme
limite entre deux de ses zones, laquelle limite est ce-
pendant traversée par les couches sans solution de
continuité. Est-ce pour éviter l'inconvénient que je si-
gnale ou pour tout autre motif? Dans tous les cas, c'est
une faute en ce sens que le tracé n'est pas exact. J'ajou-
terai que les indications de la surface sont tout à fait insuf-
fisantes. De plus , l'auteur a fait figurer les couches en
trait plein dans toute leur étendue, que le tracé soit cer-
tain ou qu'il soit purement hypothétique. 11 en est de
même des failles dont on ne peut distinguer les parties
bien connues de celles qui ne le sont pas. L'auteur donne
en outre trois autres coupes également horizontales mais
à plus faible échelle et donnant très-peu d'indications. La
première est au niveau de la Meuse, la seconde est à
500 mètres et la troisième à iOOO mètres sous ce niveau.
( 962 )
Il donne de pins 23 coupes transversales du bassin, la
première à rextrémité ouest vers Andenne, la dernière
vers l'est, allant de Moetroux vers Dizon. En faisant toutes
réserves quanta l'exactitude du tracé, je dois dire que ces
coupes sont fort intéressantes et donnent, par leur succes-
sion, une idée fort nette du bassin de Liège. Elles ont du
demander à l'auteur un travail considérable. Je regrette
toutefois, que, ainsi que pour les coupes horizontales d'as-
semblage, l'auteur n'ait pas jugé convenable de distinguer
le tracé certain du trac.^ hypothétique.
Les descriptions de ces coupes font l'objet d'un chapitre
spécial.
Malheureusement, toutes ces coupes et cartes ne mesu-
rent pas moins de 22 mètres carrés de superficie, de quoi
effrayer le budget le plus robuste.
Dans un des derniers chapitres, l'auteur critique Tim
portance attribuée par son concurrent de 1875 aux six
horizons de grès qui lui ont principalement servi à établir
ses raccordements. Il ne peut en reconnaître que quatre,
et encore ne présentent-ils pas la continuité et la régularité
que l'on serait en droit de demander à des horizons bien
déterminés. Quant à lui, il s'est principalement servi de
couches ou, comme il le dit, de formations remarquables
par la constance de leurs caractères.
Je pense que ces horizons ne sont pas plus certains que
les autres et offrent des variations proportionnelles aussi
considérables. Les deux auteurs sont en désaccord sur cer-
tains raccordements, ce qui n'a rien d'étonnant pour qui
connaît les difficultés et les incertitudes d'un semblable
travail.
L'avant dernier chapitre est consacré à la paléontologie.
L'auteur se contente d'énumérer les espèces tant animales
( 965 )
(]iie végélalcs. Ce n'est pos son fort, du reste, que la pa-
lcoiitolog:ie : sa clnssificatioii, fort incomplète, est souvent
fautive et les noms des genres sont quelquefois mal ortho-
graphiés.
Il a constaté neuf niveaux fossilifères qu'il a reconnus en
divers points plus ou moins éloignés. Il les discute et entre
dans d'assez longs détails, fort inléressanis du reste, quoi-
que généralement déjà connus.
Enfin il termine j)ar la description succincte des bassins
accessoires du rjraud bassin anthraxifère , qu'il n'a pas
visités et au sujet desquels il ne peut répéter que ce qu'en
ont dit ses devanciers. Il est donc inutile de nous y arrêter.
SECOND MÉMOIRE.
L'auteur du mémoire présenté au concours de 1873, le-
quel avait pour devise: «Les observations directes accumu-
» lées à suffisance permettent seules d'appliquer la méthode
• de généralisation que Von doit avoir comme objectif en
» matière de qéorjénie, » soumet à l'Académie un mémoire
complémentaire portant pour devise : « Omnia vincit labor
» improbus. »
Une préface, jointe à ce nouveau travail, fait connaître
que, par des études nouvelles et continues, il a cherché à
combler les lacunes signalées dans son premier travail, et
qu'il a modifié les parties qui avaient soulevé des objec-
tions.
Il constate que « les bases de son premier travail, c'est-
» à-dire la synonymie des couches qu'il avait avant tout
» pour objectif et qu'il est parvenu à établir en s'étayant
» sur les horizons minéralogiques qui constituent une décou-
la verte tout aussi exclusivement personnelle que la syno-
( 9U )
» nymie générale, sont restées les mêmes à la suite des
» études complémentaires consignées dans le présent tra-
» vail. » Tout cela prouve assez d'amour-propre de la part
de l'auteur et la même tendance que j'ai signalée chez
l'auteur du premier mémoire^ à s'attribuer beaucoup de
découvertes que l'on doit à ses devanciers. Il ne peut
cependant espérer faire croire à personne qu'il a le premier
indiqué comme horizons géologiques, tout au moins pour
le bassin de Liège, les grès de Domina , de Flémalle et de
Stenaye, et il se trompe évidemment quand il dit que la
synonymie de la couche Chaineux et de la couche Stenaye
n'avait « jamais été entrevue avant lui, » puisque son con-
current se sert de la même synonymie en ajoutant « qu'elle
est peu contestée. »
L'auteur ajoute que « le Gouvernement fera sans doute
» publier une carte des mines... Cette œuvre... devra for-
» cément avoir un degré d'exactitude rigoureux que l'Aca-
» demie ne peut espérer rencontrer dans une œuvre per-
» sonnelle... L'administration n'a pas encore entrevu la
» possibilité d'un raccord de l'important dépôt des plateaux
» de Hervé avec le bassin de Liège proprement dit... »
La publication des cartes que présente l'auteur... « four-
» nira pendant longtemps les indications les plus précises
» qui aideront même puissamment à l'exécution du travail
» officiel. »
L'auteur n'a, jusqu'à présent, entendu formuler aucune
objection sérieuse contre ses bases de raccordement. Il n'en
pouvait guère être autrement, puisque le public ne les con-
naît que par ce qu'en ont dit les commissaires de 1875. Du
reste, le premier mémoire est venu combler cette lacune.
Quant à la crainte émise par lui de voir ses concurrents
s'emparer ou profiter de ses conclusions, « constituant, au
( 96^ )
» point de vue synonymiqiie, dos déeoiivcrlcs nouvelles
» qui lui sont enlièrcmont personnelles et dont il reven-
» dique la propriélé, » la lecture du mémoire précité est
venue nous montrer qu'elle est loin d'être fondée.
L'insistance qu'il met à affirmer ses découvertes, dans
les passages de la préface que je viens de citer, et, par
la suite, à plusieurs reprises, semble dénoter une vague
inquiétude de les lui voir contester.
Le rapport de l'honorable xM.Dewalque donne un résumé
irès-complet du travail ou plutôt des chapitres complé-
mentaires que l'auteur a cru devoir y joindre.
Il y a fort peu de chose à ajouter aux points qui ont été
discutés dans ce rapport. Je dois dire que je m'y rallie
entièrement. Cependant, je crois devoir ajouter les obser-
vations suivantes :
Les hypothèses sur les accidents qui ont affecté le ter-
rain houiller ont certains côtés attrayants, quoique ne pré-
sentant rien d'absolument nouveau; ils mériteraient d'être
développés avec plus de précision dans les détails. On
admet avec assez de facilité que les plissements du terrain
houiller aient eu lieu pendant une période de plasticité et
que les failles ou cassures se soient produites quand cet
état de plasticité avait fait place à un état de durcissement
plus ou moins prononcé. Ce que Ton conçoit moins, et ce
qui, du reste, n'explique rien, c'est son idée de faire pro-
duire les plissements par des phénomènes de soulèvement,
et les failles par des phénomènes d'abaissement. Je relè-
verai ici quelques phrases qui manquent de clarté ou qui
expriment des idées fausses.
Il dit avoir rencontré la faille de Saint-Gilles à la surface,
« à 4-95 mètres en N. du parallèle passant à oO mètres à
» TE. du bure de Wandre. »
C'est une phrase à rectifier.
( 966 )
Quand il fait du bassin méridional de Dumont une
traînée d'épanchement des couches très-inférieures, il em-
ploie une expression tout à fait impropre.
Plus loin, il dit : « Les forces de compression ont agi
» spécialement du S. vers le N., accessoirement du S.O.
j) vers le centre , et par suite l'effet produit a comme zone
» une direction résultante des deux forces concurrentes, »
ce qui n'est pas du tout facile à comprendre.
Plus loin encore, il parle « d'une force comprossive,
» radiée en divers sens vers un centre à peu près com-
» mun... » et trouvant inutile de recourir à la théorie des
soulèvements, il dit que « l'on peut expliquer par l'effet
» exclusif d'une compression en divers sens les déforma-
» tions multiples du bassin de Liège. » L'auteur semble
ignorer que la théorie des soulèvements est principalement
basée sur la compression produite par le retrait de Técorce
solide du globe, que les soulèvements sont le résultat de
cette compression et que l'on ne peut pas plus les séparer
qu'une cause quelconque de son effet immédiat. Quant à
son idée de faire agir ces forces compressives en divers
sens, elle est peu fondée et dans tous les cas parfaitement
inutile.
Pour la selle de Flémallc, comme pour la selle de Kim-
kempois, l'auteur semble admettre des compressions dans
le sens de la direction de ces accidents. Peut-être son
expression trahit-elle sa pensée, mais c'est le contraire qui
est vrai, les forces compressives doivent avoir exercé leur
action dans le sens perpendiculaire au plissement.
L'auteur persiste dans ce qu'il avait avancé en 1873,
relativement à l'hyperslénite d'Hozémont, qu'il fait surgir
au milieu du calcaire, et il fait de ce calcaire une selle ana-
logue à l'Ilot calcaire de Visé. Si cet îlot calcaire, par sa
( !>67 )
forme, se prèle assez bien à l'hypothèse des retours du
bassin houillor au N. , il n'en peut è(re de même des
affleurements de IIorion-Hozémont.
Quant au bassin houiller de Landen, il n'y faut absolu-
ment pas eompler. « S'il est établi, » eomme dit l'auteur,
que du charbon a été retiré de deux puits aux environs de
celle ville, au siècle dernier, c'est que ce charbon y avait
été descendu. On pourrait citer plusieurs exemples de la
même fraude dans notre pays. Et pour la fontaine qui,
dans la même localité, charriait de petits fragments de
houille, il faut aussi la reléguer au rang des fables.
Je trouve encore plus loin une phrase qui a besoin
d'explication, à moins que l'auteur ne préfère la supprimer
complètement, ce qui serait mieux. Il parle des plissements
plus prononcés de la zone d'Vvoz, qui sont dus, dit-il, « à
» la résultante des forces actives et passives intervenues et
» provenant les premières de la compression de la parliecal-
» caire de Flémalle et les secondes, de la pression du midi.»
Il entre dans beaucoup de détails sur certains bancs de
grès qu'il a pu observer et suivre à la surface du bassin des
plateaux de Hervé et qui l'aident beaucoup à reconnaître
l'allure générale du terrain. Par ridenlificaiion de ces bancs
de grès avec les grès bien connus du bassin de Liège, il
parvient à déduire le synonymie des couches. Cette partie
paraît être judicieusement étudiée. Je me rallie cependant
aux observations présentées par M. Dewalque relativement
aux limites mêmes du bassin.
L'auteur consacre un chapitre nouveau à l'étude des
relations du bassin de Liège avec les bassins allemands.
Constatons ici Pinsufïisance des détails de sa carte
au niveau de la iMeuse où ces relations sont en partie
indiquées.
( 968 )
Les grands cours d'eau, la Meuse et FOurlhe sont à
peine représentés et ne se prolongent pas au delà du tracé
des couches. On n y voit qu'un fragment de la frontière
prussienne; quant à la frontière hollandaise, elle n'y est
pas figurée du tout.
Il puise ses renseignements sur le bassin d'Eschweiler
dans lin ouvrage déjà bien vieux, celui de M. J.-F. Clerre,
ingénieur au corps de Mines, imprimé en 1814 et il éiablit
ses relations avec nos bassins par l'intermédiaire des quel-
ques couches terreuses et inexploitables reconnues dans
ces derniers temps par les travaux de la concession Sibylla,
couches qu'il identifie aux couches inférieures de la pro-
vince de Liège.
« Si je suis parvenu, continue l'auteur, à trouver la
» relation du bassin d'Eschweiler avec notre formation
» houillère, j'ai lieu de croire également que le bassin de
» la Ruhr ne présente pas moins un trait d'union avec une
» partie du dépôt de la province de Liège, jusqu'à présent
» ignoré. »
Et ce trait d'union ignoré jusqu'ici, il le trouve dans les
lambeaux du terrain houiller reconnus récemment par des
sondages et même par des puits, dans le Limbourg hollan-
dais. Ces découvertes ont, dit-il, confirmé ses prévisions.
C'est toujours la même tendance, comme on le voit.
On peut se demander si les sondages n'ont pas fait naître
les prévisions de l'auteur au lieu de les confirmer. Dans
tous les cas , il faut reconnaître que ces prévisions ont
au moins été partagées, puisqu'elles ont provoqué, de la
part d'autres personnes, des dépenses assez considérables
en travaux de recherche.
Il a été, du reste, impossible à l'auteur d'obtenir des ren-
seignements sur ces sondages. On entoure ces découvertes
( 969 )
de mystère. . . . Cela prouve qu'au point de vue industriel
il ne faut pas trop se faire illusion sur l'importance du ter-
rain houiller reconnu. On n'est aussi mystérieux que quand
on n'a que peu de chose à cacher, et si les résultats étaient
bien avantageux, on serait un peu plus communicatif.
Quant à reconnaître dans ces lambeaux l'origine du bas-
sin houiller de la Ruhr, rien n'est moins certain. Ils font,
évidemment, partie du terrain houiller qui a donné lieu a
certaines exploitations au N.-E. d'Aix-la-Chapelle; mais il
est probable que si le prolongement occidental du bassin
de la Ruhr pénétre dans le territoire hollandais, c'est beau-
coup plus au N. que l'auteur ne l'indique.
Le chapitre intitulé : Description minéralogique el
paléonlologiqiic, a été analysé par M. Dewalque dont j'ad-
mets les appréciations.
Je tiens tout particulièrement à laisser à l'auteur la res-
ponsabilité de certaines théories plus ou moins bizarres,
entre autres de celle de la formation des rognons de fer
carbonate par l'action de phénomènes thermo-électriques.
Le chapitre VI dans lequel il discute la nomenclature
des couches adoptées par Dumont est également un chapi-
tre nouveau. Il établit d'abord que des 83 couches admises
par Dumont, 66 seulement sont exploitables; c'est de ce
dernier chiffre qu'il faut tenir compte, ce qui réduit l'écart
de près de moitié.
A l'époque de Dumont, la plupart des failles ou leurs
prolongements n'étaient pas connus : « On devait croire
» dès lors, dit l'auteur, que les couches rencontrées en
» allures similaires en deçà et au delà de ces dérangements
» ignorés étaient parfaitement distinctes, sans renfermer
» de séries répétées » Dumont aurait donc compté deux
fois certaines couches. Il prouve la chose par des exemples,
et il y trouve « la cause fondamentale de la supputation
2""^ Srhie, tome XL. 62
( 970 ,
» d'un nombre de couches beaucoup plus considérable
» qu'en réalité. »
Celle discussion de la nomenclature de Dumonl me
paraît être faite avec soin, et est, dans tout les cas, beaucoup
plus complète que celle de son concurrent sur le même
sujet. Il donne, en terminant, des tableaux qui rétablissent
les couches par groupes et par étages.
Tout ce qui précède a trait aux additions faites par
lauteur à son travail de 1873 et dont la plupart avaient
été réclamées par vos commissaires. Quant aux parties
conservées, mon appréciation reste la même qu a cette
époque.
Je dirai maintenant quelques mots des cartes et coupes
qui accompagnent ce travail.
D'abord, comme pour son concurrent, je me suis donné
la peine d'en faire le métré, et je suis arrivé au chiffre
de 13m2,50, plus modeste j en conviens, mais qui ne laisse
pas, cependant, que de donner à réfléchir.
J'avais conseillée l'auteur certaines modifications. J'avais,
entre autres fait ressortir les inconvénients des deux niveaux
adoptés par lui pour la construction des coupes horizontales
formant les cartes. Pour obvier à ces inconvénients, il
donne une nouvelle carte générale du bassin au niveau de
la Meuse à Liège, à une échelle réduite,et où ne sont figurés
que les 6 horizons de grès principaux. Cela atteint plus ou
moins le but, mais sans obvier aucunement au manque
(les détails de la surface, signalé à la grande carte. J'avais
aussi conseillé à l'auteur de numéroter ses couches au lieu
de leur donner un liséré de couleur, ce qu'il n'a pas cru
devoir faire, et ce qu'a fait son concurrent. Je regrette éga-
lement qu'il ne se soit pas rendu à mes observations quant
à ses coupes verticales, qui sont incomplètes et qui eussent
dû être failes à la même échelle que ses caries.
( î^71 )
CONCLUSIONS.
Malgré les nortibreuses imperfections signalées et à pro-
pos desquelles j'ai cru devoir enirer dans beaucoup de
détails, il me paraît qu'il y aurait une grande utilité à pu-
blier les deux mémoires, en élaguant, bien entendu, les par-
ties défectueuses, en réduisant considérablement le nombre
des planches, et en f{iisant subir à celles qui pourraient être
conservées une notable réduction d'échelle.
Je demanderai de plus que cette publication, qui doit
entraîner à des frais d'impression assez considérables, soit
faite au moyen d'un subside spécial qui serait demandé à
M. le Ministre de l'Intérieur, afin de ne pas ébrécher le
budget ordinaire de l'Académie.
Quant aux récompenses à accorder aux auteurs, je me
rallie à la proposition de votre premier commissaire. »
9af/po»*t cl*» MM. Cofnet.
« Les deux mémoires sur la description du terrain houil-
ler de la province de Liège que la classe a soumis à notre
examen , ont été si complètement analysés et si parfaite-
ment étudiés dans les deux rapports dont il vient d'être
donné lecture , que je déclarerais me rallier entièrement
à l'opinion de mes deux honorables collègues, s'il ne s'agis-
sait pas de la description d'un terrain dont la connaissance
a une énorme importance au point de vue économique,
tandis qu'elle n'en a pas plus, sous le rapport purement
géologique, que tout autre système de nos terrains pri-
maires.
Si la classe des sciences avait , pour la question de con-
cours, demandé la description du terrain dévonien, du
calcaire carbonifère, du terrain crétacé ou du terrain ter-
( 972)
tiaire, c'est-à-dire la descriplion d'une formation qui ne
renferme guère, dans notre pays, comme substances utiles
à l'homme, que des matériaux divers pour les construc-
tions, je serais d'avis d'ouvrir les Mémoires de l'Académie
royale à toutes les hypothèses un peu vraisemblables,
que les auteurs feraient sur l'allure en profondeur et on
étendue des diverses assises et des bancs entrant dans la
composition du terrain décrit. Si des découvertes venaient
ultérieurement démontrer l'inexactitude de ces hypothèses,
la publicité donnée à celles-ci dans nos Mémoires n'aurait
causé que peu ou point de préjudice économique.
Mais, dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, il s'agit
du terrain houiller de la province de Liège qui renferme
de nombreuses et belles couches de houille dont l'exploi-
tation est une source de richesse pour le pays tout entier,
en même temps qu'elle procure de grands profits à plu-
sieurs concessionnaires. Aussi la recherche de nouvelles
couches de houille ou du prolongement de celles qui sont
déjà connues sur certains points , se poursuit avec ardeur.
Mais les travaux de reconnaissance qu'il est presque tou-
jours nécessaire d'effectuer, exigent très-souvent des dé-
penses énormes qui sont entièrement perdues si, comme
l'on en a malheureusement trop d'exemples, le terrain
houiller est peu riche, sinon stérile.
Dans la plupart des cas, même quand le terrain houil-
ler affleure à la surface, on n'a pour se guider lors de
l'exécution des travaux qui ont pour but la découverte de
gisements de combustible, dans une partie non encore
explorée d'un bassin houiller quelconque, que des indi-
cations très-incertaines. Nous pourrions citer beaucoup
d'exemples d'entreprises qui se sont effectuées sans autre
connaissance préalable que celle de l'existence du terrain
houiller et qui, néanmoins, ont été couronnées des plus
973 )
brillants succès; mais, par contre, nous pourrions en citer
d'autres, très-nombreuses aussi, qui semblaient avoir pour
elles toutes les chances de réussite et qui n'ont eu pour
résultat définitif que l'engloutissement de capitaux énormes*
La production de la houille a acquis une très-grande
importance dans la province de Liège ; cependant une
partie considérable du terrain houiller tel qu'il est limité
par Dumont ou par les auteurs des mémoires qui nous sont
soumis, y est encore tout à fait inexplorée et l'on ne peut
faire aujourd'hui, sur le nombre et l'allure des couches de
combustible qui s'y trouvent, que des hypothèses plus ou
moins vraisemblables. C'est ce qu'ont fait nos deux auteurs.
Mais ce qui prouve combien est large le champ des hypo-
thèses dans le cas qui nous occupe, c'est que les caries
jointes aux mémoires, quoique fournies par des hommes
qui possèdent évidemment une connaissance approfondie
du bassin liégeois, sont pourtant loin de s'accorder entre
elles. Nous ne citerons qu'un seul exemple de ce désac-
cord, mais il est frappant. L'auteur du premier mémoire
attribue une très-grande richesse en couches à cette partie
importante du terrain houiller qui se trouve comprise
entre le calcaire carbonifère et les exploitations des char-
bonnages du Hasard et de Crahay-Maireux, tandis que
l'auteur du second mémoire la considère comme presque
complètement stérile. L'un des deux tracés est évidemment
erroné. Il est probable qu'ils le sont tous deux, mais l'ave-
nir seul peut nous l'apprendre.
L'Académie royale ne fait pas siennes les opinions des
auteurs des articles qu'elle insère dans ses publications.
Mais il est des cas où elle doit s'inquiéter de l'effet que ces
opinions peuvent avoir, sous le rapport économique, sur
certaine partie du public. Malgré toutes les réserves que
nous pourrions faire à propos du tracé des couches sur les
( 974 )
cartes et les coupes jointes aux deux mémoires que nous
avons examinés, il est certain que la publication, dans les
Mémoires académiques, de ces documents tels que nous
les avons reçus influencerait considérablement les travaux
de recherches dans le bassin de Liège. Il serait même à
craindre que la spéculation ne s'en emparât pour monter
quelques-unes de ces affaires véreuses dans lesquelles le
pubhc se laisse si facilement engager.
Je ne puis donc me rallier à l'avis des deux premiers
commissaires qu'à la condition expresse que sur les cartes
dont ils proposent l'insertion, les parties des couches ou des
bancs de grès connues par les travaux miniers ou par des
affleurements bien évidents soient seules figurées ou que,
du moins les tracés hypothétiques ne soient indiqués que
par un pointillé très-fin. Je demande en outre qu'à la
légende de chaque carte ou de chaque tableau synony-
mique, il soit ajouté en caractères saillants une note décla-
rant que l'Académie entend laisser aux auteurs toute la
responsabilité de leur travail. ■
Après délibération, la classe, adoptant les conclusions
des rapports de ses commissaires, accorde au premier mé-
moire une médaille d'argent et une somme de 600 francs,
et au second mémoire une médaille semblable avec une
somme de 400 francs.
L'ouverture des billets cachetés a fait connaître comme
auteur du premier mémoire M. J. Renier Malherbe et
comme auteur du second M. Julien de Macvr, tous deux
habitant Liège.
La proclamation des résultats du concours aura lieu
dans la séance publique du 16 décembre.
( 975 )
GlJlSSË DES SCIENCES.
Séance publique du i6 décembre i875,
M. A. Brialmont, directeur, président de rAcadémie.
M. LiAGRE, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J.-S. Stas, L. de Koninck, P.-J. Van
Beneden, Edm. de Selys Longchamps, H. Nyst, Gluge,
Mclsens, F. Duprez, G. Dewalque, H. Maus, E. Candèze,
F. Donny, Ch. Montigny, Éd. Morren, Éd. Van Beneden,
C. Malaise, F. Folie, membres; Th. Schwann, E. Catalan,
associés jEd, Mailly, J. De Tilly, F. Crépin, G. Van der
Mensbrugge , correspo7idants.
Assistaient à la séance :
Classe des lettres : M. le baron Guillaume, directeur;
M. Ch. Faider, vice-directeur ; MM. J. Roulez, P. Devaux,
P. De Decker, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq, le baron
Kervyn de Lcttenhove, R. Chalon, Thonissen, Th. Juste,
Alph. Wauters, G. Nypels , membres; J.Nolet de Brauwere
van Steeland, Aug. Scheler, Alph. Rivier, associés.
Classe des beaux-arts : M. Balat, directeur; MM. L. Ahin,
J. Geefs, Ch. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher,
Aug. Payen, le chevalier Léon de Burbure, J. Franck ,
( 976 )
Gusl. De Man, Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slingeneyer,
Alex. Robert, membres.
A une heure, le bureau de la classe, composé de
MiM. Brialmont, directeur, et Liagre, secrétaire perpétuel,
ainsi que MM. le baron Guillaume , directeur et Ch. Faider,
vice-directeur de la classe des lettres, et M. Balat, direc-
teur de la classe des beaux-arts, viennent prendre place
sur l'estrade.
Un auditoire nombreux, parmi lequel on remarque un
certain nombre de dames, S. Ex. sir Savile Lumley, Ministre
d'Angleterre, S. Ex. M. le Ministre de Turquie, et divers
hauts fonctionnaires , assiste à la réunion.
M. Brialmont a pris d'abord la parole pour faire la
lecture suivante d'usage comme directeur.
Causes et effets de l'accroissement successif des
armées permanentes.
Messieurs,
En ioD2, Charles-Quint résolut de faire un suprême
effort pour reprendre Metz, qui était tombée, la même
année, au pouvoir des Français par surprise et trahison.
Bien que son empire fût aussi vaste que celui de Charle-
niagne, il ne put réunir devant la place que 60,000 hommes.
Le typhus et le froid firent de tels ravages dans cette
armée que l'empereur dut lever le siège et licencier une
partie des troupes.
Trois siècles après cet événement, en 1870, l'Alle-
magne, dont la superficie est égale au tiers seulement de
celle des États de Charles-Quint, investit celte même place
( 977 )
de Melz avec 200,000 liommes et porla, au delà du Rhin,
m\ effectif lolal de 900,000 combaitaFiis (1).
Une disproportion aussi grande existe entre la force de
rarméc française sous Henri II, et celle de Tamnée fran-
çaise d'aujourd'hui.
Le successeur de François I" ayant déclaré la guerre à
TEspagne, en 1557, Philippe II fit envahir ses Etats par
55,000 faniassinset 12,000 cavaliers, auxquels vinrent se
joindre 8,000 auxiliaires anglais. Cette armée, placée sous
le commandement du duc Philibert de Savoie, mit le siège
devant Saint-Quentin, forteresse « doù dépendait alors le
salut de la France (2). »
Le connétable Anne de Montmorency, à la léte de
25,000 hommes de bonnes troupes, essaya en vain de ravi-
tailler la place et d'y introduire des secours; obligé de
battre en retraite après un demi-succès, il rencontra, à la
sortie d'un défdé, 8,000 hommes d'armes et reiters sous
les ordres du comte d'Egmonl. Celui-ci l'attaqua vigoureu-
sement et le mit dans une déroute complète. Montmorency
perdit la moitié de son effectif et ses meilleurs officiers (3),
l'autre moitié fut prise ou dispersée (4). Par suite de cet
échec, la France se trouva dans une situation si critique,
que, de l'aveu de ses historiens, elle eût été réduite à signer
(1) D'après le docteur Engel, directeur du bureau statistique de Berlin, l'effectif
des troupes qui ont passé la frontière allemande en 1870-1871, s'élève à 913,957
hommes, savoir: 69o,9o7 Prussiens, 42,502 Saxons. 45.896 Hessois, 405,4-18
Bavarois, 28,781 Wurtembergeois et 25,918 Badois.
(2) MOTLKY, la Révolution des Pays-Bas, t. I". p. 246
(3) Le connétable fut blessé et pris, le duc d'Enghien tué; Montpensier, le ma-
réchal de Saint-André , le duc de l.ongueville, le prince de Mantoue, le comte de
la Bochefoucault, d'Aubigny et Bochefort furent faits prisonniers.
(4) De Thou prétend que les Français eurent 2.500 tués dans cette bataille et
les Espagnols 50 seulement.
( 978 )
une paix désastreuse si Philippe II avait permis aux vain-
queurs de Saint-Quentin de marcher sur Paris. « L'unique
« armée (1) sur laquelle reposait la défense de la France,
» dit M. Henri Martin, en citant de Thou, semblait alors
» anéantie.... L'ennemi était assez fort pour entreprendre
» à la fois d'accabler dans La Fère les débris de l'armée
j» française et de marcher droit à Paris qui était sans dé-
» fense (2) » .
Charles-Quint le savait; aussi quand on lui annonça la
victoire de Saint-Quentin, il s'écria: » Mon fils est-il à
Pam(3)?)»
Eh bien, Messieurs, la France qui, en 1557, après la
perte d'une armée de 25,000 hommes, se trouvait à la merci
du roi d'Espagne, mit sur pied, en 1871, une armée de
plus d'un million de soldats (4), et continua la lutte non-
obstant les désastres de Sedan et de Metz qui lui avaient
coûté 350,000 hommes (tués, blessés et prisonniers).
Aujourd'hui cette même nation, malgré la perte de deux
provinces, pourrait mobiliser 2,400,000 soldats, représen-
tant le pied de guerre de son armée active et de son armée
territoriale.
Quant aux forces miUtaires actuelles des États dont se
(4) Indépendamment de l'armée qui succomba à Saint-Quentin, la France avait
alors en Italie une armée de 12,000 hommes de pied, de 400 gendarmes et de
800 chevau-légers, sous les ordres du duc de Guise, qui combattait, avec peu de
succès , les troupes aguerries du duc d'Albe.
(2; Histoire de France, t. VIII, p. 4oo.
(3) Lettre du majordome de Charles-Quint, citée par M. Mignet.
(4) Le général Pourcet donne dans son livre (p. 209) le résultat de la revue d'ef-
fectif qui fut passée le 5 février 1871.
Il y avait en ce moment, en ligne. 534,000 hommes , dans les dépôts et en Algérie,
354,000 ; total , 888,000 hommes, non compris 273.000 hommes de l'armée du Rhin ,
prisonniers en Allemagne.
( 979 )
composait l'empire de Charles-Quint, on peut les évaluera
plus de 4 millions d'hommes, ou à 22 fois ce qu'elles étaient
enlooO, eu égard à la population, et en supposant que
celle-ci ait triplé depuis lors (1).
Cet énorme accroissement des armées permanentes est
un des faits les plus curieux et les plus importants de This-
loire. Il sera donc utile d'en indiquer les causes et d'en
apprécier les effets.
Si je me suis décidé à traiter ce sujet dans une assem-
blée de savants, c'est qu'il n'est pas exclusivement du do-
maine de l'histoire et de l'art delà guerre. Les sciences, en
effet, ont largement contribué à l'accroissement des armées
permanentes, et suivant que cet accroissement sera jugé
un bien ou un mal , elles auront à réclamer une part
d'éloges ou à se charger d'une part de responsabilité.
H.
Les armées permanentes ne sont pas d'institution mo-
derne. Leur origine remonte à l'époque où les Grecs éprou-
vèrent la nécessité de perfectionner leur milice et de faire
progresser l'art de la guerre, pour repousser les innom-
brables armées des barbares ou pour aller combattre ces
armées chez elles et s'emparer de leur territoire.
Les premières armées dont fassent mention les livres
saints et les histoires profanes, étaient levées pour la durée
d'une campagne et composées de tous les citoyens en état
(1) La période moderne du doublement de la population est évaluée, d'après les
derniers recensements, à cent neuf ans en moyenne. Elle était beaucoup plu»
longue antérieurement, pour plusieurs raisons qu'il est inutile d'exposer ici.
( 980 )
de porter les armes. Telles furent les armées de Moïse (1),
de Cyrus, de Crésus, de Darius, et de Xerxès; la moins
forte de ces armées comptait plus de 300,000 hommes.
A la bataille de Timbrée, le premier fait de guerre dont
les détails soient arrivés jusqu'à nous, et qui remonte à
Tan o48 avant Jésus-Christ, Cyrus avait présents sous les
armes 196,000 Perses, et Crésus 420,000 Assyriens (2).
L'an 490 avant Jésus-Christ, 500,000 Perses, levés par
Darius, envahirent la Grèce et furent repoussés à Marathon
par 10,000 Athéniens, sous Milliade. Il fallait que l'art
de la guerre eût bien décliné chez les Perses, pour que la
Grèce obluit un pareil succès septante-huit ans après les
triomphes de Cyrus.
Voulant réparer l'échec de son père et châtier les Grecs,
Xerxès leva, en 481, une armée beaucoup plus forte, qu'il
commanda en personne. Hérodote, qui avait quatre ans au
moment où les Perses franchirent l'Hellespont, tenait de
témoins oculaires que cette armée, fournie par quarante-
six nations alliées (Perses, Mèdes, Assyriens, Égyptiens,
Parthes, Arabes, etc.), comptait à Doriskos, où elle fut pas-
sée en revue, 1,700,000 fantassins et 80,000 chevaux,
chiffres dont l'exactitude semble confirmée par ce fait
qu'elle mit sept jours et sept nuits à franchir le double
passage de l'Hellespont, bien que les officiers, pour accé-
lérer la marche des troupes, eussent distribué aux soldats
force coups de bâton et de fouet (5).
(\) Elle comptait 600,000 hommes, le quart environ de la population. C'est la
plus ancienne armée dont l'histoire fasse mention.
(2) D'après Xénophon.
(3) D'après Hérodote, elle comptait, en outre, !20,000 Arabes et Lydiens mon-
tant les chevaux et conduisant les chars.
( 981 )
A eetcffeclif, le plus élevé dont Thisloire fasse mention,
il faut ajouter, d'après Hérodote, un nombre au moins égal
de serviteurs esclaves, vivandiers, conducteurs de bétail,
concubines, eunuques, cuisiniers, etc. (1).
Les provisions pour cette colossale armée avaient été
réunies pendant trois ans sur divers points de la ligne
d'opérations.
Il est hors de doute que l'armée de Xerxès, de même
que celle de Darius, avait été formée par la levée en masse
de tous les hommes valides. N'ayant fait aucune exception
en faveur de ses propres enfants, Xerxès se crut en droit
de punir le riche Pythios, dont il fut Thôte à Sardes , parce
que celui-ci avait demandé la permission de garder près de
lui son cinquième fils.
Après la revue, elle fui rejointe par 300,000 soldats, formant le contingent des
peuples d Europe.
Xerxès avait 1,200 vaisseaux, montés chacun par 237 hommes, et 3,000 vais-
seaux, montés chacun par 80 hommes.
(1) Les armées actuelles de l'Orient présentent encore le même phénomène. Le
comte de Warren, qui était dans l'Inde en 1843, rapporte qu'à cette époque l'ar-
mée desCipayes comptait 250,000 hommes. Devant pourvoir à ses besoins, cette
armée était accompagnée de son bazar. « C'est, dit il, un village de marchands ,
un peuple d'ouvriers qui vendent aux Cipayes tout ce dont ils ont besoin et qui les
suivent à la guerre avec leurs bestiaux et leurs magasins. Boulangers, bouchers,
cabaretiers, tout ce qui est nécessaire à la vie se trouve au camp; chaque officier
traîne avec lui un énoi-me bagage , dix, quinze ou vingt domestiques , une tente,
un mobilier, etc. Bref, le système n'a pas changé depuis Xerxès et Darius. Cette
adjonction de tant d'individus qui, le jour de la bataille , ne servent absolument
à rien, mais qu'il faut protéger avant tout, parce que sans eux on mourrait de
faim, déroute complètement les prévisions accoutumées d'un officier général euro-
péen, puisque \& tiers de son monde, tout au plus, est capable de faire le coup
de fusil... Le moindre mouvement rétrograde livre toutes ses ressources à l'en-
nemi. Il faut donc agir lentement, à coup sur, ne rien risquer. Aussi lord Clive
a-t-il fait la conquête du Bengale avec une poignée de soldats, comme Alexandre
avait fait celle de l'Inde, deux mille ans auparavant. »
{^Inde anglaise, t. V^.)
( 982 )
La bataille navale de Snlamine obligea Xerxès à battre
en retraite; il laissa en Grèce 500,000 hommes sous les
ordres de Mardonius.
Cette armée fut battue, en Tan 479, à Platée, par Pausa-
nias, et le même jour la flotte perse subit un échec décisif
à Mycale.
Environ cent cinquante ans après (en Tan 553), l'un
des successeurs de Xerxès, Darius Codoman, leva 400,000
fantassins et 100,000 chevaux, pour arrêter la marche
d'Alexandre le Grand. Cette armée, de même que les
précédentes, formait une masse confuse sans instruction
et qui n'élait pas même subdivisée en unités tactiques.
Il fut impossible de la diriger et de l'engager contre les
Grecs, qui avaient des troupes exercées, disciplinées et bien
commandées. L'historien Grote dit avec raison que les sol-
dats de ces énormes armées étaient, un jour de bataille,
« plutôt spectateurs que combattants, »
C'est également une sorte de levée en masse qui permit
à Attila, roi des Huns, de réunir la formidable armée avec
laquelle il eût ravagé l'Europe occidentale, si les Gallo-
Romains ne l'avaient arrêté à Chàlons, l'an Ao\ de l'ère
chrétienne. La même origine doit être attribuée à l'armée
des Arabes Musulmans, qui fut écrasée à Poitiers, Tan 732,
par Charles iMartel. Dans cette mémorable bataille, où se
trouvèrent aux prises l'Asie et l'Europe, le Coran et la
Bible, il y eut d'énormes forces engagées. Jamais l'Occi-
dent n'avait vu s'entre-choquer de pareilles masses. Il
périt des deux côtés, d'après l'historien goth Jornandès,
J 65,000 hommes.
C'est encore par le service général et obligatoire que fut
recrutée l'armée de 700.000 Mongols et Tarlares avec
laquelle Genghis Khan s'empara en 1209 de Pékin et de
( 98.1 )
tout le pays situé entre cette ville et la mer Caspienne.
A partir de ce moment, on ne vit plus qu'une seule
grande armée, formée par la levée en masse, ce fut celle
qui permit à Tamerlau, l'un des successeurs Mongols de
Genghis Khan, de refaire les conquêtes d'Alexandre dans
l'Inde et de battre, en 1401, les Turcs, sous Bajazet, à An-
cyre. Dans cette bataille, la première où les Musulmans
lurent vaincus par les Tarlares,il périt 400,000 hommes (1).
Ces armées présentaient le spectacle de masses confuses,
sans organisation, ni instruction, ni discipline, et l'histoire
nous apprend qu'elles furent battues honteusement chaque
fois qu'elles eurent à faire à des troupes exercées, pourvues
d'un bon armement et commandées par des généraux
habiles.
Ainsi 10,000 Grecs sous Miltiade (2) repoussèrent à
Marathon 100,000 fantassins et 10,000 cavaliers Perses,
commandés par Datis (5).
Ainsi la petite armée de 4,000 Spartiates avec laquelle
Léonidas défendit les Thermopyles (4) arrêta pendant deux
jours l'armée de Xerxès et lui fit perdre, au témoignage
d'Hérodote, 20,000 hommes.
Ainsi encore 7o,000 Grecs (5) sous Pausanias vainqui-
(1) Histoire universelle, par Cantu, t. XII. p. 76.
[% D'après Justin; 9.000 d'après Cornélius Nepos. M. Paul Devaux. dans son
Mémoire sur tes guerres médiques , soutient qu'à cet effectif de 10,000 hoplites
on doit ajouter 10,000 à 12,000 hommes de troupes irrégulières (esclaves, etc.).
(3) C'est l'effectif donné par Cornélius Népos ; Pausanias le porte à 300,000 ,
chiffre exagéré; M. Devaux à 6o,000.
(4) Les forces totales de Sparte et d'Athènes ne s'élevèrent qu'à 11,200 hommes,
d'après Pausauias; ces forces, après le passage des Thermopyles, s'embarquèrent
sur la flotte qui, sous Eurybiade et Thémistocle, remporta la victoire décisive de
Salamine.
(o) Pausanias avait 40.000 hommes de troupes pesamment armées, 3o,000 ilotes
(troupes légères] et un nombre proportionné d'esclaves, conduits par chaque divi-
sion de l'armée : total , 1 10,000 hommes,
( 984 )
rent, à Platée, 500,000 Perses (l'élite des troupes de Xer-
xès) commandés par Mardonius.
Cette supériorité de la science sur le nombre éclate sur-
tout pendant les merveilleuses expéditions d'Alexandre.
Dans sa deuxième campagne d'Asie, l'armée macédonienne,
forte de 40,000 fantassins et de 7,000 chevaux (1), se
trouva, à Issus, en présence de 500,000 Perses. Alexandre
les attaqua résolument, les mit dans une déroute com-
plète et fit un grand massacre parmi les fuyards accumulés.
Les Perses perdirent 100,000 fantassins et 10,000 cava-
liers. Du côté des Macédoniens il n'y eut que 500 fantas-
sins et 150 cavaliers tués.
A la bataille d'Arbèles, livrée deux ans après (551 avant
J.-C.) la supériorité des Grecs ne fut pas moins écra-
sante (2). Darius donna l'exemple de la fuite, et toute l'ar-
mée se débanda lorsque seulement le dixième de ses
forces avait été engagé. Ses pertes furent immenses, celles
des Grecs minimes (5).
Bien que ces grands et décisifs succès doivent être attri-
bués en partie à l'ignorance, à l'indiscipline et à la mollesse
des Perses et de leurs alliés, on ne peut nier qu'ils ne
témoignent éloquemment en faveur de la supériorité des
troupes permanentes de la Grèce.
L'armée de Philippe de Macédoine, père d'Alexandre,
(i) C'était la force de l'armée d'Alexandre à Arbèles. D'après Grote, Alexandre
n'avait que 30,000 fantassins et 4,500 cavaliers lorsqu'il envahit l'Asie, l'an 334
avant Jésus-Christ.
(2) Arrien porte à 300,000 le nombre de Perses tués, surtout dans la poursuite.
Diodore le réduit à 90,000 et Quinte-Curce à 40,000.
Les Lacédémoniens eurent 100 hommes tués d'après Arrien, et 300 d'après
Ouinte-Curce.
(3) Alexandre avait 47,500 hommes, dont 7,000 de cavalerie, et Darius
600,000 hommes.
( \m :
élail tactiqiiemenl la meilleure du temps. Il l'avait rendue
permanente et, pour la compléter, y avait introduit des
mercenaires.
Avant lui, les armées grecques étaient composées de
citoyens riches (1), que l'on appelait par la voie du sort et
qui rentraient dans leurs foyers après une campagne d'été
de quatre ou cinq mois.
A l'époque où le créateur de l'organisation militaire de
la Macédoine parut sur la scène, ce parfait modèle de
recrutement avait déjà subi la désastreuse influence de la
corruption des mœurs et de l'abaissement des caractères.
« A Athènes, dit Grote, et dans la plupart des autres
parties de la Grèce, les citoyens étaient devenus opposés à
un service de guerre, dur et actif. L'usage des armes avait
passé principalement à des soldats de profession... qui ser-
vaient partout où une bonne solde leur était offerte (2). »
Les armées de la république romaine furent, comme
celles des premiers temps de la Grèce, formées et alimen-
tées parla conscription sans privilège, c'est-à-dire fondée
sur le principe du service personnel. Avant Marins, on n'as-
treignait au service militaire que les hommes libres payant
un cens supérieur à 4,000 as (400 francs). L'armée romaine
se composait alors des citoyens les plus riches, les plus
instruits, les plus dévoués.
Dans l'opinion du législateur romain, « la fortune et la
propriété étaient des otages et des garanties pour la répu-
(Ij Ils devaient être assez riches pour s'équiper et pourvoir aux frais de la
guerre. En échange de ce sacrifice, on leur accordait tous les emplois adminis-
tratifs et judiciaires et toutes les hautes positions sociales.
■2) L'armée d'Alexandre comptait 5,000 mercenaires. Il y en avait !20,'lOO à
80,000, d'après Grote, dans l'armée perse . à Issus. C'étaient tous des Grecs.
^■"^ SÉRIE, TOME XL. 65
( 986 )
blique et le fondement le plus sûr de Tamoiir de la pa-
trie (1). D
A cause de ce recrutement limité, les armées de Rome
ne furent pas, eu égard à la population, plus nombreuses
que ne l'avaient été celles de la Grèce, mais la qualilé des
hommes, la supériorité de l'instruction, de Tarmement et
du commandement leur donnèrent assez de puissance pour
vaincre les masses confuses, ignorantes et indisciplinées
des barbares. En l'an 346 avant Jésus-Christ, lorsque
Rome commença la conquête du monde, elle ne pouvait
lever que 4o,000 hommes.
a Cette nation, dit Montesquieu, a tiré son éclat et l'ar-
mée son mérite de ce que les soldats qui la composaient
n'étaient pas d'une classe obligée de sacrifier sa liberté
pour assurer sa subsistance. »
Marius corrompit l'esprit aristocratique des légions, en
y introduisant des pauvres et des hommes de race aflVan-
chie (2), qui communiquèrent à l'armée leurs habitudes de
désordre et d'anarchie. Jusque-là le service militaire avait
été considéré non comme un devoir, mais comme un droit
du citoyen libre. Cette altération de la milice romaine eut
pour résultat de transformer l'armée en un instrument
(1) ViTi', Histoire civile de l'armée française.
["2] Le général Bardin prétend qu'après la bataillo de Cannes, l'enrôlement des
esclaves fut une nécessité; jusque-là, il n'avait été qu'une exception; Marius en
fit un principe.
D'après Mommsen, Marius fut obligé d'admettre les prolétaires dans l'armée
« parce que les classes les meilleures de la société s'éloignèrent de plus en plus
du service militaire et que la classe moyenne et celle des Italiotes diminuaient de
plus en plus. » Le même historien fait observer judicieusement que « Marius, en
formant une classe de soldats, en remplacement des citoyens soldats de la répu-
blique, fut cause que le service militaire devint graduellement une profession, et
que l'armée temporaire fit place à l'armée permanente » (réforme qui s'accomplit
régulièrement sous Auguste).
( 987 )
dangereux. Les factions s'en emparèrent, et Ton vil alors
Tarmée combattre successivement pour César et pour
Pompée, pour Antoine et pour Brutus. Quand Auguste
monta sur le trône, il trouva l'instrument usé, et jugea né-
cessaire de le refondre en décrétant la permanence de
l'armée ( I ). « Au lieu de 20 campagnes , séparées quelque-
fois par de longs intervalles de repos dans ses foyers, le
légionnaire devait accomplir vingt années de service effec-
tif, c'est-à-dire vivre vingt années sous la tente et dans les
camps retranchés qui étaient les casernes des Romains. »
Malheureusement, dans la crainte que le peuple ne s'in-
surgeât contre son despotisme , Auguste éloigna des légions
les citoyens romains et n'y admit plus que les levées des
provinces et les mendiants de la cité : mesure fâcheuse,
dont Mécène prit la responsabilité. Dion Cassius pré-
tend ,en effet, que ce célèbre favori, pour éviter les sédi-
tions et les guerres civiles, avait conseillé à son maître
de désarmer les citoyens et d'enrôler exclusivement dans
ses armées « la portion la plus vigoureuse et la plus forte
de la nation, celle que la misère contraignait à vivre de
brigandage. »
L'armée permanente cessa donc d'être nationale et elle
déclina d'autant plus vite, qu'après Auguste on étendit à
toute l'Italie l'exemption qui avait été accordée à la cité,
et qu'on n'enrôla plus dès lors que des volontaires et des
provinciaux non romains. Or, Tacite nous apprend que
l'empereur Tibère se plaignait de ce qu'on ne trouvait plus
(1) Auguste assujettit les prétoriens à un service de 12 ans et les légionnaires à
un service de 46 ans d'abord, puis de 20 ans. Dans la cavalerie, on ne servait que
10 ans.
( 988 )
de son temps de soldats volontaires autres que « des misé-
rables et des vagabonds. »
La perte de l'esprit militaire eut pour résultat immé-
diat de faire rétrograder la tactique. Sous les empereurs,
il ne restait plus rien des brillantes conceptions ni des
utiles réformes de Scipion, de Marins, de Syllaet de César.
Dès le IV^ siècle, on avait altéré complètement la mi-
lice romaine, en substituant au principe du service per-
sonnel, le principe du recrutement considéré comme une
charge de la propriété foncière. De là à la transformation
du service militaire en impôt direct, il n'y avait qu'un pas,
et ce pas fut vite franchi. Le propriétaire, non-seulement
ne fut plus tenu de servir en personne, mais on le dispensa
même de fournir un nombre de recrues proportionné à
l'étendue de ses domaines, en lui permettant de payer une
certaine somme pour être quitte et libre envers l'État. Au
moyen de cette somme, qui était de 50 à 56 sols d'or (I),
l'État achetait des remplaçants. « Nous ne connaissons
pas, dit M. Vitu, de témoignage plus éclatant de la déca-
dence d'une grande société ni de présage plus certain de
sa dissolution, qui devait s'accomplir dans le siècle sui-
vant. »
A partir de ce moment, il y eut des pillages et des mal-
versations dans les prestations pécuniaires, décadence mo-
rale et physique chez les hommes recrutés. Les soldats
étaient en général ignorants, pillards et lâches; les plus
mauvais étaient les hommes de rebut que fournissaient les
propriétaires, en achetant à prix d'argent la connivence des
officiers recruteurs; les moins mauvais étaient les vglon-
(1) 'Si* sols d'or on laii ;^7;). el ;{0 sols d'or en l'iin 'M.
( 989 )
laiies qu'eiirôlait rÉlal avec l'argent provenantdes radiais.
Un grand nombre de citoyens, pour exempter leurs
enfants du service, les rendaient incapables de darder le
pilum en leur coupant le pouce de la main droite; et l'État,
pour réprimer la désertion, fut obligé de marquer les sol-
dats au front ou sur les mains, avec un fer rouge, afin de
pouvoir découvrir plus facilement les coupables.
A partir de Constantin (506) on enrôla dans les armées
romaines des Goths, des Vandales, des Sarmates et d'au-
tres barbares. Ce fut le dernier degré de la décadence.
Lorsque, en 406, 250,000 Sarmates, Ostrogolhs et Ger-
mains du Nord, commandés par Radagbis, se ruèrent sur
l'Italie, l'empire romain expirant ne put leur opposer que
30,000 ou 40,000 soldats, plus 30,000 auxiliaires Goths,
Huns et Alains, sous les ordres de Stilicon (1). Malgré sa
grande infériorité numérique, cette armée, grâce aux
troupes permanentes qui en formaient le noyau, vainquit
les barbares, en extermina un grand nombre et réduisit le
reste en esclavage. Ce fut un des derniers succès des aigles
romaines. Bientôt les barbares, victorieux dans la Gaule,
inondèrent l'empire et le saccagèrent.
La supériorité des troupes permanentes de Rome sur
les armées temporaires des barbares, est démontrée par des
faits nombreux et concluants. On sait que le conquérant
des Gaules, au moment de pénétrer en Belgique (l'an 57),
se trouva en présence d'une coalition des peuplades du
Nord, dont les forces, commandées par Galba, s'élevaient
{i) L'enrôlement à l'intérieur, pratiqué par Marias (100 ans avant J.-C.;.
sauva l'État oc au point de vue militaire, dit Mommsen, de même que plusieurs
siècles après, Arbogast et Stilicon prolongèrent son existence pour un certain
temps, par l'introduction de l'enrôlement étranger. »
( 990 )
à 300,000 hommes. Il n'avail à leur opposer que 24,000
légionnaires, réunis sur rAisne,et cette force suffît non-
seulement pour abattre tous les ennemis de Rome en deçà
du Rhin, mais encore pour tenir en respect ceux qui se
trouvaient au delà.
Peu fiant la septième campagne des Gaules, en Pan 52,
Vercingetorix , chef de l'armée des Celtes, s'était réfugié
dans Alésia avec 80,000 hommes d'infanterie et 13,000
cavaliers. César l'investit avec la totalité de ses forces
(10 légions ou 40,000 hommes environ). Vercingetorix
appela toute la nation sous les armes. Après un mois d'at-
tente, 250,000 fantassins et 8,000 cavaliers (1) vinrent
assaillir la circonvallation du général romain, en même
temps que les assiégés attaquèrent la contrevallation. Le
premier assaut ayant été repoussé, l'armée celte quitta le
champ de bataille, complètement découragée, et bientôt
après, Alésia, abandonnée à elle-même, tomba au pouvoir
de César.
Les plus grandes armées de la république romaine ne
dépassèrent point 85,000 hommes; celle des consuls Paul
Emile et Varron à la bataille de Cannes était composée de
7o,000 hommes d'infanterie et de 7,200 chevaux.
Sous Auguste, les forces militaires de l'empire s'éle-
vèrent à 150,000 hommes, au milieu du règne, et à
197,000 hommes vers la fin (2).
(i; D'après quelques auteurs, Cumniius ne porta au secours d'Alesia que
180,000 hommes.
>2) D'après Montveran. Auguste avait 24 légions formant 16i,000 hommes:
12,000 hommes appartenaient aux cohortes prétoriennes, 8,000 aux cohortes
urhaines et 133,000 aux cohortes de sujets et d'alliés. Ces dernières étaient, sans
doute, les troupes mercenaires, recrutées chez les barbares. qu'Auguste avait pris
à sa solde pour garder les frontières de l'empire.
( 9»! )
Sous Adrien (en l'an 120), Tarmée, au dire d'Appian,
avait 200,000 hommes de pied, 40,000 cavaliers, 200 chars
et 500 éléphants.
L'eiïeclir des forces militaires dépassa 450,000 hommes
sous Constantin (vers 320).
Ainsi, à mesure que la qualité des troupes déclinait, leur
nomhre augmentait et leurs succès devenaient plus rares
rt plus contestés.
Depuis Auguste jusqu'à Constantin, la défense de la
frontière du Rhin n'exigea que 8 légions ou 48,000 hom-
mes; ces légions étaient campées entre Cologne et
Mayence.
Dans la Gaule, 1,200 hommes suffirent, dit Sismondi,
pour hrider le pays; et le maximum de forces agissantes
dont le Sénat eut hesoin pour réduire à l'obéissance le
monde alors connu, ne dépassa point 100,000 hommes
effectifs.
L'histoire de la Grèce, celle de Rome et de tous les États
qui ont joué un grand rôle dans le monde, prouvent que
la décadence des mœurs et l'abaissement des caractères
ont toujours conduit à la décadence des armées, en y intro-
duisant des éléments impurs (remplaçants ou mercenaires
étrangers), des idées de lucre, des habitudes de désordre
et une licence contraires aux devoirs et à l'honneur mili-
taires. A son tour, la décadence des armées a toujours réagi
sur le système politique, en ouvrant l'ère des troubles et
des guerres civiles, laquelle aboutit nécessairement au des-
potisme, aux mouvements séditieux dans les camps, aux
coups d'État militaires, en un mot au règne des Pré-
toriens.
99^2
111.
Après la destruction de Tempire romain, le service
général et obligatoire, qui avait produit les grandes armées
temporaires des Orientaux et des barbares, et la conscrip-
tion, qui avait produit les petites armées d'abord tempo-
raires, puis permanentes, des Grecs et des Romains, cédè-
rent le pas à un mode de recrutement fondé sur la
subordination du client au patron, du bénéficiaire au
bienfaiteur ou du vassal au seigneur (1), subordination
qui donna naissance au vasselage militaire ou à l'obli-
gation d'homme à homme, base du service militaire
féodal.
A cette époque, de même que chez les anciens, le ser-
vice militaire était considéré comme une charge naturelle
de la propriété terrienne.
La féodalité produisit de petites armées temporaires de
nobles, possesseurs de fiefs (vassaux) ou d'arrière-tîefs
(arrière-vassaux), dont la convocation portait le nom de
ban et d' arrière-ban.
Ces armées coûtaient peu au souverain parce que les
hommes d'armes devaient se monter, s'équiper et pourvoir
à tous leurs besoins, et que c'était seulement après un
délai convenu (5 ou 4 mois sous les deux premières
dynasties des rois de France et 40 jours à partir du
(1) C'est sous les Carloviiigiens que le mot vassal rempla(.-a dans la langue du
droit le mot leude, fidèle ou client. La subordination du vassal du seigneur en-
traînait la subordination d'une propriété à une autre, qui est la base du système
féodal.
( î)93 )
XI* siècle), que leur entretien tombait à charge de la cou-
ronne (l).
Ce défaut de permanence des armées eut pour résultat
de favoriser les invasions et le brigandage; témoin la ter-
reur qu'inspiraient au IX*' siècle les bandes de Normands,
dont la force dépassait rarement 500 hommes. Les plus
grandes villes se laissèrent dépouiller par ces bandes, et
l'histoire rapporte notamment qu'en 852 Tune d'elles mit
en fuite toute la population de Paris.
Peu à peu cependant l'effectif des armées s'accrut par
l'enrôlement d'un grand nombre de manants et de serfs
(à l'époque des premières croisades), et par l'adjonction des
milices communales (au commencement du XII' siècle).
L'armée qui, sous Godcfroid de Bouillon entreprit la
première croisade, en 1096, comptait 900,000 hommes,
mais si grands étaient le désordre, la confusion et l'indis-
cipline qui y régnaient, qu'arrivée en Bithynie, elle était
réduite à 700,000 hommes et qu'elle ne put amener devant
Jérusalem que 50,000 combattants.
L'armée de la deuxième croisade, partie en H47, ne se
composait que de 200,000 hommes; elle subit un grave
échec devant Damas, et rentra honteusement en Europe.
Comme celle de la première croisade, elle comptait un
grand nombre de manants et de serfs, engagés par les sei-
gneurs en violation du système féodal.
Les enrôlements salariés furent une conséquence de ces
expéditions lointaines. En effet, le droit féodal n'imposant
(i) Les Institutions de saint Louis portent qu'après quarante jours le baron et
l'homme du roi (propriétaire noble dont le fief est situé dans le domaine royal) ne
sont plus tenus de servir à leurs dépens et peuvent s'en retourner, à moins que le
roi ne les prenne à sa charge pour défendre le royaume. (Ils pouvaient refuser de
suivre le souverain hors du rovaume.
( 994 )
pas le service au dehors du royaume, les seigneurs de-
vaient défrayer leurs vassaux en leur allouant une solde,
et comme celle-ci n'était pas toujours régulièrement payée,
rindiscipline et la mutinerie commencèrent dès lors à
s'introduire dans les armées.
Plus tard l'appoint de la féodalité fut emprunté aux
milices communales, qui introduisirent dans l'armée l'élé-
ment bourgeois et plébéien.
On transforma aussi, de plus en plus, le service mili-
taire en subsides, de sorte que l'enrôlement à prix d'ar-
gent, peu connu sous les deux premières races des rois
de France, prit sous la troisième un développement consi-
dérable.
I.a plus grande armée composée de troupes féodales et
de milices communales qui ait paru sur les champs de
bataille, est celle que le comte de F'iandre, ligué avec
remj)ereur Othon, les Anglais, le comte de Boulogne et le
duc de Brabanl, opposa à Philippe-Auguste dans les
plaines de Bouvines, en 1214. Elle comptait 150,000 hom-
mes, dont 10,000 seulement étaient de la cavalerie féodale.
Philippe-Auguste l'écrasa avec une armée moitié moins
nombreuse, mais dans laquelle il y avait beaucoup de
troupes à cheval.
L'armée qui sous Philippe de Valois envahit la Flandre en
1547, et qui se porta ensuite au secours de Calais , assiégé
par Edouard 111 d'Angleterre, comptait 55,000 chevaux
et 100,000 hommes de pied (1):
A la bataille d'Azincourt, livrée en 1415, il n'y avait, du
côté des Français, que des troupes féodales, les commu-
(1) Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, t. lll, p. 323.
( i)95 ^
niers s'élnnt trop mal conduits dans les comhats anté-
rieurs, notamment à Crécy et à Poitiers (I). Ce grand
eflbrl de la noblesse française contre le roi d'Angleterre ne
produisit qu'une armée de 100,000 hommes. C'était plus
qu'elle n'avait pu opposer aux communes flamandes à
Courtrai, en 1502 (2), et plus que n'avait donné la convo-
cation du ban et de l'arrière-ban sous Philippe le Bel (3).
Une des dernières armées féodales, fut celle qui com-
batlil, sous Charles le Téméraire, à Granson; elle ne comp-
tait que 10,000 hommes, dont 18,000 cavaliers des com-
pagnies d'ordonnance.
Les gentilshommes pauvres étaient exempts du service,
en vertu du principe ancien que celui qui ne possède rien
n'a rien à défendre et ne doit être tenu à rien. Plus lard,
on recruta parmi eux les mercenaires. Cette^ classe, qui
comprenait également des non nobles, — gens des villes
et des campagnes, — s'accrut peu à peu, à mesure que
la classe des liefTés s'affaiblit par les guerres intes-
tines (4).
(i) Le lendemain de cette dernière bataille, 80,000 hommes des communes
françaises furent écrasés par 600 lances et 2,000 archers anglais.
(2) La chevalerie française avait à Courtrai une armée de o8,000 hommes.
(3) Cette convocation ne donna au roi de France que 80,000 hommes.
' (4) Les premiers salariés furent des nobles. Déjà en 1271, dit M. Vitu, il y avait
un grand nombre de fiefs qui ne devaient le service militaire qu'à condition de
recevoir une solde.
Sous Philippe le Rel, au commencement du XIV*" siècle, le service des fiefs se
transforma d'une manière presque générale en service salarié.
Les mercenaires, c'est à-dire ceux qu'on enrôlait à prix d'argent dans le pays
d'abord, puis à l'étranger (et qu'il ne faut pas confondre avec les .vw/ar/cf, qui
étaient obligés de servir), sont d'une origine plus ancienne. Il y avait déjà des
mercenaires étrangers dans l'armée de Robert le Frison en l'an 1070 : c'étaient
des archers anglais. En 1280, Guy de Dampierre avait à sa solde des piquiers alle-
mands pour châtier les villes de Flandre. Depuis lors, il y en eut dans toutes le.s
armées, jusqu'à la fin du XVIII'* siècle.
( 996 )
Pour mettre nn terme à ces guerres, qui affaiblissaient
leur autorité, les rois s'appuyèrent sur les communes, qu'ils
se rendirent favorables en leur octroyant des chartes d'af-
franchissement, en vertu desquelles elles pouvaient lever
des milices et construire des remparts. Ces milices avaient
fait leur apparition vers le milieu du XI' siècle (I); elles
gardaient les villes, les protégeaient contre les violences
des châtelains et des nobles, et étaient trnues de suivre
leur seigneur en guerre, mais à condition de pouvoir ren-
trer le soir. Quelques communes accordaient au seigneur
le droit de retenir plus longtemps les milices, en leur
payant une solde, après 1 ou 2 jours de service; celles
qui n'avaient d'autre seigneur que le roi, devaient à celui-ci
le service féodal complet de 40 jours.
Les milices communales disparurent, après trois siècles,
avec l'armée féodale dont elles avaient été le complé-
ment (2). En France, où elles avaient montré généralement
peu de consistance, de bravoure et de dévouement, elles
furent supprimées sous Charles VII.
Avant cetteépoque l'ordre était fréquemment troublé par
des bandes d'aventuriers nationaux et étrangers [colereaux
et routiers) que l'on voit figurer dans les armées françaises
dès le commencement du XII' siècle (5). Ces bandes se
(1) La commune de Bruges (une des plus anciennes; fut établie par Bau-
douin IV.
(2) L'importance des milices communales diminua graduellement, à partir de
Tavénement de la maison de Bourgogne. L'indiscipline neutralisa l'effet de leur
nombre et de leur courage. Elles manquaient aussi d'instruction, et leur service
limité était cause que le prince qui les employait voyait souvent échouer ses entre-
prises au moment même où il touchait au succès.
(3) Ces mercenaires furent surtout recherchés par les souverains à l'époque où,
luttant contre l'hostilité des grands vassaux, jaloux de l'autorité royale, ils ne pou-
vaient plus compter sur l'appui des milices communales, trop faibles ou mal dis-
( 997 )
comportèrent vaillamment dans plusieurs circonstances,
notamment à la bataille de Bouvines; mais comme elles se
recrutaient de gens sans aveu, on ne pouvait compter ni
sur leur fidélité ni sur leur obéissance. En I3G0, les com-
pagnies de routiers servirent tour à tour le roi d'Angle-
terre, le roi de France et le comte de Montfort. Des lors
on vit des troupes entières déserter les drapeaux et passer
à l'ennemi avec armes et bagages.
Pour faire cesser ce Iléau, Cbarles V institua les compa-
gnies d'ordonnance, ou Tannée régulière. Il assura môme
la permanence de quelques-unes de ces compagnies. Son
petit-fils, Cbarles Vlï, rendit permanente toute l'armée
régulière en 1438 (I); cependant l'ordonnance qui fixa le
nombre des compagnies à 15 (2), et organisa le système
des tailles royales, ne parut qu'en i44-5. Dès ce moment
(L l'agriculture se releva et le travail reprit ses droits. Ce
que l'autorité royale et les foudres de l'église (5) n'avaient
pu faire, l'armée permanente le réalisa (4). b
posées pour eux. D'après quelques historiens, ce furent les Brabançons qui
fournirent les premiers routiers, en 1159.
(1) Par la célèbre ordonnance de Dlois, adressée à tous les baillis du royaume;
L'année suivante (1439), les états généraux approuvèrent en principe la création
d'une armée permanente et votèrent une taille de 4,200,000 livres par an pour
l'entretien de celte armée.
Charles le Téméraire créa 8 cotnparjnies d'ordonnance en 4471. Deux ans
après, les États de tous les pays sous sa domination accordèrent une aide de
.S00,000 écus, payable par tous, sans exception, pour l'entretien de ces troupes
permanentes. La inème année. Charles porta à 22 le nombre des compagnies:
chaque compagnie se composait de 100 lances, et chaque lance, de 1 homme
d'armes, o archers, 3 hommes à pied, 1 coutillier et i page.
On doit à Charles le Téméraire la première ordonnance sur l'exercice des
troupes.
(2) Chaque compagnie se composait de 100 lances et chaque lance de
6 hommes.
(3) En l'an 1179, le concile de Latran avait lancé l'anathème contre ces troupes
sans foi ni loi.
(4) M. Vitu.
( 998 )
Rien de plus navrant, dit un historien, que le tableau
de la France avant celte lutte de la force organisée contre
le brigandage. Les meilleurs capitaines étaient à la tête
des bandes, qui avaient pris le nom à'écorcheurs : témoin
de Chabannes, La Hire, Lislrac, Xaintrailles, le bâtard
d'Armagnac et presque tous les compagnons de la Pu-
celle.
Les rouliers pillaient les campagnes, prenaient même
les villes d'assaut, pour y lever des impôts, s'emparaient
des notables et des riches, et ne les relâchaient qu'à prix
d'argent.
« La cause principale, pour ne pas dire unique, de ces
épouvantables désordres, au sein desquels la France faillit
redevenir sauvage, c'est que l'organisation militaire repo-
sait sur des enrôlements soldés et que la solde n'était plus
payée (I). »
Une ordonnance des états généraux, de 1459, permet
d'apprécier exactement la situation de l'armée à cette
époque. Elle défendait aux capitaines de gendarmes de
piller et de voler (art. 6), de prendre et de rançonner les
laboureurs, voituriers, etc. (art. 7), d'enlever le bétail
(art. 8), de détruire les denrées et d'enfoncer les barriques
de vin (art. 9), de couper les vignes et les arbres (art. H),
d'allumer des incendies (art. 13), d'abattre les couver-
tures des maisons (art. 14), etc., etc..
Mais les routiers résistèrent à toutes ces ordonnances.
11 fallut les détruire et les expulser par la force. Ce résultai
fut assuré par la création des compagnies d'ordonnance,
qui inaugurèrent l'établissement définitif de l'armée fixe et
DM. Vitu.
( 999 )
permanente, des garnisons permanentes et de l'impôt per-
manent (1).
Les compagnies d'ordonnance étaient une milice aris-
tocratique, à laquelle se joignaient, en temps de guerre,
des nobles non engagés, qui recevaient alors la paye des
gendarmes d'ordonnance. Indépendamment de cette armée
féodale, Charles VU, pour remplacer les milices commu-
nales supprimées, forma une infanterie roturière connue
sous le nom de francs-archers. Cette infanterie, composée
d'hommes fournis par les paroisses, était à la solde du Roi,
mais en temps de guerre seulement (2). A raison d'un
homme par 50 feux, la France, qui avait à cette époque
15 millions d'habitants, aurait pu fournir 60,000 francs-
archers.
Les résultats que produisirent ces utiles réformes de
Charles Vil furent très-remarquables. Voici en quels
termes les signale l'auteur de l'excellente Histoire civile
de l'armée française. « Les frontières et les routes devin-
rent, en deux mois, plus sûres qu'elles ne l'avaient été à
aucune autre époque de notre histoire. L'agriculture et le
commerce sortirent du néant, les déserts se peuplèrent.
Une vie nouvelle reparut sur le sol français, jonché de tant
de ruines, arrosé de tant de sang généreux. C'est comme
une renaissance, un printemps, une aurore. »
Tous les annalistes du XV^ siècle s'expriment dans le
(1) M. Vitu fait remarquer judicieusement que la réorganisation militaire
opérée par Charles VII eut pour conséquence la réorganisation financière de la
France.
(2) Par l'ordonnance de 1448, chaque paroisse devait fournir un homme, choisi
parmi les plus capables. Cet homme devait s'équiper et, s'il ne le pouvait pas,
la paroisse intervenait. Il était astreint à des exercices et à des revues men
suelles.
( 1000 )
même sens, notamment Thomas Bazin et Mathieu de
Coucy.
Sous Louis XI l'armée française avait 9,000 cavaliers
(les compagnies d'ordonnance, 10,000 hommes d'infan-
terie nationale (tenant lieu des francs-archers que le roi
avait supprimés) et 6,000 hommes d'infanterie suisse, en
tout : 25,000 hommes (1).
L'effectif des armées s'accrut, mais faiblement, sous
François I"" et Henri 11 en France , sous Charles-Quint en
Allemagne, en Italie et en Espagne.
En lo25, François V^ dut faire un grand effort pour
opposer, en Italie, 50,000 hommes à l'armée impériale,
commandée par Pescara. Celle-ci remporta une victoire
décisive à Pavie, bien que forte seulement de 20,000 fan-
tassins, 700 hommes d'armes et 500 chevau-légers.
En 1552, Charles-Quint, menacé par 200,000 Turcs,
sous les ordres de Soliman, ne put réunir que 70,000
hommes, y compris les Espagnols de l'armée d'Italie et
les Italiens que l'empereur et le pape avaient à leur solde.
Ce fut sa plus grande armée. En 1555, dans l'expédition
contre Tunis, il n'avait que 50,000 hommes (2), embarqués
sur 500 navires. Dix ans après, quand les Confédérés se
jetèrent en Allemagne avec 85,000 hommes, il ne put leur
opposer que 50,000 fantassins et 9,000 cavaliers. Enfin,
dans sa grande expédition contre Metz, les forces totales
de son armée ne dépassèrent pas 60,000 combattants.
(1) C"est l'effectif que Louis XI opposa à la lUjue du bien public et à Charles
le Téméraire.
Mazas prétend que l'effectif maximum de l'armée française , sous Louis XI ,
atteignit le chiffre de 6o,000 hommes, dont 18,000 de cavalerie, mais ce chiffre
semble exagéré.
(2) 20,000 hommes, d'après quelques historiens.
( 1001 )
Le général Bardin évalue à 41,000 hommes, levés en
grande partie à l'étranger, reffeclif total de l'armée fran-
çaise à cette époque (15S8).
De 1600 à 1609, Henri IV n'eut sur pied que 4,100
hommes d'infanterie et 2,657 hommes de cavalerie, plus
3,000 hommes formant le noyau de quelques régiments
d'infanterie, réformés après la guerre de Savoie et servant
à garder les châteaux ou citadelles (1).
Lorsque, en 1610, il se hrouilla avec la maison d'Au-
triche, à l'occasion de la succession de Clèves et de Juliers,
le duc de Sully prit des mesures pour porter l'armée fran-
çaise à rcffectif de 49,600 hommes , savoir :
1,000 gentilshommes volontaires,
4,600 hommes de cavalerie,
25,000 hommes d'infanterie,
1,000 hommes de réserve de cavalerie,
20 canons, 6 coulevrines et 4 bâtardes.
L'armée du maréchal l>esdiguières, destinée à seconder
les princes d'Italie, comptait :
2,000 hommes de cavalerie,
12,000 hommes d'infanterie,
10 canons.
Les garnisons étaient fixées à 4,000 hommes.
Total, 49,600 hommes (2).
A cette époque, les autres États avaient relativement
(Ij Recherches sur ta force de l'armée française (depuis Henri IV jus-
qu'en 1803), ouvrage composé d'après des documents oflBciels et publié à Paris
en 1806.
(2) Sous Henri IV, on pratiquait une espèce de presse pour avoir des soldats.
Sully nous montre les Français de ce temps ne marchant aux armées que courbés
sous le bâton et menacés du gibet. Longtemps après , ce même mode de recrute-
ment était encore en vigueur, conmie nous le verrons plus loin.
2'"'' SKP.IE, TOME \L. 64
( 1002 )
encore moins de troupes sous les armes. On en aurait eu
la preuve si la mort n'était venue arrêter Henri IV dans
l'exécution de son projet d'abaisser à la fois la branche
allemande et la branche espagnole de la maison d'Autriche.
En vue de ce grand dessein que Richelieu, Mnzarin et
Louis XIV réalisèrent partiellement dans la suite, Henri IV
s'était allié avec Venise, le pape, la Toscane, la Savoie et
tous les Étals protestants du reste de l'Europe. Les mé-
moires de Sully nous apprennent que ces Élats s'étaient
engagés à lui fournir, en tout, 128,000 hommes, 17,000
chevaux et 108 canons.
A partir de 1620, Louis XHÏ augmenta graduellement
les forces militaires de la France. En 1655, elles se com-
posaient de cinq armées d'un effectif tolal de 100,000 hom-
mes, dont 18,000 de cavalerie. Cet effectif fut maintenu
jusqu'au traité de Munster, en 1648.
Pour le tenir au complet on avait été obligé de recourir
à des moyens extrêmes; témoin l'ordonnance de 1636
qui supprima temporairement les travaux de bâtisse afin
(le déterminer les maçons à se faire soldats, et l'ordon-
nance de 1643 (reproduction d'une ordonnance de Fran-
çois 1") qui recommanda « d'enrôler par préférence et
(le force les vagabonds, gens sans aveu et fainéants. »
Le désir d'abaisser les maisons d'Autriche et d'Espagne,
qui avait engagé Henri IV à porter son armée à près de
50,000 hommes, et LonisXllI à doubler ce nombre, déter-
mina Louis XIV à atteindre lechiflVe de 131,000 hommes
en 1668, après la paix d'Aix-la-Chapelle, et celui de
176,000 en 1672, au début de la guerre contre la Hol-
lande (1).
(1) Recherches, etc.
( i()()5 )
Nous touchons ici à la grande et principale cause de
l'accroissement successif et, selon nous, exagéré des armées
permanentes. Il convient de nous y arrêter un instant, pour
Tapprécier exactement et en indiquer les premiers effets.
Louis XIV avait une ambition immodérée, qui se trahit
par ces mots,qu'iI adressa au maréchal de Villars :S'«f;raii-
dir est la plus digne et la plus agréable occupation d'un
souverain, a La pensée première de son règne, dit Henri
Marlin, fut de prendre le traité des Pyrénées comme un
point de départ vers des agrandissements ultérieurs aux
dépens de la monarchie espagnole. Celle pensée est la con-
tinuation de la politique nationale, puisque la France n'a
point atteint, par le traité des Pyrénées, les bornes de son
développement naturel et que l'Espagne détient encore
plusieurs provinces sur le sol gaulois (i). »
Ainsi « refaire France ce qui avait été Gaule, » telle fut
la principale préoccupation du Roi. Ce projet qui avait
séduit Henri lY au moment où il tomba sous le fer d'un
assassin, et que Fiichelieu comptait réaliser lorsqu'il entama,
en 1655, sa grande lutte contre la maison d'Autriche, ce
projet, accepté etencouragé par la nation française, laquelle
voulait être non-seulement grande, mais prépondérante,
inspira et dirigea toutes les actions du plus orgueilleux des
souverains, du plus ambitieux et du plus implacable des
ministres (2).
(1) T. XIII, p 275.
(!2) Ce projet eût été avouable et utile à l'Europe si les États de Charles-Quint
étaient restés soumis au même sceptre et à la même direction. Le puissant em-
pereur avait détruit, en effet, à son profit, l'équilibre politique et créé une situa-
tion peu tolérable pour les autres États et surtout pour la France. Mais sous ses
faibles successeurs, les deux grandes fractions de l'empire ne pouvaient causer
les mêmes alarmes ni faire naître les mêmes inquiétudes. La France, par consé-
( um )
Pour atteindre leur but, Louis XIV et Louvois ne recu-
lèrent devant aucun sacrifice ni devant aucun excès de
pouvoir; ils ne s'arrêtèrent pas même lorsqu'ils virent la
France épuisée, ruinée, mutilée!
« Après la paix de Nimègue (1679), dit M. Martin (1),
Louis ne veut plus seulement le complément naturel de la
France; il n'assigne dans sa pensée aucune borne à l'exten-
sion de sa puissance. Il est obsédé par le rêve funeste de
l'empire. En 1680 le corps de Paris achève de l'enivrer
en lui décernant solennellement le titre de Louis le
Grand. »
En faisant peser sur les autres nations l'ascendant le
plus impérieux et le plus accablant qui eût jamais été
exercé en Europe, la France amassa contre elle de terribles
ressentiments, et provoqua une réaction qui bientôt éclata
de toutes parts avec une intensité sans égale. L'odieuse
conduite du roi envers la flollande (2) révolta le sentiment
public dans le monde entier. L'incendie du Palatinat
chassa de leurs foyers 100,000 habitants qui vinrent de-
mander vengeance à l'Allemagne. Les dragonnades et la
révocation de l'édit de Nantes peuplèrent l'empire, la Hol-
lande et l'Angleterre d'autres malheureux, qui manifes-
taieiil les mêmes ressentiments.
quent, n'avait plus le droit de se dire menacée par la suprématie de la maison
d'Autriche, ni surtout le droit de chercher à substituer sa suprématie à celle de
l'empire de Char!es-Quint, dont les deux fractions pouvaient sans doute s'unir
encore, mais que des intéiêts opposés ou divergents pouvaient aussi déterminer
à se combattre.
(1) T. XIII, p. 368.
(2) C'est Louvois qui rédigea et fit accepter par Louis XIV la déclaration du
14 juin 1672, par laquelle il menaçait les villes hollandaises de ne leur donner
aucun quartier « si elles tâchent de résister aux forces de Sa Majesté par
l'inondation de leurs digues ou autrement. » Il ordonna les dévastations du Pala-
tinat et contribua à la révocation de l'édit de Nantes.
( \{m )
Ainsi menacée, par ses propres fautes, d'une coalition
européenne, la France dut augmenler l'eflectir de ses
armées à mesure que croissait le nombre de ses ennemis.
Pour faire face à la ligue d'Augsbourg, formée en 1G87,
Louis mit sur pied une armée double de celle qu'il avait
dirigée, en 1672, contre la Hollande. Pendant cette guerre,
qui se termina en 1697 par la paix de P»ys\vick, son armée
atteignit l'effectif de 596,000 hommes (I).
Le même effectif, à peu près, fut maintenu durant les
guerres de la succession, de i70l à 1715 (2).
Ces guerres épuisèrent tous les Étals et les obligèrent à
contracter des dettes énormes; mais elles furent particu-
lièrement désastreuses pour la France, dont la misère
n'était pas moins hideuse parce qu'on l'avait parée de lau-
riers. Elle s'était véritablement épuisée à vaincre, et,
comme le remarque l'auteur du Siècle de Louis XIV : a on
périssait de misère au bruit des Te Deiim. )>
La population qui, en 1685, s'élevait de 22 à 25 millions
était tombée à 19 1/2 millions, en 1700 (5).
Le 29 mai 1675, le gouverneur du Dauphiné écrivait à
Colbert « que le commerce cessait absolument dans sa
province et que la plus grande partie des habitants n'avaient
reçu, pendant l'hiver, que du pain fait avec des glands et
des racines; que présentement on les voyait manger
l'herbe des prés et l'écorce des arbres (4). »
Peu de temps après, Locke, voyageant dans le Langue-
ci) Recherches, etc.
(2) L'auteur des Recherches , etc., porte Peffectif , pendant ces douze années, à
392,000 liornnies.
(3) Cela est constaté par les Mémoires des intendants.
(4) Ces résultats étaient dus en partie à un hiver exceptionuellement rigoureux .
qui avait détruit le bétail et causé un énorme préjudice à l'agriculture.
( i()0() )
doc, constata que les fermages des terres avaient diminué
de moitié depuis le commencement de la guerre. En 1710,
le trésor ne vivait plus que d'expédients. « Pour avoir de
l'argent, les intendants enlevaient jusqu'aux dépôts publics.
On ne pouvait plus faire le service qu'en escroquant de
tous côtés... C'était la banqueroute universelle de la
nation (1). »
Les ponts, les chaussées et les chemins étaient dans un
état de dégradation presque générale (2). La pèche était
ruinée et les populations frontières succombaient sous le
poids des contributions, des logements militaires et des
réquisitions. Les propriétaires fonciers ne touchaient plus
en Flandre qu'un tiers de leur revenu, etc. (3).
Tout concourait à donner à la misère des proportions
effrayantes, le manque de bras que la guerre enlevait aux
travaux des champs, les mauvaises mesures économiques,
les folles dépenses de la cour et les désordres administra-
tifs de toute espèce.
Vauban disait, dans sa Dîme rotjale , rédigée après la
paix de Ryswick : « Près de la dixième partie du peuple
est réduite à mendier, des neuf autres parties, cinq ne peu-
vent faire raumôneàcelle-là,dont elles ne diffèrent guère;
trois sont fort mal aisées, la deuxième ne compte pas plus
de 100,000 familles, dont il n'y a pas 10,000 fort à leur
aise. »
En 1715 la situation du crédit public était telle, que le
ministre, pour avoir 8 millions, fut obligé de donner 32
millions de billets aux traitants. « L'usure, dit un historien
(\) Henri Martin, t. XIV, p. 528.
(2) HenriMartin, t. XIV,p. 331.
(3) Voir les Mémoires des intendants.
( iO()7 )
français (1), règne snr les ruines de la société. De;s émeutes
éclatent pour les vivres dans le peuple et même dans l'ar-
mée. Les manufactures sont languissantes ou fermées; la
mendicité forcée dévore les villes. Les campagnes sont dé-
sertes, les terres en friche faute d'outils, faute d'engrais,
faute de bestiaux; les maisons tombent en ruine. La France
monarchique semble près de finir avec son vieux roi. »
Ce vieux roi, qui avait dédaigné les sages conseils de
Colbert et de Vauban, reconnut ses fautes à l'heure su-
prême, en disant au Dauphin (son arrière-petit-fils) :
« J'ai trop aimé la guerre, ne m'imitez pas en cela,
non plus que dans les trop grandes dépenses que j'ai
faites. »
Louis XIV a-t-il au moins fait progresser l'art de la
guerre par tant de folles et coupables entreprises?
Je ne le pense pas! En poussant à l'exagération des
armées permanentes et en ruinant les finances, il créa une
situation qui rendit la tâche de ses généraux de plus en
plus difllcile et quelquefois même impossible.
La principale difficulté résidait dans le recrutement,
qui se faisait à prix d'argent et par l'emploi de moyens
indignes d'une nation civilisée.
Les mémoires du maréchal de Villars prouvent cepen-
dant que vers la fin du règne les régiments avaient à peu
près leur effectif au complet, parce que la misère en dé-
peuplant les campagnes peuplait l'armée; mais si les
hommes étaient abondants tout le reste manquait. Point
d'habits, point de provisions, point d'armes. On voyait des
soldats vendre jusqu'à leurs fusils, pour ne pas mourir de
(1) Henri Martin, t. XIV, p. 597.
( 1008 )
faim. Le maréchal affirme qu'il n'eut jamais de pain pour
plus de vingt-quatre heures d'avance.
Malgré l'appoint que la misère publique fournissait à
l'armée, il est constaté que durant tout le règne de
Louis XiV, il fallut enrôler des soldats par la force, la ruse
ou la corruption, contrairement à l'ordonnance de 1692
qui avait prohibé tout enrôlement de cette espèce.
Lemontey dit, dans son remarquable Essa? sur rétablis-
sement monarchique de Louis XIV : « On vit la cour déli-
vrer des commissions à plusieurs capitaines, après les
désastres de RamilIies,pour se former des compagnies par
tous les moyens de la force et de la ruse, et ces aventu-
riers, poursuivant leur proie dans les forets et les vallées
les plus profondes, enrégimenter sans autre forme les la-
boureurs capturés et livrés comme de misérables Africains
à des chasseurs d'hommes. »
Le racolage se faisait à Paris dans des maisons appe-
lées fours, où l'on enfermait les victimes. Il y avait en-
core beaucoup de ces maisons au siècle dernier.
Nonobstant l'emploi de ces moyens odieux, il fut impos-
sible, sous Louis XV et jusqu'à l'époque de la révolution
française, d'atteindre l'effectif prescrit par \es ordonnances
de composition de Varniée, et de répaicr les pertes causées
par la guerre. Pour combler le dédcit, il fallut recourir aux
mercenaires étrangers, dont le nombre s'élevait encore à
26,000 à la fin du règne de Louis XVI (1).
La qualité des troupes ayant diminué et les difficultés
du commandement s'étant accrues à mesure que l'effectif
(I) La loi fondamentale des 28 février-21 mars 1790 stipula que l'effectif des
troupes étrangères, dans l'armée française, ne pourrait pas dépasser 26.000
hommes. La Convention nationalisa les corps étrangers. en 1792.
( lOOi) )
(les îiimécs angnicnlail, los opérations, vers la (in dn règne
de Louis XIV, étaient devenues moins rapides, les plans
de canip-ague moins audacieux, les mouvements siir les
champs de bataille moins prompts et moins décisifs qu'ils
ne l'avaient été du temps de Condé et de Turenne. Les
meilleurs généraux de l'époque, les Créqui, les Vendôme
et les Villars se montrèrent inlia!)iles à manier les lourdes
masses qu'on leur avait confiées (I). Seul, le maréchal de
Luxembourg en sut tirer un parti convenable.
« Il semble , dit Henri Martin , que les résultats s'amoin-
drissaient à mesure que les armées augmentaient. On était
déjà loin du temps où Turenne obtenait de si prodigieux
succès avec 20,000 ou 50,000 hommes (2). »
L'art de la guerre ne doit donc rien à la création des
grandes armées. Les progrès qu'a faits cet art, depuis
l'institution des troupes permanentes jusqu'à la mort de
Louis XIV, sont dus uniquement au génie militaire des
Nassau, de Condé, de Turenne et de Gustave-Adolphe.
Après la guerrede la succession, aucune puissance n'osa
prendre la responsabilité d'un désarmement de quelque
importance.
Sous Louis XV, il y eutméme une année où l'effectif de
l'armée française dépassa de 5,000 hommes l'effectif le plus
élevé qui eût été atteint sous Louis XIV. C'était en 1741 ,
au moment où la France se déclara contre Frédéric IL
Elle avait alors 401,000 hommes sous les armes.
Pendant la guerre de Sept ans, l'effectif descendit à
(1) La plus grande et la plus sanglante bataille du siècle de Louis XIV fut celle
de Malplaquet , où 430,000 alliés, sous Maiiborough et le prince Eugène, rem-
portèrent une victoire signalée sur 118,000 Français, commandés par Villars.
(2j Histoire de France, t XIV, p. 178.
( iOlO )
330,000 hommes, non compris 7,000 hommes de milices
bourgeoises levées pour servir à l'intérieur du royaume. La
Russie, la Prusse, l'Autriche n'avaient à celte époque que
700,000 hommes en tout. Les forces de la Hollande s'éle-
vaient à 40,000 hommes et celles de l'Angleterre à
45,800 hommes, plus 35,000 hommes de milice, levés
en 1756.
En 4787, un an après la mort de Frédéric H, la Prusse
avait 182,600 hommes sous les armes, dont 55,000 de ca-
valerie (1). A la moindre apparence de guerre, cet effectif
pouvaitêtre porté à 250,000 hommes (2), bien que la po-
pulation du royaume ne fût que de 5,000,000 d'habitants.
A celte époque, la force de l'armée française était des-
cendue à 162,000 hommes.
Le 14 juillet 1789, son effectif organique comportait, sur
le pied de paix, 228,000 hommes, dont 55,000 de troupes
permanentes (3), et, sur le pied de guerre, 287,000 hom-
mes, dont 76,000 de troupes permanentes (4).
En 1792, la France menacée par 300,000 Prussiens,
Anglais, Autrichiens, Saxons, Hanovriens, Hollandais,
Espagnols et Piémontais (5), ne put opposer à ces forces
(1) D'après quelques auteurs, la Prusse, à l'époque de sa plus grande puissance
(au commencement de la guerre de Sept ans), n'avait que 150,000 hommes sous
les armes. Von Ludinghausen dit que Frédéric II laissa à son successeur une
armée de 203,000 hommes pour une population de o millions d'âmes.
(2) [iecfierclie sur la force de l'armée française, etc.
(8) Les régiments de milice provinciale , qui formaient la partie restante de
l'armée, avaient été créés en 1()88 et avaient pris, en 1771, le nom de troupes pro-
vinciales. Us étaient devenus permanents en 1726.
(4) Archives du dépôt de la fiuerre.
(o) D'après Jomini, l'Autriche avait, en 1792, 2i0,000 soldats; la Prusse,
160,000; les cercles de l'Empire, 50.000 à 80.000; la Hollande, 45,000. L'Angle-
( lOli )
que 225,000 hommes (1); mais le 20 juillet de celte année,
V Assemblée léçjislative décréta que l'armée serait portée à
relîeclil'de 440 à 450 mille hommes par des enrôlements
volontaires; et le IG août de l'année suivant la Convention
vola une levée en masse de 300,000 hommes.
Léo décembre 1793, les hommes réellement présents
à leur corps étaient au nombre de 528,300. En août et
septembre 1794, cet effectif monta à 732,400 hommes (2).
Il tomba à 484,300 hommes en 1795 et à 422,000
en 1796.
Deux ans après, le corps législatif décréta le principe du
service obligatoire, pour les hommes valides de 20 à
25 ans.
Sous Bonaparte, premier consul, en 1801, la France
avait sous les armes 414,700 hommes, effectif qui resta à
peu près constant jusqu'en 1805,
A partir de celte année, Napoléon devenu tout-puissant
ne se contint plus. Sa vaste ambition lui suggéra le projet
chimérique de poser sur sa tète la couronne de Charle-
terre pouvait fournir à la coalition ÎW,000 hommes; le Piémont, 30,000; l'Es-
pagne, .1 iO,000 : total , 595,000 à 6!2o,000 hommes.
La France, toutefois, neut à combattre immédiatement dans les Pays-Bas que
-100,000 Autrichiens, 59,000 Prussiens , l!2,000 Hessois et 10,000 émigrés : total ,
172,000 hommes.
{■!) D'après Servan, la France, au moment où la coalition lui déclara la guerre,
n'avait que 133,000 hommes, non compris l'artillerie, à laquelle il manquait
4,000 hommes sur 9,000.
[% Dubois de Crancé disait, dans son rapport du 6 février 1795, que la France
avait eu sous les armes, pendant la campagne précédente, près de 1,100,000 hom-
mes; mais ce chiffre était exagéré, parce qu'il ne tenait pas compte de la déser-
tion qui avait considérablement diminué les effectifs. D'après Servan, la force
maximum ( atteinte à la fin de 1794) n'était que de 749,545 hommes.
( i012 )
magne et de faire du monde une monarchie universelle (i).
La résislance générale que celte ambition provoqua mit
l'empereur dans la nécessité d'augmenter considérable-
ment les forces militaires de la France et de se préparer
à une guerre de longue durée. Il trouva du reste la nation
prête à le suivre dans cette voie, parce que la coalition
avait blessé son orgueil en attaquant la révolution sur son
terrain, et que la République avait Hatté ses instincts bel-
liqueux en soutenant que , pour assurer l'indépendance
de la France, il était nécessaire de donner à ce pays son
développement naturel, h limite du Rhin, et de l'entourer
de républiques vassales.
A ses débuts, la France révolutionnaire n'eut aucun
projet <Je conquête, et l'Assemblée constituante se montra
môme franchement pacifique. Elle ne voulait avoir sous les
armes que 245,000 hommes en temps de paix et 510,000
en temps de guerre. Ces chiffres étaient justifiés par le
litre Vî de la constitution de Tan 1791, ainsi conçu ;
« La nation française renonce à entreprendre aucune
guerre dans la vue de faire des conquêtes et n'emploiera
jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. »
Lorsque la Constituante céda la place à la Législative
(le 50 septembre 1791) la force de l'armée ne s'élevait
en réalité, d'après Servan, qu'à 146,000 homuies (2).
(1) Lorsque le corps de Lannes, après la capitulation de Prenslow, se trouva en
face de la mer du Nord, les soldats firent, pour la première fois, retentir le cri de
Vive V empereur d'Occideni! » Leur enthousiasme, dit M. Thiers, avait deviné
l'ambition de Napoléon. »
(2) On lit dans le rapport présenté le 21 novembre 1792 par Uabaud-Saint-
Élienne, au nom du comité de constitution et du comité militaire : « L'armée per
manente n'a pas besoin d'avoir plus de 130,000 hommes; mais en prévision d'une
( i015 )
Bientôt après, la Convention, attaquée par l'Europe coa-
lisée, porta cet effeclil'à 732,000 hommes. On n'avait pas
encore atteint un cliiiïre aussi élevé en Europe», depuis
rinstituliou désarmées permanentes.
Il élail réservé à Napoléon de dépasser cette limite. Eni-
vré par ses premiers succès et n'ayant plus de comptes à
rendre ni de contrôle à subir, le vainqueur d'Austerlitz,
d'Iéna et de Wagram, (it, au commencement de 1812, des
préparatifs immenses pour envahir la Russie.
Celte année, dit M. Thiers, la France mit sur pied a la
plus grande de toutes les armées régulières qui aient jamais
existé, la plus grande qu'on eût vue depuis les conquérants
barbares. »
Napoléon passa le Niémen avec 423,000 hommes (non
compris 30,000 Autrichiens employés loin du théâtre des
opérations). Sur les derrières de cette armée, se trouvait
une armée de réî^erve de 130,000 hommes, non compris
40,000 malades et 12,000 hommes répandus dans divers
postes. Il restait en France dans les dépôts 150,000 hom-
mes, en Italie, 50,000, en Espagne, 300,000 : total
1,135,000 dont 875,000 français (1).
Sur les 648,000 hommes dont l'empereur pouvait dis-
poser pour les opérations actives contre la Russie, 535,000
envahirent le territoire ennemi; au passage de la Béré-
attaque des puissants voisins, elle doit avoir derrière elle une armée auxiliaire
de 100,000 hommes, tirée des 3,600,000 gardes nationaux qui existent dans le
pays; ces 100,000 hommes doivent être des volontaires. Ils ne servent pas en
temps de paix. »
(1) Il y avait dans cette armée, d'après les calculs de M. Thiers, io0,000 Prus-
siens, Bavarois, Saxons. Wurtembergeois, Westphaliens . Hollandais, Croates,
Espagnols et Portugais, tous mal disposés, et 30,000 Autrichiens, 50,000 Polo-
nais, 20,000 Italiens et 10,000 Suisses, dévoués à la France.
( iOli )
zina, ils n'élaienl |>liis que 52,000, dont 12,000 seule-
ment avaient conservé leurs armes. 500,000 hommes
avaient péri; les autres s'étaient débandés ou avaient été
faits prisonniers (1).
L'édifice de la monarchie universelle fondé par « une
politique aveugle et désordonnée (2) » s'écroula sur la tête
de son téméraire auteur, et l'histoire eut à constater une
fois de plus la vérité de ce mot de Benjamin Constant :
« Le pouvoir absolu rend fou. »
M. Thiers a pu dire, sans manquer de justice ni de
mesure à l'égard de Napoléon : « Il a immolé plus d'hommes
que jamais n'en ont immolé les conquérants asiatiques,
et sur les terres restreintes de l'Europe, couvertes de popu-
lations résistantes, il a parcouru plus d'espace que les
Tamerlan et les Gengis Khan n'en ont parcouru dans les
vides de l'Asie. »
L'accroissement rapide des armées après 180o permit à
Napoléon et à ses ennemis de présenter sur les champs de
bataille des elfeclifs supérieurs à ceux que les Français et
les alliés avaient eus, à Malplaquet, la plus grande bataille
du siècle de Louis XIV.
A Wagram, l'armée française comptait 150,000 hommes
et l'armée autrichienne 140,000; à Borodino, il y avait
127 ,000 Français et 140,000 Russes; à Baulzen, 150,000
Français et 150,000 alliés; à Dresde 120,000 Français et
180,000 alliés; à Leipzig, 150,000 Français et 500,000
alliés.
Sous Napoléon, comme sous Louis XIV, l'accroissement
des armées ne conduisit à aucun progrès dans l'art de la
(1) Le nombre des soldais faits prisonniers fut d'environ 100,000.
(2) Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire.
( i(H5 )
guerre. L'hislorien le plus enlhoiisiaste et le plus indulgeni
du grand capitaine est lui-même obligé d'en convenir.
« Rien que Napoléon, dit-il, possédât ce que la plus grande
expérience pouvait ajouter au plus grand génie, cepen-
dant Kart de la guerre lui-même avait perdu quelque chose
sous l'influence de l'immensité et de la précipitation des
entreprises.
» La campagne de 1812 présenta l'image d'une expé-
dition à la manière de Xerxès. Huit jours s'étaient à peine
écoulés depuis le passage du Niémen , que 200,000 hom-
mes avaient déjà quitté les drapeaux et donnaient le spec-
tacle déplorable et contagieux d'une dissolution d'armée. j>
Les grandes batailles livrées de 1809 à 1814 font moins
d'honneur au génie militaire de Napoléon que ses victoires
d'Italie, d'Egypte, d'Autriche, de Prusse et de France
obtenues avec des armées égales et même inférieures à
celles d'Alexandre, de César, d'An ni bal, de Turenne et de
Frédéric II (1). C'est en efl'et avec 50,000 hommes qu'il
(1) Alexandre fit la conquête de l'Inde avec une armée qui ne dépassa point
47,000 hommes (effectif présent à Arbèles).
César obtint ses plus beaux succès (Pharsale. Alésia, etc.) avec des armées de
24,000 à 40,000 hommes.
Annibal franchit les Pyrénées avec oO.COO fantassins, 9,000 chevaux et 37 élé-
phants; il n'avait plus que '20,000 fantassins et 6,000 cavaliers lorsqu'il déboucha
en Italie, et remporta sur les Romains la victoire de la Trébia. (Les Gaulois lui
ayant fourni des renforts après cette journée, il put opposer 57,000 hommes,
dont -10.200 de cavalerie, aux 82,000 Romains que commandait Varron à la
bataille de Cannes). A Zama, Annibal n'avait que 36,000 hommes et Sci-
pion 37,200.
Gustave- Adolphe n'avait que 18,000 hommes à Lutzen , où il remporta une vic-
toire signalée sur 40,000 Impériaux.
Turenne et Montecuculli n'eurent jamais plus de 2o,000 à 30,000 hommes sous
leurs ordres, et ils accomplirent, avec ces petites armées, des exploits qui sont
encore admirés aujourd'hui.
La victoire de Leuthen,le chef-d'œuvre tactique de Frédéric le Grand fut rem-
( iOIG )
envahit l'Italie en 1796, avec 32,000 hommes qu'il s'em-
barqua pour l'Egypte en 1798; avec 40,000 hommes qu'il
franchit les Alpes en 1800, avec 180,000 hommes qu'il
entama en 180o sa mémorable campagne contre l'Autriche,
la Russie, la Suède et l'Angleterre, avec une force équiva-
lente qu'il écrasa la Prusse et la Russie en 1806 et 1807
à Inéa, à Eylau et à Freidland, et avec 70,000 soldats, les
uns épuisés, les autres trop jeunes, qu'il tint tête aux
armées de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie
(environ 300,000 hommes), dans la mémorable campagne
de 1814.
A Lodi, Aréole et Rivoli il vainquit avec 18,000 hom-
mes; à Marengo, avec 28,000; à Auslerlitz, avec 6o,000;
à Inéa, avec 56,000; à Eylau, avec 63,000; à Monlmirail
et à Montereau, avec 39 et 30 mille. Or, c'est dans ces jour-
nées célèbres que son génie se manifesta avec le plus
d'éclat. Chaque fois qu'il eut à engager, le même jour, plus
de 100,000 hommes, il se montra inférieur à lui-même.
Cela lient à ce que la nature a mis des limites aux facultés
qui doivent entrer en jeu dans la conduite et l'emploi
des troupes.
Montecuculli ne voulait que des armées de 30,000 hom-
mes. Turenne regardait une armée de plus de 50,000
hommes « comme incommode pour qui la commande et
pour qui la compose. » Le maréchal de Saxe et le général
xMoreau étaient d'avis qu'une armée ne doit pas dépasser
40,000 hommes. Guibert porte l'effectif maximum à 60 ou
70 mille combattants, et le maréchal Gouvion Saint-Cyr
l)ortée par 32,000 hommes sur 87,000 Autrichiens. Le même général défit, à Ros-
bach, avec !22,000 hommes, 63,000 Français sous les ordres du maréchal de
Sou bise.
( 1017 )
prétendait que le commandement d'une armée de 100,000
hommes « exige de telles forces morales et physiques
qu'on ne peut espérer les trouver réunies dans un seul
homme. »
Les dernières guerres ont donné un démenti à ces
opinions, puisqu'à Solferino, Sadowa, Gravelolte et Sedan
on a vu des généraux, qui n'avaient pas l'expérience ni le
génie militaire de Bonaparte, mettre en action des armées
de 150 à 250 mille hommes (1) et obtenir des succès com-
parables aux plus beaux faits d'armes de la République et
de l'Empire. Cela provient de ce que les progrès des
sciences et des arts ont mis aux mains des généraux mo-
dernes des moyens et des ressources que n'avaient pas les
anciens, pour transporter et diriger de grandes armées,
pourvoir à leurs besoins et en régler avec précision tous les
mouvements. C'est ici que se manifeste l'intervention de
la science dans l'accroissement des armées permanentes.
Grâce'aux Salomon de Caus, aux Papin, aux Fulton, aux
Stephcnson, aux Galvani, aux OErstedt, aux Wheatstone,
ces illustres promoteurs et inventeurs des bateaux à
vapeur, des chemins de fer et du télégraphe électrique,
les généraux ont pu combiner des mouvements plus éten-
dus, exécuter de grandes concentrations de troupes avec
plus de rapidité, de sûreté et de précision, établir enfin des
relations plus faciles entre les armées en campagne et les
bases d'opérations, comme entre les corps éloignés agis-
sant de concert sur un même champ de bataille. D'autres
découvertes ont permis de nourrir plus facilement les
(1) A Solferino, il y avait 460,000 Autrichiens et 440,000 Français et Piémon-
tais; à Sadowa, 200,000 Autrichiens et 220,000 Prussiens, dont seulement 480,000
à 483,000 furent engagés; à Gravelotte, 220,000 Allemands et 430,000 Français;
à Sedan, 220,000 Allemands et 410.000 Français.
2""^ SÉRIE, TOME XL. 65
( lOiS )
iroupes en marche, d'assurer mieux le service des ambu-
lances et des hôpitaux et de réduire notablement les trains
de bagages et de vivres. Sans ces avantages précieux, les
Allemands auraient-ils pu, comme ils l'ont fait dans la der-
nière guerre, jeter en quelques jours 18 corps de 35,000
hommes sur la frontière française, mettre ces corps en
marche dans un ordre parfait, les pourvoir de tout en abon-
dance, établir de promptes et faciles relations avec leurs
dépôts, dont quelques-uns élaient éloignés de plusieurs
centaines de lieues, et faire combattre ces masses énormes
sans confusion ni désordre sur des champs de bataille si
étendus qu'aucun regard humain ne pourrait les embras-
ser? Sans doute le génie du comte de Moltke, la science
des états-majors et l'instruction si solide du soldat alle-
mand ont grandement contribué à ce résultat; mais il n'en
est pas moins certain que des armées doubles de celles
qui déjà parurent peu maniables à Luxembourg, à Villars
et à Napoléon, n'auraient pu être mises si facilement en
action (i) ni obtenir de pareils succès sans le secours effi-
cace que les sciences et les arts industriels ont prêté à la
stratégie et à la tactique. Or, en rendant les grandes armées
maniables, les savants et les industriels ont singulièrement
facilité la lâche des souverains et des peuples qui ont créé
ces armées dans des vues ambitieuses; ils ont poussé aussi
à l'accroissement des dépenses militaires, en perfection-
nant les armes et en inventant de nouveaux moyens de
I) La grande difficulté tactique des batailles sera toujours d'assurer la mise en
action simultanée de toutes les Iroupes qui doivent concourir à l'attaque décisive
sur laquelle on compte i)our vaincre. Cette difficulté augmente énormément, et les
chances de succès diminuent dans le même rapport, quand les masses engagées
dépassent un certain effcclif.
( iOiî) )
défense el de destruction. En effet, après chaque invention
qui accroît la puissance des troupes, des fortifications ou
des flottes, toutes les nations, quelque coûteuse que puisse
être cette invention, sont obligées de se l'approprier. C'est
ainsi que nous avons vu les grands États, dans l'espace
de vingt-cinq ans, transformer complètement leur ma-
rine el leurs batteries de cote, et modifier deux ou trois
fois les fusils, les canons et les affûts de leur armée de
terre.
Il nous reste à indiquer les causes qui ont provoqué
l'accroissement des forces militaires depuis les guerres du
premier empire.
On croyait fermement, après la chute de Napoléon, que
l'ère des conquêtes était fermée pour longtemps, et, dans
leur joie naïve, les nations se flattaient de pouvoir réduire
notablement les dépenses militaires. Cette illusion, hélasl
ne fut pas de longue durée.
La loi de 18J8 fixa le complet du pied de paix, en
France, à 240,000 hommes, mais il n'y eut en réalité sous
les armes, celte année, que 118,000 hommes. Or, déjà
en 1825, l'effectif présent, du pied de paix, s'éleva à
282,000 hommes, et celui du pied de guerre à 590,000.
Trois ans après, le premier chiffre était représenté par
561 ,000 hommes et le second par 464,000.
Sous Louis-Philippe le maximum du pied de paix fut
atteint en 1852; il s'éleva à 452,000 hommes.
Le second empire qui espérait, en faisant la guerre, con-
solider sa puissance et trouver une occasion favorable de
donner à la France son complément naturel, augmenta en-
core cet effectif, et lut en mesure de mobiliser, en 1870,
( 1020 )
909,000 hommes , donl 417,000 de garde nationale mo-
bile (1).
Si l'on tient compte de la population qui était alors de
58,000,000 d'àmes, on voit que l'effectit' n'avait dépassé
que de peu relTeclif maximum de Louis XIV, qui était de
596,000 hommes pour une population de 19 1/2 millions,
et l'effectif moyen de Napoléon, avant 1806, qui était de
414,000 hommes pour une population de 28 1/2 mil-
lions (2).
Le dernier grand accroissement des armées permanentes
est dû à l'introduction du service général obligatoire, le-
quel a permis à l'Allemagne de porter au maximum le rap-
port entre reffectif des citoyens armés et le chilfre de la
population. C'est encore Napoléon qui a provoqué cet
accroissement en voulant réduire la Prusse à l'impuissance,
après léna, et en lui imposant à cet effet (par un des arti-
cles secrets d'une convention signée à Paris, le 8 septem-
bre 1807, postérieurement au traité de Tilsit) l'obligation
de ne maintenir sous les armes, pendant dix ans, qu'une
armée de 42,000 hommes. Pour éluder cette clause et pré-
parer à la guerre de l'indépendance un grand nombre de
citoyens, sans éveiller les soupçons du maître, la Prusse
(1) La déposition du maréchal Le Bœuf, dans l'enquête ordonnée par r As-
semblée nationale, prouve que l'effectif, au I" juillet 1870, était de 567,000
hommes instruits et de 417,3H6 hommes de la garde nationale mobile. La
classe de 1870, dont l'appel avait été avancé, comptait liO,000 hommes pour
l'armée et 80,000 pour la garde mobile. Le nombre des volontaires pour la guerre
s'éleva à 28,099 ; total général, 1.282,099 hommes. D'après la loi organique du
^cr février 1808, Vannée active et la réserve comprenaient un effectif de 800,000
hommes, et la garde nationale mobilisée, un effectif de 530,000 honmies; total gé-
néral, 1,350,000 hommes.
(2) Le recensement de 1801 donne 27,489,000 âmes et celui de 1800, 29,107.000.
( m\ )
adopta le service obligatoire et le système de Kumper, qui
consistait à congédier les recrues lorsque leur instruction
militaire était terminée et à les remplacer par d'autres re-
crues, que l'on renvoyait à leur tour dès qu'elles étaient
formées. Grâce à cette ingénieuse combinaison, la Prusse
put, au commencement de 1815, compléter reffeclif des
régiments et organiser ol bataillons nouveaux (I). Jugeant
ces forces insulfisantes pour résister aux grandes armées
de Napoléon, elle décréta, le 5 février i815, l'organisation
de chasseurs-francs, et promulgua, le 17 mars, une loi qui
mettait à la disposilion du gouvernement tous les jeunes
gens en étal de porter les armes. On forma ainsi 209 ba-
taillons et 174 escadrons de landvvehr. Ces mesures, inspi-
rées par un ardent patriotisme, permirent à la Prusse,
dont la population avait été réduite , par le traité de Tilsil,
de 8 1/2 à 5 millions d'habitants, de présenter en ligne,
pour la guerre de l'indépendance, 516,000 combattants,
(non compris les officiers), et 55,000 chevaux (2). Elles ser-
virent de base à la loi de 1814 et aux décrets de 1815, qui
imposaient à tous les citoyens en état de porter les armes,
l'obligation de servir de 20 à 25 ans dans l'armée active,
de 25 à 25 dans la réserve, de 25 à 52 dans le premier ban
de la Landwehr et de 52 à 59 dans le second ban. La
Lanchturm était composée de tous les citoyens valides, âgés
de 17 à 49 ans, qui n'appartenaient ni à l'armée ni à la
landwehr (5).
(i) Les Armées allemandes, par Von Ludinghausen.
(2) Von Ludinghausen.
(3) La loi du 8 septembre 1814 et les décrets sur la landwehr du 21 novem-
bre iSio furent modifiés en 18o7 et en 1860. Le contingent fut porté de 40,000 à
( iO:22 )
En d859, la Prusse commence à se préparer au rôle
qu'elle a joué depuis avec un si rare succès. Dès l'année sui-
vante, elle porte le contingent annuel de l'armée de 40,000
à 63,000 hommes,el la durée du service dans la réserve, de
deux à quatre ans. Par celte mesure, son pied de guerre,
qui avait été jusque-là de 530.000 hommes (1), dont un
quart sous les armes en temps de paix, monta à 781,000
hommes (2), dont deux septièmes sous les armes en temps
de paix.
Un nouvel accroissement fut décrété après la guerre
de 1866, qui donna à la Prusse un supplément de popula-
tion de 4,500,000 habitants (3). Le contingent s'éleva dès.
lors à 100,000 hommes, et le pied de guerre atteignit le
chiffre de 977,262 combattants (4).
Le contingent pour toute l'armée allemande est actuel-
lement de 143,000 hommes, et l'on estime que l'empire
pourra mettre sur pied 2,800,000 combattants, lorsque
la landsturm sera complètement organisée. Cet effectif, qui
63,000 hommes, la durée du service dans la réserve fut fixée à quatre ans, et le
!<''■ ban de la landvvehr (citoyens de 26 à 36 ans) ne fut plus obligé de faire partie
de l'armée en campagne.
(1) A savoir : 220,000 hommes (armée active), 'loO,000 hommes (l^r ban de la
landvvehr) ( de ces 370,000 hommes, 30,000 étaient destinés aux places fortes );
50,000 recrues (comme réserve active) et 140,000 hommes (2« ban de la land-
wehr).
(2) 342,000 hommes de l'armée active, 430,000 hommes de la réserve, 493,000
hommes de troupes de garnison, appartenant en grande partie au l" ban de la
landvvehr, 218,000 hommes du 2^ ban de la landvvehr et 6,000 hommes apparte-
nant aux corps spéciaux.
(3) En 4844, la Prusse avait 40 millions d'habitants; en 4859, 48 millions;
en 4866, avant la guerre, 49,300,000, et après la guerre , 23,800,000.
(4) Armée de campagne, 514,826 hommes; troupes de dépôt, 480,672; troupes
de garnison, 265,082; total, 957,580, soit 977,262 avec les officiers.
( 1023 )
correspond à un soldat par groupe de quatorze habitants,
représente le maximum absolu de puissance militaire. La
proportion généralement admise jusqu'ici — et que les
petits États n'ont pas encore dépassée — était d'un soldat
sur cinquante habitants, et l'on considérait comme exces-
sive la proportion d'un sur trente, préconisée par quel-
ques écrivains militaires.
La France qui , pour ne pas déchoir, a dû adopter
le système militaire de l'Allemagne, pourra, lorsque ce
système aura produit tous ses effets, mobiliser 2,425,000
hommes (armée active, réserve de l'armée active, armée
territoriale et réserve de l'armée territoriale), soit un soldat
par groupe de quinze habitants.
L'Autriche, l'Italie, la Russie, tous les Étals de l'Europe
ont augmenté ou augmenteront leurs forces militaires dans
la même proportion.
Pour faire apprécier l'importance de cet accroissement,
je citerai quelques chiffres significatifs.
Pendant la guerre de Sept ans, la Russie, la Prusse,
l'Autriche, la France et les États qui constituent l'Italie
actuelle, avaient sous les armes un effectif total de
1,150,000 hommes (i).
En 1827, ces mêmes États, dont les limites avaient sans
doute changé, mais qui formaient à peu près la même
masse territoriale, avaient un effectif de guerre de
{i) Recherches sur ta force de l'armée française, etc. Dans l'effectif de
1,150,000 hommesjj'ai fait figurer les États qui constituent l'Italie actuelle pour
113,000 hommes. Je ne puis pas garantir l'exactitude de ce dernier chiffre, qui
doit cependant s'écarter peu de la vérité.
2,629,000 hommes (i;
celui de 1760.
( 1024 )
, c'est-à-dire plus que double de
(i) Ces chiffres sont extraits d'un tableau dressé par le général Pelet et publié
dans le Spectateur militaire, t. IV. Voici ce tableau :
Le pied de guerre de la France était, en 1827, de. . 314,623 hommes.
Celui de la Russie de 4,039,017 —
— de l'Autriche de 7o9,o04 —
— de la Prusse de o2M28 - (a)
— de la Bavière de 71,600 —
— du Wurtemberg de 27,900 —
— de la Saxe de . . 24,000 —
— de la Sardaigne de 6'J,000 —
— du royaume de Naples et de la Sicile de . . 63,000 —
— des États romains de 12,000 —
Total 2,8G3,077 hommes {b).
Ces mêmes États peuvent aujourd'hui mobiliser les forces suivantes :
France 2,423.000 hommes.
Russie. l.S20,000 - (0
Autriche 1,094,000 -
Allemagne 1,310,000 —
Italie 823,000 -
Total. .... 7,170.000 hommes.
(a) Non compris la landsturm.
(b) La populalion de ces divers pays
France. . .
Russie. . .
Auliiclie .
Prusse .
Bavière. .
Wurtemberg
Saxe . .
Sardaigne
Naples et la Sicile
Étals Romains .
était la suivante :
31,383,000 âmes.
59,53-2,900 —
30,000,700 —
ll,3G'J,G89 —
3,744,000 —
1,400,000 —
1,38'2,000 —
4,lGG,9-20 —
7,121,740 —
2,425,400 —
Total. . . . 152,592,549 âmes.
(C) Lorsque a nouvelle loi russe aura fonctionné pendant quinze ans, l'arméo
( nm )
Depuis 1827, rnccroissemcnl a été plus rapide encore,
puisque aujourd'hui les cinq Étals ci-dessus désignés (I)
peuvent mettre sur pied 7,170,000 hommes, clnlfrc qui
s'élèvera à plus de 11 millions lorsque les nouvelles lois
militaires auront produit tous leurs effets, et qu'on tiendra
compte de la landsturm russe, qui n'est pas encore orga-
nisée, et de la landsturm prussienne, qui n'a jusqu'ici que
240 bataillons régulièrement constitués.
Ainsi, dans l'espace de cinquante ans, la puissance mili-
taire des cinq grands États du continent européen a presque
triplé.
Notre siècle est donc arrivé, après tant de progrès ac-
complis dans l'ordre matériel et dans l'ordre moral, après
de si grands efforts et des vœux si unanimes en faveur du
maintien de la paix, après les objurgations virulentes de la
presse et des congrès contre la guerre et les armées, après
les ardentes et généreuses aspirations des penseurs et des
philanthropes vers un avenir de concorde et de prospérité,
noire siècle, dis-je,est arrivé à la réalisation de l'armement
maximum, celui qui ne saurait être dépassé, à moins d'in-
corporer les adolescents et les vieillards!
active comptera 2 millions de soldats instruits, non compris les garnisons et la
landsturm, dont reiïeclif atteindra I million. Si l'on ajoute à ce chiffre celui des
hommes valides restants, qui seront, en cas de guerre, enrôlés et armés par petits
corps, on arrive à un total de 5 millions de combattants.
(1) La population de ces divers pays est la suivante :
Pour la France 30,102,000 âmes.
— Russie 09.884,000
— Autriche 35,904,000
— Allemagne 40,582,000
Italie 25,801,000
Total. . . . 209,273,000 âmes.
( 1026 )
Anciennement, l'armement général existait chez les bar-
bares et l'armement restreint chez les peuples civilisés.
Cela tenait à ce que les armées de ceux-ci, à cause de leur
immense supériorité lactique, pouvaient renoncer à l'avan-
tage du nombre.
Aujourd'hui, l'armement général n'existe que chez les
peuples civilisés, et l'armement restreint, que chez les peu-
ples barbares ou demi-civilisés (!). Cela s'explique encore
facilement.
L'entretien des armées est devenu si onéreux et l'aride
la guerre si compliqué, si difficile, que le maximum de
puissance militaire ne peut être atteint que par les nations
qui ont le plus d'instruction, de richesse et de prospérité.
Le temps n'est plus oii l'on pouvait « nourrir la guerre
par la guerre. »
Napoléon, qui, le dernier, a fait une large application
de ce principe, a dû reconnaître qu'il est précaire pour les
vainqueurs, et qu'il pousse les vaincus à la révolte, par le
spectacle des rapines et des cruautés qu'il autorise ou
provoque.
Les progrès du droit des gens et l'adoucissement des
mœurs ont imposé aux conquérants l'obligation de solder
— pendant ou après la guerre — tout ce qu'ils requièrent
ou consomment en pays ennemi.
C'est donc le développement de la richesse publique qui
a rendu possible l'accroissement successif des armées et
des dépenses militaires, depuis l'époque où Henri IV
(1) Parmi les peuples civilisés, l'Angleterre, seule, a conservé son armement
restreint, mais malgré sa situation insulaire et l'énorme puissance de sa marine,
il est à prévoir que bientôt elle sera obligée de modifier son système de recrute-
ment, qui s'oppose à tout accroissement notable de l'armée de terre.
( i027 )
lorma le projet d'abaisser la puissante maison d'Autriche.
Quant à la cause qui a provoque cet accroissement ,
elle réside uniquement dans l'ambition démesurée de
(Iharles-Quint, de Louis XFV et de Napoléon l""", qui ne
surent point se borner à la grandeur modérée, la seule
qui soit durable, parce qu'elle n'est pas insupportable à
autrui.
Voyons maintenant quels seront les effets du dernier et
très-important accroissement de puissance militaire qui
vient de se produire après la guerre franco-allemande.
L'un de ces effets a été prévu el indiqué dans les termes
suivants, par J.-B. Say :
« Les nations civilisées sont les seules qui puissent avoir
assez de produits pour entretenir des forces militaires
imposantes, ce qui éloigne pour l'avenir la probabililé de
ces grands bouleversements dont l'histoire est pleine^ et où
les peuples civilisés sont devenus victimes des barbares. »
Un autre effet de l'énorme accroissement des armées,
sera l'impossibilité de soutenir de longues guerres, sans
ruiner les tinances des États el sans provoquer une sus-
pension générale des affaires et des transactions de toute
nature.
Un autre effet encore, sera la nécessité de créer dans la
plupart des États de nouveaux impôts, pour subvenir aux
dépenses militaires, qui ont presque triplé depuis cin-
quante ans.
Enfin, le développement exagéré des forces militaires
aura pour dernier effet de produire la décadence des ar-
mées et de faire rétrograder l'art de la guerre.
La propriété des grandes armées de mettre les peuples
civilisés à l'abri de nouvelles invasions de barbares, est peu
( 1028 )
importante aujourd'hui, car la civilisation actuelle, loin
d'avoir à craindre les barbares, prend l'offensive contre
eux en Asie, en Afrique et en Australie. Ce n'est que si
elle manquait à ses devoirs, en désarmant ou en négligeant
les armées, comme le firent les Romains après Auguste,
que de nouveaux Tartares et de nouveaux Musulmans
pourraient s'abattre sur les populations amollies de l'Oc-
cident.
Un avantage plus sérieux des grandes armées est d'abré-
ger notablement la durée des guerres, car, bien qu'il soit
prouvé qu'une courte lutte entre des forces considérables
coûte autant de sang (1) et d'argent qu'une longue lutte
entre de petites armées, cependant au point de vue éco-
nomique et social, il est extrêment utile d'abréger les crises
qui entraînent la suspension des affaires et jettent un
trouble profond dans les esprits. La guerre, en effet, n'est
pas seulement onéreuse par l'argent qu'elle coûte, elle
Test encore par l'argent qu'elle empêche de gagner.
Si, nonobstant la courte durée des guerres modernes, je
signale l'appauvrissement des États comme un des effets de
(1) Il y a lieu de faire remarquer cependant que, proportionnellement au nom-
bre des troupes engagées, les batailles modernes sont moins meurtrières que les
anciennes. Sous Frédéric II et Napoléon, les pertes étaient plus fortes qu'elles ne
le sont aujourd'hui, parce qu'on s'abordait de plus près et surtout parce que
toutes les troupes étaient engagées, tandis que dans les grandes batailles de nos
jours, il y a des corps qui ne sont pas engagés ou qui ne sont engagés que pendant
peu de temps.
A Solferino, les vainqueurs curent 14,415 hommes tués et blessés sur 140,000
à Custozza, 3,133 hommes sur 73,000; à Sadowa, 9,153 hommes sur ;220,000; à
Gravelotte, 20.139 hommes sur 220,000; à Sedan, 8,960 hommes sur 220,000,
chiffres bien inférieurs à ceux des batailles de Frédéric II et de Napoléon. A
Leuihen , l'armée prussienne, forte de 30,000 hommes, eut environ 3,000 hommes
tués et blessés, A M arengo, 28,000 Français perdirent 7,0!)0 hommes.
( 10-29 )
l'énorme accroissement des armées permanentes, c'est que
pour lever en temps de guerre des forces considérables,
il faut de toute nécessité garder sous les drapeaux, en
temps de paix, un eiroclirqui ne peut être inlerieur à trois
contingents annuels (le tiers environ de l'armée totale) (1).
L'expérience et le témoignage des hommes de guerre
prouvent, en elïét, qu'il est impossible de lormer un bon
soldat en moins de trois ans, môme dans les pays qui,
grâce à l'instruction et au service obligatoires, produisent
les soldats les plus intelligents et les plus moraux. Les
exigences de la guerre moderne ne permettent donc pas
de considérer comme sufTisantes les armées de milices,
dont les hommes ne sont réunis annuellement que pen-
dant huit ou quinze jours. Ces armées, de même que les
armées de mercenaires, ont lait leur temps (2j. Celles de
l'un et de l'autre type qui existent encore n'offrent plus
assez de garanties, et il n'est pas douteux qu'elles ne dispa-
raissent bientôt.
La Suisse, éclairée par ses militaires les plus instruits,
commence à douter de Tefficacitéde son système de dé-
fense, et l'on a pu soutenir récemment en Angleterre, sans
(1) Nous disons le tiers, parce qu'il est reconnu que pour avoir une forte armée
active et une réserve , on doit nécessairement astreindre les citoyens au service
pendant douze ans, c'est-à-dire avoir douze contingents sous les armes au mo-
ment de la guerre; or, l'effectif des neuf plus anciennes classes est réduit par la
mortalité et les pertes de toute espèce, au double à peu près de l'effectif des trois
classes sous les armes. C'est ainsi que se trouve justifiée la nécessité de maintenir
sous les drapeaux , en temps de paix, le liers environ de l'effectif de guerre.
(2j f*our savoir ce que valent les armées de milice et celles que produisent les
levées en masse, même aux époques où l'enthousiasme est le plus vif, il suffit de
lire les relations des guerres de la Péninsule, celle de la guerre de la Sécession
d'Amérique et l'excellent ouvrage publié, en mars 1870, par Camille Roussel, sur
les volontaires de 1791-1794.
( 1030 )
soulever aucune protestation sérieuse, qu'un jour viendra
où la Grande-Bretagne, pour assurer -sa sécurité et con-
server son intluence sur le continent, sera obligée de re-
courir à la conscription.
Quant au dernier effet de l'accroissement excessif des
forces militaires, la décadence des armées et de l'art de
la guerre, je suis certain qu'en le signalant, j'ai causé une
grande surprise à la plupart de mes auditeurs, convaincus,
sans doute, que cet art a fait, de nos jours, d'énormes
progrès. Eh bien. Messieurs, quoique très répandue, celte
opinion est fondée sur des apparences trompeuses, et il me
sera facile de vous prouver qu'elle ne résiste pas à un
examen approfondi.
ÎV.
La force des armées modernes réside principalement
dans l'instruction et dans l'éducation militaire des soldats.
Les progrès accomplis dans l'armement et dans les mé-
thodes de combat ont rendu cette préparation plus longue
et plus difficile qu'elle ne l'était autrefois. Elle exige des
cadres nombreux et bien composés. Or, plus un peuple
est civilisé et riche, pUis il éprouve d'éloignement pour la
carrière des armes, laquelle ne conduit ni à la fortune ni
aux tranquilles jouissances de la vie. La difficulté de trou-
ver un nombre suffisant de sujets honorables et instruits,
pour encadrer une grande armée, augmentera donc tous
les jours. Cette difficulté sera grande surtout pour le re-
crutement des sous-offîciers, car dans les pays riches et
prospères les carrières civiles off'rent aux jeunes gens plus
de liberté et de bien-être que ne peut leur en donner l'ar-
mée, sans exiger d'eux ni aulant de travail, ni autant de
( 105i )
sacrifices. Il faudra donc descendre à un niveau intellecluel
et moral de plus en plus bas pour recruter les cadres infé-
rieurs, et il faudra aussi se montrer de moins en moins rigou-
reux pour le recrutement des officiers. Dans de pareilles
conditions il est à prévoir que l'instruction et la discipline
péricliteront, et qu'insensiblement les armées permanentes
perdront les précieuses qualités qui leur donnent une si
grande supériorité sur les armées de milices. Alors Tari de
la guerre non-seulement né fera plus de progrès, niais dé-
clinera rapidement. Ces appréhensions n'ont rien d'exa-
géré. Déjà dans le pays le mieux préparé pour la guerre,
celui où l'armée a jeté les plus fortes racines, où la popu-
lation a les plus vives sympathies pour le soldat et où
régnent les idées les plus favorables au développement de
la profession des armes, déjà en Prusse la difficulté du re-
crutement des cadres inspire des craintes sérieuses aux
hommes d'État et aux généraux les plus distingués. En
février 1874, un journal militaire de Berlin signalait ce
fait, que dans une seule division allemande « il y avait 120
places de sous-officiers vacantes et lo emplois occupés par
des soldats n'ayant par terminé leur service obligatoire de
trois ans, bien que la garnison où se trouve cette division
soit très-agréable et que le soldat y jouisse d'une grande
considération (1). »
En France, en Autriche et en Italie, la même pénurie
se remarque. Il a été constaté récemment, chez nos voisins
du Midi, qu'un grand nombre de sous-officiers refusent
lepaulette de sous-lieutenant, pour accepter des emplois
civils, mieux rétribués et plus faciles à remplir.
(1) Nette mduarische Blàuer.
( 103^2 )
On aura beau augmenter la solde des sous-ofliciers,
améliorer leurs logements, leur donner plus de liberléet
d'autorité, le mal ne disparaîtra pas; il prendra même un
caractère déplus en plus alarmant, surtout dans les armées
qui, se recrutant en partie de mercenaires tirés des derniè-
res couches de la société, sont privées des bons miliciens
dont ces mercenaires tiennent lieu, et des jeunes gens de
la classe aisée qui ont une vocation i)rononcée pour la
carrière des armes, mais qu'arrête au seuil de la caserne
la crainte de s'y trouver en contact avec le rebut de la na-
tion.
C'est donc un fait avéré que les classes intelligentes,
morales et conservatrices dans lesquelles il importe que
les cadres se recrutent, ne pourront plus désormais pour-
voir aux besoins des grandes armées. Si l'on maintient les
effectifs actuels, la décadence arrivera promptement, et
aura des conséquences d'autant plus graves, que le manie-
ment des grandes armées exige plus de science et d'habileté
chez les officiers, plus d'instruction et de discipline chez
les soldats.
J'ajouterai que les guerres devenant de plus en plus
courtes, il sera désormais impossible de compléter Tinstruc-
tion des cadres pendant la durée d'une campagne, comme
cela se faisait autrefois. On devrait, par conséquent, avoir
des officiers et des sous-officiers mieux préparés et plus
instruits que ne l'étaient ceux des armées de Frédéric II
et de Napoléon; or, dans la plupart des armées, les sous-
officiers ont, au contraire, décliné et bientôt il en sera de
même des officiers.
On devrait avoir aussi des soldats mieux exercés à la
marche et au combat, parce que du jour au lendemain ils
peuvent se trouver en présence de l'ennemi, grâce aux
( i053 )
chemins de fer, qui ont, en quelque sorte, supprimé les
distances. Autrefois on faisait de longues étapes pour arri-
ver aux lieux de concentration et sur le champ de bataille,
ce qui permettait de compléter l'instruction et l'éducation
des soldats avant de les mener au feu. Aujourd'hui il n'y
a plus de période d'apprentissage, et c'est presque sans
transition que le milicien passe de la vie paisible du foyer
aux terribles émotions de la guerre.
Non-seulemcHt les grandes armées déclineront sous le
rapport de la composition et de la préparation des cadres,
elles opposeront encore des entraves de plus en plus fortes
au génie des commandants en chef. L'obligation de nour-
rir les troupes, en pays ennemi, sans recourir à la maraude
et sans affamer les habitants, et l'obligation non moins
gênante de traiter les prisonniers et les blessés d'après les
règles adoucies du nouveau droit des gens, rendront, en
effet, bien précaires, même impossibles certaines opéra-
tions hardies, aventureuses qui ont illustré les conqué-
rants d'autrefois, et dont les difficultés augmenteront, évi-
demment, à mesure que les armées s'accroîtront.
A un autre point de vue encore, les grands effectifs se-
ront nuisibles au développement de l'art de la guerre.
Avant que Turenne, Condé, Gustave-Adolphe, Frédé-
ric Il et Napoléon eussent créé ce qu'on appelle l'art de la
grande guerre, les armées se disputaient méthodiquement
et lentement la possession des forteresses et des lignes
retranchées. La guerre se faisait alors autour des places,
et finissait d'ordinaire par un siège. Sous les grands capi-
taines que je viens de citer, et notamment sous le plus
illustre de tous. Napoléon , le sort des empires se décidait
en rase campagne, et la paix était le prix d'une victoire
décisive.
2"^ SÉRIE, TOME XL. 66
( 1034 )
Depuis peu l'on a fait un retour vers l'ancienne manière
de guerroyer. La campagne de Crimée a fini par la reddi-
tion de Sébastopol, et celle de France, par la capitulation
de Paris. Si l'Autriche avait eu une grande position forti-
fiée sur le Pô, en 1859, la bataille de Solferino n'eût pas
abouti à la conclusion de la paix, et si Vienne avait été
fortifiée en 1866, les vainqueurs de Sadowa auraient dû,
comme ceux de l'Aima, se résignera un long siège.
Voici l'explication de ce fait : *
Le développement excessif des armées ayant rendu les
guerres moins longues, les stratégistes ont compris que le
meilleur moyen de combattre une invasion, était de créer
de grandes positions défensives où une armée battue ou
trop faible pour tenter le sort des armes, en rase campagne,
pût tenir assez longtemps pour obliger l'ennemi à battre
en retraite. Ces positions sont les camps retranchés per-
manents, dont l'idée appartient à Vauban, mais qui n'ont
reçu leur véritable destination et une organisation ration-
nelle que depuis la chute du premier empire. L'une des
plus remarquables applications qui en ait été faite est le
camp retranché de Paris, qui date de 1840. Si ce camp,
dont les dimensions furent réglées sur la portée des ca-
nons lisses,avait reçu en temps opportun, les modifications
et les accroissements nécessités par l'introduction des ca-
nons rayés dans les parcs de siège et dans l'armement des
places, les armées allemandes n'auraient pu le bloquer, et
la guerre eût pris, sans doute, une direction plus favorable
aux Français. L'avenir assignera donc un rôle impor-
tant à tous les camps retranchés qui auront assez d'am-
pleur et de ressources, pour abriter, nourrir et approvi-
sionner de grandes armées pendant 10 ou 12 mois. Grâce
( 1035 )
à ces établissements, certaines invasions échoueront et
d'autres ne produiront que des résultats incomplets. Ils se-
ront par conséquent très-précieux pour les petits Ëtats, et
même pour les Étals de premier ordre, lorsque ceux-ci
éprouveront un grand désastre au début des opérations;
mais l'art de la guerre n'en tirera aucun profit, parce que
les camps retranchés, attirant les armées par les grands
avantages qu'ils leur offrent, limiteront les combinaisons
des stratégistes et subordonneront le succès d'une cam-
pagne à la reddition d'une place, comme au temps de
Charles-Quint , des princes de Nassau et de Louis XIV (i).
Il est donc prouvé que l'accroissement énorme des ar-
mées permanentes, si funeste au point de vue des intérêts
matériels, n'est pas moins fâcheux au point de vue de la
bonne constitution des armées et des progrès de l'art de la
guerre.
Pour atténuer le mal, il n'y a qu'un moyen actuellement
ou prochainement réalisable, c'est la réduction proportion-
nelle des grandes armées et l'introduction générale du ser-
vice personnel, seul mode de recrutement qui puisse pro-
duire des armées intelligentes et morales.
Il y aurait une autre solution, plus radicale et plus heu-
reuse, ce serait d'arriver à la suppression même de la guerre
(l) En théorie, les camps retranchés devraient donner plus d'indépendance aux
généraux, en les dispensant notamment de l'obligation de couvrir la capitale ou le
centre de la puissance militaire du pays (comme l'est Anvers pour la Belgique);
mais, en réalité, il arrivera rarement qu'un général battu ou menacé de l'être,
ne se replie pas sur un camp retranché, plutôt que de manœuvrer en arrière ou
latéralement. C'est ce qui m'autorise à d\re\ue , dans la plupart des ca.s, les
guerres modernes se termineront par un grand siège, ou échoueront, parce que
l'assaillant ne pourra mener ce siège à bonne fin.
( i056 )
et à l'aplanissement des conflits internationaux par voie
d'arbitrage.
Mais loin de considérer ce moyen comme admissible,
nous ne pouvons pas même nous bercer de Tespoir que les
sanglants démêlés de peuple à peuple seront désormais
moins fréquents.
Sans doute l'obligation d'entretenir les grandes armées
aux frais du trésor, même en pays ennemi, rendra les
guerres de plus en plus difficiles ; sans doute aussi radou-
cissement des mœurs et les progrès accomplis dans l'ordre
moral, provoqueront une réaction de plus en plus vive
contre l'emploi de la force dans les conflits internationaux,
mais ce double eïïet ne sera jamais assez puissant pour
prévenir les luttes armées. Aussi longtemps qu'il y aura
des peuples qui voudront être prépondérants, et des chefs
d'États ou d'armées qui rêveront pour eux ou pour leur
pays de brillantes destinées, il faudra s'attendre à ce que
les abus anciens se reproduisent avec leur cortège habi-
tuel de violences et de calamités.
Tout ce que je puis concéder, je ne dirai pas aux amis
de la paix, car nous sommes tous de ses amis, mais aux
disciples de Kant et de l'abbé de Saint-Pierre, c'est que les
guerres à venir dureront moins longtemps et produiront
moins de ruines.
Quant à voir toutes les causes de conflits écartées ou
atténuées par les progrès des idées et des mœurs, je ne
pense pas qu'il nous soit donné de jouir jamais de ce spec-
tacle consolant. Je partage plutôt l'opinion de l'économiste
distingué (1), qui soutenait, en 1873, que les progrès de
(4) M. Moi.iNARi. Voir la lieviie dex Deux Mondes, livraison du dS jan-
vier 1878. •
( 1037 )
rinduslrie et le développement prodigieux des voies xle
communication, mettant en relation tous les peuples civi-
lisés ou demi-civilisés du globe, ont par là même multiplié
entre eux les occasions de querelles et de conflits. Ces dif-
férents, la sagesse commande sans doute aux États plus
encore qu'aux particuliers de les éviter ou de les aplanir,
mais cela est généralement impossible , soit parce qu'il
n'existe pas de tribunaux d'États appuyés sur une force
internationale capable de faire respecter leurs décisions,
soit parce que les peuples, comme les individus, ont des
passions et des préjugés qui les rendent, à certains mo-
ments, inaccessibles à la raison, à la modération, à la jus-
tice. Or, comme le prix de la guerre monte de plus en plus
et que celui de la paix croît dans le même rapport, il faut
que les gouvernements se tiennent continuellement en
éveil pour prévenir les conflits que tant de points de con-
tact entre eux peuvent faire surgir inopinément, et qu'ils
soient toujours prêts, politiquement et militairement, à
faire face à des agressions qu'il n'est pas toujours en leur
pouvoir d'éviter (\).
Mais, dira-t-on, n'y a-(-il donc rien à tenter pour
diminuer les maux de la guerre et le poids des armements
excessifs que se sont imposés la plupart des États?
(1) Voici en quels termes M. Molinari énonce cette vérité :
« A quels besoins des nations les gouvernements doivent-ils pourvoir? Ces
besoins varient selon les époques, mais le premier a été de tout temps le besoin
de sécurité extérieure, et il ne semble pas , malheureusement, que les progrès de
la civilisation aient rendu en ce point la tâche des gouvernements plus facile , au
contraire! Entre des nations de plus en plus rapprochées et dont les rapports de
toute sorte deviennent de jour en jour plus fréquents, les occasions de conflitis
sont aussi plus nombreuses. Ces conflits , il faut savoir les éviter ou les résoudre
à l'amiable, et, si une solution pacifique n'est pas possible, il faut être en mesure
de tes vider par la force ! Voilà ce que demande la sécurité extérieure. »
(1038 )
Messieurs, la réduction proportionnelle des grandes
armées (1) rendue possible par les décisions d'un congrès
européen obéissant à des idées philanthropiques et libé-
rales, tel doit être, je pense, le desideratum des amis du'
progrès. Au delà il n'y a rien de pratique, rien de prochai-
nement réalisable. Espérer que les armées permanentes
disparaîtront comme le mammouth a disparu « parce que
la terre ne pouvait plus le nourrir (2), » c'est prendre un
beau rêve pour une consolante réalité. La guerre est tou-
jours et sera longtemps encore, sinon éternellement, le
triste lot de l'humanité. Nous sommes si éloignés de la voir
disparaître que notre génération a pu assister au spectacle
incompréhensible de la résurrection d'un Alexandre, d'un
César, d'un Charlemagne,et que, depuis un quart de siècle,
il a été versé plus de sang sur les champs de bataille qu'à
aucune autre époque de l'histoire moderne, excepté pen-
dant les dernières années du règne de Napoléon I".
Aujourd'hui comme au temps de Voltaire, on peut dire
« qu'un prince qui licencierait ses troupes... qui laisserait
tomber ses fortifications en ruine et qui passerait son
temps à lire Grotius, dans un an ou deux aurait perdu son
royaume. » C'est que la force, qui a été nécessaire pour
instituer le droit, est encore plus nécessaire pour le faire
régner.
Aristote appelle l'homme un animal politique. L'homme
est, en réalité, un animal belliqueux. Alors même que les
progrès des idées et des mœurs modifieraient sa nature au
(1) Les armées des petits États sont, proportionnellement à la population, bien
plus faibles que celles des États de premier ordre. C'est pourquoi la réduction
devra porter sur les dernières et non sur les autres, qui n'ont pas dépassé les
limites admissibles, et qui devraient même être augmentées considérablement si
les grands États ne diminuaient pas l'effectif qu'ils ont actuellement sur pied. »
(2) Mauvais argument, qui a été produit avec succès dans plusieurs Congrès
de la paix.
( 1039 )
point que toujours la raison et la justice prévaudraient sur
ses passions et ses préjugés, s'ensuivrait-il que la guerre
pût être supprimée?
La guerre n'esl-elle pas plus forte que nous? n'est-elle
pas une des conditions de Texistence et du développement
des peuples, un des agents les plus actifs du progrès so-
cial? Qui oserait le nier? La science et l'histoire ne nous
apprennent-elles pas que la destruction est le principe de
la vie et que l'humanité ne s'avance dans la voie de la per-
fection qu'en foulant des ruines?
Si l'existence terrestre, comme la religion et la philoso-
phie l'enseignent, est une épreuve imposée à l'homme,
pourquoi cette épreuve serait-elle exempte des maux
qu'entraînent la guerre, les révolutions, la peste, les trem-
blements de terre, et d'autres phénomènes naturels qui
sont le désordre apparent nécessaire à l'universelle har-
monie, et dont l'action se fera sentir aussi longtemps que
roulera dans l'espace la petite planète que nous habitons?
La justice et la liberté n'ont été données à l'homme
qu'au prix des combats, et la félicité ne lui a été promise
qu'en récompense de l'abnégation, du dévouement et du
sacrifice.
Il faut donc accepter la guerre et les armées, comme étant
d'inévitables agents de conservation et de progrès, et bor-
ner notre ambition à rendre la guerre moins fréquente,
moins cruelle, et les armées moins nombreuses, plus in-
telligentes, plus morales, afin que l'humanité ait moins de
sacrifices à faire, moins de douleurs à subir, moins de
sang et de larmes à verser. Sur ce terrain pratique,
l'homme d'État, le philosophe et le militaire peuvent se
donner la main avec l'espoir d'aboutir à un résultat utile
et durable.
( 1040 )
La parole a ensuite été donnée à M. Edouard Morren
pour faire une lecture intitulée :
La théorie des plantes carnivores et irritables.
PREMIERE PARTIE.
LA DIGESTION.
Unité nutritive. —L'azote. — Groupe téléologique. — Systématique. — Géogra-
phie; stations; faciès. - Le piège; gibier; attraction; anatomie. — La diges-
tion; historique; expériences; l'acide; le ferment; surexcitation gastrique;
indigestions; durée ; nombre. — Absorption; organes. — Décomposition; com-
mensaux. — Utilité; culture.
Unilé nutritive. — Il y a trois ans, à pareille date (1),
nous avons déjà établi devant TAcadéinie que, contraire-
ment à des préjugés encore répandus, la nutrition est en
réalité la même chez les animaux et chez les plantes; qu'il
convient de distinguer, en physiologie végétale, la produc-
tion des substances plasmiques à l'aide des matériaux
inorganiques et la véritable nutrition qui consiste, comme
chez les animaux, dans la circulation, l'assimilation et la
consommation de ces mêmes substances plasmiques. Nous
avons soutenu le principe de l'unité de structure et d'acti-
vité dans tous les êtres organisés: nous voulons, aujour-
d'hui que l'Académie nous admet encore à l'honneur de
l'entretenir, reprendre les choses au point où nous les
avons laissées et montrer que les végétaux manifestent des
(1) Introduction à l'étude de la nutrition des plantes, BuLL. DE l'Acad. ROY.
DE Belg., décembre 1872.
( lOil )
phénomènes biologiques d'un ordre élevé que Ton croyait
être l'apanage exclusif de l'activité animale. Grâce aux
récentes investigations scientifiques, les plantes mieux
connues, plus appréciées, s'élèvent presque au niveau zoo-
logique tout comme les progrès de la biologie animale sem-
blent rapprocher les animaux de l'homme et donner de
l'esprit aux bêtes.
L'azote. — De tous les éléments que les êtres organisés
doivent se procurer pour assurer leur existence, le plus
précieux est l'azote, avec ses alliés habituels, le soufre et
le phosphore. L'azote organisable est parcimonieusement
réparti dans la nature, où il se trouve sous la forme d'am-
moniaque et d'acide nitrique. Ces deux substances, qui
sont en quelque sorte aux confins du monde minéral et du
règne organique, sont produites sous certaines influences
dans le sol et dans l'atmosphère. C'est là que la plupart des
végétaux vont les puiser, soit à l'aide de leurs racines,
soit au moyen de leurs feuilles. Le carbonate d'ammo-
niaque existe dans l'atmosphère, sinon à l'état de sel, au
moins, à cause de l'inégale diffusibilité de ses deux consti-
tuants, à l'état de dissociation; il peut être porté directe-
ment sur le feuillage par la pluie ou par la rosée (1).
(1) Nous avons constaté expérimentalement qu'un léger surcroît de carbonate
d'ammoniaque dans l'air d'une serre où Ton cultive particulièrement des épiphytes
exotiques, telles que des Orchidées et des Broméliacées, exerce la plus heureuse
influence sur la santé de ces plantes aériennes auxquelles l'atmosphère doit ap-
porter tous les principes nécessaires pour se constituer ; l'absorption a bien réel-
lement lieu par les feuilles, puisque certaines Tillandsiées du genre très-bien
nommé Phyiarhiza par M. Visiani, n'émettent point de racines. Nous en avons
vu naître, grandir, fleurir et fructifier sans avoir jamais émis de racines au sein
de l'atmosphère chaude et humide où elles sont maintenues ( Tillandsia bulbosa
Hook).
( i042 )
Ses sources. — Le carbonate d'ammoniaque est préci-
sément le produit ultime de la décomposition naturelle
des matières azotées. La plupart des plantes absorbent
Fazote sous cette forme pour le faire entrer dans le conflit
vital; mais il n'en est pas ainsi pendant toutes les phases
de leur existence, par exemple la germination, et il y a des
plantes qui ne se conforment pas à la loi le plus générale-
ment suivie. Il suÛQrail de citer les Champignons, mais on
peut négliger ces êtres saprogènes, les plus puissants des-
tructeurs qui soient au monde, qui n'ont du végétal que
l'apparence et qui font exception à presque tous les prin-
cipes de la physiologie des plantes. Nous voulons nous ap-
puyer sur des végétaux d'ordre supérieur et nous pouvons
invoquer les saprophytes, les parasites et les carnivores qui
savent se procurer les matières azotées avant que celles-ci
soient tombées dans le monde minéral: les premières,
comme le Neottia Nidiis-avis , vivent dans l'humus; les
secondes, comme l'Orobanche, se grefl'ent à quelque plante
nourricière, tandis que les dernières s'en prennent aux ma-
tières animales: l'avantage est en leur faveur, mais le prin-
cipe est le même.
Les vraies parasites puisent dans leur nourrice les ali-
ments à rélat de circulation naturelle, les saprophytes les
absorbent pendant la fermentation putride, alors que les
carnivores leur font éprouver au contraire les efi*ets d'une
fermentation indirecte : ce pouvoir de digestion est leur
caractère essentiel ; seul, il sufiirait presque pour les élever
à la dignité animale.
L'activité des plantes carnivores est, en dernière ana-
lyse, une question d'azote : pour se procurer ce précieux
mobile de leur organisme, elles se mettent en rébellion
contre le règne animal , auquel un trop grand nombre
( i04o )
d'autres plantes est fatalement voué, et dans cette lutte
héroïque, elles s'élèvent à un niveau d'organisation dont
on ne soupçonnait pas la grandeur avant qu'elle fût me-
surée par un génie de la puissance de Darwin. Les princi-
paux problèmes qui concernent ces végétaux étranges qui
chassent aux insectes, leur tendent des pièges, les attirent
par de fallacieuses séductions, s'en emparent, les tuent et
les mangent et, pour les absorber, empruntent aux animaux
mêmes leurs procédés de digestion, ont été pour la plupart
élucidés avec une rare sagacité par M. Darwin (1), en ce
qui concerne les Droséracées et les Utriculariées, et par
son illustre confrère, le D"" Hooker (2) pour les Sarracénia-
cées et les Népenthacées.
Groupe téléologique. — Les plantes carnivores ou insec-
tivores, selon la nouvelle expression, constituent un groupe
physiologique et non pas un groupe taxinomique. Comme
les parasites, les plantes grasses, les lianes, elles appar-
tiennent à diverses familles et à plusieurs régions; elles
paraissent s'être adaptées par la sélection naturelle aux
circonstances entre lesquelles elles ont pu se mouvoir et
se propager : leur structure est, comme on dit, téléolo-
gique.
La systématique. — Les mieux caractérisées forment
la famille des Droséracées qui se compose de six genres :
Byblis Salisb., Roridula Linn., Drosophyllum Link , Dro-
sera Linn., AIdrovanda Linn. et Dionaea Ellis : nous les
(1) Darwin, Insectivorous Plants, 4875.
(2) Hooker, Address to the Department of Botany and Zoology , in Report
of the 44e meeting of the Brit. Assoc. (Belfast), 1874, p. i02.- Belgique horticole,
4874,pp.262et362.
( 1044 )
avons émimérés dans Tordre de leur perfectionnement
successif. On place les Droséracées parmi les Dicotylédones
polypétales calyciflores, dans le voisinage des Saxifragées.
Le Dionaea, dont on a discuté les affinités (1), établit le pas-
sage vers le Cephaîotus Labill. rattaché aujourd'hui aux
Ribésiacées (2). Les Sarracéniacées, où se trouvent les
genres Sarracenia L., Dariingtonia Torr. et Heliamphora
Benth., encore polypétales, sont classées parmi les Thala-
miflores. Elles ont, par leur placentation pariétale et d'au-
tres caractères, des affinités évidentes avec la série précé-
dente. Quant aux Népenthacées, réunies toutes dans le seul
genre Nepenthes Linn., elles sont, par la classification ac-
tuelle, rangées dans une tout autre section, près des Aris-
toloches, parmi les Monochlamydées. Enfin les genres Utri-
cularia Linn. et Pingiiiciila Tourn. que l'on comprend, à
tort ou à raison, dans la même catégorie des plantes insec-
tivores, appartiennent à la famille des Utriculariées, rangée
parmi les Gamopétales personnées. On connaît donc des
plantes carnivores dans chacune des trois classes des Di-
cotylédones, tandis qu'on n'en cite aucune parmi les Mono-
cotylédones.
Géographie. — Les genres précités ont une valeur et
une dispersion fort inégales.
Dans la famille des Droséracées, les Byblis comptent
trois ou quatre espèces confinées dans l'Australie septen-
trionale; les Roridula, peu importants, appartiennent à
l'Afrique australe.
(1) M. B.-C. Dumortier a proposé de constituer la famille des Dionaeacées : Bull,
de l'Acad. roy. de Belg., 1837 , tome IV , p. 443.
(2) Bentham et Hooker , Gênera Plantarum.
( i0i5 )
Le Drosophyllum lusitanicum Link, seul de son genre,
est concentré en Portugal et au Maroc, mais les Drosera
forment un genre puissant : on en connaît une centaine de
formes spécifiques, parmi lesquelles il en est qui sont grim-
pantes : elles sont répandues presque partout sur le globe.
Le genre est représenté dans la flore belge par les Drosera
rolundifolia L., D. intermcdia Hayne et D. anglica Huds.
Les deux autres genres de la famille sont monotypes : ce
sont VAldrovanda vesiciilosa L. que l'on connaît en Aus-
tralie, au Bengale et en Europe, et le Dionaea muscipula
Ellis, déjà célèbre et bien connu sous le nom û'Àtlrape-
mouches (Venus Fly Trap; Fliegenfânger, Fliegenfalle).
Tout est étrange dans cette plante,jusqn'à son aire de dis-
persion qui est resserrée dans la Caroline du Nord, aux
États-Unis, entre les limites les plus étroites. Elle n'est
pas confinée exclusivement aux environs de Wilmington ,
sur un espace de 2 à 3 lieues carrées, mais elle est rare
sur les autres points du territoire de la Caroline septen-
trionale et dans les districts voisins de la Caroline du Sud.
Elle a été signalée pour la première fois, en 1759, par Ar-
thur Dobbs, gouverneur de l'État, dans une note insérée
dans VHorius Collinsonianus (1). En 1768, Ellis en fit
l'étude et la description, et, après l'avoir placée sous l'invo-
cation de la nymphe Aicoy<, mère de Vénus, il écrivit à Linné
une lettre demeurée classique. Dès la même année, 1768,
la Dionée fut apportée vivante en Europe par William
Young. Quelques erreurs et certains préjugés des premiers
observateurs, qui furent, il faut l'avouer, accrédités par
Linné, lui donnèrent une certaine notoriété; mais elle fut
le sujet d'études sérieuses publiées en 1854 par le doc-
(11 Gard. Cfiron., 1875, I, 306.
( iOi6 )
leur Curtis et en i868, par Canby, plus récemment par
MM. Hooker,Balfoui\ Burton Sanderson et Darwin. Elleest
la plus extraordinaire entre toutes les plantes carnivores.
Le Cephalolus follicularis Labill., unique de son genre,
se trouve exclusivement sur un territoire restreint de l'Aus-
tralie occidentale, près d'Albany.
Quant aux Sarracéniacées, deux genres sont monotypes
à aire restreinte : le Darlingtonia californica Torr. de la
Sierra Nevada de Californie et un Heliamphora qu'on a
rencontré au Venezuela , sur le mont Roraima; mais le
genre Sarracenia est mieux doté : on en connaît six es-
pèces répandues sur l'Amérique du Nord.
Les JSepenthes sont plus nombreux, mais d'une tout
autre région : on les trouve aux Indes orientales, dans les
îles de la Sonde et à Madagascar.
Les Ulriculia et les Pinguicula, qui ont une autre allure,
se trouvent dans presque toutes les régions fraîches des
deux hémisphères, même à la Nouvelle-Hollande.
Stations. — En résumé, les plantes carnivores sont ré-
parties presque partout sur le globe. Mais si elles appar-
tiennent à des familles diverses et si elles prospèrent sous
des climats différents, on peut remarquer que les condi-
tions locales dans lesquelles elles vivent sont uniformé-
ment les mêmes pour toutes, c'est-à-dire que leur station
est presqtje identique. Les botanistes belges savent dans
quelles localités de la Campine et de l'Ardenne on trouve
les Drosera : c'est, en général, sur les terrains siliceux,
légers, humides et tourbeux; il arrive parfois même que
leurs chétives racines, fibreuses, noires, ne touchent pas
au sol et croissent simplement parmi lesSphagnum. C'est
dans les mêmes conditions au bord des tourbières, que
( 1047 )
croissent les Dionées de la Caroline, les Sarracenia du
Canada, le Darlwgtoniaâc la Californie, les Népenthesde
Bornéo et de Madagascar. Toutes évitent la présence du
calcaire. Il en est de même des Pinguicula et de certains
Utricidaria [il. montana). Un petit nombre seulement,
comme l'^l /f/roîo^f/a, devient franchement aquatique, perd
tout à fait les racines et vogue librement sur la surface de
Peau ou bien se baigne plus profondément, comme nos
Utricidaria (1).
Faciès. — Les plan tes carnivores ont entre elles certaines
ressemblances de faciès ou d'allure. Beaucoup ont une tige
courte, avec leurs feuilles en rosace, comme nos Drosera,
laDionée, le Darlingtonia, les Sarracenia; chez quelques-
unes, la tige s'étend : on connaît, au moins dans les her-
biers sinon dans les cultures, des Drosera qui s'élèvent à
une certaine hauteur. Quant aux Népenlhes, ce sont des
plantes frutescentes, parfois sarmenteuses et qui atteignent
des dimensions assez considérables pour occuper toute une
serre.
Le piège. — Leur feuillage est de formes bizarres, mais,
dans son ensemble, il est d'un beau vert, souvent rehaussé
de teintes rouges ou brunes. Les fleurs s'épanouissent ou
fructifient de la manière la plus habituelle. En y regar-
(1) Nous venons de constater que la plupart des plantes carnivores vivent dans
les mêmes conditions que les Sphagnum : nous pouvons faire remarquer à ce
propos que ces singulières Mousses ont certaines cellules percées d'ouvertures
naturelles par lesquelles on a constaté l'entrée de petits animalcules ( iîof//er vid-
garis].Cjes trous et cette entrée ne sont probablement pas fortuits et il y a peut-être
là une certaine analogie avec les ampoules et les amphores des plantes supérieures
"Voir Ch. Morren, De l'existence des Infusoires dans les plantes, Bull, de
l'Acad., t. VI, et Etudes d'anat. vég. — Ce. MOBhE^, Recherches sw l'inen-
chijrne des Sphagnum, BuLL. DE L'AcAD., VIII, 1844, 1, -164 et Dodonaea.
( 4048 )
dant de plus près , en considérant les choses à travers le
prisme de la science, le regard saisit tout ce qu'une obser-
vation superficielle avait méconnu. Laissant de côté les
Pinguicula et les Utricularia, au sujet desquels nous ne
sommes pas suffisamment édifié et qui constituent une
catégorie spéciale, on constate chez toutes les plantes car-
nivores l'existence d'organes appropriés à la chasse des
insectes; ces organes acquièrent plus de perfection et plus
de développement d'une de ces plantes à l'autre, si on les
dispose dans un certain ordre qui n'est pas l'ordre de la
classification taxinomique. Pour l'apprécier, il faut partir
des Droséracées les plus simples qui ne sont guère mieux
douées que certaines Saxifrages, le Saxifraga tridacty-
lites L., par exemple, qui est pourvu de poils glanduleux
auxquels de faibles insectes peuvent se laisser engluer et
en se décomposant fournir du carbonate d'ammoniaque
qui est absorbé.
« Comme il n'est pas douteux, dit M. Darwin, que ce
procédé soit d'un grand secours aux plantes qui croissent
dans un sol pauvre , il doit tendre à être perfectionné par
la sélection naturelle. Ainsi, toute plante ordinaire, pour-
vue de glandes visqueuses, qui accidentellement attrape
des insectes, peut, sous des circonstances favorables, être
changée en une espèce capable de vraie digestion. »
Nous sommes disposé à le croire, mais, laissant décote
la théorie, quelque séduisante qu'elle paraisse, nous nous
bornerons à considérer chez les plantes insectivores suc-
cessivement la chasse, la digestion et le mouvement.
Perfectionnement du piège. — Le piège se perfectionne
des plus simples aux plus élevées.
Chez le Drosophylhim, ce sont des tentacules qui se ter-
( 1049 )
inioent par une glande et déjà parcourus par un faisceau
de trachées. Chez les Drosera, les tentacules sont irritahles
etmotiles (1) : ils se courbent sur l'insecte qu'ils maintien-
nent contre la feuille dont les deux bords peuvent se rele-
ver un peu. Les Aldrovanda ont au sommet des feuilles,
avec quelques tentacules, une petite trappe hérissée, à
deux lobes susceptibles de se rapprocher par un mou-
vement localisé à la base et ainsi de se fermer momenta-
nément.
La Dionée dispose de l'appareil le plus perfectionné : on
ne saurait mieux le comparer qu'à cette sorte de piège à
prendre les petits animaux et que nous appelons un cep (2)
en Belgique. Il consiste en deux lobes ou valves qui se joi-
gnent à peu près suivant un angle droit et qui ont la forme
d'un hémicycle surbaissé; la nervure médiane est proémi-
nente à la face inférieure, les lobes sont bordés de longs cils,
raides et aigus : tout l'appareil peut atteindre environ trois
centimètres de largeur et quand la santé est florissante, il
est d'une belle teinte rouge à la face supérieure (5). On peut
remarquer que cette trappe est séparée de la feuille pro-
prement dite par un support épais, long de quelques milli-
mètres. Il peut se fermer vivement et se transformer en
une sorte de vésicule bordée de deux rangées de cils
entre-croisés.
Dans le Cephalolhus et dans les Népenthes, les Sarrace-
nia et le Darlingtonia, le piège auquel les insectes se font
prendre en foule agit comme un trébuchel; il a la forme
(1) ÉD. MORREN, Note sur les procédés insecticides du Di osera rotundifoUa ,
1875.
(2) Le mot n'est pas dans le Dictionnaire de l'Académie française.
(3) Ch. Morren a donné, en 4834, quelques éclaircissements sur sa structure et
sa morphologie.— Hort. belge , 1834, p. 71.
^""^ SÉHIF,, TOMK XL. 67
( 1050 )
d'une urne ou amphore plus ou moins ouverte au sommet,
dressée ou suspendue à Textrémité de chaque feuille, par-
fois développée en lieu et place des feuilles elles-mêmes.
Dans les plus beaux Népenthes, cette amphore peut attein-
dre un pied et demi de longueur et engloutir un oiseau ou
un petit mammifère.
Homologie. — Le perfectionnement des organes de pré-
hension et de digestion, d'ailleurs confondus, est frappant :
la question de l'homologie est peut-être discutable. Dans
les Drosera, la feuille ouverte avec ses dépendances en
forme de tentacules reployés et ses bords un peu relevés,
fonctionne momentanément comme un estomac. Dans la
Dionée, au lieu de nombreux tentacules, on voit un seul
et vaste lobe qui s'ouvre pour saisir le gibier et se ferme
pour le digérer. Dans les Népenthes, enfin, l'organe a
vraiment la forme d'un sac stomacal muni d'un seul ori-
lice (i).
Gibier. — Le gibier de nos plantes consiste en petits
animaux : les Drosera s'emparent de Diptères et d'autres
petits volatiles; ils chassent la plume, tandis que la Dio-
née saisit plus facilement de petites bêtes qui marchent,
on pourrait dire le fauve. On a trouvé dans ses feuilles
fermées à l'état d'estomac, des Élalères, des Chrysomèles,
des Charençons, des Araignées, des Scolopendres et des
;i) Les feuilles de Drosera peuvent émettre des bourgeons (Éd. Morren, /. c);
il en est de même des feuilles de Dionée. M. Mildebrandt, de Cologne, a constaté
(jue ces feuilles étant bouturées s'enracinent et donnent des bourgeons adventifs :
il a omis, malheureusement, de signaler la place même à laquelle se forment ces
bourgeons. Wochenschr., 48B1, p. 192, trad. dans le Journ. de la Soc. d'hort. de
Paris. 1862, VIll, 378.
( \om )
Fourmis. Dans nos serres, on lui a vu prendre des
Limaces. Si l'on ouvre les larges urnes des Darlinglonia,
on y trouve de gros Papillons de nuit. Selon le D' Hooker,
les jeunes urnes de Népenthes atteignent le gibier aérien
et s'en emparent, tandis que les urnes plus anciennes
dressent leurs embûches au gibier terrestre. Dans les
nasses des Utriculaires aquatiques, on trouve de petits
Crustacés.
Attraction. — Ces pauvres victimes de la rapacité végé-
tale sont attirées dans le piège où elles doivent périr au
moyen d'artifices ingénieux et presque irrésistibles. Nous
avons constaté que le Pinguicula répand une odeur qui
doit être analogue à celle des Champignons et qu'il attire
ainsi sur ses feuilles humides et gluantes de petites mou-
ches {Exediia fungorum de Geer) qui habitent ordinaire-
ment les Agarics (1). Nos Drosera indigènes ont leur rosace
foliaire étalée sur le sol, d'un beau rouge, rehaussée de
mille petites perles qui étincellent au soleil et qui sont
dressées dans toutes les directions, comme les tentacules
de Bryozoaires.
Le Drosera binata Labill., qui est introduit d'Australie
dans les serres d'Europe, a ses grandes feuilles linéaires,
dichotomes, étalées au sommet de longs pétioles dressés,
qui se disposent en grand nombre comme un vaste filet
dans lequel les mouches doivent se faire prendre comme
dans une toile d'araignée (2). La Dionée ne sécrète pas du
miel comme Ellis l'avait cru et comme Linné l'a rapporté
(1) Éd. MorREN, Observations sur les procédés insecticides des Pinguicula
(2) ÉD. MORREN, Note sur les procédés insecticides du Drosera binntn.
( dOoâ )
d'après lui : ses trappes sont sèches quand elles ne sont
pas occupées à digérer; elles répandent sans doute une
odeur qui attire les insectes, mais en tous cas, elles sont
parsemées sur toute leur surface rosée de petites glandes
à huit divisions qui sont au nombre des plus belles choses
de la nature par leur gracieuse symétrie, la régularité de
leur structure et leur charmante coloration. Si la beauté
des formes et l'éclat des couleurs, dit M. le D' Balfour, peu-
vent être appréciés par les mouches, la Dionée a bien assez
d'attraits sans recourir au miel.
Quant aux Sarracéniacées et aux iNépenthacées, elles
emploient ce moyen , le même que les tleurs qui veulent
être câlinées par les abeilles; elles enduisent de miel le
bord de la coupe fatale. Nous ne sommes donc pas seuls
en ce monde à savoir qu'on attrape les mouches avec du
miel!
La prise du gibier. — L'insecte qui se laisse attirer par
ces séduisants appâts ou par ses appétits sensuels, est
voué à une mort terrible. Dans presque tous les cas, son
existence va se terminer dans une lente et horrible agonie.
Lorsqu'un Drosera a saisi sa proie, on voit la sécrétion
gluante augmenter, les tentacules voisins venir à la res-
cousse et tous ensemble se ployer vers la victime qui
s'épuise en vains efforts à vouloir se dépêtrer; poussée
contre la feuille sur d'autres glandes pédicellées, la pauvre
bête périt sous ces débordements de bave corrosive.
La Dionée agit avec plus de cruauté et plus d'intelli-
gence. Aussitôt qu'un insecte excite une de ses trappes, les
deux valves déjà peu écartées (angle de 90'') se rappro-
chent vivement en même tenjps que les cils s'abaissent et
s'entre-croisent d'une bordure à l'autre; voilà donc la bes-
( 1053 )
liole prise comme dans un étaii, à moins que la proie ne
soil ou trop fiiible ou trop forte, et c'est ici que se mani-
feste rintelligence qui a présidé à la structure de la plante.
Si la proie estchétive, elle passera entre les barreaux du gril-
lage de sa prison. Si elle est forte, elle écarte ses entraves.
Mais si le gibier est de bonne prise, si c'est une mouche
rondelette, elle sera impitoyablement sacrifiée : l'étau qui la
presse, concave d'abord , se redresse et s'applique étroite-
ment contre elle; il n'est pas exact, comme on l'a cru, que
ses mouvements surexcitent l'irritation de la feuille; mais
bientôt toutes les glandes de la surface entrent en activité
et commencent à sécréter un suc qui se déverse sur l'in-
secte, l'imprègne de son humeur aigre, si bien, horresco
referens! que la plante absorbe peut-être sa victime encore
vivante, sans plus de ménagements que nous n'en prenons
nous-mêmes à l'égard d'un radis.
Les pièges des Sarracenia et des Nepenthes agissent
comme des trébuchets : le bord de l'urne, près duquel se
trouve le sucre, est lisse; les insectes glissent sans pou-
voir ni se retenir, ni s'échapper, et ils tombent , en général ,
dans un liquide corrosif qui occupe tout le fond de l'ap-
pareil.
Analomie. — Ces singuliers et puissants organes des
Drosera^ des Dionaea et des Nepenthes, déjà si remarqua-
bles par leur morphologie et leur mode d'activité, dont
nous avons seulement esquissé les traits généraux, ne sont
pas moins intéressants au point de vue de leur structure
anatomique. Sans entrer dans aucun détail, nous devons
signaler les glandes et les papilles qui couvrent leur sur-
face, les vastes stomates de leur épiderme et les nom-
breuses trachées qui parcourent le parenchyme. Les
, i05i )
glandes jouent incontestablement le rôle principal dans la
sécrétion des divers principes qui servent à attirer, à sai-
sir et à digérer les insectes. La question est de savoir si
ces principes sont excrétés en même temps, ou si, comme
il semble probable, la glu, l'acide et le ferment ne pro-
viennent pas plutôt de glandes différentes. La question est
aussi de savoir par quels organes se fait l'absorption des
produits de la digestion, si elle se fait par les glandes
mêmes qui ont sécrété, ou si elle n'a pas lieu plutôt par les
stomates ou par des papilles singulières, peut-être ouvertes
au sommet, qui sont entremêlées avec eux (1). Le rôle des
trachées n'est pas moins douteux : l'opinion la plus plau-
sible est qu'elles servent à porter aux glandes l'eau néces-
saire à leur activité.
Théorie générale de la digestion. — On sait que la diges-
tion consiste essentiellement dans la transformation, dé-
terminée par un ferment soluble agissant en présence d'un
acide, des matières albuminoïdes insolubles et colloïdes,
en principes solubles et diffusibles. La digestion animale
est d'ailleurs imparfaitement connue; on peut supposer
qu'elle consiste en hydratation et dédoublement des sub-
stances digérées : le résultat consiste en matières dont la
constitution se rapproche des cristalloïdes et par consé-
quent susceptibles d'être absorbées : ils constituent les
peptones.
La théorie de la digestion chez les plantes carnivores
n'est pas aussi récente qu'on pourrait le croire. Déjà,
en 1829, Burnett soutint que l'urne des Sarracenia exerce.
(1) ÉD. MORREN, Drosera, p. 5.
( \mn )
sur les insectes qu'elle a capturés une action digestive ana-
logue à celle (le Teslomac des animaux (1). Le docteur
Curtis publia, en 1854, le résultat de ses persévérantes
recherches sur la Dionée. Son Mémoire est encore le meil-
leur qui ait été fait sur cette plante. Il constata que l'in-
secte n'est ni écrasé, ni asphyxié, et il reconnut que la sé-
crétion qui suit la capture est analogue à la salive ou au
suc gastrique; il en conclut que l'insecte saisi par la plante
devait servira l'alimenter. Un autre botaniste américain,
M. Canby (2) mit délinitivement hors de doute, en 1868,
la théorie de la digestion : il prouva que le suc digestif est
toujours sécrété en temps convenable, quand la feuille est
saine et quand la proie convient à la plante : que la feuille
peut digérer la viande crue qu'on lui offre; enfin que cha-
que feuille peut opérer deux ou trois digestions pendant
sa vie, avec un intervalle de satiété et qu'elle meurt ordi-
nairement pendant ou après sa troisième digestion.
Plus récemment enfin, en 1874, le docteur Hooker, de
Kew, a publié ses observations sur les plantes à urnes (3).
Le docteur Balfour, d'Edimbourg, a fait connaître, cette
année même, ses expériences sur la Dionée (4) et Darwin
a enrichi la science de son mémorable ouvrage, Inseclivo-
vous Plants, qui est un chef-d'œuvre d'analyse et de saga-
cité. Il y a peu de jours, le 29 octobre 1875, le Botanische
Zeitung publiait le résultat des expériences de Max
Reess et de H. Will , favorables à la théorie de la digestion
végétale.
(1) Hooker (Belg. horu, -1874, p. 363).
(2) Gardener's Monthly Journal. Philadelphie, 1868, X.
(3) Voy. la Belgiq. hort., 1874, pp. 262 et 362.
(4) Gardener's Chronicle, -1873, II, 8, 67.
( i0o6 )
La digestion végétale est réellement semblable à celle
que déterminent le suc gastrique et le suc pancréatique :
elle intéresse les matières albuminoïdes, l'albumine fraîche
ou coagulée, la fibrine , la chair crue ou la viande rôtie et
les cartilages; elle consiste dans une liquéfaction de ces
aliments. De petits cubes d'albumine coagulée, larges de
2 millimètres, ou de petites tranches de cette matière, lon-
gues de 4 ou 5 millimètres sur 1 millimètre d'épaisseur,
déposées sur les feuilles de Drosera, deviennent transpa-
rentes, leurs angles s'émoussent et ils finissent par être
liquéfiés.
Nous avons constaté sur le Drosera 6ma^a que, dans ces
conditions, la fermentation putride n'intervient pas. Max
Reess et H. Will ont constaté la liquéfaction et l'absorption
de la fibrine. Pendant ses nombreuses expériences sur le
Dîonaea muscipida, M. Balfour a toujours vu que ladiges-
tion, lente d'ailleurs, de la chair crue se fait sans qu'il y
ait trace de décomposition ou de mauvaise odeur: la viande
perd bientôt sa couleur rouge et elle passe petit à petit à
l'état de pulpe inodore.
Tandis que la chair déposée sur le Sphagnum pourris-
sait en deux jours, elle demeurait indemne dans la feuille
de Dionée occupée à digérer. M. Lindsay, ayant gorgé
des feuilles, au risque de leur donner une indigestion, a
constaté que la viande renfermée entre les valves delà
feuille conserve sa fraîcheur, tout en macérant, tandis que
les lambeaux de chair qui dépassaient la capacité de ce
petit estomac ne tardaient pas à se putréfier.
Enfin la chair putréfiée mise en contact avec le suc de
ces feuilles perd sa mauvaise odeur. M. Hookera constaté
que le suc des Nepenthes agit comme antiseptique sur les
substances animales qui s'y trouvent plongées.
( i057 )
On doit considérer le fluide sécrété par les glandes des
Droscra et des Dionaea comme un véritable suc digestif,
non-seulement parce qu'il en produit les effets, mais en-
core parce qu'il semble en avoir la composition. On sait,
en effet, que le suc de l'estomac opère la digestion des ma-
tières albuminoïdes par l'action d'un ferment soluble, la
pepsine, agissant en présence d'un acide, l'acide cblorhy-
drique; cette pepsine est elle-même une matière azotée;
elle est sécrétée par l'estomac. Ce qu'on appelle la diges-
tion stomacale est en réalité une sorte de fermentation qui
convertit l'albumine en substances liquides et diffusibles.
Or, on a, sinon la preuve, au moins des indices de la
présence de ce corps ou de son équivalent dans le liquide
que les plantes carnivores excrètent pendant la période
d'activité : c'est en cela que réside la valeur des récentes
découvertes qui ont autorisé l'assimilation scientifique des
digestions animale et végétale.
U acide. — Le suc des Drosera et celui des Dionaea sont
acides : ils rougissent le papier de tournesol, au moins
quand la sécrétion est abondante et l'organe en activité.
Le D*" Frankland, consulté par M. Darwin, pense que cette
acidité provient de l'acide propionique, peut-être de l'acide
valérianique, au moins d'un acide gras de la série acé-
tique. Cette opinion a été corroborée par les analyses de
M. H. Will , exécutée dans le laboratoire de M. von Gorup;
elles ont porté sur le suc obtenu par la macération dans
l'eau de plusieurs milliers de Drosera préalablement ex-
cités au moyen de la poussière de verre. L'extrait aqueux
renfermait de l'acide formique, dont M. Frankland avait
au contraire signalé l'absence, et, à en juger par l'odeur,
des acides propionique et butyrique. L'acide formique exis-
( 10^8 )
lait en proportion notable dans ce liquide, mais M. Will
émet l'avis qu'il pourrait bien venir du parenchyme de la
feuille et non du fluide sécrété par les glandes, lequel au-
rait seul fourni les acides déjà signalés par Frankland.
Cette opinion est vraisemblable; on sait combien l'acide
formique est répandu dans les tissus végétaux et on le
rencontre même parmi les matières qui peuvent se trouver
dans notre estomac. Le même acide formique a été signalé
en proportion notable dans le suc digestif de la Dionée, par
le professeur Dewar (1), en même temps que des chlo-
rures. Dans cette plante, la sécrétion, parfois si abondante
qu'elle découle le long du pétiole, est de nature gluante et
se conserve longtemps sans se décomposer. On a donc des
indices concordants à l'égard d'un acide gras volatil, mais
jusqu'ici l'acide formique a seul été positivement constaté
dans le suc du Drosera et de la Dionée. Il constitue à
l'état concentré le venin ordinaire des fourmis, des poils
des Orties et de ceux de la Chenille processionnaire. On
sait, en outre, que le fluide corrosif des Carabes consiste
en acide butyrique.
Ferment. — On n'a encore que des preuves indirectes
de la présence de la pepsine. D'après le professeur Frank-
land, le suc des glandes de Drosera, acidulé par l'acide
sulfurique, répand l'odeur caractéristique de la pepsine
(Darwin, /. c, p. 88). Ce ferment existe sans doute en
quantité extrêmement faible.
C'est un des caractères des ferments solubles de mani-
fester leur puissante influence sous les proportions les
plus minimes. Darwin étend aux Drosera la théorie de
(4) Balfour, /. c.
( 1059 )
Schiff(l) sur la digestion d'après laquelle les glandes de
restomac sécrètent un acide quand elles sont excitées par
une irritation mécanique, tandis qu'elles donnent la pep-
sine seulement après avoir absorbé certaines substances
solubles, azotées, qu'il désigne sous le nom de peptogènes
(Darwin, 129.) La transformation des matières azotées en
substances solubles et diffusibles est un phénomène fré-
quent dans l'économie végétale, comme la transformation
de la fécule sous l'influence de la diastase en dextrine et
en glucose. Mais le ferment n'était pas connu.
MM. Gorup-Besanez et H.Will (2) ont extrait récemment
(1874) des graines de Vicia, au moyen de la glycérine, un
principe capable de dissoudre les substances albuminoïdes,
telles que la fibrine, et de les convertir en véritables pep-
tones. Ce ferment intervient sans doute pendant la germi-
nation et dans la mise en œuvre de tous les dépôts nutri-
tifs. Plus récemment encore, MM. Max Reess et H. \Vill(3),
appliquant au Drosera le môme procédé d'extraction au
moyen de la glycérine (4), ont obtenu un extrait glycérine
qui, étendu de quelques gouttes d'acide chlorydrique dilué,
opère la digestion artificielle de la fibrine. Cette expérience,
répétée une douzaine de fois avec des résultats toujours
affirmatifs, est très-favorable à la nouvelle théorie. Cepen-
dant pour ne pas devancer étourdiment la marche lente et
grave de la science, il importe de reconnaître que cette
théorie manque encore de deux bases nécessaires, la déter-
(4) Physiol. delà digestion, 4867, 11, p. 188, 245 (d'après Darwin).
■2) Berichte der Deutschen Chem. Gesellschaft. Berlin, 1874, p. 1478.
(3) Bot. Zeitung, 29 octobre 1875.
(4) Par le procédé de Huflfner, Journal fur prakt. Chemie , Neue Folge-,
V, 377.
( i06o :
rainalion positive de l'acide et du ferment qui intervien-
nent dans la digestion végétale (4).
On savait que la pepsine n'existe pas seulement dans le
suc gastrique. Brùcke a reconnu sa présence dans le sang
et dans les muscles. Bretonneau avait déjà annoncé que la
viande introduite dans une plaie sous-cutanée pouvait s'y
digérer comme dans l'estomac (2). iMais on ne soupçon-
nait pas sa présence chez les végétaux où elle paraît répan-
due dans l'organisme, comme la diastase, et on s'attendait
encore moins à rencontrer ce ferment dans une matière
sécrétée par les végétaux en quelque sorte à la sollicita-
tion des matières animales.
Surexcitation gastrique. — En effet, la sécrétion d'un
acide pas les plantes insectivores est plus ou moins consé-
cutive du contact d'un'insecle, et la sécrétion de la pepsine
semble provoquée par le contact d'une matière azotée. Les
pièges de la Dionée sont parfaitement secs quand ils sont
ouverts et disposés pour la chasse; si la fermeture est pro-
voquée par un simple attouchement momentané ou par
une substance inerte, une paille, un morceau de calcaire,
ce piège ne sera pas changé et ils se rouvrira le plus vite
possible; une matière azotée sèche ne produira pas plus
d'effet; mais vienne un morceau de chair fraîche ou
vivante et alors l'occlusion se maintiendra, deviendra plus
étroite et bientôt, c'est-à-dire en quelques heures, la face
en contact avec cet excitant émettra une sécrétion de plus
(-1) M. Lawson Tait {^atwe. -29 juill. i875. pp. !254-2o2) annonce avoir séparé
de la sécrétion du Drnsera binata et des Népenthes une substance qui ressemble
beaucoup à la pepsine et qu'il propose de nommer Drosérine.
{% P. SCHiJTZENBERGER, Les fermentations, 1875, p. 253.
K i06l )
en plus abondante, qui commence par les glandes directe-
ment excitées, mais qui ne tarde pas à se propager à toutes
celles qui se trouvent successivement atteintes. La surex-
citation est évidente et parfois si prononcée, que la salive
coule le long de la feuille ou s'épanche entre les bords de
Tappareil.
Le Drosera rotundifoUa a les tentacules, pendant l'atti-
tude du combat, terminés par une gouttelette imprégnée
de glu. Cette substance n'a pas encore occupé les chi-
mistes : elle semble indépendante de l'acide et du ferment.
La gouttelette est presque toujours assez acide pour rougir
le papier de tournesol : cependant quand les glandes sont
surexcitées par des attouchements répétés ou par les
agitations d'un insecte englué, l'acidité devient plus pro-
noncée.
Le même phénomène se manifeste chez les Népenthes.
M. Hooker a constaté que la présence d'une matière inor-
ganique dans l'urne de ces plantes ne produit pas d'effet
appréciable, tandis qu'il a remarqué un afflux considérable
de liquide dans les urnes où il avait introduit quelque ma-
tière animale. Il a constaté de plus que le suc des Népen-
thes isolé de l'urne ne produit les phénomènes de la diges-
tion artificielle que d'une manière lente et incomplète,
tandis qu'à l'intérieur de l'urne la digestion se fait plus
rapidement et plus complètement sans doute par l'influence
peptogène des substances en présence.
Nous avons constaté sur le Drosera binata que les ma-
tières azotées provoquent l'inflexion des tentacules et aug-
mentent la sécrétion, tandis que de petits fragments inertes
de papier ou de cire tarissent la sécrétion des glandes
et font courber les tentacules en arrière : les matières
nutritives sont donc portées sur le tissu des feuilles et
( i062 )
les substances inutiles sont réellement rejetées en dehors.
M. Balfour, après ses belles et nombreuses expériences
sur la Dionée, ne doute pas que Tabondance de la sécrétion
ne soit en rapport avec la qualité du festin; une vieille
mouche sèche et vide laisse la plante impassible, tandis que
pour une grosse araignée, pour un papillon dodu ou pour
un bon morceau de chair fraîche, la sécrétion déborde
comme la salive chez un gourmet qui tient un succulent
morceau entre les dents : on peut dire de l'un comme de
l'autre que l'eau leur vient à la bouche.
Indigestion. — Le même savant rapporte que certaines
matières sont de digestien fort difficile, le fromage, par
exemple. M. Canby avait perdu une de ses Dionées, en la
soumettant au régime forcé du fromage. Le docteur Bal-
four voulut vérifier l'expérience; le 8 juillet 1874, il admi-
nistra une certaine dose de chester à l'une de ses plantes;
le 9, il a cru voir des nausées et des envies de vomir;
pourtant tout semblait bien marcher, quand le 21, des trou-
bles d'apparence bilieuse se produisirent; la feuille devint
jaune, puis noire et mourut d'une véritable indigestion.
Il arrive aussi que les Dionées se repaissent avec glou-
tonnerie et, comme nous, elles pâtissent de se surcharger
l'estomac. Le 5 juillet, on donna à quelques feuilles autant
de viande qu'elles en voulurent prendre, le lendemain,
elles en étaient gorgées : quelques-unes furent soumises
à un traitement énergique; on leur enleva avec les doigts
tout ce qu'elles n'avaient pu enfermer; elles furent sau-
vées. D'autres, abandonnées à leur triste sort, manifestè-
rent, dès le 15 juillet, des signes évidents de maladie.
Les substances indigestes sont en général l'huile, la
graisse, l'urée, etc. Nous cultivions cow amo)^e une belle
( 1065 )
louffe de Drosera binala, fraîche et de bon appétit jusqu'à
ce que, dans une malencontreuse expérience, nous lui
offrîmes la moitié d'une pilule de pepsine pharmaceutique:
nous ne savons ce que renfermait cette pilule (1), mais
deux ou trois jours après, pour cette raison ou pour une
autre, notre plante fut visiblement indisposée; depuis lors
toutes ses glandes se sont taries et toutes les feuilles se
sont successivement flétries.
Durée de la digestion. — La durée des digestions varie
avec les plantes, la nature des aliments et diverses circon-
stances.
Le Drosera binata hydrate et rend transparent en huit
ou dix heures le blanc d'œuf qu'on lui a servi. Le Drosera
rolundifolia nous a paru moins actif : d'après MM. Rees et
Will, il dissout en quelques heures les flocons de fibrine.
Selon Hooker, il faut le même temps aux Népenlhes pour
commencer à entamer les bords des fragments cubiques
d'albumine immergés dans leurs urnes ou pour produire
un commencement de gélatinisation dans les cartilages.
La Dionéea la digestion paresseuse; comme les serpents,
chacun de ses repas se prolonge de 8 à 20 ou 50 jours.
M. Balfour a compté 24 jours pour l'ingestion d'une grosse
mouche bleue : pendant ce temps et quelques jours après,
la feuille est dans un état de torpeur qui ressemble à une
sieste.
Nombre des digestions. — Le nombre des digestions
qu'une feuille est capable d'exercer est en raison inverse
(1) Nous nous sommes rappelé depuis que ces pilules de pepsine renfermaient
chacune cinq milligrammes d'extrait de noix vomique.
( i064 )
(lu temps qu'elle emploie. Les tentacules courbés de Dro-
sera se redressent après quelques jours et semblent prêts
à recommencer. M.Canby a constaté au contraire dès 1868,
que chaque feuille de Dionsea ne peut accomplir qu'une ou
deux digestions et qu'elle meurt fatalement si elle risque
une troisième opération. On peut remarquer incidemment
que tous ces phénomènes se passent à la température or-
dinaire de l'été.
Absorplion. — On ne connaît rien encore des procédés
chimiques de la digestion végétale : on connaît seulement
le fait de la liquéfaction des matières azotées ; on suppose,
avec toute apparence de raison, que les produits de la di-
gestion, c'est-à-dire les peptones, sont absorbés par l'orga-
nisme. M. Darwin a constaté que l'absorption des matières
azotées est accompagnée d'une agglomération particulière
du protoplasme à l'intérieur des cellules : le même phéno-
mène est provoqué par le carbonate d'ammoniaque.
M. Hooker a constaté l'absorption chez les Népenthes et
M. Balfour chez la Dionée ; ainsi, par exemple, ayant
donné à l'une de ses pensionnaires, le 1" juillet, un petit
morceau de viande, le 18 il était faiblement entamé, mais
le 25, il était réduit en bouillie; le 24, presque tout était
absorbé et le 25, il ne restait plus que de minces petites
plaques non suffisamment transformées. Cette observation
montre que la liquéfaction des matières animales marche
rapidement pendant la dernière période de la digestion.
Plus récemment MM. Max Rees et H. Will se sont assurés
que le Drosera absorbe la fibrine dissoute par la digestion.
M. Clarck(i)a institué une expérience sinon concluante,
; I) Journal of Dotany, septembre 1875.
( 1065 )
au moins ingénieuse : il a offert à ses Drosera des mouches
sautées au citrate de lithium et quelques jours plus tard,
l'analyse spectrale a fait voir ce métal dans tous les organes
de la plante, jusque dans les organes floraux.
Organes de V absorption. — Quant aux organes histolo-
giques au moyen desquels se fait l'absorption , on n'est pas
généralement d'accord, si ce n'est, sans doute, pour dénier
cette aptitude aux surfaces couvertes d'une cuticule plus
ou moins épaisse.
M. Darwin est d'avis que cette fonction est remplie par
les organes mêmes de la sécrétion, tandis qu'il nous sem-
ble que ce rôle est dévolu aux vastes stomates ou de pré-
férence aux singulières papilles stomatiques que nous avons
constatées chez le Drosera et qui nous ont paru être perfo-
rées au sommet.
Décomposition. — Si la liquéfaction de l'albumine est
incontestable, comme nous l'avons reconnu sur le Drosera
bitana Labill., il n'est pas moins vrai que des phénomènes
de décomposition naturelle, par les bactéries, les monades,
les ferments et les mucédinées peuvent se produire dans
les insectes capturés. Nous avons rencontré ces facteurs de
la fermentation putride sur les Pingiiicula longifolia et
alpina (1). Nous avons rencontré une autre fois des moisis-
sures autour d'une mouche qui avait été déposée sur une
feuille de Drosera, mais elle était de forte taille et réelle-
ment hors de proportion avec les capacités digestives de la
feuille. Nous avons vu encore au fond des urnes des Sar-
racenia un véritable charnier d'insectes en putréfaction;
(1) Éd. Morren, Observations sur les procédés insecticides des Pinguicula.
"2"^ SÉRFE, TOME XL 68
( 1066 )
mais tous ces phénomènes, parfaitement naturels, n'ôtent
point leur valeur aux observations positives qui établissent
avec non moins de certitude une véritable fermentation
indirecte au moyen d'un ferment soluble.
Commensaux. — Il reste toujours quelques débris du
festin, tout n'est pas liquétié. Les plantes carnivores par-
tagent avec des commensaux. Le D"" Hooker rapporte,
d'après les observateurs américains, qu'il y a des insectes
« trop adroits pour s'aventurer dans le piège des Sarra-
cenia, qui laissent tomber leurs œufs dans l'ouverture de
l'urne, afin que leur progéniture profite de la nourriture
qui s'y trouve accumulée. »
II explique aussi la présence dans ces urnes de larves
et de nymphes. Plus récemment M. Riley (J)a signalé à
l'Association américaine pour l'avancement des sciences
un lépidoptère, le Xanthoptera semicrocea G., qui vient
impunément déposer ses œufs sur les pièges du Sarrace-
nia variolaris que sa chenille dévore. La larve d'un dip-
tère, le Sarcopliaga sarraceniae Ril, vit à l'intérieur même
de l'urne, dans le liquide meurtrier pour tant d'autres
insectes; elle y acquiert tout son développement et elle ne
l'abandonne que pour aller se transformer sous terre en
insecte parfait. Barton rapporte enûn que divers oiseaux
insectivores fendent les urnes au moyen de leur bec pour
en dévorer le contenu.
Utilité. — 11 reste d'ailleurs à établir expérimentale-
ment que la liquéfaction des matières azotées et leur
(1) Transactions of the Academy of sciences of Saint Louis, vol. III, n» "2,
Saint-Louis. 4875. - Bull, de la Soc. entamai, de France, 1875, 43 janvier,
p. XIII.
( 1067 )
absorption contribuent réellement à l'alimentation de ces
végétaux. Jusqu'ici on manque d'un fait péremptoire à
opposera ceux qui pensent que les animaux capturés ser-
vent à nourrir la plante indirectement par les produits de
leur décomposition absorbés par les feuilles ou par les
racines (i) et à ceux qui prétendent que tant d'artifice a
seulement pour but de débarrasser la plante des insectes
qui la gênent.
Culture. — On sait depuis longtemps que la culture
des plantes carnivores est extrêmement difficile : la cause
en est peut-être à leur antipathie pour le calcaire, mais les
jardiniers habiles parviennent cependant à les élever et à
les propager, sans qu'aucun d'eux, quoi qu'on en ait dit,
ait jamais conseillé de leur donner de la viande ou du
blanc d'œuf; les insectes, au contraire, sont éloignés de
ces plantes, dans les serres où nous les tenons enfer-
mées.
M. Tait (2) a fait quelques essais de culture de Drosera
en les alimentant avec diverses substances azotées organi-
ques ou minérales, par l'intermédiaire des feuilles ou des
racines et elles ne paraissent pas avoir donné des résultats
concluants en faveur de la théorie. Jusqu'ici, à notre con-
naissance, nul n'a établi l'utilité et encore moins la nécessité
d'une alimentation animale pour les végétaux insecticides.
Les faits que nous avons constatés chez les Pinguicula nous
ont convaincu que pour ces plantes, du moins, les insectes
capturés sont d'un très-faible secours économique (5). On
(1) C'est la théorie de Ch. Morren, développée, en 185:2, dans la Belgique hor-
ticole , 4852 , tome II , p. 227.
(2) Nature, 29 juillet 4875, p. 254.
l3) ÉD. Morren, Le.
( 1068 )
s'est prévalu de raffaiblissement du système radical dans les
Drocéracées, mais il n*est pas si insignifiant qu'on l'a pré-
tendu : la racine est très-notable dans le Drosera binata et
elle est normale dans le Drosera r o lundi folia. Nous avons
cité des plantes nullement carnivores qui n'ont point de
racines du tout. D'ailleurs, comme nous l'avons établi au
commencement, il ne s'agit pas d'une nutrition générale
destinée à fournir tous les matériaux nécessaires à l'orga-
nisme, mais seulement d'une source jusqu'ici inconnue et
assez insolite de l'azote organique. En admettant même
comme définitivement élabli et démontré que nos plantes
se procurent l'azole de leur albumine par une véritable
digestion, il reste non moins élabli qu'elles puisent dans le
sol les matières minérales et qu'elles absorbent dans
l'atmosphère l'acide carbonique qui doit être soumis à l'éla-
boration chlorophyllienne et fournir le carbone des com-
posés ternaires.
Dans Pétat actuel de la théorie, on peut seulement
admettre que le pouvoir insecticide fournit aux végétaux
qui en sont pourvus un surcroît de matières azotées : on
peut même s'étonner des faibles dimensions de nos Drosera
et de la Dionée relativement à la masse nutritive que leurs
victimes devraient leur apporter (i).
(1) Note ajoutée pendant l'impression. — Notre honorable collègue
M. Catalan a bien voulu nous communiquer la note suivante qui pré-
sente un véritable intérêt historique et bibliographique. Il a extrait
des Œuvres de Diderot (1873, t. IX, p. 237) le passage suivant:
« Plante de la Caroline appelée Muscipula Dionaea , a ses feuilles éten-
dues à terre, par paires et à charnières; ces feuilles sont couvertes de
papilles. Si une feuille se pose sur la feuille, celte feuille est sa compagne,
se ferme comme Ihuitre, sent et garde sa proie, la suce et ne la rejette
que quand elle est épuisée de sucs. Voilà une plante presque Carnivore. »
a Je ne ne doute point, continue Diderot, que la Muscipula ne donnât
( i069 )
DEUXIÈME PARTIE.
LA MOTILITÉ.
Classificalion; mouvements physiques, organiques, excités, provoqués, instinc-
tifs. — Mécanisme. — Irritation : localisation, spécialisation. - Siège du mou-
vement, rapidité; indépendance. - Théorie des mouvements provoqués : agré-
gation du protoplasme; contraction des cellules: Déshydratation. - Propagation,
transmission , communication. — Organes de la transmission. — Vitesse de
transmission. ~ Énervation. - Anesthésie. - Chlorhydrate de morphine. —
Curare. — Action de l'électricité; thermo-électricité; courant électrique.—
Conséquences. — Mouvements instinctifs : Zoospores; Lianes. — Conclusion.
Jusqu'ici nous avons considéré dans les plantes insecti-
cides les phénomènes de la nutrition : ils ne sont pas les
seuls qui les rapprochent des animaux. Quelques-unes
d'entre elles manifestent des actes de mouvement, d'irri-
tabilité et de sensibilité qui sont d'un ordre plus élevé dans
la série des phénomènes biologiques. Ce sont les Droséra-
cées et jusqu'à un certain point les INépenthes. A ce point
de vue nouveau l'horizon s'élargit : le règne végétal offre
un grand nombre de manifestations évidentes d'une acti-
vité que l'on croyait propre aux animaux.
Classification. — Pendant trop longtemps on a con-
fondu dans un déplorable désordre tous les phénomènes
à l'anal^'se de l'alcali volatil, produit caractéristique du règne animal. «
Le manuscrit de Diderot date, paraît-il, de 1762. L'éditeur, M. As-
sézai, ajoute en noie : « La Dionée attrape-mouches est encore de temps
à autre l'objet d'expériences de la part de nos savants. A-ton fait celle
qu'indique Diderot? »
Celte expérience n'aurait pas la portée que lui attribuait Diderot, mais
elle était fort judicieuse pour l'époque où elle a été proposée.
( 1070 )
de motilité, toutes les manifestations dynamiques que pro-
duisent les plantes. 11 y a lieu cependant de les classer
d'après leur siège, ou suivant leur but et surtout de dis-
tinguer les divers facteurs de ces mouvements.
Mouvements physiques. — H y a des mouvements pure-
ment physiques qui dépendent de quelque disposition
mécanique propre aux organes ou aux tissus; tels sont les
étamines des Kalmia ou les capsules du sablier des An-
tilles, certains déplacements qui dépendent de l'hygrosco-
picité dans le Finiaria hygromelrica, la Rose de Jéricho,
les Helychrysum, etc., et maints phénomènes de dissémi-
nation du pollen ou des graines.
Mouvements organiques. — Il y a ensuite des mouve-
ments organiques inhérents aux êtres vivants dont l'acti-
vité consiste essentiellement, comme nous l'avons fait
voir (J), à transformer la chaleur des combustibles organi-
ques en phénomènes de mouvement. Ici se présentent
l'accroissement, la rotation du protoplasme, la circulation
de la sève, la migration des principes alimentaires, tous
les transports matériels qui se rattachent à la tension des
tissus, à la turgescence des cellules considérée en elle-
même, dans ses variations, dans ses relations et dans ses
effets. Sans nous y arrêter, nous rapporterons seulement
une expérience de Clark sur la force expansive de la
Courge, qui, en se développant sous un manomètre, sou-
leva successivement des poids de 60, 500, 1,400 et jusque
5,000 livres (2). On y rattache l'émanation aqueuse, l'an-
thèse des fleurs , etc.
(4) ÉD. MORREN, Énergie de la végétation.
(2) Gardener's Chronicle, 1875. 42 juin, p. 747.
( 107i )
Mouvements excités. — Vient ensuite une troiv«;ième
catégorie de mouvements qui touchent de près aux précé-
dents, mais qui, sans être aussi inhérents à l'organisme
sont toutefois inévitables : ce sont les mouvements excités
par un agent cosmique, parmi lesquels viennent se ranger
les phénomènes d'héliotropisme et de géotropisme des
tiges, des racines et des feuilles; certains mouvements pé-
riodiques qui semblent commandés par les variations de la
lumière ou de la chaleur, comme le sommeil des plantes-
On connaît d'ailleurs chez les végétaux supérieurs de
véritables mouvements involontaires, spontanés et pério-
diques qui dépendent d'une cause interne, comme les
pleurs ou les pulsations de certaines Aroïdées, l'agitation
de VHedysarum gyrans et du Megaclinium falcalum.
Mouvements provoqués. — La catégorie des mouve-
ments provoqués ressemble le plus aux mouvements qu'on
appelle volontaires chez les animaux :ce sont des mouve-
ments consécutifs d'une irritation, provoquée ordinaire-
ment par un contact; on les voit dans les feuilles sensi-
lives, les élamines de Berberis, de Mahonia, des Spamannia,
des Synanthérées, les stigmates des Scrophulariacées.
La manifestation la plus simple est la contraction d'une
cellule de JSitella sous la piqûre d'une épingle ou bien celle
d'une feuille de Schinus Mulli au contact de l'eau. Ces
mouvements sont liés à une véritable irritabilité végétale,
bien supérieure à la simple excitabilité générale des tissus
vivants. Ils peuvent, par exemple, chez le Mimosa pu-
dica, etc., se manifester chez des plantes où se produisent,
en outre, des mouvements spontanés de veille et de som-
meil et qui ont ainsi une motililé complexe qu'il importe
d'analyser.
( 1072 )
Mouvements instinctifs. — Chez quelques plantes enfin,
on voit se produire certains mouvements extraordinaires
qui intéressent de très-près leur existence et qu'on appel-
lerait volontiers des moxwements instinctifs, si on les
voyait exécutés par les animaux : ce sont des mouvements
qui semblent acquis pendant la grande lutte pour l'exis-
tence, développés par la sélection et invétérés par ata-
visme : les uns intéressent la nutrition, les autres la pro-
pagation; ils en est de partiels, d'autres sont généraux.
Nous rangeons ici le volubilisme des tiges ou des vrilles,
la nutation de ces organes, certains mouvements sexuels
(Ruta, Nigella), l'agitation des zoospores, des phytozoaires
et de maints hydrophytes. Comme procédé, ils participent
de tous les mouvements précités, mais comme valeur phy-
siologique, ils élèvent presque les plantes à la hauteur des
fonctions de relation par la manifestation d'instincts et de
discernement.
Les mouvements des Droséracées supérieures sont de la
catégorie des mouvements provoqués ; en les étudiant, on
reconnaît certaines ressemblances avec les mouvements
des animaux.
Mécanisme. — Le mouvement du Drosera consiste dans
une incurvation des tentacules, accompagnée pendant la
digestion d'un léger exhaussement des bords de la feuille.
Celui de la Dionée est beaucoup plus perfectionné; on peut
distinguer le rapprochement soudain des valves, l'entre-
croisement des cils, et, s'il y a digestion, la compression
graduée des deux valves.
Irritation. — Les mouvements provoqués n'ont lieu
qu'à la suite d'une irritation qui résulte, en général, d'un
( 1075 )
choc, d'un contact, un ébranlement, une piqûre, une brû-
lure. On provoque les mouvements de la Sensitive, en diri-
geant sur un point du leuillage le foyer d'une lentille
biconvexe. Si l'on pique une cellule de Nitella avec la
pointe d'une aiguille, elle se contracte et s'affaisse. Une
trappe de Dionée , rapporte M. Balfour, se ferme aussi
vivement au contact d'une goutte de chloroforme que le
ferait notre paupière.
Localisation. — La sensibilité est d'ailleurs localisée :
souvent le tissu cellulaire irritable est celui-là même qui
exécute le mouvement, comme les vrilles, les filets slami-
naux des Cynarées, etc. On peut remarquer que la sensi-
bilité réside, en général, dans le tissu qui pendant le mou-
vement devient concave, par exemple la partie inférieure
du principal pulvinule des Sensitives, la face interne des
étamines de Berberis. Mais il arrive aussi que le tissu ca-
pable de recevoir et de transmettre l'irritation est d'instinct
du tissu motile et ne manifeste lui-même aucun mouve-
ment propre : c'est le cas chez les Droséracées supérieures.
Déjà, dans nos Drosera on voit, quand les papilles mé-
dianes reçoivent une irritation appropriée, les tentacules
marginaux s'infléchir, principalement à leur base. Mais
dans la Dionée, cette différenciation atteint le plus haut
degré de perfection : il existe, comme Ellis l'a constaté le
premier, sur chaque lobe du piège, trois papilles tactiles,
disposées en triangle, longues d'un ou deux millimètres,
ordinairement dressées, articulées à leur base et par suite
couchées sur les valves pendant l'occlusion, d'ailleurs
molles et délicates, exclusivement formées de cellules dans
lesquelles on ne voit rien de particulier. Ces palpes sont du
sommet à la base d'une exquise sensibilité; au moindre
f ^074 )
attouchement, le piège se ferme vivement, comme une
trappe dont on aurait lâché le ressort. Le reste de l'appareil
est impassible au toucher, mais ces six papilles sont dispo-
sées de telle sorte qu'un insecte en passant ne peut guère
éviter de les frôler, ce qui détermine sa capture.
Spécialisation. — Le genre de contact nécessaire pour
produire une irritation suivie de mouvement est loin d'être
indifférent. La Dionée, dont les cordes sensibles vibrent
au moindre attouchement d'un corps solide, demeure indif-
férente quand le vent l'agite ou qu'elle est fouettée par la
pluie. Il en est de même pour certaines vrilles, tandis que
les étamines de Berberis se relèvent sous le souffle de
l'air, mais sont insensibles aux attouchements des petits
insectes qui fréquentent ces fleurs. On sait que les vrilles,
au moyen desquelles beaucoup de lianes s'élèvent et se
soutiennent droites, tant qu'elles ne rencontrent pas le
support qu'elles cherchent, s'entortillent rapidement dès
qu'elles l'ont rencontré; elles aussi sont irritables par la
face qui devient concave. M. Darwin a montré, dans un
ouvrage dont il vient de donner il y a quelques jours une
nouvelle édition (1), que parmi ces vrilles il en est qui
sont irritées par de minces filaments, d'autres au contact
de poils raides, quelques-unes enfin ne sont aff"ectéesque
par une surface lisse ou bien rugueuse. Aux Drosera il
faut un contact prolongé pour provoquer la flexion des
tentacules: de simples attouchements ne leur suffisent pas,
à moins, et ici, le merveilleux reparaît, que leur sensibi-
lité ne soit surexcitée par les matières azotées : la moindre
[\) The Movements and Habits of CUmb'mg Plants.
( i075 )
parcelle de ces matières les met en alerte; il suffît même
de doses ultra-homœopalhiqnes. Darwin assure qu'il suffit
de 0"'^000095 (95 millionièmes de milligramme) de nitrate
d'ammoniaque pour que la tïexion ait lieu, tandis que des
corps inertes, le sable ou le papier laissent la plante en
général fort indifférente. Un phénomène analogue se pro-
duit chez la Dionée : elle se ferme sous un attouchement
fortuit ou au contact d'une substance indigeste , mais cette
irritation factice est de courte durée; l'occlusion cesse
après vingt-quatre heures, tandis qu'au contact d'une
matière albuminée et fraîche, l'irritation va en augmen-
tant et l'appareil ne s'ouvre qu'après la digestion.
Siérje du mouvement. — Le siège du mouvement,
l'organe de la motilité dans les plantes irritables consiste
toujours en simples cellules, auxquelles on n'a reconnu
jusqu'à ce jour aucun caractère particulier : les méats
inter-cellulaires ne paraissent ni plus ni moins nombreux
que dans les autres tissus. Celui-ci est toujours parenchy-
mateux, peu fibreux, mais en général très-vasculaire. Il
forme la substance même de tout l'organe, comme les
filaments des Cynarées, les stigmates des Mimules, ou les
tentacules des Drosera, ou bien il est mieux différencie,
par exemple, à la face interne des étamines de Berberis,à
la face inférieure du bourrelet primaire de la Sensitive et
autour de la côte médiane des trappes de Dionée : chacun
de ces groupes de cellules joue le rôle d'un muscle. Il
semble, à considérer le règne végétal dans son ensemble,
que tout tissu cellulaire puisse devenir motile sous l'in-
fluence de quelque excitation: ainsi dans la Dionée, le
bord des lobes, qui porte les cils, s'infléchit pour fermer le
grillage et toute la face supérieure des lobes peut entrer
en activité pendant qu'ils agissent comme estomac.
( 1076 )
Rapidité. — Les mouvements provoqués sont, souvent,
brusques et assez rapides, comme ceux de la Sensitive, du
Berberis, des Cynarées et de la Dionée; d'autres sont un
peu plus lents, comme ceux des Drosera et de la plupart
des vrilles. Quand ces mouvements sont momentanés, on
remarque que le retour à la position de repos est, en gé-
néral, beaucoup plus lent que le mouvement adducteur.
L'anatomie montre d'ailleurs que le tissu cellulaire qui
agit dans ce sens est aussi le plus prépondérant.
Indépendance. — On peut remarquer que ces mouve-
ments sont indépendants des phénomènes de croissance :
ils sont accomplis par des organes complets, arrivés au
terme de leur développement. La tension générale, à
laquelle tous les tissus sont soumis pendant leur période
d'activité, est tout à fait hors de cause ici, de même que
ses variations périodiques constatées par MM. Hoffmeister,
Sachs, Kraus, etc.
Les mouvements provoqués ont lieu à toute heure du
jour et même de la nuit, au moins quand ils ne sont pas
compliqués par des mouvements périodiques d'une tout
aulre nature. Ils ne sont pas moins indépendants de la
lumière et de la chaleur, bien entendu , dans les limites de
la phototonie et de la thermotonie générales. Ce sont bien
des mouvements propres et fonctionnels.
Théorie des mouvements provoqués. — Nous avons dit
que nul caractère istologique ne différencie ni le tissu irri-
table, ni le tissu motile; ses cellules contiennent le plasma
ordinaire des cellules parenchymateuses, des grains verts,
de l'amidon ou d'autres granulations qui varient suivant
les plantes.
Néanmoins des progrès ont été réalisés dans la voie qui
( 1077 )
conduit à la connaissance de la mécanique des mouve-
menls provoqués, les seuls dont nous nous occupions ici.
Agrégation du protoplasme. — La première découverte
est un changement d'état du protoplasme qui semble aban-
donner les parois des cellules pour se rassembler autour
de Taxe principal. C'est ce que Darwin a nommé l'agréga-
tion du protoplasme : dans les conditions normales, elle
précède et accompagne toujours la flexion des tentacules
de Drosera et, réciproquement, dès que le protoplasme
reprend sa fluidité habituelle, le tentacule se redresse.
L'état d'agrégation s'observe aussi dans les tentacules qui
se meuvent sous l'influence d'une irritation transmise. Il
arrive toutefois que certaines substances provoquent
l'agrégation sans qu'il y ait flexion. M. Heckel, de Mont-
pellier, a décrit le même fait (1) dans les étamines du Ber-
heris : a Avant l'excitation, le contenu de leurs cellules,
coloré en jaune, est disséminé dans toute la cavité utri-
culaire et surtout appliqué sur les parois..., tandis qu'après
l'irritation ce même contenu... ramené des différents
points de la circonférence est condensé au centre de
Tutricule. » Nous avons le devoir d'ajouter que jusqu'à
l'heure actuelle les observations relatives à la connexité
de cet étal d'agrégation du protoplasme avec le mouvement
de la cellule sont peu nombreuses.
Contraction. — Un second fait , sur lequel les données
scientifiques sont déjà plus concordantes, est celui d'une
contraction dans les cellules motiles qui se raccourcissent
dans le sens du mouvement en même temps qu'elles s'élar-
(1) EDOUARD HjiCKEL, Du mouvement végétal, 1873.
( i078 )
gissent ou s'épaississent dans le sens transversal. Les cel-
lules en état de tension pendant le repos se contractent
plus ou moins vile sous Tinfluence de l'irritation reçue.
M. Cohn, de Breslau, est, pensons-nous, le premier qui
ait introduit cette donnée dans la science (1) par ses obser-
vations sur les filets irritables des Cynarées. Ces organes
se raccourcissent en moyenne, d'après Cohn, de 12p. c.
et, suivant Unger , même de 26 p. c. : ils offrent à l'étude
un intérêt particulier parce que toutes leurs cellules se
contractent. M Pfeffer et d'autres ont constaté aussi une
diminution d'étendue suivant le sens longitudinal sur la
partie active des pulvinules de Sensitive et d'Oxalis (2).
Les observations de M. Heckel sur le Berberis sont con-
cordantes (3) : il constate dans les cellules une contraction
d'un sixième de la longueur et même des plis transver-
saux sur la membrane, a Pendant qu'il se raccourcit, dit
M. Heckel, le filet des étamines de Berberis augmente
d'épaisseur : c'est le diamètre antéro-postérieur qui aug-
mente d'un demi-millimètre environ. » M. Darwin {/. c,
316) a mesuré la contraction dans le sens transversal sur
le tissu contractile de la Dionée ; il a constaté que deux
points marqués à une dislance de 17/1000 de pouce
s'étaient rapprochés, après l'irritation, de 2/1000 de pouce
(0""'0o08); il a mesuré aussi la contraction qui se produit
sur les valves mêmes pendant qu'elles pressent sur le bol
alimentaire. D'un autre côté, M. Balibur s'est assuré que
si l'on coupe une tranche, qui peut être assez épaisse, sur
la portion inférieure de la charnière, le mouvement n'est
point enrayé.
(1; Cohn, Contractile Gewebe in Pftanzenreich, 1861.
(2) J. Sachs (Van Tieghem! , pp. 1043 et 1044.
(3) ÉD Heckel, Du mouvement végétal, 1873.
( 1079 )
En général, la contraction est momentanée; les tissus
reviennent lentement à leur état normal de tension quand
Torgane reprend sa position de repos. Dans la plupart des
cas, la Scnsilive, le Berberis, etc., l'action du tissu mo-
teur est contre-balancée et secondée par un autre amas
cellulaire ordinairement antagoniste et qui agit en sens
inverse du premier, mais avec plus de lenteur et moins de
force; parfois ce tissu opposé demeure passif, et il arrive
aussi, dans les vrilles notamment, que l'état contracté
devienne permanent par la consolidation de l'organe (1).
Cobn avait comparé les cellules contractiles aux fibres
lisses des animaux. Sans atteindre ce degré d'organisation,
ces cellules manifestent incontestablement des phéno-
mènes plus élevés que ceux du protoplasme général. Le
docteur Burdon Sanderson (2) n'hésite pas à reconnaître
que la ressemblance entre la contraction d'un muscle et
celle de la Dionéeest complète, étonnante et d'autant plus
absolue qu'on la poursuit plus loin. On sait que, pendant
la contraction , le volume du muscle n'est pas modifié;
ainsi dans les insectes, dont on peut observer les contrac-
tions sous le microscope , on voit que les plus petites fibres
participent au changement de forme.
Déshydratalion. — Un troisième principe qui ressort
des observations les plus récentes, c'est que la contrac-
tion des cellules est accompagnée d'une expulsion d'eau.
M. Briicke a remarqué la (laccidité de Torgane moteur de
la Sensitive pendant la contraction. M. Lindsay a constaté
l'obscurcissement de ce même organe. M. Pfeffer surtout
(i ; De Vries- — J. Sachs (Van Tieghem^ , p. 1021.
{% Proc. Rey. Soc, vol. XXI, p. 49o. - Nature, 4874, pp. 105 et 127.
( 1080 )
a démonlré l'expulsion de l'eau à chaque contraction. On
en a conclu à une déshydratation de la cellule active :
l'eau passerait dans les méats, serait transnoise par les
vaisseaux ou recueillie momentanément par les tissus voi-
sins, de préférence par ceux-là mômes qui agissent comme
des ressorts antagonistes. On explique le retour à l'état de
tension normale par la récupération lente de l'eau brus-
quement expulsée au moment de l'irritation.
La théorie de l'hydratation, inaugurée, pensons-nous,
par M. Hofmeister, soutenue par M. Pfeffer, est fondée
sur des faits indubitables et bien observés, mais il n'est
pas moins incontestable que, seule, elle est insuffisante
pour expliquer l'ensemble des faits connus : elle rattache
les mouvements provoqués aux mouvements généraux qui
sont en rapport aeec la tension des tissus, mais elle néglige
précisément les caractères propres des mouvements pro-
voqués.
Tissu passif, — Un quatrième principe sur lequel il ne
saurait plus y avoir de désaccord, c'est que, dans les or-
ganes motiles, il faut distinguer des tissus actifs et des
tissus passifs : sans entrer dans des détails, il semble vrai
de dire, en thèse générale, que l'organe actif est le tissu
cellulaire, tandis que les faisceaux et l'épiderme sont à
l'état passif. Ce principe s'étend aux végétaux inférieurs
chez lesquels la différenciation n'a pas eu lieu et il s'ac-
corde avec l'observation que les dépendances de l'épi-
derme, c'est à-dire les vrais poils, sont inactives.
Propagation. — Quand la sensibilité et le mouvement
sont confondus dans le même tissu, l'irritation reçue par
un point de l'organe se propage dans tout l'organe con-
( 1081 )
tractile. Cette propagation rayonne dans tons les sens ;
ainsi, si l'on irrite un point sensible du pulvinule de la
Sensilive, on voit les effets de la contraction, l'obscurcis-
semeiil causé par le fUix d'eau dans les méats, se propager
autour du point touché (1). Le muscle interne du Berberis,
les filets des Centaurées, le stigmate des Mimules, font
voir la même propagation radiale.
Transmission. — Quand l'organe sensitif est séparé de
l'organe molile, l'irritation est transmise de l'un à l'autre.
Dans la Sensiiive, où la sensibilité existe même en dehors
du tissu contractile, il suffit de toucher une foliole à l'ex-
trémité pour qu'elle se relève par une contraction de la
base. Chez le Drosera une irritation sur la feuille est suivie
d'une (lexion des tentacules marginaux. Quant à la Dionée ,
les deux facultés sont le mieux séparées. Dans tous les
cas, la transmission se fait dans le sens des rayons et
selon toutes les directions.
En effet, il suffît de toucher un des six filaments tac-
tiles pour provoquer la fermeture des deux lobes et l'abais-
sement du grillage périphérique. M. Darwin a étudié les
principales circonstances de la transmission par des expé-
riences délicates où il incisait les tissus de la Dionée entre
le palpe et la charnière. Il ressort de ces expériences,
comme des faits précités, que l'impulsion motrice circule
dans toutes les directions et qu'elle peut atteindre l'organe
moteur par une voie indirecte ou détournée.
Communication. — Il y a plus encore : l'irritation peut
se communiquer d'un organe moteur à un autre organe
(1) Pfeffer. - Sachs (V. T.), p. 1044.
2""' SÉRIE, TOME XL. 69
( 108^2 )
moteur : ainsi, dans la Sensitive, une irritation suffisante
se transmet, à des intervalles déterminés, d'une foliole
aux autres folioles, à toute la feuille et même à toutes les
feuilles de la plante. Les circonstances de cette communi-
cation sont des plus intéressantes. Chez les Cynarées le
mouvement d'une étamine peut déterminer le mouvement
des autres : dans les stigmates motiles et dans la Dionée,
le mouvement d'une valve se communique ordinairement
à l'autre valve. Il peut en être autrement : ainsi , pendant
les expériences de vivisection sur la transmission du sti-
mulus moteur, il arrivait que le lobe opéré, dont on exci-
tait ensuite le palpe, semblait paralysé, tandis que l'autre
lobe se mettait en mouvement. Quelquefois c'est le con-
traire qui avait lieu (Darwin, /. c). Il en résulte que le
mouvement est indépendant dans chaque lobe de la Dionée
et qu'une mutilation, suffisante pour abolir le mouvement
dans un lobe, n'empêche pas la transmission du stimulus,
qui va exciter le mouvement dans le lobe opposé. On sait
aussi que le mouvement peut être restreint à l'une ou
l'autre extrémité de chaque lobe.
Organe de la transmission. — L'organe de la transmis-
sion paraît être encore le tissu cellulaire, quel qu'il soit,
superficiel ou profond et qui ne se distingue par aucun
signe anatomique connu. Notre opinion se fonde sur des
faits probants. Ainsi les papilles sensitives de la Dionée
sont exclusivement cellulaires (!) : il suffit d'effleurer les
poils des étamines de Cynarées pour mettre celles-ci en
mouvement (2); de même dans la Mimeuse pudique, l'épi-
derme et les poils des bourrelets reçoivent et conduisent
l'irritation.
(1) Balfour , Dajkwin.
Ci) Heckel. p. IU8.
( 1083 )
Sans doute la fréquence des trachées dans les organes des
raouvemenls provoqués, leur grand nombre, leur réparti-
tion, leur structure en ressort, le rapport entre le nombre
des trachées et l'énergie du mouvement sont des considé-
rations qui peuvent faire naître la pensée de leur attribuer
un rôle dans la transmission du stimulus. C'est l'opinion de
M. Heckel (1) et de M. Ziegler (2), mais elle manque de
base positive. Elle est contredite par les faits précités et,
de plus, M. Darwin s'est assuré, par ses vivisections, que,
chez la Dionée, la transmission est tout à fait indépen-
dante des trachées.
Vitesse de transmission. — La vitesse de transmission
ou le temps qui s'écoule entre l'irritation et le mouve-
ment varie suivant les espèces et jusqu'à un certain point
suivant les circonstances et l'état de la plante. II est très-
court dans la Dionée, l'Épine-vinette, les Cynarées, mais
parfaitement appréciable : il varie entre une et plusieurs
secondes dans la Sensilive et dans les stigmates de la série
des Scrophulariacées; quant aux vrilles, il en est qui se
meuvent après trente secondes ou quelques minutes, d'au-
tres après une demi-heure ou plusieurs heures. Le Drosera
rotundifolia est assez paresseux, mais le Drosera binata
est plus vif et il a terminé l'inflexion des tentacules ordi-
nairement en deux minutes et demie après l'irritation. Il
résulte des observations connues sur le Drosera et le
Dionaea que la transmission est plus rapide et mieux as-
surée dans le sens de l'axe principal des cellules. Darwin
(i) Heckel, p. 93.
(2) Ziegler, Comptes rendus, 48 mai 1874. p. 1417.
( 1084 )
voit dans ce fait un indice prémonitoire d'une fibre ner-
veuse (1).
Énervation, — Jusqu'ici l'observation n'a rien révélé
dans les tissus irritables qui ressemble au tissu nerveux et
rien n'autorise à admettre l'existence d'une substance ner-
veuse vaguement répartie. Cependant il se passe quelque
chose d'analogue aux fonctions des nerfs. Outre l'irritation,
la différenciation des impressions, leur transmission et le
temps qu'elle réclame, nous pouvons invoquer une vérita-
ble énervation, un état de fatigue qui abolit le mouve-
ment. Cet état bien connu, mais mal apprécié, les uns (2)
l'appellent accoutumance, les autres état de rigidité tran-
sitoire (3). Il consiste dans l'abolition des mouvements à
la suite d'excitations réitérées. L'observation de Desfon-
taines sur les Sensitives qu'il a fait rouler en voilure sur le
pavé de Paris, est devenue classique (4). De même les éta-
mines de Berberis semblent épuisées après onze ou douze
contractions réitérées, parfois même après quatre ou cinq
contractions, si l'on n'attend pas la fin de l'expansion
(Heckel). Après une digestion laborieuse, la Dionée de-
meure pendant quelques jours impassible aux excitations
même les plus appétissantes; elle semble plongée dans un
véritable état de torpeur. Appliquant à cet ordre de faits
un des raisonnements à l'aide duquel Tyndall et d'autres
ont popularisé la théorie mécanique de la chaleur, nous
:1) La durée du mouvement , sa vitesse, son amplitude et la durée de l'élaJ
contracté, pourraient aussi être prises en considération.
(2j Heckel, etc.
(3) Sachs , etc.
(4) Voy. Ch. Morren, Bull, de l'Acad., \iii\ , VIII . 2. p. 232 et Dodonœa,
I, 14o.
( 1085 )
croyons pouvoir conclure que quelque chose s'épuise dans
un organe irrilo-contractilc. En effet, le D*" Burdon San-
derson définit Virrilabilité la propriété d'un organisme,
c'est-à-dire du protoplasme vivant, d'être excité à agir,
c'est-à-dire à mettre en œuvre la force accumulée en lui,
par quelque mouvement ou quelque changement extérieur.
Il constate que la contractilité est la forme, l'état de cette
décharge, ou l'action qui se manifeste par un changement
de forme et qui ordinairement se traduit par un travail
mécanique. Il compare cette irritabilité, commune à tous
les êtres vivants, dans ses manifestations les plus simples,
à la propriété des composés explosibles et à certaines dis-
positions mécaniques, telles que les trappes ou les pièges.
On peut remarquer que dans les vrilles la sensibilité
est momentanée; elle disparaît quand ces organes sont
fixés et quand ils vieillissent. Elle dépend aussi de la santé
générale de la plante; de sa tonalité à l'égard de la chaleur
et de la lumière. C'est ainsi que les circonstances fâcheuses
qui affectent, suspendent ou abolissent la nutrition géné-
rale, comme l'obscurité, le froid, la sécheresse, intéres-
sent en même temps la sensibilité. On possède un grand
nombre de données sur l'influence de diverses substances
chimiques (1). Il en est qui semblent la surexciter, comme
le camphre à l'égard des tentacules du Drosera : un éclai-
rage prolongé agit souvent dans le même sens» Il n'est pas
inopportun d'ajouter encore que ces mouvements résis-
tent au traumatisme; les étamines des Cynarées et des
Berberis, les stigmates de Mimulus, les feuilles de Dionée,
les pulvinules des Mimosa ne cessent pas d'être irritables
après avoir été détachés et même lacères, pourvu qu'on les
(1) Sachs, p. 1037. — Heckel.
( 1086 )
maintienne à l'état d'humidité nécessaire. Au contraire,
dans les gaz asphyxiants, l'hydrogène ou l'azote, dans le
vide, la motilité est abolie ou au moins suspendue.
Anesthésie. — L'action des anesthésiques est la plus
intéressante : les vapeurs de chloroforme paralysent la
Sensitive dans la position même où ils la trouvent, c'est-à-
dire avec les folioles étalées ou relevées. M. P. Bert (1) a
fait cette importante observation que le chloroforme ou
réther abolit l'irritabilité de la Sensitive, sans affecter en
elle les mouvements spontanés. Le résultat est le même
quand la plante est soumise à une obscurité absolue et
suffisamment prolongée, tandis qu'un éclairage continu
augmente l'irritabilité et abolit les mouvements spontanés.
D'après Pfeffer (2) on peut, par un anesthésique, paralyser
les folioles médianes d'une feuille de Sensitive, sans em-
pêcher l'irritation de passer des folioles terminales jusqu'à
la base de la feuille et de là aux feuilles voisines.
M. Heckel a observé l'action des anesthésiques sur les
étaniines de Berberis : il a vu agir dans ce sens le chloro-
forme, l'éther sulfurique et le sulfure de carbone : il dit
avoir obtenu un sommeil manifeste sur des rameaux plon-
gés dans 40 grammes d'eau additionnés de 5 grammes de
chloroforme (3), tandis que le chloral hydraté agirait seu-
lement s'il est transformé en chloroforme par l'action de
la soude. Mais chez cette plante l'aneslhésie des étamines
ne se manifeste que dans la position de repos. Si les va-
(1) p. Bert, Recherches sur les mouvements de la Sensitive, Journ. d'Anat.
de Ch. Robin , 1867 , p. 549.
(2) \V. Pfeffer, Dieperiod. Beweg. der Blattorgane, 1875.
(3) Comptes rendus. 23 mars 1874.
( 1087 )
peurs de chloroforme les trouvent dressées contre le pistil,
elles s'abaissent lentement et quand elles se couchent sur
leur pétale opposé, on les trouve endormies : les irrita-
tions sont sans effet jusqu'à ce que ce sommeil léthargique
soit dissipé. On peut de même endormir l'androcée des
Cynarées et le stigmite des Mimulus. Les expériences de
M. Darwin sur le Drosera et sur la Dionée n'ont pas donné
de résultats concluants (1) : l'action de l'éther a paru plus
efficace que celle du chloroforme. On sait que ces sub-
stances abolissent les mouvements du protoplasme et des
cils vibraliles. M. Mussat (2) a décrit la contraction du
plasmode cellulaire au contact du chloral hydraté.
Chlorhydrate de morphine. — M. Heckel (3) a eu l'ingé-
nieuse idée d'expérimenter l'effet du chlorhydrate de mor-
phine sur une fleur de Berberis endormie par le chloro-
forme : il laissait tomber dans cette fleur une goutte de
solution aqueuse concentrée , soit un demi-milligramme de
narcotique et, quand l'absorption avait pu se faire à la
suite de quelques entailles dans l'épiderme, l'assoupisse-
ment se prolongea, paraît-il, pendant quinze minutes et
même durant tout un jour.
Curare. — Nous connaissons une seule expérience pour
apprécier l'action du curare sur les mouvements provo-
qués (4) : cet agent serait sans effet. M. Schnetzler, qui en
(1) Darwin, /. c.,217, 304.
'% bail, de la Soc. Linnéenne de Paris; mars 1874.
(8) E. Heckel, Comptes rendus, 6 avril d874, p. 987 et du Mouvement végé-
/«/, 187o,p. 70.
(4) SCHNETZLER, Bull.de la Soc. Vaud. des sciences nat., X. d'après le Bull-
Soc bot. France, 1869, XVI. R. B. 214.
( i088 )
est l'auteur, fait justement remarquer que le curare ne dé-
truit pas non plus la contraclilité ni le mouvement du sar-
code animal.
Action de Véleclricilé. — L'action de l'électricité sur les
mouvements des plantes a pu être appréciée depuis les
perfectionnements apportés dans la fabrication des appa-
reils à induction (1). En se servant des courants induits
donnés par la pile de Ruhmkorff , au bisulfate de mercure,
M. Heckel a constaté qu'un courant faible (26 à 29" de
l'électromètre) provoque la contraction des étamines de
Berberis et que a pendant tout le temps que passe le cou-
rant, le filet ne tend pas à retourner à sa position de re-
pos; il reste en contraction, et cet état peut durer long-
temps , tant que la tension du courant n'augmente
pas (2) ». Par un courant plus fort (65°) le mouvement ne
se produit plus, mais, dit M. Heckel, comme Kabsch l'avait
vu, l'excès de tension du courant détermine un état par-
ticulier qui maintient les étamines courbées après la perte
de leur irritabilité et les frappe de mort dans cet état.
Le résultat fut le même sur les étamines de Centau-
rées (5) : le mouvement se produit par un courant et la
contraction se maintient tant que le courant passe « sans
avoir la moindre tendance à revenir à leur situation pre-
mière, tant que la tension de l'électricité ne dépasse pas
une certaine limite. Il faut absolument que le courant soit
interrompu pour que l'étamine puisse reprendre sa force
contractile, et cette propriété se reconquiert après six à
[\) Heckel, Mouvemeut , pp. 56, 57.
(2) Id., ib., p. 59.
(3) id., ib., p. 147.
( i089 )
huit minutes de repos. Ce laps de temps écoulé, un nou-
veau courant détermine une nouvelle contraction et Ton
peut reproduire ce phénomène très-longtemps si l'intensité
du courant n'augmente pas inopinément, et ne dépasse pas
la limite de tension supportée par ces organes. Nous avons
continué sur un grand nombre d'étamines l'expérience
pendant un jour tout entier, sans jamais avoir observé de
diminution dans l'amplitude des mouvements. En augmen-
tant la puissance du courant jusqu'à 80° du galvanomètre,
nous avons obtenu le disparition de l'irritabilité après une
seule contraction, même sur les plus gros filets. Dans ce
cas, ces filets meurent dans la période de contraction. »
En ce qui concerne la Sensitive, un faible courant d'in-
duction, traversant le pétiole commun, rapproche les
folioles. Les chocs électriques agissent comme les ébran-
lements mécaniques et des chocs puissants anéantissent la
sensibilité (1).
Thermo-électricité. — Des manifestations thermo-élec-
triques ont été constatées dans les organes moteurs. Si
l'on applique une soudure de l'appareil thermo-électrique
de Ruhmkorff sur le pulvinule d'une Sensitive et l'autre
soudure sur un point voisin de la tige, on voit l'aiguille du
galvanomètre à gros fil, avec lequel les éléments commu-
niquent, dévier progressivement et assez rapidement pour
prendre, après quelques minutes, une position d'équilibre.
Le pulvinule est donc plus froid que la tige, il s'y opère
une consommation de chaleur.
Si l'on excite alors la feuille et qu'elle s'abaisse, on voit,
(i) p. Bert, /. c.
( i090 )
après quelques secondes, l'aiguille du galvanomètre se
mouvoir et indiquer une légère augmentation dans la tem-
pérature du pulvinule : cette déviation persiste quelque
temps, puis l'aiguille revient à son point de départ (1).
Courant électrique. — Nous arrivons enfin à la décou-
verte d'un courant électrique normal dans la feuille de
Dionée par le D"" Sanderson (2) et de sa perturbation au
moment d'une irritation ou d'une contraction, découverte
qui semble autoriser l'assimilation physiologique de Tappa-
reil molile des plantes avec un muscle animal.
On sait qu'un muscle est le siège de décompositions chi-
miques qui mettent en liberté la force accumulée dans ses
composés, à Tétat de chaleur ou de quelque autre forme
de mouvement : pendant la contraction, il se produit plus
de chaleur et même un travail mécanique. En même
temps le muscle est le siège d'un courant électrique dont
l'importance est proportionnelle à sa vigueur : ce change-
ment électrique manifesté par le courant exprime non pas
le travail actuellement fournie un moment donné, mais la
capacité pour ce travail. Pendant la contraction , la mani-
festation delà force électroraotrice diminue proportionnel-
lement au degré de la contraction sans qu'on en puisse
conclure qu'il y ait transformation d'un effet dans un
autre, ni que la source de force exercée par l'organe qui
(1) p. Bert, Note sur la température comparée de ta tige et du renflemeni
moteur de la Sensitive. Comptes rendus, 4869, LXIX, p. 895.
(2) Dr BuRDON Sandkrson. Brit. Assoc. Report, 1878. Traus. Sect., p. 133. Ou
the electric Phenomena accoiupagniug tlie contraction of the Cup oJ'Dionaea ;
Proceedings of the Roy. Soc, vol. XXI, p. 495. Lecture at the Roy. Institution,
5 juin 1874. .\ature, -1874. pp. 105 et 127. The Journal of Boiany , ïiO\. \S1S,
p. 346. Bot. Zeii. 1874, p. 6. Bull. Soc. bot. de France, 1874, R. B.. p. 146. etc.
( iOî)l )
se contracte soit électrique. On sait que le courant élec-
trique d'un muscle peut être apprécié à Taide d'un galva-
nomètre approprié qui en révèle la direction, l'intensité et
les variations. En se servant du galvanomètre de Thomson
(système de Du Bois Raymond), M. le D''Sanderson a, dans
une séance publique de la Roj/al Institution, fait voir à son
auditoire émerveillé absolument les mômes phénomènes
dans le muscle gaslrocnémicn de la grenouille et dans une
iéuille de Dionée. Après avoir déterminé le sens et l'inten-
sité du courant galvanique dans le muscle, il le remplaça
sur les deux électrodes par une feuille complète, et la
direction du courant demeura la même. Lorsque son in-
tensité parut régulière (comme on s'en apercevait par la
tranquillité de l'aiguille), on toucha légèrement un des
tentacules sensitifs avec la pointe d'un pinceau et, à l'in-
stant, il y eut une interruption du courant, bientôt suivie
d'un retour à la circulation normale. L'expérience plu-
sieurs fois renouvelée donna toujours le même résultat.
La partie de la feuille qu'on appelle le pétiole fut alors
coupée, le piège demeurant seul sur les électrodes. Dès lors
la déclinaison de l'aiguille fut augmentée, plus que dou-
blée. En effet, d'autres expériences ont montré qu'il existe
dans le pétiole un courant dirigé en sens inverse de celui
du piège : les conditions électriques sont donc en antago-
nisme dans les deux parties de la feuille, de part et d'autre
de l'articulation : elîes contrarient mutuellement la mani-
festation de la force électromotrice l'une chez l'autre. Le
docteur Sanderson rapproche cette observation de celle
connue chez les nerfs comme « variation électrotonique
du courant nerveux. » D'autres expériences l'ont conduit à
reconnaître aussi ce qu'on appelle pour les muscles « la
période d'excitation latente. i>
( 109:2 )
Conséquences. — Le doule est-il encore permis? Est-il
encore possible de croire que les végétaux sont des êtres
passifs, bornés, comme on disait, dans les limites de la vie
végétative : sont-ils les jouets des forces cosmiques!
Il faut reconnaître d'ailleurs que la Dionée est peut-être
la plante la plus merveilleuse qui soit au monde : son or-
ganisation téléologique est admirable et la différenciation
des fonctions atteint le plus baut degré de perfection. Elle
est si bien perfectionnée dans cette voie qu'elle est plus
que toute autre peut-être élevée en organisation dans le
sens zoologique. Mais elle n'est pas seule ni exception-
nelle; ce qui s'est révélé cbez elle se manifeste aussi, sous
l'une ou l'autre forme, dans d'autres plantes. Les aptitudes
dont elles sont douées ne sont pas toutes développées,soit
parce que celles qu'elles ont suffisent pour assurer leur
existence et leur progéniture, soit parce que les circon-
stances extérieures les en aient empêchées : la motilité des
feuilles, par exemple, et la nutation des tiges existent à
tous les degrés dans les plantes, même à un degré si faible
qu'il demeure seulement à l'état de puissance.
Mouvements instinctifs. — Nous avons été conduit au
point où nous sommes arrivé en étudiant les mouvements
provoqués. Il en est d'autres qui leur sont supérieurs, qu'on
a tort de confondre avec les mouvements automatiques;
ce sont des mouvements tellement invétérés qu'ils sont
devenus involontaires et spontanés : pour ces mouvements-
là l'irritation semble réellement provenir de l'organisme
lui-même : ils sont si étroitement liés à la sécurité, aux
habitudes et aux exigences de ceux qui les manifestent
qu'ils sont devenus instinctifs. On en trouve à tous les
degrés de l'échelle taxinomique.
( 1095 )
Zoospores. — Cciiaincs Algues se propagent au moyen
de cellules qui s'en séparent, s'en éloignent avec toutes les
apparences de petits animaux : on les nomme des zoo-
spores. On sait depuis peu que les zoospores ou les micro-
zoospores emportent parfois avec elles toutes les espé-
rances de la plante et qu'elles vont, loin des lieux où elles
sont nées, assurer l'existence de leur progéniture. Dans
cette occurrence, elles manilestent une étrange anima-
tion (1). La botanique est intarissable en faits de ce genre
dont la forme varie à l'infini et dont le fond est toujours
le même : la lutte pour l'existence.
Ces sortes de mouvements tiennent peut-être de trop
près à l'essence même de l'organisation : on pourrait croire
qu'ils sont obligatoires. Mais nous pouvons soutenir la
thèse des mouvements instinctifs chez les plantes à l'aide
d'arguments irréfutables.
Lianes. — Les Lianes, par exemple, même celles de nos
pays, trop faibles pour soutenir leurs tiges, savent, en s'en-
laçant autour d'un support, en se soutenant à l'aide de
vrilles ou en s'appliquant contre une paroi verticale,
s'élever à une grande hauteur pour procurer à leur feuil-
lage l'air et la lumière dont il est avide. Lorsqu'elles ont
atteint leur but, elles perdent quelquefois la qualité qui
les y avait conduits : le Lierre, par exemple, dont on a fait
l'emblème de l'attachement, quand il est arrivé assez haut
et qu'il se sent fort, change d'allure et s'éloigne du soutien
(1) Areschoug, Observationes Phytologicae, in Act. Soc. Se. Ups. -1804, d'après
W.-T. Thiselton Dyer, On the classification and sexual reproduction of Thal-
lophytes, iSm.
( 1094 )
de sa jeunesse. Un vieux lierre est le symbole de l'ingrati-
tude, mais sa vie n'est pas sans ressembler à d'autres!
Lorsque la tige d'un Houblon, d'un Chèvrefeuille, ou
d'une autre liane volubile, sort de terre, au printemps, on
peut la voir, l'extrémité courbée en crochet, tourner lente-
ment vers les points de l'horizon, comme un aveugle cher-
chant à tâtons le mur qui doit le guider. Cette nutation,
indépendante de la lumière, s'accomplit jour et nuit, et ne
cesse qu'au contact d'un corps solide: dès qu'elle a trouvé
son soutien, sur la nature duquel elle se montre plus ou
moins exigeante, la liane se tord en spirale tout en s'ac-
croissant avec une extrême rapidité.
Les mouvements spontanés des vrilles sont encore plus
étonnants que ceux des tiges : elles aussi cherchent en tâ-
tonnant le support auquel elles peuvent se fixer, mais avec
celte seule et singulière exception qu'une vrille s'enroule
rarement autour d'une autre vrille de la même plante :
leur sensibilité estexquise, leurs mouvements très-rapides;
elles se déplacent quand le support ne leur convient pas,
pour en chercher un autre plus propice; enfin, quand elles
l'ont rencontré, les unes, comme celles de la Bryone, s'en-
roulent prestement par leur extrémité, les autres, comme
celles de la Vigne vierge, se fixent au moyen de disques
ressemblant beaucoup aux ventouses des pieds de la
mouche domestique qui lui permettent de s'attacher aux
vitres et de marcher contre le plafond : toutes deux, dès
qu'elles sont ainsi fixées, de raides qu'elles étaient, se tor-
dent en hélice, par une sorte de mouvement secondaire,
de manière à se tendre et à rapprocher la tige à laquelle
elles prêtent leur secours. Il en est qui semblent confor-
mées comme le pied d'un oiseau : il faut lire dans fadmi-
( J095 )
rable ouvrage de M. Darwin les phénomènes merveilleux
que les plantes sarmenleuses ont révélés à cet habile et
perspicace observateur (1).
D'un autre côté, M. Paul Lévy rapporte (2) que dans les
forets de la Guyane, les Lianes ont de l'affinité pour cer-
tains arbres qu'elles recherchent avec affectation en évi-
tant d'autres arbres plus proches. On les voit s'écarter soi-
gneusement lorsqu'elles rencontrent sur leur route de ces
arbres ennemis, a II y a, dit M. Paul Lévy, un Ficus nommé
Malapalo (Tue-Bois) qui enveloppe de ses bras les arbres
les plus robustes et finit par les faire périr. Lorsque l'arbre
avant l'arrivée du Matapalo avait des lianes qui l'enser-
raient, rien n'est curieux comme de constater les efforts
que la liane fait pour se dégager et fuir l'ennemi mortel
avant qu'il grandisse assez pour le faire périr. C'est dans
ce cas qu'on rencontre les formes de lianes les plus tour-
mentées. D
Conclusion. — C'est pour se faire une place au soleil
que les lianes agissent ainsi, pour s'abriter, pour se nour-
rir, pour se propager, pour se défendre , pour se déplacer,
que d'autres végétaux déploient autant d'activité. Le mou-
vement est général et universel. A travers les courbes de
l'univers et les méandres de la nature, on voit bien la ligne
droite qui mène de la matière à l'intelligence. Le but est
évident; la cause est dans la grande lutte pour l'existence,
le moyen est dans les aptitudes latentes et lentement dé-
veloppées.
(1) Darwin, The Movemcnts and Habits of Climbing Plants, 1875.
[% Bull, de la Soc. bot. de France, 1869, p. 279.
( 1096 )
Les faits que nous venons de rapporter sont assez im-
portants pour que chacun puisse en apprécier les déduc-
tions et en discuter la valeur. Quant à nous, nous termi-
nerons simplement par un hommage à la science anglaise
dont le génie pratique et lucide a su , dans ces derniers
temps, jeter une vive clarté sur les problèmes les plus
obscurs des sciences naturelles.
M. le secrétaire perpétuel a proclamé, de la manière
suivante, les résultats du concours annuel de la classe et
des élections :
RÉSULTAT DU CONCOURS DE LA CLASSE POUR 1875.
La classe avait reçu deux mémoires en réponse à la
question : On demande la description du système houiller
du bassin de Liège.
Le premier porte pour devise : Omnia vincit labor im-
probus; le second les mots : La science n'est pas œuvre
d'imagination, mais d'observation, de calcul etde réflexion.
Conformément aux conclusions de ses commissaires, la
classe, dans sa séance du Jo décembre, a voté une mé-
daille d'argent à chacun des deux auteurs; elle a décidé,
en outre, que la somme de i,000 francs, affectée comme
récompense à la solution de la question proposée, serait
répartie entre les deux concurrents dans la proportion de
600 francs i)Our l'auteur du mémoire n" 1 et de 400 francs
pour Fauteur du mémoire n° 2.
L'ouverture des billets cachetés a fait connaître comme
( 1097 )
auteur du n° i , M. J. Rénier Malherbe, ingénieur des mines
à Liège, et comme auteur du n° 2, M. Julien de Macar,
ingénieur des mines, directeur-gérant des charbonnages
de Cheratte, près de Liège.
MM. Malherbe et de Macar, présents à la séance, sont
venus recevoir la récompense qu'ils venaient de remporter.
L'assemblée a accueilli cette décision par ses applaudis-
sements.
ÉLECTIONS.
La classe a eu le regret de perdre, le 15 janvier dernier,
son doyen d'âge, l'un de ses membres les plus éminents,
M. J.-B.-J. d'Omalius d'Halloy, appartenante la section
(tes sciences naturelles.
M. F. Crépin, correspondant, a été appelé, par les suf-
frages de ses confrères, à remplacer M. d'Omalius. Cette
élection sera soumise à l'approbation de Sa Majesté.
La classe a élu associé dans la même section M. Henri
Von Dechen, conseiller intime, à Bonn, en remplacement
de Sir Charles Lyell, décédé pendant le courant de l'année.
Elle a également élu associés dans la section des sciences
mathématiques MM. Rodolphe Clausius, professeur à
l'Université de Bonn, E. Chevreul, de l'Académie des
sciences de Paris, et Buys-Ballot, directeur de l'Institut
météorologique d'Utrecht, en remplacement de MM. Ar-
gelander, Lamarle et Van Rees, décèdes pendant l'année
actuelle.
Enfin , M. G. Van der Mensbrugghe, professeur à l'Uni-
2™' SÉRIE, tome XL. 70
( i098 )
versité de Gand , a été appelé au nombre des correspon-
dants de la section des sciences mathématiques et physiques
et M. Alfred Gilkinet, docteur en sciences naturelles, au
nombre de ceux de la section des sciences naturelles.
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Académie royale de Belgique. Commission royale d'his-
toire. — Compte rendu des séances, 4" série, t. III, i" Bulle-
tin. Bruxelles, 1876; in-8°.
Va?i Beneden {Éd.). — La maturation de l'œuf, la féconda-
lion et les premières phases du développement embryonnaire
des mammifères , d'après des recherches faites chez le lapin.
Bruxelles, 1875; br. in-8°.
Ministère de l'Intérieur. — Médaille commémorative : i"de
l'inauguration de la statue équestre érigée par la ville et le
commerce d'Anvers en l'honneur de feu S. M. Léopold l"
(Cil. Wiener) ; i2° de la visite de la Famille royale à Anvers, à l'oc-
casion de la démolition de la citadelle du Sud (F. Baetes) ; 5*' du
mariage de S. A. R. M'"'= la princesse Louise avec S. A. M^"" le
(lue Philippe de Saxe [Ed. Geerts). — 5 médailles de bronze.
Canneel (J.-Th.). — Explication des sujets représentés
dans les peintures murales exécutées dans l'église paroissiale
de Sainte-Anne. — Explication des peintures murales de
l'église de Burst. Gand , 1874, 1875; 2 br. in-8".
( 1099 )
Dubois [Alph.]. — Les Ié[)idoptcrcs de l'Europe, leurs che-
nilles et leurs chrysalides décrits et figurés d'après nature :
\" série, espèces observées en Belgique, liv. 67 à 78. Bruxelles,
1874-1875; 12 liv. in-8».
Godcfroy MénUgtaise [Le marquis de). —Traduction fran-
çaise avec annotations, variantes, glossaire et index delà
Chronique de Ilainaut rédigée par Gilbert, Chancelier du
comte de Ilainaut Bauduin V (1040-4195). Tomes 14 et 15
des mémoires de la Société historique et littéraire de Tournai.
— Tournai, 1874; 2 vol. in-8°.
Harlez (C. de). — Avesta. Livre sacré des sectateurs de
Zoroastre traduit du texte, tome L Introduction. — Ven-
dîdàd. Liège, 1875; vol. in-8°.
Heuschling (Xaviei-). — Recherches statistiques sur les
périodes de doublement de la population. Liège, 1873; br.
in-8°.
Journal Franklin. — Biographie d'Omalius d'Halloy.
Liège; extrait in-12.
Potvin {Ch.). — De la littérature française en Belgique
(Article de la Revue de France, 5'"'= année, 1875, t. XIV,
n°' 42, 45, 44. Paris; 5 liv. in-8"). — Les Publications belges
(Bibliographie. Article de la Revue Britannique, n"' de dé-
cembre 1874 et de juin 1875. Bruxelles; liv. et feuilles déta-
chées m-S".)
Van Baamdonck {D'' J .). — Les sphères terrestre et céleste
de Gérard Mcrcaior (1541 et 1551). S'-Nicolas, 1875; br. pet.
in-4°.
Reproduction de ces sphères à l'aide du fac-simile de leurs
fuseaux originaux, gravés par iMercator et conservés à la
Bibliothèque royale de Bruxelles. Bruxelles, 1875; atlas in-fol.
Verstraete [Ch. G.- P.). — De l'éducation des sourds-muets
en Belgique. Gand , 1875; br. in-8°.
Académie royale de médecine de Belgique. — Bulletin,
( liOO )
D"*" série, année 1875, tome IX, n"» 10 et H. Bruxelles, i875;
in-8».
Société royale des sciences médicales et naturelles de
Bruxelles. — Journal, CI™* vol., 55™* année, octobre, no-
vembre et décembre 1875. Bruxelles; 5 liv. in-8°.
Société royale de pharmacie de Bruxelles. — Bulletin ,
19™* année, novembre et décembre 1875, n°' 11 et 12.
Bruxelles; in-8°.
A7inales de médecine vétérinaire, 11™* et 12™* cahiers,
24™* année, novembre et décembre 1875. Bruxelles; in-8°.
La Presse médicale belge , 27™* année, 1875, n*"* 44 à 52;
28™* année, 1876, n" 1 à 4. Bruxelles; 15 feuilles in-4".
Annales d'oculistigvc , 11™* série, tome IV, 5™* et G™* liv.,
novembre et décembre 1875. Bruxelles; liv. in-8°.
Société royale de numismatique de Belgique, à Bruxelles.
— Revue belge de numismatique, 52™* année 1876 , 1" liv;
Bruxelles; in-S".
Commissions royales dart et d'archéologie. — Bulletin,
XIV™* année, 1875, n°^ 7 et 8. Bruxelles , 1875; \n-H\
Société enlomologique de Belgique à Bruxelles. — Compte-
rendu, série II, n"' 18, 19 et 20, novembre et décembre 1875.
Bruxelles; feuilles in-8°.
Société malacologique de Belgique à Bruxelles. — Procès-
verbal, séances d'octobre, de novembre et de décembre 1875.
Bruxelles; feuilles in-8".
Musée de l'industrie de Belgique à Bruxelles. — Bulletin ,
54™* année, tome 68, octobre, novembre et décembre 1875.
Bruxelles; 3 liv. in-8°.
Moniteur industriel belge, vol. Il, 1875, n"' 56à6i.
Bruxelles; 9 feuilles in-4".
Annales des travaux publics de Belgique, lome XXXIII,
2™* cah. Bruxelles, 1875; in-8°.
Recueil des rapports des secrétaires de légation de Bel-
( 1101 )
tjique , tome II, 12"" liv., décembre 1875. Briixclles ; in-8°.
Le Bibliophile, belge y 18""' année, 1875, liv. 5 à 10.
Bruxelles; feuilles in-8°.
Bibliographie de la Belgique, r* année, n"' 10 et il,
octobre et novembre 1875. Bruxelles; feuilles in-8°.
Analectes pour setvir à l'histoire ecclésiastique de la Bel-
gique, tome XII, 1875, 5"" liv. Bruxelles; in-8°.
V Abeille, 21"^^ année, octobre, novembre et décembre 1875,
S""^ à 10"'^ liv. Bruxelles ; 5 liv. in-8".
Société de pharmacie d'Anvers. — Journal, 51"'^ année,
août, septembre et octobre 1875. Bruxelles; 2 liv. in-8°.
Société de médecine d'Anvers. — Annales, 35"°" année,
octobre et novembre 1875. Anvers; liv. in-8''.
Willems-Fonds te Gent. — Jaarboek voor 1876. Gand ,
1870; vol. in-8°.
Bévue de l'instruction publique de Belgique, XXIII"'* année,
1875, N. S., tome XVIII, 4""% 5'"* et 0"^'= liv. Gand; 3 liv.
in-S".
Société libre d'émulation de Liège. — Mémoires, N. S.,
tome V. Liège, 1875; in-8''.
Société médico-chirurgicale de Liège.— Annales, 14"*^ année,
août et septembre 1875. Liège; liv. in-8°.
Le Scalpel, 28"* année, octobre à décembre 1875, n°* 14
à 26. Liège; 13 feuilles in-4*'.
L'Echo vétérinaire, V""® année, octobre, novembre et dé-
cembre 1875, n°* 8, 9 et 10. Liège; in-8°.
Société littéraire de l'Université catholique de Louvain. —
Rapport sur les travaux pendant l'année 1874-1875 (^4//)/*.
Wins). Louvain, 1875; br. in-12.
Journal des Beaux- Art s , 17"* année, 1875, n"» 19 à 24 et
supplément Louvain; 7 feuilles in-4°.
Cercle archéologique du pays de Waes , à St-Nicolas. —
Annales, tome V, 4"** liv., décembre 1875. S'-Nicolas; in-4*'.
( M02 )
Vreede (G-W.). — Onze diplomatie, na de erkenning der
onafhankelijkheid van België. Utrecht, 1875; br. in-8°.
Snellen van Vollenhoven [S.-C). — Pinacograpliia, part 2.
Aflev. 2. La Haye, 1875;liv. in-4«.
K. instituîit voor de laal-land-en volkeiikiinde van Xeder-
landscli ludië. — Bijdragen, 5*^* volgreeks, X**« deel, 2'**' en
o'^^stuk. La Haye, 1875;in-8°.
Société des antiquaires de Picardie à Amiens. — Bulletin ,
année 1 875 , n° 5. Amiens ; in-8°.
Société linnéenne du nord de la France, à Amiens. —
Bulletin mensuel, 4""" année, novembre et décembre 1875.
Amiens; 2 feuilles in-8''.
Callibiircès {Le docteur P.). — Recbcrebes expérimentales
sur l'influence exercée par la chaleur sur les manifestations
de la contractilité des organes. Paris, 1870; br. in-8^
Delaire {Alexis). — Le fond des mers. Etudes lithologi-
ques. Lithologie du fond des mers par M. Delesse, ingénieur
en chef des mines. Paris; br. in-8°.
Garcin de Tussy. — La langue et la littérature hindous-
tanies en 1875. Paris ;in-8°.
Mortillet {Gabriel de). — Découvertes de sépultures dans
Seine-et-Marne, l'Aisne et le Loir-et-Cher. - Origine du
bronze. Paris, 1875, 187G; 2 br. in-8°.
Société géologique de France. — Bulletin , 5°'*' série, tome II,
1874, n«8;tomein, 1875, n° 8. Paris; 2 liv. in-8».
Société de géographie, à Paris. — Bulletin, octobre et
novembre 1875. Paris; 2 liv. in-8*'.
Société météorologique de France. — Annuaire, tome XIX,
1871. Tableaux météorologiques, feuilles C-1 4. — Nouvelles
météorologiques. S""" année, novembre 1875. Paris; 2 liv.
in-8°.
Société des éttides historiques, à Paris. — L'Investigateur,
41™* année, juillet-octobre 1875. Paris; 2 liv. in-8".
( 1 103 )
Revue des questions historiques, X"' année, 1" janvier
I87(), 57'»"' liv. Paris, 1876; in-8°.
Vlnstilut, N. S., ù""' année 1875, n°' 142 à 154. Paris;
13 feuilles in-4".
Revue britannique , oelobre , novembre et décembre 1875.
Paris; 5 demi-vol. in-8°.
Académie des sciences de Paris. — Comptes -rendus,
tome LXXXI, n"' 14 à 26, octobre à décembre 1875. Paris;
15 cah. in-4*', et table du tome LXXX.
Revue scientifique, 2""^ série, 5"'*^ année, n°M4 à 26, octobre
à décembre 1875. Paris; 15 cah. in-4°.
Revue politique et littéraire, 2"*^ série, 5"* année , n°' 14 à
26, octobre à décembre 1875. Paris; 15 cah. in-4°.
Journal de l'agriculture , tome IV, 1875. Paris; 15 cah.
în-8^
Archives de médecine navale , tome XXIV, n*" 4,5 et 6,
octobre , novembre et décembre 1875. Paris; 5 cah. in-8°.
Le progrès médical, 5°"^ année, octobre à décembre 1875,
n"* 40 à 52. Paris ; 15 feuilles in-4°.
Raab. — Gravures : Portraits de MM. les professeurs Zum-
buscli, C. Von Piloty , Franz Defreggen, Knabl et Leubach,
et reproduction de la Vierge de Raphaël. Munich; 6 gr. in-fol.
Deutsche chemische Gesellschaft zu Berlin. — Berichte,
Jahrg. VIII, n^ 16, 17, 18 und 19. Berlin; 4 Hv. in-8».
Zeitschrift fur die Gesammten Naturwissenschaften {Dr.
C. G. Giebel), N. F., 1875, Bd. XI. Berlin, 1875 ; vol. in-8^
K. Statistische Bureau in Berlin. — Monatliche Mittel des
Jahrganges 1874 fiir Druck, Temperatur, Feuchtigkeit und
Niederschlâge und funglâgige Warmemittel { H.-W. Dove).
Berlin, 1875; in-4°.
Justus Perthes' Geographische Anstalt zu Gotha. — Mit-
theilungen, 21. Band, 1875, XI. Gotha; cah. in-4''.
Handelsstatistische Bureau , Hamburg. — Tabellarische
( H04 )
Uebersichlen des Hamburgischen Handcls im Jalire 1874.
Hambourg, 1875; vol. gr. in-4°.
Mediciniscli-naturwissenschaftliche Gesellschaft zu lena.
— Jenaische Zeitschrift fur Naturwissenschaft, IX. Bd. N. F.,
II. Bd. 4. Heft. léna, 1875; in-8°.
Casopis Lekarûr Ceskych, Rocnik XIV, 1875, Cislo 44-52.
Prague; 9 feuilles in-4**.
K. Akademie der Wissenschafïen in Wien. — Anzeiger,
Jahrg. 1875, Nr. XVIII-XXIII, XXV- XVII. Vienne; feuilles
in-8».
Société impériale russe de géographie. — Bulletin : t. VIIÏ,
IX et X. — Mémoires : section de géograpbie, tome III (1873);
section d'ethnographie, tomes U\ et V (1873); section de sta-
tistique, tomes III et IV (1873-1874). — Travaux de l'expédi-
tion ethnographique dans la Russie occidentale, tome V (1874).
— Travaux de Tenquête sur le commerce des grains en Russie :
dans la région centrale, tome III (1873); dans la région
Voiga-Newa , tome IV (1874); dans la région occidentale,
tome IV (1874). — Travaux de l'expédition scientifique en
Sibérie: partie botanique , tome II (1874); partie géologique,
tome III (1873). — Description géographique de l'Asie par
C. Ritter : Le Turkestan chinois et le Turkestan oriental,
tome V avec supplément (1869 et 4873); l'Iran, tome VI
(1874). -— Exploration du Turkestan par N. SeverzofT. S^-Pé-
tersbourg; 15 vol. in-8" et 2 vol. in-4°(en russe).
Société de chimie, d St-Pétershoiirg. — Journal, tome VII,
n" 9. S'-Pétersbourg; in-8".
histituto y Observatorio de Marina de San Fernando. —
Anales, seccion 2* : Observaciones meteorologicas, ano 1874.
San Fernando, 1875 ; gr. in-4°.
Krafft {Dr. Friedrich). — Ueber die Entwickelung der
Theorctischcn Chemie. Baal , 1875; br. in-8".
St-Gallisch natarwissenschafUiche Gesellschaft. — Bericht
( im )
iiber (lie Thatigkcit, 1873-1874. S'-Gnll, 1873; vol. in-8".
De Rossi {M. -S.). — I icrrcnioti di Romaj^na dal Scltcmbre
1874 al Maij;gio 1875. — Sulle norme e siigli stnimcnli econo-
mici per le osservazioni mierosismiche proposti dal P.-T. Bcr-
lelli e M. -S. De Rossi. — Sopra la stipe votiva di Bourboniie-
les-Bains cemenlata da cristallizazioni mctalliche contempo-
ranee ed illustrala dal Cli. Prof. E Dauhrée. Rome, 1875;
3 broch. in-4".
Cadet {Soci'ate). — Nouvelles études sur le choléra asia-
tique. — Esempj comprovanti l'uso interne del sottosolfato di
mercurio ed esempj concorrenti a comprovare l'efficacia anti-
limica del solfuro negro di esso. — Proposta interne la cura
délia lissa detta comunemenle rabbia eanina o idrofobia. —
Interne relTicacia particolarmente anlicolerica del solfuro nero
(li mercurio. — Ragionamenlo inteso a comprovare la mirabile
eflicacia terapeulica del solfuro nero di mercurio. Rome, 1873
et 1875; 4 br. in-8° et br. in-4°.
Corrispondenzia scienlifica in Roma. — BuIIettino univer-
sale, vol. 8% N. !26 et 27. Rome; feuilles [n-A°.
Bidlellino del vidcanismo italiano , Anno II , 1873, fasc. VI,
Vil, VIII. Rome, 1875; in-8".
R. ComiUdo geologico d'Ilalia. — Bollettino, N° 7 e 8,
Luglio e Agosto 1875. Rome, 187o;in-8°.
Lane Fox [A.). — Excavations in Cissbury Camp, Sussex.
Londres , 1875; br. in-8°.
Xalure, vol. XII, Nos. 510-513; vol. XIV, Nos. 314-3:22,
octobcr-december, 1875. Londres; 13 cali. in-8°.
Numisinalic Society of London. — Journal, new séries,
No. LIX, 1875, pt. III. Londres; in-8".
Geoloyical Survey of the United Kingdom. — Catalogue of
ihe publications. — Report of the commissieners appointed
to inquire inte ihe several matters relating te coal in the
United Kingdom. — Maps and sections to accempany the
( il06 )
report of Ihe royal coal commission. Londres, 1875; br. in-8**,
3 vol. pet. in-4" et atlas in-fol.
American Journal of Science and Ai^ts : vol. X, No. 60, and
Swpplementary , december, 4875; vol. XI, No. 61 , january
4876. New Haven; 5 liv. in-8°.
U. S. geological Survey of the Territories at Washi?igton.
— Map. of the Lower Geyser Basin on the Upper Madison
River. — Map of the sources of Snake River v^^ith its tribu-
taries. — Map of the Upper Geyser Basin on the Upper
Madison River, Montana terr. — Montana and Wyoming terri-
tories embracing raosl of the country drained by the Ma-
dison, Gallatin and Upper Yellov^^stone Rivers. — Preliminary
map of central Colorado Showing the Région Surveyved in
1873 und 1874. Washington; 6 cartes in-fol.
Fin ou Tome XL de la '2'^' série.
BULLETINS DE l'aCAUKMIK KOYALE DE BELGIQUE.
TARLKS ALPIIAHÉTIQLÎES
DU TOME QUARANTIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE.
1875.
tablp: des auteurs.
A.
Académie tles sciences de Cracovie. - Demande d'échange de publica-
tions, 50.
Jcadémie nationale des sciences de r Université de Cordova - Demande
d'échange de publications, 446.
Académie physico-médico-statistique de Milan. — Demande d'échange»
de publications, 446
Administration des hospices de la ville de Bruxelles. — Demande rela-
tive au système de paratonnerres à établir sur l'hôpital St-Pierre, 50.
Allard {Ern.). — Second prix du grand concours d'architecture de 1875
214,266.
Aïvin (L). — Rapport sur les arrêtés royaux réorganisant les grands con-
cours (prix de Rome), 214, 229; adjoint à la section de gravure pour le
jugement du concours annuel delà classe des beaux-aris, 216; membre
de la Commission pour les objets d'art à reproduire par les lauréats (prix
de Rome), 228; souvenir du 1V« centenaire de Michel Ange, 244 , 250;
motion relative aux dangers qu'offre le laboratoire de chimie de l'école
industrielle, 666, 814, 895.
Anomjmes. — Présentent un travail concernant les dépôts littoraux de
l'assise panisélienne dans les environs de Bruxelles, 447; rapports de
MM. Dupont, Nyst et Briart, 678, 680, 681.
1108 TABLE DES AUTEURS.
Art Union of London. — M. Donaldson fait hommage de deux gravures
publiées par cette institution, 227.
Association française pour Vavancement des sciences. — Ouverture de
sa 4* session , 2.
B.
Balat{Alph.). — Membre de la Commission pour les objets d'art à repro-
duire par les lauréats (prix de Rome), 228; regrette de ne pouvoir pré-
sider la séance publique de la classe des beaux-arts, 242; discours
concernant le palais des beaux-arls de Bruxelles, 246; membre de la
Commission chargée d'examiner le projet copie du lauréal Dieliiens,
406; avis de celte Commission, 620; membre de la Commission pour
l'élude du projet du monument Quelelet, 666, 814, 895.
Bambeke (Ch. Van). — Commissaire pour un travail de M. Fœttinger con-
cernant répiderme des cyclostomes, 271.
Baner. — Demande des renseignements sur le mémoire concernant la
tapisserie de haute-lice aux Pays-Bas, 244; rapport verbal de M. Fétis
sur cette demande, 408.
Barglion Fort-Rion {Le baron F. de). — Hommage d'ouvrage, 813.
Bartje (Antoine-Louis). — Annonce de sa mort, 59.
Basevi (Abraham). - Accuse réception des publications académiques, 40.
BeUynck (Aug.). — Commissaire pour un travail de M. Gilkinel sur des
plantes fossiles de l'étage du poudingue de Burnof,4; rapport, 75; com-
missaire pour une seconde rédaction du travail de M. Cogniaux concer-
nant des cucurbitacées nouvelles, etc., 32; rapport, 275.
Bi'neden (Éd. Van). — Commissaire pour un travail de M. F. Plateau
concernant l'appareil digestif chez les Myriapodes de la Belgique, 271;
de la maturation de l'œuf, de la fécondation et des premiers phéno-
mènes embryonnaires chez les mammifèies d'après les observations
faites chez le lapin, 6>'6.
Beneden [P.-J. Van). — Nommé membre du comité d'exécution pour le
monument d'Omalius, 2; hommage d'ouvrages, 3, 270, 808 ; rend compte
des fêtes du 200^ anniversaire de la découverte des infusoires par
Leeuwenhoek , 271 ; les pachyacanthus du Musée de Vienne, 323; les
ossements fossiles du genre Aulocèle au Musée de Linz, 536; le sque-
lette de la Baleine fossile du Musée de Milan, 736.
Bergmann (Feu Ant.). — Lauréat du concours quinquennal de lilléralure
flamande (o*" période) , 33.
Bergmann (M^^ veuve). — Hommage d'ouvrages. 813.
TABLK DKS AUTFL'RS. 1109.
Bernardin. — Transmet ses observations bolaiiiques faites à Mclle, eu
octobre 1875, 446.
Bernimolin (Eug ). — Hommage d'ouvrage, 579.
Bormans (Slan.). — Maximilien-Emmanuel de Bavière, comte de Namur,
166; hommage d'ouvrage, 579.
Brialmont (Alexis) — Sur les causes el les effets de l'accroissement
successif des armées permanentes, 976.
Briart [Alp.). — Commissaire pour les mémoires de concouis sur le bas-
sin houiller de la province de Liège , 55; rapport, 9i9; rapport sur la
publication d'une nouvelle édition de la carte géologique de la Belgique,
59, 308; décision prise sur les conclusions de ce rapport, 448; lettre du
Département de la guerre relative à cette décision, 898; commissaire
pour l'examen de cette lettre, ibid. ; commissaire pour un travail ano-
nyme concernant les dépôts littoraux de l'assise panisélienne dans les
environs de Bruxelles, 447; rapport , 681 ; commissaire pour un travail
de M Mourlon sur les dépôts dévoniens , etc , 668; hommage d'ou-
vrage , 898.
Burbure {Le chev. (/e).— Exprime son opinion sur les modifications à faire
au programme du concours des cantates, 40; lettre de M. le Ministre de
l'Intérieur relative à ces modifications, 891 ; adres.se le manuscrit de sa
notice biographique de feu M. Bosselel , 893.
Buys- Ballot. Élu associé, 1097.
C,
Calliburcès (Le D"" P.). — Hommage d'ouvrage, 667.
Catalan (E). — Commissaire pour les fragments II et III du travail de
M. Houzeau sur le calcul numérique, 4, 271; rapports, 67, 452; com-
missaire pour deux notes de M. Saltel concernant les surfaces à points
multiples, 4; rapport verbal, 5; lecture de son rapport sur le travail de
M. Havrez concernant des transcendantes , ibid.; hommage d'ouvrages,
-270; commissaire pour un travail de M. Reinemund sur les polygones
réguliers et des séries trigonométriques , 447; rapport, 673; commis-
saire pour un travail de M. De Tilly concernant la théorie mécanique de
la chaleur, 668,899; commissaire pour un travail de MM. Namur et
Mansion concernant des tables de logarithmes à douze décimales, 668.
Cavalier (J.). — Transmet ses observations météorologiques faites à
Ostende en 1875 , 2, 51 , 270, 446 , 898.
Chalon (R.). — Adjoint à la section de gravure pour le jugement du con-
liiO TABLE DES AUTliURS.
cours annuel de la classe des beaux-aits, 216; hommage d'ouvrage,
106.
Chasles (M.). — Hommage d'ouvrage, 3.
C/ievreul {M.-E ). — Élu associé, 1097.
Clausius (/?.) — Élu associé, 1097. ,
Codron (L.-H.-S.). — Présente une note sur un aérostat à voiles, 52.
rapport verbal de M. Montigny, 274.
Cogniaux (A.). — Présente une seconde rédaction de son travail con-
cernant des cucurbilacées nouvelles, etc., 52; seconds rapports de
MM. Morren, Bellynck et Crépin, 273, 274.
Colfs {J.-P.). — Demande à pouvoir exposer une découverte archéolo-
gique concernant l'art architectural ,619, 893.
Collège des bourgmestre et échevins de la ville d'Anvers. — Invile l'Aca-
démie à l'inauguration du buste du baron G. Wappers, 226.
Congrès international des amèricanistes. — Ouverture de sa première
session , 2.
Congrès scientifique de France. — Annonce que sa XLI" session aura lieu
à Périgueux, 269.
Cornet {F.-L.). — Commissaire pour les mémoires de concours sur le
bassin houiiler de la province de Liège, 53; rapport, 971 ; hommage
d'ouvrages, 270 , 898 ; commissaire pour un travail de M. Mourlon sur
les dépôts dévoniens, etc., 668; commissaire pour la lettre du Dépar-
tement de la guerre relative à la publication de la carte géologique de
la Belgique, 898.
Crépin [Fr.) — Commissaire pour une seconde rédaction du travail de
M. Cogniaux concernant des cucurbilacées nouvelles, etc., 52; rapport,
274; rapports de MM. Dewalque, de Koninck et Dupont sur son travail
concernant la flore des psammites du Condroz, 53, 55, 56; hommage
d'ouvrages , 667; élu membre titulaire, 1097.
Dechen{H. von). — Élu associé, 4097.
De Coster {J.-B.). — Lauréat du grand concours d'architecture de 1875,
215,266.
De Heen {M -P.). — Présente un travail concernant la fusion et la dilata-
tion des métaux , 668.
D"Eichthal{G.). — Hommage d'ouvrage, 147.
De Keyser {N.}. — Membre de la Commission pour les objets d'art à
reproduire par les lauréats (prix de Rome), 228.
TABLi: Di:S AUTEURS. 1111
De Koehne {Le baron Rernard). — Hommage d'ouvrage, 40G.
De Koninck {L). — Commissaire pour un travail de M. Gilkinet sur des
piailles fossiles de l'étage du poudingue de lUirnot, 4; rapport, 70; rap-
port sur le travail de M. Crépin coucernaiU la flore des psammites du
Condroz, 55; commissaiic pour le travail de M. Mourlon concernant
l'étage dévonien des psammiles du Condroz dans le bassin deTheux,etc.,
271 ; rapport, 675; commissaire pour la seconde partie du mémoire cou-
ronné sur les roches plutoniennes des Ardennes françaises, 447.
Delaborde [Le vicomte H.). — Hommage d'ouvrage, 893.
De la Vallée- Poussin {C/i.}. — Présente la seconde partie de son mé-
moire couronné concernant les roches plutoniennes des Ardeimes fran-
çaises , 447.
Delisle{L.). — Accuse réception de son diplôme d'associé, 147; hommage
d'ouvrage, ibid.
De Man (G). — Membre de la Commission pour les objets d'art à repro-
duire par les lauréats, 228 ; rapport sur le mémoire de concours concer-
nant la sculpture aux Pays-Bas aux XYII^ et XVllIe siècles, 258; mem-
bre de la Commission chargée d'examiner le projet copie du lauréat
Dielliens, 406; avis de cette Commission , 620.
Dépôt de la guerre {M. le Directeur du). — Présente un travail concer-
nant la triangulation de la Belgique, 268.
Dewalque (G.). — Commissaire pour un travail de M. Gilkinet sur des
fossiles de l'étage du poudingue de Burnot,4; rapport, 71; relation de
coups de foudre, 13; homm:ige d'ouvrage avec mention bibliogra-
phique, 51 ; commissaire pour les mémoires de concours concernant le
bassin houiller de la province de Liège, o5: rapport, 900; rapport sur
le travail de M. Crépin concernant la flore des psammites du Condroz,
53; rapport sur la publication d'une nouvelle carte géologique de la
Belgique, 59, 274; décision prise relativement aux conclusions de ce
rapport, 448; lettre du Département de la Guerre relative à cette déci-
sion, 898; commissaire pour Texamen de cette lettre, ibid.; commis-
saire pour un travail de M. Mourlon concernant l'étage dévonien des
psammites du Condroz dans le bassin de Theux,etc., 271 ; rapport, 673;
commissaire pour la seconde [lariie du mémoire couronné concernant
les roches plutoniennes des Ardennes françaises, 447.
Dielliens {Ern). — Soumet son projet copie réglementaire, 214, 243;
Commission chargée d'examiner ce projet, 406; avis de celle-ci, 620;
fait parvenir son XII«- rapport semestriel, 226.
Dillens (Julien). — Lauréat du concours de sculpture de la classe des
beaux-arts, 241, 243, 266.
4i^2 TAHLE DES AUTEURS.
Donaldson [T-L). — Lettre accompagnant l'hommage de deux gra-
vures, 227.
Donny (F.). — Fait ses réserves au sujet de la motion de M. Alvin rela-
tive aux dangers qu'offre le laboratoire de chimie de l'école iudus-
trielle, 666.
Dove [H.-W.). — Hommage d'ouvrage , 667.
Dubois (Alp.). — Présente une note concernant quelques oiseaux nou-
veaux, 447; rapport de M. de Selys Longchamps, 684; impression, 797.
Du Mortier (C.-B.). — Hommage d'ouvrages, 270.
Dupont [Éd.). — Rapport sur le travail de M. Crépin concernant la flore
des psammites du Condroz, 56; rapport sur la publication d'une nou-
velle édition de la carte géologique de la Belgique, 59, 291 ; décision
prise sur les conclusions de ce rapport, 448; lettre du Département de
la Guerre relative à cette décision, 668; commissaire pour le travail de
M. Mourlon concernant l'étage dévonien des psammites du Condroz
dans le bassin de Theux, etc., 271 ; rapport , 676; commissaire pour le
travail anonyme concernant les dépôts littoraux de l'assise panisélienne
dans les environs de Bruxelles, 447 ; rapport, 678.
Duprez (F.). — Présente le résumé de ses observations météorologiques
faites à Gand, en 1874, 51 ; commissaire pour une note de M. Perrey
sur les tremblements de terre en 1872, etc , 52; rapport, 452; commis-
saire pour deux travaux de M. Vander Mensbrugghe concernant : 1» la
surface de contact d'un solide et d'un liquide, 52; rapport, 272; 2» le
problème de deux liquides superposés dans un tube capillaire, 4i7;
rapport, 671 ; commissaire pour un travail de M. Leclercq concernant
des orages qui onl éclaté à Liège, en 1874 et 1875, 271.
Eleivyck {Le chevalier Xavier Van) — Hommage d'ouvrage, 227.
Faider(Ch.). — Hommage d'ouvrage, 35.
Fétis (Éd.). — Adjoint à la section de gravure pour le jugement du con-
cours annuel de la classe des beaux-arts, 216 ; membre de la Commis-
sion pour les objets d'art à reproduire par les lauréats (prix de Rome»,
228; commissaire pour une demande concernant le mémoire sur la
tapisserie de haute-lice aux Pays-Bas, 244; rapport verbal, 408.
TABLE DUS AriEURS. 1115
Fischer de Waldheim {Le conseiller privé Alexandre). - Célébration de
son 50* anniversaire de doclorat, 2, 446.
Flandre {S. A. B. Mgr. le Comte de). — Fait exprimer ses regrets de ne
pouvoir assister à la séance publique de la classe des beaux-arts, 243;
mêmes regrets pour la séance publique de la classe des sciences, 897.
Fœttinger (.4 /ex.). — Présente un travail concernant la structure de l'épi-
derme des cyclostomes, 271.
Folie (F). — Commissaire pour les fragments II et III du travail de
M. Houzeau sur le calcul numérique, 4, 271 ; rapports, 62, 452; com-
missaire pour deux notes de M. Saliel concernant les surfaces à
points multiples, 4; rapport verbal, 5; lecture de son rapport sur le
travail de M. Havrez concernant des transcendantes , ibid; rapport sur
un instrument astronomique de M. Journeaux-Duhamel, 61 ; commis-
saire pour un travail de M. le Directeur du dépôt de la guerre concer-
nant la triangulation de la Belgique, 268; commissaire pour un travail
de M. De Tilly concernant la théorie mécanique de la chaleur, 668, 899;
commissaire pour un travail de iMiM. Namur et Mansion concernant des
tables de logarithmes à douze décimales, 668; commissaire pour un
travail de M. P. De Heen concernant la fusion et la dilatation des mé-
taux, 668.
Fraikin (Ch.). — Délégué pour assister à la célébration du 4« centenaire
de Michel Ange, 228; rend compte de sa mission, 244 ; membre de la
Commission pour les objets d'artjà reproduire par les lauréats (prix de
Rome), 228; membre de la Commission pour l'étude du projet du
monument Quetelet, 6G6, 814, 895.
Frank (J.). — Membre de la Commission pour les objets d'art à reproduire
par les lauréats (prix de Rome), 228.
Gachard {L.-P.). — Commissaire pour un travail de M. Génard concernant
Corneille Duplicius Scepperus, 350; rapport, 588; hommage d'ouvrage
578.
Galesloot (L.). — Présente un travail concernant des antiquités de
l'époque romaine, découvertes à Assche, 550; rapports de MM. Wauters
et Piot, 579, 585; impression, 594.
Gallait (L). — Membre de la Commission pour les objets d'art à repro-
duire par les lauréats (prix de Rome), 228.
Garcin de Tassy. — Hommage d'ouvrages, 579.
2""*' SÉRIE, TOME XL. 71
^-lii TABLE DEii AUTEURS.
Galta [Louis). - Hommage d'ouvrage, 667.
Geefs (G.). — Membre de la Commission pour l'étude du projet du monu-
ment Quetelet, 666, 814 , 895.
Geefs (7.) — Membre de la Commission pour les objets d'art à reproduire
par les lauréats (prix de Rome), 228 ; rapport sur le mémoire de concours
concernant la sculpture en Belgique aux XVII« et XVII1<= siècles, 258.
Génard (L). — Présente un travail concernant Corneille Duplicius Scep-
perus, 350: rapports de MM. Gachard, le baron Kervyn de Leltenhove
et Wauters, o88, 592, 393; impression, 602 ; hommage d'ouvrages,
895.
Gevaert (A.). — Exprime son opinion sur les changements à faire au pro-
gramme du concours des cantates, 40; lettre de M. le Ministre de l'Inté-
rieur relative à ces changements, 891; fait connaître que le jugement du
grand concours de composition musicale de 1875 a dû être ajourné,
213; donne lecture du discours de M. Balat concernant le palais des
Beaux-Arls de Bruxelles , 246.
Gilkinet i^lf.)- — Présente un travail sur quelques plantes fossiles de
l'étage du poudingue de Burnot, 4; rapports de MM. de Koninck, De-
walqueel Bellynck, 70,71, 75; impression, 159; élu correspondant, 1098.
Giovanni {Vincenzo di). — Hommage de plusieurs ouvrages de philoso-
phie, 36; note bibliographique sur ceux-ci, par M. Le Roy, 148.
Gloesener {M.). — Observations relatives au méléorographe universel de
M. Van Rysselberghe, 21 ; présentera une noie sur certains effets pro-
duits par la foudre à Liège, 22; commissaire pour un travail de M. De
Heen sur la fusion et la dilatation des métaux, 668.
Guillaume (Le baron). — Hommage d'ouvrage, 35.
H.
Havrcz {Paul}. — Lecture des rapports de M.M. Catalan et Folie sur son
travail concernant des transcendantes , 5.
Hennequin (Le capitaine d'état-major). - Hommage d'ouvrage, 270.
Heremans (J.). — Hommage d'ouvrage, 579.
Hinrichs{Le D' Gustave). — Hommage d'un météorite, 32.
Hirn [G.-A.). — Hommage d'ouvrages, 51, 270.
Houzeau {J.-C). — Présente les fragments II et 111 de son travail sur le
calcul numérique, 4, 271; rapports de MM Folie, Catalan et Liagre ,
62, 67. 70, 452; impression, 74, 455.
TABLE DES AUTEURS. H 15
Institut royal des sciences , des lettres et des arts de Venise. — Adresse
son programme de concours pour i875, 1876 et 1877. 446.
Journemix- Duhamel. — Rapports de MM. Quetelet, Liagre et Folie sur
son nouvel instrument astronomique, 60, 61.
Juste (Th.). — Hommage d'ouvrage, 350.
Kervyn de Lettenhove {Le baroîi). — Hommage d'ouvrages, 35, 350; com-
missaire pour un travail de M. Génard concernant Corneille Duplicius
Scepperus, 530; rapport, 592.
L.
Lasaulx {D" von). — Hommage d'ouvrages, 32, 667.
Leclercq (0). — Présente une note sur des orages qui ont éclaté à Liège
en 1874 et 1873,271.
Leclercq (/.). Membre de la Commission pour les objets d'art à reproduire
par les lauréats (prix de Rome), 228.
Lepsius {R.). — Accuse réception de son diplôme d'associé, 33.
Le Roy {Alp.). — Note bibliographique sur les ouvrages philosophiques
de M. di Giovanni, 148; lecture de sa notice biographique sur Adolphe
Rorgnet, 618.
Leva {J. de). — Hommage d'ouvrage, 36.
Liagre (J.). — Commissaire pour les fragments II et III du travail de
M. Houzeau sur le calcul numérique, 4, 271 ; rapports, 70, 432; dé-
légué au Congrès des sciences géographiques de Paris, 30, 146, 213;
rapport sur un instrument astronomique de M. Journeaux-Duhamel,
60; proclame le résultat des concours et des élections de la classe des
beaux-arts et de la classe des sciences, 264, 1096; commissaire pour
un travail de M. le Directeur du Dépôt de la guerre concernant la trian-
gulation de la Relgique, 268 ; commissaire pour deux notices de M. Terby
concernant la planète Mars et l'ombre du deuxième satellite de Jupiter,
il 16 TABLE DES AUTEURS.
271 ; rapport, 454; observations relatives au méléorographe universel
de M. Van Rysselberghe , 317; commissaire pour un travail de MM. Na-
mur et Mansion concernant des tables de logarithmes à douze déci-
males, 668.
Liais (Emm.). — Note sur la parallaxe du soleil, 5.
Macar {Julien de). — Lauréat du concours de la classe des sciences, 1097,
Malaise {€.). — Commissaire pour une note de M. Perrey sur les tremble-
ments de terre, en 1872, etc., 52; rapport, 448; commissaire pour la
seconde partie du mémoire couronné concernant les roches pluto-
niennes des Ardennes françaises, 447; commissaire pour un travail de
M. Mourlon sur les dépôts dévouions, etc., 668.
Malherbe {J. Renier). — Lauréat du concours de la classe des
sciences, 1097,
Mansion (P.). — Présente un travail concernant des tables de logarithmes
à douze décimales, 668.
Marchai (Edm.). — Lauréat du concours littéraire de la classe des beaux-
arts, 239, 264 ; remercîments, 243.
Melsens (L). — Fait ses réserves au sujet de la motion de M. Alvin rela-
tive aux dangers qu'offre le laboratoire de chimie de Pécole indus-
tielle, 666.
Ministre de la Guerre {M. le). — Lettre relative à la publication d'une
nouvelle édition de la carte géologique de la Belgique, 898.
Ministre de la Justice {M. le). — Hommage d'ouvrages, 35, 349.
Ministre de flnlérieur {M. le). — Hommage et envoi d'ouvrages, 2, 50,
146, 268, 349, 578; hommage de médailles, 892; transmet le procès-
verbal des opérations du jury du grand concours d'architecture de 1875,
213; soumet le projet copie du lauréat Dielliens (prix de Rome), 214;
avis de la Commission chargée d'apprécier ce projet , 620 ; transmet les
rapports trimestriels des lauréats Diel tiens et Cuypers (prix de Rome),
226; demande la liste double de candidats pour la formation des jurys
des concours quinquennaux et triennaux, 348, 578, 594; soumet un
projet d'arrêté concernant les copies exigées des lauréats des grands
concours (prix de Rome), 405; demande l'avis de l'Académie sur les
changements à apporter : 1» au programme des concours triennaux, 577,
réponse à cette demande, 813; 2» au programme du concours des can-
tates, 891 ; transmet une lettre du Département de la Guerre relative à
TABLE DES AUTEURS. 1117
la publication d'une nouvelle édition de la carie géologique de la Bel-
gique, 898; témoigne ses regrets de ne pouvoir assister à la séance
publique de la classe des sciences, 897.
Voir Arrêtés royaux : Table des matières.
Ministre des Pai/s-Bas {S. E. M. le). — Hommage d'ouvrage, 666.
Montigny {Ch.). — Commissaire pour une noie de M. Perrey sur les trem-
blemenls de terre en 1872, etc, 52 ; rapport, 449 ; commissaire pour une
noie de M, Codron sur un aréostal à voiles et pour une note de M. Wal-
tier concernant l'étude de la nature, 52, 53; rapports verbaux 274;
commissaire pour un travail de M. D. Leclercq sur des orages qui ont
éclalé à Liège en 1874 et 1875, 271 ; membre de la Commission pour
l'étude du projet du monument Quelelet, 666, 814, 895, commissaire
pour un iravail de M. De Heen concernant la fusion et la dilalalion des
mélaux, 668.
Morel {Le Z)»" Jules). — Demande que l'Académie se fasse représenter au
200« anniversaire de la découverte des infusoires par Leuwenhoek, 268;
compte rendu de cet anniversaire par M. P.-J. Van Beneden, 271.
Morren {Éd.). — La structure et les procédés insecticides du Drosera
ROTUiNDiFOLiA L., 6; du Drosera binât a Labill, 525; la théorie des
plantes carnivores, 1040; hommage d'ouvrages, 51, 447; commissaire
pour une seconde rédaction du mémoire de M. Cogniaux sur des cucur-
bitacées nouvelles etc., 52; rapport, 273.
Mourlon {Michel). — Présente un travail concernant l'étage dévonien des
psammites du Condroz dans le bassin de Theux, etc, . 271 ; rapports de
MM. Dewalque, de Koninck et Dupont, 673, 675,676; impression, 761.
présente un travail sur les dépôts dévoniens rapporlés par Dumonl à
l'étage quartzo-schisteux inférieur de son système eifelien, 668.
N.
Namur {A.). — Présente un travail concernant des tables de logarithmes
à douze décimales , 668.
Nolet de Brauvjere van Steeland {J.). — Hommage d'ouvrages, 36; note
bibliographique sur un ouvrage du D»" Wap concernant Bilderdijk, 37.
Nypels {G.). — Hommage d'ouvrage, 578.
Nyst {H.). — Commissaire pour le Iravail anonyme concernant les dépôts
littoraux de l'assise panisélienne dans les environs de Bruxelles, 447;
rapport, 680.
iH8 TABLE DES AUTEURS.
Parlatore (P.). — Accuse réception des publications académiques , 4.
Pauli {Ad.). — Membre de la Commission chargée d'examiner le projet
copie du lauréat Dieltiens, 406; avis de cette Commission, 620.
Payen {Aug ). — Membre de la Commission chargée d'examiner le projet
copie du lauréat Dieltiens , 406 ; avis de celte Commission, 620 ; membre
de la Commission pour l'élude du projet du monument Quelelet, 666,
814,893.
Perrey (A.). — Présente une note concernant les tremblements de terre,
en 1872, etc., o2; rapports de MM. Malaise, Montigny et Duprez, 448 ,
449,452.
Pety de Tliozée (Ch.) — Hommage d'ouvrage, 147.
P inchar t {Alex.). — Demande de renseignements concernant son mé-
moire couronné sur la tapisserie de haute-lice aux Pays-Bas, 244;
rapport verbal de M. Félissur celte demande, 408.
Piol {Ch.). — Fragment d'un poëme flamand inédit imité de Lr roumars
DE Berte aus grans piés, loo ; commissaire pour un travail de M. Gales-
foot sur des antiquités romaines découvertes à Assche, 350 ; rapport,
585; la diplomatie concernant les affaires maritimes des Pays-Bas au
XVI^ siècle, 404, 618, 817 ; correspondance de Grétry avec Vitzthumb,
408 ; particularités inédites concernant les œuvres musicales de Gossec
et de Philidor, 624.
Plateau {F.): — Présente un travail concernant l'appareil digestif chez
les Myriapodes de la Belgique, 271; assiste aux fêtes du 200^ anniver-
saire de la découverte des infusoires par Leeuwenhoek, 271.
Plateau (7). — Commissaire pour deux travaux de M. Van der Mens-
brugghe concernant: i» la surface de contactd'un solide et d'un liquide,
52; rapport, 272; 2» le problème des liquides superposés dans un tube
capillaire, 447; rapport, 669.
Putzeys (F.). — Dépôt d'un pli cacheté , 898.
Q
Quetelet {Ern.) — La direction de l'aiguille aimantée à Bruxelles, en
1875, 20; commissaire pour une note de M. Waltier concernant l'étude
de la nature, 53; rapport verbal, 274 ; rapport sur un inslrument'astro-
nomique de M. Journeaux-Duhamel, 60; commissaire pour un travail de
TABLE DES AUTEURS. 1 H î>
M. le Directeur du Dépôt de la guerre concernant la triangulation de la
Belgique, 268; commissaire pour deux notes de M. Terby concernant la
planète Mars et l'ombre du 2" satellite de Jupiter, 271; rapport, 453;
commissaire pour un travail de M. D. Leclercq sur des orages qui ont
éclaté à Liège en 1874 et 1875, 271 ; étoiles filantes. Les Perséides en
1875, 319; l'éclipsé de soleil du 29 septembre 1875, 322; la période de
froid du mois de décembre 1875, 758.
Haab. — Hommage de gravures, 893.
Bées {Richard Van). — Annonce de sa mort, 267.
Heinemuîid. — Présente un travail concernant les polygones réguliers et
des séries trigonométriques, 447 ; rapport de MM. De Tilly et Catalan,
671, 673; impression, 801.
Henard. — Présente la seconde partie de son mémoire couronné sur les
roches plutoniennes des Ardennes françaises, 447.
Hivier (Aip.). — Hommage d'ouvrages, 579 , 815; Jean de Drosay , l'un
des réformateurs de la science du droit au XVI^ siècle, 618, 868.
Rodenbach (C). — Demande à pouvoir rentrer en possession du manus-
crit de son mémoire concernant les mesures de longueur de l'antiquité,
270.
Roi {S. M. le) — Fait témoigner ses regrets de ne pouvoir assister à la
séance publique de la classe des beaux-arts, 245; même regrets pour
la séance publique de la classe des sciences, 897.
Rysselberghe (F. Van). — Hommage de diagrammes méléorographiques ,
270.
Rysselberghe {Octave Van). — Second prix du grand concours d'archi-
tecture de 1875, 214, 266.
S.
Saltel {L). — Présente deux notes concernant les surfaces à points mul-
tiples, 4; rapports verbaux de MM. Folie et Catalon, 5; impression de
ces notes, 22, 27; hommage d'ouvrage, 52.
Samuel {Ad.). — Exprime son opinion sur les changements à faire au
programme du concours des cantates, 40; lettre de M. le Ministre de
l'Intérieur relative à ces changements, 891.
Scheler (Aug.). — Hommage d'ouvrage, 147.
Schlagintioeit {H. von). — Hommage d'ouvrage, 667.
Schwann (Th.). — Hommage d'ouvrage, 3; commissaire pour un travail
1120 TABLE DES AUTEURS.
de M. F. Plateau concernant l'appareil digestif chez les Myriapodes de
la Belgique, 271 ; commissaire pour un travail de M. Fœltinger concer-
nant répiderme des cycloslomes, 271.
Selijs Longchamps (Edm.de). —Commissaire pour une note de M. Dubois
concernant quelques oiseaux nouveaux, 447; rapport, 684; hommage
d'ouvrage, 667.
Siret (Ad.). — Rapport sur le mémoire de concours concernant la sculp-
ture en Belgique aux XYII* et XVIlIe siècles, 252, 238, 264.
Slingeneyer {Ern.). — Délégué pour assister à la célébration du 4^ cen-
tenaire de Michel Ange, 228 ; rend compte de sa mission, 244.
Société des sciences naturelles de Pise. — Demande d'échange de publica-
tions, 269.
Société de zoologie de Rotterdam. — Demande d'échange de publications,
269.
Société géologique de Belgique. — Ouvre une souscription pour élever
un monument à feu d'Omalius d'Halloy, 2; M. P.-J. Van Beneden élu
membre du comité d'exécution de ce monument, ibid.
Société géologique de France. — Annonce la date de sa prochaine réu-
nion extraordinaire, 50.
Société hollandaise des sciences à Harlem. — Adresse son programme de
concours pour 1875, 268.
Société impériale des naturalistes de Moscou. — Annonce qu'elle va cé-
lébrer le 50« anniversaire de doctorat de son président, 2; remercie
pour la lettre de félicitations qui lui a été adressée à ce sujet, 446.
Société libre d'émulation de Liège. — Adresse son programme de concours
pour 1878,350.
Société littéraire « Le Parnasse, » à Athènes. — Demande d'échange de
publications, 550.
Société photographique de Toulouse — Demande d'échange de publica-
tions, 446.
Soenens {Le chev.) — Fait parvenir des cartes et des catalogues pour son
exposition de tableaux , 892.
Stas {J.-S.). — Fait ses réserves au sujet de la motion de M. Alvin, relative
aux dangers qu'offre le laboratoire de chimie de l'école industrielle, 666.
Sivaan{A.). — Dépôt d'un pli cacheté, 898.
Tennyson {A.). — Accuse réception de son diplôme d'associé, 35.
Terby (F.). — Présente deux notices concernant : l», la planète Mars; 2*,
TABLE DES AUTEURS. 1121
l'ombre du 2» satellite de Jupiler, 271 ; rapport de MM. Quelelel et
Liagre, 435, 454; impression 349, 572.
Tilly {J.-M. De) — Commissaire pour un travail de M. Reinemund sur les
polyjjones réguliers et des séries trigonométriques, 447; rapport, 671 ;
présente un travail concernant la théorie mécanique de la chaleur,
668, 899.
V.
Vaîi der Mensbrugglie (G.). — Présente un travail concernant les proprié-
lés de la surface de contact d'un solide et d'un liquide, 52; rapport de
MM. J. Plateau et Duprez, 272 ; impression, 341 ; présente un travail
sur le problème des liquides superposés dans un tube capillaire, 447;
rapport de MM. J. Plateau et Duprez, 669, 671; élu correspondant, 1097,
Vreede {G.-W.). — Hommage d'ouvrage, 815.
W.
Wagener {Aug.). — Approbation royale de son élection de membre titu-
laire, 34.
Wap (Le D''). — Hommage de son livre intitulé Bilderdijk, etc. 36; note
bibliographique sur cet ouvrage, 37.
Wattier. — Présente une note concernant une théorie nouvelle pour
l'étude de la nature, 53; rapports verbaux de MM. Montigny et Quetelet,
274.
WaïUers [Alp.). — Commissaire pour un travail de M. Galesloot sur des
antiquités romaines découvertes à Assche, 350; rapport, 579; commis-
saire pour un travail de M. Génard sur Corneille Duplicius Scepperus,
350; rapport, 593; Henri III, duc de Brabant (suite), 351.
TFheaslone [Ch.). — Annonce de sa mort, 446.
Wiener (Ch.). — Lauréat du concours de gravure de la classe des beaux-
arts, 240, 265; remercîments, 243.
Willems- Fonds, à Gand. — Adresse le programme de concours pour une
histoire de la PaciHcatioD de Gand, 350.
TABLE DES MATIÈRES.
Académie. — Airêlé royal modifiant le règlemenl d'ordre intérieur de la
classe des beaux-arts, 39; motion de M. Alviu relative aux dangers
qu'offre le laboratoire de chimie de l'école industrielle, 666, 814, 893 ;
décision de la Commission administrative relative au projet du monu-
ment Quetelet, 666, 814, 894.
Archéologie. — M. Galesloot présente un travail concernant des antiquités
de l'époque romaine découvertes à Assche,5o0; rapports, 379, 385;
impression, 394.
Architecture. — M. Colt's demande à pouvoir exposer une découverte
archéologique relative à l'art archilectoral, 619,895; rapport sur le
projet copie du lauréat Dielliens (restauration du temple do Vesta,à
Tivoli), 620.
Arrêtés royaux. — Approbation de l'élection de M. Wagener comme
membre titulaire, 34; prix quinquennal de lillérature flamande décerné
à feu M. Bergmann (3"'« période) , 33; modilication au règlement d'ordre
intérieur delà classe des beaux-arts, 39; rapport sur les arrêtés royaux
réorganisant les grands concours de peinture, de sculpture . de gravure
et d'architecture, 214, 229; projet d'arrêté concernant les copies exi-
gées des lauréats (prix de Rome) ; 405.
Astronomie. — Sur la parallaxe du soleil, par M. Liais, 3 ; rapports sur
un nouvel instrument astronomique de M. Journeaux-Ouhamel, 60, 61 ;
M. Terby présente deux notices concernant la planète Mars et l'ombre
du 2me satellite de Jupiter, 271 ; rapports, 435. 454; impression, 549,
572; l'éclipsé de soleil du 29 septembre 1873, par M. Ern. Quetelet,
322.
B.
Beaux-arts. — Discours de M. Balat concernant le palais des beaux-aris
de Bruxelles . 246.
Bibliographie. — Note par M. Noiet de Brauwere van Steeland , sur un
ouvrage de M. le D"" Wap concernant Bilderdijk, 37 : par M, Dewalque
TABLE DKS MATIÈRES. 1123
au sujet de sa traduction d'un ouvrage de géologie, 51 ; par M. Le Roy
sur les ouvrages philosophiques de M. cli Giovanni, 1-48.
Billets cachetés. — Dépôl d'un pli cacheté par MM. Putzeys etSwaan,
898.
Biographie. — M. Génard présente un travail concernant Corneille Du-
plicius Scepperus, 350; rapports, 588, 59:2, 595; impression, 602. —
Voir Jurisprudence.
Botanique. — La structure et les procédés insecticides du Drosera rotun-
DiFOLiA L. et du Drosera binata Labill.. par M. Edouard Morren, 6,
525; la théorie des plantes carnivores et irritables, par le même, 1040;
M. Cogniaux présente une seconde rédaction de son travail concernant
des cucurbitacées nouvelles , 52; seconds rapports sur ce travail, 273,
274.
Voir Géologie et paléontologie.
Bustes des académiciens décèdes. — Inauguration à Anvers de celui du
baron Guslaf Wappers, 226.
C.
Caisse centrale des artistes. — Pension accordée ,241.
Commission : Des paratonnerres. Chargée de l'examen d'une demande
relative à l'établissement de paratonnerres sur l'hôpital Saint-Pierre, 50.
— Pour i,a liste des objets d'art a reproduire par les lauréats des
GRANDS CONCOURS. Mcmbrcs, 228; chargée de faire un rapport sur un
projet d'arrêté concernant les copies exigées des lauréats, 406. — Pour
LA publication d'une collection des grands écrivains du pays. Pré-
sentation des tomes XXI et XXII des chroniques de Froissart, 35, 350.
— Pour l'étude du projet du mo.nument Quetelet. Membres, 666, 814,
895. — Pour l'exameiv du projet copie du lauréat Dieltiens. Membres,
406; rapport, 020. — Royale d'histoire. Présentation du Livre des
fiefs du comté de Looz, 349; du tome 1" de la chronique concernant la
Bibliothèque nationale de Paris, 578.
Concours de la classe des beaux-arts. — Terme fatal , 216; rapports sur
le mémoire concernant la sculpture en Belgique , aux XVII^ et XVlJIe
siècles, 252, 238, 264; rapports sur les concours de gravure et de
sculpture, 240; proclamation des résultats, 264, 265,266 ; demande de
renseignements concernant le mémoire relatif à la tapisserie de la
haute-lice dans les Pays-Bas, 244; rapport verbal de M. Fétis sur cette
demande, 408 ; programme pour 1876, 406, 620.
Concours de la classe des lettres. — Programme pour 1877, 56.
1124 TABLE DES MATIÈRES.
Concours de la classe des sciences. — Mémoires reçus en réponse à la
question concernant le bassin houiller de la province de Liège, 53;
rapports, 900, 949, 971 ; proclamation des résultats, 1097.
Concours des cantates. — Modifications proposées au programme, 40;
demande de M. le Ministre de l'Intérieur relative à ces modifications,
891.
Concours (grands). Prix de Home : AncniTECTURE, gravure, peimure,
SCULPTURE. Rapport sur les arrêtés royaux réorganisant ces concours ,
214, 229; Commission chargée de dresser la liste des objets d'art à
reproduire par les lauréats, 228; projet d'arrêté concernant les copies
exigées des lauréats, 405. — Architecture. Lauréats de 1875,213,
214, 266; projet copie du lauréat Dielliens, 214, 243; Commission
pour l'examen de ce projet, 406; rapport de celte Commission, 620;
XII« rapport semestriel du lauréat précité, 226. — Composition musicale.
Ajournement du jugement de 1875, 215. — Sculpture. VI« rapport du
lauréat J. Cuypers , 226.
Coîicours quinquennaux : Littérature flamande. Lauréat de la cin-
quième période, 35. — Histoire nationale. Candidats pour le jury de
la sixième période, 348, 578, 594. — Sciences morales et politiques.
Candidats pour le jury de la cinquième période, 348, 578, 594.
Concours triennaux de lillerature dramatique : Langue française. Mo-
difications au programme , 577, 8 1 3 ; candidats pour le jury de la sixième
période, 578, 594. — Langue flamande. Modifications au programme,
577, 813.
Discours. — Discours de M. Balat concernant le palais des beaux-arts de
Bruxelles, 246; de M. Brialmont sur les causes et les effets de l'accrois-
sement successif des armées permanentes, 976.
Dons. — Ouvrages par MM. : le Ministre de l'Intérieur, 2, 50, 147, 268, 349,
578; Chasles el Sch\vann,3; P.-J. Van Beneden, 3, 270,898: le Ministre
de la Justice, 35, 349 ; baron Guillaume, Faider, 35; baron Kervyn , 35 ,
350; di Giovanni, Wap, Noiet de Brauwere van Steeland, de Leva , 36;
Hirn, 51,270; Morren,51, 447; Dewalque, 51; von Lasaulx,52, 667;
Saltel, 52; Scheler, Delisle, Pet y de Thozée, d'Eichthal, 147: van Ele-
wyck, 227; Du Mortier, Catalan, Heiinequin, van Rysselberghe, 270;
Cornet, 270, 898; Juste, 350; Chalon, baron dé Koehne, 406; Gachard,
Nypels, 578 ; Heremans, S. Bormans, Garcin de Tassy, Bernimolin, 579 ;
Rivier, 579, 815; Delaborde, Génard, 893; le Ministre des Pays-Bas,
TABLE DES MATIÈRES. H 25
666; Crépin, de Selys Longchamps, Calliburcès, Dove, Gatla, von Schla-
gintweil, 667 ; Vreede, V« Bergmann, baron de Barghon Fort-Rion ,815;
Briart, 898; — d'un méléorile par M. Hinrichs, 5:2; — de gravures par
MM. Donaldson, 227; Raab, 893; — de médailles, par M. le Ministre
derintérieur, 892.
E.
Élections et nominations. — Approbation royale de l'éleclionde M. Wa-
gener comme membre lilulaire,34; membres délégués pour assister aux
fêtes du 4» cenleDaire de Michel Ange, 228 ; Commission chargée de
dresser la liste des objets d'art à reproduire par les lauréats des grands
concours, ibid.; candidatures aux places vacantes : dans la classe des
sciences, 547, 576; dans la classe des beaux-arts, 654, 896; Commis-
sion pour l'examen du projet copie du lauréat Dieltiens, du grand con-
cours d'architecture, 406 ; liste de candidats pour les jurys des concours
quinquennaux et triennaux, 548, 578, 594; Commission pour Télude
du projet du monument Quetelel, 666, 814, 894 ; M. Crépin, élu membre
titulaire, MM. von Dechen, Clausius, Chevreul et Buys-Ballot, élus
associés, MM. Van der Mensbrugghe et Gilkinet élus correspondants,
1097, 1098.
Embryogénie. — De la maturation de l'œuf, de la fécondation et des
premiers phénomènes embryonnaires chez les mammifères, d'après les
observations faites chez le lapin, par M. Ed. Van Beneden, 686.
Fêtes jubilaires. — Célébration du 50«' anniversaire de doctorat du prési-
dent de la Société des naturalistes de Moscou, 2, 446; membres délégués
pous assister au 4^ centenaire de Michel Ange, 228; compte-rendu des
fêtes de ce centenaire, 244, 250 ; 200^ anniversaire de la découverte
des infusoires par Leeuwenhoek, 268, 271.
Géodésie. — M. le Directeur du Dépôt de la guerre présente un travail
concernant la triangulation de la Belgique, 268.
Géologie et paléontologie. — M. Gilkinet présente un travail concernant
la flore fossile de l'étage du poudingue de Burnot, 4; rapports, 70, 71,
75; impression, 159; M. Dewalque lit une note relative aux noms
Cambrien et Silurien, 51 ; rapports sur le travail de M. Crépin concer-
H 26 TABLE DES MATIÈRES.
nant la flore des psammiles du Condroz, 53, 35, 56 ; rapports sur une
nouvelle édition de la carte géologique de la Belgique, 59, 274, 291,
308; décision prise sur les conclusions de ces rapports, 448; lettre du
Déparlement de la guerre relative à ces conclusions, 898; M. Mourlon
présente un travail sur l'étage dévonien des psammiles du Condroz
dans le bassin de Theux, etc., 271 ; rapports, 673, 675, 676 ; impression,
761 ; des anonymes présentent un travail concernant les dépôts litto-
raux de l'assise panisélienne dans les environs de Bruxelles, 447; rap-
ports, 678, 680, 681 ; MM. de la Vallée-Poussin et Renard présentent la
seconde partie de leur mémoire couronné concernant les roches pluto-
niennes, 447 ; M. Mourlon présente un travail concernant les dépôts
dévoniens, etc , 668; rapports sur les mémoires de concours concernant
le bassin houiller de la province de Liège, 900, 949, 971.
Gravure. — Lettre de M. Donaldson accompagnant l'hommage de deux
gravures, 227; rapport sur le concours de gravure en médailles de la
classe des beaux-arts, 239.
U.
Histoire. — Maximilien-Emmanuel de Bavière, comte de Namur, par
M. St. Bormans, 166; Henri III, duc de Brabant (suite), par M. Wau-
ters, 351 ; la diplomatie concernant les alTaires maritimes des Pays-Bas
au XVI« siècle, par M. Piot, 404, 618, 817.
Voir Biographie.
Histoire liUéraire. — Fragment d'un poëme flamand inédit imilé de Li
ROUMANS DE Bebte al's gra>s piÉs, par M. Piol, 155.
Jurisprudence. — Jean de Drosay, l'un des réformateurs de la science
du droit au XVl* siècle, 61 8. 868.
M.
Mathématiques pures et appliquées. — M. Houzeau présente les frag-
ments II et Illjde son travail sur le calcul numérique, 4, 271 ; rapports,
62, 67, 70, 452; impression, 74, 455; M. Saltel présente deux notes con-
tenant les surfaces à points multiples, 4; lecture des rapports, 5; im-
pression des notes, 22, 27; lecture des rapports sur le travail de
M. Havrez concernant des transcendantes, Q; M. Reinemund présente
TABLE DES MATIÈHES. 1127
un travail concernanl les polygones réguliers el des séries higonomé-
iriqups, 447; rapport, 071 ,073; impression, 801 ; MM. Namur ei Man-
sion présenlenl un travail concernant des tables de logarithmes à douze
décimales, 008.
Météorologie et pkysique du globe. - Helalion de coups de foudre, par
M.Devvalque, 13; sur la direction de l'aiguille aimantée à Bruxelles, en
1875, par M, Quetelet, 20; M. Perrey présente une note sur les tremble-
ments de terre en 1872, 52; rapports, 448, 449, 452; M. Wallier pré-
sente une note concernant une nouvelle théorie pour l'élude de la na-
ture, 53; rapports verbaux, 274; M. Leclercq présente une note sur des
orages qui ont éclaté en Belgique, 271 ; étoiles fdantes. Les Perséides
en 1875, par M. Quetelet, 3î9; sur la période de froid du mois de
décembre 1875, par le même, 758.
Métrologie. — M. Rodenbach sollicite la restitution du manuscrit de son
mémoire concernant les mesures de longueur de l'antiquité, 270.
Monument J.B. J-d'Omalius d'Halloy. — Souscription ouverte par la
Société géologique de Belgique, 2; nomination de M. P.-J. Van Beneden
comme membre du comité d'exécution, ibid.
Monument Quetelet. — Montant approximatif des souscriptions et nomi-
nation de la Commission pour l'étude du projet de ce monument, 606,
814, 894.
Musique. — Correspondance de Grétry avec Vitzthumb; notice par
M. Ch. Piot, 408; particularités inédites concernant les œuvres musi-
cales de Gossec et de Philidor, par le même, 024.
W.
Nécrologie. — Annonce de la mort de M. Barye, 39; de M. Van Rees,
207 : de M. Whealstone, 440.
Notices biographiques pour l'Annuaire. — M. Le Roy donne lecture de
sa notice sur Ad. Borgnet, 618; M. le chevalier de Burbure adresse son
manuscrit de celle de M. Bosselet , 893.
Ouvrages présentés. - Juillet, 40; août, 216; septembre-octobre, 456 ;
novembre 055; décembre, 1098.
^^28 TABLE DES MATIÈKES.
Peinture. — Demande de M. Baner relative au mémoire concernanl la ta-
pisserie de haute-lice aux Pays-Bas, 244; rapport verbal sur cette
demande, 408.
Phénomènes périodiques — Documents présentés par MM. Cavalier, 2,
5i, 270, 446, 898; Duprez, 51 ; Bernardin, 446.
Physique. — Observations présentées par M. Gloesener et relatives au
méléorographe universel de M. Van Rysselberghe, 21 ; mêmes observa-
tions présentées par M. Liagre,317; demande relative à l'établissement
de paratonnerres sur Thôpital S^-Pierre, 30; M Van der Mensbrugghe
présente un travail sur les propriétés de la surface de contact d'un so-
lide et d'un liquide, 52; rapport, 272; impression, 341 ; M. Codron pré-
sente une note sur un aérostat à voiles, 52; rapport verbal, 274;
M. Vander Mensbrugghe présente un travail sur le problème des liquides
superposés dans un tube capillaire, 447 ; rapport, 669, 671 ; M. De
Heen présente un travail concernant la fusion et la dilatation des mé-
taux, 668; M. De Tilly présente un travail concernant la théorie méca-
nique de la chaleur, 668, 899.
Voir Météorologie.
Prix du baron de Saint-Génois. — Question pour la ]^' période décen-
nale, 816.
Publications académiques. — Demande d'échange, 50, 269, 350, 446.
R.
Hapports. — Lecture des rapports : 1" sur un travail de M. Havrez con-
cernanl des TRANSCENDANTES ; 2» sur dcux notices de M. Sallel concer-
nant les surfaces à points multiples, 5; rapports : sur le travail de
M. Crépin concernant la flore des psammites du Condroz, 55, 55, 56;
sur une nouvelle édition de la carte géologique de la Belgique, 59, 274,
291,308 ; décision prise sur les conclusions de ces derniers rapports,
448; lettre du Département de la guerre relative à ces conclusions, 898;
rapports : sur un nouvel instrument astronomique de M. Journeaux-
Duhamel, 60, 61 ; sur les fragments II et III du travail de M. Houzeau
concernant le calcul numérique, 62, 67, 70, 452 ; sur un travail de
M. Gilkinet concernanl la flore fossile de l'étage du poudingue de
Burnot, 70, 71, 73; sur les arrêtés royaux réorganisant les grands con-
cours de peinture, de sculpture, de gravure et d'architecture, 214, 229;
sur le mémoire de concours de la classe des beaux-arts concernanl
TADLE DES MATIÈRES. 1129
rhistoire de la sculpture aux Pays-Bas pendant les XYII» et XVIII"
siècles et sur les concours de gravure et de sculpture de la même
classe, 25:2, :238, 259, 240; rapport sur un travail de M. G. Van der
Mensbrugghe concernant les propriétés de la surface de contact d'un
soiid»' et d'un liquide, 272; seconds rapports sur un travail de M. Co-
ynianx concernant des cucurbilacées nouvelles, 273, 274; rapports
vtMbaux : 1" sur une nouvelle théorie pour l'étude de la nature de
M. Watlier,274;2o sur un système aérostatique de M, Codron,ibid.; rap-
ports sur une note de M. Perrey concernant les tremblements de terre
en 1872, 4-48, 449, 452; sur deux notices de M. Terby concernant la
planète Mars et l'ombre du 2* sattellite de Jupiter, 453, 454; sur le
travail de M Galesloot concernant des antiquités de l'époque romaine
découvertes à Assclie, 579, 585; sur le travail de M. Génard concernant
Corneille Duplicius Scepperus, 588, 592, 593; rapport de la Commission
chargée d'examiner le projet copie du lauréat Dielliens, du grand
concours d'architecture, 620; rapports sur un travail de M. Mou ri on
concernant l'étage dévonien des psammites du Condroz dans le bassin
de Theux, elc , G73, 675, 676; sur le travail anonyme concernant les
dépôts littoraux de l'assise panisélienne dans les environs de Bruxelles,
678, 680, 681 ; sur la note de M. G. Van der Mensbrugghe concernant le
problème de deux liquides superposés dans un tube capillaire, 669,
671 ; sur le travail de M. Beinemund concernant les polygones réguliers
et des séries trigonométriques, 671, 673; sur la note de M. Dubois
concernant des oiseaux nouveaux, 684; sur les mémoires de concours
de la classe des sciences concernant le bassin houiiler de la province de
Liège, 900, 949,971.
S.
Sciences morales et politiques.-- Des causeset des effets de l'accroissement
successif des armées permanentes, par M. le général Brialmont, 976.
Sculpture. — Bapports sur le mémoire de concours concernant l'histoire
de la sculpture aux Pays-Bas pendaut le XVIl" etXVIlI* siècles, 232,
238, 264; rapports sur les bas-reliefs du concours de la classe des
beaux-arts représentant V Horticulture. 240; souvenir du iv^ centenaire
de Michel Ange, 244, 2o0.
Z.
Zoologie. — M. F. Plateau présente un travail concernant les phénomènes
delà digestion, etc., chez les Myriapodes de la Belgique, 271 ; M. Fœt-
linger présente un travail sur l'épiderme des cyclostomes, ibid. ; les
2"*^ SÉRIE, TOME XL. 72
1450 TABLE DES 5IATIÊRES.
Pacbyacanthus du musée de Vienne, par M. P.-J. Van Beneden, 525;
les ossements fossiles du genre Aulocète au musée de Linz, par le
même, 356; le squelette de la Baleine fossile du Musée de Milan, par le
même, 756 ; M. Dubois présente un travail concernant quelques oiseaux
nouveaux, 447; rapport de M. deSelys Longchamps, 684; impression,
797.
Voir Embryogénie.
TABLE DES PLANCHES.
Page 12. Drosera rotundifolia. L.
— 144. Plantes fossiles de l'étage du poudingue de Burnot.
— 554. Drosera binata. Labill.
— 565. Planète Mars (opposition de 1875).
— 758. Squelette de la Baleine fossile du Musée de Milan.
— 796. Sur l'étage dévonien des psammites du Condroz dans le bassin
de Theux , dans le bassin septentrional (entre Aix-la-Chapelle
et Ath) et dans le Boulonnais.
ERRATA.
Page 22, au lieu de : M. Gloesener 18 dernier, lisez : 18 juin dernier
— 52, 4« §, au lieu de : la météorite, lisez : du météorite qu'il a offert.
— 147, au lieu de : M. Aug. Scheler présente à titre dommage, lisez : d'kom-
mage.
Page 214, § 2, au lieu de : Dieltjens , lisez : Dieltiens.
— 243, § ^,idem.
— 244, § 1 , au lieu de •• Banner, lisez : Baner.
— 578, § 2, au lieu de: cinquième période du concours triennal de littéra-
ture dramatique française, lisez : sixième.
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