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Full text of "Bulletin Societe D'Histoire Naturelle de Toulouse (et de Midi Pyrenees)."

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D'HISTOIRE NATURELLE 


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QUATRIÈME ANNÉE. — TOME IV. 


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TYPOGRAPHIE DE BONNAL ET GIBRAC, 
RUE SAINT-ROME, 44. 


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QUATRIÈME ANNÉE. — TOME IV. 


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TYPOGRAPHIE DE BONNAL ET GIBRAC, 
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BULLETIN 


SOCIÉTÉ D'HISTOIRE NATURELLE 


DE TOULOUSE. 


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QUATRIÈME ANNÉE 4869-1870. 


Séance de rentrée du 19 novembre 1269. 
Présidence de M. le Dr Gurrarn, vice-président. 


La Société reçoit : 
_ Bulietin de la Société archéologique de Béziers , 2e série, 
MoN IA: 

Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation , 
juillet, août et septembre, n° 7, 8 et 9, 1869 ; 

Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, 1° sem. 
4869 ; 

Bulletin de la Société de climatologie algérienne, À, 2, 3, 1869; 

Mémoires de l’Académie des sciences de Caen, 186) ; 

Annales de la Société scientifique d’Apt, 1866-1867 ; 
_ Bulletin de la Socièté des sciences de l'Ardèche, t. V, 1868 ; 

Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, t. XXII 
et XXIV ; 

Bulletin de La Société des sciences de l'Yonne, % trimestre 1869 ; 

Mémoires de la Société d’émulation du Jura, 1868 ; 

Mémoires de la Société académique de l’Aube, 1868 ; 

Notices publiées par la Société du département de la Manche. 
Ph EtS""; 

Mémoires sur l’histoire du Cotentin, 1. I; 


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Rapport sur les travaux de la Soriété archéologique du Midi, 
par E. Cartailhac; | 

Journal d'Agriculture du midi de la France, août à oct. 4869 ; 

Revue agricole du Midi ; | 

Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme ; 
livr. de mai, juin, juillet, août 1869 ; 

La Minerve de Toulouse; livr. de août, sepl., oct. 1869. 


De la part de M. Petit, surveillant militaire à la Nouvelle-Calé- 
donie : hache polie en jade ; 2 pierres de fronde avec la fronde ; 
une perruche ; 

De la part de M. Cartailhac : 7 hachettes en pierre polie de 
l’Aveyron ; 

De la part de M. d’Aubuisson : un Agaric; 

De la part de M. le Dr Guitard : des fruits mürs de l’Asclepias 
seriaca venus en plein air. 

Des remerciments sont votés aux donateurs. 


M. le docteur Guitard rend compte des essais d’acclimatation 
qu'il a pu faire cette année ; deux plantes lui ont donné de bons 
résultats : le Pyrox et l’Asclepias seriaca. Le Pyrox est un arbre 
mexicain dont les graines servent à la nourriture des oiseaux de 
volière. L’Asclepias seriaca est un arbre à soie déjà cultivé aux 
États-Unis sur une assez grande échelle. Un industriel a même 
demandé un brevet pour employer cette plante dans le tissage de la 
soie. Chez le docteur Guitard, l’Asclepias semé à porté des fleurs et 
des graines à parfaite maturité ; mais l'hiver a été d’une clémence 
exceptionnelle, et celte année, avec des froids plus rigoureux, la 
plante est exposée à périr. 


Séance du 3 décembre 1869. 


Présidence de M. le D' Gutrar», vice-président. 


La Société reçoit : 
Matériaux pour l'histoire primitive ct naturelle de l’homme, 
2e série, livr. de sept. et oct. 1869 ; 


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Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation , 
2e série, t. VI ; 

Mémoires de l’Académie des sciences de Toulouse, 7° série, t. }; 

Mémoires de la Société d'agriculture de la Marne, année 1868 ; 

Annales de l’Académie de Mäcon, 1. VIT. 


M. Cartailhac prend la parole pour annoncer à la Société que 
M. Trutat et lui ont été assez heureux pour obtenir de leur cor- 
respondant, M. Detroyat, une petite mais précieuse série de silex 

taillés et d'ossemenis d’une station de l’âge du renne, voisine de 
Bayonne. C'est le gisement de ce genre le plus méridional que 
l’on connaisse ; le renne n’a pas encore été rencontré plus au sud. 

Un autre envoi provient de la Société de Climatologie Alge- 

rienne : cette compagnie savante a fait fouiller deux grottes, l'une 
à Pointe-Pescade , l’autre dans le rocher de Guyotville. Dans la 
première on trouva des ossements de bœuf, cheval, de divers 
Antilopiens qui ne se rencontrent aujourd'hui qu’au loin dans le 
sud et même dans la région subsaharienne, d’ours, de hyène ct 
. de porc-épic. La plupart de ces ossements étaient dans des foyers 
ct associés à des silex taillés. La seconde grotte contenait le 
Bos bubalus , les mêmes Antilopiens, l'âne, une chèvre, une pan- 
thère, une hyène , une tortue de terre, et des quantités considé- 
rables de débris de coquilles marines ou même terrestres associées 
à des couteaux en silex, des marteaux et deux haches de dimen- 
sions bien différentes. En outre des moulages de ces objets tra- 
vaillés, le don de la Société d’Alger comprend une belle série d'os 
d'animaux et de coquilles trouvés dans les deux stations. Ce sont 
les premiers spécimens de lindustrie primitive des grottes du 
nord de l’Afrique qui arrivent en France. Sur la proposition de 
MM. Trutat et Cartailhac, qui transmettent ces dons au Musée 
d'Histoire naturelle, la Société vote des remerciements à la Société 
de climatologie algérienne et à M. Detroyat. 


M. Gourdon propose d'introduire un ordre du travail réglé 
d'avance, pour l’année, par le bureau. Après une longue diseus- 
sion, à laquelle plusieurs membres de la Société prennent part, 
M. le docteur Gourdon retire sa proposition. 


M. Timbal-Lagrave.fils lit une note sur une nouvelle localité du 
Verbascum glabrum, Mill. 


4 frs: 


Le V. glabrum n’est indiqué en France que dans une seule 
localité, à Civray (Vienne), sur un mur de jardin. Geux qui l’ont 
découvert dans cette localité se demandent encore s’il y est vérita- 
blement spontané. 

M. Franchet constate ce fait dans sa monographie des Verbas- 
cum, et le considère comme une bonne espèce, se distinguant 
parfaitement à son feuillage vert de bronze, à ses fleurs blanches 
et pourpres à l'extérieur et à ses poils glanduleux capités. Certains 
floristes l’ont cependant confondu avec le V. Blattaria et le 
V. Repandum, Reich. Ces deux derniers ont les fleurs jaunes. 

Cette plante a été découverte, en 1865, juillet et août, à Saint- 
Sulpice-sur-Lèze (Haute-Garonne), par MM. Filhol et Timbal- 
Lagrave père. Depuis cette époque, ce Verbascum a été soumis à 
des essais de culture; cette espèce s’est maintenue avec tous ses 
caractères. 


M. H. Magnan communique à la Société une Note sur le 
terrain crétacé inférieur (néocomien, aptien, albien) des Pyrénées 
françaises et des Corbières. 

Après avoir indiqué les causes d’erreur qui ont fait ranger jus- 
qu’à ces derniers temps cette puissante formation dans le terrain 
jurassique (plissements, renversements de couches, failles, appa- 
rences trompeuses du conglomérat cénomanien de Camarade), 
et après avoir donné un aperçu de la composition générale du 
terrain crétacé inférieur le long de la chaine pyrénéenne, 
M. Magnan fait connaître en détail, la coupe de Saint-Lizier (près 
Saint-Girons), à l’Église de Gajan, où apparaissent les trois termes 
du terrain dont il s’agit. 

Les deux étages inférieurs, le néocomien et l’aptien, sont sur- 
tout admirablement représentés à Saint-Lizier. — Le premier re- 
pose en concordance sur les dolomies noirâtres , fétides, plus ou 
moins bréchoiïdes de l’oolithe supérieure (terrain jurassique) ; sa 
puissance est de 300 mètres; il est formé de calcaires dolomiti- 
ques et de calcaires marmoréens gris, à Caprotina Lonsdalii, Tere. 
bratula sella, Nerinea indéterm. — Le second, dont l'épaisseur 
est considérable et difficile à préciser, se trouve constitué par des 
calcaires, des calschistes et des schistes noirâtres, qui renferment en 
abondance l’Ostrea aquila et les Orbitolina conoidea et discoidea. 


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L’albien, c’est-à-dire l’étage le plus supérieur du groupe, est com- 
posé aussi de schistes noirs, puissants, et près de l’Église de Gajan, 
de calcaires gris, marmoréens, à Caprotina Lonsdalii, ressemblant 
à ceux du néocomien, mais s’en distinguant par leur position et par 
certains fossiles : Discoidea conica, Pentacrinites cretaceus, etc. 

Toute celte série bute par faille contre le terrain juras- 
sique. Il est impossible de savoir ici quelles sont les couches 
qui constituent la partie supérieure de l’étage albien. (Le terrain 
jurassique qui se montre par faille au nord de l’Église de Gajan, 
explique pourquoi les auteurs de la Carte géologique de France 
ont rangé dans cette formation, les 4500 mètres de couches 
appartenant en réalité au terrain crétacé inférieur. 

C'est dans les Corbières, entre Vingrau et Rivesaltes , que 
M. Magnan a pu compléter l'étude de l'étage albien. Il a vu dans 
cette région, au-dessus des calcaires, des schistes noirâtres et des 
calschistes à Orbitolina et à Ostrea aquila de l’aptien et de l’albien 
inférieur, se développer une puissante série de calcaires gris à 
Caprotina Lonsdalii, alternant avec des marbres blancs, des 
brèches marmoréennes, à teinte pâle, qui sont surmontés par des 
schistes terreux et ardoisiers noirâtres. La puissance de cet étage 
dans les Corbières est de 45 à 1800 mètres. 

M. Magnan, après avoir rappelé ce qu'il a écrit en 1868 (Comptes 
rendus de l’Institut), à propos du rôle considérable que joue dans 
les Pyrénées françaises le groupe du crétacé inférieur, dont l’épais- 
seur totale peut être évaluée à 2,500 mètres, ajoute que tout ré- 
cemment 1| a acquis la conviction que les calcaires gris et les 
schistes noirâtres d’'Ussat et de Tarascon (Ariége), que l’on croyait 
appartenir, d’après de récents travaux, au terrain Jurassique, dé- 
pendent en réalité du terrain crétacé inférieur; il a recueilli à 
Ussat et à Ornolac des fossiles de ce dernier terrain, entre autres le 
Caprotina Lonsdalii et l’'Ammonîtes Carteroni, qui caractérisent 
le terrain néocomien à Gigondas (Vaucluse). 

M. Magnan termine en disant que le terrain crétacé inférieur, 
qui a éte reconnu il y a quelques mois au sommet du pic de 
Cagire (1,912 mètres) par la Société d'Histoire naturelle de Tou- 
louse, entre aussi dans la constitution du massif du Gars (1,786 
mètres), au nord de Saint-Béal. 


— 10 — 


Séance du 177 décembre 1869, 
Présidence de M. le D° Frzuoz, président. 


La Société reçoit : 


Monuments mégalithiques du département de l'Aveyron, par 
M. E. Cartailhac (ext. des Transactions, of the intern. Congres 
of prehist., Arch.). 

Journal d'Agriculture pratique du midi de la France, 3 série, 
t. XX. 


L'ordre du jour de la séance appelle la communication de 
M. F. Regnault sur le résultat de fouilles faites par lui dans la 
scrotte de Montesquieu (près Aulinac, H.-G.). Il se compose 
d’ossements humains et d’ossements d'animaux qu'il n'a pu 
encore déterminer. 

. Après avoir fait la description de la grotte et du couloir qu'il a 
explorés, M. F, Regnault se demande si celte grande quantité 
d’ossements humains cassés, mêlés à ceux des animaux, trouvés au 
milieu d’un foyer, dans une couche de terrain qui ne lui a pas 
paru remaniée, ne seraient pas des débris de repas faits par 
l'homme. — 1] a encore trouvé dans ces fouilles des ossements 
humains cassés intentionnellement, au milieu d’un foyer ancien, 
mêlés à des débris de divers animaux, indice de repas de can- 
nibales. Pour M. Regnault, l’homme qui habitait la grotte de 
Montesquieu devait pratiquer l'anthropophagie. 

M. Regnault présente cette découverte sous toutes réserves ; 
il se propose de compléter ses recherches sur une question si 
intéressante par de nombreuses fouilles qui conduiront certai- 
nement à de nouveaux résultats. 


M. Cartailhac fait observer que, dans une aussi grave question, 
il importe de ne rien avancer de douteux. Or, le contenu de la 
grotte de Montesquieu, si l’on en juge par le travail de M. Ro- 


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gnault, est entièrement remanié. Ainsi, on y trouve les espèces 
de la pierre polie, le chien par exemple, associées à celles de 
l’âge paléolithique. 

M. Cartailhac croit qu'il n’est pas possible d’accuser d’anthro- 
pophagie les sauvages qui ont laissé dans cette grotte les preuves 
non équivoques de leur séjour. Les nombreux ossements humains 
que M. l’abbé Pouech et, après lui, M. Regnault ont recueillis, ne 
sont pas cassés comme ceux des animaux, et si quelques-uns sont 
rongés, ce n’est pas par les dents humaines, mais bien par celles 
plus puissantes des rats. Si on trouve des assements humains au 
milieu des cendres et des débris de cuisine, c’est que peut-être 
les morts étaient déposés sur les foyers domestiques, comme 
on le constate dans les stations antéhistoriques de Saône-et-Loire, 
à la manière de quelques tribus sauvages actuelles ; bien d’autres 
explications peuvent être données. Tout en critiquant les conclu- 
sions de M. Regnault, M. Cartaïlhac n'entend pas mettre en doute 
des preuves d’anthropophagie établies ailleurs en France, et que 
l’histoire même est bien loin de contredire. 

MM. Filhol, de Malafosse et Trutat présentent à leur tour quel- 
ques observations et partagent les idées de M. Cartailhac. 


M. de Malafosse dépose ensuite sur le bureau, et offre à là 
Société, un grand nombre d'échantillons et de fossiles de l’Infra- 
has, parmi lesquels l’on remarque la Cypricardia porrecta, la 
Turritella Dunkeri, la Gervilia obliqua, etc., au moyen desquels 
il peut caractériser et fixer la position de cet étage dans la région 
méridionale du plateau central. Il fait une coupe générale de 
l’Infra-lias dans le département de la Lozère, et essaie de démontrer 
que les premiers sédiments des mers jurassiques se sont déposés 
dans ces contrées sur les terrains de cristallisation occupés alors 
par une flore terrestre dont les empreintes ou les débris à l’état 
de lignite abondent dans les grès, qui sont l'extrême base du lias. 
Au moyen de fossiles recueillis par lui dans ces grès, M. de Mala- 
fosse explique que l’Infra-lias commence dans cette localité, dans 
la zone à Ammonites planorbis, appartenant à une période plus 
calme et formée de marnes et de calcaires. 

M. de Malafosse croit devoir faire remarquer à la Société que les 
rares géologues, MM. Reynès et Kecklin Schlumberger, qui se sont 
occupés de ces régions — N. de l’Aveyron et Lozère — n'avaient 


pu caractériser l’Infra-lias, faute de fossiles. Notre confrère a 
été plus heureux. 

M. H. Magnan dit que la très-intéressante découverte que vient 
de faire M. de Malafosse démontre, une fois de plus, l’analogie qui 
existe entre les formations liasiques de nos régions et celles des 
bassins du Rhône, de la Loire et de la Seine. 

Les fossiles et les roches de l’Infra-lias des environs de Mar- 
véjols, présentés à la Société par M. de Malafosse, lui rappellent, 
de tous points, ceux qu’il a recueillis au même niveau géologique 
sur les rives du Rhône, à Chateaubourg, vis-à-vis Valence, à 
Vernoux, dans l’Ardèche, et en divers lieux des départements de 
l’Aveyron, du Tarn, du Tarn-et-Garonne et du Lot. 

M. Magnan fait ensuite remarquer que les dépôts infraliasiques 
occupent sur Île plateau central de la France des altitudes bien 
différentes : les couches fossilifères de Chateaubourg sont situées à 
420 mètres au-dessus du niveau de la mer; celles de Vernoux à 
017 mètres ; celles des environs de Villefort à 4030 mètres ; celles 
de Marvéjols, étudiées par M. de Malafosse, à 635 mètres; enfin 
celles des départemenrs de l’Aveyron, du Lot, du Tarn et du 
Tarn-et-Garonne entre 150 et 600 mètres. 

M. Magnan explique ces diverses altitudes par d’immenses 
affaissements suivis de failles, et termine en rappelant le rôle 
considérable que les brisures et les agents d’érosion ont joué sur 
le plateau central de la France et sur les bords de ce plateau. Il a, 
du reste, prouvé tout récemment, que dans la forêt de la Grésigne, 
presque dans la plaine, 4630 mètres de couches ont été enlevées 
par les eaux, dans une seule période géologique. 


M. Trutat demande ensuite la parole pour rendre compte 
d’une course qu’il vient de faire sur la nouvelle ligne d’Auch à 
Tarbes. L’exécution de cette partie du chemin de fer d’Agen aux 
Pyrénées présentait de très-grandes difficultés, car il fallait tra- 
verser une région accidentée et entièrement formée de marnes et 
de sables. Malgré cela, les travaux n’ont pas été arrêtés un seul 
instant : tout avait été prévu et calculé par avance. C'est 
qu’aussi la géologie pratique avait tout dirigé dans cette entre- 
prise : plus de 300 sondages explorateurs, poussés à des profon- 
deurs de 60 à 80 mètres, avaient permis d'établir des coupes 
d’une exactitude complète. C’est la première fois, croyons-nous, 


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que les données géologiques ont été consultées avec autant de 
soin ; aussi sommes-nous heureux de constater le véritable succès 
obtenu par la Compagnie des chemins de fer du Midi dans cette 
heureuse innovation. 

Le but principal du voyage de M. Trutat était de reconnaître un 
gite fossilifère d’une très grande richesse que la voie avait traversé 
dans la tranchée du faite de Miélan. 

La Société a déjà vu les nombreux débris que la compagnie du 
Midi a généreusement offerts à notre Musée, Quoiqu’arrivé un peu 
tardivement, M. Trutat a pu constater la nature des couches ossi- 
fères, grâce aux précautions prises par M. l’ingénieur Boutillier. 
Les stations précises des pièces principales avaient été piquetées 
dans les talus, et une coupe d’une grande netteté avait été réservée 
pour la visite. 

Le fait le plus important que M. Trutat a constaté est celui-ci : 
le dépôt ossifère était tout entier limité à une poche de terrain 
remanié, limité en haut et en bas par des couches tertiaires, par- 
faitement horizontales. Ce dépôt remanié était lui-même terminé 
à sa partie inférieure par un banc de cailloux roulés de petite 
dimension. La quantité d’ossements accumulés dans cette poche 
était tellement considérable, qu’on a pu en remplir une vingtaine 
de wagons ; malheureusement ils étaient dans un état de friabilité 
telle que leur conservation a été souvent impossible ; il a été cepen- 
dant facile de constater la présence des espèces suivantes : Dinothe- 
rium, Mastodonte, Rhinoceros et Dicroceros. 

M. Trutat a constaté la présence d’un banc de cailloux née 
d’une puissance régulière d’un mètre, sur tous les sommets qui se 
trouvent entre Mirande et Miélan, Ces cailloux, d’origine pyré- 
néenne, permettent de reconnaitre l’origine récente des ravins qui 
sillonnent la partie du bassin sous-pyrénéen, prolongement du 
plateau de Lannemezan. Pour M. Trutat, ils se rattachent à la 
grande période glaciaire qui a été la cause directe du creusement de 
toutes les vallées sous-pyrénéennes. Notre confrère étudie, du reste, 
ce magnifique phénomène : les tranchées ouvertes pour le chemin 
de fer des Pyrénées faciliteront singulièrement ses recherches. 


Séance du ? ianvier 1870. 
Présidence de M. le D' Guiramn, vice-président. 


La Société reçoit : 
La Minerve de Toulouse, n° À, vol. I. 


M. Fouque fait connaitre la : luation financière de la Société. 
Conformément au règlemeit. M. le président nomme une 
commission pour vérifier les comptes. D’après l’article 31 du 
règlement qui la régit, la Société procède au renouvellement de 
son bureau ct à la nomination de ses commissions. 

Sont nommés : 

Président, M. le Dr Guirarp; 

4er Vice-président, M. E. TRUTAT ; 

2e id. M. PLA ; 1 

Secrétaire général, M. E. CARTAILHAC ; 

Secrétaire adjoint, M. À. PEYRE; 

Trésorier, M. MAaRQuET ; 

Bibliothécaire-archiviste, M. TimBaz-LaGrave fils ; 


Membres du. conseil d'administration , MM. Gourpox et. 


MAGNa ; 
Membres du comité de publication, MM. MaGNaN, JEANBERNAT, 
TruTAT et D'AUBUISSON. 


M. H. Magnan, continuant l’étude de la craie dans nos régions, 
communique une Note sur la craie moyenne des Pyrénées fran- 
caises et des Corbières (cénomanien et turonien). 


Après avoir succinclement rappelé la composition de la craie 
inférieure (néocomien, aptien, albien), groupe important essen- 
tiellement formé de calcaires plus ou moins marmoréens, gris, de 
calcaires noirâtres, etc., de schistes noirs souvent ardoisiers, qu'il 
a décrit en détail dans une précédente séance (p. 8 ), M. Magnan 
dit que la craie moyenne est presque entièrement composée de 
roches détritiques (grès et conglomérats), ce qui s'explique très-bien, 
si l’on se rappelle le fait important qu'il a démontré en 1868, à 
savoir : qu’à diverses époques, les Pyrénées ont été disloquées et 


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dénudées, et notammeat pour le cas dont il s’agit, après l’époque 
‘de la craie inférieure. En effet, ce sont les mille mètres de cou- 
ches enlevées par les agents d’érosion, après le dépôt des terrains 
albiens, qui ont constitué les roches gréseuses et les conglomérats 
de la craie moyenne. 

M. Magnan donne ensuite quelques détails sur le rôle important 
que joue fe craie moyenne dans les Pyrénées; sa puissance est 
d'environ 4,000 mètres. Ce terrain peut être suivi presque sans 
interruption des bords de l'Océan aux rivages de la Méditerranée, 
en constituant, ordinairement, au pied de la chaine, les montagnes 
de 3° ordre. On remarque aussi cette formation dans le massif de 
Gayarnie. | 

Après ces grands traits, M. Magnan trace sur le tableau plu- 
sieurs coupes qu'il a relevées en plusieurs points de la chaine 
pyrénéenne, dans l’Aude, dans l’Ariége, dans la Haute-Garonne 
et dans les Hautes-Pyrénées. 

Les coupes les plus intéressantes, les coupes classiques, qui 
montrent les vrais rapports de position du groupe qui nous 
occupe avec les terrains qui l'ont précédé et ceux qui l’ont suivi, 
sont celles que M. Magnan a faites dans les petites Pyrénées de 
l’Ariége et dans les Corbiérès!: 

+6 Entre Sainte-Croix et Baup, en remontant la petite rivière 
du Volp; 

2 Entre Ufferte et le moulin de Camp-Pataillé sur l’Arize ; 

30 Entre le Milobre de Massac, Soulatge et Pierre-Pagès dus 
les Corbières. 

Ces.coupes, qui sont plus spécialement décrites par M. Magnan, 
démontrent le fait important de la discordance de la craie 
moyenne (cénomanien) avec les dépôts de la craie inférieure 
(albien, aptien, néocomien) et avec ceux antérieurs à cette épo- 
que ; elles permettent ensuite d'étudier avec profit la lithologie et 
la paléontologie des étages Cénomanien et Turonien. 

Le premier de ces étages débute par un puissant conglomérat, 
plus ou moins incohérent, formé en certains lieux, de blocs 
énormes (ces blocs souvent fossilifères ont été la cause de nom- 
breuses erreurs. La plupart des géologues qui ont étudié les 
Pyrénées les avant crus à leur vraie place, c’est-à-dire non rema- 
niés, ont rangé le terrain qui les renfermail tantôt dans le lias, 
tantôt dans ke corallien, tantôt dans l'aptien, suivant qu'ils y trou 


— 16 _—— 


vaient tels ou tels fossiles). — Ge conglomérat auquel M. Magnan a 
donné en 1868, le nom de conglomérat de Camarade, et qui corres- 
pond aux couches à Orbitolina concava des Charentes, c’est-à-dire 
au cénomanien inférieur, alterne à la partie supérieure avec des 
couches schisteuses psammitiques, nettement stratifiées. Sa puis- 
sance est en certains points (Ariége, Htes-Pyrénées) de 800 mêtr. ; il 
passe quelquefois vers le haut à un poudingue bréchoïde, solidement 


* 


cimenté. Il est recouvert par des dalles gréseuses à empreintes 


végétales (fucoïdes) (niveau de l’ile d'Aix), des grès sablonneux, 
des argiles micacées, roches détritiques, auxquelles sont sou- 
vent subordonnées, surtout dans la partie orientale et médiane 
de la chaîne, des couches de calcaire renfermant de précieux 
fossiles : Ostrea (Exogyra) Columba, Janira quinquecostata ; 
Nautilus Charpentieri, Cyclolites semiglobosa, Caprina adversa, 
Ostrea carinata, etc. 

Le second étage, le Turonien, est formé par des grès siliceux 
jaunâtres, rougeâtres et par des argiles plus ou moins micacées. 
Ces grès renferment en certains lieux, surtout dans l’Aude et 
dans la partie orientale de l’Ariége, des couches de calcaire qui 
contiennent de nombreux corps organisés : Hippurites organisans, 
H. striata, Cyclolites undulata, Sphærulites ventricosa, Spon- 
dylus spinosus, Micraster brevis, ete. L’épaisseur de cet étage esi 
de 200 mètres environ. 

Dans la partie médiane de la chaîne, les calcaires sont moins 
abondants ; ils sont généralement gris-bleuâtres (Sainte-Croix, 
environs de Lescaladieu); dans la partie occidentale (Basses- 
Pyrénées), les couches supérieures au conglomérat de Camarade 
sont généra'ement argileuses (schistes pourris) et calcareuses avec 
silex; elles renferment les même végétaux fossiles (fucoïdes) ; 
l’élément franchement calcaire réapparaît, et avec lui les rudistes 
de la base, notamment près de Sare (S. de Bayonne), où l’on a 
recueilli entre autres espèces des Caprines (C. adversa). 

M. Magnan termine en appelant l'attention de la Société sur 
une coupe qu’il a relevée entre Bagnères-de-Bigorre et Orignac. 
Cette coupe montre les difficultés qui attendent le géologue qui 


veut étudier dans les hautes Pyrénées le groupe de la craie. 
moyenne : ce ne sont partout que couches disloquées, renversées, 


en partie recouvertes par des terrains récents ; aussi les vrais rap- 
ports de position sont-ils souvent difficiles à établir dans cette région. 


=. 4h = 


‘Séance dù SA janvier 1870. 


Présidence de M, le Dr Guirann, président. 

.M. le Dr Guitard ayant appartenu à l’ancien bureau, est embar- 
rassé pourile remercier au nom de la Société. Le nouveau bureau 
tâchera de répondre à la confiance, de ceux qui l'ont nommé. 

Son premier soin 4 .élé de reconnaître les services rendus à 
la, Société par: M. le professeur. Filhol, durant: les trois années: 
écoulées.. .et. il. propose à la Société de le nommer RRetsens 
honoraire. | 

Les. memb: es présents adoptent, par aoclaihe lion; a Moon 


de:M. le président. Le bureau sera auprès de M. Lilhol l’intérprète 
de leurs sentiments. 


Sont nommés, au scrutin secret, conformément au règlement : 

Membres de la commission des grandes excursions, MM. le 
Dr. JEanBERnaT, Macnan, Lacaze, TrurarT, MarQuer. 
. Membres dela commission des petites excursions, MM. d’ AÛ- 
BUISSON, RIVIÈRE et FOUQUE. 

La Société adopte ensuite les conclusions du couseil. d'admi- 
nistration sur plusieurs points. 

La Société: reçoit : 

Mutériaux pour l'histoire primitive de l'homme, novembre et 
décembre. 41869. | 

M. le secrétaire-général dépose sur le TEA la première 
livraison, du 3° solume de nos bulletins. 


"M. MEL Lagrave lit un rapport sur les herhorisations: de la 
Société durant l'année 1869, imprimé p. 107 du volume Hi. 


M. Filhol met sous les yeux de la Compagnie les ‘ossements et 
objets qu'il a recueillis dans quelques grottes de là’ Haute- 
Garonne. LE 

Grotte de Salech': Les premières fouilles y furent exécutées, 11 
va.plusieurs années, par MM. Rames et Filhol fils. Elles ameno- 
rent la découverte de poinçons en os, de dents perforées, de silex 


e) 


LD 


LES EL A 


luillés, d’ossemeuts humains et d'animaux domestiques ampâtés 
dans une stalagmite compacte. Les, nouvelles recherches ont donné 
les mêmes résultats. 

Grottes du Massif d’Arbas : 1° La Tuto de la spigos de la 
Quanquo con'enait les ossements d’un petit ours à l'exception de 
ceux de l'ours des cavernes. — 2° Une seconde cavité au pied du 
Mail de Penne blanco a livré des poinçons et lissoirs en os, des 
outils en silex et en quartzite, des poteries d’époques bién diffé 
rentes, des ‘ossements d'animaux domestiques et de femmes ct 
d'enfants. Ges ossements humains ont été étudiés avec un vif 
intérêt par l’un des plus éminents anthropologistes, Dr Pruner-Bey. 
Avec tous ces débris dans les mêmes foyers et lits de cendres, se 
trouvaient des ossements de l’ours des cavernes apportés 1à par’ 
l'homme de l'âge de la pierre polie, qui avait découvert leur gise- 
ment dans une salle intérieure qui est aujourd’hui d’un difficile 
accès.— 9° Enfin la Grotte du Mail de Bourusse, — qui peut-être 
communique avec la précédente, par des couloirs très-longs et 
sineuliérementréduits, sinon obstrués, —renfermait des ossements 
de l'ours des cavernes. us 

Deux grottes,ont été visitées par M. Filhol à [sault-de-l’Autel ; 
l’une a livré des ossements d'animaux domestiques et des poteries, 
l’autre des ossements humains. 

Les objets recueillis sont destinés au Muséum de Toulouse. 


M. Cartailhac fait remarquer Ia parfaite similitude des osse- 
ments humains, exhibés par M. le professeur Filhol avee ceux que 
M. Regnaull a retirés de la grotte de Montesquieu. Les têtes d’os 
- manquent souvent, ce qui arrive toutes les fois que des ossements 
déjà fragiles ont été remués ou retirés sans précaution. Aucun: '0$ 
n'est cassé en long; mais on peut voir un fémur fendu presque 
complètement par la dessication ou tout autre cause naturelle, et 
qui sé partagérait au moindre choc. Lès ossements des victimes 
des cannibales ne demeurent presque jamais entiers, les anthropo- 
phages n’ayant garde ae négliger Ja moelle (4). Enfin on peut 
remarquer dans les ossements humains des stations nouvelles de la: 
Haute-Garonne, un fait bien simple ct qui se retrouve presque 


(1) Voir surtout : The eare cannibals of south africa. (Anthrop. R, april 
1869 ) | 


a 


ter AND ne 


toujours dans les os longs anciens, à savoir : que le canal médul- 
laire est comme agrandi ou nettoyé. C’est le résultat de l'humidité. 

Une raison qui fait croire à M. Cartailhbac que l’anthropophagie 
ne régnait pas à l’époque de la pierre polie dans lAriége ou là 
Haute-Garonne, c’est que le peuple de ces grottes est essentielle- 
ment pasteur! ou agriculteur ; 11 ne présente rien de sacerdotal ; 
ce n’est pas dans ces conditions que se trouvent les anthropo- 
phages actuels; 1ls sont guerriers ou chasseurs, et si quelquefois 
le connibalisme est un fait religieux, en somme, l’origine en est 
dans Ja famine; or, ce fléau atteint rarement des populations 
déjà civilisées. Celles des stations pyrénéenhes sont en apparence 
essentiellement pacifiques, leurs mœurs devaient être trés-douces. 
En Suisse, où les fouilles sont bien mieux étudiées que chez nous, 
où des populations dans la même phase de civilisation ant séjourné 
longtemps, on n’a rien trouvé qui puisse faire admettre le canni- 
balisme, si ce n’est un tibia ou fémur humain, travaillé d’après 
quelques-uns, et qui d’ailleurs ne prouverait qu’une chose, à 
savoir : qu'on n’éprouvail pas plus de répugnance à utiliser un os 
humain que les Romains, qui en faisaient des flûtes. Le seul 
argument sérieux que l’on n’a pas d’ailleurs présenté, mais que 
s'oppose à lui même M. Cartailhac : c’est la prédominence, au 
Mail de Penue-Blanco, de femmeset d'enfants, à l’exclusion des 
hommes. Gette délicatesse de goût est tout-à-fait dans les usages 
des cannibales, C’est le fait remarqué à Chauvaux (Belgique). 

M. Jeanbernat, sans exprimer à cet égard son epinion, fait 
observer qu'il ne comprendrait pas que les sauvages dont il s’agit, 
eussent choisi pour erypte funéraire une cavité si difficilement 
accessible. 

M. Malafosse répond que les grottes à momies du Pérou sont 
bien plus inaccessibles encore. 

M. Cartailbac ajoute qu'il serait plus étonnant que des gens 
ayant des troupeaux fussent demeurés et cussent pris leurs repas 
journaliers à pareille hauteur, Un fait qui a frappé tous les 
explorateurs des grottes, c’est qu’il en est un nombre considérable 
où l’on trouve des ossements humains plus ou moins entiers, plus 
ou moins nombreux. L’imagination peut se donner aisément 
carrière pour expliquer la présence de ces vestiges, et c’est après 
avoir épuisé la série des causes simples et ordinaires que l'or peut 
s'arrêter à une origine spééiale et étrange. Une mort violente, 


as RO) 5 


nne mort naturelle, la perte d’un membre par accident, l'ense-. 
velissement, le transport de ces ossements par l’eau ou par 
l'homme, le remaniement, sont des causes qu’il faut avant tout 
invoquer. Nous admettrons le cannibalisme quand il expliquera 
plus où mieux : lorsque les ossements seront dans des foyers 
non remaniés, au milieu des débris de repas et qu'ils seront 
manifestement brisés par l’homme comme ceux des animaux qui 
ont servi de nourriture. : 


Séance du A1 février 1879. 
Présidence de M. Fiznoz, président honoraire. 


La Société reçoit : 


Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme, 
liv. #, janvier 1870. 

Après discussion, la Société décide qu’il sera publié dans les” 
journaux de la localité un compte-rendu officiel des séances, et 
point d’autres. 


M. Magnan fait connaître à la Société une des régions les 
plus intéressantes des Pyrénées Orientales qu'il vient tout récem- 
ment d'étudier au point de vue géologique, région comprise entre 
Soulatge et Je Pont de la Fou, près Saint-Paul-de-Fenouillet. 

Ainsi que M. Magnan l’a montré, il y a quelque temps (1), du 
Milobre de Massac (Corbières) à Soulatge, on peut passer en revue 
les quatre étages de la craie moyenne et supérieure; mais t'est 
entre Soulalse et le Pont de la Fou que l’on peut observer les 
rapports de position de la eraie moyenne et de la craie inférieure 


1) Séance da 7 janvier 1870, p. 15 de ce vol. 


me CE pie 


etles immenses dislocations qui ont donné à ce pays sa physio- 
nomie si originale et si pittoresque. G 

Au S.de Soulatge on voit le terrain cénomanien reposer en 
discordance, tantôt sur le trias, tantôt sur la craie inférieure, 
puis entre le col de Brézou (chaîne de St-Antoine-de-Galamus) 
et le Pont de la Fou (chaîne de Lesquerde), les couches oolithiques 
et crétacées inférieures, former un immense pli en S, qui bute par 
faille, d’un côté contre les roches verticales du trias, de l’autre 
contre le granite. 

Ce pli gigantesque, dont la moitié supérieure a été enlevée par 
les agents d’érosion, permet d'étudier par deux fois, en allant du 
col de Brézou au Pont de la Fou, les terrains néocomien, aptien et 
albien. L’aptien est presque aussi fossilifére qu’à la Clape ; l’albien 
est remarquable par l'abondance des corps organisés qu'il ren- 
ferme. M. Magnan à retrouvé à Prabas et le long du ruisseau 
de San-Crista les ammonites slbiennes qui n'avaient pas été 
vues en place depuis que Pailleïte les avait découvertes, il y à 
plus de 20 ans, et que d’Orbigny les avait signalées dans son 
Prodrome. 

La faille qui met directement en contact, au Pont de la Fou, les 
terrains granitique et néocomien, faille dont le joint est rempli de 
silice ferrugineuse, est, pour M. Magnan, une preuve de plus en 
faveur de lopinion qu’il soutient, à savoir : que les Pyrénées ne 
sont pas dues à des soulèvements ophitiques où granitiques, mais 
bien à d'immenses failles, linéaires, dont une des lèvres est restée 
en saillie sur l’autre. 

M. Magnan termine en donnant quelques détails sur les brisures 
des roches néocomiennes, d’où sourdent les eaux thermo: minérales 
du Pont de la Fou. 


Répondant à une question de M. Filhol, M. Magnan dit que les 
eaux sulfureuses des Pyrénées sortent généralement des terrains 
primordiaux et de transition les plus anciens, et les eaux salines 
des terrains calcaires (crétacé, jurassique et devonien supéricur ?) 
M. Filhol ayant fait observer que les eaux du Boulou sont tout-à-fait 
exceptionnelles au point de vue ckimique, puisque elles sont 
franchement alcalines, que l’analogie entre les eaux de Luchon 
et celles d'Aix, en Savoie, est plus grande qu'entre les eaux de 
Luchon et de Barèges, M. Magnan ajoute que la géologie des 


terrains anciens n'est pas encore assez avancée pour nya one 
de lous ces faits. 


M. le professeur Filhol fait passer sous les yeux de la Société 
une planche représentant une coupe et une vue de la eavité 
cérébrale du Felis spelæa. I entre dans quelques détails à cet 
égard et donne les moyennes des chiffres de comparaison des gran- 
deurs des os des membres chez le Felis spelæu, le lioncet le tigre. 


Séance du 25 février 1870. 
Présidence de M. le D' Guirarp président. 


Le président annonce une présentation. 

La Société reçoit 

Journal d'Agriculture pratique el d'Economie rurale, numéros 
de décembre et janvier. 

Des Cryptes d'approvisionnement à propos de trois souterrains 
de Saint-Pau, par M. le Dr J.-B. Noulet, in-8°, 34 p., 1870, 
Toulouse (extrait de la R. archéol. du Midi). 

De la part de M. le Dr Guitard, des Haricots, venus à Toulouse, 
de deux espêces provenant de Pékin et de la Vera-Cruz. 


M. C. Fouque entretient la Société de quelques recherches qu'il 
a opérées dans les grottes de la Barousse (Haute-Garonne). Une 
seule lui a donné des preuves.positives de son occupation à 
l’âge de la pierre polie. Un foyer contenait les ossements des 
animaux domestiques avec quelques objets travaillés, poinçons en 
os, derits percées, poteries. Dans la salle où se trouve ce foyer, 
vient aboutir un filet d'eau amené d’une source extérieure à la 
grotte par un travail fort simple et qui peut être contemporain de 
cetle occupation. 


QU Es é 


M. H. Magnan, voulant terminer la description des étages qui 
se rapportent au groupe de la craie, communique aujourd’hui à 
la Société, une Note sur la craie supérieure des Pyrénées et des 
Corbières (senonien, craie de Maëstricht, danien, garumnien\. 


Notre confrère rappelle d’abord, en quelques mots, ce qu'il a dit 
dans deux précédentes séances (p. 8 et 14 de ce vol.), sur la com- 
position des terrains de la eraie inférieure (néocomien, aptien, 
albien) et de la craie moyenne (cénomanien, turonien). Il appuie 
sur le fait important de la disrordance qui existe entré ces deux 
terrains et de la concordance que lon remarque, au contraire, 
entre la craie moyenne et la craie supérieure, si bien que dans 
beaucoup de localités, notamment dans la région occidentale des 
Pyrénées, quand les fossiles manquent ou deviennent rares, on ne 

sait trop où faire commencer l’une et où faire finir l’autre. C’est 

‘dire déjà que, quand elle n’a pas été postérieurement enlevée par 
les agents d’érosion, la craie supérieuré se. montre Jà où apparaîl 
la craie moyenne et que, comme celle-ci, elle constitue presque 
partout, le long de la chaîne pyrénéenne, les basses montagnes, 
cest-à-dire les montagnes de 3° ordre. 

M. Magnan donne ensuite des détails sur la composition de la 
erale supérieure. Il appuie ses dires sur de nombreuses coupes qu’il 
a relevées en divers points des Pyrénées, notamment : 

Entre Oloron et Cardesse (Basses-Pyrénées) ; 

Entre Bagnères-de-Bigorre et Orignac (Hautes-Pyrénées) ; 

Entre Saint-Michel et Fabas (Ariége) ; 

Eutre Daumazan et Balança (Ariége) ; 

‘Entre Alet et Quilian (Aude); 
Entre la Roquelongue et l’ancien ermitage de la Vernède, dns 
les Corbières (Aude). 

D'après notre confrère, la base de cette formation est constituée 
partout par des couches argileuses ou calcareuses, plus où moins 
puissantes, blanchâtres, grisâtres ou bleuâtres, quélquefois ligni- 
teuses, qui contiennent, en bien des points, et quelquefois en 
abondance : Ostrea vesicularis, Ananchytes ovala, Inoceramus 
Cripsi et regularis, Ammonites gallovillensis, F béées: C7 Ut 
en d'autres, les nombreux fossiles du moulin Titus: près de 
Rennes-les-Beins.: C’est là l'horizon de la craie de Villedieu, du 
bassin de Paris, dont la puissance ‘est très-considérable dans les 


Pyrénées occidentales et beaucoup moindre dans les Pyrénées 
médianes et orientales. s ie Lolo : 

Sur ,ces couches reposent :. d’une part, — dans les Corbières, 
dans l’Aude et dans l’Ariége orientale, — des grès psammitiques, 
siliceux, jaunâtres, fréquemment zonés, de 450 m. d'épaisseur, 
avec argiles subordonnées, à fossiles jndsternsiabhles (Pecten, 
Vénus, Mytilus, Cardium), que d’Archiac a rangé parerreur dans 
le tertiaire (partie inférieure du groupe d’Alet); d'autre part, — 
dans l’Ariége occidentale, la Haute-Garonne, les: Hautes! :et.les 
Basses- Pyrénées, — des caleaires jaunes-nankins ou: gristres, 
souvent à grains de quartz; calcaires qui renferment en-certains 
lieux de nombreux fossiles de la craie de Maëstricht, notamment : 
Orbitolites socialis, Hemipneustes radiatus, Nerita nr Ostrea 
larva, Janira striato-costata.. | 

Les assises détritiques, (grès d’Alet) de l Aude et dé usée 
orientale et les calcaires de Maëstricht de l’Ariége occidentale et 
de la Haute-Garonne, dont il vient d’être question, supportent 
à leur tour, une formation Jacustre (partie supérieure du groupe 
d’Alet de d’Archiac, Garumnien.de M, Leymerie), composée de: la 
facon suivante : | 

À la base, par des grès fortement colorés, rutilants ou jaunâ- 
tres ; des sables et des argiles souvent ligniteuses,: couches qui 
renferment des débris de Sauriens et de Tortues, la: Cyrena 
garumnica, etc. ; et par. des calcaires pisolithiques ou cariés:; ! 

À la partie supérieure, par des cale :ires compactes, sab-ithogra - 
phiques, fréquemment siliceux, qui alternent avec des marnes de 
couleur rouge de sang et des poulingues fleuris: Ces ealeaires . 
compactes — qui renferment des Physes, des Lymnées, des Palu- 
dines, des Cyclostomes, des graines de Chara, — forment, dans 
les Corbières, quatre puissantes assises séparées par des marnes 
rulilantes, qui se réduisent à une seule dans l'Arsgéi occidentale 
et dans la Haute-Garonne. iiq 

Ce système lacustre. est recouvert, en concordänre, par des 
marnes et des calcaires à Milliolites, base de la formation num- 
mulitique; marnes dans lesquelles apparaissent: en: divers points, 
avec des fossiles de. l’éocène, quelques fossiles àphysionomie 
crétacée, tels que Hemiaster nasululus, Ostrea vesicularis, Vénus 
Lapeyrusana.! C'est la colonie, que M. Lcymerie a surtout fait 
conpaître dans la Haute-Garonne. oh 4 


# LC 
— 25 — 


L'absence dans la partie occidentale de Ja chaine du terrain 
lacustre dont il vient d’être parlé, — car personne jusqu'iri ne 
l'y a signalé d’une manière certaine, — permet de croire que des 
mouvements lents du sol, mais importants, ont eu lieu pendant la 
période crétacée supérieure. Ges mouvements ont fait émerger les 
parties orientale et médiane de la basse chaîne, qui ont été recoi- 
vertes ensuile par des lacs d’eau douce, pendant qu’à la même 
époque des sédiments marins, — continuation, de la craie propre- 
ment dite, —se déposaient dans les Hautes et dans les Basses-Pyré- 
nées. Cette manière de voir explique aussi pourquoi le terrain 
lacustre varie de puissance. En effet, il atteint 5 ou 600 m. 
d'épaisseur dans les Corbières, et 4 ou 500 m. à Ufferte, dans 
l’Ariéce, tandis qu'il ne dépasse guère 450-m. dans la Haute- 
Garonne. 

M. Magnan termine en donnant quelques aperçus’ sur le’syn- 
éhronisme ‘de : certaines couches W'origine marine et d’origine 
lacustre ou d'eau douce, qui entrent dans la composition de la 
craie supérieure. Ainsi, pour notre confrère, les argiles séno- 
niennes, les grès d’Alet et les calcaires de la craie de Maëstricht, 
soutsynchroniques des grès d’eau dauce et des lignites du bassin 
de Fuveäu, puisque au-dessus de ces couches om trouve, dons lès 
Pyrénées comme en Provence, les bancs à débris de Sauriens ct 
de Tortues, et les calcaires lacustres à Physes du Garumnien, et 
qu'au-dessous on y rencontre les strates marins du sénonien 
inférieur de d'Orbigny à Janira quadricostata et à Ostrea Matli-- 
royiana. Relativement au groupe d’Alet supérieur ou Garumnien 
de M: Leymerie, M. Magnan prétend qu'il s'est déposé-en même 
tempsque le caleaire pisolithique de Paris (Danien) et que les 
couches à Physa gigantea de Rilly. S'il le place entièrement dans 
le terrain dé craie, c’est parce qu'il est surmonté dans la Haute- 
Garonne et dans l’Ariége, par des couches contenant des fossiles 
erétacés: | 


iv: 


Séance du 11 mars 18%0, 
Présidence de M. le professeur PLa, vice-président. 


M. Burrer DEL Mas est nommé membre titulaire, sur la pré:en- 
tation de MM. le Dr Cuq et Calmels. 


La Société a reçu : ET 


Société des sciences et arts de Vitry-le-Français, t. I, 1869. * 

Bulletin de la Soriété d'acclimatation, 1. VIE, 4870, liv. de 
janvier. | M 

La Minerve de Toulouse, liv. de janvier. 

Note sur une grotte de Bagnères-de-Bigorre, par MM. Frossard, 
in-8°, Bagnères. (Ext. du Bull. de la Soc. Ramond.) 


M. Maine lit la note suivante : | 

M. le président Guitard nous a présenté, dans la dernière séance, 
quelques Haricots provenant de pieds nés à Toulouse de graines 
apportées de Pékin, 

Je me souviens avoir récolté moi-même, depuis une dizaine 
d'années, des graines semblables sur une plante d'ornement con- 
nue sous le nom de Haricot Mexicain et cultivée dans le jardin de | 
mon père, à Saint-Louis (Haut Rhin). Je mets à la disposition de | 
l1 Société une quinzaine des Haricots de cette provenance. Ils sont 
un peu plus noirs et un peu plus petits que ceux qui mous ont 
été présentés. 

La plante, très-vigoureuse, atteint jusqu'à 3 ou # mètres: Sa 
tige est couverte de stries en spirale très-rudes ; toute la plante, 
tiges, pétioles, pédonsules et feuilles, très-rude au toucher, est 
d’une couleur pourpre carminée assez vive ; le dessus des feuilles 
est vert sombre rongeâtre, le dessous, franchement rouge, est cou- 
vert d’un réseau de stries plus claires et plus brillantes. 

L'inflorescence est surtout curieuse. Le long d’un pédoncule 
commun de 45 à 20 centimètres, sont disposés 4 ou 5 verticilles de 
bourgeons unis par la base et dépassés par le rachis du pédoncule. 
De ces bourgeons sortent, toute l’année, des fleurs lilas tendre qui, 


ot he. nos Ro dt + 


Cne BNT T L 


en vieillissant, virent au violet bleuâtre, puis livide. Dès que quel- 
ques fleurs tombent ou meurent, elles sont remplacées par d’autres 
qui sortent du bourgeon ou mamelon commun. La plante est ainsi 
toute l'année en fleurs et en fruits. 

Si mes souvenirs sont fidèles, la fleur n’a pas l'aspect débraillé 
de celles des vrais phaséolns. Les ailes sont bien serrées contre la 
carène, et l’étendard, maintenu par un calice serré et montant, ne 
s’en écarte pas beaucoup non plus. 

Le sivle élargi latéralement est incliné vers le milieu de la 
gousse. Celle-ci est très-large, mais non gonflée, charnue, et d’un 
pourpre très-vif qui, mêlé au lilas des fleurs, produit le plus char- 
mant effet. Quand la maturité approche, elle passe au violet, puis 
äu vineux el enfin au brun. Elle est alors sèche, les parois se sont 
séparées et les graines, au nombre de 4 ou 5 seulement et très- 
écariées, sonnent quand on agite le fruit. 

Si la plante devient jamais alimentaire, je pense qu'il y aurait 
intérêt à ne manger la gousse que lorsqu'elle est très-jeune. Je 
n'ai Jamais vu faire d'essais dans ce sens. | 

La plante aime les expositions chaudes et les terres bien fumées. 
À Saint-Louis, je l’ai toujours vue tomber et périr dès les premié- 
res gelées. 


M. E. Cartailhac demande si le moment ne serait pas opportun 
pour solfñeiter une réforme de l’enseignement des sciences natu- 
relles dans l'instruction secondaire. Il expose en jeu de mots 
l'état pitoyable de eet enseignement, et l'évidente nécessité d’une 
amélioration sérieuse. Il dit que l'opinion publique se manifeste 
dans ce sens d’une facon éclatante, et il ne doute pas que les 
autres Sociétés savantes, qui gémissent loutes sur l'ordre de choses 
actuel , ne donnent leur adhésion aux réclamations et aux 
démarches dont la Société d'Histoire naturelle prendrait l'ini- 
liative. 

La Société approuve à l’unanimité la pensée de M. Cartailhae, et 
charge d'étudier la question une commission ainsi composée : 
MM. le Dr Clos, membre honoraire ; Dr Gourdon, D* Jeanbernat, 
‘V. d'Adhemar, M. Lacaze, H. Magnan, L. de Malafosse. 


RE Ga 


Séance du 235 mars 4970. 
Présidence de M. le D' Guitar», président. : 


Le président annonce une présentation. 

La Société reçoit : 

La Minerve de Toulouse, liv. de mars 1870. 

Bulletin de la Soc. de climatologie algérienne, 6° année, 1869, 
n°s 4, 5 et 6. | 

Bulletin de la Soc. d'Histoire naturelle de Colmar, 10e année. 
1869. | 

Revue médicale üe Toulouse, mars 1870. 

Programme du Congrès des sciences géographiques à Anvers. 


M. Cartailhac, rapporteur de la commission nommée pour 
l'étude de la question de l'enseignement de l’histoire naturelle, 
soumet la pétition suivante à l'approbation de la Compagnie : 


« Monsieur le Ministre, 


» C’est le devoir de ccux qui tiennent en honneur les Sciences 
noturelles de les propager et de les défendre, et nous ne pouvons 
larder plus longtemps à appeler sur le triste sort qui leur est 
dévolu dans l’enseignement secondaire, l’attention toute puissante 
de Votie Excellence, — Les Sciences de la nature ont merveilleu- 
sement grandi et es même temps, chose étrange ! la part qui leur 
était attribuée dans les programmes des deux Baccalauréats (com- 
plets) a été sans cesse restreinte, enfin effacée ! 

» Nous n'avons pas à nous constituer les avocats d’une cause 
depuis longtemps gagnée, mais il nous sera permis de dire que ces 
Sciences méritent aujourd’hui l’un des premiers rangs. Elles nous 
font connaitre nous-mêmes ; elles nous mettent en communication 
avec la nature entière, avec la terre que nous devons exploiter, les 
animaux et les végétaux au milieu, et aux dépens desquels nous 
devons vivre. Incapables de faire un pas en arrière, elles ont 


se QUE 


l'avantage de pouvoir étendre à tout, le genre de certitude dont 
elles sont susceptibles, et qui résulte de l'observation et de 
l'expérience. 

» Cuvier se méprenait-il, lorsqu'il leur reconnaissait le privilége 
de répandre des idées saines jnsque dans les classes les moins éle- 
vées du peuple, de soustraire les hommes à l'empire des préjugés 
et des passions, de faire de la raison l'arbitre et le guide suprême 
de l'opinion publique, et ainsi de concourir dans une large mesure 
à avancer la civilisation ? 

» Il n’est pas entré dans la pensée de ceux qui ont muulé les 
programmes de l’enseignement secondaire de contredire ces vérités, 
puisqu'ils ont fait à l’histoire naturelle une large mais légitime part 
dans l’enseignement professionnel et dans l’instruction primaire. 
Ces connoissances, d’ailleurs si atirayantes, ne seraient-elles pas 
encore mieux placées dans les études classiques (1)? La moralité 
des élèves affermie, leur intelligence fécondée, la sphère de leurs 
idées agrandie, leur imagination nourrie et vivifiée, voilà, ce 
semble, quels seraient les p'emiers bienfaits. 

» Ensuite, sortis des colléges, l’homme du monde, l’agriculteur, 
l'industriel, tous enfin retireraient une incontestable utilité des 
notions sérieuses qu'ils y auraient acquises, et qu'ils n’ont, en 
général, ni le loisir, nila possibilité de recevoir dans les facultés. 
Nous ne demanderons pas, il importe de le dire, que l’on fasse des 
naturalistes, nos vœux sont modérés et réalisables, nous souhai- 
tous seulement que, par un enseignement un peu étendu, le goùt 
puisse être inspiré, et la voie tracée pour des études approfondies 
et Hbrement entreprises aussi bien dans l'intérêt général que dans 
celui de lindividu. Car il n’est pas ur mot des sciences de 
l’homme, des animaux, des plantes, du sol qui ne puisse être la 
source d'avantages journaliers et de mille inventions usuelles ; 


(1) Peu de personnes ignorent que, d’après les programmes universitaires, 
2% leçons devraient être faites sur l’histoire naturelle (24 leçons pour toutes 
les sciences naturelles !) et cela dans l’espace d’un semestre si le professeur le 
veut. En général, il n’est pas possible de consacrer plus de 15 leçons à ces 
études. Ajoutez que ce cours est insuffisant pour les élèves qui se préparent aux 
examens des écoles Centrale ct de Strasbourg, ct que, dépourvu de la sanction 
du Baccalauréat, il est négligé par les autres. — L'examen du Baccalauréat 
restreint, qui porte sur l'histoire naturelle, n’est accessible qu'aux étudiants en 
médecine, 


ER 


c'est là, en effet, le secret du goût profond que nourrissent, pour 
les sciences naturelles, les: peuples les plus affairés et les xt 
avares de leur temps. 

» Si nous envisageons la question à un autre point de vue, nous 
trouverons que les sciences elles-mêmes ont le plus grand intérêt 
à celte vulgarisation ; sans doute, les savants, devenus cependant 
plus rares, ne manqueront pas; mais, quels services nembreux et 
considérables les ingénieurs, les soldats, les marins. surtout ne 
readraient-ils pas à la science ! 

» Nous invoquerons, enfin, une dernière considération : mieux 
instruit de la Rat pie de leurs eflorts et de leur succès, le publie 
honorerait et respecterait davantage ces hommes: livrés à l’étude 
de la nature, sans cesse occupés d’éclairer Jeurs. semblables et 
d'élever l’espèce humaine à ces vérités générales qui forment son 
noble apanage et d'où découlent tant d'applications utiles. 


La pétition étant adoptée, le Secrétaire général est invité à la 
faire connaître aux Sociétés savantes, en ces termes : 


« Monsieur et très-honoré confrère, 


La Société d'Histoire naturelle de Toulouse se propose de 
inettre sous les veux de Son Excellence Je Ministre de l'fnstruc- 
tion publique la pétition suivante : mais elle a pensé que, maloré 
les excellentes raisons qui militent en faveur d’une trop juste 
réclamation, le vrai moyen d’en assurer le succès, c’est d'obtenir 
le concours des Sociétés scientifiques de France. 

» Elle ose espérer que votre savante Compagnie, pleine de 
ièle pour l'avancement des -ssiences naturelles, accueillera avec 
empressement l’occasion de leur rendre un véritable service. En 
présence de la situation faite aux Sciences qui nous sont chères à 
tant de titres, une protestation aussi légitime que modérée de la 
part des corps les plus autorisés sera écountée, nous n'avons pas le 
droit d'en douter. » 


ER: GUERRE 


Séance du S avril 18%0. 


Présidence de M. le professeur Pca, vice-président. 


M. L. Jour, ingénieur des poudres, est nommé membre titu- 
laire, sur la présentation de MM. Guïtard et Magnan, 


La Société reçoit : 


Revue agricole du Midi, 4e avrit 4870. 

M. Pevre, qui dans la dernière séance avait été chargé d'étudier 
lé programme provisoire du Congrès international pour le pro- 
grès des sciences géographiques, cosmographiques et commerciales 
qui s'ouvrira à Anvers, au mois d'août 4870, fait valoir les motifs 
qui doivent engager la Sociélé à s’assucier à celte œuvre, et lui 
propose de donner son alhésion et de souserire pour un exem- 
plaire du volume des Comptes-rendus. Ces propositions sont 
adoptées. 


M. H. Magnan donne un apereu de la constitution géognostique 
de la vallée du Ger, vailée qu'il vient récemment de parcourir avee 
M. le D' Jeanbernat. | 

Des bords de la Garonne, sous le parallèle de Miramont jus- 
qu’au sud de Lespiteau — où passe la grande faille E. O. qu'il à 
désignée dans un travail des Petites Pyrénées de l’Ariége (4) sous 
le nom de faille de l’Arize, — ce sont Îles couches détritiques, 
vréseuses et schisteuses de la craie cénomanienne (conglomérat 
de Camarade), qui jouent le rôle important. Ces couches sont 
recouvertes, en bien des points, par des dépôts diluviens de 
différents âges. 

Entre Soueich.et Campagne apparaissent les montagnes conoïdes 


(4) Bull, de la Société géologique de France, 2 sér., 1. XXV, p. 720 ; 1868, 


— 32 — 


et pyramidales de l’ élage albien. Une 2 faille met en contact cet 
étage avec les daloinies bréchoïdes, les schistes et les calcaires 
variés du lias, à fossiles assez nombreux en certains points. Le 
lias incliné en divers: sens et :l’oolithe se développent jusqu’au 
pont de Giret (sud d’Aspet), où une 3° faille E. O0. (faille de 
Castelnau de Durban) fait apparaître le terrain cambrien, avec ses 
eurites et les roches granitiques décomposées. sic 

Le système cambrien est ici très-intéressant à étudier parce 
qu'il offre, notamment près de Coué-de-Casse, des alternances 
de granites-gneiss, avee petits banes de schistes euritiques. 
On le suit sur plusieurs kilomètres de longueur jusqu'à Heone- 
morte, où un accident grandiose, fait réapparaitre les groupes du 
jurassique, aux couches très-bouleversées, groupes qui butent 
d'un côté contre le système cambrien et primordial, dont il 
vient d’être parlé, et de l’autre contre uu terralu très-curieux qui 

s'étend du pont de la Houle à Couledoux, Costo de la Moloet au- 
delà, sur la rive droite du Ger. Ce terrain, — formé de calcaires 
marmoréens, de schistes graphitiques, de calcaires.variés plus. ou 
moins cristallins, de brêches jaune pâle, à grands éléments, de 
lherzolite et d’ophite, — qui avait été d’abord désigné pan, de 
Lipeyrouse et de Charpentier, sous le nom de calcaire primitif, 
puis elassé par lès auteurs de la carte géologique de la France, et 
par M. Leymerie, dans le jurassique métamorphique, est rangé. 
par M. Magnan dans le terrain de transition, parce qu’en certains 
points de la chaîne , il se lie d’une manière intime , comme 
ii d’ailleurs, avec la partie supérieure du système devonien 
(gorges 'de l'Aude au sud du pont de Baïra et gorges de la Guette 
(Aude) ; montagnes de Prades (Ariége), et “montagnes d'Aulus 
et de l'étang a Lherz (id.); Cap det Mount de Sainit-Béat et 
montagne d’Arri (Haute-Garonne); environs de Sost (flautes-’ 
Pyrénées) et de Ferriéres, vallée d’Asson (Basses-Pyrénées). 

M. Magnan présume que la petite rivière du Gér coule dans 
une faille N. S., quiéerait perpendiculaire à celles dont il a été 
fait mention. Cette faille méttrait en contact le terrain de transi- 
lion (jurassique métamorphique dés auteurs) dont il vient d’être 
question avec le terrain crétacé inférieur du massif de Cagire et 
des montagnes au nord de Gér-de-Boutx et du c6l de là Clin 
(rive gauche du Ger), où 1 à tout dernièrement reconnu l'exis- 
tence du néoromien supérieur. | 


Notre confrère se propose d’ailleurs, d’ier à quelque temps, à 
la suite d’une nouvelle exploration, de compléter l’esquisse géo- 
gnostique de cette curieuse région. 

M. Magnan termine en disant quelques mots de certains phéno- 
mènes glaciaires très-intéressants, que M. le D' Jeanbernat et 
lui ont observés entre le col de Menté et Saint-Béat, et entre cette 
ville et Montréjeau. Ces phénomènes permettent d’affirmer 
l’existence d’un ancien etimmense glacier, dont les moraines 
latérales et profondes ont été démantelées presque partout, par les 
agents d'érosion de la période diluvienne. C’est au nord et à 
l’ouest de Montréjeau, dans le grand plateau de Lannemezan, qu’il 
faut chercher, d’après M. Magnan, la vraie moraine frontale des 
anciens glaciers réunis de la Garonne et de la Neste. 


Séance du 22 avril 4870. 


Présidence de M. le professeur PLa, vice-président. 


La Société a reçu une lettre de M. Cabié, qui explore avec le 
plus grand soin la région de Roquesérière et de Saint-Sulpice-de- 
la-Pointe. M. Cabié a trouvé sur la rive gauche du Tarn, au lieu 
dit Teyssode, une ou même deux stations de l’âge de la pierre, sur 
le penchant faiblement ineliné d’une colline miocène. De nom- 
breux débris de silex se remarquent à la surface du sol; mais en 
général ce ne sont que des fragments informes, rejets de fabrica- 
tion. [1 y a quelques mois, en défonçant le terrain, on trouva à 
ui pied environ de profondenr, un groupe de grandes lames de 
silex, dont les cinq ou six plus belles furent recueillies et que 
M. Cabié à pa se procurer. Leur longueur, qui atteint 22 centi- 
mêtres sur 4 de large en moyenne, est exceptionnelle. Elles ne 
sont pas retouchées et le silex est complètement blanchi par la 

3 


— 34 — 


patine. Un grand double grattoir contribue à ne pas laisser de 
doute sur l’âge de ces antiquités. Il faut les rapporter à la période 
archéolithique et à la fin de l’âge du renne. 


M. le D' Gourdon donne quelques détails sur le relief du 
Mont-Blanc que vient de terminer M. l'ingénieur Lezat. ‘Cette 
œuvre remarquable, pour l'exécution de laquelle l’auteur a tiré 
grand parti de l’excellente carte du capitaine Mieulet, embrasse, 
outre la partie centrale du massif du Mont-Blanc et le bassin de la 
Mer de Glace, une partie des vallées de Chamounix, de Saint- 
Gervais et de la Doire, et la portion de la chaine des Aiguiiles 
rouges qui se termine au Brevent, le point de vue le plus favorable 
pour embrasser l’ensemble du Mont-Blanc. M. Gourdon expose 
brièvement les procédés employés par M. Lezat. 


Le secrétaire-général communique de la part de l’auteur la 
note suivante : 


Documents relatifs à la connaissance de la partie inférieure du 
terrain de craie (néocomien, aptien, albien) des Pyrénées 
françaises et des Corbières, et à certaines critiques faites 
par M. Leymerie, à propos de ce terrain et des étages du 
muschelkalk et du zechstein dans le Tarn et l'Aveyron, par 
M. Herr MaGnan. 


J'ai eu l'honneur d'entretenir à diverses reprises la Société 
d'Histoire naturelle de Toulouse de mes recherches dans les 
Pyrénées françaises et dans les Corbières à l'égard du terrain de 
craie (1). Je crois devoir, pour la tenir au courant de cette ques- 
tion et en attendant qu’un travail d'ensemble que je prépare sur 
le sujet et que je destine à la Société géologique de France soit 
achevé, faire connaître à mes confrères divers documents qui se 
rapportent à ce terrain, et à un récent débat qui s’est élevé 
entre M. le professeur Leymerie et moi à ce propos, et à propos 
aussi des étages du muschelkalk et du zechstein, dont j'ai le pre- 


(1) Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, 1, IV, p. 8, 
14, 31 ; 1869-1870. 


MAR 


mier signalé l'existence dans les départements du Tarn et de 
l'Aveyron. 

Voici, dans leur rang d’ordre, les documents que je tiens à 
faire passer sous les yeux de la Société d'Histoire naturelle de 
Toulouse : 


19 Une Note que j'ai adressée à M. Daubrée, membre de 
l’Institut, le mois de février 1870, qui a été présentée par ce 
savant, à l’Académie des sciences, dans la séance du 7 mars 14870, 
et dont les conclusions seules, ont élé imprimées dans les Comptes 
rendus (1). Gette Note est intitulée : Sur Le terrain de craie des 
Pyrénées françaises et des Corbières, et notamment sur la partie 
inférieure de celte formation (néocomien, aptien, albien) ; 


20 L’extrait d’une lettre adressée par M. Leymerie à M. Elie 
de Beaumont, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, 
insérée dans les Comptes rendus de l'Institut, dans la séance du 
28 mars 1870 (2), sous le titre suivant : Observations sur les 
conclusions formulées récemment par M. Magnan sur le terrain 
crétacé inférieur des Pyrénées. Dans cette lettre, M. Leymerie 
critique mes conclusions à propos de ce terrain, ainsi que certains 
passages de mon travail, imprimé dans le Bulletin de la Société 
d'Histoire naturelle de Toulouse, intitulé : Etude des formations 
secondaires des bords S. O. du plateau central de France, entre 
les vallées de la Vère et du Lot (3): 


30 La réponse à cette lettre que je crus devoir, dans l'intérêt 
de la science et de la libre discussion, adresser le 16 avril 1870, 
à M. Daubrée ; elle est intitulée : Réponse aux observations de 
M. Leymerie à propos du terrain de craie des Pyrénées fran- 
çcaises et des Corbières et des étages du muschelkalk et du zechstein 
dans le Tarn et l'Aveyron. Je dois ajouter qu’elle ne fut pas 
communiquée à l’Académie des sciences et qu'elle est restée, par 
suite, entièrement inédite. 


(1) Comptes rendus de l’Institut, t. LXX, p. 537. 

(2) Comptes rendus de PInstitut, 1. LXX, p. 694. 

(3) Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, 1. HE, p. 5; 
1869. 


=: OS 


Sur le terrain de craie des Pyrénées françaises et des Corbières, 
et notamment sur la partie inférieure de cette formation 
(néocomien, aptien, albien), avec trois coupes (PI. D), (1), 
par M. H. Magnan. 


J'ai fait voir en 1868 (2) que le terrain de craie du versant 
nord de la chaîne pyrénéenne se divisait en deux grands groupes 
bien distincts, discordants l’un par rapport à l’autre : le groupe 
de la craie inférieure (néocomien, aptien, albien); le groupe de 
craie moyenne et supérieure (cénomanien, turonien, sénonien, 
garumnien ou danien). J'ai surtout montré qu’on pouvait différen- 
cier chacun des étages du groupe inférieur, quoiqu'ils eussent 
quelques fossiles communs. 

Deux coupes que j'ai relevées tout récemment, en venant 
corroborer mon opinion, m'ont fixé sur le véritable plan de 
séparation des terrains aptien et albien, et sur l’énorme puissance 
de ce dernier étage. Une troisième montre à quel point, dans la 
Haute-Garonne, les couches de la craie inférieure sont disloquées 
et faillées. Lt à 

La première coupe (3) a éié faite entre Tuchan, Vingrau et 
Rivesaltes, dans les Corbières ; sa longueur est de 20 kilomètres. 
C’est la plus simple que je connaisse pour l’étude de la craie 
inférieure. Elle a été relevée perpendiculairement à la direction 
moyenne des Corbières, c’est-à-dire du nord-ouest au sud-est. 

En suivant le chemin qui unit Tuchan à Rivesaltes, on rencon- 
tre, après le diluvium de la plaine, de puissantes couches poudin- 
giformes et argileuses appartenant au terrain tertiaire, qui se 


(1) Les coupes graphiques de la pl. I, ont été copiées sur celles qui accom- 
pagnaient la note par moi adressée à M. Daubrée ; elles ont été dressées avec 


le plus grand soin à l'échelle de 75-455 pour les distances horizontales et pour 
les hauteurs. 


(2) Comptes rendus, t. LXVI, p. 1209. — Bulletin de la Société géologique 
de France, 2e série, t, XXV, p. 709. 
(3) PI. I, fig. 1. 


Note de Mk Henri 


MMA G NA NE 


Ball de le Seerète d'Histoire Naturelle de Tiuloure, LI PLI, 


Tachan Re de Deneuve 


RE Trrrassae 


Carnigue au MonSbBernand 


DIGu 


Der Pas deleTréou 


Coupe dans les Corbières entre Tuchan et Rivesaltes 


Vingra Fas-de UEchelle 


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Mas Caffard 


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Fi 2 — Coupe entre le massif de Monthoumet et Ja chaîne de Lesquerde (£Pyr. 


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Frabas) 


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trouvent en contact, dès avoir dépassé la bergerie de la Coste- 
Longue, avec une nouvelle série essentiellement composée de 
calcaires et de schistes. 

À part un plissement en S à la bergerie du Pas-del-Tréou, les 
couches de cette série s’inciinent constamment vers la mer Médi- 
terranée, c’est-à-dire au sud-est, elles se recouvrent les unes les 
autres comme les tuiles d’un toit. On passera donc successivement 
en revue : | | 

À. Calcaires gris ou bleuâtres, compactes, marmoréens, comme 
corrodés à l'extérieur par les eaux, et calcaires plus ou moins 
fétides, renfermant, en certains bancs, de nombreuses Caprotines 
(C. Lonsdalii), des Huitres de petite taille, des Polypiers, des 
Oursins (Cidaris Pyrenaica) , des Brachiopodes (Terebratula 
sella), des Nérinées, etc. Ces calcaires, qui constituent la garrigue 
du mont Saint-Bernand, ont 2 ou 300 mètres d'épaisseur ; ils 
représentent le néocomien inférieur. 

B. Un peu avant d'arriver à la bergerie du Pas-del-Tréou, 
calschistes et schistes noirâtres, alternant avec des calcaires de 
même couleur, à grain fin, souvent fétides; calcaires gris, bleuà- 
tres, variés, veinés, marmoréens. Ces diverses couches, qui ont 
450 mètres de puissance, contiennent en abondance les fossiles 
du néocomien supérieur (urgonien) et de l’aptien, notamment : 
Belemnites semicanaliculatus, Ostrea aquila, O. macroptera, Tere- 
bratula prælonga, Rhynchonella lata et nuciformis, Terebratella 
Delbosii, Cidaris Pyrenaïca, Diplopodia Malbosü, Orbitolina 
conoidea et discoidea, Caprotina Lonsdalii, Serpula, etc. (4). 

C,. A la bergerie du Pas-del-Tréou, calschistes gréseux, schistes 
cris, verdâtres et sableux, avec bancs assez résistants, qui sont 
suivis par des schistes noirâtres, légèrement jaunâtres par décom- 
position avec calschistes subordonnés. Ces couches, un moment 
interrompues par le pli en S dont j'ai parlé, qui fait reparaitre 
les calcaires B au Pas-del-Tréou, se développent ensuite large- 
ment dans le bassin de Vingrau, où ils constituent des sortes de 
cônes et des mamelons arrondis. Ce système contient quelques 


(1) Ce système B représente les couches de la petite montagne de la Clape, 
près de Narbonne. La Clape n’est donc, on peut le dire, qu'un chapitre 
intéressant du livre de la craie inférieure des Pyrénées, chapitre autrefois isolé 
que l’on pourra mettre, à l’avenir, à sa vraie place. 


US = 


fossiles de l’albien : Nucula bivirgata, Discoidea conica, Belem- 
nites minimus, Ammonites ind. 

C;. Du Pas-de-l'Echelle, à l’est de Vingrau, jusqu'au Mas- 
Gaffard, énorme série formée de calcaires gris, bleuâtres, marmo- 
réens, à Caprotines, ressemblant à ceux du néocomien et de 
l’aptien, mais s’en distinguant en ce qu’ils alternent avec de puis- 
santes brèches calcaires de couleur pâle, avec des calcaires- 
marbre d’une blancheur éclatante et avec des calcaires gris-rosés. 
Cà et là, indépendamment des Caprotines, traces d'Huitres et 
autres fossiles indéterminables. Ces diverses roches, qui sont à 
l'extérieur comme corrodées par les eaux, constituent une 
des régions les plus arides et les plus sauvages de la France 
méridionale. 

C3. Du Mas-Gaffard au Mas-Besombes, schistes terreux, gré- 
seux, jaunâtres, verdâtres, rougeâtres, comme ophitisés, avec 
petits bancs de calcaires subordonnés et schistes noirs un peu 
micacés , passant à des schistes ardoisiers. Pas de fossiles. 
Ces schistes sont recouverts par le diluvium de la plaine de 
Rivesaltes. 

On peut évaluer au moins à 1500 mètres la puissance des cou- 
ches C;, C+, C3, qui représentent l’étage albien. Les calcaires ont 
à peu près 500 mètres d'épaisseur. 

La deuxième coupe (1) a été prise du nord au sud, entre le massif 
de transition de Monthoumet et la chaîne de Lesquerde (Pyrénées- 
Orientales), par le Milobre-de-Massac, Soulatge et Saint-Paul-de- 
Fenouillet; elle est perpendiculaire à la chaîne pyrénéenne. 
C'est une des coupes les plus intéressantes que l’on puisse faire 
dans nos montagnes, si l’on veut étudier la plupart des étages de 
la craie et leurs rapports de position; sa longueur est de 45 kilo- 
mètres. | 

De la base du Milobre--de-Massac à la rivière du Verdouble, 
on observe les quatre étages de la craie moyenne et supérieure 
(cénomanien, turonien, sénonien , grès d’Alet). Ces divers étages 
(presque essentiellement composés de roches détritiques, légère- 
ment inclinées au sud) se recouvrent l’un l’autre en concordance 
parfaite. Le plus inférieur, le cénomanien, représenté par des 


(1; PL. L fig. 2. 


— 39 — 


grès et par un calcaire à Caprinella , repose sur le terrain de 
transition. | | 

Des failles multiples font reparaître le turonien et le céno- 
manien après le Verdouble. Près de la métairie d’En-Jarnedy 
(sud-est de Soulatge), la base de ce dernier étage est constituée 
par des schistes gris alternant avec des dalles gréseuses, à em- 
preintes végétales, et avec des calcaires subordonnés à Caprina 
adversa, Radiolites de grande taille, Polypiers, Oursins, Hui- 
tres, etc. Ces roches reposent en discordance tantôt sur le néoco- 
mien, tantôt sur les calcaires veinés, les cargneules et les marnes 
gypseuses, colorées, du muschelkalk. 

Au Col-de-Brézou (chaine de Saint-Antoine-de-Galamus), les 
roches triasiques sont en contact par faille avec des couches appar- 
tenant à l’oolithe et à la craie inférieure , lesquelles forment un 
immense pli en S dont la moitié supérieure a été enlevée par les 
agents d’érosion, pli qui bute par faille, d’un côté contre les roches 
verticales du trias dont je viens de parler, de l’autre contre le gra- 
nite de Lesquerde, ce qui permet d'étudier par deux fois, en allant 
du Col-de-Brézou au Pont de la Fou, près Saint-Paul-de-Fenouil- 
let, les couches néocomiennes, aptiennes et albiennes À, B, C;, 
de la coupe de Tuchan à Rivesaltes. Les premières, qui constituent 
les chaînes parallèles de Saint-Antoine-de-Galamus et de Les- 
querde , reposent au Col-de-Brézou sur les dolomies fétides et les 
brèches foncées de l’oolithe : leur épaisseur est de 400 mètres ; 
les secondes sont presque aussi fossilifères qu’à la Clape; les 
troisièmes sont remarquables par l’abondance des fossiles qu’elles 
renferment. J'ai étudié , au point de vue stratigraphique, le gise- 
ment des Plicatula radiola et Nucula bivirgata, signalé par 
M. E. Dumortier, et j'ai retrouvé à Prabas et près du ruisseau de 
San-Crista les espèces albiennes (Ammonites Milletianus, Cardita 
lenuicosta, etc.), qui n'avaient pas été vues en place depuis que 
Pallette les avait découvertes et que d’Orbigny les avait signalées 
dans son Prodrome. 

La troisième coupe (1) va de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) au 
sommet du pic de Cagire, par Encausse et Juzet-d’Izaut. Sa direc- 
tion est nord-sud. Sa longueur est de 20 kilomètres. 

Elle permet de voir que le petit massif d’Asprets et de Miramon{ 


(1) PL LL, fig. 3. 


: Hp 


est formé par des lambeaux de terrains aptien , néocomien et de 
transition, qui sont souvent en contact avec les argiles grises à 
dalles et les conglomérats plus ou moins incohérents du cénoma- 
nien inférieur (mon conglomérat de Camarade). La faille de l'Arize 
fait apparaître à Encausse les calschistes et les schistes albiens, 
affectant, ici comme à Vingrau et à Saint-Paul-de-Fenouillet, des 
formes coniques. Ces couches, probablement courbées en S ren- 
versée , s’observent jusqu’à Izaut-de-l'Hôtel. Entre ce village et 
Arbon, se montrent les caleaires-brèches du même étage. À Arbon, 
une deuxième faille met en contact ces calcaires-brèches avec des 
roches oolithiques , liasiques et triasiques. À Juzet-d’Izaut, une 
troisième faille existe; elle fait réapparaître, dans le massif de 
Cagire, le néocomien inférieur à Caprotines et à Nérinées (eouches 
A de la garrigue du mont Saint-Bernand et des chaînes de Saint- 
Antoine-de Galamus ct de Lesquerde), ainsi que les dolomies 
noirâtres, fétides, de l’oolithe. 

La conclusion qu’il est permis de tirer de ces coupes et de celles 
que j'ai antérieurement publiées sur les Pyrénées est celle-ci : 

Les étages néocomien, aptien et albien ont chacun une litho- 
logie et une faune particulière, quoique possédant quelques fossiles 
communs; ils sont recouverts en discordance par le cénomanien. 
Il devient done impossible de réunir ces divers terrains dans un 
même groupe, et d'adopter le nom de grés vert ou d’urgo-aptien, 
proposé tout récemment par M. Leymerie pour les désigner (4) : 
ce serait, à la fois, confondre ce qui est nettement séparé et 
annihiler les étages néocomien et albien, qui, nous venons de le 
voir, jouent un si grand rôle dans les Pyrénées. 


Il 


Observations sur les conclusions formulées récemment par 
M. Magnan, sur le terrain crétacé inférieur des Pyrénées. 
— Lettre de M. Leymerie à M. Elie de Beaumont. 


« Je viens de lire les conclusions prises par M. Magnan à 
l’égard de la question du terrain crétacé inférieur des Pyrénées 


(1) Comptes rendus, t. LXVII, p. 82. — Bulletin de la Société geologique de 
France, 2e série, t. XXVI, p. 277. 


TS 


CHU 


(Compt. rend., p. 537 de ce volume). Ces conclusions étant 
tout-à-fait opposées à celles que j'ai cru pouvoir tirer de l'ensem- 
ble de mes observations, dans un Mémoire que j'ai soumis à 
l’Académie il y a peu de temps, veuillez me permettre de faire ici 
une courte réplique. 

» Je ne reviendrai pas sur les considérations qui se trouvent 
largement développées dans mon travail ; je me bornerai à faire 
remarquer qu'il ne suffit pas, pour établir l’existence d’un terrain 
dans une région, de signaler, en quelques points, la présence de 
fossiles plus ou moins caractéristiques. Il faut que ce terrain ait 
un corps, c’est-à-dire qu’il puisse être distingué physiquement par 
des caractères qui permettent de le suivre dans une étendue suf- 
fisante et d’en tracer les limites sur une carte. Or, je ne pense pas 
queces conditions soient remplies notamment pour l'étage albien 
que M. Magnan voudrait introduire dans notre chaîne. L'époque 
albienne peut s’y trouver ; mais le terrain n’y est pas. 

» Je ferai la même objection contre l’admission du muschelkalk 
et du zechstein dans le Tarn et l’Aveyron. L'existence de ces étages 
n’a été établie par M. Magnan que sur la présence toute locale de 
quelques couches ou amandes calcaires ou dolomitiques, qui ne 
sont pour moi qu’un accident du grès rouge. Je ferai remarquer, à 
cet égard , que le grès rouge pyrénéen est tellement identique à 
celui qui forme bordure vers le sud du plateau central, qu'il 
semble évident qu'ils ont été déposés à la même époquect dans 
le même bassin. Or, ce qui serait muschelkalk dans l’un ne pour- 
rait être zechstein dans l’autre. » 


Il 


Réponse aux observations de M. Leymerie à propos du terrain 
de craie des Pyrénées françaises et des Corbières et des étages 
du muschelkalk et du zechstein dans le Tarn et l'Aveyron, par 
M. H. Magnan. 


Dans une récente note Sur le terrain de craie des Pyrénées fran- 
gaises et des Corbières (Compt. rend., vol. LXX, p. 537), j'ai 
dit, en m'étayant sur plusieurs coupes, que l’étage albien a, dans 
notre chaîne, une puissance considérable, et j'ai été notamment 


—s 110) — 


amené à conclure que les étages néocomien, aptien et albien ont 
chacun une lithologie et une faune particulière quoique possédant 
quelques fossiles communs. 

Cette note m'a valu dans les Comptes rendus (p. 694 du même 
vol.) une réplique de M. Leymerie, d’où j'extrais le passage 
suivant : 

« Je me bornerai à faire remarquer qu’il ne suffit pas, pour 
» établir l’existence d’un terrain dans une région, de signaler, en 
» quelques points, la présence de fossiles plus on moins caracté- 
» ristiques. Il faut que ce terrain ait un corps, c’est-à-dire qu’il 
» puisse être distingué physiquement par des caractères qui per- 
» mettent de le suivre dans une étendue suffisante et d’en tracer 
» les limites sur une carte. Or, je ne pense pas que ces conditions 
» soient remplies notamment pour l'étage albien que M. Msgnan 
» voudrait introduire dans notre chaîne. L'époque albienne peut 
» s’y trouver; mais le terrain n’y est pas. » 

Ayant communiqué à M. Leymerie les coupes graphiques qui 
accompagnaient ma note, ces dires ont tout lieu de me surprendre; 
car ces coupes permettaient de juger d’un coup d’œil du rôle im- 
portant que jouait le terrain albien dans les Corbières, dans les 
Pyrénées-Orientales et dans les Pyrénées de la Haute-Garonne. 

La note dont il est question, n’ayant été insérée qu’en extrait 
dans les Comptes rendus, on me permettra, en réponse aux obser- 
vations du savant professeur de Toulouse, de dire quelques mots 
sur la puissance et la composition de l'étage en discussion. 

L’étage albien, qui partout où il a été jusqu’à ce jour reconou 
n’a qu’une très-pehte épaisseur , atteint, au contraire, dans les 
Pyrénées et dans les Corbières, une puissance énorme : au moins 
1,500 mätres. Il repose directement sur les calcaires, les schistes 
et les calschistes à Ostrea aquila,|Orbitolina discoidea et conoidea 
de l’aptien, étage qui ne dépasse guère 200 mètres et qui repose, 
à son tour, sur les calcaires marmoréens à Nérinées, à Caprotines 
et à Terebratula sella du néocomien proprement dit, dont l’épais- 
seur peut être évaluée à 3 ou 400 mètres, 

Le terrain albien est constitué de la manière suivante : 

Ao A la base, par des calschistes et des schistes noirâtres, sou- 
vent rougeâtres par décomposition, avec bancs résistants de cal- 
caires tenaces, siliceux, comme un peu gréseux, qui contiennent 
d’abord : Belemnites minimus, Nucula bivirgata, N. pectinata, 


PRE) 2 PDP 


Plicatula radiola, Discoidea conica, etc., mélangés avec quelques 
espèces aptiennes : Cidaris Pyrenaica, Echinospatagus Collegnit 
(env. de Vingrau, base des chaines de Saint-Antoine-de-Galamus 
et de Lesquerde, sud d’Axat, env. de Quillan, env. de Foix et de 
Pradières, Église de Gajan , N. de Taurignan et de Lacave ); puis 
à 450 ou 200 mètres plus haut, des fossiles albiens sans aucun 
mélange : Ammonites Milletianus et Mayorianus, Turritella 
Vibrayeana , Trigonia Filtoni, Pecten Dutemplei, etc. (Prabas et 
ruisseau de San-Crista, dans les environs de Saint-Paul-de-Fe- 
nouillet, partie moyenne et supérieure de la montagne de Bitrague 
près de Quillan, Laval, env. de Foix et de Pradières, Audinac). 
L’épaisseur de ces schistes, calschistes et grès est d’au moins 
500 mètres; ils sont très-noirs et azoïques vers le haut. 

.20 A la partie moyenne, par des calcaires compactes, gris, à 
Caprotines et à fossiles trop empâtés dans la roche pour pouvoir 
être déterminés. Ces calcaires ressemblent à ceux du néocomien 
et de l’aptien; mais ils s’en distinguent, d’abord, par leur position 
au-dessus des schistes albiens, puis par certains caractères litho- 
logiques, notamment par la présence de brèches à grands élé- 
ments, de calcaires marmoréens d’une blancheur éclatante et de 
calcaires rosés. C’est principalement à l’est de Vingrau, dans les 
Corbières, à Estagel, dans les Pyrénées-Orientales et dans le 
massif de Bac Estable et des gorges de Saint-Georges (Aude), que 
j'ai pu étudier ce sous-étage, dont la puissance peut être évaluée 
à environ 500 mètres. 

30 A la partie supérieure, par des schistes terreux, gréseux, 
jaunâtres, rougeâires, souvent comme opbitisés, contenant, sà et 
là, de petits bancs de calcaires subordonnés et par des schistes 
noirs, un peu micacés, passant à des schistes ardoisiers, où je n'ai 
jamais rencontré un seul fossile. Epaisseur très-considérable, que 
je ne puis pas encore déterminer d’une manière sûre. (Mas Gaf- 
fard dans les Corbières, N. et S. O. de Bagnères-de-Bigorre dans 
les Hautes-Pyrénées, environs d’Arthez d’Asson et de Tardéts.) 

Ce sont ces schistes, plus ou moins ardoisiers, qui sont recou- 
verts en discordance par les couches gréseuses et schisteuses à 
empreintes végétales (Fucoïdes, etc.) de la craie cénomanienne, 
laquelle renferme, en plusieurs points, des bancs calcaires à 
Radiolites et à Caprines. 

L’étage albien se poursuit tout le long de la chaîne pyrénéenne, 


es RE en 


Souvent plissé, il forme, en bien des lieux, des rubans parallèles 
qui s'étendent sur de vastes surfaces. Les parties schisteuses , 
presque toujours de teinte foncée , affectent partout des formes 
coniques, pyramidales ct mamelonnées caractéristiques. C’est cet 
étage qui constitue les vallées noires de Vingrau à Estagel, et d’'Es- 
tagel à Caudiès et à la Pradelle (Aude), le bois de la Pinouse et le 
pic d’En-Brosse, près d’Axat; les couches schisteuses de la rive 
droite de la Rebenti, entre ce dernier village et Joucou ; les mon- 
tagnes de Saint-Just, de Saint-Julia et de Quillan; les bandes 
schisteuses, parallèles, très-faillées, de Foix, de Pradières et du 
château de Saint-Barthelemy (Ariége); les montagnes coniques, 
qui forment une sorte de ruban, souvent de plusieurs kilomètres 
de largeur, que l’on peut suivre, presque sans interruption, des 
environs d’Audinac (Ariége\, à Tardets (Basses-Pyrénées), ruban 
qui est limité au nord : dans l’Ariége, par l'Église de Gajan et 
Lacave; dans la Haute-Garonne, par Castagnède, Ganties, En- 
causse, Sauveterre et Valcabrère; dans les Hautes-Pyrénées, par 
Tibiran, Montserrié, Lortet, Bulan, N. de Bagnères-de-Bigorre, 
S. de Lourdes; dans les Basses-Pyrénées, par Betharram, N. d’Ar- 
thez d’Asson, Arudy, Saint-Christau et Tardets. 

On voit donc que, contrairement à l’opinion de M. Leymerie, 
l’étage albien a un corps et qu’il peut être distingué physiquement. 
Je mets d’ailleurs, en ce moment, la dernière main à un travail 
d'ensemble, basé sur de nombreuses coupes, qui mettra bientôt 
les faits que j'avance hors de doute. | 

M. Leymerie n’admet pas non plus (Compt. rend., loc. cit.) les 
étages du muschelkalk et du zechstein, que j'ai découverts en 
certains lieux des départements du Tarn et de l’Aveyron (1). Ce 
savant se base sur ce que ces étages ne constituent que des 
« amandes calcaires ou dolomitiques qui ne sont, pour lui, qu’un 
accident du grès rouge. » On me permettra de faire remarquer 
que ces amandes, comme les appeile M. Leymerie, ont quelque- 
fois plus de 400 mètres d'épaisseur ei qu’il faut nécessairement en 
tenir compte quand, surtout, elles se développent sur plusieurs 
kilomètres de longueur et qu’elles contiennent quelques fossiles. 


(1) H. Magnan, Étude des formations secondaires des bords S. O. du plateau 
central de la France, entre les vallées de la Vère et du Lot. (Bulletin de la 
Société d'Histoire naturelle de Toulouse, t. AIT, p. 5 ; 1869). 


MNT 


M. Leymerie ne voit dans le trias etle permien du Tarn et de 
l'Aveyron que du grès rouge, qu’il identifie avec le grès rouge 
pyrénéen. C’est, on en conviendra, bien vague ; car peut-on dire 
que tous les grès rouges des Pyrénées appartiennent à la même 
formation ? (1) Je suis convaineu qu'il en est quelques-uns, notam- 
ment ceux de la haute Ariége, de la Haute-Garonne et de la vallée 
d'Aure, qui représentent le terrain devonien, avec lequel ils se 
lient d’une manière intime (2), tandis que les véritables grès 
secondaires, dans les Pyrénées et dans les Corbières, reposent 
toujours en discordance sur le terrain de transition, ainsi que 
Charpentier et Duafrénoy l'ont prouvé ; ceux du trias sont accom- 
pagnés, comme en Espagne, de marnes irisées gypseuses et de 
calcaires cargneuliformes, plus ou moins puissants (Ariége, Aude, 
Corbières); ceux du permien renferment quelquefois de petites 
couches de calcaire subordonnées (Basses-Pyrénées) et des 
cargneules (haies Corbières). 


(1) Voy. d’Archiac, Histoire des Progrès de la Géologie, t. VIII, p. 213, et 
EH. Coquand, Bulletin de la Société géologique de France, re série, t. IX, p. 225. 


(2) Depuis que cette Réponse aux observations de M. Leymerie a été adressée 
à M. Daubrée, j'ai étudié de nouveau les vallées du Salat, de la Garonne et de 
la Neste d'Aure, et je puis affirmer que les grès et les poudingues de Lez, 
de Cierp, de Camous, que M. Leymerie range dans le terrain secondaire 
(triasique ou permien), et auxquels il fait allusion dans sa réplique, repré 
sentent, en réalité, le vieux grès rouge des Anglais. Ces grès et ces pou- 
dingues de l’époque de transition, reposent en concordance sur les calschistes du 
devonien et sont recouverts aussi en concordance, par de puissantes couches 
de calcaires marmoréens, de calcaires variés, de schistes graphitiques et de 
brèches, avec ophite, couzeranite, dipyre, amphibole, etc. (calcaires d’Aulus, 
de Saint-Béat et de Cap de Ser d’Aouarjo, près de Cierp), qui au lieu d’ap- 
partenir au lias mélamorphique, — comme le veut le savant professeur, — 
doivent être rangés dans le terrain de calcaire carbonifère, En effet, dans des 
couches semblables, M. H. Coquand vient de signaler tout récemment (a) dans 
la montagne de Jetons, à l’ouest du village de Montplaisir (vallée d’Ossau), 
la présence de plusienrs fossiles : Ampleæus coralloides, Sow., des Polypiers 
du genre Michelinia (M. compressa, Michel.) et des Calamites, fossiles que 
l’on recueille dans le calcaire carbonifère de la Belgique. 


(a) Bullelin de la Société géologique de France, 2° série, t. XXVII, p. 54 ; 1869. 
(Note communiquée pendant l'impression). 


hr 


Séance du 6 mai 1870. 
Présidence de M. Pra, vice-président, 


M. Peyre fait connaître à la Société les résultats des dernières 
herborisations faites aux environs de Toulouse. M. Desjardins à 
découvert dans les pépinières, derrière la gare, le Diplotaxis vimi- 
nea, plante méridionale, nouvelle pour notre flore. 


M. Timbal-Lagrave de son côté, a étudié avec soin le Potentilla 
verna, de la flore de Toulouse. Il résulte de ses recherches que 
cette plante est représentée par deux formes qui, pour notre col- 
lègue, constituent deux espèces bien distinctes. 

La première a été déjà nommée par M. Jordan P. xerophila, J. 
dans les centuries de M. Billot, qui l’a publiée sous le n° 1863 : 
c’est la plante du bois de Laramet ; elle est conforme au P. verna, 
de Stocholm, publiée par Nyman. D’après cette origine, c’est la 
plante que Linné a eu en vue en établissant son Potentilla verna. 

La deuxième, à laquelle M. Timbal-Lagrave donne le nom de 
P. agrivaga (Dynamidium agrivagum), est très-répandue dans nos 
champs, nos tertres, nos bois ; elle se distingue par ses rhizomes 
plus vigoureux, plus forts et plus courts, d'où partent des racines 
pivotantes, fortes, grosses d’abord, puis plus fines, pénétrant 
moins profondément dans le sol, quoique plus grosses, ses tiges 
florifères plus courtes, plus hérissées, ses feuilles à 5 folioles, 
même celles des jets stolonifères, qui poussent après la floraison ; 
ses fleurs plus grandes, ses pétales plus échancrées, et ses calicules : 
et calices plus larges et moins longs, celle-ci fleurit à Toulouse 
la première, quinze jours au moins avant le P. æerophila de nos 
bois de Tournefeuille. À la limite du bassin sous-pyrénéen, on 
trouve encore deux autres formes du P. verna des auteurs : une 
dans la région montagneuse de notre département, dans les rochers 
et les pelouses herbeuses à Bagnères-de-Luchon, au sommet de 
Cagire, à super-Bagnères, qui se distingue des deux premières par 
ses fleurs plus petites avec une tache jaune à l'onglet. Ses tiges 
florifères, courtes, très-nombreuses, fines, ses rhizomes grêles et 


LT — 


ses racines peu profondes, fibreuses, bien différentes à celles des 
deux précédentes, qui s’enfoncent fortes et vigoureuses dans le 
sol. — P. montivaga, Nob. (Dynamidium montivaqum, Nob.) 

La quatrième, bien différente encore des trois autres, abonde 
dans les pelouses herbeuses d’Avignonet, à la limite du départe- 
ment de la Haute-Garonne, vers l'Aude. Celle-ci est bien plus 
éloignée des précédentes. Elle est facile à distinguer par ses très- 
grandes fleurs, à pétales très-émarginés, ses calicules grands, 
étroits et allongés quoique obtus. Ses tiges, longues, diffuses, lon- 
guement étalées sur le sol, très-hérissées de longs poils mous très- 
vertes. Ses rhizomes souterrains, peu développés, longs, trainants et 
grêles, bien différents en cela des trois premières. Ses racines, lon- 
gues et fibreuses, ce qui n’arrive pas dans les autres qui ont à peine 
quelques fibres gros et roides, dans celle-ci ils sont fins, déliés et 
flexibles ; nous lui donnons provisoirement le nom de P. aus- 
tralis, Nob. (Dynamidium australe, Nob.) 

Nous poursuivons l’étude de ce groupe curieux, et nous pensons 
pouvoir, avant peu, revenir sur la détermination de ces espèces 
communes dans notre région. 

En outre, des herborisations dirigées par MM. Timbal-Lagrave 
et Peyre sur les bords du Touch, à Blagnac, aux vallons de Saint- 
Geniez et sur les bords de l’Hers ont amené quelques résultats inté- 
ressants, mais non encore suffisamment étudiés. Ils pourront 
trouver place dans le précis que M. Timbal se propose.de faire à la 
fin de l’année. 


Le secrétaire général informe la Société que, sur sa prière, 
M. Desiruges, de Guayaquil, envoie au Musée une série d’objets 
ethnologiques et d'histoire naturelle du plus grand intérêt. I] lit 
une notice de ce confrère donnant des détails sur les habitants 
primitifs de la République de l’Equateur et combattant la théorie 
qui fait peupler l'Amérique par des immigrations asiatiques. 


RENE" Ve 


Séance du 20 mai 1870. 


Présidence de M. Pra, vice-président. 


M. le président annonce une présentation. 
La Société recoit : 


Comptes rendus de la société scientifique et littéraire d’Alais. 
T. 4er, Alais, 4870, in 8°; p. 218, pl. 8. 

De la part de M. E. Cartailhac : une série de silex taillés recueillis 
dans une station non loin du Tarn, à Teyssode, au-dessus de Saint 
Sulpice de la Pointe, où 11 a été conduit par M. Cabié. 


Il est donné lecture des lettres suivantes : 


Académie des Sciences, Belles-Lettres, Arts, Agriculture et 
Commerce de la Somme. 


M. le Directeur de l’Académie d'Amiens a reçu la lettre-circu- 
laire que vous lui avez adressée, et à laquelle se trouve joint un 
projet de pétition à M. le Ministre de l'instruction publique ayant 
pour but la propagation et la défense des sciences naturelles. 

L'Académie d'Amiens ayant pris connaissance de votre lettre et 
de la pétition projetée, me charge de vous annnoncer que dans sa 
séance du 4% de ce mois, élle a donné l'adhésion la plus sympa- 
thique et la plus complète au but vraiment utile et méritoire que, 
dans l’intérêt de la science, se propose la Société que vous pré- 
sidez. 

E. YvEr, secrétaire perpétuel. 
Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire. 


J'ai l’honneur de vous informer que la Société industrielle 
d'Angers et du département de Maine-et-Loire a pris connaissance 
de votre lettre et de votre pétition, en faveur de l’enseignement 
de l’histoire naturelle, et qu’elle a-décidé qu’un extrait du procès- 
verbal de sa séance du 42 mai vous serait adressé comme réponse. 
Voici cet extrait que je suis tout particulièrement heureux de vous 
transmettre : | 

« M. le vice-secrétaire communique la circulaire de la Société 


RS" mE 


» d'histoire naturelle de Toulouse, et la pétition en faveur de 
» l’histoire naturelle que cette Société veut adresser à Son Excel- 
» lence le Ministre de l'instruction publique. Cette lecture excite 
» le plus vif intérêt et détermine les adhésions unanimes de l’as- 
» semblée qui résume ainsi ses vœux : 

« L'histoire naturelle exige d’être enseignée plus sérieusement 
» et avec plus d’extention ; elle devra toujours être plus spéciale- 
» ment étudiée en vue de ses applications les plus utiles à l’agri- 


» culture. » 
F. Jeannin, secrétaire général. 


Société académique de Saint-Quentin (Aisne) ; Sciences, Arts 
et Belles-Lettres, Agriculture et Industrie. 


Dans sa séance du 18 mai, la Société académique a reçu com- 
munication de la pétition que la Société d’histoire naturelle de 
Toulouse propose d'adresser au Ministre de l'instruetion publique 
pour demander qu’une part plus large soit faite aux sciences natu- 
relles dans l’enseignement secondaire. 

La Société académique approuve complètement l'esprit et les 
termes de cette pétition, et elle vous autorise, Monsieur le Prési- 
dent, à faire de son adhésion l'usage que vous jugerez convenable. 


H. SourLer, secrétaire général. 


M. Chalande informe la compagnie de la trouvaille de nombreux 
ossements humains mêlés à des bois de cerf dans une tranchée du 
moulin du Bazacle. M. l'ingénieur veut bien mettre tous ces objets 
à Ja disposition de la Société. Comme les ossements humains sont 
datés du xvu° siècle par les monnaies et que les anciens plans de 
1621 signalent sur ce point un cimetière dit des pestiférés, ils doi- 
vent appartenir en majorité à des Toulousains et peuvent avoir 
une certaine valeur anthropologique. 


M. Peyre annonce à la Société la découverte par M. Timbal père 
etlui-même du Muscari Lelievrei dans les vallons de Saint Geniez : 
cette plante n’était encore connue que dans l’ouest de la France. 
D'autre part un Ornithogalum rencontré par la Société le 25 mai 
1869 dans le jardin de l’hôtel de Comminges à Saint Bertrand, et 
indéterminable faute de fleurs ou de fruits, a fleuri cette année 
dans le jardin de M. Timbal et a été reconnu pour l'O Boræanum 

k 


PM | PR 


Jord, et Fourr. (O0. umbellatum, Borcan ; L. ex parte). Enfin dans 
une course récente à Alzonne, MM. Pevre et Albert Timbal ont 
rencontré l'Ornithogalum Peyrei, Timb., plus abondant que dans 
la seule localité jusqu'ici connue de cetle plante, Lacroix Falgarde. 
Ce dernier fait n’est pas sans importance, en ce qu'il rattacherait 
celte plante à une colonie de plantes méridionales observées au 
confluent de l’Ariége et de la Garonne, colonie dont font partie 
notamment les Thymus vulgaris, Genista scorpius, Orchis papilo- 
nacea, Philippea arenaria, Hetedypnois cretica, Doryenium suf- 
fruticosum, ele. 

M. Timbal-Lagrave fils annonce que dans une herboïisation 
faite à la prairie de Portet avec son père et M. Filhol ils out ren- 
contré les Narcissus biflorus, Ajuga Genevensis, enfin, à Pinsuguel, 
le Cardamine sylvatica. Ces trois plantes sont nouvelles pour la 
localité. 


Séance du 3 juin 41820. 
Présidence de M. le D' Guitar», président. 


M. le professeur Lavocar, membre honoraire, assiste à. la 
séance. 


M. Léon FLorre, à Crépy-en-Valois, Oise, est nommé membre 
titulaire sur la présentation de MM. Guitard ct Cartailhac. 

La Société recoit : 

Journal d'agriculture pratique, février, mars, avril, mai 4870. 

De la part de M. Guitard : des échantillons de graines venant 
du Mexique. 

Une lettre de M. L. Donnadieu, professeur à l’école spéciale de 
Cluny, annonçant un article en faveur de la pétition pour l’histoire 
naturelle dans la Revue de l'instruction publique. 

Les adhésions suivantes à cette même pétition. 


Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-Lettres d'Aix. 


L'Académie vient de délibérer sur le projet de pétition que vous 


A RE 


avez bien voulu soumettre à son appréciation. Une ville qui se 
olorifie d’avoir donné le jour à Tournefort et à Adanson ne pou- 
vait demeurer insensible aux dangers que court en France l’ensei- 
gnement des sciences naturelles, par suite d’une mesure dont les 
ficheuses conséquenceS n’ont échappé à personne. Je suis chargé 
de vous annoncer que notre Société adhère de grand cœur à votre 
projet de pétition et qu’elle est d'sposée à se joindre à vous pour 
appuyer la démarche que vous annoncez. 


Cte G. DE SarorTA, président. 


Société d'histoire natureile de Colmar. 


La Société d'histoire naturelle de Colmar, dans sa séance du 
18 mai, a entendu avec le plus vif intérêt la lecture de la pétition 
que la Societé de Toulouse se propose d'adresser à Son Excellence 
le Ministre de linstruction publique en faveur de l’étude des 
sciences naturelles. 

Elle adhère pleinement aux vues si justes exposées dans ce 
document, et souhaite ardemment que la demande de la Société 
de Toulouse soit favorablement accueillie par Son Excellence et 
examinée immédiatement avec toute la sollicitude qu’elle mérite. 

La Société a chargé son bureau de faire connaitre ses sentiments 
à cet égard à M. le Président de la Société d'histoire naturelle de 
Toulouse. 

F.-E. KamPMANN, vice-président. 


D' Faupez, secrétaire perpétuel. 
Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes Maritimes. 


La Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes maritimes à pris 
connaissance de votre circulaire et de la pétition que vous adressez 
à Son Excellence le Ministre de l’instrustion publique; tous les 
membres présents à la séance du 49 courant ont été d'avis que 
nous devions nous associer à votre démarche. Je viens donc, au 
nom de mes confrères, vous déclarer que, non-seulement nous 
sommes très-sympathiques à l'œuvre que vous entreprenez, mais 
que notre concours vous est assuré, dans la forme que vous vou- 
drez bien nous indiquer. 

BruN, secrétaire. 


m7 Nes 
M. Marius Lacaze donne lecture du Mémoire suivant (4) : 
Etude critique de la Nutrition. 


S'il fallait en croire nos physiologistes la nutrition serait une 
fonction spéciale que nous retrouverions chez tous les êtres orga- 
nisés : elle aurait lieu chez les protophytes comme chez les végétaux 
les plus parfaits, chez les protozoaires comme chez l’homme. 

Les actes intimes qui la constitueraient seraient encore l’objet 
d’actives recherches, mais des résultats importants auraient été 
obtenus et des théories réellement scientifiques existeraient sur 
ectte fonction. 

Exposer ces théories, les discuter en prenant pour base les faits, 
et donner notre marière de voir sur Ja nutrition, tel est le triple 
objet de ce travail. 


Les théories qui existent sur la fonction qui nous occupe peu- 
vent être réduites à deux. Dans la première, qui repose sur le 
tourbillon vital de Cuvier, on admet que les principes constituants 
des tissus sont sans cesse renouvelés par un double mouvement de 
désassimilation et d’assimilation, et on attribue ce double mouve- 
ment à une propriété des tissus vivants. 

Dans la seconde, on reconnoit aussi la rénovation des tissus, 
mais on lui donne une autre cause : on suppose que la désassimi- 
lation provient de l’action comburante de l'oxygène, et l’assimi- 
lation de l’affinité. 

Pour fixer les idées et aussi pour être juste, 1l est nécessaire de 
citer les propres paroles des principaux partisans de ces deux 
théories et d'entrer dans quelques développements. 

Guvier, dans son magnifique ouvrage sur le règne animal, 
s'exprime ainsi ({ntroduction) : 

« La vie consiste dans la faculté qu’ont certaines combinaisons 
» corporelles de durer pendant un temps et sous une forme déter- 
» minée, en attirant sans cesse dans leur composition une partie 


(1) Dans la séance du 3 juin 1870, nous avons communiqué à la Société 
un Mémoire intitulé : Ætude critique de la Nutrition. L'espace qui nous 
est réservé dans ce Bulletin nons oblige à ne donner qu’un résumé de notre 
travail, 


US de 


» des substances environnantes, ct en rendant aux éléments des 
» portions de leur propre substance. La vie est done un tourbillon 
» plus ou moins compliqué dont la direction est constante et qui 
» entraîne toujours les molécules des mêmes sortes, mais où Îles 
» molécules individuelles entrent et d’où elles sortent continuelle- 
» ment, de manière que la forme du corps vivant est plus essen- 
» lieile que la matière. » 

Ces idées, nous les retrouvons commentées et développées, 1l est 
vrai, mais non modifiées dans ce qu’elles ont d’essentiel, dans le 
remarquable travail de chimie anatomique et physiologique, nor- 
male et pathologique de MM. Ch. Robin et Verdeil, et ces savants 
n’ont pas hésité à les admettre comme base de leur définition sur 
la nutrition. 

En effet, à la page 489, t. 1, on lit : 

« La nutrition est caractérisée par un double mouvement con- 
» tinu de composition et de décomposition sans destruction du 
» Corps où 1l se passe. » 

Et plus loin, page 266, après avoir parlé des principes qui 
entrent dans le corps des êtres organisés et de ceux qui en sortent, 
ces histogénistes ajoutent : 

€ Partout donc où un corps organisé manifeste une propriété 
» quelconque‘ de sensibilité, contractilité ou seulement de sécré- 
» tion, reproduction, développement, il y a, de toute nécessité, 
» dans ja matière de ce corps cette allée et cette venue de ces 
» matériaux. Cette allée et cette venue sont la condition d’exis- 
» tence de tout autre phénomène organique ou vital quelconque, 
» et tant qu'elles continuent, il y a vie ; dès qu’elles cessent, il a 
» mort, et il n’y a mort que lorsqu’elles cessent. » 

M. Muller admet aussi que tous les tissus des êtres vivants sont 
sans cesse renouvelés, mais il fait une exception pour le système 
nerveux. Le système nerveux échapperait seul, d’après cet émi- 
nent physiologiste, à la loi du renouvellement moléculaire. 

Mais, s’il fallait eu eroire MM. Serres et Doyère, cette restriction 
devrait être faite, non à l’évard du système nerveux, mais pour le 
tissu osseux ; car ils disent dans leur travail sur la coloration des 
0S par la garance, inséré dans les Annales des Sciences naturelles, 
2e série, t. XVIE, page 173 : 

« En ce qui concerne la nutrition, cet échange, ec rerouvelle- 


sh = 


» ment, ce tuurbillonnement perpétuel des molécules ne sont 
» point une condition essentielle des tissus vivants, à moins qu’on 
» ne veuille ranger le tissu osseux parmi les tissus morts. » 

M. le docteur Emile Joly, après avoir fait de nombreuses expé- 
riences sur la coloration des os au moyen du régime garancé, 
arrive à la même conclusion que MM. Serres et Doyère, au moins 
en ce qui concerne les os qui ont atteint leur complet dévelop- 
pement. 

« Les molécules, colorées ou non, ditil dans sa thèse pour le 
» doctorat, page 28, ne disparaissent que dans les os incomplète- 
» ment formés, et par le seul fait de l’accroissement de ces der- 
» niers. Cette disparition des molécules est partielle et s'effectue 
» lentement dans les os jeunes. Elle ne paraît plus avoir lieu chez 
» ceux dont la croissance est terminée. » 

Il est important de remarquer que M. le docteur Emile Joly 
regarde la rénovation moléculaire dans les os jeunes comme un 
fait de croissance et non comme un phénomène nutritif propre- 
ment dit. 

Un grand nombre d’autres physiologistes, dont il est superflu 
de citer les noms, à l’exemple de MM. Cuvier, Robin, Verdeil,etc., 
considèrent la rénovation des tissus en général par le double mou- 
vement de désassociation et d'association, comme une propriété 
essentielle et comme une condition d'existence des tissus des êtres 
organisés. 

Mais il en est d’autres qui, comme nous l'avons dit en commen- 
cant, tout en admettant en fait le renouvellement des tissus, sem- 
blent regarder ce renouvellement, non plus comme un acte essen- 
tiel, comme nne raison de vie, mais bien comme un accident dü à 
la combustion des principes constituants des organes par l’oxygène 
de la respiration, et au remplacement de ces principes par les ma- 
tières alimentaires. 

M. Milne Edwards écrit, en effet, à la page 439 de son anatomie 
el de sa Physiologie comparées : 

« Dans l’état normal, la combustion vitale est entretenue en 
» partie par la substance des organes, et en partie par les subs- 
» tances combustibles non azotées qui se trouvent dans le sang 
» OÙ qui sont emmagasinées autrement dans l’intérieur du corps 
» et qui ne sont pas aptes à servir de matériaux pour la combustion 
» des tissus vivants. » 


Le Re 


. M. Longet n’est pas moins explicite que M. Milne Edwards : 


« L'existence des animaux, dit-il dans son Traité de physiologie 
page 1,059, ne se maintient qu’à la condition d’un travail mo- 
léculaire incessant, accompli aux dépens des matériaux plus ou 
moins complexes qui, en général, se métamorphosent et se 
détruisent par des phénomènes analogues à la combustion ; les 
animaux, dans ce but empruntent à l’air son oxygène. Dans ce 
travail intime et de la dépense qu’il entraîne avec lui, résulte la 
nécessité d’une réparation continuelle, indispensable à l’inté- 
grité et à la permanence des organes. » 

Et plus loin, page 4067 : 

« L'animal longtemps privé d’une nourriture suffisante continue 


à absorber de l’oxygène et diminue de poids, parce qu'il brûie 


successivement, d'abord ses graisses, puis son sang et ses pro- 
pres tissus; de telle sorte que, même des substances azotées 
qui avaient fait partie de sa trame organique fournissent des 


matériaux à l’oxygène de la respiration et accidentellement 


deviennent aliments respiratoires. 

» 51 d'un côté le sang, par mille canaux, porte la nourriture à 
tous les organes, se transformant par une chimie spéciale en 
lüssus et en humeurs ; d’un autre côté, à mesure que les parti- 
cules organiques sont décomposées et fluidifiées, elles rentrent 
dans le grand courant sanguin qui les emporte. Ainsi, dit Littré, 
se fait et se défait cette toile de Pénélope, trame toujours sur 
le métier, et ne subsistant qu'à la condition d’avoir ses fils 
incessamment renouvelés. » 

Nous devons à la vérité de dire que, en 1856 (cette date est à 


noter), quand M. Longet est au moment de formuler sa conclusion 
définitive sur la nutrition, il se préoccupe du désaccord (1) qui 
existe entre les physiologistes au sujet du rôle que jouent les actes 
nutriufs dans la coloration des os par la garance; et alors il 
éprouve des doutes sur la théorie du renouvellement des tissus et 
hésite à se prononcer d’une manière catégorique en sa faveur. 


» 


» 


« Eu présence de données et d'interprétations aussi contradic- 
toires, dit-1l page 1067, que penser du renouvellement de la 
matière dans les parties solides des tissus? La plupart des faits 


(1) Ce désaccord ne saurait exister aujourd'hui, grâce aux remarquables 


travaux de M. le professeur N. Joly et de son fils sur cette importante question. 


_— 56 — 


» invoqués peuvent bien fournir des inéuctions concernant le 
» mode d’accroissement des os; mais jusqu’à présent, il n’est pas 
» démontré que toutes les molécules du tissu osseux ne doivent 
» séjourner dans les os qu’un temps assez court, ni qu’elles soient 
» incessamment remplacées par de nouvelles molécules que d’au- 
» tres remplaceront bientôt. Or, ce qui peut paraitre contestable 
» pour le tissu osseux, l’est également pour les autres tissus de 
» l’organisme adulte. Aussi semble-t-1l plus rationnel d'attendre 
» d’autres lumières pour prendre un parti relativement à cetle 
» théorie qui, si elle n’est pas expérimentalement démontrée, se 
» trouve pourtant assez en rapport avec la manière la plus géné- 
» rale d'envisager les actes intimes de la nutrition. » 

Mais en 1868, M. Longet semble avoir oublié cette sage réserve 
qui lui était dictée par la prudence et par des faits, et être revenu 
d’une manière absolue aux idées du renouvellement moléculaire. 

Dans son nouveau Traité de physiologie (année 1868, introduc- 
tion, page XXXHII), il écrit : « Ce qui caractérise surtout les com- 
» binaisons qui se produisent au sein de l’organisme, c’est leur 
» instabilité : elles se forment, se transforment, se détruisent sans 
» cesse pour se reproduire de nouveau. On est parvenu à fixer 
» image d’un boulet traversant l’espace, mais on ne parvient pas 
» à donner de la stabilité aux éléments qui composent un orga- 
» nisme vivant. » 


Telles sont, rapidement exposées, mais cependant avec assez de 
détail pour les bien faire comprendre, les deux théories sur la 
putrition qui sont de nos jours enseignées. | 

Nous devons maintenant les discuter. 

Les objections que l’on peut faire à ces théories sont nombreuses 
et de diverses natures : nous en trouvons dans la physique, dans 
la chimie, dans l’histogénie, dans la physiologie, dans la patholo- 
ole, etc. ; et cela n’a rien d'étonnant, car les phénomènes nutritifs, 
par leur généralité et par leur complexité, touchent à un grand 
nombre de lois naturelles, et dès lors ne peuvent être envisagés 
sous un faux jour sans se trouver en opposition avec les données de 
la plupart des sciences de la nature. 

La première des théories que nous combattons, celle de MM. Cu- 
vier, Robin et Verdeil, nous parait tout d’abord fausse parce qu'elle 
est en contradiction avec cette loi physico-chimique générale, e’est 


RS er 


qu’une combinaison, un cristal ou un élément anatomique ne peut 
se décomposer dans le milieu même qui convient à son existence. 
Or, voilà cependant ce qu’il faudrait admettre pour expliquer, dans 
la théorie qui nous occupe actuellement, la rénovation des tissus. 

Des modifications nombreuses peuvent se produire, il est vrai, 
dans les conditions d'existence des organismes, mais ces modifica- 
tions déterminent toujours des états pathologiques. 

MM. Robin et Verdeil ont compris toute importance de l’objec- 
. tion que nous faisons dans ce moment et ont cherché à y échapper 
en disant : 

« Il n’y a point de décomposition spontanée ; celle-ci n’a lieu que 
» parce qu’aussitôt après que la combinaison est faite, il se trouve 
» auprès, en raison de l’état anatomique des principes (union 
» intime par mélange et dissolution), quelque autre principe qui 
» la décompose à son tour en se combinant à l’un de ces éléments. 
» Celui-ci en éprouve ensuite autant, ou bien est expulsé, évacué, 
» où bien encore il reste, incruste les tissus ou fait dépôt. C’est à 
» ce qui constitue le doubie mouvement de composition et de dé- 
» composition, dont l’ensemble s'appelle nutrition, phénomène de 
» nutrition. — Page 273. » 

Ces histogénistes disent encore : 

« Cette prétendue force vitale qui préside, c’est l’état d’union 
» complexe des principes immédiats qui fait que la plupart de leurs 
» actes de formation et de décomposition sont des actions chimiques 
» particulières dites de contact ou indirectes. Ce sont ces condi- 
» tions complexes qui rendent l’aste d’une rature particulière ei 
» l’éloignent de ceux que nous offrent généralement les corps 
» minéraux. — Page 270. » 

Mais comment l’état anatomique pourrait-il faire naître des 
principes qui le détruiraient, alors qu’il est Le résultat d'une asso- 
clation, d’une union moléculaire, d’une combinaison ? Si une com- 
binaison déterminait par sa seule formation, l’apparition de corps 
capables de la détruire, 1l ne nous serait jamais possible d’en cons- 
tater l’état et à plus forte raison les propriétés, car il adviendrait 
nécessairement qu'aussitôt après qu'elle aurait apparu, les prin- 
cipes de décomposition la détruiraient. En admettant même la 
présence de ces principes, on ne pourrait pas davantage expliquer 
rationnellement la désassociation. En effet, de deux choses l’une : 
ou les molécules avec lesquelles ils se combineraient n’existeraient 


PER, DE 


que dans les tissus, et alors ceux-ci seraient obligés d’en créer de 
semblables à celles qu'ils perdraient pour se compléter ; ou elles se 
trouveraient toutes formées dans le blastème, et, dans ce cas, elles 
devraient préserver les tissus en s’unissant aux principes de dé- 
composition. 

Dans la première hypothèse, la désassociation serait possible, 
mais ce qu’on ne comprendrait pas, c’est que l’état anatomique 
créât alternativement des principes de décomposition et des prin- 
cipes d'association ayant entr'eux la plus grande affinité. 

Dans la deuxième hypothèse, la décomposition ne serait pas 
compréhensible, puisque au fur et à mesure que les principes de 
décomposition apparaîtraient, ils trouveraient près d’eux des mo- 
lécuies libres pour lesquelles ils auraient une forte affinité, et 
devraient s’unir à elles plutôt qu'aux principes immédiats des 
tissus, ceux-ci étant déjà engagés dans des combinaisons. 

Les explications données par MM. Gh. Robin et Verdeil pour 
faire comprendre les phénomènes d'association et de désassociauon 
n'éclairent donc rien : elles ne font que reculer les difficultés sans 
les résoudre. 

Dira-t-on par hasard qu'un protoorganisme ou qu’un élément 
anatomique d’un organe composé ne reste pas inactif comme les 
Corps iuorganiques, et que son action, son jeu, qui n’est que sa 
fonction, amène dans les milieux où il vit des modifications qui 
déterminent la décomposition de ses principes immédiats ? 

Mais, dans ce cas, où cet élément anatomique trouvera-t-il les 
principes qui lui permettront de se compléter ? Ce ne sera certes 
- pas dans ces milieux, car, s'ils y étaient, ils devraient être décom- 
posés comme ceux de lPélément anatomique. 

Nous ne comprenons donc pas la possibilité de l’apparition des 
principes de décomposition et des actes chimiques directs ou in- 
directs, d'où, d’après MM. Ch. Robin et Verdeil, proviendrait le 
double mouvement d'association et de désassociation. ‘ 

Toutelois, nous n’aurious pas eu l’imprudence d'attaquer des 
théories établies et défendues par des savants illustres, si nous 
n'avions eu à leur opposer que les objections que nous venons de 
faire valoir. Nous savons lrès-bien qu’il existe un grand nombre de 
faits scientifiques dont on n’a pu découvrir les causes, et nous 
D'ignorons pas qu'il serait absurde d’arguer de celte ignorance pour 
en nier l’existence. 


es QU 


Si donc nous avons entrepris la difficile tâche que nous accom- 
plissons, c’est que toutes les sciences de la vie nous fournissent des 
armes pour la lutte. 

Nous venons de consulter la physique, la chimie et l’histogénie ; 
interrogeons maintenant la physiologie chez les organismes supé- 
rieurs. 

Les organes et les appareils qui composent les êtres organisés 
remplissent des fonctions d’où découle la vie individuelle. 

Ces fonctions, comme il est facile de le comprendre, ne peuvent 
s’exéeuter normalement que si les organes conservent intacts leurs 
matériaux constituants. | 

Comment, en effet, la fibre musculaire pourrait-elle être stimulée, 
se contracter ou se dilater, si elle était incessamment renouvelée, 
s'il existait en elle cette allée et cette venue de matériaux dont 
parlent MM. Robin et Verdeil ? 

La force nerveuse, quelle qu’elle soit lans son essence, ne pro- 
duirait aucun effet utile, si elle agissait sur un tissu, sur des fibres 
dont les matériaux constituants se décomposeraient et se reforme- 
raient sans cesse. 

La tonicité, la contractilité, la force potentielle des muscles et 
leur élasticité supposent une grande solidité dans les fibres muscu- 
laires, et cette solidité serait impossible sans la fixité des combinai- 
sons qui forment ces fibres. 

Si des fonctions des muscles nous passons à celles des glandes, 
nous arriverons à des conclusions identiques. Les parois des élé- 
ments anatomiques qui constituent les glandes agissent sur Île 
plasma du sang, non-seulement physiquement, mais encore chimi- 
quement. Ce qui donne aux glandes leurs propriétés spéciales, c’est 
leur structure, c’est encore et surtout la nature de leurs principes 
constituants. Or, si le tourbillon vital était une réalité, la struc- 
ture glandulaire serait à chaque instant dérangée, et l’action chi- 
mique des glandes serait rendue impossible, car à peine les principes 
qui les forment auraient pris naissance qu'ils seraient rapidement 
décomposés pour faire place à de nouveaux qui subiraient aussi le 
même sort, sans pouvoir exercer aucune action spéciale. 

… Mais s’il est des fonctions qui plaident contre le double mouve- 
ment d'assimilation et de désassimilation, ce sont, sans contredit, 
celles des organes des sens et de l’apparcil nerveux. 

Nous nous bornerons, comme toujours, à quelques exemples. 


si 00: 


On sait que l’on voit un objet quand son image est venue se peindre 
sur une membrane nerveuse, la rétine, qui tapisse le fond de l’œil ; 
que l'impression produite par cette image a été transmise au cer- 
veau par un nerf spécial, le nerf optique, et enfin que certains 
éléments anatomiques cérébraux ont élaboré les im pressions qu'ils 
ont ainsi reçues. 

Or, n'est:l pas évident que le tourbillon vital, en décomposant 
et recomposant sans cesse les principes constituants des milieux 
réfringents oculaires, de la rétine, du nerf optique et des élé- 
ments cérébraux, altérerait la pureté des images, gônerait la trans- 
mission , s’il ne l’empêchait pas, et s’opposerait à la perception, 
comme nous le verrons quand nous nous occuperons de la forma- 
tion de l’idée. 

Il en serait de même des autres sens, c’est-à-dire, de l’ouie, de 
l’odorat , du goût et du toucher. 

Si les organes des sens ont besoin, pour exercer normalement 
leurs fonctions, de conserver leurs principes constituants, à fortiori 
cela doit-il être vrai pour le cerveau. 

La pulpe cérébrale est d’une délicatesse extrême; un ébranle- 
ment un peu fort, une commotion suffit, dans la plupart des cas, 
pour l’empêcher de remplir momentanément ou pour toujours ses 
fonctions. Une goutte de sang ou de sérosité épanchée dans son 
sein ou un simple ramollissement peut amener un trouble intel- 
lcctuel, le naufrage même de l'intelligence, la folie. 

Tous ces faits, et bien d’autres encore que le médecin est ap- 
pelé tous les jours à observer, ne nous démontrent pas, il est vrai, 
l'impossibilité du double mouvement de composition et de décom- 
position dans le cerveau, mais ils nous portent à le mettre en doute 
et nous engagent à examiner de très près s'il a lieu réellement. 

Nous allons donc pénétrer, autant que nous le pourrons, dans 
les actes intimes de lintelligence. 

La première opération inteilectuelle qui est la base de toutes les 
autres, c’est la formation de l’idée, On a une idée, c’est-à-dire 
une notion, lorsqu'une impression transmise au cerveau a été 
élaborée par les éléments anstomiques spécialement aflectés aux 
actes intellectuels. | 

Prenons un de ces éléments anatomiques au moment où une 
impression lui parvicndrait, Cette impression agirait nécessaire- 
ment sur des molécules qui seraient les unes en pleine décompost- 


ON: 5" DPI 


tion, les autres en voie de combinaison. Les premières ne pour- 
raient réagir pour produire leur effet spécial, et, quant aux secondes, 


elles se trouveraient dans le même cas, car, en admettant même. 


qu'elles fussent impressionnées, leur rapide décomposition et les 
inévitables désassociations qui s’opéreraient autour d’elles, s'oppo- 
seraient à ce que leur action eût un résultat normal et utile. 

L'idée donc ne pourrait se former. | 

Or, si l’idée ne se produisait pas, nous serions dans l’impossibi- 
lité de nous souvenir, de juger, de raisonner, d'imaginer, de com- 
parer, etc., car tous ces actes intellectuels ont pour base l’idée. 
Pendant tout le temps que s’accomplissent ces phénomènes d’im- 
pression, de transmission, d'élaboration, d’idée de jugement, de 
raisonnement, etc.; il est indispensable que les éléments anato- 
miques cérébraux qui sont en jeu dans ces opérations conservent 
leurs principes constituants. Il est également nécessaire que ces 
principes se conservent pour servir aux opérations ultérieures qui 
s'appuient sur des notions acquises. 

En vain dirait-on que les molécules remplacées transmettent à 
celles qui les remplacent les impressions qu’elles ont reçues ou les 
idées qu’elles ont élaborées ; car lorsque ces dernières apparaissent, 
les autres ont cessé d’exister. 

On ne serait pas plus fondé à soutenir que les principaux orga- 
nes des animaux supérieurs étant composés d’une infinité d’élé- 
ments anatomiques et que le renouvellement moléculaire ne se 
faisant pas en même temps dans ces éléments, il y en a toujours 
assez d’intacts pour permettre à la fonction de s’accomplir; car 
cette fonction dépend des propriétés des principes constituants des 
éléments anatomiques et de leur mode d’association, et ces princi- 
pes se trouvant tous dans les mêmes conditions, il n’est pas permis 
de supposer chez eux un renouvellement alternatif. 

Les partisans de la rénovation des tissus conviennent de ce fait 
puisqu'ils disent que le double mouvement de composition et de 
décompostion est continu. 

Nous ne comprenons pas que des faits aussi simples, aussi fuci- 
les à constater aient échappé aux physiologistes, surtout à ceux qui, 
comme M. Taule, se sont prononcés en même temps pour le maté- 
rialisme et pour le renouvellement moléculaire. 

Comment, en effet, M. Taule a-t-il pu écrire dans sa thèse sur 


ANT jPars 


les propriétés de la matière organisée, des choses aussi contradic- 
toires que celles-ci : 

« Toute substance organisée, amorphe ou figurée, végétale ou 
» animale, placée dans des conditions de milieu en rapport avec 
» Sa Constitution immédiate moléculaire, présente continuement 
» et sans se détruire un double mouvement de combinaison et de 
» décombinaison simultanées, d’où résulte sa rénovation molécu- 
» Jaire. Cet acte a reçu le nom de nutrition. — Page &7. » 

« Les effets de fluorescence et du pouvoir émissif des cellules 
» cérébrales sont faciles à prévoir : qu'est-ce autre chose, en eflet, 
» que la mémoire, l'association des idées et le jugement qui en 
» résulte, sinon l’expression de ce double pouvoir de conservation 
» et de transmission des impressions reçues et modifiées par les 
» différentes espèces de cellules nerveuses. » | 

» Les impressions sensorielles, une fois perçues et transformées 
» en idées, sont eminagasinées par le cerveau ; elles s'appellent; 
» elles s'associent les unes aux autres en vertu de l’automatisme 
» spontané de ces cellules et de leur influence réciproque, pour 
» donner naissance aux actes plus complexes de l’entendement, 
» tels que la comparaison, le jugement, ete. L’imagination elle- 
» même n’est qu'un mode particulier de l’activité des cellules céré- 
» brales qui, après avoir absorbé et retenu les impressions senso- 
» rielles, les travaillent isolément, les amplifient d’une manière 
» toute spéciale et les font apparaître sous des formes plus vives et 
» des colorations plus brillantes. — Pages 137 et 138. » 

Est-ce qu’il n’est pas contradictoire de soutenir que lo mémoire, 
le jugement, le raisonnement, etc., sont le résultat du double pou- 
voir de conservation et de transmission des cellules cérébrales et 
d'admettre en même temps que ces cellules présentent continue- 
ment un double mouvement de composition et de décomposition, 
d’où résulte leur rénovation moléculaire. 

Mais les physiologis'es spiritualistes seraient-ils fondés à nous 
dire : 

« Tout ce que vous venez d’éerire touchant les opérations intel- 
» lectuelles ne prouve rien contre la nutrition telle que nous la 
» Compreuons : Cela ruine simplement les doctrines matérialistes 
» et fournit des preuves en faveur de l’existence de l'âme; car, si 
» les idées se forment, si la mémoire existe, si toutes les autres 


2 


MON: CES 


» opérations intellectuelles s’exécutent au milieu du tourbillon 
» vital, n'est-il pas de la dernière évidence que ces opérations 
» intellectuelles ne dépendent pas de la matière, mais qu’elles 
» sont dues à un être simple, immatériel, un, indivisible, impéris- 
» sable, en un mot à une âme?» 

Non, les spiritualistes ne seraient pas en droit de nous tenir un 
pareil langage, parce qu’il leur est impossible, sans nier les faits les 
mieux constatés, de mettre en doute l’activité du cerveau dans les 
actes intellectuels. | 

Nous n’examinerons pas iei les doctrines spiritualistes et maté- 
rialistes au point de vue physiologique, car cela nous éloignerait 
de notre sujet, nous obligerait de rechercher Îes causes des pro- 
priétés de la matière organique, de nous demander à quoi sont dus 
les phénomènes merveilleux qui se révèlent à nous sous la forme 
de l'attraction, de l’affinité, de l’instinet et de l'intelligence, et de 
sortir du domaine scientifique, dans lequel nous désirons rester, 
pour nous engager sur le terrain peu sûr de la métaphysique. 

11 nous suffira pour prouver que le cerveau a un rôle actif, effectif 
dans les opérations intellectuelles, de rappeler que la pensée, la 
conscience, la liberté, la volonté n’existent pas sans cerveau ; qu'il 
y à une embryogénie de lintelligence comme une-embryogénie 
cérébrale ; que le développement de la pensée est parallèle au 
développement du cerveau ; qu’à l’atrophie de cet organe corres- 
pond une atrophie intellectuelle; qu'il est des substances qui 
hébètent, qui alourdissent l'esprit, comme l’opium, tandis que 
d’autres, comme le calé, le rendent plus fin, plus subtil; que les 
émotions morales vives, peuvent amener et aménent, en effet, la 
folie; que la folie est héréditaire; qu'enfin, le caractère, cette 
constitution morale de l’individu dépend de la pulpe cérébrale et 
même de l’alimentation. 

Nous donnerons encore une autre preuve, qui nous parait 
péremptoire, de l’activité du cerveau. 

Il est bien des fous qui ont des moments de lucidité. La folie ne 
se montre chez eux que par intervalle. Eh bien ! la plupart de ces 
malheureux sentent venir le moment de l'attaque; ils avertissent 
alors les personnes qui les entourent de se retirer, parce qu’ils 
comprennent que dans le délire ils pourraient les blesser, peut- 
être même les tuer. Dans cet instant terrible, ils emploient toute 
l'énergie de leur volonté, 1ls luttent avec l'intelligence qui n’est 


04 


pas encore troublée, contre le mal qui les envahit; mais, hélas! 
c'est peine inutile, la folie éclate dans toute sa fureur. 

lei, peut-il y avoir du doute ? N'est-ce pas la matière qui agit, 
qui commande et qui règne en souveraine ? Le cerveau n’est donc 
pas un organe passif, quelque chose comme un instrument entre 
les mains d’un artiste. Et, puisqu'il en est ainsi, les spiritualistes 
ne sauraient, pas plus que les matérialistes, admettre la rénovation 
continuelle des tissus. 

Aux nombreuses objections que nous avons déjà faites contre 
les enseignements de MM. Cuvier, Robin et Verdeil sur la nutri- 
tion, nous en ajouterons d’autres, parce qu'elles sont plus frap- 
pantes et qu’elles nous sont fournies par des faits que tout le monde 
peu facilement observer. 

Voyons d’abord l’hibernation. 

Un grand nombre d'animaux parmi les insectes, les reptiles et 
même les mammifères, passent l'hiver dans un état d’engourdisse - 
ment, de torpeur, que l’on désigne sous le nom de sommeil 
hibernal, Durant ee sommeil, qui peut se prolonger au-delà de six 
mois, presque toutes les fonctions s’accomplissent, ralenties, il est 
vrai, et pourtant les animaux qui y sont soumis ne prennent 
aucune nourriture. 

Or, si la désassimilation avait lieu d’une manière continue, ces 
animaux maigriralient rapidement, et ils mourraient dès que leurs 
corps auraient perdu les #0 centièmes de leurs poids normaux. 
C’est ce qui n’a pas lieu : au retour de la belle saison, les animaux 
hibernants sortent de leur retraite d’hiver, pleins de vie, alertes 
ct pas trop amaigris. Get amaigrissement s'explique très-bien, 
sans faire intervenir la dénutrition par la combustion des maté- 
riaux respiratoires, surtout des graisses, et par les pertes résultant 
des autres fonctions en exercice. 

MM. Robin et Verdeil ne peuvent nous dire que durant ce som- 
meil les actes intimes de la nutrition sont ralentis ou suspendus ; 
ils ne peuvent pas soutenir davantage que la graisse accumulée 
pendant la période de réveil fournit à l’assimilation, puisqu'ils ont 
écrit, pages 278, 279 et 280 : 

« Rien de moins soumis à une prévision quelconque que ce 
» mouvement de décomposition, de dédoublement et d'expulsion 
» des principes immédiats, nuisibles ou utiles Au contraire. ceux 
» qui, introduits accidentellement, nuisent aux fonctions en alté- 


tt RS 


rant les éléments, étant ceux dont les combinaisons présentent 


la plus grande fixité de tons, sont ceux qui se décomposent avec 


la plus grande difficulté et sont le plus difficilement remplacés 
par d’autres. Quant aux principes normaux, on pourrait croire 
que lorsqu'on cesse tout exercice qui demande une grande 
dépense de force, leur mouvement de décomposition cessera 
aussi ou du moins seralentira au point de permettre la cessation 
absolue ou presque absolue d'aliments. Mais il n’en est rien : 
l’exhalation de l'acide carbonique, le dédoublement des subs- 
tances organiques, en urée, acide urique, créatine, elc., n’en 
continuent pas moins, et le décroissement du volume du corps 
morche d’une manière rapide. 

» Les corps gras, dira-t-on, sont des principes immédiats ali- 
mentaires, en réserve pour suppléer aux substances alibiles 
introduites du dehors lorsque celles-ci viennent à manquer. 
Mais la raison est mauvaise, car 1 est bien vrai que ces prin- 
cipes disparaissent par un lent mouvement de décomposition ; 
mais, pour cela, les principes qui constiluent les éléments ana- 
tomiques des autres tissus n'en disparaissent pas moins. On ne 
voit pas que les premiers remplacent les seconds, et que les vissus 
formés par ceux-ci soient conservés. Les uns et les autres dis. 
paraissent, les uns plus, les autres moins vile, mais tout ne 
disparait pas moins. Il y a bien quelque chose de moins brutal 
dans le mouvement de décomposition, comparé à l’énergie et à 
la rapidité avec lesquelles un principe étranger à ceux des corps 
organisés se combine aux leurs; mais aussi rien de plus fatale- 
ment nécessaire et continu que la décomposition de ces prin- 
cipes normaux. » 

Est-ce clair ? 

Passons au développement des œufs des animaux dits ovipares. 
Nous prendrons pour exemple un œuf d'oiseau fécondé. La 


quantité de matière liquide et solide qu’il contient est parfaitement 
déterminée ; elle ne peut ni augmenter, ni diminuer, si ce n’est 
par la respiration. Si nous plaçons cet œuf dans les conditions que 
suppose son développement, nous ne tarderons pas à voir les prin- 
cipes immédiats qui le constituent s'organiser et former des 
éléments anatomiques qui s’associeront à leur tour pour donner 
naissance à des organes composés, lesquels constitueront par leur 
réunion des appareils dont l’association formera l'individu. 


D 


2 ee Es, 


Tous ces phénomènes d'organisation supposent la fixité des com- 
binaisons moléculaires d’où ils dérivent, car, si dès qu’un élément 
anatomique était formé, 1l se décomposait d’une manière continue 
pour se recomposer, les produits de la désassimilation ne tarde- 
raient pas à vicier le blastème de l'œuf et à s'opposer ainsi à son 
développement. En admettant même que les produits de la décom- 
position n’altérassent pas le blastème, au point d'empêcher dans 
son sein les phénomènes de genèse spontanée, l'œuf ne tarderait 
pas à être arrêté dans son évolution faute de matériaux organisa- 
bles : les produits régressifs, de l’aveu de tous les physiologistes, 
ne pouvant entrer dans la composition d'aucun organe. 

Les insectes et les autres animaux qui peuvent supporter durant 
des mois une diète absolue, prouvent encore contre la désassimi- 
lation. 

Enfin, nous emprunterons un dernier argument à une coutume 
bizarre, répandue parmi les peuplades sauvages et pratiquée chez 
les Européens dans des limites restreintes; nous voulons parler du 
tatouage. 

Le tatouage, comme tout le monde le sait, a pour but et pour 
effet de produire sur le corps des dessins indélébiles. 

Les procédés employés pour arriver à ce résultat sont très- 
nombreux ; nous ne les examinerons pas. Ce qui nous importe, 
dans ce moment, c’est de rechercher la cause del’indélébilité des 
dessins. Cette indélébilité est-elle due à la matière colorante qui 
reste dans les tissus, ou bien cette matière colorante agit-elle 
sur les Lissus, et puis disparait-elle ? 

Le Dictionnaire encyclopédique est très-clair à cet égard. On 
trouve au mot tatouage : « Quant aux dessins tatoués dont nos 
» marins et nos soldats ornent parfois leurs poitrines ou leurs 
» bras, ils s’obtiennent en piquant la peau jusqu’au vif avec une 
» aiguille, et en versant sur ces piqüres de la poudre à canon 
» finement pulvérisée. On met le feu à la poudre, et les parti- 
» Cules qui pénètrent dans la peau en la colorant en bleu, rendent 
» indélébiles les traces de ces piqüres. » 

Nous citerons à l'appui de cette opinion, nos propres ah à 
tions : 

Dans plusieurs circonstances, nous avons donné des soins à des 
soldats qui avaient été blessés dans des parties du corps tatouées. 
Ces blessures donnèrent lieu à une suppuration abondante qui 


= (OU 


dura plusieurs mois, et ecpendant les dessins tatoués ne disparu- 
rent pas : l'intensité de leur couleur diminua seulement. 

Or, il n’est pas possible de nier le pouvoir d'élimination de la 
suppuration, et l'on peut dés-lors affirmer que si la matière colo- 
rante avait existé dans ces tissus, elle aurait été chassée au dehors: 
et par suite le tatouage aurait dû disparaître complètement. 

D'après ce que nous venons de dire, on conçoit que les vési- 
catoires ne peuvent pas non plus enlever les dessins tatoués ; c’est 
aussi Ce que nous avons constaté. 

Enfin nous ferons encore remarquer que les matières colorantes 
employées sont absorbées, comme l’indique la coloration des gan- 
glions lymphatiques. 

Nous conclurons donc, jusqu’à preuve du contraire, que les 
tissus sont colorés par le tatouage; ct nous sommes en droit, 
puisque cette coloration est indélébile, de tirer decette pratique un 
argument contre la dénutrition 

Nous n'insisterons pas davantage sur le tourbillon vital de 
Cuvier, et sur l'enseignement de MM. Ch. Robin et Verdeil. Nous 
ex avons dit assez pour prouver qu'ils sont contraires aux faits et 
aux sciences de la vie, et nous nous résumerons en disant : 

Qu'il est faux que « partout où un corps organisé manifeste une 
» propriété quelconque de sensibilité ou seulement de sécrétion, 
» reproduction, développement, il y ait de toute nécessité, dans la 
» matière de ce corps, une allée et une venue de matériaux. » 

Qu'il est faux que « cette allée et cette venue soient la condi- 
« tion d'existence de tout autre phénomène organique ou vital ; » 

Qu'il est faux, enfin, que « tant qu'elles existent il y ait vie, 
« que dès qu’elles cessent, il y ait mort. » 

Tout cela est faux pour toutes les raisons que nous avons don- 
nées ; c’est faux encore, car les spores, le pollen, les graines, les 
œufs, les insectes et les reptiles gelés sont vivants. La vie, il est 
vrai, est dans ces corps in potentid non in artu, mais enfin ils ne 
sont pas morts ; s'ils l’étaient, 1ls ne tarderaient pas à se décom- 
poser. Eh bien, dans les spores, le pollen, etc., il n’y a ni allée 
_ni venue de matériaux. 


C2 


Mais pour réfuter d’une manière complète la doctrine du renou- 
vellement moléculaire, il nous faut encore prouver qu’elle n’est 
pas justifiée davantage par la seronde théorie, c’est-à-dire en attri- 


SAUT de 


buant la décomposition à l'oxydation, et la réparation des per- 
tes qu'elle occasionne aux aliments. 

Nous ferons tout d’abord remarquer que le plus grand nombre 
des objections que nous avons faites à la théorie de Cuvier et de 
MM. Robin et Verdeil, ne s'adressent pas seulement aux causes 
qui déterminent l'association et la désassociation, mais encore et 
surtout au fait même de la rénovation des tissus. 

Qu'il faille attribuer à l’oxydation ou à des actes chimiques 
directs et indirects les phénomènes de décomposition, il n’en 
résulterait pas moins que les fonctions seraient troublées, empê- 
chées même ; que l’hibernation serait incompatible avec la vie ; 
que le développement de l’œuf serait impossible, etc. 

Mais il est facile de démontrer la fausseté de cette seconde 
théorie, non-seulement en discutant les phénomènes nutritifs tels 
que les comprennent les partisans de l'oxydation, mais encore en 
altaquant les causes de ces phénomènes. 

En effet, si l'oxygène brülait la trame solide des tissus, il devrait, 
indépendamment des aliments dits respiratoires, oxyder dans le 
sang les substances protéiformes, puisque ces substances ont la 
plus grande analogie avec celles des issus ; et il adviendrait alors 
que tout l'oxygène introduit à chaque inspiration, serait rapide- 
ment engagé dans des combinaisons, et qu’il se trouverait insuffi - 
sant pour aller avec les plasmas former les milieux intérieurs des 
organes. Bien plus, les produits de ces combustions altèreraient 
le fluide nourricier et nous trouverions, dans ce fait, un nouvel 
empêchement à la formation normale de ces milieux. 

Et puis, il est une question qu'il est bien permis de se poser, 
et qui aurait dû avant tout être résolue par les partisans de la 
combustion des tissus. Cette question est celle-ci: Comment se 
fait-il que l'oxygène, qui a une très-grande affinité pour les matiè- 
res dites respiratoires, puisse, quand elles existent, attaquer les 
issus qui ont une constitution chimique toute différente ? 

Si nous consullons les lois les mieux établies de la chimie, elles 
nous répondront que cela n’est pas possible, et que les substances 
respiratoires doivent toujours protéger les tissus. Mais quand ces 
substances font défaut, à se pourrait que l’oxygène allât porter son 
action comburante sur les matières alibiles et sur les principes 
constituants des tissus. Nous disons il se pourrait, parce qu'il n’est 
démontré que ce gaz puisse se combiner avec ces substances. En 


me (UD ee 


admettant que cette démonstration ait lieu, on ne saurait faire de 
ce phénomène une fonction normale de l’économie : il devrait être 
placé parmi les’causes de destruction des êtres, puisqu'il aurait 
pour effet de hâter la mortde lindividu. 

Si l’oxygène attaquait la trame solide des tissus, l’amaigrisse- 
ment devrait être en rapport avec l’activité de la respiration. Or, 
c’est l’inverse qui a lieu, comme l’indique cette loi physiologique : 
Ledéveloppement d’un organe est en rapport direct avec son 
exercice. 

Il faudrait encore que nous retrouvions dans les sécrétions, les 
produits de cette oxydation. 

On a bien dit que ces produits n'étaient autres que l’urée et 
Pacide urique ; mais c’est là une erreur. 

Si Purée et l'acide urique étaient le résultat de l'oxydation des 
tissus, ces produits régressifs devraient toujours être en rapport 
avec l'activité de la respiration et exister dans tous les organes; 
ils devraient encore augmenter avec la diète et n’être nullement 
sous l'influence de la nature des aliments. Or, rien de tout cela 
ne se vérifie. 

Nous disons d’abord que l’urée et l'acide urique ne sont pasen rap- 
port avec l’activité de la respiration, et nous basons notre opinion 
sur ce fait que l'urine, dite du sang, celle que l’on rend le matin, 
est plus dense, plus chargée de ces produits que celle de la jour- 
née. C’est l'inverse qui devrait avoir lieu, puisque pendant le 
sommeil la respiration est notablement ralentie. 

M. Sée, dans son cours sur les anémies, bien qu’il admette 
la désassimilation, déclare formellement que ce rapport n'existe 
pas, ct il ajoute : « El est aujourd’hui démontré que la destruction 
» du muscle ne va pas jusqu'au dernier terme de la série 
» rétrograde, c’est-à-dire jusqu’à l’urée, car l’urée n’existe pas 
» dans les muscles. » 

Cette absence d’urée dans les muscles a conduit M. Sée et 
d'autres physiologistes, à abandonner cette idée qui régnait dans 
la science, c’est que la force, le pouvoir musculaire, était le résul- 
tat de Poxydation des substances protéiques qui constituent les 
éléments anatomiques musculaires, et il a admis que cette force 

était produite par la combustion des graisses et des hydrates de 
carbone. 

M. Bence Jones, dans sa conférence sur la matière et la force, 


WE es 


arrive aux mêmes conclusions , en se basant sur les expériences 
des professeurs Frankland et Flint et sur celles du docteur 
Parkes. 

Les premiers de ces expérimentateurs ont reconnu, en compa: 
rant le travail mécanique qui a lieu dans un temps donné, 
avec la quantité d’urée produite dans le même temps, que le cin- 
quième seulement du travail accompli peut provenir des chan- 
gements chimiques qui s’opèrent dans le tissu azoté des mus- 
cles. 

Les expériences du docteur Parkes l’ont conduit encore plus 
loin, puisqu'il déclare que l’action musculaire se lie non à la 
décomposition, mais plutôt à la combinaison, et 1l donne pour 
preuve la raison que nous avons donnée nous-même pour prouver 
que l'oxygène n’attaquait pas la trame solide des tissus, c’est que 
le muscle en action s’accroit, alors qu'il diminue, au contraire, 
pendant le repos. 

M. Sée n’admet pas non plus que l’urée augmente pendant 
l’inanition. | 

« Le phénomène le plus remarquable, dit-il dans le même 
» cours, que l’on observe dnns la sécrétion urinaire pendant 
» linanition, c’est la diminution de l’urée. Un homme qui, dans 
» l’état ordinaire, rend 28 grammes d’uréc en 2% heures, n'eu 
» donne plus que 17 grammes, après une abstinence de 24 heu- 
» res, et la quantité va décroissant si l’abstinence se prolonge. 
» L’acide urique qui dans l'état normal est représenté par une 
» moyenne de 0 g. 50 par jour, tombe à O0 9. 33, par le fait de 
» la diète. Par rapport à l’urée, l’acide urique diminue égale- 
» ment; ce rapport n'est plus que de 4 : 71 au lieu d'être de 
» 4:45, chiffre normal. » 

M. Bouchardat, dans son annuaire thérapeutique (année 1868), 
n'hésite pas à déclarer que la production de Purée dans l’écono- 
mie ne résulte point de l’oxydation, mais du dédoublement des 
principes immédiats. 

Il avoue qu’il ne peut indiquer d’une manière süre les 
organes dans lesquels s’effectucraient ces dédoublements ; mais 
ses recherches lui feraient supposer qu’ils ont lieu dans des orga- 
nes divers, suivant la nature des matériaux mis en œuvre. 

Enfin, l’expérience de tous les jours prouve que les produits 
régressifs dont nous parlons, augmentent avec un régime azoté et 


A 


qu'ils diminuent, au contraire, avec une alimentation, riche en 
prineipes féculents. Ce fait est bien connu des médecins, puisqu'ils 
recommandent aux personnes qui ont une trop grande quantité 
durée et d'acide urique dans leurs urines, de se mettre à un 
régime pauvre en matières azotées. 

D’après tous les motifs que nous venons de donner, il nous est, 
eroyons-nous, permis de conclure que l’urée et l’acide urique ne 
sont pas des produits d’oxydation des tissus et qu'ils ont leur 
principale source dans les aliments. 


Enfin, les partisans des deux théories invoquent encore pour 
prouver la dénuirition : 4° la présence de la cholestérine, prin- 
elpe constituant du système nerveux, dans les vaisseaux qui reçoi- 
vent le sang des extrémités ; 2° Ja perte de poids qu’éprouve un 
animal soumis à la diète; 30 la nécessité de prendre des ali- 
ments. 

Flint, qui est l’auteur du premier argument, a tort, croyons- 
nous, de considérer la cholestérine comme un produit de dénu- 
trition, car si nous la retrouvons dans le sang qui vient des extré- 
mités, ce n’est pas parce que, comme il le pense, le système 
nerveux a cédé ce principe, mais par la raison fort simple que les 
nerfs le produisent. 

Il est aujourd’hui acquis à la science que tous les éléments 
anatomiques d’un organisme quelconque, lorsqu'ils sont en acti- 
vité, ont la propriété d'agir physiquement et chimiquement sur 
les plasmas au sein desquels 1ls vivent, de manière à former 
des principes immédiats, identiques à ceux qui les constituent. 
Or, la cholestérine étant un des principes constituants du sys- 
tème nerveux, celui-ci doit en produire, et 1l est dès-lors tout 
naturel que nous la rencontrions dans les vaisseaux qui reçoivent 
les produits de ce système. 

Quant à la perte de poids qu’éprouve un animal soumis à la 
diète, on ne saurait en faire un argument sérieux. 

En effet, par la respiration, un homme adulte perd par jour 
250 grammes de carbone et une quantité assez grande de vapeur 
d’eau ; par les sécrétions, la perspiration, la sueur, elc., il éprouve 
encore de grandes pertes. Il est de toute évidence que, s’il ne 
se nourrissait pas, il devrait perdre beaucoup de son poids. 

Un homme adulte perd ainsi, par jour, au moins 3 kilogram 


PER | (RU 


mes. Et dans toutes ces pertes, nous ne trouvons aucun produit 
de dénutrition. 


L’amaigrissement doit donc nécessairement résulter d’une 
diète prolongée. Mais cet amaigrissement a encore une autre 
ause : Il est aussi produit par la diminution du tissu cellulaire, 
du tissu adipeux et des autres tissus, qui acquiérent un grand 
développement lorsque la vie est dans toute son activité. 


Les aliments que nous prenons journellement servent chez 
les jeunes individus, à leur développement et à la réparation 
des pertes que leur font éprouver les diverses fonctions qui s’ac- 
complissent en eux (la nutrition mise de côté, bien entendu), et 
chez l'individu adulte aux fonctions qui les intéressent direc- 
tement et à celles qui ont pour but la propagation de l'espèce. 

Les aliments servent encore, à tous les âges, à la réparation des 
tissus qui sont accidentellement lésés. 


C’est donc avec roison que M. Longet dit : « On sait qu'un 
» animal adulte, soumis à Îa ration d'entretien ou un homme 
» arrivé au terme de sa croissance et nourri avec une grande 
» régularité peut conserver le même poids moyen et rendre 
» dans les différents produits résultant de l'action organique, 
» fèces, urine, sueur, exhalation pulmonaire, etc., une quan- 
» tité de matière précisément égale à celle qu'il a reçue par 
» les aliments. » 

Mais c’est à tort qu’il ajoute : « Pourtant il y a assimiliation 
» en ce sens que la matière élémentaire des aliments se fixe 
» dans l’organisme en s’y modifiant, pour se substituer à celle 
» que le mouvement de désassimilation expulse journellement. » 
(Page 1059. Traité de physiologie.) 


En rejetant le tourbillon vital de Cuvier, la théorie de l’asso- 
ciation et de la désassociation de MM. Robin et Verdeil, et celle 
de l’oxydation de MM. Loncet, Milne Edwards, etc., en un mot, 
en admettant la fixité des combinaisons qui forment les élé- 
ments anatomiques, nous n’obéissons pas à une idée syslémati- 
que; mais nous nous rendons à l'évidence des faits, et nous 
nous soumeltons aux lois de la logique et de la science. 


C’est, croyons-nous, ce que nous avons établi en démontrant 
que la nutrition , comme fonction spéciale, n’était justifiée ni 


cas TEE Le 


par les causes auxquelles on l’attribue, ni par les effets que l’on 
dit résulter de ces causes. 

De ce que nous nions l’existence de la nutrition, comme fonc- 
tion spéciale, dont le rôle serait de renouveler incessamment les 
principes constituants des organismes, il ne faudrait pas nous 
accuser de rejeter tout acte nutritif. Nous croyons que tous Îles 
phénomènes, qui ont pour but de conserver l'individu, sont des 
phénomènes nutritifs, et nous pensons que, par extension, l’on 
peut donner ce nom à tous ceux qui forment, développent et 
propagent les êtres. 

Aux nombreuses raisons que nous avons données pour prouver 
notre thèse, nous aurions pu en ajouter un grand nombre d’au- 
tres que nous auraient fournies le règne végétal et le règne animal ; 
mais pourquoi les aurions-nous données, puisque ce que nous 
avons dit suffit et au-delà pour démontrer l'exactitude de nos idées. 

Cependant, avant de formuler notre conclusion définitive, nous 
demanderons à ceux qui soutiennent que Îles tissus sont sans 
cesse renouvelés par un double mouvement de composition et 
de décomposition, comment il se fait que la vie passe par des 
phases, que l’on désigne chez l’homme sous les noms, d’enfance, 
de puberté, d'âge mür et de vieillesse, et aussi comment la 
mort peut arriver. | 
_ Quant à nous, nous pensons que si au fur et à mesure que 
les matériaux étaient usés, ils se trouvaient remplacés par de 
nouveaux, la vie d’un animal ou d’un végétal devrait être uni- 
forme et sans fin; et si nous pensons ainsi, c’est parce que nous 
sommes convaincu que la vie d'un être organisé est due d’abori 
aux propriétés des principes constituants des tissus et puis aux 
fonctions. 

Nous n’insisterons pas davantage sur la nutrition, cette préten- 
due fonction qui doit être rayée de nos traités de physiologie, et 
nous terminerons celte étude critique en formulant ainsi notre 
conclusion définitive. 

Il y a dans l’économie des êtres organisés un véritable tourbil- 
lon vital, un échange, un renouvellement continuel de molécules ; 
mais ce tourbillon vital, cet échange, ce renouvellement moléculaire 
n'est vrai que pour les gaz, les liquides organiques et les substun - 
ces dites respiratoires, et nullement pour les principes immédiats 
qui forment la trame solide des tissus. 


— 7h 


Les organismes sont de véritables machines qui possèdent en 
elles-mêmes les principes de leurs actions, qui pour exister norma- 
lement ont besoin d’agir et pour agir ont besoin d'aliments ; mais 
en agissant, elles s’usent et il arrive un moment où l'usure est 
telle, qu’elles eessent. de fonctionner : ce moment, c’est la mort! 
c'est-à-dire l’instant fatal où ces individus disparaissent et où les 
matériaux qui formaient leurs corps vont, selon leurs degrés 
de décomposition et les conditions dans lesquelles ils se trouvent, 
s'unir et donner naissance par hétérogénie à des protoorganismes, 
ou bien rentrer dans les milieux ambiants pour aller, soit dans le 
monde organique, soit dans le monde inorganique, recommencer 
leurs rôles, toujours les mêmes et toujours nouveaux. 


M. Lavocat, à propos de la communication précédente, prend 
la parole. 

Il déclare qu'il demeure persuadé que la matière est mobile, 
que la forme seule persiste. Le volume des organes est variable ; 
ils augmentent jusqu’à un terme — dans des cas pathologiques, 
ils sont atrophiés; il est difficile de comprendre que l'ali- 
mentation soit une acquisition perpétuelle de molécules non 
employées ; — le travail cellulaire est constant. On ne saurait 
admettre une cellule inactive, éternelle, bien que la difficulté de 
comprendre une cellule nouvelle en fonction, à côté des cellu- 
les adultes , fasse partie des régions obscures ; l’objection tirée du 
tatouage tombe devant cette hypothèse que les molécules de la 
peau qui sont colorées , sont des éléments frappés de mort; les 
expériences faites sur les os sont des arguments en faveur du mou- 
vement moléculaire. La nutrition de l'os est très-lente, vu le peu 
d'éléments utiles dans le sang; — il semble qu'il y a un moment 
où l’os reçoit moins et perd autant qu’autrefois : l'os du vieillard 
devient fragile. — Quant aux animaux hybernants , ils s’endor- 
ment gras et rondelets et se réveillent maigres. 

La question de l’urée est une de celles où l’on craint toujours que 
les réactifs ne vous trompent. 

M. Lavocat entre dans quelques détails plus précis sur la choles- 
térine et les expériences avec la garance, et il établit, en terminant, 
que dans la vieillesse, la formation de nouvelles cellules se ralentit. 


M. Gourdon, se rattachant à l’opinion qui ne comprend pas 


= AO 


l'organe vivant sans le mouvement rénovateur, annonce qu’il 
entrelendra la Société de la nutrition, dans une autre séance. 


Séance du 47 juin 1870. 
Présidence de M. le professeur Gourpon, vice-président. 


La Société reçoit : 


Académie de Stanislas, mémoires, 1 vol. Nancy. 

Revue médicale de Toulouse. | 

Journal d'agriculture pratique, 3° série, t. XXI, Toulouse. 

Les adhésions suivantes : 

Socièté impériale d'Agriculture, Sciences naturelles et Arts 
utiles de Lyon. 


La Société à pris connaissance de votre lettre dans sa dernière 
séance. 

La démarche que vous entreprenez en faveur d’une réorganisa- 
tion sérieuse de l’enseignement des sciences naturelles, ne pouvait 
rencontrer que les sympathies les plus vives, auprès de la Société 
d'Agriculture, Histoire naturelle et Arts utiles de Lyon. Tous les 
membres de la Société que jai l'honneur de présider sont una- 
nimes à reconnaitre que l'Université donne trop peu de place à 
l’histoire naturelle dans ses programmes , et à regretter que les 
quelques leçons qui sont encore consacrées à cette branche soient 
pour ainsi dire signalées comme des leçons de peu d'importance, 
par ce seul fait qu'on ne leur donne pas même la sanction des 
examens. Ceux de mes collègues qui appartiennent à l’enseigne- 
ment, savent combien des leçons dans ces conditions-là sont négli- 
gées des élèves ! 

Nous ne saurions, Monsieur le Président, exposer en meilleurs 
termes que vous, l’importance et l'utilité des études dont vous 
plaidez la cause auprès du Ministre de l'instruction publique, la 
part trop restreinte qui leur est dévolue dans l’enseignement 
secondaire et l'urgence d’une prompte réforme à cet égard, Je me 
bornerai donc à vous dire , au nom de tous mes collègues, que 
nous sommes avec vous en parfaite conformité de vues, que nous 


76 — 


associons nos vœux aux vôtres, et donnons à votre démarche notre 
entière adhésion. 

Il est impossible que des vœux qui doivent être ceux de toutes 
les sociétés savantes ne soient pas écoutés, et que les études natu- 
relles restent plus longtemps aussi négligées qu’elles le sont aujour- 
d’hui. Quand elles auront reconquis la place qui leur est due 
c'est à votre Initiative qu’elles en seront redevabies. Que la Société 
d'Histoire naturelle de Toulouse reçoive à ce sujet les félicitations 
de la Société d'Agriculture, Histoire naturelle et Arts utiles de 
Lyon. 

| Praron, président. 
P. Lorenri, secrétaire général. 


Socièté des Sciences historiques et naturelles de Semur (Côte-d'Or). 


J'ai soumis à la Société des sciences historiques et naturelles de 
Semur, la pétition que vous vous proposez d’adresser à Son Excel- 
lence le Ministre de l'instruction publique, pour lui demander de 
donner plus de développement à l’étude des sciences naturelles 
dans le programme de l’enseignement secondaire. 

Des connaissances étendues en histoire naturelle sont non seu- 
lement utiles, mais, er quelque sorte, nécessaires dans toutes les 
positions sociales ; la Société de Semur s’empresse done de donner 
une entière approbation à une réclamation qui présente un véri- 
table intérêt; elle s’associe à vos efforts, et elle espère que vous 
obtiendrez un résultat qui sera un bienfait pour toutes les classes 
de la population. | 

À. Bruzarp, président. 

Société impériale des Sciences, de l’Agriculture et des Arts 
de Lille. 

J'ai l’honneur de vous adresser copie de la délibération qu’a 
prise la Société des sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, 
au sujet de la communication que vous lui avez faite dans l'intérêt 
de l’enseignement de l’histoire naturelle dans les lycées. J’y joins 
le rapport de la commission de la société, adopté en séance le 
3 juin 18”0. 

Mencax pe Loisnes, président. 
Extrait du registre des procès-verbaux de la séance du 3 juin 1870. 


e ° . . LOU 4 L L . L o [1 . . L2 . . . . . . L] [2 . . . . . . L1 L] 


« M. Dareste lit un rapport concluant à s'associer à la pétition 


ne 


que la Société d'Histoire naturelle de Toulouse doit adresser 
au Ministre de linstruction publique pour que l’on prenne des 
mesures à l’efiet de développer l'étude de histoire naturelle dans 
les lycées, et de l’introduire dans le programme des matières exi- 
gées pour le baccalauréat. 

» Après une discussion à laquelle prennent part MM. Guiraudet, 
Testelin, Blanquart et Gosselet, les conclusions de ce rapport sont 
adoptées. » 


Rapport sur une demande de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, par 
MM. Corenwiver, Curesmen, Tesrezin ef Dareste, rapporteur. 


La Société d'histoire naturelle de Toulouse, voyant avec peine 
la part si restreinte qui est faite actuellement dans l’enseignement 
secondaire à l'étude des sciences naturelles, a rédigé une pétition 
au Ministre de l’instruetion publique, pour le prier d’améliorer 
une situation si regrettable à tous égards. Pour donner plus de poids 
à sa parole, et pour en assurer le succés, elle demande le concours 
des Sociétés scientifiques de France. Nous sommes donc invités à 
lui prêter notre appui. La Commission a pensé que la Société de 
Lille devait s'associer à la démarche de la Société de Toulouse 
pour les motifs suivants. 


Ïl serait inutile d’insister longuement sur les avantages de l’en- 
seignement de l'histoire naturelle. Contentons-nous seulement de 
rappeler que l'instruction d’un homme ne peut être considérée 
comme véritablement complète, s'il ignore les principaux faits de 
l'organisation et de la vie des animaux et des plantes; s’il ne 
connait pas, au moins dans Îles traits les plus généraux, la struc- 
ture et l’histoire de la terre ; si son intelligence restée fermée aux 
grandes découvertes de cette science, qui compte, dans notre pays 
seulement, de si grands noms, les Buflon, les Cuvier, les Jussieu, 
les Geoffroy Saint-Hilaire, et tant d’autres. Mais elle se recom- 
mande encore plus peut-être par son influence sur l'esprit. Comme 
elle repose entièrement sur des faits réels, elle est avant tout, 
quoique d’une manière non exclusive, uue science d'observation, 
et, plus peut-être que toute autre étude, elle force l'esprit, dans 
l'examen d’une question, à tenir compte de tous les éléments de 
la réalité et à rejeter toutes les idées préconçues ou systématiques, 
qui donneraient une vue inexacte et fausse des objets. Assurément 
bien peu d'hommes sont appelés à être naturalistes : mais tous 


EP le | 


peuvent et doivent profiter de la salutaire discipline que l’étude de 
celle science imprime aux intelligences. 

Quant à l’atlité pratique de l’enseignement de fhistoire natu- 
relle, qui pourrait méconnaître que la médecine et l’agriculture 
ne sont oue les applications de cette science ? Mais en dehors même 
de toute considération professionnelle, est-ce que tous les hommes 
re sont pas appelés à être chefs de famille, et à pourvoir, à ce 
titre, à l’éducation physique, à la santé de leurs enfants ? N'est-ce 
pas l’histoire naturelle, considérée dans sa partie physiologique, 
qui forme la base de toutes les règles de l'hygiène, et qui apprend 
aux hommes comment ils peuvent prévenir les maladies et 
améliorer les conditions sanitaires de tous ceux au besoin des- 
quels ils sont appelés à veiller ? Et pourtant, il suffit de regarder 
autour de soi pour voir combien ces règles sont généralement 
méconnues ou enfreintes. 

Toutes ces considérations avaient engagé l’administration de 
l'instruction publique, au lendemain de juillet 4830, à faire sa 
part, dans l’enseignement secondaire, à l'étude de l'Histoire natu- 
relle. Pendant trente ans, cet enseignement a existé dans les 
établissements de l'État, dans des conditions trop restreintes peut- 
être, et avec des ressources insuffisantes ; toutefois, il a donné, 
pendant cette époque, d'excellents résultats. Un certain nombre 
de jeunes gens sortaient des lycées avec des notions d'histoire 
paturelle assez étendues. Mais depuis quelques années les choses 
ont bien changé. 

Si l’on excepte les lycées de Paris, l’enseignement de l'histoire 
naturelle dans les lycées n’a jamais été ce qu’il aurait dû être, et 
donné les résultats qu'il aurait pu donner, par suite de diverses 
causes : d’abord, par le manque de professeurs spéciaux, qui 
obligeait de le confier à des professeurs de physique n'ayant pas, 
pour la plupart, spécialement étudié les matières qu’ils étaient 
chargés d’enseigner ; ensuite, par le manque plus ou moins com- 
plet du matériel nécessaire. Mais, depuis quelques années, celte 
situation, déjà mauvaise, est devenue plus mauvaise encore par la 
mesure qui à retranché l’histoire naturelle dans l’examen du bac- 
calauréat ës-sciences complet. Aujourd’hui, l'étude de l’histoire 
naturelle n’a plus de sanction officielle que par sa présence au 
baccalauréat ès-sciences restreint, exclusivement réservé aux étu- 
diants en médecine. 


ms RON) me 


Ce qui est résulté de cette mesure, c’est que la part de l’histoire 
naturelle, dans l’enseignement normal des lycées, a été restreinte 
autant que possible. Il n'existe plus aujourd’hui qu’un seul cours 
de 25 leçons pendant la classe de seconde, et encore le nombre 
réglementaire de ces leçons est-il souvent éliminé. Mais ce qu'il y 
a encore de plus grave, c’est que les élèves n’accordent qu’une 
attention très-médiocre aux leçons du professeur, ou même se 
refusent absolument à consacrer une part, si minime qu’elle soit, 
de leur temps, à des études qui ne sont pas représentées aux 
examens. 

Ainsi donc, à l'heure qu'il est, l’enseignement de l’histoire 
naturelle est à peu près nul dans les lycées, et nous pouvons 
ajouter aussi, à bien plus forte raison, dans les établissements 
libres, encore moins bien pourvus que les établissements de l'Etat 
en professeurs et en matériel. Reste seulement l’enseignement 
spécial, où l’histoire naturelle a sa place marquée en une place 
importante ; mais cet enseignement est d’une origine encore trop 
récente pour que l’on puisse en apprécier les résultats, D'ailleurs, 
quel que soit l'avenir qui lui est réservé, il ne sera jamais suivi 
que par une partie de la jeunesse française. 

Les conséquences d’un pareil état de choses sont trop manifeste- 
ment évidentes. Ceux d’entre nous qui, chargés d’examiner pour 
le baccalauréat, sont par cela même en mesure de constater l’état 
de l’enseignement dans notre pays, n’ont que trop souvent l’occa- 
sion de reconnaitre que, dans le baccalauréat restreint, celui qui 
ouvre la carrière médicale, les candidats sont généralement nuls 
en histoire naturelle, et qu'il est infiniment rare de rencontrer 
quelques réponses satisfaisantes. Cette année, par exception, trois 
élèves du lycée de Lille ont subi cette épreuve avec distinction ; 
mais 11 a fallu, pour obtenir ce résultat, que l’administration si 
intelligente de notre lycée envoyât ces jeunes gens suivre le cours 
de Ja Faculté des sciences, pour suppléer à l'insuffisance presque 
absolue du cours qu'ils avaient dû suivre, deux ans auparavant, 
dans la classe de seconde. 

Si nous ne craignions de donner à ce rapport, déjà bien long, 
une trop grande étendue, nous pourrions montrer cet autre fait 
que, tandis que dans d’autres pays, les sciences naturelles se 
développent incessamment, grâce à tous les encouragements 
qu'elles trouvent dans l'administration et surtout dans le public, 


es 0 


elles sont très-généralement abandonnées en France, dans la patrie 
des grands naturalistes que je citais plus haut, et qui ont pu être 
égalés, mais jamais surpassés. Le manque de naturalistes est tel, 
que le recrutement des chaires dans les Facultés des sciences est 
souvent difficile. 

Il va donc là un danger sérieux, dans notre pays, pour l’ins- 
tuction publique en général, et pour l'avenir des sciences natu- 
relles. Aussi la Commission n’hésite-t-elle pas à vous proposer 
d'appuyer de votre autorité morale la pétition de la Société d'his- 
toire naturelle de Toulouse. Elle n’ignore pas, il est vrai, les diffi- 
culiés très-graves que soulète une pareille question. Il faut bien 
reconnaitre que le mal que nous signalons a sa racine dans notre 
société elle-même beaucoup plus que dans l’Université. L’ensei- 
gnement de l’histoire naturelle, comme celui de toutes les autres 
branches du savoir humain, est aujourd’hui, plus que jamais, 
dans une lutte incessante contre les progrès que fait tous les jours 
l'instruction hâtive. Dans .une société démocratique comme la 
nôtre, où toutes les positions sont accessibles à tous, les diplômes 
qui ouvrent l'entrée des carrières sont devenus, pour la plupart 
des enfants et aussi pour la plupart des familles , le but palpable 
et unique des efforts de l'élève et des sacrifices souvent onéreux 
que les familles doivent s’imposer. De là des réclamations qui 
s'élèvent de toutes parts contre la durée des études , contre l’éten- 
due des programmes , contre la difficulté des épreuves de l’exa- 
men; et malheureusement ces réclamations sont trop souvent 
écoutées , trop souvent l’administration a la main forcée et cède à 
une pression qu’elle devait combattre. Il ne nous appartient pas 
d'indiquer les moyens pratiques de réagir contre cette fâcheuse 
tendance d’une partie de la société française. Tout ce que nous 
pouvons faire aujourd’hui, c'est de nous associer à une démarche 
que nous approuvons, et d'appeler l'attention de l’Université et de 
tous les hommes intelligents sur un état de choses regrettable à 
tous égards, et qui, s’il se prolongeait, finirait par porter atteinte à 
l’une des causes de la grandeur morale de la France, en amoin- 
drissant sa gloire scientifique. 


Société d'Agriculture du département de la Haute-Garonne. 


J'ai l'honneur de vous transmettre copie de la délibération de la 
Société d'agriculture de la Haute-Garonne , demandant que l’en- 


di op 2 


seisnement des sciences naturelles recoive un plus grand dévelop: 
pement. La Société .a été heureuse d’avoir l’occasion de vous témol- 
euer une adhésion complète à vos vues. 

Caussé, serrélaire général. 


Dans sa séance du 4 juin 1876, la £ociété d'agriculture de la 
Haute-Garonne à pris la délibération suivante : 

Convaineue de l'incontestable utilité des sciences de la nature, 
sincèrement reconuassante des lumières qu’eiles lui fournissent 
tous les jours, la Société d'agriculture de [à Haute-Garonne regrette 
qu’elles aïént une part si minime daus lenscignenient secondaire. 
D'un autre côté, elle sait de bonne source que les professeurs des 
facultés se plaignent également de voir l’histoire naturelle occuper 
une place si restreinte dans les programmes du baccalauréat. 

Signaler le mal, c'est avoir la presque certitude qu'il y sera 
apporté un remède aussi prompt qu’efficace. 

Pour ce motif, la Société d'agriculture de la Haute-Garonne 
tout entière s’assucie de grand cœur aux doléances respeclueuses 
et aux vœux si pleins d’espoir de la Société d'histoire naturelle de 
Toulouse, et prie instamment M. le Ministre de l’insiruction publi- 
que de donner le plus tôt possible aux uns et aux autres une légi- 
time salisfaction. 


Société des Amis des Sciences naturelles de Rouen. 


J'ai donné, à la séance d'hier, lecuure de la pétition que vous 
m'avez fait l'honneur de m'adresser. 

Les membres présents, à l’unanimité, ont aceucilli par acelama- 
tion l’heureuse inspiration qui vous guide dans une si noble voie. 

Aussi, interprète de tous mes confrères, je m’empresse de vous 
adresser des félicitations sincères et de vous ap porter notre assen- 
timent à la coopération de l'œuvre, au succès de laquelle ne man 
queront pas de s’intéresser toutes les natures d'élite. 

E. BocriLuer, président. 


Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen. 


J'ai l'honneur de vous adresser ei-inclus le Rapport fait à 
l’Académie, sur la pétition en faveur des sciences naturelles que 
vous vous proposez d'adresser à M. le Ministre de l'instruction 
publique. Notre Compagnie en a approuvé les conelusions et à 
donné une adhésion complète aux réformes que.vous proposez. Je 


6 


D 


to 


suis personnellement trés-heureux de l'iuiliative que vous avez 
prise et je lui souhaite tout le succès qu’elle mérite. 


À. MAL8RANCHE, secrétaire perpétuel. 


Rapport par MM. le Dr Duwesni, Houzeau, Dr More, Marsnanone el Fiscner, 
rapporteur. 


Messieurs, les membres de la commission chargée d'examiner 
la pétilion qui vous a été communiquée par la Société d’histoire 
naturelle de Toulouse ont échangé leurs idées à ce sujet, et J'ai 
l'honneur de vous présenter le rapport de votre commission. 

Unanimes sur le principe qui a inspiré la demande à faire au 
ministère de l'instruction publique, de donner plus de place aux 
études d'histoire naturelle dans les cours classiques des lycées , 
nous avons reconnu que le lycée doit effectivement à ses élèves un 
enseignement encyclopédique comprenant des notions claires, 
sommaires et exactes sur l’ensemble des connaissances humaines 
et permellant de rattacher à une méthode bien exposée et iacile- 
ment saïsie tout développement ultérieur d’études spéciales ; que 
c’est en vain qu'on dirait que les exercices littéraires et les mathé- 
matiques , en fortifiant le goût et le jugement des jeunes gens , 
les préparent suffisamment à toutes sortes d’études, car les scien- 
ces naturelles ont une méthode et un langage qui, leur sont pro- 
pres et qui restent lettre close pour quinces’en est pas occupé 
dans de bonnes conditions ; que, d’ailleurs, les sciences naturelles 
ontacquis une telle importanes dans notre vie sociale, qu’il n’est 
plus possible à un homme bien élevé , soit législateur, juge , 
avocat, soit administrateur, officier, ministre d’un culte, ingé- 
nieur, commerçant, industriel, littérateur, etc., d'en ignorer les 
principaux résultats , et que, n'étant considérées que comme 
aliment de l'intelligence et du cœur, elles devraient occuper un 
très-haut rang daus l’éducation de la jeunesse. 

Nous aecordons done facilement à nos honorables confrères de 
Toulouse que le temps donné, dans nos programmes d’études, aux 
sciences naturelles, en particulier à l’Histoire naturelle, qui n’y 
figure qu’avec un contingent d’une heure par semaine dans une 
seule année, celle de seconde, n’est vraiment pas suffisant ; et 
considérant, en outre, que l'Histoire naturelle est justement la 
branche la plus attrayante des sciences de la nature et propre à 
captiver, bien conduite, même des intelligences très jeunes, nous 


— 83 — 


pe sons qu’il y à lieu d'adhérer à la proposition toulousaine et de 
nous associer à la généreuse initiative contenue dans ce docu- 
ment. 

Il ne faut cependant pas se dissieuler les difficultés que ren- 
contrerait ce projet de donner plus d'extension à l’étude de 
l'Histoire naturelle. 

D'un côté, on a relevé la surcharge des programmes actuels et 
la grande préoccupation du baccalauréat. 

Déià écrasés du travail obligatoire, nos élèves trouveraient:ils 
encore du temps pour d’autres études, utiles et attrayantes sans 
doute, mais qui n'ont pas la sanetion de l'examen ? ou faudrait-1l 
diminuer encore la préparation littéraire, pour faire la part dési- 
rée, et dans les études et dans Jes examens, aux sciences natu- 
relles? Loin de nous la pensée de vouloir abaisser le nivean de 
l'éducation littéraire. | 

C’est certes ce grand héritage intellectuel et moral que nous ont 
ligué les Platon et les Cicéron, les Sophocle et les Virgile, qui 
doit toujours faire la base de notre éducation. Mais nous croyons 
qu'en simplifiant les méthodes, en sortant de ceruaines routines 
universitaires, on économiserait beaucoup de temps et même les 
études littéraires y gagneralent. Sans parler des ennuis de la 
urammaire et de la stérilité des dictées, permettez-moi de toucher 
un point qui m'a singulièrement frappé. 

Je trouve que l’on demande beaucoup trop de production à nos 
élèves des classes supérieures, et cela sans qu'ils aient reçu assez 
‘de matière dans leur mémoire et leur ‘esprit. Un discours, ou une 
narration et une pièce de vers par semaine, c’est accablant ! Et 
qu'est-ce que ces malheureux jeunes gens peuvent tirer d’eux- 
mêmes, si l'étude des textes et des auteurs classiques est négligée ? 
C'est là ce qui fait ces dissertateurs dans le vide, ces imaginations 
surexcitées, ces faiseurs de romans et de vaudevilles, ces journa- 
listes sans vocation ni connaissances, dont on à si souvent à se 
plaindre. Ne vaudrait-il pas cent fois mieux leur: faire lire dix 
pages de grec et de latin, avant de les forcer à en écrire une ? Et 
puisque j'ai lâché le mot de grec, je tiens à déclarer que je suis 
partisan, autant que personne, de la conservation de cette belle 
langue, qui, avec de sages réformes, pourrait acquérir une nou- 
velle prospérité. | 

Je ne veux pas faire des hellénistes de nos collégiens, mais le 


Li aié 


grec doit être, dans notre système scolaire, l'étude contemplative 
du beau littéraire, comme l’enseignement du dessin ne formera 
pas des peintres, mais rendra apte à apprécier le beau en matière 
de peinture et de sculpture. Le mécanisme du langage grec est 
maintenant facile à saisir la lumière de la grammaire comparée : 
il prendra peu de temps. Tout le reste sera consacré à l'étude des 
textes d'Hérodote, d'Homère, de Sophocle, de Thucydide, de 
Démosthène, de Platon, dont on voit si peu à présent et dont il 
ne reste presque rien dans l'esprit. Ainsi, par quelques modifica- 
tions intérieures, ce premier et plus grand obstacle qui s’opposait 
au développement des sciences naturelles, disparaïtrait; une 
meilleure distribution du temps et du travail des élèves, le perfec- 
tionnement des méthodes et l’affluence même des connaissances, 
sur la nature moralement et littéralement exploitées, concour- 
raient à fortifier encore l’enseignement littéraire et à le rendre 
plus substantiel. 

Une autre difficulté a été vue dans le personnel qui était chargé 
jusqu'ici de l’enseiynement de l'Histoire naturelle. Cet enseigne-- 
ment ne tenant que très-peu de place dans l’ensemble des pro- 
grammes, on ne se donnait pas la peine de chercher des hommes 
spéciaux pour y suffire ; il était imposé, par délégation, aux pro- 
fesseurs de physique ou de chimie, qui, avec la meilleure volonté, 
manquaient de temps pour le conduire d’une manière vraiment 
féconde. Or, quand il s’agit de faire adopter un plan d’extension, 
il est de première nécessité de créer des chaires spéciales d'His- 
toire naturelle, Votre commission croit devoir insister sur cette 
condition : elle pense qu’à défaut de fonctionnaires de l’Université 
dans chaque ville où il y a un lycée, il se trouverait facilement un 
jeune médecin qui, ayant fréquenté les cours du Muséum de 


Paris, et cultivé par goût cette spécialité, serait à même de donner : 


cet enseignement. 

Un troisième point qui mérite bien d’être envisagé, c’est l’état 
du matériel. Il est insuffisant partout, même dans les plus grands 
lycées. Mais on conçoit sans peine que sans la vue des objets, Île 
meilleur enseignement d'Histoire naturelle resterait fatalement 
stérile. Il est donc indispensable de porter ici ses efforts et de faire 
quelques sacrifices pécuniaires pour augmenter et compléter le 
matériel nécessaire. D’un grand avantage seraient surtout les col- 
lections locales ; on se souvient que feu le prince de Canino s’in- 


= 98 2 


téressait beaucoup à cette œuvre ; on pourrait prier le ministère de 
la reprendre et d'encourager de tous ses moyens les professeurs et 
les élèves à ramasser dans leurs excursions et à réunir dans l'en- 
ceinte du lycée tout ce que la contrée offre de curieux et de 
remarquable au point de vuc de la zoologie, de la botanique et de 
la géologie. 

Voici donc les conclusions que votre commission a l’honneu: 
de vous soumettre : 

4° Répondre à nos honorables confrères de Touluuse que nous 
adhérons pleinement à la pensée qui a dicté leur pétition et que 
nous appuyons celte dernière de toute notre sympathie et de notre 
signature ; 

2 Les inviter ou autoriser, sans rien prescrire, à compléter 
leur Mémoire par quelques indications de détail sur les moyens el 
le mode d'exécution, qui imprimeraient à leur démarche, si solide 
en théorie, un caractère plus décisif et plus pratique. 


L'auteur communique le Mémoire suivant : 


Du véritable rôle des aliments dans la Nutrition, par M. J., 


GOURDON. 
I 


On sait, sans que le fait ait besoin d’être démontré, que l’en- 
tretien des Lissus vivants est sous la dépendance directe de lPali- 
mentation; que sous l'influence de la privation de nourriture, les 
tissus s’atrophient, dépérissent, et que l'organisme entier ne tarde 
pas lui-même à succomber; que, si l’on. peut constater des diffé- 
rences dans la résistance que Îles corps vivants opposent au dépé- 
rissement par une telle cause, une diète absolue n’a pas moins, 
dans tous les cas, un résultat fatal pour conclusion nécessaire. 

Mais 11 n'en est pas de même pour ce qui concerne le mode 
suivant lequel les matériaux étrangers à l’économie et qui y sont 
introduits par les surfaces digestive et respiratoire concourent à 
son entretien. À cet égard, la science laisse encore une large place 
aux conjectures et aux recherches, et si l'on peut constater la plu- 
part des effets RUE il n’est pas moins vrai que l’action intime 
constiluant le phénomène même de la nutrition, échappe complé - 
tement à observation. 


RES rt 


Tenant compte principalement du résultat par lequel elle se 
manifeste à nos sens, on s'accorde généralement à défiuir la 
putrition : l’assimilation, par un mécanisme inconnu, de matières 
uutrilives avec désagrégation el rejet des particules remplacées ; 
les deux phénomènes marchant, duns l’état normal, parallèlement 
et avec une activité égale, et prédominance seulement de lassimi- 
lation dans la période d'accroissement. 

Les aliments, dès lors, en fournissant l'équivalent des produits 
rejetés, ont pour but d'entretenir cet équilibre fonctionnel, et la 
proportion plus ou moins grande des prineijes utilisés à cet effet 
qu'ils renferment, est ce qui constitue leur valeur nutritive. La 
détermination de cette valeur, appréciée seulement par le goût, le 
profit qu'en, retire l’économie, est restée longtemps vague, sans 
base précise. Elle est devenue possible lorsque |: connaissance de 
la composition des tissus à permis de poser en principe que les 
aliments, pour servir à la nutrition, devaient renfermer Îes 
éléments de ces mêmes tissus. | 

Avant reconnu ainsi que l’organisme vivant renferme : des 
principes protéiques ou azotés (albumine, fibrine, easéine), 
des principes hydro-carbonés (sucre, amidon, corps gras), des 
principes minéraux (eau, sels divers), on a dù naturellement con- 
clure à la nécessité de la présence de ces principes divers dans les 
aliments. C’est ce que l’expérience à confirmé en démontrant 
que les aliments, pour concourir à l'entretien de l'économie, 
doivent renfermer, en nature, les éléments complexes plus haut 
énumérés des tissus vivants : l'absence, soit des uns, soit des 
autres, ayant des conséquences loujours graves, el qui ne von 
rien moins qu'à compromeltre la conservation même de la vie. 

Inutile de rappeler, à ce propos, des expériences nombreuses 
mentionnées dans tous les traités de physiologie élémentaire, et 
desquelles il résulte, entre autres faits, que ces principes sont 
également nécessaires aux carnivores et aux herbivores, qui les 
reçoivent, d'ailleurs, uniformément dans leurs aliments respecuifs, 
bien qu'ils soient en apparence nourris d’une façon toute diffé- 
rente. 

Il 


On a cherché à assigner, à chacun des principes utiles à 
l'alimentation, des fonctions spéciales. Aïnsi, considérant que, 


Lun NOR 


parmi les corps azotés, les seuls aptes à remplir le rôle d'aliments 
offrent une composition identique à celle des tissus vivants, se 
retrouvent même en nature dans les fluides cireulants : sang, 
chyle, lymphe, liquides servant de véhicules, à travers l’organisme, 
aux éléments de la vie, on en a conclu que ces corps sont directe- 
ment assimilés et servent, de la sorte, à reconstituer les tissus 
altérés par des déperditions incessantes. D’où le nom d’aliments 
plastiques, sous lesquels ces principes sont aujourd’hui désignés, 
et qui pourrait, au même titre, être attribué aux substances miné- 
rales, non moins nécessaires à la nutrition et également assimilées. 

D'une autre part, tenant compte de l’exhalaison incessante d’eau 
et d'acide carbonique, et consécutive à l’action nutritive, qui 
s'effectue par les voies respiratoires, exhalaison qui, coincidant 
avec Ja disparition, dans l’air inspiré, d’une proportion équi- 
valente d'oxygène, ne peut s'expliquer que par la combustion au 
sein de lorganisme, d’une certaine proportion de carbone et 
d'hydrogène, on a attribué naturellement aux substances alimen- 
laires qui contiennent ces éléments eu proporiion plus consi- 
dérable, un rôle plus spécial dans cette fonction ; d’où, le nom 
d'aliments respiratoires, par lesquels on les désigne commu- 
nément. | 

Cette distinction, aujourd’hui admise et consacrée, fait presque 
loi en physiologie. Elle est la notion préliminaire de toute étude 
sur l’alimentation. Dans tous les livres, il est question de ces deux 
ordres d'aliments : les aliments plastiques, qui fournissent les 
principes azotés nécessaires à Ja reconstitution des tissus; les 
aliments respiraloires, qui approvisionnent l'économie du carbone 
et de l'hydrogène consommés par la respiration. 

S'il en est ainsi, il faut admettre, par voie de conséquence, que 
la nutrition est un phénomène double ou plutôt comprend deux 
efleis parallèles et indépendants, s’associant dans un but commun, 
l'entretien des actions vitales, mais restant l’un et l’autre subor- 
donnés à la présence des agents spéciaux venus de l'extérieur qui 
les provoquent. Or, cette manière de voir ne répond point aux 
faits recueillis par l'observation. 

Ainsi, en premier lieu, il est difficilede définir la signification de 
ces mols : « reconstitution des tissus par assimilation des aliments 
plastiques ; » de concevoir le caractère, le mode, l'utilité de cette 
| prétendue assimilation. Admise comme une simple hypothèse 


= DS 


pour expliquer, avec une apparence de vraisemblance, le rôle 
inconnu des aliments azotés, elle ne repose en réalité sur aucun 
fait oppréciable. Et l’on sait, d’un autre côté, que, quel que soit 
le mode d'alimentation, les produits résidus de la nutrition, fournis 
par les reins, par le foie, par l'appareil respiratoire, ne varient 
pas de nature et sont toujours, à de simples différences de pro- 
portions près : de l’urée, de la cholestérine, de l’acide carbonique, 
elc. : que, notamment, les animaux exclusivement nourris d’ali- 
ments, dits plastiques, continuent à respirer et à exhaler cet acide 
carbonique, tout comme s’ils ne consommaient que des aliments 
respiratoires. 

D'où il résulte que, la nutrition produisant dans tous les cas 
les mêmes effets, donnant lieu à la formation de résidus identi- 
ques, est une fonction unique, toujours semblable à elle-même, 
indépendante du régime alimentaire, et qu'il n’y a pas lieu, dés 
lors, de maintenir entre les aliments une distinetion qui ne 
saurait physiologiquement, ni exister, ni se concevoir. 

La seule différence, avons-nous dit, que l’on puisse signaler en 
comparant les résultats divers de la nutrition, est dans la propor- 
tion des principes exhalés. Mais il importe maintenant de faire 
remarquer que cette différence, qui ne se manifeste guère d’une 
manière sensible que sur les produits de la fonction respiratoire, 
est subordonnée, non au mode d'alimentation, mais à l’activité 
vitale du sujet, et qu’elle se caractérise essentiellement par une 
augmentation de la quantité d’acide carbonique exhalé, autrement 
dit, de carbone brûlé dans toutes les circonstances où l’activité 
fonctionnelle est surexcitée. | 

Ainsi, le travail aceroit sensiblement cette proportion. Lassaigne 
a trouvé, par exemple, qu’un cheval qui exhalait au repos 341 gr. 
d'acide carbonique par heure, en exhalait, après une demi-heure 
d'exercice, 706 grammes. D'autres expériences ont confirmé le fait 
et montré, en résumé, que le cheval qui, au repos, exhale en 
moyenne, sous forme d'acide carbonique, 100 grammes de cer- 
bone par heure, peut en exhaler le double pendant le travail. 

Cette proportion varie encore avec l’âge, la puissance vitale. 
D’après MM. Andral et Gavarret, un enfant de huit ans, de consti- 
tution saine, consomme par heure 6 grammes de charbon ; à quinze 
ans, il en consomme 8,7 gr.; à seize ans et demi, 40 gr.; à vingt- 
huit ons, 42 gr. De quarante-cinq à cinquante ans, ce chiffre 


pue * * Men 


- commence à diminuer; il descend , vers l’âge de soixante ans, à 
10 gr., et vers soixante-dix ans, à 9 gr. M. Bouchardat cite un 
vieillard de cent deux ans, de haute taille, jouissant de toutes 
ses facultés, se promenant seul et sans appui, d’ailleurs bien 
nourri, et qui ne consommait plus que 5 grammes. 

Ces différences montrent une corrélation directe entre l’activité 
musculaire et la consommation du carbone par l’économie il y à 
ainsi équivalence entre la force engendrée, le travail effectué et la 
quantité de combustible employée. Sous ce rapport, les corps vivants 
offrent avec les machines une remarquable analogie quant à la 
source de la force mécanique produite , liée directement, chez les 
uns comme chez les autres, à une combustion de carbone. 


III 


Un autre fait, consécutif à la nutrition et d’une importance toute 
spéciale dans la question , c’est le maintien dans les corps vivants 
d’une température constante, persistant dans tous les âges de la 
vie, et constituant ce que l’on a nommé la chaleur animale. Cette 
température pour l’homme est de 38° environ, avec un écart de 
À degré en plus dans les circonstances ordinaires de la vie, et ne 
se modifiant point par les variations extérieures de la température. 

La source de cette chaleur est indiquée par la nature des pro- 
duits qui S’exhalent incessamment de l’économie ; elle est évidem- 
ment le résultat de la combustion de l'hydrogène et du carbone 
rendus sous forme d’eau et d'acide carbonique, combustion s’opé- 
rant dans toute l’épaisseur des tissus, de façon à distribuer la cha- 
leur produite dans la totalité de l'organisme. Cette chaleur «se 
trouve, par suite, directement subordonnée à la production de 
l'acide carbonique et de l’eau et doit conséquemment augmenter 
et diminuer en même temps que la proportion exhalée de chacun 
de ces deux composés. 

C’est ainsi que l'excès de travail entraine toujours une plus ferte 
production de chaleur au sem de l’économie ; que ce surplus de 
travail devient même nécessaire, quand la température extérieure 
s'abaisse, pour conserver au corps exposé à se refroidir sa chaleur 
normale, tandis que, lorsque la température s'élève, le calorique 
pourrait se trouver en excès au sein de l’économie si la chaleur 
dépensée par l’évaporation constante du produit de la transpiration 


ne maintenait la temperature du corps à son degré normal. C’est 
ainsiencore que la proportion de carbone consommé est plus grande 
chez les animaux de petite taille, qui doivent produire plus de 
chaleur pour résister aux causes de refroidissements plus actives 
chez eux, la surface de rayonnement étant plus grande par rapport 
à la masse du corps 

D'où il résulte que la relation existante entre la force méca- 
nique produite par le corps et la proportion de carbone consommé 
au sein de l’économie, peut s'exprimer encore en substituant, à ce 
dernier terme du rapport, la somme de chaleur produite. On 
trouve de la sorte une corrélation exacte entre la force produite et 
la chaleur dégagée, ce qui est parfaitement conforme aux lois ac- 
tuelles de la mécanique et de la physique touchant les relations de 
la force et de la chaleur dans les corps non organisés. 

Cette chaleur constante du corps des animaux est-elle la cause 
de l’entretien de la vie, une de ses conditions essentielles, ou bien 
n'est-elle qu'un effet secondaire, un simple résultat de l’accomplis- 
sement des phénomènes vitaux ? C’est ce qu’on ne saurait affirmer 
d’une manière absolue, bien que l’on puisse considérer les deux 
hypothèses comme également admissibles, car si d’une part la pro- 
duction plus considérable de la chaleur est manifeste quand P’acti- 
vité vitale s'accroît, quand les muscles multiplient leurs contrac- 
tions ; d’autre part, il est démontré par les troubles qui se déclarent 
au sein de l’économie quand sa température est modifiée par des 
causes internes ou externes, que le maintien de la température nor- 
male est indispensable à la conservation de la vie. La chaleur ami- 
male serait donc à la fois cause et effet des phénomènes vitaux : ce 
qui tendrait à démontrer la relation la plus intime et la plus directe 
entre les fonctions nutritives et vitales et la production de la cha- 
leur, et autoriserait à considérer cette production comme le phéno- 
mêne essentiel de la vie, celui dont l’activité mesurerait avec le 
plus d’exactitude l'intensité de la puissance vitale en exercice. 


IV 


Cette déduction, qui découle d'elle-même de l'observation seule 
des faits, autorise à penser, que les corps élémentaires les plus 
propres à la production de la chaleur animale doivent être en 
même temps les plus utiles à l’alimentation ;: que les aliments 


HA QE 2 


enfin possèdent une valeur nutritive d'autant plus grande qu'ils se 
prêtent d’une manière plus complète aux besoins de la calorifi- 
cation. 

Cette conclusion admise, on se trouve naturellement conduit à 
placer au premier rang, parmi les substances nutritives, celles qui 
renferment la plus forte proportion de carbone et d’hydrogène ; tels 
sont lus corps gras, ayant pour formule générale G68 H66 05, c'esrà- 
dire cu:.tenant en poids, sur 100 parties : 85 de carbone, 7 d'hy- 
drogène et 8 d'oxygène, tandis que les amylacès, Ct2,H12,0%, ne 
renferment que 42 de carbone, 7 d'hydrogène et 51 d'oxygène, el 
que les albuminoïdes, G5,H5#,A26,Af, contiennent : 53 de carbone, 
7 d'hydrogène, 24 d'oxygène, plus #6 d'azote 

Cette doctrine a ét$, en effet, soutenue notamment par M. Ma- 
gne, directeur et professeur à l’école d’Alfort, qui en a fait l'objet 
de travaux nombreux présentés à la Société centrale d'agrieul- 
ture, à l’Académie de médecine, publiés dans des livres et jour- 
uaux divers, Et, nous-mêimne, nous avons eru pouvoir d’abord 
nuus associer à cette nouvelle manière d'envisager la lot de l'ali- 
mentalion, car elle nous paraissait théoriquement donner la fur- 
mule la plus exacte des besoins réels de Péconomie, et, dans tous 
les cas, offrait Pavantage de fixer l'attention sur le caractère 
encore si obscur de la nutrition et le rôle véritable des aliments. 

Mais cette théorie, prise dans un sens exclusif, soulève une 
obyeetion grave. Elle ne tient nul compte d’un fait démontré par 
une expérience journalière, la puissance nutritive des aliments 
azotés, lesquels se trouveut réduits à un rôle aégatif ou secondaire, 
si l'on fait des corps gras ou hydro-carbonés les agents essentiels 
de la nutrition : conséquence pratiquement admissible. 

D'un autre côté, l'on a vu que la doctrine généralement admise 
touchant le rôle des albumiuoïdes, considérés comme destinés à 
s'assimiler avec les tissus vivants, n’est pas beaucoup plus satis- 
laisante. 

En fait, ou ue peut fournir les preuves d'aucune assimilation 
directe des agents de l’alimentation avec les tissus vivants. On ne 
constale, par la simple comparaison des principes introduits dans 
l’économie et des produits exhalés, qu’une série de mutations, de 
transformations, dans lesquelles interviennent simultanément et 
dans des conditions en apparence identiques, les corps azotés aussi 
bien que les amylacés et les corps gras. 


AT 


Cela éiant, comment s'expliquer la part effective prise par les 
albuminoïdes dans la nutrition ? De la manière la plus simple, ce 
nous semble, en tenant compte, plus qu’on ne l'a fait, des sources 
réelles de la chaleur animale, que l’on s’est borné jusqu’à ce jour 
à considérer comme le produit unique de la combustion des élé- 
ments simples des principes organiques, el à calculer seulement 
d'après la quantité d’eau et d'acide carbonique exhalés par la peau 
et l’appareil respiratoire. 

Un tel caleul ne rend point compte effectivement de la véritable 
quantité de chaleur dégagée au sein de l’économie par les réac- 
tions chimiques qui s’y accomplissent sans discontinuilé. 

Déjà Dulong et Despretz, dans leurs expériences sur la chaleur 
animale, avaient constaté que la chaleur cédée au calorimétre par 
les animaux excède d’un dixième environ celle produite par la 
combustion directe du carbone et de l’hydrogène consumés. Et 
encore l'observation faite sur des petits animaux au repos permet 
de penser que la différence serait beaucoup plus grande si l'on 
pouvait estimer de la même façon la chaleur dégagée par des ani- 
maux soumis au travail. | 

V 


Mais l’on doit à un chimiste distingué de notre époque, M. Ber- 
thelot, des données plus précises et qui nous paraissent devoir 
fournir au problème les éléments d’une solution bien près d’être 
absolument satisfaisante. Les recherches de M. Berthelot datent 
déjà de plusieurs années (Ann. de chimie et de physique, 1865), 
et l'on à lieu d’être surpris que les physiologistes ne les aient 
point encore utilisées pour l’élucidation de la question qui nous 
occupe. | | 

Comme le fait d’abord remarquer M. Berthelot, les animaux, 
pour produire la chaleur, ne brülent pas du carbone et de l’hy- 
drogène libres, Ils absorbent de l’oxygèue, 1ls consomment des 
aliments, et, d'autre part, ils rejettent au dehors de l’acide carbo- 
nique, de l’eau et divers produits excrémentiels. Or, ce ne sont-là 
que les termes extrêmes de toute une série de métamorphoses 
chimiques correspondant à des effets calorifiques ; la relation avec 
ces derniers, pour être établie d’une manière précise, exigerait 
donc la connaissance détaillée des réactions qui se succèdent dans 
le corps des animaux ; et c’est ce que l’on avait négligé de faire 


— 93 


jusqu'alors, en se bornant à traiter le problème comme s’il s’agis- 
sait d’une simple oxydation des éléments mêmes des principes 
organiques. 

M. Berthelot, abordant ce côté du problème, a calculé que les 
oxydations ou fixations d’oxygene fournissent des AUATés de 
chaleur très- inégales suivant les conditions où elles s’opèrent (1). 
Ainsi : 

Dans l'oxydation complète par l’oxygène libre d’un corps orga- 


nique jusqu’à sou entiére transformation en eau et en acide carbo- 


nique, la quantité de chaleur est toujours plus considérable que 
celle produite par la combustion seule du carbone brûlé, la 
différence, pour une même quantité d'oxygène, pouvant aller jus- 
qu’au double. 

Dans l'oxydation d’un même composé formant des dérivés con- 
tenant une égale proportion de carbone, la chaleur produite est 
proportionnelle à l'oxygène fixé. 

Dans l'oxydation incomplète des corps homologues plus con- 
densés, c’est-à-dire à équivalent plus élevé, la chaleur dégagée 
pour une même quantité d'oxygène fixée, sans perte de carbone, 
est d'autant plus considérable que l'équivalent est plus élevé. 

M. Berthelot a constaté, en outre, en considérant la production 
d'acide carbonique : 

Que la production par oxydation d'une même quantité de ce gaz 


(4) La méthode employée par M. Berthelot pour déterminer les quantités 
de chaleur dégagées par les réactions chimiques et qui ne peuvent être mesurées 
directement, consiste à les calculer d’après la f{empérature de combustion, autre- 
ment dit la température que prendrait un mélange gazeux, résultat d’une 
réaction, si toute la chaleur dégagée était employée à chauffer le gaz formé. 

Dans les circonstances ordinaires, le calorimètre donnant les chaleurs déga- 
gées, on calcule les températures de combustion à l’aide des chaleurs spécifiques 
des gaz et des vapeurs dans l'état actuel. four plus de précision et pour 
pouvoir comparer entr'eux les différents corps, M. Berthelot se sert pour 
ce calcul des chaleurs spécifiques des corps rapportés à l’état-limite de gaz 
parfait, en la combinant avec la chaleur atomique de combinaison, c’est-à-dire 
la chaleur dégagée par les affinités seules, ou Îles actions entre molécules hété- 
rogènes supposées également dans la condition identique des corps rapportés à 
Pétat-limite de gaz parfaits. 

La température de combustion obtenue pour chacun des corps qui se com- 
binent, on caleule Ja chaleur dégagée en multipliant le nombre de calories que 
représente cette température par le chiffre des équivalents existant dans chaque 
combinaison, et cela pour chacune des transformations qui s’opèrent,. 


TR 


dégage des quantités de chaleur très-variables, pouvant aller de 1 
à 3, et qui sont alors en rapport avec la proportion d'oxygène 
consommé et qui varie suivant que l’on s'adresse à un corps déjà 
oxydé ou à un corps exempt d'oxygène ; | 

Que lorsque l’acide carbonique produit est égal en volume à 
l'oxygène absorbé — cas se rapprochant des conditions ordinaires 
de la respiration animale, — le carbone libre est le corps dont la 
combustion dégage le moins de chaleur. Les hydrates de carbone 
en produisent loujours davantage, c’est le cas notamment du glycose, 
tvpe des sucres et corps similaires, qui en dégage un tiers en plus ; 
el certains corps azotés en fournissent une quantité plus considé- 
rable encore. 

Ces différences s'expliquent en partie par la combustion de 
l'hydrogène existant dans les composés organiques, et qui, en 
se transformant en eau, dégage aussi une certaine somine de calo- 
rique qu'on ne peut négliger. 

Il faut tenir compte également des oxydations incomplètes qui 
se produisent parfois de manière à donner un maximum de cha- 
leur. Ainsi, une quantité d'oxygène @, agissant simultanément sur 
un corps gras et un hydro-carbure tel que du glycose, se rencon- 
trant dans l’économie, — peut, en changeant le premier en acide 
margarique eten provoquant la fermentation alcoolique du second, 
dégager une quantité n de chaleur ; tandis que, si l’oxydation du 
corps gras est plus complète, arrive jusqu'à sa transformation 
totale en acide carbonique, et que le glycose reste sans altéra- 
tion, la réaction ne dégage que la moitié de la quantité » de 
chaleur, bien qu’il y ait la même proportion d'oxygène fixé. Le 
résultat serait évidemment inverse, si le corps gras n’était point 
brûlé et si lPoxygène était employé en totalité à entretenir la 
fermentation de la matière sucrée. 

Ces productions de ehaleur si inégales peuvent expliquer les 
différences, quant à la chaleur produite et au travail effectué, que 
l’on observe parfois chez des animaux qui absorbent la même quan- 
tité d'oxygène, exhalant la même quantité d’acide carbonique, : 
mais consommant des aliments différents ; — comment, avec une 
même quantité d'oxygène absorbé et un même système d'aliments, 
la chaleur produite, mesurant le travail accompli, peut varier du : 


simple au double. 
On doit enfin considérer les phénomènes d’hydratation et de 


Eh | Pres 


déshydratation, qui Gonnent de la chaleur parfois sans absorption 
d'oxygène n1 production d'acide carbonique : l’eau, dans ce cas, 
pouvant se former aux dépens d'éléments préexistants, sans inter- 
vention de l'oxygène libre. Ge mode d’hydratation est possible avec 
toutes les substances alimentaires : corps gras, corps hydro-car- 
bonés, albuminoïdes, et par conséquent fait entrer de nouveaux 
éléments qui ne peuvent pas être négligés dans la solution du 
problème. 

En résumé, ces faits démontrent qu’il existe de grandes diffé- 
rences dans la puissance calorifique des aliments, et que cette 
puissance n’est pont en conformité avec celle que les calculs ordi- 
naires lui attribuent. Ainsi, en tenant compte seulement de l’oxy- 
gène consommé, et en le considérant comme employé, en totalité, 
à brûler du carbone et de l'hydrogène, ce poids du carbone con- 
sommé étant fourni par celui de l’acide carbonique exhalé, et le 
poids de l'hydrogène étant calculé d’après celui de l’oxygène en 
exeès non employé à la production de l’acidecarbonique, on trouve: 

A0 Que les acides et corps gras, en général, dégagent un peu 
moins de chaleur que celle répondant à la combustion de leurs 
éléments libres, c’est-à-dire à l’oxygène consommé et à l'acide 
carbonique produit; la différence est seulement de 2 ou 3 cen- 
tièmes ; 

2 Que les corps plus oxygénés, les acides acétique, oxalique, 
par exemple, en donnent davantage ; 

30 Que l’excès est plus considérable avec le sucre ou glycose, la 
quantité dépassant alors de plus d’un quart la chaleur répondant à 
la même proportion d'acide carbonique dégagée ; 

4° Enfin que cet excès existe encore avec les corps peu hydro- 
génés, ainsi qu'avec le cyanogène et l’acide cyanhydrique, les seuls 
corps azotés pour lesquels on possède des données convenables. 

Cette dernière observation est des plus importantes si l’on con- 
sidère qu’elle peut parfaitement s'appliquer aux albuminoïdes, qui 
précisément sont caractérisés par un grand excès de carbone sur 
lPhydrogène et par la présence de l’azote. Elle permet d’entrevoir 
l'utilité spéciale, dans l'alimentation , des principes azotés ; donc 
l'avantage serait de fournir, par la combustion de leur carbone, 
une quantité de chaleur plus considérable que celle dégagée par 
les hydro-carbures simples et surtout par les corps gras. 

De ces faits, maintenant il est facile de tirer quelques conclu- 


TT Re 


sions. générales, Ainsi, la production de la chaleur étant l’objet 
essentiel, le but final de la nutrition, et par suite, ia valeur 
nutritive des aliments étant proportionnelle à la part respective 
que ceux-ci prennent à la calorification, il y a lieu d'admettre : 

40 Que tous les alimenis, corps gras, amylacés et aibuminoïdes, 
jouent dans l’économie un rôle identique; qu'il n’y a pas lieu, 
conséquemment, de maintenir la distinction établie entre les ali- 
ments plastiques et les aliments respiratoires, attendu que tous 
copstituent, au même titre, des aliments respiratoires ; 

20 Qu'il n'existe, gntre les uns et les autres, d'autre différence 
que celle tenant à la plus ou moins forte proportion de chaleur 
qu'ils peuvent dégager par la combustion de leurs éléments ; 

3o Enfin que la puissance nutritive, plus grande à poids égal, 
des aliments azotés, s'explique uniquement par la quantité plus 
considérable de chaleur qu’ils dégagent et la plus grande somme 
de force qu'ils produisent pour une même proportion d’oxygêne 
fixé et de carbone exhalé. 


A la suite de cette lecture, une discussion s'engage entre 
MM. Lacaze, Filhol et Gourdon. 


M. Edmond Bonnal informe la Soctété qu’il a cru devoir pren- 
dre l'initiative d’une pétition au Conseil manicipal pour demander 
que le buste du célèbre chirurgien Delpech soit placé dans a 
Salle des [lustres au Capitole de Toulouse. Après avoir indiqué 
les raisons d'opportunité, 1l légitime, en quelque sorte, sa requête, 
en faisant la lecture de l’éloge de Delpech, pour lequel il lui a été 
donné de consulter les papiers et les souvenirs de la famille. 

Cette lecture donne lieu à une discussion, de laquelle il résulte 
que la Société, qui a entendu avec satisfaction cette Notice par 
M. Ed. Bonnal, ne peut prendre l'initiative des démarches que 
propose ce membre ; Delpech appartenait à la Société de Médecine 
de Toulouse ; c'est à elle qu'incombent le droit et le devoir de 
rendre hommage au grand chirurgien. 


Le gf 


Séance du 4 juillet 14870. 
Présidence de M. le D' Guirar», président. 


La Société reçoit : 

Journal d'agriculture pratique, juin 4870. 

Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, 
avril 4870. 

La Minerve de Toulouse, juin 4870. 

Les adhésions suivantes : 


Société Algérienne de Climatologie, de Sciences physiques et 
naturelles. 


Rapport de MM. Bonné, Dannu, Faune ef AGNELY, rapporteur. 


L'ensemble des faits signalés au sein de notre commission, sur 
l'insuffisance des moyens fournis et du temps consacré à l'étude de 
ces sciences naturelles, a provoqué parmi nous l’unanimité sur 
l'utilité, sur la nécessité, sur l'opportunité de la démarche projetée 
par la Société d'Histoire naturelle de Toulouse. 

Vos commissaires vous proposent done, Messieurs, 

1° De remercier de sa communication la Société d'Histoire natu- 
relle de Toulouse; 20 de lui adresser nos félicitations sur son heu- 
reuse et intelligente initiative ; 30 de lui exprimer dans les termes 
les plus chaleureux d’estime et de confraternité intellectuelle, 
l'adhésion qu'elle nous a fait lhonneur de nous demander ; 4° de 
lui envoyer enfin, comme élément d'instruction à l’enquête qu’elle 
ouvre sur l’enseignement des sciences naturelles, les indications 
réunies par vos commissaires sur l’état et sur les conditions de 
l'étude des sciences naturelles en Algérie. 

Cette dernière partie du travail de la commission ne ressort pas 
essentiellement des termes du mandat qui nous a été donné ; nous 
espérons, pourtant, vous voir accueillir favorablement des indica- 
tions qui vous démontreront l'utilité et la nécessité, pour l’Algérie 
elle-même, d'appeler Pattention de nos gouvernants et celle du 
publie, sur l’intéressante question de l’élude des sciences natu- 
relles, au sein de nos jeunes générations. 

7 


M 


2 Mets 


Etat et conditions de l'étude des sciences naturelles en Algérie, considérées 
successivement dans les trois degrés d'instruction : — primaire, — secondaire, 
— supérieure. RU A 

Enseignement primaire. 


Dans la pétition de la Société toulousaine, il est dit : 

« Une large part est faite à l'Histoire naturelle dans l’Instruetion 
» primaire. » | 

Il en est ainsi, sans doute, en France, l’un d’entre nous ayant 
fait connaître que sous le ministère de Monsieur Duruy, un pro- 
cramme a été rédigé pour cette étude dans les écoles primaires, et 
en outre, que toute une petite bibliothèque, pour enfants, avait 
développé et appliqué en quelque sorte, les éléments de ce pro- 
vramme, en vue de le rendre assimilable aux plus jeunes intelli- 
wences. | 

D’après les renseignements que j'ai pris en personne et directe- 
ment aux meilleures sources, il n’en est point encore ænsi en 
Algérie ; l’on m'en a donné cette ralson : 

Les inslituteurs ne sont pas encore initiés à cette étude, on 
commence à la leur apprendre dans l'école normale primaire, 
et les prochaines générations de maîtres comprendront l'Histoire 
naturelle dans leur enseignement. 

M. Darru, chargé de l’enseignement agricole dans cette école 
normale, nous a dit que l'Histoire naturelle s’y trouvait en- 
seisnée en effet, et même d’après les programmes officiels de 
1859, pour le baccalauréat ès-sciences sauf, toutefois, la Géologie 
et la Chimie organique, dont les collections, dont l’enseignement, 
n’y figurent encore qu’à l’état embryonnaire. 

Cette restriction ne semble pas heureuse, la Géologie étant la 
base essentielle de l'Histoire naturelle, étudiée sous le rapport agri- 
cole, et la Chimie organique en étant, en quelque sorte, le cou- 
ronnement, au point de vue pratique pour l'inäustriel et pour 
l’agriculteur. 

C'est dès le jeune-äâge qu’il importe d'ouvrir l'intelligence et le 
cœur de l’homme à la connaissance des êtres au milieu etaux dépens 
desquels il vit; c'est dans cette voie qu’il conviendrait de diriger 
l'attention et l'esprit de recherches des jeunes générations indigènes 
pour développer en elles la pitié pour tout ce qui a vie, l'attachement 
à tout ce qui concourt à notre bien-être moral et matériel. 


AT = 


N'est-ce pas là le meilleur moyen de propager les sentiments qui 
ont inspiré la création des sociétés protectrices des animaux ? 

D'ailleurs, cette étude presque toute matérielle, et tangible à 
l’aide d’une collection des corps et des êtres types, qui font passer 
sous les yeux des élèves l’intéressant tablean de la Flore et de la 
Faune terrestre, cette étude est réalisable, même par des collec- 
tions de dessins qui parlent aux yeux ; elle est done éminemment 
propice à l'instruction de l’enfance, à l’instruetion de tous ceux 
retenus encore dans les langes de l'ignorance. 

Nous devons conclure de ces considérations, que l’on ne saurait 
trop se hâter de développer, par les attraits de cette étude, les sen- 
timents de curiosité, l’habiude de l’observation, l'esprit de recher- 
che, innés chez l’homme, et qui ne peuvent être mieux développés 
que par la lecture des faits utiles, des anecdotes attrayantes, qui 
doivent fourmiller dans la bibliothèque d'Histoire naturelle, créée 
à cet effet, sous l'inspiration de M. Duruy, dans l'intérêt de l’en- 
selgnement primaire. 


Enseignement secondaire. 


L’Enseignement secondaire se trouve aujourd’hui divisé en deux 
grandes branches distinctes : 

Celle du Cours professionnel ; 

Célle du Cours classique. | 

Dans la branche du Cours professionnel, l’étude de Histoire 
naturehe est largement dotée de programmes et de temps ; en effet, 
elle est enseignée d’après des programmes très-développés, très- 
bien faits et dans lesquels les matières se trouvent réparties avec 
intelligence entre les cinq années d’études que comporte ce Cours. 

Ainsi, durant l’année préparatoire, l’on donne des notions pré- 
liminaires sur la Zoologie, la Géologie et la Botanique. 

Durant les trois années subséquentes, ces sciences sont étudiées 
héoriquement en trois parties bien distinctes et complètes pour 
chacune des trois années ; durant la cinquième année doivent être 
données les applications de ces sciences à l’agriculture, à l'indus- 
ltrie, à l'hygiène. 

Un temps suffisant est accordé à cette étude, à laquelle sont attri- 
[buées deux classes par semaine, durant tout le cours des cinq 
années du Cours professionnel. | 

Voïlà Pintention nettement accusée ct bien réglementée, d'un 


— 100 — 


sérieux enseignement des sciences naturelles ; mais, en réalité, les 
professeurs, et conséquemment les élèves, attachent-ils à ces étu- 
des, l'importance que l'étendue des programmes leur attribue ? 

En un mot, cet enseignement est-il donné et peut-il l'être, com- 
me on devrait le supposer d’après ce qui précède ?.… 

A celte question nous répondrons par ce fait, l'on pourrait dire 
brutal : « Que le matériel nécessaire à cet enseignement fait géné- 
ralement défaut !... » 

Au lycée d'Alger, notamment, les vitrines existent, mais abso- 
lument vides ; les planches murales, les collections de dessins, qui 
pourraient suppléer les objets eux-mêmes, qu’ils sont destinés à 
compléter, pour la démonstration ; ces instruments auxiliaires, si 
faciles à se procurer, font eux-mêmes défaut !!! 

S'il en est ainsi dans les lycées de France, nous devons en con- 
clure que l’amour de l’Université pour les sciences naturelles est 
encore fout platonique. 

C’est que les paroles de Napoléon I : « L’enseignement des 
colléges a essentiellement pour objet le latin et les mathématiques, » 
pèsent encore de tout leur poids sur cette institution universitaire ; 
même, alors que reconnaissant le tort et le danger de telle restric- 
tion, elle cherche à s'épanouir dans le sens des idées de la Société 
moderne, qui commandent des études plus utilitaires que spécu- 
latives. 

Dans la branche du Cours elassique, l’étude des sciences natu- 
relles a été, depuis mil huit cent soixanie-cinq, réduite à sa plus 
simple expression. Ge Cours est divisé en deux branches secon- 
daires : celle des lettres, celle des sciences. 

Dans chacune de ces deux branches, l’enseignement des sciences 
naturelles n’est donné que pendant le deuxième semestre d’une 
seule année, à une leçon par semaine; et comme c’est durant 
le semestre d'été qu’a lieu ce cours, semestre en partie absorbé 
par les compositions générales, par la préparation aux examens, 
l’enseignement de l’histoire naturelle se réduit généralement à 
45 leçons ; ces sciences, d’ailleurs, n’étant plus comprises dans 
les matières exigées aux deux baccalaurérats complets, sont 
négligées par les élèves et vraisemblablement aussi par les profes- 
seurs, on le comprendra fort bien ! 

Puisque l'étude des sciences naturelles qui, dans le programme 
de 1852, figurait encore dans les classes de rhétorique et de 


— 101 — 


philosophie, a été ramenée à la classe de seconde, sous le prétexte 
« d’alléger les hautes classes et de faciliter la préparation aux 
» baccalauréats. » 

N’était.ce point, effectivement, encourager les professeurs à ne 
point trop se préoccuper d’une étude, en quelque sorte facultative? 

N'était-ce point raffraichir, aux yeux de tous, la malheureuse 
qualification d’accessoires , attribuée aux sciences naturelles , 
sous le premier empire ?.… 

Pour qui connait l'influence des mots parmi nous, Français, 
rien de surprenant de voir la part dérisoire faite par des hommes 
graves, à ces sciences dites accessoires, dans les études de la section 
la plus intelligente de notre jeunesse française, alors que, tout au 
contraire, les nations rivales, les plus affairées, les plus avares du 
temps, nous dit la pétition toulousaine, font de ces mêmes sciences, 
qui sont bien les plus positives et les plus attrayantes, la base 
essentielle de l'instruction publique. 

C'est cet état de choses que les auteurs de la pétition, dans un 
élan généreux de dévouement à la science et à l'avenir de notre 
patrie française, ont signalé en ces termes : 

« Les sciences naturelles ont merveilleusement grandi, leur 
» enseignement s'impose de plus en plus à l'attention des nations 
» modernes, et pourtant, chose étrange, c’est alors, qu’en France, 
» Ja part faite à ces sciences dans les programmes des baccalau- 
» réals complets a été sans cesse restreinte et enfin elfacée ! » 

N'est-ce point, en effet, avoir annihilé cet enseignement, que 
de réduire en principe, à vingt-quatre leçons, et en réalité, à 
quinze seulement, l’étude des sciences naturelles, 


Géo-Minéralogie. 
comprenant : Botanique. 
Anthropo-Zoologie. 


« Nous ne demandons pas, ajoutent nos collègues de Toulouse, 
» (que lon fasse de tous les élèves des naturalistes, nous souhai- 
» tons seulement que, par un enseignement un peu étendu, le 
» goût puisse être inspiré, et la voie tracée pour des études appro- 
» fondies et librement entreprises, aussi bien dans l'intérêt géné- 
» ral, que dans celui de lPindividu, à leur sortie des écoles, par 
» ceux que la nature aura dotés d’une aptitude spéciale, d’une 
» vocation sérieuse, pour la recherche des secrets de la nature, 


— 102 — 


» secrets dont l'intelligence humaine parvient ujon hui à tirer 

» de si utiles applications. » 

tr Paléontologie a étendu en profondeur, autant qu'il l’état 
déjà en superficie, le champ de cette étude ; elle a joint à l’inter- 
prétation des secrets ou mystères du pr ésent, les secrets ou 
mystères du passé cachés dans les profondeurs de notre globe. 

Et c’est alors que l'étude des sciences naturelles, pénétrant au 
Join dans les profondeurs de l'écorce terrestre, fouillant les replis 
les plus cachés, pour y découvrir des preuves matérielles de la 
succession des phénomènes organiques, qui nous donnent l’his- 
toire scientifique de la Création; c'est alors qu'il est besoin des 
intelligences les plus affinées et les mieux dotées, pour vérifier la 
théorie de l’évolution graduelle des organismes animaux, créée 
par Darwin ; c’est alors que l’on soustrait en France, celte étude 
aux générations qui suivent les cours classiques !.. 

Dans cette catégorie d’élèves se groupent les intelligences les 
plus ouvertes, les mieux cultivées : là se recrutent les écoles gou- 
vernementales, et tous les engrenages du mécanisme administratif, 
tant civil que militaire, pour ce haut et puissant fonctionnarismre, 
qui représente la France au-dehors et au-dedans; là, sont nos 
sujets d'élite, et on les détourne de l’étude des sciences naturelles, 
alors que les esprits les plus éminents proclament lPunion de 
l’histoire naturelle avec l’histoire humaine, avec l’histoire univer- 
selle !.. Alors que nous lisons dans l’œuvre d’Edgard Quinet, 
La Création : | 

« La mission de l’homme est de comprendre la loi des choses 
» autour de lui, afin de s’en faire des instruments, et d'étendre 
» avec leur concours, les limites de son pouvoir avec les limites 
» de sa vie.» Voilà où en est, depuis mil huit cent soixante-cinq, 
l’étude des sciences naturelles, dans les lycées français ! Voilà 
donc où elle en est officiellement dans le lycée d’Alger avec l’ag- 
gravation du manque absolu déjà signalé des moyens matériels de 
démonstration !.… | 

Ces moyens de démonstration sont l’âme, l'attrait et la facilité 
de l’enseignement dés sciences naturelles. Si le dénuement des 
lycées en France est comparable, sous ce rapport, au dénuement 
qui existe dans celui d'Alger, ne devons-nous pas induire de ce 
témoignage matériel, que l'esprit routinier domine encore dans 
l’enseignement universitaire ? que les ministres de Napoléon I 


— 103 — 


s'inspirent encore des paroles de Napoléon Ier, que nous avons 
déjà relatées ?.… 

Contre cet esprit routinier semble avoir voulu pourtant réagir 
M. le ministre Duruy. 

Mais comment s'expliquer, qu’un administrateur aussi actif que 
dévoué aux idées modernes, après avoir fait si large part aux 
sciences naturelles, dans le cours professionnel destiné à fournir 
la société d'agents en sous-ordres, se soit appliqué à rétrécir le 
cadre de ce même enseignement, dans le cours classique d’où 
sortent faconnés par des études d’un ordre supérieur les hommes 
qui, sous les titres d'ingénieurs, de magistrats, d'officiers de 
marine et des autres corps spéciaux de l’armée; d’où sortent, en 
un mot, presque tous ceux que leur intelligence ou leur fortune 
mettent au premier rang sur la scène du monde, comme les plus 
aptes à éclairer, à guider leurs semblables, à élever, à pousser en 
avant l’espèce humaine. 

Quoi qu'il en soit des motifs ou des causes de cette sorte de 
contre-sens, en vue du progrès dans l’enseignement des sciences 


naturelles, constatons-le comme un fait malheureux pour lavenir 


de la société française et pour lintérêt de cette étude de la nature, 
qui ouvre à l'intelligence humaine des horizons nouveaux si 
étendus et si féconds sur la solution des difficiles problèmes de la 
eréation du globe sur les origines et sur les destinées de l’homme, 
alors qu'’unesi haute portée est attribuée à Ja philosophie naturelle, 
dans sa tendance générale à donner de nos jours aux spéculations 
de l’ordre le plus élevé, l’observation de la nature pour contrôle et 
pour appui !. 

Quel inconvénient y aurait-il done à tenir en éveil sur ces 
seiences de la nature, nos jeunes intelligences, durant toute la 
série des années qu’on les maintient sur l’aride étude des gram- 
inaires de tous genres ? 

Quel avantage, au contraire, n'y aurait-il pas à varier celte 
étude de mots, par l’étude attrayante des choses et des êtres animés 
dans les classes primaires, élémentaires et de grammaire, de’ ma- 
nière à pouvoir, dans les hautes classes, prendre des notions phy- 
siologiques sur la structure, et philosophiques sur la coordination 
des êtres animés qui concourent pour nous à l’embellissement, à 
l’utilisation du globe terrestre ? 

La raison que l’on donnera sans doute, comme on l’a fait déjà 


— 104 — 


pour motiver la dernière restriction des programmes, c’est le man- 
que de temps !.… 

En. cas de péril, on ne jette à la mer que les objets les moins 
utiles et les plus embarrassants ; telle serait done l’appréciation 
que ferait encore l’Université de ces sciences, par elle autrefois 
dénommées sciences accessoires !.….. 

Quand cessera-t-elle de les juger et de les traiter d’après cette 
étiquette imméritée ou tout au moins honteusement arriérée ? 

C'est contre cette immutabilité universitaire, c’est contre sa 
marche rétrograde même, dans l’enseignement des sciences natu- 
relles fait aux élèves des cours classiques, que la Société d'Histoire 
naturelle de Toulouse vous a conviés, Messieurs, à réclamer 
avec elle auprès de M. le Ministre, et d’après l'exposé de la 
situation, vous apprécierez la valeur de notre opinion sur lutilité, 
sur la nécessité même de cette démarche. 

Quant à son opportunité, elle résultera pour nous tous de la 
présence au ministère, comme chef de bureau, dans cette spécialité, 
de M. Gandon qui a secondé M. Duruy dans la création de l’en- 
seignement professionnel, dans la rédaction des programmes que 
nous avons loués sans restriction, et qui vient tout récemment de 
lire un rapport à la Société des Agriculteurs de France, pour ja 
vulgarisation, pour l’extension des études d’histoire naturelle au 
milieu des populations vouées au travail éminemment naturel de 
la culture, aux soins dus à leurs auxiliaires animés et vivants. 


Enseignement supérieur. 


L'enseignement supérieur des sciences naturelles n’est repré- 
senté officiellement, en Algérie, que par les cours faits à l'Ecole 
de médecine, dont ne profite qu'un nombre. d'élèves bien res- 
treint, parce que cette institution ne réalise pas le véritable but de 
son importation en Algérie. 

[lest, heureusement, dans la population, quelques natures d'élite, 
qui se vouent librement et par plaisir à ces études intéressantes ; 
la plupart comptent parmi nos collègues, sans les désigner tous, 
il nous sera permis de citer notre savant et honoré président, 
le bon et tant dévoué M. Durando, et M. le D' Bourgeot, dont les 
travaux en Géologie, en Ichtyologie, ont fait honneur à notre 


Société et ont tant intéressé la colonie des touristes, nos hiver- 
NeUrs. 


— 105 — 


Avec de tels éléments, notre Société prenant à cœur son titre 
annexe, serait en mesure de constituer aux sciences naturelles un 
centre d'enseignement supérieur et libre, en organisant chaque 
année une série de coniérences, d'après un plan déterminé et 
approprié aux particularités de l'Histoire naturelle algérienne. 


Mesures à prendre pour étendre et pour vulgariser l’étude des sciences naturelles 
en Algérie. 


M. Bonné, membre de la commission, nous a livré une nole à 
laquelle nous avons déjà fait plus d’un emprunt dans la première 
partie de ce rapport. 

Nous alions mettre encore à profit ces utiles indications, dans 
l'exposé des mesures à prendre, pour provoquer une plus large 
part dans l’enseignement des sciences naturelles, puis les com- 
pleler, à notre point de vue, dans l’ordre déjà suivi, pour les 
trois degrés d'instruction publique. 


Enseignement primaire. 


Exiger de tous les instituteurs, la connaissance pratique des 
éléments de l'Histoire naturelle, et plus particulièrement tout ce 
que les mœurs des animaux, ettout ce que les utilités et singula- 
rités spéciales des êtres, au milieu desquels nous vivons, offrent 
de plus frappant et de plus attrayant. 

Placer dans toutes les écoles primaires, la petite bibliothèque 
d'Histoire naturelle, qui a été éditée, selon les indications don- 
nées par M. Darru, à la librairie de de la Grave et en provoquer 
des traductions en langue arabe pour les écoles algériennes. 

Ges livres devront servir, concurremment avec ceux des autres 
matières de l’enseignement, pour la lecture en commun, être pris 
surtout, pour texte de quelques conversations familhières de la 
part du maître, sur les anecdotes auxquelles donnent lieu les 
mœurs, les particularités des êtres et des animaux. 

Lustituteur devrait inciter ses élèves à s'occuper do l’éduca- 
tion de quelques animaux, chacun suivant sa propension natu- 
relle; c’est là un goût inné chez les enfants; il importe de le 
développer et de le mettre à profit pour leur faire connaitre 
l’utilité spéciale des divers animaux, même de ceux réputés 
nuisibles, et pour développer en eux les sentiments de charité ct 
d’attachement envers tous les êtres animés. 


— 106 — 


Ces notions sur la Zoologie seraient le complément naturel de 
celles que l’on cherche à répandre dans ces mêmes écoles, sur 
l’industrie horticole, sur les procédés les plus usuels de Pagri- 


culture. 
Enseignement secondaire. 


Cet enseignement se trouvant encore presque en entier aux 
mains de l’Université, 1l conviendrait de prime-abord que le 
conseil supérieur de l'instruction publique fût sollicité de rompre 
publiquement avec les errements anciens, en effaçant le qualifi- 
catif accessoire aitaché à la dénomination officielle des sciences 
naturelles, et en faisaat à leur étude une part convenable dans les 
épreuves probatoires des examens publies. 

Ce premier acte de réhabilitation entraînerait la nécessité de 
pourvoir tous les établissements d'instruction secondaire, des plan- 
ches et des collections matérielles, appropriées à la démonstration. 

La répartition d’un enseignement gradué de l’histoire naturelie, 
dans toute la série des années consacrées au cours classique, ren- 
draicnten outre nécessaire une mesure bien désirable : le recul 
de la limite d'âge, imposée prématurément aujourd’hui pour 
l'admission aux examens des grandes écoles gouvernementales. 

Cette sage mesure répondrait à l’objection de l'insuffisance du 
temps sur laquelle on a motivé la dernière et déplorable restriction 
apportée à l'étude des sciences naturelles, dans le Cours classique. 

Elle serait, en outre, d’un heureux effet simultanément, et pour 
la santé des élèves et pour la solidité des études, toutes deux com- 
promises par la nécessité d’un labeur ardu, abstrait, à l’époque du 
développement physique. | | 

Les études universitaires ne sont, en France, ni assez pratiques, 
ni assez utilitaires ; la liberté d'enseignement qui est à l’ordre du 
jour, ne tardera point à les faire sortir de l’ornière classique. Il 
importe à nos gouvernants de se préparer aux conséquences de la 
libre concurrence. 

Cest par une large part faite à l’étude des sciences naturelles, 
surtout dans le Cours classique, qu'ils entreront dans les voies nou- 
velles, où nous ont déjà précédés les nations les plus affairées et les 
plus avares de leur temps. | 

Encourager par des récompenses les professeurs qui se dislin- 
gueraient dans cette branche de l’enseignement, aujourd’hui si 
négligé ; | 


— 107 — 


Rechercher des méthodes d'enseignement, propres à développer 
le goût, les aptitudes des élèves pour ces sciences, et, à cet effet, 
donner de temps en temps un but utile aux promenades en les diri- 
geant de manière à pouvoir étudier sur place les végétaux, les roches, 
les animaux qui se trouvent dans la zône particulière de chaque 
établissement d'instruction, vrai moyen de réunir et de muluplier, 
à peu de frais, la collection des objets d'Histoire naturelle, propre 
à chaque localité. 

Le programme pour l'étude de l'Histoire naturelle devrait être 
différent pour les deux Cours, si différents eux-mêmes, de l’enset- 
anement classique, de l’enseignement professionnel! 

Pour le premier, études plus complètes, plus générales, plus 
théoriques ; les élèves de ce Cours étant destinés à se déplacer et à 
vivre, d'une existence plus relevée, au point de vue intellectuel. 

Pour le second, études plus pratiques, plus localisées, en quelque 
sorte, ce qui élait d’ailleurs dans les prévisions de M. Duruy, 
disant, le 14 décembre 1865, au sein du conseil impérial de lIns- 
truction publique : 

« Cet enseignement ne peut prétendre à embrasser dans chaque 
» école l’étude de toutes les matières portées aux programmes. Il 
» "doit rester assez flexible dans l'exécution, pour se plier aux 
» besoins des populations des diverses régions. » 


C'est à ces réformes que devraient s'appliquer les conseils dits 


de perfectionnement, si celte institution, comme tant d’autres en 
France, n’était un rouage de parade bien plus que de pratique !.. 


Enseignement supérieur. 


L'enseignement supérieur des sciences naturelles est donné offi- 
clellement, en France, par les Facultés existant dans chaque chef- 
lieu d’Académie. 

Nous reconnaissons qu’à ce degré de linstruction publique, 
l’enseignement des sciences naturelles est libéralement organisé et 
convenablement doté. 

Mais l'insuffisance jusqu'alors des études d'Histoire naturelle 
dans lédueation scolaire, n'a point encore permis à ces facultés 
d'acquérir toute leur importance et de porter les fruits qu’on a le 
droit d'en attendre, car 1ls ne peuvent être que proportionnels à la 
quantité et à la qualité de leurs auditeurs !.….. | 

Une mesure simple, autant qu’efficace, de relever cet enscigne- 


oo 
rh etant tte 


Pre 


RAT OU : 


ment, serait d'imposer l'obligation à tout étudiant dans les facultés 
de droit et autres écoles gouvernementales, d'ordinaire réunies au 
chef-lieu d’Académie, de prendre inscription et de suivre comme 
élève l’un des Cours professés dans ces facultés, soit des lettres soit 
des sciences, chacun d’eux restant libre d’opter entre les divers 
Cours, suivant son goût et ses aptitudes. 

La même obligation devrait être imposée aux jeunes surnumérai- 
res, dans les divérses administrations publiques, et la résidence de 
ces chefs-lieux devrait être accordée de préférence à ceux qui don- 
neralent des preuves de leur goût, pour cetenseignement supérieur, 
si propre à élever le niveau de l'intelligence. 

Les chefs-lieux d’Académie étant tous, villes de garnison, pour- 
quoi ne pas inciter et même récompenser les militaires qui utilise- 
raient leurs loisirs à de telles études ?.… 

Cet enseignement officiel, forcément théorique, essentiellement 
technique, serait utilement complété dans les chefs-lieux d’acadé- 
mie et suppléé dans les autres villes, par un enseignement libre, 
sous forme de conférences, dont les sociétés scientifiques, dont les 
ligues pour l’enseignement, dont les municipalités elles-mêmes de- 
vralent prendre l'initiative et la direction. 

Ces conférences, faites plus particulièrement le soir, s’adressant 
à toutes les classes de la société, constitueraient les cours scientifi- 
ques pour les adultes, en fait d'Histoire naturelle, appropriée sur- 
tout aux particularités de la production, soit naturelle soit artifi- 
cielle de la localité, de la région ; elles mettraient à profit dans 
l'intérêt de tous, les collections municipales, dont nous allons 
demander la formation. 

Ainsi l'avait compris M. Duruy, qui projetait la création 
de chaires d'Histoire naturelle, dans tous les chefs-lieux de dépar- 
tement, en vue d'y enseigner et d’y faire étudier surtout ce qui est 
relatif aux industries manufacturières ou agricoles, spéciales à 
chacune de ces localités. 

Le complément rationel de l'extension et de la vulgarisation 
imprimées à l'étude de l'Histoire naturelle serait l'affectation, dans 
chaque municipalité, d'un lieu de dépôt, de conservation et d’ex- 
position de tous les objets, utiles ou curieux, se rapportant aux 
sciences naturelles et aux industries qui en découlent. 

Ces collections d'intérêt local occuperaient une modeste pièce à 
la Mairie, dans les petites communes, sous la surveillance des secré- 


— 109 — 


taires, sous la direction d’un amateur naturaliste, s’il en existe dans 
la commune. 

Dans les communes plus importantes, dans les pelites villes, ces 
collections croitraient en étendue et en valeur, proportionnellement 
aux ressources, en personnel et en matériel, de chaque localité, et 
ces lieux de dépôt prendraient le nom de Musée, quand leur ri- 
chesse en objets naturels ou fabriqués leur en donnerait l’impor- 
tance, leur en mériterait les attributs. 

Enfin, dans les villes de premier ordre, soit au point de vue 
social, soit au point de vue scientifique ou industriel, ce Musée 
prendrait les proportions d’un établissement scientifique, d’une 
sorte d’Institut ou de Palais des Arts et des Sciences, ainsi que 
Lyon, Marseille, Toulouse et tant d’autres villes importantes en 
ont déjà donné le généreux exemple. | 

Cet exemple sera suivi, à n’en pas douter, par toutes les autres 
municipalités, lorsque délivrées des lisières administratives que 
tient la centralisation gouvernementale, elles vivront chacune de 
leur vie propre, indépendante, auto-nomique ; alors une noble 
émulation créera partout la vie artistique et intellectuelle, en pro- 
portion des aptitudes et des ressources de chaque groupe communal. 

Dans les grandes villes et dans les chefs-lieux d'académie, une 
disposition importante à prendre serait de réunir dans un même 
local tous les objets ou éléments de collections, disséminés aujour- 
d'hui dans divers établissements publics ou privés, officiels ou 
libres ; ainsi, l’on pourrait créer une installation confortable, aussi 
complète que possible, avec économie de tout genre. Dans ces Mu- 
sées d'Histoire naturelle, servant d'exposition permanente pour les 
produits de la localité, devraient se faire toutes les conférences, 
devraient se tenir toutes les réunions d'intérêt artistique ou scien- 
tifique, devraient se faire tous les Cours d'Histoire naturelle, même 
pour les établissements d'instruction publique et privée, qui seraient 
ainsi dispensés de former des collections, et qui pourraient dès lors 
se borner à en posséder le complément auxiliaire, les planches 
et les dessins; c’est ainsi qu'en usent les lycées de Paris et de 
Versailles. 

Leurs élèves sont conduits dans les Musées et au Muséum d’His- 
toire naturelle, où les professeurs leur donnent des leçons sur les 
collections importantes qui s’y trouvent réunies dans des propor- 
tions nationales. 


| 


— 110 — 


À Alger, par exemple, quel avantage n’y aurait-il pas à réunir 
dans un même local, sous des dispositions prises, en vue d’en 
faciliter l'étude, tous les objets d'Histoire naturelle ou s’y rappor- 
tant, qui se trouvent enfouis dans les salles de l'exposition per- 
manente, accumulés dans le modeste cabinet de notre société, 
disséminés à l’école de Médecine, au coilége arabe, aux mines, à 
l'École Normale, et laissés, peut-être, à l’abandon, dans l’ancien 
jardin publie d’acelimatation, créé à si grands frais, avec les deniers 
de l'Etat; mais qui, depuis 4868, se trouve livré à Pexploitätion 
d’une puissante compagnie, la Société algérienne, trop peu sou- 
cieuse, nous dit-on, des réserves expressément inscrites dans le 
décret du 7 décembre 1867, en faveur des intérêts du public et des 
seiences naturelles. 

En attendant, d’ailleurs, qu’Alger soit doté de facultés des scien- 
ces et des lettres, complément de son académie, pourquoi ne pas 
eréer une ou plusieurs chaires pour constituer un centre d’études 
d'Histoire naturelle de l’Alsérie, selon les utiles intentions du 
Ministre Duruy, pour tous les départements de la France ? 

Pourquoi l'autorité ne se déchargerait-elle pas, sur notre Société, 
concurremment avec les Sociétés de médecine et d'agriculture, du 
soin de veiller à ce que le jardin d’acclimatation ne soit pas sous- 
trait à sa mission de jardin scientifique, conformément à l'esprit 
et à la lettre du décret qui en a cédé temporairement l'exploitation 
à l'industrie privée ?.. 

Si ces lignes parviennent jusqu'à M. Gandon, l'actif coo- 
pérateur de M. Durny, dans ses tentatives de perfectionne- 
ment pour l'instruction non classique, espérons qu’il prendra en 
sérieuses considérations les vœux multiples qui ressortent de ce 
rapport : si toutefois ce rapport reçoit votre approbation, Messieurs, 
et si vous croyez utile de l’annexer à la réponse qu’attend de vous 
la société d'Histoire naturelle de Toulouse ; ce rapport pouvant ser- 
vir d’appendice à la pétition par laquelle cette sociélé se propose 
d'évoquer la haute sollicitude de Monsieur le Ministre, en faveur 
de l’enseignement des sciences naturelles, dans tout l'empire 
français. 

La lutte entre les nations est aujourd’hui dans les voies de l’ins- 
truction, dans les procédés de la production, bien plus que dans les 
manœuvres de la destruetion ; il est donc très-opportun que notre 
Ministre de l’Instruction publique s’empresse de soiliciter la cons- 


— 11 — 


titution et le perfectionnement de son matériel d’action ; comme 
font depuis trop longtemps et dans de si vastes et si coûteuses pro- 
portions, hélas ! les Ministres de la Guerre et de la Marine. 

. Quelques canons rayés, un seul bâtiment cuirassé de moins dans 
les arsenaux de la France, ne feraient point périeliter sa puissance 
militaire et cette économie suffirait pour la création des Musées 
d'Histoire naturelle dans toutes les villes ; pour réaliser en France 
l’enseignement des sciences pratiques, à l'instar de ce qu'il est en 
Allemagne et en Angleterre. 

Parmi les nations voisines et rivales, le budget de l’Instruction 
publique est richement doté; les plus petits états de l'Allemagne 
s'imposent constamment de généreux sacrifices pour le progrès de 
leurs établissements littéraires et scientifiques ; chaque Université 
allemande coûte en moyenne cinq cent mille francs au pays qui 
l'entretient, sans compter les sommes considérables qui sont al- 
louées chaque année, en dehors du budget régulier, pour la cons- 
truction de laboratoires, de cabinets, d’'amphithéâtres, pour lachat 
de collections précieuses ; tandis que, en France, l’état spécule sur 
quelques Facultés, s’y fesant un revenu avec les frais d'inscriptions 
et d'examens !... La Prusse, qui est cependant un pays relativement 
pauvre, ne refuse rien à ses savants, à ses centres d'instruction 
publique, alors qu'en France tout est misère, tout est parcimonie, 
suand il s’agit de pourvoir aux besoins d'ordre purement intellec- 
tuel ; ainsi que le démontre le promoteur de tant d'initiatives, 
l'infatigable Monsieur Guerrier de Dumast, dans la préface dont 
il a enrichi une brochure piquante, publiée par un magistrat de 
Naney, sous ce titre : Réforme de l’enseignement supérieur. De 
par les progrès de la science, c'est-à-dire de la raison humaine, 
c’est désormais au développement des arts de la paix, à l'étude des 
sciences pratiques, que la France doit appliquer ses ressources; ce 
sont ses académies bien plus que ses places de guerre, qu'il lui 
importe de fortifier pour se maintenir au premier rang parmi les 
puissances du jour. 

Aux jours de la barbarie, ses vertus militaires, aidées de ses 
ressources pécuniaires, lui ont valu cette glorieuse devise : Gesta 
Dei per Francos. | 

Ce n’est pas avec un budget de l’Instruction pubiique donnant 
un quotient de 30 centimes par individu, qu’elle pourra conquérir 
cette même devise dans le monde nouveau, qui se constitue, sous 


— 112 — 


l'égide de la fraternisation des peuples, dans l’œuvre productive du 
sénie scientifique. 

Il y a des chiffres que le Ministre de l’Instruction publique devrait 
présenter tous les ans au Corps législatif; on finirait peut-être Der 
se lasser de l’humiliation de les entendre. 

La réorganisation de notre Instruction publique se ramènera 
toujours à une question d'argent ; ce n’est qu'avec beaucoup d’ar- 
sent que la France s’est illustrée dans l’art de la guerre, que nos 
vouvernants adoptent résolument comme épigraphe de nos budgets : 
(Cedant arma scientiis); et la France conservera sa gtorieuse devise 
dans le monde nouveau. | 

Elle est déjà la fille ainée de la science, qu’elle ne sacrifie pas 
aux errements du passé ce droit d’ainesse; car la gloire pure, la 
prépondérance Incontestée, appartiendront dans l’avenir à la nation 
la plus libérale et la plus féconde. 


La Société entend cette lecture avec le plus vif intérêt. Plusieurs 
membres prennent la parole pour faire remarquer combien l’ac- 
cueil fait à la pétition est chaleureux, combien ces adhésions sont 
précieuses. Dès à présent on peut prévoir l’heureux résultat de 
tout ce mouvement. 

Après discussion, on décide qu'aucune hâte ne sera apportée à 
la remise de la pétition, ainsi appuyée, à M. le Ministre. On 
attendra le moment le plus favorable, mais les documents seront 
imprimés dans le Bulletin. 


le Dr Jeanbernat communique à la Société ses récentes 
recherches Sur la période glaciaire dans les vallées de la Garonne 
et de la Pique. 

L'auteur entre, d’abord, dans quelques considérations générales 
sur la formation, la progression et le régime des glaciers. Il passe 
rapidement en revue les diverses traces qu'ils laissent sur les 
parois encaissantes, telles que usures, stries, sillons, polissage et 
moutonnement des roches, et il donne les caractères distinctifs 
des moraines, ces amas de matériaux de transport que les glaciers 
charrient sans cesse et déposent sur tous les points où ils séjour- 
nent et dont on distingue quatre sortes principales : moraines 
profondes, latérales, médianes et frontales. 

Après ces indispensables préliminaires, M. le Dr Jeanbernat 


— 113 — 


énumère avec soin tous les faits saillants qu’il a constatés dans 
ses nombreuses courses scientifiques dans nos montagnes, el il 
décrit les innombrables accidents glaciaires qui prouvent jusqu'à 
évidence l'ancienne extension des glaciers dans toutes nos 
vallées, extension déjà établie d’une manière générale par Char- 
pentier, Nérée Boubée, Durocher, etc., ete. Nous nous hornerons 
à citer dans ce compte-rendu abrégé les conclusions de ce travail 
important. 

1° À une certaine époque, époque qui n’est cerlainement pas 
ce.le de leur plus grande extension, les embryons glaciaires, au- 
jourd’hui confinés dans les cirques du Graouës, du Lys et d'Oo, à 
une altitude de 2800 mètres, s'étaient accrus au point d’envahir 
toutes les vallées luchonnaises et venaient à Cierp se jeter dans le 
slaeier descendu de la vallée d’Aran. Le grand fleuve de glace 
ainsi formé remplissait toute la vallée de la Garonne et se ter- 
final à Montréieau, à l’origine de la vaste plaine de Valentine. 

20 Le glacier avait une épaisseur moyenne de 700 à 800 mètres. 

30 Sa plus srande longueur, depuis le pic de Montarto jusqu’à 
Sa lerininalson, n’était pas moindre de 84 kilomütres. 

40 Sa moraine frontale s’étendait transversalement et en demi 
cercle, de Saint-Bertrand de Comminges à Barbazan, formant un 
énorme barrage, aujourd’hui démantelé, large de 3 à 4 kilomètres, 
sur 209 à 300 mètres d'épaisseur. 

5e Le retrait du glacier, loin de s’opérer brusquement et par 
fonte subite, s’est effectué, au contraire, avec lenteur et par 
oscillations de longue durée. 

Go On retrouve les traces de ces oscillations dans les nom- 
breuses moraines frontales échelonnées à des distances variables, 
depuis Montréjeau jusqu'aux modestes dépôts des glaciers 
lillipuliens actuels. 

7° Dans la vallée de la Pique, par exemple, trois moraines 
frontales, plus importantes que les autres, méritent d’être signalées. 
La première, située entre Cierp et Luchon, à Garan ; la deuxième, 
entre Luchon et le confluent de la Pique et du Lys, au pont de 
Lapadé ; la troisième, à un kilomètre et demi en evant de la 
cascade d’Enfer. 

86 Chacun de ces barrages a donné naissance, après le retrait 
du vlacier, à un lac morainique, aujourd’hui desséché par lPaf- 
fouillement des eaux qui se sont ouvert un passage facile à travers 

| 8 


— 11% — 


les matériaux sans cohésion de ces sortes de digues. Le petit lac 
de Barbazan est un reste encore existant de l’ancien et vaste lac 
morainique de Labroquère. 

99 Le glacier de la vallée d’Aran l’emportait en puissance sur 
celui de la Pique, car il a déversé ses moraines latérales jusque 
dans le val de Burbe par le Portillon (1308 mètres), et aussi 
dans la vallée du Ger par le col de Menthé (1331 mètres). C'était 
peut-être le plus vaste glacier de toute la chaîne des Pyrénées. 


À propos de la communication précédente, M. H. Magnan, qui 
a observé avec le D' Jeanbernat quelques-uns des anciens dépôts 
glaciaires des vallées de la Garonne ct du Ger (anté p.33), prend 
la parole et dit qu’il a étudié des dépôts semblables dans plusieurs 
autres vallées pyrénéennes ; 1l a reconnu, en effet, en remontant 
lPAude, l’Ariége, le Salat, le Garhet, la Neste d’Aure, lPAdour, 

.le gave de Pau et ses affluents, sur le flanc des montagnes, des 
restes de moraines latérales et profondes, et au fond des vallées 
des dépôts qui appartiennent sans doute à d’anciennes moraines 
frontales, alors que les glaciers se trouvaient dans leur période de 
retrait. De plus, il a remarqué assez loin de la grañde chaine, 
notamment dans les petites Pyrénées de l’Ariége et de la Haute- 
Garonne, l'existence de moraines latérales, profondes et frontales, 
qui ont laissé de curieux dépôts au fond et sur le flanc des 
vallées du Job, du bas Salat, du Lens, du Volp, de l’Arize et de 
la basse Ariége. 

Notre confrère ajoute qu’une ligne qui passerait par Loubières 
au nord de Foix, Balança près du. Mas-d’Azil, Sainte-Croix, 
Martreset Lannemezan, marquerait, à peu près, la limite nord des 
moraines frontales des anciens glaciers de la Neste, de la Garonne 
et de l'Ariége. — Gette ligne, dirigée E. O., irait rejoindre à l’oc- 
cident les dépôts glaciaires de la vallée de l’Adour à Lescaladieu et 
Bagnères-de-Bigorre, et plus loin ceux au sud de Lourdes. 

M. Magnan s'attache à démontrer que le facies arrondi et 
conoïde des montagnes qui constituent les petiles Pyrénées est dû 
à l'agent glaciaire. En effet, on observe presque partout, dans cette. 
région, des roches rabotées, polies, striées et surtout moutonnées. 

Il fait ensuite remarquer que l'étude des anciens glaciers se 
complique au pied des Pyrénées, comme partout, de phénomènes 
d’érosion et de remaniement : les agents d’érosion de la période : 


— 15 


diluvienne ou quaternaire auraient enlevé et quelquefois remanié 
de puissants dépôts glaciaires préexistants, en même temps que 
d'autres terrains, et auraient façonné le sol de nos plaines tel que 
nous le voyons aujourd’hui. C’est ce qui expliquerait pourquoi les 
vraies moraines frontales des glaciers anciens, qui étaient les 
plus étendus, ont échappé jusqu'ici aux regards des géologues. 
M. Magnan signale, à l'appui de cette manière de voir, à des altitudes 
relativement élevées au-dessus des vallées, près de Miramont, de 
Saint-Girons, de Sainte-Croix, de Betchat, de Touille, des dépôts di- 
luviens formés d'argiles jaunâtres emballant des cailloux dequartzite, 
qui reposent sur des roches morainiques, et qui correspondent aux 
dépôts diluviens des piateaux élevés du bassin sous-pyrénéen, que 
les auteurs de la Carte géolcgique deila France ont rangés dans le 
plivcène, maïs qui appartiennent en réalité au quaternaire ancien. 

M. Magnan termine en appelant l'attention de la Compagnie sur 
lu ressemblance de certains dépôts morainiques et cénomaniens, 
ces derniers appartenant au conglomérat de Camarade, et donne 
la caractéristique des uns ct des autres. Les premiers n'offrent 
jamais de dépôts nettement stratifiés, tandis que les seconds alter- 
nent avec des couches de grès, à empreintes végétales, et des 
poudingues fortement cimentés, en bancs épais. 


M. le D' Guitard communique à la Société la première partie 
d'une Notice sur le pastel, qui sera imprimée dans le Bulletin dès 
que l’auteur aura entièrement terminé le travail qui se rapporte à 
ce sujet. 


Séance du 15 juillet 4870. 
: Présidence de M. le Dr Guirarp, président. 


La Société reçoit : 


(à et là dans les Pyrénées, parle D' Srezæus. [n-12, Toulouse. 
Bulletin dela Société d'Histoire naturelle du département de 
la Moselle, 12e cahier. 


= V6 


Bulletin de la Société imp. zoologique d’acclimatation, juin 
1870, Paris. 

Rapport sur les travaux de la Société archéologique du Midi 
de la France, par E. CarraiLHac, in-8. | 

Mémoires de la Société d’émulation de Montbéliard, 2° série, 
t. [Let III. 


Les adhésions suivantes : 
Société industrielle de Mulhouse. 


Le Comite d'Histoire naturelle de la Société industrielle de 
Mulhouse a pris connaissance du projet de pétition de votre savante 
Compagnie, et propose d'appuyer auprès de M. le Ministre de 
Pinstruetion publique vos vœux qu'il ne peut qu'approuver. 

Toutefois, en nous demandant notre concours, vous ne nous 
dites pas en quoi il doit consister; nous attendrons donc votre 
réponse, avant de faire aucune démarche. 

D' Pexor, vice-président. 


Société Linnéenne de Normandie. 


La Société Linnéenne de Normandie a pris connaissance, dans 
la réunion qu'elle a tenue hier soir, de la pétition en faveur 
de lPHistoire naturelle que vous avez l’intention d'adresser à Son 
Excellence le Ministre de l’Instruction publique. — Notre Cem- 
pagnie ne peut que donner une entière approbation à ce document ; 
elle partage complètement les idées de la Société d'Histoire natu- 
relle de Toulouse, et elle appelle de tous ses vœux la réforme que 


vous sollicitez. 
J. MorièRE, secrétaire. 


M. le Dr Guitard donne lecture de la note suivante : 
Un mot sur le Sarracenia purpurea. 


Au moment où l’on veut faire grand brut, dans notre ville et 
peut-être ailleurs, des prétendues vertus mirifiques du Sarracenia 
purpurea, il m'a paru opportun de vous en dire un mot et de 
vous en présenter un échantillon. 

Cette plante herbacée, aquatique ei vivace, croi pou inémen! 
en abondance dans les marais de l'Amérique du Nord. 


— 117 — 


Elle est, dans les Polypétales hypogynes à placentation axille, 
e type du genre Sarracenia de la famiile des Sarracéniées. 

Les feuilles sont radicales; elles poussent toujours à l’extrémité 
d’une racine épaisse, traçante, peu enterrée qui s’allonge d’un 
côlé et pourrit de l’autre. 

Ces feuilles, semi-engainantes à leur base, forment un cornet 
ventru, curviligne, creux dans son intérieur, avec une crête 
membraneuse plus ou moins saillante à la face interne. 

Elles sont de couleur verte teintée de rouge sur les nervures et 
sur les bords, 

L'ouverture de ce cornet est taillée en biseau. A la partie la 
plus élevée, il y a une expression membraneuse, plus mince, 
découpée au bord libre, plus large que l’ouverture elle-même et 
qui, pouvant s’y appliquer, en devient l’opercule. 

À la partie la plus basse de ec biseau, l'extrémité de la feuille 
s’enroule en dehors comme pour servir de crochet à l'opereule. 

La bouche de ce cornet, c’est-à-dire la face interne de l’oper- 
cule est veloutée, comme hérissée de fins piquants. 

Cette disposition remarquable me fait supposer que c’est la 
feuille et non la fleur, comme le veulent quelques auteurs, qui 
a fait donner à cette plante le nom de Attrape-mouches. 

La cavité de ces cornets est presque toujours remplie d’eau ; 
mais celle-ci est de mauvaise qualité à cause des quantités innom- 
brables de cousins et d’autres insectes qui viennent s’y noyer. 

C’est ainsi que cette plante a pu être appelée la Coupe, la 
Cruche ou la Tasse indienne, la Coupe du chasseur, le Bonnet du 
chasseur et les Guêtres de grenouilles. 

Ces cornets grands de 41/2 pied dans le S. purpurea, ont plus 
de 2 pieds dans le S. Drummondi. 

Les fleurs, :solées, poussent en été. 

Elles sont portées sur une hampe qui sort d’entre les feuilles et 
qui est 2 ou 3 fois plus grande que les feuilles. 

Le calice est à 3-5 sépales persistants. 

La corolle est à 5 pétales hypogynes, égaux en nombre, alternes 
avec eux et onguiculés. 

Les fleurs sont grandes et remarquables par leurs couleurs et 
par le vif éclat de ces dernières. 

Les étamines, hypogynes, sont en nombre imdéfini ; les anthères 
sont arrondies. 


DRE: So 


L'ovaire est supérieur et arrondi, à style cylindrique et à 
stigmate très-long pelté, à 5 côtés et persistant. 

Une capsule arrondie, divisée intérieurement en 5 loges, s’ou- 
vre en 5 valves et contient un grand nombre de semences sur un 
placenta central et pentagone. 

La plantule, dicotylédonée, est munie à la base d’un albumen 
charnu. 

Les principales espèces de cette plante exotique sont le S. à 
fleurs rouges ou de Drummond, celle qui est représentée à la 
page 323 de la Botanique organographique et taxonomie de Le 
Maout, le S. à fleurs jaunes, le S. à fleurs purpurines en dehors 
et vertes en dedans, et le S. bec de-perroquet. 

D’après le D' Morren, les racines ou plutôt les rhyzomes de cette 
plante, sont employés par les riches Indiens pour combattre effi- 
cacement la variole et la rougeole. 

Ils boivent en 2 fois, à 3 heures d'intervalle et sans sucre, une 
décoction faite avec 30 parties de la plante pulvérisée par 4000 
parties d’eau réduite à moitié par l’ébullition. 

En 1865, M. Stanislas Martin a trouvé l’aléaloide de cette 
plante et lui a donné le nom de Sarracénine. 

Celle-ci, blanche, en aiguilles prismatiques, très-soluble et très- 
amère, forme des sels avec des acides. | 

Il serait peut-être bon de apte celte analyse en sous- 
œuvre. 

Aujourd’hui, après avoir été complètement délaissée, si ce n’est 
même oubliée, la Sarracénia purpurine veut reparaitre et s'impo- 
ser comme spécifique de la variole pourprée, soit comme euratif, 
soit comme préventif. 

Aussi, désireux de faire sa connaissance, j'ai prié mon ami, 
M. Th. Laforgue, pharmacien, de m'en faire expédier un échan- 
tillon de Paris. 

Plusieurs autres sont arrivés avec lui pour d’autres destina- 
tions. | 

J'ai pu en confronter deux paquets pour juger de leur identité 
et pour constater leur état dans le commerce. 

Dans le paquet remis par M. Lalorgue, il y avait surtout des 
feuilles avec quelques racines; le commerce ne les avait point 
travaillées. 

Dans un autre spécimen, les racines dominaient, au contraire, 


— 119 — 


avec quelques feuilles brisées, et les racines étaient coupées, 
ratissées et mondées. 

Les feuilles et les racines étaient bien les mêmes dans les deux 
échantillons. | 

Les radicelles sont coupées à peu près de 10 à 20 centimètres 
de longueur ; elles sont au plus de la grosseur d’un plume d’oie ; 
elles sont rougeâtres à l'extérieur, cylindriques et bosselées à 
intervalles inégaux ; leur cassure est nette et leur structure fibreuse; 
leur saveur est amère. 

Les feuilles, quelquefois entières, quelquelois déchirées, quel- 
quefois en petits fragments desséchées, sont aplaties et d’un vert 
jaunâtre, maculées de rouge pourpre, soit en plaques, soit en linéa- 
ments. 

Trempées dans l’eau, mêmé froide, elles se déroulent et le 
cornet se forme spontanément. L’on peut alors constater la véri- 
table forme de la feuille et tous les caractères indiqués plus haut, 
sans en omettre les impuretés et les détritus de certains insectes. 

Il estdonc bien certain que j'ai entre mes mains le Sarracenia 
Purpurea, et c’est pour cela que j'ai l'honneur de vous le pré- 
senler. 

Je n’avais pas à vous dire ici que j'en ai commencé l’expérimen- 
tation dans ma salle spéciale de clinique de l'Hôtel-Dieu. 

Maïs pour donner quelque utilñé pratique à cette simple Note, 
je dois vous l’annoncer, tout en vous faisant part de mon 
opinion a priori. ; 

Je crains, en effet, et je le regretterais fort, que cette plante ne 
soit venue tout simplement grossir le nombre de ces médicaments 
qui devaient guérir une maladie avec laquelle ils avaient quelque 
ressemblance, ainsi la carote dans la jaunisse, les marrons dans la 
poche pour faire passer les hémorrhoïdes, la pulmonaire contre la 
phthisie, la patte de lièvre en frictions dans le cas de sciatique et 
tant d’autres dont la raison et l'expérience ont fait justice depuis 
longtemps. 


M. Gourdon, prenant la parole après cette lecture, rappelle que 
depuis des siècles le Sarracenia a été employé comme préservatif 
de la variole, et conclut que ses propriétés peuvent être réelles 
mais peu prononcées comparées à d’autres préservatifs, au vacein 
par-exemple, dont la découverte aurait fait abandonner l’usage de 


— 120 — 


la plante dont il s’agit ; M. Gourdon rappelle les observations de 
M. Mille, et exprime le désir que des expériences précises vien- 
nent éclairés la science sur ce sujeL. | 

M. A. Timbal déclare que les observations de M. Mille lui parais- 
sent demander confirmation; il s'appuie sur l'opinion des médecins 
de Bourges. 

M. Gourdon insiste sur ce point, que l'on a employé surtout le 
Sarracenia cultivé en France, et rappelle que diverses plantes dont 
les propriétés sont bien connues, n’agissent que lorsqu'on les 
prend dans leur pays natal, I cite particuliérement le Quinquina. 
Il est certain que le climat, la composition du sol et bien d’autres 
causes influent directement sur les propriétés des plantes. 

M. Marquet fait observer que la feuille de lAtriplexz halimus 
des haies de Toulouse, est aussi salée que celle de la même plante 
recueillie sur les rivages de la Méditerranée. | 

M. Filhol dit qu'il a analysé des feuilles d’Afriplex halimus 
des bords de la Méditerranée et des environs de Touiouse, et qu'il 
a trouvé des quantités peu différentes de chlorure dans l’une et 
dans l’autre. Mais les premières contiennent du chlorure de sodium, 
tandis que celles de notre pays renferment surtout du chlorure de 
potassium. M. Filhol donnera ultérieurement un exposé complet 
de ses recherches. 


M. H. Magnan communique à la Société le travail suivant : 


Notice sur le terrain quaternaire des bords de la Montagne-Noire, 
entre Castres et Carcassonne. et sur l'ancien lit de l'Agout , 
par M. Hexri Mana. 


Le terrain quaternaire a été l'objet, dans ces dernières années, 
de nombreux travaux. On est arrivé généralement à reconnaitre : 
qu’à diverses époques les vallées, dans les pays de plaine, avaient 
été creusées par érosions et par affouillements successifs ; qu’au- 
trefois, les fleuves charriaient des eaux puissantes ; que ces eaux 
diminuant ensuite de volume, les vallées se rétrécissaient en s’ap- 
profondissant, d'où la formation, le long de nos cours d’eaux, de 
terrasses en retrait, les unes par rapport aux autres, les plus 
élevées étant les plus anciennes, les plus basses étant les” plu 


ONU" — 


modernes. Maïs quelques géologues émettent des doutes sur quel- 
ques-unes de ces conclusions, et puis d’ailleurs-la science est loin 
d’avoir dit son dernier mot sur la puissance, la grandeur et la 
durée des phénomènes d’érosion pendant la période quaternaire, 
sur les lits primitifs de nos fleuves et de nos rivières. C’est ce qui 
m'engage à publier cette note, espérant qu’elle intéressera, à un 
certain point de vue, ceux qui s'occupent de nos terrains 
récents. 

Mes courses dans le Midi de la France, surtout dans les Pyré- 
nées, sur les bords du plateau central et dans la vallée du Rhône, 
m'avaient mis, bien des fois, aux prises avec les terrains de trans- 
port de la période quaternaire : j'avais souvent observé, le long 
des fleuves et des rivières, divers dépôts d’âge différent, en retrait 
les uns par rapport aux autres, c'est-à-dire des plateaux ou des 
terrasses qui me permettaient d'apprécier la grande largeur de 
nos anciens cours d’eau et l’importance des érosions par affouille- 
ment, puisque certains dépôts diluviens se trouvaient comme 
ceux de la petite montagne de Crussol, vis-a-vis Valence, à plus 
de 200 mètres au-dessus du Rhône, comme ceux de Pujaudran, 
à 170 mêtres au-dessus de la Garonne, comme ceux des Landes 
du Pont-Long, à 60 mètres au-dessus du gave de Pau; maïs ces 
observations , je les avais faites en suivant les cours d’eau 
actuels dont je pouvais facilement reconstituer les anciens lits ; 
tandis qu'il y a trois ou quatre ans, — alors que j'étais chargé 
avec M. Leymerie de dresser la Carte géologique du département 
de l'Aude, — je fus assez étonné d’observer, presque à la limite 
de ce département et de celui de la Haute-Garonne, sur la ligne 
de faite, des bassins de l'Océan et dela Méditerranée, à 248 metres 
au-dessus du niveau de la mer, loin de tout cours d’eau impor- 
tant à l'Enmaurel, — est de Saint-Félix de Caraman, —des dépôts 
diluviens sous forme de terrasses. Comment ces dépôts avaient-ils 
pu.se former ? D'où venaient les eaux qui les avaient amenés là ? 
C'était un problème à résoudre, problème que le travail de 
de Boucheporn n’effleurait même pas. — Ce savant, dans l’Expli- 
cation de la carte géologique du département du Tarn, avait d’ail- 
leurs, sur l’âge et le mode de dépôt des terrains diluviens, des 
théories qui ne sont plus admissibles aujourd'hui et sur lesquelles 
je reviendrai plus loin. — Plus tard, un séjour à Champlis, près 
de Saix, chez un de mes amis, M. J. de Lacger, me permit d'ob- 


— 122 — 


server des cailloux roulés su sommet du Mont de Saïx, à 140 
mètres au-dessus du lit actuel de l’Agout, ou si l’on veut à 292 
mètres au-dessus du niveau de la mer, Enfin, dans ces derniers 
temps, une exploration géologique faite à Saint-Félix de Cara- 
man, me donna l'explication du fait, me fit voir, grâce au 
relief et à la configuration générale du pays, que je pus embras- 
ser d’un coup-d’œil, que le dépôt diluvien que j'avais observé sur 
la ligne de faite des bassins Océanien et Méditerranéen avait été 
amené là par l’Agout, qui autrefois, presque au début de la période 
quaternaire, se déversait dans la Méditerranée, au lieu de se jeter 
comme aujourd’hui dans l'Océan. 


L'observateur qui se rendra à Saint-Félix de Caraman (Haute- 
Garonne), jouira d’une des plus splendides vues que je sache. 
Après avoir admiré au loin, sur près de 800 kilomètres de lon- 
gueur, les sommets des Pyrénées, depuis les montagnes de Ja’ 
haute vallée du Bastan jusqu'au Canigou, ce dominateur des 
régions orientales, débrouilié le chaos des Corbières, reconnu le 
pic de Bugarach, qui ressemble d’iei à un lion couché, et remar- 
qué les croupes arrondies du terrain de transition de la Montagne- 
Noire et des régions granitiques du Sidobre et de Lacaune qui 
appartiennent au plateau central de la France, il pourra recon- 
naître, presque à ses pieds, une dépression ou plutôt un large sillon 
de plusieurs kilomètres de largeur, qui borde le massif ancien de 
la Montagne-Noire dont je viens de parler. Gette dépression, qui 
est très visible dans les environs de Castres et de Saix, se conti- 
nue par Soual, Revel, Soupex, Aiïrous et Castelnaudary jusqu'à 
Carcassonne ; elle est indiquée sur la carte jointe à ce travail 
(pl. I, fig. #) par un léger pointillé, affecté aux parties recou: 
vertes autrefois par les dépôts diluviens, et qui représente l’ancien 
lit de l’Agout, alors que cette rivière se déversait dans l Aude et 
de là dans la Méditerranée. 

Le sillon en question est assez nettement indiqué sur les cartes 
du dépôt de la guerre (feuilles de Castres, de Toulouse, de Pamiers 
et de Carcassonne). Les rivières et les ruisseaux qui l’arrosent 
sont élevés de 150 mètres à 200 mètres au-dessus du niveau de la 
mer, entre Castres et l’Engranot (ligne de faite) et de 210 à 400 


— 123 — 


- mêtres entre ce dernier point et Carcassonne ; 1l entoure, en fur- 
* mant presque un angle droit, le massif primordial de la Montagne- 
Noire, dont le point culminant atteint, au signal de Nore, 1210 
métres au-dessus du niveau de la mer; et il est limité à l'ouest et 
au sud, du côté de la plaine tertiaire, par les hauteurs d'Entounty, 
à l’ouest de Soual (350 mètres) ; de Saint-Félix de Caraman 
(326 mûtres) ; de Montferran, à l’ouest de l’Obélisque de Naurouse 
(284 métres); du Mas-Saintes-Pnelles (320 mètres) ; de Fanjeaux 
(317 mètres) et de Montréal (280 mètres). 

C’est dans ce large sillon que se trouve placé le chemin de fer 
qui fait communiquer Castres avec Castefnaudary et que coule la 
rigole qui alimente le canal du Midi, entre Saint-Ferréol et Nau- 
1ouse, point de partage des eaux. Vu de Suint-Félix de Garaman, 
il a l’air de former une dépression aux flancs adoucis, légèrement en 
pente; mais si on l'étudie de près, —ainsi que nous le ferons tout 
à l'heure, — on voit qu’il est constitué par des terrasses diluvien- 
nes en retrait et par des coteaux plus ou moins mamelonnés à 
la suite d'érosions, coteaux sur lesquels on constate des témoins 
de l’action diluvienne. 

Sur la carte de la pl. Il, fig. 4, certaines cotes de hauteur, pri- 
ses dans la dépression dont il s'agit, ont été indiquées, là où 
existent d'anciennes terrasses diluviennes, afin que le lecteur 
puisse faire une sorte de profil en long, qui lui permette de 
rétablir facilement le cours et on peut presque dire aussi la pente 
de l’ancien lit de l’Agout. Ainsi, on voit qu’à Pucch-Auriol, nord 
de Castres, la cote qui représente la hauteur en mètres du dilu- 
vium ancien de la terrasse la plus élevée, indique le chiffre de 
298 mètres, et qu’en se dirigeant vers le sul, ou mieux vers la mer 
Méditerranée, cette cote diminue . on trouve, en effet, au Mont 
de Saix, sud de Costres, 292 mètres ; à les Escudiés, sud de Saint- 
Afrique, 276 mètres ; à Cahuzac, nord de Sorèze, 262 mètres ; à 
PEmbreoussou, entre Saint-Félix de Caraman etla Pomarède, point 
de partage des eaux de l'Océan et de la Méditerranée, 218 
mètres. Plus loin, le lit actuel du Fresquel, qui se jette dans 
l’Aude et de là dans la Méditerranée, représente l’ancien cours 
de l’Agout : certains dépôts diluviens anciens se retrouvent sur 
les bords de la Montagne-Noire, près du château de Castelet, à 
230 mètres; non loin d’Issel à 220 mètres ; à Sainte-Catherine, 
près de Gastelnaudary, à 209 mètres ; à En-Dreuille, près de Saint- 


3 
— 12% — 


Martin-Lalande, à 177 mètres ; à Sauzens, au S. E. de Villepinte, 
à 148 mètres; à la Trivalle, faubourg de Carcassonne, à 124 
mètres. 

Gette carte montre aussi que l’ancien lit de l’Agout, entre Cas- 
tres et Carcassonne, avait 7 à 8 kilomètres de largeur en moyenne 
et en certains points plus de 45 kilomêtres, notamment sous le 
parallèle de l’ancien confluent du Thoré, tandis qu'entre Vielmur, 
Saint-Paul-Cap-de-Joux et la Pointe-Saint-Sulpice , la vallée 
actuelle de l’Agout ne dépasse pas deux ou troiskilomètres, si bien 
que, sur la Carte géologique de la France, les dépôts diluviens le 
long de cette rivière, entre les points que je viens de désigner, »’y 
sont même pas indiqués. 

Pour démontrer certains de ces dires, les plus importants, je 
m'étalerai sur plusieurs coupes, que j'ai relevées dans la région 
comprise entre Castres et Castelnaudary ; mais auparavant on me 
permettra de parler des recherches faites par de Boucheporn dans 
le département du Tarn, à propos du terrain quaternaire. 


Il 


De Boucheporn, dans l’Explication de la carte géologique du 
département du Tarn (4), consacre un chapitre de son livre au 
terrain qui nous occupe, chapitre qu’il intitule : Second étage ter- 
liaire, alluvions (p. 96). Après avoir dit qu’on trouve à la fois 
sur le sommet des plateaux élevés et sur le sol des plaines, un 
terrain formé de couches de gros galets et de bancs d’alluvion, 
qu'il croit contemporain de la molasse marine et qu'il range par 
suite dans le tertiaire moyen, ce savant émet l’opinion « que tou- 
tes les grandes vallées du département l'ont traversé déchiré, 
affaissé. C’est de là, — ajoute-t-1l, —que nous avons tiré la preuve 
principale de la formation récente de ces vallées. » 

De Boucheporn croyait que les dépôts caillouteux des vallées, 
désignés par les auteurs sous les noms d’alluvions anciennes, que 
ceux que l’on observe à des hauteurs moyennes sur les flancs des 
coteaux et que ceux que l’on remarque encore plus haut jusqu'au 
faîte des plateaux tertiaires, étaient exactement identiques : «Ge 
sont, — disait-il, — différents lambeaux d’une même nappe d’al- 


(1) Imprimerie nationale, Paris ; 1848. 


— 1925 — 


luvion, occupant autrefois le niveau le plus élevé, mais abaissée 
maintenant en divers points par les grands affaissements qui ont 
produit les vallées et Les plaines basses » (p. 98). Pour cet ingénieur, 
les alternances de dépôts et d’érosions ne répondaient pas à la 
grandeur des phénomènes observés : l’affaissement du sol des 
vallées donnait seul, — d’après lui, — « la solution la plus simple 
et la plus naturelle.» 

Plus loin (p. 99), recherchant l’origine et l’âge de la nappe 
ailuvienne et de galets, — comme il l'appelle, — il dit que « cette 
alluvion est contemporaine du grand mouvement qui a donné aux 
Pyrénees leur relief caractéristique,» et 1l confond les dépôts ditu- 
viens des plateaux avec les grès sablaux et les poudingues de 
Puylaurens, c’est-à-dire avec le terrain éocène proprement dit, ce 
qui le conduit à ajouter (p. 401) : « Qu'on doit admettre sans 
aucun doute, que ces deux terrains ont été formés en quelque 
sorte dans les mêmes eaux, à deux époques contigués. » 

Plus loin encore, nous le voyons « disposé à joindre » au ter- 
rain d’ailuvion, le conglomérat éocène de Tonnac et de Cordes 
qui appartient en réalité, ainsi que je l'ai démontré, à l’éo- 
cène (1). 

Il parait surprenant, au premier abord, qu’un observateur 
aussi distingué que de Boucheporn, soit arrivé à des conclu- 
sions semblables ; mais n'oublions pas que cet ingénieur tenait 
peu compte des fossiles; ainsi, il émettait l'opinion que le ter- 
rain tertiaire du bassin sous-pyrénéen devait être rangé dans 
l’étage inférieur et non dans le moyen, comme le voulaient d'une 
manière beaucoup trop exclusive, il faut le dire, MM. Dufrénoy et 
Elie de Beaumont. C'était simple, mais ce n’était pas exact. Notre 
savant paléontologiste, M. le D: Noulet, l’a prouvé; 1l a fait 
voir dans divers travaux importants (2) que les terrains d’eau 


(1) H. Magnan, Etude des formations secondaires des bords S.-0. du plateau 
central de la France entre les vallées de la Vère et du Lot. — Bulletin de la 
Société d'Histoire naturelle de Toulouse, 1. IL, p. 17 ; 1869. 

(2) J. B. Noulet, Mémoires sur les coquilles fossiles des terrains d’eau douce 
du Sud-ouest de la France, Paris ; 1854. — Bulletin de la Société d'Histoire 
naturelle de Toulouse, t. I, p. 108 ; 1867. — Fossiles de la molasse et du 
calcaire d'eau douce (éocène sup.) de Briatexte (Tarn), Mémoires de l'Académie 
des Sciences de Toulouse, 5e série, t. IV, p. 405 ; 1860, — Etude sur les fossiles 
du terrain supérieur du bassin de PAgout (Tarn), Mémoires de l’Académie des 
Sciences de Toulouse, 6e série, t. I, p. 181. n] 


se A 


douce du Sud-ouest de la France étaient constitués par des couches 
renfermant les unes, des fossiles de l’époque miocène, Îles autres 
des corps organisés de l'éocène, puis que les dépôts quaternaires ou 
pleistocènes, — comme il les désigne, —- contenaient dans le bas- 
sin du Tarn de nombreux débris d'Elephas (machelière, fémur, 
défense) , une molaire de Rhinoceros à narines eloisonnées, 
ele. (1). 

Ce qui se comprend moins facilement, c’est que de Boucheporn, 
pour expliquer la formation des vallées et des terrasses, ait invo- 
qué des affaissements et des brisures qui n'existent pas, affaisse- 
ments et brisures purement imaginaires, que l’on ne voit d’ailleurs 
pas indiqués sur les cinq'grandes coupes qui accompagnent sa 
Carte géologique du département du Tarn. Quoi qu’il en soit, la 
science doit à ce géologue, d’avoir observé, en divers points de 
ce département, de vastes dépôts diluviens à diverses hauteurs, 
observations qui, ajoutées à celles que j'ai faites, nous serviront 
à faire quelques remarques sur la manière dont se sont formés 
ces dépôts et sur le rôle considérabie qu'ont joué les agents d’éro- 
sion pendant la période quaternaire. 


Il 


Je vais maintenant décrire, d’une manière aussi concise que 
possible, trois coupes que j'ai prises dans la région comprise entre 
Castres et Castelnaudary, et qui sont figurécs dans la pl. 1}, qui 
accompagne ce travail. 

La première a été relevée dans le bassin Océanien, entre Enge- 
lis, près de Mazamet, le Mont de Saïx, sud de Castres, et les 
Ormeaux, près d'Entounty (Tarn). 

La seconde, sur la ligne de faîte des bassins Océanien et Médi- 
terranéen, entre le massif au sud de Vaudreuille, Armengaud 
(Tarn) et Saint-Félix de Caraman (Haute-Garonne). 

La troisième, dans le bassin Méditerranéen, entre le Mouhn- 
d'Escande, près de Labécède, Castelnaudary et le massif de Ville- 
neuve-la-Comptal (Aude). | 


(4) J. B. Noulet, Note sur les dépôts pleistocènes des vallées sous-pyrénéennes 
et sur les fossiles qui en ont été retirés, Mémoires de l'Académie des Sciences \ 
de Toulouse, 4e série, 1. IV, p. 125; 1854. 


— 197 — 


Ces trois coupes sont toutes plus ou moins perpendieulaires au 
large sillon dont j'ai parlé. En d’autres termes, elles sont trans- 
versales par rapport à l’ancien Hit de l’Agout ; ns ont élé Cons- 
truitesavec le plus grand soin, à l'échelle de 5-55 - Eu égard à la 
faiblesse des altitudes, j'ai cru devoir doubler les béttEEs! ce qui 
n’empêche pas ces coupes de rendre aussi bien compte qu’il est 
possible de le faire, à une aussi petite échelle, de l’orographie de 
la région qu’elles sont destinées à représenter. 


Coupe d'Engelis au Mont de Saix et aux Ormeaux, prés 
d’'Entounty, pl. I, fig. 1 


Cette coupe est dirigée S.E.-N.0, entre Engelis et le Mont- 


de-Saïx, et E.O., entre ce mont ét les Ormeaux. Sa longueur est 


de 20 kilomètres. La partie orientale, à partir du Mont-de Saix, «a 
été en partie construite sur l’ancien lit du Thoré, rivière qui se 
jette dans l'Agout, non loin de Saix. C’est ce qui explique pourquoi 
 Jleterrain duvien se développe beaucoup plus en surface ici qu’ail- 
leurs. Un coup-d’œil jeté sur la carte (pl. If, fig. #) fera comprendre 
ce que je viens de dire. | 

À Engelis (ouest de Mazamet), sur les gneiss à mica noir, du 
terrain primordial, qui constitue les premières croupes de la 
Montagne-Noire (y de la coupe) et sur les calcaires à Planorbis 
castrensis, Nouletet pseudammonius,Voliz, de l’éocène d’eau douce 
(el) qui forment le substralum entre La Cartayrié, Prades et la Borie- 
Basse (carte du dépôt de la guerre), on voit reposer une singulière 
formation : c’est un dépôt (d. g.) formé de roches généralement 
granitiques et gneissiques, quelquefois calcaires, — d’un volume 
variant entre un petit caillou et une tête de bœuf, et plus encore, -- 
qu'emballent des argiles grumelées, jaunâtres. Ces roches sont 
presque toujours décomposées ou aréneuses ; elles paraissent plus 
ou moins roulées ; quelques-unes cependant sont à arêtes vives et 
entourées d'argile sableuse et de terres ayant l’apparence de boues 
glaciaires (1). Ce terrain de transport me rappelle de tous points 
celui que j'ai observé entre Lannemezan et Labarthe-de-Neste, au 


-(t) Je n'ai pu y rencontrer les cailloux striés caractéristiques ; mais il con- 
vient d'ajouter que les roches tendres qui reçoivent d'ordinaire l'empreinte des 
rayures ou des stries ne s’y montrent guère. 


— 128 — 


pied des Pyrénées, et que l’on croit généralement appartenir à 
une ancienne moraine. Je puis dire, en outre, qu'il est entiére- 
ment différent des terrains diluviens proprement dits. 

Si cette manière de voir se confirmait, nous aurions ici des 
traces d’une ancienne moraine profonde ou peut-être frontale, 
qui aurait été ultérieurement démantelée par les phénomènes 
d’érosion de l’époque diluvienne, ce qui expliquerait pourquoi 
elle est restée iusqu'iei cachée aux yeux des géologues. 

Quoi qu'il en soit, et en continuant à marcher vers le N.O., 
nous remarquerons entre la Borie-Basse, Labruguière et Salle- 
picussou, un dépôt franchement diluvien (d*) — principalement 
formé de petits cailloux, de quartz blanchâtres, laiteux, vitreux, à 
éclat gras, perdus au milieu de limons noirâtres, — dont l'altitude 
(190 mètres) est à environ 20 mètres au-dessus du lit actuel du 
Thoré. Ce dépôt représente un lit relativement récent de cette 
rivière, à l’époque où celle-ci se jetait dans l’Agout, par Saint- 
Affrique et Viviers-lès-Montagnes. 

Plus loin, de Sallepieussou à Gaches, apparaît le terrain éocène 
supérieur (e?), qui est formé de grès et d’argiles plus ou woins 
colorées, jJaunâtres, rougeâtres ou orangées, en couches presque 
horizontales et qui constitue des mamelons plus ou moins arrondis, 
dont l'altitude ne dépasse pas 224 mètres, lesquels sont dominés 
par une terrasse élevée, sorte de plateau, dont la hauteur atteint 
près des Aguls 254 mètres. Cette terrasse, qui s'étend sur 4 kilo- 
mètres de longueur, entre Gaches et les Gayrauds, et sur laquelle 
les métairies des Aguls, de Lacalm, du Pioch, etc., se trouvent. 
assises, est formée de cailloux pugilaires et céphalaires empruntés 
aux roches primordiales et de transition de la Montagne-Noire, 
surtout aux filons de quartz (quartz blanchâtre, vitreux, laiteux, à 
éclat gras), qui lardent ces terrains. Il y a aussi, mais ils ne 
jouent qu’un rôle accessoire, des cailloux de gneiss, des schistes 
micaicés durs, des sortes de quartzites, des schistes amphiboliques. 
Ces cailloux, dont la forme est souvent assez irrégulièrement 
arrondie, sont plus gros que ceux que nous avons observés près de 
Labruguière. La terre qui les entoure est jaunâtre. Il devient donc 
impossible, en laissant même de côté la différence d'altitude, de 
confondre les deux dépôts. C’est sur le terrain de transport de la 
terrasse des Aguls (d?) que croissent, grâce à la perméabilité du 
sol, de nombreuses vignes. Cette terrasse, nettement indiquée sur 


__ 199 — 


ma coupe, est dominée à son tour, au nord-est, par des hauteurs 
bien connues des habitants de la région de Castres, par le Mont de 
Saix que j'ai esquissé à l'arrière-plan, petite montagne remar- 
 quable, en ce sens, que sur les grès et argiles de l'éocène supérieur 
qui la constituent, reposent à 292 mêétresd’altitude ou à 140 mètres 
environ au-dessus de l’Agout, d'anciens témoins de la période 
diluvienne (1). Ces témoins consistent en quelques cailloux géné- 
ralement quartzeux, — ressemblant à ceux de la terrasse des 
Aguls,— qui indiquent ici l’existence d'une ancienne terrasse, la 
plus élevée de la coupe (d‘), qui a été en majeure partie érodée, 
et qui correspond à celle que je signalerai hientôt aux Ormeaux. 


En descendant des Aguls et du Pioch, vers Cambounet, dans la : 


vallée du Sor, on trouvera, un peu en contre-bas, deux autres 
terrasses inférieures : l’une d’elles,' qui fait suite et qui se lie 
insensiblement à celle du Pioch et des Aguls, porte sur ma coupe 
la lettre d° ; elle est composée de cailloux roulés ressemblant à 
ceux que je viens de décrire; l’autre, celle indiquée par la lettre 
d*, et sur laquelle les hameaux de Longuegineste et d’En-Bouisse 
sont situés, a des cailloux plus petits. Plus bas enfin, dans la vallée 
proprement dite, où se trouve établi le chemin de fer de Castres à 
Castelnaudary, on observe des dépôts diluviens (d5) composés 
aussi de cailloux de petite dimension (2). 

Des rives du Sor aux Ormeaux, nous passerons en revue les 
divers horizons diluviens déjà indiqués (voir la coupe). Cambou- 
net nous laissera voir, grâce aux affouillements de Ja rivière, les 
couches horizontales ou très peu inclinées de l’éocène supérieur (e?), 
formé de grès sableux et d’argiles peu colorées. Le village est assis 
sur le terrain diluvien (d*). La montée, vers le château de la 
Serre nous permettra de reconnaitre : des dépôts caillouteux à une 


(41 De-cette petite montagne on jouit d’un très-beau coup-d’œil sur le bassin 
de Castres, et sur les régions du Sidobre et de la Montagne-Noire, On voit 
auss' et surtout se dessiner nettement la vaste dépression qui longe cette der- 
nière montagne dans la direction de Revel, ct qui représente, — ai-je dit, — 
l’ancien lit de PAgout. Cette dépression, due aux érosions de la période qua- 
ternaire, permet de voir, de loin, quand le temps est favorable, quelques-uns 
des sommets des Pyrénées. Je ne saurais assez recommander l’ascension du 
Mont de Saïx, par le plateau des Aguls, à ceux qui voudront avoir une idée de 
la grandeur des phénomènes diluviens au début de la période quaternaire, 

(2) Quelques ossements fossiles encore indéterminés ont été trouvés à ce 
niveau près de Castres. 


9 


— 130 — 


altitude d'environ 200 à 210 mètres, qui correspondent à ceux de 
la terrasse marquée d; plus haut, à l’ouest de la Métairie-Haute, 
à 255 mètres de hauteur, des cailloux rouiés qui forment une 
sorte de plaine élevée, — l'équivalent de celle du Pioch et des . 
Aguls (4), — cailloux qui ressemblent de tous points à ceux que 
j'ai signalés à cette altitude; enfin, plus haut.encore, à la métairie 
des Ormeaux et à 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, des 
dépôts diluviens qui constituent la terrasse la plus élevée de toutes, 
dépôts correspondant à ceux du sommet du Mont de Saïx, que 
j'ai désignés par la lettre dt et qui sont formés, iei comme là, 
par des cailloux ordinairement quartzeux. 

Je ferai remarquer que le terrain tertiaire — éocène supérieur — 
alfleure en divers points sous les dénôts quaternaires, notamment 
près de Maraval, où les grès de l’éocène passent à un poudingue 
formé de cailloux ordinairement calcaires, de petite dimension, 
toujours impressionnés, c’est-à-dire montrantdes parties convexes 
s'emboitant dans des parties en creux ou concaves. C’est ce pou- 
dingue que de Boucheporn a confondu en divers lieux, surtout à 
Puylaurens (anté p. 195), avec le terrain diluvien. Nous le retrou- 
vons à l’ouest des Ormeaux et à un niveau plus élevé que la ter- 
rassse la plus baute, c’est.à-dire à 550 mètres d'altitude. Il constitue 
là une petite région plane, couverte de petits cailloux calcaires, 
qui pourraient facilement en imposer à un observateur qui ne 
serait pas familiarisé avec la lithologie du terrain tertiaire. 

Pour résumer la coupe que nous venons de passer en revue, 
je dirai qu’on trouve, entre Engelis et les Ormeaux, des dépôts 
diluviens à cinq niveaux différents : 

Ceux de la terrasse la plus élevée, du Mont de Saïx et des 
Ormeaux (d1), à 292 et 500 mètres d’alutude; 

Ceux de la terrasse des Aguls et de la Métairie-Haute (d?), à 254 
et 255 mètres ; 

Ceux de la terrasse, au bas de celle des Aguls et du château de 
la Serre (d%), à 220 et 230 mètres ; 

Ceux des environs de Labruguière, de Longuegineste et de 
Cambounet (d‘\, à 180 et 490 mètres ; 

Ceux de la vallée du Sor, proprement dite (d5), à 160 mètres. 

J’ajouterai : que les dépôts des terrasses les plus élevées sont. 
constitués par des cailloux roulés d’un volume plus considérable que 
ceux des basses vallées, les uns, d’ailleurs, sont entourés de terres 


— AS1 — 


argileuses jaunâtres, les autres de limons noirâtres ; qu'indépen- 
damment de ces dépôts, il en existe un autre qui pourrait peut- 
être appartenir à l’époque glaciaire (d. g.) ; et qu’en dehorsde mes 
coupes, il existe aussi des terrains caillouteux — indiqûés depuis 
longtemps sur la Carte géologique de la France, par MM. Dufrénoy 
et Elie de Beaumont, — qui apparaissent notamment sur les hau- 
teurs, entre Puylaurens et Toulouse. 

Je crois devoir dire, d'ores et déjà, que les terrasses supérieures, 
d'et d?, que nous venons d'étudier, représentent l’ancien ft de 
l’Agout, à l’époque où cette rivière se déversait dans la Méditer- 
ranée. Nous retrouverons, en effet, ces terrasses dans la coupe 
suivaute, sur la ligne de faite des bassins Océanien et Méditerra- 
néen, et à un niveau un peu inférieur à celui que nous avons 
observé ici, par suite de la pente de l’ancien lit. 

D'un autre côté, je ferai remarquer que le terrain constitutif du 
pays Castrais, l’éocène supérieur, n'est pas faillé et que ses couches 
sont lésèrement inclinées, vues en grand, vers l’ouest. Getieabsence 
de brisures nous conduit à admettre que les vallées se sont formées 
par voie d’érosion et d'affouillement successifs : les terrasses les 
plus élevées étant les plus anciennes : mais Je reviendrai plus loin 
sur cette question, dès que J'aurai terminé la description des 
coupes qui accompagnent cette notice. 


Coupe entre le massif de Vaudreuille, Armengaud, l’Enmaurel 
et Saint-Félix de Caraman, pl. H, fig. 2. 


La direction de cette coupe est E.S.E. à O.N.0. ; sa longueur 
ne dépasse pas 10 kilomètres. 

Des hauteurs situées à 2 kilomètres au sud de Vaudreuille — 
et indiquées sur la carte du dépôt de la guerre (feuille de Castres) 
par la cote 436, — à Armengaud, on remarque des granites-gneiss, 
avec filons de quartz, vitreux, blanchâtre (y). Ces roches primor- 
diales, qui constituent les premiers ressauts de la Montagne-Noire, 
sont, ainsi que l’indique la coupe de la pl. Il, fig. 2, en bancs 
très-relevés. Sur elles reposent, près d’Armengaud, des sables et 
des argiles, en couches presque horizontales, qui appartiennent à . 
l'éocène supérieur (e?). A leur tour, ces couches tertiaires sont 
recouvertes, entte Armengaud, Perairol et l’Enmaurel, par un 
terrain de transport de l’époque diluvienne (dt), qui rappelle celui 


— 132 — 


que nous avons reconnu dans la coupe précedente, aux Ormeaux 
et au Mont de Saix ; il est formé de cailloux roulés, ordinairement 
céphalaires, généralement quartzeux, avec terres jaunâtres. Ce 
terrain constitue un plateau — en certains points raviné laissant 
par suite affleurer, çà et là, les marnes de l’éocène, —dont la hau- 
teur au-dessus du niveau de la mer varie entre 239 et 248 mè- 
tres et dont la largeur peut être évaluée en moyenne à 3 kilo- 
mètres. | 

Si les érosions de la période quaternaire n'avaient pas façonné 
le sol postérieurement au dépôl du terrain que nous venons de 
reconnaître à Perairol et à l’Enmaurel, nous aurions pu suivre ce 
terrain, sans solution de continuité, depuis là jusqu’au plateau des 
Ormeaux ou jusqu'au Mont de Saïx, où nous l'avons signalé; 
mais des ruisseaux le Laudot, le Sor et beaucoup d’autres qui 
naissent dans le massif ancien u’Arfons, l’ont découpé de mille 
manières, l’ont enlevé en certains lieux. Il en reste, néanmoins, de 
nombreux témoins, notamment entre Cahuzac, Lagardiolle et 
Saint-Affrique. Du côté opposé, en descendant le Fresquel, qui se 
jette dans la Méditerranée, ce même dépôt se reconnaît dans le 
plateau sur lequel se trouve assis le château de Castelet et sur les 
bords du massif ancien, dans les environs de Peyrens et de Labé- 
cède ; mais ici, il a été encore plus érodé que partout ailleurs, et 
il devient souvent difficile d’en suivre les traces. 

Revenons à notre coupe, et nous verrons que non loin de l'En- 
maurel, Le plateau en question est interrompu. Un ressaut de 20 à 
25 mètres existe, et une terrasse diluvienne rudimentaire id?) 
beaucoup mieux développée au sud, se montre en contre-bas. 
C’est sur cette sorte de terrasse, ou plutôt de méplat diluvien, que 
coule la rigole qui alimente le canal du Midi, et qu'est assise la 
métairie d'Enraban. Un peu plus bas, et sur des alluvions de cou- 
leur noirâtre, qui s'étendent sur un kilomètre et demi de largeur, 
et auxquelles sont mélangés des cailloux quartzeux de petite 
dimension, le chemin de fer de Castelnaudary à Castres se trouve 
établi, 

En continuant cette coupe vers Saint-Félix de Caraman, on 
trouvera, avant de gravir les hauteurs sur lesquelles ce village 
s'étend, un dépôt de Iehm jaunâtre avec concrétions calcaires, 
dépôt que nous reconnaîtrons aussi à un niveau un peu plus bas, 
à Sainte-Catherine, près de Castelnaudary. lei ce lehm se trouve 


— 133 — 


à 220 mètres d'altitude; il doit recouvrir le terrain caillouteux 
proprement dit (d”). La montée de Saint-Félix de Caraman, nous 
permettra d'observer le terrain tertiaire en couches presque hori- 
zontales non faillées. Ce sont des argilss colorées, des poudingues 
à cailloux de petite dimension, ordinairement calcaires et 4mpres- 
sionnés, et de petites couches de calcaire argileux et noduleux qui 
entrent dans la composition de l’éocène supérieur (22). — Les éro- 
sions ont façonné ces couches d’une manière toute particulière, et 
la présence de l’assise calcaréo-argileuse s'affirme de loin par une 
sorte de plateau, qui est dù à la résistance relative de cette roche. 
C’est la surface plane que l’on voit sur ma coupe entre le Crucifix 
et Saint-Félix de Caraman, et qui porte la cote 286. 

La coupe d’Armengaud à Saint-Félix de Caraman nous permet 
de dire que l’Agout, au commencement de l’époque quaternaire, 
avait au moins une largeur de 6 à 7 kilomètres. Cette largeur 
paraît, au premier abord, beaucoup moindre que celle que nous 
avons reconnue à ce cours d’eau, sous le parallèle du plateau des 
Aouls (pl. IE, fig. 4); mais n'oublions pas ce fait important, 
c’est que la coupe fig. À, a été relevée presque dans l’axe de 
l’affluent principal de cette rivière, c’est-à-dire dans l’axe du 
Thoré. 

Je crois devoir faire remarquer de nouveau, que la coupe fig. 2, 
que nous venons rapidement de décrire, a été construite sur la 
ligne de faite, ou en d’autres termes, sur la ligne de partage des 
eaux de l'Océan et de la Méditerranée, c’est-à-dire loin de tout 
cours d’eau actuel important. 


Coupe entre Labécède, Castelnaudary (Sainte-Catherine) et 
Villeneuve-la-Compial, pl. IL, fig. 8. 


La coupe dont il s’agit a 45 kilomètres de longueur ; sa direction 
est N. 10° E. à S. 10° 0. Transversale aux vallées actuelles du 
Fresquel et du Tréboul, — ruisseaux qui ont creusé leur lit 
depuis que l’Agout ne coule plus sur le versant méridional de la 
Montagne-Noire, — cette coupe est très-intéressante, en ce sens 
qu’elle montre, sur le versant Méditerranéen, le large sillon qui 
a été creusé par les affouillements de l’Agout, sillon de 10 à 42 
kilomètres de largeur, qui ne s’expliquerait pas si on invoquait 
seulement l’action érosive produite par les ruisseaux — le Fres- 


134 — 


quel et le Tréboul — dont je viens de parler, lesquels prennent 
naissance à quelques kilomètres de distance, près de Saint-Félix 
de Caraman et de Naurouse. J’ajouterai que ce sillon se poursuit 
jusqu’à Carcassonne et au-delà, c’est-à-dire jusqu’à la Méditer- 
ranée; la carte du dépôt de la guerre le dessine, du reste, 
assez bien. | 

Je dois dire, une fois de plus, que les érosions qui se sont pro- 
duites pendant la période quaternaire, ont joué ici un rôle con- 
sidérable. Le plus ancien lit de l’Agout a été, sinon totalement, 
du moins en majeure partie, enlevé à la suite d’affouillements 
successifs ; 11 n’en reste que quelques traces -— quelquefois même 
discutables, — du côté de la Montagne-Noire; mais le second lit 
de cette rivière, celui que nous avons observé à 254 et à 255 
mètres d'altitude aux Aguls et à la Métairie-Haute et signalé au sud 
d'Enraban et près de Saint-Félix, à 220 mètres environ, se voit 
très-bien à Sainte-Catherine, près de Castelnaudary, où 1l constitue 
un plateau élevé de 60 mètres au-dessus du niveau des petites 
vallées actuelles du Treboul et du Fresquel, plateau qui s'étend 
jusques auprès de Naurouse (1) et qui supporte les villages de 
Souilhanel, de Ricaud, d’Airous, de Labastide-d’'Anjou. C'est sur 
lui que la grande route de Toulouse à Narbonne se trouve 
assise. 

Si maintenant nous étudions la coupe pl. If, fig. 3, nous ver- 
rons que sur les roches calcareuses et amphiboliques, que sur les 
schistes micacés, xyloïdes, que sur les pegmatites et les gneiss for- 
tement relevés, du terrain primordial, qui se montrent dans les 
environs du Moulin d’Escande cet de Labécède, reposent des 
roches de détritus, des cailloux roulés quartzeux, qui sans doute 
appartiennent à la période diluvienne (dt); je dis sans doute, 
parce que le terrain éocène {et) formé à la base d’argiles rouseâtres, 
vineuses, jaune-orangées, quelquefois blanchâtres, paraît aussi 
contenir des cailloux roulés et des sables jaunâtres. À ces argiles 
diversement colorées, succèdent des sables, des grès friables, légè - 


(1) Des témoins à invoquer, pour prouver la réalité des érosions, sont les 
bancs de poudingue sur lesquels on a établi l’obélisque de Naurouse, au point 
de partage des eaux du canal du Midi. Ce petit affleurement pierreux devait 
former autrefois une île ou une presqu'île au milieu de l’ancien lit de 
VAgout. . 


— 135 — 


rement, inclinés au sud, qui renferment à Issel de nombreux 
fossiles de l’éocène (Lophiodon, Tortues, etc.) et qui sont suivis 
jusqu’au Fresquel, par des marnes avec bancs sableux et poches 
sableuses. Ces roches étaient autrefois recouvertes par le terrain 
diluvien. C’est donc à la suite d’érosions qu’elles apparais- 
sent là. 

Sur les bords du ruisseau du Fresquel, — ainsi que l'indique 
la coupe fig. 3, — on peut reconnaître des alluvions récentes 
(d #v4 5) noirâtres, avec cailloux roulés, généralement quartzeux, 
de très petite dimension. 

La montée vers Sainte-Gatherine ou vers Castelnaudary, laissera 
voir de nouveau les roches de l’éucène supérieur, — marnes, 
argiles, sables et grès peu résistants, — qui sont surmontées par 
un dépôt diluvien qui les cachait autrefois (d*). Ce dépôt qui a, 
en cerlains endroits, six mètres d'épaisseur, forme lassiette du 
plateau dont j'ai déjà parlé dans la page précédente, lequel, nous 
avons vu, s'étend jusque vers Naurouse. On y remarque des 
cailloux roulés, ordinairement quartzeux, vitreux, laiteux, jaunâ- 
tres, à éclat gras, ressemblant à ceux que nous avons étudiés et 
désignés dans les coupes précédentes sous la lettre d?; mais ici 
les cailloux sont plus petits, ce qui est dû sans doute à l’éloigne- 
ment des montagnes d’où ils proviennent. Les limons qui les 
entourent paraissent noirâtres et sont recouverts en quelques 
points par un terrain de lebm jaunâtre, qui a les caractères 
de celui précédemment reconnu au-dessous de Saint-Félix de 
Caraman. 

‘La descente vers le ruisseau du Treboul, ou si l’on veut, dans la 
vallée du canal, nous permettra d'étudier de nouveau les couches 
de l’éocène supérieur (e?), toujours un pen inclinées au sud et 
qui apparaissent Ici, comme près du Fresquel, à la suite d’éro- 
sions relativement trés-récentes. Plus à l’ouest, à partir du canal 
du Midi et jusqu’à Villeneuve-la-Comptal, nous pourrons observer 
leterrain diluvien de la vallée actuelle (d* * 5). Ce terrain 
qui recouvre les couches gypseuses du Mas-Saintes-Puelles, un 
peu au nord de ma coupe, est formé de très-petits cailloux roulés, 
quartzeux, et de limons noirâtres. 

Dans lés coteaux auprès de Villeneuve-la-Comptal, se dévelop- 
pent des couches calcaires et argileuses, de couleur généralement 
blanchâtre ou jaunâtre, ça et là rosâtres et verdâtres, exploitées 


— 136 — 


pour alimenter des fours à chaux (1). Ces couches sont recouver. 
tes par des poudingues à cailloux (le petit volume, ordinairement 
calcaires s'impressionnés, que j'ai signalés (anté p. 439 et 433) dans 
le terrain éocène supérieur, notamment à Saint-Félix de Caraman 
et à l’ouest des Ormeaux. 

J'insisterai, en terminant la description de cette coupe, sur le 
fait stratigraphique suivant : C’est que les bancs du terrain ter- 
tiaire des environs d’Issel, de Castelnaudary et de Villeneuve-la- 
Comptal sont légèrement inclinés au sud, mais nullement faillés, 
nouvelle preuve de la formation des vallées actuelles par voie 
d’érosion. 


Je crois devoir dire que j'ai observé les phénomènes diluviens 
sur le pourtour de la Montagne-Noire, en des points nombreux, 
assez éloignés de ceux que j'ai décrits. Mais, pour ne pas m’expo- 
ser à des redites continuelles, j'ai du choisir quelques exemples, 
c’est-à-dire les coupes que nous venons de passer en revue. J’ajou- 
terai que, partout, les faits principaux que J'ai indiqués se retrou- 
vent : ainsi, au nord et à l’ouest de Castres, tous les mamelons 
tertiaires sont recouverts de témoins diluviens ; il en est de 
même, en bien d’autres lieux, notamment entre Castelnaudary et 
Carcassonne. 


IV 


Les travaux de nos devanciers nous amènent tout d’abord à 
reconnaitre qu'il existe à un niveau élevé au-dessus des vallées, 
des témoins d’une action diluvienne générale ; — ces témoins, 
MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont les ont signalés depuis longtemps 
sur les hauteurs entre Puylaurens et Toulouse, et de Boucheporn 
en a figuré quelques-uns sur ses coupes d'ensemble dans le Tarn ; — 
puis, que des terrasses diluviennes à divers niveaux, c’est-à-dire 


(1) Ce sont dans ces calcaires, supérieurs aux sables et aux grès d’Issel à 
Lophiodon, que l’on trouve de nombreux Palæolheriums (P. magnum, medium 
et minus de Cuvier); le Chœropotamus parisiensis, Cuv.; le Dichobune 
leporinum, id. : le Plerodon, dasyuroïdes, de Blainville ; etc., associés à des 
coquilles fossiles terrestres et d’eau douce d’une conservation parfaite, coquilles 
qu'ont fait connaître Boubée, Marcel de Serres et M. le Dr Noulet. 


— 137 — 


des nappes en retrait, les unes par rapport aux autres, s’observent 
le long des cours d’eaux. 

D'un autre côté, les coupes qui accompagnent ce travail, nous 
oùt montré : que l’âge de ces terrasses peut être, jusqu’à un certain 
point, reconnu de diverses manières, par leur altitude, par le 
volume des cailloux, par la couleur des limons ou des terres plus 
ou moins sableuses ou argileuses qui les emballent; que les ter- 
rains constitutifs du sous-sol, c’est-à-dire les formations infra-dilu- 
viennes n’ont pas été faillées, ainsi que le supposait de Bouche- 
porn, et que par suite, les vallées et les terrasses ne sont pas dues, 
comme le pensait ce savant, à des affaissements et à des brisures, 
mais bien à des érosions ou à des affouillements successifs suivis 
de dépôts caillouteux. 

Enfin, ces mêmes coupes et la carte de la pl. IL, nous ont aussi 
fait voir, grâce aux cotes de hauteur, que certaines terrasses les 
plus élevées, — celles qui sont marquées d'! et d?, — ont dû se 
former alors que l’Agout se déversait dans la Méditerranée. 

De ces faits qui se rapportent d’ailleurs, pour certains d’entre eux, 
à ceux qui ont été étudiés dans les bassins de la Seine, du Rhin, 
du Rhône et de la Garonne, il ressort des considérations générales 
et des remarques que je vais indiquer. | 

Je dirai en commençant, et quoique ceci ait l’air de sortir-un 
peu de mon cadre, que des glaciers immenses, dont ceux des Alpes 
ne nous donnent qu’une faible idée, s’étendaient autrefois sur 
toutes nos montagnes du Midi. Ainsi, les Pyrénées avaient des 
glaciers qui recouvraient, on peut le dire, toute cette chaîne (1). 
Sur le plateau central de la France, les anciens glaciers devaient 


(1) Depuis M. Fargeaud, qui paraît être le premier qui ait signalé, en 1839, 
des phénomènes de l’époque glaciaire dans les Pyrénées, divers savants, — 
MM. Angelot, de Charpentier, Boubée, Durocher, de Boucheporn, Max Braun, 
Garrigou, — ont fait connaître, en divers points, des roches polies, striées, 
moutonnées et des moraines ; mais on doit surtout à MM. Ch. Martins et Ed. 
Collomb des travaux importants sur le sujet. (Bulletin de la Société géologique 
de France, 2 série, t. XI, p. 442 ; 1854. — Idem, t. XXV, p. 141 ; 1867.) 

À mon tour j'ai remarqué dans les Pyrénées et à leur base, de nombreux 
témoins de la période glaciaire : le long des vallées et sur le flanc des mon- 
tagnes, des restes de moraines latérales et profondes ; dans la plaine ou presque 
dans la plaine, des traces de moraines frontales ; partout des roches polies, 
striées et surtout moutonnées. (Voir à ce propos certaines observations relatées 
dans le Bull, de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, t. IV, p. 33 et 114). 


Es RE 7, 7 


LS 


jouer un rôle tout aussi considérable, à en juger par certains tra 
vaux récemment publiés (4). 

Les moraines des glaciers les plus anciens furent remaniées ct 
érodées vers la fin de la période pliocène, je le crois du moins. 
C'est ce qui expliquerait, peut-être, la formation singulière que lou 
remarque à la base des Pyrénées, surtout dans le plateau de Lan- 
nemezan et dans certaines parties des Petites-Pyrénées de l’Ariége 
et de la Haute-Garonne, au contact de la plaine, et que j'ai cru 
retrouver entre Engelis, La Cartayrié et la Borie-Basse, au pied de 
la Montagne-Noire (antè p. 127), et c’est ce qui expliquerait en 
même temps, pourquoi on ne rencontre pas, à la base de nos 
grandes montagnes pyrénéennes, les immenses moraines frontales 
que l’on devrait y trouver, si l’on considère l'altitude considérable 
qu ‘atteignent au-dessus des vallées, près de la plaine, certaines 
moraines latérales et certaines roches moutonnées. 

À ces glaciers, on peut dire presque pliocènes, succédèrent des 
glaciers de la période quaternaire, proprement dite, mais ceux-e1 
furent beaucoup moins étendus que les précédents. Leurs moraines, 
plus ou moins entamées par des érosions postérieures et que l’on 
commence à étudier dans les vallées des Pyrénées (2), seront uu 
jour, je n’en doute qas, signalées sur bien des points du plateau 
central de la France. 

Quoi qu’il en soit, et pour en revenir au sujet qui m'occupe 
plus spécialement, il n’en est pas moins certain qu’au commence - 


(1) Voyez : Ch. Martins, Sur Pancienne existence, durant la période qua- 
ternaire, d’un glacier de second ordre occupant le cirque du haut de la vallée 
de Palhères dans la partie orientale du massif granitique de la Lozère, 
Comptes rendus de l’Institut, t. LXVIT, p. 933 ; 1868.— À. Julien, Phénomènes 
glaciaires dans le plateau central de la France et en particulier dans le Puy- 
de-Dôme et le Cantal, Paris; 1869. — J. Martin, Les glaciers du Morvan, 
Bulletin de la Société géologique de France, 2 série, t. XXVII, p. 225 ; 1869. 
— J. Marcou, Notes pour servir à l’histoire des anciens glaciers de l’Auvergne, 
Bulletin de la Société géologique de Fraace, 2e série, t. XXVIT, p. 361 ; 1870.— à 
Tardy, Note sur les glaciers du Velay, Bulletin de la Société géologique de 
France, 2e série, t. XXVI, p. 1178 ; 1869. — Sur les traces d'anciens glaciers 
dans la vallée de la Cèxe, idem 1. XXVIE, p. 488 ; 1870. 


(2) Notre confrère le Dr Jeanbernat vient d'appeler l'attention sur de nom- 
breuses moraines qu'il a observées dans les vallées de la Garonne et de la 
Pique, (Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, 4. IV, p. 112). 


L ADD — 


ment de la période quaternaire, de puissantes eaux, qui provenaient, 
sans aucun doute, de la fonte des neiges et des glaces accumulées 
sur nos montagnes, déposèrent à leur pied, un manteau diluvien 
composé de cailloux roulés et d'argile jaunâtre ou rougeàtre. Les 
rivières de nos plaines n'étaient pas encore ébauchées; aussi ce 
dépôt se répandit-il en nappe presque horizontale sur les couches 
tertiaires ou d'âge différent, et, fait très-mportant, sur les moraines 
des glaciers anciens où de la fin de la période pliocène (1). C’est là 
la premiére phase, la grande phase, on peut dire, de l’action dilu- 
vienne proprement dite. Ce sont ces premiers dépôts quaternaires 
qui constituent ce que plusieurs géologues désignent sous le nom de 
diluvium des plateaux ou de pléistocène ancien. On les trouve dans 
nos régions, au pied des Pyrénées comme autour du plateau cen- 
tral, à une altitude généralement élevée, constituant des parties 
planes, à environ 100 ou 209 mètres au-dessus des vallées 
actuelles (2). MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont les ont rangés 
dans le midi de la France dans le terrain pliocène, ce qui n’est 
pas admissible, puisque les couches réellement pliocènes de l'Aude 
et des Pyrénées-Orientales, qui se lient intimement avec les mar- 
nes du miocène à Ostrea crassissima ont été relevées-et disloquées 
comme celles-e1, tandis que les dépôts diluviens des plateaux dans : 
les mêmes régions, — dépôts synchroniques de ceux du bassin 
sous-pyrénéeu, — sont demeurés horizontaux. 

Plus tard le volume des eaux descendu des montagnes diminue ; 
— la cause doit en être sans doute attribuée à une moins grande 
abondance des neiges et des glaces ; — les rivières commencèrent 
à se former et affouillèrent les premiers dépôts diluviens, c’est-à- 
dire le diluvium des plateaux. Ce fut là la deuxième phase du 
phénomène qui nous occupe, et sur les parties creusées ou affouil- 
l‘es se déposérent, à plusieurs reprises, des cailloux roulés et des 
argiles. C’est alors que l’Agout suivait les bords du plateau central 
et de la Montagne-Noire pour se jeter dans la Méditerranée, par 


(4) J'ai remarqué, notamment, ce fait dans les petites montagnes connues des 
géologues sous le nom de petites Pyrénées de la Haute-Garonne et de l’Ariége. 


(2) Je dois dire que les dépôts diluviens des plateaux, d’origine pyrénéenne, 
se lient à ceux du plateau central de la France, non loin d’une ligne qui pas- 
serait par Toulouse et la vallée de lAriége jusqu’à Saverdun, Au-delà, cette 
limite n’est encore qu’ébauchée. 


MAO 


Saix, Revel, Soupex, Castelnaudary, Alzonne et Carcassonne, et 
c'est alors aussi que se formèrent ces terrasses élevées (d! et d? de 
mes coupes) des Ormeaux, du Mont de Saïx, des Aguls, de la 
Métairie-Haute (pl. Il, fig. 4), d'Enmaurel et d’Enraban (pl. Il, 
fig. 2), de Labécède et de Sainte-Catherine (pl. IE, fig. 3) que nous 
avons observées. 

Après un temps plus ou moins long. le volume des eaux dimi- 
nua encore, sans doute d’une manière brusque, et à leur tour 
les dépôts dt et d?, dont nous venons de parler, furent érodés, 
affouillés. En certains autres points, le diluvium des plateaux le 
fut aussi. Cette période correspond à la troisième phase diluvienne. 
Certaines rivières modifiérent leur cours ou le changèrent même 
complètement. Ge fut à cette époque que l’Agout, au lieu de longer la 
Montagne-Noire, suivit la direction d’un de ses affluents principaux, 
le Thoré, et qu’au lieu de courir $.8. O. marcha dans la direction 
E. O. pour se déverser dans le Tarn, à la Pointe-Saint-Sulpice, et 
de là dans l'Océan. Ce fut immédiatement après que se formèrent 
les terrasses que l’on trouve le long de la vallée actuelle de PAgout, 
entre Vielmur et le confluent de cette rivière. 

Plus tard, — et les effets intermittents que nous avons invoqués, 
et dont la cause reste encore dans l’ombre, se continuant, — de 
nouveaux affouillements eurent lieu, de nouvelles érosions se pro- 
duisirent, de nouveaux dépôts caillouteux se formèrent et les val- 
lées actuelles prirent leur dernière forme. Ceci représente la qua- 
trième phase diluvienne. Dans les parties abandonnées par l’Agout 
coulèrent des ruisseaux, le Sor, le Fresquel, etc., qui se conformé- 
rent, on peut le dire, à la loi des grands cours d’eau et qui, eux 
aussi, eurent leurs petites terrasses et leurs récents dépôts alluviens 
(d3, d' et d° de mes coupes). 

Ce qui surtout — au premier abord, — dans l'interprétation des 
faits étonne et surprend l’observateur, ce sont les diverses érosions 
qui se sont produites pendant l’époque quaternaire. Nous avons pu, 
en effet, reconstituer les anciens plateaux diluviens, grâce à certains 
témoins, et voir que des centaines de mètres de couches ont élé 
enlevées. Mais qu'est-ce que cette ablation en présence de celle des 
terrains de transition secondaires et tertiaires, dont l'imagination 
demeure, on peut le dire, confondue? N’a-t-on pas prouvé que des 
milliers de mètres de couches ont été érodés à diverses reprises. Re 
se rappelle-t-on pas les coupes du Buet à Chamonix et du massif du 


a à — 


— 141 — 


Mont-Blanc, par M. Favre (1); celles des Alpes du Dauphiné, par 
M. Lory (2); celles de M. Ebray, à travers le Nivernais et le Mor- 
van (3). N’ai-je pas indiqué l'énorme puissance des terrains détri 
tiques des Pyrénées, provenant de l’ablation de formations entié- 
res (k) ; ne se souvient-on pas que j'ai démontré que sur les bords 
S. O. du plateau central de Ja France, divers élages Jurassiques, 
triasiques et permiens, dont l'épaisseur peut être évaluée à 1630 
mètres, ont été enlevés par dénudation (5); et mon ami, M. le 
D: Bleicher, ne vient-il pas defaire voir que dans les Vosges et au 
pied de ces montagnes des agents d’érosion avaient fait disparaître 
plusieurs termes des séries de transition et secondaire (6). 

Mais ces agents, qui: faconnent d’une manière si grandiose nos 
montagnes, nos vallées et nos plaines, quels sont-ils ? Aux époques 
| anciennes, l’eau, l’atmosphère et le temps, associés aux déplace- 
| ments alternatifs de la mer, à la suite d’affaissements et de brisures 
gigantesques de la croûte terrestre; aux époques relativement 
récentes, l’eau et l’atmosphère seuls, mais aidés comme auparavant 
par le temps avec lequel la nature ne compie pas ; Lyell et d’au- 
tres géologues n’ont-ils pas calculé que les alluvions du delta du 
Mississipi avaient mis plus de 100,000 ans à se former ! (a): 


(1) Bulletin de la Société géologique de France, % série, t, V, p. 263 ; 1848. 
Recherches géologiques dans les parties de la Savoie, du Piémont et de a Suisse 
| voisines du mont Blanc, Paris; 1867. 


on 


(2) Description géologique du Dauphiné, p. 113, Paris ; 1860-64. — Bulletin 
| de la Société géologique de France, % série, t. XX, P. 233, pl. IV ; 1863. — 
| Idem, t. XXILL, p. 480, pl. X ; 1866. 


(3) Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, t. XVI, p. 46-47 ; 
MI858. — Idem, 1. XIX, p. 38-43 ; 1861. — Idem, 1, XXL, p. 350 ; 1864. 


(4) {Bulletin de la Société géologique de France, 2 série, 1, XXV, p.718 ; 1868. 
(5) Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, t, XIL, p.77 ; 1869, 


(6) Essai de géologie comparée des Pyrénées, du Plateau central et des Vosges, 
| p. 102, Colmar ; 1870. 


(7) In d’Archiac, Géologie et Paléontologie, p. 745. Paris : 1866. 


us ARR ue 
Le Président donne lecture du Mémoire suivant que M. le 
D' Joly à adressé de Saint-Germain-en-Laye. 


Contributions pour servir à l'histoire naturelle des Ephémérines, 
par M. le Dr Rue Jory. 


INTRODUCTION. 


M. le professeur Pictet, dans la remarquable Monographie des 
Éphémérines qu'il a publiée à Genève en 1843-1845, admet 
comme devant être distingués dans ce groupe de Névroptères les 
sept genres suivants : 


4° Ephemera (Liriné). 

20 Palingenia (Burmeister). 
30 Baëtis (Leach). 

4° Potamanthus (Pictet). 
5° Cloë (Burmeister). 

69 Cœnis (Stephens). 

0 Gligoneuria (Pictet). 


Grâce aux travaux de Swammerdam, de Ré:amur, de Geer, 
de Scheffer, de Cornelius, de Letzner, ete., les cinq premiers 
de ces genres ont été étudiés, de telle sorte qu’il y a peu à ajouter 
à leur histoire, tant à l’ÉTAT PARFAIT (subimago et imago) qu'a 
l'état de vers (larves et nymphes) (1). 

Il n’en est pas de même des genres Cænis et Oligoneuria, dont 
on ne connait aujourd’hui encore que l'état parfait : leurs méta- 
morphoses restaient à découvrir. 


(4) La dénomination de Vers aujourd’hui bannie du langage de la Science 
relativement aux Insectes proprement dits, me paraît cependant mériter, eu 
égard à la commodité du langage, d’être remise en circulation, pour désigner 
l’état correspondant à la période entière pendant laquelle les Éphémérines vivent 
dans l’eau, sans qu’il soit besoin d'indiquer si c’est la larve ou la nymphe qu’on 
a spécialement en vue. Dans le cours de mes recherches, j'ai souvent senti 
l'utilité d’un terme à acception plus large que ceux de larve ou de nymphe ; 
pouvais-je mieux faire que d'adopter le mot caratéristique dont se sont unique- 
ment servis mes illustres devanciers Swammerdam, Réaumur, ue Geer ? 


— 143 — 


De nombreuses explorations que j'ai faites à Toulouse, pendant 
trois années consécutives (1867, 1868, 1869), en dilférents 
endroits du lit et des bords de la Garonne, m’ont amené, entre 
auires résultats, et pour ne citer que les plus saillants : 

A A constater dans la Faune toulousaine la présence de tous 
les genres d'Éphémérines admis par M. Pictet ; 

20 À combler en partie, et le premier jai tout lieu de le croire, 
les lacunes, jusqu'ici absolues, de la science touchant les premiers 
âges (vie aquatique) des genres Cœnis et Oligoneuria (1) ; 

30 À établir dans cette curieuse famille des Éphémérines un 
. nouveau genre que Je désigne sous le nom d’Eucharis ; 

4° À ramener à sa véritable place, c’est-à-dire à distance de Ja 
classe des Crustacés (!), pour le joindre au groupe des larves 
d'Éphémérines, le singulier articulé dont Latreille a fait le genre 
Prosopistoma ; 

Bo Enfin, à ajouter aux espèces d'Éphémérines actuellement 
connues les suivantes : 


Eucharis Reaumurxii $ 
Palingenia tolosana ;: 
Oligoneuria garumnica. 


Je consacrerai la première partie de ce Mémoire à faire connaître 

dans quelles circonstances il m'a été donné de découvrir le ver du 
senre Cœnis. Dans la seconde partie, je décrirai la nymphe de la 
plus grande des deux espèces que j’ai été à même d'observer. 
_ Quant aux divers autres points dont je me borne, pour le 
moment, à donner ci-dessus le bref énoncé, je me propose de les 
traiter successivement, dans des publications ultérieures, avee tous 
les développements qu'ils comportent. 


: PREMIÈRE PARTIE. 


Le 42 février 1868, au retour d’une pêche aux vers d'Éphé- 


(4) M. Pictet, donnant les caractères des Ephémérines qui constituent le 
groupe générique établi par Stéphens sous le nom de Cœnis, dit p. 273 de son 
ouvrage : « Je ne connais pas leurs métamorphoses, » On retrouve ces mêmes 
mots, p. 289 de l'ouvrage cité (Voir notre Index bibliographique), à propos du 
genre nouveau que le professeur de Genève a introduit sous le nom d’Oligoneuria. 


| — 144 — 

mérines, faite dans le bassin de la Garonne, à hauteur du quai 
de Tounis, près du Pont-Neuf, examinant au microscope diverses 
larves encore vivantes d'insectes de cette famille (Baëtis, Cloë, 
Potamanthus), j'en remarquai spécialement une, excessivement 
petite, quasi-hyaline, très poilue dans toutes ses parties. Cette 
larve me frappa, d’une part, à cause de Ja difficulté que j’éprouvai 
à la débarrasser de la couche de particules vaseuses qu’elle faisait 
adhérer avec une singulière ténacité à la surface de son corps ; 
et elle attira, d'autre part, mon attention eu égard au jeu et à la 
disposition de ses organes respiratoires eRternes. Les mouvements 
de ces appendices me rappelaient très bien ceux que j'avais déjà 
eu occasion d'étudier sur les fausses branchies de la larve de 
l'Ephemera vulgata ; mais ils étaient en partie masqués par deux 
organes protecteurs que je Comparai aussitôt, à cause de leur 
analogie de situation et de fonctions, aux opercules qui recouvrent 
latéralement les branchies des Poissons. C'est en vain que je 
cherchai dans la Monographie de M. Pictet, ainsi que dans les 
auteurs qui ont écrit depuis sur la matière, soit une figure, soit 
quelques lignes qui se rapportassent à ce petit animal ; je ne 
trouvai rien (1) Je pris en conséquence bonne note de l’ob- 
servation, et je dessinai ma larve à opercules. 

Quelques jours après, je trouvai dans les interstices d’un ais de 
bois en décomposition, pêché sur mes indications par mon batelier 
tout contre la chaussée du moulin du Bazacle, au point où la 
digue touche l’Hôtel-Dieu, trois grosses larves noirâtres semblables 
à la précédente. Il me fut facile de reconnaitre à l’œil nu qu'elles 
“appartenaient au même genre (certé), peut-être aussi à la même 
espèce (c'était encore une question), mais alors beaucoup plus 
avancée en âge, que celle qui, depuis le 42 février, me préoccupait 
à si juste titre, comme on le verra par la suite. 

Vivement intrigué, je me mis à élever ces bestioles dans l'espoir 
d'arriver à obtenir leur état parfait. 

Sur ces entrefaites arriva l’époque de la réunion annuelle des 


(1) La proximité de Paris de la ville de Saint-Germain où je me trouve au-m 
jourd’hui en garnison, m’impôsait le devoir de compléter, au miliea des riches 
bibliothèques de la capitale, mes premiers renseignements bibliographiques : or 
je n’ai là non plus absolument rien rencontré qui eût trait, de près on de loin, 
au singulier petit animal dont il est question dans ce Mémoire, 


-. 


— 145 — 


Sociétés savantes à Paris. Mon père, délégué comme membre de 
l’Académie impériale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres 
de Toulouse, voulut bien emporter vivante une de ces larves, 
pour la soumettre à l'appréciation d’un entomologiste autorisé. Le 
frêle animal mourut en route; mais, soigneusement mis aussitôt 
dans l’alcoo!, il fut montré, bien conservé, à M. Émile Blanchard, 
de l’Institut. Ce savant naturaliste déclara cette larve entièrement 
inédite, et m'encouragea à persévérer dans mes recherches, et à 
les compléter, si possible (4). 

Par malheur les deux seuls individus que je possédais dans 
mon laboratoire ne tardèrent pas à succomber à leur tour, et je 
restai assez longtemps sans avoir la chance de rencontrer d’autres 
individus de cette bizarre espèce. Néanmoins je continua à pour- 
suivre avec ardeur la solution du problème scientifique proposé à 
mes efforts, et quelques mois après, j'avais la bonne fortune, 
j'ajouterai même, on le comprendra, la vive satisfaction de saisir 
enfin la Nature sur le fait. 

Nous étions au 31 août 1868 : il était environ six heures dn soir; 
la journée était chaude, et le soleil déclinait sensiblement à l’hori- 
zon. La Garonne, à cette époque de l’année, ordinairement très 
basse, était presque guéable le long de la chaussée qui joint l’île 
des Grands-Ramiers au Moulin-Vivent. Posté au milieu de l’eau, 
dans le simple appareil du nageur, à égale distance des Kamiers 
_ étdu Moulin, assez commodément assis sur une grosse pierre, 
j'eus, une heure durant, un spectacle vraiment ravissant, et dont 
je ne pouvais me lasser. Sous le niveau de l’eau très transparente 
en cet endroit, et de dessous les grosses pierres et les divers 
objets qui m'environnaient (énormes blocs de maçonnerie déta- 
chés de la chaussée, plantes aquatiques éparses çà et là, feuilles 
de peuplier submergées, etc., etc.), je vis surgir de mille côtés, 
et tout-à-fait à la manière de ludions fantastiques, une multitude 
de nymphes excessivement petites, munies des opercules caracté- 
ristiques dont j'ai parlé, et qui se transformèrent sous mes yeux 


(4) J'avais remis à mon père, et uniquement pour son usage personnel, en 
même temps que ma larve, une note forcément incomplète, et d’ailleurs rédigée 
à la hâte. M. le professeur Blanchard l’a jugée cependant assez intéressante 
pour la faire insérer, telle quelle, dans la Revue des Sociétés savantes, année 
1869, 


40 


— 146 — 


émerveillés en insectes parfaits. Je recueillis en quantité nymphes 
et dépouilles de nymphes, ainsi qu’un certain nombre d'insectes 
parfaits sur le point d’être engloutis au moment même où, mal- 
adroitement, ils quittaient leur frêle esquif, je veux dire leur 
enveloppe de nymphe; enfin, je pus même prendre aw vol plu- 
sieurs insertes parfaits. L’un de ces derniers, mis immédiatement 
dans un flacon bien sec, passa à l'instant de l’état de subimago à 
l’état d’imago : le fait qui, cette métamorphose ultime opérée, me 
frappa le plus, fut le retrait rapide, le ratatinement soudain de 
l'enveloppe épidermique qui, à l’état de subimago, dissimule en 
partie la transparence propre aux ailes de l’imago. 

Rentré chez moi, j'étudiai les caractères de l’insecte parfait, et 
je trouvai : 


« Tête courte et large, yeux simples dans les deux sexes et 
toujours séparés par un intervalle considérable. Ailes au nombre 


de deux, très arrondies au bord interne, en éventail et presque 
dépourvues de nervures transversales. Corps court et large. 
Crochets des tarses terminés par deux lamettes. Trois soies cau- 
dales égales, très longues dans le mâle et très courtes dans la 
femelle. » Voy. Pictet, op. cit., p. 2173. 

Il n’y avait pas à en douter: j'étais en présence du genre 
Cœnis, et c'était la larve, jusqu'ici inconnue, d'une des espèces 
de ce genre, que j'avais rencontrée pour la première fois, sans le 
savoir alors, six mois auparavant. 

Quant à l’espèce que j'avais sous les Ven c'était la Cœnis 
grisea (Pict.). : 

Voici la caractéristique de cette espèce, telle que la donne le 
professeur de Genève. 


Cœnis grisea, 


PI. XLV, Fig. 4-2. 


Dimensions. 
Mâle imago. Mâle subimago, Femelle subimago. 
Longueur du corps... 3 1/2 4 1/2 o millimètres. 
Envergure.….......s..s: 17 8 10 — 
Soies caudales....... 9 3 2 — 


Description. — Mâle imago (PI. XLV, Fig. 2). La tôte et le . 
thorax sont d’un gris un peu violacé, avec quelques légers traits 


« 


— 147 — 


noirs longitudinaux. L’abdomen est blanchâtre, avec une nuance 
de gris; les soies caudales sont blanches. Les pattes antérieures sont 
grises, les autres blanches. Les ailes sont transparentes, incolores, 
avec les nervures blanches, sauf la costale et les sous-costales 
qui sont violettes et entourées d’une teinte de même couleur. 

À l’état de subimago (Fig. 4), les soies caudales sont beaucoup 
plus courtes, comme on le voit par les dessins ci-dessus indiqués. 
Les ailes sont un peu opaques, d’un gris violacé. 

M D Cbdiférences. — 1. 2. Lu A, à EU 

Habitation. — J'ai trouvé cet insecte au mois de juin, dans 
un petit marais situé au pied du mont Salève. Voy. Pictet, 
DIEU, p.270. 

Pour compléter l’histoire de cette espèce, il ne me reste plus 
qu’à donner les dimensions de la nymphe : 


Dimensions de la nymphe de la Cœnis grisea (Pict.). 


Longueur 2 Lio) AIN NE IEErE L'ART EN EESSS" millimètres 
Lonsgeurtdes soies caudales. . . .. . . . . , 3 — 
Largeur du corps (dans son plus grand diamètre). 1 1/4 — 


SECONDE PARTIE. 


Au mois de juin 4869, explorant attentivement deux autres 
points favorables de la Garonne : 1° le bassin de la Daurade, 
près des Ecoles de natation et des bateaux des laveuses ; 20 ce 
bras du fleuve qui, sillonnant l'ile des Grands-Ramiers, passe sous 
le petit pont en briques, récemment construit non loin de l’an- 
cienne papeterie Rochelort, je rencontrai quantité de grandes 
nymphes d’une certaine espèce du genre qui nous occupe. Gette 
espèce ne me paraît pas avoir encore été déterminée, et je n’ai pu, 
jusqu’à présent, être témoin de ses métamorphoses; mais, à en 
juger par les dimensions de la nymphe, elle doit être surtout 
remarquable par sa taille (4). | 


(4) La démonstration de ce fait, qu’un des membres résidants de notre 
Société pourrait aujourd'hui aisément fournir, viendra naturellement infirmer 
Vassertion de M. Pictet qui dit, p. 174 de sa Monographie : « Toutes les espè- 
ces qui composent le genre Cœnis sout peliles, » 


— 118 — 


Quoi qu’il en soit, la nymphe de cette espèce diffère si peu de la 
Cœnis yrisea, et peut être facilement rencontrée à Toulouse en si 
grande abondance que, à raison même de ses dimensions relative- 
ment considérables, j'ai cru devoir la faire représenter de préférence 
à l’autre, et la prendre pour type de la description qui va suivre : 
qu’il me soit permis, jusqu’à plus ample informé, de désigner cette 
espèce, non encore décrite, que jesache du moins, sous le nom 
de Cœnis maxima (1). 


Dimensions de la nymphe de la Cœænis maæima (?). 


Longueur du corps (tête, thorax et abdomen). . 9 millimètres 
Longueur des soies caudales. . . ... . . . . . 6 — 
Largeur du corps (dans son plus grand diamètre). 21/2 — 


Description de lanymphe. — La coloration générale est d’un 
brun verdâtre. La tête, triangulaire, est plus large que longue. 
Le prothorax est très distinct de la tête et du reste du thorax, Sur 
l'ensemble du mésothorax et du métathorax, on voit deux sortes 
de carquois de forme subtriangulaire, et qui ne sont autre chose 
que les fourreaux des ailes dont, par transparence, on peut, avec 
un faible grossissement, apercevoir les délicats replis. Les pattes, 
très poilues, principalement à la partie interne, et près du crochet 
terminal, vont en augmentant de longueur de la première paire à 
la dernière. À la partie ventrale de chacun des neuf anneaux 
dont se compose l'abdomen, on remarque deux petites taches 
noirâtres latérales; et, à leur bord postérieur, ces segments 
abdominaux présentent deux prolongements épineux dont la 
longueur va en augmentant du premier anneau au neuvième ; à 
ce dernier se trouvent fixées les trois soies caudales propres à 
toutes les larves et nymphes d’Ephémérines : elles sont ici d’égale 
longueur et munies, comme chez la larve du Potamanthus 
erythrophtalmus (Schrank), de poils verticillés. 

Caractère spécial. — Les organes respiratoires externes sont 
protégés et entièrement recouverts par deux lamelles quadrangu- 


(1) Cest M. A.-G. Poujade, artiste dessinateur aussi consciencieux qu’habile, 
et spécialement attaché au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, qui a bien 
voulu se charger de reproduire, d’après nature, sur mes indications, la nymphe 
de notre Cœnis maxima., Je suis heureux de pouvoir le remercier ici de l’utile 
concours qu’il a bien voulu me prêter. 


PR ee d'Itictorse-Naturelle de loulousestTVP1 III. 


(C.Maxima ?) 


L 


NYMPHE DE CŒNIS. 


G.A.Poujade ématura del et Pinx. 


— 149 — 


laires, véritables opereules, convexes supérieurement, unis à 
charnière par leur bord supérieur au bord correspondant du second 
anneau abdominal, libres par leurs bords latéraux et inférieur. 
On ne peut mieux comparer la forme de ces opercules qu'à celle 
des basques de la veste de nos artilleurs. 

Qu'on élève à la fois les euvettes de deux montres symétrique- 
ment placées l’une à côté de l’autre dans un même plan horizon- 
tal, puis qu’on les abaisse encore à la fois, et qu’on répète alterna- 
tivement un certain nombre de fois ces deux petites manœuvres, 
et onaura une très bonne idée des mouvements de ces lamelles 
protectrices. 

Ces opércules que l’animal peut à volonté, mais d’un mouvement 
synergique, alternativement soulever et abaisser, recouvrent cha- 
un quatre fausses branchies ramenées à la surface dorsale du 
corps à la manière de celles des vers de l’Ephemera vulgata. La 
forme de ces organes respiratoires externes est celle d’une feuille 
irréguliérement ovale, à pourtour élégamment cilié de cæœcum 
trachéens s’éntrecroisant, et comme enchevêtrés, à l’état de vie, avec 
ceux du eôté opposé. On n’a qu’à se rappeler les mouvements des 
cils vibratiles de certaines muqueuses de l’économie animale, 
pour avoir une bonne idée de la manière dont la nymphe fait 
fonctionner ces délicats organes de respiration aquatique. 


Cette nymphe est essentiellement rampante: je l'ai rencontrée, : 


en compagnie de larves de Potamanthus : lo au milieu de la 
couche de vase qui garnit en certains points ces faisceaux de 
plantes aquatiques ou ces grosses pierres que l’on trouve généra- 
lement au fond des fleuves et des ruisseaux de nos pays; 2° dans 
les excavations de ces résidus de la distillation de la houille, que 
lon peut, aisément, retirer de l’eau en si grande abondance, si 
Von suit les bords de la Garonne parallèlement aux quais de 
Brienne et de la Daurade (1). 


Je terminerai ce travail en rappelant que M. Pictet a mis en 


(4) Que l’on mette quelques-unes de ces larves dans une assiette à soupe, par 
exemple, pleine d’eau, et on les verra toutes avec curiosité relever leurs soies 
caudales à la manière du paon lorsqu'il fait la roue, mais ici moins pour se 
faire admirer probablement, que pour se donner une attitude LES qui 
peut quelquefois réussir à éloigner certains de leurs ennemis. 


— 150 — 


évidence, dans deux tableaux fort commodes, d’après des carac- 
tères tirés de l’état parfait, les différences des sept genres d’Ephé- 
mérines qu’il a admis. (Voy. Pictet, op. cit., p. 114-415). Dans 
un troisième tableau, ce savant naturaliste a cherché à confirmer 
par les larves ses premiers résultats ; mais il n’a pu le faire qu'in- 
complètement : car il avoue lui-même, en divers endroits «le son 
beau livre (Voy. Pictet, op. cit., p. 114, 273, 289), son igno- 
rance absolue des métamorphoses des genres Cœænis et Oligoneuria. 

Je m’estime heureux d’avoir pu, à ce sujet, faire faire, pour ma 
faible part, un pas de plus à la science. On peut donc aujourd’hui, 
ce me semble, essayer de combler une des lacunes de ce cadre en 
le complétant de la manière suivante (4) : 


Organes respiratoires en forme 


de houppes.. . . .. . « « ÆEphemera. 
Larves 
fouisseuses |} Organes respiratoires en forme 
ORGANES de feuilles frangées. . . . Palingenia. 
RESPIRATOIRES EXTERNES ; 
etre Marcheuses | ( COFPE Es ARS Baëlis. 
Larves Ê da si le corpsnonapl. Potamanthus 
non { 
fouisseuses. Nageuses, à queue ciliée de 
très grands poils. . . . . Cloë.. 
ORGANES 
RUSPIRATOIRES EXTERNES( A 
LR EE axve ‘raifpants. :.1124./INORENE IR Cœnis. 
PAR DEUX OPERCULES. 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 


F.-J. Picrer. — Histoire naturelle générale et particulière 
des Insectes Névroptéres. — Famille des Éphémérines. Genève, 
1843-1845 (avec Atlas.) 

H. Mixxe-Enwarps. — Leçons sur la Physiologie et l Anatomie 
comparée de l'Homme et des Animaux. Paris (en cours de publi- 
cation). 

H.-A. HaGex. — Bibliotheca entomologica. Leipzig, 1863. 

H. Troscnez. — Archiv. für Naturgeschichte, 1840-1870. 


(1) Tout ce qui est en Penres LETTRES capiraLes, ainsi que le mot souligné 
Cœnis, indique les additions que j’ai faites au tableau primitif de M. Pictet.. 
(Voy. Pictet, op. cit., p. 115.) 


— 151 — 


ADDENDUM. 


Comme preuves à l'appui des faits consignés dans ce Mémoire, 
j'ai l'honneur d'offrir en don au Muséum d'Histoire naturelle de 
Toulouse trois petits tubes renfermant : 

Le n° 1, quatre nymphes de la Cœnis grisea ; 

Le n° 2, une femelle subimago de la Cœnis grisea ; 

Le no 3, une nymphe de la Cænis maxima ? 


EXPLICATION DE LA PLANCHE I. 


1. Nymphe de Cœnis maxima ? grossie trois fois. 

2. Face ventrale de l'abdomen de cette nymphe, pour montrer 
les taches latérales des anneaux abdominaux. 

a. Ligne représentant la grandeur naturelle de la nymphe (abs- 
traction faite des soies caudales). | 


Séance du 29 juillet 4S8%0. 
Présidence de M. le D: Frcnoz, président honoraire. 


La Société reçoit : 


Journal d'Agriculture pratique, 3° série, t. XXI, juillet 1870, 
Toulouse. 


L’adhésion suivante : 
Société havraise d'Etudes diverses. 


J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que la Société 
havraise d'Etudes diverses vient d'écrire à M. le Ministre de l’Ins- 
truction publique la lettre dont voici la teneur : 

« Monsieur le Ministre, | 
» La Société d'Histoire naturelle de Toulouse nous a commu- 


= AG — 


niqué le texte d’une pétition qu’elle a adressée à Votre Excellence 
afin d'appeler son attention sur l’exiguité de la place occupée par 
l'étude des sciences naturelles dans les programmes de l’instruction 
secondaire, et cette Société nous invitait à vous faire connaître 
notre opinion sur la question qu’elle soulève. 

» En conséquence, nous avons l'honneur de vous déclarer, 
Monsieur le Ministre, que les raisons invoquées par la Société 
d'Histoire naturelle de Toulouse nous paraissent très-judicieuses, 
et que nous applaudissons à la solicitude qui a inspiré à ses 
membres l'initiative de soumettre cet objet à l’examen éclairé de 
Votre Excellence. Nous sommes persuadés qu'il en résultera des 
mesures capables d’inspirer aux jeunes intelligences le goût d’un 
genre d’études dont la propagation serait de la plus grande utilité. » 


J. BAILLIARD, secrétaire-général. 


M. le professeur E. Filhol donne lecture de la Note suivante : 


Note sur la composition des ossements fossiles trouvés dans la 
caverne de Lherm (Ariége). 


Dans une série de Mémoires qu’il a publiés dans ces derniers 
temps, M. Scheurer-Kæstner a signalé l’altération remarquable 
qu’a subie l’osséine des ossements fossiles. Cette matière, qu’on 
peut isoler des os frais en les traitant par l'acide chlorhydrique 
étendu, se présente sous la forme d’une substance solide, trans- 
parente, ayant la consistance d’une gelée, et pouvant se tranformer 
en gélatine par une ébullition prolongée avec l’eau. Les ossements 
fossiles contiennent encore de l’osséine normale, mais la majeure 
partie de cette substance a subi une transformation remarquable, 
et est devenue soluble dans l'acide chlorhydrique étendu. 

M. Scheurer-Kæstner pense que l’on peut juger de l'ancienneté 
relative des os fossiles, d’après leur richesse plus ou moins grande 
en osséine modifiée. 

Les analyses de ce savant montrent d’ailleurs que FA quantité 


d’osséine contenue dans les os fossiles, soit à l’état normal, soit à M 


l’état soluble, est très-variable. 
Il m'a paru intéressant de rechercher si les os fossiles de l'époque 
quaternaire qu’on trouve dans les cavernes de l’Ariége renferment 


_— 153 — 


encore de l’osséine, soit soluble, soit insoluble, et de rechercher 
surtout, s’il est possible, d'arriver à des conclusions bien posi- 
tives touchant l’âge relatif des os, en se fondant sur leur 
richesse absolue en matière azotée, ou sur les modifications 
qu'a subies cette matière, | 

Avant de rapporter les résultats des analyses que j’ai exécutées, 
je vais donner, au sujet des ossements fossiles que j'ai trouvés 
dans la caverne de Lherm, quelques détails qui me semblent n’être 
pas dépourvus d'intérêt. 

L'aspect des os que j'ai recueillis dans les diverses parties de 
cette caverne varie beaucoup. Ceux qui ont été trouvés sous des 
couches épaisses d’une stalagmite dure et cristalline sont blancs, 
absolument comme les os calcinés qu’on destine à la préparation 
du phosphore. Ces os happent fortement à la langue ; ils sont 
très-fragiles. Soumis à la calcination, ils ne répandent pas la 
plus légère odeur de matière animale qui brüle. Caleinés en vase 
clos, 1ls se colorent à peine en gris très-clair. 


Les os qu’on rencontre au milieu des couches de terre offrent 
un tout autre aspect ; leur couleur est brune, leur fragilité est 
moindre ; soumis à la calcination, ils répandent une odeur très- 
forte de matière animale qui brûle, et si la calcination a lieu en 
vase clos, 1ls donnent du noir animal. 


J’ai à peine besoin d’ajouter que les os blancs qu’on trouve 
au-dessous des couches de stalagmites, et souvent entre deux cou- 
ches de stalagmite, n’ont pu subir aucune calcination. Il est aisé 
de s’en convaincre en considérant les maxillaires munies de leurs 
dents. Ces dernières sont dans un état de conservation qui exclut 
toute idée de l’action du feu. Il est donc facile de constater, sans 
avoir recours à l'analyse, que des os fossiles appartenant à une 
même espèce et provenant d'une même caverne, présentent, au 
point de vue de leur richesse en matière organique, des différences 
considérables. 


Voici quelques-uns de mes résultats : 

Ao Un maxillaire d’Ursus spelœus, très-blanc, trouvé entre 
deux couches de stalagmites très-épaisses et cristallines, a donné, 
pour cent parties, 0,668 d’osséine soluble, et n’à pas fourni la 
moindre trace d’osséine insoluble. 

Ce maxillaire a pris à peine une légère teinte grise par la cal- 


— 154 — 


eination à l'abri de l'air, et n’a répandu at aucune odeur pendant la 
durée de l'opération. 

Un fragment d’un deuxième maxillaire d’ours des cavernes, 
recueilli dans une autre salle de la caverne de Lherm, au milieu 
d’une terre argileuse mêlée à du sable grossier et de nombreux 
fragments d’une roche calcaire, a été soumis à l’analyse. Cet os 
était coloré en brun rougeâtre. Soumis à la calcination, il a pro- 
duit des fumées abondantes, dont l'odeur désagréable rappelait 
celle des matières animales qui brülent. Calciné à l'abri du 
contact de l'air, il s’est transformé en noir animal. Soumis à 
l’analyse, il a donné une quantité d’azote correspondant à 46,62 
pour cent d’osséine, dont 4,85 étaient insolubles dans l'acide 
_Chlorhydrique étendu, et 11,77 étaient solubles dans cet acide. 

Un métacarpien d’ours des cavernes, moins blanc que le premier 
maxillaire, a donné une quantité d’azote correspondant à 8,72 
d’osséine, dont 5,36 soluble dans l'acide chlorhydrique étendu, et 
3,36 d’osséine insoluble ou normale. 

Un métacarpien d’ours des cavernes presque blanc, happant à 
la langue, mais moins fort que le premier maxillaire, a donné 
à l'analyse une quantité d’azote correspondant à 3,64 d’osséine, 
dont 3,06 d’osséine insoluble, et 0,58 d’osséine soluble. Cet os 
a pris une teinte brune-grisâtre par la caleination en vase clos, et 
n’a produit qu’une très-légère odeur de matière animale hrûlée. 

Enfin, un fragment d’os humain (métacarpien), provenant de 
la grotte d’Arbas (Haute-Garonne), a donné une quantité d'azote. 
représentant 18,30 pour cent d’osséine, dont 13,50 à l'état 
insoluble, et 4,80 soluble. 

Ces résultats s'accordent sur plusieurs points avec ceux qu’a 
obtenus M. Scheurer-Kæstner ; ils confirment l'existence de 
l’osséine modifiée et son abondance relative dans les os fossiles ; 
mais ils nous montrent qu’on peuttrouver dans la même caverne 
des ossements appartenant à des animaux de la même espèce, 
dont les uns contiennent une quantité notable d’osséine, tandis 
que les autres n’en contiennent que des traces; d’où l’on peut 
conclure, à mon avis, qu’il n’est pas possible de se fonder sur la 
quantité d’osséine, soit normale, soit modifiée, qui existe dans 
des ossements $olubles, pour établir leur ancienneté plus ou moins 
grande. 

Les circonstances qui déterminent l’allération ou même la 


— 155 — 


destruction complète de la matière organique dans les os, me 
paraissent faciles à reconnaître : ce sont le contact simultané de 
l'air et de l’eau. 

Pour préparer des squelettes, on fait macérer les os pendant un 
temps plus ou moins long, et une bonne partie de la matière 
organique disparait. Or, des os fossiles qu’on trouve entre deux 
couches de stalagmite très-épaisse et cristalline ont été, selon toute 
apparence, soumis à une macération très-prolongée ; peut-être 
cette macération a-t-elle duré pendant des siècles, et il ne faut 
pas s'étonner si la matière organique a disparu d’une manière 
* presque complète dans la plupart d’entre eux. 

S1 les idées que je viens de développer sont vraies, des os 
fossiles, qui ont subi pendant un temps très-considérable l’action 
d'une eau calcaire, doivent être riches eux-mêmes en car- 
bonate de chaux, et l’être d'autant plus qu’ils ont subi plus 
longtemps l’action du liquide. Tout autorise, d’ailleurs, à prévoir 
que la richesse des os en matière organique sera d'autant moindre, 
que ceux-ci seront plus riches en carbonate de chaux. C'est ce 
qui a lieu pour ceux qu’on trouve dans les diverses parties de la 
caverne de Lherm. Cependant, il pourrait se faire que des os fussent 
appauvris en matière organique par une eau qui ne serait pas 
calcaire ; dans ce dernier cas, le rapport que je viens de signaler 
n’existerait pas. 

Vorei les résultats que J'ai obtenus en examinant des os prove- 
nant de la caverne de Lherm : | 

A0 Maxillaire blanc d’ours des cavernes, contenant à peine des 
traces de matière organique. Carbonate de chaux 12,40 pour cent. 

20 Métacarpien blanc d'ours des cavernes. Carbonate de chaux 
25,80 pour cent. 

30 Métatarsien de felis spelæa, presque dépourvu de matière 
organique. Carbonate de chaux {9 pour cent. 

40 Maxillaire brun d’ours de caverne. Carbonate de chaux 
9 pour cent. 

5° Métacarpien brun d'ours des cavernes. Carbonate de chaux 
41,20 pour cent. 

6° Peroné blanc d’ours des cavernes. Carbonate de chaux 
46,8 pour cent. 

_ T° Peroné brun d'ours des cavernes. Carbonate de chaux 
11,90 pour cent. 


— 156 — 


Je conclus des faits précédents : 

1° Que Paltération ou la destruction de l’osséine dans les os 
fossiles n’est pas nécessairement en rapport avec leur ancienneté, 
et que des os provenant d'animaux de la même époque peuvent 
présenter des différences énormes au point de vue de leur richesse 
en matière organique ; L 

2° Que le contact prolongé de l’eau est l’une des causes les plus 
efficaces d’altération de la matière organique. 


M. Timbal-Lagrave communique à la Société le Mémoire 
suivant : | 


Précis des herborisations faites par la Société d'Histoire naturelle 
de Toulouse pendant l'année 1870, par M. En. TimBaz-LAGRAve, 
pharmacien. | 


La Société d'Histoire naturelle de Toulouse avait, comme pré- 
cédemment, organisé, pour l’année 1870, une série de courses, 
qui n’ont pu s'effectuer à cause des événements malheureux qui 
sont venus accobler notre chère patrie. Un grand nombre de nos 
confrères, dispersés sur les champs de bataille ou dans les ambu- 
lances ont dû abandonner leurs pasibles travaux ,'pour consacrer 
tout leur temps à la défense nationale ; la Société, devant le deuil 
général, a même suspendu ses séances jusques après la paix. 

Notre compte-rendu devra nécessairement se ressentir de ce 
fâcheux état de choses, et présentera même quelques lacunes 
regrettables ; cependant, dès les premiers jours du printemps jus- 
qu’à l’époque où la guerre a été déclarée, plusieurs de nos con- 
frères avaient fait des courses, d’où ils ont rapporté des plantes 
très intéressantes. Pour notre part, nous avons peu herborisé cette 
année, mais nous avons dû continuer nos études dans notre Jardin 
d'essai ; ces observations et les quelques recherches faites dans la 
campagne par nos collègues; permettront cependant, je l'espère, de 
fixer l’attention de ceux qui s’intéresserit aux progrès de la bota- 

nique dans notre pays. | 


Aquilegia vulgaris, L. et auct. * 


La plupart des auteurs réunissent sous le nom d’Aquilegia 
vulgaris, non seulement les À. atrata, Koch. , et À. viscosa, 


Gouan, des Cévennes, mais encore une foule d'espèces que 
M. Jordan a décrites avec le plus grand soin. Afin d'appeler sur 
ces plantes critiques l'attention de nos collègues, nous allons 
désigner celles que nous avons récoltées dans nos courses et que 
ous avons soumises à des essais de culture depuis plusieurs 
années, sans en avoir vu changer les caractères. 

A0 Aquilegia nemoralis, Jord., diag. 83. Se distingue facilement 
à ses pédoncules pubescents, à poils mous non glanduleux, par ses 
fleurs courtes, par ses pétales tronqués, en cornet obtus, à base 
en crochet, par ses étamines exertes, par ses capsules pubes- 
centes sans poils glandulenx, terminées par un style grêle, flexueux, 
recourbé à son extrémité; par les feuilles biternées glabrescentes, 
un peu.glauques en dessous, les supérieures entières. 

Cette plante est rare dans nos bois; nous l’avons vue cependant 
souvent au bois de Bouconne ; elle représente l’Aquilegia vulgaris 
de la Flore du bassin sous-pyrénéen ; 

20 Aquilegia collina, Jord., diag. 84. A. alpicola, Nob., olim ad 
amic. Celui-ci se distingue du Nemoralis, Jord. par ses pédoncules 
pubescents aussi, mais glanduleux, un peu visqueux même ; par 
ses fleurs plus grandes, ses pétales non tronqués, en cornet plus 
obtus, par ses capsules plus grandes à styles persistants plus dressés, 
par ses feuilles plus grandes, plus vertes, biternées, à lobes bien 
plus arrondis. 

Cette plante abonde dans la région alpine inférieure de nos 
montagnes ; de Bagnères-de-Luchon, elle descend dans le bas des 
vallées, à Montréjeau, Saint-Gaudens, Cagire, etc. 

3° Aquilegia præcox., Jord., diag. 85. L’Aquilegia præcox, 
Jord., se distingue de l'Aquilegia nemoralis par ses fleurs plus 
petites et d’un bleu plus foncé ; par ses feuilles d’un vert glauque, 
même en dessus ; par ses pédoncules velus, glanduleux, visqueux ; 
par ses capsules Le courtes à style ps don plus court et 
plus large à-la base. 

De l’Aquilegia collina, Jord., par ses fleurs beaucoup plus petites, 
plus foncées ; ses pédoncules rouges, visqueux ; par ses capsules 
plus courtes, à style plus étalé ; par ses feuilles glaucescentes en 
dessus, à pétiolules plus courts. Gelui-ci vient dans le bassin du 
Tarn et la Montagne-Noire : Lampy, la Louvatière, etc. 

On peut encore, comme l'indique M. Jordan, distinguer ces 
trois plantes d’après les graines, L’Aquilegia nemoralis, Jord., a 


— 158 — 


les graines ovalés et courtes; l’Aquilegia collina, Jord., avales 
aussi, mais plus grosses et plus longues ; l'Aquilegia præcox, Jord.., 
a ces mêmes organes lancéolés. 

La floraison de ces trois plantes est aussi caractérisée. L’À. præcoxæ 
fleurit le premier dans mon jardin vers le commencement de mai. 
Huit à dix jours après vient le collina. Enfin, à la mi-mai ou juin, 
le nemoralis est en fleur. s 

Outre ces trois Aquilegia, assez répandus dans notre région, 
nous avons trouvé dans le massif d’Arbas une quatrième forme 
parfaitement distincte des trois premières. Pour pouvoir être facile- 
ment distinguée, nous lui donnons le nom de : 

Lo Aquilegia speciosa, Nob. Elle se distingue de toutes celles que 
M. Jordan a décrites par la grande proportion de tous ses organes. 
Quoiqu’elle soit de la même taille, ses fleurs sont très-grandes; 
d’un lilas azuré, ses sépales sont ovales, atténués au sommet et 
obtus, terminés par un mucron noir; ses pétales sont arrondis au 
sommet et terminés par un cornet moins contourné que dans les 
autres formes, et terminé à son tour par une callosité noire, cornée 
et dure ; ses capsules sont très-grandes et longues, d’abord très- 
resserrées à la base, puis les styles sont larges à la base et divergents : 
au sommet, très-fins, étalés; les graines sont ovales, très grosses, 
un peu écourtées ; les tiges sont vertes, velues, un peu hérissées au 
sommet et sur les pédoncules ; les feuilles sont grandes, biternées, 
à divisions peu profondes, obtuses, inégales, vert-pâle, un peu 
glaucescentes en dessous. 

Cette plante, très-répandue dans les prairies d’Arbas (Haute- 
Garonne), fleurit vers le milieu ou la fin de juin; elle est très- 
commune dans cette région. Nous l’avons vue encore dans la forêt 
de Barricaudo, dans le bois qui domine l’hospice d’Artigue-Telin, 
et dans la vallée d’Aran, où elle était en pleine fleur en juillet 
1869. Elle paraît très-répandue dans cette région, mais elle man- 
que à Luchon, où nous n’avons vu que l’A. collina, Jord. 


Papaver Rheas, L. et auct. 


D’après les botanistes les plus autorisés, le Papaver Rheas des 
auteurs serait une plante étrangère à l’Europe, elle aurait été 
introduite sur le continent avec le cortége des plantes messi- 
coles que nous a apportées la culture des céréales. 

M. Alph. Decandolle, dans son bel ouvrage sur la géographie 


— 159 — 


botanique, donne la Grèce pour patrie au Papaver Rheas, d'après 
Dioscoride, Liv. IV, chap. LXIV, mais toujours dans les champs. 
Il en est de même en Crimée, d’après Bieberstein; cependant 
Maryot et Reut l’indiquent à Zante, in campis et pratis ; Visiani, 
dans les endroits herbeux, en Dalmatie. Enfin Gussonne, F4. 
sicula, p. 8, indique cette plante, in cultis et collibus apricis 
herbosis ubique ; M. Boissier, F1. orient., p. 113, in collibus, et 
pratis Græciæ, Asiæ Minoris omnis et Styriæ Maritimæ et inte- 
rioris. 

. Devant ces faits, M. Alph. Decandolle, dans le livre remarquable 
que J'ai cité et auquel j’emprunte la plupart de ces citations, se 
demande, si le Papaver Rheas L., le Centaurea cyanus L., et 
d’autres espèces messicoles sont naturalisées en Sicile, ou si, au 
contraire, elles y étaient originairement à l’état sauvage. Il pense 
que cette dernière alternative est plus probable, parce que, dit-il : 

10 « Ces espèces ne se naturalisent pas facilement dans des pays 
_» assez analogues à la Sicile; 20 Ja Sicile est un des premiers 
» pays où les peuples gréco-latins aient cultivé les céréales, et 
» l'on sait que Rome en tirait habituellement du blé. » 

Quoi qu’il en soit, une lacune regrettable se fait maintenant sen- 
tir pour donner à ces renseignements toute la précision désirable, 
parce que ces auteurs, obéissant à l’idée réductrice, ont malheu- 
reusement confondu sous le même nom de Papaver Rheas plu- 
sieurs espèces distinctes, d'où est venueune grande confusion 
que l’on ne pourra éclaircir que par de nouvelles recherches. 

Quelques auteurs anciens, tels que Fuschius, Dodoneus, avaient 
cependant donné des indications et des figures qui prouvaient 
jusqu’à l'évidence que leur Papaver erraticum contenait plusieurs 
formes distinctes que Linné, d’après son système, réunit en une 
seule. Depuis cet illustre botaniste, ceux qui n’ont pas suivi sa 
méthode réductrice, se sont bornés à voir dans les différentes 
formes du Papaver Rheas des auteurs des variétés; cependant 
M. Viguier, de Montpellier, fit aux dépens du P. Rheas un Papa- 
ver Roubiæi, qui est très-répandu aux environs de Montpellier et 
de Perpignan, que MM. Grenier et Godron s’empressèrent de ranger 
aussi parmi les variétés. M. Boissier a suivi le même système. 
Après avoir fait un Papaver syriacum très-distinct, selon nous, 
du Rheas, il le réunit dansla Flore d'Orient à ce dernier, en se 
fondant sur le caractère tiré de la forme de la capsule et des 


— 160 — 


anthères; le premier de ces caractères est sans doute très-variable, 
mais le second est du premier mérite ainsi que la coloration du 
pollen. Ce qui enträîne, selon moi, un peu de confusion, quand 
on veut prendre les caractères spécifiques sur la forme de la capsule 
et sur la grandeur relative du disque stigmatique, c’est qu’il arrive 
le plus souvent que des insectes viennent déposer des larves dans 
les loges de l’ovaire, ces larves épaississent les tissus, les grossissent 
outre mesure, la paroi extérieure de la capsule ou ovaire grossi se 
moule sur ces espèces de concression osseuse, et alors la capsule 
est toute déformée ; ainsi que le disque stygmatique, qui ne suivant 
pas le même accroissement se trouve déplacé, souvent plus court 
que la capsule, quand il est normalement plus grand, ou bien c’est : 
l'inverse qui se produit. La même chose arrive aux formes du 
P. dubium ; mais chose étrange beaucoup plus rarement. 

Pour ma part, je considère aussi comme variable, la présence 
ou l’absence de taches à la base des pétales. Les sujets vigoureux 
en possèdent le plus souvent, tandis que dans les individus 
chétifs elles manquent ou sont simplement indiquées; mais si 
elles existent, leur forme est constante, tantôt toutes noires, ou 
noires et hordées de blanc, ou noires et bordées de pourpre ; 
enfin, les feuilles prises dans leur ensemble ont un caractère qui 
ne varie pas, comme ces plantes foisonnent dans nos moissons. 
Il est nécessaire, pour bien les déterminer, de prendre des sujets 
très vigoureux et de grande taille, pour bien saisir leurs caractères 
distinctifs. | | LR 

Parmi les caractères spécifiques, je dois une mention spéciale 
à la forme du bouton avant l'épanouissement de la fleur; cette 
forme est constante, quelle que soit la taille de la plante et la gran- 
deur des fleurs. Globuleux dans le Pinnatifida Moris du midi; 
ovoide obtus dans le Dodonei, Nob. ; ovoide aigu dans ie Fuschü, 
Nob. 

M. Jordan, dans ces dernières années, a publié plusieurs espèces 
dédoublées du Papaver Rheas, qu'il a rencontrées dans les 
moissons des environs de Lyon. Nous n'avons pas adopté ses 
déterminations, parce qu’il nous a semblé que les espèces ne sont 
pas aussi nombreuses que l'indique ce savant botaniste. Nos cul- 
tures, commencées en 1860 et continuées jusqu’à ce jour sur des 
individus nombreux, nous forcent à réunir quelques formes que 
M. Jordan disingue. Ne comprenant pas comme lui les diverses 


— 161 — 


espèces confondues dans le Rheas, nous n’avons pas pu adopter 
les noms qu’il leur a donnés ; nous avons préféré, d’ailleurs, les 
emprunter aux anteurs qui les ont les premiers signalés ou 
figurés, afin de ratlacher les études des anciens aux nôtres. 

Jai le projet de revenir avec de longs détails sur les formes du 
Papaver Rheas auct. dans mon travail, qui a pour ütre : Des 
variations que présentent quelques plantes de la Haute. Garonne. 
En attendant, je vais signaler les principales espèces qui ont été le 
sujet de mes études depuis dix à onze ans, et que j'ai toutes sou- 
mises à des essais de culture. 


4° Papaver Dodonei, Nob. 


Fleurs très-grandes, boytons ovoïdes elliptiques, obtus; sépales 
hérissés de gros poils appliqués ; pétales extérieurs uniformes, sans 
onglet, les intérieurs plus atténués, mais toujours plus larges que 
longs, avec une tache noire à la base, bordée de blanc ou sans 
tache dans les sujets peu vigoureux ; dans les deux cas, la base des 
pétales est plus colorée; étamines à filets pourpre noir, anthères 
ovales obtuses de même couleur, pollen cendré ; capsules ovoides à 
disque stygmatique dépassant la capsule ; stygmates pourpre-noir ; 
feuilles inférieures très-grandes, bipinnatifides à lobes dentés, dents 
unies très-profondes non surdentées ; les supérieures sont aussi 
pinnatifides, mais les lobes n’atteignent jamais la nervure mé- 
diane ; les lobes sont à leur tour dentés, à dents alternes écourtées, 
et le lobe terminal est conforme aux lobes latéraux. Cette dispo- 
sition de dents est caractéristique. 

Le Papaver Dodonei, tel que nousle comprenons, est très-carac. 
térisé, mais il offre une foule de variétés dans la taille, dans la 
forme et la grandeur des feuilles, la disposition de leurs dents, et 
dans la grandeur des fleurs, que l’on croirait avoir sous les yeux des 
espèces différentes. Je crois qu'il comprend le P. cereale, Jord. et 
arvaticum, Jord. ; la figure du Papaver erraticum de Dodoneus 
lui convient parfaitement. (Dod. pemp., p. 457, ch. XVII.) 


20 Papaver erraticum, Nob ; Papaver erraticum primum, Fusch., 
Hist. stirp., p. 515. 


Fleurs moyennes, boutons elliptiques un peu atténués au 

sommet; sépales couverts de poils longs et appliqués, plus fins 

que dans le P. Dodonei; pétales extérieurs un peu onguiculés non 
“1 


— 468 = 


réniformes, les intérieurs atlénués en onglet plus larges que longs, 
sans taches à la base, sur les individus faibles et chétifs, ou 
avec une légére tâche noire, sans bordure grise sur les sujets 
vigoureux ; étamines à filets noirs, pourpres; pollen jaunâtre ou | 
gris-jaunâtre ; capsules ovales, très aplaties ; stigmates d’un gris | 
foncé ou jaune un peu brunâtre ; feuilles plus courtes, ovales dans 
leur pourtour ; les inférieures pinnatifides à dents plus courtes, 
plus obtuses et plus arrondies dans leur ensemble que dans les 
autres ; les supérieures, au contraire, ont les dents plus nombreu- 
ses, plus aiguës et un peu courbées aux bords, toujours réunies 
quatre à cinq, sous les ramifications supérieures de la tige. 

Le Papaver erraticum, Nob., par la forme de ses feuilles, 
pourrait prendre un autre nom qui @aractériserait mieux cette 
plante. Mais j'ai voulu, en lui donnant le nom de P. erraticum, 
rattacher, autant que nos nomenclatures le permettent, le nom le 
plus ancien à notre plante, afin de conserver la tradition que l’on 
néglise, il nous semble, trop aujourd’hui dans les travaux phyto- 
graphiques de l’école moderne. 

Cette plante est très commune dans nos cultures, où elle donne 
une foule de variations remarquables dont la plus curieuse est une 
variété à fleurs ponceau, due sans doute à l'influence chimique 
du sol ou à la culture. 


30 Papaver Fuschii, Nob.; Papaver erraticum aiterum, Fusch.., 
Hist. stirp., 156 ; P. trilobum, Wallr ? 


Fleurs de taille moyenne, comparées aux deux précédentes ; 
boutons elliptiques et atténués au sommet, surtout dans les indi- 
vidus faibles et chétifs ; sépales couverts de poils, plus fins, moins 
appliqués ; pétales inférieurs réniformes, les intérieurs, presque 
de même forme et presque aussi grands, ce qui n’a pas lieu dans 
les autres, atténués en onglets assez longs, avec ou sans tache 
violacée, plus foncés en forme de coin ; étamines à filets jaunes 
livides, à anthères brunes-jaunâtres, obtuses aux deux bouts, mais 
plus longues que dans les deux précédents ; pollen cendré-jau- 
nâtre ; les feuilles, dans cette espèce, sont tout-à-fait différentes, 
comme on peut s’en convaincre d’après la figure 156, de Fusch., 
qui représente un petit échantillon de notre plante. Dans cette 
espèce, il faut considérer les feuilies inférieures, qui sont en rosette, 
pinnatipartites, à lobes tantôt très écartés, tantôt au contraire très 


— 163 — 


rapprochés, inégalement dentés. Le lobe terminal très grand, régu- 
lièrement denté par des dents écartées, aiguës à la base du limbe 
et obtuses ensuite. Après les feuilles radicales, la tige se bifurque 
en plusieurs rameaux qui ont chacun à leur base de grandes ou 
petites feuilles, selon la vigueur du sujet ; elles sont d’une forme 
différente, quoiqu’on puisse cependant les rapporter aux feuilles 


radicales ; celles-ei se divisent en trois ou quatre folioles opposées, : 


mais alors la terminale prend un très grand développement, elle 


est ovale ou mieux obovale, atténuée fortement à la base et dentée 


à dents de scie sur tout leur pourtour. Les supérieures affectent 
Ja même forme et sont réduites à trois folioles, deux qui com- 
mencent dès l'insertion de la feuille sur la tige, inégalement 
dentées par des dents aiguës écartées. La terminale est toujours 
très grande, avec deux ou quatre dents à la base, à limbe prin- 
cipal lancéolé, plus ou moins denté, ou même entier, selon la 
vigueur des sujets. 

Cette plante, très connue dans nos cultures, est essentiellement 
variable. On trouve des individus exigus, tels que Fusch le 
représente, mais souvent dans les lieux gras on rencontre des 
échantillons tellement robustes, à grandes fleurs et à feuilles, à 
lobes presque entiers, ce qui donne à cette forme l’aspect le plus 
étrange. 

Lo Papaver caudatifolius, Nob. 


Fleurs grandes, boutons globuleux, ovoides, obtus ; sépales 
couverts de poils jaunâtres très decidus ; pétales extérieurs très 
orands, avec un onglet prononcé; les intérieurs de même forme, 
Miderneirt ne sans tache à la base ; étamines à filets noirs 
pourpre ; anthères noires, pollen cendré, comme dans le Dodonei ; 
capsules ovoides, très élargies à la base ; disque stigmatique, attei- 
gnant les bords, et dépassant la capsule ; stigmate brun foncé, à dix 
ou douze rayous ; feuilles inférieures réunissant dans leur ensemble 
la forme que présente le Papaver Dodonei, avec le lobe terminal 
très allongé du Fuschii ; elles sont dentées, à dents profondes, 
inégales et écartées. Les feuilles supérieures sont aussi très carac- 
téristiques; elles ont trois lobes principaux, comme le Fuschü, 
mais avec des dents inégales et profondes comme dans le Dodonei, 
seulement le lobe terminal est très-allongé en une he e de queue 
hérissée de dents profondes et inégales 


ARMES ©) AE 


Cette espèce est très commune dans nos cultures, elle semble 
intermédiaire entre le P. Dodonei et Fuschii, ce qui d’abord me 
l'avait fait prendre pour une hybride entre ces deux plantes ; mais 
ayant observé qu’elle est encore plus commune dans nos cultures 
que les précédentes, je l’ai semée pendant dix ans sans trouver un 
seul individu qui ait abandonné ces caractères pour prendre ceux 
de ses parents présumés. 


50 Papaver syriacum, Boissier et Blan. 


Fleurs de taille moyenne, boutons globuleux légèrement ovoiïdes, 
couverts de poils étalés, non appliqués ; sépales non decidus ; 
pétales extérieurs réniformes sans onglets, les extérieurs de même 
forme avec un onglet peu sensible, sans tache à la base ou avec 
une tache purpurine peu élargie; filets des étamines purpurins, 
noirâtres, ainsi que l’anthère ; pollen cendré bleuâtre; capsules 
allongées pyriformes, atténuées à la base ; disque stigmatique coni- 
que, à six ou sept rayons ; stigmates noirs purpurins ; feuilles ovales 
dans leur pourtour, semblables en petit au P. erraticum, mais à 
dents moins profondes, un peu roncinées, à lobes terminés par 
un long poil roux, avec le lobe terminal conforme aux latéraux, 
les supérieures de même forme que les inférieures, à lobes peu 
profonds, tous terminés par un poil. Toutes sont en outre couvertes 
sur les nervures de poils épars ; les pédoncules sont grêles, cou- 
verts de poils étalés, comme dans les autres espèces , ses tiges 
sont nombreuses, étalées, asvendantes et beaucoup plus courtes 
que les autres, d’un à deux décimètres au plus. 

Cette espèce, que M. Boissier a, comme nous l’avons déjà dit, 
d’abord distinguée comme type, a été réunie par le même auteur 
dans le Flora orient., p. 113, en variété au Rheas, elle est assez 
répandue dans le bassin sous-pyrénéen. Mais elle croit de préfé- 
rence dans les vignes, à l’Ardenne, Saint-Simon, où elle fleurit 
avant les autres espèces. Elle est très-distincte des précédentes, 
même de leur forme exiguë et élancée. 

Il aurait été très intéressant de connaître à quelle espèce se rap- 
portent les Papaver Rheas du Caucase, de Bieberstein et celui de 
Sicile de Gussonne, ou bien encore, celui que signale M. de 
Visiani en Dalmatie. Mais, en province, nous manquons de col- 
lections suffisantes et ne pouvons jamais compléter nos observa- 
tons. Ce n’est que par hasard que nous possédons un échantillon 


— 165 — 


du P. syriacum, Boissier, récolté par Blanche en Syrie, ce qui 
nous a permis ce rapprochement. | 

Nous recommandons à nos collègues ces plantes communes et 
les prions de nous adresser leurs observations ; il est probable que 
nous reviendrons sur ces déterminations. 

Anacampseros J. Bauhin, Jord. et Fourr. Brev. 1, page 7. 
MM. Jordan et Fourreau ont proposé de rétablir le genre Ana- 
campseros de Bauhin (non Linné), pour placer plusieurs espèces 
confondues dans le Sedum maximum, Krock. Sedum purpuras- 
cens, Koch. Sedum fabaria, Koch. Sedum telephium, Linné, qui, 
d'après ces savants botanistes, représentent des groupes d'espèces 
affines, qu'ils proposent de distinguer entr’elles par des caractères 
très sérieux. 

En suivant les règles que nous nous sommes imposées, dans le 
précis de l’an passé, et après plusieurs années de culture dans 
notre Jardin du boulevard Saint-Pierre, nous allons signaler les 
espèces qui peuvent, selon nous, être facilement distinguées par 
des caractères tranchés et offrant une permanence irrécusable. 


Aer Groupe. — Sedum maximum, Krock. et Aut. (1). 
Anacampseros ternata, Jord. et Fourr. Brev. 4, p. 21. Icon. 
LXXX VIT. 

Trouvé par la Société, à Najae (Aveyron), juin 1869. 

. 2. Anacampseros cebennsnsis, Jord. et Fourr. Brev. À, p. 18. 
Icon., tab. LXXXII. 

Trouvé par M. Peyre, au pont de Guittard, près Alzonne (Aude). 

3 Anacampseros præruptorum, Jord. et Fourr. Brev. p. 20, 
Icon. tab. LXXXIV. 

Trouvé par M. Baillet, à Conques (Aude), sur le calcaire. 

4. Anacampseros pachyphylla, Jord. et Fourr. Brev. 1, p. 47, 
Icon. LXXXIL. 

Sur les rochers et les murs de Cazaril, près Bagnères-de- 
Luchon (Haute-Garonne). 


({) Nous ne décrirons pas avec détail, les espèces publiées et figurées par 
MM. Jordan et Fourreau, quand il n’y aura pas de doute sur leur détermi- 
nation ; nous renyerrons au texte et aux figures citées par ces auteurs, pour de 
plus grands détails. On consultera aussi avec fruit, la note de M. Boreau, 
Mém. soc. Acad. d'Angers, tom. XX, qui, le premier, a appelé sur ces plantes 
l'attention des botanistes. 


— 166 — 


5, Anacampseros collina, Jord. et Fourr. Brev. 1, p. 23, Icon. 
tab. LXXXIX. 

Hab. dans les broussailles, les vieux murs, sous le village de 
Cazaril, Trébons, près Luchon (Haute-Garonne). 

6. Anacampseros assurgens, Jord. et Fourr. Brev. [, page 24 
Icon. XCII. 

Habite le massif d’Arbas, sur le calcaire, à la grotte de Ja 
Bourrusse , Penne-Blanque, près le village d'Arbas (Haute- 
Garonne). 

de Groupe. — Sedum telephium, Auct. 

7. Anacampseros Rhodanensis, Jord. et Fourr. Brev. L, page 24, 
Icon. XCII. 

Habite les environs de Luchon, à Saint-Aventin, Cazaux, vallée 
du Lys, dans la fente des murs et des rochers (Haute-Garonne). 
MM. Filhol et Meilhés l’ont trouvée aussi à Carcanières, Pyrénées 
de l'Aude. 

3° GROUPE. — Sedum fabaria, Auct. 

8. Anacampseros Lugdunensis, Jord. et Fourr., Brev. I, p. 98, 
Icon. XCIV. 

Habite Avignonet (Haute-Garonne), dans les vignes. M. Des- 
jardins a trouvé aussi cette espèce à Arreau (Hautes-Pyrénées). 

9. Anacampseros Julliana, Boreau monogr. Sedum. Tirage à 
part. Page 40, Lcon. Jord. et Fourr. XOVIT. 

Hab. très-abondante dans les Pyrénées de la Haute-Garonne, 
dans la région sous-ulpine à l’ombre, dans les rochers humides, 
près des cascades, etc. 

Notre plante semble être un intermédiaire, entre les Anacamp- 
seros conferta, Bor. et Julliana. Bor. Les fleurs sont en corymbe, 
moins fournies et moins développées que nous le présente la figure 
que nous donnent MM. Jordan et Fourreau; les fleurs sont roses 
comme dans ce dernier, mais les carpelles sont tous jaunes, 
comme dans le Julliana, dont il a aussi les feuilles et le port, ce 
qui nous a déterminés à adopter ce dernier nom. 

10. Anacampseros aurigerana, Jord. et Fourr. Brev. 1, p. 30. 

Habite, en grande quantité, dans la Haute-Garonne, aux envi- 
rons de Toulouse; au Touch, Saint-Geniés, etc. 

Cette plante est très-commune dans notre région et se dsrthgé 
facilement par ses feuilles étalées, ses grandes fleurs purpurines, 
ses tiges vertes, toujours ascendantes. 


— 167 — 


A1. Anacampseros Borderi, Jord. et Fourr. Brev, 1, page 50, 
Icon. tab. XCVI. 

Très répandue dans la vallée de la Garonne, jusqu'à re 
où elle abonde au Picon, devant la Gare. 

12. Anacampseros bell, Jord. et Fourr. Brev. I, p. 50, Icon. 
tab. XCVIIT. 

Très-commun à Saint-Béat, Seint-Aventin, Portillon de Burbe 
(Haute-Garonne). 

Observations. — Cette plante perd, dans nos jardins, la teinte 
rouge vif, qu’offrent les feuilles à l’état sauvage. Il en est de même 
du ternata et Cebennensis ; sans cependant devenir complètement 
glauques ni vertes, les tiges et la nervure des feuilles conservent 
plus longtemps ce caractère. Notre plante n’est peut-être pas exac- 
tement la plante des Ardennes ; d’après la figure que nous avons 
sous les yeux, le portest bien le même, les fleurs sont cependant 
plus purpurines, et notamment les anthères, qui sont un peu pâles, 
tirant sur l’orange, tandis que, dans notre plante, elles sont pour- 
pre, trés-vif. Ses feuilles sont aussi plus larges, moins profondé- 
ment dentées, et plus épaisses. Nous croyons cependant devoir lui 
donner le nom énoncé en attendant de nouvelles recherches. 

13. Anacampseros repens, Jord. et Fourr., Brev. I, p.31, Icon, 
Jord. et Fourr., tab. XCIX, 

Habite le massif d’Arbas, sur le calcaire, à Coumovère, Penne- 
Nère et Penne-Blanque, à Bagnères-de-Luchon, à Gouron, etc. 

Outre ces espèces, qui nous paraissent assez bien déterminées, 
nous avons rencontré d’autres formes qui méritent, au même titre 
que les précédentes, de constituer des espèces distinctes. Nous 
nous bornerons à signaler aujourd’hui les suivantes, que nous 
avons longtemps cultivées, nous réservant, pour l'an prochain, de 
nouvelles observations. 

Anacampseros Silvatica, Nob. Sedum Brunfelsü, Bor. ? 

Fleurs roses, en corÿmbe aplati, pédicelles non condensés, 
dressés, glauques ; calices verts ; pétales roses, grands, renversés; 
étamines à filets pourpre, ainsi que l’anthère, insérés aux trois 
quarts inférieurs des pétales ; carpelles grands, roses ; stigmates 
roses, divergents ; tiges de deux à trois décimètres, ascendantes, 
roses pâle d’un côté, peu rameuses au sommet; feuilles étalées, 
arquées, ovales, inégalement dentées au sommet, à partir du milieu 
du limbe, sessiles non cordées, atténuées en pétioles courts, glau- 


— 168 — 


ques en dessus et en dessous, à mérithales espacées, les inférieures 
un peu plus grandes, et plus longuement atténuées en pétioles. 

Cette plante, avec l’Anacampseros aurigerana, est commune aux 
environs de Toulouse, mais au lieu de croître dans les bois humi- 
des et suivre le cours des rivières, elle se trouve toujours dans 
les bois secs, et les vignes qui les entourent, comme à Bouconne, 
Larramette, l’Ardenne et Saint-Simon. 

Anacampseros formosa, Nob. 

Fleurs en corymbe, très-large et très-long, portant de 15 à 20 
rameaux très-condensés, et formant ainsi un immense corymbe 
formé de 3 à 4 rameaux principaux’, se subdivise en une 
foule d’autres, en nombre indéterminé. Les fleurs compa- 
rées aux espèces voisines sont de petite taille, très-nombreuses ; 
calice vert, lancéolé, triangulaire; pétales roses au sommet, 
blanc mat à la base, étalés, ovales, lancéolés, aigus, concolores 
et rouge vineux en dessous ; étamines insérées un peu au-dessus 
de la base des pétales, à filets roses; anthères roses, mais tirant 
sur l’orangé; carpelles rouges vineux sur le dos, stigmates rouges 
aus. 

Tiges de 5 à 4 décimètres, couchées, ascendantes, grosses comme 
le doigt, vertes ou vert jaunâtre, à mérithalles très-rapprochés, 
feuillées également jusqu'au sommet, sessiles excessivement nom- 
breuses, glaucescentes ou jaunâtres, ovales, lancéolées, obtuses au 
sommet, dentées ; dents très prononcées à partir de la moitié du 
limbe, obtuses, atténuées en courts pétioles. Sessiles non en cœur 
ni embrassantes. 

Cette plante est très-abondante dans le massif d’Arbas, notam- 
ment à la grotte de la Bourrusse. Les jeunes sujets ont les premiè- 
res feuilles entières. Les boutons sont glauques, très-1mbriqués, 
l'A. formosa a un port très-singulier. Ses grosses tiges, le nombre 
immense de ses feuilles, et la grandeur considérable du corymbe, 
la distinguent de toutes les autres. 

Anacampseros angustifolia, Nob. 

Fleurs en corymbe, aplati, à rameaux étalés, dressés, courts 
fleurs roses, à sépales triangulaires lancéolées ; pétales roses, avec 
uue tache blanche à la base, renversés; étamines à filets roses, 
anthères purpurines ; carpelles et styles entièrement roses; tiges 
dressées ascendantes blanc jaunâtre. Feuilles vertes, glauques, très. 
étroites; longuement atténuées en pétioles, lancéolées, dentées; 


a. 169 — 


dents nombreuses, inégales, l’une courte, l’autre longue, comme 
surdentées. 

Cette plante fleurit ensjuillet. Elle est commune dans le massif 
d’Arbas ; elle a été trouvée à Chein-Dessus (Haute-Garonne), par 
M. Desjardins. 

Anacampseros pyramidalis, Nob. 

Fleurs en corymbes globuleux, peu développés ; rameaux courts, 
rougeâtres ; sépales verts, triangulaires ; pétales roses à peine 
blanchâtres à la base, étalés ; étamines à filets roses ; anthères pour- 
pres ; tiges dressées, ascendantes, un peu roses d’un côté seule- 
ment ; feuilles obovales, atténuées en pétioles sessiles non embras- 
santes, alternes, assez rapprochées et toutes appliquées contre la 
tige, diminuant insensiblement de grandeur, de la base au som- 
met, ce qui, avec leur position appliquée, donne à cette espèce une 
forme pyramidale, bien caractéristique. 

Elle est très-répandue dans les Pyrénées de la Haute-Garonne. 
Nous l'avons vue à Cagire, Saint-Gaudens, Bagnères-de-Luchon, 
où elle est cependant plus rare; mais sa véritable région paraît 
être les basses montagnes. 

Anacampseros subpyrenaica, Nob. 

Fleurs en corymbe aplati, assez fournies ; rameaux de 5 à &, 
alternes, dressés, serrés non étalés ; fleurs de grande taille, roses ; 
sépales triangulaires, aigus; pétales roses et blanc mat à la base, 
un peu sur les bords et légèrement canaliculés en dessus, plus 
päles en dessous ; étamines à filets blancs, ou à peine rosés ; anthè- 
res rouge vineux, très-obtuses, insérées sur les tiers inférieurs 
des pétales ; carpelles vert jaunâtre, avec une teinte vineuse sur 
le dos ; styles roses, mais blancs sous le stigmate ; tiges de 5 à 4 
. décimètres, grosses, vert jaunätre, glaucescentes ; feuilles glau- 
ques, très rapprochées, étalées, ovales, lancéolées, obtuses, inéga- 
lement dentées; dents peu profondes. Toutes les feuilles sont, en 
outre, atténuées en pétioles, sessiles non embrassantes, si ce n’est 
celles placées à la base des rameaux. 

Fleurit un des premiers en juillet et août. Il est très-commun 
sur les bords du Touch et dans les parties humides du vallon de 
Pressac, près de Saint-Geniës. 

On donne dans le pays Toulousain le nom d'herbe de Notre- 
Dame, à tous les Anacampseros à fleurs roses et à feuilles glau- 
ques. 


— 170 — 


Polentilla verna auct., Plerum. 

Dans le Bulletin de la société, nous avons signalé trois formes 
remarquables que présente cette espèce Linnéenne dans les envi- 
rons de Toulouse. Les Polentilla australis, Nob., agrivagua, 
Nob., et æerophila, Jord., qu’on peut nommer aussi Dynamidium 
australis, agrivagum et æxerophilum, si à l'exemple du savant 
botaniste de Lyon on adopte ce dernier genre. Ces trois espèces 
appartiennent au bassin sous-pyrénéen. L’australis marque sa 
limite vers le midi, où il devient très-commun, comme M. Bail- 
let l’a constaté à Segala (Aude); le Chaubardiana, plante de 
l'extrême Sud-Ouest, ne croit pas dans le pays toulousain, il cesse 
à Agen. Le xerophilum et l’agrivagum sont au contraire très-com- 
muns dans les bassins de la Garonne et du Tarn. On peut les dis- 
tinguer très-aisément : le P. agrivagum a les feuilles inférieures 
à 5 folioles aiguës, le P. æerophila a 7 folioles obtuses ; le pre- 
mier vient dans les champs et les pelouses herbeuses et fleurit en 
avril, tandis que le second préfère les bois et les bruyères élevés 
et fleurit quinze jours après. 

Pour compléter ces renseignements, nous avons cherché depuis 
notre première publication si ces mêmes espèces remontent 
les vallées Pyrénéennes ou si, dans ces localités spéciales, 
elles sont représentées par d’autres. Il résulte de nos nouveaux 
travaux que le æerophila se trouve encore dans les bois de Mira- 
mont et du Puy à St-Gaudens. Mais dès qu'on monte vers Cagire, 
Paloumère, Pic-de-Gard et Luchon, 1l est remplacé par une autre 
espèce, très-répandue dans toute la région alpine inférieure, et 
que nous nommons Dynamidium montanum. Il se distingue des 
autres par ses feuiiles, très petites, arrondies, à 5 folioles, se 
recouvrant par les bords, à dents aiguës, mucronées par un long. 
poil; par ses tiges grêles, filiformes, très-allongées, très-peu héris- 
sées ; ‘par ses petites fleurs, à pétales en cœur, avec une tache 
orangée à Ja base; 1l fleurit en juin. Ainsi que nous l’avons dit, 
cette plante est très-commune dans toutes les Pyrénées. Elle 
monte jusqu’au sommet de Cagire, à Super-Bagnères, Mail du 
Cric, elc. ET 

Au-dessus de la région Alpine, on trouve une autre espèce qui 
se distingue de cette dernière, par des racines peu profondes, don- 
nant destiges vertes assez grosses, glabrescentes et peu feuillées. 
Celle-ci a 5 folioles, à dents obtuses, à mérithales, très-allongées, 


— 171 — 


les feuilles supérieures, à pétioles très-courts, mais avec de grandes 
stipules qui la caractérisent. Les fleurs sont très-grandes, à péta- 
les, se recouvrant par les bords. Elle est très- répandue à Super- 
Bagnères, près Luchon, où elle fleurit en juillet. Cette espèce 
pourrait bien être le Polentilla filiformis de Lapeyrouse, mais non 
celui de Villar ou bien encore le P. salisburgensis des auteurs 
Pyrénéens. Nous lui donnons le nom de Dynamidium stipula- 
ceum, nom qui rappelle un de ces caractères importants. 

Nous recommandons à nos confrères ce groupe de Potentilles, 
qui, mieux étudié, pourra encore fournir quelque forme remar- 
quable. 


Genre ROSA, Auct. 


Le genre Rosa est, sans contredit, malgré les nombreux travaux 
dont il a été l’objet depuis ces dernières années, l’un des plus diffi- 
ciles de la Flore française. Abandonné par Linné et ses disciples, 
ce ne fut qu'en 1813, que Decandole le divisa en deux groupes, 
prenant pour base les styles libres ou soudés. Depuis, on a proposé 
différentes manières de distinguer les espèces de ce genre, selon 
qu'on prend pour base tel ou tel caractère. On arrive à faire des 
groupes qu'on a fractionnés en espèces et en variétés. Malheu- 
 reusement, dans ce système, tel caractère spécifique dans une 
classification n’a aucune signification dans une autre; il résulte 
de ce système des doutes et même souvent de la confusion, ce 
qui a fait dire que, malgré vingt classifications proposées, 1l y a 
encore beaucoup à faire, pour terminer l'étude du genre Rosa 
et en déterminer surtout les espèces, les variétés et les hybrides. 

Il semble a priori, qu'en bornant ses recherches à une contrée 
où un espace limité de terrain, comme le pays dont Toulouse est 
le centre, on puisse éviter toutes ces difficultés, ou au moins une 
partie. Cela n’est pas possible. Il faut, au contraire, connaître les 
travaux qui se sont faits ailleurs pour se fixer sûrement sur les 
quelques espèces, qui habitent nos haies et nos bois. Aussi, dès 
1850, avec M. Arrondeau, avons-nous cherché à déterminer les 
rosiers de nos environs. M. Arrondeau, à cette époque, s'inspirant 
de la Flore du centre de la France et des conseils de son illustre 
auteur, publia ses recherches sous le titre de Monographie du genre 
Rosa, des environs de Toulouse. Ce travail , avec quelques addi- 
tions et corrections, fut réimprimé dans la Flore toulousaine 


RL ue 


du même aufeur. Presque en même temps, notre savant professeur 
publia à son tour la Flore analytique de Toulouse. Dans ce 
travail , supplément de la Flore du bassin sous-pyrénéen, M. 
Noulet, qui avait aussi beaucoup étudié les Rosa de nos environs, 
signala quelques espèces nouvelles, et corrigea même quelques 
déterminations hasardées. 

Depuis cette époque, on a beaucoup étudié les Rosa, en France, 
en Suisse,en Belgique et en Angleterre, mais personne n’a cherché 
dans notre pays à élucider nos espèces litigieuses. Je dis persoune, 
quoique je sache, d’une manière certaine, que mon ami Baillet de 
l'Ecole vétérinaire de Tou:ouse, avait entrepris cette étude, qu’il 
fut bientôt obligé d’abandouner en changeant de résidence. Ayant 
été remplacé par des professeurs de botanique ne faisant pas de 
phytographie, ces messieurs négligèrent les essais de culture déjà 
faits dans le jardin de l'établissement qui furent ainsi perdus pour 
la Flore toulousaine. 

Resté seul, j'ai dû reprendre ces travaux et poursuivre les 
recherches commencées. Je me suis mis en rapport avec MM. Dese- 
glise et Crépin, afin de concourir de mon mieux au travail eom- 
mencé, c'est-à-dire, à un ouvrage d'ensemble sur ce genre trop 
délaissé dans notre pays et dans nos Pyrénées centrales. 

J'espère donner un jour un catalogue raisonné de ce genre ; en. 
attendant, je crois devoir appeler lPattention de nos confrères sur 
quelques espèces nouvelles, adoptées provisoirement par M: Crépin, 
qui, avec M. Deseglise, me paraissent être les botanistes les plus 
compétents pour continuer l'étude de ce genre critique. 


4e Rosa Clotildea, Nob. 


Le Rosa Clotildea est peu répandu dans nos environs ; il est 
cependant commun à Bouconne, du côté de Brax, prés la métairie 
dite du Bégué. Il appartient à la section stylosæ par ses styles un 
peu en colonnes agglutinés. Les fleurs sont grandes et roses ; les 
feuilles grandes, vertes en dessus et glauques en dessous avec des 
glandes sur les pétioles et les nervures. Le fruit est bleuâtre avant 
la maturité, puis rouge globuleux; les sépales tombent quand 
le fruit devient rouge. 

J'incline à penser que cette plante est le R, suavis de M, Arron- 
deau, mais non le suavis Willd, comme le croit d’ailleurs 
M. Noulet. 


Men 


20 Rosa Tolosana, Nob. 


Cette Rose est très abondante dans nos bois : à Saint-Geniés, 
Montrabe, Larramet et ailleurs. Elle est indiquée dans nos Flores, 
sous le nom de Rosa Junzilliana, mais ce n’est ni la plante de 
Besser ni celle publiée par M. Déseglise sous ce nom. Elle est voi- 
sine du R. Pujeti, Bor. et du Terebenthinacea; c’est un rosier de 
pétite taille en buisson, d’une odeur suave; non-seulement la 
fleur, mais toute la plante a une odeur résineuse, sentant la 
rose. Les fleurs sont rose pâle, à pétales très grands ; sépales très 
pinnatifides et glanduleux ; pédoncules glanduleux, couverts de 
soies raides, ou de piquants fins, très nombreux ; les feuilles sont 
vertes en dessus, päles en dessous, très glanduleuses sur les ner- 
vures principales et secondaires, bidentées très glanduleuses, odo- 
rantes ; aiguillons fins, droits, ou un peu erochus. 


30 Rosa Ladanifera, Nob. 


Le Rosa Ladanifera est très répandu à Balma, au bois de Las- 
serre, et à Saint-Jean-de-l’Union. Il semble appartenir à la section 
Tomentosa ; il a les fleurs roses très petites ; les sépales glanduleux 
et chargés de soles raides, ainsi que le tube du calice ; ses pétales 
sont très petits, échancrés fortement au sommet ; les pédoncules 
sont chargés de soies glanduleuses ; les feuilles à folioles petites , 
obovales, très atténuées à la base, sont dentées ; à dents surden- 
tées, très glanduleuses. Arbrisseau de petite taille à aiguillons 
crochus, le calice tombe avant la maturité du fruit; celui-ci est 
rouge orangé, gros, ovoide, et a souvent les soies raides du tube 
du ealice qui ne sont pas tomhées à la maturité. 

Ce Rosier mérite d’êlre encore étudié, ainsi qu’une forme que 
nous supposons hybride et qui croît en société avec lui. Outre ces 
trois Rosiers, très intéressants pour notre Flore, nous signalerons 
le Rosa mollissima, de Fries, qui a été trouvé à {Bouconne, du 
côté de Brax, et à Larramette. à 

Enfin, parmi les nombreux types que j'ai adressés à M. Crépin, 
qui à bien voulu me fournir de très-utiles renseignements, il a 
eru reconnaitre dans le Rosier récolté, avec le docteur Jeanbernat , 
au bois de Fonsorbes, le Rosa Boreythiana Bess qui n’a pas encore 
été signalé en France, et qui diffère du R. Collina, par ses styles 


RO EPL RS SI ES LES RE M PE RSI EE 


— 174 — 


moins velus et la présence sur les rameaux flonfères de soiès 


glanduleuses. 
Encore : Rosa Gaudini, Pujet, haie devant la gare de Manne 


(Haute Garonne). 


Rosa permixta Deseg|., au bois de Larramet. 
—  trichoneura, Ripart, A et 
—  senticosa, Desegl]., — se 
—  cladoleia, Ripart, — ee 


—  dumalis, Desegl., bois de Pressac. 
— inodora, Fries, bois de Balma. 
—  dumetorum, Desegl., en montant à Cagire. 

Ieracleum, L. et auct. 

Sous le nom d’Heracleum spondylium L. et Panarces L., les 
botanistes confondent, depuis longtemps, une foule de types que 
les savantes et judicieuses observations de M. Jordan ont pour but 
de séparer (Jord , in. Billot, archives, pag. 14), ce savant explora- 
teur de la flore européenne a distingué dans ce groupe plusieurs 
espèces, qu’il décrit avec soin et qu’il propose comme autant de 
types distincts. 

Dès la publication de ces recherches, préoccupé comme lui des 
différences notables que les espèces de ce genre présentent dans 
notre région, nous avons cherché à mettre en lumière les diffé- 
rences que nous avons à notre tour observées. Comme M. Jordan 
nous avons constaté plusieurs types bien tranchés ; mais nous ne 
pouvons partager son avis ni celui de notre ami M. Boreau, pour 
quelques espèces comme les H. stenophyllum J., et angustanum 
Bor., qui ne sont pour nous que des variétés. À notre avis, 
toutes ces plantes présentent, quelquefois dans les mêmes lieux, 
une forme à feuilles plus profondément découpées, à lobes plus 
étroits, plus allongés, à dentelure plus fine, plus aiguë. Ainsi, 
l’'Heracleum panaces L., qui est à mon sens le même que l’'H 
montanum Gaud., Æ. œstivum Jord., a une forme à feuilles étroi- 
tes, représentée par l’H. angustifolium Vill., H. stenophyllumJord., 
l'A. occidentale Boreau, a une variété semblable, l’H. angustanum 
Bor., que j'ai eu la satisfaction de récolter avec son auteur aux 
sources de l'Yonne en Morvan ; l’H. pyrenaicum Lamk., a aussi 
sa forme étroite, qui est l’H. setosum Lap., elles viennent toutes 
deux ensemble dans nos Pyrénées ; l'H. pyrenaicum offre encore 
dans ces mêmes montagnes une variété que l’on peut dire opposée, 


— 175 — 


c'est-à-dire à immenses feuilles, à lobes profonds, mais dont les 
bords se recouvrent un peu de manière à ne pas laisser de vides 
entre eux; c’est alors l’Heracleum amplifolium Lap. Pareille chose 
arrive aussi à l’œstivum, à l'occidentale, comme nous l’avons vu au 
Morvan et dans le Jura, à la Dôle, dans les lieux toujours humides. 
Nous avons vu aussi l’H. Lecoqü, Gren. et God., présenter trois 
formes pareilles aux précédentes. 


Toutelois, nous faisons des réserves pour deux espèces que nous 
avons dans nos cultures et qui devront, à notre avis, être distin- 
ouées : la première a été trouvée à Conques (Aude), par mon ami 
Baullet ; et La seconde à Léguevin, par M. Filhol et par moi. Gelle- 
ci Se rapproche un peu du Lecoqii, mais elle est encore dans des 
localités trop limitées pour porter sur elle un jugement définitif. 
Nous en parlerons plus tard, dans nos prochains travaux. 


Galium silvivagum, Baïill. et Timbal, Mem. acad., Toul., 
SeniNE vol. V. | 

M. Thiëlens, zélé botaniste de Belgique, a écrit que notre 
G. silvivagum toulousain lui paraissait représenter une simple 
forme du G. commutatum Jord. Nous ne pouvons accepter eette 
détermination, à moins que M. Thiélens ne réunisse toutes ces for- 
mes sous le nom de Silvestre Poll., ou mieux G. montanum Vill., 
comme on le faisait avant le dénombrement proposé par M. Jordan 
et par mol. 

Le G. silvivagum a les feuilles bordées de cils raides, qui ren- 
dent la plante très-rude au toucher ; les inférieures , chargées de 
papilles fines, des pédoncules longs à trois fleurs ; le G. commuta- 
tum est glabre dans toutes ses parties. Les feuilles sont plus lar- 
ges, douces au toucher, sans papilles, le pédoncule plus court et 
plus pauciflores. Ces caractères rapprochent beaucoup le commuta- 
tum du G. læve. Thuill. Je crains que M. Thièlens ne se soit pas 
rendu un compte bien exact de ce petit groupe de Galium papil- 
leuæ et qu’il ne les ait confondus avec ceux du groupe montanum 
et silvestre. Ce qui semble le prouver, c’est que ce botaniste, dans 
le Hickxia, herbier excicata qu’il publie avec M. Devos, a donné 
le nom de G. nitidulum, Thuill. au G. commutatum, Jord. 
Le nitidulum est une forme à feuilles et tiges inférieures pubes- 
centes du G. silvestre Poll., tandis qu’il donne à ce même G. silves- 
tre Poll, le nom de G@. saxalile, Koch (G. hercynicum Weigg.), 


qui est certainement une plante différente, et à l'abri de toute 
critique. 

Je profite de cette occasion pour dire un mot du Galium supi- 
num Lamk. signalé par M. Boreau, à Chdâteau-Chinon, c’est une 
des espèces les plus rares de la Flore française, Le G. supinum 
marque le passage entre les Galium du groupe papilleux et mon- 
tanum , il n’a pas de papilles comme le premier, mais il est cespi- 
teux, il thale un peu comme eux. Les feuilles sont chargés d’as- 
pérités moins longues et moins rudes. Le vrai montanum a les 
tiges réunies et terminées par une racine qui permet de l’arracher 
facilement ; tandis que, pour le G. supinum, qui est cespiteux, il 

faut fouiller profondément le sol à cause de ces racines ram- 
pantes. 

Le Galium supinum, quoique plus voisin du groupe Montanum, 
par Fabsence de papilles et de poils à la base des feuilles, se rap- 
proche par ses pedicelles courts, ses fleurs petites et son feuillage 
jaunâtre de notre G. chlorophyllum. Mais ce dernier, outre ses 
papilles et ses feuilles plus rudes, les a plus courtes et plus larges, 
il est en outre plus cespiteux encore et à fleurs plus petites et plus 
ramassées. 

M. Boreau et moi l'avons cueilli sur les ruines du château, à 
Château-Chinon (Nièvre), en 41870. 

Inula dubia, Pourr. mem. Acad. Toul. sér. À, tom. 5. 

J'avais, dans une note sur les synonymes de Pourret, rapporté, 
en synonyme, cette plante à l’Inula montana, L. Me fondant, à 
défaut de description suffisante, sur ce que cet Inula est très- 
commun dans la Gaule Narbonnaise, ayant fait de nouvelles 
recherches, je me suis convaincu que l’Inula helenioïdes Dec. est 
aussi, si ce n’est plus, abondant dans ces mêmes lieux. 1l vient à 
Conques et dans tout le Minervois ; localités que Pourret a parcou- 
rues, puisqu'il y signale plusieurs plantes, notamment l’Althea 
narbonnensis, que nous y avons retrouvée. Je crois aujourd’hui 
que c’est l’Inula heleinoïdes, que Pourret a voulu indiquer dans 
son Chloris narbonnensis; ce nom étant plus ancien que celui 
de Decandolle, doit avoir la priorité. Celui de Dubia lui avait été 
donné sans doute, par Pourret, pour marquer son hésitation à le 
distinguer de l’I. Helenium, L., et Oculus christi, Jacq. entre 
lesquels on peut le placer. Lapeyrouse (Hist. abr., FE. pyr., p. 
522, sup. page 157) n'hésite pas mêine, après les justes observa- 


— 177 — 
tions de Decandolle, à nommer ainsi l’Helenioides ; mais il ne 
parle pas du dubia Pourret, qui, d’après les localités et le rap- 
prochement qu'il fait de l’Oculus christi de Jacq., dont l’un et 
l’autre connaissaient la figure, doit être la plante de Decandolle 
et non le Montana, comme je l’avais dit d’abord. 

J'ajoute que mon ami M. Grenier m’a prévenu de mon erreur, 
en m’assurant qu'il avait vu dans l’herbier Pourret, à Paris, l’Inula 
helenioïdes sous le nom d’Inula dubia Pourr. Cest donc au 
savant botaniste de Besançon que revient la découverte de ce syno- 
nyme et la restitution qu’on devra en faire au botaniste de la Gaule 
Narbonnaise. 

L'Inula dubia ne se trouve pas sur la liste des plantes de Pourret, 
que me donna autrefois le docteur Bubani, et qu’il avait étudiée 
à Madrid, dans l’herbier Salvador. Cette liste m'a beaucoup servi 
dans mes recherches sur mes synonymes du Chloris Narbonensis. 

Bellis perennis, L. auct. 

Le Bellis de nos Flores appartient incontestablement au Bellis 
hybrida Tenore. Bellis minor hortensis. Fusch. hist. t. 146. Nous 
avons aussi le Bellis, auquel les auteurs italiens conservent le 
nom de perennis. Bellis minor Silvestre. Fusch. hist. t. 447. 
Celui-ci est plus rare et semble appartenir exclusivement aux 
prairies sèches. Ces faits constatés, il reste à savoir s’il y a deux 
espèces ou bien un seul type constituant deux'variétés dues aux 
* influences chimiques et physiques du sol. Si nous consultons nos 
auteurs Allemands, représentés par Koch, synopsis, éd. 2, p. 387 
et les botanistes français, tels que : Decandolle, Duby, Grenier 
et Godron, il n’y en a qu’une seule ; car ils ne font pas mention 
du Bellis hybrida de Tenore. Duby cite la figure 677 des illustra- 
tions de Lamk, qui nous donne celle du Bellis perennis ; il ne se 
doutait pas qu'on püt établir deux espèces sur la plante qu’il 
foulait tous les jours sous ses pieds. 

MM. Grenier et Godron, qui citent encore cette même figure 
de Lamark, partagent l'opinion de Duby et perpétuent ainsi Ja 
confusion qui existe dans l’opinion des auteurs, sur le Bellis 
perennis. Si on consulte les botanistes italiens, le doute cesse. 
Tenore d’abord et Gussonne ensuite dans Îe Son F1. sicula, 
quyrage très-répandu, n'hésitent pas à reconnaitre deux espèces 
que ce dernier auteur caractérise ainsi : 

B. Hybrida. Radice fibrosa caulibus ascendentibus diffusisque, 


12 


RTE 


ramosis, foliosis, pedonculis elongatis, foliis spatulato-obovatis, 
crenato dentatis villoso-hirsutis, anthodii foliolis hirsuto obtus- 
iusculis. | 

Et il ajoute : Habitus subsequens aqua prϾter caulem ramo- 
sum, et foliosum recedit ; habita robustiore, et pubescentia majore 
omnium partium. 

Ü cite encore la figure 146 de Fuschius, comme représentant le 
B. hybrida, Ten. 

B. perennis, L., sp., pl. 1248, Guss., syn. F1. sicula 2, p. 507. 
Radice sub repente, scaponudo-unifloro foliis spathulato-obovatis 
crenato-dentatis glabris pubescentibusque, anthodii foliolis hir- 
suto ciliatis obtusis. 

Gussonne, comme Duby, et MM. Grenier et Godron, citent la 
figure 146, «les tlustrationes, de Lamark, dont nous avons déjà 
parlé, et il ajoute comme caractère différentiel de la précédente : 
Folia, læte viridia crassiuscula, obtusa, aliquando integra, supra 
venosa subtus absolete nervosa ; ligulæ sæpe subtus rubentis ; scapi 
foliis subæqualis, non duplo triploque longiores ut in Bellis 
hybrida. | 

D'après Gussonne, le Bellis perennis fleurit en mai et novem- 
bre, et l’hybrida en janvier et juin. Le Bellis perennis vient in 
pascuis apricis montosis, raro in demissis ; l’Hybrida, au contraire, 
in pascuis herbosis apricis et ad vias in submaritimis, passim in. 
Sicilia. 

En présence de ces faits contradictoires, nous avons longtemps 
cherché à étudier cette question, ayant journellement sous les 
yeux des Bellis qui représentent chacune de ces formes. Nous 
nous demandons si, réellement, il fallait établir dans le Bellis 
perennis des auteurs, deux espèces ou deux variétés. 

Devant l’autorité de Gussonne et de Tenore, nous avons long- 
temps hésité. Mais examinant avec soin les caractères des plantes, 
que M. de Notaris nous a communiquées d'Italie, après avoir étudié 
les figures citées de Lamark et de Fuschius, et avoir soumis ces 
plantes à la culture, nous pouvons affirmer qu’il n’y a qu’une seule 
et même espèce. 

Pour arriver à une démonstration complète, nous n’aurions qu’à 
discuter les diagnoses de Gussonne, d’où les différences peuvent 
très-bien s'expliquer par l’action combinée des influences physi- 
ques du sol. Mais les figures citées par cet auteur prouvent, d’une 


— 179 — 


manière évidente, que ces deux plantes doivent être réunies. Nous 
avons dit que la figure 446 de Lamark convient aux deux espèces, 
mieux au Bellis perennis qu'à l’hybrida qui serait la plante 
luxuriante et cultivée; mais les deux figures de Fuschius 
citées comme très-exactes, l’une fig. 447 représente la plante sau- 
vage Bellis minor silvestris, et l’autre 146 Bellis minor hortensis, 
n’est autre que la plante luxuriante et cultivée, telle qu’on la 
trouve encore dans nos parterres, plus ou moins simple ou doublée 
par la transformation des fleurs sexuées en fleurs neutres ligu- 
lées. 

Il n’y a donc, à mon avis, qu’une seule espèce sauvage et une 
autre luxuriante et cultivée, et le Bellis hybrida Tenore, nom 
déjà tout-à-fait impropre, doit disparaître. Opinion déjà formulée 
par tous les floristes français et allemands, par le silence qu'ils ont 
tous gardé sur cette espèce litigieuse. 


Salvia pratensis et verbenaca, Auct. 


Depuis la publication de notre travail sur les Salvia de nos en- 
virons, nous n’avons cessé d'étudier, dans nos différentes courses, 
les diverses formes et variétés que nous présentent ces plantes, con- 
sidérées par beaucoup de botanistes comme étant le résultat du 
polymorphisme, tandis que MM. Jordan et Fourreau pensent que 
ce sont des espèces parfaitement tranchées. 

D'après nos nouvelles recherches; nous sommes obligés de 
déclarer que nous persistons, dans la manière de déterminer nos 
Salvia indigènes. Il ne nous est pas possible de considérer les Galli- 
tricum rosulatum, J.et F., G. virgatum, J. et F., G. arvale, J. et 
E., G. ptychophyllum, J. et F., G stereocolon, J. et F., G. ru- 
bellum, J. et F., comme de bonnes espèces. Nous trouvons toutes 
ces formes à Toulouse, mélangées avec leur véritable type, les 
Gallitricum pallidiflorum, Saint-Amans, G. mixtum, Timb., 
Verbenacum, L. G., Horminoïdes, Pourr., G.clandestinum, L. Elles 
fleurissent en même temps, et eroissent souvent dans les mêmes 
lieux. Ces prétendues espèces ne sont, pour nous, que des varia- 
_ tions parallèles des types que nous avons indiqués dans notre tra- 
vail ou des formes aduliérines résultant de leur croisement. 


Orchis fallaci,-Laxiflora, Nob.; O. alata Fleury ex parte. 


Cet orchis hybride a été trouvé en juin, au milieu de notre 


rs 


A 


ss ae 
ESS 


a — 


a 


SL D IR 


== 


te ss 


180 7e. 


O. fallax et laxiflora, par MM. Peyre et Chalande fils, à Palefi- 
cat, quartier situé entre Lalande et Croix-Daurade. | 

Dès 4854, dans notre mémoire ayant pour titre hybrides d’Or- 
chis, page 12, nous disions : « dans le genre Orchis, » un pédi- 
» celle visqueux, attache au caudicule les masses polliniques. Or, 
» quand ces derniers sortent de l’anthère, ce qui a lieu vers le 
» mois de juin, l'atmosphère est sillonnée par une foule d'insectes, 
» qui, attirés par l’odeur particulière du pollen sectile, viennent 
» sur les fleurs arracher quelques tétrades polliniques, qu'ils por- 
» tent ensuite dans les fleurs des espèces voisines. » 

Depuis que nous avons écrit ces lignes, M." Darwin à publié un 
savant travail sur la participation des insectes dans la fécondation 
des Orchidées. Dans cet ouvrage, les faits sont parfaitement expo- 
sés, et le phénomène très-exactement décrit. Mais dans la préface 
de son livre, M. Darwin signale comme ayant observé l’interven- 
tion des insectes dans la fécondation de ces plantes, Spenner en 
1793, Hocker et R. Brown en 1854, À la même époque, nous 
faisions les mêmes observations. M. Darwin, qui n’a jamais connu 
notre travail, ne pouvait nous citer. Nous ne nous en plaignons 
pas, mais nous réclamons notre petite part de cette décou- 
verte, Car, à celte époque, nous ignorions les observations de 
Spenner comme celles de Brown et de Hocker , puisque ces 
dernières avaient lieu en même temps que les nôtres. 


Note sur les Festuca du département de la Haute-Garonne. 


Festuca ovina, L. — Nous n’avons jamais pu rencontrer dans 
notre département le Festuca ovina type, ni le Festuca tenuifolia 
de Sibth. La plante que nous avions rapportée à cette espèce paraît 
devoir, mieux étudiée aujourd’hui, rentrer dans le Festuca durius- 
cula, L., variété à feuilles radicales, courtes et à panicules appau- 
vries des lieux secs. Elle vient ici dans les bois du bassin sous- 
pyrénéen jusqu’à la forêt de Buzet. 


Festuca duriuscula, L. — Abonde partout avec les variations 
glabres, hérissées, à feuilles longues ou courtes. Cette plante pré- 
sente aussi une variété à épillets presque sessiles et condensés, et 
une forme glauque qui est, pour nous, le Festuca glauca de 
Schrader et non celui de Lamark, qui a les feuilles de la tige 
aplaties et constitue une espèce, malgré la savante autorité de 


— 181 — 


M. Duval Jouve, qui ne voit dans le glauca Lamark qu’une variété 
du duriuscula L. 

Festuca glauca Lamark, non Schrader. — Cette plante est une 
espèce montagnarde, commune dans les Pyrénées de Luchon, d’où 
elle descend jusqu’à Saint-Bertrand-de-Comminges, où l’on trouve 
la variété hirsuta. Elle vient ailleurs dans la chaîne pyrénéenne, 
sans arriver dans la plaine. La plante des Pyrénées est semblable 
à celle d'Auvergne, qui est le type Lamark, 


Festuca rubra, L. — Très-répandu aussi avec ses variétés, à 

feuilles courtes ou longues, à panicules glabres ou velues; mais je ne 
puis y joindre le F. heterophylla, Lamark, qui me paraît distinct, 
et qui, à son tour, nous présente les mêmes variations que le 
duriuscula et rubra linnéens. 
_ Le type vient dans les bois. Il a iés feuilles molles, vert- 
sombre, la taille élevés, la panicule grande et étalée, velue ou 
glabre, verte ou colorée en violet. La (opté qui croît sur les som- 
mets élevés des Pyrénées est, au contraire, à feuilles inférieures 
rudes, d’un vert clair, de taille toujours élevée, à fleurs en pani- 
cules plus étroites, blanc-jaunâtre, à épillets glabres ‘ou velus, 
outre l’heterophylla qui, à notre avis, constitue une espèce sépa- 
rée. Nous pensons qu’on a tort de le réunir au F. nigrescens 
Lamark. Cette plante, telle qu'elle se présente dans les 
Pyrénées, ne peut être assimilée aux grandes formes que nous 
_avons déjà signalées, et que nous avons rencontrées aussi dans le 
nord de la France. 


Le F. nigrescens Lamark est toujours de petite taille, les feuilles 
inférieures sont enroulées, douces au toucher, fines. Celles de la 
tige sont aplaties, bien plus courtes et plus larges que celles que 
nous offre l’heterophylla; il vient malgré cela dans les Pyrénées, 
aux lieux les plus humides, même au bord des lacs, comme à 
Spingo. Il a les épillets rouge-pourpre, et quelquefois verts ou 
Jaunâtres comme les autres Festuca. 

Le Festuca rubra, qu’on distingue toujours à sa souche un peu 
rampante, varie dans nos contrées, à grande taille et feuilles lon- 
gues (F. fallax, Thuill.), ou à petite et à feuilles courtes et larges 
(F. rubra, Duval Jouve.) 


… Festuca ochroleuca, Nob. — Cette espèce est: voisine aussi de 
l’heterophylla. Nous avons vu cette année à Saint-Béat, la forme à 


— 182 — 


épillets hérissés, avec tous les caractères du type que nous avons 
écrit légèrement pubescens. 

Festuca varia, Hœnke. 

Le Festuca varia, Hœnke , ne peut se réunir au Festuca 
eskia, comme le veulent nos auteurs, parce qu’il a les feuilles 
vertes, courtes, fines et molles, tandis que le Festuca eskia 
présente des feuilles grosses, raides, glauques et jonciformes ; 
ces deux espèces n'ont pas le même mode de végétation. Le 
varia vient en tapis, serré, il donne des tiges fleuries «et non 
fleuries, et forme des espèces de nappes qui couvrent de grands 
espaces de rochers. Le Festuca eskia croit aussi en grandes 
touffes isolées, mais elles n’ont ni la forme, ni l’aspect, ni l’éten- 
due des premières; chacune d’elles, d’ailleurs, offre les variations 
parallèles signalées par M. Duval Jouve dans la coloration de la 
panicule. Outre ces deux plantes, nous avons encore dans les 
Pyrénées le Festuca flavescens, Bellardi, qui est aussi une espèce 
distincte des deux premières. | 

Festuca cagiriensis, Nob. — Nous ne reviendrons pas sur les 
caractères que nous avons assignés à celte espèce remarquable. 
Nous dirons seulement que la culture ne les a pas changés. Toute- 
fois, nous ajouterons que les feuilles ont pris, dans notre jardin, 
une couleur bleue glauque, plus prononcée que celle qu’elle pré- 
sente au sommet de Cagire. 

Festusa dura, Dec. et Auct. Nous donnons provisoirement ce 
nom à une espèce qui n’est pas exactement la plante de Decandolle 
ni le Festuca arduennensis de Lejeune, que l’on réunit à cette 
dernière. Notre plante est abondante dans la région sous-alpine, 
et monte quelquefois plus haut, comme au port de Vénasque, où 
elle croit en société du Festuca Halleri, AI. 

Dans le second groupe, nous avons dans notre département le 
Festuca spadicea, L., qui vient dans la région alpine inférieure, 
tandis que dans la plaine nous trouvons, non dans les prairies mais 
dans les bois, le F. consobrina, Nob., que nous avons décrit l’an- 
née dernière. Ce F, consobrina est certainement le F. spectabilis 


de M. Godron et non celui de Jan, comme nous en avions le. 


soupçon précédemment. Aujourd'hui, d’après les échantillons de 
Fonfroide que nous a communiquésM. Duval Jouve, nous en avons 
acquis la certitude. Nous ajouterons que, d’après ce savant agrosto- 
graphe, notre consobrina serait une forme méridionale ou forme 


— 183 — 


de la plaine du F. spadicea. Nous recommandons l’étude de cette 
espèce aux botanistes, qui pourront décider cette question. 

Nos Pyrénées, depuis Cagire jusqu’à Esquierry , nous donnent 
en quantité le F. silvatica, Vil., qui a toujours la panicule verte 
et glabre , et n'offre pas comme les autres des variations pubes- 
centes jaunes ou violettes. Elle n’a pas non plus les feuilles lon- 
gues ou courtes. Aussi, ne figure-t-elle pas dans les espèces à varia- 
tions parallèles, proposées par M. Duval Jouve. (Bull. soc. bot., 
Franc, 1865.) 

Dans nos plaines et nos prairies, nous avons le F. pratensis 
qui présente deux formes : l’une grêle et petite, l’autre grande et 
Juxuriante, selon la nature physique ou chimique du sol. Enfin, 
nous avons encore le F. arundinacea , mais la forme interrupta. 
Ce qui semblerait prouver que ce Festuca de Desfontaines est peul- 
être une espèce, c’est qu’il ne présente pas de retour au type, et 
que l’on ne trouve jamais la forme décrite par MM. Grenier et 
Godron, que nous avons récolté à Pontarlier, aux bords du Doubs, 
avec M. Grenier. 

Dans ce groupe, nous devons mentionner une autre forme qui a 
été trouvée au sommet de Cagire, et qui, selon nous, doit consti- 
tuer un groupe très-curieux. J'en avais déjà dit un mot dans mon 
précis de l’an passé. 

Festuca Bartherei, Nob. Paniculegrande, allongée, étalée, pen- 
dant l’anthèse ; rameaux inégaux, rudes, hérissés, aplatis, striés ; 
les inférieurs allongés, étalés, puis d’un seul côté, les supérieurs 
plus courts. Epillets de 4 à 5 fleurs, lancéolés, très-glauques et 
même d'un blane mat. Glumes inégales, lancéolées, sans nervures 
visibles, blanchâtres, scarieuses aux bords, un peu verdâtres sur 
le dos ; glumelles plus grandes, l’inférieure concolore, termi- 
née par une arête plus courte que la glumelle, dentée, les dents 


se prolongent même sur le dos de la glumelle à peu près à moitié, : 


la supérieure elliptique au centre, ciliée et verte aux bords. 

Feuilles vert-jaunâtre, larges et planes, mais se repliant en deux 
avec la sécheresse ou la dessication, et offrant alors la forme d’un 
ruban ; face inférieure de la feuille, glabre et lisse, mais la supé- 
rieure est hérissée de poils rudes au toucher, très-longs ; atteignant 
toutes la panicule, celles de la tige de même forme, la dernière 
enveloppe la base de la panicule. 

Souche cæspiteuse formant de grands gazons, avec des tiges 


fat 


floriféres de 2 à 4 décimètres, et d’autres sans panicules, hérissés 


à la base, aveo un nœud noir vers le tiers inférieur. 

Ce Festuca est très-remarquable. Il doit être placé par ses feuil- 
les aplaties dans la section Schenodorus, et cependant sa panicule, 
quoique plus grande, semble le porter vers le véritable Festuca, 
rubra et heterophyllia, etc. | 

Il est parfaitement distinct de toutes les espèces de ce groupe, 
par tous les caractères que nous avons cités, par son port, etc. Ses 
feuilles surtout sont caractéristiques par leur largeur, relativement 
à la plante et aux autres Festuca des autres groupes. Elles sont rudes 
à la surface par des poils. Par un temps sec, elles se plient en deux, 
mais avec la fraicheur et la rosée, elles s'ouvrent et sont larges et 
aplaties en les desséchant et en herbier ; il est impossible de les 
conserver ouvertes ; aussi sont-elles lisses au toucher et non rudes, 
comme quand elles sont vertes. Il faut tenir compte de cette obser- 
vation, si l’on étudie cette plante en herbier. 

Elle vient avec le F, cagiriensis, le varia et une autre forme du 
groupe heterophylla, au sommet de Cagire, en allant vers la Croix. 
Elle a été distinguée pour la première fois par M. Barthère, habile 
horticulteur de notre ville, qui, en m'accompagnant à Cagire, 
me fit remarquer les carartères qui distinguent cette plante de ses 
congénères, qui croissent dans ces lieux si fertiles en riches pâtu- 
rages. 


PLANTES RARES OU NOUVELLES POUR LA FLORE DE LA HAUTE-GARONNE. 


Sisymbrium sophia, L., à Cornebarrieu, Peyre et Chalande fils, 
mai, 

Diplotaxis viminea, L., à la Colonne, dans les pépinières, dé- 
couverte par M. Desjardins. 

Cardamine sylvatica, Link. et Hoffman. — Nous avons dit dans 
le précis de l’année dernière que nous n’avions pas vu cette plante 
dans le bassin sous-pyrénéen. Ce printemps, plus heureux, nous 
l'avons récoltée à Saint-Geniés, dans le vallon de Pressac, localité 
citée par M. Noulet. Nous l'avons vue aussi en très-grande abon- 
dance dans une course faite par la société à Pinsaguel et à Lacroix- 
Falgarde. 

Cardamine monticola, Nob., est très-commun dans toutes les 
prairies des environs de Luchon, où il est en pleine floraison au 
15 mai. 


— 185 — 


Viola multicaulis, Jord. — Vallon de Pech-David, découvert par 
M. Chalande fils. 

Viola canina var. Lucorum Rech. — Bois de Fronton, près de 
Grisolles, mai, découvert par MM. Peyre et E. Timbal-Lagrave. 

Gypsophyla repens des auteurs Pyrénéens , est la même 
plante que le Gypsophyla erecta de Jordan et Fourreau, qui divi- 
sent le Gypsophyla repens des auteurs en plusieurs espèces. 

Dianthus Sequieri, Chaix ? a été trouvé au mois de juillet, au 
Picon-de-Palomère, en allant à Milhas, par M. Jeanbernat ct 
Labéda. 

Cerastium pætreum, Schultz, a été récoltée dans les bois 
d'Avignonet, par MM. Filhol, Peyre, Jeanbernat et'E. Timbai- 
Lagrave. | 

Tillia corallina, Ait., Til. rubra Dec., est commun dans les 
bois de Juzet-d’'Izaut, près d’Encausse. Filho!, Jeanbernat et 
E. Timbal-Lagrave. 

Daucus arvensis, Jord., abonde à Toulouse dans les pelouses 
herbeuses, notamment à Croix-Daurade, Périole, dans les prairies 
des bords de la Garonne et de l’Ariége, à Portet et à Lacroix-Fal- 
garde. | 

Bupleurum affine, Sadler, dans les coteaux cultivés de Lacroix- 
Falgarde, découvert par M. Contejean. | | 

Scorzonera parviflora , Linné , assez répandue dans les 
bois de Miramont, près Saint-Gaudens. MM. Baillet et E. Timbal- 
Lagrave. 

Campanula ficarioïdes, Timbal L., Mail-du-Cric, près Luchon, 
très-commun d’après M. Peyre. 

Lobelia urens, Linné, dans les champs à Chein-Dessus, M. Des- 
jardins ; à Ganties, M. Gourdon ; ces deux localités appartiennent 
au massif d’Arbas. 

Swertia perennis, Linné, vallon de la Frèche, près Luchon, 
très commun en juillet d'après M. Peyre. 

Muscari Lelievrei, Bor., bords da ruisseau de Saint-Geniès, en 
avril, Peyre et E. Timbal Lagrave. 

Ornithogalum Peyrei, en abondance dans les champs sur les 
bords du Fresquel à Naurouse et dans les garrigues d’Alzonne 
(Aude), découvert par MM. Peyre et Albert Timbal-Lagrave. 

Ajuga genevensis, L., que nous préférons appeler avec M. Lagrèze- 
Fossat (FL, Tarn-et-Gar., p. 305.) Ajuga cryptostolon, a été 


ES CR Te 


or 


— 186 — 


découvert cette année dans la prairie communale de Portet, 
mêlée par places, avec l’Ajuga reptans, L. 

Cette espèce n’avait pas encore été signalée dans le bassin sous- 
Pyrénéen, quoiqu’elle soit commune sur la rive droite du Tarn, en 
face Buzet, par E. Timbal-Lagrave. | 


— 187 — 


ÉTAT 
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ D'HISTOIRE NATURELLE 


DE TOULOUSE. 
Août 1870. 
Membres nés. 


M. le Préfet du département de la Haute-Garonne. 
M. le Maire de Toulouse. 
M. le Recteur de l'Académie de Toulouse. 


Membres honoraires. 


MM. Cos, Professeur à la Faculté des sciences, Directeur du Jardin des 

Plantes de Toulouse. 

DaçuIN , Professeur à la Faculté des sciences, Directeur à l’Obser- 
vatoire de Toulouse. 

E. Duraurier, Membre de l’Institut, Professeur à l'Ecole des Langues 
orientales vivantes. 

E. Ficnoz, Professeur à la Faculté des sciences, Directeur de l'Ecole 
desmédecine de Toulouse. | 

Lavocar, Directeur de l'Ecole vétérinaire de Toulouse. 

Edouard Larrer, Professeur au Muséum d'histoire naturelle. 

J.-B. Nouzer, Professeur à l'Ecole de médecine de Toulouse. 

Léon Sougéiran, Professeur à l’École de pharmacie de Paris. 


Membres titulaires. 


MM. D’Anxémar (Victor), Mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux. 
AuziEux, Médecin, à Axiat (Ariége). 
D' ArmiEux, médecin-major, à Toulouse. 
D’Ausuisson (Auguste), Fondateur. 
Bain, Chirurgien-orthopédiste. 
BeLLEviLce, Commandant en retraite. 
BErpouzar (Jules), Fondateur. 
BEsaucÈèLE, Etudiant en médecine. 
BIROTEAU. 


— 188 — 


MM. Dr Boxamy, Professeur à l'Ecole de Médecine. 

Bonxaz (Edmond), Fondateur. 

Dr Boxxans, aux Cabanes (Ariége). 

BorDENAvE, Chirurgien-dentiste. 

Brun (Emile), Conservateur du Muséum de Montauban. 

Burrer DEL Mas. 

CaALMELs (Henri). 

L'abbé Carrière, Directeur de la Société archéologique du Midi, 

CarraizHAG (Emile, Directeur des Matériaux pour l'histoire pri- 
mitive de l'Homme, Secrétaire de la ‘Société archéologique du 
Midi, Fondateur. | 

CassanmoL (Edmond), Fondateur. 

CHALANDE, Fondateur. 

De ConsTANT-BoNNEVAL. 

Dr Cv, à Pau. 

Dusouz (Léopold). | 

Fagor (Paul), notaire à Villefranche (Haute-Garonne). 

Fizaor (Henri), interne des hôpitaux de Paris. 

FirrÈèrE, Pharmacien, à Auch. 

Frorte (Léon), Membre de la Société Géologique de France, à 
Crépy-en-Valois (Oise). 

Fouque (Charles), Membre de la Société géologique de France, 
Fondateur. 

À. Ganrier, au château de Picayne, près Cazères. 

Dr Gounbon, }rofesseur à l'Ecole Vétérinaire de Toulouse. 

Dr Gracerre. 

GRAVELLE, Professeur. ° 

Dr Guiraup, à Montauban. 

Dr Guirar», Professeur à l’Ecole de Médecine, Fondateur. 

Isarn, Premier commis des douanes. 

Dr JeanBennaT, Membre de la Société botanique de France. 

Jozy (Arthur), Professeur au Lycée de l'Ile de la Réunion. 

D: Jorx (Emile), Médecin aide-major, Fondateuf. | 

JouGLa (Joseph), interne des Hôpitaux de Paris. 

L. Joux, Ingénieur des poudres. | 

Dr Laséna, Chef des travaux anatomiques à l'Ecole de Médecine. 

Lacaze (Marius), Fondateur. 

Lacroix (Adrien), Fondateur. 

Lamserr, Fondateur. 

LassèrE, capitaine d'artillerie. 

Macnax (Henri), Membre de la Société géologique de France, 
Fondateur. 

MaGxes fils, Dr en pharmacie. 


— 189 — 


MM. De Mararosse (Louis), Membre de la Société archéologique du Midi. 
Marquet, Membre de la société Entomologique de France, Fondateur 
Marty, Fondateur. 

Mezuiés, Professeur à l'Ecole des Arts, Fondateur. 

De Monrzezux (Armand), Fondateur. 

Mussy, Ingénieur des mines, à Vicdessos (Ariége). 

PENDaRIES (Emmanuel). 

PEyre (Armand), Membre de la Société botanique de France, et de 
la Société de géographie, Fondateur. 

Pierre (Alexandre), Fondateur. 

Pra, Professeur à l'Ecole Normale, Fondateur. 

De PLaner, Ingénieur civil. 

REGNAULT (Félix). 

Rivière, Fondateur. 

Rozy, Professeur à la Faculté de Droit de Toulouse. 

De Samsucy (F.), Mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux. 

Dr Taomas (Philadelphe), à Gailiac (Tarn). 

Taoumaine, chef de gare, à Foix. 

TimBaz-LaGRAvE (Ed.), Pharmacien. 

. TimBaz-LaGrAve (Albert). 

Tousan, employé des Ponts et Chaussées. 

Trurar, Conservateur du Muséum d'histoire naturelle de Toulouse, 
Dirr des Matériaux pour l'histoire prim. de l'Homme, Fondateur. 

VipaL. 


& Membres correspondants. 


MM.Armarp, Archiviste, au Puy (Haute-Loire). 

D'Aquiza (Philippe), à Paris. 

D'AQuiLa (Louis), à Paris. 

Augoux, Profes. d'histoire naturelle au Collége de Lodève (Hérault). 

Dr Bzeicuer, Répétiteur d'Histoire naturelle à l'Ecole du service de 
santé militaire, à Strasbourg. 

D: Bras, à Villefranche (Aveyron). 

CaanTRe (Ernest), Membre de la Société géologique de France, et 
de la Société des sciences industrielles de Lyon. 

Dusax (Bruno), Directeur de la Revue archéologique du Midi. 

Fourcane (Charles), Naturaliste à Bagnères-de-Luchon. 

Lazanne (Philibert), correspondant de la Commission de topographie 
des Gaules, à Brive (Corrèze). 

Maznowsxt, Professeur au Collége d’Alais (Gard). 

Massenar (Elie), Manufacturier, à Brive (Corrèze). 

De Messemeker, à Bergues, près Dunkerque. 

Pararez, à Mende (Lozère). 


— 190 — 


MM. Pousoz (Henri), à Mérueys (Lozère). 
Tourxaz, Directeur du Musée de Narbonne. 
Vazvemar Scuminr, attaché au Musée des antiquités du Nord, à 

Copenhague. 
Vencxes, Naturaliste, à SfrAsbOUrg, 


Officiers de la Société 
Pendant l’année 1869—41870. 


Président honoraire : M. le Dr Ed. Fiznoz, président sortant. 
Président : M. le Dr Gurrarn. 


Vice-présidents : M. Eugène Trurar. 
M. P1a. 
Secrétaire-général : : M. Emile CarTaAILHAC. 
Secrétaire-adjoint : M. Armand Pevyre. 
Trésorier : M. MARQuET. 
Archiviste : M. Albert TIMBAL-LAGRAVE. 
Membres du Conseil | M. le D' Gourpon. 
d'administration : M. H. Macxan. 
M. le Dr JEANBERNAT. 
Comité de M. H. MaGnaw. 
publication : M. Eugène TRuTAT. 


M. D’Auguisson. ‘ 


— 191 — 


LISTE 


des Académies et Sociétés savantes 


Avec lesquelles la Société d'Histoire naturelle est en correspondance. 


Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse. 

Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. 

Académie des sciences, arts et belles-lettres de Clermont-Ferrand. 

Académie de la Rochelle (section sciences naturelles). 

Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen. 

Société académique de Maine-et-Loire. 

Société de médecine, chirurgie et pharmacie de Toulouse. 

Société linnéenne de Bordeaux (Gironde). 

Société zoologique d’acclimatation, Paris. 

Société des sciences naturelles de Strasbourg (Bas-Rhin), 

Société d'agriculture, sciences, arts et commerce du Puy (Haute- 
Loire). 

Société d'agriculture de la Haute-Garonne. 

Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron. 

Société des sciences naturelles de Colmar (Haut-Rhin). 

Société d'agriculture, d'archéologie et d’histoire naturelle du 
département de la Manche. 

Société d'études scientifiques et archéologiques de Draguignan. 

Société des sciences physiques et naturelles d’Ille-et- Vilaine. 

Société d'agriculture, sciences et belles-lettres de l'Aube. 

Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers. 

Société des sciences et arts de Vitry-le- Français. 

Société des sciences historiques et naturelles de Semur (Côte-d'Or). 

Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Seine-et-Marne. 

Société polymatique du Morbihan. 

Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. 

Société Algérienne de climatologie et des sciences physiques et 
naturelles, Alger. 


— 192 — 


 Socièlé d'agriculture, industrie, sciences, arts el belles-lettres de 
la Loire. 

Société d’émulation du Jura (Montbéliard). 

Société d'agriculture, sciences et arts de la Marne. 

Société littéraire et scientifique d’Apt (Vaucluse). 

Société des sciences naturelles et historiques de l'Ardèche. 


Journaux et Revues. 


Revue agricole du Midi. Directeur : Dr Gourdon. 

La Minerve de Toulouse, Directeur : Gatien-Arnoult. 

Matériaux pour servir à l’histoire primitive et naturelle de 
l'Homme, Directeurs : Trutat et Cartailhac. | 


— 193 — 


TABLE DU VOLUME. 


ORDRE CHRONOLOGIQUE: 


( Les travaux rédigés par les auteurs sont indiqués par des lettres grasses ) 


Séance de rentrée du 19 novembre 4869... ...... 

Essais d’acclimatation du Pyrox et de l’Asclepias seriaca (D' Garno) 

Cire AE CO te OT de es sure 

Renseignements sur des silex de l’âge du Renne, donnés par 
M. Detroyat et sur divers objets recueillis dans des grottes, 
etenvoyés par la Société de Climatologie algérienne (E. Car- 


RP AMEN SACS ES el at UT 
Nouvelle localité du Verbascum glabrum, Mill. (Argent TimBaL- 
A) SE SOTAQ-STN LE. beau o À A rt. 
Note sur le terrain crétacé inférieur (néocomien, aptien, albien) 
des Pyrénées françaises et des Corbières (H. MaGnaw). . . . 
mo décembres . £h. Marie nb: sine sdtnt share 


Fouilles faites dans la grotte de Montesquieu près Audinac — 
Haute-Garonne. — Anthropophagie (F. REGNAULT). . . . . 
Discussion sur l'anthropophagie (E. CarraiLac, Ficnor, L. pe 
D TRUEAR)TR Je eo al. etre miatedion rh .+s 
Infra-lias de la Lozère (L. DE MALAFOSSE). . . . . . . . . . . .. 
Comparaison et altitude des dépôts infra-liasiques du plateau cen- 
Morde France L. MAGnan) TT afro elite oil rh 


1 


— 19% — 


Fossiles du miocène de Miélan, — Gers (E: TRUTAT).. . . . . .. 
Séance ‘du’ 7 janvier 1870, 4... 0; HUILE DRE 
Élections annuelles Tite 0 RROROMENTONMART IN RSS 


Note sur la craie moyenne des Pyrénées Fa et des Corbières 
(cénomanien et turonien) (H. Fyaess ds 

Séance du SE janvier. 41 ETES EP EEE RE an he ne - 

FnStalltion du’bureau! : ENTER ESS SN ONE 

Fouilles dans les grottes de la Haute-Garonne (E. Fiznor) . . .‘. 

Anthropophagie préhistorique (E. CarrTaïznac, J EANBERNAT, L. DE 


MALMOSSE).. + SOI PE NE 
Séance A/R VrIerr ENTERREMENT  RR 

* Aperçu géologique de la région comprise entre Soulatge et le 
Pont de la Fou, — Pyrénées-Orientales (H. MAGnan). . . . . 
Origine des eaux sulfureuses (E. Fizuoz, H. MaGnan). . . . .. 
Description du Felis spelæa (E. Firmor). . . . . . . . . . . .. 
Séance du 25 février ue LS ROAUAMTEME STONE 
Grottes de la Barousse, — Haute-Garonne (C. FouquE).. . . . . 


Note sur la craie supérieure des Pyrénées et des Corbières. — 
(senonien, craie de Maëstricht, danien, garumnien) WE MAGNAN) 
Séance du PT'mars! eULESIRMMELUMDE ENIGMES RNRREREES 


Nomination d'une commission pour étudier une question intéres- 

sant le progrès des sciences naturelles. . . . . . . . . . .. 
Séanceidur Rare Ait e iron rt RAC ENERREES 
E. CarrarzHac. — Pétition au Ministre en faveur de l'His- 

toire naturelle! 12 GET AK em E M T2 SONT 
Séance due dpril?uicn 42H00 AIDANT RO SEL 
Aperçu de la continue géognostique de la vallée du Ger 

ES MAGRANPE MLUNICS ERNST JT IA 
Séancel due avril UPS Os ts Na ON NES 
Silex taillés de Roquesérière. — Haute-Garonne (CaBré). . . . . . 
Plan en relief du Mont-Blanc par M. Lézat (Dr Gournon). . . . . 


H. Macnax. — Documents relatifs à la connaissance de la 


partie inférieure du terrain de craie (néocomien, 
aptien, albien) des Pyrénées françaises et des Cor- 
bières, et à certaines critiques faites par M. Leymerie, 
à propos de ce terrain et des étages du muschelkalk 
et du zechstein dans le Tarn et l'Aveyron. (PI. I.) . 
Séance du 6 mal: : :.: : 2: AW, AE MR AR ATP EAN 
Découverte du Diplotaxis viminea, par M. Desjardins (A. PeyrE). 
Etude du Potentilla verna (En. TimBa-LAGRAVE). . . , . . : .. 


344 
LG 
46 
46 


ml un ns due beta v 
Adhésions de trois sociétés à la éiton pour l'histoire naturelle. 
Découverte d’ossements humains au moulin du Bazacle (CHALANDE) 
Découverte du Muscari Lelievrei, etc (A. PEYRE). . . . . . . .. 
Herborisation à la prairie de Portet (ALBERT TIMBAL-LAGRAVE, fils). 
RU... | RS a rldine-E C RE N 
Adhésions de trois sociétés à la pétition pour l’histoire naturelle. 
Mais Lacaze. — Etude critique de la nutrition. . . . .. 
DC UMIOn (DE LANOCAT, DT GOURDON). : . : +. : . : . . . . ., 
UE Pa no TS ee 
Adhésion de six sociétés à la pétition pour l’histoire atirelle. 
Dr. J. Gouron: — Du véritable rôle des aliments dans la 
RO ne Mr eee pod RAR Nec kcyi ts Tiré 
ET ln pe a hA 
Adhésion d’une société à la pétition pour l’histoire naturelle. . . 
Sur la période glaciaire dans les vallées de la Garonne et de la 
EN RER NAT) En e, au rue ope aies ele en e 
Sur les anciens glaciers des Pyrénées (H. Magna). . . , . . . . 
MU AT es DU banas D erohl beton 
Adhésions de deux sociétés à la pétition pour l’histoire naturelle 
De Guirarp. — Un mot sur le Sarracenia purpurea.. , . .. 
Discussion (Dr Gourvon, TimBaz-LaGrAve, E. Ficnoz, MarQuET). . 
H. Macxan. — Notice sur le terrain quaternaire des bords 
de la Montagne-Noire, entre Castres et Garcassonne, 
et sur l’ancien lit de l’Agout. (PI. IL.) . . . . . . . . . . 
D' Ewize Jocy. — Contributions pour servir à l'histoire 
naturelle des Ephémérines. (PI IIL.) . . . . . . . .. 
EL nn, Nu ee 
Adhésion d’une société à la pétition pour l’histoire naturelle. . . 
D'E. Fimo. — Note sur la composition des ossements 
fossiles trouvés dans la caverne de Lherm (Ariége). 
Ep. Timpa-LaGrave. — Précis des herborisations faites par 
la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, pendant 
a ht. ioahen ne cie Lois 


Liste des Académies et Sociétés en correspondance avec la com- 
ne de mual sure 


4142 
114 
116 
116 


419 


— 196 — 


TABLE MÉTHODIQUE. 


Géologie et Paléontologie. 


Notessur le terrain crétacé des Pyrénées françaises et des Corbières 
(H. Macnan). 
10 Sur la craie inférieure (néocomien, aptien, albien). . 
20 Sur la craie moyenne (cénomanien, turonien). . . . .. 
3° Sur la craie supérieure (sénonien, craie de Maëstricht, 
danien, garumnien). ......... MP ee 
Infra-lias fossilifère de la Lozère (L. DE Mb te PAT + 
Comparaison et altitude des dépôts infra-liasiques du plateau central 
de la France TH MAcnan) ent LS 10 ST TES RM 
Fossiles du miocène de Miélan, — Gers (E. TRUTAT). . . . . . . . 
Aperçu géologique de la région des Pyrénées-Orientales comprise 
entre Soulatge et le Pont de la Fou (H. MaGnaw). . . . . . . 
Terrains où prennent naissance les eaux sulfureuses (E. Fiznou, 


EC MELGNENRS ON SUITE RER TT TE OT CREER 
Description du Felis spælea (E. FizmoL). . . . 4 . . . : 0. 
Aperçu de la constitution géognostique de la vallée du Ger 

(H. MAGNan). . . . . Qt oh à À nd RS TN 18 eV PT O0 SRI 
Documents relatifs à la connaissance de la partie inférieure du 

terrain de craie (néocomien, aptien, albien) des Pyrénées 

françaises et des Corbières, et à certaines critiques faites par 


M. Leymerie, à propos de ce terrain et des étages du mus- 
chelcalk et du zechstein dans le Tarn et L'AIR 


(PL 1): (Hs : Magnan).-t, 2 à. CON etiEs 
Sur la période glaciaire dans les vallées de la Garonne et de la 
Pique (Dr, JEANBERNAT) 4447 11 eue fée ét ARR A ETATS 
Sur les anciens glaciers des Pyrénées (H. MaGnan). . . . . . . . 
Notice sur le terrain quaternaire des bords de la Montagne-Noire, 
entre Castres et Carcassonne, et sur l’ancien lit de l’Agout 
(PL:IE.). (Maggie ce ie ui 6e ARS 


34 


412. 
114 


— 197 — 


Note sur la composition des ossements fossiles trouvés dans la 
, caverne de Lherm (Dr E: Fiznoc). . . . . . . .. A Hat ai 


Anthropologie. 


Renseignements sur des silex de l’âge du Renne donnés par 
M. Detroyat et sur divers objets recueillis dans des grottes et 
envoyés par la Société de Climatologie algérienne (E. CARTAILHAC) 

Fouilles faites dans la grotte de Montesquieu près Audinac, — 


Haute--Garonne, — station préhistorique. — Traces d’An- 
Mponlacie (EE REGNATENNNE. 2! 24 rio PUR, 
Discussion sur l’Anthropophagie (E. CarrarzHac, E. Ficroz, L. DE 
MALAFOSSE, E. TRUTAT, D' JEANBERNAT). . , . . . . . . . 11 
Fouilles dans les grottes de Salech et du massif d’Arbas, — Hautc- 
RP AP ARIER OLA. HIT IS PANNES A LENCO, 
Grottes de la Barousse, — Haute-Garonne (GC. FouQuE). . . . . . 
Silex taillés de Roquesérière, — Haute-Garonne (CABIÉ). . . . . . 


Ossements humains du 17° siècle, au moulin du Bazacle 'CHALANDE) 
Zoologie. 


Etude critique de la nutrition (M. Lacaze), . . . . . . . . . .|. 
D cusson (DE LavocaT, D' Gouapon): : .: 4. . . 4. . 
Du véritable rôle des aliments dans la nutrition (D' GournoN). . 
Contributions pour servir à l’histoire naturelle des Ephémérines 

D Es JOLY) MC La ae Li at si ss 


Botanique. 


Essai d’acclimatation du Pyroæ et de l’Asclepias seriaca (D' Guirarp) 
Nouvelle localité du Verbascum glabrum, Mill. (Arsert TimpaL- 

VO AO aie il a, te fa nntals 
D daricot Mexicain (MAINE).. . 4 UC il. à 
Découverte du Diplotaxis viminea par M. Desjardins (A. PEvrE). 
Etude sur le Potentilla verna, En. TimBAL-LAGRAVE . . . . . : . 
Découverte du Muscari Lelievrei, et de l’'Ornithogalum Peyrei 

22 LIEN MAN ANA SAT TP En CE CR 
Herborisation à la prairie de Portet (AzBerr TImBAL-LAGRAVE, fils). 
Un mot sur le Sarracenia purpurea (Dr Gurrar») 


152 


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