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Full text of "Bulletin Societe D'Histoire Naturelle de Toulouse (et de Midi Pyrenees)."

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BULLETIN 


DE LA 


SOCIÉTÉ 
D'HISTOIRE - NATURELLE | 


DE TOULOUSE. 


CINQUIÈME ANNÉE. — 1870-1871. 


TOULOUSE 
TYPOGRAPHIE DE BONNAL ET GIBRAC, 
RUE SAINT-ROME, 44. 

PARIS 


SAVY, LIBRAIRE-ÉDITEUR 
RUE HAUTE-FEUILLE, 24. 


1870 


mn AD 7 D SR : 


BÜLLETIN 


SOCIÉTÉ D'HISTOIRE NATURELLE 


DE TOULOUSE. 


BULLETIN 


SOCIÉTÉ 


D'HISTOIRE NATURELLE 


DE TOULOUSE 


CINQUIÈME ANNÉE. — TOME V. 


es 


TOULOUSE 
_ TYPOGRAPHIE DE BONNAL ET GIBRAC 
RUE SAINT-ROME, 44 


1871. 


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BULLETIN 


DE LA 


SOCIÉTÉ D'HISTOIRE NATURELLE 


DE TOULOUSE. 
CINQUIÈME ANNÉE 1874. 


Séance de rentrée du 214 avril 1871. 


Présidence de M. E. TruTaT, vice-président. 


Le Président ouvre la séance par une courte allocution. La 
Société d'Histoire naturelle ne s’est pas réunie depuis plus de huit 
mois; comment lui aurait-il été possible de s'occuper de ses 
études au milieu des préoccupations constantes causées par les 
effroyables malheurs qui ont écrasé notre pays ! 

Quelques membres de la Société s'étant trouvés réunis au mois 
d'octobre, ont tenu à honneur d’associer la Compagnie à la protes- 
tation faite par l’Institut conire le projet de bombardement de la 
ville de Paris par les Prussiens. La Société a unanimement 
approuvé leur démarche et le texte de l'adhésion, HUPE en son 
nom dans les journaux. 

Or, non seulement les obus ont semé dans tout Paris la désola- 
tion et la mort, mais le Muséum d'Histoire naturelle a été spécia- 
lement bombardé, et il n’a pas dépendu des Prussiens que notre 
plus grand établissement scientifique ait échappé à un désastre 
irréparable pour la science. 

La France n’est sans doute pas à la fin de ses épreuves, toute- 
{ fois il est temps de reprendre nos travaux ; les études scientifi- 


— 6 —— 
ques peuvent largement contribuer à effacer les maux du présent, 


à préparer un meilleur avenir. Remettons-nous donc avec énergie 
au travail, et ce sera encore lutter pour la patrie. 


La Société a reçu trois livraisons de la Société d’acclimatation 
de Paris. | 

La séance ést remplie par des discussions touchant l’administra- 
tion intérieure de la Société. 


Séance du 5 mai 1871. 
Présidence de M. Pra, Vice-Président. 


La Société procède à ses élections annuelles. Le premier tour de 
scrutin n'ayant pas donné de résultat quant à l'élection du 
Président, celle-ci est renvoyée à la séance suivante, afin de 
pouvoir provoquer les votes des membres titulaires non résidants. 

Sont nommés : | 


MM. le D: JeanNBERNAT et Lacaze, vice-Présidents. 

M. le D' Laépa, Secrétaire-général. 

M. AcserT TimBaL-LAGRAVE, Secrétaire-adjoint. 

M. Marquer, Trésorier. 

M. LamgerT, Archiviste. 

MM. D'AUBUISSON, JEANBERNAT, MAG et Mezués, membres 
lu Comité de publication. 


Séance du 419 mai 1971, 


Présidence de M. Lacaze, vice-président. 


Le Président annonce une présentation. | 
M. le D: CLos, professeur à la Faculté des sciences, directeur 


PAR FER 


du Jardin des Plantes, membre honoraire de la Société, est élu 
Président. 

MM. le Dr Gurrarp et PLa sont nommés membres du Conseil 
d'administration. ; 
_ À la suite d’une demande, signée par dix membres, M. le 
D: Guirarn, fondateur de la Société, Président sortant, est 
nommé par acclamation Président honoraire. 

M. le Trésorier rend ses comptes de gestion. 


M. Timbal-Lagrave père communique une note sur le Muscari 
neglectum, de Gussone, trouvé dans une herborisation à Avigno- 
net, le 14 mars 1871. 

M. Timbal-Lagrave fait observer que les caractères attribués 
par les auteurs à cette plante sont vagues et indécis, ce qui fait 
qu'on Le peut la distinguer facilement des grands échantillons du 
Muscari racemosum, très commun dans nos environs. 

L'auteur de cette note étudie de nouveau cette liliacée et fait. 
ressortir les caractères uirés des bulbes et des bulbilles qui sont 
très caractéristiques et ne permettent pas de les confondre avec sa 
congénère qui possède, en outre, une floraison bien plus précoce. 


M. À. Peyre signale à la Société plusieurs cas de tératologie 
végétale, observés par lui dans ses dernières herborisations. Il 
décrit, en particulier, la variété ligulata de l'Euphorbia verrucosa, 
L., la Peloria anectaria du Viola virescens, Jord.; enfin, le 
Campanula glomerata, L., uniflore et à calice virescent. 


M. Adrien Lacroix fait connaitre à la Société que l’hiver rigou- 
reux que nous venons de traverser a déterminé le passage en 
Europe, et même dans notre département, de plusieurs espèces 
d'oiseaux qui vivent habituellement dans les mers polaires ; au 
nombre de ces oiseaux, il signale, d’une manière particulière, le 
» Cygne de Berwiek et le Cygne américain. Ces deux espèces ont 
été tuées à Saint-Martin-du-Touch (banlieue de Toulouse). : 

M. Lacroix ajoute que l’été exceptionnei de 1870 nous a 
amené le Héro-Garde-Bœuf, espèce qui habite le Sénégal, et qui 
est très rare dans le Midi de la France. 


a | CR 
M. le professeur Filhol donne lecture de la Note suivante : 


Note sur une matière colorante particulière aux plantes du 
genre Amaranthe, par M. E. Ficnor. 


Plusieurs plantes, parmi lesquelles il en est bon nombre 
qui sont cultivées dans les jardins comme plantes d’orne- 
ment, sont remarquables par la couleur de leurs feuilles 
qui, au lieu de paraître franchement vertes, présentent une 
nuance rouge, rose, violette, pourpre ou noirâtre. 

Le plus souvent, ces feuilles renferment une quantité de 
chlorophylle tout aussi grande que celle qui existe dans les 
feuilles vertes, mais la couleur de la chlorophylle est dis- 
simulée par celle d’une quantité plus ou moins considérable 
de cyanine, qui est déposée dans les cellules superficielles. 
Il est facile dans ce cas de faire apparaître la matière verte, 
en plongeant la feuille colorée en rouge dans un mélange 
d'acide sulfureux en dissolution et d’un peu d’éther. La 
cyanine est rapidement décolorée par l’acide sulfureux, et 
la feuille rouge semble se transformer subitement en une 
feuille verte. 

On peut faire cette expérience, qui est très brillante, en 
opérant sur des feuilles de certaines variétés de Coleus, 
d’Atriplex, etc. 

Les feuilles de plusieurs espèces d’amaranthe dont la 
nuance rouge, pourpre, ou violette est fort riche, se com- 
portent tout autrement, et leur matière colorante rouge 
résiste à l’action décolorante de l’acide sulfureux. Cette 
matière n’est donc pas de la cyanine. 


Voici les principales différences qui existent entre la . 


substance rouge des feuilles d’amaranthe et la cyanine : 


4° La matière colorante des amaranthes est insoluble 


dans lalcool, tandis que la cyanine s’y dissout très-bien. 

2° La matière colorante des amaranthes prend au con- 
tact des alcalis une nuance rouge, jaunâtre, au lieu de 
devenir bleue. 


ar Qi 

3° Cette même matière change de nuance quand on fait 
agir sur elle un acide inorganique en solution étendue et 
prend une teinte d’un beau violet bleuâtre dont l’éclat ne 
le cède en rien à celui du violet d’aniline. 

Il ne m’a pas été possible de faire. une étude complète de 
cette matière, parce que je ne disposais pas d’une quantité 
de feuilles suffisante. J'ai pu constater, toutefois, qu’elle est 
incristallisable, et qu’elle produit avec certains oxydes inso- 
lubles des laques d’une couleur violette magnifique. Les 
feuilles d’'amaranthe, colorées en pourpre, renferment de 
la chlorophylle dont la couleur peut être mise en évidence 
avec la plus grande facilité. Il suffit, en effet, de les traiter 
par de Peau bouillante pour obtenir un liquide rouge, en 
même temps que la feuille devient verte. 

Si des circonstances plus favorables me permettent plus 
tard de mieux étudier la matière rouge des amaranthes, 
J'aurai l’honneur de faire part à la Société du résultat de 
mes nouvelles recherches. 


Séance du % juin 18714. 
Présidence de M. le professeur CLos. 


Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le 
Président proclame membre de la Société : 

M. Guiuem, présenté par MM. Henri Filhol et Albert Timbal. 

Le Président annonce plusieurs présentations. 


MM. Timbal-Lagrave père, Jeanbernat et Magnan sont dési- 
nés pour constituer la Commission des excursions scientifiques. 
MM. d’Aubuisson et Marquet font passer sous les yeux de la 
Société quatre individus d’une espèce de petit lézard, qu'ils ont 


— 10 — 


capturé sur les bords de la Méditerranée, entre l'étang de Vias 
et la mer. Ce joli petit animal, destiné à figurer au Musée de la 
ville, a été décrit, pour la première fois, par M. Dugés, qui le : 
nomma Lacerta Edwarsuü. Il est remarquable par la vélocité de 
ses mouvements, car il est impossible à l’œil le plus exercé de le 
suivre dans sa RAR à travers les carex du rivage. Lorsqu'on le 
saisit, 1l pousse un petit cri qui a une certaine analogie avec celui 
de la chauve-souris. 


M. H. Magnan entretient la Société d'Histoire naturelle de divers 
terrains détritiques des environs de Pau. 


Il rappelle que Palassou avait su distinguer d’une manière toute 
particulière, il y a déjà longtemps, un poudingue à éléments cal- 
caires, qui constitue les coteaux de Jurançon et qui se montre 
dans le gave et dans le pare de Pau, poudingue que M. Leymerie 
a identifié avec celui qui, dans la Haute-Garonne, recouvre le 
terrain nummulitique et qu’il a désigné en l’honneur du fondateur 
de la géologie pyrénéenne, —- qui l’avait le premier ment — 
sous le nom de poudingue de Palassou. 

Depuis lors, certains géologues qui se sont occupés des Pyrénées, 
notamment d’Archiac, avaient émis des doutes sur la contempo- 
ranéité de ces poudingues. Ils croyaient que les roches poudingifor- 
mes de Pau et de Jurançon étaient beaucoup plus récentes que celles 
de la Haute-Garonne, de l’Ariége et de l’Aude. Tout récemment 
encore M. Stuart Menteath les rangeait dans la période miocène 
et les croyait d’origine glaciaire. 

M. Magnan vient d'étudier la région où se trouve le terrain en 
discussion, et il en a rapporté une coupe faite sous le méridien 
de Pau, entre Gan et les landes du Pont-Long. 

Cette coupe montre: 

A0 Qu’au dessusf du terrain nummulitique, incliné au nord, 
reposent en concordance, — ici comme dans la Haute-Garonne, 
l’Ariége et l’Aude, — de puissantes couches de poudingue à élé- 
ments généralement calcaires et impressionnés, alternant avec de 
minces bancs de grès, nettement stratifiés. Ces roches rappellent de, 
tous points celles qui, dans les parties médiane et orientale des 
Pyrénées et dans les Corbières, appartiennent à l’éocène supérieur. 

20 Que ces roches légérement inclinées, sur la rive gauche du 


deu Ÿ COR 


gave et dans le pare de Pau, sont recouvertes par des couches 
horizontales, formées d'argile jaunâtre et de cailloux ou de blocs 
+ de nature diverse (granite, gneiss, quartz, schiste, calcaire, etc. ;) 
souvent en décomposition, qui appartiennent au miocène et qui 
réprésentent les bords de l’ancien lac tertiaire. 

3° Que ces couches sont elles-mêmes surmontées par des dépôts 
diluviens (cailloux de quartziies et variés), qui constituent les 
terrasses étagées sur lesquelles se trouvent assises la ville de Pau 
et les landes du Pont-Long. 

D'où M. Magnan conclut qu'il y a, à Pau, trois sortes de terrains 
détritiques, — que d’Archiac et d’autres observateurs avec lui 
avaient confondus, — et que M. Leymerie a eu raison de donner 
à l’un d’eux le nom de poudingue de Palassou. 

M. Magnan croit devoir ajouter que l’honneur de la déter- 
mination exacte de l’âge du poudingue dont 1l s’agit revient à 
M. Noulet : c’est ce savant qui a montré que des couches calcaires 
(ui lui sont subordonnées, dans l’Ariége, contiennent des coquilles 
fluvio-lacustres de l’éocène supérieur. 


Le Secrétaire général donne lecture, au nom de M.Ae D' Guitard, 
Président honoraire, du Mémoire suivant : 


Notice sur le Pastel, par M. le D' Gurrarp. 


Messieurs, 


. Vous avez vu, par mes précédentes communications, que 
je désire entrainer le public dans la voie des expériences 
relatives à l’acclimatation des plantes étrangères qui peu- 
vent être pour nous un objet d'utilité ou d'agrément. 

Toutes les fois que j'en aurai l’occasion, et je la recher- 
che avec une avide sollicitude, j'aurai lhonneur de vous 
en donner connaissance. : 

Aujourd'hui, il ne s’agit pas d’une plante à nous incon- 
nue jusqu'ici, l’une plante qui n'ait pas réussi dans notre 
zone; je viens vous pdrler d’une plante utile, indus- 
trielle, malheureusement tombée, pour ainsi dire, dane 
Voublr, ou mieux encore, presque partout délaissée. 


si HR 


22 


Je voudrais la réhabiliter, car je voudrais « conserver à 
la France une spéculation agricole et industrielle, qu'il est 


fâcheux de négliger. Pourquoi, en effet, mendier à l’étran- 


ger ce que la nature a placé tout près de nous? » 

Cette plante, c'est le Pastel, Isatis tinctoria (L.). 

En voici la synonymie : chez les Grecs : Ioari rnpepos ; 
les anciens Germains : Waïd ; les Celtes : tantôt Wadda, 
tantôt Glass, d'où les Romains avaient fait Glastum sati- 


vum ; ils ’appelaient aussi Aysginum, Vitrum; les Anglais : 


Woad ; les Allemands : Waid ; les Hollandais : Weede ; 
les Russes : Livwak ; les Polonais : Sinsilo, les Danois : 
Vede ; les Suédois : Vejde; les Italiens : Gradone ; les 
Espagnols et les Portugais : Pastel; les Français : Pastel 
de Paste et Pâte, Guesde et Guède et l' Herbe Lauragaise ; 
les Arabes: Nil, Nilech, Indicum ; les Barbares : Osatis. 

A l’occasion de ce mot : Vitro, par lequel les Latins ont 
quelquefois désigné cette plante, je dois dire que certains 
commentateurs ont pensé qu'il fallait lire Nitro, d'autres 
Luteo, d'autres Glauco, ou bien Ultro, ou Glasto. 

Il est certain, cependant, que les Latins connaissaient un 
Vitrum, à propos duquel Oribase écrit : « Zsatim infectores 
» Vatrum appellare, » et Vitruve : « Zidem propter inopiam 
» coloris Indici Cretam Selinusiam aut anulariam Virro 
» quod Grœci Isatim appellant inficientes imitationem faciunt 
» coloris Indici. » (Lib. VIE, cap. XIV). 

Enfin, J. Bauhin (De plantis a divis sanctisque nomen 
habentibus) la décore du nom de : « Herba Sancti Phihippt.» 

Ces nombreuses dénominations prouvent deux choses, 
d'abord la très ancienne notoriété de cette plante et puis 
son importance reconnue de tous. 

Théophraste nous apprend que Démocrite est le plus 
ancien auteur grec qui en fasse mention. 

Les Celtes et les Gaulois, selon Strabon, obtenaient des 
couleurs pourprées ou violettes en mettant ensemble la 
Garance et le Pastel, ce qui prouve que l'usage du Pastel, 


CÉRREUTLe 


comme plante tinctoriale, était déjà connu dans les Gaules 
avant la conquête romaine. 

Pline (lib. XXII, cap. 1 ) s'exprime en ces termes, 
à ce sujet : « Simile Plantagini Glastum in Gallia vocatur, 
quo Britannorum conjuges nurusque toto corpore oblitæ, 
quibusdam in sacris nudæ incedunt, OEthiopum colorem 
imitantes, » 

Herodianus rapporte que, sous le règne de l’empereur 
Sévère, cette coutume de peindre ainsi le corps en bleu 
par le Pastel était bien loin d’être tombée : « Quin ipsa 
notant corpora picturà varià,.et omnifariam formis anima- 
lium, quo circa ne 5: quidem , videlicet pictura 
Corporis ne adoperiant.…. 

Mela (lib. If, cap. VD, parlant des Bretons, dit aussi : 
« Incertum ob decorem an quid aliud, Vitro corpora ini 
Clunt... » 

Nous trouvons encore dans les Commentaires de César 
( Guerre des Gaules, hv. V): « Omnes verd se Britannici 
Vitro inficiunt quod cæruleum afficit colorem ; atque hoc 
horribiliore sunt in pugna adspectu..…. ù 

Tous ces renseignements tendent donc à prouver, et 
prouvent même, sans aucun doute, que le Pastel a été 
connu depuis longtemps, qu'il était employé à teindre en 
bleu soit les tissus, soit le corps de l'homme lui-même, et 
que cette pratique fut empruntée aux Ethiopiens ou aux 
Indiens. 

Il faut ensuite traverser une longue suite d'années pour 
en signaler quelques traces dans les écrits. 

Cest ainsi que nous retrouvons le mot Pastel employé 
dans les Chartes du X[ siècle de notre ère. Le gâteau 
de Pastel s’y appelait la Pastelle, la couleur, pastelure, et 
la plante elle-même y est souvent désignée sous le nom de 
l'Herbe du Lauragais, toutes indications évidentes de la 
culture du Pastel en France, et spécialement dans le Pagus 
Tolosanus, vers cette époque, quoique certains auteurs 
l'aient crue plus tôt cultivée en Allemagne qu'en France. 


LA era 


Ilest certain, cependant, à ne pas en douter, que cette 
culture était générale au XIII siècle, aux environs d'Er- 
farth, et que ce commerce était déjà si important et si 
lucratif, qu'une ancienne chronique assimile à une monta- 
gne d’or les bénéfices qu’en avait retirés la Thuringe. 

En 1404, le commerce et l’industrie de Toulouse se bor- 
naient à la fabrication d'armes et de machines de guerre, 
et à celle du Pastel, seule matière alors employée pour la 
teinture des étoffes. 

Ce commerce y était très-lucratif et très-étendu, sur- 
tout dans PAlbigeois etle Lauragais. 

Dans ces contrées, les gâteaux de Pastel reçurent le nom 
de Coques, Cocagnes, comme d’autre part, celui de Florées. 

L’Albigeots et le Lauragais furent bientôt appelés « lé païs 
dé las cocos, » le pays de Cocagnes, d’où l’extension de 
cette dénomination à tous les pays qui donnaient vite le 
bien-être de la vie. 

Les registres des hommages et des reconnaissances du xv° 
et du xvi siècle indiquent, pour ainsi dire à chaque page, 
l'existence d’un moulin Pastelier. 

Il est donc bien évident que cette plante nous appartient ; 
il est aussi évident que la qualité en était supérieure et 
que son commerce y élait très-étendu, malgré la concur- 
rence de l’indigo, introduit en France en 1516. 

A certaines époques du xvr' siècle, il sortait de Toulouse 
par la seule porte du Bazacle, jusqu’à 8 et 9,000 balles de 
Pastel par mois. Le seul port de Bordeaux en expédiait, 
tous les ans, jusqu’à 200,000 balles du poids de 100 kilogr. 
chaque. | 

Jean de Bernuis, venu d'Espagne à Toulouse, marchand 
de pastel, fournissait la plupart des manufactures de l'Eu- 
rope : il avait à Bordeaux des vaisseaux à charger pour M 
l'Angleterre et les autres pays du Nord. 

L'étranger, en effet, en éprouvait un si grand besoin que, 
pendant les guerres de la France, il était convenu que ce ” 
commerce seraitlibre et protégé, et que les vaisseaux étran- … 


SE LS AE 


gers arriveraient désarmés dans nos ports pour y venir 
chercher ce produit. 

Le commerce en fut donc très-avantageux pour les Tou- 
lousains : Jean de Bernuis y gagna plus d’un million de 
son époque, c’est-à-dire de 6 à 8 millions de la nôtre, fit 
construire cet élégant palais qui est aujourd’hui notre lycée, 
car la plupart des beaux édifices de Toulouse furent cons- 
traits par des fabricants de Pastel, et il fut trouvé assez 
riche pour servir de caution à la rançon de François Ier, 
prisonnier en Espagne. 

En 1578, Triors, dans ses Joieuses recherches sur la langue 
Pholosaine, « adressées à tous les nobles enfants de Minerve 
‘estudians en celte fameuse et signalée université, ou 
envoyez pour ce faire, » raconte, à l'art. ardit, l'explication 
suivante qui, pour être singulière, n'en prouve pas moins la 
culture du Pastel dans notre pays et toute son importance. 

« Le soleil ni la chaleur ne sont cause de cette couleur 
brune ou Mauricaude des demoiselles Tholosaines, ainsi que 
c'est la poussière du Pastel qui est en grande abondance 
dans ce pays, duquel quidem Pastel la plus grande part 
d'êlles fait grand traficq, ou pour le moins leurs maris pour 
elles»... « De mesme il est mal aisé que celui ou icelle 
quiest souvent parmi le Pastel n’aye quelque part à la sei- 
gneurie de Montbrun, et. voilà pourquoi les susdites sont 
brunes et non pas autre chose... » 

Notre célèbre et immortel poète Languedocien, Goudouli, 
voulut lui aussi consacrer ainsi la culture du Pastel dans son 
pays: 

« E qué lé Seignou d’endacon 
Sé bouldra desfa dé quicon, 
Qué consisto, prèp d'un bilatgé, 
En dus parels dé labouratgé, 


Toc à toc d’un brabé castel, 
Garnit de bi, blat et Pastel. » 


L'Indigo fut interdit en Angleterre, en Hollande, en 
Allemagne et en France comme « couleur passagère et 


æ 


—16 — 


corrosive, » mais en réalité à cause de la concurrence qu'il 
aurait faite aux cultivateurs et aux fabricants de Pastel. 

En 1598, et sur la représentation des Etats du Langue- 
doc, le gouvernement Français défendit l'emploi de lindigo. 

En 1609, Henri IV lança un édit qui prononçait la peine 
de mort contre tous ceux qui emploieraient « cette drogue 
fausse et pernicieuse, appelée l'Inde. 

Sous Colbert, l'usage n’en fut permis, en France, qu’à la 
condition d'employer avec lui cent fois plus de Pastel. 

En 1650, une ordonnance fut rendue en Saxe contre 
l'emploi de l’indigo, appelé « l'aliment du diable. » 

Mais, malgré tous ces édits, l'introduction de lindigofera 
réussit de plus en plus. 

L'Angleterre ne cultiva le Pastel que vers les premières 
années du xvir* siècle ; mais ce fut au grand détriment de 
la France qui l'avait approvisionnée jusque là. 

Cependant la reine Elisabeth en défendit bientôt la cul- 
lure, par ce motif ridicule que la préparation était accom- 
pagnée d’une odeur désagréable ! 

En 1675, Mathias de Lobel (Stirpium adversaria nova, p. 
148), raconte dans le passage suivant tout ce qu'il sait*du 
Glastum sativum : « hujus sativi et longè omnium optimi 
» immensi tractus consiti Tholosanam ditant regionem, 
» ubi virens herba Guède : tabefacta autem et putrefacta, 
» ing; mola trutatili expressa herbacea sanies, in pægran- 
» des glebas aceruatur, et Pastel vernacale vocatur indeq ; 
» Galliæ, Angliæ et Belgiæ suppetit ad pannorum infecturas. 
» Serunt etiam circa Insulas Belgii urbem, et in Germania 
» ubi solum jusque, et lætum, perbonum dat Isatidem nec 
» multum Tholosana inferiorem. In Italia minus frequens, 
» edq; minus mirum si doctus Anguillara se nosse nega- 
» rit, et aliam Narbonensem Sylvestris Glasti speciem, pro « 
» sativo Glasto descripserit; quam nescio cur Dodonæus “ 
» Vaccariam vocarit, cum apud nos neq; vaccæ eam pas- 
» cuntur, nec ullam cum ea habet similitudinem, ullevia « 
» usui Sil. » 14 


PA DA 


En 1737, d'après les essais et les représentations de 
Dufay, nos teinturiers obtinrent l'entière liberté de faire 
comwe ils l'entendraient. 

A Nuremberg, les teinturiers juraient, tous les ans, de 
ne teindre en bleu qu'avec le pastel; mais il parait, cepen- 
dant, qu’en 1799, tout en violant ce serment, ils le prêtèrent 
encore. 

Sous le premier empire, et pendant le blocus continental, 
Napoléon essaya de donner une nouvelle impulsion à ce 
commerce presque tombé par suite de la libre importation 
de lindigo. 

Il proposa un prix de 100,000 fr. pour celui qui trouve- 
rait un moyen d'extraire du pastel une matière colorante 
capable de remplacer lindigo. 

Les savants se mirent aussitôt à l'œuvre, et nous verrons 
plus loin le résultat de leurs recherches. 

Aujourd’hui, quoique lindigo lui soit préféré, l'on cultive 
le pastel en Italie, en Allemagne, en Angleterre et, en 
France, aux environs de Valenciennes, de Caen et d'Albi. 

En 1854, la France a expédié 4,000 kilog. de pâte de 
pastel sur la Suisse, les Etats Sardes et l'Espagne. En 1855, 
3,000 kilog. seulement. En 1856, 8,009 kilog. pour l’Es- 
pagne. En 1857, seulement 875 kilog. En 1856, 13,000 
kilog. dont 12,900 pour l'Espagne et 1,000 pour l'Algérie. 
En 1859, 2,269 kilog. pour l'Espagne. 

Mais le Lauragais n’en fournit plus. Pourquoi n’y revien- 
drait-1l pas? Je l'ai essayé tout récemment dans un petit 
jardin, et j'ai pu m’assurer que les conditions atmosphé- 
riques lui ont permis non seulement de réussir, mais encore 
de bien réussir. 

Cest pourquoi j'ai eu la pensée d'écrire ces lignes et les 
suivantes, alors surtout que depuis la guerre de l’indépen - 
dance des Etats-Unis d'Amérique, le prix de l'indigo a 
doublé, alors encore que nous pourrions nous trouver en 
présence d’une disette de l’indigo soit par suite d’une maladie 
le l’indigofera, soit par suite de bouleversements politiques. 

TOM. V. 2 


me 19°. 


Après avoir ainsi traité la question historique, je vais 
maintenant étudier cette plante, successivement au point de 
vue de la botanique, au point de vue de sa culture etau 
point de vue de ses applications à l’industrie. 

Le Pastel ou Guède est le type de la tribu des Isatidées, 
de la famille des Crucifères. | 

Les auteurs anciens connaissaient le Pastel sauvage et le 
Pastel cultivé. 

C'est ainsi que Pline, dans son Ilistoire du monde (T. 2, 
liv. XX, chap. 2, p. 96. — Genève, 1625), s'exprime à cet 
égard : «Il y en a encore une tierce espèce qui vient parmi 
les forêts, Nos gens l’appellent Jsatis sylvatica. Ses feuilles 
broyées, appliquées en cataplasmes, sont propres à guérir 
les plaies. Quant à l’satis sativa, qui est une quatrième 
espèce de laitue, les teinturiers de laine s'en servent ordi- 
nairement. » | 

Foush Léonard, dans ses Commentaires très excellents de 
l'Histoire des Plantes, 1549, chap. 125, reconnait « qu'il y 
a deux manières d'Isatis, l’une est sative et cultivée, de 
laquelle usent, les teinturiers pour teindre laines et draps, 
l’autre est saulvage, de laquelle n’usent aucunement lesdits 
teinturiers, » 

Denis Joncquet (Hortus sive Index onomasticus planta- 
rum, quos excolebat Parisits, annis 1658 et 1659), accepie 
l'Isatis satva vel latifoha B. pin. 

Pitton Tournefort, dans son Histoire des Plantes qui nais- 
sent aux environs de Paris, signale en 1698, l’Zsatis sylves- 
tris vel angustifolia. 

Dans son Catalogue d'une partie des plantes qui croissent 
aux environs de Toulouse, publié en 1811, Tournon dit, à 
propos de lJsatis tincioria, que cette plante était jadis une 
des richesses du Lauragais. 

Dans sa Flore analytique de Toulouse et de ses environs, 
publiée en 1855, M. le professeur Noulet signale l’Zsatis 
linctoria (L.), comme subspontané, ça et là. Vallon de 
St-Geniés. R. — T. Berges du canal latéral à la Garonne, 


Le Ho" 


peu après son -creusement. Rives du Tarn, à Buzet. 

D’après notre savant collègue et ami, M. Timbal-Lagrave, 
l’on ne trouve plus chez nous lZsatis tinctaria; cependant 
on le voit reparaitre quelquefois si l'on a fouillé la terre pour 
quelque terrassement, comme la construction d’un pont, 
le creusement d’un canal ou l'établissement d’un chemin 
de fer: les graines conservées dans la terre poussent alors 
et donnent des individus qui ne se perpétuent pas. Ce fait 
ne peut-il pas être attribué à ce que vient toujours avec 
cette plante la Centaurea paniculata qui était sa mauvaise 
herbe, et qui est encore commune dans le Midi? 

Mais, si cette plante ne croit plus spontanément chez 
nous et si la culture en est si malheureusement négligée, 
on la cultive encore en Italie, en Allemagne, en Angleterre, 
-et en France, aux environs de Valenciennes, de Caen et 
d'Albi, à la Cannebière et dans la plaine du bout du 
pont. 

Quoi qu'il en soit, voici les caractères de ces herbes 
annuelles ou bisannuelles que l’on trouve dans l’Europe 
centrale et méridionale, ainsi que dans Asie centrale : 

Racine pivotante et rameuse; tige droite, ramifiée dans 
le haut, élevée d’un mètre; feuilles entières, allongées, 
aiguës au sommet, celles des tiges, embrassantes et sagittées. 
Fleurs petites, de couleur jaune, disposées en grappes 
terminales. Fruit consistant en une silicule monosperme, 
indéhiscente et munie d’une aile membraneuse. 

« L'on distingue, dit M. de Puymaurin, 3 variétés de 
Pastel cultivé : la première s’appelle, en langage du pays, 
Loujacau, ses feuilles sont d'une couleur vive et presque 
glabres , la graine est d’un violet bleuâtre. — La seconde, 
nommée Caulène, ne diffère de la première que par la plus 
grande largeur et longueur de sa feuille, et par sa graine 
qui est d’un bleu jaunàâtre. — La troisième, nommée ‘Bour- 
dagne, ou Pastel bâtard, a la feuille velue et la graine jaune; 
les poils dont elle est recouverte, lui faisant retenir beaucoup 
de poussière et de sable, les anciens règlements l'avaient 


ss 90 = 


proscrite, et avaient défendu son mélange .dans la fabrica- 
tion du Pastel en coques. 

En 1811, parurent les Instructions pratiques, en forme de 
dialogue, sur la culture du Pastel et sur les mo yens d'en 
extraire l'indigo ; à l'usage de l'école expérimentale établie à 
Albi, par M. de Puymaurin, député au Corps législatif, 
directeur de cette école. 

En renvoyant à ce livre rempli de détails précis ei utiles, 
je n'aurai qu'à vous indiquer quelques points principaux 
sur la culture de cette plante précieuse. 

Les terres exposées au soleil, mêlées de petit gravier ou 
de petites pierres calcaires, le terrain miocène dent douce, 
lui conviennent parfaitement. 

Ilest nécessaire de préparer les terres en DOVE, 

Les semailles doivent avoir lieu en février. 

Il faut 10 kilogram. de graines en silique par hectare; 
il faut aussi la recouvrir avec le rateau ou la herse. 

Quinze jours après, apparaissent deux petites feuilles, et 
quinze jours après, quatre nouvelles feuilles. 

C’est alors qu'il faut opérer le sarclage, arracher à la main 
toutes les herbes et briser toutes les mottes. 

La première cueillette des feuilles s’opère au mois de mai, 
et puis chaque mois Jusqu'en octobre, ce qui constitue en 
tout de 5 à 6 récoltes. 

Ce travail est aujourd’hui payé, dans lAlbigeois, de 4 fr. à 

‘ fr. 25 par jour. 

A chaque récolte, les Le sont placées le jour même 
dans le pressoir du Moulin Pastelier, afin de les réduire en 
pâte, et celui qui n’a point de moulin paye 40 coques pour 
100 pour ce travail. 

Puis, on en fait des tas pour les soumettre à la fermenta : 
tion pendant un mois, en ayant le soin de les remuer chaque 
8 Jours. 

On les met alors en coques et on les fait sécher sur des 
claies. 


L'on dit que l’arpent peut produire de 40 à 50,000 coques, 


Het ON 


et que le prix de vente de ces coques est de 4 fr, 50 à 2 fr. 
le 400. | 
C'est avec ces coques ou avec les feuilles simplement 
desséchées que l’on arrivait, et que l’on arrive encore 
aujourd'hui, à teindre en bleu les étofles de laine. 
Ce procédé consiste à faire ce que l’on appelle la cuve à 
Pastel autrefois pratiquée à Toulouse par les familles Cas- 
tagné et Magenthies, aujourd’hui par M. Castagné à Tounis, 
qui ont bien voulu me donner un grand nombre de rensei- 
gnements, tout en m'avertissant du grand nombre de diffi- 
cultés qui entourent cette opération pour le praticien le 
“plus consommé, et à plus forte raison pour un novice. 
La cuve au Pastel, principalement en usage pour la tein. 
ture des laines en poil destinées à la confection des draps, 
est montée, comme l'on dit dans le langage technique, avec : 


Eau 2.000 parties 
Pastel 5045» 
Garance CHRDRE 
Son (quelquefois) 0 50 
Potasse DATA 5 
Chaux 1 33 
Indigo | k 


L'on introduit le Pastel soit en feuilles soit en Coques dans 
le récipient plein d’eau ; l'on chauffe jusqu’à 90°: au bout 
de quelque temps, l’on y ajoute lindigo broyé au moulin 
et les autres ingrédiens. On pallie la cuve; on la laisse 
travailler pendant 6 heures, et puis on continue de la pallier 
de 3 heures en 3 heures, en y ajoutant de temps en temps 
une petite quantité de chaux. 

Le Pastel, la Garance et le son entrent peu à peu en 
fermentation, et lindigo, qui se réduit lentement, se dissout 
aussitôt dans le bain alcalin. 

Alors la surface de la cuve est recouverte d’une écume 
dégère d'un beau bleu, nommée Fleurée, de veines bleues 
plus ou moins nombreuses et de plaques cuivrées, tandis que 
le bain est d’un jaune d’or. 


PS9 se 


Quand ces phénomènes s’accentuent bien et qu’un échan- 
tillon de laine plongée dans la cuve pendant 30 minutes, 
en sort coloré d’un beau vert qui passe promptement au 
bleu, au contact de l'air, l’on dit que la cuve marche bien. 

Cette cuve, maintenue à une température constante + 30 
à + 35°, entretient assez longtemps la fermentation, pourvu 
que l’on ait le soin d'y ajouter de temps en temps, et selon 
le besoin, de nouveaux matériaux à mesure qu’elle s’épuise. 

Mais à combien de fausses manœuvres n’est point con- 
damné celui qui n’est point dirigé par un habile da métier ! 
Et combien ceux-ci sont-ils jaloux de tous leurs petits 
procédés opérateurs, qu'ils ont appris ou modifiés à leurs 
manière ! Combien sont-ils difficiles pour enseigner leur 
tour de main. 

La teinture en bleu ainsi obtenue n’est guère plus usitée 
aujourd'hui avec le Pastel tout seul; on n’emploie même 
celui-ci que comme adjuvant de lindigo pour lui donner 
plus de brillant et plus de fixité. 

Il y a cependant encore quelques teintures au pastel. 

Mais depuis le commencement du XVIIE siècle, plusieurs 
savants ont tenté de retirer du pastel la fécule d'indigo pour 
simplifier l'opération du teinturier. 

Astruc, Hellet et Barth figurent les premiers sur cette 
longue liste. 

En 1755, Schreber publia qu'il avait obtenu une fécule 
pareille à celle de l'indigo. 

Kulencamp, Mumshard, Maargraf, vers 1764, con- 
tinuèrent les expériences dans le même sens. | 

Balver en 1778, Green en 1780 indiquèrent de bons 
procédés. 

En 1788, Dambournez, de Rouen, retira « 8 onces de 
fécule sèche de 35 livres de feuilles de guesde. » | 

Morina, l'abbé Auworelti, Hecquet, Ribaucour, Jacques 
Planes et le professeur Tromsdorf obtinrent successivement 
.des résultats importants appuyés par des observations et des 
découvertes nouvelles. 


‘+ 


LADA à 


Dans une instruction publiée par Chaptal, Bardel, Thé- 
pard, Gay: Lussac, Roard et Thernaux sur Part d'extraire 
du Pastel une matière colorante semblable à lindigo, l’on 
trouve à peu près les mêmes procédés que ceux d'Amérique 
pour l'extraction de lindigo lui-même et qui sont indiqués 
dans la brochure de M. de Puymaurin publiée en 1810. 

Mais les recherches les plus importantes furent peut-être 
les analyses de Chevreuil, publiées lune en 1808 et l’autre 
enA812 (Bulletin de Pharmacie, p. 257). 

Ce chimiste distingué signale dans la composition de 
lsatis tinctoria 2k éléments dont les principaux sont: le 
ligneux, une résine verte, de la cire, de lindigo, une 
bmatière végéto-animale, un principe colorant jaune, le 
principe odorant des crucilères, eic. 

" Il obtient la vraie fécule de l'indigo qui existe dans la 
plante, sans avoir la couleur bleue qui ne se produit qu’au 
contact de Poxygène de Pair. 

En 1811, Boudet oncle et Boyer, membres de la com- 
mission des arts en Egypte, publièrent une notice sur le 
Pastel et préconisèrent les procédés très simples employés 
par les Egyptiens. 

En 1812, Dieu, pharmacien à Peyrehorade, fit connaitre 
ses observahions sur la préparation de l’indigo du Pastel. Il 
conseille de faire infuser à chaud les feuilles de la plante et 
de précipiter par l’eau de chaux la matière colorante qui, par 
son exposition à l'air et les lavages, devient du plus beau 
bleu quand on a saturé, par l'acide chlorhydrique étendu, 
le carbonate de chaux qui s’y attache. Mais ce procédé 
fournit-un produit trop peu considérable. 

Il conséille alors de piler la plante, de recueillir la fécuie 
verte, de laver celle -e1 à l'eau froide et de la traiter à moitié 
sèche par l'alcool qui se charge de la matière colorante verte 
et laisse à nu la partie bleue. 

Un mois après, Henry et Morisset indiquent à leur tour 
trois procédés : 4° par la potasse, 2° par la potasse et l'acide 
chlorhydrique, et 3° par la chaux et le sulfate de fer à froid. 


— 2h — | 

Depuis, l’on a sans doute continué quelques recherches 
relatives soit à la composition de lindigo, soit à ses procédés 
de préparation pour la teinture ; mais, l'usage du Pastel 
ayant pour ainsi dire été supprimé, je ne crois pas que l’on 
ait fait de nouvelles expériences sur cette plante. 

Quoi qu'il en soit, je crois avoir surabondamment prouvé 
l'utilité réelle de l’Zsatis tinctoria, les bénéfices réels et con- 
sidérables que sa culture avait introduits dans notre pays 
et par là l'opportunité de sa réhabilitation. 

Je sais bien que d’autres plantes, sans compter les indi- 
gotiers, renferment l'indigotine dans leurs feuilles, comme 
le laurier-rose des teinturiers (Nerium tinctorum), la renouée 


des teinturiers (Polygonum tinctorum), originaire de la Chine, 


où il sert à faire lindigo, introduit en France en 4835 par 
le professeur Delille, de Montpellier, et souvent expéri- 
menté depuis lors dans le midi de la France qui en obtenait 
des feuilles jusqu’à 1/2 et 1 0/0 de très bel indigo, ainsi qu'il 
est facile de le voir dans le mémoire de J. Girardin, publié 
en 1839 et dans l'Essai chimique et technologique sur le Poly - 
gonum tinctorum par MM. Girardin et Peisser en 1840 ; mais 
j'ai voulu vous faire connaitre notre herbe lauragaise, la tirer 
de l'oubli et la recommander sérieusement à votre attention. 

Telle a été ma prétention. 

Je voudrais avoir trouvé de l'écho ; je croirais alors avoir 
été quelque peu utile à mon pays. 


Rapport sur une excursion dans les Pyrénées moyennes, par 
. M. le D' JEANBERNAT. 


Avant d'exposer devant la Société le résultat de notre 
excursion, Je crois utile de décrire, en quelques lignes, la 
région remarquable et peu connue qui est l’objet de nos 
études depuis plusieurs années. 

Aux confins des départements de l’Ariége et de la 
Haute-Garonne, entre les vallées de la Ballongue et du 
Lez au sud, la vallée du Ger à louest, celle du Salat à l’est, 


A, : EE 


et celle de la Garonne au nord, se dresse un petit massif 
montagneux où l’Arbas prend sa source, et auquel nous 
donnerons le nom de cette petite rivière. L’arète princi- 
pale, longue de quinze kilomètres environ, court, à vol 
d'oiseau, à peu près en ligne directe de l’ouest à l’est, 
depuis le pic de Paloumère (1610 mètres), situé en 
face de Cagire, dont le Ger le sépare, jusqu’au pie de 
Lestelas (1254 mètres), où elle se termine en se ramifiant. 

Entre ces deux points extrêmes, l’arète, dont l’altitude 
. moyenne est de 1350 mètres environ, émet plusieurs con- 
treforts. Le premier se détache du Paloumère, point cul- 
minant du massif tout entier, etse dirige vers le nord -ouest 
pour se terminer bientôt par le cône granitique et élancé 
du Picon (1112 mètres), au pied duquel le ruisseau de 
Millas et le Ger confondent leurs eaux. Le second, de 
beaucoup le plus important et qui sert de ligne de faite 
aux bassins du Salat et de la Garonne, naît au Tuc des 
Haouerados (1539 mètres), cime voisine du Paloumère, et 
court directement au nord jusqu'aux rochers bizarres du 
pic de Pène-Nère (1319 mètres). Là, il se divise en plu- 
sieurs branches qui se développent en éventail, et, perdant 
brusquement de leur hauteur, forment les petites montagnes 
surbaissées qüi s'étendent d’Aspet jusqu’à Montespan et 
Montsaunès, aux bords de la Garonne. 

C’est dans les flancs escarpés du Tuc des Haouerados 
que l’Arbas prend naissance, et c’est aussi par ce même 
pie que le massif se rattache à la chaine principale par la 
puissante crête descendue du pic de Crabère (2630 mètres) 
et la profonde dépression du col de Portet (1074 mètres), 
origine de la Ballongue. 

D'ici jusqu’au pie de Les'elas, Parète principale n’émet, 
sur le versant nord, que d’insignifiants rameaux qui déli- 
mitent successivement les petits bassins d’Arbas, de Fou- 
garon et de Saleich. Mais du pic rayonnent deux chainons 
secondaires importants : le premier, qui se dirige vers le 
nord, pour se terminer aux bords du Salat, à Prat et 


RAM A 
, s PM 
k | 


ND 0 


Mauvezin ; le second, qui circonscrit, au sud et à l’est, le 
cours de Gouarèse, gagne le pic de Maléchart (1109 mètres), 
s’élève à 1229 mètres au sommet de Peyregude et va mourir 
à Caumont, sur le Salat. Enfin, sur le versant sud naît le 
chainon important qui sépare le ruisseau de Balagué de 
celui de la Bouigane, et se termine au confluent de ce 
dernier et du Lez par le roc de Gespy (962 mètres). 

Au point de vue topographique, la région qui nous 
occupe présente deux aspects bien tranchés, suivant qu’on 
examine au nord ou au sud de PArbas, qui la traverse de 
l’ouest à l’est. 

La partie septentrionale , en effet, n'offre que des 
côteaux surbaissés aux molles ondulations, aux pentes dou- 
ces, et de larges surfaces planes entièrement livrées à la 
culture ; ce ne sont pas là les vrais aspects des pays mon- 
tagneux. L'autre, au contraire, se redresse brusquement 
et présente au regard ces lignes sévères, ces profils hardis 
et ces masses rocheuses verticales qui sont l’apanage habi- 
tuel des montagnes. De vastes forêts, coupées çà et là 
de pelouses alpestres, recouvrent les pentes; la culture, 
reléguée dans le fond rétréci des vallées, n’essaie pas de 
lutter contre.un sol par trop rebelle, et laisse au botaniste 
l'espoir d’abondantes récoltes. Enfin, le paléontologiste, 
attiré par la composition géologique du terrain, où le 
calcaire domine, est assuré à l’avance d'y rencontrer de 
nombreuses grottes. 

Aussi, depuis plusieurs années déjà, avons-nous entre- 
pris lexploration minutieuse de ce coin reculé de notre 
département. De nombreuses courses à Arbas, à Fouga- 
ron, à Saleich, nous avaient fait connaître les richesses 
végétales de la région, et nous avions visité plus de dix 


grottes importantes. Seule, la partie orientale du massif 
avait échappé à nos recherches, et c’est pour combler cette 


lacune que nous avons entrepris l’excursion dont j'ai au- 
jourd’hui Phonneur de vous rendre compte. 
Partis de Toulouse , jeudi 25 mai dernier, à 8 heures 


“ROC 


du matin, nous n’arrivâmes à Prat qu’à une heure, grâce 
à la sage lenteur avec laquelle circulent les trains de la 
hgne du Midi. M. le Maire de Cazavet, auquel nous 
nous plaisons ici à témoigner toute notre reconnais- 
sance, nous avalt envoyé pour guide un de ses admi- 
nistrés, très versé, du moins d’après ses dires, dans la 
connaissance des grottes de la contrée. Nous nous enga- 
geons aussitôt dans la vallée de la Gouarèze, par la 
chemin tracé sur la rive droite au milieu des prairies où 
croissaient de nombreux Orchis, parmi lesquels nous signa- 
lerons : O. maculata, O. coriophora, O. morio, Anacamptis 
pyramidalis, Serapias lingua. En vingt minutes de mar- 
che, nous atteignons la base d’une butte dénudée où notre 
guide nous signale une grotte : c’est celle de la Mouline. 
L'entrée, située à une quinzaine de mètres au-dessus du 
chemin, n’est rien moins que commode et ressemble à un 
puits. Néanmoins, une fois ce mauvais pas franchi, la cir- 
culation devient plus aisée Les salles ne sont pas très 
vastes, mais en revanche les stalactites sont fort belles et 
dune blancheur peu commune. La grotte, dont la lon- 
gueur dépasse une quarantaine de mètres, s’enfonce peu 
dans les entrailles du sol : la direction est sensiblement 
N. 10° O. Nous constatons quelques traces peu nettés 
de fouilles antérieures, mais nos recherches ne sont cou- 
ronnées d'aucune découverte digne d’être mentionnée. 
Après une heure ainsi employée, nous reprenons notre 
route malgré la pluie commençante. Le paysage est assez 
remarquable. Au fond du val, la Gouarèze courant au 
milieu des prés et des bouquets de bois, et comme fond 
de tableau les masses étagées des contreforts arrondis du 
Pic de Lestelas… Peu à peu la vallée se resserre, le che- 
min s'élève à une grande hauteur au-dessus du torrent, 
. dont les eaux ont disparu parmi d'énormes blocs calcaires. 
Nous prenons un petit sentier qui descend dans la gorge 
et en cinq minutes nous arrivons à l'entrée d'une deuxième 
“grotte, celle de Peyhort. 


ET 


Cette grotte, ou plutôt cet affeux boyau boueux et étroit 
qui pénètre dans la montagne avec une assez forte inclinai- 
son, fut pour nous la partie la plus pénible et la plus 
désagréable de notre course. Pendant une demi-heure il 
nous fallut littéralement ramper à plat-ventre dans une 
atmosphère chargée d’acide carbonique. Haletants, inondés 
de sueur, nous allions à la file, nous heurtant à chaque 
effort contre la voûte surbaissée de cet horrible couloir. 
Notre guide, si familiarisé, d’après ses dires, avec tous les 
détours de ce labyrinthe, finit par nous égarer complète- 
ment et nous ne parvinmes à retrouver notre route qu’en 
examinant minutieusement le sol pour y reconnaitre la 
trace à peine visible de nos pas ! J'avoue qu’en ce moment 
la situation manquait absolument de gaîté, car nouswavions . 
pas même, comme consolation, la vue de quelque trésor 
paléontologique ; la grotte en était totalement dépourvue. 

Une pluie battante nous accueillit à la sortie de la 
caverne, et nous n’eûmes que le temps de prendre le pas 
de course pour gagner notre quartier général. Une demi- 
heure après, nous arrivions à Cazavet, dans une misérable 
auberge dénuée de tout, où, bon gré mal gré, il fallut 
s'installer le moins mal possible. 

Le lendemain, vendredi, 26 mai, malgré l’état peu ras- 
surant du ciel, nous partimes à 6 heures du matin pour 
explorer la grotte célèbre de Lestelas. Après avoir traversé 
le petit bassin triangulaire dont Cazavet occupe l'angle 
oriental, nous laissons à gauche le hameau de Gazaux, et 
par un petit vallon latéral, nous gagnons le col de Cassa- 
gnous (609 mètres), d’où on jouit d’une jolie vue sur Îles 
pics de Peyregude et de Maléchart, et sur les prés de 
Salèges. Puis nous entrons dans la vaste forêt de Lestelas, 
où, pendant une heure, nous décrivons force zig-zag. 
Enfin, nous atteignons la haute paroi rocheuse dans . 
laquelle s'ouvre le majestueux portique de la grotte, à 800 
mètres environ. | 

Dans la forêt, nous avons noté les plantes suivantes : 


LE) NOË due 


Anemone hepatica, L. 
Cephalanthera pallens, Rich. 
Id. Sp Rich. 

Gushiis mascula, L. 

Scilla lilio-hyacinthus, L. 
 Asperula odorata, L. 
Lonicera xylosteum, L. 
Hypericum nummularium, L. 
Phyteuma spicatum, L. 
Orobus luteus, L. 

Valeriana sambucifolia, Mik. 
Cardamine impatiens, L. 
Ribes alpinum, L. 

Valeriana globularicæfolia, L. 
Aquilegia vulgaris, 1. 
Saxifraga umbrosa, L. 
Galeobdolon luteum, L. 
Veronica ponæ, Gou. 
Laserpitium latifolium, L. 
Heracium (à déterminer). 
Erinus alpinus, V. 


La grotte de Lostelas est une de celles où les salles 
atteignent les plus vastes dimensions. Elle s’enfonce, sans 
présenter de notables étranglements, jusqu’à une ou deux 
centaines de mètres dans la montagne. D’assez belles 
stalactites ornent les parois, et le sol est recouvert d’une 
_ large nappe de stalagmite qui imite, à s’y méprendre, les 
flots congelés d’une puissante chute d’eau tombant à tra-- 
vers les rochers. Un petit lac en occupe le fond et He le 
passage. 

Les fouilles commencèrent bientôt et se étre 
avec ardeur, mais elles furent peu productives. On put 
seulement constater, à l'entrée, la présence d’un ancien 
foyer, et trouver quelques ossements de l’Ours des caver- 
nes. Voici, au reste, la liste des trouvailles. 


car ER le 


Objets trouvés à Cazavet. 


l° Poteries, quatre fragments dont trois à pâte grossière 
paraissent anciens dans des foyers, à l'entrée. 

2° Un fragment de bois de cerf, deux dents de cerf. 
Dans une tranchée à l'intérieur de la caverne. 

3° Une dent de renne (à l’entrée). 

4° Dix os de ruminants cassés (à cassures anciennes, 
à l’entrée, dans les foyers). 

5° Deux fragments de maxillaire, une défense et une 
incisive de Sus (dans les foyers). 

6° Trois métacarpiens, une phalange et une phalange 
unguéale d'ours (dans les foyers). 

T° Sept canines, quatre incisives et six molaires d’ours 
(deux canines et trois molaires dans les foyers). 

8° Deux vertèbres d'ours. 

9 Deux phalanges et une phalange unguéale de rumi- 
nant (cerf) ? 

10° Une dent de bœuf. 

11° Un sabot de ruminant (chèvre ou mouton). 

12° Un humérus de blaireau. 

Pendant ce temps, malgré la pluie qui tombait Si 
ment, nous fimes l’ascension du pic de Lestelas (1254 
mètres) mais sans grand succès, car le brouillard couvrait 
la plupart des cimes environnantes, et la récolte des plan- 
tes fut entravée par les ondées sans cesse renaissantes. 

À six heures du soir, nous étions de retour à Cazavet, 
peu satisfaits de notre journée. Aussi fut-1l décidé à Puna- 
nimité de tenter la fortune sur un autre point, en allant 
visiter la grotte bien connue d’Aubert sur les bords du Lez. 

Le lendemain, après une bonne nuit passée à Saint- 


Girons, nous arrivions à Aubert à sept heures. Nous tra- . 


versons le Lez gonflé par les pluies, sur un pont assez 


pittoresque et par de raides lacets tracés sur des pentes: 


brûlées par le soleil; nous contournons le cirque escarpé 
où se cache Montfaucon, et au fond duquel une cascade 


LE A? 


se précipite dans des rochers à pic. En une heure, nous 
touchons au but, et l'entrée de la grotte nous apparaît 
à demi- cachée sous les rosiers sauvages et les buis, à 630 
mètres d'altitude environ. 

Armés de nos bougies nous pénétrons à l’intérieur; le 
couloir, d’abord assez étroit, finit par se changer en une 
vaste nef, au sol aplam, dont une. stalactite magnifique 
occupe tout le fond. Elle représente l'énorme chapeau d’un 
champignon de plus de huit mètres de diamètre, porté sur 
un pédicule de deux mètres de hauteur, le tout admirable- 
ment soigné dans les moindres détails et d’une éclatante 
blancheur. La ressemblance est si parfaite qu’on ne peut 
s'empêcher d'en témoigner quelque surprise. 

Deux autres salles font suite à la première, mais sont 
loin d'être aussi remarquables, elles sont d’ailleurs envahies 
par de nombreuses flaques d’eau qui nuisent beaucoup à 
l'effet qu’elles pourraient produire. 

Toute la grotte présente des traces de fouillés exécutées 
sur une grande échelle, mais avec un défaut de méthode 
incontestable, car au lieu d'attaquer le sol par de profondes 
tranchées pour atteindre les couches profondes, toujours 
très productives, on s’est borné à en gratter la surface, 
procédé fâcheux qui rend les recherches ultérieures très 
difficiles. Néanmoins la grotte est fort riche .en débris de 
toute sorte, ainsi que l’énumération suivante va vous le 
prouver. 

Objets trouvés à Aubert. 

1° Treize maxillaires inférieurs d’ours des cavernes 
présentant les cassures qui les feraient considérer par 
certaines personnes comme ayant élé taillées de mains 
d'hommes. 

2 Cinq maxillaires non taillés. 

3 Six fragments de maxillaires. 

_ ° Neuf maxillaires d'animaux très jeunes (pièces fort 
intéressantes pour l’étude du développement des dents). 
5° Cinq fragments de maxillaire supérieur. 


LE EU % É 
ne 5 
LR S 

EL 
A À 4 


_— 32 — 


G° La moitié d’une tête d'ours (portion faciale, avec 
toutes les dents). 

7 Onze vertèbres d’ours. 

8° Quatre métacarpiens d'ours. 

9% Trois humérus, deux radius, un cubitus et deux 
tibias, un fémur, d'ours très jeunes. 

10° Un calcanéum d’ours. 

11° Deux fragments d’omoplate d'ours. 

12 Dix dents canines, sept molaires et incisives d'ours. 

13° Deux cubitus, un tibia, un radius d'ours, cassés 
. les os de boucherie. 

° Plusieurs os d’ours enduits de charbon, du charbon 
et 4 bois carbonisé, dix os cassés de ro, bœuf, 
mouton, chèvre, dans le foyer. Le charbon est adhérent 
aux 0s d'ours. | 

15° Quinze côtes d'ours. 

16° Stalagmite fort belle et très cristalline. 

Comme vous le voyez, le nombre des ossements de jeunes 
ours est remarquable ainsi que celui des os cassés. La forme 
des cassures, l’existence de foyers dans l’intérieur et 
jusques dans le fond de la grotte et la trace des dents de 
carnassiers sur plusieurs ossements d'ours, sont autant de 
faits très dignes d’attention. 

La stalagmite en voie de formation présente aussi des 
particularités utiles à signaler, car des couches d'argile 
non encore durcies existent entre les bancs calcaires. 

Une ascension au cône qui surmonte la grotte de ses 
escarpements, pémbles à gravir, nous donne encore quel- : 
ques plantes, parmi lesquellles je citerai : | 

Arabis hirsuta, D. 
Tencrium pyrenaïicum, L. 
Saxifraga Aizoon, L. 
Aquilegia collima, Jord. 

A sept heures, nous rentrions à Saint-Girons, d’où le train 
de 9 /, du matin nous conduisit à Toulouse, le lendemain « 
dimanche. | 


S, 599 


À la suite de cette lecture, quelques observations sont présentées 
par M. E. Cartailhac qui pense, d’après tout ce qui vient d’être dit, 
que le contenu de la grotte d’Aubert en particulier est très remanié 
et se compose d'objets et d’ossements d’époques très différentes. 


Etude sur la présence ou l’absence des prémolaires dans 
l’Ursus spelæus, par M. H. Ficnor. 


L'étude de l'ours ou des ours fossiles reste, malgré les 
travaux entrepris jusqu'à nos jours, une grande et bien 
difficile question. Les collections nombreuses d'ours des 
cavernes qui ont été réunies dans les Pyrénées par les soins 
de mon père, M. le professeur Filho!, et dont la plupart des 
exemplaires ont été donnés par lui, soit au Muséum de Paris, 
soit au Musée d'Histoire naturelle de Toulouse, m'ont per- 
mis d'envisager cette question d'une manière plus complète 
sur des échantillons supérieurs en nombre à ceux que 
Jusqu'ici les naturalistes avaient eu à leur disposition. 

La première partie de mes études ostéologiques a porté 
sur les maxillaires. J'ai réuni un nombre considérable de 
machoires de sujets de tous les âges etil m'a paru tout 
d’abord très intéressant d'observer comment s’effectuait le 
développement des maxillaires chez les ours fossiles, Je crois 
que les différences que lon pourrait rencontrer dans la 
manière dont ces portions du squelette se forment et s’ac- 
croissent, auraient une importance relativement considérable 
au point de vue de la distinction des espèces. Des ours dont 
les dents ne se produiraient pas de la même manière, et 
auraient au moment de leur formation, par rapport les unes 
aux autres, des positions différentes, des ours chez lesquels 
le développement et la chute des dents se feraient par des 
mécanismes opposés, sembleraient s’écarter les uns des 
autres d’une manière très significative, et ce caractère 
prendrait une bien plus grande valeur réuni à d’autres, 
présentés par les diverses parties du squelette. 


3 


ET D oh 


D aie 


Je détache de cette étude étendue, pour les communiquer 
à la Société, quelques observations relatives à l'absence ou 
à la présence des petites prémolaires chez l'Ursus spelœus, 
tant au maxillaire supérieur qu’au maxillaire inférieur. 

Chez les ours vivant à notre époque, on observe, en arrière 
de la canine et en avant de la carnassière, deux petites 
fausses molaires au maxillaire supérieur et au maxillaire 
inférieur, une très petite fausse molaire derrière la base de 
la canine et quelquelois une ou deux autres rapprochées 
de la première persistante. Dans les ours dont on rencontre 
les ossements au sein des cavernes, ces dents manquent pres- 
que toujours, excepté chez l’Ursus priscus de Goidfus, dont 
elles constituent un des caractères les plus remarquables. 

Au maxillaire supérieur, Rosenmüller a prétendu avoir 
observé une fois celle qui est en arrière de la canine; mais 
cette observation, comme Va fait remarquer Cuvier, doit 
être considérée comme douteuse. Depuis, jamais cette dent 
n’a été décrite et je dois dire que, dans le nombre con- 
sidérable de têtes d'ours, venant du Lherm, du Mas- 
d'Azil, de Bouicheta, etc., que J'ai eu entre les mains, Je 
n’ai jamais observé cette dent ni rien qui püt m'indiquer 
son existence antérieure. Pourtant, d’après ce’ que jai pu 
remarquer pour le développement de celle située en arrière 
de la canine, au maxillaire inférieur, il est possible de 
supposer qu'elle puisse exister dans un âge très jeune, et 
comme l’attention n’a jamais été portée sur ces particula- 
rités, il me paraitrait imprudent de déclarer qu'on ne doit 
jamais les rencontrer. 

Quant à celle qui est immédiatement en avant de la car- 
nassière, Cuvier l’a vue deux fois ; Schmerlingune, Delbos 
jamais. Je l’ai rencontrée quatre fois : 1° sur un fragment de 
maxillaire supérieur de jeune ours, sur un maxillaire 
d’adulte entier, et sur deux crânes de vieux sujets. M. le 
professeur Noulet a dans sa collection une tête d'Ursus 
spelæus, venant de Bouicheta, qui a les deux alvéoles de 
cette petite dent vides. 


er OS 


Le fragment de maxillaire supérieur de jeune sujet que 
je possède et qui provient de la grotte d’Aubert, est très 
intéressant pour l'étude. Il comprend la racine antérieure 
de l’'apophyse ZYS0matique, une portion de la voûte pulatine 
et sur le bord alvéolaire les deux premières molaires. Tout- 
à-fait en avant de la carnassière et sur son bord externe, 
lon remarque encore renfermée dans son alvéole la petite 
prémolaire dont je m occupe actuellement. 

Le grand axe de la première molaire est dirigé horizon- 
talement d'avant en arrière et de dehors en dedans, de telle 
manière que par sa partie antérieure elle est en dedans de 
la prémolaire et correspond, à son tiers, presque à sa moitié 
po$térieure, D'autre part l'alvéole de la prémolaire commu- 
nique avec l'alvéole de la première molaire par la portion 
postérieure et interne. La fosse qui loge la petite prémo- 
laire est peu profonde, et la portion de cette dernière qui 
correspond à la racine est creuse, et de très peu d’étendue. 
La première molaire n’est point encore sortie complètement 
de son alvéole et doit subir, pour arr'ver à son entier déve- 
loppement, un mouvement d'élévation. Mais d’après sa 
direction oblique en dedans, obliquité que je n'ai Jamais 
observée à‘un degré semblable sur des crânes développés : 
je crois reconnaître qu’en même lemps que la dent s'élève, 
elle subit un mouvement de rotation en dehors, mouve- 
ment Surtout sensible pour son extrémité antérieure , 
l'extrémité postérieure se déplaçant très peu. Quel peut 
être l'effet de ce mouvement sur la prémolaire. Il est très 
facile à saisir. L'extrémité antérieure de la première 
molaire tend à devenir externe, mais comme elle Correspond 
à la moitié postérieure de la prémolaire qui est renfermée 
dans la même alvéole qu'elle, qui lui est accolée, elle ne 
tarde pas à la pousser en dehors, à l'énucléer, en même 
temps que peut-être elle comprime ses vaisseaux, ce qui 
rend sa chute plus facile. Cette disposition si remarquable 
Sur le fragment que je possède, explique comment, par 
Suite du développement de la carnassière dans lUrsus 


22 -Q6 2 


spelæus, la deuxième prémolaire tombait au maxillaire 
supérieur. Plus tard, il se faisait un retrait du bord externe 
du maxillaire, l’alvéole se comblait grâce à la production 
nouvelle de tissus osseux, elle finissait par disparaître et 
il n’en restait point de trace chez l'individu adulte. Voilà ce 
qui probablement se passait dans la grande majorité des cas. 

L'un des deux crânes entiers adultes d’Ursus spelœus, sur 
lesquels j'ai observé ces dents, présente la preuve évidente 
que lorsqu'elles persistent on ne doit leur accorder aucune 
valeur caractéristique, et que cela tient à une disposition 
primitive un peu anormale de leurs alvéoles. En effet, sur 
ce cràne qui est bien adulte, je puis même dire vieux, 
l'on voit la prémolaire d’un côté, logée dans son alvéole qui 
est profonde et de l'autre côté rien, pas la moindre trace 
de l'existence antérieure de cette dent. Donc d'an côté la 
règle et de l’autre l'exception. J'ai vu des faits semblables se 
produire pour les prémolaires aux maxillaires inférieurs 
d'Ursus spelæus. 

Je n’ai eu entre les mains aucune pièce de l’Ursus priscus 
de Goldfus et je ne puis rien dire du développement de 
ses dents, mais il est permis de conclure de ce que je viens 
de dire pour le spelæus, que du moment où chez le priscus 
les petites prémolaires persistent, elles doivent subir une 
évolution différente de celle que j'ai décrite plus haut. Pour- 
tant, comme il n’a été décrit qu'un seul crane d'Ursus 
priscus, la persistance de ses prémolaires pourrait être 
mise en doute et l’on pourrait supposer que l’on a eu affaire 
à une exception semblable à celle que j'ai signalée pour 
l'Ursus spelœus. Un jugement définitif sur cette question 
doit donc être ajourné (41). 


(1) Au moment où je faisais part de ces recherches à la Société d'His: 
toire naturelle de Toulouse, je n’avais pas encore eu connaissance d’un 
crâne d'ours de petite espèce, trouvé à Lherm. Je dois la communica- 
tion de cette pièce à l’obligeance de mon savant maître, M. le professeur 
Noulet. Ce crâne a les deux prémolaires tant au maxillaire supérieur. 
qu'au maxillaire inférieur, et se rapproche par la plupart des autres 
caractères du priscus de Goldfus auquel on doit, je crois, le rattacher, … 


NE: MER 


Dans les cas où la prémolaire située en avant de la car- 
passière existe chez l’Ursus spelœus, ’anomalie est due à 
la position primitive de lalvéole, et elle est facile à expli- 
quer. Si cette alvéole n’est point réunie à celle de Ja pre- 
mière molaire, qu’elle ne communique point avec elle, 
qu'elle soit un peu plus antérieure en même temps qu'un 
peu plus externe, elle doit subsister. D'autre part, un retard 
dans l’évolution de la première molaire, lui permet égale- 
ment de se consolider et pourrait assurer son existence. 

Au maxillaire inférieur l’on observe, dans l’évolution des 
prémolaires, des faits se rapprochant beaucoup de ceux que 
je viens de décrire pour le maxillaire supérieur. 

La première des petites fosses molaires en arrière de la 
canine existait dans le crâne d’Ursus priscus de Goldfus, 
et c'est là un des caractères de l'espèce. 

« Schmerling, dit Delbos dans son remarquable travail 
» sur l'ours ancien et sur l'ours des Pyrénées, prétend 
» avoir vu quelquefois l’alvéole d’une deuxième devant la 
» première molaire en série. Quant aux grandes espèces 
» fossiles, cette dernière n’a jamais été vue. La première 
». manque aussi à peu près toujours. Cuvier dit cependant 
» lavoir vue deux fois sur vingt-cinq màchoires qu'il a 
» examinées, Schmerling en a rencontré parfois l’alvéole 
» ‘dans de jeunes mâchoires. Quant à moi, ajoute Delbos, 
» je n’en ai vu aucun indice dans les mâchoires de Seu- 
». Jheim. » 

J'ai observé lalvéole vide de la première prémolaire 
deux fois sur des màchoires appartenant à des sujets adul- 
tes, et il n’y avait pas de trace de la prémolaire située en 
avant de la première molaire en série. 

Sur six mâchoires jeunes, jai observé les alvéoles de 
deux prémolaires, et sur une dizaine, tantôt l'alvéole de la. 
première, tantôt l’alvéole de la seconde. Je présente à la 
Société quelques-unes de ces mâchoires. En les observant 
avec attention, lon voit que la chute des prémolaires au 
maxillaire inférieur, était due chez l’Ursus spelœus à 


= 10e 


l'évolution de la première molaire en série et à celle de la 
canine, 

En effet, en considérant le maxillaire numéro 1, l’on aper- 
çoit la première molaire renfermée au fond de so alvéole 
et au-dessus d'elle, au milieu d’un tissu osseux déjà forte- 
ment ébranlé, l’alvéole de la deuxième prémolaire. Que la 
vraie molaire eût continué son évolution, il est évident que 
pour se faire jour au dehors, appuyée comme elle l'était 
sur la racine antérieure de la deuxième molaire, elle devait 
se porter en avant pour pouvoir devenir horizontale, et 
détruire ainsi ce restant de tissu osseux qui la surmontait et 
qui renfermait dans son intérieur la petite prémolaire dont 
je m'occupe. Tels sont les phénomènes qui se passaient 
généralement lors de l’évolution de cette dent et ce qui 
explique l’absence presque constante de la deuxième petite 
prémolaire chez l'adulte. 

La petite prémolaire située en arrière de la canine avait 
son existence liée, dans un certain nombre de cas, au déve- 
loppement de cette dent. Située immédiatement au-dessus 
de Palvéole de la canine, lorsque cette dent venait à se 
développer, elle comprimait les vaisseaux de la prémolaire, 
et se faisant jour à l'extérieur appuyait surelle d’arrière en 
avant, détruisant le tissu osseux qui la séparait de son « 
alvéole, finissait par latteindre et déterminait sa chute. 

Je dois dire que sur un.certain nombre de jeunes màchoi- 
res d'ours, il m'a été impossible d’apercevoir la moindre” 
trace de cette dent. Faut-il conclure de celte disposition 
que chez certains sujets elle pouvait anormalement ne pas 
exister, ou bien ne peut-on pas penser, d’après ce qui Se 
voit sur une des mâchoires que je présente à la Société,« 
que dans ces cas elle se trouvait très rapprochée de la 
deuxième prémolaire et disparaissait en même temps qu 
cette dernière ? | 

De l'exposition des faits que je viens de tracer, il résultes 
la démonstration évidente de ce qu'avait prévu Cuvier 
lorsqu'il disait : « Puisque lon trouve de temps en temps 


. o 


LD 


» Pune-ou l’autre de ces petites dents, le caractère spécifique 
» de nos ours fossiles tiendrait à ce qu'ils les perdent de 
» très bonne heure plutôt qu'à ce qu'ils en manquent 
» absolument. » 

D'autre part j'ajouterai que, du moment où les ours 
actuels conservent ces dents, leur rapport et leur évolution 
doivent être tout différents dans ces espèces de ce qu’elles 
étaient dans l’Ursus spelœus. 


Séance du 16 juin 4874. 


Présidence de M. le professeur CLos. 


MM. Bousquet, Camboulives , Cazac, à Toulouse, et MM. Delé- 
ves, inspecteur primaire à Villefranche (Haute-Garonne), et 
A. Pujol, rédacteur en che du Journal de Toulouse, sont nom- 
més Membres titulaires. Ç 

M. Biche est élu Membre correspondant. 

La Société reçoit : 

1° Un certain nombre de numéros du Journal d'Agriculture 
du Midi de la France. 

. 2 Un exemplaire de l'ouvrage de M. Roumeguère : les Cham 
pignons d'Europe. 


M, Gravelle donne lecture d’un Mémoire sur l’Hygiène du 24e 
corps d'armée pendant la campagne de 1870-1871. 


M. H. Fremor communique à la Société la première partie d’un 
travail ayant pour objet l’étude d’une tête d’ours fossile, trouvée 
dans la caverne de Lherm, par M. le professeur Noulet. 
M. H. Filhol remercie jout d'abord M. Noulet d’avoir bien voulu 
Jui confier cette pièce palgontologique, et de lavoir autorisé, en 


ui VON ae 


même temps, à la décrire. Il examine ensuite les travaux accom- 
plis par les naturalistes dans le sens de l'unité ou de Ja multipli- 
cité des espèces d'ours des cavernes. 

Le seul ouvrage important, relatif à l’unité de l'espèce d’ours 
fossile, dit M. H. Filhol, est celui de De Blainville. Quant aux 
travaux accomplis depuis, on ne saurait les considérer comme pou- 
vant servir à élucider cette difficile question. 


M. H. Filhol analyse à ce sujet un Mémoire présenté, en 
4867, par M. E, Trutat, publié dans le volume de la Société de 
1867. 


M. H, Filhol regrette de ne trouver dans le travail de M. E. Trutat 
aucun chapitre relatif au rapport qui existe entre les différentes 
portions du crâne dans les ours anciens et dans les ours vivant 
actuellement. 

Des travaux fort remarquables ont été entrepris à ce sujet par 
M. Delbos et ne sauraient être passés sous silence. À ce sujet, 
M. H. Filhol ajoute qu’il a vérifié les caractères indiqués par 
M. Delbos, tirés des rapports des diverses portions du crâne entre 
elles, et ques’il ne les a pas trouvés toujours vrais, il a constaté, du 
moins, leur exactitude dans la majorité des cas. 


En ce qui concerne les mesures prises par M. E. Trutat, sur 
quarante-quatre crânes d’ours fossiles, elles ne peuvent servir 
qu’à montrer dans quelle limite, dans une, même espèce, un : 
même caractère peut varier, mais elles ne sauraient servir à 
prouver, ce qui était le désir de l’auteur, que l’Ursus spelœus et 
VUrsus priscus dussent être confondus dans une même espèce. : 
Pour que cela fût possible, 1l faudrait que tous les caractères subis- 
sent à la fois, sur le même individu, une dégradation, et cela n’a 
lieu sur aucun des sujets observés par M. E. Trutat. 


M. H. Filhol examine, ensuite, les travaux accomplis par 
MM. Schmerling, Marcel de Serres, tendant à multiplier le nombre 
des espèces d'ours vivant dans les cavernes. Il nese rattache point 
à leur opinion, et déclare, en terminant, d’accorii avec ceux-ci et 
M. Delbos, que, jusqu’à nouvel ordre, on doit maintenir deux 
espèces d'ours fossiles : celle de l’Ursus spelœus et celle de l’Ursus 
priscus, de Goldfus. 


Séance du ‘3 juillet 4871. 
Présidence de M. le professeur CLos. 


Le Président annonce plusieurs présentations. 

Sur la proposition de M. E. Cartailhac, la Société décide qu’elle 
adhérera au Congrès préhistorique international qui se tiendra 
à Bologne, en octobre 1871. 

M. Armand Peyre fait prendre la même décision pour le Con- 
grès des sciences géographiques, cosmographiques et commercia- 
les, qui se tiendra à Anvers, en août 1871. 


M. H. Magnan communique à la Société une Coupe générale des 
Pyrénées de l’Ariége et des environs d'Esterri, sous le méridien du 
port de Salau. 

1l rappelle, en peu de mots, la coupe classique des petites 
Pyrénées de l’Ariége, qu'il a fait connaître en 1868, et qui a été 
insérée dans les Comptes-rendus de l'Institut (1), coupe qui reste 
encore la plus expressive et la plus complète de celles qui ont été 
publiées, puisqu'elle Laisse voir tous les terrains, à l’exccption 
des formations permienne et houillère, qu’elle. montre que ces 
terrains sont constitués comme partout, et qu’elle donne une idée 
des nombreuses fractures qui ont accidenté nos montagnes et des 
renversements qui en compliquent l'étude. 

(est cette coupe, qui commence à Cazères-sur- -Garonne, el qui 
s'arrête à Lacourt, près de Saint-Girons, que M. Magnan vient de 
continuer à travers les Pyrénées centrales, en remontant le Salat 
jusqu’à sa source et en descendant la Noguerra-Pallaresa jusqu’à 
Esterri (province de Lérida). R 

La direcuon de cette coupe est N.-S. C’est dire qu’elle est 
presque perpendiculaire aux Pyrénées. 

De Lacourt, — point où s'arrête la coupe des petites Pyrénées 
de l’Ariége, décrite il y a trois ans, — à Saint-Sernin, les roches 


(1) Vol. LXVI, p. 432, 1868. 


LS 


granitoides, — granite, gneiss, —se montrent sur une large échelle. 

A Saint-Sernin-Soueix une double faille, qui se poursuit en 
direction presque tout le long de la chaine, met ces raches en 
contact direct avec des schistes noirâtres, sub-ardoisiers, du terrain 
crétacé inférieur, formant ici une lande très étroite, après laquelle 
reparaissent les terrains primordiaux que l’on voit ensuite direc- 
tement surmontés entre Eychartous et Seix, par des schistes avec 
dalles calcaires, souvent micacées, à empreintes végétales, qui 
rappellent de tous points les couches de la eraie moyenne de la 
chaîne (cenomanien et turonien). À Seix, une faille très impor- 
tante fait buter les roches granitoides qui se montrent de nouveau 
contre des terrains sédimentaires très intéressanis, aux strates 
verticales ou sub-verticales, que M. Magnan passe successivement 
en revue. 

C’est d’abord, entre Seix et les ruines du Favus de Lagarde, 
une puissante série formée de brèches marmoréennes à teinte 
jaune pâle, de calcaires noirs, à Couzeranite, de schistes graphi- 
tiques, de calcaires variés, saccharoïdes grisâtres, bleuâtres veinés 
et de dolomies, qui rappelle à notre confrère le terrain de calcaire 
carbonifère de Saint-Béat, que certains géologues pyrénéens ran- 
gent encore dans le jurassique métamorphique, mais qui n’appar- 
tient pas à l’époque secondaire, puisque les mêmes couches ont 
fourni à M. Coquand, dans la montagne de Jelons, prés des Eaux- 
Bonnes, des fossiles caractéristiques. (Amplexæus coraïloïdes, mi- 
chelinia compressa, tiges de calamites.) 

Puis, dans les environs du Pont de la Taule, des calcaires amyg- 
dalaires, des dolomies marron, des ealcaires griotte et vert de 
Campan, à Goniatites et à Clymemies, des schistes verdâtres, 
talqueux, avec quartz, des calschistes à bancs très contournés, 
qui appartiennent au terrain devonien. 

Plus loin, à partir de Rumaou, ce sont des calcaires noirs, bleuàä- 
tres, plus ou moins veinés de blane, des schistes ardoisiers et des 
calschistes renfermant des Encrines, des traces d’Orthocères et« 
autres fossiles du terrain silurien ; et, entre Souleille et Conflens, « 
des schistes graphitiques, noirs, pyriteux et alunifères, qui indi- Ù 
quent Fu la présence du terrain cambrien. = 

M. Magnan fait remarquer que les quatre étages du terrain de 
transition (carbonilère, devonien, silurien et cambrien) dont il 
vient d'être question sont concordants entre eux. 


me D ie 


Une nouvelle faille fait reparaître à Conflens les roches fossilifères 
du silurien, qui se contournent, se relèvent et sont suivies après 
Salau, par les couches cambriennes : calschistes euritiques, schis- 
tes variés, ardoisiers et micacés ; calciires dolomitiques ; dolomies 
blanches, sableuses ; schistes et calschistes ferrugineux, avec baré- 
‘ gienne ; grauwackes ; schistes ardoisiers et gneissiques. Ces roches 

s'étendent, en se courbant plusieurs fois, sur 45 à 20 kilomètres 
de largeur, de Salau d’en haut à Esterri. Le port de Salau, — 
dont l’altitude atteint 2052 m. au-dessus du niveau de la mer, — 
est situé sur les dolomies et les calcaires dolomitiques de ce puis- 
sant étage. La petite ville espagnole d’Esterri est assise sur les 
schistes anciens et les barégiennes du terrain cambrien que sillon- 
nent de nombreux dickes de quartz. 

En somme, cetie coupe complémentaire permet d’étu dier, 
sur près de quarante kilomètres de largeur, les trois étages infé- 
rieurs du terrain de transition (cambrien, silurien, devonien) qui, 
très faillés, ne se montrent, entre Mondette et Lacourt, que sur . 
trois kilomètres ; elle permet, en outre, de reconnaître l'étage 
supérieur de ce groupe qui n'apparait pas dans les petites Pyrénées 
de l’Ariége, c’est-à-dire le calcaire carbonifére, lequel joue dans 
nos montagnes, d'après M. Magnan, un rôle de premier ordre, à 

en juger par plusieurs observations qu’il a faites, notamment dars 

les vallées de l'Aude, de la Garonne, d’Asson et d'Aspe, et elle 
fait voir enfin que le granite, qui est caché au faite de la chaine 
par le terrain cambrien, se montre, au contraire, par faille dans 
les basses montagnes, auprès de Lacourt et de Seix. 

La coupe générale de Gazères à Ksterri, esquissée par M. Magnan 

* sur le tableau, permet, grâce à certains témoins, ou, si l’on veut, 
à la position de certaines couches, de juger du rôle considérable 
qu'ont joué dans les Pyrénées les phénomènes d’érosion à diverses 
époques géologiques. Ainsi, notre confrère, s'appuyant sur la 
concordance des terrains éocène, garumnien, Crétacé supérieur et 
moyen, peut facilement reconstituer l’ancien bombement, ou mieux 
- l'ancienne voûte qui existait autrefois entre Saint-Michel et Fabas, 
voûte dont :l ne reste aujourd’hui que les pieds droits, ce qui 
l’amène à dire que les petites Pyrénées de l’Ariége, dont le relief 
ne dépasse guère 600 mètres, entre Cazères et Saint-Girons, attei- 
onaient autrefois plus de 2000 mètres de hauteur. La même 
méthode, basée d’un autre côté sur la concordance des divers 


AT NE 


étages du terrain de transition, lui permet d'ajouter qu’au faite 
des Pyrénées, sous le méridien du port de Salau, plusieurs mille 
mètres de couches ont été enlevés par les agents d’érosion. Les 
matériaux provenant de ces ablations ont formé les terrains détri- 
tiques de la période secondaire, et ont comblé les immenses bas- 
sins tertiaires de l’Ebre et de la Garonne. | 

M. Magnan termine en disant quelques mots des magnifiques 
restes de l’époque glaciaire, qu'il a observés, en compagnie de deux 
de ses confrères, le Dr Jeanbernat et M. Régnault, sur le versant 
espagnol, entre le pori de Salau et Esterri, et entre cette petite 
ville et le port de Bonaïgue. Valencia, près d’Esterri, notamment, 
est une contrée on peut dire classique pour l’étude des anciens 
glaciers : les moraines profondes, les blocs erratiques, d’un volume 
considérable, y abondent, et nulle part les roches moutonntes et 
polies ne sont mieux représentées. 


M. Félix Regnault expose à la Société le résultat d’une fouille 
qu’il a faite dans la grotte de la Vacñe, près de Tarascon (Ariége). 
Pour lui cette grotte renfermerait deux époques, c'est-à-dire deux 
âges parfaitement caractérisés et distincts l’un de l’autre, comme le 
prouvent les débris d'animaux recueillis dans la fouille. 4° Un âge 
récent, renfermé dans la 1e couche deterrain qui constitue la surface 
du sol et qui a donné parmi les espèces déterminables, le Bœuf, le 
Mouton, des quantités de dents de ruminants, des poteries vernies, 
quelques meules et un grand nombre d’os cassés par des instru- 
ments tranchants. — 2 L'âge du Renne, au-dessous d’une stalag- 
mite de 60 à 70 centimètres d'épaisseur qui recouvre une couche 
d'argile compacte contenant des espèces éteintes, tels que le Renne, 
le Cerf (Cervus elaphus), un grand Bœuf, etc... ainsi qu’une 
certaine quantité de silex finement taillés ou pointes de flèches, 
. des polissoirs, plusieurs poinçons ou aiguilles en os travaillés, des 
os d'oiseaux striés, ete... M. Félix Régnault termine en faisant 
remarquer que les divers objets de l’industrie primitive de Fhomme 
qui a habité la grotte de la Vache, sont entièrement semblables 
aux objets recueillis dans les cavernes de l’âge du Renne. La 
grotte de la Vache avait été déjà explorée par le D' Garrigou, qui 
y à fait exécuter de grandes fouilles 1l y a quelques années. 


PANR AU 


Séance du 24 juillet 4874. 


Présidence de M. le D' Ccos, président. 


Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le 
Président proclame membres titulaires de la Société : 

MM. Rouquier, présenté par MM. Melliés et Timbal-Lagrave 
fils ; GouLarp, par MM. Lambert et Bousquet ; CnxLces, par 
MM. Marquet et Fouque. 


M: le D' Jeanbernat présente à la Société quelques considérations 
importantes, au sujet d’une récente communication de M. Magnan 
sur une Coupe générale des Pyrénées de l’Ariége et des environs 
d'Esterri sous le méridien du port de Salau. 

D'après M. Magnan, les agents d’érosion auraient enlevé au 
sommet des Pyrénées plusieurs mille mêtres de couches, et dans 
les petites Pyrénées de l’Ariége des formations entières, dont 
l'épaisseur peut être évaluée à 14 ou 1500 mètres. 

Pour démontrer combien de telles Jénudations sont peu admis- 
sibles, il suffit d'étudier avec soin les phénomènes RE de 
l'érosion. 

Ces phénomènes exigent deux sortes d'agents qui doivent agir 
successivement pour s’accomplir avec efficacité. Les premiers, que 
l’on peut nommer agents de désagrégation, qui ont pour mission 
de fragmenter les roches compactes; les seconds, ou agents de 
transport qui charrient au loin les déblais produits par les premiers. 
Dans la première catégorie, on range les agents chimiques, les 
météores atmosphériques et les alternatives de glaces et de dégel ; 
dans la seconde, les eaux courantes et les glaciers. Sans l’action 
simultanée et successive de ces divers agents, l’érosion et surtout 
les dénudations majeures ne sauraient s'effectuer ; car l’eau cou- 
rante ne peut entraîner que les débris rocheux qu’elle rencontre 
Sur son passage et est sans action sensible sur les masses rocheuses 
en place, de même que les autres agents ne sauraient transporter 
au loin les déblais qu’ils ont produits par leur action lente et con- 
tinue. 


RON: | Pons 


I suit de là que si, dans les vallées d’alluvions et les plaines, les 
eaux courantes peuvent éroder les matériaux friables qui encom- 
brent leur lit, elles sont sans action sur les lignes de faîtes où elles 
manquent complètement, faute d’une surface d'entretien suffisante 
pour les alimenter, puisque les pluies les plus diluviennes sont 
aussitôt absorbées sanslaisser de trace. En ces points, les agents de 
désagrégation ont seuls une action puissante, mais réduits à leur 
propre force 1ls se bornent à fragmenter les masses compactes des 
pics et des crêtes, et les fragments ainsi produits, entraînés par leur 
propre poids, roulent sur leurs parois pour s’entasser en cônes 
d’éboulement à leur base, ou bien restent empilés sur les plates- 
formes des sommets, forment ainsi une sorte de couche protectrice 
qui garantit les surfaces compactes sous-jecentes de toute érosion 
postérieure : — c’est ce que l’on peut voir tous les jours, notam- 
ment sur le Néthou, le Perdiguère, le Néouvieille, ete. ete.; — 
aussi les érosions s'arrêtent biéntôt par leur intensité même. 

En vain objectera-t-on que sur les sommets et les hautes côtes 
où l’eau courante fait défaut, les glaciers ont pu jouer le rôle 
d'agents de déblaiement en transportant sur leurs dos les débris 
qui s’y accumulent. Car les glaciers au-dessus de 2,500 mètres 
sont en toutesaison adhérents au sol gelé qui les supporte, et par 
cela même mettent complètement à l’abri des dénudations toutes 
les parties qu’ils recouvrent de leur épais manteau de glace. Ge ne 
sont donc que les crêtes qu'ils ont laissées à nu qui peuvent être 
errodées; d’où il suit que la présence des glaciers dans les Pyrénées 
aura eu pour résultat d’abaisser les crêtes au bénéfice des bassins 
d'alimentation qui restent stationnaires, et comme ces derniers 
formaient les neuf dixièmes des parties centrales de la chaîne, celle- 
éi w’a pu perdre que très-peu de sa masse. 

On voit donc que les agents d’érosion étudiés sur le vif sont 
impropres, quel que soit l'espace de temps qu'on les laisse en 
activité, à produire les érosions excessives qu’on leur attribue. Il 
y à impossibilité mécanique complète. 

D'ailleurs, acceptât-on pour un instant cette théorie malgré ses 
flagrantes contradictions avec les principes, on n’en pourrait pas 
davantage expliquer pourquoi dans les vallées creusées par les 
courants de transport chargés de débris provenant des sommets 
érodés, il existe des lacs .profonds et étagés. Ces lacs, en effet, 
auraient dû, tout d’abord, disparaitre entièrement, comblés par les 


NN LE 


déblais qui les traversaient sans cesse dans leur descente vers Ja 
plaine. | R 

Au reste, on ne pourrait nier que depuis la période glaciaire 
les Pyrénées n'ont pas subi de mouifications profondes dans leur 
configuration et leur altitude, puisque nous voyons encore les 
moraines latérales et les roches moutonnées et striées en place, 
comme si les glaces venaient de les quitter hier. 

Par conséquent, les théories mécaniques et physiques, tout 
comme les faits d'observations, s'accordent pour repousser les 
érosions exagérées à l’aide desquelles M. Magnan veut étayer ses 
vues sur la géognosie des Pyrénées. 


M. H. Magnan fait remarquer que M. le docteur Jeanbernat, 
en éritiquant la théorie des dénudations pyrénéennes, perd 
entiérement de vue ce qui a été dit et écrit sur cette question. En 
effet, le Dr Jeanbernat n’a pour objectif dans sa note que les phé- 
nomènes d’érosion de l’époque actuelle ou quaternaire. Or, ce n’est 
pas pendant l'époque quaternaire que les agents d’érosion ont 
joué leur puissant rôle; il faut remonter à des périodes plus 
anciennes, à des périodes antérieures aux glaciers, puisque ceux- 
ci recouvraient encore hier, — son contradicteur le reconnaît lui- 
même, — les Pyrénées et les abritaient en grande partie sous leur 

manteau. | 

- M. Magnan rappelle alors ce qu’il a écrit en 1868 (Comptes 
rendus de l’Institut, vol. LXVI, p. 432. — Bulletin de la Société 
géologique de France, 2 sér., vol. XXV, p.709), àsavoir : qu’à trois 
époques différentes les Pyrénées ont été disloquées et dénudées 
sur une vaste échelle, après la période de transition, après le dépôt 
de la craie inférieure, après la formation de l’éocène, et qu’à 
chacune de ces époques correspondent des roches détritiques con- 
sidérables, ou, en d’autres termes, des roches résultant d’une 
_sédimeritation mécanique (conglomérats, grès et argiles), provenant 
de l’ablation des terrains préexistants. 

Ainsi, après la période de transition, les Pyrénées d’alors furent 
démantelées et 1l se déposa sur les couches relevées des terrains 
_granitique, cambrien, silurien et devonien, les conglomérats et les 
grès de l’époque houillère, les grès, les poudingues et les argiles 
du permien et dutrias. Plus tard, après l’époque crétacée inférieure 
et à la suite de profondes dislocations, les Pyrénées virent leurs 


20 ès 


sommets une seconde fois dénudés, et sur les tranches des couches 
de transition et secondaires antérieures à l’étage albien, se dépo- 
sèrent : le puissant conglomérat désigné par notre confrère sous le 
nom de Conglomérat de Camarade, les grès, les sables et les argiles 
du cénomanien supérieur et du turonien. Enfin plus tard encore, 
après la période éocène, les Pyrénées furent pour la troisième fois 
disloquées et érodées, et il se forma au pied de ces montagnes, 
grâce à l’ablation d'une partie des terrains primordiaux, de 
transition, secondaire et tertiaire inférieur, un dépôt détritique 
que tout le monde connaît : le terrain miocène dont les couches 
sont horizontales et qui est constitué , au voisinage des montagnes, 
par des blocs plus ou moins roulés, et dans la plaine par des 
argiles, des grès et des sables. 

M. Magnan insiste surtout sur le grand développement des 
terrains détriliques formés, à diverses reprises, aux dépens des 
parties de l'écorce terrestre qui ont été détruites. Ces terrains 
entrant pour un tiers, sinon pour la moitié, dans la composition 
de la zûne sédimentaire et celle-ci pouvant être évaluée à plus de 
20,000 mètres, il s'ensuit que des milliers de mètres de couches 
ont été enlevés par érosion à diverses époques. 

Pour démontrer, d’un autre côté, la réalité de ces érosions, 
M. Magnan s'appuie sur ce que plusieurs terrains, qui reposent les 
uns sur les autres en concordance parfaite dans certaines régions, 
ont disparu en totalité ou en partie dans des contrées voisines ; 
il s'appuie en outre sur la coupe graphique des Pyrénées de 
l’Ariége, qu’il a fait connaître dans la dernière séance, notamment 
sur la portion de voûte que l’on observe entre St-Michel et Fabas, 
voûte qu'il devient facile de reconstituer par la pensée : la partie 
inférieure et les pieds droits étant restés en place. Gette démons- 
tration lui permet de rappeler ce qu’il avait dit précédemment : 
que les petites Pyrénées de l’Ariége, qui ne dépassent guère 5 à 
600 mètres de hauteur, s’élevaient autrefois à plus de 2,000 mètres 
d'altitude. à 
_ Recherchant ensuite à quelles causes il convient d’attribuer ces 
puissantes érosions, M. Magnan dit que l’eau et l’atmosphère unies 
aux déplacements alternatifs des mers anciennes, à la suite de: 
brisures et d’affaissements gigantesques, sont les seuls agents que 
l’on puisse jusqu'ici invoquer, en ne perdant pas de vue cependant 
la part immense que prend le temps dans tous ces phénoménes, le 


mn A)? 


temps avec lequel la nature ne compte jamais. N’a-t-on pas calculé, 
ainsi qu’il l’a dit ailleurs, que les alluvions du delta du Mississipi 
avaient mis plus de 100,000 ans à se former ! 

Quant aux dires du D' Jeanbernat, basés sur la présence de 
plusieurs lacs dans les parties élevées de la chaine pyrénéenne, 
M. Magnan fait encore remarquer que ces lacs sont de formation 
relativement récente. Certains d’entre eux proviennent peut-être 
d’affouillements glaciaires, d’autres d’effondrements de la croûte 
terrestre pendant la période quaternaire, d’autres encore de brisu- 
res greffées sans doute sur d'anciennes failles. Ces lacs, qui n’exis- 
taient pas à l’époque tertiaire, n’ont pu être remplis par les détritus 
quiont servi à comblerle bassin sous-pyrénéen, c’est-à-dire à former 
le terrain miocène de la plaine; mais il n’en est pas moins vrai 
que depuis le retrait des anciens glaciers ils obéissent à la loi 
commune, ils se remplissent peu à peu : ainsi, s’il faut en croire 
certains observateurs, le lac d’Oo serait entièrement comblé dans 
l’espace de 180 ans. 

En résumé, d’après M. Magnan, les objections du D' Jeanbernat 
tombent d’elles-mêmes puisqu’elles'ne se rapportent qu’à une seule 
époque, à l’époque quaternaire ou actuelle, pendant laquelle les 
érosions, on peut le dire, ont été insign'fiantes, ew égard, bien 
entendu, à celles des périodes antérieures. 


| De la disposition adoptée en 1869-1870 dans la replantation 
de l'Ecole de botanique du Jardin des Plantes de Toulouse, 
par le D' D. Czos, directeur (1). 


. Les conditions auxquelles doivent satisfaire les Ecoles 
“de botanique dans les villes d’une certaine importance, au 
“point de vue scientifique, sont d'offrir : 

1° Des types de la plupart des familles de plantes, et 
dans celles-ci des principaux genres, de ceux qui, dans les 


(1) La discussion des principes de la classification a été déjà, de ma 
part, l’objet d'un travail, imprimé dans les Mémoires de l'Académie des 
Sciences, etc., de Toulouse (7e sér., t. I, p. 125-142), sous ce titre : 
Coup-d œil sur les principes qui servent de base aux classifications bota- 
niques modernes. 


TOM. V. L 


in Me 


familles par enchaïnement, peuvent le mieux permettre de 
suivre les transitions entre les degrés extrêmes d'orga- 
nisation, et révéler, par leur association, le cachet de 
l’ensemble ; | 

2° La réunion du plus grand nombre de représentants 
de la Flore locale et des montagnes voisines, s'il y en a, 
afin de donner aux débutants une première intuition de 
ces formes , et de leur faciliter les moyens de vérifier 
les déterminations des espèces (1) ; 

3° Les plantes curieuses ou remarquables, soit par leur 
beauté, soit par leur port ou leur couleur, soit par quelque 
particularité d'organisation, les espèces légendaires ou 
célèbres dans la doctrine des signatures, les plus utiles à 
divers titres, et en particulier celles qu'emploie la médecine, 
à moins qu'elles ne forment une école à part; 

4° Des types des arbres et arbustes, avec leurs variétés 
les plus notables, pour que l'amateur puisse être édifié sur 
leur mérite et les demander en connaissance de cause ; 

5° Ces familles, ces genres, ces espèces groupés d’après 
les degrés d’affinité en classes, tribus, sous-genres, etc. 

Enfin, l'ordre suivi doit être l'expression des derniers 
progrès acquis et généralement reconnus en fait de classi- 
fication. Il en est d’une école de botanique comme d’un 
ouvrage de science didactique qui veut être remanié de 
temps à autre, sous peine de devenir insuffisant. Sans doute, 
la replantation d’une vaste école de botanique, — et celle 
de Toulouse comprend près de 5,000 espèces, — est une 
opération laborieuse, mais devant laquelle on ne doit pas 
reculer, si l’on a la conviction de substituer à un ancien 
arrangement une disposition meilleure. 

Poussé par ces considérations, j'avais, en 1853, replanté 
l’école de botanique du Jardin des Plantes de Toulouse, et 
créé dans cet établissement : 4° une école spéciale d’espèces 


(4) Il est par cela même utile que les étiquettes des espèces apparte- 
nant à la Flore locale portent cette indication. 


DITES 


médicales, en vue des étudiants en médecine et en phar- 
macie, en vue aussi des herboristes ; 2° une école de plantes 
fourragères, industrielles et économiques; 3° une école 
de plantes maraichères. 

Depuis lors, je m'étais attaché à opérer, chaque année, 
dans l’école générale de botanique, des transpositions de 
familles ou de genres, en rapport avec les progrès de la 
taxinomie. Toutefois, ces permutations étaient devenues 
insuffiantes, et l’école réclamait un remaniement général. 
La nécessité de changer le sol épuisé des plates-bandes 
m'a fourni une occasion toute naturelle de modifier la clas- 
sification. C'est à partir du mois de novembre 1869 que 
toutes les plantes ont été arrachées pour être distribuées 
dans un nouvel ordre. 

Des trois grands embranchements du règne végétal, les 
Acotylédones et les Monocotylédones (celles-ci divisées 
d'après les vues de M. Ad. Brongniart) ne comportaient 
presque aucun changement. Seulement commençant, à 
lexemple d’Adrien de Jussieu, la série des Monocotylé- 
dones par les Naïades, on a cru, comme lui, devoir la 
terminer par les Orchidées, précédées des Cannées, bien 
que les Orchidées fassent exception, par l'absence de péris- 
perme, au grand groupe des Albuminées. On comprend, 
sans qu'il soit besoin d’y insister, l'impossibilité d'appliquer 
dans une école de botanique, disposée par plates-bandes, 
les idées de division des Monocotylés en séries paralléli- 
ques, idées émises en 4866 par MM. Gouriet (Dissertation 
inaugurale) et Contejean (Essai d'une classification des 
Monocotylédones, in Bullet. Assoc. scient. de France, 1. 1, 
supplém., p. 46-53). 

Quant au vaste embranchement des Dicotylédones, les 
Apétales ouvraient la marche, suivies des Monopétales, 
celles-ci des Polypétales, et la série se terminait par les 
Diclines. Sans doute la transition des Apétales aux Mono- 
pétales peut se justifier, grâce aux Plantaginées alternati- 


en 


vement ballotées de l’une à l’autre de ces classes, et une 
imposante autorité en botanique, M. Alexandre Braun, 
fait encore suivre les Apétales des Gamopétales dans la 
nouvelle classification proposée par lui en 1866 (in Flora 
der Provins Brandenburg , par M. Ascherson); mais la 
majorité des taxinomistes modernes s'accorde à reconnai- 
tre, d’une part, les liens intimes des Polypétales et des 
Apétales (celles-ci paraissant n'être, dans bien des cas, que 
des types dégradés de celle-là), et, d’autre part, la supé- 
riorité des Monopétales sur les autres Dicotylédones, supé- 
riorité en faveur de laquelle la paléontologie est venue 
fournir un nouvel argument ; elle nous montre, en effet, les 
Monopétales ne commençant guère que dans le miocène 
pour augmenter dans le pliocène, et cette progression S'est 
maintenue jusqu’à l’époque actuelle où les Monopétales sont 
aux Polypétales comme 30 : 40 (Voy. Schimper, Traité de 
Paléontol. végét., p. 86). 

Le remaniement du sol des plates-bandes de l'école de 
botanique impliquait donc le déplacement des Apétales ; 
mais j'ai dù rechercher en même temps quelle était la 
meilleure disposition à donner aux Dicotylédones. 

Et d'abord, fallait-il, à l'exemple d’un de nos anciens maïi- 
tres (M. Brongniart), supprimer le groupe des Apétales 
pour en répartir les éléments dans celui de Polypétales ? 
S'il n’est pas douteux que certaines familles d’Apétales se 
relient intimément à telle ou telle famille polypétale, il en 
est qui semblent avoir leur autonomie (alliances des 
Urticinées, des Amentacées, et surtout des Conifères et 
des Cycadées , si, avec les deux Richard, Mirbel, Payer, 
MM. Baillon et Parlatore, on refuse la gymnospermie à ces 
deux dernières), du moins la science n’a point encore 
pertinemment démontré une connexion intime entre elles 
et telle ou telle famille polypétale. Jinvoquerai l'autorité 
à M. Schimper, qui écrivait récemment : « Je ne sais pas 

i, du moment où l'on admet les divisions des Monopétalées 


ml 


et des Polypétalées, on fait bien de supprimer celle des 
Apétalées. (Traité de Paléontologie végétale, p! 84, note). » 

Dans la disposition des Acotylédones et des Monocotylé- 
dones, on a choisi l’ordre ascendant ou du simple au com- 
posé. Devait-on le suivre aussi pour les Dicotylédones, 
partant des Apétales pour arriver, à travers les Polypétales, 
_ aux Monopétales ? Cette marche pourrait se justifier assuré- 
ment; mais, d'une part, les exigences de la plantation 
voulaient que les Amentacées et les Conifères occupassent 
extrémité de l’école opposée à celle des Acotylédones; de 
l'autre, si les deux grands embranchements pharérogames 
forment deux séries, dont chacune est à volonté ascendante 
ou descendante, ce n’est pas aux Dicotylédones inférieures 
dégradées ou apétales, que ressemblent le plus les Monocoty- 
_ lédones supérieures ou dont la fleur offre l’organisation la 
plus parfaite. Ces motifs autorisaient à faire suivre les 
Monocotylées supérieurès des Dicotylées également supé- 
rieures. R 

Mais que faut-il entendre par ces derniers mots ? Je ne 
- rappellerai pas ici les raisons invoquées soit par M. Fries 
(1836), soit par Adr. de Jussieu (1844), à l'appui de l’opi- 
nion que la prééminence appartient aux Monopétales épi- 
gynes (et en particulier aux Composées), en tant qu'offrant 
dans leurs fleurs le dernier degré de métamorphoses, le 
plus de soudures et le moins de caractères foliaires ; n1 les 
arguments produits par M. Chatin pour donner le pas aux 
Monopétales hypogynes, l'excès de développement offert 
par les Synanthérées étant, aux yeux de ce botaniste, un 
indice de dégradation, en tant que produit par la soudure 
de parties non homologues, tandis que la cohérence de 
. parties homologues est un signe d’élévation (1). Je partage 
cette dernière opinion, et c’est pourquoi j'ai dü mettre en 
tête des Dicotylédones les Monopétales hypogynes. On 


(1) V. Revue des Sociétés savantes, 2 sér., t. 4. p. 424. 


RER" ne 


s'étonnera peut-être de voir, dans cette classe, les Ebénacées, 
les Rhodoracées et les Ericinées, qui, avec les Campanu- 
lacées, composaient les Monopétales périgynes d’A.-L. de 
Jussieu (Genera Plantarum, p. 155, ‘où les Ebénacées figu- 
rent sous le nom de Guiacanæ); mais les trois premiè- 
res familles ont l'insertion hypogyne, et c'est en effet le 
caractère que leur assignent MM. Le Maout et Decaisne 
dans leur récent Traité général de Botanique, p. 222, 236- 
237. Il est très vrai que les Styracinées et les Vacciniées, 
qu'on ne peut éloigner de ces trois groupes naturels, 
appartiennent à la périgynie; mais on reconnaît, d’un 
commun accord aujourd'hui, qu'aux caractères tirés de 
l'insertion ne doivent pas être sacrifiées les affinités incon- 
testables. 

La série des Monopétales, commencée par les Plantagi- 
nées, se continue, à travers les Plumbaginées, les Primula- 
cées, les Myrsinées jusqu'aux Asclépiadées, qui, avec les 
Apocynées, établissent la transition aux Campanulacées, 
Lohéliacées (Monopétales périgynes) ; celles-ci passent aux 
épigynes (Composées, Dipsacées, Valérianées), qui, grâce 
aux Caprifoliacées, se relient, par l'intermédiaire des Cor- 
nacées, aux Polypétales épigynes (1). Puis viennent les 
Polypétales périgynes, conduisant, par les Caryophyllées, 
aux Apétales. 

Mais, objectera-t-on peut-être, la série des Monopétales 
hypogynes commence dans cet arrangement justement par 
quelques-unes de ces familles dont Adr. de Jussieu a formé 
son groupe de semi-monopétalées , parce que plusieurs de 
leurs représentants ont, ou les pétales libres, ou la corolle 
profondément divisée et des étamines parfois plus nom- 


(4) Dans la série d’Adrien de Jussieu, adoptée dans l'ouvrage cité de 
MM. Le Maout et Decaisne, et terminée par les Composées, les Caprifo- 
liacées sont séparées des Cornacées par toutes les Monopétales, et cepen- 
dant les liens de ces deux familles sont tels qu'A.-L. de Jussieu n’en. 
faisait qu’une seule, 


api PA sd 


breuses que les parties de cette enveloppe florale, ou du 
moins tendant à le devenir. 

Dans l’état actuel de nos connaissances sur lés principes 
qui doivent servir de base à la hiérarchie des êtres végé- 
taux , il serait tout au moins téméraire de décider sans 
appel que ces semi-monopétalées doivent céder le pas aux 
eu-monopétalées, qu'un Plambago, une Primevére de Chine, 
un Rhododendrum ou une Azalée sont inférieurs, quant au 
degré de leur développement, à une Verveine, une Sauge, 


un Bouillon blanc, un Solanum, une Bourrache, un Liseron, 


une Gentiane, une Pervenche (1). 


(4) Cest par les Apocynées que l’auteur du Programme de Botanique, 
pour la Description scientifique de la France(M. Chatin ?) termine la série 
ascendante des familles, intercalant les Plantaginées, les Plumbaginées et 
les Primulacées entre les Ericacées et les Monotropées. Mais il me paraît 
ressortir des principes déveldppés par M. Chatin lui-même, que les 
Primulacées, en tant qu'offrant un égal nombre de parties à tous les 
verticilles floraux, sont supérieures aux Apocynées, dont le gynécée est 
dimère. Dans la disposition adoptée au Jardin de Toulouse, les Dicoty- 
lédones auraient dû commencer par les Primulacées (suivies des Plum- 
baginées et des Plantaginées), sans la nécessité de rapprocher des 
Primulacées les Myrsinées, et de celles-ci le groupe des Diospyroïdées. Je 
. sais bien que quelques botanistes ont dénié une corolle aux Plantagi- 
nées (*) et aux Plumbaginées; mais la plupart d'entre eux n'hésitent pas 
aujourd hui à les reconnaître pour dipérianthées; je sais que l’on peut 
objecter encore, à la place accordée à cette dernière famille et aux Pri- 
mulacées, que l'opposition des étamines aux lobes de la corolle étant une 
infraction aux lois de la symétrie, semble indiquer un degré d’abaisse- 
ment. Mais les interprétations touchant l’origine des étamines existantes 
ont tellement varié, ces organes ayant été considérés tour-à-tour comme 
provenant d'un dédoublement (A. de Saint-Hilaire), comme représentant 
- dans l’androcée un second verticille alterne avec le verticille normal 
avorté (Durand, de Caen), qu'il serait peut-être encore téméraire, dans 
l'état actuel de la science, d’arguer de cette position des étamines en 
faveur de la supériorité organique ou bien en sens inverse. 


… (*) Dès le commencement du xvr Siècle, Magnol faisait, à propos du genre 
Plantain, cette remarque : « Raïus ponit Plantaginem inter flores stamineos ; 
Dournefort inter pelalodes ; quis illis hitem movebit ? (Novus caracter Planta- 
rum, p. 19). » 


— 96 — 


Une considération importante me semble même les éle- 
ver au-dessus de ces dernières. Chez celles-ci, en effet, le 
verticille pistillaire (ordinairement réduit à deux carpelles) 
et souvent l’androcée sont incomplets (Labiées, Scrophula- 
rinées, Bignoniacées, Acanthacées, elc.}, tandis que chez 
les semi-monopétales, à part les Plantaginées, le gynécée a 
autant de parties que les autres verticilles, d’où le nom de 
Monopétales isogynes que leur donne M. Brongniart. 

De plus, en excluant de ce groupe dit des semi- monopé- 
talées, les Ilicinées (aux fleurs presque polypétales) pour 
les reporter dans les Polypétales périgynes, au voisinage des 
Pittosporées, des Célastrinées et des Rhamnées (place que 
leur assignait A.-L. de Jussieu), on sacrifie, sans doute, 
les affinités des Ilicinées avec les Oléinées et les Ebénacées, 
mais on réduit les semi-monopétales aux familles chez 
lesquelles la monopétalie domine. 

A cette autre objection, que és semi- monopétales per- 
mettent d'établir une louable transition des Monopétales 
vraies aux Polypétales, par l'intermédiaire des Célastrinées, 
des Rhamnées, etc., on peut répondre qu'il n’en est ainsi 
qu’à la condition de commencer la série par les Composées, 
et que l'avantage résultant de cette marche est compensé 
par l'inconvénient de séparer, par l’intercalation de pres- 
que tout le groupe des Monopétales, les Polypétales épigy- 
nes (Cornacées, Araliacées, Ombellifères), des Monopétales 
épigynes (Dipsacées, Valériahées, Caprifoliacées, Rubiacées), 
deux classes heureusement rapprochées dans la méthode 
d'A.-L. de Jussieu. 

D'ailleurs tous les taxinomistes reconnaissent aujourd’hui 
l'impossibilité, dans la série linéaire des familles, de con- 
server, je ne dis pas toutes, mais leurs principales affinités. 
On doit en prendre son parti, et ne pas hésiter à sacrifier 
les unes, si l'on en met d’aussi grandes ou de plus grandes 
en évidence. Tout en maintenant les divisions tirées de 
l'insertion pour les Monopétales et les Polypétales, on n'a 


agen 


pas cru devoir s’y asservir d’une manière absolue; et c’est 

ainsi que les Ampélidées, hypogynes, se trouvent rappro- 
chées des périgynes, en tant que reliant les Araliacées (épi- 
. gynes) aux Rhamnées (périgynes) ; on eût évité cette ano- 
malie en plaçant les Ampélidées près des Méliacées, mais en 
sacrifiant les principales affinités des premières. 

Je tiens essentiellement à ce qu’on ne se méprenne pas 
sur la portée de cette note. Ce n’est pas une nouvelle clas- 
sification qu’on y propose : les alliances, les familles avouées 
par tous les botanistes y sont religieusement maintenues; 
on & seulement cherché à montrer qu'en commençant la série 
par les Monopétales, on n'était pas astreint par des principes . 
taxinomiques universellement reconnus à mettre en tête soit la 
famille des Composées, soit une de celles qui, comme les Solanées, 
les Bignoniacées occupent le centre des Monopétales hypogynes. 

Il eût été sans doute plus aisé et d’une moindre responsabi- 
lité d'adopter soit la classification de de Candolle, si facile, 
si populaire et suivie dans la plupart des flores françaises, 
soit celle d'Endlicher, admis dans plusieurs jardins bota- 
niques, soit celle d'Adrien de Jussieu préférée à toute autre 
par MM. Le Maout et Decaisne (Flore des jardins et des 
champs et Traité général de Botanique), soit enfin celle de 
M. Brongniart, d’après laquelle est disposée l'Ecole de 
Botanique du Muséum d'histoire naturelle de Paris : mais, 
appelé par mes fonctions à discuter tous les ans en 
public les principes de la classification, à juger par con- 
séquent les classifications les plus récentes, les plus répan- 
dues, je ne devais reconnaître d'autre guide que ce qui me 
paraissait être la vérité, et voici les motifs de ma préférence. 

Je n'ai pas adopté la méthode : 

1° De de Candolle, parce qu’elle est fondée sur cette 
considération, acceptée à l’époque de sa publication par la 
plupart des botanistes, mais combattue depuis, et à bon 
droit selon moi, que les Polypétales occupent le premier 
rang, quant au degré de développement; et parce que, 


Re. das 


comme celle d’A.-L. de Jussieu, elle sépare les Polypétales 
(Thalamuflores) des Apétales (Monochlamydées) ; 

2° Ni celle d'Endlicher, dans laquelle les Monopétales sont 
également interposées entre les Apétales et les Polypétales, 
rompant ainsi les affinités bien reconnues son Le hui de 
_ces deux dernières classes ; 

3° Ni celle d’Adrien de Jussieu, parce qu'elle repose sur 
cette considération, dont M. Chatin me parait avoir eu rai- 
son, que les Composées sont les plantes les plus élevées 
dans la hiérarchie : 

& Ni celle de M. Ad. Brongniart, qui part du même 
principe qu’Adrien de Jussieu, et qui, de plus, a cru devoir 
répartir toutes les Apétales dans le groupe des Polypétales 
(dialypétales) (4). 

Voici l’ordre adopté, avec l’indication des alliances pour 


les Dicotylédones. Les grandes divisions établies par 


Antoine-Laurent de Jussieu dans l’embranchement des 
Dicotylédones ont pu s’y appliquer au groupement des 
alliances. On s’étonnera peut-être d’y voir figurer la dis- 
tinction des périgynes dans les Dicotylédones; mais avec 
la plupart des auteurs modernes je n’attache à cette 
séparation qu’une importance très secondaire. Je n’hésiterai 
pas à modifier cet arrangement, ou même à le transformer 
de fond en comble le jour où, par suite des progrès de la 
science, je serai convaincu qu'on peut lui en substituer 
un meilleur. 


(1) Cette classification, adoptée par M. Arrondeau dans sa Flore 
toulousaine, par M. Duchartre dans ses Éléments de Botanique, à aussi 
été récemment appliquée par M. le Dr E. Blanche à la replantation de 
l'Ecole de Botanique du Jardin des Plantes de Rouen. 


HN 2, 


APHYLLES ou AMPHIGÈNES : Algues, Champignons, Lichens. 


FEUILLÉES ou ACROGÈNES : Hépatiques, Mousses, Characées, Lycopodiacées, Marsiléacées, 
Fougères, Equisétacées. 


a, 


B SUPEROVARIÉES : Naïadées, Juncaginées, Alismacées, Butomées. 
APERISPERMÉES INFEROVARIÉES : Hydrocharidées. 


cées, Palmiers, Pandanées, Commélinées, Joncées, Colchicacées, 


SUPEROVARIÉES : Lemnacées, Aroïdes, Typhacées, Graminées, Cypéra- 
| Pontédériacées, Liliacées, Asparaginées, Aspidistrées. 


INFEROVARIÉES : Dioscorées, Iridées, Astéliées, Amaryllidées, Hypoxidées, 
Hæmodoracées, Musacées, Broméliacées, Tillandsiées, Zingibéracées, 


PÉRISPERMÉES | 
Cannées (Orchidées, apérispermées). 


HYPOGYNES : Primulinées : Plantaginées, Plumbaginées, Primul’cées, Myrsinées; Diospyroïdées : Sapo- 


MONOPÉTALES 


POLYPETALES 


EPIGYNES 


tées, Ebénacées, Oléinées, Jasminées, Styracinées ; Ericoïdées : Pyrolacées, Ericinées, Epacridées ; 
Sélaginoïdées : Globulariées , Sélaginées, Myoporinées ; Verbéninées : Verbénacées, Labiées ; 
Personées : Acanthacées, Sésamées, Pédalinées, Bignoniacées, Cyrtandracées, Gesnériacées, Utricula- 
rinées, Orobanchées, Scrophularinées ; Solaninées : Solanées, Cestrinées, Nolanées ; Aspérifolhées : 
Borraginées ; Convolvulinées : Hydrophyllées, Hydroléacées, Polémoniacées, Convolvulacées ; Asclé- 
Piadinées : Gentianées, Spigéliacées, Apocynées, Asclépiadées. 


PÉRIGYNES Campanulinées : Stylidiées, Goodéniacées, Lobéliacées, Campanulacées. 


Synanthérées :Composées. 
Corisanthérées : Aggrégées : Dipsacées, Valérianées ; Rubiales : Caprifoliacées, Rubiacées. 


EPIGYNES : Umbellinées : Cornées, Nyssacées, Garryacées, Gunnéracées, Ombellifères, Araliacées, Bruniacées, 


PÉRIGYNES : Célastroïdes : (Ampélidées, hypogynes), Rhamnées, Célastrinées, Empétrées, Pittosporées, 


Hicinées; Térébinthinées : Coriariées, Térébinthacées ; Légumineuses; Rosinées : Amygdalées, 
Rosacées, Pomacées, Calycanthées ; Myrtoïdées : Granatées, Myrtacées, Connaracées, Mélastomacées ; 
Œnothérinées : Lythrariées,  Œnothérées, Haloragées ; Passiflorinées : Cucurbitacées, Datiscées, 
Bégoniacées, Passiflorées, Loasées, Turnéracées , Ribésiacées; Cactoïdées : Cactées, Ficoïdes ; 
Saæifraginées : Crassulacées, Parnassiées, Francoacées, Saxifragées, Philadelphées. 


HYPOGYNES : Hespéridinées : Aurantiacées, Méliacées; Æsculinées : Malpighiacées, Acérinées, Staphy- 


léacées, Hippocastanées, Sapindacées , Mélianthées ; Polygalinées : Polygalées ; Gnitiférinées : 
Hypéricinées, Ternstræmiacées ; Malvoïdées : Tiliacées, Sterculiacées, Byttnériacées, Bombacées , 
Malvacées; Géranioïdées : Géraniacées, Balsaminées, Tropæolées, Limnanthées, Linées, Oxalidées, 
Nitrariées, Zygophyllées, Rutacées, Diosmées, Zanthoxylées ; Berbérinées : Ménispermées, Lardizaba- 
lées, Berbéridées ; Magnolinées : Schizandrées, Magnoliacées, Anonacées ; Renonculinées : Renoncu- 
lacées, Dilléniacées ; Nymphéinées : Nélumbonées, Nymphéacées ; Papavérinées : Sarracéniées ê 
Papavéracées, Fumariacées; Cruciférinées : Crucifères » Capparidées, Résédacées ; Violinées : 
Cistinées, Flacourtianées, Violariées; Caryophyllinées : Caryophyllées, Paronychiées, Portulacées, 
Elatinées, Frankéniacées, Tamariscinées. 


HYPOGYNES : Amarantacées, Basellées, Phytolaccées, Chénopodées, Nyctaginées, Polygonées. 


PÉRIGYNES : Daphnoïdées : Laurinées, Thymélées; Protéinées : Elæagnées, Protéacées ; Santalinées : 


Loranthacées, Santalacées ; Pipérinées : Saururées, Pipéracées. 


EPIGYNES : Asarinées : Aristolochiées. 


DICLINES : Aquatiques : Cératophyllées ; Crotoninées : Buxées, Euphorbiacées ; Urticinées : Urticées, 


Celtidées, Ulmacées; Plataninées : Hamaélidées, Balsamifluées , Platanées ; Amentacées : 
Salicinées, Juglandées, Cupulifères, Bétulacées, Myricées, Casuarinées; Gnélacées, Cycadées 
Conifères. 


ss O0 ‘ds 


La disposition des tribus et des genres dans chaque 
grande famille n’a été adoptée qu'après une comparaison 
de ces groupes dans les meilleurs ouvrages des taxinomistes 
modernes (1). 

J'ai toujours pensé que sil convient d'exposer dans le. 
haut enseignement la classification avec les divers degrés 
de perfection qu'elle emprunte aux recherches modernes, 


(4) Deux grandes familles, les Ombellifères et les Crucifères, ont 
donné lieu, quant à la distribution de leurs genres en groupes naturels 
et à la disposition de ces groupes, à de nombreuses discussions. 

OmBELLirèrEs. — MM. Bentham et D. Hooker ont déclaré artificielle la 
division d’après la graine; mais leur classification est-elle bien plus 
naturelle? Que le groupe des Cœlospermées, déjà supprimé par MM Bron- 
gniart, Decaisne et Le Maout, mérite en effet cette exclusion, que le 
Lagoecia soit retiré des Smrynées pour clore la tribu des Saniculées, on 
n’y contredira pas; mais je ne vois pas pourquoi les deux phytographes 
anglais intercalent les Scandicinées, à titre de sous-tribu, dans les 
Amminées, Le port, l’inflorescence me semblent assigner à celles-ci une 
place près et à la suite des Caucalinées, rapprochement qui permet de 
conserver intacte la tribu des Campylospermées. L'ordre adopté est donc : 
d’abord la division d’après les ombelles imparfaites et parfaites, les 
Echinophorées dans celles-ci servant de transition entre les Saniculées et 
les Amminées ; reliées elles-mêmes aux Sésélinées, auxquelles succèdent 
les Peucédanées ; à celles-ci les Thapsiées, suivies des Coriandrées et des 
Daucinées, qui établissent une transition naturelle aux Campylosper- 
mées, si, à l'exemple de de Candolle, on met en tête de celles-ei les Cau- 
calinées suivies des Scandicinées et des Smyrnées. 

CrucIFÈRES. — Partant de la division ancienne en Siliqueuses et Sili- 
culeuses, on a commencé la série par les Arabidées ou Cheiranthées, sui- 
vies des Sisymbriées, les unes et les autres à cotylédons plans (Pleuro- 
rhizées et Nothorizées), conduisant aux Brassicées à cotylédons pliés 
(Orthoplocées), la grande tribu des Siliqueuses. se terminant par les 
genres anormaux Raphanus, Chorispora, Erucaria, Heliophila. Viennent 
ensuite les Siliculeuses latiseptées à cotylédons plans /Alyssinées), puis à 
cotylédons pliés /Calepina), puis à cotylédons enroulés /Bunias). Les 
angustiseptées se scindent de même en celles dont les cotylédons sont 
pliés en travers /Succowiées), et celles qui les ont plans /Zbéridées), la 
série se terminant par celles dont les fruits sont articulés /Senebiera, 
Cakile, Rapistrum, Crambe, Enarthrocarpus). 


LA 


la marche doit être modifiée dans les cours essentielle- 
ment élémentaires où l’on ne veut qu'effleurer la science ; et 
voilà pourquoi je n’ai pas craint le reproche d’inconséquence 
en suivant deux méthodes différentes, l’une à la Faculté des 
Sciences, l’autre au Jardin des Plantes. Les lecons de bota- 
nique quise font dans ce dernier établissement sont des- 
tinées aux gens du monde et elles sont en petit nombre 
(de 14 à 16 chaque année). De toutes les classifications 
proposées, compatibles avec la conservation des familles 
naturelles, j'ai cru devoir adopter, comme la plus simple, la 
plus facile, celle de Marquis, modifiée par A.-F. Pouchet (1). 


(1) A.-L. Marquis, commençant la série par les Dicotylédones, suivies 
des Monocotylédones et des Acotylédones, divise les deux premiers 
embranchements en Dipérianthées, Monopérianthées et Squamiflores, les 
Dipérianthées et Monopérianthées étant subdivisées en superovariées et 
inferovariées : dans le troisième embranchement l’auteur distingue les 
Acotylédones en Foliées et Aphyiles (Esquisse du règne végétal, p. 44). 
M. Pouchet suit l’ordre inverse, commençant par les Acotylédones, et 
ajoutant aux Monocotylédones et aux Polycotylédones (celles-ci répon- 
dant aux Dicotylédones de Marquis) une quatrième division appelée des 
Apérianthées,et qui précède les Squamiflores (Traité élémentaire de Bota- 
nique). Les Pandanées dans les Monocotylés, les Pipéracées, les Saururées, 
les Chloranthacées et les Cératophyllées dans les Dicotylés rentrent 
dans les Apérianthées. Seulement, comme il est admis aujourd’hui que 
les Monocotylédones supérieures ont calice et corolle, il a paru convenable 
de remplacer pour elles (Liliacées, Joncées, Colchicacées, Amaryllidées, 
lridées, Cannées, Orchidées, etc.) le mot Monopérianthées qui implique 
une seule enveloppe florale, par celui d’Homopérianthées destiné à indi- 
quer la ressemblance (éuotos semblable) du calice et de la corolle. J’ajou- 
terai que, si l’on n’a en vue qu’un enseignement tout-à-fait élémentaire, 
on peut se dispenser de faire figurer dans le tableau de classification les 
Apérianthées de F. A. Pouchet, classe qui, à part les Cératophyllées, ne 
renferme que des plantes exotiques. 


LMD Van 


Séance du 4 août 1871. 


Présidence de M. le Dr Cos, Président. 


La Société reçoit : 
Le Bulletin de la Société d’acclimatation de Paris. 
La Revue médicale de Toulouse. 


M. le Dr Jeanbernat présente quelques rapides observations au 
sujet du point précis où il faut placer les sources de la Garonne ; 
l'exploration de cette région est encore incomplète, mais néan- 
moins 1l croit déjà pouvoir conclure que la source en question se 
trouvera placée au port de Colomés. 


M. le professeur E. Fizuoc donne lecture de la note suivante : 

Note sur les minéraux recueillis pendant une excursion faite par 
MM. E. Timbal-Lagrave, D' Jeanbernat, A. Peyre, D' La- 
béda, Joulin, Albert Timbal-Lagrave et E. Filhol. 


Notre première exploration à eu lieu à partir du village 
d'Aylies, canton de Castillon. 

Disons tout d’abord que nous avons reçu de M. Claudet, 
directeur de l'usine métallurgique de Sentein, la plus 
gracieuse hospitalité. 

En gravissant la montagne pour aller d’Aylies aux mines 
de Sentein, nous avons trouvé, dans une anfractuosité de 
le montagne et auprès d’une petite cascade, de la sidérose 
cristallisée. 

La montagne elle-même est constituée par un calcaire 
rubané, alternant avec un schiste argilo-siliceux de couleur 
noiratre. 

Nous avons visité les galeries creusées pour lexploita- 


PS 2 PES 


tion du minerai. Les galeries étaient en mauvais état, 
mais leur exploration, que nous avons faite en compagnie 
de M. Loiseau, ingénieur de la Société, n’a pas été moins 
intéressante pour nous. 

Dans les galeries inférieures, nous avons trouvé de la 
calamine, tantôt concrétionnée, à cassure cristalline, pres- 
que chimiquement pure, tantôt en morceaux amorphes, 
d'une blancheur parfaite sur certains points, et colorés par 
de l’oxyde de fer sur d’autres points. 

Certains fragments de calamine sont hérissés, sur leur 
surface, de petits cristaux brillants de plomb carbonaté. 
Toutes les anfractuosités de la calamine renferment aussi de 
ces cristaux, mais le centre des fragments est rigoureuse- 
ment dépourvu de plomb. La calamine a donc été produite 
antérieurement au carbonate de plomb. 

Nous avons trouvé dans les galeries un peu plus haut 
un beau filon de galène, à larges faces et à clivage cubi- 
que bien caractérisé, de la blende presque pure, de la 
galène mêlée de blende, ce qui montre que ces deux mine- 
rais ont dû se former en même temps, un peu plus haut, 
da carbonate de plomb cristallisé d’une grande beauté 
remplissant des poches d'assez peu d'é li enfin, vers 
le haut des galeries, du carbonate de plomb conte- 
nant environ 50 0/0 de plomb. Ce minerai précieux, vu la 
facilité de son exploitation et de son traitement, est utilisé 
depuis assez longtemps à Sentein. 

Il est assurément bien curieux de voir dans la même 
montagne deux minerais sulfurés (galène et blende) qui 
paraissent s'être formés en même temps, puisqu'ils ont 
cristallisé souvent ensemble, et de trouver à côté d'eux, d’une 
part le zinc à l’état de silicate, et de l’autre le plomb à l’état 
de carbonate. 

La recherche de l’origine probable du silicate de zinc 
et du carbonate de plomb constituerait, nous n’en doutons 
pas, un sujet d’études bien intéressant. 


er CN 

Nous n'avons rien observé de particulier au sujet des 
roches que nous avons rencontrées en allant de Sentein à 
Salardu. DE 

Nous dirons quelques mots des sources sulfureuses de 
Trédos, connues dans le pays sous le nom de Las Bagnos 
de Trédos. | | 

Au fond de la vallée de Trédos, se trouve un petit éta- 
blissement de bains, consistant en une mauvaise barraque 
construite en planches, dans l'intérieur de laquelle on a 
installé quelques baignoires. 

L’eau minérale est sulfureuse, sa température est sensible- 
ment égale à la température du corps humain, et on luti- 
lise sans aucun mélange. 

La montagne des bains est formée par un calcaire blanc, 
grisätre, mais nous sommes restés persuadés que la source 
naît au sein de roches plus anciennes. Toutefois nous 
n'avons pas pu le constater. 

L'eau de Trédos est faiblement minéralisée, car un litre 
de cette eau exige à peine, pour la décomposition de son 
sulfure, 2 centigr. d'iode. Cette eau ne laisse déposer que 
très peu de sulfuraire sur son parcours. Nous n'avons vu 
d’ailleurs aucun dépôt de barégine. | 

Pendant notre course de Salardu à Esterri et notre 
retour d’Esterri à Salardu, nous n'avons eu rien à observer 
au point de vue minéralogique. 

En rentrant de Salardu à Bagnères-de-Luchon, nous 
avons traversé le village d’Arties où nous avons recueilli 
des minéraux fort intéressants provenant d’une vallée située 
à peu près à l’ouest du village; ces minéraux sont : 

4° Du nickel antimonié. La mine d'où ont été extraits 
les échantillons que nous avons recueillis peut être aper- 
çue du village d’Arties ; 

2° Du fer oxydulé magnétique sensiblement pur. On nous 
a assuré qu'il existe un très beau filon de ce précieux 
mineral. 


PA EN 


On nous a montré, en outre, de beaux échanüllons de 
lignite trouvés dans le voisinage d’Arties et une substance 
bleue qui a été recueillie entre les couches de lignite, et 
qu’on nous a présentée comme étant du bleu de Prusse. 
Cette substance est du phosphate de fer. Enfin, nous avons 
visité l'établissement d’Arties. 

A Arties, comme à Trédos, la montagne où naissent les 
sources thermales est calcaire. Le calcaire d’Arties est entre- 
mêlé d’un peu de stéatite. 

On nous a assuré que les sources ont été captées au- 
dessous du calcaire, dans le granit, mais nous n’avons pas 
pu le constater. Au point de vue de la température et de la 
minéralisation, ces eaux sont analogues à celles de Trédos. 


Après cette lecture, M. Cheile prend la parole pour demander à 
M. Filhol s’il n’a pas commis une erreur dans les minéraux décrits 
par lui sous le nom de calamine. S'appuyant sur l'opinion de plu- 
sieurs auteurs, M. Chelle croit que les minéralogistes, sous cette 
appellation, comprennent le carbonate de zinc et non le silicate, 
comme parait le penser M. Filhol. 

M. Filhol répond à M. Chelle que les minéralogistes et les chi- 
.mistes ont pendant longtemps confondu sous le nom de calamine , 
ou pierre calaminaire, tous les minerais à base d'oxyde de zinc 
sarbonatés ou silicatés, et que quelques-uns les confondent encore 
aujourd’hui. Il ajoute que M. Smithson a l’un des premiers décrit 
avec soin, comme des espèces distinctes, le zine carbonaté et le 
silicate de zinc hydraté, en insistant sur les différences qui les 
séparent; que Beudant substitua alors le nom de calamine au 
silicate de zinc, et donna le nom de smithsonite an carbonate, 
nom que certains minéralogistes lui ont conservé. Il ajoute que 
dans la collection de minéralogie de la Faculté des sciences de 
Toulouse, l'étiquette placée en tête du genre zinc oxydé est rédigée 
comme 1l suit : «zinc oxydé, smithsonite, calamine. » Or, la 
smitbsonite étant le carbonate de zinc, la calamine est nécessaire- 
ment le silicate. Dans son Traité de minéralogie, M. Leymerie 
conserve le nom de calamine au silicate, et celui de smithsonite au 


carbonate de zinc. 
5 


= ff = 


M. G. Rose a décrit le silicate de zinc sous le nom de calamine 
électrique. | | 

M. Brard, dans son Traité de minéralogie, confond sous le nom 
de calamine le carbonate et le silicate de zinc. 

M. Dufrenoy désigne le silicate de zinc sous le nom de cala- 
mine, en rappelant l'opinion de Beudant. 

MM. Cordier et Dorbigny donnent à l’article calamine de leur 
Traité de minéralogie, la synonymie suivante : zinc carbonaté, 
zinc oxydé silicifère, smithsonite, calamine siliceuse. 

M. Descloizeaux désigne aussi le silicate de zinc sous le nom de 
calamine. | 

M. Filhol soutient en conséquence qu’il n’a pas commis une 
erreur en désignant sous le nom de calamine le silicate de zinc 
hydraté auquel on n’a pas donné jusqu’à ce jour d’autre nom 
minéralogique, tandis que certains minéralogistes ont distingué le 
zinc carbonaté sous le nom de smithsonite. 


M. H. Magnan communique à la Société une Coupe de la 
Montagne-Noire aux Pyrénées, à travers le massif des Corbières. 

Pour édifier la compagnie sur la grandeur et la puissance des 
agents d'érosion qu'il a invoqués dans ses précédents travaux, 
pour expliquer concurremment avec les affaissements et les failles 
la formation de nos montagnes et leur relief actuel, en même 
temps que pour répondre à certaines allégations, M. Magnan a cru 
devoir mettre sous les yeux de ses confrères la coupe générale dont 
il vient d’être question. 

Cette coupe, qui a 80 kilomètres de longueur, et qui est orien- 
tée N.S., commence au Mont-Cayroux, dans la Montagne-Noire , 
pour se terminer au Col-Saint-Jean, dans les Pyrénées-Orientales. 
Elle montre que les terrains de transition des bords du plateau 
central de la France ont été fortement dénudés, puisque le Mont- 
Alaric, qui s’élève à 600 mètres de hauteur, au-dessus du niveau 
de la mer, dépassait autrefois 2500 mètres. 


Il est facile, en effet, de reconstituer au-dessus du terrain 
garumnien qui compose le Mont-Alaric, la voûte qui formait cette 


montagne avant les érosions de la période miviène, puisque de 
nombréux témoins de l’extension des couches nummulitiques et 
du Poudingue de Palassou existent au nord et au sud, comme à 
l’est et à l’ouest de ce mont. 


Si OR de 


M. Magnan dit aussi quelques mots des érosions de lépoque 
secondaire qui sont faciles à étudier entre le Milobre de Massac et 
Saint-Paul-de-Fenouillet. | 

Il ajoute que c’est à M. Favre, professeur de géologie à l’Acadé- 
mie de Genève, à M. Lory, professeur à Grenoble, et à M. Ebray, 
ingénieur, que la science est redevable d’avoir démontré dans les 
Alpes et dans le centre de la France la réalité de puissantes dénu- 
dations. Noire confrère termine en disant que la voie était large- 
ment tracée par des maîtres éminents, et que son seul mérite à 
été de la suivre dans nos régions : sur les bords méridionaux 
du plateau central de la France, dans les Pyrénées et dans les 
Corbières. | 


TABLE DES MATIÈRES. 


Séance de rentrée du 24 Avril 4874... 540, UNS dire 
Séance du 5 mai. — Élections. . . . .. ... . .... ÉTAPE ERE 
Séance du 19 mai. . . .. SES ESS KL BTS LIENS AMEN TA à 
Sur le muscari neglectum, TIMBAL LAGRAVE.. . . . . . . . . . . . 
Cas de Tératologie végétale, ARMAND PEYRE. . . . . . . . . . . . . 
Ornithologie, A. Lacroix.. . . . . .. set D RENE 
E. Frrno. Note sur une matière colorante particulière aux plantes 
du genre amäranthe: 2, 52, NOR RE EORSE FE RE 
Séance ua jun. 77. NOR ARE NOR 
Lacerta Edwarsii, n'Auguisson et MARQUET. . . . . . . . . . . .. 
Divers terrains détritiques des environs de Pau, H. MaGnaN. 
DeGurran», notice sur le Pastel". 10 DENON 
Dr JEANBERNAT, rapport sur une excursion dans les Pyrénées moyenn. 
H. Ficuoz, étude sur la présence ou l’absence des prémolaires dans 


l’'Ursus :speleus, 0 0, 008 Ds SO ER 
Séance duA6 Juin, 440,253 0 CROIRE re 
Sur.une tête: d’ours fossile. H. Fisnor.s 2e CR 
Séance du.7 juillet... 0 TR MR : 
Coupe générale des Pyrénées de l'Ariège et des environs des Pres 

sous le méridien du port de Salau, H. MagNan.. . . . . . . .. 
Sur. la grotte de la vache, F. RÉGNAUTET 0. OR 
Séance du 5ijuillet:.. 0% MN SONORE TE 
Sur les érosions invoquées par la géologie, discusion entre 

MAI. JEANBERNAT et MAGNAN: 4:24 74.0 : 1 LOS Le 
Séance du & août. - . . . . . . . ee se ee 


E. Frruoz. Note sur les minéraux recueillis pendant une exCUrsion 
faite par MM. E. Timbal-Lagrave, D' Jeanbernat, A. Peyre, 
D' Labéda, Joulin, A. Timbal-Lagrave et E. Filhol. . . - . . . 

Discussion sur la Calamine entre MM. Cneze et E. FILnoL. . . . . 

Coupe de la Montagne-Noire aux Pyrénées, à travers le massif des 
Corbières, par M°H.2MAGnAN: 5 OO NE 


FIN DN LA TABLE. 


NOTA. — Les travaux rédigés par les auteurs et publiés #n 
extenso, sont ceux dont le titre est précédé par le nom de 


l’auteur. 


Tee OO: Ur 


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