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Full text of "Chansons du chat noir"

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Imp  LemercierSC'Pans 


MAC-NAB 


Chansons  du  Chat  Noir 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.arcliive.org/details/cliansonsducliatnoOObaro 


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PAR 

Gamidde    Ba^on 

u  i_  u  s  T  R  AX  I  O  N  s      DE      H.     G  E  ï^  B  A  U  D  T 
oo u V E  RT u RE'iET    TITRE    DE    Ferdinand    BAC 

Prix  net  :  6  fr. 


PARIS 

AU   MÉNESTREL  2''"  rue  Vivienne  HENRI  HEUGEL 

ÉDITEUR- PROPRIÉTAIRE  POUR  TOUS   PAYS 


Tous  droits  de  reproduclion  et.  de  traduction  réservés. 


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MAURICE    MAC-NAB 


Né  à  Vierzon  le  4  janvier  i856,  Mac-Nab  est  mort  à 
Tâge  de  trente-deux  ans. 

C'était  un  poète  masculin  singulier.  On  l'a  défini  aussi  : 
un  binocle  dans  de  la  barbe,  et  enfin  :  un  gentilhomme 
écossais  qui  a  une  figure  en  bois,  une  voix  en  bois  et  qui 
se  moque  du  clan  dira-t-on. 

Mac-Nab  n'avait  que  trois  gestes,  de  même  qu'il  n'avait 
que  trois  notes  dans  la  voix;  mais  quels  gestes!  mais  quelles 
notes  !  l'effet  était  irrésistible,  sans  qu'il  se  déridât  lui-même. 
Chaque  fois  qu'il  ouvrait  la  bouche  pour  réciter  ses  vers,  il 
avait  l'air  de  prononcer  une  oraison  funèbre. 


Mac-Nab  a  fait  ses  premières  armes  aux  réunions  des 
Hydropathes  qui  prirent  plus  tard  le  nom  d'Hirsutes.  C'est  là 
qu'il  débita  pour  la   première  fois  sa   fameuse  ballade  des 


—  8  — 

Poêles  mobiles  qui  est  bien  le  plus  beau  monument  d'inco- 
hérence ahurissante  qu'on  ait  jamais  entendu. 

Qu'on  se  figure  une  façon  de  poème  dithyrambique  pur, 
soigné,  littéraire,  classique,  sur  les  frimas,  le  printemps,  les 
pervenches,  le  souffle  printanier,  la  pâle  froidure,  les  Pari- 
siennes, le  gazon  vert,  les  lèvres  roses  et  l'amour,  aux  quatre 
coins  duquel  revient,  avec  la  persistance  d'un  refrain  de  bal- 
lade, cet  avis  qui  vous  tombe  lourdement  sur  la  tête  comme 
une  tuile  glissée  d'un  toit  : 

Le  Poêle  mobile  se  distingue  de  tous  les  autres  en  ce  que,  muni  de 
roues,  il  peut  se  déplacer  comme  un  meuble,  etc. 

Qu'est-ce  que  cela  veut  dire?  Mystère  ! 

D'où  cela  sort-il  ?  Sphinx  et  rébus.  Pourquoi  est-ce 
drôle?  On  n'a  jamais  pu  le  savoir,  on  ne  le  saura  jamais. 
Pourtant  personne  n'a  entendu  cette  fantaisie  sans  rire  aux 
larmes. 

Quand  les  Hirsutes  eurent  cessé  de  se  réunir,  Mac-Nab 
se  dirigea  sur  Montmartre,  cette  butte  sacrée  qui  est,  comme 
chacun  sait,  le  paratonnerre  des  idées  bourgeoises. 

Mac-Nab  fut  la  pointe  du  paratonnerre  dont  la  tige  est 
le  Chat-Noir. 

Quelquefois  au  cœur  des  tumultueuses  soirées  de  l'in- 
stitut du  Chat-Noir^  Mac-Nab,  long,  maigre,  étriqué,  porteur 
du  faciès  tragique  de  ceux-là  qui  ont  reçu  du  ciel  la  haute 
mission  de  venir  jeter  un  peu  de  joie  en  ce  siècle  d'habits 
noirs  et  de  chapeaux  funèbres,  Mac-Nab  prenait  place  devant 
le  piano  et,  avec  ce  zézaiement  qui  n'était  pas  vm  des 
moindres  charmes  de  son  talent  déclamatoire,  il  annonçait 
solennellement  : 

«  L'Expulsion  !  » 

Aussitôt  une  clameur  d'enthousiasme  emplissait  la  salle, 


cassait  les  vitres,  couvrait  le  brouhaha  des  échanges  de  bocks 
et  l'organe  tonitruant  de  Salis. 

Mac-Nab  possédait  la  voix  la  plus  rauque  et  la  plus 
fausse  qu'il  soit  possible  d'imaginer;  on  croyait  entendre  un 
phoque  enrhumé.  Mais  cela  l'inquiétait  peu.  Il  chantait  tout 
de  même,  sans  se  préoccuper  des  gestes  désespérés  d'Albert 
Tinchant,  son  accompagnateur  ordinaire. 

Ainsi  chantée,  l'Expulsion  était  une  véritable  source  de 
joie. 

Il  en  était  de  même  de  la  complainte  du  Bienheureux 
Labre. 


Mac-Nab  a  publié  chez  le  bibliopole  Léon  Vanier  un 
très  joli  et  très  coquet  volume  pour  lequel  Coquelin  cadet  a 
écrit  six  pages  de  préface,  et  qui  porte  ce  titre  étrange  : 
Poèmes  mobiles. 

Les  trouvailles  et  les  fantaisies  y  pullulent,  et  l'on  n'y 
compte  pas  moins  de  trente-sept  pièces,  presque  toutes  heu- 
reuses, réussies,  débordantes  de  la  gaieté  et  de  l'originalité  les 
plus  pures,  lesquelles  sont  fort  spirituellement  illustrées  par 
l'auteur. 


Parlons  un  peu  du  caractère  de  Mac-Nab. 

C'était  un  rêveur,  très  distrait,  qui  joignait  à  l'horreur 
des  mathématiques  une  grande  atfection  pour  les  animaux.  Il 
recueillait  les  chiens  errants  qui  le  comblaient  d'ingratitude. 

Très  observateur,  il  découvrait  un  côté  gai  aux  choses 
les  plus  banales  de  la  vie. 


—    10    


Enfin,  c'était  une  physionomie  et  une  personnalité  très 
originales,  à  qui  la  postérité  sera  reconnaissante  d'avoir 
cultivé  le  rire. 

Nous  ne  pouvons  mieux  terminer  qu'en  citant  l'axiome 
déjà  célèbre  formulé  par  Coquelin  Cadet  dans  la  préface  des 
Poèmes  mobiles  :  «  Les  hommes  bons  seuls  sont  joyeux;  les 
méchants  ne  rient  pas,  c'est  leur  punition  !  » 

Extrait  des  «  Hommes  d'Aujourd'hui.  » 


N°   1 


L'EXPULSION 


L'EXPULSION 


Mouv'.  de   Marche. 


On      n'ea       fi.iii  .  radouc  ja -mais A  .  vec    tous  ces    N.de    D.d'Piiii      .      cesl 


L'EXPULSION 


On  n'en  finira  donc  jamais 

Avec  tous  ces  N.  de  D.  d'princes! 

Faudrait  qu'on  les  expulserait 

Et  r  sang  du  peuple  il  cri'  vingince! 

Pourquoi  qu'ils  ont  des  trains  royaux, 

Qu'ils  éclabouss'  avec  leur  lusque 

Les  conseillers  ménicipaux 

Qui  peut  pas  s'  payer  des  bell'  frusques? 


D'abord  les  d'Orléans,  pourquoi 
Qu'ils  marie  pas  ses  fill'  en  France, 
Avec  un  bon  vieux  zig  comm'  moi 
Au  lieur  du  citoyen  Bragance? 
C'est-il  ça  d'  la  fraternité, 
C'est-il  ca  d' la  délicatesse? 


—  i6  — 

On  leur  donn'  l'hospitalité, 

Qu'ils  nous  f...  au  moins  leurs  gonzesses! 


Bragance,  on  l'connaît  c't'  oiseau-là. 
Faut-il  qu'  son  orgueil  soy'  profonde 
Pour  s'êt'  f...  un  nom  comm'  ça! 
Peut  donc  pas  s'app'ler  comm'  tout  1'  monde? 
Pourquoi  qu'il  nag"  dans  les  millions 
Quand  nous  aut'  nous  sons  dans  la  dèche? 
Faut  qu'on  l'expulse  aussi...  mais  non, 
Il  est  en  Espagn',  y  a  pas  mèche! 


Ensuit'  y  a  les  Napoléons, 

Des  muff'  qu'a  toujours  la  colique 


—  17  — 

Et  qui  fait  dans  ses  pantalons 
Pour  embêter  la  République  ! 
Plonplon,  si  tu  réclam'  encor, 
On  va  t'  fair'  passer  la  frontière. 
Faut  pas  non  plus  rater  Victor, 
Il  est  plus  canaiir  que  son  père! 


Moi  j'  vas  vous  dir  la  vérité  : 

Les  princ'  il  est  capitalisse 

Et  r  travailleur  est  exploité, 

C'est  ça  la  mort  du  socialisse. 

Ah!  si  l'on  écoutait  Basly, 

On  confisquerait  leur  galette, 

Avec  quoi  qu'  l'anarchisse  aussi 

Il  pourrait  s'fianquer  des  noc'  chouettes  ! 


—  i8  — 

Les  princ'  c'est  pas  tout  :  Plus  d'  curés, 
Plus  d'  gendarmes,  plus  d'  mélétaires, 
Plus  d'  richards  à  lambris  dorés 
Qui  boit  la  sueur  du  prolétaire. 
Qu'on  expulse  aussi  Léon  Say, 
Pour  que  1'  mineur  il  s'affranchisse. 
Enfin,  qu'  tout  1'  mond'  soye  expulsé  : 
Il  rest'ra  plus  qu'  les  anarchisses! 


N°  2 


LE    BANQUET   DES   MAIRES 


LE    BANQUET    DES   MAIRES 


Mouv'.   de  Marche. 


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LE    BANQUET    DES    MAIRES 


Enfant  gâté  de  mon  canton, 
Depuis  quatorze  ans  je  suis  maire, 
Bien  que  je  me  flatte,  dit-on, 
D'être  un  peu  réactionnaire. 
Un  beau  matin,  monsieur  Floquet 
Me  dépêche  une  circulaire  : 
Il  me  convie  au  grand  banquet 
Que  nous  offre  le  ministère  ! 


«  Je  t'en  prie,  Hector,  n'y  va  pas, 
Me  disait  en  pleurant  ma  femme. 


—    24   — 

Ils  ont  inventé  ce  repas 
Pour  se  faire  de  la  réclame  !  » 
Mais  je  lui  répondis  :  a  Tais-toi, 
Joséphine,  c'est  mon  affaire. 
Je  ne  suis  pas  fâché,  ma  foi, 
De  voir  de  près  ce  ministère!  » 


Je  pars  la  veille  du  grand  jour 
Suivi  de  toute  la  fanfare. 
Les  pompiers  viennent  à  leur  tour 
M'accompagner  jusqu'à  la  gare. 
Mille  gamins  poussent  des  cris  : 
Faut-il  que  je  sois  populaire! 
Le  voyage  est  à  moitié  prix! 
Un  bon  point  pour  le  ministère! 


Nous  étions  quatre  mille  et  plus 
Entassés  dans  la  grande  salle. 
Un  vrai  festin  de  Lucullus  ! 
A  sa  place  chacun  s'installe. 
Un  grand  laquais  d'un  air  narquois 
Sans  cesse  me  remplit  mon  verre  : 
C'est  du  bordeaux  de  premier  choix, 
Ne  blaguons  plus  le  ministère! 


«  Monsieur,  murmure,  près  de  moi, 
Un  maire  habitant  des  montagnes. 
Vraiment,  je  ne  sais  pas  pourquoi 
Ça  va  si  mal  dans  nos  campagnes!  » 
«  Oui,  m'écriai-je  tout  à  coup. 
Chez  nous  non  plus  ça  ne  va  guère! 
En  attendant  buvons  un  coup 
A  la  santé  du  ministère!  » 


On  n'entendait  plus  d'autre  bruit 
Que  le  craquement  des  mâchoires. 
Floquet  n'avait  pas  d'appétit, 
Mais  il  calculait  ses  victoires! 
Nous  sommes  joliment  traités. 
On  nous  prend  par  la  bonne  chère. 


—    26  — 

Passez-moi  les  petits  pâtés, 
Vive  à  jamais  le  ministère! 


Neuf  heures!  Il  faut  s'en  aller, 
Tant  pis,  car  la  cuisine  est  bonne. 
Je  sens  mes  jambes  flageoler, 
A  mes  voisins  je  me  cramponne. 
Cahin,  caha,  chacun  partait, 
Trébuchant  et  roulant  par  terre  : 
«  Braves  gens,  murmurait  Floquet, 
Ils  soutiendront  le  ministère  !  » 


N"  3 


UN    BAL  A    L'HOTEL   DE   VILLE 


UN    BAL    A    L'HOTEL    DE    VILLE 

ÀJIegro. 


pas        Irop  d'bi        .       lel»  «Mais   mon  homm",  qu'ell'_.  dit,.         Tu    n'as,  pas  d'ha.  .  bitli»   .«Bahlc'est         pas 


çà         qui  m'gê       -      ne:       Pass' moi   mon  com   -  plet         Qu't'as  ra  .-fis  .  to     ,     lé  Pour   la  noce 


UN   BAL    A    L'HOTEL    DE    VILLE 


Un  soir  j'  dis  à  ma  femm'  :  «  Faudrait 

Qu'  j'aille  à  l'hôtel  de  ville  : 
Y'a  z'un  bal  épatant,    paraît 

Qu'on  n'  s'y  fait  pas  trop  d'  bile!  » 
«  Mais,  mon  homm',  qu'ell'  dit. 
Tu  n'as  pas  d'habit!  » 
«  Bah!  c'est  pas  ça  qui  m'  gêne: 
Pass'  moi  mon  complet 
Qu'  t'  as  rafistolé 
Pour  la  noce  à  Ugène!  » 


—    32    — 

J'arrive  à  la  porte  du  bal, 

J'  vois  des  gens  qu'on  salue, 
C'est  tout  r  conseil  municipal 
Debout  en  grand'  tenue  : 

Des  complets  marrons 

Et  des  chapeaux  ronds, 
Dam,  c'est  pas  d'  la  p'tit'  bière  ; 

Tous  ces  gaillards-là, 

Ils  ont  pigé  ça 
A  la  Beir  Jardinière! 


J'entre  et  j'  tomb'  dans  un  restaurant 

Où  d'un  coup  d'œil  rapide 
J'avise  un'  espèc'  de  croquant 
Qui  versait  du  liquide. 
J'avale  un  d'mi-s'tier 
Et  j' tends  pour  payer 


Quarant'  sous  au  bonhomme. 

Il  me  dit  :  «  Monsieurr, 

Vous  faites  erreur, 
C'est  à  l'œil  qu'on  consomme!  » 

Quand  j'ai  vu  ça,  j'  m'en  suis  flanqué 

Par-dessus  les  oreilles; 
Jamais  j'avais  tant  tortillé 

Ni  tant  sifflé  d'bouteilles. 
Comme  on  peut  pas  tout 
Manger  d'un  seul  coup, 
J'en  ai  mis  plein  mes  poches. 
Quand  on  a  bon  cœur. 
On  pense  à  sa  sœur, 
A  sa  femme,  à  ses  mioches! 


Après  ça  j'arrive  en  m'  prom'nant 
Dans  r  fumoir  où  qu'  Ton  fume. 


-  34- 

Je  m'asseois  et  j"  tir'  tranquiirment 
Mon  brûl'gueur  que  j'allume. 

Mais  v'ià  qu'un  larbin, 

Pour  fair'  le  malin, 
M' tend  un'  boît'  de  cigares; 

J"  la  mets  sous  mon  bras. 

Des  panatellas! 
Quel  coup  pour  la  fanfare! 


Soudain  j'  me  dis  :  «  C'est  pas  tout  ça, 

T'  es  au  bal,  faut  qu'  tu  danses 
Et  qu'  tu  montr'  à  tous  ces  mufî'-là 
Qu'  tu  connais  les  conv'nances!  » 
J'  fais  r  tour  du  salon 
Comme  un  papillon, 
Et  j'  dégote  un'  bell'  brune  : 
«  Madam',  que  j'y  dis, 
V'ià  mon  abatis, 
Nous  allons  en  suer  une!  » 


<i.  Pardon,  fait  un  vilain  gommeux. 

C'est  moi  qui  l'a  r'tenue.  » 
Alors  on  s'attrap'  tous  les  deux, 

J'arrach'  sa  queue  d'  morue. 
Y  m'  pouss'  dans  un  coin 
Et  m'  colle  un  coup  d'poing 

Sans  mêm'  que  j'y  réponde. 
Et  voilà  comme  on 
R'çoit  des  coups  d'  tampon 

Quand  on  va  dans  1'  grand  monde! 


J'ai  l'œil  poché,  mais  c'est  égal, 
J'ai  rioolé  tout  d'  même. 


—  35 


Car,  voyez-vous,  un  pareil  bal, 

Faut  avouer  qu'  c'est  la  crème. 
Le  nec  plus  ultra, 
C'est  qu'à  c't'endroit-là 
Ça  coût'  pas  un  centime. 
Aussi,  nom  d'un  chien, 
.Te  r'piqu'  l'an  prochain 
Avec  ma  légitime! 


N°  4 


COQUIN   D'   POPULO! 


COQUIN     D"     POPULO! 


Allegretto. 

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COQUIN    D'  POPULO! 

PLAINTE    d'un    conseiller    MUNICIPAL    APRES    LE    BAL    DE    l'hOTEL    DE     VILLE 


Vraiment,  de  donner  des  fêtes 

Nous  somm'  dégoûtés. 
Qu'est-c'  qui  s'est  payé  nos  tètes: 

C'est  nos  invités  ! 
Ils  ont  trouvé  Jeoffrin  bête 

Et  Chabert  pas  beau. 
Ils  ont  blagué  not'  binette, 

Coquin  d'  populo  ! 


D'abord  j'aperçois  Lisbonne, 
Rev'nu  d'  l'île  des  Pins, 


—  42  — 

Qui  reconnaissait  plus  personne 

Parmi  ses  copains. 
Il  avait  un'  queu'  d'morue 

Comme  un  aristo, 
On  l'acclamait  dans  la  rue... 

Coquin  d'  populo! 

Ensuite,  à  la  ritournelle 
D'  la  premier'  polka, 

On  voit  arriver  Poubelle  : 

Qu'est-c'  qu'il  vient  fair'  là: 


Au  lieu  d'  le  mettre  à  la  porte, 
Comm'  c'était  son  lot, 

V'ià  la  foule  qui  l'escorte... 
Coquin  d'  populo! 

Pendant  un'  valse  charmante, 
Faisant  un  p'tit  r'pos. 


-43  - 

A  ma  danseus'  je  présente 

L'assiette  aux  gâteaux  : 
«  —  Merci,  j'ador'  la  brioche 

Mais  j'en  ai  bien  d'  trop, 
J'vas  mett'  tout  ça  dans  ma  poche!  ». 

Coquin  d'  populo! 


Moi  qui  ne  r'çois,  je  1'  confesse, 
Que  du  mond'  très  bien, 

J'  m'étonn'  de  voir  un'  jeunesse 
Coitfée  à  la  chien. 


La  voilà  qui  lèv'  sa  quille 
De  plus  en  plus  haut... 

Y  avait  là  tout'  sa  famille. 
Coquin  d'  populo  ! 


-  44  — 

Les  enfants  d'  la  République 

A  qui  Ton  apprend 
Qu'  la  plus  beir  vertu  civique 

C'est  d'êt'  tempérant, 
Ils  ont  raflé  nos  sandwiches 

Et  bu  tout  r  sirop 
En  disant  qu'  c'était  pas  riche.. 

Coquin  d'  populo  ! 


Ils  sont  partis  la  bouch'  pleine 

En  cassant  nos  fleurs 
Et  sur  not'  beau  parquet  d'  chêne 

Laissant  des  horreurs. 


-45  - 

Enfin,  pir'  qu'un  lundi  d'  paye! 

C'est  pas  rigolo 
D'  fair"  danser  un'  cliqu'  pareille  ! 

Coquin  d'populo  ! 


N"  5 


LES  SOUVENIRS   DU  POPULO 


LES    SOUVENIRS    DU     POPULO 

Moderato 

Devant        la      ()lio  -  to  .  gni  phi       ,       e     D'un  mi    .  li  .  taire   à      elle    .    val, 


En    lia 


.bit    de  ge.né    .  rai.  Songeait  u    .    no femme    at    .  ten     .     dri  .  e  Ses  qua .  Ire    pe     .      titsen. 


.  faatâ  Disaient;  Il  quel    est    donc  cet       hom      .     ine/ti_Mes  fils,    ce     fut,        dans  le       temps, Un  bra . 


mè  .  re,  Pailez-nousde     luil  ferlez-nous  de    lui, grand     mè    .   re,  grand   mè    .    re,Parlez-nous  de    luili 


LES    SOUVENIRS    DU    POPULO 


Devant  la  photographie 
D'un  militaire  à  cheval, 
En  habit  de  général, 
Songeait  une  femme  attendrie. 
Ses  quatre  petits  enfants 
Disaient  :  «  Quel  est  donc  cet  homme  ? 
—  Mes  fils,  ce  fut,  dans  le  temps. 
Un  brave  général  comme 
On  n'en  voit  plus  aujourd'hui. 
Son  image  m'est  bien  chère  !  » 

—  Parlez-nous  de  lui,  grand'  mère, 
Grand'  mère,  parlez-nous  de  lui  ! 


—    52    — 

—  Il  me  souvient  de  sa  gloire, 

Car,  partout  où  l'on  entrait. 

Etait  cloué  son  portrait. 
Les  chansons  disaient  son  histoire. 
.    Il  était  sur  les  journaux, 

Dans  les  pièces  d'artifice, 

Aux  quatre  points  cardinaux. 

Je  l'avais  en  pain  d'épice... 

Mais  où  donc  l'ai-je  rangé? 

Il  n'est  plus,  sur  l'étagère  !   « 

—  Nous  l'avons  mangé,  grand'  mère. 
Grand"  mère,  nous  l'avons  mangé! 


—  De  l'armée  il  fut  le  père, 
Donnant  à  chaque  repas 
Bonne  morue  aux  soldats  ; 
Ça  rendit  leur  mine  prospère. 


—  53  — 

C'est  lui  qui  des  trois  couleurs 
Orna  les  guérites  blanches; 
On  eût  dit  de  loin  des  fleurs 
Et  ce  n'étaient  que  des  planches  ! 
Mais,  depuis  qu'il  n'est  plus  là, 
Tout  noircit  sous  la  poussière.  » 

—  On  les  repeindra,  grand'  mère, 
Grand'  mère,  on  les  repeindra 

—  Quand  on  brisa  son  épée. 
Je  disais  :  «  II  reviendra 
Lorsque  le  tambour  battra  !  » 
Mais  comme  je  m'étais  trompée! 
Dès  ce  jour,  ô  désespoir. 
On  ne  vit  plus  dans  la  plaine 
Galoper  son  cheval  noir. 
Si  profonde  fut  ma  peine 
Que  ma  tète  s'égara. 
Et  depuis,  je  désespère...   » 

—  Dieu  vous  la  rendra,  grand'  mère, 
Grand'  mère,  Dieu  vous  la  rendra  ! 


—  Un  soir,  oh,  je  l'ai  vu  presque, 
A  la  gare  de  Lyon  ; 
Il  a  passé  comme  un  lion  ! 
Ce  fut  un  tableau  gigantesque  : 
Chacun  courait  se  coucher 
Devant  la  locomotive. 
Moi,  je  voulais  le  toucher, 
(J'étais  plus  morte  que  vivei. 
Mais  Paulus  m'en  empêcha; 
II  me  mit  bien  en  colère...  » 

—  Paulus  était  là,  grand'  mère, 
Grand'  mère,  Paulus  était  là  ! 


-  54 


—  Un  matin,  dans  notre  rue, 
Avec  Laguerre  il  passa. 
On  se  pressait  pour  voir  ça. 
J'étais  aussi  dans  la  cohue. 
Oh!  voir  ses  bottes  de  cuir. 
Oh  !  contempler  sa  moustache, 
Sa  barbe  blonde...  et  mourir! 
On  se  bouscule,  on  se  fâche, 
Et  je  laisse  sous  les  coups 
Quatre  dents,  mais  j'en  suis  fière!   » 

—  Quel  beau  jour  pour  vous,  grand'  mère. 
Grand'  mère,  quel  beau  jour  pour  vous  ! 


N°  6 


LE   GRAND    MÉTINGUE 
DU    MÉTROPOLITAIN 


LE    GRAND    MÉTINGUE    DU    MÉTROPOLITAIN 


LE     GRAND     MÉTINGUE 
DU    MÉTROPOLITAIN 


C'était  hier,  samedi,  jour  de  paye, 
Et  le  soleil  se  levait  sur  nos  fronts. 
J'avais  déjà  vidé  plus  d'un'  bouteille. 
Si  bien  qu'  j'm'avais  jamais  trouvé  si  rond. 
V'ià  la  bourgeois'  qui  rappliqu'  devant  1'  zingue  : 
«  Feignant,  qu'ell'  dit,  t'as  donc  lâché  1'  turbin?  » 
Oui,  que  j'  réponds,  car  je  vais  au  métingue, 
Au  grand  métingu'  du  métropolitain  ! 


Les  citoyens,  dans  un  élan  sublime. 
Etaient  venus  guidés  par  la  raison. 


—  6o  — 

A  la  porte,  on  donnait  vingt-cinq  centimes 
Pour  soutenir  les  grèves  de  Vierzon. 
Bref,  à  part  quat'  municipaux  qui  clilingue 
Et  trois  sergots  déguisés  en  pékins. 
J'ai  jamais  vu  de  plus  chouette  métingue. 
Que  le  métingu'  du  métropolitain! 


Y  avait  Basly,  le  mineur  indomptable, 

Camélinat,  l'orgiieille  du  pays... 

Ils  sont  grimpés  tous  deux  sur  une  table, 

Pour  mettre  la  question  sur  le  tapis. 

Mais,  tout  à  coup,  on  entend  du  bastringue; 

C"est  un  mouchard  qui  veut  fair'  le  malin  ! 

Il  est  venu  pour  troubler  le  métingue. 

Le  grand  métingu'  du  métropolitain! 


Moi  j'  tomb'  dessus,  et  pendant  qu'il  proteste, 
D'un  grand  coup  d'  poing,  j'y  renfonc'  son  chapeau. 
Il  déguerpit  sans  demander  son  reste. 
En  faisant  signe  aux  quat'  municipaux. 


6i  — 


A  la  faveur  de  c'que  j'  étais  brind'zingue 
On  m'a  conduit  jusqu'au  poste  voisin... 
Et  c'est  comm'  ça  qu'a  fini  lé  métingue, 
Le  grand  métingu'  du  métropolitain! 


MORALE 


Peuple  français,  la  Bastille  est  détruite, 

Et  y  a  z'encor  des  cachots  pour  tes  fils  !... 

Souviens-toi  des  géants  de  quarante-/n///e 

Qu'étaient  plus  grands  qu'  ceuss'  d'au  jour  d'aujourd'hui. 

Car  c'est  toujours  1'  pauvre  ouverrier  qui  trinque, 

Mêm'  qu'on  le  fourre  au  violon  pour  un  rien... 

C'était  tout  d'  même  un  bien  chouette  métingue, 

Que  le  métingu'  du  métropolitain! 


N"  7 


L'ÉLECTEUR   EMBARRASSÉ 


N°  8 


MARCHE  DES  SCOLAIRES 


MARCHE     DES    SCOLAIRES 


Mouv*.  de  Marche. 


Il       é  .  tait       un'     fois    quat'       mio  .  rhes, Conduits    par     un      ea   .    (lo     .     rai "  Ce. lait 


l'ba  .  tail   .   Ion      sans         r'pro  .  ches Des     sco.lair'      de       Bou  -  gi       .     val 


les     mains   dans    mes  po   .   ches,  jem'di.sais, en  voyant    çà: 


Oh!    lai        lai  Qu'est  c'qui  niouch'ra  tous  ces    mio    .    ches!        Ohl    la!        la!  Qu'est  c'qui  mouch'ra  ces  mioch'    là! 
A       ^    f    A-        mil 


9-  1'  r  If  4-j  I  LJ:/LJ 'u^LJ 'r  r  ';  u  'u;j'U'  'r 


*— H 


Pjrti,    d,  Tamfcnur   daprès    U  rigl-oent    du    12   Jlllo    tS7S  H     fifi7f; 


MARCHE    DES    SCOLAIRES 


II  était  un'  fois  quat'  mioches, 
Conduits  par  un  caporal. 
C'était  r  bataillon  sans  reproches 
Des  scolair'  de  Bougival. 
L'un  mangeait  du  pain  d'épice, 
Le  deuxièm'  du  chocolat, 
L'  troisièm'  suçait  du  réglisse 
Et  r  quatrièm'  son  p'tit  doigt. 


Refrain. 

Et  moi,  les  mains  dans  mes  poches. 

Je  m'  disais  en  voyant  ça  : 

Oh  !  là  !  là  !  Qu'est  c"  qui  mouch'ra 

Tous  ces  mioches  ! 
Oh  !  là  !  là  !  Qu'est  c'  qui  mouch'ra 
Tous  ces  mioch'-là  ! 


Soudain  la  troupe  héroïque 
Voit  un  bout  d'  cigare  éteint 


-  78- 

Qui  gisait,  mélancolique, 
Abandonné  du  destin. 
Tous  quatre  avec  frénésie 
Tomb'  dessus  comm''  des  vautours. 
L'  premier  dit  :  «  Pas  d'  jalousie, 
On  r  fum'ra  chacun  son  tour.  » 

Et  moi,  les  mains,  etc. 


Tout  en  faisant  d'  la  fumée. 
Ils  entrent  chez  V  mastroquet, 
L'  deuxièm'  dit  :  a  C'est  ma  tournée. 
Moi  i'  m'enfile  un  perroquet!  » 
«   Patron,  servez-nous  du  raide,  » 
Fait  rtroisièm'.  un  p'tit  pâlot  ; 
L'  quatrièm'  dit  :  «  J'intercède 
Pour  un  verr'  de  picolo  !  » 


Et  moi,  les  mains,  etc. 


—  79  — 
Les  voilà  près  d'  la  boutique 
Au  grand  épicier  du  coin, 
Qui  faisait  d'  la  politique 
A  cent  pas  d'  son  magasin. 
Tout  à  coup  r  premier  s'écrie, 
En  montrant  un  grand  baquet  : 
«  C'est  d' la  mélass',  je  1'  parie, 
Mince  c'  qu'on  va  s'en  flanquer  !  » 

Et  moi,  les  mains,  etc. 


Saisissant  1'  moment  propice, 
Ils  font  semblant  d'  se  cogner 
Pour  fair'  sauver  la  police 
Qui  commence  à  les  lorgner. 
Le  plus  grand,  l'ivress'  dans  l'âme, 
Plong'  son  sabre  dans  l' tonneau, 
Y  en  a  deux  qui  suc'  la  lame 
Et  deux  qui  suc'  le  fourreau. 

Et  moi,  les  mains,  etc. 


«  Sapristi,  j'ai  la  colique, 

Fait  r  quatrièm'  tout  d'un  coup  ; 

Faut  qu'on  s'  soit  trompé  d'  barrique, 

C'était  pas  sucré  du  tout  !  » 

—  «  Et  moi  j'ai  V  feu  dans  la  tête, 

J'  crois  qu'  c'était  du  savon  noir  ; 

Faut-il  qu'  l'épicier  soit  bête. 

Nous  allons  mourir  ce  soir  !  » 

Et  moi,  les  mains,  etc. 


—  8o 


Vint  à  passer  Déroulède  ; 

II  aperçut  les  gamins 

Qui  criaient  tous  quatre  :  A  Taide  ! 

En  s'  tordant  ï  ventre  à  plein'  mains. 

D'un  geste  patriotique 

Les  réchauffant  sur  son  cœur, 

Il  dit  :  «  Viv'  la  République, 

J'ai  sauvé  quatr'  z'électeurs  !  » 


Et  moi,  les  mains  dans  mes  poches, 

Je  m'  disais  en  voyant  ça  : 

Oh!  là!  là!  Qu'est  c"  qui  mouch'ra 

Tous  ces  mioches! 
Oh!  là!  là!  Qu'est  c'  qui  mouch'ra 

Tous  ces  mioch'-là! 


N°  9 


LE  PENDU 


LE     PENDU 


Moderato 


L  j^j'  ■.  j)  j  iJ  J'  ;  i'  JMr  r    I'  M  I    I'  ^^ 


Pour    u  oe         fil  .  lette  au  coeur       (en    .   dre      Dont    on  lui  re  .  fu  .sait      la 


main Va    pas   .  saut,  le  cœur  pleio  d'à    .    lar      .     mes,        Eu    vo^    .    aot  qu'il  soufflait  eu  . 


Dit:<tAl    -    Ions      cher-cher   les    gen  .   dar   .   mes.  Peut- e   .  tre       bien  qu'il  n'est  pas 


nortli» Dit:((A]   .  Ions    chercher  les  gen  .  dar.  nies,Peut-e  .  tre     bien        qu'il  nVsl  pas  mortl»)         Le  Bri . 


LE    PENDU 


^Yi^^"  %;/p^'^^/r'> 


Un  garçon  venait  de  se  pendre, 
Dans  la  forêt  de  Saint  Germain, 
Pour  une  fillette  au  cœur  tendre, 
Dont  on  lui  refusait  la  main. 
Un  passant,  le  cœur  plein  d'alarmes, 
En  voyant  qu'il  soufflait  encor. 
Dit  :  «  Allons  chercher  les  gendarmes, 
Peut-être  bien  qu'il  n'est  pas  mort!  » 


—  86  — 

Le  brigadier,  sans  perdre  haleine, 

Enfourcha  son  grand  cheval  blanc. 

Arrivé  chez  le  capitaine, 

Il  conta  la  chose  en  tremblant  : 

(c  Un  jeune  homme  vient  de  se  pendre, 

A  son  âge,  quel  triste  sort  ! 

Faut-il  qu'on  aille  le  dépendre  ? 

Peut-être  bien  qu'il  n'est  pas  mort  !  » 


L'officier,  frisant  sa  moustache. 
Se  redresse  et  répond  soudain  : 
«  Vraiment,  c'est  une  noble  tâche 
Que  de  soulager  son  prochain  ; 
Cependant,  je  n'y  puis  rien  faire. 
Ça  n'est  pas  de  notre  ressort. 
Courez  donc  chez  le  commissaire, 
Le  pendu  vit  peut-être  encor  !  » 


Le  commissaire  sur  la  place 

Descendit,  c'était  son  devoir. 

D'un  coup  d'œil  embrassant  l'espace, 

II  cria  de  tout  son  pouvoir  : 

«  Un  jeune  homme  vient  de  se  pendre. 

Villageois,  debout,  courez  fort, 

Emportons  de  quoi  le  dépendre, 

Peut-être  bien  qu'il  n'est  pas  mort  !  » 


Vers  le  bois  on  arrive  en  troupe. 
On  s'arrête  en  soufflant  un  peu. 
On  saisit  la  corde,  on  la  coupe. 
Le  cadavre  était  déjà  bleu  ! 
Sur  l'herbe  foulée  on  le  couche. 
Un  vieux  s'approche  et  dit  :  «  D'abord 
Soufflez-lui  de  l'air  dans  la  bouche. 
C'est  pas  possible  qu'il  soit  mort  !  » 


Les  amis  pensaient  :  «  Est-ce  drôle 
De  se  faire  périr  ainsi  !  » 


La  fillette  comme  une  folle, 
Criait  :  «  Je  veux  mourir  aussi  !  » 
Mais  les  parents,  miséricorde. 
Disaient  en  guise  d'oraison  : 
«  Partageons-nous  toujours  la  corde, 
C'est  du  bonheur  pour  la  maison!  » 


N°   10 


COMPLAINTE 
DU    BON    SAINT    LABRE 


COMPLAINTE    DU     BON    SAINT    LABRE 

Andaiite. 


.  iiieil Vint      à  ^)as    .    scr        un       (jnuvre  hnni  ,   nie,       Tout  nu,         qui        trem .  bl.iif    de 


COMPLAINTE 
DU   BON     SAINT    LABRE 


^W  -^^-  ~^'^"^---'^- 


^ 


Un  jour  le  bienheureux  Labre 
Se  promenait  au  soleil  ; 
Il  s'assit  dessous  un  arbre, 
Pour  se  livrer  au  sommeil. 


—  94  — 

Vint  à  passer  un  pauvre  homme, 
Tout  nu,  qui  tremblait  de  froid, 
En  faisant  des  gestes  comme 
Un  ministre  sans  emploi  : 


«  Ah  !  pauvre  homme,  je  devine 
Pourquoi  tu  trembles  si  fort. 
Prends,  pour  couvrir  ton  échine. 
Ma  chemise  en  toil'  d'Oxford. 


yT^V'^Ari^Sc 


Voilà  quinze  ans  que  j'  la  traîne 
Jour  et  nuit  par  tous  les  temps! 
Que  Dieu  sous  sa  garde  prenne 
Les  puces  qui  sont  dedans  I  » 


-95  - 

Quand  le  pauvre  eut  mis  la  ch'mise, 
Il  tremblait  toujours  autant  : 
«  Maintenant,  faut  contre  la  bise 
Garantir  ton  bienséant. 


Ami,  voilà  ma  culotte, 
Garde-la  comme  un  trésor  : 
C'est  la  premier'  fois  que  j'  l'ôte 
Depuis  mon  tirage  au  sort.  » 


Quand  il  eut  couvert  son  torse, 
Le  pauvre  tremblait  encor. 
Mais,  sous  une  rude  écorce. 
Le  saint  cachait  un  cœur  d'or  : 


-96- 


/^ 


«  Tiens,  dit-il,  dans  ces  chaussettes 
Mets  tes  pieds  avec  respect; 
C'est  celles  des  grandes  fêtes, 
J'ai  fait  ï  tour  du  monde  avec!  » 


Quand  il  eut  mis  les  chaussettes, 
Le  pauvre  tremblait  encor  : 
<i  Ami,  couvre-toi  la  tète 
De  ce  modeste  castor. 


97 


Garde-toi  de  mettre  en  gage 
Ce  souvenir  précieux, 
Car  c'est  Tunique  héritage, 
Que  m'aient  laissé  mes  aïeux! 


Quand  il  eut  coiflfé  le  feutre 

Le  pauvre  tremblait  encor  : 

«  Ah,  dit  r  saint,  quoi  donc  lui  feutre, 

Pour  l'arracher  à  la  mort? 


Dis-moi  quelle  est  ta  souffrance, 
Pourquoi  que  tu  trembl'  ainsi?  » 
—  «  C'est  que  depuis  ma  naissance 
J'ai  la  danse  de  saint  Guy  !  » 


N"  11 


UNE    PLEINE  EAU 


UNE     PLEINE    EAU 


Allegretto. 


De  lia     .     g'-'r  et    dTair'        la  plan  .    die   Dans       l'eau        qui  coule  à  Pa 


A  Pa     .      ris,         la     Stiue       est         trou',    ble      Et  çà  n'est        pas  drûl'         du 


tout.         D'bar  .  bo    .  ter     dans  du      gras    dou  ..ble:J'ni'en  vas     m'bai .  gner  à         Cha  .  tou  ..  A        Cha 


UNE     PLEINE    EAU 


La  semaine  et  surtout  V  dimanche, 
Ça  devrait  pas  et'  permis 
De  nager  et  d'  fair"  la  planche 
Dans  Teau  qui  coule  à  Paris. 


A  Paris,  la  Seine  est  trouble 
Et  ça  n'est  pas  drôl'  du  tout, 
D'  barboter  dans  du  gras  double  : 
J'  m'en  vas  m'  baigner  à  Chatou. 


—  I04  — 

A  Chaîou,  près  d'  la  rivière, 

Je  me  transporte  aussitôt; 

Mais  j'  me  dis  :  «  L'eau  n'est  pas  claire, 

Allons  nous  baigner  plus  haut.  « 


Je  marche  et  j'arrive  en  face 

Du  dépotoir  de  Saint-Ouen  ; 

Alors  je  fais  un'  grimace, 

La  Seine  est  jaun'  comme  un  coing. 


Je  r'mont'  le  cours  de  la  Seine 
Toujours  sur  le  bord  de  l'eau, 
En  m'  disant  tout  bas  :   «  Pas  d'  veine. 
Allons  nous  baigner  plus  haut  !  » 


Plus  haut,  près  du  pont  d'Asnières, 
J'  m'apprête  à  faire  un  plongeon; 
Mais  le  fleuv',  chos'  singulière, 
Est  plus  noir  que  du  charbon  ! 


io5  — 


Je  r'mont'  le  cours  de  la  Seine 
Toujours  sur  le  bord  de  Teau, 
En  m'disant  tout  bas  :  «  Pas  dVeine, 
Allons  nous  baigner  plus  haut!  » 


Au  détour  de  Courbevoie 
Je  m'écri'  :  «  C'est  là,  parbleu, 
Que  j'  me  baign'rais  avec  joie, 
Mais  le  liquide  est  tout  bleu  !   » 


—  io6  — 

Je  r'mont'  le  cours  de  la  Seine 
Toujours  sur  le  bord  de  l'eau, 
En  m'  disant  tout  bas  :  «  Pas  d'  veine, 
Allons  nous  baigner  plus  haut  !  » 


Bientôt  j'arrive  à  Suresne 
Près  d'un  site  ravissant  ; 
Mais  soudain  je  vois  la  Seine 
Qui  devient  couleur  de  sang! 


Je  r'mont'  le  cours  de  la  Seine 
Toujours  sur  le  bord  de  Teau, 
En  m'  disant  tout  bas  :  «  Pas  d'  veine, 
Allons  nous  baigner  plus  haut!  » 


Plein  d'une  ardeur  opiniâtre, 
Je  pousse  jusqu'à  Meudon  ; 
Mais  là  le  fleuve  est  blanchâtre 
Et  roui'  des  flots  d'amidon  ! 


Je  r  mont'  le  cours  de  la  Seine 
Toujours  sur  le  bord  de  Teau, 
En  m'  disant  tout  bas  :  «  Pas  d'veine, 
Allons  nous  baigner  plus  haut  !  » 


Enfin,  trouvant  l'eau  moins  grasse, 
Je  m'  décide  à  Billancourt  : 
J'  pique  un'  têt'  dans  la  carcasse 
D'un  chien  crevé  d'puis  quinz'  jours  ! 


—  io8  — 

Depuis  c'  jour-là  je  m'  méfie 
Et,  chaqu'  soir,  de  huit  à  neuf, 
J'  m'en  vais  sans  cérémonie 
Tirer  ma  coup'  sous  1'  Pont-Neuf! 


N°   12 


WJE    SOLI! 


VAE    SOLI! 


Andantino. 


CHANT. 

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W  lE    S  O  L I  ! 


Qu'il  est  doux  d'être  deux,  de  sentir  dans  sa  main 
Frissonner  une  main  que  l'amour  a  bénie  ! 
Qu'il  est  doux  d'être  deux,  deux  hier,  deux  demain, 
Deux  toujours  au  banquet  d'amour  et  d'harmonie! 

i5 


—  114 


S'il  est  vrai  qu'ici-bas  l'on  ne  puisse  être  heureux 
Sans  qu'on  se  soit  donné  le  plaisir  d'être  deux. 
Il  faut  bien  l'avouer,  dans  la  nature  entière, 
L'être  le  plus  à  plaindre  est...  le  ver  solitaire. 


TABLE 


7- 
8. 

9- 

10. 


Pages 

L'Expulsion ii 

Le  Banquet  des  maires ig 

Un  Bal  a  l'hôtel  de  ville 27 

Coquin  d'  populo 37 

Les  Souvenirs  du  populo 47 

Le  Grand  métingue  du  Métropolitain 55 

L'Électeur  embarrassé 63 

Marche  des  scolaires 73 

Le  Pendu 81 

Complainte  du  bon  saint  Labre 89 

Une  pleine  eau 99 

V^  soLi! 109 


Paris.    —  Maison  Quantin.  —   L.-H.   May,   directeur 
7,  rue  Saint-Benoît,   Paris. 


El^    "VEITTE    CHEZ  : 
Déon   VANIER  bibliopole,  quai  S'-Michel,  19,  PARIS 


tE)fî(i-DfîB 


POÈMES  MOBILES 

Nouveaux  monoloojues  comiques  en  vers  et  en  prose 
avec  nombreuses  illustrations  de  l'auteur,  précédés 
d'une  étincelante  préface  de  Coquelin  cadet.  Un  joli 
vol.  •in-i8,  broché 3  fr.  50. 


POEMES  INCONGRUS 

Suite  aux  Poèmes  mobiles.  Monologues  nou- 
veaux avec  cette  épigraphe  de  Coquelin  cadet  u  Ils 
sont  tous  rigolos!  »  Plaquette  in-i8    .    .    ,      1  fr.   50 


MONOLOGUES  OU  CHANSONS 


TIRÉS  A  PART  EN  BROCHURE 


EXTRAITS   DES   DEUX   VOLUMES   CI-DESSUS 


L'Expulsion 60  cent. 

La   Complainte    du  Bienheu- 
reux Labre 50  cent. 

Les  Foetus,  avec  illustrations.   .    .  1  fr.     » 

Plus  de  cors! 50  cent. 

Un  Drôle  de  dîner  ! 50  cent. 

Retoquée  I ,   .    .  50  cent. 


Les  Poêles  mobiles      .....  50  cent. 

L'Invalide  de  la  science  .   .   .  50  cent. 

Le  Crabe 50  cent. 

Le  Merlan .50  cent. 

Ma  femme  est  élue  ! 50  cent. 

Les  Imprécations  de  Ninil.   .  50  cent- 


DERNIERS   MONOLOGUES  OU  CHANSONS 

NON  COMPRIS  DANS  LES  DEUX  VOLUMES  CI-DESSUS 

Le  Bal  de  l'Hôtel  de  Ville.    Brochure 60  cent. 

Le  Banquet  des  maires.  Brochure 60  cent. 

«.Si,     Le  Grand  metingue  du  Métropolitain.  Brochure    60  cent. 


I 


» 


I 


1732 

327 

cop.2 


Baron,  Canille 
Chansons 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


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