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Full text of "Charles Baudelaire: souvenirs, correspondances, bibliographie. Suivie de pie?ces ine?dites"

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I 






LL^^q^J-^r^"^ 



J 



I 



CHARLES BAUDELAIRE 



Il a été tiré des exemplaires sur papier vergé , 
et 6 exemplaires y numérotés , sur Chine. 



CHARLES 



BAUDELAIRE 



SOUVENIRS — CORRESPONDANCES 



BIBLIOGRAPHIE 



SUIVIE DE PIECES INEDITES 



TAI^IS 
CHEZ RENÉ PINCEBOURDE 

14, rue de Beaune (quai Voltaire) 



87 



1072 



AVERTISSEMENT 



DE L^ÉDITEUR 



En 1868, nous avons fait un premier appel 
aux amis de Baudelaire, aux curieux de litté- 
rature, aux amateurs d'autographes qui pou- 
vaient posséder ou des morceaux inédits, ou 
des parties de la correspondance du poète. 
Cet appel , souvent renouvelé , a été entendu ; 
un volume, mais assez mince , est le résultat 
de nos recherches et de nos sollicitations 
obstinées. 

Il sera parcouru avec intérêt, nous l'espérons. 
Les pièces et documents que voici embrassent 
à peu près dans son ensemble , par des côtés 
particuliers, la vie littéraire d'un génie d'ex- 
ception ; elles font pénétrer, plus avant qu'une 
biographie régulière dans l'intimité, de ses ha- 



— 2 — 

bitudes, ide ses mœurs, de ses rêves,- de ses 
vertus, de ses amitiés, de ses idées. 

De compte fait, cette publication est la 
quatrième consacrée à Charles Baudelaire, 
depuis sa mort arrivée le i" septembre 1867; 
— d^autres suivront, nous le savons. 

La mémoire de Baudelaire a ses fidèles; ses 
œuvres ont leur public; — non pas le plus 
nombreux. 

Un de nos illustres disait il y a quelque 
vingt ans : a Ce Baudelaire est une pierre 
de touche : il déplaît invariablement à tous les 
imbéciles . » 

Sa personne n'a pas cessé de partager ce 
privilège avec ses écrits. 



BIOGRAPHIE 



ÎS^S«S*eS«S^S^iS*e3«S^S«£^Si 



A Monsieur René Pincebourde, éditeur 




ETAis^ comme on vous l'a dit, 
If monsieur^ le camarade de Charles 
Baudelaire, au collège de Louis- 
le-Grand; nous avons usé, sur les 
mêmes bancs, plus d'une culotte. Je 
Tavoue pourtant, à ma honte, le Bau- 
delaire en habit bleu troué aux coudes, 
en bas chinés, en gros souliers, est 
complètement sorti de ma mémoire. Je 
me souviens seulement de sa brusque 
disparition avant la fin de nos études. 



— 6 — 

Je ne le retrouvai qu'au sortir du 
collège. Nous nous voyions le plus 
souvent chez un ami commun/ dont 
plus d'un contemporain devenu célèbre 
pourrait vous décrire le logis très-fré- 
quenté en 1840. 

Deux petites chambres, au cinquième, 
avec balcon; décor composite , comme 
les aptitudes du locataire, helléniste 
enragé, peintre de paysages, poëte, 
alchimiste, mystagogue et chasseur de 
serpents. Des bustes, des statuettes, des 
ébauches, des bas-reliefs cloués aux 
murailles ou traînant sur chaque 
meuble , rien dans tout cela d'extraor- 
dinaire au quartier latin. Les fourneaux, 
les matras, les tubes en trombones, les 
fioles inquiétantes, pleines d'or et de 
diamants , en préparation , auraient 
attiré davantage l'œil du bourgeois, et 
son étonnement eût augmenté devant 
l'ornement principal du sanctuaire,cette 
fameuse armoire nauséabonde quoique 
vitrée, où grouillaient dans l'alcool, sous 



— 7 — 
de formidables étiquettes^ les batraciens 
invraisemblables^ les lézards géants et 
les vipères de choix ^ assassinés à Fon- 
tainebleau. 

C'est dans ce cher, grenier, d*oîi se 
sont envolées les heures les plus regret- 
tées de ma jeunesse , c est dans ce cadre 
étrange et sur ce fond bariolé, que je 
retrouve l'image la plus nette de Bau- 
delaire, que je Tai le mieux connu, à 
vingt ans, cherchant sa voie entre Villon 
et Ronsard, fou de vieux sonnets et de 
jeunes peintures, raffiné, paradoxal, 
bohème et dandy. 

Dandy surtout, et grand théoricien 
d'élégance. Pas un pli de son habit 
qui ne fût raisonné. Aussi quelle mer- 
veille que ce costume noir, toujours le 
même, à toute heure, en toute saison! 
Ce frac, d'une' ampleur si gracieuse, 
dont une main cultivée taquinait les 
revers; cette cravate si joliment nouée; 
ce gilet long, fermant très-haut le pre- 
mier de ses douze boutons et négligem- 



— 8 — 

ment entr'ouvert sur une chemise si 
fine, aux manchettes plissées; ce pan- 
talon « tirbouchonnant » sur des sou- 
liers d*un lustre irréprochable ! Que de 
cabriolets leur vernis m'a coûtés ! Hélas ! 
c'était le bon temps. 

Baudelaire habitait déjà Tîle Saint- 
Louis, mais pas encore cet hôtel Pi- 
modan où Font connu ses amis de la 
seconde époque^ plus intimement asso- 
ciés à sa vie littéraire. C'était dans un 
rez-de-chaussée du quai de Béthune que 
notre camarade avait installé ses bahuts, 
sa vieille table aux pieds tournés, ses 
miroirs de Venise, ses livres, en très- 
petit nombre ( Ronsard et sa Pléiade : 
Régnier n'est venu que plus tard ), ses 
chats, et certain lit de chêne brun, sans 
pieds ni colonnes, sorte de cercueil 
sculpté dans lequel je suppose qu'il cou- 
chait quelquefois. 

Nous allions rarement le relancer 
dans son île, sûrs que nous étions de le 
voir arriver lorsqu'il avait limé et poli 
« quelque machine nouvelle », 



— 9 — 

Après- s'être fait quelque peu prier, il 
nous disait, ou plutôt nous psalmodiait 
ses vers d'une voix monotone, mais 
impérieuse, et qui forçait l'attention des 
profanes : vers truculents, rimes mil- 
lionnaires ! 

Je l'entends encore marteler avec un 
contentement visible le quatrième vers 
des strophes charmantes, dans sa toute 
première manière, qu'il adressait à 
« une mendiante rousse » : 

Ma blanchelte aux cheveux roux, 
Dont la robe, par ses trous. 
Laisse voir la pauvreté 
Et la beauté. . . 

Ce n'est point, il s'en faut , la seule 
« Fleur du Mal » dont le premier par- 
fum ait corrigé les émanations de l'ar- 
moire vitrée ; et pourtant, bien des 
« juvenilia », très-goûtées au grenier, 
n'ont pas trouvé place dans l'illustre 
recueil de 1857. 



— lO — 

J'ai souvent regretté de n'y rîen voir 
d'un poëme plus que bizarre^ il est vrai, 
dans son ensemble, et difficile à produire 
en public, mais dont un éditeur pudi- 
bond aurait pu imprimer au moins 
quelques strophes. 

Baudelaire lui-même en était le 
héros, ou plutôt la victime, rôle partagé 
par sa maîtresse d'alors : 

Bizarre déilé, brune comme ks nui(f, 

Au parfum mélangé de musc et de havane, 

• 

Œuvre de quelque Obi, le Faust de la Savane, 
Sorcière aux flancs d'ébène, enfant des noirs minuits, 

sa négresse, en un mot, comme l'appe- 
lait notre irrévérence. 

L'œuvre abracadabrante dont je dé- 
plore la perte probable échappe à l'ana- 
lyse; à moins pourtant que vous ne vous 
contentiez d'une sorte de programme 
comme ceux que Pasdeloup fait distri- 
buer pour expliquer aux fidèles le sens 
intime des ouvertures de Wagner. En 
ce cas, voici la chose : 



— II — 

CAUCHEMAR 



Portrait du poète et de la bien-aimée. 
Mélange des cœurs. Ciel sans nuage. 
Béatitude, 

II 

Jalousie du roi. Il somme le poète de 
lui prêter sa maîtresse. Refus du bien- 
aimé. Menaces du tyran (Louis-Phi- 
lippe)! Message royal annonçant une 
vengeance inouïe. 

III 

Une même couche a réuni les deux 
amants. Sommeil profond des lutteurs. 
Une rumeur imperceptible surgit dans 
le lointain... 

IV 

(Crescendo des djinns). Bruit d'é- 
pées. Canons roulants, foule grondante. 
Une armée en marche. Tumulte énorme 
sur le quai. 



— 12 — 



Ce qui vient s'arrête ; la porte s'ouvre 
au nom du roi! C'est Tarmée tout 
entière^ tambour-major en tête^ qui sous 
les yeux du bien-aimé, j)aralysé d'hor* 
reurj vient souiller sa maîtresse. Des- 
cription plastique des exécuteurs de 
l'œuvre infâme. Costumes^ gestes, atti- 
tudes divers de l'infanterie, de la cava- 
lerie et des armes spéciales. 



VI 



Le poëte est devenu fou. La muse ne 
lui envoie plus que des rimes insen- 
sées. . . Malédiction ! ! 



C'était absurde et c'était superbe ! 

A défaut du portrait de Baudelaire , 
par lui-même, qui décorait cette épopée 
perdue, j'en ai gardé un autre, cher 



— i3 — 

monsieur, portrait autographe, à la 
plume et à Testompe, rehaussé de ver- 
millon. 

Ce dessin a son histoire : la voici.. 
Nous avions pris rendez-vous un jour 
d'hiver, Baudelaire et moi, pour goûter 
en compagnie de notre hôte du grenier, 
les voluptés du haschisch, alors peu 
connu à Paris. C'est sous l'influence de 
cette pommade verdâtre, et en atten- 
dant l'extase promise, que le futur 
auteur des « Paradis artificiels », dessina 
pour moi ce portrait en pied , le seul de 
cette date qui lui ressemble. 

De temps en temps (je le vois en- 
core), il posait la plume, et roulant 
entre ses doigts des estompes en papier, 
il en caressait son image avec un visible 
plaisir. Il y travailla longtemps, et 
lorsqu'il me la remit enfin , après avoir 
terminé les accessoires qui la com- 
plètent, il parut me faire un notable 
cadeau. 

Ce fut aussi mon avis, et j'ai con- 
servé cette relique avec un soin pieux. 



— 14 — 

Voulez-vous maintenant, non plus 
un portrait du poëte, mais une pièce de 
vers composée sur les bancs du collège, 
^t qui est peut-être sa première œuvre; 
la voici : 

INCOMPATIBILITÉ. 

Tout là-haut, tout là-haut, loin de la route sûre. 
Des fermes, des vallons, par delà les coteaux. 
Par delà les forêts, les tapis de verdure. 
Loin des derniers gazons foulés par les troupeaux. 

On rencontre un lac sombre encaissé dans Vabtme 
Que forment quelques pics désolés et neigeux; 
Veau, nuit et jour, y dort dans un repos sublime. 
Et n'interrompt jamais son silence orageux. 

Dans ce morne désert, à VoreUle incertaine 
Arrivent par moments des bruits faibles et longs. 
Et des échos plus morts que la cloche lointaine 
D*une vache qui paît aux penchants des vallons. 

Sur ces monts où le vent efface tout vestige. 
Ces glaciers pailletés qu'allume le soleil. 
Sur ces rochers ailiers où guette le vertigp. 
Dans ce lac où le soir mire son teint vermeil. 



— i5 — 

Soiis mes pieds, sur ma tête et partout le silence. 
Le silence qui fait qu'on voudrait se sauver. 
Le silence éternel et la montagne immense. 
Car l'air est immobile et tout semble rêver. 

On dirait que le ciel, en cette solitude , 
Se contemple dans l*onde, et que ces monts, là-ltas. 
Ecoutent, recueillis, dans leur grave attitude. 
Un mystère divin que Vhomme n'entend pas. 

Et lorsque par hasard une nuée errante 
Assombrit dans son vol le lac silencieux. 
On croirait voir la robe ou Pombre transparente 
D'un esprit qui voyage etpaSie dans les deux. 

Un dernier souvenir^ cher monsieur, 
et j'ai fini. 

Nous sommes encore place Sorbonne. 
Un grand corps dégingandé vient d'en- 
vahir notre grenier. C'est Privât d'An- 
glemont , tout effaré, qui nous annonce 
le suicide de Baudelaire. Notre poète 
venait en effet de se donner, avec 
quelque précaution, un coup de cou- 
teau, destiné à toucher un autre cœur 
que le sien . . . 



— i6 — 

A ma place ^ le chasseur de vipères 
serait peut-être moins discret. Il n'a 
pas encore pardonné à notre illustre 
labadens un crime très-ancien , et j'en 
conviens^ inexpiable ! 

Jugez-en : furetant un jour^ en 1844^ 
l'étalage d'un bouquiniste, il y trouva 
(dans la boîte à cinq sous !) son premier 
livre à lui, offert depuis peu à Baude- 
laire, et portant sur la première page 
son envoi d'auteur. 

Cette trahison ( si peu payée !) dut 
m'être aussi bien sensible; car ce livre, 
un poëme commencé au collège et 
publié sous un pseudonyme, était dédié 
à votre serviteur 

Charles C. 
Bibliotaphe. 



Décembre 1868. 



^ 



LETTRES 



DE CHARLES BAUDELAIRE 



ms>!ssest^i!si^ies!^ies&i^ 



^ 



^V^ES dix lettres qui suivent, embrassent 
m^ une période de trois années pendant 



lesquelles Charles Baudelaire publia 
les Fleurs du mal (1857), sa notice critique 
sur Théophile Gautier (iSSg), le livre desPâ- 
radis artificiels (x86o)^ et la seconde édition 
des Fleurs du mal (1861). Elles sont relatives 
à ces diverses publications et adressées à 
M. Poulet-Malassis, à l'exception de la lettre 
cinquième écrite à M. Charles Asselineau. 

M. Asselineau a parlé dans sa vie de Charles 
Baudelaire (') de la véhémence et de la ponc- 
tualité que le poète apportait à la correction 
de ses épreuves, et aussi de « l'importance qu'il 
attachait à l'exécution de ses œuvres, impor- 
tance proportionnelle aux soins qu'elles lui 
avaient coûté. » En voici de bonnes preuves. 
Ces lettres offrent de plus quelque intérêt 
littéraire. 

(*) Paris, Lemerre, 1869, in-i8, avec portraits. 

2 



— 20 — 



I 



14 mai 1857, 4 h. 

Non, mon ami, vous ne serez pas en- 
core délivré aujourd'hui, — Je ne Iç 
serai que demain, et vous, naturelle- 
ment, vous ne le serez que deux ou trois 
jours après. 

Je m'escrime contre une trentaine de 
vers insuffisants, désagréables, mal 
faits, mal rimants. Croyez-vous donc 
que j'aie la souplesse de Banville ? 

J'ai reçu une épreuve qui lui était 
évidemment destinée; ce n'était pas une 
bonne feuille (*). J'en ai conclu qu'il 
avait reçu la mienne, c'est-à-dire la 8«; 
à moins qu'elle ne soit pas encore 
tirée. 

Ce matin j'ai reçu ma 9® feuille ; dé- 
cidément ne faites pas corriger une 

(*) Les Poésies de M. Théodore de Banville 
BMmprimaient à Âlençon en même temps que 
les Fleursrdu maL 



— 21 — 

feuille avant de me renvoyer. Cela ne 

sert qu'à introduire des fautes. — Ma 

note sur Révolte est détestable (*) ; je 

suis étonné que vous ne m'ayez pas fait 

de reproche à ce sujet. 

Bien à vous^ 

Ch. Baudelairei 

II 

1857. 

Mais, mon cher ami, puisque je vous 
rends si malheureux, et que vous êtes 
si impatient de venir à Paris^ venez 
donc^ sans vous inquiéter de la dernière 
feuille. Le soin minutieux avec lequel 
je corrige est une bonne garantie; d'ail- 
leursj je vous soumettrai mon épreuve, 
avant de la renvoyer avec « bon à ti- 
rer. » 

Aujourd'hui^ je vous envoie le Vin 
des chiffonniers, que j'ai recopié pour 

(*) Cette note fut modifiée ; elle ne se trouve 
que dans la première édition des Fleurs du 
maU 



— 22 — 

la commodité de vos ouvriers qui au- 
raient trouvé le placard vraiment trop 
surchargé. 

Arrivez à Paris avec la table des ma- 
tières, mais ne la faites pas tirer sans 
que je Taie lue. 

Bien à vous, 

Ch. Baudelaire. 

III 

Vite, cachez, mais cachez bien toute 
rédition ; vous devez avoir 900 exem- 
plaires en feuilles. Il y en avait en- 
core 100 chez L ; ces messieurs ont 

paru fort étonnés que je voulusse en 
sauver 5o. Je les ai mis en lieu sûr, et 
j'ûi signé un reçu. Restent donc 5o pour 
nourrir le cerbère Justice. ' 

Voilà ce que c'est que d'envoyer des 
exemplaires au Figaro // Vous recevrez 
cette lettre à temps, je l'espère. La saisie 
n'a pas encore eu lieu. Le renseigne- 
ment m'est venu par M:^ W , à 



- 23 -. 

travers le canal de Leconte de Lisle, 
qui malheureusement a laissé s*écouler 
cinq jours; 

Je viens de voir L etV ^plusc 

que la lune ; il ont poussé la platitude 
jusqu'à faire la remise de librairie à 
« M. l'inspecteur général de la presse » 
pour le séduire 1!! 

Bien à vous, 

Charles BAUDELiURE. 



II juillet 1857. 

P. S. J'ai dit à M. L que 

puisque Ton pouvait considérer les 5o 
exemplaires que je lui laissais comme 
sacrifiés, il fallait au moins les répandre 
au plus vite chez les divers débitants 
qui n'en avaient pas encore reçu. Mais 
il s'y est refusé ; il croit que M. l'ins- 
pecteur, en achetant son exemplaire, a 
vérifié le nombre restant avec un coup 
d'œil d'aigle. 



— 24 — 

IV 

20 juillet 1857. 

Sérieusement, j'ai besoin de savoir 
tout de suite quel jour vous serez à 
Paris. 

Ici, pas de saisie. — Qu est-ce que 
c'est que la saisie d' Alençon ? 

Ici, conflit entre les deux ministres, 
Moniteur et Intérieur. M. Abatucci a 
dit : « Vous voulez donc entraver l'at- 
taque ? » 

Je vous supplie de ne pas bouger et 
de ne faire aucune démarche sans moi; 
vous pourriez me contrecarrer (*). 

Bien à vous, 

Charles Baudelaire. 

V 

Honfleur, le 20 février iSSg. 

Mon cher. 
Je vous serai bien obligé de me dire 
si ma Danse macabre a paru, avec la 

(*) Les Fleurs du mal furent condamnées le 
jeudi 20 août 1857. 



— 25 — 

dédicace à Christophe (*) ? Cela aurait 
dû paraître dans le n^ du i5. Je n'ai 
pas reçu un mot de Calonne à qui j*ai 
retourné les épreuves. 

Pouvez-vous passer à rimprimerie 
Ducessois^ et dire qu'il ne faut pas trop 
tarder pour les épreuves du Gautier P 
Comme cela a été écrit avec une rapi- 
dité de démon^ il est bon que je les revoie 
à loisir : or, un petit retard de ma part 
dans le renvoi de l'épreuve, ajournerait 
encore l'apparition. Ils ont eu très-lar- 
gement le temps de composer; rappe- 
lez-leur qu'il faut m* envoyer le tout 
(placards et manuscrit), sous bandes 
croisées avec la rubrique : Papiers daf- 
faires^ à M.., de la part dé Af . . . , et af- 
franchir. Insinuez en même temps qu'il 
serait très-important pour le lecteur, 

(*) M. Ernest Christophe, statuaire du plus 
grand talent, ignoré de Vapereau. Ses œuvres 
avaient le privilège de solliciter Pesprit du 
poète qui lui a dédié deux pièces des Fleurs 
du mal. 



I 



~ 26 - 

le journal et moi que tout parût d*un 
seul coup, quelle que soit la longueur. 
Cela est fait pour être lu en une seule 
séance. Bonjour à.G., à W., à S., à B., à 
B. Dites à La Madelène (') que je viens 
d'écrire quelques impiétés voltairiennes. 
J*en rougis peut-être; par bonheur, 
c'est en style lyrique. Si j'avais eu le 
Gautier complet hier soir, il est évi- 
dent que j'aurais pu tout renvoyer 
après-demain, et cela aurait pu paraître 
dimanche. 

Autre histoire : tâchez donc de de- 
mander pour moi à Edouard Houssaye 
toutes les images de Méryon (vues 
de Paris), bonnes épreuves sur chine, 
pour parer notre chambrey comme dit 
Dorine (•). Il est évident qu'il ne faut 

(^) Jules de la Madelène, auteur du Marquis 
de Saffras. 

(') Ces estampes chargées d^une amère tris- 
tesse, étaient pour le poète pleines d'attrait. U 
eut, en 1860, Toccasion de s'intéresser directe- 
ment et efficacement aux souffrances de Tar- 
tiste. 



- 27 - 

pas les porter à mon compte^ car je 
pourrais aussi bien les acheter. M^ûn- 
tenant qu'on m'a pardonné toutes mes 
lenteurs, je présume que ce o*est pas 
une entreprise très-difficile. 

Dans les premiers jours de mars, je 
vais aller à Paris, avec un monstrueux 
paquet pour Morel (*) : le Corbeau, 
avec le fameux commentaire la Mé- 
thode de composition, qui vous fait 
tant horreur ; un article sur la peinture 
espagnole j et quelques Poëmes noc- 
turnes. Je vous demande mille pardons 
de tant vous parler de moi. Il est na- 
turel que j'aie besoin de bavarder. 
D'ailleurs, c'est rare^ et je désapprends 
à parler. Je suis ici en forte correspon- 
dance avec Malassis qui^ à son dire^ a 
été reçu triomphalement à sa rentrée. 
C'est la famille romaine^ me dit-il. 
Pour vous qui me l'avez peint rêvant 
de nouvelles farces, pendant qu'on pré- 

(*) Directeur de la Revue française. 



— 28 — 

parait les verges, vous m*avez fait bien 
rire(*). 

Et ce monstre parfait, le vieux mau- 
vais sujet {^) y que djsvient-il, cet homme 
vicieux qui sait se faire aimer ? 

J'ai fait un long poëme à M. D. 
C. ('), qui est à faire frémir la nature, 
et surtout les amateurs du progrès. 

Veuillez présenter mes respects à 
votre famille, et écrivez-moi. 

Votre bien dévoué, 

Ch. Baudelaire. 



(*) M. Malassis venaft d*être condamné pour 
la publication des Mémoires de Lausçun, — - Il 
préparait celle des Mémoires du comte de 
la Mothe- Valois. 

(2) Surnom d'amitié que Charles Baudelaire 
avait donné à M. Jules Barbey d'Aurevilly. 

(3) Maxime du Camp. Il s'agit du Voyage, 
morceau final des Fleurs du mal, depuis la 
seconde édition. 



■ 
■ 



« 



— 29 — 

VI 

Vendredi 29 avril iSSq. 

Mon cher ami. 

Le Théophile Gautier? — Voici une 
nouvelle épigraphe à ajouter. 

Vous avez Tarticle ; il est donc inu- 
tile que je vous l'envoie. 

Faites bien mousser le texte, afin 
que ça ait Tair d'une brochure respec- 
table. 

Et le portrait ? 

Enfin r Opium est fini ; cela va pa- 
raître. Il est indispensable que nous 
f fassions aussi une brochure: l'Opium 

et le Haschich, en sous-litre : V Idéal 
artificiel; brochure composée de 5 
feuilles de la Revue contemporaine y 
presque un livre. Nous sommes sûrs de 
la vente d'une pareille brochure, et puis 
nous déchargeons d'autant les malheu- 
reuses Curiosités qui se trouveront 
ainsi composées généralement d'articles 



— 3o — 

ayant trait aux beaux-arts^ et qui n'at- 
tendent plus pour être réimprimés que 
Tapparition du Salon de iSSg (fin! et 
que je livre ce soir ou demain), des 
peintres espagnols et des peintres idéa- 
listes que je ferai en mai. 

Je serai heureux d'avoir votre opi- 
nîon sur le Gautier. Rappelez-vous 
qu'il y a des fautes dans T Artiste^ et 
qu'il faut que je lise les épreuves une 
seule fois (à Honfleur) : si vous faisiez 
cela tout de suite, je vous leç corrige- 
rais en une heure. Je vais avoir un peu 
de loisir. 

Nouvelles Fleurs du mal faites. A 
tout casser, comme une explosion de 
gaz chez un vitrier. 

Tout à vous, 

Ch. Baudelaire. 

P. S. Je viens de relire, pour la pré'- 
mière fois depuis vingt-cinq ans, la 
Grandeur et décadence des Romains, 
le Discours sur rhistoire universelle^ 



- 3i — 

et les Natche\, Je deviens tellement 
Tennemi de mon siècle^ que tout, sans 
en excepter une ligne^ m*a paru sublime. 
Avez-vous lu Téloge insensé de Mi- 
reiOy par le vieux mauvais sujet (*) ? A 
propos de M. Mistral, il a eu soin de 
ne pas rater Tinévitable calembour : 
« un nom beau comme un surnom », 
« un poète plein de souffle I » 

VII 

i5 décembre 5 g. 

Dans tout le paquet de vers que je 
lui ai donnés, Calonne a repoussé le 
galant Ex-voto (') comme pouvant 
scandaliser ses lecteurs. Je lui ai adressé 
le Cygne, et je lui envoie ces nouveaux 
vers, le Squelette laboureur. Quand 
j'aurai fait Dorothée (souvenir de l'île 
Bourbon), la Femme sauvage (sermon 

(*) Voir la note 2 de la page 26. 
(•) C'est la pièce A une madone, p. 1 74 de 
Téd. des Fleurs du mal de Michel Lévy. 



- 32 — 

à une'petite maîtresse)^ et le Rêve, enfin 
la lettre-préface à Veuillot, que nous 
aurons à discuter ensemble, les Fleurs 
du mal seront prêtes. 

Je vais vous adresser la presque tota- 
lité des Notices littéraires, que nous ne 
pouvons pas imprimer tout de suite, à 
cause de la maison Gide qui doit en 
publier une partie dans son anthologie 
moderne. 

Ce livre est composé ainsi qu*il suit : 

I. Edgar Poe, sa vie et ses œuvres; 

II. Nouvelles notes sur Edgar Poe; 

III. Dernières notes sur Edgar Poe 
(manuscrit resté à Honfleur) ; 

(Ces trois morceaux font l'objet d'une 
discussion avec Michel. Cependant mes 
traités ne parlent que d'une quantité 
déterminée de matière originale, et nul- 
lement d'aperçus critiques sur l'auteur. 
D'ailleurs, le bon sens indique que Je 
puis réimprimer dans mes œuvres per- 
sonnelles la partie critique et biogra- « 
phique.) 



— 33 — 

IV. Théophile Gautier (imprimé) ; 

V. Pierre Dupont (imprimé chez 
Houssiaux); 

VI. Leconte de Lisle; 

VI I . Mm« Desbordes-Valmore ; 

VIII. Auguste Barbier* 

IX. Hégésippe Moreau ; 

X. Pétrus Borel ; 

XI. Gustave Le Vavasseur ; 

XII. Rouvière (imprimé dans /'^r- 
tisté) . 

L Opium est si long qu'il sera publié 
en deux fois ; le 3 1 décembre la pre- 
mière partie. 

Bien à vous, 

G. B. 

VIII 

60. 

Voilà une lettre navrante. La Revue 
internationale elle-même m'a moinj^ 
humilié par ses sottises que vous^r *^ 



— 34 — 

les miennes. Je reprends .votre lettre 
article par article. 

lo Du monde {éminitij mundi tnulie* 
bri. — Comment osez-vous m*attri- 
buer ce bizarre génitif? Comment 
n'avez-vous pas deviné que Calonne, 
qui est un pédant, a dû se dire (après 
le bon à tirer) : Faut- il que ce Baude- 
laire soit ignorant ! il prend la termi- 
naison de l'ablatif pluriel pour celle 
du génitif singulier. — Quant au reste 
de votre critique, je réponds par le 
travail d'imagination que j'ai fait et 
que le lecteur intelligent doit faire : 
qu'est-ce que l'enfant aime si passion- 
nément dans sa mère, dans sa bonne, 
dans sa sœur aînée ? Est-ce simplement 
l'être qui le nourrit, le peigne, le lave 
et le berce ? C'est aussi la caresse et la 
volupté sensuelle. Pour l'enfant, cette 
caresse s'exprime à l'insu de la femme, 
par toutes les grâces de la femme. Il 
>#ime donc sa mère, sa sœur, sa nour- 
ric^pour le chatouillement agréable 



— 35 — 

du satin et de la fourrure, pour le par- 
fum de la gorge et des cheveux, pour 
le cliquetis des bijoux, pour le jeu des 
rubans, etc.,.'. pour tout ce mundus 
muliebris commençant à la chemise 
et s' exprimant même par le mobilier, 
où la femme met l'empreinte de son 
sexe. Donc, j*ai raison, donc, je n'ai 
pas fait une faute de latin, a Mais, 
dites-vous, vous faites une faute de 
français avec votre monde féminin. » 
C'est vrai, et pour montrer que je la 
fafîs consciencieusement et sciemment, 
jesoulignele monde. Comme, en réalité, 
il y a quelque chose de juste dans votre 
critique, j'essaie de vous contenter par 
un remaniement. 

2® Quant au reste, c'est vraiment 
grave. 11 m'est bien dur d'avoir dit 
qu'une pâture pouvait éteindre une 
soif, et que je suis un Dieu qui a. . . . 
Il me semble que tout le monde verra 
ça, et que je ne pourrai jamais ouvrir 
le livre sans tomber juste sur ces deux 

3 



— 36 — 

énormités. M'aimez-vous aséez pour 
faire deux cartons ? et si vous y con- 
sentez^ ayez bien soin que de nouvelles 
fautes ne se glissent pas dans les quatre 
pages composant les cartons. 

Bien à vous, 

Charles Baudelaire. 

IX 

Je viens de chipper chez Michel 
(Levy) la Raison dEtat (de Ferrari). 
Bien que la pétulance italienne, l'abon- 
dance d'improvisation amène quelque- 
fois un style lâché, bousculé, c'est 
généralement très-beau. La préface 
surtout (il faut absolument que vous 
lisiez cela) est d'une certaine éloquence 
éthéréenne, fataliste, résignée, qui fait 
penser aux meilleurs morceaux de la 
plus pure beauté classique française. 
Le chapitre sur Machiavel, de qui 
cependant Ferrari se détache, est aussi 



-37- 

très-étonnant. En somme, c'est partout 
le génie qui pactise avec le destin : 
a Laisse-moi comprendre tes lois, et 
je te tiens quitte des vulgaires jouis- 
sances de la vie, des vides consolations 
de l'erreur (sic). » 

11 faut aller très-vite pour les Fleurs 
au risque de paraître en plein été. Je 
devrais partir tout de suite pour Hon- 
fleur. 

Bien à vous, 

C. B. 

X 

i3 mars 1860. 

Voici encore des vers. Nous en sommes 
maintenant à vingt-cinq pièces, sans 
compter trois morceaux commencés : 
Dorothée, idéal de la beauté noire ; 
la Femme sauvage, dédiée à une petite 
maîtresse, et Plutus, l'Amour et la 
Gloire ; enfin une préface commencée; 
tout cela resté à Honfleur. Comme 
je vous l'ai dit^ il faudra absolument 
qu'à la fin de ce mois je retourne là-bas, 



- 38 — 

au moins pour mettre le livre en ordre, 
et si ces derniers morceaux ne sont pas 
finis, je les sacrifierai, mais avec regret. 
Je viens de relire ces vingt-cinq mor- 
ceaux, je ne suis pas tout à fait content} 
il y a toujours des lourdeurs et des vio- 
lences de style. — A ce sujet, avez- 
vous reçu Obsession et Un fantôme? 
Que pensez-vous des deux derniers 
tercets du premier sonnet d!Un fan- 
tôme? J'ai tourné et retourné la chose 
de toutes les façons. Quand le spectre 
fut devenu tout à fait grand Je recon- 
nus madame une telle^ voilà qui est 
français, mais ceci : 

A sa légère allure orientale (l'allure du speclre). 
Quand il atteint sa totale grandeur. 
Je reconnais ma belle visiteuse... î 

Il y aura toujours des cas embarras- 
sants. 

Quand recevrai-je des épreuves? 
Quand venez- vous à Paris ? 

Tout à vous, 

Ch. Baudelaire. 



LE DRAME « L'IVROGNE » 



ÎS^«^S«S««S«S«e2«S«fô«S*fô^ 



HARLES Baudelaire a projeté trois drames : 
^^^ la Fin de don Juan; le Marquis du i" 
hou:^ardSj et VIvrogne, Le dernier dont 
l'idée mère se trouve dans la pièce des Fleursdu 
mal intitulée le Vin de l'assassin, le préoccupa 
longtemps. Le projet eut même un commence- 
ment d^exécution; le scénario s'est retrouvé 
dans uii brouillon de lettre adressée à l'acteur 
Tisserant , auquel il destina d'abord le prin- 
cipal rôle ; il l'offrit ensuite à Philibert Rou- 
vière alors à la Gaîté. 

En même temps il recommandait, comme 
on va voir, à M. Hostein, directeur de ce théâ- 
tre, une pièce de Diderot, 

Nous avons pu retrouver l'ensemble des 
correspondances relatives à cette double tenta- 
tive sans résultat. 



.- 42 — 



Lettre de. M. Tisser ant à Baudelaire (') 

i853. 

Mon cher monsieur Baudelaire^ 

Vous êtes un de ces hommes qu'on 
n'oublie pas quand on a du cœur, et 
encore moins quand on est un peu ar* 
tiste. 

Je vous ai vu peu^ et cependan tcela 
m'a suffi. J'ai bien souvent pensé à vous 
pendant ma longue absence, et mes 
réflexions à votre endroit me rame- 
naient toujours à cette triste pensée 
que comme beaucoup d'êtres bien or- 
ganisés, vous dépensiez votre trésor 

(*) Communiqué par M. Poulet-Malassis. 
Nous n'hésitons pas à imprimer cette lettre 
sans retranchements. Les opinions littéraires 
de l'honnête artiste qui Ta signée s^expli- 
quent assez par l'infatuation professionnelle ; 
elles ne sauraient rendre moins estimable Fau- 
teur du Vicaire de Wakefield, 






-43- 

spirituel (le seul vjaî trésor), sou à 
sou, au lieu de risquer une grave af- 
faire. En effet, vous enfermez de 
grandes idées dans un petit moule, res- 
semblant à cet homme qui se croit bon 
marcheur parce qu'il fait cinquante 
fois dans un jour le trajet d'un bout du 
passage des Panoramas à l'autre ; au 
bout de dix jours, il additionne ses pas, 
et dit : J'ai été à Bordeaux. 

Mais je vois avec joie que vous 
n'êtes pas cet homme-là 1 Bravo ! déve- 
loppez-vous ; votre pensée est large et 
originale l Mettez-nous en scène des 
gens qui se promènent dans le Champ- 
de-Mars, histoire de fumer une ciga- 
rette ! 

Venez me voir quand vous voudrez, 
le plus tôt sera le meilleur. 

Le haut du pavé dramatique n'est 
pas encombré, allongez les jambes de 
votre intelligence, et venez faire un 
tour dans le grand drame. 

La basé dont vous me parlez est so- 



— 44 — 

lide : la rêverie^ la fainéantise , la 
misère, V ivrognerie et Y assassinat; 
avec ces cinq notes-là, on peut faire 
une mélodie terrible. 

Si j'ai assez de savoir pour être votre 
guide, je suis tout à vous. Si vous avez 
besoin d*un artiste pour animer et 
exécuter votre œuvre devant le public, 
à défaut de Frederick Lemaître, comptez 
sur mon audace et mes efforts. Si vous 
avez besoin d'un ami qui aime votre 
œuvre, comme vous l'aimez vous- 
même, comptez, oh ! comptez sur moi ! 
Pas de timidité, pas de fausse modestie ! 
si nous doutons de nous-mêmes, per- 
sonne n*aura foi en nous. Assez de 
coups de pétards et de pistolets, c'est 
un coup de canon qu'il nous faut ! 

Quant à mon camarade Laferrière, 
je le crois artiste, mais je ne sais si ses 
moyens se prêteraient à une transfor- 
matioa radicale; c'est une chose à lui 
proposer, le cas échéant. 

Quand vous viendrez me voir, je sors 



-45 - 

rarement avant onze heures du matin^ 
et le mois prochain j'aurai peu de ré- 
pétitions; dans tous les cas^ un mot 
par la poste, et je vous attendrais ou 
vous préviendrais. 

De Taudace! de l'audace! de l'au- 
dace ! et tout de suite !! 

Bien à vous, 

J*-H. TiSSERANT. 



Lettre de Baudelaire à M. Tisserant. 

Samedi, 28 janvier 1854. 

J'ai reçu de vous une lettre, mon 
cher monsieur Tisserant, qui contient 
un gros paquet de compliments. At- 
tendez donc que je les aie mérités. Nous 
verrons plus tard s'il y a lieu pour moi 
.d'être loué. Du reste, je sens très-bien 
que je vais faire sur moi-même — et 
cela aura été, il faut le dire, à votre 
instigation — une grande épreuve. 



-46- 

Dans peu de temps d'ici^ je saurai si 
je suis capable d'une bonne conception 
dramatique. C'est, du reste, à ce sujet, 
et pour vous mettre au courant de cette 
conception, que je vous écris une lettre 
un peu longue, que j'avais le projet 
de vous écrire depuis plusieurs jours, 
et que je remettais de jour en jour. 

Je désire fortement que nous nous 
entendions très-bien. — Je sens que je 
peux avoir besoin de vous, et je crois que 
dans de certains cas vous devez mieux 
que moi distinguer le possible de l'im- 
possible. 

Quoique ce soit une chose impor- 
tante, je n'ai pas encore songé au titre : 

< 

le Puits P l'Ivrognerie F la Pente du 
mal? etc. 

Ma principale préoccupation, quand 
je commençais à rêver à mon sujet, fut : 
à quelle classe, à quelle profession doit 
appartenir le personnage principal de 
la pièce ? — J'ai décidément adopté 
une profession lourde, triviale, rude: 



- 47 - 
le scieur de long. Ce qui m'y a presque 
forcé, c'est que j'ai une chanson dont 
l'air est horriblement mélancolique^ et 
qui ferait, Je crois, un magnifique effet 
au théâtre, si nous mettons sur la scène 
le lieu ordinaire du travail, ou surtout 
si, comme j'en ai une immense envie, je 
développe au troisième acte le tableau 
d'une goguette lyrique ou d'une lice 
chansonnière. Cette chanson est d'une 
rudesse singulière. Elle commence par : 

Rien n'est aussi'Z'aimable, 
Fanfru-cancru-lon-Mahira, 
Rien n'est aussi-z^aimable 
Que le scieur de long. 

Et ce qu'il y a de meilleur, c'est 
qu'elle est presque prophétique et peut 
devenir la Romance du saule de notre 
drame populacier. Ce scieur de long 
si aimable finit par jeter sa femme à 
l'eau, et il dit en parlant à la Sirène 
(il y a pour moi une lacune avant cet 
endroit) : 



-48- 

Chante, Sirène, chante, 
Fanfru''€ancru4on'la'lahira'' 
Citante, Sirène, cfianle. 
T'as raison de chanter. 

Car Cas la mer à boire, 
FanfrU'CancrU'lon-la'lahiror 
Car t*as la mer à boire. 
Et ma mie à manger ! 

Mon homme est rêveur^ fainéant^ il 
a, ou il croit avoir des aspirations su- 
périeures à son monotone métier, et 
comme tous les rêveurs fainéants, il 
s'enivre. 

La femme doit être jolie, — un 
modèle de douceur, de patience et de 
bon sens. 

Le tableau de la goguette a pour but 
de montrer les instincts lyriques du 
peuple, souvent comiques et maladroits. 
— Autrefois, j'ai vu les goguettes. — 
Il faudra que j'y retourne, — ou plutôt 
nous irons ensemble. Il sera peut-être 
possible d'y prendre des échantillons de 
poésie tout faits. De plus, ce tableau 



J 



— 49 — 
nous fournit un délassement au milieu 
de ce cauchemar lamentable. 

Je ne veux pas ici vous faire un 
scénario détaillé, puisque dans quel- 
ques jours j'en ferai un dans les règles, 
et celui-là nous l'analyserons de façon 
à m' éviter quelques gaucheries. Je ne 
vous donne aujourd'hui que quelques 
notes. 

Les deux premiers actes sont remplis 
par des scènes de misère, de chômage, 
de querelles de ménage, d'ivrognerie 
et- de jalousie. Vous verrez tout à 
l'heure l'utilité de cet élément nou- 
veau. 

Le troisième acte, la goguette , — 
où sa femme, de qui il vit séparé, in- 
quiète de lui, vient le chercher. C'est 
là qu'il lui arrache un rendez-vous 
pour le lendemain soir, dimanche. 

Le quatrième acte, le crime — bien 
prémédité, bien préconçu. — Quant à 
l'exécution , je vous la raconterai avec 
soin. 



— 5o — 

Le cinquième acte (dans une autre 
ville), le dénoûment, c est-à-dire la 
dénonciation du coupable parlui-même, 
sous la pression d'une obsession. — 
Comment trouvez-vous cela ? — Que 
de fois j'ai été frappé par des cas 
semblables, en lisant la Ga:{ette des 
tribunaux ! 

Vous voyez combien le drame est 
simple. Pas d'imbroglios, pas de sur- 
prises. Simplement le développement 
d'un vice et des résultats successifs 
d'une situation. 

J'introduis deux personnages nou- 
veaux. 

Une sœur du scieur de long, créature 
aimant les rubans, lesbijouxà vingt-cinq 
sols, les guinguettes et les bastringues, 
ne pouvant pas comprendre la vertu 
chrétienne de sa belle-sœur. C'est le 
type de la perversité précoce parisienne. 

Un homme jeune — assez riche — 
d'une profession plus élevée — profon- 
dément épris de la femme de notre 
ouvrier — mais honnête et admirant 



— 5i — 

sa vertu. Il parvient à glisser de temps 
à autre un peu d'argent dans le ménage. 
Quant à elle^ malgré sa puissante 
religion, sous la pression des souf- 
frances que lui impose son mari, elle 
pense quelquefois un peu à cet homme, 
et ne peut pas s'empêcher de rêver à cette 
existence plus douce, plus riche, plus 
décente, qu'elle aurait pu mener avec 
lui. Mais elle se reproche cette pensée 
comme un crime, et lutte contre cette 
tendance. — Je présume que voilà un 
élément dramatique. — Vous avez déjà 
deviné que notre ouvrier saisira avec 
joie le prétexte de sa jalousie surexcitée 
pour cacher à lui-même qu'il en veut 
surtout à sa femme de sa résignation^ 
de sa douceur, de sa patience, de sa 
vertu. — Et cependant il l'aime, mais 
la boisson et la misère ont déjà altéré 
son raisonnement. — Remarquez de 
plus que le public des théâtres n'est pas 
familiarisé avec la très-fine psychologie 
du crime, et qu'il eût été bien difficile 



/■ 



— 52 — 

de lui faire comprendre une atrocité 
sans prétexte. 

En dehors de ces personnages, nous 
n'avons que des êtres accessoires : peut- 
être un ouvrier farceur et mauvais 
sujet, amant de la sœur, — des filles, 
— des habitués de barrières, de cabarets, 
d'estaminets , — des matelots , des 
agents de police. 

Voici la scène du crime. — Remar- 
quez bien qu'il est déjà prémédité. 
L'homme arrive le premier au rendez- 
vous. Le lieu a été choisi par lui. — 
Dimanche soir, — Route ou plaine 
obscure, — Dans le lointain, bruits 
d'orchestres de bastringue. — Paysage 
sinistre et mélancolique des environs 
de Paris. — Scène d'amour — aussi 
triste que possible — entre cet homme 
et cette femme; — il veut se faire par- 
donner ; — il veut qu'elle lui permette 
de vivre et de retourner près d'elle. 
Jamais il ne l'a trouvée si belle. ... Il 
s'attendrit de bonne foi. — Il en rede- 



— 53 — 

vient presque amoureux ; il désire, il 
supplie. La pâleur, la maigreur la 
rendent plus intéressante, et sont pres- 
que des excitants. Il faut que le public 
devine de quoi il est question. Malgré 
que la pauvre femme sente aussi sa 
vieille affection remuée, elle se refuse 
à cette passion sauvage dans un pareil 
lieu. Ce refus irrite le mari qui attribue 
cette chasteté à l'existence d'une passion 
adultèrç ou à la défense d'un amant. 
« Il faut en finir ; cependant je n'en 
aurai jamais le courage; je ne peux pas 
faire cela moi-même. » Une idée de 
génie — pleine de lâcheté et de supers- 
tition — lui vient. 

Il feint de se trouver très-mal, ce qui 
n'est pas difficile, son émotion vraie 
aidant à la chose : « Tiens, là-bas, au 
bout de ce petit chemin, à gauche, tu 
trouveras un pommier ; — va me 
chercher un fruit. » (Remarquez qu'il 
peut trouver un autre prétexte — je 
jette celui-là sur le papier en courant. 



— 54 — 

La nuit est très-noire^ la lune s'est 
cachée. Sa femme s' enfonçant dans les 
ténèbres, il se lève de la pierre où il 
s'est assis : « A la grâce de Dieu ! si 
elle échappe, tant mieux ; si elle y 
tombe, c'est Dieu qui la condamne ! » 

Il lui a indiqué la route où elle doit 
trouver un puits presque à ras de la 
terre. 

On entend le bruit d'un corps lourd 
tombant dans l'eau, — mais précédé 
d'un cri, — et les cris continuent. 

a Que faire? On peut venir; — je puis 
passer, je passerai pour l'assassin. — 
D'ailleurs, elle est condamnée... Ah! 
il y a les pierres — les pierres qui font 
le bord du puits I » 

Il disparaît en courant. 

Scène vide. 

A mesure que le bruit des pavés 
tombants se multiplie, les cris dimi- 
nuent. — Ils cessent. 

L'homme reparaît: « Je suis libre! 
— Pauvre ange, elle a dû bien souf- 
frir ! » 



— 55 — 

Tout ceci doit être entrecoupé par 
le bruit lointain de l'orchestre. A la 
fin de l'acte, des groupes d'ivrognes et 
de grisettes qui chantent — entr'autres 
la sœur — reviennent par la route. 

Voici, en peu de mots l'explication 
du dénouement. Notre homme a fui. 

— Nous sommes maintenant dans un 
port de mer. — Il pense à s'engager 
comme matelot. — Il boit effroyable- 
ment: estaminets, tavernes de matelots, 
musicos. — Cette idée : Je suis libre, 
libre, libre! est devenue l'idée fixe, 
obsédante. Je Suis libre! — je suis 
tranquille! — on ne saura jamais rien. 

— Et comihe il boit toujours, et qu'il 
boit effroyablement depuis plusieurs 
mois, sa volonté diminue toujours, — 
et l'idée fixe finit par se faire jour par 
quelques paroles prononcées à voix 
haute. Sitôt qu'il s'en aperçoit, il cher- 
che à s'étourdir par la boisson, par la 
marche, par ia course, — mais l'étran- 
geté de ses allures le fait remarquer. — 
Un homme qui court a évidemment 



— 56 — 

fait quelque chose. On Farrête ; alors 
— avec une volubilité, une ardeur, 
une emphase extraordinaire, avec une 
minutie extrême — très-vite, très-vite, 
cumme s'il craignait de n'avoir pas le 
temps d'achever, il raconte tout son 
crime. — Puis il tombe évanoui. — 
Des agents de police le portent dans 
un fiacre. 

C'est bien fin, n'est-ce pas, et bien 
subtil ? mais il faut absolument le faire 
comprendre. Avouez que c'est vraiment 
terrible. — On peut faire reparaître la 
petite sœur dans une de ces mai^ns 
. de débauche et de ribotte faites pour 
les matelots. 

Je suis tout à vous. 

Ch. Baudelaire. 

Vous me ferez vos observations là 
dessus. 

Je serais bien disposé à diviser l'œu- 
vre en plusieurs tableaux courts, au 
lieu d'adopter l'incommode division 
des cinq longs actes. 



-57- 



Lettre de Ch. Baudelaire à M. Hosiein (*) 

Mercredi, 8 novembre 1854. 

Monsieur, je n'accomplirais qu'avec 
timidité et défiance cette singulière dé- 
marche que je tente aujourd'hui, si je 
ne savais que je parle à un homme 
d'esprit. 

L'ouvrage que je vous envoie, et qui 
m'a donné un mal infini à trouver, — 

(*) Communiqué par M. Le Maréchal, avec 
une note explicative que voici : 

Baudelaire eut vers i856 ou 1857 la vel- 
léité de faire du théâtre ; comme Balzac^ il y 
voyait non seulement une occasion d'exprimer 
sa pensée d'une façon plastique, mais encore 
un moyen merveilleux de gagner de l'argent. 
L'argent, pour ces deux martyrs de la dette, 
c'était la liberté, le droit de travailler à leurs 
heures, et de corriger et de polir leur œuvre à 
leur aise. Il me parlait souvent d'un drame non 
encore écrit, mais fixé dans son cerveau, qui 
avait pour titre VIvrogne, et que Rouvière 
devait jouer; en outre il ne connaissait qu'un 
seul directeur capable de monter la pièce, M. 
Hostein. Je le menai donc un soir chez celui-ci 



- 58- 

la Bibliothèque ne voulant pas le prê- 
ter, — la Revue rétrospective aypnt 
disparu, — est à peu près inconnu ; 
peut-être le connaissez- vous ? — en 
tout cas il ne fait partie ni des œuvres 
complètes, ni même des œuvres pos- 
thumes, et il n'y a guère que les fure- 
teurs qui raient lu (*). Depuis bien des 

qui gouvernait en ce moment à la Gaîté. Après 
une longue conversation , ils se quittèrent 
enchantés Tun de l'autre, et d'accord sur tous 
les points. Baudelaire allait écrire son draine, 
et Hostein lui ouvrait son théâtre et lui pro- 
mettait Rouvière. Malheureusement les néces- 
sités de la vie entravèrent Baudelaire, et jamais 
le drame ne fut terminé. 

En quittant Hostein, Baudelaire lui parla 
d'une pièce très-réaliste de Diderot; elle avait 
pour titre Est-il bon ? Est-il méchant ? et 
n'était connue que de quelques érudits. C'était 
pour un directeur intelligent et artiste une 
tentative séduisante. Hostein le pria de la lui 
communiquer. Le lendemain il recevait la 
pièce, avec la lettre que voici. 

(*) Cette pièce de Diderot, Est-il bon ? Est- 
il méchant ? publiée dans la première Revue 
rétrospective, de M. Taschereau, a un mo- 



-59- 

années^ j'avais l'idée que cet ouvrage 
aurait dans notre temps un vaste suc- 
cès; un autre que moi aurait pensé à 
la Comédie-Française ou au Gymnase ; 
mais le choix que je fais me paraît meil- 
leur^ d'abord à cause des qualités du 
directeur^ mais aussi particulièrement 
à cause de son apparence — permet- 
tez-moi de vous le dire — paradoxale. 

Je me suis dit : 

M. Hosteîn a été l'ami de Balzac. 
N'est-ce pas vous, monsieur^ qui avez 
si bien fait la mise en scène de la Ma- 
râtre? — M. Hostein doit parfaite- 
ment bien comprendre la valeur d'un 
ouvrage qui a l'âir d'un de ces rares 

ment préoccupé les esprits inquiets d'une ré- 
novation du théâtre. En i856, le i*' décembre, 
la Gai(ette de Champfleury contenait une 
lettre de 42 pages, adressée au ministre d'État, 
pour lui proposer de faire monter cette pièce 
au Théâtre-Français. Cette proposition n'eut 
aucune suite, ainsi que l'a raconté M. Champ* 
Heury dans un autre ouvrage. 



— 6o — 

précurseurs du théâtre que rêvait 
Balzac. 

Dans les théâtres subventionnés, rien 
ne se fait, rien ne se conclut, rien ne 
marche ; tout le monde y est timide et 
bégueule. 

Puis il serait curieux de vérifier si 
définitivement ce public du boulevard, 
si méprisé, ne serait pas apte à com- 
prendre et à applaudir un ouvrage 
d'une merveilleuse portée, — je ne veux 
pas prononcer le mot littéraire, qui 
appartient à Taffreux argot de notre 
époque. 

J'ai pensé que les succès infatigables 
de votre théâtre vous autorisaient à 
faire une éclatante tentative sans im- 
prudence, et que les Cosaques et le 
Sanglier pouvaient bien — à mettre 
les choses au pire — payer la bienve- 
nue de Diderot. 

Si je voulais surexciter votre orgueil, 
je pourrais vous dire qu'il est digne de 
vous de perdre de Targent avec ce grand 



— 6i — 

auteur, mais malheureusement je suis 
obligé de vous avouer que je suis con- 
vaincu qu'il est possible d'en gagner. 

Enfin^ — irai-je jusqu'au bout ? — 
car ici, moi inconnu de vous, j'ai 
l'air d'empiéter indiscrètement sur vos 
droits et vos fonctions, — il m'a semblé 
qu'un acteur merveilleux par sa véhé- 
mence, par sa finesse, par son caractère 
poétique , un acteur qui m'a ébloui 
dans les Mousquetaires — j'ignore to- 
talement si vous pensez comme moi — 
j'ai présumé, dis-je, que M. Rouvière 
pourrait trouver dans ce personnage de 
Diderot écrit par Diderot (Hardouin), 
personnage oti la sensibilité est unie à 
l'ironie et au cynisme le plus bizarre, 
lin développement tout nouveau pour 
son talent. 

Tous les personnages (ceci est une 
curiosité), sont vrais, M. Poultier, le 
commis à la marine, est mort très- 
tard ; j'ai connu quelqu'un qui l'a 
connu. 



-- 62 ^ 

Les femmes sont nombreuses, toutes 
amusantes et toutes charmantes. 

Cet ouvrage est, à proprement parler, 
le seul ouvrage très-dramatique de 
Diderot. Le Fils naturel et le Père de 
famille ne peuvent pas lui être com- 
parés. 

Quant aux retouches, — je désire 
que votre sentiment s'accorde avec le 
mien, — je crois qu'elles peuvent être 
très-rares et n'avoir trait qu'à des 
expressions vieillies, à des habitudes 
d'ancienne jurisprudence, etc., etc. En 
d'autres termes, je crois qu'il serait 
peut-être bon de commettre, en faveur 
du public moderne, quelques innocents 
anachronismes. 

Et maintenant permettez-moi, mon- 
sieur, de profiter de l'occasion pour 
vous avouer que depuis longtemps je 
rêve à un drame aussi terrible et aussi 
singulier qu'on peut le désirer, et que 
dans les rares moments où je puis y 
travailler, j'ai toujours devant les yeux 



- 63 — 

rimage de votre étrange acteur. Il s a- 
git d'un drame sur ï ivrognerie, Ai-je 
besoin de vous dire que mon ivrogne 
n'est pas un ivrogne comme les autres ? 
— Veuillez agréer, monsieur, l'assu- 
rance de mon profond respect, et per- 
mettez-moi d'avoir bon espoir. 

Ch. Baudelaire. 

Sj, rue de Seine, 



Lettre de M. Hostein à Ch, Baudelaire (*). 

Paris, le ii novembre 1854. 

Monsieur, 

Je vous remercie de la confiance que 
vous avez en moi. 

Je vous remercie également d'avoir 
pensé à mon théâtre pour lui offrir ce 
que vous considérez, et ce qui est en 
effet, sous beaucoup de rapports, une 
bonne fortune littéraire, 

(*) Communiqué par M. Poulet-Malassis. 



^64- 

Mais permettez-moi de vous exposer 
en peu de mots ce qui m'empêche de 
donner suite à cette offre bienveillante. 

D'abord, je ne partage pas complète- 
ment votre enthousiasme pour l'œuvre 
de Diderot. 

N'auriez-vous pas été séduit par le 
paradoxe, plus que par la réalité des 
situations et des caractères ? 

Certes, il y a une notable dépense de 
fantaisie, d'entrain, d'humour, dans 
cette pièce si mal intitulée : Est-il bon? 
etc. 

Mais est-ce là une pièce de théâtre ? 
Je n'entends pas seulement parler du 
Théâtre de la Gaîté, mais du théâtre en 
général. 

Peu ou point d'intérêt, des caractères 
plutôt exprimés que finis, des situa- 
tions où l'intrigue — et quelle intrigue ! 
— supplée à la passion et à la combi- 
naison. Voilà pour le fonds. 

Quant à la forme, je me montrerai 
plus disposé à la louer. Non pas que le 



- 65 - 

dialogue étincelle de traits philoso- 
phiques, satiriques ou comiques; mais 
à défaut de ces qualités précieuses, 
le style a une allure vive, animée, 
pressée d'aller au but, ce qui ne 
manque pas de charme pour nous 
autres Français, toujours si affairés 
quand nous écoutons, et si disposés à 
tenir en grande estime la brièveté de 
ceux, qui nous parlent. 

Voilà mon opinion sur l'œuvre dans 
son application à la scène française en 
général ; en ce qui concerne la Gaîté, 
en particulier, permettez-moi de vous 
déclarer que nous ferions une bien 
triste, bien déplorable épreuve, si nous 
soumettions à ce public l'œuvre de Di- 
derot. 

Oh ! monsieur , venez-vous si peu 
dans notre théâtre que vous ayiez pu 
vous faire un seul instant d'illusion sur 
ce point ! 

Je n'entreprendrai pas de vous dé- 
crire l'esthéiique de notre genre. Qu'il 



— 66 - 

me suffise de vous affirmer que je fais 
fausse route toutes les fois que je ne 
me borne pas purement et simplement 
à être le continuateur (je dis continua- 
teur et non imitateur) des Pixérécourt, 
CaigneZj etc. 

Toutes les tentatives engagées par 
moi, en dehors de ce genre, m'ont été 
nuisibles ou funestes. 

Maintenant, est-ce un bien, est-ce un 
mal qu'il en soit ainsi ? 

Au premier abord, on regrette ce 
résultat ; à une seconde réflexion, on 
s en console. 

En effet, si le mouvement littéraire 
procédait de bas en haut, c'est-à-dire de 
la Gaîté à la Comédie- Française, le pro- 
grès deviendrait bientôt impossible. La 
Gaîté serait bientôt le Théâtre-Français, 
et le Théâtre-Français, que serait-il? 
— Tout enseignement veut d'abord 
des écoliers, et non une classe de pro- 
fesseurs. Réjouissons-nous donc d'a- 
voir encore dans le peuple un public 
d'écoliers. 



-67- 

C'est pour ce public, c'est pour ces 
écoliers que le Théâtre de la Gaîté est 
fait. Il y a tout un enseignement rela- 
tif, et voilà pourquoi notre genre , ri- 
dicule ailleurs, est encore si bon chez 
nous, que certaines pièces dites pro- 
gressives n'y ont pas fait le sou. 

Ceci posé, je vous offre, pour /'/- 
vrogne, tous mes bons offices. 

Votre dévoué 

HOSTEIN. 



^ 




5 



LETTRE 



D'ALFRED DE VIGNY A CH. BAUDELAIRE 



^ETTE lettre se rapporte à un épisode 

)$^ assez mal connu de la vie de Charles 
Baudelaire, et conséquemment assez 
mal jugé. 

En 1862 la seconde édition des Fleurs du 
mal avait paru ; le livre des Paradis artificiels , 
publié Tannée précédente, et les trois premiers 
volumes de la traduction de Pœuvre d'Edgar 
'Poé avaient confirmé le succès du poète ; je 
parle, bien entendu, du succès qu'il cherchait , 
le succès parmi les égaux et les maîtres. 

Baudelaire eut alors la pensée de se porter 
candidat à l'Académie française. 

Cette résolution fut diversement jugée, ou 
plutôt diversement blâmée. La petite presse , 
ce qu'on appelle aujourd'hui si singulièrement 
« les jeunes » se cabrèrent. Les uns ne virent 
dans cette prétention que le fait d'un orgueil 
insensé et même impertinent , et se scandali- 



— 72 — 

sèrent de ce qu'un écrivain qui , il y avait peu 
de temps encore, était des leurs, tentât une 
démarche qu'ils n'étaient point en mesure de 
tenter eux-mêmes. D'autres , plus profonds ou 
plus retors, prétendirent que Baudelaire 
mystifiait le public et l'Académie, et cédait, une 
fois de plus, à son goût, tant accusé, pour 
l'étrange et pour les coups de pistolet tirés par 
la fenêtre en plein midi. 

Tous se trompaient, et les derniers plus 
encore que les premiers. Beaucoup de choses, 
actes ou paroles, qui ont été vivement repro- 
chés à Baudelaire, comme inspirés par le 
désir d'occuper de soi et de faire esclandre , 
partaient, au contraire, d'une grande simplicité, 
ou même d'une grande naïveté. Nous avons 
raconté ailleurs (^) comment, au moment de 
son procès, il se flattait de se voir adresser des 
excuses par le ministère public , et combien il 
s'étonna de voir la prévention soutenue à l'au« 
dience. Dans la circonstance actuelle, il lui 
paraissait tout simple que l'auteur d'un recueil 
de vers et de quelques autres ouvrages se pré- 
sentât, à l'âge de quarante ans« aux suffrages 
d'une compagnie qui avait admis, à trente*huit 
ans, l'auteur des Méditations poétiques et de la 

{*) Charles Baudelaire , sa vie et son œnvre ; 
Paris, Lemerre» 1859, in-18, avec portraits. 



-73- 

Mort de Socrate, CequMl poursuivait, dans le 
suffrage de rAcadémie, c'était la cassation du 
jugement qui avait mutilé son livre. Il en 
appelait auprès de ses maîtres et de ses 
confrères de Tarrét, de la critique du parquet ; 
il leur disait: Relevez-moi, venges-moi! C'était 
là toute sa rouerie, ou pour mieux dire toute 
son illusion. 

Qu'il n'y eût bien des objections khirt à ce 
plan, nous ne le contesterons pas. Les amis 
de Baudelaire, ses patrons, lui en proposèrent, 
qui ne firent que Pétonner. Car ce mystifica- 
teur qui, selon le dire des nigauds, aurait 
passé sa vie à faire, comme on dit, poser les 
gens, n'a jamais tant étonné les autres qu'il 
s'est étonné lui-même. 

Baudelafre commença donc sa tournée de 
visites, et mit ses amis en campagne. Il alla 
voir M. de Lamartine qui l'accueillit très-bien ; 
M. de Sacy, toujours bienveillant; M. Ville- 
main qui le reçut avec hauteur; M. Viennet, 
et quelques autres. Il nous rapportait de quel- 
ques-unes de ces audiences des récits , des mots 
à mourir de rire, telle, par exemple, cette défi- 
nition devenue fomeuse que lui avait formulée 
M. Viennet : — a II n'y a que cinq genres , 
monsieur! la tragédie, la comédie, la poésie 
épique, la satire... et la poésie fugitive qui 
comprend la fable où f excelle! » Mais il n'eut 



— 74 — 

jamais la pensée que de moins délicats lui ont 
prêtée d'écrire le journal de son expédition aca- 
démique et de livrer publiquement au ridicule 
des hommes quMl avait sollicités. Ses confiden- 
ces n'ont diverti que ses amis. 

Ses patron!^, cependant, les expérimentés, les 
^ages, considéraient sa candidature comme 
prématurée, et l'engageaient à la différer. 
Sainte-Beuve qui Ta toujours aimé, et qui dans 
un article sur les candidats à l'Académie lui 
avait donné acte de ses prétentions et de ses 
titres, lui écrivait le 9 février : 

« .... Je vous ai'dit raisonnablement qu'il n'y 
avait rien à faire, selon moi. Votre candidature 
n'a pas été mal prise par le public. L'Académie 
a été plus surprise que choquée ; ne la choquez 
pas en revenant à la charge au sujet d'un 
homme comme Lacordaire. Vous êtes homme 
de mesure, et vous devez sentir cela... » 

Baudelaire déféra à ce conseil, et retira sa 
candidature, comme l'atteste cet autre billet de 
Sainte-Beuve, daté du 1 5 du même mois : 

a Mon cher ami , 
» Votre lettre a été lue avant- hier ; votre 
désistement n'a pas déplu ; mais quand on a lu 
votre dernière phrase de remerciement, conçue 
en des termes si modestes et si polis, on a dit 
tout haut: Très-bien! 



-75- 

» Ainsi vous avez laissé une bonne impres- 
sion. N'est-ce donc rien ? — Tout à vous. » 

La lettre d'Alfred de Vigny témoigne de la 
même sollicitude, avivée peut-être, ou du moins 
égarée et troublée par l'ignorance du caractère 
véritable de celui qui en était l'objet. Car , 
comme on va le voir , M. de Vigny, lorsqu'il 
écrivait cette lettre, ne connaissait encore de 
Baudelaire que ses vers, et l'on peut supposer 
qu'il avait été trompé sur son compte par les 
sots rapports des malveillants et des envieux. 
C'est ainsi, selon nous, qu'il fiaut s'expliquer 
les appréhensions et les admonestations un 
peu trop paternelles des dernières lignes. C'é- 
tait, ainsi que nous l'avons déjà dit, de la 
meilleure foi du monde et avec une parfaite 
conscience de son mérite, que Baudelaire aspi" 
rait à l'Académie, et maintenant que nous 
n'avons plus que ses œuvres , il est permis de 
penser qu'il n'eût pas déparé la compagnie. 
Là où Sainte-Beuve instruit par une longue 
familiarité ne pouvait recommander que la 
patience, Vigny va jusqu'àl'eftroi. — A cela près, 
à part cette coda un peu farouche^ ou mieux , 
d'efiforouché, les sentiments exprimés dans 
cette lettre sont trop à l'honneur de Baude- 
laire pour que ses amis hésitent à la publier. 

C. A. 



-76- 

a Lundi 27 janvier 1862. 

Depuis le trente décembre, mon- 
sieur, j*aî été très-souffrant et; presque 
toujours au lit. Là je vous ai lu et relu, 
et j'ai besoin de vous dire combien de 
ces Fleurs du mal sont pour moi des 
fleurs du bien^ et me charment; com- 
bien aussi je vous trouve injuste envers 
ce bouquet, souvent si délicieusement 
parfumé de printanières odeurs, pour 
lui avoir donné ce titre indigne de lui, 
et combien je vous en veux de l'avoir 
empoisonné quelquefois par je ne sais 
quelles émanations du cimetière de 
Hamlet. 

Si votre santé vous permet de venir 
voir comment je m'y prends pour ca- 
cher les blessures de la mienne, venez 
mercredi (29), à quatre heures japrès 
midi; vous saurez, vous lirez, vous 
toucherez comment je vous ai lu ; mais 
ce que vous ne saurez pas, c'est avec 
quel plaisir je lis à d'autres , à des 



- 77 - 
poètes, les véritables beautés de vos 
vers encore trop peu appréciés et trop 
légèrement jugés. 

Vous m'aviez dît que votre lettre 
officiellement académique était envoyée. 
C'était à mes yeux une faute^ et je vous 
l'ai dit ; mais elle était irréparable^ et 
je me résignais à vous voir égaré dans 
le labyrinthe. Mais à présent que vous 
m'écrivez que c'était seulement un pro- 
jet, je vous conseille franchement de ne 
pas faire un pas de plus dans ces détours 
qui me sont connus, et de ne pas écrire 
lin mot qui ait pour but de vous faire 
inscrire comme candidat à aucun des 
fauteuils vacants. 

J'aurai le temps de vous en dire les 
raisons très-sérieuses, et vous les com- 
prendrez.... 

Venite ad me, 

Alfred de Vtgny. 
G, rue des Écuries d'Artois. 



LETTRES 



D'EUGÈNE DELACROIX A CH. BAUDELAIRE 



ia5es^îa^sss^s«a^s«g«^s«s*^ 



^>^A première de ces lettres est à la date 
Ç j ^ de ï855 ; Eugène Delacroix y note, avec 

Ci^^r-' une modestie hautaine^ l'effet produit 
sur lui-même par la réunion de ses tableaux à 
l'Exposition universelle. Dans les deux der- 
nières, il montre son humeur contre les criti- 
ques de son salon de iSSg et des peintures 
murales de Saint-Sulpice. 

A ce propos, faisons observer que le grand 
peintre n'en n'était plus à compter les preuves 
de fidélité de Baudelaire qui s'était montré de- 
puis 1845 l'admirateur invariable de son génie. 
Il pouvait donc s'épancher devant lui «n toute 
sincérité et sécurité, aussi bien que lui confes- 
^r en toute franchise son peu deo tendresse» 
pour ses articles d'art de la Revue des deux 
mondes. 



- 82 - 



I 



Ce 10 juin i855, Champrosay. 

Cher monsieur, je n*ai reçu qu'ici vo- 
tre article (*) par-dessus les toits. Vous 
êtes trop bon de me dire que vous le trou- 
vez encore trop modeste. Je suis heureux 
de voir quelle a été votre impression 
sur mon exposition. Je vous avouerai 
que je n en suis pas mécontent, et quel- 
que chose de moi-même m'a gagné plus 
qu'à l'ordinaire en voyant la réunion de 
ces tableaux. Puisse le bon public avoir 
mes yeux, mais surtout les vôtres, car 
ils jugent encore plus favorablement, 
j*en suis sûr, que je ne fais. Je regrette 
bien de ne pas voir vos autres articles, 
celui qui précède le mien et ceux qui 

(*) Exposition universelle. Beaux-Arts. Eu^ 
gène Delacroix; article publié dans le Pays 
du 3 juin i855; reproduit p. 284 et suiv. du 
vol. des Curiosités esthétiques, dans les teuVres 
complètes. 



— 83 — 

suivent. Je suis à la campagne: d'ail- 
leurs à Paris il est impossible d'être pré- 
venu de leur apparition dans un journal 
auquel on n*est pas abonné. Mettez-les 
moi à part, si vous y pensez, et vous me 
les donnerez quelque jour. 

Votre sincèrement dévoué, 

E. Delacroix. 



II 

Ce 17 février i858. 

Mon cher monsieur. 

Je vous remercie beaucoup du cas que 
vous voulez bien faire des articles (*) 
dont vous pariez: je n'éprouve pas pour 
eux la même tendresse, et d'ailleurs si 

(*) Les articles publiés par Eugène Delacroix 
dans la Revue des Deux Mondes» sur Michel- 
Ange, Raphaël, etc., etc. Charles Baudelaire avait 
demandé à Eugène Delacroix, pour M. Poulet- 
Malassis, l'autorisation de les réunir en un vo- 
lume. 



-84- 

je devais les publier, il faudrait des re- 
maniements considérables. Il faut que 
vous sachiez que j'ai récemment refusé 
ce que vous désirez à M. Silvestre(*) qui 
y avait mis beaucoup d'insistance, et à 
qui j'^i toutes sortes de raisons de désirer 
être agréable. Il faut donc absolument 
que je vous fasse la même réponse qu'à 
lui, quoi qu'il m'en coûte de vous déso- 
bliger. 

Je vous écris ceci à la hâte avant de 
sortir. Mille remerciements de votre 
bonne opinion. Je vous en dois beaucoup 
pour les Fleurs du mal: je vous en ai 
déjà parlé en l'air, mais cela mérite tout 
autre chose. 

A vous bien sincèrement. 

E. Delacroix. 



(*) M. Théophile Silvestre, auteur de VHis- 
toire des artistes vivants. 



— 85 



III 



Ce i3 décembre iSôg. 

Mon cher monsieur. 

Excusez-moi de n'avoir pas répondu 
à votre lettre que j'avais égarée et sur 
laquelle était votre adresse. Je suis si 
arriéré dans mes travaux, par toutes sor- 
tes de causes, que je ne puis savoir quand 
je pourrai m'occuper du croquis ou es- 
quisse dont vous me parlez et que je 
voudrais cependant voir déjà dans vos 
mains ou celles de vos amis. 

J'ai trouvé effectivement un joli petit 
livre de vous sur Théophile Gautier. Il 
participe à l'inconvénient de plusieurs 
de vos publications : le caractère en est 
si fin que la lecture en est un travail 
pour moi difficile. J'y ai cependant aper- 
çu que vous appréciez notre critique 
comme il doit l'être et comme je le fais 
moi-même. Je vous dirai même que 
depuis je suis tombé sur un ouvrage que 



— 86 — 

vous louez dignement, mais dont je n'a- 
vais point connaissance, malgré son an- 
cienneté. Mademoiselle de Maupin, 
J'en ai été ravi : j'y ai trouvé Gautier 
sous un aspect que je ne connaissais pas, 
et ce qui augmente mon admiration, 
c'est sa jeunesse à l'époque où il l'a com- 
posé. 

Mille excuses et amitiés. 

E. Delacroix. 



IV 

Ce 27 juin 1859. 

Cher monsieur. 

Comment vous remercier dignement 
pour cette nouvelle preuve de votre ami- 
tié (*). Vous venez à mon secours au mo- 
ment où je me vois houspillé et vilipendé 
par un assez bon nombre de critiques 

(*) Saloyi de i85g, publié dans la Revue fran- 
'^ çaise, reproduit dans le volume des Curiosités 
esthétiques des œuvres complètes. 



-87- 

sérieux ou soi-disant tels. Ces messieurs 
ne veulent que du grand, et j'ai tout bon- 
nement envoyé ce que je venais d'ache- 
ver, sans prendre une toise pour vérifier 
si j'étais dans les longueurs- prescrites 
pour arriver convenablement à la pos- 
térité, dont je ne doute pas que ces mes- 
sieurs ne m'eussent facilité l'accès. Ayant 
eu le bonheur de vous plaire, je me con- 
soledeleurs réprimandes. Vous metraitez 
commeon ne traiteque les grandsmorts; 
vous me faites rougir, tout en me plai- 
sant beaucoup; nous sommes faits 
comme cela. 

Adieu, cher monsieur; faites donc pa- 
raître plus souvent quelque chose : vous 
mettez de vous dans tout ce que vous 
faites, et les amis de votre talent ne se 
plaignent que de la rareté de vos ap- 
paritions. 

Je vous serre la main bien cordiale- 
ment. 

E. Delacroix. 



1 



— 88 — 



Champrosay, ce 8 octobre i86i. 

Mon cher monsieur, 

Je ne vois qu'au retour d'un voyage 
qui m'a éloigné quelque temps de Paris 
votre article (') toujours si bienveillant 
et d'une tournure si originale^ comme 
tout ce que vous faites, sur mes pein- 
tures de Saint-Su Ipice. Je vous remer- 
cie bien sincèrement et de vos éloges et 
des réflexions qui les accompagnent et 
les confirment sur ces effets mystérieux 
de la ligne et de la couleur, que ne sen- 
tent, hélas ! que peu d'adeptes. Cette 
partie musicale et arabesque n'est rien 
pour bien des gens qui regardent un ta- 
bleau comme les Anglais regardent une 
contrée quand ils voyagent: c'est-à-dire 

(*) Peintures murales d'Eugène Delacroix^ 
article publié dans le numéro de la Revue fan- 
taisiste du i5 septembre i86i ; reproduit dans 
le volume VArt romantique des œuvres com- 
plètes. 



- 89- 

qu'ils ont le nez dans le Guide du voya- 
geur, afin de s'instruire consciencieu- 
sement de ce que le pays rapporte en 
blé et autres denrées. De même, les 
critiques 'bons sujets veulent compren- 
dre afin de pouvoir démontrer. Ce qui 
ne tombe pas absolument sous le compas 
ne peut les satisfaire: ils se trouvent 
volés devant un tableau qui ne démon- 
tre rien et qui ne donne que du plaisir. 
Vous m'avez écrit, il y a deux mois, 
relativement au procédé que j'emploie 
pour peindre sur mur; mais je ne sa- 
vais oti adresser ma réponse. Je prends 
le parti aujourd'hui de vous adresser 
mes actions de grâces au bureau de la 
revue. 

Millesincèresamitiésetremercîments. 

E. Delacroix. 



f 



LETTRES 

DE MM. VICTOR HUGO, JOSÉPHIN SOULARY, 
' JULES BARBEY d'aUREVILLY> 
C. MERYON, PAUL DE SAINT-VICTOR, H. TAINE. 



ÎS^S«S^«S^2«S^Ô2S^2fiS^2^ 



'^=^ouR être ici réunies en un chapitre, 
ft) T^ les lettres suivantes n'ont entre elles 
€^^ aucun lien. 

On remarquera toutefois que la plupart ont 
été écrites pour répondre à la préoccupation 
constante et passionnée de Baudelaire de faire 
rendre enfin justice à des génies méconnus 
à son gré : Edgar Poe, Meryon, Philibert 
Rouvière : 

Dieux trahis par le sort, et privés de louanges. 



Lettre de M, Victor Hugo. 

Hauteville house , 29 avril 1860. 

Vous m* avez envoyé, cher poète, 
une bien belle page ; je suis tout heu- 
reux et très-fier de ce que vous voulez 



- 94 — 
bien penser des choses que j'appelle 
mes dessins à la plume ('). J'ai fini par 
y mêler du crayon, du fusain, de la 
sépia, du charbon, de la suie, et 
toutes sortes de mixtures bizarres qui 
arrivent à rendre à peu près ce que 
j'ai dans Tœil et surtout dans l'esprit. 
Cela m'amuse entre deux strophes.* 

Puisque vous connaissez M. Meryon, 
dites-lui que ses splendides eaux-fortes 
m'ont- ébloui. — Sans la couleur, rien 
qu'avec l'ombre et la lumière, le clair- 
obscur tout seul et livré à lui-même : 
voilà le problème de l'eau- forte. M. 
Meryon le résout magistralement. Ce 
qu'il fait est superbe. Ses planches 
vivent, rayonnent et pensent. Il est 
/digne de la page profonde et lumineuse 
qu'il vous a inspirée ('). Vous avez en 



(«) Salon de i85g, p. 338 des Curiosités 
esthétiques, dans les œuvres complètes. 

(2) Salon de i85g, p. 336 des Curiosités 
esthétiques, dans les œuvres complètes. 



- 95 - 

VOUS , cher penseur , toutes les cordes 
de Fart; vous démontrez une fois de 
plus cette loi, que dans un artiste le 
critique est toujours égal au poète. 
Vous expliquez comme vous peignez, 
granditer. 

Je vous serre la main. 

Victor Hugo. 



Lettre de M. Joséphin Soulary, 

Lyon , ce 22 février 1860. 

Cher maître , 

Vous écrivez à notre ami Armand 
Fraisse de trop aimables choses à mon 
endroit pour que je ne vous en exprime 
pas, et sans retard , toute ma reconnais- 
sance. 

En plaçant mon nom à côté du vôtre 
dans un récent compte-rendu, M. 
Fraisse m'a fait un honneur d'autant 
plus insigne, que je vous tiens (je l'ai 



-96- 

dit en maintes circonstances) pour le 
premier poète de notre époque. Vous 
auriez pu, sans y mettre trop d'amour- 
propre, décliner une association où 
tout profit est pour moi. Loin de là, 
vous voulez bien me reconnaître un 
air de famille avec vous , et vous me 
tendez la main comme à un frère. 
Merci, cher maître! Je retiens votre 
main dans la mienne, et je me per- 
suade, non sans grande vanité , qu'à 
défaut de ces points de ressemblance 
qui constituent Tétat d'émulation entre 
deux talents , nous avons du moins ces 
points de contact qui mettent deux 
cœurs en état de parfaite sympathie. 

Daignez agréer, cher maître, l'ex- 
pression de mes sentiments les plus 
dévoués. 

JOSÉPHIN SOULARY. 

3 1 , Grande rue des Gloriettes. 



— 97 — 



Lettre de M, Jules Barbey d' Aurevilly, 

Vendredi, 14 mai i858. 

Homme de peu de foi, pourquoi vous 
troublez-vous ? 
Un titre ! 

Un songe... me devrais^je inquiéter d^un songe ! 

Et de quoi donc avez-vous peur et 
vous étonne!{'Vous , mon ami?... Vous 
savez mes opinions littéraires sur Edgar 
Poe. Vous avez mon article du Pays, 
et tel qu'il est, avec les réserves qui s'y 
trouvent sur la valeur absolue des 
œuvres du conteur américain, cet article 
ne vous a pas mécontenté. 

Je ne me déjuge point littérairement. 
Mon article du Réveil est la confirma- 
tion de mes opinions du Pays, 

Voilà pour la littérature — le mérite 
intellectuel de l'homme que vous ad- 
mirez. 



-98- 

Quant à mes opinions morales et non 
littéraires y vous savez ce que je suis, 
— le Réveil , qui vous déplaît , vous 
Ta assez dit et aussi tout ce que j'ai écrit 
depuis sept ans, — Du point de vue de 
cette moralité qui est pour moi le 
sommet du haut duquel il faut em- 
brasser et juger la vie, j'ai regardé Poe. 
Je Tai trouvé coupable et je l'ai dit. 

Pouvez- vous, avec ce que je suis, 
vous étonner de cela ? 

Bohême I il l'est. Ne l'ai- je pas dit 
d'ailleurs avec cette expression dans 
l'article même du Pays qui ne vous a 
pas contrarié ? Il est bohème, et de tous 
les littérateurs dignes de ce nom , il est 
le plus fort, le plus poète , le plus grand 
à sa manière , et voilà pourquoi à mes 
yeux il en est le roi. 

Bohême / Si vous lisiez mes articles 
du Réveil^ qui ont une unité sous leur 
variété apparente, vous sauriez ce que 
je mets sous ce mot, — l'individualité, 
l'absence de principes sociaux, etc., etc., 
etc. 






— 99 — 

D'ailleurs, je n'emprunte pas plus 
ce terme au vocabulaire de Veuillot 
qu'au vôtre. C'est un mot frappé depuis 
longtemps et qui circule. JeTai pris, 
parce qu'il dit bien ce qu'il veut dire; 
vous vous en nomme:{ vous-mêmes, La 
SAINTE BOHÊME — , a dit votre ami 
M. Théodore de Banville. 

Mon amij calmez-vous. L'article du 
Réveil n'est pas d'ailleurs fait de ma- 
nière à diminuer l'importance de Poe 
et de votre publication. Au contraire. 
Il ne vous lésera pas dans vos intérêts 
de traducteur. J'y montre même des 
entrailles pour votre homme de génie , 
tout en le condamnant , car vous savez 
si j'aime l'esprit. 

N'est-ce pas pour cela que je vous 
aime? 

Jules Barbey d'Aurevilly. 



— lOO — 



Lettre de C. Meryon, 

Paris, 23 février 1860. 
Cher Monsieur, 

Je vous envoie un cahier de mes vues 
de Paris. — Comme vous le pouvez 
voir , elles sont bien imprimées, sur 
chine collé sur papier vergé , par 
conséquent de bonne tenue. — C'est de 
ma part un faible moyen de reconnaître 
le dévouement dont vous avez fait 
preuve pour moi (*). Cependant , j'ose 
espérer qu'elles serviront parfois à fixer 

(*) Charles Baudelaire s'était ardemment 
employé à faire acheter par le ministère des 
exemplaires des Vues de Paris de Meryon ; il 
y avait réussi. 

Il s'était même proposé pour écrire une 
introduction au cahier de ces chefs-d'œuvre, 
sans acheteurs du vivant de l'artiste, et aujouf 
d'hui hors de prix. 

 défaut de ce morceau , nous renvoyons 
aux articles de M. Philippe Burty ^ VŒuvre de 
Meryon, n" des 1" et i5 juin i863 de la 
Galette des ^eaux-o^rts. 



— lOI -— 

votre imagination curieuse des choses 
du passé. Moi-même qui les ai faites à 
une époque, il est vrai, où mon cœur 
naïf était encore pris de soudaines aspi- 
rations vers un bonheur auquel je 
croyais pouvoir prétendre, je revois 
quelques-unes de ces pièces avec un 
véritable plaisir. — Elles peuvent donc 
produire à peu près le même effet sur 
vous qui aimez aussi à rêver. 

Je n*ai point encore terminé les notes 
que je vous ai promis de faire pour ai- 
der votre travail; en tout casj'^irai vous 
voir bientôt pour en causer encore. 
Comme l'éditeur recule devant les dé- 
marches^ qu'il y aurait à faire, dit-il, 
pour le placement desdites pièces, il n'y 
a rien qui presse. Ainsi que cela ne 
vous inquiète point. 

Adieu, Monsieur, j'espère qu'avant 
votre départ, je pourrai profiter du bien- 
veillant accueil que je reçois de vous. 

Je suis votre très-humble et très-dé- 
voué serviteur. 

C. Meryon. 



— 102 — 

Je vais m'occuper du placement des 
suites auprès des personnes qui ont eu^ 
sur votre recommandation, Textrême 
bonté de s'intéresser à cette œuvre. 

Meryon. — 20, rue Duperré. 



Lettre de M. Paul de Saint-^ Victor. 

Monsieur, 

Je vous remercie de m' apprendre que 
M. Rouvière ait reparu au théâtre. Je 
n'ai pas vu la reprise des Mousquetaires 
et j'ignorais qu'il y eût un rôle. Il me suf- 
firait de votre recommandation pour 
m'engager à l'aller voir, car j'attache un 
trop grand prix au jugement d'un esprit 
tel que le vôtre pour n'être pas sûr d'a- 
vance de le partager. Puis, je me souviens 
très-bien de l'impression qu'il me fit il y 
a quelques années dans les rôles d'Ham- 
let et de Charles IX, qu'il jouait d'une 
façon tout à fait supérieure et poétique. 



— io3 — 

Il est très-vrai. Monsieur, que je suis 
sous le charme des histoires vraiment 
extraordinaires que vous traduisez à 
l'eau-forte, pour ainsi dire. Je ne cesse 
de réclamer leur publication suivie au 
journal, et je me suis indigné autant 
que vous des réclamations des quatre 
ou cinq imbéciles qui ont protesté. En 
pareille circonstance, et lorsqu'on est 
sûr de servir du génie au public, mon 
avis est qu'on doit passer outre, et conti- 
nuer à jeter des perles aux pourceaux 
malgré leurs grognements. 

J'irai certainement à la Gaîté la se- 
maine prochaine, et ce sera pour moi 
un plaisir de parler de M. Rouvière. 

Veuillez agréer l'assurance de mes 
sentiments de considération et de sym- 
pathie. 

Paul de Saint-Victor. 

Vendredi. 



— Ï04 — 

Lettre de M. H. Taine. 

Cher Monsieur , 

Je suis tellement occupé et ma santé 
est si médiocre, que je ne puis me char- 
ger d'un article important comme celui 
que vous me proposez. J*admire beau- 
coup Poe ; c'est le type germanique an- 
glais, à profondes intuitions^ avec la 
plus étonnante surexcitation nerveuse. 
Il n'a pas beaucoup de cordes , mais les 
troisou quatre qu'il a vibrent d'unefaçon 
terrible et sublime. Il approche de 
Heine; seulement tout chez lui est 
poussé au noir^ l'alcool a fait son office. 
Mais quelle délicatesse et quelle jus- 
tesse dans l'analyse ! — Je n'aime pas 
trop Eurêka qui est de la philosophie 
comme celle de Balzac dans Séraphita 
et de Hugo dans les Contemplations. 
Puisque vous le demandez, c'est le seul 
des cinq volumes que j'aie reçu, et 
encore c'était de votre main. M, Lévy 



— io5 — 

ne m'en a envoyé aucun , mais je Tai lu 
tout entier. 

Quel* malheur que vous n'ayez pas 
inséré en anglais les io8 vers anglais 
de Newermore ! Mais quel traducteur 
vous faites^ et comme l'accent y est avec 
toute son âpreté , toute son intensité et 
toutes ses inflexions! 

Mille remerciements , j'ai lu déjà la 
moitié de ce nouveau volume (*), et je 
vais faire voire commission à Flaubert. 

Croyez-moi j je vous prie , votre très- 
obligé et dévoué, 

H. Taine. 
3o mars i865« 

(*) Histoires grotesques et sérieuses de Poe ; 
Paris, Michel Lévy, 1864, in- 18. 



LA TRADUCTION 



DU « CALUMET DE PAIX « 



DE LONGFELLOW 



5a*fô«S^2«S^3«£^2«S^3«a^ 



^;^ES lettrés ne se sont pas expliqué la 
H l[^ présence dans V édition des Fleurs du mal 

Cjpr-> des œuvres complètes de la traduction 
partielle d'un poème de Longfellow, le Calumet 
de paix , qui rappelle les sujets préférés de 
M. Leconte de Lisle. 

En effet, ce fragment n'est pas à sa place 
dans la division Spleen et Idéal , et peut-être 
même devrait-il être retiré du volume. 

Charles Baudelaire n'a, bien entendu , jamais 
eu l'idée de rivaliser M. de Lisle sur le terrain 
de la paléontologie lyrique. Son admiration 
pour ce grand descriptif, chef d'une école qui 
fait sa gloire, s'arrêtait en deçà de l'imitation. 
Si le Calumet de paix est une sorte de poème 
barbare, c'est affaire entre Longfellow et 
M. de Lisle. Baudelaire n'y est pour rien , 
assurément. 



— IIO — 

Cette traduction lui avait été demandée par 
un Américain des États-Unis, M. Robert 
Stœpel, compositeur d'une symphonie sur 
l'œuvre de Longfellow, qu'il avait entrepris de 
faire exécuter au Théâtre-Italien. Mlle Judith 
devait être chargée de la déclamation du 
poème, par parties , en manière d'intermèdes 
explicatifs. 

L'affaire ne s'arrangea pas; elle causa à 
Baudelaire bien des ennuis ; en fin de compte 
il ne mit en vers que le début du Calumet de 
paix. 

Ceci se passait en 1860. 

Nous devons ces détails à M. P.-Malassis 
qui a mis à notre dispositioji une lettre à 
l'appui. 



Lettre à M. P.-Malassis. 

M. Robert Stœpel a voulu encore 
ce soir mardi entamer la question d'ar- 
gent, et j'ai vu qu'il craignait une de- 
mande trop forte. 

Tout en sauvegardant vivement mes 
intérêts^ soyez aussi poli et gracieux 



— III — 

que possible. M. Stœpel a Tair d'un 
galant homme, vivement préoccupé de 
se faire en Europe un succès aussi net 
qu'en Amérique. Je crois que M. Stœ- 
pel et sa femme vivent uniquement par 
leurs talents ; tout cela m'inspire beau- 
coup de pudeur ; mais d'un autre côté, 
j'ai été obligé d'écrire à de Galonné, à 
Crepet et à Grandguillot qu'il fallait 
me faire encore crédit d'une quinzaine 
de jours. D'ailleurs la besogne, sincè- 
rement parlant, est rude. Figurez-vous 
que M. Stœpel, en arrivant d'Amé- 
rique, s'est adressé à Méry (qui s'est 
joué de lui et a fini par lui déclarer que 
puisque lui, Méry, n'en pouvait pas ve- 
nir à bout, la chose était impossible); à 
Emile Deschamps, à Henri Blaze (qui 
a voulu l'adresser à SaintrGeorges), à 
Philoxène Boyer, enfin à Banville qui 
l'a adressé à moi. Il n*est venu à moi 
qu'en désespoir de cause. 

Il m'a dit ce soir qu'il pouvait con- 
sacrer soixante-dix mille francs à la 



— 112 — 

première soirée. Je désire que vous 
demandiez le plus possible^ et en même 
temps que vous soyez charmant pour 
ce monsieur qui d'ailleurs le mérite. 

Sur seize ou dix-huit morceaux^ je 
crois, je lui en ai livré deux. 

Tout à vous. 

C. B. 



f 



NOTICE RECTIFICATIVE 




-ous attribuons à M. Auguste Vitu l'ar- 
ticle suivant, remarquable par la viva- 
cité et la précision des souvenirs qui 
y sont consignés. On nous le communique 
coupé, sans indication de provenance. 

Il rectifie sur quelques points la notice de 
M. Théophile Gautier , et donne de bien cu- 
rieux détails sur la première publication^ dans 
le feuilleton du journal le Pays, de la traduc- 
tion des Histoires extraordinaires. 



L'attention publique a été rappelée 
cette semaine sur un mort célèbre et re- 
grettable. Les deux premiers volumes 
des œuvres de Charles Baudelaire ont 

8 




— ii6 — 

paru, précédés d'une notice écrite par 
Théophile Gautier 

Nous ne pouvons accorder à 

Théophile Gautier l'inconcevable er- 
reur qui marque la deuxième ligne de 
sa notice sur Baudelaire. 

« La première fois que nous rencon- 
trâmes Baudelaire, dit Théophile Gau- 
tier, ce fut vers le milieu de 1849, à 
l'hôtel Pimodan, où nous occupons 
près de Fernand Boissard un apparte- 
ment fantastique ; etc. » 

Théophile Gautier nous permettra 
de lui certifier qu'en 1849 ni lui ni 
Baudelaire n'habitaient l'hôtel Pimo- 
dan. Après un long séjour dans la rue 
de Navarin, pendant les dernières an- 
nées du règne de Louis- Philippe , Gau- 
tier vint s'installer, vers 1848, dans la 
maison qui fait le coin droit de la rue 
Rougemont et de la rue Bergère, en 
face du Comptoir d'escompte. Il y a 
séjourné longtemps. 

L'hôtel Pimodan, déserté par ses 



— 117 — 
nobles propriétaires, a vu passer bien 
des hôtes légendaires : Théophile Gau- 
tier lui-même, mais il doit y avoir 
trente ans de cela ; Roger de Beauvoir ; 
Baudelaire. C'est là que Baudelaire écri- 
vit sa première œuvre remarquée, le 
Salon de 1846. Je ne saurais le suivre 
avec exactitude dans tous les méandres 
de ses pérégrinations inattendues et inex- 
pliquées. Après rhôtel Pimodan , il ha- 
bita l'hôtel de la place Vendôme , oc- 
cupé par son beau-père, le général Au- 
pick^ qui commandait, la place de Pa- 
ris. Je le retrouve ensuite, sans savoir 
pourquoi, dans des gîtes de passage, 
comme l'hôtel Folkestone, rue Lafitte, 
et l'hôtel Corneille, rue Corneille, ce 
même hôtel Corneille où Balzac , avec 
la précise intuition du génie , a logé Z. 
Marcas. 

Je vois, en consultant une liasse 
de lettres de Baudelaire qui n'a pas, 
en toute sa vie, écrit une ligne de billet 
qui ne fût expressément datée et signée. 



— ii8 — 

qu'en novembre i85o il demeurait 
avenue de la République^ n^gS (*). 

Il y a d'ailleurs d'autres confusions 
dans les souvenirs de Gautier sur Bau- 
delaire; pure affaire de détail. L'artiste 
n'est pas mal jugé; l'homme y est plu- 
tôt supposé que connu. Cela manque 
d'intimité. Baudelaire n'en acceptait, 
du reste, qu'avec un petit nombre d'a- 
mis anciens, à qui son cœur et son âme 
s'ouvraient complètement, devant qui 
tombaient le masque et la pose , et qui 
seuls ont vu, apprécié, aimé l'infortuné, 
le charmant Baudelaire. 

En dehors d'çux , Baudelaire s'était 
donné des admirations qu'il célébrait 
pon^peusemènt, à la manière d'un culte : 
Delacroix, Théophile Gautier, Dau- 
mier, en dernier lieu Wagner. Ce qu'il 
y avait de sincère à la fois et d'artificiel 
dans ces affinités électives, bien fin qui 

(*) Le rectificateur est ici à rectifier : nous 
avons vu des lettres de Ch. Baudelaire non 
datées et signées C. B. seulement. 



— 119 — 

le discernerait ! Il m'a cependant con- 
fessé que n'étant pas musicien et n'ai- 
mant pas la musique^ il caressait dans 
Wagner de certaines idées générales, 
abstraction faite de son œuvre lyrique 
et dramatique qui le laissait indifférent. 
Théophile Gautier remarque avec 
raison que la célébrité de Baudelaire 
date de la traduction des contes d'Edgar 
Poe. Ils eurent bien du mal à parvenir' 
jusqu'au public^ ces contes aujourd'hui 
si célèbres. Ce fut Dutacq^ cet homme 
d'une sagacité si vive et si diverse^ car 
il jugea^ dix ans avant la foule^ Charles 
Baudelaire et Gustave Doré, ce fut 
Dutacq qui ouvrit à la traduction d'Ed- 
gar Poe le feuilleton du Pays. Mais à 
quelles conditions, grand Dieu ! Les con- 
tes parurent en second feuilleton, c'est- 
à-dire en tranche quotidienne de cinq 
colonnes à la troisième page, au prix de 
vingt francs le feuilleton complet. Et que 
de tiraillements ! que de tracasseries ! que 
de quolibets contre l' Hoffmann améri- 



— 120 — 

cain et contre son interprète si étrange 
lui-même ! 

Baudelaire souffrait beaucoup de ces 
inclémences des hommes, lui y le plus 
poli des poètes et le plus inquiet des 
rêveurs. La nature particulière de son 
talent , l'allure inusitée de ses idées , lui 
suscitaient beaucoup d'objections et de 
résistances. On jugera de ses transes et 
'de ses précautions par la lettre suivante 
adressée à un ami. Il s'agit d'articles sur 
l'Exposition universelle des beaux-arts^ 
en i855 : 

9 juin i855. 

Mon cher ami, vous êtes pour moi 
toujours si parfaitement aimable que je 
compte sur vous pour les choses sui- 
vantes. 

I Viendrai-je demain, à midi, pour 
mes épreuves, avec mon quatrième arti- 
cle ? — Je n'en sais rien. — Ma vie er- 
rante m'a disloqué... Revoyez donc mes 
épreuves, après avoir lu mon article avec 



/ 



— ^.121 — 

M. Cohen. Défiez-vous bien du puis- 
sant Guillaume ; — de l'insidieux Pel- 
lerin qui aurait plu à Voltaire, ca 
c'est un pèlerin couvert de coquilles. 
Présentez mes excuses à M. Cohen, di- 
tes-lui que c'est le dernier article consa- 
cré à un seul homme, et qu'if veuille 
bien ne pas trop user de sa puissance de 
biffeur. D'ailleurs, vous connaissez si 
bien mes pensées, que vous lui expli- 
querez celles qui sont mal dites. Puis, le 
père Ingres m'a donné un mal de chien. 
Revoyez sur la copie. Peu de tirets 
et de soulignages; mais pourtant quel- 
ques-uns. 

Ch. B. 

Etait-ce donc à tort que Baudelaire 
prenait tant de prudentes précautions 
contre les ciseaux de M. Cohen , le 
rédacteur en chef du Pays , contre 
Guillaume, le metteur en pages aux 
cheveux rouges, si redouté de Mme 



— 122 — 

Clémence Bader^ enfin contre M. Pel- 
lerin , le correcteur ? 

Le fait est que les articles de Baude* 
laire ne parurent point. Du moins ^ 
je les ai vainement cherchés dans la 
collection du Pays (*). En revanche, 
j'y ai trouvé ceux de M. Louis Esnault 
qui fut préféré à Baudelaire. 

C'est un peu de ces choses-là, de ces 
mécomptes amers , silencieusement su- 
bis, que meurent les hommes de génie ; 
il ne faut pas trop leur en youloir. 

(*) Il y a erreur. Le compte-rendu de 
l'Exposition des beaux -arts de i855 fut 
interrompu au Pays après le second art;icle de 
Baudelaire^ entièrement consacré à Eugène 
Delacroix (n* du 3 juii\}. Cet article étonna 
le rédacteur en chef. Il offrit alors la conti- 
nuation du compte-rendu à M. Louis Esnault, 
homme de lettres heureusement incapable 
d'étonner personne que lui-même. 



NÉCROLOGIE 



<£^^5S^S«S!^S^S*^«S^2^î£^5i 




'ous empruntons au journal l'Étendard 
des 3 et 4 septembre 1867, les dis- 
cours prononcés sur la tombe de 
Charles Baudelaire ^ et la note de M. Auguste 
Vitu, rédacteur en chef de ce journal , qui les 
précédait. 

Aujourd'hui lundi ont été célébrées, 
à l'église Saint-Honoré de Passy, les 
obsèques de Charles- Pierre Baudelaire, 
mort le 3 1 août, à quarante-six ans. 

Les invitations étaient faites au nom 
de madame Aupick, veuve en premières 
noces de M. Baudelaire, et en secondes 
de M. le général de division Aupick, 
sénateur, ancien ambassadeur à Cons^ 



— 126 — 

tantinoplç; de madame Perrée^ sa 
grand'tante ; de madame veuve Bau- 
delaire, sa belle-sœur ; de M. le général 
de brigade Levaillant; de M. le com- 
mandant Levaillant et de M. le général 
de division Levaillant^ ses cousins. 

Charles Baudelaire est mort dans la 
force de 1 âge , et sa robuste intelligence 
a résisté jusqu'au bout aUx assauts 
d'une horrible névrose qui ne lui per- 
mettait plus l'usage de la parole. Pour 
ceux qui ont connu Baudelaire^ ce cau- 
seur élégant et coloré, ce vif esprit tou- 
jours en éveil sur tous les problèmes, 
on jugera des angoisses contre lesquelles 
il a lutté pendant une année de supplice. 
Il s'est éteint doucemenret, pour ainsi 
dire , sans agonie , après avoir reçu les 
secours de la religion. 

L'art , dont le culte ardent a dévoré 
la vie de Baudelaire, fait en sa personne 
une perte considérable et dont l'étendue 
ne sera mesurée que plus tard, lorsque 
rhistoire littéraire aura marqué sa vraie 



_ 127 — 

place à Tauteur des Fleurs du mal, cet 
étrange et magnifique bouquet de ma* 
lédictions byroniennes^ écrites dans une 
langue qui n'a d'analogue que celle du 
Dante. 

Baudelaire n'était ni un athée ni un 
sceptique : c'était un souffrant; nul 
esprit ne fut plus habile à se marty- 
riser lui-même , à distiller la joie et la 
douleur humaines, pour en extraire 
des parfums violents comme des poi- 
sons^ et des poisons doux comme des 
par/ums. 

Tout coin sombre l'attirait, comme 
aussi toute idée nouvelle, étrange ou 
chimérique; et cependant il avait de 
rares facultés de clairvoyance, d'ordre, 
de netteté dans l'esprit. Edgar Poe, 
dont il se fit le traducteur passionné, 
l'attirait par ce noble aimant : l'évo- 
cation des fantômes et l'analyse mathé- 
matique. 

Charles Baudelaire était un homme 
d'éducation et de manières exquises. 



— 128 — 

Vivement touché des beautés littéraires, 
il ne connaissait pas l'envie ; il admi- 
rait ses maîtres^ il aimait ses égaux. 
Il était extrêmement sensible à Tamitiéy 
et tous les liens qu'il a formés dans sa 
jeunesse ont duré jusqu'à sa tombe. 

Nous avons retrouvé, dans la petite 
chapelle Saint-Honoré, les plus anciens 
amis de Charles Baudelaire : Jean 
Wallon, Théodore de Banville, Charles 
Asselineau, Champfleury, Monselet, 
Nadar, Louis Veuillot, Arsène Hous- 
saye , Théophile Silvestre , Alfred Ste- 
vens, le docteur Piogey, etc., etc., à qui 
s'étaient joints beaucoup d'hommes de 
lettres et d'artistes. 

M. Ancel, maire de Neuilly, ancien 
notaire de la famille, conduisait le deuil 
en son nom. 

Après l'absoute, le corps a été dirigé 
sur le cimetière Montparnasse, où il a 
été inhumé dans un caveau de famille. 

MM. Théodore de Banville et Asseli- 
neau ont prononcé sur la tombe de 



— 129 -— 
notre ami les paroles touchantes que 
nous publions plus bas. 

Charles Baudelaire était né à Paris 
en avril 1821. 

Auguste Vitu. 



Discours prononcé par M. Théodore 
DE Banville. 

Messieurs^ 

Celui que la mort vient de frapper 
emporte avec lui une large part de mon 
cœur, et je ne puis encore regarder son 
cercueil sans avoir les yeux obscurcis 
par les larmes. 

Egoïstement, je me donnerais tout 
entier à cette douleur qui m'envahit et 
qui me pénètre ; mais je dois oublier un 
instant que Charles Baudelaire fut pou 
moi un ami excellent et tendrement 
chéri, car j'ai à remplir envers lui un 
devoir plus sacré et plus impérieux que 



— i3o — 

celui de le pleurer. A défaut de ceux de 
nos maîtres qui auraient eu qualité pour 
accomplir cet acte de justice, il faut 
que je trouve en moi la force nécessaire 
pour dire quel est le poète qui vient de 
nous être enlevé, et^ si insuffisant que 
je sois pour une pareille tâche, je par- 
lerai de lui sans orgueil excessif, sans 
vaine modestie^ et avec une absolue 
sincérité. 

Aussi bien, pour louer dignement 
Charles Baudelaire, la vérité suffit, et 
il ne faut' rien de plus à sa mémoire. 
Brisé par un mal cruel et mystérieux 
qui avait défié les efforts de la science, 
rhomme vientdes*éteindre; le triomphe 
durable s'apprête pour le penseur élo- 
quent, pour le merveilleux artiste qui 
fut et qui restera un grand poète. De 
son vivant même, son œuvre avait été 
brillamment acclamée par les esprits 
supérieurs de la poésie et de la critique, 
en même temps qu'elle était durement 
contestée par les hommes qui contestent 



J 



- i3i — 

tout ce qui est beau. Mais tour à tour 
louée et dénigrée , parfois même odieu- 
sement calomniée et salie^ elle s'imposait 
au public par une puissance virtuelle à 
laquelle nul n'avait pu résister^ et de 
jour en jour, d'heure en heure, son 
succès grandissait avec ^une progression 
d'abord lente, puis plus rapide, puis 
tellement rapide que' rien au monde 
n'aurait pu l'arrêter quand même Ta 
mort ne serait pas venue placer dans 
son vrai jour et mettre en pleine lu- 
mière cette oeuvre qui , sans pâlir, peut 
être comparée aux plus belles et aux 
plus illustres. 

En effet, et l'avenir prochain le dira, 
d'une manière définitive, l'auteur des 
Fleurs dtumal est non pas un poëte de 
talent, mais un poëte de génie, et de 
jour en jour on verra mieux quelle 
grande place tient, dans notre époque 
tourmentée et souffrante, son œuvre 
essentiellement française , essentielle- 
ment originale, essentiellement nou- 



I 



— l32 — 

velle. Française^- elle Test par la clarté^ 
par la concision, par la netteté si fran- 
che des termes qu'elle emploie^ par une 
science de composition^ par un amour de 
Tordre et de la règle qui très-rigoureuse- 
ment procèdent du dix-septième siècle ; 
originale... nul ne le lui a contesté; 
c'a été le grand éloge et le grand re- 
proche que lui ont sans cesse adressés 
ses amis et ses ennemis; nouvelle, j'in- 
siste là-dessus^ elle a été^ elle est, 
elle restera étonnamment nouvelle et 
primesautière; ceci est sa gloire^ la 
meilleure et la plus vraie^ dont rien ne 
peut la déshériter. 

Elle fut nouvelle, Messieurs^ et par le 
fond et par la forme; et songe- t-on bien 
à ce qu'un pareil mot renferme d'éloges? 
Rien que pour trouver dans la forme 
d'un art un point de vue nouveau^ rien 
que pour imaginer dans les procédés 
qu'il emploie une légère et insignifiante 
modification, quelle magnifique organi- 
sation d'artiste ne faUt-il pas avoir 
reçue? 



— i33 — 

Par quelles sévères et sérieases étu- 
des^ par quels travaux incessants ne 
faut-il pas Tavoir complétée I Eh bien 1 
lorsqu'il arrive, une ou deux fois par 
siècle^ qu'un homme d'élite apporte un 
art qui lui appartient complètement^ 
dont la forme est sortie de lui tout en- 
tière^ cet homme a déjà soulevé un 
monde; mais si le fond même des sen- 
timents qu'il traduit^ des idées qu'il 
met en œuvre, des impressions qu'il 
retrace^ est à lui et bien à lui; si^ 
comme La Fontaine au dix-septième 
siècle, comme Prud'hon sous le pre- 
mier Empire, il possède en lui une 
originalité assez bien trempée pour 
échapper absolument et comme sans 
effort à la mode^ à la tradition^ aux 
préjugés artistiques de son temps^ n'est- 
il pas vrai et légitime de dire de lui 
qu'il a du génie? 

Je. ne veui pas^ Messieurs, entre- 
prendre de toucher ici à notre histoire 
littéraire; je n'en dirai qu'un mot, celui 



— i34 — 

qui est nécessaire pour faire compren- 
dre ma pensée. 

Tout le monde sait qu'un magnifique 
et puissant écrivain règne chez nous 
sans -conteste depuis trente ans^ et 
depuis trente ans, a mis sur notre 
littérature, poésie lyrique, drame, 
roman , histoire , critique, l'empreinte 
de sa griffe de lion. 

Cette royauté de Victor Hugo, elle a 
été tantôt subie , tantôt librement ac- 
ceptée, mais toujours reconnue et obéie, 
tant il semblait impossible de s'y sous- 
traire 1 

. L'imitation de Victor Hugo, tel a été 
le commencement de tout poëte de ce 
temps; aucun de nous n'a su ou même 
voulu s'en affranchir; longtemps le 
jeune poëte s'essayait à l'ombre de notre 
cher et vénéré maître, et il restait aux 
côtés du colosse, jusqu'à ce qu'il se fût, 
à son tour, senti naître et grandir des . 
ailes. 

Eh bien! Messieurs, quand Charles 



— i35 — 

Baudelaire commença à faire connaître 
ses premières poésies, (car elles ne furent 
imprimées que bien plus tard) , on vit 
avec étonnement qu'il apportait un 
vers, une poésie à lui, où ni Hugo, ni 
Musset, ni Lamartine, n'avaient rien à 
réclamer, et à laquelle on eût difficile* 
ment trouvé des ancêtres, à moins de 
remonter jusqu'à la race vigoureuse des 
Mathurin Régnier et des d'Aubigné. 

Un poëte original était né, et soit 
qu'on voulût Taimer ou le haïr, il fallait 
en prendre son parti. Original par la 
formé, sans doute; bien plus original 
encore par le fond même de son inspi- 
ration, car les idées et les sentiments 
qu'il venait nous traduire, étaient pré- 
cisément c^ux que l'admirable poëte des 
Contemplations avait volontairement 
mis en oubli. 

Continuant, quoique novateur, la 
tradition antique, Victor Hugo a tou- 
jours transfiguré l'homme et la nature 
à l'image d'un certain idéal voulu ; au 



— i36 — 

contraire, Baudelaire, comme Balzac, 
comme Daumier, comme Eugène 
Delacroix, accepta tout P homme mo- 
derne, avec ses défaillancesj avec sa 
grâce maladive, avec ses aspirations 
impuissantes, avec ses triomphes mêlés 
de tant de découragements et de tant 
de pleurs ! Les côtés de Tâme qu'il était 
convenu et classique de laisser dans 
Tombre, l'hypocrisie d'une race faible 
et diminuée, l'imjMiissance d'aimer et 
de haïr, le désir d'une croyance qui ne 
peut naître, l'inconsolable regret de 
nous être fermé nous-mêmes les cieux, 
toutes ces souffrances, tout ce vide, 
toutes ces agonies, il les peignait en 
traits ineffaçables, et, véritable poëte 
romantique (il avait donné lui-même du 
romantisme cette définition excellente : 
l'expression la plus récente de la beauté), 
il représenta avec le charme exquis dont 
est doué un grand artiste, ce qui nous 
reste de la beauté, c'est-à-dire uneombre 
malade, mourante, adorable pourtant. 



,-i37- 

qui s'enfuit en exhalant une plainte 
harmonieuse et désolée. 

Oui^ il fut rhomme, il fut Tartiste 
moderne avec toute son énergie et avec 
toute sa vivifiante tristesse. 

Sorti d'une famille où il avait pu 
puiser à la fois les enseignements les 
plus virils et les traditions des plus 
parfaites et des plus aimables élégances, 
Baudelaire appartenait à une aristo- 
cratie par la naissance et par la fortune; 
mais il fut peuple par la vaillance avec 
laquelle il supporta les revers et la 
souffrance lorsqu'il plut au ciel de les 
lui envoyer. 

La souffraacel il l'aima^ il l'idolâtra 
chez lui et chez les autres; loin de la 
cacher et de la nier^ il la chantait^ il la 
célébrait, comme étant le grand moyen 
de rachat que Dieu nous a donné. 

Vous le savez, Dieu n'en fut point 
avare envers lui ; à cet homme si bon , 
si doux, si inoffensif, qui si ardemment 
sut admirer et louer ses émules^ et qui^ 



— i38 — 

en vingt ans d'existence littéraire, n*a 
attaqué ni blessé personne, il a donné 
trois années de tortures qui auraient 
suffi à racheter la vie d'un criminel. 
Ah I maintenant, cette âme si durement 
éprouvée doit être rachetée et triom- 
phante! Son Créateur lui donnera le 
repos infini, comme la postérité don- 
nera la gloire, une gloire vraie et com- 
plète, au poëte qui n'a dédaigné aucun 
de nos maux et aucune de nos blessures. 
Adieu, Baudelaire! tes amis ne se 
lasseront pas de te pleurer, toi qui as 
été leur exemple et leur orgueil. La 
France te connaîtra et t'admirera. 
Adieu, honnête homme , excellent ami, 
grand artiste, noble poëte, adieu ! 



— i3j — 
Discours prononce par M. Charles 

ASSELINËAU. 

Messieurs , 

Après les rayonnantes paroles que 
vous venez d'entendre^ et qui sont 
comme Tauréoie anticipée du poëte , il 
n'y a plus ni à louer ni à glorifier , et 
le plus humble des amis de Charles 
Baudelaire ne viendrait pas troubler 
rimpression religieuse de cet adieu 
fatidique^ s'il n'était poussé par sa 
conscience à une dernière protestation. 

Si la gloire commence aujourd'hui 
pour Charles Baudelaire, l'histoire 

aussi commence avec elle. Devant cette 

« 

tombe, trop tôt ouverte, et qui va se 
refermer derrière vos pas, la vérité 
réclame ses droits , et le -devoir seul 
qu'elle m'impose me donne la force de 
rompre le silence oti je voudrais vous 
laisser, où surtout je voudrais me 
recueillir moi-même. 



— ï4^ — 

On a trop parlé de la-« légende » de 
Charles Baudelaire, sans prendre garde 
que cette légende n'était que le reflet de 
son mépris pour la sottise et pour la 
médiocrité orgueilleuse. 

Je parle au nom de ceux qui Font 
constamment aimé, suivi, compris, et 
je Tàffirme dans ce moment solennel, 
avec la gravité de la conviction devant 
la mort : — Oui, ce grand esprit'fut en 
même temps un bon esprit; ce grand 
cœur fut aussi un bon cœur. 

Il en est, qui sont morts, qui auraient 
pu le dire. Il en est encore, grâce à Diei;i, 
qui sont vivants, et qui l'attestent. 

Charles Baudelaire ne manquera 
pas seulement à ses admirateurs; il 
manquera à ses amis dont il était la joie, 
le conseil, le serviteur dévoué et fidèle ; 
à cette mère affligée, exemplaire, mais 
fière dans sa douleur, et qui se console 
par la gloire de son fils de la perte 
d'une tendresse pieuse qui ne lui a 
jamais fait défaut. Il manquera aux 



— 141 — 

faibles qu*il encourageait^ aux déses- 
pérés qu'il secourut, à tous ceux à qui 
il donnait Fexemple du travail, de la 
constance et du respect de soi-même. 

Son âme sincère et délicate avait la 
pudeur de ses vertus, et, par horreur 
de Taffectation et de l'hypocrisie > se 
remparait d*uné réserve ironique qui 
n'était en lui qu'une forme suprême de 
la dignité. Je ne pourrais que plaindre 
ceux qui s'y seraient trompés. 

Faut-il bénir, Messieurs, ffiut-il 
déplorer le miracle qui, dans ce corps 
malade, paralysé, sans voix, a maintenu 
jusqu'à la fin l'esprit lucide et le cœur 
intelligent ? 

Ah ! qu'on n'évoque pas ici les hor- 
reurs de la démence et de l'imbécillité ! 
Le mal, que ce fût un bienfait ou une 
torture, a laissé jusqu'au bout intacte 
et vaillante cette raison souveraine du 
poëte : c'est bien assez qu'il l'ait fait 
muet et immobile. 

Croyez-en ceux qui l'ont assisté 



— 142 — 

assidûment; croyez-en les médecins 
qui Font soigné , la mère qui la veillé , 
servi avec une énergie infatigable, et 
qui, clairvoyante et ingénieuse, con- 
versait avec lui comme aux temps 
heureux : ses yeux n'ont jamais cessé 
de reconnaître les yeux aimés et de les 
comprendre; sa main s'est toujours 
tendue la première vers les mains 
fidèles. 

Au plus fort de la maladie , il s'en- 
tretenait, par l'intermédiaire d'un ami 
avec son éditeur. 

Ses regards ont été des testaments 
clairs, éloquents, qui épargneront tout 
embarras aux exécuteurs de ses volon- 
tés. Non, il ne faut pas qu'il y ait là- 
dessus d'équivoque. C'est pour cela 
d'ailleurs que je suis ici; c'est pour cela 
que je vous parle et que je trouve le 
courage de vous arrêter encore et de 
suspendre votre attention pendant ces 
dernières minutes. 

Ce que Charles ^Baudelaire a souffert 



— 143 — 

dans ces deux ans est inénarrable pour 
quiconque entrevoit le supplice d'un 
génie ardent et actifs condamné à Tinac- 
tion et au silence^ d'un poète pour qui 
l'avenir était si beau^ enfermé dans son 
passé comme dans un cachot sombre. 

Il a subi toutes les douleurs et toutes 
les agonies ; et ce qui est plus^ il les a 
subies noblement, dignement, en philo- 
sophe résigné et fort. 

Il a été faible, abattu, brisé, miséra- 
ble : insensé , jamais ! 

Je le dis bien haut, j'y insiste parce 
que j'en ai été témoin, afin que vous le 
sachiez et que vous puissiez le redire 
à votre tour, en réponse à des plaintes 
malavisées qui ne seraient qu'un ou- 
trage. 

Messieurs, avant de nous séparer, je 
vous recommande la mémoire de 
Charles Baudelaire. 

Je vous la recommande comme un 
exemple d'abord, et aussi comme un 
dépôt que vous ne laisserez altérer ni 
par l'envie ni par l'indiscrétion. • 




— 144 — 

Vous vous souviendrez et vous répé- 
terez qu'en notre ami encore s est mani- 
festée cette loi consolante^ admirable, 
qui veut que les plus forts soient les 
meilleurs, et que les plus grands esprits 
soient les plus droits. 



f 



BIBLIOGRAPHIE 



SS*féi5S*fô«S^2&S^2^ÎS*fêfig^3^ 



PREMIÈRE PARTIE 



LIVRES 



SALON DE 1845, par Baudelaire Dufays. 
Labitte, 1845, in-12, 72 p. Annoncé sur la 
couverture : sous presse du môme auteur : 
io De la peinture moderne, 2o De la cari^ 
cature. 3® David, Guérin et Girodel, Aucun 
de ces ouvrages n'a paru. 

SALON DE 1846, par Baudelaire Dufays. 
Lévy, 1846,in-12, 132 p. Annoncé sur la 
couverture : pour paraître prochainement, du 
même auteur : lo Les Lesbiennes , poésie. 
2o Le Catéchisme de la femme aimée» Ces 

10 



— 148 — 

deuï ouvrages sont encore annoncés sur 
la couverture de la deuxième éd. des Sta- 
lactites, par Théodore de Banville ; 1846, 
in-8; et sur celle de Chien-Caillou, fantai- 
sies d* hiver, par Champfleury; 1847, in-12; 
seulement sur cette dernière ils sont indiqués 
.sous le nom de Pierre de Fayis, et Le Caté- 
chisme de la femme aimée y porte le sous- 
titre de : romans physiologiques sur Vamour 
moderne. Aucun de ces ouvrages n'a paru. 

HISTOIRES EXTRAORDINAIRES, traduites 
d'Edgar Poe , par Charles Baudelaire ; Lévy, 
1856, in-18 de XXXlI-332 pages. Ce volume 
contient: 

Edgar Poe, sa vie et ses œuvres. — En 
partie, dans le pays, 25 février 1856. 

Double assassinat dans la rue Morgue. — 
{Facultés divinatoires d'Auguste Dupin.) h le 
PAYS, 25, 26 février; 1, 2, 3, 5, 6 et 7 
mars 1855. 

La Lettre volée. (Facultés divinatoires 
d'Auguste Dupin.) 11. le pays; 7, 8, 12 et 14 
mars 1 855. 

Le Scarabée, d^or. 

Le Canard au ballon. - le pays; 31 janvier, 
2 et 3 février 1855. 



— 149 - 

Aventure sans pareille d'un certain Hans 
Pfaall— LE pays; 14, 15, 16, 22, 27, 31 mars; 
1, 2, U, 17 et 20 avril 1855. 

Manuscrit trouvé dans une bouteille. — 
LE pays; 21 et 22 janvier 1855. 

Une descente dans le Maelstrom. — le pays; 
5, 6 et 7 février 1855. 

La Vérité sur le cas de Jf. Valdemar. 
{Mort ou vivant) le pays; 26 septembre 1854. 

Révélation magnétique. — la liberté de 
PENSER du 15 juillet 1848, et le pays du 30 
juillet 1854. 

Les Souvenirs de M. A. Bedloe. {Une 
aventure dans les Montagnes rocheuses,) le 
pays; 25 et 26 juillet 1854. 

Morella. — le pays; 18 septembre 1854. 

Ligeia. — le pays ; 3 et 4 février 1855. 

Metzengerstein, — le pays; 17 septembre 
1854. 

NOUVELLES HISTOIRES EXTRAORDI- 
NAIRES, traduites d'Edgar Poe, par Charles 
Baudelaire; Lévy, 1857; in-18 de XXIV-288 
pages. Ce volume contient : 
Notes nouvelles sur Edgar Poe, 
Le Démon de la perversité. — le pays; 14 
septembre 1854. 



— i5o — 

Le Chat noir. — le pays; 31 juillet et ier 
août 1854. 
"William WiUon. — le pays; U, 15, 18 et 

19 février 1855. 

L'Homme des foules. - le pays; 27 et 28 
janvier 1855. 

Le Cœur révélateur. — le pays; 29 juillet 
1854. 

Bérénice. — le pays; 2 août 1854. 

La Chute de la maison Usher. '^ le pays; 
7, 9 et 13 février 1855. 

Le Puits et le pendule. — revue de paris; 
( non signé ) octobre 1852, et le pays, 3 et 4 
août 1854. 

Hop-Frog. — le pays; 23, 24 et 25 février 
1855. 

La Barrique d' Amontillado. — le pays; 
13 septembre 1854. 

Le Masque de la mort rouge. — le pays; 
22 et 23 février 1855. 

Le Roipeste.— LZ pays; 23, 26 et 27 janvier 
1855. 

Le Diable dans le beffroi. — le pays; 

20 septembre 1854. 

Lionnerie. (Être un lion , conte moral) — 
LE pays; 19 et 22 février 1855. 



— i5i — 

Quatre bêtes en une, (L'homme camétéo- 
pard ou). — le pays; 28 juillet 1854. 

Petite discussion avec une momie. — le 
pays; 11 et 42 décembre 1854. 

Puissance de la parole. •— le pays; 5 août 
i854. 

Colloque entre Monos et Una. — le pays; 
22 et 23 janvier 1855. 

Conversations d'Eiros avec Charmim. — 
LE pays; 27 juillet 1854. 

Ombre, — le pays; 5 août 1854. 

Slence. — le pays; 22 février 1855. 

L'Ile de la fée. — le pays ; 28 et 30 janvier 
1855. 

Le Portrait ovale. — le pays; 28 janvier 
1855 

LES FLEURS DU MAL, par Charles Bau- 
delaire. Poulet-Malassis et de Broise, 1857; 
grand in-12, 252 pages Cette édition qui 
annonce sur sa couverture : c Pour paraître 
en juin 1857: Curiosités esthétiques, par 
Charles Baudelaire, » ouvrage qui n'a jamais 
paru, contient six pièces qui ont été con- 
damnées par un arrêt devenu célèbre : Les 
Bijoux; Le Léthé; A celle qui est trop gaie; 



— l52 — 

Lesbos ; Femmes damnées {A la pâle 
clarté... } ; Les Métamorphoses du vampire. 
La pièce coadamnée intitulée Lesbos, parue 
pour la première fois, en 1850, dans Les 
Poètes de V amour, anthologie publiée par 
Julien Lemer, supprimée en 1858 dans la 
nouvelle édition de ce recueil, fut rétablie, 
après sa condamnation, dans Fédition 
suivante, parue sans date chezr Garnier en 
1865, sans avoir été poursuivie depuis. 

Une deuxième édition des FLEURS DU 
MAL , diminuée des six pièces condamnées et 
augmentée de trente-cinq morceajix, a paru 
chez les mêmes éditeurs, 1861, grand in-12 de 
320 pages. Gomme on le verra plus loin, 
plusieurs des pièces de ce volume avaient été 
publiées d'abord en 1851, dans le messager 
DE l'assemblée; elles y sont annoncées 
comme extraites des Limbes, volume de 
Charles Baudelaire, sous presse {sic) chez 
Michel Lévy. Le titre de Fleurs du mal 
fut trouvé par MvHippolyte Babou, La revub 
DES DEUX-MONDES, si jalouse de ne publier que 
de rinédit, a donné, dans son numéro du 
1er juin 1855, plusieurs pièces de Gb. Bau- 
delaire déjà connues* Les trente^cinq pièces 



— i53 — 

ajoutées à la seconde édition des FLEURS 
DU MAL, sont ici précédées d*un astérisque : 
Dédicace à Théophile Gautier, (en prose.) 
Au lecteur. — revue des deux-mondes ; 
icr juin 1855. 

Spleen et Idéal. 

Bénédiction. 

* U Albatros. — revue française; 10 avril 
1859. 

Élévation. 

Correspondances. 

«( Taime le souvenir de ces époques nues. » 

Les Phares. 

La Muse malade. 

La Muse vénale. 

Le Mauvais moine. — le messager de 
l'assemblée; 9 avril 1851. 

U Ennemi. — revue des deux-mondes ; 

1er juin 1855. 

LeGuignon. — revue des deux-mondes ; 
1er juin 1855. 

La Vie antérieure. — revue des deux- 
mondes ; 1er juin ig55. 

Bohémiens en voyage. 

VHomme libre et la mer. — revue de 
paris; octobre 1852. 



— i54 — ' 

Don Jmn avx enfers. {UJmpénitent) 
l'artiste; 6 septembre 1846. 

ChcUiment de l'orgueiL ~ magasin des 
FAMiiXEs; juin 1850 (*). 

La Beauté, — revue française; 20 avril 
1857. 

Uldéal. — le messager de l'assemblée; 
9 avril 1851. 

La Géante. — revue française ; 20 avril . 
1857. 

* Le Masque. — revue contemporaine; 
30 novembre 1859. 

* Hymne à la beauté. — l'artiste; 15 
octobre 1860. 

Parfum exotique. 

* La Chevelure. — revue française ; 20 mai 
1859. 

« Je t'adore à Végal de la voûte nocturne. » 
c( Tu mettrais l'univers entier dans ta 
ruelle. » 

(*) Cette pièce parut dans ce recueil en même temps 
que L'Ame du vin {Le Vin des honnêtes gens) , avec la 
note suivante : < Ces deux morceaux inédits sont tirés ^ 
d'un livre intitulé Les Limbes, qui paraîtra trés- 
procbainement et qui est destiné à représenter les 
agitations et les mélancolies de la jeunesse mo- 
derne. • 



— i55 -- 

Sed non satiata. 

ce Aree$es vêtements ondoyants et nacrés. » 
^ REVUE française; 20 avril 1857. 
Le Serpent qui danse. 
Une Charogne, 
De profundis elamavi, (La Béatrix.) le 

MESSAGER DE L'ASSEMBLÉE; 9 avril 1851. 

Le Spleen, revue des deux-mondes; 1«r juin 
1855. 

Le Vampire. 

tt Une nuit que j'étais près â*une affreuse 
juive. » 

Remords posthume. — revue des deux- 
mondes; 1er juin 1855. 

Le Chat. 

* Duelhtm, — l'artiste; 19 septembre 
1858. 

Le Balcon. 

* Le Possédé. — revue française; ÎO jan- 
vier 1850. 

* Un /«n/<5m^.— l'artiste; 15 octobre 1860. 
— Contient :i^ Les Ténèbres ; 2*> Le Parfum ; 
3o Le Cadre; 4® La Portrait. 

" Je te donne ces vers , afin que si mon 
nom. » — revue française; 20 avril 1857. 

* Sempereadem. — revue contemporaine; 
15 mai 1860. 



— i56 -- 

Tout entière. 

« Que dira$-tu ce soir^ pauvre âme soli- 
taire? n 

Le Flambeau vivant. — bevcb française; 
20 avril! 857. 

Réver^biUté. — revue des deux-mondes; 
1er juin 1855. 

Confession. •— revue des deux-mondes; 
1er juin 1855. 

L'Aube spirituelle. — revue des deux- 
mondes; 1er juin 1855. 

Harmonie du soir. — revue française ; 
20 avril 1857. 

L^F^o^^on.— revue française; 20 avril 1867. 

Le Poison. — revue française; 20 avril 
1857. 

Ciel brouillé. 

Le Chat. 

Le Beau navire. 

UInvitation au voyage. •— revue des deux- 
mondes; 1er juin 1855. 

UIrréparable. {A la belle aux cheveux 
d'or.) revue des deux-mondes ; 1er juia 
1855. 

Causerie» 

* Chant d'automiie. — revue contempo- 
raine; 30 novembre 1859. 



- i57- 

* A une madone. — là causerie; î2 jan- 
vier 1860. l'artiste; !•' février 1861. 

* Chanêon d'après-midi, — l'artiste; 15 
octobre 1860. 

* Sisina, — revue française; 10 avril 1859. 
FraneiScœ meœ laudes. — l'artiste; 10 mai 

1857. 

A unedame créole.— l'artiste; 25 mai 1845. 

Mœsta et errabunda. — revue des deux- 
mondes; l«r juin 1855. 

Le Revenant. 

* Sonnet d'automne, — revue contempo- 
raine; 30 novembre 1859. 

iSristesses de la lune. 

Les Chats. — Cité, sans nom d'auteur, dans un 
feuilleton de Ghampfleury ; le corsaire, n» du 
14 novembre 1847. Reparu dans le messager 
DE l'assemblée, 9 avril 1851 ; et dans les 
Aventures de MademoiseUe Mariette^ de 
Ghampfleury. 

Les Hiboux. — le messager de l'assemblée; 
9avrill851. 

La Pipe. 

La Musique. 

Sépulture. 

* Une gravure fantastique. {Une gravure 



— i58 — 

de Mortimer.) le présent ; 15 novembre 
1857. 

Le Mort joyevx, {Le Spleen.) le messa- 
ger DE l'assemblée; 9 avril 1851. 

Le Tonneau de la haine, — ls messager de 
l'assemblée; 9 avril 1851. revue bes deux- 
mondes; 1er juin 4855. 

La Cloche fêlée. {Le Spleen.) le messa- 
ger de l'assemblée ; 9 avril 1851 . La Cloche. 
REVUE des deux-mondes; 1er juin 1855. 

Spleen. « Pluviôse irrité, etc. » — le mes- 
sager DE l'asseiIblée; 9 avril 1851. 

Spleen. « J'ai plus de souvenirs, etc. » 

Spleen, ce J^ suis comme le roi, etc. » 

Spleen. « Quand le ciel bas et lourd, etc. » 

* Obsession. — revue contemporaine; 15 
mai 1860. 

* Le Goût du néant. — revue française; 
20 janvier 1859. 

* Alchimie de la douleur. — l'artiste; 15 
octobre 1860. 

* Hoyreur sympathique. — l'artiste; 15 

octobre 1860. 

UHeaufontimoroiimenos. — l'artiste; 10 
mai 1857. 

L'Irrémédiable, —l'artiste; 10 mai 1857. 

* U Horloge. - l'artiste; 15 octobre 1860. 



— i59 — 



TABLEAUX PARISIENS. 

* Paysage parisien. — le présent; i5 no- 
vembre 1867. 

Le Soleil. 

A une mendiante rousse. 

*Le Cygne. — la causerie; 22 janvier 1860. 
. * {Fantômes parisiens) fjes sept vieil- 
lards. — REVUE contemporaine; 15 sep- 
tembre 1859. l'artiste; 15 janvier 1861. 

* {Fantômes parisiens.) Les Petites vieilles. 
~ REVUE contemporaine ; 15 septembre 
1859. 

* Les Aveugles, — l'artiste; 15 octobre 
1860. 

* A une passante, — l'artiste; 15 octobre 
1860. 

* Le Squelette laboureur. — la causerie; 
22 janvier 1860. l'almanach parisien, année 
1861. 

Le Crépuscule du soir. {Les Deux crépus- 
cules,) semaine théâtrale; 1er février 1852. 
Le Soir. Fontainebleau, 1 vol., par divers ; 
1855. 

Le Jeu. 



— i6o — 

* Danse macabre. — revue contemporaine; 
15 mars 1859. 

* U Amour du mensonge, — revue contem- 
poraine; 15 mai. 1860. 

<c Je n'ai pas oublié, voisine de la ville, » 
c La servante au grand cœur, dont vous 
étiez jalouse, n 
Brumes et pluies, 

* Rêve parisien, — revue contemporaine , 
5 mai 1860. 

Le Crépuscule du matin, {Les Deux crépus- 
cules,) semaine théâtrale ; 1?' février 1852. 
Le Matin, Fontainebleau; 1 vol., par divers, 
1855. 

le vin. 

VAme du vin, {Le Vin des honnêtes gens,) 
— MAGASIN DES FAMILLES; juin 1850. Sous le 
litre de : VAme du vin, dans la république 
DU peuple, almanach démocratique, année 
1852. 

le Vin des chiffonniers. 

Le Vin de Vassassin, ^ l'écho des mar- 
chands de VINS ; 1848. 

Le Vin du solitaire. 

Le Vin des amants. 



-r l6l — 



FLEURS DU MAL. 

La Destrtiction. {La Volupté*) rewe des 
deux-mondes; 1©' juin 1855. 

Une Martyre, 

Femmes damnées. 

Les Deux bonnes sœurs. 

La Fontaine de sang. 

Allégorie. 

La Béatrice. — revue des deux-mondes; 
1er juin 1855. 

Un voyage à Cythère, — revue des deux- 
mondes; lef juin 1855. 

L'Amour et le crâne. — revue des deux- 
mondes; ler juin 1855. 

RÉVOLTE. 

Le Reniement de Saint Pierre. — revue 
DE paris; octobre 1852. 
Ahel et Caïn. 
Les Litanies de Satan. 

LA mort. 

La Mort des amants. — le messaoer de 
l'assemblée; 9 avril 1851. 



— 102 — 

La Mort des pauvres. 

La Mort des artistes. ~ le messager de 
l'assemblée; 9 avril 1851. 

* La Fin de la journée, 

* Le Rêve d'un curieux. — revue contem- 
poraine; 15 mai 1860. 

* Le Voyage. — revue française; 10 avril 
1859. 

AVENTURES D'ARTHUR GORDON PYM. 
— Annoncées sur le faux-titre des nouvelles 
histoires extraordinaires sous le titre de : 
DERNIERE HISTOIRE EXTRAORDINAIRE ; 
traduit d'Edgar Poe, par Charles Raudelaire; 
Lévy, 1858, in-18 de 280 pages, ont paru dans 
le MONITEUR universel, 25 février 1857 el jours 
suivants. 

THÉOPHILE GAUTIER, par Charles Bau- 
delaire , notice littéraire précédée d'une 
lettre de Victor Hugo ; Poulet-Malassis et de 
Broise, 1859, in-12. — Brochure de viii-68 
pages; travail paru d'abord dans l'artiste du 
13 mars 1859. Annoncé sur la couverture; 
io fs^otices littéraires; 2o Machiavel et Con- 
dorcety Aiu\ogue philosophique. Ces deux ou- 
vrages n'ont pas paru. 



— i63 — 

LES PARADIS ARTIFICIELS ; OPIUM ET 
HASCHISCH, par Charles Baudelaire ; Paris, 
Poulet-Malassis et de Broise, 1860; grand 
in-12, de 306 pages. Annoncé sur la couver- 
ture : c Sous presse, du même auteur: Ré- 
flexions sur quelques-uns de mes contempo- 
rainsi un volume contenant: Edgar Poe, Théo- 
phile Gautier, Pierre Dupont, Richard Wagner, 
Auguste Barbier, Leconte de Lisle, Hégésippe 
Moreau, Pétrus Borel, Marceline Desbordes- 
Valmore, Gustave Le Vavasseur, Gustave 
Flaubert, Philibert Bouvière ; la famille des 
Dandies, ou Chateaubriand, de Custine, Paul 
de Molènes et Barbey d'Aurevilly. » Ce volume 
n'a jamais paru; cependant tous les articles 
qui devaient le composer existent, sauf le 
dernier, pensons-nous. LES PARADIS ARTI- 
FICIELS contiennent: 

Dédicace à J. G. F. 

Le Poème du haschisch. {De Vidéal artifi- 
ciel Le Haschisch.) revue contemporaine ; 
30 septembre 1858. 

Un mangeur d'opium, {Enchantements et 
tortures d'un mangeur d'opium.) revue con- 
temporaine; 15 et 31 janvier 1860. 

Cette dernière partie du livre est une con- 

1 1 



— 104 — 

densation de l'ourrage d'un littérateur anglais, 
De Quincey : Confessions of an english opium- 
ealer, being an extract from the life of a 
scholar, 

RICHARD WAGNER ET TANNHAUSER A 
PARIS , par Charles Baudelaire ; Dentu, 1861; 
brochure in-18 de 70 pages. Ce travail avait 
paru d'abord dans la revue européenne du 
1er avril 1861 ; Fauteur y ajouta une post-face 
sous ce titre : Encore quelques tmots. 

EUREKA, traduit d'Edgar Poe, par Charles 
Baudelaire; Lévy, 1864; in-18 de 252 pages. 
Cet ouvrage commeuça à paraître dans les nos 
2 à 5 de la revue internationale — octobre 
1859 à janvier 1860 — publiée en Suisse; il 
n'y fut pas terminé. 

HISTOIRES GROTESQUES ET SÉRIEUSES, 
traduites d'Egar Poe, par Charles Baudelaire; 
Lévy, 1865; in-18 de 372 p.; le volume con- 
tient : » 

Le Mystère de Marie Roget. 

Le Joueur d'échecs deMaelzé'L— le monde 
illustré; 12) 19, 26 juUlet et 2 août 1862. 



— i65 — 

Éléonora. — revue française; 10 mars 
1859. REVUE fantaisiste; 15 novembre 1861. 

Un Événement à Jérusalem, — revue fran- 
çaise; 20 mars 1859. 

L'Ange du bizarre. — la presse ; 17 fé- 
vrier 1860. 

Le Système du docteur Goudron et du pro- 
fesseur Plume. — I^ MONDE ILLUSTRÉ ; 7, 14, 
21 et 28 janvier 1865* 

Le Domaine d'Ainheinu 

Le Cottage Landor, — Réimprimé dans la 
VIE PARISIENNE du 24 jnin 1865, après la pu- 
blication en volume: la mise en vente des HIS- 
TOIRES GROTESQUES ET SÉRIEUSES avait 
eu lieu en mars 1865. 

Philosophie de V ameublement. — le maga- 
sin DES familles, octobre 1852; le monbe 
LITTÉRAIRE; 27 mars 1853 ; le pays; 14 sep- 
tembre 1854. Tirage à 20 ex.^ en une brochure 
in-8o de 16 pages; Alençon, veuve Poulet - 
Malassis, 1854. 

La Genèse d'unpoëme. {Le Corbeau.) l'ar- 
tiste, 1er mars 1853 ; le pays, 29 juillet 
1854; revue française, 20 avril 1859. 

LES ÉPAVES DE CHARLES BAUDELAIRE 
Ce livre a été publié, en même temps « à 250 



i 




— i66 — 

ex. papier Tergé et 10 chine, sans nom d'im- 
primeur, sous la désignation de Amsterdam, 
à V enseigne du Coq, avec une eau-forte fron- 
tispice de Félicien Rops; 1866, grand in-12 
de 164 pages ; et à 500 exemplaires papier 
vélin, sans eau-forte, avec le nom de l'impri- 
meur Briard, à Bruxelles, et l'adresse Bruxel- 
les, chez tous les libraires. Il contient, outre 
les six pièces condamnées dans la première 
édition des Fleurs du mal : 

Le Coucher du soleil romantique-, le boule- 
vard; 12 janvier, 1862. Soleil couché, sonnet- 
épilogue dans les MÉLANGES tirés d'une petite 
BIBLIOTHÈQUE ROMANTIQUE, par Gh. Asselineau, 
in -8», René Pincebourde, 1867, 

Le Jet d'eau, — la petite revue; 8 juillet 
1865, avec une variante au refrain. 

Les Yeux de Berthe. — revue nouvelle ; 
1er mars 1864. 

Hymne, — le présent; 15 novembre 1857. 
LA PETITE REVUE ; 16 décembre 1865. 

Promesses étun visage. 

Le Monstre, 

Franciscœ meœ laudes, — Se trouve dans 
LES FLEURS DU MAL ; reproduit ici avec la 
dédicace et la note supprimées dans la seconde 
édition de ce livre. 



— 167 — 

, Vers pour le portrait de M. Honoré Dau- 
mier. — histoire de la caricature moderne, 
par Champfleury, 1865; in-18, page 64. 

Lola de Valence. — Au bas d'un portrait à 
Teau-forte de cette artiste, par M. Manet, à 
TEsposition de Paris, 1863. 

Sur le Tasse en prison^ d'Eugène Delacroix. 
revue nouvelle; 1er mars 1864. 

La Voix. — REVUE contemporaine ; 28 fé- 
vrier 1861. l'artiste; le*" mars 1862. 

L'Imprévu. — le boulevard; 25 janvier 
1863. 

La Rançon.^ le présent; 15 novembre 
1857. LA petite REVUE; 16 décembre 1865. 

A une Malabaraise. {A une indienne.) 
— Signé Pierre de Fayis. — l'artiste; 13 dé- 
cembre 1846. A une Malabaraise; le présent; 
15 novembre 1857, et la petite revue ; 14 oc- 
tobre 1865. 

Sur les débuts (à Bruxelles) d'Amina Bos- 
chetti. la petite revue; 13 mai 1865. 

A propos d'un importun. 

Un cabaret folâtre. 



— i68 — 



POST-SCRIPTUM. 



Une édition des œuvres complètes de Gh. 
Baudelaire a paru; elle contient un Sonnet à 
Théodore de Banville, daté de 1842, et un 
article intitulé L'Art philosophique, qui sont 
inédits, ainsi que les poèmes en prose suivants: 
Mademoiselle Bistouri; Le Galant tireur; La 
Soupe et les nuages; Perte d'auréole; Assom- 
mons les pauvres; Épilogue (en vers.) 

Les pièces des Epaves qu'il était possible 
de réimprimer ont été intercalées, peut-être 
arbitrairement , dans les fleurs du mal ; 
et un complément, contenant les six pièces 
condamnées et celles difficiles ë faire paraître 
àans les œuvres complètes, a paru à Bruxelles, 
en 1 869, sous le titre de : Complément des 
Fleurs du mal, édition définitive, 

Emile Deschanel, dans un article du jour- 
nal des DÉBATS du 15 octobre 1864, a cité 
quelques vers inédits de Gh. Baudelaire. 




DEUXIÈME PARTIE 



ARTICLES 



Les morceaux précédés d'un astérisque ont reparu 
aujourd'hui dans les œuvres complètes de Ch. Baude- 
laire; Michel Lévy> 1869; 4 volumes in-12. 

NOUVELLES 

* Le Jeune enchanteur, histoire tirée d*un 
palimpseste d'Herculanum. — l'esprit public; 
20, 21 et 22 février 1846. le magasin litté- 
raire; no 61, juillet 1846. 

* La Fanfarlo. — bulletin de la société 
DES GENS DE LETTRES; janvier 1847; signé 
Charles Dufayis. les veillées littéraires 
illustrées livraison, 15, 1849. 



— lyo — 

TRAVAUX SUR EDGAR POE 

Note accooipagnant Révélation magnétique; 
— non réimprimée, la liberté de penser ; 
15 juillet 1848. 

Edgar AUan Poe; sa vie et ses ouvrages. — 
REVUE DE paris; mars et avril 1852. Cette no- 
tice est différente de celles qui ont été impri- 
mées en tête des deux séries à^Hisioires 
extraordinaires; elle contient, entre autres cu- 
riosités, une appréciation critique de Charles 
Baudelaire sur la plupart des ouvrages de 
Poe. C'est cette notice qu'il faudrait placer dans 
Touvrage : Réfleanons sur queîqu^es-uns de mes 
contemporains, — Voir plus loin études lit- 
téraires. 

Lé Cœur révélateur ; traduit de Poe.— pa- 
ris-journal; 4 février 1853. Autre version 
que celle des Nouvelles histoires extraordi- 
naires. 

Dédicace des Histoires extraordinaires; tra- 
duit d'Edgar Poe; non réimprimé, le pays; 
25 juillet 1854. 

Note de : Aventure sans pareille d'un cer- 
tain Hans Pfaal, traduit de Poe. — Longue 
et intéressante, supprimée en volume; le 
pays; 20 avril 1855. 



— lyi — 

ÉTUDES SUR LES BEAUX-ARTS 

* Le Musée classique du bazar Bonne-Nour. 
telle. — LE CORSAIRE-SATAN; 21 janvier 1846. 

Sur le Prométhée délivré , de monsieur de 
Senneville {Louis Ménard). — le corsaire- 
SATAN; 3 février 1846. 

* Exposition universelle de i855. Méthode 
de critique. Ingres, Delacroix. — le pays ; 
26 mai et 3 juin 1855. L'article sur Ingres n'a 
jamais paru, il n'existe qu'en épreuve. 

* Les Caricaturistes français. — le pré- 
sent; l^r octobre 1857. l'artiste , 24 et 31 
octobre 1858. 

* Les Caricaturistes étrangers. — le pré- 
sent; 15 octobre 1857. l'artiste; 26 sep- 
tembre 1858. 

* Salon de 1859. — revue française; 10, 
20 juin; 1er et 20 juillet 1859. 

* Peintures murales d'Eugène Delacroix, 
— revue fantaisiste; 15 septembre 1861. 

* Peintres et aqua-fortistes. — le boule- 
vard; 14 septembre 1862. 

* A propos d* Eugène Delacroix. — l'opi- 
nion nationale; 2 septembre, 14 et 22 no- 
vembre 1863. 



— 172 — 

* Le Peintre de la vie moderne (M. Cons- 
tantin Guys.) — LE FIGARO i 26, 29 novembre 
et 3 décembre d863. 

* Vente du cabinet d'Eugène Piot. — le fi- 
GARO; 24 avril 1864. 

ÉTUDES DIVERSES 

Choix de maximes consolantes sur l'amour. 
— LE CORSAIRE-SATAN; 3 mars 1846. 

* Conseils aux jeunes littérdteurs. — l'es- 
prit public, 15 avril 1846. 

* Du vin et du haschisch, — le messager de 
l'assemblée ; 7, 8, 11 et 12 mars 1851. Très- 
curieux : première ébauche du livre les para- 
dis artificiels. 

* Morale du joujou, — le monde litté- 
raire; avril 1853. le triboulet-rabelais ; 13 
juin 1857. 

* De Vessence du rire, — Publié en 1853 
dans un journal qui n'a pu être retrouvé.' 
(Note de M. de la Fizelière.) le présent; 
1er septembre 1857. 

POÉSIES 

lo — Pièces réunies sous le titre de : Nour 
.velles Fleurs du mal, dans le parnasse con- 
temporain; in-8o, par divers; 1866. 



- 173- 

* Épigraphe pour un livre condamné.— re- 
vue européenne; 15 septembre 4864. le 
boulevard; 12 janvier 4862. 

* U Examen de minuit. — le boulevard ; 
4er février 4863. 

* Madrigal triste. — revue fantaisiste; 
45 mai 1861. 

* A une Malabaraise. — Voir les épaves. 
Les six derniers vers manquent dans toutes 
les réimpressions ; ils ne se trouvent que dans 
l'artiste; 13 décembre 1846. 

* L'Avertisseur. — revue européenne, 15 
septembre 1861. le boulevard; 12 janvier 
1862. 

* Hymne. — - Voir les épaves. 

* La Voix. ~ Voir les épaves. 

* Le Rebelle, —revue européenne; 15 
septembre 1861. le boulevard; 12 janvier 
1862. 

* Le Jet d'eau. — Voir les épaves. 

* Les Yeux de Berthe. — Voir les épaves, 

* La Rançon. ■— Voir les épaves. 

* Bien loin d'ici. — revue nouvelle; ler 
mars 1864. 

* Recueillement. — revue européenne ; 1er 
novembre, 1861. le boulevard; 12 janvier 
1862. 



- 174 — 

* Le Gouffre. — l'artiste ; 1er mars 1862. 
REVUE NOUVELLE ; 1er mars 1864. 

* Les Plaintes d'un Icare. — le boule- 
vard ; 28 décembre 1862. 

* Le Calumet de paix. — revue contempo- 
raine ; 28 février 1861. 

* La Prière d'un paien. — revue euro- 
péenne; 15 septembre 1861. le boulevard; 
12 janvier 1862. 

* Le Couvercle. — le boulevard ; 12 jan- 
vier 1862. LE PARNASSE CONTEMPORAIN;^ page 

278, 1vol., 1866. 

* La Lune offensée. — l'artiste ; 1er mars 
1862. 

Vers laissés chez un ami absent.— ïapetite 
revue; 29 avril 1865. 

Pour ne pas aller à Namur, — la petite 
REVUE; 29 avril 1865. 

Venus belga. — Pièce gaillarde, nouveau 
PARNASSE SATYRiQUE ; Bruxelles 1866. 

Sonnet.— la silhouette; 1er juin 1845. 
la PETITE REVUE; 24 juin 1865. nouveau par- 
nasse SATYRIQUE ; Bruxelles, 1866. ' 

* Le Coucher du soleil romantipis. —Voir 
les épaves. 



— lyS — 

* Vers pour le portrait d'Honoré Daumier. 

— Voir les épaves. 

* Sur le Tasse en prison d'Eugène Delacroix, 

— Voir les épaves. 

* L* Imprévu, — • Voir les épaves. 

Sur les débuts de iK'^® Amina Boschetti. — 
Voir les épaves. 

A propos d'un importun. — Voir les 
épaves. 

Un cabaret folâtre. —Voiries épaves. 

ÉTUDES LITTÉRAIRES. 

Morceaux qui devaient composer l'ouvrage : 

RÉFLEXIONS SUR QUELQUES-UNS DE 
MES CONTEMPORAINS. 

* Théophile Gautier, i^. — Voir dans la pre- 
mière partie la brochure publiée sous ce titre. 

* Théophile Gautier. 2». —Écrit pour l'antho- 
logie crépet. revue fantaisiste; 15 juillet 
1861. 

Edgar Poe. — revue de paris ; mars el 
avril 1852. Voir plus haut: Travau>x sur Poe. 

* Pierre Dupont, lo. Notice parue en tôle 
de ses œuvres, 1852. 



* Pierre Dupont. 2o. — Éérit pour l'antho- 
logie CRÉPET. REVUE FANTAISISTE; 15 aOÛt 

1861. 

* Bichard Wagner. — Voir dans la pre- 
mière partie la brochure publiée sous ce titre. 

* Auguste Barbier. — revue fantaisiste; 
15 juillet 1861. 

* Leconte de Liste. — Écrit pour l'antho- 
logie CRÉPET. revue fantaisiste ; 15 août 
1861. 

* Hége'sippe Moreau. — Écrit pour l'an- 
thologie CRÉPET ; n'y a pas paru. Existe en 
épreuve. 

* Pétrv^ Borel. — revue fantaisiste ; 15 
juillet 1861. 

* Marceline Desbordes-Valmore. — Écrit 
pour l'anthologie crépet. revue fantai- 
siste. 1er juillet 1861. 

* Gustave Le Vavasseur. — Écrit pour 

l'anthologie CRÉPET. REVUE FANTAISISTE; 1©^ 

août 1861. 

* Gustave Flaubert. — l'artiste; 18 oc- 
tobre 1857. 

* Philibert Bouvière. — 1 . Nouvelle biogra- 
phie des artistes dramatiques. N^ôl, 1855. — 
l'artiste; 1er décembre 1859. 



— ^11 — 

Le Comédien Rov\ière. — 2. Signé Ch. B. la 
PETITE REVUE ; 28 octobre 4865. 

Comment on paie ses dettes quand on a du 
génie, — l'écho des théâtres j 23 août 4846. 

Contes de Champfleury, — le corsaire- 
satan; 18 janvier 1848. 

* Les Drames et les romans honnêtes, — se- 
maine théâtrale; 27 novembre 1851. 

* U École païenne. — semaine théâtrale; 
22 janvier 1852. revue de poche; 25 décem- 
bre 1866. 

Lettre à Fernand Desnoyers. — Fontaine- 
bleau ; 1855, in-12,par divers. 

Lettre à Jean Rousseau, sur Victor Hugo ; 
etc. —LE FIGARO; 13 juin 1858. 

* Victor Hugo. — Écrit pour l'anthologie 
crépet. revue FANTAISISTE; 15juin 1861. 

* Charles Asselineau. — la double vie. 
l'artiste ; 9 janvier 1869. 

* Théodore de Banville, — Écrit pour 
l'anthologie crépet. revue fantaisiste; 1er 
août 4861. 

* LéonCladel, Préface des Martyrs ridicules, 
par Léon Cladel. revue fantaisiste ^ 15 oc- 
tobre 1861. 



— 178 — 

* Les Misérables, jiar Victor Hvgo. — le 
BOULEVARD; 20 avril 1862. 

* Note biographique. — bibliographie, par 
A. de la Fizelière; 4868, p. vl 

Lettre à Auguste Vacquerie, — le temps ; 
43 février 4869. 

Lettre à Armand Fraisse. — paris-journal: 
26 mai 1869. 

Lettre à Charles Asselineau. — Charles 
BAUDELAIRE, par Asselineauj 1869, p. 92. 



POÈMES EN PROSE. 

Ils devaient d'abord être réunis sous le titre 
de : LE SPLEEN DE PARIS. 

* LES DEUX CRÉPUSCULES. - fontaine- 
BLEAU ; 1855, in-12, par divers. — Contient : 

* Le Crépmcule du soir. — Reparu dans le 
PRÉSENT; 24 août 1857* revue fantaisiste; 
4«r novembre 1861. le figaro; 7 février 
1864; cette dernière version très augmentée. 

* La Solitude. — Reparu dans le présent 
24 août 1857. revue fantaisiste ; 1er novem- 
bre 1 861 . revue de paris ; 25 décembre 1864 ; 
cette dernière version très*changée. 



— Î79 - 
POÈMES NOCTURNES. — le présent ; 24 
août 1857. Contient, outre les deux pièces 
précédentes : 

* Les Projets. — Reparu dans la revue 
FANTAISISTE; !«' novembre i861. — Autre 
version , très-changée, dans : la vie pari- 
sienne; 13 août 1864; et revue de paris ; 25 
décembre 1864. 

* UHorloge. — Avec note supprimée dans 
toutes les réimpressions. Reparu dans : la 
REVUE FANTAISISTE; 1er novembre 1861, et 
dans la presse; 24 septembre 1862. 

* La Chevelure. Reparu dans la revue fan- 
taisiste; lor novembre 1861 ; et sous le litre 
de Un hémisphère dans une chevelure, poème 
exotique, dans la presse; 24 septembre 1862. 

* L'Invitation au voyage, — Reparu dans 
la REVUE FANTAISISTE; lef novembre 1861 ; et 
dans LA PRESSÉ ; 24 septembre 1862. 

POÈMES EN PROSE. - revue fantaisiste ; 
ler novembre 1861. — Contient, outre les six 
pièces précédentes : 

* Les Foules.-^ Reparu dans la presse; 27 
août 1862. 

* Les Veuves, — Reparu dans la presse; 27 
août 1862. 

12 - 



— i8o — 

* Le Vieux saltimbanque. - Reparu dans 
LA presse; 27 août 4862. 

POÈMES EN PROSE. — la presse ; 26,27 
août et 24 septembre 1862. ^ Contient, outre 
les poèmes désignés plus haut : 

* A Arsène Houssaye, Dédicace. 

* L'Étranger. 

* Le Désespoir de la vieille. 
' Le Confiteor de Vartiste. 

* Un plaisant. 

* La Chambre double. 

* Chacun la sienne {sa chimère). 

* Le Fou et la Vénus. 

* Le CUen et le flacon. 

* Le Mauvais vitrier. 

* A une heure du matin. 

* La Femme sauvage et la petite maîtresse, 

* Le Gâteau. 

* Le Joujou dà pauvre. 

* Le Don des fées. 

PETITS POÈMES EN PROSE. — revue 
NATIONALE ; 10 juin, 10 octobre et 10 dé- 
cembre 1863. — Contient : 

* Les Tentations, ouEros,Plutusetla Gloire. 

* La Belle Dorothée. 

* Une mort héroïque. — Reparu dans L' ar- 
tiste; l®"* novembre 1864. 



— i8i — 

* Le Désir dépeindre. 

* Le Thyrse. A Frantz Liszt. 

* Les Fenêtres. 

* Déjà. 

POÈMES EN PROSE. — le boulevard; 14 
juin 1863. — Contient : 

* Sans titre. — Reparu sous le titre .de : 
Les Bienfaits de la luneràBXis là revue na- 
tionale; 14 septembre 1867. 

* Laquelle est la vraiel — Reparu sous le 
titre de L'Idéal et le réel, dans la revue na- 
tionale; 7 septembre 1867. 

LE SPLEEN DE PARIS, POÈMES EN PROSE. 
— LE FIGARO ; 7 et 14 février 1864.— Contient, 
outre JjB Crépuscule du soir : 

" La Corde. A Edouard Manet. — Reparu 
dans l'artiste; 1er novembre 1864. 

* Le Joueur généreux. — Reparu sous le 
titre: Petits poèmes lycanthropes; le Diable; 
dans LA revue du dix-neuvièbie siècle; juin 
1866. 

* Enivrez-vous. 

* Les Vocations. 

* Un cheval de race. 

PETITS POÈMES EN PROSE. - l'artiste; 
1er novembre 1864. — Contient, outre La 
Corde et Une mort héroïque : 



— l82 — 

* La Fausse monnaie. — Reparu dans la 
REVUE DE PARIS ; 25 décembre 1864; aussi dans 

LA REVUE DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE; juin 4866, 

sous le titre général de : Petits poèmes lycan- 
thropes. 

LE SPLEEN DE PARIS, POÈMES EN PROSE. 
— R^VUE DE paris; 25 décembre 1864. Con- 
tient, outre 1^5 pro/Ws et La Fausse monnaie: 

* Les Yeux des pauvres. 

* Le Port. 

* Le Miroir. 

* Les Bons chiens j poème en prose. A Jo-> 
seph Stevens. — l'indépendance belge ; 21 
juin 1865. la petite revue; 27 octobre 1866. 
îE GRAND journal; 4 novembre 1866. lare- 
vue nationale^ 31 août 1867. 

* Portraits de maîtresses. — revue natio- 
nale; 21 septembre 1867. 

* Any where oui of the world. {N'importe 
où hors du monde.) revue nationale ; 28 sep- 
tembre 1867. 

* Le Tir et le cimetière.— revue nationale; 
12 octobre 1867; 

Ici ce termine notre travail ; il ne nous reste 
plus que quelques mots à dire. Deux notes, si- 
gnées appartiennent encore à Charles Baude- 



— i83 - 

laire dans le mémoire qui fut publié en 1857 
pour la défense des Fleurs du Mal; et il a 
collaboré au journal le salut public, 2 nos, 
parus les 27 et 28 février 4848. Les articles 
y sont anonymes ; on lui attribue le premier 
de chaque numéro ; ils sont intitulés : Au 
peuplfij et Les Châtiments de Dieu, D'après une 
autre opinion, l'article du premier n% intitulé : 
Aux chefs du gouvernement provisoire, lui 
appartiendrait seul dans ce numéro; cette opi- 
nion est celle de MM. de la Fizelière et Decau]^, 
dans un opuscule dont nous parlerons tout à 
l'heure {*). 

Nous laissons à ces messieurs la respon- 
sabilité d'attribution à Charles Baudelaire de 
quelques travaux anonymes ou signés des ini- 
tiales G. B., que nous nous contenterons d'in- 
diquer : 

Contes normands de Jean de Falaise (le 
marquis de Chennevières-Pointel). — Ano- 
nyme. LE GORSAmE'SATÀN ; 4 novembre 1845. 

Sapho. — Fragment anonyme de tragédie, 
en collaboration ; le gorsaire-satan , 25 no- 
vembre 1845. 

Causeries du Tintamarre ; en collaboration 
et sous pseudonyme, — le tintamarre ; 1er 

(*) Essais de bibliographis contemporaine. — 
Charles Baudelaire, par MM. A. de la Fizelière et 
Georges Decaux. Paris» 1868» in-12. 



— i84 - 

septembre 1846 à mars 1847. Note de M. 
Auguste Vitu, dans la brochure de MM. de la 
Fizelière et Decaux. 

Chanson, — Publiée sous le nom de 
M. Privât d'Ânglemont dans son petit livre : 
La Closerie des Lilas; 1848. 

Une Réforme à V Académie. Anonyme. — 
REVUE ANECDOTiQUE ; no 2 de janvier 1862. 

Paul Gaschon de MoVenes. Anonyme. - re- 
vue ANECDOTIQUE; n© 2 de mars 1862. 

U Eau- forte est à la mode. AnonYtûe, — re- 
vue ANECDOTIQUE ; n» 2 d'avril 1862. 

Anniversaire de la naissance de Shakes- 
peare , lettre anonyme, r— le figaro; 14 
avril 1864. 

Lettre surProndhon^ signée G. B. — petite 
revue; 11 mars 1865. 

Amcenitates belgicœ. — brochure signée 
G. B., 1866. Détruite avant publication (*). 

(') M. P.-Malassis nous a confirmé Tattribation à 
Charles Baudelaire de quelques articles et du re- 
cueil d'épigrammes dont il est question dans la noie 
précédente. 

Il était rédacteur^propriétaire de la Revue anecdo- 
tique en 1862,. Tannée où les arlicles Une réforme à 
r Académie; — Paul G. de Molènes ; — L'Eau- forte 
est à la modCy y parurent. 11 possède une lettre de M. 
Sain(e-Beuve h propos du premier de ces arlicles. 



— i85 — 

Baudelaire a corrigé de sa main, sur un exem- 
plaire du Parnasse salyrique du XIX' siècle, la chan- 
son publiée sousle^ nom de Privât d'An glemont dans 
le petit livre La Closerie des lilas, en 1848. 

Le recueil Amœnilates belgicœ (in-8* de 16 p.) 
n'a pas été détruit jusqu'au dernier exemplaire, com- 
me le suppose notre collaborateur. Il en est resté 
un, sur peau de vélin, auquel nous avons pu emprun- 
ter trois épigrammes pour notre appendice. Les au- 
tographes existent d'ailleurs en double, entre les 
mains de M. P.-Malassis et de M. Charles Âsselineau. 

Enfin« comme propriétaire de La Petite Revue en 
1865, nous-méme avons eu sous les yeuxTautographe 
de la lettre sur Proudhon, signée C. B. (n* du 11 mars). 

Sur tous ces points, MM. de; la Fizeliére et 
Decaux étaient parfaitement renseignés. 



APPENDICE 



sîessaîesssîeeisîeasaeaisaKi 



^ 



^>^ES pièces de vers que voici sont de pure 

y\{S: c^^^os^t^' Lesdeux premières ont paru 

Ci:^-» dans la Petite Revue (29 avril i865) ; 

les trois autres sont empruntées à un recueil 

d^épigrammes détruit^ à un exemplaire près. 



VERS LAISSES CHEZ UN AMI ABSENT 

JlfoA cher, je suis venu chez vous 
Pour entendre une langue humaine. 
Comme un qui parmi les Papous 
Chercherail son ancienne Alhéne. 



Puisque chez les Topinambous 
Dieu me fait faire quarantaine. 
Aux sots je préfère les fous 
Dont je suiSt chose, hélas ! certaine. 



— 190 — 



SONNET POUR S'EXGUSER DE NE PAS ACCOMPAGNER 
UN AMI A NAMUR 

Puisque vous allez vers la viUe 
Qui, bien qu*un fort mur l'encastrai, 
Défraya la verve servile 
Du fameux poète castrat: 

Puisque vous aUei en vacances 
Goûter un plaisir recherché. 
Usez toutes vos éloquences. 
Mon bien cher CocO'Malperché (*), 

(Comme je le ferais moinnêmej 
A dire là^bas combienj'aime 
Ce tant folâtre monsieur Itops, 

Qui n*est pas un grand prix de Rome, 
Mais dont le talent est haut comme 
La pyramide de Chéops ï 

(*)Pèeudonyme IraDsparemde M.Poulel-Malassis. 



— 191 — 



AMŒNITATES BELGICiE (*) 

VENUS BELGA (') 

EN FAISANT L^ASCENSION DE LA RUE MONTAGNE 
DE LA COUR^ A BRUXELLES 



Ces moUels sur ces pieds montés. 
Qui vonl sous ces colles peu blanches. 
Ressemblent à des troncs plantés 
Dans des planches. 



(*) Amœnitates belgirœ, auctore C.B; s. nom dMrnp. 
s. 1. D. d. (Bruxelles, février 1866), petit in-8 de 
16 p. — Recueil de seize épigrammes sur la Belgi- 
que, tiré à 10 ex. mis au pilon, moins un sur peau 
de vélin, 

(') Cette pièce a déjà été réimprimée dans le ^OU' 
veau Parnasse satyrique du XIX' siècle. 



— 192 — 

Les seins des mimdres femmektles 
Ici péseni plusieurs quinlaux. 
Et leurs membres sonl des poteaux 
Qui donnent le goût des squelettes. 



Une me suffit pas qu^unsein soit gros et doux; 
Il le faut un peu ferme — ou je tourne casaque. 
Car s... n.. d. D..,î je ne suis pas Cosaque, 
Pour me soûler avec du suif et du saindoux! 



OPINION DE M. HETZEL SUR LE FARD 

— > Buv^ei-vous du faio? > dis'je à M. Helzel; 
Je vis un peu d'effroi sur sa mine barbue : 

— « Non, jamais! Le faro (je dis cela sans fiel) 

C'est de la bière déjà bue. * 



— 193 — 



LES BELGES ET LÀ LUNE 

On n'a jamais connu d^ race si baroque 
Que ces Belges I Devant le joli, le charmant. 
Ils roulent de gros yeux et grognent sourdement ; 
Tout^ce qui réjouit nos cœurs mortels les choque. 

Dites un mot plaisant, et leur œil devient gris 
Et terne, comme Vœil d'un poisson qu'on fait frire; 
Une histoire touchante, ils éclatent de rire. 
Pour faire voir qu'ils ont parfaitement compris. 

Comme fespritils ont en horreur les lumières. 
Parfois, sous la clarté calme du firmament. 
J'en ai vu qui, rongés d'un bizarre tourment. 

Dans l'horreur de la fange et du vomissement. 
Et gorgés jusqu'aux dents de genièvre et de bière, 
Aboyaient à la lune, assis sur leur derrière l 



DERNIER CHAPITRE 



i3 




E chapitre eût été le troisième du livre et 
non le dernier, si les pièces qui le com- 
posent ne nous étaient pas parvenues si 
tard. Nous les devons à l'obligeance de M. P., 
bibliophile bien connu. 

Elles semblent avoir fait partie d'un dossier 
composé par Baudelaire pour M. Chaix d'Est- 
Ange fils, son avocat dans l'affaire des Fleurs 
du mal. La chemise porte écrit de sa main : 
a Articles relatifs aux Fleurs du mal, — 
Lettres. — Notes et documents pour mon 
avocat. — Plan de plaidoirie. — Pièces incri- 
minées. — Sommaire de mon interrogatoire 
et ma justification devant le juge d'instruc- 
tion. » 

De cet ensemble il est resté: copie d'une 
lettre d'Emile Deschamps à Baudelaire (impri- 
mée dans V Appendice des Fleurs du mal, éd. 
Michel Lévy); — copie d'une lettre de M. Gus- 



- 198 — 

tave Flaubert ; — copie d'une lettre au ministre 
d'État; l'une et l'autre inédites. 

La lettre de M. Gustave Flaubert est pleine 
de compliments ; ce n'est pas pour cela 
qu'elle figure au dossier, mais sans doute pour 
cette seule phrase: « VoUs chantez la chair 
sans l'aimer, d'une façon triste et détachée; » 
jugement concordant avec celui que les plumes 
les plus autorisées dans la presse venaient de 
porter sur les Fleurs du mal. 

La lettre au ministre d'État offre un tout 
autre intérêt ; elle est un témoignage vraiment 
précieux de l'état d'esprit de Baudelaire après 
la saisie de son livre , une affirmation irrécu- 
sable de l'étonnement naïf du poète et de ses 
illusions persistantes jusqu'au verdict. M. 
Charles Asselineau a excellemment exposé 
cela dans sa biographie. Les poursuites étaient 
et restèrent pour Baudelaire , comme il le dit 
ici , une mésaventure incompréhensible , un 
inexplicable malentendu; — il ressentit sa 
condamnation comme une avanie gratuite , un 
inconscient affront : « J'attendais, disait- il en 
sortant de l'audience, qu'on me ferait réparation 
d'honneur. » 

Avec une conviction parfaite de l'incompé- 
tence de la magistrature dans les questions 
littéraires, il ne fit pas appel , Bt en effet, il 
n'avait pas de raison d'espérer plus d'intelli- 



— 199 — 

gence d'une nouvelle juridiction. Ses juges 
venaient de prononcer, lui semblait-il , dans un 
cas où ils auraient dû se récuser ou bien absou- 
dre ; ils n*avaient pas su ce qu'ils faisaient. 

Tel était du moins son sentiment , — et il y 
a persisté. 



Copie de ma lettre à M, le ministre 
dÉtaty après que j'ai eu connais- 
sance de la saisie des Fleurs du 

- mal. 

\ 

Monsieur le* Ministre^ la lettre que 
j'ai l'honneur d'écrire à Votre Excel- 
lence n'a pas d'autre but que de la 
remercier de tous les bons offices que 
j'ai reçus d'elle et du Moniteur ; je 
n'accomplis qu'un simple devoir^ en un 
moment où par suite d'une mésaventure 
incompréhensible, j'ai peut-être été 
pour vous l'occasion d'une petite con- 
trariété, ce qui serait pour moi l'objet 
d'une véritable affliction. 



— 200 — 

Le Moniteur a publié un excellent 
article sur le second volume des œuvres 
d'Edgar Poe, dont je suis le très- 
orgueilleux traducteur. M. Turgan a 
mis en lumière le troisième volume 
(Arthur Gordon Pym) ^ un roman 
admirable. En dernier lieu, le Moniteur 
a imprimé un article merveilleux de 
M. Edouard Thierry sur un livre 
de moi actuellement incriminé : les 
Fleurs du mal, M. Edouard Thierry, 
avec une prudence vraiment louable, 
a fait bien comprendre que ce livre ne 
s'adressait qu'à un petit nombre de 
lecteurs; il ne l'a loué que pour les 
qualités littéraires qu'il a bien voulu y 
reconnaître, et il a merveilleusement 
conclu en disant que le désespoir et la 
tristesse étaient l'unique mais suffisante 
moralité du liv/e en question. 

Que ne vous dois-je pas, Monsieur 
le Ministre? Je vous dois plus encore 
que toutes ces inférieures satisfactions 
de la vanité littéraire. J'ai longtemps 



— 201 — 

hésité à vous remercier, parce que je 
ne savais comment m'y prendre. Peut- 
être M. Pelletier vous a-t-il dit que 
Mme Aupick^ que son mari laissait 
sans aucune fortune ^ m'avait^ avant 
de quitter Paris, parlé de la part que 
Votre Excellence avait prise à la discus- 
sion du conseil d'Etat. C'est sous mes 
yeux que ma mère vous a adressé une 
lettre particulière de remerciements, 
à laquelle je n'ai pas osé m'associer 
par une absurde timidité. Je saisis 
aujourd'hui l'occasion de vous témoigner 
ma gratitude pour ce grand service 
vraiment personnel. 

J'avais hier l'intention d'adresser une 
espèce de plaidoirie secrète à M. le 
garde des sceaux; mais j'ai pensé qu'une 
pareille démarche impliquait presque 
un aveu de culpabilité, Qt je ne me 
sens pas du tout coupable. Je suis au 
contraire très-fier d'avoir produit un 
livre qui ne respire que la terreur et 
l'horreur du mal. J'ai donc renoncé à 



— 202- — 

me servir de ce moyen. S'il faut me 
défendre j je saurai me défendre conve- 
nablement. 

Aussi bieuj Monsieur le Ministre, 
pourquoi ne vous dirais-je pas avec 
candeur que je vous demande votre 
protection, en tant .qu'il soit possible 
de l'obtenir, à vous qui par votre 
esprit, encore plus que par votre posi- 
tion, vous trouvez le protecteur naturel 
des lettres et des arts ? Et les lettres et 
les arts malheureusement ne se sentent 
jamais assez protégés. Mais croyez bien 
que s'il ne vous est pas loisible de me 
l'accorder, je n'en persisterai pas moins 
à me regarder comme votre obligé; 
je vous prie donc d'agréer les sentiments 
de gratitude et de respect avec lesquels 
je suis, Monsieur le Ministre, de Votre 
Excellence, le très-humble et très-obéis- 
sant serviteur. 



— 203 — 

Lettre de Af . Gustave Flaubert. 

Mon cher amî , 

J'ai d'abord dévoré votre volume 
d'un bout à l'autre, comme une cui- 
sinière fait d'un feuilleton , et mainte- 
nant , depuis huit jours je le relis , vers 
à vers, mot à mot, et franchement cela 
me plaît et m'enchante. 

Vous avez trouvé le moyen de rajeu- 
nir le romantisme. Vous ne ressemblez 
à personne (ce qui est la première de 
toutes les qualités). L'originalité du 
style découle de la conceptipn. La 
phrase est toute bourrée par l'idée, à en 
craquer. 

J'aime votre âpreté, avec ses déli- 
catesses de langage qui la font valoir, 
comme des damasquinures sur une 
lame fine. 

Voici les pièces qui m'ont le plus 
frappé: le sonnet xviii, la Beauté 'y 
c'est pour moi une œuvre de la plus 



— 204 "" 

haute valeur, — et puis les pièces 
suivantes : V Idéal y la Géante (que je 
connaissais déjà ; la pièce xxv : 

Avec ses vêtements ondoyants et nacrés.,.. 

Une Charogne; le Chat (p. 79) ; le 
Beau Navire; A une dame créole; 
Spleen (p. 140), qui m'a navré, tant 
c'est juste de couleur! Ah! vous com- 
prenez Tembêtement de Texistence^ 
vous ! Vous pouvez vous vanter de 
cela, sans orgueil. Je m'arrête dans 
mon énumératiouj car j'aurais l'air de 
copier la table de votre volume. Il faut 
que je vous dise pourtant que je raffole 
de la pièce lxxv^ Tristesse de la lune : 

Qui d'une main distraite et légère caresse. 
Avant de s*endormir, le contour de ses seins (*)... 



(^) tt Délicieux sonnet qui semble de quelque 
poôte anglais contemporain de la jeunesse de 
Shakespeare », écrivait de son côté Sainte- 
Beuve. Voir sa lettre dans V Appendice des 
Fleurs du mal, éd. Michel Lévy. 



— 205 . — 

et l'admire profondément le Voyage à 
Çythère, etc.^ etc. 

Quant aux critiques , je ne vous en 
fais aucune, parce que je ne suis pas 
sûr de les penser moi-même dans un 
quart d*heure. J*ai, en un mot, peur 
de dire des inepties , dont j'aurais un 
remords immédiat. Quand je vous 
reverrai cet hiver ^ à Paris ^ je vous 
poserai seulement, sous forme dubita- 
tive et modeste j quelques questions. 

En résumé , ce qui me plaît avant 
tout dans votre volume j c'est que l'art 
y prédomine. Et puis' vous chantez la 
chair sans l'aimer^ d'une façon triste et 
détachée^ qui m'est sympathique. Vous 
êtes résistant comme le marbre , et 
pénétrant comme un brouillard d'An- 
gleterre. 

Encore une fois mille remerciements 

du cadeau. Je vous serre les deux mains 

très-fort. 

A vous^ 

G. FlJlUBERT. 

Croisset, i3 Juillet. 



TABLE 



Avertissement. i 

Biographie. 3 

Lettres de Charles Baudelaire. 17 

Le drame « l'Ivrogne » Sg 

Lettre d'Alfred de Vigny à Ch. Baudelaire. 69 

Lettres d'Eugène Delacroix à Ch. Baude- 
laire. 79 

Lettres de MM. Victor Hugo, Joséphin 
Soulary, Jules Barbey d'Aurevilly, 
C. Meryon, Paul de Saint- Victor, 
H. Taine. 91 

La traduction du a Calumet de paix n 
de Longfellbw. 107 



— 


208 — 




Note rectificative. 




ii3 


Nécrologie. 




123 


Bibliographie . 




145 


Appendice. 




187 


Dernier chapitre. 




195 



X 



M«BtM. — imp. Vincent rorut et Énlle criauittd, flMft da Coamei*;, 4. 



62632914 



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